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(Quinze heures trente-huit minutes)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente du budget et de l'administration se
réunit avec le mandat d'étudier la politique budgétaire du
gouvernement dans le cadre du débat sur le discours sur le budget.
Je demanderais au secrétaire s'il y des remplacements.
Le Secrétaire: M. le Président, M. Ryan
(Argenteuil) remplace M. Polak (Sainte-Anne). Merci.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le
Secrétaire. J'inviterais M. le ministre des Finances, s'il le
désire, avec le consentement des membres de la commission, à
venir s'asseoir à la table, ici.
M. Parizeau: M. le Président, je venais, justement, de
dire que, comme nous sommes organisés, entre fonctionnaires et ministre
à ce bout-ci, je pense que la chose la plus simple, ce serait encore que
je garde la place. Je remercie, cependant, les membres de la commission de
m'avoir offert cette possibilité.
Le Président (M. Lachance): Très bien, M. le
ministre. Vous savez que cette procédure est nouvelle. C'est une
façon de procéder complètement nouvelle pour tout le
monde, qui est prévue dans les règles de procédure que
nous avons adoptées au mois de mars. Alors, tel qu'entendu, il y aurait
d'abord 20 minutes d'accordées au ministre des Finances, s'il le
désire. Ensuite, 20 minutes seraient accordées au porte-parole de
l'Opposition officielle et, par la suite, des temps de parole de dix minutes
seraient accordés aux députés qui désirent
intervenir. La réplique du ministre peut suivre immédiatement
chacune des interventions des députés de quelque
côté que ce soit de la table.
J'inviterais maintenant le ministre des Finances à s'adresser
à la commission.
M. Parizeau: M. le Président, quelques mots seulement.
Comme j'aurai probablement demain, à ce qu'on me dit, la
possibilité de faire la réplique au débat sur le discours
sur le budget, j'aurai donc, à ce moment-là, toute l'occasion de
faire une sorte de résumé des orientations, je pense, que j'ai
cherché à donner sur ce discours sur le budget. D'autre part, il
me semble assez normal de laisser le maximum de temps à l'Opposition.
Comme nous nous sommes entendus sur une formule en vertu de laquelle
l'Opposition aurait, sur tout sujet, dix minutes, les ministériels dix
minutes, et que le ministre des Finances peut intervenir après chaque
intervention, je pense qu'il serait normal, quant à ces
présentations préliminaires, que je me limite à aussi peu
de chose que possible. Je laisserai donc l'Opposition nous présenter ses
observations préliminaires en commission. S'il me semblait utile
d'intervenir après que l'Opposition aura présenté ses
observations, je me permettrai de vous le faire savoir, dans le cadre des dix
minutes prévues, bien sûr.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. Je
cède maintenant la parole au député de Vaudreuil-Soulanges
et vice-président de la commission.
Déclarations d'ouverture M. Daniel
Johnson
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président.
Si j'ai bien compris le ministre, il préfère avoir une heure en
Chambre à 20 minutes en commission pour faire un tour d'horizon quant
à certains éléments sur lesquels ils veut
présumément insister dans le cadre du discours sur le budget.
Quant à nous, de la façon dont on envisage le fonctionnement de
cette nouvelle commission, c'est une nouvelle occasion que nous avons de
discuter de finances publiques.
On peut peut-être diviser cela en certains blocs qui reprendraient
quelques-uns des éléments les plus importants qu'on a pu observer
lors du discours sur le budget du 22 mai dernier. La discussion est ouverte
essentiellement pour tout le monde; ce n'est pas une question de dire que c'est
un privilège exclusif à l'Opposition d'en parler à ce
moment-ci. Ce n'est pas exclusif, mais on pourrait peut-être
effectivement prendre plus de temps et sans doute soulever des questions qui
apparaîtront moins sympathiques au ministre que celles que les
ministériels pourraient soulever.
Dans ces éléments, le ministre et les
ministériels ne seront pas surpris de voir qu'on isole la
croissance du déficit depuis que le ministre des Finances actuel est en
poste. La croissance est une chose. La stabilité du déficit,
autour des 3 000 000 000 $ depuis déjà cinq ans, est très
certainement inquiétante pour les finances publiques. Le ministre des
Finances a prétendu qu'il pouvait agir à l'intérieur du
plan de relance, en consacrant des sommes à des programmes nouveaux,
qu'il s'agisse des programmes d'accélération dont il voulait
faire une description à de nombreuses reprises, de programmes prenant la
forme d'allégement d'impôt ou d'incitatifs à
l'investissement sous quelle que forme que ce soit. Or, ces sommes qui
permettent au gouvernement d'agir sur la conjoncture économique pour
l'alléger pour les citoyens deviennent de plus en plus rares.
Si on regarde le budget actuel en regard des annonces faites depuis
novembre dernier qu'environ 300 000 000 $ ou 311 000 000 $ - 311 000 000 $
était le chiffre annoncé par les collègues du ministre
lors du dépôt des crédits en mars dernier -seraient
consacrés à la relance de façon spécifique, 311 000
000 $, c'est 10% du déficit qui est d'un peu plus de 3 000 000 000 $. On
peut donc, à tout le moins, s'étonner que le ministre ne voie pas
la façon, avec 3 000 000 000 $ d'excédent de dépenses sur
les revenus, de faire plus pour la relance économique, qu'il ne trouve
pas le moyen, au point de vue de l'action anticyclique du gouvernement, de
soutenir l'emploi de façon plus efficace, plus substantielle surtout
qu'il ne le fait actuellement.
Donc une évolution du déficit budgétaire, car, si
on prend la dernière année financière à laquelle le
ministre n'a rien eu à faire, celle de 1976-1977, résultat d'un
budget présenté par son prédécesseur et que
l'indice du déficit budgétaire, à ce moment-là, est
pris comme étant égal à 100, on est aujourd'hui dans les
300. Alors, de 1 000 000 000 $ à 3 000 000 000 $, en gros, ayant
à l'esprit que, dans le 1 000 000 000 $ ou à peu près de
1976- 1977, il y avait une grosse portion qui était attribuable au
déficit olympique. Cela avait permis au ministre des Finances de baisser
quelque peu le déficit budgétaire par rapport à
l'année précédente lors de la présentation de son
premier budget pour l'année 1977- 1978. Mais on observe que, depuis, le
déficit budgétaire a crû considérablement avec des
effets quant à la vulnérabilité des finances publiques du
Québec qui tiennent au fait qu'on semble avoir atteint une limite
maximum.
Le ministre des Finances se fait fort de se représenter comme
étant celui de tous les ministres des Finances qui a réussi
à stabiliser son déficit depuis cinq ans. Je veux bien. Mais la
réalité des choses est que, à part les moments de crise
qu'on a traversés, les efforts que les autres provinces ont consentis de
façon générale ont plutôt eu tendance à faire
diminuer les déficits lorsqu'il y avait reprise, lorsqu'on était
dans des bonnes années.
Or, dans les bonnes années qu'on a connues, relativement bonnes,
un peu avant, un peu après les dernières élections, le
ministre a quand même laissé courir le déficit au niveau
qu'on lui connaît aujourd'hui. Donc, vulnérabilité, s'il y
a une autre crise, qui équivaut à une incapacité du
gouvernement d'encourir des frais additionnels pour répondre de
façon ponctuelle aux besoins des programmes de soutien à
l'emploi, vulnérabilité à cause de la masse même du
service de la dette quant aux dépenses courantes qui sont
hypothéquées au sens strict par l'accumulation d'un
déficit budgétaire, l'accumulation des dettes que traîne ce
gouvernement, autant de centaines de millions, je dirais des milliards, qui
doivent être consacrés à payer des intérêts
sur une dette encourue à l'égard de toutes sortes de programmes
qui ont connu des augmentations qui avaient pour effet d'amener le
déficit à un niveau qui a permis au ministre de se vanter qu'il
le stabilisait, mais qui essentiellement signifient qu'il a atteint sa limite
de crédit à un coût raisonnable.
Vulnérabilité que d'autres que l'Opposition ont
relevée récemment. Je voyais ce matin que Michel Bélanger,
président de la Banque Nationale du Canada, tout en étant
plutôt d'accord avec la théorie habituelle que, de même que
le déficit doit être encouru si le gouvernement juge bon de devoir
intervenir pour soutenir l'emploi en période de basse conjoncture, de la
même façon, s'il y a reprise dont on entend parler de l'autre
côté de la Chambre, on doit faire l'effort de diminuer le fardeau
considérable que peut constituer l'accumulation, d'année en
année, de déficits de l'ordre de celui qu'on a devant nous.
Si ce n'était que le niveau de la dette qui nous rend
vulnérables, ce serait une chose. Sauf qu'en lisant les renseignements
supplémentaires, en regardant la façon dont les programmes
d'emprunt ont été gérés depuis plusieurs
années; on voit surtout que la portion de la dette exprimée par
des titres, des obligations, des bons du Trésor, quoi que ce soit, qui
sont à rendement variable, à taux d'intérêts
variables, a augmenté considérablement depuis sept ou huit ans.
Pour les années qui se terminaient au 31 mars 1978, la portion de la
dette, l'encours, je devrais plutôt dire, des principaux titres à
rendement invariable représentait un peu moins de 10% de la dette
obligataire totale du gouvernement du Québec. De façon soutenue,
continue,
ininterrompue, cette proportion a monté à 12,5%, puis
à un peu plus de 13% et à 21% en 1981; en 1982, toujours 21%;
23,7% ou à peu près en 1983. Et selon les chiffres du ministre,
on parle d'un peu plus de 24%, à l'heure actuelle.
Donc, le quart de la dette est constitué de titres à
rendement variable, à taux flottant, comme le veulent les
marchés. Le quart de la dette du Québec à ce taux, c'est
considérable. L'effet, au point de vue de la
vulnérabilité, c'est que, si les taux d'intérêt
devaient connaître une flambée quelconque, même modeste,
chaque point de différence d'intérêt, chaque 1%
d'augmentation des taux d'intérêt payables sur la dette du
Québec appellerait une augmentation du service de la dette de 45 000 000
$. C'est quelque chosel Alors qu'on parlait, il y a sept ou huit ans, en cas
d'augmentation des taux d'intérêt, d'un risque additionnel, d'une
dépense additionnelle pour chaque 1% d'augmentation de 6 000 000 $ ou 7
000 000 $, on parle, aujourd'hui, de 45 000 000 $, voire même de beaucoup
plus, pour chaque 1% d'augmentation du taux d'intérêt que doit
payer le gouvernement sur une portion de sa dette.
Si le quart de la dette est à taux variable, celui-ci, en
général, comme l'indiquent les renseignements
complémentaires, est une notion qui est attachée au "prime rate",
au taux préférentiel bancaire, majoré d'une fraction
quelconque. Et lorsque ce taux préférentiel change, les paiements
à l'égard d'intérêts sur la dette changent d'une
façon extrêmement directe. C'est surtout cet aspect de la gestion
de la dette qui retient, aujourd'hui, notre attention.
Donc, vulnérabilité, selon nous, quant au niveau qui a
été atteint, de 3 000 000 000 $, qui revient de façon
régulière depuis des années et, deuxièmement,
vulnérabilité qui tient à la composition de la dette
lorsqu'on regarde l'espèce de plafond qui a été atteint.
Selon les marchés, le quart de la dette à taux variables, c'est,
en général, pour un gouvernement, à peu près le
plafond, à peu près le maximum que l'on peut atteindre. Il est
fort compréhensible que, lorsque les taux d'intérêt
à long terme sont très élevés, il y aurait
peut-être intérêt, c'est une espèce de prudence,
à se lancer dans un programme d'emprunt qui privilégie les taux
variables. On espère ainsi pouvoir les refinancer éventuellement
à des taux un peu plus attrayants pour l'emprunteur. Donc, on ne
s'enferme pas dans des instruments, des obligations à très long
terme qui porteraient des taux d'intérêt très
élevés.
Mais lorsqu'on en est rendu, pour toutes sortes de raisons que le
ministre nous expliquera, à consacrer le principe qu'on peut avoir le
quart de notre dette dans des titres à rendement variable, c'est
beaucoup, parce que là les perspectives de refinancement sont
plutôt minces. On voit difficilement le gouvernement du Québec
refinancer une grosse portion de sa dette à taux variables sur les
marchés financiers si, d'aventure, les taux d'intérêt
à long terme baissaient. On est en train de regarder des chiffres qui
sont considérables, dans les milliards de dollars, qui devraient
être refinancés à long terme. On ne peut pas
décemment penser que le gouvernement du Québec pourrait
impunément ou facilement, de toute façon, arriver sur le
marché pour refinancer des milliards de dollars de dettes qu'il a
contractées à taux variables, donc à court terme, si,
d'aventure, les taux d'intérêt descendaient. On pourrait en
bénéficier dans la mesure où ce sont des dizaines de
millions de moins que la fluctuation des taux d'intérêt peut
représenter pour le Trésor public. C'est une chose. Mais quant
à penser que l'on pourrait tout de suite sauter sur l'occasion, puisque
les taux d'intérêt à long terme sont plus bas, pour
refinancer des milliards, je ne vois pas très bien comment ça
pourrait se faire.
C'est donc sur ces deux éléments, le niveau du
déficit de 3 000 000 000 $, consacré comme "normal", entre
guillemets, par le ministre des Finances et la composition de la dette, que
porte notre critique. J'aimerais très certainement écouter les
représentations ou les commentaires du ministre à ce sujet.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre des
Finances.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, je vais commencer en
discutant des échéances de la dette et du partage entre les taux
fixes et les taux variables à l'intérieur du temps qui m'est
imparti, et je terminerai en disant quelques mots sur la taille du
déficit. Je renverserai donc un peu l'ordre dans lequel le critique de
l'Opposition a présenté sa question.
C'est, en effet, fort intéressant de constater ce qui s'est
produit depuis quelques années sur le plan, à la fois, des
échéances de la dette et du caractère de taux fixes ou de
taux variables qu'on lui attache. À partir de 1980, les taux
d'intérêt vont augmenter dans des proportions
considérables, à des niveaux qu'on n'avait jamais vus. Là
se présente la question de savoir si on tient absolument à faire
des emprunts sur dix ans à taux fixes, à 18%. Tous les
gouvernements, toutes les entreprises, dans un tel cadre, se disent: II serait
absurde qu'on se bloque à taux fixes pendant des années à
des taux aussi élevés. Quand les taux sur le marché sont
à 9%, 10% ou 11%, c'est autre chose, mais à 17% 18% ou 19%, c'est
tout à fait différent.
Que doit-on faire dans un cas comme celui-ci? Emprunter court, à
taux variables, de façon que, dès que les taux
d'intérêt se mettent à tomber, ils cessent d'avoir un
impact sur le budget. C'est très exactement cela que nous avons fait.
Constatons bien, au fond, qu'au 31 mars 1976 13% de la dette étaient
à taux variables et 87% à taux fixes, habituellement, à
moyen ou à long terme. Le 31 mars 1980, nous sommes à 13,3%
à taux variables, c'est-à-dire exactement la même
proportion qu'au 31 mars 1976, 13,3% au lieu de 13,2%.
Cependant, le 31 mars 1984, nous sommes à 24%, à taux
variables. Que s'est-il passé si on compare 1980 à 1976 et 1984
à 1980? Essentiellement le phénomène dont on vient de
parler: une flambée, à certains moments, absolument prodigieuse
des taux d'intérêt, ce qui fait que, d'aucune façon, un
emprunteur raisonnable ne va chercher à se bloquer à des taux
démentiels pour cinq, dix, quinze ou vingt ans quand il peut se bloquer
pour un an seulement. Type même de ce titre qui nous permet de suivre les
taux d'intérêt sur le marché sans se bloquer pour des
années: les bons du Trésor. Nous avons effectivement
augmenté considérablement l'encours des bons du Trésor
parce que les bons du Trésor, tous les trois mois dans certains cas,
tous les six mois dans d'autres, reflètent les taux sur le
marché. Quand ils sont élevés, vous payez, mais, quand ils
tombent, vous payez moins. Vous n'êtes pas pris dedans, vous n'êtes
pas coulés dans un béton vraiment un peu trop astreignant, si
vous me passez cette confusion de métaphores.
Cela ne veut pas dire que la préoccupation du
député de Vaudreuil-Soulanges n'est pas importante. Il faut,
quand même, faire attention à ne pas avoir une dette trop courte
et composée exclusivement de titres à très court terme.
Donc, dès que les taux d'intérêt se mettent à
baisser sur le marché, on revient, autant qu'il est possible, à
une politique d'emprunts à long terme et à taux fixes. (16
heures)
C'est ainsi, par exemple, que depuis que les taux ont commencé
à baisser sérieusement par rapport au sommet que nous avons connu
en 1982, on voit le gouvernement de Québec revenir à des emprunts
fixes et très longs. Par exemple, nous avons fait, au cours de cette
période, un emprunt en livres sterling à 36 ans
d'échéance. C'est l'échéance la plus longue que le
marché britannique ait connue pour tout emprunteur étranger
depuis des années.
L'automne dernier, pour la première fois depuis sept ans, je suis
retourné sur le marché américain. Jusqu'à
maintenant, on avait laissé le marché américain à
HydroQuébec en raison des besoins énormes d'emprunts qu'ils
avaient pour le financement de la Baie James. Pour ce premier emprunt l'automne
dernier, qu'est-ce que nous avions comme - vraiment, ce n'était que des
emprunts à taux fixes - échéance? Une tranche à 10
ans et l'autre tranche à 20 ans. En somme, il est parfaitement normal
que, quand les taux d'intérêt ne sont pas trop
élevés, on cherche à avoir des taux d'intérêt
fixes pour des échéances longues. Lorsque, au contraire, les taux
d'intérêt "effervescent" vers la hausse...
Excusez-moi, M. le Président, mais je ne sais plus comment on
fonctionne. Il sera tout à fait normal, lorsque les taux
d'intérêt commencent à "effervescer" un peu, qu'on retourne
en obligations à taux variables. Exemple, depuis quelque temps, depuis
deux mois, nous avons vu une augmentation importante dans les taux
d'intérêt. J'ai hésité. J'aurais eu la
possibilité de faire des emprunts à très long terme au
cours de cette période. On s'en allait vers du 13 1/2%, du 14%. Dans ces
conditions, je cherche à l'heure actuelle, tant que je ne verrai pas un
peu plus clair sur les taux d'intérêt, à mettre un accent
assez important vers les obligations d'épargne. La campagne
d'obligations d'épargne, à l'heure actuelle, va merveilleusement
bien. C'est du taux variable qui me permet, cependant, à 11 3/4 pour un
an et 8 1/2 pour les années suivantes, d'aller chercher l'argent qu'il
faut en très grande quantité, en attendant quoi? En attendant que
les taux d'intérêt à long terme très
élevés qu'on connaît baissent un peu. Il y aura toujours ce
dosage.
Il faut simplement ne pas oublier que nous avons fonctionné
pendant des années et des années sur des taux
d'intérêt qui fluctuaient à l'intérieur d'une
fourchette relativement étroite et que, entre 1980 et maintenant, nous
avons assisté à des fluctuations de taux d'intérêt
énormes qui poussent tous les emprunteurs de façon plus prudente
à se placer sur du court terme et du taux variable au moins pour une
partie de leurs emprunts. Dans ce sens, ce que décrit le
député de Vaudreuil-Soulanges me paraît non pas une sorte
de curiosité ou de bizarrerie, mais indique simplement que le
gouvernement de Québec n'a probablement pas été plus
intelligent et sûrement pas moins intelligent que la plupart des
emprunteurs gouvernementaux ou privés sur le marché au cours de
la même période.
Maintenant, en ce qui a trait à la taille même du
déficit, j'aimerais, M. le Président, d'abord rappeler une chose.
Nous avons un déficit qui tourne autour de 3 000 000 000 $, je n'en
disconviens pas et je le dis fréquemment. Nous l'avons à peu
près depuis cinq ans à ce niveau. Comment nous comparons-nous
à cette période présumément bénie à
laquelle faisait allusion le député de Vaudreuil-Soulanges,
c'est-à-dire les années qui ont terminé le séjour
au
pouvoir de M. Bourassa?
Le coût de la vie, depuis ce temps, a augmenté de presque
80%. Il faut en tenir compte quand on veut établir le déficit.
D'autre part, cette époque présumément bénie avait
ceci de caractéristique qu'on ne tenait vraiment pas beaucoup compte des
déficits actuariels accumulés dans les fonds de pension des
employés du secteur public. Imaginons que j'aie suivi depuis 1977
exactement la même façon de traiter les déficits des fonds
de pension des employés du secteur public que le régime Bourassa,
exactement la même façon, qu'est-ce que j'aurais comme
déficit aujourd'hui? J'aurais un déficit de 2 100 000 000 $. En
fait, j'enlèverais aux dépenses du gouvernement 917 000 000 $. Si
j'avais le même déficit en tenant compte du coût de la vie,
que la dernière année du régime Bourassa, ça me
ferait un déficit non pas de 2 100 000 000 $, mais d'à peu
près 1 900 000 000 $. On est proche.
En plus de cela, nous avons décidé d'abolir la taxation
foncière, à toutes fins utiles, à peu de chose
près, dans le système scolaire et d'inclure cela dans les
dépenses du gouvernement et donc, éventuellement, dans la dette
du gouvernement. Je ne tiens pas compte du 1 000 000 000 $ de déficit,
de dettes qu'on a dû encourir en 1976 pour le stade olympique.
À tous égards, si le député de
Vaudreuil-Soulanges veut présenter l'année 1976 comme
étant la dernière année de tranquillité des
finances publiques, de l'amusement des enfants et de la tranquillité des
parents, je lui dirai qu'il serait mieux de repasser. Évidemment, si on
continuait d'étrangler les municipalités comme on le faisait
à l'époque, ce que nous avons réglé en leur passant
les droits de taxation dans le domaine foncier et en assumant cela
nous-mêmes, si on avait décidé de continuer à ne pas
tenir compte des déficits dans les fonds de pension des employés
du secteur public, si on décidait de ne pas tenir compte de l'inflation
et si on décidait de ne pas tenir compte du déficit olympique, ah
oui, c'est vrai, j'ai, par rapport à ces années
présumément bénies, un très gros déficit.
Mais si on tient compte de tous ces facteurs, comme le disait quelqu'un de bien
plus célèbre: Quand je me regarde, je ne suis pas certain de me
désoler, mais, en tout cas, quand je me compare, je me console.
Voilà à peu près les observations que je voulais
faire dans les dix minutes qui me sont imparties, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre, ce n'est pas
que je veuille que vous continuiez, mais vous aviez plus que dix minutes.
M. Parizeau: Non, M. le Président, ça me va
très bien, je pense que j'ai fait le tour des questions qui avaient
été soulevées.
Le Président (M. Lachance): Alors, la parole est au
député de Vaudreuil-Soulanges qui avait vingt minutes et qui a
utilisé, jusqu'à maintenant, quatorze minutes.
M. le député de Chambly, il n'y a pas de quoi faire une
tempête. Est-ce que vous avez une question?
Organisation des travaux
M. Tremblay: Non, c'est juste pour que la procédure soit
claire pour tout le monde. C'est une intervention qui dure vingt minutes et, si
quelqu'un n'utilise pas ses vingt minutes, il perd son temps, tout
simplement.
Le Président (M. Lachance): C'est divisible, M. le
député de Chambly.
M. Tremblay: II y a un principe qui s'appelle l'alternance. C'est
ce principe qu'on défend quand on dit qu'il y a, d'une part, vingt
minutes et c'est là-dessus qu'on avait discuté. Si on se garde
des réserves, ça va être terrible tout à l'heure,
quand vous allez, à la fin des sept heures, commencer à dire:
Celui-là, il lui reste trois minutes accumulées là et,
cinq minutes accumulées là. À un moment donné,
ça peut lui donner le droit de faire une intervention d'une heure et dix
étant donné qu'il a accumulé beaucoup de temps.
Je pense, M. le Président, que c'est peut-être
administrable, mais ça ne favorisera pas un sain débat. Je pense
qu'il faut qu'on s'entende dès maintenant pour agir de la même
manière qu'à l'Assemblée nationale. Ici, on remplace un
peu les travaux de l'Assemblée nationale. À l'Assemblée
nationale, quand un député avait trente minutes à
l'époque où on parlait sur le discours sur le budget et qu'il ne
parlait que vingt minutes, il ne pouvait pas revenir pour dix minutes à
la fin. Je pense que c'est dans ce même esprit qu'il faut
déterminer que c'est un rôle d'interventions avec un maximum de
temps d'utilisation imparti à chacun des députés.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je ferai remarquer, à la
suite des discussions à la séance de travail, que
l'expérience des crédits, par exemple, n'a été
malheureuse pour personne, sauf qu'on n'a pas eu assez de temps parce qu'il y a
trop de matière, beaucoup plus qu'à cause de la façon dont
le temps a été divisé. Au point de vue de l'alternance, je
veux bien reconnaître que, dans notre système, on est en train de
transférer les débats de la Chambre en commission, à
certains égards, comme le fait remarquer le député, mais
je n'ai pas eu l'impression que l'intervention du ministre
était précisément neutre. L'alternance ayant pour
but de présenter deux points de vue différents l'un après
l'autre, de façon consécutive, je n'ai pas saisi que le ministre
était d'accord avec tout ce que j'avais prétendu dans mes
quatorze minutes quant à la façon dont il s'est exprimé
dans la réponse que le règlement lui permet d'apporter.
Troisièmement, ce que j'aimerais seulement souligner, c'est que,
lorsqu'on a regardé comment on pouvait aborder les travaux de la
commission, au lieu de remplacer essentiellement les débats qu'on avait
en Chambre où n'importe qui ayant le droit de parole peut dire n'importe
quoi -mais cela, c'est une question d'appréciation -on s'est entendu
qu'on essaierait de traiter de blocs d'éléments les uns
après les autres. Je suis convaincu qu'il était
particulièrement important de parler de la dette, du financement, de
peut-être épuiser cela autour de la table. J'aurais
peut-être seulement une autre intervention à ce sujet pour
arrondir ma présentation et donner une autre chance au ministre d'y
répondre et, ensuite, il pourrait y avoir d'autres intervenants ici
autour de la table qui pourraient parler de la même chose ou, alors, on
changera de sujet.
Le Président (M. Lachance): Sur cette façon de
procéder, M. le député de Bourassa.
M. Laplante: M. le Président, je pense qu'on ne doit pas
s'enfarger dans des règlements pour ne plus être capables de se
relever. C'était la coutume dans les autres commissions parlementaires
que les vingt minutes ne se perdaient pas. Si quelqu'un prenait quatorze
minutes, il avait droit à ses six minutes, ensuite, pour revenir parler,
mais en suivant, par exemple, l'ordre chronologique d'alternance. Cela se
suivait ainsi. Mais je ne serais pas d'accord, non plus, que l'Opposition perde
du temps qui lui est dévolu. S'ils veulent accumuler leurs six minutes,
ils les accumuleront, mais que l'alternance, par exemple, soit
respectée.
Concernant le bloc que vous avez à étudier, c'est qu'on ne
s'est pas entendu dans le comité au point de vue de finir un bloc. On a
dit: Chacun parlera de son bloc s'il veut en parler et nous, si on veut parler
d'autre chose, on en parlera. Cela ne vous empêchera pas de "runner"
entre vos députés, à vous autres, la façon dont
vous voulez travailler, mais on ne veut pas se laisser imposer, par exemple,
par l'Opposition une façon de travailler. C'est ce qui avait
été dit en commission.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: M. le Président, nous avions discuté
de méthode de fonctionnement en atelier de travail, en réunion de
travail. Je voudrais simplement savoir, s'il y a eu une décision de
prise par le Bureau de l'Assemblée nationale quant à la
procédure.
Le Président (M. Lachance): Vous voulez parler de la
commission de l'Assemblée nationale?
M. Tremblay: Oui, de la commission de l'Assemblée
nationale.
Le Président (M. Lachance): II y a eu une discussion, mais
qui était antérieure à notre séance de travail.
Donc, depuis qu'on s'est réunis en séance de travail, il n'y a
pas eu de nouveaux éléments.
M. Tremblay: Et cette décision était qu'il y avait
un intervenant de l'Opposition, le ministre, un intervenant du
côté ministériel, le ministre?
Le Président (M. Lachance): Cette décision de la
commission de l'Assemblée nationale laissait beaucoup de latitude au bon
jugement du président. Je vous prie, M. le député de
Chambly, de faire preuve de largeur d'esprit et de souplesse parce qu'en
commission parlementaire il est de tradition qu'on ne soit pas, comme on dit,
à cheval sur les principes, du moment qu'une formation politique
vis-à-vis de l'autre ne se sent pas lésée, Jusqu'à
maintenant, je ne pense pas qu'il y ait d'éléments qui nous
indiquent qu'il y ait eu exagération. Je crois qu'on devrait continuer
à s'en tenir à cette règle de souplesse qui
caractérise les commissions parlementaires par rapport à ce qui
se fait au salon bleu de l'Assemblée nationale et, donc avoir une
certaine latitude. Je pense que cela allait bien.
M. Tremblay: C'est-à-dire que cela va bien tant et aussi
longtemps que c'est l'Opposition qui a la parole tout le temps. De plus, je
trouve que vous qualifiez bien vite mes propos parce que je n'ai pas pris
position encore. J'ai simplement, jusqu'ici, demandé comment on
fonctionnait et je cherche à connaître le fonctionnement de la
commission, d'abord. Lorsque je le saurai, peut-être que je pourrai vous
donner mes commentaires sur ce fonctionnement. (16 h 15)
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Chambly, j'espère qu'on ne prendra pas une demi-heure pour régler
ce problème parce que le temps de la commission est surtout
dévolu à l'objet de notre mandat. Si vous me le permettez, je
vais vous lire rapidement le compte rendu de la réunion de la commission
de l'Assemblée nationale qui s'est tenue le 23 mai 1984. J'en fais
lecture pour le bénéfice des membres de la commission. Cela
concerne le temps de
parole en commission dans le cadre du débat sur le budget. "Les
membres de la commission discutent du temps de parole lors du débat sur
le budget prévu en commission du budget et de l'administration. Il est
convenu que le ministre des Finances et le porte-parole de l'Opposition
officielle interviendront les premiers à la séance de la
commission et que chacun aura un temps de parole de 20 minutes. Les membres de
la commission, ainsi que le ministre auront ensuite un temps de parole de dix
minutes par intervention. Une discussion s'engage sur l'ordre d'intervention
à établir entre les députés du groupe formant
l'Opposition et le groupe formant le gouvernement. Il est convenu que le
président de la commission du budget et de l'administration fasse
respecter une répartition du temps de parole qui ne lèse pas les
droits de l'Opposition."
C'est tout ce qui concerne cette question.
M. Tremblay: Quelle était la décision de la
commission de l'Assemblée nationale?
Le Président (M. Lachance): C'est ce que je viens de vous
indiquer parce que c'est effectivement un compte rendu de la réunion de
la commission de l'Assemblée nationale qui s'est tenue le 23 mai 1984.
Cela va?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Autrement dit, il ne faut pas
être à cheval sur les principes. Il ne faut pas prendre le mors
aux dents, non plus.
M. Tremblay: Non, il ne faut pas s'énerver. On va arriver
à l'heure de fermeture en même temps que tout le monde, de toute
façon. Dans la proposition de la commission de l'Assemblée
nationale, il a été question que la commission parlementaire que
nous vivons présentement devait agir conformément ou d'une
façon assez similaire à ce qui se passe au moment où il y
a une interpellation, je crois, du vendredi. À cette occasion, il y a
effectivement un droit de parole à un représentant de
l'Opposition, qui est de dix minutes si ma mémoire est bonne, un temps
de parole de dix minutes au ministre et immédiatement une
réplique de cinq minutes à un représentant de
l'Opposition, une période de cinq minutes au représentant du
ministre et, immédiatement après, cinq minutes du
côté ministériel.
Le Président (M. Lachance): Précisément,
à l'occasion de l'interpellation, la procédure établie est
la suivante: l'interpellant, le député de l'Opposition, a dix
minutes; ensuite, le ministre peut lui répondre pendant dix minutes. Par
la suite, un député de l'Opposition a cinq minutes et le ministre
lui répond pendant cinq minutes. Un député
ministériel a cinq minutes et, tout de suite après, je vais vous
faire remarquer que c'est un député de l'Opposition qui prend la
parole pour cinq minutes avant que le ministre réponde aux deux
interventions. On peut s'inspirer de ce qui se produit à
l'interpellation, mais ce n'est pas une règle qui est appliquée
de façon rigide, calquée pour les travaux de la présente
commission. Donc, on peut s'en inspirer, mais on ne peut pas dire que la
commission de l'Assemblée nationale en a fait exactement une
règle semblable à celle qui dirige nos travaux aujourd'hui.
M. Tremblay: M. le Président, cela me va, cette
interprétation. À mon avis, il reste à régler le
cas du temps qui n'est pas utilisé durant une intervention. Dans ce
sens, pourrait-on immédiatement établir le temps global
dévolu au parti de l'Opposition et le temps dévolu au parti
ministériel et qu'à l'intérieur de ce temps on pourrait
utiliser le temps que l'on veut, tout en respectant, tout de même,
l'alternance?
Le Président (M. Lachance): Je suis très soucieux,
M. le député, d'un partage équitable du temps entre les
formations politiques et je ne prévois pas que cela pose des
problèmes. Jusqu'à maintenant, il me semble que cela va bien. M.
le ministre des Finances, au début, n'a pas pris ses 20 minutes,
c'était son droit. Le député de Vaudreuil-Soulanges et
porte-parole officiel de l'Opposition a utilisé 14 minutes. Alors,
à partir du moment où il aura épuisé sa
période de 20 minutes et qu'il aura reçu une réponse du
ministre des Finances, le principe de l'alternance pourra jouer. J'entends ne
pas être à cheval sur les principes et faire appliquer ce
règlement avec souplesse.
M. Tremblay: M. le Président, est-ce votre intention, par
exemple, quant aux six minutes que le représentant de l'Opposition n'a
pas utilisées au début, de ne pas les conserver pour lui dans
l'avenir?
Le Président (M. Lachance): II est dans mes intentions de
le reconnaître immédiatement après que cette question de
procédure aura été débattue.
M. Tremblay: C'est le ministre et le critique de l'Opposition qui
parlaient. Cela va toujours bien dans ce temps-là. M. le
Président, s'il est de votre intention de reconnaître le
député de Vaudreuil-Soulanges immédiatement après
le ministre et que, pour ce faire, vous utilisez le fait qu'il lui reste six
minutes sur ses vingt minutes d'introduction, je tiens à vous faire
remarquer très humblement qu'il y a une tradition dans cette enceinte
qui se veut
respectueuse du droit à l'alternance des parlementaires.
L'esprit de la commission veut que le ministre ne soit pas ici comme
parlementaire du côté ministériel, mais comme témoin
de la commission. Dans ce sens, il ne parle pas en tant que membre
ministériel, mais comme expert de la commission. Son temps ne compte pas
nécessairement dans ce qu'on disait.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est à s'y
méprendre! Écoutez ses réponses et vous allez le voir tout
de suite.
M. Tremblay: II parle très bien, M. le
Président.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Roberval.
M. Gauthier: M. le Président, je pense que les propos de
mon collègue de Chambly ont simplement pour but de clarifier quelque peu
les règles de fonctionnement de cette nouvelle commission parlementaire
qui se veut encore, pour un peu tout le monde, une première
expérience.
Je crois que ce qu'on pourrait garder présent dans nos
mémoires lors du travail en commission, c'est l'esprit du
règlement qui est de permettre à chacun des représentants
des partis politiques de se faire entendre en fixant un maximum de temps, non
pas un minimum. Voici ce que je vous suggérerais bien humblement de
considérer, M. le Président. Que, pour l'ouverture de la
commission, comme c'est le cas présentement, le député de
Vaudreuil-Soulanges puisse utiliser ses vingt minutes, soit en totalité
ou en parties séparées. Personnellement, je ne vois rien
là contre la morale et les bonnes moeurs. Par la suite, que chacun des
intervenants de cette commission puisse utiliser ses dix minutes en
alternance.
Si, d'aventure, un député utilisait trois minutes pour
poser une question au ministre des Finances et que la réponse
amène deux sous-questions, pour autant que le député se
limite à l'intérieur du temps prescrit de dix minutes, je pense
qu'on aurait un fonctionnement normal. Je pense que tout le monde ici veut
respecter le temps de parole des autres et je serais enclin à accorder
une certaine souplesse dans ce genre de procédure.
Le Président (M. Lachance): Je prends bonne note de vos
suggestions, M. le député de Roberval. Comme les règles de
procédure me le permettent, j'entends favoriser le dialogue et
l'échange rapide, lorsque la question s'y prête, entre le
député qui pose la question et le ministre qui y répond.
Pour revenir un peu sur ce que disaient tout à l'heure le
député de Chambly et le député de
Vaudreuil-Soulanges, le ministre est ici comme porte-parole du gouvernement,
donc de l'exécutif, et, de ce côté-ci de la table, nous
sommes les représentants du législatif. Alors, cette position est
très claire, indépendamment des opinions qui peuvent être
émises.
Cela étant dit, je cède de nouveau la parole au
député de Vaudreuil-Soulanges.
Poursuite du débat sur le discours sur le
budget
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président.
On a eu des échanges, justement, qui ont pris un peu de temps et qui
font en sorte que le ministre des Finances, le représentant de
l'exécutif, vient nous écouter débattre des règles
de fonctionnement. C'est un homme extrêmement occupé, le ministre
des Finances; il a des dettes considérables accumulées depuis
huit ans. Probablement que ça l'empêche de dormir et le seul
avantage de nos discussions sur les règles de fonctionnement, c'est
qu'elles peuvent l'induire en sommeil et il pourra peut-être se reposer
pendant qu'on discute de ces choses.
Déficit du Québec
II n'en reste pas moins qu'il a accumulé un déficit
considérable au point de vue de la gestion des finances publiques. J'ai
découvert quelque chose d'assez intéressant dans ses propos. Il
les a déjà tenus, mais c'est la première fois que
ça me frappe de cette façon. Il est en train de se vanter,
essentiellement, qu'il a atteint aujourd'hui un déficit qu'il a
stabilisé à 2 000 000 000 $, selon lui, et non pas à 3 000
000 000 $, qui, malgré tout, demeure tellement élevé qu'en
1981, plutôt que d'aider à soutenir l'emploi, le ministre a
dû agir dans le même sens que le cycle extrêmement
défavorable qu'on connaissait au Québec, qu'il a levé pour
plus de 1 000 000 000 $ d'impôts par le biais d'un petit budget
complémentaire en novembre 1981 et qu'il a ajouté des centaines
de millions avec des augmentations de taxes quelques mois plus tard lors du
budget de 1982-1983.
Cela devient encore plus criant de vulnérabilité quant aux
finances publiques quand le ministre, dans un même souffle, est
obligé de nous dire que c'est 2 000 000 000 $ qui est pertinent et non
pas 3 000 000 000 $ et que, malgré tout -quand on voit que
supposément cela aurait juste augmenté de 1 000 000 000 $
à 2 000 000 000 $ sur huit ans - en 1981, il a dû imposer des
taxes temporaires, dont une certaine partie est encore présente aux
Québécois. Il y avait un gros problème d'équilibre
budgétaire à l'époque, des
augmentations de taxes, toutes les lois quant à la
rémunération des fonctionnaires, des gens du réseau des
affaires sociales, de l'éducation, qui ont vu la
rémunération à laquelle ils s'attendaient être
littéralement confisquée unilatéralement par le
gouvernement du Québec, alors que, selon les dires du ministre, il n'y
avait rien là, juste un déficit de 2 000 000 000 $,
imaginez-vous, selon lui. Tous les chiffres qui sont, par ailleurs, soumis aux
prêteurs, tous les états financiers vérifiés par le
Vérificateur général font, quand même, état
de 3 000 000 000 $.
C'est sur cette base de ce que le gouvernement du Québec doit que
le crédit du Québec doit être apprécié".
Chose certaine, le crédit du Québec ne semble pas, si on regarde
la façon dont le ministre l'a stabilisé à un niveau qu'il
a choisi ou qui lui est imposé, laisser beaucoup de marge de manoeuvre.
La plafond a été atteint quant au niveau même du
déficit. 0e viens de voir que le plafond a été atteint
quant à la portion qui est à taux variables. Le ministre a
essentiellement répété que c'était par simple
prudence, dans la conjoncture de taux d'intérêt qu'on connaissait,
qu'il empruntait comme, d'ailleurs, des sociétés privées,
à très court terme, à taux variables, ayant comme objectif
éventuel de refinancer à long terme, à des taux - il
l'espère et tout le monde l'espère - plus raisonnables, une
portion de sa dette. C'est ce que j'ai prétendu. Les deux termes de mon
exposé ne sont pas indissociables.
La raison pour laquelle le ministre est rendu à des emprunts
à taux variables aussi élevés, c'est qu'il doit emprunter
beaucoup parce qu'il dépense beaucoup vu que l'économie du
Québec ne permet pas de soutenir le rythme de dépenses publiques
qu'il inflige aux Québécois. À preuve, les augmentations
d'impôts qui ont été décrétées depuis
deux ans afin de soutenir ce rythme de dépenses publiques. C'est donc la
conjonction du niveau de dettes et de la nécessité qu'il y a d'en
financer une partie à taux variables à cause du niveau, entre
autres choses, qui met les finances publiques du Québec dans
l'état de vulnérabilité que j'ai décrit. C'est
simplement une portion de la réalité.
Il y a également, dans le portrait, le service de la dette qui
est consentie aux organismes du réseau des affaires sociales et de
l'éducation. Dans le livre des crédits, l'an dernier, lorsqu'on
additionne les différents postes de service de la dette dans les
différents programmes, que ce soit les CLSC, les centres hospitaliers,
les centres d'accueil et d'hébergement, les centres de
réadaptation, les commissions scolaires qui s'occupent du primaire, du
secondaire, le collégial public et les universités, on arrive
à 610 000 000 $. Si on veut prendre le chiffre de 2 000 000 000 $, juste
pour les fins de la discussion, puisque le ministre a soutenu que
c'était son problème, il y a encore 30% quelque part partout au
Québec. On paie de l'intérêt sur des emprunts pour 30% de
plus que ces 2 000 000 000 $. Mais il y a 610 000 000 $ dans les réseaux
des affaires sociales et de l'éducation. Si on parle de 3 000 000 000 $,
de toute façon, on parle de 20% de plus que ce qu'on pensait et qui
saute aux yeux. Quand on parle du déficit budgétaire, cela saute
aux yeux. Quand on parle des besoins financiers nets dans le budget, cela saute
aux yeux. (16 h 30)
Le Président (M. Lachance): En concluant, M. le
député.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): En concluant, c'est beaucoup
d'argent qui est payé sous forme d'intérêts sur des
emprunts. Enfin, une question plus technique - peut-être que le ministre
n'est pas équipé à ce moment-ci pour y répondre; il
pourrait en prendre avis - je demanderais quelles portions du réseau
sont elles-mêmes contractées à taux variables par
opposition à des emprunts contractés à long terme, donc
à taux fixes, dans le réseau de l'éducation et des
affaires sociales pour qu'on ait tout le portrait de la dette à taux
variables et à taux fixes à long terme du gouvernement du
Québec.
Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, le député de
Vaudreuil-Soulanges, à un moment donné, a lâché une
phrase qui est extrêmement intéressante en disant: Le
déficit du Québec, la discussion sur le déficit, ce n'est
qu'une portion de la réalité. Il a parfaitement raison, mais je
ne pense pas que ce soit pour les raisons qu'il évoque. L'autre portion
de la réalité, c'est que les Québécois s'endettent,
à l'heure actuelle, chaque année, par le truchement de leur
gouvernement fédéral, à un rythme de 7 000 000 000 $
à 9 000 000 000 $ par an, selon qu'on se sert du revenu ou de la
dépense comme base du calcul. Bon, la portion de la
réalité qui est celle du gouvernement du Québec, c'est 3
000 000 000 $ de déficit, en incluant tout ce que j'indiquais tout
à l'heure. La portion de la réalité
québécoise qui passe par le gouvernement fédéral,
c'est un déficit qu'on peut évaluer diversement entre 7 000 000
000 $ et 9 000 000 000 $, admettons 8 000 000 000 $ pour trancher la chose.
C'est l'autre portion de la réalité.
Ne nous faisons pas d'illusions: le Québécois, il paie
aussi du service de la dette sur l'autre portion de la réalité.
Les revenus des Québécois sont grevés bien plus par le
truchement du gouvernement fédéral, par ses paiements
d'intérêts, que par notre
portion de la réalité. L'expression est bonne et je la
retiens, M. le Président.
Passons maintenant à des questions plus précises.
Premièrement, s'il vous plaît, pour ce qui a trait au service de
la dette dans les réseaux, n'ajoutons pas cela au déficit. Le
service de la dette dans les réseaux, il est dans les crédits au
titre des dépenses, bon. Donc, il ne vient pas s'ajouter, il est
déjà compté, ne le comptons pas deux fois. Effectivement,
il y a un service de la dette dans les réseaux qui apparaît aux
dépenses du ministère de l'Éducation, aux dépenses
du ministère des Affaires sociales et qui se trouve comptabilisé
dans les crédits que nous adoptons en cette Chambre. Quand on dit que le
niveau des dépenses est de 24 000 000 000 $, par exemple, cela inclut le
service de la dette dans les réseaux. Alors, ne le comptons pas deux
fois en venant ajouter cela au déficit.
Quelle portion de la dette des réseaux est à taux fixes?
Pour ce qui est de la dette des réseaux sur laquelle nous payons un
service de la dette, c'est entièrement à taux fixes.
Venons-en maintenant à la question qui est plus fondamentale,
c'est-à-dire comment nous avons reflété la
récession par le truchement de nos déficits, de nos
dépenses et de nos revenus. Il est tout à fait exact, M. le
Président - et je pense que le député de
Vaudreuil-Soulanges a parfaitement raison - que nous avons eu comme
gouvernement provincial, en pleine récession, à augmenter les
impôts et à procéder à des compressions de
dépenses considérables. Nous le savons tous. Ce qu'il y a de
remarquable, c'est que ce n'est pas un phénomène propre au
Québec. On a vu le même phénomène dans toute une
série de provinces canadiennes. À notre échelle de
population, la Nouvelle-Écosse n'a pas augmenté ses impôts
de 1 000 000 000 $; elle les augmentés de 1 500 000 000 $. Le
gouvernement de l'Ontario a augmenté ses taxes. La plupart des
gouvernements ont dû faire cela. On a constaté que les
gouvernements, quant aux salaires dans le secteur public, provoquaient des
gels, limitaient cela à quelques points de pourcentage, coupaient les
effectifs, annonçaient qu'ils allaient, comme en Colombie britannique,
renvoyer le quart des fonctionnaires.
Pourquoi avons-nous fait cela? Il fallait effectivement dégager
une marge de manoeuvre. Au Québec, c'est ce qu'on a fait. On a
dégagé avec cela en partie une marge de manoeuvre qu'on
évalue, par exemple", cette année pour le programme de relance
à 311 000 000 $. Je vous rappellerai que le plan de mont Sainte-Anne
entraîne cette année encore des dépenses de 206 000 000 $.
Mont Sainte-Anne plus le plan de relance, ce n'est pas 311 000 000 $; c'est
presque 520 000 000 $, c'est cumulatif. Mont Sainte-Anne n'est pas disparu
parce que le plan de relance apparaissait. Le plan de relance sur trois ans va
nous coûter à peu près 1 100 000 000 $. Les dépenses
qui touchent le budget du gouvernement du Québec et qui découlent
de mont Sainte-Anne représentent à peu près 730 000 000 $
en incluant l'année 1983-1984. C'est donc presque 2 000 000 000 $ de
marge de manoeuvre que le gouvernement du Québec a consacrés
à la relance sous une forme ou sous une autre, à partir de son
propre budget sur une période de trois ou quatre ans. Cela est
considérable. Ne nous faisons pas d'illusions! Il y a peu de
gouvernements au Canada qui ont fait cela. On n'a jamais vu le gouvernement
fédéral annoncer 8 000 000 000 $, mais, pourtant, à son
échelle, c'est même 9 000 000 000 $ de marge de manoeuvre pour la
reprise qu'il aurait dû annoncer pour l'ensemble du Canada.
L'effort qui a été fait au Québec est énorme
et considérable. D'autre part, il reste que cela n'est pas seulement
pour dégager une marge de manoeuvre comme celle-ci que nous avons
été forcés de bouger. Il faut bien comprendre qu'en
période de récession, où les revenus entrent moins vite,
nous n'avons pas - de toute façon, c'est le cas de toutes les provinces
canadiennes - accès à une banque centrale.
Le gouvernement fédéral, pendant la récession, a pu
tripler son déficit. Aucune province ne peut faire cela à moins
vraiment de vouloir être complètement décôtée
par les agences de "rating" et avoir un crédit qui ne vaudrait plus rien
du tout. Nous vivons effectivement dans un régime de contraintes sur ce
plan qui fait que, lorsque les revenus rentrent moins que prévu et que
les dépenses, au contraire, ont tendance à augmenter pour
soutenir la situation de l'emploi, nous devons recourir à des mesures et
même à des augmentations d'impôts en période de
récession. Cela n'est pas la moindre réflexion qu'on peut faire
sur l'efficacité du système fédéral canadien que de
constater que les provinces et les municipalités, dont on se plaît
à dire au niveau fédéral qu'elles représentent le
principal facteur de dépenses au Canada, n'ont, en période de
récession, aucun moyen de rejoindre la banque centrale. C'est une
considération qu'il ne faut pas perdre de vue quand on veut administrer
les finances d'une province.
Une dernière question purement technique. Tout à l'heure,
j'ai fait une erreur, M. le Président, je m'en excuse et je terminerai
sur cela. L'emprunt à long terme que je disais que nous avions fait en
novembre dernier aux États-Unis il n'est pas à 20 ans, il est
à 30 ans. Cela accentue encore ma démonstration quant à ce
que disait le député de Vaudreuil-Soulanges.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. La
parole est maintenant au député de Roberval".
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Comme le veut, je
crois, la nature même de cette commission, nos interventions peuvent
être d'ordre général sur n'importe quel sujet et non pas
nécessairement constituées de questions au ministre. C'est bien
le cas, M. le Président?
Le Président (M. Lachance): C'est une
interprétation qui est valable, M. le député.
M. Gauthier: Merci. M. le Président, si comme citoyen du
Québec je n'étais pas impliqué en politique, je devrais
très probablement regarder ce qui s'offre à nous, surtout en ce
qui concerne les théories budgétaires qui sont avancées
par les partis politiques qui sont en présence. Bien sûr, on a le
ministre des Finances du Québec qui nous a présenté un
budget qui nous montre des chiffres depuis plusieurs années et les
citoyens du Québec savent de quelle façon le ministre des
Finances entend procéder dans la gestion des finances publiques. Voici
où c'est moins clair. J'en ai fait état en Chambre et, le
député de Vaudreuil-Soulanges ne me faisant pas l'honneur
à l'époque d'être présent, j'aimerais lui rappeler
peut-être certains de mes propos sur cela. Si, d'aventure", les
Québécois choisissaient le Parti libéral et le
député de Vaudreuil-Soulanges comme ministre des Finances", il y
aurait un certain nombre de problèmes qui devraient être
réglés et je ne voudrais pas être à la place du
député de Vaudreuil-Soulanges à ce moment parce qu'il a
une certaine théorie budgétaire qui est assez
particulière.
Sauf erreur quand on parle des finances publiques en
général, on prend les revenus, d'une part, constitués de
transferts ou de taxes qui sont perçues dans la population et on y
ajoute les emprunts que le gouvernement fait pour donner des services aux
citoyens et cela nous donne une certaine quantité de services en fin de
compte. Tout le monde comprend très facilement que, si on augmente
considérablement les taxes, on peut donner soit plus de services ou
encore maintenir le niveau de services constant et baisser les emprunts de
façon considérable. Tout le monde comprendra également,
dans la même logique, qu'en maintenant les revenus de façon
identique d'une année à l'autre on pourrait emprunter beaucoup
plus et donner beaucoup plus de services ou emprunter beaucoup moins et donner,
par le fait même, beaucoup moins de services. Il y a une espèce
d'effet d'entraînement qui est indissociable entre ces différents
éléments.
Là où cela se complique un peu dans les théories
budgétaires du Parti libéral du Québec, c'est quand il
nous parle des revenus du gouvernement, c'est-à-dire des
différentes taxes qu'on perçoit, en tout cas, pour une grosse
partie des revenus. Évidemment, il nous fait des débats: Ces
taxes sont toujours trop élevées. Le gouvernement en
perçoit toujours trop. Dans la même logique, il a
réclamé l'abolition de l'impôt sur les successions,
l'abolition de la taxe sur l'essence. Il réclame
régulièrement des réductions d'écart du fardeau
fiscal pour les hauts et les bas salariés, une hausse de l'aide sociale.
Bref, le député de Vaudreuil-Soulanges trouve que les
Québécois paient trop de taxe. On peut déduire logiquement
que, s'il était là, il les baisserait.
Là où cela va un peu moins bien, c'est quand il nous parle
du déficit, de l'autre façon d'aller chercher les sommes
nécessaires pour offrir des services aux citoyens; il vient de nous
dire, depuis vingt minutes, qu'il le trouve trop haut. Nous pourrons revenir
là-dessus dans une intervention postérieure, M. le
Président, et expliquer des choses concernant le déficit.
Maintenant, il nous laisse croire que, s'il était ministre des
Finances, il baisserait le déficit parce que, selon lui, il est trop
haut. Les citoyens du Québec peuvent bien penser que le
député de Vaudreuil-Soulanges, dans sa logique budgétaire,
baisserait les taxes de façon considérable touchant à peu
près tout le monde, baisserait également le niveau des emprunts
du gouvernement pour faire baisser le déficit total.
Là où cela va encore plus mal, c'est qu'on pourrait penser
que, dans une logique budgétaire comme celle-là, les services
à la population seraient diminués considérablement.
Effectivement, si on baisse les revenus, si on baisse les emprunts, il y a
beaucoup moins d'argent pour offrir des services à la population.
Là où cela va très mal, c'est que, chaque fois
qu'il y a eu des opérations de rationalisation des dépenses
publiques en Chambre, le Parti libéral et le député de
Vaudreuil-Soulanges se sont élevés avec véhémence
contre toute action de rationalisation des dépenses publiques et, plus
encore, chaque fois qu'ils en ont l'occasion, ils nous expliquent qu'ils en
remettraient par-ci, par-là. Bref, ils en remettraient un peu
partout.
Je vous avoue franchement que, comme citoyen du Québec, une telle
philosophie budgétaire m'inquiète beaucoup. Je sais qu'il ne
convient pas de poser des questions à l'Opposition à cette
commission, mais je rêve toujours du jour où le
député de Vaudreuil-Soulanges, dans une de ses brillantes
interventions, nous expliquera comment il s'y prendrait, en même temps au
Québec, pour baisser les taxes d'un peu tout le monde,
pour baisser le déficit et, enfin, augmenter les services",
c'est-à-dire consacrer plus d'argent aux services à la
population. C'est pour le moins assez étonnant.
J'imagine que nous aurons, au cours de ces quelques heures de
débat, M. le Président, peut-être des ouvertures, des voies
d'explication. De toute façon, à moins qu'il ne me manque des
éléments dans ce raisonnement, je vous avoue que je serais
très peu porté à faire confiance à un ministre des
Finances qui serait en l'occurrence le député de
Vaudreuil-Soulanges. Je serais pour le moins inquiet. (16 h 45)
Je ne sais si mon temps de parole est écoulé, M. le
Président. C'est dix minutes et, après cela, vous me coupez.
C'est cela? Il me reste quatre minutes.
Taxe sur l'essence
J'aimerais poser une question au ministre des Finances sur une des
mesures qui ont été annoncées dans le discours sur le
budget et qui intéresse, j'en suis sûr, la plupart de nos
concitoyens, soit celle concernant le prix de l'essence. Effectivement, il y a
eu une baisse de taxe considérable - je crois que le montant total est
de 350 000 000 $ - dans l'année qu'on vient de passer". Mais on a
assisté à une hausse quasi automatique du prix de l'essence
à la pompe, à ce moment-là, de sorte que ces montants
d'argent que le gouvernement destinait aux consommateurs et aux citoyens du
Québec ne sont pas nécessairement allés là
où il le désirait. Le ministre des Finances a annoncé la
formation d'un comité de travail quant au prix de l'essence.
Je voudrais tout d'abord savoir, concernant les lois antitrust ou
anticartel dont nous disposons au Canada, ce qu'il advient. Est-ce que le
ministre des Finances ne pouvait pas utiliser, d'abord, ces lois pour faire des
vérifications? De quelle façon le comité de travail, dont
il a annoncé la formation, pourrait-il fonctionner? Est-ce qu'il est
formé à l'heure actuelle ou est-ce que sa formation est pour les
mois prochains ou les semaines prochaines? Bref, j'aimerais qu'il clarifie pour
nous et pour les citoyens qui ne marqueront pas de s'intéresser à
nos débats, toute cette question et toute sa préoccupation
à ce sujet".
Le Président (M. Lachance): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, au point où nous en
sommes, la situation se présente à peu près de la
façon suivante. Une province au Canada ne peut pas établir ses
propres lois antitrust ou anticartel ou sur les pratiques restrictives du
commerce parce que toutes ces lois au Canada sont basées sur deux
articles du Code pénal. Comme le Code pénal est clairement de
juridiction fédérale, il n'est donc pas question de permettre
à des provinces d'intervenir dans ces questions.
C'est très différent de la situation aux
États-Unis. Aux États-Unis, il y a des lois antitrust au niveau
fédéral, mais il y en a aussi au niveau de chacun des
États. Aux deux paliers de gouvernement, on peut définir un cadre
juridique, mais pas au Canada. Cela veut dire que comme province nous sommes
traités comme de simples citoyens. La loi fédérale
prévoit qu'un certain nombre de citoyens peuvent déposer une
plainte à Ottawa. Je ne me souviens plus très bien, mais cinq ou
six citoyens peuvent demander qu'une enquête soit ouverte. Alors, le
directeur des enquêtes voit s'il y a lieu d'ouvrir une enquête.
À la suite de certaines protestations que j'ai manifestées
au cours des quelques derniers mois, on m'a écrit d'Ottawa me disant
qu'ils étaient en train d'examiner cela et qu'on verrait. À ma
connaissance, ce n'est pas allé plus loin. Je ne veux pas dire par
là qu'Ottawa ne bougera pas; peut-être, je n'en sais rien. Ce que
je veux dire, c'est que nous n'avons aucune poignée à cet
égard, aucun mode d'intervention. C'est le directeur des enquêtes
qui détermine s'il y a lieu d'aller plus loin, d'examiner certaines
choses plutôt que d'autres.
Nous avons, cependant, un pouvoir au Québec, qui est celui de
réglementer le commerce de l'essence en allant possiblement
jusqu'à la fixation des prix. C'est un pouvoir qui est mal connu pour
une raison très simple, c'est que les articles pertinents qui
relèvent d'une loi du ministère de l'Énergie et des
Ressources ont été votés, mais n'ont pas été
promulgués. Cela date d'assez loin puisque je pense que c'est une loi de
1975. Le pouvoir juridique est là même si la promulgation de ces
articles n'a pas encore été faite. C'est un pouvoir important
parce que, à la suite d'un pouvoir comme celui-là, nous pouvons
discuter avec les compagnies sur une base tout à fait différente.
Nous pouvons aller voir les renseignements, demander d'examiner comment le
commerce se fait, à la limite demander - encore que juridiquement je ne
suis pas certain qu'on pourrait l'obtenir - avec une épée de
Damoclès claire, de voir les livres et de voir, en particulier, comment
les prix de l'essence sont établis.
À l'heure actuelle, il y a une sorte de base du prix de l'essence
qui est un prix affiché et on établit les marges des
détaillants au-dessus de ce prix affiché. Évidemment, on
ajoute les frais de transport qui sont relativement très faibles dans ce
cas et on arrive à un prix de détail normal. Ce qui s'est
passé tout au cours de l'année 1983, nous disent les compagnies,
c'est que leur prix affiché, elles n'ont jamais vraiment
pu le refiler, si vous me passez l'expression, aux clients, qu'elles
ont, en fait, absorbé une partie de la surtaxe qui avait
été imposée en novembre 1981. Donc, quand elles ont
remonté leur prix de l'essence ordinaire à 0,539 $ à la
suite de la réduction de la surtaxe de la moitié en novembre
dernier par le gouvernement, leur prix était assez voisin de celui qu'on
avait connu pour la majeure partie de l'année 1983, c'était
à peu près le même prix, sauf qu'en 1983 elles n'avaient
pas pu refiler toute la surtaxe aux clients et, avec une surtaxe réduite
de 10%, de la moitié, elles pouvaient refiler le nouveau prix
affiché aux clients depuis quelques mois.
Je ne suis pas convaincu par cette démonstration. Je ne suis pas
convaincu du sens qu'on donne à guerre de prix. Je ne comprends pas
pourquoi, à l'heure actuelle, il peut y avoir un écart, qui dure
longtemps entre l'Ontario et le Québec, de l'ordre de 0,07 $ à
0,08 $ alors qu'en fait 0,04 $ au maximum seraient justifiés. On dit: II
y a des guerres de prix en Ontario. Oui, je veux bien, mais quand les guerres
de prix durent dix mois, cela fait une longue guerre pour des prix.
J'ai eu l'occasion de discuter, immédiatement avant le discours
sur le budget, avec les quelques spécialistes que nous avons à
cet égard dans la fonction publique et, au moins, d'examiner une sorte
de cadre d'analyse. Comme le ministre de l'Énergie et des Ressources a
été absent pendant quelques jours après le budget, je n'ai
pas eu l'occasion de lancer ce comité puisque les trois ministres celui
du Revenu, celui de l'Énergie et des Ressources et celui des Finances,
doivent intervenir à ce niveau pour nommer les gens de ce comité,
mais j'ai bien l'intention de le faire. D'ici probablement une semaine ou dix
jours, le comité sera nommé et se mettra au travail, encore une
fois avec une sorte d'épée de Damoclès dans les mains,
pour aller voir les compagnies et dire: Nous voulons savoir. Vous allez nous
montrer comment ces prix fonctionnent. Nous voulons être en mesure
d'apprécier la structure des prix que vous pratiquez, la façon
dont vous les établissez et dont les taxes sont refilées aux
clients, la façon dont les marges bénéficiaires des
détaillants sont établies. Sur cette base, ensuite on verra
jusqu'où on veut aller quant à l'administration du commerce de
l'essence au Québec.
Le Président (M. Lachance): Merci. La parole est au
député de Verdun.
M. Caron: M. le Président, M. le ministre, à peu
près comme mon collègue, le député de Roberval,
j'essaie de regarder le discours sur le budget et je vois que, d'un
côté ou de l'autre de la Chambre, on essaie de faire des
comparaisons avec les autres provinces. Il me semble qu'on devrait
arrêter de faire des comparaisons et essayer de faire mieux. Je pense que
c'est possible parce que la loi sur les municipalités que vous nous avez
changée, à un certain moment, chez nous nous avantageait, mais
cela a été temporaire. On l'avait dit dans le temps: Cela a
été une période de trois ans où on a eu plus
d'avantages que d'autres municipalités du Québec.
Le Président (M. Lachance): Je m'excuse de vous
interrompre, M. le député de Verdun. Il peut y avoir des
problèmes quant à l'enregistrement de vos paroles; si vous
vouliez faire attention pour l'utilisation du microphone.
Compression des dépenses
M. Caron: Je m'attendais, cette année, à des
coupures de la part du ministre, étant donné qu'on a connu des
années difficiles, autant ici qu'ailleurs. Je ne veux pas faire de
comparaison avec ailleurs. Il est vrai que les taux d'intérêt ont
été très difficiles. Pour arriver à cela, il faut
faire des coupures. Il faut faire ces coupures aux bonnes places. Est-ce que
vous y avez pensé? Je vous donne un exemple de ce que j'ai fait dans ma
propre municipalité pour diminuer mon taux de taxes. Ce taux est
passé de 3,39 $ à 2,89 $ cette année. Pour faire cela, il
a fallu que j'imagine et que je trouve des moyens. C'était dans une
municipalité qui a un budget de 40 000 000 $. Appliquez cela à
l'échelle de la province.
Je déplore de ce gouvernement, ainsi que de l'autre qui l'a
précédé que vous soyez partis sur la question des
dépenses. "Quand je le dis, je ne blâme pas directement le
ministre des Finances, mais l'ensemble du Conseil des ministres. Vous faites
des suggestions, mais les décisions sont prises au Conseil des
ministres. Vous avez de nombreuses dépenses qui pourraient être
diminuées. Je ne vois pas pourquoi vous ne pouvez pas vous organiser
avec une équipe, une sorte d'équipe volante, qui pourrait
circuler. Il y aurait moyen de couper dans tout. Vous pourriez, comme mon
collègue vous le disait tout à l'heure, essayer de diminuer les
taxes et, si on ne baisse pas les taxes, au moins essayer de donner de
meilleurs services.
Vous savez que, dans plusieurs hôpitaux - je ne dis pas dans tous
les hôpitaux - il y a eu des coupures qui font mal. Cette année,
avec les voiliers et la visite du pape, je me demande jusqu'à quel point
les hôpitaux pourront donner des services aux gens qui viendront à
Québec ou à Montréal. Il y a plusieurs dépenses qui
pourraient être coupées si vous preniez la responsabilité
de le suggérer au Conseil des ministres. Je vous
donne un exemple: dans ma propre municipalité, j'ai coupé
toutes les conventions. Ce n'est peut-être pas nécessaire de
couper toutes les conventions!, il y en a qui sont nécessaires. Il y en
a d'autres qui ne le sont pas. Il y aurait lieu aussi de diminuer le nombre de
personnes.
On me disait dernièrement qu'on voulait même changer la
vaisselle pour un total de 72 000 $. Est-ce que cela est nécessaire en
1984 de changer la vaisselle au restaurant Le Parlementaire? Il y a combien
d'autres postes? C'est là votre faiblesse, de ne pas être capable,
comme ministre des Finances, d'essayer de vendre à vos collègues
l'idée de faire des coupures aux bonnes places. Ce n'est pas dans les
hôpitaux qu'on doit couper; il y a tellement d'autres places. Vous avez
de la publicité qui est faite et qui coûte une fortune et que vous
pourriez diminuer - je ne parle pas de la couper complètement -d'un
pourcentage. Vous pourriez essayer d'équilibrer vos taxes.
Je pense que vous devriez envoyer quelques personnes nous visiter; je
vous l'ai déjà dit en Chambre lors d'un discours et
j'étais sérieux. C'est petit, la municipalité de Verdun,
mais on en est venu à bout. Le gouvernement du Québec, c'est une
grosse boîte, de même que le gouvernement fédéral.
Vous êtes capable de le faire si vous vous donnez les outils pour le
faire. (17 heures)
Le Vérificateur général disait, il y a deux ou
trois ans, qu'il y a de l'argent qui traîne au ministère de la
Justice et que vous n'allez pas chercher. Le ministère des Finances
force des personnes qui sont dans des foyers à payer des montants
additionnels. Par contre, combien de millions traînent au
ministère de la Justice avec le Code de la route? Ce serait de l'argent
que vous pourriez aller chercher et que ces gens-là devraient payer. Les
infractions doivent se payer". Quand on coupe dans la poche d'une personne qui
est dans un foyer, je pense que cela fait mal.
Oui, M. le député de Bourassa, il y a des façons de
couper aux bonnes places. On ne coupe pas dans les budgets des hôpitaux.
Votre devise, c'est "La personne avant toute chose"; je ne veux pas faire de la
politique ici, mais je peux faire des suggestions. Je voudrais que le ministre
me réponde pour savoir s'il n'y aurait pas une possibilité
d'avoir un genre d'équipe volante qui pourrait aider son
ministère, en faisant le tour des autres ministères pour obtenir
leur collaboration, à couper dans votre publicité et dans toutes
vos dépenses.
Vous avez, M. le ministre, la maison du Québec à Ottawa
qui nous coûte 500 000 $; ce n'était pas nécessaire d'avoir
cela cette année. Je ne vous dis pas que ce n'était pas
nécessaire de l'avoir, mais cette année on n'était pas
prêt à avoir cela. Les contribuables en ont assez de payer des
taxes. Vous savez comment vous allez fouiller partout; vous avez une
équipe qui fouille dans tous les domaines. Il y a des gens qui viennent
me voir pour me dire qu'ils ont de la difficulté à ravoir leur
argent quand ils payent trop. Vous avez des gens qui vérifient avec le
gouvernement fédéral. Actuellement, c'est l'équipe des
bateaux; tous ceux qui ont acheté des bateaux au cours des cinq
dernières années sont vérifiés. Ils recevront un
compte et une pénalité.
Je pense qu'il y a certainement moyen de trouver des façons de
couper. Si cela se fait dans une municipalité avec un budget de 40 000
000 $ - c'est entendu qu'on le fait en plus petit - vous êtes
certainement capables de le faire. Vous allez permettre qu'on achète de
la vaisselle qui coûtera entre 72 000 $ et 80 000 $; je pense que les
personnes âgées ont bien plus besoin de soins dans les
hôpitaux que nous n'avons besoin de vaisselle. Je peux vous dire qu'il y
a des gens qui n'ont rien ou à peu près rien à manger et
qui seraient bien contents de manger dans des assiettes de carton ou de manger
dans les assiettes qu'on enlèvera d'ici si on ose et on a le culot de
faire la dépense.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, je remercie le
député de Verdun de son intervention. Je pense que cela me
permettra de clarifier certaines choses. Quand nous avons entrepris, en
collaboration avec les municipalités, la réforme de la
fiscalité municipale - cela a vraiment été un exercice
conjoint - nous avons réglé des problèmes qui
traînaient depuis une vingtaine d'années. L'idée
fondamentale qui passe à travers toute cette réforme de la
fiscalité municipalité, c'est qu'il y aurait chez les citoyens
d'une municipalité une sorte de rapport évident entre les
dépenses faites par la municipalité et le taux de taxes. On a
beaucoup réduit les subventions qui obscurcissaient ce rapport entre le
taux de taxes et la décision de faire une dépense. On a,
cependant, ouvert tout le champ foncier scolaire normalisé aux
municipalités.
Justement parce qu'on jouait sur la responsabilité des gens et
des élus municipaux, cela a fonctionné exactement ainsi. On
arrive à ce que les municipalités aient un surplus d'environ 150
000 000 $ en 1983. C'est très bien; c'était la meilleure
démonstration qu'on pouvait faire que les gens et les élus
municipaux surveillent leurs affaires quand il y a un rapport direct entre
quelles dépenses vous voulez au niveau municipal et quel va être
votre taux de taxes. Les élus municipaux sont devenus plus
prudents et les gens sont devenus plus prudents parce qu'ils
comprenaient mieux.
Le gouvernement, c'est tout à fait différent. C'est tout
à fait différent parce qu'une bonne partie de notre budget
consiste, en somme, en transferts à des institutions, ce qui n'existe
pas dans le cadre municipal. À peu près 58% de toutes les
dépenses du gouvernement de Québec sont transférées
à des organismes qui ont leur propre conseil d'administration: des
hôpitaux, des centres d'accueil, des commissions scolaires, et il y en a
beaucoup de cela. Il y a 250 commissions scolaires au Québec, il y a 800
organismes de santé et puis il y a tous les collèges, les
cégeps. 58% de tous les fonds dépensés par le gouvernement
de Québec vont à des organismes. Notre problème, à
ce moment-là, consiste à s'assurer - on est toujours, dans un
certain sens en second -que les conseils d'administration autonomes de tous ces
organismes dépensent au mieux en fonction de leurs besoins et en
fonction de l'intérêt public. Il faut bien comprendre qu'on ne
peut pas vouloir à la fois une sorte de contrôle
extraordinairement centralisé des dépenses et, d'autre part,
l'autonomie de ces organismes. On ne peut pas dire: Nous voulons davantage
d'autonomie pour les hôpitaux dans leurs décisions et, d'autre
part, une centralisation gouvernementale qui ferait qu'on ne pourrait pas
acheter une boîte de kleenex sans que le ministère des Affaires
sociales mette son placet là-dessus.
Forcément, on est amené dans ces conditions - je le disais
dans le discours sur le budget - à se dire: Ce n'est pas vrai que 1200
ou 1300 conseils d'administration au Québec vont administrer
également bien. Il y en a qui administrent merveilleusement bien.
Certains grands hôpitaux de Montréal, en dépit de toutes
les compressions, n'ont jamais fait de déficit. Vous avez certains
autres hôpitaux de Montréal, des fois juste à quelques
coins de rue de là, qui dans les années de vaches grasses,
faisaient des déficits et dans les années de vaches maigres
faisaient des déficits. Il y a un problème de gestion qui est
inévitable. Je ne dis pas qu'il n'est pas important, mais il est
très différent du cadre municipal.
Tenez pour acquis que 75% de tout le budget du Québec est
formé de transferts, soit des institutions, soit des particuliers. Sur
les 75%, il y en a 58% aux institutions. Quand je parle de transferts, c'est
l'aide sociale qui est un transfert. Les allocations familiales sont un
transfert. 75% de nos dépenses vont donc, pour la majeure partie, dans
des institutions relativement autonomes et le reste à des particuliers.
Ajoutez à cela 9% de service de la dette. Je suis rendu à 84%. La
part départementale, ministères, dépenses qui sont sous le
contrôle centralisé et immédiat du gouvernement, c'est 16%
au total.
Cela ne veut pas dire que ces 16%, dans l'esprit où vous le
dites, il ne faut pas le surveiller à la trace et à la piste.
Nous sommes convaincus, par exemple, qu'il y a moyen de réduire le
nombre d'employés de la fonction publique et c'est ce que nous avons
fait depuis trois ans. On ne peut pas dire à cet égard que le
système fonctionne moins bien. S'il y a quelque chose, il fonctionne
peut-être mieux. Quand vous mettez une pression comme celle qu'on a mise
pour réduire les effectifs, cela fait monter le niveau de l'eau ou, si
vous voulez, le niveau du travail à peu près également,
enfin moins inégalement dans les bureaux que c'était le cas il y
a quatre ou cinq ans où des gens travaillaient dix ou douze heures par
jour alors que, pour d'autres, on ne pouvait pas dire qu'ils se rendaient
nécessairement à la moitié de cela. Cette opération
de compression a été excellente.
On va revenir, après les trois années de compressions
qu'on a connues, à l'opération que tous les gouvernements ont
faite avant et qui consistait non pas à faire des grandes compressions,
si vous me passez l'expression, "across the board", mais à avoir cette
espèce d'équipe volante qui est essentiellement au Conseil du
trésor et qui consiste, tous les ans, à dire: On examine 25 ou 30
secteurs et on va voir si c'est efficacement administré à
l'intérieur du gouvernement, à l'intérieur des 16% dont je
parlais tout à l'heure. Vous avez parfaitement raison d'insister,
puisque ce sera un travail jamais fini. C'est un travail qu'il faut faire
d'année en année. Il faut faire constamment le tour des
opérations gouvernementales et dans ce sens-là vous avez
parfaitement raison.
Je termine en ouvrant une petite parenthèse. Vous ne m'en voudrez
pas d'être un peu méchant, mais ne prenez pas l'exemple de la
vaisselle, voulez-vous? C'est, justement, un secteur où le ministre des
Finances n'a aucun pouvoir, absolument aucun. C'est le Bureau de
l'Assemblée nationale qui échappe maintenant à tout
contrôle, et du Conseil du trésor et du ministère des
Finances. Dans ce sens-là, je ne veux pas vous dire ce que je pense de
l'affaire de la vaisselle. Je pense que, si vous avez quelque chose à
penser sur la question de la vaisselle, vous devriez plutôt vous adresser
aux autorités compétentes, c'est-à-dire au Bureau de
l'Assemblée nationale parce que c'est vraiment le Bureau de
l'Assemblée nationale - il faut bien le comprendre - qui, à
l'heure actuelle, a toute juridiction sur un bon nombre de ces dépenses.
Moi aussi, je vois passer des choses dans ce domaine, mais je les apprends par
le journal.
M. Caron: On sait que ce sont des choses qu'on voit passer, comme
vous dites, qui font mal, qui pourraient servir ailleurs.
Si, naturellement, on s'est trompé - la perfection n'est pas de
ce bas monde, vous le savez - vous, comme ministre des Finances, vous pouvez
faire des suggestions au Conseil des ministres, vous êtes placé
là. Lorsque vous prenez la parole, je suis convaincu que votre voix
porte plus peut-être que celle d'un autre ministre dans le cabinet - ce
qui est tout à fait normal - qui est peut-être là pour
couvrir un secteur du Québec, pour montrer qu'il y a un ministre qui
représente un secteur du Québec. Cela arrive, ces choses»
Mais je pense que votre rôle est de le suivre et de très
près. Je suis convaincu que, si c'était suivi de près, on
pourrait... Je ne parle pas de tout couper, à certains endroits, il
faudrait peut-être augmenter, mais à la bonne place.
Mon collègue de Vaudreuil-Soulanges a raison de dire qu'on paie
trop de taxes. Il ne faudrait pas, parce qu'on paie trop de taxes, donner comme
exemples d'autres provinces. Il s'agit pour nous autres d'essayer de faire
mieux. Quand on me dit que...
Le Président (M. Lachance): M. le député, je
m'excuse, votre temps de parole est déjà expiré.
M. Caron: J'achève, M. le Président, seulement une
seconde. Je voudrais rendre service au ministre des Finances dans
l'intérêt de tous les Québécois, parce que nous
sommes tous des "payeurs de taxes". Si je peux en payer moins de taxes, moi
aussi, je serai content parce que je fais ma part aussi dans le budget du
ministre. Je pense honnêtement, M. le ministre", que, si vous pouviez
faire les pressions nécessaires sur vos collègues, il y a place
à amélioration et cela pourrait déjà se faire pour
l'année 1984-1985.
M. Parizeau: Est-ce que vous me permettez, M. le
Président, juste de terminer par quelques commentaires? Encore une fois,
ce dont vous parlez est absolument essentiel, sauf qu'il faut faire bien
attention, ce n'est pas une opération d'un an. C'est une espèce
de préoccupation continuelle. Je pense que là-dessus on ne mettra
jamais assez d'énergies, on ne mettra jamais assez d'efforts. Sur le
principe général", j'en suis, mais, encore une fois - je termine
sur là-dessus - toute la surveillance que vous me demandez de faire, et
que je reconnais, je souhaiterais qu'elle se fît aussi au niveau de ce
qui relève de vous, les députés, c'est-à-dire tout
le budget de l'Assemblée nationale. Ne venez pas me voir à ce
sujet. Moi, depuis la réforme, je ne peux plus dire quoi que ce soit sur
cela. Dans ce sens, il faut que cela se fasse à deux, quand vous donnez
des exemples comme la vaisselle.
M. Caron: Cela ne veut pas dire que les réformes qu'on
fait sont toujours les meilleures. Merci.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Merci, M. le Président. Il est toujours
facile de faire de la démagogie sur des virgules, sur certaines
dépenses. Il restera toujours, je pense, sur 25 000 000 000 $, des
dépenses qui seront difficilement justifiables et l'Opposition, c'est
son droit, va chercher de petits montants pour frapper l'opinion publique. Je
pense que c'est de bonne guerre, mais, il y a aussi des choses qu'il faut
rétablir. Je vais vous donner seulement une exemple au point de vue des
hôpitaux. On a parlé énormément qu'on faisait
souffrir des malades, qu'on faisait souffrir le public. Je me souviens que,
dans le temps où M. Lazure était ministre des Affaires sociales,
à un moment donné, il a fait une restriction seulement sur les
diachylons. Il s'est aperçu qu'il y avait du gaspillage énorme
sur cela. Seulement en donnant une petite directive, il a épargné
1 000 000 $. Pourtant, les plaies ont été quand même
pansées et tous les services donnés. (17 h 15)
Une autre chose: dans un hôpital qui était dans mon premier
comté avant qu'il soit divisé, on a apporté une attention
spéciale pendant un an seulement à la paperasse: les mémos
qui se donnaient à l'intérieur, les huit formules qu'on
remplissait chaque fois qu'il y en avait un qui voulait avoir un crayon,
l'imprimerie. Ils se sont aperçus, à la fin de l'année, "
qu'ils avaient épargné 70 000 $. Pourtant, on peut appeler cela
des coupures, si vous voulez, dans le système. Il y a une autre chose
que j'avais demandé personnellement de surveiller. J'avais ouï dire
que certains patients sortaient avec leur valise pleine de draps, avec des
couvertures de lit, avec des serviettes. En fin de compte, l'hôpital a
exercé un contrôle plus serré. Ils ont
épargné 50 000 $ seulement dans la literie et les serviettes en
un an.
Il faut que le public, à un moment donné, pense à
toutes ces choses. Tout de suite un certain nombre dit: Cela, c'est du service
de moins qu'on donne aux malades. Vous de l'Opposition, c'est de bonne guerre,
vous embarquez dans cela. On fait pâtir la population. Sur un budget de 7
000 000 000 $, à un moment donné, c'est sûr qu'on peut
aller chercher des petites coupures. C'est la même chose que si j'avais
demandé au maire de Verdun, qui est député aujourd'hui:
Pourquoi avez-vous acheté au service d'incendie une voiture d'incendie
à 175 000 $ alors qu'il y en avait à 135 000 $? Vous auriez des
bonnes raisons à nous donner pour nous dire pourquoi vous
avez fait cette dépense supplémentaire. Vous avez eu
l'orgueil d'avoir cela dans tous les journaux cette semaine. Mais je sais
très bien que, si cela n'avait été de la réforme de
loi 57, vous auriez été obligé de taxer vos citoyens pour
acheter de l'équipement pour le service d'incendie de cette
qualité. Je ne vous blâme de l'avoir fait puisque c'est pour des
années.
M. Caron: J'ai dit depuis trois ans que je n'avais plus rien
là-dessus.
M. Laplante: Écoutez, je ne vous ai pas
dérangé tout à l'heure.
M. Caron: On est perdants maintenant.
M. Laplante: Mme la députée de Chomedey, mardi
dernier, a basé son discours à peu près au complet sur la
pauvreté, comment c'était triste de voir les
Québécois souffrir aujourd'hui en 1984 et comment l'humiliation
était forte pour tous ces gens. On touchait à ce qu'ils avaient
de plus précieux, leurs tripes à eux, leur subconscient,
amenez-en! Elle en a dit à peu près deux pieds.. Maintenant, il y
a une chose, c'est que j'aurais aimé faire le discours tout de suite
après elle à l'Assemblée nationale, mais le temps ne me
l'a pas permis.
Une voix: Ni le règlement.
M. Laplante: Non, le règlement m'aurait permis de le
faire, mais il y en avait d'autres à entendre. Par exemple, j'aurais pu
lui faire non pas un reproche, mais lui dire qu'elle a été, entre
1973 et 1976, ministre d'État aux Affaires sociales. Pourtant, à
ce moment, si on veut aller plus loin, nos pauvres vieux étaient en
dessous pas mal du seuil de la pauvreté. En 1976, on appelait cela des
hospices; c'était dans l'opinion publique. C'est de cela que Mme Bacon
avait à s'occuper, des hospices. Mais aujourd'hui on a redonné
une fierté à ces personnes âgées. On leur a
donné près de 8000 places dans des centres d'accueil. C'est
établir une fierté à nos gens âgés, en
améliorant leur vécu.
Une autre chose aussi: du temps de Mme Bacon, députée de
Chomedey, on séparait les personnes âgées, on
séparait le couple. On envoyait l'un d'un bord et l'autre de l'autre. On
était dans les hospices. Nous, on a eu le respect des personnes
âgées. Qu'est-ce qu'on a fait?
M. Caron: Cela n'a pas de rapport avec cela.
M. Laplante: On a mis les couples ensemble pour leur donner,
justement, cet humanisme dont ils avaient besoin. Pourtant, les centres
d'accueil, les hospices, c'est chose du passé. Qu'avaient nos personnes
âgées lorsqu'elles étaient malades?
L'ambulance arrivait chez eux. La première chose qu'on leur
demandait - cela toujours du temps de Mme la députée de Chomedey
et de votre temps vous aussi, M. le député de Verdun - As-tu 40 $
avant que je t'embarque? C'est cela qu'on demandait. Si la personne n'avait pas
40 $, le patient restait là. Allez-vous en fournir un autre service
d'ambulance? Mais nous, pour humaniser, pour avoir le respect, justement, de
ces personnes...
M. Caron: La police les embarquait.
M. Laplante: ...on leur a donné les ambulances et on a
établi un service d'ambulances gratuit. C'est cela, l'avancement d'une
société, que vous n'avez pas compris encore, vous qui faites des
discours pour essayer de démontrer à quel point les gens sont
malheureux. Vous pourriez dire, de temps en temps, comment on a sorti du
pétrin les personnes âgées, comment on les a aimées,
comment on s'est occupé d'elles.
Je vais vous citer dix choses qu'on a réalisées pour cette
catégorie de personnes. En plus des ambulances, on a donné les
médicaments gratuits à tout le monde, ce que vous n'avez pas
fait, vous. Vous avez catégorisé certaines parties de la
population. On a donné aussi Logirente, par respect pour ces gens. Aux
personnes pauvres qui avaient de la difficulté à payer leur
logement, on a donné Logirente. Qu'a-t-on fait, en plus, avec les
impôts fonciers? On a pu accorder une partie du remboursement des
impôts fonciers qu'elles payaient déjà aux
municipalités. Cela, c'est dans le respect des personnes
âgées. Pourtant, ce sont des politiques que vous n'aviez pas de
1973 à 1976 et c'est la même personne qui faisait ce discours
lamentable sur le sort de tout le monde à l'Assemblée nationale
mardi dernier.
De plus, les logis à prix modique, on a quadruplé ce que
vous avez pu faire, en peu de temps. C'est nous qui avons donné tout
cela, encore, pour la fierté des personnes âgées.
M. Caron: C'était à notre époque, cela a
commencé à notre époque.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Bourassa, vous avez la parole, vous pouvez continuer.
M. Laplante: Merci. Vous avez, en plus, le développement
du service à domicile. Qui l'a fait avec les popotes roulantes et tout,
aller vers les personnes âgées dans les maisons? C'est encore
nous. De plus, on baisse à 60 ans l'obtention du Régime des
rentes du Québec pour leur permettre de vivre de meilleures
années plus longtemps. C'est ça, la fierté, c'est
ça qu'on doit dire à une population. Le Parti
québécois, même s'il forme le gouvernement, n'a pas fait
que du mal, il a fait du bien, beaucoup de bien. Il a établi un
programme social qui a été coûteux, par moments, mais on a
été capable, par exemple, de baisser les impôts
québécois, en proportion de l'Ontario, de 19% à 11%, ce
qu'ils étaient sous votre régime. Il faut le dire aussi.
Il faut dire qu'une partie de notre taxe de vente est
éliminée. C'est vrai qu'on l'a augmentée de 1% sur une
autre catégorie de biens, parce qu'on avait un besoin pressant, à
un moment donné. C'est arrivé, c'est vrai, on ne peut pas nier
ces choses. Par contre, on s'en va vers un déficit fédéral
- vous en avez parlé tout à l'heure - qui, après trois
ans, sera de 87 000 000 000 $. Savez-vous que la part du Québec dans ce
déficit de 87 000 000 000 $ représente le budget d'aujourd'hui,
24 000 000 000 $? On n'a pas eu un diable de mot à dire
là-dedans, aucune des provinces canadiennes n'a eu un mot à dire
sur le déficit fédéral ou, du moins, une consultation pour
dire: On privilégie une province sur telle ou telle action dans son
économie qu'elle connaît très bien.
Par exemple, si on avait eu cette décentralisation et qu'on avait
eu à administrer 24 000 000 000 $, je suis certain, avec le ministre des
Finances qu'on a, qu'on aurait eu...
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Bourassa, vos dix minutes sont déjà écoulées.
M. Laplante: Si mon temps est déjà
écoulé, j'en aurai encore pour dix minutes plus tard, M. le
Président. Je vais revenir, à mon tour, quand tout le monde aura
parlé.
M. Caron: II conte de petites menteries, M. le Président;
je veux qu'il revienne. La majorité des choses, c'est à notre
époque qu'on avait commencé à les faire.
M. Laplante: J'aimerais que M. le ministre, tout à
l'heure, sans argumentation, puisse retrouver des questions parmi les choses
que j'ai dites.
M. Caron: Les HLM, ça a commencé en 1970, à
notre époque; même, vous les avez critiquées.
Le Président (M. Lachance): Est-ce que le ministre des
Finances veut commenter les propos du député de Bourassa?
M. Parizeau: J'aurais un commentaire très court à
faire, M. le Président, mais j'attends un renseignement précis.
C'est une vérification que j'ai demandé de faire. Alors,
après qu'un autre député sera intervenu, je reviendrai sur
ce que le député de Bourassa vient de dire.
Le Président (M. Lachance): Très bien, M. le
ministre. M. le député de Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): On voit la difficulté de
ce mode de fonctionnement où, soi-disant par une série de
discours, comme en Chambre, dans un cadre qui appelle surtout des
échanges un peu plus rapides, on se promène littéralement
partout sur le terrain. Quarante minutes après une intervention, on peut
revenir pour discuter d'une chose importante qui a été
alléguée. À cause de la composition de la commission, de
nos règles de procédure et des différents dossiers que les
gens ont, cela ne donne pas autant l'occasion qu'on le souhaiterait d'examiner
point par point les énoncés que les différents membres
peuvent faire.
À titre d'exemple, le député de Bourassa vient de
se vanter de tout ce qui a été fait pour les personnes
âgées, selon lui, depuis sept ou huit ans par le parti qui forme
gouvernement, sous la bannière duquel il a été élu.
Il passe très vite sur la responsabilité essentielle d'un
gouvernement par les temps qui courent au Québec - c'est vrai pour le
monde industrialisé - alors que la pyramide d'âge est en train de
se déformer par l'ajout en haut de celle-ci d'un nombre
considérable de personnes d'un âge plus élevé. Ce
serait complètement invraisemblable pour un gouvernement, par les temps
qui courent, d'ignorer cette donnée absolument fondamentale de
l'évolution démographique du Québec. Je veux bien croire
qu'il y avait des hospices autrefois et qu'il n'y avait pas des milliards de
dollars consacrés aux personnes âgées; la
réalité, c'est qu'il y en avait moins.
L'autre réalité, c'est qu'il y avait beaucoup de monde qui
travaillait, donc qui payait des impôts. Il y avait plus de travailleurs.
Quand il y a 400 000 chômeurs, 700 000 assistés sociaux, plusieurs
jeunes qui reçoivent 152 $ par mois au lieu de travailler sur un
chantier, c'est entendu que ces gens-là ne payent pas beaucoup
d'impôt et que cela coûte très cher.
Il y a toutes sortes d'aspects dans le déficit
fédéral, mais j'espère que le député de
Bourassa n'est pas en train de plaider pour que le gouvernement
fédéral abolisse le programme d'assurance-chômage qui lui
coûte très cher en période de crise. Je présume que
le député de Bourassa n'est pas en train de plaider pour que le
gouvernement fédéral réduise de 1 000 000 000 $ ou 2 000
000 000 $ ses transferts au Québec.
Quand on regarde les chiffres depuis quelques années, il y a eu
des augmentations d'environ 15% ou 16% par année des transferts
fédéraux qui venaient arrondir les fins d'année - c'est le
moins qu'on puisse dire -des finances publiques du Québec.
Le système est ainsi fait qu'avec un raisonnement semblable
à celui du député le gouvernement fédéral
pourrait demander aux provinces d'équilibrer leurs finances parce que
cela coûte une fortune à tout le monde. Alternativement, on va
encourir un plus gros déficit à Ottawa pour annuler celui des
provinces. D'une façon comme de l'autre, l'économie va jouer;
d'une façon comme de l'autre, certains programmes de soutien à
l'emploi en basse conjoncture seront obligés de jouer.
Équilibre des finances publiques
Cela m'amène à vous parler plus spécifiquement de
ce que le député de Roberval mentionnait tout è l'heure,
soit la façon dont on équilibre les finances publiques. C'est une
perspective de gestion des finances publiques et de l'économie qui
permettrait de marcher, de faire des progrès dans le sens soutenu par ce
côté-ci de la Chambre, c'est-à-dire d'en arriver à
un niveau d'effort fiscal des Québécois comparable à ce
qu'il y a ailleurs, de s'assurer qu'on ne grève pas les finances
publiques, qu'on n'hypothèque pas les impôts de tout le monde
à coups de déficits accrus. On doit s'assurer que les
dépenses soient faites de façon efficace et pour faire face aux
programmes qui appellent des changements considérables. Tout le monde
s'entend pour dire que 152 $ par mois pour un jeune sans travail de moins de 30
ans, cela n'a pas de bon sens.
Une des façons de faire cela serait peut-être de
dépenser un peu plus pour l'éducation des adultes. Il est
regrettable que le député de Roberval ne soit pas là quand
son collègue, le député de Chambly, indique comment on
arrive à atteindre ces trois objectifs-là. En réponse au
député de Verdun qui se vantait, avec raison, à cause de
sa gestion financière, d'avoir réduit le taux de taxation
à Verdun, le député de Chambly a dit: Bien oui, mais vous
avez augmenté l'évaluation, il n'y a rien là. Il n'y a
rien là, sauf que c'est signe de quoi, augmenter l'évaluation?
C'est de cela qu'on parle: augmenter la capacité du Québec de
lever des impôts de ses propres sources, de se constituer des revenus
pour honorer ses programmes de dépenses à partir d'une certaine
richesse qui est là. (17 h 30)
Ce n'est pas désincarné, les équations dont le
député de Roberval veut nous faire croire qu'elles sont les seuls
éléments qui existent en matière de finances
publiques.
Vous voulez baisser les impôts, certainement. Vous voulez
réduire le déficit, très certainement également.
Vous voulez vous assurer que certains services, qui doivent être rendus
aux citoyens parce qu'il y a des choses qui n'ont pas d'allure, vont être
rendus et je dis certainement. Mais ce n'est pas juste de façon
comptable, bébête, comme le député de Roberval a
voulu le laisser entendre, que cela fonctionne. Il faut qu'il y ait une tenue
générale de l'économie qui permette de réaliser ces
choses. Il faut qu'il y ait en place un gouvernement dont les politiques
générales quant à la constitution de richesse, à la
multiplication, à l'addition, à l'ajout d'investissements
producteurs d'emplois et producteurs de richesse se fassent.
Ce qu'on soutient, nous, de ce côté-ci, depuis des
années qu'on regarde le ministre des Finances s'en aller, qu'on regarde
le gouvernement du Parti québécois s'en aller avec certaines
politiques, c'est que les gestes que le gouvernement pose n'incitent aucunement
les gens à investir au Québec quand ils se comparent avec
ailleurs. On peut se faire une gloire - et le ministre des Finances s'en fait
souvent une - de pratiquer une fiscalité "social-démocrate de
gauche", entre guillemets, les guillemets du ministre, d'ailleurs. Il l'a dit
assez souvent en Chambre. Cela, c'est parfait. Cela fait plaisir à celui
qui y croit. C'est une idéologie qu'il entend soutenir. Il est au
pouvoir, il n'y a personne qui l'en empêche, certainement pas
l'Opposition. Mais là où on court des risques
considérables que les chiffres, d'ailleurs, démontrent, c'est
qu'on ne peut pas être les seuls à avoir le pas en Amérique
du Nord. On ne peut pas indéfiniment prétendre que c'est
l'intervention du gouvernement qui va régler les problèmes
économiques. On ne peut pas indéfiniment en Amérique du
Nord prétendre qu'on va avoir une fiscalité qui est
substantiellement, au point de vue de ses fondements idéologiques,
différente de ce qu'elle est dans le reste de l'Amérique du Nord,
notamment, chez nos voisins avec lesquels on est en concurrence pour les
dollars des investisseurs. C'est comme cela que fonctionne l'économie.
On ne peut pas dire qu'on va arriver à un équilibre des finances
publiques dans l'état actuel des choses sur la foi de la tendance
qu'emprunte l'économie du Québec depuis sept ou huit ans.
J'ai déjà, dans ma réplique en Chambre,
relevé la tendance qu'on observe de la part des dépenses
d'investissement dans le produit intérieur brut du Québec. Il y a
un déclin constant. Cela n'arrête même pas malgré les
annonces extraordinaires que le ministre des Finances nous fait. Des projets
d'investissement accélérés - ce sont ses propres mots -
donc, qui auraient eu lieu de
toute façon. Il les change de place dans le temps. Il n'a rien
attiré de nouveau par une intervention de dizaines, de centaines de
millions du gouvernement du Québec, on convainc des gens qui vont
investir plus tard d'investir tout de suite. On a déplacé ces
choses dans le temps. On n'a pas créé une base de richesse
additionnelle pour l'avenir du Québec. On a, au même titre que
dans Corvée-habitation, déplacé dans le temps certaines
activités. On pourra dire qu'à très court terme cela
permet à certains projets créateurs d'emplois d'avoir cours,
parce que, quand il y a 1 100 000 personnes qui vivent directement de
prestations, cela fait beaucoup de familles et beaucoup de monde. Mais l'action
ponctuelle du gouvernement fait en sorte qu'il y a une activité qui se
déroule aujourd'hui qui se serait déroulée plus tard, de
toute façon.
Mais, quand celle-là va être finie, où est-ce qu'on
va se retrouver? Une accélération d'investissements, bâtir
une maison tout de suite plutôt que l'an prochain fait travailler
quelques gars de la construction aujourd'hui, mais cette maison, ils ne la
construiront pas l'an prochain. On ne peut pas maintenir
Corvée-habitation indéfiniment à sa face même. Les
entrepreneurs le demandent, tout le monde le demande. Cela fausse le
marché, cela fausse le moment où les investissements de
façon naturelle se font, et, comble de malchance pour les chiffres du
ministre, cela n'améliore pas la courbe descendante des investissements
dans le produit intérieur brut du Québec.
Autre problème...
Le Président (M. Lachance): M. le député,
votre temps est maintenant écoulé.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Pas déjà dix
minutes! C'est regrettable que le député de Roberval ne soit pas
ici, parce que le ministre des Finances comprend ces choses, j'en suis
convaincu. Le député de Chambly dit: L'évaluation a
augmenté, donc on peut baisser les impôts des 100 $ ou des 1000 $
d'évaluation. S'il arrivait un gros malheur au ministre des Finances, je
pense que le député de Chambly plutôt que le
député de Roberval ferait un meilleur remplaçant au point
de vue des discussions sur la façon dont l'économie fonctionne,
sur la façon dont on peut lever des impôts, sur l'effort qu'on
peut demander aux citoyens, sur la façon dont on peut se donner des
moyens de dépenser et sur la façon dont on peut également
équilibrer les dépenses publiques.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: D'abord, M. le Président, quelques
commentaires sur l'intervention du député de Bourassa. J'ai
trouvé extrêmement intéressant l'espèce de
schéma qu'il a fait rapidement de l'ensemble des mesures qui avaient
été prises par le présent gouvernement à
l'égard des personnes âgées. Je voudrais en ajouter une qui
est peut-être moins spectaculaire que celle dont il a parlé
jusqu'à maintenant, mais qui dans un certain sens est bien plus
fondamentale, même si cela se voit moins. Vous vous rappellerez, M. le
Président, qu'à partir de 1973 le gouvernement
fédéral et les provinces ont indexé les exemptions
personnelles et les tables d'impôt chaque année.
M. Laplante: Je m'excuse, M. le ministre. J'ai sauté par
dessus. Elle était là.
M. Parizeau: Disons que je vous remplacerai. Le gouvernement du
Québec du temps a refusé d'indexer, en principe, les exemptions
personnelles. Il n'en était pas question. Bien sûr, de temps
à autre, il donnait une réduction d'impôt
discrétionnaire à certains endroits, mais pas d'exemption
personnelle. Résultat, c'est que l'inflation se développait et
l'exemption personnelle des personnes âgées - l'exemption qu'on
disait pour raison d'âge, celle qu'on a après 65 ans - restait
collée à 1000 $. Qu'est-ce qu'on fait de notre côté?
On arrive au pouvoir, on monte l'exemption personnelle, d'abord, de 1000 $
à 1500 $ par an pour raison d'âge pour ceux qui ont plus de 65
ans. Cela n'a l'air de rien, mais, pour un couple âgé, c'est
passé de 2000 $ à 3000 $ en exemptions personnelles et,
après, on les a indexées. Le résultat, c'est que, à
l'heure actuelle, alors que si on avait gardé non indexées les
exemptions de personnes âgées selon la politique du gouvernement
libéral du temps, un couple de plus de 65 ans pour raison d'âge
aurait aujourd'hui 2000 $, il a droit à 4200 $. Cela n'a l'air de rien,
mais c'est important puisque cela vient s'ajouter à ce que disait le
député de Bourassa. Il l'avait oublié sur sa liste, mais
il y a beaucoup d'argent là-dedans. Ajoutés à toutes ces
exemptions personnelles comme contribuables quand on est un couple marié
de plus de 65 ans, 4200 $, ce n'est pas de la tarte.
J'en viens à ce que disait le député de
Vaudreuil-Soulanges. Là, il y a quelque chose qu'il ne saisit pas. C'est
la première occasion que j'ai de lui répondre à ce sujet.
Je vais lui répondre brièvement, mais peut-être plus
longuement demain matin ou demain après-midi. D'abord, il est
évident que l'état des finances publiques reflète
l'état de l'économie dans son ensemble. On ne va pas discuter de
cela; M. de La Palice n'aurait pas dit mieux. Sauf que l'état de
l'économie du Québec, il faut le voir de plusieurs façons.
Premièrement, depuis sept ou huit ans - la période que retient
le
député de Vaudreuil-Soulanges - la plupart du temps,
enfin, pendant un bon nombre d'années, on a eu un rythme de croissance
supérieur à celui de l'Ontario, la province voisine à
laquelle il faisait allusion et avec laquelle on est constamment en
concurrence. À l'heure actuelle, par rapport à l'Ontario, on se
débrouille très bien.
Il dit: Oui, mais les investissements qui se font dans l'économie
du Québec représentent une part décroissante du produit
intérieur brut du Québec. C'est facile à démontrer.
Vous prenez les années soixante-dix et vous arrivez à la
conclusion qu'en 1975 les investissements au Québec
représentaient 23 1/2% - je prends la meilleure année depuis 20
ans - du prodruit intérieur brut; ensuite, cela tombe à 21%, 19%,
18%, 17%, 16%, pour finir à 15%; d'où la
démonstration.
Voulez-vous qu'on se compare à l'Ontario à cet
égard? En 1977, les proportions de l'investissement au PIB
étaient de 21,1% au Québec, 19,1% en Ontario. En 1977, 21,4% et
18,7%. En 1978, 19,4% et 18,1%. En 1979, 19,2% et 17,6% en Ontario. La
catastrophe les menace. En 1980, 18,6% et toujours 17,6% en Ontario. En 1981,
cela va un peu mieux; on tombe à 17,4% et ils montent à 18,2%. En
1982, 15,8% chez nous et 16,8% chez eux. En 1982, 15,7% chez nous et 16,3% chez
eux. En 1983, 15,2% chez nous, 15,2% chez eux. En 1984, des projections de
14,8% chez nous et de 14,5% chez eux. Mais dites donc! Ils doivent être
complètement catastrophés, les Ontariens. À quoi est-ce
dû? C'est dû au fait, comme chacun devrait le savoir, qu'il y a eu
une concentration formidable d'investissements dans les provinces de l'Ouest.
Pendant ce temps, l'Alberta a atteint, en 1981 jusqu'à 38% du PIB
investi; évidemment, cela fait une moyenne canadienne passablement plus
élevée que les chiffres du Québec et de l'Ontario.
Dans ce sens, il faut bien comprendre qu'à l'heure actuelle nous
avons, quant au PIB, une performance qui est tout à fait analogue
à celle qu'il y a dans des zones industrielles semblables à la
nôtre, sauf que cela a l'air, depuis une couple d'années, de mieux
marcher au Québec. Cela monte plus vite.
Le député de Vaudreuil-Soulanges disait: Oui, mais c'est
seulement de l'accélération dans le programme de création
d'investissement. Bien voyonsl De quoi parle-t-on? Pensez-vous que Pechiney est
une accélération? Cela doit être une sacrée
accélération parce que la première fois que j'ai entendu
parler d'un projet d'investissement de Pechiney, c'était sous Jean
Lesage en 1965. Cela n'a rien donné pendant 19 ans et, tout à
coup on a réussi à le swinguer en six mois. Cela aurait pu durer
19 ans encore. Reynolds, de l'accélération?
Sûrement pas! Bell Helicopter, de l'accélération? De
quoi parle-t-on? Il est évident qu'on a accéléré
certains programmes d'investissement en période de récession et
heureusementl D'autre part, on a débloqué des secteurs entiers
où il n'était pas question, ni cette année, ni
l'année prochaine ou l'autre année après, que cela
aboutisse. Et on l'a fait par un certain nombre de politiques qui ont
donné les résultats qu'on voit et qui représentent
plusieurs milliards d'investissement de plus que ce qu'on avait envisagé
il y a deux ou trois ans à pareille date.
Mais il y a plus que celai Je terminerai là-dessus parce qu'il
est important de comprendre le phénomène. Supposons que nous
soyons d'une efficacité terrible, extraordinaire. Non seulement on dit
cette année, en 1984, ce sera une bonne année. On va
probablement, dit le Conference Board, avoir la meilleure performance en termes
de création d'emplois de toutes les provinces canadiennes. Il n'y a pas
de raison qu'on soit désolé de notre performance. Supposons qu'on
la trouve encore insatisfaisante et qu'on va plus loin encore. Une chose est
claire, c'est que, sur l'accélération de la croissance qui va se
faire au Québec, le gouvernement fédéral va venir prendre
ses impôts. Nous allons, comme gouvernement, prendre aussi nos
impôts. D'autre part, sur les impôts additionnels que nous allons
recevoir, le gouvernement fédéral va ramasser sous forme de
réduction des transferts qu'il nous paie 0,50 $ dans le dollar. Quand
pourra-t-on profiter véritablement, sur le plan de l'équilibre de
nos finances publiques, des efforts de développement économique
que nous faisons? Présumément quand la péréquation
serait tombée à zéro. Dans le système actuel, cela
peut durer longtemps.
Cette espèce de taux de rétention du fédéral
sur l'augmentation des impôts qui vient du fait qu'on
accélère la croissance économique, je la situe ici au
Québec à 50%. En Ontario, comme il n'y a pas de
péréquation, c'est 13%. Vous me direz: Néanmoins, toutes
les provinces qui reçoivent de la péréquation, c'est
normal qu'elles voient leurs recettes de péréquation baisser
quand cela va mieux chez elles. Pensez-vous? Le gouvernement
fédéral vient de signer avec la Nouvelle-Écosse ce qu'un
journal appelle un "deal" - c'est un "deal" fameux -qui indiquerait que,
pendant dix ans, toute augmentation des recettes qui viendrait au gouvernement
de la Nouvelle-Écosse de la découverte de gaz et de
pétrole n'entraînera aucune réduction dans la
péréquation, aucune! Deux poids, deux mesures! Alors que nous,
plus on pédale fort pour accélérer la croissance, plus on
envoie des sommes considérables à Ottawa et plus Ottawa
réduit, année après année, les transferts qu'il
nous donne. C'est dans la mécanique même
du système.
Qu'on ne vienne pas me parler de 1983-1984, alors qu'enfin le
gouvernement fédéral a compris le bon sens sur le plan de ses
statistiques et qu'il a fait un certain nombre d'ajustements qui nous ont
ramené des centaines de millions auxquels on ne s'attendait pas. On
braillait pour les avoir depuis longtemps et, finalement, il nous les a
donnés. Il n'y a pas de récurrence là-dedans.
L'amélioration de l'économie dans un pays normal entraîne
une amélioration des finances publiques. Dans la structure bizarre dans
laquelle nous vivons, une amélioration considérable de la
croissance économique n'entraîne qu'une amélioration
relativement marginale de l'état des finances publiques au
Québec. Il ne faut jamais oublier cette donnée; elle est centrale
pour comprendre qu'une bonne partie des efforts d'un gouvernement de
Québec, quel qu'il soit, sur le plan du développement
économique, est annulée par la chute des transferts de
péréquation.
Merci, M. le Président. (17 h 45)
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre.
Je vais me permettre aussi de faire une brève intervention.
L'occasion m'en est donnée. M. le ministre, on a été
habitué au cours des années à vivre avec des
déficits et aussi loin que je me souvienne j'ai toujours su que les
paliers supérieurs de gouvernement aussi bien au Québec
qu'à Ottawa et dans les différentes provinces canadiennes
vivaient annuellement avec un déficit. Cela devient une
préoccupation parce que les chiffres, au lieu de diminuer, augmentent
d'année en année. Si l'on compare, par exemple, le déficit
du gouvernement du Québec avec le déficit du gouvernement
canadien, 3 000 000 000 $ sur 30 000 000 000 $ à un taux
d'intérêt de 10% on pourrait dire que le déficit
québécois équivaut aux intérêts payés
pour absorber le déficit canadien dans une année, ce qui n'est
pas une mince constatation.
Dans la population, il y a des gens qui se préoccupent de ce
phénomène et qui se demandent dans quelle mesure ce n'est pas
possible de faire autrement. Tantôt, le député de Verdun a
utilisé le monde municipal comme point de comparaison. Au niveau
municipal, l'obligation est faite aux municipalités d'avoir des budgets
équilibrés. C'est prévu dans le Code municipal et dans la
Loi sur les cités et villes. Selon mes informations, il existerait, pas
si loin en Amérique du Nord, certains États américains
dont la législation les oblige, eux aussi, à avoir un budget
équilibré. Je ne vous dirai pas que c'est une tâche facile.
Dernièrement, je visitais la Louisiane et, semble-t-il, là ils
ont l'obligation d'avoir un budget équilibré avec ce que cela
comporte lorsqu'il arrive des pépins. Par exemple, dans le domaine
énergétique, en Louisiane, ils ont dû trouver rapidement de
l'argent pour combler un manque à gagner d'environ 1 000 000 000 $.
Voici la question que j'aimerais vous poser, M. le ministre, ce sera la
première parce qu'il y en aura deux ou trois autres. À la
lumière de votre expérience dans le monde des affaires et surtout
de votre expérience comme ministre des Finances et après avoir
côtoyé les différents autres ministres des Finances au
Canada, pensez-vous que ce serait quelque chose de réaliste, de faisable
que de se donner un délai, à un moment donné, pour dire:
En telle année, en 1990 ou en 1992, on va faire une décroissance
du déficit, on va avoir un consensus des Québécois sur
cela afin qu'en 1990 ou en 1992 on soit capable d'équilibrer le budget
du Québec?
M. Parizeau: M. le Président, cela dépend dans quel
cadre politique on se situe. Quand on commence à regarder plusieurs
années à l'avance, il faut d'abord s'entendre sur le cadre dont
on parle. Dans le cadre actuel, à mon sens, on ne peut pas
répondre à cette question parce qu'il y aura, d'ici là, un
autre changement de règles quant aux transferts fédéraux
applicables à partir de 1987. Il y en aura un autre en 1992. Comme
d'accord quinquennal en accord quinquennal on ne sait jamais exactement combien
d'argent le fédéral va enlever, on pourrait se trouver dans la
situation du chien qui court après sa queue, si vous me passez
l'expression. On ne peut pas savoir. Il est évident qu'un rythme de
croissance accéléré de l'économie
québécoise pourrait permettre de réduire le
déficit, mais pas au point de le combler pour les raisons que j'ai
déjà indiquées tout à l'heure.
Dans un autre cadre politique, celui d'un Québec souverain, je ne
suis pas du tout certain qu'on devrait viser - là, on se retrouverait
dans la situation d'un pays normal - un budget équilibré,
indépendamment de la situation économique qui tomberait dans ces
années. Ce que je veux dire par un cadre de pays normal, c'est que
normalement, si les recettes d'impôt rentrent bien parce que
l'économie va bien, on les garde, ces recettes d'impôt. Donc, on
peut avoir un déficit relativement faible ou même un surplus.
C'est déjà arrivé. Le gouvernement canadien a
déjà été placé dans des situations de
surplus. On a tendance à l'oublier, mais il n'y a pas si longtemps il y
avait des surplus.
Au contraire, si ces années-là sont des années de
basse conjoncture, il est parfaitement normal qu'on renverse ce genre de choses
qu'on a été obligé de faire au cours de la dernière
récession et qu'on décide d'augmenter les dépenses, de
baisser un peu les impôts pour permettre à
l'économie de se relever et là on fait un déficit
même appréciable si c'est rendu nécessaire par la
conjoncture économique du moment. Dans ce sens-là, il n'y a pas
de vertu en soi à ce qu'il y ait un équilibre budgétaire
permanent.
Vous avez, cependant, raison de dire que certains États
américains ont l'obligation, comme les municipalités, d'avoir un
équilibre budgétaire, c'est-à-dire une situation où
il ne pourrait pas y avoir de déficit. Ceci est possible aux
États-Unis à cause d'un système de transferts
fédéraux de la part du gouvernement américain
complètement différent du nôtre. Le gouvernement
fédéral américain n'a pas de système de
péréquation et n'a aucun transfert inconditionnel aux
États. Le gouvernement fédéral américain
transfère de l'argent aux États uniquement sous forme de plans
conjoints et tient compte dans le partage du degré de richesse de
l'État en question. Par exemple, le gouvernement fédéral
américain dit: Moi, je veux avoir un système de transport
routier, d'autoroutes à travers les États-Unis, les plaques
bleues. Tout le système des plaques bleues a été
financé par le gouvernement américain pour des raisons de
défense nationale, d'ailleurs, d'abord. Cela a été
commencé à l'époque où le général
Eisenhower était président des États-Unis.
Je vous cite des chiffres hypothétiques, M. le Président.
Je ne me souviens pas, cela fait trop longtemps, des chiffres précis,
mais, en gros, cela fonctionnerait de la façon suivante. Vous êtes
le Mississipi, vous êtes un État pauvre; moi, le gouvernement
fédéral, je vais contribuer à 70% aux frais de
construction d'autoroutes. Vous, État de New York, vous êtes un
État dit riche, j'y contribuerai pour 30%. Vous voyez, pas de
péréquation, pas de retrait de paiements de transfert, pas de
réduction de la péréquation quand l'économie du
Mississipi ou de l'État de New York va bien, mais une connaissance des
programmes que le fédéral américain va financer avec des
montants, une ligne de partage connue à l'avance. Ah, bien là,
c'est plus facile pour certains États américains de viser cette
espèce d'équilibre budgétaire dont vous parliez, alors
que, dans le système canadien, je ne vois pas comment ils pourraient le
faire.
Utilisation des services de la Caisse centrale
Desjardins
Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Finances,
j'aurais une autre question, peut-être un peu plus terre à terre,
dans un tout autre ordre d'idées. Non, ce n'est pas la voirie. Le
gouvernement du Québec émet chaque année des dizaines et
des centaines de milliers de chèques et cela me fait toujours un petit
quelque chose, M. le ministre, lorsque je regarde sur quelle banque ou quel
organisme financier le chèque est tiré. Évidemment, on
connaît les banques à charte les plus répandues au
Québec: la Banque Royale, la Banque Nationale, la Banque de Commerce
canadienne impériale, etc. Peut-être que le hasard n'a pas fait
que j'aie eu l'occasion d'en voir, mais j'attends toujours le jour où je
vais voir des chèques du gouvernement du Québec tirés sur
le Mouvement Desjardins ou sur la Caisse centrale Desjardins, quelque chose du
genre. Tout nouveau député, j'avais déjà
attiré votre attention sur ce sujet en 1981 et, à ce moment, vous
m'aviez dit qu'il y avait peut-être des possibilités avec la
nouvelle structure ou le nouvel organisme que le Mouvement Desjardins
s'était donné. Je ne sais pas si vous pouvez répondre
à cette question, mais j'ai hâte de voir des chèques du
gouvernement du Québec tirés sur un mouvement aussi important au
niveau économique pour l'ensemble du Québec.
M. Parizeau: M. le Président, à ce sujet, moi, j'ai
salué l'établissement de la Caisse centrale Desjardins comme, je
pense, un facteur très important pour être en mesure, justement,
de faire transiter par le Mouvement Desjardins beaucoup d'opérations
gouvernementales qui n'étaient pas possibles avant. Depuis que la Caisse
centrale s'est établie, qu'elle a commencé à fonctionner,
nous tirons maintenant sur la Caisse centrale, d'ailleurs sur le Mouvement
Desjardins, environ 300 000 chèques, en particulier, tous les
chèques de voyage des fonctionnaires, des remboursements de frais de
voyage et d'autres choses semblables. Il y a environ 300 000 chèques qui
sont tirés et nous sommes tout à fait disposés à
leur en envoyer plus, mais c'est, finalement, dans une sorte de commun accord
avec la Caisse centrale qui nous dit: On est capable d'en absorber 300 000,
permettez-nous de nous équiper davantage. Il est évident que,
dès qu'ils seront équipés davantage, on leur en enverra
d'autres. Là, c'est une question de capacité technique de ce
mouvement de faire, si vous me passez l'expression anglaise, le "processing"
des opérations pour qu'il en ait davantage. Cela se fera graduellement,
au fur et à mesure qu'ils s'équiperont, mais il n'y a aucune
espèce de réticence de notre part à en envoyer autant
qu'on peut du côté du Mouvement Desjardins. C'est seulement une
question d'organisation. Pour le moment, c'est à peu près 300 000
chèques par an qui transitent par là.
Le Président (M. Lachance): II y a quelques semaines, dans
le même ordre d'idées, j'entendais le président du
Mouvement Desjardins, M. Raymond Blais, émettre, finement, mais
certainement, une
critique à l'endroit des gouvernements, à savoir que,
à cause de l'implication du Mouvement Desjardins au Québec, il
s'attendait à une plus grande participation de leur part. Je ne sais pas
le terme exact que je pourrais utiliser. Il voulait dire par là qu'il
souhaitait que le gouvernement fasse davantage affaires avec les organismes du
Mouvement Desjardins. Vous avez certainement vu cette critique, M. le ministre
des Finances, et j'aimerais avoir vos commentaires sur cette vision des choses
par M. Blais.
M. Parizeau: En un certain sens, je pense que le président
du Mouvement Desjardins a raison de mettre une pression continuelle sur les
gouvernements à cet égard, pas seulement dans le sens de
l'émission des chèques. Pensez seulement à ceci.
Jusqu'à ce que la Caisse centrale soit établie, je me trouvais
dans la situation bizarre, comme ministre des Finances, d'avoir dans mes
syndicats d'émission d'obligations du gouvernement du Québec un
Girozentrale allemand, qui est, en somme, une caisse centrale de caisses pop en
Allemagne, qui non seulement participait à mes emprunts, mais, dans un
cas, faisait partie de la gérance de l'emprunt, alors qu'au
Québec il n'y avait aucun moyen d'associer le Mouvement Desjardins
à l'émission des emprunts. Il y a des commissions importantes
à faire là-dedans; c'est payant, ce genre de chose.
Ce n'est que depuis que la Caisse centrale est apparue que nous avons pu
ouvrir une marge de crédit du gouvernement à la Caisse centrale,
comme nous en avions dans toutes les banques, l'associer maintenant à
des tas d'opérations d'emprunt du gouvernement. Tout cela n'était
pas possible avant la Caisse centrale. Bien sûr, on leur en envoie pas
mal d'affaires. Que le président du Mouvement Desjardins me rappelle
régulièrement, tous les trois mois, que je dois en faire
davantage encore, bien sûr.
Remarquez qu'il y a des déplacements vers le Mouvement Desjardins
- je pense aux opérations de crédit, par exemple, ou de
financement - qui peuvent se faire plus rapidement que des déplacements
de services de chèques où, là, il y a une question
d'équipement. Écoutez, pour faire transiter 3 000 000 de
chèques au lieu de 300 000, il faut que les gens soient
équipés pour cela. Je n'ai aucune espèce de réserve
quant au fait que M. Blais me rappelle périodiquement que: a) il en a du
gouvernement; b) il en voudrait plus et, c) je devrais lui en envoyer plus.
C'est parfaitement logique de sa part et ce n'est pas mauvais de nous rappeler
cela périodiquement.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre des
Finances. Comme il est maintenant 18 heures ou à peu près, la
commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
(Reprise de la séance à 20 h 19)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre!
La commission du budget et de l'administration poursuit ses travaux avec
le mandat d'étudier la politique budgétaire du gouvernement dans
le cadre du débat sur le discours sur le budget.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements pour cette
séance de travail?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. On m'a
avisé que M. Polak (Sainte-Anne) reprendra sa place à titre de
membre et que M. Ryan (Argenteuil) remplacera M. Blank (Saint-Louis).
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le
secrétaire.
La parole est au député de Vaudreuil-Soulanges.
Accélération des investissements dans
certains secteurs
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président.
On s'est laissé pour dîner alors qu'on avait éliminé
- du moins dans mon esprit - quelques blocs de discussions: un sur le
déficit, un autre sur les programmes d'emprunt. On a
débordé sur l'équilibre des finances publiques et certains
déterminants de l'équilibre des finances publiques dans mon
intervention en réplique à ce que le député de
Roberval avait prétendu. Je suis sûr qu'il fera une lecture
attentive du journal des Débats étant donné qu'il
était absent lors de ma deuxième intervention.
Ce que je retiens, par exemple, pour la suite de nos débats,
c'est le discours sur le budget comme tel, certaines des affirmations du
ministre quant à l'influence de ses décisions sur la relance
économique, l'accélération de projets, l'encouragement,
l'incitation à certains investissements, toutes ces choses peuvent avoir
un effet sur le développement économique du Québec
à long terme. Autrement dit, les grandes décisions
financières, les grands choix de priorité en matière de
développement économique que le gouvernement fait sont-ils
véritablement en train de modifier la structure industrielle du
Québec? On va déborder largement l'étude article par
article, les points, les virgules, les questions de détail pour
reprendre sous une forme plus complète et plus pertinente quant à
moi ce que le ministre prétendait être un avantage additionnel
pour l'économie
du Québec d'avoir un budget comme le sien qui consacrait quelques
centaines de millions à certains projets.
Le ministre lui-même disait que les décisions
budgétaires qui avaient été prises -page 13 du discours
sur le budget... Il apparaissait clairement que le plan de relance n'est pas
destiné seulement à accélérer la reprise de
l'économie et le rattrapage des emplois, mais - c'est cela qui est
important - à affecter profondément la structure de certains
secteurs d'activité. Il donnait comme exemple ce qui avait pu être
fait dans le secteur des mines, des projets qui avaient été
lancés et qui, autrement, selon le ministre, ne l'auraient pas
été.
Je suis porté à me demander s'il n'est pas plus important
de s'assurer qu'on modifie l'équilibre entre les secteurs
d'activité qu'on a au Québec plutôt que de continuer
à faire des efforts dans certains secteurs, notamment les ressources,
pour ce qui est du reboisement, ce dont on parle ici, les mines - ce sont
indirectement des ressources - les secteur de l'aluminium dont le ministre nous
parle souvent, s'il n'y aurait pas intérêt à prendre des
décisions à plus long terme pour restructurer l'économie
du Québec et non pas réinvestir dans des secteurs où le
Québec est fort en raison de la qualité et de la diversité
de ses ressources naturelles, comme c'est le cas, comme on a fait cette
fois-ci. Un Pechiney de plus, lorsqu'il y a déjà Alcan au
Québec, on n'a rien changé à la structure du
Québec. On continue à investir dans les mêmes domaines.
Cela m'apparaît beaucoup plus important de prendre des
décisions qui vont nous donner un avantage comparatif, qui vont
positionner le Québec dans l'économie internationale dans de
nouveaux secteurs. Je ne vois pas ce qu'on apporte pour l'avenir à
restructurer, par exemple, les secteurs mous. Je ne vois pas ce que cela donne
à très long terme que d'exploiter la qualité des
ressources humaines, oui, la tradition le voulant et aidant, dans des secteurs
mous. Cela n'apparaît pas comme une pierre d'assise dans le sens du
développement économique du Québec. Cela n'apparaît
pas non plus une pierre d'assise du développement économique du
Québec que de favoriser l'entrée d'autres alumineries au
Québec. Cela fait entrer un investissement. Cela crée, pour un
temps, des emplois, certainement la phase de construction. Il n'est pas
évident qu'il y ait une grosse croissance de l'emploi dans ces secteurs
qui sont pour nous au Québec des secteurs traditionnels. C'est dans ce
sens que je me demande, au point de vue qualitatif, quel genre de
différence on fait avec des investissements additionnels
encouragés par le gouvernement - c'est la façon dont on s'y est
pris - dans ces secteurs. Parce que, lorsqu'on parle de restructurer notre
économie, lorsqu'on regarde les 15% de notre part des investissements
dans le produit intérieur brut, on a besoin de sommes
considérables qui doivent être investies surtout dans les nouveaux
secteurs. Les créneaux qu'on doit choisir, j'irais dire qu'on ne les
connaît pas aujourd'hui.
De l'investissement massif qui va réserver de l'emploi à
long terme à un nombre croissant de Québécois ne devrait
pas se faire dans nos secteurs traditionnels d'activité. La
modernisation, par exemple, le remplacement d'équipement tout
bêtement, cela ne crée pas du stock de capital additionnel et du
remplacement là-dedans. On prend Laterrière, on peut prendre
d'autres exemples, chacun connaît, dans sa région, une entreprise
qui de vieillotte s'est modernisée, a connu un peu de croissance. Ce
n'est pas de l'investissement neuf souligné deux fois qui permet de
prétendre qu'on est en train de changer notre structure
industrielle.
Je me demande véritablement comment le gouvernement peut
prétendre... Il est en train de jeter les bases du développement
économique du Québec en limitant son implication à un
secteur qu'on connaît déjà comme société. Je
veux bien qu'on reboise. C'est excellent, même si l'industrie souligne
que le programme est extrêmement ambitieux parce que le programme de
reboisement, si je comprends bien, prévoit qu'on va planter deux fois
plus d'arbres qu'on n'en coupe annuellement pendant les prochains cinq ans.
C'est massif comme annonce. Encore faudra-t-il voir si c'est faisable. Les
investissements, les aides à l'investissement consentis - je reviens
à Pechiney sous toutes sortes de formes -n'ajoutent rien à la
capacité que le Québec peut avoir d'affronter l'avenir.
J'aimerais beaucoup entendre le ministre sur les justifications des
décisions qu'il a prises en matière d'accélération
de certains investissements dans les secteurs qu'il a isolés.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le
député. M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: La question que soulève le
député de Vaudreuil-Soulanges est tout à fait
fondamentale. Je suis très content qu'il la pose dans ces termes parce
que je pense que nous pouvons avoir une discussion extrêmement
intéressante. Il s'est limité à ses dix minutes. Je vais
essayer de me limiter à mes dix minutes. J'espère qu'on va
pouvoir poursuivre nos interventions sur cette question parce que,
effectivement, c'est tellement important pour l'avenir du Québec que
cela vaut la peine qu'on s'y attarde, enfin je le souhaite, pendant quelque
temps. De la même façon qu'il a abordé cette question, je
pense, de la façon la moins
partisane possible, je vais essayer de suivre cette voie.
Nous avons un très sérieux problème de
réorientation industrielle au Québec. Pas depuis cinq ou six ans,
mais depuis une bonne vingtaine d'années. Oui, en un certain sens, nous
avons trop bien réussi notre première révolution
industrielle, celle du tournant du siècle. Nous gardons encore
aujourd'hui une proportion de notre main-d'oeuvre engagée dans ce qu'on
appelle les secteurs mous qui dépasse très largement celle qu'on
peut trouver dans les autres régions industrielles de l'Amérique
du Nord. Le textile, le vêtement, la chaussure, le meuble, des choses
comme cela, représentent des employeurs, enfin une masse d'emplois au
Québec. Mais il ne faut pas se leurrer, elle est dangereuse à une
époque où les pays du tiers monde sont en train, dans des
secteurs comme ceux-là ou dans la plupart de ces secteurs, de
s'équiper et d'être en mesure, simplement à cause des taux
de salaire qu'ils paient, de nous livrer une concurrence qui est
extrêmement dure.
Cependant, il faut faire attention de ne pas se dire: Nous avons une
trop grosse proportion de notre main-d'oeuvre engagée dans cette voie,
et qu'il faudrait que ça tombe à zéro
éventuellement. Cela n'est pas exact. Il y a des secteurs, des
entreprises et des créneaux dans ces secteurs mous où nous sommes
éminemment concurrentiels, capables d'exporter. C'est peut-être le
critère d'ailleurs qu'il faut retenir à l'égard des
secteurs mous. Sont-ils capables d'exporter ou non? Je suis toujours
impressionné de voir à quel point le secteur, par exemple,
où la robotique est la plus avancée au Québec, c'est le
textile, à quel point il y a certains secteurs du textile où les
entreprises exportent sans aucune espèce de difficulté alors que
d'autres ne tiennent au fond qu'à cause de la protection qu'on leur
accorde. Sans cette protection, ils disparaîtraient. Donc, il n'y a pas
une sorte d'abolition des secteurs mous d'envisagée, mais un glissement,
une consolidation de ce qui est concurrentiel et de ce qui ne l'est pas. Je
pense que le seul critère, finalement, du caractère concurrentiel
de certaines de ces entreprises dans les secteurs mous, c'est: Sont-elles
capables d'exporter ou non? Si elles peuvent exporter sans aide
particulière, je ne vois pas en vertu de quoi un gouvernement
déciderait qu'elles ne peuvent pas vivre et se développer. (20 h
30)
Deuxièmement, nous sommes en face d'un secteur de richesses
naturelles qui, au fond, au Québec comme au Canada, nous a toujours
empêchés d'être intelligents. Le problème, le drame
du Canada, ce sont ses richesses naturelles. Si nous n'en avions pas, comme les
Japonais, si nous les achetions, comme les Japonais, sur les marchés
où cela coûte le moins cher, on aurait été
forcés de reconnaître que la seule richesse naturelle vraiment
importante dans une société, c'est celle qu'on a entre les deux
oreilles. La caractéristique des richesses naturelles, c'est qu'elles
gagnent de l'argent pendant cinq ans et elles sont subventionnées
pendant 40 ans. Sauf que cela donne des espoirs. Cela a commencé avec
les peaux de castor à l'époque où on aurait dû faire
de l'agriculture et cela s'est poursuivi avec le blé, les mines, le
pétrole, le gaz, l'uranium. Il y a toujours une richesse naturelle qui,
comment dire, va tout sauver.
Là encore, puisque le pays est quand même assez riche en
richesses naturelles, on ne peut pas prendre un virage à 90° et,
puisque ces secteurs de richesses naturelles, même si, en un certain
sens, nous ont empêchés d'être aussi intelligents qu'on
pourrait l'être, embauchent quand même énormément de
gens, représentent des activités essentielles, ce qu'on doit
d'abord et avant tout exiger, c'est qu'elles soient, là encore,
concurrentielles, et cela va expliquer certains investissements de
consolidation comme, par exemple, le programme de modernisation de l'industrie
de la pâte et du papier, le programme de reboisement. On est prisonniers
de notre histoire à certains égards. Enfin, ces secteurs
représentent des employeurs tellement importants que, puisqu'on ne peut
pas reculer à zéro, il faut au moins s'assurer que ces secteurs
importants soient concurrentiels. Donc, programme de modernisation de
l'industrie de la pâte et du papier; donc, programme de reboisement.
Il y a d'autres types d'utilisation des richesses naturelles alors tout
à fait nouveaux, qui ne demandent pas d'intérêt et qui ont
trait à l'aluminium. L'aluminium, le député de
Vaudreuil-Soulanges le soulevait comme une sorte de cas et moi aussi, je vais
le soulever exactement dans les mêmes termes que lui. Je lui rappellerai
simplement ceci. Il y a 14 000 000 de tonnes de capacité de production
de l'aluminium dans le monde non soviétique. À cause des tarifs
d'électricité très élevés dans certains
pays, il y a 2 000 000 de ces 14 000 000 de tonnes qui sont en train de
disparaître, qui sont déjà fermés ou qui vont fermer
dans les mois ou dans l'année qui vient. Pour remplacer ces 2 000 000 de
tonnes, il n'y a vraiment que trois endroits dans le monde. Il y en a certains
qui sont un peu secondaires, mais il y en a trois vraiment: l'Australie, le
Brésil et le Québec. Le Cameroun, peut-être, mais plus
tard. Certaines provinces canadiennes, comme la Colombie britannique ou le
Manitoba, oui, pour une aluminerie, mais pas plus, parce qu'elles n'ont pas
cette capacité de fournir du courant électrique. Dans un cas
comme celui-là et compte tenu des perspectives du marché de
l'aluminium,
je ne vois pas en vertu de quoi le Québec ne chercherait pas, des
trois grands endroits dans le monde où on peut remplacer ces 2 000 000
de tonnes, à en avoir le plus possible. Je ne vois pas pourquoi je
laisserais à l'Australie ou au Brésil une proportion importante
de ces 2 000 000 de tonnes. Jusqu'à maintenant, nous avons signé
pour 500 000 tonnes. C'est cela que représentent Pechiney, Reynolds et
Laterrière, mais on ne va pas s'arrêter là. Je vous
avouerai que je ne vois vraiment pas pourquoi je m'arrêterais avant
d'avoir atteint, quoi, 1 000 000 de tonnes. Pourquoi le Québec
déciderait-il que, des trois seuls endroits dans le monde où on
peut établir 2 000 000 de tonnes de capacité d'aluminium, on en
prendrait moins que la moitié? Cela me paraît un objectif correct.
On me dira: Cela ne règle pas tout. Non, cela ne règle pas tout,
mais il n'y a pas de raison quand on a un avantage, quand, pour la
première fois dans notre histoire, nous avons de très gros
surplus d'électricité -c'est la première fois que cela
arrive - pour qu'on ne se serve pas de cela pour faire en sorte que la
moitié de la capacité qui ferme dans le monde et qui sera
utilisée, qui apparaîtra à quelque part, n'apparaisse pas
au Québec, sur les trois seuls endroits où, vraiment, on peut
penser à des capacités relativement importantes.
Richesse naturelle aussi, l'agriculture. Les prix des produits agricoles
ont beaucoup augmenté. Le Québec a pris un certain nombre de
dispositions pour accélérer la production de produits agricoles
où il y a de l'argent à faire. Secteur traditionnel, mais qui est
en train de devenir très payant. Dans ce sens, je ne vois pas pourquoi
on ne ferait pas cette conversion au Québec de ce qui a
été un mode de vie pendant assez longtemps et qui est en train de
devenir une industrie à potentiel considérable. Il ne faut pas
oublier qu'à cet égard-là les Américains ont
toujours eu l'intelligence de ne pas considérer l'agriculture comme
quelque chose de folklorique mais comme une industrie majeure. Nous
commençons à voir cela au Québec.
Est-ce que cela veut dire qu'on ignore pour autant les nouvelles
technologies? Bien sûr que non. À partir du moment où on se
dit qu'on va permettre à ce qui est vraiment concurrentiel de se
développer, dans le cas des richesses naturelles, on va chercher
à moderniser, ce qui est à moderniser ce qui doit être
modernisé, à reboiser ce qui doit l'être, à essayer
d'utiliser notre potentiel hydroélectrique à des fins de
production d'aluminium, par exemple. Cela ne veut pas dire qu'on élimine
certains secteurs nouveaux. Il y a un accent à mettre
là-dessus.
Dans le domaine des nouvelles technologies, je pense qu'on devra
reconnaître, en toute justice - je pense qu'on doit être correct
à cet égard-là - que la création du
ministère de la Science et de la Technologie a considérablement
accéléré certaines choses. L'agence de valorisation,
ministère de la Science et de la Technologie, et le CRIQ, le Centre de
recherche industrielle du Québec, pour lequel le gouvernement actuel ne
doit pas prendre de crédit parce que cela a été fait avant
lui, certains investissements importants comme Bell Helicopter, par exemple, et
surtout cette espèce de canevas, de toile de fond, de
réorientation qui est venue du virage technologique, indiquent quand
même de quel côté on doit s'orienter. Les sommes que nous
avons investies jusqu'à maintenant indiquent quand même la ferveur
de nos intentions. C'est très "labour intensive" contrairement à
certains des investissements dont j'ai parlé jusqu'à maintenant.
Cela doit être développé. Mais il n'y a pas que ces
nouvelles technologies; il y a certains types d'industries qui ne sont pas
vraiment de nouvelles technologies, mais qui ont des possibilités
d'exportation considérables. Je pense ici, en particulier, à
l'équipement de transport.
Le président m'indique que mes dix minutes sont terminées.
J'avais encore quelques points à faire. Si le député de
Vaudreuil-Soulanges veut continuer ce dialogue, continuons-le. Je pourrai
ensuite...
Le Président (M. Lachance): Vous avez le consentement du
député; vous pouvez continuer, M. le ministre.
M. Parizeau: Dans ce domaine du transport, je ne peux pas
éviter de penser à quel point le marché de ce qu'on
appelle le métro fer sur fer est important. Les estimations varient,
mais il semble tout à fait clair à l'heure actuelle que, dans les
dix prochaines années, il y aura entre 25 000 000 000 $ et 50 000 000
000 $ en contrats dans le monde non soviétique. Dans le tiers monde
aussi bien que dans l'Amérique du Nord, il y aura entre 25 000 000 000 $
et 50 000 000 000 $ en contrats.
Je ne vous cacherai pas, M. le Président, que je trouve
désespérant, mais absolument désespérant, que,
compte tenu de l'avance prise par certaines des très grandes entreprises
engineering au Québec, de l'avance prise par Bombardier dans ce domaine,
les batailles autour du métro à Montréal ont fait en sorte
que nous ayons pris facilement deux ans de retard dans la mise sur pied de
techniques de métro fer sur fer. C'est un peu tragique que des
intérêts, dont beaucoup sont politiques à tout niveau de
gouvernement, ont fait en sorte que le gouvernement de l'Ontario, qui a
créé une très grande compagnie d'État sur le plan
de l'engineering dans ce domaine qui s'appelle
UTDC, qui a fait acheter Hawker-Siddeley par UTDC - tout le secteur est
nationalisé en Ontario dans ce domaine - a pris une avance sur nous qui
est notre responsabilité. Il y a des milliards de dollars de contrat
pour une industrie majeure au Québec que nous sommes en train de laisser
filer en disant à nos entreprises d'engineering, à nos
entreprises de construction de matériel roulant: Suivez l'Ontario parce
que là, au moins, c'est nationalisé et ils savent où ils
vont alors que nos producteurs privés, ici, sont engoncés dans
des batailles politiques qui me paraissent à certains moments
déplorables.
Pour tous ceux qui s'imaginent que le socialisme rampant au
Québec est dramatique pour les entreprises, alors que le sens de
l'entreprise privée en Ontario leur permet toute espèce de
possibilités, il y a là un sujet de réflexion qui,
à mon sens, serait utile.
D'autre part, il n'y a pas seulement les industries de pointe, la
nouvelle technologie et l'équipement de transport qui sont importants;
il y a un virage à prendre sur le plan de nos entreprises de services,
les entreprises de services qui sont vraiment tout à fait "labor
intensive". Je pense ici à ce que nous sommes en train de faire en
termes de décloisonnement pour les institutions financières - la
loi 75, dont nous aurons à parler d'ici à quelques jours,
à l'égard des assurances - mais aussi à tout le
décloisonnement que nous sommes en train de faire au niveau des
sociétés financières. Il n'y a pas de raison que le
Québec ne joue pas un rôle de leader à cet égard en
Amérique du Nord et n'attire pas beaucoup d'affaires au Québec
à cause de cela. Le seul fait qu'à Toronto on dénonce les
mesures que nous entendons prendre comme étant du chaos ou des mesures
destructrices me paraît indiquer que nous sommes dans la bonne voie.
On s'est, dans la bonne presse, dans ce qu'on appelait autrefois les
gazettes, gaussé de ce que le gouvernement faisait à
l'égard des ordinateurs dans les écoles. Maintenant, le
problème des ordinateurs est réglé et les Français
ne se sont pas révélés si mauvais, finalement. Mais il
faut bien comprendre ce que cela veut dire. Une entente entre les
Français, les Québécois et le reste du monde francophone
veut dire, sur le plan des ventes de logiciels, de didacticiels
québécois, des possibilités considérables. Donc, du
côté des services techniques, nous avons encore pas mal de choses
à faire.
D'autre part, derrière tout cela, nous essayons d'embarquer -
derrière ces orientations qui impliquent des subventions, qui impliquent
des programmes d'aide, qui impliquent des contrats dans le secteur public - un
certain nombre de dispositions fiscales qui favorisent à la fois le
financement des entreprises et l'aptitude des individus à financer les
entreprises elles-mêmes. À cet égard, par exemple, les
dispositions que nous avons prises pour faciliter fiscalement la recherche et
le développement, je pense, sont importantes. Je reconnais qu'ici le
gouvernement fédéral a eu un rôle tout à fait
important à jouer, probablement plus important que le nôtre, et il
faut de temps à autre reconnaître quand même que ce que le
gouvernement fédéral a fait dans ce domaine est correct. C'est
plus que correct, c'est même très bien.
Nous avons, d'autre part, ajouté quelque chose d'absolument
unique en Amérique du Nord, le régime d'épargne-actions,
qui amène un financement public de beaucoup d'entreprises qui,
jusqu'à maintenant, manquaient de fonds. En incitant les entreprises
à devenir publiques, en incitant les Québécois à
acheter des actions ordinaires d'une entreprise, nous facilitons le financement
d'un bon nombre d'entreprises qui, à toutes fins utiles, quand on
regarde la liste, sont tout à fait orientées en fonction des
priorités dont je parlais tout à l'heure. (20 h 45)
Je me résume, M. le Président. Les secteurs mous, il faut
en garder ce qui est concurrentiel et assurer la transition petit à
petit pour en arriver là. Les richesses naturelles représentent
quelque chose de trop important pour que nous ne pensions pas à la fois
à moderniser ce que nous avons et, d'autre part, à prendre de
l'expansion dans ce qui semble indiquer de réelles perspectives de
marché comme l'aluminium, à pousser très fort les
nouvelles technologies, à pousser très fort des technologies
peut-être existantes, mais qui changent constamment, comme les transports
dont je parlais tout à l'heure, et, d'autre part, à consolider
les entreprises québécoises dans les entreprises de services
spécialisés, financiers ou techniques et à appuyer cela
par un certain nombre de mesures fiscales importantes. Je vais finir par une
méchanceté, M. le Président. J'aime tellement mieux ce
genre de programme que d'accrocher tout le sort du Québec à une
augmentation de capacité d'électricité avant de l'avoir
vendue, ce qui me paraît tellement, encore une fois, une opération
qui consiste à vendre la peau de l'ours avant même de savoir s'il
y a un ours dans le secteur. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le
député de Roberval.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, vous
m'enlevez mes deux minutes.
Le Président (M. Lachance): Ah! Si vous voulez utiliser
vos deux minutes, M. le député de Vaudreuil-Soulanges...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Malgré l'existence de
deux minutes, en principe.
Le Président (M. Lachance): Allez-y, M. le
député de Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Effectivement, le ministre a
répondu à ma question précise qui était: Comment
justifiez-vous l'investissement de consolidation dans certains secteurs, alors
qu'il y a des choses plus importantes? Le ministre a souligné que
l'effort du gouvernement ne porte pas uniquement sur la consolidation des
secteurs traditionnels. Il a même appelé à l'appui de son
argument que les secteurs traditionnels sont, eux aussi, à certains
égards, en mutation, qu'on peut leur donner les caractéristiques
additionnelles qui les rendent plus concurrentielles, mais encore là -
et je suis heureux de voir cela - le ministre n'a pas prétendu que c'est
cela, la seule voie. Il n'en reste pas moins, quand on regarde l'effort
consenti par le gouvernement dans un plan de relance, dans les investissements
depuis plusieurs années, que c'est vers ces secteurs primordialement que
cela a porté, par exemple, avec les appuis de nature fiscale aux
secteurs mous.
Je vais prendre un autre exemple, l'abolition de la taxe de vente sur
les achats de chaussures, de vêtements, etc. C'est un geste qui fait
quelque chose au gouvernement et qu'il a décidé de consentir ou
de manifester à l'endroit d'un secteur traditionnel. Les implications
financières dans le véritable virage technologique vers un
changement de la structure industrielle ne semblent pas aussi substantielles
que les grosses annonces que le ministre réserve habituellement pour les
projets comme ceux, encore une fois, qu'il vient de décrire dans les
secteurs qui sont décrits non seulement par lui, mais par ses
collègues de temps à autre. Il y a des efforts d'imagination qui
manquent encore, si on veut se positionner pour devenir concurrentiels dans les
nouveaux secteurs.
Le ministre parle de la haute technologie, des ordinateurs dans les
écoles, une preuve, dit-il, que le gouvernement se préoccupe de
cela et pour changer un peu le portrait au niveau de l'éducation et de
la formation de nos ressources humaines. Pour moderniser, il faut s'avancer,
mais, pendant ce temps, cela fait des années que les programmes
d'enseignement des sciences et des mathématiques traînent
lourdement de la patte au Québec comparativement à ce qui se fait
ailleurs. On a été abreuvé récemment de "cris
d'alarme" - entre guillemets - tant en ce qui concerne l'enseignement des
mathématiques dans les cégeps qu'aux niveaux primaire et
secondaire. C'est particulièrement inquiétant. Si on pense qu'on
va prendre le virage technologique en négligeant l'enseignement des
sciences et des mathématiques dans nos écoles, on se trompe
beaucoup. Je veux bien croire qu'il y en a finalement qui s'en rendent compte,
mais, depuis des années, on fait du surplace et, quand on fait du
surplace dans ce domaine, on recule à toute vitesse. Là aussi, il
y a une grosse affiche: "Reculez" qui vous confronte, mais, au-delà de
cet effort qu'il y a à consentir au niveau de la formation, il y a tout
ce qui concerne l'addition des volontés politiques que les intervenants
économiques, que les ministres responsables du développement
économique pourraient exprimer.
Dans les vraies directions qu'on doit emprunter si on veut faciliter le
développement des nouvelles technologies, la recherche et le
développement, l'investissement, l'encouragement à
l'investissement dans toutes sortes d'industries, je veux bien croire qu'il y a
une réorientation industrielle qui est nécessaire depuis 20 ans
et ce n'est une surprise pour personne avec les taux d'investissement qu'on
connaît ici, comme part de PIB. Il est entendu qu'on ne peut pas faire
des pas de géant quand on est en concurrence avec des gens qui
investissent de 25% à 30% de leur PIB, produit intérieur brut, et
qu'on se promène avec nos 15%, nos 18% ou nos 22%.
On ne va nulle part, encore une fois, et on est en droit de se demander
comment il se fait qu'avec un haut taux d'épargne comme celui qu'on a eu
ici, au Québec, assez traditionnellement, comment il se fait qu'on a un
taux d'investissement aussi bas, compte tenu de notre activité
économique. Comment se fait-il - c'est la conclusion à laquelle
on ne peut pas échapper - qu'on exporte notre épargne, comment se
fait-il qu'on ne la garde pas ici même avec des REA, même avec des
incitations à la recherche et au développement? Comment cela se
fait-il?
Les conditions de fond, qui amènent les gens à lier leur
avenir à celui d'une société, ne sont certainement pas
réunies au Québec depuis longtemps. À notre avis, les
obstacles à l'investissement ont été exacerbés
depuis quelques années, notamment à cause de la fiscalité,
comme je l'ai mentionné un peu plus tôt cet après-midi, et
on aura beau faire tous les tours de piste qu'on veut, avec les ordinateurs
dans les écoles, avec l'encouragement à devenir des investisseurs
qui permettent au Québec d'aller capturer une part du marché de
l'aluminium, on peut faire tous ces tours de piste, mais si, comme
gouvernement, le gouvernement du Québec ne se comporte pas comme un
gouvernement qui veut accueillir l'investisseur, qui reconnaît qui sont
les gens qui prennent des risques, qui, de façon concrète, par sa
fiscalité, reconnaît les mérites de l'entreprise,
traite
les petites et moyennes entreprises, au point de vue de la
réglementation, au point de vue de toutes sortes d'interventions du
gouvernement, comme des gens qui sont bienvenus plutôt que comme
malvenus, ce sont autant d'éléments qui font des
différences.
Le Président (M. Lachance): En concluant, M. le
député.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ce que je dirai, en conclusion,
c'est que le ministre peut bien justifier des interventions récentes, il
n'en reste pas moins que l'on continue à privilégier les gros
projets un peu spectaculaires dans les domaines traditionnels sans assez se
demander, à mon sens, comment on peut utiliser les richesses qu'on a, y
compris l'électricité, à des fins un peu plus
novatrices.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Parizeau: Nous rentrons, je pense, dans la viande du
débat. Je regrette que nous n'ayons pas ce genre de débats en
Chambre plus souvent parce qu'on est vraiment au coeur, au fond des choses.
J'aimerais dire ceci au député de Vaudreuil-Soulanges: Faisons
attention sur le plan de la qualité de l'enseignement au Québec.
C'est vrai que nous avons été probablement le seul peuple dit
civilisé qui n'ait pas maintenu comme matière obligatoire
l'enseignement de l'histoire pendant plusieurs années. Quand nous sommes
arrivés au pouvoir, nous l'avons rétabli comme matière
obligatoire.
C'est vrai que l'enseignement de la langue pose des problèmes que
nous connaissons tous; ce n'est pas vrai que la qualité de
l'enseignement dans le domaine des mathématiques et des sciences soit si
mauvais que cela au Québec, au contraire. Je pense que, s'il y a un
domaine où la qualité de l'enseignement au Québec a tenu,
c'est bien celui-là, en dépit de tous les problèmes que le
monde occidental peut avoir dans ce domaine. Cela se reflète d'ailleurs,
cela se comprend, c'est dans la mouvance des choses, à l'heure
actuelle.
La performance du Québec... La proportion des effectifs
étudiants canadiens en administration, en génie, est tout
à fait exceptionnelle et c'est la première fois que cela nous
arrive dans notre histoire. Alors, faisons attention. Ne commençons pas
à nous donner des coups de pied où vous savez simplement par
masochisme. Pour une fois qu'on peut se dire que, dans le domaine du
génie, dans le domaine des sciences et dans le domaine de
l'administration, nous sommes, par rapport à l'ensemble du Canada, dans
une situation qui, enfin, est avantageuse. Ne poussons pas le masochisme trop
loin. Ne poussons pas le masochisme.
Deuxièmement, sur le plan des orientations fondamentales, si nous
avions quelques très gros barrages en construction, en plus de tout ce
que nous faisons, on aurait probablement besoin d'investir 25% du produit
national brut, je n'en disconviens pas. Si on était en train de
suréquiper Manic 5, de faire la deuxième phase de la Baie James,
on serait probablement à 20% ou 25% - ou à 22% ou à 23% -
essentiellement, parce que ce genre d'investissement représente de
telles dépenses par emploi créé que cela va de soi que
cela va représenter une forte proportion du PIB.
Une économie mûrie qui ne dépend pas à ce
point de gros projets comme celle de l'Ontario se contente - avec le rythme de
croissance qu'on lui connaît habituellement -facilement de 15% ou de 16%,
parce que, où va-t-il, l'investissement? Il ne va pas dans des murs de
béton. Il va dans des entreprises de haute technologie, par exemple, et
qui demandent infiniment moins d'investissements par emploi créé,
infiniment moins. Donc, 15% ou 16% du PIB investi, cela peut être non
seulement tout à fait satisfaisant, mais merveilleux, selon où
cela va. Cela peut être tout à fait insuffisant si on se concentre
entièrement dans des barrages. Si l'essentiel, ce sont les barrages,
15%, c'est trop peu. Si l'essentiel des investissements, c'est la haute
technologie, 15%, c'est en masse. Bon. Vous me direz que j'exagère, que
je donne un extrême ou l'autre, c'est vrai. Mais l'important, c'est de se
faire comprendre.
Sur ce plan, c'est vrai que le Québec a toujours - la plupart du
temps - exporté du capital. C'est vrai qu'il est un peu ridicule de
penser que tant de nos entreprises financières ont placé de
l'argent à New York, argent qui était emprunté ou acquis
sous forme de capital-actions par des entreprises américaines qui
ensuite revenaient investir ici. C'est pour cela qu'on a créé le
REA. Un REA, encore une fois, qui est remarqué, admiré ou
souligné partout en Amérique du Nord; c'est unique.
S'il est exact qu'en 1983, l'ACCOVAM, l'Association des courtiers en
valeurs mobilières, qui a fait une première compilation pour
1983, nous dit qu'il y aurait eu 1 000 000 000 $ d'actions ordinaires nouvelles
émises par des entreprises québécoises en 1983; si c'est
vrai, c'est merveilleux. Cela indique que les Québécois ont enfin
décidé d'utiliser, grâce à cet avantage fiscal, leur
épargne pour développer leurs entreprises. Merveilleux!
Bravo!
Il reste maintenant à déterminer dans quel type
d'entreprises nouvelles on s'oriente et sur quoi on met l'accent. Là, je
sors évidemment des grandes masses d'épargne, ou des grandes
masses d'investissement, ou des avantages fiscaux majeurs pour entrer dans
quelque chose de plus spécifique. Je vous
dirai que ce n'est peut-être pas aussi spectaculaire qu'une
aluminerie, ce qui a été fait depuis quelque temps, mais il est
quand même important de le souligner: les centres CAO-FAO, les six
centres lancés au Québec, en termes de millions, il n'y a pas
grand chose là. Mais sur le plan du développement d'entreprises
de ce type, c'est une percée. Il n'y avait rien de ce genre avant.
Les équipes que nous organisons dans les universités, en
collaboration avec l'industrie, pour développer la recherche
orientée vers l'industrie, mais dans ce qu'on appelait autrefois les
facultés humides, ou, en tout cas, les départements techniques,
c'est la première fois qu'on fait un effort de cet ordre.
Évidemment, dans le domaine de la recherche universitaire de ce type, on
ne sait jamais jusqu'où cela va aller et ce que cela va donner, mais
c'est un risque qu'on doit prendre.
D'autre part, le député de Vaudreuil-Soulanges disait:
Vous avez mis beaucoup d'argent en enlevant les taxes sur les secteurs mous
comme le textile, le vêtement, etc. Je n'en disconviens pas. Mais
pourquoi a-t-on enlevé ces taxes? C'était d'abord et avant tout
pour enlever des taxes sur ce qu'on considérait des besoins essentiels
et qui - je n'en disconviendrai pas dans un premier temps, étaient des
secteurs très fortement concentrés au Québec. Mais nous
avons poursuivi notre logique des besoins essentiels, par exemple, en
exemptant. Quand nous avons exempté les appareils ménagers
élémentaires, ce n'était pas surtout l'industrie du
Québec qu'on aidait. La logique ici était de dire: II y a un
certain nombre de choses qui ne devraient pas être taxées. Ce sont
les besoins essentiels des gens qu'on veut détaxer. (21 heures)
Cela a représenté beaucoup d'argent, mais dire que tout
notre argent a été là plutôt que dans de nouvelles
technologies ou de nouvelles entreprises, je pense que ce n'est pas correct.
Écoutez! Dans Bell Helicopter seulement, on met 120 000 000 $. Ce n'est
quand même pas de la tarte. C'est beaucoup d'argent. L'AQVIR va
commencer, dès sa première année d'opération, avec
10 000 000 $. Le ministère de la Science et de la Technologie a
commencé avec 15 000 000 $ l'an dernier. Cela prend un certain temps
à se dérouler. À l'heure actuelle, ce qui me
préoccupe, ce n'est pas tellement qu'il n'y ait pas assez d'argent dans
les secteurs comme ceux-là. C'est qu'on ait les crédits
périmés. Je sais bien que, la deuxième ou la
troisième année, il n'y aura pas de crédits
périmés, mais, au départ, le danger, c'est qu'il y ait des
crédits périmés. La construction du nouveau centre du
CRIQ, à Montréal, 21 000 000 $, ce n'est pas encore un
investissement spectaculaire. Ce n'est pas grand-chose à
côté du Musée de la science et de la technologie, mais cela
correspond à un besoin réel.
Quand, dans le domaine de ces hautes technologies, vous prenez un
virage, vous ne commencez pas à mettre 500 000 000 $ la première
année là-dedans. L'important, c'est d'en mettre assez pour que
rien d'important ne soit arrêté et pas trop de façon
à ce que la moitié n'aille pas en crédits
périmés. Je pense que c'est cela que nous avons cherché
à faire. Jusqu'à maintenant, j'ai eu des crédits
périmés dans certains cas; dans d'autres cas, j'avais un peu de
manque d'argent. On a utilisé le fonds de suppléance pour en
ajouter. L'important, c'est qu'en ce virage des nouvelles technologies rien
d'important ne soit arrêté, restreint ou empêché. Je
pense qu'on nous donnera cela que, depuis deux ans, on a pu satisfaire cette
condition fondamentale.
Je résume, M. le Président. Sur le plan de l'enseignement,
je pense qu'on ne doit pas pousser le masochisme trop loin. Sur le plan des
grandes masses d'argent, je pense que l'affectation des masses correspond
à peu près aux priorités que j'expliquais tout à
l'heure. Sur le plan des décisions très précises,
entreprise par entreprise, centre de recherche par centre de recherche, nous
cherchons, d'une part, à ne rien empêcher d'essentiel, mais,
d'autre part, à ne pas jeter de la poudre aux yeux, à mettre des
montants dans les crédits qui seraient tels que, de toute façon,
ils ne seraient pas dépensés et qu'on aurait simplement fait du
bavardage autour et alentour de chiffres qui n'étaient pas
réalistes.
Dans ce sens, je crois que les changements qui se prennent à
l'heure actuelle au Québec ne sont pas
déséquilibrés, correspondent aux besoins réels des
choses et, troisièmement, sont en train de préparer un virage
important dans l'évolution de la structure économique et
industrielle du Québec.
Le Président (M. Lachance): C'est maintenant votre tour,
M. le député de Roberval.
Dépenses du Québec par rapport
à son produit intérieur brut et
programmes d'aide aux jeunes
M. Gauthier: Merci, M. le Président. N'ayant pas
l'avantage d'avoir une formation d'économiste, je me dois de toujours
essayer, en comprenant les phénomènes, de simplifier afin que,
d'abord, ce soit accessible, ce soit clairement compréhensible, et de
pouvoir l'expliquer aussi à mes commettants que j'essaie de
représenter le mieux possible.
Or, il y a un langage, puisqu'on parle de la politique budgétaire
du gouvernement, que les spécialistes utilisent assez
fréquemment et qui mérite, à mon point de vue,
d'être vulgarisé. C'est celui de l'expression "déficit
conjoncturel et déficit structurel". Pour bien se comprendre, j'illustre
cela par une image. Si j'ai bien compris la façon dont cela fonctionne,
quand on dit d'un État ou de quelqu'un - si on pouvait utiliser
l'expression dans le cas d'un particulier - qu'il a un déficit
conjoncturel, ce serait à peu près comme le type qui gagne 30 000
$ par année, qui, temporairement, pour trois mois, perd son travail et
qui doit, à cause de ses obligations, contracter un emprunt de 3000 $,
par exemple, dans une caisse populaire, emprunt que, bien légitimement,
il pourra rembourser une fois son emploi recouvré et ses revenus
rétablis. Évidemment, ce n'est pas une situation qui est
souhaitable, mais c'est une situation qui est inévitable dans certains
cas et qui, sans être trop alarmante, exige des mesures de restrictions,
mais elle est surmontable en soi.
Par contre, si on disait de quelqu'un, de son budget familial à
tout le moins, qu'il a un problème de structure, ce serait plutôt
le même bonhomme qui, gagnant 30 000 $ par année, se paierait un
logement trop cher, une voiture dont les mensualités sont trop
élevées et probablement des primes d'assurances trop
élevées, de telle sorte qu'au cumul des années son
déficit, son manque à gagner deviendrait extrêmement
important. Alors là, il faudrait que cette personne, pour corriger sa
situation, apporte des mesures doublement sévères pour
rétablir, dans le fond, l'ensemble de son budget familial et, d'autre
part, pour rembourser ce qui est accumulé comme dette.
M. le Président, j'aimerais revenir un peu, mettre en
parallèle à tout le moins la période soi-disant
dorée des années 1973-1976 avec celle qu'on vit
présentement, dans laquelle le ministre des Finances évolue
depuis 1976.
Le gouvernement qui nous a précédés avait, du
côté du déficit, ouvert des portes fort dangereuses;
d'abord, au niveau de l'accroissement de la fonction publique. On se souviendra
que, dans les années 1973 à 1976, probablement pour remplir une
promesse de 100 000 emplois, le gouvernement qui nous avait
précédés avait accru le nombre de fonctionnaires - en tout
cas, selon les chiffres que j'ai pu consulter - à une très petite
marge d'erreur près, de 83 000 fonctionnaires.
Une action comme celle-là est une porte ouverte sur un
accroissement de déficit, mais d'ordre structurel. C'est
extrêmement dangereux. Cela veut dire que, si un gouvernement laissait
aller une chose comme celle-là, on arriverait vite à une
situation où les coûts de fonctionnement de l'appareil seraient
beaucoup trop élevés. Le ministre des Finances et le gouvernement
du Québec, depuis 1976, mais particulièrement depuis les
années quatre-vingt, ont limité rigoureusement l'accroissement du
nombre de fonctionnaires, tellement qu'on en est maintenant à un solde
négatif à la fin des années, puisque le Conseil du
trésor surveille avec beaucoup d'à-propos, je crois, cet
accroissement du nombre des fonctionnaires.
Également, on en a parlé beaucoup, mais peut-être
pas assez pour vider la question, c'est le fameux trou de 500 000 000 $ des
commissions scolaires à l'époque où le système qui
était en place dans les années 1973 à 1976 permettait aux
commissions scolaires en quelque sorte un bar ouvert dans l'ensemble de leur
champ d'activité. Le système était tellement bien
conçu par nos prédécesseurs qu'année après
année il était extrêmement difficile, voire impossible pour
le gouvernement, de savoir ce qu'il en coûtait pour l'administration des
commissions scolaires dans tout le Québec. C'est-à-dire qu'on
savait deux ans après ou à peu près un an et demi
après ce qu'il en avait coûté dans l'année qui avait
précédé pour faire fonctionner les commissions scolaires.
Voilà l'héritage qu'on nous avait laissé dans les
années 1973-1976.
La même chose dans les hôpitaux, M. le Président,
où l'accumulation des déficits plus ou moins identifiés
par le ministre des Finances de l'époque fait en sorte qu'à un
moment donné c'est près de 500 000 000 $ qui étaient
accumulés dans les institutions bancaires. Ce gouvernement, depuis 1976,
a dû apporter des modifications très substantielles dans le mode
de financement des commissions scolaires, réforme qui avait d'ailleurs
soulevé à l'époque à l'Assemblée nationale
énormément d'opposition de la part des gens du Parti
libéral. Non contents d'avoir accumulé à travers les
années, dans les deux cas, commissions scolaires et hôpitaux, et
cela continuait avec une progression géométrique, près de
1 000 000 000 $ de déficits non identifiés, ces gens se
refusaient à apporter les correctifs nécessaires dans le
système pour éviter que la situation ne se produise dans les
années à venir.
On m'indique que mon temps achève. Je pourrais parler
également de l'accroissement des dépenses publiques qui
étaient en moyenne de 22% dans les années d'or de 1973 à
1976 et que ce gouvernement a réussi à limiter pour la
première fois en deçà de l'accroissement de la richesse
collective et de l'accroissement du coût de la vie.
M. le Président, c'est un ensemble de choses qui font en sorte
que ce gouvernement, qui exerce actuellement l'administration de l'État,
a dû se ramasser avec un déficit pas très bien
identifié, d'ailleurs, pas très clairement identifié, qui
présentait sur le plan de sa structure des
symptômes fort inquiétants. Le gouvernement en place a pu,
que ce soit dans la limitation du nombre de fonctionnaires, que ce soit en
réformant le système de financement des commissions scolaires, en
limitant les emprunts des hôpitaux, en limitant la croissance des
dépenses publiques, corriger ces problèmes de structure. De telle
sorte qu'aujourd'hui, dans une conjoncture difficile, dans une conjoncture
pénible qui l'a été pour tous les gouvernements, nous
avons réussi à limiter - nous sommes d'ailleurs le seul
gouvernement qui a aussi bien réussi - à maintenir notre
déficit au même niveau pendant cinq années
consécutives. Je pense que ça méritait d'être
expliqué et d'être précisé, M. le
Président.
Quand on voit l'Opposition essayer de nous servir des leçons de
morale sur le déficit ou sur les investissements, il ne faudrait pas
oublier que cette période qu'on veut présenter aux citoyens du
Québec comme étant la période de réussite, au
contraire, nous a légué un héritage, sur le plan de
l'administration des finances publiques, qui laissait fort à
désirer et que ce gouvernement a dû corriger au prix de maints
sacrifices et à travers une crise économique qui n'a
été facile pour personne. Merci.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre, est-ce que
vous avez des commentaires à la suite de ces propos?
M. Parizeau: Je suis à ce point d'accord avec le
député de Roberval que j'hésite à ajouter quelques
commentaires, mais selon ceux qui seront présentés par la suite,
j'interviendrai.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Verdun.
M. Caron: M. le Président, c'est tout à fait normal
que le député de Roberval... Je voudrais essayer, dans mes
paroles, moi aussi... Je ne suis pas un économiste, mais un simple
citoyen, un type qui essaie d'administrer sa ville, comme je vous l'ai dit, le
mieux possible, avec un surplus, et vous n'êtes pas capable d'en faire
autant. Je suis peut-être le seul, à cette table, qui a entendu
quelques-uns de vos collègues blâmer des choses qui ont
été réalisées entre 1970 et 1976 par le ministre
des Finances de l'époque. Soit qu'ils sont partis ou qu'ils ne se
présentent pas en Chambre.
Ceci dit, je ne voudrais pas faire de politique-Une voix: On n'en
attendait pas moins.
M. Caron: ... mais je dois le dire parce que vous avez
augmenté les pouvoirs des régies, des sociétés
d'État. Il y a même un projet de loi qui a été
présenté pour augmenter le montant additionnel et, sans aller
trop loin, je dois le dire: C'est toujours facile de dépenser l'argent
des autres.
Je sais que vous avez connu des années difficiles. Je sais, comme
mon collègue de Bourassa le disait, que le gouvernement a fait de bonnes
choses, et je le dis quand il fait de bonnes choses. J'ai assez de courage pour
vous le dire. Je sais que ce n'est pas facile pour le ministre des Finances non
plus, car on est dans un contexte très difficile. Je sais bien que les
gens entre 18 et 30 ans, comme vous en avez et comme j'en ai dans mon
comté, avec 152 $, ne peuvent pas vivre. Vous êtes d'accord
là-dessus, comme on est d'accord. Il faut faire quelque chose pour
essayer de leur trouver du travail en permanence et il faut essayer de faire
passer le joint que j'ai donné cet après-midi au ministre des
Finances.
Vous riez; riez, ça ne me fait rien! Les gens du comté de
Verdun savent qu'on peut les faire travailler, et il faut le leur faire gagner.
À moins que vous ne fassiez pas de bureau. Peut-être que le
ministre des Finances, à cause de sa fonction de ministre, ne peut pas
faire du bureau comme vous et moi pouvons le faire. Je suis le seul qui fais du
bureau sept jours par semaine - vous le savez, je l'ai déjà dit -
et qui réponds au téléphone sept jours par semaine, 24
heures par jour. Il n'y en a pas un de vous qui fait cela ici. Je le dis. (21 h
15)
Cela dit, il faut trouver un joint pour essayer d'aider nos jeunes et de
couper les dépenses. J'essaie de parler avec la loi du gros bon sens. Si
j'étais un économiste, je m'assoirais à côté
du ministre et je discuterais. Je ne suis pas un économiste, mais
j'essaie de parler avec le gros bon sens et de ce que la population du
Québec veut.
Écoutez, on est rendu que partout où l'on va au
Québec, on entend dire: Quand va-t-on changer de gouvernement? On vous
donne souvent des "hints", les gars, quand on vous parle du "poolroom". Quand
je vous parle du "poolroom", c'est que vous ne parlez pas assez souvent
à vos ministres. Ils ont oublié que, lorsqu'ils ont
été élus, ces gens-là, c'est parce qu'ils
étaient près du peuple; aujourd'hui, ils l'ont oublié.
C'est pour cela qu'il vous faut, dans l'année qui s'en vient, si
vous voulez être réélus, vous rapprocher du monde, cela
presse, et couper les dépenses. Mon collègue de
Vaudreuil-Soulanges n'a peut-être pas la parole du ministre des Finances
parce qu'il n'a pas son expérience. Mais quand il aura
l'expérience du ministre des Finances, ne vous inquiétez pas, il
va être capable de parler le même langage. Cela fait je ne sais pas
combien d'années, il a passé à l'Union Nationale, il a
fait des erreurs; il a passé avec nous autres et nous en avons fait
aussi.
Vous en faites aussi, des erreurs. Dieu sait combien vous en faites,
actuellement; vous le savez à part cela. On prend un taxi, le
métro, l'autobus et on se le fait dire tous les jours. On vous passe le
message aujourd'hui. On est à une année des élections. Il
est encore temps d'essayer de trouver des moyens, sans couper où ce
n'est pas nécessaire, de couper la publicité, les amis du
régime et tout cela... Vous savez que les amis du régime, cela
fait mal. On a vécu cela également. Je vous l'ai dit en Chambre,
je ne m'en cache pas. Je le redis encore ce soir. Mais vous continuez de le
faire. Arrêtez de le faire et parlez-en à vos ministres. C'est un
tuyau que je vous donne, ce soir. Cela fait bien des fois que je le dis et je
le redis. Sans cela, vous ne serez pas là, la prochaine fois.
Une voix: Très bien.
M. Caron: On va partout. Encore ce soir, j'étais dans le
Québec avant d'arriver ici. C'est pour cela que je dis au ministre des
Finances qu'il est temps de trouver une possibilité pour essayer de
couper les dépenses qui sont exagérées. On sait qu'un
gouvernement ne fonctionne pas avec rien; pour une ville, cela prend de
l'argent; une commission scolaire, cela prend de l'argent pour l'administrer;
c'est la même chose pour les hôpitaux. Mais il y a une façon
de le dépenser.
Vous avez perdu la norme, la valeur de l'argent. M. le ministre, si vous
ne le dites pas à vos amis et au premier ministre, lequel avec toute sa
fatigue, tous ses problèmes, qui ne sont pas faciles à
résoudre, on est conscient de cela... Dites-lui donc qu'il est temps,
s'il veut être réélu, cela presse car, sans cela, à
la prochaine élection... Je vous dis cela en tant qu'ami. Je serai
là encore la prochaine fois. Je suis bien à l'aise pour vous le
dire. Mais si vous voulez être là, c'est à vous de parler
à vos collègues. C'est l'erreur qu'on a faite entre 1973 et 1976.
Nous avons eu des ministres qui n'étaient pas à l'écoute
de la population. Ils ont oublié qu'ils étaient élus. On
est juste de passage en politique. Les gens sont tannés, surtout les
jeunes.
Qu'est-ce qu'on entend dire de la part des jeunes? Ils nous disent que,
s'ils ne gagnent pas, ils vont voler. Imaginez-vous que cela fait plaisir
d'entendre cela. S'ils me le disent, ils vous le disent également. Des
jeunes filles qui viennent nous voir pour avoir du travail, elles disent autre
chose, que je ne dirai pas ici.
Il est temps plus que jamais que le ministre des Finances parle au
Conseil des ministres et qu'il essaie de revenir les deux pieds sur la terre.
C'est bien beau quand on parle de la relance. On parle de relance depuis le
mois d'octobre. On parle des centres-villes. L'asphalte et le ciment, c'est
à ce temps-ci de l'année qu'on fait cela. On vient juste d'avoir
les formules des municipalités. On n'est pas accepté, on vient
juste d'avoir les formules. Imaginez-vous, on est au mois de juin. Quand on va
être accepté et quand les travaux... Il faut engager des
professionnels pour cela. Quand va-t-on pouvoir commencer? Si réellement
on veut mettre le projet... Cela veut dire qu'il n'y aura rien, M. le
Président, qui sera en marche avant l'année 1985.
M. le ministre, c'est important de donner l'heure juste à la
population. Elle veut l'heure juste et j'espère que vous allez la lui
donner. J'aurais aimé que d'autres de mes collègues, ici ou
ailleurs, dans d'autres commissions, également peut-être dans des
élections partielles - il n'y a pas de cachette à faire; on doit
les gagner, c'est tout à fait normal - vous disent ce qu'ils pensent et
ce que je pense moi aussi.
Vous avez accompli de bonnes choses, mais vous avez oublié la
population du Québec, les jeunes. Je me rappelle des six qui
étaient ici entre 1970 et 1976, qui pensaient aux assistés
sociaux et aux jeunes, à faire travailler les jeunes, la relève
de demain. La relève de demain, vous l'avez entre les mains et il ne
vous reste pas beaucoup de temps pour faire quelque chose. Ce n'est pas avec
152 $ par mois que ces jeunes seront capables de faire quelque chose.
Le ministre des Finances a des responsabilités. Je sais qu'il ne
peut pas tout faire tout seul. Je pense qu'on est personnellement assez amis
tous les deux, lorsqu'on se rencontre hors de la Chambre, pour se parler et se
comprendre, et c'est tout à fait normal. Mais il est temps que le
Conseil des ministres se réveille. Il est endormi, qu'il se
réveille et qu'il soit prêt. Ils sont peut-être tous malades
et j'espère qu'ils le sont réellement. Parfois, on trouve des
maladies pour ne pas être présents en Chambre.
M. le ministre, essayez, et cela presse. Parlez de... Je vous cite comme
exemple le comté de Verdun, la ville de Verdun...
Le Président (M. Lachance): M. le
député.
M. Tremblay: ...consentement...
M. Caron: ...on veut refaire notre centre...
M. Tremblay: ...consentement...
M. Caron: Attendez. Je vous ai laissé parler. Vous
parlerez tout à l'heure, M. le député de Chambly.
M. Tremblay: ...consentement, M. le
député.
M. Caron: Parfait.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Verdun, votre temps est...
M. Caron: Vous parlez des centres-villes. C'est important, les
centres-villes. Vous en avez parlé. C'était l'une des grandes
lignes du premier ministre au moment où je ne sais pas combien ont
coûté les dépenses de publicité; c'était un
dimanche soir au salon rouge. On vient juste de recevoir les formules,
imaginez-vous. L'asphalte et le ciment, est-ce qu'on fait cela l'hiver ou
l'été? Je ne suis pas ingénieur, mais c'est durant
l'été qu'on doit faire cela.
Alors, vous êtes en retard. Pourquoi ne poussez-vous pas sur vos
collègues du Conseil des ministres pour qu'on puisse le faire le plus
vite possible, les municipalités du Québec qui veulent être
prêtes? Des municipalités ont déjà eu des petites
faveurs. Je ne mentionnerai pas ce soir les...
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Verdun...
M. Caron: ...comtés qui ont déjà eu des
permissions...
Le Président (M. Lachance): M. le député, je
regrette, mais vous avez dépassé votre temps. Je vous ai averti.
Je suis, je pense, assez souple et pas trop à cheval sur le
règlement, mais...
Une voix: M. le Président...
Le Président (M. Lachance): ...à moins d'un
consentement unanime...
M. Tremblay: Je donnerais mon consentement pour qu'il puisse
poursuivre.
M. Caron: Je pense que c'est pour rendre service à mes
collègues d'en face...
Le Président (M. Lachance): Vous reviendrez
peut-être plus tard durant la soirée, M. le
député.
M. Caron: Est-ce que le ministre...
Le Président (M. Lachance): Vous aurez l'occasion de faire
d'autres interventions.
M. Caron: Demain, il y a un Conseil des ministres. Il a la plus
belle occasion au monde de dire qu'on n'est pas satisfait de notre
côté.
Le Président (M. Lachance): Le message est passé,
M. le député.
M. Caron: Je pense que mon collègue, le
vice-président de cette commission, fait un excellent travail. Il sera
probablement le futur ministre des Finances, je l'espère, dans un avenir
très rapproché, si vous ne vous réveillez pas. M. le
ministre, pourquoi avons-nous attendu si longtemps? On parle de relance. Avec
toute votre papeterie et toutes les "chialeries" qu'il faut faire pour venir
à bout d'obtenir des subventions, pourquoi attendre si longtemps quand
on sait que les jeunes...
La ministre nous disait qu'il y en a 80 000. Nous, on pense qu'il y en a
plus que cela. On espère qu'il y en a seulement 80 000. Mais, même
à cela, 80 000 jeunes garçons et filles au Québec, je
pense que c'est trop, parce que c'est la relève. Ce sont eux qui nous
remplaceront. Quand on fait du porte-à-porte et qu'on voit des
diplômés bénéficiaires de l'aide sociale, M. le
ministre, cela fait mal de dire qu'on est Québécois.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, d'abord, je voudrais
remercier le député de Verdun de la sollicitude qu'il a à
notre égard de nous offrir des conseils pour que nous soyons
réélus. Certains de ses conseils, d'ailleurs, je ne les
écarte pas du revers de la main. J'y reviendrai tout à l'heure.
Il y a, chez le député de Verdun, des traits de sagesse, de temps
à autre, qu'il ne faut pas négliger, s'il me permet de lui dire
cela.
Je vais situer mon intervention sur deux plans complètement
distincts qui rejoindront, d'une part, le député de Roberval et
son intervention de tout à l'heure et, d'autre part, l'intervention du
député de Verdun. Il ne faudrait pas un instant - je vais me
situer à un niveau qui va peut-être sembler outrageusement
technocratique, mais qui est important sur le fond - s'imaginer que, dans tout
le Canada, il y a une sorte de prudence à l'égard des
dépenses et qu'au Québec cela "effervesce" et qu'on augmente les
dépenses sans aucune espèce de limite.
Je vais vous donner un exemple à cet égard. Nous
dépensons à l'heure actuelle, les dépenses
budgétaires du Québec par rapport au produit intérieur
brut sont à l'heure actuelle de l'ordre de 26%. Lorsque nous avons pris
le pouvoir en 1976, elles étaient de l'ordre de 23% et, dans
l'intervalle, nous avons absorbé à peu près 2 000 000 000
$ de taxes foncières scolaires qui, maintenant, appartiennent aux
dépenses du gouvernement du Québec et cet espace fiscal a
été envoyé aux municipalités. Donc, ne nous faisons
pas d'illusions. Si on tient compte de l'ajustement que je viens d'indiquer,
les dépenses du gouvernement du Québec par
rapport à son produit intérieur brut - les dépenses
gouvernementales - sont probablement inférieures à ce qu'elles
étaient quand nous avons pris le pouvoir, compte tenu de l'ajustement
scolaire dont je viens de parler; en tout cas, pas supérieures.
Le Québec est-il, à cet égard, dans une situation
exceptionnelle? Oui, par rapport à d'autres provinces. Indiscutablement.
Les provinces dites riches, l'Ontario et l'Ouest, sont habituellement autour de
16% à 18%. Leurs dépenses publiques représentent 16%
à 18% de leur produit intérieur brut, sauf le Manitoba qui est un
peu dans la même catégorie que le Québec à 21%.
Toutes les provinces maritimes sont plus pauvres que nous. Le Nouveau-Brunswick
n'est pas à 26%, mais à 35%; la Nouvelle-Écosse, 31%;
l'Île-du-Prince-Édouard, 40%, je pense; Terre-Neuve, 41%. La part
des dépenses publiques au Québec par rapport à notre
degré de richesse, si on se situe par rapport aux provinces les plus
riches et aux provinces les plus pauvres, se trouve à peu près au
milieu, comme la vertu. Et l'augmentation n'a pas été
extraordinaire depuis que nous avons pris le pouvoir. Encore une fois, elle
s'explique par un geste, essentiellement. L'Ontario a un peu augmenté,
de 15% à 16%. Le Manitoba a beaucoup augmenté, de 15% à
21% dans le même intervalle de temps, de 1976 à 1984. Le
Nouveau-Brunswick est passé de 31% à 35%.
À tous égards, notre situation est compréhensible
et n'implique aucune espèce d'effervescence, contrairement à la
situation qui se produisait avant 1976, comme le disait le député
de Roberval, où là, notre PIB augmentait d'à peine la
moitié de l'augmentation des dépenses budgétaires du
gouvernement. On a vu les dépenses budgétaires, pendant les
dernières années du régime Bourassa, augmenter de plus de
20% par an. À cet égard, ne nous faisons pas d'illusions. Le
gouvernement du Québec a été prudent, remarquablement
prudent depuis qu'il a pris le pouvoir. Dans ce sens, la situation se comprend
parfaitement bien par rapport à tout ce qui se passe ailleurs au Canada.
Nous n'avons pas, en somme, à considérer que nous avons
pratiqué l'effervescence que parfois on soutient que nous avons
maintenue. C'est sur le plan général. Dans ce sens, je ne peux
pas faire autrement que de souscrire à ce que disait le
député de Roberval. À mon sens, il a parfaitement raison,
mais là, j'en arrive plus spécifiquement à ces questions
peut-être un peu terre à terre, mais néanmoins fort
importantes, soulevées par le député de Verdun.
Le député de Verdun, je pense, a parfaitement raison quand
il dit que nous avons certaines difficultés à sortir aussi
rapidement qu'il le faudrait des programmes d'autre part fort
intéressants. Il mentionnait, par exemple, les travaux de voirie
municipale. C'est vrai que la décision a été prise un peu
tard d'augmenter les enveloppes cette année. Je rappellerai, cependant,
au député de Verdun que, l'année dernière, à
peu près à la même date, on avait décidé
d'augmenter les enveloppes de voirie municipale et, d'autre part, de petite
voirie rurale, de 50 000 000 $ à peu près à la même
époque de l'année et que tout a été
dépensé avec un succès énorme. Si le
député de Verdun me dit: On aurait dû sortir cela
plutôt en avril, je serais d'accord avec lui. Je pense que je serais
d'accord avec lui. Cela nous indique les voies de l'amélioration que
l'on pourrait suivre, mais il ne faut pas non plus, je pense, dramatiser les
impacts. L'année dernière, 50 000 000 $, annoncés au mois
de mai en voirie municipale et en petite voirie rurale, ont été
dépensés comme cela avant le mois d'octobre, avant la fin des
travaux sans aucune espèce de difficulté. Je pense qu'il a
raison. On devrait sortir ces choses plus tôt. C'est vrai que, dans le
réaménagement des centres-villes, dans ces 50 programmes
annoncés dans le programme de relance en novembre, cela a
été un des derniers à sortir. Il y en a d'autres qui sont
sortis beaucoup plus tôt. (21 h 30)
Là encore, on souhaiterait, on voudrait pouvoir sortir ces choses
plus rapidement. L'inconvénient des très grosses machines. Vous
savez, un premier ministre du Québec disait, dans les années
soixante: "Le très grand problème de notre époque, c'est
comment administrer 100 000 hommes." Il avait parfaitement raison. C'est vrai
dans le secteur privé comme c'est vrai dans le secteur public. Le
problème majeur de notre époque, c'est comment administrer 100
000 hommes. Dans ce sens, oui, on devrait pouvoir accélérer les
choses, sortir cela plus vite. Je n'en disconviens pas.
J'aurais, cependant, davantage de réserves quant à ce que
le député de Verdun indiquait à l'égard des jeunes,
du chômage des jeunes et de l'aide sociale pour les jeunes. Je sais
qu'à l'heure actuelle le thème donne lieu à beaucoup
d'effervescence. 152 $, on se dit: Ce n'est pas possible. C'est beaucoup trop
peu. Je voudrais vous signaler que là il ne faudrait pas non plus perdre
la mémoire. Cela fait très longtemps que cette distinction en
fonction de l'âge existe, bien avant que nous prenions le pouvoir.
D'autre part, ce que nous faisons comme pari, et j'admets que c'est un pari,
mais c'est un pari qui me semble important, c'est de se dire: Sur ces 80 000
jeunes qui vivent de l'aide sociale - ils reçoivent 152 $, c'est vrai -
la moitié d'entre eux n'ont jamais fini leur secondaire V. Un
très grand nombre d'entre eux n'ont pas la capacité technique
d'être facilement employables. Donc, ce que nous allons faire,
plutôt que de monter de
152 $ à 400 $ et de continuer simplement à distribuer des
chèques, c'est de leur dire: Écoutez, à votre âge,
nous allons faire en sorte que ceux qui veulent retourner finir leur secondaire
recevront de l'argent en plus des 152 $ à cette fin.
Nous voulons monter au moins 30 000 postes d'apprentissage dans les
entreprises. Pas seulement dans l'entreprise manufacturière. Cela se
fait tout autant dans des bureaux. Un apprentissage, que ce soit sur des
ordinateurs, en machines de traitement de texte, en travail de
secrétariat, nous allons essayer de monter 30 000 postes d'apprentissage
en entreprise. Là vous recevrez non seulement vos 152 $, mais davantage
encore d'argent du gouvernement et 100 $ par mois des entreprises, de
façon que vous ayez l'argent qui paraît juste à obtenir,
mais contre une prestation que vous vous rendrez à vous-mêmes. En
plus, on ajoutera quelques milliers de postes d'emplois communautaires.
Là, à ce moment, ils recevront davantage d'argent, mais pour une
prestation qu'ils font à la société. M. le
Président, c'est la première fois que nous abordons cela, mais on
en discute beaucoup dans le public à l'heure actuelle. C'est la
première fois qu'on aborde cela aujourd'hui. Cela me paraît
absolument fondamental.
Est-ce que nous allons distribuer davantage d'argent à l'aide
sociale sans condition ou bien si nous allons distribuer davantage d'aide
sociale à ces jeunes pour qu'ils deviennent mieux employables, plus
employables, qu'ils obtiennent le genre de scolarité et le genre
d'entraînement technique ou professionnel dont ils ont besoin?
Comprenons-nous bien. Si on passe de 150 $, mettons, à 400 $ sans
condition aucune, le jeune qui reçoit 400 $ n'est pas plus employable
demain matin qu'il ne l'était quand il recevait 152 $. S'il n'a pas fini
son secondaire V, son secondaire V ne sera toujours pas fini. S'il n'a pas eu
de stage en entreprise, ce n'est pas parce qu'il reçoit 400 $
plutôt que 152 $ sans condition qu'il va aller faire un stage en
entreprise. Nous faisons, à l'heure actuelle, le pari à la fois
d'augmenter les prestations et d'augmenter le degré
d'employabilité de ces jeunes. Cela me paraît absolument
fondamental. J'allais dire que c'est une sorte de choix de
société. Est-ce qu'on veut simplement distribuer des
chèques sans condition aucune ou bien faire en sorte que ces jeunes
puissent, dans un an d'ici, être mieux employables qu'ils le sont
à l'heure actuelle?
J'ai eu l'occasion de soutenir, dans le discours sur le budget - et j'y
crois profondément - que le plein emploi au Québec, à
l'heure actuelle, c'est au moins 7% de chômeurs. Si jamais le taux de
chômage, au Québec, descend à 8% ou à 7%, nous
commencerons à importer de la main- d'oeuvre sur une très grande
échelle. Nous avons une partie de notre population, et
singulièrement chez les jeunes, qui est en chômage à
l'heure actuelle, qui n'a pas de travail et qui n'a simplement pas les
qualifications nécessaires pour être employable. Tout l'argent
dont nous pouvons disposer doit s'appliquer à accroître le
degré, la capacité de ces gens-là à être
employés.
Je pense, à cet égard, M. le Président - j'ai eu
l'occasion de le dire sur bien d'autres aspects du discours sur le budget -que
nous sommes dans la bonne voie. Augmenter l'argent, oui, bien sûr, mais
à la condition que ces jeunes, d'abord, se rendent service à
eux-mêmes et, d'autre part, rendent service à la
société.
M. Caron: M. le ministre, je suis de votre avis. Il ne faut pas
que le gouvernement ou les gouvernements soient des distributeurs de
chèques. Je suis du même avis que vous et je pense que mes
collègues pensent la même chose. On est bien prêt à
les aider, mais il faut qu'eux aussi fassent leur part. Là-dessus, je
suis de votre avis. Je veux qu'on leur aide, mais je veux aussi qu'ils fassent
leur part, quelle que soit la part qui doit être faite, quels que soient
les programmes.
Je pense qu'on manque d'explications; il faudrait que des fonctionnaires
et non pas des politiciens expliquent ces programmes parce que, actuellement,
si on envoie des politiciens, cela devient dangereux; cela devient des nids
à propagande. Je pense que ce n'est pas aux politiciens à aller
expliquer les programmes. J'ai déjà appelé au
ministère pour qu'on vienne à Verdun les expliquer aux jeunes
sans que ce soient des politiciens qui les expliquent afin qu'on ait des
réunions qui se fassent dans le calme pour aider ces jeunes.
Là-dessus, je suis bien d'accord avec vous. Je pense que je peux parler
au nom de mes collègues. On ne veut pas que le gouvernement ou les
gouvernements soient seulement des distributeurs de chèques et que, dans
six mois ou dans un an, ils ne soient pas plus avancés qu'aujourd'hui.
Qu'ils retournent aux études ou qu'ils rendent service, soit aux
municipalités... Il y a de nombreuses façons. Nous sommes
d'accord sur la différence entre l'aide sociale et le montant que vous
donnerez, mais en retour qu'on nous donne quelque chose, à moins que la
personne ne soit malade ou incapable de le faire. Si la personne est malade, je
pense qu'on est tous d'accord; on ne donnera jamais trop aux gens qui sont dans
les hôpitaux et qui sont malades ou aux gens âgés. Que nos
jeunes de 18 à 30 ans, en retour des 152 $, nous donnent les
services.
Là-dessus, je suis du même avis que vous. On est dans la
même voie.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: M. le Président, je trouve très
intéressante l'expérience de ce genre de commission où il
y a moins de politique. Je pense qu'on est en train d'en faire la preuve.
J'écoutais le député de Verdun avoir un dialogue avec M.
le ministre et j'ai senti que le député de Verdun avait compris
et accepté les politiques du ministre. À un certain moment, j'ai
même cru qu'il allait changer de côté de table. On l'aurait
accueilli avec plaisir. C'est un député qui ne fait pas de
politique, surtout pas ici; ce n'est pas la place.
Le Président (M. Lachance): C'est permis dans nos
règles de procédure de faire de la politique en commission
parlementaire.
M. Caron: C'est drôle, tout le monde veut m'avoir!
M. Tremblay: C'est mon intention, M. le Président, de
tenter de ne pas en faire dans mon intervention. Je vous prierais de me
rappeler à l'ordre si jamais j'en faisais dans cette intervention.
J'invite mes collègues qui sont autour de la table à le
faire.
Cette discussion franche que nous avons depuis cet après-midi m'a
permis de me poser des questions et d'essayer de comprendre un peu comment mes
collègues de l'Opposition s'orientent, comment ils fonctionnent et quel
est leur objectif. J'essaie de comprendre comment ils régleraient les
problèmes auxquels le Québec est confronté.
Comme tout le monde, j'ai été surpris de voir que,
sur les trois plans, sur le plan de la baisse des impôts, de
l'augmentation des dépenses et de la baisse du déficit, ils
tentent d'aller dans ce sens. Je m'explique: En ce qui concerne la baisse des
impôts, l'Opposition, depuis un certain temps, nous a donné
plusieurs suggestions qu'elle verrait d'un bon oeil, par exemple, que les
impôts sur les successions n'existent plus. Souvent, on a parlé de
la taxe sur l'essence. On nous a proposé d'enlever le péage sur
les autoroutes, ce que nous avons réalisé. Et d'autres choses.
J'en oublie. Je n'ai pas fait la liste d'une façon exhaustive.
Par contre, à tout moment, à tous les jours, à la
période de questions, l'Opposition nous arrive avec des dépenses
additionnelles. On trouve, par exemple, que ce qu'on alloue aux hôpitaux
est insuffisant, qu'on devrait en accorder plus aux urgences et aussi à
l'éducation. Ce sont toutes des choses que nous souhaitons aussi. C'est
un peu comme la vertu. Sommes-nous pour qu'il y ait de meilleurs services dans
les hôpitaux? Tout le monde va dire oui.
On parle des jeunes. On dit: Un montant de 152 $ par mois pour les
jeunes de moins de 30 ans, ce n'est pas suffisant. C'est à
considérer. C'est bien sûr qu'on est conscient de la somme de
dépenses que cela représente si on accède à cette
ouverture, à cette générosité
démontrée par l'Opposition. C'est vrai que c'est plus facile
d'être généreux quand on n'a pas à être
comptable de ces montants d'argent.
D'un autre côté, baisse du déficit. En tout cas, on
semble faire un plat du déficit du Québec. On dit souvent qu'il
est élevé. Dans tout cela, je me dis: Voilà que
l'Opposition suggère une baisse des impôts, une augmentation des
dépenses et, en même temps, une baisse du déficit, ce qui
peut apparaître illogique a priori. Je me dis: Y a-t-il une autre avenue
que ces gens auraient trouvée pour résoudre cet affreux triangle
avec lequel on a à jouer?
Je me dis: Probablement qu'ils ont en tête qu'ils pourraient
obtenir des fonds supplémentaires du gouvernement fédéral.
C'est une possibilité. J'imagine qu'ils ont un plan, qu'ils ont quelque
chose en tête. Je suis obligé de le penser puisqu'ils sont
élus. Ils doivent avoir quelque chose en tête. Je regarde un peu
alentour. Quelles sont les possibilités d'en obtenir du gouvernement
fédéral? Il y en a. Ottawa et Québec s'entendent sur le
financement de l'éducation aux minorités. Il y a des
possibilités de s'entendre. C'est rare, mais il y en a et on en
signe.
Par contre, on dit ici: Parizeau fait le point sur les transferts du
fédéral. Tout en se défendant de remettre en cause le
bien-fondé du système de péréquation, M. Parizeau
constate que les changements apportés au système sont faits
très systématiquement au détriment des
intérêts du Québec. Ce n'est pas la direction dans laquelle
semble se diriger le gouvernement fédéral. Il ne semble pas se
diriger et vouloir accorder plus d'argent pour le Québec. Je me dis:
Bien, ils doivent avoir une autre façon de voir les choses. Ils doivent
espérer un meilleur avenir pour le Québec. Ils ont raison dans ce
domaine. L'avenir est prometteur pour le Québec. Dans le secteur de
l'amiante, par exemple, il y a des nouvelles intéressantes aujourd'hui,
car on dit que c'est prometteur. C'est le directeur du Centre canadien
d'information sur l'amiante, M. Georges Dahmen, qui dit cela. Il dit que
l'industrie de l'amiante ne sera plus jamais aussi florissante qu'elle le fut
en 1979 et que, néanmoins, son avenir demeure prometteur, pour autant
que son utilisation ne soit pas interdite. (21 h 45)
II y a une autre nouvelle encore plus intéressante: La planche de
salut de l'industriel La production d'une fibre d'amiante non toxique arrive au
stade
industriel. On a développpé au Québec une fibre
d'amiante qui est non toxique. Il y a des possibilités de ce
côté. Il y a aussi des gens qui ont confiance dans l'avenir du
Québec. Je lisais aujourd'hui encore dans les journaux... C'est presque
la cueillette d'une journée de bonnes nouvelles, parce qu'il y a de
bonnes nouvelles dans les journaux. Particulièrement au point de vue
économique, elles sont nombreuses ces temps-ci, et je pense que tout le
monde doit s'en réjouir. On sort souvent l'épouvantail... C'est
du côté de l'Opposition. Je ne voudrais pas faire de politique,
mais...
Une voix: À l'ordre!
M. Tremblay: ...c'est toujours du côté de
l'Opposition qu'on sort cet épouvantail des sièges sociaux qui
nous quittent et qui sont censés quitter... Non, ce n'est pas un mythe,
les sièges sociaux, depuis 1950, quittent le Québec. La compagnie
Shell a quitté Toronto aussi pour s'en aller à Winnipeg. C'est un
phénomène qui se produit assez souvent. Par contre, il y en a
d'autres. Il y a des industries de l'Ontario qui sont venues s'établir
dans le comté de Chambly. Elles ont raison. C'est un comté
excellent pour une industrie. Elles sont venues s'y installer, parce qu'on
avait là ce qu'il leur fallait, c'est-à-dire de l'eau en
quantité, parce qu'à Chambly, on a une usine de filtration
suffisante.
Je lisait dans la Presse de ce matin, à la page de la finance:
Philips-Micom installe son siège social à Saint-Laurent. C'est un
investissement de 8 000 000 $ et cela crée 500 emplois. On dit pourquoi
elle s'est installée à Saint-Laurent.
C'est une jeune compagnie. Cette société a
été créée il y a cinq ans seulement. Elle a
présenté un chiffre d'affaires de 240 000 000 $ l'an dernier et
prévoit dépasser ce montant cette année. Je disais que
c'était un...
Une voix: ...
M. Tremblay: Pardon?
Une voix: Cela doit être une multinationale. C'est une
compagnie américaine, je crois.
Une voix: Philips, les télévisions, je crois...
M. Tremblay: Oui, sans doute. Une voix: ...qui a
changé...
Le Président (M. Lachance): En terminant, M. le
député.
M. Tremblay: On dit, dans l'article... C'est intéressant,
M. le Président. Je vais seulement prendre une minute. Il me reste une
petite minute.
Une voix: C'est cela.
M. Tremblay: Je veux seulement donner les motifs qui ont fait que
Philips-Micom est venue s'installer dans la Communauté urbaine de
Montréal. On dit que la décision d'installer le siège
social a découlé d'une longue étude. Plusieurs sites, tant
au pays qu'à l'étranger, ont été
éliminés. M. Kellam - c'est sans doute le président de
cette organisation - estime que le caractère cosmopolite de
Montréal, ses installations routières, sa desserte en
aéroports et son caractère culturel unique ont été
des arguments de taille dans la décision.
Une voix: ...
M. Tremblay: La loi 101 existait. Ces entreprises sont venues
s'installer après l'adoption de la loi 101. Une des raisons qui les ont
motivées, c'est le caractère culturel unique de
Montréal.
M. le Président, on a des raisons de croire que le Québec
se développera, mais je pense que le gouvernement actuel a mis en place
les outils nécessaires pour que le Québec se développe. Je
pense que l'Opposition a raison de croire qu'avec ces outils, si jamais elle
prenait le pouvoir, le Québec se développerait de façon
telle qu'elle pourrait en même temps baisser les impôts, augmenter
les dépenses et baisser le déficit.
Une voix: C'est cela.
M. Parizeau: Je vais ajouter quelques mots, M. le
Président.
Le Président (M. Lachance): Allez-y, M. le ministre.
M. Parizeau: Je pense que ce que vient de soulever le
député de Chambly permet de mieux replacer dans une perspective
correcte ce qui est, à mon sens, un grossier abus depuis quelques
années de frayeurs économiques qu'on a toujours agitées
devant l'opinion publique québécoise. Quand je dis "toujours", je
pèse mes mots. Cela fait maintenant plusieurs générations
qu'on nous dit que le Québécois n'est jamais aussi
prospère que quand il est tranquille, que, sur le plan politique, sur le
plan de la législation de son gouvernement, sur le plan de son
orientation fondamentale, plus il se distingue du reste de l'Amérique du
Nord, plus il court des risques quant à sa prospérité. Cet
argument, nos grands-parents l'ont connu, nos parents aussi, nous l'avons
à notre époque et j'imagine qu'on continuera de l'appliquer
à nos enfants.
II est exact et parfaitement exact que Montréal a cessé
d'être la capitale, la métropole du Canada; ce n'est plus vrai et
ce n'est plus vrai depuis une génération. Il est tout à
fait exact que passablement d'activités économiques et de
sièges sociaux ont glissé vers Toronto avant de continuer
à glisser vers l'Ouest. C'est un phénomène que les
États-Unis ont bien connu, que Boston a connu à l'égard de
New York, New York à l'égard de Chicago et Chicago à
l'égard de la côte ouest.
On n'a pas interprété ce glissement, aux
États-Unis, comme étant un phénomène politique;
parce qu'il y a au Canada deux peuples et deux langues, on l'a
interprété ici comme étant un phénomène
politique. Mais il n'y a pas de distinction fondamentale entre ce qui est
arrivé en Nouvelle-Angleterre par rapport à ce qui est
arrivé aux Maritimes et au Québec. C'est exactement le même
mouvement, décalé un peu au Canada de quelques années,
c'est tout.
Nous sommes, comme gouvernement, face à ce
phénomène et nous le sommes depuis quelques années. Il y a
deux possibilités et il n'y aura jamais que deux possibilités. Ne
nous faisons pas d'illusions, on sera toujours pris devant l'une ou l'autre des
branches d'une alternative: Ou bien chercher à être calme,
uniforme, conciliant, dans le sens de l'affirmation de sa propre
personnalité, en espérant que ce calme, que cette conciliation
empêchera les glissements de se faire. Nous avons été
très calmes, à certaines époques de notre histoire
récente. Au moment où l'une des plus grandes usines au
Québec fermait, c'est-à-dire celle de la Canadian Car and Foundry
à Montréal, alors qu'on a perdu 5000 emplois industriels d'un
coup sec, qui se sont ramassés à Thunder Bay, à
l'époque où les premières compagnies d'assurances filaient
vers Toronto et fermaient leur siège social à Montréal,
à l'époque où la Bourse de Toronto devenait quatre, cinq
ou six fois plus importante que celle de Montréal et, donc, allait
attirer inévitablement de l'activité financière, nous
étions d'un calme imperturbable. C'était, M. le Président,
vous vous en souviendrez, les dernières années du règne de
Duplessis; on ne pouvait pas être plus calme qu'on ne l'était
à ce moment. Il n'y avait aucun moyen. De toute notre histoire, nous
avons été à ce moment-là d'un calme parfait, ce qui
n'a pas empêché tous les mouvements dont je viens de parler de se
produire.
L'autre branche de l'alternative consiste à développer un
"entrepreneurship" indigène, si vous me passez l'expression, à
faire en sorte que des gens d'ici, travaillant ici, investissant ici, soient
l'armature fondamentale, principale du développement économique
du Québec. Nous l'avons fait depuis 25 ans sur la base de trois pivots:
un développement accéléré du secteur public,
accéléré non pas parce que nous en étions
déjà à un niveau important du secteur public et que nous
avons décidé de le doubler, de le tripler ou de le rendre
absolument inconciliable avec les structures économiques de
l'Amérique du Nord. Nous n'avions rien, en 1960, sauf un morceau
d'Hydro, la Raffinerie de sucre de Saint-Hilaire et la Commission des liqueurs.
C'était cela, le secteur public québécois. On est parti de
rien et on a construit pendant 25 ans.
Deuxièmement, à partir du mouvement coopératif et,
troisièmement, à partir de cette remarquable classe
d'entrepreneurs québécois, entrepreneurs québécois,
soit dit en passant, qui, quand je suis sorti de l'École des hautes
études commerciales, en 1950, existaient à peine. Les emplois
d'entreprise offerts à ma promotion... En principe, on ne sortait pas
suffisamment d'étudiants en administration à cette époque.
On était 85 dans la promotion et trois entreprises ont offert des
emplois; trois pour 85 personnes. Ma promotion a été
sauvée par les bureaux de comptables, la taxe de vente, la taxe d'accise
fédérale et l'impôt sur le revenu.
On est parti de là il y a 35 ans et il s'est
développé un "entrepreneurship" local remarquable. Le
problème du gouvernement, à l'heure actuelle, se situera tous les
ans où on nous présentera ce dilemme: Restez tranquilles ou alors
aidez, assurez, renchaussez les trois piliers dont je viens de parler.
Ce qui est un peu agaçant dans le dialogue
québécois, c'est qu'alors qu'on sait très bien que tous
les gouvernements depuis 1960, tous sans exception, ont adopté la
seconde voie, celle de renchausser les trois piveaux dont je viens de parler,
et quel que soit le gouvernement au pouvoir pour les années à
venir qui continuera dans cette voie, on fait comme si on était
constamment tenté par la première voie, celle de rester
tranquille. On sait très bien qu'aucun gouvernement ne l'a
adoptée depuis 25 ans et on sait très bien que, pour des
années à venir, aucun gouvernement au Québec ne l'adoptera
non plus. Il y a une sorte, si vous me passez l'expresion, de dyslexie
économique au Québec qui est embêtante sur ce plan.
Voilà les commentaires qu'évoquait chez moi l'intervention du
député de Chambly.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le
député de Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président.
J'ai été assez surpris de l'intervention du député
de Chambly qui, dès le départ des travaux de la commission, comme
il le fait au départ des travaux de chaque commission, y compris les
crédits au mois de mars, les séances de travail de
notre commission depuis qu'elle existe, fait toujours remarquer que ce
nouvel arrangement de l'ensemble des règles de fonctionnement qu'on
s'est données à l'Assemblée nationale est maintenant une
occasion privilégiée pour les gens du législatif de parler
aux gens de l'exécutif. Essentiellement, l'intervention du
député de Chambly a porté sur des commentaires qu'il a
à l'endroit de l'Opposition, pendant que le ministre, témoin
béat de cette présentation, ne faisait essentiellement
qu'attendre de lui donner raison, d'une part, mais aussi de lui prouver que le
gouvernement avait fait un travail quelconque.
Le député de Chambly, malgré les exhortations qu'il
nous transmet chaque fois qu'on commence les travaux d'une commission, a
été le premier à manquer à son propre cheminement
et à ses propres suggestions; pas le premier, peut-être, je dirais
le deuxième. Je le vois étonné, je le comprends, il n'est
pas le premier, il est le deuxième, c'est le député de
Roberval qui a commencé. On avait au départ, depuis 20 heures,
des occasions de parler de la réorientation industrielle du
Québec, de certaines actions structurantes qu'il faut probablement
prendre. Il y a manifestement une divergence entre l'Opposition et les
représentants de l'exécutif quant à l'impact réel,
significatif des gestes du gouvernement en matière de relance
économique pour atteindre les objectifs de restructurer
l'économie du Québec comme on l'entend.
Le député de Roberval, lui, a été encore
plus extraordinairement en dehors des balises que le député de
Chambly avait tracées en prétendant que le gouvernement
libéral, de 1970 à 1976, a connu des augmentations de
dépenses absolument faramineuses, qu'il y avait eu des augmentations
dans l'effectif de la fonction publique et dans les réseaux. Que
voulez-vous? Il laisse soupçonner cela et c'est absolument
inconsidéré. S'il voulait être cohérent, il serait
en train, dans le fond, de vouloir plaider pour l'abolition de tout le
système de protection de l'individu, qui a été mis en
place dans ces années qui ont précédé
l'arrivée du PQ au pouvoir. (22 heures)
S'il trouve que c'était épouvantable d'avoir tant de
fonctionnaires que cela, tant de gens dans les réseaux, il sera
obligé de dire qu'il faut reculer considérablement en
matière d'éducation. Il faudra démolir des polyvalentes,
abolir des départements complets et des services de recherche dans les
universités, se débarrasser probablement du réseau des
CLSC, de certains hôpitaux, démolir probablement nos autoroutes,
autant de choses qui, évidemment, ont créé pas mal
d'activités au Québec, d'une part, mais qui, d'autre part,
étant donné surtout la maturité qu'avaient atteinte
à ce moment-là l'assurance-maladie et l'installation de
l'assurance-hospitalisation, ont créé un filet
considérable en matière de services sociaux pour tous les
Québécois.
Cela prend beaucoup de gens. Cela prend beaucoup d'argent. Cela a
entraîné une augmentation des dépenses publiques et une
augmentation des effectifs dans les secteurs public et parapublic qui
était inévitable si on voulait se donner ces services. Si le
député de Roberval voulait être logique - il était
en train de prôner essentiellement que tout ce qui s'est fait avant 1976
n'avait aucune allure - il faudrait qu'il retranche, si je comprends bien, 83
000 fonctionnaires et membres du personnel dans les secteurs public et
parapublic. Cela commence à être pas mal de gens. À sa
décharge, je voudrais dire qu'il n'a pas plaidé cela. Il n'a pas
plaidé qu'il fallait abolir tout cela, qu'il fallait abolir l'aide
juridique non plus. Je n'ai pas eu connaissance de cela. Il y a un tas de
choses qui ont été instaurées avant 1976. Donc, quant
à moi, je considérerais comme réputées non dites et
non écrites, d'une part, certaines des notes du député et,
d'autre part, certaines des paroles qu'il a prononcées, sauf que
j'ajoute que certaines des occasions de croissance des services sociaux qu'on a
connues au Québec, croissance des dépenses publiques qu'on a pu
observer à un rythme supérieur, d'ailleurs, à celui qu'on
observe depuis quelques années pendant une période où cela
allait très bien, c'était parfaitement normal et c'était
surtout parfaitement soutenable par les citoyens du Québec, notamment
les contribuables.
Si on regarde l'évolution du produit intérieur brut du
Québec, qu'on met en regard les deux périodes en cause, 1970-1976
et 1976-1982, on voit qu'il y a une grosse différence. La
différence de croissance, 110% pour la période 1970-1976 pour le
PIB et de l'ordre de 85% de 1976 à 1982, les chiffres que j'avais ici,
sur des bases annuelles, démontrent quand même une croissance plus
rapide dans la période précédente que dans la
période qu'on vit actuellement depuis sept ans. La même chose est
vraie quant aux revenus personnels des Québécois. Les revenus
personnels au Québec sont passés en 1970 de 16 300 000 000 $
à 40 000 000 000 $ essentiellement en 1976-1977, un taux d'augmentation
annuel de près de 16% et, depuis cette année-là, donc,
depuis sept ou huit ans, un taux de progression des revenus personnels au
Québec d'un peu moins de 11%. C'est considérable. Sur une base
par habitant, c'est semblable, 15,2% de 1970 à 1976 et, de 1976 à
1983, 10%. Les revenus personnels réels - une mesure beaucoup plus
exacte de la capacité des gens d'encourir un tas de dépenses
publiques que les contribuables doivent payer - en dollars constants en 1971,
toujours pour les deux périodes en cause, près de 8% de
1970 à 1976 et 1,5% depuis sept ans. Les revenus réels par
habitant, environ 7%, étant donné qu'il n'y avait pas tellement
d'inflation comparativement à ce qu'on a connu depuis 1976.
Mais cela, ce sont des statistiques. Cela n'a rien à faire avec
le PQ, l'inflation qu'on a connue, essentiellement. Donc, la croissance des
revenus réels par habitant en dollars constants en 1971 de plus de 7%
pour la première période en cause et de moins de 1% pour la
période 1976-1983. C'est donc dire qu'il faut quand même, quand on
commence à parler de dépenses publiques et de la capacité
des gens d'assumer les dépenses publiques - les contribuables qui voient
leur gouvernement encourir toutes ces dépenses - regarder à
partir de quel genre de ressources on est en train de taxer les gens, sur la
base de quel genre d'augmentation de revenus et de prospérité on
est en train de se donner ces services. Ce qu'on soutient de ce
côté-ci, c'est que le virage dans le contrôle des
dépenses publiques qui a été observé à
d'autres endroits a sévèrement manqué ici, ce qui fait
qu'on se retrouve avec un déséquilibre dans les finances
publiques qui est inquiétant et qui tient à l'absence de
contrôle, notamment préréférendaire et
préélectoral, qui s'est glissée dans les dépenses
publiques.
L'autre commentaire a trait à ce que mon collègue de
Verdun disait - et je l'ai pris et j'ai bien compris - en souhaitant ou en
prévoyant qu'un jour je m'exprimerais comme le ministre des Finances. Je
pense que le député de Verdun me veut du mal, parce que, si je
parlais comme le ministre des Finances, je serais obligé de soutenir,
sans rire, qu'il y a moyen de restructurer une économie comme la
nôtre avec un taux d'investissement, par rapport au PIB, de 15%. C'est
absolument inusité. C'est un taux d'investissement qui, en gros, tout en
exagérant comme le ministre le fait lui-même et qu'il admet
à l'occasion pour fins d'illustration, permet à peine de
remplacer, de moderniser le stock de capital, les actifs, le capital fixe, les
unités de production. C'est un taux qui nous verrait tous à la
longue condamnés à être essentiellement dans toutes sortes
d'entreprises de services. On serait un immense laboratoire de pathologie ou de
je ne sais trop quoi avec plein de gens, aucune espèce de stock de
capital fixe et plein de gens qui sont dans les services. Ce n'est pas
nécessairement un mal en soi, mais aller dire qu'on va devenir une
puissance concurrentielle dans certains secteurs avec un taux d'investissement
comme celui-là, à moins de tout mettre à la même
place et de faire la même chose, ce qui est inconcevable, on n'est pas
à la veille d'y arriver.
Je serais obligé également de soutenir que des
dépenses publiques qui sont de 26% ou 27% par rapport au PIB au
Québec nous placent dans une situation enviable dans le rang qu'occupent
les différentes provinces, pas enviable par rapport à l'Ontario,
soulignait-il tout à l'heure, 16% ou 18%, ou environ. C'est 21% au
Manitoba; ce n'est pas 26% ou 27%. Je ne trouve pas, simplement à sa
face même, qu'on est dans la même classe tellement, mais disons
qu'on est dans la même classe et on n'est certainement pas, selon le
ministre, dans la même classe que les provinces maritimes où c'est
dans les 40% du PIB, la place qu'occupent les dépenses publiques des
gouvernements provinciaux. Cela s'explique par deux éléments
encore une fois indissociables pour avoir un chiffre comme celui-là. Ces
provinces ont des PIB extrêmement bas, des économies
extrêmement faibles, et je ne vois pas pourquoi on les envierait. Par
ailleurs, le niveau des dépenses publiques est élevé dans
ces provinces et représente une grande proportion du PIB, parce que les
transferts fédéraux permettent aux gens de ces provinces de
maintenir un niveau de services qui est comparable. En gros, quant aux services
que les gens peuvent se donner et sur lesquels ils peuvent compter, c'est
comparable à ce qu'il y a ailleurs au Canada. C'est pour cela que les
transferts fédéraux existent. Incidemment, mon collègue
d'Argenteuil qui nous rejoindra ici a l'intention de parler un peu plus de ces
éléments.
Je serais également obligé, si je parlais comme un
ministre des Finances, de dire, sans rire, qu'on a plein de gens, des dizaines
de milliers de Québécois qui ne sont pas employables, tout en
ayant démontré une demi-heure plus tôt qu'on a rien
à envier aux autres en matière de système
d'éducation et que, dans l'enseignement des mathématiques et des
sciences, on a donné un coup extraordinaire qui nous met dans une
position concurrentielle sensationnelle. Je ne vois pas comment les deux termes
peuvent exister dans la même phrase, qu'il y ait des dizaines de milliers
de jeunes qui ne sont pas employables, mais qu'on ait un système
d'éducation à tout casser qui prépare tout ce
monde-là pour le marché du travail. Là, vraiment, je ne
comprends pas.
Le Président (M. Lachance): En conclusion, M. le
député.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): En conclusion, pour parler du
caractère calme et conciliant que le gouvernement aurait observé
ou dont on peut le créditer en matière de ses relations avec les
intervenants économiques, je n'ai rien vu dans les déclarations
des différents collègues du ministre. Je dois souligner qu'il est
beaucoup plus discret qu'eux à cet égard. Je n'ai rien vu dans
des déclarations comme
celle du premier ministre, comme celle de l'ex-ministre responsable du
développement économique et maintenant ministre du Commerce
extérieur et des Relations internationales. Je n'ai rien vu dans les
déclarations de ces gens-là qui laissait soupçonner aux
investisseurs qu'ils sont bienvenus au Québec et que le gouvernement
comprend quel genre de climat il doit contribuer à créer avec eux
pour qu'on assiste à de l'investissement véritable au
Québec et à l'accroissement de la prospérité, ce
qui, pour accrocher la conclusion du député de Chambly, est un
déterminant de la résolution, de la solution au problème
du triangle des finances publiques qu'il décrivait tout à
l'heure. Tant et aussi longtemps qu'on n'a pas des gestes à l'endroit de
la création d'investissements qui sont positifs et qui, donc, attirent
la prospérité avec eux, de la façon qu'on a décrite
tant et plus, mais que le député de Chambly n'a pas saisie parce
qu'il n'écoute pas toujours nos discours nécessairement, ce genre
de déterminants fait que le triangle des finances publiques n'est pas un
triangle. C'est un carré. On n'essaie pas de résoudre la
quadrature du cercle ici. On fait remarquer que ce sont des fondements qui
existent dans l'économie, dans l'attitude du gouvernement, dans les
gestes qu'il peut poser, qui ne coûtent rien la plupart du temps, qui
permettent de régler le problème des finances publiques qu'on a
décrit plus tôt et sur lequel on s'entend. Le diagnostic est
là et les chiffres sont là.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Parizeau: Je comprends que nous en arrivons à une sorte
de conclusion quant à certaines interventions qui se sont produites
depuis quelques heures. Je voudrais essayer de poser le même genre de
diagnostic que celui qu'en quelques minutes le député de
Vaudreuil-Soulanges a posé et de rattacher cela à quelques-unes
des interventions du côté ministériel qui ont eu lieu
depuis quelque temps.
Je pense qu'il est tout à fait raisonnable que l'on se dise: Ce
parti de l'Opposition qui veut remplacer le gouvernement à la prochaine
élection ou à la suivante, on doit lui poser comme question:
Qu'a-t-il à dire à l'égard des dépenses, des
revenus et du déficit? Il n'y a pas de doute qu'il est prodigieusement
paradoxal de dire: Vous devriez baisser les impôts, augmenter les
dépenses et, en tout cas, annuler le plus clair des compressions et,
d'autre part, réduire le déficit. Ce serait, en tout état
de cause, paradoxal. Mais dans le système de péréquation
dont nous avons discuté précédemment, cela l'est encore
davantage. Je pense qu'il n'est pas mauvais dans cette optique de remonter
à ce qui s'est produit avant que le gouvernement actuel prenne le
pouvoir.
Le député de Vaudreuil-Soulanges voudrait qu'on oublie
certains des aspects de la situation à ce moment. À ses fins, il
utilisait des arguments comme, par exemple, que le taux de croissance
était plus élevé. Oui, le taux de croissance était
plus élevé, mais le taux d'inflation était plus faible. En
tout état de cause, pendant les trois dernières années du
régime Bourassa, les dépenses augmentaient infiniment plus vite
que le PIB en dollars courants. Je pense que le député de
Roberval avait raison et parfaitement raison de souligner les dépenses
administrativement somptuaires qui se sont faites à cette époque.
Qu'on se rappelle, par exemple, qu'à l'occasion de la négociation
collective de 1979-1980 j'ai ajouté, et sur la base de renseignements
qui n'étaient pas complets à ce moment, 1200 postes
d'enseignement au Québec. J'ai eu l'occasion, d'ailleurs, de le
regretter en me rendant compte qu'on n'aurait probablement pas dû en
donner autant que cela, sinon pas du tout.
Puis-je vous rappeler, M. le Président, qu'en 1976, juste avant
les élections, le gouvernement libéral du temps en avait
ajouté 6000 d'un coup? L'augmentation des postes dans la fonction
publique, des effectifs, au cours des deux dernières années,
c'était quelque chose d'absolument ahurissant. Un des premiers gestes du
gouvernement, en arrivant au pouvoir, a été d'annuler des postes
non comblés, mais accordés. Mais des milliers de postes.
Comprenons-nous bien. Que l'Opposition exprime l'espoir d'arriver au pouvoir,
c'est parfaitement humain et compréhensible. Mais pour l'amour du saint
ciel, qu'elle ne justifie pas son appétence de pouvoir par les trois
dernières années de la dernière fois que ces gens y sont
passés parce que, sur le plan de la gestion des fonds publics, on a eu
l'occasion de voir l'argent littéralement lancer par les fenêtres.
Quand le député de Roberval mettait l'accent sur la question du
déficit structurel, on nous avait préparés, en 1975-1976,
à un déficit structurel qui n'était pas piqué des
vers. (22 h 15)
Dans ce sens, tout ce qu'on voudra du côté des
députés de l'Opposition. Il est parfaitement normal, encore une
fois, qu'ils veuillent dénoncer la gestion du gouvernement et
espérer prendre sa place, mais pas sur la base de leur dernière
année de gestion, quand ils étaient au pouvoir dans les
années soixante-dix; ah! non, sûrement pas! Et on revient à
cette question fondamentale: Comment peut-on vouloir prendre le pouvoir en
dénonçant le déficit, en le disant trop haut et en
promettant de le réduire, en refusant l'essentiel des compressions de
dépenses et en demandant
des réductions d'impôt? En espérant une croissance
encore plus rapide de l'économie du Québec? Je vous rappelle que
la croissance de l'économie du Québec est assez remarquable,
à l'heure actuelle.
Le député de Vaudreuil-Soulanges parlait du
caractère concurrentiel de l'économie du Québec. C'est
évident qu'il faut qu'on soit concurrentiel, c'est évident qu'il
faut l'être, mais il y a plusieurs façons de l'être et il
faut qu'on le soit. Quand on vend 40% de la production nationale à
l'extérieur et que l'on importe 40% de tout ce que l'on consomme, il est
tout à fait évident qu'il faut être concurrentiel.
Mais revenons à cette politique économique qui est suivie
par le gouvernement à l'heure actuelle. Sur le plan concurrentiel,
qu'est-ce que l'on en pense? Qu'est-ce que l'on en pense profondément du
fait qu'en 1984 on prévoit une augmentation de 38% dans les
investissements manufacturiers au Québec contre une baisse de 15% dans
le reste du Canada? On dit: Les politiques actuelles du gouvernement briment
l'investissement privé, mais comment explique-t-on que l'investissement
privé doive augmenter en 1984 de 15% au Québec et de 1%, 2% ou 3%
ailleurs, au Canada? Ce sont des questions qu'il faut poser.
Quand on parle de remplacer un gouvernement au pouvoir, d'abord, il faut
dire de quelle façon on accélérerait une croissance
économique qui est déjà assez remarquable. Je ne dis pas
qu'on ne pourrait pas faire mieux, nous essayons toujours de faire mieux, mais
il faudrait nous indiquer comment on peut faire substantiellement mieux.
D'autre part, on devrait nous indiquer comment, à partir d'une
croissance pareille, qui relève encore du niveau des espoirs, si je
comprends bien nos amis d'en face, comment ils pourraient à la fois
réduire le déficit, baisser les impôts et augmenter les
dépenses.
J'ai l'impression - c'est là où les parallèles
deviennent gênants - qu'on revient à certaines conceptions que
l'on avait et qui ne se sont pas avérées exactes dans les
dernières années où le parti d'Opposition, aujourd'hui,
occupait le pouvoir. En tout cas, la démonstration que cela est
possible, nous l'attendons, nous la souhaitons vivement. Dans l'intervalle, il
ne faudra pas s'étonner que le ministre des Finances et un certain
nombre de députés du côté ministériel aient
certaines appréhensions à l'égard de certaines des
propositions qui nous sont faites.
Je termine là-dessus, M. le Président, et je vous
remercie.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre.
M. le député de Bourassa.
Politiques industrielles
fédérales
M. Laplante: Merci, M. le Président. Lorsque j'ai pris la
parole, tout à l'heure, le temps m'a manqué pour compléter
mon intervention. J'ai beaucoup parlé de la dignité humaine et je
voudrais revenir sur deux points, deux gestes gouvernementaux que j'ai
oublié de mentionner et qui visent les personnes âgées.
Lorsque l'on parle de dignité humaine, en voici un exemple: Au lieu de
laisser les personnes âgées vivre en concubinage forcé par
la peur de perdre leur chèque de pension, on a au moins rétabli
la dignité humaine de ces personnes en leur permettant de se marier tout
en conservant leur chèque de pension du Québec.
Je me souviens très bien qu'en 1976, quand je suis entré
dans un centre que je peux nommer, Angelica - je pense que le
député d'Argenteuil le connaît très bien - la
première chose que m'ont montrée les personnes
âgées, c'était une paire de chaussons tout percés
qu'elles avaient. Je leur ai demandé ce qu'elles faisaient avec cela et
elles m'ont répondu: On n'a pas d'argent pour en acheter d'autres, on
n'a que 40 $ par mois pour nos petites dépenses, pour aller chez la
coiffeuse, pour nos menues dépenses, fumer et s'acheter des
vêtements. Je peux dire qu'aujourd'hui on leur laisse au moins 90 $ par
mois pour leurs menues dépenses. Je ne dis pas que c'est assez, on
pourrait même en donner un peu plus dans ce sens.
Cela complète mes propos sur la dignité humaine qu'on a
voulu donner aux personnes du troisième âge. Mais les reproches,
j'en avais déjà énumérés dix auparavant et,
avec ceux-là, cela en fait douze.
Maintenant, le député de Vaudreuil-Soulanges reproche au
député de Roberval de revenir sur la période de 1970
à 1976.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est bienvenu quand c'est fait
comme du monde.
M. Laplante: Oui. Cela me fait de la peine que le
député de Vaudreuil-Soulanges voit les reproches de cette
façon parce qu'il doit se dire qu'il n'est pas responsable de
l'époque de 1970 à 1976, qu'il ne faisait pas partie du Parti
libéral à ce moment, il était un bon unioniste.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vous n'en savez rien.
M. Laplante: C'était son droit le plus démocratique
du monde. Lorsque vous avez adhéré au Parti libéral, je
pense que c'était votre responsabilité également de
défendre les politiques qui ont été établies durant
les années 1970 à 1976. Ce n'est pas nous qui avons
déclaré, lors d'un congrès à la
chefferie, que le chef que vous aviez à ce moment c'était
un rapiéçage, c'était un vieux chef avec lequel vous avez
essayé d'en faire un nouveau. Cela a été dans les
argumentations du député de Vaudreuil-Soulanges. Il est certain
qu'avec le chef que vous avez présentement vous aimez mieux ne pas
parler des années 1970 à 1976.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): On ne fait que cela.
M. Laplante: Vous aimez mieux ne pas parler de la construction du
stade olympique au coût de 1 000 000 000 $. C'est certain parce que c'est
une croix chez vous.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ...ne pas en parler
M. Laplante: Vous aimez mieux ne pas parler de la crise d'octobre
1970, l'approbation des mesures de guerre.
M. Caron: M. le Président, il faudrait parler de la Baie
James.
M. Laplante: Je vais en parler.
Le Président (M. Lachance): Excusez-moi, M. le
député de Bourassa, il y a une question de règlement du
député de Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président, avec tout le respect que je
dois au député de Bourassa même à cette heure
tardive, quelle est sa question? Le ministre des Finances est ici pour
répondre aux questions. Que fait-il? Fait-il un discours ou s'il pose
des questions?
Le Président (M. Lachance): M. le député, je
ne vois pas en quoi c'est une question de règlement parce que nos
règles en commission parlementaire sur l'étude du budget sont
souples et il est permis de dialoguer, de monologuer, de parler de tout et de
rien.
Une voix: De divaguer.
Le Président (M. Lachance): Je n'ai pas dit cela. La
parole est au député de Bourassa.
M. Laplante: II est certain que vous n'êtes pas
responsable, M. le député de Vaudreuil-Soulanges, des mesures de
guerre de 1970. Vous n'êtes pas responsable non plus de la construction
du stade olympique. Vous n'êtes probablement pas responsable des 750 000
$ qui sont un surplus de dépense à la suite de la construction du
stade olympique. Vous n'êtes probablement pas responsable non plus, lors
de la prise du pouvoir de 1976, quand 40 caisses de documents qui
étaient sous la responsabilité du ministre des Finances sont
disparues. C'est ce que vous reprochiez tout à l'heure au
député de Roberval.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vous n'étiez pas ici,
quelqu'un d'autre écrivait vos notes pendant ce temps.
M. Laplante: Ensuite, vous n'étiez pas responsable, M. le
député de Vaudreuil-Soulanges, du coût de la Baie James
lorsqu'il a été annoncé à 5 000 000 000 $ et, trois
ans plus tard, il était rendu à 15 000 000 000 $. Cela fait
partie de l'économie du Québec telle qu'on l'a prise en 1976.
C'est à cela qu'il faut que vous réfléchissiez dans vos
questions. Lorsque vous essayez de défendre un peu les budgets de 1973
à 1976, il faut absolument que vous puissiez inclure toutes ces
dépenses. Vous n'avez pas l'air de le réaliser. Il est bon de
défendre un passé, mais il faut faire attention aussi de la
façon qu'on le défend. Parce que des reproches, on peut en avoir
là-dessus.
Maintenant, lors de l'ajournement, on avait commencé à
discuter de la part du Québec qui serait incluse dans le déficit
fédéral, les 87 000 000 000 $. Aussi, je disais que la part du
Québec était de 24 000 000 000 $ dans les trois dernières
années. Ma première question: Si on avait eu à administrer
ces 24 000 000 000 $ de déficit qui est la part du Québec, est-ce
qu'on aurait pu atténuer les coupures salariales qui ont
été imposées aux fonctionnaires? Aurions-nous
été capable de soutenir environ 4000 entreprises qui ont dû
fermer leurs portes lors de la récession? Aurions-nous été
capable d'aider les propriétaires en leur garantissant des taux
d'intérêt raisonnables sur leur hypothèque au lieu de leur
faire perdre leurs maisons? Est-ce qu'on aurait été capable de
subventionner certaines industries qui voulaient venir au Québec, mais
qui ne pouvaient pas à cause des taux d'intérêt? Cela fait
partie de tout le bagage. Aurions-nous pu abolir la surtaxe sur l'essence
complètement? Est-ce qu'on aurait été capable d'implanter
des programmes d'emplois plus généreux adaptés aux besoins
des Québécois et des Québécoises? Ce sont des
questions auxquelles le ministre pourra sûrement répondre.
N'aurions-nous pas aussi été capable d'entreprendre un
virage plus rapidement, un virage technologique afin que nos jeunes soient les
premiers à en bénéficier? Cela, c'est si on avait eu
à administrer les 24 000 000 000 $ de déficit que le gouvernement
fédéral nous a donnés. Je crois qu'on aurait pu
épargner, ' à ce moment, du temps et de l'argent sur une double
juridiction. Les priorités du Québec, est-ce
qu'elles auraient été mieux respectées? Est-ce que
les chicanes fédérales provinciales auxquelles vous faites
toujours allusion auraient été diminuées?
Je voudrais aussi savoir du ministre, sur la péréquation,
ce qui se passe avec l'électricité qu'on achète de
Terre-Neuve. Est-ce vrai qu'on est pénalisé en
péréquation sur un achat qu'on fait d'une autre province? Mais,
par contre, Terre-Neuve retire des montants - on me dit 40 000 000 $ - en
péréquation de plus, mais pourquoi est-on pénalisé
dans cette péréquation? Ce sont toutes de questions qu'il faut se
poser. On ne peut pas éviter le fédéral. On vit dans un
système fédéral, on vit dans un système où
ils n'ont jamais voulu définir ce qu'était une
fédération, mais nous avons toujours vécu dans une
confédération qui est complètement différente d'une
fédération. Lorsque les ministres ou les députés
fédéraux parlent, ils nous parlent d'une
confédération. Ils n'ont pas encore pris le thème du
nouveau bill.
Ce sont des choses dont on est obligé de parler. Il faut
être réaliste, à un moment donné. Pourquoi
refusez-vous de parler de l'argent qui vient des impôts
québécois, qui est transposé dans un gouvernement central
et du retour qu'il serait supposé avoir ici? Pourquoi toujours
défendre une machine fédéraliste qui veut centraliser, pas
seulement le Québec, mais tous les pouvoirs des autres provinces au
même endroit? Pourquoi n'y a-t-il pas une meilleure justice dans la
répartion des sommes perçues vers ces provinces dont le
Québec est le premier et celui qui en a le plus souffert?
Ce sont toutes ces questions que je pose à M. le ministre. Que
l'Opposition elle-même puisse nous répondre dans un budget. Vous
avez ri longtemps du budget M. Parizeau de l'An I et c'est le temps pour vous
de faire une performance, de dire que vous voulez diminuer les dépenses
du Québec de 10%. Ce fut annoncé par vous et non par nous. En
même temps, vous voulez augmenter de près de 2 000 000 000 $ les
dépenses qu'on a comptabilisées à venir jusqu'ici. Comment
pouvez-vous trouver 5 000 000 000 $ tout d'un coup, comme cela?
Le Président (M. Lachance): M. le
député.
M. Laplante: Bien, c'est vous qui le donnez. Vous voulez couper
de 10% les dépenses du Québec. C'est M. Paradis, le
député de Brome-Missisquoi, qui l'a donné, on l'a
écrit dans un de ses discours lors de la campagne au leadership. Bien,
il est encore chez vous que je sache. Bien, il est porte-parole aux Affaires
sociales; s'il coupe les Affaires sociales de 10%, qu'est-ce qui reste? C'est
700 000 000 $ de moins.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Bourassa, je vous rappelle que votre temps est terminé.
M. Laplante: Oui. J'en aurai encore pour dix minutes tout
à l'heure, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Ah! Bien, M. le
député...
M. le ministre, est-ce que vous désirez intervenir à la
suite des propos du député de Bourassa? (22 h 30)
M. Parizeau: Peut-être dans le sens suivant, M. le
Président. Le député de Bourassa soulève de
diverses façons un problème qui aura toujours été
majeur dans l'histoire économique du Québec et qui a trait
certainement au genre de structures industrielles que, pendant très
longtemps, on a hérité des politiques fédérales,
j'allais dire financées avec notre propre argent. Il n'est pas exact
qu'on ait toujours pâti, sur le plan de la structure industrielle, du
régime fédéral. Mais il faut remonter très loin en
arrière pour trouver un moment où ça nous a
été favorable. En fait, il faut retourner au National Policy, Sir
John A. MacDonald. Cela a favorisé le Québec.
Le Québec a été indiscutablement favorisé
sur le plan des politiques industrielles pour lesquelles on payait avant la
guerre de 1914. Et encore, je vous rappellerai à cet égard que
nous avons pris un tel retard...
M. Laplante: M. le Président, est-ce qu'il y aurait
possibilité qu'on ait la décence, au moins, d'écouter ce
que M. le ministre dit.
Le Président (M. Lachance): J'inviterais les membres de la
commission à respecter le règlement en permettant au ministre de
continuer, sinon on va suspendre le temps dont vous avez besoin. Cela semble
déranger M. le député de Bourassa. M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, je disais simplement que ces
politiques industrielles que nous finançons en partie nous auront
été favorables jusqu'à la guerre de 1914, encore que le
retard pris sur le développement du réseau de chemin de fer, par
rapport à l'Ontario, déjà, était assez incroyable
et on en a payé un prix élevé. Par la suite, quand on
regarde à quel point le système économique a
été biaisé entre deux provinces - il ne faut pas se
leurrer - qui étaient deux provinces industrielles - oublions, à
cet égard, les Maritimes et oublions l'Ouest -une concurrence
féroce s'est établie sur le plan des structures industrielles, de
leur modernisation et de leur développement, et ça fait quand
même, maintenant, soixante
ans que ça dure.
Pendant cette période, on ne peut d'aucune espèce de
façon considérer que le gouvernement du Québec, que la
population du Québec, j'allais dire - présentons cela ainsi - en
a eu pour son argent. Les exemples sont extraordinairement nombreux. Il ne faut
pas remonter trop loin en arrière. Regardez comment la production s'est
faite pendant la deuxième guerre mondiale. L'équipement lourd,
à peu près entièrement en Ontario. On a sauvé de la
guerre, essentiellement, dans la région montréalaise, l'industrie
aéronautique. Cela, oui, on l'a gardée. Mais pour tout le reste,
ne nous faisons pas d'illusions, pas grand-chose. D'accord, on a
fabriqué beaucoup de munitions. Que voulez-vous? À l'usine de
Saint-Malo, à Québec, une fois que vous avez cessé de
fabriquer des munitions, vous arrêtez la production. Point.
Toute la période d'après-guerre a été
marquée par des décisions, aussi bien sur le plan des tarifs
douaniers, sur le plan des subventions aux entreprises, sur le plan des
politiques industrielles du gouvernement canadien, dans le sens de favoriser
systématiquement le développement de l'Ontario, et ils y sont
arrivés, il n'y a pas l'ombre d'un doute. Toute l'histoire de la
révolution tranquille jusqu'à maintenant à travers les
gouvernements consiste, comme je le disais dans une intervention
précédente, pour les gouvernements successifs au Québec,
à chercher à renverser ce biais, mais avec les ressources du
gouvernement du Québec tout seul.
Là, je ferai des raccourcis à travers l'histoire. J'ai dix
minutes, je ne veux pas trop m'étendre là-dessus, mais ça
m'apparaît quand même fondamental. Nous sommes encore aux prises,
aujourd'hui, avec ce genre de biais. De temps à autre, on arrive
à sauver quelque chose. J'allais dire grâce au ciel - c'est
affreux d'avoir à dire cela -grâce au ciel, il y a eu l'incident
du F-18; cela nous a valu Bell Helicopter. Encore que, tout de suite
après, on annonçait Messerschmitt en Ontario. Je parlais de Sir
John A. MacDonald tout à l'heure. Si je fais des raccourcis à
travers l'histoire qui sont forcément beaucoup trop rapides, regardons
les journaux de ce matin: Pétromont, plus un sou. C'est la base
même de toute l'industrie des plastiques au Québec et il y a
n'importe quoi, selon les estimations, entre 12 000 et 17 000 emplois qui
dépendent de cela. Le fédéral, ce matin, rien. Les
ententes sectorielles qui sont en train d'être négociées
entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du
Québec, nous apprenons par la voie des journaux de ce matin que le
gouvernement fédéral rompt les négociations et
dépensera 109 000 000 $ comme il le veut et là où il le
veut. Nous apprenons par les mêmes journaux, toujours ce matin, que
Honda s'en va en Ontario.
C'est l'histoire - qu'est-ce que vous voulez qu'on y fasse? - du
gouvernement du Québec depuis 25 ans; depuis qu'il y a un gouvernement
un peu moderne au Québec qui s'intéresse à ces
questions-là, c'est l'histoire du Québec. C'est l'histoire de
tous les gouvernements qui se sont succédé. Comment, seulement
avec les ressources du gouvernement du Québec, contrer un biais comme
celui-là? Quand bien même on chercherait à dire, selon les
aléas de la politique, que tel gouvernement va trop loin, que tel
gouvernement ne va pas assez loin, fondamentalement, il n'y a rien de
changé là-dedans. Il s'agit de savoir comment, avec nos propres
ressources, on peut faire en sorte de contrer le biais industriel du
gouvernement fédéral, alors que le gouvernement
fédéral se défend en disant: Je paie la moitié de
l'aide sociale au Québec. Bien oui. Alors qu'il dit: La caisse
d'assurance-chômage est largement déficitaire au Québec.
Bien oui. Sur ce plan-là, nous recevons des transferts
fédéraux absolument impeccables. Il nous finance 50% de l'aide
sociale, il n'y a pas de problème. Alors, que sur le plan des structures
industrielles, c'est une autre paire de manches, où les gestes
industriels sont systématiquement orientés en fonction de
l'Ontario.
Remontons en arrière, si on trouve qu'on discute trop
d'aujourd'hui. Est-ce qu'on veut parler de la façon dont les
écoles techniques ont été montées au Canada?
C'était à l'époque où M. Paul Gérin-Lajoie
était ministre de l'Éducation. On s'est fait avoir comme des
enfants. Les écoles techniques, c'était important sur le plan du
développement industriel. Comme par hasard, les normes
fédérales sont sorties avec un montant, les plans de construction
d'écoles techniques étaient entièrement prêts en
Ontario. Ils sont partis avec la caisse. Le temps que ceux qui n'étaient
pas avertis comme nous préparions des plans pour la construction
d'écoles techniques au Québec à l'intérieur de nos
polyvalentes, la manne était passée. Cela a eu une certaine
influence sur le développement industriel. Je peux me promener comme
cela pendant 25 ans, de ce matin à il y a 25 ans, et retrouver
systématiquement ce biais parfaitement compréhensible, d'autre
part, et c'est normal. Le coeur industriel du Canada, c'est l'Ontario. Il est
tout à fait normal qu'un gouvernement responsable à
l'égard d'un pays aussi immense que le Canada détermine où
est son coeur et où sont ses muscles sur le plan industriel et favorise
le développement de muscles existants.
Remarquez que ce que je dis là, si j'étais ministre des
Finances dans certaines autres provinces, je dirais probablement la même
chose. Dans ce sens-là, je vous dirai que Terre-Neuve a eu un "deal"
épouvantable
depuis qu'ils sont entrés dans la Confédération.
C'est effrayant ce que le gouvernement fédéral a fait à
Terre-Neuve, toujours en payant la moitié de l'aide sociale, toujours en
étant capable de fournir autant d'assurance-chômage qu'on le veut.
Sur le plan industriel, je vous dirai une chose: sur le plan des structures
industrielles, si j'étais Terre-Neuvien, je serais enragé. Comme
Québécois, je suis souvent de mauvaise humeur. Je trouve souvent
que le gouvernement fédéral exagère. J'ai une hâte
féroce de sortir de ce système, mais si j'étais
Terre-Neuvien j'irais bien plus loin.
Le Président (M. Lachance): M. le député
d'Argenteuil.
Paiements de transfert
M. Ryan: Merci, M. le Président. Cela me fait plaisir de
participer à cette discussion en compagnie du ministre des Finances, de
mon collègue le député de Vaudreuil-Soulanges, de mes
collègues de Verdun et de Sainte-Anne. Cela m'intéresse toujours
d'avoir la chance de discuter avec le ministre des Finances de questions qui
nous intéressent en commun.
Je l'entendais faire son énumération tantôt des
mesures prises par le gouvernement fédéral en ce qui touche le
développement industriel du Québec. Je pense qu'on pourrait
ajouter un certain nombre d'exemples éloquents à ceux qu'il a
mentionnés ou omis de mentionner. C'est sûr qu'il a
mentionné l'aéronautique en passant. Il l'a fait très
vite. Si nous avons une entreprise qui est à la fine pointe de
l'industrie aéronautique, surtout en matière de production de
moteurs comme Pratt et Whitney, c'est dû en grande mesure à l'aide
que cette entreprise a reçue du gouvernement fédéral non
seulement pour son implantation au Québec, mais pour son
développement subséquent, surtout l'avancement de sa recherche.
Je crois me souvenir que, lorsque la compagnie Bombardier a
décroché un gros contrat aux États-Unis, le
président avait déclaré que c'était en très
grande partie attribuable à l'aide qu'il avait reçue du
gouvernement fédéral.
Nous aurons, dans le comté d'Argenteuil, le projet Bell
Helicopter. J'espère que le Devoir s'est trompé dans les articles
qu'il a consacrés à ce projet il y a un certain temps. Il a
souvent raison, mais il lui arrive de se tromper comme d'autres, à
toutes les époques d'ailleurs, mais je pense que c'est un projet qui,
à sa face même, présente une possibilité de
développement extrêmement intéressante.
Dans le secteur des pâtes et papiers, la part du gouvernement
fédéral dans le programme de modernisation des installations qui
a été réalisé au cours des cinq ou six
dernières années a été considérable. Le
gouvernement québécois a eu une participation intéressante
aussi. Celle du gouvernement fédéral - et là je ne porte
pas de jugement de valeur - fut plus considérable au point de vue du
volume, mais voici un cas où il y a eu une certaine collaboration qui a
permis à nos entreprises de pâtes et papiers de reprendre un peu
du retard qu'elles avaient accumulé pendant des années en
matière de modernisation de leurs équipements.
Je suis depuis toujours - maintenant, hélas, un peu à
distance - le développement de la coopérative
fédérée, un grand mouvement coopératif agricole. Je
pense que ces gens ont bénéficié à maintes reprises
au cours de leur histoire de politiques fédérales qui
permettaient d'acheminer une bonne partie de la production agricole du
Québec vers des marchés extérieurs et de renforcer nos
productions agricoles dans plusieurs secteurs. Assez curieusement, ces
gens-là qui sont à la pointe de la production agricole au
Québec sont beaucoup moins gémissants lorsqu'ils parlent des
politiques fédérales que certains de nos amis du Parti
québécois. Tout n'est pas parfait dans ces politiques, loin de
là, mais je pense qu'il y a un grand nombre de points qui valent
d'être soulignés. Il faudrait évidemment faire un
inventaire assez large et je pense qu'on en trouverait plus que ce que nous a
laissé entrevoir la déclaration du ministre tantôt. Je dis
cela sans vouloir faire d'apologie parce que, s'il y a des mesures
particulières qui ont été mauvaises, il faut le dire avec
fermeté et, si d'autres ont été bonnes, il faut avoir la
loyauté de le reconnaître.
Je ne me souviens pas... Si le ministre des Finances pouvait apporter
des précisions à ce sujet tantôt, j'en serais heureux. Il
était peut-être conseiller d'un gouvernement libéral
à l'époque. Quand on a fait l'implantation de General Motors
à Sainte-Thérèse, je ne pense pas que le gouvernement
fédéral ait nui, je pense qu'il a au contraire aidé.
Là arrive une décision dans le cas de Honda. C'est une
décision que nous déplorons tous profondément du point de
vue du Québec, mais j'espère que, dans l'ensemble des projets de
développement de l'industrie automobile au cours des années
à venir, le Québec retrouvera sa part. Je ne sais pas ce qui est
arrivé dans toutes les négociations qui ont entouré ce
projet, mais je crois savoir que, dans le cas d'une compagnie comme Bell
Helicopter, cela a été très difficile de les persuader de
venir au Québec, car il y avait toute une série de facteurs qui
les incitaient à regarder plutôt du côté de
l'Ontario. Dans mon comté d'Argenteuil, nous avons eu l'implantation
d'une entreprise très importante récemment de la filiale de Great
Lakes Carbon, un
projet qui peut aller chercher dans les 500 000 000 $ lorsque la
deuxième étape aura été réalisée.
Dans les premières étapes, la collaboration du
gouvernement du Québec n'était pas de nature à les amener
ici. Je suis heureux qu'en dernière étape il y ait eu un
redressement. Finalement, il y a eu une très bonne collaboration
fédérale-provinciale pour l'acheminement vers une décision
qui nous a été favorable. Le gouvernement fédéral a
fourni une contribution plus élevée que celle du Québec.
Le Québec a fourni une contribution plus modeste, mais quand même
très appréciée dans ce cas-ci. À la fin, il a
fourni un apport de soutien surtout au point de vue de l'implantation des
services et des règlements de problèmes de zonage agricole. Il a
été positif dans l'ensemble. Je suis très heureux de le
reconnaître, mais c'est pour cela que j'aimerais bien qu'on fasse un
bilan plus large. Je comprends les préoccupations du ministre qui suit
ces choses depuis longtemps. J'écoute toujours avec
intérêt, même si j'ai de la misère à souscrire
à toutes les affirmations générales que j'entends souvent
sur ses lèvres. Cela m'amène à un aspect particulier. (22
h 45)
J'entendais le député de Bourassa dire tantôt - et
c'est un des thèmes que nous entendons souvent chez les porte-parole du
Parti québécois - que notre fédéralisme canadien a
évolué ces dernières années et continuera
inexorablement d'évoluer vers une centralisation de plus en plus
considérable. Je ne sais pas, j'ai préparé un certain
nombre de chiffres sur cela, je les ai colligés plutôt que
préparés parce que je les ai pris là où ils se
trouvaient; je n'ai rien inventé, je pense bien. On l'a dit souvent
à la Chambre, mais je pense que les oreilles de nos collègues du
Parti québécois sont remplis de ouate quand on parle de ces
choses. Peut-être qu'ils trouvent la même chose de notre
côté, mais le message ne passe pas ni de leur côté
vers nous, ni de notre côté vers eux, et je fais un effort de
clarification pour lequel je compte sur la collaboration du ministre des
Finances.
Est-ce que je me trompe quand je cite les chiffres suivants? Sur la
répartition des recettes publiques entre le gouvernement
fédéral et les pouvoirs provinciaux et municipaux, sur une base
de 50 ans - je ne prends pas une base à la légère, je
prends 1930, 1960, 1970, 1980 - en 1930, les recettes publiques - je vais
prendre l'autre tableau avant, je vais prendre les recettes publiques propres
à chaque ordre de gouvernement - étaient 33% du côté
fédéral, 66% du côté des administrations
provinciales et locales. En 1960, là c'était dans la
période qui a suivi le deuxième conflit mondial, c'était
de 58,2% du côté fédéral, 41,8% du côté
provincial et local. Dans les années après la guerre, si on
allait chercher - je pense que le ministre des Finances va confirmer ce que je
dis sur cela, du moins en gros - les années 1948-1950, c'était
75% des recettes publiques qui allaient du côté
fédéral. En 1970, c'était rendu à 50,9% contre
49,1%. En 1980, c'est 46,6% contre 53,3%; ce sont les recettes propres, les
impôts perçus par chaque ordre de gouvernement.
Maintenant, si l'on soustrait les recettes de l'administration
fédérale, les sommes qui sont versées aux provinces sous
forme de paiement de transfert, tantôt inconditionnel, tantôt
relié au financement de programmes établis ou d'autres
programmes, on en arrive au pourcentage suivant, le partage des recettes
publiques se fait comme ceci: il en reste 34,7% au fédéral et il
y en a 65% qui vont aux administrations provinciales et locales.
À moins que les chiffres ne veulent plus rien dire, je ne pense
pas qu'on puisse dire qu'il y a une évolution tellurique, inexorable
vers une centralisation de plus en plus grande. Une des caractéristiques
de la fédération canadienne, c'est justement qu'elle a
évolué et je crois avoir entendu le ministre des Finances dire
déjà que, si lui-même était un
fédéraliste, il serait un centralisateur. Je le comprends parce
qu'il y a beaucoup de points sur lesquels c'est un centralisateur, un
centralisateur québécois. Mais des fois cela fait aussi du tort
aux commissions scolaires et aux institutions intermédiaires. Je n'aime
pas la mentalité centralisatrice, qu'elle règne à
Québec ou à Ottawa, je ne l'aime pas davantage. Je
préfère une mentalité de philosophie politique qui cherche
à établir un dosage équilibré entre les
différents paliers de responsabilités qui existent sous notre
système de gouvernement. Cela est un premier point.
Récemment, à l'occasion d'une conférence qui avait
lieu à Toronto sous les auspices du Conseil économique de
l'Ontario, à laquelle j'ai eu l'honneur de participer, j'ai entendu un
exposé par un professeur de philosophie politique de l'Université
de Toronto. Il a comparé l'aménagement des responsabilités
des opérations financières entre les différents paliers de
gouvernement dans six fédérations différentes. Trois
étaient des fédérations anglophones où l'anglais
occupe une place importante comme au Canada, et trois autres. Parmi les
fédérations qu'il a étudiées, il y avait celle des
États-Unis, il y avait celle de la République
fédérale d'Allemagne, il y avait celle de l'Australie, il y avait
celle de la Suisse et il y avait celle de l'Autriche. Je pense que cela fait
six.
Le Président (M. Lachance): M. le député,
est-ce que vous pouvez conclure parce que le temps imparti à chaque
intervenant est de dix minutes?
M. Ryan: Ce n'est pas déjà fini?
M. Caron: M. Ryan, M. le député d'Argenteuil, je
pense que nous sommes tous unanimes à laisser...
Le Président (M. Lachance): Vous auriez besoin d'encore
combien de temps?
M. Ryan: N'avons-nous pas vingt minutes pour parler?
Le Président (M. Lachance): C'est dix minutes par
intervention.
M. Ryan: Je m'excuse, il y avait maldonne. Je pensais que
c'était vingt minutes. J'arrive d'une commission et on avait une belle
période de vingt minutes.
M. Laplante: Cela fait treize qu'on vous donne, prenez-en deux
autres.
M. Ryan: Je ne veux pas de vos cadeaux de deux minutes. Je vais
brutalement arrêter ici.
M. Laplante: C'est un cadeau de Grec qu'on vous donne,
prenez-le.
M. Ryan: Un cadeau de Grec, non. J'avais énormément
d'autres points à apporter. Mon sujet principal était les
paiements de transfert, mais peut-être qu'il y aura une occasion d'y
revenir tantôt, je ne suis pas pressé.
Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'il y aurait
consentement des membres...
M. Caron: II y a consentement sans aucune obligation.
M. Ryan: Pardon!
Le Président (M. Lachance): J'aimerais avoir une
réponse claire. Est-ce qu'il y a consentement ou s'il n'y en a pas pour
permettre au député d'Argenteuil...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): De la même façon
que la présentation est manifestement cohérente, cela arrive
même de votre côté. C'est arrivé au ministre des
Finances, c'est une chose certaine, on l'a laissé déborder, il a
répondu jusqu'à la fin. Je ne vois pas pourquoi le
député d'Argenteuil...
Le Président (M. Lachance): M. le député
d'Argenteuil, vous avez la permission de la commission, vous pouvez
continuer.
M. Ryan: Merci, je l'apprécie énormément,
mais j'espère ne point abuser. Est-ce que je suis restreint à
deux minutes?
Le Président (M. Lachance): Non, allez-y, M. le
député, vous avez dix minutes.
M. Ryan: Très bien. Je soulignais que la conclusion de
l'auteur de cette étude - je pense que le ministre des Finances en a
peut-être eu copie parce qu'il y avait des représentants de son
ministère à la conférence - c'était que le Canada
et la Suisse sont les deux pays où les finances publiques sont
aménagées d'une manière qui favorise le plus les
États constituants. C'est un fait qui a été tiré de
là.
L'autre conclusion qu'il tirait, c'est que le Canada est le pays, dans
les six pays à régime fédéral qu'il a
étudiés, où le système des paiements de transfert
d'un palier de gouvernement à l'autre a été
développé de la manière la plus élaborée,
beaucoup plus élaborée que ce qu'on trouve dans les autres
fédérations. C'est un auteur qui a fait cela, un professeur de
l'Université de Toronto dont j'oublie le nom pour l'instant, mais dont
la compétence est reconnue dans ces choses. Il a bien pris soin de nous
dire, cependant, que, dans ces choses, il n'y a personne qui est totalement
compétent, parce que comprendre un système fédéral,
le nôtre, c'est extrêmement compliqué. À plus forte
raison, en comprendre six, cela doit être extrêmement
difficile.
Ceci étant dit, je voudrais signaler à l'attention du
ministre des Finances un point sur lequel je suis en désaccord avec lui.
Lorsqu'il nous signale les difficultés particulières qui
surgissent à propos du système des paiements de transfert, j'ai
tendance à être souvent d'accord avec lui. Je voudrais lui dire,
en toute objectivité, que la compétence qu'il possède dans
ces choses est appréciée à travers tout le Canada et que
souvent, dans des voyages qu'il m'arrive de faire à travers le pays, je
recueille des échos favorables au sujet d'interventions ou de
suggestions ou de propositions qui ont été mise de l'avant par le
ministre des Finances à l'occasion d'une discussion ou d'une
réunion provinciale-fédérale.
Les travaux de critiques de même que les suggestions qu'a faits le
ministre des Finances pour l'amélioration, la stabilisation des
paiements de péréquation sont des contributions très
valables pour lesquelles j'ai personnellement du respect. Je pense que le
ministre des Finances a intérêt à les poursuivre davantage
de manière que l'effet puisse en être inscrit un jour d'une
manière plus permanente dans toute la conception qu'on se fait de ces
paiements de péréquation.
En ce qui touche le financement des programmes établis, le
ministre des Finances a signalé à plusieurs reprises dans le
passé
et encore récemment les embûches qui provenaient de
changements conçus souvent à la vapeur ou de manière
improvisée ou de manière inacceptable pour le Québec par
les technocrates ou les politiciens fédéraux. Je pense que,
lorsqu'il arrive à cerner la difficulté de manière
précise, il peut arriver que des terrains d'entente se dégagent
entre le gouvernement et l'Opposition pour la défense des
intérêts supérieurs du Québec.
Ce que je n'accepte pas dans la manière dont le ministre des
Finances présente cette réalité, c'est l'oubli qu'il fait
de tracer la courbe de fond sur la toile de fond sur laquelle viennent
s'inscrire les difficultés de parcours qu'il signale à notre
attention, souvent à juste titre. J'ai compilé des statistiques
au sujet de l'évolution des paiements de transfert
fédéraux au Québec au cours des douze dernières
années. J'ai constaté que, dans l'ensemble, le rendement des
paiements de transfert a été très sensiblement
supérieur au rendement des recettes propres du gouvernement du
Québec. Si l'on compare l'évolution des recettes
budgétaires propres du gouvernement du Québec, si l'on compare
aussi - évidemment, c'est un corollaire tout à fait logique - les
recettes globales du gouvernement du Québec, on constate que la part des
recettes en provenance des paiements de transfert fédéraux a
augmenté beaucoup plus substantiellement au cours des douze
dernières années que la part des recettes propres.
Et là, j'en arrive à me dire: On nous a parlé de
vol, on nous a parlé de rapt, on nous a parlé... Encore la
semaine dernière, je pense que le montant qui a été
mentionné par le ministre des Finances était 1 700 000 000 $ ou 1
800 000 000 $, mais, si l'on regarde l'évolution des chiffres, j'ai des
paiements de transfert fédéraux, et j'ai vérifié
ces chiffres avec les collaborateurs du ministre - je ne pense pas qu'il y ait
de chicanes entre nous sur les chiffres. Le rendement total des paiements de
transfert fédéraux en 1972 était de 1 326 000 000 $.
Ensuite, il est passé à 1 284 000 000 $ en 1973, une
légère baisse; en 1974, il est passé à 1 406 000
000 $; en 1975, à 1 902 000 000 $; en 1976, 2 255 000 000 $; en 1977, 2
561 000 000 $; en 1978, 3 136 000 000 $; en 1979, 3 333 000 000 $; en 1980, 3
824 000 000 $; en 1981, 3 972 000 000 $; en 1982, 4 572 000 000 $; en 1983, 5
292 000 000 $; en 1984, 6 253 000 000 $.
Je me dis que, pour ces années que je viens
d'énumérer, il n'y a sûrement pas de catastrophe en la
demeure. Il y eu bien des difficultés de parcours, bien des choses; je
suis convaincu que l'action du ministre des Finances a joué un
rôle salutaire dans le rendement de ces paiements. Il y a des points sur
lesquels il a défendu nos intérêts et je dois convenir, en
toute honnêteté, qu'il les a défendus souvent avec
pertinence, avec compétence. Mais moi, je regarde le résultat
global et je me dis: Je suis bien loin de la tragédie que nous avait
annoncée, à chaque discours sur le budget, le ministre des
Finances.
J'ai fait le calcul, avec les services de recherche de l'Opposition, des
écarts entre les prédictions du ministre des Finances quant au
rendement des paiements de transfert au cours des trois dernières
années, les résultats réels. L'année 1981-1982,
écart de 309 000 000 $; l'année 1982-1983, écart de 374
000 000 $; l'année 1983-1984, écart de 278 000 000 $, ce qui fait
un total de 961 000 000 $. On va me dire qu'il y a eu des ajustements. C'est
vrai, mais moi, je prends l'affaire sur une base de dix ans. Les ajustements,
qu'on les prenne pour une année ou l'autre, finalement, il faut bien y
voir la longue période et je vous dis, M. le ministre, que, si je
regarde la longue période embrassant les dix ou douze dernières
années, il n'y a pas de raison de crier au vol, à la catastrophe.
Vous avez signalé avec raison que, si on examine les perspectives de la
prochaine année et de l'année suivante, il faut être
vigilant parce que, même si on était vigilant, je pense qu'on est
cuit à certains égards parce qu'il va y avoir une diminution.
Cela, c'est établi clairement dans les notes que j'ai compilées
moi-même. J'en viens à cette constatation aussi qui n'appartient
à personne, qui est du domaine public maintenant parce que le
gouvernement fédéral a fait paraître ses estimations, le
gouvernement du Québec également.
Maintenant, on va traverser une période plus difficile au cours
des deux prochaines années, mais, à supposer que vos paiements de
transfert au titre des programmes établis ont augmenté de 700 000
000 $ une année et qu'ils baissent de 100 000 000 $ l'année
suivante, si vous prenez cela en longue période, ce n'est pas aussi
catastrophique qu'on veut le laisser entendre. D'après les estimations
que publie le ministre fédéral des Finances, à partir de
1985, je pense, 1986-1987, les deux prochaines années seront plus
difficiles, mais après cela la courbe ascendante recommence. Ce que je
voudrais signaler, c'est qu'il peut très bien arriver... Les accords
fiscaux, c'est régi par une loi fédérale qui vaut pour
cinq ans. Au bout de la période de cinq ans, c'est le droit du
gouvernement fédéral de modifier les critères sur lesquels
il se fonde pour déterminer les sommes qui seront versées au
titre des paiements de transfert. Il ne faut pas qu'il joue avec cela.
Moi-même, j'insiste énormément sur l'obligation qu'à
le gouvernement fédéral de viser à la stabilité la
plus élevée possible, à une certaine continuité,
à une permanence dans cela. Mais, si on dit: On a perdu un milliard
parce
qu'ils ont changé ce que nous aurait rapporté l'autre
système... S'il se rend compte que l'autre système rapporte des
résultats qui vont bien au-delà de l'augmentation du produit
national brut, au-delà des besoins raisonnablement estimés, je
pense que c'est non seulement son droit, mais son devoir de modifier le
système de manière que le rendement devienne plus ajusté
aux besoins réels et ne soit pas une source de déficits
spectaculairement accrus pour le gouvernement fédéral. (23
heures)
Ce sont les considérations que je voulais porter à
l'attention du ministre des Finances par le truchement de cette commission. Je
vous remercie de m'avoir permis de le faire d'une manière qui demeure,
hélas, encore très incomplète par rapport à tout ce
que j'eus souhaité dire sur cela.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le
député d'Argenteuil. La parole est au ministre des Finances.
Évidemment, j'aurai envers lui, dans son droit de réplique, la
même tolérance; s'il le désire il pourra prendre 20
minutes.
M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, je ne sais pas si je
prendrai 20 minutes, mais je vous remercie de l'offre qui m'est faite. Le
député d'Argenteuil a couvert pas mal de terrain, cela devient un
peu difficile de ramasser l'argumentation en dix minutes seulement.
J'aimerais commencer mon intervention, à la suite de ce qu'il a
dit, par sa deuxième partie. Je reviendrai sur la première. Sa
deuxième partie était consacrée au fond au degré de
décentralisation du système fédéral canadien sur le
plan des finances publiques.
M. le Président, bien longtemps avant de faire de la politique,
mais bien longtemps, j'ai eu l'occasion de commenter ces chiffres et d'en
arriver à des conclusions tout à fait analogues à celles
du professeur de l'Université de Toronto dont le député
d'Argenteuil faisait état. On pourrait remonter plus loin en
arrière - je ne me souviens pas, mais enfin j'ai vu les chiffres -avant
la guerre de 1914, où le niveau du gouvernement qui dépensait le
plus au Canada, c'était le niveau municipal; avant 1914, c'était
cela. Le niveau municipal au Canada dépensait plus que le gouvernement
fédéral et que tous les gouvernements provinciaux ensemble. Les
chiffres qu'a présentés le député d'Argenteuil sont
parfaitement exacts. Remarquez que, si on utilise les dépenses comme
dénominateur plutôt que les revenus, on arrive à peu
près à l'heure actuelle au fait que le fédéral fait
à peu près, en 1980, 45% de toutes les dépenses au Canada
et les provinces et les municipalités, environ 55%.
Dans ce sens, le système fiscal canadien, non pas depuis si
longtemps, dans une perspective historique, mais disons depuis le régime
Pearson, s'est considérablement décentralisé. Si l'on
prend les dernières années de Mackenzie King et celles de M.
Saint-Laurent, il y a une sorte de résistance à transférer
de l'argent aux provinces et on connaît les batailles que M. Duplessis a
eues à cette époque pour essayer de sortir de l'argent que le
gouvernement fédéral avait monopolisé pendant la guerre,
comme le disait le député d'Argenteuil. Mais, à un moment
donné, cela s'est fait. Je me souviens encore de l'époque
où, sous M. Lesage, on opérait ce qu'on appelait la
transsubstantiation du général de Gaulle. Cela consistait
à faire en sorte que les Français râlent un peu dans les
relations étrangères et cela valait au moins deux points
d'impôt à la prochaine conférence
fédérale-provinciale. Les provinces, largement dirigées
par le Québec d'ailleurs à cette époque, ont
littéralement fait un strip-tease du gouvernement fédéral,
le pauvre ne savait plus de quel côté se tourner. Il a finalement
aboli le partage des impôts en 100 points qu'on se disputait chaque
année et qu'on se repartageait chaque année, et finalement chaque
gouvernement a décidé de taxer comme il le voulait.
Les transferts fédéraux ont été
considérables. Le système de péréquation tel qu'il
existe au Canada - je reviens encore sur ce que disait le professeur de
l'Université de Toronto, je l'ai dit pendant 20 ans avant cela - cela
n'existe pas dans beaucoup de fédérations, le système de
péréquation inconditionnel. Cet après-midi, nous parlions
du système américain de péréquation. Ce
système est totalement conditionnel, ainsi que je l'expliquais cet
après-midi, plus tôt. Dans ce sens, c'est vrai que, sur le plan de
la gestion des finances publiques au Canada, c'est tellement
décentralisé que c'est ingouvernable, cela aussi je le dis depuis
longtemps. J'ai eu l'occasion, avant de passer en commission parlementaire
d'ailleurs, de le dire à une commission conjointe de la Chambre des
communes et du Sénat. C'est ingouvernable sur certains plans. Pour que
ce soit gouvernable, il faudrait redonner au gouvernement
fédéral, sur certains plans, des pouvoirs qu'aucune province
n'acceptera jamais de lui donner, et le Québec à plus forte
raison.
Effectivement, cela a surtout pris la forme de transfert pour des
programmes sociaux. C'est vrai qu'à certains moments les provinces ont
grossièrement exagéré dans la façon dont elles
administraient les programmes sociaux et les faisaient partager par le
gouvernement fédéral. Je pense ici, par exemple, aux
augmentations de salaires
absolument faramineuses qui ont été données par un
certain nombre de provinces en 1975-1976, dont le Québec, et qui ont
fait que le gouvernement fédéral a dit: On ne va pas continuer
cela. Je dois payer la moitié de tout cela automatiquement, même
si vous donnez 44% comme province aux infirmières, sur un contrat de
deux ans.
Le système canadien est décentralisé sur bien
d'autres plans que les simples transferts ou le partage des dépenses
entre les deux niveaux. Il n'est pas correct que, comme ministre des Finances
du Québec, je puisse emprunter à l'étranger sans avertir
la Banque du Canada. C'est absurde sur le plan de l'administration d'une
balance des paiements. C'est complètement aberrant. Pensez-vous que,
dans un système fédéral allemand, je puisse emprunter sans
obtenir l'autorisation de la Bundesbank ou de la Deutsche Genossenschaftsbank?
Je ne suis pas capable d'emprunter sans demander l'autorisation à la
banque centrale. Pensez-vous que je peux emprunter en Suisse, pays
fédéral, sans obtenir l'autorisation de la banque centrale? Ici,
un gouvernement de province fait ce qu'il veut, emprunte, avertit la Banque du
Canada, si cela l'amuse, ne l'avertit pas. En Australie, pendant très
longtemps - je ne sais pas si le système dure encore - les États
et le gouvernement fédéral empruntaient ensemble, s'entendaient
chaque année sur le montant à emprunter à
l'étranger et ensuite se partagaient les fonds. J'ai déjà
dit à plusieurs reprises en anglais: It is a hell of a way to run a
railroad. Dans ce sens-là, le député d'Argenteuil disait
que j'ai le tempérament centralisateur ou jacobin, comme vous voudrez,
mais il reste néanmoins... Il faudrait qu'il nous donne ceci comme
gouvernement que, si nous avons pris certains gestes assez musclés
à l'égard des commissions scolaires, nous avons quand même
assuré l'autonomie financière des municipalités comme
jamais autrefois cela n'avait été fait. Je reviendrai sur la
question des municipalités. Il faut quand même équilibrer
les choses.
Mais une fois qu'on a dit cela, je reviens aux biens industriels et
économiques dont je parlais. Ce dont nous avons parlé
jusqu'à maintenant, c'est dans une très grande mesure de
l'échange d'argent pour des programmes à caractère social.
C'est un pouvoir de l'État central sur les ressources financières
empruntées des États. Sur le plan économique, il faut s'en
reparler d'une façon plus précise. D'abord, les dépenses
économiques d'un gouvernement représentent normalement partout
beaucoup moins d'argent que les programmes sociaux, c'est évident.
D'autre part, cela réagit à des choses qui tiennent d'ententes,
d'accords, de droits de douane, de politiques industrielles dont l'impact
financier est très souvent relativement marginal dans le budget
d'ensemble. Par exemple, le cas des investissements publics. Là encore,
le Canada est décentralisé comme il n'est pas permis. Vous
rendez-vous compte à quel point c'est sérieux dans un pays
d'avoir 15 ou 20 agences qui font 80% de tous les investissements publics?
Quelques sociétés d'État en Ontario, au Québec et
au fédéral, trois ou quatre ministères des transports ou
de voirie, trois ou quatre compagnies d'hydro, quatre ou cinq villes font 80%
de tous les investissements publics.
On veut parler de politique "contracyclique" pour lutter contre le
chômage? Eh bien, la caractéristique de ces organismes publics est
qu'ils ne se sont jamais rencontrés, ils ne se sont jamais parlé
et leurs programmes d'investissements n'ont aucun rapport les uns avec les
autres. C'est une façon de mener une économie, c'est
remarquable.
Passons aux investissements privés et productifs. C'est là
où le bât blesse. Finalement, l'investissement dans des domaines
productifs, c'est ce qui va assurer la richesse, la prospérité
d'une société. L'essentiel de cela n'implique pas de grosses
dépenses. Quand le gouvernement canadien a négocié
l'entente canado-américaine sur l'automobile, vous n'avez pas vu un sou
passer dans le budget, mais ça assurait un développement
industriel absolument prodigieux en Ontario.
Lorsque le gouvernement fédéral décide que le
pétrole raffiné à Montréal ne traversera pas la
ligne de l'Outaouais, ça assurera la pérennité du centre
de raffinage de Sarnia au détriment graduel de toute l'industrie de
raffinage et pétrochimique à Montréal. Cela n'a pas
coûté un sou, on n'a pas vu passer cela dans les budgets. Lorsque,
systématiquement, dans le cas de l'industrie de l'automobile, de
nouveaux investissements vont être orientés vers l'Ontario, il ne
faut pas se faire d'illusions; ça ne peut pas se faire autrement, en
vertu même de l'entente canado-américaine sur l'automobile, sans
la volonté explicite du gouvernement fédéral.
Il ne faut pas s'étonner que Volkswagen soit en Ontario, que
Honda aille en Ontario. Bien sûr, il y a eu des exceptions. Pour le F-18,
cela a été un tel scandale sur le plan politique qu'il fallait
réparer les pots cassés. Donc, cela a donné Bell
Helicopter. Je suis d'accord avec le député d'Argenteuil qu'on ne
peut pas présenter la chose comme le gouvernement fédéral
favorisant systématiquement l'industrie en Ontario et ne donnant rien au
Québec; forcément, il faut bien sauver les apparences. Certains
des exemples qu'il donne, cependant, ne me paraissent pas justes.
Prenons, par exemple, le cas de la modernisation de la pâte et du
papier. C'est au Québec que le programme a été
monté. Il a été accepté par le
fédéral quand l'Ontario
l'a accepté. À toutes fins utiles, il a été
appliqué dans l'ensemble du Canada. Le fédéral paie 60%,
les provinces paient 40%. L'initiative du programme de modernisation, sa
définition, les montants à y investir, les négociations
avec les compagnies, ne nous faisons pas d'illusions, tout ça a
été fait par M. Bérubé quand il était
ministre de l'Énergie et des Ressources. C'est lui qui l'a lancé.
Lorsque l'Ontario a manifesté son intérêt dans le
programme, il a été appliqué par le gouvernement
fédéral, pas avant.
Dans ce sens, quand je parlais d'un biais - je ne veux pas parler d'une
exclusivité, ce serait exagéré de dire cela -il faut
reconnaître le biais quand on le voit. Oui, on pourrait me faire une
liste de dix ou quinze projets qui ont abouti au Québec, mais il faut
voir ce qui s'est passé de l'autre côté de l'Outaouais
pendant ce temps. Encore une fois, on ne voit pas passer l'essentiel de ces
mesures par le budget. Ce qu'on voit passer par le budget, c'est peu de choses
par rapport aux contributions du fédéral à l'aide sociale
et aux contributions aux programmes de santé. C'est relativement
très peu de chose.
La mission économique, ce n'est pas par des sommes gigantesques
qu'elle se manifeste à l'intérieur des budgets. C'est par des
gestes réglementaires, par des gestes juridiques, par des gestes
administratifs, par des décisions et des négociations avec les
compagnies et de temps à autre, bien sûr, par des subventions ou
de l'aide financière qui vient s'ajouter à tout cela.
Dans ce sens, qu'on vienne me dire que le Canada, sur le plan de ses
finances publiques, est complètement décentralisé, je dis
oui, et ce n'est probablement pas un avantage sur un certain nombre de plans.
Cela m'a toujours paru largement ridicule sur certains plans. Que je puisse, en
tant que ministre des Finances du Québec, provoquer un mouvement sur le
taux de change du dollar canadien sans que la Banque du Canada soit avertie, je
trouve cela absurde. Soit dit en passant, quand j'étais fonctionnaire
sous M. Daniel Johnson, le premier ministre du Québec a offert à
une conférence fédérale-provinciale de remettre de l'ordre
là-dedans. C'est une chose de le voir sous cet angle et c'en est une
autre de se rendre compte, sur le plan industriel, des biais qui ont
été incorporés là-dedans depuis des
années.
Encore une fois, je vous rappelle que ces investissements sont quand
même à la source de toute la prospérité du
système. Cela ne m'impressionne pas plus que cela de dire que le
Québec reçoit des transferts absolument gigantesques pour
être capable de payer pour ses chômeurs. Je voudrais d'abord qu'ils
soient moins chômeurs ou qu'ils ne soient pas chômeurs.
Venons-en maintenant aux transferts.
Sur la question des transferts fédéraux et de leur
évolution dans le temps, j'ai une interprétation un peu
différente de celle du député d'Argenteuil et que
j'aimerais lui soumettre. Je suis remonté, moi aussi, en 1972-1973. Je
répète ce que je disais cet après-midi. Il est important
de revenir à ces années 12 ou 7 parce que c'est invariablement
à ces moments que les ententes sont renouvelées. Remontons
à 1972-1973. J'ai établi le niveau des transferts
fédéraux en proportion des revenus autonomes en pourcentage
depuis 1972-1973. Regardons bien ce que ça donne. (23 h 15)
Ces transferts fédéraux, il y en a quatre sortes. Il y a
la péréquation, le financement des programmes établis,
essentiellement le postsecondaire et la santé, le régime canadien
d'assistance sociale, c'est-à-dire le financement de l'aide sociale, et
les autres programmes; là-dedans, il y a toutes les ententes
sectorielles, etc.
Regardons ce que cela donne. Commençons par les autres
programmes, toutes ces ententes sectorielles, les plans conjoints de toute
espèce qu'on a connus. Cela représentait, en 1972-1973, 5% de nos
revenus autonomes comme gouvernement. On est rendu en bas de 2% et cela va
continuer de tomber, probablement à 1,5% en 1986-1987. Ce sont les
contributions, essentiellement, à du développement sectoriel,
surtout de l'économie. Je reviens à ma thèse de tout
à l'heure. Essentiellement, c'est de l'argent pour le
développement de l'économie. Cela tombe comme une roche. En
1976-1977, cela a augmenté à 5,7% et, depuis ce temps-là,
cela tombe: 5,5%, 4,9%, 4,3%, 3,4%, 2,8%, 2,1%.
L'aide sociale, les transferts à l'aide sociale, toujours en
proportion des revenus autonomes. Dans les années 1973-1974, cela ne
représentait pas beaucoup plus que 4,5% de nos revenus autonomes.
À l'heure actuelle, on est au-delà de 7%. La machine fonctionne
bien pour financer nos assistés sociaux, c'est parfait. Il faut le dire,
on ne peut pas se plaindre. Il paie 50% de la facture. Si on avait deux fois
plus d'assistés sociaux, il mettrait deux fois plus d'argent.
Le financement des programmes établis, cela commence à
devenir un montant assez important du budget total du gouvernement du
Québec. Au début de la période, en 1972, le gouvernement,
ce qui nous venait du financement des programmes établis
représentait à peu près 10% de nos revenus autonomes et
est tombé graduellement à 8%, mais s'est relevé pour des
raisons que j'ai déjà expliquées à 13% et presque
à 14% en 1978-1979. Là, le gouvernement fédéral
s'est choqué en disant: J'en ai assez de payer la moitié de
toutes les augmentations de salaire que vous avez l'intention de donner
à tout le monde dans le secteur public, et a plafonné
en 1978, avec notre accord. Quand on dit qu'on n'arrive pas à
s'entendre avec le gouvernement fédéral, ce n'est pas vrai. On a
été les premiers au Québec à dire: Vous avez
raison, il faut que vous plafonniez cela et vous n'allez pas payer
automatiquement la moitié de n'importe quoi qu'un gouvernement va offrir
dans une province à des groupes de fonctionnaires, d'infirmières
ou d'enseignants. La proportion est retombée très rapidement.
En 1979-1980, on tombe à 12,4%; en 1980-1981, à 10,9%; en
1981-1982, à 9,5%; en 1982-1983, à 7,9%. Il y a eu un ajustement
à la hausse assez important en 1983-1984 et 1984-1985, pour des raisons
de révision de chiffres dont j'ai eu l'occasion de parler assez souvent
en Chambre. On a révisé la valeur du point d'impôt, on a
révisé la population, on a révisé le partage du
produit intérieur brut entre les provinces. Le statisticien du Canada a
finalement dit: Ces Québécois qui râlent depuis
déjà un certain nombre d'années en disant qu'ils n'ont pas
leur vraie part, ils ont raison. Sauf qu'on ne nous a pas donné
l'ajustement pour des années antérieures quant à la
population, mais c'est une autre histoire. La machine maintenant prévue
fait qu'après être monté à 11% en 1983-1984, on va
tomber à 10,3%, 9,3%, 9,1% pour l'année en cours et les deux
années qui viennent. On revient en somme à un niveau qui
correspond à ce que le gouvernement fédéral voulait
payer.
Il nous reste la péréquation à examiner. La
péréquation, la formule en a été changée
constamment, à deux occasions, dans deux cadres bien distincts. Le
premier cadre, ce sont les ententes tous les cinq ans. Le deuxième
cadre, ce sont les changements administratifs à tout bout de champ
pendant la période de cinq ans. La péréquation est
étonnamment imprévisible parce qu'on ne sait jamais quel genre de
règlement va nous arriver d'un mois à l'autre pour changer les
règles du jeu. On a commencé la période avec 14%; en
1972-1973 et 1973-1974, à peu près 14% des revenus autonomes du
gouvernement de Québec représentaient la
péréquation. Cela a monté jusqu'à 17,5% en
1974-1975 et 1975-1976. Ensuite, cela a baissé graduellement de
façon qu'en 1978-1979, nouveaux accords où on tombe à
15,5%. Bien sûr, on a râlé. Cela a ensuite remonté,
jusqu'en 1981-1982, à 18%, où on retrouvait le niveau de
1974-1975. Et là, il y a eu les ajustements dont j'ai parlé tout
à l'heure qui ont porté cela à 21% ou 22%. Les ajustements
pour les financements des programmes établis sont appliqués aussi
à la péréquation. Et maintenant, cela tombe comme une
roche. On a eu environ 22% de nos revenus autonomes en
péréquation en 1982-1983; en 1983-1984, c'est 21,4%; cette
année, on calcule 19,1%; l'année prochaine, 16,5% et, en
1986-1987, 15,5%.
Maintenant, additionnons les quatre colonnes. Au total des transferts,
cela veut dire ceci: À partir de 1985-1986, la nouvelle formule de
péréquation va s'appliquer pour la première fois. Les gens
du Manitoba et du Québec ont tellement râlé contre la
nouvelle formule de péréquation que le gouvernement
fédéral a fini par accepter une garantie de recette qui se
termine cette année. À partie de 1985-1986, elle n'existe plus et
le nouveau système de péréquation va être mis en
vigueur pour la première fois.
Donc, les années qui viennent sont des années où,
pour la première fois, le nouveau système va intégralement
s'appliquer. Qu'est-ce que cela va nous donner? Si nos chiffres sont à
peu près corrects à l'égard de cette nouvelle formule, on
va tomber en 1986-1987 à 33% de nos revenus autonomes,
c'est-à-dire que les transferts fédéraux
représenteront 33% de nos revenus autonomes. Cela sera le plus bas
pourcentage depuis 1972, à l'exception de 1973-1974, jusqu'à
32,2%. Cela va être le plus faible pourcentage depuis 1972. Et, d'autre
part, si l'ancienne formule de péréquation s'appliquait, on
aurait 400 000 000 $ ou 425 000 000 $ de plus par année. Ce n'est pas de
la tarte.
Maintenant, on me dira: Vous vous êtes trompé. Je comprends
que je me suis trompé. Les années dont on parle sont des
années où on a râlé en disant: Le pourcentage
concernant la population que vous nous donnez n'est pas exact, et finalement le
statisticien du Dominion nous a dit: Vous avez raison. Mais ils ne vont pas se
tromper trois fois de suite sur la population du Québec. Les ajustements
qui ont été faits sont faits. On en est rendu à me dire
que, dans la mesure où j'ai été assez convaincant et
où on s'est battu comme on a pu pour faire corriger des choses, je me
suis trompé. Heureusement que je me suis trompé. Je suis fier de
m'être trompé.
Je sais que je n'ai plus de réserve ou, en tout cas, je n'en ai
plus beaucoup. Il me reste, dans certains cas, peut-être des poursuites
judiciaires contre le gouvernement fédéral. Parce que, dans le
cas des programmes de bilinguisme, par exemple, ce qu'ils ont fait pour nous
couper nos transferts, cela n'a pas de bon sens. Cela n'a littéralement
pas de bon sens. Mais je n'ai plus beaucoup de réserves. Les
réserves que je pouvais utiliser dans le système, maintenant,
elles sont utilisées. Je ne vois pas vraiment comment on peut
éviter maintenant que cela tombe. À moins que je ne me trompe,
qu'il n'y ait d'autres ajustements, on verra bien, que je ne sois encore
davantage convaincant, je veux bien.
Mais je conclus, M. le Président, en disant ceci: Ce
système est un carcan, qu'il se prête très bien au
financement d'aide sociale, d'assurance-chômage, de charges sociales en
général. Que je préférerais avoir
davantage d'investissements et moins de charges sociales. Que ce
système ne s'y prête pas et que, d'autre part, parce qu'il est
corrigé constamment par le gouvernement fédéral, à
la baisse, et singulièrement à l'égard du gouvernement du
Québec. C'est un système que j'attaque et que je continuerai
d'attaquer.
Un mot, pour terminer, sur l'affaire de Terre-Neuve et du Québec.
Qu'on me trouve un autre exemple, dans l'histoire des transferts
fédéraux et de la péréquation au Canada depuis
1952, où un ajustement s'est fait entre deux provinces seulement. On a
dit: Nous réaffirmons que le Labrador, ce n'est pas au Québec,
une décision du Conseil privé. Mais aux fins du calcul de
péréquation, on va faire comme si Churchill Falls était au
Québec, on va transférer 30 000 000 $ à Terre-Neuve et on
va enlever 20 000 000 $ au Québec. Trouvez-moi un autre exemple
littéralement bilatéral dans le système de
péréquation où le gouvernement fédéral a
déjà fait cela? Trouvez-moi un autre exemple, comme je le disais
cet après-midi, où on dit au Québec: Chaque fois que
l'activité économique se développera, on vous
enlèvera 50% dans le dollar d'impôt additionnel que vous faites.
On se tourne à l'égard de la Nouvelle-Écosse et on dit:
Pour tous les revenus additionnels que vous tirez du pétrole, on n'en
tiendra pas compte dans le système de péréquation.
Vous comprendrez, M. le Président, que, dans ces conditions, non
seulement je surveille de très près le système, mais je
considère qu'il y a là une espèce d'effort
délibéré de la part du gouvernement fédéral
de dire: Quand cela risque de coûter trop cher, au Québec, on va
aller leur en enlever. Sauf que, sur le plan des charges sociales pour les
chômeurs, ils auront tout ce qu'ils voudront. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. Je
reconnais maintenant le député de Roberval.
Rôle de l'État dans le
développement économique
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Mon intervention sera
relativement courte. Dans ma première intervention, j'ai parlé un
peu de l'illogisme de la politique budgétaire que tentait de nous faire
accepter le critique libéral en matière de finances. Dans ma
deuxième, j'ai parlé de l'héritage négatif sur le
plan de la gestion des finances publiques que nous avait légué le
gouvernement qui nous avait précédés. Le troisième
aspect sur lequel j'aimerais questionner le ministre des Finances, parce que,
essentiellement, c'est son point de vue que j'aimerais avoir là-dessus,
concerne la place de l'État dans le développement
économique. C'est encore là un autre domaine où,
effectivement, les gens d'en face ne nous ont pas clairement défini leur
position et j'aimerais avoir les commentaires du ministre des Finances sur un
certain nombre de points; en particulier sur l'intervention de l'État
selon deux aspects bien particuliers.
Le premier de ces aspects concerne les sociétés
d'État. Effectivement, on s'est fait dire à plusieurs reprises,
du côté de l'Opposition, que les sociétés
d'État occupaient une place beaucoup trop importante dans le
développement de l'économie du Québec. On s'est fait dire
également à maintes reprises qu'il faudrait faire en sorte que
les sociétés d'État deviennent un peu plus invisibles, un
peu moins présentes, qu'elles jouent un rôle moins important et
laissent à l'entreprise privée le plus grand champ possible
d'activités. Sauf que, j'oserais dire, dans le même jet,
l'Opposition nous critique vertement à chaque fois qu'une
société d'État, pour des raisons de fonctionnement, de
saine gestion, refuse ou hésite à s'impliquer dans un domaine
économique, quel qu'il soit. Je prendrai juste les critiques qui ont
été formulées par l'Opposition, par exemple, concernant la
rationalisation des scieries en Gaspésie, où l'on reprochait au
gouvernement de ne pas suffisamment accepter d'assumer les pertes qui devaient
être encourues par des scieries qui ne pouvaient pas fonctionner de
façon rentable.
Également, un deuxième exemple plus près de ma
région, à la scierie de Sacré-Coeur où l'Opposition
essaie par un certain nombre de questions et par des interventions de
discréditer le gouvernement parce qu'il ne semble pas opportun à
ce stade-ci qu'une société d'État assume une part trop
grande de pertes dans le fonctionnement d'une scierie qui est importante pour
le milieu, mais qui, pour le moment, affronte ou a affronté des
problèmes de fonctionnement assez sérieux. Il y a cette
espèce d'ambiguïté du côté de l'Opposition.
Quand l'État intervient et de façon profitable, elle intervient
trop et elle devrait laisser la place à l'entreprise privée,
toute la place ou le plus de place possible et, d'autre part, il y a ces
critiques qui disent que les sociétés d'État ne sont pas
suffisamment présentes dans le développement économique
dans certains secteurs, principalement des secteurs où, semble-t-il,
elles devraient assumer des pertes.
Un deuxième aspect sur lequel j'aimerais également
entendre le ministre des Finances, c'est celui du plan de relance. Le temps
n'est pas si loin, M. le Président, où le gouvernement, mettant
de l'avant une série de mesures pour le développement
économique du Québec, pour faire face à la situation
économique difficile qu'on connaissait, a mis sur pied un certain
nombre
de mesures, des mesures qui n'ont pas toutes eu, bien sûr, le
même impact, il faut bien s'y attendre, mais des mesures aussi qui
n'avaient pas toutes la même implication financière de la part du
gouvernement. Un certain nombre de mesures étaient en place et, il faut
bien le dire, le gouvernement apportait un coup de pouce sans qu'il lui en
coûte une fortune pour le faire. C'est extrêmement sain sur le plan
de la gestion des finances publiques qu'il en soit ainsi. (23 h 30)
D'autres mesures également étaient en place dont les
dépenses inhérentes étaient imputables à l'exercice
financier qu'on connaît maintenant, c'est-à-dire qui
n'étaient pas immédiates au moment où elles étaient
annoncées. Or là, l'Opposition déclarait à qui
voulait l'entendre: Le gouvernement n'investit pas assez d'argent. Cela ne
coûte pas assez cher pour assurer la relance. Il n'est pas normal que ce
soit efficace si cela ne coûte pas X centaines de millions. Ce
n'était pas bon. Tantôt, l'État investit trop d'argent du
public dans la relance économique. Cela coûte trop cher,
l'État est trop présent. Quand l'Etat réussit à
innover, à être créateur, à mettre sur pied des
mesures qui n'ont pas coûté très cher au citoyen, mais qui
ont eu des effets économiques très positifs, on chante une tout
autre chanson: Ce n'est pas correct, ce n'est pas exact, le gouvernement ne
fait pas son travail.
J'aimerais connaître la position du ministre. Puisqu'on discute de
la politique budgétaire, il convient également de discuter de la
position du ministre sur ce sujet assez controversé et assez
nébuleux pour les gens d'en face, soit celui de la présence des
sociétés d'État dans le développement
économique, d'une part, et, d'autre part, de la présence des
investissements de l'État dans la relance économique.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le
député. Avant que M. le ministre des Finances prenne la parole,
le député de Chambly m'a indiqué son intention
d'intervenir. Je demande au ministre des Finances s'il a objection à
répondre aux deux députés ministériels dans un
même temps. Il est présentement 23 h 33. Si je comprends bien, il
me faudra le consentement unanime des membres de la commission pour
dépasser minuit. On m'a indiqué tout à l'heure que cela ne
devrait pas dépasser minuit. Si le ministre est d'accord, à la
suite de l'intervention du député de Chambly, il pourrait
répondre aux deux intervenants. Par la suite, nous pourrions passer du
côté de l'Opposition.
M. Tremblay: M. le Président, on pourrait peut-être
arranger cela. Il y a une entente pour qu'on termine les travaux à
minuit, n'est-ce pas?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, c'est un ordre du leader.
Sauf erreur, l'enveloppe de 10 heures n'a jamais fait l'objet de
modification.
M. Tremblay: L'enveloppe maximale... Je pensais qu'il y avait une
entente...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): 10 heures. Cela n'a pas fait
l'objet de...
M. Tremblay: ...de négociation.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ...changement.
M. Tremblay: Ah bon!
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le premier bloc était
théoriquement de 19 heures jusqu'à 24 heures ce soir.
M. Tremblay: D'accord. En ce qui me concerne, je pense qu'on
devrait terminer à minuit. Dans ce sens, on pourrait continuer
jusqu'à 23 h 40, si mon collègue ou le ministre a d'autres
questions. À 23 h 40, l'Opposition pourrait disposer de dix minutes et
le ministre de dix minutes également. Le ministre pourrait disposer des
dix dernières minutes.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je ne vois pas pourquoi.
M. Tremblay: Si on utilisait tout notre temps d'ici à
minuit... Vous ne parlez plus...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): On parlera demain.
M. Tremblay: D'accord.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Si vous vous tenez debout
là-dessus, si la nature de votre intervention, c'est de remplir le temps
jusqu'à 23 h 50, parfaitement. Au moins deux autres de mes
collègues veulent prendre la parole.
M. Tremblay: Non, non. Je dis qu'on pourrait vous laisser dix
minutes de 23 h 40 à 23 h 50 et dix minutes de 23 h 50 à 24
heures au ministre pour terminer. C'est la proposition que je vous fais. Je ne
peux pas présumer pour demain, il me dit qu'il n'y a pas d'entente.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Non, effectivement.
Le Président (M. Lachance): Est-ce que...
M. Tremblay: Je trouvais que c'était
généreux, mais, si vous ne le voulez pas, on
va prendre le temps, on en a besoin.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II n'y a pas pour des tonnes
encore d'interventions de notre côté, je ne vois pas pourquoi on
devrait revenir demain pour les faire, entre nous.
M. Tremblay: Ce que vous suggérez...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ...c'est de dépasser
minuit, le cas échéant, mais pas beaucoup.
M. Tremblay: On peut régler cela. Si vous nous dites
qu'une demi-heure ou trois-quarts d'heure après minuit on met fin
à ces travaux, on va donner notre consentement pour continuer
jusqu'après minuit.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est l'ordre de grandeur
auquel je pensais.
M. Tremblay: À ce moment, à 11 h 55, on donnera
notre consentement.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Chambly, je n'aime pas beaucoup, à titre de président, que ce
genre de négociation se fasse comme cela. Je préférerais,
si vous voulez en discuter avec le député de Vaudreuil-Soulanges,
que cela se fasse en dehors de l'enregistrement. Mais, à partir de
maintenant, je comprends qu'il y a une volonté de pouvoir terminer ce
soir, de façon à ne pas revenir sur cela à un moment
ultérieur. Si vous voulez intervenir...
M. Tremblay: M. le Président, vous devez comprendre que
nous acceptons de poursuivre jusqu'à 45 minutes.
Le Président (M. Lachance): Quarante-cinq minutes
après minuit?
M. Tremblay: Quarante-cinq minutes, c'est comme cela que cela
s'appelle, une heure moins quart.
M. Ryan: M. le Président, tout dépend de la
longueur des réponses.
M. Tremblay: C'est pour cela que je ne veux pas m'engager. Je ne
veux pas m'engager.
M. Ryan: C'est cela, je pense que...
M. Tremblay: Je ne veux pas vous donner un chèque en
blanc. Je veux qu'on aille jusqu'à minuit et 45. Je suis d'accord pour
cela.
Le Président (M. Lachance): Jusqu'à maintenant, nos
travaux se sont bien déroulés, dans la bonne foi mutuelle, et je
pense qu'on devrait continuer dans le même sens.
M. Tremblay: Je pense que nos travaux se déroulent
très bien parce que, jusqu'ici, les bons comptes font les bons amis.
Nous nous entendons d'avance, nous savons ce que sont les règles du jeu.
C'est pour cela que je pense qu'on devrait continuer comme cela puisque cela va
bien, parce qu'on établit les règles du jeu à l'avance et
qu'on les suit. Nous sommes respectueux les uns des autres.
Nous devrions aussi demander au ministre s'il est consentant à
continuer. Je veux bien croire qu'il est notre invité, mais nous ne
connaissons pas son agenda.
Le Président (M. Lachance): Volontiers. Est-ce que M. le
ministre est d'accord pour qu'on épuise le sujet ce soir ou bien
si...
M. Parizeau: M. le Président, je suis entre vos mains. Je
veux simplement vous signaler que ma journée commence tôt demain
matin. Je ne voudrais quand même pas qu'on termine trop tard ce soir. En
un certain sens, je préférerais qu'on continue demain, si l'on
débordait une certaine heure. Il faut quand même que les machines
roulent et que les administrations s'administrent. Jusqu'à quelle heure
envisagez-vous de...
Le Président (M. Lachance): Je traduis...
M. Parizeau: Je suis entre vos mains, au fond, mais la seule
chose, c'est que, si l'on commence à dépasser minuit et demi ou
minuit et 45, je demanderais peut-être qu'on arrête tout de suite
et qu'on continue plus tard.
Le Président (M. Lachance): Cela va, M. le ministre. Je
traduis que minuit et demi, avec la bonne volonté de part et d'autre,
sera le délai maximum, en espérant votre collaboration.
M. Ryan: ...le député de Sainte-Anne. Le
Président (M. Lachance): D'accord.
M. Polak: C'est seulement une petite question rapide.
Le Président (M. Lachance): La parole est au ministre en
réponse à l'intervention du député de Roberval.
M. Parizeau: Je vais essayer de faire une réponse aussi
courte que possible. Le rôle des sociétés d'État
depuis qu'on a commencé à en créer au Québec a
passablement évolué. Ce n'est pas officiellement consacré
par des textes ou par des règles formelles, mais, dans la pratique
des choses, cela a beaucoup changé. En ce sens, que dans les
années soixante, on voyait la société d'État le
plus souvent comme une sorte d'intervenant direct souvent exclusif et servant
soit à contrôler un secteur, soit à être une sorte de
secteur témoin, comme on le disait à l'époque. Depuis ce
temps, beaucoup de sociétés d'État, non pas toutes
nécessairement, mais plusieurs ont appris à travailler avec des
intérêts privés, à très souvent venir appuyer
ce que tel ou tel groupe privé voulait faire et à ne pas
nécessairement jouer un rôle moteur. Il est néanmoins
moteur ce rôle, en ce sens qu'on voit très bien qu'il y a
certaines opérations qui ne se feraient pas si la société
d'État n'était pas là, sur le plan financier, pour fournir
davantage d'aide, sur le plan technique. Mais, néanmoins, on ne voit
plus les sociétés d'État comme étant, dans tous les
secteurs, la locomotive qui tire un certain nombre de wagons. Dans un certain
nombre de cas, la société d'État pousse plus qu'elle ne
tire.
Ce n'est pas vrai dans tous les cas. Il est clair, par exemple, que
l'achat de Quebecair par le gouvernement n'a pas été fait dans
cet esprit. Ce qui a été fait dans le domaine de l'amiante, ces
dernières années, n'a pas été fait dans cet esprit.
Mais le rôle de la Société de développement
industriel, le rôle de la Caisse de dépôt et placement du
Québec, dans un bon nombre de cas, le rôle de SOQUEM a
été de s'associer avec des intérêts privés
autant qu'il est possible.
Évidemment, c'est une question de dosage. On voit le virage se
prendre. On pourrait me donner autant de cas où la société
d'État est encore la locomotive qui tire le train et d'autres cas
où, au contraire, elle pousse, elle renchausse, elle aide. Mais il me
semble que l'orientation de plus en plus clairement en est une d'association
avec des intérêts privés.
D'autre part, pas mal de sociétés d'État qui, au
départ, n'avaient pas d'argent autre que ce qui venait du fonds
consolidé du revenu ont développé - pas toutes, bien
sûr, il y en a encore qui sont déficitaires -leurs propres fonds.
Donc, le rappel au fonds consolidé du revenu n'est plus ce qu'il
était. Cela nous amène à un très curieux paradoxe.
Imaginons un instant que toutes les sociétés d'État
feraient des profits et développeraient le genre de ressources propres
qui leur permettraient de diversifier leurs investissements et d'aider les
secteurs où elles veulent donner un coup de main. La participation du
fonds consolidé du revenu à l'économie baisserait.
À la limite, elle deviendrait presque zéro pour tout
l'extrabudgétaire. On dirait: La mission économique du
gouvernement s'est amenuisée, alors qu'au contraire si toutes les
sociétés d'État faisaient des déficits et venaient
tous les trois mois demander de l'argent au ministre des Finances, il
apparaîtrait une mission économique énorme dans le budget
du gouvernement. Ce n'est pas le moindre des paradoxes. Au fond, plus
l'opération réussit, moins elle apparaît comme importante
dans la mission économique par rapport à la mission
administrative, la mission sociale et les autres missions du gouvernement.
Le plan de relance. Le plan de relance est une variante de ce que je
viens de dire. Il y a évidemment des choses qui coûtent cher. Il
n'y a pas de doute que, par exemple, les mesures dont nous avons parlé
à l'égard des assistés sociaux, cela va coûter cher,
cela va être partageable pour une part avec le gouvernement
fédéral, mais, enfin, cela représente d'assez gros
montants. Il y a une foule de mesures qui, tout en ayant un effet
économique important, n'apparaissent pas encore dans le budget et
n'apparaîtront pas avant un bout de temps. Par exemple, le programme de
reboisement fonctionne à l'heure actuelle par appels d'offres. Le
ministère de l'Énergie et des Ressources se présente dans
une région et dit: Je voudrais avoir tant de millions de plants dans
deux ans. Les offres entrent et on désigne quelqu'un pour fournir ces
plants dans deux ans. Ce quelqu'un va construire une pépinière
avec son argent. Un contrat comme celui-là est bon pour la banque. Il va
financer le projet lui-même et, pendant deux ans, on ne va pas passer un
sou dans le budget. On sait bien qu'à un moment donné, quand on
va acheter les plants et qu'on va les payer, il y aura un montant à
débourser, mais, pour le moment, on ne va rien passer, sauf qu'on se
rend très bien compte que, comme levier, c'est extraordinaire sur le
plan d'investissements nouveaux, de productions nouvelles, d'emplois, etc.
La SDI, le nouveau programme de garantie de prêts a
commencé à rouler. En six semaines, on a reçu des demandes
pour presque 70 000 000 $. Il roule très bien, mais, comme cela fait un
mois et demi qu'il fonctionne, le gouvernement n'a pas été
appelé à payer des garanties pour une entreprise qui aurait
échoué. Quel est le coût budgétaire de cela?
Zéro. On ne le fera pas passer pour le moment et on ne le verra pas
avant un bout de temps. Imaginons que notre système de garantie de
prêts soit tellement bon qu'il aura effectivement développé
2 000 000 000 $ d'investissements ou de fonds de roulement et qu'il n'y ait
aucune entreprise en défaut, combien aura-t-il coûté dans
le budget? Zéro. (23 h 45)
II y a une foule de mesures de cet ordre-là qui sont importantes
sur le plan de la relance de l'économie et dont l'impact
budgétaire est infiniment moins visible, comme je le disais tout
à l'heure, qu'un bon
programme social, par exemple, ou un grand programme culturel. Dieu sait
ce qu'a pu faire Hydro-Québec depuis un an et demi avec le rabais de
taux d'intérêt. Nulle part vous ne voyez cela dans le budget. Le
programme d'enfouissement des câbles de 500 000 000 $ dans la ville de
Montréal, c'est financé conjointement par HydroQuébec et
par la ville de Montréal. Au lieu de prendre 15 ou 20 ans pour faire
cela, ils vont le faire en six ans et demi, ce qui veut dire 80 000 000 $ ou 90
000 000 $ d'investissements par an. C'est beaucoup et ça s'inscrit
admirablement dans le plan de relance. Quel est le coût
budgétaire? Zéro.
Il faut bien comprendre que, quand on dit que, cette année, il y
aura 311 000 000 $ au budget pour le plan de relance, plus au-delà de
207 000 000 $ pour la suite de mont Sainte-Anne, ça fait 518 000 000 $
pour la relance, ce qui est un coût budgétaire important, plus
tous les leviers dont je viens de parler - il y en a une foule d'autres - et
dont le coût budgétaire n'apparaît pas cette année.
C'est dans ce sens que le plan de relance va bien plus loin que les chiffres
qui apparaissent dans le budget. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Argenteuil.'
M. Ryan: M. le Président, j'écoutais attentivement
les explications que donnait tantôt le ministre des Finances.
J'étais très heureux de l'entendre reprendre un argument que j'ai
entendu souvent chez lui à propos du défaut de centralisation qui
serait caractéristique de la fédération canadienne. Il
nous a dit, si j'ai bien compris, qu'il pense que ce n'est pas assez
centralisé au Canada.
Il y a seulement une chose que je voudrais lui suggérer, ce
serait d'organiser des sessions pour ses collègues, les
députés du Parti québécois, pour qu'ils
répètent la même chose que lui partout, pour qu'on sache
clairement ce que son parti pense là-dessus, parce qu'on entend des
refrains nettement contradictoires. Il y a des jours, à la Chambre,
où les oreilles nous éclatent à force d'entendre les
refrains de la centralisation qui s'accroît chaque jour, à la
manière d'un véritable monstre. D'autres jours, on arrive avec
des chiffres qui indiquent le contraire. Là, on nous dit: Oui, c'est
ça qu'on dit, ce n'est pas assez centralisé. Comme on dit en
"canayen": Branchez-vous! On ne peut avoir le meilleur des deux mondes, il faut
soutenir une thèse ou l'autre, on ne peut pas avoir raison sur les deux
plans à la fois.
Cela, c'est un point qui me frappe et je pense que le ministre des
Finances est fidèle à lui-même. Je l'ai entendu faire cette
thèse il y a déjà une quinzaine d'années. On ne
peut pas lui reprocher d'avoir manqué de consistance. On peut
déplorer qu'il n'ait pas beaucoup d'influence intellectuelle sur
beaucoup de ses collègues parmi les députés
péquistes.
À propos des politiques économiques
fédérales, je me souviens d'un exemple, M. le ministre, pour
montrer que les choses ne sont jamais aussi simples que les hommes politiques
les présentent - je m'inclus là-dedans; de temps à autre,
j'essaie de faire ma part pour qu'on ait une perception plus nuancée,
mais ce n'est pas toujours facile -j'ai fait un petit exercice, il y a quelque
temps. Vous avez parlé de la ligne Borden. J'ai relu ce qui s'est
publié dans les journaux à l'époque. J'étais encore
dans un autre secteur à l'époque, mais, par curiosité - je
n'ai pas fait cela récemment, j'ai fait cela il y a quelques
années, si mes souvenirs sont bons - j'ai relu ce qui s'est fait
à l'époque en réaction au rapport Borden.
Je ne sais pas si vous étiez conseiller du gouvernement
québécois à l'époque, mais, à
l'Assemblée nationale, il n'y a eu aucune intervention là-dessus,
aucune question d'aucun député, aucune déclaration
ministérielle après la publication du rapport de la commission
Borden. J'ai regardé les éditoriaux qui ont paru dans le Devoir,
les pages d'information qui rapportaient les propos des hommes politiques.
Personne n'a parlé de cette affaire dans les semaines qui ont suivi.
Nous n'étions pas arrivés à un stade où nous
étions assez éveillés sur ces questions pour voir la balle
quand elle passait. On peut bien déplorer après coup que cette
ligne ait été établie d'une manière qui a nui
objectivement aux intérêts du Québec à plusieurs
points de vue. C'est vrai. Mais je pense qu'il y avait un problème de
prise de conscience, de notre côté, qui ne pouvait pas être
attribué, non plus, à d'autres. Je pense qu'il y a eu des
carences du côté de nos hommes politiques, de nos journalistes, de
nos commentateurs de l'époque qui se sont réveillés une
fois que les coups étaient faits depuis longtemps.
J'ai écouté les explications du ministre au sujet des
paiements de transfert fédéraux, ce qui était le
thème majeur de mon intervention initiale. Je voudrais signaler bien
clairement que c'est sûr que, quand on fait de l'analyse
détaillée, on peut créer n'importe quelle impression. Ce
que je voudrais rappeler avec fermeté, sans opiniâtreté,
c'est qu'au cours des huit années où le Parti
québécois a été au pouvoir - il a pu arriver des
accidents de parcours, comme je l'ai dit tantôt, à propos de telle
forme de paiement de transfert ou telle autre - le rendement global des
paiements de transfert fédéraux au gouvernement du Québec,
pendant cette période, a augmenté en moyenne de 13,8% par
année, pendant huit ans. On est assez loin de l'étranglement dont
on nous parlait déjà il y a quatre ans, dont
on nous a parlé de manière répétée
depuis ce temps. C'est ça que je veux faire ressortir bien
clairement.
J'ai fait un autre calcul, M. le ministre des Finances, qui sera sans
doute corroboré par vous comme les autres que j'avais soumis à
votre attention. Pendant les sept années du gouvernement
précédent, la part des paiements de transfert dans les revenus
budgétaires globaux du gouvernement était de 26,7%. Pendant les
huit dernières années, cela a été de 27,7%. Quand
on dit que cela diminue constamment, que cela s'en va, les faits parlent un
autre langage et je pense que c'est bien important de le signaler clairement.
Encore une fois, en face des perspectives qui se dessinent pour les deux
prochaines années et pour les années à venir, il va
falloir beaucoup de vigilance. Je pense que nous avons, tous ensemble,
l'obligation de collaborer pour que les intérêts du Québec
soient servis le mieux possible.
La suggestion que je me permettrais de faire au ministre des Finances
à ce sujet, ce serait peut-être d'informer les
députés de manière plus précise et plus
systématique sur les développements qui se produisent. Je sais
que les interventions de sa part en Chambre n'ont pas manqué. Les
interventions sont faites sur un ton plutôt général. Je
pense que, s'il y avait davantage de prévenance de la part du minitre
pour remettre les véritables dossiers aux députés de
l'Opposition pour qu'ils soient en mesure de faire leur travail de
manière plus efficace, cela permettrait de dégager des consensus
ponctuels d'une manière peut-être plus efficace et plus utile
à l'intérêt général du Québec.
Ayant été amené à travailler ces questions
récemment, j'ai dû faire un véritable travail de
bénédictin, grâce à l'aide que j'ai reçue de
notre service des recherches qui dispose quand même d'un
équipement modeste. J'ai eu une bonne collaboration de la part des
collaborateurs du ministre. Je ne veux pas lui faire de reproches de ce
côté-là. Ils ont été aimables et serviables.
Il y a bien des pièces dont j'apprenais l'existence pour la
première fois et dont il serait très important que l'Opposition
soit informée. On m'en a passé une couple en particulier qui
avaient été étiquetées comme devant être
d'usage strictement privé. Je pense que c'est nécessaire que nous
ayons cela. Toutes les discussions qui ont lieu entre les gouvernements, par
exemple, au sujet des critères qui vont présider à
l'établissement des paiements de péréquation, je pense que
c'est important qu'on ait cela. Si le ministre voulait convoquer la commission
des finances ou demander qu'elle soit convoquée pour examiner des
problèmes comme ceux-là, je pense que cela serait très
utile pour tout le monde. Cela éviterait que nous nous lancions des
épithètes de chaque côté de la Chambre sans toujours
savoir avec précision de quoi nous parlons.
J'ai eu l'occasion de causer, au cours des dernières semaines,
avec des représentants d'autres gouvernements et du gouvernement
fédéral au sujet de ces questions, et je tire deux conclusions
des discussions que j'ai eues. Premièrement, ces questions sont en
mouvement perpétuel. C'est un petit peu comme la réalité
canadienne qui évolue sans cesse. Je ne pense pas qu'il faille se
scandaliser a priori du fait qu'on cherche à ajuster constamment le
système des paiements de transfert à une réalité
qui évolue continuellement elle-même. Je pense que l'on doit
discuter la nature, le contenu des ajustements qu'on veut faire. Je pense que
le fait même qu'il y ait une recherche d'ajustement continuel ne doit pas
nous effrayer. J'ai été étonné de constater que,
dans d'autres provinces et même au ministère fédéral
des Finances, il y a des hommes et des femmes spécialisés qui
examinent ces choses en pensant honnêtement au bien du Canada. Je ne
pense pas avoir découvert là des espèces de génies
maléfiques qui passeraient leur nuit à se concerter pour savoir
comment passer la corde au cou du Québec. Je le dis en toute
honnêteté. J'ai rencontré des gens qui ont reconnu avec moi
que certaines choses n'étaient pas correctes et qu'il fallait chercher
des solutions à ces choses-là. Je ne veux pas faire de
leçon de morale ici. Je pense que c'est bon de souligner qu'il y a une
espèce de bonne volonté foncière qui a
présidé à l'implantation de ce système qui devrait
continuer de nous guider dans la recherche de développements
antérieurs.
Le ministre mentionnait tantôt le cas des revenus
d'hydroélectricité du Labrador qui viennent d'être l'objet
d'une modification importante. Il y a eu bien d'autres modifications ces
dernières années qui, parfois, défavorisaient d'autres
provinces. Le ministre se souvient sans doute qu'un jour, à la suite de
la montée en flèche des revenus prétroliers en Alberta,
l'Ontario, en vertu du jeu de la péréquation, devenait admissible
à des subventions de péréquation. Il a fallu amender le
système pour décider que l'Ontario ne serait pas admis à
des paiements de péréquation, cela n'aurait pas eu de bon sens.
L'Ontario a dû accepter cette modification qui est intervenue en cours de
route. On a un système qui est loin d'être le meilleur. Le
ministre l'a critiqué de manière pertinente à plusieurs
reprises. Je pense qu'il faut chercher un système encore meilleur pour
la prochaine fois.
Je voulais souligner encore une fois -je le rappelle en terminant - que
les données de fond, sur une longue période, n'indiquent pas du
tout que nous aurions assisté à un étranglement. S'il y
avait eu tentative
d'étranglement, elle aurait été soit très
malhabile, soit très étalée dans le temps sur des
périodes tellement longues qu'on n'en sentirait à peu pas encore
les effets. Il est important de faire ressortir cette dimension plus positive.
En terminant, je dirais au ministre des Finances que, s'il criait au loup un
peu moins souvent, s'il rajustait son tir plus vite quand des changements
surviennent, peut-être qu'une partie de l'opinion publique serait
davantage portée à le prendre au sérieux quand il crie au
loup pour le vrai.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le
député d'Argenteuil. M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, le député
d'Argenteuil vient de soulever plusieurs questions. Je vais essayer de les
traiter une à une. Il dit qu'on ne peut pas avoir raison de
considérer que le système - je pesais mes mots en le disant -
fiscal canadien a atteint un degré de décentralisation, depuis
déjà pas mal d'années d'ailleurs, qui me paraît tout
à fait anormal et, d'autre part, reprocher amèrement au
gouvernement fédéral ses tentatives de centralisation sur un
autre plan. Dans ce sens, il n'y a pas d'opposition. Je ne reviendrai pas sur
tout ce que j'ai dit sur le degré de centralisation du régime
fiscal. Je comprends très bien que les gens du Parti
québécois hurlent littéralement quand ils voient que le
gouvernement fédéral cherche à intervenir dans le
financement municipal direct, lorsque le gouvernement fédéral
tente d'intervenir sur des normes dites canadiennes d'éducation, lorsque
le gouvernement fédéral canadien cherche à établir
des normes nationales quant à la santé. Où en est-on quand
on parle de cela? On n'en est pas à se demander si le gouvernement
fédéral va envoyer 55% des ressources financières totales
du Canada aux provinces et passer à 60%. On en est au fait qu'il viole
la constitution et que ces tentatives, alors que certains secteurs
constitutionnels étaient réservés au gouvernement du
Québec, qu'en dépit de cela, il veut imposer sa volonté
par le truchement des fonds qu'il administre. Je ne vois pas de
contradiction.
En fait, nous parlons des deux phases de Janus, de deux aspects
complètement différents de la question. Je suis ahuri à
certains moments par le manque d'efficacité de l'économie
canadienne, du prix que l'économie canadienne paie par ce degré
de décentralisation. Je fais une réflexion essentiellement
économique - je l'ai dit à plusieurs reprises et je continue de
le répéter - il n'y a pas moyen de faire fonctionner
économiquement le Canada sur une base pareille, ce qui n'empêche
pas le gouvernement fédéral de dire: Même si la
constitution dit que les municipalités sont des créatures des
provinces, je vais entrer là-dedans pour les financer directement et
pour faire en sorte que les municipalités alignent leurs
priorités sur mon argent. Non! Il n'y pas de contradiction vraiment.
Le député d'Argenteuil soulevait la question de la ligne
Borden en parlant de notre retard collectif à comprendre certaines
choses sur le plan industriel. La raison pour laquelle je soulevais la ligne
Borden, M. le Président, c'est que j'ai été le conseiller
économique pendant toute cette période de la ligne Borden du
président de Calex. Nous avons, pendant cette époque,
plaidé deux fois en Cour fédérale, qui s'appelait la Cour
de l'échiquier à cette époque, et une fois devant la Cour
suprême, si bien qu'on a bien vu les conséquences. La plupart des
éditoriaux et des articles qui ont été écrits
à ce moment-là l'étaient non pas en tant que politicien,
mais en tant que conseiller économique d'une entreprise qui venait de
perdre à la suite de cette décision la moitié de son
réseau de distribution, la moitié! Oui, effectivement, j'ai
fourni aux journaux pas mal de choses.
À cet égard, qu'on ne s'étonne pas. Je veux bien
que, collectivement, on prenne peut-être un certain temps à
comprendre ces choses. C'est vrai, au fond, ce que dit le député
d'Argenteuil, c'est que la compréhension économique des choses
s'est considérablement accélérée depuis une dizaine
d'années. On ne peut pas le nier. C'est vrai dans les journaux, c'est
vrai pour pas mal d'hommes politiques, c'est vrai aussi pour l'opinion publique
en général. (minuit)
Le seul problème qui est sérieux, c'est qu'au fond, chaque
fois qu'on a soulevé dans le passé, comme maintenant, des cas
comme celui de la ligne Borden, il reste chez beaucoup de
Québécois cette impression que peut-être on cherche
à les charrier; cela demeure. Il faut vraiment quelque chose d'aussi
gros, d'aussi énorme que le F-18 pour secouer vraiment dans leur
tréfonds la plupart des Québécois. Dans ce sens, cela
n'aide peut-être pas qu'on ait politisé, dans le sens large du
terme, l'examen des questions économiques dans notre milieu.
Revenons à la question des transferts. M. le Président, le
député d'Argenteuil disait: Depuis que le Parti
québécois est au pouvoir, les transferts fédéraux
ont augmenté rapidement. Examinons cela d'un peu plus près. En
1977-1978, on conviendra que c'est la première année fiscale
d'administration du Parti québécois, cela a
représenté 39,2% de nos revenus autonomes. Et par la suite, cela
s'est baladé entre 37% et 40% pendant quatre ans. C'est tombé
à 35% en 1981-1982, c'est remonté, en raison des ajustements dont
on parlait, à nouveau un peu au-dessus de 40% et là, cela tombe.
Quel genre d'intervention, comme ministre des Finances,
ai-je fait durant cette période? En 1977, on reconnaîtra
qu'il n'y a pas eu de crise. Sur certaines choses, on s'est entendu avec le
gouvernement fédéral, comme j'ai eu l'occasion de le dire; cela
aurait été incorrect de notre part de considérer que tout
le renouvellement des ententes était mauvais et préjudiciable. On
remarquera que cette tentative de déstabiliser les finances publiques du
Québec, je n'ai jamais utilisé cette expression en 1977, jamais.
On arrivait à quelque chose qui apparaissait comme étant à
peu près raisonnable.
En 1982, c'est autre chose. D'abord, je vous rappelle qu'en 1981 nous
sortons, au ministère des Finances, quatre cahiers gris sur les finances
publiques du Québec dont un qui s'appelle: "La nature et
l'évolution des transferts du gouvernement du Canada au gouvernement du
Québec, 1972-1977 et 1977-1982." On sort cela, on cherche à
établir -justement parce qu'on sait que le renouvellement des ententes
s'en vient - les bases sur lesquelles le système de transfert est
établi, et les négociations s'engagent. Ces négociations
dans un premier temps nous montrent une situation qui, pour nous, est
insupportable. Je suis d'accord avec le député d'Argenteuil que
je ne trouve pas chez les fonctionnaires fédéraux une sorte de
machiavélisme. La plupart de ces gens, je les connais depuis des
années. Avec certains d'entre eux, on a monté les formules de
péréquation dans les années soixante. Je sais très
bien qu'il ne faut pas chercher là la tentative d'avoir raison du
Québec. Seulement, certains des virages de la négociation de
1982, ce ne sont pas eux qui les ont pris. Lorsque, tout à coup, on se
rend compte que la formule, telle qu'amendée par les poussées du
Québec et de quelques autres provinces, risque de donner une fois de
plus un peu trop d'argent qu'on veut en donner au Québec, ce ne sont pas
les fonctionnaires qui ont trouvé la formule de
péréquation basée sur cinq provinces au lieu de dix. Cela
s'est fait à la dernière minute, sur le coin de la table. Il y
avait encore des erreurs qui venaient du fédéral dans les heures
et qui sortaient, et que les gens de Québec devaient corriger avec des
"pitonneuses" en arrière, parce que, au fond, on s'est très bien
rendu compte que les formules qui ont été montées, surtout
dans les derniers milles de la négociation, consistaient essentiellement
à essayer de faire en sorte d'enlever plusieurs centaines de millions au
Québec pour les donner aux provinces maritimes. En fait, cela a abouti
à 640 000 000 $, sur la durée de l'entente, qu'on a
enlevés au Québec pour les passer aux Maritimes.
Ce sont des décisions politiques qui ont été
prises. Néanmoins, on a réussi à obtenir une garantie de
recette temporaire à cause du Manitoba parce qu'il est encore plus mal
pris que nous. Cela voulait donc dire qu'on avait peut-être deux ou trois
ans de paix. Et, d'autre part, certains ajustements, comme je l'ai dit, qu'on
réclamait depuis longtemps ont été faits. On ne m'a pas
entendu parler pendant ce temps. Une fois que les négociations ont
été terminées, ont échoué parce que vraiment
la formule n'avait pas de sens, néanmoins, on était arrivé
à quelque chose qui n'était pas trop dramatique. À bout de
course, en plein milieu des discussions, la situation était
dramatique.
Après, le temps passe, les ajustements se font et pour la
première fois, en 1985-1986, la nouvelle formule, celle de 1982, va
s'appliquer sans garantie. Alors, qu'est-ce qui se passe? Je me rends
très bien compte que cela va tomber. Qu'est-ce que je fais? J'alerte les
gens en leur disant: Maintenant que commence à fonctionner la vrais
formule de péréquation, vous allez voir ce qui va nous arriver.
Je sais comme le député d'Argenteuil qu'au bout de deux ans de
chutes comme cela, cela va remonter, je le sais, j'ai fourni tous ces chiffres
dans une annexe au discours sur le budget, mais c'est maintenant qu'un
problème apparaît et, une fois de plus, devant un problème
comme celui-là, je pense qu'il est de mon devoir, qu'il est normal que
j'alerte les gens à ce qui va se produire.
Je termine en disant ceci. Pour ce qui a trait aux documents et, pour
une discussion aussi cohérente que possible, à la
possibilité de fournir des documents à l'Opposition et de faire
en sorte qu'on puisse mieux comprendre ce qui est en cause, je pense que le
député d'Argenteuil conviendra avec moi que je n'ai jamais eu
quelque réticence que ce soit sur ce plan. La seule difficulté
dans le cas des transferts, c'est que je pense qu'on n'avait pas trouvé
jusqu'à maintenant le moyen de rendre suffisamment simples les
démonstrations. C'était du travail de spécialiste et,
très souvent, forcément, inévitablement, dans un jargon de
spécialiste.
La première tentative a été faite dans une annexe
au discours sur le budget de faire mieux comprendre les enjeux, mais il est
tout à fait évident que, si la commission des finances voulait,
à un moment donné, avoir une séance ou quelques
séances sur le système de transferts fédéraux, moi,
très volontiers, non seulement j'y participerais, bien sûr, mais
je fournirais aux parlementaires tout document qui peut être utile
à cet égard. Je pense qu'il est tout à fait fondamental,
comme le disait le député d'Argenteuil là-dessus et je
suis parfaitement d'accord avec lui, il faut qu'on comprenne comment cela
fonctionne. Les sommes en jeu sont trop importantes pour qu'on puisse laisser
ces questions à trois ou quatre spécialistes. Sur ce, M. le
Président, je termine mon intervention.
Comptes économiques entre les deux paliers de
gouvernement
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. Avant
de céder la parole au député de Sainte-Anne, je voudrais
peut-être faire quelques observations très brièvement.
Toute la question des paiements de transferts fédéraux, c'est
très complexe et je reconnais volontiers qu'il y a beaucoup de personnes
qui s'y perdent, surtout sur la façon de les calculer, mais aussi sur la
problématique, à savoir d'où cela vient. Parce que,
lorsqu'on entend la discussion des gens qui appuient la thèse
fédéraliste par rapport à nous qui pensons en termes de
souveraineté, on est capable très rapidement de simplifier,
peut-être d'une façon que le député d'Argenteuil
n'aimera pas, de la façon suivante: Est-ce que ce sont des cadeaux?
Parce que cet argent vient de quelque part. De deux choses l'une: Si c'est un
cadeau, si ce sont des cadeaux que les autres provinces font au Québec,
ces gens sont fous de vouloir nous garder dans la confédération
canadienne parce que c'est un peu comme quelqu'un qui garderait dans sa maison
une personne qui est à sa charge et qu'il est obligé
d'entretenir. Sinon, si ce n'est pas un cadeau, si c'est de l'argent qui vient
des citoyens du Québec, de l'argent qui leur revient, à ce
moment, les prétentions des membres du Parti québécois
sont justifiées et justifiables de vouloir se donner les pouvoirs d'un
État souverain.
Le député d'Argenteuil disait plus tôt qu'il n'avait
pas vu d'intention machiavélique ou malveillante des
fédéraux, mais moi, je ne suis pas si sûr que cela et je
vais vous dire pourquoi. La meilleure façon d'empêcher le
Québec d'avoir des prétentions de devenir souverain un jour,
c'est de l'endetter tellement que cela va devenir impossible lorsque arrivera
le moment de partager le passif électif et, au rythme où le
déficit fédéral, notre part du déficit
fédéral est rendu actuellement, je me dis que cela commence
à devenir problématique de penser qu'un jour on serait capable de
payer ce passif.
Une voix: On va le payer de toute façon.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre, je ne sais pas
quelle est votre réaction à ce que je pense spontanément,
mais cet argent vient de quelque part. L'argent du fédéral,
est-ce qu'il vient de l'Ontario, d'où vient-il?
M. Parizeau: M. le Président, cela nous entraînerait
dans une longue discussion sur les comptes économiques entre les deux
paliers de gouvernement. Une chose est claire, cependant. C'est que, et cela
entraîne toujours une sorte de confusion, les montants de transferts
fédéraux qui sont fournis au Québec représentent un
montant tellement gros en dollars qu'on a l'impression que le Québec
reçoit une sorte de cadeau somptuaire par opposition à toutes les
autres provinces canadiennes. On oublie trop souvent que le Québec,
ayant 25% ou 26% de la population, cela ne prend pas des montants per capita
très élevés pour faire des sommes énormes. Nous
recevons au Québec un montant de péréquation, par exemple,
per capita, très inférieur à tout ce qui est
distribué dans les Maritimes. Cela fait une grosse somme, mais seulement
parce que les Québécois sont beaucoup plus nombreux que toutes
les Maritimes ensemble. Dans ce sens, disons qu'il y a un équilibre
beaucoup plus étroit entre les impôts payés et ce qu'on
reçoit au Québec que n'importe quoi qui peut arriver dans les
provinces maritimes, même si les montants nominaux ont l'air d'être
énormes pour le Québec. Cela, encore une fois, reflète
simplement la population que nous avons.
Quant à établir les comptes, l'argent qu'on envoie
à Ottawa, l'argent qu'on en reçoit, il faut tenir compte de tout.
Il faut tenir compte, par exemple, des subventions pour les importations de
pétrole, gros montants au moment de la campagne
référendaire et très peu de choses maintenant. Dieu sait
quel rôle cela a joué pendant la campagne
référendaire. C'était cela qui manquait. À ce
moment, on recevait tellement d'argent, on n'invoquait pas tellement la
péréquation, on disait: Bon, pour la péréquation,
les programmes établis, l'argent qu'on envoie à Ottawa et
l'argent qu'on en reçoit sont finalement pas tellement loin de
l'équilibre. Ce qui déséquilibrait les comptes,
c'étaient les subventions au pétrole. Or, dans l'intervalle,
elles sont tombées à presque rien par rapport à ce
qu'elles étaient en 1980, il n'y a pas de commune mesure. Il faut tenir
compte de toutes les dépenses en biens et services que fait le
gouvernement fédéral au Québec. Il faut tenir compte de
l'ensemble de tous les versements faits au gouvernement fédéral
et de tout l'argent qu'il reçoit du Québec. Pendant longtemps,
cela a été kif kif, à l'exception des subventions sur le
pétrole.
Maintenant, il y aurait une très grande différence qui
vient de ce que le fédéral tire en impôt dans tout le
Canada et le Québec est forcément très inférieur
à ses dépenses. Il va dépenser au Québec bien plus
d'argent qu'il n'en ramasse en impôt, mais c'est vrai en Ontario, c'est
vrai dans l'Ouest, c'est vrai dans les Maritimes. Le gouvernement
fédéral a un déficit de 30 000 000 000 $, il faut bien
qu'il encourt quelque part son déficit. Ce que cela veut dire, c'est
qu'il dépense partout plus qu'il ne ramasse en impôt. C'est
là où le problème que vous souleviez devient
important et on l'a soulevé cet après-midi assez
longuement. À quel point le gouvernement fédéral
endette-t-il le Québec à l'heure actuelle? Quand on aborde cela
par ce truchement, on se rend compte que cela est peu de choses, l'endettement
actuel des Québécois par le truchement du gouvernement du
Québec, par rapport à l'endettement que le système
fédéral nous impose littéralement. Est-ce que cela
deviendra un empêchement majeur à l'objectif politique que nous
poursuivons? Pas nécessairement, dans le cadre d'un pays souverain. Je
veux dire que ce qu'un pays souverain de 25 000 000 d'habitants pense qu'il est
capable d'assumer comme déficit, un pays souverain moins grand est
capable d'en assumer une proportion. Il faudrait quand même se poser la
question de savoir, à cette époque, si, même à notre
échelle, un déficit de cette taille doit continuer longtemps.
Mais cela est une autre histoire.
Le Président (M. Lachance): Merci. M. le
député de Sainte-Anne.
Taux d'intérêt des obligations
d'épargne du Québec
M. Polak: M. le Président, il est minuit et quart.
Même si la matière m'intéresse énormément,
j'ai une simple question à poser au ministre dans un autre domaine.
Le Québec a émis de nouvelles obligations d'épargne
du Québec à un taux de 11,75%. Tout à l'heure, vous avez
parlé du système fédéral allemand, australien,
où rien ne se fait sans communication ou, de temps en temps, sans
demander le consentement. J'ai seulement deux questions. Est-ce que le ministre
a eu des pourparlers avec le fédéral avant de se lancer dans une
bataille féroce pour le dollar d'épargne du contribuable
canadien? Quelle est la raison pour laquelle le Québec paie au-dessus de
la moyenne qui se paie maintenant? Disons, par exemple, quand on prend un
certificat de banque pour un an, le taux de 11,75%, c'est plus que la moyenne.
Y a-t-il une raison spéciale pour cela?
M. Parizeau: II y a deux aspects dans cette question. D'abord, en
ce qui a trait à nos rapports avec les autorités
fédérales dans un domaine comme celui-là, je vous avouerai
simplement - ce n'est pas sur un plan politique du tout - que je trouve cela
tellement absurde qu'on ne puisse pas avoir des rapports continus avec la
banque centrale sur toute espèce de plans qui ont trait justement aux
emprunts... Bien sûr, dans le cas de la question que vous posez, de
l'émission d'obligations d'épargne, il y a eu des contacts avec
la banque centrale. Nous nous sommes consultés au niveau des
fonctionnaires pour savoir quel genre de taux il faudrait pour une
émission. Il s'est fait des sondages des deux côtés; il y a
eu des échanges à ce sujet. Je pense que c'est normal. La vie
deviendrait intenable si on ne pouvait pas avoir ce genre de collaboration
élémentaire. (0 h 15)
Sur le plan du taux, la question est la suivante: Le gouvernement
fédéral, le même jour - je pense que cela s'est fait
à une heure d'intervalle - indique qu'il va augmenter son taux à
10,5% alors que nous vendons à 11,75%. Pourquoi monte-t-il son taux de
cette façon? Parce qu'il ne vend pas d'obligations. N'oublions pas qu'il
n'est pas en vente. Il n'y a pas de campagne. Il en a perdu pas mal. Il y a pas
mal de gens qui, depuis deux ou trois mois, devant la hausse des taux
d'intérêt, ont demandé le remboursement. Quand ces
obligations sont remboursées, le gouvernement fédéral doit
emprunter pour rembourser. Forcément, il y a déficit. Alors,
voyant que nous venions sur le marché, se rendant compte du taux que
nous devrions payer - j'y reviendrai dans un instant - le gouvernement
fédéral, qui n'en a pas à vendre, n'a pas essayé de
se mettre au même niveau que nous, mais d'augmenter son taux de
façon que les gens soient moins incités à vendre des
obligations d'épargne du Canada pour acheter des obligations du
Québec, nécessairement moins incités à les
négocier.
Il aurait mieux fait de les monter à 11%, néanmoins, mais
il ne faut pas oublier qu'ils en ont 38 000 000 000 $ en cours dans tout le
Canada, des obligations fédérales. Donc, 1% de taux
d'intérêt sur 38 000 000 000 $ représente une somme telle
qu'il hésite avant de le monter. À mon sens, il aurait
peut-être dû monter un peu plus que 10,5% parce que je me rends
très bien compte qu'à l'occasion de notre émission
actuelle il se change quand même beaucoup d'obligations
fédérales en obligations du Québec. Je ne serais pas du
tout étonné que, jusqu'à maintenant, il y en ait au moins
200 000 000 $, en l'espace de quelques jours, qui ont été
échangées.
Pourquoi avons-nous mis le taux d'intérêt à 11,75%?
L'habitude, et je ne dis pas qu'on le réalise toujours parfaitement,
c'est de placer nos émissions d'obligations d'épargne à
une légère prime par rapport aux certificats de banque d'un an.
Or, au moment où nous avons annoncé le taux, le certificat de
banque d'un an était en moyenne à 11,40%. Alors, nous avons
donné une prime de 35 points de base, ce qui est assez fréquent
dans ce que nous faisons. On essaie normalement de toujours maintenir une prime
comme celle-là.
Le fait que les taux d'intérêt aient
légèrement baissé depuis ce temps a
accéléré les entrées, a rendu le taux plus
attrayant de quelques points de base. Mais, en somme,
dans la fixation du taux de 11,75%, nous avons procédé
à peu près comme d'habitude: taux de dépôt dans les
banques d'un an plus une prime de 30 ou 40 points de base. Il n'y a rien
d'anormal là-dedans. 0e pense que la leçon de cette
émission, encore une fois, comme je le disais tout à l'heure,
c'est que le fédéral aurait peut-être dû monter un
peu plus haut que 10,5% parce que là, il est tout à fait clair,
d'après les rapports que j'ai eus au cours des trois derniers jours,
qu'il se négocie beaucoup d'obligations du Canada en obligations du
Québec.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. . le ministre. M. le
député de Vaudreuil-Soulanges.
Conclusion M. Daniel Johnson
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président.
À l'origine, lorsque le règlement prévoyait que dix heures
pouvaient suffire ou étaient octroyées pour l'étude du
budget en commission, étant donné que c'était disparu des
débats de la Chambre, ce n'était pas évident qu'il y avait
de la place pour dix heures de discussions parce que, lorsqu'on l'évalue
de façon normale, on se demande jusqu'à quel point il peut y
avoir pour cinq heures de questions et cinq heures de réponses. C'est un
peu comme cela qu'on le regarde du point de vue de l'Opposition. Chose
certaine, ce qu'on néglige habituellement d'inclure dans le calcul du
temps, parce que c'est une inconnue, mais on se fit à
l'expérience des dernières années, c'est la participation
des ministériels. Alors, selon qu'il y en a plus ou moins, l'enveloppe
s'ajuste de cette façon. L'enveloppe s'est ajustée à la
hausse. Les prédictions qu'on aurait pu faire se sont
révélées un peu basses. Dix heures n'auraient
peut-être pas été trop si on avait vraiment voulu faire le
tour au rythme qu'on le fait. L'Opposition a à peu près le quart
du temps...
Une voix: ...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, je comprends. Le quart du
temps ne laisse pas, finalement, dans une enveloppe, autant de temps qu'on
l'aurait voulu pour passer à travers ce qui, en définitive, est
dans le cadre d'un exercice trimestriel qui est plus important à
l'occasion du budget, mais ça demeure l'étude de
l'évolution des politiques budgétaires du gouvernement. Dans le
discours sur le budget, il y a un tas d'affirmations qui auraient pu appeler
d'autres questions, mais, dans le fond, elles ne sont pas autant
d'actualité qu'on pourrait le croire. C'est dans le cadre
général de l'évolution des prévisions
budgétaires. On y reviendra dans trois mois et ces questions seront
toujours pertinentes.
La façon dont on envisageait que ça se déroulait,
si c'est l'étude de l'évolution des perspectives
budgétaires dans le cadre du discours sur le budget, nous a
amenés, dans nos interventions - le ministre l'a sans doute
remarqué et la présidence également - à chercher
les explications sur certaines questions de fond de l'évolution des
perspectives budgétaires: le déficit, ce avec quoi on a ouvert la
discussion cet après-midi, la politique d'emprunt, les transferts, les
relations fédérales-provinciales, essentiellement.
Dans le plan de relance, de façon plus spécifique quant au
budget, on a parlé, quant à nous, de la réorientation de
la structure industrielle du Québec, du niveau d'investissement, des
priorités d'investissement que le gouvernement avait choisies. On ne
reviendra pas plus longtemps que cela sur le fait que, d'une part, il y a des
opérations de consolidation de certains acquis ou de certains genres
d'activité, au Québec, pour les renforcer, selon le ministre.
D'autre part, il y a des perspectives qui s'ouvrent sur l'avenir si on se lance
dans de nouveaux secteurs et si on parle, dans les deux cas, d'acquérir
une capacité concurrentielle accrue.
C'étaient des discussions intéressantes, le ministre l'a
reconnu. Quant à moi et de ce côté-ci de la table, on
pensait que c'était l'idée de cette commission. C'est très
différent des discours qu'on a en Chambre. Si la commission remplace ce
qui se passait en Chambre, oui. On va continuer à faire des tours de
piste, on va continuer à voir les députés
ministériels... Je présume que c'est leur rôle. De la
même façon qu'on est censé critiquer en Chambre, ils sont
censés encenser le gouvernement. C'est la façon traditionnelle de
le faire parce que le forum appelle cela.
Le temps de parole, on parle une fois sur un débat, ça
vient de s'éteindre, on passe notre message, on fait valoir nos points
de. vue de la façon la plus concise possible. En commission
parlementaire, c'est un peu plus large quant au fonctionnement, on peut se
répliquer les uns aux autres, ça fait une discussion un peu plus
animée, on peut entrer dans des détails intéressants, non
partisans, comme l'a souligné le ministre, sauf erreur, à
l'occasion de chacune des interventions de l'Opposition. Il n'en reste pas
moins que des divergences de vues sont apparues, mais on n'en a pas fait des
plats considérables.
Quant à moi, j'ai trouvé déplorable qu'on ait
été ici les récipiendaires de discours qui tendaient la
perche au ministre. Il n'est pas responsable de cela, c'est le tendeur de
perche qui amorce cette action et le ministre, comme c'est son droit, la
saisit et fait son tour de piste, renchérit sur ce que son
collègue du groupe ministériel peut avoir dit. N'est-il pas vrai
que les sociétés d'État font des choses extraordinaires
pour le développement économique du Québec? Certainement,
réplique le ministre, et on vient de manger 20 ou 25 minutes du
débat qui était censé regarder quelle est
l'évolution des perspectives budgétaires du gouvernement du
Québec, quel est le choix des priorités sur une longue
période que le gouvernement est en train de faire. Saviez-vous qu'il y
avait eu la crise d'octobre pendant les années 1970-1976? Vous ignoriez
sans doute cela, mais le député de Bourassa s'est chargé
de nous le rappeler. Il nous a même lu intégralement, à ma
connaissance, son dernier envoi sans adresse à ses électeurs. Il
aurait peut-être pu, par voie de dépôt de documents à
l'Assemblée nationale, nous en faire tenir une copie, cela aurait
épargné pas mal de temps.
On a eu droit également - et là, vraiment, ça
m'échappe de voir cela dans une commission comme celle-ci - à une
critique du député de Roberval sur l'absence de propositions de
la part de l'Opposition en matière de politiques budgétaires. Je
ne pensais pas qu'on était ici pour que vous écoutiez
l'Opposition vous exposer sa vision du développement économique
du Québec avec notre budget de l'An I, II ou III. Je n'ai jamais saisi
que c'était là l'idée, le mandat de la commission. Les
discussions que le député de Chambly suscite, chaque fois,
tournent autour du grand concept et du grand principe de l'interface entre le
législatif et l'exécutif pour que le législatif
découvre enfin ce que l'exécutif est en train de faire, de quelle
façon il décide, où il s'anime, dans quelle direction il
s'agite et pourquoi. C'est comme cela qu'on le conçoit. C'est de cette
façon qu'on pose les questions de façon générale,
quelle que soit l'heure, quelles que soient les interjections des membres du
côté ministériel. Si on est pour continuer, chaque trois
mois, à regarder l'évolution des perspectives budgétaires
en consacrant à peu près le quart du temps à l'Opposition
pour ses questions, un quart du temps au ministre pour ses...
Le Président (M. Lachance): M. le député, je
ne veux pas vous interrompre indûment. Je l'ai fait calculer par
quelqu'un de la commission parlementaire et le pourcentage de temps qui a
été chronométré pour l'Opposition serait de l'ordre
de 31%.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est magnifique; étant
donné qu'on constitue un des deux partis à l'Assemblée
nationale, il en resterait donc 70% pour le gouvernement.
Une voix: Non, du côté ministériel...
Une voix: C'est moins que les transferts...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ce qui m'inquiète un
petit peu pour les réunions trimestrielles, c'est que, si on n'a pas
vraiment l'occasion d'aller voir comment l'exécutif, justement, se
comporte et qu'on a plutôt droit à des retours sur les
décisions de dépenses des années 1970 à 1976, sur
la crise du FLQ, sur les Jeux olympiques, je ne vois pas véritablement
jusqu'où on va aller. Je ne vois pas comment vous vous imaginez que vous
allez avoir la coopération de l'Oppostion pour qu'on mène des
débats dans ce cadre-là d'une façon raisonnable et un peu
constructive. C'est exagérer de dire qu'il n'y a pas de place pour faire
de la politique en commission parlementaire. Je ne rejoins pas le
député de Chambly. C'est loin d'être exagéré
de dire que c'est en Chambre que, surtout, cela se déroule. Il y a bien
d'autres endroits où cela peut se dérouler.
Quant aux questions qu'on a pu poser de ce côté-ci, quant
aux réponses que le ministre nous a données, cela a
répondu à l'objectif de la commission. Je trouve cela
extrêmement malheureux, quant à l'autre moitié, que cela
n'y ait aucunement répondu à cause des interventions, des
questions du côté du groupe ministériel.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Roberval.
M. Michel Gauthier
M. Gauthier: Très brièvement, M. le
Président, pour ne pas prolonger. Je ne veux tout simplement pas laisser
passer des commentaires comme ceux-là sans, au moins, préciser
certaines choses. D'une part, je voudrais rappeler au député de
Vaudreuil-Soulanges, malgré tout le respect que je lui dois, qu'il y a
une caractéristique particulière dans les débats autour du
discours sur le budget qui permet aux parlementaires de s'exprimer librement
sur un ensemble de sujets d'ordre général ou particulier et
même de faire valoir, à certains moments, des exemples très
pratiques, très concrets de l'influence de la politique
budgétaire gouvernementale dans leur comté. À cet
égard, je pense que le député de Verdun nous a
donné un exemple ce soir - nous l'avons écouté avec
attention - d'un député qui était préoccupé
par des dossiers de son comté. Il nous a cité à plusieurs
reprises l'administration de sa ville et nous avons été
extrêmement tolérants là-dessus. Que le
député de Bourassa ait senti le besoin d'exprimer des besoins
d'ordre plus particulier, c'est son droit le plus strict. En ce sens, je pense
qu'il apparaîtrait de mauvais goût d'essayer de museler les
parlementaires dans leur droit le plus
fondamental de s'exprimer très librement et très largement
dans ce débat. Ce n'est pas toujours le cas dans les débats
à l'Assemblée nationale.
En terminant, c'est simplement pour dire au député de
Vaudreuil-Soulanges que -je ne sais pas quelle est sa perception des choses,
elle semble être assez négative -quand on s'efforce de
démontrer un contexte dans lequel le ministre des Finances
présente sa politique budgétaire, quand on s'efforce de
vérifier ou d'évaluer l'héritage qui lui a
été laissé, quand on essaie de voir où il s'en va,
comment il voit l'implication de l'État dans le développement
économique ou quand on fait état de projets qui sont
annoncés, je pense que c'est très pertinent au débat. S'il
fallait, effectivement, pour qu'une intervention soit jugée acceptable,
qu'elle soit de l'ordre de la critique négative ou qu'elle ne fasse
état que de mauvaises nouvelles, nous ne pourrions pas nous associer
à un débat de ce genre.
Dans cet ordre de pensées, les échanges d'aujourd'hui ont
été fort intérressants, fort instructifs. Ils ont permis
aux intervenants qui sont également députés des deux
côtés de la Chambre de soulever des préoccupations qui leur
sont chères. Le ministre des Finances - que je remercie en passant - a
répondu le plus complètement possible, le plus correctement
possible et de la même façon aux deux côtés de la
Chambre; c'était le but visé, je pense, par l'exercice
d'aujourd'hui.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le
député de Roberval. Le ministre aurait-il quelques mots à
ajouter? M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Je voudrais simplement remercier les membres de la
commission de m'avoir accueilli aujourd'hui et leur dire que je serai à
leur disposition chaque fois que la commission le jugera bon. Merci.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre des
Finances. Merci, messieurs de la commission d'avoir facilité mon travail
à la présidence. La commission du budget et de l'administration
ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 0 h 32)