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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le mercredi 14 septembre 1988 - Vol. 30 N° 19

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit


Journal des débats

 

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Lemieux): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du budget et de l'administration est réunie ce matin pour poursuivre sa consultation générale sur l'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Dans un premier temps, nous allons entendre la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec.

Est ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Leclerc (Taschereau) remplacera M. Fortin (Marguerite-Bourgeoys).

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le secrétaire. Est-ce que le porte-parole de l'organisme la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec pourrait s'identifier et nous présenter les personnes qui l'accompagnent?

Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec

M. Béland (Claude): Merci, M. le Président. Je suis Claude Béland, président du Mouvement Desjardins. J'aimerais vous présenter ceux qui m'accompagnent: à ma droite, M. Guy Bernier, président du conseil d'administration de la confédération; à ma gauche, M. Jacques Bertrand, premier vice-président du conseil d'administration de la confédération et M. Henri-Paul Trudel, qui est le deuxième vice-président; à l'extrême droite, M. Jean-Guy Larochelle, conseiller juridique de la confédération et, à sa gauche, Me Gérard Coulombe, qui est conseiller juridique conseil.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Est-ce que les membres de cette commission acceptent l'ordre du jour, à savoir qu'à 10 heures, nous entendons la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins; à 12 heures, la Fédération des caisses populaires Desjardins de Montréal et de l'Ouest du Québec; à 15 heures, l'Union des producteurs agricoles; à 16 heures, le Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du Québec; à 17 heures, l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec? L'ordre du jour est-il adopté? Voulez-vous noter, M. le secrétaire, que l'ordre du jour est adopté?

Permettez-moi maintenant de vous rappeler les règles de l'audition. Vingt minutes sont consacrées, d'abord, à l'exposé de votre mémoire; suivra une période de quarante minutes de discussions avec les membres de cette commission.

Une voix: Deux heures.

Le Président (M. Lemieux): Excusez-moi, c'est vrai, dans le cas de la confédération, effectivement, il s'agit d'une période de deux heures, de 10 h 7 à midi. Alors, sans plus tarder, je vais écouter votre mémoire.

M. Béland: M. le Président, si je comprends bien, j'ai 40 minutes, au maximum.

Le Président (M. Lemieux): Effectivement. M. Béland: Merci.

Le Président (M. Lemieux): Dans votre cas, je dirais que c'est exceptionnel, puisque pour la plupart des autres organismes, les règles étaient de 20 minutes et de 40 minutes pour la discussion avec les parlementaires. Vous pouvez maintenant procéder.

M. Béland: On l'apprécie grandement, M. le Président. Je voudrais vous remercier de cette occasion que vous nous donnez de présenter le point de vue du Mouvement Desjardins sur cet avant-projet de loi, loi évidemment, qui est extrêmement importante pour l'ensemble de notre mouvement.

En plus de ceux qui sont à la table ici en avant, j'aimerais vous souligner la présence des représentants de chacune des régions. Vous savez que le Mouvement Desjardins est constitué de dix fédérations régionales et d'une fédération de caisses de groupes. Nous avons ici des représentants de chacune des régions, soit les représentants des fédérations de Montréal, de l'Ouest du Québec, de Québec, du Centre du Québec, de Richelieu-Yamaska, de Lanaudière, de l'Estrie, du Saguenay-Lac-Saint-Jean, du Bas-Saint-Laurent, de la Péninsule et des îles, de l'Abitibi ainsi que les représentants de la Fédération des caisses d'économie. Je pense que vous avez là un témoignage éloquent de l'intérêt que porte l'ensemble du mouvement à cet important projet de loi. Aussi, le mémoire que nous avons déposé à la commission est le résultat d'une très vaste consultation. Même s'il a fallu faire rapidement, cette très vaste consultation, elle a été faite dans les semaines qui ont suivi le dépôt de lavant-projet de loi, c'est-à-dire après le milieu de juin. Malgré le fait qu'on se soit retrouvés en plein été, normalement en période de vacances, je dois vous dire que ce sont vraiment des milliers de dirigeants qui se sont réunis un peu partout dans les différentes régions du Québec pour faire connaître leur point de vue sur cet

avant-projet de loi. Je peux dire que notre mémoire, en fait, contient les réactions et les commentaires majoritaires de milliers de dirigeants de nos caisses.

En plus, ce mémoire a été entièrement r»vu Le conseil d'administration a consacré une journée entière à l'étude de notre mémoire Cette réunion a eu lieu le 16 août dernier. C'est avec plaisir que je peux vous dire que notre mémoire a finalement été adopté à l'unanimité, à la fin de la journée, par toutes les fédérations qui sont membres de la Confédération.

Il est vrai qu'à première vue, M. le Président, notre mémoire peut sembler volumineux et peut laisser croire que le Mouvement Desjardins a plusieurs revendications à formuler, mais quand on y regarde de plus près, on se rend compte que, peut-être dans un esprit de collaboration - on est habitués à cela - ou de coopération - nous pratiquons ça dans Desjardins - on a formulé - peut-être trop - plusieurs suggestions qui sont véritablement d'ordre technique. On s'est permis de les inclure dans notre mémoire en pensant que ces remarques là pourraient être utiles lorsque viendra le temps de rédiger la loi d'une façon finale.

D'ailleurs, je pense qu'il ne faut pas se surprendre qu'il y ait tant de petites suggestions en regard de plusieurs articles. Il ne faut pas oublier que la loi qui nous régit depuis 1963, loi qu'on est rendus à connaître presque par coeur, c'est une loi qui contient 157 articles. Celle qu'on nous propose maintenant en contient 575. C'est un changement majeur, au moins en quantité, et il n'est pas surprenant qu'on ait eu tant de suggestions à vous formuler. Je reconnais que ce fut un travail colossal. Même si on attend la loi depuis longtemps, il faut admettre que la reprise des travaux concernant cette loi est quand même relativement récente. Je reconnais qu'au cours des derniers mois, un travail colossal a été effectué. Je voudrais profiter de l'occasion pour remercier d'abord le ministre responsable d'avoir tenu ses engagements parce que, pour nous, c'est extrêmement important d'être capables de respecter les échéances qu'on s'était fixées. J'aimerais souligner le travail important qui a été effectué par le personnel du ministère, un travail intense, compétent, et par le personnel du bureau de l'Inspecteur général. (10 h 15)

Je le répète et je l'ai dit souvent, d'une façon générale nous sommes satisfaits de l'économie de l'avant-projet de loi et des objectifs qu'il poursuit. Là-dessus, on s'entend. On est particulièrement satisfaits de la reconnaissance du caractère coopératif des caisses et du caractère coopératif du Mouvement Desjardins. Avec ce nouvel habit législatif, les caisses vont demeurer des entités distinctes, autonomes, avec, d'un côté, leurs conseils d'administration constitués essentiellement de dirigeants bénévoles et, de l'autre côté, des employés permanents des caisses. Les caisses Desjardins ont toujours réussi ce mariage harmonieux entre les bénévoles qui représentent leur milieu et qui fixent les orientations de leur caisse, et les permanents qui exécutent les mandats qu'on leur confie. Cela fait que Desjardins, en vertu do la loi actuelle. n'était pas une grande entreprise C'est plutôt un grand regroupement de petites entreprises et nous sommes heureux de constater que, dans la nouvelle loi, cela n'a pas changé. Desjardins ne deviendra pas une grande entreprise. Ce sera un grand regroupement de petites entreprises. La plus grosse de nos caisses ou la plus grosse en termes d'actifs a à peu près 200 000 000 $. La plus petite a 300 000 $ d'actifs et cela ne change pas. Cela reste des entités autonomes, distinctes, mais qui ont eu la sagesse au cours de leur histoire de se regrouper sous une même bannière pour se donner plus de force, pour se donner une meilleure image, pour se donner des moyens plus importants.

De plus, avec la nouvelle loi, et cela nous plaît, le contrôle des caisses continuera à ne pas s'exercer en fonction du capital détenu par les membres. On n'est pas des entreprises capitalistes et on n'a pas l'intention de l'être non plus, mais on est satisfaits de voir qu'on va continuer à fonctionner en vertu des règles démocratiques, de sorte que la propriété de chaque caisse était et demeurera largement répartie entre tous les membres, c'est la règle de l'égalité, et de sorte aussi que les caisses et le Mouvement Desjardins sont et demeureront inaliénables. II n'y a pas d'OPA, d'offres publiques d'actions, possibles sur le Mouvement Desjardins et je pense que dans le contexte actuel, c'est rassurant. Le Mouvement Desjardins ne s'achète pas et de l'autre côté, il ne se vend pas.

Avec la nouvelle loi, on continuera d'être des entreprises différentes qui introduisent les règles de l'égalité des individus et les règles de la démocratie dans les affaires financières. C'est évident que de telles règles ne font pas des caisses des entreprises financières comme les autres. Nous sommes heureux que la loi reconnaisse ces différences car je pense qu'il faut admettre, j'allais dire malheureusement, que ces règles ne sont pas comprises facilement par tous. On ne vit pas dans un environnement qui rend la compréhension de ces règles facile. En certains milieux, on est portés à penser, si on les écoute, qu'il ne devrait pas exister de formes différentes d'entreprises au Québec et qu'il ne devrait y avoir qu'une seule forme d'entreprises.

Parce que les caisses font des affaires et qu'elles réussissent, on en conclut qu'elles sont ou qu'elles devraient être des entreprises capitalistes, comme si on ne pouvait pas faire des affaires sous la forme coopérative, comme si les coopératives devaient être uniquement des entreprises pauvres, petites et charitables et que, dès qu'elles deviennent le moindrement importantes, il faudrait leur donner un autre habit. Dès qu'elles deviennent des entreprises financièrement

solides, en fait, dès qu'elles dérangent les autres formes d'entreprises, il faudrait qu'elles adoptent les mêmes règles du jeu que les autres.

À entendre certains intervenants, on en vient à comprendre qu'on voudrait que le Québec n'ait qu'un seul régime pour les entreprises, soit le régime capitaliste, pas d'entreprises publiques ou d'État et surtout pas d'entreprises coopératives, surtout celles qui réussissent. Pour ceux-là, faire des affaires sur une base démocratique avec l'aide de bénévoles constitue une concurrence déloyale. Un peu plus et on prohiberait le bénévolat dans les affaires économiques ou financières!

J'insiste sur ce point parce que Desjardins tient à son caractère coopératif. Il a été notre force et il l'est encore. Il assure notre permanence parce qu'il nous rend inaliénables et parce qu'on croit surtout que c'est essentiel à notre mouvement et que c'est bon pour le Québec.

Dès qu'on comprend qu'il est utile et souhaitable que les caisses soient différentes, il ne faut pas essayer de les entrer dans le moule des entreprises traditionnelles. Les caisses s'inspirent des valeurs qui ne sont pas les mêmes que les autres entreprises. Il faut établir solidement cette prémisse si on veut donner au Mouvement Desjardins une loi qui lui convienne et qui l'aide à progresser. C'est pour cela que dans ce sens-là, je dis que nous sommes satisfaits de l'avant-projet de loi quand il reconnaît ce caractère coopératif des caisses En permettant aux caisses l'exercice de la démocratie et en favorisant l'autodiscipline et l'autoréglementation, l'avant-projet de loi favorise l'exercice de la démocratrie.

On est également satisfaits de l'avant-projet de loi en ce qu'il donne suite à certaines des intentions exprimées par le gouvernement dans le livre sur la réforme des institutions financières qui a été déposé en octobre dernier. En permettant à des groupes financiers d'avoir des liens commerciaux et, en particulier, en permettant au Mouvement Desjardins de créer des sociétés de portefeuille qui pourront regrouper les entreprises exerçant des activités commerciales, le gouvernement donne suite à ce qu'il avait annoncé.

On est satisfaits également de voir que le gouvernement encourage, jusqu'à une limite qui nous semble raisonnable, les caisses à investir dans du capital de risque des entreprises locales. Il y a longtemps qu'on parle, au Québec, des difficultés qu'ont les petites entreprises à se capitaliser. On aura là une nouvelle source de capital qui pourra certainement être bénéfique pour ces dernières et, également, pour le développement économique des régions.

On se réjouit également que l'avant-projet de loi reconnaisse que la garantie offerte par la capitalisation des caisses sera calculée sur la base de l'ensemble des caisses affiliées. En faisant cela, on reconnaît la solidarité des caisses entre elles et la garantie qu'offre l'ensemble du réseau. Ce sont autant de points qui nous font dire que nous sommes satisfaits de l'économie générale de ce projet législatif.

Par contre, il nous apparaît qu'il y a quelques points faibles, des points qui méritent d'être regardés de plus près et qui méritent même d'être modifiés. Autrement, on serait peut-être malheureux de vivre avec certaines des modalités qui apparaissent dans la loi.

D'abord, je dois vous dire, M. le Président, que nous sommes très surpris et même déçus que l'avant-projet de loi ne donne pas suite aux intentions que le livre sur la réforme des institutions financières avait annoncées en regard du décloisonnement de l'offre des produits financiers. Quand cette proposition a été déposée par le gouvernement, cela a été un peu l'euphorie, en tout cas dans bien des milieux, parce qu'on disait: Voilà une mesure dynamique progressive. On constatait la volonté très ferme, qui a été maintes fois répétée par la suite dans de nombreux discours et dans des déclarations, de procéder non seulement au décloisonnement de la propriété des institutions financières... Écoutez, on ne se serait pas réjouis de cela. On est décloisonnés au point de vue de la propriété depuis toujours. La formule coopérative a toujours permis le décloisonnement des institutions financières. Le Groupe Desjardins d'assurance générale, c'est dans Desjardins depuis 1944; l'Assurance-vie Desjardins; 1948. Cela n'avait rien de nouveau, le décloisonnement de la propriété. Ce qui nous intéressait et ce qui nous semblait innovateur, c'était le décloisonnement de l'offre des produits, parce que cela nous semblait bénéfique pour le consommateur. D'ailleurs, on vit déjà des expériences dans les caisses par l'offre de produits d'assurances et on a les réponses des consommateurs qui trouvent cela, non seulement bénéfique au point vue des coûts, mais aussi au point de vue de l'accessibilité aux produits.

Maintenant, on peut vendre de l'assurance partout dans toutes les caisses, parce qu'il y a des caisses partout au Québec. Plus on va implanter ce service, mieux le Québec va être servi. D'ailleurs, la documentation qui accompagnait le livre sur la réforme des institutions dans le communiqué de presse qui annonçait cette nouvelle, disait ceci. Les diverses régions du Québec et les diverses clientèles d'épargnants et d'emprunteurs sont mieux desservies que les clientèles similaires du reste du Canada et même des États-Unis, et cela tient en grande partie à la présence d'un réseau de caisses d'épargne et de crédit uniques en Amérique du Nord. Nous avons compris que c'était Desjardins. Et on ajoutait: II reste cependant place à des améliorations - alors, cela nous donnait de l'espoir - et c'est l'intention du gouvernement, avec la réforme proposée, de favoriser les clientèles en région et d'améliorer au profit de tous l'accès-

sibilité aux services et aux produits financiers.

Or, c'est clair que cette nouvelle accessibilité ne se fait pas tout simplement par un décloisonnement de la propriété des Institutions financières. Ce n'est pas cela qui rend le produit accessible. C'est le décloisonnement de l'offre des produits.

D'ailleurs, le quatrième principe de la réforme ajoutait que: Le gouvernement entend permettre le développement de réseaux de distribution des services financiers. Ce sont les consommateurs, principalement ceux des régions éloignées qui bénéficieront d'un tel principe, notamment grâce au regroupement en un même lieu - donc, cela veut dire dans le même endroit - de tous les services financiers requis.

Or, quand on examine le projet de loi attentivement, ces intentions ne sont certes pas exprimées clairement. Au contraire, l'article 3 confine les caisses, comme anciennement, dans les strictes activités d'épargne et de crédit. La seule ouverture qu'on trouve dans la loi, c'est une disposition qui permet au gouvernement de donner des permissions ad hoc sur une base discrétionnaire et temporaire, ce qui est moins généreux, d'ailleurs que ce qui existe déjà dans la Loi sur les assurances. Je l'ai ici et on y dit que dans les pouvoirs dos compagnies d'assurances la vente des produits d'une autre institution financière et pour les activités autres que financières est autorisée par le ministre. Dans la Loi sur les fiducies, j'admets que c'est: Toute autre activité doit être autorisée par le gouvernement.

Même si le gouvernement donne la permission, c'est une disposition qu'il sera difficile d'exercer puisque dans la loi, on contraint les caisses à utiliser leurs immeubles uniquement pour leurs propres fins alors que les fins sont l'épargne et le crédit. En d'autres termes, cela veut dire qu'on ne peut pas louer nos immeubles à d'autres institutions financières. Cela nous apparaît important, le droit de louer des espaces à d'autres fournisseurs de services financiers, c'est essentiel. Cela doit apparaître clairement dans la loi. Je comprends qu'il peut y avoir des opinions de conseillers juridiques qui disent: Tout est là dans la loi. Ils sont plus habiles que nous parce que nous ne l'avons pas trouvé. Si on ne fait pas ce changement, cela fera perdre des droits acquis à Desjardins. Même si cette disposition relative à la location des locaux était précisée, on ne peut pas se satisfaire d'une permission discrétionnaire et temporaire accordée par le gouvernement. Le décloisonnement des services financiers nécessite des investissements trop importants, ce sont des millions, c'est sérieux, pour qu'on puisse se soumettre à limiter la durée à la discrétion du gouvernement.

D'ailleurs, la Commission des valeurs mobilières du Québec s'apprête actuellement à étudier et même à autoriser une certaine forme de distribution de valeurs mobilières dans le réseau des banques. Je ne vois pas pourquoi la même ouverture ne serait pas accordée aux institutions financières à charte québécoise. Je ne vois pas pourquoi il faudrait attendre que la concurrence se fasse dans le réseau des banques et ensuite se dépêcher à changer notre loi et à la rendre plus claire. Vous comprenez qu'à ce point de vue, on souhaite ardemment que la nouvelle loi des caisses donnent suite aux intentions que le gouvernement avait exprimées et qu'elle le fasse d'une façon évidente pour éviter que les tribunaux soient obligés de les interpréter. Je préfère que ce soit le gouvernement qui fasse les lois plutôt que les tribunaux, malgré tout le respect que j'ai pour les tribunaux. Et que les droits acquis de Desjardins soient expressément reconnus.

Un autre chapitre, M. le Président, qui a provoqué beaucoup de réactions chez nous est celui relatif aux transactions intéressées, aux conflits d'intérêts et à la responsabilité des dirigeants bénévoles chez nous.

C'est évident qu'avec l'actuelle importance du mouvement, on reconnaît qu'une certaine réglementation est nécessaire. Là n'est pas la question. Mais ce qu'on regrette, c'est que l'orientation proposée dans l'avant-projet de loi ait été copiée ou développée en faisant référence aux rêgles qu'on applique aux Institutions traditionnelles. À notre sens, cela ne tient pas compte de la réalité coopérative.

Il nous semble que le statut et le rôle des dirigeants bénévoles font qu'on ne peut leur imposer sans distinction les règles relatives aux personnes intéressées dans des entreprises à capital-actions. Il ne faut pas oublier qu'un membre de caisse est déjà un usager. On ne peut pas être membre d'une caisse si on n'est pas usager de la caisse. En acceptant un poste de dirigeant, un membre ne se place pas dans une situation de gain ou d'enrichissement personnel, c'est un bénévole, mais il se met en situation de responsabilité, il se met au service de la collectivité. Il n'acquiert pas plus de droit de vote, il garde un vote. En acceptant d'être au service de la collectivité, les dirigeants des caisses ne revendiquent pas des droits ou des pouvoirs, ils acceptent tout simplement d'être en devoir. Je pense qu'on ne peut pas essayer de réglementer tous ces dirigeants bénévoles avec autant d'ardeur qu'on le fait dans l'avant-projet de loi, parce que ce que cela va donner comme conséquence, c'est qu'on va les démotiver. Et ce qui a fait la force du Mouvement Desjardins depuis 87 ans, on risque de le perdre.

On souhaite que soient maintenues les règles de divulgation d'intérêts actuellement en vigueur lors d'une prise de décision et de retirer l'obligation de la divulgation écrite et annuelle imposée aux dirigeants par l'avant-projet de loi. Pourquoi faudrait-il divulguer tous ses intérêts? On ne sait d'ailleurs pas ce que veut dire le mot "intérêts" dans la loi. Est-ce que je dois déclarer des actions de Cascades ou de Bell Canada et être obligé de me mettre à nu parce que je veux

me mettre au service de la collectivité? On pense qu'il suffit de confier au comité de déontologie des fédérations la responsabilité d'établir la liste des personnes liées et les règles qui les concernent. On a des mécanismes de contrôle et de surveillance chez nous, cela surfit. Je pense qu'il faut restreindre la notion d'intérêt à celle qui est susceptible de présenter des situations conflictuelles, non pas à toutes les situations. (10 h 30)

En résumé, nous pensons que ces exigences sont beaucoup trop grandes; des exigences qui risquent de démotiver nos bénévoles. C'est la même chose relativement aux dispositions concernant les crédits accordés aux dirigeants. Cela obligerait plusieurs d'entre eux, parce qu'ils se sont mis au service de la collectivité, à emprunter à d'autres institutions financières. C'est pourquoi on demande ou on souhaite que ces dispositions relatives aux crédits à l'égard des dirigeants et des personnes qui leur sont liées soient retranchées et de confier plutôt au comité de déontologie la responsabilité d'établir l'ensemble des règles qui porte sur le crédit aux dirigeants.

De la même façon, on pense qu'on est allés un peu loin dans les contraintes qu'on impose aux directeurs de caisse. Hier, vous avez eu la présentation d'un mémoire à ce sujet. Je dois vous dire que si vous regardez notre mémoire, on appuie les demandes de l'association des directeurs avec quelques nuances près.

Quant à la capitalisation, c'est le troisième point, avec l'avant-projet de loi, le gouvernement reconnaît l'importance d'une capitalisation adéquate pour les institutions financières et fait en sorte d'accorder au réseau des caisses des moyens nouveaux pour accroître cette capitalisation. On est évidemment d'accord avec cela parce que le problème de la capitalisation pour Desjardins, à cause de sa croissance rapide, est un problème important.

Cependant, il nous semble que certaines modifications devraient être apportées pour faciliter la rémunération de ces parts. On ne comprend pas pourquoi les caisses les plus faibles ne pourraient pas rémunérer les parts permanentes. On sera dans un cercle vicieux, on ne pourra pas en émettre parce qu'ils n'auront pas les réserves suffisantes. On veut qu'elles se capitalisent justement pour qu'elles aient de meilleures réserves et soient plus solides. On pense que ces dispositions sont contraignantes.

On pense qu'on devrait faciliter la transférabilité et la liquidité. On a suggéré dans notre mémoire un remboursement à la retraite, et non seulement au décès et les rendre plus facilement accessibles, en permettant la souscription par versements. Je n'ai pas besoin de vous dire et d'insister beaucoup sur le fait qu'on aurait aimé trouver, quelque part dans la loi ou dans le préambule, une certaine indication que ces parts permanentes bénéficieront d'un avantage fiscal.

Je comprends que vous allez me dire que je ne suis pas à la bonne place, mais il reste quand même que dans l'avant-projet de loi, on a fait une liste de toutes les lois qui seront modifiées. On aurait aimé voir une indication qu'une loi fiscale, quelque part, serait modifiée pour répondre à nos demandes ou à nos souhaits. On le sait, pour favoriser une meilleure capitalisation des entreprises à capital-actions, y compris les banques qui ont leur siège social au Québec, le gouvernement a consenti, depuis plusieurs années, des avantages fiscaux importants aux actionnaires de ces entreprises. Ce sont des centaines de millions dont les banques ont profité. Même le ministre des Finances du temps, quand il a déposé le projet de loi qui créait les REA, s'est empressé de dire: Ce sera accessible aux coopératives d'épargne et de crédit, il n'y a pas de raison qu'elles soient exclues. Cela n'a jamais été fait. Le Mouvement Desjardins souhaite à nouveau que le gouvernement fasse en sorte d'accorder des avantages fiscaux relatifs aux parts permanentes. Il nous semble que ces avantages mériteraient d'être comparables à ceux qui ont été consentis aux autres entreprises faisant affaire au Québec, en particulier les autres institutions financières.

Nous avons aussi fait quelques remarques importantes relativement aux placements. Nous pensons que devrait être reconnu le droit d'une caisse de louer, en tout ou en partie, un immeuble qu'elle détient, pas simplement en termes de décloisonnement, mais en termes de rentabilité. Pourquoi une caisse qui a acheté un immeuble plus grand que ses besoins actuels, en prévision de l'avenir, ne pourrait-elle pas avoir le droit de louer l'espace qu'elle n'utilise pas entre-temps? Il me semble que cela fait défaut. On a demandé aussi que les pouvoirs de placements des fédérations soient revus afin de leur donner accès, dans des limites raisonnables, à la gamme des titres et d'Instruments financiers qui leur permettraient de jouer efficacement leur rôle. À ce sujet, l'avant-projet de loi nous semble trop limitatif. On a dans notre mémoire toute une liste de titres, nous semble-t-il, qui devraient nous être accessibles.

En plus, on pense que la limite de 3 % de l'article 402, qui est reliée à la détention des placements par les fédérations, devrait être modifiée de façon que cela n'entrave pas le développement des sociétés de portefeuille et de la caisse centrale. Ce sont des organismes qui appartiennent à Desjardins. Si on maintient la limite, on ne pourra pas aller beaucoup plus loin, et on sera même obligés de se restreindre. En plus, que les investissements des caisses, en vue de la détention des sociétés de portefeuille par le Mouvement Desjardins, puissent être rémunérés. Ce qui veut dire que l'article 2, paragraphe 4°, ne peut s'appliquer à la confédération. Si la confédération ne peut pas rémunérer son capital social, nos sociétés de portefeuille vont avoir de la difficulté à fonctionner.

Un autre chapitre qui nous semble extrêmement important parce que là aussi on pense qu'on exagère les exigences, c'est celui sur l'inspection des caisses. C'est évident qu'on est d'accord pour maintenir une fréquence d'inspection des caisses qui va assurer un bon contrôle et une bonne surveillance dans les caisses. C'est ce qu'on fait depuis toujours d'ailleurs. Mais actuellement on fait une inspection par caisse tous les 18 mois environ et une vérification par année. L'avant-projet de loi suggère une inspection par année. D'ailleurs, on ne sait pas ce que cela vient corriger, ce que cela vient améliorer, mais ça impose surtout des coûts additionnels énormes au Mouvement Desjardins. On parle de coûts additionnels de l'ordre de 8 000 000 $. Encore là on ne pense pas que cette mesure et cette dépense additionnelle soient justifiées par ce que cela va apporter. Il faut tout de même essayer de corriger une situation quand on modifie une loi. On ne pense pas que cette mesure soit justifiable par rapport aux besoins et par rapport aux coûts. Nous suggérons de faire une vérification par année et une inspection par caisse tous les 24 mois. D'ailleurs, aujourd'hui avec les moyens technologiques, avec l'informatique, on peut vérifier les caisses à distance. On a les informations presque quotidiennement et il nous semble que les moyens dont on dispose sont suffisants pour assurer à notre service d'inspection de jouer son rôle.

Alors voilà, M. le Président, l'essentiel de nos demandes. Je ne vous ai évidemment mentionné que celles qui nous apparaissaient les plus importantes.

Hier, le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation, M. Pierre Fortier, a fait une excellente présentation du Mouvement Desjardins. C'est évident que je n'ai pas l'intention de la reprendre. D'ailleurs, je préfère laisser plus de temps à la période de questions. Mais j'aimerais quand même ajouter que ce mouvement démocratique qu'est le nôtre est, en premier lieu, un vaste réseau de Québécois et de Québécoises engagés dans une oeuvre économique qui est unique et qui fait l'admiration de bien des gens, ici comme ailleurs. J'arrive d'ailleurs, avec quelques-uns de mes collègues, d'un voyage où on a assisté à une réunion internationale des coopératives d'épargne et de crédit. Toutes les coopératives du monde étaient là; 39 pays étaient représentés. Et on avait invité le Mouvement Desjardins à venir présenter ce qu'on a appelé le "jewel of the crown", le joyau de la couronne, parce que c'est clair que le mouvement coopératif québécois est un exemple, non seulement par sa réussite, mais par son fonctionnement. Et on nous a consacré une journée pour qu'on explique au monde ce qu'était le Mouvement Desjardins.

Les milliers de dirigeants et de dirigeantes qui représentent les 4 200 000 membres de caisses Desjardins attendent une nouvelle loi avec beaucoup d'espoir. Avec les 29 000 employés du Mouvement Desjardins, ils veulent continuer de bâtir une institution financière et socio-économique forte, dynamique, inaliénable qui saura répondre à leurs aspirations et à celles des générations futures, tout en permettant le développement continuel du Québec. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Béland. M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation.

M. Fortier: Avant de commencer, M. le Président, étant donné que nous disposons de deux heures, est-ce que je pourrais prendre quinze minutes parce que hier on était limités à des périodes de dix minutes?

M. Garon: On suit le règlement.

Le Président (M. Lemieux): Malheureusement, M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation, je me dois d'appliquer l'article du code..

M. Fortier: Je demande le consentement. Est-ce que le député de Lévis serait d'accord pour qu'on prenne quinze minutes, parce que les sujets...

M. Garon: Je pense que ta meilleure façon, c'est de suivre le règlement. Autrement, cela finit par du barguinage qui n'en finit plus et qui parfois même jusque dans le milieu de la nuit, comme on a déjà vu, et on se fait reprocher cela après.

Le Président (M. Lemieux): Déjà, on a un accroc au règlement relativement à la durée de cette audition des caisses.

M. Fortier: M. le Président, j'indique tout de suite au Mouvement Desjardins que si je ne peux pas répondre à vos demandes, c'est parce que le règlement s'applique.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): Je me dois d'appliquer...

M. Fortier: Alors, prenez-en note. C'est le député de Lévis qui a indiqué qu'il fallait s'en tenir au règlement.

Le Président (M. Lemieux): Excusez-moi, M. le ministre. J'aimerais vous faire remarquer que je dois appliquer strictement l'article 169 dans votre cas et aussi dans le cas du député de Lévis qui n'aura pas plus de temps.

M. Fortier: Je ne m'en prends pas à vous, M. le Président, parce que par consentement mutuel, on peut ici modifier toutes les règles de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Lemieux): Effectivement. Alors, la parole est à vous, M. le ministre.

M. Fortier: Allons-y, M. le Président. Je vais essayer de procéder le plus rapidement possible. Vous comprendrez qu'en dix minutes, tous les points qui ont été soulevés ne pourront pas trouver réponse et j'ai des questions. Dans un premier temps, j'aimerais remercier M. Béland pour les bons mots qu'il a eus à mon égard. Il est vrai qu'on a pris ce projet très au sérieux et je crois que l'Inspecteur général des institutions financières, M. Bouchard, et son contentieux ont travaillé très fort depuis le moment, M. Béland, où vous êtes devenu président de la confédération. Le député de Lévis s'inquiétait hier des délais depuis 1984. Je suis le ministre responsable depuis l'automne 1986 et depuis votre élection en particulier, on a mis tout en oeuvre, je dis absolument tout en oeuvre, et vous le savez, pour arriver avec un avant-projet de loi qui puisse être discuté. Vous-même avez dit, dans vos remarques préliminaires, que vous n'aviez pas eu tout le temps nécessaire pour aller chercher les commentaires du mouvement. Tout cela pour dire qu'on essaie de progresser le plus rapidement possible.

Mon deuxième mot serait de dire qu'il s'agit d'un projet de loi public et je sais que vous le reconnaissez. Donc, il ne s'agit pas d'un projet de loi privé. Il ne s'agit pas nécessairement du projet de loi proposé par le Mouvement Desjardins. Je crois qu'on a pris dans le passé très bonne note des commentaires, des recommandations, des demandes du Mouvement Desjardins. Sans vouloir être brutal à ce sujet, je dois indiquer tout simplement qu'en définitive nous écoutons vos demandes et nous allons tout faire pour essayer de satisfaire à certaines d'entre elles. Mais finalement, les parlementaires autour de cette table auront à décider du contenu du projet de loi, et je crois que vous le reconnaissez parce qu'il s'agit pour nous d'assumer nos responsabilités vis-à-vis de toute la population du Québec. Il est vrai que le Mouvement Desjardins, c'est quasiment 4 000 000 de personnes. On peut dire que cela représente à peu près tous les électeurs du Québec. J'indiquais hier, dans mes remarques, je crois que vous le savez, que j'avais une profonde admiration pour le Mouvement Desjardins et je crois que tous les députés autour de cette table connaissant le travail des bénévoles depuis le début du siècle et de ceux qui sont là présentement. Je crois qu'on est tous fiers du Mouvement Desjardins. Mais, justement à cause de son importance, certains diront malheureusement...

Mais je crois que le gouvernement doit prendre en considération les difficultés d'institutions financières, des difficultés qui sont survenues dans d'autres provinces canadiennes et même dans d'autres pays. Je ne crois pas qu'on puisse imputer des motifs inavoués au gouverne- ment lorsque ce dernier s'inspire de situations désastreuses qui se sont produites dans d'autres provinces canadiennes. Il est vrai que jusqu'à maintenant le Mouvement Desjardins s'est très bien acquitté de sa tâche. On peut dire que depuis environ 20 ans, depuis les années soixante-dix, c'est devenu une institution financière majeure au Québec. Il recueille présentement le tiers de tous les dépôts des Québécois. Justement à cause de son importance, il faut absolument que nous ayons des règles qui préservent et qui garantissent les dépôts des Québécois. Cela dit, j'admets qu'il y a des ajustements à faire dans l'avant-projet de loi et c'est précisément la raison pour laquelle nous avons une commission parlementaire.

J'aimerais, dans un premier temps, parler des conflits d'intérêts. Nous en avons parlé hier. Un membre du mouvement est venu exprimer son point de vue bien ouvertement. Des notaires sont également venus nous dire qu'ils étaient en conflit d'intérêts, mais mon Dieu, que cela se pratiquait depuis je ne sais combien d'années et que cela devrait continuer. (10 h 45)

Une voix: C'est historique.

M. Fortier: Les mêmes notaires étaient venus nous dire, il y a deux mois, qu'ils étaient les mieux placés, n'étant pas en conflit d'intérêts dans le domaine de la planification financière. Je dois admettre que j'ai de la difficulté à concilier la demande de la Chambre des notaires qui, dans le cas de la planification financière, ne voulait pas permettre à des gens payés à commission, de faire leur planification financière parce qu'ils n'avaient aucun conflit d'intérêts. Hier, ils sont venus nous dire: Mon Dieu, s'il y avait des conflits d'intérêts, ce n'était pas important après tout.

Tout ça pour dire que je crois qu'il y a des ajustements à faire, mais j'aime autant vous dire tout de go que je ne crois pas que le gouvernement ou l'Assemblée nationale puisse déléguer toute la responsabilité de la déontologie au Mouvement Desjardins. Je crois que le gouvernement a mis certaines dispositions dans le projet de loi, je pense aux articles 208 et 209, et que je sache, dans votre présentation à tout le moins, vous n'avez pas invoqué ces articles plus particulièrement. Ce sont des articles assez sévères. Vous avez parlé, bien sûr, de l'article 203 et j'ai de la misère à concilier votre demande avec l'article 203. Ce n'est pas l'article 203, mais celui qui traite de la rémunération. Lequel est-ce, M. Bouchard? On y parle de rémunération et on y dit qu'une caisse peut souscrire. Je parle de l'article où on traite justement de la limite d'emprunt que peut faire un dirigeant bénévole. Lequel est-ce? C'est l'article 251 probablement.

Mais il est dit très clairement à l'article 253, justement, que c'est le comité de déontologie qui détermine les règles pour les bénévoles. C'est pour cela que vous sembliez indiquer

dans votre présentation que le gouvernement était allé trop loin et je crois que vous faisiez écho en particulier à tout ce qui touche la divulgation annuelle et là-dessus, j'admets qu'on peut faire des adoucissements. Mais l'article 253 dit: Une caisse ne peut consentir du crédit à l'un de ses dirigeants ou à une personne qui lui ost liée pour un montant total oxcédant le salaire annuel de ce dirigeant s'il est rémuné ré - là, on parle d'une personne rémunérée - ou, s'il ne l'est pas, le montant déterminé par le comité de déontologie. Alors, le Mouvement Desjardins souhaiterait qu'on dise: Pour les bénévoles, laissez-nous le soin de déterminer les règles dans les cas des prêts qui seront consentis. C'est justement ce que dit l'article 253 qui impose une limite pour ceux qui sont rémunérés, mais pour ceux qui ne sont pas rémunérés, c'est exactement ce que vous indiquez.

C'est la raison pour laquelle je crois que votre demande principale, en ce qui concerne les conflits d'intérêts, touche la divulgation annuelle et vous avez indiqué, M. Béland, qu'il serait, bien sûr ridicule de demander à un bénévole de nous dire s'il détient 50 actions de Bell Canada, 30 actions de Cascades, et tout ça. Là n'est pas la question. Notre intention était plutôt de savoir, dans une déclaration annuelle, si une personne contrôlait 10 % de Bell Canada ou 10 % de Cascades. Comme de raison, ce sont des cas bien particuliers. De toute façon, je puis vous indiquer immédiatement qu'on pourrait continuer la conversation plus tard, à un autre moment, afin d'essayer de trouver des adoucissements puisque l'intention n'était pas d'obliger une personne à déclarer totalement son portefeuille total de valeurs mobilières.

J'aimerais quand même préciser. On parle de conflit d'intérêts et de transactions intéressées. Les transactions intéressées sont plus importantes parce que comme vous le savez, notre politique vise à permettre les liens commerciaux et le gouvernement fédéral et tous ceux qui s'opposent en particulier aux liens commerciaux le font parce qu'ils disent qu'il y a des dangers pour la santé financière des institutions financières. Prenons un exemple. Il est certain que si la fédération de Montréal a un lien particulier avec Culinar, ce n'est qu'une hypothèse, ou une autre société industrielle ou commerciale et que cette société industrielle ou commerciale est en difficultés financières, la dernière chose que nous souhaiterions, c'est que la fédération de Montréal se mette à injecter de l'argent dans cette société. Et c'est la raison pour laquelle il y a des dispositions très sévères concernant les transactions intéressées. Là, on ne parle pas d'individus, mais de transactions intéressées entre des composantes du mouvement Je voulais simplement clarifier et vous demander si vous ne croyez pas, étant donné les motifs qui nous animent, que ces règles concernant les transactions intéressées ne devraient pas exister.

Nous permettons les transactions intéres- sées, mais on croit qu'elles doivent être contrôlées et, en particulier, s'il y a des transferts d'actifs, que ces transferts d'actifs soient autorisés par l'inspecteur des institutions financières. Donc, ma question est double. Dans le cas de l'article 253, je croyais que cela répondait à votre demande. Dans le cas des transactions intéressées, je crois que vous avez une; demande1 dans votre texte, indiquant que pour les services rendus par la confédération, ils ne devraient pas être rendus nécessairement à la juste valeur marchande. Compte tenu de ce que je viens de dire pour les transactions intéressées, je me demandais si vous aviez des commentaires à faire eu égard à l'objectif que nous avons et qui est d'assurer la santé financière du mouvement, même en permettant les liens commerciaux avec le Mouvement Desjardins.

Le Président (M. Lemieux): M. le président.

M. Béland: M. le Président, je suis très heureux d'entendre le ministre dire que, quant à l'article 204, il y a sûrement des discussions qu'on peut entretenir pour essayer d'adoucir ces dispositions.

Quant à l'article 253, dans le fond, c'est qu'il y a toute la notion des personnes liées. On trouve que cela va très loin quand on parle du dirigeant d'une caisse. Il ne faut pas oublier aussi que, dans la loi, on dit que cela s'applique aux personnes liées, donc le conjoint, les associés, le fils, la fille, etc. Alors, il y a toute une panoplie de personnes qu'on vise simplement parce que quelqu'un est dirigeant d'une caisse. Là-dessus, on a demandé des précisions. Pour l'article 253 aussi, on s'interrogeait sur la question des immeubles. Je ne sais pas si M. Larochelle voudrait ajouter sur la subtilité de cet article.

M. Larochelle (Jean-Guy): On trouvait que la disposition n'était pas uniforme en ce qui concerne les dirigeants, surtout ceux qui sont rémunérés. Particulièrement, on se réfère à une limite en ce qui concerne un montant qui peut être couvert par une hypothèque. Partant de là, comme M. Béland l'exprime, cela touche aussi non seulement la personne qui est rémunérée par la caisse - d'ailleurs, l'article ne précise pas par qui la personne est rémunérée, on ne précise pas si elle est rémunérée par la caisse.

M. Fortier: On parle de quelqu'un qui est rémunéré par le Mouvement Desjardins. On ne parle pas de quelqu'un rémunéré par le gouvernement du Québec ou une société privée.

M. Larochelle: Après en avoir fait la lecture, on a compris que l'intention était cela. Mais on demandait des ajustements par rapport à l'article 253 en ce qui concerne des précisions à cet égard. Aussi, cela vise, comme je le mentionnais, le directeur de la caisse, les personnes

autorisées à consentir du crédit, ainsi que les personnes qui leur sont liées. Cela vise la question des compagnies, dont le directeur ou la personne qui est autorisée à consentir du crédit à des actions jusqu'à concurrence de 10 % et les associés. Par exemple, toutes ces personnes seraient limitées quant au montant qu'elles pourraient emprunter à la caisse à un montant qui équivaudrait à celui qui ne peut pas dépasser, par exemple, un montant garanti par hypothèque. Alors, toutes ces personnes qui font des affaires, qui ont des liens avec la caisse se verraient empêchées, comme le dirigeant rémunéré, de faire des emprunts pour leurs besoins à la caisse.

M. Fortier: La difficulté...

Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse, M. le ministre, votre temps de parole est terminé; d'ailleurs, il est terminé depuis deux minutes. M. le député de Lévis, vous avez la parole.

M. Garon: M. le Président, je voudrais remercier les gens du Mouvement Desjardins d'avoir présenté un document étoffé et qui est surtout très clair, au fond. On n'aurait quasiment pas besoin de poser des questions. C'est pour cela que ma première question s'adresserait plutôt au ministre. Je voudrais savoir, puisque c'est une des principales interrogations que vous posez ici aujourd'hui et, vous vous êtes même référé au livre sur la réforme des institutions financières, si le ministre est toujours d'accord avec son livre sur la réforme des institutions financières et sur le décloisonnement de l'offre des produits financiers, tel qu'il a été mentionné par le Mouvement Desjardins.

M. Fortier: Est-ce que j'ai droit de parole, M. le Président?

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le ministre, dans le temps...

M. Fortier: Là, je voulais respecter le règlement.

Le Président (M. Lemieux): ...de parole du député de Lévis. M. le ministre.

M. Fortier: Bien sûr, pour répondre très brièvement au député de Lévis, je ne renie absolument pas la politique que j'ai mise de l'avant. Bien sûr, on a parlé de décloisonnement par filiales. Une des demandes, si vous lisez le texte du Mouvement Desjardins, on va plus loin que cela parce que... D'ailleurs, comme les banques, le Mouvement Desjardins voudrait que tout représentant de la caisse puisse vendre de l'assurance ou d'autres produits financiers. Ce n'est pas la politique du gouvernement. La politique du gouvernement veut permettre le décloisonnement par filiales. Par filiale, cela peut signifier que le Mouvement Desjardins a une filiale dans le domaine de l'assurance générale. Je l'ai toujours dit, je suis en faveur - et la loi le permet présentement selon notre jurisconsulte - de permettre à un représentant de la Société d'assurance générale d'avoir un poste à l'intérieur de la caisse et de vendre de l'assurance générale.

Le Mouvement Desjardins a pris une participation dernièrement dans Disnat. En conséquence, notre politique de décloisonnement par filiales devrait permettre aux représentants de Disnat, selon les règles de la Commission des valeurs mobilières... À ce sujet, j'aimerais dire qu'étant donné qu'on a une commission parlementaire sur le décloisonnement des intermédiaires, j'irai au Conseil des ministres prochainement; on va établir une politique générale et, éventuellement, si les membres de la commission sont d'accord, le ministre pourra obtenir un pouvoir de directives pour faire en sorte que la même politique s'applique partout et puisse même influencer la Commission des valeurs mobilières.

Je sais que la Commission des valeurs mobilières, par l'instruction générale Q-24 - je crois - devrait permettre au Mouvement Desjardins d'avoir à l'intérieur de ses caisses un représentant de Disnat ou d'avoir une personne autorisée à cet effet.

C'est donc pour répondre au député de Lévis. Oui, le gouvernement, le ministre qui vous parle, est convaincu qu'on doit permettre le décloisonnement par filiales et faire en sorte que le représentant de Disnat puisse se retrouver à l'intérieur de la caisse et qu'un représentant d'assurances générales puisse se retrouver également à l'intérieur de la caisse.

C'est un décloisonnement différent de ce que certaines personnes peuvent demander. C'est ce que j'appelle le décloisonnement par filiales utilisant le réseau. Le jurisconsulte croit - je crois que les avocats du Mouvement Desjardins sont d'accord - que la loi actuelle le permet. Mais le contentieux de l'inspecteur des institutions financières croit que l'avant-projet de loi devrait le permettre également. Mais j'ai pris bonne note de votre commentaire en ce sens que, comme disait Talleyrand, si cela va sans dire, cela ira encore mieux en le disant. En tout cas, on va y réfléchir et c'est là, je crois, où on devra, à la suite de cette commission parlementaire, examiner si on doit être plus explicite ou si le texte actuel est assez explicite.

Enfin, le contentieux de l'inspecteur me dit que le texte actuel est suffisamment explicite. Mais j'ai pris bonne note de vos commentaires.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. M. le député de Lévis, vous pouvez continuer.

M. Garon: J'aimerais demander à M. le président si c'est cela qu'il voulait dire ou si c'est ce qu'il recherche d'avoir un représentant de Disnat dans les caisses populaires ou si c'est

cela qui...

M. Béland: Le problème actuellement, vous le savez, M. le député de Lévis, c'est que même si c'est clair dans la loi actuelle, ce n'est pas clair pour tout le monde, ce n'est môme pas clair pour certains juges. Alors, je me dis que si c'est l'intention du législateur, il faudrait que le législateur le dise clairement, parce que, sans cela, ce sont les juges qui vont faire le décloisonnement au Québec et qui vont faire la loi.

Apparemment, ce n'est pas clair dans la loi, même s'il y a des jurisconsultes qui disent que c'est clair. Mais il y a des juges qui disent que ce n'est pas si clair que cela. Alors, c'est la belle occasion, si c'est l'intention du gouvernement de faire le décloisonnement de l'offre des produits financiers de rendre cela clair. Si on veut s'en remettre aux tribunaux, on ne sait pas ce qu'on va avoir en fin de compte. C'est là qu'est toute la question et on a même des conseillers juridiques qui nous disent que dans lavant-projet de loi cela va être pire, parce que je ne peux pas installer un vendeur d'assurances chez moi ou dans une caisse si je ne peux lui louer un coin de mon local.

Quand on dit dans la loi que les caisses peuvent acquérir des immeubles, mais ne les utiliser pour leurs fins et que les fins, c'est, à l'article 3, l'épargne et le crédit, je vais probablement me faire dire par des jurisconsultes ou des juges: Vous ne pouvez pas louer pour des fins de vente d'assurances.

Alors, il faut rendre cela clair. Si c'est l'intention du gouvernement, je dis bravo, on est bien contents et on ira probablement plus loin après si la Commission des valeurs mobilières le permet. Mais il faut s'assurer que je peux installer dans le local de la caisse des gens qui sont des représentants d'autres institutions financières. On ne veut pas commencer l'histoire des pharmacies en mettant un rideau pour montrer que l'assureur n'est pas dans la caisse, que le vendeur de valeurs mobilières n'est pas dans la caisse et faire des espèces de divisions psychologiques. Faisons-le clairement et si c'est l'intention du gouvernement, je dis: Comme il y a des doutes, disons-le clairement. (11 heures)

M. Garon: Pensez-vous qu'avec les amendements apportés, je ne sais pas si vous êtes au courant - vos conseillers juridiques le sont -vous allez vous référer aux sociétés de fiducie? Quand le projet de loi a été déposé, il était clair, à notre avis. Il disait qu'on pouvait offrir les produits d'une autre institution financière. Mais en cours de débat, le ministre a amendé la loi pour faire sauter cette disposition et introduire la notion, dans le préambule de l'article ou dans le premier paragraphe, d'intermédiaire financier.

Sans donner mon opinion personnelle - je l'ai assez donnée là-dessus dans le temps - qu'en pensez-vous? Pensez-vous qu'en faisant cela on clarifiait le projet de loi ou si on ne le rendait pas plus ambigu?

M. Béland: Ce qu'on nous propose actuellement, c'est ce qu'on retrouve dans la Loi sur les sociétés de fiducie, en somme. On dit: Vous êtes des entreprises d'épargne et de crédit. Pour les autres activités, vous viendrez demander la permission au gouvernement. Nous disons que même si le gouvernement nous le donne, ce n'est pas clair qu'on peut louer à d'autres fournisseurs de services financiers. Il faut clarifier la question du droit de louer ou de sous-louer. Ensuite, on devrait avoir dans la loi, tout de suite, comme dans la Loi sur les assurances, la vente des produits des autres institutions financières. C'est notre point de vue. Le reste, cumuler des fonctions, que le vendeur d'assurances soit en même temps un vendeur de valeurs mobilières, on comprend que cela fait partie de l'autre dossier des intermédiaires financiers. On est prêts à s'y soumettre. Dans l'immédiat au moins, on veut être capables de sous-louer des parties de nos caisses pour pouvoir asseoir un représentant des compagnies d'assurances ou un représentant d'une compagnie de courtage en valeurs mobilières. On veut avoir ce qu'il y a dans la Loi sur les assurances qui permet la vente des produits d'une autre institution financière.

M. Garon: Je me rappelle quand j'étais professeur en institutions financières à la Faculté de droit, j'invitais chaque année entre 1970 et 1976, dans le cadre du cours sur les caisses d'épargne et de crédit, M. Alfred Rouleau. Il me disait que son rêve était que les caisses populaires deviennent un genre de centre commercial de produits financiers où quelqu'un pourrait trouver toute la gamme - s'habiller de la tête aux pieds sur le plan financier - en pouvant faire de bons choix puisqu'il n'y aurait pas d'avantages à vendre un produit plus que l'autre La caisse pourrait offrir tous ces produits. Tout cela n'est pas d'hier, en 1970 et 1976. Ce n'était pas une vue personnelle. C'était une orientation du mouvement. Pensez-vous qu'avec lavant-projet de loi tel que rédigé actuellement, vous pourriez arriver à offrir cette gamme de produits financiers pour habiller entièrement votre membre?

M. Béland: À notre avis, ce n'est pas clair. On pense même que cela donne lieu à des interprétations dans le sens contraire. On ne pourrait pas le faire. Si c'est vraiment aussi le rêve du ministre de créer les supermarchés financiers, il y aurait avantage à ce que cela soit évident dans la loi, pour éviter toute contestation et que la volonté du gouvernement soit clairement établie. Cela ne nous semble pas clair. C'est notre opinion. On peut se tromper. Mais on pense qu'il y aurait de la place pour de l'amélioration.

Le Président (M. Lemieux): Vous avez

terminé, M. le député de Lévis. Je viens de le demander au secrétaire. M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation, vous avez la parole.

M. Fortier: J'aimerais continuer sur le même sujet. Hier, nous avons eu des représentations touchant l'article 216. Certaines personnes s'insurgent que le gouvernement puisse ajouter ou soustraire. Cela est indépendant. Même si nous accédions à votre demande, M. Béland, en ce qui touche un point particulier, il y aura toujours dans l'avenir, compte tenu du décloisonnement, d'autres situations que nous n'avons pas prévues et que nous ne pouvons pas prévoir actuellement.

Dans votre mémoire, vous avez fait objection à l'article 216 qui permettrait au gouvernement d'autoriser ou de retirer un pouvoir. Cela n'a pas de bon sens. C'est ce que j'aimerais expliquer. La difficulté que nous avons, c'est que M. Bernier prend toujours des initiatives assez considérables. Lorsque M. Bernier a pris l'initiative de commencer à vendre des voyages dans ses caisses, la difficulté que nous aurions dans l'avenir, c'est que peut-être nous pourrions interpréter la loi, si nous étions trop généreux, en disant: Vous avez le droit de vendre n'importe quoi. Je voulais indiquer à M. Béland que nous n'avons pas l'intention d'autoriser le Mouvement Desjardins à vendre des voyages dans les caisses. C'est la raison pour laquelle le gouvernement s'est donné un pouvoir. À supposer qu'un avocat puisse interpréter la loi en disant. La nouvelle loi permet au Mouvement Desjardins de vendre des voyages dans les caisses, nous voulons avoir le pouvoir de le retrancher. Même si on accédait à votre demande - et c'est ce que je voulais vous dire - de clarifier le point particulier que vous soulevez, il y aura toujours des situations dans l'avenir où le gouvernement devrait statuer pour augmenter ou, je ne l'espère jamais, pour soustraire. J'admets que c'est un pouvoir qui est d'ailleurs balisé. Les banquiers disaient hier qu'il s'agissait d'un pouvoir qui était trop grand et non public. Mais il faut bien comprendre qu'au Québec, en particulier, tout décret de ce genre est approuvé par le gouvernement et prépublié durant 45 jours, en tout cas il y a des délais qui font que ces décrets sont connus de tous et qui permettent à tout individu de faire des représentations au gouvernement. Il ne s'agit pas d'une décision unilatérale. Vous avez noté, M. Béland, que dans la Loi sur les compagnies d'assurances en particulier, le ministre peut statuer d'office, j'admets que c'est un pouvoir très considérable, tandis qu'ici le ministre doit aller au Conseil des ministres faire approuver un décret, le faire publier dans la Gazette officielle, prépublication, publication et permettre à tout le monde de faire valoir son point de vue.

Je ne mentionnais pas cela comme argument contre ce que vous aviez dit, mais simplement pour dire que même si on accédait à votre demande, l'article 216, pour nous en tout cas, s'imposait pour baliser l'avenir, mais pour autant que l'avenir soit un peu incertain.

Le Président (M. Lemieux): Oui, M le président.

M. Béland: M. le ministre, la partie qui nous inquiète, c'est étant donné qu'il faudrait toujours demander au gouvernement la permission d'instaurer un nouveau service, une fois qu'il va soit l'accorder ou la refuser... S'il la refuse, il va interdire l'exercice pour toujours, mais s'il l'accorde, on ne voit pas pourquoi, il se réserve, après l'avoir accordée, le droit d'en interdire l'exercice. On est dans un nouveau modèle. Il n'est pas question maintenant de lancer de nouveaux services puisqu'on est contraints de demander la permission au gouvernement. Une fois que vous l'aurez accordée, pourquoi vous réservez-vous le pouvoir d'en interdire l'exercice? C'est ce qui nous Inquiète. On dit: On va investir, avec la permission du gouvernement, pour lancer, par exemple, la vente d'assurance dans les caisses et, ensuite, après des pressions de part et d'autre, le gouvernement va changer d'idée et va en interdire l'exercice. Cela nous semble discrétionnaire et temporaire.

M. Fortier: Sur l'exemple que vous donnez, je suis entièrement d'accord. Alors, on pourrait discuter ensemble afin de savoir de quelle façon (e gouvernement aurait un pouvoir pour éviter que le mouvement prenne des initiatives qui débordent le secteur des institutions financières.

M. Béland: Bien, il ne serait pas autorisé. M. Fortier: Ha, ha, ha! Oui.

M. Béland: Vous l'arrêteriez, parce que vous ne l'auriez pas autorisé. On parle d'autorisation et on parle en même temps d'interdiction d'exercice. Alors, on se dit: Une fois que c'est autorisé, cela veut dire que ce n'est pas permanent. Et cela, c'est inquiétant. Cela ralentit évidemment notre enthousiasme, cela ralentit nos investissements.

M. Fortier: Mais sur la question de la sous-location, je pense que c'est un aspect qu'on va regarder attentivement parce que, indépendamment de sous-location à l'intérieur de la caisse, si vous vous souvenez de certains intervenants qui étaient contre l'idée du Mouvement Desjardins de vendre de l'assurance dans les caisses, ils disaient: Que les caisses, à ce moment-là, vendent de l'assurance dans le sous-sol ou au deuxième étage. Mais pour accéder, même à cette demande de ceux qui s'opposaient à la vente d'assurance dans les caisses, il faudrait au moins que le Mouvement Desjardins ou que les caisses puissent sous-louer...

M. Béland: ...le sous-sol.

M. Fortier: . dans le sous-sol ou au deuxième étage, mais qu'il puisse sous-louer à l'intérieur du même édifice ou quelque chose du genre.

M. Béland: C'est exact.

M. Fortier: C'est un aspect qu'il faudrait examiner et savoir...

M. Béland: Merci.

M. Fortier: Est-ce que j'ai... Pardon? Il reste un peu de temps?

Le Président (M. Lemieux): Oui

M. Fortier: Sur la question de la capitalisation, je crois qu'il s'agit là d'un aspect très important. Vous avez formulé certaines demandes sur la rémunération, je pense qu'on pourrait en discuter; je pense qu'on n'a pas d'objection de principe à regarder certains des détails importants que vous avez évoqués. De toute façon, je pense bien que lorsqu'on va aborder tout le détail de la fiscalité, étant donné que, normalement, lorsque les gens arrivent à 65 ans, qu'ils veulent... Parce qu'il pourrait arriver que ces parts permanentes se retrouvent dans un REER et qu'à 65 ans, la personne doive prendre une décision. Donc, il va falloir qu'on examine cela.

Bien sûr, le ministre des Finances s'inquiète, lui, de la flexibilité trop grande qui serait donnée, parce que s'il donne un abri fiscal, il ne voudrait pas que les gens, une année, se mettent à acheter des parts permanentes ou des parts privilégiées pour les racheter l'année suivante, pour en racheter l'année d'après, pour toujours bénéficier de l'abri fiscal. Enfin, vous connaissez toute la réglementation qui entoure le Régime d'épargne-actions, mais je crois quand même qu'on peut répondre à plusieurs des demandes que vous avez formulées.

Bien sûr, vous avez exprimé l'idée qu'il aurait été préférable qu'il y ait des dispositions dans l'avant-projet de loi. Comme vous le savez, il y a des discussions et le ministre des Finances et son ministère sont en train d'examiner le détail. Je peux vous dire d'ores et déjà que c'est en bonne voie. Bien sûr, la loi n'est pas encore adoptée. Le ministre des Finances, lui, ne veut pas franchir le Rubicon avant d'y être rendu On ne connaît pas la date et le moment où vous aurez besoin de cette disponibilité, mais l'intention est de donner une déduction fiscale à l'achat de parts permanentes des caisses populaires, avec un programme initial avec certaines contraintes, mais je ne suis en mesure de faire aucune annonce au nom du ministre des Finances présentement.

En ce qui concerne la capitalisation, c'est un point important, conflit d'intérêts, décloisonnement. Il y avait un aspect qui ne me vient pas à l'esprit... En ce qui concerne la capitalisation, je crois qu'un point important était le fait que... Dans le mémoire de la fédération de Montréal qu'on va entendre immédiatement après, on dit: Écoutez, il faudrait également permettre la capitalisation des fédérations. Comme vous le savez, depuis un an qu'on a discuté de ce sujet ensemble, parce qu'il s'agit d'un sujet extrêmement important, la discussion qui s'est faite entre nous - je le dis bien ouvertement - est à savoir: Est-ce qu'on devrait favoriser la capitalisation des caisses, est-ce qu'on devrait favoriser la capitalisation des fédérations ou est-ce qu'on devrait favoriser la capitalisation de la confédération?

On peut penser - c'est une des options -qu'un titre Desjardins au niveau de la confédération puisse être vendu et ne pas permettre des émissions d'actions au niveau des fédérations et des caisses. Étant donné que vous dites que votre mémoire a reçu l'appui de toutes les fédérations, ce n'est pas évident, en lisant le mémoire de la fédération de Montréal, que cette dernière a appuyé fortement le mémoire de la confédération. Est-ce que je pourrais vous demander si vous avez fait l'unanimité sur la capitalisation? Vous savez, le ministre des Finances lit les journaux comme tout le monde, chaque fois que je le rencontre, il dit: Où sont-ils branchés? Est-ce au niveau de la confédération, de la fédération ou des caisses?

Le Président (M. Lemieux): Une minute, M. le ministre.

M. Fortier: Alors, bien sûr, on peut presser le ministre des Finances de statuer, mais tant que la confédération n'a pas fait l'unanimité avec toutes ses fédérations, le ministre des Finances peut retarder sa décision.

Le Président (M. Lemieux): M. Béland.

M. Béland: M. le Président, d'ailleurs, j'ai noté que dans le discours d'ouverture du ministre, hier, il faisait allusion, justement, à cette grande question à savoir si on devait capitaliser au niveau de la confédération ou des fédérations. Hier soir, je dois vous dire que nous avons réuni l'exécutif et nous avons pris la décision de changer notre mémoire à la dernière minute au sujet de la suggestion que la capitalisation se fasse au niveau des fédérations. Cette décision avait été prise le 16 août. En la revoyant et en constatant les difficultés que cela comporte, hier, l'exécutif, d'une façon unanime, même si cela ne représente pas tout le grand conseil, a décidé de s'en tenir à sa première proposition qui est celle de la capitalisation locale, c'est-à-dire au niveau des caisses. La seule nuance que nous avons faite est dans notre mémoire, on pense que puisqu'un fonds de stabilisation est prévu dans chacune des

caisses, on devrait prévoir également un fonds de stabilisation pour assurer le rendement de ces parts et qu'il devrait y avoir un fonds de stabilisation au niveau de la fédération. Si c'était accepté, cela faciliterait la distribution de ces parts au niveau des caisses, cela rassurerait le consommateur, le membre d'une caisse, et je pense qu'on n'a pas besoin, à ce moment-là, de monter la capitalisation au niveau des fédérations.

M. Fortier: Je crois que votre idée d'avoir un fonds de stabilisation...

Le Président (M. Lemieux): Vous avez terminé, M. le ministre.

M. Fortier: ..pour les caisses est un aspect très intéressant et on est d'accord.

Le Président (M. Lemieux): Excusez-moi, M. le ministre. M. le député de Lévis.

M. Fortier: J'ai de la misère à vous dire que je suis d'accord, parfois.

M. Garon: M. le Président, j'aimerais dire qu'il est absolument inconcevable qu'on retrouve un article comme l'article 216. Les pouvoirs d'un groupe doivent se retrouver dans la loi et non pas, éventuellement, dans une décision du Conseil des ministres. Ce n'est pas normal. Par exemple, dans la Loi sur les compagnies d'assurances, on voit déjà qu'elles peuvent offrir en vente des produits d'institutions financières, ils sont déjà clairement dans la loi. À l'article 33.2, on dit tout simplement: Le ministre peut autoriser une compagnie d'assurances à exercer une activité autre que celles prévues à l'article 33.1, mais à l'article 33.1, les pouvoirs sont précis. Il peut y avoir des queues de renard sur les antennes d'automobile, mais ce n'est pas l'automobile au complet qui est modifiée. Je pense que cette façon de légiférer serait complètement anormale puisqu'on viderait l'Assemblée nationale de sa fin qui est d'établir, dans des lois publiques, des pouvoirs d'entreprises régies par des lois publiques. (11 h 15)

Deuxièmement, concernant les avantages fiscaux des parts permanentes, disons que c'est peut-être normal qu'on ne retrouve pas cela dans un avant-projet de loi mais je pourrais dire tout simplement que le ministre des Finances a pris l'habitude de lever des impôts considérables par déclaration ministérielle. Il pourrait sûrement annoncer, par déclaration ministérielle, des avantages fiscaux qui se retrouveraient dans le projet de loi. Le projet de loi ne peut pas être déposé avant le 18 octobre puisque la session doit reprendre à cette date, je pense. Mais il serait très facile pour le ministre des Finances, le matin même, de faire une déclaration ministérielle annonçant quels seront les incitatifs fiscaux concernant les parts permanentes qui se retrouveraient dans le projet de loi que déposera en même temps le ministre délégué aux Finances, Alors la boucle serait bouclée. Au cas où il manquerait d'imagination, je lui donne le truc. Et...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fortier: On vit dans le même édifice.

M. Garon: Troisièmement, je pense que pour les parts permanentes... J'ai remarqué que plusieurs ont dit que, rédigé comme tel, les parts permanentes seraient peu attrayantes parce qu'elles seraient transmlssibles seulement au décès. Et j'étais content de voir que vous avez comparé un peu avec des actions de Solidarité, un bon succès, et qui vont dans le sens, je pense bien, du genre de capitalisation que recherche le Mouvement Desjardins avec une perspective de développement et avec une perspective économique et sociale également.

Plusieurs groupes ont dit que l'avant-projet de loi va enlever l'autonomie aux caisses locales. J'aimerais vous demander si vous êtes du même avis. J'ai même remarqué qu'à la page 4 de votre mémoire vous dites que "dans l'ensemble l'autonomie des caisses est reconnue". J'ai remarqué aussi hier que les directeurs des caisses semblaient s'inquiéter de la perte d'autonomie des caisses locales. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus parce que je pense que c'est fondamental.

Le Président (M. Lemieux): M. Béland.

M. Béland: L'autonomie, par définition, c'est le droit de se gouverner par ses propres lois. Or, si je veux faire mes propres lois, par exemple si je veux rester isolée comme caisse, je peux dire: Je suis autonome et je me gouverne par mes propres lois et celles du gouvernement évidemment, mais je fais mes propres règlements. Mais dans un esprit de solidarité, dans un esprit de démocratie, les caisses, au cours de leur histoire, ont compris qu'en se regroupant sur une base d'égalité et sur une base démocratique, elles se donnaient une force encore plus grande. Vous savez, quand on veut fonder des caisses et qu'on dit aux gens: Regroupez-vous, vous allez être plus forts, est-ce que les gens perdent leur autonomie parce qu'ils font cela? Au contraire, c'est dans l'exercice de leur autonomie. Elles acceptent la règle démocratique qui invite à la solidarité de se rendre à la décision de la majorité. C'est cela la coopération. C'est un bon mélange de l'autonomie des gens qui décident par eux-mêmes mais qui décident de jouer la règle démocratique de se rendre solidaires de la décision de la majorité. Dans ce sens-là la loi actuelle respecte cela. On n'aurait pas aimé que l'Inspecteur général dise, par exemple, ou que la loi dise: C'est nous qui décidons telle ou telle

chose. Là on aurait dit: Vous nous brimez dans l'exercice de la démocratie. Si on avait dit C'est la Confédération, sans consulter ses caisses, sans consulter ses fédérations, qui a le pouvoir de faire cela, c'est le président qui décide cela, on aurait été contre cela. Mais ce n'est pas cela que la loi nous dit.

La loi nous invite, d'une façon autonome, à continuer à appliquer la règle démocratique et à se rendre solidaires de la décision de la majorité. Donc, elle nous invite à l'autoréglementation et à l'autodiscipline. Tant que cela va être comme ça, on peut dire que les caisses restent autonomes. Si les caisses trouvent que la démocratie n'a pas d'allure ou s'il y a des fédérations qui trouvent que c'est mieux que la démocratie s'arrête à la région, on peut parler d'une démocratie régionale. On n'aura pas un mouvement. On aura onze mouvements. Je pense que la démocratie doit jouer selon les structures que le mouvement s'est donné. Dans ce sens-là on a dit dans notre mémoire - et tout le monde a été unanime - que c'est vrai que cela respecte l'autonomie des caisses. Les caisses continuent d'être capables de décider de s'affilier à une fédération et les fédérations continuent d'être capables de décider de s'affilier à une confédéra tion. Ce n'est pas obligatoire. C'est volontaire. C'est démocratique. Alors les caisses restent autonomes.

Vous allez me dire: Oui, mais c'est difficile dans un mouvement rendu aussi important que Desjardins de se séparer de Desjardins. C'est pour cela que les caisses ne se séparent pas. Elles sont assez intelligentes pour dire: C'est encore là que j'ai plus de force. Mais s'il y a des caisses qui pensent devenir plus fortes, plus dynamiques en se séparant et en s'en allant ailleurs, elles peuvent le faire. Donc, cela prouve qu'elles sont encore autonomes, comme un membre d'une caisse peut, s'il le veut, se retirer de sa caisse s'il trouve que cela ne fonctionne pas bien.

M. Garon: Dans la structure des caisses, on a vu, lors de la présentation des directeurs de caisse hier, que l'avant-projet de loi, tel que rédigé, interdit aux gérants de caisse - le projet de loi les appelle maintenant des directeurs de caisse - d'être élus dans la structure administrative et que cela pourrait avoir des changements considérables. On a même dit hier qu'à l'assemblée générale des caisses, sur quelque 250 personnes, cela pourrait en changer autant qu'une centaine. Est-ce que vous avez des chiffres? On a comparé aussi l'Abitibi et la Gaspésie et on a dit qu'à cause des distances, en Abitibi, souvent c'étaient des permanents qui occupaient des fonctions parce qu'avec des bénévoles, ce serait beaucoup plus difficile.

M. Béland: À la confédération, que la nouvelle loi prévoie que les membres du conseil doivent être majoritairement des représentants des bénévoles, des dirigeants élus, des dirigeants bénévoles et non pas des permanents salariés, cela nous plaît. On pense encore, nous, que le mouvement appartient aux membres. Il n'appartient pas aux salariés. Comme je le disais tout à l'heure, Desjardins a toujours été un mariage harmonieux entre les bénévoles et les permanents. Assurons-nous que le contrôle est toujours entre les mains des dirigeants bénévoles, des membres, des vrais propriétaires qui travaillent conjointement avec une minorité de permanents salariés et je pense que le mouvement va continuer à se développer. À la confédération, cela ne nous cause pas de problème. Non seulement je ne le pense pas, mais je suis sûr que cela ne cause pas de problème en ce qui concerne les fédérations et pour ce qui est des caisses, forcément, les conseils de caisse sont presque majoritairement composés de bénévoles. Il n'y a que le directeur qui est un salarié qui peut siéger sur le conseil d'une caisse. Il y a un salarié et tous les autres administrateurs sont des bénévoles. Vous voyez que cette règle-là, on l'applique et cela ne nous cause pas de problème. Ce à quoi vous vous référez probablement, c'est quand arrive le temps de choisir parmi ces gens-là pour qu'ils siègent, évidemment, au sein des institutions et des corporations. Là, il y a toute la question de la disponibilité des gens. Des jetons de présence, parfois, dans ces corporations, cela ne suffit pas

M. Garon: Les comités de surveillance, les comités de crédit.

M. Béland: Concernant les comités de surveillance, on dit dans notre mémoire que, pour autant que la règle de la majorité des bénévoles soit respectée, on ne voit pas pourquoi un directeur de caisse ne pourrait pas siéger sur une commission de crédit ou un conseil de surveillance d'une fédération. On a besoin de son expertise. On a besoin de son expérience, mais pour autant que cela reste une majorité de bénévoles. Alors, une commission de crédit de cinq membres avec trois dirigeants bénévoles élus et deux permanents, cela nous plaît. Mais dire qu'on ne veut pas du tout qu'ils aillent siéger sur les commissions de crédit, cela nous semble un peu exagéré, et peut-être pas utile.

M. Garon: En fouillant un peu la question avec les gens des caisses hier, en fait, on a réalisé que ce n'est pas que l'ancienne loi - la loi actuelle au fond - le permettait; c'est qu'elle ne l'interdisait pas.

M. Béland: Au contraire, on fonctionne comme cela actuellement.

M. Garon: En l'absence d'interdiction, vous avez développé une pratique.

M. Béland: C'est exact.

M. Garon: Certains ont parlé d'un mixte de bénévoles et d'employés. Comment voyez-vous la façon dont cela devrait être réglementé? Est-ce que cela devrait être réglementé? Pensez-vous que cela ne devrait pas être interdit comme dans le passé et dans le cas d'une réglementation, qu'est-ce qui devrait être autorisé?

M. Béland: Comme je viens de le dire, la réglementation qui prévoit que... Pour autant qu'une majorité de bénévoles siège sur ces différents comités, on n'a aucune objection, c'est évident, à la participation, parce qu'on en a besoin, on ne peut pas s'en passer. On a besoin de la participation des directeurs.

M. Garon: Les vice-présidents de fédération. On parle actuellement de vice-présidents de fédération, les postes de président et vice-président...

M. Béland: Dans notre mémoire, on a dit qu'on n'avait pas d'objection à ce qu'un directeur de caisse... Il va se faire élire démocratiquement de toute façon. Ce sont ses pairs qui vont l'élire. Si les gens trouvent que c'est bon que ce soit cette personne-là qui soit vice-président, nous, personnellement, à la confédra-tion, dans notre mémoire, on a dit qu'on n'avait pas d'objection à cela.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Béland.

M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation.

M. Fortier: On a pas mal couvert les points les plus importants. Je laisserai la parole à mes collègues. Mais il y a un point qui est important. Le député de Lévis a abordé une discussion sur l'autonomie des caisses. Je lisais dernièrement l'historique des institutions financières du Québec qui couvrait partiellement l'historique du Mouvement Desjardins. On s'aperçoit que, de tout temps, l'autonomie des caisses a été un sujet privilégié à l'intérieur du Mouvement Desjardins. Je crois que, depuis la première étape de la création de la confédération ou de ce qu'on appelait la fédération en 1932, cela a évolué. Il y a eu des débats politiques importants dans le temps - on ne parle pas des gens qui sont là aujourd'hui - mais plutôt durant les années quarante. Au-delà des personnalités et des débats passés, M. Béland, dans le fond, la structure proposée dans l'avant-projet entérine dans une très grande mesure ce qui existe déjà, quoiqu'on y donne un peu plus de muscle à l'occasion; alors l'idée est, comme vous dites, qu'une caisse qui veut n'appartenir à aucune fédération peut exister. En fait, il y en a une au Québec, la caisse de Rimouski, qui est seule et qui n'appartient à aucune fédération. Elle n'appartient pas à la confédération Desjardins. Mais elle doit appartenir à une fédération si elle n'est pas autonome. D'ailleurs, à l'avenir, on ne permettra plus la création de nouvelles caisses sauf avec la permission du ministre, mais je peux vous dire que le ministre sera très réticent.

La fédération assume donc des responsabilités très importantes de supervision et de réglementation.

Ensuite, il y a les fonctions de la confédération. Certains, je pense, voudraient que la confédération soit plutôt une espèce de forum de discussions sans aucune autorité. J'aimerais que vous nous expliquiez, dans le fond, quel est le rôle actuel de la confédération, parce qu'on retrouve à la confédération des outils extrêmement importants; la caisse centrale en est un. Est-ce que vous pourriez nous faire un état de ces responsabilités par les organes de la confédération qui, je crois, sont plus que des forums de discussions, mais qui sont, en fait, des organes de contrôle importants, si on pense à la caisse centrale qui va chercher du crédit additionnel et tout ça. Pourriez-vous nous dire depuis quand cet état de choses existe, car, en relisant cet historique, j'ai eu l'impression qu'il y a eu une époque charnière, je pense, durant les années soixante-dix, où les militants, les gens du Mouvement Desjardins ont décidé de s'unir et de déléguer certaines fonctions à la fédération et certaines fonctions à la confédération. Quand on regarde la progression phénoménale du Mouvement Desjardins, on peut se demander si ce ne sont pas justement ces choses-là qui ont fait son succès. Pourriez-vous nous expliquer ce rôle de la confédération ot nous dire dans quelle mesure il respecte l'autonomie des caisses et que dans le fond, il est bénéfique pour tout le mouvement?

M. Béland: La confédération a toujours été ce que les fédérations, d'une façon majoritaire et démocratique, ont voulu qu'elle soit, c'est évident. Ce sont les fédérations, d'ailleurs, qui ont constitué la confédération en 1932 pour des besoins, alors, d'inspection et de vérification. Elles ont confié à la confédération la responsabilité - et ce n'était pas contesté - de faire l'inspection et la vérification de l'ensemble des caisses. On a mis ça au niveau provincial et on en est restés là pour un bon bout de temps. Mais, avec le temps, des besoins nouveaux se sont créés et, vers 1963, des caisses sont devenues assez importantes et elles ont commencé à faire beaucoup de transactions d'épargne-chèques. Elles en faisaient depuis longtemps, mais le volume était tellement grand que certaines caisses ont dit: On a besoin de s'informatiser. Les fédérations se sont réunies, ont formé un comité d'informatisation et ont confié à la confédération la mise sur pied d'un système-mouvement.

Vous avez raison de dire que c'est durant les années soixante-dix que la progression de Desjardins a commencé de façon spectaculaire

parce qu'il a fallu 63 ans pour accumuler le premier milliard. En 1972, ce fut le deuxième. Mais, de 1972 à 1975, on s'est rendus à environ 9 000 000 000 $ et, ensuite, cela est monté jusqu'à 35 000 000 000 $; on parle de 35 000 000 000 $ aujourd'hui. Quand on voit cette progression, on s'aperçoit que, petit à petit, lorsque les fédérations ont réalisé que, pour leurs caisses, il était utile de se regrouper, elles ont donné des responsabilités nouvelles à la confédération. C'est dans ce sens-là que je dis que la confédération est toujours ce que les fédérations veulent qu'elle soit. J'admets que parfois - c'est toujours pareil dans l'exercice d'une démocratie - on discute longuement quelle responsabilité on va donner à la confédération. Mais d'autres gestes qui ont été posés ont été très bénéfiques pour le mouvement, comme la Corporation de fonds de sécurité. Encore là, c'est à travers les crises fréquentes de l'économie québécoise et mondiale - ce n'est pas la faute du Québec - que les caisses ont senti le besoin, à un moment donné, de se regrouper (11 h 30)

La Corporation de fonds de sécurité, c'est un autre organisme que les fédérations ensemble se sont donné pour être plus fortes. En 1979, ce fut la Caisse centrale. On a senti le besoin qu'on ne pouvait pas rester isolés, chacune des fédérations ne pouvait rester isolée; il fallait aller sur les marchés internationaux. Aller sur les marchés internationaux, onze institutions séparées, ce n'est pas aussi efficace; on a donc créé la Caisse centrale. Aujourd'hui, la Caisse centrale est le fournisseur de capitaux pour Desjardins

Donc, ce sont les besoins et la sagesse des dirigeants du mouvement qui, dans un geste de solidarité, à un moment donné, décident de se redonner des organismes provinciaux, qui font que l'ensemble du Mouvement Desjardins en profite. Si la confédération n'était pas là et que chacune des fédérations avait sa caisse centrale, sa petite corporation de fonds de sécurité - il y en a qui en auraient des grosses d'autres des petites - si on avait chacun des images séparées, le Mouvement Desjardins ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui, cela me semble évident.

C'est sûr que la démographie québécoise fait qu'on a des concentrations de population: Québec, Montréal. Mais, fort heureusement, ces fédérations ont toujours consenti à utiliser leur force et à ne pas laisser tomber le reste de la province, mais à faire en sorte que le reste de la province aussi profite et collabore à cette grande force qui est nationale, qui est à l'ensemble du Québec.

Dans ce sens-là, l'autonomie des caisses est encore plus forte qu'elle ne l'a jamais été, parce que cette force qu'elles se sont donnée par leurs organismes fédératifs et confédéral, cette force-là, évidemment, profite à l'ensemble des caisses, c'est évident. Aujourd'hui, on est capables de dire que chacune des caisses est la porte d'entrée sur l'ensemble des services, n'importe quelle caisse. Je vais aller en Abitibi, à Sainte-Rose de Poularies ou Roquemaure, à Saint-Zacharie dans la Beauce, vous rentrez là. vous êtes capables d'avoir le service du crédit commercial; même si ce n'est pas la caisse qui lo fait directemont, elle va vous mettre en rotation avec le service du crédit industriel, avec le Mouvement Desjardins. Dans ce sens-là, l'autonomie des caisses est encore plus forte, plus vivante. Les caisses sont plus fortes et plus vivantes qu'elles ne l'ont jamais été, grâce à leur sagesse de se regrouper. C'est cela qu'est la force d'un mouvement. Je pense qu'on pourrait donner l'exemple de bien d'autres domaines aussi, où de petits détaillants se sont regroupés pour se donner une plus grande force. C'est cela le Mouvement Desjardins d'aujourd'hui.

M. Fortier: Merci

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Lévis.

M. Garon: Vous dites, à la page 4 du mémoire.. Ce que vous venez de dire, c'est assez mal compris Les banques nous ont dit que vous n'étiez plus des coopératives mais des corporations et que c'était aussi bien de finir le job. Même les notaires nous ont dit que, maintenant, votre loi ressemblait de plus en plus à la Loi sur les compagnies de capital-actions, que c'était quasiment semblable et une bonne chose. Alors, je suis content de voir que vous indiquez les caractères des coopératives qui sont mal compris.

J'aimerais - pour revenir là-dessus - à la page 4, vous dites que l'avant-projet de loi reconnaît généralement le caractère coopératif des caisses. Cela m'a frappé, le mot généralement. Y a-t-il des aspects du projet qui, pour vous, s'éloignent du caractère coopératif? Si oui, lesquels.

M. Béland: Je pense que quand on essaie d'appliquer aux dirigeants bénévoles les règles intégrales qu'on applique aux administrateurs de compagnies à capital-actions, je pense que là il y aurait des nuances à faire pour reconnaître notre véritable caractère coopératif. Je pense qu'il faut protéger nos bénévoles. Il faut les remercier de ce qu'ils rendent comme services, plutôt que de leur imposer trop de contraintes. Quand on a dit généralement, c'est qu'on avait en tête peut-être cette nuance qu'il faudrait apporter à l'égard de nos dirigeants bénévoles.

M. Garon: Avez-vous déjà fait des statistiques? Je ne me rappelle pas le rapport Carter, mais je me rappelle le rapport Porter - je pense bien qu'en vieillissant, apparemment on se rappelle plus facilement ce qui est plus lointain. On disait que 30 % des prêts de plus de 100 000 $ étaient faits à des compagnies qui étaient liées, d'une façon ou d'une autre, à un administrateur de banque, qui était sur un

conseil d'administration d'une autre compagnie, etc. Est-ce que vous avez déjà fait des statistiques...

M. Béland: Non.

M. Garon:... au Mouvement Desjardins, pour montrer quelle est la proportion des prêts qui pourrait être faite, pour faire une comparaison avec les banques?

M. Béland: À l'oeil, je peux vous dire qu'elle est infime parce que la règle de base... vous le savez, M. Garon, dans les caisses, on a des limites. C'est l'assemblée générale qui établit les limites sur les prêts. On a évolué comme cela. M. Desjardins nous disait toujours: C'est mieux de faire 100 prêts de 1000 $ qu'un prêt de 100 000 $, et on a vécu avec cette culture et cette habitude. Il n'y a pas de concentration des prêts chez nous, pas du tout. Mais cela ne nous a jamais semblé très utile de faire l'étude en question, parce qu'on sait déjà que, comme résultat, je pense qu'on ferait la preuve facilement que c'est largement réparti, même notre crédit. Je suis convaincu de cela.

M. Garon: Tantôt, j'ai posé une question à laquelle vous n'avez répondu qu'à un bout. Il y a un bout sur lequel j'aimerais revenir. Dans l'état actuel des choses, qu'il s'agisse de la confédération ou de la fédération, quelle est la proportion des gens qui sont des employés et qui sont des bénévoles?

M. Béland: À la confédération?

M. Garon: Que ce soit à la confédération ou à la fédération. Je sais que les directeurs de caisse ont dit... Ils nous ont parlé d'assemblées générales. Ils nous ont dit: 100 sur 250.

M. Béland: Je pense que M. Bertrand de la fédération de Québec a une réponse.

M. Bertrand (Jacques): C'est 50-50. M. Béland: Au conseil? M. Bertrand: Au conseil.

M. Béland: Ah bon! C'est 40-60 à la fédération de Montréal, 40 bénévoles et 60 salariés. À Québec, c'est 50-50. C'est pas mal la même proportion un peu partout.

M. Garon: Et à la confédération?

M. Béland: À la confédération, c'est une grande majorité de salariés. Je pense qu'on en a 8 sur 32, 8 bénévoles sur 32 administrateurs.

M. Garon: À chacun des niveaux, dans votre esprit, c'est la majorité ou cela changerait-il par niveaux, la proportion de bénévoles-employés?

M. Béland: C'est-à-dire que si on appliquait la nouvelle loi, on se retrouverait avec une majorité de bénévoles à tous les niveaux.

M. Garon: Mais une majorité simple vous voulez dire ou...

M. Béland: Oui, une majorité simple. Alors, sur 33 administrateurs qu'on aura chez nous, avec la nouvelle loi, on aura 17 bénévoles.

M. Garon: Mais la loi ne dit pas cela actuellement.

M. Béland: Non, la loi nous a laissés libres à ce point de vue. La nouvelle loi va nous inviter à respecter cette règle.

M. Garon: De quelle façon?

M. Béland: En disant que le conseil des fédérations et de confédération doit être constitué majoritairement de non-salariés.

M. Garon: Est-ce que c'est dit quelque part actuellement?

M. Béland: Oui, dans l'avant-projet de loi et on n'a pas d'objection à cela.

M. Fortier: Dans l'avant-projet de loi. Vous ne l'avez pas lu?

M. Garon: Moi, je ne viens pas d'Outre-mont, alors, je ne sais pas tout!

M. Fortier: Ha, ha, ha!

M. Garon: Par rapport aux mémoires des directeurs de caisse, vous avez dit en, gros: On est d'accord, mais vous avez laissé entendre qu'il pouvait y avoir des points sur lesquels vous n'étiez pas d'accord.

M. Béland: La seule nuance, M. le Président, c'est que quand les directeurs de caisse disent: On veut avoir le droit de siéger aux commissions de crédit de la fédération ou aux conseils de surveillance, nous disons: Oui, mais pour autant que vous vous retrouviez parmi une majorité de bénévoles. On ne serait pas favorable à ce que la commission de crédit, par exemple, d'une fédération soit entièrement ou majoritairement composée de directeurs de caisse, parce qu'à travers l'approbation du crédit - c'est la position de la confédération - il y a toujours l'application de politiques de crédit.

Comme ce sont les directeurs de caisse avec leurs commissions de crédit qui sont appelés à appliquer les règles de crédit dans les caisses, on pense que les commissions de crédit des confédérations doivent être constituées d'une

majorité de bénévoles, mais en profitant de l'expertise et de l'expérience des directeurs.

M. Garon: Hier, la Fédération des travailleurs du Québec est venue et nous a parlé d'un problème d'assurabilité et de cautionnement des employés. Ils nous ont dit que, dans certains cas, cela pouvait devenir une cause de congédiement et qu'à ce moment-là, ils n'avaient plus de recours, comme en vertu de la convention, puisque, là, on dit: Oui, mais là, vous n'êtes plus assurables. Ils ont le sentiment que cela devrait être fait de façon différente pour que l'employé garde tous ses recours, comme dans n'importe quel congédiement et que cela doit être pour une cause. Je ne sais pas si vous êtes au courant du...

M. Béland: C'est-à-dire que la loi actuelle exige que tous nos employés soient couverts par un cautionnement, en cas de fraude ou de vol. Donc, le cautionnement est fourni par un assureur. Quand, après avoir fait son enquête ou obtenu des informations, l'assureur décide qu'il ne veut plus assurer M. Untel parce qu'il trouve que c'est un trop grand risque, c'est évident qu'on n'est plus capables de respecter la loi. Le conseil d'administration de la caisse dit: Je ne peux plus respecter la loi. Je suis obligé de te fournir de l'assurance, mais comme tu n'es plus assurable, je suis obligé de te suspendre jusqu'à ce qu'on règle ton cas. Je ne peux pas conduire de voiture si quelqu'un décide que je ne suis pas assurable. C'est la même chose.

D'un côté, vous avez des ministères qui nous disent: II faut que vous soyez absolument couverts à 100 %. Évidemment, si on va dans le domaine des relations de travail, ils disent. Une minute! Les règles de cautionnement ne nous empêcheront pas d'exercer les règles ordinaires en matière de relations de travail. Nous sommes contraints par la loi de fournir un cautionnement pour nos employés et de les assurer. Quand on ne trouve pas d'assureur, ils ne peuvent plus exercer leur fonction. On n'a pas le choix. Ce n'est pas par goût qu'on fait cela, c'est par obligation.

M. Garon: Quand vous dites: On ne trouve plus d'assureur... Le point soulevé est que l'assurance est faite aussi par Desjardins. À ce moment, l'employé se trouve démuni parce que c'est la compagnie d'assurances de Desjardins qui dit qu'il n'est plus assurable alors qu'il serait peut-être assurable ailleurs. Ils trouvaient qu'il y avait une certaine perte de recours de l'employé par rapport à son emploi quand il le perdait pour cette raison.

M. Béland: Dans toutes les corporations, c'est la même chose. Ces cautionnements sont en vertu d'une police maîtresse. J'imagine que dans les banques, c'est le même problème. C'est rare qu'un assureur consente à assurer un individu seul, en matière de manoeuvres frauduleuses ou pour essayer de se protéger contre de mauvais agissements. La police va coûter très cher. C'est toujours réparti dans une police globale. On appelle cela comme cela: un cautionnement global ou une police globale. Assurer un individu pour ce genre de service, cela doit être extrêmement silencieux.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez terminé, M. le député de Lévis.

M. Garon: Oui.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie. M. le ministre, vous permettez?

M. Béland, j'aimerais essayer de vous ramener sur des... Vous savez, il y a une différence entre la politique et la science politique, et la philosophie corporatiste et le vrai corporatisme. J'aimerais y aller sur un plan plus concret et me substituer à certains de mes commettants dans mon comté, qui est celui de Vanier, où on a un fort taux de familles monoparentales et où le salaire est inférieur à la moyenne nationale. Je vois ici un des commettants de mon comté - le messager, M. Ge-nest - qui aimerait peut-être vous poser des questions. Je vais essayer de me substituer à lui.

J'aimerais vous parler des problèmes inhérents aux frais de services qui, parfois, nous paraissent abusifs. Je vais vous donner des exemples, les frais pour les comptes inactifs. Que les déposants utilisent leur compte ou non, ils paient toujours des frais. Les frais exigés pour les comptes inactifs ont-ils leur raison d'être lorsque aucune transaction n'est effectuée dans le compte? Les frais d'effet refusé: le déposant qui reçoit un chèque sans provision suffisante est-il responsable de ce manque de fonds? Pourtant, on va lui charger des frais. Les erreurs de caisse: certains frais imposés aux déposants découlent directement d'erreurs de la part de la caisse. Exemple: des arrêts de paiement non respectés, des frais arbitraires.

Ce qui m'a paru le plus aberrant, récemment - l'exemple m'a été donné par le député de Mille-Îles - c'est que lorsqu'on est membre d'une caisse, on prend une part sociale. Cela nous coûte, je crois, 5 $. Lorsqu'on vient pour fermer notre compte, on dit à la caissière: Équilibrez-moi le débit et le crédit. Elle nous arrive et fait le tour: 1, 82 $. Elle nous remet 1, 82 $. On lui dit: Notre part sociale? Elle dit: Ce sont des frais d'administration. Je trouve cela...

Une voix: Des frais de fermeture de compte.

Le Président (M. Lemieux): Des frais de fermeture de compte, pardon. Dans un premier temps, vous avez des avocats à la table des témoins ou derrière vous. Nemo debet esse judex in propria causa: c'est une règle de justice naturelle selon laquelle personne ne peut se faire

justice soi-même. Je trouve cela curieux qu'on impose des frais de fermeture à des gens ayant payé une part sociale. C'est quoi, la philosophie corporatiste? Cet aspect m'intrigue. (11 h 45)

Ma question serait la suivante: Ne trouvez-vous pas que tout déposant devrait avoir accès à un compte de base pour lui permettre d'effectuer des transactions de débit, dépôt ou des virements de frais? Autre question: Est-ce que les caisses ont l'intention de prendre des mesures pour indiquer les frais exigés pour chacun des produits et services qu'elles offrent? Je prends les banques comme exemple, à l'article 202 de la Loi sur les banques, on oblige à divulguer tout au moins certains frais de service. C'est une partie de ma question. La deuxième partie, c'est la suivante: On constate qu'un fort pourcentage de la clientèle des caisses, ce sont des femmes. J'ai entendu quelques mémoires ici où on a fait état qu'il semblait exister une certaine discrimination envers les femmes. Je regarde la table des témoins, je n'en vois pas, je regarde derrière, je n'en vois pas beaucoup non plus. J'aimerais vous entendre parler un peu là-dessus. Y a-t-il des programmes... ? Il y en a une à ce qu'on me dit.

M. Fortier: Ha, ha, ha! Levez-vous.

Le Président (M. Lemieux): Y a-t-il des programmes d'accès à l'égalité dans les caisses populaires? Si vous n'en avez pas, je peux vous envoyer d'excellents curriculum vitae. Vous savez, cela fait partie de la tâche d'un député d'aider ses commettants à se trouver un emploi. L'autre aspect. J'ai parfois l'impression que les caisses ont oublié... Pardon?

M. Garon: Dans les tâches bénévoles... Dans les employés, il y en a beaucoup.

Le Président (M. Lemieux): C'est cela, effectivement, dans les tâches bénévoles. Effectivement, M. le député de Lévis. Il y a un autre aspect où on a reçu - je pense aux gens qui viennent me voir parfois dans mon comté - il semble parfois que les caisses ont oublié que c'est aux petites gens qu'elles doivent leur succès, là où elles sont rendues aujourd'hui. On sent dans certaines caisses - je suis bien conscient qu'elles ont une certaine autonomie -un manque d'organisation. Lorsque les gens font une plainte aux caisses, ils sont perdus dans votre système actuellement. C'est curieux parce que ce sont des caisses locales et ils ont de la misère à avoir des réponses. Souvent, on les traite comme des chiens dans un jeu de quilles, pour employer une expression de chez nous, typiquement du Lac-Saint-Jean, ils sont un peu perdus. Dans ce sens-là, ne pourrait-il pas y avoir des directives générales, internes, soit de la part de la fédération ou de la confédération où on pourrait peut-être essayer de faire en sorte que, tout au moins, les consommateurs, les petites gens, puissent savoir à qui s'adresser pour avoir des réponses valables. C'est l'ensemble de mes Interrogations. J'aimerais bien entendre vos réponses. Comme je vous dis, je me suis substitué à M. Genest qui est l'un de mes commettants.

M. Béland: Je dois dire, M. le Président, qu'il y a beaucoup de vos commettants et probablement pas seulement les vôtres, mais dans mon courrier quotidien, je reçois beaucoup de lettres de membres de caisses, énormément. Je dois vous dire que j'ai des lettres dans le sens des remarques que vous avez faites. J'ai aussi beaucoup de lettres, et beaucoup plus, dans l'autre sens, de gens qui disent: C'est donc merveilleux le service que j'ai eu à ma caisse, c'est donc merveilleux le dévouement de mon directeur de caisse qui m'a permis d'avoir ma première maison et qui est même venu m'aider dans telle circonstance. Vous savez, Desjardins est fait de gens du Québec. Les gens du Québec sont de toute nature: certains sont très généreux, d'autres le sont moins et on retrouve cela dans les caisses. Il y a des caisses qui sont des bijoux. On reçoit des lettres de félicitations pour dire: Je n'ai jamais vu un service comme cela.

Ce qui est merveilleux, c'est que cela permet à votre commettant d'aller à sa caisse, à son assemblée générale et de dire qu'il n'aime pas le service et qu'il exige des changements. Il peut faire des démarches pour amener toute la paroisse dans sa caisse, je ne peux pas faire cela à la banque, moi. Il peut amener toute la paroisse et dire: On va aller à la caisse, cela n'a pas d'allure comment on est traités dans notre caisse. C'est tout de même un avantage qu'on a à la caisse et qu'on n'a pas dans d'autres institutions financières. Je suis un peu surpris... Être reçu comme un chien dans un jeu de quilles dans les caisses, ce n'est pas ce que je vis en tout cas dans la mienne.

Le Président (M. Lemieux): Je parle d'expériences de gens. Je ne voudrais pas... Il ne faut quand même pas généraliser. Je vous parle d'expériences de gens qui, parfois...

M. Béland: Oui, il peut arriver un matin qu'on...

Le Président (M. Lemieux):... c'est-à-dire qu'ils ne savent pas où s'adresser pour les plaintes comme telles.

M. Béland: II peut arriver un matin qu'on se retrouve devant une caissière qui est de mauvaise humeur...

Le Président (M. Lemieux):.. ou qui n'a pas l'information.

M. Béland:... ou le caissier. On peut toujours évidemment utiliser le guichet automatique.

Le Président (M. Lemieux): Et, effectivement, ils paient pour le guichet automatique. Je ne pense pas que ce soit eux qui l'aient demandé. Mais tout de même, j'aimerais vous entendre aussi sur les frais de service.

M. Béland: Sur ce, je peux vous dire que les directives générales qui viennent des fédérations, à ce moment-là, ce sont les fédérations qui traitent avec leur caisse, les directives générales sont certainement dans le sens du service. C'est notre marque de commerce.

Quand vous me parlez des comptes inactifs, M. le Président, un compte est Inactif pour le membre, il n'est pas Inactif pour la caisse, il coûte quelque chose. Qu'on stationne 5 $ à la caisse, cela crée un folio et l'informatique perçoit pour cela, cela coûte de l'argent à la caisse. Si, par exemple, dans une caisse, j'avais 1000 membres avec un compte inactif et un seul membre qui avait 1 000 000 $ de dépôt, ce membre se dépêcherait de dire: Aie! Pourquoi je paie pour les milliers de membres qui sont inactifs avec la caisse? C'est là qu'est venue la notion des frais d'utilisation de service. Quand on utilise les services d'une caisse, on ne peut pas demander que ce service soit gratuit ou qu'il soit payé par les autres membres qui, eux, sont actifs, il y aurait là une inéquité. Quand un membre est inactif et qu'il maintient un compte ouvert, un folio ouvert, il y a des coûts, el ces coûts, évidemment, il faut les faire payer à quelqu'un, et les membres actifs ont toujours dit, en assemblée générale: Cela n'a pas d'allure, j'ai un compte de dépôt à terme, je ne fais pas de chèque, je ne fais pas de transaction avec la caisse et mon voisin d'à côté passe son temps à faire seulement des chèques, vous êtes obligé d'engager deux caissières pour lui et deux commis pour traiter sa compensation, pourquoi est-ce que je paie pour cela? C'est là qu'est venue toute la notion des frais d'utilisation de service.

D'ailleurs, j'ai des pochettes que je vais distribuer, avec votre permission. Parce que cela fait partie de nos préoccupations actuelles, on a élaboré notre politique de frais d'utilisation de service, on a même amélioré un peu toute notre politique de divulgation, on aura, dans toutes les caisses, d'ici le 15 septembre, des mini-affiches, des velox qui seront mis à la disposition des caisses pour dévoiler les coûts de chacun des services. Chez Desjardins, on n'a jamais été réticents à la divulgation; au contraire, on a toujours été très transparents. C'est une politique connue et qui sera intensifiée chez Desjardins dans les semaines qui viennent.

Quant aux femmes, je pourrais vous rendre la pareille, je n'en vois pas beaucoup autour de la table.

Le Président (M. Lemieux): Permettez-moi de vous dire que, sous le présent gouvernement, il n'y a jamais eu autant de femmes dans l'his- toire du Québec.

M. Béland: Dans les caisses aussi, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Permettez-moi de vous le dire, même s'il n'y en a pas beaucoup à cette commission parlementaire, elles sont membres d'autres commissions parlementaires.

M. Béland: Au mois de mars dernier, j'en étais à mon deuxième discours à l'assemblée générale de la confédération, et dans chacun de ces discours, j'ai fart appel aux femmes Je ne pense pas qu'on doive faire appel seulement aux hommes, les femmes pensent que Desjardins est un mouvement d'hommes. Il faut dire que cela ne fait pas tellement longtemps que les hommes ont pris ce siège; avant, il appartenait à des étrangers Maintenant, les hommes québécois sont assis sur ce siège, les femmes arrivent déjà pour dire: Tasse-toi que je prenne ta place. C'est vrai qu'en certains milieux, il peut y avoir un peu de réticence, mais d'une façon générale, il n'y en a pas. Il y a de plus en plus de femmes qui sont directrices de caisse et qui sont dirigeantes de caisse II y en a énormément, en tout cas, de plus en plus; ce n'est pas assez, mais on fait des efforts énormes.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Béland. M. le député de Lévis, excusez-moi, à la suite des réponses de M. Béland, j'ai pris deux ou trois minutes de plus. Vous avez la parole.

M. Garon: Merci. Hier - c'est à cela que je faisais référence quand je vous posais une question - les gens du service d'aide aux consommateurs sont venus et ont fait un certain nombre de représentations. Dans un certains cas, on disait qu'on exigeait un montant pour le paiement de factures de compagnies publiques. J'étais surpris parce qu'à la caisse où je vais, cela ne coûte rien, assez que je me disais: Je paie mes comptes à la caisse parce que je sauve les timbres et les enveloppes, quand elles ne sont pas fournies. Mais on laissait entendre qu'il pouvait y avoir des ententes entre la caisse et les compagnies et que la compagnie pouvait verser un montant pour agir comme personne qui reçoit le paiement.

Par exemple, pour Hydro-Québec, Bell Canada, Vidéotron, Ultramar, quand je chauffais à l'huile, on passait par la caisse. Est-ce qu'ils vous paient pour rendre ce service ou si c'est un service que vous rendez aux membres, qu'ils puissent payer leur compte à la caisse populaire sans frais, pour ceux qui n'exigent pas de frais? Je ne sais pas s'il y en a d'autres qui en exigent.

M. Béiand: M. le Président, la négociation entre les grands fournisseurs, Bell, Hydro-Québec, se fait chez nous par la caisse centrale et

cela doit se régler avec la caisse centrale. C'est-à-dire que la caisse centrale négocie avec Bell en lui disant: Parfait, je vais faire la perception de tes comptes, mais on cherche à rentabiliser cette grande opération à ce niveau. C'est-à-dire ou bien Bell va maintenir un dépôt, ou on va profiter du transit, il y a toujours des compensations pour Desjardins. Cela se règle à ce niveau. Ensuite, une fois que le service est négocié, on dit au réseau: Maintenant, vous pouvez recevoir le paiement d'Hydro-Québec ou de Bell, et chacune des caisses, ensuite, reçoit des recommandations de la part de sa fédération pour ces frais. Il y a des caisses qui disent: Nous, on va le facturer aux membres, d'autres caisses disent: On va prendre cela à même nos excédents, nos bénéfices. On va faire une dépense de la caisse et on va le payer. C'est un service qu'on considère commun. Alors, il n'y a pas de négociation qui se fait entre la caisse et Bell Canada ou Hydro-Québec. C'est simplement une fois que le service est négocié, qu'il est mis à la disposition du réseau. C'est le reseau qui décide comment il le traite. C'est pour cela que dans votre caisse, ils ne chargent rien, mais si vous étiez membre d'une autre caisse, il est possible, qu'il y aurait une charge.

M. Garon: J'écoutais la radio ce matin et on parlait justement de ces questions-là. Je ne sais pas si c'est à la suite de la rencontre avec le service d'aide aux consommateurs. On indiquait à ce moment-là que vous aviez déjà fait une étude. Je pense que c'est un M. Dufresne. Est-ce qu'il n'y a pas un M. Dufresne qui est vice-président au Mouvement Desjardins? On se référait à un M. Dufresne.

M. Béland: Lefebvre... Jacques Lefebvre.

M. Garon: Pas Dufresne, vous avez raison, Lefebvre. On disait que les services, d'après l'étude qui aurait été . faite, seraient 40 % meilleur marché, alors qu'ils vous coûtent 30 % plus cher, en comparaison avec les banques. Est-ce qu'il y a eu une étude de faite là-dessus pour comparer les frais de service, par rapport aux banques? Et pourquoi sont-ils plus chers aux caisses? Cela coûte plus cher de service aux caisses. On disait qu'on chargeait 40 % meilleur marché, même si cela coûtait aux caisses 30 % de plus.

M. Béland: Je n'ai pas les rapports devant moi. Je me souviens d'avoir vu cela. Je sais que nos revenus provenant des frais d'utilisation de services, les revenus des caisses, sont beaucoup moindres que ceux qu'on voit dans les banques. Autrement dit, les banques font plus d'argent avec les frais d'administration ou de service, que les caisses. C'est le double dans les caisses. Si nous faisons 0,30 $ par 100 $ d'actif, les banques en font 0,60 $. Quant aux coûts, pour cette partie-là, je ne suis pas capable de vous répon- dre, à moins que quelqu'un ici puisse répondre. C'est vrai. On est une organisation de services et on rend service à beaucoup de gens, à beaucoup de petites gens et c'est coûteux. C'est vrai.

M. Garon: À la page 15, quand vous demandez que les caisses puissent effectuer des opérations à l'extérieur du Québec, quels sont les types d'opérations que le Mouvement Desjardins souhaiterait faire à l'extérieur du Québec?

M. Béland: On est déjà très sollicités par les fédérations francophones hors Québec, fédérations des caisses populaires de l'Ontario, de l'Acadie et du Manitoba. Et on fournit d'ailleurs certains services quand les lois ne nous empêchent pas de le faire. On le fait déjà. D'ailleurs, je suis heureux de voir que dans l'avant-projet de loi - je ne l'ai pas mentionné - on nous fasse cette ouverture claire en disant: Si vous voulez offrir des services hors Québec, vous pourrez le faire. Et cela vise, dans un premier temps, les fédérations francophones hors Québec parce qu'on est déjà en relation avec elles, mais cela pourrait évidemment s'étendre plus loin, s'il y avait des demandes.

M. Garon: Je vois qu'on tire sur la fin. Je sais que le Mouvement Desjardins souhaite avoir un nouvel habit légal le plus rapidement possible. Et je sais que le ministre va avoir une dernière intervention, j'aimerais vous donner l'occasion de nous dire, comment vous voyez les prochaines semaines, en termes du nouveau projet de loi, avec votre possibilité de réagir à ce nouveau projet de loi. Parce que vous pouvez être parfaitement heureux et pouvoir venir nous dire: Nous sommes parfaitement heureux. Ou vous pouvez, sur un certain nombre de points, souhaiter des changements quand le projet de loi sera déposé. J'aimerais entendre de votre part, comment vous voyez les prochaines semaines concernant ce projet de loi qui devrait être déposé par le gouvernement. J'aimerais bien que ce ne soit pas la dernière journée et qu'on fasse cela dans le temps des fêtes, de nuit. Cela ne serait pas élégant, je pense.

M. Béland: J'ai déjà entendu, ce matin, des choses rassurantes. Quand on me dit que la fiscalité devrait être acceptée, quand on me dit que l'article 204 au sujet des dirigeants bénévoles va être revu et qu'il y a lieu de discuter encore, cela me rassure. Quand on me dit que le gouvernement a l'intention de faire le décloisonnement et que c'est juste une question de rédaction, cela me rassure un peu. Ce qui me rassure le plus, c'est que le ministre m'a quand même fait une ouverture en disant: II faudrait qu'on se parle. Alors j'ai compris que la porte n'était pas fermée et qu'à ce moment-là... C'est sûr que ce n'est pas le Mouvement Desjardins qui fait la loi. On ne la négocie même pas. Mais

je suis heureux de voir, au moins, qu'on puisse faire d'autres suggestions et j'ai bon espoir qu'à ce moment-là on aboutira à un projet de loi qui devrait satisfaire le Mouvement Desjardins.

M. Garon: Mais pour être bien sûr que le décloisonnement va se faire, il faudrait que le député de Mille-Îles soit aussi d'accord avec le ministre parce qu'il semble que là-dessus il est aussi pesant que le ministre. (12 heures)

M. Bélisle: Mes positions sont officiellement connues, M. le député de Lévis.

M. Garon: Personnellement, je pense que ce serait une bonne chose, quand le projet de loi sera déposé, à cause de l'ampleur du projet, l'avant-projet de loi contient 575 articles, il serait souhaitable qu'après le dépôt du projet de loi, ce devrait être le plus tôt possible, à l'automne, pour que vous ayez le temps de réagir, le Mouvement Desjardins devrait être invité pour réagir devant la commission parlementaire qui va être appelée à étudier le projet de loi, peut-être même avant la deuxième lecture du projet.

Le Président (M. Lemieux): En conclusion, M. le député de Lévis.

M. Garon: J'aimerais tout simplement, en terminant, remercier les gens du Mouvement Desjardins d'avoir produit un document aussi précis. C'est évident qu'à la suite de la commission parlementaire, derrière cela, il y a toute une conception des choses. Par mes questions, j'ai essayé le plus possible de vous fournir l'occasion d'expliquer le fonctionnement concret Parfois, on lit les papiers, les articles, et ce n'est pas toujours évident comment cela fonctionne. Tous ceux qui sont venus témoigner hier et votre présence aujourd'hui ont permis, à la commission, de mieux comprendre comment cela fonctionne et, parfois aussi, de mieux saisir l'implication des bénévoles. Plusieurs personnes pensaient, par exemple, que... Je suis persuadé qu'avant que vous répondiez 8 sur 33, si vous aviez fait passer un test, nous, on aurait dit Les 33 devraient être des salariés. Par rapport aux fédérations, que ce soit moitié moitié. Actuellement, à 40-60 ou moitié moitié, cela apporte un éclairage. J'ai le sentiment, personnellement, que le Mouvement Desjardins n'est pas assez connu dans son fonctionnement. Souvent, des choses sont véhiculées et ce n'est pas assez connu la façon dont cela fonctionne, comment cela se passe, comment les décisions se prennent. C'est cela qui m'a frappé au cours de ces deux journées. Nous avons essayé autant que possible de vous donner l'occasion de compléter votre mémoire en expliquant pourquoi telle et telle mesure était importante. Qu'on laisse ensuite au ministre et aux membres de la commission le choix, l'idée qu'ils voudront bien se faire de tout cela, mais qu'au moins ce soit mieux connu. Nous espérons aussi que le projet de loi sera déposé le plus rapidement possible.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Lévis. M. le ministre.

M. Fortier: M. le Président, je prends note avec beaucoup de plaisir de la collaboration qui m'est offerte par le député de Lévis. Comme ce fut le cas en 1963 - j'ai relu les débats - le premier ministre Jean Lesage et le chef de l'Opposition, M. Daniel Johnson, avaient collaboré pour produire la loi qui vous a gouvernés ou qui a gouverné les caisses d'épargne et de crédit jusqu'à maintenant. Le député de Lévis m'offre sa collaboration et je l'accepte avec beaucoup de plaisir. Je pense qu'on va, avec la collaboration de tous les parlementaires d'ailleurs, tenter de faire le point le plus tôt possible, de déposer le projet de loi. Comme vous le savez, notre intention était, si possible, de faire en sorte que le projet de loi soit adopté avant Noël. Compte tenu du fait que je sais que des modifications devront être faites et pour prendre en considération les commentaires d'hier, d'aujourd'hui et de demain, je crois que les modifications ne seraient pas majeures. En conséquence, cet échéancier peut être réaliste, quoiqu'il faut toujours composer non seulement avec les juristes du bureau de l'inspecteur, mais avec le bureau des lois non seulement de l'Assemblée nationale, mais du ministère de la Justice, et ce n'est pas un procédé qu'on contrôle tout à fait. Avec . la collaboration de tous, j'ose penser qu'on puisse arriver à un projet de loi avant Noël, si possible. En tout cas, pas trop longtemps après, si jamais, il y avait des délais. Je peux vous assurer de toute ma collaboration pour tenter d'arriver à cette conclusion le plus tôt possible.

M. Garon: Avant que le président dise un mot...

Le Président (M. Lemieux): Oui

M. Garon: ...j'ai remarqué avec beaucoup de satisfaction, comme père de trois filles, et pas do garçon, que vos personnes de confiance ici étalent trois femmes qui, sûrement, vous faisaient rapport de ce qui se passait devant cette commission.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Lévis.

Dans un premier temps, j'autorise le dépôt des documents dont vous avez fait état tout à l'heure. Je vous remercie au nom des deux groupes parlementaires de votre participation à cette consultation générale sur l'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit.

Je vais suspendre quelques minutes afin de permettre au prochain groupe, la Fédération des

caisses populaires Desjardins de Montréal et de l'Ouest du Québec, de prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 12 h 6)

(Reprisé à 12 h 16)

Fédération des caisses populaires Desjardins de Montréal et de l'Ouest du Québec

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez prendre place. La commission du budget et de l'administration poursuit ses travaux relativement à la consultation générale sur l'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Nous allons entendre, maintenant, là Fédération des caisses populaires Desjardins de Montréal et de l'Ouest du Québec. Est-ce que le porte-parole de l'organisme pourrait s'identifier, s'il vous plaît, et présenter les gens qui l'accompagnent?

M. Bernier (Guy): M. le Président, mon nom est Guy Bernier; je suis le président et le chef de direction de la Fédération des caisses populaires Desjardins de Montréal et de l'Ouest du Québec. Je vous présente, tel que suggéré, les membres de notre délégation. A mon extrême gauche, M. Jocelyn Proteau qui est le directeur de la caisse populaire de Sainte-Geneviève-de-Pierrefonds et membre de l'exécutif de la fédération; à ses côtés, M. Yvan Guérin qui est le président de la caisse populaire Saint-Pierre-Apôtre de Longueuil et le deuxième vice-président de notre fédération; à ma gauche immédiate, M. François Richard qui est le premier vice-président et directeur général de la fédération; à mon extrême droite, M. Gérard Chabot qui est le président de la caisse populaire de la ville de Saint-Pierre et membre du comité exécutif de la fédération; à mes côtés aussi, M. Paul-Yvon Lesage, le directeur général de la caisse populaire de Sainte-Thérèse-de-Blainville et premier vice-président du conseil de notre fédération. Merci, M. le Président

Le Président (M. Lemieux): Merci. Alors, les règles de l'audition, cette fois-ci, sont de 20 minutes consacrées à l'exposé de votre mémoire; suivra une période de 40 minutes de discussion avec les membres de cette commission. Nous vous écoutons relativement à votre exposé.

M. Bernier: Merci, M. le Président. La Fédération des caisses populaires Desjardins de Montréal et de l'Ouest du Québec n'a pas l'intention de reprendre tous les arguments qui ont déjà été présentés plus tôt à la commission par notre confédération. Afin de dissiper tout malentendu quant aux raisons qui ont motivé notre intervention, nous tenons à souligner que notre fédération est d'accord avec l'ensemble des commentaires et recommandations que la confédération a consignés dans son mémoire. Nous voulons exprimer aussi, auprès du ministre Fortier, notre satisfaction sur les grandes orientations de l'avant-projet de loi que nous avions eu l'occasion, évidemment, de discuter avec nos porte-parole de la confédération et sur lesquelles nous sommes d'accord, comme toute la question de la garantie du réseau au plan des fédérations, tout ce qui entoure la base d'endettement des caisses et le calcul tel que suggéré pour évaluer, d'abord, l'endettement, toute la question des sociétés de portefeuille qui a fait le sujet de nombreuses discussions à notre fédération et en consultation avec nos secteurs géographiques et tout ce qui concerne l'autoréglementation, quant à la loi.

Alors, notre mémoire se veut, en quelque sorte, un complément de celui de la confédération. Et afin que vous soyez mieux en mesure d'en comprendre la portée, je pense que vous avez eu les textes, vous avez pu vous rendre compte que la fédération de Montréal est une des composantes majeures du Mouvement Desjardins. Elle a 42 % des actifs de Desjardins; elle regroupe 50 % des membres de Desjardins; elle est administrée par 4500 dirigeants bénévoles; elle emploi 9400 personnes pour une masse salariale qui dépasse les 200 000 000 $ et ses actifs dépassent maintenant les 12 000 000 000 $ et elle a aussi un très grand territoire géographique, en partant de l'Abitibi-Témiscamingue en passant par l'Outaouais, les Hautes et les Basses Laurentides et toute la région de Montréal et la rive sud.

C'est dans le respect des besoins et des attentes de sa structure de base des 326 caisses, que notre fédération a décidé d'entreprendre, dès le dépôt de l'avant-projet de loi, un vaste marathon de consultations dans chacun de nos onze secteurs géographiques pour avoir la réaction de nos caisses sur le document qui contient quelque 500 articles.

Le mémoire que nous présentons reflète les principales réactions de nos caisses affiliées face à cet avant-projet de loi, et on nous a demandé d'insister sur certains aspects du projet de loi avec lequel les caisses doivent conjuguer quotidiennement leur réalité et leur environnement.

Il faut rappeler également que la majorité de nos caisses sont situées aux centres névralgiques du commerce et de l'industrie. Ces caisses font face à une concurrence extrêmement forte de la part des autres institutions financières, principalement dans la grande région de Montréal.

Notre mémoire contient trois chapitres. Le premier concerne l'autonomie de la caisse; le deuxième, la divulgation des intérêts des dirigeants et le troisième chapitre, le partage des responsabilités et les rôles des fédérations et de la confédération. Dans la première section, ce qui nous apparaît primordial, c'est la remise en

question que soulève l'avant-projet de loi par rapport à l'autonomie de la caisse. On en a parlé un peu plus tôt ce matin, et on dit que depuis la fondation de la première caisse populaire, en 1900, à Lévis, les caisses n'ont pas dévié de leur philosophie fondamentale qui est la coopération appuyée par une structure démocratique.

Ce qui a toujours fait la force du Mouvement Desjardins, c'est l'ensemble, c'est la décentralisation des pouvoirs de décision, l'implication et l'engagement des dirigeants bénévoles de l'ensemble des caisses populaires qui a fait en sorte qu'on a toujours réussi à motiver les gens de la base et à leur donner suffisamment le sentiment qu'ils avaient quelque chose à avoir avec l'orientation de leur caisse, avec l'administration locale, avec leur spécificité et leur particularité et tous les dossiers du milieu, et on croit qu'il a fait le succès de Desjardins.

L'avant-projet de loi, à notre avis, remet en question la philosophie et les fondations sur lesquelles reposent le mouvement; il vise à diminuer considérablement l'autonomie des caisses en transférant une partie importante de leurs pouvoirs soit aux fédérations, soit à la confédération, soit à l'inspecteur général et même au gouvernement.

Ce que nous appréhendons dans tout cela, c'est le fait que le centre des décisions ait de plus en plus tendance à s'éloigner des membres et se retrouve à des paliers où les membres ne peuvent pas intervenir directement par le biais des dirigeants de leur caisse. Je m'explique. Quand, dans la loi, on voit souvent qu'une décision, une autorisation ou un règlement doit passer par la fédération ou la confédération, le cas échéant - cela veut dire la confédération - et que la structure de Desjardins fait en sorte que les membres s'expriment à l'assemblée générale de la caisse et que l'ensemble des caisses a un contrôle sur leur fédération par leur assemblée générale, les caisses n'étant pas affiliées à la confédération directement, la structure de l'assemblée générale de la confédération n'est pas une assemblée délibérante où on rend des comptes opérationnels. C'est plus une structure de coordination.

Même si nous reconnaissons les obligations inhérentes à la notion du réseau, nous notons que dans l'avant-projet de loi, on permet à la confédération d'intervenir, par exemple, sur la disposition des trop-perçus des caisses, même celles qui ont atteint leur base d'endettement. Si une caisse individuellement a atteint sa base d'endettement, l'interprétation du texte de l'avant-projet de loi nous laisse croire que même là, on pourrait intervenir dans cette caisse pour l'obliger à ne pas distribuer de ristournes pour permettre à son réseau de fédération d'atteindre la base d'endettement générale. Cette disposition va à l'encontre de la tradition et des règles de la coopération qui veulent que les assemblées des propriétaires usagers soient souveraines, dans les limites du règlement de la fédération

Si on reconnaît que les fédérations doivent intervenir dans les caisses qui n'ont pas leur base d'endettement, nous croyons que les autres devraient disposer elles-mêmes de leur trop-perçu. On fait des recommandations en rapport avec l'autonomie de la caisse, instamment, que la future loi accorde une plus grande autonomie aux caisses, tel que prévu dans l'avant-projet de loi. On a noté toute une série d'articles par rapport à cela: 47, 63, 71, 81. C'est à travers tout cela qu'on sent un certain mouvement de centralisation des décisions et des pouvoirs vers le haut plutôt que d'essayer de maintenir le contrôle et le pouvoir de décision vers la base.

La deuxième partie de notre mémoire, M. le Président, a été touchée largement ce matin au sujet des dirigeants de caisse. On appuie sur ce point, en particulier, parce que cela fait sursauter nos dirigeants bénévoles. Il y en a plusieurs qui se demandaient s'ils étaient obligés de se déshabiller et de divulguer à tous les ans tous leurs intérêts reliés directement aux opérations de la caisse ou non, et ceux des personnes liées. Cela aurait comme résultat de démotiver certains administrateurs bénévoles.

La dernière partie de notre mémoire touche le rôle des fédérations et de la confédération. La Fédération des caisses populaires de Montréal et de l'Ouest du Québec, comme toutes les autres, est une unité autonome administrée par des représentants de caisses. On considère que les fédérations sont des institutions régionales opérationnelles au niveau de la gestion des fonds de liquidité de leurs caisses affiliées. Cela a un rapport direct sur un ensemble de services conseils qui facilitent le fonctionnement de la caisse. Or, l'avant-projet de loi semble vouloir renverser la pyramide Desjardins en faisant émaner le pouvoir, comme je l'ai dit plus tôt, pas de la base mais du sommet, c'est-à-dire de la confédération. Exemple: La proposition de l'avant-projet de loi visant à faire approuver tous les règlements de la fédération et de la confédération suscite de vives inquiétudes pour les dirigeants des caisses. On dit que la caisse doit faire approuver ses règlements par la fédération et la confédération, le cas échéant. Les règlements de la confédération doivent être autorisés par la confédération, c'est-à-dire que l'assemblée générale n'est plus souveraine pour passer ses règlements. Le règlement de régie interne d'une fédération doit être dicté par la confédération. Le pouvoir qu'une assemblée générale doit détenir en rapport avec l'adoption de son règlement ne devrait pas être transporté ailleurs. Même si Desjardins s'est drôlement discipliné sur l'adoption de ses règlements pour avoir une certaine compatibilité - il y a un certain nombre de règlements compatibles d'une fédération à l'autre - et même si on procède avec des modèles de règlements - des règlements types - qu'on étudie au niveau de la

confédération pour faire des suggestions aux fédérations et aux caisses, on devrait permettre aux fédérations et aux caisses, d'une façon autonome, à leur assemblée générale, d'adopter leurs propres règlements de régie interne. (12 h 30)

Les fédérations ne sont pas toutes dotées des mêmes ressources pour assurer les structures en rapport avec les services qui sont offerts aux caisses affiliées. Dans le cas de notre fédération, pour nous, ces services existent. La fédération étant opérationnelle, nous avons des mécanismes de réglementation qui sont prévus au niveau de la confédération dans l'avant-projet de loi, qui auront comme résultat d'enlever aux caisses leur spécificité coopérative qui a fait leur force et qui leur a permis de se distinguer des autres institutions financières.

Nous sommes d'accord pour que les normes de liquidité soient du ressort de la confédération, mais nous croyons aussi que les fonds qui sont confiés à la fédération par les caisses, qui ont des comptes à rendre aux délégués des caisses lors des assemblées générales, soient gérés au niveau des fédérations. On considère que ce point est d'autant plus important que la gestion des fonds a un impact direct sur les résultats financiers des caisses. On imagine mal qu'à un palior différent, qu'à un autre palier, on fasse toutes les règles du Jeu pour établir les mécanismes de gestion des fonds et que les personnes qui vont faire cela n'aient pas de comptes à rendre aux assemblées générales où les caisses évaluent la performance et le rendement de leur propre fédération.

La gestion de ces fonds - il faut le dire - a un impact direct sur le résultat des caisses. Alors, les caisses vont à leur assemblée générale demander des comptes à la fédération.

Toutes ces considérations étant faites, M. le Président, nous recommandons que le législateur puisse considérer que les pouvoirs actuels des caisses, et des fédérations en particulier, surtout sur la gestion des fonds, demeurent ce qu'ils sont actuellement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M Bernier. M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation.

M. Fortier: La fédération de Montréal pose des questions fort importantes touchant l'autonomie des caisses et l'autonomie des fédérations. La difficulté, je pense bien, pour nous ici, c'est de chercher à se substituer au Mouvement Desjardins dans son ensemble sur l'organisation qu'il. veut se donner. Bien sûr,, nous avons discuté à plusieurs reprises de certains principes de base. Lorsque vous dites, M. Bernier, que les fonds de liquidité, de dépôts et d'investissement devraient être laissés aux fédérations, cela doit vouloir dire que si la confédération n'intervient pas - et là, c'est une décision de la confédération de décider parmi ses fédérations si elle doit intervenir ou non - le gouvernement et le législateur vont se sentir très mal à l'aise de laisser des fonds aussi importants à une espèce d'autoréglementation qui ne serait soumise à aucun contrôle gouvernemental. Comme vous le savez si bien, pour nous, c'est une décision, je pense bien, qui ne dépend pas de nous. L'alternative qu'on a mise sur la table au Mouvement Desjardins et c'est pour cela que j'indiquais hier qu'à la suite d'un avant-projet de loi - et M. le député de Lévis y fait souvent référence, il existait en 1984 - les discussions ont été reprises à partir de 1986 - quand j'ai été nommé ministre - en vue justement d'un changement de philosophie de la base parce qu'en 1984, il était dit clairement que chaque caisse était contrôlée par l'inspecteur des institutions financières. Si le Mouvement Desjardins, dans son ensemble, veut revenir à cela, je n'ai pas d'objection. On va réécrire le projet de loi pour dire que chaque caisse est soumise à l'autorité de l'inspecteur des institutions financières.

Nous, au gouvernement, on ne peut pas se laver les mains des déposants du Québec et on ne peut pas ignorer complètement les faillites bancaires qui ont eu lieu dans l'Ouest canadien et en Ontario. Ne me demandez pas et ne demandez pas au gouvernement de donner une espèce d'autoréglemontation en disant Tout s'est bien passé depuis 1903 et vous devriez encore nous faire confiance. C'est une proposition qu'on n'accepte pas et qu'on n'acceptera jamais; je serai bien clair là-dessus. En définitive, soit que le Mouvement Desjardins nous dise: Écoutez, nous préférerions que la confédération et les fédérations n'interviennent pas. À ce moment-là, on va réécrire le projet de loi pour dire que l'ispecteur des institutions financières détermine les fonds de liquidité, de dépôts et d'investissements, de quelle façon les surplus sont disposés, etc.

Ce qui me surprend, dans le fond, M. Bernier, c'est que vous ayez pris la peine de dire, en préambule, que votre mémoire se voulait complémentaire à celui de la confédération, mais vous venez nous dire - et vous dites dans votre texte - que l'avant-projet de loi remet en question la philosophie des fondations sur lesquelles repose tout le Mouvement Desjardins. M. Béland, il y a une demi-heure, nous a dit exactement le contraire. Je n'ai pas siégé au conseil d'administration de la confédération et je ne veux pas m'obliger à demander à l'inspecteur d'exiger le procès-verbal de la réunion pour savoir qui a voté en faveur et qui a voté contre, mais M. Béland nous a dit que toutes les fédérations étaient d'accord, et vous semblez dire le contraire. Je ne crois pas que, comme ministre, je vais me porter en juge pour savoir si votre mémoire correspond à ce qui a été décidé au niveau de la confédération. Si la fédération de Montréal a voté et que la confédération n'a pas voté... Ce sont des débats internes au niveau de la confédération et je ne voudrais pas être juge

en cette matière; je préfère prendre la parole du président de la confédération qui nous a dit que la présentation qu'il a faite avait été entérinée par toutes les fédérations du Québec.

C'est la raison pour laquelle je me sens très mal à l'aise devant votre mémoire; j'aime mieux vous le dire tout de go. Si c'est vrai que la confédération n'a pas reçu l'appui d'une fédération aussi Importante que celle de Montréal, on va reprendre toute la discussion et oublier le projet de loi pour Noël. On va reprendre toute la discussion. On en a certainement pour six mois encore, parce que cela fait un an qu'on discute de cela, et à ce moment-là, on va remettre en question tout le projet de loi parce que vous vous attaquez au fondement même de toutes les discussions, et vous en étiez partie, vous le savez, on s'est réunis à plusieurs reprises. À ce moment-là, quand vous dites que votre mémoire se veut complémentaire à celui de la confédération, je dois vous dire que vous vous attaquez à des principes de base dont on a discuté depuis que j'ai été nommé ministre. À ce moment-là, votre présentation me rend fort mal à l'aise vis-à-vis des déclarations du président de la confédération et fort mal à l'aise parce que mes légistes ont travaillé sur des concepts que je croyais avoir été acceptés par le Mouvement Desjardins. Ce n'est pas à moi de décider si oui ou non c'est cela, je ne veux pas m'ingérer à l'intérieur de la politique et des décisions du Mouvement Desjardins. Mais, à ce moment-là, je dois vous dire que si c'est vraiment le point de vue de la fédération de Montréal, il faudra reprendre toute la discussion avec la confédération.

M. Bernier: Sur les principes, sur les grandes orientations qui concernent la garantie du réseau, la base d'endettement et le portefeuille d'autoréglementation, on est d'accord. Dans notre mémoire, à la page 13, on dit: "Les dirigeants des caisses conçoivent que les normes de liquidité soient du ressort de la confédération." On ne met pas cela du tout en question Je voudrais bien me faire comprendre, parce que vous semblez dire qu'on veut rapatrier toute la détermination des fonds. On est d'accord, aussi, sur la question des fonds d'investissement, que le règlement et les règles du jeu soient établis au niveau de la confédération. D'ailleurs, on n'aura pas le choix parce que si on est d'accord avec les sociétés de portefeuille, il faudra être d'accord également avec la politique des fonds d'investissement, parce que c'est relié aux sociétés de portefeuille. En rapport avec le fonds de dépôts à terme, lesquels sont les vases communicants entre les caisses populaires, là aussi, les règles du jeu sont établies au niveau de la confédération, à savoir de quelle façon ces fonds doivent être constitués.

Là où on en est - excusez-moi, si je ne me suis pas bien expliqué au départ - c'est que la gestion de ces fonds dort rester au niveau des fédérations. Cela ne vient pas en contradiction, sauf qu'il y a une tendance, partout dans la loi. C'est toujours la confédération, le cas échéant", "la confédération, le cas échéant." D'après nos conseillers juridiques, cela veut dire qu'ils peuvent toujours prendre les décisions. Le cas échéant, si c'est "à défaut de". Si la fédération n'est pas capable d'assumer ses responsabilités, que la confédération intervienne, on est 100 % d'accord. Sauf que, lorsque les fédérations sont en mesure d'assumer leurs responsabilités vis-à-vis de leurs caisses, que les fédérations sont opérationnelles - à la planche comme on dit - les fédérations s'occupent de la gestion des fonds - que la confédération dise: Les normes de liquidité ne doivent pas être inférieures à tel pourcentage, on pense que c'est: ce qu'on fait, on est d'accord avec cela et on l'appuie Sauf qu'à partir du moment où les règles sont établies, à l'intérieur de ces règles - parce qu'il appartient aux gestionnaires des fédérations qui font rapport directement aux caisses par rapport à leur performance - la gestion doit être faite par les fédérations.

Je pense qu'on n'est pas en contradiction, M. le ministre, avec la confédération là-dessus.

M. Fortier: S'il me reste un peu de temps...

Le Président (M. Lemieux): Oui, il vous reste un peu de temps, M. le ministre.

M. Bernier: Sauf que ce qui nous inquiète, c'est toujours "le cas échéant". Et l'autre partie, que nos caisses acceptent très mal, c'est que le règlement de régie interne doit être entériné. Normalement, le règlement interne d'une société relève de son assemblée générale. Le règlement d'une fédération relève de son assemblée générale. Si l'assemblée générale adopte un règlement et qu'à la confédération, il y a une petite table en haut qui va faire en sorte de déterminer ce qui est bon pour Montréal ou pour un autre, on pense que les gens sont capables - ils l'ont démontré - d'adopter un règlement de régie interne sans recevoir automatiquement la bénédiction, parce que l'assemblée générale est souveraine dans une compagnie, comme dans une caisse ou une fédération. C'est surtout là-dessus que nous disons que les principes de cette philosophie qui font en sorte qu'on se donne nos règlements et qu'on les accepte en assemblée générale...

Le Président (M. Lemieux): En conclusion, s'il vous plaît.

M. Bernier: ...aux trois quarts du vote des membres présents - et on ne peut pas les modifier sans avoir les trois quarts des votes des membres présents à l'assemblée générale - nous disons que c'est la confédération qui va décider quelle sorte de règlement on doit leur donner.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de Lévis.

M. Garon: Si vous avez quelque chose à ajouter...

M. Bernier: Non, cela va.

M. Garon: Cela va. Au fond, ce que je ne sais pas - et je pense que c'est ce que vous essayez de dire actuellement - c'est si la fédération de Montréal et de l'Ouest du Québec et la confédération sont en accord. C'est un peu cela que le ministre vous a demandé. Y a-t-il un accord ou un désaccord là-dessus?

M. Bernier: Sur quoi?

M. Garon: Sur les points que vous souligniez particulièrement.

M. Bernier: Moi, je présume que la fédération de Montréal a présenté à la confédération, le 16 août, un mémoire faisant état de tous ces points, en détaillant chacun des articles sur lesquels on désirait une précision, une modification ou un partage, et on voulait faire interpréter ce que c'était, "le cas échéant". "Le cas échéant": chaque fois que la confédération est la dernière citée, elle a toujours le pouvoir de tout faire, incluant le fait d'aller dire à une caisse populaire: Vous ne paierez pas de ristournes parce que la confédération a décidé, à l'autre palier en haut, que cette caisse ne devait pas payer de ristournes. D'après notre compréhension du texte, cela voudrait dire que même si une fédération recommandait à une caisse de verser des ristournes ou acceptait que cette caisse puisse le faire, la confédération pourrait dire: Non, non, "le cas échéant", c'est nous autres. On juge étant donné la base d'endettement global de cette fédération n'a pas atteint le niveau de 5 %, qu'aucune des caisses ne pourra verser de ristournes, incluant celles qui ont largement dépassé leur base d'endettement. Il y en a qui sont à 6 % et 7 % dans le moment.

Ce pouvoir qui est donné à la confédération d'intervenir dans le règlement de régie interne d'une fédération et d'une caisse - les caisses ne sont pas affiliées à la confédération, elles sont affiliées aux fédérations - ce pouvoir d'intervention directe, à moins que la fédération n'intervienne pas, évidemment à ce moment-là, on accepte. Si la confédération n'intervenait pas dans une situation difficile, que le gouvernement intervienne, on est tout à fait d'accord avec cela, mais à partir du moment où on a démontré que l'instance qui doit intervenir n'est pas intervenue. Ce qui ressort encore le plus, je le répète, c'est la question du règlement de régie interne - faire approuver à un niveau où les caisses ne sont même pas affiliées. Les caisses vont faire approuver leur règlement de règle interne par une instance où elles ne sont pas affiliées, soit à la confédération; elles sont affiliées à leur fédération. Les règlements peuvent varier d'une fédération à l'autre, selon, évidemment aussi, les opérations que chacune des fédérations fait. On pense qu'on devrait maintenir le statu quo, à savoir qu'une assemblée générale est souveraine et capable d'adopter ses règlements. (12 h 45)

M. Garon: Concernant les ristournes, vous dites: Si une caisse populaire satisfait aux exigences au point de vue de sa base d'endettement, mais que pour l'ensemble de la fédération, il y a un manque, elle devrait quand même être capable de déclarer des ristournes, parce qu'elle a satisfait aux exigences. Dans votre esprit, qui compenserait à ce moment-là le manque de liquidités ou le manque vis-à-vis la base d'endettement d'autres caisses de la fédération?

M. Bernier: La partie des réserves que ces mêmes caisses font. Si on observe le comportement de la répartition des bénéfices au cours des dernières années, à 60 %, les bénéfices sont versés aux réserves, même dans le cas des caisses qui ont une base d'endettement de 4 %, 5 % et 6 %. La loi actuelle, c'est 3,5 %. Alors, on sait que ces caisses-là contribuent déjà à l'amélioration de la base d'endettement général. Il y aura également le capital permanent. On a un pouvoir de capitalisation dans la nouvelle loi. La seule question difficile par rapport au capital permanent - je pense qu'hier on a fait une ouverture là-dessus à la confédération, dans la discussion au niveau de l'exécutif - c'est l'incapacité pour les caisses qui devront émettre du capital permanent de payer l'intérêt. Comment pourront-elles vendre du capital permanent si elles ne sont pas capables de payer l'intérêt? On pense, au niveau des fédérations - comme on le fait, par exemple, pour les fonds de développement - que l'ensemble des caisses devraient alimenter un fonds de stabilisation ou un fonds de prévoyance au niveau de la fédération, avec l'accord de la fédération évidemment, parce que c'est le fonds qui aura à débourser. Quand une caisse veut émettre des parts permanentes, le fonds alimenté par l'ensemble des caisses d'une fédération pourrait rémunérer les parts permanentes d'une caisse qui n'est pas en mesure de le faire. Cela va grandement aider à la capitalisation parce qu'autrement, on a beau dire qu'on pourra émettre des parts permanentes, mais si on n'est pas capable de les rémunérer, on ne pourra pas en émettre. Les caisses qui en ont le plus besoin, ce sont celles qui ne sont pas capables de payer. Dans ce contexte, on pense qu'avec le fonds de stabilisation au niveau de la fédération, on pourrait faire l'émission de parts permanentes.

M. Garon: J'ai compris que M. Béland a dit tantôt, concernant le rapport présenté par la confédération - d'ailleurs, vous étiez à la table, à la droite de M. Béland - qu'il y avait unani-

mité dans le mouvement. On a dit que le mémoire était unanime. Il y avait eu des consultations et des discussions, mais, qu'à la fin, si je ne me suis pas trompé et si j'ai bien compris, M. Béland a dit que c'était...

M. Fortier: Sur la question de la capitalisation?

M. Garon: Non, sur l'ensemble du mémoire de la confédération. J'ai compris, selon le mémoire, que c'était un mémoire unanime qui avait été présenté à tous et que tout le monde était d'accord là-dessus.

M. Bernier: Oui, parce que le mémoire de la confédération, avec ses annexes, est censé contenir les demandes que les caisses populaires de la Fédération de Montréal lui ont adressées, qu'elles ont déposées le 16 août et qui ont été acceptées. Toutes les demandes que je vous mentionne actuellement, les points précis, ont été acceptés par la confédération au mois d'août et ils sont supposés être incorporés dans son mémoire.

M. Garon: Les points que vous soulevez dans le mémoire particulier dont vous parlez actuellement. Est-ce ce que vous voulez dire?

M. Bernier: Oui.

M. Garon: Tous ces points ont été inclus dans le mémoire qu'on vient d'étudier entre 10 heures et midi.

M. Bernier: Les caisses de la Fédération de Montréal avaient soulevé des points qui ont été soumis à la confédération. On devait de toute façon, pour se présenter devant la commission, déposer notre document le 19 août, je pense, et la confédération a tenu son assemblée le 16 août. On ne pouvait pas présumer que toutes nos demandes, toutes les demandes des caisses de la Fédération de Montréal seraient acceptées par l'ensemble des autres fédérations. Alors le conseil, à une réunion qui a eu lieu avant le 16 août, avait décidé de toute façon de présenter à la commission un mémoire pour attirer son attention sur les trois points majeurs que je vous soumets. Nous les avons également soumis à la confédération qui les a acceptés.

Dans notre esprit, si le gouvernement donne suite aux demandes exprimées par la confédération et qui étaient annexées à son mémoire, cela répondrait à nos préoccupations.

Le Président (M. Lemieux): Vous avez terminé, M. le député de Lévis?

M. Garon: Est-ce que je pourrais avoir une minute?

Le Président (M. Lemieux): Une minute?

Une minute, brièvement, et la réponse brève aussi.

M. Garon: Votre mémoire est là pour mettre plus de force sur certains points qui vous apparaissent très importants et avec lesquels la confédération n'est pas en désaccord.

M. Bernier: Exactement. M. Garon: Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Lévis. M. le député de Mille-Îles.

M. Bélisle: Merci, M. le Président. M. Bernier, est-ce que des frais d'ouverture de compte sont exigés par les caisses d'épargne et de crédit, par les 326 institutions qui font partie de votre fédération?

M. Bernier: M. Richard.

M. Richard (François): Pas à ma connaissance. Chacune des caisses est libre. Il pourrait y avoir des exceptions, mais l'ouverture d'un compte implique normalement la souscription à une part sociale.

M. Bélisle: C'est exact. C'est-à-dire 5 $ payés, on est membre et on obtient une part sociale. Vous devez comprendre que le petit incident qui a été révélé ce matin et qui m'est arrivé personnellement dans une caisse de la Fédération de Montréal où je me suis retrouvé au comptoir avec un compte inactif depuis quelque temps, mais où j'avais un solde. Je ne contestais pas du tout les frais de compte inactif qui m'avaient été imposés; cela est une autre paire de manches. On a tout simplement refusé de me remettre ma part, alors que j'ai été membre pendant tout près d'une douzaine d'années de cette caisse et qu'on a déguisé cela en frais de fermeture Cela me laisse très froid vis à vis de la condition d'être un membre coopérant chez Desjardins. C'est une chose ou une autre. Vos frais de 5 $ de départ, ce n'est pas une participation comme membre ou comme coopérant, si vous imposez des frais de fermeture de 5 $, parce que vous confisquez la part à la fin; ce sont d'autant plus des frais d'ouverture. Je pense que vous devriez à tout le moins corriger cela rapidement auprès de vos 326 caisses, en réunion, et éclaircir cette situation qui me semble pour le moins totalement abracadabrante.

M. Bernier: M. Bélisle, je reçois une correspondance assez abondante de plaintes. La Fédération de Montréal a un service des plaintes qui fait que des sociétaires de caisses viennent directement à la fédération; quand ils vont chez M. Béland, il me les renvoie. Sa correspondance, c'est moi qui y réponds quand cela touche les caisses de la Fédération de Montréal.

M. Bélisle: C'est utile de savoir cela, d'accord.

M. Bernier: Nous avons une personne responsable des plaintes. Elle va dans la caisse; elle enquête sur toutes les circonstances de la plainte ou du traitement qui a été donné au sociétaire. Dans certains cas où l'informatique a fait des charges administratives sur un compte inactif, avant qu'il soit renversé, et que cela a eu comme résultat d'éteindre le montant de 5 $, ou les 7 $, ou les 10 $... Remarquez que, parfois, ce sont des charges que le système distribue dans la province et dans les caisses.

M. Bélisle: Ce n'est pas de cela que je parle, M. Bernier.

M. Bernier: Chaque fois que le membre, chez nous, a demandé d'être remboursé et qu'il a identifié son livret, la recommandation de la fédération qui a été faite à la caisse, a été de retourner dans les virements qui ont été farts et de payer le membre.

M. Bélisle: Ce que je vous expose, c'est ceci: une caissière au comptoir a refusé de remettre une part sociale à un membre. Cela m'est arrivé personnellement. Je n'ai pas besoin de vous en donner plus, je pense que vous pouvez faire vos vérifications et essayer de voir si dans d'autres caisses... D'autres m'ont rapporté que cela se faisait systématiquement. Je pense que vous avez un problème de base avec votre part de membre. Si vous voulez être considéré comme un mouvement coopératif, il va falloir que vous considériez, quand quelqu'un quitte une caisse, de lui remettre sa part de membre.

M. Bernier: Je suis d'accord avec vous.

M. Bélisle: Deuxième question: l'article 14 du règlement de la Fédération de Montréal. Vous obligez une caisse qui est membre à confier à la société Le Groupe Desjardins, assurances générales, l'assurance globale, l'assurance-cautionne-ment, etc. Trois cent vingt-six caisses font partie de votre fédération. Quel est le montant total des primes annuelles payées par vos 326 caisses à la société le Groupe Desjardins, assurances générales?

M. Bernier: Je ne pourrais pas vous le dire de mémoire, sauf que cela comprend l'assurance globale qui assure non seulement les employés, mais l'ensemble de toutes les transactions de la caisse. C'est une couverture...

M. Bélisle: Ou les dirigeants, ceux qui sont membres du conseil d'administration et tout le reste. Vous pourriez peut-être faire une vérification et nous envoyer cette information, M. Bernier?

M. Bernier: Cela assure aussi l'argent.

M. Bélisle: Vous pourriez peut-être faire une vérification et nous envoyer cette information concernant le montant total de primes payées et également, par le fait même, est-ce que vous connaissez le montant des pertes annuelles que la compagnie, qui s'appelle Assurance générale des caisses Desjardins, remet aux caisses populaires, qu'elle paie chaque année? Vous le connaissez?

M. Bernier: Oui, parce que cela fait varier la prime évidemment.

M. Bélisle: C'est cela, c'est pour cela. Est-ce que vous êtes capable de me donner un chiffre?

M. Bernier: Je ne peux pas vous le donner maintenant.

M. Bélisle: Est-ce que vous pourriez nous l'envoyer, M. Bernier?

M. Bernier: Je pourrais certainement vous donner toute cette information.

M. Bélisle: Vous vous engagez à nous envoyer cela?

M. Bernier: Absolument.

M. Bélisle: Bon. Pour les cinq dernières années?

M. Bernier: Si vous voulez.

M. Bélisle: D'accord. M. Bernier, à l'article 133.7 du projet de loi, on dit que "le conseil d'administration doit notamment exiger de toute personne ayant l'administration ou la garde des fonds de la caisse un cautionnement adéquat et, le cas échéant, conforme aux règlements de la fédération à laquelle la caisse est affiliée - je fais référence au mémoire de la FTQ d'hier et à de nombreux cas litigieux de la Fédération de Montréal où des caisses ont été mises en tutelle, et je n'ai pas besoin de les nommer. Je pense que tout le monde sait à quoi je fais référence. J'aimerais savoir si vous seriez bien embêté si, dans le projet de loi, M. Bernier, on enlevait la dernière partie du 7° et que ce serait le gouvernement qui dicterait le contenu du contrat de cautionnement et non la fédération et, en plus de cela, si on permettait à une caisse de s'assurer, mais pas auprès d'une institution qui fait partie du même groupement financier, c'est-à-dire la poche gauche du même habit avec lequel la fédération est liée et avec les autres sociétés affiliées? Vous ne pensez pas que cela serait peut-être mieux, en termes de protection, pour les employés, pour vos gérants directeurs-généraux de succursale, pour les membres bénévoles

de vos conseils d'administration?

M. Bernier: À ce compte-là, au lieu de déposer nos sommes d'argent en fiducie, on devrait les déposer au Trust Royal si on suit votre raisonnement jusqu'au bout. Le Mouvement Desjardins a un réseau d'institutions qui ont leur conseil d'administration propre, qui ont leur code de déontologie et qui ont leur mode de fonctionnement dans l'industrie de l'assurance. Le Groupe Desjardins suit les normes de l'industrie de l'assurance et il assure non seulement des caisses populaires, mais il est aussi dans le marché de l'assurance en général.

Nous avons mis sur pied dans le temps, il y a déjà plusieurs années. Je me rappelle, l'histoire nous rappelle que c'est M. Vaillancourt. À ce moment-la, les caisses populaires étaient considérées un peu comme des institutions très différentes des institutions financières traditionnelles. Nous avons été amenés à mettre sur pied nos propres institutions d'assurance parce qu'il était difficile d'obtenir ce genre de services.

Pour la fédération, il est important que nos employés puissent offrir, patte blanche, une police de garantie de fidélité. On a une société qui a son propre conseil d'administration, qui établit ses normes, qui est dans l'industrie de l'assurance et c'est avec cette société qu'on fait affaire.

M. Bélisle: Vous ne trouvez pas que c'est...

M. Bernier: II n'y a rien jusqu'à maintenant qui nous dise que le Groupe Desjardins ne se soit pas comporté comme un assureur qui doit avoir ses exigences et observer les règles du jeu.

M. Bélisle: Est-ce que les caisses affiliées à votre fédération sont au courant annuellement des montants de perte payés par l'assurance générale Desjardins?

M. Bernier: Oui

M. Bélisle: C'est transmis. Est-ce que les membres de chacune des caisses affiliées sont au courant?

M. Bernier: Je ne suis pas sûr que chacun des 2 000 000 de membres ait cette information, mais les conseils d'administration produisent un rapport annuel. D'ailleurs, le Groupe Desjardins fait toujours son assemblée générale ouverte au mois de mars chaque année.

M. Bélisle: D'accord.

M. Bernier: Toutes ces informations sont disponibles.

M. Bélisle: Je suppose que vous n'avez pas nécessairement tous les sociétaires des 326

Institutions de la région de Montréal qui se présentent à votre assemblée annuelle. Il doit y en avoir une petite partie qui reste chez elle.

Pour revenir à ma dernière question, M. Bernier, parce que je n'ai pas beaucoup de temps et que celui-ci me presse...

M. Bernier: Les rapports sont postés à chacune des caisses. (13 heures)

M. Bélisle: À chacune des caisses, je vous l'accorde. Mais de là à savoir si chaque caisse transmet, en bout de course, l'information aux coopérants membres à part entière, c'est une autre paire de manches. Concernant les conflits d'intérêts des dirigeants à l'intérieur d'une organisation aussi importante que la vôtre, à l'intérieur d'une fédération, M. Bernier, comment un membre d'une caisse populaire affiliée peut-il connaître le traitement annuel, le salaire, le revenu gagné, le fonds de retraite des gens d'une fédération, tous les petits avantages qui font partie du fait qu'on fait effectivement partie d'une organisation ou d'une institution à un certain moment donné? C'est très important que ces informations soient transmises à ceux qui sont à la base de votre mouvement, si vous voulez que votre mouvement demeure un mouvement de base au Québec. Présentement, je ne pense pas que cela se fasse, que cela se transmette. Comment réagissez-vous à cela?

M. Bernier: Je ne suis pas sûr non plus que tous les actionnaires des banques connaissent exactement le salaire des cadres supérieurs des banques et que ce soit exigé par la loi. Dans le Mouvement Desjardins, au niveau des fédérations, les décisions qui concernent les structures salariales, les traitements, les avantages sociaux des cadres et de l'ensemble des employés - les employés, c'est par bloc et les cadres, c'est plus individuellement, d'après des échelles qui sont établies selon des études de marché - sont prises » par un conseil d'administration composé de personnes qui émanent des caisses populaires. Chez nous, il y avait 23 administrateurs, il y en a 22 maintenant, qui, chaque année, ont à établir où se situe dans le marché l'évaluation des tâches et des fonctions...

Le Président (M. Lemieux): En conclusion, puisque la parole doit être au député de Lévis.

M. Bernier: Ce sont eux qui prennent les décisions, mais ce sont des délégués des caisses.

Le Président (M. Lemieux): Merci Vous avez terminé, M. le député de Mille-Îles.

M. Bélisle: Je n'ai pas terminé, mais le temps est trop court. J'en aurais pour longtemps.

Le Président (M. Lemieux): Je crois que, dans le rapport annuel de multinationales comme

Bell Canada, ces choses-là apparaissent, y compris le salaire du président.

M. le député de Lévis, en conclusion.

M. Garon: II faut dire que, dans ces compagnies-là, personne n'aspire aux hautes fonctions, parce que les salaires sont de l'ordre de plusieurs centaines de milliers de dollars. Personne ne pense qu'il peut prendre la place du président... de Bell.

Le Président (M. Lemieux): ...faire des comparaisons. M. le député de Lévis, allez-y.

M. Fortier: De toute façon, c'est plus élevé qu'un député.

Le Président (M. Lemieux): C'est sûrement plus élevé, et même qu'un ministre.

M. Garon: Dans certains cas, c'est quasiment aussi élevé que tous les députés ensemble. La question que j'aimerais poser s'adresse autant au ministre...

Le Président (M. Lemieux): Est-ce qu'il y a consentement puisque nous devons poursuivre?

M. Bélisle: Consentement.

Le Président (M. Lemieux): Consentement. Allez-y, M. le député de Lévis.

M. Garon: ...le temps, c'est parce qu'on l'a dépassé.

M. Bélisle: On n'applique pas le règlement? M. Garon: On applique le règlement.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Mille-Îles, si j'avais eu à appliquer le règlement comme M. le député de Lévis, vous auriez été coupé puisque M. le député de Lévis vous a octroyé, trois minutes de plus. M. le député de Lévis.

M. Bélisle: Je remercie le député de Lévis de sa gentillesse.

Le Président (M. Lemieux): Allez-y, M. le député de Lévis.

M. Garon: Le député de Mille-Îles a fait des affirmations sur ce que, à la suite de la rencontre avec la Fédération des travailleurs du Québec, qui parlait du fonctionnement, des employés, j'ai soulevé tout à l'heure avec le président de la fédération. Je ne suis pas convaincu, à moins que j'aie mal compris, que ce que le ministre a dit c'est ce qu'a dit le député de Mille-Îles. J'ai plutôt le sentiment que le ministre a dit qu'il regarderait cette question dans le cadre de la Loi sur l'assurance-dépôts, mais je n'ai pas compris qu'il ait dit qu'il dicterait ou rédigerait lui-même le contrat de fonctionnement.

M. Fortier: C'est une suggestion que le député de Mille-Îles fait. Mon Dieu, si les députés à cette table ne peuvent pas faire de recommandations. Dans notre formation politique, M. le député de Lévis, nos députés font des recommandations au ministre, ce à quoi je me suis engagé d'avance en m'assurant que les députés soient ici. D'ailleurs, je suis bien heureux et je les remercie d'y assister. Je les ai invités ce soir à dîner, parce que je veux avoir le bénéfice de leurs commentaires. Si le député de Mille-Îles a des recommandations pertinentes à faire à ce sujet, je pense que c'est un sujet important, on va l'examiner.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Lévis, poursuivez.

M. Garon: M. le Président, ce n'est pas cela que je dis. J'aimerais savoir et j'aimerais que le ministre nous répète ce qu'il a pris comme engagement hier. Il a pris un engagement concret qui, à mon avis, n'était pas de la nature de ce que dit le député de Mille-Îles. Que le député de Mille-Îles fasse des suggestions au ministre, j'ai l'impression que, parfois, le ministre est obligé de les écouter malgré lui, mais ce n'est pas cela que je demande. Il a pris un engagement concret hier et j'aimerais qu'il nous en fasse état. Est-ce ce qu'a dit le député de Mille-Îles ou autre chose? Mais que, plus tard, il change d'idée, ça! Sur le décloisonnement, on voit qu'il est en train de changer d'idée.

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.

M. Fortier: II est très influent. Si vous vous rappelez, dans la loi sur les fiducies c'est à sa demande qu'on avait modifié des pouvoirs du ministre pour les transformer en décrets du gouvernement. C'est pour cela que les députés sont ici. Pour répondre à votre question, très sérieusement, j'ai indiqué à la FTQ que les représentations qu'elle nous avait faites étaient importantes et que, si l'écriture de l'avant-projet était telle que cela pouvait être interprété de façon trop spécifique vis-à-vis d'un individu... Je lisais, hier, si vous vous en souvenez, l'article en question dans lequel on dit que l'assurance doit s'appliquer à un individu particulier. C'est pourquoi j'ai indiqué à M. Fernand Daoust que nous aurions des discussions avec eux et qu'on regarderait les textes de la Régie de l'assurance-dépôts. Parce que, si le texte de loi indique qu'un individu en particulier et si cela permet à la compagnie d'assurances de dire: M. Tartem-pion, nous ne l'assurons plus, bon, on va examiner cela. Il se peut si c'est une assurance générale pour une caisse en particulier - peut-être M. Bernier pourra me répondre - si l'assu-

rance n'est pas spécifique. Le texte de loi dit qu'un individu doit être protégé par la compagnie d'assurances. La question que Je posais à M. Daoust - je n'avais pas la réponse moi même - c'était d'indiquer... De toute façon, il se peut que cette disposition de la loi soit un peu redondante parce que, même si on l'enlevait, la Loi sur l'assurance-dépôts s'applique aux caisses populaires. Là on dit aux fins du paragraphe d de l'article 31, qu'une caisse doit détenir une police d'assurance contre les risques de détournement.

Il semblerait que, de toute façon, dans la Loi sur l'assurance-dépôts, on soit déjà protégés. Si c'est le cas, j'ai indiqué qu'on examinerait cette disposition qui est moins spécifique à un individu en particulier. De toute façon, celle-ci assurerait le genre de protection que le gouvernement recherche, soit que les individus à l'intérieur d'une caisse soient protégés par une police d'assurance. C'est l'indication que j'avais à donner.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. M. le député de Lévis, en conclusion, vous avez repris vos trois minutes, en conclusion, s'il vous plaît.

M. Garon: Non, essentiellement, je n'ai pas eu trois minutes...

Le Président (M. Lemieux): C'est parce que vous avez posé une question au ministre et votre temps de parole est inclus dans la réponse du ministre.

M. Garon: Non, j'ai posé une question au ministre pour dire...

Le Président (M. Lemieux): On ne peut pas poursuivre jusqu'à 14 heures, M. le député de Lévis.

M. Fortier: C'est ce que j'avais dit hier.

M. Garon: Non, non. Oui, je reconnais que c'est ce que vous avez dit hier.

M. Fortier: Mais le député apporte une nouvelle recommandation.

M. Garon: Mais je ne trouvais pas que ce que le député de Mille-Îles disait était ce que vous aviez dit hier. Là, ce que vous avez dit correspond à ce que vous aviez dit hier.

M. Fortier: II a le droit de faire des recommandations.

Le Président (M. Lemieux): Alors, en conclusion, M. le député de Lévis.

M. Garon: Je voudrais remercier la Fédération des caisses populaires Desjardins de Mont- réal et de l'Ouest du Québec. Les propos qui ont été tonus m'ont paru clairs. Je suis content d'apprendre, au fond, que la fédération de Montréal et de l'Ouest du Québec et la confédération sont sur la même longueur d'onde. Les propos du ministre m'avaient amené à penser qu'il y avait un désaccord et les questions que j'ai posées m'ont permis de bien comprendre ce que vous vouliez dire dans votre mémoire, votre accord avec le mémoire de la confédération et que votre mémoire servait à expliquer davantage les points qui vous paraissaient majeurs et que vous avez voulu souligner au sein de la fédération. Je vous remercie.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Lévis. M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation, s'il vous plaît.

M. Fortier: C'est malheureux qu'on n'ait pas eu plus de temps. M. le Président, je le comprends bien; d'ailleurs, on a un horaire assez chargé. J'aimerais dire à M. Bernier que la lecture de l'article 408 ne semble pas m'indiquer qu'on parle de gestion et qu'il y ait une délégation de la gestion des fonds. Je ne crois pas que vous ayez raison d'avoir cette appréhension vis-à-vis de la délégation de la gestion, parce que je viens de lire l'article 408, et on n'y parle pas de délégation de gestion. Néanmoins, sur certains points techniques comme ceux-là, parce que vous en faites des questions de principe, il se peut que ce soient plutôt des questions techniques d'écriture et, si c'est le cas, si cela ne change pas la philosophie générale que la confédération a acceptée, je suis bien prêt à avoir des discussions avec vous. Car, comme je l'ai indiqué à M. Béland, dans des cas d'écriture de certains articles, dans la mesure où cela ne change pas la philosophie de l'avant-projet, on est très réceptif à des commentaires.

Sur la question, entre autres, des responsabilités de la confédération et de la fédération - c'est le point fondamental et vous avez soulevé aussi la question du paiement des ristournes - là, c'est toute la question de la responsabilité du réseau. Comme vous le savez, dans la mesure où une caisse est en difficulté, c'est la fédération qui intervient. Si une fédération était en difficulté, elle aurait recours au fonds de sécurité et elle pourrait être appuyée par une autre fédération. Quant à nous, nous désirons qu'il y ait une responsabilité du réseau des caisses à l'intérieur d'une fédération, mais, éventuellement, il se peut qu'il y ait une responsabilité du réseau d'une fédération à l'égard d'autres fédérations. Dans cet esprit, vous comprendrez donc que, si plusieurs fédérations devaient intervenir pour aider une fédération en difficulté, il faudrait bien que la confédération ait le pouvoir d'édicter des règlements. C'est la raison pour laquelle j'ai essayé de comprendre votre point de vue. Je suis bien prêt à vous rencontrer à nouveau pour en discuter, mais ce

que je voulais vous dire et je pense que j'ai été très clair c'est que je n'ai pas l'intention de changer la philosophie de base. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous que l'intention du législateur soit de brimer les droits des sociétaires. Au contraire.

Il reste que nous avons accepté de déléguer certaines responsabilités au mouvement sous une forme d'autoréglementation et c'est pour cela que je dis soit que le mouvement les prenne ou non. S'il ne les prend pas, on va réécrire le projet de loi pour donner des responsabilités à l'inspecteur. Quant à moi, je préférerais la formule qui est devant nous à savoir que les fédérations et la confédération assument des responsabilités d'autoréglementation, mais à l'intérieur de cette philosophie - je conclus là-dessus, M. le Président - s'il y a moyen de faire des ajustements, je suis bien prêt à en discuter.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. Je remercie les représentants de la Fédération des caisses populaires Desjardins 4 de Montréal et de l'Ouest du Québec pour son mémoire relativement à la consultation générale sur l'avant-projet de loi, Loi sur les caisses d'épargne et de crédit au nom des deux groupes parlementaires.

Je suspends les travaux qui reprendront à 15 heures avec l'Union des producteurs agricoles.

(Suspension de la séance à 13 h 12)

(Reprisée 15 h 8)

Union des producteurs agricoles

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux relativement à la consultation générale sur l'avant-projet de loi, Loi sur les caisses d'épargne et de crédit.

Nous allons maintenant entendre l'Union des producteurs agricoles.

J'inviterais les gens de l'Union des producteurs agricoles à bien vouloir prendre place à la table des témoins, s'il vous plaît. Est-ce que le porte-parole de l'organisme peut s'identifier, et présenter la personne qui l'accompagne?

M. Beaudoin (André): Oui. André Beaudoin, représentant de l'Union des producteurs agricoles du Québec et Me Michel Lord, conseiller juridique de l'union des producteurs.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Voici les règles de l'audition. Vous avez 20 minutes pour votre exposé. Suivra une période de 40 minutes de discussion avec les membres de cette commission. Sans plus tarder, vous pouvez nous exposer votre mémoire.

M. Beaudoin: Si vous le voulez bien, on va procéder avec la lecture et on pourra ensuite argumenter sur cette base. Michel.

M. Lord (Michel): Comme on le sait, les caisses d'épargne et de crédit, avec le Mouvement Desjardins en tête de file, occupent une place centrale dans l'économie du Québec. Nées au début du siècle, ces institutions ont connu un développement tout à fait remarquable, notamment et surtout au cours des dernières décennies.

Ces institutions comptent maintenant parmi les grands outils collectifs que se sont donnés les Québécois et les Québécoises: des outils bien particuliers, des outils dont ils sont les seuls propriétaires, des outils sur lesquels ils ont l'entier contrôle et des outils dont ils sont fiers avec raison. Cette très grande fierté est, bien sûr, partagée par les agriculteurs et les agricultrices de même que par les producteurs et les productrices de bois qui ont, de tout temps, été très étroitement associes au développement de la formule coopérative, notamment en matière financière. On comprendra donc le vif intérêt de l'Union des producteurs agricoles pour l'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit. En outre de divers commentaires d'ordre général, nous limiterons cependant notre intervention à la délicate question de l'attribution des ristournes.

Pour mémoire, nous rappelons que l'Union des producteurs agricoles est l'organisation syndicale et professionnelle qui représente officiellement les quelque 50 000 producteurs et productrices agricoles que compte encore le Québec d'aujourd'hui. Notre organisation regroupe également ceux et celles qu'on désigne comme des producteurs de bois. Les propos qui suivent valent généralement pour les deux groupes indistinctement.

Comme c'est souvent le cas pour les coopératives, les caisses sont d'abord nées d'un besoin de services. Au fil des ans, les services offerts se sont multipliés et surtout les points de service ont essaimé. Comme l'Union des producteurs agricoles, les caisses ont le rare privilège en même temps que la très lourde responsabilité d'être présentes sur l'ensemble du territoire québécois. C'est sans doute ce qui explique que les caisses font maintenant partie de notre vie de tous les jours. C'est le cas, notamment, pour les agriculteurs et pour les agricultrices qui font très massivement et de plus en plus affaire avec les caisses. Cette omniprésence est et doit demeurer l'élément de force des caisses; il faut espérer que celles-ci accentueront encore davantage leurs efforts en cette direction.

Parallèlement et en même temps, les caisses ont peu à peu réalisé la force de l'action collective et elles ont accepté que cette action profite à l'ensemble de la collectivité québécoise. On connaît la suite: une réussite qu'on a peine à mesurer, tant ses effets sont divers et multiples et même plusieurs restent à venir.

À l'heure où les institutions financières nord-américaines sont en pleine ébullition à la suite de la déréglementation que l'on sait, l'Union des producteurs agricoles croit qu'il importe que le gouvernement du Québec s'assure que les caisses disposent toujours et plus que jamais des instruments qu'il faut pour jouer dans les ligues majeures.

La plupart des réformes proposées sont séduisantes, tant celles visant une meilleure intervention économique que celles visant une meilleure protection du public. D'autres nous laissent perplexes. C'est le cas surtout de celles visant à accroître l'Intervention gouvernementale. N'étant pas des experts en ces matières, nous laisserons à d'autres le soin de se prononcer et de juger de la pertinence et de la justesse de ces réformes. Nous espérons cependant vivement que la réforme à l'étude permettra aux caisses de continuer leur incessante progression: droit devant!

Mais la réussite n'est pas tout et il ne faut pas être prêt à n'importe quoi pour elle. Les caisses doivent demeurer différentes, sensibles aux besoins de leurs membres, fidèles aux grands principes qui les régissent depuis toujours: démocratie, équité, justice.

D'une façon générale, nous estimons que l'avant-projet de loi, malgré un grand bond en avant, maintient le caractère particulier des caisses. Diverses mesures prévues viennent même ajouter aux garanties existantes et nous croyons qu'il faut nous en réjouir.

Il est cependant un élément de réforme qui, sous des dehors anodins, s'inspirant même de précédents, non seulement nous apparaît plein de dangers, mais pourrait avoir pour effet d'anéantir l'un des fondements les plus caractéristiques de l'action coopérative, c'est-à-dire une équitable répartition des excédents et autres avantages sur la base de l'utilisation des services. Nous nous référons ici, bien sûr, à l'article 272 projeté, lequel prévoit que "les ristournes peuvent varier selon la nature des opérations effectuées avec la caisse. "

Certaines personnes seront peut-être un peu surprises de notre opposition, l'estimant injustifiée, mal fondée, prématurée. Notre opposition s'appuie pourtant sur l'expérience passée récente, une expérience vécue par des milliers d'agriculteurs et d'agricultrices qui se sont vus injustement privés de sommes parfois fort Importantes leur étant dues.

Il y a quelques années, en effet, diverses caisses avaient adopté comme politique d'exclure les prêts agricoles à intérêts réduits aux fins du calcul et du versement des ristournes. Quand on sait l'importance de ces prêts, on devine aisément les incidences en résultant pour les agriculteurs et les agricultrices. Convaincus d'être l'objet d'une grave injustice, mais aussi parce qu'ils demandent de fervents coopérateurs, il n'était pas question pour les agriculteurs et les agricultrices de tolérer une telle pratique. Ils étaient même prêts à recourir aux tribunaux pour faire reconnaître leurs droits. (15 h 15)

À la suite de discussions avec la direction du Mouvement Desjardins, il avait été convenu de faire cesser cette pratique. On nous avait cependant prévenus que des amendements législatifs seraient sollicités. Nous constatons aujourd'hui que le gouvernement semble prêt à donner suite aux demandes formulées. Selon nous, il s'agirait d'une grave erreur.

Certains penseront sans doute que notre position est pleine de failles, en outre d'être honteusement corporative. Ainsi, certains disent qu'en raison des taux réduits à eux et à elles consentis, les agriculteurs et los agricultrices ne peuvent prétendre à un trop-perçu et sont donc à juste titre exclus du versement des ristournes. Nous leur répondons que l'octroi d'un taux avantageux aux environs du taux préférentiel n'est pas un cadeau qui nous vient du ciel. C'est plutôt un taux établi en fonction de l'importance des transactions en cause et du très faible risque pour l'institution prêteuse. C'est un fait bien connu que les prêteurs font de l'argent même au "prime rate", lequel a cessé depuis longtemps d'être consenti aux meilleurs clients.

Mais, il y a plus. En raison de leur nature même, comme leur nom l'indique d'ailleurs, les trop-perçus sont des montants qui ont été versés en trop par les membres utilisateurs, des sommes leur appartenant donc. Quand on exclut certaines personnes du versement de ces ristournes, on les vole donc tout simplement carrément.

Si l'exemple donné ne suffit pas ou est jugé trop corporatif, il est aisé d'imaginer une multitude d'autres abus possibles pouvant tous mener tout droit à la discrimination, à la discrimination systématique même. Ainsi, en ne visant que les grands prêts ou que les dépôts d'une certaine importance, on pourrait en venir à ne favoriser qu'un seul groupe au détriment de tous les autres moins bien nantis. Même permise par la loi, l'injustice demeurerait injustice. Nous espérons donc vivement que le gouvernement n'hésitera pas à faire marche arrière pour maintenir et réaffirmer le principe d'une distribution des excédents au prorata des opérations effectuées avec la caisse.

Nous sommes bien conscients qu'une disposition similaire à celle a l'étude existe déjà dans la Loi régissant les coopératives, notamment los coopératives agricoles. Sans vouloir prendre fait et cause pour cette dernière, nous croyons devoir rappeler qu'il s'agit de situations tout à fait différentes et d'aucune façon comparables. En outre de ne viser qu'une seule grande même clientèle, les coopératives agricoles gèrent souvent diverses entreprises: meuneries, quincailleries, garages, machinisme agricole, etc, dont la rentabilité peut varier considérablement. Dans un tel contexte, il est tout à fait juste et raisonnable d'en tenir compte dans l'affectation des trop-perçus pour le versement des ristournes en

particulier.

En bref, même si le Québec vit à l'heure d'un "entrepreneurship" étonnamment dynamique et prometteur, l'Union des producteurs agricoles croit qu'il faut se garder à tout prix de laisser tomber ou de négliger la poignée de grands outils collectifs que nous nous sommes progressivement donnés, dans le domaine financier notamment, pour mieux décider de notre présent et de notre futur. Fidèles à un long passé riche d'enseignement, notre foi en la formule coopérative demeure inébranlable.

Cette orientation centrale et profondément déterminante nous est dictée non seulement par l'importance des forces collectives en cause et par ce qu'elles peuvent nous rapporter, mais aussi et surtout à cause des grands idéaux depuis toujours poursuivis, par les caisses notamment, idéaux qui doivent continuer à inspirer notre société tout entière: démocratie, équité, justice. Pour cette raison, nous nous opposons farouchement aux modifications qu'on veut introduire aux règles régissant l'attribution des ristournes. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation.

M. Fortier: Oui, merci M. Lord pour votre présentation. Je suis tout à fait d'accord avec la conclusion à la page 7, lorsque vous dites que le Québec vit à l'heure d'un "entrepreneurship" étonnamment dynamique et que l'Union des producteurs agricoles en est un élément très important. Je pense qu'on le reconnaît tous. Au début, à la page 4, vous dites: "D'une façon générale, nous estimons que l'avant-projet de loi, malgré un grand bond en avant, maintient le caractère particulier des caisses. Diverses mesures prévues viennent ajouter aux garanties existantes et nous croyons qu'il faut nous en réjouir. " Ce que vous dites, c'est qu'en général vous êtes d'accord avec l'avant-projet de loi, mais que vous avez un problème particulier que vous voulez évoquer ici qui touche les prêts agricoles garantis dans une très grande mesure.

J'imagine que plusieurs producteurs agricoles sont membres des caisses populaires ou d'autres sont membres des caisses d'établissement qui ont maintenant fusionné les sociétés d'entraide. Si l'information que j'ai est valable, ces prêts agricoles font en sorte que le gouvernement paie les premiers 4% - est-ce bien cela? - du prêt et que le producteur agricole doit payer 50 % de l'excédent de 4 %. Alors, seulement pour rendre les choses pratiques pour tout le monde, s'il s'agit d'un prêt à 10 %, le gouvernement paie 4 % et le producteur agricole paie 50 % de l'excédent, donc 3 % sur un prêt de 4 %.

À ce sujet, j'aimerais laisser la parole au député de Prévost, qui est lui-même producteur agricole et qui a été impliqué dans ce genre de dossier. À première vue, comme vous le dites vous-même dans votre présentation, votre position semble un peu ambiguë parce que vous dites: Que pour certains producteurs agricoles il y a certaines dispositions qui permettent de différencier le paiement des trop-perçus. À première vue, je dois admettre que, quand je regarde la définition même du prêt agricole garanti, ce que paie le producteur agricole ne semble pas justifier votre demande, dans la mesure où il n'y a certainement pas de trop-perçu payé par le producteur agricole lui-même. J'aimerais laisser la parole au député de Prévost.

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre, je dois respecter la règle de l'alternance. Il vous reste, de votre temps, environ sept minutes. Alors, avec le consentement du député de Lévis pour permettre à un producteur agricole de s'exprimer, sans quoi je devrai passer la parole au député de Lévis et vous emmagasinerez huit minutes. M. le député de Lévis, est-ce que vous permettez au député de Prévost, un producteur agricole, de pouvoir s'exprimer sur le temps du ministre?

M. Garon: II pourra s'exprimer après l'Opposition. En vertu de la règle de l'alternance, il reste beaucoup de temps et il pourra intervenir après.

Le Président (M. Lemieux): Effectivement, M. le député de Lévis.

Une voix: Des fois, c'est lui. M. Garon: Pardon?

Le Président (M. Lemieux): On reviendra toute l'heure avec...

M. Garon: J'ai déjà donné beaucoup de consentements au ministre délégué aux Finances et à la Privatisation lors de l'étude d'une loi, le printemps dernier et après son discours en Chambre a été abominable. À partir d'aujourd'hui et à l'avenir, il serait peut-être mieux de s'en tenir au règlement, avec le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation. Personne ne pourra se plaindre.

Je voudrais saluer les représentants de l'Union des producteurs agricoles. J'aimerais savoir si ce dont vous parlez dans votre mémoire est une pratique usuelle ou quelque chose qui a commencé récemment ou encore quelque chose qui... Je n'avais jamais entendu parler de ce que vous dites à la page 5, soit qu'à la suite de discussions avec la direction du Mouvement Desjardins il avait été convenu de faire cesser cette pratique. Voulez-vous dire de réduire les ristournes, parce qu'on considérait que vous aviez déjà une subvention du gouvernement?

M. Lord: C'est cela.

M. Beaudoin: II y a une chose qu'on aimerait préciser immédiatement. D'abord, on aimerait distinguer cela des prêts subventionnés et faire plutôt un bloc de ce qu'on appelle, nous, les prêts à taux d'intérêt réduit. Je pense que c'est une chose que le gouvernement intervienne dans un mode de subvention et qu'il ait choisi de le faire par le biais du taux d'intérêt, mais l'application de cette mesure-là ne devrait pas faire des sociétaires distincts à l'intérieur d'un mouvement coopératif. Et cela est la base de notre argumentation. Je voulais le préciser au départ.

Deuxième chose. Pour répondre à M. Garon, c'est une pratique qui n'est pas nécessairement récente et qui ne s'applique pas nécessairement à l'ensemble du territoire du Québec. Cela varie d'une caisse à l'autre. Ce sont des décisions Si on se souvient, l'article 86b, à nos yeux, ne permettait pas de faire deux groupes de sociétaires distincts. Malgré cela, il y a des caisses qui ont décidé de voir la chose autrement, et c'est là-dessus qu'on dit qu'il y a une pratique qui s'est faite depuis quelques années ou en tout cas qui a été portée à l'attention de l'Union des producteurs agricoles depuis quelques années. Entre autres, on peut notamment donner le cas de l'Abitibi et d'une caisse de l'Estrie, plus particulièrement celle de Coaticook.

M. Garon: Mais la pratique de l'Office du crédit agricole, si ma mémoire est bonne, était que le cultivateur payait le taux d'intérêt normal mais qu'il recevait deux fois par année un chèque de l'Office du crédit agricole pour tenir compte d'une partie des intérêts qu'il avait à payer. Par exemple, si on dit 3 % sur 10 000 $, cela veut dire 300 $. Si le taux d'intérêt était de 10 %, il pouvait recevoir un chèque de 150 $, je pense, au mois de novembre et un autre de 150 $ au printemps. Mais, il payait le plein taux d'intérêt à sa caisse.

M. Beaudoin: À la caisse

M. Garon: Alors, ce que je ne comprends pas c'est qu'on dise la caisse populaire. Selon l'article ici, "les ristournes peuvent varier selon la nature des opérations effectuées avec la caisse." Habituellement, les opérations avec la caisse, cela peut être soit des dépôts, soit des emprunts et les caisses décident habituellement, soit de faire bonifier, cela équivaut à bonifier le taux d'intérêt reçu sur les dépôts en versant une ristourne à même les trop-perçus, soit de donner un montant qui équivaut à réduire le taux d'intérêt payé sur les emprunts. Ce que je ne comprends pas, c'est comment cela pouvait se faire dans une caisse de payer une ristourne moins forte sur un prêt agricole, alors que pour la caisse... Si je comprends bien, vous voulez dire qu'on voulait vous verser une ristourne moins forte parce que vous bénéficiez du taux préférentiel plutôt que d'un prêt à la consomma- tion dont le taux d'intérêt aurait été plus élevé ou encore d'un prêt hypothécaire qui aurait normalement été plus élevé que le taux préférentiel, mais moins élevé que le taux d'intérêt sur un prêt à la consommation.

M. Beaudoin: La description que vous faites correspond exactement à la pratique, en tout cas à l'interprétation de certaines caisses au Québec. C'est là-dessus que l'Union des producteurs agricoles, particulièrement dans la cause de Coaticook, a décidé de poursuivre sur le plan juridique parce que justement cela ne correspond pas à notre interprétation de la chose Face à sa caisse locale, le producteur a effectivement une opération tout à fait normale, au même titre que n'importe quel sociétaire.

M. Garon: Est-ce que la caisse déterminait à ce moment-là un montant en fonction de l'intérêt payé sur les emprunts? Comment cela fonctionnait-il?

M. Beaudoin: Elle ne permettait pas aux sociétaires producteurs de bénéficier de ce trop-perçu ou de cette ristourne. Le producteur était carrément exclu: il ne pouvait pas se prévaloir de son droit de sociétaire pour obtenir cette ristourne-là. C'est comme ça...

M. Garon: C'est-à-dire que, lorsqu'on déterminait une ristourne, il n'y en avait pas pour lui.

M. Beaudoin: C'est ça

M. Garon: Quand vous parlez de la cause de Coaticook, c'est quoi?

M. Beaudoin: C'est une caisse qui a décidé d'interpréter l'article 86b de la façon dont on vient de le décrire et les producteurs de cette localité ont décidé que c'était une injustice flagrante pour les sociétaires qu'ils étaient envers cette caisse. Ils ont décidé de poursuivre la caisse.

M. Garon: Est-ce qu'il y a eu... M. Lord: Si on me le permet M. Garon: Pardon?

M. Lord: La cause est actuellement pendante. C'est une cause qui concerne...

M. Garon: Pendante devant...?

M. Lord: La cause est pendante. On prévoit qu'elle va être entendue cet automne.

M. Garon: II y a eu une poursuite? M. Beaudoin: Oui, absolument

M. Garon: De la part de qui? De la part du producteur?

M. Beaudoin: Un groupe de producteurs de Coaticook.

M. Garon: Est-ce que cela s'est fait ailleurs? En quelle annéo cela s'est-il fait?

M. Beaudoin: En 1985.

M. Lord: 1984-1985.

M. Beaudoin: 1984-1985.

M. Garon: Une action a été entreprise.

M. Beaudoin: Oui. Des cas ont été portés à notre attention en Abitibi, entre autres. Il y a d'autres cas au Québec. Il faut dire une chose aussi. Ce qui fait qu'il n'y a peut-être pas tant de cas que cela actuellement, je dirais, mis de l'avant, c'est qu'un bon nombre de caisses ne donnent pas de trop-perçus à leurs membres. Donc, la question ne se pose pas Mais on sait fort bien que plusieurs caisses ont cette approche, cette perception de l'article 86b. Dans le mémoire qu'on présente aujourd'hui, on dit: À notre satisfaction, l'article 272 ne vient absolument pas corriger cela. Au contraire, d'une certaine façon, il vient rendre la chose encore plus ambiguë, moins précise qu'elle ne l'était à l'article 86 b.

M. Garon: Je n'ai pas l'article 86b en mémoire, mais cela doit ressembler un peu à cela. L'avez-vous?

M. Lord: L'article 86b disait que les ristournes étaient versées au prorata des opérations effectuées avec la caisse. L'article 272 vient ajouter que les ristournes pourront varier selon l'opération.

M. Garon: Selon la nature des opérations plutôt qu'au prorata.

M. Beaudoin: C'est cela.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Lévis.

M. le député de Prévost. (15 h 30)

M. Forget: J'aurais quelques questions à vous poser. Vous avez mentionné des caisses dans J'Estrie. Comme administrateur de caisse, comme producteur agricole, chez nous à la Caisse Saint-Jérôme, la distribution des ristournes était partagée également selon le chiffre d'affaires de la caisse. Par contre, pour les industriels, par exemple, le taux d'intérêt était moindre et les ristournes étaient moindres. Je me demandais tantôt si c'étaient des prêts privilégiés qu'on avait pour la classe agricole. À ce moment-là, je trouverais juste que la caisse donne moins de ristournes, parce qu'on retire moins de profits. Si c'est sur les prêts agricoles comme tels, où la caisse retire le même taux que les autres, je trouve cela malheureux. Cela relève quand même du conseil d'administration de la caisse Un peu comme les coopératives, lorsqu'on fait la dis tribution des ristournes. Par exemple, on va donner tel pourcentage pour la meunerie et dans la quincaillerie, où les revenus sont moindres, on donne moins. Dans votre cas, c'est tout à fait spécial.

M. Beaudoin: Je voudrais préciser qu'on comprend qu'une coopérative fonctionne de façon démocratique et que dans ce sens-là, on pourrait arriver à la conclusion que finalement, les producteurs n'ont qu'à s'exercer dans leur milieu pour faire corriger la situation, sauf que l'avant-projet de loi prend soin d'indiquer dans les notes explicatives la modification qu'on veut apporter à l'orientation à donner au trop-perçu. L'Union des producteurs agricoles trouve qu'il serait fort simple de corriger la situation de façon précise, de la clarifier dans le texte de loi, de façon à ce qu'on n'ait pas à se battre dans 1400 endroits différents au Québec, c'est-à-dire dans l'ensemble des caisses. Vous comprendrez que si l'interprétation est ambiguë, on risque des répétitions de la cause de Coaticook. Quant à présenter un nouveau texte de loi, on souhaiterait du moins qu'à ce chapitre les choses soient précises.

M. Forget: À ce moment-là, il n'y aurait pas juste la classe agricole; il y aurait peut-être les commerçants d'autres produits, des commerces et, à un moment donné, la caisse pourrait décider de ne pas leur payer de ristourne. Cela pourrait s'interpréter comme cela également.

M. Beaudoin: Absolument.

M. Forget: Donc, on pourrait comprendre tout cela dans le projet de loi, et je serais d'accord.

M. Beaudoin: C'est pour cela qu'on précise dans notre mémoire que tel que cela est mentionné, on pourrait très bien se réveiller dans quelques années avec des réglementations qui favoriseraient nettement des groupes d'individus par rapport à d'autres, et on trouverait cela malheureux.

M. Forget: Ce qui m'inquiète, encore une fois, c'est que si un producteur agricole dans une certaine région était favorisé d'un prêt spécial à un intérêt moindre, cela deviendrait compliqué. Avec cet article, on pourrait permettre à un agriculteur de ne pas avoir un prêt spécial avec un intérêt moindre. Cela m'inquiète un petit peu.

M. Beaudoin: Nous disons que si les ristournes ou les trop-perçus sont donnés au prorata des intérêts versés, les producteurs qui bénéficient de taux d'intérêt privilégiés vont automatiquement avoir une ristourne inférieure et, selon nous, c'est tout à fait normal.

Ce qu'on trouve anormal, par exemple, c'est qu'un producteur soit exclu comme sociétaire, qu'il soit isolé parce qu'il bénéficie d'une subvention d'intérêts du gouvernement ou encore parce qu'il a un prêt garanti et que de ce fait, l'institution lui accorde un taux d'Intérêt privilégié, que ce producteur soit carrément exclu de son droit de recevoir des trop perçus au même titre que n'importe quel autre sociétaire.

M. Forget: Je trouve drôlement malheureux que le conseil d'administration de ces caisses prenne une telle décision. Mais je puis vous dire une chose: chez nous, on n'a jamais tenu compte de ça. Par contre, je voudrais quand même vous dire, encore une fois, que c'est extrêmement délicat parce que dans certains cas, les caisses populaires font des prêts spéciaux à des taux moindres à certains agriculteurs. Mais, comme vous l'avez mentionné, on pourrait en tenir compte lorsqu'on fait la répartition. C'est comme ça que tu l'as expliqué, si j'ai bien compris, que si jamais il y avait un prêt à taux moindre, on pourrait en tenir compte dans la répartition des ristournes. Non, ce n'est pas clair?

Une supposition qu'il est à 10 % d'intérêt et que la caisse prête à 11%, il n'y a que 1 % de marge de profit pour la caisse, mais le prêt ordinaire est à 13 %. Ce sont des prêts spéciaux comme tels que certaines caisses font à certains agriculteurs, comme on faisait également chez nous aux industriels. Alors, lorsqu'on arrive à la répartition des ristournes, il faut en tenir compte. C'est un autre volet

M. Beaudoin: II y a une chose qu'il faut bien préciser. Quand une institution financière réduit le taux d'intérêt, c'est parce qu'elle estime que son taux de risque est différent et il faut aussi tenir compte de ça. Finalement, l'intervention de l'Union des producteurs agricoles sur ce point précis se résume fort simplement. Ce qu'on dit, c'est que l'article 272 ne devrait créer aucune inéquité dans l'ensemble des sociétaires. Je pense que c'est absolument essentiel dans la poursuite des objectifs d'une coopérative et dans ce sens, on pense que notre intervention est tout à fait la bienvenue.

M. Forget: Oui, d'accord, mais par contre, il faut quand même être prudents là-dessus Là, je ne te suis pas tout à fait et j'aime autant te le dire, parce que je trouve dangereux, lorsqu'on arrive pour faire la répartition, que les gens ont payé moins...

M. Garon: Question de règlement.

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le député de Lévis.

M. Garon: J'aimerais que le député vouvoie nos témoins parce que ce n'est pas l'habitude de tutoyer les gens qui viennent devant la commission parlementaire.

M. Forget: Oh! Excusez-moi.

Le Président (M. Lemieux): J'aimerais tout simplement dire au député de Prévost qu'il a à la fois vouvoyé et tutoyé à l'occasion. Alors, M. le député de Prévost, s'il vous plaît, adressez-vous au président et il n'y aura pas de problème Je pense que cela s'est fait d'une manière très très amicale et entre producteurs agricoles, M. le député de Lévis. Vous pouvez continuer, monsieur.

M. Bélisle: Ce que le député de Lévis n'est plus.

M. Garon: Non, c'est pour maintenir le décorum.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de

Lévis, je prends votre remarque sur le décorum, mais soyez assuré qu'à l'avenir je l'appliquerai à la lettre en toutes circonstances...

M. Bélisle: ...sur les droits des producteurs agricoles, M. le député de Lévis.

Le Président (M. Lemieux): y compris lorsque les gens "somnambulent" M. le député de Prévost.

M. Forget: J'ai terminé.

M. Fortier: Le vouvoiement n'est pas dans le règlement, voyons donc! Je n'ai jamais vu ça.

Le Président (M. Lemieux): Le règlement prévoit qu'on doit s'adresser au président.

M. Bélisle: ...l'Opposition de sa loyale majesté.

Le Président (M. Lemieux): Avec toute déférence, M. le député de Jonquière, vous ave/ demandé la parole Non'> J'avais cru. M le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, je dois dire que le taux préférentiel dont parlent ici les représentants des producteurs agricoles devant nous - ils ont raison - sauf que c'est un taux très rare. Si le taux préférentiel s'applique aux agriculteurs, c'est parce qu'il a été négocié il y a plusieurs années, et pour deux raisons: parce que, d'abord, l'expertise fournie par l'Office du crédit agricole pour les prêts - il y a un certificat qui est

fourni par l'Office du crédit agricole - fait que si le cultivateur a son prêt, on reconnaît qu'il y aura une subvention de prêt, donc que le prêt est accepté pour les fins de l'Office du crédit agricole. L'expertise, l'analyse - ce qui n'empêche pas la caisse, si elle veut la refaire, de la refaire - mais pour une grande partie, on se fie à l'analyse qu'a fait l'Office du crédit agricole; deuxièmement, c'est parce qu'il y a une assurance qui touche tous les prêts. Autrement, les agriculteurs, si cela n'avait pas été négocié globalement avec les institutions financières privées - coopératives, banques ou autres - n'auraient pas bénéficié du taux préférentiel.

Le taux préférentiel, au fond, c'est le meilleur taux des institutions financières. Il ne doit pas y avoir beaucoup de catégories de gens qui empruntent auprès des caisses populaires qui ont le taux préférentiel. Le gros des prêts, ce sont des prêts à la consommation, des prêts hypothécaires. La caisse populaire, de façon générale, ne fait pas du prêt d'affaires à des montants assez gros - d'une façon générale, je dis bien, au niveau de la caisse locale - pour qu'on puisse établir des taux préférentiels. Je pense que c'est un privilège qui a été négocié pour les agriculteurs. Remarquons bien une chose - je me rappelle très bien comment cela s'est passé - les banques ont sorti pendant un an ou un an et demi; elles n'avaient pas voulu embarquer là-dedans et les caisses populaires ont continué. Elles ont été les seules à continuer, d'ailleurs, durant un an ou un an et demi, avant que les banques ne rappliquent.

Quand les gens nous parlent ici, ils parlent d'une situation qui les touche personnellement. Je ne connais pas beaucoup d'entreprises - on pourrait dire qu'on parle des commerces, des affaires - habituellement, les commerces ordi- . naires, les affaires ordinaires, n'ont pas le taux préférentiel dans les institutions financières. C'est le meilleur taux, le plus sécuritaire qui est donné dans le cadre des opérations commerciales et les opérations d'affaires. Je pense que ce que les gens nous représentent ici, les représentants de l'Union des producteurs agricoles, est une situation particulière à eux; je serais bien étonné que, d'une façon générale, on puisse faire des catégories; mais il doit y avoir des niveaux de prêts différents dans les caisses. Le prêt à la consommation est à tel niveau; le prêt hypothécaire, parce qu'il y a plus de garanties, est habituellement à un autre niveau, et le prêt préférentiel dont bénéficient les cultivateurs est à un niveau plus bas. Alors, j'imagine que c'est la pratique, au fond, des caisses, parce que vous avez bien dit qu'il s'agit de cas peu nombreux; ce n'est pas une pratique généralisée. On a dû appliquer un pourcentage en fonction du taux payé; alors la ristourne devait être plus forte sur le plan consommation, moins forte pour le prêt hypothécaire et un peu moins forte pour l'agriculteur qui avait le taux préférentiel, ou c'était uniquement pour les agriculteurs. Là, je pense que cela pourrait être discriminatoire, mais cela a dû être en fonction du taux payé par chacun. Est-ce que j'ai raison ou tort? Je ne le sais pas parce que je n'ai jamais entendu parler de cela.

M. Beaudoin: M. le Président, dans le cas qu'on mentionne actuellement, c'est que les producteurs étaient carrément exclus de leur droit de recevoir leur quote-part du trop-perçu.

M. Garon: Parce qu'ils avaient le taux préférentiel.

M. Beaudoin: Absolument.

M. Garon: Et des ristournes, en l'occurrence, représentaient quel pourcentage du taux d'intérêt?

M. Beaudoin: Ce qu'on a là-dessus, c'est que dépendamment d'une caisse à l'autre, cela varie de 2 % à 10 % ou 12 % de l'enveloppe d'intérêts versés. Nous estimons que cela peut varier pour chacun des producteurs et productrices impliqués dans ces dossiers entre 500 $ et 1000 $ par sociétaire.

M. Garon: Alors, 5000 $, cela en fait beaucoup.

M. Beaudoin: Oui.

M. Garon: Si c'est 10 %, cela veut dire qu'il payerait 50 000 $ d'intérêts par année. Cela m'apparaît un peu fort. Si vous dites que le taux, c'est 2 % à 10 % de l'intérêt payé et s'ils paient entre 1000 $ et 5000 $ d'intérêts, cela veut dire que... c'est-à-dire du montant qu'ils viennent de perdre, cela voudrait dire qu'ils payeraient entre 10 000 $ et 50 000 $ d'intérêt. Cela me paraît un peu fort.

M. Beaudoin: J'ai bien mentionné de 500 $ à 1000 $ et c'est le cas...

M. Garon: C'est 500 $ à 1000 $. M. Beaudoin: Oui.

M. Garon: D'accord. Alors, au fond, c'est parce que vous avez le taux préférentiel. Dans ces cas-là, c'est parce que vous bénéficiez du taux préférentiel. La caisse considérait que c'était déjà assez bon marché par rapport aux taux qu'elle chargeait qu'elle ne voulait pas en mettre davantage là-dessus, parce que sa marge de profit devait être moins forte sur un taux préférentiel que sur un taux de prêt à la consommation Mais ce n'est pas parce que le gouvernement le subventionne, je ne pense pas. Je pense que cela ne doit pas avoir affaire à ça, parce que, pour la caisse, vous payez le taux d'intérêt normal qui vous est demandé comme

taux préférentiel.

M. Beaudoin: Absolument.

M. Garon: C'est clair, ce que vous me dites. Je vous remercie.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Lévis. M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation.

M. Fortier: M. le Président, je relisais l'article 272 durant la discussion et on dit ici que des ristournes peuvent varier selon la nature des opérations effectuées avec la caisse et elles peuvent être versées en parts permanentes ou en parts privilégiées. Réellement, je comprends bien que vous ayez certaines appréhensions. Mais, tel que rédigé, l'article 272 permettrait à la caisse de faire ce que vous demandez. Alors, c'est plutôt une appréhension que vous avez qu'autre chose, parce que, tel que libellé, l'article 272 dit simplement que les ristournes peuvent varier selon la nature des opérations. Donc, par nature, on peut facilement concevoir, comme dit le députe de Lévis, que si certains prêts sont faits à des taux privilégiés, la caisse populaire "retire" un bénéfice moins considérable et lorsqu'ils font les ristournes, ils prennent cet élément en considération et cela fait l'unanimité autour de la table, d'après ce que je peux voir.

De toute façon, je crois que vous en avez tenu compte dans vos commentaires généraux sur le projet de loi. Vous vous êtes rendu compte qu'on donne des pouvoirs de réglementation en particulier aux fédérations, parce que j'ai remarqué qu'une de vos représentations indiquait qu'une caisse en particulier pouvait interpréter cet article d'une façon différente de celle d'une autre caisse et que vous avez dit qu'en définitive il va y avoir 1400 interprétations différentes.

Quand on a préparé l'avant-projet de loi, on s'est posé la question: Est-ce que le gouvernement, comme on le fait dans d'autres institutions financières... Si vous lisez la Loi sur les fiducies, on dit très clairement que l'inspecteur ou le gouvernement peut... Dans la loi, d'ailleurs - ce n'est pas seulement l'inspecteur - il y a des articles très spécifiques sur le crédit.

Ici, dans la loi sur le Mouvement Desjardins, on n'est pas allés aussi loin que cela. On a dit: II y a une certaine autoréglementation qui se fait. Ils nous ont laissé le mouvement s'auto-réglementer. Mais plus que cela, nous allons donner aux fédérations des pouvoirs de définir les règles de crédit, quitte à ce que les fédérations les fassent approuver par la confédération. (15 h 45)

Donc, l'autoréglementation est réellement déléguée à la fédération et j'oserais penser, que dans un cas comme celui que vous soulevez, un règlement de la fédération pourrait facilement régler le problème d'une interprétation qui serait ponctuelle par une caisse en particulier qui voudrait l'interpréter différemment. C'est un premier élément.

L'autre élément que vous avez dans votre mémoire et sur lequel j'aimerais revenir, c'est que, dans la Loi sur les coopératives qui a été adoptée en janvier 1984 - je crois qu'à ce moment-là M. Parizeau était le ministre responsable des coopératives - à l'article 151... Je dois vous dire que nous n'avons pas cherché à faire plaisir à l'un ou à l'autre. On s'est inspirés exactement de l'article 151 de la Loi sur les coopératives et, à ma connaissance, jamais personne ne s'est plaint de l'article 151 de la Loi sur les coopératives. L'article 151 de la Loi sur les coopératives dit ceci: "Le taux de ristourne peut être différent selon la nature ou la qualité des produits ou des services qui ont fait l'objet des opérations. " Mutatis mutandis, on prend exactement l'article 151 qui vous gouverne dans le domaine agricole et on l'a mis ici pour les caisses populaires. Autrement dit, j'espère que vous réalisez qu'on n'a pas cherché à donner un privilège spécial, on a pris exactement ou à peu près le même article.

J'oserais penser, eu égard à ce que je viens de dire sur le fait que les fédérations auront un droit de réglementation vis-à-vis des caisses, qu'en définitive, vous avez certaines appréhensions, mais cela me semble des appréhensions un peu inutiles dans la mesure où on a repris exactement l'article 151 de la Loi sur les coopératives et on en a fait l'article 272 de la Loi sur le Mouvement Desjardins, mais en plus, avec un pouvoir de réglementation donné aux fédérations. Avez-vous quelques commentaires à faire à ce sujet?

M. Beaudoin: Oui. Tout d'abord, vous parlez de l'article 151, il est clair dans notre esprit que ce qu'on remet en cause, ce n'est pas l'article 151, mais comme on l'a exprimé dans notre mémoire, c'est qu'on précise que dans le cas, par exemple, des coopératives agricoles, il faut comprendre que les activités sont fort différentes d'un secteur à l'autre. On a parlé de meunerie, de machinerie agricole et on est en mesure de comprendre et de concevoir que, dans ces cas précis, il est tout à fait nécessaire de distinguer les activités de telles coopératives. Sauf que dans le cas qui nous préoccupe par rapport aux coopératives d'épargne, c'est que les modes de fonctionnement sont fort simples. Il y a, d'un côté, des prêteurs et de l'autre côté, des emprunteurs. Nous disons que la pratique veut qu'il y ait actuellement discrimination dans certaines caisses. Pour préciser davantage, quand vous soulignez qu'une des garanties qu'on a comme producteurs agricoles, c'est le fait que les fédérations peuvent s'autoréglementer. On a, à la lumière de notre connaissance, des cas qui, finalement, ont été réglementés par la fédération régionale de caisse. Dans ce sens-là, pour nous, ce n'est pas tout à fait une garantie de bon fonctionnement. D'autant plus que dans ce cas

précis qu'on met en lumière aujourd'hui, je vous fêtai remarquer que l'actuel président du Mouvement Desjardins, M. Béland, s'était entendu avec l'Union des producteurs agricoles comme quoi finalement cette pratique était inéquitable envers ce groupe de sociétaires et que, lui, recommanderait, d'une part, à ses gens de faire en sorte d'éviter cette pratique. Et d'autre part, il ferait en sorte de suggérer au gouvernement de légiférer sur cette question. Or, l'appréhension, c'est que la seule place qu'on retrouve dans la loi un point pr6cis qui parle do cotte question, c'est justement l'article 272 qui, à nos yeux, est encore plus large, plus ambigu, il laisse plus de place à interprétation que l'article 86b. C'est la raison pour laquelle on pense que c'est quelque chose qui pourrait nous jouer des tours importants dans l'avenir et qu'il serait facile de corriger à ce moment-ci dans l'esprit que le législateur a voulu lui donner.

M. Fortier: Étant donné que l'article 151 ne pose pas de problème, pourquoi l'article 272 créerait-il des problèmes? C'est pour cela que j'ai une appréhension, que j'ai de la misère à matérialiser dans les faits, parce qu'on dit, à l'article 272, que les ristournes peuvent varier selon la nature des opérations, et je pense que la discussion qu'on a eue fait en sorte que si quelqu'un paie un taux d'intérêt plus faible que normal, il reçoit une ristourne plus faible et s'il paie un taux d'intérêt plus fort, il reçoit une ristourne plus forte. Si un taux d'intérêt est plus bas, c'est probablement parce que le gouvernement leur garantit l'emprunt. Ce que vous ne demandez pas, dans le fond, c'est que si un producteur agricole a payé un taux d'intérêt plus bas que la garantie du gouvernement et s'il reçoit la même ristourne qu'il aurait obtenue s'il avait payé un taux d'intérêt plus fort... Ce n'est pas ce que vous demandez. L'article tel que libellé dit exactement cela.

Ce que j'essaie de dire, c'est que la philosophie qui nous a guidés, c'est qu'on aurait pu adopter l'attitude que nous étions pour réglementer toutes les règles de crédit du Mouvement Desjardins. On n'est pas allés dans cette direction. Dans le fond, vous nous dites que pour un cas bien particulier, on devrait le spécifier, alors que pour le reste, on ne le fera pas. Je peux vous donner d'autres exemples. L'association des banquiers nous a fait des représentations à savoir que nous devrions dire très clairement dans la loi que le Mouvement Desjardins ne devrait pas prêter plus que 75 % de la valeur marchande des propriétés. On va prendre cela en considération, mais encore là, si on était pour répondre à toutes ces demandes, on s'éloignerait de beaucoup du principe qui nous a guidés, selon lequel nous édictons des règles générales, des principes généraux, mais comme le disait le député de Prévost, en définitive, on va laisser les membres... Quand vous parlez des producteurs agricoles, ce sont des gens qui sont membres d'une caisse populaire, donc qui peuvent faire valoir leur point de vue lors d'une assemblée annuelle.

Le Président (M. Lemieux): Brièvement, puisque vous êtes sur le temps de parole du député de Lévis, M. le ministre vient de terminer son temps de parole.

M. Beaudoin: II y a d'abord une chose que jo voudrais préciser ou corriger dans votre intervention. D'abord, ce n'est pas le gouverne ment du Québec qui garantit les prêts des producteurs agricoles, ce sont les producteurs eux-mêmes qui garantissent leurs prêts par le biais de la loi 49. Je pense que c'est quelque chose qu'il est tout à fait important de souligner à ce moment-ci.

Deuxièmement, on ne demande pas de réglementer davantage, mais tout simplement d'insérer dans le texte de loi un principe qui ne va absolument pas à rencontre du mouvement coopératif, mais qui vient tout simplement garantir davantage l'esprit même de la coopération en disant qu'au lieu de l'article 272 tel que libellé, on souhaite voir un article qui irait dans le sens que les trop-perçus iraient au prorata du pourcentage d'intérêt versé par sociétaire. C'est un principe, ce n'est pas une réglementation très stricte. À ce moment-là, on se garantit que l'ensemble des sociétaires au Québec seront traités sur le même pied. C'est tout simplement ce principe qu'on aimerait voir inclus dans le texte.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, c'est justement ce que je voulais signifier. Lorsque le taux préférentiel a été négocié, à ce moment-là, la garantie gouvernementale était donnée par le gouvernement. Le nouveau gouvernement libéral a pris le pouvoir, et maintenant, il fait assumer cette garantie par les cultivateurs eux-mêmes qui paient des primes importantes pour garantir eux-mêmes les prêts agricoles. La situation a changé depuis que les libéraux ont pris le pouvoir. Ce qui a peut-être induit le ministre en erreur, c'est que j'ai dit qu'à ce moment-là, il y avait la garantie gouvernementale plus l'expertise de l'Office du crédit agricole, et aujourd'hui, il n'y a plus la garantie gouvernementale. Il y a une garantie, l'assurance-prêt agricole, qui est payée par les agriculteurs. Je suis persuadé que le député de Prévost pourra en dire un mot parce que...

Le Président (M. Lemieux): ...parole.

M. Garon: Non, je vais demander à M. Beaudoin. Comment explique-t-on maintenant ce que coûte l'assurance-prêt payée par les agriculteurs eux-mêmes plutôt que par les garan-

ties dans un fonds où le gouvernement met des montants pour maintenir un fonds de 10 000 000 $?

M. Beaudoin: C'est 1,85 % du montant du prêt plus taxe sur les assurances. Par exemple, dans un cas type au Québec, sur un emprunt de 200 000 $, cela fait quelque 4100 $.

M. Garon: Par année?

M. Beaudoin: Non, pour la durée du prêt.

M. Garon: M. le Président, vous ne m'empêcherez pas de dire que, parfois, changer de gouvernement, cela peut coûter cher, notamment aux cultivateurs. Je veux le dire parce que je sais à travers quoi je suis passé dans le temps. Si cela n'avait pas été du Mouvement Desjardins, les agriculteurs n'auraient jamais eu de taux préférentiel, parce qu'à ce moment-là, tout le secteur bancaire a lâché J'avais demandé au Mouvement Desjardins s'il pouvait continuer et le Mouvement Desjardins avait accepté de prêter au taux préférentiel, et pendant un an ou un an et demi, ils ont été les seuls. Finalement, lors de la nouvelle négociation, les banques sont revenues. Mais si cela n'avait pas été du Mouvement Desjardins, je pense bien qu'à ce moment-là, depuis ce nombre d'années-là, les taux auraient été plus élevés pour les agriculteurs dans tout le Québec; depuis des années, je ne pourrais pas vous dire la date, mais cela doit faire maintenant autour de sept ou huit ans. Je pense que c'est bon de rendre à César ce qui appartient à César, parce qu'ils ont accepté de continuer. Un an ou un an et demi après, les institutions financières ont accepté de se joindre.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Lévis, permettez-vous au député de Prévost de parler sur votre temps de parole? À un producteur agricole, oui?

M. Forget: Écoutez, je suis producteur agricole depuis 1952. Je suis membre des caisses populaires depuis 1945 et je peux vous dire que j'ai beaucoup fait affaire avec les caisses populaires. Mais c'est arrivé durant ma vie comme producteur agricole, au cours de l'année 1958, que les caisses n'ont pas voulu me prêter. Ce sont les banques qui m'ont financé. C'est malheureux, mais ce sont des choses qui se sont produites. Alors il faut faire attention lorsqu'on dit que ce sont juste les caisses. J'ai beaucoup d'admiration pour eux, mais par contre il faut dire la vérité. Alors les producteurs agricoles sont des hommes d'affaires et on est obligés de jouer avec ce qui est disponible pour nous. C'est la raison pour laquelle je ne voudrais pas laisser de côté le rôle que les banques ont joué pendant des années auprès des agriculteurs du Québec.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Prévost.

M. Fortier: II a emprunté, lui. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: Est-ce que cela voudrait dire, M. le Président, qu'il avait été refusé par l'Office du crédit agricole? Parce qu'à ce moment-là, la plupart des cultivateurs qui étaient solvables passaient par l'Office du crédit agricole et c'étaient seulement ceux qui étaient refusés qui allaient voir les autres.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Prévost.

M. Forget: Écoutez, je peux vous dire une chose. Lorsque j'ai débuté, je n'ai pas demandé de prêt à l'Office du crédit agricole. Et il y a une autre chose vous savez - pas méchamment -mais dans ces années-là, il fallait être très près du député concerné.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: Dans les années 1940, j'étais bien plus près de ma première communion que des prêts agricoles.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): Alors, M. le député de Lévis, en conclusion.

M. Fortier: D'autres commentaires, M. le député de Lévis?

Le Président (M. Lemieux): En conclusion, M. le député de Lévis?

M. Garon: En quelle année avez-vous dit? M. Fortier: En 1958.

M. Forget: J'ai parlé de 1958, mais je suis agriculteur depuis 1952. Je suis encore agriculteur.

M. Garon: En 1958.

M. Forget: Pour vous répondre, je viens justement de faire un prêt encore.

M. Garon: Un emprunt. Vous avez fait un prêt ou un emprunt?

M. Forget: Un emprunt, pas un prêt.

M. Garon: Parce qu'on me dit que vous êtes un cultivateur fortuné. Cela aurait pu être vous qui prêtiez aux autres.

M. Forget: Non, très pauvre. Je suis encore

pauvre.

Le Président (M. Lemieux): Comme plusieurs.

M. Fortier: II a réussi. Qu'est-ce qu'il a contre ceux qui réussissent?

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Lévis, en guise de conclusion.

M. Garon: J'ai remarqué justement que la nouvelle politique du Parti libéral visait surtout uniquement ceux qui réussissent, parce que dans le porc...

Le Président (M. Lemieux): Avec de la pertinence, s'il vous plaît, monsieur.

M. Garon: Non, non, c'est bon. Dans le porc, on n'assure plus l'assurance-stabilisation...

M. Bélisle: Question de règlement.

Le Président (M. Lemieux): Question de règlement.

M. Garon: ...pour ceux qui ont une production qui est faible.

Le Président (M. Lemieux): Question de règlement, M. le député.

M. Garon: On assure sans limite...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Lévis, question de règlement.

M. Garon: ...ceux qui ont une production très élevée.

Le Président (M. Lemieux): Question de règlement. M. le député de Mille-Îles.

M. Bélisle: Je voudrais ramener le député de Lévis dans notre ère moderne au lieu de l'ère de Duplessis.

M. Garon: Non, mais justement, je suis dans ce qu'il y a de plus moderne.

Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse... M. Bélisle: Son idole.

M. Garon: Je lui disais que dans l'assurance-stabilisation, on a élevé les minimums pour assurer de moins en moins les petits et on a enlevé complètement les maximums pour assurer les gros. C'est peut-être une influence du député de Prévost.

Le Président (M. Lemieux): Alors en guise de conclusion, M. le député de Lévis.

M. Garon: Je voudrais remercier les gens de l'Union des producteurs agricoles parce qu'au fond le but était de bien comprendre les représentations qu'ils ont faites et de faire le tour de la question. Indépendamment des décisions qui seront prises - parce que c'est le gouvernement qui gouverne, l'Opposition indique les problèmes dans les solutions - mais je pense bien que vous avez marqué votre point d'une façon très claire. En tout cas, pour l'Opposition, ce que vous avez dit est très clair.

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre...

M. Garon: Je ne peux pas parler au nom de la majorité libérale.

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation.

M. Fortier: J'aimerais remercier les gens de l'Union des producteurs agricoles. Je pense que vous avez défendu votre point de vue avec beaucoup d'à-propos et si nous avions des questions additionnelles, il nous fera plaisir de prendre contact avec vous pour statuer éventuellement sur la décision que nous prendrons.

Le Président (M. Lemieux): En conclusion, messieurs.

M. Beaudoin: En fait, la seule chose qu'on souhaité, c'est que le texte de loi mis de l'avant par le gouvernement du Québec fasse en sorte que l'ensemble des sociétaires membres d'une coopérative d'épargne soient traités équitable-ment et sur le même pied.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Alors au nom des deux groupes parlementaires, je veux vous remercier de votre participation à cette consultation générale. Nous allons suspendre environ une ou deux minutes pour permettre au prochain organisme, soit le Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du Québec de bien vouloir prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 16 heures)

(Reprise à 16 h 6)

Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du Québec

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît!

À l'ordre, M. le député de Prévost.

La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux avec l'Association des courtiers d'assurances... Pardon.

M. Fortier: Ne vous trompez pas, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Excusez-moi Je n'avais pas en main le bon ordre du jour. C'est le Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du Québec.

Est-ce que le responsable de l'organisme voudrait bien s'Identifier et Identifier ceux qui l'accompagnent?

M. Pelland (Pierre): Avec plaisir. Mon nom est Pierre Pelland, vice-président de cet organisme. À mon extrême gauche, M Jean-Marie Derome, directeur général, et Me André Bois, notre conseiller juridique.

Le Président (M. Lemieux): Merci Les règles de l'audition sont les suivantes: 20 minutes sont d'abord consacrées à l'exposé de votre mémoire et une période de 40 minutes de discussion suivra entre les parlementaires. Vous pouvez procéder. Nous vous écoutons.

M. Pelland: M. le Président, M. le ministre, M. le député de Lévis, mesdames et messieurs les députés. Au nom de mes collègues, je vous remercie de nous fournir l'occasion de vous entretenir sur cet important sujet cet après-midi.

Dans son ensemble, l'avant-projet de loi reçoit l'approbation du RCCAQ, puisque le texte de loi proposé voue les caisses à un seul domaine d'activité, soit celui de l'épargne et du crédit. Ce domaine d'activité est certes élargi puisque les caisses pourront recourir à de nouveaux moyens de cueillette de capitaux et de l'épargne et qu'on leur reconnaît également le droit d'offrir divers systèmes de paiement. Néanmoins, nous comprenons de l'avant-projet de loi que les caisses, même munies de nouveaux outils, demeurent des coopératives d'épargne et de crédit.

Les représentations faites aujourd'hui par les dirigeants du Mouvement Oesjardins de même que les propos qu'ils tiennent dans d'autres forums indiquent que ceux-ci ne sont pas satisfaits et qu'ils réclament pour les caisses le statut de banque universelle ou de magasin général en services financiers selon le concept envisagé par les membres du Comité d'étude sur les institutions financières en 1967. Sans discuter du mérite de cette approche, nous désirerions uniquement attirer votre attention sur les véritables mobiles qui nous paraissent inspirer cette revendication de pouvoirs.

Premièrement, le Mouvement Desjardins a constaté à la fin de 1986 que 8 % des membres détenaient 60 % de l'épargne. En chiffres réels, si on calcule actuellement 27 000 000 000 $ de dépôts, ces 60 % d'épargne représentent 16 200 000 000 $ aux mains de 8 % des membres. Deuxièmement, en 1987, 80 000 000 $ de REER détenus dans des caisses furent transférés à d'autres institutions financières Ces modifications profondes ont eu pour conséquence que la loyauté presque totale que les consommateurs manifestaient à l'égard de leur institution est devenue beaucoup moins forte qu'auparavant. Troisièmement, le Mouvement Desjardins anticipe et appréhende que ces grands détenteurs d'épar gne, les fameux 8 % ou les 250 000 membres, se retrouvent parmi les personnes les plus âgées, lesquelles font et feront l'objet de pressions concurrentielles de la part des compagnies d'assurances offrant la transformation de ces épargnes en rentes. Ayant constaté ces tendances, les dirigeants du Mouvement Desjardins ont développé une stratégie qui vise à assurer la loyauté et à modérer la mobilité de leurs grands épargnants. Cette stratégie privilégie les moyens suivants.

Premièrement, le Mouvement Desjardins cible la clientèle qui suit: la clientèle ayant dépassé le cap des 55 ans, les "empty nesters" - pour utiliser leur propre expression - et les cols blancs de 35 à 45 ans. Deuxièmement, les caisses privilégient le rôle-conseil comme lien essentiel avec ce marché cible. Troisièmement, la caisse doit offrir des services complémentaires - assurances, fiducie, etc. - principalement pour conserver les membres, notamment les 250 000 qui représentent 60 % de son passif-dépôt. Quatrièmement, les services complémentaires, soit ceux des institutions du Mouvement Desjardins, doivent être offerts dans les locaux des caisses en évitant le cloisonnement dans la caisse qui résulterait de l'introduction d'employés ou d'agents des institutions Desjardins.

Critique de la stratégie. En soi, la stratégie est tout à fait légitime puisqu'elle participe d'un esprit - je vais utiliser un terme tabou dans le milieu - elle participe d'un esprit capitaliste et de libre entreprise qui fait partie de notre système. En revanche, cette stratégie non avouée trahit le principe coopératif dont le Mouvement Desjardins est le principal gardien au Québec et dont il affecte de se réclamer pour obtenir des réformes législatives. La coopération fait partie du contrat social québécois et tous les petits entrepreneurs, incluant les cabinets de courtage que nous défendons, sont parties à ce contrat. On ne saurait donc changer des éléments essentiels de cette clause du contrat social sans se préoccuper de l'impact des changements sur des agents économiques importants qui font partie intégrante de la communauté.

Enfin, comme le dit un auteur bien connu, Fernando Noël: "Fille du besoin, la coopération peut s'éteindre avec lui".

Nous reconnaissons également qu'il était avantageux de fournir un traitement préférentiel au Mouvement Desjardins lorsqu'il y avait un vacuum au niveau des institutions financières pour aider les petits épargnants. Cependant, ce vacuum n'existe plus. Donc, quant à nous, les règles de compétition normales devraient s'appliquer. Il existe maintenant d'autres entreprises très québécoises qui voient en. Desjardins un compétiteur injustement favorisé. Cela n'a rien à

voir avec le fait d'être jaloux d'un mouvement coopératif à succès, comme semble le prétendre M. Béland. Le Mouvement Desjardins semble vouloir tous les avantages accordés à ses compétiteurs, mais le moins possible de leurs contraintes.

La nomenklatura du Mouvement Desjardins persiste à méconnaître que plusieurs des besoins de la première moitié du présent siècle en matière d'épargne, de crédit et de moyens de paiement peuvent maintenant être satisfaits presque partout dans la province par de nombreuses institutions financières capitalistes ou mutualistes.

Enfin, l'offre par les caisses des produits - des institutions du Mouvement Desjardins est un procédé fondamentalement incompatible avec la démocratie coopérative. En effet, contrairement à une règle d'action coopérative fondamentale, le membre se fait offrir non pas un service de la coopérative elle-même mais d'une institution lointaine sur laquelle il n'a aucun contrôle. Il n'est plus un propriétaire usager.

Par ailleurs, quel contrôle peut avoir un membre de caisse sur une compagnie à capital-actions telle que Location Pierre Lafleur, maintenant crédit bail Desjardins inc, qu'il ne peut rejoindre que par la fédération par le biais de la confédération, par le biais d'une compagnie de portefeuille par surcroît? Comment ce membre peut-il se considérer propriétaire usager d'un service de cette lointaine compagnie? (16 h 15)

De plus, nous sommes d'opinion qu'il est illusoire de penser que toutes les nouvelles stratégies du Mouvement Desjardins viennent démocratiquement de la base. Nous pensons plutôt que le mouvement est fortement dirigé par ses cadres permanents et qu'ensuite les idées ou projets sont vendus avec plus ou moins de pression vers la base.

L'avant-projet de loi a donc notre appui dans ses grandes lignes, dans la mesure où il évite précisément le déviationnisme préconisé par les dirigeants du Mouvement Desjardins.

Concernant les détails techniques du projet de loi, je laisse maintenant la parole à Me Bois, notre conseiller juridique. Merci.

M. Bois (André): Le premier article - l'article 3 - qui attire notre attention concerne la description des objets d'une caisse, plus précisément l'alinéa 3 où on donne à la caisse la mission "de favoriser la coopération avec d'autres organismes coopératifs". La notion "d'organismes coopératifs" n'est définie nulle part dans le projet de loi. Pour éviter toute ambiguïté et pour que cela ne soit pas interprété comme signifiant le pouvoir de conclure des ententes de réseaux avec des Institutions de Desjardins, nous proposons simplement de substituer aux termes "organismes coopératifs" le mot "coopératives"! En faisant cela, le législateur suivrait la terminologie déjà employée dans la Loi sur les coopératives, adoptée en 1982, et serait sans doute fidèle à l'esprit qui l'animait ici, parce que nous avons compris du discours d'ouverture de M. Fortier et des propos qui ont été tenus ce matin, que ce qui est envisagé, c'est la coopération avec d'autres coopératives non financières: coopératives agricoles ou coopératives d'habitation et coopération avec des coopératives d'autres provinces. Alors, je pense qu'on ne trahirait pas ce but si on remplaçait les mots "organismes coopératifs" par "coopératives". On ne pense pas s'enfarger dans la sémantique quand on propose cela, parce que dans un autre forum, il y a environ trois semaines, un témoin qui était à la même place ce matin et que j'interrogeais me disait: Nous avons le droit de le faire puisque nous encourageons la coopération entre organismes coopératifs. Je lui ai demandé: Qu'est-ce qu'un organisme coopératif? Il a répondu: Ce sont les autres institutions qui sont parties du Mouvement Desjardins. Alors, notre préoccupation à cet égard me semble déjà justifiée par une expérience vécue.

Le deuxième point - on en a parlé abondamment lors des discours d'ouverture - c'est l'article 216. Nous sommes très préoccupés que la possibilité d'élargir le domaine d'activité des caisses puisse être décidée par le Conseil des ministres. Le regroupement a une grande confiance dans les engagements politiques de ceux qui sont actuellement ses interlocuteurs mais bien des choses peuvent changer, et il préfère que tout élargissement de pouvoirs se fasse en vertu d'un débat public. Nous trouvons que c'est une anomalie de recourir à cette procédure pour trois raisons qui sont déjà énoncées dans le mémoire. D'abord, cette forme - j'appelle cela de la législation déléguée - on la voit normalement dans des matières qui ne sont pas d'intérêt public comme la présente matière. Élargir les pouvoirs d'une institution financière, c'est une matière d'intérêt public Je conçois que l'on puisse légiférer en matière de largeur des chenilles d'une motoneige par règlement ou de certaines mesures de protection sur les chantiers de construction par règlement, mais pas en cette matière. L'autre motif également qui nous amène à avoir des réticences à propos de l'article 216, c'est qu'il nous semble que si ce qui est recherché par le législateur, c'est une réaction assez rapide à un nouvel environnement économique - je ne parle pas ici de la prohibition, je parte d'un nouveau pouvoir - le mécanisme de la révision quinquennale, comme on le voit dans d'autres législations financières, à la suite de recommandations de l'inspecteur général, pourrait être le mécanisme approprié. Autrement dit, si on s'inquiète de ce que la loi puisse vite devenir désuète et qu'il faille s'adresser au cabinet pour de nouveaux pouvoirs, il me semble qu'une révision législative à tous les cinq ans serait le mécanisme approprié.

Dans notre mémoire, on propose une alternative qui se retrouve à la page 6. On dit:

Très bien, si le gouvernement ou le législateur retenait encore la solution du décret - vous connaissez notre position au sujet de la vente d'assurances dans les caisses - très bien, autorisez de nouveaux pouvoirs, mais pas la vente d'assurances dans les caisses.

Le troisième point technique est regroupé sous les commentaires relatifs aux articles 223 et 228, notamment à l'article 228 où on nous dit que des tiers ne peuvent pas invoquer contre une caisse le fait qu'elle ne poursuit pas ses objets ou outrepasse ses pouvoirs. Ces dispositions sont manifestement calquées de la partie 1A de la Loi sur les compagnies, nous en sommes conscients, mais quant à nous, c'est une greffe qui n'est pas appropriée. C'est un bananier greffé sur un pommier. Voici pourquoi. C'est qu'on comprend aisément que sous la partie 1A, en vertu de laquelle une compagnie a la même capacité qu'une personne humaine - sauf évidemment, les droits intimement rattachés à la personne humaine - on prévoit qu'un tiers ne puisse pas opposer à la compagnie qu'elle n'a pas les pouvoirs requis, puisque ayant tous les pouvoirs d'une personne physique, on peut donc présumer qu'elle est normalement habilitée.

Également, sous la partie 1A, comme les statuts n'ont plus valeur d'actes publics au sens où un juge n'en a pas connaissance judiciaire -comme c'était autrefois le cas pour les lettres patentes qui étaient un acte de la couronne - un tiers n'est pas censé connaître, premièrement, rindoor management" ou la gestion interne qui limiterait les pouvoirs des différents officiers de la compagnie. Autrement dit, les dispositions des articles 223 et 228 se comprennent bien dans un contexte où la corporation a tous les pouvoirs d'une personne physique.

Dans le cas des caisses populaires, la disposition n'est pas appropriée parce que la législation sur les caisses est une législation par objets. Les caisses sont créées primordialement pour un objet ou deux: cueillette de l'épargne et le crédit. On nous répliquera sans doute que le mot "tiers" veut dire les gens qui contractent avec la caisse. Si c'est cela qu'on voulait dire, bien respectueusement, je pense que ce n'est pas le terme approprié. On aurait pu calquer la loi fédérale à cet égard, qui parle de personnes qui traitent avec la compagnie. On utilise une périphrase parce que, dans notre droit, le mot "tiers" désigne des gens parfaitement étrangers à la compagnie, des gens qui ne sont pas partie dans une relation contractuelle avec la compagnie. Autrement dit, l'article 228 ce que cela veut dire - un plaideur honnête pourrait le soutenir - c'est qu'un étranger - comme actuellement le regroupement qui est devant la cour, n'est-ce pas, qui se prévaut de l'article 9.11 de la Loi sur les syndicats professionnels - ne pourrait pas invoquer l'ultra vires, ne pourrait pas soutenir cela.

Ce qui nous fait dire cela ou ce qui permettrait de considérer l'argument comme receva- ble - je ne vous dis pas qu'on ne pourrait pas argumenter dans le sens contraire - c'est un autre article où on limite la possibilité des tiers d'attaquer les actes de la compagnie aux seuls cas de transactions intéressées. Alors, nous disons: Comme le pouvoir d'intervenir dans l'exercice ou la possibilité d'intervenir dans l'exercice du pouvoir des caisses est limité aux cas de transactions intéressées, cela veut dire que, dans les autres cas, on ne peut pas intervenir.

Alors, je résume donc: là-dessus. Ces articles sont normalement le corollaire d'une disposition qui ne se retrouve pas ici. Cette disposition, c'est l'article 123.29 de la partie 1A de la Loi sur les compagnies qui dit que les compagnies ont toute la capacité d'une personne physique. C'est pour cela que dans les autres articles, on dit: Puisqu'elle a toute la capacité d'une personne physique, on peut présumer que la compagnie est habilitée.

L'autre point, c'est l'article 257.8 qui concerne l'usage des immeubles par la caisse. Il en a été question, ce matin. Tout ce que nous avons à vous dire là-dessus, c'est que nous sommes d'accord avec la disposition, à savoir qu'une caisse ne peut utiliser un immeuble qu'à son propre usage, c'est-à-dire à ses propres fins, à ses propres objets, soit les opérations d'épargne et de crédit. La disposition nous apparaît tout à fait appropriée, parce qu'actuellement on déguise des transactions ou des ententes de réseaux sous des baux. On justifie, de façon très artificielle, des ententes de réseaux. On le justifie en disant que la caisse a le pouvoir de louer. C'est assez étrange, par exemple, parce que le bail - que ce soit sur la rue Saint-Jacques ou à Paspébiac - c'est 3500 $ partout, peu importe la valeur locative.

Notre dernier point, c'est l'article 460 qui concerne le pouvoir de placement des sociétés de portefeuille qui sont créées pour détenir des intérêts financiers ou des intérêts commerciaux. Une de nos préoccupations concerne une certaine ambiguïté au paragraphe 1 de l'article 460. Nous nous interrogeons à savoir si une compagnie de portefeuille détenue par la confédération peut ou pourrait contrôler un cabinet de courtage d'assurance ou un cabinet qui est intermédiaire en produits d'assurances. L'ambiguïté, selon nous, vient du fait qu'aux deux premières lignes de l'article 460, on dit que des actions peuvent être acquises d'une personne morale qui a comme activité principale des affaires d'assurances. Au demeurant, "affaires d'assurances", cela veut dire l'opération d'assurance elle-même. Mais le petit problème, c'est que dans d'autres lois, notamment la Loi sur les courtiers d'assurances, le vocable "affaires d'assurances" est également utilisé en rapport avec l'acte d'intermédiaire de marché. Évidemment le contexte est différent, j'en conviens, mais est-ce que ce n'est pas désirable d'éviter des litiges à ce propos si, effectivement, le législateur ne voulait pas

permettre à la société de portefeuille d'acquérir des actions de cabinets de courtage? Il y a une proposition qui est faite à la page 12 du mémoire au sujet de la rédaction, que nous croyons, bien respectueusement, souhaitable.

En terminant notre propos là-dessus, il y a une mention qui n'est pas contenue dans notre mémoire et qui est la suivante. Au début de la loi, quand on dit que les caisses sont des coopératives et qu'elles obéissent à des règles d'actions coopératives, nous avons observé que, contrairement à la Loi sur les coopératives, on a omis un paragraphe qui est l'alinéa 1 de l'article 4 de la Loi sur les coopératives où on dit que "l'adhésion - et là je parle de la Loi sur les coopératives - d'un membre à la coopérative est subordonnée à l'utilisation des services offerts par la coopérative - pas par une compagnie du réseau, mais par la coopérative - et à la possibilité pour la coopérative de les lui fournir". Nous observons ici - et c'est ce à quoi M. le vice-président vous référait tout à l'heure, à la notion de propriétaire usager - dans...

Le Président (M. Lemieux): En conclusion, s'il vous plaît!

M. Bois: Oui, je termine là-dessus... dans les revendications que vous avez entendues ce matin - pas dans votre projet, mais dans les revendications que vous avez entendues ce matin - qu'on voudrait qu'une foule de services, autres que financiers, soient offerts par l'intermédiaire de la coopérative comme porte d'entrée. Je dis, je soumets et je termine là-dessus, qu'il s'agit d'une contravention à un principe fondamental d'une règle coopérative qui est enchâssé dans la Loi sur les coopératives. Merci.

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation.

M. Fortier: Merci M. Pelland et M. Bois. Comme d'habitude, vos présentations sont toujours brèves mais très étoffées. Je vais y aller, dans les premières dix minutes qui me sont données, de quelques commentaires, et si j'ai le temps je reviendrai par la suite. Je vais commencer peut-être par la fin, par l'article 460, en ce qui concerne la possibilité pour une société de portefeuille...

Une voix:...

M. Fortier: Vous savez comme moi que, d'une part, dans la loi, dans la législation actuelle, la propriété des maisons de courtage est réglementée par la Loi sur les courtiers d'assurances. D'autre part, vous savez également que, très probablement, comme je l'ai indiqué, dans la prochaine loi touchant les intermédiaires, cet aspect-là va également être touché. Donc, que ce soit dans la loi actuelle sur les courtiers ou dans la nouvelle loi qui modifiera la Loi sur les courtiers et qui touchera les intermédiaires, mais qui touchera d'une façon plus particulière les courtiers d'assurances, à ce moment-là, on indiquera si oui ou non et dans quelle mesure - comme votre regroupement l'a suggéré, en particulier, et il y a eu d'autres représentations - cela sera possible. Cela ne me semble pas être l'endroit idéal pour le toucher dans la Loi sur le Mouvement Desjardins, comme cela ne serait pas l'endroit idéal pour le toucher dans la Loi privée touchant La Laurentienne, parce que de toute façon, dans une loi plus générale, ce problème va être évoqué et d'ailleurs vos représentations ont été étudiées avec beaucoup d'attention.

En ce qui concerne - pour revenir au début de votre mémoire - l'article 3 et vos commentaires touchant les organismes coopératifs, comme de raison, je l'ai indiqué hier au début de notre commission parlementaire, on se retrouve ici 25 ans après 1963 pour tenter de trouver un nouvel habit législatif au Mouvement Desjardins et je suis le premier à admettre... (16 h 30)

D'ailleurs, comme vous le savez, dans l'avant-projet de loi que nous déposons, il y a une disposition qui va faire qu'à tous les cinq ans, il y aura une remise en question, comme c'était le cas d'ailleurs, dans la Loi sur les valeurs mobilières. Cela n'a pas été fait depuis 25 ans, et on constate que le Mouvement Desjardins s'est développé. Il y a eu des interventions ponctuelles du législateur qui a autorisé le Mouvement Desjardins, à différentes étapes, soit d'acheter une compagnie d'assurance-vie ou soit d'acheter une compagnie d'assurance générale, et ce matin, sans revenir sur le débat qu'on a eu avec la Fédération de Montréal, et je ne voudrais pas entrer dans le sujet plus particulier de la discussion que mon collègue, le député de Mille-Îles, avait amorcée sur la question du cautionnement. Mais je crois que ce que M. Bernier a dit est typique de plusieurs interventions qui ont été faites, dans le passé, de la part du Mouvement Desjardins. C'est qu'à certains moments, M. Bernier nous indiquait que les caisses populaires n'étaient pas considérées par les autres compagnies d'assurances comme étant des institutions financières et qu'elles avaient de la difficulté à se trouver de l'assurance. En définitive, elles ont donc décidé de se doter d'une compagnie d'assurance générale. Et quand on examine l'historique des différentes sociétés dont s'est doté le Mouvement Desjardins, on se rend compte qu'il y a eu des interventions ponctuelles autorisées par le législateur, par des bills privés, très souvent, et maintenant c'est la première fois, je crois, qu'on essaie de discuter de l'ensemble de la conjoncture totale entourant la politique ou les politiques qui devraient nous guider en ce qui a trait au Mouvement Desjardins. C'est pour cela que j'ai de la misère; je crois que vous avez raison peut-être sur un "stricto sensu" si on interprétait la loi très

rigidement en parlant d'organismes coopératifs. Mais les faits, depuis 25 ans, sont que le Mouvement Desjardins, avec l'approbation du législateur, s'est doté de différentes institutions, quelques fois de mutuelles d'assurance-vie, d'autres fois, il s'agissait de compagnies à capital- actions.

L'autre fois, je regardais l'autorisation qui avait été donnée d'acheter la Fiducie du Québec, à un autre moment donné, qui a été achetée. Donc, il est vrai que cela n'a pas toujours été, on aurait pu souhaiter qu'une coopérative comme le Mouvement Desjardins crée toujours des institutions coopératives que ce soit dans le domaine des fiducies, de l'assurance-vie, de l'assurance générale et tout cela. Mais mon seul commentaire est qu'on ne peut pas réécrire l'histoire et je ne crois pas que je puisse recommander à l'Assemblée nationale de dire: Bien, oublions tout ce qui s'est fait depuis 30 ans et peut-être que cela aurait été préférable, il y a 30 ans, qu'on passe une disposition dans la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit en disant: Dans l'avenir, si le Mouvement Desjardins décide de se créer différentes Institutions, II faudrait que cela soit des organismes coopératifs. Les faits sont là. Les faits sont que le Mouvement Desjardins s'est doté, de temps en temps, d'une mutuelle d'assurance-vie et d'autres fois, de compagnies à capital-actions, mais ce sont les faits.

C'est pour cela que j'ai de la misère à me réconcilier avec votre interprétation qui est strictement, légalement peut-être très légitime. Lorsqu'on regarde l'historique du Mouvement Desjardins, j'ai de la misère à réconcilier, et il faut bien constater que cela dépasse toutes les formations politiques, que ce soit le Parti libéral du Québec en 1963, l'Union Nationale avant le Parti libéral, parce que je crois que Daniel Johnson - je relisais dernièrement les commentaires, lorsque la loi en 1963 avait été votée - que l'Union Nationale, avant 1963, avait pris certaines dispostions en faveur du Mouvement Desjardins, le Parti libéral du Québec en 1963, d'autres dispositions plus tard sur l'Union Nationale et d'autres, par la suite, du Parti québécois. Alors, il faut bien se rendre compte que le Mouvement Desjardins est une grosse entité qui s'est développée avec l'approbation de tous les gouvernements de toutes les formations politiques, et on ne peut pas renier cette réalité. Donc, c'est pour cela que je le dis, mon commentaire sur votre définition des organismes coopératifs me semble difficile à appliquer d'une façon stricte parce que la vérité historique ne va pas dans ce sens-là.

En ce qui concerne, bien sûr, toute la question du décloisonnement, on en a dit un mot ce matin, j'ai simplement indiqué qu'il y avait matière à réflexion. Vous-mêmes, les courtiers d'assurances, l'avez dit lorsque nous avons débattu la Loi sur les fiducies en particulier. Nous avons retranché une disposition et le député de Lévis l'a indiqué clairement, une disposition qui pouvait être interprétée d'une façon trop libérale et le ministre avait un pouvoir personnel très important. On a mis une disposition donnant au gouvernement un pouvoir d'ajouter certains pouvoirs parce qu'on ne peut pas toujours prévoir l'avenir et on a repris ces dispositions dans la loi actuelle. Tout cela pour dire que, bien sûr, nous croyons qu'il est important d'avoir la disposition de l'article 216. On croit que c'est important. Certaines personnes nous ont fait des commentaires affirmant que ce serait odieux de retrancher une autorisation qui aurait été donnée par la suite. On va examiner cela. Tout simplement pour dire que nous croyons que c'est un moyen terme parce que c'est très difficile de prévoir l'avenir dans ce genre de chose. Bien sûr, on évoquait ce matin te fait qu'il n'est certainement pas dans notre esprit d'empêcher le Mouvement Desjardins - disons - de vendre des valeurs mobilières parce qu'il est maintenant actionnaire de Disnat. Il peut y avoir d'autres produits financiers.

Vous avez fait des représentations en ce qui concerne les assurances. Nous croyons, et le jurisconsulte nous a dit que dans la loi actuelle c'était permis. Vous avez contesté en cour sa disposition. Mes conseillers juridiques me disent que dans la loi actuelle nous ne faisons que continuer ce qui semblait être la réalité actuelle. Alors, nous allons examiner cela dans les semaines qui viennent. Mais, tout simplement, ce pouvoir de l'article 216 nous semblait quand même nécessaire pour répondre à des initiatives qui pourraient venir d'autres instances législatives. Il faut bien penser que dans un an le législateur va probablement modifier la Loi sur les banques. Il pourrait donner de nouveaux pouvoirs aux banques. À ce moment-là, il faut être en mesure de réagir assez rapidement Bien sûr, tous les cinq ans, il y aura un rapport non pas de l'inspecteur, mais du ministre responsable sur l'application de la loi.

Mais, comme vous le savez, c'est un processus qui est quand même assez lent. Une fois le rapport déposé, il faut qu'il y ait une commission parlementaire et il faut déposer un projet de loi. Alors, on peut penser que les modifications, tous les cinq ans, pourront prendre à peu près un an et demi avant que les nouvelles mesures législatives soient prises. Tout cela pour dire que les commentaires que vous avez faits sur le mouvement coopératif et sur les stratégies qu'il met en place, et vous l'avez dit vous-même pour ce qui est de certaines stratégies. On ne peut pas les blâmer de définir des stratégies de marketing. Vous dites: Ce n'est peut-être pas nécessairement relié à la philosophie coopérative comme telle. Enfin, on ne peut pas nier à une société coopérative de définir une stratégie de marketing qui soit plus précise. Vous évoquez, je pense bien, certaines informations que vous aviez sur la concentration des actifs à l'intérieur du Mouvement Desjardins et qu'il semblait y avoir

une stratégie allant dans ce sens-là.

Le Président (M. Lemieux): En conclusion, M. le ministre.

M. Fortier: Alors, en conclusion, je reviendrai tout à l'heure sur des points plus spécifiques. Tout cela pour dire que j'aurais de la difficulté, quant à moi,, à empêcher le Mouvement Oesjardins de reconnaître que, dans la panoplie des compagnies qu'il a, certaines d'entre elles, soit à capital-actions ou mutuelles...

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.

M. Fortier: ...ne fassent pas partie de l'ensemble du Mouvement Desjardins.

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît, nous empiétons sur le temps du député de Lévis. M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, j'aimerais demander aux gens du Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du Québec, s'ils considéreraient équitable que, dans la Loi sur les assurances, le législateur ait donné à l'article 33.1, dans un cadre de décloisonnement, le pouvoir à e) d'offrir en vente, les produits d'une institution financière, clairement, pour les compagnies d'assurances; et ensuite, à l'article 33.2, le ministre peut autoriser une compagnie d'assurances à exercer une activité autre que celles prévues à l'article 33.1. Il y a un régime qui a été établi pour les compagnies d'assurances dès 1984. Alors que, pour les caisses d'épargne et de crédit, on ne voudrait pas qu'il y ait les mêmes pouvoirs. Vous ne faites pas de représentations a l'effet que les compagnies d'assurances devraient avoir des pouvoirs limités pour se cantonner, elles aussi, dans leur secteur. Je ne comprends pas trop.

M. Bois: C'est un problème très ponctuel. On vous a rappelé, hier, dans le mémoire de l'Association des banquiers canadiens que l'ensemble des banques à charte au Québec ont des actifs de 46 000 000 000 $. Le Mouvement Desjardins seul a des actifs de 33 000 000 000 $, je crois, certes avec un faisceau de caisses, mais qui sont maintenant toutes réunies au sommet. Et, une dernière donnée que je veux vous rappeler. On le rappelait à une autre commission parlementaire. Les actifs canadiens de la Banque Royale, la plus grosse banque au Canada, étaient de 50 000 000 000 $ à la fin de 1986.

La question d'équité ici s'apprécie justement à cause de la présence dont on se réjouit certes, mais de la grande concentration économique des caisses. Je conçois aisément qu'une compagnie d'assurances, disons La Sauvegarde qui en aurait peut-être besoin, puisse vendre certains produits de la Great-West ou vendre les produits d'une autre compagnie de fiducie. Cela pourrait l'aider.

Je concevrais également que La Laurentienne qui n'a pas 1400 points de vente puisse, de façon accessoire à son activité principale, offrir en vente des produits fiduciaires.

Mais dans le cas des caisses, puisque vous invoquez la notion d'équité, il y a un élément fondamental et primordial dont il faut tenir compte, c'est le grand poids financier du Mouvement Desjardins au Québec et de son omniprésence partout. Tant mieux si, comme vous le disiez si bien, cela résulte de la solidarité des Québécois. Je lisais un petit peu la parabole. Il faut faire attention que l'éléphant ne bouscule pas les moutons en arrivant dans la bergerie. Et c'est pour cela qu'on invoquait tout à l'heure le contrat social. On a dit: Écoutez, les courtiers appartiennent autant au Mouvement Desjardins, c'est une fibre du contrat social québécois. Mais, si à un moment donné il écrase parce qu'il a trop de pouvoir, bien c'est dangereux. C'est la réponse. C'est vrai qu'il y a, au demeurant, un illogisme, M. le député de Lévis, mais comme on le disait au début du mémoire, c'est un cas ponctuel. Voilà le problème.

Également, on n'ignore pas non plus que le Mouvement Desjardins - et on s'en réjouit - est une source importante dans le financement obligataire de la province de Québec. Je regardais la Gazette officielle du mois d'août et je voyais l'intervention du Mouvement Desjardins et la marge de crédit du gouvernement. C'est un agent économique très important. Or, devant un organisme qui a ce poids-là, qui nous finance chez nous - tant mieux - il faut y aller avec circonspection quand on lui donne le pouvoir pour ne pas écraser les petits entrepreneurs. Voilà.

M. Garon: Est-ce que votre groupement s'est prononcé contre le libre-échange avec les États-Unis?

M. Bois: Le mouvement n'a émis aucune opinion à ce sujet-là.

M. Garon: La concurrence avec les États-Unis ne vous fait pas peur?

M. Bois: Non.

M. Garon: La caisse locale vous fait peur.

M. Bois: La caisse locale fait peur dans le sens que, sous le couvert d'un prêchi-prêcha coopératiste, sous le couvert d'aide aux membres et avec un langage qui est digne d'une Église évangélique de la Caroline du Sud, on réclame toutes sortes de pouvoirs. Alors on dit: Faisons tomber le voile. C'est pour cela que M. Pelland vous disait tout à l'heure - ce sont des documents que nous avons - "8 % des membres détiennent 60 % de l'épargne". Que détiennent les autres 92 %? Je comprends la préoccupation maintenant. Au début ce n'était pas cela. C'était

la parade des dix sous. Il n'y avait pas de financement et le gars de la Davie Shipbuilding qui avait sa petite enveloppe brune à la fin de la semaine marqué 26,95 $, il n'avait aucun endroit où le déposer. Les gens qui voulaient des hypothèques n'avaient aucun endroit où aller. Mais maintenant c'est différent. Je ne dis pas qu'ils n'ont pas leur place Je ne dis pas qu'on ne doit pas en faire la promotion. Mais pas sous le couvert du salut de l'économie québécoise. C'est ce qu'on dit. On dit: M. Pelland et bien des membres du regroupement étaient des administrateurs de caisses, dans leur intérêt n'est-ce pas, comme des notaires, comme des avocats, comme un peu tout le monde. Ils trouvaient leur intérêt comme bénévoles. Alors, c'est leur fibre. Mais ils disent qu'ils ne veulent pas se faire écraser sous ie couvert d'une sorte d'idéologie qui est maintenant vidée d'une partie de sa sincérité. C'est un jugement de valeur qui est porté là. Certes, dans certains milieux, on le considérera injuste, mais quand on lit certains documents qui disent qu'il faut absolument éviter que ces 8 % partent et pour cela, il faut leur offrir des services complémentaires Quand on voit cette préoccupation à l'égard des grands épargnants, c'est leur terme, à l'égard des "empty nesters" et il manque tout simplement le terme "DINKS", quand on voit cette préoccupation-là, on se dit: C'est loin du curé de Saint-Tite qui était président de la caisse et qui aidait ses ouailles à leur salut spirituel par leur salut matériel. On dit: Qu'on arrête de nous prêcher cela si on veut un discours mutualiste, oui, mais coopératiste, peut-être moins. (16 h 45)

M. Garon: Comment expliquez-vous? Vous reprochez, au fond, aux caisses populaires d'avoir trop grandi. Est-ce que vous reprochez, parce que 4 000 000 de Québécois sont devenus membres des caisses populaires, d'avoir fait erreur, qu'on aurait dû les garder petites?

M. Bois: Je ne reproche pas d'avoir trop grandi. D'abord, on est heureux du projet de loi, sauf des éléments techniques. On s'adresse aux revendications qui sont faites à l'Assemblée nationale, les revendications de pouvoirs, et on dit: Les gens des caisses, vous avez eu ce qu'il vous fallait, tant mieux; continuez, mais ne venez pas réclamer d'autres pouvoirs en vous réclamant du salut des membres, parce qu'on n'y croit pas; ne venez pas réclamer ces pouvoirs additionnels parce que votre discours sonne faux, vous les réclamez parce que vous avez une base de capitalisation insuffisante; vous ne voulez pas que les dépôts sortent; si vous n'avez pas peur, vous, les caisses, de la libre concurrence et du libre-échange, si vous n'avez pas peur de l'extérieur, sortez, allez dans le Maine, allez dans le Vermont, mais ne demandez pas au maire du village de vous donner les pouvoirs de la police. On ne fait pas le reproche; on en est fiers. Tout le monde est fier de cette plus grosse entreprise financière québécoise parce que c'est ce qu'elle est. On dit: Quand vous réclamez, vous, Desjardins - je ne parle pas de la loi - mais quand vous réclamez un tas de pouvoirs, soit celui d'être une coopérative de services financiers - lisez bien son mémoire - il n'y a pas de différence entre cela et le rapport de 1967, celui de M. Pari/eau et autres, où on demandait le magasin à rayons. C'est cela qu'il demande. On dit: Peut-être un jour, mais, pour l'instant, prenez garde de ne pas bousculer d'autres agents économiques québécois: courtiers, La Solidarité, la Saint-Maurice, les Coopérants-Alliance. Faites attention, il y a d'autres petits intervenants économiques à côté. C'est ce que nous disons, et nous sommes de ces petits intervenants-là.

M. Garon:...

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de Lévis, excusez-moi, mais votre temps de parole est terminé.

M. le député de Mille-Îles.

M. Bélisle: C'est très intéressant, M. le Président, d'entendre présentement le niveau élevé de ce discours. Je veux féliciter M. Bois pour le contenu profond de ce qu'il nous dit parce que j'ai eu, moi aussi, l'impression ce matin d'entendre un discours évangélique. Je ne sais pas si c'est de la Caroline du Sud ou de la Caroline du Nord, mais je pense que ça sonne, c'est trop, on en met trop, on est trop bons, on est trop parfaits, on est trop trop. C'est la politique ou la philosophie du trop trop. Cela m'agace. Dans ma vie personnelle, je ne suis pas trop trop, j'ai des défauts, j'ai un peu de qualités, mais c'est passable. Mais quand on est trop bons, trop excellents, on est meilleurs, on englobe toute la société, on est presque le Québec, parce que c'est cela qu'on nous a dit ce matin, c'est qu'on était le Québec, et parce qu'on est le Québec, on va imposer ce qu'on veut au gouvernement du Québec. L'impression que j'ai eue quand j'ai lu le texte de la Confédération, c'est qu'on veut tout avoir, mais on ne veut rien donner en contrepartie.

Vous soulevez une question, M. Bois, qui est la question la plus importante pour la société québécoise de l'an 2000. La question la plus importante, ce n'est pas de savoir si tel ou tel pouvoir va être accordé à telle ou telle institution financière, mais c'est de savoir si l'Assemblée nationale du Québec, et non le gouvernement, est capable de mettre une limite raisonnable dans l'intérêt des citoyens du Québec à la concentration du capital au Québec. Cela soulève des questions par rapport à Provigo, par rapport au Mouvement Desjardins, par rapport à la Caisse de dépôt. Le débat qu'on a présentement, c'est de savoir si une petite poignée d'intervenants et de décideurs vont décider de l'avenir économique de 6 500 000 Québécois, si les petits

entrepreneurs ont encore leur place au Québec, si les intervenants économiques moyens ou de petite taille ont encore leur place. Je suis d'un Desjardins avec de nouveaux pouvoirs, comme vous le dites, M. Bois, d'un Desjardins qui s'ouvre sur des marchés extérieurs au Québec et qui ne prend pas une partie de la tarte que des intervenants économiques au Québec bouffent raisonnablement en rendant des services qui n'ont jamais été décriés par aucun des citoyens ou aucun des consommateurs au Québec. On est satisfaits de nos courtiers en valeurs mobilières au Québec qui font un excellent travail. On est satisfaits de nos courtiers d'assurances au Québec, nos compagnies d'assurances comme les Provinces Unies ou les autres compagnies québécoises, Le Groupe Commerce. Ils rendent d'excellents services. La preuve même c'est que les taux d'administration dans le dollar de prime est à peu près quinze sous plus bas que ce qu'on retrouve à l'Assurance générale Desjardins. Il n'y a pas de problème là.

Il faut peut-être se poser la véritable question à savoir pourquoi le Mouvement Desjardins veut tant entrer dans certains secteurs. Je suis convaincu irrévocablement que c'est pour accroître la capitalisation et prendre une certaine partie importante du montant des primes versées au Québec, se l'accaparer sans tenir compte des conséquences auprès des autres intervenants économiques dans ce qu'on appelle le grand mouvement, le mouvement québécois, le Mouvement Desjardins.

J'aimerais voir au Québec, et je ne serais pas contre, d'autres mouvements coopératifs aussi importants que Desjardins. J'aimerais voir une autre confédération réunissant des coopérants qui feraient une concurrence à Desjardins! Je serais pour cela. Je trouverais cela sain et excellent.

Quand on tente de surmonopoliser une société et d'accorder trop de pouvoirs à une institution qui a déjà d'énormes pouvoirs, M. Bois, je fais référence à la page 13 de votre texte... Je n'ai pas lu le livre de l'économiste Ingo Walter - vous deviez me donner la référence tantôt - mais je pense qu'il a entièrement raison. Il y a des conséquences à la surconcentration du capital, et il faudra que le gouvernement du Québec et que les partis politiques au Québec réfléchissent très sérieusement à la situation. Est-ce qu'on veut d'un Desjardins à 35 000 000 000 $, à 50 000 000 000 $, à 75 000 000 000 $, à 90 000 000 000 $, à 115 000 000 000 $ d'actifs? Est-ce qu'on en veut un concentré seulement au Québec? Est-ce qu'on veut plutôt qu'on s'ouvre à d'autres marchés extérieurs? Ce sont toutes ces questions qui n'ont pas de réponse pour le moment.

Je vais vous avouer que je suis très embarrassé par le texte de l'article 216, tel qu'il est écrit. Je pense aussi que Desjardins est embarrassé. Il nous a dit ce matin qu'il était embarrassé. Il préfère voir clairement dans la loi les pouvoirs... Je pense que le député de Lévis est embarrassé avec cela aussi. Il nous l'a dit hier. L'article 216 vous embarrasse aussi- On se demande un peu où on doit se brancher dans tout le débat.

J'ai noté votre recommandation sur l'article 216. Je comprends qu'à certains moments, il faut réagir rapidement à cause de certaines circonstances, surtout dans le domaine économique mais si, au cours des 25 dernières années, il n'y a pas eu de révision en profondeur de la loi, je vous avoue que je ne vols pas, à court terme, malgré une prévision d'une loi au fédéral, des problèmes tellement importants qui seraient causés au mouvement coopératif au Québec pour que, du jour au lendemain, on ait à modifier les règles de jeu fondamentales et les pouvoirs fondamentaux accordés à une institution comme Desjardins.

Je partage votre point de vue à la page 5 qui dit que la révision de la loi par une mécanique quinquennale est possiblement suffisante. J'aimerais ajouter, M. Bois, que je voudrais peut-être vous entendre, pendant les courts moments qui nous restent, parce que la question de la concentration du capital est très intéressante. Présentement, les États-Unis, qui ont déjà fait le débat sur le décloisonnement, sont à l'époque de ne pas parler de décloisonnement. Ils parlent maintenant de mettre des limites à la concentration du capital. Ils prennent conscience présentement des conséquences néfastes du décloisonnement qu'ils ont fait il y a quinze ans et présentement ils sont en train de présenter au Sénat américain et au Congrès des États-Unis des lois pour limiter la concentration du capital.

Je veux bien croire, comme le député de Lévis, qu'il ne faut peut-être pas regarder en Ontario ou du côté de la frontière américaine, mais il ne faut peut-être pas faire l'autruche non plus et peut-être retenir de l'expérience des autres qu'on n'a pas tout inventé, qu'on a peut-être des choses particulières, mais qu'on aurait certainement intérêt à regarder ce qui se fait ailleurs. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Mille-Îles.

M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, je suis un peu étonné. C'est le ministre qui parle au nom du gouvernement ou c'est le député de Mille-Îles. Là, il y a vraiment les deux. À un moment donné, il faudra que le ministre mette ses pantalons. Il ne pourra pas jouer sur tous les tableaux en même temps. C'est lui qui a publié un document en mars 1987. C'est lui qui a parlé du décloisonnement des institutions financières. C'est lui qui a dit qu'il souhaitait même que Desjardins devienne un mammouth: ce que Desjardins n'a jamais dit qu'il voulait devenir. C'est lui qui a dit ça. C'est lui qui a dit qu'il fallait avoir le décloisonnement de la propriété des Institutions financières. C'est lui qui a dit

également qu'il fallait avoir le décloisonnement dans la vente des produits d'institutions financières. C'est lui qui a dit qu'il fallait que les prêts, les emprunts, le commerce de valeurs mobilières, les fiducies et les assurances, tout cela soit en concurrence. Je trouve cela gentil d'écouter le député de Mille-Îles, mais à un moment donné, il faudra qu'un gouvernement existe. Qui parle au nom du gouvernement ici, M. le Président? Est-ce le ministre ou le député de Mille-Îles? Ce que le député de Mille-Îles et le ministre dit, c'est contradictoire. C'est le contraire.

Le Président (M. Lemieux): Dans notre formation politique, M. le député de Lévis, c'est la liberté d'expression. Vous m'avez posé une question et je vous réponds: c'est la liberté d'expression.

M. Garon: Non, c'est parce qu'il faut que je m'adresse à vous.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: Je n'ai pas le choix en vertu du règlement.

Le Président (M. Lemieux): C'est bien, M. le député de Lévis.

M. Garon: Par politesse et par élégance, c'est comme ça que le règlement dit qu'on doit faire. Alors, comme je suis un député...

Le Président (M. Lemieux): J'ai cru bon vous répondre.

M. Garon:... discipliné, je le fais. Je dois dire qu'à un moment donné, il faudra que le gouvernement dise ce qu'il veut, parce que là, je ne sais plus qui parle au nom du gouvernement. Je ne sais plus si c'est le ministre ou si c'est le député de Mille-Îles, mais à un moment donné, il faudra que le premier ministre décide, puis s'il veut renvoyer le député d'Outremont à ses activités de député et nommer le député de Mille-Îles ministre, il devra le faire, mais à un moment donné, on ne peut pas avoir deux expressions au nom du gouvernement.

J'aimerais savoir s'il y a vraiment décloisonnement des institutions financières. Vous n'avez pas l'air de souffrir du décloisonnement qui a été entrepris pour les compagnies d'assurances. Vous dites: Que ce soit mis dans la loi, pas dans un décret éventuel du gouvernement, dans la Loi sur les compagnies d'assurances, qu'elles ont le droit d'offrir en vente les produits d'institutions financières. Vous dites: Pour nous, pas de problème pour les compagnies d'assurances. En plus, on dit qu'on peut leur donner des pouvoirs additionnels. L'article 216 dit même qu'on peut les interdire dans le cas des caisses d'épargne et de crédit sans dire ce qu'ils peuvent faire concrètement par rapport au décloisonnement annoncé par le ministre. Je dis: Un gouvernement ne peut pas parler des deux côtés de la bouche en même temps. Un gouvernement est là pour dire: II y a une ligne de pensée qui s'applique à tout le monde ou qui ne s'applique pas à tout le monde.

Je suis bien sympathique à ce que vous nous dites, mais je dis qu'on est dans le cadre actuellement d'une politique gouvernementale annoncée officiellement dans un livre du gouvernement qui a été publié, puis où il semble y avoir eu un accord assez général sur te décloisonnement. Je vous dirais même plus que cela. Dans la Loi sur le camionnage, on a dit: on déréglemente, puis on devance le mouvement canadien même. Il y a eu des comités de déréglementation du gouvernement qui ont dit: on déréglemente pour qu'il n'y ait plus de compétition. Il y a même eu le comité des sages sur lequel il y avait des banquiers. À propos, il y avait beaucoup de monde du mouvement coopératif: il y avait des banquiers, des présidents de banque et même deux; les plus représentés c'étaient les banquiers. Ils ont dit au gouvernement qu'ils avaient trouvé cela gentil qu'il fallait déréglementer. Actuellement, on ne sait plus où s'en va le gouvernement. Ce n'est pas normal dans une société organisée que l'on ne sache pas où s'en va le gouvernement. J'entends ce que vous dites; je comprends tout ce que vous dites, sauf qu'à ce moment-ci c'est au gouvernement de dire ce qu'il veut; et là, s'il veut appliquer ses règles du décloisonnement pour un, oui et pour l'autre, non, ou s'il va ramener tout le monde sur un pied d'égalité en disant: Je reviens aux quatre piliers. Les fiducies feront de la fiducie; les assurances feront de l'assurance, et les caisses d'épargne et de crédit recevront des dépôts et feront des prêts, et les commerçants ou les gens dans le domaine des valeurs mobilières agiront; sauf qu'en attendant, il y a une banque qui est en train d'acheter une entreprise de valeurs mobilières et le gouvernement n'a pas l'air de se prononcer contre cela. (17 heures)

Alors, est-ce que le décloisonnement - c'est là qu'est la grosse question - jouera uniquement contre le Mouvement Desjardins? Le gouvernement devra le dire à un moment donné ou bien il va dire: Je permets à la Laurentienne d'agir dans le domaine du décloisonnement, avec les coudées franches; je vais permettre à d'autres d'agir dans le domaine, avec les coudées franches. Par ailleurs, Desjardins, non. Le gouvernement, à un moment donné, le ministre en parlant au nom du gouvernement, il va falloir qu'il mette ses pantalons et qu'il dise: Bon, je ne suis pas en culotte courte, je ne suis pas en "baby doll" - pas en "baby doll", je voulais dire...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fortier: On le prévoit, mais on ne l'a

pas vu encore!

M. Garon: Je voulais dire en costume de bébé, en salopette ou...

M. Fortier: En costume de bébé!

M. Garon: ...en couche.

M. Fortier: C'est féministe.

M. Garon: En couche. Je me suis fourvoyé.

Le Président (M. Lemieux): Une minute, M. le député de Lévis.

M. Fortier: Cela ne se peut pas.

M. Garon: Je pense qu'à ce moment-ci, c'est au gouvernement de dire ce qu'il va faire et de ne pas jouer sur les mots, ni sur l'ambiguïté. Je pense qu'essentiellement le message du président du Mouvement Desjardins, ce matin, était: Cela ne peut pas être gris. Pour qu'on se poursuive devant les tribunaux, ce doit être clair, ce qui va se passer, ce que le gouvernement veut par rapport à cela. Maintenant, tout le monde marche sur la déclaration du mois de mars 1987 qui n'a été contredite par aucune autre déclaration ministérielle. Ce que vous me dites, c'est clair.

Le Président (M. Lemieux): En conclusion, M. le député de Lévis.

M. Garon: Je n'ai pas besoin de vous poser davantage de questions, ce que vous dites est clair. Maintenant, il faut connaître les intentions du gouvernement. Je pense bien que s'il y a décloisonnement dans des activités des institutions financières, il y en a pour tout le monde ou bien il n'y en a pas seulement pour un ou pour deux, alors qu'on dit qu'on ne voudra pas pour l'autre.

Le Président (M. Lemieux): En conclusion, M. le député de Lévis.

M. Garon: J'ai terminé.

Le Président (M. Lemieux): Vous avez terminé? Merci. Alors, il est 17 heures, le mot de la fin, M. le député de Lévis.

M. Garon: Je vous remercie et je... Le Président (M. Lemieux): Merci.

M. Garon: ...ne vous blâme en aucune façon de faire valoir vos représentations et de dire comment vous voyez cela, mais je pense qu'à un moment donné, le gouvernement va devoir parler.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Lévis. M. le ministre délégué aux

Finances et à la Privatisation. Mot de la fin, conclusion.

M. Fortier: Vous me donnez combien de temps? Une demi-seconde?

Le Président (M. Lemieux): Allez-y, allez-y.

M. Fortier: Alors, dans une demi-seconde, ce que j'ai à dire, c'est ce que je pense bien que je ne pourrai pas commenter tous les détails des remarques du député de Lévis, je vais simplement dire que je trouve cela désolant. Il engueulait quasiment les gens qui sont devant nous pour qu'ils viennent nous dire ce qu'ils pensent. Non! Si on s'est réuni en commission parlementaire, c'était justement parce qu'on voulait entendre...

M. Garon: Ce n'est pas vrai.

M. Fortier: ...les intervenants nous dire: Faites attention. Il est vrai que le Conseil des ministres a adopté une politique; il est vrai que le ministre responsable a fait état de certains principes, dont le quatrième, qui est de permettre le développement des réseaux de distribution des services financiers en utilisant le réseau. Mais je crois qu'on ne doit pas vous engueuler parce que vous venez nous dire: Faites attention, nous, les coutiers d'assurances ou les bureaux de courtage, nous existons; donc, vous devez prendre cela en considération.

Je pense que cela vous a pris cinq ans, au Parti québécois, pour finalement vous convaincre que vous étiez un parti indépendantiste, ne venez pas nous accuser de prendre quelques heures pour discuter du décloisonnement des institutions financières! Vous savez, on ne prendra pas cinq ans!

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre, s'il vous plaît!

M. Fortier: On ne prendra pas cinq ans pour statuer.

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.

M. Fortier: Nous croyons à certains principes...

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.

M. Fortier: Bien oui, je conclus, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Oui, vous concluez mais vous enfreignez le règlement.

M. Fortier: M. le Président, soyez gentil...

Le Président (M. Lemieux): Non, mais vous le savez...

M. Fortier: ...mais donnez-moi au moins une demi-seconde, je conclus.

Le Président (M. Lemieux): Là, le député de Lévis, vous savez...

M. Fortier: Je conclus en une demi-seconde.

M. Garon: Je partais sur mon temps, moi, tantôt.

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Fortier: Alors, s'ils ont pris cinq ans pour régler le problème à savoir s'ils étaient indépendantistes ou non, nous, nous pouvons bien prendre quelques heures...

Le Président (M. Lemieux): Bon!

M. Fortier: ...pour discuter du décloisonnement des institutions financières. Soyez assurés qu'en temps et lieu, le gouvernement fera son lit, mais là, dans le moment, on est ici pour entendre les intervenants qui sont devant nous. Je vous remercie d'être venus nous dire ce que vous pensez.

Le Président (M. Lemieux): Merci de votre coopération, M. le ministre. Comme mot de la fin, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter? Ça va?

M. Bois: On vous remercie. Deuxièmement, on a confiance au bon jugement du législateur qui ne doit pas toujours procéder comme s'il s'agissait d'une équation mathématique. Le dosage, c'est bien important. Parfois, II faut donner les cuillères doubles aux plus faibles pour qu'ils se remettent d'une maladie et d'autres ont besoin de moins de vitamines. Voilà, cela, c'est le bon jugement.

Le Président (M. Lemieux): Merci Nous savons tous que la modération a bien meilleur goût! Sur ce, je vous remercie au nom des deux groupes parlementaires pour votre participation à cette consultation générale. Nous suspendons nos travaux pour environ une minute afin de permettre à l'Association des coutiers d'assurances de la province de Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 5) (Reprise à 17 h 7)

Association des courtiers d'assurances de la province de Québec

Le Président (M. Després): A l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons maintenant entendre l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec. Dans un premier temps, est-ce que le porte-parole de l'organisme pourrait s'identifier et présenter les gens qui l'accompagnent?

M. Lavigueur (Jacques): Je vous remercie, M. le Président. Je voudrais vous présenter notre délégation qui se compose, à mon extrême droite, de M. Régent Frappier, notre premier vice-président, de M. Richard Mongeau, notre conseiller juridique, et à ma gauche, de la directrice générale, Mme Diane Paradis. Je suis Jacques Lavigueur, président de l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec

Le Président (M. Després): Je vous rappelle maintenant les règles de l'audition. Vous avez 20 minutes qui sont accordées pour l'exposé de votre mémoire, après cela suivra une période de discussion de 40 minutes avec: le groupe ministériel et celui de l'Opposition. Je vous invite à nous présenter votre mémoire dès maintenant.

M. Lavigueur: Je vous remercie, M. le Président.

M. le Président, l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec tend ici, ce soir, à réaffirmer à cette commission parlementaire les propos qu'elle tenait déjà le 2 juin dernier et qui reprenaient les grands thèmes de son attitude face au décloisonnement des institutions financières. M. le ministre se souviendra, M. le Président, que nous avons appuyé cette réforme en y trouvant toute la protection du public qu'elle doit contenir, ce qui nous apparaît comme primordial. Nous croyons donc qu'en exposant notre point de vue à cette commission parlementaire au sujet du projet de loi qui traite des caisses d'épargne et de crédit, nous devons reprendre ce même souci; nous croyons que le législateur en est quand même très conscient, puisqu'en lisant cet avant-projet de loi, nous y reconnaissons le souci du ministre et du législateur de vouloir intégrer au projet de loi toutes les réformes qui protégeraient le plus possible ce public consommateur de produits financiers et, particulièrement, d'assurances, puisque nous représentons ici les 5700 membres de notre profession qui oeuvrent au Québec.

M. le Président, notre propos sur l'avant-projet de loi nous amène à vous dire que pour nous, le Mouvement coopératif des caisses populaires Desjardins dont il est fait mention dans le projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit est plus qu'un mouvement coopératif. Déjà, nos confrères sont venus vous dire tout à l'heure que pour eux, il s'agissait d'un mouvement pyramidal qui avait une portée économique beaucoup plus grande que celle d'une compagnie d'assurances parmi tant d'autres. Nou6 reconnaissons également que si nous faisions ici allusion à la Saint-Maurice, au Groupe Commerce ou à ces compagnies-là, nous aurions un souci peut-être moins étendu de la défense des intérêts du consommateur, parce que nous serions conscients qu'il ne s'agirait là que d'un consommateur d'un

seul des produits de ce décloisonnement que le gouvernement semble vouloir nous proposer dans l'ensemble de son projet de loi. Pour nous, donc, il s'agit d'un consommateur de plusieurs produits financiers. Le souci du gouvernement de garder ce consommateur dans un cadre déontologique qui nous assure que les règles du jeu seront suivies nous apparaît important et c'est ce que nous avons souligné dans le mémoire que nous vous avons livré, à la page 4, et je voudrais vous lire cette partie: "Le décloisonnement envisagé lors de la réforme des institutions financières au Québec est susceptible de donner lieu aux abus déjà constatés sur le marché américain."

Vous savez, M. le Président, nous avions repris l'exemple du marché américain lors de notre présentation du 2 juin parce que nous y voyions non pas un élément précurseur, mais nous y voyions et, encore, nous constatons que certaines des méthodes appliquées aux États-Unis sur un marché plus vaste se retrouvent effectivement au Québec au sein de la distribution des produits pour lesquels nous nous sommes spécialisés depuis 75 ans. Je continue en lisant, à la page 4, en haut: "Les caisses populaires, leurs fédérations et la confédération bénéficieront certes d'une refonte de leur loi;" et pour cela, nous en sommes redevables à la Législature, mais, et c'est là notre souci des règles du jeu, nous disons que "leur nouvel encadrement législatif devra cependant tenir compte de l'expérience acquise en analyse de l'évolution nord-américaine des institutions financières."

Pour continuer notre propos, nous aimerions vous entretenir, toujours à la page 4, à la section 2, au dernier paragraphe, de ce qui nous semble être possiblement la pierre angulaire de cet avant-projet de loi, c'est-à-dire l'aspect déontologique qui est quand même très bien couvert. Mais voici notre propos et je lis le texte: "La création de comités de déontologie pour la confédération et de chaque fédération est susceptible de répondre aux voeux exprimés par la majorité des groupes concernés par le décloisonnement des institutions financières, notamment: la protection des consommateurs en ce qui a trait à l'utilisation d'informations privilégiées, les ventes forcées, la concurrence déloyale et les conflits d'intérêt. L'on doit, en effet, prendre conscience que les institutions financières, y compris le Mouvement Desjardins, n'ont pas de tradition déontologique. L'extension des pouvoirs des membres du Mouvement Desjardins est de nature à engendrer de nombreuses situations où l'intérêt respectif des caisses et des consommateurs pourra être divergent."

Je pourrai répondre à des questions plus précises, si bon vous semble. "L'élaboration de règles pertinentes par les comités de déontologie des différentes fédérations permettra, entre autres, une réflexion sur les moyens à prendre afin de protéger les consommateurs lors de l'utilisation par les caisses des pouvoirs décou- lant de l'application de ce nouveau cadre législatif. L'application de ces règles par les comités de surveillance et leur adaptation subséquente est • susceptible de créer, au fil des ans, une tradition déontologique - justement - qui ne pourra que profiter à l'ensemble du Mouvement Desjardins ainsi qu'à toute sa clientèle. "L'association croit donc que la mise en place des mécanismes d'autoréglementation décrits à l'avant-projet de loi est essentielle dans le nouveau cadre législatif proposé pour le Mouvement Desjardins. Nous ne pouvons qu'encourager le ministre à maintenir - M. le Président - la position énoncée à cet égard dans lavant-projet de loi." (17 h 15)

Notre propos, également, voudrait se porter sur les autres activités des caisses telles que décrites à partir de la page 5 de notre mémoire. Pour vous exprimer notre point de vue, nous avons choisi, à la page 6, le deuxième paragraphe, où nous disons que nous croyons que le ministre responsable du décloisonnement des institutions financières au Québec devrait être extrêmement prudent avant de se prévaloir des pouvoirs que lui confère l'article 216 de l'avant-projet de loi relativement à l'extension des activités des caisses.

Là, M. le Président, j'aurais un commentaire qui n'est pas dans le texte, pour vous dire qu'après mûre réflexion - et je sais que d'autres groupes sont venus exprimer cette même crainte, ce qui veut possiblement dire qu'elle est partagée par d'autres que notre groupe - cette prudence irait même jusqu'à demander de procéder par amendement législatif plutôt que par décret gouvernemental, dans le cas où il y aurait des changements substantiels à accorder aux activités déjà exercées par le Mouvement Desjardins, ou enfin, selon l'avant-projet de loi. Pourquoi ce commentaire? C'est parce que, pour nous, la stabilité du marché financier est fortement ébranlée toutes les fois que les règles du jeu sont changées de façon importante. Nous venons de vivre, M. le Président... Je voudrais le redire à M. le ministre, parce que nous avons apprécié sa sagesse de ne pas bousculer trop rapidement les propos qu'il nous adressait au sujet du décloisonnement, c'est que nous avons apprécié sa compréhension que nous sommes des intermédiaires d'institutions financières qui, autrefois, il faut se le rappeler, n'étaient que des institutions à but unique. Il était facile, donc, pour ces compagnies d'assurances d'avoir une vue de souscripteur au risque que nous leur présentions, alors que maintenant nous avons affaire à des financiers, et déjà le débat s'élargit. On voit déjà que l'attitude des institutions que nous représentons est différente. Qu'est-ce que ce serait si demain nous pouvions leur accorder encore d'autres pouvoirs? Nous aurions donc à faire face à une attitude encore nouvelle. Avant même que toute l'extension de l'avant-projet de loi soit déjà déposée, nous vivons déjà dans le

moment des changements importants. Alors, nous disons - je reviens à mon texte de la page 6 - que nous sommes convaincus qu'une telle extension des activités devrait être précédée d'un débat de fond, parce que chaque fois qu'on introduit une nouvelle activité ou une nouvelle mesure qui peut changer les règles du jeu dans notre domaine des institutions financières, il s'avère que beaucoup d'intervenants peuvent être touchés d'une façon importante Une telle éventualité ne peut être envisagée avant qu'une solide tradition déontologique n'ait été établie au sein de l'ensemble des institutions financières oeuvrant dans le domaine du crédit au Québec. M. le Président, nous sommes très reconnaissants envers le ministre de l'avoir reconnu dans ses propos de lavant-projet de loi. Il faut être conscients, par exemple, qu'étendre les pouvoirs de la caisse à la vente d'assurances ferait en sorte que l'ensemble des autres institutions financières exigerait d'obtenir la permission de vendre ce produit aussi. Ou bien on décloisonne, ou bien on ne décloisonne pas. Les autorités concernées pourraient alors se voir forcées d'acquiescer et ce, malgré l'absence de toute tradition déontologique de la part de ces autres institutions. L'effet d'entraînement résultant de l'utilisation de l'article 216 de l'avant-projet de loi en ce qui a trait à l'assurance devrait donc être soigneusement examiné, si l'on veut assurer la protection de l'ensemble des consommateurs, ce qui est notre préoccupation, M. le Président.

Je voudrais terminer ce propos de notre mémoire à la page 7, M. le Président, au paragraphe où nous traitons du fait que l'association croit également que la commission devrait se pencher sur la portée exacte de l'article 228 de l'avant-projet de loi. Quelles sont ces personnes visées par l'expression "tiers" et en quelles circonstances cet article pourrait-il s'appliquer? Nous souhaitons en effet qu'il soit impossible d'invoquer cet article pour empêcher les consommateurs, par exemple, de faire valoir leurs droits ou d'exercer un recours à rencontre d'une caisse. Nous voulons vous dire que notre souci porte sur la définition du mot "tiers" et sur son application pratique plutôt que sur la façon dont est écrit l'article, si l'explication qu'on nous donne nous semble valable dans les circonstances.

M. le Président, je termine en lisant les trois recommandations toutes simples que nous avions à la lecture de lavant-projet de loi. Ces recommandations sont les suivantes: "a. Que la création des comités de déon tologie par les fédérations et l'extension du rôle des conseils de surveillance des caisses soient maintenues lors de la présentation du projet de loi; "b. Qu'il soit précisé que les règles relatives à la protection des renseignements à caractère confidentiel interdisent l'utilisation de tels renseignements lors de toute sollicitation de la clientèle des caisses afin d'inciter ces personnes à se procurer d'autres produits financiers. "c. Que toute extension des pouvoirs des caisses en vue de leur permettre de distribuer de l'assurance IARD - c'est-à-dire l'assurance pour dommages matériels - soit précédée d'une consultation structurée de l'ensemble des intervenants concernés."

Et nous vous remercions, M. le Président.

Le Président (M. Després): Merci, M. Lavi gueur. M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation.

M. Fortier: Merci, M. le Président.

M. Lavigueur, votre mémoire est empreint de sagesse comme vous l'aviez fait lors de la présentation d'un mémoire sur le décloisonnement des intermédiaires. Parce que je sais que c'est un sujet qui vous importe beaucoup, j'aimerais préciser immédiatement que très, très bientôt, j'irai au Conseil des ministres au sujet du décloisonnement des intermédiaires et que j'y ferai approuver les principes de base sous-jacents. Et aussitôt que cela sera fait, nos juristes travailleront sur le projet de loi qui sera approuvé par le Conseil des ministres dans un avenir prochain.

Mais il y a une chose que j'ai retenue de la commission parlementaire sur les intermédiaires - et vous l'avez noté - c'était la nécessité de contrôler, d'assujettir, de réglementer tout ce qui touche la déontologie. Je pense que tous les intermédiaires, surtout les courtiers, avaient insisté là-dessus, et d'ailleurs, j'avais donné des instructions à cet effet-là. C'est la raison pour laquelle - et cela me fait plaisir de voir que vous l'ayez noté - nous avons mis des dispositions très sévères, à un point tel que - vous n'étiez pas ici ce matin, ni hier - le Mouvement Desjardins, la Fédération de Montréal, les notaires et d'autres représentants nous ont dit: Écoutez, vous allez trop loin, cela n'a pas de bon sens. Mais j'ai indiqué au Mouvement Desjardins, ce matin, qu'il n'était pas question pour nous de reculer sur les principes. Bien sûr, s'il y a des dispositions qu'on peut alléger vis-à-vis des bénévoles, on va le faire. Mais d'une façon générale, les règles touchant la déontologie pour la confédération, la fédération et les caisses vont... Il n'y en a pas dans le moment. La loi actuelle ne couvre absolument rien et, donc, lavant-projet de loi et le projet de loi vont conserver, dans une très grande mesure, toutes les dispositions. C'est pour cela que pour votre première recommandation, j'aimerais vous dire que vous avez gain de cause dès le départ, parce que je suis convaincu, et toute la discussion que nous avons eue à plusieurs reprises - pas seulement en commission parlementaire, mais avant - m'avait convaincu qu'il fallait avoir des dispositions très sévères touchant la déontologie. D'ailleurs, j'en avais averti le Mouvement Desjardins par lettre. C'était au printemps, au mois de mars. Si M. Bouchard se souvient bien, j'avais écrit à M. Béland pour dire: Écoutez,

compte tenu du décloisonnement, il est évident qu'il faut absolument avoir des règles de déontologie, et je crois qu'on va ajouter à cela, pour préciser dans la loi à qui un individu pourrait se plaindre, qu'il doit y avoir un comité de plaintes ou des individus dans la caisse ou à la fédération à qui on peut formuler des plaintes touchant la déontologie. Donc, je voudrais vous rassurer là-dessus immédiatement et je vous remercie de votre appui pour dire que cet aspect-là est important pour nous et qu'on a bien l'intention de le conserver.

En ce qui concerne l'article 216, vous n'êtes pas le seul groupe qui ait fait des représentations. Vous dites: Nous sommes convaincus qu'une telle extension des activités devrait être précédée d'un débat de fond. J'aimerais vous dire que la loi ou la réglementation entourant la promulgation d'un tel décret est entourée justement de plusieurs dispositions qui vont dans ce sens-là, parce qu'il y a un préavis de 45 jours. À ce moment-là les intervenants ont le droit de se faire valoir. Quinze jours plus tard, on peut retourner au Conseil des ministres et faire publier le décret dans la Gazette officielle. Tout cela pour dire qu'il ne s'agit pas d'un processus qui est caché. C'est un processus très visible, qui prend à peu près plus de 90 jours lorsqu'il n'y a pas perte de temps. Mais je suis bien conscient que la décision qui est appréhendée en ce qui concerne les assurances est une décision importante et qu'elle ne devrait pas être prise en catimini. Je crois que c'est là le sens de votre intervention de dire: Écoutez, n'essayez pas de nous passer cela en douce au mois de juillet, lorsque tout le monde est parti en vacances. Et je pense bien que ce n'est pas du tout notre intention.

La deuxième recommandation que vous avez concerne les règles relatives à la protection des renseignements à caractère confidentiel. Dans la loi, on retrouve des dispositions à ce sujet. Encore là, le principe qui nous guide, c'est de permettre au Mouvement Desjardins de s'autoré-glementer, mais on a toujours une porte de sortie parce qu'on dit: Si l'inspecteur ou le ministre n'était pas satisfait de l'autoréglementa-tion, nous avons des dispositions réglementaires qui nous permettraient d'intervenir. Je n'ai pas l'article exactement, mais on a une disposition concernant la protection des renseignements à caractère confidentiel qui irait dans le sens de vos appréhensions. J'ai reçu des plaintes de courtiers d'assurances qui nous disaient: Écoutez, l'information court trop librement à l'intérieur d'une caisse et il faudrait absolument qu'il y ait des directives à ce sujet. Je me réfère en particulier aux pouvoirs réglementaires du gouvernement, à l'article 501, où on dit: "Le gouvernement peut, par règlement: 11° déterminer des conditions et restrictions à la circulation de l'information à l'intérieur d'une caisse ou d'une fédération, ou entre une caisse et les personnes morales faisant partie du même groupe que la fédération à laquelle elle est affiliée, ou entre une caisse ou une fédération et une personne intéressée, afin de réduire les risques de conflits d'intérêts." Si on l'a mis là, c'est à la suite de vos recommandations et on n'a pas du tout l'intention de l'abroger. Nous aurons donc les outils pour discipliner les gens, si nécessaire. On espère que ce ne sera pas nécessaire, mais si ça l'est, nous aurons des dispositions réglementaires extrêmement importantes.

Votre dernière recommandation touche l'extension des pouvoirs de la caisse en vue de lui permettre de distribuer de l'assurance IARD. J'ai noté dans votre propos empreint de sagesse que vous mettez de l'avant ce que j'appellerais une politique progressive. Vous dites: Écoutez, nous provenons d'un système où les quatre piliers étaient indépendants; nous nous dirigeons de toute évidence - je n'ai jamais caché nos intentions là-dessus - vers une politique où il y aurait un décloisonnement des institutions financières. Je ne sais pas si j'interprète mal vos propos, mais vous dites, dans le fond: Si c'est vrai qu'on part de A pour aller à B, laissez-nous le temps de nous ajuster. Ce n'est pas une chose facile à faire que de graduer ce genre de décision et ce serait difficile de faire des consensus continuellement, mais il est vrai que, pour moi, ce qui est prioritaire - c'est pour cela que j'essaie de travailler le plus rapidement possible; malheureusement, on est pris avec des priorités qui ne sont pas toujours convergentes - c'est le décloisonnement des intermédiaires. Je redis aujourd'hui qu'il est vrai que pour vous permettre de survivre et même de vous développer, il faut absolument vous donner des moyens, par une nouvelle loi touchant les courtiers d'assurances et les intermédiaires en général, de développer de nouveaux produits, de profiter du décloisonnement et non pas de vous faire avaler par un groupe qui est considéré par plusieurs comme étant trop considérable présentement. C'est une question d'évaluation. J'ai pris bonne note de votre philosophie que je qualifierais de progressiste, à savoir que s'il y avait moyen pour le gouvernement de graduer ces changements, ce serait la meilleure façon de le faire.

C'étaient les quelques commentaires que j'avais à faire et je reviendrai par la suite, si nécessaire, M. le Président.

Le Président (M. Després): Merci, M. le ministre.

Vous avez la parole, M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, je voudrais remercier l'Association des courtiers d'assurances de son mémoire. À la page 3, en citant la Fédération canadienne des entreprises indépendantes, l'association fait allusion a la multiplication et à l'augmentation des frais de services exigés par les institutions de crédit et de dépôt et elle parle de frais directs et indirects, etc. Ce matin, j'ai cru comprendre que le Mouvement

Desjardins a indiqué qu'il était d'accord pour que l'obligation de divulgation soit comprise dans le projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Est-ce que les courtiers accepteraient de se soumettre aux mêmes règles de divulgation des frais qu'ils exigent de leurs clients? (17 h 30)

Le Président (M. Després): M. le président.

M. La vigueur: Si vous me permettez, je voudrais répondre à la question en soulignant deux points de vue qui sont, à mon sens, essentiels à l'exercice de notre profession actuellement. De divulguer nos honoraires pour nous, les courtiers, c'est aussi simple que de demander à quiconque de s'informer auprès des assureurs quelles sont les honoraires que nous recevons et comme nous faisons à peu près dix fois l'ouvrage pour ce que nous recevons en rémunération, nous ne sommes sûrement pas opposés à ce que ce soit discuté sur la place publique parce que nous croyons que nous faisons un bon ouvrage pour ce que nous recevons en rémunération.

Ce qui nous préoccupe beaucoup au sujet de votre remarque c'est que si on distribue l'assurance par les courtiers, la règle du jeu sera évidemment appliquée à tout le monde parce que les compagnies sont nombreuses, il y en a au-delà de 100. Le responsable aux institutions financières le sait bien. Elles sont nombreuses et très compétitives. À cause de cela, il faut faire une règle du jeu qui est de donner une distribution équitable à chacun. Je pense que nous avons reçu dans le passé plus d'aide à la distribution, pour les courtiers en tout cas, par le moyen des produits que par le moyen économique C'est pour cela que nous avons chez nous des groupements qui pensent qu'il est important de représenter le côté économique dans le moment. Quand la distribution serait faite par des institutions de type épargne et crédit, il arrive que le geste de la distribution répétitive par les services qu'on donne, par exemple une police automobile ou ailleurs, pourraient se cacher à l'intérieur d'une rémunération qui ne serait pas l'objet d'un contrat qu'on appelle le contrat d'agence dans notre cas. Là, les règles du jeu sont très différentes

Je vous donne un exemple très précis, M le Président. Si je distribue une assurance automobile pour 12 % d'une prime de 300 $, je reçois 36 $, peu importe le nombre d'heures que je passerai dans l'année à recevoir les demandes de changements d'automobiles, les changements de créanciers ou les rencontres à la suite d'un sinistre. Si je peux, à l'intérieur de mon système, imposer pour chaque fois que je donne une réponse, un papier ou que je remets un document à mon client, ce que j'appelle des frais de service, là ma rémunération n'est plus fixée au début du contrat, elle est en pleine expansion tout au fur et à mesure. Donc, pour nous les courtiers de divulguer, c'est là ma réponse à la question que vient de me poser M. le député de l'Opposition, il y aurait deux temps, deux mouvements, à cette réponse. Le courtier dirait: Oui, je dévoile une rémunération fixe pour l'ensemble de mon contrat et le mouvement à qui on demanderait de faire la même chose répondrait: Voici ma rémunération par acte. Mais lui, le multipliant tant de fois par année, le résultat final du côté du mouvement serait sûrement en ampleur si ce n'est pas d'autres façons, plus grand que ce que nous recevons. Nous ne serions pas traités équitablement et nous pensons que nous devrions au moins pouvoir avoir les mêmes règles du jeu.

Le Président (M. Després): Merci, M Lavigueur.

M. le député de Lévis.

M. Garon: C'est toujours dans une perspective de protection du consommateur. Vous vous êtes référé à la protection du consommateur. Je pense bien qu'ici on se réfère à la protection du consommateur et non pas à la protection des institutions. Est-ce que vous seriez prêt à ce que les courtiers aient les mêmes obligations? Il est question d'obligation légale pour les caisses d'épargne et de crédit dans la loi de divulgation des frais de services, des taux payés pour les dépôts avec toute la liste, les taux imposés pour les emprunts selon les catégories, les frais de services. Si je paie un compte de Bell Canada, combien cela coûte-t-il? Si je ferme un compte d'épargne, combien cela coûte-t-il, tous les frais imposés. C'est une question d'obligation légale.

On dit que les caisses et les banques, c'est pareil. Il est question actuellement dans la révision de la loi de l'obligation légale de divulgation de tous les frais de services imposés par les caisses d'épargne et de crédit, ce à quoi ils ont acquiescé ce matin. C'est ce que j'ai compris en tout cas.

Est-ce que les courtiers, dans le domaine de l'assurance, sont prêts à ce que ce soient les mêmes obligations concernant les compagnies d'assurances, les courtiers, les agents d'assurances pour l'information des consommateurs pour qu'ils sachent ce qu'ils paient en termes d'assurances et en termes de commissions ou de frais de services qui ne sont pas de l'assurance proprement dite, puis les frais de services aussi Quand vous dites: les services rendus, combien le consommateur paie-t-il pour cela, toujours dans la même prespective de protection du consommateur? Là on parle de concurrence entre les institutions financières. Il faudrait que les gens soient soumis aux mêmes règles. C'est pour cela que je vous demande: obligation légale que définira le législateur dans un projet de loi. D'ailleurs, le législateur nous dit qu'au nom du gouvernement le ministre devait déposer cet automne un projet de loi sur les intermédiaires financiers. Alors les intermédiaires de marché, qu'est-ce que vous en pensez? Êtes-vous d'accord pour que les mêmes obligations de divulga-

tion par rapport aux caisses d'épargne et de crédit existent aussi dans le domaine de l'assurance et pour ses agents également?

Le Président (M. Després): M. Lavigueur.

M. Lavigueur: Merci, M. le Président. Je suis content que M. le député insiste pour avoir ma réponse. Elle sera plus incisive la deuxième fois que la première. Si on doit donner une divulgation de la rémunération d'un contrat dans le cas des courtiers et une rémunération - ce que j'appelle honoraires au compteur - dans le cas des institutions d'épargne et de crédit, il ne s'agit sûrement pas des mêmes choses. Je compare des pommes avec des pommes. Je pense que vous nous demandez de déclarer au public ce que nous recevons comme rémunération, alors que notre rémunération est fixe et invariable et elle fait partie du prix d'achat du service qu'il vient chercher chez nous. Si on paie une prime d'assurance de 352 $ et que les 36 $ que je vous ai mentionnés tantôt sont inclus à l'intérieur, il ne peut plus changer. Alors, quelle divulgation additionnelle voulez-vous que je donne au consommateur à part que s'il n'est pas satisfait du prix total quand il vient chez nous, qu'il aille ailleurs et j'ai perdu mon client? Mais Desjardins pourrait continuer, parce que c'est au compteur que l'on parle Divulgation au compteur veut dire: Donnez-moi le taux horaire et je finirai par savoir combien cela va coûter. Cela peut coûter drôlement cher, pas mal plus cher que 36 $ pour une police d'assurance automobile.

Vous voulez nous faire dire que c'est la même chose, mais ce n'est pas la même chose. On ne pourrait pas divulguer sur la même base, à moins que vous nous donniez un taux horaire et à ce moment-là le public devrait payer pas mal plus cher pour la même police automobile.

M. Garon: Dans une perspective de divulgation, il s'agit que le consommateur puisse savoir ce qu'il paye et pourquoi. Alors, s'il encaisse un chèque, on dit: C'est 0, 40 $ par chèque, puis si tu as 100 $ de dépôt, dans ton compte d'épargne avec opérations, tu as un chèque gratuit par 100 $, mais il le sait. C'est ce que l'on demande, l'obligation légale d'indiquer ces choses-là. Par exemple, si les différentes compagnies ne paient pas le même montant au courtier, cela devrait être divulgué, pour le consommateur, c'est cela la protection, c'est qu'il puisse savoir ce qui se passe: combien paie-t-il pour son assurance, de frais de commission et de frais de courtage ou de frais de services que vous rendez? Je n'ai jamais prétendu que vous ne rendiez pas de service, mais combien cela coûte-t-il? De la même façon qu'il le saura par rapport aux caisses d'épargne et il pourra changer de caisse. Si une caisse demande un montant et une autre demande un autre montant, il dira: Je change.

Il faut que ce soient les mêmes obligations par rapport aux différentes institutions finan- cières. C'est cela au fond que je veux dire. Il faut que tout le monde soit traité équitablement, en fonction de l'information au consommateur et pour que le consommateur puisse évaluer tout cela, mais en fonction d'obligations légales intelligentes déterminées par le législateur.

M. Lavigueur: Encore une fois, M. le Président, nous souscrivons à toute réglementation qui traiterait tous les intermédiaires sur le même pied. Nous croyons que lorsqu'on vient acheter un produit chez nous, le fait d'avoir été intermédiaire pour le public est inclus dans le prix que paie le consommateur. Cela ne demande pas de spécification, mais quand je vais déposer 100 $ à la banque, si on me retire 0, 35 $ par semaine par la suite, évidemment je devrai savoir au bout de l'année combien il me restera. Cela demande peut-être une spécification du taux horaire. Ce sont deux choses différentes. Notre grand souci et vous l'avez bien dit, M. le député de l'Opposition est de protéger le consommateur, mais nous l'avons traité ce point-là en disant que nous croyons que nous sommes déjà aux confins de la compétition la plus féroce et que nous ne pouvons pas aller plus loin que dire au consommateur. Voici le prix final de la transaction pour laquelle vous avez demandé notre médiation. Lui divulguer autre chose que la portion de ce que l'on garde à l'Intérieur de ce service que nous donnons, ne ferait qu'imposer la même obligation au cultivateur, lorsque justement, M. le Président, M. le député de l'Opposition va bien comprendre mon exemple: quand le cultivateur va sur le marché et qu'il présente son chou au consommateur, il devrait peut-être lui dire: C'est 0, 25 $, mais j'ai 0, 07 $ pour mon service. Ce serait un peu aberrant. Il faudrait aller jusque-là si on est pour avoir une divulgation aussi claire auprès du consommateur.

Le Président (M. Després): Merci, M. Lavigueur. La parole est au député de Mille-Îles.

M. Bélisle: M. Lavigueur, vous avez très bien compris et l'exemple des choux et des pantalons, l'exemple de tout bien qui est offert en vente au Québec. Le député de Lévis mélange les tomates avec les bananes, les choux avec... Je ne comprends pas son truc. Quand il nous parle de divulgation de frais de services, c'est une infime partie des revenus d'une institution financière, soit une banque ou une caisse d'épargne et de crédit. Il faudrait peut-être, si on voulait être juste et avoir un véritable tableau... Là, je ne suis pas sûr, M. le député de Lévis et je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi, M. Lavigueur, que le Mouvement Desjardins serait prêt à déclarer ses écarts entre les taux chargés sur l'hypothèque et le montant auquel il emprunte les sommes d'argent qu'il a besoin pour se permettre d'avoir une opération de prêts. Là, on pourrait commencer à voir si Desjardins est

véritablement compétitif, que Desjardins donne les meilleurs..., combien cela coûte au consommateur. C'est cela qu'on devrait avoir comme divulgation. J'attends une proposition du député de Lévis parce que... Où je suis totalement étonné, c'est que je regarde des propositions évangéliques, que le député de Lévis va certainement appuyer parce que c'est la proposition principale de leur prochain programme électoral que j'ai dans les mains, 7.3: "Le gouvernement favorisera la propriété et la gestion coopérative des institutions financières." Voilà! Le chat est sorti du sac L'uniformisation tout le monde va déclarer ses taux. Il va y avoir un Québec unique, une façon normale de fonctionner. Ce seront toutes des coopératives. On va les favori ser. On va tous fonctionner... L'entreprise privée, c'est trop compliqué. On ne connaît pas cela, de toute façon, on n'en fait pas partie. C'est votre "bag", mais j'aimerais bien savoir, effectivement, comment vous allez favoriser la propriété et la gestion des coopératives des institutions financières au Québec. Si vous voulez rendre coopératif le mouvement La Laurentienne, M le député de Lévis, j'attends vos suggestions. J'ai bien hâte de voir votre chef là-dessus.

Cela étant dit, je vais vous parler d'autres sortes de divulgations, M. Lavigueur, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez Comme citoyen, comme Individu, est-ce que vous êtes membre d'une caisse d'épargne et de crédit, M. Lavigueur?

M. Lavigueur: Je l'ai été longtemps. M le Président.

M. Bélisle: Vous ne l'êtes plus maintenant, si je comprends bien.

M. Lavigueur: C'est bien cela.

M. Bélisle: Ah bon, je comprends! Est-ce que c'est...

M. Lavigueur: Pour les mêmes raisons que vous pouvez penser.

M. Bélisle: Ah bon! Est-ce que c'est depuis récemment que vous n'êtes plus .

M. Lavigueur: Ah non, non!

M. Bélisle: Non.

M. Lavigueur: Cela fait quelque temps.

M. Bélisle: Vous avez déjà compris. Divulgations additionnelles, salaires, fonds de retraite, avantages sociaux. Est-ce que vous pensez que ce serait bien que le sociétaire, le coopérant, celui qui est membre d'une caisse locale sache, connaisse les salaires, les avantages sociaux, et les fonds de retraite que les gens obtiennent et gagnent au niveau d'une fédération ou d'une confédération? Est-ce que ce serait normal de savoir que dans les services qu'il paie dans son chèque au comptoir, les 0,30 $ qui sont chargés, le 11/2 % ou les 2 % qui sont chargés sur son hypothèque, ce que cela lui coûte de services, qu'est-ce que la caisse ou sa caisse accepte de déléguer à la fédération pour payer les gens qui occupent des postes et qui soi-disant rendent des services en retour à ces coopérants? Est-ce que vous trouvez cela normal ou anormal de connaître cela un petit peu, qu'il y ait une divulgation totale, complète, sans maquiller la véritable situation financière d'une entreprise?

M. Lavigueur: M. le Président, c'est difficile de répondre parce que c'est hors de notre mandat. Nous avons quand même à oeuvrer dans un système très compétitif et, pour nous, la même opération serait très difficile à exercer. AJors, je ne voudrais pas me prononcer sur celle que pourrait avoir, éventuellement, un mouvement comme celui que vous décrivez.

M. Bélisle: Pas d'autre question, M. le Président.

Le Président (M. Després): Oui si, avec le consentement du député de Lévis, est-ce qu'on pourrait permettre une courte question au ministre?

M. Garon: Les règles, le règlement.

Le Président (M. Després): C'est le règlement, M. le député. Je m'excuse, M. le ministre, la parole est au député de Lévis. (17 h 45)

M. Garon: C'est parce que je suis partisan du principe que si un règlement est bon on le garde, s'il n'est pas bon on le change. On ne le laponne" pas. M. Lavigueur a dit tout à l'heure, M. le Président, une phrase que j'ai bien aimée, puisque on aime bien les phrases souvent avec lesquelles on est d'accord, mais quand il a dit: Ou bien on décloisonne, ou bien on ne décloisonne pas. Je ne sais pas s'il était ici juste un peu auparavant quand il y avait le Regroupement des cabinets de courtage, je disais justement que c'est le choix que devrait faire le gouvernement: il décloisonne ou il ne décloisonne pas. Mais s'il ne décloisonne pas, il ne décloisonne pour personne et s'il décloisonne, il décloisonne pour tout le monde. Ce ne peuvent pas être deux régimes en disant qu'un type d'institutions financières va pouvoir faire toutes les opérations et qu'un autre type, lui, va être cantonné dans son champ. Je pense par exemple à une loi, la Loi sur les assurances; en 1984, quand le ministre des Finances du temps qui était le plus cohérent disait qu'il décloisonnait mais il la donnait aux compagnies d'assurances, à l'article 33.1, qui dit: Toute compagnie d'assurances conçue en vertu des lois du Québec peut, entre autres, e) offrir en vente les produits d'une

institution financière." Alors, les compagnies d'assurances ont ce pouvoir-là. À l'article 33.2, en plus des autres, comme fournir le financement des primes d'assurances et des cotisations de rentes, faire du crédit-bail, gérer des immeubles même, exercer à l'égard des contrats de rentes qu'elle administre et des sommes assurées qu'elle conserve pour le bénéfice d'autrui des activités de compagnies de fidéicommis, une compagnie d'assurances peut exercer ces activités-là, elle peut en exercer en vertu de la Loi sur les fidéicommis, exercées à l'égard des activités pour lesquelles une autre loi lui reconnaît compétence des activités d'une compagnie de fidéicommis. Elle peut exercer en vertu de la Loi sur les compagnies de fidéicommis. En plus, à l'article 33.2, qui disait: ... Puis il s'agissait là de pouvoirs supplémentaires, remarquez bien, uniquement de pouvoirs supplémentaires en plus des pouvoirs généraux. On disait à l'article 33.2: Le ministre peut autoriser une compagnie d'assurances à exercer une activité autre que celles prévues à l'article 33.1. Le ministre pouvait donner en plus des pouvoirs additionnels. Là je remarque qu'on semble d'accord pour faire en sorte qu'il n'y ait pas décloisonnement pour les caisses d'épargne et de crédit mais on ne dit pas un mot concernant les pouvoirs qu'on donnait aux compagnies d'assurances dans une perspective de décloisonnement. Alors, c'est la question que j'aimerais vous poser. Est-ce que vous aimeriez que les compagnies d'assurances reviennent cantonnées aux secteurs où elles étaient avant la loi de 1984 ou considérez-vous que d'une façon équitable on devrait traiter les quatre piliers de la même façon, y inclus les caisses d'épargne et de crédit comme le législateur a traité les compagnies d'assurances?

Le Président (M. Després): M Lavigueur.

M. Lavigueur: Merci, M. le Président Non, notre souci est plutôt relié à voir à ce que tous les éléments de ce casse-tête qui s'appelle le décloisonnement entrent à leur place dans un délai quand même raisonnable pour que, au moment où, M. le Président, comme dit M. le député de l'Opposition, que s'il y avait un temps défavorable à quiconque, ce serait justement parce que les morceaux ne sont pas encore en place et que certains profitent - parce que là on parle dans le milieu des affaires, quand cela bouge - justement du fait que l'un doit attendre avant que l'autre rentre en action. Ce qui nous fait peur dans le moment, je vais vous le dire, c'est que nous avons des représentations à notre bureau qui ont été, je pense, adressées au ministre aussi et aux institutions financières. Les représentations du public sont les suivantes: Si c'est vrai que je peux avoir tel ou tel service ailleurs, pourquoi ne puis-je l'avoir chez vous? Nous expliquons que tout cela va découler des différentes lois qui vont faire que le décloisonnement sera un ensemble harmonieux et c'est cela qui nous inquiète. On sait que le ministre fait son possible pour arriver à nous donner tout cela dans un temps raisonnable mais nous croyons, comme vous le dites, comme le dit monsieur le député de l'Opposition, qu'il pourrait y avoir un désavantage réel si, parce qu'on a arrêté certaines permissions et qu'on en permet d'autres, qu'entre les deux, il y ait évidemment des inconvénients à la population.

Nous croyons quand même que le gouvernement est très conscient de ce point de vue et nous l'avons déjà exprimé lors de la commission parlementaire du 2 juin. Nous la redisons ici, suite à votre question, nous sommes sastisfaits à condition que tous les éléments du casse-tête viennent fermer le cercle que l'on appelait autrefois une compétition cloisonnée et qu'on appellera demain la compétition décloisonnée. La règle du jeu est que si elle est cloisonnée, elle le sera pour tout le monde et si elle est décloisonnée demain, elle le sera pour tout le monde. Entre les deux, faisons attention qu'on ne prenne pas avantage justement, comme le public nous dit en ce moment, parce que les règles ne sont pas encore précisées si vous voulez, qu'on ne joue pas dans le territoire des autres en prétextant que cela viendra, mais nous n'avons pas encore les règles du jeu.

Les intervenants qui sont venus ici devant la commission parlementaire ont essayé d'exprimer le fait qu'ils voulaient avoir ces permissions additionnelles et nous disons, quand ils les auront, qu'ils pourront le faire. En ce moment, ils ne les ont pas et ils ne devraient pas le faire.

M. Garon: Les compagnies d'assurances ont le pouvoir de décloisonner à l'heure actuelle, la loi est claire. Est-ce que vous croyez que les pouvoirs qui ont été donnés aux compagnies d'assurances par la loi de 1984 devraient être accordés aux caisses d'épargne et de crédit tels quols?

M. Lavigueur: Je pense, M. le Président, que le député de l'Opposition doit savoir que mon groupe et mol vivons tous les jours dans un vécu, dans un jour le jour, qui nous montre que ce n'est pas parce que 1984 est passé puis que 1988 ou 1989 s'en vient que les gens ont arrêté d'évoluer. Il se passe dans le champ des choses, en ce moment, qui sont un peu difficiles à comprendre mais nous comprenons que nous passons d'un ensemble de lois qu'on appelait cloisonné comme le dit monsieur le député de l'Opposition avant 1984. Maintenant, après 1988 ou 1989, je ne le sais pas, aussitôt qu'on aura fini tout cela, ce sera un ensemble de lois décloisonné.

En ce moment, des gens qui sont partis ni de l'un ni de l'autre viennent évidemment proposer des façons, à nous les intermédiaires, de représenter leurs services au public et nous sommes un petit peu mêlés face aux interpréta-

tions que font les uns et les autres mais c'est normal que le législateur prenne le temps, comme disait M le ministre, de bien réfléchir avant de mettre toute cette législation en branle. Nous sommes confiants qu'on y arrivera.

Le Président (M. Després): Merci, M La vigueur. M. le député de Lévis.

M. Garon: Concernant l'article 216, vous avez indiqué, remarquez bien qu'on est d'accord, qu'il faudrait procéder beaucoup plus par amendements plutôt que par décret ministériel pour changer les secteurs d'activités d'une institution financière. Par ailleurs, seriez-vous d'accord que le ministre fasse également des amendements aux lois existantes pour que ce soit vrai également des pouvoirs qu'il a donnés à d'autres, notamment dans le domaine de l'assurance? Il a donné ces pouvoirs récemment et il le sait.

M. Lavigueur: Le but de notre intervention, M. le Président, est de dire à tout le monde ici à la commission parlementaire que nous voulons avoir des règles du jeu identiques pour tous les intervenants. Si ce que vous suggérez, M. le député de l'Opposition, c'est justement que ces règles du jeu soient les mêmes pour tout le monde, nous souscrivons comme vous à ce souhait. C'est cela qu'il faut viser

M. Garon: Je vous remercie.

Le Président (M. Després): M. le ministre

M. Fortier: Dans votre mémoire, M. Lavigueur, à la page 7, on dit: Dans un autre ordre d'idées, l'association croit également que la commission devrait se pencher sur la portée exacte de l'article 228. Le Regroupement des bureaux de courtage avait évoqué cet article On n'a pas eu l'occasion d'en discuter. Je pense qu'il a une certaine importance dans la mesure où vous voudriez, ou enfin ceux qui ne sont pas directement partie à une transaction.. Je pense bien que c'est votre appréhension. Vous vous posez la question: Est-ce qu'on pourrait intervenir? Avec votre permission, M. le Président, j'aimerais demander à M. Bouchard d'expliciter l'analyse qui a été faite de l'article et des considérations qu'on voudrait évoquer avec vous.

Le Président (M. Després): M Bouchard

M. Bouchard (Jean-Marie): M le Président, c'est que le projet de loi prévoit que la caisse d'épargne et de crédit est une corporation par objets qui est nettement prévue à l'article 211 qui dit qu'elle a la pleine jouissance des droits civils dans la réalisation de ses objets, par opposition, par exemple, à une corporation axée par la partie 1a de la Loi sur les compagnies qui n'a plus d'objet et qui a la capacité juridique d'une personne physique, comme vous le savez.

Ayant la capacité d'une corporation par objet s'oppose évidemment la question de l'ultra vires. Vous connaissez la jurisprudence à savoir que, jusqu'à ce que les corporations soient créées par lettres patentes, on se posait la question d'invoquer la nullité des actes par une corporation lorsque cela pouvait excéder ses objets ou pas. Ce que l'article 228 dit, le mot "tiers" comprend évidemment toute personne qui n'est pas partie à un acte dune caisse. Une personne qui est partie à un acte d'une caisse ou d'un jugement liant la caisse où une personne n'est pas un tiers au sens de l'article 228 pourrait invoquer l'ultra vires des pouvoirs d'une caisse. Par ailleurs, les autres personnes qui, comme telles, n'auraient pas d'intérêt direct avec la caisse ne pourraient pas attaquer les actes d'une caisse pour le motif d'ultra vires, mais pourraient le faire pour toute autre raison d'incapacité ou de nullité, par exemple, observance d'une procédure, observance des règles du Code civil, de telle sorte que c'est pour empêcher que des individus puissent invoquer constamment la règle de l'ultra vires en dehors des cas qui sont nécessaires pour la protection de leurs droits dans leurs relations contractuelles avec la caisse. Et c'est un article qui n'est pas nouveau. C'est un article qui a été repris de l'article 32 de la Loi sur les coopératives et qui est au même effet.

D'un autre côté, l'article 228 est complété par l'article 223 et c'est très important. L'article 223 dit très bien que, non seulement un inspecteur général, mais toute personne qui a un intérêt suffisant, peut demander au tribunal l'annulation d'une transaction susceptible de léser gravement les intérêts des membres de la caisse et qui a été conclue avec une personne intéressée ou avec une personne liée à un dirigeant de la caisse, contrairement aux dispositions de la présente loi. Alors l'intérêt suffisant qui est prévu à l'article 223 est celui qui est prévu à l'article 55 du Code de procédure, de telle sorte qu'il est clair qu'il s'agit d'un intérêt direct, personnel, immédiat, tel que dégagé par la jurisprudence, et on n'a pas à prévoir ici dans la loi ce qui est considéré comme étant un intérêt suffisant Donc, explicitement, l'article 228 comprend toute personne. Cela comprend toute personne, y compris le ministre, y compris l'Inspecteur général, y compris, en somme, tout, sauf les personnes qui sont directement liées à l'acte et qui, elles, pourraient invoquer la cause ultra vires lorsqu'elles sont en relations contractuelles avec la caisse.

Le Président (M. Després): Merci, M Bouchard. M. Lavigueur.

M. Lavigueur: M. le Président, j'aurais une question à la suite de l'explication qu'on vient d'avoir et qui est très appréciée, en passant. M. le Président, est-ce qu'il se pourrait qu'une fédération d'associations de consommateurs telle que la Fédération nationale des associations de

consommateurs du Québec soit incluse dans la définition qu'on vient de nous donner?

Le Président (M. Després): M. Bouchard

M. Bouchard: Pour répondre à cette question, il faut vérifier les pouvoirs que possède la fédération. Il s'agit de savoir si une association a le droit de parler au nom de ses membres. À ce moment-là, il s'agit de savoir si l'arrêt Finley s'applique ou pas, et ce qui est prévu ici, ce n'est pas l'intérêt public comme tel, c'est l'intérêt des individus. Alors il appartiendrait aux tribunaux de déterminer si elles ont l'intérêt de le faire ou pas.

Le Président (M. Després): Cela va? M. La vigueur: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Després): M. le ministre, est-ce que vous avez d'autres questions?

M. Fortier: Je crois qu'on a fait le tour du sujet. Je ne sais pas si le député de Lévis veut conclure.

Le Président (M. Després): M. le député de Lévis, est-ce que vous avez d'autres questions? On va vous inviter à conclure.

M. Garon: M. le Président, je voudrais remercier l'Association des courtiers d'avoir présenté son mémoire et fait valoir son point de vue, parce que le but de la commission parlementaire est de bien cerner la vision des choses de ceux qui viennent témoigner en commission. Mon but à cette commission a été d'essayer d'explorer la pensée, de donner la chance à ceux qui étaient devant nous de faire davantage connaître leur pensée concernant toute cette question de la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit et aussi sur le décloisonnement des institutions financières, dans lequel le gouvernement s'est engagé par la déclaration du mois de mars 1987, laquelle allait dans le même sens que ce que voulait faire le ministre des Finances du précédent gouvernement, peut-être pas dans toutes les modalités, mais en termes d'objectif de décloisonnement. Je vous remercie d'être venus et d'avoir fait valoir les représentations de votre groupe.

Le Président (M. Després): M. le ministre.

M. Fortier: On a toujours des relations suivies. On va continuer à en avoir. Il est important de faire part de vos remarques publiquement, Une commission parlementaire est un lieu privilégié pour le permettre à tous ceux qui nous écoutent et à tous ceux qui viennent en commission, et par le biais des journaux, le public est quelquefois informé de ce qui se passe Ici. C'est enregistré au Journal des débats.

Je crois qu'il est important que vous témoigniez, que nous en prenions connaissance et que nous puissions vous poser des questions pour préciser votre mémoire. Je vous remercie d'être venus de Montréal et de visiter Québec, comme nous l'apprécions tous, nous Montréalais. Merci.

Le Président (M. Després): Au nom des membres de cette commission, j'aimerais remercier l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec d'avoir participé à cette commission. M. Lavigueur.

M. Lavigueur: J'ai un mot de la fin, M. le Président, si vous me le permettez.

Le Président (M. Després): Oui, avec plaisir.

M. Lavigueur: Merci beaucoup. Nous sommes 5700 membres de 2300 ou 2400 cabinets qui sont essentiellement partie des 97,4 % que forment les petites entreprises de moins de 20 employés du Québec qui, semble-t-il, selon les statistiques que nous avons lues dernièrement dans les journaux du Québec, ont donné quelque 250 000 emplois et plus aux Québécois. Ces entreprises ont besoin de regroupements comme le nôtre pour s'exprimer. Il nous a fait plaisir de vous dire que nous sommes très confiants que l'avenir des Québécois passera par ces petites entreprises que nous représentons avec beaucoup de fierté. Merci de nous avoir écoutés.

Le Président (M. Després): Merci, M. Lavigueur.

Nous ajournons nos travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 01)

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