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(Dix heures huit minutes)
Le Président (M. Lemieux): A l'ordre, s'il vous
plaît! La commission du budget et de l'administration est réunie
ce matin afin de poursuivre le débat sur le discours sur le budget. M.
le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: On ne m'a informé d'aucun
remplacement, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le secrétaire.
Permettez-moi de vous donner brièvement lecture des règles de
fonctionnement. Le mandat que nous entreprenons aujourd'hui pour une
période de dix heures prend la forme d'une interrogation au ministre des
Finances par les membres de la commission sur la politique budgétaire
présentée lors du discours sur le budget. Les règles du
débat ont été fixées par la commission de
l'Assemblée nationale le 23 mai 1984. Nos travaux vont commencer par une
période de déclarations d'ouverture au cours de laquelle le
ministre des Finances et le critique financier de l'Opposition pourront prendre
la parole pendant 20 minutes. Les membres de la commission auront ensuite un
temps de parole de dix minutes, réparti en une ou plusieurs
interventions. Le ministre disposera d'un temps de parole de dix minutes
après chacune des interventions.
M. Levesque: Pourriez-vous répéter les deux
dernières phrases?
Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le ministre des
Finances. Nos travaux vont commencer par une période de
déclarations d'ouverture au cours de laquelle le ministre des Finances
et le critique de l'Opposition prendront la parole pendant 20 minutes. Les
membres de la commission auront ensuite un temps de parole de dix minutes,
selon la règle de l'alternance, réparti en une ou plusieurs
interventions. Le ministre disposera d'un temps de parole de dix minutes
après chacune des interventions. Est-ce que ça vous va, M. le
ministre?
Maintenant, je vous inviterais, M. le ministre des Finances, à
bien vouloir prendre la parole pour votre déclaration d'ouverture.
Remarques préliminaires
M. Gérard D. Levesque
M. Levesque: Je vous remercie M. le Président. Je suis
heureux, ce matin, de me présenter devant cette commission parlementaire
pour poursuivre cette discussion sur le budget que je déposais à
l'Assemblée nationale la semaine dernière. Inutile de dire que je
crois que ce budget est important et s'inscrit dans ta continuité. Il
vise à permettre aux Québécois et aux
Québécoises de relever les défis des années
quatre-vingt-dix dans un monde où la concurrence est de plus en plus
vive et les marchés de plus en plus ouverts. On peut dire qu'il poursuit
quatre grands objectifs. Premièrement, la création d'emplois
à long terme par des actions de renforcement de l'économie
québécoise. Nous avons parlé d'investir justement dans le
capital humain, investir dans la technologie, investir dans le capital de
risque, Investir dans le capital financier, investir dans le dynamisme des
régions et également de porter une attention particulière
aux investissements publics. Deuxièmement, la poursuite d'une
fiscalité allégée et plus équitable pour les
particuliers et les familles. Troisièmement, la satisfaction de certains
besoins prioritaires de la société, tout en poursuivant une
gestion serrée des dépenses. Quatrièmement, le maintien en
bon état des finances publiques.
Les actions entreprises dans le budget 1989-1990 impliquent des sommes
importantes surtout quand on considère l'impact du dernier budget
fédéral sur les finances du gouvernement du Québec. Je me
dois donc de rappeler sommairement les conditions financières qui ont
été à la base de la préparation du budget
Ainsi que je l'avais indiqué lors de la publication de la
dernière synthèse des opérations financières, nous
disposions pour ce budget d'une marge de manoeuvre d'un peu plus de 300 000 000
$ que nous avions mis de côté par prudence. Cette réserve
découlait d'une gestion serrée des dépenses
effectuées au cours de l'année et d'une meilleure performance
économique encore en 1988. Depuis l'automne dernier et au cours de
l'élaboration des crédits 1989-1990, le gouvernement avait
mené un exercice rigoureux d'évaluation des besoins les plus
pressants de la société québécoise. Ce travail est
d'autant plus Important que les dépenses augmentent d'année en
année de 2 000 000 000 $, comme ce fut le cas encore pour cette
année.
J'insiste un peu, au moins pour que ce soit inscrit dans le Journal des
débats. Je comprends que la portée de mes paroles est
limitée, mais, du moins, j'aimerais souligner le fait suivant. On juge
quelquefois l'effort du gouvernement pour certaines disciplines, pour certains
domaines, pour certaines priorités, en citant les chiffres que l'on
retrouve dans le budget que je présentais la semaine dernière. Je
pense qu'I est important de se rappeler que le véritable livre des
crédits pour l'année 1989-1990 a été
déposé à la fin de mars et comportait une augmentation des
dépenses de l'ordre de 2 000 000 000 $. Le budget que j'ai
déposé la semaine dernière n'est pas là
spécifiquement pour les dépenses, mais pour indiquer la
façon dont nous allons faire face à ces dépenses. Est-ce
que ce sera par de
nouvelles taxes? Est-ce que ce sera par un accroissement du
déficit? Qu'est-ce qui arrive? Comment allez-vous faire face à
cette augmentation de 2 000 000 000 $? Des revenus? Alors, c'est un peu
ça que le budget fait. C'est un exercice pour dire comment nous allons
faire face à la musique.
À cette occasion, nous faisons quelques corrections,
quelques ajustements. Par exemple, comme dans le secteur de la santé,
nous avons ajouté 15 000 000 $, mais il faut bien comprendre que ce sont
des sommes beaucoup plus considérables qui ont été
dégagées au moment où nous avons fait le
dépôt des crédits. Ce serait peut-être mal Informer
la population que de laisser croire que l'augmentation du budget de la
santé et des services sociaux n'a été que de 15 000 000 $,
alors qu'il s'est agi d'une somme beaucoup plus importante, d'un tout autre
ordre de grandeur. Encore une fois, comme on le sait, le but principal du
budget qui est présenté, chaque année, par le ministre des
Finances, est d'indiquer à la Chambre et à la population quels
sont les voies et moyens qui seront pris pour faire face aux dépenses et
s'assurer des équilibres financiers que nous avons à
l'esprit.
Alors, pour revenir à cette évaluation des
besoins, la croissance des dépenses avait été
révisée de 5, 5 % à 5, 8 % pour 1989-1990 au moment du
dépôt des crédits, à la fin de mars 1989. Les
dépenses budgétaires additionnelles annoncées dans le
budget, qui sont des ajouts, des ajustements, comme je l'ai dit tout à
l'heure, même si ça peut être important, ce n'est pas
là que se retrouve l'essentiel, le gros des crédits pour
l'année. Donc, ces dépenses budgétaires additionnelles,
dans le budget de la semaine dernière, ont été de 193 000
000 $. Dans ce contexte, il aurait été envisageable de
réduire plus rapidement le déficit sur l'horizon des
prévisions triennales ou bien encore d'accorder de nouvelles
réductions d'impôts, de plus grande importance. C'est alors que
nous avons pris connaissance du budget fédéral du 27 avril
dernier. L'évaluation de son impact sur l'économie et les
finances publiques s'élevait à 1 300 000 000 $ pour les trois
prochaines années. Le détail du montant de 1 300 000 000 $ -
j'imagine qu'il y a des membres de la commission qui aimeraient que je revienne
là-dessus à un moment donné - se résume ainsi: 589
000 000 $ d'impact direct, dont 103 000 000 $ en 1989-1990, ce qui comprend 293
000 000 $ à la suite des coupures dans les transferts
fédéraux - je parle toujours des trois ans - et 133 000 000 $
pour payer des taux de cotisations accrus à l'assurance-chômage -
on comprend que le gouvernement du Québec est le plus gros employeur du
Québec et, donc, est affecté en premier lieu à cet
élément - et 163 000 000 $ dus à la réduction de
diverses assiettes fiscales québécoises.
Par exemple, avec l'augmentation assez dramatique des taxes
sur le tabac, imposée par le fédéral, nous nous attendons
à une réduction de la consommation, donc, de nos revenus.
Même si nous n'avons pas ajouté à ce chapitre, nous allons
évidemment écoper par la réduction de la consommation.
C'est un exemple à l'intérieur de cette somme de 163 000 000 $
dus à la réduction de diverses assiettes fiscales
québécoises. Et ensuite, il y a une somme de 742 000 000 $
d'impact indirect, dont 75 000 000 $ en 1989-1990. En raison de quoi? En raison
de la baisse du PIB réel, de la hausse de l'indice des prix à la
consommation et de l'impact sur l'emploi. Il en résultait donc une
impasse financière importante à combler en 1989-1990, mais
surtout au cours des deux prochaines années.
Comment résoudre cette impasse sans nuire à la
compétivité de notre régime fiscal et sans augmenter le
déficit? Nous avons retenu quatre moyens. Premièrement, comme je
l'ai mentionné, nous avons eu recours au surplus que nous avons pu
dégager au cours de l'année 1988-1989 pour absorber une partie de
la facture. Deuxièmement, nous avons décidé de continuer
la gestion serrée des dépenses et encore plus serrée si
vous voulez. C'est ainsi qu'au cours des trois prochaines années, la
croissance des dépenses ne dépassera pas l'inflation de plus de 1
%: 1 % en 1989-1990, 0, 8 % en 1990-1991 et 0, 9 % en 1991-1992. Nous l'avons
déjà fait dans le passé et je pense que nous pouvons,
d'une façon réaliste envisager de pouvoir le faire dans l'avenir
Troisièmement, nous avons aussi décidé de réduire
moins rapidement le déficit. Au lieu de le ramener à 1 400 000
000 $ de dollars comme prévu en 1990-1991, nous le réduirons
à 1 475 000 000 $ et à 1 450 000 000 $ en 1991-1992. Ce sont des
prévisions réalistes. Si nous pouvons faire mieux, il est entendu
que nous n'hésiterons pas à aller dans le sens de nos politiques.
Quatrièmement, il a fallu nous résoudre a regarder du
côté de la fiscalité. Le moyen qui nous est apparu le moins
dommageable a été d'augmenter la surtaxe sur les entreprises,
surtaxe qu'incidemment j'avais annoncée en 1986-1987 à la suite
des coupures fédérales au financement des programmes
établis, qui touchaient, comme vous le savez, la santé et
l'éducation postsecondaire.
La fiscalité des entreprises québécoises
apparaît très concurrentielle. Encore aujourd'hui, notre
gouvernement vient appuyer de façon très efficace leurs
possibilités d'expansion. Le fardeau fiscal des entreprises
québécoises demeurera plus que compétitif. Il était
de 9, 6 % supérieur à celui de l'Ontario en 1985. Nous l'avons
réduit à 3, 4 % en 1988 et nous avions prévu que cet
écart serait de 1, 8 % en 1989. Mais, à la suite d'une hausse
d'impôts et de taxes que vient d'annoncer le gouvernement de l'Ontario,
il sera ramené à 1, 3 %. D'ailleurs, l'étude
effectuée conjointement par mes fonctionnaires et les
spécialistes de la firme Price Waterhouse montrent que, même avant
le dernier budget ontarien, le régime fiscal
du Québec favorisait les entreprises dynamiques, celles qui
investissent et celles qui effectuent de la recherche et du
développement.
Comme je l'ai mentionné, le budget 1989-1990 vise quatre
objectifs: création d'emplois à long terme par les actions de
renforcement de l'économie québécoise, plus grande
équité et réduction du fardeau fiscal des particuliers et
des familles, réponse à des besoins prioritaires de la
société et maintien des finances publiques en bonne
santé.
Du côté de la croissance économique et de la
création d'emplois, le défi consiste pour le Québec
à faire sa place dans un monde où la concurrence est plus vive et
à tirer parti des avantages qui lui sont propres. C'est de cette
façon qu'il lui sera possible de créer des emplois de
façon permanente. On pourrait bien dire que nous avons
déposé un budget qui ne fait pas suffisamment pour
atténuer l'impact d'un ralentissement possible de l'économie. Je
crois, au contraire, qu'avec un déficit réduit de moitié
et avec un service de la dette qui absorbe une moins grande place dans les
revenus ou qui a pris, par rapport au PIB, une tendance plus encourageante, le
gouvernement sera en mesure beaucoup plus qu'avant d'affronter un
ralentissement possible sans remettre en question tous nos acquis.
Il est bon de noter aussi que le budget comporte des dispositions dont
l'impact sur la conjoncture n'est pas négligeable. Je vous rappelle tout
d'abord que le budget de l'an dernier comportait des réductions
d'impôts de 1 257 000 000 $ pour les particuliers, pour les années
d'imposition 1989 et suivantes. Avec le dernier budget, en réduisant les
impôts des particuliers et des familles de 260 000 000 $ en 1990, le
pouvoir d'achat des ménages se trouve augmenté à un moment
on ne peut plus opportun. Lorsqu'on voit les hausses d'impôts et de taxes
annoncées ailleurs, la politique québécoise apparaît
singulièrement favorable à la conjoncture prévue.
Sur le plan des dépenses, les immobilisations du secteur public
apporteront, elles aussi, une injection bienvenue cette année et l'an
prochain. Selon nos prévisions, elles s'établiront à 6 800
000 000 $ en 1989 - je parle toujours des immobilisations, j'insiste
là-dessus, du secteur public. Il s'agit d'une croissance de 10, 8 % par
rapport à 1988. Hydro-Québec est responsable d'une partie
importante de cette croissance. Ses propres immobilisations croîtront de
18 % cette année et encore plus en 1990, soit de 24, 8 %.
À mon avis, la véritable façon de se
prémunir contre une éventuelle récession est de mettre en
place des mesures de développement économique structurantes. De
telles mesures permettent aux entreprises d'acquérir la vigueur
nécessaire pour traverser un ralentissement possible avec un minimum de
mises à pied. Tel est le sens de la politique économique porteuse
d'avenir que nous avons annoncée dans le discours sur le budget.
Au cours des trois dernières années, l'amélioration
du régime fiscal des particuliers et des familles a été
l'une des réalisations les plus remarquables de notre gouvernement
Aujourd'hui, notre fiscalité est davantage compétitive et encore
plus équitable envers les personnes à faibles revenus et les
familles.
Malgré une conjoncture plus exigeante, le budget 1989-1990 ne
comporte aucun nouvel impôt ni aucune nouvelle taxe pour les
particuliers. Les mesures annoncées procurent un gain de 260 000 000 $
pour les contribuables, dont 87 % iront aux familles avec enfants. De plus, je
note que 72 % des gains iront aux ménages dont le revenu est
inférieur à 40 000 $. En conséquence, l'écart de
fardeau fiscal Québec-Ontario pour les particuliers, qui était de
10, 5 % en 1985, qui devait être réduit à 2, 5 % en 1989,
ne sera plus que de 2 % en 1989, en incluant les mesures annoncées dans
le budget. Le soutien financier aux familles qui était de 814 000 000 $
en 1985 aurait été porté à 1 790 000 000 $ en 1990,
soit une hausse de près de 1 000 000 000 $.
Le Président (M. Lemieux): II vous reste une minute, M. le
ministre des Finances.
M. Levesque: Parmi les besoins prioritaires de la
société québécoise, le présent budget fait
une large part à l'amélioration de la qualité de vie dans
trois domaines: l'environnement, le domaine de la santé et des services
sociaux, le domaine de la culture.
Le Président (M. Lemieux): II y a consentement pour que
vous poursuiviez au-delà de votre minute.
M. Levesque: Oui. Merci. Merci, M. le Président et merci
à la commission.
Alors, la remise en ordre des finances publiques est l'acquis le plus
important des dernières années. Elle permettra au Québec
de répondre aux attentes de la population et de procéder au
renforcement de notre économie malgré une conjoncture plus
difficile, malgré l'impact du budget fédéral. Le bilan de
la situation des finances publiques du Québec montre les
réductions exemplaires qu'ont connues, depuis trois ans, le
déficit et les besoins d'emprunt. En 1985-1986, ce déficit
était de 3 344 000 000 $. En vertu des mêmes conventions
comptables, il s'est établi, en 1988-1989, à 1 600 000 000 $. On
connaîtra de nouveau cette année une diminution de 100 000 000 $,
ce qui le réduira à 1 500 000 000 $.
Les besoins financiers nets du gouvernement ont diminué dans une
proportion plus grande encore passant de 1 740 000 000 $ en 1985-1986, à
750 000 000 $ cette année. On peut s'attendre, du moins d'après
les prévisions, que cela
diminue à 450 000 000 $ en 1990-1991 et, je l'espère bien,
au moins à 150 000 000 $ en 1991-1992.
L'évolution de la dette est aussi très encourageante. Cela
part d'un produit Intérieur brut qui est en diminution depuis 1987. Il
s'agit là d'une performance qui mérite d'être
soulignée parce que le rapport dette-PIB n'avait pas cessé de
croître depuis le milieu des années soixante-dix. La dette a
cessé d'augmenter plus vite que notre capacité de la rembourser.
(10 h 30)
En conclusion, M. le Président, le budget que Je viens de
déposer à l'Assemblée nationale, constitue un jalon
essentiel à la politique économique de notre gouvernement. Il
permettra aux travailleurs, aux travailleuses, aux entreprises du Québec
d'aborder la nouvelle décennie avec une économie plus solide, que
ce soit par des mesures d'aide à la formation du capital humain, ou par
des avantages fiscaux, ou à l'introduction et à la diffusion des
nouvelles technologies.
Je suis particulièrement heureux de souligner, encore une fois,
que, malgré une conjoncture exigeante, il nous a été
possible de présenter un budget qui ne comporte aucun nouvel impôt
pour les particuliers du Québec, ni aucune nouvelle taxe. Les
réductions du fardeau fiscal et les principales mesures
budgétaires sont orientées vers les familles et les personnes les
plus démunies de notre société. La qualité de
l'environnement, la culture, les services de santé ont aussi
bénéficié de notre gestion financière.
L'assainissement des finances publiques, depuis trois ans, donne donc les
résultats escomptés: déficit budgétaire
réduit de plus de la moitié; besoins financiers nets
diminués de près des deux tiers; rapport dette-PIB en
décroissance avec une situation financière plus saine et une
fiscalité allégée. Il a été possible
d'absorber le choc du budget fédéral et de faire face à
une conjoncture plus difficile tout en poursuivant nos actions dans la
création d'emplois, la qualité de vie, la justice sociale. Et je
vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances. M. le porte-parole de l'Opposition officielle, M. le
député de Bertrand.
M. Jean-Guy Parent
M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. Cela me fait
plaisir qu'on entame cette période de discussion sur le budget et je
dois dire que le ministre des Finances a ouvert le débat avec un
discours pas plus emballant qu'il ne faut. J'ai déjà vu le
ministre des Finances en meilleure condition, mais il est encore tôt ce
matin, on peut comprendre. Je pense que cet exercice est un exercice qui peut
être drôlement valable puisqu'il déborde le cadre de ce
qu'on a vécu à l'Assemblée nationale depuis le mardi 16,
c'est-à-dire, l'exposé, de part et d'autre, de dis- cours qui
sont finalement des discours un peu à sens unique parce que, d'une part,
le ministre a fait son discours, et de mon côté, j'ai eu à
faire les répliques. Alors, on s'est tapé chacun deux heures.
Mais le vrai débat avec les vraies réponses pourra
peut-être avoir lieu au cours des prochaines heures, parce que là,
on est en situation pour poser des questions de part et d'autre.
C'est ce que j'ai l'intention de faire de façon qu'on ne
"s'enfarge" pas trop comme d'habitude, dans les procédures et les
"procédu-rites" et qu'on puisse essayer d'aller, à
l'intérieur du discours sur le budget, chercher des réponses sur
des questions que je me pose, que notre formation politique se pose en tant
qu'Opposition officielle à l'Assemblée nationale, mais aussi
plusieurs citoyens, groupes de citoyens, qui représentent
différentes formes d'associations, mais qui, finalement,
représentent les milieux de vie et qui sont préoccupés par
rapport à ce qui a été dit dans le budget.
Ce qui me frappe ce matin, M. le Président, c'est que le ministre
des Finances nous arrive avec une nouvelle chanson en nous disant, bon an, mal
an, que le discours sur le budget, ce n'est pas vraiment là que c'est
important. Avant, il y a eu les crédits. C'est ce que le ministre des
Finances nous a dit ce matin. C'est vrai. Il y a eu les crédits. C'est
comme ça chaque année. Il y a un dépôt de
crédits et on constate ce vers quoi s'oriente le gouvernement. Il y a
aussi le discours sur le budget qui vient concrétiser et donner, selon
ce que je comprends du système, les grandes orientations. Mais ces
grandes orientations doivent être appuyées par des mesures
concrètes. C'est pour ça que le discours sur le budget est tant
attendu et c'est pour ça qu'il fait l'objet d'un secret - c'est une
chasse bien gardée, et j'en conviens, ça doit être ainsi -
de façon que nous ayons de grandes nouvelles, de grandes mesures
à annoncer ou bien des retraits dans certains secteurs, par la voie de
privatisations, ou bien des expansions dans d'autres secteurs par des mesures,
quelles qu'elles soient.
Ce matin, le ministre des Finances nous annonce qu'effectivement, dans
le discours sur le budget... Dans le fond, je le comprends, il vient confirmer
un peu ce que l'Opposition lui a dit depuis une semaine, soit qu'il n'y a pas
grand-chose dans le discours sur le budget. Si, ce matin, la réponse se
trouve dans les crédits, on verra dans les crédits, en
matière de santé, de transport, de recherche et de
développement. On verra où sont les vrais crédits qui ont
été donnés en sus de l'augmentation normale et en sus de
l'inflation.
Vous me permettrez, M. le Président, dans cet exposé
préliminaire, de dire à quel point je suis profondément
déçu de ce qui se passe actuellement et particulièrement
de ce qui a été annoncé dans le discours sur le budget
parce que j'ai maintenant la confirmation que la façon dont se fait
l'administration publique avec le gouver-
nement actuel, c'est un peu de la gestion de petite caisse. Quand le
ministre des Finances nous dit maintenant: Écoutez, on n'a plus une
grande marge de manoeuvre, donc, on ne peut plus faire grand-chose, vous savez,
s'il fallait que les gouvernements passés, présents et futurs
fonctionnement strictement avec leur petite marge de manoeuvre, qu'ils
réussissent à obtenir... Une fois qu'ils ont enlevé le
service de la dette, une fois qu'ils ont enlevé la masse salariale, que
des choses assez statutaires sont prises dans le béton, il reste peu de
marge de manoeuvre. Mais là où la différence se fait et
là où il y a une possibilité, un champ illimité
d'action, c'est quand entre en fonction ce que j'appelle la
créativité, quand entre en fonction les nouvelles initiatives
d'un gouvernement, d'un Conseil des ministres qui a donné ses
priorités, et d'un ministre des Finances qui traduit ça dans le
discours sur le budget.
Ces nouvelles initiatives doivent se traduire par des mesures assez
spéciales où on réussit à créer une
dynamique et à aller chercher de l'argent, pas toujours par la voie de
nouvelles taxes. S'il y a une nouvelle taxe, elle peut se faire de façon
qu'il y ait des revenus correspondants et on suscite, à ce
moment-là, ce que j'appelle une forme d'autofinancement. Mais il n'y a
rien dans ce discours sur le budget qui a fait preuve de cette initiative et
aujourd'hui, à l'aube d'un début de ralentissement possible de
l'économie, pour ne pas dire de récession, on nous prêche
la grande prudence. M. le ministre, je suis d'accord pour la grande prudence et
il faut être prudent, mais il y a prudent et prudent. Il y a des
problèmes fondamentaux actuellement. Dans le domaine de la santé,
pour prendre ce cas, dans le domaine des transports et l'entretien du
réseau routier, les choses se dégradent rapidement. Être
à la fine pointe en matière de recherche et de
développement et de récupération, pour répondre
à des besoins fondamentaux, je pense que c'était le devoir du
gouvernement du Québec. Dans un esprit de préoccupation
politique, entre guillemets, c'est-à-dire à la veille d'une
élection qui doit venir normalement après quatre ans, je peux
comprendre le choix qu'a fait le ministre des Finances et le gouvernement,
même si je ne le partage pas, le choix d'annoncer la bonne nouvelle,
comme diraient les Anglais: "No new taxes". Il n'y a pas de nouvelles taxes,
donc, soyez heureux, tout le monde, les fumeurs, les buveurs, ceux qui
utilisent l'essence, soyez tranquilles, on va essayer de satisfaire tout le
monde. On n'annonce pas de nouvelles taxes et on a beaucoup insisté
là-dessus. Je veux bien qu'on n'annonce pas de nouvelles taxes, mais
après, quoi? Ce n'est pas un tour de force extraordinaire. Ce qui aurait
été un tour de force extraordinaire, ç'aurait
été, en même temps qu'on ne donnait pas de nouvelles
augmentations de taxes, d'être capable de dégager des formules
afin d'aller chercher de l'argent et de stimuler certains secteurs
d'activité. Je donnerai des exemples au cours des prochaines heures et
des prochains jours.
On nous dit qu'il n'y a plus vraiment de marge de manoeuvre et qu'on a
fait des choix. Le ministre nous a mentionné tantôt la
création d'emplois. Je voudrais que le ministre m'explique où
sont ces mesures concrètes concernant cette fameuse création
d'emplois. J'ai relu avec beaucoup d'attention hier soir, dans le Journal des
débats, les propos du ministre lors de la commission parlementaire du 24
mai de l'an dernier, c'est-à-dire le même exercice qu'on a fait
avec le budget. Il nous annonçait la création de bon nombre
d'emplois. Lorsque je lui ai mentionné: M. le ministre, vous vous
préparez des jours un peu plus sombres concernant la création
d'emplois et la recherche et le développement, on m'a dit: Ne vous
inquiétez pas, ne soyez pas si pessimiste. Je veux bien. S'il y a un
gars qui n'est pas pessimiste, c'est bien moi. Sauf que les mesures prises il y
a un an et deux ans et les mesures que vous prenez cette année
préparent exactement ce qui arrive actuellement. C'est-à-dire
qu'il y a eu des créations d'emplois de l'ordre de 93 000, 95 000, il y
a deux ans et que, l'année passée, cela a diminué. Et
cette année, pour la création d'emplois, on devrait avoir une
réalisation autour de 60 000. Le ministre nous parle de 64 000. On ne
s'enfargera pas dans les fleurs du tapis, mais nous pensons qu'à partir
des quatre premiers mois il y en aura 56 000, mais, pour la discussion, 60 000
nouveaux emplois...
On est en pleine période de croissance. Que je sache, on n'est
pas encore en période de récession et pourtant on redescend. Ce
n'est pas compliqué. Il n'y a pas eu d'infrastructures mises en place
pour être capable de... Quand on nous parle des problèmes
fondamentaux au Québec, je pense que celui de la natalité est un
problème fondamental. Parmi les pays industrialisés, que je
sache, on a un des taux de natalité les plus bas. Quand on parle du
vieillissement de la population, est-ce un problème grave? Finalement,
c'est de voir que d'ici une dizaine d'années, au tournant de l'an 2000,
dans dix ans et demi, on aura une forte proportion de la population du
Québec qui sera dans le deuxième pour ne pas dire dans le
troisième âge. C'est une préoccupation majeure de se
préparer Immédiatement. Ce sont des problèmes
fondamentaux. Quand je parle de préparer l'avenir, je dis qu'aujourd'hui
c'est le devoir du gouvernement de se dire: Je prends des mesures pour me
préparer à ça. Parce que, quel que soit le parti qui sera
au pouvoir dans trois, cinq ou dix ans, il aura des pépins à
ramasser.
Mais non, qu'est-ce qu'on fait avec les personnes dans les centres
d'accueil, avec les personnes qui sont sur les listes d'attente des centres
d'accueil? Pourquoi n'a-t-on pas mis, par exemple, une mesure de construction
intensive? Que je me souvienne, avec chiffres à l'appui, concernant les
centres d'accuel et le nombre de
places en centre d'accueil, le Parti
québécois, dans son programme, avait établi une moyenne,
durant les années où iI a été là, d'environ
1000 nouvelles places par année. Cette année, on nous parle de
1000 places qui ont été créées pour les quatre
dernières années. Cela veut dire qu'on n'a pas fait de
récupération par rapport à ce qu'on avait, parce qu'il y a
4500 personnes qui attendent une place en centre d'accueil et des services pour
les personnes âgées. Et si on regarde la façon dont le
programme est entamé et la façon dont on s'en va, c'est qu'on
crée une accumulation qui va faire en sorte qu'on aura un
problème grave de société.
Dans ma famille, j'ai des gens... Vous aussi avez des gens
dans votre famille, dans votre entourage, parmi vos amis qui sont dans cette
situation. Il y a pas de place. Alors, c'est un exemple parmi tant d'autres
pour dire qu'il n'y a pas de mesures concrètes pour préparer
l'avenir.
Au sujet de la natalité, il faut quand même
souligner qu'il y a eu une mesure concrète de prise. Cela a
été un boni additionnel; il est passé de 3000 $ à
4500 $ pour le troisième enfant. Ce n'est pas ça la politique
familiale, la politique sur la natalité. Ce n'est pas à quoi les
Québécois sont en droit de s'attendre. Je comprends que c'est une
mesure qui peut sembler, à première vue, intéressante. On
dit: On monte la prime. Mais ce n'est pas ça, ce n'est pas de cette
façon qu'on va être capable de stimuler et d'encourager la famille
au Québec. Quand je regarde, juste en parallèle, ce qui se passe
dans le secteur des garderies, parce que c'est Interrelié... Quand la
femme retourne sur le marché du travail, quand la femme est sur le
marché du travail et qu'elle veut avoir des enfants, elle doit penser
à une solution. Elle se demande ce qu'elle va faire avec ses enfants. Il
faut qu'elle les fasse garder. Là, K y avait un beau programme qui
était entamé; on devait avoir 60 000 nouvelles places, et on s'en
allait par là. Parce que le fédéral se retire, on nous dit
que, maintenant, on n'a pas tout l'argent nécessaire pour âtre
capable de compenser. Là, il y a un trou de 13 000 000 $ ou de 15 000
000 $ qui n'est pas comblé par le gouvernement du Québec. Ce
n'est pas parce qu'il n'avait pas l'argent, l'argent était là,
juste à côté; il était là, vous l'avez mis
sur les "bonis-bébés', 1500 $ pour le troisième et 500 $
additionnels pour le deuxième enfant, cela va vous coûter 17 000
000 $ ou 18 000 000 $. Il était là, mais vous ne l'avez pas mis
à la bonne place. Vous avez fait un choix. Pour ce qui est du
congé parental... On reviendra sur toute la question de la politique
familiale. Mais là, il y a un manque grave et ça fait
supposément partie des priorités. (10 h 45)
Je ne parlerai pas des secteurs dits prioritaires que vous
avez soulevés aux pages 23, 24 et 25 de votre discours sur le budget,
où, supposément, on parle de qualité de vie, donc de
qualité d'environnement, de qualité des services de santé
et services sociaux et de culture. Trois besoins dits prioritaires auxquels ne
correspondent pas de mesures concrètes. Pour ma part, je trouve que
c'est une farce. Je pense que ceux qui ont gratté un peu et ceux qui
vont plus loin que... On sait que le commun des mortels n'a pas la chance de
scruter, d'analyser, non seulement le discours sur le budget mais ses annexes,
et d'en avoir la compréhension. C'est notre rôle de prendre les
projecteurs et être capables - sans faire de la démagogie pour
autant - de ramener l'essentiel et dire: Voila les points importants. C'est ce
que nous tentons de faire.
Si le ministre est capable, au cours des prochains jours de l'exercice
que nous faisons actuellement, de nous donner des réponses quant aux
préoccupations que nous avons, s'il est capable de nous dire:
Écoutez, vous faites erreur parce qu'il y a ça et ça que
vous n'avez pas vu, j'en serai fort aise et ça me fera plaisir de
reconnaître ces choses. Mais de tout ce que j'ai entendu depuis mardi
dernier et de ce que j'ai entendu ce matin, nous n'avons vraiment eu, ni de
votre part, M. le ministre, ni de celle de vos collègues, une
réponse aux questions que nous nous posons et que nous sommes en droit
de nous poser au nom de la population.
Je termine cet exposé par l'assainissement des
finances publiques qui est supposément le point fort du gouvernement.
C'est extraordinaire ce qu'on a réussi à faire. Mais la balloune
se déglonfle un peu. On ne reviendra pas sur le fameux débat sur
le déficit parce que, pour moi, II est très clair. Cependant, on
peut revenir sur l'état des finances publiques au 31 mars 1989 et ce
qu'elles auront l'air au 31 mars 1990. Cet effort extraordinaire qui a
été fait pour la baisse du déficit, la baisse
réelle, parce qu'il y a la baisse apparente dans le budget à
cause des mesures comptables et il y a la baisse réelle... Quand on
analyse un peu plus, on comprend. Cela prend du temps à embarquer
là-dedans et à vraiment comprendre tout ce qui se passe dans la
mécanique, jusqu'aux résultats des besoins financiers nets. Mais
lorsqu'on comprend le portrait global, on est capable de conclure avec beaucoup
de conviction, M. le ministre, que, oui, les finances publiques se sont
améliorées, et c'était normal, en pleine période de
croissance économique et après les quatre ans ou trois ans et
demi que vous venez de passer, alors que la croissance du PIB et les taux
d'inflation étaient bas. C'étaient tous des
éléments favorables, tout ce qu'on pouvait retrouver comme
climat, non seulement au Canada mais dans le contexte nord-américain.
C'est la moindre des choses qu'y y ait eu un peu d'amélioration de ce
côté-là.
Pour ce qui est de l'amélioration du déficit réel,
selon les derniers chiffres que nous avons eus du Vérificateur
général, qui nous ramenaient à un déficit au 31
mars 1988... Donc, le 31 mars de l'année dernière, on avait
baissé le déficit d'environ 200 000 000 $. Avec les impacts
de
cette année, je pense qu'on peut parler sans trop se tromper d'un
déficit qui a peut-être baissé, au cours des quatre
dernières années, de 400 000 000 $ à 500 000 000 $. Je ne
le sais pas encore parce que c'est difficile à recouper, mais tout au
plus, de ces chiffres-là, peut-être de 300 000 000 $ à 400
000 000 $. Peu importe. Mais entre ces chiffres réels et les chiffres
dont on nous parle d'avoir pris un déficit et de l'avoir baissé
de 1 800 000 000 $, il y a toute une marge.
Quant aux besoins financiers nets, on se targue aujourd'hui d'avoir
réussi... J'inviterais les collègues de cette commission à
prendre connaissance d'un tableau parmi d'autres. À la page B-8 du
budget, on voit, effectivement, une évolution des besoins financiers
nets. Au 31 mars 1986, ceux-ci étaient de l'ordre de 1 700 000 000 $ et
au 31 mars 1990, donc l'année prochaine, ils seront de 750 000 000 $.
Donc, durant cette période de quatre ans, de 1986 à 1990, il y
aura eu une baisse de 1 000 000 000 $ en ce qui concerne les besoins financiers
nets. C'est excellent, comme dit le député de Mille-Îles.
C'est bon, c'est super et on prouve par là que... Mais il y a
peut-être lieu de regarder un peu plus loin ce qui se passe en ce qui a
trait à l'évolution d'une ligne un peu plus haut qui s'appelle
"Opérations non budgétaires" et où dans le compte des
régimes de retraite il y a une évolution. On voit qu'au cours des
années, on passera de 1 200 000 000 $ en 1985-1986 à 2 200 000
000 $, en 1991-1992 c'est-à-dire qu'on réussira dans un compte
d'opérations non budgétaires, ce qui est correct... Il faut juste
réaliser une augmentation de 1 000 000 000 $ en ce qui concerne le
compte de régimes de retraite. Cela paraît bien parce que
ça ne passe pas dans le budgétaire, ça passe dans le non
budgétaire et, à la fin, ça se traduit par un besoin
financier net qui s'améliore. Tout cela pour dire qu'il faut faire
attention quand on joue avec les chiffres et qu'on parle de l'assainissement
des finances publiques. Je pense que dans ce sens-là, la preuve est
maintenant faite parce que le ministre des Finances nous annonce que le
déficit en bas du plancher-plafond de 1 500 000 000 $ là, on n'y
va plus à coups de 400 000 000 $, 500 000 000 $, 600 000 000 $ ou 700
000 000 $ par année de baisse du déficit, mais à coups de
$25 000 000 $. On nous annonce que ça va passer de 1 500 000 000 $,
à 1 400 000 000 $, à 750 000 000 $. Oui, bien sûr, une fois
qu'on a joué et qu'on a rétabli les règles comptables,
qu'on a fait cet exercice-là, et qu'on a eu de bonnes années de
croissance économique, on s'aperçoit qu'on vient stabiliser le
déficit aux alentours de 1 500 000 000 $, ce qui n'est pas mauvais
lorsqu'on se compare à d'autres. Mais il y a une marge entre ça
et a baisser le déficit à 600 000 000 $ ou 700 000 000 $.
Je conclus, M. le Président, puisque mon temps est sûrement
écoulé, pour dire qu'on aura la chance de poser des questions
point par point sur l'ensemble du budget. J'espère qu'on aura la chance
d'avoir des réponses pour être capables, nous, de nous convaincre.
Et si nous nous convainquons, ça nous fera plaisir, M. le ministre des
Finances, de convaincre la population qu'on s'est trompés. Mais je pense
qu'on n'est pas beaucoup à côté de la "track". Je pense
qu'on ne s'est pas trompés dans l'analyse qu'on a faite et que le
ministre des Finances est conscient que cette analyse est une analyse
très serrée qui nous amène à montrer le vrai
portrait des chiffres qu'il y a ici. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Bertrand. M. le ministre des Finances, votre droit de
réplique.
M. Gérard D. Levesque (réplique)
M. Levesque: M. le Président, nous aurons sûrement
l'occasion au cours de ces échanges de vues de faire le point sur
certaines affirmations, malheureusement erronées, du
député de Bertrand. Je comprends très bien qu'il essaie,
devant un budget qui a reçu l'approbation presque unanime de la
population, de faire son possible. J'ai passé 17 ans de ce
côté-là. Je sais que, même lorsqu'il y a de bonnes
choses faites par le gouvernement, on essaie de trouver ce qu'il y a de moins
bon ou on essaie de semer le doute. Cela fait partie de la stratégie. Il
aurait pu évidemment, comme l'a fait le chef de l'Opposition en Chambre,
faire la liste de ceux qui ne sont pas tout à fait contents. C'est
facile. Il n'y a pas un budget qui puisse satisfaire tout le monde. Il y a des
arbitrages à faire, mais l'ensemble de la population reçoit
très bien le budget. Mon Dieu, je n'ai qu'à marcher dans la rue
et j'entends déjà des gens qui disent que c'est un magnifique
budget. Les gens sont satisfaits. Il y a des groupes de pression, c'est
entendu, qui disent: Pour nous autres, ça aurait été mieux
que vous mettiez tout dans notre panier à nous plutôt que de le
distribuer de la façon que vous l'avez fait. C'est normal. SI je pouvais
et si le gouvernement pouvait répondre entièrement aux voeux de
chacun de ces groupes, nous le ferions avec plaisir. Il y a beaucoup plus de
plaisir à donner qu'à recevoir, vous savez. Alors, il faut bien
comprendre que, lorsque nous faisons les arbitrages, nous ne les faisons pas
d'une façon mesquine, mais nous essayons d'être le plus juste
possible.
Le député de Bertrand disait tout à l'heure: Si
vous aviez pris l'argent que vous avez donné à la famille dans ce
budget-là, par exemple concernant les allocations de naissance, et que
vous l'aviez mis plutôt du côté des garderies, vous auriez
fait un meilleur choix. Je respecte l'opinion du député de
Bertrand, mais M faut bien comprendre que nous avons mis de l'avant une
politique pour le soutien à la famille. Nous sommes passés de 800
000 000 $ en 1985-1986 à 1 800 000 000 $ en 1989-1990. C'est donc dire
que durant notre mandat, nous avons augmenté
l'aide à la famille de 1 000 000 000 $, qui est passée, je
le répète, de 800 000 000 $ à 1 800 000 000 $.
Nous avons décidé, dans le budget, de continuer dans cette
politique selon certaines modalités que nous avions mises de l'avant
dès l'an dernier et que nous continuons cette année. C'est un
choix que nous avons fait. Par contre, ce choix ne va pas à l'encontre
de la priorité que nous accordons aux garderies. Ce n'est pas par hasard
que nous avons augmenté de 27 % par rapport à l'an dernier les
crédits consacrés à cette fin, et ce, malgré le
retrait, que nous regrettons, du gouvernement fédéral qui,
après avoir fait adopter par la Chambre des communes une loi qui nous
permettait de nous associer avec le gouvernement fédéral, se
retire aujourd'hui et retire en même temps les 48 000 000 $ qui devaient
être versés dans le programme que nous avions annoncé, non
seulement nous avons respecté notre partie du contrat, mais, pour
remplacer ces 48 000 000 $, nous injectons 32 000 000 $ d'argent neuf que nous
attendions du gouvernement fédéral. Nous investissons cette
somme. Nous avons donc fait un arbitrage qui, à mon sens, est juste, qui
tient compte à la fois de nos politiques vis-à-vis de l'aide
à la famille, l'aide à la naissance, et de la priorité que
nous avons donnée aux garderies. Il en est ainsi de toutes les autres
demandes très nombreuses que nous avons reçues d'un peu tous les
groupes de la société. Je pense que nous avons fait des
arbitrages qui se défendent bien et qui, du moins dans notre
pensée, sont équitables ou, à tout le moins, se veulent
équitables.
Le député de Bertrand a mentionné que j'ai dit que
te budget n'est pas Important, mais que les crédits le sont II ne faut
pas dire ça d'une façon aussi catégorique. Ce que j'ai
voulu dire, et je veux être bien clair là-dessus, c'est que le
budget est très important pour les orientations du gouvernement et pour
indiquer quelles mesures seront prises pour dégager les
priorités, faire face aux dépenses annoncées dans les
crédits, etc. La seule chose que je veux souligner, c'est que ce n'est
pas dans le budget que vous allez trouver le gros de l'augmentation des
crédits accordés à chacun des ministères, mais dans
les crédits déposés au mois de mars 1989. Là, Je
vous rappelle qu'à la page 24 des crédits, on retrouve les
priorités gouvernementales où on peut lire: "Les mesures
prioritaires mises de l'avant depuis 1986-1987 requièrent des
crédits de 2 172 000 000 $ dans le budget 1989-1990. De cette somme, un
montant de 1 659 000 000 $ est nécessaire pour la récurrence des
actions déjà prises et 513 000 000 $ pour les nouvelles
activités prioritaires mises en oeuvre à compter de 1989-1990. *
Vous avez là des mesures prioritaires pour une somme de 512 700 000 $,
à laquelle nous avons apporté des ajustements et des ajouts pour
une somme, je crois, de 193 000 000 $, au moment du budget. (11 heures)
Vous vous êtes inquiétés, à juste à
titre, parce que vous avez raison d'insister sur ces sujets prioritaires. Ils
sont prioritaires pour vous, ils sont prioritaires pour nous. Vous parlez des
15 000 000 $ de la santé. Pour la Santé et les Services sociaux,
95 200 000 $ ont été ajoutés au moment des crédits,
et ainsi de suite. Vous avez parlé des Transports et d'un montant de 30
000 000 $. Je dis, oui, 30 000 000 $, mais 61 700 000 $ que vous trouvez
également au moment du dépôt des crédits. Ces choses
sont toujours pour la même année. Il en est ainsi pour
l'Environnement et tous les autres ministères.
Le député de Bertrand a abordé beaucoup de sujets.
Je pense bien qu'au cours des deux Jours de discussions que nous allons vivre
ensemble nous aurons l'occasion de revenir là-dessus. Le
député de Bertrand a parié d'équilibre financier.
Par exemple, lorsqu'il a parlé du déficit budgétaire, il
voulait faire certaines comparaisons. Il mettait en doute la diminution du
déficit. Mais en vertu des mêmes conventions comptables... Je sais
que c'est une marotte. Il va peut-être l'oublier quand il va retourner
à ses propres affaires. Je ne sais pas quel est son nouveau plan de
carrière, mais ici à l'Assemblée, il a été
un spécialiste de ça. Pour lui répondre encore une fois,
en vertu des mêmes conventions comptables reconnues par l'ensemble des
comptables du Canada, par le Vérificateur générai, par
l'Institut des comptables agréés du Canada, partout, nous sommes
partis d'un déficit de 3 344 000 000 $ et nous sommes maintenant
à 1 500 000 000 $.
Lorsque nous parlons des besoins financiers nets, le
député de Bertrand devrait faire attention. Premièrement,
lorsqu'il part de 1985-1986 ou de 1984-1985, il part de près de 2 000
000 000 $ et il dit: Oui, c'est vrai que ça baisse à 750 000 000
$. Mais, quand il fait la comparaison avec le compte de régimes de
retraite, il s'en va complètement au bout de la ligne et il arrive en
1991-1992. Je comprends ça. Des fois, on peut pécher par
enthousiasme. J'ai cru comprendre qu'il a dit que cela n'était pas dans
les dépenses budgétaires mais dans les opérations non
budgétaires. C'est vrai que c'est dans les opérations non
budgétaires, mais c'est également dans les dépenses
budgétaires. Cela fait partie du déficit. J'insiste
là-dessus parce que, si on n'avait pas à tenir compte dans les
dépenses de ce compte de régimes de retraite, on n'aurait
peut-être pas de déficit. Bien non. Je pense que c'est important
de ne pas créer de confusion de ce côté.
Le député de Bertrand parle des dépenses. On
pourrait dépenser tellement plus dans tellement de domaines.
Le Président (M. Lemieux): II vous reste environ une
minute, M. le ministre des Finances, sur votre droit de réplique de dix
minutes.
M. Levesque: Oui. Alors, dans ce cas, parce que j'aurais beaucoup
à dire là-dessus, je vais peut-être trouver un sujet qui ne
durera qu'une minute. Je n'en ai pas beaucoup.
M. Parent (Bertrand): Ce sont tous de gros sujets.
M. Levesque: Ce sont tous de gros sujets que vous avez
abordés d'ailleurs, M. le député de Bertrand, et je vous
en sais gré. Je pense que je fais mieux d'arrêter ici et de
reprendre un peu plus tard.
Peut-être une petite note. Le député de Bertrand a
parlé d'un budget à la veille des élections, etc. Je veux
le rassurer tout de suite. La question de la date des élections ne m'a
pas du tout influencé. Vous savez, ça fait quatre ans qu'on fait
de bons budgets. Il n'y a pas eu d'élections chaque année. L'an
dernier, on a réduit le déficit de 750 000 000 $, on a
réduit les impôts de 1 400 000 000 $; ce n'était pas une
année d'élections. Si ça avait été un budget
électoral l'an dernier, c'était un vrai budget électoral,
mais ce n'est pas comme ça qu'on agit. On n'agit pas non plus comme le
gouvernement antérieur dont vous ne faisiez pas partie. Il aurait
été probablement bon que vous soyez là parce qu'il n'y
avait pas beaucoup de personnes du monde des affaires dans ce gouvernement ni
de gens préoccupés des questions économiques. Ils font un
budget à la veille de l'élection de 1981, en mars 1981. À
ce moment, ils annoncent des diminutions d'impôts à partir du 1er
janvier 1982. Tout va bien. L'élection n'est pas finie, on arrive
quelques mois après, avec un nouveau budget qui corrige tout ça,
annule les diminutions annoncées pour le 1er janvier 1982, impose une
augmentation...
Le Président (M. Lemieux): Ça, c'est de la
politique!
M. Levesque:... des taxes sur l'essence. On double la taxe sur
l'essence. On passe la taxe de vente de 8 % à 9 %. Et là on sort
toute la batterie des taxes. Pensez-vous que c'est ça qu'on a
l'intention de faire, M. le député de Bertrand?
J'ai trop de respect pour vous et pour la population pour faire
ça. Au contraire, je dis: Voici la situation. Nous allons continuer de
contrôler rigoureusement nos dépenses. Nous n'avons pas fait en
sorte de dire: Voici, il y a de l'argent, allons-y, c'est à la veille
des élections. Au contraire, malheureusement, nous avons dû dire
non à plusieurs qui sont venus nous voir avec d'excellentes causes. Mais
nous avons fait trop d'efforts pour sortir de la situation actuelle de
déficit, d'endettement qui a été la marque de commerce de
nos prédécesseurs, pour nous lancer dans la même vole.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances. M. le député de Mille-Îles.
Discussion générale Dépenses
anticipées
M. Bélisle: M. le Président, je sais qu'on en a
pour quelques heures ici à la commission du budget. Je ne voudrais pas
au tout début du débat intervenir sur des questions de fond, mais
vous me permettrez d'ajouter simplement quelque chose à ce que le
ministre des Finances vient de dire. Je me souviens très bien qu'au mois
de mars 1981 une des facettes importantes du budget de l'époque
c'était 55 000 000 000 $ d'investissements dans le domaine
énergétique. On ne parlait pas de 3 000 000 000 $, 4 000 000 000
$, 5 000 000 000 $, 10 000 000 000 $ ou 15 000 000 000 $, on parlait de 55 000
000 000 $. C'était l'époque des chiffres mirobolants qui
faisaient miroiter de faux paradis aux Québécois. On s'est
aperçu que le ballon s'est crevé systématiquement pour
redescendre à un plateau de 33 000 000 000 $ et pour se stabiliser,
finalement, à 17 000 000 000 $ tel que prévu par
Hydro-Québec dans son programme d'investissements pour le maintien du
réseau. Encore une fois, c'était de la poudre aux yeux qu'on
avait lancée aux Québécois.
Ce qui m'amène à faire ma première intervention,
c'est surtout l'inconsistance et l'Incohérence de l'Opposition. J'ai un
grave problème avec ça. La seule chose que j'exige d'une
formation politique, c'est qu'elle soit cohérente, logique, qu'elle
maintienne un cap, qu'elle ne dévie pas. Dans un certain sens,
l'Opposition est cohérente, et dans un certain sens, elle est
incohérente. Je fais référence à la
déclaration de M. Parizeau, relatée dans les journaux du 8 mai
1989, selon laquelle le président du Parti québécois
aurait, tout au contraire de l'actuel gouvernement, taxé les
Québécois pour un montant de 700 000 000 $ en instaurant une taxe
de 1 % sur la contribution des employeurs aux services de santé et de
formation professionnelle, et aurait également, bien entendu,
haussé le déficit.
Je cite le texte écrit par Normand Girard dans le Journal de
Québec. Regardez bien l'inconsistance. "En outre, l'an dernier -
c'est M. Parizeau qui parte, le président du Parti
québécois, celui qui aspire à devenir le prochain premier
ministre du Québec - il aurait remboursé davantage de comptes
à l'avance, quitte à ce que le déficit augmente quelque
peu. " Je vais m'arrêter là. Je suis sûr, M. le
Président, qu'avec l'honnêteté légendaire du
député de Bertrand... Je le vois sourire parce qu'il voit
très bien où je veux en venir. Comment expliquer que, l'an
dernier, on nous ait fait le reproche systématique à la
commission parlementaire... Le député de Lévis se roulait
par terre, déchirait sa chemi-
se - et Je vous dis, c'est tout un spectacle quand iI se
rouie par terre - en disant que c'était inadmissible dans notre
régime parlementaire et suivant les règles budgétaires de
prépayer des comptes. C'est le grand cirque il nous a fait l'an
passé, si je me souviens bien. Vous souvenez-vous, M. le ministre des
Finances?
M. Levesque: Ah oui!
M. Bélisle: Et cette année, le grand cirque
continue avec le sauveur, le messie qui arrive, le grand professeur de finances
publiques qui vient dire à toute sa troupe: Aïe! Les petits gars,
ce n'est pas ça, l'année passée, il aurait fallu en payer
plus d'avance et hausser le déficit, le hausser l'année
passée et le hausser cette année. Dans ce sens-là, M.
Parizeau est cohérent. Il a haussé le déficit pendant tout
son mandat. Il est d'une cohérence totale. Mais face à
l'augmentation du déficit et surtout face au remboursement de comptes
à l'avance, je dois vous dire que vous avez toute une côte
à remonter. J'aimerais bien ça, M. le député de
Bertrand, que vous m'expliquiez - tantôt vous l'avez expliqué aux
membres de la commission ou à ceux qui vont nous lire dans les
générations futures - comment il se fait que l'an dernier, votre
parti, représenté par le député de Lévis,
nous a fait tout un tapage en commission parlementaire sur le budget en nous
disant que c'était illégal et qu'en I'e6pace de douze mois, avec
la venue d'un nouveau chef de parti, non seulement c'est devenu légal,
mais ça aurait été souhaitable l'année
passée et c'est ce qu'il aurait fallu faire. C'est la première
partie.
La deuxième partie c'est l'incohérence de M. Parizeau.
J'ai dit qu'il était cohérent quant à son maintien du
déficit. Là-dessus, je pense que personne ne peut le contester,
mais là où il est incohérent, c'est dans ses
déclarations du samedi 26 novembre 1988 au Journal de Québec. Le
titre est de Normand Girard qui, lui, est consistant et cohérent: 'Les
effets du déficit fédéral, Parizeau s'inquiète pour
la prochaine génération. ' Que c'est noble, ma foi! Vous ne
trouvez pas? En l'espace de quelques mois, la position change. On trouve qu'au
fédérai, le déficit est élevé - c'est vrai
qu'il est élevé - et on s'inquiète pour les
générations futures. Je fais entièrement mien, M. le
Président, ce que le premier ministre du Québec a dit à
l'Assemblée nationale, il y a environ deux semaines, en réponse
à une question du chef de l'Opposition à laquelle il a
rétorqué: II y a des limites à l'égoïsme d'une
génération. La limite à l'égoïsme d'une
génération, c'est la décence publique. C'est ce que
j'ajoute. llsemble que M. Parizeau n'ait pas compris.
Laissez-moi vous lire ce qu'il a déclaré, le 26 novembre
1988, et je le cite: "En fait, la situation du déficit canadien est bien
plus sérieuse que celle des États-Unis. Il n'y a pas de commune
mesure. Ce qu'on est en train de faire, c'est de le renvoyer sur la
génération qui suit. La génération qui suit, elle
va maudire la génération actuelle. Ils vont être
obligés ou bien d'augmenter leurs Impôts de façon
remarquable ou bien de se débarrasser de programmes sociaux dont leurs
parents auront profité, qu'ils n'auront plus pour eux et sur lesquels
ils continueront de payer de l'intérêt pour les dépenses
encourues par leurs parents. ' Je comprends qu'un déficit raisonnable de
l'ordre de 4 % à 5 % qui est voué à de l'immobilisation
pour un gouvernement est correct mais de là à le hausser,
à peser sur l'accélérateur et à créer une
tendance au système à toujours s'orienter vers des
réflexes conditionnés qui sont de dire, quand on commence
à avoir un ralentissement des activités économiques, qu'il
faut utiliser, les vieux outils keynésiens, c'est-à-dire soit
d'augmenter les taxes, soit de hausser le déficit et d'injecter de gros
sous sur la table, il y a beaucoup d'économistes, M. le
Président, qui se posent des questions sur cette technique. Elle marche
peut-être dans un contexte où on est en pleine crise,
c'est-à-dire en période de récession, mais pas
nécessairement quand il y a un léger ralentissement
économique.
(11 h 15)
C'est la position que le gouvernement actuel a adoptée. Je pense
que c'est la bonne. Je vais lire une autre déclaration de M. Parizeau.
Je pense que c'est important de bien connaître l'individu qui revendique
le poste de premier ministre du Québec pour diriger les destinées
du Québec vers l'an 2000. M. Parizeau déclarait, le 25 novembre
1988, au Devoir: "Le nouveau défi est celui de la flexibilité et
de la souplesse pour permettre en priorité aux groupes les plus
démunis de s'en sortir. Et ces conditions acceptables de vie, c'est dans
le milieu même des personnes concernées qu'elles doivent
être atteintes. Ça veut dire redéfinir des modes d'action
et des programmes qui ne sont pas mur à mur. C'est difficile de se
sortir de réflexes conditionnés et ça prend du courage. '
C'est la dernière partie qui est importante: 'C'est difficile de se
sortir de réflexes conditionnés et ça prend du courage. '
Je dis tout simplement que le réflexe que M. Parizeau a eu, c'est qu'il
n'a pas eu le courage qu'il tente d'exiger des autres. Dire: On hausse le
déficit, on augmente les taxes, c'est la stratégie normale, c'est
le cours habituel d'un gars qui a été formé à
l'école de John Maynard Keynes, "that's it!". Ce n'est pas quelqu'un qui
peut diriger les finances publiques du Québec où tout est remis
en question et la gestion budgétaire mur à mur qui a
été faite selon des principes keynésiens. C'est
peut-être un peu ce que Jacques Brassard, député de
Lac-Saint-Jean, soulignait le mercredi 10 février 1988, quand il parlait
du clair-obscur de M. Parizeau. Journal de Québec, Normand Girard. Ce
n'est pas moi qui l'invente.
Le Président (M. Lemieux): En conclusion, M. le
député de Mille-Îles.
M. Bélisle: Je n'aurai pas le temps de tout... Disons que,
pour le moment, M. le Président, je trouve un peu inconsistant,
incohérent, pour le moins... En tout cas, personnellement, cela me fait
sourire. J'espère que les Québécois vont comprendre qu'on
ne peut pas confier les rênes de l'État à quelqu'un d'aussi
incohérent. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Mille-Îles. M. le député de
Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. J'ai
écouté le député de Mille-Îles faire sa
sortie contre M. Parizeau - sa sortie ou sa rentrée.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Parent (Bertrand): Je me disais: II me semble que le
sous-ministre, qui a beaucoup d'estime pour M. Parizeau, doit avoir les cheveux
dressés sur la tête. Mais étant donné qu'il n'est
pas dans le débat...
M. Bélisle: Ses cheveux sont restés plats,
pourtant.
M. Parent (Bertrand): Si vous l'aviez vu frémir,
tantôt... Farce à part, je ne pense pas que le
député de Mille-Iles ait des leçons à faire
à M. Parizeau sur le plan économique.
M. Bélisle: Cela se passe de commentaires.
M. Parent (Bertrand): Quant à l'incohérence, comme
il dit, c'est d'une façon remarquable qu'il a mené cela. Cela me
plaît beaucoup de voir le député de Mille-Îles,
très habile, sortir trois articles de journaux de notre ami Normand
Girard. Cela s'est arrêté là: Normand Girard, Normand
Girard, Normand Girard. M. Girard peut titrer et faire les analyses qu'il veut.
D'ailleurs, à cette conférence de presse de M. Parizeau où
j'étais présent, il y a eu un peu de viande autour de l'os quant
à la façon dont M. Parizeau a parlé du budget de M.
Levesque. Je pense que c'est un peu "bébête" pour qui que ce soit
de dire: Nous, on aurait augmenté le déficit. Je tiens à
apporter certaines précisions parce que de l'autre côté, on
aime faire un peu de démagogie. J'imagine que c'est normal et dans les
règles parlementaires. J'ai appris cela depuis quatre ans. Même
si, des fois, ça me faisait bondir, aujourd'hui ça me fait
rire.
Mais il faut ramener les choses à leur juste
équité. Vous savez, la taxe de 1 % sur la masse salariale que
proposait M. Parizeau et que propose le Parti québécois dans son
programme, une nouvelle taxe de 700 000 000 $, d'abord, que je sache, cette
taxe n'a aucun impact sur le déficit. Par ailleurs, c'est une taxe qui
ne coûtera rien aux gens de l'entreprise pas plus qu'aux travailleurs,
s'ils font de la formation.
Cette taxe sur la masse salariale est automatiquement déductible
quand les entreprises font de la formation. Donc, elle devient une mesure dite
incitative et elle corrige un grave problème de formation
professionnelle. Cela dit, c'est une initiative qui ne doit pas être si
bête parce qu'elle a été aussi retenue par M. de
Grandpré, président d'un comité canadien sur le
libre-échange.
Et tant qu'à faire des citations, comme t'a fait le
député, je le ramènerais juste à Alain Dubuc qui
n'est pas toujours très tendre, mais qui a su reconnaître, de
même que Claude Picher de La Presse, que, vraiment, les coups de
barre et la correction dans les finances publiques se sont faits à
partir de 1982. Je vais citer, moi aussi, Alain Dubuc qui dit: "Le début
de cet effort dont nous sentons aujourd'hui les effets ne remonte pas
qu'à 1985, mais plutôt à 1982 quand le gouvernement
péquiste a amorcé le virage qui l'a amené enfin à
gérer les finances publiques; c'est là que le Québec a
commencé à contrôler ses finances publiques, à
couper et à réduire les emprunts de l'État." Picher disait
que c'était la job de bras qu'avait faite le Parti
québécois. Tout cela pour dire que, sans essayer de
s'"autoglorlfier", je pense qu'il faut remettre les choses dans leur juste
contexte. Je vous dis que ce qu'ont fait le gouvernement du Parti
québécois et M. Parizeau en tant que ministre des Finances
commence à être reconnu à plusieurs égards; dans ce
sens-là, je pense qu'il y aurait lieu de ramener les choses à
leur juste portée.
Évolution des finances publiques
Deux points et des questions, parce que je vais avoir besoin de
réponses. Dans les prochaines heures, j'aimerais être capable de
décortiquer ça. Je vais poser les questions au ministre et, s'y
n'a pas les chiffres, j'aimerais qu'l me les produise, soit pour cet
après-midi ou pour mardi. Pour le premier exercice financier, donc celui
de 1986-1987, à partir des crédits du 31 mars 1986 - à
partir du discours sur le budget de la première année
d'administration du gouvernement jusqu'à celui de cette année qui
va terminer une période de quatre ans - j'aimerais savoir combien II y a
eu d'argent neuf que le gouvernement a mis pour la famille. Le ministre m'a dit
tantôt: On a passé de 800 000 000 $ à 1800000000$, donc il
y aurait eu 1 000 000 000 $ de plus. Je voudrais avoir, non pas à la
cenne près mais au millier de dollars près, combien d'argent dans
des blocs importants comme celui de la famille il y a eu de mis au cours de ces
quatre ans. Combien y en a-t-il eu en matière de santé? Là
aussi, j'ai entendu dire 1 000 000 000 $, que la ministre nous a
répété avoir mis, au cours de ces dernières
années, incluant cette année. On va prendre un bloc de quatre
ans. Combien y a-t-il eu d'argent neuf de mis pour le secteur de la
santé? En matière de transports, j'aimerais avoir
ces chiffres aussi. Apparemment, on a fait de la grande
récupération et beaucoup d'efforts. En matière
d'environnement, combien d'argent neuf y a-t-il eu de mis? Sur le plan
économique, en matière d'industrie et de commerce, de
développement technologique, combien d'argent neuf y a-t-il eu pour ce
bloc de quatre ans? C'est pour qu'on puisse être capables de parler des
mêmes chiffres. Moi, j'ai certains chiffres, mais je voudrais surtout
avoir ceux du ministre de façon que je puisse être capable de
porter certains jugements, parce que, concernant tous les propos que j'entends,
plus les mois avancent, au fil des années, je fais un décompte.
Ce gouvernement a réduit le déficit de 1 800 000 000 $ en quatre
ans. Ce gouvernement a mis 1 000 000 000 $ pour la famille, 1 000 000 000 $
dans le secteur de la santé... On additionne les milliards et, vous
savez, je suis rendu à la fin et il y a beaucoup de milliards.
Là, on va voir les vrais milliards. Ce n'est pas tout d'être
capable de reprendre des choses, mais après un ou deux ans on peut faire
du "surfing" sur une année par rapport à l'autre, mais, sur
quatre ans, combien d'argent neuf a été mis et qui se retrouve
dans les quatre budgets que le ministre des Finances nous a
présentés?
L'autre chose, c'est un commentaire. Auparavant, c'étaient des
questions, et le ministre peut commencer à me donner des
réponses. L'autre commentaire que j'aurais à faire dans cette
conversation amorcée sur le budget global avant qu'on entre dans les
perspectives très précises des différents
ministères, c'était concernant révolution des finances
publiques. Comme le disait le ministre tantôt, les chiffres sont
là pour le prouver, ainsi que le vérificateur*; en tout cas, on
n'a pas la même lecture, la même façon de faire les choses.
Seulement du côté des besoins financiers nets, quand on nous dit
et on... On nous a donné un peu, l'année passée et
l'année d'avant, je m'en souviens, la preuve flagrante de la relation
entre l'amélioration du déficit... Ça se traduit par un
besoin financier net moindre. C'était une relation directe parce que, si
vous avez moins de déficit, vous avez moins besoin d'emprunter. Alors,
j'aimerais qu'on m'explique. Sur la question du déficit, qu'on me donne
la raison... Comment se fait-il qu'on a pu, supposément.. Si on me
répond à ça, je pense qu'on va être capable de
clarifier, une fois pour toutes, cette question et même rassurer le
ministre des Finances. même quand je serai parti de cette enceinte, je
continuerai à vous harceler dans ma tête parce que je suis
convaincu de ce que j'avance. Mais comment est-il possible, au cours de ces
trois ou quatre dernières années, quatre ans avec l'année
qui se terminera au 31 mars 1990, d'avoir diminué le déficit
réel de 1 800 000 000 $ et que, tout d'un coup, on prévoie pour
les trois prochaines années de le diminuer de quelque 150 000 000 $? Si
on le prend au 31 mars 1989, on prévoit qu'il va descendre à 1
475 000 000 $. et à 1 450 000 000 $ au 31 mars 1990. Alors comment
peut-on expliquer qu'on va réussir, dans les trois prochaines
années, à le diminuer tout au plus d'environ 150 000 000 $?
Comment se fait-il que là, tout d'un coup, on n'est plus capable, on est
pris sous une barre quelconque même si, dans son exposé de ce
matin et dans le discours qu'il a tenu, le ministre des Finances nous a dit:
C'est là, ça fait partie d'une stratégie, on va diminuer
le déficit moins rapidement? C'est bien dit, c'est bien emballé.
Mais j'aimerais qu'il m'explique pourquoi il n'est plus capable de maintenir ce
même rythme et d'éliminer le déficit d'ici les trois
prochaines années, ce qui ferait que déjà son
élection de 1992-1993 pourrait être assurée avec
l'élimination complète du déficit.
D'autre part, s'il y a un rapport net, un rapport direct, devrais-je
dire, entre cette baisse du déficit et les besoins financiers nets,
comment peut-on m'expllquer qu'on va, au cours des trois prochaines
années, diminuer le déficit d'environ 150 000 000 $ - c'est ce
qu'on prévoit - et qu'on va, par la même occasion, en ne diminuant
le déficit que de 150 000 000 $, diminuer le besoin financier net de 800
000 000 $? Je prends le 31 mars 1989. Au 31 mars 1989, on a un déficit
de 1 600 000 000 $ et on prévoit qu'au 31 mars 1992 il sera de 1 450 000
000 $. On a 150 000 000 $ de baisse de déficit selon cette même
base comparative, on prend les besoins financiers nets qui sont à 963
000 000 $ et on va les amener à 150 000 000 $. S'il y a un rapport
direct concernant le compte des régimes de retraite, s'iI y a un effet
là ou s'il n'y en a pas, qu'on me l'explique. Mais comment peut-on
m'expllquer qu'on baissera dans les trois prochaines années le besoin
financier net de 800 000 000 $ et qu'on ne va baisser le déficit, par la
même occasion, que de 150 000 000 $?
Ça peut être des exercices intéressants si le
ministre est capable de répondre à ça, et de façon
concrète. Je pense qu'on ne peut pas y répondre autrement qu'en
donnant les explications que je mentionnais tantôt et l'effet. Et tout
ça devient un peu ridicule dans le sens qu'on s'aperçoit qu'il
n'y a pas vraiment de rapport direct. Il y a un rapport, mais il n'est pas
vraiment direct. Pour moi, ça clôt les questions et les
commentaires que j'ai au sujet de la situation financière.
Peut-être que dans six mois, un an, deux ans, on réalisera des
choses qui sont dites aujourd'hui et on dira: II avait raison. Tant mieux si
c'est ça. Je ne serai pas là pour en prendre le crédit.
D'autres le prendront. Mais je suis absolument convaincu de ces
propos-là. Et si je suis si tenace, c'est parce que je suis convaincu.
Ce n'est pas parce que je veux induire les gens en erreur. Et je défie
le ministre de me donner d'autres explications que celles-là, au
même titre qu'on disait l'année passée et l'année
d'avant, écoutez... Oui, oui, on va essayer de se tenir à
l'intérieur du temps.
Le Président (M. Lemieux): Je vous ai
déjà
laissé aller une couple de minutes de plus.
M. Parent (Bertrand): Mais comme on le disait, il y a deux ans,
autour de cette même table et qu'on le disait, il y a un an:
Écoutez, ce n'est pas vous qui avez fait le grand redressement,
l'urgence du redressement et tout ça. Il y a eu beaucoup d'emballage de
mis autour de ça. Mais aujourd'hui, et ce, après trois ans et
demi, quand des gars comme Alain Dubuc, des gars comme Picher commencent
à reconnaître que c'est là que les virages ont
commencé, je pense que ça doit en faire réfléchir
quelques-uns qui en ont pris le crédit. On peut prendre des
crédits, mais pas ceux qui ne nous appartiennent pas.
Dernier commentaire. Le député de Mille-Îles a
apporté tantôt des commentaires concernant.... J'ai perdu le fil.
Je reviendrai tantôt, c'est...
Une voix: Les paiements anticipés.
M. Parent (Bertrand): Oui, les fameux paiements anticipés.
Vous permettrez, avec la permission des gens de l'autre côté...
(11 h 30)
Le Président (M. Lemieux): Avec le consentement de M. le
ministre des Finances. Cela va?
M. Parent (Bertrand): Le député de Lévis,
supposément, se roulait a terre, etc., sur cette horreur des
dépenses anticipées. Ce que je dois juste rappeler pour remettre
le député de Mille-Iles sur la bonne voie, c'est la façon
dont cela s'est fait et ce à quoi nous en avions: il y a quelque 400 000
000 $ qui ne sont pas passés par le salon bleu de l'Assemblée
nationale pour les autorisations. C'était sur cette façon et sur
cette autorisation qu'aurait dû avoir le ministre, et je prierais le
député de Mille-Îles de revoir les notes
là-dessus.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Bertrand. M. le ministre des Finances, je vais vous
accorder le même temps dont le député de Bertrand a
bénéficié en surplus. M. le ministre.
M. Levesque: Juste pour relever les derniers propos du
député de Bertrand, je lui rappellerai que la façon
utilisée a été considérée comme
légale, conforme à nos lois, lorsque nous avons utilisé
les budgets supplémentaires pour indiquer que nous faisions certains
paiements anticipés. Nous l'avons fait conformément à la
loi et quant au reste qui n'avait pas été fait à ce
moment-là, parce que ce n'était pas nécessaire de le faire
au moment des budgets supplémentaires et parce que, probablement, nous
n'avions pas terminé encore toutes nos analyses au 31 mars. Nous l'avons
fait dès la première occasion qui nous a été
donnée, c'est-à-dire au discours sur le budget, et ceci
également a été confirmé par les juristes comme
étant conforme à la loi.
On va mettre ça de côté. On va parler maintenant de
ce que disait le député de Bertrand lorsqu'il citait MM. Dubuc et
Picher qui reconnaissaient qu'il y avait eu, dès 1982, un effort du
côté du gouvernement du temps pour se diriger un peu vers un
assainissement des finances publiques. Vous savez, lorsque le
député de Bertrand recourt à cette citation, il fait un
aveu extrêmement sévère vis-à-vis du gouvernement
antérieur. S'il avait cité MM. Picher et Dubuc en ce sens que,
depuis 1976, il y avait eu une gestion rigoureuse des dépenses, s'il y
avait eu un effort d'assainissement des dépenses publiques, ah! alors
là j'aurais peut-être nuancé mes propos à ce
moment-ci. Mais c'est une admission terrible! C'est justement souligner la
mauvaise gestion de 1976 à 1982 qui a amené ce
gouvernement-là à poser des gestes aussi durs que d'enlever 20 %
de salaire, de couper les salaires qui, pourtant, avaient été
consentis dans une convention signée, etc. C'est dire justement que
cette réaction de 1982 n'a pas été simplement la
volonté des gestionnaires du temps, mais qu'ils avaient
été mis au pied du mur à la suite de six ans de gestion
condamnable. D'ailleurs, on parlait tout à l'heure du
député de Lévis, I a été le premier à
admettre que cet excès de dépenses avait eu lieu dans les
années qui ont précédé le référendum.
C'est là que le véritable problème doit être
situé. Il ne faut pas citer MM. Dubuc et Picher et dire: Voilà!
On vient de dire qu'on avait commencé avant vous autres. On avait
commencé avant vous autres, après avoir été
décotés par les agences de crédit, après avoir
été mis au pied du mur, après que vous ayez
été obligés... Pas vous, M. le député de
Bertrand, je vous exonore de tout blâme, mais le gouvernement qui nous a
précédés, justement de 1976 à 1982, s'est mis dans
une situation telle qu'à la première difficulté qui est
arrivée on a dû, comme je l'ai mentionné tout à
l'heure, mettre de côté le budget du printemps 1981 et augmenter
les taxes de la façon qui était la plus inopportune. C'est
justement lorsque la population est prise avec une récession qu'elle se
tourne normalement vers son gouvernement et qu'elle lui dit: Peut-être
que vous pourriez, à ce moment-là, faire un effort particulier.
Peut-être qu'à ce moment-là on pourrait justifier une
augmentation du déficit, etc., pour aider temporairement, pour passer
à travers une crise. Peut-être qu'à ce moment-là on
pourrait demander un soulagement des taxes pour aider le pouvoir d'achat.
Mais c'est exactement le contraire qui s'est passé. Le
gouvernement s'est tourné, et c'est là qu'on parie de 1982 dont
on se vante de l'autre côté. On se vante d'avoir été
pris à poser des gestes qui étaient exactement contraires au bien
commun. À ce moment-là, la population du Québec,
étant prise avec une récession, avait besoin d'injection de
capital. Qu'est-ce qu'on a fait? Une ponction, à l'automne 1981, de
1 200 000 000 $ dans les poches des gens qui étaient pris avec
cette récession; les emplois se perdaient par dizaines de milliers. Et
c'est à ce moment-là que le gouvernement a frappé la
population. Et on est fier de citer ça. Je cacherais ça si
j'étais à votre place. Je comprends que le député
de Bertrand n'y était pas. C'est pour ça que cela ne lui fait
rien de le dire, mais je ne vois pas d'autres qui étaient là, qui
viendraient dire ça et citer ces articles-là. On a
commencé à faire ça sûrement... On a parlé de
jobs de bras. Ce sont des jobs de bras qui ont été faites parce
qu'on s'était laissé aller dans cette situation-là. Et
lorsqu'on me suggère d'augmenter les taxes, d'augmenter le
déficit et de faire tout ça à ce moment-ci, je dis: Je ne
veux pas retourner à la situation dans laquelle on était. J'ai
vécu ça ici, à l'Assemblée nationale. J'ai vu ce
qui s'est passé Ici. Je vous assure que le gouvernement n'était
pas dans une situation bien rose, après avoir oublié, de
1976-1977 jusqu'à 1982, qu'il fallait toujours rester dans une situation
permettant de faire face à certaines difficultés. Il ne faut pas
oublier que c'est à cause de cette période si, aujourd'hui, on ne
peut pas répondre aux besoins comme on aimerait le faire. C'est parce
que ce gouvernement-là a emprunté à long terme pour payer
14 000 000 000 $ de dépenses courantes. À long terme.
Aujourd'hui, les gens paient pour ça, parce que ce
gouvernement-là s'est laissé aller à emprunter à
long terme pour des dépenses courantes.
Lorsque nous avons quitté le pouvoir en 1976, par la
volonté divine et par la volonté du peuple, quand on a
été écartés du pouvoir en 1976, depuis 109 ans
après la Confédération, depuis 1867 jusqu'à 1976,
la dette cumulative de tous les gouvernements qui se sont succédé
durant 109 ans n'atteignait pas 5 000 000 000 $. On revient, quelque temps
après votre passage, à au-delà de 25 000 000 000 $, en
neuf ans. Et c'est le gros problème auquel on doit faire face
aujourd'hui. Les 5 200 000 000 $ qu'on doit payer en intérêt
aujourd'hui, c'est là qu'est le problème. On nous dit: Bien,
augmentons donc le déficit encore! Ce n'est pas sérieux. On vient
à peine d'en sortir et on n'en est pas sortis parce qu'on n'a pas encore
remboursé une cent et je ne vois pas quel jour on va rembourser. Alors,
il faut arrêter. Ce qu'on a fait, par exemple, c'est que la dette
elle-même, depuis 1987, 1988, a pris un autre cours et on a
commencé, pour la première fois depuis le milieu des
années soixante-dix, à tourner en descendant, à prendre
une légère descente dans le ratio... "Ratio", ce n'est pas
français. Est-ce français, "ratio*?
Une voix: Si 'parking* est français, "ratio" est
français.
Une voix: C'est latin.
M. Levesque: C'est latin. Disons que c'est latin.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Levesque: Le ratio entre la dene totale et le PIB...
Une voix: Le rapport.
M. Levesque: Le rapport? Ah, le rapport. Alors là, on a
commencé à voir une légère diminution. On s'en va
dans la bonne direction et, à ce moment-là, l'Opposition semble
avoir oublié les leçons qui auraient dû être
très pertinentes, qui doivent toujours être présentes
à leur esprit, à mon sens, parce que c'est présent
à notre esprit nous autres. On prend l'exemple dans cette
déconfiture pour essayer d'éviter de retourner dans ces
sentiers-là.
Changeant de sujet pour un instant parce que le député de
Bertrand a parlé de différents sujets. Le député de
Bertrand nous a demandé des chiffres relativement aux dépenses,
le bloc de quatre ans. J'ai demandé que ce soit prêt et qu'on
puisse vous les remettre à la première occasion.
Quant aux besoins financiers nets, le député de Bertrand
se demandait pourquoi... Non. D'abord, pour le déficit, il a
demandé: Si vous avez réduit le déficit d'une façon
aussi importante pendant un certain nombre d'années, pourquoi ça
ne continuerait pas à baisser aussi rapidement maintenant? Je dois lui
dire que si on peut continuer à le réduire d'une façon
aussi importante dans l'avenir, je serai le premier à applaudir. Si je
suis un instrument dans ce sens, je serai très heureux. Oui, vox populi,
vox dei. C'est ça.
Je serai très heureux de continuer dans ce sens-là et nous
allons dans cette direction. Nous ne changeons pas de direction dans ce que
nous avons annoncé, mais il faut tenir compte de trois facteurs. C'est
pour ça que, en toute prudence, je dois au moins indiquer que je ne
pense pas qu'on puisse aller aussi rapidement parce que, premièrement,
nous avons réduit les taxes. Si nous avions gardé les taxes
où nous les avaient laissées nos prédécesseurs,
c'est clair qu'on aurait peut-être pu faire disparaître le
déficit. Par contre, on garde à l'esprit l'importance de
l'économie, la création d'emplois. C'est l'article numéro
un de notre programme. Ce n'est pas l'indépendance qui est l'article
numéro un de notre programme, c'est l'économie, la
création d'emplois. C'est pourquoi je dis que si on veut être
compétitifs, créer des emplois, il faut qu'on ait une
fiscalité compétitive. C'est pour ça que nous avons
réduit les impôts d'une façon considérable.
D'ailleurs, nous sommes maintenant en position concurrentielle. Une
deuxième raison pour laquelle nous pensons que nous pouvons
difficilement aller au même rythme de diminution de déficit, c'est
que le budget fédéral vient de nous couper au moins une partie
d'une aile
toujours. Nous avions la possibilité de continuer encore plus
rapidement ou aussi rapidement ou presque aussi rapidement, mais ce budget
fédéral nous a évidemment ralenti dans le sens de nos
aspirations légitimes.
Finalement, il faut toujours être réalistes. On regarde les
prévisions qui sont faites, autant ailleurs qu'ici, autant du
côté fédéral que du côté des
Institutions. Au ministère des Finances du Québec, on sait
l'impact du budget fédéral et la conjoncture économique
telle que prévue pour les États-Unis, pour les pays du
Marché commun, pour les pays industrialisés, etc.; on voit qu'il
y a une possibilité d'une croissance moins forte que celle que nous
avons connue depuis quelques années.
C'est donc dire que nous prévoyons que cela va avoir un effet sur
la croissance de nos revenus. C'est simplement deux et deux font quatre, et
nous tenons compte de cela lorsque nous disons que nous avons l'intention de
continuer à réduire le déficit, mais, évidemment,
nous le faisons en tenant compte de la conjoncture.
Le Président (M. Lemieux): Vous avez quatre minutes. Ah!
II reste une minute sur les quatre minutes que je vous ai accordées en
temps supplémentaire.
M. Levesque: On se croirait au hockey. Bon, je n'entreprendrai
pas, à ce moment-ci, un autre sujet. J'aurais aimé avoir un peu
plus de temps pour parler d'autres éléments qui ont
été soulevés par le député de Bertrand, mais
j'y reviendrai. Je pense qu'on est ici pour quelque temps encore. J'aurai
l'occasion d'y revenir. (11 h 45)
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Saint-Louis. M. le député de Saint-Louis, vous avez
demandé la parole.
M. Parent (Bertrand): M. le Président... Le Président
(M. Lemieux): Oui.
M. Parent (Bertrand):... juste une question de directive. De la
façon dont les choses fonctionnent, le ministre parle dix minutes, le
député parle dix minutes, ça fait 20 minutes, et j'ai le
droit à dix minutes. Je n'ai pas l'impression qu'on s'en va dans la
bonne direction.
M. Levesque: Je pense que, d'après les directives
données par la présidence, je ne veux pas intervenir, mais on me
donnait dix minutes après chaque intervenant, d'où qu'il
vienne.
Le Président (M. Lemieux): Après chaque
intervenant, et cela en vertu d'une décision qui a été
établie en 1984 par la commission de l'Assemblée nationale et par
l'ancien ministre péquiste du comté de Bellechasse, M. Lachance.
Chaque parlementaire a droit, après l'intervention du ministre, en
respectant la règle de l'alternance, à dix minutes. C'est bien
ça, M. le secrétaire?
Le Secrétaire: C'est bien ça.
Le Président (M. Lemieux): Alors, M. le
député de Saint-Louis.
M. Parent (Bertrand): Si vous permettez, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Parent (Bertrand): Je ferai les vérifications d'usage.
Je n'ai pas l'habitude de m'"enfarger" là-dessus...
Le Président (M. Lemieux): Non.
M. Parent (Bertrand):... mais je pense que c'est important que
l'Opposition ait le temps qu'il lui faut. Si dans les dix heures, il y en a six
ou sept qui sont prises par te parti au pouvoir, on n'avancera pas beaucoup
dans le débat.
M. Levesque: Là vous êtes chanceux, vous avez tout
le temps de l'Opposition seulement pour vous.
M. Parent (Bertrand): Je leur ai dit de ne pas venir.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Bertrand. Vous comprendrez, M. le député
de Bertrand, que je dois m'en tenir aux usages et précédents, et
à l'esprit même...
M. Parent (Bertrand): Vous avez raison si ce sont les
règles du jeu. Si ce n'est pas ça, on les fera changer.
Le Président (M. Lemieux): Ce sont les règles du
jeu et, d'ailleurs, je vais faire en sorte, dans le mandat que vous avez de
contrôle parlementaire, que votre temps de parole soit aussi
respecté. M. le député de Saint-Louis.
M. Chagnon: Merci, M. le Président. Il semble que je vais
profiter encore d'une autre erreur venant du gouvernement
précédent, même sur les décisions de
procédure parlementaire. Il s'est dit des choses, ce matin, au sujet du
budget qui a été présenté la semaine
dernière, qui sont extrêmement intéressantes. Ce qui
m'affecte, depuis des années qu'on regarde les situations
budgétaires plus ou moins cohérentes au Québec, c'est
l'effort qu'on va demander aux générations à venir, les
gens qui ont moins de 40 ans, de financer en partie les dépenses qui
auront été effectuées par les générations
précédentes, et ce, pour une vingtaine d'années ou une
trentaine d'années.
Depuis au moins une dizaine d'années, on voit des
jeunes, des gens de 35 ans et moins au Québec qui n'auront pas le droit
de trouver ce que des gens, particulièrement de la
génération précédente, ont eu l'occasion de vivre,
c'est-à-dire d'avoir la sécurité d'emploi, un job
sûr, garanti, généralement dans ta fonction publique, bien
payé, bonnes conditions de travail. Il y a une génération,
entre autres celle dont Je fais partie, qui regarde ce qui s'est fait un peu
dans les années précédant notre arrivée, les
années où on était encore sur les bancs du collège
et de l'université. On regarde ceux qui sont passés avant nous et
qui, pour nous en tout cas, donnent l'impression de s'être
empiffrés, d'avoir non seulement vidé le
réfrigérateur, mais de s'être emparé du
congélateur aussi.
Quand on regarde l'approche budgétaire du gouvernement actuel,
par rapport à celle qu'on a connue du gouvernement
précédent, Je me trouve à répéter un peu les
derniers propos du ministre des Finances quand il parlait du déficit, de
l'accumulation de déficit de 1976-1977 à 1984-1985. ll est
étonnant de remarquer que le déficit budgétaire et les
besoins financiers nets, mais particulièrement le déficit
budgétaire, si on regarde - et j'invite mon ami, le député
de Bertrand à regarder avec nous l'annexe B à la page 9 du budget
Le député de Bertrand disait tout à l'heure: Voici, la
présentation du dernier budget du député de Bonaventure
est un budget à saveur préélectorale. Le
député de Bonaventure disait: Bien non, l'an dernier on a
diminué les Impôts de 1 400 000 000 $, on a diminué le
niveau de la dette de façon importante et on a aussi, en même
temps, parallèlement à cela, augmenté les services
particulièrement en matière de santé et de services
sociaux On a diminué non seulement la dette, mais on a diminué
les impôts. On a aussi réussi à faire un budget qui donnait
des exemptions et de nouveaux services à ta population.
En principe, cela aurait dû être le budget de
l'an dernier, le budget préélectoral. Le budget de cette
année est tout de même un peu terne. Il n'y a pas cette
espèce de côté flamboyant qu'avait le budget de l'an
dernier. C'est très particulier pour un budget
préélectoral. Mais regardons le déficit budgétaire
et les besoins financiers nets qu'a connus le Québec de 1979 à
1988, 1989-1990. Encore une fois, je regarde l'annexe B, le tableau
"Déficit budgétaire et besoins financiers nets". Quant à
la courbe du déficit budgétaire, donc des niveaux d'emprunts et
aussi des besoins financiers nets - on sait maintenant que ce n'est pas
nécessairement d'un parallèle convaincant - on remarque que les
besoins financiers et le déficit budgétaire net du gouvernement
précédent ont subrepticement augmenté de façon
extraordinaire en 1980. Qu'est-ce qu'il y a eu en 1980 au Québec? Il ne
faut pas être trop vieux pour se souvenir qu'en 1980 on a eu, en moins
d'un an, deux événements extrêmement importants sur le plan
électoral au Québec: d'abord, le référendum et,
ensuite, l'élection générale du 13 avril 1981. On remarque
que, d'un coup, la situation du déficit budgétaire passe de 2, 5
% du produit intérieur brut à 5 %. On a doublé le
déficit. Les mauvaises langues, à l'époque, avaient dit
que le gouvernement précédent cherchait à acheter les
électeurs à la veille d'un référendum ou à
la veille d'une élection. Mais regardons ce réflexe qui revient
en 1983-1984, le déficit budgétaire repart à 2, 5 % du PIB
et remonte à près de 4 %. On se rapproche de l'élection
générale. On retrouve une espèce de vieux réflexe
automatique, qui était particulièrement évident sous le
règne de M. Parizeau aux Finances, d'augmenter de façon
précipitée les dépenses du gouvernement, d'augmenter le
niveau du déficit budgétaire et, parallèlement, les
besoins financiers en période préélectorale, juste avant
une année d'élection.
Je me rappelle, pour avoir fait l'avant-dernière ronde de
négociations - je ne parle pas de celle-ci, je parle de celle de
1982-1983 - comment, à l'époque, le gouvernement était aux
abois uniquement pour payer la facture des salaires dans chacun des grands
secteurs d'activité du gouvernement, la fonction publique et le
parapublic, le secteur de la santé et des services sociaux, le secteur
de l'éducation et le collégial. Je me rappelle qu'à
l'époque, comme président de la régionale de Chambly, et
mon ami le député de Bertrand s'en souviendra, on m'avait
invité à l'été de 1982 à emprunter pour
faire ma paie d'été. C'était 22 000 000 $ à
l'époque. Vous vous souviendrez sûrement que les taux
d'intérêt, à ce moment-là, se chiffraient autour de
20 % et 21 %. On me disait: On va te repayer ça dans six mois. Faire la
paie d'été des employés de la régionale de Chambly,
2000 enseignants, 22 000 000 $. Cette paie d'été aurait
coûté, au mois de novembre et de décembre - on
prévoyait six mois de délai avant de pouvoir faire le paiement -
non pas 22 000 000 $ mais 24 000 000 $ aux contribuables pour payer,
émettre un chèque de paie dans une commission scolaire au
Québec.
Entre les deux, de nouvelles fonctions m'ont amené à
travailler au niveau de l'ensemble du Québec dans le secteur des
commissions scolaires et quand, au mois de décembre, le gouvernement a
décidé contrairement - je suis certain qu'il ne l'a pas fait de
gaieté de coeur - même à la signature de ses conventions
collectives, de ses volontés, de couper par décret dans les
augmentations à venir du 31 décembre 1982, il est entendu que les
employés de l'État ont connu une baisse de leur salaire de 20 %
pendant trois mois. Mais c'est le garrot tourné autour du cou. C'est
saigner à blanc. C'est un état exsangue. Je me rappelle le
commentaire qu'on retrouvait à l'époque chez les chroniqueurs
financiers: Le roi est nu. C'était là l'expression qui
prévalait pour décrire comment se trouvait le ministère
des Finances, et le ministre des Finances qui était à ce
moment-là aussi président du Conseil du
trésor, ministre du Revenu et qui a créé cet
imbroglio budgétaire énorme dans lequel on se
dépêtre encore aujourd'hui. Qu'on ait 14 000 000 000 $ de
déficit accumulé uniquement pour payer des dépenses
courantes, c'est carrément scandaleux. J'ai hâte que ce soit fini,
terminé. Peut-être même, M. le ministre des Finances,
devrions-nous adopter une loi qui fasse en sorte d'empêcher un
gouvernement d'emprunter pour ses dépenses courantes. Dans les
États américains, il est impossible d'avoir même un
déficit budgétaire. L'État du Québec défend
aux commissions scolaires du Québec et à ses autres
créatures, les municipalités du Québec, de faire un
déficit budgétaire. Nous avons vu, sous le règne du
gouvernement précédent, dans le secteur hospitalier, 264 000 000
$ de déficit accumulé, qui a été ramassé par
le gouvernement actuel, en plus de la dette et du fardeau financier dont je
viens de parler. On n'est pas sorti de l'auberge avec le secteur des
universités. À cause de décisions prises en 1982 et 1983,
on a créé une situation cahotique dans le secteur
budgétaire des universités. On commence à s'en sortir.
Dans ce budget-là, on a le début d'un redressement financier pour
le secteur des universités.
Le Président (M. Lemieux): II vous reste une minute.
M. Chagnon: Une minute?
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Chagnon: Seulement?
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Chagnon: Avec le consentement de l'Opposition, je pourrais
continuer.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chagnon: Je vois que je n'ai pas le consentement, alors je me
limiterai à la minute que vous me donnez, M. le Président.
Une voix: C'est assez.
M. Chagnon: Le début d'un redressement budgétaire
s'amorcera cette année pour les universités. Mais la conclusion
véritable, c'est qu'on est en train d'essayer de sortir d'une
espèce de gouffre financier qui va non seulement nous affecter cette
année, mais encore pendant plusieurs années et probablement
pendant une dizaine d'années. Fondamentalement, ce sont les gens de ma
génération et les plus jeunes qui paieront davantage pour les
pots cassés par M. Parizeau et le gouvernement
précédent.
Quant à l'idée géniale de la taxe de 1 % pour la
formation professionnelle, il me paraît un peu curieux qu'elle soit
reprise aujourd'hui. Au moment où M. Parizeau était ministre des
Finances, je me rappelle fort bien qu'il avait décrié l'une des
hypothèses de travail de la commission Jean, sur l'éducation des
adultes et la formation permanente, qui avait suggéré une taxe de
1 % pour la formation professionnelle. Il l'avait décriée en
disant qu'on ne pouvait pas augmenter ad vitam aeternam la parafiscalité
au Québec. C'était la thématique. L'hypothèse de la
commission Jean avait pris le bord...
Le Président (M. Lemieux): Vous avez terminé, M. le
député de Saint-Louis.
M. Chagnon:... du champ. M. de Grandpré n'a rien
inventé non plus lorsqu'il a formulé ses hypothèses de
travail pour le groupe de travail sur le libre-échange auquel il
appartenait au gouvernement fédéral.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Saint-Louis, je n'ai pas le consentement. La parole est maintenant au
député de Bertrand.
M. Chagnon: Je reviendrai, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Saint-Louis. (12 heures)
M. Parent (Bertrand): II serait peut-être temps qu'on
commence à parler du budget de cette année et qu'on arrête
de parler du passé. Toutes les interventions qui ont été
faites essayaient de justifier que, dans le passé, de mauvaises choses
ont été faites. Je veux bien croire qu'il y a eu un
supposé héritage. Tantôt, j'ai cité Alain Dubuc et
je vais le refaire avec beaucoup d'à-propos. Aujourd'hui, si on commence
à reconnaître que des coups de barre ont été
donnés en 1982, il faudrait peut-être que les gens de l'autre
côté arrêtent de dire que ce sont eux qui ont pris toute la
situation en main.
Deuxième commentaire pour fermer ce sujet, on se souviendra qu'en
1981-1982, au Québec, au Canada et un peu partout en Amérique du
Nord, il y a eu une récession très sévère. Je ne
souhaite pas au gouvernement actuel ni au ministre des Finances actuel d'avoir
à traverser cela. On s'en reparlera, dans une couple d'années, si
jamais vous avez à traverser cela. On se reparlera de l'évolution
du déficit, si jamais on a à traverser cela. Il faut juste
remettre les choses dans leur contexte quand on regarde l'évolution
actuelle des finances publiques et se rappeler ce que chacun a fait comme
corrections ou comme réalisations. C'est vrai qu'on peut être
capables de faire un budget comme le ministre l'a fait, il l'a
démontré, un budget qui n'apporte pas grand vagues, mais, de
l'autre côté, il n'apporte pas beaucoup de solutions aux
problèmes existants. Je l'ai dit, je le répète, c'est un
choix que je ne partage pas. Quand les députés de Saint-Louis et
de Mille-îles viennent nous dire: On ne veut pas que les
générations de demain, les générations
futures, nos enfants et nos petits-enfants soient pris avec
ça. Je veux bien ça, mais est-ce qu'on réalise,
actuellement, que, dans plusieurs domaines, parce qu'on ne corrige pas, qu'on
n'apporte pas de solutions ou qu'on ne prépare pas demain parce qu'on a
décidé d'avoir une situation de retrait, une situation
d'Immobilisme, cela va faire une facture à payer tantôt? Cela
n'est pas dur à comprendre. Si pendant cinq ans tu décides de ne
pas peinturer ta maison qui est tout en bols, c'est un choix; tu vas
économiser, tu vas avoir un plus beau portrait financier,
peut-être que ton compte de banque va être mieux garni, mais au
bout de cinq ou dix ans, ces économies de bouts d'échelles vont
donner des résultats catastrophiques parce que tu vas être
obligé non seulement d'en mettre deux couches, mais peut-être de
remplacer du bois pourri. Alors, que ce soit en matière de santé
ou tout simplement en matière de réseau routier, il va
peut-être s'apercevoir qui y avait là de l'argent à mettre,
qu'il y avait des choix à faire et qu'on ne les a pas faits.
Pour enchaîner là-dessus et pour rentrer
à l'intérieur de nos sujets particuliers, c'est-à-dire les
différents secteurs d'activité et les différents
ministères qui ont été touchés par le budget, le
ministre des Finances, dans son exposé du début, nous disait:
Écoutez, tout n'est pas là, c'est surtout dans les crédits
qui ont été présentés un peu avant qu'il faut
retrouver ça. Je vais prendre juste un exemple, on prendra celui de la
santé. De mémoire, il y a eu une augmentation des crédits,
pour le secteur de la santé, de 6, 5 %, une augmentation de l'ordre
d'environ 500 000 000 $. Mais, en pourcentage, 6, 5 %, quand on se ramasse avec
un taux d'inflation comme on a actuellement, la croissance par rapport au
manque à gagner est loin d'être suffisante.
Prenez le secteur routier, par exemple, les crédits
- quelques chiffres que j'ai devant moi - pour ce qui est de la construction du
réseau routier, is sont passés de 396 000 000 $ à 367 000
000 $; c'est ça qui est arrivé, il y a eu 29 400 000 $ de moins
pour la construction du réseau routier. Pour la conservation du
réseau routier, II y a eu 30 000 000 $ de plus. Concernant le
réseau routier, la construction et la conservation, il y a eu une
augmentation nette de moins de 1 000 000 $; à toutes fins utiles, il n'y
a pas eu d'augmentation. Cela est un exemple et Dieu sait si... Ce n'est pas
moi qui le dis, c'est votre propre ministre des Transports qui dit que le
réseau routier, d'après les rapports des fonctionnaires, est dans
un état lamentable, voire dangereux en certains endroits. Ce n'est pas
moi qui le dis, mais je peux reprendre ces propos. Quand le ministre des
Transports du Québec dit: Écoutez, il y a au minimum 500 000 000
$ à mettre pour les cinq prochaines années, ce n'est pas moi qui
le dis, c'est lui qui confirme qu'il y a là un état Le
réseau routier, qu'est-ce que vous voulez, ça fait partie des
priorités qu'un gouvernement doit avoir. Quand j'étais à
la direction de la ville de Boucherville, j'avais le député de
Saint-Louis comme bon citoyen, je me souviens d'une année, en 1981, on
était en période de crise, le conseil municipal était
paniqué, il fallait couper dans les budgets, croissance zéro.
Effectivement, cette année-là, on a coupé - Je m'en
souviens - l'entretien; pour une municipalité, il y avait 200 000 $ sur
un budget d'une vingtaine de millions de dollars. Chaque année, il y
avait 200 000 $ qui allaient à l'entretien du réseau routier.
Cette année-là, on a coupé ces 200 000 $. Cela a
été une économie de bouts de chandelle parce que,
l'année suivante, cela n'a pas été 400 000 $ qu'y a fallu
mettre, il a fallu au-dessus de 500 000 $ Les crevasses, les trous et les
problèmes de chaussée, quand ça atteint l'assiette de rue,
ça cause un problème, tu es obligé de refaire ton assiette
de rue et ça ne te coûte pas deux fois plus cher, mais trois et
quatre fols plus cher.
Tout ça pour illustrer que si tu fais ce genre d'économie,
si tu ne mets pas les sommes nécessaires, tu manques carrément
ton coup par rapport... Et là, je ne parte même pas de
construction, Dieu sait s'il y a des choses importantes à faire, mais je
parle juste d'entretien. Et, dans ce sens-là, les crédits ne sont
même pas là. Et quand on parle du budget - parce que, si ce
n'était pas dans les crédits, on va le voir annoncé dans
le budget, on y reviendra - sur les 100 000 000 $, ce que le ministre nous a
annoncé, ce sont 30 000 000 $. Une somme de 30 000 000 $ pour cette
année, 1989-1990, mais il n'y a rien de prévu pour 1990-1991 et
1991-1992. Alors c'est assez inquiétant parce que, si on regarde
ça sur trois ans, il fallait 300 000 000 $ et on annonce 30 000 000 $,
et ainsi de suite dans les différents ministères. Alors
là, qu'on ne vienne pas me dire que c'était dans les
crédits et qu'au discours sur le budget c'était juste,
finalement, le polissage. Ce n'est pas ça. Ce sont des choses
concrètes et ce sont des réponses que le ministre doit nous
donner.
Transferts fédéraux
L'autre point que je voudrais immédiatement aborder et qui a fait
l'introduction du pourquoi on n'avait plus de marge de manoeuvre, c'est:
Écoutez, le fédéral vient maintenant de nous couper
l'herbe sous le pied. Eh bien là, je ne le prends pas! Après nous
être fait chanter pendant trois ans que c'était la faute du PQ,
maintenant c'est la faute du fédéral. Je ne le prends pas. Vous
saviez fort bien ce qui semblait s'amorcer et ce qui s'en venait du
côté du gouvernement fédéral. De toute façon,
il y a un an, vous-même, alors que j'étais critique des Finances,
vous avez dit: On a de la misère avec le gouvernement
fédéral. Vous avez commencé l'année passée
à préparer le terrain. Et quand vous nous dites: Aujourd'hui, on
n'a plus de marge de manoeuvre, on ne sera plus capable de diminuer
notre déficit comme on veut parce que l'argent du
fédéral ne rentre pas aussi vite que prévu... Dans le
chiffre que j'ai pris au voi tantôt - vous me corrigerez s'il n'est pas
correct - l'impact du montant de 1 300 000 000 $ sur trois ans que j'ai
beaucoup de misère à voir, entre autres... Il y avait 293 000 000
$ de coupures sur les transferts du gouvernement fédéral pour les
trois prochaines années. C'est le chiffre que vous avez annoncé,
je pense.
Je regarde vos prévisions. Je regarde votre tableau à la
page B 8, juste à côté de la page B 9 où on
était tantôt. On regarde l'évolution des transferts
fédéraux: En 1988-1989, 6 400 000 000 $; en 1989-1990, ils
passent à 6 500 000 000 $; en 1990-1991, ils passent à 6 700 000
000 $ et là, en 1991-1992, II redescendent à peu près
à 6 600 000 000 $....
Le Président (M. Lemieux): II vous reste une minute, M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand):... à toutes fins utiles. Alors, dans
ce sens-là, qu'on ne vienne pas me dire que les transferts
fédéraux ont diminué. Ce qu'on nous montre c'est qu'il y a
une augmentation des transferts fédéraux. Et malgré ces
chiffres qui sont en croissance, on a un déficit qui reste statutaire.
Alors, quant à la faute du fédéral, maintenant, je pense
qu'il faudrait peut-être changer la cassette parce que ça ne
marchera pas. Et, de toute façon, vous savez fort bien ce qui va se
passer. Cela va être pire que ça au cours des prochaines
années. Et cela, c'est l'ombre au tableau parce qu'il y a quelqu'un qui
va devoir faire quelque chose pour le déficit du gouvernement
fédéral, et ce sont les provinces qui vont écoper. Le
rapport de forces qui a été établi va faire en sorte que
je ne pense pas que le Québec soit bien placé pour aller chercher
sa quote-part.
J'aimerais ça que le ministre des Finances m'explique la baisse
des transferts fédéraux et le lien direct avec son déficit
qui est plafonné, qu'il n'est plus capable de baisser. Et ça,
à partir du tableau à la page B 8, entre autres.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.
M. Levesque: M. le Président, je tiens d'abord à
souligner à la commission que, malgré vos directives et
malgré le fait que le député de Bertrand semblait
désirer prendre une plus grande part dans les débats, nous avons,
au moins à deux reprises, laissé passer notre tour de parler pour
permettre au député de Bertrand d'en avoir plus que sa part.
M. Parent (Bertrand): Je vous en remercie.
M. Levesque: Cela étant dit, nous voulons établir
ça. Ce n'est pas un précédent, mais, au moins, il faut que
ça soit noté.
Deuxièmement, quant aux transferts fédé- raux, tout
d'abord regardons l'ensemble depuis... Ce n'est pas la première fois que
nous disons que les transferts fédéraux sont en stagnation pour
ne pas dire en diminution, sûrement en diminution relative. Si on regarde
d'une façon très objective les transferts financiers du
gouvernement fédéral au Québec, en regardant les revenus
nous verrons alors qu'en 1984-1985 les transferts fédéraux
étaient de l'ordre de 6 260 000 000 $ et si l'on regarde la
dernière année, ils étaient à 6 445 000 000 $ en
1988-1989 et ils sont, pour l'année courante, de 6 562 000 000 $. C'est
clair que même en chiffres absolus il y a une stagnation, donc, en
chiffres relatifs ou en dollars constants, il y a là une diminution.
Maintenant, pour l'impact du dernier budget fédéral, c'est
encore pire. J'ai parié tout à l'heure des garderies. On
s'attendait à avoir les 48 000 000 $ en question, ils ont
été coupés. Cela nous a affectés dès cette
année. J'ai parlé également du financement des programmes
établis. On a maintenu une croissance, mais, par le projet de loi C-96,
on a diminué cette croissance de deux points de pourcentage. Là,
on ajoute un point de pourcentage encore de diminution. Alors, nous avons
protesté dans le temps, nous arrivions à ce moment-là au
pouvoir, le mal était déjà fait. Je me rappelle que le
premier ministre du temps, M. Pierre Marc Johnson, s'était même
rendu à Halifax rencontrer les autres premiers ministres pour protester,
si ma mémoire est fidèle, contre cette décision
unilatérale du gouvernement fédéral. Nous avons dû
vivre avec cette diminution de la croissance. Dans le dernier budget
fédéral, il y a cette nouvelle coupure sur le financement des
programmes établis dans le domaine de la santé et dans le domaine
de l'éducation postsecondaire. Même si on peut dire qu'il n'y a
pas une diminution spectaculaire, elle est toujours de plusieurs millions de
dollars, et ça affecte sûrement notre propre marge de
manoeuvre.
Maintenant, le député de Bertrand a parlé des
transports. C'est sûr, je suis d'accord qu'il faut aujourd'hui faire un
effort encore plus considérable et nous l'avons fait. Nous avons
ajouté régulièrement des sommes dans nos budgets;
toutefois, il faut bien comprendre - encore là, ce n'est pas la faute du
député de Bertrand - qu'à partir de 1976-1977 on a
commencé à porter moins d'attention au réseau routier de
sorte qu'il s'est détérioré avec le temps. Aujourd'hui,
les sommes que l'on demande sont considérables parce que, justement,
cela n'a pas été une priorité pour le gouvernement
antérieur. Le gouvernement antérieur avait sûrement mis ses
priorités ailleurs, et ça, c'est un choix, comme dirait le
député de Bertrand. Est-ce un bon choix ou un mauvais choix?
Enfin, du moins, c'est un choix différent. (12 h 15)
On n'a qu'à regarder, par exemple, dans le domaine de la
construction de routes, en 1975-
1976, c'était 604 000 000 $, en chiffres absolus. Quand on
regarde la dernière année du mandat, au bout de neuf ans, au lieu
de 604 000 000 $, on était rendus à 403 000 000 $. C'est
sûr que cela a été un choix. Bon. Dans le domaine de la
conservation du réseau routier, il y a eu une amélioration au
cours de ces mêmes années, mais I y en a eu une également
lorsque nous avons pris le pouvoir. À la dernière année de
l'ancien gouvernement, c'était de 428 000 000 $ et, cette année,
pour la conservation du réseau routier, on est rendus à 564 000
000 $. Ce n'est peut-être pas suffisant pour répondre à
tous les besoins, mais, d'un autre côté, il y a les arbitrages
à faire. Nous sommes sollicités de toutes parts. Nous sommes
sollicités, comme l'a mentionné tout à l'heure le
député de Bertrand, du côté de la santé, du
côté de l'environnement, du côté de la culture -
dites-le - nous sommes sollicités de toutes parts, du côté
des universités, enfin de partout D'un autre côté, on
essaie de répondre selon nos moyens à ces priorités en
dégageant des sommes additionnelles. Ces 30 000 000 $ que nous avons
ajoutés dans le dernier budget, ce n'est pas une réduction, c'est
une augmentation. S'il y a moyen, nous allons continuer d'essayer de
dégager des sommes pour ces priorités.
Je ne nie pas l'importance du réseau routier. Je suis d'une
région particulièrement sensible à cette
préoccupation que je reconnais Importante de la part du
député de Bertrand. Mais I admettra avec moi qu'à un
moment donné on ne peut pas répondre de façon affirmative
à toutes les demandes, sinon on va retourner d'où nous sommes
venus, et je ne veux plus retourner là. C'est clair. J'ai l'Intention de
rester à flot et je n'ai pas l'Intention de céder à ce qui
n'est pas mauvais en soi, parce que ce sont tous des besoins que je reconnais
comme étant importants, mais, d'un autre côté, on peut
répondre à ces besoins-là d'une façon qui tienne
compte, encore une fois, de nos moyens. N'oubliez pas que si on n'avait pas -
je sais que le député de Bertrand n'aime pas ça parce que
cela lui rappelle un passé auquel I n'a pas participé -
emprunté pour payer l'épicerie, emprunté à 20 ans
et à 30 ans pour payer les dépenses courantes pour 14 000 000 000
$, on n'aurait pas ces difficultés parce qu'aujourd'hui, avec nos
revenus - l'économie est forte et bonne au Québec encore - nous
pourrions répondre à ces besoins. Mais c'est justement parce
qu'on n'a pas tenu compte de cette politique élémentaire en
finances publiques que nous sommes rendus dans cette situation où on est
malheureusement obliges de dire non, ou pas complètement non. On dit
oui, mais pas autant que vous le demandez. C'est ça notre
problème, mais je pense que c'est être responsable que d'agir
ainsi.
Maintenant, pour revenir à un autre sujet, parce que le
député de Bertrand a abordé tout à l'heure la
formation de la main-d'uvre.
Le Président (M. Lemieux): II vous reste seulement une
minute, M. le ministre.
M. Levesque: Ah bon! Alors, je vais essayer, dans une minute, de
répondre, mais je sais bien qu'on ne coupera pas les minutes en
deux.
On a parlé de l'imposition d'une taxe spéciale sur la
masse salariale. Je ne veux pas attaquer le député de Bertrand
pour reprendre cette suggestion du chef de son parti, mais il faut bien
comprendre ce que ça veut dire. D'après les chiffres que j'ai
ici, selon les points de pourcentage - vous parlez de 1 %, vous - cela veut
dire à peu près 700 000 000 $ par année. Si j'ajoutais 700
000 000 $, premièrement, j'aurais un problème de
compétitivité avec nos amis de l'Ontario. Vous savez que, lorsque
nous avons pris le pouvoir, la différence était de 9, 6 %. Tout
le monde nous disait: Cela n'a pas de bon sens, vous ne pouvez pas avoir des
investissements si vous continuez dans ce sens-là. Nous l'avons
réduit à 1, 3 % en 1989. C'est presque la parité, 1, 3 %
de différence.
Si on faisait ce que le député de Bertrand nous
suggère ce matin, soit d'augmenter cet impôt de 700 000 000 $, ce
sont sept points supplémentaires du fardeau fiscal pour les entreprises,
c'est-à-dire que notre 1, 3 % retournerait à 8, 3 % seulement
avec cette mesure. C'est la première chose.
Deuxième chose, d'après nous, cette imposition d'une taxe
spéciale pour subventionner les dépenses de formation des
entreprises constitue une approche punitive. Cela comporte de nombreux
inconvénients. D'ailleurs, ça a été rejeté
par le rapport Dodge et la commission Macdonald. Pourquoi? Parce que
l'expérience, d'abord étrangère, surtout britannique,
montre qu'elle est inéquitable. Des entreprises ne reçoivent pas
la même subvention parce que les besoins des entreprises sont
différents, même lorsqu'elles appartiennent au même secteur.
Elle est inefficace car les entreprises sont Incitées à engager
des dépenses de formation sans se préoccuper de sa qualité
et sans qu'il y ait nécessairement besoin véritable de formation.
C'est pourquoi nous avons privilégié une approche fiscale
incitative. Comme disait M. Duplessis, on ne peut pas mettre le même
habit à tout le monde. C'est ça que vous voulez faire, alors que,
nous, nous voulons être beaucoup plus sélectifs. On ne veut pas
être punitifs, on veut être incitatifs.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. Vous
avez quelque peu empiété sur le temps de votre collègue,
le député de Saint-Louis, mais il semble vous pardonner. M. le
député de Saint-Louis.
M. Chagnon: Je m'abreuvais de ses paroles. Je l'écouterais
encore dix autres minutes si ce n'était mon intention de vous parler et
peut-être encore de revenir sur ce que le député de
Bertrand semble considérer comme une vieille
marotte: les budgets antérieurs, ceux de 1976-1977 à ceux
de 1984-1985. Il y a un exercice que j'ai fait il y a à peu près
trois ou quatre mois, qui était celui de vérifier, à
partir des discours sur le budget de 1973-1974, quelle avait été
la performance de chaque ministre des Finances, et particulièrement de
chaque gouvernement, quant à sa capacité de déterminer le
niveau de revenus qu'il anticipait, le niveau de dépenses qu'il
anticipait, et parallèlement à ça, évidemment, le
niveau de déficit qu'il anticipait. Regardez l'"annonce faite à
Marie" par chacun des ministres et regardez les résultats
réels.
M. le Président, j'invite mon ami, collègue, le
député de Bertrand, à faire cet exercice. Il peut reculer
presque aussi longtemps qu'il veut dans l'histoire du Québec. Je n'ai
pas eu le temps de me rendre avant 1972. Mais, ce qu'il y a de fascinant
à la lecture de cette évaluation, c'est qu'on s'aperçoit
que, de façon systématique, en 1976-1977 jusqu'en 1984-1985, on
annonce un niveau de revenus, on annonce un niveau de dépenses et,
évidemment, on annonce aussi un niveau de déficit, et on se
trompe dans le sens mauvais de la fourchette, à tout coup. De 1976-1977
à 1984-1985, le niveau de revenus anticipés est moindre qu'au
moment de l'annonce du budget. Le niveau de dépenses réelles
éclate par rapport à l'annonce faite au budget et,
inévitablement, le niveau de déficit, presque invariablement,
augmente de façon substantielle. Je ne suis pas étonné, je
suis très heureux de constater que depuis 1985-1986, je dirais
même depuis l'annonce faite au mini-budget de décembre 1985, de la
façon dont il a été fait, depuis ce qu'on a annoncé
aux vrais budgets de 1986-1987, 1987-1988, 1988-1989, et je peux me permettre
à partir des années passées de présumer qu'en
1989-1990...
Je souhaite qu'en 1990-1991 les réalités qu'on nous
amène ici, particulièrement au niveau de la diminution de nos
besoins financiers nets, se réalisent. Je m'aperçois qu'en
1985-1986, sous l'empire, la maîtrise des finances du
député de Bonaventure, le niveau de dépenses
annoncées s'est réalisé et même a été
généralement un peu plus faible que celui annoncé.
Évidemment, le ministre des Finances le signalait dans la lecture de son
discours. Le Conseil du trésor a vu aussi à faire en sorte de
contrôler les dépenses, mais le ministre des Finances a un pouvoir
énorme sur la capacité des ministères de vouloir
excéder leurs demandes en termes de dépenses. Le niveau de
revenus anticipés a été généralement plus
conservateur que la réalité. Il est bien mieux d'avoir un niveau
de revenus plus conservateur que de se voir pris avec un immense
problème, et avoir des revenus trop élevés par rapport
à ceux anticipés. Cela a évidemment obligé le
ministre des Finances à faire des choses absolument catastrophiques pour
l'établissement qu'est l'Assemblée nationale, une
nouveauté qui avait été d'ailleurs faite par l'ancien
ministre des Finances, M. Parizeau, en 1982-1983, quand il avait reçu un
chèque inattendu du gouvernement fédéral, inattendu avant
la préparation de son budget. Qu'est-ce qu'il a fait? Il a pris son
chèque et l'a mis en dépenses anticipées pour
l'année 1983-1984, au montant de 400 000 000 $, si me je souviens bien.
C'est ce que le ministre des Finances a fait en 1986-1987 et c'est ce qu'il a
fait en 1987-1988 et ce qu'il a fait en 1988-1989, plutôt dans l'ordre de
425 000 000 $ en 1987-1988 et de 325 000 000 $ en 1988-1989. C'est un
scandale.
On a réveillé le Vérificateur
général. Les journalistes vont chez le Vérificateur
général qui est en train de jouer dans son potager, au printemps,
pour lui demander s'il était légal, normal, admissible, en termes
de comptabilité générale, en termes d'administration
publique responsable, de voir un gouvernement qui fasse des paiements
anticipés. Pensez-y, le Vérificateur général pris
entre... Il commençait à regarder ses plants de tomates parce
qu'au Québec on ne peut pas planter ça avant juin, il se
demandait s'il les planterait ou s'il ne les planterait pas tout de suite. Il a
dit: Je ne sais pas, je vais voir. Sauf que le Vérificateur
général, et ce, pour la première fois depuis des lunes, a
été invité au moins à deux reprises par cette
commission parlementaire, M. le Président, pour venir faire son rapport.
Je voudrais féliciter non seulement le Vérificateur
général, mais le président et les membres de la commission
d'avoir invité le Vérificateur général, ce qu'il
n'avait pas eu la chance de faire pendant les dix années du
régime précédent. II est venu nous dire en commission
parlementaire que c'était correct. D'ailleurs, le Vérificateur
général l'a écrit dans son rapport: Anticiper des
dépenses, c'est légal et ce n'est pas bête non plus. Ce
n'est tellement pas bête que l'ancien ministre des Finances devenu chef
extraparlementaire du parti de l'Opposition suggère la même
recette a posteriori au ministre des Finances pour l'exercice financier
1989-1990.
Mais pour revenir à ce que je disais, il est intéressant
de constater que le ministre des Finances actuel, pendant les trois
dernières années, ne s'est aucunement trompé sur ses
prévisions de dépenses et sur son niveau de déficit. Par
contre, il a été conservateur - c'est triste, c'est dommage -
dans son évaluation des dépenses, ce qui lui a
évité d'être pris par surprise et d'être
obligé d'augmenter son déficit pour financer des dépenses
excédentaires ou un manque de revenus qu'il n'aurait pas pu anticiper,
comme cela été fait de façon systématique, je le
répète, de 1976-1977 à 1984-1985.
Le Président (M. Lemieux): Une minute, M. le
député de Saint-Louis.
M. Chagnon: M. le Président, quand on vient pour discuter
des avantages réels du budget de 1989-1990 qui a été
présenté la semaine dernière en Chambre, il ne nous reste
toujours qu'une minute pour en parler. Il m'aurait fait
plaisir - j'y reviendrai - de parler de ce dont on a
discuté un peu précédemment, de l'évolution des
revenus, mais particulièrement des transferts fédéraux.
J'ai été étonné de voir le député de
Bertrand presque vanter les mérites du fédéralisme
rentable dans sa lecture des revenus du gouvernement fédéral aux
provinces. Ce qu'il voyait comme étant un pauvre taux de 6, 5 %
d'augmentation au ministère de la Santé et des Services sociaux
et il le disait lui-même: Compressez ces 6, 5 % par l'inflation, II n'en
reste plus que 2, 2 %... Et il a raison...
Le Président (M. Lemieux): Dix secondes.
M. Chagnon:... le député de Bertrand.
Le Président (M. Lemieux): Dix secondes, M. le
député de Saint-Louis.
M. Chagnon: C'est la même chose dans les transferts
fédéraux. Il faut qu'il fasse la lecture de chacun de ces
transferts en dollars constants et non pas en dollars courants. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Saint-Louis. Alors, nous suspendons nos travaux. En
principe, après les affaires courantes, iI devrait y avoir un ordre en
Chambre et le leader nous indiquera à quelle heure on doit se retrouver
en cette salle; ce devrait être vers 15 heures, probablement dans cette
salle.
Alors, je vous invite vraiment à écouter
attentivement l'ordre que le leader donnera en Chambre. Je n'ai pas d'autres
détails. Tout ce que je sais, c'est que nous siégeons
jusqu'à 18 heures. Je vous remercie, et nous nous retrouverons
après les affaires courantes.
(Suspension de la séance à 12 h 31) (Reprise
à 15 h 20)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plait!
La commission du budget et de l'administration reprend ses
travaux relativement à la poursuite du débat sur le discours sur
le budget.
Je me souviens que le député de Saint-Louis
avait terminé. La parole est maintenant au député de
Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Oui. Merci, M. le Président. Alors,
juste pour reprendre nos esprits...
Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse. M. le ministre des
Finances, on avait terminé avec le député de Saint-Louis,
à moins que vous n'ayez des remarques.
M. Levesque: Excusez-moi, on m'avait dit que j'avais le droit de
parler après chacun des députés.
Le Président (M. Lemieux): Oui, c'est vrai, vous avez un
droit de réplique. Je m'excuse, M. le ministre des Finances, vous avez
raison.
M. Levesque: Merci.
Le Président (M. Lemieux): Dix minutes.
M. Levesque: D'abord, je veux remercier mes collègues qui
sont intervenus ce matin et qui ont eu des remarques fort pertinentes sur le
budget et sur certains aspects qu'il valait la peine de souligner.
Lorsque nous avons abordé ce matin la discussion sur le budget,
des questions avaient été posées par le
député de Bertrand. Entre autres, le député de
Bertrand nous avait demandé de lui fournir les détails relatifs
aux dépenses pas seulement budgétaires mais également
fiscales, parce que je pense qu'il va falloir qu'on livre tes deux: les
dépenses budgétaires sont préparées par le Conseil
du trésor et le ministère des Finances pourra préparer les
dépenses fiscales.
Est-ce que c'était sur les besoins prioritaires seulement?
Soutien à la famille
M. Parent (Bertrand): Non. C'était par blocs, d'abord
concernant la famille. Si vous le permettez, M. le Président,
c'était à partir de l'affirmation que vous-même, M. le
ministre, avez faite ce matin en disant: Au cours des quatre dernières
années, sur le plan de la famille, nous avons ajouté 1 000 000
000 $.
M. Levesque: Oui.
M. Parent (Bertrand): Alors, c'est ça. J'aimerais
savoir... Il s'agirait de l'avoir sur le plan budgétaire et sur l'autre
plan. C'était surtout sur le plan budgétaire.
M. Levesque: Je remercie le député de Bertrand. Sur
la question du soutien financier du gouvernement à l'égard de la
famille, nous avons une réponse qui fait en sorte que l'on donne les
chiffres de 1985. On avait environ 800 000 000 $ affectés au soutien de
la famille et, pour 1990, environ 1 800 000 000 $, ce qui fait le montant de 1
000 000 000 $ dont on vient de parler. J'ai les détails ici devant moi.
Je peux les déposer ou les remettre directement au député
de Bertrand.
En plus de ça, le député avait posé d'autres
questions. Ici, on verra, dans le soutien financier du gouvernement à
l'égard des enfants, des familles, qu'il y a des dépenses
budgétaires. Il y a également des dépenses fiscales.
Autrement dit, si nous accordons certains avantages dans le budget, c'est
indiqué et, si nous donnons certains avantages par des dépenses
directement aux familles, c'est également inscrit.
Est-ce que le député veut la même chose, les
dépenses fiscales et les dépenses budgétaires, pour les
autres points? C'est ça que j'ai compris?
M. Parent (Bertrand): C'est ça, pour le bloc de la
santé, du transport, de l'environnement, de l'industrie et du commerce,
parce que...
M. Levesque: II faut comprendre qu'à ce moment-là
je dois transmettre la demande au Conseil du trésor, parce qu'il y a une
partie importante de cela dont les données se trouvent
présentement au Conseil du trésor. D'ailleurs, nous en avons
donné la commande déjà.
M. Parent (Bertrand): En ce qui concerne les mesures fiscales,
ça va relever du Conseil du trésor et, en ce qui concerne les
mesures budgétaires, ça va relever du ministère des
Finances.
M. Levesque: Non, c'est le contraire.
M. Parent (Bertrand): Qu'est-ce que j'ai dit? Les mesures
budgétaires...
M. Levesque: Au Trésor.
M. Parent (Bertrand): Au Trésor.
M. Levesque: Et fiscales, aux Finances. On fera la consolidation
de cela et on vous le remettra dès qu'on le pourra.
M. Parent (Bertrand): D'accord.
M. Levesque: Je suis prêt à vous le remettre
pour...
M. Parent (Bertrand): La famille?
M. Levesque: La famille. C'était déjà
prêt.
M. Parent (Bertrand): J'aimerais qu'il soit déposé,
M. le ministre.
Le Président (M. Lemieux): J'accepte le dépôt
du document.
Création d'emplois
M. Levesque: Maintenant, nous avons abordé certains
éléments qui touchent la croissance économique, la
création d'emplois. En ce qui concerne la croissance économique,
nos chiffres se veulent le plus réalistes mais peut-être aussi
conservateurs que possible pour ne pas exagérer. Je pense qu'il est
important, du moins c'est la façon dont j'envisage la préparation
d'un budget, de ne pas mettre de lunettes roses et d'essayer de voir... J'aime
bien voir la vie en rose, mais ne pas faire en sorte que l'on soit
utltra-optimistes et qu'ensuite on se réveille au bout de six mois et
qu'on dise: Écoute, on s'est trompés. J'aime mieux me tromper
d'une autre façon que de celle-là, au contraire. Autrement dit,
je suis très heureux quand on a prévu quelque chose et arriver
sur le nez. J'aime mieux arriver au-dessus dans les revenus et un peu en
dessous dans les dépenses pour ne pas avoir de mauvaise surprise.
Alors, c'est pour cela qu'en prévoyant un ralentissement nous
né sommes pas différents des autres en Amérique du Nord.
On prévoit un ralentissement. À partir du 4, 9 % de croissance en
1988, on prévoit encore une croissance en 1989, mais, cette fois-ci, de
2, 8 %. Évidemment, lorsqu'on parlait de la création d'emplois,
pourquoi pensait-on qu'on en aurait moins cette année que l'année
dernière? C'est justement parce qu'il y a une relation assez directe
entre la création d'emplois et la croissance économique. C'est
pourquoi nous avons prévu une création d'emplois qui serait de
l'ordre de 64 000 cette année comparativement à 83 000 en
1988.
On a mentionné que dans les quatre premiers mois, de janvier
à avril, la création d'emplois s'était
élevée à un peu moins de 60 000, plus exactement à
56 000. Mais on ne peut pas partir de là pour en faire une tendance
annuelle, d'autant plus qu'on a enregistré une baisse de 22 000 en avril
au Québec et, en Ontario, une baisse de 42 000. Les données
mensuelles, si on s'en tient simplement à une donnée mensuelle,
évidemment, deviennent erratiques parce qu'elles ne font partie que
d'une moyenne, donc on ne peut se fier que sur un mois. On peut se rappeler
qu'en avril 1988, par exemple, on avait observé une baisse de 24 000
emplois, mais ça a été suivi d'une hausse de 41 000 en
mai. Alors, il faut être prudent dans la façon d'analyser ces
choses. (15 h 30)
Le Québec n'est pas le seul à subir les contrecoups des
politiques macro-économiques restrictives imposées par le
gouvernement fédéral et la Banque du Canada. Au Canada, les
économistes du ministère des Finances à Ottawa
prévoient eux-mêmes que la création d'emplois sera
limitée à 1, 7 %, 208 000 à l'échelle nationale,
soit la moitié moins que l'an dernier, alors qu'elle était de 383
000. Dans le budget qu'il a déposé le 17 mai - il n'y a pas
longtemps, il y a quelques jours - le trésorier de l'Ontario
prévoit, pour 1989, chez lui, une hausse d'emplois plus faible que l'an
dernier, soit d'à peu près la moitié du nombre d'emplois
créés l'an dernier.
J'espère que nos prévisions seront tellement
conservatrices que nous aurons d'agréables surprises. Nous ne parlons
pas de perte d'emplois, comme on en a déjà connu dans les
périodes précédentes. Comme le disait le
député de Bertrand, II y a eu une récession au cours de
certaines années, et, là, il y avait des pertes d'emplois
considérables. Ce que nous prévoyons, c'est une augmentation des
emplois, pas une perte. Nous espérons, à cause des
investissements importants que nous avons au Québec... C'est d'ailleurs
ça qui nous sauve. Nous avons une
croissance d'environ 15 % prévue pour cette année dans les
investissements non résidentiels et, si on ajoute le résidentiel,
on a un total d'investissements de 11 %. Dans le non-résidentiel - c'est
là où sont les investissements industriels, en particulier, et
commerciaux - il y a là une croissance très forte qui nous permet
d'espérer surmonter le ralentissement peut-être mieux qu'ailleurs.
Du moins, on l'espère.
Le Président (M. Lemieux): II vous reste 30 secondes, M.
le ministre.
M. Levesque: J'en avais pour plus que ça, par exemple. Il
y avait cette partie que je voulais entreprendre concernant les orientations
des politiques relatives à l'emploi, mais j'aurai sûrement
l'occasion d'y revenir d'ici quelques jours.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances. M. le député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Je pense qu'au rythme où l'on va il
y a plusieurs questions auxquelles on ne réussira pas a répondre.
Le ministre avait peur ce matin qu'on s'ennuie pendant ces dix heures, mais il
y a de quoi à dire. Il n'y a pas de problème. Concernant les
emplois, effectivement, cela m'intéresse au plus haut point d'avoir le
maximum d'information. Je pense que vous pourrez le faire dans les prochaines
minutes. Mais il y a d'autres questions que j'ai à vous poser, pour
lesquelles j'aimerais avoir des réponses. Vous pourrez peut-être
les prendre en note au fur et à mesure. Par exemple, sur quel taux
d'intérêt les prévisions sont-elles faites? Ce serait
intéressant d'avoir ça parce que je ne l'ai pas vu. Sur quelle
base avez-vous... On a le taux de base pour le taux d'inflation et tout
ça, mais, pour les taux d'intérêt, ce serait
également Important d'avoir cette information. De mémoire,
l'année passée et l'année d'avant, ce sont des
informations qu'on retrouvait à l'intérieur du budget.
J'aimerais reprendre là où on a laissé à
l'heure du dîner avec le député de Saint-Louis. Il y avait
certains commentaires en ce sens qu'on était un peu surpris de voir,
supposément, mon euphorie vis-à-vis du fédéralisme
rentable. Je pense que le député de Saint-Louis a réussi
à démontrer ce que je voulais démontrer et je lui en sais
gré. Je le remercie. En effet, je ne suis pas du tout emballé de
voir stagner les transferts fédéraux On était à 6
200 000 000 $, en 1985-1986, de transferts et on se ramasse à 6 500 000
000 $ cette année, alors il n'y a pas de quoi se rouler par terre. Au
contraire, et vous l'avez vous-même confirmé, M. le ministre -
c'est ce que je voulais vous entendre dire - si on ramène ça en
dollars constants, on est en train de reculer. Cela me prouve que c'est
malheureux. Peut-être que le député de Saint-Louis pourra
nous faire une démonstration, d'ici mardi soir, de son
fédéralisme rentable mais, pour mol, il est loin d'être
rentable. Ce que je voulais démontrer par là, c'est que si vous
prenez les chiffres qui remontent à 1977-1978 et que vous regardez
l'évolution - je ne les ai pas devant moi, mais je les ai à la
mémoire pour les avoir vus la semaine dernière - vous voyez une
évolution qui est quand même assez marquée au chapitre des
transferts fédéraux. Je pense que lorsqu'on parle d'aujourd'hui
et qu'on s'aligne pour 1992 - donc une projection en avant pour les trois
prochaines années - ce n'est pas ce qu'il y a de plus rose du
côté des transferts fédéraux. Mais, selon les beaux
discours tenus par le gouvernement, le ministre - je ne lui en tiens pas
rigueur, il porte un chapeau - ces dernières années, on devait
supposément être capables d'aller chercher beaucoup plus. On ne
fera pas de débat sur le fédéralisme ici, mais il reste
qu'il y a des chiffres comme ça qui parlent d'eux-mêmes et je
pense que c'est important de mentionner ce fait.
Formation de la main-d'oeuvre
À la page 7 de votre discours, vous soulignez, au
troisième paragraphe, quelque chose d'important, et, à midi,
juste avant d'ajourner, M. le ministre, vous êtes revenu
là-dessus: "Le Québec doit cependant consentir des efforts
supplémentaires pour pallier au sous-investissement des entreprises en
formation de la main-d'oeuvre. Au terme de l'examen de cette question, le
gouvernement est venu à la conclusion qu'il devait appuyer sa
stratégie sur l'instauration d'incitatifs fiscaux. " Alors, vous en
êtes venus à cette conclusion.
Quand je vous ai demandé ce que vous faisiez en matière de
formation de main-d'oeuvre et tout ça, vous avez dit: Écoutez,
nous avons préféré y aller par une autre voie - tout
ça dans la critique de la formation professionnelle - que la proposition
du 1 % qui a été faite par le Parti québécois. Il
ne s'agit pas juste de critiquer le budget pour moi ou pour l'Opposition et de
dire: Ça, ce n'est pas bon; ça, ce n'est pas bon. Je pense qu'il
faut avancer des pistes, qu'il faut proposer des choses. Si la formule du 1 %
ne plaît pas au ministre des Finances du gouvernement actuel, bon, je lui
dis: Mettez au moins une autre formule de l'avant, mettez au moins quelque
chose. Ce n'est pas nouveau, ça, c'est un phénomène qui a
été mis en lumière au cours des dernières
années; ce n'est pas la première fois qu'on le pointe du doigt.
D'ailleurs, dans votre discours, vous avez pris soin de parier beaucoup de
l'importance des ressources humaines, d'avoir des chapitres complets sur la
formation de la main-d'oeuvre en disant que c'est important. Et là, vous
dites, à la page 7: Oui, nous avons décidé d'y aller avec
une stratégie d'instauration d'incitatifs fiscaux. Mais je vous demande,
M. le ministre, ce que veut dire ce paragraphe. Où sont vos incitatifs
fiscaux dans le budget, dans les mesures concrètes? Parce que, moi, je
veux
bien que vous mettiez des incitatifs fiscaux, je veux bien que vous en
mettiez aussi en matière de recherche et de développement, mais
attention, attention! Il faut vraiment voir où ils sont et savoir
l'effet qu'ils vont avoir. Dans ce cas-là, on apprend, dans l'autre
paragraphe, un peu plus bas, que les fonctionnaires de votre ministère
et ceux du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu vont continuer à collaborer pour définir les
modalités en ce qui concerne l'approche avec le gouvernement
fédéral.
Ces deux paragraphes, en termes concrets pour moi, ça ne veut
rien dire. Cela veut dire, autrement dit, qu'on va se reparler l'an prochain,
dans le discours sur le budget, et peut-être en sera-t-on venu à
quelque chose comme une entente avec le gouvernement fédéral.
Peut-être qu'à ce moment-là on mettra ça en marche
pour avoir peut-être des résultats en 1992. C'est ce que ça
veut dire. Je trouve ça alarmant. Je trouve ça important que,
lorsque vous nous dites qu'on va faire quelque chose en ce qui concerne la
formation professionnelle et la main-d'oeuvre, il s'agisse de choses
précises. Si vous trouvez que l'idée du 1 % n'est pas bonne et
qu'elle ne vous agrée pas ou que, politiquement, ce n'est pas bon de la
reprendre parce qu'elle a été prêchée par un autre
parti, je veux bien. On ne fera pas de petite politique pour savoir qui a eu la
meilleure idée. On va plutôt essayer de faire quelque chose pour
que ça avance au Québec. C'est ce que j'essaie de faire, soit
qu'il y ait quelque chose pour la formation et la main-d'oeuvre parce que la
pierre angulaire du problème du chômage, la raison pour laquelle
nous nous retrouvons précisément à 9, 4 % de
chômage, il n'y en a pas 56 à chercher. Il n'y a pas à se
tourmenter et à essayer de dire: Écoutez, on n'a pas
été chanceux cette année, il y a eu ceci, il y a eu cela.
Il y a une raison qui transpire très clairement, à mon avis, pour
savoir pourquoi, au mois de mai 1989, on se retrouve avec un taux de
chômage comme ça, qu'on ne prévoit pas être capable
d'abaisser. Même si le ministre me dit que ses prévisions sont
plus négatives que positives, je veux bien qu'il ait l'approche d'un
comptable - les comptables aiment toujours mettre des chiffres tout à
fait sûrs - mais, dans le cas du chômage, je vous garantis que du
train où vont les choses actuellement et s'il y a le moindrement le
ralentissement que le Conference Board et que le budget Wilson, le gouvernement
fédéral prévoient, même si on veut le
tempérer - je veux bien le tempérer avec le ministre et ne pas
essayer de l'accentuer - mais si ce qui est prévu par les autres
instances arrive - et habituellement, le Conference Board ne se trompe pas
tellement - le taux de 9, 1 % qui est prévu dans un an ou deux ans, cela
ne sera pas ça. Le taux de chômage va remonter à 10 %, M.
le ministre. Cela va être 10 %, 11 %, 12 %.
Pourquoi se retrouve-t-on aujourd'hui avec un taux de chômage de
9, 5 %? C'est à cause du problème de la formation de la
main-d'oeuvre. Et s'il faut passer une heure là-dessus, j'essaierai de
passer le message au gouvernement et au ministre des Finances, selon lequel il
faut absolument et rapidement ne pas attendre après le gouvernement
fédéral pour trouver des moyens pour être capables de faire
de la formation, du recyclage de la main-d'oeuvre et de la formation
professionnelle, parce qu'il y a une demande. Alors, pendant qu'il y a encore
une demande et que les entreprises continuent à prendre de l'expansion,
qu'il y a beaucoup d'expansion qui se fait, que des compagnies
québécoises réussissent à faire d'autres
acquisitions de compagnies en Ontario, que l'économie roule encore et
que tout le monde n'a pas les deux pieds sur le frein, je me dis que c'est le
temps de mettre des choses très concrètes pour encourager,
être capables de faire de la formation.
Le Président (M. Lemieux): En conclusion, M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): En conclusion, on se ramasse au chapitre de
cette fameuse main-d'oeuvre et de ce fameux problème du chômage
avec aucune solution concrète même si, M. le ministre, vous nous
dites: La création d'emplois, c'est notre article un. Je vous dis: Si
c'est votre article un et si c'est si important que ça, dites-moi
où sont vos mesures concrètes et les incitatifs fiscaux dont vous
parlez dans votre discours, à la page 7.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre des
Finances.
M. Levesque: M. le Président, j'aurai l'occasion dans
quelques minutes de reprendre ce sujet que vient d'aborder le
député de Bertrand. Cependant, comme il m'a demandé, au
début de ses remarques, sur quelle base de taux d'intérêt
nous avions fait nos prévisions, je voudrais le renseigner de la
façon suivante: En ce qui concerne les prévisions qui
étaient à la base du budget, pour le taux d'intérêt
à long terme, c'est 10, 55 %; pour le taux préférentiel
canadien, c'est 12, 83 %; pour les bons du trésor, trois mois, c'est 11,
61 %.
Quant à l'article un de notre programme, j'aime toujours y
revenir. Même que je parle plus souvent de l'article un de notre
programme que l'Opposition ne parle du numéro un de son programme. Je ne
sais pas s'ils sont gênés, mais ils ont changé de chef
parce que le premier ne parlait pas assez de l'article un de leur programme.
Là, ils en ont un autre. Peut-être que l'autre en parle, mais
ça n'a pas l'air que l'aile parlementaire en parle tellement. Je n'ai
pas entendu un seul mot là-dessus, depuis longtemps en tout cas, en
Chambre.
M. Parent (Bertrand): Tant mieux pour vous. Parlez-moi de votre
article un. (15 h 45)
M. Levesque: J'aime parler de l'article un de notre programme qui
est le développement économique et la création d'emplois.
On se rappellera que notre premier ministre, au cours de la campagne de 1985,
avait mis de l'avant l'importance d'assainir les finances publiques et une
façon, la façon, devrais-je dire, d'y arriver, c'était de
mettre en application l'article un de notre programme, c'est-à-dire de
créer des emplois. Il avait mentionné comme objectif la
création de 400 000 emplois sur cinq ans, une moyenne de 80 000 par
année. Au cours de notre mandat - c'est comme s'il avait eu des dons de
prophétie - c'est ce que nous avons réalisé. De ce point
de vue, c'est encourageant. D'ailleurs, si on regarde le taux de chômage
qui existait en 1985, il était de 11, 8 % et de 1977 à 1985, de
11, 5 %. Aujourd'hui, le député de Bertrand se scandalise presque
d'un taux de 9, 4 %, alors que c'est la meilleure performance, au
Québec, depuis 1976. Je comprends et je suis un allié du
député de Bertrand quand on regarde l'avenir et qu'on dit: Si on
peut se débarrasser complètement de ce fléau - parce que
le chômage est un fléau - et le réduire encore plus
rapidement. Lorsque nous avons mentionné que nous nous attendions
à un taux de chômage de 9, 1 %, l'Opposition a dit: Ce n'est
qu'une baisse de 9, 4 % à 9, 1 %, ce n'est pas le diable. Mais nous
prenons des dispositions, justement, pour continuer à voir le taux de
chômage diminuer. Comment peut-on faire diminuer le taux de
chômage? C'est normalement par des investissements. Et ceux dont nous
connaissons la réalité, les prévisions d'investissements,
indiquent que nous avons, dans les investissements industriels, commerciaux,
non résidentiels, comme je l'ai mentionné tout à l'heure,
une croissance prévue de plus de 15 %. Normalement, ces investissements
devraient être créateurs d'emplois.
Je pense qu'on ne peut passer sous silence la contribution de notre
premier ministre, qui est aujourd'hui à Dakar, ce qui fait qu'il ne
m'entend pas, je suis donc bien à l'aise pour en parier pendant son
absence. Il y a plusieurs années qu'l prépare ce moment de hausse
des investissements que nous connaissons aujourd'hui et c'est là qu'on
reconnaît un véritable chef d'État. C'est quelqu'un qui
peut avoir la vision nécessaire des choses. Dès le début
des années soixante-dix, il avait vu que l'avenir du Québec
serait certainement relié au développement de ses ressources
hydroélectriques, malgré une opposition féroce de
l'Opposition péquiste du temps, qui préconisait l'énergie
nucléaire. M. Bourassa a continué dans cette même voie, et
il a été d'une constance et d'une persévérance dans
cette politique qui a déjà apporté des
bénéfices considérables au Québec, qui continue de
nous en procurer et qui nous permet, dans un moment de possible ralentissement,
de faire en sorte que s'ajouteront aux investissements importants du secteur
privé, les investissements du secteur public. Donc, Hydro-Québec
connaîtra une augmentation considérable de ses investissements
pour 1989-1990 et les années suivantes, et le secteur privé
lui-même va connaître des investissements considérables,
comme je l'ai mentionné tout à l'heure.
Même dans le secteur privé vous avez une relation directe
de ces politiques qui influent comme les 4 000 000 000 $ d'investissements
reliés à l'implantation d'alumineries au Québec C'est tout
un ensemble, et je pense qu'on peut, au moins, rendre hommage, par ce
témoignage, à M. le premier ministre pour nous voir guidés
dans la bonne voie. D'ailleurs, vous savez, même le gouvernement qui nous
a précédés a changé de cap, à un moment
donné, s'apercevant que ses théories ne tenaient pas, et le
premier ministre du temps a entrepris ce virage lui-même en devenant, ou
plutôt devrais-je lui rendre le mérite qui lui est dû en
disant que, s'il s'était écarté de cette tendance,
c'était peut-être à cause de ceux qui le conseillaient
à ce moment-là, certaines personnes que je ne veux pas nommer
mais qui le conseillaient de ce côté-là Je pense qu'il
s'est lui-même, à un moment stratégique, tourné vers
l'hydroélectricité. Il avait toujours été
d'ailleurs de ce côté-là avant, quand il était avec
nous. Il a passé une période où il a été
conseillé par d'autres et il est revenu dans le sens que je mentionnais
tout à l'heure qui est celui du premier ministre actuel.
Maintenant, ça ne veut pas dire que, simplement parce que nous
avons des investissements cette année, l'an prochain, parce que nous
avons une situation qui nous est favorable, on ne doive pas regarder, pour
l'avenir, vers d'autres aspects de cette politique. Et la formation de la
main-d'oeuvre, j'en conviens, est importante au plus haut point. D'ailleurs,
une partie importante de mon budget, comme vient de le lire le
député de Bertrand, reconnaît l'importance de la formation
de la main-d'oeuvre. Ce que j'ai dit ce matin, et j'aime à le rappeler,
c'est que la formule préconisée par nos amis d'en face, comme on
les appelle, a des faiblesses. D'abord, la première faiblesse c'est que
je ne veux pas retourner dans les ornières...
Le Président (M. Lemieux): En conclusion, M. le
ministre.
M. Levesque: Je viens de commencer Je peux avoir deux minutes au
moins pour finir ma phrase?
M. Parent (Bertrand): J'aimerais que vous répondiez
à ma question. La question que j'ai posée était simple.
Où sont les incitatifs fiscaux dont vous parlez à la page 7?
M. Levesque: II faut que j'y arrive.
M. Parent (Bertrand): Ah bon, excusez. Vous n'êtes encore
pas rendu là.
M. Levesque: Parce qu'il y a des choses
aussi que j'ai le droit de dire à ma façon, comme le
député de Bertrand a le droit de les dire à sa
façon. J'aime bien établir le cadre dans lequel se situe ma
réponse.
M. Parent (Bertrand): Ce n'est plus un cadre, c'est un pan de mur
au complet.
M. Levesque: Donc, l'imposition d'une taxe spéciale sur la
masse salariale, cela veut dire, pour chaque tranche de 1 % - parce que c'est
à peu près 1 % qu'on avait mentionné -700 000 000 $.
Subventionner les dépenses de formation des entreprises constitue,
à notre sens, comme je l'ai dit ce matin, une approche punitive, en plus
de comporter une augmentation du fardeau fiscal pour nous enlever la situation
concurrentielle que nous avons réussi à obtenir depuis à
peu près deux ou trois ans, en particulier cette année et
l'année passée. Nous sommes partis avec l'Ontario d'une
différence de 9,6 % dans les entreprises pour baisser à 1,3 %, en
1989. Alors, on remonterait de sept points, je crois. Cela nous
ramènerait à 8,3 % de différence. C'est une
projection.
Deuxièmement, ça serait une approche punitive. D'ailleurs,
je l'ai mentionné, elle comporte de nombreux inconvénients. Elle
a été rejetée par le rapport Dodge et la commission
Macdo-nald, parce que l'expérience étrangère montre
qu'elle est inéquitable et qu'elle est également inefficace.
Maintenant, pourquoi ne faut-il pas agir avec précipitation? C'est parce
que, dans le fond, ce que nous disons, c'est que nous voulons aller du
côté des incitatifs fiscaux. Il y a déjà de nombreux
programmes qui existent en formation de main-d'oeuvre, à un point tel
que les gens nous disent: Vous avez trop de programmes, on ne sait plus, est-ce
que vous ne pourriez pas avoir un guichet unique où l'on pourrait,
tellement il y a de programmes... Ce ne sont pas les programmes qui manquent.
Alors, qu'est-ce qu'on peut faire? Nous aimerions privilégier une
approche fiscale incitative. Pourquoi n'agissons-nous pas avec
précipitation? N'avons-nous pas tout ça dans le budget
actuellement?
Premièrement, il faut rappeler qu'une approche incitative pour
favoriser la formation de la main-d'oeuvre n'a jamais été
utilisée en Amérique du Nord, à notre connaissance. Son
implantation nécessite, par conséquent, l'élaboration de
règles fiscales inédites. Cette tâche ne peut donc
être improvisée afin de garantir l'efficacité et la
simplicité des mesures envisagées. Deuxièmement,
l'introduction de nouvelles mesures en faveur de la formation se heurte
à l'incertitude qui entoure les programmes fédéraux depuis
l'annonce de la réforme de l'assurance-chômage. Malgré les
rencontres tenues entre les provinces et la ministre McDougall, les intentions
du gouvernement fédéral restent imprécises. L'implantation
des actions qu'il envisage devra faire l'objet de négociations avec le
Québec. Troisièmement, tous les intervenants font valoir il y a
déjà trop de programmes, comme je l'ai mentionné. Avant
d'ajouter de nouvelles mesures, il faudra restaurer la cohérence au
niveau des programmes existants. De plus, les interventions soutenues par ces
programmes et par la fiscalité devront être
complémentaires. Il devra y avoir une meilleure intégration entre
les interventions du Québec et du gouvernement fédéral.
Enfin, pour donner leur plein impact, les incitatifs fiscaux envisagés
par le gouvernement du Québec devraient, de préférence,
être introduits conjointement avec le gouvernement fédéral.
Voilà, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances. M. le député de Saint-Louis. M. le député
de Bertrand, je vais vous donner quatre minutes de plus. Vous allez avoir
quatorze minutes tout à l'heure, c'est-à-dire la même
période de temps qui a été allouée à M. le
ministre. M. le député de Saint-Louis.
M. Chagnon: Est-ce que j'ai aussi droit à quatre minutes
de plus, M. le Président?
Le Président (M. Lemieux): Non. Dix minutes, M. le
député de Saint-Louis.
M. Chagnon: Malheureusement!
Le Président (M. Lemieux): Parce qu'il y avait eu
consentement dans le cas de M. le ministre.
M. Chagnon: C'est sûr.
Le Président (M. Lemieux): II peut y avoir consentement,
oui, mais c'est purement hypothétique.
M. Chagnon: Je n'anticiperai pas sur le consentement à
venir, je serais mieux. En fait, M. le Président, je suis heureux de
constater que la période du dîner a servi de chemin de Damas
à notre collègue de Bertrand. Il nous disait avant le dîner
que ces chiffres qu'il prenait, comme nous les prenons, à l'annexe B,
page 4, du document budgétaire du ministre des Finances
révélaient, selon lui, un gain annuel de la part du gouvernement
fédéral sur les finances publiques du Québec. Il se
référait à ce qui avait été donné en
1986-1987, c'est-à-dire les transferts fédéraux, 5 872 000
000 $. Il disait: 6 175 000 000 $ en 1987-1988; 6 444 000 000 $ en 1988-1989; 6
562 000 000 $ en 1989-1990. Et il y voyait une gradation annuelle. Je comprends
que le député de Bertrand a maintenant saisi l'argumentation que
le ministre des Finances, d'abord, et, moi lui avons faite, selon laquelle il
fallait regarder les dollars constants en matière de transferts
fédéraux vers le Québec. J'y voyais, peut-être
à tort, une nouvelle vertu d'une forme de fédéralisme
rentable que le député de Bertrand avait pu trouver dans les
statistiques
contenues à l'annexe B. Cela aurait été avec le
concours du député de Bertrand. J'aurais aimé informer le
député fédéral de Verchères qu'il a
peut-être lui-même réussi à convaincre le
député de Bertrand du bien-fondé du
fédéralisme. Le député de Verchères est un
ami du député de Bertrand et un de mes anciens professeurs. Le
vice-président de la Chambre des communes est un personnage bien connu
sur la rive sud. (16 heures)
II n'en demeure pas moins que la problématique financière
fédérale, on l'a dit souvent et on peut le répéter,
est profondément dangereuse pour l'État canadien et tous les
citoyens du Canada. La problématique fédérale me fait un
peu penser à celle qui a été vécue par le
gouvernement précédent du Québec en 1982. Au moment
où l'on pouvait voir venir une récession importante, j'en
conviens avec le député de Bertrand, celle de 1982, le
gouvernement du Québec avait, à l'époque, maximisé
ses capacités d'emprunt. Il y avait un niveau de défécit
record, autour de 3000000000$, 2900000000$. si ma mémoire est
fidèle. Alors, évidemment, quand la crise économique,
quand la récession, je devrais dire, est arrivée en 1982, le
gouvernement n'avait plus les moyens pour y faire face, le gouvernement n'avait
plus les outils financiers lui permettant d'avoir les liquidités
suffisantes pour permettre d'atténuer l'impact énorme de la
récession de 1982-1983.
Malheureusement, le gouvernement fédéral est pris à
peu près dans cette situation aujourd'hui et, s'il y a une
récession qui vient, le gouvernement fédéral sera dans de
beaux draps s'il cherche à transférer en partie sa
problématique financière sur le dos des provinces; nous le
constatons et nous le concevons, tout comme le député de
Bertrand. Fort heureusement, les modifications politiques au Québec
permettent au ministre des Finances d'avoir une voix nécessairement plus
crédible que celle de ses prédécesseurs, afin
d'éviter que ces reculs sur le plan des transferts
fédéraux soit encore plus importants que ceux que nous
connaissons, mais je suis obligé d'admettre, avec le
député de Bertrand et sûrement avec le ministre des
Finances, qu'en 1990-1991 on va avoir 50 000 000 $ de moins de revenus pour le
financement du système de santé et de l'enseignement
postsecondaire, ce qui sera doublé à 100 000 000 $ en 1991-1992,
et sera 150 000 000 $ en 1992-1993. C'est énorme comme pression que le
Québec devra subir, il devra, par le fait même, faire en sorte de
puiser dans ses propres réserves et dans ses propres finances pour
compenser cette perte fédérale.
J'entendais quelqu'un de très bien informé sur ces
questions, qui a eu une image frappante, dire: Les ministres des Finances, en
réunion, lorsqu'ils essaient d'éviter d'être
attaqués par des modifications à la baisse des transferts
fédéraux, se retrouvent finalement à chercher à se
voler les uns les autres de l'argent déjà emprunté par le
gouvernement fédéral. C'est là une situation qui laisse
perplexe n'importe qui qui s'intéresse aux finances publiques. Le cas
des transferts fédéraux deviendra de plus en plus important dans
les années à venir, parce qu'ils iront en s'amincissant. Les
ententes qui ont eu lieu à la fin des années soixante, par
exemple, faisaient en sorte de partager à 50-50, 50 % de la part du
gouvernement fédéral, 50 % de la part des provinces, le
coût du système de la santé. On remarque, à la fin
des années 1980, que ce partage dépasse légèrement
les 60 % dans le cas du Québec, par rapport à une contribution
fédérale qui serait de l'ordre d'à peu près 38 %,
si ma mémoire est fidèle. On peut s'imaginer que cette baisse va
continuer année après année, et il nous faut aujourd'hui
être capables de prévoir ces baisses de revenus du gouvernement
fédéral. On a des revenus qui viennent de la
péréquation, et ceux-là aussi risquent d'être
attaqués éventuellement. Je souhaite, comme le
député de Bertrand le faisait à l'égard de la
création d'emplois, et je me joins à lui et à n'importe
qui qui voudrait faire en sorte de réduire notre niveau de
chômage, mais il importe de constater qu'en 1985, au moment où
nous avons été élus, le taux de chômage se situait
à 11, 8 %, le ministre des Finances vient de l'indiquer, et le fait de
l'avoir ramené à 9, 4 % et 9, 1 % dernièrement - c'est
encore trop, j'en conviens - cela a permis de créer une richesse
collective locale qui fait en sorte que les paiements de
péréquation deviennent, sur la base de leurs calculs, moins
importants. Si un des bénéficiaires de la
péréquation s'enrichit, il est normal que ce fonds s'amenuise en
ce qui le concerne, et je souhaiterais que le Québec n'ait plus de fonds
de péréquation, parce qu'il serait suffisamment riche pour ne
plus avoir à s'en servir. Mais ce n'est pas pour demain. Il faut
absolument, je pense, que la politique du gouvernement du Québec fasse
en sorte de protéger des acquis dans le système de
péréquation canadien et peut-être - je l'indique à
titre indicatif au ministre des Finances - reprendre certaines batailles
passées au chapitre des transferts de points d'impôts pour
compenser l'écart entre les 38 % de participation actuelle du
gouvernement fédéral dans le financement des services de la
santé par rapport aux 50 % de l'entente de 1967 pour permettre le
financement provincial. Cela avait été générateur
de partage fiscal entre le gouvernement fédéral et les
gouvernements des provinces. Cela étant dit, le gouvernement
fédéral devra, lui aussi, réduire son déficit de
façon beaucoup plus efficace qu'il ne l'a fait jusqu'à
aujourd'hui. C'est un peu curieux de voir un déficit
fédéral de l'ordre de 30 000 000 000 $, comme celui qui nous a
été présenté, qui n'est pas réduit, mais
pour lequel on cherche à remonter, on remonte effectivement le niveau de
revenus, donc le niveau de taxation, de près de 4 000 000 000 $ pour
l'ensemble du Canada. Et j'ai confiance, je dois le dire à l'avance, que
le ministre des Finances verra à faire en sorte que
les droits et les pouvoirs du Québec en matière de
contributions fiscales soient non seulement protégés, mais aussi
agrandis.
M. le Président, avec raison, le débat ici a porté
sur la création d'emplois. Je voudrais référer le
député de Bertrand qui s'étonnait...
Le Président (M. Lemieux): En conclusion,
déjà.
M. Chagnon: Ah, bon! je vais conclure en disant que parmi les
gestes significatifs qui ont été faits... Je reviendrai sur la
question de la création d'emplois, ça m'apparaît
extrêmement intéressant. Je l'avise, à l'avance, qu'il
aurait intérêt à regarder le premier discours d'ouverture
en 1985. Vous y retrouverez des pistes importantes quant à la politique
économique de l'État du Québec, la politique
économique du gouvernement, et plus tard, M. le Président, je la
résumerai en moins de dix minutes, évidemment, de façon
à pouvoir regarder ce qui a été fait sur cette politique
économique et vers où on s'en va aujourd'hui, quelle est la
direction et quels ont été les fruits qu'a portés cette
politique économique depuis maintenant près de trois ans ou
près de quarante mois. Ce sera tout, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Bertrand.
M. Levesque: Est-ce que je n'ai pas un droit de
réplique?
Le Président (M. Lemieux): Oui, vous avez un droit de
réplique de dix minutes, M. le ministre.
M. Levesque: M. le Président, je veux encore une fois,
comme je l'ai fait au début de cette séance, remercier mes
collègues de leurs interventions de cet avant-midi et de la nouvelle
intervention du député de Saint-Louis, comme celle du
député de Mille-Îles, ce matin. Je pense qu'il
soulève des points fort pertinents et c'est sûr qu'il y a une
évolution dans les transferts fédéraux
particulièrement dans le domaine de la santé, de
l'éducation postsecondaire. Ce sont des sujets qui nous
préoccupent grandement. Avec l'augmentation des coûts dans le
domaine de la santé, en particulier, reliés d'une part au
vieillissement de la population et, d'autre part, aux nouvelles technologies
médicales, c'est sûr que nous devons faire face à une
situation de plus en plus difficile. Les demandes se font de plus en plus
pressantes, et c'est justement à ce moment-là que le gouvernement
fédéral semble vouloir régler une partie de ses
problèmes de déficit, qui sont réels, que je reconnais,
mais dans des paiements de transfert qui nous sont extrêmement
précieux pour pouvoir répondre à ces nombreuses pressions
du côté des soins de santé et aussi du côté de
l'éducation postsecondaire, les universités en particulier. Le
député de Saint-Louis a parlé tout à l'heure des
ententes qui avaient eu lieu. Je me rappelle fort bien, parce que j'ai
participé à ces choses en 1960 et 1970. Dès
l'arrivée du gouvernement libéral de M. Jean Lesage en 1960,
notre première préoccupation a été de nous pencher
sur la question de l'assurance-hospitalisation. Nous avons conclu une entente
avec le gouvernement fédéral, et nous avons mis en vigueur
l'assurance-hospitalisation. Dès notre arrivée au pouvoir en 1970
avec M. Bourassa, ce fut la même chose, nous nous sommes attaqués
à l'assurance-maladie dans le temps. Dans les deux cas, nous avons
accepté de partager avec le gouvernement fédéral les
coûts de ces régimes tellement importants pour la population. Mais
nous ne pensions pas, à ce moment-là, que le gouvernement
fédéral serait porté à diminuer sa participation,
et le député de Saint-Louis a raison de dire qu'à ce
moment-là on était plutôt du côté des 50-50,
au début des ententes en question, en 1960, l'assurance-hospitalisation,
en 1970, l'assurance-maladie, nous étions beaucoup plus à un
partage égal, 50-50, très équitable; mais aujourd'hui on
est plus près des chiffres qu'a mentionnés le
député de Saint-Louis.
Maintenant, il y a là des facteurs qu'il faut reconnaître.
Il n'y a pas seulement les transferts relatifs à la santé et
à l'éducation postsecondaire - on appelle ces programmes le
financement des programmes établis, FPE - mais aussi dans les transferts
fédéraux, d'autres programmes. Il y a ceux qu'on appelle les
programmes de transferts relatifs à la péréquation. C'est
une tout autre approche, qui n'a rien à voir avec les ententes touchant
l'assurance-hospitalisation, l'assurance-maladie, l'aide aux universités
ou l'enseignement supérieur. Cela est un autre concept. Le gouvernement
fédéral, et c'est encore plus clair d'après les
dispositions de la constitution de 1982, doit faire en sorte, avec les
provinces, que nous puissions avoir, dans chacune des provinces, pour une
fiscalité comparable des services comparables. Autrement dit, qu'il y
ait une distribution de la richesse dans tout le pays. C'est la
caractéristique la plus positive du fédéralisme canadien.
C'est dans ce sens que nous avons un système de
péréquation qu'il faut maintenir. Dans les transferts
fédéraux, en plus de ces deux grands programmes, il y a celui qui
touche l'assistance publique, ou l'aide sociale, si vous voulez. C'est le
troisième grand programme, et le partage est resté à
50-50; c'est encore ça, cela n'a pas été touché.
Finalement, un quatrième volet à ces transferts, ce sont ceux
qu'on appelle les autres transferts mais qui touchent, par exemple, les
ententes-cadres, les ententes de développement, les ententes de
développement régional, les ententes auxiliaires, etc. C'est
l'ensemble des ententes que nous avons avec le gouvernement
fédéral touchant plutôt le côté
économique, le côté développement régional.
Si on les prend une à une, on s'aperçoit que la
péréquation, même dans le dernier budget
fédérai, a conservé les mêmes normes, et nous
sommes à la veille d'avoir, J'allais dire de nouvelles ententes, mais
c'est toujours unilatéral quand ça vient du gouvernement
fédéral. (16 h 15)
Dans ces domaines, nous pouvons négocier, parler ou
échanger des points de vue, mais finalement la décision est
unilatérale, tel que le système existe depuis le début.
Nous aurons très prochainement ce qu'on appelle des ententes sur les
accords fiscaux, soit pour 1992. C'est en préparation. Disons que, de ce
côté, si on regarde simplement les paiements de
péréquation, j'espère que nous aurons... Et c'est une
belle occasion pour le gouvernement fédéral de compenser les
coupures du dernier budget fédéral pour les provinces dont la
capacité fiscale est moindre et qui sont justement
bénéficiaires des paiements de péréquation.
Le gouvernement du Québec reçoit à peu près
la moitié de tous les paiements de transfert, dans le pays, et qui sont
relatifs à la péréquation. Les provinces de l'Ontario, de
l'Alberta et de la Colombie britannique, par exemple, ne reçoivent rien
au titre des transferts de péréquation. C'est important pour le
Québec, ce n'est pas parce que nous n'aimerions pas qu'un Jour cela
puisse diminuer, mais cela est établi en fonction de la capacité
fiscale et de la richesse. Tant mieux si les choses font en sorte que nous
puissions un jour ne pas avoir besoin des paiements de
péréquation. Pour le moment, nous avons grandement besoin de
ceux-ci et nous espérons qu'avec les accords envisagés nous
puissions obtenir, de ce côté, certaines compensations.
Quant au FPE, le financement des programmes établis, dans le
domaine de la santé et dans celui de l'éducation
supérieure, nous sommes affectés négativement. Toutes les
provinces sont affectées. Par contre, étant donné notre
capacité fiscale, comme c'est le cas de la plupart des provinces
bénéficiaires de péréquation, il est clair que pour
la diminution dont nous avons à souffrir - parce que dans le domaine du
financement des programmes établis cela est fixé per capita dans
tout le pays - toutes les provinces sont traitées sur le même
pied. Une diminution pour nous fait plus mal que pour une autre province qui a
une capacité fiscale supérieure. C'est donc dire que cela nous
fait mal lorsqu'on réduit, comme on l'a fait dans le dernier budget
fédéral, la participation du gouvernement
fédéral.
Dans le domaine de l'aide sociale, espérons qu'un jour on n'en
aura aucun besoin. Si on pouvait faire travailler tous les gens. Nous en
aurions besoin seulement pour les personnes inaptes. J'espère qu'on
pourra un jour trouver du travail pour toutes les personnes aptes à
travailler.
Quant aux autres transferts qui touchent les ententes de
développement, nous espérons que le gouvernement
fédéral n'ira pas dans le sens de certaines rumeurs selon
lesquelles il diminuerait sa participation, car c'est extrêmement
important pour le développement économique et
régional.
C'est ce que je voulais ajouter afin d'être plus explicite dans le
sujet abordé par le député.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances. M. le député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): M le Président, je m'adresserai
d'abord à vous, ensuite je répondrai à quelques questions.
Vous comprendrez que la façon dont les choses se déroulent
actuellement, je trouve cela un petit peu déplorable. Je veux dire que,
si on fonctionne selon le livre, je parlerai durant ta prochaine heure et,
ensuite, je m'en irai chez nous.
Je trouve cela inconcevable. Dans l'étude des crédits en
commission parlementaire, il devrait être réservé au moins
à 50 % du temps à l'Opposition. Sur un droit de parole que j'ai
pour dix minutes, le ministre prend ses dix minutes pour répondre, ce
qui est correct, mais il y a un intervenant qui parie de leur côté
et le ministre lui répond. Cela veut dire que je parie dix minutes,
alors que j'en ai pour une demi-heure à entendre l'autre
côté. Dans ce sens, je ne suis pas capable de fonctionner et
d'avoir un suivi. Je suis en train de parier de création d'emplois, et,
forcément, chacun des députés peut aller où il
veut. Sur le plan du bon fonctionnement, je ne suis pas capable d'avoir quelque
chose de cohérent. J'ai posé une question il y a une demi-heure,
il y a 30 minutes exactement ou même un peu plus. Je ne sais pas comment
on va appliquer ça. Moi, je vous dis... Je n'ai pas de mots polis pour
le dire. Cela n'a rien à voir avec le ministre. Il fait ce qu'il a
à faire et il utilise le temps qu'il faut. Moi, je vous dis que je
trouve déplorable cette façon de faire. Si je suis pour parier
dix minutes après avoir entendu une demi-heure l'autre
côté, on ne résoudra pas grand-chose pour avancer dans le
débat. Je pense que j'ai essayé de poser des questions
concrètes. La dernière question que je posais il y a 30 ou 34
minutes... Le ministre a répondu pendant quatorze minutes, le
député de Saint-Louis a parié dix minutes et le ministre a
parié dix minutes additionnelles. Je demandais où étaient
les mesures concrètes d'incitatifs fiscaux dont il était question
à la page 7. Imaginez-vous, depuis une demi-heure, il a passé de
l'eau sous les ponts. Cela devient difficile d'avoir une critique dite
constructive et d'avoir des réponses à mes questions. Je pose des
questions, mais je ne sais pas si on va me répondre demain matin, la
semaine prochaine ou pas du tout. Vous comprendrez, M. le Président, je
ne sais pas si ça va fonctionner de cette façon d'ici la fin et
si ce sont les instructions, mais je vous dis que, dans ce cadre, je trouve
ça excessivement déplorable. Ce n'est pas de cette façon
que ça fonctionne habituellement.
Le Président (M. Lemieux): J'aimerais tout
simplement vous faire remarquer, M. le député de Bertrand,
pour faire suite à votre intervention, qu'effectivement j'ai eu une
rencontre ce matin avec le leader du gouvernement. La pratique et la
façon dont on fonctionne actuellement est la façon dont on a
toujours fonctionné. Relativement au discours sur le budget, chaque
député peut intervenir en Chambre, et nous n'en sommes pas
à l'étude des crédits comme telle.
M. Parent (Bertrand): Parlez-vous sur mon temps, vous?
Le Président (M. Lemieux): Non, ce n'est pas sur votre
temps. C'est simplement une remarque que je vous fais eu égard à
ce que vous venez de me dire. La présidence se doit d'appliquer les
règles qui ont été établies et se doit de se
conformer à nos règles de procédure. Les règles qui
ont été établies quant à la poursuite du
débat sur le discours sur le budget en commission parlementaire l'ont
été par la commission de l'Assemblée nationale, et je ne
fais qu'appliquer ces règles dans le respect des droits qu'ont les
parlementaires de s'exprimer dans le cadre du débat sur le discours sur
le budget. Je comprends que ça peut vous paraître
déplorable, mais, comme président de cette commission, je me dois
d'être équitable envers tous ceux qui demandent la parole
conformément à leurs droits, et ça a été le
cas du député de Saint-Louis. Les règles de
procédure font que le ministre a un droit de réplique de dix
minutes. Lorsque M. le ministre me demande la parole, je suis en droit, comme
président de cette commission, de voir à la lui accorder parce
que c'est un des droits qu'il a, d'avoir la parole dix minutes après
chacune des interventions. Sur ce, M. le député de Bertrand, vous
avez la parole.
M. Parent (Bertrand): Vous comprendrez que ce matin il
était clairement établi qu'on aurait, à la fin, un partage
du temps 50-50. Comme je vous le dis, je parle dix minutes et, de l'autre
côté, ça parle une demi-heure. C'est exactement ça.
C'est un rapport d'un à trois; pour dix minutes, c'est une demi-heure de
l'autre côté. Si c'est ça, je veux seulement le savoir. Je
vais savoir à quoi m'en tenir.
Le Président (M. Lemieux): C'est cela, il n'y a pas de
distribution équitable 50-50.
M. Parent (Bertrand): Sur les dix heures, j'aurai le droit
à peu près à deux heures de parole et, de l'autre
côté, ils prendront le reste. Comment voulez-vous que chaque fois
que je pose une question, que le ministre ne répond pas, qu'intervient
un autre député et que le ministre intervient sur l'intervention
du député, on fasse une critique constructive? On me dit - et je
pense que c'est important pour tous les parlementaires - qu'il y avait 25
heures de débat autrefois en Chambre et qu'on a ramené ça
à un débat plus restreint en Chambre et à dix heures en
commission parlementaire. En Chambre, le débat se fait sur une base de
partage du temps de 50-50 et ça doit se faire ici dans le même
esprit, parce que c'est un bloc d'heures qui a été
décalé ici, pour être capable d'avoir des réponses
en Chambre. Que voulez-vous, c'est unilatéral. Il y en a un qui parle,
il en passe un autre et on n'est pas capable de se parler et de se
répondre. Moi, je vais dire: À moins qu'on ne veuille seulement
s'amuser pour écouler le temps - le ministre des Finances ne doit pas
avoir du temps à perdre, ni aucun député ici et encore
bien moins moi, je vous dis ce que j'en pense - je trouve ça
carrément inacceptable. Si vous dites que c'est de cette façon
que vous avez l'intention de l'appliquer et que c'est votre
interprétation, moi, ce n'est pas ce qu'on m'a dit. On m'a dit que
j'aurais le droit à un minimum de 50 %, au moins à un partage
dans l'esprit de 50-50. Comment composer avec ça? Comme ça va
là, et particulièrement cet après-midi, je vous dis que
ça devient assez "heavy" et assez frustrant. Vous ne m'avez pas vu bien
des fois, depuis quatre ans, décrocher et soulever des points pour
m'accrocher dans la procédure. Quand je pose une question au ministre
des Finances, des questions très concrètes sur un sujet, une
demi-heure plus tard, je ne suis plus d'actualité. Comment voulez-vous
qu'on se raccroche à ça? On ne réussira jamais a passer
à travers ça. Cela n'a aucun sens en termes de fonctionnement. Si
c'est ça et qu'il faut suivre ce qui a été
décidé il y a x années, qu'est-ce qu'on fait ici comme
parlementaires?
Le Président (M. Lemieux): C'est effectivement ce qui a
été décidé par la commission de l'Assemblée
nationale, et je reprendrai les propos de l'ancien président de cette
commission qui était alors le député péquiste de
Bellechasse, M. Lachance, qui disait ceci: "Je voudrais, en commençant
les travaux de la commission, faire un rappel du temps de parole. Le ministre
des Finances peut s'exprimer pendant 20 minutes sur la politique
budgétaire du gouvernement et révolution des finances publiques,
ensuite, c'est au tour du porte-parole de l'Opposition d'avoir droit à
une période de 20 minutes. Après il y a des discussions. Je
devrai tenir compte de la répartition. Les députés peuvent
prendre la parole pendant dix minutes, et ce temps de parole est divisible
puisqu'il s'agit d'un débat qui prend la forme de questions
adressées au ministre des Finances. Après chaque question, le
ministre des Finances dispose d'un temps de parole de dix minutes pour
répondre à son interlocuteur. "
M. Parent (Bertrand): II y aurait peut-être lieu de relever
ce qui s'est fait dans le passé en termes de répartition du
temps, ce serait peut-être important. Parce que les us et coutumes qui
prévalent ou, en tout cas, qui ont autant de
force que les règlements et les décisions dans cette
Assemblée - c'est une chose que j'ai apprise - ont toujours
été que sur la critique du budget et de son analyse c'est un
partage de 50-50. Cela étant dit, je ne passerai pas le reste des dix
heures à discuter. J'ai dit ce que j'avais à dire. Vous prendrez
les décisions, vous Irez analyser le temps. Je veux savoir, depuis 10
heures ce matin, combien de temps de parole j'ai eu et combien is en ont eu de
l'autre côté. Cela étant dit, c'est votre job, M. le
Président, et je ne m'attaque pas au ministre des Finances ni à
aucun collègue, mais je trouve ça un peu...
Le Président (M. Lemieux): Je vais faire vérifier
ça, M. le député de Bertrand. Vous avez la parole
concernant vos dix minutes.
Taux de chômage
M. Parent (Bertrand): En ce qui regarde la création
d'emplois et la formation professionnelle, le point majeur - et je n'ai eu
aucune réponse ni du ministre ni du député et
c'était au ministre de répondre - c'était de savoir
où sont les mesures concrètes concernant des incitatifs fiscaux
sur la formation de la main-d'oeuvre. Je veux savoir où ils sont. S'il
n'y en a pas, qu'on me le dise. Si on est à en planifier, c'est ce que
j'ai cru comprendre dans la réponse evasive du ministre...
Effectivement, on est à planifier quelque chose mais M. n'y a pas
d'urgence! Mais, M. le ministre, je vous le dis, il y a urgence en
matière de formation de la main-d'oeuvre. C'est ce qui explique le 9, 4
%. Quand on parle des chiffres de 9, 1 % pour 1990-1991, 1991-1992, je vous dis
qu'Us sont drôlement épeurants et conservateurs, mais dans le
mauvais sens du mot. Si je me souviens bien de ce que j'ai vu dans le budget
Wilson, au cours des trois prochaines années, il prévoit dans
tout le Canada une augmentation d'à peu près un point concernant
le chômage. Il passe de 7, 8 %, si ma mémoire est bonne, à
8, 8 % ou 8, 9 % ou de cet ordre-là, au Canada. Donc, cela augmente d'un
point. Si cela augmente d'un point, nous, normalement, on a 1, 5 ou 2 points de
plus que le taux de chômage dans tout le Canada, si je me fie aux
tableaux qui sont en annexe; alors, dans ce sens-là, on ne s'en va pas
du tout, mais pas du tout, dans la bonne direction. À 9, 4 % de
chômage actuellement, on a atteint le plancher, imaginez-vous! Et on est
dans les années de vaches grasses et de grands investissements, tant
dans le secteur privé que dans le secteur public. Je vous le dis, on
n'est pas du tout dans la bonne direction. Une des façons d'être
capable de baisser ce taux de chômage, c'est de prendre du monde qui veut
travailler. Et il y en a des jobs. Savez-vous que, tous les jours, il y a des
entreprises qui se cherchent du monde. Elles ne sont pas capables de trouver
des gens qualifiés, en bureautique, en informatique, des fonctions qui
ont eu des changements au niveau tech- nologique au cours de ces
dernières années, mais il n'y a personne pour les remplir. On
n'est pas capable de trouver des gens qualifiés. Dans chacun des
comtés des députés, vous pourriez le vérifier. Il y
a de l'activité économique, à y a de la demande, mais
entre l'offre et la demande on n'est pas capable de joindre les deux parce que
cela ne fonctionne pas sur le plan de la formation. Cela ne fonctionne pas
à ce sujet-là. C'est là le devoir du gouvernement. C'est
probablement le manque le plus grand. Le ministre me dit: Écoutez, c'est
notre point un du programme et on va en parler. Ce n'est pas d'en parler, ce
sont des mesures concrètes qu'il faut.
Pour reprendre les propos du ministre qui disait: Notre premier
ministre, notre grand premier ministre a vu loin. Écoutez, en 1985, vous
étiez... Cela fait 30 ans, M. le ministre des Finances, que vous
êtes ici au Parlement. Vous avez vu passer tout l'ancien régime.
Vous saviez dans quelles conditions les choses étaient. Vous saviez
exactement de quoi il s'agissait. En 1985, le premier ministre Bourassa se
promenait et promettrait que le taux de chômage au cours de son mandat
descendrait à 6 % ou 7 % au maximum et il n'y avait même pas
l'envergure du bout de l'ombre de la conjoncture qu'on a actuellement. Comment
se fait-il qu'aujourd'hui on se contente de 9, 5 %? Oui, c'est dramatique. Oui,
je le décrie. Oui, je trouve ça inadmissible. On devrait
être à 7 % maximum, actuellement. D'ailleurs, l'Ontario a
réussi à le faire. Ils ne sont pas des génies, ces
gens-là, mais ils ont établi plusieurs mesures. Ils ont une
activité économique qui est plus forte que la nôtre, j'en
conviens, mais il reste que dans l'ensemble Us ont des mesures pour ce qui est
de la formation professionnelle, du recyclage de la main-d'oeuvre et en
matière de recherche et de développement. Ils ont de grandes
longueurs d'avance sur nous. C'est ça les mesures. Ce sont les mesures
qui sont prises maintenant qui vont avoir des répercussions dans un an,
deux ans, trois ans, et là rien n'est apporté pour corriger la
situation. Je vous garantis que vous ne serez pas capables de descendre en bas
de 9, 3 % ou 9, 4 % parce que cela va repartir sur l'autre bord. On est pris
avec une main-d'oeuvre qu'on ne peut faire travailler, non pas que ces gens ne
veulent pas travailler, il y a probablement une masse importante, environ 20 %
à 25 % de ces gens qui, demain matin, seraient prêts à
aller travailler mais ils n'ont pas la formation nécessaire. Je termine
là-dessus. L'engagement du premier ministre Bourassa, c'était de
ramener ça à 7 % et, avec la conjoncture qu'on a connue, il
aurait dû atteindre facilement cet objectif. (16 h 30)
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre des
Finances.
M. Parent (Bertrand): Je n'ai pas terminé. Le
Président (M. Lemieux): Je m'excuse.
M. Parent (Bertrand): Est-ce que j'ai terminé mon
temps?
Le Président (M. Lemieux): Non, cela va.
M. Parent (Bertrand): À ce sujet, il y a trois mois, il y
avait des engagements pris par le ministre des Affaires internationales et par
le ministre de l'industrie, du Commerce et de la Technologie concernant un
montant de 50 000 000 $ qui devrait se retrouver comme mesure de transition
dans le cadre du libre-échange. Cela aussi fait partie des mesures de
recyclage, de formation de la main-d'oeuvre. Où se retrouvent, dans le
budget, les 50 000 000 $ qui avaient été prévus? Si la
réponse est de dire: On les a quelque part dans la réserve au cas
où... Non, c'était convenu. On négociait avec le
gouvernement fédéral des sommes d'argent, ce que le ministre de
l'Industrie, du Commerce et de la Technologie m'a confirmé lors des
dernières études des crédits. Effectivement, il n'y avait
pas encore eu de montant de négocié à propos de l'accord
de libre-échange, même si en septembre 1987, dans ce même
salon, j'ai mis en garde le ministre de prendre des mesures avant le 1er
janvier 1989. On m'avait dit dans ce temps-là: Écoutez, vous
avez... C'était le 15 septembre 1987, ici au salon rouge. Le ministre de
l'Industrie et du Commerce, M. MacDonald, m'a dit à ce moment-là:
Écoutez, attendez, on n'est pas encore rendus là. Quand l'entente
de libre-échange rentrera en vigueur, nous aurons notre entente avec le
gouvernement fédéral pour qu'il puisse mettre son argent dans le
"pot" parce que les effets du libre-échange touchent
énormément le Québec. L'argent n'est pas là.
On est rendu, que je sache, à la fin de mai 1989. Cela fait cinq
mois que l'entente de libre-échange est en vigueur et il n'y a pas
d'argent de négocié avec le gouvernement fédéral.
Alors, le gouvernement provincial a dit: Je vais prendre mes
responsabilités. Bravo! Il y a eu des annonces en grande pompe, un
montant de 50 000 000 $ qui va être là pour aider les entreprises,
les employés et les employeurs. On ne le retrouve pas, par exemple, dans
les crédits. S'il est là et si je ne l'ai pas vu, je veux que le
ministre me l'indique. Cela me semble fondamental et important. Qu'on
arrête de se balader et de se promener avec la création d'emplois.
D'ailleurs, cette année, en 1989, on a une baisse d'au-delà de 20
000 à 25 000 nouveaux emplois par rapport à l'année
passée, et pour 1990... Je ne le sais pas, mais il y a des chances que
je ne sois plus là, peut-être que le ministre des Finances sera
encore là. Mais peu importe qu'on soit là ou qu'on n'y soit pas,
on a une job à faire ici, dans ce Parlement, et on doit prendre
aujourd'hui des mesures pour s'assurer que l'on crée des emplois. Cela
m'inquiète. Ce sont des questions auxquelles je voudrais avoir des
réponses, et peut-être pas dans une demi-heure. Peut-être
que je suis dur aujourd'hui, mais, à un moment donné, la
tolérance atteint son seuil, et je pense qu'on est en droit d'avoir des
réponses. Si on est dans les patates, qu'on nous le dise, mais on va le
savoir à la fin qui est dans les patates, parce que, là, des
réponses, on n'en a pas.
Concernant la création d'emplois et relié à
ça... Combien me reste-t-il de temps, M. le Président?
Le Président (M. Lemieux): Quatre minutes.
M. Parent (Bertrand): Je vais aborder rapidement le sujet
d'Hydro-Québec parce que c'est relié aux emplois et qu'on en
parle dans le budget. On dit en grande pompe, à la page 16 du discours
sur le budget, si ma mémoire est bonne, que le gouvernement entend faire
de grands travaux, pour 47 000 000 000 $ à Hydro-Québec, au cours
des dix prochaines années. Suivez-moi bien, M. le ministre. Si, au cours
des dix prochaines années, on a l'intention d'investir, comme vous le
dites ici - sur le plan praticopratique, on a fait l'exercice jusqu'au bout -
47 000 000 000 $, cela veut donc dire qu'on va y aller avec des investissements
qui seront de l'ordre de 4, 7 % environ, en moyenne, pour les dix prochaines
années. La Loi sur Hydro-Québec prévoit qu'on maintienne
le taux de capitalisation à 25 %, et ça, c'est le minimum. Or,
ça veut dire qu'Hydro-Québec devra donc investir, d'après
nos calculs, quelque chose comme 11 700 000 000 $ alors qu'actuellement
Hydro-Québec dispose de 3 500 000 000 $ de bénéfices non
répartis, d'après les calculs qu'on a. Si on enlève
ça des 11 700 000 000 $ qu'ils ont à investir, il reste donc 8
250 000 000 $ à Hydro-Québec, soit, divisés par dix ans,
825 000 000 $ par année qu'Hydro-Québec va devoir sortir de ses
coffres pour être capable de maintenir son taux de capitalisation et de
réaliser les projets qui sont mentionnés.
Or, Hydro-Québec a réalisé au cours de la
dernière année 619 000 000 $. De ça, le gouvernement a
demandé un dividende de 300 000 000 $, il reste donc 319 000 000 $,
d'après mes calculs, à Hydro-Québec. Comment
Hydro-Québec sera-t-elle capable, en moyenne par année, d'aller
chercher 825 000 000 $ de fonds autogénérés pour
être capable de garder son ratio à 25 % et de réaliser les
47 000 000 000 $ qu'il y a là? Je pense que c'est une réponse
importante pour moi, parce que, ces 47 000 000 000 $ sont des chiffres
projetés dans le temps, mais garrochés en l'air et difficilement
réalisables, à cause de la structure d'Hydro-Québec, des
contraintes qu'on a, et, pour moi, la faisabilité de ce projet est
impossible. Dans ce sens-là, on parle de gros chiffres, parce que
seulement lancer ces investissements et les relier à des emplois, puis
faire des projections dans l'avenir et de nous parler d'investissements majeurs
au Québec dans le secteur public, on s'appuie sur
Hydro-Québec.
Bien, 47 000 000 000 $ sur dix ans, je me pose de sérieuses
questions à partir des calculs que je vous fais, et j'aimerais aussi
avoir des réponses à ce sujet. Cela me semble fondamental,
lorsqu'on parie de création d'emplois et de grands projets au
Québec, surtout avancés par des sociétés
d'État.
À ma prochaine intervention, je vous parlerai aussi de recherche
et de développement, parce que ça aussi, c'est important.
Voilà, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre des
Finances.
Adaptation au libre-échange
M. Levesque: Pour revenir aux questions qui intéressent le
député de Bertrand, je vais aborder de nouveau la question de la
formation de la main-d'oeuvre, de l'adaptation au libre-échange, qui
reviennent constamment dans son vocabulaire.
Je pense que la première chose... Lorsque le député
de Bertrand parle de création d'emplois, il parle de promesses de 7 % de
chômage. L'engagement a été de faire en sorte d'atteindre
certains objectifs. Je me rappelle très bien que ces objectifs
étaient évalués en nombre d'emplois pour cinq ans,
à une moyenne annuelle de 80 000 emplois. Or, c'est ce qu'on a dit. Je
me rappelle fort bien des objectifs, ce ne sont pas des promesses, on ne peut
pas promettre des emplois comme on peut promettre de consacrer telle ou telle
somme à telle et telle fin, parce qu'il n'y a pas seulement le
gouvernement qui est responsable des emplois. Il peut, par ses politiques,
favoriser, comme le gouvernement actuel l'a fait, la création d'emplois,
mais on ne s'est pas engagés à employer les gens au nombre de 60
000 par année.
On a dit que nous aurions des politiques pour favoriser la
création d'emplois et que cela se traduirait, du moins dans les
objectifs que nous mettions de l'avant, par une création d'emplois de 80
000 par année, et nous l'avons fait. Si on n'avait pas réussi,
vous diriez qu'on avait les objectifs trop élevés. Si on avait
créé plus d'emplois, vous auriez dit que nos objectifs
étaient sous-évalués. Mais on est arrivés
exactement en conformité avec les objectifs que nous avions mis de
l'avant. Alors, je pense bien que le député de Bertrand devrait
féliciter le premier ministre de la justesse de ses prévisions et
de ses objectifs.
Ce qui est important, je pense, si on veut réellement
créer des emplois... Le député parie d'adaptation au
libre-échange, il parie de formation de la main-d'oeuvre, je suis pour,
mais il va admettre avec moi que ce qu'il y a de plus important encore pour
réussir la création d'emplois, c'est d'avoir un climat de
confiance pour amener les investissements créateurs d'emplois au
Québec. Des investissements créateurs d'emplois, cela ne se fait
pas sans un climat de confiance et il sera le premier, dans son for
intérieur, à admettre que l'arrivée du nouveau
gouvernement, en décembre 1985, apportait, avec lui ou avec elle si
c'est l'arrivée, cet espoir qui s'est traduit très vite par un
nouveau climat de confiance.
Un autre aspect qui est essentiel si l'on veut amener des
investissements au Québec, c'est l'assainissement des finances
publiques. Les investisseurs craignent, et souvent avec raison, un État
étouffé, un État qui ne peut pas faire en sorte de
satisfaire à ses obligations, un État qui, à cause
justement de finances qui ne sont pas saines, doit recourir à diverses
mesures qui sont de nature à contrer, au lieu de le stimuler, le
développement économique.
Et un autre aspect qui est corollaire du précédent, c'est
la compétitivité quant au fardeau fiscal et c'est là que
nous avons, encore une fois, favorisé les investissements au
Québec en faisant en sorte qu'aucun de nos concurrents ne puisse dire
aujourd'hui: N'allez pas au Québec, vous allez trouver là une
fiscalité décourageante.
Lorsque nous avons pris le pouvoir, quel était la
différence dans l'entreprise avec l'Ontario? Elle était de 9, 6 %
avec l'Ontario. Aujourd'hui, en 1989, elle est de 1, 3 %. Aujourd'hui, les
entreprises n'ont pas de raison de ne pas venir au Québec à cause
d'un manque de compétitivité dans le domaine de la
fiscalité faite aux entreprises. Au contraire, nous avons une situation
extraordinairement favorable pour l'implantation d'industries.
Donc, ce sont là des conditions qu'il ne faut pas sous-estimer
à mon sens, mais, au contraire, elles sont des conditions de base, des
conditions essentielles. Je ne nie pas qu'il y ait d'autres aspects qu'il faut
favoriser comme la formation de la main-d'oeuvre et l'adaptation au
libre-échange. Le député le sait, présentement,
nous n'avons pas ou pratiquement pas encore de ces situations qui pourraient
être appréhendées. Nous avons parlé de 50 000 000 $
additionnels - certainement, nous ne le nions pas - en faveur de l'adaptation
et cet engagement est d'allouer cette somme au fur et à mesure que les
besoins se feront sentir. (16 h 45)
Cela découle du fait que les ajustements au libre-échange
n'arrivent pas tous dans le même mois. Ils sont répartis sur une
période de dix ans, tout comme les besoins en matière
d'adaptation. Il ne faut donc pas se surprendre que, cinq mois après la
mise en application de l'accord, et six semaines après le début
de l'année financière du gouvernement, les crédits
alloués soient insuffisants pour répondre aux besoins. C'est
clair, il me semble que c'est élémentaire. On ne prend pas des
montants d'argent simplement pour le plaisir de la chose et on ne lance pas
ça comme cela dans le paysage simplement parce il existe une entente de
libre-échange et qu'il va se passer une période d'ajustement et
d'adap-
tation d'une dizaine d'années avant que certaines mesures se
réalisent. Nous sommes prêts. Nous l'avons dit: Nous sommes
prêts, dans les mois qui viennent, à engager 50 000 000 $, mais
attendons que les besoins se fassent sentir. Nous sommes prêts à
répondre à ces besoins, mais encore faut-il qu'ils se
manifestent. Nous avons déjà tellement de programmes. Les
consultations tenues par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, et celui de l'Industrie, du Commerce et de la
Technologie, auprès des entreprises comme des travailleurs, ont
clairement indiqué qu'il n'était pas nécessaire de mettre
en place de nouveaux programmes, mais bien plutôt d'améliorer
l'efficacité et l'accessibilité des programmes existants.
Le Président (M. Lemieux): En conclusion, M. le ministre
des Finances.
M. Levesque: M. le Président, je peux finir mes phrases,
toujours. Oui? Merci. Ainsi, la mise sur pied, et ensuite... Je ne veux pas
faire comme le député de Bertrand et me plaindre du temps que
vous mettez à ma disposition, parce que je trouve que vous suivez la
jurisprudence d'une façon exemplaire, mais je demande le consentement de
la commission, qui peut toujours être... D'ailleurs, le
député n'a qu'à demander le consentement et, vous savez,
on est assez généreux de ce côté. Ce matin, si on me
permet, lorsque le président va faire la compilation des choses, je suis
convaincu que le député de Bertrand va être
gêné. Il ne pense pas qu'il a parié autant qu'il a
parlé. Ce matin, j'ai passé par dessus des occasions de revenir
à la charge et il va s'apercevoir qu'il a parlé pas mal plus
longtemps que le temps qu'il a dit qu'il avait utilisé. J'essaierai, au
cours de l'exercice, de lui donner encore plus de temps, parce que je pense
qu'il est important qu'il puisse s'exprimer comme il le désire. Le
budget est tellement bon qu'il ne fait que s'enrichir à mesure qu'on le
commente. Je suis heureux de le voir. Parce que chaque fois que le
député de Bertrand le critique, ça m'amène, ainsi
que certains de nos collègues, à faire certaines corrections ou
mises au point qui nous permettent d'enrichir encore sa valeur
intrinsèque.
Cela étant dit, je reviens à ce que je disais, avec la
permission de la commission. Ainsi la mise sur pied des futures commissions
d'adaptation de la main-d'oeuvre permettra de répondre aux souhaits des
entreprises et des travailleurs en regroupant dans un guichet unique les
services offerts par le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
Finalement, je vais terminer avec ça, M. le Président,
pour profiter des possibilités offertes par le libre-échange, les
entreprises devront améliorer leur compétitivité en
investissant davantage dans la recherche et le développement. Je pense
que le député de Bertrand aime beaucoup parier de recherche et
développement. Il va trouver chez nous, au ministère, des
interlocuteurs valables pour l'automatisation et la modernisation des
équipements, de même que l'amélioration de la
qualité des produits. Je pense que je puis dire que le présent
budget alloue des sommes importantes en ces domaines. Je pourrais donner
d'autres chiffres, mais, probablement parce que mon temps est terminé et
que le député de Bertrand a indiqué qu'il voulait revenir
sur ces sujets, j'aurai l'occasion, je pense bien, d'apporter certaines
précisions sur les mesures fiscales favorisant les investissements dans
les nouvelles technologies.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances. M. le député de Saint-Louis.
M. Chagnon: Merci, M. le Président. Brièvement, je
suis sensible à ce que je pense être un problème vu du
côté du député de Bertrand quant à son temps
de parole au cours de cette commission. Je suis convaincu aussi, comme le
député de Bonaventure, que le député de Bertrand a
certainement pris plus de temps qu'il ne le pense. C'est un sujet captivant,
j'en conviens. Sans toutefois, évidemment, M. le Président,
renoncer à mes droits de parlementaire - je voudrais revenir, j'ai
d'autres choses à dire sur la question de la création d'emplois -
je céderai au député de Bertrand mes dix minutes
d'intervention à ce moment-ci.
Le Président (M. Lemieux): J'aimerais simplement faire
remarquer au député de Bertrand que je m'appuie sur la
décision de la commission de l'Assemblée nationale du 23 mai
1984. Je voudrais lui faire remarquer que ceux qui formaient la commission de
l'Assemblée nationale à cette époque-là,
n'étaient pas des membres du parti ministériel mais du Parti
québécois. À cette commission de l'Assemblée
nationale, il y avait les présidents, les leaders, les whips des partis,
et c'est l'entente dont on avait convenu. Quant à l'usage, il ne date
que de 1984 et il était basé sur trois éléments:
l'efficacité du travail parlementaire, la nécessité d'un
meilleur contrôle des finances publiques et la revalorisation du
rôle du député. C'est ce qui a fait que la commission de
l'Assemblée nationale en est venue à cette entente relativement
à l'organisation des travaux.
Maintenant, pour ce qui est de votre temps, vous avez eu quatre
interventions d'une durée totale d'une heure quinze minutes. M. le
ministre des Finances a eu sept interventions d'une durée totale d'une
heure trente-neuf minutes et les autres députés sont intervenus
pour trente-sept minutes. Lorsque vous comptabilisez le temps, vous constatez
qu'il y a une heure trente-neuf minutes et une heure quinze minutes. Alors, la
différence n'est pas tellement grande entre vous et M. le ministre des
Finances.
M. Parent (Bertrand): Ce n'est pas ça. Pour la formation
politique, vous additionnez le temps de tous les parlementaires.
Écoutez, quand on parle du partage du temps, c'est une question de
jugement. Quand on parle de la question de partage du temps, on parle de la
formation...
Le Président (M. Lemieux): Je veux bien essayer dans la
mesure où je suis capable...
M. Parent (Bertrand): En tout cas. On ne perdra pas une autre
heure sur une question. Il y a l'application des règles.
Le Président (M. Lemieux): C'est pour bien mettre les
points sur les i, M. le député de Bertrand. Dans la mesure
où je pourrais faire un partage du temps de 50-50, je le ferais.
M. Chagnon: M. le Président?
Le Président (M. Lemieux): Je ne peux pas faire ce partage
sans respecter le droit des parlementaires, qu'ils soient du côté
de l'Opposition ou du parti ministériel.
M. Chagnon: M. le Président, je tenais à faire
partie de la solution et non pas d'un problème. SI on s'embarque dans un
débat de procédure, je vais utiliser mon temps tout de suite pour
parler de la création d'emplois.
Le Président (M. Lemieux): Non, ça va. M. le
député de Bertrand, vous avez la parole. Simplement pour vous
dire que je vais procéder comme me l'a indiqué la commission de
l'Assemblée nationale le 23 mai 1984. Si un parlementaire du parti
ministériel demande la parole pour dix minutes, je suis en droit de lui
octroyer. M. le député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Exactement. Pour compléter sur ce
point, je vous dis qu'il y a les règles, les règlements et il y a
aussi le jugement du président. Je vous dis: Relevez ce qui s'est
passé depuis dix ans et vous verrez comment le temps s'est
partagé. Quand vous me donnez le décompte, on regarde la partie
gouvernementale ou ministérielle. Pour le ministre, de même que
les Interventions des députés à partir de ce que vous
faites depuis ce matin, une heure trente-neuf minutes plus trente-sept minutes,
ça fait une heure soixante-seize minutes. Que je sache, ça fait
deux heures seize minutes, et j'ai eu une heure quinze. Quand on dit un
rapport, ce n'est pas un rapport tout à fait égal, une heure
quinze minutes et deux heures quinze minutes. Cela étant dit, vous ferez
bien ce que vous voudrez. Moi, j'ai dit ce que j'avais à dire.
Concernant ce que je mentionnais tantôt, ce n'était pas en
l'air. J'ai demandé de faire sortir le journal Le Soleil pour le
bénéfice du ministre des Finances. Le 22 novembre 1985,
lorsqu'on parlait de chômage, on pariait de 6 % à 7 %, un
engagement formel du premier ministre. Il n'a pas garroché ça en
l'air. C'est un économiste. C'est un visionnaire. Mais il a vu à
côté et il va s'éloigner de son objectif à partir de
ça.
Je réitère et je comprends, de toutes les interventions du
ministre depuis la dernière heure, que je n'ai eu aucune réponse
sur les incitatifs fiscaux en ce qui concerne la formation de la main-d'oeuvre.
Il n'y en a pas. Il n'y a pas eu de réponse. Il n'y en a pas. C'est ce
que j'en conclus. En ce qui a trait à la main-d'oeuvre, formation de la
main-d'oeuvre, recyclage de la main-d'oeuvre avec le libre-échange, il
n'y en a pas non plus, c'est clair. Le ministre me dit: II n'y a pas urgence.
On verra en temps et lieu. C'est là qu'est le problème, le bobo
du gouvernement actuel. On attendra et on verra en temps et lieu. Lorsqu'est
arrivé le krach boursier, que s'est-il passé avec le
régime d'épargne-actions? On verra en temps et lieu. C'est
arrivé et on n'a pas réagi. Deux ans plus tard, ou un an et demi
plus tard, parce que cela s'est produit le 19 octobre 1987, si ma
mémoire est bonne, on est toujours en perte de crédibilité
par rapport au régime d'épargne-actions. Aucune compagnie n'est
capable d'aller sous ce régime, ou à peu près pas. Il n'y
a plus d'épargnants parce que les actions qui valaient 2 $ ne valent
plus que 0, 50 $ actuellement. Alors, la crédibilité... Il n'y a
pas eu de mesure immédiate pour regagner la confiance des gens et
ça, c'est important.
Vous me dites que, dans le cadre du libre-échange, on a un
montant de 50 000 000 $ qu'on mettra en temps et lieu. Premièrement,
j'aimerais que vous me disiez où se trouvent ces 50 000 000 $.
Deuxièmement, des mesures pour le libre-échange, cela veut dire
être capables, entre autres, de donner un coffre d'outils à des
entreprises pour qu'elles puissent se battre avec des compagnies
américaines.
Actuellement, c'est vrai qu'il y a beaucoup de programmes. Tantôt,
vous nous avez fait lecture d'un rapport qui a été produit.
Même si on confirme, au ministère de l'industrie, du Commerce et
de la Technologie, qu'il y a beaucoup de programmes, ils doivent être
réajustés, certains devront être annulés et de
nouveaux devront peut-être apparaître. Ce qui est important, ce
n'est pas le nombre de programmes, mais d'avoir la spécificité et
d'être capables de répondre aux besoins. Actuellement, les
programmes ne répondent pas de façon spécifique aux
besoins des nouvelles règles du jeu du libre-échange.
Si une entreprise, une PME québécoise, veut pouvoir
s'installer à Chicago ou a Boston pour être capable de
conquérir ce marché-là, on ne lui donne pas d'outils
additionnels par rapport à ce qu'on avait avant, et ça, c'est
important. C'est aujourd'hui, en 1989, qu'on va être capables de se
positionner sur les marchés américains ou de se défendre
ici contre les entreprises américaines qui vont nous envahir dans
certains domaines. C'est aujourd'hui qu'on doit être capables de
mettre des pied-à-terre pour pouvoir dire qu'en 1991, 1992 ou
1993, il n'y aura pas de pans de murs complets qui disparaîtront sur le
plan économique.
Je pense à certaines parties de l'industrie du meuble. Le
président de l'association des manufacturiers - qui était le
président de Shermag - est venu nous dire en trombe, en commission
parlementaire, je m'en souviens fort bien, il représentait toute
l'industrie du meuble: II n'y a pas de problème, il n'y a pas de danger,
au lieu de dix ans de transition, on va prendre cinq ans, on va en parler du
libre-échange et on va s'en reparler dans les prochains mois et dans les
prochaines années. Il s'est mis le doigt dans l'oeil, M. le
président de Shermag, pas pour son entreprise, il en a une grosse et il
avait déjà conquis une partie du marché américain,
mais allez voir les petites entreprises. J'en ai rencontré plusieurs ces
derniers mois. Elles ont des problèmes et elles s'aperçoivent de
ce qui est en train de se passer. Le gouvernement du Québec doit faire
quelque chose. Pourquoi le ministre de l'Industrie et du Commerce jure-t-il,
dur comme fer, qu'il n'y a pas de problèmes et qu'il prendra les
mesures? Les mesures ne sont pas là.
Recherche et développement
Concernant la recherche et le développement. Là, c'est le
gâteau au complet. Je vais seulement reprendre la présentation du
ministre dans son discours sur le budget de l'année dernière
concernant les mesures pour la recherche et le développement. Je vais
trouver cela dans la minute. L'année passée, on nous
annonçait des mesures, avec tout ce qui enrobait cela. On parlait de 1
800 000 000 $ pour les mesures concernant la recherche et le
développement. Lorsqu'on allait voir dans l'annexe, on pouvait constater
que sur les 1 800 000 000 $ on était loin de la coupe aux lèvres.
On s'apercevait que ce n'étaient que quelques millions de dollars, pour
ne pas dire des centaines de millions.
Cette année, le ministre nous arrive en grande pompe et, dans son
discours sur le budget, nous fait une excellente présentation. Juste
avant, on va terminer sur celui de l'an dernier. À la page 23 du
discours sur le budget de l'année dernière, lequel fut
prononcé plus précisément le 12 mai 1988: 1 824 000 000 $
en appui à la recherche et au développement au cours des cinq
prochaines années. C'était beau, cela, sauf qu'en allant voir
à la page 93 de l'annexe on lisait que le montant de 1 800 000 000 $
comprenait des mesures déjà existantes. Attention, il ne faut pas
montrer des choses aux gens... J'appelle cela faire du gros "surfing" et ce
n'est pas tout à fait correct. (17 heures)
L'année passée, dans le discours sur le budget, il y avait
1 300 000 000 $ qui étaient dans l'annexe en petit: Programmes et
mesures existant avant 1987. Au bout de la ligne, sur les cinq prochaines
années... Ce sont des choses qui sont déjà dans la
machine, on le sait: 1 300 000 000 $. Les nouvelles mesures d'aide
gouvernementale, ce qu'on appelait les nouvelles initiatives, il y en avait
pour 516 000 000 $ sur cinq ans. C'était fort, 1 800 000 000 $ parce
qu'en réalité, ce n'était que 500 000 000 $. Cette
année, le ministre a trouvé le truc bon, parce que cela avait
jeté beaucoup de poudre aux yeux. Cela m'avait épaté, 1
800 000 000 $. Cette année, dans le discours sur le budget, on voit que
le ministre a pris de l'envergure, il est rendu à 3 000 000 000 $.
Alors, dit-il, et je vais le citer de façon que je ne sois pas mal
interprété. Au bas de la page 10, il dit: "C'est près de 3
000 000 000 $ qui seront investis en recherche et développement dans le
secteur public québécois, et ce, pendant les cinq prochaines
années. " C'est ça la nouvelle, à la page 10, les deux
dernières lignes, pour le député de Saint-Louis, pour
qu'on suive comme il faut.
Alors, on va aller voir dans les annexes. Si ma mémoire est
bonne, à l'annexe E, page 8, on explique ces 3 000 000 000 $. On
s'aperçoit que les nouvelles mesures en recherche et
développement... On parle de nouvelles initiatives dans le discours sur
le budget 1989-1990. C'est marqué 120 000 000 $ sur cinq ans. Pourquoi
le ministre des Finances n'a-t-il pas annoncé tout simplement qu'il y en
aurait pour 120 000 000 $ au cours des cinq prochaines années? Dans les
24 heures qui ont suivi, cela a pris un certain tempo et cela a fait dire
à certains analystes, à certains chroniqueurs, à certains
éditorialistes: Écoutez, ils ont fait un effort majeur en
recherche et développement. Sauf, qu'il fallait gratter un petit plus
loin. Cela n'a pas tardé, deux jours plus tard, on a eu l'avis du
Conseil de la science et de la technologie: Rien de neuf pour appuyer le
développement technologique. Ils ne doivent pas être des "deux de
pique", c'est gens-là, Ils ont été nommés par le
gouvernement. Maurice Labbé est président du Conseil de la
science et de la technologie et il relève directement du ministre de
l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie. Il doit
savoir de quoi il s'agit. Il dit: Vous renforcez certaines mesures d'incitatifs
fiscaux dont on vous a dit déjà, l'an passé, qu'elles
n'étaient pas nécessairement bonnes. J'appelle ça jeter de
la poudre au yeux. Augmenter, supposément sur papier, des incitatifs
fiscaux, mais cela peut être augmenté ad vitam aeternam, on peut
en mettre pour plusieurs centaines de millions. Si cela n'apporte pas les
résultats escomptés, cela ne veut rien dire. Cela veut dire que
si les investisseurs... Le plus bel exemple est dans le domaine minier. Tu
auras beau passé de 133 % à 166 % d'incitatifs fiscaux, si la
mesure n'est pas coercitive avec le gouvernement fédéral, le
résultat net c'est que les gens n'embarquent pas là-dedans.
En matière de recherche et développement, il y a un
problème au sujet des incitatifs fiscaux et au sujet de la façon
de faire pour encourager
l'entreprise à faire de la recherche et du développement.
Il y a un problème grave. Tous les rapports du Conseil de la science et
de la technologie des trois dernières années, que j'ai pu lire
d'une couverture à l'autre sont très clairs là-dessus. En
matière de recherche et de développement, on est en
arrière, on doit faire de la récupération. C'est
important. La recherche et le développement, c'est devenu une marotte
chez moi. Je suis maintenant convaincu que si on n'Investit pas ce qu'il faut
maintenant dans cela et qu'on ne prépare pas les entreprises... C'est ce
qui va faire qu'on va être compétitifs ou non, dans cinq, sept ou
dix ans. C'est ce qui va faire que si on est capables de pousser nos
produits... Les produits qui existent actuellement, que ce soit des produits de
consommation ou tout autre produit fabriqué ici au Québec, les
statistiques disent que dans sept ans d'Ici environ ils seront disparus. Ce qui
existe sur la façon ou le concept actuel, dans sept ans d'ici en
moyenne, ce sera disparu. Il faut que tu aies de nouveaux concepts, de
nouvelles façons de créer des produits, de nouveaux designs, de
nouveaux matériaux qui entrent à l'intérieur de ça.
Tout ça pour illustrer à quel point c'est important, la recherche
et le développement. Si le gouvernement n'a pas compris ou s'il a
compris que sa façon à lui, c'était de parier des 3 000
000 000 $... Les 3 000 000 000 $, il faut le faire... Je vais revenir à
l'annexe E, page 8. Dans les 3 000 000 000 $, j'ai essayé de concilier -
et j'aimerais que le ministère des Finances me fournisse d'ici la fin de
cette session, c'est-à-dire d'ici mardi soir, avant de terminer notre
étude...
Le Président (M. Lemieux): En conclusion, M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): C'est la dernière commande que je
passe, pour être respectueux du temps. J'aimerais qu'on me fasse la
comparaison entre le montant de 1 800 000 000 $ annoncé l'année
passée et les 3 000 000 000 $ de cette année, c'est-à-dire
qu'on soit capables de me sortir... L'année passée, on
annonçait 1 800 000 000 $ sur cinq ans et cette année, c'est 3
800 000 000 $ sur cinq ans. Est-ce que la politique du faire faire
d'Hydro-Québec de l'an passé qui est là cette année
pour 495 000 000 $... Qu'est-ce qui fait la différence entre
l'année passée et cette année? Quelles sont vraiment les
nouvelles mesures de cette année par rapport à ce qui a
été annoncé l'année passée?
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre des
Finances.
M. Levesque: M. le Président, le député de
Bertrand pose diverses questions. Il serait peut-être mieux de poser des
questions que de faire des affirmations et ensuite aller chercher les
réponses, parce que quelqu'un qui lirait le Journal des
débats, connaissant la crédibilité du
député de Bertrand, serait porté à croire ce qu'il
lit, alors que le député de Bertrand dit ces choses sujettes,
dans son esprit, à ce que nous lui apportions des
éclaircissements ou un éclairage de sorte qu'il puisse corriger
son impression. Mais je crains que le député de Bertrand ne
revienne pas sur ce qu'il a dit. Il va dire merci et il va passer à
autre chose. Il se serait inscrit peut-être dans des
demi-vérités ou des choses pas tout à fait exactes. Je ne
le blâme pas, parce que je crois qu'il est de bonne foi. Prenons par
exemple la question d'Hydro-Québec. Il est clair que le
député de Bertrand se demande comment on peut arriver avec un
taux d'autofinancement pour les prochaines années avec des
investissements de cette nature.
Je n'ai pas l'intention d'entrer dans tous les domaines sectoriels. Le
député de Bertrand va comprendre que la discussion d'un budget
peut nous amener à discuter de presque n'importe quoi. Et je n'ai pas
évidemment la prétention de posséder la science
universelle ou infuse. C'est pourquoi je laisserai à mes
collègues des différents ministères le soin d'aller en
profondeur dans les questions qu'il aborde. Que ce soit dans les questions de
la santé, de l'environnement, des transports ou même les questions
qui touchent les sociétés d'État, il y a des ministres
responsables de ces politiques qui seront en mesure de répondre d'une
façon beaucoup plus adéquate, beaucoup plus en profondeur et
beaucoup plus en détail de ces politiques.
Cependant, à première vue, j'aimerais réagir aux
inquiétudes du député de Bertrand relativement à
l'autofinancement d'Hydro-Québec. Il y a une chose que Je note et que le
député de Bertrand n'a pas abordé dans ses calculs ou ne
semble pas avoir touché, c'est l'amortissement considérable, en
plus des profits. Et pour l'an dernier, j'avais reçu l'information qu'il
s'agissait d'une somme de l'ordre de 900 000 000 $, en 1988. Alors, je pense
qu'on doit en tenir compte.
Il y a aussi l'évolution prévisible des tarifs, et on sait
que la politique, du moins la politique suivie de notre temps... Je ne parle
pas du temps de nos prédécesseurs, parce qu'il y a eu des moments
où l'augmentation des tarifs a été très
élevée. Il y a eu des exemples de donnés à
l'Assemblée nationale qui étaient assez percutants. Si on s'en
tient aux dernières années, cela a été beaucoup
plus près du taux d'inflation. Cependant, une augmentation de tarif a eu
lieu chaque année, justement pour tenir compte de ce taux d'inflation
dont on doit tenir compte quand on parle d'autofinancement.
Il y a également la volonté d'Hydro-Québec
d'augmenter la rentabilité de ses activités à un niveau
qui dépasse de 10 % l'avoir de l'actionnaire. C'est pourquoi on peut
dire que le taux d'autofinancement des immobilisations est supérieur
à 30%. Les travaux envisagés dans le programme d'investissements
sont, d'après nous, parfaitement réalistes dans le cadre
financier
d'Hydro-Québec mais, encore là, je n'ai pas l'intention
d'entrer dans cette discussion en détail. J'ai simplement voulu rappeler
certains faits. Je laisse au député le soin d'aller plus en
profondeur avec mes collègues sectoriels dans les divers aspects de ces
questions.
Un autre sujet que le député de Bertrand a abordé,
la recherche et le développement. Il voulait concilier certains
chiffres, je pense. Depuis l'an dernier, on parlait de 1 800 000 000 $, si ma
mémoire est fidèle, et il s'est ajouté une somme de
l'ordre de 1 200 000 000 $ pour arriver à peu près à 3 000
000 000 $. Le député essayait de concilier, si j'ai bien compris,
le discours de cette année avec celui de l'an dernier. Il est vrai que
c'était de l'ordre de 1 800 000 000 $ et que cette année il s'est
ajouté une somme de 1 200 000 000 $. Comment arrive-t-on à ces
choses? Il y a les nouvelles mesures fiscales, en 1989-1990, 120 000 000 $; le
Fonds de développement technologique qui a été
annoncé lors du sommet de la technologie à Montréal, 300
000 000 $. La politique de faire faire d'Hydro-Québec qu'a
mentionnée le député de Bertrand s'est ajoutée
également. On n'avait pas les chiffres, on les a maintenant, ce serait
plutôt de l'ordre de 495 000 000 $. Il y a des budgets plus
élevés dans d'autres programmes reliés à la
recherche et au développement pour cette année, 235 000 000 $.
Cela correspond au montant de 1 200 000 000 $ qui s'est ajouté au
montant de 1 800 000 000 $. Ce sont, du moins, les informations que l'on m'a
fournies. Encore là, si on veut en discuter en profondeur avec le
ministre délégué à la Technologie, il pourra
beaucoup plus commenter que je ne le puis moi-même. Il faut bien
comprendre que nous avons des discussions avec nos collègues au moment
de la fabrication d'un budget, mais qu'il faut respecter, pas seulement
jusqu'à un certain point, les responsabilités
ministérielles de nos collègues qui peuvent, à
l'intérieur de leur enveloppe, prendre des décisions qu'ils
jugent à propos et qu'ils soumettent, évidemment, pour
approbation aux instances appropriées.
Le Président (M. Lemieux): Avez-vous terminé, M. le
ministre des Finances?
M. Levesque: Je ne sais pas s'il y a d'autres questions qui ont
été abordées, mais je pense que c'étaient les deux
principales que le député de Bertrand avait abordées. (17
h 15)
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le
député de Saint-Louis.
M. Chagnon: Je vous remercie, M. le Président. Tout
à l'heure, j'ai évoqué rapidement, pour le
bénéfice du député de Bertrand et aussi pour le
souvenir de tous les membres de cette commission, qui, c'est normal, ont pu
oublier, les lignes directrices du discours d'ouverture annon- cées par
la vice-première ministre au moment de l'ouverture de la première
session de la 33e Législature, en décembre 1985. On disait, dans
ce discours d'ouverture, M. le Président, qu'il n'y a pas de
progrès social ou culturel qui pouvait s'appuyer sur autre chose que le
progrès économique. On a aussi dit, à ce moment-là,
qu'un gouvernement libéral privilégierait l'entrepreneurship sous
toutes ses formes.
Il y a six lignes directrices, m'apparaît-il, sur le plan du
développement économique qu'on retrouve dans le discours
d'ouverture de décembre 1985. La première, c'est d'encourager la
formation de nouvelles entreprises locales et de faire en sorte d'attirer des
entreprises étrangères. On est obligé de constater,
après trois ans et demi de gouvernement libéral, que la commande
s'est réalisée. Le nombre de nouvelles entreprises locales
petites et moyennes qui ont démarré depuis le début de
l'année 1986 a dépassé tout ce qu'on a pu connaître
au cours des années antérieures. Non seulement il l'a
dépassé, mais le nombre de fermetures et de faillites a
diminué, parce qu'on sait que ces entreprises ont de la
difficulté à passer le cap de la deuxième année. Le
nombre de faillites et de fermetures de ces entreprises a diminué par
rapport à tout ce qu'on avait connu au cours des dix années
précédant 1986.
Pour les grandes entreprises, on a parlé tout à l'heure
des alumineries. On sait qu'il y a des projets comme Montupet, pour lequel il y
a un montant de 125 000 000 $ ou 130 000 000 $. Quatre grandes alumineries ont
été annoncées pour au-delà de 4 000 000 000 $
d'investissements. Avec Glaverbel ici dans la région de Québec,
il y en a une tonne. Dans le comté du député de Bertrand,
Himont, la semaine dernière, a annoncé un investissement de 35
000 000 $ à Varennes. À Bourcherville, le parc industriel est
à peu près plein. Sur la rive sud, il y a eu
énormément d'investissements. Il y en a eu à
Montréal. Donc, de nouvelles entreprises ont été
créées et se sont implantées au Québec
représentant des milliards d'investissements depuis les trois
dernières années et demie. Ce sont des records d'investissements
dans les entreprises du Québec.
Deuxième ligne de conduite économique. On a dit qu'il
fallait alléger la fiscalité québécoise
comparativement à la fiscalité des provinces qui nous entourent,
particulièrement l'Ontario. Il faut alléger la fiscalité
non seulement des entreprises, mais également celle des individus. Or,
au moment de l'étude du mini-budget de 1985, il y avait un écart
autour de 10, 5 % d'impôts payés en plus au Québec par les
individus par rapport à l'Ontario et 9, 6 % par les entreprises. Qu'en
est-il 40 mois plus tard? L'écart pour les entreprises a diminué
de 9, 6 % à 1, 3 % à la suite du dernier budget du gouvernement
de l'Ontario et l'écart défavorable pour les individus est
passé de 10, 5 % à environ 1, 5 %. C'est énorme en ce qui
a trait à la volonté de ce gouvernement de
faire de la captation et de la rétention d'entreprises. On est
obligés de voir les évidences comme elles sont. Cela a
été aussi réussi.
La troisième ligne directrice sur le pian économique a
été celle d'encourager la recherche et le développement
technologiques. On sait aujourd'hui que cela a été une
préoccupation constante du gouvernement et même de l'Opposition.
Je me souviens qu'effectivement le député de Bertrand, à
au moins deux occasions, s'est joint au gouvernement pour faire en sorte que la
loi C-22, par exemple, du gouvernement fédéral soit
adoptée. Ça a créé pas loin de 200000000$ à
300000000$ d'investissements à court terme en matière de
recherche et de développement, strictement dans le domaine
pharmaceutique. L'Agence spatiale, avec le concours des gens les plus
dynamiques de la région de Montréal, a finalement atterri dans la
cour arrière du député de Bertrand.
La recherche et le développement technologiques, par des
incitatifs fiscaux, a certainement été à l'avant-garde,
même de plusieurs provinces canadiennes. Il s'en est fait plus ici, toute
proportion gardée, qu'il s'en est fait, même en Ontario. La
difficulté en ce qui concerne ta R & D, ce n'est pas de les faire au
niveau de l'entreprise, puisqu'on est en train de bâtir les moyens pour
supplanter pas mal de monde au Canada, mais c'est au sujet de la recherche
fondamentale dans le milieu universitaire. À cet égard, il y a
une réponse, il y a eu une amélioration dans le budget, en
ajoutant 6 000 000 $ dans le fonds FCAR pour des chercheurs qui vont faire de
la recherche fondamentale et qui vont donc voir la recherche appliquée,
reprise à partir de la recherche fondamentale qui sera faite.
La quatrième ligne directrice de la politique économique
du gouvernement du Québec est certainement de faire en sorte d'accorder
des moyens aux régions, parce que c'est là où on retrouve
les poches de pauvreté et les poches de chômage les plus
importantes, dans les régions excentriques du Québec. Le ministre
des Finances en sait quelque chose, II est depuis 33 ans député
de Bonaventure, un milieu spécifiquement rattaché à des
industries d'ordre primaire: forêts, pêches, mines. Ces
régions ont vécu et connaissent encore des problèmes
majeurs d'emploi. Alors il nous fallait accorder aux régions les moyens
d'assurer la responsabilité de leur développement. On sait qu'on
a réussi, il n'y a pas très longtemps, à négocier
une entente, l'entente EDER, avec le gouvernement fédéral pour
investir près de 900 000 000 $ en région pour des actions
structurantes sur le plan économique. Il y aura une nouvelle papeterie
à Matane; la papeterie ITT de Port-Cartier fermée de 1980
à 1985 a été rouverte en 1986. Il y a un tas d'autres
moyens dans les régions, qui doivent faire en sorte qu'elles assument
leurs propres responsabilités de développement.
La cinquième ligne directrice a été une forte
volonté politique gouvernementale de remédier au problème
de la carence d'emploi chez les jeunes. Quand on regarde les statistiques, le
taux de chômage chez les jeunes était de 21, 4 % en 1984-1985. Les
toutes dernières statistiques démontrent qu'on est passé
de 21, 4 % à 13, 4 % en avril 1989. C'est un taux de chômage trop
élevé. Je partage l'avis du député de Bertrand
à ce sujet, c'est trop élevé. Mais ce sont les chiffres
les plus bas que l'on connaisse dans cette strate de la population, les jeunes
de moins de 25 ans. Ce sont des chiffres les plus bas, pas de mémoire
d'homme, mais de mémoire de statistiques. Depuis le temps qu'on compile
des statistiques, c'est le niveau le plus bas qu'on ait connu. C'est
drôlement encourageant, parce qu'entre autres, effectivement, une bonne
partie de la jeunesse québécoise est mieux formée
aujourd'hui qu'elle ne l'était il y a 10, 15 et 20 ans. Il y a encore
des trous majeurs en ce qui concerne la formation professionnelle, et c'est la
conséquence d'un manque de volonté, de capacité politique
des anciens ministres de l'Éducation de réformer l'enseignement
professionnel. Dix ans de végétation en ce qui concerne la
réforme de l'enseignement professionnel au Québec. On paie pour
cela aujourd'hui et on va payer encore dans quelques années.
La sixième ligne directrice dans le discours d'ouverture de 1985
a été celle de la volonté politique manifestée par
le gouvernement de créer 400 000 emplois en cinq ans. Qu'en est-il de
cette dernière volonté politique, de cette dernière
orientation économique? En 1986-1987, 62 000 emplois ont
été créés au Québec. En 1987-1988, 122 000
emplois ont été créés. En 1988-1989, 86 400
nouveaux emplois. Le taux de chômage a dégringolé: 11. 8 %
en 1985-1986, 11 % en 1986-1987, 10, 3 % en 1987-1988, 9, 4 % en 1988-1989.
C'est trop fort, 9, 4 %, on en convient encore, on aimerait mieux le voir
à 3 %, 2 % ou 1 %. On aimerait mieux le voir disparaître. Il n'en
demeure pas moins que l'effort gouvernemental pour les trois dernières
années... Je connais le député de Bertrand, ce n'est pas
un esprit partisan et un esprit à oeillères. Je sais qu'il doit
s'attacher, probablement, pour ne pas...
Le Président (M. Lemieux): En conclusion, M. le
député de Saint-Louis.
M. Chagnon:... féliciter ce gouvernement parce qu'il est
dans l'Opposition. Si, au-delà des discours partisans, il faisait la
proposition à cette commission de féliciter le ministre des
Finances et de féliciter le gouvernement actuel pour ses performances
économiques des trois dernières années et demie, je serais
le premier, je vous le dis à l'avance, à appuyer cette
motion.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre des Finances,
avez-vous des commentaires?
M. Levesque: J'aurais sûrement des commentaires, mais
ça me gêne un peu. Je ne veux pas déranger le
député de Bertrand parce qu'il aime bien parler et on aime bien
l'écouter. Je vais simplement dire un mot. Je vais m'abstenir de parler
de l'intervention fort pertinente du député de Saint-Louis,
justement pour essayer, comme ce dernier l'a indiqué, d'ailleurs, de
composer avec le député de Bertrand, pour montrer notre bonne
volonté. Alors, il y avait deux questions qui préoccupaient le
député de Bertrand antérieurement. Il a parlé de
recherche et développement. Il a parlé du déficit et des
besoins financiers. Sur la question du déficit et des besoins
financiers, il est vrai que les prévisions triennales du gouvernement
montrent que le déficit budgétaire diminuera un peu moins au
cours des prochaines années, alors que les besoins financiers nets
diminueront, eux, de façon plus importante. Je n'ai pas à
rappeler tous les chiffres que le député de Bertrand
connaît bien. Cela l'a amené à se poser la question:
pourquoi ces choses? Le phénomène est attribuable à
l'évolution des composantes des opérations non
budgétaires. Placements, prêts et avances. Lorsque le gouvernement
investit dans ses sociétés d'État - c'est le cas - ses
besoins de financement sont augmentés.
Quant au régime de retraite, dans les dépenses
budgétaires du gouvernement sont incluses ses contributions à
titre d'employeur au régime de retraite des employés des secteurs
public et parapublic. À ce propos, vous savez que les contributions
d'employeur sont assez importantes. Ce sont nos prédécesseurs...
D'ailleurs, je pense bien que M. Garneau et M. Parizeau ont tous les deux fait
en sorte de tenir compte des obligations du gouvernement vis-à-vis de
ces fonds de retraite. Maintenant, ces contributions sont calculées. Si
ce n'était de ces contributions, peut-être qu'on n'aurait plus de
déficit, parce qu'elles sont considérables. En contributions
d'employeur, en 1990-1991, on va être rendu à 2 683 000 000 $, en
1991-1992, à 2 960 000 000 $. La contribution comprend le service
courant des employés, le service passé, l'amortissement du
déficit actuariel des régimes de retraite, les
intérêts sur le compte des régimes de retraite. Cette
contribution constitue une dépense qui ne donne pas lieu à un
déboursé car le gouvernement l'inscrit à son passif. Il y
a déboursés lorsque des prestations de retraite sont
versées. L'écart entre les contributions et les prestations
constitue une source de financement pour le gouvernement. C'est le surplus du
compte non budgétaire des régimes de retraite. Étant
donné que les contributions du gouvernement aux régimes de
retraite et particulièrement les intérêts à payer
sur le solde sont en croissance, le surplus du compte des régimes de
retraite est également en croissance: en 1989-1990, 1 370 000 000 $, en
1990-1991, 2 016 000 000 $, en 1991-1992, 2 232 000 000 $. Ce surplus
réduit donc les besoins financiers nets du gouverne- ment. C'est
l'explication.
Un troisième élément qui affecte les besoins
financiers nets, c'est la variation des autres comptes. Mais c'est moins
spectaculaire que ce que je viens de mentionner. En conclusion, la diminution
des besoins financiers nets du gouvernement au cours des prochaines
années découle en grande partie de l'évolution de ses
dépenses à l'égard des régimes de retraite de ses
employés. Ces dépenses ne requièrent pas de
déboursés. En conséquence, le déficit qui comprend
ces dépenses... (17 h 30)
J'ai dû corriger le député de Bertrand, ce matin,
qui n'avait peut-être pas saisi. Mais ces dépenses, encore une
fois, ne requièrent pas de déboursés. En
conséquence, le déficit qui comprend ces dépenses reste
à peu près stable, il diminue moins vite, alors que les besoins
financiers nets ont tendance à diminuer. Il est à noter que ce
faisant le gouvernement fait montre d'une grande rigueur puisque cela signifie
qu'il tient compte, dans ses dépenses, de l'ensemble des engagements
qu'il prend à l'égard des régimes de retraite de ses
employés. La diminution des besoins financiers nets garantit qu'il
disposera des sommes suffisantes dans l'avenir pour verser les prestations de
retraite à ses employés.
La deuxième question abordée par le député
de Bertrand m'amène à lui signaler - et je serai très bref
pour lui permettre de reprendre la parole - qu'à l'annexe E du discours
sur le budget... J'attire son attention. Je sais qu'il a lu tout cela, parce
qu'il demande quelquefois: Qu'est-ce que veulent dire vos mesures dans la
recherche et le développement, R & D? Qu'est-ce que vous faites? Je
lui suggère l'annexe E, comme dans Édouard, à la page 12.
Il y a là un tableau de comparaison des seuils de rentabilité
correspondant à une dépense de 100 $ en R & D selon
différentes juridictions pour la grande entreprise de fabrication. On
voit là des choses percutantes. Pour le Québec, vous avez les
tableaux Recherche en entreprise et Recherche en milieu universitaire ou
Recherche précompétitive. Cela coûte encore moins cher pour
les entreprises qui investissent dans la R & D avec nos mesures fiscales.
On voit pour le Québec 69, 54 $, pour la recherche en entreprise et 43,
42 $, c'est ça le coût, lorsque la recherche est en milieu
universitaire ou précompétitive. Comparativement à ces
chiffres, 69 $ et 42 $, en Ontario, ce sont 74, 83 $ et 74, 83 $, mais, au
Massachusetts, ce sont 98 $, 99 $, au Michigan, 97 $ et 98 $, New York, 97 $ et
98 $. On voit, d'une façon très claire - il me semble que
ça saute aux yeux - que pour la grande entreprise, c'est beaucoup plus
intéressant d'investir dans la recherche et le développement ici
au Québec que n'importe où ailleurs dans les milieux
compétitifs.
Je voulais simplement attirer l'attention du député de
Bertrand et de la commission sur l'importance des mesures que nous avons
mises
de l'avant dans la recherche et le développement.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des
Finances. M. le député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Je vais commencer par la fin, ce qui est
frais à notre mémoire, E, page 12, comme dirait le ministre, un
tableau renversant. Vous savez, M. le ministre, il est vrai que dans la grande
entreprise on peut avoir des taux compétitifs et on a les moyens, parce
que la recherche et le développement, ce n'est pas quelque chose de
théorique, c'est de l'application. Et en matière de grande
entreprise, le député de Saint-Louis mentionnait tantôt la
compagnie Himont, qui a décidé d'investir, dans mon comté,
des sommes additionnelles importantes en recherche et développement.
Quand Himont décide d'investir ou quand Pratt et Whitney, des noms bien
connus, décide d'investir, elles ont les moyens de le faire et elles ont
compris, ces grandes entreprises, l'importance de la recherche et du
développement. Au Québec, la structure que nous avons, c'est une
structure où l'ensemble des entreprises québécoises,
à plus de 80 %, sont des PME. Ce que ce tableau dit, c'est: Oui, si tu
le fais, ton coût est plus bas ici qu'ailleurs. Là où est
le problème, c'est que nos PME québécoises, nos petites et
nos moyennes, non pas les petites petites, à la minute qu'elles prennent
une certaine envergure, la plupart, le bloc important des 75 % de nos
entreprises québécoises n'ont pas compris et n'ont pas
l'incitatif, la mesure à leur portée. On leur donne un habit tout
fait, lequel fait surtout à la grande entreprise. Je suis content que le
ministre apporte ça, parce que c'est exactement là un des
problèmes. M. Maurice Labbé - et pas seulement lui, un autre
spécialiste, M. Raymond Fortier, je ne le connais pas, associé en
fiscalité chez Caron Bélanger Woods Gordon - un
spécialiste des questions fiscales reliées à la recherche,
ce qu'il dit, c'est que les mesures qu'on a là ne s'adaptent pas
à l'ensemble des entreprises québécoises actuelles et que
cela ne répond pas aux besoins.
D'ailleurs, à la suite de ce que le ministre mentionne, à
la suite du budget de l'année passée, le montant de 1 800 000 000
$ annoncé sur cinq ans, j'aimerais beaucoup poser une question pour
qu'on puisse me répondre, si possible, avant mardi en fin de
journée. Dans le montant de 1 800 000 000 $ annoncé
l'année passée, il y avait la première année,
1988-1989. Donc, on a terminé le 31 mars 1989. Je me
réfère à l'annexe A, page 93 de l'année
passée, pour qu'on ait tous la même référence. La
première année, les mesures existantes, II y en avait pour 254
000 000 $, ce que ça devait coûter, et les nouvelles initiatives,
87 000 000 $. Donc, l'aide gouvernementale totale en recherche et
développement, l'année passée, 341 000 000 $, c'est ce qui
était prévu. J'aimerais savoir, pour mardi, si c'est possible, de
ces 341 000 000 $ qui étaient prévus au 31 mars 1989, combien on
en a vraiment dépensés, et j'aimerais en avoir la
répartition, la ventilation. Là, je ne présumerai pas
d'avance, mais pour avoir bien compris la dynamique qui se passe de ce
côté - je le porte à l'attention du ministre et j'essaie de
le faire de façon constructive - là où cela fait
défaut, c'est que je suis passablement persuadé, et on le verra
mardi, que ces 341 000 000 $, on ne les a pas dépensés, et de
loin. Donc, on annonce des mesures, on prévoit des choses, mais le
résultat net, c'est que l'incitatif, l'encouragement n'est pas au bon
endroit, il ne fait pas son effet et, en conclusion, on n'a pas à
dépenser autant d'argent.
C'est ce qui fait qu'on prend un recul par rapport à l'Ontario au
cours des années et qu'en matière de recherche et de
développement on n'a pas les bons instruments. Je trouve que l'analyse
que le Conseil de la science et de la technologie a faite là-dessus
était vraiment pertinente. Je réinvite le ministre des Finances,
je l'ai fait auprès du ministre délégué à la
Technologie, je vais y revenir encore, à vraiment scruter à fond
l'analyse critique qui est faite des programmes existants et les raisons pour
lesquelles cela ne fonctionne pas, parce que, suivant la mesure qu'on prend, la
réaction du milieu... C'est comme le boni pour le troisième
enfant, on l'annonce, on prévoit que cela donnera tel impact et on le
projette dans le temps, au bout d'un an, mais on ne pouvait pas le mesurer. Le
temps que le monde réagisse et fasse des petits, je comprends que se
sont passés neuf ou douze mois.
Ce que je veux dire c'est qu'il y a déjà eu des mesures
d'annoncées il y a plus d'un an ou il y a un an et, si on regarde les
résultats aujourd'hui, on est déjà en mesure de dire si on
est sur la bonne piste ou non. Ce que le Conseil de la science et de la
technologie nous dit, c'est qu'on n'est pas sur la bonne piste. Quand MM
Maurice Labbé et Raymond Fortier disent... Malgré toute l'emphase
qui est mise par le ministre des Finances sur les mesures d'aide à la
recherche, le gouvernement a simplement amélioré ce qui existait
déjà, croit M. Labbé. C'est une bonification des anciennes
mesures. C'est exactement ce que je pense. Le gouvernement s'est donc rendu
compte que cela démarrait lentement et il améliore, ici et
là, quelques questions pour que des petites entreprises puissent en
profiter. Mais le problème demeure. Est-ce qu'elles sont efficaces? Il
est plutôt probable que leur impact soit très minime et l'analyse
que lui a déjà faite, parce qu'ils ont déjà
poussé l'analyse plus loin, dit qu'elles ne sont pas efficaces. Je
laisse le ministre des Finances avec cette réflexion et je dis:
Attention avant de se targuer de ce côté-là.
Le député de Saint-Louis mentionnait tantôt en
matière de formation professionnelle. Écoutez, on paye
actuellement pour des lacunes, des manques ou des inactions de certains
ministres de l'Éducation dans le passé. On veut bien être
capable de blâmer les gens dans le passé, de
quelque gouvernement que ce soit, mais je me dis: Si, mon Dieu, il y a
eu des inactions dans le passé et qu'aujourd'hui on vient nous dire
qu'on paye pour ça et qu'on a de la récupération à
faire, y a-t-il quelque chose de plus vrai qui s'applique maintenant que
justement l'inaction? On aura à payer dans trois ans, cinq ans, dix ans
et on dira: Dans les années 1987, 1988 et 1989, il n'y a pas eu les
montants nécessaires de mis et c'est ça qui va s'appliquer. Ce
que vous avez souligné tantôt en matière
d'éducation, peut-être que vous avez raison, je ne l'ai pas
analysé, mais ce que je fais sans essayer de jeter le blâme sur le
gouvernement actuel, c'est de montrer que, si vous ne le faites pas en
matière de recherche et de développement actuellement, on ne sera
jamais capable de le récupérer. On va courir après la
compétitivité et on ne sera pas capable.
Le député mentionnait tantôt: On a eu une
performance extraordinaire sur le plan économique. Et le ministre des
Finances nous dit: Nous, vous voyez, cela marche bien. La vraie raison de
ça, il y a peut-être des mesures, un climat, il y a sûrement
de bonnes choses qui ont été faites, comme, je pense, dans tout
gouvernement il y a des bons bouts qui ont été faits. À
leur façon, certains ont été trop loin, d'autres pas assez
loin, mais il y a une chose qui est sûre, c'est que le gros de l'essor
économique connu ces dernières années n'est pas dû
à des mesures tangibles par le gouvernement, et n'importe quel analyste
qui a pu le moindrement pousser va être d'accord avec ça. La plus
belle preuve, c'est qu'on se ramasse en pleine croissance économique,
après six années de croissance économique, et, sans qu'il
ne puisse rien y faire, le ministre des Finances dit: On va avoir 60 000, 62
000, 64 000 nouveaux emplois cette année. On ne peut pas rien y faire,
pourtant il vient de prendre une "drop" de 20 000 par rapport à
l'année passée. C'est important. Qu'il ne soit pas capable de
maintenir un minimum de 80 000, au-delà du fait que cela a
été promis par le premier ministre ou non, 80 000, 90 000, 100
000, on ne s'"enfargera" pas. Ce qui est important, c'est de dire: Comment se
fait-il qu'en 1988 on a réussi à créer 80 000 emplois et
quelques? Comment se fait-il que, cette année, on ne soit pas capable de
les maintenir, alors qu'on est en croissance économique et que cela va
encore relativement bien? Que je sache, on n'est pas entré dans une
récession - le ministre s'abstient de prononcer ces mots, et je le
comprends - et, pourtant, on est à 60 000. C'est le même
gouvernement. Et même, s'il y a quelque chose, c'est que, si vous aviez
pris des mesures il y a un an, deux ans et trois ans, on en aurait aujourd'hui
la répercussion. On ne l'a pas, on a l'effet contraire. Imaginez-vous
une année le moindrement de récession? Vous allez tomber
facilement sous le cap des 40 000, 45 000. Je ne le souhaite pas, mais c'est ce
qui va arriver, parce qu'il n'y a pas de mesures concrètes qui sont
prises en ces matières.
En matière de gestion de nos entreprises, je vous rappellerai, si
mes chiffres sont bons, que selon les dernières statistiques,
février-mars 1989, dans tout le Canada, 37 % de toutes les faillites au
Canada se sont faites ici au Québec. C'est significatif, 37 % des
faillites dans tout le Canada, c'est ici au Québec. Il y a une raison
à ça. Oui, parce qu'on en crée plus, donc, on en risque
plus, mais si on pousse plus loin l'analyse, parce que ça me chicote, on
s'aperçoit qu'il y a un problème fondamental, un problème
de formation de nos gestionnaires. Il y a un problème dans la gestion de
nos entreprises. Beaucoup trop de gens s'aventurent à la direction de
petites et de moyennes entreprises, créent leur propre entreprise ou en
achètent une, mais ce sont de mauvais gestionnaires. Il y a un
problème flagrant de soutien à nos entrepreneurs. On ne l'a pas
fait. Pour reprendre les propos du député de Saint-Louis qui
voulait bien faire ressortir les grands thèmes du discours d'ouverture
de 1985, le discours disait ça et moi j'applaudissais. Je disais: C'est
merveilleux si ces gens font tout ça, mais dans les faits et dans
l'analyse, parce que c'est avec un peu de recul, deux ans, trois ans, quatre
ans, qu'on peut analyser, on s'aperçoit qu'il y a un problème de
ce côté. L'essor, le dynamisme de l'entrepreneurship
québécois, si on veut être honnête, est dû
à quoi? Il est dû en grande partie, pas seulement, mais en grande
partie à des mesures de soutien à l'entrepreneurship qui ont
été prises au cours des années 1982, 1983, 1984, 1985.
Beaucoup de choses ont été amorcées de ce
côté. La prise de conscience de notre capacité parce qu'au
sortir de la crise je peux vous dire que les hommes d'affaires, ceux qui
avaient passé à travers et qui étaient encore vivants se
tenaient le corps raide et les oreilles molles. Je peux vous dire qu'ils ont
appris à travers cette expérience. (17 h 45)
Aujourd'hui, ils ont pris confiance, comme il y en a plusieurs qui ont
pris confiance à exporter, mais, encore là, c'est loin de ce
qu'on est capable de faire. C'est pour ça que j'insiste pour qu'on
puisse donner... Le ministre des Finances n'a pas besoin nécessairement
de mettre ta main dans ses goussets tout le temps pour dire: II faut mettre de
l'argent nouveau. Il y a des initiatives. Il y a des façons de faire. Il
y a des façons de créer de nouvelles méthodes incitatives
qui se paient d'elles-mêmes parce que, d'un côté, oui,
ça coûte telle mesure, mais, de l'autre côté,
ça rapporte tout au moins l'investissement, sinon plus. Donc, le retour
net de la mesure fait en sorte que c'est une mesure positive. Entre ça
et ne pas prendre de mesures, je pense qu'en matière de recherche et de
développement il y avait des mesures directes, incitatives qu'on aurait
pu prendre, qui auraient donné des résultats.
Le Président (M. Lemieux): En conclusion,
M. le député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): L'analyse que je fais est la même que
celle du Conseil de la science et de la technologie - peut-être qu'ils
sont dans les patates et peut-être que moi Je suis dans les patates -
mais j'aimerais qu'on analyse immédiatement au cours de la prochaine
semaine, les résultats de 1988-1989. Et on verra si ce ne sont pas
là, justement, des points très précis et s'il n'y a pas
déjà un revirement.
Je conclus en disant, M. le Président, que j'aimerais voir,
dès la prochaine année, pas le prochain budget, dès les
prochains mois, le ministre des Finances reprendre certaines mesures et dire:
Écoutez, je pense qu'il faut corriger le tir et aller là-dessus,
là-dessus, là-dessus. Il est capable de le faire. Moi, je serais
satisfait de dire: Si j'ai pu faire comprendre mon idée, qui est
appuyée par d'autres, au moins on aura des outils qu'on n'a pas
actuellement.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre des
Finances.
M. Levesque: M. le Président, je dois d'abord Indiquer au
député de Bertrand que s'il veut avoir une évaluation
précise et chiffrée du résultat des politiques mises de
l'avant dans le dernier budget, celui de l'an dernier, et encore plus celui de
cette année, c'est peine perdue, parce que, lorsque nous avons
abordé ces mesures dans les budgets... Il s'agit de mesures qui
étalent disponibles dès l'an dernier ou cette année. Mais
le député de Bertrand sait fort bien qu'on doit attendre que les
sociétés prennent avantage de ces mesures, et, à ce
moment-là, ça n'apparaît que dans leur rapport
d'impôt beaucoup plus tard. Ainsi, nous commençons seulement
à voir les résultats des politiques de 1987, alors que nous
sommes en 1989. Quelle que soit notre disponibilité, nous n'avons les
évaluations qu'après un certain temps.
D'ailleurs, ce que nous avons pour 1987 présentement,
d'après l'Information qu'on me véhicule, c'est au moins autant
qu'on a prévu comme dépenses fiscales. Ce sont les
résultats préliminaires que nous avons, mais pour l'année
1987. Alors, pour 1988 et 1989, nous n'avons pas ces résultats.
Cependant, je ne suis pas sans concourir, et c'est ça qui explique
plusieurs mesures qu'on retrouve dans le budget 1989-1990, qu'il y a lieu
d'améliorer les programmes mis à la disposition des entreprises,
particulièrement les petites et moyennes. Tout à l'heure, j'ai
fait la démonstration, et le député de Bertrand l'a admis
volontiers, que nous avions des politiques en matière de recherche et de
développement ici qui sont disponibles pour la grande entreprise et qui
sont bien supérieures au point de vue d'Intérêt et du
rendement que ces entreprises peuvent trouver ailleurs. Pour la petite et
moyenne entreprise, nous avons des programmes qui sont disponibles. Plus que
cela, nous avons introduit... J'invite le député de Bertrand
à se référer à l'annexe A du discours sur le
budget, pages 26 et suivantes; on verra là une préoccupation pour
la petite et moyenne entreprise dans le domaine de la recherche et du
développement, justement.
Je Iis seulement quelques passages: 'Les difficultés
rencontrées par les entreprises, plus particulièrement les PME,
lors de la réalisation d'un projet de recherche et de
développement sont diverses. Ces difficultés ne sont pas
limitées aux risques inhérents à de telles
activités ou au coût d'un projet de recherche et de
développement, mais elles se situent également au niveau de la
disponibilité des liquidités de l'entreprise, de l'information et
de la coordination qui sont nécessaires pour faciliter la poursuite
d'activités de recherche et de développement. Aussi, afin
d'assurer l'efficacité des mesures fiscales, de nouvelles mesures sont
introduites. "
Et là, vous avez toute une série de mesures que l'on
retrouve dans le budget: réduction des versements à titre
d'acomptes provisionnels... Par exemple, on sait que, jusqu'à
maintenant, on pouvait déduire mensuellement de l'Impôt sur le
revenu payable des sommes qui étaient gagnées en recherche et
développement. Dans le présent budget, encore pour aider les PME,
afin qu'elles puissent ne pas attendre 18 mois pour avoir leur argent, nous
avons ajouté qu'à même leurs versements mensuels sur la
taxe sur le capital elles peuvent conserver ces sommes plutôt que de les
verser, s'il y avait des sommes acquises en vertu des mesures sur la recherche
et le développement. également, pour celles qui n'auraient pas
droit à cela parce qu'elles n'auraient pas d'impôt payable ou
quelque chose du genre, nous sommes même allés aussi loin que de
nous occuper du financement des crédits d'impôt
québécois et fédéral, en ayant recours à une
garantie de prêt qui serait offerte par la SDI auprès des
institutions financières, portant sur une partie importante de la valeur
attribuable aux crédits d'impôt québécois et
fédéral à recevoir. Ce programme s'adresse aux entreprises
québécoises qui se qualifient par ailleurs au crédit
d'impôt remboursable de 40 % sur les salaires versés au
Québec. Il me semble que ce programme, qui est encore destiné
à la PME, devrait l'aider.
Une autre mesure: programme d'aide au montage de projet. C'est un souci
particulier pour la petite et moyenne entreprise. Je conviens avec le
député de Bertrand qu'il y a beaucoup de petites et moyennes
entreprises qui auraient peut-être certaines difficultés. Dans ce
budget, c'est un souci que nous avons de nous adresser directement à la
petite et moyenne entreprise qui, comme on le sait, joue un rôle
important dans l'économie québécoise. Justement afin
d'Inciter ces PME a accroître leur participation dans le secteur de la
recherche et du développement, nous mettons sur pied un programme d'aide
au montage des projets de recherche et de
développement. Le programme d'aide vise à permettre aux
entreprises de recourir à divers spécialistes ou organismes pour
compléter les connaissances et l'expertise nécessaires à
l'étape de l'élaboration d'un projet de recherche et de
développement. Une partie des coûts raisonnables relatifs à
la formulation d'un plan de réalisation d'un projet de recherche et de
développement, lequel doit comporter une documentation soutenue et
nécessiter un suivi d'étapes, sera remboursée et le
montant de l'aide pourra atteindre 50 % des coûts.
Je pense que ce sont des mesures très concrètes pour aider
la PME. Le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie et le
ministre délégué à la Technologie nous feront
connaître sous peu les modalités d'application du programme. Nous
avons ainsi toute une série de mesures qui sont faites justement pour
répondre aux préoccupations des milieux de recherche et des
milieux de la PME et, également, aux préoccupations que le
député de Bertrand vient de nous exposer.
Alors, tout cela pour vous dire que nous devons attendre pour voir les
véritables résultats de ces diverses mesures,
particulièrement de celles que nous avons dans les deux ou trois
derniers budgets. Cela prend un certain temps. J'aimerais bien répondre
au député de Bertrand et lui dire: Les mesures que nous avons
mises en place l'an dernier ont donné tel résultat, II y a eu
tant de sommes versées. Mais je ne peux pas le dire, les rapports
d'impôt de ces sociétés ne sont pas entrés. Je dois
attendre. Évidemment, nous n'avons pas l'administration de ces
programmes qui sont toujours entre les mains des ministères sectoriels,
dans ce cas-ci, le ministère de l'industrie, du Commerce et de la
Technologie, et ils sont en contact constant avec leur clientèle. Ils
nous font rapport régulièrement sur ce qu'ils considèrent
comme étant la valeur de ces programmes. Ils font une évaluation.
Le ministère sectoriel fait une évaluation de ses politiques. Il
nous conseille quant à ce qui serait désirable comme ajustement
ou addition. D'ailleurs, le député de Bertrand signalait que M.
Labbé disait qu'il y a de la bonification dans ces programmes. C'est
donc dire que nous sommes en communication. Nous ne faisons pas exprès
pour faire des programmes qui ne correspondent pas aux attentes. Au contraire,
on essaie d'avoir des programmes qui vont avoir des résultats concrets
et qui vont répondre aux aspirations normales des entreprises et,
particulièrement dans ce budget, aux aspirations des petites et moyennes
entreprises.
Alors, nous allons continuer de suivre de près l'évolution
de ce dossier, surtout avec la collaboration du milieu et par le truchement des
ministères sectoriels.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. M. le
député de Saint-Louis.
M. Chagnon: Une question au ministre des
Finances. En ce qui concerne les petites et moyennes entreprises,
particulièrement pour les petites entreprises qui démarraient, il
y avait une exonération d'impôt pour les trois premières
années. Est-ce pour les trois ou les cinq premières
années?
M. Levesque: Les trois premières années, en effet,
où nous avions une exonération d'impôt sur le revenu et de
taxe sur le capital, si ma mémoire est fidèle.
M. Chagnon: Totale?
M. Levesque: Totale pour les trois premières
années.
Le Président (M. Lemieux): M. le député.
M. Chagnon: II me semble que cette exonération de taxe et
d'impôt pour le démarrage de petites entreprises, cela ne peut pas
faire autrement que de contribuer à augmenter le nombre de ces petites
entreprises qui veulent démarrer. C'est extrêmement important pour
ces entreprises de ne pas avoir de ponction fiscale, particulièrement
lorsqu'elles démarrent. C'est tout, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Saint-Louis. Vous avez une intervention, M. le
ministre?
M. Levesque: Peut-être que je vais laisser parler le
député de Bertrand, s'il veut ajouter...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Bertrand.
M. Levesque:... à moins qu'on ne se souhaite une bonne fin
de semaine.
M. Parent (Bertrand): Peut-être deux commentaires rapides
dans la minute qu'il nous reste. On verra le résultat de cette mesure
annoncée l'année passée pour les nouvelles entreprises. Je
veux juste porter à l'attention du député de Saint-Louis
que, normalement, la première et la deuxième année, les
entreprises ne font pas de bénéfices ou très peu.
Deuxièmement, pour ce qui est des chiffres que j'ai
demandés, le ministre des Finances nous dit, peut-être à
juste titre, que les résultats de 1988-1989, donc ceux des
dernières mesures annoncées dans le budget de l'année
passée, ne sont pas disponibles, sauf qu'il a ceux de 1987. Les
résultats de 1987, ce sont ceux qui ont été
analysés; ceux de 1986-1987, de mémoire, ont été
analysés par le Conseil de la science et de la technologie.
M. Levesque: D'après mes renseignements,
lls ne peuvent pas aller plus loin que 1986 dans l'analyse des
résultats.
M. Parent (Bertrand): Alors...
M. Levesque: On n'est presque plus là, on n'est presque
pas arrivé.
M. Parent (Bertrand):... si les résultats analysés
ne sont pas vos résultats, on va attendre l'analyse de vos
résultats. Pour ce qui est des mesures qui sont annoncées, et
c'est vrai, le problème est qu'entre le moment où vous annoncez
une mesure, qu'elle entre dans la machine et qu'elle donne ses effets, iI peut
s'écouler un délai de deux ou trois ans. De là l'urgence -
je termine - d'avoir mis autre chose de plus concret, cette année, afin
qu'on ait des résultats en 1992. Voilà, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Bertrand. Nous ajournons maintenant nos travaux au
mardi 30 mai à 10 heures, en cette même salle. Merci de votre
collaboration.
(Fin de la séance à 18 h 1)