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(Dix heures quatorze minutes)
La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre,
s'il vous plaît!
La commission du budget et de l'administration est réunie ce
matin afin d'entreprendre l'étude des crédits budgétaires
du ministère des Finances pour l'année financière
1989-1990, soit les programmes 1 à 5 et 8.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Mme
Bélanger (Mégantic-Compton) remplacera M. Lemieux (Vanier).
La Présidente (Mme Bélanger): Une période de
trois heures a été allouée pour l'étude des
crédits de ces programmes. Nous commencerons par les remarques
préliminaires de M. le ministre et du porte-parole de l'Opposition
officielle. Nous aurons une audition d'une heure avec Loto-Québec ainsi
qu'une audition d'une heure avec la Caisse de dépôt et placement.
Le reste de l'enveloppe sera réservé à un débat
général sur l'ensemble des programmes. Le tout sera adopté
à la fin des trois heures allouées.
M. le ministre, est-ce que vous avez des remarques
préliminaires?
Remarques générales M. Gérard D.
Levesque
M. Levesque: D'abord, Mme la Présidente, je tiens à
vous assurer de ma meilleure collaboration tout en vous félicitant du
poste que vous occupez ce matin de façon particulière,
étant donné que vous assumez la présidence en l'absence de
notre collègue, le député de Vanier. D'avance, je vous
fais pleinement confiance. Je suis sûr que nous pourrons bien cheminer
ensemble et connaissant tous vos talents et votre diplomatie, que vous
présiderez cette commission de façon positive au cours de cette
période.
Je voudrais, dès ce moment, indiquer que c'est avec regret et des
sentiments mêlés, parce qu'il y a de la tristesse et,
évidemment, sur le plan politique, toutes sortes d'autres sentiments que
l'on peut deviner, que j'ai appris la décision de notre collègue
et critique de l'Opposition, le député de Bertrand, qui nous a
annoncé hier qu'il allait nous quitter à la fin de son mandat. Je
tiens à l'assurer de mon amitié indéfectible et à
lui dire également combien j'ai apprécié son travail,
même dans les moments où il a été un critique que,
quelquefois, j'appréciais moins sur le moment. Mais, en regardant sa
contribution dans l'ensemble, je tiens à lui dire toutes mes
félicitations pour le travail professionnel qu'il a fait au cours des
années qu'il a passées avec nous.
Je tiens en particulier à souligner son objectivité, son
sens du devoir, son assiduité, sa ponctualité, la gentil hommerie
dont il a fait preuve même dans les moments les plus difficiles. Je tiens
à lui offrir mes meilleurs voeux quant à la poursuite de cette
vie qu'il a voulue, en grande partie, au service des autres. Je suis convaincu
qu'une nouvelle carrière, sans doute aussi remplie, l'attend. De
nouveaux défis seront également sur sa route. Je suis sûr
qu'il saura les relever comme il a relevé les autres jusqu'à
maintenant.
À ce moment-ci, Mme la Présidente, je voudrais attirer
l'attention de la commission sur le fait que les crédits à
être votés, les programmes 6 et 7, c'est-à-dire ceux de la
Commission des valeurs mobilières du Québec et de l'inspecteur
général des institutions financières, seront
discutés ultérieurement avec mon collègue, le ministre
délégué aux Finances et à la Privatisation. Nos
discussions n'auront donc pas à porter sur ces crédits. C'est
pourquoi le document que vous avez en main ne fait pas non plus
référence aux crédits de ces programmes.
Je voudrais également vous souligner que nous allons nous
conformer avec plaisir à l'ordre du jour que vous nous avez
indiqué. J'ai d'ailleurs consulté mon collègue, le
député de Bertrand, à cet égard. Il semble bien
d'accord pour que nous procédions comme vous l'avez vous-même
indiqué, Mme la Présidente, sûrement après
consultation également.
Nous pourrions peut-être entendre, comme vous l'avez
mentionné, d'abord le président-directeur général
de Loto-Québec et, par la suite, le président-directeur
général de la Caisse de dépôt et placement du
Québec. Ces deux messieurs sont accompagnés de personnes qui
occupent divers postes d'importance dans ces institutions. Pour le moment, si
vous êtes d'accord, j'inviterais M. David Clark, qui est le
président-directeur général de Loto-Québec,
à se mettre à la disposition de la commission pour
répondre aux questions pertinentes qui l'attendent sans doute. Merci,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
ministre. Mais avant d'entendre le président-directeur
général...
M. Levesque: Quant à mes remarques d'introduction, je
préférerais les garder pour les faire au moment où nous
aborderons les crédits proprement dits. Étant donné qu'il
va se passer un certain nombre d'heures entre les deux, je pense que ce serait
peut-être mieux que j'attende ce moment-là.
La Présidente (Mme Bélanger): D'accord, M. le
ministre. M. le député de Bertrand, voulez-
vous faire vos remarques préliminaires immédiatement?
M. Jean-Guy Parent
M. Parent (Bertrand): Très brièvement, Mme la
Présidente. Je pense qu'on va essayer de consacrer le maximum de temps
à nos deux P. -D. G., représentants de sociétés
d'État importantes qui relèvent du ministre des Finances. De
brefs commentaires. D'abord, sur le plan de la logistique, on s'est mis
d'accord, M. le ministre et moi-même, sur cette façon de
procéder, soit qu'on leur consacre le maximum de temps. Au sujet des
crédits, il est bien sûr qu'il n'y a pas énormément
de questions. Donc, pour moi, je voudrais accorder le maximum de temps aux deux
présidents de ces sociétés d'État, en
commençant d'abord par M. Clark, qui est président-directeur
général de Loto-Québec. Je souhaite la bienvenue à
M. Clark de même qu'à madame, qui est vice-présidente aux
ressources humaines, si j'ai bien compris.
Quelques commentaires très brefs aussi à la suite des
propos du ministre des Finances à mon égard. Je le remercie.
À l'écouter, j'aurais presque le goût de rester maintenant.
Cela n'a pas été une décision facile. Je dois vous dire
que je vais terminer mon mandat. Je vais m'acquitter de toutes les tâches
jusqu'à la fin. Donc, contrairement à ce que certaines personnes
ont pu interpréter ce matin, qui pensaient que je m'en allais, je ne
m'en vais pas. Je ne serai pas là lors de la prochaine campagne, c'est
bien différent. Mais je ne lâche pas, je fais mon boulot jusqu'au
bout.
Je dois dire que, moi aussi, j'ai aimé ma relation avec le
ministre des Finances, un dialogue qui a été franc et parfois
direct lorsqu'il le fallait. Je pense qu'au-dessus de cela on est capable de se
respecter. J'ai toujours voulu faire les choses dans le respect des individus,
même si on n'est pas d'accord sur ce que l'autre pense. Cela doit se
faire, je pense, au-delà des désaccords et il faut être
capable de respecter les individus. Je pense qu'on a établi cette
relation et, pour moi, c'est très important dans mon travail de
représentant de l'Opposition de faire avancer les dossiers.
Ce matin, on a la chance, avec Loto-Québec de même qu'avec
la Caisse de dépôt, d'essayer d'aller un peu plus loin. Le but
n'est pas de faire de la petite politique, mais d'essayer de faire avancer les
choses, d'essayer de corriger les tirs ou d'avoir des éclaircissements.
Je pense que mes collègues membres de la commission sont aussi
très soucieux de cela.
Alors, cela se fait dans cet esprit. En tout cas, en ce qui me concerne,
je n'ai pas changé d'attitude; ça a été cela depuis
quatre ans et j'ai toujours dit que, la Journée où je serais
obligé de faire de la politique autrement, Je n'en ferais pas. Les
raisons qui ont été mentionnées de mon absence aux
prochaines élections sont carrément d'ordre personnel. J'ai le
goût de relever d'autres défis et j'ai besoin de me
ressourcer.
Il faut dire que, selon plusieurs, ça fait à peine quatre
ans. Donc, je suis considéré comme un jeune député,
c'est vrai. Par contre, j'ai accumulé onze années de service dans
la vie publique, dont sept comme maire. Je dois dire qu'onze ans de vie
publique, quand on s'y donne à fond de train, c'est quelque chose.
À cet égard, chapeau au ministre des Finances qui a quelque
trente années et plus de passées. Chapeau! Mais, comme on dit,
chacun doit fonctionner à l'intérieur de ce que lui sent. J'ai
apprécié - je suis sûr qu'on va avoir la chance de le faire
encore, le discours sur le budget s'en vient, M. le ministre - d'avoir à
croiser le fer avec lui. On va essayer de faire ça en gentilhomme, mais
ça risque d'être dur cette année.
Cela étant dit, Mme la Présidente, bien sûr, on va
laisser au président-directeur général de
Loto-Québec le soin de nous faire sa présentation.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député. M. le président, si vous voulez bien vous
identifier et identifier les personnes qui vous accompagnent.
Loto-Québec
M. Clark (David): Bonjour. Cela me fait plaisir d'être ici.
Je m'appelle David Clark, président de Loto-Québec, et je suis
accompagné de Mme Joanne Drapeau qui est notre vice-présidente
aux ressources humaines.
La Présidente (Mme Bélanger): Allez-y.
M. Clark: Bon. Nous venons de terminer l'année
financière 1988-1989 à la fin de mars. Nous avons
dépassé nos objectifs. Donc, une très bonne année
avec un taux de croissance d'environ 12 % et pour le chiffre d'affaires et pour
les bénéfices par rapport à l'année
précédente. Cependant, je dois signaler que l'année
précédente a été une année assez
mouvementée pour nous et notre croissance, cette année-là,
a été de 5 % en ce qui concerne les bénéfices.
Donc, c'est peut-être plus honnête de réunir les deux et de
dire que notre taux de croissance actuel dépasse
légèrement le taux d'inflation. Je pense que la réussite
que nous avons connue cette année est surtout due à une
économie qui allait très bien.
Parmi les produits qui ont connu le plus fort taux de croissance, II y a
les instantanées et la loterie spéciale à 20 $, deux
produits pour lesquels le consommateur a toujours le choix, beaucoup plus de
choix que pour les tirages auxquels il adhère de façon assez
constante. Quand on regarde nos résultats, on voit que les produits qui
ont connu la meilleure croissance sont les produits sur lesquels la situation
économique a un fort impact. On peut dire que c'est
en partie grâce à notre travail et à celui de nos
employés, mais aussi grâce à l'économie.
Loto-Québec s'approche de plus en plus de ce qu'on pourrait
appeler le plafond logique du potentiel du marché des loteries, en ce
sens qu'il sera de plus en plus difficile pour nous de dépasser le taux
de croissance plus le taux d'inflation dans l'économie. Mais je pense
qu'en faisant de bons choix, en pratiquant une saine gestion à long
terme, il y a quand même moyen de poursuivre une croissance qui
dépasse le taux d'inflation en ce qui concerne notre contribution aux
coffres gouvernementaux.
Par ailleurs, je peux dire que je suis assez satisfait de l'état
de notre entreprise. Je suis très conscient que, dans certains cas, nous
causons des problèmes à certains détaillants qui
voudraient bien avoir des terminaux de Loto-Québec. La situation
actuelle est que nous n'avons pas assez de terminaux pour en donner à
tous ceux qui satisfont à nos critères. C'est un problème
avec lequel nous devons vivre. Nous allons présenter une demande au
gouvernement pour ajouter 1000 terminaux afin de répondre à ces
demandes qui sont justifiées.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Bertrand, est-ce que vous avez des questions?
M. Parent (Bertrand): Certainement. Il y a quatre ou cinq volets
que j'aimerais toucher dans le temps qui nous est imparti, Mme la
Présidente. Je dois fonctionner avec le dernier bilan financier au 31
mars 1988. À toutes fins utiles, on a pratiquement une année de
décalage. Peu importe, je pense que les résultats pourront
être commentés et ajustés à l'heure de 1989. Dans ce
cadre, il y a un premier bloc ou un premier volet qui montre, selon l'analyse
que j'en ai faite, que la plupart des loteries: la Mini, Tinter, le jeu
Provincial ou la Super, sont en décroissance, en perte de vitesse et non
pas en croissance. Par contre, II y a eu des augmentations substantielles, au
31 mars 1988 toujours, concernant les instantanées. Alors, il y a certes
des explications que je voudrais avoir.
Le deuxième bloc va toucher à ce qui s'est passé
dans la dernière année, par exemple les fraudes au jeu Provincial
survenues au cours de 1988, donc, de savoir si l'aspect de la
sécurité est bel et bien sous contrôle. Vous comprendrez,
comme je l'ai dit l'année dernière et je le répète,
la crédibilité est très importante. La journée
où Loto-Québec, pour une raison ou pour une autre, perdra de la
crédibilité, de la fiabilité, je pense qu'on aura beau
mettre des millions de dollars en publicité, les gens seront craintifs.
Je ne voudrais pas que ça arrive et je ne pense pas que ce soit le cas.
Par contre, j'aimerais être rassuré. (10 h 30)
L'autre bloc va concerner ce qu'on a appelé dernièrement
la cure d'amaigrissement - la vice-présidente aux ressources humaines
est là...
Quant à la cure d'amaigrissement, avec les recommandations qui
ont été faites par le Conseil du trésor, je sais qu'il y a
des choses en marche du côté des cadres et ailleurs. On semble
être en train de corriger ou d'améliorer les choses.
L'année passée, à cette même commission, j'avais
souligné l'importance de la bonne gestion. Lorsque les millions entrent
- c'est une "société tout à fait particulière,
j'aimerais en posséder une comme la vôtre - on perd
peut-être un petit peu la notion de l'administration elle-même
quand les profits semblent assurés. On ne peut pas perdre dans une
société semblable. Toute cette question de la gestion, des
ressources humaines et de la cure d'amaigrissement, entre guillemets, donc,
d'après ce qui a été publié dans le journal
Finance, je crois, non dans le Journal de Québec du 24
mars dernier.
L'autre bloc auquel je voudrais toucher aussi, c'est au sujet des
casinos, à savoir où va Loto-Québec avec ça. Les
dernières nouvelles qu'on a eues, en août 1988, allaient dans le
sens qu'il y avait des projets pour l'implantation de cinq casinos au
Québec. Où en sommes-nous rendus? On attendait des feux verts de
la part du gouvernement. D'abord, je voudrais connaître le point de vue
de Loto-Québec et, bien sûr, j'aurai besoin des
éclaircissements du ministre, à la suite des propos que vous avez
tenus, il y a quelques minutes, M. Clark. Vous sembliez dire qu'on est à
l'état de plafonnement en ce qui regarde les lotos conventionnelles. On
aurait atteint une certaine saturation, si je peux comprendre. Par contre, le
gouvernement, quel qu'il soit, sera toujours avare de ces entrées de
fonds et il pourrait être tenté de poser des gestes dans cette
direction. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Si on reprend ça du début, en ce qui concerne les ventes,
premier bloc, l'analyse qui en est faite est que plusieurs loteries sont en
diminution, en passant par la Mini, l'inter, la Super jusqu'au jeu Provincial.
Alors, qu'est-ce qui se passe exactement avec ces loteries? Qu'est-ce qui a
été fait au cours de la dernière année et qu'est-ce
qui sera fait? Je pense qu'il y a des mesures correctrices qui ont
été prises. J'ai vu qu'il y a des sommes additionnelles qui ont
été consacrées à la publicité et au
marketing. Qu'est-ce que vous envisagez aussi pour 1988-1989,
c'est-à-dire l'année en cours?
La Présidente (Mme Bélanger): M. Clark.
M. Clark: En ce qui concerne les loteries passives qui sont les
loteries où le consommateur achète un billet sans vraiment
choisir son numéro parce que c'est préimprimé et qu'il
attend le tirage, il faut dire que ces loteries-là ont disparu de la
scène aux Etats-Unis. Il s'agit là de marchés où la
mise en marché des produits est à peu près semblable
à ce qui se passe au Canada. Au Canada, par contre, les loteries
passives ont survécu, mais sont en perte de
vitesse. Ce que nous faisons de plus en plus, c'est d'utiliser ce que
j'appellerais la notion d'hybridation: nous regardons les produits qui sont les
plus attrayants pour les consommateurs, comme par exemple les
instantanées, et nous essayons de relier au produit passif un volet
instantané pour le rendre moins passif et plus attrayant. Nous avons
ainsi relancé l'Inter-Loto et c'est devenu l'Inter-Plus. Actuellement,
ce produit connaît un taux de croissance d'environ 20 % par rapport
à l'année dernière et obtient donc la faveur du public
beaucoup plus qu'avant.
Par contre, dans le cas de la Super-Loto qui a été mise en
marché avec les autres provinces ou les loteries des autres provinces,
nous avons pris la décision de la retirer carrément du
marché et de la remplacer par un nouveau produit à 20 $, la
Super-Loto étant à 10 $. Le nouveau est beaucoup plus - comment
dire? - dramatique ou sensationnel comme produit, parce que c'est lié
à un tirage à la télévision et rattaché
à un gros lot de 5 000 000 $. Et ces produits-là nous ont permis
de vendre entre 50 000 000 $ et 60 000 000 $ dans l'année qu'on vient de
compléter, donc presque le double de ce qu'on vendait avec la
Super-Loto.
Donc, la réponse à la première question est oui,
les loteries passives sont en baisse à long terme pour des raisons assez
claires, parce que nous avons d'autres produits qui sont plus attrayants. Par
contre, il y a beaucoup de gestes que nous pouvons poser et que nous posons.
Nous testons constamment de nouvelles choses auprès des consommateurs
pour essayer de faire durer ces produits sur le marché le plus longtemps
possible, parce qu'il nous coûte beaucoup moins cher de garder sur le
marché un produit déjà connu que de lancer un nouveau
produit. Enfin, notre politique est d'essayer d'obtenir le plus de ventes
possible dans ce secteur, mais tout en reconnaissant qu'il faudra arriver avec
de nouveaux produits pour remplacer celles-ci d'ici à cinq ou dix
ans.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Les études de marché que vous
avez faites pour être capables d'en arriver à la conclusion que
vous avez mentionnée dans votre introduction, à une sorte de
plafonnement ou de saturation, vous démontrent-elles les
capacités... Cela ouvre aussi sur le dernier volet que j'ai
mentionné tantôt, mais c'est lié à l'avenir de
Loto-Québec. Est-ce qu'on assistera, finalement, à une
société qui en arrivera ou se maintiendra à un plafond?
Est-ce que votre conclusion ouvrait justement sur la capacité d'aller
dans d'autres domaines, entre autres les casinos? D'autre part, est-ce qu'il y
a pour l'année en cours 1989-1990, d'autres avenues, de nouvelles pistes
à explorer, non pas nécessairement des loteries passives, mais de
nouvelles formes de loteries? Autrement dit, comment allez-vous faire pour
être capables d'afficher une croissance qui sera capable de
dépasser au moins le taux d'inflation?
M. Clark: II y a plusieurs questions dans celle-ci. D'abord, je
devrais peut-être indiquer assez clairement la position de
Loto-Québec en ce qui concerne le dossier des casinos. Pour les casinos,
V s'agit d'un nouveau domaine des jeux de hasard, ce n'est pas une loterie.
C'est quelque chose de nouveau. Ce n'est pas à Loto-Québec de
prendre la décision de l'ouverture d'un nouveau domaine de jeux de
hasard, parce que cela a un impact sur la population. Il y a des impacts
positifs sur l'industrie touristique, par exemple, et, éventuellement,
sur le revenu du gouvernement, mais il y a aussi des impacts négatifs.
Il y a le côté social qu'il faut étudier On ne peut pas
gérer un casino n'importe comment. Il faut être très
sûr de la gestion. Il faudrait même voir s'il n'y aurait pas lieu
dans le cadre législatif d'utiliser - et je m'excuse presque de le dire
- la clause dérogatoire pour donner pouvoir aux gens qui gèrent
un casino d'expulser du monde sans avoir à donner de raisons, autrement
il aurait risque de fraudes dans la gestion d'un casino. Alors, quand on
regarde la situation en se disant qu'il y a des impacts qui peuvent être
négatifs autant que positifs sur la population, la façon dont on
planifie cela dans le cadre législatif est très importante.
Finalement, ce ne sont pas des questions qui sont du domaine de
Loto-Québec. Ce sont vraiment des questions politiques. Ce sont les
élus du peuple qui doivent prendre ces décisions. Nous sommes
très à l'aise avec cette façon de voir.
En ce qui concerne le dossier des casinos, nous suivons de près
ce qui se passe ailleurs. On peut faire cela en lisant les journaux et en
prenant des notes ou en regardant les statistiques, mais nous ne faisons aucune
promotion de ce dossier parce que, au fond, ce n'est pas à nous de
décider ou de faire la promotion d'un tel dossier.
En ce qui concerne notre croissance future, ce qui va arriver de plus en
plus à l'avenir, c'est que la technologie nous permettra de nouveaux
moyens de livrer nos jeux aux consommateurs et cela pourra être de
nouvelles formes de jeu qui seront tout de même des loteries. Cela
pourrait nous permettre de viser par exemple des segments de la population qui
n'achètent pas beaucoup de loteries actuellement; ce sont des segments
qui ne sont pas plus grands que 3 % ou 4 % de la population adulte, alors que
la plupart de nos produits actuels visent 20 %, 25 % ou 30 %. Donc, on pourrait
voir une transformation éventuelle de notre société
grâce à la technologie; ce qui devrait nous permettre d'aller
chercher un certain taux de croissance. Les jeux de hasard représentent
actuellement environ 1, 5 % du produit intérieur brut du Québec
et ils pourraient facilement monter à 2 %. Cela repré-
sente donc une croissance réelle de 33 % qui nous sera disponible
au cours des prochaines années. Avec un taux d'inflation d'environ 5 %,
cela nous donne déjà une belle ouverture pour un taux de
croissance de l'ordre de 6 %, 7 %, 8 % ou 9 % par année, si on fait bien
notre travail.
Quant aux nouveaux produits, nous avons été,
jusqu'à maintenant coincés au point de vue capacité
informatique, mais avec le nouveau système que nous sommes en train de
planifier pour remplacer le système central actuel nous aurons
probablement de deux à trois fois plus de capacité informatique
d'ici à un an si tout marche bien. Nous avons déjà
augmenté la capacité du système actuel de 50 % depuis deux
ans. Nous avons déjà trois très bons produits
informatiques prêts à être lancés, sauf en ce qui
concerne la programmation informatique, mais, d'ici à six à neuf
mois, nous pourrons lancer un produit et en avoir deux autres prêts
à lancer l'année suivante.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Oui, Mme la Présidente. Vous
déclariez le 15 août dernier, dans Finance, que vous
étiez d'accord avec la formule des casinos, à condition, bien
sûr, qu'ils soient bien gérés. Dans votre esprit, en tant
que président-directeur général de cette importante
société, si une décision politique était prise
demain matin, tout d'abord, vous sentiriez-vous à la hauteur, sur le
plan organisationnel, et capable de mettre rapidement sur pied ce qu'il
faudrait pour contrôler cela? Si j'ai bien compris, cela
relèverait de Loto-Québec.
Autre volet à ma question, vous avez insisté à
juste titre, et je partage votre opinion, que du côté tissu social
il est très important de prendre des précautions et que vous
respecterez la décision politique qui sera prise, parce qu'il s'agit
d'une décision politique. Mais, à partir du moment où il y
aura une décision politique - je vérifierai par la suite avec le
ministre s'il y en aura une - en tant que P. -D. G. de cette
société d'État, vous devrez être en harmonie et
être capable de fonctionner. On sait fort bien que les casinos et
même le secteur des loteries n'attirent pas toujours la clientèle
souhaitée, et je m'explique. Ce sont - il y a des statistiques
là-dessus - les gens à faible revenu qui mettent de plus en plus
d'argent là-dedans parce qu'ils y voient une occasion d'améliorer
la qualité de leur vie. Je me demande vraiment, concernant cette
préoccupation sociale que vous semblez avoir quant aux projets possibles
de casinos, si vous avez à pousser, à promouvoir et à
trouver de nouvelles façons de faire jouer constamment les
Québécois, dans le bon sens du mot, si vous ne vous retrouverez
pas dans une situation intenable. En tout cas, j'en ai un peu l'impression.
Jusqu'où doit-on pousser ou aller dans ce volet, parce que ce
sont les moins bien nantis, c'est prouvé, qui s'adonnent de plus en plus
aux jeux de hasard et de loterie? Forcément, si on envisage la
possibilité de casinos, vous savez encore l'attrait il y a de ce
côté. Les gens partent du Québec et vont jouer ailleurs.
Souvent ils n'ont pas les moyens de le faire. Vous me direz: On ne peut pas le
contrôler. Mais selon votre vision à vous, à partir des
déclarations que vous avez faites et à partir de votre
préoccupation d'une dimension sociale, comment pourriez-vous fonctionner
à l'intérieur de cela?
M. Clark: Loto-Québec a été
créée par le gouvernement du Québec pour exploiter le
domaine des loteries dans l'ordre et la mesure. Pour savoir si nous le faisons
ou pas dans l'ordre et la mesure, il faut faire des enquêtes, des
sondages. Il faut toujours être à l'écoute de la
population. Ce que nous avons réussi à faire depuis cinq ou six
ans, c'est d'augmenter de beaucoup la consommation de nos loteries
auprès de la grande classe moyenne, les gens qui ont vraiment les moyens
de jouer à la loterie, sans affecter la qualité de leur vie. Bien
sûr, si les pauvres jouaient déjà à fa loterie et
qu'ils tombent au chômage, ils vont continuer de jouer, mais ils vont
réduire leurs achats. Nous essayons de formuler de plus en plus des
produits actifs pour attirer des gens qui sont plus actifs et qui sont plus
dynamiques dans leur vie quotidienne.
C'est grâce à cette politique que nous avons beaucoup plus
augmenté notre clientèle chez les gens de la grande classe
moyenne et de la classe moyenne supérieure, que chez les gens moins
aisés, si j'ose dire. Il faut dire que quand on va auprès des
riches, c'est beaucoup plus difficile pour Loto-Québec de concurrencer
les autres produits qui sont sur le marché parce qu'il y a beaucoup de
produits spéculatifs à la Bourse, par exemple, qui sont en fait
utilisés comme des loteries, à toutes fins utiles, par des gens
plus riches. Si les gens riches veulent vraiment goûter ce qu'est le vrai
risque, ils vont créer des entreprises ou ils vont faire un voyage pour
aller jouer dans les casinos en Europe ou aux États-Unis. Donc, nous
cherchons constamment des produits pour rejoindre ces gens dans le domaine des
loteries. Évidemment, on ne peut pas nécessairement concurrencer
les autres possibilités à armes égales. (10 h 45)
Nos sondages n'indiquent pas que nous causons des problèmes dans
la population. Bien sûr, il y a toujours des joueurs
invétérés, mais on n'en dénote pas une croissance
et on ne dénote pas une forte proportion de joueurs
invétérés dans la population québécoise. Si
on se compare à d'autres pays, c'est beaucoup plus contrôlé
et limité ici. Nous suivons constamment ces statistiques. On commence
même à avoir des indices un peu alarmants auprès des jeunes
hommes, même en ce qui concerne les machines à sous qui sont
utilisées illégalement dans les bars au Québec. Là,
je sais que la Régie des loteries
et courses cherche une solution, mais ce n'est pas facile parce que vous
avez toujours la question: Jusqu'où va la liberté de la personne
et jusqu'où va la contrainte imposée par l'État? Donc, ce
n'est pas facile de trouver une solution à ce problème.
Dans le domaine des jeux de hasard, si vous lancez d'abord des produits
passifs et ensuite des produits un peu plus actifs comme les listes
instantanées et par la suite des jeux avec numéros comme le Lotto
6/49, en fait, la population apprend à faire face à chaque
nouveau jeu et il y a une certaine éducation qui lui permet de ne pas
faire d'abus. Je pense que cela représente la réalité de
la situation.
M. Parent (Bertrand): Le ministre des Finances pourrait-y nous
dire brièvement si ce dossier est toujours actif, s'il y a toujours une
volonté politique d'aller de l'avant concernant les casinos, parce qu'il
en a été grandement question pendant une certaine période?
Il y a eu des périodes d'accalmie et je comprends que le ministre ne
puisse pas dévoiler ce qu'il y a dans sa petite tête, mais
j'aimerais quand même savoir si on s'en va vers une décision qui
pourrait être prise instantanément. C'est quoi, votre position, en
tant que ministre des Finances?
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre des
Finances.
M. Levesque: Merci, Mme la Présidente. Pour employer le
mot du député de Bertrand, je pense que nous sommes dans une
période d'accalmie. D'autre part, je ne prévois pas, à
court terme, de changement dans notre politique à cet égard.
M. Parent (Bertrand): Cela m'inquiète quand vous
êtes peu volubile, M. le ministre des Finances. Je vais revenir à
M. Clark. Vous avez mentionné dans votre exposé de départ
qu'il y a des nouveaux terminaux et tout ça qui vont arriver à la
suite de la demande, si j'ai bien compris. Est-ce que le programme de la
prochaine année vous permet... Est-ce qu'il n'y a pas une saturation en
ce qui concerne, par exemple, tous les points de vente? C'est-à-dire,
c'est idéal pour le consommateur de pouvoir aller à peu
près n'importe où et de faire valider ou d'acheter un billet. Par
contre, j'imagine que, parce qu'il y a quand même des revenus
attachés à ça pour le commerce, ça diminue
l'enveloppe toutes les fois qu'on multiplie les points de vente.
Où est la ligne et jusqu'où irez-vous? Finalement,
à peu près tous les dépanneurs se ramassent avec ça
et tu peux en trouver à peu près à tous les coins de rue.
On continue à en ajouter. Dans un sens, pour le consommateur, c'est
excellent. Plus vous en ajoutez, plus vous risquez de faire augmenter les
ventes, sauf qu'à partir du moment où on sent une certaine
saturation, ce dont on a parlé tantôt, si on multiplie les points
de vente, est-ce qu'on ne se ramassera pas dans un phénomène
où on aura énormément de points de vente en 1990, 1991,
1992 qu'il faudra peut-être éventuellement fermer, parce qu'on
aura atteint le plafond, comme on dit?
M. Clark: Vous avez très bien décrit la situation.
Actuellement, nous avons 4300 détaillants qui sont munis d'un terminal.
Nous avons le plan de faire installer 350 nouveaux terminaux chez les
détaillants qui n'en ont pas actuellement, mais qui répondent
à nos critères. Il y a entre 600 et 900 autres détaillants
qui satisfont à nos critères, mais pour lesquels on n'a pas de
terminaux. C'est vrai que nous allons installer 2600 nouveaux terminaux en plus
de ceux-là cette année. Mais il s'agit de remplacer tous les
vieux terminaux qui ont été installés en 1978 et 1979, qui
sont maintenant usés à la corde et pour lesquels nous ne pouvons
plus trouver de pièces, parce qu'on ne fabrique plus de terminaux de ce
genre. Il faut vraiment se mettre à une nouvelle
génération d'informatique, surtout pour des raisons de
sécurité et, si j'ose dire, d'économie dans le domaine des
télécommunications.
Donc, il faut renouveler une bonne partie de notre parc et ça va
être fait cette année-ci; on va installer la plupart des terminaux
chez des détaillants qui ont de très vieux terminaux chez eux.
Nous avons déjà préparé une demande d'approbation
gouvernementale pour installer 1000 autres terminaux parce que, d'après
nos analyses, le chiffre magique pour nous se situe maintenant entre 5000 et
5500 points de vente. Si on en installe plus que cela, nous allons commencer
à perdre de l'argent plutôt que d'en gagner.
À notre avis, on doit continuer à installer des terminaux
jusqu'au point où ce ne sera plus rentable. Pourquoi irait-on
jusque-là? Pourquoi ne s'arrêterait-on pas un peu plus tôt?
C'est parce que pour un détaillant, surtout pour un dépanneur, il
est important d'avoir un terminal de Loto-Québec non pas pour faire de
gros bénéfices, mais parce que ça l'aide à attirer
la clientèle. Donc, il y a une certaine question de justice
là-dedans. Nous avons mis sur pied un système d'analyse,
d'évaluation et un comité qui connaît très bien le
domaine, qui évalue chaque demande et qui statue sur chaque cas avant
qu'on accepte d'installer un terminal chez un détaillant. C'est devenu
quelque chose de très important dans le commerce au détail.
M. Parent (Bertrand): Mais l'étude que vous avez vous
amène à conclure d'ajouter 1000 nouveaux points de vente, si j'ai
bien saisi, et ça va se faire dans une période de saturation. Si
je place cela dans n'importe quelle autre industrie commerciale, je pense qu'on
ne continue pas d'ouvrir des succursales lorsqu'on sait qu'on est en voie de
planification et qu'il y a saturation. À court terme, pour un an ou
deux, vous aurez peut-être plus de bénéfices. Mais ma
préoccupation est la suivante: il faut réaliser ce qui va
arriver après, à moins que vous n'ayez des idées
là-dessus à plus long terme. Je ne vois pas pourquoi on continue
à investir pour placer des terminaux à de nouveaux points de
vente au Québec, à partir du moment où on sent une
saturation du marché. Cela me semble un peu... À court terme, ce
sera peut-être rentable, mais il ne faudrait pas se ramasser, dans trois
ans, à fermer des points de vente et à essayer de
récupérer les terminaux là où on a investi. Il faut
quand même prévoir que chaque dollar investi soit
rentabilisé.
M. Clark: Si vous regardez le taux de croissance actuel et futur,
je pense que pendant les dix prochaines années Loto-Québec
devrait être capable de connaître un taux de croissance qui se
situerait entre 7 % et 8 % par an, uniquement dans le domaine des loteries. La
plupart des nouveaux produits que nous avons préparés pour
lancement dans les prochaines années seront des produits
informatisés, donc vendus par terminaux.
Aussi, l'un des avenirs possibles que nous voyons pour les loteries
passives, c'est de commencer à les convertir en produits
informatisés, à un moment donné. Donc, tout nous porte
à croire qu'à l'avenir le système informatique nous
permettra de vendre à un taux de croissance se situant au-delà de
10 % pour ce type de produits. Cela veut dire que vous doublez le potentiel en
six ou sept ans. Il est vrai qu'on va arriver à une période
relative de saturation du marché en ce sens que, par le passé, on
a connu des années de croissance de 15 % à 20 %. À
l'avenir, ce sera plutôt 7 %, 8 %; d'un autre côté, il y a
bien des entreprises qui voudraient avoir un tel avenir devant elles.
Jusqu'ici, toutes nos études indiquent que nous pourrions ajouter 1000
terminaux et augmenter nos bénéfices en faisant cela, grâce
surtout aux nouveaux produits que nous allons lancer.
La Présidente (Mme Bélanger): Je m'excuse, M. le
député de Bertrand, les vingt minutes qui vous étaient
accordées sont écoulées. Je donne la parole au
député de Mille-Îles.
M. Bélisle: M. le député de Bertrand, si
vous aviez d'autres questions pour terminer, je pourrais vous laisser
aller.
M. Parent (Bertrand): Je n'avais pas réalisé que je
n'avais que vingt minutes. Alors, brièvement, si vous me le permettez,
Mme la Présidente, concernant la question, de la cure d'amaigrissement
des cadres et de ce qui a été enclenché, j'aimerais
connaître l'état du dossier, parce qu'on parle de passer de 153
à 120 cadres, si j'ai bien compris. C'est quand même, un
pourcentage très important. Qu'est-ce qui s'est passé à la
suite de ces avis du Conseil du trésor? Qu'est-ce qui va se passer dans
les prochains mois? Quel effet est-ce que cela aura? Ça me semble
important. L'année passée, lors de nos discussions sur cet aspect
de la gestion, de la structure, de l'organisation, on semblait nous dire - vous
avez semblé nous le confirmer - qu'il n'y avait pas d'abus, qu'il n'y
avait pas de dégraissement à faire et qu'on était en bonne
santé. Là, on nous parle de dégraissement, si je peux
employer l'expression. Alors, concernant le volet de l'organisation des
ressources humaines, j'aimerais en savoir un petit peu plus.
M. Clark: L'article que vous avez lu dans le Journal de
Québec... Je n'aurais pas choisi ce titre pour cet article; d'ailleurs,
ça ne vient pas des journalistes comme vous le savez, mais...
M. Parent (Bertrand): Je ne lis jamais les titres, vous
savez!
M. Clark: Ils incitent à lire. Par contre, je dois dire
que le journaliste a rapporté des propos très fidèles
à ce que je lui ai dit au téléphone; c'est lui qui a eu
vent de ça; donc, il m'a demandé de quoi il s'agissait. C'est
assez fidèle aussi à ce qui a été annoncé
aux cadres et gestionnaires de Loto-Québec deux mois auparavant.
Maintenant, pour situer tout cela, il faut dire que ça fait trois
ans que nous nous questionnons, a la haute direction de Loto-Québec, sur
le nombre de niveaux de gestion que nous avons dans l'entreprise et sur
l'évolution future, compte tenu du fait que nos employés sont de
mieux en mieux instruits, de plus en plus intelligents. Les employés,
aujourd'hui, aiment beaucoup mieux être impliqués dans le travail,
avoir un mot à dire, que rester là passivement et exécuter
des ordres. Je pense que toute entreprise constate aujourd'hui ce
phénomène. Donc, il s'agit d'organiser sa structure, de la faire
évoluer. Il faut tenir compte de ce fait.
Je pense que Loto-Québec a très bien été
organisée quand elle était en concurrence avec les loteries
fédérales. Nous avions une force de frappe énorme et nous
avons causé des pertes de 1 000 000 $ par semaine pendant près
d'une année aux loteries fédérales, grâce à
nos actions et à notre dynamisme sur le marché. Notre
organisation, à l'époque, était formulée en
fonction de cette bataille. Par la suite, comme vous le savez, nous avons connu
certaines difficultés en ce qui concerne les relations du travail,
pendant les négociations de la dernière convention collective.
Donc, il n'était pas question de commencer à restructurer
l'entreprise " pendant cette période. Une fois que la convention
collective a été signée, nous avons commencé
à analyser vers quoi nous devrons nous diriger. À peu près
en même temps, le Conseil du trésor a commencé à
nous dire: Nous aussi, nous faisons notre analyse. Si on se fie à ce
qu'on a appris ailleurs, votre taux d'encadrement semble trop
élevé, donc ça veut dire que vous avez
peut-être trop de gens qui ont des salaires
élevés.
Donc, je dirais que l'approche du Conseil du trésor était
un peu différente de la nôtre, mais, au fond, ça nous
permettait de dire: De toute façon, nous savons qu'il y a des choses
à corriger et nous ne voulons pas attendre que ça devienne un
vrai problème et qu'il faille vraiment sabrer dans le nombre
d'employés. Actuellement, nous avons entre 40 et 50 consultants dans la
boîte, surtout dans le domaine de l'informatique. Nous avons aussi
quelque 20 postes vacants chez les professionnels et les cadres. Nous avons
aussi un taux de roulement assez normal parmi les gestionnaires, soit une
personne par mois. (11 heures)
Nous avons indiqué au Conseil du trésor que nous allions
faire faire une étude scientifique par des experts dans le domaine;
à la suite de cette étude-là, nous allons établir
un plan de trois ans pour rectifier la situation parce que nous n'allons mettre
personne à la porte à cause de ça. Nous allons consulter
le plus possible les cadres impliqués. Nous n'allons rien faire pour
mettre en péril notre programme d'égalité des chances,
parce qu'il faut que les femmes progressent également dans l'entreprise.
Il y a donc beaucoup de choses dont il faut tenir compte dans la planification
future de nos ressources humaines et nous allons faire ça dans la plus
grande harmonie possible et le plus intelligemment possible.
Maintenant, il faut dire aussi que le taux d'encadrement peut être
plus élevé dans un service de loterie que dans d'autres
entreprises. Nous avons un chiffre d'affaires de près de 1 200 000 000 $
et nous avons 700 employés. Il n'y a pas beaucoup d'entreprises qui sont
dans cette situation-là. Evidemment, nous avons un monopole dans un
domaine très particulier. Mais, d'un autre côté, ça
veut dire qu'il faut faire très attention à la
sécurité, comme vous l'avez dit tout à l'heure, et au
contrôle. Cela veut dire que, par exemple, dans notre service de
vérification interne, pour dix employés qui sont surtout des
professionnels, nous avons trois cadres. Quand le système informatique
fonctionne la nuit, il y a un gestionnaire qui est toujours là, mais
ça prend seulement deux employés pour faire fonctionner le
système. Cependant, il faut qu'il y ait un responsable. Donc, dans
certains secteurs, vous pouvez trouver des taux d'encadrement d'un pour deux ou
un pour trois, mais nous n'allons pas changer cette situation-là parce
qu'il faut avoir le contrôle. Cela veut dire qu'en moyenne
Loto-Québec va avoir un taux d'encadrement un peu plus
élevé que dans d'autres entreprises, mais il faut que ce soit
fait en fonction de nos vrais besoins et de notre gestion à long
terme.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Mille-Îles.
M. Bélisle: Merci, Mme la Présidente. D'abord, dans
la perspective de l'intelligence améliorée que vous avez
soulignée tantôt et qui m'a fait beaucoup sourire, c'est une bonne
note, bien entendu, d'entendre ça ici ce matin. C'est une remarque
générale que je veux faire et qui ne s'adresse pas
nécessairement à l'organisme qui est devant nous en ce moment,
à M. Clark et à ses gens.
Ce n'est pas une attaque personnelle vis à-vis du
député de Bertrand; au contraire, c'est une personne que
j'apprécie beaucoup pour plusieurs raisons. Mais si le
député de Bertrand a pris la peine de se remettre en question
quant à son avenir personnel, je pense qu'à tout le moins
certaines personnes qui espèrent que la population leur fera confiance
lors d'une prochaine élection... On a raison aussi de se poser des
questions pertinentes sur le fonctionnement de nos commissions. Et je n'ai pas
pu m'empêcher en cette quatrième année où je
participe en commission parlementaire à l'étude de
crédits, de me poser la question: Pourquoi faisons-nous venir devant
nous ou demandons-nous à des organismes qui relèvent d'un
ministère de se présenter devant une commission parlementaire
lors de l'étude des crédits, alors qu'on n'étudie pas
leurs crédits? Ça commence à me chatouiller de plus en
plus. Je comprends peut-être que l'Opposition... Et je ne m'attaque pas
au député de Bertrand. Je veux tout simplement avoir une occasion
d'obtenir de l'information de ces organismes-là directement. Je sais
que, dans notre règlement, il existe un article spécifique qui
permettrait aux commissions de jouer ce rôle-là, c'est l'article
294: "Chaque commission examine annuellement les orientations, les
activités et la gestion d'au moins un organisme public soumis à
son pouvoir de surveillance. " Rien n'empêche la commission du budget et
de l'administration, comme elle l'a fait avec la Commission des valeurs
mobilières du Québec, dans le but d'améliorer les
règles de fonctionnement, l'efficacité, la performance de
Loto-Québec, de la Caisse de dépôt qui vient après
nous...
Aujourd'hui devant nous, Mme la Présidente, Loto-Québec,
avec l'augmentation des revenus, c'est 1 150 000 000 $ pour l'année qui
vient. C'est 3 % des revenus gouvernementaux. La Caisse de dépôt
est très importante, autant du côté des dépenses que
la CSST... Alors ce que je fais comme remarque, c'est une remarque de base.
Peut-être que, par tradition, l'Opposition a exigé du gouvernement
d'avoir devant les commissions parlementaires, lors de l'étude des
crédits, des organismes qui relèvent de la compétence de
tel ou tel ministère, mais je me sens très dépourvu
lorsqu'on me demande, à titre de parlementaire, d'étudier des
crédits alors que ce que j'ai devant moi, c'est un rapport annuel qui
date du 31 mars 1988, qui a été déposé à peu
près vers la fin de juillet 1988. Je suis rendu au 13 avril 1989, un an
et trois mois plus tard, et
je n'ai pas l'exercice financier qui vient de s'écouler parce que
les chiffres ne sont pas finals. Je ne peux poser de questions au sujet des
crédits, parce que les crédits ne sont pas soumis à la
commission parlementaire, et faire le travail pour lequel, essentiellement, je
suis convoqué en vertu du règlement de l'Assemblée
nationale.
Le message que je passe tout simplement, c'est que je pense que le parti
de l'Opposition devrait, à tout le moins, limiter ses demandes quant
à l'étude des crédits à réellement des
questions qui s'orientent sur l'approbation des crédits des
ministères et utiliser un autre article, l'article 294, pour qu'on
puisse convoquer un, deux, ou trois organismes et faire l'étude du
fonctionnement de l'organisme chaque année.
Ceci dit, M. Clark, je vais en profiter tout de même parce que
vous êtes là, parce que ça me fait plaisir de vous voir,
mais j'aimerais vous voir en d'autres moments qu'à l'étude des
crédits, pour vous faire une suggestion: l'an prochain, si les paroles
que je viens d'énoncer ne sont pas retenues par l'Opposition,
auriez-vous l'amabilité, l'extrême obligeance d'arriver à
la commission du budget et de l'administration, si vous y êtes
convoqué, avec un mini-document de deux, trois ou quatre pages, un
sommaire, des prévisions, des résultats, et tout le reste, pour
nous permettre d'avoir une discussion un peu plus à jour au lieu d'avoir
une discussion qui se base sur des chiffres d'il y a un an et trois mois, qui
ne sont pas révisés, dont on n'aura pas connaissance avant
peut-être le mois de juillet 1989 quant à la performance exacte de
Loto-Québec? Je pense que c'est une demande tout à fait
légitime que je vous fais et qui n'est pas du tout
exagérée. Je ne vous demande pas de produire un document de 25
pages, mais seulement quelques feuilles pour préciser les balises de la
discussion.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Clark.
M. Clark: Non seulement je serai heureux de faire cela, mais on
pourrait vous faire parvenir le document une semaine d'avance, si vous le
voulez. Évidemment, si ça se passe au mois d'avril comme c'est le
cas maintenant, nous n'aurons pas les données finales mais nous aurons
des données à 1 % près, c'est sûr. D'un autre
côté, il ne faut pas oublier que nous avons un conseil
d'administration qui doit surveiller et gérer Loto-Québec dans
des grandes lignes et des grandes politiques. Donc, je ne voudrais pas nous
mettre dans une situation où, tout à coup, nous aurions non
seulement un conseil d'administration, mais aussi un autre groupe qui pourrait
être en désaccord avec le conseil. C'est la seule chose. Je ne
vois aucun inconvénient à vous faire part de nos derniers
résultats et aussi de nos prévisions pour l'année à
venir.
M. Bélisle: C'est noté, je vous remercie. Ce sera
d'une grande utilité. Si j'ai réussi à gagner seulement ce
point, ce matin, ce sera une amélioration pour l'an prochain. Nous
travaillons toujours pour l'avenir du Québec.
Pour la vérification de vos états financiers, est-ce que
vous êtes soumis au Vérificateur général du
Québec?
M. Clark: Oui, monsieur.
M. Bélisle: D'accord. Est-ce que le Vérificateur
général du Québec procède chez vous par
vérification intégrée ou seulement par vérification
standard habituellement appliquée par les cabinets de comptables
agréés? Est-ce que vous êtes l'un des organismes où
le Vérificateur général, qui tente depuis plusieurs
années d'ouvrir une nouvelle voie, a tenté de faire certaines
expériences de vérification intégrée à
l'intérieur de certains services?
M. Clark: Je ne suis pas sûr parce que je dois dire
qu'officiellement ce qui se pratique chez nous, c'est une vérification
classique des comptes. Par contre, dans le domaine de l'informatique et dans
les domaines qui touchent la sécurité, le Vérificateur
général fait des enquêtes assez approfondies et, donc, qui
se rapprochent probablement de la vérification intégrée.
Mais, à savoir s'il s'est ouvert officiellement un dossier de
vérification intégrée à Loto-Québec, non, ce
n'est pas le cas.
M. Bélisle: Est-ce que vous en prévoyez pour
l'année qui vient?
M. Clark: Non, parce que je suis très réticent
à ce genre de vérification à cause de l'impact que cela
peut avoir sur le fonctionnement d'une entreprise. La vérification
occupe beaucoup les cadres. Donc, ça fait porter beaucoup d'attention
sur le passé pour expliquer pourquoi ils ont fait ce qu'ils ont fait.
C'est très important pour moi que les cadres soient axés sur
l'avenir. Il y a une limite au nombre de vérificateurs qu'il faut avoir
dans la boîte. Nous avons déjà un service de
vérification interne. Je pense que nos cadres s'interrogent beaucoup; il
y a beaucoup de questionnement à l'intérieur de l'entreprise. Il
faut dire que ce n'est pas très gros chez nous; 700 employés,
c'est une entreprise de taille moyenne. J'ai pas mal de réticence quant
à l'impact psychologique du climat que représente la
vérification intégrée d'autant plus que, souvent, il ne
s'agit pas de gens qui connaissent le domaine. Cela ne veut pas dire que je
sois en opposition féroce, mais je pense qu'il faut vraiment
évaluer la situation avant de dire que c'est une chose à
faire.
M. Bélisle: Revenons aux casinos. Je sais que je n'ai pas
beaucoup de temps ce matin avec vous. M. le député de Bertrand a
ouvert la fameuse porte tantôt. Ce n'est pas le mandat de
Loto-Québec, selon la loi actuelle, de gérer
éventuellement des casinos. Il faudrait que la loi sur
Loto-Québec soit amendée. Est-ce exact, M. Clark?
M. Clark: Oui.
M. Bélisle: D'après ce que je comprends, le
rôle de Loto-Québec est avant tout de bien commercialiser et de
bien vendre les loteries instantanées, passives et actives
présentement sur le marché. Mais vous n'êtes pas
dotés d'une équipe pour policer ou arbitrer un réseau de
jeux de hasard.
M. Clark: Non. Par contre, le gouvernement du Québec nous
a toujours demandé de suivre de près le domaine des jeux de
hasard. Nous devons nous-mêmes planifier notre avenir. Si vous essayez de
faire, par exemple, un portrait du marché des loteries et de pratiquer
une analyse de segmentation de ce marché, c'est très difficile
parce que les gens achètent plusieurs loteries à la fois. Mais si
vous faites une étude de segmentation du marché des jeux de
hasard, là, tout devient très clair. Les loteries sont un segment
du marché des jeux de hasard et d'argent. Pour comprendre exactement ce
que nous devons faire à l'avenir, pour planifier l'avenir, nous devons
tenir compte de l'ensemble de ce marché-là.
Une autre chose qu'il faut dire, c'est qu'il y a de plus en plus ce que
j'ai appelé tout à l'heure une hybridation des produits, dans
tous les domaines au monde. Si on regarde les jeux de hasard, c'est
également le cas. Par exemple, nous avons des instantanées. En
fait, les instantanées sont presque comme une machine à sous sur
papier, sauf que c'est beaucoup plus doux comme réaction de la part du
client. Mais, si vous essayez de mettre une instantanée sous forme
informatisée, cela devient une machine à sous. Nous utilisons
comme thème pour certains de nos produits instantanés, le poker,
le "black jack", le 7-11-21. Ces thèmes attirent beaucoup les
consommateurs parce que c'est du jeu de hasard pur. Si je veux que mes gens
apprennent l'impact des jeux de hasard sur le consommateur, c'est beaucoup plus
en étudiant ce qui se passe dans les casinos que dans les loteries
qu'ils vont l'apprendre parce que c'est du jeu à l'état pur. Pour
nous, il est important de comprendre ce qui se passe dans ces
domaines-là.
Tout à l'heure, M. le député de Bertrand a
cité un article dans Finance qui me faisait dire que
j'étais d'accord avec les casinos. En fait, j'ai dit exactement la
même chose que je vous ai dit tout à l'heure, soit que ce
n'était pas à nous de décider de cette question
très importante pour la population. Il en a déduit que je
n'étais pas contre. Cela lui a donc permis de dire que j'étais
pour.
M. Bélisle: M. Clark, je ne tenterai pas de vous faire
dire que vous êtes pour ou contre. Je pense que la question est assez
litigieuse pour une certaine partie de la population. Je vais revenir à
votre énoncé; vous avez dit, et je vous écoutais
très attentivement: Québec nous a demandé de surveiller ou
d'examiner ça de près. Bon, je comprends que Québec, c'est
le gouvernement du Québec. Est-ce exact?
M. Clark: C'est ça.
M. Bélisle: Est-ce que vous avez, oui on non, reçu
un mandat formel pour faire une étude de préfaisabilité ou
de rentabilité relative aux casinos?
M. Clark: Oui, mais il y a environ dix ans. Nous avons
déposé un rapport sur les casinos et sur tout le domaine des jeux
de hasard, soit le rapport Fortuna, soit le rapport Bertrand, selon le volet du
rapport. Il a été déposé ici, je crois. (11 h
15)
Depuis, le gouvernement ne nous a pas demandé d'ouvrir un mandat
pour étudier les casinos. Par contre, nous avons toujours fait rapport
à notre conseil d'administration et au gouvernement que nous continuions
à suivre ces domaines, mais sans engager d'investissements ou de frais
en ce qui concerne les casinos. C'est un dossier qui est toujours à
l'étude parce que ça évolue. C'est important de suivre ce
qui se passe dans ce dossier.
M. Bélisle: Est-ce que ce serait facile pour votre
organisme de remettre à jour assez rapidement les données du
rapport que vous avez mentionné et dont je connais l'existence?
M. Clark: Oui, parce que nous avons toutes les données
à l'état brut. Donc, comme je l'ai dit, la partie à
modifier serait de regarder la situation du cadre législatif, la
situation économique et du tourisme au Québec. Nous avons
déjà presque toutes les données en main. Il s'agirait donc
de rassembler ça et de rédiger un rapport qui indiquerait le pour
et le contre.
M. Bélisle: M. Clark, vous avez parlé tantôt
d'utiliser de nouveaux moyens de vendre à certaines catégories de
personnes, à des marchés qui ne sont pas couverts
présentement par Loto-Québec. J'imagine que ce soit par satellite
ou autre chose... Cela se passe ainsi dans l'industrie des courses de chevaux.
Cela peut se faire dans d'autres domaines. Avez-vous pensé aller aussi
loin que d'utiliser Alex? Vous savez qu'il y a en ce moment un plafonnement des
utilisateurs de ce qui, en France, a atteint au-delà de 3 500 000
utilisateurs quotidiens, soit le Minitel qui est le pendant d'Alex.
Vous savez que des études sérieuses sont
présentement menées par des professeurs de l'Université de
Montréal concernant l'utilisation sous forme de jeux de cet appareil qui
retransmettrait à la maison certains jeux de société
ou
peut-être même certains jeux de hasard. Êtes-vous
allés aussi loin dans votre prospective?
M. Clark: Notre dossier de recherche et développement le
plus actif actuellement est celui de la télématique. Nous faisons
non seulement partie de l'expérience Alex, mais je peux aussi dire
qu'à un moment donné je pense que Loto-Québec a
joué un rôle clé dans le lancement de ce projet par Bell
Canada. À un moment donné, il y a eu une bataille à
l'intérieur de l'entreprise, à savoir si ça allait
être lancé ou non. Nous avons dit que, pour nous, c'est
très intéressant. Comme nous sommes un client important de Bell
Canada en général, je crois que ça a eu un certain
impact.
Actuellement, nous faisons donc partie de l'expérience Alex; nous
faisons partie des travaux de préparation de l'expérience
Videoway faite par Vidéotron; nous regardons du côté de
CETI; nous sommes aussi abonnés à Minitel-France. Nous avons
d'ailleurs eu énormément de conversations avec les gens qui ont
déjà fait des jeux pour le Minitel. Je peux donc dire que c'est
un dossier très sérieux pour Loto-Québec.
Pour le moment, nos livraisons à la clientèle à
domicile vont se limiter à de l'information sur les loteries. Il y a
quand même un marché assez intéressant dans ce domaine.
Dans certains cas, nous faisons payer l'accès à ces informations
parce que nous ne voulons pas créer une situation d'abus étant
donné qu'il y a neuf autres façons d'obtenir les résultats
de Loto-Québec, et gratuitement par ailleurs.
C'est évident que si, à un moment donné, un bon
pourcentage des achats de produits de consommation courante se font à
domicile par les voies télématiques, les gens vont vouloir
acheter les billets de loterie par cette voie également. Il est aussi
vrai qu'un jour, ce sera probablement possible pour quelqu'un d'acheter des
billets de loterie partout dans le monde par l'intermédiaire de
méthodes comme Alex, Minitel ou autres. Il faut donc que nous soyons
prêts à faire face à cette situation pour protéger
notre marché également.
Maintenant, une autre chose qu'il faut absolument dire, c'est qu'il faut
vraiment étudier ces domaines et faire des petites expériences
avant d'aller plus loin, surtout quand il s'agit de vente à domicile
évidemment. Il faut qu'il y ait des sauvegardes du point de vue de la
sécurité informatique, et des sauvegardes aussi importantes que
celles que nous avons dans notre propre système avec les terminaux chez
les détaillants. Il faut aussi des sauvegardes très importantes
à domicile. Si j'ai une famille avec trois enfants, je ne veux
certainement pas que mes enfants commencent à jouer à la loterie
à domicile. Il va donc falloir que j'aie une clé, probablement
une clé en double, qui va me permettre d'avoir l'assurance totale que
mes enfants ne vont pas jouer là-dessus.
M. Bélisle: Je suis heureux de voir, par les questions et
surtout les réponses que M. Clark vient de m'apporter, que
Loto-Québec pense à l'avenir. Merci, M. Clark.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de Mille-Îles. M. le député de
Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Rapidement parce que notre temps est
déjà écoulé. D'abord, un commentaire concernant les
propos du député de Mille-Îles. Moi, je n'ai pas
d'objection, au contraire, à aller en mandat d'initiative ou autrement
pour être capable de passer un peu plus de temps avec la
société. D'ailleurs, le 14 avril 1988, j'avais mentionné
que je souhaitais que la commission organise une visite à
Loto-Québec et qu'on aille un peu plus loin. Le président n'est
pas là aujourd'hui, mais je pense qu'on devait y donner suite. Moi, je
n'en ai pas réentendu parler.
Deuxièmement, pour avoir siégé à une autre
commission, qui est la commission de l'économie et du travail, et avoir
essayé d'organiser un mandat d'initiative avec une société
d'État qui s'appelle la SDI - cela m'a pris six mois pour être
capable de faire valoir ce point et on en connaît les suites - je n'ai
pas d'objection de principe à consacrer les bonnes choses aux bonnes
places, comme parlementaire. Mais, les choses étant ce qu'elles sont, je
réitère quand même que j'aimerais que la commission puisse
aller voir d'un peu plus près ce qui se passe visuellement,
particulièrement sur l'aspect sécurité, aspect dont je
n'ai pas eu la chance de parler. J'aurais peut-être une question, en
terminant, là-dessus, parce que cela me préoccupe beaucoup. Mais
je réitère ce point, et j'aimerais que ce soit pris en note, Mme
la Présidente.
Sur l'aspect sécurité, pburriez-vous nous rassurer ou
rassurer cette commission quant aux mesures qui sont prises et au resserrement
des contrôles par rapport aux événements qui sont survenus
au cours de la dernière année? Parce que toute la
crédibilité de Loto-Québec, c'est très fragile. Si
jamais elle se perdait, on aurait de la misère à la retrouver.
C'est un volet. Le deuxième volet - parce que mon temps est
écoulé - j'aimerais que vous m'expliquiez...
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Bertrand, j'aimerais vous faire remarquer qu'il vous
reste huit minutes dans l'heure allouée. Si vous voulez...
M. Parent (Bertrand): II reste huit minutes. On va libérer
ce point. Sur l'aspect sécurité, pourriez-vous me donner les
mesures additionnelles qui ont été prises et me dire ce qui est
envisagé pour la prochaine année dans ce cadre-là?
M. Clark: Là où nous avons mis le plus
d'emphase, depuis un ou deux ans, pour ce qui est de la
sécurité, ce n'est pas tellement au niveau des systèmes
parce qu'il s'est toujours fait un travail constant dans ce domaine. Comme la
technologie évolue, il faut que nous évoluions aussi, pour tout
ce qui est informatique et système d'impression des billets,
évidemment en collaboration avec les forces policières si Jamais
elles ont vent d'une possibilité de fraude. Mais là où
nous avons mis beaucoup d'emphase dernièrement, c'est, chaque fois qu'il
y a une plainte, chaque fois qu'il y a un doute, d'envoyer quelqu'un
vérifier. On s'est rendu compte que, très souvent, vous avez le
meilleur système au monde, les meilleurs contrôles, mais les
choses qui se passent sont des choses humaines quelque part et, si vous allez
enquêter sur place, vous apprenez qu'il y a peut-être quelque
chose. Cela vous amène donc à revoir le système et les
contrôles.
Maintenant, de plus en plus systématiquement, nous
vérifions par l'entremise de gens qui vont voir, qui vont interviewer
des personnes pour savoir exactement ce qui s'est passé. Je pense que
c'est peut-être ce qui manquait le plus en ce qui concerne la fraude
qu'il y a eue au provincial. C'est peut-être que nous avons le plus
appris, soit qu'il faut aller voir, qu'il faut savoir ce qui se passe vraiment,
qu'il faut écouter les gens et qu'il y a peut-être beaucoup de
choses farfelues qui n'ont aucun sens mais, si vous enquêtez chaque fois
et qu'une fois sur cent il y a quelque chose, vous l'apprenez. Donc, c'est
ça notre attitude. C'est une attitude pro-active dans le domaine de la
sécurité qui consiste à aller enquêter chaque fois
qu'il y a quelque chose.
J'oublie l'autre question. Ah oui! Vous avez parlé de la visite
éventuelle. Actuellement, nous avons presque terminé la
construction de notre nouveau centre d'informatique dans l'est de
Montréal. Probablement que ce centre va être ouvert seulement vers
le mois de septembre, quand nous pourrons vraiment transférer les
nouveaux systèmes informatiques dans ce centre. Normalement, s'il y
avait une visite, peut-être que ce serait intéressant que ce soit
pour voir le nouveau centre autant que les autres installations de
Loto-Québec.
M. Parent (Bertrand): J'apprécierais. Sur le volet de la
sécurité, Mme la Présidente, on dit qu'au tournant de l'an
2000, donc d'ici à une dizaine d'années, les plus grandes fraudes
au monde se feront par la voie de l'informatique. Or, la société
d'État qu'est Loto-Québec dépend de l'informatique qui est
extraordinaire, puisque vous êtes capables d'obtenir les résultats
que vous obtenez aujourd'hui, d'avoir tout ça instantanément et
d'arrêter tel jour à telle heure, chaque semaine, etc.
Mais, d'un autre côté - vous l'avez mentionné
vous-même tantôt - les gens sont de plus en plus brillants,
intelligents et il y a du monde qui cherche constamment à contourner les
systèmes. Alors, je vous réitère cette
préoccupation quant à l'aspect sécurité et
fiabilité. Je pense que vous ne prendrez jamais trop de mesures pour
vous assurer que les systèmes informatiques soient bel et bien
protégés, parce que je pense qu'il y va de la survie même
de Loto-Québec. Ce sont mes commentaires. Je pense que vous faites ce
qu'il y a à faire, mais on ne prend jamais trop de
précautions dans le cas de cette société
d'État.
Dans les états financiers, j'ai une question en terminant. On
retrouve, à la page 20 de votre rapport, au poste des fameux paiements
au gouvernement canadien... Je veux juste essayer de comprendre. J'ai pris
connaissance de la note 10 qui dit essentiellement il y a eu des ententes qui
ont prévalu entre le gouvernement canadien et les provinces, sauf que,
quand j'applique ça, j'essaie de voir pourquoi les paiements sont
passés à 17 000 000 $ au 31 mars 1988, par rapport à 19
000 000 $ l'année antérieure. Il y a plus de
bénéfices, plus de ventes, plus de bénéfices bruts,
plus de bénéfices nets et on a 2 000 000 $ de moins en ce qui
concerne les transferts. Il y a quelque chose que je ne comprends pas.
M. Clark: L'année dernière, il s'agissait du
dernier versement que faisaient les provinces pour aider au financement des
Jeux olympiques de Calgary. L'année dernière, il y a eu neuf mois
de versements par rapport à douze mois l'année
précédente, pour ce volet. À l'avenir, cest l'entente de
base que nous avons avec le gouvernement fédéral, en ce sens que
les provinces verseront 24 000 000 $ par année, en dollars constants,
à la date de l'entente de 1979. Cela monte actuellement à entre
10 000 000 $ et 12 000 000 $ par année pour Loto-Québec La
quote-part est définie selon les ventes de produits que nous faisons
dans tout le Canada et notre proportion des ventes pancanadiennes a
augmenté cette année, parce que nous avons vendu presque la
moitié des loteries spéciales à 20 $, alors que nous ne
faisons que le quart de la population.
Donc, le résultat, c'est que nous faisons beaucoup plus de
bénéfices que les autres provinces, mais nous avons un peu plus
à verser au gouvernement fédéral également.
La Présidente (Mme Bélanger): Le temps étant
écoulé, nous vous remercions, M. Clark, et je demanderais aux
représentants de la Caisse de dépôt de bien vouloir prendre
place à la table.
M. Clark: Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): Messieurs de la
Caisse de dépôt, nous vous souhaitons la bienvenue. Je demanderais
au porte-parole de s'identifier et de présenter les personnes qui
l'accompagnent.
Caisse de dépôt et placement du
Québec
M. Campeau (Jean): Mon est Jean Campeau, président de la
Caisse. J'ai, à ma droite, M. Serge Rémillard qui est le premier
vice-président au contrôle et à l'administration; à
ma gauche, immédiatement ici, M. Jean-Claude Scraire qui est le premier
vice-président aux affaires juridiques et institutionnelles et, ici, M.
Michel Nadeau qui est le premier vice-président à la
planification et aux relations avec les déposants. (11 h 30)
Si vous le permettez, Mme la Présidente, j'aimerais faire un bref
résumé des activités de la Caisse en 1988.
La Présidente (Mme Bélanger): Parfait, M.
Campeau.
M. Campeau: D'abord, je veux juste rappeler le double objectif
qui est la "profitabilité" et l'essor économique du Québec
et vous parler du rendement de 1988. Ce rendement a dépassé
largement l'inflation pour atteindre 10, 5 %. Notre actif est maintenant,
à la valeur de réalisation, de 31 300 000 000 $. Depuis le
début du présent cycle économique, j'aimerais souligner
que nos rendements financiers, véhicule par véhicule et non pas
seulement le rendement financier global, ont dépassé tous les
indices de référence. À l'heure actuelle, notre
portefeuille de placements, qui est la raison d'être de la Caisse, se
répartit dans nos cinq grands véhicules de placement comme suit:
dans notre véhicule d'obligations, 55 % - l'an passé, en passant,
nous avons ajouté à nos obligations pour 1 100 000 000 $
d'obligations du gouvernement du Québec et de tout le secteur public
québécois - nos actions et nos valeurs convertibles en actions -
ce qui est à peu près la même chose - quelque 30 %; nos
hypothèques, 6 %; notre secteur immobilier, 2 % et nos titres du
marché monétaire, le solde, 7 %.
Sur les marchés obligataires et monétaires, la Caisse a
tiré profit de nouveaux outils de placement et obtenu ainsi des revenus
de sources encore inexploitées. Par exemple, la Caisse a facilité
le rayonnement international de titres émis ou garantis par le
gouvernement du Québec en s'accommodant des opérations
d'échanges d'envergure qui sont reliées à tous ces titres.
La Caisse a également mis sur pied une politique de prêts de
titres qui a permis d'accroître la liquidité du marché
secondaire des titres du Québec. Dans ce domaine, la Caisse travaille
étroitement avec le ministère des Finances sur la
liquidité du marché secondaire des titres du Québec.
Dans la gestion de nos placements à court terme, nous avons
élargi notre éventail de placements en utilisant des acceptations
de banque à terme et aussi en devenant l'une des premières
institutions à négocier ces titres inscrits à la cote de
la Bourse de Montréal. Nous avons aussi passé des contrats
d'échanges de taux d'intérêts à terme qui se
négocient hors Bourse. Dans ces opérations d'échanges, la
Caisse a également conclu des accords d'échanges croisés
de devises, notamment avec d'autres institutions de la communauté
financière de Montréal.
Nous avons poursuivi nos placements en actions d'entreprise. Au cours de
l'année, les moyennes entreprises québécoises en
croissance ont profité d'un marché de capitaux très
vigoureux où plusieurs sociétés se sont
concurrencées dans le créneau des investissements de 500 000 $ et
plus, et c'est bon pour le Québec. La Caisse a continué à
assumer un rôle de chef de file dans ce domaine en offrant un appui
constant aux entrepreneurs et aux gens d'affaires du Québec et ceux-ci
le lui retournent bien tant par la qualité des rendements obtenus que
par le dynamisme manifesté par les entrepreneurs du Québec.
Quant à la Caisse, 20 des 52 entreprises partenaires ont
procédé à pas moins de 36 transactions d'acquisition et
transactions de fusion, tant au Québec qu'à l'étranger.
L'année écoulée nous aura permis de participer activement
à la croissance de petites entreprises en région qui ont des
besoins de capitaux de moins de 500 000 $; nous en avions d'ailleurs
parlé ici l'an passé. Pour y arriver, la Caisse s'est
jumelée à d'autres institutions financières nationales et
à des investisseurs locaux pour lancer des sociétés
d'investissement à Québec et en Estrie. Capidem, à
Québec, et Capitale, en Estrie, bénéficient d'une
capitalisation initiale de quelque 20 000 000 $. Au début de
l'année 1989, nous avons participé à la mise sur pied de
la Société d'investissement Mauricie-Bois-Francs-Drummond.
À la Caisse, il apparaît que pour des investisseurs
institutionnels l'avenir dans ce créneau de la capitalisation
d'entreprises au stade primaire de croissance passe justement par la
création de sociétés qui sont préoccupées
par la consolidation, le développement et la promotion de secteurs
d'excellence.
Quant à l'immobilier, qui est un peu le pendant qui s'ajoute
à notre identité de propriétaire que nous illustrons par
notre portefeuille d'actions, il aura connu un taux de croissance qui fait
qu'il atteint aujourd'hui 881 000 000 $. La diversification sectorielle et
régionale de nos placements a été particulièrement
accentuée au cours de l'exercice, de même que le regroupement de
partenaires québécois. Nous voulons jouer, dans l'immobilier, le
même rôle que nous jouons dans les petites et grandes entreprises
du Québec.
Dans le domaine résidentiel, la Caisse a conclu une entente
importante avec un promoteur, après avoir procédé à
l'achat de terrains à Anjou. Le secteur commercial nous aura encore
permis d'augmenter notre présence régionale par l'acquisition de
centres commerciaux: Aima, Jonquière, Chicoutimi, Rimouski ainsi que
Cowansville et Thetford-Mines.
Je crois sincèrement, Mme la Présidente, que 1988 a
constitué une année importante en termes de diversification de
nos activités de placement, tant au point de vue de l'ingénierie
financière que sur le plan géographique dans tout le
Québec. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Merci, Mme la Présidente. Je
souhaite la bienvenue à cette commission à M. le
président, M. Campeau, de même qu'à ses principaux
collaborateurs. Je dois dire que la Caisse de dépôt, étant
une société dont tous les Québécois sont
très fiers, a joué un rôle important au cours de la
dernière année. L'année passée, on avait eu une
très bonne discussion sur cette question de la diversification et de
l'implication dans les régions, implication auprès des PME. Ce
qui avait été dit a été fait, pour autant que je
sois concerné. De plus en plus, on voit cette présence et, ce qui
est intéressant, cette approche au plan du "partnership" avec d'autres
groupes, d'autres institutions. Pour ma part, je pense que la Caisse se dort de
continuer dans ce sens.
Quant aux résultats financiers, je pense que la performance est
là et que le rendement est drôlement Intéressant sur le
plan des résultats comme tels. Cependant, je m'attarderai - je pense que
mes commentaires se veulent très constructifs - sur ce qui, je pense, ne
va pas ou devrait plutôt s'accentuer au cours de la prochaine
année. Bien sûr, je fais référence au contrôle
des entreprises québécoises qui sont passées à des
étrangers au cours des derniers mois.
J'ai été un peu surpris ce matin, dans votre
présentation, M. Campeau, que vous n'ayez pas fait allusion à ces
déclarations que vous avez fartes devant le cercle canadien au cours des
derniers jours. Cependant, je sais que ça fait partie de vos
préoccupations. Ce matin, je me dis: On a les représentants de la
Caisse de dépôt devant nous; on a cette société qui
est bien gérée, cette société dont tout le monde
est fier. Mais je ne suis pas sûr qu'elle ait tous les outils qu'il faut
et particulièrement le mandat même si elle a un mandat très
large - spécifique dans le cadre de cette préoccupation du
contrôle des entreprises québécoises.
Tout en ayant beaucoup de respect pour le ministre des Finances qui est
devant nous ce matin, je me permets de dire que j'ai été
stupéfait, voire renversé, de la déclaration qu'il a faite
le 29 janvier dernier, lorsqu'il a mentionné qu'il ne voyait aucun
inconvénient, sinon un inconvénient intellectuel, à la
vente de la Consol. Que le ministre des Finances du Québec dise
ça, qu'il regarde passer ça, je me permets de m'inscrire en faux
contre ça. Je n'avais pas eu l'occasion de le dire publiquement, je le
fais. Je trouve ça inconcevable que le gouvernement du Québec
n'ait pas pu agir là-dedans.
La question que je me pose en tant qu'Opposition officielle est fort
simple: Est-ce que la Caisse de dépôt et placement du
Québec était en position d'agir et est-ce qu'elle avait cette
poussée et cette préoccupation du gouvernement? Le ministre des
Finances et le gouvernement du Québec peuvent certainement donner,
à l'intérieur du mandat large d'une société et
à l'intérieur d'un mandat spécifique, des mandats pour
être capables de vraiment s'occuper de garder des entreprises chez nous.
Et là je ne m'inscris pas en faux contre toutes les ventes d'entreprises
qui peuvent se faire à l'étranger, surtout dans le cadre du
libre-échange. Je peux comprendre. Mais, pour ma part, si on a
bâti des choses au Québec, je pense qu'on se doit de les
conserver, particulièrement dans les secteurs dits névralgiques,
les secteurs stratégiques.
Il y a un problème. C'est qu'actuellement on n'a pas de
stratégie de développement économique au Québec. On
n'a pas de stratégie vraiment bien campée depuis ces
dernières années, et je l'ai déploré à
plusieurs reprises, ce qui fait en sorte qu'actuellement j'ai l'impression - et
M. le président de la Caisse pourra me corriger - qu'on regarde passer
le train un peu et qu'au Québec on est en train d'essayer de
réagir au lieu d'être trop actifs et d'être
déjà capables de dire: II y a tel pion qui va s'avancer sur
l'échiquier et on sera prêts.
On faisait allusion ce matin au fait que j'ai décidé de ne
pas être présent lors de la prochaine campagne électorale,
mais ça ne veut pas dire pour autant que je m'abstiendrai de tout
débat, dans le sens que je vais rester, de quelque façon que ce
sort, sur la place publique pour continuer à défendre ces
intérêts-là parce que c'est fondamental sur le plan de
l'économie du Québec. Et d'avoir vu passer le contrôle de
la Consol pendant qu'on avait la possibilité, qu'on avait les moyens de
faire autrement, je trouve cela inacceptable, et encore plus que le ministre
des Finances sort d'accent avec ça.
Le cas du groupe Commerce. Encore là, on s'est retrouvé
devant un fait accompli, et je suis persuadé qu'au cours des prochains
mois, voire la prochaine année, il y a des gros morceaux qui partiront.
Si on veut bien établir une stratégie de développement
économique et dire: Dans ce secteur-là - le secteur des
pâtes et papiers pour prendre le cas de la Consol - il n'est pas question
qu'on perde le contrôle, c'est important de garder ça chez
nous.
On s'est donné un véhicule qui est la Caisse. Je pense que
la Caisse est capable, si elle a besoin de partenaires, de les trouver. Je ne
suis pas inquiet là-dessus. Mais là où je suis inquiet,
c'est: Est-ce que la Caisse a toute la latitude pour bouger? Est-ce qu'elle est
encouragée dans ce sens-là? Est-ce qu'elle peut nous assurer
aujourd'hui que, déjà, on est en train de prévenir
d'autres coups semblables? Quand je dis "prévenir", je pense que le
gouver-
nement et la Caisse - sans être au courant de toutes les
transactions qui peuvent se faire - peuvent déjà passer le
message sur la place publique et à l'économie, aux gens qui sont
les leaders dans ce monde québécois, à savoir qu'il n'est
pas question qu'on laisse aller certains morceaux. Cela ne veut pas dire
à n'importe quel prix. Mais il faut que le message soit clair.
Là, le message est très clair, d'après ce que je vois et
j'entends; c'est qu'on n'intervient pas. On laisse aller les forces du
marché. Moi, la Stone Container, je regrette, mais je pense que c'est...
D'abord on vient de placer la Consol dans une situation qui va être
intenable sur le plan de l'analyse financière, sur le plan du service de
la dette, et on vient de placer la Consol sous contrôle hors
québécois, et je trouve ça... On réalisera,
peut-être que les Québécois réaliseront dans deux,
trois, quatre, cinq ans ce qui se sera passé. Mais s'il y a eu une
erreur, s'il y a quelque chose qui n'a pas été fait, qu'on n'a
pas bougé assez vite et qu'on n'avait pas le soutien nécessaire
de la part du gouvernement, je me dis: Bon, c'est un cas. Mais il ne faudrait
pas que cela se répète. (11 h 45)
Dans ce sens, je dis que la Caisse doit avoir tous les outils. Lorsque
je prends connaissance de vos déclarations, M. le président, cela
me réjouit. Je sais que vous êtes préoccupé comme
président de mettre des choses sur pied, mais le temps presse parce
qu'il y a d'autres morceaux qui vont se présenter. Il va falloir
peut-être se virer, comme on le dit en bon québécois, sur
un trente-sous. Quand ces choses-là sont enclenchées dans un
processus, vous savez que vous devez intervenir. Vous avez prouvé dans
le passé que la Caisse était capable de se retourner rapidement,
sauf que le message n'est pas clair actuellement. J'ai une préoccupation
double, à savoir: Est-ce que le gouvernement du Québec a vraiment
l'intention d'intervenir et de ne pas laisser aller les choses - si oui, qu'il
l'affiche clairement - et, si oui, est-ce qu'il a donné à la
Caisse de dépôt toute la marge de manoeuvre même si celle-ci
est autonome en soi? Je peux comprendre que vous n'avez pas de... S'il y a une
volonté politique, je pense que cela fera partie des
préoccupations de la Caisse dans les prochains mois et dans la prochaine
année. C'est, pour moi, le plus gros morceau. C'est excellent ce qu'on a
fait dans la dernière année, d'aller vers ces orientations de
développement régional, de consolidation de PME, d'implication de
la Caisse dans ces nouveaux secteurs. Je dis: Bravo! j'applaudis, c'est
excellent! Mais là, on est à l'heure des gros morceaux; on est
à l'heure du libre-échange et de l'internationalisation des
marchés et, dans ce sens, le joueur majeur, c'est la Caisse. Il vous
faut absolument agir en ce sens.
Mes commentaires et mes questions sont dans ce sens, à savoir ce
qui va se passer: Est-ce qu'à la suite de l'affaire de la Consol... Si
j'étais président de la Caisse, que je lisais cela et que je
passais un coup de téléphone au ministre des Finances, je dirais:
Écoutez, ou bien on n'est pas sur la même longueur d'onde...
Là, je ne veux pas faire de politique. Je sais que ce n'est pas une
boîte politisée et chacun doit essayer de fonctionner à
l'intérieur du mandat qui lui est confié. Mais que le ministre
des Finances applaudisse à une telle chose et que le président de
la Caisse de dépôt se dise un peu consterné devant ce qui
s'est passé, qu'il ne faut pas que ça se reproduise, oui, mais
quelles mesures vont être prises?
Voilà mes préoccupations ce matin. S'il faut prendre
l'heure sur ce sujet, moi, je veux avoir des éclaircissements. Je pense
que la Caisse de dépôt a un rôle terriblement important. Si
la Caisse ne le fait pas et qu'elle n'est pas appuyée politiquement,
personne d'autre ne peut le faire au Québec. Vous êtes les joueurs
majeurs. Vous pouvez entraîner d'autres gens avec vous, comme vous
semblez vouloir le faire, c'est-à-dire d'autres Institutions, d'autres
groupes, d'autres partenaires, même s'ils sont minoritaires, mais vous
avez le levier extraordinaire qu'est ce levier économique. Vous avez les
actifs pour le faire, vous avez le personnel, vous avez la réputation.
Je pense que la Caisse a tout ce qu'il faut. Il manque un
élément, c'est peut-être cette volonté politique, et
j'en suis préoccupé. Voilà, Mme la Présidente, mes
premiers commentaires et mes premières questions.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Campeau.
M. Campeau: Je pense que les remarques du député
sont fort bien prises, mais pas quand il s'agit d'une non-coopération
avec le gouvernement. La Caisse a toujours, bien sûr, voulu son
indépendance et son autonomie et elle n'a jamais eu d'intervention du
gouvernement. D'autre part, elle se doit de suivre l'orientation du
gouvernement et de coopérer avec lui. Alors, je pense bien que c'est
à regret - je ne sais pas comment cela a été
rapporté dans les journaux - que nous avons vu les incidents de la
dernière année se développer. Quand je dis que c'est
à regret qu'on l'a vu, j'ai été en étroit contact
avec le ministre des Finances à ce moment et, croyez-moi, en tout cas
avec moi, il s'est montré chagriné des événements
qui sont arrivés. Je ne sais pas comment les journaux ont
rapporté cela; c'est une autre affaire. Quand on a parlé ensemble
au sujet de la Consol, on a tâché de trouver des moyens et on a
tâché de collaborer. Je peux vous dire que le ministre des
Finances était préoccupé autant que moi comme
président de la Caisse de dépôt. Pour la Caisse uniquement,
c'est sûr que, parmi ces événements, il y en a un qui nous
a pris par surprise, la. Consolidated Bathurst. Quant à l'autre groupe,
le groupe Commerce, il ne nous a pas pris par surprise. Cela n'a pas
tourné comme on l'aurait voulu, cependant, mais je dois avouer que cela
se discutait. À ma connaissance,
depuis cinq ou six ans iI en avait été question, il y
avait la recherche d'une solution et d'autres intervenants
québécois travaillaient activement à la recherche d'une
solution, et cela a abouti à la vente à un contrôle
étranger. C'est évident qu'une meilleure solution aurait
été souhaitable. Comme je le disais dans mon discours devant le
Cercle canadien de Montréal auquel vous avez fait allusion, certaines
personnes, certaines institutions, par choix, regardent plus le profit à
court terme que le profit à long terme, décident, à un
moment donné, d'encaisser un profit qui est là aujourd'hui, qui
paraît très bien et qui est justifié à court terme
et cessent de gager sur l'avenir - de "miser" sur l'avenir au lieu de "gager"'
je suis trop influencé par le président de Loto-Québec.
Ces deux placements à long terme auraient peut-être pu rapporter
beaucoup et ils sont passés à des contrôles
étrangers.
Cela dit, même s'ils sont passés à des
contrôles étrangers, la Caisse se doit de coopérer,
maintenant que c'est fait, avec ces gens-là, s'il y a un besoin de
coopération, pour garder l'économie forte au Québec.
Admettons - je ne voudrais pas dire que c'est fait, que c'est passé -
qu'on passe maintenant au deuxième, à l'avenir. La Caisse a voulu
et veut encore s'associer aux partenaires québécois que sont les
entrepreneurs. Là, vous me permettrez d'emprunter les propos de M.
Péladeau dont j'ai lu une des interventions qu'il a faite à la
radio et qui a, par la suite, été rapportée par
écrit. Il disait: Un financier veut nettement faire un profit
immédiatement et l'entrepreneur bâtit à plus long terme.
Avec les entrepreneurs que nous sommes en train, tout le monde, toute
l'économie québécoise, de bâtir au Québec,
est-ce que cela ne fera pas un Québec plus fort qui va hésiter
à vendre ces compagnies? Plus il y aura d'entrepreneurs au
Québec, plus l'économie marchera bien. On voit au Québec
depuis quelques années, peut-être depuis plusieurs années,
l'émergence de nouveaux entrepreneurs. Est-ce que cela aidera à
garder les contrôles ici au Québec? Je pense que oui.
Cela n'empêche pas qu'à l'heure actuelle la Caisse et
d'autres intervenants au Québec... En tout cas, à la Caisse, nous
sommes en réflexion. Il s'agit aussi de bien analyser l'évolution
des mentalités et, j'en ai parlé dans mon discours
récemment, des noyaux durs qui pourraient être formés pour
garder le contrôle au Québec. Je sais que le député
de Bertrand me dira: Oui, mais il sera trop tard; tout sera parti. Je ne le
pense pas. Je pense qu'il y a des choses qui peuvent se faire d'une
façon ponctuelle tout en travaillant à l'élaboration d'une
grande réflexion pour pouvoir faire face à d'autres
éventualités du même genre que les deux que nous avons
connues récemment.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Oui. Toujours dans la même
foulée, pour terminer ce point. Vous semblez vouloir favoriser, mettre
sur pied ou créer, finalement, ce noyau de regroupements d'institutions
et tout ça. Est-ce vraiment quelque chose qui va se faire sur une base
ad hoc. une base un peu plus formelle? En fait, à partir du moment
où vous tenez, comme président-directeur général de
cette importante société d'État, ce genre de
message-là, je pense que c'est important de donner une suite dans le
sens que toute entreprise qui sera en train de faire de la spéculation
quant à sa vente, à sa fusion et autrement avec des
intérêts étrangers saura qu'il y a des partenaires
organisés dont le leadership est peut-être assuré par la
Caisse de dépôt.
Autrement dit, je voudrais savoir si, à la suite des propos que
vous avez tenus et selon ce que vous avez derrière la tête, ce
sont des choses qui vont prendre une forme un peu plus formelle, parce que
c'est important, pour être capable de faire de la planification sur
l'échiquier des prochaines années avec les secteurs
névralgiques. Si oui, est-ce que vous avez déjà
identifié vos secteurs, parce que ça va de pair... Je ne sais pas
ce qui a été rapporté dans les journaux, sauf que je lis
ce que je lis toujours avec la précaution de dire que les gens ont
peut-être été mal interprétés, mais
là, ça a été rapporté par plusieurs
médias, la vision du ministre des Finances sur la transaction de la
Consol. Nonobstant ça, et le ministre des Finances pourra
l'éclaircir ou pas, vous dites être en excellente collaboration.
Je n'en doute pas. Avez-vous actuellement, avec le gouvernement, vraiment toute
cette identification très claire en termes de stratégie? La
Caisse aura beau, par le biais de son président, par ce qu'il veut
mettre sur pied et par ce noyau important, dire: On va cibler dans tel secteur
d'activité et on va effectivement essayer de se préparer pour le
prochain mouvement qui va se faire. Il faut que ça cadre bien avec la
stratégie de développement économique du Québec.
Oui, le secteur des pâtes et papiers, je pense que c'est reconnu, c'est
un secteur privilégié ou un secteur qui est vraiment
stratégique et névralgique. Il y a d'autres secteurs et il y en a
d'autres qu'on voudra peut-être privilégier à la Caisse
mais est-ce qu'on va réussir à s'entendre ou si on s'entend
déjà? Je n'ai pas cette stratégie pour ces secteurs
privilégiés par le gouvernement. Si vous l'avez, j'aimerais
savoir quels vont être ces secteurs privilégiés pour votre
plan d'action 1989-1990. C'est bien sûr qu'il y a un plan d'action
quinquennal ou sur dix ans. On ne fait pas tout ça pour demain matin. Ce
que je veux être capable de prévenir au moins, c'est: Si, demain
matin, quelque chose se passe, est-ce qu'on sait déjà qu'on est
dans un secteur névralgique et qu'on a l'appui du gouvernement?
M. Campeau: Je pense que vous le mentionnez vous-même. Il
faut être préparé longtemps d'avance pour que ça ne
se présente pas. Ce que
je disais tout à l'heure, c'est qu'avec l'aide des entrepreneurs
du Québec il faudrait s'assurer que la propriété est
répartie entre des institutions financières du Québec qui
veulent le profit à long terme et non pas le profit à court
terme, pour que des situations comme les deux mentionnées
précédemment ne se reproduisent pas.
D'autre part, il en arrivera quand même toujours. Comme je le
disais, il faudrait aussi qu'il y ait des acquisitions par nos entrepreneurs,
qu'on les soutienne à faire des acquisitions à l'extérieur
pour compenser les pertes ou certaines pertes que nous subirons toujours. Nous
sommes dans un marché libre. Il en arrivera quand même encore.
Quand l'événement arrive, il est souvent trop tard pour
réagir. Il faut vraiment prévenir l'événement et
ce, des années d'avance. Vous me demandez si la Caisse de
dépôt et placement a un plan pour ça. Je vous dirai que,
quand nous sommes près d'un aboutissement d'une négociation en
cours, nous ne faisons généralement pas de commentaire parce que
c'est assez difficile, puisqu'il peut y avoir plusieurs intervenants
là-dedans. Je peux vous dire que nous sommes en réflexion.
Vous me demandez: Êtes-vous prêts? Bien, j'aimerais qu'on le
soit beaucoup plus qu'on ne l'est aujourd'hui. Est-ce qu'on aura plus à
dire l'année prochaine? Je ('espère beaucoup. Est-ce qu'on aura
prouvé qu'on a abouti à quelque chose avec des institutions
financières? Je l'espère. À l'heure actuelle, je pense que
notre réflexion est bonne, je pense qu'on peut faire évoluer les
mentalités et qu'on peut faire du Québec un groupe d'institutions
qui se parleront. Il y aura aussi de l'abnégation où les
succès ou la gloire pourraient être partagés par plusieurs,
mais on n'aura pas une économie où l'entrepreneur veut toujours
contrôler à 100 % ou 51 %, ou même l'institution.
Par exemple, je peux vous dire qu'il est rafraîchissant de voir
à l'heure actuelle les relations qu'on a avec certaines institutions
financières au Québec. Il semble qu'on veuille partager la gloire
et la réussite alors qu'il y a quelques années, au Québec,
tout le monde voulait ses 51 %. (12 heures)
Je vous donne un exemple spécifique, celui de Canam-Manac,
où, à l'heure actuelle, il y a vraiment un propriétaire,
Marcel Dutil, qui est en plein contrôle de tous ses moyens. D'autre part,
vous avez aussi deux partenaires importants qui sont le mouvement Desjardins et
la Caisse de dépôt et placement. Comme modèles, ce n'est
pas méchant. Je ne dis pas que c'est le modèle qui doit exister
dans toutes les situations, mais ce n'est pas méchant. À la
tête de l'entreprise Canam-Manac, ce n'est pas un financier, c'est
vraiment un entrepreneur, un opérateur qui est là et qui est en
pleine force, soutenu par deux partenaires financiers - je vais employer le mot
- d'envergure, qui regardent le profit à long terme, qui ont de
l'argent, qui peuvent suivre. Ils ne manquent pas de moyens pour faire
cela.
À votre question, je réponds: La Caisse de
dépôt peut intervenir, à l'heure actuelle, d'une
façon ad hoc, dans des situations. Son plan pourrait être encore
mieux fait. Sa réflexion reste à être terminée. Il
est évident que, dans sa réflexion, elle doit penser à
l'intervention du gouvernement et à une intervention d'autres
sociétés aussi du privé. Mais on verra en temps et lieu.
C'est difficile pour moi d'aller plus loin aujourd'hui.
La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce que ça
va, M. le député de Bertrand?
M. Parent (Bertrand): Oui. Je reviendrai.
La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce que je peux
donner la parole à M. le député de Mille-Îles? M. le
député de Mille-Îles.
M. Bélisle: Merci, Mme la Présidente. M. Campeau,
bienvenue, ainsi qu'à vos collaborateurs. Il me fait plaisir de vous
revoir encore cette année. Je me souviens, l'année passée
- c'est vrai ce que le député de Bertrand a dit - on avait eu une
discussion assez sérieuse, vous vous souvenez, M. Campeau, sur
l'orientation en termes de région, en termes d'aide aux petites
entreprises. Je vois dans le rapport annuel de la Caisse de dépôt
tous les efforts qui ont été faits - vous l'avez mentionné
tantôt - avec Capitale Estrie, Capidem Québec, la troisième
société qui vient d'être formée. Il est bien
évident que nos propos ont été bien accueillis
l'année passée et que vous avez cheminé dans le bon
sens.
Deuxièmement, félicitations pour votre performance. C'est
excellent; 10, 5 % comparativement à 4, 7 %, c'est plus du double, 2, 2,
2, 3. C'est très bien, c'est excellent.
Toute la question des fusions que le député de Bertrand
soulève, c'est fort complexe. Quelle part la Caisse de
dépôt doit-elle jouer, quel rôle doit-elle assumer? Quelles
sont les priorités du gouvernement à l'intérieur de la
répartition et de la propriété de la richesse commerciale
et collective du Québec? C'est là-dessus que je vais intervenir
moi aussi et que je vais essayer de réfléchir avec vous.
Comme disait le député de Bertrand tantôt, c'est
évident que nous avons souhaité, nous avons demandé, d'une
façon très claire, une libéralisation des échanges
avec notre plus important partenaire commercial. Il ne faut pas du tout
s'étonner que les capitaux affluent puisque nous avons ouvert les portes
nous-mêmes et ce, dans l'intérêt et pour le
bénéfice de la société québécoise.
C'est à tout le moins les prémisses de base qui étaient
sous-jacentes à la libéralisation des échanges. On est mal
placé parce que, d'un côté, on veut attirer les capitaux.
On souhaite avoir des investisseurs étran-
gers. On souhaite en avoir de plus en plus parce que le but de
libéraliser les échanges, c'est non seulement de fabriquer au
Québec des produits que l'on vend à l'extérieur, mais
c'est aussi d'avoir un marché plus ouvert sur les produits financiers.
C'est comme si on a décidé d'embarquer dans une partie et qu'il
faut jouer la partie. Il faut peut-être se donner des cartes ou se garder
des atouts dans les mains. Il va falloir balancer tout ça. On ne peut
pas dire à certaines entreprises: Permettez-nous d'avoir accès
à vos marchés ou à un certain pays qui est les
États-Unis, et, d'un autre côté, leur dire: vous savez,
quand vous venez chez nous et que vous voulez participer à notre
économie, il faudrait faire attention à la grosseur du poisson
que vous voulez ramasser avec votre ligne; si le poisson a 500 000 000 $ de
capitalisation et que c'est une entreprise de telle taille, il ne faut pas y
toucher, la libéralisation des marchés s'arrête là;
si le poisson en a une de 100 000 000 $, on vous laisse aller, vous pouvez
pêcher, vous avez votre permis de pêche, parce qu'on a ouvert la
porte du libre-échange. Quand cela atteint une dimension comme Consol,
à ce moment, c'est la panique nationale.
Je pense qu'il y a des objectifs qui sont contradictoires, conserver une
mainmise de notre économie, se protéger, conserver te
contrôle, mais aussi, en même temps, aller dans le sens de ce qu'on
souhaite, c'est-à-dire une intensification des investissements
étrangers au Québec.
Parlons de certains cas, et je pense qu'il faut en parler. Parlons de la
Consol. Vous avez souvent mentionné, M. Campeau, vous avez dit
tantôt: Certains souhaitent le profit à long terme, d'autres
souhaitent un profit à court terme. C'est exact. C'est une grande
vérité dans l'économie où nous nous situons,
où il y a une liberté d'entreprise, où le
propriétaire d'une entreprise peut décider, du jour au lendemain,
de vendre à qui que ce soit et à n'importe quel prix telle
entreprise sur le marché. Je suis convaincu que ce n'est pas le
rôle de la Caisse de dépôt lorsque le prix hausse
systématiquement et lorsqu'il y a surenchère, étant
donné que votre mission, avant tout, c'est de protéger vos
épargnants, ceux qui mettent des contributions dans votre caisse, parce
que c'est ça, la Caisse de dépôt. Ce n'est pas le rempart
sublime, extrême ou final de la concentration du capital face aux
acquisitions, par des mains étrangères, au Québec. Ce
n'est pas ça, son rôle. C'est de donner un bon rendement à
vos participants, aux commissions administratives des caisses de retraite, aux
régies qui déposent chez vous. Alors, vous ne pouvez pas aller
au-delà d'un certain prix quand la valeur du marché
dépasse.
Je vais vous donner des exemples et c'est ça qui me fait sourire.
On a fait un grand plat de la Consol. Mais, M. le député de
Bertrand, comment se fait-il que quand la Reed Paper, à Québec, a
été mise en vente - c'est un secret de polichinelle pour tout le
monde; c'est l'employeur le plus important, sur le plan privé, de la
région de Québec - on n'a pas entendu les hauts cris? Comment se
fait-il que personne ne s'est scandalisé de cet état de fait?
C'était dans le même secteur; c'était dans le secteur des
pâtes et papiers. Mais le poisson était moins gros...
Une voix: Pas tellement, 650 000 000 $.
M. Bélisle: Cela ne fait rien. Mais, là. je vais
venir à la question du prix. Peut-être qu'il faudrait se poser la
question: Est-ce que c'était la vraie valeur du marché, le prix
qui a été payé par Daishowa qui a acquis la Reed Paper
à Québec, la valeur économique actuelle de cette
entreprise? Est-ce que vous seriez surpris aujourd'hui, M. le
député de Bertrand, si je vous disais que ça n'avait
peut-être aucune correspondance avec la valeur économique actuelle
aux états financiers? Est-ce qu'on devait, nous, via la Caisse de
dépôt ou via une autre institution - parce que c'est une
entreprise québécoise - arriver et dire: II faut garder le
contrôle? Même si cela vaut 300 000 000 $, on va mettre 650 000 000
$ sur la table pour conserver le drapeau du Québec au-dessus de
l'entreprise. Moi, je dis: Non, ce n'est pas le rôle de la Caisse de
dépôt. Je me suis esclaffé quand j'ai entendu - Mme la
Présidente, vous me permettrez de le dire - le chef actuel du Parti
québécois qui voulait, à tout prix, que la Domtar soit
vendue à la Consol pour éviter l'hécatombe. Mais
souvenez-vous, il y a deux ans et demi, quand on procédait aux
privatisations, M. Campeau, ce qui se passait. Le même parti dans
l'Opposition nous disait: Ne vendez pas la Domtar, gardez la Domtar; c'est le
joyau des sociétés de la couronne au Québec; il faut
garder ça à tout prix. À un certain moment donné,
parce qu'on veut garder l'apparence nationaliste, il faudrait prendre la
Domtar, la vendre à un entrepreneur privé qui, lui, ne vise pas
nécessairement le profit a long terme que vous avez en tête et que
j'ai en tête. Je dis que ce n'est peut-être pas le bon moyen.
Parlons du groupe Commerce. C'est beaucoup plus complexe que ça,
le problème du groupe Commerce. Est-ce qu'on ne pourrait pas se poser la
question, à savoir si une de nos bonnes entités
économiques québécoises dynamiques, qui s'appelle les
caisses populaires Desjardins, n'a pas contribué pour beaucoup au fait
que le groupe Commerce sort vendu et qu'il sort vendu à des
étrangers. Vous savez, Mme la Présidente, quand on se lance dans
un marché avec 1400 postes de distribution d'assurance
générale et qu'on rentre de plein fouet dans un secteur qu'une
entreprise, comme le groupe Commerce, exploitait avec beaucoup de brio,
j'imagine que les actionnaires et les membres du conseil d'administration
commençaient à réfléchir. Est-ce qu'on peut leur
faire le reproche? Est-ce que c'est le rôle de la Caisse de
dépôt, dans un contexte semblable, de venir colmater une
brèche
qui a été causée par les intentions commerciales et
l'activité commerciale d'un autre intervenant économique au
Québec que sont les caisses d'épargne et de crédit? Je
dis: Non, très clairement, non.
Dans mon esprit, la Caisse de dépôt, ce n'est pas du tout
le gardien de but de l'économie du Québec. Cela doit être,
M. Campeau, peut-être le joueur le plus utile au club, un des joueurs, un
des bons joueurs parmi les 20, mais pas le gardien de but, pas celui qui est
toujours là pour arrêter les rondelles quand les défenseurs
sont partis et quand les autres joueurs sont retenus dans l'autre zone. Ce
n'est pas ça, la Caisse de dépôt. Je pense que c'est
plutôt un leader. Quand vous pariez de noyau, cela me sourit. Quand vous
me parlez de sociétés d'investissement avec des capitaux de
l'ordre de 20 000 000 $ qui s'attaquent plutôt aux marchés
primaire et secondaire, là, vous êtes dans la bonne voie. La force
du Québec, ce n'est pas nécessairement les gros menés,
comme les appelle M. Parizeau, c'est en partie cela, mais c'est surtout la
petite et la moyenne entreprise. Et c'est vers cela que temd ma question, M.
Campeau. Je suis convaincu que vous avez le bon créneau. Vous dites que
c'est ad hoc, que vous regardez des situations où il y a de gros
poissons sur le point d'être mis dans le filet d'autres partenaires qui
ne sont pas nécessairement du Québec.
Je veux savoir si vous avez songé, si vous
réfléchissez à la possibilité - je sais que cela va
prendre plus de personnel, je sais que cela va être plus monastique comme
approche pour la Caisse de dépôt et placement, j'imagine ce qui va
se passer - d'avoir une direction spéciale, à la Caisse de
dépôt, qui s'occuperait particulièrement de tout le
réseau d'investissements que la Caisse de dépôt commence
à avoir, devrait et doit avoir pour le développement
économique du Québec aux niveaux primaire et secondaire, non
seulement au bout d'une entreprise qui, après quatre, cinq ans de
performance, est bonne, mais aussi lors du démarrage, même s'il y
a du dédoublement avec une autre entreprise reliée au
gouvernement du Québec, à la Société de
développement industriel du Québec.
Est-ce que ce n'est pas là - non pas juste une, deux ou trois
sociétés d'investissement - que le tamisage des dossiers par
investissement de 500 000 $, de 1 000 000 $, devrait être fait par la
Caisse de dépôt? Est-ce que ce n'est pas là qu'on va
s'assurer que toute la base économique de notre infrastructure au
Québec va demeurer en grande partie la propriété des
Québécois, de ceux qui vivent au Québec? Qu'il y ait une
entreprise multinationale américaine ou japonaise qui achète
telle ou telle entreprise ou telle participation, cela va arriver et cela va se
poursuivre, et c'est normal que cela arrive. Que vous associiez la Caisse de
dépôt, M. Campeau, à ces entreprises quand c'est possible,
je suis entièrement d'accord. Mais je pense que la trame est là.
Je sais que c'est énormément de travail, mais je pense que c'est
là qu'il faut que vous alliez. J'aimerais vous entendre
là-dessus.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Campeau.
M. Campeau: D'abord, permettez-moi juste une petite bifurcation.
En fait, ce que vous soulignez, c'est que des fois, au Québec, on se
pense arrivés et on n'est pas arrivés. On pense avoir les
capitaux nécessaires pour faire face à toutes les situations et
ce n'est pas vrai. On pense avoir une grande économie, avec des
entrepreneurs d'envergure, etc., et ce n'est pas vrai. Sauf qu'on est bien
mieux qu'il y a quelques années. On a un groupe d'entrepreneurs qui
marchent et qui avancent. Mais on n'est pas rendus. Je pense que l'un des
points qu'on a pu constater au cours des derniers mois, c'est qu'on a
pensé, au Québec, qu'on était arrivés et qu'on
pouvait vraiment jouer les coudées franches avec tout le monde et
remettre coup pour coup.
À la Caisse, on dit qu'on a beaucoup de chemin de fait, mais
qu'il en reste beaucoup à faire. Ce sera toujours une bataille. Il y a
encore bien des choses à faire. Les choses se font au cours des
années; cela ne se fait pas du jour au lendemain. Il s'agit
d'établir pour les autres années. Il partira des compagnies, il
en viendra d'autres. On fera plus d'acquisitions. Je me permets, en passant, de
souligner qu'on a des partenaires qui sont allés à
l'étranger: Vidéotron, Canam-Manac, Transcontinental, GTC,
Cascades, Mémotec. Il est évident que nous voudrions que rien ne
parte au Québec - moi aussi, encore plus - mais acquérir tout
à l'étranger. Mais à l'étranger, des fois, on va se
faire attraper. Espérons qu'il nous en partira moins et que la somme des
plus et des moins fera que ce sera un plus.
Donc, il reste beaucoup à faire et c'est là, la
thématique. Il nous faut, à la Caisse de dépôt,
continuer à coopérer avec les intervenants financiers, à
suivre l'orientation du gouvernement, à coopérer avec le
gouvernement dans ce domaine pour bâtir une économie encore plus
forte et pour former des entrepreneurs, au départ. Nos
sociétés de capitaux de croissance ont pour but de lancer des
entrepreneurs, qui vont nous arriver, par après, au niveau de moyennes
entreprises à la Caisse de dépôt et qu'on pourra prendre un
peu plus loin. Jusqu'ici, à la Caisse de dépôt, on avait
les moyennes et les grandes entreprises du Québec, donc, avec des
investissements de 500 000 $. Ces compagnies étaient déjà
lancées. Là, on les suivait, même quand elles devenaient de
grandes entreprises. On peut dire, aujourd'hui, que Canam-Manac est une grande
entreprise; on ne l'a pas prise au berceau, ils n'aimeraient peut-être
pas entendre ça, mais on l'a prise à un stade moyen. Avec nos
entreprises à capitaux de croissance, comme on en avait discuté
ici l'an passé et selon ce que la commission avait suggéré
et fortement recommandé, cela nous permet de les prendre encore
plus petites, de les monter et d'en arriver à de grandes
entreprises. C'est long! Il faut continuer à le faire et, comme je le
disais tout à l'heure, si on veut garder les entreprises au
Québec, c'est un travail qui s'échelonne sur plusieurs
années. (12 h 15)
Quand je parlais d'Intervention ad hoc, je parlais d'intervention,
aujourd'hui, dans les grandes entreprises où on espère en faire,
lorsque ça se présente. Mais si on était bien
établis, depuis 30, 40 ou 50 ans, si on avait eu cette
société, on n'aurait pas à intervenir; on les aurait
déjà formées, mais c'est ça qu'il faut faire
aujourd'hui, en dépit des petites tuiles qui nous tombent sur la
tête, et être prêts au moins pour les autres.
M. Bélisle: Si en une année ou en une année
et demie, avec les performances qu'on voit, vous avez été
capables d'en constituer presque trois, c'est très encourageant. Je vais
vous poser la question: Combien de sociétés d'investissement
envisagez-vous de créer, type noyau d'intervention, dans les secteurs
primaire et secondaire?
M. Campeau: D'accord.
M. Bélisle: En avez-vous deux ou trois autres en
tête? Si vous me dites ça, M. Campeau, ça signifie que dans
trois, quatre ou cinq ans, ce réseau va être drôlement
important au Québec.
M. Campeau: Pour bâtir une compagnie, il faut avoir des
"partners" financiers. Pour ce genre de sociétés de capitaux de
croissance, c'est surtout un bon gestionnaire sur place qu'il faut, qui
connaît le milieu et l'industrie, mais ce n'est pas si facile que
ça à trouver. Pour qu'une telle compagnie soit viable, il faut
qu'elle ait un fonds d'au moins 10 000 000 $ à investir. Si elle n'a pas
10 000 000 $, tant qu'elle n'aura pas atteint ça, elle n'est pas
rentable; alors, il y a là un seuil critique. Jusqu'ici, on en a trois;
on en a une ou deux autres qui pourraient aboutir, mais il va y avoir aussi une
question de possibilités là-dedans. À la Caisse de
dépôt, on ne travaille pas seulement à la
conceptualisation, comme certains grands gérants ou gestionnaires le
font. Pour nous, dans la mise en pratique de la conceptualisation, il y a aussi
les possibilités et d'autres éléments qui entrent en ligne
de compte. Ce n'est pas parce qu'on vise d'en avoir tant d'ici à
quelques années qu'on va nettement les avoir l'année prochaine.
Il va falloir que l'occasion se présente aussi. Alors, je ne peux pas
répondre à votre question d'une façon directe et vous dire
qu'on viendra ici, l'année prochaine, et qu'on en aura tant
d'autres.
M. Bélisle: Alors, j'ai hâte tout simplement, Mme la
Présidente, de voir, l'année prochaine, l'évolution, parce
que je pense que c'est très bien parti.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de Mille-Îles. M. le député de
Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Merci
La Présidente (Mme
Bélanger): II reste trois
minutes.
M. Parent (Bertrand): II reste trois minutes, c'est trop peu pour
discuter d'autant de sujets. Je suis content de vous entendre, ce matin,
confirmer ce que je pense. C'est que nous ne sommes pas des adultes. Nous ne
sommes même pas des adolescents. On a appris à marcher ces
dernières années et on n'est pas rendus à maturité.
Ce n'est pas vrai. C'est bien sûr que dans le cadre du
libre-échange, même si on a beau dire que ça se ferait
graduellement, les portes sont toutes grandes ouvertes, les barrières
tarifaires tombent. Même si elles tombent au fil des cinq ou des dix
prochaines années, selon les secteurs, il n'en demeure pas moins que
l'état psychologique des choses fait en sorte qu'on est en situation de
libre marché. Et là, on parle de changement de mentalité
non seulement chez les Québécois, mais chez les Canadiens. Cela
se passe. On a non seulement un commerce nord-sud qui va se faire, mais aussi
un commerce qui s'en vient de plus en plus international.
C'est sûr que le Québec n'est pas rendu à
maturité dans ce sens-là et vous nous le confirmez. Ce qui me
rassure c'est que, d'une part, cette orientation, cette préoccupation de
se doter des outils nécessaires, vous l'avez à la Caisse.
L'année passée, on a beaucoup mis l'accent sur la question du
développement régional et sur votre implication dans des PME avec
possibilité de croissance et tout ça. Je trouve excellent et
extraordinaire ce qui a été fait. Ce dont je veux m'assurer,
c'est que ça se continue dans la même foulée. Je pariais,
il y a quelques semaines, avec un président de PME qui, au cours de
l'année 1988, a trouvé comme partenaire la Caisse de
dépôt. Et ce type-là me disait à quel point il se
sentait maintenant plus sécurisé face à l'avenir. C'est un
changement important de mentalité, qui ne revient pas juste à la
Caisse de dépôt. Je pense que c'est notre rôle à nous
tous, sur la place publique, en tant qu'hommes politiques, de donner ces
orientations importantes de changement de mentalité et d'arrêter
de penser petit et de tout avoir.
Vous avez mentionné dans votre exposé devant le Cercle
canadien de Montréal - je lisais ça quelque part - et vous l'avez
répété à quelques reprises aussi, que le changement
des mentalités au Québec est en train de s'opérer. Il
n'est pas fait. Quand on est arrivé avec les formules de régime
d'épargne-actions, s'inscrire a la Bourse, on a vu que ça
été long. Cela a été difficile à faire
comprendre qu'on pouvait être capable de partager le gâteau et d'en
avoir aussi
pour soi. Malheureusement, il est survenu des incidents hors
contrôle, si on veut, dont le krach boursier. Mais encore là,
parce qu'il n'y a pas eu vraiment de réactions vives de la part du
gouvernement, on n'a pas regagné la confiance des gens. Ce qui fait que
nos PME québécoises aujourd'hui sont handicapées par ce
véhicule qui était, à mon avis, un véhicule
extraordinaire.
Ce dont je voudrais m'assurer c'est que, premièrement, vous allez
continuer à contribuer à changer ces mentalités-là,
parce que la Caisse a toujours été perçue jusqu'à
tout récemment en tout cas, selon ma perception du marché et les
contacts fréquents que j'ai avec les dirigeants de PME au Québec,
comme une boîte si grosse qu'elle faisait peur, en tout cas, à
l'entrepreneur dit plutôt moyen. C'est sûr que de jouer dans les
lignes de Canam-Manac, c'est différent que de jouer dans les lignes de
Piscines Vogue. Mais il reste que, dans le cas de moyennes entreprises ou de
PME en croissance où vous entrez comme partenaire, je trouve cela
extraordinaire que vous soyez capables de vous mettre à ce niveau et de
dire: Nous aurons une petite participation; nous serons là à 25 %
ou à 30 % et nous jouerons notre rôle. Même si on a des
milliards de dollars d'actif, on mettra des millions de dollars dans cela, et
que le partenaire ne se sente pas écrasé. C'est un
phénomène tout à fait nouveau. J'ai vraiment le "feeling"
que c'est en train de changer.
Je sais que vous y avez été pour quelque chose dans les
efforts effectués au cours de la dernière année en ce qui
concerne l'approche PME et que vous avez été capables non pas de
vous imposer mais de vous infiltrer volontairement parce que les entrepreneurs
le veulent. Vous êtes en train de contribuer à un changement de
mentalité important. Tout ce que je veux c'est que, finalement,
ça se multiplie le plus rapidement possible à cause - on peut
appeler cela - du retard. Je pense qu'il faut faire nos classes rapidement
parce que les règles du jeu changent.
La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): En conclusion, j'aimerais que vous puissiez
me dire - c'est un autre sujet dont j'aurais voulu discuter ce matin, le fameux
jugement de la Cour suprême qui est tout de même venu contraindre
la Caisse de dépôt à se soumettre aux lois des compagnies -
un peu votre réaction face à cela et les contraintes que ce
fameux jugement de la Cour suprême amènent, jugement dont on n'a
pas parlé puisqu'il est sorti en même temps qu'un autre jugement
de la Cour suprême. L'autre a primé, bien sûr.
La Présidente (Mme Bélanger): Brièvement, M.
le député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): La question est posée, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): Je m'excuse. M. le
député de Saint-Louis.
M. Parent (Bertrand): M. Campeau peut répondre, Mme la
Présidente? J'ai posé des questions.
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M.
Campeau.
M. Campeau: En ce qui concerne le jugement de la Cour
suprême, depuis sept ans, nous nous pliions et nous faisions nos rapports
d'initiés. Nous suivions la loi comme une entreprise ordinaire. Alors,
volontairement, on se pliait aux exigences de la loi. Vous parliez des
sociétés commerciales à Ottawa. Alors, cela n'a rien
changé à notre méthode de fonctionner. Donc, cela ne nous
dérange en rien de continuer à faire nos rapports.
La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce que cela va?
M. Le député de Saint-Louis.
M. Chagnon: II était intéressant tout à
l'heure d'écouter les commentaires qui se faisaient, de part et d'autre,
par la Caisse de dépôt et par les membres de l'Assemblée
nationale, concernant l'acquisition et le rôle de la Caisse de
dépôt dans les acquisitions ou pour contrer les acquisitions par
des capitaux étrangers de sociétés locales. On parlait de
distinction entre entrepreneurs et financiers. Ici, on voyait les frères
Lemaire, par exemple, avec Cascades, acheter et prendre le contrôle de 25
% des produits cartonnés européens, acheter des
sociétés papetières en France et, dernièrement, en
Suède. Tout le monde ici applaudissait comme des pingouins. Mais il
m'apparaît toujours un peu curieux de constater que, lorsqu'une
société néerléandaise fait l'acquisition d'une
société comme le groupe Commerce, qui était sur le point
d'être vendu ou qui s'annonçait comme vendable depuis
déjà - et vous l'avez mentionné - plusieurs années,
cela devient un scandale.
Il me semble - et cela devrait aussi être mûri et
stratégiquement organisé à la Caisse de dépôt
- qu'on est en train de vivre une "continentalisation" des économies, le
libre-échange en Amérique du Nord, l'Europe unie au 1er janvier
1993. Est-ce qu'à la Caisse de dépôt des efforts sont faits
pour permettre à des entrepreneurs d'ici de commencer à percer le
marché européen, pour être en place au 1er janvier 1993? On
sait d'avance que ce marché sera composé de 350 000 000 de
consommateurs, riches par surcroît, qui pourrait permettre, entre autres,
aux Européens, de venir aussi éventuellement prendre pied dans le
marché nord-américain par l'intermédiaire du
Québec. C'est là une optique intéressante sur le plan du
développe-
ment stratégique de deux économies qui vont se percuter
à un moment ou l'autre.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Campeau.
M. Campeau: À la Caisse de dépôt, il y a un
secteur qui s'appelle participation, qui regroupe, je l'ai dit un peu tout
à l'heure, de moyennes entreprises du Québec, de grandes
entreprises et la participation internationale. Pour répondre à
votre question, c'est par la subdivision du secteur international que je veux y
répondre.
Cette subdivision des placements internationaux ou de la participation
internationale - par "participation", on veut dire placements à plus
long terme par rapport au marché boursier qui est à plus court
terme, pour les profits, c'est la même chose - se veut un lien entre nos
entrepreneurs du Québec, que ce soient de grandes ou de moyennes
entreprises, et je dirais surtout des moyennes entreprises, pour ouvrir un peu
les marchés dans le monde ou pour susciter ou trouver les relations qui
peuvent s'établir, les cohésions - je n'ai pas le mot - qui
pourraient se faire entre les deux.
À l'heure actuelle, nous avons quelques investissements dans des
participations internationales qui sont surtout orientées, en plus du
profit qu'on fait dans nos investissements, car la "profitabilité" est
toujours une exigence, vers des relations avec nos entrepreneurs
québécois ici. Il y aura des entreprises que nous accompagnerons
à l'étranger. Par exemple, on a accompagné Cascades
à l'étranger. Nous sommes un partenaire dans sa filiale
européenne.
Alors, il y a deux façons: accompagner des partenaires
québécois, des entrepreneurs québécois à
l'étranger et, deuxième façon, les mettre en contact avec
nos partenaires qui sont déjà à l'étranger et qui
viendront échanger ici avec eux.
Le plus bel exemple dont je me souvienne et qui est un investissement
récent, c'est Siparex qui est ni plus ni moins une institution
financière qui investit dans un lot de moyennes entreprises en France.
Nous avons maintenant un investissement dans la société Siparex
et nous essayons de faire des liens entre nos entrepreneurs
québécois et les entrepreneurs de Siparex.
Cela répond en partie à votre question là-dessus.
D'autre part, il ne faut pas oublier que ce n'est pas notre rôle
d'être le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la
Technologie. Je répète nos objectifs: "profitabilité",
essor économique du Québec. Si on fait un investissement dans une
entreprise étrangère, une participation, M faudra que ça
rapporte; sinon, on ne le ferait pas. Sinon, on serait aussi bien d'investir 1
000 000 $ en publicité pour aller aider nos entrepreneurs
québécois, et ce n'est pas là notre but. On a toujours les
deux volets ensemble.
Là encore, on n'en est qu'au début. Il s'agit d'entrer
dans ces sociétés étrangères, de faire
connaître le Québec pour les amener ici. Aussi, il faut choisir
les bonnes. Il ne faut pas faire des investissements juste pour le plaisir et
parce que ça paraît bien d'aller se promener au Japon une fois par
année. On ne peut faire un investissement et ne pas le suivre ensuite.
Faire un bel investissement, ça paraît encore très bien, en
Asie, n'Importe où, et ensuite ne pas le suivre iI faut qu'on ait les
ressources pour suivre l'investissement qu'on va établir pour être
présents et faire des interrelations avec nos entrepreneurs du
Québec. (12 h 30)
M. Chagnon: Dans votre stratégie d'accompagnement de
l'entrepreneur sur des marchés étrangers - j'ai pris l'exemple de
Cascades tout à l'heure, c'était à juste titre, car je
savais que vous étiez avec Cascades dans te projet européen -
est-ce que c'est le modèle que vous voulez permuter pour d'autres
entreprises qui pourraient suivre Cascades? Cela pourrait être
Canam-Manac, cela pourrait être M. Dutil qui, à un moment
donné, décide de s'ouvrir sur le marché européen.
La formule de l'accompagnement est-elle celle que vous privilégiez?
La Présidente (Mme Bélanger): Avant que vous
répondiez, M. Campeau, j'aimerais demander aux membres de la commission
s'il y a consentement, à la suite d'une demande du député
de Bertrand, pour prolonger la discussion avec les dirigeants de la Caisse de
dépôt et placement du Québec de vingt minutes
supplémentaires.
M. Parent (Bertrand): Dix minutes de chaque
côté.
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, s'il y a
consentement de la commission, on pourrait...
M. Parent (Bertrand): II n'y a pas de problème.
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, y a-t-il
consentement?
M. Bélisle: Consentement.
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Campeau,
vous pouvez répondre à la question du député de
Saint-Louis.
M. Campeau: Je reviens au mot que j'utilisais tout à
l'heure, c'est bien beau d'avoir une belle planification, un plan d'action, une
conceptualisation, mais iI y a aussi une question de possibilité dans
l'exercice de ce plan-là. Alors, la Caisse est-ce que ce sera
exactement... SI je vous disais que dans Canam-Manac notre plan n'était
pas mis sur table, il n'était pas mis sur papier encore, mais qu'on a
senti que ça figurait dans le plan que l'on ferait
éventuellement. C'était une excellente occasion. Cela avait l'air
tellement naturel d'aller avec Cascades. Est-ce
que nos autres interventions d'accompagnement en Europe seront telles
que celle faite avec Cascades? C'est dans ce sens-là, mais cela pourrait
être autrement aussi. Mais n'oubliez pas que dans Cascades on fait de
l'argent avec notre participation là-bas. On n'est pas allé
là pour faire une subvention.
M. Chagnon: Je ne parle pas d'une subvention, je parle d'un
accompagnement financier. Quand vous vous êtes associé à
Canam-Manac, vous n'étiez pas là pour subventionner. Ce n'est pas
de l'aide sociale déguisée que vous avez donnée à
Canam-Manac. Au contraire, vous avez permis à Canam-Manac d'avoir des
liquidités supérieures à ce qu'elle pouvait
spéculer pour elle-même être capable de développer.
C'est exactement le même principe que vous avez appliqué pour la
division européenne de Cascades mais, dans ce sens-là, il y a
certainement sur le marché européen des acquisitions qui peuvent
se faire par des sociétés québécoises. Et je vous
posais la question: Est-ce la formule d'accompagnement la plus
intéressante pour vous sur le plan financier?
M. Campeau: Je ne le sais pas. À l'heure actuelle, nos
placements dans Cascades sont bons. Est-ce que ce sera toujours comme
ça? Je ne le sais pas. Mais ça suscite aussi une question que
vous n'avez pas posée. La Caisse de dépôt refuse des
placements et on se fait souvent dire que la mentalité n'est pas encore
traversée, et là-dessus tout le monde peut nous aider. À
la Caisse de dépôt - je n'en veux pas à la
Société de développement industriel, mais ce n'est pas le
même rôle. Elle peut se permettre un genre de subvention mais, chez
nous, il faut que ça rapporte pas mal.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chagnon: Le plus possible. Tant mieux! Ce sont nos fonds de
retraite que vous administrez.
Le Président (M. Bélisle): M. le
député de Saint-Louis, vous avez terminé? M. le
député de Bertrand, vos dix minutes additionnelles, allez- y-
M. Parent (Bertrand): Oui. Dans le cadre du libre-échange,
y a-t-il justement une stratégie prioritaire à la Caisse pour
investir dans des entreprises qui auraient un naturel d'expansion sur les
marchés américains? Y a-t-il un changement à la suite de
l'entente ratifiée dont la mise en vigueur était le 1er janvier
1989? Y a-t-il un ajustement, si on veut, dans les priorités lors des
investissements dans le capital-actions des entreprises, des PME vers celles
qui ont le plus de facilité et de potentiel, je dirais de naturel pour
des expansions qui nécessiteront de l'argent pour l'expansion sur le
marché américain? Vous êtes devenu un véhicule, par
exemple, pour des entrepreneurs québécois qui, actuellement,
veulent acquérir une entreprise en marché américain pour
être capables de contrôler une partie de la situation dans tel
secteur. Justement, ne devenez-vous pas le partenaire privilégié
ou si ce n'est pas plus qu'avant?
M. Campeau: Cela devrait être plus qu'avant. À
l'heure actuelle, pour nos investissements dans les moyennes et grandes
entreprises du Québec, on ne refuse jamais un placement rentable faute
d'avoir des fonds. Pour ça, on peut facilement changer nos budgets et on
peut toujours augmenter les budgets qu'on avait pensé mettre dans ces
entreprises. Alors, si nous étions limités, ce serait faute de
disponibilité et de temps du personnel pour étudier les dossiers
à fond, mais la limite ne serait pas les montants d'argent qu'on veut
investir là-dedans. Si vous me demandez exactement si notre
priorité est plutôt là-dessus, je vous dirai qu'on est plus
réceptif, mais il faut se dire aussi que dans la moyenne entreprise il y
a, comme je le disais tout à l'heure, une conceptualisation, un plan
d'attaque et aussi beaucoup de possibilités.
M. Parent (Bertrand): D'accord. Un autre volet qui n'a pas
été touché et qui, souvent, n'est pas beaucoup
touché. Je regarde dans le rapport financier de quelque 32 pages, on
retrouve un petit paragraphe qui, pour moi, est important et c'est tout
l'aspect des ressources humaines à la Caisse de dépôt. La
Caisse de dépôt est reconnue comme étant une
société à ressources financières, mais si cette
bonne gestion des fonds publics est faite, c'est qu'il y a des ressources
humaines adéquates. On en a parlé tantôt avec une autre
société. Je comprends que c'est totalement différent,
Loto-Québec et la Caisse de dépôt. Par contre, j'aimerais
savoir de votre part, comme P. -D. G., si vous avez en place tous les
éléments qu'il vous faut. Y a-t-il des remaniements ou des cures
d'amaigrissement prévues? Qu'en est-il exactement quant aux ressources
humaines? De l'extérieur, quand on analyse la performance de
l'entreprise, on dit: Cela va bien; c'est bien géré. Il reste
que, pour moi, dans une entreprise comme la Caisse de dépôt, si on
atteint ces résultats et si on a cette
crédibilité-là, c'est parce que vous avez l'organisation
nécessaire. Bien sûr, c'est souligné, mais très
brièvement en page 29 de votre rapport. J'aimerais vous entendre un peu
plus sur la question des ressources humaines et à savoir la structure et
l'organisation en fonction de la ou des prochaines années.
M. Campeau: D'abord, j'aime votre question - j'y trouve une belle
occasion, vu que le ministre des Finances est ici; quelquefois, cela aide les
approbations pour l'augmentation du
personnel. Je l'aimais jusqu'à ce que vous pariiez de cures
d'amaigrissement. Vous me permettrez de...
M. Parent (Bertrand): Je l'ai mis sous forme de question.
M. Campeau: D'accord, cela va. Je pense que notre structure est
excellente actuellement, mais cela ne veut pas dire qu'elle doive rester comme
cela et cela ne veut pas dire qu'elle ne doive pas être en
évolution tout le temps. Elle va continuer, je pense, d'être en
évolution vis-à-vis des demandes qui vont arriver. Il y a
toujours des nouveaux produits et il faut se spécialiser. Par exemple,
nous irons cette année du côté des obligations en France et
en Allemagne. Il faut quelqu'un pour étudier les investissements qu'on
fera dans les obligations françaises et allemandes. Ce seront
évidemment des titres de première qualité, mais il y a
quand même une étude à faire là, l'étude des
changes, etc. On devient de plus en plus sophistiqué, il faut plus de
personnel sophistiqué et l'entraînement est long.
Or, là où II faut le plus de personnel - on l'a
consacré et on a eu l'approbation des autorités concernées
là-dessus pour l'enveloppe et le nombre - c'est dans nos participations
au Québec. Nos participations au Québec, pour faire un
investissement de 500 000 $ dans une moyenne entreprise, c'est beaucoup
d'ouvrage, il faut du temps. Acheter pour 100 000 000 $ du gouvernement du
Québec parce qu'il a fait une émission sur 20 ans qui fait notre
affaire, à un taux d'intérêt très avantageux, cela
va vite. Quelquefois, les discussions sont longues et ardues mais pour 100 000
000 $, cela vaut la peine de discuter. C'est un peu cela. Dans les prochaines
années, si on continue à développer le secteur de la
participation dans les entreprises, te secteur immeubles parce qu'on veut
devenir des propriétaires au Québec et à
l'étranger, non pas seulement au Québec, si on veut
développer tous ces véhicules, je pense qu'on va revenir encore
pour augmenter le personnel; à tout le moins, il y aura une
réorganisation. Il y a peut-être des secteurs où on verra
le nombre de personnes réduit pour aller ailleurs. Donc, on sera en
constante mutation.
La question qu'on doit se poser: Doit-on augmenter le nombre de
personnes à la Caisse de dépôt ou encore s'assurer que
certains services ne soient pas saturés et qu'ils doivent placer leur
personnel ailleurs? Je pense que, dans toute entreprise mobile, en mouvement,
le problème se pose. D'autre part, dans certains services, il peut
arriver qu'éventuellement on en arrive à la conclusion que le
personnel est peut-être un peu nombreux ou, en tout cas, que nous avons
une bonne réserve. Mais cela, on est un peu esclave, on se fait souvent
enlever du personnel. Quand l'économie va bien, les vedettes de la
Caisse de dépôt partent vite. Ceux qui restent, cela ne veut pas
dire qu'ils sont moins bons, mais il y a des circonstances
particulières. Si. par exemple, il n'y a pas de place pour monter, ce
qui arrive principalement quand iI n'y a pas de place pour monter, c'est
peut-être que les gens en haut sont trop bons, mais les autres en bas,
les juniors s'impatientent. Des fois, on prend trois ou quatre ans pour former
un bon analyste financier et on le perd parce qu'il veut être
vice-président tout de suite, et ailleurs il va le devenir. On est dans
un milieu en évolution au Québec. Le Québec n'a pas connu
ça une demande aussi forte au point de vue financier que celle qu'on
connaît au cours des présentes années. Avant ça, il
n'y en avait pas. Il y a tout un mouvement qui s'est fait et la demande sera
encore là pour quelques années.
D'autre part, on a un système de formation universitaire qui est
acceptée par des courtiers et on dirige certaines de nos affaires, de
nos commissions de vente de bourses à certains courtiers qui favorisent
l'embauche d'étudiants québécois. C'est un peu notre
façon de contribuer de ce côté, et on peut le faire. Je
pense qu'au Québec, dans quelques années, il va y avoir des
ressources financières. Il y en a à l'heure actuelle et elles
seront encore meilleures. La qualité est là, à l'heure
actuelle, mais le nombre n'est pas là.
M. Parent (Bertrand): Peut-être une dernière
question, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): Oui, M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Si J'ai soulevé le point des
ressources humaines, c'est que, d'une part, je sens que la Caisse joue un
rôle un peu différent quant à son implication et à
sa participation dans de plus petites entreprises. Dans ce sens-là, je
pense que ça doit au moins demander, de la part de l'administration et
de votre part, une espèce de réaménagement des ressources
humaines, et même parfois un ajustement sur le plan des
mentalités. Il faut être capable de jouer, comme on dit, avec des
partenaires de tailles différentes. Dans ce sens, ça me semble
important.
Pour ma part, je souhaite que vous puissiez investir beaucoup sur le
plan des ressources humaines parce qu'une société comme la Caisse
de dépôt pourra continuer à être forte et pourra
livrer la marchandise pour autant qu'elle ait le professionnalisme dont elle a
toujours pu bénéficier. Il y a quelques années, lorsque
j'étais à la SDI, peut-être dans les années
1983-1984, il y a eu une période où on entendait beaucoup parler
de départs à la Caisse de dépôt, et c'était
mauvais sur le marché en ce sens qu'on avait un peu l'impression que
plusieurs personnes clés étaient en train de la quitter. Je pense
que c'est important.
Ce n'est pas le cas actuellement, mais c'est
important que, sur le plan des ressources humaines, vous puissiez
continuer à bien vous entourer pour avoir constamment des gens en train
d'être formés parce que les ressources financières sont
là et elles continuent d'augmenter, votre capital-actions est toujours
croissant, mais cette gestion doit se faire de façon très
serrée avec de bonnes ressources humaines. Malheureusement, on n'en
parle pas assez souvent, mais c'est drôlement important d'avoir de bons
analystes financiers. C'est ce qui fait la différence entre des profits
de 10,5 % à la fin de l'année, si les choix ont été
judicieux, et des profits de l'ordre de 3 %, 4 %, 5 %, 6 %. Cela se traduit en
termes de plusieurs millions de dollars.
Je voulais porter cela à votre attention. Je voulais aussi avoir
vos commentaires. Pour ma part, je trouve que c'est important. Cela ne veut pas
dire qu'il faut y aller grassement, mais je pense qu'il ne faut pas se
gêner pour investir dans de bonnes ressources humaines. Pour la Caisse de
dépôt, à mon point de vue, c'est important pour qu'elle
puisse garder son rôle de leader dans la société
québécoise.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de Bertrand. Est-ce qu'il y a d'autres questions?
M. Bélisle: Tout simplement remercier les gens.
La Présidente (Mme Bélanger): Nous vous remercions,
messieurs les dirigeants de la caisse d'établissement, de votre bonne
collaboration...
Des voix:...
La Présidente (Mme Bélanger): La Caisse de
dépôt. Nous vous remercions de votre collaboration.
M. Campeau: Vous n'aurez pas de subvention de nous autres. Merci
beaucoup!
La Présidente (Mme Bélanger): Les travaux sont
suspendus pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 12 h 45)
(Reprise des travaux à 12 h 46)
Crédits du ministère
La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre,
s'il vous plaît! Nous en sommes à l'étape de l'étude
des crédits. Je demanderais aux membres de la commission quels sont les
éléments de programme dont ils désirent discuter. Avant,
M. le ministre, vous aviez exprimé le désir de faire quelques
remarques préliminaires.
Remarques préliminaires M. Gérard D.
Levesque
M. Levesque: Alors, Mme la Présidente, comme je le
mentionnais, je voudrais de nouveau attirer l'attention sur le fait que les
crédits à être votés, des programmes 6 et 7,
c'est-à-dire ceux de la Commission des valeurs mobilières du
Québec et de l'Inspecteur général des institutions
financières, seront discutés ultérieurement avec mon
collègue, le ministre délégué aux Finances et
à la Privatisation. Nos discussions ne porteront pas là-dessus,
mais je solliciterais de la commission l'adoption des autres
éléments et programmes.
Vous me permettrez de présenter à la commission
quelques-unes des personnes qui m'accompagnent. Je vols qu'il y en a pas mal.
Je vais me limiter ici au sous-ministre, M. Claude Séguin, qui est
à ma gauche; le sous-ministre associé aux politiques et
opérations financières, M. Alain Rhéaume. Est-ce qu'il est
ici? Est-ce qu'il pourrait se lever? Voilà! Le contrôleur des
finances, M. Pierre-André Paré; le sous-ministre adjoint aux
politiques fiscales et budgétaires, M. Marcel Leblanc; le sous-ministre
adjoint aux politiques économiques, M. Jean-Guy Turcotte; le
sous-ministre adjoint au financement, M. François Gagnon; il est parti
faire un emprunt. Le sous-ministre adjoint aux politiques-institutions
financières, il est venu nous voir, M. Jean Martel, que vous
retrouverez, peut-être pas vous, mais que la commission retrouvera dans
d'autres éléments des crédits, et le directeur du Bureau
de la statistique du Québec, M. Luc Bessette. Voilà! Et il y a
tous les autres que je n'ai pas nommés, mais pour lesquels je conserve
les sentiments les meilleurs et au même degré que ceux que j'ai
nommés.
Cela étant dft - il y a beaucoup de monde - vous avez devant
vous, je pense, un cahier explicatif sur les crédits. L'organigramme du
ministère des Finances, comme vous le voyez, a été quelque
peu modifié en cours d'année. L'objectif général
qui a présidé à ces modifications était d'organiser
le ministère de la façon la plus efficace possible, afin de
répondre aux mandats et responsabilités qui lui sont propres, et
également à ceux qu'on lui confie de temps à autre. Bien
entendu, cette démarche reflète ainsi le souci constant que le
ministère se doit d'avoir pour les ressources humaines et
financières qui lui sont consenties. C'est pourquoi ces modifications
ont été faites essentiellement à partir d'un
réaménagement de ces ressources internes.
D'abord, le secteur des politiques économiques. Je voudrais
signaler ici le regroupement des activités du secteur économique
afin de tirer encore mieux parti de l'ensemble du potentiel d'analyse et de
recherche au ministère et au Bureau de la statistique du Québec.
L'objectif sera de développer davantage les analyses structurelles de
l'économie québécoise afin non
seulement d'être mieux en mesure d'évaluer les Impacts
économiques des politiques gouvernementales, mais aussi d'étudier
les mutations en cours de notre économie et de pouvoir réaliser
des synthèses permettant de mieux proposer des politiques
économiques.
Le Bureau de la statistique du Québec, qui est maintenant
relié directement au sous-ministre adjoint aux politiques
économiques, pourra dorénavant se concentrer sur sa vocation
première, qui est succinctement de recueillir, compiler, analyser,
publier des renseignements de nature statistique sur toute matière de
juridiction provinciale. Ce mandat, de prime abord très large, sera
redéfini au cours des prochains mois et une nouvelle programmation des
activités du Bureau de la statistique sera réalisée.
Quant au secteur financier du ministère, il est regroupé
sous le vocable Politiques et opérations financières. Il
s'agissait ici de maintenir un secteur responsable du financement efficace et
fort tout en assurant l'intégration des diverses facettes des
opérations financières ainsi que celle de l'analyse des
politiques et de la planification relevant de ce secteur, développant
ainsi une meilleure synergie entre les diverses unités. La Direction des
sociétés d'État est aussi rattachée à ce
secteur, en raison de sa proximité des opérations de financement
et du volet d'analyse financière qu'elle doit maintenir.
Quant au secteur fiscal et budgétaire, il continue de remplir les
mêmes fonctions, tout en accueillant la Direction des prévisions
et opérations financières. L'ensemble des opérations
relatives aux politiques de taxation, de tarification, aux politiques
budgétaires et intergouvernementales de même que la
prévision et le suivi des équilibres financiers seront donc
regroupés dans une même direction.
Maintenant, un nouveau secteur apparaît sous le titre
Politiques-institutions financières. Il s'agissait là de doter
tant le ministre délégué aux Finances que le
ministère lui-même de la capacité d'analyser le contexte et
les enjeux reliés à l'évolution extrêmement rapide
du secteur des institutions financières tant au Québec
qu'ailleurs au Canada, de fournir un cadre d'analyse plus globale que
l'autorité réglementaire doit généralement
considérer et d'entretenir des relations avec les autres gouvernements
du Canada sur ces matières.
En ce qui concerne maintenant le bureau du contrôleur des
finances, les changements à la structure reflètent la
réorganisation entreprise depuis plus d'un an par ce dernier. Elle
contribuera à rendre les opérations des directions comptables
plus efficaces et plus adaptées au contexte des ministères, tout
en investissant dans les méthodes de vérification pour mieux
assurer l'intégrité du système comptable. Par ailleurs,
les systèmes d'Information font l'objet d'un agencement plus susceptible
de s'adapter aux techniques nouvelles.
Un simple commentaire pour souligner la modification apportée
à la structure budgétaire du programme 2 intitulé
Politiques et opérations financières. Nous avons toujours trois
éléments de programme. Toutefois, l'élément 1
regroupe dorénavant tous les crédits afférents au
traitement du personnel ainsi qu'aux opérations régulières
des unités administratives de ce programme. Ces crédits doivent
être votés tandis que l'élément 2, Service de la
dette publique et frais de services bancaires, fait apparaître les
crédits permanents, alors que l'élément 3 montre les
crédits à être votés pour la gestion de certains
emprunts à terme des organismes des réseaux des affaires
sociales.
Mme la Présidente, permettez-moi maintenant d'expliquer quelque
peu les crédits du ministère, c'est-à-dire ceux des
programmes que nous discuterons. Ces crédits s'élèvent
à 3 290 815 400 $, en regard de 3 315 382 300 $ en 1988-1989, ce qui
représente une diminution de 24 566 900 $. De ce montant, nous avons 2
948 225 000 $ en crédits permanents ou statutaires, donc qui n'ont pas
à être votés. Le solde de 342 590 400 $ se subdivise
lui-même en trois blocs: les crédits de fonctionnement proprement
dit du ministère pour un montant de 60 333 800 $, les crédits du
fonds de suppléance de 265 910 100 $ et, enfin, les crédits de
transfert de 16 346 500 $ pour la gestion de certains emprunts des organismes
du réseau de la santé.
En comparant seulement les crédits de fonctionnement de 1988-1989
avec ceux de 1989-1990, nous avons une augmentation de 1 182 400 $, soit 2 %.
Cette augmentation relativement modeste reflète la rationalisation des
activités du ministère et les gains de productivité
réalisés dans les secteurs opérationnels Cette
démarche a pu doter le ministère d'une capacité d'analyse
accrue tout en minimisant l'effet de la hausse du coût des
activités budgétaires appliquées par une rationalisation
des activités. De plus, en regard de la réorganisation
administrative que j'ai mentionnée au début de mon exposé,
les crédits de fonctionnement de certains programmes ont subi des
variations significatives. J'aimerais les commenter brièvement.
Au programme 1, Études des politiques économiques et
fiscales, les crédits augmentent de 1 160 900 $ en 1989-1990. Cela
résulte principalement d'un transfert de responsabilités et des
ressources en provenance du Bureau de la statistique, le volet analyse et
recherche, ainsi que pour le programme 2 Politiques et opérations
financières, la direction des prévisions et opérations
financières. Au programme 2, Politiques et opérations
financières, tous les crédits de fonctionnement, incluant
l'effectif, ont été regroupés à
l'élément 1. Cela permet de mieux cerner à
l'élément 2 les crédits du service de la dette et des
frais de services bancaires qui, je le rappelle, n'ont pas à être
votés. Enfin, les crédits alloués au programme 5, Gestion
interne
et soutien, augmentent de 1 007 700 $ pour tenir compte notamment de la
mise en place du secteur politiques-institutions financières
mentionné tout à l'heure, ainsi que de l'ajustement des
coûts de loyer facturés par la Société
immobilière du Québec.
En terminant, je voudrais vous dire un mot, Mme la Présidente,
sur l'évolution de l'effectif du ministère des Finances. En
1988-1989, 1133 années-personnes étaient allouées au
ministère, alors que pour l'exercice financier actuel le
ministère disposera de 1108 années-personnes, soit une
réduction de 25 postes réguliers. Comme je l'ai expliqué
tout à l'heure, ce résultat n'a quand même pas
empêché le ministère d'accroître sa capacité
d'analyse et de soutenir toutes les opérations dont la
responsabilité lui échoit. Je suis donc heureux d'expliquer
aujourd'hui qu'il est possible au moins ici de faire plus sans demander plus.
Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): Je vous remercie, M.
le ministre. M. le député de Bertrand.
Fonds de suppléance
M. Parent (Bertrand): Mme la Présidente, dans les
commentaires de présentation du ministre des Finances, II y a plusieurs
réponses ou éclaircissements qui m'ont été
apportés. Donc, ce sera relativement bref. C'est sûr qu'avec la
réorganisation il fallait remettre les découpages ensemble pour
être capable de retrouver les principaux éléments sur une
base comparative, mais je dois dire que le cahier de présentation est
quand même très bien fait. J'ai remarqué que le ministre
était passé du rouge au vert, si ma mémoire est bonne.
Alors, c'est significatif. Il y a de l'espérance dans l'air.
Farce à part, quelques questions en ce qui concerne le programme
4 et le programme 5 et, par la suite, Mme la Présidente, on pourrait les
appeler programme par programme et les adopter. Au programme 4, Fonds de
suppléance, il y a une diminution de 56 000 000 $. L'information
donnée à la page 10 par rapport à ça, à
cette diminution de 17, 5 %, dit que la provision pour pourvoir aux
dépenses imprévues des ministères et organismes diminue
donc de 44 000 000 $ et ceci, en regard de divers ajustements. Alors, ça
me surprend un petit peu. Est-ce qu'on pourrait me justifier un peu pourquoi
cette diminution du fonds de suppléance dans le programme 4 qu'on
retrouve à la page 45 et sur lequel nous avons des commentaires à
la page 10.
M. Levesque: À la page 45.
M. Parent (Bertrand): À la page 45, on a le tableau
comparatif du programme 4. On s'aperçoit qu'il y a une diminution de 56
519 000 $. Je voudrais avoir des explications additionnelles sur cette
diminution.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.
M. Levesque: Je demanderais à M. Rhéaume de vous
l'expliquer.
La Présidente (Mme Bélanger): D'accord. Si vous
voulez bien vous identifier, monsieur.
M. Rhéaume (Alain): Alain Rhéaume. Ce qui laisse
voir une possible diminution des crédits du fonds de suppléance,
c'est simplement que les crédits de 1988-1989 indiqués là
sont des crédits modifiés, qui tiennent donc compte de certains
transferts déjà effectués dans d'autres ministères
et organismes, de sorte qu'ils ne représentent pas exactement les
crédits totaux du fonds de suppléance de 1988-1989.
M. Parent (Bertrand): Alors, pouvez-vous m'expliquer comment on
va faire pour savoir le total des crédits du fonds de suppléance,
puisque vous me dites qu'ils ne paraissent pas tous là?
M. Levesque: Ce ne sera pas long.
La Présidente (Mme Bélanger): Pendant qu'on cherche
la réponse, M. le ministre, est-ce qu'il y a consentement...
M. Levesque: L'explication est bien simple. L'an dernier, on a eu
un budget supplémentaire...
La Présidente (Mme Bélanger): Je m'excuse, M. le
ministre.
M. Levesque:... au mois de juin, et là on a...
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre, je
dois demander le consentement des membres de la commission pour continuer
jusqu'à 13 h 15, étant donné qu'on a commencé
à 10 h 15. Est-ce qu'il y a consentement?
M. Parent (Bertrand): Consentement. M. Levesque: Si on
finit avant 13 h 15...
La Présidente (Mme Bélanger): Jusqu'à la fin
de l'étude.
M. Levesque:... on arrêtera, j'imagine.
La Présidente (Mme Bélanger): D'accord. Je demande
l'autorisation de continuer après 13 heures.
M. Levesque: D'accord. Le budget supplémentaire de juin,
qui est venu après le budget principal et après le livre des
crédits, si vous voulez, a ajouté 42 000 000 $. On se
rappellera qu'il y avait certains travaux sylvicoles et
d'accès à la propriété qui ont
été annoncés dans le budget et qui ont été
crédités au fonds de suppléance après que le livre
des crédits eut été déposé au printemps. Je
pense que le député se le rappellera.
M. Parent (Bertrand): Ce qui veut donc dire sur une base...
M. Levesque: À l'élément 1, à ce
moment-là, on avait 83 400 000 $ et non pas 125 000 000 $. Cette
année, il y a 95 400 000 $, ce qui correspond aux 83 400 000 $ de l'an
dernier.
M. Parent (Bertrand): Je n'ai pas suivi vos derniers
commentaires.
M. Levesque: L'an dernier, vous aviez 83 400 000 $ au livre des
crédits, au fonds de suppléance, à l'élément
1 du programme 4. Il s'est ajouté à cette somme 42 000 000 $, au
moment du budget supplémentaire. Cette année, à la
période où nous sommes, il faut comparer ces 83 400 000 $ avec ce
que nous avons cette année, qui est de l'ordre de 95 400 000 $, à
l'élément 1 du programme 4.
Gestion interne et soutien
M. Parent (Bertrand): D'accord.
Au programme 5, je comprends qu'au point traitements on a une
augmentation de 677 000 $.
L'explication qu'on nous donne, c'est qu'il y a eu une augmentation
nette d'effectif de sept postes. Maintenant, cela concerne
particulièrement, je pense, le...
M. Levesque: II y en a trois qui ont été
transférés de l'inspecteur général; est-ce que
c'est ça que vous voulez dire?
M. Parent (Bertrand): C'est ça.
M. Levesque: De l'inspecteur à la nouvelle direction chez
nous, et quatre réaménagés...
M. Parent (Bertrand): II y a eu transfert, sauf qu'il y a un
ajout total de sept; c'est ça?
M. Levesque: De sept postes, oui. C'est à la suite de la
réorganisation, où nous avons amené chez nous, pour
assister le ministre délégué à la Privatisation et
aux Finances, mais particulièrement les institutions
financières... C'est là que nous avons... J'ai toujours dit,
d'ailleurs, depuis quelques années, qu'il fallait renforcer ce point,
parce que le ministre était là, mais il n'y avait pas
d'équipe de soutien proprement dite. Nous avons nommé un
sous-ministre adjoint aux institutions financières, et c'est
l'équipe, très légère, qui l'accompagnait.
M. Parent (Bertrand): II reste toujours que...
M. Levesque: II y a trois postes qui ont été
transférés de l'Inspecteur générai des institutions
financières, alors c'est simplement un transfert, plus les quatre autres
qui ont réaménagé d'autres programmes du ministère.
Cela n'a pas été un coût phénoménal.
M. Parent (Bertrand): II reste que dans ses autres fonctions, qui
étaient celles de la privatisation, s'il a pu libérer son
personnel, il ne se fait plus de privatisation, parce que, de la façon
dont c'est expliqué ici, ça comprend des crédits pour fins
d'opération du ministre délégué aux Finances et
à la Privatisation. Effectivement, avec la réforme des
institutions financières, je comprends qu'il fallait peut-être se
renforcer et se doter d'une certaine mini-structure, mais il reste que j'ai un
petit peu l'impression que les ressources qu'il avait à la
privatisation, d'un autre côté, il n'en avait plus besoin, parce
que dans ses fonctions de privatisation je ne pense plus qu'il y ait
d'énergie et d'effort mis là-dedans.
M. Levesque: II est vrai que du côté des
privatisations les activités sont moindres qu'au début, mais il
faut bien comprendre qu'on n'avait pas ajouté de personnel; on utilisait
la section des sociétés d'État et, pour certaines
activités qui étaient un peu plus lourdes, à ce moment, on
a eu recours à des firmes extérieures. Mais ça a
été surtout la Direction des sociétés
d'État, au ministère des Finances, qui a été
l'appui qu'on a donné au ministre responsable des privatisations.
M. Parent (Bertrand): Cela va pour les questions. Je pense qu'on
devrait, étant donné l'heure, appeler les programmes pour qu'on
puisse les adopter. J'aurais peut-être des commentaires en
conclusion.
La Présidente (Mme Bélanger): D'accord. Est-ce que
le programme 1, Études des politiques économiques et fiscales,
est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce que le
programme 2, Politiques et opérations financières, est
adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce que le
programme 3, Comptabilité gouvernementale, est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce que le
programme 4, Fonds de suppléance, est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce que le
programme 5, Gestion interne et soutien, est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce que le
programme 8, Statistiques, prévisions socio-économiques et
recherches d'ensemble, est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce qu'il y a des
remarques finales?
M. Levesque: Oui. Je voudrais vous remercier, Mme la
Présidente, et ce que j'avais dit au début tient toujours, vous
savez, tant pour vous que pour le député de Bertrand. Je remercie
infiniment les autres collègues.
La Présidente (Mme Bélanger): Je vous remercie, M.
le ministre. M. le député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Oui. En terminant, étant
donné que nous aurons à travailler ensemble au cours des
prochains jours, voire des prochaines semaines, dans le cadre du prochain
budget, je voudrais, comme l'année passée, qu'on ait toute la
collaboration de la part du ministère des Finances, parce qu'on va en
avoir besoin, particulièrement durant les heures qui
précèdent le travail délicat d'intervention que j'ai
à faire, et je voudrais le faire de la façon la plus
éclairée possible. Je compte, bien sûr, sur l'excellente
collaboration que j'avais eue l'année passée, et que cela se
répète encore cette année. Je serai là dans mes
fonctions.
M. Levesque: J'en suis persuadé.
M. Parent (Bertrand): Je tiens à remercier, finalement,
pour ces travaux qu'on a eu à faire aujourd'hui, à l'étude
des crédits, le sous-ministre de même que toute l'équipe de
ce côté. Je pense qu'il nous a été possible de faire
un travail assez fructueux parce qu'on a eu des informations qui nous ont
empêchés de nous accrocher dans les fleurs du tapis, comme on dit
très souvent.
M. Levesque: Je voudrais, en terminant, assurer le
député de Bertrand que c'est notre intention de lui fournir
toutes les ressources possibles pour qu'il puisse faire son travail d'une
façon convenable, sauf évidemment si, comme c'est arrivé
il y a deux ou trois ans... Je ne me rappelle plus, mais je me rappelle
très bien que c'est arrivé, par exemple, qu'on n'a pas eu
tellement de temps pour prévenir tout le monde que je prononçais
le discours sur le budget le soir en question. Mais c'est un accident de
parcours qui, je l'espère, ne se répétera pas, du moins
nous le souhaitons, et nous prenons toutes les mesures possibles. Ce n'est pas
parce que nous n'en avions pas pris dans ce temps-là, nous pensions
avoir les meilleures mesures de sécurité en place et nous avons
continué en ce sens, même en les intensifiant. J'espère que
nous pourrons avoir, autrement dit, dans des circonstances normales, des
instruments, des outils mis à la disposition de l'Opposition, et
particulièrement de son représentant.
M. Parent (Bertrand): II est toujours prévu, en terminant,
que le discours sur le budget sera présenté, bien sûr,
après le discours de M. Wilson.
M. Levesque: À moins qu'il n'y ait des choses
imprévues au moment où je vous parle, mais c'est toujours
très délicat, cette question de donner des indications, parce que
ce que je donnerais, ce serait de bonne foi, et, de bonne foi, je vous dis que
je ne pense pas que ce soit avant le budget de M. Wilson, au moment où
je vous parie. Ces choses peuvent changer, on ne sait pas.
La Présidente (Mme Bélanger): Je remercie les
membres de cette commission ainsi que M. le ministre et son équipe. La
commission du budget et de l'administration ajourne ses travaux sine die.
(Suspension de la séance à 13 h 10)
(Reprise à 15 h 20)
Ministre délégué à la
Privatisation
La Présidente (M. Bélanger): La commission du
budget et de l'administration reprend ses travaux afin de poursuivre
l'étude des crédits budgétaires du ministère des
Finances, volet privatisation, pour l'année financière 1989-1990.
Une période de deux heures a été allouée à
l'étude des crédits de ce volet. M. le ministre, je vous demande
si vous avez des remarques préliminaires.
Remarques préliminaires M. Pierre-C.
Fortier
M. Fortier: Mme la Présidente, c'est avec beaucoup de
plaisir et dans un esprit démocratique que nous allons répondre a
toutes les questions de l'Opposition concernant le programme de privatisation.
J'avais eu le loisir, l'an dernier je crois, d'exprimer que, depuis l'an
dernier, nos efforts étaient plutôt orientés du
côté des institutions financières, un autre volet
de mes responsabilités, mais il y a toujours certaines questions
qui peuvent être soulevées de la part de l'Opposition et
auxquelles il me fera plaisir de répondre.
Pour résumer l'action qui fut entreprise par le gouvernement du
côté de la privatisation des sociétés d'État,
je rappellerai sommairement que, dès février 1986, le Conseil des
ministres avait approuvé certains principes qui avaient
été rendus publics dans un document qui s'appelait
Privatisation des sociétés d'État, orientation et
perspective. Nous faisions état, dans ce document, de certains
principes qui devaient nous guider non pas seulement dans la privatisation
comme telle de certaines sociétés d'État, mais
également dans la réorientation d'autres sociétés
d'État qui seraient conservées.
En octobre 1988, nous avons fait un rapport d'étape donnant le
détail des résultats, mentionnant, en particulier, le fait
qu'à ce moment nous avions réalisé la privatisation de 21
sociétés d'État, pour des actifs globaux de l'ordre de 1
000 000 000 $. Certaines d'entrés elles étaient des canards
boiteux, comme les appelait le chef du Parti québécois, alors
qu'il était professeur aux Hautes Études commerciales.
D'ailleurs, je devrais dire que, dans l'élimination des canards boiteux,
nous avions reçu un appui moins significatif de la part du professeur
des HEC, à ce moment.
Les chiffres que je peux mentionner à ce jour sont un peu plus
considérables, si on ajoute aux 21 sociétés d'État
quelques autres délestages qui ont eu lieu. Dans certains cas, c'est du
délestage qui a été fait par la Société
générale de financement; elle l'a fait sans que nous intervenions
nous-mêmes et cela s'est fait, également, sous l'ancien
gouvernement. Autrement dit, la Société générale de
financement est une société de holding qui, à certains
moments, s'Implante dans un projet, décide de se délester
d'autres sociétés, pour différentes raisons. Si on ajoute
tout ça ensemble, on s'apercevra qu'il y a eu 21 privatisations qui ont
été réalisées jusqu'en octobre 1988. Par la suite,
il y en a eu une dizaine d'autres, pour arriver à un grand total de 31
sociétés qui furent vendues par le gouvernement du
Québec.
J'aimerais indiquer, parce que ça passe peut-être
inaperçu, parce que ça attire moins l'attention, qu'un autre
volet qui a requis beaucoup de notre temps fut ce qu'on appelle la
réorientation des sociétés d'État. Quand
j'étais dans l'Opposition, j'avais étudié plusieurs des
canards boiteux. En particulier, dans une analyse qu'avait faite M. Roland
Parenteau, un homme très respecté, professeur aux HEC, qui est
d'ailleurs, je crois, directeur ou président par intérim de
l'ENAP, un homme qui a été impliqué au début de la
Révolution tranquille dans le lancement de plusieurs
sociétés d'État comme Sidbec en particulier... Je me
souviens d'une analyse que M. Roland Parenteau avait faite, analyse historique
qui couvrait d'ailleurs la responsabilité de plusieurs gouvernements
dans le cas de Sidbec. Elle disait ceci: Trop souvent, le public critique les
sociétés d'État qui ont une mauvaise performance, mais le
blâme est adressé à la mauvaise personne. Comme
actionnaire, le gouvernement a une responsabilité propre. Comme
actionnaire, le gouvernement a la responsabilité de définir la
mission, les objectifs et l'orientation qu'i veut donner aux
sociétés d'État.
C'est la raison pour laquelle nous avons assumé cette
responsabilité en collaboration avec les ministres de tutelle. Je me
suis impliqué directement dans cette redéfinition de la mission
des sociétés d'État; d'ailleurs, c'était en accord
avec l'un des principes évoqués en février 1986. De fait,
au moment où nous nous parlons, il y a cinq grandes
sociétés d'État qui ont vu leur mission redéfinie
ou en voie d'être redéfinie. Il s'agit de SOQUEM, dont la
réorientation a été définie par le gouvernement.
Par la suite, un premier plan de développement a été
soumis et approuvé par le gouvernement en février 1987 et un
second en décembre 1988. Il y a même un troisième plan de
développement qui est en voie d'être examiné.
La Société générale de financement a vu son
orientation précisée en septembre 1986. En octobre 1987, elle a
soumis un premier plan de développement qui n'a pas encore
été approuvé. En fait, il y a eu un changement de
direction à la tête de la Société
générale de financement ainsi que des modifications au plan de
développement qui était à l'étude.
La réorientation de SOQUIP s'est faite en novembre 1986 et, au
moment où l'on se parie, non seulement le plan de développement
est à l'étude, mais je crois qu'une recommandation a
été faite au Conseil des ministres. Il reste au Conseil des
ministres à statuer sur le plan de développement de SOQUIP.
À SOQUIA, la réorientation s'est faite en septembre 1988
et, bonne nouvelle, le plan de développement de SOQUIA a
été approuvé par le gouvernement au Conseil des ministres
d'hier. Ce plan de développement sera rendu public par le ministre de
tutelle, j'imagine.
À REXFOR, la réorientation a été faite en
avril 1988 et le plan de développement est présentement à
l'étude.
Si nous examinons plusieurs de ces plans de développement, nous
verrons, comme nous le signalons d'ailleurs dans le document sur le rapport
d'étape, que nous sommes fortement conscients - c'est notre
préoccupation - que pour aider l'entreprise privée dans
différents domaines, que ce soit SOQUEM dans le domaine des mines,
SOQUIA dans le domaine de l'agriculture ou des pêcheries, SOQUIP dans le
domaine de l'énergie ou la Société générale
de financement dans les grands complexes industriels, il est important pour le
gouvernement d'appuyer des Initiatives du secteur privé et même
d'amener du capital de risque et, en certaines occasions, d'être le
catalyseur qui fait que certains projets
se réalisent, qui ne pourraient se réaliser autrement,
sans la participation gouvernementale par la voie des sociétés
d'Etat.
Hier, au Conseil des ministres, j'ai eu l'occasion de présenter
le plan de développement de SOQUIA. Il faut mentionner qu'à la
suite de prises de contrôle par des Américains - je pense à
Catelli en particulier - et de prises de contrôle de plusieurs
sociétés commerciales dans le secteur de l'alimentation, tous les
Québécois sont de plus en plus conscients que nous devons
bâtir ce que, ce matin, le président de la Caisse de
dépôt appelait, lors de l'étude des crédits du
ministère des Finances, la constitution de noyaux durs. Si on veut
prévenir la prise de contrôle étrangère, les
entrepreneurs du secteur privé devront accepter de mettre ensemble leurs
compagnies, leurs avoirs, leurs actifs et peut-être de voir le
gouvernement rajouter à cette mise en commun, donc de venir appuyer
cette mise en commun par une participation, en particulier de SOQUIA dans le
domaine de l'alimentation ou des pêcheries, pour nous permettre de
constituer au Québec des entreprises beaucoup plus considérables
ayant un meilleur "know-how", une meilleure expertise, de meilleures ressources
financières. Cela pourrait donc amener une consolidation dans des
secteurs précis de l'alimentation pour permettre à ces
entreprises non seulement de garder le marché au Québec, mais
d'exporter aux États-Unis et prendre avantage du
libre-échange.
J'insiste sur ce deuxième volet du programme de privatisation,
soit le programme de réorientation des sociétés
d'État, qui est très significatif, qui fait moins la manchette
des journaux, mais qui demande beaucoup plus de temps à réaliser
parce qu'il s'agit pour les dirigeants de ces sociétés
d'État de dialoguer avec le ministère concerné, de
consulter le secteur privé. Je sais que SOQUIA a fait exactement
ça, elle a dialogué avec le ministère de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation, mais elle a consulté
également tous ceux qui sont dans le domaine de l'alimentation dans le
secteur privé, justement pour arriver avec une mission qui colle
à la réalité, qui permette à SOQUIA de jouer son
rôle de catalyseur de nouveaux projets et d'amener du capital de risque
pour lui permettre, comme je viens de le dire, de faire face à la
situation.
Puisqu'on est à l'étude des crédits, je dois dire
que tout ce travail se fait avec un personnel très restreint au
ministère des Finances. L'an dernier et l'année d'avant, j'avais
eu à répondre à des questions parce qu'on m'avait
demandé si j'avais constitué une unité spéciale
pour réaliser le programme de privatisation. Dieu merci, non! Encore
là, on ne l'a pas assez souligné, contrairement au gouvernement
fédéral qui s'est créé une espèce de
ministère de la privatisation où il y a 100 personnes, et on se
demande ce que les 100 personnes font vraiment... Quelqu'un me disait que
présentement, même s'il n'y avait pas de privatisation, on faisait
ce qu'on appelle des privatisations sur papier. On fait des simulacres, des
simulations de privatisation. C'est de la foutaise!
Nous, au gouvernement du Québec, nous l'avons fait. Dans le
moment, il y a huit postes permanents à la direction des
sociétés d'État, dont M. Maurice Fortin est le directeur
depuis le départ de M. Daniel Paillé, l'an dernier. Lorsqu'on
avait un programme de privatisation assez important, nous avions ajouté
à ces ressources humaines un ou deux consultants, mais, d'une
façon générale, cela s'est fait avec un personnel
extrêmement restreint, auquel s'ajoutaient bien sûr les ressources
de mon cabinet qui est également très restreint.
Je crois qu'on peut dire avec réalisme et même se vanter un
peu d'avoir rationalisé, d'une certaine façon, dans ce dossier
des sociétés d'État, en suivant leur développement
avec un personnel extrêmement restreint. On l'a fait, d'ailleurs, d'une
façon très compétente.
Mme la Présidente, je voudrais juste ajouter un mot pour dire
ceci. On nous pose toujours la question à savoir si, à la suite
de ces privatisations, il y a eu création d'emplois. Dans le fond - J'ai
eu l'occasion de te dire l'an dernier - pour nous, l'objectif n'était
pas de privatiser pour le plaisir de privatiser. Pour nous, c'était soit
une façon de se débarrasser d'un canard boiteux... Ce qu'on
appelle un canard boiteux, c'est une société d'État qui
avait peut-être sa raison d'être en dix-neuf cent tranquille, comme
on dit, en 1940 ou en 1945. Un bon exemple, en 1943, le gouvernement
libéral de l'époque avait créé la Raffinerie de
sucre du Québec pour la production de sucre à partir de la
betterave. C'était durant la guerre. On s'inspirait - d'ailleurs, le
premier ministre du temps, M. Godbout, était un agronome - de ce qui se
fait en France depuis le blocus de Napoléon, la France produit du sucre
à partir de la betterave à sucre. Donc, il faut dire qu'en France
comme dans le Marché commun européen, et la même chose aux
États-Unis, le prix du sucre est soutenu par l'État et c'est ce
qui rend rentable la production de sucre par la betterave à sucre,
tandis qu'au Canada le prix du sucre n'est pas soutenu par l'État. Il
n'y a pas de prix fixé comme ça peut l'être dans d'autres
domaines de l'agriculture. En conséquence, nous pouvons acheter,
à des prix de dumping, du sucre qui nous vient de l'étranger. Il
n'y avait aucune chance, mais absolument aucune chance, de rentabiliser la
raffinerie de sucre et c'est la raison pour laquelle nous l'avons vendue,
à toutes fins utiles, pour les pertes fiscales, mais nous l'avons vendue
de façon telle que pour 1 $ nous avons pu récupérer le
terrain et les édifices. En définitive, ce fut une très
bonne chose parce que la société n'avait aucun avenir et nous
avons cessé d'investir pour rien.
Dans d'autres cas, il y avait des sociétés d'État
ou des sociétés commerciales qui pouvaient avoir un avenir, mais
à la condition de les
réorganiser de façon différente et c'est ce que
nous avons fait dans plusieurs cas. On peut penser à Cambior, qui a
été créée en réunissant ensemble les
meilleures mines d'or de SOQUIP et en les lançant sur le marché
public.
Comme résultat - je terminerai là-dessus, Mme la
Présidente - on s'aperçoit qu'avant la privatisation, dans toutes
les sociétés d'État touchées, 7955 personnes
étaient embauchées et, après la privatisation - tout
récemment, les fonctionnaires ont appelé chacune des
sociétés en question pour savoir s'il y avait eu création
d'emplois - nous pouvons affirmer qu'il y a 929 personnes de plus que lorsque
nous avons commencé le programme de privatisation. Je peux citer des
chiffres; en particulier dans la région de Thetford-Mines, certaines
sociétés d'État qui étaient réellement de
gros canards boiteux ont créé des emplois lorsqu'elles ont
été achetées par le secteur privé. Je pense
à Fusoroc, où il y avait 5 personnes et, maintenant, il y en a
40. Je pense à une autre filiale Distex-SNA, où il y avait 200
emplois alors qu'il y en a maintenant 390. Alors, on voit que
l'entrepreneurship québécois a joué et a donné de
très bons résultats.
Ceci dit, Mme la Présidente, il me fera plaisir de
répondre aux questions de mon collègue de l'Opposition en lui
disant que, présentement, nous n'avons aucune privatisation en cours. Il
me fera plaisir, d'une façon générale peut-être,
d'étendre le sujet pour couvrir, s'il le désire, les
sociétés d'État comme telles, quoique ça
relève plus de mon collègue, le ministre des Finances. Mais comme
j'y suis associé de très près, je pense que je suis en
mesure, avec mes fonctionnaires, de répondre à la plupart des
questions qu'il voudra bien me poser d'une façon plus précise sur
les sociétés d'État. J'ai également M.
Rhéaume, qui est le sous-ministre adjoint responsable des
sociétés d'État, mon chef de cabinet, M. Bertrand et un
autre employé, M. Mario Bouchard, de la Direction des
sociétés d'État qui a été impliqué,
d'ailleurs, dans le programme de privatisation depuis trois ans. Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
ministre. M. le député de Terrebonne pour vos remarques
préliminaires.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci beaucoup, Mme la Présidente. J'ai droit
à 25 minutes moi aussi. Je tiens à présenter tout mon
personnel, moi aussi: mon recherchiste, M. Rivest, à ma gauche. Je ne
voudrais pas qu'on se mêle. C'est le secrétaire de la commission
qui est à ma droite. C'est entendu que nous n'avions pas les mêmes
ressources pour notre travail. Nous allons tout de même essayer de faire
notre possible pour que cette réunion soit la plus brève possible
tout en étant, je crois, la plus intéressante possible pour ceux
qui, un bon jour, pourraient lire ces quelques lignes que nous allons
écrire aujourd'hui.
L'année passée et il y a deux ans, on a parlé de la
privatisation en soi et des compagnies et des sociétés
d'État qui ont été privatisées. Nous allons
regarder cet angle, mais nous allons tout de même regarder cette fois-ci
quel était, en fait, le débat qui a été fait
publiquement sur ces privatisations. Nous croyons que le débat public
n'a jamais eu lieu et que les objectifs avoués du gouvernement pour
certaines privatisations n'ont jamais été ceux, réels, qui
étaient à l'intérieur de la politique du Parti
libéral.
Avec mon recherchiste, nous avons écrit quelques lignes que
j'aimerais bien vous lire, Mme la Présidente, contrairement à mon
habitude. Le gouvernement libéral a fait de la privatisation des
sociétés d'État l'une de ses principales politiques
économiques d'apparence. Se débarrasser des canards boiteux ou de
ceux qui ont rencontré le Valdez du côté économique
et assainir les finances publiques du Québec, tel était
l'objectif poursuivi.
À peine deux mois après l'élection du Parti
libéral du Québec, le ministre délégué
à la Privatisation, M. Pierre Fortier, ici présent,
présentait les grandes lignes de cette politique dans un document
intitulé: Privatisation des sociétés d'État,
orientation et perspective. Ce document a été suivi par le
rapport du comité dit des sages sur la privatisation des
sociétés d'État, de la Révolution tranquille
à l'An 2000 ou au mois de juin 1986. Trois ans plus tard, après
21 privatisations plus 10, venant de façon plus indirecte, le ministre
délégué à la Privatisation présentait son
rapport d'étape en 1986-1988. On notera que, dans ce rapport, le
ministre se démarque du rapport des sages.
Soulignons que les privatisations effectuées depuis mars 1986 par
le gouvernement l'ont été dans le cadre de la politique
présentée en février 1986, dont les objectifs réels
demeurent discutables ou flous. Au dire du ministre, le rapport du
comité-conseil n'aura permis que d'alimenter le débat public qui
n'a pas eu lieu. Bref, les deux autres rapports des sages, le gouvernement
libéral tente de les faire oublier. Mais le débat public n'aura
jamais eu lieu.
Le bilan des 21 privatisations très brièvement. La valeur
globale de ces 21 privatisations s'établit à 997 100 000 $. De
cette somme, 102 900 000 $ se sont retrouvés dans les coffres du
gouvernement. Le reste a servi à rembourser en partie les dettes des
sociétés d'État, à financer de nouveaux projets ou
le rachat d'actionnaires minoritaires. Rappelons que, dans le budget 1986-1987,
le ministre des Finances comptait sur un revenu de 175 000 000 $ pour cette
seule année afin de réduire le déficit du gouvernement. De
ce point de vue, l'opération privatisation représente un
échec parce qu'il n'y a eu que 102 900 000 $. Pourtant, le
déficit a baissé. Aurait-on dramatisé la situation des
finances publiques dans le temps?
Maintenant, les privatisations du ministre. Dans son rapport
d'étape, le ministre délégué à la
Privatisation attribue à sa politique - à la politique de
privatisation - une bonne partie du redressement des finances publiques.
À l'écouter, il a transformé une série de canards
boiteux en sociétés prospères. À cet égard,
les deux premiers paragraphes, à la page 27 du rapport des sages,
reflètent la démarche du ministre et celle qui caractérise
le gouvernement libéral. Les affirmations de la page 27 font
référence aux deux tableaux des annexes 2 et 3.
Ainsi, grâce à la privatisation de certaines entreprises et
à la rationalisation de certains abus, les bénéfices nets
des sociétés d'État à caractère commercial
et industriel sont passés de 319 000 000 $ en 1985 à 1 044 000
000 $ en 1988, une augmentation de 451 %. Il faut bien remarquer ici qu'on
prend les profits nets de 1985 pour comparer aux profits nets de trois ans plus
tard, en 1988. On sait qu'à l'intérieur de ça au moins 433
000 000 $ avaient été versés à Sidbec. Si on avait
pris 1986 ou 1987, la différence aurait été beaucoup moins
large. Pourquoi prend-on 1985 et saute-t-on à 1988? Pour donner plus de
poids. On n'avoue pas vraiment pourquoi on fait cette privatisation.
On dresse un tableau d'augmentation des bénéfices nets des
sociétés d'État qui n'ont pas fait l'objet d'une
privatisation. L'augmentation est forte, pour celles qui n'ont pas
été privatisées. Hydro-Québec n'a pas
été privatisée, il y a eu 207 000 000 $ d'augmentation;
Loto-Québec, 127 000 000 $; la SAQ, 29 000 000 $; Sidbec, 453 000 000 $,
la SDBJ, 23 000 000 $ et la SIQ, 8 000 000 $. Cela fait 849 000 000 $, 75 % de
1 044 000 000 $ qui proviennent de sociétés qui n'ont pas
été privatisées. Alors, quand le ministre dit dans son
rapport que, grâce à la privatisation, il y a eu un gros
déficit de moins enregistré par le gouvernement et qu'on parle
d'un montant de 1 044 000 000 $ pour montrer des gros chiffres, ça fait
tout de même un peu curieux parce que 75 % de la différence
provient des entreprises d'État non privatisées.
Nous constatons que plus de 75, 6 % de l'augmentation provient de
sociétés d'État qui n'ont fait l'objet d'aucune
privatisation. À cela - on poursuit - ajoutez 15, 5 % de cette
augmentation qui est attribuable à la SGF. On arrive à 90 %.
Donc, la privatisation n'a pas fait grand-chose pour diminuer le déficit
gouvernemental. Nous trouvons curieux qu'on dise que la privatisation est venue
vraiment réduire le déficit gouvernemental.
Rappelons que, dans le cas de la SGF, la privatisation de Donohue
n'équivaut pas à se débarrasser d'un canard boiteux. On
parie de canard boiteux pour la Donohue, je pense que ce n'était pas
ça. Bref, si amélioration il y a dans les finances publiques, la
politique de privatisation n'y est pas pour beaucoup. C'est convenu, les
chiffres sont là. Je sais qu'on n'aura pas de discussion
là-dessus mais, à cause des énoncés qui ont eu
lieu, je tenais à en glisser un mot.
Sans le dire, le ministre délégué à la
Privatisation laisse entendre que les votes des sociétés
d'État ont contribué à baisser le déficit
budgétaire, une bien grande affirmation. Là où les
sociétés d'État ont véritablement contribué
à abaisser le déficit, ce n'est guère aux modifications
des pratiques comptables du gouvernement. Ce sont plutôt les pratiques
comptables du gouvernement qui ont changé et qui font que le
déficit, qui a toujours été de 3 000 000 000 $ depuis
plusieurs années, paraît mieux aujourd'hui parce qu'on a
changé de formule comptable. Je sais que M. le ministre est encore
beaucoup plus ferré que moi en administration et en bilan, il le sait de
façon pertinente.
La privatisation, une politique terminée ou presque. Le ministre
délégué à la Privatisation dit a qui veut
l'entendre que le programme de privatisation des sociétés
d'État est terminé en ce qui concerne le premier mandat. Dans le
premier mandat du Parti libéral, les privatisations sont à peu
près faites, je le crois. Comme le disait le député de
Bertrand l'année dernière, lors de l'étude des
crédits, il ne reste que le ministre lui-même à privatiser,
mais je n'oserai pas me rendre jusque-là. Je sais qu'il le faisait en
gag et que vous étiez de bons copains. On l'a plutôt
recyclé du côté des institutions financières et
c'était de bon aloi.
Mais il reste un gros morceau que le gouvernement voudrait bien vendre,
c'est Domtar. Les rumeurs à cet effet s'accentuent depuis quelques mois.
Je sais qu'aux derniers crédits vous avez dit qu'en ce qui regarde
Domtar vous regardiez, que pour le moment ce n'est pas à vendre, etc. Je
sais aussi qu'on a peut-être perdu une bonne chance de le vendre et de
faire une grosse compagnie. Qu'en est-il des véritables intentions du
gouvernement à cet égard? Les déclarations contradictoires
semblent indiquer qu'il n'y a pas de politique à ce sujet et qu'on
attend, on est dans l'expectative. (15 h 45)
Entre-temps, le gouvernement libéral a perdu une belle occasion,
une vraie belle occasion de créer un géant
québécois dans le secteur des pâtes et papiers. Ce
géant, issu de la fusion de Domtar et de Consolidated Bathurst, s'est
plutôt transformé en perte de contrôle en des mains
étrangères. Nous trouvons ça malheureux, surtout la
proposition de la SGF qui avait été faite à M. Desmarais.
Des explications manquent à ce sujet et si vous vouliez répondre
à cette question tantôt, j'aimerais beaucoup, M. le ministre:
Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas favorisé que Domtar et
Consolidated Bathurst se mettent ensemble, selon le voeu, d'ailleurs, de M.
Desmarais qui avait Consolidated Bathurst? Comme quoi il est plus facile de
détruire, en fait, des forces économiques
québécoises que de les unir. C'aurait été
extraordinaire de faire ce
grand géant, tandis que là, si on regarde du
côté net, Consolidated Bathurst versait à peu près
200 000 000 $ par année d'impôt au gouvernement du Québec
et, étant vendue à Stone, de l'autre côté, avec 1
500 000 000 $ de dettes, c'est bien sûr qu'il n'y aura plus d'impôt
qui sera payé au Québec et les profits des actionnaires s'en
iront à l'extérieur. C'est une très grosse perte
économique pour le Québec et, dans la privatisation ou pas des
sociétés d'État, il est malheureux que cet impact nous
arrive, parce que c'est une perte sèche, autant du côté du
contrôle économique, et une perte sèche aussi de revenus
pour le gouvernement québécois.
La politique de privatisation n'a pas donné que des liens de
succès et ceci en est un, parce qu'on ne l'a pas fait. Sans dire que
toutes les privatisations étaient mauvaises, certaines laissent une
impression qu'il y a certaines privatisations qui n'auraient pas dû
être faites. C'est le cas, par exemple, de la Raffinerie de sucre du
Québec. On revient encore avec ça, c'est notre tabou. Ce n'est
pas nécessaire d'en parler pendant des heures mais, par principe, vu que
le Parti libéral avait promis, pendant la campagne électorale du
2 décembre, qu'il garderait ouverte cette raffinerie, on le rappelle
tout simplement, sans vouloir en discuter plus à fond ici, M. le
ministre.
Notons aussi le cas de Cambior qui, à peine quelques mois
après la vente de ses actions, voyait la valeur de celles-ci augmenter
très rapidement, presque du simple au double. Si je me rappelle bien,
c'était de 10 $ à 19 $, à peu près, dans l'espace
de quelques mois. Soit que les dirigeants qui étaient là ne
connaissaient pas l'inventaire réel qu'ils avaient, parce qu'il n'y a
pas eu d'autres trouvailles, soit que ceux qui conseillaient le ministre
délégué à la Privatisation n'avaient pas la
compétence voulue pour que le prix vendu soit un prix plus réel.
Je sais qu'on a fait à peu près 170 000 000 $ avec cette vente
mais, normalement, on aurait dû en faire au moins 300 000 000 $. Cela est
un peu regrettable.
Ma première question, M. le ministre, c'est celle que je vous ai
posée durant ce petit laïus qui, je l'espère, a
été très court ou vous a semblé très court.
Pourquoi le ministre délégué à la Privatisation
devant l'occasion que \Domtar soit vendue à Consolidated Bathurst,
n'a-t-il pas favorisé avec la SGF ou d'autres institutions... D'autant
plus que Je sais pertinemment que par fierté nationale le ministre
actuel a comme politique que les choses soient plutôt vendues à
des intérêts québécois. Dans ce cas-ci,
c'étaient des intérêts québécois. Quelle est
la raison majeure qui a fait que cette transaction n'a pas eu lieu?
Discussion générale
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.
M. Fortier: Merci, Mme la Présidente. Avant d'en arriver
à cette réponse, lorsqu'on dit qu'on a, dans notre rapport
d'étape, aidé à baisser le déficit - on parlait
tout à l'heure de normes comptables - iI faut bien comprendre que, si on
reculait dans le passé et qu'on appliquait les mêmes normes
comptables, alors qu'il y avait des déficits considérables dans
les sociétés d'État, si on avait fait la consolidation
à ce moment, trois ou quatre ans avant la date à laquelle les
normes comptables ont été changées, il est bien certain
que le déficit n'aurait pas été de 3 000 000 000 $, il
aurait été de 4 000 000 000, 4 500 000 000 $. Je n'ai pas les
chiffres devant moi. C'est pour ça que, quand on parle de normes
comptables, soit qu'on prenne de vieilles normes comptables et qu'on fasse des
comparaisons, soit qu'on prenne de nouvelles normes comptables et qu'on fasse
des comparaisons de sept ou huit ans. De toute façon... C'est la raison
pour laquelle, d'ailleurs, le Vérificateur général avait
demandé de nouvelles normes comptables. Ça permet de rendre cela
beaucoup plus visible, que ce soit pour le public en général ou
pour nos amis les Américains qui, à l'occasion, financent nos
emprunts, ou les Japonais. Quand ils regardent, maintenant, de la même
façon que quand on regarde une société privée, une
compagnie privée, le consolidé nous permet de voir s'il y a
profit ou non. Tandis que, dans le passé, lorsque les gens examinaient
le déficit du gouvernement du Québec, il y avait un
déficit caché, c'était celui des sociétés
d'État; donc, en faisant le consolidé, ça rend la
situation financière beaucoup plus visible.
M. Blais: Le déficit resterait le même.
M. Fortier: Oui, le déficit resterait le même,
excepté...
M. Blais: Le Vérificateur général l'a fait
pour les sept ou huit dernières années. Il demeurait à 3
000 000 000 $ partout.
M. Fortier: Non, je pense qu'il était plus important que
cela. Je pense qu'il allait à 4 000 000 000 $, si vous revenez en
arrière.
M. Blais: Non. Il y a eu 3 200 000 000 $, 2900 000 000 $, 3 100
000 000 $, 3 300 000 000 $. Excusez-moi, je les sais par coeur.
M. Fortier: Je ne les ai pas ici.
M. Blais: Le Vérificateur général l'a dit
lui-même.
M. Fortier: De toute façon, c'est pour cela que, tout
à l'heure, j'ai dit qu'on a aidé à diminuer le
déficit. Enfin, c'est ce que nous avons affirmé. Dans le tableau
de la page 24, on dit qu'il y a eu des déficits annuels. Il y a
certaines sociétés d'État qui perdaient de l'argent
année après année, sans inclure les investissements que
nous n'avons pas faits. Lorsqu'on a privatisé Quebecair en particulier,
non seulement cette dernière perdait-elle 10 000 000 $, 12 000 000 $ par
année, mais il y avait des demandes auprès du ministère
des Finances pour investir 50 000 000 $ ou 60 000 000 $. Donc, c'était
la fuite en avant.
C'était la même chose pour la Raffinerie de sucre. Au
moment où on l'a privatisée, il y avait des demandes au
ministère des Finances pour investir un autre montant de 30 000 000 $.
Au fond, ce n'est pas juste le déficit qu'on a éliminé et
qui revenait année après année, mais c'est le fait qu'on a
arrêté de faire des investissements, sachant fort bien que ces
canards boiteaux n'allaient nulle part.
Je ne voudrais pas trop insister là-dessus. Dans le cas de
Cambior, je ne crois pas que le commentaire soit réaliste. J'ai devant
moi - je pourrais en donner une copie au député de l'Opposition -
un beau graphique qui montre, depuis juillet 1988 jusqu'à maintenant, la
performance du Toronto Stock Exchange pour le secteur aurifère. On
s'aperçoit que le titre de Cambior n'a pas suivi les mêmes
fluctuations. Au contraire, il est en deçà de ces fluctuations,
mais, d'une façon générale, il les suit quelque peu. Au
fond, on s'aperçoit que le titre de Cambior s'est comporté
à peu près comme les autres titres de Toronto dans le secteur
aurifère. Aujourd'hui, il est à 13, 25 $ alors qu'il a
été vendu à 10 $.
M. Blais: II est encore à environ 30 % plus haut.
M. Fortier: C'est tout à fait raisonnable. D'ailleurs,
lorsqu'un gouvernement vend un titre comme celui-là, s'il fallait qu'il
soit maintenant à 2 $, tous les gens nous diraient: Vous avez
fourré la population. Et ils auraient peut-être raison. Je crois
que c'est de bonne guerre de l'avoir vendu à 10 $ l'action, qui se
retrouve maintenant à 13, 25 $. Cambior est une société
qui a réussi à fusionner deux ou trois autres
sociétés qui étaient en difficulté et qui jouent un
rôle moteur en Abitibi. Pour une fois, on a une compagnie aurifère
qui se tient debout et qui est capable de se défendre face aux grandes
compagnies aurifères de Toronto. Je crois que, là-dessus, c'est
nettement une réussite.
Nous en arrivons au cas de Domtar. Il faut bien comprendre que lorsque
j'avais annoncé, avec mon collègue le ministre de l'Industrie et
du Commerce du temps, M. Daniel Johnson, la mise en vente publique, avec
prospectus, de Donohue et de Domtar, nous n'avons pas reçu d'offre pour
cet achat. Bien sûr, c'est un secret de polichinelle que des gens comme
M. Paul Desmarais de Power s'étaient quelque peu manifestés, mais
cela n'a pas eu de suite. Si ma mémoire est fidèle, il faut bien
comprendre que - je n'en veux pas à M. Desmarais - M. Desmarais a la
réputation de vouloir acheter pour un prix qui est toujours en
deçà du prix du marché ou au moment où c'est le
plus bas possible. Et même s'il n'y avait pas eu d'offre formelle
à ce moment-là - il y a deux ans déjà - le genre de
"deal" sur lequel nous avions eu des discussions, et qui n'était pas une
offre formelle, était tel qu'il s'agissait d'un échange
d'actions. Mais, lorsqu'on faisait une analyse, on s'apercevait qu'on obtenait
un prix qui était dérisoire par rapport à la valeur
réelle des actions de la Consol. Je pense qu'à ce
moment-là M. Desmarais aurait voulu mettre tout ensemble: Consol, Domtar
et Donohue.
En fin de compte, vous savez, nous gérons l'argent du public. On
aime bien M. Desmarais, mais on doit être en mesure de justifier le prix
auquel ces transactions se font. Même si nous avons comme objectif
d'encourager le développement économique, nous devons justifier
le prix auquel les sociétés sont vendues. Alors, cette
transaction ne s'est pas faite. C'était il y a deux ans.
Lorsque, dernièrement, M. Desmarais a vendu la Consolidated
Bathurst, il a dit ceci, il faut bien le remarquer: Écoutez, Power est
un holding financier dont la mission est de faire des profits et, pour nous,
c'est d'acheter des sociétés au moment où les actions sont
les plus basses possible et de tenter de revendre ces actions au moment
où ça fait l'affaire et au prix le plus haut possible.
Je me pose des questions. Je me suis félicité, en
définitive, que la transaction n'ait pas eu lieu il y a deux ans parce
que, si on lui avait vendu tout le paquet, peut-être qu'il aurait
trouvé un acheteur japonais ou un autre acheteur à qui il aurait
refilé toute la marchandise. C'est un peu maintenant ce qui nous rend
inquiets lorsqu'on a des financiers comme ceux-là, avec lesquels nous
devons faire des transactions. On se demande: Mon Dieu, est-ce qu'ils vont
garder ces sociétés de façon permanente ou est-ce qu'ils
vont les refiler à un acheteur japonais ou à d'autres acheteurs
pour faire un gain de capital? Là-dessus, on n'est pas rassurés
du tout. Le fait d'avoir vendu telle ou telle société à M.
Desmarais ne me réconforte pas, personnellement; ça ne me
réconforte pas du tout sur la possibilité qu'il y aurait eue que
la transaction qui a été faite n'ait pas eu lieu, elle aurait pu
être encore plus grosse avec un autre acheteur.
C'est la raison pour laquelle je me suis intéressé
à ce dossier. J'en ai discuté à quelques reprises avec M.
Jean Campeau, le président de la Caisse de dépôt;
d'ailleurs, j'avais sollicité la collaboration de mon ami, M.
Gérard D. Leves-que, pour m'impliquer dans un dossier qui concernait la
Caisse de dépôt, puisque cette dernière ne relève
pas de moi. Je me suis impliqué dans ce dossier parce que les
institutions financières, comme le mouvement Desjardins et comme La
Laurentienne, comme d'autres
compagnies d'assurances, sont très intéressées
à constituer ce qu'on appelle des noyaux durs. Cela se pratique en
France et nous devrons trouver des façons de faire ce genre de jeu qui
consiste à déployer deux, trois ou quatre actionnaires
importants, qui bloquent la propriété d'une compagnie, qui
l'appuient dans son développement, mais qui empêchent, à
toutes fins utiles, qu'il puisse y avoir une offre publique d'achat hostile et
qu'on puisse se faire enlever une société qui pourrait être
névralgique pour le développement économique du
Québec.
À un moment donné, j'ai assisté à une
réunion à la Caisse de dépôt à laquelle
assistaient, d'ailleurs, le sous-ministre des Finances et d'autres personnes de
la Caisse de dépôt. Assistaient aussi à cette
réunion - je peux bien le mentionner - M. Béland du mouvement
Desjardins, le nouveau président de la Banque nationale, M.
Bérard, ainsi que M. Castonguay de La Laurentienne; je ne sais pas s'il
y avait d'autres représentants. C'est un groupe assez sélect. On
s'est posé des questions, à savoir: Dans l'avenir, comment
pouvons-nous travailler ensemble et constituer ces noyaux durs pour
prévenir des OPA hostiles ou des OPA qui seraient trop friendly", trop
généreuses? Donc, comment nous assurer que les grandes
entreprises du Québec - pas toutes, parce que je pense bien qu'on ne
peut pas protéger toutes les compagnies du Québec, mais on peut
se poser la question -qui sont névralgiques pour notre
développement économique, que ce soit dans le domaine de
l'alimentation, je pense à Provigo, ou dans le domaine des pâtes
et papiers, je pense à Donahue et à Quebecor - cela aurait pu
être le cas pour la Consol si, bien sûr, on avait été
prévenus un peu à l'avance... Donc, on s'est posé des
questions de ce côté-là.
Je dois vous avouer que les gens du secteur privé
montréalais sont beaucoup plus à l'écoute; ils seront
très intéressés à ces rencontres,
dorénavant, pour qu'on puisse, ensemble, développer des
stratégies qui nous permettront de garder au Québec des secteurs
qui seraient considérés comme étant névralgiques
pour notre développement économique.
Alors, dans le cas qui nous préoccupe, dans le cas de la Consol,
c'est malheureux, c'est M. Desmarais qui a décidé de vendre. Je
ne suis pas assuré, quant à moi, que si on lui avait vendu
d'autres sociétés, comme Domtar, ça aurait
empêché une transaction éventuelle, on aurait pu tout
perdre et on n'aurait pas été plus avancés. Il est un
fait, c'est que le gouvernement s'intéresse beaucoup; la Caisse de
dépôt joue un rôle extrêmement important, ainsi que la
Société générale de financement et SOQUIA. C'est
pour ça que, tout à l'heure, j'insistais sur les nouveaux plans
d'action qui ont été définis parce que j'ai cette
préoccupation depuis fort longtemps. (16 heures)
Je ne sais pas si cela vous a frappé, mais dans le rapport
d'étape 1986-1988 - je l'ai indiqué très brièvement
- nous parlons des nouvelles missions des sociétés d'État
et nous disons très clairement, à un moment donné.. Oui,
c'est ça, le titre 3. 1 à la page 53: "Le rôle
économique de l'État à travers les sociétés
d'État". À la fin, en bas ici, je dis: II faut donc
reconnaître que le gouvernement peut et doit parfois intervenir dans
certains secteurs stratégiques de l'économie
québécoise. Les sociétés d'Etat sont un des outils
à la disposition du gouvernement pour ce type d'intervention. d'autant
plus que l'intervention de l'État doit être envisagée dans
la perspective de la libéralisation des échanges avec les
États-Unis qui imposera de nouvelles règles quant au mode
d'intervention de l'État.
Là-dessus, je pense bien que nous nous rejoignons. Je crois que
les deux formations politiques se rejoignent. Nous voulons nous
débarrasser des canards boiteux quand il n'y a rien à faire avec
et, d'autre part, valoriser les autres sociétés d'État
qu'il nous reste non seulement pour appuyer le développement
économique du Québec, mais pour nous assurer de la conservation
de certaines sociétés, que ce sort dans le secteur commercial ou
industriel, qui seraient considérées comme étant
névralgiques dans notre développement économique.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Terrebonne.
M. Blais: Je trouve que c'est une belle intervention. Il demeure
quand même, il faut l'avouer, que dans ce cas le principe que vous venez
dénoncer, c'est qu'il faut donc reconnaître que le gouvernement
peut et doit parfois intervenir dans certains secteurs stratégiques de
l'économie québécoise. Dans le cas de Consol, on a
manqué son coup. Le gouvernement a manqué son coup. On a vraiment
raté le coche. Je crois que le gouvernement a raté le coche parce
qu'on n'a pas la philosophie de la privatisation et la philosophie qui doit
soutenir les sociétés d'État. On n'a pas de philosophie.
Les sociétés d'État ont été
créées par un gouvernement libéral, vous le disiez
vous-même, celui de Jean Lesage. Un des plus extraordinaires
gouvernements qu'on n'ait jamais eu, le gouvernement Jean Lesage Pourquoi le
gouvernement Jean Lesage a-t-il fait des sociétés d'État
à l'époque, de 1960 à 1966? Pourquoi en a-t-il fait?
M. Fortier:... expliquer...
M. Blais: Je ne le sais pas, moi. Pourquoi en a-t-il fait? J'ai
lu cela, ce n'est pas expliqué de même. J'en viens à dire
que ce n'est pas compris. Pourquoi M. Lesage a-t-il fait des
sociétés d'État? C'est parce que dans le contexte des
années soixante les particuliers, les Québécois du
Québec n'avaient pas les moyens financiers individuels de se donner des
richesses
collectives. C'était ça le principe. C'est pour ça
qu'on a fait Hydro-Québec, la Société de financement, etc.
Ce sont les deux plus beaux exemples. Parce que comme philosophie on se disait:
Si on n'a pas des sociétés d'État fortes pour donner une
richesse collective à la population québécoise, tout va
nous fuir entre les mains. C'était ça le principe de base
réel.
Aujourd'hui, au début des années quatre-vingt-dix, fin des
années quatre-vingt, il y a certaines sociétés
d'État où il y a des individus qui peuvent les prendre parce
qu'ils ont les finances et les compétences techniques pour les mener
à bien. À ce moment, nous ne sommes pas contre le fait que
l'État s'en retire. Mais, dans le cas de Consol, je pense qu'on vient de
rater le coche. Il aurait dû y avoir en place quelque chose pour qu'une
force comme celle-là, surtout devant le libre-échange, reste
entre les mains du Québec, d'autant plus que les dividendes s'en vont
à l'extérieur et la part d'impôt payable à
Québec, d'à peu près 200 000 000 $ par année, nous
échappe encore. C'est une richesse collective qu'on aurait dû
avoir.
Vous vous êtes rencontrés, vous dites, tout un groupe
sélect pour regarder ce que vous feriez à l'avenir. Si vous
n'avez pas été capables de le faire pour Consol, comment
voulez-vous que nous croyions que vous pourrez le faire dans l'avenir si un
autre cas semblable se présente? Alors, je dis que les principes
réels de cette privatisation n'avaient pas de base. C'était tout
simplement faire de la privatisation parce qu'on fait de la privatisation. Mme
Thatcher en a fait, M. Mulroney en fait. Nous autres, on en fait pour faire
comme le mouvement un peu conservateur. Je suis pour certaines privatisations
et ma formation politique est pour certaines privatisations quand il y a sur
notre territoire des gens qui ont et la finance et la compétence
technique de mener à bien, suppléer à l'État par
l'entreprise privée. C'est le contraire qui est supposé
d'être fait. L'État vient suppléer dans notre
système, quand l'entreprise privée n'est pas capable de le faire
et que les moyens de faire fructifier sur notre territoire notre
économie par les nôtres... C'est ça qui était le
principe de M. Lesage à l'époque, un très grand principe
que vous connaissez très bien. Je vous sais fier, à part
ça. Je vous sais très Québécois et que vous voulez
garder... Je trouve ça malheureux que les principes, que les
privatisations qui ont été faites ne l'aient pas
été sur la même base que M. Lesage avait fait les
sociétés d'État.
Vous me dites que vous avez aussi consolidé des
sociétés d'État. Super! Dans les endroits où
l'entreprise privée ne le peut pas, allons-y et gardons-nous une
richesse collective. Vous ne voulez pas vendre Hydro, je le sais. Je ne me
rends pas là. Je sais que vous ne voulez pas le faire. Cela serait
impensable de le faire. C'est une richesse collective que pas un individu ne
peut prendre aujourd'hui. Mais il y a d'autres domaines. Le domaine du papier
est une de nos grandes forces. Nous avons raté notre coup dans
l'amiante. D'accord. Cela reviendra peut-être plus tard, mais nous avons
raté notre coup, comme gouvernement On a essayé dans le sucre,
cela a été un fiasco. Cela ne veut pas dire qu'on aurait dû
lâcher, par exemple.
Mais là où on a lâché et on n'aurait jamais
dû, c'est Quebecair. C'est un blâme direct. C'est le métro
des gens de la Côte-Nord et des régions éloignées.
Est-ce que vous vous demandez si on perd 10 000 000 $, 20 000 000 $, 30 000 000
$ par année avec le métro? On fournit 90 000 000 $ par
année pour le métro à Montréal. Est-ce qu'on va le
passer à l'entreprise privée? C'est impensable d'avoir un
raisonnement comme celui-là. Qu'est-ce qu'était Quebecair?
C'était du service aux régions éloignées. C'est la
subvention qu'on donne à ces gens-là qui ont droit aux
mêmes services que les gens des zones urbaines. Alors ça,
d'accord. Donc, Quebecair: blâme de l'avoir fait, surtout de la
façon dont cela a été fait.
Raffinerie de sucre: on aurait pu continuer. On aurait pu essayer parce
que c'était possible. Quand on a seulement 10 % de production - on ne
produisait que 10 % de ce qu'on consomme-il y a toujours de la place pour du
raffinage de sucre. Et, c'est à la longue et dans la perspective de
l'avenir que, des fois, on fait des investissements avec des fonds de
l'État pour le bien de la collectivité.
Dans le cas de la Consol, vraiment, c'est un fiasco. Et j'aimerais
savoir - ceci dit, comme préambule à ma question, M. le ministre
- quels sont les moyens que le gouvernement a à sa disposition, de
connivence avec les entreprises privées du Québec, s'il nous
arrive un autre cas comme Consolidated Bathurst pour que des points
économiques névralgiques comme ceux-là ne nous
échappent pas une autre fois?
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.
M. Fortier: Mme la Présidente, je reconnais la passion du
député de Terrebonne, grand nationaliste, et je ne le dis pas
d'une façon méchante. Plusieurs d'entre nous sommes
nationalistes. Pourtant, c'est une personne qui a fait des sous dans le secteur
des arts, qui sait compter. Il disait que je sais compter, mais lui aussi sait
compter. Mais, des fois, sa passion l'emporte et son analyse n'est pas toujours
aussi critique qu'elle devrait l'être.
Tout à l'heure, il nous disait que M. Lesage avait
créé des sociétés d'État et que, maintenant,
le gouvernement qui est au pouvoir ne s'inspire pas assez de cette
initiative-là. Je dois vous avouer, Mme la Présidente, que cet
énoncé me surprend parce que j'ai prononcé je ne sais
combien de discours pour dire qu'au Québec, contrairement à Mme
Thatcher en Angleterre, contrairement à ce qui a été fait
en France... Pour ma part, chaque fois que j'ai expliqué les
raisons pour lesquelles nous voulions privatiser certaines
sociétés d'État, ce n'était pas par dogmatisme,
contrairement à ce que Mme Thatcher a voulu faire. En France en
particulier et en Grande-Bretagne, il est vrai que des gouvernements
plutôt socialistes... Et je pense au Labour Party en Angleterre. Le
Labour Party a créé des sociétés d'État, a
nationalisé plusieurs secteurs de l'industrie et, par la suite, c'est un
gouvernement conservateur qui a dit: C'est de la foutaise, on va tout changer
ça. Autrement dit, c'était la droite contre la gauche.
Ce n'est pas du tout ce qui s'est passé au Québec. Dans le
fond, c'est assez cocasse. J'ai fait beaucoup de discours là-dessus.
D'ailleurs, je suis allé à Paris pour le dire, pour l'expliquer,
à Londres, en Ontario. Au Québec, c'est un gouvernement
libéral qui a créé plusieurs des sociétés
d'État et c'est un gouvernement libéral qui a
procédé à la privatisation de certaines d'entre elles. Et
je n'ai jamais dit que le gouvernement libéral de M. Lesage avait fait
des erreurs. Au contraire, j'ai dit tout simplement: II y a un ajustement,
comme vous l'avez dit, à un moment donné. Le gouvernement
libéral des années soixante - et j'étais jeune
ingénieur, je m'en souviens pertinemment - voulait donner aux
Québécois des moyens d'intervention, surtout pour le
développement de nos ressources naturelles parce qu'il n'y avait pas
d'individus ou de compagnies québécoises qui étaient
capables d'assurer ce développement. Étant ingénieur, je
me souviens pertinemment que 95 % des ingénieurs dans le domaine minier
étaient des anglophones. J'ai travaillé chez Pratt & Whitney,
tous mes patrons étaient anglophones. Je suis allé travailler
chez Dominion Bridge, tous mes patrons étaient anglophones.
C'était un secteur qui était dominé par des
ingénieurs anglophones. Donc, en permettant à certaines
sociétés d'État d'assumer des responsabilités,
comme SOQUEM, SOQUIP et d'autres, dans différents domaines qui
assuraient notre développement économique non seulement on a
permis aux Québécois de prendre le leadership dans le domaine du
développement économique, mais on a permis à des
économistes, à des financiers et à des ingénieurs
francophones d'Hydro-Québec d'assumer des responsabilités. Donc,
sur cela, je n'accepte pas le blâme parce que j'ai toujours
expliqué à qui de droit que notre programme de privatisation
n'était pas en réaction à la Révolution tranquille,
mais considérait plutôt les succès de la Révolution
tranquille pour nous ajuster à la réalité de 1988 et de
1989.
En ce qui concerne Quebecair plus particulièrement, je crois que,
encore là, le député se laisse emporter par sa passion.
Quand on examine les chiffres, on s'aperçoit, premièrement, que
ça ne coûte absolument rien dans le moment quoique, à
l'occasion, le ministre des Transports puisse venir au Conseil des ministres
pour nous demander de subventionner le transport sur la Haute-Côte-Nord,
et c'est tout à fait normal, ou pour subventionner en hiver le transport
des victuailles aux Îles-de-la-Madeleine, que ce soit par avion ou
autrement. C'est beaucoup plus facile pour le gouvernement de donner une
subvention ponctuelle pour aider une région fort éloignée,
comme nous le faisons présentement, sans avoir à encourir des
déficits et sans avoir à déterminer quel genre d'appareils
on va acheter.
Je peux vous dire qu'il y a une amélioration du service aux
régions parce que, maintenant, il se trouve 172 liaisons par rapport
à 111 liaisons qui existaient à ce moment-là. Il y a eu
une amélioration du service cargo vers les îles-de-la-Madeleine.
Il y a une réduction du tarif de 25 % pour les personnes résidant
à l'est de Havre-Saint-Pierre. La sauvegarde des emplois, je peux vous
donner les chiffres. En fait, à peu près tout le monde s'est
recyclé avec Quebecair. À la page suivante, ici, je peux vous
dire qu'à ce moment, lorsqu'on avait fait la privatisation, on avait
dit: Surveillez bien cela, II va y avoir une société de
nolisement qui s'appelle Nationair, à laquelle on avait vendu deux
avions. D'ailleurs, je suis allé par Nationair il y a quinze jours en
Colombie. Ils en ont maintenant, ma foi, 18 ou je ne sais quoi. Nationair
maintenant embauche 147 personnes. C'est la société qui utilise
le plus Mirabel présentement. Alors, on a créé une
société, c'est-à-dire qu'on a encouragé
indirectement la création d'une société de nolisement qui
est l'une des plus grosses au Québec et qui est dirigée
d'ailleurs par M. Obadia, un libanais francophone qui assure notre
développement économique en faisant cela.
Dans le fond, il y avait 915 personnes qui travaillaient chez Quebecair
dans le temps. Quand on regarde tous ceux qui ont créé des
emplois - je pense à certains pilotes de Quebecair qui ont
créé Air Minerve, en particulier, et Air Transit - quand on
additionne tout cela, on s'aperçoit que maintenant il y a 1214 emplois.
Présentement, il y a quoi? Il y a quelque 300 emplois de plus que les
emplois qui existaient au moment où nous avons privatisé
Quebecair et sans que cela ne coûte un sou au gouvernement du
Québec. On ne paie plus le déficit. On n'a plus à payer
l'achat des avions.
Je me souviendrai toujours, quand on a privatisé Quebecair ou
juste avant, que le ministre des Transports et moi, on se rencontrait et on
avait des recommandations, des rapports de la direction de Quebecair qui
disaient: Vous savez, il faudrait changer les avions. On était rendu
deux ministres pour essayer de savoir quel genre d'avions ils étaient
pour acheter. On ne connaît rien dans cela, nous, du gouvernement, les
avions! Que voulez-vous? Des avions! Est-ce qu'on va acheter des Fokker-100,
des ci et des ça? Ce n'est pas à nous, au gouvernement, de
décider quel genre d'avions on va acheter mais, comme actionnaires, on
était rendus dans la situation qu'il fallait décider quel genre
d'avions on était pour acheter. C'est de la foutaise!
Maintenant, il y a des gens compétents qui
dirigent ces compagnies. C'est leur argent, c'est leur investissement et
ils font un très bon job. On a critiqué Quebecair à
l'origine, le nouveau Inter-Canadien. Mais là, maintenant, au fur et
à mesure qu'ils achètent des réactés - moi, je
voyage peu souvent en avion, je voyage surtout en voiture entre Montréal
et Québec - mes collègues qui voyagent en avion me disent que le
service s'est beaucoup amélioré. Il y a plus d'avions par jour,
durant la journée. En tout cas, on peut dire qu'il y a une grosse
amélioration de ce côté. En définitive, cela a
assuré un plus grand développement économique parce que
cela a assuré la création d'emplois.
Tout cela pour dire que non, on ne l'a pas fait pour des motifs
dogmatiques, on l'a fait pour s'ajuster à la réalité
québécoise. C'est pour cela que nous l'avons fait. (16 h 15)
Le député m'a posé une autre question: Mais
qu'est-ce que nous allons faire à l'avenir? Je ne voudrais pas le
blâmer de son ignorance des lois sur les valeurs mobilières parce
que, comme ministre, j'ai moi-même eu l'occasion de tremper un peu dans
le jus, comme on dit. Mais il faut savoir que, pour les sociétés
cotées en Bourse, les gens ne nous donnent pas de préavis. Les
lois sur les valeurs mobilières sont telles que, si une compagnie de
Chicago décide de faire une OPA, cela arrive comme un coup de tonnerre
dans un ciel bleu; on ne nous avertit pas trois mois d'avance en disant:
Réveillez-vous, au gouvernement; d'ici à trois mois, on va faire
une OPA. Cela ne marche pas comme ça. Dans le cas qui s'est produit, M.
Desmarais le savait peut-être, mais - comment s'appelle-t-il, de la
compagnie de Chicago - M. Stone est arrivé à un moment
donné et il a dit publiquement: Écoutez, je fais une offre, c'est
tout. L'acceptez-vous ou non?
La difficulté vient du fait, justement à cause des lois
sur les valeurs mobilières, qu'il est très difficile de
réagir au moment où l'offre tombe sur la table. D'ailleurs, la
Caisse de dépôt a tenté de le faire à la
dernière minute mais, là, on manque de temps et c'est très
difficile de réagir. C'est la raison pour laquelle, quand vous regardez
ce qu'on appelle les OPA hostiles aux États-Unis, c'est très
difficile de réagir parce que la seule façon de prévenir
le coup est de se préparer d'avance. Quand j'ai dit que des gens
s'étaient rencontrés et qu'ils discutaient entre eux, ce n'est
pas pour les OPA qui arrivent à la dernière minute. Il faudra
établir des noyaux durs dans certains secteurs et il faudra
préparer ça d'avance. Si une OPA nous arrive à la
dernière minute comme ça, c'est très difficile de
réagir et, même si on avait des ententes, on aurait des
difficultés à réagir à des OPA qui nous arrivent
à la dernière minute. Prenons le cas de Domtar. On peut dire,
dans le cas de Domtar, que nous avons deux noyaux durs: la Caisse de
dépôt qui possède 17 % des actions et fa
Société générale de financement qui en
possède 28 %. Donc, 28 % plus 17 %, on contrôle 45 % des actions.
On peut dire qu'on a constitué deux noyaux durs, mais ce sont deux
noyaux durs gouvernementaux.
La question qui se pose pour nous, pour l'avenir, et c'est pour
ça qu'on dit que, pour le moment, ce n'est pas à vendre... Il
faut bien comprendre que Domtar n'est pas uniquement impliquée dans les
pâtes et papiers, mais dans les produits chimiques; elle est en train de
vendre sa division chimique. Elle a quatre divisions: produits chimiques,
matériaux de construction, pâtes et papiers et le "packaging", les
boites de carton. Elle a quatre divisions. Tout le monde dit: Domtar,
pâtes et papiers. Mais ce n'est pas uniquement pâtes et papiers,
elle a quatre divisions, quoique, là, elle en ait mis une en vente,
celle des produits chimiques. Mais une fois qu'elle aura vendu les produits
chimiques, elle en aura trois. Le carton, ce n'est pas les pâtes et
papiers et les pâtes et papiers, ce n'est pas les matériaux de
construction.
Si on pense au développement économique du Québec,
si on cherche un acheteur, il faudra trouver un acheteur qui nous
amènera de préférence une force complémentaire
à celle de Domtar ou qui est capable d'apporter une technologie que n'a
pas Domtar ou quelque chose du genre et qui, en même temps, pourra
construire un noyau dur avec nous. C'est la raison pour laquelle, si on voulait
vendre ça demain matin, on pourrait le faire. Ce n'est pas ça, la
difficulté. La difficulté, c'est de le faire de telle
façon que, d'une part, on garde le contrôle au Québec et
que, d'autre part, on trouve des actionnaires qui ne chercheront pas uniquement
le profit par un gain de capital fait rapidement, mais, si possible, qu'on
trouve des actionnaires qui seront en mesure de nous apporter une technologie
ou une complémentarité par certaines activités qu'ils
peuvent avoir dans leur propre compagnie pour qu'on puisse créer, dans
l'une ou l'autre division de Domtar, une force encore plus
considérable.
Par ailleurs, que ce soit Domtar ou d'autres sociétés, la
difficulté à laquelle on fait face actuellement, c'est que -
dernièrement, j'ai été témoin, on m'a
indiqué une compagnie de Drummondville qui était une grosse
réussite, on ne parle pas de milliards de dollars, mais de
sociétés qui peuvent coûter 100 000 000 $ - les
activités d'OPA qui se font dans le moment ne se feront pas uniquement
sur les très grosses sociétés, elles se feront
également sur des petites sociétés qui sont des grosses
PME qui ont connu un succès retentissant durant les dix ou quinze
dernières années. Alors, pour ces grosses PME, il va falloir
également constituer des noyaux durs pour s'assurer de les conserver. On
ne pourra pas toutes les conserver, mais on devra conserver certaines d'entre
elles. Alors, c'est ce qui est en discussion dans le moment.
La difficulté vient du fait que nos entrepreneurs avaient
l'habitude de travailler seuls.
Les frères Lemaire travaillent entre frères Lemaire. Les
Perron travaillaient seuls. M. Rolland travaillait seul. Alors, il va falloir
faire une certaine éducation parmi nos entrepreneurs pour leur dire:
Écoutez, face aux géants du Japon et des États-Unis,
peut-être que l'un ou l'autre de nos entrepreneurs
québécois, que ce soit Péladeau ou d'autres - d'ailleurs
Péladeau a compris, il s'est associé à Maxwell, ce qui
n'est pas une mauvaise chose non plus - il va falloir que nos entrepreneurs
québécois comprennent que face aux géants des
États-Unis et aux géants japonais, aux géants
européens, ils devraient peut-être travailler un peu plus
ensemble, ce qui permettrait au gouvernement de jouer un rôle
complémentaire, que ce soit par la Caisse de dépôt et
placement ou la SGF, pour créer des entités qui soient à
l'abri des prises de contrôle étrangères.
Ce n'est pas juste une question d'agir pour le gouvernement parce que le
gouvernement a un rôle complémentaire. C'est également une
question, pour les gens du secteur privé, de comprendre qu'il y a
là une certaine menace et ils vont être obligés de mettre
un peu d'eau dans leur vin et d'apprendre à travailler avec le voisin un
peu plus qu'ils ne l'ont fait dans le passé.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Terrebonne.
M. Blais: Mme la Présidente, je conclus qu'il n'y a rien
d'installé, malgré des consultations pour éviter d'autres
Consolidated Bathurst. Cela peut arriver encore. Il n'y a rien dans le tableau
qui pourrait éviter le plus possible d'autres catastrophes
économiques pour le Québec comme celle qui vient de nous
arriver.
Je reviens un peu à Quebecair. J'ai trouvé cela
très curieux. Cela va bien, mais il faut penser que les prix ont
doublé pour les gens qui voyagent en avion. À certains endroits,
les prix du transport ont triplé. Malgré ça, II faut que
vous donniez des subventions au transport dans certaines régions encore,
etc. C'est assez facile de le refiler au consommateur. C'est comme si on
arrêtait de subventionner le métro de Montréal et qu'on
disait: Au lieu de payer 1 $, vous en paierez 2 $. C'est simple. On peut faire
ça, mais c'est une philosophie qu'on décide de choisir. Vous avez
décidé de faire ça et je trouve que ce n'est pas normal
qu'il en soit ainsi.
À Montréal, les gens paient à peu près le
tiers du coût que ça vaut. On subventionne le transport en commun
et le transport en commun des régions éloignées,
c'était l'avion. Et on décide qu'il n'y a plus de subvention, que
les gens paient. Ils paient le double et le triple. Vous dites que
c'était fou comme balai que les ministres choisissent des sortes
d'avion. C'est un exemple que vous donniez, mais je ne trouve pas ça
très fort, vous choisissez encore les wagons pour le métro de
Montréal. C'est fou comme balai aussi, mais il y a certaines
responsabilités...
C'est aussi fou comme balai de choisir les sortes de wagon pour le
métro de Montréal, au ministère des Transports, et de les
approuver, que de choisir une sorte d'avion pour une compagnie de transport
aérien. L'argument n'est pas très fort.
Ce qui est important là-dedans, c'est le fait que les gens qui
vont utiliser les avions devenus privés paient le double et le triple de
ce qu'ils payaient pendant que c'était Quebecair. C'est une injustice
sociale de faire ça pour un groupe de régions
éloignées tandis qu'on ne le fait pas pour les zones urbaines.
C'est le principe dont je discutais. C'est bien sûr que c'est rentable.
On la vend et on dit: Maintenant, que les gens paient le double! C'est une
façon d'agir. C'est la philosophie que vous avez
développée. D'accord, mais je vous dis que je trouve ça
blâmable. C'est dans ce sens mais vous avez le droit de le faire. Vous
avez démocratiquement été élus, vous aviez le droit
de le faire. C'est ça que je blâme.
M. Fortier:... juste en relation avec ça.
M. Blais: J'achève. Je pense que je n'ai pas trop
parlé.
En fait, je vais terminer là-dessus. Il n'y a pas de philosophie
qui appuie la privatisation de ce gouvernement. Même si vous aviez fait
des discours à Paris ou à Hong Kong, vous savez, un discours qui
n'a pas de principe, on le fait où l'on veut, il n'a pas de principe. Le
principe de la privatisation qui est acceptable dans le contexte
nord-américain et québécois dans lequel nous vivons, c'est
qu'après avoir étatisé on peut privatiser, à la
condition que l'on trouve dans son milieu des gens capables de remplir les
fonctions techniques et financières pour prendre la relève de
l'Etat que le gouvernement Lesage, à l'époque, et d'autres qui
ont suivi ont donné en sociétés d'État à la
collectivité parce que, individuellement, on ne pouvait pas se donner
ces richesses. Il n'y a pas de principe qui sous-tende cette privatisation.
C'est fait à la va-comme- je-te-pousse, de façon aveugle. On vend
des canards boiteux, d'accord. On vend des canards qui ne sont pas boiteux, on
dit d'accord encore On n'a pas de paravent pour se faire, entre guillemets,
voler nos industries dynamiques par des étrangers. Le coût de
Consol est là et on n'a rien en place pour éviter d'autres
Consol. C'est là-dessus que je suis très mal à l'aise
devant la politique gouvernementale.
La Présidente
(Mme Bélanger): M. le
ministre.
M. Fortier: Mme la Présidente, deux commentaires. Le
premier, dans ce document de février 1986, on donnait, à la page
31, six principes qui nous guidaient. Comme le dit le député de
Terrebonne, nous avons été élus en fonction d'une certaine
politique; les gens du Parti québécois peuvent tenter de se faire
élire
en vertu d'une autre politique, c'est là qu'est la
démocratie. Je pense bien qu'il n'y a personne qui va disputer une
formation politique ou une autre d'avoir des points de vue différents;
d'ailleurs, c'est l'électeur qui fait le choix.
M. Blais: Quelle page?
M. Fortier: Page 31, dans le document de février 1986. Il
est clair pour nous, le premier principe - il y a six principes - on dit: "Une
plus grande place au secteur privé. La production commerciale de biens
et de services dans l'économie québécoise est du ressort
du secteur privé, sauf dans des circonstances exceptionnelles
justifiées par l'intérêt public." C'est un principe.
Le deuxième principe: "L'objectif structurel a priorité
sur l'objectif financier." Autrement dit - je pense que je l'ai
démontré dans le rapport d'étape - pour nous, l'important,
ce n'est pas de faire une piastre; l'objectif est de privatiser de telle
façon que la nouvelle entité va être plus forte
économiquement que l'entité qui existait avant.
Le troisième principe, à la page 33, on dit: "Une approche
pragmatique". Donc, du cas par cas. On n'a pas dit que toutes les
sociétés d'État vont être privatisées. Je me
souviens que les journalistes voulaient que je leur dise laquelle va être
privatisée. J'ai dit: Je ne le sais pas, il faut les étudier une
à une.
Le quatrième principe: "Des règles reconnues. La
privatisation est un processus public qui doit répondre aux normes
d'équité et de divulgation qui s'appliquent aux compagnies
publiques." C'est pour ça que si vous regardez les privatisations qu'on
a faites, on avait très souvent des prospectus, même dans le cas
de Madelipêche, des annonces dans des journaux, prospectus, annonce
publique à l'Assemblée nationale, ça a été
fait. En tout cas, je ne suis pas devenu riche avec ça; essayez de
trouver qui que ce soit qui a bénéficié personnellement du
programme de privatisation, ça s'est fait d'une façon
limpide.
Le cinquième principe, on dit: "Un traitement équitable.
Le gouvernement s'assurera que, dans le cadre de la rationalisation qui
pourrait s'imposer, les employés des communautés et, le cas
échéant, les fournisseurs seront traités
équitablement." C'est exactement ce qu'on a fait. Je peux vous avouer
que - il y a juste dans le cas de Quebecair où les employés ont
rechigné, je le comprends - dans tous les autres cas, et même dans
ce cas, nous croyons que nous avons été équitables pour
tout le monde.
Finalement, le dernier principe, on dit: "Des concurrents loyaux et
performants. Les sociétés d'État appelées à
maintenir leur statut devront accomplir leur mission dans le cadre de
critères rigoureux de performance et de règles strictes qui
viseront à faire des concurrents loyaux sur le marché." Cela
influence, comme je le disais tout à l'heure, la redéfinition de
la mission de chacune des sociétés d'État qui sont
conservées.
Ce sont les principes qui nous guident.
Tout à l'heure, le député de Lévis... de
Terrebonne, je ne voudrais pas l'insulter, comparait le métro de
Montréal avec Quebecair. Il faut bien comprendre que le métro de
Montréal est un monopole. À Montréal, on n'a pas le choix
de prendre le métro numéro 1, le métro numéro 2,
c'est le même métro, c'est un monopole. Il n'y a rien de mal
à ça, et je comprends son raisonnement, c'est une infrastructure
publique qui est financée par l'argent des contribuables. Tous les
investissements sont financés par les contribuables, mais il n'y a pas
de concurrence. Dans le cas de Quebecair ou d'Inter-Canadien, maintenant, il y
a une concurrence. On est en concurrence. D'ailleurs, la concurrence est
très forte, puisque Air Canada a décidé de créer
une filiale semblable à Inter-Canadien et que Canadien a un
associé qui s'appelle Inter-Canadien. Il y a concurrence entre les deux.
Même, dans certaines régions, sur la Côte-Nord, il y a
même des petites compagnies. Avec la "deregulation", le
décloisonnement des compagnies aériennes, il y a une concurrence
très serrée qui se fait entre les différentes
sociétés. C'est ce qui fait, d'ailleurs, si vous examinez ce qui
se passe en Amérique du Nord, que le décloisonnement des
sociétés aériennes fait chuter le tarif des billets
d'avion. Je me souviens que j'allais en France, il y a quelques années,
et ça coûtait on peut dire le même prix ou à peu
près, mais en dollars constants, ça coûte bien meilleur
marché, maintenant, pour aller en Europe. La même chose se fait au
Québec et ailleurs, mais il est vrai que certaines régions
éloignées du Québec paient beaucoup plus cher. En fait,
les gens de la Côte-Nord ou des Îles-de-la-Madeleine nous
reprochent toujours le fait... Et je me souviens qu'ils nous disaient, lorsque
nous étions dans l'Opposition, que ça coûtait meilleur
marché d'aller en Floride que d'aller en Gaspésie. Mais ça
vient du fait que lorsqu'on va en Floride l'avion est plein, il y a moyen de
remplir tous les sièges, et lorsqu'on se rend en Gaspésie,
malheureusement, il y a moins de gens qui y prennent avantage. C'est la raison
pour laquelle le ministre des Transports a obtenu du gouvernement qu'il y ait
subvention. Si le député voulait faire un autre
débat...
Au fond, la privatisation n'a rien à voir avec le principe qu'il
défend. Le principe qu'il défend est que peut-être le
gouvernement pourrait subventionner certaines lignes dans certaines directions.
Autrement dit, le fait que Quebecair ait été privatisée et
qu'elle soit devenue Inter-Canadien ne nous empêche pas, comme
gouvernement, de dire: Écoutez, cela coûte trop cher pour aller
à tel endroit. À ce moment-là, tout ce qu'on a à
faire, c'est une entente avec Air Canada ou avec Canadien, et dire:
Écoutez, étant donné que cela coûte trop cher,
combien cela vous coûte-t-il? On va vous donner 20 $ ou 25 $ et, chaque
fois que quelqu'un va prendre l'avion, on va vous donner 25 $
à la condition que vous baissiez votre prix de 25 $. Autrement
dit...
M. Blais: Est-ce que c'est envisagé? M. Fortier:
Non. Je dis cela parce que...
M. Blais: Est-ce que c'est actuellement envisagé?
M. Fortier: J'indique que le député de Terrebonne
mêle les deux dossiers.
M. Blais: Non, pas du tout. Vous parlez comme... Juste une
seconde!
M. Fortier: À mon avis, il n'y a rien de mal à ce
qu'on privatise..
M. Blais: Permettez-moi...
M. Fortier: ...que la compagnie devienne une
société privée et qu'ensuite, si on veut donner des
subventions, on en donne. Cela regarde le gouvernement.
M. Blais: Permettez-moi une petite question. Dans votre
cinquième principe qui est l'équité pour tout le monde -
c'est écrit "l'équité des communautés desservies" -
dans ce cas, si vous n'envisagez pas des subventions au coût du transport
qui a doublé ou triplé dans les régions
éloignées, l'équité pour les communautés
n'est pas là. C'est là-dessus que j'insistais. Alors, si vous
envisagez - je trouve cela extraordinaire - de faire l'équité
pour les communautés desservies en donnant des subventions aux gens des
régions éloignées qui prennent l'avion, je trouve cela
extraordlanlre. J'aimerais bien vous entendre un peu plus longuement
là-dessus.
M. Fortier: Je vous dis que cela a été fait. Je me
souviens qu'on l'a approuvé au Conseil des ministres. Il y a eu des
réductions de tarif de 25 % pour les personnes résidant à
l'est de Havre-Saint-Pierre. Cela a été fait dans ce cas parce
qu'on croyait que ces gens méritaient une aide. Maintenant, quant
à votre affirmation à savoir que les tarifs ont augmenté
considérablement depuis la privatisation, il faudrait regarder cela. Je
vais m'informer là-dessus. Je ne crois pas que ce soit le cas. Il y a
une concurrence très forte entre Air Canada et Canadien. Si vous me
dites qu'il y a eu des augmentations ailleurs, si le prix du pétrole
augmente et s'il y a des frais inhérents à cela, c'est sûr
que cela va augmenter. Je ne crois pas, lorsque c'était une
société québécoise, que le tarif était
à ce point meilleur marché qu'on pouvait dire que cela
bénéficiait... Ce n'est certainement pas à cause de cela
qu'il y avait des déficits, c'est à cause du fait qu'il y avait
une mauvaise gestion. Ce fut un débat très
intéressant.
M. Blais: Je vous remercie beaucoup, Mme la Présidente.
J'espère que le ministre ne m'a pas trouvé trop dur sur l'attaque
des principes que je ne comprenais pas et que je ne comprends pas mieux, mais
la discussion a été extrêmement intéressante.
M. Fortier: D'accord, merci.
La Présidente (Mme Bélanger): J'en conclus que
c'est terminé. Il n'y a pas de programme relatif au volet de la
privatisation dans le livre des crédits. Il n'y a donc pas de
crédits à adopter à la commission.
La commission du budget et de l'administration ajourne ses travaux sine
die.
(Fin de la séance à 16 h 33)