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(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission du budget et de l'administration est réunie
ce matin afin de poursuivre le débat sur le discours sur le budget. M.
le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a pas
de remplacement.
Le Président (M. Lemieux): Permettez-moi de rappeler les
règles du débat. Le mandat que nous entreprenons aujourd'hui pour
une période de dix heures prend la forme d'une interrogation au ministre
des Finances par les membres de cette commission sur la politique
budgétaire proposée lors du discours sur le budget. Les
règles du débat ont été fixées par la
commission de l'Assemblée nationale, le 18 avril 1984. Nos travaux vont
commencer par une période de déclarations d'ouverture au cours de
laquelle le ministre des Finances, puis le critique financier de l'Opposition,
pourront prendre la parole pendant 20 minutes. Les membres de la commission
auront ensuite un temps de parole de dix minutes, réparti en une ou
plusieurs interventions. Le ministre disposera d'un temps de parole de dix
minutes après chacune des interventions. M. le ministre des Finances,
avez-vous une déclaration d'ouverture ou des remarques
préliminaires? La parole est à vous.
Remarques préliminaires M. Gérald D.
Levesque
M. Levesque: M. le Président, je pense bien que
répondre à votre invitation d'une façon affirmative serait
une chose normale, et je vous remercie de l'occasion que vous me donnez
d'entamer cette discussion. Cependant, vous savez que nous avons eu l'occasion,
mon collègue le député de Bertrand et moi-même, de
nous exprimer assez longuement sur le sujet. En effet, à
l'Assemblée nationale, nous avons eu l'occasion d'utiliser environ
quatre heures du temps de la Chambre pour présenter, d'une part, le
budget et, d'autre part, pour en faire la critique. Je pense bien que, dans les
circonstances, si je voulais utiliser un certain temps de parole, ce serait
simplement pour résumer en quelque sorte le budget. Il est tellement
substantiel que ce ne serait pas rendre justice au budget que d'essayer, en
quelques minutes, de le résumer. Je pense que nous aurons l'occasion en
Chambre, lorsque nous y retournerons, de faire de part et d'autre un sommaire
de la critique et, en même temps, du budget lui-même. J'aurai sans
doute, à la suite de la demi-heure consacrée à
l'Opposition jeudi prochain, une heure pour utiliser mon droit de
réplique à l'Assemblée nationale. Comme vous le savez,
nous avions autrefois 25 heures à l'Assemblée nationale pour
discuter du budget. Le règlement, aujourd'hui, fait en sorte que nous
libérions l'Assemblée nationale pour poursuivre le débat
en commission parlementaire et y aller peut-être plus à fond du
côté technique, etc., chose que nous pouvons difficilement faire
avec les règles de procédure de l'Assemblée nationale,
à moins que nous ne soyons en commission plénière.
Je crois qu'il serait peut-être plus profitable pour tout le monde
de passer, sans trop de délai, à certains sujets que les membres
de la commission voudront soulever. Il y a peut-être de mes
collègues également, et des collègues de l'Opposition, qui
n'auront pas le loisir d'intervenir à l'Assemblée nationale,
étant donné qu'ils voudront laisser la chance à d'autres
de participer aux débats. Je ne sais pas quelles sont leurs intentions,
mais ceux ou celles qui voudraient intervenir parce qu'ils ne l'auront pas fait
en Chambre pourraient le faire en commission, si je comprends bien. Tous ces
aspects nous amènent à être un peu moins loquaces au
début de la séance de la commission. Nous allons passer, je pense
bien, la journée ensemble, c'est-à-dire l'avant-midi,
l'après-midi et la soirée, si nécessaire. Nous pourrions
continuer demain matin, si tout le monde évidemment veut continuer, et
si le coeur vous en dit.
Je veux simplement, sans être aucunement imbu d'un sentiment de
provocation, manifester ma grande satisfaction face à l'accueil qui a
été fait au budget. Je crois que l'Opposition elle-même,
à moins d'avoir les yeux et les oreilles complètement
fermés - elle a d'ailleurs été à peu près la
seule à critiquer le budget - serait d'accord pour dire que c'est un
excellent budget. J'espère qu'on pourra alors, une fois qu'on a
accepté cela, passer d'une façon positive à l'examen de
certaines mesures, peut-être dans le but de les critiquer ou de les
approuver ou de demander certaines modifications. Tout est possible, rien n'est
fermé. Quand on est au service du public, on doit être
réceptif aux suggestions. J'ai toujours été très
réceptif aux suggestions qui m'ont été faites de bonne
foi. Je l'ai prouvé dans le passé. Je suis encore prêt,
cette fois-ci, à regarder avec le gouvernement, avec mes
collègues, toute bonification qui pourrait être
suggérée. Peut-être pas dans l'immédiat,
peut-être à court, moyen ou long terme, je ne sais pas. Je pense
que notre devoir ce matin est de continuer de travailler dans
l'Intérêt de la population qui nous a
délégués ici, de part et d'autre. C'est notre devoir le
plus sacré d'essayer de répondre aux aspirations de la
population. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances. M. le député de Bertrand, critique de l'Opposition
officielle, vous avez 20 minutes pour une déclaration d'ouverture ou des
remarques préliminaires.
M. Jean-Guy Parent
M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. Je remercie
M. le ministre d'être là ce matin avec nous. Je trouve un peu
déplorable qu'il n'y ait pas beaucoup de collègues qui soient
présents, particulièrement du côté
ministériel, pour assurer le quorum. Je me dois de le souligner.
M. Levesque: Vous en avez de votre côté. M.
Parent (Bertrand): Ce n'est ni la faute...
M. Levesque: Vous êtes accompagné de combien de vos
collègues? Je n'en vois pas, moi.
M. Parent (Bertrand): M. le ministre des Finances, je dois vous
dire que c'est au gouvernement à assurer le quorum, sur le plan
strictement technique. Je ne ferai pas d'histoire avec cela, mais je me dois de
le souligner. Je pense que les collègues auraient dû être
là ce matin pour assurer le quorum.
Ceci étant dit...
M. Levesque: Vous me permettrez de saluer le député
de Mille-Îles, le député de Limoilou, et
peut-être...
M. Parent (Bertrand): Je suis très heureux de les voir
là, M. le ministre. J'aimerais aussi ne pas être trop interrompu,
parce que cela risque de s'étendre longtemps.
M. Levesque: Non, non.
M. Parent (Bertrand): Vous me connaissez, M. le ministre. Je n'ai
pas l'intention de faire des batailles là-dessus. Il y a des choses
importantes. On a dix heures à notre disposition. On va essayer d'en
profiter pleinement. Comme vous l'avez mentionné, on va essayer d'en
profiter positivement.
Dans vos quelques propos, vous avez mentionné le fait que
l'Opposition officielle était probablement la seule à avoir fait
une critique et à s'être opposée à ce budget. Oui,
cela fait partie du rôle de l'Opposition de voir les dessous du budget.
Lorsque le budget est livré dans son discours intégral, comme l'a
fait le ministre le 12 mai dernier, on sait que tous les gens qui
écoutent cela - la très grande majorité, le ministre des
Finances le sait fort bien - n'ont pas la chance de l'analyser en profondeur et
encore moins d'aller dans l'ensemble des secteurs, ce qui fait partie de notre
rôle. J'aurai, au cours des prochaines heures, quatre ou cinq
collègues qui ont manifesté le désir de venir ici pour
poser des questions. Il s'agit du député de Shefford qui va nous
parler, certes, d'habitation, du chef de l'Opposition qui va venir à la
fin de l'avant-midi et qui a également des questions à poser, de
la députée de Marie-Victorin et de la députée de
Maisonneuve sur des questions qui touchent la famille et la
sécurité du revenu, tout l'aspect familial. Il y aura
également M. Garon, le député de Lévis, qui veut
toucher certains aspects.
Je vais, d'ores et déjà, assurer le ministre des Finances
qu'il y aura des collègues de l'Opposition qui vont venir, non pas
prêter main forte, mais faire partie de l'équipe. Mais,
étant donné que c'est ma principale responsabilité, c'est
la raison pour laquelle je suis ici ce matin et je serai présent pendant
les dix heures.
Dans les remarques préliminaires, M. le Président, il y a
un mot que je tiens à souligner, qui l'a été par le
ministre des Finances tantôt et qui, pour moi, est important et
fondamental dans tout ce discours sur le budget, dans tout ce qui l'accompagne,
l'entoure, dans toutes les mesures qui sont prises et qui en découlent,
soit toute la question de la transparence.
Lorsque le ministre des Finances dit que c'est important pour lui, je
lui dis que c'est important pour moi aussi qu'on ait toute cette transparence
pour voir les vraies choses, parce qu'on travaille dans les comptes publics,
parce qu'on travaille avec l'argent du public. Je pense que cela doit faire
partie de nos soucis. Si, au-dessus de cela, que ce soit l'Opposition ou le
gouvernement, on veut faire de la petite politique, libre à chacun.
Ce que j'ai livré comme message pendant la réplique
sommaire de dix minutes qui m'a été accordée le 12 mai au
soir, ce que j'ai livré comme message pendant deux heures la semaine
dernière en réplique au discours sur le budget, ce sont des
choses fondamentales et importantes, fondées certainement non seulement
sur le discours, mais sur toutes les annexes qu'il comporte.
J'aimerais, au cours de l'exercice de dix heures que nous allons avoir
ensemble, que le ministre des Finances et ceux qui l'accompagnent puissent nous
fournir les éclaircissements nécessaires qui sont importants,
parce que, de l'analyse que nous en faisons, de l'analyse que je peux en faire
au nom de l'Opposition, il y a beaucoup de questions qui restent
nébuleuses. Ces questions, je pense que la place pour les
éclaircir, c'est en commission parlementaire. Je dis plusieurs questions
et j'en souligne quelques-unes. Par exemple, toute la notion de l'importance
des imputations budgétaires face aux montants qui ont été
transférés, des réserves aux dépenses
anticipées qui ont été prises. Voilà certaines
questions techniques Importantes. il y a aussi des questions quant aux choses
qui ont été déclarées, sur des mesures prises
au
chapitre du logement, de la famille et du troisième enfant, sur
des mesures en recherche et développement, etc. Voilà autant de
points qui nous préoccupent parce que, entre ce qui est dit, ce qu'on
retrouve dans les annexes et ce qui va se passer dans les faits, j'ai
l'impression qu'il y a différents scénarios, et ce budget,
même s'il n'est pas mauvais en soi, n'annonce pas de grandes ou nouvelles
taxes pour les citoyens, car, comme je l'ai souligné, elles avaient
été annoncées et dans plusieurs cas, certains
impôts, directs ou indirects, étaient déjà en
vigueur le 18 décembre dernier ou autrement.
Tout compte fait, il reste que le portrait global du discours sur le
budget, dans mon livre et à moins que je ne sois complètement
dans l'erreur, ne reflète pas vraiment un aussi beau portrait que dans
le livre du ministre des Finances.
J'aimerais qu'on puisse commencer le plus rapidement possible, certes,
et assurer le ministre des Finances et les collègues en commission
parlementaire que je vais essayer de faire cet exercice en étant le plus
positif possible, par une critique constructive qui nous amènera, je
l'espère, des réponses claires, nettes et précises de la
part du ministre des Finances. Je ne crois pas qu'il y ait une autre place
qu'ici, en commission parlementaire, pour faire cet exercice. Dans les discours
qui peuvent être faits, de quelque côté de la Chambre que ce
soit, pendant la période de quinze heures qui sont allouées,
chacun y va de sa version, mais de l'échange franc, clair et direct, je
pense que c'est en commission que cet exercice est valable.
Si le ministre peut fournir des réponses satisfaisantes, on lui
dira bravo. Si elles sont insatisfaisantes, on continuera à faire notre
travail dans ce sens, vraiment sans aucun préjugé, et je tiens
à en assurer le ministre des Finances, et vous-même, M. le
Président, sans vouloir voir à tout prix des choses où il
n'y en a pas, sans voir de bebites - comme on dit dans notre jargon - là
où il n'y en a pas. J'ai tout de même besoin d'avoir
l'éclairage du ministre sur plusieurs des mesures annoncées,
parce que plus les jours passent, plus l'analyse qui est faite dans les
discussions que je peux avoir, avec mes collègues, dans le milieu,
démontre que les gens, d'après les nombreux articles de journaux
qui ont été publiés de la part des groupes qui sont
représentés, sont loin d'applaudir aux mesures prises dans tel ou
tel secteur.
Vous me direz, bien sûr, M. le ministre, qu'il n'y a pas de budget
qui pourrait satisfaire tout le monde, qu'on ne pourra jamais satisfaire tout
le monde, mais il reste qu'il y avait des choses fondamentales et importantes,
surtout dans le contexte où nous avons actuellement une situation
économique favorable, alors que le Québec jouit d'une
sixième ou d'une septième année de reprise
économique. Le contexte nord-américain fait en sorte que le
Québec, tout comme la plupart des provinces canadiennes, jouit d'une
situation dite favorable sur le plan économique. Dans cette situation,
je pense qu'il aurait pu y avoir beaucoup plus de choix, compte tenu des sommes
d'argent, des enveloppes qui étaient disponibles. C'est important. Le
ministre des Finances, son gouvernement de même que les politiques de son
parti ont fait en sorte qu'il y a eu des choix de faits. Je pense, par exemple,
à la table d'impôt. Je pense à cet ajustement et à
cet alignement partiel sur la réforme Wilson. Je pense que d'autres
choix auraient pu être faits. Dans ce sens-là, je pense qu'il va
falloir que le ministre des Finances nous dise pourquoi il a fait ce choix.
Après les explications, si on est toujours en désaccord pour des
raisons fondamentales, si on pense que cela ne rejoint pas les objectifs qui
auraient dû être atteints... Je pense que, dans ce sens-là,
cela risque d'être fructueux.
Voilà sommairement la façon dont j'ai l'intention
d'aborder les prochaines heures. Comme je vous l'ai dit, j'aurai des
collègues qui viendront se joindre à moi au cours des dix heures
de débat.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Bertrand. M. le ministre des Finances, vous avez la
parole.
Discussion générale
M. Levesque: M. le Président, avec l'attitude positive que
nous annonce le député de Bertrand, pourquoi ne pas
procéder et entrer dans le jeu?
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances. M. le député de Bertrand.
Dépenses anticipées
(10 h 30)
M. Parent (Bertrand): Le premier volet que j'aimerais aborder est
important. Je ne voudrais pas qu'on y consacre toutes les dix heures. Je
voudrais qu'on le règle le plus rapidement possible, mais c'est un volet
important. C'est celui des chiffres, celui du déficit, de la
présentation et du choix qui a été fait,
particulièrement en ce qui concerne les 849 000 000 $ qui ont
été inscrits comme étant des dépenses
anticipées pour l'année. La question est fort simple, M. le
ministre des Finances. Je l'ai posée en Chambre, mais je n'ai pas eu la
réponse et vous m'aviez assuré qu'on aurait la chance d'en
rediscuter ici. Sur ce volet, nous prétendons, jusqu'à preuve du
contraire, qu'il y aurait eu lieu d'avoir en poche des crédits, au
moment où l'on se parle et à la fin de l'année
financière, selon les articles de la loi qui régissent
l'administration financière, soit l'article 13 qui donne en particulier,
le rôle du contrôleur des finances, l'article 38 et
particulièrement l'article 39 qui vient nous dire exactement de quoi
il
s'agit, et l'article 58. Ces différents articles nous disent que,
pour chacune des dépenses imputées, qu'elles le soient par
anticipation ou autrement, il doit y avoir absolument des crédits.
J'aimerais que le ministre des Finances nous dise, pour les 849 000 000 $ qui
apparaissent comme étant (es chiffres globaux, présentés
par le ministre des Finances, s'il a pour la totalité les crédits
correspondants et approuvés par le contrôleur des finances.
M. Levesque: M. le Président, nous avons eu l'occasion de
discuter de ce point, qui a été relevé par
différents analystes. Ma première réaction est que... Et
je ne veux pas blâmer l'Opposition d'une façon
inconsidérée, je pense que l'Opposition a fait la principale
partie de sa critique sur la question des paiements anticipés. Est-ce
qu'on aurait dû ou non? Est-ce qu'on aurait été
autorisé à faire des paiements anticipés? J'aurai
l'occasion dans quelques minutes de dire sur quoi est fondée cette
procédure au pian juridique.
Mais, avant de le faire, qu'il me soit permis tout simplement de dire au
député de Bertrand que c'est assez rare que l'on voie des gens
s'acharner, comme l'Opposition le fait, sur le fait qu'un gouvernement
décide de payer d'avance ou d'inscrire d'avance des dépenses,
surtout une Opposition qui vient de nous laisser en héritage des
milliards de dollars d'endettement. Dieu sait qu'on aurait bien aimé que
le gouvernement précédent paie un peu d'avance ou inscrive un peu
d'avance des dépenses! Ces gens-là prennent une situation en 1976
où l'endettement du Québec est de moins de 5 000 000 000 $ et
nous remettent - de par la volonté du peuple, ce n'est pas de par leur
volonté - la situation en 1985 avec plus de 20 000 000 000 $
additionnels d'endettement, dont 14 000 000 000 $ pour payer des
dépenses courantes, ce qu'on appelle des dépenses
d'épicerie.
Ce sont ces mêmes gens qui nous reviennent et qui se scandalisent
qu'on ait payé d'avance des montants ou qu'on ait fait des inscriptions
d'avance au chapitre des dépenses. Au contraire, ils devraient, il me
semble, ou bien être silencieux ou, s'ils ne peuvent l'être,
être au moins assez transparents pour nous dire: Bravo! Vous avez non
seulement réussi à maintenir la situation, mais vous avez de plus
dégagé des sommes suffisantes pour faire des inscriptions
à l'avance et pour payer des dépenses à l'avance. Il me
semble que c'est cela. Les gens au Québec sont heureux de voir que,
finalement, on est en train de se sortir de la situation impossible dans
laquelle on s'est trouvé il y a à peine deux ans et demi. Les
gens sont heureux de voir qu'à un moment donné le gouvernement
puisse faire exactement le contraire de ce qu'on a reproché à
l'ancienne administration. Je comprends que l'ancienne administration peut
toujours dire: Bien, nous avons eu la récession de 1982, etc. Mais le
problème n'est pas là. Le problème date de 1977, 1978,
1979, de la période préréférendaire. C'est
là que se situe le saut qu'a fait le budget.
D'ailleurs, le député de Lévis, dans un moment de
franchise tout à fait exemplaire - je ne sais pas ce qui s'est
passé - a dit: Vous savez, on a trop dépensé avant le
référendum. C'est à ce moment, évidemment, qu'on
est passé subitement d'un déficit d'à peu près 700
000 000 $, 800 000 000 $ à un déficit de 3 000 000 000 $. On est
restés là après. C'est à ce moment qu'on a
emprunté pour des dépenses courantes, qu'on a
hypothéqué l'avenir de la génération qui
suivait.
M. le Président, aujourd'hui on dit: Voici, tout le monde
applaudit au budget. Finalement, on dégage des sommes nécessaires
pour diminuer les taxes, le déficit, pour voir la lumière au fond
du tunnel. C'est à ce moment que toute l'opposition au budget se
concentre sur cette proposition. Aviez-vous réellement le droit de payer
d'avance ou d'inscrire d'avance le paiement de dépenses? C'est ça
qui les inquiète, M. le Président. C'est effrayant. Quand on y
pense un peu, pour un instant, est-ce que cela a du bon sens de
s'inquiéter? Je comprends, lorsqu'on est à court d'argument, que
l'on puisse faire cela.
Maintenant, on va enlever l'inquiétude, si vous voulez.
Après tout, cela pourrait être simplement, comme l'a dit le
député de Bertrand, pour faire son devoir d'Opposition. Je ne
suis pas contre le fait. Je veux m'informer sur la procédure que vous
avez suivie, si elle était conforme à nos lois. Je vais essayer
de répondre à cette question, comme il m'a invité à
le faire, d'une façon objective, très objective, tellement
objective que j'ai avec moi le contrôleur des finances, M. Paré,
qui est prêt à venir répondre, si vous ie désirez,
aux questions d'ordre technique que vous voudrez lui poser.
Commençons par ceci. Pour résumer, il y avait dans le
paiement des dépenses anticipées, une portion de ces
dépenses qui était reliée au bien-être social. Pour
cette partie, je pense que le chef du député a exprimé
certaines inquiétudes. Mais on n'est pas revenu à la charge,
parce que je pense qu'on a été renseigné, depuis ce temps,
là-dessus. Quant à cette partie qui touche le bien-être
social, une partie a été payée par des crédits
périmés et l'autre, par des crédits
supplémentaires, déposés et votés par la
Législature. À ce point de vue, je pense bien qu'on est d'accord,
qu'il n'y a pas de problème. Je ne pense pas. S'il y en a, on pourra y
revenir.
Ce qui fait l'objet de questions de la part de l'Opposition, c'est
surtout la partie qui touche les crédits sur les fonds de retraite. Il
s'agit là, je l'ai dit et je le répète, de crédits
permanents. Le député de Bertrand est d'accord. Il s'agit de
crédits permanents. Si on n'est pas d'accord sur ce point, il va falloir
sortir les livres. Mais, si son silence est une approbation, il s'agit
présentement de crédits permanents. C'est ce qui fait
problème, d'après ce que je peux comprendre de
ses interrogations.
La différence entre les crédits votés et les
crédits permanents est bien établie. On sait qu'il y a deux
sortes de crédits: les crédits annuels, qui doivent être
votés spécifiquement par l'Assemblée nationale dans des
lois sur les crédits en regard de certaines dépenses, et des
crédits permanents qui, à l'égard de dépenses
particulières, ont été autorisés de façon
permanente dans des lois particulières.
Un exemple de dépenses dont les crédits sont permanents:
le Service de la dette publique. En vertu de la Loi sur l'administration
financière, le fonds consolidé du revenu est grevé en
permanence des intérêts sur la dette publique. Cela veut dire que
les dépenses en intérêts peuvent être inscrites sans
qu'il y ait de vote de crédits annuels à leur égard. Le
livre des crédits renferme d'ailleurs une note à cet effet au
programme concerné.
Pour les dépenses au titre des contributions aux régimes
de retraite, c'est la même chose. Quant à la partie des
contributions qui se rapporte aux services passés, il s'agit d'une dette
reliée à des services déjà rendus par les
participants au régime, et que le gouvernement inscrit graduellement
à ses livres par voie d'amortissement.
Les lois sur les régimes de retraite des enseignants - c'est le
chapitre R-11 - et sur celui des fonctionnaires - c'est le chapitre R-12 -
renferment à l'article 78 dans le premier cas, et à l'article 114
dans le second, la disposition suivante: Toutes les sommes requises pour
l'application de la présente loi sont prises sur le fonds
consolidé du revenu sauf celles requises pour son administration qui
sont accordées annuellement par le Parlement."
La loi sur le RREGOP, chapitre R-10, article 32, prévoit une
disposition de même nature. Toutes ces dispositions ont été
inscrites dans la loi par le chapitre 24 des lois de 1983. Comme la dette
totale qui reste à inscrire aux livres du gouvernement au titre des
services passés des régimes de retraite était
estimée à 11 795 000 000 $ au 31 mars 1987, il n'y a certainement
pas de problème à en inscrire 456 000 000 $ additionnels par
anticipation pour l'année 1987-1988.
Je fais une parenthèse avant de l'oublier. Le
député de Bertrand et l'Opposition étaient là
à la suite de la synthèse du 31 décembre 1987. J'avais
annoncé qu'apparaissait déjà un excédent des
revenus sur les dépenses, un excédent sur les sommes
prévues dans le budget, des excédents de l'ordre de 450 000 000
$. J'avais alors mentionné que nous allions en prendre 50 000 000 $ pour
réduire le déficit de 2 400 000 000 $ à 2 350 000 000 $ et
que les autres 400 000 000 $, nous allions les appliquer à un paiement
anticipé de dépenses.
À ce moment-là, vous n'avez pas parlé, pas un
mot.
Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse, M. le ministre des
Finances.
M. Levesque: Oui?
Le Président (M. Lemieux): Votre temps de parole est
terminé. M. le député de Bertrand, voulez-vous laisser M.
le ministre des Finances continuer sur les éléments
techniques?
M. Parent (Bertrand): M. le Président, j'ai posé
une question simple. J'ai demandé au ministre, en 30 secondes, s'il
avait des crédits pour 849 000 000 $. Cela fait 20 minutes qu'il parle.
Je veux bien, mais on va avoir de la difficulté à avoir un
échange là-dessus.
Le Président (M. Lemieux): Cela fait dix minutes, M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Bien, dix minutes...
Le Président (M. Lemieux): Et. sur le droit de
parole...
M. Levesque: J'aurais pu répondre. Je veux donner une
réponse complète au député.
M. Parent (Bertrand): Oui.
M. Levesque: J'aurais pu fort bien lui dire: Écoutez, ce
ne sont pas des crédits votés par la Législature dont vous
parlez. Une partie, oui, et cela a été fait et j'avais les
crédits. Je suis allé en Chambre les demander et j'avais des
crédits périmés pour payer. Cela ne pose pas de
problème.
Je suis en train de lui faire la distinction entre les crédits
votés et les crédits permanents. Pour les crédits
permanents, je suis en train de lui faire la démonstration, sauf que
j'ai fait une parenthèse simplement parce que je ne voulais pas oublier
ce détail. Mais je peux continuer. Dans quelques minutes, je vais
terminer, M. le Président, avec la permission du
député.
Le Président (M. Lemieux): Cela va, M. le ministre des
Finances. Vous pouvez terminer. (10 h 45)
M. Levesque: Pour revenir aux méthodes de
comptabilisation, le CT-164707 du 23 juin 1987 établit les conventions
comptables du gouvernement à l'égard des régimes de
retraite. L'établissement des conventions comptables relève du
Conseil du trésor en vertu de la Loi sur l'administration
financière, chapitre A-6, article 25. La disposition pertinente du
CT-164707 est la suivante: "Les contributions dues à titre d'employeur
pour amortir les insuffisances actuarielles sont inscrites aux
dépenses." Le contrôleur des finances inscrira donc aux
dépenses 1987-1988, à l'égard des services passés
des régimes de retraite, le montant correspondant à la formule
d'amortissement établie par le Conseil du trésor.
Dans le cas du RREGOP, c'est le ministre des Finances qui
détermine les montants à inscrire; dans les autres, c'est, comme
je l'ai mentionné, le Conseil du trésor.
Le Conseil du trésor est en effet responsable de
déterminer les méthodes d'amortissement des insuffisances
actuarielles, comme le prévoit la Loi sur l'administration
financière, à l'article 25, puisqu'il s'agit d'une matière
ayant trait au système de comptabilité, ces méthodes
devant être divulguées en notes aux états financiers.
Quant à la Loi sur l'administration financière, il faut
d'abord noter que la régularité de la transaction ne pose aucun
problème au contrôleur des finances et que nous avons obtenu un
avis juridique sur la question. Je l'ai ici devant moi. C'est un avis du
Service juridique du ministère des Finances. L'avis conclut qu'il n'y a
aucune (Illégalité, contrairement à ce qu'a
prétendu l'Opposition. Il n'y a aucune illégalité, en
vertu de la loi, à procéder tel qu'envisagé. L'Opposition
a mis en doute la régularité de l'opération en regard des
articles 39 et 58 de la Loi sur l'administration financière. L'article
39 stipule que les prévisions budgétaires doivent indiquer
distinctement les crédits permanents qui n'ont pas à être
votés et les sommes dont les dépenses doivent être
votées par la Législature. L'Opposition allègue que les
sommes additionnelles d'anticipation annoncées dans le discours sur le
budget ne se retrouvent dans aucune prévision budgétaire.
Premièrement, si on veut faire quelques commentaires rapides,
c'est le ministre des Finances qui est chargé de présenter les
prévisions budgétaires à l'Assemblée nationale,
selon l'article 2 de la loi. Si on indique distinctement les crédits
permanents des crédits à voter, c'est pour qu'on puisse
identifier ce qui doit être voté, d'une part, et pour informer de
ce qui est utilisé en crédits permanents, d'autre part. Dans le
cas qui nous intéresse, le ministre des Finances a indiqué dans
son discours sur le budget qu'un montant additionnel de crédits
permanents est utilisé. À bien des postes où les
crédits sont permanents, il arrive régulièrement que les
dépenses excédant les montants qui avaient été
indiqués à titre d'information dans le livre des crédits -
dépassements statutaires - sont observées en fin d'année.
Ces dépassements, dont on retrouve quelques exemples à l'annexe
III que j'ai ici, n'ont jamais donné lieu à des corrections des
livres des crédits initiaux ou supplémentaires ayant
été présentés en cours d'année.
Passons à l'article 58 pour terminer. C'est celui qui vous
préoccupe. L'article 58 stipule que "dans les quatre mois qui suivent la
fin d'une année financière, on peut imputer sur un crédit
et inscrire à cette année les montants requis afin d'acquitter
une dette payable pour des services rendus avant la fin de cette année
aux termes d'un contrat". Vous avez prétendu que le montant additionnel
d'anticipation, annoncé dans le discours sur le budget, ne se rapportait
pas à des services rendus. Je me rappelle que vous aviez insisté
là-dessus, n'est-ce pas? S'il s'agissait de services rendus, il ne
s'agissait pas de services rendus aux termes d'un contrat.
En se contraignant à utiliser l'article 58, on serait plus
catholique que le pape, puisque les crédits permanents ne sont
même pas soumis à cette disposition. Autrement dit, les
crédits permanents ne se réfèrent pas à l'article
58. On peut facilement inscrire jusqu'au 31 juillet les dépenses
imputables à l'année financière terminée quatre
mois auparavant. La Loi sur l'administration financière, comme vous le
savez, a été modifiée à cet égard en 1987,
par le projet de loi 129, puisque les états financiers restent ouverts
jusqu'au 31 juillet. Les services en cause étaient déjà
rendus au 31 mars 1987 et ce, depuis longtemps, puisqu'il s'agit de
contributions au titre de services passés qui sont inscrits aux livres
du gouvernement par voie d'amortissement annuel depuis 1978-1979. L'inscription
des dépenses qui y sont reliées n'est régie que par les
méthodes de comptabilisation prescrites par le CT-164707, que j'ai
mentionné tout à l'heure.
Dans le cadre du débat, on a aussi invoqué l'article 13
qui enjoint au contrôleur des finances d'enregistrer les engagements
financiers imputables sur les crédits, et de voir que ces engagements
n'excèdent pas ces crédits et leur soient conformes. On a fait
état que ce devoir du contrôleur n'aurait pas été
accompli avant l'annonce faite par le ministre des Finances, dans son discours
sur le budget. À ce sujet, il faut remarquer que ce dont il est question
ici, c'est d'un devoir du contrôleur et non d'une condition à
l'inscription des dépenses. Comme il s'agit de crédits
permanents, les engagements ne peuvent excéder les montants de ces
crédits qui sont, de par la loi, disponibles jusqu'à concurrence
des engagements pris, et il n'est en aucune façon requis que
l'inscription des engagements ait été effectuée avant la
fin de l'année financière ou avant le prononcé du discours
sur le budget.
Alors, je pense que c'est clair. Si je prends l'avis juridique - je
pourrai en faire part au député, s'il le désire - il est
encore plus élaboré, évidemment, et il va dans les
détails au point de vue juridique. Il prend tous les articles
pertinents, les articles 37 à 39, l'article 13, l'article 58, l'article
25 et il termine en disant, à la page 6: En résumé, du
strict point de vue juridique, il n'y a aucune illégalité en
vertu de la Loi sur l'administration financière à procéder
à l'imputation de sommes sur des crédits permanents dans
l'année financière qui précède celle où la
décision a été prise de procéder à cette
imputation, mais seulement dans la mesure où les états financiers
1987-1988 comporteront, aux fins de se conformer aux conventions comptables
adoptées en vertu de l'article 25 de la loi, dans la note
complémentaire concernant les régimes de retraite, une formule
d'amortissement correspondant aux dépenses enregistrées à
cette même
année.
Je peux difficilement aller plus loin que de vous donner l'avis
juridique sur lequel je base mon argumentation, de vous donner l'argumentation
d'une façon aussi élaborée que je l'ai fait, même au
risque de dépasser le temps qui m'était alloué, et, si on
veut aller plus loin et si le député de Bertrand se sentait plus
à l'aise s'il avait un contact direct avec le contrôleur des
finances, je suis prêt à demander au contrôleur des finances
de venir répondre à ses questions...
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances.
M. Levesque: ...ou à n'importe quel autre fonctionnaire
que jugera à propos de... Si c'est le voeu de la commission, je n'ai pas
d'objection parce que ceux qui sont responsables de ces dossiers au
ministère en seraient, j'en suis convaincu, heureux. Mais je pense que
celui qui est, au premier titre, responsable, c'est le contrôleur des
finances qui, comme vous le savez, jouit d'une autonomie plus forte, si l'on
veut, que les autres fonctionnaires vis-à-vis de l'administration.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances. M. le député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Oui. Le ministre accepte-t-il de
déposer à la commission l'avis juridique?
M. Levesque: Oui, je n'ai aucune objection, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): Alors, j'adopte...
M. Levesque: C'est ma copie, mais j'aimerais en avoir une
qui...
Le Président (M. Lemieux): ...j'autorise... M.
Levesque: ...n'est pas annotée.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances.
M. Parent (Bertrand): ...avec les notes. M. Levesque: Ha,
ha, ha!
Le Président (M. Lemieux): J'autorise le
dépôt sans les notes personnelles du ministre des Finances. M. le
secrétaire, voulez-vous prendre note du document déposé
par M. le ministre des Finances?
M. Parent (Bertrand): Monsieur...
M. Levesque: Mes notes consistaient simplement à souligner
pour ne pas avoir à tout lire encore une fois parce que je ne voulais
pas que le président me dise que mon temps était
écoulé encore une fois. Mais je sais que c'est son devoir de le
faire.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances. M. le député de Bertrand, vous avez la parole.
M. Parent (Bertrand): Oui. Je remercie le ministre des Finances
de donner les informations qu'il vient de soumettre à la commission. Je
réitère très clairement au ministre des Finances que le
but poursuivi n'est pas de faire une tempête dans un verre d'eau. Je
réitère aussi au ministre des Finances que mon but est d'essayer
d'avoir toute la lumière là-dessus. Quand il a mentionné
tantôt toute la critique qu'on a faite sur le budget, on l'a faite
là-dessus, je suis obligé de dire, M. ministre des Finances, que,
pendant les deux heures que j'ai passées en Chambre à faire la
réplique, pour autant que je suis concerné, j'ai peut-être
consacré cinq petites minutes sur cet aspect, parce qu'il y avait
beaucoup d'autres aspects. Donc, je voudrais seulement qu'on soit justes et
équitables. Quand il y a eu une conférence de presse, ce morceau
a pris beaucoup d'importance parce que les journalistes ont
décidé eux aussi d'en faire un gros morceau. Tout compte fait,
plusieurs éléments ont été soulignés et
aujourd'hui on ne tombera justement pas dans le jeu de passer toute la
journée à discuter de cet aspect-là, non pas que ce ne
soit pas important, mais parce qu'il y a d'autres aspects du budget sur
lesquels je veux avoir des réponses, il y a d'autres aspects du budget
sur lesquels je voudrais avoir des informations.
Concernant ce volet, et peut-être pour essayer de clore un peu le
sujet concernant toute cette allocation au niveau des chiffres et ce que
certains journalistes se sont plu à appeler "le jeu des chiffres", "la
sorcellerie" etc.. Comme député à l'Assemblée
nationale, M. le ministre des Finances, je n'appelle pas cela de la
sorcellerie, j'appelle cela des chiffres importants qu'il faut clarifier. Non
pas parce que le public ne suit pas où on est rendu, dans quel milliard
on est rendu, c'est très difficile à suivre, mais il y a un fait
important, je pense, avec lequel vous serez d'accord avec moi, avec vos 32 ans
d'expérience et moi avec mes 2 ans et demi, c'est qu'il doit y avoir
toute la transparence sur cet aspect.
Notre préoccupation est de dire: Écoutez, nous pensons que
c'est une façon non correcte de procéder. Vous me dites: J'ai des
avis juridiques, j'ai le sceau et l'approbation du contrôleur des
finances. Tant mieux et bravo si vous avez tout cela! J'imagine qu'en tant que
ministre responsable des finances publiques vous avez pris ces
précautions. On l'a demandé en Chambre et je vous
réitère aujourd'hui ma demande de me donner la preuve de tout
cela. Vous dites que vous avez tout cela et vous déposez les docu-
ments. Bon, on les étudiera et on va les analyser. Mais,
au-delà de cela, en tant que membre de l'Assemblée nationale,
comme d'autres collègues ici autour de la table, il demeure un point
fondamental. Là, je ne ferai pas l'interview du contrôleur des
finances, pas plus que celle du sous-ministre, pas plus que celle d'autres de
vos collègues parce qu'on s'embarquerait dans des points très
techniques. Peut-être qu'à loisir, avec votre permission, je le
ferai en dehors de cette commission dans le but de gagner du temps pour qu'on
ait le temps, à la commission, pour le reste du budget. Sur ce point, en
communiquant avec vous, peut-être, si j'en ai besoin à la suite
des informations déposées aujourd'hui, je me permettrai d'avoir
des rencontres et je les ferai dans ce sens. D'ailleurs, je suis
persuadé de cela, vous me l'avez déjà offert.
Mais, au-delà de cela, ma préoccupation est beaucoup plus
grande que seulement les résultats. Ce n'est pas seulement de dire: Je
ne voudrais pas que vous présentiez des beaux chiffres. Que cela aille
bien au Québec et que le déficit baisse, je veux bien. Je vous
l'ai dit l'année passée et je vous l'ai dit en commission
parlementaire aussi lorsqu'on a fait l'exercice avec le Vérificateur
général sur la question des chiffres. Le fait que les
règles du jeu aient changé, cela fausse un peu le débat.
Je pense qu'on a de la difficulté à parler des mêmes bases
comparatives qu'avant. Je comprends votre explication, mais je ne peux pas
être d'accord avec vous et dire: II faut oublier le passé et il
faut parler du présent. Quand on se réfère aujourd'hui,
dans le contexte actuel, au 31 mars 1988 et que le ministre des Finances nous
dit: On est rendu à 2 350 000 000 $ de déficit, oui, c'est 2 350
000 000 $, mais c'est par rapport à quelque chose. Ce quelque chose,
c'est effectivement 3 350 000 000 $, les chiffres que vous avez pris dans les
nouvelles conventions comptables. Je ne suis pas d'accord qu'aujourd'hui,
après nous avoir présenté le discours sur le budget le 12
mai en Chambre et nous avoir annoncé ces 2 350 000 000 $ et nous en
avoir annoncé 1 600 000 000 $ pour l'année prochaine...
Là, vous allez vous approprier avec vos approbations du contrôleur
des finances ou de qui que ce soit, mais je pense que ce sont des approbations
qui doivent venir du contrôleur des finances, un montant de 849 000 000 $
en dépenses anticipées.
J'aurais le goût de vous demander... M. le ministre des Finances,
vous savez, vous avez mis 849 000 000 $ de dépenses anticipées,
vous auriez pu en mettre 600 000 000 $, 650 000 000 $ et même 1 000 000
000 $. Je pense que vous aviez de la marge de manoeuvre dans vos crédits
permanents et dans vos crédits votés supplémentaires ou
autres. Vous aviez la marge de manoeuvre avec ces nouvelles règles
comptables pour être capable d'inscrire "à peu près" -
entre guillemets - le montant que vous avez mis là. Ce qui me fait dire
comme député... Si je suis dans les patates, si je suis de
travers, si je ne comprends pas bien cela, on aura d'autres explications
à se donner, mais on est rendu aujourd'hui à ces règles du
jeu où le ministre des Finances peut, à la fin d'une
année, inscrire le déficit, à peu près, qu'il juge
bon de mettre. C'est cela, ma conclusion. Je trouve qu'on est maintenant rendu,
avec les sociétés d'État et particulièrement
Hydro-Québec qui entre dans ces revenus totaux, c'est-à-dire
qu'ils entrent dans les revenus et font abaisser le déficit, avec le jeu
de l'amortissement qui n'est plus cantonné, qui n'est plus dans un
étau, où on pourra... Parce que vous aviez prévu,
l'année passée, 1 400 000 000 $ pour le compte des régimes
de retraite. Finalement, vous l'avez passé à 1 200 000 000 $. (11
heures)
Sur le principe général, même si vous avez les
approbations, je voudrais avoir - cela relèvera du président de
la commission et de la commission - une rencontre et des discussions avec le
Vérificateur général pour savoir, quand il faisait ses
recommandations, si c'était vers cela qu'il voulait aller. On ne s'en va
nulle part. On va dans un petit jeu dangereux. Que ce soit vous qui soyez au
pouvoir présentement ou que ce soit le Parti québécois qui
soit au pouvoir, mais qui joue ces règles dans ce sens, le danger est
qu'on est en train d'éliminer toute la signification qu'a le
déficit des opérations du gouvernement.
En ce sens, je l'ai dit en Chambre et je le répète ici,
l'administration de l'appareil gouvernemental passe, pour moi, par des
compressions budgétaires, des compressions des dépenses. Ce qu'on
est en train de voir, c'est que les augmentations - on pourra discuter du
chiffre - se situent à 6 %, 7 % ou 8 % selon ce qu'on met dedans. Les
augmentations des dépenses continuent à se faire. Le "jeu des
chiffres", non pas créé par vous, mais par un ensemble de
phénomènes comme les nouvelles règles comptables, le fait
que l'économie aille bien et qu'Hydro-Québec fasse des
bénéfices, qui font en sorte que cette année, vous le
savez, M. le ministre des Finances, vous pouviez déclarer un
déficit de 1 600 000 000 $... Vous pouviez, techniquement. La preuve,
c'est que vous n'aviez pas inscrit vos dépenses anticipées de 849
000 000 $. De dire: Je les ai inscrits en dépenses déjà
pour l'année qui vient de finir, vous auriez eu un déficit non
pas de 2 300 000 000 $, mais de 2 3000 000 000 $ moins 849 000 000 $, donc, aux
alentours de 1 500 000 000 $ ou 1 600 000 000 $ à toutes fins utiles.
Vous saviez fort bien que ce phénomène vous amenait à
passer d'un déficit, l'an passé, aux alentours de 2 800 000 000 $
à 1 500 000 000 $. Cela n'avait pas grand sens. Et l'année
prochaine, malgré la bonne conjoncture économique au 31 mars
1989, vous vous ramassez avec un déficit qui remonte et qui fait en
sorte qu'il se situerait probablement aux alentours de 2 200 000 000 $ OU 2 300
000 000 $, toujours dans les nouvelles conventions comptables.
Je me dis, en tant que député, qu'on est
rendu à faire, de la "manipulation des chiffres" - entre
guillemets - pas malhonnête, mais on ne présente plus le vrai
portrait qu'on est supposé représenter. Je ne suis pas de
formation comptable ni juridique, sauf qu'il y a une chose que je sais, que ce
soit dans le monde des affaires, dans l'entreprise privée et c'est
encore plus vrai dans le monde de l'administration publique - pour avoir
dirigé une petite municipalité avec 20 000 000 $ de budget
pendant quelque sept ans - il faut être capable de refléter la
meilleure situation financière qui reflète le portrait. À
tort ou à raison, j'ai acquis la conviction qu'on est en train de
changer les comportements. La preuve, c'est que cette année vous pouviez
inscrire un déficit de 1 600 000 000 $ ou de 1 500 000 000 $. Vous
pouviez le faire. Cela ne se faisait quasiment pas parce que cela n'avait plus
de sens. Les gens se rendent compte, à un moment donné, que tu ne
peux pas passer le déficit. Même si vous êtes d'excellents
administrateurs, même si vous avez d'excellentes conditions
économiques, cela n'a plus de sens que, pendant sept ans depuis 1980, le
déficit se maintienne au-dessus de la barre des 3 000 000 000 $ et que,
tout d'un coup, il tombe à 1 500 000 000 $. Cela ne tombe pas sous le
sens.
M. le ministre des Finances, vous savez fort bien que, juste sur la
question de ce que j'appelle le gros bon sens, cela n'a plus de sens. De
là mon interprétation de dire: Oui, le déficit a
baissé avec une ampleur qu'on a de la difficulté à
mesurer, mais on pourra le mesurer. Mais j'ai fait la démonstration
claire sur les résultats de l'an passé. Le problème, avec
la procédure qu'on a, c'est que le Vérificateur
général va donner son rapport au mois de novembre ou
décembre. On va le rencontrer l'an prochain, en 1989, pour parler des
chiffres de l'année auparavant. Je trouve cela dommage, mais c'est le
système dans lequel on vit. Sauf qu'aujourd'hui j'ai analysé
l'année financière qui s'est terminée le 31 mars 1988 et
je me suis dit que cela n'avait plus de sens, M. le ministre des Finances. Cela
n'a plus de sens d'aller dans une procédure semblable et, de là,
tout le questionnement sur les 849 000 000 $, parce qu'on n'est plus capable
d'avoir un schème de référence qui soit crédible et
qui puisse nous amener à dire: Voici la performance du gouvernement.
Je termine, parce qu'on me dit que mon temps est terminé. On aura
la chance d'y revenir, mais c'est toute cette préoccupation que j'ai.
J'aurai la chance, si ce n'est pas avec vous, ce sera avec le
Vérificateur général, de faire l'exercice, du moins je
l'espère, parce que je trouve que cela n'a plus de sens.
Quant à la procédure qui a été prise, je
vais analyser les points que vous avez mentionnés ce matin et j'aurai
des rencontres, avec votre permission, s'il y a des choses que je ne comprends
pas, parce que je veux au moins m'en enquérir et en acquérir la
profonde conviction, pas parce que j'ai le goût de vous combattre
là-dessus, mais parce que j'ai acquis la conviction que cela n'avait
plus de sens. Cela étant dit, je suis très content que les
conditions économiques s'améliorent. Mais il ne faut pas non plus
prendre des crédits et des choses qui ne nous appartiennent pas,
c'est-à-dire qu'il ne faut pas laisser sous-entendre qu'on a
baissé le déficit de 1 000 000 000 $ ou de 1 500 000 000 $
pendant telle période quand on sait que les chiffres réels ne
sont pas cela.
Je vous dirai en conclusion que, si on prend les nouvelles
méthodes comptables et qu'on regarde les chiffres au 31 mars 1984, si ma
mémoire est bonne, ces nouvelles conventions comptables
appliquées dans le passé, comme vous l'avez fait comme
schème de comparaison, montrent que le déficit du Québec
en 1984 était de 2 100 000 000 $. Si je voulais être malin et
politicien le moindrement, je vous dirais qu'avec vos nouvelles conventions
comptables, M. le ministre des Finances, le déficit du Québec est
passé, sur cette base, de 2 100 000 000 $ à - c'est là que
vous êtes rendu cette année - 2 300 000 000 $. Qu'est-ce que vous
avez changé? On s'amuserait pendant longtemps.
Cela fait qu'il y a quelque chose qui ne marche plus dans le
fonctionnement et je vous dis qu'il va falloir être très
prudent.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Bertrand. M. le ministre des Finances, c'est votre
droit de réplique de dix minutes et, après, ce sera M. le
député de Umoulou. M. le ministre des Finances.
M. Levesque: M. le Président, nous venons d'entendre le
député de Bertrand s'inquiéter à la fois des
conventions comptables, des mesures de gestion de fin d'année, de la
conjoncture favorable et de l'évolution du déficit. Enfin, il ne
s'est pas plaint, mais presque, de la façon que nous avons
géré la chose publique, les affaires de l'État, pour en
arriver à un résultat aussi intéressant, aussi
réconfortant et aussi prometteur.
Regardons un peu, point par point, ce que je retiens de cela.
Premièrement, je dois dire au député de Bertrand que je
n'ai pas inventé la procédure de gestion de fin d'année.
S'il a eu à diriger la municipalité de Boucherville pendant sept
ans... C'est bien cela?
M. Parent (Bertrand): La ville.
M. Levesque: Où est-ce que j'ai dit?
Une voix: La municipalité.
M. Levesque: Une ville, c'est une municipalité, à
mon sens. Mais, en tout cas, je vais reprendre ma phrase:... la ville de
Boucherville, il a dû, à un moment donné, avoir à
s'intéresser à la gestion de fin d'année. Les
gouvernements,
que ce soit au fédéral ou au provincial, font toujours une
gestion de fin d'année. Si le député de Bertrand veut bien
s'informer à mes prédécesseurs qu'il connaît bien,
s'ils sont francs, comme je sais qu'ils le sont, ils vont lui dire: Vous savez,
la gestion de fin d'année, c'est une procédure qui a
été suivie de tout temps.
Vous dites qu'on peut peut-être, avec cette gestion de fin
d'année, avancer ou repousser certains paiements. Cela a toujours
été fait. Un paiement fait le 31 mars ou le 1er avril cela ne
fait pas une grosse différence, vous savez, sur le plan de
l'intégrité de la gestion, mais cela fait souvent une
différence dans le tableau d'une opération annuelle. Je ne
voudrais pas que le député de Bertrand pense qu'à un
moment donné on peut ignorer qu'une gestion de fin d'année soit
quelque chose qui vient d'être inventée. Non.
Deuxièmement, et je voudrais que le député
m'écoute parce qu'il va me poser des questions tout à l'heure
alors que je suis en train de lui donner les réponses, voici un autre
facteur. Le député de Bertrand dit: Oui, mais est-ce que vous
pouvez ainsi payer d'avance? Dans ce sens-là, cela fausse un peu le
portrait d'une année par rapport à l'autre. S'il fait encore la
même rétrospective avec son chef, il verra qu'à un moment
donné - je ne me rappelle pas quelle année c'était, mais
je pense que c'était en 1983 ou en 1984 - le ministre des Finances
d'alors, ayant durement critiqué le gouvernement fédéral -
c'était évidemment dans sa logique - pour la maigreur des
transferts fédéraux, tout d'un coup s'était
retrouvé avec des paiements imprévus de la part du gouvernement
fédéral vers la fin de l'exercice financier, un peu comme nous
nous sommes retrouvés au cours des derniers mois de 1987-1988 avec un
excédent de revenus qui n'avait pas été prévu comme
tel à cause justement de la force de l'économie
québécoise qui est encore meilleure que prévue. Qu'a-t-il
fait? A-t-il diminué le déficit avec cela? Bien non. Il a
procédé de la même façon. Il a procédé
par paiements anticipés des dépenses. Il n'a pas utilisé
les mêmes éléments. Si ma mémoire est fidèle,
il n'a pas utilisé les fonds de retraite. Il aurait pu le faire. Il a
utilisé le paiement d'autres sommes à d'autres chapitres.
Ceci dit, le député de Bertrand s'inquiète
maintenant du déficit. Si je veux traduire un peu ce qu'il dit, il dit:
Vous auriez pu baisser davantage le déficit en 1987-1988 pour le
remonter en 1988-1989 et pour le redescendre en 1990-1991. C'est à peu
près ça. Si cela avait été notre choix, nous
l'aurions fait ainsi. Mais, comme je l'ai dit lorsque nous avons annoncé
un excédent au moment de la discussion sur la synthèse des
opérations financières à la fin du troisième
trimestre, soit le 31 décembre 1987, il nous paraît maintenant
qu'il y aura un excédent de 450 000 000 $ dont 50 000 000 $ serviront
à réduire le déficit et les 400 000 000 $ serviront aux
paiements anticipés des dépenses. À ce moment, il
était clair dans mon esprit que l'on procédait ainsi. Je l'ai
annoncé publiquement. Il n'y avait aucun doute dans mon esprit que nous
pouvions agir ainsi et qu'il était bon d'agir ainsi. (11 h 15)
Si j'avais voulu à ce moment-là, j'aurais pu dire: On va
réduire le déficit de 450 000 000 $ au lieu de 400 000 000 $.
Mais, qu'avons-nous dit à ce moment, chose que vous n'avez pas
relevée à ma connaissance? Nous avons dit que trois raisons nous
faisaient faire cela. Premièrement, nous voulions faire face aux
aléas de la conjoncture. Personne ne pouvait dire ce qui arriverait en
1988-1989, surtout après la correction boursière d'alors et nous
avons dit: Nous voulons mettre cet argent-là de côté pour
faire face aux aléas de la conjoncture. Deuxièmement, j'ai dit:
On va mettre cet argent-là aussi pour la réforme fiscale, parce
que la réforme fiscale nous coûte de l'argent. Si nous avons
baissé les impôts de près de 1 400 000 000 $, pour le
faire, il fallait avoir les moyens financiers, les ressources
financières. Or, nous avons dit à ce moment-là, que les
400 000 000 $ étaient, en vue de cela. Nous ne l'avons pas caché,
nous l'avons dit. L'an prochain, pour l'année financière
1988-1989 qui commence le 1er avril 1988, nous aurons besoin de ressources pour
faire face à cette réforme que nous faisons dans
l'intérêt de la population pour baisser les taxes, baisser les
impôts.
Nous avons dit également, si vous vous le rappelez - vous pourrez
vous référer à ma déclaration - non seulement que
nous voulions faire face aux aléas de la conjoncture et, à la
réforme fiscale, mais que nous voulions également réduire
le déficit. C'est pour cela qu'on l'a fait. Quant au déficit de
1987-1988, il était en deçà de nos prévisions,
donc, je pense, mission accomplie, mais, pour l'année suivante, nous
avons utilisé ces ressources en vue des trois facteurs que je viens
d'énumérer.
Si vous le voulez, et je suis prêt à accepter cela, vous
auriez peut-être pu avoir un déficit qui descende en dents de
scie, mais vous seriez arrivés au même point en 1990-1991. C'est
là, simplement, que vous voudriez qu'on remonte un exercice et qu'on
baisse l'autre. C'est un choix que nous avons fait, une gestion de fin
d'année, pour les raisons que je viens de vous donner. Mais, la ligne
demeure la même, la ligne est en descendant. Le déficit est en
chute, sinon spectaculaire, du moins claire et nette.
Pour terminer là-dessus, je veux simplement vous donner quelque
chose qui est encore plus significatif, si vous le voulez, et
déterminant. Ce sont les besoins financiers nets. Vous voyez qu'ils
passent, à partir, disons, de 1982-1983, de 2 236 000 000 $ à 2
251 000 000 $, en 1983-1984, et à environ 2 020 000 000 $ en 1984-1985,
toujours au-delà de 2 000 000 000 $. Nous arrivons, en 1985-1986 - je ne
sais pas si c'est une coïncidence, cela commence à débouler
un peu plus, et c'est là que nous avons eu à faire la gestion de
fin d'année - à 1 740 000 000 $; en
1986-1987, à 1 750 000 000 $, c'est presque le même
chiffre; en 1987-1988, à 1 376 000 000 $ et, en 1988-1989, sous le
milliard, à 980 000 000 $. Ce qui est prévu pour l'an prochain:
750 000 000 $ et, l'année suivante, 500 000 000 $. Ce sont des besoins
financiers nets.
M. le Président, je pense bien que le député de
Bertrand sera d'accord avec moi: Si les conventions comptables font en sorte
qu'on puisse avoir un portrait intégré et des opérations
du gouvernement et de celles de ses organismes consolidés plutôt
que ce qui existait autrefois, vous pouvez dire: Cela peut changer le portrait
tel qu'il était autrefois. Ce ne sont pas les mêmes conventions
comptables, mais les besoins financiers nets, c'est-à-dire ce dont nous
avons besoin pour financer la province, c'est du "cash", si vous voulez. Et
cela, à mon sens, on ne peut pas y échapper. C'est cela, c'est
une norme, un barème, une mesure qui dort avoir sa signification
intrinsèque sans que la question des conventions comptables n'entre en
ligne de compte. Je voulais simplement dire cela en terminant.
Le Président (M. Lemieux): Bien.
M. Levesque: J'en profite pour dire peut-être quelque chose
au député, juste un petit détail. Ce n'est peut-être
pas vous, parce que quelquefois, lorsque je dis "vous", je veux dire ou le chef
du parti ou l'Opposition, mais je ne veux pas l'attribuer parce qu'à un
moment donné je me demande qui l'a dit: Est-ce vous ou M. Parizeau? En
tout cas, il a été question à un moment donné -
cela m'a échappé - d'abord, des 849 000 000 $ qui auraient
été affectés en 1988-1989. Il y avait là une petite
erreur parce qu'une partie seulement a été affectée en
1988-1989, soit 625 000 000 $. L'autre chose à laquelle il faut faire
attention aussi, parce que je veux qu'on parle des mêmes chiffres, c'est,
aux revenus prévus de 583 000 000 $ en 1988-1989 pour
Hydro-Québec. Lorsqu'on dit que les conventions comptables nous
permettent d'ajouter 583 000 000 $, ce n'est pas tout à fait juste dans
le sens de plus, parce qu'il y a une partie de cela qui est en dividendes
contrairement aux années précédentes pour un moment
prévu de 189 000 000 $ sur les 500 000 000 $. Là, c'est du
comptant. Vous savez ce que je veux dire. Je pense qu'il faudrait
peut-être ajuster vos chiffres en conséquence.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances. M. le député de Bertrand, lorsque je permets au
ministre des Finances d'utiliser un peu plus que le temps qui lui est permis,
j'aimerais vous faire remarquer que je vous regarde toujours et j'y vais de
consentement, car je suis bien conscient que le type d'explications que donne
le ministre des Finances est très technique et que peut-être,
à la suite de vos questions, vous êtes intéressé
à avoir ses réponses. Je veux que vous sachiez bien qu'il est de
mon intention de faire respecter le temps de parole de chacun des
parlementaires. M. le député de Limoilou, la parole est à
vous.
M. Després: Merci, M. le Président. Il me fait
plaisir de prendre la parole et de venir un peu enrichir ce que le ministre des
Finances nous dit ce matin. Lorsqu'on parle de la transparence de
l'administration publique, je pense que, comme le disait le ministre des
Finances, c'est sûrement une chose qui est effectivement très
importante. Avec tout le respect que je dois au député de
Bertrand, parce qu'on sait très bien que le député de
Bertrand fait son travail d'une façon très professionnelle et le
moins possible fait ce qu'on appelle de la politicaillerie, je suis
obligé de lui rappeler, tout de même, que le ministre des Finances
est ici ce matin avec tout le personnel du ministère: le sous-ministre,
le sous-ministre adjoint et, tel qu'il l'avait dit en Chambre lorsqu'on lui
avait posé la question, avec le contrôleur des finances pour venir
confirmer, effectivement, la transparence des transactions qui sont
effectuées dans le cadre du budget et dans le cadre des états
financiers du gouvernement. En plus de cela, M. le député de
Bertrand, il faudrait se rappeler que, depuis la mise en vigueur...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Limoilou, il faudrait vous adresser au président, s'il vous
plaît.
M. Després: Au président, cela va aller M. le
Président, en vertu du règlement en vigueur depuis 1984, les
seules fois où le Vérificateur général a comparu
devant la commission du budget et de l'administration, en ce qui concerne son
rapport annuel et ses engagements financiers, cela a été d'abord
le 18 août 1987 où, pendant huit heures et demie, le
Vérificateur général est venu se faire entendre sur son
rapport qui s'était terminé le 31 mars 1986 et, après
quoi, sur les résultats financiers qui se terminaient le 31 mars 1987.
On a entendu, encore une fois, le Vérificateur général
pendant cinq heures et demie, en date du 25 février 1988, venir nous
dire là où il était d'accord et là où il
n'était pas d'accord avec les résultats financiers du
gouvernement du Québec.
Il faudrait, tout de même, se rappeler que, sous l'ancien
régime, c'est-à-dire celui du chef à l'heure actuelle, M.
Jacques Parizeau, on n'avait jamais entendu, pendant tout le temps où il
a été ministre des Finances, en tout cas sûrement à
partir des années quatre-vingt, à ma connaissance, parler le
Vérificateur générai sur les états financiers du
gouvernement. Et, année après année, le
Vérificateur général venait demander au gouvernement du
Québec de faire des modifications. Maintenant, nous, on arrive, on fait
ces modifications et on vient nous reprocher de ne pas respecter les normes du
Vérificateur général.
On fait exactement ce qu'il nous demande. Je pense qu'effectivement
c'est démontrer de la transparence en ce qui a trait à
l'administration publique et c'est ce que nous avons fait depuis que nous avons
pris le pouvoir.
Lorsqu'on veut parier de saine administration, il faudrait se rappeler
ceci, et je voudrais le rappeler en même temps à l'ancien ministre
des Finances qui le sait sûrement mieux que moi. Je me rappelle avoir lu
un article et je l'ai cité lors de mon intervention sur le discours sur
le budget. Il s'agit d'un article du journal Le Devoir, en avril 1978,
où le journaliste citait M. Parizeau qui disait: "Nous sommes le premier
gouvernement, depuis un quart de siècle, à avoir diminué
les impôts." Ce qu'il ne nous a peut-être pas dit, M. le
Président, c'est que cette année-là, alors qu'il a
effectivement touché aux impôts des contribuables pour une
diminution de 500 000 000 $, il est venu nous chercher en taxes indirectes 100
000 000 $ cette année-là. Il a réussi à augmenter
le déficit de 500 000 000 $.
M. Chagnon: 590 000 000 $.
M. Després: 590 000 000 $. M. le député de
"Chagnon", merci beaucoup.
Le Président (M. Lemieux): C'est M. le
député de Saint-Louis, M. le député de
Limoilou.
M. Chagnon: Mon nom n'est pas encore celui d'un comté.
M. Després: Pas encore. Cela viendra, un jour, M. le
député de Saint-Louis. Soyez patient. Si c'est ce qu'on appelle
diminuer les impôts des contribuables alors qu'en taxes directes, sur
notre chèque de paie, effectivement, on diminue nos impôts, mais
qu'on va le chercher en taxes indirectes et qu'on augmente la dette, je n'ai
pas l'impression qu'on rend service aux contribuables du Québec.
Dans notre budget de 1988-1989, on diminue - M. Parizeau pourra dire
pour la deuxième fois depuis un quart de siècle - les
impôts au gouvernement du Québec mais avec la différence,
il faudra se le rappeler, que l'on baisse les impôts de 1 300 000 000 $,
qu'on baisse te déficit de 750 000 000 $ et aucune nouvelle taxe, M. le
Président. C'est là la différence entre l'administration
du gouvernement actuel et l'ancien gouvernement.
C'est vrai, le gouvernement du Québec est dans une période
où l'économie roule bien, mais je n'ai pas l'impression que
l'ancien gouvernement a toujours été dans une période
où le contexte économique n'était pas favorable. C'est
vrai que les années quatre-vingt ont été difficiles, mais
les années soixante-dix n'étaient pas si mauvaises que cela, M.
le ministre des Finances. Il y a eu de bonnes périodes et on
réussissait à augmenter le déficit en même temps et
à augmenter les taxes de façon continuelle.
J'aimerais, tout simplement, vous dire que, pour avoir contribué,
comme membre de la commission du budget, à ce processus administratif
dans le but de prendre la responsabilité, en tant que gouvernement,
d'assainir les finances publiques, d'affecter le moins possible les citoyens
par les taxes et de diminuer leurs impôts, je suis réellement
très fier de faire partie de l'équipe ministérielle. Il
faut peut-être voir tous les points de vue avant de parler de
transparence.
Le ministre des Finances est ici avec son personnel, avec le
contrôleur des finances. On peut lui poser des questions. Il peut venir
répondre au nom du ministre des Finances. J'espère bien que le
député de Bertrand pourra poser quelques questions au
contrôleur des finances pour venir confirmer les dires du ministre des
Finances. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Limoilou. M. le député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Pour clore sur cette question avant de
passer à autre chose, parce qu'il y a plusieurs autres points dont
j'aimerais discuter dans le bloc de dix heures que nous avions, j'ai deux ou
trois commentaires.
D'abord, concernant ce que vient de mentionner le député
de Limoilou, le Vérificateur général, c'est vrai qu'il a
comparu devant la commission. C'étaient les premières fois que
cela se présentait, mais cela a permis, justement, d'établir
clairement avec lui quel était l'impact des nouvelles règles
comptables. Cela nous a confirmé que nous étions dans notre droit
de dire que le déficit n'avait pas baissé de 500 000 000 $ l'an
passé, c'est-à-dire entre l'exercice 1986 et 1987. Je pense que
c'est important, cette comparution du Vérificateur
général. J'espère qu'on aura la chance de le revoir sur
tout ce qui se discute ce matin.
Concernant les derniers propos du ministre des Finances sur le sujet et
pour clore ce sujet si on veut en sortir et passer à autre chose, je
n'ai pas toutes les explications qui me satisfont ce matin. Il y a certains
avis juridiques qui ont été déposés. Il y a
certains points que le ministre des Finances nous a mentionnés et qui me
confirment très clairement ce que je pensais, à savoir que le
déficit aurait été en dents de scie, pour reprendre
l'expression du ministre. Le déficit, cette année, aurait pu
être plus haut. Le ministre des Finances nous dit: Ce qui est important,
c'est où on va arriver en 1990-1991. On ne sait pas où on va
aller, M. le ministre des Finances.
C'est vrai qu'il est sur une pente descendante et non sur une pente
montante ou sur une ligne horizontale. Je dis: Bravo! J'ai su le
reconnaître. Mais il faut voir où est la pente descendante et ce
qui arrivera en 1990-1991, pour reprendre vos années de
référence, on ne le sait pas. Il pourrait y avoir des
revirements
complets de situation qui feraient en sorte que la ligne remonterait par
automatisme. À toutes fins pratiques, ce que le ministre des Finances
m'a confirmé ce matin bien candidement, c'est que, oui, ils ont
remonté le déficit cette année pour ne pas le faire
baisser en dents de scie et le remonter l'an prochain, parce qu'ils voyaient ce
qui arriverait. (11 h 30)
Cela me confirme ce que je croyais, ce que je pensais, ce dont j'avais
la conviction. Quand on est rendu qu'on est capable de faire cela - je ne parle
pas d'être capable de l'ajuster en fin d'année parce que les
fermetures, comme il le disait, au 31 mars ou au 1er avril, cela ne change pas
grand-chose - quand on est rendu près de 1 000 000 000 $ ou des 850 000
000 $ et qu'on joue là-dedans, cela commence à être des
impacts importants sur l'aspect global.
Je dirais aussi au ministre des Finances que lorsqu'il nous a
présenté ses crédits supplémentaires no 2 pour
l'année financière qui se terminait le 31 mars 1988, pourquoi,
à ce moment-là, si ce n'était pas important et si on avait
ce qu'il fallait pour le faire, nous a-t-on présenté 184 000 000
$ non pas dans les crédits à voter, à la page 12, pour
"service passé moins: crédits permanents", comme le ministre nous
l'a mentionné? On en a pris pour 184 000 000 $. Pourquoi s'est-H senti
obligé de les passer là et pourquoi en a-t-on passé pour
184 000 000 $ et non pas pour un montant additionnel d'environ 300 000 000
$?
Je vous dis qu'on ne résoudra pas tout le problème et
l'énigme ce matin. Je demeure avec beaucoup de questions et j'aurai,
certes, la chance d'y revenir à un autre moment, mais le ministre des
Finances me confirme qu'il a été capable de faire varier le
déficit un peu à sa guise cette année parce que cela
faisait son affaire. Je me dis que, quand on voudra, si on continue dans cette
grande ligne de pensée, égaliser, mais dans un autre sens, est-ce
qu'on sera capable, en vertu des mêmes règles, non pas de prendre
des dépenses anticipées, mais de prendre des revenus
anticipés? On ne sera pas capable de faire cela. Je pense que
l'ascenseur va dans un sens.
Cette année, si on a pu éviter que le déficit -
c'est curieux à dire, mais c'est comme cela - ne soit marqué
à 1 500 000 000 $, c'est parce qu'on pouvait inscrire, selon les
règles comptables, 850 000 000 $ de dépenses anticipées.
On n'aurait pas pu faire le contraire, c'est-à-dire on n'aurait pas pu
anticiper des revenus -et le ministre comprendra très bien - pour
éviter qu'il n'y ait une hausse trop drastique du déficit. Dans
ce sens-là, si je regarde le contexte global, je vous dis que, moi, ces
mesures-là m'inquiètent. Peut-être que vous n'êtes
pas la personne à qui je devrai m'adresser et que je devrai aller en
plus haut lieu, soit au Vérificateur général, mais peu
importe, on le fera en temps et lieu. Mais je vous dis, M. ministre des
Finances, que le résultat net fait en sorte que, pour moi, c'est
inacceptable. On va essayer d'arrêter là la guerre des chiffres,
pour aujourd'hui, parce que je pense qu'elle nous mène dans un
cul-de-sac. Je demeure profondément convaincu qu'il y a encore beaucoup
de questions qui ne sont pas claires face à cela.
J'aimerais passer, pendant les prochaines minutes, à la question
des tables d'impôt pour avoir quelques explications du ministre et, par
la suite, entrer dans d'autres parties du budget particulièrement en ce
qui concerne les mesures qui ont été prises sur le logement, la
politique familiale, la recherche et le développement.
Les tables d'impôt
Si vous le permettez, M. le Président, il me reste quelques
minutes sur mon temps de parole. Sur la question des tables d'impôt, je
ne reprendrai pas tout le débat, je pense que c'est très clair,
il y a eu un choix d'harmonisation partielle fait avec le gouvernement
fédéral, la réforme Wilson. Je pense que le choix qui a
été fait, c'est d'amener cela à cinq échelons,
passant de 16 % à 24 % dans les tables d'impôt. Selon fa table
d'impôt telle qu'elle s'appliquera en 1989 - parce qu'il y a une mesure
transitoire entre les deux, mais parlons de la table d'impôt qui
s'appliquera dès 1989 - le plus bas salarié se verra imposer
à environ 16 % et le plus haut à 24 %. Ces 8 % d'écart
entre le plus bas et le plus haut se comparent aux 12 % d'écart dans la
réforme du gouvernement fédéral qui se situe entre 17
%et29 %.
La préoccupation que nous avons concerne ce que le ministre des
Finances a fait en mettant cinq échelons et, particulièrement, en
amenant l'échelon des salariés que j'appelle moyens, qui gagnent
environ 25 000 $ à 30 000 $, à une différence très
petite par rapport aux autres, c'est-à-dire que le contribuable dont le
salaire imposable est de 25 000 $ et celui dont le salaire est de 100 000 $ se
verront attribuer une table d'impôt de 23 % dans le premier cas et de 24
% dans le deuxième cas. Le salarié moyen va payer 23 %
d'impôt au Québec et le haut salarié va en payer 24 %.
Là, on trouve qu'il y a une distorsion importante par rapport à
la réforme Wilson où le salarié moyen de 25 000 $ va payer
17 % d'impôt, alors que le salarié de 60 000 $ et plus va payer 29
%. Il y a donc un écart de 12 % avec ce que le ministre a fait.
J'ai de la difficulté à comprendre cela parce que je pense
qu'il y a là une politique qui fait que, si on s'en va dans le
modèle que le ministre a mis de l'avant, c'est disproportionné et
carrément inacceptable. Cela avantage ou cela désavantage,
dépendamment du point de vue où on le prend; cela
désavantage les salariés moyens ou les bas salariés par
rapport aux gens qui gagnent des salaires plus élevés.
J'aimerais que le ministre nous explique
rapidement le pourquoi de ce choix. Si je comprends mal l'application de
la table ou des nouvelles règles du jeu, j'aimerais qu'il nous les
explique. Si je les comprends bien, qu'il me confirme que ce sera bien l'effet
que cela donnera. Mais je lui réitère qu'un salarié qui
gagne 25 000 $ au Québec devra payer 23 % d'impôt sur son salaire
imposable par rapport à 24 % pour celui qui va gagner 100 000 $, pour
prendre un exemple assez frappant.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre des
Finances.
M. Levesque: M. le Président, le député de
Bertrand vient peut-être de toucher le point très
névralgique de toute la critique de l'Opposition quant à la
progressivité de l'impôt québécois ou de la
fiscalité québécoise. Il vient de toucher l'erreur
principale qu'il a faite ou que son parti a faite relativement à la
critique du budget, à ce sujet.
M. Parent (Bertrand): Mais tout le reste n'était pas une
erreur. Juste cela.
M. Levesque: L'erreur principale, j'ai dit. Tout le reste
était des erreurs lorsqu'ils l'ont critiqué, mais était
parfait lorsqu'ils l'ont approuvé, voilà, si vous voulez qu'on
parle en termes bien simples. Non, je blague un peu, mais je veux revenir au
sérieux de la question.
Là où vous faites l'erreur qui est impardonnable pour des
gens comme vous, qui êtes censés être beaucoup plus
informés - j'espère que ce n'est pas volontaire - c'est lorsque
l'Opposition s'en tient uniquement à la table d'impôt, à la
structure des taux marginaux sans tenir compte du reste. Il est vrai que, si on
prend juste la table, on peut faire dire n'importe quoi à la table. Mais
je pense qu'il est important, lorsqu'on fait une analyse objective, de tenir
compte également du niveau du crédit de base, des crédits
des personnes à charge, ainsi que des autres mesures comme celles que
nous avons présentées lors du budget antérieur par rapport
à la réduction d'impôt et même, dans certains cas,
à la diminution d'impôt pour les bas revenus. Si on ne tient pas
compte de tout cela, ainsi que du programme APPORT pour les bas revenus, vous
n'avez pas un portrait exact, global et fidèle de la situation.
Or, si on prend, par exemple, la valeur combinée des
crédits personnels, j'aimerais vous donner un exemple en comparant avec
l'Ontario, si on veut avoir une idée de cela. Je vais prendre le
fédéral et le provincial ensemble pour vous montrer la
différence qu'il y a entre le Québec et l'Ontario, pour le
citoyen du Québec à côté du citoyen de l'Ontario. Le
crédit de base fédéral-Québec est de 1938 $;
fédéral-Ontario, de 1571 $. Vous voyez que, dans le crédit
de base, alors que le citoyen ou le contribuable de l'Ontario a un
crédit de 1571 $, celui du Québec a un crédit de 1938 $.
Immédiatement là, ce n'est pas la question de la table, c'est la
question du crédit de base. Prenons le crédit total pour personne
seule, un autre crédit qui est encore de 1571 $,
fédéral-Ontario, mais qui est 2118 $,
fédéral-Québec. Le crédit de personne
mariée: fédéral-Ontario, 1309 $;
fédéral-Québec 1791 $. C'est encore plus visible et plus
clair si vous regardez les crédits pour enfants à charge.
fédéral-Ontario, 100 $ pour le premier;
fédéral-Québec, 502 $. Pour le deuxième enfant,
fédéral-Ontario, 100 $; fédéral-Québec, 435
$. Pour le troisième enfant, fédéral-Ontario, 200 $;
fédéral-Québec, 491 $. On voit clairement que les
crédits de base, les crédits pour personnes à charge, les
crédits de personne mariée, tout cela est infiniment plus
généreux au Québec qu'ailleurs et dans l'exemple que je
viens de vous donner, qu'en Ontario.
Nous avons procédé de cette façon pour assurer la
progressivité sans tenir compte, dans les exemples que je viens de
donner, des autres mesures que j'ai mentionnées tout à l'heure.
Alors, je pense qu'en toute objectivité, lorsqu'on veut juger de la
progressivité de la fiscalité québécoise, il faut
tenir compte de tous ces facteurs. La réduction d'impôt
accordée aux familles avec enfants, depuis le discours sur le budget de
1987-1988, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, voilà
un élément déterminant dans la progressivité de
notre régime. Cette réduction, qui n'a pas son équivalent
ailleurs au Canada et qui est de 970 $ pour un couple avec deux enfants, fait
en sorte que ce couple n'aura pas d'impôts à payer au
Québec tant que son revenu n'atteindra pas 21 986 $ en 1989, alors qu'en
Ontario une telle famille commencera à payer de l'impôt à
13 330 $. Voyez-vous la différence de progressivité? Vous ne
voyez pas cela si vous prenez simplement la table. Je pense que c'est assez
simpliste de prendre la table et de ne pas tenir compte du reste de notre
législation fiscale. Il faut que vous regardiez l'ensemble. Là,
vous voyez que, encore une fois, un couple avec deux enfants, s'il est en
Ontario, commence à payer de l'impôt à 13 330 $ et, s'il
est au Québec, il commence à payer de l'impôt à 21
986 $. Il me semble que c'est clair. Alors, grâce à cette mesure
et aux crédits pour enfants à charge plus importants au
Québec, et là c'est important, vous allez retrouver à
l'annexe A, aux pages 36 et 37, des tables et des graphiques qui vous
indiqueront que les familles gagnant moins de 41 740 $ paieront moins
d'impôts au Québec qu'en Ontario, tandis que les familles plus
aisées en paieront davantage. Mais, encore là, nous avons vu
à demeurer concurrentiels. C'est pour cela que, même si les gens
paient un peu plus d'impôts qu'en Ontario, nous avons, depuis quelque
temps, réduit l'écart, même dans ce cas, qui était
de 10,1 % en 1985, à 2,6 % dans notre budget. Alors, il est important,
si on veut avoir des investissements au Québec, de ne pas le faire
exprès pour que ceux qui veulent venir y investir
trouvent une situation absolument inacceptable. Nous avons la
fiscalité la plus progressive si on tient compte, évidemment, de
tous les éléments essentiels et, si on veut consulter encore une
fois l'annexe A à la page 36, on verra la vraie mesure de
progressivité qui y apparaît. (11 h 45)
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Je remercie le ministre de ses
explications. J'avais bien pris connaissance des autres mesures, mais il me
semble, en tout cas, comme je l'ai mentionné en tout début
d'intervention, que ce soit là-dedans ou dans d'autre chose, que c'est
un choix politique que le gouvernement a fait d'enligner les choses de cette
façon-là. Mais il demeure que, selon les aspects que j'ai
apportés, à mon avis, on aurait pu avoir des tables qui auraient
davantage avantagé. Maintenant, le ministre, comme il nous le mentionne,
a fait un redressement de la situation dans le bas de la courbe pour l'agrandir
au niveau des salariés de 40 000 $ ou 41 000 $ et plus. Si on reprend la
comparaison avec l'Ontario, moi, ce que je lui dis là-dessus, c'est que
c'est un choix, mais lequel? En tout cas, sur le résultat net, nous, de
ce côté-ci, on n'est pas d'accord.
La recherche-développement
Étant donné que le temps file rapidement et que d'autres
de mes collègues vont venir, au cours de la journée, toucher
certains points, j'aimerais aborder rapidement, M. le ministre des Finances, la
question de la recherche et du développement par rapport à ce
qu'on retrouve dans le budget, à ce que vous avez annoncé et par
rapport à ce qu'on retrouve dans vos annexes, soit à l'annexe A,
page 93. Vous avez déclaré que vous mettriez beaucoup d'emphase
sur la recherche et le développement avec 1 800 000 000 $ d'appui
à la recherche-développement au cours des cinq prochaines
années. Je trouve cela un petit peu farfelu de mentionner cela et de
donner l'impression aux gens que vous allez mettre 1 800 000 000 $ de
crédits disponibles au cours des cinq prochaines années. Quand on
regarde à l'annexe A, à la page 93, on se rend compte que,
finalement, ce sont des programmes déjà existants pour la
très grande majorité de ces choses-là, c'est-à-dire
que, pour 1 308 000 000 $, ce sont des programmes déjà existants
que vous avez projetés pour les cinq prochaines années et, quant
aux nouvelles initiatives, cela comprend celles qui ont été
annoncées au cours de la dernière année et il y en a pour
500 000 000 $. Donc, à toutes fins pratiques, je trouve cela dommage
pour un secteur aussi important que celui-là, qui méritait
l'attention du gouvernement, qui méritait des gestes concrets par
différentes mesures concrètes de la part du gouvernement au
niveau de la recherche-développement. Quand je parle de mesures
concrètes, c'étaient non seulement des incitatifs fiscaux et
différentes mesures, mais c'étaient aussi des crédits ou
des fonds injectés directement.
J'ai souligné, et je le rappelle encore, au ministre ce matin, le
rapport du Conseil de la science et de la technologie qui, à mon avis,
prend toute son importance lorsqu'on regarde des dossiers aussi importants que
les dossiers fédéraux-provinciaux au chapitre de la
recherche-développement. On s'aperçoit que, finalement, les
mesures annoncées par le ministre des Finances sont de loin, et de loin,
des recommandations du Conseil de la science et de la technologie. Je ne
redonnerai pas tous les détails, sauf qu'on a un retard important. Les
chiffres que j'ai en mémoire, c'est qu'au Québec en 1985 - cela
s'est poursuivi et même s'est détérioré au cours des
années 1986-1987, comme le mentionne spécifiquement le Conseil de
la science et de la technologie - on avait 1 300 000 000 $ de dépenses
totales, c'est-à-dire pour le public, le parapublic, l'université
et les entreprises, en recherche-développement et il y en avait pour 3
300 000 000 $ ou 3 400 000 000 $ en Ontario. Toute comparaison faite, le
rapport est à peu près de deux fois et demie dans ce
sens-là. On a du rattrapage à faire et les mesures qui ont
été prises en 1986, les mesures qui ont été prises
en 1987, nous dit le Conseil de la science et de la technologie, n'ont pas
donné leur effet et, à toutes fins utiles, l'écart
continue à s'agrandir de ce côté-là.
Le ministre des Finances, M. le Président, avait une excellente
occasion de faire du rattrapage. Il a mis dans son discours sur le budget des
chiffres qui étaient tout à fait gonflés, parce qu'il a
donné l'impression qu'il mettait pratiquement pour 2 000 000 000 $ de
nouveaux programmes à l'intérieur de la
recherche-développement pour les cinq prochaines années, ce qui
aurait fait des sommes, quand même, assez importantes et acceptables.
Mais, à toutes fins pratiques, de ces 1 800 000 000 $, on se rend compte
que ce sont quelques millions qui seront appliqués pour la prochaine
année et les années à venir, c'est-à-dire que des
programmes déjà existants prennent 90 %, ou tout près, des
1 800 000 000 $. Donc, il n'y a pas de nouvelles mesures importantes
annoncées, avec de l'argent investi en recherche et
développement, alors qu'on sait qu'on a, de ce
côté-là, Dieu sait, du rattrapage à faire et que le
ministre des Finances avait la marge de manoeuvre, cette année, pour
être capable d'injecter les sommes importantes en recherche et
développement.
Alors, j'aimerais que le ministre dise, d'abord, pourquoi il a
procédé de cette façon-là. Pourquoi a-t-il
annoncé 1 800 000 000 $ pour se rendre compte qu'il y en avait 1 300 000
000 $ qui sont déjà des programmes existants dont on sait que les
effets sont loin de ce à quoi on s'attend? Pourquoi n'a-t-il pas pris en
considéra-
tion la plupart des recommandations du Conseil de la science et de la
technologie énoncées dans un mémoire, en mars 1988, qui
adressait plusieurs recommandations au ministre des Finances en vue de son
budget?
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre des
Finances.
M. Levesque: M. le Président, je sais que le
député de Bertrand est également critique du
ministère du Commerce extérieur et du Développement
technologique et il vient de toucher un point qui lui tient à coeur.
D'ailleurs, je suis heureux de voir qu'il continue, même ici, de
s'intéresser à cette important sujet qui fait l'objet d'une
préoccupation constante chez nous également, au ministère
des Finances. Le député semble dire que nous avons peu
ajouté aux mesures existantes. Je tiens à lui rappeler, tout
simplement, que les programmes et les mesures qui existaient avant 1987
auraient donné, pour les cinq prochaines années, 1 308 000 000 $,
mais que, par ce budget, nous portons ces mesures de 1 308 000 000 $ à 1
824 000 000 $:
I 308 000 000 $, en y ajoutant 516 000 000 $, nous les portons à
1 824 000 000$. Cet ajout n'est pas insignifiant, comme a peut-être voulu
le laisser entendre le député de Bertrand. Cela représente
40 %: les 516 000 000 $, c'est 40 % du total, environ. Alors, c'est un ajout
important; je ne pense pas qu'on doive le sous-estimer.
Maintenant, nous allons continuer dans ce sens-là. Cela ne veut
pas dire que, d'ici cinq ans, il ne pourra pas s'ajouter d'autres choses. Le
ministre responsable de ce dossier continue à préparer toutes
sortes de projets qui sont reliés à cela. Un ministère
n'arrête pas de produire, n'arrête pas de faire des
représentations simplement parce qu'il y a un projet que nous avons
mentionné, dont nous avons fait l'étalement au cours des cinq
prochaines années en disant: Voici ce que nous avons l'intention de
faire du côté fiscal des choses. Notre responsabilité est
beaucoup plus du côté fiscal. C'est là que nous avons dit
que nous allions procéder et cela, toujours dans ce cadre de la
fiscalité québécoise.
II faut tenir compte du fait que les crédits d'impôt pour
la recherche et le développement accordés par le Québec
sont beaucoup plus généreux que ceux accordés par le
palier fédéral, non seulement en raison du niveau des
crédits québécois, mais aussi en raison du fait que ces
crédits sont remboursables et qu'ils se reflètent dans les
acomptes mensuels des entreprises.
Il faut également tenir compte - j'espère que le
député de Bertrand s'en rend bien compte - du faible taux
d'imposition au Québec. Vous savez que nous avons une structure
différente d'imposition, lorsque nous touchons à la question des
profits, le taux est plus bas ici, alors que le fardeau sur la masse salariale
et sur le capital est plus important.
Nous avons également des nouvelles mesures que nous avons
annoncées dans le budget à l'égard des investissements au
Québec. Tout cela est de nature à aider, justement, la recherche
et le développement dans nos entreprises. Je pense que c'est le
député de Bertrand qui disait, à un moment donné,
si ma mémoire est fidèle, que les mesures
présentées dans notre budget de 1987- 1988 l'an dernier, en ce
qui touche la recherche et le développement, n'avaient pas eu le
succès espéré. Je tiens à lui rappeler que les
mesures de l'an dernier de 102 000 000 $ sur une pleine année ont eu des
résultats pour l'essentiel.
Ce ne sont que les mesures touchant le financement de la recherche et du
développement par des sociétés en commandite qui n'ont pas
eu les résultats escomptés, étant donné la
résistance d'Ottawa à l'égard de ce moyen de financement
et son abolition en décembre 1987. Malgré tout, les entreprises
ont profité des mesures de l'an dernier pour un coût total de 83
000 000 $ par rapport à l'objectif de 102 000 000 $ pour une pleine
année 1988. Il ne faut pas exagérer et dire que cela n'avait pas
marché quand cela a marché à 83 000 000 $ sur 102 000 000
$. Cela veut dire que la plus grande partie, l'immense majorité de ces
mesures ont eu leur effet.
Le discours sur le budget de cette année qui ajoute 17 000 000 $
sur une pleine année 1989 rétablit l'aide fiscale du gouvernement
pour ce qui est de l'an dernier. Ainsi, le coût de ces nouvelles mesures
fiscales est de 516 000 000 $ pour les cinq prochaines années, dont 87
000 000 $ et 97 000 000 $ en 1988-1989 et 1989-1990 respectivement.
Le Québec, pour ce faire, a dû remplacer la mesure des
sociétés en commandite de l'an dernier par un régime REA,
recherche et développement, qui permet une déduction
additionnelle à la déduction générale REA de 50 %
ou 100 % aux investisseurs qui achètent des actions admissibles. Cela
permettra aux entreprises de financer leur recherche et leur
développement par du financement externe.
En un mot, l'effort que nous faisons est considérable. Cela ne
veut pas dire que tout ce qui touche la recherche et le développement
reçoit sa réponse dans le budget actuel. Le ministère
continue, de son côté. Il y a des crédits qui seront
votés par la Législature d'année en année. Il y a
également - cela va sans dire - la participation dans la recherche et le
développement du gouvernement fédéral au Québec qui
devrait être augmentée.
Lorsque j'entends les discussions entre mon collègue, le ministre
responsable du Commerce extérieur et du Développement
technologique, et le député de Bertrand, je vois que, des deux
côtés, on est vigilant vis-à-vis de la participation du
gouvernement fédéral et je pense que c'est important d'être
très vigilant de ce côté-là.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances. M. le député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): M. le Président, je
répliquerai rapidement. J'aurai la chance, cet après-midi, au
cours du bloc de dix heures, de revenir sur la recherche et le
développement c'est parce que je voudrais laisser la prochaine
demi-heure au chef de l'Opposition qui, dans son horaire très
chargé, aurait des questions à poser, certes, au ministre des
Finances.
Pour terminer brièvement ce matin sur les commentaires que le
ministre des Finances vient de faire au sujet de la recherche et du
développement, d'abord, quand vous me dites qu'il y a 40 %
d'augmentation, 516 000 000 $, je suis obligé de vous rappeler à
l'ordre, M. le ministre des Finances, et de vous dire que ces 40 % ou 516 000
000 $ sur les 1 800 000 000 $, d'abord, ce ne sont pas 516 000 000 $ de plus.
(12 heures)
Vous le dites vous-même à l'annexe A-93: "De plus, les
initiatives entreprises à cet égard au cours des deux
dernières années représentent 516 000 000 $." C'est donc
dire que déjà tous les programmes annoncés au cours des
deux dernières années, depuis que vous êtes là, sont
inclus dans les 516 000 000 $, ce qui fait qu'à toutes fins utiles je
réitère le fait que vous n'avez pratiquement rien ajouté
au chapitre de la recherche-développement parce que le nouveau montant
de 516 000 000 $, dont vous parlez, inclut les mesures prises depuis deux ans.
Je vous réitère que le conseil l'a dit, pas seulement le
député de Bertrand et l'Opposition qui crie fort. D'ailleurs le
ministre du Commerce extérieur, vendredi dernier, dans une
interpellation à l'Assemblée nationale, était parfaitement
d'accord avec mes propos, à savoir que vous aviez la marge de manoeuvre
dans ce budget pour le faire et que vous ne l'avez pas fait. Je vous dis que je
trouve dommage que vous ayez manqué le virage du développement
technologique. Je trouve que c'est un point très faible de votre budget.
Pourtant, je trouve cela important parce que le Conseil de la science et de la
technologie, dans son rapport du mois de mars, vous l'a souligné et a
porté une attention particulière pour demander au ministre des
Finances de prendre des mesures et vous ne les avez pas prises, à toutes
fins utiles.
Alors, voilà M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Bertrand. M. le ministre des Finances.
M. Levesque: M. le Président, je ne laisserai pas passer
cela comme ça. Même si on veut changer d'interlocuteur, on va
prendre un instant pour dire ceci: II n'y a pas un gouvernement au
Québec qui a mis autant d'argent du côté de la
recherche-développement. Voyons donc! Nous venons d'augmenter de 40 %
depuis 1987-1988 les sommes consacrées à cela. Je viens de
l'indiquer de façon claire et précise. On dit qu'il y a encore de
la place. Oui, il y a encore de la place. Que le député de
Bertrand continue de réclamer cela, c'est très bien. Que nous
ayons encore plus pour la recherche et le développement, j'en suis.
Mais, d'un autre côté, qu'on ne vienne pas nous dire qu'on ne fait
rien pour la recherche et le développement, ce n'est pas vrai. Ces
sommes qui sont là ne le sont pas de toute éternité. Elles
datent de 1987-1988 et de 1988-1989 c'est consolidé, c'est vrai. Parce
qu'il y a eu des changements et je viens de le dire. On a dû changer
certaines parties du programme qui ne fonctionnaient pas. Ce n'était pas
la faute du Québec. C'était parce que le gouvernement
fédéral s'était retiré de ce champ. Nous avons
immédiatement pris des mesures de remplacement d'une façon
imaginative, je pense, avec un REA recherche et développement. Ce
programme devrait connaître un succès certain étant
donné que le REA ne relève pas du gouvernement
fédéral, comme on le sait, c'est notre propre régime. Nous
y joignons la recherche-développement.
Que mon collègue, le ministre du Commerce extérieur et du
Développement technologique, et vous-même, M. le
député de Bertrand, souhaitiez encore plus pour la recherche et
le développement, je vous sais gré et ces sentiments vous
honorent. Nous y reviendrons, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances. Je voudrais souhaiter la bienvenue au chef de l'Opposition, le
député de Joliette, et lui faire remarquer qu'en vertu de
l'article 132 du règlement, "le député qui n'est pas
membre d'une commission peut, avec la permission de cette dernière,
participer à ses délibérations, mais ne peut y voter ni y
présenter de motion". Est-ce que j'ai le consentement de cette
commission afin que le député de Joliette participe aux
délibérations? M. le ministre des Finances.
M. Levesque: Nous allons y penser, M. le Président, au
moins pour un moment. Je vais consulter. C'est avec plaisir que nous y
consentons, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): II y a consentement. J'aimerais
simplement rappeler au député de Joliette - je sais qu'il le sait
probablement - que les membres de la commission ont un temps de parole de dix
minutes en une ou plusieurs interventions dans le respect de la règle de
l'alternance. Les règles du débat ont été
fixées par la commission de l'Assemblée nationale, le 18 avril
1984. M. le député de Joliette, vous avez maintenant la
parole.
La politique familiale
M. Chevrette: Oui. Je voudrais interroger le ministre très
brièvement sur la politique familiale. On a tenté de
présenter supposément le budget comme étant une approche
extraordinaire envers la famille d'une façon qui est un peu
révolutionnaire. On s'est rendu compte, d'autre part, que des
groupes de femmes, la CSN, la FTQ, le Conseil du statut de la femme, le Conseil
des affaires sociales et de la famille, etc., auraient
préféré que le gouvernement favorise plutôt le
premier et le deuxième enfant, qu'il investisse plutôt dans les
garderies et qu'il modifie la législation sur le travail pour permettre
plus de flexibilité: congés parentaux, horaires pour concilier la
famille et le travail, etc. Je voudrais savoir si le ministre s'est
basé... Tout d'abord, j'aurais peut-être une question encore plus
directe: Pourquoi avoir favorisé le troisième enfant - c'est
aussi clair que cela - quand on sait que c'est 1,4 enfant par famille,
présentement?
M. Levesque: Je dois dire, d'abord, que je suis heureux que le
chef de l'Opposition vienne nous rencontrer pour prêter main forte au
député de Bertrand et, en même temps, pour nous honorer de
sa présence. Cela dit, je sais que le chef de l'Opposition a
occupé le poste de ministre de la Santé et des Services sociaux
pendant un certain temps, au moins assez longtemps pour lui donner
peut-être un goût plus accentué pour tout ce qui touche ce
ministère fort important et qui a, d'ailleurs, beaucoup
d'affinités avec celui de la Famille. Le chef de l'Opposition conviendra
que, si le premier ministre a décidé d'avoir un ministre
délégué à la Famille, à la Santé et
aux Services sociaux, c'est, justement, parce que cela indique une
préoccupation bien évidente de la part de notre gouvernement pour
cette institution fondamentale qu'est la famille.
La question du chef de l'Opposition s'est, évidemment,
posée récemment. On a vu des gens de divers milieux apporter leur
contribution dans le sens que chacun donnait un peu son idée
là-dessus: est-il mieux de favoriser le premier enfant, le
deuxième ou le troisième en vue, évidemment, de
répondre à cette préoccupation, que nous partageons sans
doute d'un côté ou de l'autre de la table, sur le taux de
natalité qui est très bas au Québec? Comme on le sait,
c'est le plus bas du monde occidental avec l'Allemagne de l'Ouest. Nous avons
un taux de natalité de 1,4 %. Je pense que tout le monde est d'accord
pour voir s'il n'y a pas lieu de réagir, au moins, à cette
situation ou de créer des conditions favorables à une correction
de la situation.
D'ailleurs, la politique que nous avons mise de l'avant dans ce budget
est, d'abord et avant tout, une politique de soutien à la famille. On a
dit dans certains milieux qu'il y avait un aspect nataliste; je ne le nie pas,
mais l'aspect primordial du budget quant à la famille, c'est
plutôt un soutien à la famille. La meilleure preuve de cela, c'est
que, sur la réduction d'impôts de 1 257 000 000 $, 61 % de ce
montant vont à la famille, c'est-à-dire 772 000 000 $.
Lorsqu'on pose la question: Pourquoi le troisième enfant? je
pense qu'il faut aussi regarder ce qui arrive au premier et au deuxième.
En plus de l'aide à la naissance, 500 $ pour le premier, 500 $ pour le
deuxième, en plus de la baisse d'impôt que je viens de mentionner
pour les familles d'un et de deux enfants, comme pour les autres, il y a aussi
l'abolition de la récupération des allocations familiales qui ne
touchait, justement, que le premier et le deuxième, les autres ayant
été réglés antérieurement. Donc, il y a
là 126 000 000 $ supplémentaires qui sont là seulement
pour le premier et le deuxième enfant. Donc, nous n'avons pas choisi,
comme le dit la question du chef de l'Opposition: Pourquoi avez-vous choisi le
troisième? Je pense qu'on a voulu accorder un soutien à la
famille à partir du premier enfant.
Maintenant, pourquoi s'est-on occupé, disons d'une façon
plus particulière, plus nuancée si vous voulez, du
troisième enfant? C'est parce que nous croyons que, d'après les
statistiques que nous avons, du moins celles qu'on m'a fournies, quitte
à les contester, c'est le troisième enfant qui est disparu. Ce
sont là des statistiques qui sont encore inédites. Je n'ai vu
cela publié nulle part, mais je suis heureux de le faire avec le chef de
l'Opposition. En "1971", dans les naissances, des premiers enfants, il y en
avait 31 414. En 1986, ce chiffre de 31 414 est passé à 39 682.
Au Québec, d'après ce qu'on m'a fourni ici - si ce n'est pas
correct, je suis prêt à faire la correction, mais ce sont les
chiffres qu'on m'a fournis - les enfants de premier rang qui sont nés en
"1971" étaient 31 414 et, en 1986, 39 682. Donc, nous aurions eu une
augmentation de 8268 enfants, soit 26,3 % d'augmentation. Si on regarde le
deuxième enfant, en "1971", il en est né 26 073 et, en 1986, 30
999, soit une augmentation de 4926 ou 18,9 %. Cela m'a surpris, je vous le dis,
avec tout ce que j'entendais à l'extérieur, quand on m'a fourni
ces chiffres. Alors, pour le premier enfant, on est passé de 31 000
à 39 000 en quinze ans; pour le deuxième, de 26 000 à 30
000 et, pour le troisième et les suivants, de 65 709 en "1971" à
13 898 en 1986, une diminution de 51 811, en pourcentage, 78,8 %. Si on prend
le total des naissances, en "1971", 123 196; en 1986, 84 579. Donc, une
diminution de naissances de 1986 par rapport à "1971" de 38 617. C'est
là que vous trouvez le "bottom line", si on peut employer ces mots, une
diminution de 31,3 %. Si vous voulez savoir la raison pour laquelle on a fait
un petit spécial pour le troisième et plus, c'est qu'on
s'aperçoit que c'est le troisième et plus qui sont disparus
depuis. Je ne dis pas que c'est la seule raison.
Je reviens encore une fois sur ce que je disais tout à l'heure.
La politique que nous avons mise de l'avant est, d'abord et avant tout, une
politique de soutien à la famille. Pour le troisième enfant, le
coût est relativement faible si on regarde l'ensemble des 772 000 000 $.
Vous avez, pour les familles: abolition de la récupération des
allocations familiales, 126 000 000 $; bonification
de la réduction d'impôt et du remboursement d'impôts
fonciers, 65 000 000 $; allocations mensuelles pour les jeunes enfants, 52 000
000 $; pour le premier et le deuxième enfant, 33 000 000 $; pour le
troisième et plus, 38 000 000 $. Donc, 38 000 000 $ sur un total de 772
000 000 $, on ne peut pas dire qu'on s'est arrêté au
troisième enfant comme à une politique unique. C'est une mesure
spéciale, mais qui n'est pas faite par hasard.
Je dois dire que je suis obligé de tenir compte des statistiques
que je viens de vous donner et qui m'ont surpris également parce que
c'est frappant de voir ce qui s'est passé entre "1971" et 1986.
Évidemment, je ne suis pas un démographe, mais je pensais que le
premier aussi avait diminué et le deuxième. Nous avons une
augmentation de 26 % pour le premier, une augmentation de 18,9 % pour le
deuxième et une diminution de 78,8 % pour le troisième et plus.
Alors, on est obligé de tenir compte de cela, M. le Président.
Ah, c'est changé! (12 h 15)
Le Président (M. Després): Oui. Bonjour, M. le
ministre.
M. Levesque: Bonjour.
Le Président (M. Després): Tout simplement pour
vous rappeler qu'il vous reste 30 secontes à votre
disponibilité.
M. Levesque: Non, mais j'ai fini.
Le Président (M. Després): Vous avez fini? Cela va.
M. le chef de l'Opposition.
M. Chevrette: Si je comprends bien le ministre, les statistiques
l'ont influencé au point de prendre une position face au
troisième enfant.
M. Levesque: II y a une petite correction sur un chiffre,
excusez-moi. Ce n'est pas 1971, c'est 1951.
M. Chevrette: C'est l'année 1951?
M. Levesque: Oui.
M. Chevrette: Au lieu de 1971?
M. Levesque: Oui. On a le détail, par exemple, de 1951
à 1956, de 1961 à 1966, de 1971, etc. Mais il y avait une erreur
sur la copie qu'on m'avait remise, c'est 1951.
M. Chevrette: Est-ce que vous pourriez déposer cela, vu
que c'est inédit?
Le Président (M. Després): D'où cela
vient-il, M. le ministre?
Une voix: Cela vient de Statistique Canada.
M. Levesque: Statistique Canada. Donc, ce n'est pas
inédit.
M. Chevrette: Donc, ce n'est pas inédit.
M. Levesque: Mais inédit pour moi. Cela l'était
dans le sens que je ne l'avais pas dit et je pense bien que personne chez vous
ne l'avait exprimé, non plus.
M. Parent (Bertrand): On vous laissait la primeur.
M. Chevrette: C'est-à-dire que les années de
référence ne sont pas les mêmes. On peut prendre 1961,
comme vous le dites, on peut prendre 1971, on peut prendre 1951, c'est bien
évident.
Le Président (M. Després): Est-ce que vous voulez
le dépôt, M. le chef de l'Opposition?
M. Chevrette: Oui.
M. Levesque: Je vous en ferai parvenir une copie.
M. Chevrette: Mais, revenons à ce troisième enfant.
Quand on regarde ce que, concrètement, vous avez fait pour
l'année 1988, si j'ai bien compris, pour l'année 1988, le
ministre des Finances a dit: Nous instaurerons en 1989 un nouveau régime
de soutien à la naissance. Mais, pour 1988, la prime de
disponibilité saute. Il y a une économie de quelque 50 000 000 $
au dire de ceux qui connaissent et qui jouent avec ces chiffres d'une
façon régulière, après avoir procédé
à une économie de 68 000 000 $ l'an passé sur la
première prime de disponibilité. Je pensais que c'était
bien calculé pour financer, à toutes fins utiles, par
soi-même, le budget qui va venir par la suite ou les 3000 $ versés
pour le troisième enfant. Parce que les 3000 $, le ministre conviendra
que c'est un soutien très ponctuel établi sur deux ans seulement
d'abord, en deux versements, mais, après cela, cela s'éteint,
alors qu'un enfant, quand il grandit, c'est fa garderie jusqu'à
l'âge au moins de six ou sept ans. On sait que c'est une moyenne d'au
moins 7 $ ou 8 $ par jour en garderie, cinq jours par semaine; 40 $ par semaine
pendant 50 semaines, cela fait 2000 $ par année; pendant cinq ou six
ans, cela coûte 10 000 $, 12 000 $, au moins pour le fait garder, alors
qu'il reçoit un montant de 3000 $, ponctuel.
On aurait cru que le ministre, pour soutenir véritablement la
venue d'un troisième enfant, aurait pu instaurer un régime
d'assistance familiale - appelons cela les allocations familiales - qui
mène le troisième enfant jusqu'à l'âge de 18 ans
pour qu'il soit véritablement soutenu. Parce qu'un enfant, ce n'est pas
à la naissance qu'il coûte le plus cher, surtout quand on en a eu
deux; c'est en garderie, c'est à l'école, c'est
au cégep, puis c'est à l'université. 3000 $, un
"two shots: one, two, punch", bonjour! Et, après cela,
débrouillez-vous avec cela. Puis, on pense que cela va provoquer un
"baby-boom" québécois. Moi, cela me fait sourire quand je vois
cela.
Mais j'ai continué à gratter un peu son budget et,
à l'annexe A, pages 42 et 43, on découvre que le ministre des
Finances a pensé véritablement au troisième enfant. Pour
une famille qui bénéficie d'un seul revenu de travail
établi à 22 000 $...
M. Levesque: 42 et 43, vous dites, de l'annexe...
M. Chevrette: Oui, de l'annexe A. ...si elle compte trois enfants
de 6 à 11 ans par rapport à deux enfants de 6 à 11 ans, on
se rend compte que le gain total de la réforme passe de 395 $ à
228 $, une diminution de 167 $ pour le troisième enfant. Donc,
drôle de façon de soutenir le troisième! C'est bien petit,
puis je n'ai pas mes verres, mais, si on regarde à la page 42, on a la
répartition des gains selon les revenus. Si vous regardez l'exemple que
je vous ai donné à 22 000 $...
M. Levesque: À quelle page? M. Chevrette: À
la page 42. M. Levesque: Oui.
M. Chevrette: Si vous faites la comparaison par rapport à
la page 43, il y a une pénalité pour le troisième enfant
quand il y a un seul revenu de travail. Comment pouvez-vous expliquer que c'est
une politique qui tient compte du nombre d'enfants et qui veut voir le
Québec se sortir de cette période léthargique des
naissances?
M. Levesque: Le chef de l'Opposition vient de m'en poser deux ou
trois, je vais essayer de répondre.
M. Chevrette: C'est que j'ai un problème avec vous. Vous
prenez dix minutes chaque fois que je vous en pose une et II ne me reste plus
de temps pour vous parler.
M. Levesque: Non, non. Deux minutes.
Le Président (M. Després): M. le chef de
l'Opposition, est-ce que vous consentez ou si vous profitez de votre temps?
M. Chevrette: S'il ne nous joue pas ce tour-là une
deuxième fois...
M. Levesque: Non, non. Rapidement, lorsque le chef de
l'Opposition mentionne qu'il y avait 48 000 000 $ dans le budget de l'an
dernier - c'est de l'allocation de disponibilité qu'il était
question l'an dernier - à ce moment-là, il faut tenir compte de
l'ensemble des mesures que nous avons mises de l'avant. Il y avait, s'il se le
rappelle, des déductions d'impôt pour les familles à bas
revenu. Il y avait le programme APPORT. Il y avait le
réaménagement de l'allocation de disponibilité qu'il vient
de mentionner. Il y avait l'abolition de choses, la
non-récupération des allocations familiales pour le
troisième enfant, dans le temps. On est venu au premier et au
deuxième maintenant dans ce temps-là, c'était le
troisième. Finalement, au net, ce n'était pas moins 48 000 000 $,
c'était plus 188 000 000 $.
Deuxièmement, le député demande pourquoi, aux pages
42 et 43, pour les 22 000 $, quand vous avez un troisième enfant, c'est
moins payant, on en enlève moins que pour le deuxième. C'est
seulement à 22 000 $. C'est le seul cas qui existe. C'est bien simple:
quand c'est zéro, on ne peut pas en enlever plus.
M. Chevrette: J'aurais pu prendre le premier et vous montrer que
cela donne 26 $ par année pour avoir un troisième enfant pour un
revenu de 8000 $.
M. Levesque: Non, non.
M. Chevrette: 26 $ par année, où allez-vous avec
cela? Lui achetez-vous deux boîtes de couches?
M. Levesque: La critique qui a été faite par le
chef du Parti québécois et que vous avez reprise ce matin
était que, pour un salaire imposable de 22 000 $, on en enlevait plus,
qu'il y avait plus de diminution d'impôt pour celui qui avait deux
enfants que pour celui qui avait trois enfants. La réponse à cela
est bien simple: On ne peut pas en enlever plus quand c'est rendu à
zéro. C'est zéro, on ne peut pas en enlever plus. Le
troisième était rendu à zéro; c'est pour cela qu'on
ne pouvait pas en enlever plus.
Si vous regardez les pages 42 et 43 que vous avez devant vous, pour le
couple avec deux enfants de 6 à 11 ans, la réduction pour 22 000
$ est de 99 %, tandis que, pour le couple avec trois enfants, c'est 100 %.
Alors, on ne pouvait pas aller plus bas, c'est simple.
Le Président (M. Després): Merci, M. le ministre
des Finances. M. le chef de l'Opposition, la parole est à vous.
M. Chevrette: Cela ne change pas mes propos antérieurs. Je
comprends que vous ne pouviez pas lui en enlever plus, il n'en a plus dans ses
poches. C'est bien évident.
Mais si on veut soutenir la famille, ce n'est pas avec 3000 $ sur deux
ans qu'on soutient une famille. C'est par des mesures garantissant des revenus
familiaux constants. Si on veut avoir véritablement une politique qui
vise à améliorer le nombre des naissances, ce n'est pas par
un
suçon passager. Ce n'est pas un coup de production vite, vite et,
après cela, débrouillez-vous. Ce n'est pas cela, une politique
familiale. Une politique familiale, c'est axé sur des mesures constantes
et croissantes d'amélioration du revenu de la famille comme tel.
Je suis dépassé de voir de tels chiffres. J'ai
donné l'exemple de la garderie seulement. Sur une période de six
mois, tenant pour acquis que la femme pourrait éventuellement par
législation, si on peut se décider à le faire, par
exemple, obtenir un congé sans solde ou même avec solde, dans
certains cas, de x mois et qu'elle continue sa profession ou son métier,
uniquement en garderie jusqu'à l'âge où l'enfant est
conduit à l'école, c'est plus que le suçon ponctuel qu'on
donne. C'est déjà plus, c'est le triple qu'on peut évaluer
très facilement. Après cela, on sait que les besoins sont
grandissants pour la famille dans tous les autres secteurs: entrée
à l'école, etc.
Quand on constate qu'un salarié, qui a 22 000 $ comme revenu
unique de famille, pardessus le marché, paiera plus d'impôt que
celui qui en a deux, on dit: Où est la logique du soutien à la
famille et, en particulier, de l'incitatif vers le troisième enfant,
compte tenu des statistiques inédites pour le ministre, mais non
inédites pour le reste du Canada? Comment se fait-il qu'on puisse
arriver avec une telle aberration? D'autant plus que le ministre nous dit
lui-même - il l'admet - que le programme qu'il met sur pied, c'est pour
1989 en ce qui regarde l'allocation à la naissance et qu'il fait
disparaître pour 1988 - ce qui est un autre manque à gagner,
à ce moment-là, pour les familles québécoises - la
prime de disponibilité.
Si on compare l'allocation à la naissance de 1989 par rapport
à ce qu'il coupe en 1988, où est l'incitatif? Les familles vont
se réveiller avec un leurre. C'est un leurre. Il y aura seulement un
suçon pour mettre un enfant au monde, puis c'est tout. Après
cela, on ne s'en occupe pas. Vous savez pertinemment - je voudrais attirer
l'attention du ministre des Finances sur ce fait-là - qu'il est beaucoup
plus fréquent, et je dirais même très majoritairement dans
les milieux économiquement pauvres, qu'on mette un troisième
enfant au monde. C'est le constat qu'on fait. Je ne dis pas qu'il n'y a pas
toutes sortes de raisons, mais le constat est que c'est dans les milieux
économiquement pauvres qu'on arrive à une troisième
naissance.
Puis, quand on voit ces statistiques, ces mesures-là, on dit:
Cette politique ou ce budget, supposément profamilial, vient
créer un leurre épouvantable. Il y a des gens qui vont se
réveiller en 1988, pensant que c'est amélioré et se
retrouver sans prime de disponibilité. Il est salarié unique,
puis il gagne 21 000 $ ou 22 000 $. Il regarde les tables d'impôt:
taxé au bout! Puis, il dit: Qu'est-ce que cela me donne, là?
Puis, vous savez que, dans ces milieux-là, à part cela, ce ne
sont pas eux qui vont lire les budgets. Ils vont peut-être voir seulement
les 3000 $ dans le journal. Ils ne verront peut-être pas les
attrape-nigauds du budget: le fart de sauter la prime de disponibilité
en 1988. Ils ne verront sûrement pas, non plus, le fait que, le programme
ne commençant qu'en 1989, les impôts ne les favorisent pas, qu'il
n'y a rien pour tes garderies et qu'il n'y a rien, non plus, d'annoncé
dans la législation du travail, ni dans le discours sur le budget, ni
dans le discours inaugural. Il n'y a pas de législation modifiée
à portée de vue.
Donc, je ne vois pas la logique du ministre des Finances.
Le Président (M. Després): M. le ministre des
Finances.
M. Levesque: M. le Président, je comprends qu'il reste
seulement deux minutes.
M. Chevrette: S'il peut être assez salaud pour ne pas vous
les donner.
M. Levesque: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Després): Effectivement, vous avez
raison.
M. Levesque: Mais cela n'aurait pas été juste pour
la population de rester avec autant de choses inexactes, avec tout le respect
que je dois au chef de l'Opposition.
Une voix: "Who".
M. Levesque: J'ai été poli, j'ai dit "inexactes".
J'aurais pu dire autre chose. Je dirai simplement, en
résumé...
Le Président (M. Després): Oui, M. le ministre des
Finances.
M. Levesque: ...que, lorsque le chef de l'Opposition parle de la
différence entre le deuxième et le troisième enfant,
partout les couples avec trois enfants ont un gain supérieur à
ceux qui ont deux enfants. Le seul cas, c'est celui de 22 000 $ parce qu'on ne
pouvait pas le baisser plus bas que zéro.
Deuxièmement, si on veut regarder le soutien financier du
gouvernement du Québec à l'égard des enfants, prenons ce
qu'il y avait en 1985, alors que le chef de l'Opposition était ministre
responsable de la Famille, de la Santé, des Services sociaux. Pour un
enfant, il y avait 95 $. Aujourd'hui, avec le budget, c'est 1297 $. À
l'égard de deux enfants, c'était 521 $; aujourd'hui: 1999 $,
aussi bien dire 2000 $. A l'égard de trois enfants, 880 $. Qu'est-ce que
c'est aujourd'hui? 4388 $. Il me semble que ces chiffres-là sont
clairs.
Le programme d'allocation à la naissance, j'ai compris que le
chef de l'Opposition disait que cela commençait en 1989. Bien, non.
C'est déjà commencé, cela, dès le mois de mai
1988.
Sur les services de garde, le chef de l'Opposition disait: II faut
augmenter les garderies. Nous sommes pour cela. J'ai annoncé 60 000
nouvelles places en garderie. Prenons la situation qui existait au moment
où le chef de l'Opposition était le ministre responsable de ce
domaine-là; il y avait, dans ce temps-là, pour les services de
garde, un budget de 72 000 000 $. Aujourd'hui, il est de 101 000 000 $.
Le Président (M. Després): En conclusion, M. le
ministre.
M. Levesque: En conclusion, II y avait 50 000 places de garde, il
y en a 70 000. Nous avons fait des progrès considérables pour le
soutien de la famille et dans tous les aspects de la politique familiale. Nous
entendons continuer sur cette lancée.
Le Président (M. Després): Merci, M. le ministre
des Finances.
J'aimerais suspendre les travaux jusqu'à la fin des affaires
courantes.
Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
(Reprise à 15 h 35)
Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de
l'administration est réunie afin de poursuivre le débat sur le
discours sur le budget. La parole était au député de
Laviolette. Est-ce que vous avez consentement pour procéder, M. le
député de Laviolette, en vertu de l'article 132 des règles
de procédure, comme vous n'êtes pas membre de la commission... M.
le ministre, est-ce qu'il y a consentement pour que le député de
Laviolette, puisse intervenir?
M. Levesque: Un instant, M. le Président!
Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le ministre des
Finances.
M. Jolivet: Est-ce que le ministre peut prendre cette
décision, vu qu'il n'est pas membre de cette commission?
Le Président (M. Lemieux): Ce n'est pas le ministre, c'est
la commission. C'est la raison pour laquelle j'ai remarqué
qu'aimablement le ministre s'est retourné vers le
député...
M. Levesque: En effet.
Le Président (M. Lemieux): ...de Prévost. Il y a
consentement, M. le député de Laviolette. À la suite du
consentement du député de Prévost, vous pouvez
commencer.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je vais continuer sur
la même lancée que le chef de l'Opposition, sur la question de la
politique familiale. J'ai eu l'occasion, la semaine dernière, avec un
groupe de l'Assemblée nationale, de me rendre en Belgique, dans le cadre
du comité mixte que le ministre connaît bien, entre la
Wallonie-Bruxelles et le Québec. Nous avons eu des rencontres avec le
Conseil de la communauté française. Justement, le but de notre
rencontre, qui avait été décidée au mois de
septembre dernier, était la politique familiale. Ce sont des sujets qui
préoccupent non seulement le Québec, mais aussi d'autres pays, la
Belgique étant elle aussi, avec les problèmes linguistiques,
fortement touchée. La même chose avec l'Allemagne, tout proche.
Quand on parle dans certains documents du "bébé krach", le
Québec connaît aujourd'hui la dénatalité que
connaît l'Allemagne depuis vingt ans. On disait: Faut-il, comme
là-bas, planifier la dépopulation ou relancer la natalité?
Ce sont des questions importantes et on ne peut pas toucher une politique
familiale par le seul volet nataliste. C'en est un, mais je pense qu'il y a
beaucoup d'autres choses autour, tout ce qui a trait aux conditions de la
famille actuelle qui n'est pas celle que l'on connaissait il y a une vingtaine
d'années.
La famille monoparentale n'est pas due seulement au veuvage, mais aussi
à d'autres décisions de couples, et cela amène des
problèmes quant aux investissements que doit faire un État en
termes de garderies, de modifications aux lois du travail pour permettre
à des gens qui sont à temps partiel d'être
considérés comme des personnes ayant des conditions de retour au
travail. Donc, changement au niveau du Code du travail, changement de
mentalité dans les conventions collectives permettant à une
personne de revenir sur le marché du travail aux conditions qu'elle
avait quand elle a quitté ou aux conditions que permet la convention
collective, qu'on pense à toute la question des congés parentaux.
Autrefois, on pariait du congé de maternité. Je me souviens des
premières batailles qu'on a faites dans les années 1960 chez moi,
alors qu'on fondait les premiers syndicats d'enseignants à partir de la
Corporation des instituteurs et institutrices du Québec. Et même,
en 1967, nous avions eu à Shawinigan un conflit où on avait
congédié des femmes parce que c'étaient des femmes et
qu'elles étaient susceptibles d'avoir des enfants parce qu'elles
venaient de se marier. Imaginez-vous! Les procès qui ont eu lieu ensuite
à la suite du dépôt de griefs, ont amené des
changements aux conventions collectives.
Aujourd'hui, on ne parle plus seulement de congés de
maternité qui sont prévus, d'une certaine façon, par les
conditions d'assurance-chômage ou les conventions collectives, on parle
aussi de l'ensemble du congé. Une personne pourrait décider, dans
le couple, soit l'homme ou la femme, après le congé de
maternité, d'avoir un congé plus long en termes de congés
paren-
taux. On peut parler d'horaires qui deviennent de plus en plus
flexibles, permettant donc de concilier le travail avec l'organisation
familiale.
Or, dans ce contexte, on s'est posé de sérieuses
questions. Cela pouvait paraître très intéressant. Dans le
discours que le ministre a prononcé le jeudi 12, on indiquait tellement
de choses qu'au départ, le premier moment étant plus
émotionnel, on se dit: Mon Dieu! Enfin quelque chose qui est un premier
pas! Mais, quand on y regarde plus profondément, on s'aperçoit
qu'il y a des leurres dans le premier pas. C'est là-dessus que des gens
ont fait une première intervention. Certains ont même
corrigé leur première intervention par des subséquentes.
On s'aperçoit que les gens disent: Ce n'est pas si intéressant
que cela dans la mesure où on se rend compte qu'il y a un
déplacement d'argent. On faisait mention, ce matin, de l'utilisation de
l'économie que l'on aura en 1988 par l'abolition de l'allocation de
disponibilité. On a connu la même chose en changeant la modulation
l'année passée, en 1987. Le gouvernement s'était permis
d'économiser, à ce moment-là, 68 000 000 $. Alors, on
s'aperçoit que des gens financent, par des décisions
gouvernementales, les propres nouvelles allocations qu'on va donner et, dans ce
sens, il faudrait se poser des questions et connaître les raisons pour
lesquelles le gouvernement choisit cette lancée-là.
Je voudrais poser cette question au ministre: Pourquoi ne pas avoir
choisi d'augmenter les allocations familiales plutôt que de maintenir,
par le fait même, le programme d'allocation de disponibilité et
créer le programme d'allocation à la naissance? Deux programmes
existaient à cette époque-là, le programme d'allocation de
disponibilité et l'autre qui était une possibilité
d'augmenter les allocations familiales. Pourquoi le ministre a-t-il
décidé de ne pas choisir cette voie-là et de créer
plutôt un programme d'allocation à la naissance? Quelles sont les
raisons qui ont milité en faveur de cette décision-là?
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre des
Finances.
M. Levesque: M. le Président, il y a peut-être
quelques corrections à faire dans ce que vient de dire le
député de Laviolette, entre autres, lorsqu'il parle des 68 000
000 $ pour l'allocation de disponibilité. Il ne faudrait pas se
mêler. Ce que nous avons fait, cette année, cela a
été de maintenir l'allocation de disponibilité, que nous
avons bonifiée. Ces 68 000 000 $ dont parle le député de
Laviolette ont trait... D'abord, ce n'est pas le bon chiffre, c'est 48 000 000
$ et non 68 000 000 $. Cela fait plusieurs fois qu'ils ont cela dans leurs
papiers; je n'ai pas demandé au recherchiste de changer 68 par 48. Ce
chiffre de 68 est une erreur qui a déjà été faite
par quelqu'un chez vous et qui est répétée encore
aujourd'hui. Ces 48 000 000 $ font partie d'un ensemble de mesures, dans le
budget de 1987- 1988, qui avaient comme dernière ligne - comme on dit
dans la langue de Shakespeare - plus 188, pas moins 48, plus 188, pace que cela
faisait partie d'un ensemble.
Deuxièmement, lorsqu'on nous parle de l'aide apportée
à un troisième enfant plutôt qu'à un premier ou
à un deuxième, encore là, on fait fausse route. Il faut
regarder l'ensemble de la situation. La grande partie des sommes qui ont
été consacrées à la famille l'ont été
d'abord dans la baisse de l'impôt sur le revenu pour les familles. Sur la
somme de 772 000 000 $ consacrée aux familles, qui représentait
61 % de l'ensemble des 1 257 000 000 $, il y avait là une somme de 442
000 000 $ qui était consacrée à fa baisse de l'impôt
des familles, l'impôt, l'impôt sur le revenu. Est-ce que 434...
J'avais dit quoi? Ah! j'avais dit, de mémoire, 442; excusez-moi, c'est
434 000 000 $. Bon. Quant à la balance, cela a été pour
des mesures spécifiques à l'égard des familles. Là
encore, si on regarde le tableau de ces 338 000 000 $, les allocations à
la naissance sont de 33 000 000 $ pour le premier et le deuxième enfant,
et de 38 000 000 $ pour les autres, trois enfants et plus. Mais la grande
partie de ces sommes-là sert à abolir la
récupération des allocations familiales, un héritage du
budget du 23 avril 1985, vous vous le rappelez. Dans les années
antérieures, nous avons aboli la récupération pour
l'enfant de troisième, de quatrième rang et plus. Il restait les
premier et deuxième. Or, là, il y avait plus de monde. Vous
m'aviez dit l'année passée: Là, vous avez fait le plus
facile parce qu'il y en a plus dans les premier et deuxième enfants. De
fait, cette mesure à elle seule, d'abolir la récupération
des allocations familiales pour les premier et deuxième enfants,
coûte 126 000 000 $. Alors, il faut tenir compte de cela avant de
demander pourquoi on a posé tel geste. (15 h 45)
Le geste que nous avons posé, nous l'avons fait, et je le
répète, à la suite des statistiques que j'avais ce matin
qui indiquaient - je ne sais pas si vous étiez arrivé, M. le
député de Laviolette - qu'en 1951 il y avait 65 000 enfants de
troisième rang et plus, et cela est tombé, en 1987, à 13
000. Tandis que si vous regardez le nombre d'enfants de premier rang, en 1951,
ils étaient de 31 000, et ils étaient de 39 000, peut-être
40 000, en 1986. Alors, on a fait mieux, je ne sais pas sur le plan relatif...
La population a changé un peu, mais il y a sûrement eu une
augmentation entre 1951 et 1986.
Pour le deuxième, c'est du même ordre, rang deux: 26 000 et
31 000. Donc, il y a une augmentation, tandis que pour le troisième
enfant et plus, c'est une diminution considérable, ils sont presque
disparus: le nombre est passé de 65 000 à 13 000. Il est vrai
que, de 1981 à 1986, pour être tout à fait complet, tout
à fait exact, il y a une diminution partout, dans toutes les
catégories, mais, si on prend les chiffres sur une plus grande... je
pense que c'est plus juste
de prendre cela sur un ensemble plus grand, sur les 35 ans en question
on s'aperçoit que, pour la société
québécoise, il y a une augmentation importante de 31 000 à
39 000 dans un cas, de 26 000 à 30 000 dans l'autre cas, mais une
diminution encore plus importante quand on touche aux familles nombreuses.
M. Jolivet: Le dernier, c'est quoi? C'est le troisième
enfant et plus?
M. Levesque: Oui.
M. Jolivet: Alors, je comprends cela.
M. Levesque: Le troisième enfant et plus...
M. Jolivet: Oui.
M. Levesque: ...qui étaient de 65 000 en 1951 et qui sont
baissés à 13 000.
M. Jolivet: Oui, mais est-ce que le ministre est capable de
comprendre qu'à cette époque-là les familles
étaient plus nombreuses qu'elles ne le sont aujourd'hui? N'oubliez pas,
ce n'est pas juste la question du troisième enfant, c'est le
troisième enfant et plus. Des familles de sept, huit enfants, ce
n'était pas rare dans le temps, même douze enfants. Aujourd'hui,
on a des familles... Même la décision... Regardez l'ensemble des
jeunes. Cela adonne bien, je suis de cette génération où
on a des enfants qui, actuellement, sont en âge d'avoir des enfants. La
première décision, d'abord, se prend plus tard dans bien des cas
qu'on ne la prenait dans notre temps, de décider de vivre maritalement,
peu importe la forme actuelle, et d'avoir aussi un enfant. Donc, la
décision du premier enfant est plus difficile à prendre
aujourd'hui qu'elle ne l'était dans le temps parce que, dans le temps,
on ne prévoyait même pas un seul enfant, on en prévoyait
parfois cinq ou six, alors qu'aujourd'hui on en prévoit un et c'est
difficile. C'est pour cela qu'une question s'est posée: Pourquoi ne pas
considérer les enfants au même niveau, peu importe le rang auquel
ils se trouvent, pour les allocations familiales? Deuxièmement,
permettre aux gens, à ce moment-là, de prendre une
première décision, soit celle d'avoir un enfant et, après
cela, les autres pourront être admissibles à de l'aide
additionnelle.
Regardez ce qui s'est passé en Allemagne qui a le même
problème que nous et au même taux que nous à peu
près. On dit: Être parent, en Allemagne, cela peut finir par
rapporter. Jugez plutôt: des allocations familiales qui totalisent 210 $
par mois pour trois enfants, une exemption d'impôt de 1800 $ par enfant.
De plus, tout nouveau ménage a droit à un prêt de 3500 $
qu'il doit rembourser à l'État sur une période de quatre
ans, soit en espèces, soit en nature, et là on met entre
parenthèses: en mettant au monde deux enfants. Depuis le 1er janvier
dernier, on a institué un congé de maternité ou, entre
parenthèses, de paternité, au choix, de dix mois, avec une
indemnité mensuelle de 500 $ et une garantie de retrouver son emploi.
Berlin, qui est dans l'autre partie, a même porté ce congé
à deux ans. L'ensemble de cette aide représente, pour un couple
avec deux enfants, un montant annuel moyen de 4690 $, si l'on tient compte des
diverses exemptions d'impôt et des services offerts gratuitement. Dans
cette ville moins populeuse que Montréal et sa banlieue, on compte 450
crèches - parce qu'eux font une différence entre garderie et
crèche - pour les enfants: crèches pour les nourrissons de moins
d'un an et garderies pour les moins de six ans pouvant accueillir 42 000
enfants. Et cela, c'est à Berlin. Privées ou publiques, les
crèches et les garderies reçoivent toutes des subventions, de
sorte que les parents paient en moyenne 50 $ par mois, gratuité pour les
pauvres et léger supplément pour les plus riches. Donc, ce sont
des mesures qui ne touchent pas simplement la politique nataliste, mais une
politique d'environnement et de soutien à la famille. J'ai toujours cru,
j'ai toujours pensé qu'une vraie politique familiale, ce seraient des
mesures de soutien, et ces mesures de soutien doivent tenir compte de
l'ensemble des besoins de la famille. Ces besoins de la famille sont
diversifiés. C'est pour cela que je dis: Pourquoi, au lieu d'avoir
choisi d'augmenter les allocations, de maintenir le programme d'allocations,
avez-vous décidé de créer un programme d'allocations de la
naissance basé bien entendu, sur le troisième enfant en
particulier? Même si, au premier et au deuxième, vous donnez un
montant de 500 $, vous donnez 3000 $ au troisième, au quatrième,
au cinquième et au sixième, si jamais il y en a. C'est dans ce
sens que je dis: Pourquoi avoir centré vos efforts sur le
troisième enfant, peu importe les statistiques que vous me donnerez
parce que, vous les donnez dans la mesure où on sait que c'est le
troisième et plus et que vous ne retrouverez plus les familles
nombreuses d'autrefois; des gens qui ont eu des familles comme on les
connaissait dans le passé, vous n'en aurez plus. Mais, au moins, qu'on
prévoie l'augmentation de la population par le deux virgule quelque
chose qui fait le troisième enfant en favorisant aussi bien le premier,
le deuxième que le troisième enfant.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre des
Finances.
M. Levesque: M. le Président, évidemment, nous
avons fait des choix. On pourrait passer bien du temps à dire: Vous avez
fait un choix qui est différent de celui que nous aurions fait. Lorsque
vous avez décidé de la récupération des allocations
familiales, c'est un choix que vous avez fait. Vous avez dit, à ce
moment-là: Nous mettons l'accent sur les exemptions; nous abolissons,
à toutes fins utiles, les allocations familiales. Vous avez fait un
choix, un choix avec
lequel nous avons dû vivre après être arrivés
au pouvoir. Nous avons eu des critiques terribles sur ce choix que vous aviez
fait. Bon! Maintenant, nous avons fait un choix qui était basé
sur l'aide que nous voulons apporter à la famille, le soutien à
la famille. Or, si vous prenez l'annexe A, page 34 - je vous invite à le
faire - et que vous regardez l'année 1985, alors que vous étiez
membre du gouvernement de l'époque vous-même et où le taux
de natalité était celui que nous connaissons aujourd'hui - il n'y
a pas eu une grande différence entre 1985 et 1988 à ce sujet -
alors, que faisiez-vous comme soutien financier du gouvernement du
Québec à l'égard des enfants pour un couple ayant 25 000 $
de revenus de travail? Votre effort était le suivant: 1985, à
l'égard d'un enfant: 95 $; aujourd'hui, avec le budget: 1297 $. C'est un
choix que nous avons fait. A l'égard de deux enfants, votre soutien
était de 521 $; aujourd'hui: 1999 $. C'est un choix que nous avons fait.
À l'égard de trois enfants: 880 $; notre choix, 4388 $.
Vous parliez tout à l'heure du gouvernement d'Allemagne qui avait
un certain montant pour deux enfants, je crois. L'Allemagne
fédérale fait cela, mais, nous, pour avoir ce que notre famille
québécoise reçoit, il faut évidemment y ajouter le
soutien du gouvernement fédéral. Or, lorsqu'on fait cet exercice,
on arrive, pour cette même famille à l'égard d'un enfant,
à 2089 $; deux enfants, à 3914 $ - on n'est pas loin du chiffre
que vous nous avez donné tout à l'heure - et à
l'égard de trois enfants, à 7932 $. C'est évidemment le
résultat de choix que nous avons faits. Mais il faut que vous
compreniez, M. le Président, il faut que le député de
Laviolette comprenne et que l'Opposition comprenne que notre politique n'est
pas une politique nataliste. Non. Il me semble que je l'ai dit et je le
répète pour l'édification du député: Si nous
avions pris la majeure partie des sommes que nous avions à
dépenser, à consacrer à la famille, et qu'on l'avait
dirigée à la naissance du troisième enfant, je comprends
qu'on pourrait parler de cela: Vous auriez dû peut-être y ajouter
le deuxième et le premier. Ce n'est pas ce que l'on a fait. On a fait
une politique familiale qui a pour effet de soutenir la famille. La famille,
cela veut dire un couple avec au moins un enfant ou une personne monoparentale
avec un enfant. C'est cela une famille. Presque toutes les sommes qui sont de
l'ordre de 772 000 000 $ s'en vont à la famille de un enfant, deux
enfants, trois enfants, sauf qu'il y a un élément de 33 000 000 $
qui touche les trois enfants et plus, les 3000 $ dont vous parlez. C'est 33 000
000 $ sur 772 000 000 $. Je pense qu'il faut être juste quand on parle de
politique nataliste.
M. Jolivet: M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Plusieurs groupes ont réagi au budget et
disent que la somme de 3000 $ pour le troisième enfant est un leurre,
que le gouvernement aurait dû privilégier le premier et le
deuxième enfant, notamment par l'accroissement des allocations
familiales. Je parle de l'Association des affaires sociales et de la famille,
de la COFAQ, de la CSN, des gens de la Fédération des femmes du
Québec, du Regroupement des centres de femmes du Québec, du
Regroupement des centres de santé des femmes du Québec et de
l'Association des familles monoparentales du Québec. L'ensemble de ces
associations ont fait mention des soutiens négatifs, donc des
crocs-en-jambe que lui donne le gouvernement quand on arrive dans toute la
question de l'aide sociale. Quand on regarde l'ensemble des garderies, le
ministre se plaît à dire: Mon Dieu Seigneur, on va mettre 60 000
garderies. Quand on lit le texte, c'est 60 000 places en garderie sur 7 ans.
C'est bien beau de lancer un tel chiffre. Quelqu'un m'a appelé chez moi
hier soir pour me demander: M. Jolivet, il y a un nouveau programme qui va
être établi par le ministre sur la question de
l'accessibilité à la propriété. Il a fallu d'abord
lui répéter que le programme qui avait été mis en
place par le Parti québécois avait créé de l'aide
pour 58 000 familles, pour environ 135 000 000 $, que le gouvernement
libéral, à son arrivée, l'avait fait tomber et
qu'aujourd'hui il se faisait applaudir sur un nouveau programme
d'accessibilité à la propriété qui était
moins généreux et qui s'adressait à des familles de deux
enfants au départ. Votre choix de trois enfants va loin. Il va jusque
dans vos programmes. Vous établissez qu'on doit d'abord avoir deux
enfants, alors qu'avec l'ancien programme c'était d'avoir au moins un
enfant de moins de 12 ans et les enfants subséquents étaient
subventionnés et aidés.
Je dis, M. le ministre, que vous avez leurré le monde et que vous
n'êtes pas capable de l'accepter. Quand on parle de l'ensemble de ces
programmes: 60 000 places en garderie sur 7 ans, programme
d'accessibilité à la propriété moins bon que celui
d'avant que vous avez aboli, il me semble que vous avez basé votre choix
sur le troisième enfant. La question que je pose est primordiale:
Pourquoi le troisième enfant et pourquoi ne pas garder les enfants sur
le même pied, ce qui est demandé par bien du monde?
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Laviolette, votre temps est terminé. M. le
ministre des Finances.
M. Levesque: M. le Président, je dois vous dire que le
programme d'accès à la propriété dont parle le
député de Laviolette s'est terminé à peu
près avec le gouvernement qui nous a précédés.
C'était dans les derniers sursauts du programme. On n'a même pas
eu à y mettre fin, il mourait de sa belle mort.
Ce que nous faisons présentement n'est pas dans la même
optique que le programme Corvée-habitation, qui a eu lieu au
moment...
M. Jolivet: Corvée-habitation, c'est...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Laviolette, s'il vous plaît...
M. Jolivet: II faut rectifier.
Le Président (M. Lemieux): Oui, mais...
M. Jolivet: Corvée-habitation, c'était un programme
avec les syndicats. C'était autre chose.
M. Levesque: Non, mais...
M. Jolivet: Je parle du programme d'accessibilité à
la propriété résidentielle.
M. Levesque: D'accord. Je prends les termes du
député. À ce moment-là, cela avait
été mis de l'avant. Pourquoi? Est-ce que le contexte
économique était le même? Est-ce que les taux
d'intérêt étaient les mêmes? Est-ce que la
construction résidentielle était la même? Nous venons
d'avoir des records de construction résidentielle. En 1987, il y a eu 75
000 nouvelles mises en chantier, le plus haut niveau jamais atteint. (16
heures)
Alors, ce n'est pas pour cela que nous sommes venus avec cette
mesure-là, ce n'était pas dans le même contexte, avec des
taux d'intérêt élevés, avec une industrie de la
construction défaillante. C'est une mesure qui n'est pas du tout dans la
même optique que celle dont parle le député. Le
problème n'est pas que l'industrie de la construction était
faible. Ce n'était pas qu'il manquait de logements; le taux de vacances
a augmenté dans le logement, comme on le sait.
M. Jolivet: Mais, monsieur,...
M. Levesque: Est-ce que je peux finir de parler?
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît, M. le
député de Laviolette!
M. Levesque: Depuis quand m'interrompez-vous comme cela, à
toutes les minutes?
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre des
Finances.
M. Jolivet: Je veux juste m'assurer qu'on se comprenne bien.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Laviolette, le temps de parole est au ministre. M. le ministre.
M. Levesque: Je n'ai pas d'objection, s'il veut m'aider.
Le Président (M. Lemieux): Alors, si vous n'avez pas
d'objection, M. le ministre des Finances. Si vous voulez aider le ministre des
Finances, M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: Je veux bien comprendre parce qu'on parle de deux
choses. Il y a le programme d'accessibilité à la
propriété résidentielle qui est une chose et l'autre
programme qui était le programme Corvée-habitation. Le programme
Corvée-habitation était dans un contexte difficile, vous en
convenez, à des taux d'intérêt difficiles, et
c'était un programme gouvernemental. Donc, Corvée-habitation,
c'était une entente avec les syndicats. Chacun mettait une partie
d'argent pour permettre, justement, les changements. Ça, c'était
Corvée-habitation, mais le programme permettant l'accessibilité
à la propriété résidentielle, c'était autre
chose et c'était destiné aux familles ayant un enfant de moins de
douze ans. Pour tout enfant additionnel venant se greffer à la famille,
il y avait une subvention de l'ordre de 2000 $. Ça, c'était un
programme. Vous me dites que vous mettez un programme pour aider la famille et
je vous dis que vous le basez sur le troisième enfant. Quand vous me
dites que les critères sont différents, j'en conviens. D'abord,
c'est sur sept ans; deuxièmement, c'est 75 000 $ quant à
l'emplacement choisi; troisièmement, au minimum, il faut que la famille
ait deux enfants. J'ai dit au jeune couple qui s'établit: D'abord, vous
n'avez pas d'enfant, donc, vous êtes déjà
éliminés. De l'un ou de l'autre - j'ai été
honnête - de l'un ou de l'autre, vous auriez été
éliminés. Deuxièmement, si vous en aviez eu un, ce ne
serait pas suffisant. Il faudrait que vous en ayez deux. Donc, avant de
commencer, c'est le troisième. Ma question est toujours la même:
Pourquoi ce programme qui s'en vient est-il basé sur le troisième
enfant plutôt que de l'aide à la famille? Pourquoi le
troisième enfant toujours? Pourquoi ne pas garder le programme tel qu'il
était?
M. Levesque: Tout d'abord, M. le Président, je ne sais pas
où il prend le troisième enfant. Si on en a deux, on a droit au
programme. On n'est pas obligé d'en avoir un troisième.
M. Jolivet: Je n'ai pas dit qu'il y en avait un troisième.
Je dis: Si pour y avoir droit, il faut en avoir deux, donc, c'est basé
sur une politique. Vous avez derrière la tête qu'au bout de la
course il va y avoir un troisième enfant. Vous incitez le monde... Je
n'oserais pas dire que vous incitez la femme à procréer, j'irais
trop loin, mais on dirait que c'est l'intention que vous avez. À mon
avis, c'est négatif.
M. Levesque: Moi, j'aimerais bien être jugé sur les
textes, jugé sur le discours que j'ai prononcé plutôt que
sur les intentions qu'on me prête. Maintenant, si cela pouvait avoir pour
effet ce que vous dites, je ne pourrais pas m'opposer à cet
effet-là. Si c'est une conséquence que vous jugez, si vous, vous
croyez que c'est une conséquence de cela et que cela favoriserait la
venue d'un troisième enfant, je ne m'opposerais pas à cela, mais
je n'ai pas dit cela. Ce que j'ai dit, c'est: Voici un programme d'accès
à la propriété qui sera fait selon certaines
modalités qui seront d'ailleurs confirmées par le ministre
responsable de l'Habitation. Je ne suis pas le ministre responsable de
l'Habitation et je n'ai pas, comme tel, à élaborer toute la
politique d'habitation. Comme nous l'avons fait pour les garderies, comme nous
l'avons fait pour la naissance d'un premier enfant, comme nous l'avons fait
dans plusieurs autres mesures, c'est un ensemble de mesures, d'abord de soutien
à la famille, mais également une série de mesures qui, je
l'espère, vont créer des conditions favorables à
l'établissement de familles. Nous croyons que, pour une première
résidence, une famille avec deux enfants, souvent, songe à
acquérir une résidence et nous avons mis des conditions là
qui sont favorables, parce que qu'est-ce qui manque souvent aux jeunes couples?
C'est ce qu'on appelle la mise de fonds, le "down payment", si vous voulez. Et
là, ils peuvent l'obtenir avec la garantie du gouvernement, et le
gouvernement s'engage à payer les intérêts pour sept
ans.
C'est cela qu'on a fait. C'est pas plus compliqué que cela, c'est
pas plus malin que cela. Mais, encore là, vous, vous auriez
peut-être fait d'autres choix. Ah! Parfait. Je ne dis pas que nous avons
la seule solution, que nous avons la seule vérité. Nous avons
fait un choix et, si j'en juge par la façon dont c'est reçu par
la population, nos choix ne sont pas si mauvais quant à leur
correspondance avec les aspirations de la population.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances.
M. Jolivet: Je peux vous dire que la personne a
déchanté quand elle a su que c'était ça, parce que
ce n'est pas de même qu'elle le percevait.
Autre chose, la question des garderies dont je faisais mention tout
à l'heure. Quand vous parlez des garderies, le monde dit: C'est beau,
c'est formidable. Tout d'un coup, on s'aperçoit que c'est sur sept ans.
Ce n'est plus pareil, on déchante. Ensuite, on parle d'autres mesures
qui ont été mises en place ou qui seront mises en place et on
voit l'ensemble des effets. Le soir du budget, je sais qu'il y a des gens qui
ont dit: Enfin, un premier pas et, quelques jours après, ils
rectifiaient un peu en disant: On est peut-être allé un peu trop
vite, on s'est fait avoir, comme on dit en bon québécois. Ils se
sont fait avoir par l'image que vous avez lancée en disant: Voici... On
en mettait plein la vue. Je dois vous dire que, quand on la regarde bien
à fond, on s'aperçoit que la politique de départ... Le
ministre délégué à la Famille l'a dit quand on l'a
interrogé et vous en faites mention vous aussi: c'est le
troisième enfant qui est votre décision. Vous dites: C'est notre
décision. Je vous demande: Expliquez-moi votre décision autrement
qu'en me disant que cela va favoriser. La question qui va survenir, c'est:
Comment allez-vous être capable de monter votre objectif de
natalité au Québec à 1,8 enfant par famille, quelle que
soit la forme de la famille, bien entendu?
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre des
Finances.
M. Levesque: Disons tout d'abord que, lorsque vous résumez
le budget de la façon que vous le faites, vous oubliez les choses
majeures du budget, c'est-à-dire une réduction d'impôt pour
les gens. Les gens vont payer moins d'impôt, 1 257 772 000 $ pour les
familles du Québec. Cela, c'est concret. Les gens ont compris cela. Les
gens ont compris que l'on verrait les impôts, pour une fois, diminuer
considérablement. Ce n'est pas des pinottes, 1 257 000 000 $ de
diminution d'impôt, dont 61 % pour la famille québécoise,
en même temps qu'une réduction du déficit. Les gens en
avaient assez de cet endettement continuel du Québec. Pour une fois, on
voit une volonté s'affirmer, des efforts faits pendant deux ans et demi
pour réduire ce déficit, pour contrôler les
dépenses, pour accroître les emplois, 100 000 emplois en 1987. Et
là on voit que cela finit par se traduire par une réduction du
déficit de 750 000 000 $ en un an. On s'en va vers une situation saine
dans les finances publiques. Cela est majeur dans ce budget.
Maintenant, lorsqu'on va dans les détails du budget, on peut
trouver qu'il y a des choix qui ont été faits et qui n'auraient
pas été ceux du député de Laviolette. Bien, j'en
conviens. Si vous aviez été à ma place, peut-être
que vous auriez fait d'autres choix, un peu, par exemple, comme lorsque, en
1985, vous avez choisi d'abolir les allocations familiales, à toutes
fins utiles. Il fallait les retourner. C'est un choix que vous avez fait. Vous
avez mis l'accent, par exemple, pour être juste, sur les exemptions. Vous
l'avez fait, ce choix. Mais le choix n'a pas été très
populaire. D'après ce que j'ai vu, lorsque vous n'étiez plus
là pour recevoir les critiques, vous étiez déjà
partis, lorsque les gens ont eu à remplir leur rapport d'impôt et
qu'ils ont été obligés de remettre les allocations
familiales, je vous assure que ce n'était pas drôle.
M. Jolivet: II y a eu un budget au mois de décembre.
M. Levesque: C'est un choix que vous avez
fait. C'est un choix dont vous êtes responsables. M. Jolivet:
Vous avez...
M. Levesque: Vous l'avez fait. À ce moment-là, on
vous a dit: Vous faites erreur. Vous avez dit: Non, c'est notre choix. C'est un
choix que vous avez fait. Ici, nous avons les choix que nous avons faits.
Lorsque, par exemple, vous avez diminué de 20 % les salaires dans la
fonction publique et parapublique, c'est un choix que vous avez fait, n'est-ce
pas? C'est un choix.
M. Jolivet: Vous n'aviez pas cela dans le budget.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Non, mais il y aurait cela dans le déficit. Il
y aurait cela dans le déficit.
M. Levesque: Mais, si vous l'avez gaspillé dans la
même année que vous avez fait des réunions...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Laviolette, s'il vous plaît, la parole est au ministre des Finances! M.
le député de Laviolette!
M. Levesque: Lorque vous avez fait des réunions à
Compton et partout, vous avez pris cet argent et vous l'avez
dépensé, au lieu, justement, de l'investir dans l'avenir. Vous
avez fait des choix. Vous avez fart des choix. C'est cela, les choix. Nous,
nous avons des choix qui, j'en suis convaincu, vont recevoir l'approbation de
la population. La population réagit déjà d'une
façon... Vous le savez, vous avez peut-être pu trouver quelqu'un
qui a trouvé des petits poux. Mais il le sait, parce qu'il est
intelligent, le député de Laviolette...
M. Jolivet: Ha, ha, ha!
M. Levesque: ...il sait que cela a été reçu
de façon merveilleuse par la population à travers le
Québec. On est ici pour discuter de certaines modalités.
Là, on arrive dans des choix. Vous, vous dites: J'aurais fait cela de
cette façon-là. Pour l'accès à la
propriété, je pense que j'aurais commencé à un
enfant au lieu de deux. Je respecte cela, cela aurait été votre
choix. Mais, pour cela, vous auriez été obligés de trouver
l'argent. Ne vous imaginez pas que vous en imprimez, pas plus que moi. Alors,
vous auriez été obligés, peut-être, de diminuer
ailleurs, quelque chose: Parce qu'on ne peut pas tout faire, malgré
toute notre bonne volonté. Il y a des choix, des arbitrages. Je pense
que nous avons fait un budget équilibré. Nous avons essayé
de répondre aux aspirations et aux besoins de la population avec les
ressources que nous avions à notre disposition. Voilà!
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances. M. le député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Oui, M. le Président. Pour
compléter et faire le tour de la question de la politique familiale, je
suis obligé de dire au ministre des Finances que non seulement je ne
suis pas d'accord avec son analyse, mais qu'il y aurait peut-être lieu
que le ministre des Finances, M. le Président, puisse lire un peu ce qui
est sorti dans les journaux depuis le 12 mai. C'est vrai qu'il y a eu certains
bons points - d'ailleurs nous l'avons aussi souligné... mais quand on
parle de la politique familiale, quand on parle des 3000 $ pour le
troisième enfant, quand on parle du programme d'accessibilité
à la propriété, je ne pense pas que le ministre des
Finances ait pu trouver, après analyse, pas le soir même et pas
dans les heures qui ont suivi... Parce que le discours sur le budget du
ministre des Finances était bien enrobé, bien emballé.
C'est sûr que la réaction de M. Tout-le-Monde qui a
écouté cela a été de trouver que c'était un
bon budget. Mais attention M. le ministre des Finances, on va se revoir au
cours des prochaines semaines, on va se revoir au cours des prochains mois! Je
vous parle de l'analyse que les gens en font. Vous avez sûrement lu
Lysiane Gagnon, dans La Presse du 17 mai, soit cinq jours après,
vous avez dû lire ce qu'elle disait concernant particulièrement le
programme d'accessibilité à la propriété. Vous avez
dû lire, lorsqu'elle pariait du "boni-bébé", que
c'était un écran de fumée. Vous avez dû lire cela.
Vous consacrez suffisamment d'attention pour être capable de regarder les
deux côtés de la médaille. Ce n'est pas juste l'Opposition
qui crie au scandale, puis qui cherche de petites bebites!
M. Levesque: ...scandale.
M. Parent (Bertrand): C'est quand même important que vous
puissiez constater à quel point... SI vous n'aimez pas le mot scandale,
M. le ministre des Finances, on utilisera d'autres mots, mais, moi, j'utilise
les termes que je veux bien utiliser. On n'est pas les seuls à penser
que ces mesures annoncées pour la famille...
Vous nous dites: Écoutez, c'est merveilleux, on a baissé
les impôts de 1 000 000 000 $. Bon, premièrement, pour 1988, ce
n'est pas 1 000 000 000 $, c'est 600 000 000 $ et quelque. Je pense qu'il faut
aussi être conscient de cela. Mais combien êtes-vous allé
chercher d'argent dans les poches des contribuables au cours de la
dernière année? Combien d'argent avez-vous annoncé...
L'argent pris dans les poches des contribuables, on le retrouve quelque part,
dans les annexes, c'est 600 000 000 $ et quelque additionnels qui avaient
été prévus au budget l'année passée. On
retrouve cela à l'annexe C page 5: Les variations par rapport au budget
de
l'an passé: 636 000 000 $ pour l'impôt sur le revenu des
particuliers. Puis il y a les mesures que le ministre des Finances a
annoncées le 18 décembre dernier. Il s'en souviendra: un montant
de 325 000 000 $ qu'il a annoncé sans tambour ni trompette. Il l'a
annoncé, montant qui était...
M. Levesque: En pleine Chambre.
M. Parent (Bertrand): Ah! En pleine Chambre! Bien oui, on
décrète. On décrète des impôts par
déclaration ministérielle, puis on annonce les bonnes nouvelles
par le discours sur le budget.
M. Levesque: Ce ne sont pas des impôts, ce sont des
abolitions d'abris fiscaux.
M. Parent (Bertrand): D'accord. Alors, de toute façon,
quoique je dise, le ministre des Finances pourra l'interpréter comme il
le veut, mais l'analyse que je fais, c'est que cet argent-là, vous ne
l'avez pas pris dans la compression des dépenses. Cet argent-là
vient de quelque part. La plus grande partie de cet argent vient
carrément de différentes formes de taxes, de différentes
formes d'impôt que vous êtes allé chercher dans les poches
des contribuables. Les gens ne sont pas complètement fous; les gens sont
capables de réaliser ces choses-là.
Vous nous parlez de la politique d'accès à la
propriété. Mon collègue, le député de
Shef-ford, qui est retenu cet après-midi à une autre commission
parlementaire, viendra probablement ce soir ou demain...
M. Levesque:...
(16 h 15)
M. Parent (Bertrand): Mon collègue, le
député de Shefford, qui va traiter d'habitation - il devait venir
cet après-midi, mais on lui a demandé de siéger à
une autre commission parlementaire - viendra au cours des prochaines heures, ce
soir ou demain, pour justement poser des questions au ministre des Finances
là-dessus, sur fa question de l'habitation, sur la politique
d'accessibilité.
Mais, M. le ministre des Finances, vous savez fort bien que le programme
que vous venez d'annoncer, et à propos duquel vous dites: Cela fait
l'unanimité, cela fait le bonheur de tout le monde, de la
majorité des gens, je ne suis pas d'accord avec vous. Vous avez dit en
Chambre, et vous avez répété tantôt que vous n'aviez
rien aboli concernant un programme similaire, et on ne parle pas de
Corvée-habitation, on parle du programme d'accessibilité à
la propriété qui existait. On a le décret du Conseil des
ministres, je n'ai pas le numéro avec moi, un décret qui a aboli,
à toutes fins utiles, en 1986, le programme d'accessibilité. Il
ne faut pas nous dire: Je n'ai rien aboli. Il y a eu un décret dans ce
sens-là qui a aboli.
Et quand vous nous dites que votre politique d'accessibilité pour
la propriété et les normes que vous mettez, c'est une bonne
politique, que c'est un choix que vous avez fait, nous, l'analyse qu'on fait,
c'est que c'est un choix qui n'est pas correct, qui ne répond pas aux
besoins. Avec 75 000 $, M. le ministre des Finances, vous le savez fort bien,
dans les grandes agglomérations, où vit la majorité de la
population, où voulez-vous aller? Le député de
Mille-Îles pourrait me dire où à Laval on peut trouver des
maisons de 75 000 $, terrain inclus, tout inclus. Ce n'est pas facile de
trouver, parce que 75 000 $ c'est bien en-deçà de la moyenne des
valeurs des propriétés, et on sait qu'à Montréal
c'est en haut de 100 000 $.
Une autre mesure qui n'a pas été prise en
considération, c'est que de plus en plus les municipalités, dans
les périphéries, utilisent ce qu'on appelle la formule des 100 %
ou des 50 % de tous les services qui sont rendus à la
propriété. Alors, dans ce sens-là, si je prends un exemple
à Boucherville, un cas que je connais, une propriété, au
départ, lorsqu'elle est vendue, pour les nouvelles
propriétés qui sont construites, il y a tout de suite 15 000 $ de
frais inhérents pour les différents coûts de services. Les
services sont défrayés par le constructeur, donc, par le
propriétaire. C'est-à-dire que la valeur moyenne de vente d'un
terrain au minimum, un terrain de 8000 pieds carrés ou 6000 pieds
carrés, à 3 $ le pied carré, ou mettez-les à 2 $,
sera de 12 000 $ ou 15 000 $ pour le terrain, plus environ 12 000 $ pour les
services. Avant qu'on ait commencé a construire une maison, il y a 25
000 $ ou 30 000 $ de pris en considération dans le prix de vente de la
maison. Ce ne sont pas des chiffres en l'air, ce sont des
réalités. Vous savez qu'une maison on ne peut pas la construire
aujourd'hui, si petite soit-elle en pieds carrés, en bas de 75 000 $, 80
000 $ ou 85 000 $. C'est que, dans leur ensemble, les propriétés
ne pourront pas être accessibles à 75 000 $.
Dans ce sens-là on dit au ministre des Finances: Écoutez,
on pense que les critères que vous avez mis ne sont pas corrects, c'est
un choix que vous avez fait, mais on pense qu'il n'est pas correct, et il est
appuyé par un tas de monde. Moi aussi, j'en ai eu des
téléphones à mon bureau de comté et je suis
sûr que les députés en ont eu pour savoir quelles
étaient les conditions. Parce que cela a bien sorti. C'est un bel
exemple de ce que mon collègue, le député de Laviolette, a
mentionné tantôt, d'une dimension de leurre qu'il y a eu dans le
discours sur le budget. C'est ce qu'on dit.
Bien sûr qu'on aurait agi différemment, parce qu'on a des
priorités qui sont différentes, mais que le ministre des Finances
nous dise: Écoutez ma politique familiale - ou le soutien à la
famille, comme il dit - c'est un ensemble de mesures que j'ai prises... Je dis:
Allons, on va les regarder, l'ensemble des mesures. La mesure sur les 3 000 $
du troisième enfant, c'est une mesure qui est loin d'être si
emballante. Elle a frappé à
première vue, mais un coup qu'on l'a décortiquée,
il n'y a rien là et d'ailleurs tous les groupes pour la famille vont
dans ce sens-là. C'est clair, les articles de journaux sont là
pour le prouver. Mais, quand on regarde l'autre mesure qui a été
prise, celle qui concerne les garderies, le ministre des Finances disait
tantôt à mon collègue de Laviolette: Écoutez, on a
annoncé 60 000 places d'ici sept ans. Parlons-en des garderies, 60 000
places d'ici sept ans. Au cours de la dernière année, 1987-1988,
Mme la ministre Gagnon-Tremblay, Mme la ministre responsable de ce
dossier-là, celui des garderies, a ouvert 5670 places en garderie. Et,
cette année, elle prévoit en ouvrir 5095, c'est-à-dire
qu'elle prévoit, malgré tout ce que le ministre nous annonce,
qu'il va ouvrir 575 places de moins cette année. Et l'annonce des 60 000
en garderie pour sept ans, pour autant que je suis concerné, sans
être un spécialiste en la matière, mais d'après ce
que j'ai comme information - si je suis dans les patates, si je suis à
côté de la traque, le ministre me corrigera - cela n'apporte
absolument rien de neuf au dossier des garderies, parce qu'en décembre
1987 le gouvernement fédéral a rendu publique sa politique sur
les services de garde. Il prévoyait quelque 200 000 places de garde pour
sept ans, dont 60 000 au Québec.
Cela me fait penser un peu à la recherche et
développement. Le ministre nous annonce des choses, oui, mais elles sont
déjà là. Un discours sur le budget, c'est pour nous faire
un bilan de ce qu'il y a dedans et de ce qu'on a fait devant les
dernières années. Quelles sont les nouvelles mesures? La mesure
de 60 000 places pour sept ans, ce n'est rien de nouveau si ce n'est la
politique du gouvernement fédéral qu'il a rendue publique au mois
de décembre. Présentement, le Québec est en train de
négocier sur les modalités, pas sur le nombre de places. Cela n'a
rien à voir et cela ne fait rien actuellement comme nouvelle mesure et
comme nouvelle initiative que le Québec prend là-dedans. Si les
chiffres qu'on avance en matière de garderie, en matière de
politique familiale, en matière d'accessibilité à la
propriété ne sont pas corrects, que le ministre les corrige, mais
je vous dis qu'à partir de l'analyse des chiffres qu'on a ce n'est pas
si bon que cela. Dans certains cas - le cas des garderies est un bel exemple -
il n'y a absolument rien de nouveau. Dans le cas de la nouvelle politique
d'accessibilité à la propriété, je vous dis: Cela
va être un flop, M. le ministre. Cela va être un flop monumental.
On pourra le juger dans le temps, bien sûr, dans un an d'ici, mais je ne
pense pas que c'était... Le but de votre budget était
certainement de mettre des mesures qui aient des résultats. Cela
coûte de l'argent au bout. Mais oui, bravol Mais vous avez prévu,
si ma mémoire est bonne, 5 000 000 $ cette année pour la
politique d'accessibilité et 9 000 000 $ l'an prochain. Je vous garantis
et je suis pas mal assuré que cela ne vous coûtera même pas
cela parce que, forcément, il n'y aura pas de suite par rapport à
cela.
La question qui se pose, c'est: Est-ce que les mesures que vous avez
prises sont vraiment des mesures pour le soutien à la famille, comme
vous l'affirmez? Je trouve que ce ne sont pas des mesures du tout parce que,
d'abord, il n'y a pas de politique globale, il n'y a pas de politique pour les
frais de garde, il n'y a pas de politiques qui font en sorte que cela incite un
homme et une femme qui sont mariés, qui n'ont pas d'enfants ou qui en
ont un ou deux, à aller de l'avant. Il n'y a pas de politique globale.
Il y a des petites mesures qui ont été annoncées et qui
sont de la poudre aux yeux.
En terminant sur la question de la politique familiale, je vous dis que
je ne pense pas que les mesures qui ont été annoncées, qui
sont analysées de façon très précise plus les jours
avancent, sont assurément un ensemble de mesures favorables même
si vous nous mettez des chiffres plein la vue. Les chiffres ne m'épatent
pas outre mesure parce que je sais que ce que vous donnez d'un
côté, vous êtes allés le chercher de l'autre
côté.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Bertrand. M. le ministre des Finances.
M. Levesque: Alors, M. le Président, simplement pour
ajouter un peu à cette discussion fort intéressante, je
l'espère. Il y a deux sujets qui ont été abordés
par le député de Bertrand. Premièrement, le programme
d'accès à la propriété et deuxièmement, le
service de garde. Prenons tout d'abord le programme d'accès à la
propriété. Le député nous dit: Bon, vous avez fait
des choix, mais d'après les critères, les modalités, cela
ne marchera pas. Vous ne dépenserez pas l'argent qui est prévu au
budget à ces fins. Bon! Je ne puis que lui dire qu'il va falloir
attendre. Je ne suis pas un prophète comme il peut l'être, mais je
serai en mesure - si ce n'est pas moi, ce sera quelqu'un qui viendra
après moi - dans un an, de refaire cette discussion avec lui ou un autre
s'il n'est plus là. Quant à moi, j'ai raison de croire,
d'après les données qui m'ont été fournies, que
cela répond à un besoin. D'ailleurs, les réactions que
nous avons sur ce programme à l'heure actuelle sont telles que j'ai
rarement vu un intérêt aussi marqué pour ce programme. Il
est vrai qu'il y a eu une note discordante venant de l'île de
Montréal disant tout simplement: Le programme est bon, nous l'aimons,
mais nous aimerions que vous changiez le chiffre de 75 000 $ pour un autre. On
m'a même suggéré des chiffres comme 90 000 $, etc. Bon! Ma
réaction à cela a été, je pense, très
raisonnable. Je ne me suis pas cantonné dans une fin de non-recevoir. Je
n'ai pas prétendu que j'étais le seul à avoir la
vérité. J'ai dit que nous avions eu l'occasion de discuter
chacune des modalités du programme et que, quant à cette partie,
cet aspect-là du programme,
nous en avions discuté à la lumière des
renseignements et des données qui nous étaient disponibles, mais
que, si le ministre responsable de l'Habitation arrivait à la conclusion
qu'il fallait apporter un amendement, rien n'était exclu. Mais, pour le
moment, je pense qu'il faut continuer avec le programme tel que nous l'avons
énoncé dans notre budget.
Qu'est-ce que c'est qui arrive là? Regardons ce que dit la
Société canadienne d'hypothèques et de logement. Les
données de la société révèlent que le prix
moyen des malsons individuelles neuves s'établissait comme suit - et
là, j'ai toute une liste, je pourrais vous donner quelques exemples - en
1987, 60 000 $ à Trois-Rivières; 75 000 $ à Québec;
86 000 $ à Montréal. Ce sont des exemples que nous donne la
Société canadienne d'hypothèques et de logement. Cette
même compilation montre que, dans la région de Montréal, 45
% des maisons unifami-liales neuves ont été achetées
à un prix inférieur à 80 000 $. Je prends les chiffres de
la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Et de
plus, le prix moyen des maisons serait plus faible si on avait
considéré dans l'échantillon les maisons usagées
ainsi que d'autres types de maisons comme les condos, les maisons
jumelées, les maisons en rangées.
Le chiffre de 75 000 $ n'a pas été sorti comme cela, d'un
chapeau. Nous avons ici, et nous avions des données qui nous amenaient
à conclure que ce chiffre-là répondait aux besoins du
programme et aux besoins de la population concernée. Nous n'avions pas
l'intention de dire: On va viser le château à tel endroit
huppé. Ce n'est pas cela que nous recherchions. Nous voulions
répondre à un besoin plutôt modeste qu'autrement, pour des
gens qui recourent à ce programme-là. Parce qu'il ne faut jamais
oublier une chose, c'est qu'on prend de l'argent chez des contribuables pour
aider d'autres contribuables et, dans ce sens-là, il faut essayer de
viser le plus juste possible sans pécher par une
générosité injustifiée.
Par contre, la maison Royal Lepage Services Immobiliers Itée,
elle, a une valeur moyenne plus élevée que la
Société canadienne d'hypothèques et de logement. La
moyenne - et je pense que ce sont les chiffres qui ont été
utilisés par certains intervenants pour dire qu'il fallait,
peut-être, modifier le chiffre - cette moyenne était de 105 000 $
pour la société Royal Lepage. Selon la compilation de Royal
Lepage concernant le marché secondaire des logements, une maison
individuelle coûtait, le 1er janvier 1988, entre 76 000 $ et 150 000 $
dans la région de Montréal; entre 72 000 $ et 145 000 $ dans la
région de Québec; ailleurs en province, le prix variait entre 55
000 $ à Shawinigan-Sud et 110 000 $ à Hull. Toujours selon Royal
Lepage, le prix d'achat d'un condo typique, dans la région de
Montréal, variait entre 63 000 $ et 170 000 $. Le prix du même
condo, dans la région de Québec, oscillait entre 66 000 $et90 000
$.
(16 h 30)
Les prix moyens des maisons contenus dans les études de Royal
Lepage correspondent à des modèles types de résidence qui
surestiment la valeur réelle du marché et qui ne correspondent
pas nécessairement à des types de maisons visées par le
nouveau programme. À titre d'exemple, la maison individuelle type
comprend trois chambres à coucher, un sous-sol non fini et un garage
intérieur pour une voiture. De plus, les prix indiqués
comprennent la commission du courtier, soit 7 % environ. La superficie totale,
à l'exception du garage est de 1200 pieds carrés, alors que le
terrain mesure 5500 pieds carrés. Les catégories de
résidence telles les maisons en rangées, les jumelées,
n'apparaissent pas dans ces études. Pourtant, on le sait, le prix moyen
de ces types de résidence est plus faible.
En un mot, encore une fois, nous n'avons pas pris le chiffre de 75 000 $
au hasard. Nous l'avons pris après une étude des données
dont je viens de vous révéler une partie assez significative.
Mais, encore là, je le répète, si le ministre responsable
de l'Habitation revient avec des données modifiées, avec des
conclusions différentes, pour telle ou telle raison, je suis prêt
à le revoir. Je pense que le programme mérite d'être
appuyé, mais, par contre, il ne faut pas, là comme ailleurs,
pécher par une générosité - entre guillemets -
injustifiée. Ce qu'on veut, c'est atteindre les fins du programme, mais
ne pas avoir à verser des sommes qui ne pourraient pas se
défendre dans une gestion serrée des dépenses comme nous
allons continuer à le faire, comme nous l'avons fait jusqu'à
maintenant. Dans le sens suivant, c'est que nous voulons toujours être en
mesure, autant que possible, et cela est bien important pour nous, de nous
assurer des finances saines, de pouvoir dégager une marge de manoeuvre
éventuelle encore plus grande pour utiliser ces ressources, de ramener
encore plus de santé dans les finances publiques et de diminuer le
déficit annuel tout en pouvant libérer le contribuable d'un
fardeau fiscal trop élevé. Voilà.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances.
M. Levesque: Et maintenant, M. le Président, puisqu'il me
reste du temps, je voudrais aborder l'autre sujet: les services de garde. Je
crois qu'il est important, lorsqu'on considère...
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre des Finances, je
croyais qu'il vous restait du temps, mais il ne vous en reste plus. Est-ce que
vous...
M. Levesque: Je reviendrai, M. le Président, sur les
services de garde.
Le Président (M. Lemieux): Vous pourrez revenir. M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Oui, parce que j'aimerais cela, des fois,
placer un petit mot.
M. Levesque: D'accord.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Je vais vous laisser revenir tantôt
sur les services de garde, par rapport à ce que je vous ai
mentionné sur les 60 000 places. Concernant les propos que vous venez de
tenir, d'un côté vous nous dites: C'est une bonne mesure. Voici
sur quoi on s'est appuyé. Puis, vous nous dites: On ne l'a pas sorti
d'un chapeau. J'ai tout lieu de le croire. Vous nous dites, du même
souffle: Si le ministre responsable de l'Habitation est prêt à
faire des recommandations autres, je suis prêt à les envisager.
Alors, je me dis: Bravo! Espérons que le ministre va en faire parce
qu'il y a plusieurs groupes de pression qui sont en train de s'organiser de ce
côté-là. Je ne comprends pas qu'à deux semaines du
discours sur le budget le ministre des Finances soit déjà
prêt à réviser ce qu'il a mis dans le discours sur le
budget.
M. Levesque: C'est la différence entre un libéral
et un doctrinaire péquiste. C'est l'approche pragmatique...
M. Parent (Bertrand): Oui, mais...
M. Levesque: ...avec l'humilité, qui doit aller avec
n'importe quelle mesure. Elle doit être accompagnée d'un peu
d'humilité. S'il y a une erreur, on veut la corriger, et le plus
tôt possible.
M. Parent (Bertrand): Je suis très heureux d'entendre
cela. Mais je lui dirai que, s'il y a des doctrinaires, je n'en suis pas un, au
cas où le ministre se méprendrait sur ma personne. Je lui
demanderais, s'il...
M. Levesque: J'ai toujours pensé que vous vous
étiez trompé de voie, que vous auriez été pas pire
dans le Parti libéral. On vous aurait...
Une voix: Vous pouvez continuer à le penser, M. le
Président.
M. Levesque: Pardon?
M. Parent (Bertrand): Alors...
M. Levesque: Oui, c'est pas mal de ce
côté-là. On pourrait le convertir, n'est-ce pas?
M. Parent (Bertrand): Continuez à penser cela et moi, je
vais continuer à penser ce que je pense. Avec tout le respect que je
vous dois, je vous dis que oui, je trouve cela bien, mais un peu curieux que le
ministre des Finances, non pas six mois après mais, quelques jours
après, se rende compte que... Bravo! Je lui ai dit que les points que
nous avons déjà mentionnés étaient certes des bons
points parce que le ministre est prêt à les reconsidérer et
j'espère qu'il va reconsidérer d'autres mesures que nous avons
soulignées parce que, dans le fond, plus vous allez corriger cela pour
que ce soit meilleur, plus vous allez être appréciés des
gens et plus on aura fait notre travail. Après, on laissera les gens
juger de ce que cela donne.
Mais ce que je veux, c'est que, finalement, le sort des contribuables
aussi bien que le sort des finances publiques - c'est un but que je poursuis
aussi - soient aussi assainis. Par contre, pour moi, les finances publiques ne
sont pas une fin en soi. Il faut continuer à les améliorer, mais
il ne faut pas juste regarder la colonne des chiffres et dire: II faut que
j'arrive en bas avec des chiffres absolument à ce niveau-là. Il y
a un ensemble de priorités et si on veut avoir des soutiens à la
famille, c'est important s'il faut mettre quelques millions de plus pour avoir
des résultats. C'est la même chose si on veut avoir... parce qu'on
est en train de préparer ce qui va se passer au tournant du XXIe
siècle. Je ne sais pas si on sera là de part et d'autre, parce
que vous vous ne serez très probablement pas là et moi, je ne le
sais pas. Ce que je vous dis, c'est qu'on est là en 1988 et les mesures
que le gouvernement prend actuellement sont des mesures qui influenceront
énormément la société que nous aurons dans douze
ans d'ici, pour parler de l'an 2000, parce que l'an 2000 a toujours paru
quelque chose de loin. Les mesures prises dans ce discours sur le budget, dans
les prochains comme dans ceux qui sont passés, sont importantes parce
que c'est ce qui va changer un peu le type de société qu'on aura:
pour des familles, par exemple, c'est vrai qu'on a des incitatifs; pour les
entreprises, c'est important, les incitatifs.
On parlait ce matin du budget pour la recherche et le
développement. J'y reviendrai plus tard en soirée, mais c'est
là qu'on voit l'importance du gouvernement et de son rôle du
côté incitatif, parce qu'on redistribue les richesses. Vous prenez
l'argent des poches des contribuables et vous le redistribuez. Si on en
redistribue un peu moins, il en reste un peu plus et là on fait
paraître les choses un peu mieux, mais j'ai toujours pensé qu'il
fallait un juste équilibre là-dedans. Je pense que, cette
année, il y avait des mesures à prendre du côté de
l'appui à l'entreprise et du côté de la recherche et du
développement. Les mesures n'ont pas été prises dans le
sens où, je pense, elles devaient être prises. Pour la politique
familiale, le système de garderie, l'ensemble et particulièrement
l'accessibilité à la propriété, il y avait des
mesures à prendre de ce côté-là. C'est comme si le
ministre des Finances et son gouvernement avaient choisi de faire des mesures
qui ne coûtent pas trop cher, sauf que ça n'aura
pas d'effet au bout et cela ne donnera absolument rien. Le plus bel
exemple est exactement celui que l'on vient de prendre, les 75 000 $ pour
l'accès à la propriété. Si le ministre le corrige,
je dirai: Chapeau! surtout s'il prend en considération l'ensemble du
dossier. Mais la même chose s'applique au groupe des jeunes dont on
parlera, au groupe des personnes âgées et à la condition
féminine que d'autres de mes collègues viendront traiter au cours
des prochaines heures.
Dans ce sens-là, les choix n'ont pas été des plus
judicieux. Je ne voudrais pas que le ministre des Finances revienne toujours en
disant: II y a 1 000 000 000 $ ici et 500 000 000 $ là. Il y a beaucoup
de choses à mettre dans la balance et ce n'est pas juste un volet, c'est
un ensemble de volets qui devraient être considérés. Je
serais rassuré dans ce budget-là, concernant la famille - parce
qu'on est au dossier de la famille et puisqu'on a un ministre responsable de la
famille - si on avait une politique globale avec un ensemble de mesures et
qu'on nous disait: Voici le plan global. Voici ce que l'on fera pendant la
première, la deuxième, la troisième année, parce
que cela coûte trop cher de le faire en un seul temps. On peut le mettre
dans un plan triennal ou quinquennal et dire: Voici cette année le
premier morceau, le deuxième et le troisième, afin que les gens
voient où se dirigent finalement ceux qui gouvernent, le gouvernement,
et qu'ils se disent: Ils s'en vont là, mais ils ne peuvent pas tout
donner d'un seul coup. J'aurais aimé voir ça.
Mais ce que l'on voit, ce que je déplore et que je note
auprès du ministre avec beaucoup de sérieux de ma part, dans le
sens que j'ai des convictions, c'est que les morceaux qu'ils ont mis sont des
morceaux qui ne tiennent après rien. C'est dangereux parce que les gens
restent avec des impressions. Il y a la première impression du budget,
cela allait, mais la deuxième impression, quand les gens vont
téléphoner pour savoir le programme d'accessibilité
à la propriété, la question des 3000 $ pour le
troisième enfant et tout cela, ils vont s'apercevoir que ce n'est pas
aussi simple, aussi rosé et aussi beau que cela peut laisser
paraître. Il faudra, certes, que le ministre puisse corriger son tir de
ce côté-là.
Sur tout ce volet familial, avant de le fermer, du moins en ce qui me
concerne, je dis au ministre des Finances... Là, je me demande
jusqu'à quel point il y a eu consultation avec ses autres
collègues dans la préparation. Je comprends que le ministre des
Finances doit garder secrètes les décisions qu'il prend, mais sur
le plan de la consultation, est-ce que le ministre des Finances a vraiment
consulté ses collègues responsables à la famille? Est-ce
que le ministre des Finances a vraiment contacté le ministre responsable
de l'Habitation? Il ne semble pas. Je pense que le ministre aurait dû
parce que les mesures qui ont été annoncées sont
très importantes. Il semble que les collègues, les ministres
sectoriels, les ministres n'ont pas été vraiment
consultés, parce que, si on est prêt à les consulter
maintenant, je ne suis pas sûr qu'ils aient été
consultés en temps voulu. Dans ce sens, le discours sur le budget me
semble être plus une opération où le ministre des Finances
s'est préoccupé de faire très bonne figure, de sortir, ce
que j'appelle, un beau portrait ou de sortir la meilleure image possible. Mais,
lorsqu'on s'en va dans le contenu, lorsqu'on s'en va dans les annexes, le
ministre responsable de l'Habitation, autant que je sache, n'est pas heureux de
cela. D'ailleurs, il va faire des recommandations. Le ministre du Commerce
extérieur et du Développement technologique n'est pas heureux,
parce que non seulement H n'a pas eu ce qu'il voulait, mais, en principe, il
est évident qu'il n'y a pas de mesures concrètes et la ministre
déléguée à la Condition féminine, en ce qui
concerne fa famille, je suis loin d'être sûr - et on aura la chance
de la questionner - qu'elle est satisfaite.
La question que je pose au ministre des Finances, c'est: A-t-il vraiment
consulté ses collègues pour vérifier certaines avenues qui
étaient mises de l'avant? Est-ce qu'il a pris ses décisions
unilatéralement? Si oui, la consultation va avoir lieu dans les
prochains mois, et on va avoir droit à un ensemble de mesures ou de
déclarations ministérielles dans ce sens. On va avoir eu un
discours sur le budget qui était beau, mais qu'on est en train de
redéfaire en arrière.
Voilà, concernant la politique familiale. Je ne sais pas si le
ministre avait des réponses à me donner concernant les garderies
et les 60 000 places. Cela clôturerait ce volet et j'aimerais discuter
par la suite avec le ministre de deux groupes qui sont très importants:
les personnes âgées et les jeunes. Peut-être qu'avant de
faire cette intervention on pourrait clore le secteur dit familial et des
garderies.
M. Levesque: M. le Président, tout d'abord je voudrais
rassurer le député de Bertrand. Lorsqu'on prépare un
budget, il faut évidemment, selon nos traditions parlementaires,
être assez prudents pour ne pas que le budget soit trop
dévoilé avant le temps. J'ai déjà eu certaines
expériences passées et j'espérais que cela ne se
répéterait pas. De là à ne pas consulter, je pense
cela serait arriver à des conclusions trop faciles. Je dois dire
à la commission qu'un ministre des Finances ne fait jamais un budget en
vase clos; autrement, il ne correspondrait pas aux besoins de la population, il
ne correspondrait pas aux besoins du milieu. Au ministère des Finances,
nous sommes continuellement en consultation avec les autres ministères.
C'est dans nos fonctions, c'est essentiel que nous puissions ainsi avoir des
contacts, des rapports continuels avec les ministères sectoriels et que
nous ne développions pas nous-mêmes des programmes qui sont issus
de pays étrangers. Ils sont issus d'une connaissance du milieu ou d'une
connaissance qui
est perfectionnée par la connaissance qu'en ont les
ministères sectoriels responsables. (16 h 45)
En d'autres mots, nous recevons l'information
régulièrement des ministères sectoriels et cela ne veut
pas dire que le ministère sectoriel sait ce qu'il y a dans le budget,
mais nous, nous savons ce que désire le ministère sectoriel -
vous comprenez? - et, à ce moment-là, nous faisons des choix
dépendant de la vision plus globale que nous avons de la
société à un moment donné et de ses besoins.
Vous avez mentionné les services de garde. Nous avons
annoncé 60 000 nouvelles places en garderie dans le budget. Du
côté de l'Opposition, on trouve que c'est plutôt modeste. Je
comprends qu'on peut toujours faire plus, mais il faut toujours regarder les
choses d'une façon relative aussi. Lorsqu'on regarde le nombre de places
qu'il y avait en garderie lorsque nous avons pris le pouvoir, c'était
autour de 50 000. Maintenant, nous sommes à 70 000. C'est une
augmentation en peu de temps de 40 %, si je ne m'abuse.
Lorsqu'on trouve que 60 000, ce n'est pas beaucoup, c'est beaucoup plus
que tout ce que nos prédécesseurs, pendant neuf ans, et ceux qui
ont précédé nos prédécesseurs ont fait,
parce qu'on était rendu à 45 000 places en garderie en 1984-1985.
Quand on dit qu'on va en ajouter 60 000, c'est pratiquement doubler les places
en garderie. À ce moment-là, je comprends qu'on peut toujours en
désirer plus et j'en suis. Mais je pense que l'effort est assez
considérable. Il faut également tenir compte du fait que le
gouvernement fédéral entre dans ce domaine d'une façon
encore plus significative, d'après les intentions que nous connaissons,
et la ministre déléguée à la Condition
féminine est présentement en discussion relativement à ce
programme.
S! on veut un peu chiffrer des choses, le budget de 1985-1986 avait 72
000 000 $ pour les garderies. Cela ne fait pas longtemps de ça et on
s'en vantait. Aujourd'hui, c'est 101 000 000 $ incluant les 2 300 000 $ que
j'ai annoncés dans le budget. 101 000 000 $, c'est une grosse
augmentation par rapport à ce que c'était, encore plus de 40 %.
Nous annonçons pour les sept prochaines années des sommes
additionnelles substantielles.
Alors, que cela paraisse insuffisant pour certains, que cela paraisse
encourageant pour d'autres, tout est relatif à ce moment-là et,
souvent, tout dépend de quel côté de la clôture on se
trouve. Mais tout ce que je peux dire, c'est que le gouvernement a l'intention,
là comme ailleurs, de donner suite à ces mesures de
développement de la politique familiale.
On a mentionné tout à l'heure que le Conseil de la famille
aurait désiré davantage pour le premier enfant, etc., concernant
la politique familiale. Je tiens à dire que, justement, la
première réaction de ce conseil a été l'an 1 de la
politique familiale. C'est cela qu'on n'a pas dit de l'autre côté.
Évidemment, lorsqu'on établit que c'est l'an 1 de la politique
familiale, à ce moment-là on dit: Voilà un signal fort,
donné par le gouvernement, pour aider la famille
québécoise. Maintenant, on peut discuter des modalités et
j'espère qu'on va continuer de discuter parce que c'est l'an 1, mais ce
n'est pas la vie de la politique familiale. Elle va se continuer, elle va se
développer. Il va falloir que nous apportions, chaque année et
régulièrement, des améliorations, c'est sûr. Ce
n'est pas la fin, c'est un début. Je vois l'avenir avec confiance et je
vois que les gestes que nous posons cette année, dans ce budget, sont
des gestes réellement significatifs pour la population.
Avant de clore le chapitre de la famille, comme m'invite à le
faire et m'en convie le député de Bertrand, je dois dire qu'en ce
qui concerne le soutien économique à la famille nous avons
franchi un pas extrêmement important et substantiel. Les chiffres sont
là pour l'appuyer. Lorsque nous consacrons une diminution d'impôt
de l'ordre où nous le faisons pour les familles en particulier - il faut
bien rappeler qu'il n'y a pas un contribuable qui n'aura pas une diminution
d'impôt - ce sont les familles qui sont visées à 61 % de
cette somme de 1 257 000 000 $. C'est important, et dans cette somme de 772 000
000 $, il y en a pour toutes les familles quel que soit le nombre d'enfants. Il
y a de plus, évidemment, l'aide à la naissance qui est là
également comme soutien à la famille d'abord. S'il y a des
retombées qui aident à régler, du moins en partie, le
problème de dénatalité que nous connaissons au
Québec, eh bien tant mieux!
Quant à tous les autres soutiens que nous apportons à la
famille par les services de garde, par le programme d'accès à la
propriété, etc., ce sont tous des programmes qui vont s'ajouter.
Maintenant, II faut bien comprendre que, lorsque nous avons un discours sur le
budget, on donne des signaux, ordonne des crédits, mais ce sont les
ministres responsables de ces programmes-là qui vont prendre la
relève dès demain et ce sont eux qui continueront à
articuler les politiques sectorielles dont ils ont la responsabilisé. Je
n'ai pas l'intention, comme ministre des Finances, de me substituer à
mes collègues. Je n'ai simplement comme fonctions, et je maintiens cela,
de donner des orientations, de donner en même temps des ressources pour
que les ministres responsables puissent donner suite à leur programme.
Mais ces ministres vont continuer à consulter le milieu, ils vont
continuer à présenter au Conseil des ministres des programmes de
temps à autre et rien n'empêche de continuer à
évoluer dans le sens de nos orientations générales. Et
voilà.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances. M. le député de Bertrand, je vous demande la parole
pour dix minutes.
Je me demande la parole, M. le député de Bertrand.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Parent (Bertrand): On va consulter le ministre pour voir si on
vous l'accorde.
Le Président (M. Lemieux): Comme député
ministériel. Vous savez, après avoir... Consentement, merci, M.
le député de Limoilou. Je vous passerai la parole tout à
l'heure, comme vous me l'avez demandée.
M. Parent (Bertrand): Dans un rapport de forces, M. le
Président, on est un à un. Si on prenait le vote...
Le Président (M. Lemieux): Je verrais ce que j'aurais
à faire, M. le député de Bertrand. Je doute que je vous
rejoigne.
Tout cela pour vous dire que j'écoutais le ministre des Finances
nous faire état du budget comme tel et je pense que c'est important de
le voir dans sa globalité. Ce que j'apprécie beaucoup c'est
davantage la sagesse de notre ministre des Finances qui vient nous dire:
Effectivement, il peut y avoir eu dans ce budget, non pas des lacunes, mais
certains points de vue qui méritent considération, qui
méritent qu'on s'y arrête, qui méritent qu'on s'y attarde
et qu'on les évalue davantage sur le plan pratique.
Je pense que le budget doit suivre une évolution constante et qui
mérite des adaptations. À ce point de vue, j'aimerais tout
simplement souligner au député de Bertrand que le ministre des
Finances fait preuve d'une ouverture d'esprit beaucoup plus grande - je
voudrais faire abstraction et devenir un peu apolitique, même si cela
m'est difficile - que certains de ses prédécesseurs.
Évidemment, quand le député de Bertrand nous dit
que c'est aujourd'hui qu'on doit regarder cela, je suis conscient de ces
choses-là et que c'est aujourd'hui qu'on doit regarder. Mais il n'en
demeure pas moins que nous avons été lourdement
hypothéqués dans le passé; il faut être conscients
de cela. On ne peut pas rejeter cela du revers de la main. C'est comme quand on
achète un commerce ou une entreprise, on a des actifs. Vous avez
été un commerçant à une certaine époque, M.
le député de Bertrand. Vous avez un actif, vous avez du passif;
vous avez des dettes à court terme et vous avez des dettes à long
terme.
Lorsqu'on a pris le pouvoir, le 2 décembre 1985, on est
arrivé avec une certaine partie d'actif et une certaine partie de
passif. Il y a eu un premier budget et il y en a eu un deuxième. En ce
qui concerne le présent budget, qu'est-ce que les gens nous disent?
Regardons, si je peux m'exprimer ainsi, des connaisseurs, des gens qui vivent
continuellement dans le milieu économique.
Dans le journal Les Affaires, Jean-Paul Gagné nous disait:
"Jamais un budget québécois n'a fait autant d'heureux depuis une
bonne vingtaine d'années." Mais, au-delà de tout cela, qu'est-ce
qui est beaucoup plus important dans ce budget? C'est qu'on a une vision des
choses, je pense, peu importe qu'elle plaise ou non au parti de l'Opposition,
on a une vision globale de la société de demain parce que le
problème important qu'on est en train de vivre au Québec est un
problème essentiel qui se pose. C'est le problème de la
dénatalité.
C'est cela, le défi qu'on doit relever. On l'a relevé,
dans ce budget, sous trois aspects. On a essayé de réduire une
certaine partie de l'hypothèque qu'on a sur la dette individuelle, les
impôts et de favoriser la natalité. De plus, on s'oriente quand
même vers des budgets de recherche et de développement versus la
création d'emplois. On ne peut pas nous reprocher d'avoir
créé 100 000 emplois l'an passé. On va nous dire: Ah, la
conjoncture était là! Mais il n'y a pas que la conjoncture, il y
a des incitatifs aussi.
Cette année, II y a eu presque autant d'emplois de
créés. Lorsqu'on regarde tout cela, je pense qu'on doit regarder
le budget comme en étant vraiment un ayant un parti pris pour la
famille. Lorsque je dis un parti pris pour la famille, on constate qu'il y a
une réduction d'impôt de 1 300 000 000 $: 11 % pour l'ensemble des
contribuables, 7 % pour les célibataires et les couples sans enfant et
15 % pour les couples avec enfants. Dans le comté que je
représente, il y a beaucoup de familles monoparentales et elles sont
satisfaites d'un tel budget.
Quand on constate, comme le disait si bien le ministre des Finances, que
les familles obtiennent, en effet, 61 % des réductions d'impôt
consenties à l'ensemble des particuliers du Québec en 1989, que
cela représente 772 000 000 $ alors que l'ensemble des particuliers se
partagera 1 257 000 000 $, il y a quand même des choses très
positives dans ce budget.
Lorsqu'on regarde les faits saillants, on se rend compte
qu'effectivement il y a un déficit en baisse de 750 000 000 $. Il y a
des économies de
I 300 000 000 $ pour les particuliers en 1989; 600 000 000 $ en 1988; 61
% des gains vont aux familles, comme je l'ai dit tout à l'heure, une
économie moyenne de 702 $ par famille en 1989.
II y a un impôt supprimé pour 89 000 ménages
québécois; 3000 $ pour la venue d'un troisième enfant.
C'est une question de choix. Le ministre des Finances a dit tout
à l'heure que c'est une question de choix de société. Vous
en avez fait. On fait également des choix de société, mais
des choix qui, en ce qui concerne l'essence même, vont davantage pour
l'ensemble d'une collectivité et ne favorisent pas nécessairement
que des groupes d'individus.
On a vu une chose qui était aberrante et qu'on n'avait pas encore
réglée, l'abolition complète de la
récupération des allocations familiales. Je pense qu'il
était temps qu'on en arrive à régler ce
problème-là comme tel. Lorsque je dis qu'il y a des gains
substantiels pour toutes les familles au Québec, je pense que
c'est un des premiers volets du budget, un des volets les plus
importants et, dans le contexte de la baisse de la natalité
observée au Québec, c'est une priorité que de soutenir les
personnes qui ont déjà un ou deux enfants à charge. (17
heures)
En ce sens-là, je pense que le gouvernement reconnaît qu'il
faut améliorer leur situation financière. C'est pour cela, M. le
député de Bertrand, qu'il va falloir que vous disiez dans votre
comté qu'on a réduit les impôts de 434 000 000 $ et c'est
aussi pour cela qu'on a consacré des sommes additionnelles importantes
pour augmenter l'aide qu'elles reçoivent pour compenser une perte de la
charge financière reliée au soutien des enfants et ce, pour un
montant de 338 000 000 $, ce qui fait en tout des gains additionnels, comme je
l'ai encore mentionné tout à l'heure, de 772 000 000 $ pour
l'ensemble des familles. On ne peut pas nous reprocher d'avoir aboli totalement
la récupération des allocations familiales car c'est justement un
frein à une politique de natalité. Nous allons aussi pratiquement
doubler au cours des années qui viennent le nombre de places disponibles
en garderie. Cela aura des effets bénéfiques, j'en suis
assuré.
En plus, nous mettons finalement sur pied un programme pour faciliter
l'accès des familles à la propriété. Pour aider les
couples qui ont décidé d'avoir des enfants, effectivement, on a
décidé que c'était 500 $ pour le premier et le
deuxième. Il y a une question additionnelle au sujet des 3000 $ pour le
troisième enfant. On verra. Encore là, je pense que le ministre
des Finances n'a pas complètement fermé la porte s'il en vient
à la conclusion, au niveau pratique et non pas au niveau
théorique, qu'une somme de 3000 $ ne pourrait pas être suffisante
pour le troisième enfant. La porte n'a pas été
fermée à cet effet.
Si on regarde le budget sous une autre façon, la réforme
fiscale, on ne peut pas dire qu'actuellement il n'y a pas de réforme en
profondeur de l'impôt des particuliers. On réduit l'ensemble des
impôts, que ce soit pour les célibataires, pour les couples sans
enfant, pour les familles, pour les personnes âgées. On simplifie
aussi notre régime fiscal. Il ne reste que cinq taux d'imposition alors
qu'auparavant on en avait seize. J'espère, puisque j'ai fait mon
impôt cette année, que notre rapport d'impôt sera d'autant
plus simplifié. Et on s'oriente vers ces choses-là. On remplace
la plus grande partie du système d'exemptions par des crédits
d'impôt et ce, pour favoriser notamment une plus grande justice fiscale
à l'endroit des contribuables à faible revenu.
Au total, la réforme permet de ramener le fardeau fiscal des
contribuables du Québec à un niveau presque identique à
celui des contribuables de l'Ontario. Je ne crois pas que vous puissiez nous
reprocher cet aspect. À titre d'exemple, pour les particuliers, en 1985,
pour chaque tranche de 100 $ de taxes et d'impôt prélevée
par le gouvernement de l'Ontario, le gouvernement du Québec
prélevait, quant à lui, un montant de 110,50 $; à partir
de 1989, pour chaque tranche de 100 $ prélevée par l'Ontario, le
Québec prélèvera seulement 2,50 $ de plus, soit 102,50
$.
Ce sont des choses positives et je pense qu'on n'a pas à s'en
cacher. On n'a pas à être parfaits. On n'est pas parfaits et je
pense qu'on n'a jamais eu, comme parti politique, ni le ministre des Finances,
cette prétention-là. Je pense que la modestie n'a peut-être
pas étouffé, à un certain moment de l'histoire du
Québec, un parti politique, mais on est beaucoup plus humbles, je dirais
peut-être beaucoup plus près des réalités
quotidiennes. Cela est important, pour un ministre des Finances, de savoir
écouter. Il vous a bien écouté tout à l'heure, M.
le député de Bertrand, lorsque vous lui avez fait état du
coût des maisons unifamiliales et que le programme aurait peut-être
des effets que, lui, ne prévoyait pas. Je me souviens que dans sa
très grande sagesse il nous a dit: On va vérifier cela, on va
regarder. Les 75 000 $, vous a-t-il dit, ne sont pas pris à la
légère. Il y avait des données de la Société
canadienne d'hypothèques et de logement qui confirmaient
qu'effectivement, dans l'ensemble du Québec, la somme de 75 000 $ nous
apparaissait raisonnable.
Encore une minute. En ce qui a trait au troisième volet, le
soutien à l'emploi, vous connaissez le nombre, 100 000 emplois l'an
dernier, 80 000 dans la recherche et le développement. Je pense
qu'effectivement c'est un pas en avant. On ne vous dit pas que c'est une
politique nataliste dans son ensemble. Il faut regarder globalement les mesures
de ce budget, simplement pour pouvoir saisir et bien comprendre que c'est un
pas en avant pour redonner, je dirais, au Québec et aux
Québécois une fierté économique et aussi pour leur
faire peut-être davantage comprendre que, comme gouvernement, on a eu
à faire des choix politiques qui n'étaient pas toujours des plus
faciles. Cependant, avec une saine gestion, on peut en arriver, comme
gouvernement - après seulement deux ans et demi de pouvoir, après
qu'un autre parti politique a passé neuf ans au pouvoir - à une
réduction d'impôt de 1 300 000 000 $ qui bénéficie
aux familles dans un contexte de 61 %. Cela m'ap-paraît important, M. le
député de Bertrand. Sans vouloir faire de la petite politique, il
faut quand même se rendre compte qu'il est vrai que c'est un pas en
avant. C'est un pas de géant qu'on a fait en deux ans et demi dans les
politiques fiscales au Québec. Je crois qu'on doit reconnaître
cela à la fois à notre ministre des Finances et à la saine
gestion du Parti libéral du Québec. M. le ministre des
Finances.
M. Levesque: Je veux tout de suite remercier le président
d'avoir fait une analyse sommaire très pertinente du budget.
J'apprécie
particulièrement que le député de Vanier - je sais
que cela l'intéresse beaucoup - ait insisté sur la
création d'emplois, le développement économique et la
croissance économique. On sait que le Québec a connu une bonne
conjoncture, mais ce qui est important c'est que la conjoncture
économique, la croissance économique au Québec a
été meilleure qu'ailleurs; c'est là la différence.
C'est là qu'on voit qu'une bonne gestion peut aider non seulement
à se comparer ou à faire aussi bien, mais à faire mieux.
La croissance économique au Québec, qui était à 4,8
% en 1987, était de beaucoup supérieure à la moyenne
canadienne et même encore plus que la croissance économique que
nous avons connue aux États-Unis, en Europe et même au Japon. Je
pense bien que ce que nous avons pu faire comme budget est une
résultante, justement, de cette performance assez exceptionnelle du
Québec en matière économique.
Vous avez également mentionné, M. le Président, la
recherche et le développement. Là, vous rejoignez le
député de Bertrand qui, je l'ai mentionné ce matin,
s'intéresse particulièrement à ce domaine, comme vous
d'ailleurs. Le député de Bertrand - ce n'est pas la
première fois - lorsque nous nous sommes rencontrés en
commmission parlementaire, je pense, il y a un mois ou deux, m'avait soumis les
conclusions du rapport du Conseil de la science et de la technologie.
Justement, je me rappelle qu'à ce moment-là j'avais
écouté avec beaucoup d'attention le député de
Bertrand - comme je vous ai écouté, M. le Président, avec
beaucoup d'attention aujourd'hui - relativement à la question de la
recherche et du développement. Justement - j'en profite pour le dire -
si vous me permettez, dans les demandes que nous avions du Conseil de la
science et de la technologie à ce moment-là, il y avait des
choses bien précises. D'abord, il nous demandait de préserver les
véhicules de financement de capital de risque comme les
sociétés en commandite. On sait qu'on a eu des problèmes
avec les sociétés en commandite, je l'ai mentionné. Ce que
nous avons fait, c'est que nous avons tenu compte immédiatement de cette
situation; nous avons maintenu le même véhicule, si vous voulez,
mais nous avons changé simplement de procédure pour arriver aux
mêmes fins. Et nous avons utilisé le REA, recherche et
développement, et les SPEQ, recherche et développement,
permettant à l'investisseur d'obtenir une déduction de 50 % ou
même de 100 % pour la recherche universitaire. Ces mesures sont
spécifiques au Québec. Le conseil nous avait demandé, dans
le cadre des contrats de recherche universitaire, de restreindre la
définition d'entités universitaires admissibles aux
universités et aux organismes prescrits, on se rappellera cela. Les
contrats de recherche universitaire devront maintenant être conclus avec
les universités ou les organismes prescrits.
On nous avait demandé de maintenir le congé fiscal pour
chercheurs étrangers, c'est maintenu. On nous avait demandé de ne
pas s'harmoniser à la loi fédérale en ce qui concerne la
non-admissibilité de l'achat de bâtiments comme dépense de
recherche et développement. Le choix du Québec a
été de s'harmoniser, notamment pour fins de simplification.
On nous avait demandé d'aider les PME de façon qu'elles
utilisent davantage les incitatifs fiscaux. La façon d'aider les PME se
présente de deux façons: d'abord, la hausse de crédits sur
les salaires de 20 % à 40 %; deuxièmement, les organismes
charnières, tels que le CRIQ, seront reconnus afin de mieux aider les
PME. C'est une autre demande.
On nous avait aussi demandé de faire une évaluation de
l'impact des mesures fiscales. Là, il est peut-être trop tôt
pour faire une évaluation des mesures fiscales. Toutefois, lorsqu'on
regarde la réponse des organismes oeuvrant dans le secteur de la
recherche et du développement, tels que la Canadian Advance Technology
Association, la CATA, à l'égard des mesures fiscales, l'approche
privilégiée par le Québec semble la bonne.
Il y avait aussi une demande qui a été
présentée pour favoriser, par le biais de mesures
budgétaires, la recherche précompétitive effectuée
dans le cadre d'un consortium. Un crédit d'impôt remboursable de
40 % sur la totalité des dépenses est accordé à
l'égard de cette recherche. C'est donc une aide accrue afin de favoriser
la recherche et le développement précompétitifs.
Alors, ce sont toutes des mesures qui ont été
suggérées par le Conseil de la science et de la technologie et
auxquelles nous avons donné suite. Ensuite, évidemment il y a les
mesures budgétaires en plus des avantages fiscaux dont il faut tenir
compte. Alors M. le Président, vous avez bien fait de souligner
l'importance de la recherche et du développement en ce qui concerne les
investissements créateurs d'emplois. Tout cela évidemment fait
partie de notre politique qui est à l'avant-garde, justement, des
mesures prises dans le budget.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Je reviendrai plus tard sur la question de
la recherche et du développement parce que ce serait un volet que je
voudrais traiter à part, probablement ce soir.
En ce qui concerne les propos du député de Vanier et les
propos du ministre sur la question de la politique familiale ainsi que sur la
question de l'emploi, quand le député de Vanier nous dit:
Écoutez, on fait des pas dans la bonne direction, je dis: Oui, il y a eu
des pas dans la bonne direction. Par contre, s'il y a un gouvernement qui avait
enclenché - et cela au-dessus de toute partisanerie politique - des
mesures en ce qui a trait à la famille, je pense que c'était le
gouvernement précédent, celui du Parti québécois.
Ce
que je déplore et ce que je dis au ministre des Finances c'est
que, lorsque dans son discours sur le budget il fait l'annonce de 60 000 places
pour les garderies sur une base de sept ans, ce dont je l'accuse, si l'on veut,
entre guillemets, c'est que ce n'est pas une annonce que lui a à faire.
C'est une annonce qui a été faite au mois de décembre dans
une politique du gouvernement fédéral, et la quote-part du
Québec c'était cela. C'est pour moi un autre exemple qu'on met de
la poudre aux yeux en récupérant une mesure du gouvernement
fédéral. Ce que je lui dis par rapport à cela c'est que,
si l'année passée il y a eu 5670 places en garderie et cette
année il y a 5095, il va y en avoir quelque chose comme 575 à 600
de moins. Ce n'est pas que cela s'améliore, c'est ou le statu quo ou
cela se détériore. Les 60 000 places, je ne veux pas que le
ministre des Finances aille s'en approprier comme étant sa mesure
à lui. C'est une mesure qui a été annoncée par le
gouvernement fédéral. C'est cela que j'ai dit. Il ne faut pas
prendre les choses où elles ne sont pas.
Quand vous parlez des hypothèques que vous avez ramassées,
je vous dirais que dans certains domaines il y avait des hypothèques qui
étaient drôlement bonnes. Il ne faut pas seulement regarder
l'aspect des chiffres, mais il y avait des hypothèques qui
étaient drôlement bonnes. Que l'on pense au régime
d'épargne-actions; une chance que ces outils de développement,
avaient été mis sur pied il y a quelques années. On peut
parler des accréditives, on peut parler d'un ensemble de mesures qui ont
été mises sur pied par l'ancien gouvernement. Je ne veux pas
défendre le passé car il faut se tourner vers l'avenir, mais je
dis que, si vous voulez rendre à César ce qui est à
César, cela marche dans les deux sens.
La création d'emplois
En ce qui a trait à l'emploi, vous dites: Cela va bien, cela va
excessivement bien. Je dis: Tant mieux et j'applaudis. Mais je regarde aussi
les chiffres. Je fais comme le ministre des Finances et je regarde les chiffres
d'une façon bien terre à terre. Je regarde ce que vous avez fait
depuis deux ans. L'année passée: 100 000 emplois, sur une base
annuelle, dessaisonalisés; 100 000 emplois. L'année d'avant,
1986: 62 000 emplois. En 1986 et en 1987, vous avez créé 162 000
emplois. Où est la si bonne performance si dans les deux années
antérieures, en 1984 et en 1985, les deux dernières années
du Parti québécois, il y a 162 000 emplois de
créés, sur la même base comparative soit Statistique
Canada? Mais plus significatif que cela, s'il y a eu en 1984 et en 1985, sur 24
mois, 162 000 emplois de créés, cela représentait à
ce moment 28,1 % de l'ensemble des emplois créés au Canada. Mais
les 162 000 emplois créés par votre gouvernement au cours des
deux dernières années représentent 25,2 %.
(17 h 15)
C'est donc dire que les 162 000 emplois c'est moins, relativement
à tout ce qui s'est créé au Canada. Encore là, si
mes chiffres sont inexacts, on pourra les corriger, mais moi je marche avec les
chiffres que j'ai pu prendre et récupérer sur une base
comparative. Je ne veux surtout pas m'enclencher dans une guerre de chiffres.
Je regarde les deux dernières années et je regarde les deux
années auparavant et je me dis: On va aller sur une espèce de
base comparative. Je m'aperçois que les emplois créés - et
Dieu sait si en 1987 la conjoncture était bonne - sur deux ans par votre
gouvernement, comparativement aux emplois créés par l'ancien
gouvernement sur deux ans, sont au même nombre. Cependant, les
vôtres sont moins forts en pourcentage par rapport aux emplois
créés au Canada. C'est le premier point.
Un deuxième point, si je regarde l'année 1987-1988,
toujours sur la base des données dessaisonalisées, les derniers
chiffres de Statistique Canada pour le mois d'avril 1988, on dit: avril 1987
à avril 1988 - douze mois - il s'est créé 50 000 emplois
pendant que, en Ontario, pour la même période, avril 1987 à
avril 1988, il s'en est créé 245 000. Moi, je veux bien qu'on ne
tranche pas au couteau et qu'on ne lance pas une guerre des chiffres, mais ces
chiffres sont sur des bases comparatives qui pour moi sont significatives. Je
ne suis pas sûr qu'on s'en va cette année sur 100 000 emplois. Je
l'espère pour tout le monde mais j'ai hâte de voir, à la
fin de l'année, ce que cela va donner. Si les deux dernières
années n'ont pas été aussi performantes qu'on semble le
laisser entendre, c'est parce que les politiques de l'emploi ne sont pas
là et elles le sont encore moins dans ce budget.
On parlera tantôt des jeunes et du libre-échange, où
je pense qu'il aurait dû y avoir des mesures. Sur la question de
l'emploi, des chiffres et des données factuelles, par rapport à
ce qui se passe au Québec et en Ontario pendant les mêmes
périodes, pendant les deux dernières années, ce qui s'est
passé au Québec pendant les deux années antérieures
et sous différents gouvernements, je me dis: Écoutez, la
conjoncture est bonne, je suis obligé d'être d'accord avec vous,
mais les résultats ne sont pas en proportion. Au contraire, toutes
proportions gardées, si vous regardez la croissance économique du
Québec dans la dernière année, le ministre le soulignait
tantôt, oui, c'était exceptionnel l'année passée,
c'est merveilleux, mais comment se fait-il que si c'est si merveilleux les
résultats nets ne sont pas là? La réponse à cela
c'est parce qu'il y a là un problème fondamental auquel ne s'est
pas attaqué le gouvernement. Il le connaît ce problème,
c'est toute la question du recyclage de la main-d'oeuvre et de la formation. Ce
n'est pas pour rien que nous avons 9,5 % de chômeurs. Moi, je ne suis pas
heureux qu'on ait le double du chômage, ici au Québec, en mai 1988
par rapport à l'Ontario. Je ne suis
pas heureux de cela. Je ne suis pas heureux qu'on ait trois fois plus de
chômeurs à Montréal et dans sa région qu'il y en a
à Toronto. C'est parce qu'il y a un problème chronique auquel il
fallait s'attaquer au cours des dernières années et au cours de
cette année. Là, on s'en va vers une situation de
libre-échange où il n'y a aucune solution abordée par
rapport à la main-d'oeuvre, par rapport à la formation, par
rapport au recyclage, etc. C'est là, le problème en ce qui a
trait au chômage au Québec. Il y a beaucoup de main-d'oeuvre
disponible, 9, 5 % de chômeurs. Mais la demande est là, il y a une
croissance économique et il y a une demande. Il y a combien
d'entreprises manufacturières, dans les différentes
régions du Québec, et d'entreprises de services qui sont à
la recherche de personnes et qui ne sont pas capables d'en trouver? C'est
incroyable à quel point l'offre et la demande ne se rencontrent plus. On
ne forme pas les gens en conséquence des emplois qu'on a.
La performance économique, on pourrait en parler longtemps. Oui,
il y a de bonnes choses qui ont été faites mais une chance qu'il
y avait certains outils en place. Ce que je déplore et ce que je
reproche au gouvernement, c'est de ne pas continuer à mettre de nouveaux
outils en place pour que, lorsque va arriver un événement comme
le krach boursier qu'on a connu au cours des douze derniers mois,
période qui a semé l'état de panique un peu partout...
Cela a freiné des gens dans le Régime d'épargne-actions,
autant l'investisseur que l'entreprise. Combien d'entreprises qui voulaient
devenir publiques, qui voulaient adopter la formule du REA ont dû
retarder - non pas pour trois mois ou six mois, la plupart ont retardé
cela au moins pour une période de vingt-quatre mois - parce qu'il est
arrivé un événement en dehors du contrôle du
ministre des Finances et en dehors du contrôle du Québec! C'est un
phénomène mondial au niveau boursier. On n'en souhaite pas mais
s'il n'y a pas d'outils pour inciter les gens, autant les entreprises quant
à la main-d'oeuvre que les personnes qui sont sur le chômage... On
ne s'est pas attaqués à cela. Les performances
économiques, les performances particulièrement au niveau de
l'emploi, toutes proportions gardées et chiffres à l'appui, ne
sont pas proportionnelles à une conjoncture que je dis très
favorable au Québec. De là toute ma préoccupation - M. le
Président, je termine - de dire: est-ce que vous avez mis de l'avant
pour cette main-d'oeuvre, pour contrôler le chômage, pour
être capable de le diminuer, pas à la barre des 9, 3 % ou 9 % mais
bien en deçà? Qu'est-ce que vous faites particulièrement
pour les jeunes de 15 à 34 ans? J'y reviendrai, puisque mon temps est
terminé, mais ce sont des questions qui se posent.
Le Président (M. Lemieux): La parole est au
député de Saint-Louis.
M. Levesque: M. le Président, je tiendrais tout de suite
à rétablir certains faits. Premièrement, cela saute aux
yeux lorsque le député de Bertrand prend - c'est un défaut
dont cette formation politique s'était corrigée - ce genre de
données partielles qui faussent la vérité. Lorsqu'on prend
un mois sur un autre mois de l'année précédente, on risque
de fausser la vérité, comme vient de le faire le
député de Bertrand. Il a fait un peu comme son chef l'a fait
récemment lorsqu'il a parlé d'une famille de trois enfants qui a
moins de baisse d'impôt qu'une famille de deux enfants. Il n'y avait
qu'un cas, lorsqu'il y avait un revenu de 22 000 $; pas de 24 000 $ ou de 18
000 $, mais de 22 000 $. À ce moment, c'était vrai. Mais il avait
oublié de dire une chose. S'il y avait plus de réduction
d'impôt pour la famille de deux enfants que pour celle de trois, c'est
que celle de trois n'avait plus d'impôt à payer. On ne pouvait pas
le baisser davantage, elle n'en payait plus. Il avait oublié de dire
cela.
Cette fois-ci, le député de Bertrand pèche de la
même façon. Il dit: Le taux de chômage, regardez ce qui
arrive. Combien d'emplois sont créés d'avril 1987 à avril
1988? Il dit: L'an dernier, 100 000, cela va bien. Mais cette année,
avril 1987 à avril 1988, 50 000 seulement. Et là il conclut.
M. Parent (Bertrand): Ce n'est pas exact, M. le Président,
je m'excuse. C'est important de corriger. J'ai mis cela en rapport avec
l'Ontario. Si vous avez bien écouté, j'ai dit que c'était
50 000 dans cette période par rapport a 245 000 en Ontario. C'est
là que j'ai fait ma comparaison et non pas 50 000 cette année par
rapport à 100 000 l'année passée.
M. Levesque: Le député est aussi fautif de faire
une comparaison avec l'Ontario ou avec le Canada ou avec ce que vous voudrez,
lorsqu'il prend un mois seulement. La preuve, c'est que je pourrais prendre le
mois de janvier de la même année et dire que, de janvier 1987
à janvier 1988, il y a eu une création de 119 000 emplois.
Regardons l'Ontario, et on fait... On ne peut pas faire cela.
Les comparaisons ne se font pas comme cela. Combien de fois le premier
ministre, M. Bourassa, est-il revenu à la charge en disant: Tâchez
d'arrêter ces genres de données qui faussent la
réalité! Prenez l'année 1986 par rapport à 1987,
vous arrivez à 100 000. Prenez maintenant de 1987 à 1988. Vous me
direz: On ne l'a pas, 1988. Mais, au moins, prenez les quatre premiers mois de
chaque année. Vous arriverez à quoi? Vous arriverez à 88
000. C'est une donnée partielle mais une donnée qui a beaucoup
plus de chance d'être près de la réalité.
Qu'est-ce que nous prévoyons dans ce budget pour l'année
entière? Nous prévoyons 82 000. À ce jour, les quatre
premiers mois donnent une moyenne de 88 000. Si vous nous dites cela, on va
dire: Ce sont des gens sérieux
qui nous donnent des chiffres d'une façon sérieuse.
Comment voulez-vous qu'on prenne ces propos pour des propos sérieux
lorsqu'ils sont faussés a la base de cette façon-là?
Lorsque le député de Bertrand nous dit: Ah bien, voyez-vous!
pourquoi vous vantez-vous d'avoir créé 80 000 ou 100 000 emplois
par année alors que nous avons, lorsque nous étions au pouvoir...
Pour la première fois, il s'associe à l'ancien régime
parce que, d'habitude, il ne veut rien savoir du passé-Une voix:
II prend ses distances.
M. Levesque: II prend ses distances et je ne le blâme pas.
Mais, cette fois-ci, il ne prend plus ses distances. Il dit: nous. C'est rendu
nous. Il dit: Nous avons créé 80 000 emplois en 1984. Ce qu'il
oublie de dire c'est que lorsqu'il créait 58 000 et 80 000,
c'était après en avoir perdu 142 000 l'année
précédente. Ha, ha, ha! C'était simplement une pure
récupération, et là il se vante d'avoir
créé. Ils n'ont rien créé! Tout ce qu'ils ont fait,
c'est qu'après en avoir perdu 142 000 ils en ont rattrapé
l'année suivante. C'est clair, c'est une récupération.
Là où cela commence à compter, c'est qu'après avoir
récupéré on commence à créer de
véritables nouveaux emplois. Ce qu'il a oublié de dire, c'est que
dans les emplois qu'ils récupéraient... Ce qui était pire
encore, c'est qu'ils avaient perdu des emplois permanents et ils
récupéraient des emplois...
Une voix: À temps partiel.
M. Levesque: ...à temps partiel. On a oublié de
dire cela aussi. Il faut tout dire quand on veut faire des argumentations.
Alors, je vais laisser cette chose parce que je vois que le temps passe,
mais je voudrais aussi rappeler quelque chose au député et je
pense bien qu'il va se dissocier de l'ancien régime parce que,
d'habitude, il se dissocie. Il est arrivé en 1985, au mois de
décembre, et la vie commence là. Je ne le blâme pas. Il ne
veut rien savoir. Mais, de temps en temps, il fait une petite incursion comme
il a fait dans les emplois antérieurs. Mais, d'autres fois, il ne fait
pas cela. C'est en 1981... Là, il nous donne des conseils. Il dit:
Écoutez, cela ne sera peut-être pas toujours beau, ce ne sera pas
toujours de bonnes années et faites attention, vous pouvez avoir un
petit peu de jours sombres ou quelque chose comme cela. Il dit: Faites
attention. C'est un bon conseil, mais il devrait retourner voir ce qui s'est
passé en 1981, avant les élections. Il aurait dû être
là pour donner des conseils à cette équipe qui
était là en 1981, avant les élections. C'était beau
de voir cela. Tout était... Le portrait, le tableau était
rosé. On diminue les impôts de 3 % à partir de janvier
prochain. On pose des gestes. Ne vous Inquiétez pas. Tout va bien.
Après les élections, on revient. Ce même gouvernement se
dit: Ah! Nous sommes en récession, cela ne va pas bien. Là, on
aurait pensé: S'il y a une récession... Ces gens ont dû
penser qu'un jour il y aurait peut-être des jours sombres. De la
façon qu'ils parlent, ils ont dû y penser. À ce
moment-là, quand on a des jours sombres, il faut avoir suffisamment de
marge de manoeuvre pour pouvoir injecter de l'argent dans l'économie.
Est-ce qu'ils ont injecté de l'argent dans l'économie?
Une voix: Bien oui, ils sont allés le chercher dans la
fonction publique.
M. Levesque: Ils sont allés chercher 1 200 000 000 $ par
une ponction fiscale en doublant le prix de l'essence, en augmentant la taxe de
vente de 8 % à 9 %, en annulant le 3 % qu'ils venaient de nous donner
avant même qu'on y ait goûté sur l'impôt sur le
revenu, etc. C'est 1 200 000 000 $ de ponction fiscale alors qu'on se serait
attendu qu'un gouvernement prévoyant aurait fait en sorte de se
créer des réserves pour les mauvais jours. C'est exactement
contraire au conseil que vient de me donner le député de
Bertrand.
Quant à nous, nous avons justement tenu compte de cela et ce
conseil qu'il me donne, je le mets en application. Notre gouvernement y voit.
Nous avons fait en sorte de dégager une marge de manoeuvre qui va nous
permettre un jour, si cela se produit, ce que je n'espère pas, mais,
s'il y avait à un moment donné un ralentissement, nous faisons de
la place depuis deux ans et demi, nous ouvrons la marge de manoeuvre pour faire
face à ces temps qui pourraient être moins beaux et moins bons.
Vous savez ce que le premier ministre a fait vis-à-vis des projets de
développement hydroélectrique. Vous savez que c'est en 1989 et
1990 qu'on va commencer à augmenter de façon substantielle les
investissements publics dans l'hydroélectricité. Si jamais, dans
un an ou deux, il y avait ralentissement, justement à ce
moment-là arriverait l'injection de fonds publics importants dans
l'hydroélectricité. (17 h 30)
C'est en 1989 et en 1990 que les... C'est particulièrement au
printemps de 1989 qu'il doit y avoir une ponction, pas une ponction,
excusez-moi, mais une injection importante dans l'économie à
cause de la baisse d'impôt. L'effet calculé au ministère
des Finances, l'impact de 0,5 % va être là à partir de
1989. C'est une injection extrêmement importante pour la croissance
économique. C'est exactement le conseil que vient de me donner le
député de Bertrand, que nous suivons depuis le mois de
décembre 1985, depuis notre arrivée au pouvoir. C'est exactement
dans ce sens-là que nous travaillons. Alors, le député de
Bertrand a de bons conseils. Je les accepte et je lui dis que c'est exactement
le sens dans lequel nous travaillons, c'est-à-dire faire attention,
avoir une gestion prudente des
finances publiques, assainir les finances publiques et être en
mesure, au cas où il y aurait un ralentissement... Cela peut arriver, on
n'est pas à l'abri de cela. Je vais dire comme le député
de Bertrand disait tout à l'heure: II y a des choses qui sont en dehors
de notre contrôle. Il y a des conjonctures qui dépassent nos
frontières de beaucoup et qui ont beaucoup d'influence ici, comme on l'a
connu dans le passé. Ce que nous essayons de faire, justement, c'est
d'éviter d'avoir à subir de tels contrecoups sans avoir pris
certaines précautions élémentaires.
Pour terminer, le chômage des jeunes. J'aimerais bien... Est-ce
que j'ai le temps d'en parler?
Le Président (M. Lemieux): Une minute seulement, M. le
ministre des Finances. On pourra revenir ce soir.
M. Levesque: Cela mériterait beaucoup plus de temps, M. le
Président. Peut-être que je devrais revenir et laisser passer
quelqu'un. Je reviendrai avec le chômage des jeunes.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Saint-Louis.
Le déficit budgétaire
M. Chagnon: M. le Président, le député de
Bonaventure et ministre des Finances est tellement éloquent lorsqu'il
parle du budget qu'il pourrait faire des dix minutes de plus pour nous parler
davantage du budget, même que l'un d'entre nous, fût-il de
l'Opposition ou ministériel... Mais, quand on écoute le
député de Bonaventure... Évidemment, je l'invite à
être peut-être un peu plus conciliant et un peu plus
tolérant vis-à-vis du député de Bertrand ainsi
qu'envers les autres membres de la commission, parce que nous quatre, nouveaux
députés membres de cette commission parlementaire, avons à
peu près le quart de l'expérience du député de
Bonaventure.
Évidemment, en ce qui concerne la façon dont le
député de Bertrand traite de la statistique... Je ne pense pas
qu'on puisse dire qu'il y a de la mauvaise foi. Ce n'est pas facile, M. le
député de Bonaventure, de faire ce travail d'opposition à
un budget comme celui que nous avons eu jeudi, il y a quinze jours. Il faut
être compréhensif à l'endroit de celui qui est porte-parole
et critique de l'Opposition en matière de budget. Alors, quant au
traitement de la statistique, mettons-le plutôt sur le compte de
l'inexpérience et même peut-être de la naïveté
plutôt que la mauvaise foi. J'en suis certain. Il en est fort autrement
en ce qui concerne le chef extraparlementaire de l'Opposition officielle parce
que cet homme a vécu l'expérience d'administrateur public de haut
niveau, de ministre des Finances pendant au-delà de huit ans. Le
traitement de la statistique par l'ancien ministre des
Finances amène évidemment à se poser plus de
questions. Il est intéressant et surprenant de constater les
interprétations qu'on peut donner au budget 1988-1989 lorsqu'on regarde
la base des données financières, celles qui étaient le
portrait, le miroir réel des difficultés financières du
gouvernement libéral en 1985-1986. Souvenez-vous qu'au mois de mars le
ministre des Finances, M. le député de Bonaventure, faisait part
aux membres de l'Assemblée nationale d'un document extrêmement
révélateur: l'organisation des dépenses, pour les deux
tiers de l'exercice financier 1985-1986, faisait en sorte que nous avions
dépassé le cadre budgétaire prévu dans le discours
du budget du ministre Duhaime de mai 1985. On y estimait que le déficit
budgétaire serait de l'ordre de 3 300 000 000 $, si ma mémoire
est fidèle, et nous nous dirigions allègrement vers une
dépense gouvernementale de 4 300 000 000 $. Il a fallu ramener cette
dépense à 3 300 000 000 $, ce qui a été finalement
le déficit de l'année financière 1985-1986.
L'année financière 1985-1986 de même que les
années antérieures ont été un feu d'artifice dans
plusieurs ministères. Les critiques de l'Opposition, les critiques du
Parti libéral de l'époque ont souvent, entre 1976 et 1985,
mentionné le nombre de fois que le ministre des Finances, l'ancien
député de L'Assomption, avait réussi à minimiser ou
à se tromper en estimant à la baisse ses dépenses et en
estimant à la hausse ses revenus. Il était pris dans une
fourchette dans laquelle il se faisait prendre par les deux côtés:
manque de revenus et trop de dépenses.
En 1985-1986, le budget Duhaime avait prévu, par exemple,
à l'assainissement des eaux 445 000 000 $ de dépenses. Il s'est
engagé dans cette année, qu'on le veuille ou non, 784 000 000 $.
Mais quand on dépasse un poste budgétaire comme celui de
l'assainissement des eaux qui a des répercussions sur la dette, qui a
aussi des répercussions sur l'emploi et sur les coûts
d'organisation d'un secteur comme celui-là - parce qu'il est bien
évident que de contracter pour 784 000 000 $ ce n'est pas comme
contracter pour 440 000 000 $ - cela amène une escalade des prix de la
réorganisation de l'assainissement des eaux dans plusieurs
municipalités du Québec. Cela a pour effet que le Québec
paye plus cher qu'il ne l'avait escompté pour la dépense de
1985-1986 concernant l'assainissement des eaux.
Il a donc fallu rétablir une situation, ramener le
déficit, qui était trop élevé à ce moment,
à 3 300 000 000 $. Mais, après deux ans et demi ou trois ans de
travail pour contrôler les dépenses du gouvernement,
particulièrement l'an dernier où on a eu une année de
croissance économique particulièrement forte, une des plus fortes
en Occident - le ministre des Finances incluait aussi le Japon - on peut donc
dire que, non seulement en Occident mais dans tous les pays
industrialisés, le Québec a certainement été la
province du Canada ayant un niveau de
croissance économique relativement... Je pense que c'est le plus
élevé au Canada. C'est un des plus élevés dans
l'ensemble des pays du GATT et particulièrement de l'OCDE.
Évidemment, le ministre s'est retrouvé avec des surplus
budgétaires grâce auxquels, dans l'année financière
1987-1988, on a réussi à faire un paiement anticipé de 450
000 000 $. L'Opposition officielle s'offusquait du fait qu'il y ait eu un
paiement anticipé l'an dernier. Je pense que c'est Dubuc qui mentionnait
cette semaine qu'en 1984 l'ancien ministre des Finances avait ramassé
par hasard - parce qu'il ne s'y attendait pas - dans ses revenus 430 000 000 $
de paiement de transfert du gouvernement fédéral. Avec ce
montant, au lieu d'alléger le déficit en 1984-1985, il avait
effectivement payé par anticipation des dépenses de
l'année financière 1985-1986. Ce n'est pas un
élément nouveau, ce n'est pas un fait nouveau. On pourra bien
crier comme on voudra sur le manque de rigueur juridique du paiement par
anticipation, mais il m'apparaît que cela ne pose aucune espèce de
problème, ni sur le plan juridique ni sur le plan du
précédent.
On parle évidemment du budget et il restera de ce budget des
choses fort importantes. Le budget ramène un déficit de l'ordre
de 2 350 000 000 $ à 1 600 000 000 $, un saut de 750 000 000 $. Qu'on
parle de la convention collective qu'on voudra, qu'on traite le dossier de la
façon la plus bizantyne qu'on veut, il n'en demeure pas moins que de
passer de 750 000 000 $ de réduction du déficit par rapport
à un déficit dont les conventions comptables de l'an dernier sont
les mêmes que cette année... M. le Président, vous
êtes absolument sans coeur et insensible aux problèmes de celui
qui doit parler à peine dix minutes sur un budget de cette
qualité. Vous me dites qu'il ne reste qu'une minute; j'ai eu à
peine quinze minutes pour en parler en Chambre.
Le Préskient (M. Lemieux): Arrêtez de pleurer, M. le
député de Saint-Louis.
M. Chagnon: Je pourrais en reparler... Le Président (M.
Lemieux): Arrêtez!
M. Chagnon: ...deux ou trois fois comme cela. Je disais que la
problématique et la diminution du déficit budgétaire
demeurent fort réelles. Je pense qu'il faut absolument féliciter
le gouvernement, l'ensemble de la députation et l'ensemble de la
fonction publique d'avoir réussi à contrôler les
dépenses et d'avoir ramené le déficit de 3 300 000 000 $
qu'il était en 1985-1986 à 1 600 000 000 $ ou de 2 350 000 000 $
anticipés pour 1988-1989 à 1 600 000 000 $. C'est
déjà énorme. Parler de 1 300 000 000 $ de réduction
d'impôt - seulement, c'est n'est plus une nouvelle aujourd'hui - cela
demeure une orientation tout à fait saine sur le plan de la gestion de
l'économie québécoise et aussi sur le plan de la gestion
de la fiscalité québécoise. Lorsqu'on fait la comparaison
de la fiscalité québécoise avec celle des autres
provinces, on s'aperçoit qu'il y a un rapport sous lequel le
Québec est largement déficitaire et, particulièrement
lorsqu'on pense à l'Ontario. Le député de Bertrand a
très souvent mentionné l'Ontario en parlant des statistiques de
chômage entre Montréal et Toronto, mais les statistiques de
chômage entre Montréal et Toronto...
Le Président (M. Lemieux): En conclusion, M. le
député de Saint-Louis.
M. Chagnon: Alors, je dois conclure immédiatement. Je
reviendrai, j'en reparlerai. J'aimerais parler de la formation professionnelle
au député de Bertrand. J'aimerais parler de la question des
politiques familiales. Le budget a été interprété
par Mme Blanchet, la présidente du Conseil de la famille et des affaires
sociales comme étant l'an 1 de la politique familiale au Québec.
Il y a de quoi parier, M. le Président, pendant une demi-heure, trois
quarts d'heure ou une heure facilement. Cela coule de source, parler sur ce
budget, cela va de soi.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de... Oui.
M. Chagnon: II me reste à conclure. Je peux conclure en
disant que l'effort, cette première étape, l'effort particulier
que le gouvernement a mis dans le contrôle des dépenses et dans la
réduction du déficit et des impôts, cela est majeur.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Saint-Louis. Nous avons dix minutes à
récupérer. Y a-t-il consentement pour les récupérer
après 18 heures, jusqu'à 18 h 10?
M. Chagnon: Ah! Si vous voulez continuer pendant dix minutes de
plus, cela ne me fait rien.
Le Président (M. Lemieux): Non, cela... Cela fait suite
à une demande de tout à l'heure, M. ministre des Finances. C'est
qu'on a commencé un peu en retard et M. le député de
Bertrand me demandait si on récupérerait le temps perdu.
M. Parent (Bertrand): Mais moi, j'ai des engagements à 18
heures.
Le Président (M. Lemieux): Ah! Alors, cela va, nous allons
terminer à 18 heures. M. le député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Je préférerais, s'il y a lieu
d'allonger, que ce soit à l'autre bout ou demain matin...
Le Président (M. Lemieux): Demain. Alors,
M. le député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): ...parce qu'à 18 heures, non, j'ai
des engagements.
Une voix: Demain, on peut commencer dix minutes avant.
M. Parent (Bertrand): Voilà!
Le Président (M. Lemieux): Cela va.
M. Parent (Bertrand): La parole est à moi?
Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le député
de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): C'est dommage que le député
de Saint-Louis ne soit pas ministre. Il aimerait parler pendant deux heures sur
le budget et, pour cela, il faut qu'il soit nommé ministre des
Finances.
M. Chagnon: ...ou critique de l'Opposition.
M. Parent (Bertrand): Ministre des Finances ou critique... Alors,
vous avez un choix. Si vous n'êtes pas nommé ministre, venez-vous
en de ce bord-ci, vous allez parler.
Une voix: C'est une invitation.
Augmentation des revenus
M. Parent (Bertrand): Ah oui. J'en ai reçu des invitations
ce matin, je peux bien en lancer. Je dirais au député de
Saint-Louis et au ministre des Finances - ce sont mes derniers propos sur toute
cette question de performance économique: Avez-vous
réalisé, au cours de la dernière année, l'exercice
1987-1988, quel est le pourcentage d'augmentation de vos dépenses?
Avez-vous réalisé que, dans les revenus... Il faut toujours
savoir de quelle façon les revenus augmentent. L'année
dernière, ils ont augmenté de 12,8 % en moyenne. Je parle des
revenus autonomes, je ne parle pas de tout ce qui touche la
péréquation et ce qu'on va chercher du côté du
gouvernement fédéral, je parle des revenus autonomes. Autrement
dit, ce qu'on va chercher dans les poches des contribuables, des particuliers
et des sociétés par les impôts et tout cela. Ce qui me
frappe, c'est quand le ministre des Finances nous dit: Écoutez, cela va
bien parce que nous avons compressé, cela va bien. Oui, il y a eu
certaines formes de compressions mais le gros de la marge de manoeuvre, le gros
de ce dont vous bénéficiez et que vous annoncez aujourd'hui, vous
avez été le chercher en douce dans les poches des contribuables.
(17 h 45)
Pourquoi, lors de l'exercice qui s'est terminé le 31 mars 1988,
les impôts des particuliers ont-ils augmenté de 14,3 %? Vous
l'avez dans les annexes du budget. C'est de 14,3 % que les impôts des
particuliers ont augmenté au cours des douze derniers mois. Je ne sais
pas, mais cela me frappe. L'ensemble des particuliers a vu son revenu, incluant
l'inflation, augmenter d'environ 7,5 %, mais l'impôt sur le revenu des
particuliers a augmenté de 14,3 %. C'est important. Le revenu...
M. Levesque: Ce n'est pas le revenu qui a augmenté, ce
sont les recettes.
Une voix: ...Le nombre de travailleurs... M. Levesque:
C'est 100 000 emplois.
M. Parent (Bertrand): Est-ce que je peux continuer?
M. Levesque: Excusez-moi.
M. Parent (Bertrand): Je sais que le ministre brûle
d'impatience de répliquer à cela. Moi aussi, lorsque le ministre
parle, il y a des choses qui me brûlent, mais j'attends.
Alors, le total des revenus a été de 14,3 %. Quant
à l'impôt sur les sociétés, les revenus ont
augmenté de 21,9 %. C'est significatif et on va chercher cela quelque
part. On va chercher cela dans les poches des contribuables, d'une façon
ou d'une autre.
Le député de Saint-Louis disait tantôt: C'est
quelque chose, le déficit qui a baissé. Oui, le déficit a
baissé. De quelle ampleur a-t-il baissé? On le saura vraiment
quand on pourra questionner le Vérificateur général, mais
il y a une chose qui est certaine. C'est que la conjoncture aidant et
Hydro-Québec aidant... Seulement Hydro-Québec, cette
année, a rapporté quelque 508 000 000 $, si ma mémoire est
bonne. Tant mieux! Sauf que sur la base comparative des années
antérieures, quand Hydro-Québec faisait 500 000 000 $, 600 000
000 $ ou 700 000 000 $ - c'est arrivé des années où on a
fait cela - cela n'allait pas directement dans les revenus. Le
député de Saint-Louis sait très bien que c'était la
portion des dividendes qui allait dans les revenus. Alors, je ne reprendrai pas
le débat des chiffres, mais je dis: Attention! Il faut peut-être y
aller mollo de ce côté.
Ce que j'aimerais ouvrir comme volet parce que le temps file rapidement,
c'est le volet sur les jeunes, cette autre catégorie. On a touché
la famille, mais les jeunes... Il y a eu beaucoup d'engagements verbaux de
pris. Avant que je l'oublie, dans ses propos, le ministre des Finances me
disait tantôt: En 1981, le gouvernement antérieur a fait des
promesses et, tout à coup, il n'a pas tenu ces promesses parce qu'il a
dit que la situation allait moins bien ensuite. C'est vrai que je regarde le
passé en termes de statistiques, et je suis arrivé en 1985, c'est
vrai. Mais je dirais au ministre des Finances: II était là en
1981 et il a toujours été là.
Une voix: En permanence.
M. Parent (Bertrand): Le ministre des Finances a une vie plus
longue que les fonctionnaires. Habituellement, c'est le contraire. Mais le
ministre des Finances était là, il était là en
octobre et novembre 1985 et il était de ce côté-ci,
c'est-à-dire dans l'Opposition. Il savait qu'elles étaient les
conditions des finances publiques. Si le ministre des Finances ou si le
gouvernement faisait bien "sa job" dans l'Opposition - il n'y a pas de cachette
- je lui dirais qu'il connaissait la situation des finances publiques. Je n'ai
jamais compris que si l'Opposition... Les autres députés
n'étaient pas là. Je ne peux pas les embarquer dans ce "bag" et
je n'étais pas là, mais je me dis que si le ministre des
Finances, le député de Bonaventure était dans
l'Opposition, qu'il suivait jour après jour, heure après heure ce
qui se passait, il devait savoir ce qui se passait dans les finances publiques.
Je me demande pourquoi lui et son gouvernement, pour prendre son exemple, tout
à coup, en décembre 1985, lorsqu'ils se sont ramassés au
pouvoir, ils ont trouvé des trous. Je suis cela de près et je ne
suis pas surpris de voir arriver les centaines de millions à droite et
à gauche. On suit l'évolution, les trimestres et tout cela. La
comparaison que le ministre des Finances prenait en 1981... Si je prenais la
comparaison de 1985, les surprises qu'ils ont eues, cela signifie que
c'était une mauvaise Opposition et c'est devenu tout à coup un
bon gouvernement. Il n'y a pas de surprises. Cela n'arrive pas comme cela tout
d'un coup. Il n'y a pas de surprises de ce côté.
Le chômage chez les jeunes
Concernant le taux de chômage des jeunes, des 15-24 ans, il
était de 15 % en mars 1988. J'espère que mes chiffres sont
corrects, M. le ministre des Finances. C'était 15 % et c'est 5 % de plus
qu'en Ontario. Il faut prendre la comparaison avec l'Ontario. On avait 15 % de
chômage chez les jeunes. Même si cela a baissé d'environ 3,5
% depuis 1985-1986 - il y a eu une amélioration de ce côté
- le taux de chômage chez les jeunes de 15-24 ans se situe à 15 %.
Je trouve cela passablement élevé, surtout quand je regarde ce
qui se passe dans la province voisine où le taux de chômage chez
les jeunes est de 10 %. C'est encore énorme. Quand je pense que le
gouvernement avait tant prêché en faveur des jeunes! Que
retrouve-t-on dans son budget? C'est une catégorie de personnes
importante, les jeunes, tous ceux qui aimeraient avoir accès à un
emploi. Que pensent les jeunes de la fermeture des bureaux régionaux du
Secrétariat à la jeunesse? Que pensent les jeunes de
l'augmentation des frais de scolarité par le biais du coût accru
du matériel didactique? Que pensent les jeunes du gel des budgets
alloués aux maisons des jeunes? Le chef de l'Opposition en faisait
justement allusion aujourd'hui avec la ministre responsable des maisons
d'hébergement pour les jeunes et pour les sans-abri.
Voilà autant de mesures qui auraient dû être prises.
Voilà un autre domaine où le ministre des Finances et le
gouvernement n'ont pas respecté... Ce n'est pas nous qui avons pris les
engagements. C'est vous qui les avez pris. Je ne fais que vous les rappeler.
Que vous puissiez nous dire pour la première année en 1986, et
encore en 1987: Écoutez, on n'a pas de marge de manoeuvre, on n'a pas
l'argent qu'il faut, parce qu'on s'est trouvé aux prises avec une
situation catastrophique... Prenons ce scénario. Je dis au ministre des
Finances qu'il l'a la marge de manoeuvre. Il est obligé de faire des
dépenses, d'inscrire des dépenses anticipées pour
être capable de montrer un déficit qui n'a pas trop baissé
sur papier. Il avait quelques millions de dollars et il aurait pu prendre des
mesures importantes dans le cadre d'une politique globale de plein emploi. Il y
aurait eu des mesures à prendre concernant les jeunes. A cet
égard, je trouve que le ministre des Finances et le gouvernement ont
manqué le bateau, parce que le besoin est flagrant dans ce domaine. Il
faut appliquer des mesures concrètes pour aider justement les jeunes au
chapitre de l'insertion en milieu de travail, de la formation ou en ce qui a
trait aux maisons des jeunes, avec tout ce que cela comporte comme
activités. Je n'ai rien vu de concret en ce sens dans le discours sur le
budget. Je le déplore et je demande au ministre à nouveau s'il a
suivi certaines de mes recommandations ou s'il est prêt à les
suivre.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Oui. Je vous ferai remarquer, M. le
Président, que depuis ce matin, lorsque vous m'avez demandé de
suspendre, je l'ai fait...
Le Président (M. Lemieux): C'est vrai, M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): ...ce qui n'a pas toujours
été le cas du côté ministériel. Je demande
qu'on soit aussi conciliant et que je puisse au moins terminer ma phrase.
Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le député
de Bertrand. Poursuivez.
M. Parent (Bertrand): En ce sens, les jeunes constituaient une
priorité. J'aurai la chance d'y revenir, mais l'engagement d'il y a
trois ans, engagement réitéré il y a deux ans et l'an
dernier, n'a pas été respecté et aujourd'hui on ne
retrouve rien, au moment où l'on a une marge de manoeuvre.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Bertrand. M. le ministre des Finances. Nous
reviendrons en soirée avec M. le député de
Mille-Îles. M. le ministre des Finances.
M. Levesque: Deux choses, M. le Président. Il reste peu de
temps; je vais donc essayer de résumer. Le député de
Bertrand semble croire que la bonne situation financière du gouvernement
et la possibilité de produire un tel budget proviennent beaucoup plus de
la croissance des recettes que du taux de croissance des dépenses. Je
dois d'abord lui dire qu'il a raison de constater la croissance des recettes.
Je dis recettes, je ne dis pas impôts. Ce n'est pas parce que nous avons
augmenté les impôts, c'est parce que nous avons créé
100 000 emplois qu'il y a des recettes additionnelles. Au lieu d'avoir 100 000
personnes bénéficiaires de l'État, ce sont 100 000
personnes qui versent une partie de leurs revenus à l'État. C'est
cela qui fait que les recettes augmentent, sans l'augmentation des
impôts.
Deuxièmement, lorsque le député semble minimiser la
gestion rigoureuse des dépenses, il semble ignorer qu'il y a, autrement
dit, un taux de dépenses qui augmente moins. Il semble ignorer cela. Il
semble vouloir ignorer un certain moment dans le temps qui l'a
précédé, soit le mois de décembre 1985, alors que
l'augmentation annuelle des dépenses grimpait de 8 %, 10 %, 15 % ou 20
%, je ne sais pas, mais les chiffres étaient assez éloquents. Je
ne sais pas si on ne pourrait pas les lui donner, s'il ne les a pas. Quant
à nous, nous avons réduit justement cette croissance des
dépenses à un point tel que nous avons probablement une moyenne,
depuis que nous sommes au pouvoir, de 4,7 % ou 4,8 % d'augmentation des
dépenses. Pour l'année dernière et l'année en
cours, c'est une moyenne d'à peu près 5,5 %.
Si on veut en savoir un peu sur ce qui se passe, regardons pour un
instant quelles étaient les dépenses budgétaires par
rapport au PIB, produit intérieur brut. Prenons l'année
1985-1986. Il s'agit de 25 % du PIB, et, en 1988-1989, de 22 %. On voit donc
que, par rapport à l'économie, nous diminuons nos
dépenses. C'est clair. C'est l'un des facteurs importants dans cette
conjoncture qui nous a permis de déposer un tel budget.
Comme il me reste seulement trois ou quatre minutes, je voudrais aborder
un point qui nous tient bien à coeur également: le sort des
jeunes au Québec. Rappelons d'abord que le taux de chômage moyen
des jeunes au Québec, entre 1981 et 1986, M. le député de
Bertrand - je comprends que c'est avant votre arrivée, mais vous parlez
au nom de l'Opposition - ce taux de chômage s'est établi à
20,2 %. Ce n'est donc pas un problème nouveau. Au cours de cette
même période, il s'est perdu au Québec 68 000 emplois chez
les jeunes. Ce sont eux qui ont écopé le plus. L'emploi de cette
catégorie de travailleurs doit également être mis en
parallèle avec la baisse de la population des 15-24 ans, qui s'est
soldée par une réduction de la population active de 77 000
personnes entre 1981 et 1985. S'il est évident que le taux de
chômage des jeunes demeure élevé au Québec, il n'en
continue pas moins de baisser. En 1987, il n'était plus de 20,2 %, mais
de 14,9 %, soit en baisse par rapport à 1986, alors que le taux
était de 18 %. En outre, les données disponibles depuis le
début de l'année indiquent que cette baisse continue, le taux de
chômage des jeunes affichant un recul de 2,9 % par rapport à la
période correspondante de 1987. Donc, de 16,6 % à 13,7 %, selon
les données brutes.
Si la tendance à la réduction du taux de chômage des
jeunes observée au cours des quatre premiers mois de l'année se
poursuit, le taux de chômage des 15-24 ans s'établira, en 1988, en
dessous du niveau le plus faible observé depuis que les statistiques
sont disponibles, soit depuis 1975, alors qu'il était de 14 %. S'il est
vrai que l'écart par rapport à l'Ontario est plus
élevé, il ne faut pas oublier que l'Ontario connaît une
conjoncture exceptionnelle. Pour les jeunes comme pour les autres groupes de
main-d'oeuvre, un taux de chômage supérieur au Québec
n'indique pas qu'il n'y a pas eu d'amélioration Ici. Au contraire.
En outre, je voudrais rappeler que l'écart entre le taux de
chômage des jeunes au Québec et au Canada s'est établi l'an
dernier au niveau le plus faible observé depuis 1975. On pourrait
ajouter d'autres choses avant de terminer. Si le taux de chômage des
jeunes dépasse de 45 % celui de l'ensemble de la main-d'oeuvre au
Québec, 14.9 % par rapport à 10,3 % en 1987, il convient de
rappeler que l'écart s'élève à 61 % en Ontario. On
parle de 45 % au Québec et de 61 % en Ontario comme taux de
chômage des jeunes par rapport à l'ensemble. En fait, à ce
titre, la performance du Québec est non seulement meilleure que celle de
l'Ontario, mais également supérieure à celle de la plupart
des grands pays industrialisés. Ainsi, les écarts entre le taux
de chômage des jeunes et la moyenne s'établissaient comme suit
dans les grands pays industrialisés.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre des Finances,
nous devons malheureusement suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures ce
soir.
M. Levesque: Ah! je vais continuer ce soir, si vous me le
permettez, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le ministre des
Finances. Je dois y aller avec la même rigueur, M. le ministre des
Finances, qu'avec le député de Bertrand.
Alors, la commission du budget et de l'administration suspend ses
travaux jusqu'à 20 heures, pour l'étude de la politique
budgétaire.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise à 20 h 6)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux
relativement au débat sur le discours sur le budget. M. Després
(Limoilou) est remplacé par Mme France Dionne (Ka-mouraska). Est-ce
qu'il y a consentement? Alors, est-ce qu'il y a consentement pour que M.
Després...
M. Parent (Bertrand): M. le Président, je vous informe que
ma collègue de Marie-Victorin va venir tantôt. Je ne sais pas s'il
y a lieu de faire un remplacement ou d'avoir l'autorisation.
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Parent (Bertrand): Elle va venir poser quelques questions.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce qu'elle va remplacer le
député de Jonquière?
M. Parent (Bertrand): On va le remplacer.
Le Président (M. Lemieux): Elle va le remplacer? Alors,
pour la forme, nous allons tenir pour acquis...
M. Parent (Bertrand): Pour le fond aussi.
Le Président (M. Lemieux): ...pour le fond aussi, que la
députée de Marie-Victorin, Mme Vermette, remplace M. Dufour
(Jonquière). Cela va. M. le député de Mille-Îles, la
parole est à vous pour dix minutes.
M. Bélisle: Merci, M. le Président. M. le
Président, j'ai été très attentif depuis le
début de la journée aux propos qui ont été
échangés devant cette commission relativement au discours sur le
budget. Il y a peut-être une raison à cela, une raison
fondamentale. Depuis la lecture du discours sur le budget, que j'ai faite en
même temps que mes autres collègues de l'Assemblée
nationale, je me suis posé la question fondamentale suivante: Quels sont
les commentaires qu'un parlementaire ou qu'une formation politique peut faire
comme critique sérieuse et vraisemblable sur un tel budget? La
première question que je me suis posée, c'est celle-ci: Est-ce
qu'il doit y avoir une critique comme telle, conçue dans l'esprit
traditionnel, c'est-à-dire que telle chose n'est pas bonne, telle chose
est incorrecte, telle chose est inadmissible? La raison pour laquelle j'ai
écouté avec beaucoup d'attention aujourd'hui, contrairement
à mes habitudes, M. le Président, vous le savez et le
député de Bertrand le sait très bien aussi que je
participe très activement à tous les débats en commission
parlementaire, c'était pour voir jusqu'où on pouvait aller dans
une pseudo-critique d'un discours sur le budget que je qualifierais
peut-être d'un des meilleurs discours sur le budget du Québec et
de l'histoire politique du Québec.
J'ai dit au député de Bertrand, le matin de la lecture du
discours sur le budget, que je n'enviais pas sa tâche. Je vois le
député de Bertrand qui sourit. Ce que je lui ai dit est exact. Je
lui ai même dit, en langage québécois: T'as toute une job
à faire ce soir. D'autant plus que mes présomptions du matin,
après la lecture du discours sur le budget, se sont
avérées fondées, c'est-à-dire qu'il s'agissait d'un
excellent budget. Je pense qu'à titre d'Opposition responsable, M. le
Président, il aurait mieux valu pour l'Opposition - peut-être que
cela aurait créé un nouveau style parlementaire ou permis
d'être un peu le précurseur de ce qu'une Opposition se devra
d'être vers le 21e siècle, comme se targue à le dire le
député de Bertrand - de ne rien dire sur ce budget et de passer
à autre chose, plutôt que de commencer à
déblatérer avec des raisons ou des motifs qui ne tiennent
absolument pas.
Vérification comptable
J'ai écouté ce matin le député de Bertrand
nous parler de conventions comptables, de politique familiale, de garderies, de
l'emploi. On pourra revenir sur chacun de ces sujets. Prenons le premier,
à titre d'exemple: les conventions comptables. N'eût-ii pas mieux
valu pour l'Opposition, pour le député de Bertrand et sur le
Parti québécois de ne rien dire plutôt que d'être
dans la position où l'Opposition, menée par le chef actuel,
l'ancien ministre des Finances, M. Parizeau, reproche à son successeur,
le député de Bonaventure, l'actuel ministre des Finances,
d'utiliser des tours de passe-passe ou un peu d'imagination, peut-être un
peu plus d'imagination et de créativité qu'il n'en a eu
lui-même dans le passé?
Si on prend l'exemple des conventions comptables, ce qu'on a fait
essentiellement, c'est tout simplement d'avoir appliqué les
recommandations du Vérificateur général du Québec,
qui est le gardien de la rigueur comptable de l'Assemblée nationale et
de nos institutions. Il a été nommé sans partisanerie par
les deux partis représentés à l'Assemblée
nationale. Mais ce dont il faut se souvenir, c'est qu'en se pliant, nous, le
gouvernement du Parti libéral, aux demandes
répétées et incessantes du Vérificateur
général depuis 1980, nous nous sommes soumis aux règles de
ia vérification parlementaire. Alors qu'aujourd'hui, M. Parizeau,
l'actuel chef du Parti québécois, de même que l'Opposition
nous disent: Vous n'auriez pas dû appliquer les recommandations que le
Vérificateur général a voulu systématiquement faire
appliquer depuis 1980. M. Parizeau et l'Opposition actuelle - l'ancien
gouvernement -refusaient systématiquement à cette époque
de reconnaître le rôle du Vérificateur
général. La preuve, c'est que le député
d'Abitibl-Ouest,
leader actuel de l'Opposition, est venu avouer devant cette commission
qu'il avait honte de s'être comporté, comme ministre de l'ancien
gouvernement, de la façon qu'il l'a fait, en n'entendant pas le
Vérificateur général et ce, année après
année. M. Parizeau, celui qui dirigeait les finances du Québec
à cette époque, ne voulait pas être soumis à
quelqu'un qui avait été nommé de façon non
partisane par l'Assemblée nationale. C'est un peu étonnant qu'on
vienne nous dire aujourd'hui - et je me résume, M. le Président -
qu'on aurait dû ne pas appliquer les règles que le
Vérificateur général a soumises à
l'Assemblée nationale depuis 1980 et qu'on aurait dû continuer
à se soustraire au contrôle parlementaire que le
Vérificateur général exigeait simplement pour permettre au
Parti québécois et à l'Opposition de faire une meilleure
comparaison des chiffres, des états financiers, du niveau de
déficit d'une année à l'autre, de 1983, 1984 et 1985 par
rapport à 1986, 1987 et 1988. Je ne comprends pas cela.
Il y a un autre point, un autre exemple que je peux vous donner, M. le
Président. Le niveau de déficit pour un gouvernement n'est jamais
la mesure ultime de la bonne performance financière d'un gouvernement.
C'est un ensemble de facteurs. J'en ai déjà parié à
plusieurs reprises à l'Assemblée. J'ai parié de la
confiance qui avait été insufflée dans notre
économie. La preuve, les 14 % ou presque de revenus fiscaux
supplémentaires. Ce qui est peut-être attribuable, en majeure
partie, à l'actuel gouvernement, c'est d'avoir redonné aux gens
cette confiance qui avait été perdue depuis fort longtemps et par
le fait même un rythme d'investissement, d'accroissement de l'emploi, 100
000 emplois permanents de plus que ce qui a été perdu au cours
des dernières années.
Ce sont surtout, M. le Président - et je fais
référence au critère qui me semble le plus important - les
besoins financiers nets du gouvernement. Quand je regarde l'état
financier d'une entreprise, s'il faut aller à la banque emprunter,
mettons 1 000 000 $ par année, pour pouvoir simplement boucler les
obligations en capital et en intérêts, je me dis que cela vaut
peut-être mieux que s'il avait fallu l'année
précédente, voir le banquier, ou ceux qui prêtent de
l'argent, et demander 2 000 000 $. Je constate que les besoins financiers nets
du gouvernement sont passés de 1 740 000 000 $ en 1986 à 980 000
000 $ cette année, une diminution de près de 800 000 000 $, une
réduction quand même très importante. Donc, la santé
financière du gouvernement est là. Elle a été
retrouvée pour plusieurs raisons, à cause de la
prospérité économique d'une part, mais aussi à
cause d'une saine gestion financière de plusieurs programmes
gouvernementaux. (20 h 15)
Si je passe tous les dossiers: politique familiale, garderies, emplois,
je considère et je constate qu'il y a eu beaucoup de
créativité dans ces dossiers. Comme je le disais au début
de mon intervention, il eût mieux valu pour l'Opposition ne rien dire, ne
pas invoquer des arguments qui tiennent peu ou presque pas, car il y a surtout
une question de crédibilité qui est également
reliée à la critique que l'on peut faire d'une situation.
J'écoutais tantôt les députés de Bertrand et
de Laviolette, et même le député de Joliette, chef de
l'Opposition, discourir sur la politique familiale. On disait qu'on aurait
dû donner préséance, dans la réforme fiscale, au
premier enfant plutôt qu'au troisième. C'était là la
première critique. En écoutant la réponse du ministre des
Finances qui donnait les statistiques sur le nombre de premier enfant, de
deuxième et de troisième entre 1951 et 1985 - on
s'aperçoit qu'il n'existe presque plus de troisième enfant dans
nos familles - j'ai vu le discours de l'Opposition changer. Le
député de Joliette, le chef de l'Opposition, nous a alors dit, M.
le Président, qu'il ne s'agissait plus de donner préséance
ou priorité au premier enfant par des encouragements fiscaux, mais qu'il
fallait plutôt se doter maintenant d'une politique de revenus familiaux
qui ait une pérennité, une continuité.
J'écoute le discours de l'Opposition depuis le début de
i'avant-midi, que ce soit sur les conventions comptables, sur la politique
familiale, cela chevauche, cela va par monts et par vaux. Je sais qu'il me
reste peu de temps. Je n'aurai pas le temps de terminer. Je compléterai
tantôt mes autres remarques en termes d'objectifs que doit atteindre un
budget.
Je dis encore une fois que critiquer pour critiquer ne donne rien. Dans
certaines situations, mieux vaut passer à autre chose. Je pense que la
question qu'il faudrait poser maintenant à l'Opposition, c'est la
suivante: Qu'auriez-vous fait à notre place? Si vous étiez de
tels magiciens avec le budget de l'an un, lorsque vous avez proposé le
projet de souveraineté-association québécois, j'aimerais
bien que vous nous disiez, si vous aviez été dans notre position,
ce que vous auriez fait avec chacun des éléments suivants:
conventions comptables, politique familiale, garderies et emplois. Je
considère, M. le Président, que nous avons fait nos choix et
qu'une critique négative demeure une critique négative, et qu'il
eût mieux valu, dans le cas présent, au lieu de ne
présenter qu'une critique négative, ne pas dire un seul petit
mot.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Mille-Îles. M. le député de
Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. Deux phrases
pour mon ami, le député de Mille-Îles. Je vais le citer:
Critiquer pour critiquer ne donne rien. Vaut mieux passer à autre chose.
Voilà, c'est fait. Il eût mieux valu ne pas parier plutôt
que de faire ces commentaires, disait le député de
Mille-Îles à mon égard. Cela s'applique aussi à lui.
Je vais être
gentil ce soir. Je suis de bonne humeur. Le ministre des Finances est de
bonne humeur aussi.
M. le Président, lorsqu'on a un travail comme celui-là
à faire, on n'essaie pas seulement de trouver les bebhes, ce qui va mal.
On essaie de faire la part des choses. À cet égard, je dirai au
député de Mille-Îles qu'on a fait d'assez bons commentaires
et formulé de bonnes suggestions, si bien que dans un cas, celui du
programme pour l'accessibilité à la propriété, le
ministre m'a même remercié et dit de continuer à faire des
commentaires. Je pense qu'on a essayé de faire notre travail de la
façon la plus positive possible.
Niveau des dépenses et des revenus
Deux ou trois commentaires sur les derniers propos qu'à tenus le
ministre des Finances avant l'heure du souper et qui touchaient le niveau des
dépenses. Je me souviens de l'après-midi où j'ai fait ma
réplique au discours sur le budget. Le ministre des Finances m'avait
interrompu parce qu'il était fâché. Il soutenait que je
disais des choses contraires à la vérité, parce que
j'avais osé avouer que, pour la dernière année, les
dépenses avaient augmenté de 8,3 %. Et le ministre des Finances
de s'écrier: C'est faux! C'est faux! C'est faux!. Alors, je lui dis: Je
citais votre annexe B-6. Les pourcentages sont là: 8,3 % d'augmentation
des dépenses pour la dernière année. Je vous dirais
même plus, sans faire de guerre de chiffres: pour 1985-1986, 1986-1987 et
1987-1988, si vous prenez la moyenne de ces trois années, vous arrivez
à pas loin de 6 % d'augmentation des dépenses, ce que j'ai aussi
avoué. Je pense que c'est drôlement important. Oui,
antérieurement, le niveau d'augmentation des dépenses
était d'environ 8 %, tandis que vous avez maintenu ce niveau au cours
des trois dernières années à environ 6 %, ce qui est bien
au delà de l'inflation. Si on regarde l'écart entre
l'augmentation des dépenses et l'augmention du coût de la vie
qu'il y avait, je pense qu'on est sensiblement dans les mêmes
proportions. Ce qui me fait dire, chiffres à l'appui de vos tableaux
mêmes... Je n'essaie pas de prendre des tableaux d'ailleurs, je reprends
exactement vos chiffres.
Un autre élément que j'aimerais faire voir au ministre des
Finances, c'est l'aspect des revenus. Sur l'aspect des revenus, à
l'annexe B-4, il est intéressant de constater que, pour 1986-1987,
1987-1988 et 1988-1989, seulement pour ces trois années - donc,
l'année en cours et les deux années antérieures - au
chapitre des transferts fédéraux, il y a eu une augmentation
prévue sur trois ans de 14,6 %. Tandis que, dans les trois années
antérieures, c'était à peu près le statu quo,
c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu d'augmentation des tranferts
fédéraux.
Quand je regarde le niveau des dépenses, je ne trouve pas qu'il
soit amélioré ou compressé, tout compte fait, de
l'augmentation de l'indice des prix à la consommation. Dans la
dernière année, si l'augmentation des prix à la
consommation était de 4 % ou dans les alentours de 4 %, et si vous avez
augmenté les dépenses de 8 %, même si vous me dites que
cela comprend les 850 000 000 $, il reste que - faites vos calculs - vous
êtes en haut de 6 %. Mais il y a des revenus additionnels que vous
réussissez à aller chercher avec les transferts
fédéraux qui n'étaient pas là au cours des trois
dernières années et qui sont là, c'est-à-dire au
cours des trois années qui ont complété le mandat du Parti
québécois. Tout cela pour dire que les chiffres, on peut leur
faire dire ce que l'on veut, mais il reste un fait, c'est que les transferts
fédéraux - et je pense que c'est important de le souligner -
seulement pour la dernière année, ont augmenté de 5,3 %,
d'après le tableau de la page B-4. L'année dernière aussi,
le 31 mars 1987, ils avaient augmenté de 5,6 % par rapport au statu quo
qu'on connaissait au moins depuis 1983.
M. Levesque: Non, non. Regardez. Il y a un moins en avant. Au
moins, soyez correct! Regardez à l'annexe B-4.
M. Parent (Bertrand): Vous avez raison pour 1986-1987, mais pas
pour 1987-1988.
M. Levesque: Bien non.
M. Parent (Bertrand): Vous avez raison pour 1986-1987.
M. Levesque: Cela fait une maudite différence!
M. Parent (Bertrand): Non, mais vous avouerez que, pour
1987-1988, c'est plus 5,3 %.
M. Levesque: II me semble. Vous avez additionné...
M. Parent (Bertrand): D'accord.
M. Levesque: ...les moins et les plus. Et vous êtes
arrivé à 14 % d'augmentation, alors qu'il n'y a aucune
augmentation. Voyons donc!
M. Parent (Bertrand): M. le ministre des Finances, quand je vous
donne des chiffres, vous n'êtes pas obligé de vous
fâcher.
M. Levesque: Non, mais écoutez, des moins et des plus,
cela ne s'additionne pas. Moins 5 et plus 5, cela ne fait pas 10.
M. Parent (Bertrand): Alors, M. le ministre des Finances, on va
reprendre les transferts fédéraux. Vous avez quand même eu
5,3 % la dernière année?
M. Levesque: Oui.
M. Parent (Bertrand): Cette année, vous en prévoyez
3,7 %. C'est plus exact.
M. Levesque: Oui.
M. Parent (Bertrand): Ce qui fait quand même une
augmentation de ce côté-là. En ce qui a trait aux jeunes,
à la question que j'ai posée: Qu'est-ce que vous avez de concret
dans votre discours sur le budget concernant les jeunes, vous n'avez absolument
pas répondu. Vous étiez censé me donner une réponse
sur cela. Quelles sont les mesures que vous avez prises? Quelles sont les
mesures que vous avez enclenchées dans le discours sur le budget pour
donner suite aux engagements que vous aviez pris envers les jeunes?
Je laisserai après cette réponse, M. le Président,
ma collègue, la députée de Marie-Vic-torin, qui voulait
intervenir sur les dossiers qui la concerne, poser des questions au ministre
des Finances.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre des
Finances.
M. Levesque: Je vais commencer par un résumé. Vous
avez abordé les transferts fédéraux, vous avez
abordé également le niveau des dépenses et le
marché du travail des jeunes. Dans mon intervention, la dernière
avant la suspension de 18 heures, j'avais abordé l'évolution du
marché du travail chez les jeunes au Québec. Il faut d'abord dire
que le budget tout entier s'adresse particulièrement aux jeunes. C'est
un budget qui est axé sur la politique familiale. Il est axé
également sur la diminution du déficit et la diminution des
impôts, particulièrement les impôts touchant la famille. Il
faut se rappeler que, lorsqu'on fait un budget, il n'est peut-être pas
identifié "jeunes", ou "moins jeunes", mais on sait fort bien que le
cadeau que l'ancien gouvernement a laissé aux jeunes n'était pas
particulièrement réconfortant ou brillant. Lorsqu'on se permet,
dans l'espace de temps où vous avez été au pouvoir,
d'emprunter massivement, non seulement pour des dépenses
d'immobilisation mais pour des dépenses d'épicerie, 14 000 000
000 $ empruntés pour des dépenses courantes, c'est 14 000 000 000
$ plus les intérêts pendant des années qui devront
être absorbés. Et par qui? Par les jeunes d'aujourd'hui.
Alors, quand on fait un budget comme celui que j'ai
présenté et quand on dit aux jeunes: Voici, on va essayer de vous
faire une vie acceptable en diminuant ce déficit qui constitue un
endettement sur 25 ou 30 ans, on rend service aux jeunes. Lorsqu'on baisse les
impôts particulièrement des familles, on rend service aux jeunes.
Lorsqu'on a des programmes, bien qu'imparfaits d'après l'Opposition,
pour l'accès a la propriété, pour la garde des enfants et
pour d'autres sujets qui touchent les jeunes, ce sont toutes des choses qui
sont de nature à aider les jeunes. Ce n'est pas écrit jeunes en
lettres majuscules, mais c'est clair que le budget actuel est destiné
à fournir une vie meilleure aux jeunes et à assurer un meilleur
avenir aux jeunes. Quand on crée 100 000 emplois en un an, cela
s'adresse à qui? Cela s'adresse aux jeunes. Lorsqu'on prend un niveau de
chômage d'il y a deux ou trois ans à 20 % et qu'on est rendu
à 13 % chez les jeunes de 15 à 24 ans, ce sont des mesures qui
s'adressent aux jeunes. Alors, quand on dit: Qu'est-ce que vous faites pour les
jeunes? Je dis, oui, on fait beaucoup pour les jeunes. J'espère qu'on va
faire plus. Je le disais cet après-midi encore. On dit que les jeunes
souffrent encore du chômage. Oui, c'est vrai, mais la moyenne du
chômage des jeunes entre 1981 et 1985 était de 20,2 %; en 1987,
elle est de 14,9 % par rapport à 18 % en 1985. Les données
disponibles depuis le début de l'année indiquent que cette baisse
continue, le taux de chômage des jeunes affichant un recul de 2,9 % par
rapport à la période correspondante de 1987, de 16,6 % à
13,7 % maintenant, selon les données brutes.
L'écart entre le chômage des jeunes au Québec et au
Canada s'est établi l'an dernier au niveau le plus faible observé
depuis 1975. il doit y avoir un phénomène qu'il vaut la peine de
souligner pour nos jeunes. Le dernier argument, c'est: Écoutez, le taux
de chômage des jeunes dépasse de 40 % celui de l'ensemble de la
main-d'oeuvre au Québec. Bien, mais regardons ailleurs pour un instant.
Ce n'est pas un phénomène particulier au Québec. En
Ontario, ce n'est pas 45 %, c'est 61 %, le taux de chômage des jeunes qui
dépasse celui de l'ensemble de la main-d'oeuvre. (20 h 30)
Si on regarde ailleurs, c'est encore plus dramatique. L'an dernier, par
exemple, aux États-Unis, le chômage des jeunes était de 80
% supérieur à celui de l'ensemble de la main-d'oeuvre. Au Japon,
92 % de l'ensemble. Le Japon est censé être l'endroit que l'on
regarde avec une certaine admiration, entre guillemets, mais il y a quand
même là 92 % plus de chômage chez les jeunes que par rapport
à l'ensemble. En France, 114%. Au Royaume-Uni, 65%. En Italie?
Qu'ar-rive-t-il aux jeunes en Italie? C'est un chômage de 244 % plus
élevé chez les jeunes dans l'ensemble de la population. Seule
l'Allemagne a une performance à peu près identique pour les
jeunes que pour les moins jeunes. Je pense qu'il faut au moins regarder cela de
façon relative avant d'arriver à des conclusions.
Maintenant, si on me le permet, je terminerai simplement en disant qu'un
environnement qui favorise la croissance économique, la croissance des
investissements, qui accroît la compétitivité de
l'économie du Québec, c'est encore la meilleure politique pour
améliorer la situation des jeunes sur le marché du travail. C'est
précisément l'objectif des politiques mises
de l'avant par le gouvernement depuis décembre 1985. Ce sont des
politiques qui ont été renforcées par les mesures
annoncées dans le discours sur le budget du 12 mai dernier.
Je me permets maintenant de toucher aux transferts
fédéraux afin qu'on s'entende bien sur les chiffres, parce que
j'ai sursauté lorsque le député de Bertrand, probablement
de bonne foi, a fait une addition avec les moins et les plus. C'est parce qu'on
ne se fie pas sur les transferts fédéraux présentement;
cela n'a presque pas changé depuis 1983-1984, c'est plafonné.
C'est resté collé à peu près à 6 000 000 000
$ par année. Prenez l'annexe B-4, c'est sensiblement la même chose
d'année en année. Cela monte de 0,2 % en 1984-1985; cela baisse
de 0,6 % en 1985-1986; cela baisse de 5,6 % en 1986-1987; cela monte de 5,3 %
en 1987-1988 et de 3,7 % en 1988-1989. En chiffres absolus, en 1983-1984, ils
étaient de 6 200 000 000 $, il y a cinq ans; en 1988-1989, de 6 400 000
000 $. On peut dire que c'est plafonné, que cela reste là. Ce
n'est pas là qu'on obtient nos revenus additionnels. Mais je n'ai pas
l'intention de rester... Sauf qu'en plafonnant comme cela, il faut bien
comprendre que la part des transferts fédéraux dans le total des
revenus diminue. Si vous plafonnez, vous restez au même montant. Alors
que les dépenses augmentent, que les revenus totaux augmentent, etc.,
que le tout augmente, il est clair que la proportion des transferts
fédéraux, elle, va diminuer dans l'ensemble. De fait, alors que
les transferts fédéraux représentaient 28,9 % de nos
revenus en 1983-1984, en 1984-1985 ils étaient de 28,4 %, en 1985-1986
de 26 %, en 1986-1987 de 23,2 % et en 1987-1988 de 22,5 %, cela va toujours en
diminuant, proportionnellement à l'ensemble des revenus. Ce n'est donc
pas là qu'on peut dire qu'on s'est donné une marge de manoeuvre.
Ce n'est sûrement pas avec les transferts fédéraux.
Je voudrais simplement terminer, comme on m'indique que mon laps de
temps est expiré ou à peu près, en rappelant au
député de Bertrand que, si j'ai manqué un peu aux
règles de la courtoisie et aux règles de la procédure
parlementaire lorsque je l'ai interrompu en Chambre - il m'a rappelé
cela tout à l'heure et, d'ailleurs, je m'étais empressé
d'offrir mes excuses au député de Bertrand - c'est que j'avais
sursauté. Je ne pouvais pas m'empêcher, lorsqu'il disait, d'une
façon absolument non nuancée, avec une certitude qui était
presque remarquable, pour le moins. Vos dépenses sont trop
élevées. Vous êtes rendus à 8,3 % d'augmentation en
1987-1988. Je me disais: II n'est pas sérieux. Cela n'a pas de bon sens
qu'il dise cela sans rire, alors qu'il sait que c'est à cause des
paiements anticipés que nous avons faits. Mais, s'il avait voulu dire
toute la vérité, il aurait dit: Cette année, on a une
augmentation de 0,3 % dans les dépenses. Il ne l'a pas dit. S'il avait
dit les deux, je n'aurais pas dit un mot. Mais il sait fort bien qu'en payant
d'avance des dépenses, c'est clair que cela a monté une
année et que cela a baissé l'autre. S'il ne parle pas de l'autre,
ce n'est pas correct. C'est pour cela que j'ai dit que c'était faux. Ce
n'est pas que le chiffre était faux, mais la présentation
était fausse.
Je tiens à rappeler que, si on regarde la moyenne depuis que nous
avons pris le pouvoir, on s'apercevra qu'en 1986-1987 l'augmentation est de 3,1
%. Elle était de 8,3 %, mais, lorsque c'est ramené à la
moyenne, c'est 5,3 %, comme cela devait l'être pour 1987-1988 et
même un peu plus; on avait parlé de 5,6 % et on était rendu
à 5,3 %. Pour 1988-1989, c'est 5,7 %. Si vous additionnez cela, cela
fait 11 %, 14 %, vous divisez par 3, vous arrivez à 4,7 % de moyenne
pour ces trois années. C'est facile. Qu'on n'essaie pas de tronquer les
chiffres. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances. M. le député de Mille-Îles.
M. Bélisle: Juste deux points. Je ne veux pas consommer
les dix minutes. Un point m'a fait sursauter et, encore là, c'est une
question de nuance, comme le ministre des Finances vient de l'exprimer. Je ne
l'avais pas souligné aujourd'hui, mais je pense que je dois le
faire.
Quand on a vu la première réaction officielle de l'actuel
chef du Parti québécois au discours sur le budget réaction
qui a tardé à se faire connaître, les journaux ont
titré: Une réforme fiscale odieuse. Ce qui a fait sursauter M.
Parizeau, l'ancien ministre des Finances, c'est la réduction des seize
paliers d'imposition à cinq, s'échelonnant de 16 %à24
%.
Je vais vous citer ce que M. Parizeau a dit, et vous allez comprendre
comme c'est gros. C'est tellement déformé, quand je connais la
qualité des nuances que M. Parizeau est capable de faire dans une salle
de cours aux HEC. On dirait que, quand il saute dans l'arène politique,
il oublie ses qualités d'intellectuel pour faire de l'emballage, du
maquillage politique. Je vous le cite dans le Journal de Montréal
du samedi 14 mai 1988. Je cite M. Parizeau: Cela veut donc dire, a
expliqué M. Parizeau, que, lorsqu'un revenu imposable passe de 14 000 $
à 100 000 $ ou à 200 000 $, le taux marginal d'impôt ne
monte que de 21 % à 24 %. À notre connaissance, aucun
gouvernement occidental n'a été aussi loin. Il y a là sur
le plan de la justice sociale quelque chose de profondément odieux et
répugnant.
La chose élémentaire qu'un professeur d'économique
dirait à M. Parizeau est la suivante: à partir du nombre de
paliers d'imposition et de la progression des taux d'imposition, quels qu'ils
soient, on ne peut faire aucune équation avec le degré de justice
sociale dans une société. L'un ne va pas avec l'autre. Si on veut
utiliser les bons paramètres, qu'on les utilise tous. Les bons
paramètres ne sont pas seulement ceux que M. le ministre des Finances a
donnés tantôt: le taux d'imposition qui va jusqu'à 24 %
au-dessus
d'un certain palier, il y a aussi le crédit d'impôt dont on
ne tient pas compte. Il y a aussi l'autre côté de la clôture
quand on parle de justice sociale. Je suis sûr que M. le
député de Bertrand m'écoute avec beaucoup d'attention. Je
parierais à M. Parizeau des mesures, des avantages reçus par le
contribuable d'un côté par rapport à ce que le
système, le gouvernement, le producteur de services gouvernementaux lui
redonne de l'autre côté. Si l'on veut comparer ce que le
contribuable donne, celui qui met les sous sur la table, parce que c'est un
système d'impôt volontaire qu'on a ici, en régime
occidental, en Amérique du Nord, aux États-Unis, au Canada, en
Grande-Bretagne, on va commencer par parler du régime
d'assurance-santé, des soins médicaux gratuits, de l'aide
juridique, des CLSC, des garderies et on va commencer à calculer par
tranches de revenus tous ces avantages qui lui reviennent, compte tenu du
dollar de chacun des contribuables du Québec.
Je peux vous dire une chose. Si on tient compte de ce taux
composé, du taux d'imposition et du crédit d'impôt qu'on
accorde et qu'on a augmenté de façon phénoménale
dans le budget et des services en compensation reçus par celui qui est
père de famille, qui a deux enfants, celui qu'on vise et qui ne paie pas
d'impôt à 21 900 $, je vais vous dire une chose: La justice
sociale, trouvez-moi un système, prouvez-moi, essayez de me trouver un
système en Occident qui soit plus juste que celui du Québec. Il
n'y en a pas. M. Parizeau n'est pas capable de me faire cette preuve et il
n'est pas capable de la faire à n'importe quel économiste de
n'importe quelle université. C'est le premier point. C'est du
grossissement, c'est de la déformation et c'est de la
démagogie.
Deuxièmement, le discours sur le budget a une trame fondamentale
très importante. Quand on fait un budget, on a des objectifs. Les
objectifs, bien entendu, on les met sur papier. Il y en a trois ou quatre:
objectif d'équité, première des choses - je pense qu'on a
un objectif d'équité dans ce budget; objectif de
stabilité, c'est très important, et de croissance aussi en
même temps; objectif aussi de prévoir l'avenir. Ce que je voudrais
souligner, c'est ceci: c'est qu'on aurait pu, quand j'ai parlé de choix
tantôt, M. le Président, faire beaucoup de choses avec la marge de
manoeuvre que le ministre des Finances avait. Le ministre des Finances aurait
pu se déguiser en Père Noël, en super-père Noël.
J'aimerais aviser tout de suite le député de Bertrand. Si,
l'année prochaine, avec l'expérience qu'il a eue cette
année, il est encore critique des finances lors du prochain discours sur
le budget, je lui dis très amicalement, parce que je l'aime bien, qu'il
devrait se préparer à attacher encore plus sa culotte pour le
budget de l'année 1989-1990 que pour cette année.
Ceci dit, je vais citer tout simplement un petit article, un
éditorial de La Presse, Montréal, du vendredi le 13 mai
1988, page B2. Tout est dit là-dedans en termes de prévisions
pour l'avenir: prévoir pour l'avenir, amortir les cycles
économiques, ce que tout gouvernement depuis Keynes essaie de faire.
Mais, quand on est capable, deux ou trois ans à l'avance, avec seulement
le quart des travaux de l'équivalent de la première Baie James
qui viennent d'être annoncés... Je suppose qu'un autre quart va
être annoncé dans huit ou neuf mois; je suppose que, dans deux ou
trois ans, il y en aura un autre quart, qu'on va se rendre à
l'année 1992 et que, là, on aura l'équivalent des travaux
de la première Baie James. C'est cela qu'on est en train de faire, on
est en train d'amortir le trou. On est en train, avec des travaux qui vont
élever le niveau d'activité économique, de passer au
travers et on est en train de prévoir l'avenir. Voici ce que dit M.
Frédéric Wagnière: "En bon politicien, il a veillé
à ce que tout le monde bénéficie de cette aubaine, mais il
s'est bien gardé de faire une distribution générale de
friandises pré-électorales. Le gouvernement a cherché
à rester fidèle aux objectifs qu'il s'était fixés
au début de son mandat. Ainsi, le budget ne risque pas de
déstabiliser les finances à l'avenir. Au contraire, le budget
tendra à renforcer l'économie du Québec et ainsi à
maintenir les revenus du gouvernement à un niveau
élevé."
Je ne peux pas m'empêcher de faire la comparaison. Quand, en 1980,
on a signé à fort prix les conventions collectives avec les
employés de l'État, la question que je me pose...
Une voix:...
M. Bélisle: Non, non, avant le référendum,
en 1979, quand on a fait les cadeaux référendaires. Quand le
député de Lévis est venu nous dire à
l'Assemblée nationale en 1986, au salon bleu en haut, qu'il savait que
cela coûterait 1 000 000 000 $ de plus, mais que ce n'était pas
important, il s'en foutait de toute façon, l'indépendance du
Québec valait cela. C'est sur cassette à l'Assemblée. Je
vous demande: Laquelle des deux méthodes est la meilleure, M. le
député de Bertrand? Répondez donc à la question!
Prévoir l'avenir de la façon qu'on le fait, de façon
raisonnable, ou prévoir l'avenir de façon
inconsidérée, comme cela a été fait dans les
années 1979 et 1980? Je vous pose la question. J'aimerais bien avoir une
réponse aussi.
Je termine encore en citant M. Wagnière, dans le même
éditorial: "11 est important que le gouvernement cherche à
équilibrer son budget en prévision d'un ralentissement de la
conjoncture." Tiens donc! Il a l'air d'être d'accord avec cela. Pourquoi
M. Parizeau ne l'a-t-il pas fait en 1979, alors que tous les indicateurs
économiques apparents prouvaient qu'on était pour entrer dans une
phase de ralentissement économique? Pourquoi n'a-t-il pas prévu
l'avenir, lui? Parce qu'il était plus fort que l'avenir? Ou parce qu'il
ne
voyait pas la "curve" venir? Ou parce que lui pensait la même
chose que M. le député de Lévis, soit: quel que soit le
coût, l'avenir n'est pas important, on va être capable de se le
payer pour notre beau rêve.
Je finis avec la citation de M. Wagnière: "Quand il se produira,
le gouvernement devra avoir la capacité d'augmenter ses dépenses,
malgré une baisse de revenus, sans retomber dans une succession de
déficits chroniques. Ce budget fait beaucoup pour améliorer les
perspectives économiques et sociales au Québec en veillant
à ne pas compromettre l'avenir." Fermer les guillemets. (20 h 45)
Je pense que M. Wagnière a raison. On a accordé une part
importante au présent. On regarde un peu vers le court terme: un an,
l'année prochaine, deux ans. On s'oriente avec certaines mesures:
recherche, développement et autres, vers le moyen terme, mais on
ménage toujours et on essaie d'amortir le cycle économique pour
l'économie générale de la province. Je pense que c'est une
sagesse que personne ne peut critiquer, surtout pas celui qui, en 1982, avec le
projet de loi 18 sur Hydro-Québec, a fait la passe avec les 4 300 000
000 $ des réserves d'Hydro-Québec, qui les a affectés
ailleurs, qui les a changés de colonnes et les a mis dans les
états financiers de la province pour boucher son déficit et
être capable d'équilibrer ses colonnes. Surtout pas lui! Pas de
leçons de lui! Au moins, ces règles-là, à cette
époque, c'est lui qui a décidé de les changer. M. le
député de Bertrand, ce n'est pas le Véricateur
général du Québec qui a dit au ministre des Finances de
l'époque, M. Parizeau: Prenez donc les réserves
d'Hydro-Québec pour les besoins des générations futures en
hydro-électricité, venez donc boucher le trou dans vos
états financiers gouvernementaux avec cela. Déclarez-vous un
dividende, vous allez régler votre problème. Je vois une
perspective différente, en matière de stratégie pour
prévoir l'avenir, que d'être obligé, en l'espace d'une
semaine, de faire un "move", de poser un geste concret dans le but de
régler un équilibre financier dans les états financiers du
gouvernement en allant grever l'avenir énergétique des
Québécois. C'est ce que le ministre des Finances de
l'époque, en 1982, a fait.
M. le Président, tout simplement, je suis très satisfait
qu'on ait pensé en termes concrets à préserver l'avenir du
Québec à court terme, à moyen terme et à long
terme. J'aimerais que l'Opposition réponde à ma première
question sur la justice sociale: Si on a tiré la composante des
avantages reçus par palier d'imposition, est-ce que notre
société n'est pas la plus juste socialement en Occident?
J'attends la réponse.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Mille-Îles. Mme la députée de
Marle-Victorin.
Condition féminine
Mme Vermette: Oui, M. le Président. Cela me fait plaisir
de prendre la parole juste après ces propos si éloquents de la
part de ce député. S'il y a des gens qui sont plus ou moins
satisfaits du budget, ce sont les femmes. Si je me rappelle, à la
reprise des travaux, le 8 mars, on disait que 1988 serait l'année des
femmes. Justement, cela serait l'année de l'équité pour
les femmes, notamment de l'équité salariale. À mon avis,
je ne crois pas qu'on puisse trouver ces tendances vers l'équité
qui permettraient que les femmes puissent atteindre l'autonomie
financière, premièrement, par le biais de la fiscalité. Je
vais vous donner certains exemples, M. le ministre des Finances, de ce qui
aurait été très apprécié d'un grand nombre
de mouvements de femmes. Elles vous en ont fait part à plusieurs
reprises, notamment au cours de rencontres que vous avez eues avec la ministre
déléguée à la Condition féminine. Elles
demandaient une réforme beaucoup plus en profondeur du système
fiscal. En fait, on demandait une réforme avec un plus
d'ingéniosité, qui favoriserait l'autonomie de la femme et la
considérerait comme une personne autonome et non comme une personne
à la charge du mari. C'est pourquoi, la majorité des groupes de
femmes ont eu tendance à dire, et je les appuie dans leurs propos, que
c'était un budget fait par des hommes, pour des hommes, et que
c'était un budget de droite, très conservateur.
En effet, les femmes ont demandé que les femmes qui demeurent
à la maison puissent participer au Régime de rentes du
Québec. Si ma mémoire est bonne, M. le député de
Mille-Îles, cela faisait partie de vos promesses électorales;
notamment, cela sortait de la poche du père Noël, du temps des
élections. En effet, les culottes de père Noël, ce n'est pas
nous qui les portions, c'était vous avec vos promesses, surtout avec les
promesses que vous aviez faites aux femmes. Mon Dou que c'était
extraordinaire! Vous étiez comme de grands courtisans prêts
à tout donner pour séduire les femmes, surtout pour obtenir leur
vote. Cela ressemblait un petit peu au genre d'approche des hommes des
époques lointaines, pas tellement contemporaines, à mon avis,
quand on parle d'égalité et quand on parle aussi
d'équité.
Pour un gouvernement qui se dit très progressiste, dans le sens
du devenir des femmes, vous venez de manquer une très belle occasion de
montrer vos vraies couleurs. Vos vraies couleurs, c'est qu'encore une fois on
constate, à chaque lecture, que les hommes ont 60 % du salaire et que
les femmes gagnent en moyenne 40 % du salaire. Est-ce une formule pour
atteindre l'égalité? Je ne le crois pas. Il faut commencer par
des gestes assez importants par rapport aux intentions. Déjà
là, vous n'avez même pas fait cette nuance entre deux salaires: un
dort gagner 60 % et l'autre 40 %, à mon avis,
déjà là, uniquement ne pas en faire mention
considérer que le salaire pourrait être
moitié-moitié ou que, de toute façon, peu importe, que ce
soit un homme ou une femme, la valeur du salaire... Cela ne transpire pas.
À aucune place, on ne le note. Pour les couples qui ont deux revenus: un
conjoint 60 % et l'autre 40 %, et c'est partout. Et on vient me dire qu'on
pense à l'équité salariale, qu'on veut
l'égalité à l'intérieur du couple et qu'on est pour
les mesures progressistes à l'égard de la famille? Je pense qu'il
y a encore beaucoup de pas à faire. Il y a loin de la coupe aux
lèvres et loin du discours aux actes.
D'autre part, pour la participation des femmes au Régime de
rentes, il n'y a rien dans ce budget. Pourtant, cela faisait partie de vos
promesses. Il n'y a absolument rien. Lors de la dernière rencontre que
les groupes de femmes ont eue, avec le premier ministre cette fois-ci qui est
assez récente, elles se sont fait dire que c'était une illusion,
que c'était impensable, que ce n'était pas acceptable à
cause du déficit actuariel du Régime de rentes. On leur a dit:
Non, c'est une formule impensable. Les femmes, n'y pensez plus, on ne vous
donnera pas cela. Pourtant, nous, nous leur avions dit aux groupes de femmes
que c'était impossible, qu'il fallait peut-être trouver d'autres
formules et qu'on se pencherait sur les formules à envisager. Mais,
à tour de bras, vous êtes venus chacun votre tour dire aux groupes
de femmes: Oui, c'est possible. Le Régime de rentes, nous, nous allons
vous le donner et les femmes travailleuses au foyer, vous y allez participer.
Deux budgets et il n'y a rien encore. Je suis convaincue qu'aux prochaines
élections vous ne pourrez pas faire cette promesse. Trouvez-en
d'autres!
Un autre sujet, le crédit d'impôt. Encore là, le
crédit d'impôt n'est pas retourné à la femme qui
demeure au foyer, mais bien au mari, à la personne qui fart la
déclaration d'impôt. Ce n'est pas ce que les femmes
revendiquaient. Ce que les femmes revendiquaient, c'est qu'elles exigeaient que
le crédit d'impôt soit versé en propre au conjoint qui
reste au foyer. Une autre belle occasion qui a été
complètement ratée. En ce qui concerne les programmes
d'égalité en emploi, lorsque j'ai assisté à la
commission sur les crédits, Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine me disait
que, si le projet ne va pas aussi rapidement qu'il aurait dû aller, c'est
parce que, justement, selon son plan triennal, en 1986, elle avait fait une
projection selon laquelle la majorité de ses objectifs au niveau
scolaire, dans la fonction publique, et dans les municipalités auraient
dû être atteints, mais que, malheureusement, cela ne pourra pas se
faire. Il y aura seulement treize commissions scolaires sur une trentaine qui
vont avoir mis ses projets en application faute d'argent, faute de
crédits. Et on viendra me dire encore une fois qu'on pense à
permettre l'égalité et l'équité? Vous avez des
visions à long terme, à court terme et à moyen terme, Mais
vous n'avez pas de vision du tout de la femme. Je regrette! Il faut refaire les
devoirs en ce domaine. Il n'y a rien.
Les femmes et les familles monoparentales, maintenant. Quand on sait
qu'actuellement 20 % des familles sont des familles monoparentales et que pour
80 % ce sont des femmes qui assument ce volet, qu'est-ce qu'on ieur donne
à ces femmes? À l'égard de l'allocation aux femmes chefs
de famille monoparentale, on leur donne une augmentation de 57 $. Cela va faire
des choux gras pour la famille. Cela va favoriser beaucoup
l'équité et cela va améliorer aussi le tissu social pour
les enfants, car il y a un lien direct entre la pauvreté et tous les
problèmes qu'on peut avoir au niveau social. Ce sont ces femmes, chefs
de famille avec charge d'enfants, qui sont les plus pénalisées
maintenant. Encore là, M. le ministre, toutes ces belles primes que vous
leur donnez ne tiennent pas compte des besoins essentiels. Tout sera
jugé en fonction des besoins essentiels et tout ce qui sera au-dessus
des besoins essentiels sera pénalisé. Vous n'avez pas atteint
votre objectif. Pas du tout! C'est un leurre. C'est une illusion.
Un autre aspect concernant les femmes, toujours, a trait plus
particulièrement à l'allocation de disponibilité pour
jeunes enfants. Parlons-en, c'est à l'annexe A. J'aimerais bien savoir,
M. le ministre, où les sommes d'argent pour l'année 1988, qui
devaient être versées en allocations de disponibilité, vont
aller. Pourquoi, en 1986-1987, avoir changé la modulation? Pourquoi
avoir fait passer l'allocation pour le premier enfant de 300 $ à 100 $
celle et pour le troisième enfant, de 100 $ à 300 $, quand on
sait qu'il n'y a que 10 000 familles au Québec qui peuvent se
prévaloir de l'allocation pour le troisième enfant? Cela
représentait un montant de 68 000 000 $ l'année dernière.
Cette année, cela représentera environ, si vous allez chercher
cet argent dans les poches des mères, parce que ces allocations sont
pour les mères, en 1988... J'ai lu et relu l'annexe et je ne vois pas ce
qui se passe en 1988. Il y a un trou. Volontaire ou involontaire? Je laisse
cela en suspens, mais il y a un trou. Vous bonifiez l'allocation de 1989 pour
l'enfant qui a six ans, parce qu'il a été pénalisé
en 1988, mais il n'y a rien. À partir de janvier 1989, pour l'enfant de
six ans, vous changez le nom, et la formule ne reprendra qu'en janvier 1989.
Vous donnez des mensualités plutôt que d'accorder une allocation
annuelle. Vous donnez des mensualités pour ne pas pénaliser
l'enfant qui aurait six ans au mois de février ou au mois de mars. Vous
avez bonifié ce que vous appelez cette nouvelle allocation pour jeunes
enfants remplaçant l'allocation de disponibilité, mais, entre
cela, il y a un trou. Rien ne dit... Vous abolissez l'allocation de
disponibilité pour mettre en place l'allocation pour jeunes enfants,
mais à partir de janvier 1989 seulement. Il y a un trou quelque part
là. Que se passe-t-il en 1988?
Le Président (M. Lemieux): II vous reste quelques minutes,
Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: J'aborde maintenant le sujet des garderies, M. le
Président. On s'attendait à quelque chose de mirobolant pour les
garderies, puisqu'on parle de politique familiale, de réforme de l'aide
sociale. Que ce soit pour l'employabilité ou que ce soit pour retourner
aux études, il faut des places en garderie. Un petit montant de 2 600
000 $ pour les garderies cette année, 575 places de moins cette
année, c'est progressiste, ça? C'est d'avoir une vision à
long terme, ça? En soustrayant, est-ce là avoir une vision
à long terme pour les enfants? En tout cas, il faut croire aux enfants
et, si on croit aux enfants, si on croit à la famille, il faut investir
et investir dans les garderies aussi. C'est très important. Les 60 000
places dont vous parlez dans votre discours sur le budget étaient en
fonction d'une entente fédérale-provinciale. Il n'y a pas
d'argent frais du Québec pour les garderies là-dedans cette
année. Il n'y a rien. Pas d'entente avec le fédéral, pas
de garderies au Québec, pas de nouvelles places en garderie au
Québec. Et là, on ne le sait pas, parce que la ministre ne sait
plus non plus ce qu'elle doit faire. Elle veut maintenir le système de
garderies d'une part, parce que c'est de juridication provinciale. Est-ce qu'on
veut favoriser les garderies privées, M. le ministre? C'est la question
que je me pose, parce que l'entente fédérale dit qu'on
négocie pour aller chercher l'exonération pour les garderies
privées. Il y a un danger à ce moment-là. Pourquoi ne pas
se retirer du projet fédéral avec pleine compensation? Nous avons
le meilleur réseau de garderies au Québec, oui, c'est vrai, M. le
député de Mille-Îles. C'est nous qui avons mis en place ce
réseau de garderies. Nous l'avons fait. C'était un de nos joyaux
et c'était très important. Nous sommes toujours allés en
progression. Nous n'avons jamais réduit les places, comme vous venez de
le faire dans un budget que vous dites progressiste et que vous dites en
fonction de la famille dans une vision à long terme. Nous n'avons jamais
fait cela, nous, même dans des périodes très difficiles au
plan économique, dans des périodes de crise et de
récession.
Le Président (M. Lemieux): Je vous donne une minute, Mme
la députée, pour vous permettre de conclure.
Mme Vermette: Quand on vient nous dire que c'est un budget
à court, moyen et long terme, je vous dis que c'est un budget qui manque
de vision, que c'est un budget de droite, très conservateur, qu'il n'y a
rien pour les femmes et que les femmes ne s'y retrouvent pas. Elles ont encore
une fois été dupées et leurrées. Je vous remercie,
M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, Mme la
députée de Marie-Victorin. M. le ministre des Finances.
M. Levesque: M. le Président...
Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le ministre des
Finances. (21 heures)
M. Levesque: Je n'ai probablement pas rencontré le
même monde que vous, madame. J'ai eu l'occasion, depuis deux semaines, de
rencontrer des centaines, sinon des milliers de femmes du Québec qui se
sont montrées empressées. Est-ce seulement une coïncidence,
les femmes que j'ai rencontrées? Elles étaient très
nombreuses et elles sont venues spontanément me dire combien elles
étaient satisfaites du budget, premièrement. Alors,
peut-être qu'on ne fréquente pas le même monde, je ne sais
pas, mais je fréquente tout le monde.
Mme Vermette: II me semblerait, d'après ce que vous dites.
On ne fréquente sûrement pas le même monde.
M. Levesque: Je fréquente des gens, dans mon comté
et dans la province, des personnes les plus humbles à celles qui le sont
un peu moins. Je rencontre des gens de toutes les conditions. Je rencontre des
gens dans la rue. Je rencontre des gens dans leur maison. Elles, je dis bien
elles, ont été unanimes à dire combien elles
étalent heureuses de ce budget. Le Conseil de la famille, vous
connaissez sa présidente, s'est exprimé ainsi: Ce budget est le
budget de l'an I de la politique familiale. Elle l'a dit. Ce n'est pas moi qui
le lui ai dicté. On ne dicte pas à Mme Blanchet ce qu'elle a
à dire, vous savez.
Je vous ferai remarquer, mon cher Président, m'adressant
indirectement à madame, que les femmes du Québec vont
bénéficier au premier plan de ce budget. En effet, simplement sur
la baisse d'impôt de 1 257 000 000 $, 61 % sont pour les familles. Quand
on parle de famille, je peux difficilement imaginer une famille où la
femme n'est pas au tout premier plan. Toutes ces mesures que l'on retrouve dans
le discours sur le budget sont des mesures qui répondent en grande
partie aux aspirations des femmes, particulièrement les mesures de
soutien à la famille. Â ce propos, il y a des mesures de soutien
à la famille pour 772 000 000 $ additionnels dans ce budget, dans un
seul budget. Je sais, pour avoir rencontré des représentantes de
pratiquement tous les groupes organisés au Québec - j'ai eu
l'occasion de les rencontrer, j'ai été très heureux de
passer plusieurs heures avec elles - qu'elles avaient d'autres demandes. De
celles-ci, Mme la députée de Marie-Victorin en a mentionné
quelques-unes. C'est sûr qu'on n'a pas pu répondre à toutes
les demandes. On ne prétend pas pouvoir le faire dans un seul budget.
Mais je
pense que nous avons fait beaucoup et je suis convaincu que les femmes
du Québec s'en disent généralement satisfaites, du moins
pour l'effort qui a été fait à ce jour.
Mme la députée parlait tout à l'heure du
régime de rentes pour les femmes au foyer. Je n'ai pas abordé
cela dans le discours sur le budget, mais je sais que des études se
poursuivent très activement dans ce domaine présentement. Ce
n'est pas parce que ce n'est pas dans le discours sur le budget que nous avons
oublié cette préoccupation. Je suis d'accord avec madame que ce
n'est pas facile. Si cela avait été facile, peut-être que
ce serait déjà là, mais ce n'est pas facile.
Une voix: On l'aurait donné... M. Levesque: Pardon?
Une voix: ...avant vous.
M. Levesque: Oui. Ce sujet est fort complexe, mais nous n'avons
pas abandonné. Deuxièmement, Mme la députée parle
de crédit d'impôt qui aurait pu être remboursable aux
femmes. Là encore, malgré toute notre bonne volonté de ce
côté-là, il faut dire qu'il y a des problèmes. Il y
en a un, par exemple. Parce qu'on a étudié cela, on n'a pas mis
cela de côté tout simplement pour le plaisir de la chose, au
contraire. Un des problèmes, je vais vous l'expliquer assez rapidement,
parce que mon temps ne me permet pas d'aller au fonds des choses, mais tout de
même. Simplement en faisant ce transfert des crédits
d'impôt, par exemple, d'un conjoint masculin à une conjointe
féminine au foyer, si nous faisions cela, dans le cas de ceux qui sont
bénéficiaires de l'aide sociale, il aurait fallu qu'on le fasse
pour eux ou pour elles aussi. À ce moment-là, on ne pouvait plus
avoir le remboursement du gouvernement fédéral pour l'aide
sociale pour cette partie-là. Ce qui fait que cela nous aurait
coûté un perte de 150 000 000 $ en transferts
fédéraux. Je ne dis pas que c'est irrémédiable,
mais cela fait réfléchir quand on a à regarder un peu les
conséquences des gestes que l'on pose.
Une autre chose aussi pour la personne qui travaille: si on avait
procédé ainsi, supposons que c'est l'homme qui travaille et que
c'est la femme qui est au foyer, bien, nous avons... Disons, par exemple, que
cet homme a une famille d'un ou de deux enfants. Présentement, à
cause des mesures que nous avons prises l'an dernier, il commence à
payer de l'impôt à environ 21 000 $ ou 22 000 $ au lieu de 13 000
$. Si on avait fait ce transfert-là, cette personne aurait
commencé dorénavant - je comprends que la famille n'aurait rien
perdu dans l'ensemble - à payer de l'impôt avec un revenu de 6000
$. Une personne va travailler du jour au lendemain, elle ne paie pas
d'impôt et, tout d'un coup, avec ce changement, elle commence à
payer de l'impôt à 6000 $. Et l'augmentation d'impôt, pour
les travailleurs, aurait été de 1 000 000 000 $. Est-ce bien
cela? 1 000 000 000 $. Avant de poser un geste comme cela, il faut y penser.
C'est toute la société. D'ailleurs, il aurait fallu faire toutes
sortes de changements dans le programme APPORT, dans tout le programme d'aide
sociale. Je vous dis que ce n'est pas aussi simple que cela, lorsqu'on nous
présente une chose comme celle-là. Ce n'est pas parce qu'on ne
veut pas; on veut tous bien faire. J'imagine que, si vous étiez au
gouvernement, vous voudriez bien faire. Moi, je suis au gouvernement, avec mes
collègues, toute l'équipe ici, et comme vous, on veut tous bien
faire. On peut se tromper, mais on essaie de faire pour le mieux. Mais quand on
voit ces objections, on dit: Bon! Ce ne sera pas pour cette fois-ci. Cela ne
veut pas dire qu'on ne continuera pas de revoir ce qui pourrait être fait
pour aller dans le sens de vos préoccupations et de nos
préoccupations aussi. Mais, de là à dire qu'on va sauter
là-dedans sans savoir où on va atterrir, je dis: Un instant! On
va regarder cela de plus près.
Lorsque vous parlez des revenus à partir desquels les
impôts sont exigibles, j'aimerais vous dire un mot sur la famille
monoparentale, parce que Mme la députée a parlé en
particulier de la famille monoparentale. Je dirai, sans vouloir nous vanter,
sur la famille monoparentale au Québec - et cela a même
commencé avant nous, alors, je ne veux pas faire de partisanerie - que
c'est la personne, chef de famille monoparentale, la mieux traitée au
Canada sur le plan fiscal. Cela a commencé... Je ne dis pas qu'on l'a
commencé... Pardon?
M. Parent (Bertrand): Incluant les États-Unis aussi.
M. Levesque: Pardon? Incluant les États-Unis, oui. Bien
que ce fût le cas avant que nous fussions là, c'est encore plus le
cas aujourd'hui. En 1987, par exemple, la famille monoparentale - vous
retrouvez cela dans l'annexe A, à la page 26 - avec un enfant de moins
de six ans, après les déductions pour frais de garde,
commençait à payer de l'impôt à 13 842 $;
maintenant, c'est 20 200 $. Alors qu'elle avait une situation
privilégiée, ce que je peux mettre entre guillemets, elle est
encore dans une meilleure situation actuellement avec ces nouvelles mesures que
nous mettons dans le discours sur le budget. Finalement, si on veut prendre
simplement une famille monoparentale qui gagne 25 000 $, avant le discours sur
le budget par rapport à après le discours sur le budget, elle a
un gain d'environ 500 $, tout simplement en ce qui touche l'impôt. Je ne
parle pas des autres mesures, je parle des mesures de l'impôt.
Il y a une autre chose sur laquelle j'aimerais attirer l'attention de
Mme la députée. Vous avez probablement les mêmes
recherchistes que vos collègues, vous revenez tous avec la même
erreur - peut-être qu'on pourrait la corriger pour ceux qui viendront
après - les
68 000 000 $, ce sont plutôt 48 000 000 $. J'ai eu l'occasion au
cours de la journée de le dire à plusieurs autres. Il faudrait
peut-être dire cela en haut: Corrigez donc cela, de 68 000 000 $ à
48 000 000 $. C'est la même réponse que j'ai donnée aux
autres. Même si le changement de l'allocation de disponibilité
l'an dernier a été bénéfique au Trésor
public de 48 000 000 $, à cause des autres mesures qui avaient
été présentées en même temps pour la famille,
le gain net est de 188 000 000 $. Ce n'est donc pas un moins, c'est un plus. Il
ne faut pas isoler, autrement dit, seulement cela. Si on l'isolait encore, dans
le budget actuel, on l'a bonifié. Avant cela, pour avoir droit à
une allocation pour le troisième enfant, il fallait que les trois aient
moins de six ans. Maintenant, on l'a changé; qu'il y en ait un de moins
de six ans, même si les autres ont quatorze et quinze ans, cela compte.
Cela fait qu'au lieu d'avoir 100 $ pour le troisième enfant c'est 500 $.
Avant, s'il y avait deux enfants de moins de six ans et un seul de plus de six
ans, il n'avait pas droit à cela. Il avait droit aux 100 $; c'est 500 $
maintenant. On a bonifié l'allocation de disponibilité. On l'a
bonifiée aussi d'une autre façon. Avant, il fallait choisir. Cela
avait été inventé par vos prédécesseurs: ou
bien on prenait l'allocation de disponibilité, ou bien on prenait les
frais de garde. On ne pouvait pas avoir les deux. Les familles monoparentales,
en particulier, vont profiter de cela. Elles vont pouvoir avoir les deux.
Alors, tant mieux! C'est quelque chose qui va coûter plusieurs millions
au Trésor public, mais je pense qu'il était bon de le noter. Ce
n'est pas parfait, mais ce n'est pas pire. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances. M. le député de Saint-Louis.
M. Chagnon: M. le Président, avant l'heure du dîner,
je faisais état de la réduction du déficit et des
problèmes macroscopiques non seulement des énoncés
budgétaires, mais de l'économie et de la budgétisation en
général au Québec.
Si on regarde le budget de l'État depuis deux ou trois ans,
vis-à-vis des institutions publiques, il faut se rappeler qu'en
1985-1986, dans le budget qui avait été présenté
à l'époque par le ministre des Finances - Mme la
députée de Marie-Victorin se le rappellera sûrement - les
hôpitaux du Québec avaient laissé la pas très
agréable hypothèque d'un déficit accumulé de
l'ordre de 264 000 000 $ pour l'ensemble du réseau hospitalier de tout
le Québec. Je dis, Mme la députée de Marie-Victorin, parce
que je crois qu'elle était présidente du conseil d'administration
de l'hôpital Charles LeMoyne, si ma mémoire est fidèle. Le
réseau hospitalier avait accumulé un déficit de l'ordre de
264 000 000 $ qui, en plus du déficit de l'État, a dû
être récupéré par le gouvernement. Cela a
été énorme, ramasser les 264 000 000 $ et ce
n'était pas tout. Il fallait s'assurer, pour l'avenir, que tout le
réseau hospitalier, tous les centres hospitaliers puissent
réussir à fonctionner avec des budgets contrôlés,
dans des budgets avec lesquels, d'une part, ils n'arriveraient plus de
façon déficitaire. Or, depuis trois ans, les trois budgets
consécutifs ont fait en sorte d'investir près d'un milliard
d'argent nouveau, en trois budgets, dans le réseau des institutions de
santé. (21 h 15)
Une autre institution extrêmement importante pour toute
société, la nôtre comme celle de n'importe quel pays, c'est
la famille. On mentionnait et je pense qu'il est bon de mentionner à
nouveau que l'objectif du budget 1988-1989 est de tenter de bâtir un
régime qui s'accorde mieux à certaines réalités et
aux besions des familles. Mieux aider les familles, cela peut vouloir dire,
comme l'a souligné le ministre des Finances, une réduction de 772
000 000 $ pour l'ensemble des familles du Québec. J'ai été
aussi un peu surpris en écoutant la députée de
Marie-Victorin énoncer le principe que toutes les femmes du
Québec s'opposaient ou trouvaient un peu bancal le budget, qu'elles le
trouvaient un budget conservateur, de droite, etc. Je pense que ce sont des
épithètes fort exagérées.
J'ai rencontré aussi, depuis la présentation du budget,
cela fera deux semaines après demain, beaucoup de femmes dans mon
comté, dans le comté de Mme la députée, dans des
comtés un peu partout au Québec, mais particulièrement sur
l'île de Montréal, mais je n'ai pas rencontré une femme qui
m'ait dit que le fait d'abolir complètement la
récupération des allocations familiales soit imbécile. Je
n'ai rencontré personne qui m'ait dit cela. J'en ai rencontré
plusieurs qui m'ont dit que c'était imbécile de les avoir
intégrées au revenu en 1985 et d'avoir forcé les femmes
à retourner les chèques d'allocations familiales ou le montant
des chèques d'allocations familiales qu'elles avaient reçu au
fisc. Cela, pour 126 000 000 $ sur une dépense de 155 000 000 $ ou 160
000 000 $ en allocations familiales. Quand les trois quarts de ton allocation
retournent à l'État, on ne peut pas parler d'un système
d'allocations familiales bien généreux. Je n'ai pas
rencontré une femme qui m'ait dit que c'est complètement farfelu
d'avoir aboli la récupération des allocations familiales. 126 000
000 $, tant de dollars par mois, par enfant, un, deux, trois, quatre. Je n'ai
rencontré personne qui m'ait dit que c'était fou. Au contraire,
je n'ai eu que des éloges et je n'ai entendu que des éloges
à cet effet de la part de toutes les femmes que j'ai pu rencontrer. Ce
n'est pas le Pérou, mais c'est drôlement symbolique de la part
d'un gouvernement qui veut véritablement mettre sur pied une politique
familiale, une politique d'aide à la famille.
On a pu spéculer, on s'est amusé sur les 500 $ pour le
premier enfant, les 500 $ pour le deuxième et les 3000 $ pour le
troisième. Le
ministre des Finances a eu cinq enfants qui sont tous en âge
d'avoir des enfants, peut-être que le ministre des Finances est
grand-père - à quatre reprises, m'indique-t-il. Je suis certain
que les enfants du ministre des Finances et les jeunes en
général, les gens qui sont en âge de fonder une famille ne
feront pas un troisième enfant pour avoir 3000 $. Je ne pense pas que
c'était l'intention du ministre des Finances et personne d'un peu
sérieux à l'Assemblée nationale ne va croire que des
couples vont se mettre à faire un troisième, un quatrième
et un cinquième enfant pour avoir des 3000 $.
Le chef de l'Opposition nous disait cet après-midi: Cela n'a pas
d'allure, il faudrait absolument faire quelque chose, une vraie politique
familiale, prendre l'enfant au berceau jusqu'à la fin de
l'université et payer tout le long. Ce n'était pas l'intention du
ministre des Finances. Ce n'est pas l'intention qui est reflétée
dans ce budget-là non plus. L'intention de ce budget est d'aider les
familles. Quand tu as un troisième enfant, tu reçois 3000 $
étalés sur deux ans. Je n'ai pas rencontré une femme, M.
le Président, qui m'ait dit: Je vais le refuser, je ne le prendrai pas.
Je n'ai pas rencontré un homme non plus qui m'ait dit cela. Je n'ai
rencontré personne qui m'ait dit: Cela pas d'allure. Quand je recevrai
cet argent, je le retournerai. Non, au contraire, cet argent va certainement
servir à des besoins comme ceux mentionnés par Mme la
députée, à l'égard de la garde, des temps de garde.
Cela coûte cher, la garde, c'est vrai. Mais ces 3000 $ seront
drôlement bienvenus, avec les allocations familiales, avec les
crédits d'impôt et avec, en partie, les 772 000 000 $ qui sont
investis dans la famille. C'est un investissement.
Je pourrais souligner que cela m'a un peu surpris d'entendre le chef de
l'Opposition nous dire cela. Il semblait véhiculer l'idée que le
ministre des Finances avait décidé de son propre chef et aussi,
je présume, un peu de celui du cabinet, que 3000 $ par enfant,
c'était la nouvelle politique nataliste du Québec, un peu
à l'image de ce que le curé Labelle avait inventé pour les
pays d'en haut: le vingt-sixième, il aura l'instruction gratuite. On a
un peu dépassé le temps de ces histoires-là. Vous n'aurez
pas une terre en bois debout au dix-huitième et l'instruction gratuite
pour le vingt-sixième, ce n'est pas vrai. Mais 3000 $, ça va
aider un paquet de gens qui ont un troisième enfant ou qui auront un
troisième enfant. Ils ne feront pas un troisième enfant pour
avoir les 3000 $, comme le laissait suggérer le député de
Joliette. Il prêtait l'intention au ministre des Finances de vouloir
bâtir la politique nataliste du Québec sur ces 3000 $. Cela n'a
aucun sens.
Mais le député de Joliette disait que ce sont les parents
les plus pauvres qui ont trois enfants et plus. Cela indique une
préoccupation un peu particulière. C'est un peu comme si on
disait que les parents les plus pauvres ont plus d'enfants et que, pour 3000 $,
ils auront d'autres enfants. Je pense que le député de Joliette
se trompe, s'il pense cela réellement. Cela pourrait même,
à l'absurde, remettre en question l'ensemble des services sociaux qui
sont déjà donnés à la famille. Cela pourrait le
remettre en question en ce sens qu'on pourrait aussi soulever que l'aide
déjà donnée aux garderies, par exemple, l'aide
déjà donnée aux familles est une aide donnée
à des gens riches qui ont plus d'enfants. Or, ce n'est pas du tout le
cas. Peut-être le ministre des Finances pourra-t-il préciser un
peu plus quelle est la modulation par revenu. Peut-être avons-nous cela
au ministère des Finances, la modulation par revenu, le nombre d'enfants
par famille? Enfin, je serais intéressé que l'on contredise cette
affirmation du chef de l'Opposition avec des statistiques et des chiffres.
Selon moi, cette donnée que le chef de l'Opposition nous amenait ne
tient pas. Il n'est pas vrai que ce sont seulement les parents les plus pauvres
qui ont le plus d'enfants.
Pour conclure, je dirai tout simplement à nos amis d'en face que
ce régime pour mieux aider les familles a été très
largement bien accueilli dans l'ensemble. Dans ce cadre-là, je pense que
les suggestions qui nous sont faites par l'Opposition sont toujours les
bienvenues. Il n'en demeure pas moins que ce qui est réel, qui est
l'état du budget a, lui, été très bien
accueilli.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Saint-Louis. Mme la députée de
Marie-Victorin.
Mme Vermette: Oui, M. le Président.
M. Levesque: M. le Président, est-ce que vous me permettez
de donner seulement une statistique que le député me demande?
Le Président (M. Lemieux): Avec le consentement.
M. Levesque: Avec le consentement, cela va prendre une minute. Je
ne veux pas vous interrompre....
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Bertrand?
M. Parent (Bertrand): 11 ne faudrait pas abuser.
M. Levesque: Non, c'est que le député de
Saint-Louis s'informait pour savoir où se trouvent les enfants.
M. Chagnon: Je citais le chef de l'Opposition.
M. Levesque: Oui, je sais, mais j'ai les chiffres ici pour dire
où on retrouve les enfants. On a les revenus de 0 à 5000 $, de
5000 $ à
15 000 $, de 15 000 $ à 25 000 $, de 25 000 $ à 35 000 $,
de 35 000 $ à 45 000 $ et de 45 000 $ et plus. Ce sont les
échelles de revenus. Disons que 88,5 % des enfants se trouvent dans les
familles biparentales, 11,5 % dans les familles monoparentales. La grande
partie des enfants dans les familles biparentales, dans les 88 %, où la
proportion est la plus haute, est dans le groupe des 25 000 $à35 000 $.
Ensuite...
M. Parent (Bertrand): M. le Président...
Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le député
de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Si le ministre me le permet, s'il pouvait
déposer le tableau pour qu'on puisse en discuter par la suite.
M. Levesque: Oui.
M. Parent (Bertrand): II serait préférable qu'on
puisse l'avoir, pour travailler avec Mme la députée sur ce
tableau.
M. Levesque: Je termine en disant que, si on prend l'ensemble des
enfants, 77.3 % - c'est beaucoup ça - en dollars de 1988, se trouvent
dans les familles de 20 000 $ et plus. Je le répète, 77,3 %.
Alors, à ceux qui pensent cela, parce qu'il y en a qui avaient dit que
les enfants se retrouvent dans les familles les plus pauvres, les statistiques
ne nous indiquent pas cela, du moins pour les biparentales.
M. Chagnon: C'est une affirmation qui m'a surpris.
Le Président (M. Lemieux): J'autorise le
dépôt, M. le ministre des Finances. J'aimerais souligner, pour le
bénéfice des membres de la commission, que j'ai donné une
interprétation assez restrictive du règlement et de la
décision qui a été rendue le 23 mai 1984 par
l'ex-député péquiste de Bellechasse. Il semblerait
qu'après chacune des interventions, y compris celles des
ministériels, M. le ministre, vous auriez droit à une
réplique de dix minutes.
M. Levesque: C'est ce que je pensais, mais je ne voulais pas
faire de chicane.
Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse d'avoir
donné une interprétation aussi restrictive du règlement,
mais je dois quand même, puisque le débat sur le discours sur le
budget prend la forme d'une interrogation, protéger, vous le
comprendrez, le temps des parlementaires de l'Opposition. Je sais que
vous...
M. Levesque: Vous êtes un excellent président.
Le Président (M. Lemieux): ...n'abusez pas des bonnes
choses. Mme la députée de Marie-Victorin, vous avez la
parole.
Mme Vermette: Merci, M. le Président. À la
suggestion que le député de Saint-Louis nous a proposée,
je lui répondrai qu'il n'y a pas de copyright sur les idées.
Donc, finalement, il n'y a pas de droit d'auteur sur les idées.
Le Président (M. Lemieux): Merci. C'est pour cela que j'ai
sursauté.
Mme Vermette: En fait, cela devient un terme assez international.
Enfin, je ne pense pas qu'il y ait de contradiction avec ce que notre chef a
dit soit que, généralement, on trouve dans les familles
nombreuses des gens très généreux et que ce ne sont pas
les familles les plus riches. Mais, quand on est rendu avec une famille de
trois enfants et une femme et un homme avec 30 000 $, je vous garantis qu'on ne
fait pas de choux gras non plus. On ne peut: pas dire que ce soient des
familles très bien nanties. Donc, je pense, d'une part, qu'il ne
faudrait pas trop non plus faire passer des choses qui n'ont pas
été dites. C'est une question d'interprétation, il faut
remettre les choses dans leur contexte.
D'autre part, je voudrais revenir sur ce qui concerne l'autonomie des
femmes. Ce que j'ai dit et ce pourquoi j'ai dit que c'était un budget de
droite et très conservateur, c'est que le budget n'apporte pas les
réformes nécessaires actuellement pour faire face à
l'évolution et aux mentalités de nos sociétés dans
lesquelles on considère que les hommes et les femmes sont égaux.
Quand je parle de l'égalité, cela veut dire
l'équité au niveau salarial, cela veut dire l'occupation de
postes supérieurs. Je crois qu'ici même, à
l'intérieur de la fonction publique, il y a de moins en moins de femmes
qui occupent des postes de cadres supérieurs dans la fonction publique.
Quand les femmes parient d'autonomie, elles parlent d'avoir de bons salaires,
d'avoir des emplois bien rémunérés. C'est surtout dans ce
sens. Je ne vois pas de mesures dans le budget qui aillent justement en faveur
de cette approche.
Quand on parle finalement de vision et d'être visionnaire, II ne
faut pas avoir le nez sur ce qui se passe actuellement, parce que c'est
déjà dépassé. Il faut aller un peu plus vite et un
peu plus en avant et il faut être visionnaire, comme je me le suis fait
dire tantôt. Être visionnaire, c'est apporter des mesures qui sont
assez avant-gardistes, parce qu'il faut toujours un certain temps avant de
mettre en place les réflexes et de changer aussi les comportements.
Donc, il revient au gouvernement de prendre l'initiative et c'est cette
initiative qu'on n'a pas vue dans le budget. Je parle aussi pour l'ensemble des
groupes de femmes et l'ensemble des groupes communautaires de femmes, notamment
au sujet des groupes communautaires, parce qu'il n'y a pas eu d'argent
additionnel au
ministère de la Santé et des Services sociaux; ce qui veut
dire que, pour les femmes battues, les femmes violentées, les maisons de
femmes battues, il n'y a pas d'argent neuf pour elles. Pour les personnes qui
s'occupent des femmes victimes de violence et d'agression sexuelle, il n'y a
pas d'argent. Pourtant, Mme la ministre de la Santé et des Services
sociaux leur avait promis qu'en juin elles auraient des sommes additionnelles
mais, par contre, dans le budget, il n'y a pas d'argent supplémentaire.
Et il n'y en aura pas. Les 80 maisons de femmes, il y a plein de gens de votre
côté qui ont déposé des pétitions pour les
maisons de femmes, si vous vous en souvenez bien, et il n'y a pas d'argent pour
ces femmes-là non plus. C'est une réalité.
Je ne sais pas où vous vous promenez ni dans quel salon, mais ce
n'est sûrement pas dans les maisons de femmes et ce n'est sûrement
pas non plus dans les maisons d'hébergement pour femmes
violentées ou victimes de violence. (21 h 30)
À ce sujet, je pense effectivement que quelque chose n'a pas
été fait. Il y a des attentes qui ne sont pas comblées et
des attentes importantes. Dans le fond, vous avez apporté certaines
mesures remarquables, je crois, notamment la ligne téléphonique
pour les urgences 24 heures par jour pour les femmes victimes de violence. Et
vous avez apporté une mesure intéressante, importante aussi, qui
favorise la coordination des places dans les maisons d'hébergement et
que cela permet à ces femmes d'avoir tout de suite accès à
des endroits et d'avoir des services. Par contre, vous n'avez pas mis les
budgets nécessaires pour assumer ce développement, cette nouvelle
demande. Qu'est-ce qui va arriver? Encore une fois, de l'insatisfaction, des
problèmes de plus en plus importants. Ces femmes s'attendent qu'on leur
donne un service et qu'on leur réponde. On ne pourra pas le faire parce
qu'on ne pourra pas développer de nouveaux endroits et de nouvelles
places. Ce que votre gouvernement fait actuellement, c'est qu'il est bien bon
pour le démarrage, mais pas pour le suivi, un peu comme ce que vous
venez de faire avec vos 3000 $ par enfant. Vous êtes très bons
pour le démarrage, mais pas pour le suivi en fin de compte. Elles ont
besoin de mesures de soutien et il n'y en a pas, des mesures de soutien. Ce que
les gens disent, en fin de compte, c'est: Ayez donc un peu plus de constance,
un peu plus de vision à long terme. Ce n'est pas juste de mettre en
place une mesure pour demain matin qui est important, ce sont les
conséquences pour l'avenir aussi. Évidemment, on engage l'avenir
quand on fait des mesures comme cela.
Qu'est-ce qui se passe, à l'heure actuelle? Moi, je regarde les
données. Lorsqu'on regarde notre société à l'heure
actuelle, quand il y a un divorce sur deux mariages au Québec, quand on
dit qu'une grande partie de nos enfants vivront un deuxième divorce, je
pense que c'est dans ce sens qu'il faut s'orienter, c'est dans ce sens qu'il
faut apporter des mesures d'aide et de soutien. Quand on parle d'une
véritable politique familiale, c'est dans ce sens, en prenant en
considération le portrait actuel de notre société, le
tissu social de notre société, tel qu'il est à l'heure
actuelle et selon son évolution. Quand on regarde le nombre de suicides
chez nos jeunes, quand on regarde le nombre de sans-abri chez nous, je pense
qu'il faut apporter des réformes importantes et imaginatives qui font en
sorte qu'on a une conscience collective pour que toute cette jeunesse ne soit
pas perdue parce qu'elle est importante, mais il faut la rendre productive.
Pour cela, il faut lui apporter des mesures de soutien, notamment au niveau des
garderies.
Il aurait été important de développer actuellement
un réseau de garderies. Vous savez qu'il manque 90 000 à 95 000
places à l'heure actuelle pour répondre aux besoins des familles
québécoises. Il y a 46 000 places exactement qui existent en
garderie, en ce moment. Je ne tiens pas compte des garderies en milieu
scolaire; je parle seulement du réseau des garderies et du milieu
familial. Il nous faudrait environ 90 000 places. Vous avez eu des
études, preuves à l'appui, qui vous donnaient différents
scénarios pour l'évolution du rythme des places en garderie au
Québec, non pas pour combler l'ensemble des besoins, mais pour
répondre d'une façon satisfaisante aux besoins. Certains
scénarios vous ont été présentés en 1986 et
en 1987. Encore là, on attend toujours des négociations avec le
fédéral pour mettre en place des nouvelles mesures. Vous n'avez
pas mis d'argent neuf cette année. Vous attendez des négociations
fédérales-provinciales pour faire quelque chose et il n'y a rien
qui nous dit que vous allez les faire, ces places. On ne sait jamais ce qui
peut arriver quand vous mettez des choses dans le budget. Donc, il n'y a pas de
volonté. Quand on parle de volonté, cela se traduit par des sous.
Quand on parle de mesures de soutien et quand on dit qu'il faut
développer la famille, il faut mettre quelque chose dans cela. Cette
année, aux garderies, on a donné de l'argent pour de
l'équipement didactique, environ 2600 $ par garderie. Je vous garantis
que ces garderies n'iront pas loin. Ce n'est pas avec cela qu'on va
améliorer le développement psychomoteur de nos enfants et qu'on
va développer leur capacité à apprendre rapidement.
Par contre, quand on considère qu'on a le plus haut taux de
pauvreté au Québec, il y aurait peut-être eu avantage
à regarder et à cibler ces points et à faire des choses
importantes à ce niveau, du moins pour l'empêcher, justement, et
faire de la prévention. L'idée de prévention est
très importante à ce niveau, parce qu'on empêche ainsi que
des enfants ne soient battus, qu'ils ne soient victimes d'agression sexuelle,
ou qu'on ne les retrouve dans le réseau de la santé
amochés et qu'ils ne deviennent des adultes avec des problèmes
à long terme, ce qui a de graves
conséquences pour notre société. On appelle cela
hypothéquer l'avenir quand on ne prend pas des mesures importantes
à ce niveau. C'est pour tout de suite, ces mesures, quand on regarde le
nombre de familles monoparentales, quand on regarde les besoins. Les besoins ne
sont pas uniquement en fonction des femmes qui sont sur le marché du
travail. Quand on sait que 60 % des femmes à l'heure actuelle sont sur
le marché du travail et qu'il y en aura, dans les années à
venir, 80 %, je pense qu'il est essentiel qu'on développe un
réseau de garderies adéquat qui réponde aux exigences et
au rythme de développement de notre société, en tenant
compte que les femmes, c'est fini, elles ne retourneront pas à la
maison. Elles sont sur le marché du travail et elles vont y demeurer. Il
faut trouver des mesures et des moyens qui leur permettent, justement, de
vivre, elles aussi.
Comme le disait tantôt le député de Saint-Louis,
c'est bien beau des efforts symboliques, mais est-ce que vous pourriez vivre,
vous, avec des efforts symboliques? Les femmes sont très patientes,
à mon avis. C'est bien sûr que c'est un pas qu'on a fait. Vous
avez même dit que c'est un effort symbolique, que tout ce qui avait
été fait n'était pas parfait. Mais je ne pense pas qu'il y
ait beaucoup de monde qui puisse vivre avec des efforts symboliques.
Le Président (M. Lemieux): Si vous voulez conclure, Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Vermette: On vit avec du concret. Je maintiens ce que j'ai
dit. Je vous le répète: II n'y a pas d'argent neuf dans les
garderies. Je me demande pourquoi, alors que vous avez tout en main pour
développer le reseau à un rythme qui répondrait aux
véritables besoins. Vous savez que ce sont 3000 places par année
et 2000, ce qui veut dire à peu près 8000 places qu'il faut
développer par année pour atteindre notre but. Et, depuis 1986,
il ne s'est pas fait grand-chose dans ce domaine.
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la
députée de Marie-Victorin. M. le ministre des Finances.
M. Levesque: M. le Président, je vois que l'heure avance
et je voudrais laisser à mes collègues qui ont exprimé
leur intention de participer à cette discussion le temps de le faire,
avant 22 heures. Très brièvement, il y a des choses que je ne
peux pas laisser passer trop facilement et que je vais relever.
Ce n'est pas que Mme la députée n'a pas fait preuve de
sentiments généreux. Ce n'est pas cela. Simplement, lorsqu'elle
arrive dans les solutions, elle fait une analyse assez sommaire de certaines
mesures. À ce moment-là, je suis obligé d'apporter, au
moins, les nuances nécessaires.
Je vais commencer par quelque chose qui m'a frappé tout à
l'heure. Mme la députée pariait des conjoints auxquels on
référait ainsi, dans mon budget: 60 % pour un et 40 % pour
l'autre; 60 % homme et 40 % femme. Mais, je cherche en vain. Peut-être
qu'elle pourrait me dire à quel endroit on parle de 60 % homme et 40 %
femme. Dans les notes que je vois dans l'annexe, l'un des conjoints gagne 60 %
et l'autre 40 %. Mais je ne vois pas qu'on dise que ce soit l'homme ou la femme
qui gagne 40 % ou 60 %. Il faudrait que Mme la députée me dise
où parce qu'elle nous a dit qu'on avait des exemples où
c'était 60 % pour les hommes et 40 % pour les femmes. J'ai
demandé à mes collaborateurs de m'indiquer où. Or,
personne ne peut m'indiquer où se trouve ce que vous avez
prétendu. J'aimerais que vous me précisiez à quel endroit
on dit que les 60 % appartiennent aux hommes et les 40 % aux femmes.
Mme Vermette: En fait, c'est une interprétation. Quand on
regarde les faits dans la réalité, c'est 60 % et 40 %.
M. Levesque: Merci, Mme la députée.
Mme Vermette: Quand je parle d'équité, M. le
Président, je pense que cela ne se traduit pas par des mesures
inadéquates et inégales. L'équité, à mon
avis, c'est 50-50.
M. Levesque: C'est parce que je me suis informé, Mme la
députée. Si les chiffres de 60 % et 40 % sont là, ce n'est
pas pour distinguer l'homme et la femme. C'est simplement pour prendre la
moyenne, pour donner des exemples qui collent à la
réalité. C'est tout.
Mme Vermette: Voilà.
M. Levesque: Maintenant, il y a une autre chose que j'aimerais
dire à Mme la députée, c'est celle-ci: Lorsqu'elle parle
d'un effort symbolique, elle sort de leur contexte les propos tenus par le
député de Saint-Louis, je crois. C'est loin d'un effort
symbolique, vous savez. Lorsqu'on réduit les impôts de 1 257 000
000 $, dont 61 % pour les familles, 772 000 000 $, je ne sais pas si vous
êtes allés à la même école que moi, mais cela
commence à être des chiffres plus que symboliques. 126 000 000 $,
simplement pour corriger une politique du gouvernement précédent
par rapport à la non-récupération des allocations
familiales. Je vous le dis bien franchement, il n'y a rien de symbolique
là-dedans. Ce sont les sommes les plus considérables de tous les
temps jamais accordées à nos contribuables
québécois. Je ne pense pas qu'on puisse qualifier cela de
symbolique.
Lorsque Mme la députée fait le tour de toutes les
personnes en quête d'aide de l'État, j'en suis. Nous sommes
conscients qu'il y a encore des besoins et nous devons faire l'impossible pour
essayer de les combler.
Je dis à madame que ce n'est pas dans ce
budget-ci seulement qu'on retrouvera les formules, les réponses.
Il faut bien comprendre qu'à la fin de mars dernier nous avons
déposé un budget de dépenses de l'ordre de 30 000 000 000
$ et, là-dedans, vous allez trouver des augmentations de crédits
qui pourront servir à répondre à plusieurs des besoins
mentionnés par Mme la députée.
Quant aux garderies - je pense que je vais terminer avec cela pour le
moment - Mme la députée dit: Vous attendez après le
gouvernement fédéral. Il ne faudrait pas oublier que le
gouvernement fédéral était toujours là
jusqu'à maintenant. Ce n'est pas uniquement de l'argent neuf du
Québec. Le gouvernement fédéral participait pour environ
un tiers des dépenses à ce chapitre-là, même avec le
gouvernement précédent. Alors, il ne faut pas penser qu'on attend
après le fédéral.
Simplement, le gouvernement fédéral a indiqué son
intention de bonifier le tout et de faire passer sa participation d'un tiers,
33 %, à 50 %. On serait bien fous de ne pas prendre cet
argent-là. Mais, avant de le prendre, on va examiner quelle est la
situation et, justement, ma collègue, la ministre
déléguée à la Condition féminine, est en
train, avec nous, de regarder cette question, parce qu'on veut s'assurer
d'avoir une négociation qui soit dans les meilleurs
intérêts du Québec.
On ne veut pas voir se répéter ce qui s'est passé
dans le domaine de la santé et dans le domaine de l'éducation
postsecondaire où on commence avec 50 % et, lentement, mais
sûrement, on se désengage tranquillement. On veut y aller
progressivement, de sorte que l'apport des transferts fédéraux
dans les revenus du Québec, comme je l'ai mentionné tout à
l'heure, continue de décroître. Alors, il faut, lorsqu'on a une
négociation, prendre le temps de bien la faire, ce que nous avons
l'intention de faire.
Quant aux places dans les garderies, nous avons mentionné 60 000
nouvelles places. Oui, nous voulons procéder à créer ces
60 000 nouvelles places. Il ne faut pas oublier que 60 000, c'est pratiquement
le double de ce que nous avons présentement, et même plus, parce
que madame n'en compte que 45 000 et, moi, j'en compte 70 000. Mais les 70 000
que nous avons en 1988-1989 se comparent aux 45 000 qu'il y avait en 1984-1985
et aux 52 000 en 1985-1986.
Il y a eu une progression, en trois ans, de 17 000 places ou 33 %
d'augmentation. Alors, il ne faut pas dire qu'on est insensible à la
question des services de garde. Au contraire, nous avons fait des efforts
considérables. Le budget qui, en 1985-1986, était de 72 000 000
$, est rendu à 101 000 000 $, cette année. Ce n'est pas parce
qu'on est restés insensibles à ces besoins-là. Au
contraire, nous voulons accentuer le progrès de ce
côté-là. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances. M. le député de Mille-Îles a demandé la
parole. J'aurais cependant de nombreuses choses à dire à Mme la
députée de Marie-Victorin, entre autres, que le rapport
hommes-femmes dépasse les compétences de l'État. J'aurais
aimé lui parler des familles monoparentales, du programme Formacadres du
gouvernement du Québec et du programme d'accès à
l'égalité.
Oui, pour y avoir travaillé trois ans, Mme la
députée de Marie-Victorin, j'aurais bien aimé vous en
parler. J'aurais également aimé vous parler de l'importance pour
notre économie du développement régional et de ce que cela
signifie, comme tel, rendre plus productif. J'aurais aimé vous dire que
nous sommes présentement en train de moderniser le présent, sans
que vous vous en rendiez compte.
Mais comme le député de Mille-Îles a demandé
la parole, je vais le laisser prendre ses dix minutes. M. le
député de Mille-Îles.
Contraintes budgétaires
M. Bélisle: Merci, M. le Président. J'ai
écouté avec beaucoup d'attention la députée de
Marie-Victorin qui a fait un tour d'horizon pas mal complet des questions
relatives à la personne, aux individus, aux enfants et à la
famille québécoise, et je suis en grande partie d'accord avec
elle, sur tout cela. Dieu sait que je connais très bien le
problème avec la troupe que j'ai à la maison et avec les gens que
je vois.
Une voix: Comme qui?
M. Bélisle: Ah, il y en a plusieurs, disons! Mais je pense
que la députée de Marie-Victorin a fait la preuve, ce soir, d'un
principe fondamental - il faut toujours revenir à des principes en
matière de finances publiques on ne peut pas échapper à
ces principes fondamentaux - que les besoins sont illimités et que les
ressources, très malheureusement, sont excessivement limitées.
(21 h 45)
Chaque fois qu'un ministre des Finances, quel que soit le gouvernement,
procède à un choix de priorités dans un budget, II fait
toujours face à la même règle de base. Il voudrait faire un
tas de choses, il établit ses priorités, mais il a toujours une
contrainte monétaire.
Quand je regarde ce que vous avez souligné quand vous parliez de
la politique d'égalité de revenu pour une femme qui occupe un
poste et pour un homme qui occupe le même poste: même travail,
salaire égal, on est tous d'accord avec cela autour de la table, mais ce
n'est pas dans le budget du gouvernement du Québec que l'on va trouver
des mesures pour corriger cet état de fait, pas du tout. C'est, avant
tout, dans les documents qui lient les parties autour d'une table,
c'est-à-dire dans les conventions collectives, c'est dans la
mentalité des syndicats qui négocient pour les travailleuses.
C'est là. Quand on dit qu'il n'y a pas de mesures dans le budget
là-dessus, je ne pense pas que ce soit la place dans un budget
pour mettre des mesures pour inciter le gouvernement à respecter
à poste égal, salaire égal.
Politique d'accès à l'égalité des postes. Je
sais que la commission des institutions se penche présentement sur un
problème semblable et elle est en train de faire des recommandations
assez spécifiques. Cela ne fonctionne pas, d'accord, mais ce n'est pas
dans le discours sur le budget que le ministre des Finances va venir
étaler des mesures incitatives pour qu'il y ait un accès
égal à des postes. C'est par tout le processus d'affichage et
d'embauché. Ce n'est pas dans un budget. Je n'ai jamais vu cela dans un
budget, même sous l'ancien gouvernement, et je le comprends très
bien parce que ça n'a pas sa place là. Bon.
Politique générale de la personne, de la famille et des
enfants, les maisons de femmes violentées, les garderies et le
Régime de rentes. Oui, c'est une politique globale et
générale qui concerne la famille au Québec, mais, encore
là, la politique est en voie d'être élaborée
présentement, de façon, je l'espère, assez rapide par le
Conseil des affaires sociales et de la famille. Je suppose que, d'ici quelque
temps, le conseil aura des comptes à rendre à quelqu'un et qu'il
devra mettre des recommandations sur table, afin que le ministre responsable se
tourne vers ses collègues, au Conseil des ministres, et leur dise:
Écoutez, messieurs, si on a la volonté politique d'avoir une
véritable politique de la famille, voici les recommandations du Conseil
des affaires sociales et de la famille - on ne les a pas nommés
là pour rien - et voici leurs conséquences. Le ministre des
Finances prendra ces recommandations, fera une évaluation avec ses
services. La Direction de la Recherche économique travaillera bien fort
au ministère, après, il fera un tableau et dira: Cela coûte
tant. Le Conseil des ministres dira par la suite: Est-ce qu'on est capable ou
non? C'est sûr que cela ne pouvait pas être dans ce budget, mais
cela pourrait être dans un autre budget ou en partie, en phase
progressive sur un certain échéancier. Mais, de grâce, ne
nous faites pas le reproche que ce n'est pas le budget du ministre des
Finances. Ce sont peut-être les premiers balbutiements d'une telle
politique avec le Conseil des affaires sociales et de la famille dont on
espère, qu'il produira quelque chose de décent pour la famille
québécoise.
Je pense que le bon choix a été fait. Si on n'avait pas
une politique familiale générale, si le Conseil des ministres ne
s'était pas penché, si le ministre des Finances n'avait pas eu
l'occasion et même le temps d'avoir l'analyse des coûts financiers
de cette politique, je pense qu'il a fait le bon choix. Son choix a
été bien simple. C'est qu'il s'est dit: Comment, dans une
première étape, utiliser le dénominateur commun qui touche
tout le monde? Le seul dénominateur commun qui touche tout le monde,
c'est la taxation des individus à la base et les crédits
d'impôt. Il n'y avait pas d'autre façon de le faire.
J'aime cela, poser des questions à l'Opposition parce que j'ai
hâte d'avoir une couple de réponses dans ses interventions. Ne
pensez-vous pas que la seule démarche plausible qui pouvait être
faite à cette étape-ci, en 1988, étant donné que
nous n'avons pas encore, ni le Parti québécois et je vais aller
jusqu'à dire ni le Parti libéral du Québec, de politique
familiale très bien articulée et très bien
détaillée, était de commencer par monter la
première marche de l'escalier, c'est-à-dire d'utiliser un
dénominateur commun qui était la taxation de base des individus,
d'augmenter les crédits d'impôt, de hausser le revenu familial et
la taxation du revenu familial à 22 000 $. C'est drôle, mais je ne
peux pas voir ça autrement.
Je veux, tout simplement, conclure mon intervention, M. le
Président, en disant que c'était impossible, il y a tout
près de deux ans et demi, compte tenu d'un déficit, dans les
revenus de l'État de 25 000 000 000 $, de 4 300 000 000 $ qui
était envisagé le 2 décembre 1985, même d'oser
penser qu'on pouvait s'en aller sur la première marche de l'escalier. On
n'était même pas en bas de la première marche, on
était en dessous du plancher. Là, présentement, on
commence à avoir une marge de manoeuvre à cause de la
conjoncture, oui, c'est vrai, mais aussi à cause d'une saine gestion et
d'une rigueur financière. Je considère que, quand on se retrouve
à 1 600 000 000 $ de déficit avec 32 000 000 000 $ de revenus, ce
n'est pas du tout la même partie qui se joue présentement que
celle qui se jouait il y a tout près de deux ans et quatre mois
seulement, alors que c'était 18 % de déficit dans les revenus
globaux gouvernementaux. Là, présentement, on est seulement
à 5 %; on revient aux années 1970 à 1976, quand on regarde
le cheminement du déficit du Québec dans les revenus globaux de
la province.
Alors, je comprends beaucoup mieux, M. le Président, dans ces
termes-là, qu'on puisse commencer à penser à passer du
sous-sol pour arriver au premier palier et franchir la première marche.
Je suis d'accord, M. le Président, avec la députée de
Marie-Victorin pour monter jusqu'en haut de l'escalier. Mais, il faudra prendre
le temps de bien regarder ce qu'on va faire, de regarder les
conséquences, de bien analyser et ne pas faire de jugement rapide,
prématuré, de bien s'assurer que la politique qu'on va mettre sur
la table convient à la société qu'on va avoir en l'an
2000. Ce n'est pas nous, avec une politique fiscale ou avec une politique
budgétaire, qui allons changer le comportement moral et individuel des
Québécois entre eux. Si, dans les familles
québécoises, en ce moment, les individus divorcent une fois ou
deux fois, l'État n'a pas affaire, par des mesures fiscales ou
budgétaires, à les inciter à ne pas faire ou à
faire telle chose. Respectons les individus, ayons une
politique qui respecte les individus et leurs choix personnels, et
essayons de voir comment on peut coller à cette réalité
avec des programmes, des mesures pour les garderies ou d'autres choses qui
peuvent correspondre aussi à notre capacité financière.
Dieu sait qu'elle va bien présentement et qu'elle va continuer à
bien aller.
Ce que je souhaite, c'est que, l'an prochain, avec la première
marche franchie, un début de politique familiale mis sur la table, une
analyse serrée au ministère des Finances, une décision du
Conseil des ministres, il y ait au moins un livre blanc de
déposé, qu'on soit prêt à adopter un programme
complet en vue d'une politique familiale complète. Après, on
pourra dire au ministre, à la suite de la décision du Conseil des
ministres: Vous n'avez pas fait votre "job" parce que vous ne l'avez pas
incluse dans le budget. Mais, au moins, franchissons cette étape avant
de faire ce reproche au ministre des Finances.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Mille-Îles. Mme la députée de
Marie-Victorin.
Manque de vision à long terme
Mme Vermette: Alors, M. le Président, je pense qu'au cours
de cette année nous verrons vraiment les intentions du gouvernement pour
favoriser, justement, l'égalité salariale. Cela se traduit aussi
en termes de sous à l'intérieur des budgets, effectivement.
Alors, il y a le dossier des infirmières qui demandent
l'équité salariale. Il y a toujours les négociations des
travailleuses en garderie, à l'heure actuelle, où on n'a rien
trouvé encore comme solution pour leur donner une reconnaissance de
leurs acquis. Ces techniciennes gagnent 12 000 $ à 14 000 $ par
année, à l'heure actuelle. Il y a toujours aussi le dossier des
agents de secrétariat, qui traîne encore en longueur. Pourtant, le
jugement a été rendu en leur faveur et il n'y a encore rien de
fait à l'heure actuelle. Je pense qu'il y a des choses qui sont encore
à faire, qui traînent depuis longtemps et qui touchent des
femmes.
Quand on me parle du dossier des garderies, je pense que, depuis deux
ans, cela va mal dans les garderies. Elles ont des problèmes de
financement. L'exonération dans votre budget, vous n'en avez pas
parlé. Cela fait longtemps que cela n'a pas été
touché pour les familles. L'indexation au coût de la vie dans les
garderies n'a pas été ajustée, non plus. Je crois que ce
sont des phénomènes importants qui font en sorte qu'il n'y a pas
de possibilité, actuellement, de permettre que le réseau de
garderies puisse sentir une qualité de vie, un désir, justement,
de vouloir développer un réseau de qualité chez nous, ici
au Québec. Pourtant, nous sommes un des réseaux les plus
avant-gardistes à l'heure actuelle. Nous devrions être très
fiers de ce réseau et nous devrions faire en sorte de maintenir cette
qualité que nous avons su développer et que nous voulons
constamment développer davantage pour répondre aux besoins de nos
jeunes, de nos bébés, de nos enfants et des plus vieux aussi.
Je pense qu'il y a des mesures qui ne sont pas toujours les plus
coûteuses, mais qui demandent un peu plus d'ingéniosité.
Dans le budget, ce qui ne transpire pas, c'est l'ingéniosité, la
créativité. De nouvelles formules, de nouvelles approches, il n'y
en a pas. Vous allez me renvoyer aux lectures que vous avez fartes dans les
journaux, mais, moi, c'est à la lecture du budget que je me fie,
à la lecture que j'en ai faite. Si je m'attarde à ce qui touche
la condition féminine, il n'y a pas d'ingéniosité, il n'y
a pas de créativité. Cela répète tout simplement ce
qui s'est toujours fait et qui ne répond plus aux besoins et à la
demande.
Je me trouve obligée de revenir à la charge. M. le
ministre, vous allez m'entendre plusieurs fois revenir à la charge, j'en
suis convaincue, parce qu'à l'heure actuelle, dans le budget, les sommes
d'argent qui auraient aidé, justement, ne sont pas là, ne
transpirent pas aux bons endroits. Bien sûr, on a fart certains efforts,
mais les efforts ne sont pas assez concluants pour permettre de croire qu'on
veut réellement atteindre un objectif d'équité et
d'égalité.
Dans ce sens, quand on parle de politique familiale - car on attend
depuis longtemps une politique familiale qui retarde continuellement et qui n'a
pas encore vu le jour - je pense qu'on se serait attendu dans ce budget
à des sommes d'argent qui auraient pu étayer une véritable
politique, qui auraient touché les congés parentaux, qui auraient
pu toucher aussi toute la structure du travail et qui auraient pu favoriser
autant les femmes que les hommes. Parce que, demain, les hommes, vous serez
pris autant que les femmes avec les problèmes familiaux. Avec tout ce
qu'on vit à l'heure actuelle, les problèmes de garde sont aussi
des problèmes d'hommes. Les problèmes de travail, d'horaire de
travail sont aussi des problèmes d'hommes et ne sont pas uniquement des
problèmes de femmes. Il est grand temps qu'on ait une politique
réelle, structurée, qui réponde aux vrais besoins et
j'aurais aimé qu'on voie là-dedans des mesures budgétaires
qui favorisent, justement, cette évolution des mentalités.
Tantôt, vous me disiez qu'effectivement on était sur une
montée à l'heure actuelle. Depuis six ans, on est en
montée, en ascension, au plan économique. Ce n'est pas depuis un
an, depuis deux ans ou depuis que vous avez pris le pouvoir, mais c'est depuis
six ans. Il ne faudrait peut-être pas l'oublier. Même nous, en des
périodes beaucoup plus dures, en des périodes de restriction et
de récession, nous avons accompli plus dans le domaine du
développement social que vous n'êtes capables de le faire en
pleine période de prospérité économique.
Dieu sait que bientôt, au mois de novembre,
à l'automne, les élections qu'il y aura aux
États-Unis auront des répercussions importantes, ici, quelques
mois plus tard. Probablement que les effets économiques, à la
suite des élections présidentielles aux États-Unis, auront
des conséquences dramatiques sur le plan économique. Je me dis:
Qu'est-ce qui va arriver, bon sens, pour l'ensemble de la population
québécoise, à ce moment-là, si nos voisins du Sud
ont une récession économique? Qu'est-ce qui va arriver? Qu'est-ce
qu'on va être capable de leur donner? Qu'est-ce que vous allez être
capables de faire si, actuellement, en pleine période de
prospérité, vous n'êtes pas capables de faire plus? Les
jours à venir ne sont pas les jours les plus heureux, je pense. Il
aurait fallu prévoir aussi - c'est cela aussi, prévoir - les
effets à long terme, les conséquences dramatiques que peut
apporter ici une élection chez nos voisins du Sud.
M. le Président, moi aussi, je m'intéresse à une
vision à long terme. Moi aussi, je pense qu'il est important, quand on
est gestionnaire, de gérer en même temps les choses quotidiennes
et les choses à long terme. C'est la conciliation des deux qui fait
qu'on arrive à faire des budgets qui répondent vraiment et qui
suivent le rythme des évolutions, autant économiques que
sociétales.
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la
députée de Marie-Victorin.
Brièvement, M. le ministre des Finances, vous avez une minute, en
principe et en pratique.
M. Levesque: Alors, s'il ne me reste qu'une minute, je vais
simplement dire, à l'intention de Mme la députée de
Marie-Victorin, qu'elle a fait un discours qui avait une certaine
éloquence, mais, c'est bien dommage, elle a, justement, dit des choses
oui ne correspondent pas à la réalité.
Ces*, justement, le gouvernement précédent qui n'a pas
prévu les jours sombres qu'annonce Mme la députée. On a
vécu l'expérience, en 1981-1982, d'un gouvernement qui n'avait
pas su prévoir et qui a été obligé d'aller couper
les salaires des employés de l'Etat dans les secteurs public et
parapublic. C'est ce même gouvernement qui est arrivé avec une
ponction fiscale de 1 200 000 000 $ au lieu d'aider les gens qui étaient
pris avec une récession. C'est, justement, cette
expérience-là que nous avons voulu éviter par le genre de
budget que nous nous sommes donné, un budget qui, justement,
prévoit l'avenir, avec ces mesures que le gouvernement prend
actuellement. Comment voulez-vous avoir un développement social, un
développement culturel, si ce n'est pas appuyé sur une base
économique solide? C'est, justement, à cause de cette
préoccupation que nous avons pour la chose économique que nous
avons également des préoccupations très fortes du
côté social et du côté culturel. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances. Nous allons ajourner nos travaux à 9 h 45 demain. Mais,
préalablement à l'ajournement des travaux, j'aimerais vous citer
l'article 144: 'Toute commission peut, du consentement unanime de ses membres,
modifier l'horaire de ses travaux pour siéger au-delà de l'heure
prévue." Il n'est pas mentionné que je puisse ajourner en
deçà des heures prévues. Alors, pour ce cas particulier,
comme j'ai le consentement, j'en déduis que, si le masculin comprend le
féminin et si le singulier comprend le pluriel, au-delà va
comprendre en deçà pour ce cas-ci.
M. Levesque: Mais, à quelle heure?
Le Président (M. Lemieux): À 9 h 45.
M. Levesque: 50.
Le Président {M. Lemieux): À 9 h 50, pardon.
M. Levesque: À 9 h 50.
Le Président (M. Lemieux): Vous comprendrez, M. le
ministre des Finances, que je dois me protéger en vertu de l'article
144.
(Fin de la séance à 22 h 1)