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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mardi 5 juin 1984 - Vol. 27 N° 6

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude de la politique budgétaire du gouvernement dans le cadre du débat sur le discours sur le budget


Journal des débats

 

(Quinze heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente du budget et de l'administration se réunit avec le mandat d'étudier la politique budgétaire du gouvernement dans le cadre du débat sur le discours sur le budget.

Je demanderais au secrétaire s'il y des remplacements.

Le Secrétaire: M. le Président, M. Ryan (Argenteuil) remplace M. Polak (Sainte-Anne). Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le Secrétaire. J'inviterais M. le ministre des Finances, s'il le désire, avec le consentement des membres de la commission, à venir s'asseoir à la table, ici.

M. Parizeau: M. le Président, je venais, justement, de dire que, comme nous sommes organisés, entre fonctionnaires et ministre à ce bout-ci, je pense que la chose la plus simple, ce serait encore que je garde la place. Je remercie, cependant, les membres de la commission de m'avoir offert cette possibilité.

Le Président (M. Lachance): Très bien, M. le ministre. Vous savez que cette procédure est nouvelle. C'est une façon de procéder complètement nouvelle pour tout le monde, qui est prévue dans les règles de procédure que nous avons adoptées au mois de mars. Alors, tel qu'entendu, il y aurait d'abord 20 minutes d'accordées au ministre des Finances, s'il le désire. Ensuite, 20 minutes seraient accordées au porte-parole de l'Opposition officielle et, par la suite, des temps de parole de dix minutes seraient accordés aux députés qui désirent intervenir. La réplique du ministre peut suivre immédiatement chacune des interventions des députés de quelque côté que ce soit de la table.

J'inviterais maintenant le ministre des Finances à s'adresser à la commission.

M. Parizeau: M. le Président, quelques mots seulement. Comme j'aurai probablement demain, à ce qu'on me dit, la possibilité de faire la réplique au débat sur le discours sur le budget, j'aurai donc, à ce moment-là, toute l'occasion de faire une sorte de résumé des orientations, je pense, que j'ai cherché à donner sur ce discours sur le budget. D'autre part, il me semble assez normal de laisser le maximum de temps à l'Opposition. Comme nous nous sommes entendus sur une formule en vertu de laquelle l'Opposition aurait, sur tout sujet, dix minutes, les ministériels dix minutes, et que le ministre des Finances peut intervenir après chaque intervention, je pense qu'il serait normal, quant à ces présentations préliminaires, que je me limite à aussi peu de chose que possible. Je laisserai donc l'Opposition nous présenter ses observations préliminaires en commission. S'il me semblait utile d'intervenir après que l'Opposition aura présenté ses observations, je me permettrai de vous le faire savoir, dans le cadre des dix minutes prévues, bien sûr.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de Vaudreuil-Soulanges et vice-président de la commission.

Déclarations d'ouverture M. Daniel Johnson

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président. Si j'ai bien compris le ministre, il préfère avoir une heure en Chambre à 20 minutes en commission pour faire un tour d'horizon quant à certains éléments sur lesquels ils veut présumément insister dans le cadre du discours sur le budget. Quant à nous, de la façon dont on envisage le fonctionnement de cette nouvelle commission, c'est une nouvelle occasion que nous avons de discuter de finances publiques.

On peut peut-être diviser cela en certains blocs qui reprendraient quelques-uns des éléments les plus importants qu'on a pu observer lors du discours sur le budget du 22 mai dernier. La discussion est ouverte essentiellement pour tout le monde; ce n'est pas une question de dire que c'est un privilège exclusif à l'Opposition d'en parler à ce moment-ci. Ce n'est pas exclusif, mais on pourrait peut-être effectivement prendre plus de temps et sans doute soulever des questions qui apparaîtront moins sympathiques au ministre que celles que les ministériels pourraient soulever.

Dans ces éléments, le ministre et les

ministériels ne seront pas surpris de voir qu'on isole la croissance du déficit depuis que le ministre des Finances actuel est en poste. La croissance est une chose. La stabilité du déficit, autour des 3 000 000 000 $ depuis déjà cinq ans, est très certainement inquiétante pour les finances publiques. Le ministre des Finances a prétendu qu'il pouvait agir à l'intérieur du plan de relance, en consacrant des sommes à des programmes nouveaux, qu'il s'agisse des programmes d'accélération dont il voulait faire une description à de nombreuses reprises, de programmes prenant la forme d'allégement d'impôt ou d'incitatifs à l'investissement sous quelle que forme que ce soit. Or, ces sommes qui permettent au gouvernement d'agir sur la conjoncture économique pour l'alléger pour les citoyens deviennent de plus en plus rares.

Si on regarde le budget actuel en regard des annonces faites depuis novembre dernier qu'environ 300 000 000 $ ou 311 000 000 $ - 311 000 000 $ était le chiffre annoncé par les collègues du ministre lors du dépôt des crédits en mars dernier -seraient consacrés à la relance de façon spécifique, 311 000 000 $, c'est 10% du déficit qui est d'un peu plus de 3 000 000 000 $. On peut donc, à tout le moins, s'étonner que le ministre ne voie pas la façon, avec 3 000 000 000 $ d'excédent de dépenses sur les revenus, de faire plus pour la relance économique, qu'il ne trouve pas le moyen, au point de vue de l'action anticyclique du gouvernement, de soutenir l'emploi de façon plus efficace, plus substantielle surtout qu'il ne le fait actuellement.

Donc une évolution du déficit budgétaire, car, si on prend la dernière année financière à laquelle le ministre n'a rien eu à faire, celle de 1976-1977, résultat d'un budget présenté par son prédécesseur et que l'indice du déficit budgétaire, à ce moment-là, est pris comme étant égal à 100, on est aujourd'hui dans les 300. Alors, de 1 000 000 000 $ à 3 000 000 000 $, en gros, ayant à l'esprit que, dans le 1 000 000 000 $ ou à peu près de 1976- 1977, il y avait une grosse portion qui était attribuable au déficit olympique. Cela avait permis au ministre des Finances de baisser quelque peu le déficit budgétaire par rapport à l'année précédente lors de la présentation de son premier budget pour l'année 1977- 1978. Mais on observe que, depuis, le déficit budgétaire a crû considérablement avec des effets quant à la vulnérabilité des finances publiques du Québec qui tiennent au fait qu'on semble avoir atteint une limite maximum.

Le ministre des Finances se fait fort de se représenter comme étant celui de tous les ministres des Finances qui a réussi à stabiliser son déficit depuis cinq ans. Je veux bien. Mais la réalité des choses est que, à part les moments de crise qu'on a traversés, les efforts que les autres provinces ont consentis de façon générale ont plutôt eu tendance à faire diminuer les déficits lorsqu'il y avait reprise, lorsqu'on était dans des bonnes années.

Or, dans les bonnes années qu'on a connues, relativement bonnes, un peu avant, un peu après les dernières élections, le ministre a quand même laissé courir le déficit au niveau qu'on lui connaît aujourd'hui. Donc, vulnérabilité, s'il y a une autre crise, qui équivaut à une incapacité du gouvernement d'encourir des frais additionnels pour répondre de façon ponctuelle aux besoins des programmes de soutien à l'emploi, vulnérabilité à cause de la masse même du service de la dette quant aux dépenses courantes qui sont hypothéquées au sens strict par l'accumulation d'un déficit budgétaire, l'accumulation des dettes que traîne ce gouvernement, autant de centaines de millions, je dirais des milliards, qui doivent être consacrés à payer des intérêts sur une dette encourue à l'égard de toutes sortes de programmes qui ont connu des augmentations qui avaient pour effet d'amener le déficit à un niveau qui a permis au ministre de se vanter qu'il le stabilisait, mais qui essentiellement signifient qu'il a atteint sa limite de crédit à un coût raisonnable.

Vulnérabilité que d'autres que l'Opposition ont relevée récemment. Je voyais ce matin que Michel Bélanger, président de la Banque Nationale du Canada, tout en étant plutôt d'accord avec la théorie habituelle que, de même que le déficit doit être encouru si le gouvernement juge bon de devoir intervenir pour soutenir l'emploi en période de basse conjoncture, de la même façon, s'il y a reprise dont on entend parler de l'autre côté de la Chambre, on doit faire l'effort de diminuer le fardeau considérable que peut constituer l'accumulation, d'année en année, de déficits de l'ordre de celui qu'on a devant nous.

Si ce n'était que le niveau de la dette qui nous rend vulnérables, ce serait une chose. Sauf qu'en lisant les renseignements supplémentaires, en regardant la façon dont les programmes d'emprunt ont été gérés depuis plusieurs années; on voit surtout que la portion de la dette exprimée par des titres, des obligations, des bons du Trésor, quoi que ce soit, qui sont à rendement variable, à taux d'intérêts variables, a augmenté considérablement depuis sept ou huit ans. Pour les années qui se terminaient au 31 mars 1978, la portion de la dette, l'encours, je devrais plutôt dire, des principaux titres à rendement invariable représentait un peu moins de 10% de la dette obligataire totale du gouvernement du Québec. De façon soutenue, continue,

ininterrompue, cette proportion a monté à 12,5%, puis à un peu plus de 13% et à 21% en 1981; en 1982, toujours 21%; 23,7% ou à peu près en 1983. Et selon les chiffres du ministre, on parle d'un peu plus de 24%, à l'heure actuelle.

Donc, le quart de la dette est constitué de titres à rendement variable, à taux flottant, comme le veulent les marchés. Le quart de la dette du Québec à ce taux, c'est considérable. L'effet, au point de vue de la vulnérabilité, c'est que, si les taux d'intérêt devaient connaître une flambée quelconque, même modeste, chaque point de différence d'intérêt, chaque 1% d'augmentation des taux d'intérêt payables sur la dette du Québec appellerait une augmentation du service de la dette de 45 000 000 $. C'est quelque chosel Alors qu'on parlait, il y a sept ou huit ans, en cas d'augmentation des taux d'intérêt, d'un risque additionnel, d'une dépense additionnelle pour chaque 1% d'augmentation de 6 000 000 $ ou 7 000 000 $, on parle, aujourd'hui, de 45 000 000 $, voire même de beaucoup plus, pour chaque 1% d'augmentation du taux d'intérêt que doit payer le gouvernement sur une portion de sa dette.

Si le quart de la dette est à taux variable, celui-ci, en général, comme l'indiquent les renseignements complémentaires, est une notion qui est attachée au "prime rate", au taux préférentiel bancaire, majoré d'une fraction quelconque. Et lorsque ce taux préférentiel change, les paiements à l'égard d'intérêts sur la dette changent d'une façon extrêmement directe. C'est surtout cet aspect de la gestion de la dette qui retient, aujourd'hui, notre attention.

Donc, vulnérabilité, selon nous, quant au niveau qui a été atteint, de 3 000 000 000 $, qui revient de façon régulière depuis des années et, deuxièmement, vulnérabilité qui tient à la composition de la dette lorsqu'on regarde l'espèce de plafond qui a été atteint. Selon les marchés, le quart de la dette à taux variables, c'est, en général, pour un gouvernement, à peu près le plafond, à peu près le maximum que l'on peut atteindre. Il est fort compréhensible que, lorsque les taux d'intérêt à long terme sont très élevés, il y aurait peut-être intérêt, c'est une espèce de prudence, à se lancer dans un programme d'emprunt qui privilégie les taux variables. On espère ainsi pouvoir les refinancer éventuellement à des taux un peu plus attrayants pour l'emprunteur. Donc, on ne s'enferme pas dans des instruments, des obligations à très long terme qui porteraient des taux d'intérêt très élevés.

Mais lorsqu'on en est rendu, pour toutes sortes de raisons que le ministre nous expliquera, à consacrer le principe qu'on peut avoir le quart de notre dette dans des titres à rendement variable, c'est beaucoup, parce que là les perspectives de refinancement sont plutôt minces. On voit difficilement le gouvernement du Québec refinancer une grosse portion de sa dette à taux variables sur les marchés financiers si, d'aventure, les taux d'intérêt à long terme baissaient. On est en train de regarder des chiffres qui sont considérables, dans les milliards de dollars, qui devraient être refinancés à long terme. On ne peut pas décemment penser que le gouvernement du Québec pourrait impunément ou facilement, de toute façon, arriver sur le marché pour refinancer des milliards de dollars de dettes qu'il a contractées à taux variables, donc à court terme, si, d'aventure, les taux d'intérêt descendaient. On pourrait en bénéficier dans la mesure où ce sont des dizaines de millions de moins que la fluctuation des taux d'intérêt peut représenter pour le Trésor public. C'est une chose. Mais quant à penser que l'on pourrait tout de suite sauter sur l'occasion, puisque les taux d'intérêt à long terme sont plus bas, pour refinancer des milliards, je ne vois pas très bien comment ça pourrait se faire.

C'est donc sur ces deux éléments, le niveau du déficit de 3 000 000 000 $, consacré comme "normal", entre guillemets, par le ministre des Finances et la composition de la dette, que porte notre critique. J'aimerais très certainement écouter les représentations ou les commentaires du ministre à ce sujet.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Finances.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, je vais commencer en discutant des échéances de la dette et du partage entre les taux fixes et les taux variables à l'intérieur du temps qui m'est imparti, et je terminerai en disant quelques mots sur la taille du déficit. Je renverserai donc un peu l'ordre dans lequel le critique de l'Opposition a présenté sa question.

C'est, en effet, fort intéressant de constater ce qui s'est produit depuis quelques années sur le plan, à la fois, des échéances de la dette et du caractère de taux fixes ou de taux variables qu'on lui attache. À partir de 1980, les taux d'intérêt vont augmenter dans des proportions considérables, à des niveaux qu'on n'avait jamais vus. Là se présente la question de savoir si on tient absolument à faire des emprunts sur dix ans à taux fixes, à 18%. Tous les gouvernements, toutes les entreprises, dans un tel cadre, se disent: II serait absurde qu'on se bloque à taux fixes pendant des années à des taux aussi élevés. Quand les taux sur le marché sont à 9%, 10% ou 11%, c'est autre chose, mais à 17% 18% ou 19%, c'est tout à fait différent.

Que doit-on faire dans un cas comme celui-ci? Emprunter court, à taux variables, de façon que, dès que les taux d'intérêt se mettent à tomber, ils cessent d'avoir un impact sur le budget. C'est très exactement cela que nous avons fait. Constatons bien, au fond, qu'au 31 mars 1976 13% de la dette étaient à taux variables et 87% à taux fixes, habituellement, à moyen ou à long terme. Le 31 mars 1980, nous sommes à 13,3% à taux variables, c'est-à-dire exactement la même proportion qu'au 31 mars 1976, 13,3% au lieu de 13,2%.

Cependant, le 31 mars 1984, nous sommes à 24%, à taux variables. Que s'est-il passé si on compare 1980 à 1976 et 1984 à 1980? Essentiellement le phénomène dont on vient de parler: une flambée, à certains moments, absolument prodigieuse des taux d'intérêt, ce qui fait que, d'aucune façon, un emprunteur raisonnable ne va chercher à se bloquer à des taux démentiels pour cinq, dix, quinze ou vingt ans quand il peut se bloquer pour un an seulement. Type même de ce titre qui nous permet de suivre les taux d'intérêt sur le marché sans se bloquer pour des années: les bons du Trésor. Nous avons effectivement augmenté considérablement l'encours des bons du Trésor parce que les bons du Trésor, tous les trois mois dans certains cas, tous les six mois dans d'autres, reflètent les taux sur le marché. Quand ils sont élevés, vous payez, mais, quand ils tombent, vous payez moins. Vous n'êtes pas pris dedans, vous n'êtes pas coulés dans un béton vraiment un peu trop astreignant, si vous me passez cette confusion de métaphores.

Cela ne veut pas dire que la préoccupation du député de Vaudreuil-Soulanges n'est pas importante. Il faut, quand même, faire attention à ne pas avoir une dette trop courte et composée exclusivement de titres à très court terme. Donc, dès que les taux d'intérêt se mettent à baisser sur le marché, on revient, autant qu'il est possible, à une politique d'emprunts à long terme et à taux fixes. (16 heures)

C'est ainsi, par exemple, que depuis que les taux ont commencé à baisser sérieusement par rapport au sommet que nous avons connu en 1982, on voit le gouvernement de Québec revenir à des emprunts fixes et très longs. Par exemple, nous avons fait, au cours de cette période, un emprunt en livres sterling à 36 ans d'échéance. C'est l'échéance la plus longue que le marché britannique ait connue pour tout emprunteur étranger depuis des années.

L'automne dernier, pour la première fois depuis sept ans, je suis retourné sur le marché américain. Jusqu'à maintenant, on avait laissé le marché américain à HydroQuébec en raison des besoins énormes d'emprunts qu'ils avaient pour le financement de la Baie James. Pour ce premier emprunt l'automne dernier, qu'est-ce que nous avions comme - vraiment, ce n'était que des emprunts à taux fixes - échéance? Une tranche à 10 ans et l'autre tranche à 20 ans. En somme, il est parfaitement normal que, quand les taux d'intérêt ne sont pas trop élevés, on cherche à avoir des taux d'intérêt fixes pour des échéances longues. Lorsque, au contraire, les taux d'intérêt "effervescent" vers la hausse...

Excusez-moi, M. le Président, mais je ne sais plus comment on fonctionne. Il sera tout à fait normal, lorsque les taux d'intérêt commencent à "effervescer" un peu, qu'on retourne en obligations à taux variables. Exemple, depuis quelque temps, depuis deux mois, nous avons vu une augmentation importante dans les taux d'intérêt. J'ai hésité. J'aurais eu la possibilité de faire des emprunts à très long terme au cours de cette période. On s'en allait vers du 13 1/2%, du 14%. Dans ces conditions, je cherche à l'heure actuelle, tant que je ne verrai pas un peu plus clair sur les taux d'intérêt, à mettre un accent assez important vers les obligations d'épargne. La campagne d'obligations d'épargne, à l'heure actuelle, va merveilleusement bien. C'est du taux variable qui me permet, cependant, à 11 3/4 pour un an et 8 1/2 pour les années suivantes, d'aller chercher l'argent qu'il faut en très grande quantité, en attendant quoi? En attendant que les taux d'intérêt à long terme très élevés qu'on connaît baissent un peu. Il y aura toujours ce dosage.

Il faut simplement ne pas oublier que nous avons fonctionné pendant des années et des années sur des taux d'intérêt qui fluctuaient à l'intérieur d'une fourchette relativement étroite et que, entre 1980 et maintenant, nous avons assisté à des fluctuations de taux d'intérêt énormes qui poussent tous les emprunteurs de façon plus prudente à se placer sur du court terme et du taux variable au moins pour une partie de leurs emprunts. Dans ce sens, ce que décrit le député de Vaudreuil-Soulanges me paraît non pas une sorte de curiosité ou de bizarrerie, mais indique simplement que le gouvernement de Québec n'a probablement pas été plus intelligent et sûrement pas moins intelligent que la plupart des emprunteurs gouvernementaux ou privés sur le marché au cours de la même période.

Maintenant, en ce qui a trait à la taille même du déficit, j'aimerais, M. le Président, d'abord rappeler une chose. Nous avons un déficit qui tourne autour de 3 000 000 000 $, je n'en disconviens pas et je le dis fréquemment. Nous l'avons à peu près depuis cinq ans à ce niveau. Comment nous comparons-nous à cette période présumément bénie à laquelle faisait allusion le député de Vaudreuil-Soulanges, c'est-à-dire les années qui ont terminé le séjour au

pouvoir de M. Bourassa?

Le coût de la vie, depuis ce temps, a augmenté de presque 80%. Il faut en tenir compte quand on veut établir le déficit. D'autre part, cette époque présumément bénie avait ceci de caractéristique qu'on ne tenait vraiment pas beaucoup compte des déficits actuariels accumulés dans les fonds de pension des employés du secteur public. Imaginons que j'aie suivi depuis 1977 exactement la même façon de traiter les déficits des fonds de pension des employés du secteur public que le régime Bourassa, exactement la même façon, qu'est-ce que j'aurais comme déficit aujourd'hui? J'aurais un déficit de 2 100 000 000 $. En fait, j'enlèverais aux dépenses du gouvernement 917 000 000 $. Si j'avais le même déficit en tenant compte du coût de la vie, que la dernière année du régime Bourassa, ça me ferait un déficit non pas de 2 100 000 000 $, mais d'à peu près 1 900 000 000 $. On est proche.

En plus de cela, nous avons décidé d'abolir la taxation foncière, à toutes fins utiles, à peu de chose près, dans le système scolaire et d'inclure cela dans les dépenses du gouvernement et donc, éventuellement, dans la dette du gouvernement. Je ne tiens pas compte du 1 000 000 000 $ de déficit, de dettes qu'on a dû encourir en 1976 pour le stade olympique.

À tous égards, si le député de Vaudreuil-Soulanges veut présenter l'année 1976 comme étant la dernière année de tranquillité des finances publiques, de l'amusement des enfants et de la tranquillité des parents, je lui dirai qu'il serait mieux de repasser. Évidemment, si on continuait d'étrangler les municipalités comme on le faisait à l'époque, ce que nous avons réglé en leur passant les droits de taxation dans le domaine foncier et en assumant cela nous-mêmes, si on avait décidé de continuer à ne pas tenir compte des déficits dans les fonds de pension des employés du secteur public, si on décidait de ne pas tenir compte de l'inflation et si on décidait de ne pas tenir compte du déficit olympique, ah oui, c'est vrai, j'ai, par rapport à ces années présumément bénies, un très gros déficit. Mais si on tient compte de tous ces facteurs, comme le disait quelqu'un de bien plus célèbre: Quand je me regarde, je ne suis pas certain de me désoler, mais, en tout cas, quand je me compare, je me console.

Voilà à peu près les observations que je voulais faire dans les dix minutes qui me sont imparties, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre, ce n'est pas que je veuille que vous continuiez, mais vous aviez plus que dix minutes.

M. Parizeau: Non, M. le Président, ça me va très bien, je pense que j'ai fait le tour des questions qui avaient été soulevées.

Le Président (M. Lachance): Alors, la parole est au député de Vaudreuil-Soulanges qui avait vingt minutes et qui a utilisé, jusqu'à maintenant, quatorze minutes.

M. le député de Chambly, il n'y a pas de quoi faire une tempête. Est-ce que vous avez une question?

Organisation des travaux

M. Tremblay: Non, c'est juste pour que la procédure soit claire pour tout le monde. C'est une intervention qui dure vingt minutes et, si quelqu'un n'utilise pas ses vingt minutes, il perd son temps, tout simplement.

Le Président (M. Lachance): C'est divisible, M. le député de Chambly.

M. Tremblay: II y a un principe qui s'appelle l'alternance. C'est ce principe qu'on défend quand on dit qu'il y a, d'une part, vingt minutes et c'est là-dessus qu'on avait discuté. Si on se garde des réserves, ça va être terrible tout à l'heure, quand vous allez, à la fin des sept heures, commencer à dire: Celui-là, il lui reste trois minutes accumulées là et, cinq minutes accumulées là. À un moment donné, ça peut lui donner le droit de faire une intervention d'une heure et dix étant donné qu'il a accumulé beaucoup de temps.

Je pense, M. le Président, que c'est peut-être administrable, mais ça ne favorisera pas un sain débat. Je pense qu'il faut qu'on s'entende dès maintenant pour agir de la même manière qu'à l'Assemblée nationale. Ici, on remplace un peu les travaux de l'Assemblée nationale. À l'Assemblée nationale, quand un député avait trente minutes à l'époque où on parlait sur le discours sur le budget et qu'il ne parlait que vingt minutes, il ne pouvait pas revenir pour dix minutes à la fin. Je pense que c'est dans ce même esprit qu'il faut déterminer que c'est un rôle d'interventions avec un maximum de temps d'utilisation imparti à chacun des députés.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je ferai remarquer, à la suite des discussions à la séance de travail, que l'expérience des crédits, par exemple, n'a été malheureuse pour personne, sauf qu'on n'a pas eu assez de temps parce qu'il y a trop de matière, beaucoup plus qu'à cause de la façon dont le temps a été divisé. Au point de vue de l'alternance, je veux bien reconnaître que, dans notre système, on est en train de transférer les débats de la Chambre en commission, à certains égards, comme le fait remarquer le député, mais je n'ai pas eu l'impression que l'intervention du ministre

était précisément neutre. L'alternance ayant pour but de présenter deux points de vue différents l'un après l'autre, de façon consécutive, je n'ai pas saisi que le ministre était d'accord avec tout ce que j'avais prétendu dans mes quatorze minutes quant à la façon dont il s'est exprimé dans la réponse que le règlement lui permet d'apporter.

Troisièmement, ce que j'aimerais seulement souligner, c'est que, lorsqu'on a regardé comment on pouvait aborder les travaux de la commission, au lieu de remplacer essentiellement les débats qu'on avait en Chambre où n'importe qui ayant le droit de parole peut dire n'importe quoi -mais cela, c'est une question d'appréciation -on s'est entendu qu'on essaierait de traiter de blocs d'éléments les uns après les autres. Je suis convaincu qu'il était particulièrement important de parler de la dette, du financement, de peut-être épuiser cela autour de la table. J'aurais peut-être seulement une autre intervention à ce sujet pour arrondir ma présentation et donner une autre chance au ministre d'y répondre et, ensuite, il pourrait y avoir d'autres intervenants ici autour de la table qui pourraient parler de la même chose ou, alors, on changera de sujet.

Le Président (M. Lachance): Sur cette façon de procéder, M. le député de Bourassa.

M. Laplante: M. le Président, je pense qu'on ne doit pas s'enfarger dans des règlements pour ne plus être capables de se relever. C'était la coutume dans les autres commissions parlementaires que les vingt minutes ne se perdaient pas. Si quelqu'un prenait quatorze minutes, il avait droit à ses six minutes, ensuite, pour revenir parler, mais en suivant, par exemple, l'ordre chronologique d'alternance. Cela se suivait ainsi. Mais je ne serais pas d'accord, non plus, que l'Opposition perde du temps qui lui est dévolu. S'ils veulent accumuler leurs six minutes, ils les accumuleront, mais que l'alternance, par exemple, soit respectée.

Concernant le bloc que vous avez à étudier, c'est qu'on ne s'est pas entendu dans le comité au point de vue de finir un bloc. On a dit: Chacun parlera de son bloc s'il veut en parler et nous, si on veut parler d'autre chose, on en parlera. Cela ne vous empêchera pas de "runner" entre vos députés, à vous autres, la façon dont vous voulez travailler, mais on ne veut pas se laisser imposer, par exemple, par l'Opposition une façon de travailler. C'est ce qui avait été dit en commission.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: M. le Président, nous avions discuté de méthode de fonctionnement en atelier de travail, en réunion de travail. Je voudrais simplement savoir, s'il y a eu une décision de prise par le Bureau de l'Assemblée nationale quant à la procédure.

Le Président (M. Lachance): Vous voulez parler de la commission de l'Assemblée nationale?

M. Tremblay: Oui, de la commission de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Lachance): II y a eu une discussion, mais qui était antérieure à notre séance de travail. Donc, depuis qu'on s'est réunis en séance de travail, il n'y a pas eu de nouveaux éléments.

M. Tremblay: Et cette décision était qu'il y avait un intervenant de l'Opposition, le ministre, un intervenant du côté ministériel, le ministre?

Le Président (M. Lachance): Cette décision de la commission de l'Assemblée nationale laissait beaucoup de latitude au bon jugement du président. Je vous prie, M. le député de Chambly, de faire preuve de largeur d'esprit et de souplesse parce qu'en commission parlementaire il est de tradition qu'on ne soit pas, comme on dit, à cheval sur les principes, du moment qu'une formation politique vis-à-vis de l'autre ne se sent pas lésée, Jusqu'à maintenant, je ne pense pas qu'il y ait d'éléments qui nous indiquent qu'il y ait eu exagération. Je crois qu'on devrait continuer à s'en tenir à cette règle de souplesse qui caractérise les commissions parlementaires par rapport à ce qui se fait au salon bleu de l'Assemblée nationale et, donc avoir une certaine latitude. Je pense que cela allait bien.

M. Tremblay: C'est-à-dire que cela va bien tant et aussi longtemps que c'est l'Opposition qui a la parole tout le temps. De plus, je trouve que vous qualifiez bien vite mes propos parce que je n'ai pas pris position encore. J'ai simplement, jusqu'ici, demandé comment on fonctionnait et je cherche à connaître le fonctionnement de la commission, d'abord. Lorsque je le saurai, peut-être que je pourrai vous donner mes commentaires sur ce fonctionnement. (16 h 15)

Le Président (M. Lachance): M. le député de Chambly, j'espère qu'on ne prendra pas une demi-heure pour régler ce problème parce que le temps de la commission est surtout dévolu à l'objet de notre mandat. Si vous me le permettez, je vais vous lire rapidement le compte rendu de la réunion de la commission de l'Assemblée nationale qui s'est tenue le 23 mai 1984. J'en fais lecture pour le bénéfice des membres de la commission. Cela concerne le temps de

parole en commission dans le cadre du débat sur le budget. "Les membres de la commission discutent du temps de parole lors du débat sur le budget prévu en commission du budget et de l'administration. Il est convenu que le ministre des Finances et le porte-parole de l'Opposition officielle interviendront les premiers à la séance de la commission et que chacun aura un temps de parole de 20 minutes. Les membres de la commission, ainsi que le ministre auront ensuite un temps de parole de dix minutes par intervention. Une discussion s'engage sur l'ordre d'intervention à établir entre les députés du groupe formant l'Opposition et le groupe formant le gouvernement. Il est convenu que le président de la commission du budget et de l'administration fasse respecter une répartition du temps de parole qui ne lèse pas les droits de l'Opposition."

C'est tout ce qui concerne cette question.

M. Tremblay: Quelle était la décision de la commission de l'Assemblée nationale?

Le Président (M. Lachance): C'est ce que je viens de vous indiquer parce que c'est effectivement un compte rendu de la réunion de la commission de l'Assemblée nationale qui s'est tenue le 23 mai 1984. Cela va?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Autrement dit, il ne faut pas être à cheval sur les principes. Il ne faut pas prendre le mors aux dents, non plus.

M. Tremblay: Non, il ne faut pas s'énerver. On va arriver à l'heure de fermeture en même temps que tout le monde, de toute façon. Dans la proposition de la commission de l'Assemblée nationale, il a été question que la commission parlementaire que nous vivons présentement devait agir conformément ou d'une façon assez similaire à ce qui se passe au moment où il y a une interpellation, je crois, du vendredi. À cette occasion, il y a effectivement un droit de parole à un représentant de l'Opposition, qui est de dix minutes si ma mémoire est bonne, un temps de parole de dix minutes au ministre et immédiatement une réplique de cinq minutes à un représentant de l'Opposition, une période de cinq minutes au représentant du ministre et, immédiatement après, cinq minutes du côté ministériel.

Le Président (M. Lachance): Précisément, à l'occasion de l'interpellation, la procédure établie est la suivante: l'interpellant, le député de l'Opposition, a dix minutes; ensuite, le ministre peut lui répondre pendant dix minutes. Par la suite, un député de l'Opposition a cinq minutes et le ministre lui répond pendant cinq minutes. Un député ministériel a cinq minutes et, tout de suite après, je vais vous faire remarquer que c'est un député de l'Opposition qui prend la parole pour cinq minutes avant que le ministre réponde aux deux interventions. On peut s'inspirer de ce qui se produit à l'interpellation, mais ce n'est pas une règle qui est appliquée de façon rigide, calquée pour les travaux de la présente commission. Donc, on peut s'en inspirer, mais on ne peut pas dire que la commission de l'Assemblée nationale en a fait exactement une règle semblable à celle qui dirige nos travaux aujourd'hui.

M. Tremblay: M. le Président, cela me va, cette interprétation. À mon avis, il reste à régler le cas du temps qui n'est pas utilisé durant une intervention. Dans ce sens, pourrait-on immédiatement établir le temps global dévolu au parti de l'Opposition et le temps dévolu au parti ministériel et qu'à l'intérieur de ce temps on pourrait utiliser le temps que l'on veut, tout en respectant, tout de même, l'alternance?

Le Président (M. Lachance): Je suis très soucieux, M. le député, d'un partage équitable du temps entre les formations politiques et je ne prévois pas que cela pose des problèmes. Jusqu'à maintenant, il me semble que cela va bien. M. le ministre des Finances, au début, n'a pas pris ses 20 minutes, c'était son droit. Le député de Vaudreuil-Soulanges et porte-parole officiel de l'Opposition a utilisé 14 minutes. Alors, à partir du moment où il aura épuisé sa période de 20 minutes et qu'il aura reçu une réponse du ministre des Finances, le principe de l'alternance pourra jouer. J'entends ne pas être à cheval sur les principes et faire appliquer ce règlement avec souplesse.

M. Tremblay: M. le Président, est-ce votre intention, par exemple, quant aux six minutes que le représentant de l'Opposition n'a pas utilisées au début, de ne pas les conserver pour lui dans l'avenir?

Le Président (M. Lachance): II est dans mes intentions de le reconnaître immédiatement après que cette question de procédure aura été débattue.

M. Tremblay: C'est le ministre et le critique de l'Opposition qui parlaient. Cela va toujours bien dans ce temps-là. M. le Président, s'il est de votre intention de reconnaître le député de Vaudreuil-Soulanges immédiatement après le ministre et que, pour ce faire, vous utilisez le fait qu'il lui reste six minutes sur ses vingt minutes d'introduction, je tiens à vous faire remarquer très humblement qu'il y a une tradition dans cette enceinte qui se veut

respectueuse du droit à l'alternance des parlementaires.

L'esprit de la commission veut que le ministre ne soit pas ici comme parlementaire du côté ministériel, mais comme témoin de la commission. Dans ce sens, il ne parle pas en tant que membre ministériel, mais comme expert de la commission. Son temps ne compte pas nécessairement dans ce qu'on disait.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est à s'y méprendre! Écoutez ses réponses et vous allez le voir tout de suite.

M. Tremblay: II parle très bien, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Roberval.

M. Gauthier: M. le Président, je pense que les propos de mon collègue de Chambly ont simplement pour but de clarifier quelque peu les règles de fonctionnement de cette nouvelle commission parlementaire qui se veut encore, pour un peu tout le monde, une première expérience.

Je crois que ce qu'on pourrait garder présent dans nos mémoires lors du travail en commission, c'est l'esprit du règlement qui est de permettre à chacun des représentants des partis politiques de se faire entendre en fixant un maximum de temps, non pas un minimum. Voici ce que je vous suggérerais bien humblement de considérer, M. le Président. Que, pour l'ouverture de la commission, comme c'est le cas présentement, le député de Vaudreuil-Soulanges puisse utiliser ses vingt minutes, soit en totalité ou en parties séparées. Personnellement, je ne vois rien là contre la morale et les bonnes moeurs. Par la suite, que chacun des intervenants de cette commission puisse utiliser ses dix minutes en alternance.

Si, d'aventure, un député utilisait trois minutes pour poser une question au ministre des Finances et que la réponse amène deux sous-questions, pour autant que le député se limite à l'intérieur du temps prescrit de dix minutes, je pense qu'on aurait un fonctionnement normal. Je pense que tout le monde ici veut respecter le temps de parole des autres et je serais enclin à accorder une certaine souplesse dans ce genre de procédure.

Le Président (M. Lachance): Je prends bonne note de vos suggestions, M. le député de Roberval. Comme les règles de procédure me le permettent, j'entends favoriser le dialogue et l'échange rapide, lorsque la question s'y prête, entre le député qui pose la question et le ministre qui y répond. Pour revenir un peu sur ce que disaient tout à l'heure le député de Chambly et le député de Vaudreuil-Soulanges, le ministre est ici comme porte-parole du gouvernement, donc de l'exécutif, et, de ce côté-ci de la table, nous sommes les représentants du législatif. Alors, cette position est très claire, indépendamment des opinions qui peuvent être émises.

Cela étant dit, je cède de nouveau la parole au député de Vaudreuil-Soulanges.

Poursuite du débat sur le discours sur le budget

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président. On a eu des échanges, justement, qui ont pris un peu de temps et qui font en sorte que le ministre des Finances, le représentant de l'exécutif, vient nous écouter débattre des règles de fonctionnement. C'est un homme extrêmement occupé, le ministre des Finances; il a des dettes considérables accumulées depuis huit ans. Probablement que ça l'empêche de dormir et le seul avantage de nos discussions sur les règles de fonctionnement, c'est qu'elles peuvent l'induire en sommeil et il pourra peut-être se reposer pendant qu'on discute de ces choses.

Déficit du Québec

II n'en reste pas moins qu'il a accumulé un déficit considérable au point de vue de la gestion des finances publiques. J'ai découvert quelque chose d'assez intéressant dans ses propos. Il les a déjà tenus, mais c'est la première fois que ça me frappe de cette façon. Il est en train de se vanter, essentiellement, qu'il a atteint aujourd'hui un déficit qu'il a stabilisé à 2 000 000 000 $, selon lui, et non pas à 3 000 000 000 $, qui, malgré tout, demeure tellement élevé qu'en 1981, plutôt que d'aider à soutenir l'emploi, le ministre a dû agir dans le même sens que le cycle extrêmement défavorable qu'on connaissait au Québec, qu'il a levé pour plus de 1 000 000 000 $ d'impôts par le biais d'un petit budget complémentaire en novembre 1981 et qu'il a ajouté des centaines de millions avec des augmentations de taxes quelques mois plus tard lors du budget de 1982-1983.

Cela devient encore plus criant de vulnérabilité quant aux finances publiques quand le ministre, dans un même souffle, est obligé de nous dire que c'est 2 000 000 000 $ qui est pertinent et non pas 3 000 000 000 $ et que, malgré tout -quand on voit que supposément cela aurait juste augmenté de 1 000 000 000 $ à 2 000 000 000 $ sur huit ans - en 1981, il a dû imposer des taxes temporaires, dont une certaine partie est encore présente aux Québécois. Il y avait un gros problème d'équilibre budgétaire à l'époque, des

augmentations de taxes, toutes les lois quant à la rémunération des fonctionnaires, des gens du réseau des affaires sociales, de l'éducation, qui ont vu la rémunération à laquelle ils s'attendaient être littéralement confisquée unilatéralement par le gouvernement du Québec, alors que, selon les dires du ministre, il n'y avait rien là, juste un déficit de 2 000 000 000 $, imaginez-vous, selon lui. Tous les chiffres qui sont, par ailleurs, soumis aux prêteurs, tous les états financiers vérifiés par le Vérificateur général font, quand même, état de 3 000 000 000 $.

C'est sur cette base de ce que le gouvernement du Québec doit que le crédit du Québec doit être apprécié". Chose certaine, le crédit du Québec ne semble pas, si on regarde la façon dont le ministre l'a stabilisé à un niveau qu'il a choisi ou qui lui est imposé, laisser beaucoup de marge de manoeuvre. La plafond a été atteint quant au niveau même du déficit. 0e viens de voir que le plafond a été atteint quant à la portion qui est à taux variables. Le ministre a essentiellement répété que c'était par simple prudence, dans la conjoncture de taux d'intérêt qu'on connaissait, qu'il empruntait comme, d'ailleurs, des sociétés privées, à très court terme, à taux variables, ayant comme objectif éventuel de refinancer à long terme, à des taux - il l'espère et tout le monde l'espère - plus raisonnables, une portion de sa dette. C'est ce que j'ai prétendu. Les deux termes de mon exposé ne sont pas indissociables.

La raison pour laquelle le ministre est rendu à des emprunts à taux variables aussi élevés, c'est qu'il doit emprunter beaucoup parce qu'il dépense beaucoup vu que l'économie du Québec ne permet pas de soutenir le rythme de dépenses publiques qu'il inflige aux Québécois. À preuve, les augmentations d'impôts qui ont été décrétées depuis deux ans afin de soutenir ce rythme de dépenses publiques. C'est donc la conjonction du niveau de dettes et de la nécessité qu'il y a d'en financer une partie à taux variables à cause du niveau, entre autres choses, qui met les finances publiques du Québec dans l'état de vulnérabilité que j'ai décrit. C'est simplement une portion de la réalité.

Il y a également, dans le portrait, le service de la dette qui est consentie aux organismes du réseau des affaires sociales et de l'éducation. Dans le livre des crédits, l'an dernier, lorsqu'on additionne les différents postes de service de la dette dans les différents programmes, que ce soit les CLSC, les centres hospitaliers, les centres d'accueil et d'hébergement, les centres de réadaptation, les commissions scolaires qui s'occupent du primaire, du secondaire, le collégial public et les universités, on arrive à 610 000 000 $. Si on veut prendre le chiffre de 2 000 000 000 $, juste pour les fins de la discussion, puisque le ministre a soutenu que c'était son problème, il y a encore 30% quelque part partout au Québec. On paie de l'intérêt sur des emprunts pour 30% de plus que ces 2 000 000 000 $. Mais il y a 610 000 000 $ dans les réseaux des affaires sociales et de l'éducation. Si on parle de 3 000 000 000 $, de toute façon, on parle de 20% de plus que ce qu'on pensait et qui saute aux yeux. Quand on parle du déficit budgétaire, cela saute aux yeux. Quand on parle des besoins financiers nets dans le budget, cela saute aux yeux. (16 h 30)

Le Président (M. Lachance): En concluant, M. le député.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): En concluant, c'est beaucoup d'argent qui est payé sous forme d'intérêts sur des emprunts. Enfin, une question plus technique - peut-être que le ministre n'est pas équipé à ce moment-ci pour y répondre; il pourrait en prendre avis - je demanderais quelles portions du réseau sont elles-mêmes contractées à taux variables par opposition à des emprunts contractés à long terme, donc à taux fixes, dans le réseau de l'éducation et des affaires sociales pour qu'on ait tout le portrait de la dette à taux variables et à taux fixes à long terme du gouvernement du Québec.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, le député de Vaudreuil-Soulanges, à un moment donné, a lâché une phrase qui est extrêmement intéressante en disant: Le déficit du Québec, la discussion sur le déficit, ce n'est qu'une portion de la réalité. Il a parfaitement raison, mais je ne pense pas que ce soit pour les raisons qu'il évoque. L'autre portion de la réalité, c'est que les Québécois s'endettent, à l'heure actuelle, chaque année, par le truchement de leur gouvernement fédéral, à un rythme de 7 000 000 000 $ à 9 000 000 000 $ par an, selon qu'on se sert du revenu ou de la dépense comme base du calcul. Bon, la portion de la réalité qui est celle du gouvernement du Québec, c'est 3 000 000 000 $ de déficit, en incluant tout ce que j'indiquais tout à l'heure. La portion de la réalité québécoise qui passe par le gouvernement fédéral, c'est un déficit qu'on peut évaluer diversement entre 7 000 000 000 $ et 9 000 000 000 $, admettons 8 000 000 000 $ pour trancher la chose. C'est l'autre portion de la réalité.

Ne nous faisons pas d'illusions: le Québécois, il paie aussi du service de la dette sur l'autre portion de la réalité. Les revenus des Québécois sont grevés bien plus par le truchement du gouvernement fédéral, par ses paiements d'intérêts, que par notre

portion de la réalité. L'expression est bonne et je la retiens, M. le Président.

Passons maintenant à des questions plus précises. Premièrement, s'il vous plaît, pour ce qui a trait au service de la dette dans les réseaux, n'ajoutons pas cela au déficit. Le service de la dette dans les réseaux, il est dans les crédits au titre des dépenses, bon. Donc, il ne vient pas s'ajouter, il est déjà compté, ne le comptons pas deux fois. Effectivement, il y a un service de la dette dans les réseaux qui apparaît aux dépenses du ministère de l'Éducation, aux dépenses du ministère des Affaires sociales et qui se trouve comptabilisé dans les crédits que nous adoptons en cette Chambre. Quand on dit que le niveau des dépenses est de 24 000 000 000 $, par exemple, cela inclut le service de la dette dans les réseaux. Alors, ne le comptons pas deux fois en venant ajouter cela au déficit.

Quelle portion de la dette des réseaux est à taux fixes? Pour ce qui est de la dette des réseaux sur laquelle nous payons un service de la dette, c'est entièrement à taux fixes.

Venons-en maintenant à la question qui est plus fondamentale, c'est-à-dire comment nous avons reflété la récession par le truchement de nos déficits, de nos dépenses et de nos revenus. Il est tout à fait exact, M. le Président - et je pense que le député de Vaudreuil-Soulanges a parfaitement raison - que nous avons eu comme gouvernement provincial, en pleine récession, à augmenter les impôts et à procéder à des compressions de dépenses considérables. Nous le savons tous. Ce qu'il y a de remarquable, c'est que ce n'est pas un phénomène propre au Québec. On a vu le même phénomène dans toute une série de provinces canadiennes. À notre échelle de population, la Nouvelle-Écosse n'a pas augmenté ses impôts de 1 000 000 000 $; elle les augmentés de 1 500 000 000 $. Le gouvernement de l'Ontario a augmenté ses taxes. La plupart des gouvernements ont dû faire cela. On a constaté que les gouvernements, quant aux salaires dans le secteur public, provoquaient des gels, limitaient cela à quelques points de pourcentage, coupaient les effectifs, annonçaient qu'ils allaient, comme en Colombie britannique, renvoyer le quart des fonctionnaires.

Pourquoi avons-nous fait cela? Il fallait effectivement dégager une marge de manoeuvre. Au Québec, c'est ce qu'on a fait. On a dégagé avec cela en partie une marge de manoeuvre qu'on évalue, par exemple", cette année pour le programme de relance à 311 000 000 $. Je vous rappellerai que le plan de mont Sainte-Anne entraîne cette année encore des dépenses de 206 000 000 $. Mont Sainte-Anne plus le plan de relance, ce n'est pas 311 000 000 $; c'est presque 520 000 000 $, c'est cumulatif. Mont Sainte-Anne n'est pas disparu parce que le plan de relance apparaissait. Le plan de relance sur trois ans va nous coûter à peu près 1 100 000 000 $. Les dépenses qui touchent le budget du gouvernement du Québec et qui découlent de mont Sainte-Anne représentent à peu près 730 000 000 $ en incluant l'année 1983-1984. C'est donc presque 2 000 000 000 $ de marge de manoeuvre que le gouvernement du Québec a consacrés à la relance sous une forme ou sous une autre, à partir de son propre budget sur une période de trois ou quatre ans. Cela est considérable. Ne nous faisons pas d'illusions! Il y a peu de gouvernements au Canada qui ont fait cela. On n'a jamais vu le gouvernement fédéral annoncer 8 000 000 000 $, mais, pourtant, à son échelle, c'est même 9 000 000 000 $ de marge de manoeuvre pour la reprise qu'il aurait dû annoncer pour l'ensemble du Canada.

L'effort qui a été fait au Québec est énorme et considérable. D'autre part, il reste que cela n'est pas seulement pour dégager une marge de manoeuvre comme celle-ci que nous avons été forcés de bouger. Il faut bien comprendre qu'en période de récession, où les revenus entrent moins vite, nous n'avons pas - de toute façon, c'est le cas de toutes les provinces canadiennes - accès à une banque centrale.

Le gouvernement fédéral, pendant la récession, a pu tripler son déficit. Aucune province ne peut faire cela à moins vraiment de vouloir être complètement décôtée par les agences de "rating" et avoir un crédit qui ne vaudrait plus rien du tout. Nous vivons effectivement dans un régime de contraintes sur ce plan qui fait que, lorsque les revenus rentrent moins que prévu et que les dépenses, au contraire, ont tendance à augmenter pour soutenir la situation de l'emploi, nous devons recourir à des mesures et même à des augmentations d'impôts en période de récession. Cela n'est pas la moindre réflexion qu'on peut faire sur l'efficacité du système fédéral canadien que de constater que les provinces et les municipalités, dont on se plaît à dire au niveau fédéral qu'elles représentent le principal facteur de dépenses au Canada, n'ont, en période de récession, aucun moyen de rejoindre la banque centrale. C'est une considération qu'il ne faut pas perdre de vue quand on veut administrer les finances d'une province.

Une dernière question purement technique. Tout à l'heure, j'ai fait une erreur, M. le Président, je m'en excuse et je terminerai sur cela. L'emprunt à long terme que je disais que nous avions fait en novembre dernier aux États-Unis il n'est pas à 20 ans, il est à 30 ans. Cela accentue encore ma démonstration quant à ce que disait le député de Vaudreuil-Soulanges.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. La parole est maintenant au député de Roberval".

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Comme le veut, je crois, la nature même de cette commission, nos interventions peuvent être d'ordre général sur n'importe quel sujet et non pas nécessairement constituées de questions au ministre. C'est bien le cas, M. le Président?

Le Président (M. Lachance): C'est une interprétation qui est valable, M. le député.

M. Gauthier: Merci. M. le Président, si comme citoyen du Québec je n'étais pas impliqué en politique, je devrais très probablement regarder ce qui s'offre à nous, surtout en ce qui concerne les théories budgétaires qui sont avancées par les partis politiques qui sont en présence. Bien sûr, on a le ministre des Finances du Québec qui nous a présenté un budget qui nous montre des chiffres depuis plusieurs années et les citoyens du Québec savent de quelle façon le ministre des Finances entend procéder dans la gestion des finances publiques. Voici où c'est moins clair. J'en ai fait état en Chambre et, le député de Vaudreuil-Soulanges ne me faisant pas l'honneur à l'époque d'être présent, j'aimerais lui rappeler peut-être certains de mes propos sur cela. Si, d'aventure", les Québécois choisissaient le Parti libéral et le député de Vaudreuil-Soulanges comme ministre des Finances", il y aurait un certain nombre de problèmes qui devraient être réglés et je ne voudrais pas être à la place du député de Vaudreuil-Soulanges à ce moment parce qu'il a une certaine théorie budgétaire qui est assez particulière.

Sauf erreur quand on parle des finances publiques en général, on prend les revenus, d'une part, constitués de transferts ou de taxes qui sont perçues dans la population et on y ajoute les emprunts que le gouvernement fait pour donner des services aux citoyens et cela nous donne une certaine quantité de services en fin de compte. Tout le monde comprend très facilement que, si on augmente considérablement les taxes, on peut donner soit plus de services ou encore maintenir le niveau de services constant et baisser les emprunts de façon considérable. Tout le monde comprendra également, dans la même logique, qu'en maintenant les revenus de façon identique d'une année à l'autre on pourrait emprunter beaucoup plus et donner beaucoup plus de services ou emprunter beaucoup moins et donner, par le fait même, beaucoup moins de services. Il y a une espèce d'effet d'entraînement qui est indissociable entre ces différents éléments.

Là où cela se complique un peu dans les théories budgétaires du Parti libéral du Québec, c'est quand il nous parle des revenus du gouvernement, c'est-à-dire des différentes taxes qu'on perçoit, en tout cas, pour une grosse partie des revenus. Évidemment, il nous fait des débats: Ces taxes sont toujours trop élevées. Le gouvernement en perçoit toujours trop. Dans la même logique, il a réclamé l'abolition de l'impôt sur les successions, l'abolition de la taxe sur l'essence. Il réclame régulièrement des réductions d'écart du fardeau fiscal pour les hauts et les bas salariés, une hausse de l'aide sociale. Bref, le député de Vaudreuil-Soulanges trouve que les Québécois paient trop de taxe. On peut déduire logiquement que, s'il était là, il les baisserait.

Là où cela va un peu moins bien, c'est quand il nous parle du déficit, de l'autre façon d'aller chercher les sommes nécessaires pour offrir des services aux citoyens; il vient de nous dire, depuis vingt minutes, qu'il le trouve trop haut. Nous pourrons revenir là-dessus dans une intervention postérieure, M. le Président, et expliquer des choses concernant le déficit.

Maintenant, il nous laisse croire que, s'il était ministre des Finances, il baisserait le déficit parce que, selon lui, il est trop haut. Les citoyens du Québec peuvent bien penser que le député de Vaudreuil-Soulanges, dans sa logique budgétaire, baisserait les taxes de façon considérable touchant à peu près tout le monde, baisserait également le niveau des emprunts du gouvernement pour faire baisser le déficit total.

Là où cela va encore plus mal, c'est qu'on pourrait penser que, dans une logique budgétaire comme celle-là, les services à la population seraient diminués considérablement. Effectivement, si on baisse les revenus, si on baisse les emprunts, il y a beaucoup moins d'argent pour offrir des services à la population.

Là où cela va très mal, c'est que, chaque fois qu'il y a eu des opérations de rationalisation des dépenses publiques en Chambre, le Parti libéral et le député de Vaudreuil-Soulanges se sont élevés avec véhémence contre toute action de rationalisation des dépenses publiques et, plus encore, chaque fois qu'ils en ont l'occasion, ils nous expliquent qu'ils en remettraient par-ci, par-là. Bref, ils en remettraient un peu partout.

Je vous avoue franchement que, comme citoyen du Québec, une telle philosophie budgétaire m'inquiète beaucoup. Je sais qu'il ne convient pas de poser des questions à l'Opposition à cette commission, mais je rêve toujours du jour où le député de Vaudreuil-Soulanges, dans une de ses brillantes interventions, nous expliquera comment il s'y prendrait, en même temps au Québec, pour baisser les taxes d'un peu tout le monde,

pour baisser le déficit et, enfin, augmenter les services", c'est-à-dire consacrer plus d'argent aux services à la population. C'est pour le moins assez étonnant.

J'imagine que nous aurons, au cours de ces quelques heures de débat, M. le Président, peut-être des ouvertures, des voies d'explication. De toute façon, à moins qu'il ne me manque des éléments dans ce raisonnement, je vous avoue que je serais très peu porté à faire confiance à un ministre des Finances qui serait en l'occurrence le député de Vaudreuil-Soulanges. Je serais pour le moins inquiet. (16 h 45)

Je ne sais si mon temps de parole est écoulé, M. le Président. C'est dix minutes et, après cela, vous me coupez. C'est cela? Il me reste quatre minutes.

Taxe sur l'essence

J'aimerais poser une question au ministre des Finances sur une des mesures qui ont été annoncées dans le discours sur le budget et qui intéresse, j'en suis sûr, la plupart de nos concitoyens, soit celle concernant le prix de l'essence. Effectivement, il y a eu une baisse de taxe considérable - je crois que le montant total est de 350 000 000 $ - dans l'année qu'on vient de passer". Mais on a assisté à une hausse quasi automatique du prix de l'essence à la pompe, à ce moment-là, de sorte que ces montants d'argent que le gouvernement destinait aux consommateurs et aux citoyens du Québec ne sont pas nécessairement allés là où il le désirait. Le ministre des Finances a annoncé la formation d'un comité de travail quant au prix de l'essence.

Je voudrais tout d'abord savoir, concernant les lois antitrust ou anticartel dont nous disposons au Canada, ce qu'il advient. Est-ce que le ministre des Finances ne pouvait pas utiliser, d'abord, ces lois pour faire des vérifications? De quelle façon le comité de travail, dont il a annoncé la formation, pourrait-il fonctionner? Est-ce qu'il est formé à l'heure actuelle ou est-ce que sa formation est pour les mois prochains ou les semaines prochaines? Bref, j'aimerais qu'il clarifie pour nous et pour les citoyens qui ne marqueront pas de s'intéresser à nos débats, toute cette question et toute sa préoccupation à ce sujet".

Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, au point où nous en sommes, la situation se présente à peu près de la façon suivante. Une province au Canada ne peut pas établir ses propres lois antitrust ou anticartel ou sur les pratiques restrictives du commerce parce que toutes ces lois au Canada sont basées sur deux articles du Code pénal. Comme le Code pénal est clairement de juridiction fédérale, il n'est donc pas question de permettre à des provinces d'intervenir dans ces questions.

C'est très différent de la situation aux États-Unis. Aux États-Unis, il y a des lois antitrust au niveau fédéral, mais il y en a aussi au niveau de chacun des États. Aux deux paliers de gouvernement, on peut définir un cadre juridique, mais pas au Canada. Cela veut dire que comme province nous sommes traités comme de simples citoyens. La loi fédérale prévoit qu'un certain nombre de citoyens peuvent déposer une plainte à Ottawa. Je ne me souviens plus très bien, mais cinq ou six citoyens peuvent demander qu'une enquête soit ouverte. Alors, le directeur des enquêtes voit s'il y a lieu d'ouvrir une enquête.

À la suite de certaines protestations que j'ai manifestées au cours des quelques derniers mois, on m'a écrit d'Ottawa me disant qu'ils étaient en train d'examiner cela et qu'on verrait. À ma connaissance, ce n'est pas allé plus loin. Je ne veux pas dire par là qu'Ottawa ne bougera pas; peut-être, je n'en sais rien. Ce que je veux dire, c'est que nous n'avons aucune poignée à cet égard, aucun mode d'intervention. C'est le directeur des enquêtes qui détermine s'il y a lieu d'aller plus loin, d'examiner certaines choses plutôt que d'autres.

Nous avons, cependant, un pouvoir au Québec, qui est celui de réglementer le commerce de l'essence en allant possiblement jusqu'à la fixation des prix. C'est un pouvoir qui est mal connu pour une raison très simple, c'est que les articles pertinents qui relèvent d'une loi du ministère de l'Énergie et des Ressources ont été votés, mais n'ont pas été promulgués. Cela date d'assez loin puisque je pense que c'est une loi de 1975. Le pouvoir juridique est là même si la promulgation de ces articles n'a pas encore été faite. C'est un pouvoir important parce que, à la suite d'un pouvoir comme celui-là, nous pouvons discuter avec les compagnies sur une base tout à fait différente. Nous pouvons aller voir les renseignements, demander d'examiner comment le commerce se fait, à la limite demander - encore que juridiquement je ne suis pas certain qu'on pourrait l'obtenir - avec une épée de Damoclès claire, de voir les livres et de voir, en particulier, comment les prix de l'essence sont établis.

À l'heure actuelle, il y a une sorte de base du prix de l'essence qui est un prix affiché et on établit les marges des détaillants au-dessus de ce prix affiché. Évidemment, on ajoute les frais de transport qui sont relativement très faibles dans ce cas et on arrive à un prix de détail normal. Ce qui s'est passé tout au cours de l'année 1983, nous disent les compagnies, c'est que leur prix affiché, elles n'ont jamais vraiment

pu le refiler, si vous me passez l'expression, aux clients, qu'elles ont, en fait, absorbé une partie de la surtaxe qui avait été imposée en novembre 1981. Donc, quand elles ont remonté leur prix de l'essence ordinaire à 0,539 $ à la suite de la réduction de la surtaxe de la moitié en novembre dernier par le gouvernement, leur prix était assez voisin de celui qu'on avait connu pour la majeure partie de l'année 1983, c'était à peu près le même prix, sauf qu'en 1983 elles n'avaient pas pu refiler toute la surtaxe aux clients et, avec une surtaxe réduite de 10%, de la moitié, elles pouvaient refiler le nouveau prix affiché aux clients depuis quelques mois.

Je ne suis pas convaincu par cette démonstration. Je ne suis pas convaincu du sens qu'on donne à guerre de prix. Je ne comprends pas pourquoi, à l'heure actuelle, il peut y avoir un écart, qui dure longtemps entre l'Ontario et le Québec, de l'ordre de 0,07 $ à 0,08 $ alors qu'en fait 0,04 $ au maximum seraient justifiés. On dit: II y a des guerres de prix en Ontario. Oui, je veux bien, mais quand les guerres de prix durent dix mois, cela fait une longue guerre pour des prix.

J'ai eu l'occasion de discuter, immédiatement avant le discours sur le budget, avec les quelques spécialistes que nous avons à cet égard dans la fonction publique et, au moins, d'examiner une sorte de cadre d'analyse. Comme le ministre de l'Énergie et des Ressources a été absent pendant quelques jours après le budget, je n'ai pas eu l'occasion de lancer ce comité puisque les trois ministres celui du Revenu, celui de l'Énergie et des Ressources et celui des Finances, doivent intervenir à ce niveau pour nommer les gens de ce comité, mais j'ai bien l'intention de le faire. D'ici probablement une semaine ou dix jours, le comité sera nommé et se mettra au travail, encore une fois avec une sorte d'épée de Damoclès dans les mains, pour aller voir les compagnies et dire: Nous voulons savoir. Vous allez nous montrer comment ces prix fonctionnent. Nous voulons être en mesure d'apprécier la structure des prix que vous pratiquez, la façon dont vous les établissez et dont les taxes sont refilées aux clients, la façon dont les marges bénéficiaires des détaillants sont établies. Sur cette base, ensuite on verra jusqu'où on veut aller quant à l'administration du commerce de l'essence au Québec.

Le Président (M. Lachance): Merci. La parole est au député de Verdun.

M. Caron: M. le Président, M. le ministre, à peu près comme mon collègue, le député de Roberval, j'essaie de regarder le discours sur le budget et je vois que, d'un côté ou de l'autre de la Chambre, on essaie de faire des comparaisons avec les autres provinces. Il me semble qu'on devrait arrêter de faire des comparaisons et essayer de faire mieux. Je pense que c'est possible parce que la loi sur les municipalités que vous nous avez changée, à un certain moment, chez nous nous avantageait, mais cela a été temporaire. On l'avait dit dans le temps: Cela a été une période de trois ans où on a eu plus d'avantages que d'autres municipalités du Québec.

Le Président (M. Lachance): Je m'excuse de vous interrompre, M. le député de Verdun. Il peut y avoir des problèmes quant à l'enregistrement de vos paroles; si vous vouliez faire attention pour l'utilisation du microphone.

Compression des dépenses

M. Caron: Je m'attendais, cette année, à des coupures de la part du ministre, étant donné qu'on a connu des années difficiles, autant ici qu'ailleurs. Je ne veux pas faire de comparaison avec ailleurs. Il est vrai que les taux d'intérêt ont été très difficiles. Pour arriver à cela, il faut faire des coupures. Il faut faire ces coupures aux bonnes places. Est-ce que vous y avez pensé? Je vous donne un exemple de ce que j'ai fait dans ma propre municipalité pour diminuer mon taux de taxes. Ce taux est passé de 3,39 $ à 2,89 $ cette année. Pour faire cela, il a fallu que j'imagine et que je trouve des moyens. C'était dans une municipalité qui a un budget de 40 000 000 $. Appliquez cela à l'échelle de la province.

Je déplore de ce gouvernement, ainsi que de l'autre qui l'a précédé que vous soyez partis sur la question des dépenses. "Quand je le dis, je ne blâme pas directement le ministre des Finances, mais l'ensemble du Conseil des ministres. Vous faites des suggestions, mais les décisions sont prises au Conseil des ministres. Vous avez de nombreuses dépenses qui pourraient être diminuées. Je ne vois pas pourquoi vous ne pouvez pas vous organiser avec une équipe, une sorte d'équipe volante, qui pourrait circuler. Il y aurait moyen de couper dans tout. Vous pourriez, comme mon collègue vous le disait tout à l'heure, essayer de diminuer les taxes et, si on ne baisse pas les taxes, au moins essayer de donner de meilleurs services.

Vous savez que, dans plusieurs hôpitaux - je ne dis pas dans tous les hôpitaux - il y a eu des coupures qui font mal. Cette année, avec les voiliers et la visite du pape, je me demande jusqu'à quel point les hôpitaux pourront donner des services aux gens qui viendront à Québec ou à Montréal. Il y a plusieurs dépenses qui pourraient être coupées si vous preniez la responsabilité de le suggérer au Conseil des ministres. Je vous

donne un exemple: dans ma propre municipalité, j'ai coupé toutes les conventions. Ce n'est peut-être pas nécessaire de couper toutes les conventions!, il y en a qui sont nécessaires. Il y en a d'autres qui ne le sont pas. Il y aurait lieu aussi de diminuer le nombre de personnes.

On me disait dernièrement qu'on voulait même changer la vaisselle pour un total de 72 000 $. Est-ce que cela est nécessaire en 1984 de changer la vaisselle au restaurant Le Parlementaire? Il y a combien d'autres postes? C'est là votre faiblesse, de ne pas être capable, comme ministre des Finances, d'essayer de vendre à vos collègues l'idée de faire des coupures aux bonnes places. Ce n'est pas dans les hôpitaux qu'on doit couper; il y a tellement d'autres places. Vous avez de la publicité qui est faite et qui coûte une fortune et que vous pourriez diminuer - je ne parle pas de la couper complètement -d'un pourcentage. Vous pourriez essayer d'équilibrer vos taxes.

Je pense que vous devriez envoyer quelques personnes nous visiter; je vous l'ai déjà dit en Chambre lors d'un discours et j'étais sérieux. C'est petit, la municipalité de Verdun, mais on en est venu à bout. Le gouvernement du Québec, c'est une grosse boîte, de même que le gouvernement fédéral. Vous êtes capable de le faire si vous vous donnez les outils pour le faire. (17 heures)

Le Vérificateur général disait, il y a deux ou trois ans, qu'il y a de l'argent qui traîne au ministère de la Justice et que vous n'allez pas chercher. Le ministère des Finances force des personnes qui sont dans des foyers à payer des montants additionnels. Par contre, combien de millions traînent au ministère de la Justice avec le Code de la route? Ce serait de l'argent que vous pourriez aller chercher et que ces gens-là devraient payer. Les infractions doivent se payer". Quand on coupe dans la poche d'une personne qui est dans un foyer, je pense que cela fait mal.

Oui, M. le député de Bourassa, il y a des façons de couper aux bonnes places. On ne coupe pas dans les budgets des hôpitaux. Votre devise, c'est "La personne avant toute chose"; je ne veux pas faire de la politique ici, mais je peux faire des suggestions. Je voudrais que le ministre me réponde pour savoir s'il n'y aurait pas une possibilité d'avoir un genre d'équipe volante qui pourrait aider son ministère, en faisant le tour des autres ministères pour obtenir leur collaboration, à couper dans votre publicité et dans toutes vos dépenses.

Vous avez, M. le ministre, la maison du Québec à Ottawa qui nous coûte 500 000 $; ce n'était pas nécessaire d'avoir cela cette année. Je ne vous dis pas que ce n'était pas nécessaire de l'avoir, mais cette année on n'était pas prêt à avoir cela. Les contribuables en ont assez de payer des taxes. Vous savez comment vous allez fouiller partout; vous avez une équipe qui fouille dans tous les domaines. Il y a des gens qui viennent me voir pour me dire qu'ils ont de la difficulté à ravoir leur argent quand ils payent trop. Vous avez des gens qui vérifient avec le gouvernement fédéral. Actuellement, c'est l'équipe des bateaux; tous ceux qui ont acheté des bateaux au cours des cinq dernières années sont vérifiés. Ils recevront un compte et une pénalité.

Je pense qu'il y a certainement moyen de trouver des façons de couper. Si cela se fait dans une municipalité avec un budget de 40 000 000 $ - c'est entendu qu'on le fait en plus petit - vous êtes certainement capables de le faire. Vous allez permettre qu'on achète de la vaisselle qui coûtera entre 72 000 $ et 80 000 $; je pense que les personnes âgées ont bien plus besoin de soins dans les hôpitaux que nous n'avons besoin de vaisselle. Je peux vous dire qu'il y a des gens qui n'ont rien ou à peu près rien à manger et qui seraient bien contents de manger dans des assiettes de carton ou de manger dans les assiettes qu'on enlèvera d'ici si on ose et on a le culot de faire la dépense.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, je remercie le député de Verdun de son intervention. Je pense que cela me permettra de clarifier certaines choses. Quand nous avons entrepris, en collaboration avec les municipalités, la réforme de la fiscalité municipale - cela a vraiment été un exercice conjoint - nous avons réglé des problèmes qui traînaient depuis une vingtaine d'années. L'idée fondamentale qui passe à travers toute cette réforme de la fiscalité municipalité, c'est qu'il y aurait chez les citoyens d'une municipalité une sorte de rapport évident entre les dépenses faites par la municipalité et le taux de taxes. On a beaucoup réduit les subventions qui obscurcissaient ce rapport entre le taux de taxes et la décision de faire une dépense. On a, cependant, ouvert tout le champ foncier scolaire normalisé aux municipalités.

Justement parce qu'on jouait sur la responsabilité des gens et des élus municipaux, cela a fonctionné exactement ainsi. On arrive à ce que les municipalités aient un surplus d'environ 150 000 000 $ en 1983. C'est très bien; c'était la meilleure démonstration qu'on pouvait faire que les gens et les élus municipaux surveillent leurs affaires quand il y a un rapport direct entre quelles dépenses vous voulez au niveau municipal et quel va être votre taux de taxes. Les élus municipaux sont devenus plus

prudents et les gens sont devenus plus prudents parce qu'ils comprenaient mieux.

Le gouvernement, c'est tout à fait différent. C'est tout à fait différent parce qu'une bonne partie de notre budget consiste, en somme, en transferts à des institutions, ce qui n'existe pas dans le cadre municipal. À peu près 58% de toutes les dépenses du gouvernement de Québec sont transférées à des organismes qui ont leur propre conseil d'administration: des hôpitaux, des centres d'accueil, des commissions scolaires, et il y en a beaucoup de cela. Il y a 250 commissions scolaires au Québec, il y a 800 organismes de santé et puis il y a tous les collèges, les cégeps. 58% de tous les fonds dépensés par le gouvernement de Québec vont à des organismes. Notre problème, à ce moment-là, consiste à s'assurer - on est toujours, dans un certain sens en second -que les conseils d'administration autonomes de tous ces organismes dépensent au mieux en fonction de leurs besoins et en fonction de l'intérêt public. Il faut bien comprendre qu'on ne peut pas vouloir à la fois une sorte de contrôle extraordinairement centralisé des dépenses et, d'autre part, l'autonomie de ces organismes. On ne peut pas dire: Nous voulons davantage d'autonomie pour les hôpitaux dans leurs décisions et, d'autre part, une centralisation gouvernementale qui ferait qu'on ne pourrait pas acheter une boîte de kleenex sans que le ministère des Affaires sociales mette son placet là-dessus.

Forcément, on est amené dans ces conditions - je le disais dans le discours sur le budget - à se dire: Ce n'est pas vrai que 1200 ou 1300 conseils d'administration au Québec vont administrer également bien. Il y en a qui administrent merveilleusement bien. Certains grands hôpitaux de Montréal, en dépit de toutes les compressions, n'ont jamais fait de déficit. Vous avez certains autres hôpitaux de Montréal, des fois juste à quelques coins de rue de là, qui dans les années de vaches grasses, faisaient des déficits et dans les années de vaches maigres faisaient des déficits. Il y a un problème de gestion qui est inévitable. Je ne dis pas qu'il n'est pas important, mais il est très différent du cadre municipal.

Tenez pour acquis que 75% de tout le budget du Québec est formé de transferts, soit des institutions, soit des particuliers. Sur les 75%, il y en a 58% aux institutions. Quand je parle de transferts, c'est l'aide sociale qui est un transfert. Les allocations familiales sont un transfert. 75% de nos dépenses vont donc, pour la majeure partie, dans des institutions relativement autonomes et le reste à des particuliers. Ajoutez à cela 9% de service de la dette. Je suis rendu à 84%. La part départementale, ministères, dépenses qui sont sous le contrôle centralisé et immédiat du gouvernement, c'est 16% au total.

Cela ne veut pas dire que ces 16%, dans l'esprit où vous le dites, il ne faut pas le surveiller à la trace et à la piste. Nous sommes convaincus, par exemple, qu'il y a moyen de réduire le nombre d'employés de la fonction publique et c'est ce que nous avons fait depuis trois ans. On ne peut pas dire à cet égard que le système fonctionne moins bien. S'il y a quelque chose, il fonctionne peut-être mieux. Quand vous mettez une pression comme celle qu'on a mise pour réduire les effectifs, cela fait monter le niveau de l'eau ou, si vous voulez, le niveau du travail à peu près également, enfin moins inégalement dans les bureaux que c'était le cas il y a quatre ou cinq ans où des gens travaillaient dix ou douze heures par jour alors que, pour d'autres, on ne pouvait pas dire qu'ils se rendaient nécessairement à la moitié de cela. Cette opération de compression a été excellente.

On va revenir, après les trois années de compressions qu'on a connues, à l'opération que tous les gouvernements ont faite avant et qui consistait non pas à faire des grandes compressions, si vous me passez l'expression, "across the board", mais à avoir cette espèce d'équipe volante qui est essentiellement au Conseil du trésor et qui consiste, tous les ans, à dire: On examine 25 ou 30 secteurs et on va voir si c'est efficacement administré à l'intérieur du gouvernement, à l'intérieur des 16% dont je parlais tout à l'heure. Vous avez parfaitement raison d'insister, puisque ce sera un travail jamais fini. C'est un travail qu'il faut faire d'année en année. Il faut faire constamment le tour des opérations gouvernementales et dans ce sens-là vous avez parfaitement raison.

Je termine en ouvrant une petite parenthèse. Vous ne m'en voudrez pas d'être un peu méchant, mais ne prenez pas l'exemple de la vaisselle, voulez-vous? C'est, justement, un secteur où le ministre des Finances n'a aucun pouvoir, absolument aucun. C'est le Bureau de l'Assemblée nationale qui échappe maintenant à tout contrôle, et du Conseil du trésor et du ministère des Finances. Dans ce sens-là, je ne veux pas vous dire ce que je pense de l'affaire de la vaisselle. Je pense que, si vous avez quelque chose à penser sur la question de la vaisselle, vous devriez plutôt vous adresser aux autorités compétentes, c'est-à-dire au Bureau de l'Assemblée nationale parce que c'est vraiment le Bureau de l'Assemblée nationale - il faut bien le comprendre - qui, à l'heure actuelle, a toute juridiction sur un bon nombre de ces dépenses. Moi aussi, je vois passer des choses dans ce domaine, mais je les apprends par le journal.

M. Caron: On sait que ce sont des choses qu'on voit passer, comme vous dites, qui font mal, qui pourraient servir ailleurs.

Si, naturellement, on s'est trompé - la perfection n'est pas de ce bas monde, vous le savez - vous, comme ministre des Finances, vous pouvez faire des suggestions au Conseil des ministres, vous êtes placé là. Lorsque vous prenez la parole, je suis convaincu que votre voix porte plus peut-être que celle d'un autre ministre dans le cabinet - ce qui est tout à fait normal - qui est peut-être là pour couvrir un secteur du Québec, pour montrer qu'il y a un ministre qui représente un secteur du Québec. Cela arrive, ces choses» Mais je pense que votre rôle est de le suivre et de très près. Je suis convaincu que, si c'était suivi de près, on pourrait... Je ne parle pas de tout couper, à certains endroits, il faudrait peut-être augmenter, mais à la bonne place.

Mon collègue de Vaudreuil-Soulanges a raison de dire qu'on paie trop de taxes. Il ne faudrait pas, parce qu'on paie trop de taxes, donner comme exemples d'autres provinces. Il s'agit pour nous autres d'essayer de faire mieux. Quand on me dit que...

Le Président (M. Lachance): M. le député, je m'excuse, votre temps de parole est déjà expiré.

M. Caron: J'achève, M. le Président, seulement une seconde. Je voudrais rendre service au ministre des Finances dans l'intérêt de tous les Québécois, parce que nous sommes tous des "payeurs de taxes". Si je peux en payer moins de taxes, moi aussi, je serai content parce que je fais ma part aussi dans le budget du ministre. Je pense honnêtement, M. le ministre", que, si vous pouviez faire les pressions nécessaires sur vos collègues, il y a place à amélioration et cela pourrait déjà se faire pour l'année 1984-1985.

M. Parizeau: Est-ce que vous me permettez, M. le Président, juste de terminer par quelques commentaires? Encore une fois, ce dont vous parlez est absolument essentiel, sauf qu'il faut faire bien attention, ce n'est pas une opération d'un an. C'est une espèce de préoccupation continuelle. Je pense que là-dessus on ne mettra jamais assez d'énergies, on ne mettra jamais assez d'efforts. Sur le principe général", j'en suis, mais, encore une fois - je termine sur là-dessus - toute la surveillance que vous me demandez de faire, et que je reconnais, je souhaiterais qu'elle se fît aussi au niveau de ce qui relève de vous, les députés, c'est-à-dire tout le budget de l'Assemblée nationale. Ne venez pas me voir à ce sujet. Moi, depuis la réforme, je ne peux plus dire quoi que ce soit sur cela. Dans ce sens, il faut que cela se fasse à deux, quand vous donnez des exemples comme la vaisselle.

M. Caron: Cela ne veut pas dire que les réformes qu'on fait sont toujours les meilleures. Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Merci, M. le Président. Il est toujours facile de faire de la démagogie sur des virgules, sur certaines dépenses. Il restera toujours, je pense, sur 25 000 000 000 $, des dépenses qui seront difficilement justifiables et l'Opposition, c'est son droit, va chercher de petits montants pour frapper l'opinion publique. Je pense que c'est de bonne guerre, mais, il y a aussi des choses qu'il faut rétablir. Je vais vous donner seulement une exemple au point de vue des hôpitaux. On a parlé énormément qu'on faisait souffrir des malades, qu'on faisait souffrir le public. Je me souviens que, dans le temps où M. Lazure était ministre des Affaires sociales, à un moment donné, il a fait une restriction seulement sur les diachylons. Il s'est aperçu qu'il y avait du gaspillage énorme sur cela. Seulement en donnant une petite directive, il a épargné 1 000 000 $. Pourtant, les plaies ont été quand même pansées et tous les services donnés. (17 h 15)

Une autre chose: dans un hôpital qui était dans mon premier comté avant qu'il soit divisé, on a apporté une attention spéciale pendant un an seulement à la paperasse: les mémos qui se donnaient à l'intérieur, les huit formules qu'on remplissait chaque fois qu'il y en avait un qui voulait avoir un crayon, l'imprimerie. Ils se sont aperçus, à la fin de l'année, " qu'ils avaient épargné 70 000 $. Pourtant, on peut appeler cela des coupures, si vous voulez, dans le système. Il y a une autre chose que j'avais demandé personnellement de surveiller. J'avais ouï dire que certains patients sortaient avec leur valise pleine de draps, avec des couvertures de lit, avec des serviettes. En fin de compte, l'hôpital a exercé un contrôle plus serré. Ils ont épargné 50 000 $ seulement dans la literie et les serviettes en un an.

Il faut que le public, à un moment donné, pense à toutes ces choses. Tout de suite un certain nombre dit: Cela, c'est du service de moins qu'on donne aux malades. Vous de l'Opposition, c'est de bonne guerre, vous embarquez dans cela. On fait pâtir la population. Sur un budget de 7 000 000 000 $, à un moment donné, c'est sûr qu'on peut aller chercher des petites coupures. C'est la même chose que si j'avais demandé au maire de Verdun, qui est député aujourd'hui: Pourquoi avez-vous acheté au service d'incendie une voiture d'incendie à 175 000 $ alors qu'il y en avait à 135 000 $? Vous auriez des bonnes raisons à nous donner pour nous dire pourquoi vous

avez fait cette dépense supplémentaire. Vous avez eu l'orgueil d'avoir cela dans tous les journaux cette semaine. Mais je sais très bien que, si cela n'avait été de la réforme de loi 57, vous auriez été obligé de taxer vos citoyens pour acheter de l'équipement pour le service d'incendie de cette qualité. Je ne vous blâme de l'avoir fait puisque c'est pour des années.

M. Caron: J'ai dit depuis trois ans que je n'avais plus rien là-dessus.

M. Laplante: Écoutez, je ne vous ai pas dérangé tout à l'heure.

M. Caron: On est perdants maintenant.

M. Laplante: Mme la députée de Chomedey, mardi dernier, a basé son discours à peu près au complet sur la pauvreté, comment c'était triste de voir les Québécois souffrir aujourd'hui en 1984 et comment l'humiliation était forte pour tous ces gens. On touchait à ce qu'ils avaient de plus précieux, leurs tripes à eux, leur subconscient, amenez-en! Elle en a dit à peu près deux pieds.. Maintenant, il y a une chose, c'est que j'aurais aimé faire le discours tout de suite après elle à l'Assemblée nationale, mais le temps ne me l'a pas permis.

Une voix: Ni le règlement.

M. Laplante: Non, le règlement m'aurait permis de le faire, mais il y en avait d'autres à entendre. Par exemple, j'aurais pu lui faire non pas un reproche, mais lui dire qu'elle a été, entre 1973 et 1976, ministre d'État aux Affaires sociales. Pourtant, à ce moment, si on veut aller plus loin, nos pauvres vieux étaient en dessous pas mal du seuil de la pauvreté. En 1976, on appelait cela des hospices; c'était dans l'opinion publique. C'est de cela que Mme Bacon avait à s'occuper, des hospices. Mais aujourd'hui on a redonné une fierté à ces personnes âgées. On leur a donné près de 8000 places dans des centres d'accueil. C'est établir une fierté à nos gens âgés, en améliorant leur vécu.

Une autre chose aussi: du temps de Mme Bacon, députée de Chomedey, on séparait les personnes âgées, on séparait le couple. On envoyait l'un d'un bord et l'autre de l'autre. On était dans les hospices. Nous, on a eu le respect des personnes âgées. Qu'est-ce qu'on a fait?

M. Caron: Cela n'a pas de rapport avec cela.

M. Laplante: On a mis les couples ensemble pour leur donner, justement, cet humanisme dont ils avaient besoin. Pourtant, les centres d'accueil, les hospices, c'est chose du passé. Qu'avaient nos personnes âgées lorsqu'elles étaient malades?

L'ambulance arrivait chez eux. La première chose qu'on leur demandait - cela toujours du temps de Mme la députée de Chomedey et de votre temps vous aussi, M. le député de Verdun - As-tu 40 $ avant que je t'embarque? C'est cela qu'on demandait. Si la personne n'avait pas 40 $, le patient restait là. Allez-vous en fournir un autre service d'ambulance? Mais nous, pour humaniser, pour avoir le respect, justement, de ces personnes...

M. Caron: La police les embarquait.

M. Laplante: ...on leur a donné les ambulances et on a établi un service d'ambulances gratuit. C'est cela, l'avancement d'une société, que vous n'avez pas compris encore, vous qui faites des discours pour essayer de démontrer à quel point les gens sont malheureux. Vous pourriez dire, de temps en temps, comment on a sorti du pétrin les personnes âgées, comment on les a aimées, comment on s'est occupé d'elles.

Je vais vous citer dix choses qu'on a réalisées pour cette catégorie de personnes. En plus des ambulances, on a donné les médicaments gratuits à tout le monde, ce que vous n'avez pas fait, vous. Vous avez catégorisé certaines parties de la population. On a donné aussi Logirente, par respect pour ces gens. Aux personnes pauvres qui avaient de la difficulté à payer leur logement, on a donné Logirente. Qu'a-t-on fait, en plus, avec les impôts fonciers? On a pu accorder une partie du remboursement des impôts fonciers qu'elles payaient déjà aux municipalités. Cela, c'est dans le respect des personnes âgées. Pourtant, ce sont des politiques que vous n'aviez pas de 1973 à 1976 et c'est la même personne qui faisait ce discours lamentable sur le sort de tout le monde à l'Assemblée nationale mardi dernier.

De plus, les logis à prix modique, on a quadruplé ce que vous avez pu faire, en peu de temps. C'est nous qui avons donné tout cela, encore, pour la fierté des personnes âgées.

M. Caron: C'était à notre époque, cela a commencé à notre époque.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Bourassa, vous avez la parole, vous pouvez continuer.

M. Laplante: Merci. Vous avez, en plus, le développement du service à domicile. Qui l'a fait avec les popotes roulantes et tout, aller vers les personnes âgées dans les maisons? C'est encore nous. De plus, on baisse à 60 ans l'obtention du Régime des

rentes du Québec pour leur permettre de vivre de meilleures années plus longtemps. C'est ça, la fierté, c'est ça qu'on doit dire à une population. Le Parti québécois, même s'il forme le gouvernement, n'a pas fait que du mal, il a fait du bien, beaucoup de bien. Il a établi un programme social qui a été coûteux, par moments, mais on a été capable, par exemple, de baisser les impôts québécois, en proportion de l'Ontario, de 19% à 11%, ce qu'ils étaient sous votre régime. Il faut le dire aussi.

Il faut dire qu'une partie de notre taxe de vente est éliminée. C'est vrai qu'on l'a augmentée de 1% sur une autre catégorie de biens, parce qu'on avait un besoin pressant, à un moment donné. C'est arrivé, c'est vrai, on ne peut pas nier ces choses. Par contre, on s'en va vers un déficit fédéral - vous en avez parlé tout à l'heure - qui, après trois ans, sera de 87 000 000 000 $. Savez-vous que la part du Québec dans ce déficit de 87 000 000 000 $ représente le budget d'aujourd'hui, 24 000 000 000 $? On n'a pas eu un diable de mot à dire là-dedans, aucune des provinces canadiennes n'a eu un mot à dire sur le déficit fédéral ou, du moins, une consultation pour dire: On privilégie une province sur telle ou telle action dans son économie qu'elle connaît très bien.

Par exemple, si on avait eu cette décentralisation et qu'on avait eu à administrer 24 000 000 000 $, je suis certain, avec le ministre des Finances qu'on a, qu'on aurait eu...

Le Président (M. Lachance): M. le député de Bourassa, vos dix minutes sont déjà écoulées.

M. Laplante: Si mon temps est déjà écoulé, j'en aurai encore pour dix minutes plus tard, M. le Président. Je vais revenir, à mon tour, quand tout le monde aura parlé.

M. Caron: II conte de petites menteries, M. le Président; je veux qu'il revienne. La majorité des choses, c'est à notre époque qu'on avait commencé à les faire.

M. Laplante: J'aimerais que M. le ministre, tout à l'heure, sans argumentation, puisse retrouver des questions parmi les choses que j'ai dites.

M. Caron: Les HLM, ça a commencé en 1970, à notre époque; même, vous les avez critiquées.

Le Président (M. Lachance): Est-ce que le ministre des Finances veut commenter les propos du député de Bourassa?

M. Parizeau: J'aurais un commentaire très court à faire, M. le Président, mais j'attends un renseignement précis. C'est une vérification que j'ai demandé de faire. Alors, après qu'un autre député sera intervenu, je reviendrai sur ce que le député de Bourassa vient de dire.

Le Président (M. Lachance): Très bien, M. le ministre. M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): On voit la difficulté de ce mode de fonctionnement où, soi-disant par une série de discours, comme en Chambre, dans un cadre qui appelle surtout des échanges un peu plus rapides, on se promène littéralement partout sur le terrain. Quarante minutes après une intervention, on peut revenir pour discuter d'une chose importante qui a été alléguée. À cause de la composition de la commission, de nos règles de procédure et des différents dossiers que les gens ont, cela ne donne pas autant l'occasion qu'on le souhaiterait d'examiner point par point les énoncés que les différents membres peuvent faire.

À titre d'exemple, le député de Bourassa vient de se vanter de tout ce qui a été fait pour les personnes âgées, selon lui, depuis sept ou huit ans par le parti qui forme gouvernement, sous la bannière duquel il a été élu. Il passe très vite sur la responsabilité essentielle d'un gouvernement par les temps qui courent au Québec - c'est vrai pour le monde industrialisé - alors que la pyramide d'âge est en train de se déformer par l'ajout en haut de celle-ci d'un nombre considérable de personnes d'un âge plus élevé. Ce serait complètement invraisemblable pour un gouvernement, par les temps qui courent, d'ignorer cette donnée absolument fondamentale de l'évolution démographique du Québec. Je veux bien croire qu'il y avait des hospices autrefois et qu'il n'y avait pas des milliards de dollars consacrés aux personnes âgées; la réalité, c'est qu'il y en avait moins.

L'autre réalité, c'est qu'il y avait beaucoup de monde qui travaillait, donc qui payait des impôts. Il y avait plus de travailleurs. Quand il y a 400 000 chômeurs, 700 000 assistés sociaux, plusieurs jeunes qui reçoivent 152 $ par mois au lieu de travailler sur un chantier, c'est entendu que ces gens-là ne payent pas beaucoup d'impôt et que cela coûte très cher.

Il y a toutes sortes d'aspects dans le déficit fédéral, mais j'espère que le député de Bourassa n'est pas en train de plaider pour que le gouvernement fédéral abolisse le programme d'assurance-chômage qui lui coûte très cher en période de crise. Je présume que le député de Bourassa n'est pas en train de plaider pour que le gouvernement fédéral réduise de 1 000 000 000 $ ou 2 000 000 000 $ ses transferts au Québec.

Quand on regarde les chiffres depuis quelques années, il y a eu des augmentations d'environ 15% ou 16% par année des transferts fédéraux qui venaient arrondir les fins d'année - c'est le moins qu'on puisse dire -des finances publiques du Québec.

Le système est ainsi fait qu'avec un raisonnement semblable à celui du député le gouvernement fédéral pourrait demander aux provinces d'équilibrer leurs finances parce que cela coûte une fortune à tout le monde. Alternativement, on va encourir un plus gros déficit à Ottawa pour annuler celui des provinces. D'une façon comme de l'autre, l'économie va jouer; d'une façon comme de l'autre, certains programmes de soutien à l'emploi en basse conjoncture seront obligés de jouer.

Équilibre des finances publiques

Cela m'amène à vous parler plus spécifiquement de ce que le député de Roberval mentionnait tout è l'heure, soit la façon dont on équilibre les finances publiques. C'est une perspective de gestion des finances publiques et de l'économie qui permettrait de marcher, de faire des progrès dans le sens soutenu par ce côté-ci de la Chambre, c'est-à-dire d'en arriver à un niveau d'effort fiscal des Québécois comparable à ce qu'il y a ailleurs, de s'assurer qu'on ne grève pas les finances publiques, qu'on n'hypothèque pas les impôts de tout le monde à coups de déficits accrus. On doit s'assurer que les dépenses soient faites de façon efficace et pour faire face aux programmes qui appellent des changements considérables. Tout le monde s'entend pour dire que 152 $ par mois pour un jeune sans travail de moins de 30 ans, cela n'a pas de bon sens.

Une des façons de faire cela serait peut-être de dépenser un peu plus pour l'éducation des adultes. Il est regrettable que le député de Roberval ne soit pas là quand son collègue, le député de Chambly, indique comment on arrive à atteindre ces trois objectifs-là. En réponse au député de Verdun qui se vantait, avec raison, à cause de sa gestion financière, d'avoir réduit le taux de taxation à Verdun, le député de Chambly a dit: Bien oui, mais vous avez augmenté l'évaluation, il n'y a rien là. Il n'y a rien là, sauf que c'est signe de quoi, augmenter l'évaluation? C'est de cela qu'on parle: augmenter la capacité du Québec de lever des impôts de ses propres sources, de se constituer des revenus pour honorer ses programmes de dépenses à partir d'une certaine richesse qui est là. (17 h 30)

Ce n'est pas désincarné, les équations dont le député de Roberval veut nous faire croire qu'elles sont les seuls éléments qui existent en matière de finances publiques.

Vous voulez baisser les impôts, certainement. Vous voulez réduire le déficit, très certainement également. Vous voulez vous assurer que certains services, qui doivent être rendus aux citoyens parce qu'il y a des choses qui n'ont pas d'allure, vont être rendus et je dis certainement. Mais ce n'est pas juste de façon comptable, bébête, comme le député de Roberval a voulu le laisser entendre, que cela fonctionne. Il faut qu'il y ait une tenue générale de l'économie qui permette de réaliser ces choses. Il faut qu'il y ait en place un gouvernement dont les politiques générales quant à la constitution de richesse, à la multiplication, à l'addition, à l'ajout d'investissements producteurs d'emplois et producteurs de richesse se fassent.

Ce qu'on soutient, nous, de ce côté-ci, depuis des années qu'on regarde le ministre des Finances s'en aller, qu'on regarde le gouvernement du Parti québécois s'en aller avec certaines politiques, c'est que les gestes que le gouvernement pose n'incitent aucunement les gens à investir au Québec quand ils se comparent avec ailleurs. On peut se faire une gloire - et le ministre des Finances s'en fait souvent une - de pratiquer une fiscalité "social-démocrate de gauche", entre guillemets, les guillemets du ministre, d'ailleurs. Il l'a dit assez souvent en Chambre. Cela, c'est parfait. Cela fait plaisir à celui qui y croit. C'est une idéologie qu'il entend soutenir. Il est au pouvoir, il n'y a personne qui l'en empêche, certainement pas l'Opposition. Mais là où on court des risques considérables que les chiffres, d'ailleurs, démontrent, c'est qu'on ne peut pas être les seuls à avoir le pas en Amérique du Nord. On ne peut pas indéfiniment prétendre que c'est l'intervention du gouvernement qui va régler les problèmes économiques. On ne peut pas indéfiniment en Amérique du Nord prétendre qu'on va avoir une fiscalité qui est substantiellement, au point de vue de ses fondements idéologiques, différente de ce qu'elle est dans le reste de l'Amérique du Nord, notamment, chez nos voisins avec lesquels on est en concurrence pour les dollars des investisseurs. C'est comme cela que fonctionne l'économie. On ne peut pas dire qu'on va arriver à un équilibre des finances publiques dans l'état actuel des choses sur la foi de la tendance qu'emprunte l'économie du Québec depuis sept ou huit ans.

J'ai déjà, dans ma réplique en Chambre, relevé la tendance qu'on observe de la part des dépenses d'investissement dans le produit intérieur brut du Québec. Il y a un déclin constant. Cela n'arrête même pas malgré les annonces extraordinaires que le ministre des Finances nous fait. Des projets d'investissement accélérés - ce sont ses propres mots - donc, qui auraient eu lieu de

toute façon. Il les change de place dans le temps. Il n'a rien attiré de nouveau par une intervention de dizaines, de centaines de millions du gouvernement du Québec, on convainc des gens qui vont investir plus tard d'investir tout de suite. On a déplacé ces choses dans le temps. On n'a pas créé une base de richesse additionnelle pour l'avenir du Québec. On a, au même titre que dans Corvée-habitation, déplacé dans le temps certaines activités. On pourra dire qu'à très court terme cela permet à certains projets créateurs d'emplois d'avoir cours, parce que, quand il y a 1 100 000 personnes qui vivent directement de prestations, cela fait beaucoup de familles et beaucoup de monde. Mais l'action ponctuelle du gouvernement fait en sorte qu'il y a une activité qui se déroule aujourd'hui qui se serait déroulée plus tard, de toute façon.

Mais, quand celle-là va être finie, où est-ce qu'on va se retrouver? Une accélération d'investissements, bâtir une maison tout de suite plutôt que l'an prochain fait travailler quelques gars de la construction aujourd'hui, mais cette maison, ils ne la construiront pas l'an prochain. On ne peut pas maintenir Corvée-habitation indéfiniment à sa face même. Les entrepreneurs le demandent, tout le monde le demande. Cela fausse le marché, cela fausse le moment où les investissements de façon naturelle se font, et, comble de malchance pour les chiffres du ministre, cela n'améliore pas la courbe descendante des investissements dans le produit intérieur brut du Québec.

Autre problème...

Le Président (M. Lachance): M. le député, votre temps est maintenant écoulé.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Pas déjà dix minutes! C'est regrettable que le député de Roberval ne soit pas ici, parce que le ministre des Finances comprend ces choses, j'en suis convaincu. Le député de Chambly dit: L'évaluation a augmenté, donc on peut baisser les impôts des 100 $ ou des 1000 $ d'évaluation. S'il arrivait un gros malheur au ministre des Finances, je pense que le député de Chambly plutôt que le député de Roberval ferait un meilleur remplaçant au point de vue des discussions sur la façon dont l'économie fonctionne, sur la façon dont on peut lever des impôts, sur l'effort qu'on peut demander aux citoyens, sur la façon dont on peut se donner des moyens de dépenser et sur la façon dont on peut également équilibrer les dépenses publiques.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: D'abord, M. le Président, quelques commentaires sur l'intervention du député de Bourassa. J'ai trouvé extrêmement intéressant l'espèce de schéma qu'il a fait rapidement de l'ensemble des mesures qui avaient été prises par le présent gouvernement à l'égard des personnes âgées. Je voudrais en ajouter une qui est peut-être moins spectaculaire que celle dont il a parlé jusqu'à maintenant, mais qui dans un certain sens est bien plus fondamentale, même si cela se voit moins. Vous vous rappellerez, M. le Président, qu'à partir de 1973 le gouvernement fédéral et les provinces ont indexé les exemptions personnelles et les tables d'impôt chaque année.

M. Laplante: Je m'excuse, M. le ministre. J'ai sauté par dessus. Elle était là.

M. Parizeau: Disons que je vous remplacerai. Le gouvernement du Québec du temps a refusé d'indexer, en principe, les exemptions personnelles. Il n'en était pas question. Bien sûr, de temps à autre, il donnait une réduction d'impôt discrétionnaire à certains endroits, mais pas d'exemption personnelle. Résultat, c'est que l'inflation se développait et l'exemption personnelle des personnes âgées - l'exemption qu'on disait pour raison d'âge, celle qu'on a après 65 ans - restait collée à 1000 $. Qu'est-ce qu'on fait de notre côté? On arrive au pouvoir, on monte l'exemption personnelle, d'abord, de 1000 $ à 1500 $ par an pour raison d'âge pour ceux qui ont plus de 65 ans. Cela n'a l'air de rien, mais, pour un couple âgé, c'est passé de 2000 $ à 3000 $ en exemptions personnelles et, après, on les a indexées. Le résultat, c'est que, à l'heure actuelle, alors que si on avait gardé non indexées les exemptions de personnes âgées selon la politique du gouvernement libéral du temps, un couple de plus de 65 ans pour raison d'âge aurait aujourd'hui 2000 $, il a droit à 4200 $. Cela n'a l'air de rien, mais c'est important puisque cela vient s'ajouter à ce que disait le député de Bourassa. Il l'avait oublié sur sa liste, mais il y a beaucoup d'argent là-dedans. Ajoutés à toutes ces exemptions personnelles comme contribuables quand on est un couple marié de plus de 65 ans, 4200 $, ce n'est pas de la tarte.

J'en viens à ce que disait le député de Vaudreuil-Soulanges. Là, il y a quelque chose qu'il ne saisit pas. C'est la première occasion que j'ai de lui répondre à ce sujet. Je vais lui répondre brièvement, mais peut-être plus longuement demain matin ou demain après-midi. D'abord, il est évident que l'état des finances publiques reflète l'état de l'économie dans son ensemble. On ne va pas discuter de cela; M. de La Palice n'aurait pas dit mieux. Sauf que l'état de l'économie du Québec, il faut le voir de plusieurs façons. Premièrement, depuis sept ou huit ans - la période que retient le

député de Vaudreuil-Soulanges - la plupart du temps, enfin, pendant un bon nombre d'années, on a eu un rythme de croissance supérieur à celui de l'Ontario, la province voisine à laquelle il faisait allusion et avec laquelle on est constamment en concurrence. À l'heure actuelle, par rapport à l'Ontario, on se débrouille très bien.

Il dit: Oui, mais les investissements qui se font dans l'économie du Québec représentent une part décroissante du produit intérieur brut du Québec. C'est facile à démontrer. Vous prenez les années soixante-dix et vous arrivez à la conclusion qu'en 1975 les investissements au Québec représentaient 23 1/2% - je prends la meilleure année depuis 20 ans - du prodruit intérieur brut; ensuite, cela tombe à 21%, 19%, 18%, 17%, 16%, pour finir à 15%; d'où la démonstration.

Voulez-vous qu'on se compare à l'Ontario à cet égard? En 1977, les proportions de l'investissement au PIB étaient de 21,1% au Québec, 19,1% en Ontario. En 1977, 21,4% et 18,7%. En 1978, 19,4% et 18,1%. En 1979, 19,2% et 17,6% en Ontario. La catastrophe les menace. En 1980, 18,6% et toujours 17,6% en Ontario. En 1981, cela va un peu mieux; on tombe à 17,4% et ils montent à 18,2%. En 1982, 15,8% chez nous et 16,8% chez eux. En 1982, 15,7% chez nous et 16,3% chez eux. En 1983, 15,2% chez nous, 15,2% chez eux. En 1984, des projections de 14,8% chez nous et de 14,5% chez eux. Mais dites donc! Ils doivent être complètement catastrophés, les Ontariens. À quoi est-ce dû? C'est dû au fait, comme chacun devrait le savoir, qu'il y a eu une concentration formidable d'investissements dans les provinces de l'Ouest. Pendant ce temps, l'Alberta a atteint, en 1981 jusqu'à 38% du PIB investi; évidemment, cela fait une moyenne canadienne passablement plus élevée que les chiffres du Québec et de l'Ontario.

Dans ce sens, il faut bien comprendre qu'à l'heure actuelle nous avons, quant au PIB, une performance qui est tout à fait analogue à celle qu'il y a dans des zones industrielles semblables à la nôtre, sauf que cela a l'air, depuis une couple d'années, de mieux marcher au Québec. Cela monte plus vite.

Le député de Vaudreuil-Soulanges disait: Oui, mais c'est seulement de l'accélération dans le programme de création d'investissement. Bien voyonsl De quoi parle-t-on? Pensez-vous que Pechiney est une accélération? Cela doit être une sacrée accélération parce que la première fois que j'ai entendu parler d'un projet d'investissement de Pechiney, c'était sous Jean Lesage en 1965. Cela n'a rien donné pendant 19 ans et, tout à coup on a réussi à le swinguer en six mois. Cela aurait pu durer 19 ans encore. Reynolds, de l'accélération?

Sûrement pas! Bell Helicopter, de l'accélération? De quoi parle-t-on? Il est évident qu'on a accéléré certains programmes d'investissement en période de récession et heureusementl D'autre part, on a débloqué des secteurs entiers où il n'était pas question, ni cette année, ni l'année prochaine ou l'autre année après, que cela aboutisse. Et on l'a fait par un certain nombre de politiques qui ont donné les résultats qu'on voit et qui représentent plusieurs milliards d'investissement de plus que ce qu'on avait envisagé il y a deux ou trois ans à pareille date.

Mais il y a plus que celai Je terminerai là-dessus parce qu'il est important de comprendre le phénomène. Supposons que nous soyons d'une efficacité terrible, extraordinaire. Non seulement on dit cette année, en 1984, ce sera une bonne année. On va probablement, dit le Conference Board, avoir la meilleure performance en termes de création d'emplois de toutes les provinces canadiennes. Il n'y a pas de raison qu'on soit désolé de notre performance. Supposons qu'on la trouve encore insatisfaisante et qu'on va plus loin encore. Une chose est claire, c'est que, sur l'accélération de la croissance qui va se faire au Québec, le gouvernement fédéral va venir prendre ses impôts. Nous allons, comme gouvernement, prendre aussi nos impôts. D'autre part, sur les impôts additionnels que nous allons recevoir, le gouvernement fédéral va ramasser sous forme de réduction des transferts qu'il nous paie 0,50 $ dans le dollar. Quand pourra-t-on profiter véritablement, sur le plan de l'équilibre de nos finances publiques, des efforts de développement économique que nous faisons? Présumément quand la péréquation serait tombée à zéro. Dans le système actuel, cela peut durer longtemps.

Cette espèce de taux de rétention du fédéral sur l'augmentation des impôts qui vient du fait qu'on accélère la croissance économique, je la situe ici au Québec à 50%. En Ontario, comme il n'y a pas de péréquation, c'est 13%. Vous me direz: Néanmoins, toutes les provinces qui reçoivent de la péréquation, c'est normal qu'elles voient leurs recettes de péréquation baisser quand cela va mieux chez elles. Pensez-vous? Le gouvernement fédéral vient de signer avec la Nouvelle-Écosse ce qu'un journal appelle un "deal" - c'est un "deal" fameux -qui indiquerait que, pendant dix ans, toute augmentation des recettes qui viendrait au gouvernement de la Nouvelle-Écosse de la découverte de gaz et de pétrole n'entraînera aucune réduction dans la péréquation, aucune! Deux poids, deux mesures! Alors que nous, plus on pédale fort pour accélérer la croissance, plus on envoie des sommes considérables à Ottawa et plus Ottawa réduit, année après année, les transferts qu'il nous donne. C'est dans la mécanique même

du système.

Qu'on ne vienne pas me parler de 1983-1984, alors qu'enfin le gouvernement fédéral a compris le bon sens sur le plan de ses statistiques et qu'il a fait un certain nombre d'ajustements qui nous ont ramené des centaines de millions auxquels on ne s'attendait pas. On braillait pour les avoir depuis longtemps et, finalement, il nous les a donnés. Il n'y a pas de récurrence là-dedans. L'amélioration de l'économie dans un pays normal entraîne une amélioration des finances publiques. Dans la structure bizarre dans laquelle nous vivons, une amélioration considérable de la croissance économique n'entraîne qu'une amélioration relativement marginale de l'état des finances publiques au Québec. Il ne faut jamais oublier cette donnée; elle est centrale pour comprendre qu'une bonne partie des efforts d'un gouvernement de Québec, quel qu'il soit, sur le plan du développement économique, est annulée par la chute des transferts de péréquation.

Merci, M. le Président. (17 h 45)

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre.

Je vais me permettre aussi de faire une brève intervention. L'occasion m'en est donnée. M. le ministre, on a été habitué au cours des années à vivre avec des déficits et aussi loin que je me souvienne j'ai toujours su que les paliers supérieurs de gouvernement aussi bien au Québec qu'à Ottawa et dans les différentes provinces canadiennes vivaient annuellement avec un déficit. Cela devient une préoccupation parce que les chiffres, au lieu de diminuer, augmentent d'année en année. Si l'on compare, par exemple, le déficit du gouvernement du Québec avec le déficit du gouvernement canadien, 3 000 000 000 $ sur 30 000 000 000 $ à un taux d'intérêt de 10% on pourrait dire que le déficit québécois équivaut aux intérêts payés pour absorber le déficit canadien dans une année, ce qui n'est pas une mince constatation.

Dans la population, il y a des gens qui se préoccupent de ce phénomène et qui se demandent dans quelle mesure ce n'est pas possible de faire autrement. Tantôt, le député de Verdun a utilisé le monde municipal comme point de comparaison. Au niveau municipal, l'obligation est faite aux municipalités d'avoir des budgets équilibrés. C'est prévu dans le Code municipal et dans la Loi sur les cités et villes. Selon mes informations, il existerait, pas si loin en Amérique du Nord, certains États américains dont la législation les oblige, eux aussi, à avoir un budget équilibré. Je ne vous dirai pas que c'est une tâche facile. Dernièrement, je visitais la Louisiane et, semble-t-il, là ils ont l'obligation d'avoir un budget équilibré avec ce que cela comporte lorsqu'il arrive des pépins. Par exemple, dans le domaine énergétique, en Louisiane, ils ont dû trouver rapidement de l'argent pour combler un manque à gagner d'environ 1 000 000 000 $. Voici la question que j'aimerais vous poser, M. le ministre, ce sera la première parce qu'il y en aura deux ou trois autres. À la lumière de votre expérience dans le monde des affaires et surtout de votre expérience comme ministre des Finances et après avoir côtoyé les différents autres ministres des Finances au Canada, pensez-vous que ce serait quelque chose de réaliste, de faisable que de se donner un délai, à un moment donné, pour dire: En telle année, en 1990 ou en 1992, on va faire une décroissance du déficit, on va avoir un consensus des Québécois sur cela afin qu'en 1990 ou en 1992 on soit capable d'équilibrer le budget du Québec?

M. Parizeau: M. le Président, cela dépend dans quel cadre politique on se situe. Quand on commence à regarder plusieurs années à l'avance, il faut d'abord s'entendre sur le cadre dont on parle. Dans le cadre actuel, à mon sens, on ne peut pas répondre à cette question parce qu'il y aura, d'ici là, un autre changement de règles quant aux transferts fédéraux applicables à partir de 1987. Il y en aura un autre en 1992. Comme d'accord quinquennal en accord quinquennal on ne sait jamais exactement combien d'argent le fédéral va enlever, on pourrait se trouver dans la situation du chien qui court après sa queue, si vous me passez l'expression. On ne peut pas savoir. Il est évident qu'un rythme de croissance accéléré de l'économie québécoise pourrait permettre de réduire le déficit, mais pas au point de le combler pour les raisons que j'ai déjà indiquées tout à l'heure.

Dans un autre cadre politique, celui d'un Québec souverain, je ne suis pas du tout certain qu'on devrait viser - là, on se retrouverait dans la situation d'un pays normal - un budget équilibré, indépendamment de la situation économique qui tomberait dans ces années. Ce que je veux dire par un cadre de pays normal, c'est que normalement, si les recettes d'impôt rentrent bien parce que l'économie va bien, on les garde, ces recettes d'impôt. Donc, on peut avoir un déficit relativement faible ou même un surplus. C'est déjà arrivé. Le gouvernement canadien a déjà été placé dans des situations de surplus. On a tendance à l'oublier, mais il n'y a pas si longtemps il y avait des surplus.

Au contraire, si ces années-là sont des années de basse conjoncture, il est parfaitement normal qu'on renverse ce genre de choses qu'on a été obligé de faire au cours de la dernière récession et qu'on décide d'augmenter les dépenses, de baisser un peu les impôts pour permettre à

l'économie de se relever et là on fait un déficit même appréciable si c'est rendu nécessaire par la conjoncture économique du moment. Dans ce sens-là, il n'y a pas de vertu en soi à ce qu'il y ait un équilibre budgétaire permanent.

Vous avez, cependant, raison de dire que certains États américains ont l'obligation, comme les municipalités, d'avoir un équilibre budgétaire, c'est-à-dire une situation où il ne pourrait pas y avoir de déficit. Ceci est possible aux États-Unis à cause d'un système de transferts fédéraux de la part du gouvernement américain complètement différent du nôtre. Le gouvernement fédéral américain n'a pas de système de péréquation et n'a aucun transfert inconditionnel aux États. Le gouvernement fédéral américain transfère de l'argent aux États uniquement sous forme de plans conjoints et tient compte dans le partage du degré de richesse de l'État en question. Par exemple, le gouvernement fédéral américain dit: Moi, je veux avoir un système de transport routier, d'autoroutes à travers les États-Unis, les plaques bleues. Tout le système des plaques bleues a été financé par le gouvernement américain pour des raisons de défense nationale, d'ailleurs, d'abord. Cela a été commencé à l'époque où le général Eisenhower était président des États-Unis.

Je vous cite des chiffres hypothétiques, M. le Président. Je ne me souviens pas, cela fait trop longtemps, des chiffres précis, mais, en gros, cela fonctionnerait de la façon suivante. Vous êtes le Mississipi, vous êtes un État pauvre; moi, le gouvernement fédéral, je vais contribuer à 70% aux frais de construction d'autoroutes. Vous, État de New York, vous êtes un État dit riche, j'y contribuerai pour 30%. Vous voyez, pas de péréquation, pas de retrait de paiements de transfert, pas de réduction de la péréquation quand l'économie du Mississipi ou de l'État de New York va bien, mais une connaissance des programmes que le fédéral américain va financer avec des montants, une ligne de partage connue à l'avance. Ah, bien là, c'est plus facile pour certains États américains de viser cette espèce d'équilibre budgétaire dont vous parliez, alors que, dans le système canadien, je ne vois pas comment ils pourraient le faire.

Utilisation des services de la Caisse centrale Desjardins

Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Finances, j'aurais une autre question, peut-être un peu plus terre à terre, dans un tout autre ordre d'idées. Non, ce n'est pas la voirie. Le gouvernement du Québec émet chaque année des dizaines et des centaines de milliers de chèques et cela me fait toujours un petit quelque chose, M. le ministre, lorsque je regarde sur quelle banque ou quel organisme financier le chèque est tiré. Évidemment, on connaît les banques à charte les plus répandues au Québec: la Banque Royale, la Banque Nationale, la Banque de Commerce canadienne impériale, etc. Peut-être que le hasard n'a pas fait que j'aie eu l'occasion d'en voir, mais j'attends toujours le jour où je vais voir des chèques du gouvernement du Québec tirés sur le Mouvement Desjardins ou sur la Caisse centrale Desjardins, quelque chose du genre. Tout nouveau député, j'avais déjà attiré votre attention sur ce sujet en 1981 et, à ce moment, vous m'aviez dit qu'il y avait peut-être des possibilités avec la nouvelle structure ou le nouvel organisme que le Mouvement Desjardins s'était donné. Je ne sais pas si vous pouvez répondre à cette question, mais j'ai hâte de voir des chèques du gouvernement du Québec tirés sur un mouvement aussi important au niveau économique pour l'ensemble du Québec.

M. Parizeau: M. le Président, à ce sujet, moi, j'ai salué l'établissement de la Caisse centrale Desjardins comme, je pense, un facteur très important pour être en mesure, justement, de faire transiter par le Mouvement Desjardins beaucoup d'opérations gouvernementales qui n'étaient pas possibles avant. Depuis que la Caisse centrale s'est établie, qu'elle a commencé à fonctionner, nous tirons maintenant sur la Caisse centrale, d'ailleurs sur le Mouvement Desjardins, environ 300 000 chèques, en particulier, tous les chèques de voyage des fonctionnaires, des remboursements de frais de voyage et d'autres choses semblables. Il y a environ 300 000 chèques qui sont tirés et nous sommes tout à fait disposés à leur en envoyer plus, mais c'est, finalement, dans une sorte de commun accord avec la Caisse centrale qui nous dit: On est capable d'en absorber 300 000, permettez-nous de nous équiper davantage. Il est évident que, dès qu'ils seront équipés davantage, on leur en enverra d'autres. Là, c'est une question de capacité technique de ce mouvement de faire, si vous me passez l'expression anglaise, le "processing" des opérations pour qu'il en ait davantage. Cela se fera graduellement, au fur et à mesure qu'ils s'équiperont, mais il n'y a aucune espèce de réticence de notre part à en envoyer autant qu'on peut du côté du Mouvement Desjardins. C'est seulement une question d'organisation. Pour le moment, c'est à peu près 300 000 chèques par an qui transitent par là.

Le Président (M. Lachance): II y a quelques semaines, dans le même ordre d'idées, j'entendais le président du Mouvement Desjardins, M. Raymond Blais, émettre, finement, mais certainement, une

critique à l'endroit des gouvernements, à savoir que, à cause de l'implication du Mouvement Desjardins au Québec, il s'attendait à une plus grande participation de leur part. Je ne sais pas le terme exact que je pourrais utiliser. Il voulait dire par là qu'il souhaitait que le gouvernement fasse davantage affaires avec les organismes du Mouvement Desjardins. Vous avez certainement vu cette critique, M. le ministre des Finances, et j'aimerais avoir vos commentaires sur cette vision des choses par M. Blais.

M. Parizeau: En un certain sens, je pense que le président du Mouvement Desjardins a raison de mettre une pression continuelle sur les gouvernements à cet égard, pas seulement dans le sens de l'émission des chèques. Pensez seulement à ceci. Jusqu'à ce que la Caisse centrale soit établie, je me trouvais dans la situation bizarre, comme ministre des Finances, d'avoir dans mes syndicats d'émission d'obligations du gouvernement du Québec un Girozentrale allemand, qui est, en somme, une caisse centrale de caisses pop en Allemagne, qui non seulement participait à mes emprunts, mais, dans un cas, faisait partie de la gérance de l'emprunt, alors qu'au Québec il n'y avait aucun moyen d'associer le Mouvement Desjardins à l'émission des emprunts. Il y a des commissions importantes à faire là-dedans; c'est payant, ce genre de chose.

Ce n'est que depuis que la Caisse centrale est apparue que nous avons pu ouvrir une marge de crédit du gouvernement à la Caisse centrale, comme nous en avions dans toutes les banques, l'associer maintenant à des tas d'opérations d'emprunt du gouvernement. Tout cela n'était pas possible avant la Caisse centrale. Bien sûr, on leur en envoie pas mal d'affaires. Que le président du Mouvement Desjardins me rappelle régulièrement, tous les trois mois, que je dois en faire davantage encore, bien sûr.

Remarquez qu'il y a des déplacements vers le Mouvement Desjardins - je pense aux opérations de crédit, par exemple, ou de financement - qui peuvent se faire plus rapidement que des déplacements de services de chèques où, là, il y a une question d'équipement. Écoutez, pour faire transiter 3 000 000 de chèques au lieu de 300 000, il faut que les gens soient équipés pour cela. Je n'ai aucune espèce de réserve quant au fait que M. Blais me rappelle périodiquement que: a) il en a du gouvernement; b) il en voudrait plus et, c) je devrais lui en envoyer plus. C'est parfaitement logique de sa part et ce n'est pas mauvais de nous rappeler cela périodiquement.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre des Finances. Comme il est maintenant 18 heures ou à peu près, la commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise de la séance à 20 h 19)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre!

La commission du budget et de l'administration poursuit ses travaux avec le mandat d'étudier la politique budgétaire du gouvernement dans le cadre du débat sur le discours sur le budget.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements pour cette séance de travail?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. On m'a avisé que M. Polak (Sainte-Anne) reprendra sa place à titre de membre et que M. Ryan (Argenteuil) remplacera M. Blank (Saint-Louis).

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le secrétaire.

La parole est au député de Vaudreuil-Soulanges.

Accélération des investissements dans certains secteurs

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président. On s'est laissé pour dîner alors qu'on avait éliminé - du moins dans mon esprit - quelques blocs de discussions: un sur le déficit, un autre sur les programmes d'emprunt. On a débordé sur l'équilibre des finances publiques et certains déterminants de l'équilibre des finances publiques dans mon intervention en réplique à ce que le député de Roberval avait prétendu. Je suis sûr qu'il fera une lecture attentive du journal des Débats étant donné qu'il était absent lors de ma deuxième intervention.

Ce que je retiens, par exemple, pour la suite de nos débats, c'est le discours sur le budget comme tel, certaines des affirmations du ministre quant à l'influence de ses décisions sur la relance économique, l'accélération de projets, l'encouragement, l'incitation à certains investissements, toutes ces choses peuvent avoir un effet sur le développement économique du Québec à long terme. Autrement dit, les grandes décisions financières, les grands choix de priorité en matière de développement économique que le gouvernement fait sont-ils véritablement en train de modifier la structure industrielle du Québec? On va déborder largement l'étude article par article, les points, les virgules, les questions de détail pour reprendre sous une forme plus complète et plus pertinente quant à moi ce que le ministre prétendait être un avantage additionnel pour l'économie

du Québec d'avoir un budget comme le sien qui consacrait quelques centaines de millions à certains projets.

Le ministre lui-même disait que les décisions budgétaires qui avaient été prises -page 13 du discours sur le budget... Il apparaissait clairement que le plan de relance n'est pas destiné seulement à accélérer la reprise de l'économie et le rattrapage des emplois, mais - c'est cela qui est important - à affecter profondément la structure de certains secteurs d'activité. Il donnait comme exemple ce qui avait pu être fait dans le secteur des mines, des projets qui avaient été lancés et qui, autrement, selon le ministre, ne l'auraient pas été.

Je suis porté à me demander s'il n'est pas plus important de s'assurer qu'on modifie l'équilibre entre les secteurs d'activité qu'on a au Québec plutôt que de continuer à faire des efforts dans certains secteurs, notamment les ressources, pour ce qui est du reboisement, ce dont on parle ici, les mines - ce sont indirectement des ressources - les secteur de l'aluminium dont le ministre nous parle souvent, s'il n'y aurait pas intérêt à prendre des décisions à plus long terme pour restructurer l'économie du Québec et non pas réinvestir dans des secteurs où le Québec est fort en raison de la qualité et de la diversité de ses ressources naturelles, comme c'est le cas, comme on a fait cette fois-ci. Un Pechiney de plus, lorsqu'il y a déjà Alcan au Québec, on n'a rien changé à la structure du Québec. On continue à investir dans les mêmes domaines.

Cela m'apparaît beaucoup plus important de prendre des décisions qui vont nous donner un avantage comparatif, qui vont positionner le Québec dans l'économie internationale dans de nouveaux secteurs. Je ne vois pas ce qu'on apporte pour l'avenir à restructurer, par exemple, les secteurs mous. Je ne vois pas ce que cela donne à très long terme que d'exploiter la qualité des ressources humaines, oui, la tradition le voulant et aidant, dans des secteurs mous. Cela n'apparaît pas comme une pierre d'assise dans le sens du développement économique du Québec. Cela n'apparaît pas non plus une pierre d'assise du développement économique du Québec que de favoriser l'entrée d'autres alumineries au Québec. Cela fait entrer un investissement. Cela crée, pour un temps, des emplois, certainement la phase de construction. Il n'est pas évident qu'il y ait une grosse croissance de l'emploi dans ces secteurs qui sont pour nous au Québec des secteurs traditionnels. C'est dans ce sens que je me demande, au point de vue qualitatif, quel genre de différence on fait avec des investissements additionnels encouragés par le gouvernement - c'est la façon dont on s'y est pris - dans ces secteurs. Parce que, lorsqu'on parle de restructurer notre économie, lorsqu'on regarde les 15% de notre part des investissements dans le produit intérieur brut, on a besoin de sommes considérables qui doivent être investies surtout dans les nouveaux secteurs. Les créneaux qu'on doit choisir, j'irais dire qu'on ne les connaît pas aujourd'hui.

De l'investissement massif qui va réserver de l'emploi à long terme à un nombre croissant de Québécois ne devrait pas se faire dans nos secteurs traditionnels d'activité. La modernisation, par exemple, le remplacement d'équipement tout bêtement, cela ne crée pas du stock de capital additionnel et du remplacement là-dedans. On prend Laterrière, on peut prendre d'autres exemples, chacun connaît, dans sa région, une entreprise qui de vieillotte s'est modernisée, a connu un peu de croissance. Ce n'est pas de l'investissement neuf souligné deux fois qui permet de prétendre qu'on est en train de changer notre structure industrielle.

Je me demande véritablement comment le gouvernement peut prétendre... Il est en train de jeter les bases du développement économique du Québec en limitant son implication à un secteur qu'on connaît déjà comme société. Je veux bien qu'on reboise. C'est excellent, même si l'industrie souligne que le programme est extrêmement ambitieux parce que le programme de reboisement, si je comprends bien, prévoit qu'on va planter deux fois plus d'arbres qu'on n'en coupe annuellement pendant les prochains cinq ans. C'est massif comme annonce. Encore faudra-t-il voir si c'est faisable. Les investissements, les aides à l'investissement consentis - je reviens à Pechiney sous toutes sortes de formes -n'ajoutent rien à la capacité que le Québec peut avoir d'affronter l'avenir. J'aimerais beaucoup entendre le ministre sur les justifications des décisions qu'il a prises en matière d'accélération de certains investissements dans les secteurs qu'il a isolés.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député. M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: La question que soulève le député de Vaudreuil-Soulanges est tout à fait fondamentale. Je suis très content qu'il la pose dans ces termes parce que je pense que nous pouvons avoir une discussion extrêmement intéressante. Il s'est limité à ses dix minutes. Je vais essayer de me limiter à mes dix minutes. J'espère qu'on va pouvoir poursuivre nos interventions sur cette question parce que, effectivement, c'est tellement important pour l'avenir du Québec que cela vaut la peine qu'on s'y attarde, enfin je le souhaite, pendant quelque temps. De la même façon qu'il a abordé cette question, je pense, de la façon la moins

partisane possible, je vais essayer de suivre cette voie.

Nous avons un très sérieux problème de réorientation industrielle au Québec. Pas depuis cinq ou six ans, mais depuis une bonne vingtaine d'années. Oui, en un certain sens, nous avons trop bien réussi notre première révolution industrielle, celle du tournant du siècle. Nous gardons encore aujourd'hui une proportion de notre main-d'oeuvre engagée dans ce qu'on appelle les secteurs mous qui dépasse très largement celle qu'on peut trouver dans les autres régions industrielles de l'Amérique du Nord. Le textile, le vêtement, la chaussure, le meuble, des choses comme cela, représentent des employeurs, enfin une masse d'emplois au Québec. Mais il ne faut pas se leurrer, elle est dangereuse à une époque où les pays du tiers monde sont en train, dans des secteurs comme ceux-là ou dans la plupart de ces secteurs, de s'équiper et d'être en mesure, simplement à cause des taux de salaire qu'ils paient, de nous livrer une concurrence qui est extrêmement dure.

Cependant, il faut faire attention de ne pas se dire: Nous avons une trop grosse proportion de notre main-d'oeuvre engagée dans cette voie, et qu'il faudrait que ça tombe à zéro éventuellement. Cela n'est pas exact. Il y a des secteurs, des entreprises et des créneaux dans ces secteurs mous où nous sommes éminemment concurrentiels, capables d'exporter. C'est peut-être le critère d'ailleurs qu'il faut retenir à l'égard des secteurs mous. Sont-ils capables d'exporter ou non? Je suis toujours impressionné de voir à quel point le secteur, par exemple, où la robotique est la plus avancée au Québec, c'est le textile, à quel point il y a certains secteurs du textile où les entreprises exportent sans aucune espèce de difficulté alors que d'autres ne tiennent au fond qu'à cause de la protection qu'on leur accorde. Sans cette protection, ils disparaîtraient. Donc, il n'y a pas une sorte d'abolition des secteurs mous d'envisagée, mais un glissement, une consolidation de ce qui est concurrentiel et de ce qui ne l'est pas. Je pense que le seul critère, finalement, du caractère concurrentiel de certaines de ces entreprises dans les secteurs mous, c'est: Sont-elles capables d'exporter ou non? Si elles peuvent exporter sans aide particulière, je ne vois pas en vertu de quoi un gouvernement déciderait qu'elles ne peuvent pas vivre et se développer. (20 h 30)

Deuxièmement, nous sommes en face d'un secteur de richesses naturelles qui, au fond, au Québec comme au Canada, nous a toujours empêchés d'être intelligents. Le problème, le drame du Canada, ce sont ses richesses naturelles. Si nous n'en avions pas, comme les Japonais, si nous les achetions, comme les Japonais, sur les marchés où cela coûte le moins cher, on aurait été forcés de reconnaître que la seule richesse naturelle vraiment importante dans une société, c'est celle qu'on a entre les deux oreilles. La caractéristique des richesses naturelles, c'est qu'elles gagnent de l'argent pendant cinq ans et elles sont subventionnées pendant 40 ans. Sauf que cela donne des espoirs. Cela a commencé avec les peaux de castor à l'époque où on aurait dû faire de l'agriculture et cela s'est poursuivi avec le blé, les mines, le pétrole, le gaz, l'uranium. Il y a toujours une richesse naturelle qui, comment dire, va tout sauver.

Là encore, puisque le pays est quand même assez riche en richesses naturelles, on ne peut pas prendre un virage à 90° et, puisque ces secteurs de richesses naturelles, même si, en un certain sens, nous ont empêchés d'être aussi intelligents qu'on pourrait l'être, embauchent quand même énormément de gens, représentent des activités essentielles, ce qu'on doit d'abord et avant tout exiger, c'est qu'elles soient, là encore, concurrentielles, et cela va expliquer certains investissements de consolidation comme, par exemple, le programme de modernisation de l'industrie de la pâte et du papier, le programme de reboisement. On est prisonniers de notre histoire à certains égards. Enfin, ces secteurs représentent des employeurs tellement importants que, puisqu'on ne peut pas reculer à zéro, il faut au moins s'assurer que ces secteurs importants soient concurrentiels. Donc, programme de modernisation de l'industrie de la pâte et du papier; donc, programme de reboisement.

Il y a d'autres types d'utilisation des richesses naturelles alors tout à fait nouveaux, qui ne demandent pas d'intérêt et qui ont trait à l'aluminium. L'aluminium, le député de Vaudreuil-Soulanges le soulevait comme une sorte de cas et moi aussi, je vais le soulever exactement dans les mêmes termes que lui. Je lui rappellerai simplement ceci. Il y a 14 000 000 de tonnes de capacité de production de l'aluminium dans le monde non soviétique. À cause des tarifs d'électricité très élevés dans certains pays, il y a 2 000 000 de ces 14 000 000 de tonnes qui sont en train de disparaître, qui sont déjà fermés ou qui vont fermer dans les mois ou dans l'année qui vient. Pour remplacer ces 2 000 000 de tonnes, il n'y a vraiment que trois endroits dans le monde. Il y en a certains qui sont un peu secondaires, mais il y en a trois vraiment: l'Australie, le Brésil et le Québec. Le Cameroun, peut-être, mais plus tard. Certaines provinces canadiennes, comme la Colombie britannique ou le Manitoba, oui, pour une aluminerie, mais pas plus, parce qu'elles n'ont pas cette capacité de fournir du courant électrique. Dans un cas comme celui-là et compte tenu des perspectives du marché de l'aluminium,

je ne vois pas en vertu de quoi le Québec ne chercherait pas, des trois grands endroits dans le monde où on peut remplacer ces 2 000 000 de tonnes, à en avoir le plus possible. Je ne vois pas pourquoi je laisserais à l'Australie ou au Brésil une proportion importante de ces 2 000 000 de tonnes. Jusqu'à maintenant, nous avons signé pour 500 000 tonnes. C'est cela que représentent Pechiney, Reynolds et Laterrière, mais on ne va pas s'arrêter là. Je vous avouerai que je ne vois vraiment pas pourquoi je m'arrêterais avant d'avoir atteint, quoi, 1 000 000 de tonnes. Pourquoi le Québec déciderait-il que, des trois seuls endroits dans le monde où on peut établir 2 000 000 de tonnes de capacité d'aluminium, on en prendrait moins que la moitié? Cela me paraît un objectif correct. On me dira: Cela ne règle pas tout. Non, cela ne règle pas tout, mais il n'y a pas de raison quand on a un avantage, quand, pour la première fois dans notre histoire, nous avons de très gros surplus d'électricité -c'est la première fois que cela arrive - pour qu'on ne se serve pas de cela pour faire en sorte que la moitié de la capacité qui ferme dans le monde et qui sera utilisée, qui apparaîtra à quelque part, n'apparaisse pas au Québec, sur les trois seuls endroits où, vraiment, on peut penser à des capacités relativement importantes.

Richesse naturelle aussi, l'agriculture. Les prix des produits agricoles ont beaucoup augmenté. Le Québec a pris un certain nombre de dispositions pour accélérer la production de produits agricoles où il y a de l'argent à faire. Secteur traditionnel, mais qui est en train de devenir très payant. Dans ce sens, je ne vois pas pourquoi on ne ferait pas cette conversion au Québec de ce qui a été un mode de vie pendant assez longtemps et qui est en train de devenir une industrie à potentiel considérable. Il ne faut pas oublier qu'à cet égard-là les Américains ont toujours eu l'intelligence de ne pas considérer l'agriculture comme quelque chose de folklorique mais comme une industrie majeure. Nous commençons à voir cela au Québec.

Est-ce que cela veut dire qu'on ignore pour autant les nouvelles technologies? Bien sûr que non. À partir du moment où on se dit qu'on va permettre à ce qui est vraiment concurrentiel de se développer, dans le cas des richesses naturelles, on va chercher à moderniser, ce qui est à moderniser ce qui doit être modernisé, à reboiser ce qui doit l'être, à essayer d'utiliser notre potentiel hydroélectrique à des fins de production d'aluminium, par exemple. Cela ne veut pas dire qu'on élimine certains secteurs nouveaux. Il y a un accent à mettre là-dessus.

Dans le domaine des nouvelles technologies, je pense qu'on devra reconnaître, en toute justice - je pense qu'on doit être correct à cet égard-là - que la création du ministère de la Science et de la Technologie a considérablement accéléré certaines choses. L'agence de valorisation, ministère de la Science et de la Technologie, et le CRIQ, le Centre de recherche industrielle du Québec, pour lequel le gouvernement actuel ne doit pas prendre de crédit parce que cela a été fait avant lui, certains investissements importants comme Bell Helicopter, par exemple, et surtout cette espèce de canevas, de toile de fond, de réorientation qui est venue du virage technologique, indiquent quand même de quel côté on doit s'orienter. Les sommes que nous avons investies jusqu'à maintenant indiquent quand même la ferveur de nos intentions. C'est très "labour intensive" contrairement à certains des investissements dont j'ai parlé jusqu'à maintenant. Cela doit être développé. Mais il n'y a pas que ces nouvelles technologies; il y a certains types d'industries qui ne sont pas vraiment de nouvelles technologies, mais qui ont des possibilités d'exportation considérables. Je pense ici, en particulier, à l'équipement de transport.

Le président m'indique que mes dix minutes sont terminées. J'avais encore quelques points à faire. Si le député de Vaudreuil-Soulanges veut continuer ce dialogue, continuons-le. Je pourrai ensuite...

Le Président (M. Lachance): Vous avez le consentement du député; vous pouvez continuer, M. le ministre.

M. Parizeau: Dans ce domaine du transport, je ne peux pas éviter de penser à quel point le marché de ce qu'on appelle le métro fer sur fer est important. Les estimations varient, mais il semble tout à fait clair à l'heure actuelle que, dans les dix prochaines années, il y aura entre 25 000 000 000 $ et 50 000 000 000 $ en contrats dans le monde non soviétique. Dans le tiers monde aussi bien que dans l'Amérique du Nord, il y aura entre 25 000 000 000 $ et 50 000 000 000 $ en contrats.

Je ne vous cacherai pas, M. le Président, que je trouve désespérant, mais absolument désespérant, que, compte tenu de l'avance prise par certaines des très grandes entreprises engineering au Québec, de l'avance prise par Bombardier dans ce domaine, les batailles autour du métro à Montréal ont fait en sorte que nous ayons pris facilement deux ans de retard dans la mise sur pied de techniques de métro fer sur fer. C'est un peu tragique que des intérêts, dont beaucoup sont politiques à tout niveau de gouvernement, ont fait en sorte que le gouvernement de l'Ontario, qui a créé une très grande compagnie d'État sur le plan de l'engineering dans ce domaine qui s'appelle

UTDC, qui a fait acheter Hawker-Siddeley par UTDC - tout le secteur est nationalisé en Ontario dans ce domaine - a pris une avance sur nous qui est notre responsabilité. Il y a des milliards de dollars de contrat pour une industrie majeure au Québec que nous sommes en train de laisser filer en disant à nos entreprises d'engineering, à nos entreprises de construction de matériel roulant: Suivez l'Ontario parce que là, au moins, c'est nationalisé et ils savent où ils vont alors que nos producteurs privés, ici, sont engoncés dans des batailles politiques qui me paraissent à certains moments déplorables.

Pour tous ceux qui s'imaginent que le socialisme rampant au Québec est dramatique pour les entreprises, alors que le sens de l'entreprise privée en Ontario leur permet toute espèce de possibilités, il y a là un sujet de réflexion qui, à mon sens, serait utile.

D'autre part, il n'y a pas seulement les industries de pointe, la nouvelle technologie et l'équipement de transport qui sont importants; il y a un virage à prendre sur le plan de nos entreprises de services, les entreprises de services qui sont vraiment tout à fait "labor intensive". Je pense ici à ce que nous sommes en train de faire en termes de décloisonnement pour les institutions financières - la loi 75, dont nous aurons à parler d'ici à quelques jours, à l'égard des assurances - mais aussi à tout le décloisonnement que nous sommes en train de faire au niveau des sociétés financières. Il n'y a pas de raison que le Québec ne joue pas un rôle de leader à cet égard en Amérique du Nord et n'attire pas beaucoup d'affaires au Québec à cause de cela. Le seul fait qu'à Toronto on dénonce les mesures que nous entendons prendre comme étant du chaos ou des mesures destructrices me paraît indiquer que nous sommes dans la bonne voie.

On s'est, dans la bonne presse, dans ce qu'on appelait autrefois les gazettes, gaussé de ce que le gouvernement faisait à l'égard des ordinateurs dans les écoles. Maintenant, le problème des ordinateurs est réglé et les Français ne se sont pas révélés si mauvais, finalement. Mais il faut bien comprendre ce que cela veut dire. Une entente entre les Français, les Québécois et le reste du monde francophone veut dire, sur le plan des ventes de logiciels, de didacticiels québécois, des possibilités considérables. Donc, du côté des services techniques, nous avons encore pas mal de choses à faire.

D'autre part, derrière tout cela, nous essayons d'embarquer - derrière ces orientations qui impliquent des subventions, qui impliquent des programmes d'aide, qui impliquent des contrats dans le secteur public - un certain nombre de dispositions fiscales qui favorisent à la fois le financement des entreprises et l'aptitude des individus à financer les entreprises elles-mêmes. À cet égard, par exemple, les dispositions que nous avons prises pour faciliter fiscalement la recherche et le développement, je pense, sont importantes. Je reconnais qu'ici le gouvernement fédéral a eu un rôle tout à fait important à jouer, probablement plus important que le nôtre, et il faut de temps à autre reconnaître quand même que ce que le gouvernement fédéral a fait dans ce domaine est correct. C'est plus que correct, c'est même très bien.

Nous avons, d'autre part, ajouté quelque chose d'absolument unique en Amérique du Nord, le régime d'épargne-actions, qui amène un financement public de beaucoup d'entreprises qui, jusqu'à maintenant, manquaient de fonds. En incitant les entreprises à devenir publiques, en incitant les Québécois à acheter des actions ordinaires d'une entreprise, nous facilitons le financement d'un bon nombre d'entreprises qui, à toutes fins utiles, quand on regarde la liste, sont tout à fait orientées en fonction des priorités dont je parlais tout à l'heure. (20 h 45)

Je me résume, M. le Président. Les secteurs mous, il faut en garder ce qui est concurrentiel et assurer la transition petit à petit pour en arriver là. Les richesses naturelles représentent quelque chose de trop important pour que nous ne pensions pas à la fois à moderniser ce que nous avons et, d'autre part, à prendre de l'expansion dans ce qui semble indiquer de réelles perspectives de marché comme l'aluminium, à pousser très fort les nouvelles technologies, à pousser très fort des technologies peut-être existantes, mais qui changent constamment, comme les transports dont je parlais tout à l'heure, et, d'autre part, à consolider les entreprises québécoises dans les entreprises de services spécialisés, financiers ou techniques et à appuyer cela par un certain nombre de mesures fiscales importantes. Je vais finir par une méchanceté, M. le Président. J'aime tellement mieux ce genre de programme que d'accrocher tout le sort du Québec à une augmentation de capacité d'électricité avant de l'avoir vendue, ce qui me paraît tellement, encore une fois, une opération qui consiste à vendre la peau de l'ours avant même de savoir s'il y a un ours dans le secteur. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le député de Roberval.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, vous m'enlevez mes deux minutes.

Le Président (M. Lachance): Ah! Si vous voulez utiliser vos deux minutes, M. le député de Vaudreuil-Soulanges...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Malgré l'existence de deux minutes, en principe.

Le Président (M. Lachance): Allez-y, M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Effectivement, le ministre a répondu à ma question précise qui était: Comment justifiez-vous l'investissement de consolidation dans certains secteurs, alors qu'il y a des choses plus importantes? Le ministre a souligné que l'effort du gouvernement ne porte pas uniquement sur la consolidation des secteurs traditionnels. Il a même appelé à l'appui de son argument que les secteurs traditionnels sont, eux aussi, à certains égards, en mutation, qu'on peut leur donner les caractéristiques additionnelles qui les rendent plus concurrentielles, mais encore là - et je suis heureux de voir cela - le ministre n'a pas prétendu que c'est cela, la seule voie. Il n'en reste pas moins, quand on regarde l'effort consenti par le gouvernement dans un plan de relance, dans les investissements depuis plusieurs années, que c'est vers ces secteurs primordialement que cela a porté, par exemple, avec les appuis de nature fiscale aux secteurs mous.

Je vais prendre un autre exemple, l'abolition de la taxe de vente sur les achats de chaussures, de vêtements, etc. C'est un geste qui fait quelque chose au gouvernement et qu'il a décidé de consentir ou de manifester à l'endroit d'un secteur traditionnel. Les implications financières dans le véritable virage technologique vers un changement de la structure industrielle ne semblent pas aussi substantielles que les grosses annonces que le ministre réserve habituellement pour les projets comme ceux, encore une fois, qu'il vient de décrire dans les secteurs qui sont décrits non seulement par lui, mais par ses collègues de temps à autre. Il y a des efforts d'imagination qui manquent encore, si on veut se positionner pour devenir concurrentiels dans les nouveaux secteurs.

Le ministre parle de la haute technologie, des ordinateurs dans les écoles, une preuve, dit-il, que le gouvernement se préoccupe de cela et pour changer un peu le portrait au niveau de l'éducation et de la formation de nos ressources humaines. Pour moderniser, il faut s'avancer, mais, pendant ce temps, cela fait des années que les programmes d'enseignement des sciences et des mathématiques traînent lourdement de la patte au Québec comparativement à ce qui se fait ailleurs. On a été abreuvé récemment de "cris d'alarme" - entre guillemets - tant en ce qui concerne l'enseignement des mathématiques dans les cégeps qu'aux niveaux primaire et secondaire. C'est particulièrement inquiétant. Si on pense qu'on va prendre le virage technologique en négligeant l'enseignement des sciences et des mathématiques dans nos écoles, on se trompe beaucoup. Je veux bien croire qu'il y en a finalement qui s'en rendent compte, mais, depuis des années, on fait du surplace et, quand on fait du surplace dans ce domaine, on recule à toute vitesse. Là aussi, il y a une grosse affiche: "Reculez" qui vous confronte, mais, au-delà de cet effort qu'il y a à consentir au niveau de la formation, il y a tout ce qui concerne l'addition des volontés politiques que les intervenants économiques, que les ministres responsables du développement économique pourraient exprimer.

Dans les vraies directions qu'on doit emprunter si on veut faciliter le développement des nouvelles technologies, la recherche et le développement, l'investissement, l'encouragement à l'investissement dans toutes sortes d'industries, je veux bien croire qu'il y a une réorientation industrielle qui est nécessaire depuis 20 ans et ce n'est une surprise pour personne avec les taux d'investissement qu'on connaît ici, comme part de PIB. Il est entendu qu'on ne peut pas faire des pas de géant quand on est en concurrence avec des gens qui investissent de 25% à 30% de leur PIB, produit intérieur brut, et qu'on se promène avec nos 15%, nos 18% ou nos 22%.

On ne va nulle part, encore une fois, et on est en droit de se demander comment il se fait qu'avec un haut taux d'épargne comme celui qu'on a eu ici, au Québec, assez traditionnellement, comment il se fait qu'on a un taux d'investissement aussi bas, compte tenu de notre activité économique. Comment se fait-il - c'est la conclusion à laquelle on ne peut pas échapper - qu'on exporte notre épargne, comment se fait-il qu'on ne la garde pas ici même avec des REA, même avec des incitations à la recherche et au développement? Comment cela se fait-il?

Les conditions de fond, qui amènent les gens à lier leur avenir à celui d'une société, ne sont certainement pas réunies au Québec depuis longtemps. À notre avis, les obstacles à l'investissement ont été exacerbés depuis quelques années, notamment à cause de la fiscalité, comme je l'ai mentionné un peu plus tôt cet après-midi, et on aura beau faire tous les tours de piste qu'on veut, avec les ordinateurs dans les écoles, avec l'encouragement à devenir des investisseurs qui permettent au Québec d'aller capturer une part du marché de l'aluminium, on peut faire tous ces tours de piste, mais si, comme gouvernement, le gouvernement du Québec ne se comporte pas comme un gouvernement qui veut accueillir l'investisseur, qui reconnaît qui sont les gens qui prennent des risques, qui, de façon concrète, par sa fiscalité, reconnaît les mérites de l'entreprise, traite

les petites et moyennes entreprises, au point de vue de la réglementation, au point de vue de toutes sortes d'interventions du gouvernement, comme des gens qui sont bienvenus plutôt que comme malvenus, ce sont autant d'éléments qui font des différences.

Le Président (M. Lachance): En concluant, M. le député.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ce que je dirai, en conclusion, c'est que le ministre peut bien justifier des interventions récentes, il n'en reste pas moins que l'on continue à privilégier les gros projets un peu spectaculaires dans les domaines traditionnels sans assez se demander, à mon sens, comment on peut utiliser les richesses qu'on a, y compris l'électricité, à des fins un peu plus novatrices.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Parizeau: Nous rentrons, je pense, dans la viande du débat. Je regrette que nous n'ayons pas ce genre de débats en Chambre plus souvent parce qu'on est vraiment au coeur, au fond des choses. J'aimerais dire ceci au député de Vaudreuil-Soulanges: Faisons attention sur le plan de la qualité de l'enseignement au Québec. C'est vrai que nous avons été probablement le seul peuple dit civilisé qui n'ait pas maintenu comme matière obligatoire l'enseignement de l'histoire pendant plusieurs années. Quand nous sommes arrivés au pouvoir, nous l'avons rétabli comme matière obligatoire.

C'est vrai que l'enseignement de la langue pose des problèmes que nous connaissons tous; ce n'est pas vrai que la qualité de l'enseignement dans le domaine des mathématiques et des sciences soit si mauvais que cela au Québec, au contraire. Je pense que, s'il y a un domaine où la qualité de l'enseignement au Québec a tenu, c'est bien celui-là, en dépit de tous les problèmes que le monde occidental peut avoir dans ce domaine. Cela se reflète d'ailleurs, cela se comprend, c'est dans la mouvance des choses, à l'heure actuelle.

La performance du Québec... La proportion des effectifs étudiants canadiens en administration, en génie, est tout à fait exceptionnelle et c'est la première fois que cela nous arrive dans notre histoire. Alors, faisons attention. Ne commençons pas à nous donner des coups de pied où vous savez simplement par masochisme. Pour une fois qu'on peut se dire que, dans le domaine du génie, dans le domaine des sciences et dans le domaine de l'administration, nous sommes, par rapport à l'ensemble du Canada, dans une situation qui, enfin, est avantageuse. Ne poussons pas le masochisme trop loin. Ne poussons pas le masochisme.

Deuxièmement, sur le plan des orientations fondamentales, si nous avions quelques très gros barrages en construction, en plus de tout ce que nous faisons, on aurait probablement besoin d'investir 25% du produit national brut, je n'en disconviens pas. Si on était en train de suréquiper Manic 5, de faire la deuxième phase de la Baie James, on serait probablement à 20% ou 25% - ou à 22% ou à 23% - essentiellement, parce que ce genre d'investissement représente de telles dépenses par emploi créé que cela va de soi que cela va représenter une forte proportion du PIB.

Une économie mûrie qui ne dépend pas à ce point de gros projets comme celle de l'Ontario se contente - avec le rythme de croissance qu'on lui connaît habituellement -facilement de 15% ou de 16%, parce que, où va-t-il, l'investissement? Il ne va pas dans des murs de béton. Il va dans des entreprises de haute technologie, par exemple, et qui demandent infiniment moins d'investissements par emploi créé, infiniment moins. Donc, 15% ou 16% du PIB investi, cela peut être non seulement tout à fait satisfaisant, mais merveilleux, selon où cela va. Cela peut être tout à fait insuffisant si on se concentre entièrement dans des barrages. Si l'essentiel, ce sont les barrages, 15%, c'est trop peu. Si l'essentiel des investissements, c'est la haute technologie, 15%, c'est en masse. Bon. Vous me direz que j'exagère, que je donne un extrême ou l'autre, c'est vrai. Mais l'important, c'est de se faire comprendre.

Sur ce plan, c'est vrai que le Québec a toujours - la plupart du temps - exporté du capital. C'est vrai qu'il est un peu ridicule de penser que tant de nos entreprises financières ont placé de l'argent à New York, argent qui était emprunté ou acquis sous forme de capital-actions par des entreprises américaines qui ensuite revenaient investir ici. C'est pour cela qu'on a créé le REA. Un REA, encore une fois, qui est remarqué, admiré ou souligné partout en Amérique du Nord; c'est unique.

S'il est exact qu'en 1983, l'ACCOVAM, l'Association des courtiers en valeurs mobilières, qui a fait une première compilation pour 1983, nous dit qu'il y aurait eu 1 000 000 000 $ d'actions ordinaires nouvelles émises par des entreprises québécoises en 1983; si c'est vrai, c'est merveilleux. Cela indique que les Québécois ont enfin décidé d'utiliser, grâce à cet avantage fiscal, leur épargne pour développer leurs entreprises. Merveilleux! Bravo!

Il reste maintenant à déterminer dans quel type d'entreprises nouvelles on s'oriente et sur quoi on met l'accent. Là, je sors évidemment des grandes masses d'épargne, ou des grandes masses d'investissement, ou des avantages fiscaux majeurs pour entrer dans quelque chose de plus spécifique. Je vous

dirai que ce n'est peut-être pas aussi spectaculaire qu'une aluminerie, ce qui a été fait depuis quelque temps, mais il est quand même important de le souligner: les centres CAO-FAO, les six centres lancés au Québec, en termes de millions, il n'y a pas grand chose là. Mais sur le plan du développement d'entreprises de ce type, c'est une percée. Il n'y avait rien de ce genre avant.

Les équipes que nous organisons dans les universités, en collaboration avec l'industrie, pour développer la recherche orientée vers l'industrie, mais dans ce qu'on appelait autrefois les facultés humides, ou, en tout cas, les départements techniques, c'est la première fois qu'on fait un effort de cet ordre. Évidemment, dans le domaine de la recherche universitaire de ce type, on ne sait jamais jusqu'où cela va aller et ce que cela va donner, mais c'est un risque qu'on doit prendre.

D'autre part, le député de Vaudreuil-Soulanges disait: Vous avez mis beaucoup d'argent en enlevant les taxes sur les secteurs mous comme le textile, le vêtement, etc. Je n'en disconviens pas. Mais pourquoi a-t-on enlevé ces taxes? C'était d'abord et avant tout pour enlever des taxes sur ce qu'on considérait des besoins essentiels et qui - je n'en disconviendrai pas dans un premier temps, étaient des secteurs très fortement concentrés au Québec. Mais nous avons poursuivi notre logique des besoins essentiels, par exemple, en exemptant. Quand nous avons exempté les appareils ménagers élémentaires, ce n'était pas surtout l'industrie du Québec qu'on aidait. La logique ici était de dire: II y a un certain nombre de choses qui ne devraient pas être taxées. Ce sont les besoins essentiels des gens qu'on veut détaxer. (21 heures)

Cela a représenté beaucoup d'argent, mais dire que tout notre argent a été là plutôt que dans de nouvelles technologies ou de nouvelles entreprises, je pense que ce n'est pas correct. Écoutez! Dans Bell Helicopter seulement, on met 120 000 000 $. Ce n'est quand même pas de la tarte. C'est beaucoup d'argent. L'AQVIR va commencer, dès sa première année d'opération, avec 10 000 000 $. Le ministère de la Science et de la Technologie a commencé avec 15 000 000 $ l'an dernier. Cela prend un certain temps à se dérouler. À l'heure actuelle, ce qui me préoccupe, ce n'est pas tellement qu'il n'y ait pas assez d'argent dans les secteurs comme ceux-là. C'est qu'on ait les crédits périmés. Je sais bien que, la deuxième ou la troisième année, il n'y aura pas de crédits périmés, mais, au départ, le danger, c'est qu'il y ait des crédits périmés. La construction du nouveau centre du CRIQ, à Montréal, 21 000 000 $, ce n'est pas encore un investissement spectaculaire. Ce n'est pas grand-chose à côté du Musée de la science et de la technologie, mais cela correspond à un besoin réel.

Quand, dans le domaine de ces hautes technologies, vous prenez un virage, vous ne commencez pas à mettre 500 000 000 $ la première année là-dedans. L'important, c'est d'en mettre assez pour que rien d'important ne soit arrêté et pas trop de façon à ce que la moitié n'aille pas en crédits périmés. Je pense que c'est cela que nous avons cherché à faire. Jusqu'à maintenant, j'ai eu des crédits périmés dans certains cas; dans d'autres cas, j'avais un peu de manque d'argent. On a utilisé le fonds de suppléance pour en ajouter. L'important, c'est qu'en ce virage des nouvelles technologies rien d'important ne soit arrêté, restreint ou empêché. Je pense qu'on nous donnera cela que, depuis deux ans, on a pu satisfaire cette condition fondamentale.

Je résume, M. le Président. Sur le plan de l'enseignement, je pense qu'on ne doit pas pousser le masochisme trop loin. Sur le plan des grandes masses d'argent, je pense que l'affectation des masses correspond à peu près aux priorités que j'expliquais tout à l'heure. Sur le plan des décisions très précises, entreprise par entreprise, centre de recherche par centre de recherche, nous cherchons, d'une part, à ne rien empêcher d'essentiel, mais, d'autre part, à ne pas jeter de la poudre aux yeux, à mettre des montants dans les crédits qui seraient tels que, de toute façon, ils ne seraient pas dépensés et qu'on aurait simplement fait du bavardage autour et alentour de chiffres qui n'étaient pas réalistes.

Dans ce sens, je crois que les changements qui se prennent à l'heure actuelle au Québec ne sont pas déséquilibrés, correspondent aux besoins réels des choses et, troisièmement, sont en train de préparer un virage important dans l'évolution de la structure économique et industrielle du Québec.

Le Président (M. Lachance): C'est maintenant votre tour, M. le député de Roberval.

Dépenses du Québec par rapport

à son produit intérieur brut et programmes d'aide aux jeunes

M. Gauthier: Merci, M. le Président. N'ayant pas l'avantage d'avoir une formation d'économiste, je me dois de toujours essayer, en comprenant les phénomènes, de simplifier afin que, d'abord, ce soit accessible, ce soit clairement compréhensible, et de pouvoir l'expliquer aussi à mes commettants que j'essaie de représenter le mieux possible.

Or, il y a un langage, puisqu'on parle de la politique budgétaire du gouvernement, que les spécialistes utilisent assez

fréquemment et qui mérite, à mon point de vue, d'être vulgarisé. C'est celui de l'expression "déficit conjoncturel et déficit structurel". Pour bien se comprendre, j'illustre cela par une image. Si j'ai bien compris la façon dont cela fonctionne, quand on dit d'un État ou de quelqu'un - si on pouvait utiliser l'expression dans le cas d'un particulier - qu'il a un déficit conjoncturel, ce serait à peu près comme le type qui gagne 30 000 $ par année, qui, temporairement, pour trois mois, perd son travail et qui doit, à cause de ses obligations, contracter un emprunt de 3000 $, par exemple, dans une caisse populaire, emprunt que, bien légitimement, il pourra rembourser une fois son emploi recouvré et ses revenus rétablis. Évidemment, ce n'est pas une situation qui est souhaitable, mais c'est une situation qui est inévitable dans certains cas et qui, sans être trop alarmante, exige des mesures de restrictions, mais elle est surmontable en soi.

Par contre, si on disait de quelqu'un, de son budget familial à tout le moins, qu'il a un problème de structure, ce serait plutôt le même bonhomme qui, gagnant 30 000 $ par année, se paierait un logement trop cher, une voiture dont les mensualités sont trop élevées et probablement des primes d'assurances trop élevées, de telle sorte qu'au cumul des années son déficit, son manque à gagner deviendrait extrêmement important. Alors là, il faudrait que cette personne, pour corriger sa situation, apporte des mesures doublement sévères pour rétablir, dans le fond, l'ensemble de son budget familial et, d'autre part, pour rembourser ce qui est accumulé comme dette.

M. le Président, j'aimerais revenir un peu, mettre en parallèle à tout le moins la période soi-disant dorée des années 1973-1976 avec celle qu'on vit présentement, dans laquelle le ministre des Finances évolue depuis 1976.

Le gouvernement qui nous a précédés avait, du côté du déficit, ouvert des portes fort dangereuses; d'abord, au niveau de l'accroissement de la fonction publique. On se souviendra que, dans les années 1973 à 1976, probablement pour remplir une promesse de 100 000 emplois, le gouvernement qui nous avait précédés avait accru le nombre de fonctionnaires - en tout cas, selon les chiffres que j'ai pu consulter - à une très petite marge d'erreur près, de 83 000 fonctionnaires.

Une action comme celle-là est une porte ouverte sur un accroissement de déficit, mais d'ordre structurel. C'est extrêmement dangereux. Cela veut dire que, si un gouvernement laissait aller une chose comme celle-là, on arriverait vite à une situation où les coûts de fonctionnement de l'appareil seraient beaucoup trop élevés. Le ministre des Finances et le gouvernement du Québec, depuis 1976, mais particulièrement depuis les années quatre-vingt, ont limité rigoureusement l'accroissement du nombre de fonctionnaires, tellement qu'on en est maintenant à un solde négatif à la fin des années, puisque le Conseil du trésor surveille avec beaucoup d'à-propos, je crois, cet accroissement du nombre des fonctionnaires.

Également, on en a parlé beaucoup, mais peut-être pas assez pour vider la question, c'est le fameux trou de 500 000 000 $ des commissions scolaires à l'époque où le système qui était en place dans les années 1973 à 1976 permettait aux commissions scolaires en quelque sorte un bar ouvert dans l'ensemble de leur champ d'activité. Le système était tellement bien conçu par nos prédécesseurs qu'année après année il était extrêmement difficile, voire impossible pour le gouvernement, de savoir ce qu'il en coûtait pour l'administration des commissions scolaires dans tout le Québec. C'est-à-dire qu'on savait deux ans après ou à peu près un an et demi après ce qu'il en avait coûté dans l'année qui avait précédé pour faire fonctionner les commissions scolaires. Voilà l'héritage qu'on nous avait laissé dans les années 1973-1976.

La même chose dans les hôpitaux, M. le Président, où l'accumulation des déficits plus ou moins identifiés par le ministre des Finances de l'époque fait en sorte qu'à un moment donné c'est près de 500 000 000 $ qui étaient accumulés dans les institutions bancaires. Ce gouvernement, depuis 1976, a dû apporter des modifications très substantielles dans le mode de financement des commissions scolaires, réforme qui avait d'ailleurs soulevé à l'époque à l'Assemblée nationale énormément d'opposition de la part des gens du Parti libéral. Non contents d'avoir accumulé à travers les années, dans les deux cas, commissions scolaires et hôpitaux, et cela continuait avec une progression géométrique, près de 1 000 000 000 $ de déficits non identifiés, ces gens se refusaient à apporter les correctifs nécessaires dans le système pour éviter que la situation ne se produise dans les années à venir.

On m'indique que mon temps achève. Je pourrais parler également de l'accroissement des dépenses publiques qui étaient en moyenne de 22% dans les années d'or de 1973 à 1976 et que ce gouvernement a réussi à limiter pour la première fois en deçà de l'accroissement de la richesse collective et de l'accroissement du coût de la vie.

M. le Président, c'est un ensemble de choses qui font en sorte que ce gouvernement, qui exerce actuellement l'administration de l'État, a dû se ramasser avec un déficit pas très bien identifié, d'ailleurs, pas très clairement identifié, qui présentait sur le plan de sa structure des

symptômes fort inquiétants. Le gouvernement en place a pu, que ce soit dans la limitation du nombre de fonctionnaires, que ce soit en réformant le système de financement des commissions scolaires, en limitant les emprunts des hôpitaux, en limitant la croissance des dépenses publiques, corriger ces problèmes de structure. De telle sorte qu'aujourd'hui, dans une conjoncture difficile, dans une conjoncture pénible qui l'a été pour tous les gouvernements, nous avons réussi à limiter - nous sommes d'ailleurs le seul gouvernement qui a aussi bien réussi - à maintenir notre déficit au même niveau pendant cinq années consécutives. Je pense que ça méritait d'être expliqué et d'être précisé, M. le Président.

Quand on voit l'Opposition essayer de nous servir des leçons de morale sur le déficit ou sur les investissements, il ne faudrait pas oublier que cette période qu'on veut présenter aux citoyens du Québec comme étant la période de réussite, au contraire, nous a légué un héritage, sur le plan de l'administration des finances publiques, qui laissait fort à désirer et que ce gouvernement a dû corriger au prix de maints sacrifices et à travers une crise économique qui n'a été facile pour personne. Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre, est-ce que vous avez des commentaires à la suite de ces propos?

M. Parizeau: Je suis à ce point d'accord avec le député de Roberval que j'hésite à ajouter quelques commentaires, mais selon ceux qui seront présentés par la suite, j'interviendrai.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Verdun.

M. Caron: M. le Président, c'est tout à fait normal que le député de Roberval... Je voudrais essayer, dans mes paroles, moi aussi... Je ne suis pas un économiste, mais un simple citoyen, un type qui essaie d'administrer sa ville, comme je vous l'ai dit, le mieux possible, avec un surplus, et vous n'êtes pas capable d'en faire autant. Je suis peut-être le seul, à cette table, qui a entendu quelques-uns de vos collègues blâmer des choses qui ont été réalisées entre 1970 et 1976 par le ministre des Finances de l'époque. Soit qu'ils sont partis ou qu'ils ne se présentent pas en Chambre.

Ceci dit, je ne voudrais pas faire de politique-Une voix: On n'en attendait pas moins.

M. Caron: ... mais je dois le dire parce que vous avez augmenté les pouvoirs des régies, des sociétés d'État. Il y a même un projet de loi qui a été présenté pour augmenter le montant additionnel et, sans aller trop loin, je dois le dire: C'est toujours facile de dépenser l'argent des autres.

Je sais que vous avez connu des années difficiles. Je sais, comme mon collègue de Bourassa le disait, que le gouvernement a fait de bonnes choses, et je le dis quand il fait de bonnes choses. J'ai assez de courage pour vous le dire. Je sais que ce n'est pas facile pour le ministre des Finances non plus, car on est dans un contexte très difficile. Je sais bien que les gens entre 18 et 30 ans, comme vous en avez et comme j'en ai dans mon comté, avec 152 $, ne peuvent pas vivre. Vous êtes d'accord là-dessus, comme on est d'accord. Il faut faire quelque chose pour essayer de leur trouver du travail en permanence et il faut essayer de faire passer le joint que j'ai donné cet après-midi au ministre des Finances.

Vous riez; riez, ça ne me fait rien! Les gens du comté de Verdun savent qu'on peut les faire travailler, et il faut le leur faire gagner. À moins que vous ne fassiez pas de bureau. Peut-être que le ministre des Finances, à cause de sa fonction de ministre, ne peut pas faire du bureau comme vous et moi pouvons le faire. Je suis le seul qui fais du bureau sept jours par semaine - vous le savez, je l'ai déjà dit - et qui réponds au téléphone sept jours par semaine, 24 heures par jour. Il n'y en a pas un de vous qui fait cela ici. Je le dis. (21 h 15)

Cela dit, il faut trouver un joint pour essayer d'aider nos jeunes et de couper les dépenses. J'essaie de parler avec la loi du gros bon sens. Si j'étais un économiste, je m'assoirais à côté du ministre et je discuterais. Je ne suis pas un économiste, mais j'essaie de parler avec le gros bon sens et de ce que la population du Québec veut.

Écoutez, on est rendu que partout où l'on va au Québec, on entend dire: Quand va-t-on changer de gouvernement? On vous donne souvent des "hints", les gars, quand on vous parle du "poolroom". Quand je vous parle du "poolroom", c'est que vous ne parlez pas assez souvent à vos ministres. Ils ont oublié que, lorsqu'ils ont été élus, ces gens-là, c'est parce qu'ils étaient près du peuple; aujourd'hui, ils l'ont oublié.

C'est pour cela qu'il vous faut, dans l'année qui s'en vient, si vous voulez être réélus, vous rapprocher du monde, cela presse, et couper les dépenses. Mon collègue de Vaudreuil-Soulanges n'a peut-être pas la parole du ministre des Finances parce qu'il n'a pas son expérience. Mais quand il aura l'expérience du ministre des Finances, ne vous inquiétez pas, il va être capable de parler le même langage. Cela fait je ne sais pas combien d'années, il a passé à l'Union Nationale, il a fait des erreurs; il a passé avec nous autres et nous en avons fait aussi.

Vous en faites aussi, des erreurs. Dieu sait combien vous en faites, actuellement; vous le savez à part cela. On prend un taxi, le métro, l'autobus et on se le fait dire tous les jours. On vous passe le message aujourd'hui. On est à une année des élections. Il est encore temps d'essayer de trouver des moyens, sans couper où ce n'est pas nécessaire, de couper la publicité, les amis du régime et tout cela... Vous savez que les amis du régime, cela fait mal. On a vécu cela également. Je vous l'ai dit en Chambre, je ne m'en cache pas. Je le redis encore ce soir. Mais vous continuez de le faire. Arrêtez de le faire et parlez-en à vos ministres. C'est un tuyau que je vous donne, ce soir. Cela fait bien des fois que je le dis et je le redis. Sans cela, vous ne serez pas là, la prochaine fois.

Une voix: Très bien.

M. Caron: On va partout. Encore ce soir, j'étais dans le Québec avant d'arriver ici. C'est pour cela que je dis au ministre des Finances qu'il est temps de trouver une possibilité pour essayer de couper les dépenses qui sont exagérées. On sait qu'un gouvernement ne fonctionne pas avec rien; pour une ville, cela prend de l'argent; une commission scolaire, cela prend de l'argent pour l'administrer; c'est la même chose pour les hôpitaux. Mais il y a une façon de le dépenser.

Vous avez perdu la norme, la valeur de l'argent. M. le ministre, si vous ne le dites pas à vos amis et au premier ministre, lequel avec toute sa fatigue, tous ses problèmes, qui ne sont pas faciles à résoudre, on est conscient de cela... Dites-lui donc qu'il est temps, s'il veut être réélu, cela presse car, sans cela, à la prochaine élection... Je vous dis cela en tant qu'ami. Je serai là encore la prochaine fois. Je suis bien à l'aise pour vous le dire. Mais si vous voulez être là, c'est à vous de parler à vos collègues. C'est l'erreur qu'on a faite entre 1973 et 1976. Nous avons eu des ministres qui n'étaient pas à l'écoute de la population. Ils ont oublié qu'ils étaient élus. On est juste de passage en politique. Les gens sont tannés, surtout les jeunes.

Qu'est-ce qu'on entend dire de la part des jeunes? Ils nous disent que, s'ils ne gagnent pas, ils vont voler. Imaginez-vous que cela fait plaisir d'entendre cela. S'ils me le disent, ils vous le disent également. Des jeunes filles qui viennent nous voir pour avoir du travail, elles disent autre chose, que je ne dirai pas ici.

Il est temps plus que jamais que le ministre des Finances parle au Conseil des ministres et qu'il essaie de revenir les deux pieds sur la terre. C'est bien beau quand on parle de la relance. On parle de relance depuis le mois d'octobre. On parle des centres-villes. L'asphalte et le ciment, c'est à ce temps-ci de l'année qu'on fait cela. On vient juste d'avoir les formules des municipalités. On n'est pas accepté, on vient juste d'avoir les formules. Imaginez-vous, on est au mois de juin. Quand on va être accepté et quand les travaux... Il faut engager des professionnels pour cela. Quand va-t-on pouvoir commencer? Si réellement on veut mettre le projet... Cela veut dire qu'il n'y aura rien, M. le Président, qui sera en marche avant l'année 1985.

M. le ministre, c'est important de donner l'heure juste à la population. Elle veut l'heure juste et j'espère que vous allez la lui donner. J'aurais aimé que d'autres de mes collègues, ici ou ailleurs, dans d'autres commissions, également peut-être dans des élections partielles - il n'y a pas de cachette à faire; on doit les gagner, c'est tout à fait normal - vous disent ce qu'ils pensent et ce que je pense moi aussi.

Vous avez accompli de bonnes choses, mais vous avez oublié la population du Québec, les jeunes. Je me rappelle des six qui étaient ici entre 1970 et 1976, qui pensaient aux assistés sociaux et aux jeunes, à faire travailler les jeunes, la relève de demain. La relève de demain, vous l'avez entre les mains et il ne vous reste pas beaucoup de temps pour faire quelque chose. Ce n'est pas avec 152 $ par mois que ces jeunes seront capables de faire quelque chose.

Le ministre des Finances a des responsabilités. Je sais qu'il ne peut pas tout faire tout seul. Je pense qu'on est personnellement assez amis tous les deux, lorsqu'on se rencontre hors de la Chambre, pour se parler et se comprendre, et c'est tout à fait normal. Mais il est temps que le Conseil des ministres se réveille. Il est endormi, qu'il se réveille et qu'il soit prêt. Ils sont peut-être tous malades et j'espère qu'ils le sont réellement. Parfois, on trouve des maladies pour ne pas être présents en Chambre.

M. le ministre, essayez, et cela presse. Parlez de... Je vous cite comme exemple le comté de Verdun, la ville de Verdun...

Le Président (M. Lachance): M. le député.

M. Tremblay: ...consentement...

M. Caron: ...on veut refaire notre centre...

M. Tremblay: ...consentement...

M. Caron: Attendez. Je vous ai laissé parler. Vous parlerez tout à l'heure, M. le député de Chambly.

M. Tremblay: ...consentement, M. le

député.

M. Caron: Parfait.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Verdun, votre temps est...

M. Caron: Vous parlez des centres-villes. C'est important, les centres-villes. Vous en avez parlé. C'était l'une des grandes lignes du premier ministre au moment où je ne sais pas combien ont coûté les dépenses de publicité; c'était un dimanche soir au salon rouge. On vient juste de recevoir les formules, imaginez-vous. L'asphalte et le ciment, est-ce qu'on fait cela l'hiver ou l'été? Je ne suis pas ingénieur, mais c'est durant l'été qu'on doit faire cela.

Alors, vous êtes en retard. Pourquoi ne poussez-vous pas sur vos collègues du Conseil des ministres pour qu'on puisse le faire le plus vite possible, les municipalités du Québec qui veulent être prêtes? Des municipalités ont déjà eu des petites faveurs. Je ne mentionnerai pas ce soir les...

Le Président (M. Lachance): M. le député de Verdun...

M. Caron: ...comtés qui ont déjà eu des permissions...

Le Président (M. Lachance): M. le député, je regrette, mais vous avez dépassé votre temps. Je vous ai averti. Je suis, je pense, assez souple et pas trop à cheval sur le règlement, mais...

Une voix: M. le Président...

Le Président (M. Lachance): ...à moins d'un consentement unanime...

M. Tremblay: Je donnerais mon consentement pour qu'il puisse poursuivre.

M. Caron: Je pense que c'est pour rendre service à mes collègues d'en face...

Le Président (M. Lachance): Vous reviendrez peut-être plus tard durant la soirée, M. le député.

M. Caron: Est-ce que le ministre...

Le Président (M. Lachance): Vous aurez l'occasion de faire d'autres interventions.

M. Caron: Demain, il y a un Conseil des ministres. Il a la plus belle occasion au monde de dire qu'on n'est pas satisfait de notre côté.

Le Président (M. Lachance): Le message est passé, M. le député.

M. Caron: Je pense que mon collègue, le vice-président de cette commission, fait un excellent travail. Il sera probablement le futur ministre des Finances, je l'espère, dans un avenir très rapproché, si vous ne vous réveillez pas. M. le ministre, pourquoi avons-nous attendu si longtemps? On parle de relance. Avec toute votre papeterie et toutes les "chialeries" qu'il faut faire pour venir à bout d'obtenir des subventions, pourquoi attendre si longtemps quand on sait que les jeunes...

La ministre nous disait qu'il y en a 80 000. Nous, on pense qu'il y en a plus que cela. On espère qu'il y en a seulement 80 000. Mais, même à cela, 80 000 jeunes garçons et filles au Québec, je pense que c'est trop, parce que c'est la relève. Ce sont eux qui nous remplaceront. Quand on fait du porte-à-porte et qu'on voit des diplômés bénéficiaires de l'aide sociale, M. le ministre, cela fait mal de dire qu'on est Québécois.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, d'abord, je voudrais remercier le député de Verdun de la sollicitude qu'il a à notre égard de nous offrir des conseils pour que nous soyons réélus. Certains de ses conseils, d'ailleurs, je ne les écarte pas du revers de la main. J'y reviendrai tout à l'heure. Il y a, chez le député de Verdun, des traits de sagesse, de temps à autre, qu'il ne faut pas négliger, s'il me permet de lui dire cela.

Je vais situer mon intervention sur deux plans complètement distincts qui rejoindront, d'une part, le député de Roberval et son intervention de tout à l'heure et, d'autre part, l'intervention du député de Verdun. Il ne faudrait pas un instant - je vais me situer à un niveau qui va peut-être sembler outrageusement technocratique, mais qui est important sur le fond - s'imaginer que, dans tout le Canada, il y a une sorte de prudence à l'égard des dépenses et qu'au Québec cela "effervesce" et qu'on augmente les dépenses sans aucune espèce de limite.

Je vais vous donner un exemple à cet égard. Nous dépensons à l'heure actuelle, les dépenses budgétaires du Québec par rapport au produit intérieur brut sont à l'heure actuelle de l'ordre de 26%. Lorsque nous avons pris le pouvoir en 1976, elles étaient de l'ordre de 23% et, dans l'intervalle, nous avons absorbé à peu près 2 000 000 000 $ de taxes foncières scolaires qui, maintenant, appartiennent aux dépenses du gouvernement du Québec et cet espace fiscal a été envoyé aux municipalités. Donc, ne nous faisons pas d'illusions. Si on tient compte de l'ajustement que je viens d'indiquer, les dépenses du gouvernement du Québec par

rapport à son produit intérieur brut - les dépenses gouvernementales - sont probablement inférieures à ce qu'elles étaient quand nous avons pris le pouvoir, compte tenu de l'ajustement scolaire dont je viens de parler; en tout cas, pas supérieures.

Le Québec est-il, à cet égard, dans une situation exceptionnelle? Oui, par rapport à d'autres provinces. Indiscutablement. Les provinces dites riches, l'Ontario et l'Ouest, sont habituellement autour de 16% à 18%. Leurs dépenses publiques représentent 16% à 18% de leur produit intérieur brut, sauf le Manitoba qui est un peu dans la même catégorie que le Québec à 21%. Toutes les provinces maritimes sont plus pauvres que nous. Le Nouveau-Brunswick n'est pas à 26%, mais à 35%; la Nouvelle-Écosse, 31%; l'Île-du-Prince-Édouard, 40%, je pense; Terre-Neuve, 41%. La part des dépenses publiques au Québec par rapport à notre degré de richesse, si on se situe par rapport aux provinces les plus riches et aux provinces les plus pauvres, se trouve à peu près au milieu, comme la vertu. Et l'augmentation n'a pas été extraordinaire depuis que nous avons pris le pouvoir. Encore une fois, elle s'explique par un geste, essentiellement. L'Ontario a un peu augmenté, de 15% à 16%. Le Manitoba a beaucoup augmenté, de 15% à 21% dans le même intervalle de temps, de 1976 à 1984. Le Nouveau-Brunswick est passé de 31% à 35%.

À tous égards, notre situation est compréhensible et n'implique aucune espèce d'effervescence, contrairement à la situation qui se produisait avant 1976, comme le disait le député de Roberval, où là, notre PIB augmentait d'à peine la moitié de l'augmentation des dépenses budgétaires du gouvernement. On a vu les dépenses budgétaires, pendant les dernières années du régime Bourassa, augmenter de plus de 20% par an. À cet égard, ne nous faisons pas d'illusions. Le gouvernement du Québec a été prudent, remarquablement prudent depuis qu'il a pris le pouvoir. Dans ce sens, la situation se comprend parfaitement bien par rapport à tout ce qui se passe ailleurs au Canada. Nous n'avons pas, en somme, à considérer que nous avons pratiqué l'effervescence que parfois on soutient que nous avons maintenue. C'est sur le plan général. Dans ce sens, je ne peux pas faire autrement que de souscrire à ce que disait le député de Roberval. À mon sens, il a parfaitement raison, mais là, j'en arrive plus spécifiquement à ces questions peut-être un peu terre à terre, mais néanmoins fort importantes, soulevées par le député de Verdun.

Le député de Verdun, je pense, a parfaitement raison quand il dit que nous avons certaines difficultés à sortir aussi rapidement qu'il le faudrait des programmes d'autre part fort intéressants. Il mentionnait, par exemple, les travaux de voirie municipale. C'est vrai que la décision a été prise un peu tard d'augmenter les enveloppes cette année. Je rappellerai, cependant, au député de Verdun que, l'année dernière, à peu près à la même date, on avait décidé d'augmenter les enveloppes de voirie municipale et, d'autre part, de petite voirie rurale, de 50 000 000 $ à peu près à la même époque de l'année et que tout a été dépensé avec un succès énorme. Si le député de Verdun me dit: On aurait dû sortir cela plutôt en avril, je serais d'accord avec lui. Je pense que je serais d'accord avec lui. Cela nous indique les voies de l'amélioration que l'on pourrait suivre, mais il ne faut pas non plus, je pense, dramatiser les impacts. L'année dernière, 50 000 000 $, annoncés au mois de mai en voirie municipale et en petite voirie rurale, ont été dépensés comme cela avant le mois d'octobre, avant la fin des travaux sans aucune espèce de difficulté. Je pense qu'il a raison. On devrait sortir ces choses plus tôt. C'est vrai que, dans le réaménagement des centres-villes, dans ces 50 programmes annoncés dans le programme de relance en novembre, cela a été un des derniers à sortir. Il y en a d'autres qui sont sortis beaucoup plus tôt. (21 h 30)

Là encore, on souhaiterait, on voudrait pouvoir sortir ces choses plus rapidement. L'inconvénient des très grosses machines. Vous savez, un premier ministre du Québec disait, dans les années soixante: "Le très grand problème de notre époque, c'est comment administrer 100 000 hommes." Il avait parfaitement raison. C'est vrai dans le secteur privé comme c'est vrai dans le secteur public. Le problème majeur de notre époque, c'est comment administrer 100 000 hommes. Dans ce sens, oui, on devrait pouvoir accélérer les choses, sortir cela plus vite. Je n'en disconviens pas.

J'aurais, cependant, davantage de réserves quant à ce que le député de Verdun indiquait à l'égard des jeunes, du chômage des jeunes et de l'aide sociale pour les jeunes. Je sais qu'à l'heure actuelle le thème donne lieu à beaucoup d'effervescence. 152 $, on se dit: Ce n'est pas possible. C'est beaucoup trop peu. Je voudrais vous signaler que là il ne faudrait pas non plus perdre la mémoire. Cela fait très longtemps que cette distinction en fonction de l'âge existe, bien avant que nous prenions le pouvoir. D'autre part, ce que nous faisons comme pari, et j'admets que c'est un pari, mais c'est un pari qui me semble important, c'est de se dire: Sur ces 80 000 jeunes qui vivent de l'aide sociale - ils reçoivent 152 $, c'est vrai - la moitié d'entre eux n'ont jamais fini leur secondaire V. Un très grand nombre d'entre eux n'ont pas la capacité technique d'être facilement employables. Donc, ce que nous allons faire, plutôt que de monter de

152 $ à 400 $ et de continuer simplement à distribuer des chèques, c'est de leur dire: Écoutez, à votre âge, nous allons faire en sorte que ceux qui veulent retourner finir leur secondaire recevront de l'argent en plus des 152 $ à cette fin.

Nous voulons monter au moins 30 000 postes d'apprentissage dans les entreprises. Pas seulement dans l'entreprise manufacturière. Cela se fait tout autant dans des bureaux. Un apprentissage, que ce soit sur des ordinateurs, en machines de traitement de texte, en travail de secrétariat, nous allons essayer de monter 30 000 postes d'apprentissage en entreprise. Là vous recevrez non seulement vos 152 $, mais davantage encore d'argent du gouvernement et 100 $ par mois des entreprises, de façon que vous ayez l'argent qui paraît juste à obtenir, mais contre une prestation que vous vous rendrez à vous-mêmes. En plus, on ajoutera quelques milliers de postes d'emplois communautaires. Là, à ce moment, ils recevront davantage d'argent, mais pour une prestation qu'ils font à la société. M. le Président, c'est la première fois que nous abordons cela, mais on en discute beaucoup dans le public à l'heure actuelle. C'est la première fois qu'on aborde cela aujourd'hui. Cela me paraît absolument fondamental.

Est-ce que nous allons distribuer davantage d'argent à l'aide sociale sans condition ou bien si nous allons distribuer davantage d'aide sociale à ces jeunes pour qu'ils deviennent mieux employables, plus employables, qu'ils obtiennent le genre de scolarité et le genre d'entraînement technique ou professionnel dont ils ont besoin? Comprenons-nous bien. Si on passe de 150 $, mettons, à 400 $ sans condition aucune, le jeune qui reçoit 400 $ n'est pas plus employable demain matin qu'il ne l'était quand il recevait 152 $. S'il n'a pas fini son secondaire V, son secondaire V ne sera toujours pas fini. S'il n'a pas eu de stage en entreprise, ce n'est pas parce qu'il reçoit 400 $ plutôt que 152 $ sans condition qu'il va aller faire un stage en entreprise. Nous faisons, à l'heure actuelle, le pari à la fois d'augmenter les prestations et d'augmenter le degré d'employabilité de ces jeunes. Cela me paraît absolument fondamental. J'allais dire que c'est une sorte de choix de société. Est-ce qu'on veut simplement distribuer des chèques sans condition aucune ou bien faire en sorte que ces jeunes puissent, dans un an d'ici, être mieux employables qu'ils le sont à l'heure actuelle?

J'ai eu l'occasion de soutenir, dans le discours sur le budget - et j'y crois profondément - que le plein emploi au Québec, à l'heure actuelle, c'est au moins 7% de chômeurs. Si jamais le taux de chômage, au Québec, descend à 8% ou à 7%, nous commencerons à importer de la main- d'oeuvre sur une très grande échelle. Nous avons une partie de notre population, et singulièrement chez les jeunes, qui est en chômage à l'heure actuelle, qui n'a pas de travail et qui n'a simplement pas les qualifications nécessaires pour être employable. Tout l'argent dont nous pouvons disposer doit s'appliquer à accroître le degré, la capacité de ces gens-là à être employés.

Je pense, à cet égard, M. le Président - j'ai eu l'occasion de le dire sur bien d'autres aspects du discours sur le budget -que nous sommes dans la bonne voie. Augmenter l'argent, oui, bien sûr, mais à la condition que ces jeunes, d'abord, se rendent service à eux-mêmes et, d'autre part, rendent service à la société.

M. Caron: M. le ministre, je suis de votre avis. Il ne faut pas que le gouvernement ou les gouvernements soient des distributeurs de chèques. Je suis du même avis que vous et je pense que mes collègues pensent la même chose. On est bien prêt à les aider, mais il faut qu'eux aussi fassent leur part. Là-dessus, je suis de votre avis. Je veux qu'on leur aide, mais je veux aussi qu'ils fassent leur part, quelle que soit la part qui doit être faite, quels que soient les programmes.

Je pense qu'on manque d'explications; il faudrait que des fonctionnaires et non pas des politiciens expliquent ces programmes parce que, actuellement, si on envoie des politiciens, cela devient dangereux; cela devient des nids à propagande. Je pense que ce n'est pas aux politiciens à aller expliquer les programmes. J'ai déjà appelé au ministère pour qu'on vienne à Verdun les expliquer aux jeunes sans que ce soient des politiciens qui les expliquent afin qu'on ait des réunions qui se fassent dans le calme pour aider ces jeunes. Là-dessus, je suis bien d'accord avec vous. Je pense que je peux parler au nom de mes collègues. On ne veut pas que le gouvernement ou les gouvernements soient seulement des distributeurs de chèques et que, dans six mois ou dans un an, ils ne soient pas plus avancés qu'aujourd'hui. Qu'ils retournent aux études ou qu'ils rendent service, soit aux municipalités... Il y a de nombreuses façons. Nous sommes d'accord sur la différence entre l'aide sociale et le montant que vous donnerez, mais en retour qu'on nous donne quelque chose, à moins que la personne ne soit malade ou incapable de le faire. Si la personne est malade, je pense qu'on est tous d'accord; on ne donnera jamais trop aux gens qui sont dans les hôpitaux et qui sont malades ou aux gens âgés. Que nos jeunes de 18 à 30 ans, en retour des 152 $, nous donnent les services.

Là-dessus, je suis du même avis que vous. On est dans la même voie.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: M. le Président, je trouve très intéressante l'expérience de ce genre de commission où il y a moins de politique. Je pense qu'on est en train d'en faire la preuve. J'écoutais le député de Verdun avoir un dialogue avec M. le ministre et j'ai senti que le député de Verdun avait compris et accepté les politiques du ministre. À un certain moment, j'ai même cru qu'il allait changer de côté de table. On l'aurait accueilli avec plaisir. C'est un député qui ne fait pas de politique, surtout pas ici; ce n'est pas la place.

Le Président (M. Lachance): C'est permis dans nos règles de procédure de faire de la politique en commission parlementaire.

M. Caron: C'est drôle, tout le monde veut m'avoir!

M. Tremblay: C'est mon intention, M. le Président, de tenter de ne pas en faire dans mon intervention. Je vous prierais de me rappeler à l'ordre si jamais j'en faisais dans cette intervention. J'invite mes collègues qui sont autour de la table à le faire.

Cette discussion franche que nous avons depuis cet après-midi m'a permis de me poser des questions et d'essayer de comprendre un peu comment mes collègues de l'Opposition s'orientent, comment ils fonctionnent et quel est leur objectif. J'essaie de comprendre comment ils régleraient les problèmes auxquels le Québec est confronté.

Comme tout le monde, j'ai été surpris de voir que, sur les trois plans, sur le plan de la baisse des impôts, de l'augmentation des dépenses et de la baisse du déficit, ils tentent d'aller dans ce sens. Je m'explique: En ce qui concerne la baisse des impôts, l'Opposition, depuis un certain temps, nous a donné plusieurs suggestions qu'elle verrait d'un bon oeil, par exemple, que les impôts sur les successions n'existent plus. Souvent, on a parlé de la taxe sur l'essence. On nous a proposé d'enlever le péage sur les autoroutes, ce que nous avons réalisé. Et d'autres choses. J'en oublie. Je n'ai pas fait la liste d'une façon exhaustive.

Par contre, à tout moment, à tous les jours, à la période de questions, l'Opposition nous arrive avec des dépenses additionnelles. On trouve, par exemple, que ce qu'on alloue aux hôpitaux est insuffisant, qu'on devrait en accorder plus aux urgences et aussi à l'éducation. Ce sont toutes des choses que nous souhaitons aussi. C'est un peu comme la vertu. Sommes-nous pour qu'il y ait de meilleurs services dans les hôpitaux? Tout le monde va dire oui.

On parle des jeunes. On dit: Un montant de 152 $ par mois pour les jeunes de moins de 30 ans, ce n'est pas suffisant. C'est à considérer. C'est bien sûr qu'on est conscient de la somme de dépenses que cela représente si on accède à cette ouverture, à cette générosité démontrée par l'Opposition. C'est vrai que c'est plus facile d'être généreux quand on n'a pas à être comptable de ces montants d'argent.

D'un autre côté, baisse du déficit. En tout cas, on semble faire un plat du déficit du Québec. On dit souvent qu'il est élevé. Dans tout cela, je me dis: Voilà que l'Opposition suggère une baisse des impôts, une augmentation des dépenses et, en même temps, une baisse du déficit, ce qui peut apparaître illogique a priori. Je me dis: Y a-t-il une autre avenue que ces gens auraient trouvée pour résoudre cet affreux triangle avec lequel on a à jouer?

Je me dis: Probablement qu'ils ont en tête qu'ils pourraient obtenir des fonds supplémentaires du gouvernement fédéral. C'est une possibilité. J'imagine qu'ils ont un plan, qu'ils ont quelque chose en tête. Je suis obligé de le penser puisqu'ils sont élus. Ils doivent avoir quelque chose en tête. Je regarde un peu alentour. Quelles sont les possibilités d'en obtenir du gouvernement fédéral? Il y en a. Ottawa et Québec s'entendent sur le financement de l'éducation aux minorités. Il y a des possibilités de s'entendre. C'est rare, mais il y en a et on en signe.

Par contre, on dit ici: Parizeau fait le point sur les transferts du fédéral. Tout en se défendant de remettre en cause le bien-fondé du système de péréquation, M. Parizeau constate que les changements apportés au système sont faits très systématiquement au détriment des intérêts du Québec. Ce n'est pas la direction dans laquelle semble se diriger le gouvernement fédéral. Il ne semble pas se diriger et vouloir accorder plus d'argent pour le Québec. Je me dis: Bien, ils doivent avoir une autre façon de voir les choses. Ils doivent espérer un meilleur avenir pour le Québec. Ils ont raison dans ce domaine. L'avenir est prometteur pour le Québec. Dans le secteur de l'amiante, par exemple, il y a des nouvelles intéressantes aujourd'hui, car on dit que c'est prometteur. C'est le directeur du Centre canadien d'information sur l'amiante, M. Georges Dahmen, qui dit cela. Il dit que l'industrie de l'amiante ne sera plus jamais aussi florissante qu'elle le fut en 1979 et que, néanmoins, son avenir demeure prometteur, pour autant que son utilisation ne soit pas interdite. (21 h 45)

II y a une autre nouvelle encore plus intéressante: La planche de salut de l'industriel La production d'une fibre d'amiante non toxique arrive au stade

industriel. On a développpé au Québec une fibre d'amiante qui est non toxique. Il y a des possibilités de ce côté. Il y a aussi des gens qui ont confiance dans l'avenir du Québec. Je lisais aujourd'hui encore dans les journaux... C'est presque la cueillette d'une journée de bonnes nouvelles, parce qu'il y a de bonnes nouvelles dans les journaux. Particulièrement au point de vue économique, elles sont nombreuses ces temps-ci, et je pense que tout le monde doit s'en réjouir. On sort souvent l'épouvantail... C'est du côté de l'Opposition. Je ne voudrais pas faire de politique, mais...

Une voix: À l'ordre!

M. Tremblay: ...c'est toujours du côté de l'Opposition qu'on sort cet épouvantail des sièges sociaux qui nous quittent et qui sont censés quitter... Non, ce n'est pas un mythe, les sièges sociaux, depuis 1950, quittent le Québec. La compagnie Shell a quitté Toronto aussi pour s'en aller à Winnipeg. C'est un phénomène qui se produit assez souvent. Par contre, il y en a d'autres. Il y a des industries de l'Ontario qui sont venues s'établir dans le comté de Chambly. Elles ont raison. C'est un comté excellent pour une industrie. Elles sont venues s'y installer, parce qu'on avait là ce qu'il leur fallait, c'est-à-dire de l'eau en quantité, parce qu'à Chambly, on a une usine de filtration suffisante.

Je lisait dans la Presse de ce matin, à la page de la finance: Philips-Micom installe son siège social à Saint-Laurent. C'est un investissement de 8 000 000 $ et cela crée 500 emplois. On dit pourquoi elle s'est installée à Saint-Laurent.

C'est une jeune compagnie. Cette société a été créée il y a cinq ans seulement. Elle a présenté un chiffre d'affaires de 240 000 000 $ l'an dernier et prévoit dépasser ce montant cette année. Je disais que c'était un...

Une voix: ...

M. Tremblay: Pardon?

Une voix: Cela doit être une multinationale. C'est une compagnie américaine, je crois.

Une voix: Philips, les télévisions, je crois...

M. Tremblay: Oui, sans doute. Une voix: ...qui a changé...

Le Président (M. Lachance): En terminant, M. le député.

M. Tremblay: On dit, dans l'article... C'est intéressant, M. le Président. Je vais seulement prendre une minute. Il me reste une petite minute.

Une voix: C'est cela.

M. Tremblay: Je veux seulement donner les motifs qui ont fait que Philips-Micom est venue s'installer dans la Communauté urbaine de Montréal. On dit que la décision d'installer le siège social a découlé d'une longue étude. Plusieurs sites, tant au pays qu'à l'étranger, ont été éliminés. M. Kellam - c'est sans doute le président de cette organisation - estime que le caractère cosmopolite de Montréal, ses installations routières, sa desserte en aéroports et son caractère culturel unique ont été des arguments de taille dans la décision.

Une voix: ...

M. Tremblay: La loi 101 existait. Ces entreprises sont venues s'installer après l'adoption de la loi 101. Une des raisons qui les ont motivées, c'est le caractère culturel unique de Montréal.

M. le Président, on a des raisons de croire que le Québec se développera, mais je pense que le gouvernement actuel a mis en place les outils nécessaires pour que le Québec se développe. Je pense que l'Opposition a raison de croire qu'avec ces outils, si jamais elle prenait le pouvoir, le Québec se développerait de façon telle qu'elle pourrait en même temps baisser les impôts, augmenter les dépenses et baisser le déficit.

Une voix: C'est cela.

M. Parizeau: Je vais ajouter quelques mots, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Allez-y, M. le ministre.

M. Parizeau: Je pense que ce que vient de soulever le député de Chambly permet de mieux replacer dans une perspective correcte ce qui est, à mon sens, un grossier abus depuis quelques années de frayeurs économiques qu'on a toujours agitées devant l'opinion publique québécoise. Quand je dis "toujours", je pèse mes mots. Cela fait maintenant plusieurs générations qu'on nous dit que le Québécois n'est jamais aussi prospère que quand il est tranquille, que, sur le plan politique, sur le plan de la législation de son gouvernement, sur le plan de son orientation fondamentale, plus il se distingue du reste de l'Amérique du Nord, plus il court des risques quant à sa prospérité. Cet argument, nos grands-parents l'ont connu, nos parents aussi, nous l'avons à notre époque et j'imagine qu'on continuera de l'appliquer à nos enfants.

II est exact et parfaitement exact que Montréal a cessé d'être la capitale, la métropole du Canada; ce n'est plus vrai et ce n'est plus vrai depuis une génération. Il est tout à fait exact que passablement d'activités économiques et de sièges sociaux ont glissé vers Toronto avant de continuer à glisser vers l'Ouest. C'est un phénomène que les États-Unis ont bien connu, que Boston a connu à l'égard de New York, New York à l'égard de Chicago et Chicago à l'égard de la côte ouest.

On n'a pas interprété ce glissement, aux États-Unis, comme étant un phénomène politique; parce qu'il y a au Canada deux peuples et deux langues, on l'a interprété ici comme étant un phénomène politique. Mais il n'y a pas de distinction fondamentale entre ce qui est arrivé en Nouvelle-Angleterre par rapport à ce qui est arrivé aux Maritimes et au Québec. C'est exactement le même mouvement, décalé un peu au Canada de quelques années, c'est tout.

Nous sommes, comme gouvernement, face à ce phénomène et nous le sommes depuis quelques années. Il y a deux possibilités et il n'y aura jamais que deux possibilités. Ne nous faisons pas d'illusions, on sera toujours pris devant l'une ou l'autre des branches d'une alternative: Ou bien chercher à être calme, uniforme, conciliant, dans le sens de l'affirmation de sa propre personnalité, en espérant que ce calme, que cette conciliation empêchera les glissements de se faire. Nous avons été très calmes, à certaines époques de notre histoire récente. Au moment où l'une des plus grandes usines au Québec fermait, c'est-à-dire celle de la Canadian Car and Foundry à Montréal, alors qu'on a perdu 5000 emplois industriels d'un coup sec, qui se sont ramassés à Thunder Bay, à l'époque où les premières compagnies d'assurances filaient vers Toronto et fermaient leur siège social à Montréal, à l'époque où la Bourse de Toronto devenait quatre, cinq ou six fois plus importante que celle de Montréal et, donc, allait attirer inévitablement de l'activité financière, nous étions d'un calme imperturbable. C'était, M. le Président, vous vous en souviendrez, les dernières années du règne de Duplessis; on ne pouvait pas être plus calme qu'on ne l'était à ce moment. Il n'y avait aucun moyen. De toute notre histoire, nous avons été à ce moment-là d'un calme parfait, ce qui n'a pas empêché tous les mouvements dont je viens de parler de se produire.

L'autre branche de l'alternative consiste à développer un "entrepreneurship" indigène, si vous me passez l'expression, à faire en sorte que des gens d'ici, travaillant ici, investissant ici, soient l'armature fondamentale, principale du développement économique du Québec. Nous l'avons fait depuis 25 ans sur la base de trois pivots: un développement accéléré du secteur public, accéléré non pas parce que nous en étions déjà à un niveau important du secteur public et que nous avons décidé de le doubler, de le tripler ou de le rendre absolument inconciliable avec les structures économiques de l'Amérique du Nord. Nous n'avions rien, en 1960, sauf un morceau d'Hydro, la Raffinerie de sucre de Saint-Hilaire et la Commission des liqueurs. C'était cela, le secteur public québécois. On est parti de rien et on a construit pendant 25 ans.

Deuxièmement, à partir du mouvement coopératif et, troisièmement, à partir de cette remarquable classe d'entrepreneurs québécois, entrepreneurs québécois, soit dit en passant, qui, quand je suis sorti de l'École des hautes études commerciales, en 1950, existaient à peine. Les emplois d'entreprise offerts à ma promotion... En principe, on ne sortait pas suffisamment d'étudiants en administration à cette époque. On était 85 dans la promotion et trois entreprises ont offert des emplois; trois pour 85 personnes. Ma promotion a été sauvée par les bureaux de comptables, la taxe de vente, la taxe d'accise fédérale et l'impôt sur le revenu.

On est parti de là il y a 35 ans et il s'est développé un "entrepreneurship" local remarquable. Le problème du gouvernement, à l'heure actuelle, se situera tous les ans où on nous présentera ce dilemme: Restez tranquilles ou alors aidez, assurez, renchaussez les trois piliers dont je viens de parler.

Ce qui est un peu agaçant dans le dialogue québécois, c'est qu'alors qu'on sait très bien que tous les gouvernements depuis 1960, tous sans exception, ont adopté la seconde voie, celle de renchausser les trois piveaux dont je viens de parler, et quel que soit le gouvernement au pouvoir pour les années à venir qui continuera dans cette voie, on fait comme si on était constamment tenté par la première voie, celle de rester tranquille. On sait très bien qu'aucun gouvernement ne l'a adoptée depuis 25 ans et on sait très bien que, pour des années à venir, aucun gouvernement au Québec ne l'adoptera non plus. Il y a une sorte, si vous me passez l'expresion, de dyslexie économique au Québec qui est embêtante sur ce plan. Voilà les commentaires qu'évoquait chez moi l'intervention du député de Chambly.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président. J'ai été assez surpris de l'intervention du député de Chambly qui, dès le départ des travaux de la commission, comme il le fait au départ des travaux de chaque commission, y compris les crédits au mois de mars, les séances de travail de

notre commission depuis qu'elle existe, fait toujours remarquer que ce nouvel arrangement de l'ensemble des règles de fonctionnement qu'on s'est données à l'Assemblée nationale est maintenant une occasion privilégiée pour les gens du législatif de parler aux gens de l'exécutif. Essentiellement, l'intervention du député de Chambly a porté sur des commentaires qu'il a à l'endroit de l'Opposition, pendant que le ministre, témoin béat de cette présentation, ne faisait essentiellement qu'attendre de lui donner raison, d'une part, mais aussi de lui prouver que le gouvernement avait fait un travail quelconque.

Le député de Chambly, malgré les exhortations qu'il nous transmet chaque fois qu'on commence les travaux d'une commission, a été le premier à manquer à son propre cheminement et à ses propres suggestions; pas le premier, peut-être, je dirais le deuxième. Je le vois étonné, je le comprends, il n'est pas le premier, il est le deuxième, c'est le député de Roberval qui a commencé. On avait au départ, depuis 20 heures, des occasions de parler de la réorientation industrielle du Québec, de certaines actions structurantes qu'il faut probablement prendre. Il y a manifestement une divergence entre l'Opposition et les représentants de l'exécutif quant à l'impact réel, significatif des gestes du gouvernement en matière de relance économique pour atteindre les objectifs de restructurer l'économie du Québec comme on l'entend.

Le député de Roberval, lui, a été encore plus extraordinairement en dehors des balises que le député de Chambly avait tracées en prétendant que le gouvernement libéral, de 1970 à 1976, a connu des augmentations de dépenses absolument faramineuses, qu'il y avait eu des augmentations dans l'effectif de la fonction publique et dans les réseaux. Que voulez-vous? Il laisse soupçonner cela et c'est absolument inconsidéré. S'il voulait être cohérent, il serait en train, dans le fond, de vouloir plaider pour l'abolition de tout le système de protection de l'individu, qui a été mis en place dans ces années qui ont précédé l'arrivée du PQ au pouvoir. (22 heures)

S'il trouve que c'était épouvantable d'avoir tant de fonctionnaires que cela, tant de gens dans les réseaux, il sera obligé de dire qu'il faut reculer considérablement en matière d'éducation. Il faudra démolir des polyvalentes, abolir des départements complets et des services de recherche dans les universités, se débarrasser probablement du réseau des CLSC, de certains hôpitaux, démolir probablement nos autoroutes, autant de choses qui, évidemment, ont créé pas mal d'activités au Québec, d'une part, mais qui, d'autre part, étant donné surtout la maturité qu'avaient atteinte à ce moment-là l'assurance-maladie et l'installation de l'assurance-hospitalisation, ont créé un filet considérable en matière de services sociaux pour tous les Québécois.

Cela prend beaucoup de gens. Cela prend beaucoup d'argent. Cela a entraîné une augmentation des dépenses publiques et une augmentation des effectifs dans les secteurs public et parapublic qui était inévitable si on voulait se donner ces services. Si le député de Roberval voulait être logique - il était en train de prôner essentiellement que tout ce qui s'est fait avant 1976 n'avait aucune allure - il faudrait qu'il retranche, si je comprends bien, 83 000 fonctionnaires et membres du personnel dans les secteurs public et parapublic. Cela commence à être pas mal de gens. À sa décharge, je voudrais dire qu'il n'a pas plaidé cela. Il n'a pas plaidé qu'il fallait abolir tout cela, qu'il fallait abolir l'aide juridique non plus. Je n'ai pas eu connaissance de cela. Il y a un tas de choses qui ont été instaurées avant 1976. Donc, quant à moi, je considérerais comme réputées non dites et non écrites, d'une part, certaines des notes du député et, d'autre part, certaines des paroles qu'il a prononcées, sauf que j'ajoute que certaines des occasions de croissance des services sociaux qu'on a connues au Québec, croissance des dépenses publiques qu'on a pu observer à un rythme supérieur, d'ailleurs, à celui qu'on observe depuis quelques années pendant une période où cela allait très bien, c'était parfaitement normal et c'était surtout parfaitement soutenable par les citoyens du Québec, notamment les contribuables.

Si on regarde l'évolution du produit intérieur brut du Québec, qu'on met en regard les deux périodes en cause, 1970-1976 et 1976-1982, on voit qu'il y a une grosse différence. La différence de croissance, 110% pour la période 1970-1976 pour le PIB et de l'ordre de 85% de 1976 à 1982, les chiffres que j'avais ici, sur des bases annuelles, démontrent quand même une croissance plus rapide dans la période précédente que dans la période qu'on vit actuellement depuis sept ans. La même chose est vraie quant aux revenus personnels des Québécois. Les revenus personnels au Québec sont passés en 1970 de 16 300 000 000 $ à 40 000 000 000 $ essentiellement en 1976-1977, un taux d'augmentation annuel de près de 16% et, depuis cette année-là, donc, depuis sept ou huit ans, un taux de progression des revenus personnels au Québec d'un peu moins de 11%. C'est considérable. Sur une base par habitant, c'est semblable, 15,2% de 1970 à 1976 et, de 1976 à 1983, 10%. Les revenus personnels réels - une mesure beaucoup plus exacte de la capacité des gens d'encourir un tas de dépenses publiques que les contribuables doivent payer - en dollars constants en 1971, toujours pour les deux périodes en cause, près de 8% de

1970 à 1976 et 1,5% depuis sept ans. Les revenus réels par habitant, environ 7%, étant donné qu'il n'y avait pas tellement d'inflation comparativement à ce qu'on a connu depuis 1976.

Mais cela, ce sont des statistiques. Cela n'a rien à faire avec le PQ, l'inflation qu'on a connue, essentiellement. Donc, la croissance des revenus réels par habitant en dollars constants en 1971 de plus de 7% pour la première période en cause et de moins de 1% pour la période 1976-1983. C'est donc dire qu'il faut quand même, quand on commence à parler de dépenses publiques et de la capacité des gens d'assumer les dépenses publiques - les contribuables qui voient leur gouvernement encourir toutes ces dépenses - regarder à partir de quel genre de ressources on est en train de taxer les gens, sur la base de quel genre d'augmentation de revenus et de prospérité on est en train de se donner ces services. Ce qu'on soutient de ce côté-ci, c'est que le virage dans le contrôle des dépenses publiques qui a été observé à d'autres endroits a sévèrement manqué ici, ce qui fait qu'on se retrouve avec un déséquilibre dans les finances publiques qui est inquiétant et qui tient à l'absence de contrôle, notamment préréférendaire et préélectoral, qui s'est glissée dans les dépenses publiques.

L'autre commentaire a trait à ce que mon collègue de Verdun disait - et je l'ai pris et j'ai bien compris - en souhaitant ou en prévoyant qu'un jour je m'exprimerais comme le ministre des Finances. Je pense que le député de Verdun me veut du mal, parce que, si je parlais comme le ministre des Finances, je serais obligé de soutenir, sans rire, qu'il y a moyen de restructurer une économie comme la nôtre avec un taux d'investissement, par rapport au PIB, de 15%. C'est absolument inusité. C'est un taux d'investissement qui, en gros, tout en exagérant comme le ministre le fait lui-même et qu'il admet à l'occasion pour fins d'illustration, permet à peine de remplacer, de moderniser le stock de capital, les actifs, le capital fixe, les unités de production. C'est un taux qui nous verrait tous à la longue condamnés à être essentiellement dans toutes sortes d'entreprises de services. On serait un immense laboratoire de pathologie ou de je ne sais trop quoi avec plein de gens, aucune espèce de stock de capital fixe et plein de gens qui sont dans les services. Ce n'est pas nécessairement un mal en soi, mais aller dire qu'on va devenir une puissance concurrentielle dans certains secteurs avec un taux d'investissement comme celui-là, à moins de tout mettre à la même place et de faire la même chose, ce qui est inconcevable, on n'est pas à la veille d'y arriver.

Je serais obligé également de soutenir que des dépenses publiques qui sont de 26% ou 27% par rapport au PIB au Québec nous placent dans une situation enviable dans le rang qu'occupent les différentes provinces, pas enviable par rapport à l'Ontario, soulignait-il tout à l'heure, 16% ou 18%, ou environ. C'est 21% au Manitoba; ce n'est pas 26% ou 27%. Je ne trouve pas, simplement à sa face même, qu'on est dans la même classe tellement, mais disons qu'on est dans la même classe et on n'est certainement pas, selon le ministre, dans la même classe que les provinces maritimes où c'est dans les 40% du PIB, la place qu'occupent les dépenses publiques des gouvernements provinciaux. Cela s'explique par deux éléments encore une fois indissociables pour avoir un chiffre comme celui-là. Ces provinces ont des PIB extrêmement bas, des économies extrêmement faibles, et je ne vois pas pourquoi on les envierait. Par ailleurs, le niveau des dépenses publiques est élevé dans ces provinces et représente une grande proportion du PIB, parce que les transferts fédéraux permettent aux gens de ces provinces de maintenir un niveau de services qui est comparable. En gros, quant aux services que les gens peuvent se donner et sur lesquels ils peuvent compter, c'est comparable à ce qu'il y a ailleurs au Canada. C'est pour cela que les transferts fédéraux existent. Incidemment, mon collègue d'Argenteuil qui nous rejoindra ici a l'intention de parler un peu plus de ces éléments.

Je serais également obligé, si je parlais comme un ministre des Finances, de dire, sans rire, qu'on a plein de gens, des dizaines de milliers de Québécois qui ne sont pas employables, tout en ayant démontré une demi-heure plus tôt qu'on a rien à envier aux autres en matière de système d'éducation et que, dans l'enseignement des mathématiques et des sciences, on a donné un coup extraordinaire qui nous met dans une position concurrentielle sensationnelle. Je ne vois pas comment les deux termes peuvent exister dans la même phrase, qu'il y ait des dizaines de milliers de jeunes qui ne sont pas employables, mais qu'on ait un système d'éducation à tout casser qui prépare tout ce monde-là pour le marché du travail. Là, vraiment, je ne comprends pas.

Le Président (M. Lachance): En conclusion, M. le député.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): En conclusion, pour parler du caractère calme et conciliant que le gouvernement aurait observé ou dont on peut le créditer en matière de ses relations avec les intervenants économiques, je n'ai rien vu dans les déclarations des différents collègues du ministre. Je dois souligner qu'il est beaucoup plus discret qu'eux à cet égard. Je n'ai rien vu dans des déclarations comme

celle du premier ministre, comme celle de l'ex-ministre responsable du développement économique et maintenant ministre du Commerce extérieur et des Relations internationales. Je n'ai rien vu dans les déclarations de ces gens-là qui laissait soupçonner aux investisseurs qu'ils sont bienvenus au Québec et que le gouvernement comprend quel genre de climat il doit contribuer à créer avec eux pour qu'on assiste à de l'investissement véritable au Québec et à l'accroissement de la prospérité, ce qui, pour accrocher la conclusion du député de Chambly, est un déterminant de la résolution, de la solution au problème du triangle des finances publiques qu'il décrivait tout à l'heure. Tant et aussi longtemps qu'on n'a pas des gestes à l'endroit de la création d'investissements qui sont positifs et qui, donc, attirent la prospérité avec eux, de la façon qu'on a décrite tant et plus, mais que le député de Chambly n'a pas saisie parce qu'il n'écoute pas toujours nos discours nécessairement, ce genre de déterminants fait que le triangle des finances publiques n'est pas un triangle. C'est un carré. On n'essaie pas de résoudre la quadrature du cercle ici. On fait remarquer que ce sont des fondements qui existent dans l'économie, dans l'attitude du gouvernement, dans les gestes qu'il peut poser, qui ne coûtent rien la plupart du temps, qui permettent de régler le problème des finances publiques qu'on a décrit plus tôt et sur lequel on s'entend. Le diagnostic est là et les chiffres sont là.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Parizeau: Je comprends que nous en arrivons à une sorte de conclusion quant à certaines interventions qui se sont produites depuis quelques heures. Je voudrais essayer de poser le même genre de diagnostic que celui qu'en quelques minutes le député de Vaudreuil-Soulanges a posé et de rattacher cela à quelques-unes des interventions du côté ministériel qui ont eu lieu depuis quelque temps.

Je pense qu'il est tout à fait raisonnable que l'on se dise: Ce parti de l'Opposition qui veut remplacer le gouvernement à la prochaine élection ou à la suivante, on doit lui poser comme question: Qu'a-t-il à dire à l'égard des dépenses, des revenus et du déficit? Il n'y a pas de doute qu'il est prodigieusement paradoxal de dire: Vous devriez baisser les impôts, augmenter les dépenses et, en tout cas, annuler le plus clair des compressions et, d'autre part, réduire le déficit. Ce serait, en tout état de cause, paradoxal. Mais dans le système de péréquation dont nous avons discuté précédemment, cela l'est encore davantage. Je pense qu'il n'est pas mauvais dans cette optique de remonter à ce qui s'est produit avant que le gouvernement actuel prenne le pouvoir.

Le député de Vaudreuil-Soulanges voudrait qu'on oublie certains des aspects de la situation à ce moment. À ses fins, il utilisait des arguments comme, par exemple, que le taux de croissance était plus élevé. Oui, le taux de croissance était plus élevé, mais le taux d'inflation était plus faible. En tout état de cause, pendant les trois dernières années du régime Bourassa, les dépenses augmentaient infiniment plus vite que le PIB en dollars courants. Je pense que le député de Roberval avait raison et parfaitement raison de souligner les dépenses administrativement somptuaires qui se sont faites à cette époque. Qu'on se rappelle, par exemple, qu'à l'occasion de la négociation collective de 1979-1980 j'ai ajouté, et sur la base de renseignements qui n'étaient pas complets à ce moment, 1200 postes d'enseignement au Québec. J'ai eu l'occasion, d'ailleurs, de le regretter en me rendant compte qu'on n'aurait probablement pas dû en donner autant que cela, sinon pas du tout.

Puis-je vous rappeler, M. le Président, qu'en 1976, juste avant les élections, le gouvernement libéral du temps en avait ajouté 6000 d'un coup? L'augmentation des postes dans la fonction publique, des effectifs, au cours des deux dernières années, c'était quelque chose d'absolument ahurissant. Un des premiers gestes du gouvernement, en arrivant au pouvoir, a été d'annuler des postes non comblés, mais accordés. Mais des milliers de postes. Comprenons-nous bien. Que l'Opposition exprime l'espoir d'arriver au pouvoir, c'est parfaitement humain et compréhensible. Mais pour l'amour du saint ciel, qu'elle ne justifie pas son appétence de pouvoir par les trois dernières années de la dernière fois que ces gens y sont passés parce que, sur le plan de la gestion des fonds publics, on a eu l'occasion de voir l'argent littéralement lancer par les fenêtres. Quand le député de Roberval mettait l'accent sur la question du déficit structurel, on nous avait préparés, en 1975-1976, à un déficit structurel qui n'était pas piqué des vers. (22 h 15)

Dans ce sens, tout ce qu'on voudra du côté des députés de l'Opposition. Il est parfaitement normal, encore une fois, qu'ils veuillent dénoncer la gestion du gouvernement et espérer prendre sa place, mais pas sur la base de leur dernière année de gestion, quand ils étaient au pouvoir dans les années soixante-dix; ah! non, sûrement pas! Et on revient à cette question fondamentale: Comment peut-on vouloir prendre le pouvoir en dénonçant le déficit, en le disant trop haut et en promettant de le réduire, en refusant l'essentiel des compressions de dépenses et en demandant

des réductions d'impôt? En espérant une croissance encore plus rapide de l'économie du Québec? Je vous rappelle que la croissance de l'économie du Québec est assez remarquable, à l'heure actuelle.

Le député de Vaudreuil-Soulanges parlait du caractère concurrentiel de l'économie du Québec. C'est évident qu'il faut qu'on soit concurrentiel, c'est évident qu'il faut l'être, mais il y a plusieurs façons de l'être et il faut qu'on le soit. Quand on vend 40% de la production nationale à l'extérieur et que l'on importe 40% de tout ce que l'on consomme, il est tout à fait évident qu'il faut être concurrentiel.

Mais revenons à cette politique économique qui est suivie par le gouvernement à l'heure actuelle. Sur le plan concurrentiel, qu'est-ce que l'on en pense? Qu'est-ce que l'on en pense profondément du fait qu'en 1984 on prévoit une augmentation de 38% dans les investissements manufacturiers au Québec contre une baisse de 15% dans le reste du Canada? On dit: Les politiques actuelles du gouvernement briment l'investissement privé, mais comment explique-t-on que l'investissement privé doive augmenter en 1984 de 15% au Québec et de 1%, 2% ou 3% ailleurs, au Canada? Ce sont des questions qu'il faut poser.

Quand on parle de remplacer un gouvernement au pouvoir, d'abord, il faut dire de quelle façon on accélérerait une croissance économique qui est déjà assez remarquable. Je ne dis pas qu'on ne pourrait pas faire mieux, nous essayons toujours de faire mieux, mais il faudrait nous indiquer comment on peut faire substantiellement mieux. D'autre part, on devrait nous indiquer comment, à partir d'une croissance pareille, qui relève encore du niveau des espoirs, si je comprends bien nos amis d'en face, comment ils pourraient à la fois réduire le déficit, baisser les impôts et augmenter les dépenses.

J'ai l'impression - c'est là où les parallèles deviennent gênants - qu'on revient à certaines conceptions que l'on avait et qui ne se sont pas avérées exactes dans les dernières années où le parti d'Opposition, aujourd'hui, occupait le pouvoir. En tout cas, la démonstration que cela est possible, nous l'attendons, nous la souhaitons vivement. Dans l'intervalle, il ne faudra pas s'étonner que le ministre des Finances et un certain nombre de députés du côté ministériel aient certaines appréhensions à l'égard de certaines des propositions qui nous sont faites.

Je termine là-dessus, M. le Président, et je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre.

M. le député de Bourassa.

Politiques industrielles fédérales

M. Laplante: Merci, M. le Président. Lorsque j'ai pris la parole, tout à l'heure, le temps m'a manqué pour compléter mon intervention. J'ai beaucoup parlé de la dignité humaine et je voudrais revenir sur deux points, deux gestes gouvernementaux que j'ai oublié de mentionner et qui visent les personnes âgées. Lorsque l'on parle de dignité humaine, en voici un exemple: Au lieu de laisser les personnes âgées vivre en concubinage forcé par la peur de perdre leur chèque de pension, on a au moins rétabli la dignité humaine de ces personnes en leur permettant de se marier tout en conservant leur chèque de pension du Québec.

Je me souviens très bien qu'en 1976, quand je suis entré dans un centre que je peux nommer, Angelica - je pense que le député d'Argenteuil le connaît très bien - la première chose que m'ont montrée les personnes âgées, c'était une paire de chaussons tout percés qu'elles avaient. Je leur ai demandé ce qu'elles faisaient avec cela et elles m'ont répondu: On n'a pas d'argent pour en acheter d'autres, on n'a que 40 $ par mois pour nos petites dépenses, pour aller chez la coiffeuse, pour nos menues dépenses, fumer et s'acheter des vêtements. Je peux dire qu'aujourd'hui on leur laisse au moins 90 $ par mois pour leurs menues dépenses. Je ne dis pas que c'est assez, on pourrait même en donner un peu plus dans ce sens.

Cela complète mes propos sur la dignité humaine qu'on a voulu donner aux personnes du troisième âge. Mais les reproches, j'en avais déjà énumérés dix auparavant et, avec ceux-là, cela en fait douze.

Maintenant, le député de Vaudreuil-Soulanges reproche au député de Roberval de revenir sur la période de 1970 à 1976.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est bienvenu quand c'est fait comme du monde.

M. Laplante: Oui. Cela me fait de la peine que le député de Vaudreuil-Soulanges voit les reproches de cette façon parce qu'il doit se dire qu'il n'est pas responsable de l'époque de 1970 à 1976, qu'il ne faisait pas partie du Parti libéral à ce moment, il était un bon unioniste.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vous n'en savez rien.

M. Laplante: C'était son droit le plus démocratique du monde. Lorsque vous avez adhéré au Parti libéral, je pense que c'était votre responsabilité également de défendre les politiques qui ont été établies durant les années 1970 à 1976. Ce n'est pas nous qui avons déclaré, lors d'un congrès à la

chefferie, que le chef que vous aviez à ce moment c'était un rapiéçage, c'était un vieux chef avec lequel vous avez essayé d'en faire un nouveau. Cela a été dans les argumentations du député de Vaudreuil-Soulanges. Il est certain qu'avec le chef que vous avez présentement vous aimez mieux ne pas parler des années 1970 à 1976.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): On ne fait que cela.

M. Laplante: Vous aimez mieux ne pas parler de la construction du stade olympique au coût de 1 000 000 000 $. C'est certain parce que c'est une croix chez vous.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ...ne pas en parler

M. Laplante: Vous aimez mieux ne pas parler de la crise d'octobre 1970, l'approbation des mesures de guerre.

M. Caron: M. le Président, il faudrait parler de la Baie James.

M. Laplante: Je vais en parler.

Le Président (M. Lachance): Excusez-moi, M. le député de Bourassa, il y a une question de règlement du député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président, avec tout le respect que je dois au député de Bourassa même à cette heure tardive, quelle est sa question? Le ministre des Finances est ici pour répondre aux questions. Que fait-il? Fait-il un discours ou s'il pose des questions?

Le Président (M. Lachance): M. le député, je ne vois pas en quoi c'est une question de règlement parce que nos règles en commission parlementaire sur l'étude du budget sont souples et il est permis de dialoguer, de monologuer, de parler de tout et de rien.

Une voix: De divaguer.

Le Président (M. Lachance): Je n'ai pas dit cela. La parole est au député de Bourassa.

M. Laplante: II est certain que vous n'êtes pas responsable, M. le député de Vaudreuil-Soulanges, des mesures de guerre de 1970. Vous n'êtes pas responsable non plus de la construction du stade olympique. Vous n'êtes probablement pas responsable des 750 000 $ qui sont un surplus de dépense à la suite de la construction du stade olympique. Vous n'êtes probablement pas responsable non plus, lors de la prise du pouvoir de 1976, quand 40 caisses de documents qui étaient sous la responsabilité du ministre des Finances sont disparues. C'est ce que vous reprochiez tout à l'heure au député de Roberval.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vous n'étiez pas ici, quelqu'un d'autre écrivait vos notes pendant ce temps.

M. Laplante: Ensuite, vous n'étiez pas responsable, M. le député de Vaudreuil-Soulanges, du coût de la Baie James lorsqu'il a été annoncé à 5 000 000 000 $ et, trois ans plus tard, il était rendu à 15 000 000 000 $. Cela fait partie de l'économie du Québec telle qu'on l'a prise en 1976. C'est à cela qu'il faut que vous réfléchissiez dans vos questions. Lorsque vous essayez de défendre un peu les budgets de 1973 à 1976, il faut absolument que vous puissiez inclure toutes ces dépenses. Vous n'avez pas l'air de le réaliser. Il est bon de défendre un passé, mais il faut faire attention aussi de la façon qu'on le défend. Parce que des reproches, on peut en avoir là-dessus.

Maintenant, lors de l'ajournement, on avait commencé à discuter de la part du Québec qui serait incluse dans le déficit fédéral, les 87 000 000 000 $. Aussi, je disais que la part du Québec était de 24 000 000 000 $ dans les trois dernières années. Ma première question: Si on avait eu à administrer ces 24 000 000 000 $ de déficit qui est la part du Québec, est-ce qu'on aurait pu atténuer les coupures salariales qui ont été imposées aux fonctionnaires? Aurions-nous été capable de soutenir environ 4000 entreprises qui ont dû fermer leurs portes lors de la récession? Aurions-nous été capable d'aider les propriétaires en leur garantissant des taux d'intérêt raisonnables sur leur hypothèque au lieu de leur faire perdre leurs maisons? Est-ce qu'on aurait été capable de subventionner certaines industries qui voulaient venir au Québec, mais qui ne pouvaient pas à cause des taux d'intérêt? Cela fait partie de tout le bagage. Aurions-nous pu abolir la surtaxe sur l'essence complètement? Est-ce qu'on aurait été capable d'implanter des programmes d'emplois plus généreux adaptés aux besoins des Québécois et des Québécoises? Ce sont des questions auxquelles le ministre pourra sûrement répondre.

N'aurions-nous pas aussi été capable d'entreprendre un virage plus rapidement, un virage technologique afin que nos jeunes soient les premiers à en bénéficier? Cela, c'est si on avait eu à administrer les 24 000 000 000 $ de déficit que le gouvernement fédéral nous a donnés. Je crois qu'on aurait pu épargner, ' à ce moment, du temps et de l'argent sur une double juridiction. Les priorités du Québec, est-ce

qu'elles auraient été mieux respectées? Est-ce que les chicanes fédérales provinciales auxquelles vous faites toujours allusion auraient été diminuées?

Je voudrais aussi savoir du ministre, sur la péréquation, ce qui se passe avec l'électricité qu'on achète de Terre-Neuve. Est-ce vrai qu'on est pénalisé en péréquation sur un achat qu'on fait d'une autre province? Mais, par contre, Terre-Neuve retire des montants - on me dit 40 000 000 $ - en péréquation de plus, mais pourquoi est-on pénalisé dans cette péréquation? Ce sont toutes de questions qu'il faut se poser. On ne peut pas éviter le fédéral. On vit dans un système fédéral, on vit dans un système où ils n'ont jamais voulu définir ce qu'était une fédération, mais nous avons toujours vécu dans une confédération qui est complètement différente d'une fédération. Lorsque les ministres ou les députés fédéraux parlent, ils nous parlent d'une confédération. Ils n'ont pas encore pris le thème du nouveau bill.

Ce sont des choses dont on est obligé de parler. Il faut être réaliste, à un moment donné. Pourquoi refusez-vous de parler de l'argent qui vient des impôts québécois, qui est transposé dans un gouvernement central et du retour qu'il serait supposé avoir ici? Pourquoi toujours défendre une machine fédéraliste qui veut centraliser, pas seulement le Québec, mais tous les pouvoirs des autres provinces au même endroit? Pourquoi n'y a-t-il pas une meilleure justice dans la répartion des sommes perçues vers ces provinces dont le Québec est le premier et celui qui en a le plus souffert?

Ce sont toutes ces questions que je pose à M. le ministre. Que l'Opposition elle-même puisse nous répondre dans un budget. Vous avez ri longtemps du budget M. Parizeau de l'An I et c'est le temps pour vous de faire une performance, de dire que vous voulez diminuer les dépenses du Québec de 10%. Ce fut annoncé par vous et non par nous. En même temps, vous voulez augmenter de près de 2 000 000 000 $ les dépenses qu'on a comptabilisées à venir jusqu'ici. Comment pouvez-vous trouver 5 000 000 000 $ tout d'un coup, comme cela?

Le Président (M. Lachance): M. le député.

M. Laplante: Bien, c'est vous qui le donnez. Vous voulez couper de 10% les dépenses du Québec. C'est M. Paradis, le député de Brome-Missisquoi, qui l'a donné, on l'a écrit dans un de ses discours lors de la campagne au leadership. Bien, il est encore chez vous que je sache. Bien, il est porte-parole aux Affaires sociales; s'il coupe les Affaires sociales de 10%, qu'est-ce qui reste? C'est 700 000 000 $ de moins.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Bourassa, je vous rappelle que votre temps est terminé.

M. Laplante: Oui. J'en aurai encore pour dix minutes tout à l'heure, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Ah! Bien, M. le député...

M. le ministre, est-ce que vous désirez intervenir à la suite des propos du député de Bourassa? (22 h 30)

M. Parizeau: Peut-être dans le sens suivant, M. le Président. Le député de Bourassa soulève de diverses façons un problème qui aura toujours été majeur dans l'histoire économique du Québec et qui a trait certainement au genre de structures industrielles que, pendant très longtemps, on a hérité des politiques fédérales, j'allais dire financées avec notre propre argent. Il n'est pas exact qu'on ait toujours pâti, sur le plan de la structure industrielle, du régime fédéral. Mais il faut remonter très loin en arrière pour trouver un moment où ça nous a été favorable. En fait, il faut retourner au National Policy, Sir John A. MacDonald. Cela a favorisé le Québec.

Le Québec a été indiscutablement favorisé sur le plan des politiques industrielles pour lesquelles on payait avant la guerre de 1914. Et encore, je vous rappellerai à cet égard que nous avons pris un tel retard...

M. Laplante: M. le Président, est-ce qu'il y aurait possibilité qu'on ait la décence, au moins, d'écouter ce que M. le ministre dit.

Le Président (M. Lachance): J'inviterais les membres de la commission à respecter le règlement en permettant au ministre de continuer, sinon on va suspendre le temps dont vous avez besoin. Cela semble déranger M. le député de Bourassa. M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, je disais simplement que ces politiques industrielles que nous finançons en partie nous auront été favorables jusqu'à la guerre de 1914, encore que le retard pris sur le développement du réseau de chemin de fer, par rapport à l'Ontario, déjà, était assez incroyable et on en a payé un prix élevé. Par la suite, quand on regarde à quel point le système économique a été biaisé entre deux provinces - il ne faut pas se leurrer - qui étaient deux provinces industrielles - oublions, à cet égard, les Maritimes et oublions l'Ouest -une concurrence féroce s'est établie sur le plan des structures industrielles, de leur modernisation et de leur développement, et ça fait quand même, maintenant, soixante

ans que ça dure.

Pendant cette période, on ne peut d'aucune espèce de façon considérer que le gouvernement du Québec, que la population du Québec, j'allais dire - présentons cela ainsi - en a eu pour son argent. Les exemples sont extraordinairement nombreux. Il ne faut pas remonter trop loin en arrière. Regardez comment la production s'est faite pendant la deuxième guerre mondiale. L'équipement lourd, à peu près entièrement en Ontario. On a sauvé de la guerre, essentiellement, dans la région montréalaise, l'industrie aéronautique. Cela, oui, on l'a gardée. Mais pour tout le reste, ne nous faisons pas d'illusions, pas grand-chose. D'accord, on a fabriqué beaucoup de munitions. Que voulez-vous? À l'usine de Saint-Malo, à Québec, une fois que vous avez cessé de fabriquer des munitions, vous arrêtez la production. Point.

Toute la période d'après-guerre a été marquée par des décisions, aussi bien sur le plan des tarifs douaniers, sur le plan des subventions aux entreprises, sur le plan des politiques industrielles du gouvernement canadien, dans le sens de favoriser systématiquement le développement de l'Ontario, et ils y sont arrivés, il n'y a pas l'ombre d'un doute. Toute l'histoire de la révolution tranquille jusqu'à maintenant à travers les gouvernements consiste, comme je le disais dans une intervention précédente, pour les gouvernements successifs au Québec, à chercher à renverser ce biais, mais avec les ressources du gouvernement du Québec tout seul.

Là, je ferai des raccourcis à travers l'histoire. J'ai dix minutes, je ne veux pas trop m'étendre là-dessus, mais ça m'apparaît quand même fondamental. Nous sommes encore aux prises, aujourd'hui, avec ce genre de biais. De temps à autre, on arrive à sauver quelque chose. J'allais dire grâce au ciel - c'est affreux d'avoir à dire cela -grâce au ciel, il y a eu l'incident du F-18; cela nous a valu Bell Helicopter. Encore que, tout de suite après, on annonçait Messerschmitt en Ontario. Je parlais de Sir John A. MacDonald tout à l'heure. Si je fais des raccourcis à travers l'histoire qui sont forcément beaucoup trop rapides, regardons les journaux de ce matin: Pétromont, plus un sou. C'est la base même de toute l'industrie des plastiques au Québec et il y a n'importe quoi, selon les estimations, entre 12 000 et 17 000 emplois qui dépendent de cela. Le fédéral, ce matin, rien. Les ententes sectorielles qui sont en train d'être négociées entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec, nous apprenons par la voie des journaux de ce matin que le gouvernement fédéral rompt les négociations et dépensera 109 000 000 $ comme il le veut et là où il le veut. Nous apprenons par les mêmes journaux, toujours ce matin, que

Honda s'en va en Ontario.

C'est l'histoire - qu'est-ce que vous voulez qu'on y fasse? - du gouvernement du Québec depuis 25 ans; depuis qu'il y a un gouvernement un peu moderne au Québec qui s'intéresse à ces questions-là, c'est l'histoire du Québec. C'est l'histoire de tous les gouvernements qui se sont succédé. Comment, seulement avec les ressources du gouvernement du Québec, contrer un biais comme celui-là? Quand bien même on chercherait à dire, selon les aléas de la politique, que tel gouvernement va trop loin, que tel gouvernement ne va pas assez loin, fondamentalement, il n'y a rien de changé là-dedans. Il s'agit de savoir comment, avec nos propres ressources, on peut faire en sorte de contrer le biais industriel du gouvernement fédéral, alors que le gouvernement fédéral se défend en disant: Je paie la moitié de l'aide sociale au Québec. Bien oui. Alors qu'il dit: La caisse d'assurance-chômage est largement déficitaire au Québec. Bien oui. Sur ce plan-là, nous recevons des transferts fédéraux absolument impeccables. Il nous finance 50% de l'aide sociale, il n'y a pas de problème. Alors, que sur le plan des structures industrielles, c'est une autre paire de manches, où les gestes industriels sont systématiquement orientés en fonction de l'Ontario.

Remontons en arrière, si on trouve qu'on discute trop d'aujourd'hui. Est-ce qu'on veut parler de la façon dont les écoles techniques ont été montées au Canada? C'était à l'époque où M. Paul Gérin-Lajoie était ministre de l'Éducation. On s'est fait avoir comme des enfants. Les écoles techniques, c'était important sur le plan du développement industriel. Comme par hasard, les normes fédérales sont sorties avec un montant, les plans de construction d'écoles techniques étaient entièrement prêts en Ontario. Ils sont partis avec la caisse. Le temps que ceux qui n'étaient pas avertis comme nous préparions des plans pour la construction d'écoles techniques au Québec à l'intérieur de nos polyvalentes, la manne était passée. Cela a eu une certaine influence sur le développement industriel. Je peux me promener comme cela pendant 25 ans, de ce matin à il y a 25 ans, et retrouver systématiquement ce biais parfaitement compréhensible, d'autre part, et c'est normal. Le coeur industriel du Canada, c'est l'Ontario. Il est tout à fait normal qu'un gouvernement responsable à l'égard d'un pays aussi immense que le Canada détermine où est son coeur et où sont ses muscles sur le plan industriel et favorise le développement de muscles existants.

Remarquez que ce que je dis là, si j'étais ministre des Finances dans certaines autres provinces, je dirais probablement la même chose. Dans ce sens-là, je vous dirai que Terre-Neuve a eu un "deal" épouvantable

depuis qu'ils sont entrés dans la Confédération. C'est effrayant ce que le gouvernement fédéral a fait à Terre-Neuve, toujours en payant la moitié de l'aide sociale, toujours en étant capable de fournir autant d'assurance-chômage qu'on le veut. Sur le plan industriel, je vous dirai une chose: sur le plan des structures industrielles, si j'étais Terre-Neuvien, je serais enragé. Comme Québécois, je suis souvent de mauvaise humeur. Je trouve souvent que le gouvernement fédéral exagère. J'ai une hâte féroce de sortir de ce système, mais si j'étais Terre-Neuvien j'irais bien plus loin.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

Paiements de transfert

M. Ryan: Merci, M. le Président. Cela me fait plaisir de participer à cette discussion en compagnie du ministre des Finances, de mon collègue le député de Vaudreuil-Soulanges, de mes collègues de Verdun et de Sainte-Anne. Cela m'intéresse toujours d'avoir la chance de discuter avec le ministre des Finances de questions qui nous intéressent en commun.

Je l'entendais faire son énumération tantôt des mesures prises par le gouvernement fédéral en ce qui touche le développement industriel du Québec. Je pense qu'on pourrait ajouter un certain nombre d'exemples éloquents à ceux qu'il a mentionnés ou omis de mentionner. C'est sûr qu'il a mentionné l'aéronautique en passant. Il l'a fait très vite. Si nous avons une entreprise qui est à la fine pointe de l'industrie aéronautique, surtout en matière de production de moteurs comme Pratt et Whitney, c'est dû en grande mesure à l'aide que cette entreprise a reçue du gouvernement fédéral non seulement pour son implantation au Québec, mais pour son développement subséquent, surtout l'avancement de sa recherche. Je crois me souvenir que, lorsque la compagnie Bombardier a décroché un gros contrat aux États-Unis, le président avait déclaré que c'était en très grande partie attribuable à l'aide qu'il avait reçue du gouvernement fédéral.

Nous aurons, dans le comté d'Argenteuil, le projet Bell Helicopter. J'espère que le Devoir s'est trompé dans les articles qu'il a consacrés à ce projet il y a un certain temps. Il a souvent raison, mais il lui arrive de se tromper comme d'autres, à toutes les époques d'ailleurs, mais je pense que c'est un projet qui, à sa face même, présente une possibilité de développement extrêmement intéressante.

Dans le secteur des pâtes et papiers, la part du gouvernement fédéral dans le programme de modernisation des installations qui a été réalisé au cours des cinq ou six dernières années a été considérable. Le gouvernement québécois a eu une participation intéressante aussi. Celle du gouvernement fédéral - et là je ne porte pas de jugement de valeur - fut plus considérable au point de vue du volume, mais voici un cas où il y a eu une certaine collaboration qui a permis à nos entreprises de pâtes et papiers de reprendre un peu du retard qu'elles avaient accumulé pendant des années en matière de modernisation de leurs équipements.

Je suis depuis toujours - maintenant, hélas, un peu à distance - le développement de la coopérative fédérée, un grand mouvement coopératif agricole. Je pense que ces gens ont bénéficié à maintes reprises au cours de leur histoire de politiques fédérales qui permettaient d'acheminer une bonne partie de la production agricole du Québec vers des marchés extérieurs et de renforcer nos productions agricoles dans plusieurs secteurs. Assez curieusement, ces gens-là qui sont à la pointe de la production agricole au Québec sont beaucoup moins gémissants lorsqu'ils parlent des politiques fédérales que certains de nos amis du Parti québécois. Tout n'est pas parfait dans ces politiques, loin de là, mais je pense qu'il y a un grand nombre de points qui valent d'être soulignés. Il faudrait évidemment faire un inventaire assez large et je pense qu'on en trouverait plus que ce que nous a laissé entrevoir la déclaration du ministre tantôt. Je dis cela sans vouloir faire d'apologie parce que, s'il y a des mesures particulières qui ont été mauvaises, il faut le dire avec fermeté et, si d'autres ont été bonnes, il faut avoir la loyauté de le reconnaître.

Je ne me souviens pas... Si le ministre des Finances pouvait apporter des précisions à ce sujet tantôt, j'en serais heureux. Il était peut-être conseiller d'un gouvernement libéral à l'époque. Quand on a fait l'implantation de General Motors à Sainte-Thérèse, je ne pense pas que le gouvernement fédéral ait nui, je pense qu'il a au contraire aidé. Là arrive une décision dans le cas de Honda. C'est une décision que nous déplorons tous profondément du point de vue du Québec, mais j'espère que, dans l'ensemble des projets de développement de l'industrie automobile au cours des années à venir, le Québec retrouvera sa part. Je ne sais pas ce qui est arrivé dans toutes les négociations qui ont entouré ce projet, mais je crois savoir que, dans le cas d'une compagnie comme Bell Helicopter, cela a été très difficile de les persuader de venir au Québec, car il y avait toute une série de facteurs qui les incitaient à regarder plutôt du côté de l'Ontario. Dans mon comté d'Argenteuil, nous avons eu l'implantation d'une entreprise très importante récemment de la filiale de Great Lakes Carbon, un

projet qui peut aller chercher dans les 500 000 000 $ lorsque la deuxième étape aura été réalisée.

Dans les premières étapes, la collaboration du gouvernement du Québec n'était pas de nature à les amener ici. Je suis heureux qu'en dernière étape il y ait eu un redressement. Finalement, il y a eu une très bonne collaboration fédérale-provinciale pour l'acheminement vers une décision qui nous a été favorable. Le gouvernement fédéral a fourni une contribution plus élevée que celle du Québec. Le Québec a fourni une contribution plus modeste, mais quand même très appréciée dans ce cas-ci. À la fin, il a fourni un apport de soutien surtout au point de vue de l'implantation des services et des règlements de problèmes de zonage agricole. Il a été positif dans l'ensemble. Je suis très heureux de le reconnaître, mais c'est pour cela que j'aimerais bien qu'on fasse un bilan plus large. Je comprends les préoccupations du ministre qui suit ces choses depuis longtemps. J'écoute toujours avec intérêt, même si j'ai de la misère à souscrire à toutes les affirmations générales que j'entends souvent sur ses lèvres. Cela m'amène à un aspect particulier. (22 h 45)

J'entendais le député de Bourassa dire tantôt - et c'est un des thèmes que nous entendons souvent chez les porte-parole du Parti québécois - que notre fédéralisme canadien a évolué ces dernières années et continuera inexorablement d'évoluer vers une centralisation de plus en plus considérable. Je ne sais pas, j'ai préparé un certain nombre de chiffres sur cela, je les ai colligés plutôt que préparés parce que je les ai pris là où ils se trouvaient; je n'ai rien inventé, je pense bien. On l'a dit souvent à la Chambre, mais je pense que les oreilles de nos collègues du Parti québécois sont remplis de ouate quand on parle de ces choses. Peut-être qu'ils trouvent la même chose de notre côté, mais le message ne passe pas ni de leur côté vers nous, ni de notre côté vers eux, et je fais un effort de clarification pour lequel je compte sur la collaboration du ministre des Finances.

Est-ce que je me trompe quand je cite les chiffres suivants? Sur la répartition des recettes publiques entre le gouvernement fédéral et les pouvoirs provinciaux et municipaux, sur une base de 50 ans - je ne prends pas une base à la légère, je prends 1930, 1960, 1970, 1980 - en 1930, les recettes publiques - je vais prendre l'autre tableau avant, je vais prendre les recettes publiques propres à chaque ordre de gouvernement - étaient 33% du côté fédéral, 66% du côté des administrations provinciales et locales. En 1960, là c'était dans la période qui a suivi le deuxième conflit mondial, c'était de 58,2% du côté fédéral, 41,8% du côté provincial et local. Dans les années après la guerre, si on allait chercher - je pense que le ministre des Finances va confirmer ce que je dis sur cela, du moins en gros - les années 1948-1950, c'était 75% des recettes publiques qui allaient du côté fédéral. En 1970, c'était rendu à 50,9% contre 49,1%. En 1980, c'est 46,6% contre 53,3%; ce sont les recettes propres, les impôts perçus par chaque ordre de gouvernement.

Maintenant, si l'on soustrait les recettes de l'administration fédérale, les sommes qui sont versées aux provinces sous forme de paiement de transfert, tantôt inconditionnel, tantôt relié au financement de programmes établis ou d'autres programmes, on en arrive au pourcentage suivant, le partage des recettes publiques se fait comme ceci: il en reste 34,7% au fédéral et il y en a 65% qui vont aux administrations provinciales et locales.

À moins que les chiffres ne veulent plus rien dire, je ne pense pas qu'on puisse dire qu'il y a une évolution tellurique, inexorable vers une centralisation de plus en plus grande. Une des caractéristiques de la fédération canadienne, c'est justement qu'elle a évolué et je crois avoir entendu le ministre des Finances dire déjà que, si lui-même était un fédéraliste, il serait un centralisateur. Je le comprends parce qu'il y a beaucoup de points sur lesquels c'est un centralisateur, un centralisateur québécois. Mais des fois cela fait aussi du tort aux commissions scolaires et aux institutions intermédiaires. Je n'aime pas la mentalité centralisatrice, qu'elle règne à Québec ou à Ottawa, je ne l'aime pas davantage. Je préfère une mentalité de philosophie politique qui cherche à établir un dosage équilibré entre les différents paliers de responsabilités qui existent sous notre système de gouvernement. Cela est un premier point.

Récemment, à l'occasion d'une conférence qui avait lieu à Toronto sous les auspices du Conseil économique de l'Ontario, à laquelle j'ai eu l'honneur de participer, j'ai entendu un exposé par un professeur de philosophie politique de l'Université de Toronto. Il a comparé l'aménagement des responsabilités des opérations financières entre les différents paliers de gouvernement dans six fédérations différentes. Trois étaient des fédérations anglophones où l'anglais occupe une place importante comme au Canada, et trois autres. Parmi les fédérations qu'il a étudiées, il y avait celle des États-Unis, il y avait celle de la République fédérale d'Allemagne, il y avait celle de l'Australie, il y avait celle de la Suisse et il y avait celle de l'Autriche. Je pense que cela fait six.

Le Président (M. Lachance): M. le député, est-ce que vous pouvez conclure parce que le temps imparti à chaque

intervenant est de dix minutes?

M. Ryan: Ce n'est pas déjà fini?

M. Caron: M. Ryan, M. le député d'Argenteuil, je pense que nous sommes tous unanimes à laisser...

Le Président (M. Lachance): Vous auriez besoin d'encore combien de temps?

M. Ryan: N'avons-nous pas vingt minutes pour parler?

Le Président (M. Lachance): C'est dix minutes par intervention.

M. Ryan: Je m'excuse, il y avait maldonne. Je pensais que c'était vingt minutes. J'arrive d'une commission et on avait une belle période de vingt minutes.

M. Laplante: Cela fait treize qu'on vous donne, prenez-en deux autres.

M. Ryan: Je ne veux pas de vos cadeaux de deux minutes. Je vais brutalement arrêter ici.

M. Laplante: C'est un cadeau de Grec qu'on vous donne, prenez-le.

M. Ryan: Un cadeau de Grec, non. J'avais énormément d'autres points à apporter. Mon sujet principal était les paiements de transfert, mais peut-être qu'il y aura une occasion d'y revenir tantôt, je ne suis pas pressé.

Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'il y aurait consentement des membres...

M. Caron: II y a consentement sans aucune obligation.

M. Ryan: Pardon!

Le Président (M. Lachance): J'aimerais avoir une réponse claire. Est-ce qu'il y a consentement ou s'il n'y en a pas pour permettre au député d'Argenteuil...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): De la même façon que la présentation est manifestement cohérente, cela arrive même de votre côté. C'est arrivé au ministre des Finances, c'est une chose certaine, on l'a laissé déborder, il a répondu jusqu'à la fin. Je ne vois pas pourquoi le député d'Argenteuil...

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil, vous avez la permission de la commission, vous pouvez continuer.

M. Ryan: Merci, je l'apprécie énormément, mais j'espère ne point abuser. Est-ce que je suis restreint à deux minutes?

Le Président (M. Lachance): Non, allez-y, M. le député, vous avez dix minutes.

M. Ryan: Très bien. Je soulignais que la conclusion de l'auteur de cette étude - je pense que le ministre des Finances en a peut-être eu copie parce qu'il y avait des représentants de son ministère à la conférence - c'était que le Canada et la Suisse sont les deux pays où les finances publiques sont aménagées d'une manière qui favorise le plus les États constituants. C'est un fait qui a été tiré de là.

L'autre conclusion qu'il tirait, c'est que le Canada est le pays, dans les six pays à régime fédéral qu'il a étudiés, où le système des paiements de transfert d'un palier de gouvernement à l'autre a été développé de la manière la plus élaborée, beaucoup plus élaborée que ce qu'on trouve dans les autres fédérations. C'est un auteur qui a fait cela, un professeur de l'Université de Toronto dont j'oublie le nom pour l'instant, mais dont la compétence est reconnue dans ces choses. Il a bien pris soin de nous dire, cependant, que, dans ces choses, il n'y a personne qui est totalement compétent, parce que comprendre un système fédéral, le nôtre, c'est extrêmement compliqué. À plus forte raison, en comprendre six, cela doit être extrêmement difficile.

Ceci étant dit, je voudrais signaler à l'attention du ministre des Finances un point sur lequel je suis en désaccord avec lui. Lorsqu'il nous signale les difficultés particulières qui surgissent à propos du système des paiements de transfert, j'ai tendance à être souvent d'accord avec lui. Je voudrais lui dire, en toute objectivité, que la compétence qu'il possède dans ces choses est appréciée à travers tout le Canada et que souvent, dans des voyages qu'il m'arrive de faire à travers le pays, je recueille des échos favorables au sujet d'interventions ou de suggestions ou de propositions qui ont été mise de l'avant par le ministre des Finances à l'occasion d'une discussion ou d'une réunion provinciale-fédérale.

Les travaux de critiques de même que les suggestions qu'a faits le ministre des Finances pour l'amélioration, la stabilisation des paiements de péréquation sont des contributions très valables pour lesquelles j'ai personnellement du respect. Je pense que le ministre des Finances a intérêt à les poursuivre davantage de manière que l'effet puisse en être inscrit un jour d'une manière plus permanente dans toute la conception qu'on se fait de ces paiements de péréquation.

En ce qui touche le financement des programmes établis, le ministre des Finances a signalé à plusieurs reprises dans le passé

et encore récemment les embûches qui provenaient de changements conçus souvent à la vapeur ou de manière improvisée ou de manière inacceptable pour le Québec par les technocrates ou les politiciens fédéraux. Je pense que, lorsqu'il arrive à cerner la difficulté de manière précise, il peut arriver que des terrains d'entente se dégagent entre le gouvernement et l'Opposition pour la défense des intérêts supérieurs du Québec.

Ce que je n'accepte pas dans la manière dont le ministre des Finances présente cette réalité, c'est l'oubli qu'il fait de tracer la courbe de fond sur la toile de fond sur laquelle viennent s'inscrire les difficultés de parcours qu'il signale à notre attention, souvent à juste titre. J'ai compilé des statistiques au sujet de l'évolution des paiements de transfert fédéraux au Québec au cours des douze dernières années. J'ai constaté que, dans l'ensemble, le rendement des paiements de transfert a été très sensiblement supérieur au rendement des recettes propres du gouvernement du Québec. Si l'on compare l'évolution des recettes budgétaires propres du gouvernement du Québec, si l'on compare aussi - évidemment, c'est un corollaire tout à fait logique - les recettes globales du gouvernement du Québec, on constate que la part des recettes en provenance des paiements de transfert fédéraux a augmenté beaucoup plus substantiellement au cours des douze dernières années que la part des recettes propres.

Et là, j'en arrive à me dire: On nous a parlé de vol, on nous a parlé de rapt, on nous a parlé... Encore la semaine dernière, je pense que le montant qui a été mentionné par le ministre des Finances était 1 700 000 000 $ ou 1 800 000 000 $, mais, si l'on regarde l'évolution des chiffres, j'ai des paiements de transfert fédéraux, et j'ai vérifié ces chiffres avec les collaborateurs du ministre - je ne pense pas qu'il y ait de chicanes entre nous sur les chiffres. Le rendement total des paiements de transfert fédéraux en 1972 était de 1 326 000 000 $. Ensuite, il est passé à 1 284 000 000 $ en 1973, une légère baisse; en 1974, il est passé à 1 406 000 000 $; en 1975, à 1 902 000 000 $; en 1976, 2 255 000 000 $; en 1977, 2 561 000 000 $; en 1978, 3 136 000 000 $; en 1979, 3 333 000 000 $; en 1980, 3 824 000 000 $; en 1981, 3 972 000 000 $; en 1982, 4 572 000 000 $; en 1983, 5 292 000 000 $; en 1984, 6 253 000 000 $.

Je me dis que, pour ces années que je viens d'énumérer, il n'y a sûrement pas de catastrophe en la demeure. Il y eu bien des difficultés de parcours, bien des choses; je suis convaincu que l'action du ministre des Finances a joué un rôle salutaire dans le rendement de ces paiements. Il y a des points sur lesquels il a défendu nos intérêts et je dois convenir, en toute honnêteté, qu'il les a défendus souvent avec pertinence, avec compétence. Mais moi, je regarde le résultat global et je me dis: Je suis bien loin de la tragédie que nous avait annoncée, à chaque discours sur le budget, le ministre des Finances.

J'ai fait le calcul, avec les services de recherche de l'Opposition, des écarts entre les prédictions du ministre des Finances quant au rendement des paiements de transfert au cours des trois dernières années, les résultats réels. L'année 1981-1982, écart de 309 000 000 $; l'année 1982-1983, écart de 374 000 000 $; l'année 1983-1984, écart de 278 000 000 $, ce qui fait un total de 961 000 000 $. On va me dire qu'il y a eu des ajustements. C'est vrai, mais moi, je prends l'affaire sur une base de dix ans. Les ajustements, qu'on les prenne pour une année ou l'autre, finalement, il faut bien y voir la longue période et je vous dis, M. le ministre, que, si je regarde la longue période embrassant les dix ou douze dernières années, il n'y a pas de raison de crier au vol, à la catastrophe. Vous avez signalé avec raison que, si on examine les perspectives de la prochaine année et de l'année suivante, il faut être vigilant parce que, même si on était vigilant, je pense qu'on est cuit à certains égards parce qu'il va y avoir une diminution. Cela, c'est établi clairement dans les notes que j'ai compilées moi-même. J'en viens à cette constatation aussi qui n'appartient à personne, qui est du domaine public maintenant parce que le gouvernement fédéral a fait paraître ses estimations, le gouvernement du Québec également.

Maintenant, on va traverser une période plus difficile au cours des deux prochaines années, mais, à supposer que vos paiements de transfert au titre des programmes établis ont augmenté de 700 000 000 $ une année et qu'ils baissent de 100 000 000 $ l'année suivante, si vous prenez cela en longue période, ce n'est pas aussi catastrophique qu'on veut le laisser entendre. D'après les estimations que publie le ministre fédéral des Finances, à partir de 1985, je pense, 1986-1987, les deux prochaines années seront plus difficiles, mais après cela la courbe ascendante recommence. Ce que je voudrais signaler, c'est qu'il peut très bien arriver... Les accords fiscaux, c'est régi par une loi fédérale qui vaut pour cinq ans. Au bout de la période de cinq ans, c'est le droit du gouvernement fédéral de modifier les critères sur lesquels il se fonde pour déterminer les sommes qui seront versées au titre des paiements de transfert. Il ne faut pas qu'il joue avec cela. Moi-même, j'insiste énormément sur l'obligation qu'à le gouvernement fédéral de viser à la stabilité la plus élevée possible, à une certaine continuité, à une permanence dans cela. Mais, si on dit: On a perdu un milliard parce

qu'ils ont changé ce que nous aurait rapporté l'autre système... S'il se rend compte que l'autre système rapporte des résultats qui vont bien au-delà de l'augmentation du produit national brut, au-delà des besoins raisonnablement estimés, je pense que c'est non seulement son droit, mais son devoir de modifier le système de manière que le rendement devienne plus ajusté aux besoins réels et ne soit pas une source de déficits spectaculairement accrus pour le gouvernement fédéral. (23 heures)

Ce sont les considérations que je voulais porter à l'attention du ministre des Finances par le truchement de cette commission. Je vous remercie de m'avoir permis de le faire d'une manière qui demeure, hélas, encore très incomplète par rapport à tout ce que j'eus souhaité dire sur cela.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député d'Argenteuil. La parole est au ministre des Finances. Évidemment, j'aurai envers lui, dans son droit de réplique, la même tolérance; s'il le désire il pourra prendre 20 minutes.

M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, je ne sais pas si je prendrai 20 minutes, mais je vous remercie de l'offre qui m'est faite. Le député d'Argenteuil a couvert pas mal de terrain, cela devient un peu difficile de ramasser l'argumentation en dix minutes seulement.

J'aimerais commencer mon intervention, à la suite de ce qu'il a dit, par sa deuxième partie. Je reviendrai sur la première. Sa deuxième partie était consacrée au fond au degré de décentralisation du système fédéral canadien sur le plan des finances publiques.

M. le Président, bien longtemps avant de faire de la politique, mais bien longtemps, j'ai eu l'occasion de commenter ces chiffres et d'en arriver à des conclusions tout à fait analogues à celles du professeur de l'Université de Toronto dont le député d'Argenteuil faisait état. On pourrait remonter plus loin en arrière - je ne me souviens pas, mais enfin j'ai vu les chiffres -avant la guerre de 1914, où le niveau du gouvernement qui dépensait le plus au Canada, c'était le niveau municipal; avant 1914, c'était cela. Le niveau municipal au Canada dépensait plus que le gouvernement fédéral et que tous les gouvernements provinciaux ensemble. Les chiffres qu'a présentés le député d'Argenteuil sont parfaitement exacts. Remarquez que, si on utilise les dépenses comme dénominateur plutôt que les revenus, on arrive à peu près à l'heure actuelle au fait que le fédéral fait à peu près, en 1980, 45% de toutes les dépenses au Canada et les provinces et les municipalités, environ 55%.

Dans ce sens, le système fiscal canadien, non pas depuis si longtemps, dans une perspective historique, mais disons depuis le régime Pearson, s'est considérablement décentralisé. Si l'on prend les dernières années de Mackenzie King et celles de M. Saint-Laurent, il y a une sorte de résistance à transférer de l'argent aux provinces et on connaît les batailles que M. Duplessis a eues à cette époque pour essayer de sortir de l'argent que le gouvernement fédéral avait monopolisé pendant la guerre, comme le disait le député d'Argenteuil. Mais, à un moment donné, cela s'est fait. Je me souviens encore de l'époque où, sous M. Lesage, on opérait ce qu'on appelait la transsubstantiation du général de Gaulle. Cela consistait à faire en sorte que les Français râlent un peu dans les relations étrangères et cela valait au moins deux points d'impôt à la prochaine conférence fédérale-provinciale. Les provinces, largement dirigées par le Québec d'ailleurs à cette époque, ont littéralement fait un strip-tease du gouvernement fédéral, le pauvre ne savait plus de quel côté se tourner. Il a finalement aboli le partage des impôts en 100 points qu'on se disputait chaque année et qu'on se repartageait chaque année, et finalement chaque gouvernement a décidé de taxer comme il le voulait.

Les transferts fédéraux ont été considérables. Le système de péréquation tel qu'il existe au Canada - je reviens encore sur ce que disait le professeur de l'Université de Toronto, je l'ai dit pendant 20 ans avant cela - cela n'existe pas dans beaucoup de fédérations, le système de péréquation inconditionnel. Cet après-midi, nous parlions du système américain de péréquation. Ce système est totalement conditionnel, ainsi que je l'expliquais cet après-midi, plus tôt. Dans ce sens, c'est vrai que, sur le plan de la gestion des finances publiques au Canada, c'est tellement décentralisé que c'est ingouvernable, cela aussi je le dis depuis longtemps. J'ai eu l'occasion, avant de passer en commission parlementaire d'ailleurs, de le dire à une commission conjointe de la Chambre des communes et du Sénat. C'est ingouvernable sur certains plans. Pour que ce soit gouvernable, il faudrait redonner au gouvernement fédéral, sur certains plans, des pouvoirs qu'aucune province n'acceptera jamais de lui donner, et le Québec à plus forte raison.

Effectivement, cela a surtout pris la forme de transfert pour des programmes sociaux. C'est vrai qu'à certains moments les provinces ont grossièrement exagéré dans la façon dont elles administraient les programmes sociaux et les faisaient partager par le gouvernement fédéral. Je pense ici, par exemple, aux augmentations de salaires

absolument faramineuses qui ont été données par un certain nombre de provinces en 1975-1976, dont le Québec, et qui ont fait que le gouvernement fédéral a dit: On ne va pas continuer cela. Je dois payer la moitié de tout cela automatiquement, même si vous donnez 44% comme province aux infirmières, sur un contrat de deux ans.

Le système canadien est décentralisé sur bien d'autres plans que les simples transferts ou le partage des dépenses entre les deux niveaux. Il n'est pas correct que, comme ministre des Finances du Québec, je puisse emprunter à l'étranger sans avertir la Banque du Canada. C'est absurde sur le plan de l'administration d'une balance des paiements. C'est complètement aberrant. Pensez-vous que, dans un système fédéral allemand, je puisse emprunter sans obtenir l'autorisation de la Bundesbank ou de la Deutsche Genossenschaftsbank? Je ne suis pas capable d'emprunter sans demander l'autorisation à la banque centrale. Pensez-vous que je peux emprunter en Suisse, pays fédéral, sans obtenir l'autorisation de la banque centrale? Ici, un gouvernement de province fait ce qu'il veut, emprunte, avertit la Banque du Canada, si cela l'amuse, ne l'avertit pas. En Australie, pendant très longtemps - je ne sais pas si le système dure encore - les États et le gouvernement fédéral empruntaient ensemble, s'entendaient chaque année sur le montant à emprunter à l'étranger et ensuite se partagaient les fonds. J'ai déjà dit à plusieurs reprises en anglais: It is a hell of a way to run a railroad. Dans ce sens-là, le député d'Argenteuil disait que j'ai le tempérament centralisateur ou jacobin, comme vous voudrez, mais il reste néanmoins... Il faudrait qu'il nous donne ceci comme gouvernement que, si nous avons pris certains gestes assez musclés à l'égard des commissions scolaires, nous avons quand même assuré l'autonomie financière des municipalités comme jamais autrefois cela n'avait été fait. Je reviendrai sur la question des municipalités. Il faut quand même équilibrer les choses.

Mais une fois qu'on a dit cela, je reviens aux biens industriels et économiques dont je parlais. Ce dont nous avons parlé jusqu'à maintenant, c'est dans une très grande mesure de l'échange d'argent pour des programmes à caractère social. C'est un pouvoir de l'État central sur les ressources financières empruntées des États. Sur le plan économique, il faut s'en reparler d'une façon plus précise. D'abord, les dépenses économiques d'un gouvernement représentent normalement partout beaucoup moins d'argent que les programmes sociaux, c'est évident. D'autre part, cela réagit à des choses qui tiennent d'ententes, d'accords, de droits de douane, de politiques industrielles dont l'impact financier est très souvent relativement marginal dans le budget d'ensemble. Par exemple, le cas des investissements publics. Là encore, le Canada est décentralisé comme il n'est pas permis. Vous rendez-vous compte à quel point c'est sérieux dans un pays d'avoir 15 ou 20 agences qui font 80% de tous les investissements publics? Quelques sociétés d'État en Ontario, au Québec et au fédéral, trois ou quatre ministères des transports ou de voirie, trois ou quatre compagnies d'hydro, quatre ou cinq villes font 80% de tous les investissements publics.

On veut parler de politique "contracyclique" pour lutter contre le chômage? Eh bien, la caractéristique de ces organismes publics est qu'ils ne se sont jamais rencontrés, ils ne se sont jamais parlé et leurs programmes d'investissements n'ont aucun rapport les uns avec les autres. C'est une façon de mener une économie, c'est remarquable.

Passons aux investissements privés et productifs. C'est là où le bât blesse. Finalement, l'investissement dans des domaines productifs, c'est ce qui va assurer la richesse, la prospérité d'une société. L'essentiel de cela n'implique pas de grosses dépenses. Quand le gouvernement canadien a négocié l'entente canado-américaine sur l'automobile, vous n'avez pas vu un sou passer dans le budget, mais ça assurait un développement industriel absolument prodigieux en Ontario.

Lorsque le gouvernement fédéral décide que le pétrole raffiné à Montréal ne traversera pas la ligne de l'Outaouais, ça assurera la pérennité du centre de raffinage de Sarnia au détriment graduel de toute l'industrie de raffinage et pétrochimique à Montréal. Cela n'a pas coûté un sou, on n'a pas vu passer cela dans les budgets. Lorsque, systématiquement, dans le cas de l'industrie de l'automobile, de nouveaux investissements vont être orientés vers l'Ontario, il ne faut pas se faire d'illusions; ça ne peut pas se faire autrement, en vertu même de l'entente canado-américaine sur l'automobile, sans la volonté explicite du gouvernement fédéral.

Il ne faut pas s'étonner que Volkswagen soit en Ontario, que Honda aille en Ontario. Bien sûr, il y a eu des exceptions. Pour le F-18, cela a été un tel scandale sur le plan politique qu'il fallait réparer les pots cassés. Donc, cela a donné Bell Helicopter. Je suis d'accord avec le député d'Argenteuil qu'on ne peut pas présenter la chose comme le gouvernement fédéral favorisant systématiquement l'industrie en Ontario et ne donnant rien au Québec; forcément, il faut bien sauver les apparences. Certains des exemples qu'il donne, cependant, ne me paraissent pas justes.

Prenons, par exemple, le cas de la modernisation de la pâte et du papier. C'est au Québec que le programme a été monté. Il a été accepté par le fédéral quand l'Ontario

l'a accepté. À toutes fins utiles, il a été appliqué dans l'ensemble du Canada. Le fédéral paie 60%, les provinces paient 40%. L'initiative du programme de modernisation, sa définition, les montants à y investir, les négociations avec les compagnies, ne nous faisons pas d'illusions, tout ça a été fait par M. Bérubé quand il était ministre de l'Énergie et des Ressources. C'est lui qui l'a lancé. Lorsque l'Ontario a manifesté son intérêt dans le programme, il a été appliqué par le gouvernement fédéral, pas avant.

Dans ce sens, quand je parlais d'un biais - je ne veux pas parler d'une exclusivité, ce serait exagéré de dire cela -il faut reconnaître le biais quand on le voit. Oui, on pourrait me faire une liste de dix ou quinze projets qui ont abouti au Québec, mais il faut voir ce qui s'est passé de l'autre côté de l'Outaouais pendant ce temps. Encore une fois, on ne voit pas passer l'essentiel de ces mesures par le budget. Ce qu'on voit passer par le budget, c'est peu de choses par rapport aux contributions du fédéral à l'aide sociale et aux contributions aux programmes de santé. C'est relativement très peu de chose.

La mission économique, ce n'est pas par des sommes gigantesques qu'elle se manifeste à l'intérieur des budgets. C'est par des gestes réglementaires, par des gestes juridiques, par des gestes administratifs, par des décisions et des négociations avec les compagnies et de temps à autre, bien sûr, par des subventions ou de l'aide financière qui vient s'ajouter à tout cela.

Dans ce sens, qu'on vienne me dire que le Canada, sur le plan de ses finances publiques, est complètement décentralisé, je dis oui, et ce n'est probablement pas un avantage sur un certain nombre de plans. Cela m'a toujours paru largement ridicule sur certains plans. Que je puisse, en tant que ministre des Finances du Québec, provoquer un mouvement sur le taux de change du dollar canadien sans que la Banque du Canada soit avertie, je trouve cela absurde. Soit dit en passant, quand j'étais fonctionnaire sous M. Daniel Johnson, le premier ministre du Québec a offert à une conférence fédérale-provinciale de remettre de l'ordre là-dedans. C'est une chose de le voir sous cet angle et c'en est une autre de se rendre compte, sur le plan industriel, des biais qui ont été incorporés là-dedans depuis des années.

Encore une fois, je vous rappelle que ces investissements sont quand même à la source de toute la prospérité du système. Cela ne m'impressionne pas plus que cela de dire que le Québec reçoit des transferts absolument gigantesques pour être capable de payer pour ses chômeurs. Je voudrais d'abord qu'ils soient moins chômeurs ou qu'ils ne soient pas chômeurs.

Venons-en maintenant aux transferts.

Sur la question des transferts fédéraux et de leur évolution dans le temps, j'ai une interprétation un peu différente de celle du député d'Argenteuil et que j'aimerais lui soumettre. Je suis remonté, moi aussi, en 1972-1973. Je répète ce que je disais cet après-midi. Il est important de revenir à ces années 12 ou 7 parce que c'est invariablement à ces moments que les ententes sont renouvelées. Remontons à 1972-1973. J'ai établi le niveau des transferts fédéraux en proportion des revenus autonomes en pourcentage depuis 1972-1973. Regardons bien ce que ça donne. (23 h 15)

Ces transferts fédéraux, il y en a quatre sortes. Il y a la péréquation, le financement des programmes établis, essentiellement le postsecondaire et la santé, le régime canadien d'assistance sociale, c'est-à-dire le financement de l'aide sociale, et les autres programmes; là-dedans, il y a toutes les ententes sectorielles, etc.

Regardons ce que cela donne. Commençons par les autres programmes, toutes ces ententes sectorielles, les plans conjoints de toute espèce qu'on a connus. Cela représentait, en 1972-1973, 5% de nos revenus autonomes comme gouvernement. On est rendu en bas de 2% et cela va continuer de tomber, probablement à 1,5% en 1986-1987. Ce sont les contributions, essentiellement, à du développement sectoriel, surtout de l'économie. Je reviens à ma thèse de tout à l'heure. Essentiellement, c'est de l'argent pour le développement de l'économie. Cela tombe comme une roche. En 1976-1977, cela a augmenté à 5,7% et, depuis ce temps-là, cela tombe: 5,5%, 4,9%, 4,3%, 3,4%, 2,8%, 2,1%.

L'aide sociale, les transferts à l'aide sociale, toujours en proportion des revenus autonomes. Dans les années 1973-1974, cela ne représentait pas beaucoup plus que 4,5% de nos revenus autonomes. À l'heure actuelle, on est au-delà de 7%. La machine fonctionne bien pour financer nos assistés sociaux, c'est parfait. Il faut le dire, on ne peut pas se plaindre. Il paie 50% de la facture. Si on avait deux fois plus d'assistés sociaux, il mettrait deux fois plus d'argent.

Le financement des programmes établis, cela commence à devenir un montant assez important du budget total du gouvernement du Québec. Au début de la période, en 1972, le gouvernement, ce qui nous venait du financement des programmes établis représentait à peu près 10% de nos revenus autonomes et est tombé graduellement à 8%, mais s'est relevé pour des raisons que j'ai déjà expliquées à 13% et presque à 14% en 1978-1979. Là, le gouvernement fédéral s'est choqué en disant: J'en ai assez de payer la moitié de toutes les augmentations de salaire que vous avez l'intention de donner à tout le monde dans le secteur public, et a plafonné

en 1978, avec notre accord. Quand on dit qu'on n'arrive pas à s'entendre avec le gouvernement fédéral, ce n'est pas vrai. On a été les premiers au Québec à dire: Vous avez raison, il faut que vous plafonniez cela et vous n'allez pas payer automatiquement la moitié de n'importe quoi qu'un gouvernement va offrir dans une province à des groupes de fonctionnaires, d'infirmières ou d'enseignants. La proportion est retombée très rapidement.

En 1979-1980, on tombe à 12,4%; en 1980-1981, à 10,9%; en 1981-1982, à 9,5%; en 1982-1983, à 7,9%. Il y a eu un ajustement à la hausse assez important en 1983-1984 et 1984-1985, pour des raisons de révision de chiffres dont j'ai eu l'occasion de parler assez souvent en Chambre. On a révisé la valeur du point d'impôt, on a révisé la population, on a révisé le partage du produit intérieur brut entre les provinces. Le statisticien du Canada a finalement dit: Ces Québécois qui râlent depuis déjà un certain nombre d'années en disant qu'ils n'ont pas leur vraie part, ils ont raison. Sauf qu'on ne nous a pas donné l'ajustement pour des années antérieures quant à la population, mais c'est une autre histoire. La machine maintenant prévue fait qu'après être monté à 11% en 1983-1984, on va tomber à 10,3%, 9,3%, 9,1% pour l'année en cours et les deux années qui viennent. On revient en somme à un niveau qui correspond à ce que le gouvernement fédéral voulait payer.

Il nous reste la péréquation à examiner. La péréquation, la formule en a été changée constamment, à deux occasions, dans deux cadres bien distincts. Le premier cadre, ce sont les ententes tous les cinq ans. Le deuxième cadre, ce sont les changements administratifs à tout bout de champ pendant la période de cinq ans. La péréquation est étonnamment imprévisible parce qu'on ne sait jamais quel genre de règlement va nous arriver d'un mois à l'autre pour changer les règles du jeu. On a commencé la période avec 14%; en 1972-1973 et 1973-1974, à peu près 14% des revenus autonomes du gouvernement de Québec représentaient la péréquation. Cela a monté jusqu'à 17,5% en 1974-1975 et 1975-1976. Ensuite, cela a baissé graduellement de façon qu'en 1978-1979, nouveaux accords où on tombe à 15,5%. Bien sûr, on a râlé. Cela a ensuite remonté, jusqu'en 1981-1982, à 18%, où on retrouvait le niveau de 1974-1975. Et là, il y a eu les ajustements dont j'ai parlé tout à l'heure qui ont porté cela à 21% ou 22%. Les ajustements pour les financements des programmes établis sont appliqués aussi à la péréquation. Et maintenant, cela tombe comme une roche. On a eu environ 22% de nos revenus autonomes en péréquation en 1982-1983; en 1983-1984, c'est 21,4%; cette année, on calcule 19,1%; l'année prochaine, 16,5% et, en 1986-1987, 15,5%.

Maintenant, additionnons les quatre colonnes. Au total des transferts, cela veut dire ceci: À partir de 1985-1986, la nouvelle formule de péréquation va s'appliquer pour la première fois. Les gens du Manitoba et du Québec ont tellement râlé contre la nouvelle formule de péréquation que le gouvernement fédéral a fini par accepter une garantie de recette qui se termine cette année. À partie de 1985-1986, elle n'existe plus et le nouveau système de péréquation va être mis en vigueur pour la première fois.

Donc, les années qui viennent sont des années où, pour la première fois, le nouveau système va intégralement s'appliquer. Qu'est-ce que cela va nous donner? Si nos chiffres sont à peu près corrects à l'égard de cette nouvelle formule, on va tomber en 1986-1987 à 33% de nos revenus autonomes, c'est-à-dire que les transferts fédéraux représenteront 33% de nos revenus autonomes. Cela sera le plus bas pourcentage depuis 1972, à l'exception de 1973-1974, jusqu'à 32,2%. Cela va être le plus faible pourcentage depuis 1972. Et, d'autre part, si l'ancienne formule de péréquation s'appliquait, on aurait 400 000 000 $ ou 425 000 000 $ de plus par année. Ce n'est pas de la tarte.

Maintenant, on me dira: Vous vous êtes trompé. Je comprends que je me suis trompé. Les années dont on parle sont des années où on a râlé en disant: Le pourcentage concernant la population que vous nous donnez n'est pas exact, et finalement le statisticien du Dominion nous a dit: Vous avez raison. Mais ils ne vont pas se tromper trois fois de suite sur la population du Québec. Les ajustements qui ont été faits sont faits. On en est rendu à me dire que, dans la mesure où j'ai été assez convaincant et où on s'est battu comme on a pu pour faire corriger des choses, je me suis trompé. Heureusement que je me suis trompé. Je suis fier de m'être trompé.

Je sais que je n'ai plus de réserve ou, en tout cas, je n'en ai plus beaucoup. Il me reste, dans certains cas, peut-être des poursuites judiciaires contre le gouvernement fédéral. Parce que, dans le cas des programmes de bilinguisme, par exemple, ce qu'ils ont fait pour nous couper nos transferts, cela n'a pas de bon sens. Cela n'a littéralement pas de bon sens. Mais je n'ai plus beaucoup de réserves. Les réserves que je pouvais utiliser dans le système, maintenant, elles sont utilisées. Je ne vois pas vraiment comment on peut éviter maintenant que cela tombe. À moins que je ne me trompe, qu'il n'y ait d'autres ajustements, on verra bien, que je ne sois encore davantage convaincant, je veux bien.

Mais je conclus, M. le Président, en disant ceci: Ce système est un carcan, qu'il se prête très bien au financement d'aide sociale, d'assurance-chômage, de charges sociales en général. Que je préférerais avoir

davantage d'investissements et moins de charges sociales. Que ce système ne s'y prête pas et que, d'autre part, parce qu'il est corrigé constamment par le gouvernement fédéral, à la baisse, et singulièrement à l'égard du gouvernement du Québec. C'est un système que j'attaque et que je continuerai d'attaquer.

Un mot, pour terminer, sur l'affaire de Terre-Neuve et du Québec. Qu'on me trouve un autre exemple, dans l'histoire des transferts fédéraux et de la péréquation au Canada depuis 1952, où un ajustement s'est fait entre deux provinces seulement. On a dit: Nous réaffirmons que le Labrador, ce n'est pas au Québec, une décision du Conseil privé. Mais aux fins du calcul de péréquation, on va faire comme si Churchill Falls était au Québec, on va transférer 30 000 000 $ à Terre-Neuve et on va enlever 20 000 000 $ au Québec. Trouvez-moi un autre exemple littéralement bilatéral dans le système de péréquation où le gouvernement fédéral a déjà fait cela? Trouvez-moi un autre exemple, comme je le disais cet après-midi, où on dit au Québec: Chaque fois que l'activité économique se développera, on vous enlèvera 50% dans le dollar d'impôt additionnel que vous faites. On se tourne à l'égard de la Nouvelle-Écosse et on dit: Pour tous les revenus additionnels que vous tirez du pétrole, on n'en tiendra pas compte dans le système de péréquation.

Vous comprendrez, M. le Président, que, dans ces conditions, non seulement je surveille de très près le système, mais je considère qu'il y a là une espèce d'effort délibéré de la part du gouvernement fédéral de dire: Quand cela risque de coûter trop cher, au Québec, on va aller leur en enlever. Sauf que, sur le plan des charges sociales pour les chômeurs, ils auront tout ce qu'ils voudront. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. Je reconnais maintenant le député de Roberval.

Rôle de l'État dans le développement économique

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Mon intervention sera relativement courte. Dans ma première intervention, j'ai parlé un peu de l'illogisme de la politique budgétaire que tentait de nous faire accepter le critique libéral en matière de finances. Dans ma deuxième, j'ai parlé de l'héritage négatif sur le plan de la gestion des finances publiques que nous avait légué le gouvernement qui nous avait précédés. Le troisième aspect sur lequel j'aimerais questionner le ministre des Finances, parce que, essentiellement, c'est son point de vue que j'aimerais avoir là-dessus, concerne la place de l'État dans le développement économique. C'est encore là un autre domaine où, effectivement, les gens d'en face ne nous ont pas clairement défini leur position et j'aimerais avoir les commentaires du ministre des Finances sur un certain nombre de points; en particulier sur l'intervention de l'État selon deux aspects bien particuliers.

Le premier de ces aspects concerne les sociétés d'État. Effectivement, on s'est fait dire à plusieurs reprises, du côté de l'Opposition, que les sociétés d'État occupaient une place beaucoup trop importante dans le développement de l'économie du Québec. On s'est fait dire également à maintes reprises qu'il faudrait faire en sorte que les sociétés d'État deviennent un peu plus invisibles, un peu moins présentes, qu'elles jouent un rôle moins important et laissent à l'entreprise privée le plus grand champ possible d'activités. Sauf que, j'oserais dire, dans le même jet, l'Opposition nous critique vertement à chaque fois qu'une société d'État, pour des raisons de fonctionnement, de saine gestion, refuse ou hésite à s'impliquer dans un domaine économique, quel qu'il soit. Je prendrai juste les critiques qui ont été formulées par l'Opposition, par exemple, concernant la rationalisation des scieries en Gaspésie, où l'on reprochait au gouvernement de ne pas suffisamment accepter d'assumer les pertes qui devaient être encourues par des scieries qui ne pouvaient pas fonctionner de façon rentable.

Également, un deuxième exemple plus près de ma région, à la scierie de Sacré-Coeur où l'Opposition essaie par un certain nombre de questions et par des interventions de discréditer le gouvernement parce qu'il ne semble pas opportun à ce stade-ci qu'une société d'État assume une part trop grande de pertes dans le fonctionnement d'une scierie qui est importante pour le milieu, mais qui, pour le moment, affronte ou a affronté des problèmes de fonctionnement assez sérieux. Il y a cette espèce d'ambiguïté du côté de l'Opposition. Quand l'État intervient et de façon profitable, elle intervient trop et elle devrait laisser la place à l'entreprise privée, toute la place ou le plus de place possible et, d'autre part, il y a ces critiques qui disent que les sociétés d'État ne sont pas suffisamment présentes dans le développement économique dans certains secteurs, principalement des secteurs où, semble-t-il, elles devraient assumer des pertes.

Un deuxième aspect sur lequel j'aimerais également entendre le ministre des Finances, c'est celui du plan de relance. Le temps n'est pas si loin, M. le Président, où le gouvernement, mettant de l'avant une série de mesures pour le développement économique du Québec, pour faire face à la situation économique difficile qu'on connaissait, a mis sur pied un certain nombre

de mesures, des mesures qui n'ont pas toutes eu, bien sûr, le même impact, il faut bien s'y attendre, mais des mesures aussi qui n'avaient pas toutes la même implication financière de la part du gouvernement. Un certain nombre de mesures étaient en place et, il faut bien le dire, le gouvernement apportait un coup de pouce sans qu'il lui en coûte une fortune pour le faire. C'est extrêmement sain sur le plan de la gestion des finances publiques qu'il en soit ainsi. (23 h 30)

D'autres mesures également étaient en place dont les dépenses inhérentes étaient imputables à l'exercice financier qu'on connaît maintenant, c'est-à-dire qui n'étaient pas immédiates au moment où elles étaient annoncées. Or là, l'Opposition déclarait à qui voulait l'entendre: Le gouvernement n'investit pas assez d'argent. Cela ne coûte pas assez cher pour assurer la relance. Il n'est pas normal que ce soit efficace si cela ne coûte pas X centaines de millions. Ce n'était pas bon. Tantôt, l'État investit trop d'argent du public dans la relance économique. Cela coûte trop cher, l'État est trop présent. Quand l'Etat réussit à innover, à être créateur, à mettre sur pied des mesures qui n'ont pas coûté très cher au citoyen, mais qui ont eu des effets économiques très positifs, on chante une tout autre chanson: Ce n'est pas correct, ce n'est pas exact, le gouvernement ne fait pas son travail.

J'aimerais connaître la position du ministre. Puisqu'on discute de la politique budgétaire, il convient également de discuter de la position du ministre sur ce sujet assez controversé et assez nébuleux pour les gens d'en face, soit celui de la présence des sociétés d'État dans le développement économique, d'une part, et, d'autre part, de la présence des investissements de l'État dans la relance économique.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député. Avant que M. le ministre des Finances prenne la parole, le député de Chambly m'a indiqué son intention d'intervenir. Je demande au ministre des Finances s'il a objection à répondre aux deux députés ministériels dans un même temps. Il est présentement 23 h 33. Si je comprends bien, il me faudra le consentement unanime des membres de la commission pour dépasser minuit. On m'a indiqué tout à l'heure que cela ne devrait pas dépasser minuit. Si le ministre est d'accord, à la suite de l'intervention du député de Chambly, il pourrait répondre aux deux intervenants. Par la suite, nous pourrions passer du côté de l'Opposition.

M. Tremblay: M. le Président, on pourrait peut-être arranger cela. Il y a une entente pour qu'on termine les travaux à minuit, n'est-ce pas?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, c'est un ordre du leader. Sauf erreur, l'enveloppe de 10 heures n'a jamais fait l'objet de modification.

M. Tremblay: L'enveloppe maximale... Je pensais qu'il y avait une entente...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): 10 heures. Cela n'a pas fait l'objet de...

M. Tremblay: ...de négociation.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ...changement.

M. Tremblay: Ah bon!

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le premier bloc était théoriquement de 19 heures jusqu'à 24 heures ce soir.

M. Tremblay: D'accord. En ce qui me concerne, je pense qu'on devrait terminer à minuit. Dans ce sens, on pourrait continuer jusqu'à 23 h 40, si mon collègue ou le ministre a d'autres questions. À 23 h 40, l'Opposition pourrait disposer de dix minutes et le ministre de dix minutes également. Le ministre pourrait disposer des dix dernières minutes.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je ne vois pas pourquoi.

M. Tremblay: Si on utilisait tout notre temps d'ici à minuit... Vous ne parlez plus...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): On parlera demain.

M. Tremblay: D'accord.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Si vous vous tenez debout là-dessus, si la nature de votre intervention, c'est de remplir le temps jusqu'à 23 h 50, parfaitement. Au moins deux autres de mes collègues veulent prendre la parole.

M. Tremblay: Non, non. Je dis qu'on pourrait vous laisser dix minutes de 23 h 40 à 23 h 50 et dix minutes de 23 h 50 à 24 heures au ministre pour terminer. C'est la proposition que je vous fais. Je ne peux pas présumer pour demain, il me dit qu'il n'y a pas d'entente.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Non, effectivement.

Le Président (M. Lachance): Est-ce que...

M. Tremblay: Je trouvais que c'était généreux, mais, si vous ne le voulez pas, on

va prendre le temps, on en a besoin.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II n'y a pas pour des tonnes encore d'interventions de notre côté, je ne vois pas pourquoi on devrait revenir demain pour les faire, entre nous.

M. Tremblay: Ce que vous suggérez...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ...c'est de dépasser minuit, le cas échéant, mais pas beaucoup.

M. Tremblay: On peut régler cela. Si vous nous dites qu'une demi-heure ou trois-quarts d'heure après minuit on met fin à ces travaux, on va donner notre consentement pour continuer jusqu'après minuit.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est l'ordre de grandeur auquel je pensais.

M. Tremblay: À ce moment, à 11 h 55, on donnera notre consentement.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Chambly, je n'aime pas beaucoup, à titre de président, que ce genre de négociation se fasse comme cela. Je préférerais, si vous voulez en discuter avec le député de Vaudreuil-Soulanges, que cela se fasse en dehors de l'enregistrement. Mais, à partir de maintenant, je comprends qu'il y a une volonté de pouvoir terminer ce soir, de façon à ne pas revenir sur cela à un moment ultérieur. Si vous voulez intervenir...

M. Tremblay: M. le Président, vous devez comprendre que nous acceptons de poursuivre jusqu'à 45 minutes.

Le Président (M. Lachance): Quarante-cinq minutes après minuit?

M. Tremblay: Quarante-cinq minutes, c'est comme cela que cela s'appelle, une heure moins quart.

M. Ryan: M. le Président, tout dépend de la longueur des réponses.

M. Tremblay: C'est pour cela que je ne veux pas m'engager. Je ne veux pas m'engager.

M. Ryan: C'est cela, je pense que...

M. Tremblay: Je ne veux pas vous donner un chèque en blanc. Je veux qu'on aille jusqu'à minuit et 45. Je suis d'accord pour cela.

Le Président (M. Lachance): Jusqu'à maintenant, nos travaux se sont bien déroulés, dans la bonne foi mutuelle, et je pense qu'on devrait continuer dans le même sens.

M. Tremblay: Je pense que nos travaux se déroulent très bien parce que, jusqu'ici, les bons comptes font les bons amis. Nous nous entendons d'avance, nous savons ce que sont les règles du jeu. C'est pour cela que je pense qu'on devrait continuer comme cela puisque cela va bien, parce qu'on établit les règles du jeu à l'avance et qu'on les suit. Nous sommes respectueux les uns des autres.

Nous devrions aussi demander au ministre s'il est consentant à continuer. Je veux bien croire qu'il est notre invité, mais nous ne connaissons pas son agenda.

Le Président (M. Lachance): Volontiers. Est-ce que M. le ministre est d'accord pour qu'on épuise le sujet ce soir ou bien si...

M. Parizeau: M. le Président, je suis entre vos mains. Je veux simplement vous signaler que ma journée commence tôt demain matin. Je ne voudrais quand même pas qu'on termine trop tard ce soir. En un certain sens, je préférerais qu'on continue demain, si l'on débordait une certaine heure. Il faut quand même que les machines roulent et que les administrations s'administrent. Jusqu'à quelle heure envisagez-vous de...

Le Président (M. Lachance): Je traduis...

M. Parizeau: Je suis entre vos mains, au fond, mais la seule chose, c'est que, si l'on commence à dépasser minuit et demi ou minuit et 45, je demanderais peut-être qu'on arrête tout de suite et qu'on continue plus tard.

Le Président (M. Lachance): Cela va, M. le ministre. Je traduis que minuit et demi, avec la bonne volonté de part et d'autre, sera le délai maximum, en espérant votre collaboration.

M. Ryan: ...le député de Sainte-Anne. Le Président (M. Lachance): D'accord.

M. Polak: C'est seulement une petite question rapide.

Le Président (M. Lachance): La parole est au ministre en réponse à l'intervention du député de Roberval.

M. Parizeau: Je vais essayer de faire une réponse aussi courte que possible. Le rôle des sociétés d'État depuis qu'on a commencé à en créer au Québec a passablement évolué. Ce n'est pas officiellement consacré par des textes ou par des règles formelles, mais, dans la pratique

des choses, cela a beaucoup changé. En ce sens, que dans les années soixante, on voyait la société d'État le plus souvent comme une sorte d'intervenant direct souvent exclusif et servant soit à contrôler un secteur, soit à être une sorte de secteur témoin, comme on le disait à l'époque. Depuis ce temps, beaucoup de sociétés d'État, non pas toutes nécessairement, mais plusieurs ont appris à travailler avec des intérêts privés, à très souvent venir appuyer ce que tel ou tel groupe privé voulait faire et à ne pas nécessairement jouer un rôle moteur. Il est néanmoins moteur ce rôle, en ce sens qu'on voit très bien qu'il y a certaines opérations qui ne se feraient pas si la société d'État n'était pas là, sur le plan financier, pour fournir davantage d'aide, sur le plan technique. Mais, néanmoins, on ne voit plus les sociétés d'État comme étant, dans tous les secteurs, la locomotive qui tire un certain nombre de wagons. Dans un certain nombre de cas, la société d'État pousse plus qu'elle ne tire.

Ce n'est pas vrai dans tous les cas. Il est clair, par exemple, que l'achat de Quebecair par le gouvernement n'a pas été fait dans cet esprit. Ce qui a été fait dans le domaine de l'amiante, ces dernières années, n'a pas été fait dans cet esprit. Mais le rôle de la Société de développement industriel, le rôle de la Caisse de dépôt et placement du Québec, dans un bon nombre de cas, le rôle de SOQUEM a été de s'associer avec des intérêts privés autant qu'il est possible.

Évidemment, c'est une question de dosage. On voit le virage se prendre. On pourrait me donner autant de cas où la société d'État est encore la locomotive qui tire le train et d'autres cas où, au contraire, elle pousse, elle renchausse, elle aide. Mais il me semble que l'orientation de plus en plus clairement en est une d'association avec des intérêts privés.

D'autre part, pas mal de sociétés d'État qui, au départ, n'avaient pas d'argent autre que ce qui venait du fonds consolidé du revenu ont développé - pas toutes, bien sûr, il y en a encore qui sont déficitaires -leurs propres fonds. Donc, le rappel au fonds consolidé du revenu n'est plus ce qu'il était. Cela nous amène à un très curieux paradoxe. Imaginons un instant que toutes les sociétés d'État feraient des profits et développeraient le genre de ressources propres qui leur permettraient de diversifier leurs investissements et d'aider les secteurs où elles veulent donner un coup de main. La participation du fonds consolidé du revenu à l'économie baisserait. À la limite, elle deviendrait presque zéro pour tout l'extrabudgétaire. On dirait: La mission économique du gouvernement s'est amenuisée, alors qu'au contraire si toutes les sociétés d'État faisaient des déficits et venaient tous les trois mois demander de l'argent au ministre des Finances, il apparaîtrait une mission économique énorme dans le budget du gouvernement. Ce n'est pas le moindre des paradoxes. Au fond, plus l'opération réussit, moins elle apparaît comme importante dans la mission économique par rapport à la mission administrative, la mission sociale et les autres missions du gouvernement.

Le plan de relance. Le plan de relance est une variante de ce que je viens de dire. Il y a évidemment des choses qui coûtent cher. Il n'y a pas de doute que, par exemple, les mesures dont nous avons parlé à l'égard des assistés sociaux, cela va coûter cher, cela va être partageable pour une part avec le gouvernement fédéral, mais, enfin, cela représente d'assez gros montants. Il y a une foule de mesures qui, tout en ayant un effet économique important, n'apparaissent pas encore dans le budget et n'apparaîtront pas avant un bout de temps. Par exemple, le programme de reboisement fonctionne à l'heure actuelle par appels d'offres. Le ministère de l'Énergie et des Ressources se présente dans une région et dit: Je voudrais avoir tant de millions de plants dans deux ans. Les offres entrent et on désigne quelqu'un pour fournir ces plants dans deux ans. Ce quelqu'un va construire une pépinière avec son argent. Un contrat comme celui-là est bon pour la banque. Il va financer le projet lui-même et, pendant deux ans, on ne va pas passer un sou dans le budget. On sait bien qu'à un moment donné, quand on va acheter les plants et qu'on va les payer, il y aura un montant à débourser, mais, pour le moment, on ne va rien passer, sauf qu'on se rend très bien compte que, comme levier, c'est extraordinaire sur le plan d'investissements nouveaux, de productions nouvelles, d'emplois, etc.

La SDI, le nouveau programme de garantie de prêts a commencé à rouler. En six semaines, on a reçu des demandes pour presque 70 000 000 $. Il roule très bien, mais, comme cela fait un mois et demi qu'il fonctionne, le gouvernement n'a pas été appelé à payer des garanties pour une entreprise qui aurait échoué. Quel est le coût budgétaire de cela? Zéro. On ne le fera pas passer pour le moment et on ne le verra pas avant un bout de temps. Imaginons que notre système de garantie de prêts soit tellement bon qu'il aura effectivement développé 2 000 000 000 $ d'investissements ou de fonds de roulement et qu'il n'y ait aucune entreprise en défaut, combien aura-t-il coûté dans le budget? Zéro. (23 h 45)

II y a une foule de mesures de cet ordre-là qui sont importantes sur le plan de la relance de l'économie et dont l'impact budgétaire est infiniment moins visible, comme je le disais tout à l'heure, qu'un bon

programme social, par exemple, ou un grand programme culturel. Dieu sait ce qu'a pu faire Hydro-Québec depuis un an et demi avec le rabais de taux d'intérêt. Nulle part vous ne voyez cela dans le budget. Le programme d'enfouissement des câbles de 500 000 000 $ dans la ville de Montréal, c'est financé conjointement par HydroQuébec et par la ville de Montréal. Au lieu de prendre 15 ou 20 ans pour faire cela, ils vont le faire en six ans et demi, ce qui veut dire 80 000 000 $ ou 90 000 000 $ d'investissements par an. C'est beaucoup et ça s'inscrit admirablement dans le plan de relance. Quel est le coût budgétaire? Zéro.

Il faut bien comprendre que, quand on dit que, cette année, il y aura 311 000 000 $ au budget pour le plan de relance, plus au-delà de 207 000 000 $ pour la suite de mont Sainte-Anne, ça fait 518 000 000 $ pour la relance, ce qui est un coût budgétaire important, plus tous les leviers dont je viens de parler - il y en a une foule d'autres - et dont le coût budgétaire n'apparaît pas cette année. C'est dans ce sens que le plan de relance va bien plus loin que les chiffres qui apparaissent dans le budget. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.'

M. Ryan: M. le Président, j'écoutais attentivement les explications que donnait tantôt le ministre des Finances. J'étais très heureux de l'entendre reprendre un argument que j'ai entendu souvent chez lui à propos du défaut de centralisation qui serait caractéristique de la fédération canadienne. Il nous a dit, si j'ai bien compris, qu'il pense que ce n'est pas assez centralisé au Canada.

Il y a seulement une chose que je voudrais lui suggérer, ce serait d'organiser des sessions pour ses collègues, les députés du Parti québécois, pour qu'ils répètent la même chose que lui partout, pour qu'on sache clairement ce que son parti pense là-dessus, parce qu'on entend des refrains nettement contradictoires. Il y a des jours, à la Chambre, où les oreilles nous éclatent à force d'entendre les refrains de la centralisation qui s'accroît chaque jour, à la manière d'un véritable monstre. D'autres jours, on arrive avec des chiffres qui indiquent le contraire. Là, on nous dit: Oui, c'est ça qu'on dit, ce n'est pas assez centralisé. Comme on dit en "canayen": Branchez-vous! On ne peut avoir le meilleur des deux mondes, il faut soutenir une thèse ou l'autre, on ne peut pas avoir raison sur les deux plans à la fois.

Cela, c'est un point qui me frappe et je pense que le ministre des Finances est fidèle à lui-même. Je l'ai entendu faire cette thèse il y a déjà une quinzaine d'années. On ne peut pas lui reprocher d'avoir manqué de consistance. On peut déplorer qu'il n'ait pas beaucoup d'influence intellectuelle sur beaucoup de ses collègues parmi les députés péquistes.

À propos des politiques économiques fédérales, je me souviens d'un exemple, M. le ministre, pour montrer que les choses ne sont jamais aussi simples que les hommes politiques les présentent - je m'inclus là-dedans; de temps à autre, j'essaie de faire ma part pour qu'on ait une perception plus nuancée, mais ce n'est pas toujours facile -j'ai fait un petit exercice, il y a quelque temps. Vous avez parlé de la ligne Borden. J'ai relu ce qui s'est publié dans les journaux à l'époque. J'étais encore dans un autre secteur à l'époque, mais, par curiosité - je n'ai pas fait cela récemment, j'ai fait cela il y a quelques années, si mes souvenirs sont bons - j'ai relu ce qui s'est fait à l'époque en réaction au rapport Borden.

Je ne sais pas si vous étiez conseiller du gouvernement québécois à l'époque, mais, à l'Assemblée nationale, il n'y a eu aucune intervention là-dessus, aucune question d'aucun député, aucune déclaration ministérielle après la publication du rapport de la commission Borden. J'ai regardé les éditoriaux qui ont paru dans le Devoir, les pages d'information qui rapportaient les propos des hommes politiques. Personne n'a parlé de cette affaire dans les semaines qui ont suivi. Nous n'étions pas arrivés à un stade où nous étions assez éveillés sur ces questions pour voir la balle quand elle passait. On peut bien déplorer après coup que cette ligne ait été établie d'une manière qui a nui objectivement aux intérêts du Québec à plusieurs points de vue. C'est vrai. Mais je pense qu'il y avait un problème de prise de conscience, de notre côté, qui ne pouvait pas être attribué, non plus, à d'autres. Je pense qu'il y a eu des carences du côté de nos hommes politiques, de nos journalistes, de nos commentateurs de l'époque qui se sont réveillés une fois que les coups étaient faits depuis longtemps.

J'ai écouté les explications du ministre au sujet des paiements de transfert fédéraux, ce qui était le thème majeur de mon intervention initiale. Je voudrais signaler bien clairement que c'est sûr que, quand on fait de l'analyse détaillée, on peut créer n'importe quelle impression. Ce que je voudrais rappeler avec fermeté, sans opiniâtreté, c'est qu'au cours des huit années où le Parti québécois a été au pouvoir - il a pu arriver des accidents de parcours, comme je l'ai dit tantôt, à propos de telle forme de paiement de transfert ou telle autre - le rendement global des paiements de transfert fédéraux au gouvernement du Québec, pendant cette période, a augmenté en moyenne de 13,8% par année, pendant huit ans. On est assez loin de l'étranglement dont on nous parlait déjà il y a quatre ans, dont

on nous a parlé de manière répétée depuis ce temps. C'est ça que je veux faire ressortir bien clairement.

J'ai fait un autre calcul, M. le ministre des Finances, qui sera sans doute corroboré par vous comme les autres que j'avais soumis à votre attention. Pendant les sept années du gouvernement précédent, la part des paiements de transfert dans les revenus budgétaires globaux du gouvernement était de 26,7%. Pendant les huit dernières années, cela a été de 27,7%. Quand on dit que cela diminue constamment, que cela s'en va, les faits parlent un autre langage et je pense que c'est bien important de le signaler clairement. Encore une fois, en face des perspectives qui se dessinent pour les deux prochaines années et pour les années à venir, il va falloir beaucoup de vigilance. Je pense que nous avons, tous ensemble, l'obligation de collaborer pour que les intérêts du Québec soient servis le mieux possible.

La suggestion que je me permettrais de faire au ministre des Finances à ce sujet, ce serait peut-être d'informer les députés de manière plus précise et plus systématique sur les développements qui se produisent. Je sais que les interventions de sa part en Chambre n'ont pas manqué. Les interventions sont faites sur un ton plutôt général. Je pense que, s'il y avait davantage de prévenance de la part du minitre pour remettre les véritables dossiers aux députés de l'Opposition pour qu'ils soient en mesure de faire leur travail de manière plus efficace, cela permettrait de dégager des consensus ponctuels d'une manière peut-être plus efficace et plus utile à l'intérêt général du Québec.

Ayant été amené à travailler ces questions récemment, j'ai dû faire un véritable travail de bénédictin, grâce à l'aide que j'ai reçue de notre service des recherches qui dispose quand même d'un équipement modeste. J'ai eu une bonne collaboration de la part des collaborateurs du ministre. Je ne veux pas lui faire de reproches de ce côté-là. Ils ont été aimables et serviables. Il y a bien des pièces dont j'apprenais l'existence pour la première fois et dont il serait très important que l'Opposition soit informée. On m'en a passé une couple en particulier qui avaient été étiquetées comme devant être d'usage strictement privé. Je pense que c'est nécessaire que nous ayons cela. Toutes les discussions qui ont lieu entre les gouvernements, par exemple, au sujet des critères qui vont présider à l'établissement des paiements de péréquation, je pense que c'est important qu'on ait cela. Si le ministre voulait convoquer la commission des finances ou demander qu'elle soit convoquée pour examiner des problèmes comme ceux-là, je pense que cela serait très utile pour tout le monde. Cela éviterait que nous nous lancions des épithètes de chaque côté de la Chambre sans toujours savoir avec précision de quoi nous parlons.

J'ai eu l'occasion de causer, au cours des dernières semaines, avec des représentants d'autres gouvernements et du gouvernement fédéral au sujet de ces questions, et je tire deux conclusions des discussions que j'ai eues. Premièrement, ces questions sont en mouvement perpétuel. C'est un petit peu comme la réalité canadienne qui évolue sans cesse. Je ne pense pas qu'il faille se scandaliser a priori du fait qu'on cherche à ajuster constamment le système des paiements de transfert à une réalité qui évolue continuellement elle-même. Je pense que l'on doit discuter la nature, le contenu des ajustements qu'on veut faire. Je pense que le fait même qu'il y ait une recherche d'ajustement continuel ne doit pas nous effrayer. J'ai été étonné de constater que, dans d'autres provinces et même au ministère fédéral des Finances, il y a des hommes et des femmes spécialisés qui examinent ces choses en pensant honnêtement au bien du Canada. Je ne pense pas avoir découvert là des espèces de génies maléfiques qui passeraient leur nuit à se concerter pour savoir comment passer la corde au cou du Québec. Je le dis en toute honnêteté. J'ai rencontré des gens qui ont reconnu avec moi que certaines choses n'étaient pas correctes et qu'il fallait chercher des solutions à ces choses-là. Je ne veux pas faire de leçon de morale ici. Je pense que c'est bon de souligner qu'il y a une espèce de bonne volonté foncière qui a présidé à l'implantation de ce système qui devrait continuer de nous guider dans la recherche de développements antérieurs.

Le ministre mentionnait tantôt le cas des revenus d'hydroélectricité du Labrador qui viennent d'être l'objet d'une modification importante. Il y a eu bien d'autres modifications ces dernières années qui, parfois, défavorisaient d'autres provinces. Le ministre se souvient sans doute qu'un jour, à la suite de la montée en flèche des revenus prétroliers en Alberta, l'Ontario, en vertu du jeu de la péréquation, devenait admissible à des subventions de péréquation. Il a fallu amender le système pour décider que l'Ontario ne serait pas admis à des paiements de péréquation, cela n'aurait pas eu de bon sens. L'Ontario a dû accepter cette modification qui est intervenue en cours de route. On a un système qui est loin d'être le meilleur. Le ministre l'a critiqué de manière pertinente à plusieurs reprises. Je pense qu'il faut chercher un système encore meilleur pour la prochaine fois.

Je voulais souligner encore une fois -je le rappelle en terminant - que les données de fond, sur une longue période, n'indiquent pas du tout que nous aurions assisté à un étranglement. S'il y avait eu tentative

d'étranglement, elle aurait été soit très malhabile, soit très étalée dans le temps sur des périodes tellement longues qu'on n'en sentirait à peu pas encore les effets. Il est important de faire ressortir cette dimension plus positive. En terminant, je dirais au ministre des Finances que, s'il criait au loup un peu moins souvent, s'il rajustait son tir plus vite quand des changements surviennent, peut-être qu'une partie de l'opinion publique serait davantage portée à le prendre au sérieux quand il crie au loup pour le vrai.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, le député d'Argenteuil vient de soulever plusieurs questions. Je vais essayer de les traiter une à une. Il dit qu'on ne peut pas avoir raison de considérer que le système - je pesais mes mots en le disant - fiscal canadien a atteint un degré de décentralisation, depuis déjà pas mal d'années d'ailleurs, qui me paraît tout à fait anormal et, d'autre part, reprocher amèrement au gouvernement fédéral ses tentatives de centralisation sur un autre plan. Dans ce sens, il n'y a pas d'opposition. Je ne reviendrai pas sur tout ce que j'ai dit sur le degré de centralisation du régime fiscal. Je comprends très bien que les gens du Parti québécois hurlent littéralement quand ils voient que le gouvernement fédéral cherche à intervenir dans le financement municipal direct, lorsque le gouvernement fédéral tente d'intervenir sur des normes dites canadiennes d'éducation, lorsque le gouvernement fédéral canadien cherche à établir des normes nationales quant à la santé. Où en est-on quand on parle de cela? On n'en est pas à se demander si le gouvernement fédéral va envoyer 55% des ressources financières totales du Canada aux provinces et passer à 60%. On en est au fait qu'il viole la constitution et que ces tentatives, alors que certains secteurs constitutionnels étaient réservés au gouvernement du Québec, qu'en dépit de cela, il veut imposer sa volonté par le truchement des fonds qu'il administre. Je ne vois pas de contradiction.

En fait, nous parlons des deux phases de Janus, de deux aspects complètement différents de la question. Je suis ahuri à certains moments par le manque d'efficacité de l'économie canadienne, du prix que l'économie canadienne paie par ce degré de décentralisation. Je fais une réflexion essentiellement économique - je l'ai dit à plusieurs reprises et je continue de le répéter - il n'y a pas moyen de faire fonctionner économiquement le Canada sur une base pareille, ce qui n'empêche pas le gouvernement fédéral de dire: Même si la constitution dit que les municipalités sont des créatures des provinces, je vais entrer là-dedans pour les financer directement et pour faire en sorte que les municipalités alignent leurs priorités sur mon argent. Non! Il n'y pas de contradiction vraiment.

Le député d'Argenteuil soulevait la question de la ligne Borden en parlant de notre retard collectif à comprendre certaines choses sur le plan industriel. La raison pour laquelle je soulevais la ligne Borden, M. le Président, c'est que j'ai été le conseiller économique pendant toute cette période de la ligne Borden du président de Calex. Nous avons, pendant cette époque, plaidé deux fois en Cour fédérale, qui s'appelait la Cour de l'échiquier à cette époque, et une fois devant la Cour suprême, si bien qu'on a bien vu les conséquences. La plupart des éditoriaux et des articles qui ont été écrits à ce moment-là l'étaient non pas en tant que politicien, mais en tant que conseiller économique d'une entreprise qui venait de perdre à la suite de cette décision la moitié de son réseau de distribution, la moitié! Oui, effectivement, j'ai fourni aux journaux pas mal de choses.

À cet égard, qu'on ne s'étonne pas. Je veux bien que, collectivement, on prenne peut-être un certain temps à comprendre ces choses. C'est vrai, au fond, ce que dit le député d'Argenteuil, c'est que la compréhension économique des choses s'est considérablement accélérée depuis une dizaine d'années. On ne peut pas le nier. C'est vrai dans les journaux, c'est vrai pour pas mal d'hommes politiques, c'est vrai aussi pour l'opinion publique en général. (minuit)

Le seul problème qui est sérieux, c'est qu'au fond, chaque fois qu'on a soulevé dans le passé, comme maintenant, des cas comme celui de la ligne Borden, il reste chez beaucoup de Québécois cette impression que peut-être on cherche à les charrier; cela demeure. Il faut vraiment quelque chose d'aussi gros, d'aussi énorme que le F-18 pour secouer vraiment dans leur tréfonds la plupart des Québécois. Dans ce sens, cela n'aide peut-être pas qu'on ait politisé, dans le sens large du terme, l'examen des questions économiques dans notre milieu.

Revenons à la question des transferts. M. le Président, le député d'Argenteuil disait: Depuis que le Parti québécois est au pouvoir, les transferts fédéraux ont augmenté rapidement. Examinons cela d'un peu plus près. En 1977-1978, on conviendra que c'est la première année fiscale d'administration du Parti québécois, cela a représenté 39,2% de nos revenus autonomes. Et par la suite, cela s'est baladé entre 37% et 40% pendant quatre ans. C'est tombé à 35% en 1981-1982, c'est remonté, en raison des ajustements dont on parlait, à nouveau un peu au-dessus de 40% et là, cela tombe. Quel genre d'intervention, comme ministre des Finances,

ai-je fait durant cette période? En 1977, on reconnaîtra qu'il n'y a pas eu de crise. Sur certaines choses, on s'est entendu avec le gouvernement fédéral, comme j'ai eu l'occasion de le dire; cela aurait été incorrect de notre part de considérer que tout le renouvellement des ententes était mauvais et préjudiciable. On remarquera que cette tentative de déstabiliser les finances publiques du Québec, je n'ai jamais utilisé cette expression en 1977, jamais. On arrivait à quelque chose qui apparaissait comme étant à peu près raisonnable.

En 1982, c'est autre chose. D'abord, je vous rappelle qu'en 1981 nous sortons, au ministère des Finances, quatre cahiers gris sur les finances publiques du Québec dont un qui s'appelle: "La nature et l'évolution des transferts du gouvernement du Canada au gouvernement du Québec, 1972-1977 et 1977-1982." On sort cela, on cherche à établir -justement parce qu'on sait que le renouvellement des ententes s'en vient - les bases sur lesquelles le système de transfert est établi, et les négociations s'engagent. Ces négociations dans un premier temps nous montrent une situation qui, pour nous, est insupportable. Je suis d'accord avec le député d'Argenteuil que je ne trouve pas chez les fonctionnaires fédéraux une sorte de machiavélisme. La plupart de ces gens, je les connais depuis des années. Avec certains d'entre eux, on a monté les formules de péréquation dans les années soixante. Je sais très bien qu'il ne faut pas chercher là la tentative d'avoir raison du Québec. Seulement, certains des virages de la négociation de 1982, ce ne sont pas eux qui les ont pris. Lorsque, tout à coup, on se rend compte que la formule, telle qu'amendée par les poussées du Québec et de quelques autres provinces, risque de donner une fois de plus un peu trop d'argent qu'on veut en donner au Québec, ce ne sont pas les fonctionnaires qui ont trouvé la formule de péréquation basée sur cinq provinces au lieu de dix. Cela s'est fait à la dernière minute, sur le coin de la table. Il y avait encore des erreurs qui venaient du fédéral dans les heures et qui sortaient, et que les gens de Québec devaient corriger avec des "pitonneuses" en arrière, parce que, au fond, on s'est très bien rendu compte que les formules qui ont été montées, surtout dans les derniers milles de la négociation, consistaient essentiellement à essayer de faire en sorte d'enlever plusieurs centaines de millions au Québec pour les donner aux provinces maritimes. En fait, cela a abouti à 640 000 000 $, sur la durée de l'entente, qu'on a enlevés au Québec pour les passer aux Maritimes.

Ce sont des décisions politiques qui ont été prises. Néanmoins, on a réussi à obtenir une garantie de recette temporaire à cause du Manitoba parce qu'il est encore plus mal pris que nous. Cela voulait donc dire qu'on avait peut-être deux ou trois ans de paix. Et, d'autre part, certains ajustements, comme je l'ai dit, qu'on réclamait depuis longtemps ont été faits. On ne m'a pas entendu parler pendant ce temps. Une fois que les négociations ont été terminées, ont échoué parce que vraiment la formule n'avait pas de sens, néanmoins, on était arrivé à quelque chose qui n'était pas trop dramatique. À bout de course, en plein milieu des discussions, la situation était dramatique.

Après, le temps passe, les ajustements se font et pour la première fois, en 1985-1986, la nouvelle formule, celle de 1982, va s'appliquer sans garantie. Alors, qu'est-ce qui se passe? Je me rends très bien compte que cela va tomber. Qu'est-ce que je fais? J'alerte les gens en leur disant: Maintenant que commence à fonctionner la vrais formule de péréquation, vous allez voir ce qui va nous arriver. Je sais comme le député d'Argenteuil qu'au bout de deux ans de chutes comme cela, cela va remonter, je le sais, j'ai fourni tous ces chiffres dans une annexe au discours sur le budget, mais c'est maintenant qu'un problème apparaît et, une fois de plus, devant un problème comme celui-là, je pense qu'il est de mon devoir, qu'il est normal que j'alerte les gens à ce qui va se produire.

Je termine en disant ceci. Pour ce qui a trait aux documents et, pour une discussion aussi cohérente que possible, à la possibilité de fournir des documents à l'Opposition et de faire en sorte qu'on puisse mieux comprendre ce qui est en cause, je pense que le député d'Argenteuil conviendra avec moi que je n'ai jamais eu quelque réticence que ce soit sur ce plan. La seule difficulté dans le cas des transferts, c'est que je pense qu'on n'avait pas trouvé jusqu'à maintenant le moyen de rendre suffisamment simples les démonstrations. C'était du travail de spécialiste et, très souvent, forcément, inévitablement, dans un jargon de spécialiste.

La première tentative a été faite dans une annexe au discours sur le budget de faire mieux comprendre les enjeux, mais il est tout à fait évident que, si la commission des finances voulait, à un moment donné, avoir une séance ou quelques séances sur le système de transferts fédéraux, moi, très volontiers, non seulement j'y participerais, bien sûr, mais je fournirais aux parlementaires tout document qui peut être utile à cet égard. Je pense qu'il est tout à fait fondamental, comme le disait le député d'Argenteuil là-dessus et je suis parfaitement d'accord avec lui, il faut qu'on comprenne comment cela fonctionne. Les sommes en jeu sont trop importantes pour qu'on puisse laisser ces questions à trois ou quatre spécialistes. Sur ce, M. le Président, je termine mon intervention.

Comptes économiques entre les deux paliers de gouvernement

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. Avant de céder la parole au député de Sainte-Anne, je voudrais peut-être faire quelques observations très brièvement. Toute la question des paiements de transferts fédéraux, c'est très complexe et je reconnais volontiers qu'il y a beaucoup de personnes qui s'y perdent, surtout sur la façon de les calculer, mais aussi sur la problématique, à savoir d'où cela vient. Parce que, lorsqu'on entend la discussion des gens qui appuient la thèse fédéraliste par rapport à nous qui pensons en termes de souveraineté, on est capable très rapidement de simplifier, peut-être d'une façon que le député d'Argenteuil n'aimera pas, de la façon suivante: Est-ce que ce sont des cadeaux? Parce que cet argent vient de quelque part. De deux choses l'une: Si c'est un cadeau, si ce sont des cadeaux que les autres provinces font au Québec, ces gens sont fous de vouloir nous garder dans la confédération canadienne parce que c'est un peu comme quelqu'un qui garderait dans sa maison une personne qui est à sa charge et qu'il est obligé d'entretenir. Sinon, si ce n'est pas un cadeau, si c'est de l'argent qui vient des citoyens du Québec, de l'argent qui leur revient, à ce moment, les prétentions des membres du Parti québécois sont justifiées et justifiables de vouloir se donner les pouvoirs d'un État souverain.

Le député d'Argenteuil disait plus tôt qu'il n'avait pas vu d'intention machiavélique ou malveillante des fédéraux, mais moi, je ne suis pas si sûr que cela et je vais vous dire pourquoi. La meilleure façon d'empêcher le Québec d'avoir des prétentions de devenir souverain un jour, c'est de l'endetter tellement que cela va devenir impossible lorsque arrivera le moment de partager le passif électif et, au rythme où le déficit fédéral, notre part du déficit fédéral est rendu actuellement, je me dis que cela commence à devenir problématique de penser qu'un jour on serait capable de payer ce passif.

Une voix: On va le payer de toute façon.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre, je ne sais pas quelle est votre réaction à ce que je pense spontanément, mais cet argent vient de quelque part. L'argent du fédéral, est-ce qu'il vient de l'Ontario, d'où vient-il?

M. Parizeau: M. le Président, cela nous entraînerait dans une longue discussion sur les comptes économiques entre les deux paliers de gouvernement. Une chose est claire, cependant. C'est que, et cela entraîne toujours une sorte de confusion, les montants de transferts fédéraux qui sont fournis au Québec représentent un montant tellement gros en dollars qu'on a l'impression que le Québec reçoit une sorte de cadeau somptuaire par opposition à toutes les autres provinces canadiennes. On oublie trop souvent que le Québec, ayant 25% ou 26% de la population, cela ne prend pas des montants per capita très élevés pour faire des sommes énormes. Nous recevons au Québec un montant de péréquation, par exemple, per capita, très inférieur à tout ce qui est distribué dans les Maritimes. Cela fait une grosse somme, mais seulement parce que les Québécois sont beaucoup plus nombreux que toutes les Maritimes ensemble. Dans ce sens, disons qu'il y a un équilibre beaucoup plus étroit entre les impôts payés et ce qu'on reçoit au Québec que n'importe quoi qui peut arriver dans les provinces maritimes, même si les montants nominaux ont l'air d'être énormes pour le Québec. Cela, encore une fois, reflète simplement la population que nous avons.

Quant à établir les comptes, l'argent qu'on envoie à Ottawa, l'argent qu'on en reçoit, il faut tenir compte de tout. Il faut tenir compte, par exemple, des subventions pour les importations de pétrole, gros montants au moment de la campagne référendaire et très peu de choses maintenant. Dieu sait quel rôle cela a joué pendant la campagne référendaire. C'était cela qui manquait. À ce moment, on recevait tellement d'argent, on n'invoquait pas tellement la péréquation, on disait: Bon, pour la péréquation, les programmes établis, l'argent qu'on envoie à Ottawa et l'argent qu'on en reçoit sont finalement pas tellement loin de l'équilibre. Ce qui déséquilibrait les comptes, c'étaient les subventions au pétrole. Or, dans l'intervalle, elles sont tombées à presque rien par rapport à ce qu'elles étaient en 1980, il n'y a pas de commune mesure. Il faut tenir compte de toutes les dépenses en biens et services que fait le gouvernement fédéral au Québec. Il faut tenir compte de l'ensemble de tous les versements faits au gouvernement fédéral et de tout l'argent qu'il reçoit du Québec. Pendant longtemps, cela a été kif kif, à l'exception des subventions sur le pétrole.

Maintenant, il y aurait une très grande différence qui vient de ce que le fédéral tire en impôt dans tout le Canada et le Québec est forcément très inférieur à ses dépenses. Il va dépenser au Québec bien plus d'argent qu'il n'en ramasse en impôt, mais c'est vrai en Ontario, c'est vrai dans l'Ouest, c'est vrai dans les Maritimes. Le gouvernement fédéral a un déficit de 30 000 000 000 $, il faut bien qu'il encourt quelque part son déficit. Ce que cela veut dire, c'est qu'il dépense partout plus qu'il ne ramasse en impôt. C'est là où le problème que vous souleviez devient

important et on l'a soulevé cet après-midi assez longuement. À quel point le gouvernement fédéral endette-t-il le Québec à l'heure actuelle? Quand on aborde cela par ce truchement, on se rend compte que cela est peu de choses, l'endettement actuel des Québécois par le truchement du gouvernement du Québec, par rapport à l'endettement que le système fédéral nous impose littéralement. Est-ce que cela deviendra un empêchement majeur à l'objectif politique que nous poursuivons? Pas nécessairement, dans le cadre d'un pays souverain. Je veux dire que ce qu'un pays souverain de 25 000 000 d'habitants pense qu'il est capable d'assumer comme déficit, un pays souverain moins grand est capable d'en assumer une proportion. Il faudrait quand même se poser la question de savoir, à cette époque, si, même à notre échelle, un déficit de cette taille doit continuer longtemps. Mais cela est une autre histoire.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Sainte-Anne.

Taux d'intérêt des obligations d'épargne du Québec

M. Polak: M. le Président, il est minuit et quart. Même si la matière m'intéresse énormément, j'ai une simple question à poser au ministre dans un autre domaine.

Le Québec a émis de nouvelles obligations d'épargne du Québec à un taux de 11,75%. Tout à l'heure, vous avez parlé du système fédéral allemand, australien, où rien ne se fait sans communication ou, de temps en temps, sans demander le consentement. J'ai seulement deux questions. Est-ce que le ministre a eu des pourparlers avec le fédéral avant de se lancer dans une bataille féroce pour le dollar d'épargne du contribuable canadien? Quelle est la raison pour laquelle le Québec paie au-dessus de la moyenne qui se paie maintenant? Disons, par exemple, quand on prend un certificat de banque pour un an, le taux de 11,75%, c'est plus que la moyenne. Y a-t-il une raison spéciale pour cela?

M. Parizeau: II y a deux aspects dans cette question. D'abord, en ce qui a trait à nos rapports avec les autorités fédérales dans un domaine comme celui-là, je vous avouerai simplement - ce n'est pas sur un plan politique du tout - que je trouve cela tellement absurde qu'on ne puisse pas avoir des rapports continus avec la banque centrale sur toute espèce de plans qui ont trait justement aux emprunts... Bien sûr, dans le cas de la question que vous posez, de l'émission d'obligations d'épargne, il y a eu des contacts avec la banque centrale. Nous nous sommes consultés au niveau des fonctionnaires pour savoir quel genre de taux il faudrait pour une émission. Il s'est fait des sondages des deux côtés; il y a eu des échanges à ce sujet. Je pense que c'est normal. La vie deviendrait intenable si on ne pouvait pas avoir ce genre de collaboration élémentaire. (0 h 15)

Sur le plan du taux, la question est la suivante: Le gouvernement fédéral, le même jour - je pense que cela s'est fait à une heure d'intervalle - indique qu'il va augmenter son taux à 10,5% alors que nous vendons à 11,75%. Pourquoi monte-t-il son taux de cette façon? Parce qu'il ne vend pas d'obligations. N'oublions pas qu'il n'est pas en vente. Il n'y a pas de campagne. Il en a perdu pas mal. Il y a pas mal de gens qui, depuis deux ou trois mois, devant la hausse des taux d'intérêt, ont demandé le remboursement. Quand ces obligations sont remboursées, le gouvernement fédéral doit emprunter pour rembourser. Forcément, il y a déficit. Alors, voyant que nous venions sur le marché, se rendant compte du taux que nous devrions payer - j'y reviendrai dans un instant - le gouvernement fédéral, qui n'en a pas à vendre, n'a pas essayé de se mettre au même niveau que nous, mais d'augmenter son taux de façon que les gens soient moins incités à vendre des obligations d'épargne du Canada pour acheter des obligations du Québec, nécessairement moins incités à les négocier.

Il aurait mieux fait de les monter à 11%, néanmoins, mais il ne faut pas oublier qu'ils en ont 38 000 000 000 $ en cours dans tout le Canada, des obligations fédérales. Donc, 1% de taux d'intérêt sur 38 000 000 000 $ représente une somme telle qu'il hésite avant de le monter. À mon sens, il aurait peut-être dû monter un peu plus que 10,5% parce que je me rends très bien compte qu'à l'occasion de notre émission actuelle il se change quand même beaucoup d'obligations fédérales en obligations du Québec. Je ne serais pas du tout étonné que, jusqu'à maintenant, il y en ait au moins 200 000 000 $, en l'espace de quelques jours, qui ont été échangées.

Pourquoi avons-nous mis le taux d'intérêt à 11,75%? L'habitude, et je ne dis pas qu'on le réalise toujours parfaitement, c'est de placer nos émissions d'obligations d'épargne à une légère prime par rapport aux certificats de banque d'un an. Or, au moment où nous avons annoncé le taux, le certificat de banque d'un an était en moyenne à 11,40%. Alors, nous avons donné une prime de 35 points de base, ce qui est assez fréquent dans ce que nous faisons. On essaie normalement de toujours maintenir une prime comme celle-là.

Le fait que les taux d'intérêt aient légèrement baissé depuis ce temps a accéléré les entrées, a rendu le taux plus attrayant de quelques points de base. Mais, en somme,

dans la fixation du taux de 11,75%, nous avons procédé à peu près comme d'habitude: taux de dépôt dans les banques d'un an plus une prime de 30 ou 40 points de base. Il n'y a rien d'anormal là-dedans. 0e pense que la leçon de cette émission, encore une fois, comme je le disais tout à l'heure, c'est que le fédéral aurait peut-être dû monter un peu plus haut que 10,5% parce que là, il est tout à fait clair, d'après les rapports que j'ai eus au cours des trois derniers jours, qu'il se négocie beaucoup d'obligations du Canada en obligations du Québec.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. . le ministre. M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

Conclusion M. Daniel Johnson

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président. À l'origine, lorsque le règlement prévoyait que dix heures pouvaient suffire ou étaient octroyées pour l'étude du budget en commission, étant donné que c'était disparu des débats de la Chambre, ce n'était pas évident qu'il y avait de la place pour dix heures de discussions parce que, lorsqu'on l'évalue de façon normale, on se demande jusqu'à quel point il peut y avoir pour cinq heures de questions et cinq heures de réponses. C'est un peu comme cela qu'on le regarde du point de vue de l'Opposition. Chose certaine, ce qu'on néglige habituellement d'inclure dans le calcul du temps, parce que c'est une inconnue, mais on se fit à l'expérience des dernières années, c'est la participation des ministériels. Alors, selon qu'il y en a plus ou moins, l'enveloppe s'ajuste de cette façon. L'enveloppe s'est ajustée à la hausse. Les prédictions qu'on aurait pu faire se sont révélées un peu basses. Dix heures n'auraient peut-être pas été trop si on avait vraiment voulu faire le tour au rythme qu'on le fait. L'Opposition a à peu près le quart du temps...

Une voix: ...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, je comprends. Le quart du temps ne laisse pas, finalement, dans une enveloppe, autant de temps qu'on l'aurait voulu pour passer à travers ce qui, en définitive, est dans le cadre d'un exercice trimestriel qui est plus important à l'occasion du budget, mais ça demeure l'étude de l'évolution des politiques budgétaires du gouvernement. Dans le discours sur le budget, il y a un tas d'affirmations qui auraient pu appeler d'autres questions, mais, dans le fond, elles ne sont pas autant d'actualité qu'on pourrait le croire. C'est dans le cadre général de l'évolution des prévisions budgétaires. On y reviendra dans trois mois et ces questions seront toujours pertinentes.

La façon dont on envisageait que ça se déroulait, si c'est l'étude de l'évolution des perspectives budgétaires dans le cadre du discours sur le budget, nous a amenés, dans nos interventions - le ministre l'a sans doute remarqué et la présidence également - à chercher les explications sur certaines questions de fond de l'évolution des perspectives budgétaires: le déficit, ce avec quoi on a ouvert la discussion cet après-midi, la politique d'emprunt, les transferts, les relations fédérales-provinciales, essentiellement.

Dans le plan de relance, de façon plus spécifique quant au budget, on a parlé, quant à nous, de la réorientation de la structure industrielle du Québec, du niveau d'investissement, des priorités d'investissement que le gouvernement avait choisies. On ne reviendra pas plus longtemps que cela sur le fait que, d'une part, il y a des opérations de consolidation de certains acquis ou de certains genres d'activité, au Québec, pour les renforcer, selon le ministre. D'autre part, il y a des perspectives qui s'ouvrent sur l'avenir si on se lance dans de nouveaux secteurs et si on parle, dans les deux cas, d'acquérir une capacité concurrentielle accrue.

C'étaient des discussions intéressantes, le ministre l'a reconnu. Quant à moi et de ce côté-ci de la table, on pensait que c'était l'idée de cette commission. C'est très différent des discours qu'on a en Chambre. Si la commission remplace ce qui se passait en Chambre, oui. On va continuer à faire des tours de piste, on va continuer à voir les députés ministériels... Je présume que c'est leur rôle. De la même façon qu'on est censé critiquer en Chambre, ils sont censés encenser le gouvernement. C'est la façon traditionnelle de le faire parce que le forum appelle cela.

Le temps de parole, on parle une fois sur un débat, ça vient de s'éteindre, on passe notre message, on fait valoir nos points de. vue de la façon la plus concise possible. En commission parlementaire, c'est un peu plus large quant au fonctionnement, on peut se répliquer les uns aux autres, ça fait une discussion un peu plus animée, on peut entrer dans des détails intéressants, non partisans, comme l'a souligné le ministre, sauf erreur, à l'occasion de chacune des interventions de l'Opposition. Il n'en reste pas moins que des divergences de vues sont apparues, mais on n'en a pas fait des plats considérables.

Quant à moi, j'ai trouvé déplorable qu'on ait été ici les récipiendaires de discours qui tendaient la perche au ministre. Il n'est pas responsable de cela, c'est le tendeur de perche qui amorce cette action et le ministre, comme c'est son droit, la

saisit et fait son tour de piste, renchérit sur ce que son collègue du groupe ministériel peut avoir dit. N'est-il pas vrai que les sociétés d'État font des choses extraordinaires pour le développement économique du Québec? Certainement, réplique le ministre, et on vient de manger 20 ou 25 minutes du débat qui était censé regarder quelle est l'évolution des perspectives budgétaires du gouvernement du Québec, quel est le choix des priorités sur une longue période que le gouvernement est en train de faire. Saviez-vous qu'il y avait eu la crise d'octobre pendant les années 1970-1976? Vous ignoriez sans doute cela, mais le député de Bourassa s'est chargé de nous le rappeler. Il nous a même lu intégralement, à ma connaissance, son dernier envoi sans adresse à ses électeurs. Il aurait peut-être pu, par voie de dépôt de documents à l'Assemblée nationale, nous en faire tenir une copie, cela aurait épargné pas mal de temps.

On a eu droit également - et là, vraiment, ça m'échappe de voir cela dans une commission comme celle-ci - à une critique du député de Roberval sur l'absence de propositions de la part de l'Opposition en matière de politiques budgétaires. Je ne pensais pas qu'on était ici pour que vous écoutiez l'Opposition vous exposer sa vision du développement économique du Québec avec notre budget de l'An I, II ou III. Je n'ai jamais saisi que c'était là l'idée, le mandat de la commission. Les discussions que le député de Chambly suscite, chaque fois, tournent autour du grand concept et du grand principe de l'interface entre le législatif et l'exécutif pour que le législatif découvre enfin ce que l'exécutif est en train de faire, de quelle façon il décide, où il s'anime, dans quelle direction il s'agite et pourquoi. C'est comme cela qu'on le conçoit. C'est de cette façon qu'on pose les questions de façon générale, quelle que soit l'heure, quelles que soient les interjections des membres du côté ministériel. Si on est pour continuer, chaque trois mois, à regarder l'évolution des perspectives budgétaires en consacrant à peu près le quart du temps à l'Opposition pour ses questions, un quart du temps au ministre pour ses...

Le Président (M. Lachance): M. le député, je ne veux pas vous interrompre indûment. Je l'ai fait calculer par quelqu'un de la commission parlementaire et le pourcentage de temps qui a été chronométré pour l'Opposition serait de l'ordre de 31%.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est magnifique; étant donné qu'on constitue un des deux partis à l'Assemblée nationale, il en resterait donc 70% pour le gouvernement.

Une voix: Non, du côté ministériel...

Une voix: C'est moins que les transferts...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ce qui m'inquiète un petit peu pour les réunions trimestrielles, c'est que, si on n'a pas vraiment l'occasion d'aller voir comment l'exécutif, justement, se comporte et qu'on a plutôt droit à des retours sur les décisions de dépenses des années 1970 à 1976, sur la crise du FLQ, sur les Jeux olympiques, je ne vois pas véritablement jusqu'où on va aller. Je ne vois pas comment vous vous imaginez que vous allez avoir la coopération de l'Oppostion pour qu'on mène des débats dans ce cadre-là d'une façon raisonnable et un peu constructive. C'est exagérer de dire qu'il n'y a pas de place pour faire de la politique en commission parlementaire. Je ne rejoins pas le député de Chambly. C'est loin d'être exagéré de dire que c'est en Chambre que, surtout, cela se déroule. Il y a bien d'autres endroits où cela peut se dérouler.

Quant aux questions qu'on a pu poser de ce côté-ci, quant aux réponses que le ministre nous a données, cela a répondu à l'objectif de la commission. Je trouve cela extrêmement malheureux, quant à l'autre moitié, que cela n'y ait aucunement répondu à cause des interventions, des questions du côté du groupe ministériel.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Roberval.

M. Michel Gauthier

M. Gauthier: Très brièvement, M. le Président, pour ne pas prolonger. Je ne veux tout simplement pas laisser passer des commentaires comme ceux-là sans, au moins, préciser certaines choses. D'une part, je voudrais rappeler au député de Vaudreuil-Soulanges, malgré tout le respect que je lui dois, qu'il y a une caractéristique particulière dans les débats autour du discours sur le budget qui permet aux parlementaires de s'exprimer librement sur un ensemble de sujets d'ordre général ou particulier et même de faire valoir, à certains moments, des exemples très pratiques, très concrets de l'influence de la politique budgétaire gouvernementale dans leur comté. À cet égard, je pense que le député de Verdun nous a donné un exemple ce soir - nous l'avons écouté avec attention - d'un député qui était préoccupé par des dossiers de son comté. Il nous a cité à plusieurs reprises l'administration de sa ville et nous avons été extrêmement tolérants là-dessus. Que le député de Bourassa ait senti le besoin d'exprimer des besoins d'ordre plus particulier, c'est son droit le plus strict. En ce sens, je pense qu'il apparaîtrait de mauvais goût d'essayer de museler les parlementaires dans leur droit le plus

fondamental de s'exprimer très librement et très largement dans ce débat. Ce n'est pas toujours le cas dans les débats à l'Assemblée nationale.

En terminant, c'est simplement pour dire au député de Vaudreuil-Soulanges que -je ne sais pas quelle est sa perception des choses, elle semble être assez négative -quand on s'efforce de démontrer un contexte dans lequel le ministre des Finances présente sa politique budgétaire, quand on s'efforce de vérifier ou d'évaluer l'héritage qui lui a été laissé, quand on essaie de voir où il s'en va, comment il voit l'implication de l'État dans le développement économique ou quand on fait état de projets qui sont annoncés, je pense que c'est très pertinent au débat. S'il fallait, effectivement, pour qu'une intervention soit jugée acceptable, qu'elle soit de l'ordre de la critique négative ou qu'elle ne fasse état que de mauvaises nouvelles, nous ne pourrions pas nous associer à un débat de ce genre.

Dans cet ordre de pensées, les échanges d'aujourd'hui ont été fort intérressants, fort instructifs. Ils ont permis aux intervenants qui sont également députés des deux côtés de la Chambre de soulever des préoccupations qui leur sont chères. Le ministre des Finances - que je remercie en passant - a répondu le plus complètement possible, le plus correctement possible et de la même façon aux deux côtés de la Chambre; c'était le but visé, je pense, par l'exercice d'aujourd'hui.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Roberval. Le ministre aurait-il quelques mots à ajouter? M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Je voudrais simplement remercier les membres de la commission de m'avoir accueilli aujourd'hui et leur dire que je serai à leur disposition chaque fois que la commission le jugera bon. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre des Finances. Merci, messieurs de la commission d'avoir facilité mon travail à la présidence. La commission du budget et de l'administration ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 0 h 32)

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