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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le lundi 8 février 1993 - Vol. 32 N° 32

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le financement des services publics au Québec


Journal des débats

 

(Quinze heures six minutes)

Le Président (M. Audet): La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux. Je vous rappelle le mandat de la commission, qui est de procéder à une consultation générale et à des auditions publiques sur le financement des services publics au Québec.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui. M. Lazure (La Prairie) est remplacé par M. Beaulne (Bertrand).

Le Président (M. Audet): Merci. Alors, je vous rappelle notre ordre du jour. Cet après-midi, à 15 heures, nous entendons la Chambre de commerce du Québec; à 16 heures, l'Association des industries forestières du Québec; à 17 heures, la Jeune Chambre de commerce de Montréal. Nous suspendrons nos travaux à 18 heures, pour reprendre à 20 heures avec le Laboratoire de recherche en écologie humaine et sociale; et, à 21 heures, la Confédération québécoise des coopératives d'habitation, pour ajourner à 22 heures.

Alors, est-ce que l'ordre du jour est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Audet): Ça va. Alors, nous allons maintenant entendre la Chambre de commerce du Québec.

Messieurs, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue. Comme vous le savez peut-être, pour le déroulement de nos travaux, nous procédons de sorte que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et, ensuite, une période de 40 minutes est réservée aux parlementaires afin d'échanger avec vous.

Alors, avant de débuter, si vous vouliez, s'il vous plaît, vous identifier, et nous exposer votre mémoire.

Chambre de commerce du Québec

M. Marcoux (Yvon): Alors, M. le Président, MM. les ministres et membres de la commission, je suis Yvon Marcoux, premier vice-président, administration, chez Univa et président de la Chambre de commerce du Québec. Les personnes qui m'accompagnent à cette table: ici, à ma gauche, M. Yves Rabeau, qui est professeur titulaire à l'École des sciences de gestion à l'Université du Québec à Montréal; à ma droite, Claude Descôteaux, qui est vice-président exécutif de la Chambre de commerce du Québec; et M.

Claude Garcia, qui est vice-président exécutif de la compagnie d'assurance-vie Standard Life, et qui est président du comité des finances publiques de la Chambre de commerce du Québec.

Le Président (M. Audet): Merci.

M. Marcoux: Alors, la Chambre de commerce du Québec, au nom de ses 217 chambres locales, également de ses 5300 entreprises qui sont membres, est heureuse de répondre à l'invitation du gouvernement du Québec de participer à l'analyse des coûts des services publics et de leur financement, malgré, faut-il le dire, le court délai imparti pour préparer le mémoire que nous avons déposé à la commission.

Ce n'est pas d'hier que l'état alarmant des finances publiques préoccupe la Chambre de commerce du Québec. Dans son mémoire annuel de mai 1991, que nous avions présenté au gouvernement et également à l'Opposition officielle... la Chambre suggérait d'ailleurs l'établissement d'un groupe qui reverrait l'ensemble des dépenses publiques.

La situation n'a cessé de s'aggraver, et le Québec se retrouve aujourd'hui dans une impassé financière qui est extrêmement sérieuse et grave. On paie de plus en plus cher pour une qualité de services publics de moins en moins évidente pour les citoyens. Si le gouvernement ne réduit pas son train de vie, s'il continue de s'endetter pour payer les dépenses courantes, il compromet, selon nous, le nombre et la qualité des services publics. Il menace le niveau de vie de l'ensemble des citoyens, et il contribue également, chaque jour, à l'appauvrissement des générations futures. (15 h 10)

L'heure des choix exigeant une vision de l'avenir et requérant, il est bien entendu, une bonne dose de courage politique est arrivée. Je ne veux pas reprendre avec toute une série de chiffres la description de la situation, que nous considérons comme étant désastreuse, de nos finances publiques. Le document qui a été publié par le ministre des Finances et le président du Conseil du trésor expose clairement le cul-de-sac financier dans lequel on se trouve et dans lequel se trouve forcément toute la collectivité québécoise. Les chiffres, d'ailleurs, que nous avons dans notre mémoire et que nous avions préparés avant concordent avec ceux que nous retrouvons dans le document qui a été déposé le 19 janvier dernier.

Donc, au rythme où nous allons, nous sommes en train d'hypothéquer les générations futures d'une façon que nous considérons inéquitable pour elles. Depuis 15 ans, on paie pour des services qui sont consommés maintenant, mais qui

vont être payés plus tard. Comment résorber le déficit et rétablir un sain équilibre des finances publiques? S'il est vrai qu'une reprise économique peut aider du côté des revenus, on ne peut compter sur cette reprise pour sortir de façon durable de l'impasse financière. Lorsque les dépenses publiques, en termes de structure, augmentent à un taux de 3 % supérieur à l'inflation, bien, comme on dit dans mon pays natal de la Beauce, on ne rejoindra jamais les deux bouts.

D'un autre côté, le fardeau fiscal, autant des individus que des entreprises, est rendu à son maximum. Il a atteint la limite du tolerable. Ainsi, au cours de la dernière décennie - et, là, ce sont des chiffres qu'on prend dans le mémoire, dans le document - le fisc ou la fiscalité a absorbé les deux tiers de l'augmentation des revenus au Québec. Augmenter le fardeau fiscal des individus et des entreprises, incluant les charges parafiscales que vous connaissez, ce serait rendre le fardeau encore plus lourd et plus lourd que ce qui existe chez nos partenaires commerciaux. Donc, ce serait affaiblir notre compétitivité.

Des taux de taxation trop élevés, également, créent de la délinquance fiscale. On provoque des comportements antiéconomiques et antisociaux. D'ailleurs, on voit les effets d'une taxe trop élevée dans tout le domaine des cigarettes, alors que les rendements, malgré l'augmentation des taxes, sont décroissants.

D'ailleurs, pour vous démontrer, peut-être, très rapidement, un peu l'état d'esprit dans lequel peuvent se sentir nos PME, je vais simplement vous lire un extrait d'une lettre, une copie d'une lettre que nous avons reçue d'un de nos membres II s'agit de l'Auberge des Sablons. M. Jean-Guy Alain, qui écrivait l'automne dernier au président de la CSST, Évidemment, il trouvait que l'augmentation de la cotisation de la CSST progressait de façon assez rapide, et même très rapide, au cours des trois dernières années - donc, 50 % d'augmentation en deux ans mais il ajoutait, à la fin de sa lettre, en s'excu-sant un peu du ton agressif qu'il employait à l'égard du président-directeur général de la CSST. Je vous concède que vous pourrez qualifier d'agressif le ton de mon intervention, mais mon humeur est le résultat de ce qui nous a été imposé depuis la dernière année, à savoir: augmentation des taxes municipales, une nouvelle taxe pour la police, augmentation des taxes scolaires, la TPS, la TVQ, l'augmentation du permis de Tourisme Québec, nouveau permis du ministère de l'Agriculture pour la manutention des aliments, augmentation des permis de la régie des alcools - une autre qui s'en vient, je ne sais pas si c'est vrai - augmentation des taxes sur les spiritueux, augmentation des cotisations de l'assurance-chômage et augmentation des primes de la CSST. Je pense que ça résume, peut-être, ou que ça illustre un peu l'état d'esprit de nos entrepreneurs dans les régions et même dans les centres urbains.

Donc, du côté des dépenses, ce que nous reconnaissons, c'est que le gouvernement du Québec a fait des efforts au cours des dernières années, heureusement d'ailleurs, mais la situation actuelle nous enseigne que si nous voulons redresser de façon durable l'équilibre des finances publiques, si nous voulons maintenir les parties essentielles de nos programmes sociaux au bénéfice de l'ensemble de nos citoyens, il faut aller plus loin que des exercices ponctuels de coupure, de gel ou de compression des dépenses.

Il y a 30 ans, le Québec pouvait compter sur une capacité fiscale inexploitée. Cette capacité, elle a été utilisée maintenant. Notre capacité à répondre aux besoins nouveaux, elle est proportionnelle à celle que nous avons de générer des économies et des gains de productivité dans la dispensation des services actuels. Il est essentiel, à notre avis, que le gouvernement s'attaque au problème de fond qui accentue les pressions sur les dépenses. Nous devons, selon nous, changer la dynamique des systèmes en place afin de favoriser la productivité et réduire les coûts. L'État doit instaurer un système de livraison des services qui est dominé par la décentralisation, la souplesse, l'adaptabilité et la concurrence plutôt que dominé par la centralisation à outrance, la réglementation et le contrôle excessif. L'État doit également, sans remettre en cause les programmes sociaux, poser des gestes visant à son amincissement. Il s'agit de rendre l'État plus agile, plus souple et plus efficace.

Ces changements d'approche par analogie ne sont pas différents de ce que les entreprises doivent faire pour s'adapter à des contextes concurrentiels qui évoluent. Les entreprises qui sont incapables de procéder à ces transformations, elles tombent en difficulté, et nous en avons eu des exemples probants au cours de la dernière année. Qu'il suffise de mentionner, par exemple, GM ou IBM, qui étaient considérées comme étant des géants. Donc, qui n'ont pas pu se réorganiser, faire les transformations requises, qui deviennent en difficulté ou d'autres, simplement, qui ne peuvent pas le faire, disparaissent en raison du contexte de la concurrence.

Dans cette perspective d'une nouvelle approche, nous formulons un certain nombre d'orientations et de recommandations. Dans bien des cas, elles s'inspirent de principes et de changements qu'un certain nombre de pays européens, notamment... Vous savez, avec des pays qui ont des traditions bureaucratiques très longues, que des pays ont commencé à mettre en oeuvre ou envisagent de mettre en oeuvre, justement, pour rendre plus efficace la livraison des services et maintenir leur qualité.

En plus d'énoncer des orientations générales dans notre mémoire, nous formulons également des recommandations qui sont plus concrètes. Nous croyions que nous devions dépasser le stade des généralités. Évidemment, il appartiendra, bien

sûr, au gouvernement d'en établir la faisabilité - il y en a peut-être d'autres, d'ailleurs - ou encore les moyens de mettre en oeuvre ces suggestions. Essentiellement, nous considérons que le gouvernement du Québec doit: premièrement, revoir la façon de produire les services publics; deuxièmement, assurer une meilleure gestion de la demande des services; et, troisièmement, remettre en question l'utilité d'organismes publics et de programmes de dépenses, y inclus les programmes de subventions aux entreprises.

En ce qui a trait à la gestion, à la façon de produire les services, nous suggérons, entre autres - et nous pourrons y revenir plus tard - dans le domaine de la santé et de l'éducation, par exemple, qui absorbent, comme vous le savez, les deux tiers des dépenses publiques, les dépenses du gouvernement, une plus grande décentralisation de la gestion des services au niveau des établissements. Nous croyons qu'il est essentiel de rendre les administrateurs plus responsables des équilibres budgétaires. Évidemment, il faut leur donner les moyens. Il est bien sûr, par exemple, que si les conventions collectives, qui sont négociées centralement, demeurent extrêmement rigides et ne peuvent s'adapter aux conditions des établissements, ça rend la tâche des administrateurs extrêmement difficile. Comme on dit, ils ont un peu les deux mains attachées en arrière du dos.

Comme corollaire de cette responsabilisation, nous croyons qu'il faut remettre en cause également la sécurité d'emploi dans le secteur public.

Troisièmement, dans tout le secteur public, nous croyons que le gouvernement devrait favoriser davantage le recours au faire-faire ou à la sous-traitance pour l'exécution de services qui peuvent être aussi bien rendus par l'entreprise privée seule, ou en concurrence avec un organisme gouvernemental. Nous pourrons en parler, d'ailleurs, un peu plus tard, peut-être, de la CSST. (15 h 20)

Du côté de la gestion de la demande. Nous croyons qu'il est important de rendre les citoyens plus conscients des coûts. La gratuité, ça n'existe pas. Il y a quelqu'un qui paie quelque part au bout de la ligne. Donc, étendre l'imposition de frais modérateurs dans les services de santé en s'assurant, évidemment, que les personnes démunies qui sont dans le besoin ne sont pas pénalisées. Il ne faudrait pas arriver à une situation où quelqu'un ne peut pas être soigné parce qu'il n'a pas les moyens. Il faudrait également prévoir - une autre suggestion - un système de facturation des frais médicaux, dont une partie pourrait être imposable, donc, selon le taux d'imposition de la personne, de l'individu. Également, il faut réévaluer, croyons-nous, le nombre de diplômés en médecine que le Québec produit parce que ça génère évidemment une offre toujours supplémentaire et qui n'est pas contrôlée.

Dans l'éducation, nous sommes d'accord avec l'imposition de frais de scolarité, au niveau du cégep, pour les étudiants qui dépassent la durée normale du profil de leur cours. Nous sommes d'accord également pour donner plus de latitude aux universités en ce qui a trait aux frais de scolarité.

En ce qui concerne l'appareil de l'État. Nous suggérons de revoir la pertinence d'un certain nombre d'organismes et, sans poser de jugement, il reste qu'il y a certaines questions qu'on peut peut-être poser sur certains organismes. Exemple, le ministère de l'Éducation et le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science. Pourquoi avons-nous deux ministères dans ce secteur-là? Deux structures différentes, alors qu'à plusieurs reprises dans le passé, le titulaire de ces deux ministères a été le même. Il y a sans doute des avantages sur le plan fonctionnel à ce que tout le réseau de l'éducation relève d'un seul ministre en raison de l'harmonisation, d'ailleurs, qu'il doit y avoir entre les différents niveaux d'éducation.

Un autre exemple dans le secteur de l'éducation, celui des conseils. Nous avons un Conseil supérieur de l'éducation avec une série de commissions, Conseil des collèges, Conseil des universités. Pourquoi est-il nécessaire de maintenir trois organismes? Pourquoi ne pas les fusionner en un seul?

J'ai parlé également, dans le domaine de l'éducation, du siège social de l'Université du Québec en disant: C'est peut-être requis d'en avoir un, mais pourquoi? Pour avoir un siège social qui, je pense, coûte à peu près ou pas loin de 20 000 000 $, avec maintenant des constituantes qui sont bien établies - ce qui n'était pas le cas, il y a sept ou huit ans - et qui, je pense, sont dotées de gestionnaires extrêmement compétents au niveau de la direction.

Un autre exemple, c'est celui de l'Institut de recherche en santé et en sécurité du travail. On reconnaît l'importance de la sécurité au travail, l'importance aussi de la recherche sur certains plans, mais est-ce nécessaire? Je lisais récemment dans un journal que l'Institut, à Montréal, cherchait des locaux de 75 000 pieds avec 25 000 pieds additionnels pour les 5 ou 10 prochaines années, près de 20 000 000 $. Est-ce que c'est nécessaire autant pour l'Institut de recherche en santé et en sécurité?

En ce qui a trait aux sociétés d'État qui exercent des fonctions financières, commerciales ou industrielles, il y a eu des privatisations dans le passé, au cours des cinq ou six dernières années. Je pense qu'il y aurait lieu de poursuivre dans cette veine-là pour un certain nombre de sociétés d'État, de revoir les finalités pour lesquelles elles avaient été créées, et, si on juge qu'elles ne sont plus... que ces finalités-là ont été remplies, je pense qu'il y aurait intérêt à ce

qu'elles soient privatisées.

Nous sommes conscients, M. le Président, que ces orientations ou ces suggestions amènent des transformations majeures non seulement dans l'organisation de l'État mais également dans les attitudes et les mentalités, mais nous croyons que nous ne pouvons éviter ce virage qui, comme je l'ai déjà mentionné, est commencé dans d'autres pays européens qui avaient des traditions bureaucratiques bien établies. Nous reconnaissons également qu'il est essentiel de faire comprendre à la population l'importance des enjeux pour l'avenir de notre collectivité, même si je reconnais que ce n'est pas facile à faire.

Et en ce sens, le gouvernement et la commission peuvent être assurés de l'appui de la Chambre de commerce du Québec et de ses chambres locales à cet égard. Ce que nous espérons, c'est que les agents économiques du Québec, tous les groupes d'intérêt qui participent à cette commission parlementaire, chacun dans leur sphère d'activité, puissent contribuer de manière constructive à redonner à la gestion des finances de l'État une dimension plus juste, plus humaine, moins bureaucratique, plus réaliste par rapport à notre capacité de payer, plus apte à gérer la richesse qu'à assister à l'appauvrissement collectif.

En terminant, je voudrais simplement faire une comparaison. On parle beaucoup d'environnement, d'écologie, de la nécessité, vous savez, de laisser en héritage une planète non polluée. Je me dis: Pourquoi n'aurions-nous pas aussi une certaine écologie en finances publiques, afin de laisser en héritage à nos enfants une situation financière qui leur donnera les mêmes chances que celles que nous avons eues, la chance de maintenir un niveau de vie de qualité, la chance de recevoir des soins de santé et des services d'éducation de qualité.

M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Audet): Merci. Alors, je vais maintenant reconnaître M. le ministre des Finances.

M. Levesque: Je vous remercie, M. le Président.

Mes premiers mots seront évidemment pour souhaiter la plus cordiale bienvenue à la Chambre de commerce du Québec - ses représentants, son |>r6sirlont et vous dire combien nous npprtScions votre présence ici, aujourd'hui, votre participation à ce forum, en même temps que la qualité du mémoire que vous avez présenté. Vous n'avez pas eu l'occasion, en ces quelques minutes, de faire le tour de ce document que vous nous avez présenté, et ceux et celles qui nous voient et qui nous écoutent n'auront pas pu bénéficier, évidemment, de l'ensemble de la présentation qui contient énormément de choses fort pertinentes (>! fort intoro.ss.inlcs

D'ailleurs, ce n'est pas surprenant à voir la qualité de ceux qui sont ici ou qui. du moins, pour la plupart, dans leur vie, dans leur carrière, semblent avoir fait la jonction entre le public et le privé. Cela, évidemment, donne peut-être la chance d'avoir une vue d'ensemble beaucoup plus complète de la situation.

Vous avez raison de dire que la situation est difficile. Vous avez raison, je pense, de dire que nous devons prendre une action et une action ferme et immédiate. Dans quelques instants, j'imagine que le président du Conseil du trésor va profiter de votre présence pour, peut-être, explorer certaines pistes dans la partie qui touche les dépenses de l'État, étant donné que, d'après ce que vous nous dites, il n'y a plus de place du côté des déficits et de l'endettement. Ça me semble clair, et vous n'êtes pas les seuls qui êtes venus ici nous le dire. Vous ne semblez pas, non plus, voir de piste du côté de la fiscalité, surtout lorsqu'on pense à la nécessité de demeurer compétitif dans le monde d'aujourd'hui. Donc, vous vous retournez vers la façon qui touche la gestion de l'État.

À ce propos, je me permets - étant donné que je veux être très bref et laisser à d'autres la chance de vous parler - d'explorer un peu ce que votre mémoire contient. Même, ce qu'il ne contient pas, vous pourriez peut-être le compléter J'aimerais me permettre, pour ceux qui nous écoutent, de lire seulement une page de votre mémoire, qui se lit comme suit, la page 3: «On a souvent considéré au Québec que la Suède constituait un modèle à imiter - et ce n'est pas nouveau, on en a entendu parler combien de fois? Il s'agit d'une économie de marché, ouverte à la concurrence et dont l'approche sociale-démocrate s'était traduite par une offre généreuse de services publics. Le fardeau fiscal était élevé, mais les citoyens, en contrepartie, recevaient de nombreux services publics. Au cours des dernières années cependant, la Suède supportait un déficit budgétaire substantiel, et la part de la dette dans le PIB s'accroissait rapidement. À l'automne 1992, l'endettement considérable de l'État et le niveau très élevé du déficit budgétaire, à 7 % du PIB, conjugués aux effets de la récession et de l'intensification de la concurrence, ont forcé la Suède à prendre des mesures draconiennes par suite de la sanction des marchés financiers. En plus du fardeau croissant des finances publiques, il faut souligner quo le niveau élevé des impôts a amené un déplacement des activités des grandes entreprises suédoises vers d'autres pays, de sorte que la base industrielle de ce pays s'est effritée. Les grandes sociétés suédoises éprouvent des difficultés concurrentielles majeures. À cet égard, la production industrielle a chuté de 15 % au cours des trois dernières années. «Pour enrayer les spéculations contre la devise suédoise, les autorités ont dû porter temporairement to taux d'escompte au jour le jour a 500 % Le gouvernement au pouvoir a, par

ailleurs, conclu un accord historique avec l'Opposition pour procéder à une réduction des programmes sociaux afin de réduire substantiellement le déséquilibre des finances publiques. Parallèlement à ces coupures majeures de dépenses, la Suède a aussi réduit de façon importante la taxation des personnes et des entreprises de façon à restaurer sa compétitivité fiscale. (15 h 30) «Le cas de la Suède permet d'illustrer quelques aspects importants touchant la gestion budgétaire: comme c'est le cas pour le Canada et le Québec, la Suède a surestimé la capacité de son économie à financer les services publics et à recourir à l'endettement pour payer les dépenses courantes de l'État; une fiscalité trop lourde pour financer le secteur public a détérioré sa capacité concurrentielle et réduit significative-ment son potentiel de production; et finalement ayant retardé à mettre de l'ordre dans ses équilibres budgétaires, le marché financier et des changes a forcé les pouvoirs publics à prendre. pour réduire l'endettement, des mesures particulièrement sévères qui, si elles avaient été prises plus hâtivement, auraient permis à la Suède d'éviter de sabrer d'une manière aussi drastique dans ses services publics. »

Alors, j'ai lu ceci simplement pour donner une illustration d'une partie de votre mémoire qui, à mon sens, est une - à moins qu'il n'y ait des erreurs dans ce que je viens de lire: je ne pense pas, je pense que ça correspond à la réalité, vous ne l'auriez pas présenté autrement - c'est «food for thought», comme dirait Shakespeare, des choses pour nous amener à réfléchir sur une situation qui n'est peut-être pas la nôtre, mais qui, peut-être, peut nous inspirer dans les gestes que nous devons poser.

Merci, M. le président et messieurs. Je cède immédiatement la parole à ceux ou celles qui veulent l'obtenir.

Le Président (M. Audet): C'est sage, M. le ministre.

Est-ce que vous voulez commenter, monsieur? Ça va?

M. Marcoux: Non. Simplement, M. le Président, pour dire que ce que nous avons écrit là, je pense que c'était une situation qui est réaliste de ce qui s'est passé et qui peut jeter un éclairage sur la situation, comme le mentionnait M. le ministre, d'un gouvernement qui est en difficulté financière. Je pense qu'il y a des choses qui arrivent. Il ne s'agit pas de créer de la panique, mais ça, c'est vraiment ce qui est arrivé en Suède. Je pense que c'est illustratif ou que ça peut nous enseigner certaines choses.

Le Président (M. Audet): D'accord.

Je vais maintenant reconnaître le porte-parle de l'Opposition officielle, M. le député de Labelle.

M. Léonard: Merci beaucoup, M. le Président.

Alors, à mon tour de souhaiter une cordiale bienvenue à la Chambre de commerce du Québec et à ses représentants.

J'ai bien lu votre mémoire, j'en ai souligné de larges extraits. Je peux dire que je suis d'accord avec beaucoup de choses qui y sont dites. Cependant, je voudrais faire un certain nombre de commentaires, du moins au départ, et commenter un peu la lecture que vient de nous faire le ministre des Finances où j'ai bien senti qu'il nous faisait, à nous, de l'Opposition, un appel du pied pour l'épauler. C'est une petite ligne qu'il a lue avec, je pense, beaucoup d'intentions. Je ne dirai pas qu'elles sont mauvaises ou bonnes, je les ai simplement subodorées.

M. le Président, d'abord, une chose que je tiens à dire. Vous dites dans votre mémoire, à un certain endroit, que le gouvernement, depuis 1985, a essayé de contrôler les dépenses publiques. Puisqu'on nous demande notre collaboration, je voudrais simplement dire qu'il y avait des gestes qui avaient été posés antérieurement. Quand j'entends les discours sur une certaine décision qui aurait entraîné 20 % de baisse dans les salaires de l'État, qui représentaient, à toutes fins pratiques, la moitié du budget, cela signifierait, aujourd'hui, un déficit additionnel de 5 000 000 000 $ sur le budget du Québec, simplement. Je sais que, quand on en parle un peu plus loin, on nous dit: Une chance que vous avez pris cette décision. Alors, là-dessus, si on nous demande notre collaboration, il y a des choses qui vont être dites aussi de la part du gouvernement.

Ceci étant dit, je ne veux pas minimiser la gravité et l'urgence de la situation financière des gouvernements, et je dis bien des gouvernements. J'entendais, la semaine dernière, à la radio - peut-être que vous pourrez avoir l'occasion de corriger - que la Chambre de commerce venait ici, qu'elle ne voulait pas, évidemment, discuter de Constitution; c'est le grand mot passe-partout, la déclaration passe-partout, à l'heure actuelle, très bien, qu'on ne voulait pas non plus discuter de dédoublements. Or, un des problèmes, à mon sens, des finances publiques, actuellement, c'est la charge du service de la dette, autant au Québec qu'à Ottawa. Ça m'appa-raîtrait très difficile de passer à côté. La réalité, c'est que le déficit fédéral, pour la portion qui reviendrait normalement au Québec, serait de 8 000 000 000 $ à 9 000 000 000 $, selon les dernières estimations, seulement cette année, le double de ce qu'il y a au Québec plus le Québec.

Ceci, nécessairement, imprime une pression considérable sur les taux d'intérêt, ce qui, effectivement, vient handicaper le budget du Québec. Il me semble que nous touchions là un point majeur qui, évidemment, origine, au tout début, dans le déséquilibre des finances publi-

ques, mais qui, aujourd'hui, s'accentue et s'accentue deux fois plus à cause de la pression fédérale.

Quand je parle de taux d'intérêt, je voudrais bien qu'on en parle en termes de taux d'intérêt réels: 7 % au Québec, 7 % au Canada, c'est considérable! Je pense que, là-dessus, on ne peut pas ignorer l'impact de la situation budgétaire fédérale. Pour moi, c'est la première cause, à l'heure actuelle, de l'augmentation des déficits qui se génèrent par eux-mêmes. Ceci, je pense qu'il faut l'admettre, et on ne peut pas discuter de l'état des finances québécoises, seulement finances québécoises. Il faut quand même élargir et voir la chose.

Vous dites aussi un peu plus loin, dans votre mémoire... J'ai lu une page de plus ou quelques pages de plus que le ministre des Finances, et j'ai souligné quelques bouts, mais, à un endroit en particulier, vous parlez du secteur public. Il est important, effectivement, et vous nous donnez toute une série de suggestions. Tout à l'heure, vous en avez élaboré et, effectivement, il faut se poser ces questions: Pourquoi deux, trois organismes et pourquoi, lorsqu'il y a un ministère, il y a le ministère qui donne des orientations avec son cabinet, le ministre, et il y a le ministère avec ses hauts fonctionnaires? Comme vous en êtes trois sur cinq ou quatre sur cinq devant moi, vous savez très bien de quoi il s'agit. Ensuite, vous dites que, très souvent, on a créé des organismes d'État, donc une trilogie à la direction de chacun de nos ministères.

Ce que je constate, quant à moi, c'est que lorsque vous dites qu'on ne parle pas des dédoublements, pour moi, je crois qu'il faudrait en parler de façon majeure. Il y a deux ans, vous aviez exprimé cette idée, ici, à cette table. Pour nous, il semble qu'il y en ait justement un de trop, un gouvernement. Ça commence par là, les décisions de fond à prendre pour les Québécois. Là, vous m'aviez vu venir, bien sûr. Vous m'aviez vu venir, mais il reste que c'est une question fondamentale. Il y en a un de trop, et cela met en cause beaucoup de monde, une rationalisation majeure Je ne la demande pas pour la première année. Je la demande pour une certaine période, comme on peut le voir.

Alors, sur ce plan-là, il m'apparaît difficile qu'on analyse une situation seulement comme si le Québec était dans un vase clos. Il faut quand même élargir la question, cette question, cette pression que le déficit fédéral fait encourir aux finances du Québec. En passant, indépendamment du service de la dette, le fédéral, par ses paiements de transferts et les coupures qu'il a introduites pour essayer lui-même de se sortir de sa situation, a quand même impliqué une coupure de 3 600 000 000 $ sur les paiements de transferts. Notre déficit actuel est de 4 600 000 000 $. Il y aurait 1 000 000 000 $, si le ministre des Finances n'avait pas eu à subir ça. Je suis convaincu qu'aujourd'hui il ne serait pas ici à venir vous demander des suggestions et des conseils, en réalité.

Ceci étant dit, la situation est ce qu'elle est. Ce qu'il y a à faire ici, au Québec, je crois qu'on doit le faire. S'il y a du gras au Québec, dans la structure gouvernementale, dans l'administration publique, oui, il faut l'enlever et il faut faire face à la réalité telle qu'elle est J'aimerais avoir quelques commentaires sur cette affaire, sur cette question à l'effet qu'on ne déborde pas l'examen des finances publiques en dehors simplement du budget du Québec, mais qu'on ne fait pas aussi l'examen de ce qu'il y a alentour.

M. Marcoux: M. le Président, d'abord, il y a un aspect que nous abordons dans notre mémoire, à la page 49, d'ailleurs, lorsque nous parlons des programmes de formation...

M. Léonard: Effectivement. (15 h 40)

M. Marcoux: ...qui sont importants. Là-dessus, la position de la Chambre... D'ailleurs, je pense qu'il y a une unanimité qui se fait sur l'avantage qu'il y aurait à ce que ces programmes-là soient administrés centralement. Il faut bien dire également, à cet égard, que le gou vernement du Québec, lui aussi - quand je parle du gouvernement, je parie du gouvernement et de l'État - doit s'organiser pour être efficace. Moi, je suis d'accord pour donner des leçons aux autres, mais lorsqu'on voit que, dans notre secteur à nous, il y a deux ou trois ministères impliqués dans la main-d'?uvre, dans la formation de la main-d'oeuvre et qu'en plus nous avons une société de développement de la main-d'oeuvre, je me dis: Eh bien, oui, je suis d'accord, l'objectif doit être de revenir, mais je pense qu'il y a aussi des choses à faire. Il y a certains autres secteurs où, effectivement, il y a des dédoublements.

Je ne pense pas que... De toute façon, il y a des mesures à prendre, comme vous mentionniez vous-même, au Québec, qui sont urgentes, je pense, indépendamment de tout ça. Si nous considérons le Québec dans l'ensemble des provinces canadiennes - ça aussi, c'est un autre barème important, je pense - eh bien, il reste que, simplement sur le plan de l'endettement, nous ne sommes pas dans une position qui est très favorable, c'est-à-dire que nous sommes un des derniers. Donc, sans dire: On a fait déjà des représentations, la formation recèle des montants importants Mais je pense qu'il est important de prendre des mesures pour agir au Québec et ne pas attendre, nécessairement, que tout ce débat-là ait lieu parce que, là, on va être pris dans des problèmes qui auront une dimension exponentielle. Je pense qu'il faut également voir comment on se situe dans l'ensemble des provinces qui, finalement, sont dans la même situation par rapport au fédéral.

M. Garcia (Claude): M. le Président, est-ce que vous me permettez de compléter la réponse?

Il y a deux points qu'il ne faudrait pas oublier. D'abord, la dette per capita des provinces est un élément important, si on veut juger la situation financière. Nous, on est venus pour parler de finances publiques, aujourd'hui, on veut se limiter à ce débat-là.

M. Léonard: C'est ça. Je parlais de finances publiques. Je ne parlais pas de Constitution.

M. Garcia: Mais la dette per capita du Québec est la deuxième plus élevée après celle de Terre-Neuve. Alors, je pense que, ça, en soi, c'est déjà un message très clair. Il faut qu'on fasse quelque chose. Le taux de chômage au Québec est plus élevé que dans toutes les provinces canadiennes, à l'exception de deux, et il faut régler ce problème-là.

En plus, le coût des services publics au Québec et dans toutes les provinces, c'est essentiellement des services qu'on rend. Il faut faire face aux problèmes que ces coûts-là... Indépendamment de la situation politique éventuelle du Québec, les problèmes des coûts de santé, des coûts d'éducation vont être les mêmes. Je ne pense pas que la situation politique ait beaucoup à voir là-dedans.

En plus, dans le moment, c'est certain, vous avez raison que, quand bien même on réglerait le problème du déficit au Québec, ça ne réglera pas le problème des taux d'intérêt au Canada. Ça, je vous l'accorde. Mais il reste qu'on a l'avantage, si on fait preuve de plus de discipline... Vous savez, l'Ontario a souvent été l'enfant gâté de la Confédération canadienne parce qu'elle avait un gouvernement... elle était bien placée, mais en plus elle avait peut-être un gouvernement qui était responsable au point de vue finances publiques. Je ne pense pas que le gouvernement actuel de l'Ontario mérite ce qualificatif-là.

Le Québec a peut-être la chance de mieux se placer, si on veut, dans l'axe central du Canada en ayant un gouvernement plus responsable. On a une opportunité historique, là, de mieux se positionner dans l'échiquier économique nord-américain, en ayant un gouvernement responsable en termes de finances publiques. Alors, je pense qu'il ne faut pas rater cette occasion-là. C'est pour ça que, nous, on pense qu'il faut faire quelque chose à ce moment-ci.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Oui, moi aussi, M. le Président, pour souhaiter la bienvenue à nos invités et pour relever rapidement deux des affirmations du député de Labelle.

Vous me permettrez, d'abord.., J'ai cru comprendre que le problème de la dette publique et de l'endettement et des dépenses publiques appelle une solution constitutionnelle qui revêtirait, évidemment, le couvert de la souveraineté du Québec. La démonstration reste à faire, de l'autre côté. C'est comme ça qu'on va, évidemment, régler les finances publiques. Deuxième ment, le rappel de la coupure unilatérale de 20 %, unilatérale, de 20 %, dans un contexte, on s'en souviendra, où même un gel des salaires aurait fait en sorte qu'il manquait encore de 500 000 000 $ à 600 000 000 $, nous remet un petit peu dans le contexte de la qualité de la gestion qui avait cours à ce moment-là. D'autant plus que ce n'est pas 5 000 000 000 $, cette année, que ça coûterait de plus, c'est 1 300 000 000 $. Alors, simplement que les chiffres ont droit, également, d'être rétablis. Ça donne juste une idée de la façon dont on doit...

M. Léonard: Ce n'était pas 20 %.

M. Johnson: Ça donne juste... C'était 20 % sur trois mois, c'est 5 % sur une base annuelle, et il y a eu un ajustement au régime de retraite à IPC moins trois, total: 1 300 000 000 $ cette année. Alors, je ne sais pas où vous prenez les 5 000 000 000 $. Enfin, on le trouvera un jour.

Du côté de la gestion publique, je me permets... Le temps imparti ne nous permet pas de nous promener partout dans votre mémoire, qui est un programme de gouvernement, incidemment - ce n'est pas étonnant avec le nombre de sous-ministres qu'il y a devant nous... Il est fort possible que vous ayez des suggestions extrêmement concrètes et que, je dirais, votre expérience vous ait amenés à nous donner des pistes extrêmement précises.

Je me permets de retenir celle qui a trait à la gestion de la demande, aux pages 31, 32, 33, dans ce coin-là, de votre mémoire. Oui, c'est intéressant d'insérer soit de l'information à l'usager, dites-vous, d'introduire une tarification qui vient signaler soit le coût du service, soit qui représente une portion du financement, donc un cofinancement, quoique son ampleur reste à déterminer.

J'aimerais simplement, au niveau du -principe, en ce qui regarde la gestion de la demande de certains services, vous amener à préciser s'il n'y a pas des distinctions entre un déboursé qui est une dépense, à la dépense d'épicerie, par opposition à une dépense qui est un investissement. On prend dans l'éducation, l'enseignement collégial. C'est assez généralisé, à mon sens, le désir qu'on introduise un signal à ceux qui s'attardent au cégep, que ça coûte quelque chose, là, ce que la société est en train de faire pour eux. Inversement, le fait que des étudiants soient en passe d'obtenir des qualifications additionnelles les amènerait à être un actif pour la société également. Ils paieront plus d'impôts. Ils seront un actif humain pour la société davantage s'ils sont, évidemment, mieux formés.

La même chose est vraie au niveau, par

exemple, de la formation de la main-d'oeuvre. Ce qui nous préoccupe, en tout cas ce qui me préoccupe lorsqu'on parie de finances publiques, c'est notre capacité de soutenir l'économie, de créer des emplois; donc, comme dans n'importe quelle entreprise privée comme celle que vous représentez, faire la différence entre l'investissement et la dépense au titre des déboursés qui sont faits.

Pourriez-vous nous indiquer, si on considère qu'une dépense peut être un investissement, que cette dépense-là peut échapper à une tarification aux signaux que vous donnez? Autrement dit, en éducation ou dans d'autres dimensions, est-ce qu'on ne doit pas considérer qu'on est en train d'investir dans l'avenir, auquel cas serait-on mieux ou moins bien venus d'introduire des mécanismes de tarification? Est-ce que vous voudriez vous exprimer là-dessus?

M. Marcoux: M. le Président, d'abord, je pense que lorsqu'on parle d'investissements dans le cas de l'éducation, c'est peut-être lorsqu'on arrive au niveau du cégep ou de l'université, je pense que c'est l'individu qui investit. En d'autres termes, ce n'est pas... Au niveau du cégep, il y a un taux de fréquentation générale, et je pense que c'est l'individu qui investit en payant une partie des frais de scolarité, par exemple, du moins pour ceux du cégep ou de l'université.

Lorsqu'on parle d'investissements gouvernementaux... On peut peut-être dire également que des dépenses pour assurer la prévention de la maladie, ça peut être des investissements, mais je pense qu'on doit s'en tenir, en termes de comptabilité publique, lorsqu'on parle d'investissements, à ce qui est vraiment de l'immobilisation. Autrement, je pense que c'est difficile de maintenir ça. Je comprends qu'économiquement il y a peut-être toutes sortes de théories qu'on peut faire, mais si on prend...

En tout cas, dans l'entreprise, on a déjà considéré, par exemple au niveau des comptables, de dire: La formation, ça pourrait constituer un investissement à être amorti sur x années. Je pense que ça ne serait pas prudent, au niveau de l'entreprise, de faire ça et je ne suis pas sûr si, au niveau des dépenses publiques également, ça n'amènerait pas à long terme une certaine distorsion. Je pense que l'investissement, si on parle d'éducation, c'est fondamentalement... Si l'individu va à l'université, comme vous dites, il va gagner.. Normalement, toutes les statistiques sont là pour indiquer qu'il va avoir un meilleur revenu. Il y a pas mal moins de gens sur l'aide sociale, même s'il y en a, malheureusement, qui ont un niveau universitaire que ceux qui ont une neuvième année. Je veux dire... Il y en a beaucoup plus. Bien moi, je pense que c'est normal que l'individu assume une partie de ces frais-là parce que, lui, il va en bénéficier plus tard. (15 h 50)

M. Johnson: M. Garcia veut ajouter.

M. Garcia: M. le Président, si vous me permettez d'ajouter quelque chose.

La semaine dernière, j'écoutais M. Corbeau, le conférencier recteur de l'UQAM à la Chambre de commerce de Montréal, et il citait des chiffres qui m'ont beaucoup fait réfléchir. Il y a un très grand pourcentage d'étudiants à l'université ou au cégep, donc subventionnés par l'État pour obtenir une éducation et, en principe, étudiants à temps plein, qui travaillent à temps partiel pour au moins 15 heures par semaine. Ces étudiants-là, ceux qui travaillent 15 heures et plus, fournissent, en moyenne, 8 heures de moins d'efforts à leurs études. Mais vous savez que ces étudiants-là ont la même exemption d'impôt que vous et moi qui sommes payés, finalement, à temps plein. Nous travaillons à temps plein et nous ne sommes pas subventionnés par l'État pour étudier. Jo pense qu'il y a quelque chose là à explorer, indépendamment de ne pas vouloir imposer la taxation.

Je pense que le régime fiscal, à l'heure actuelle, favorise le travail à temps partiel en même temps que les études et je ne suis pas certain que, comme l'État, on en ait pour notre argent.

Le Président (M. Audet): M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Merci, M. le Président.

Dans votre mémoire, vous avancez comme un des principes de base la privatisation. Vous dites, à la page 56, et je cite: «Pour ce qui est des sociétés d'État exerçant des activités financières, commerciales ou industrielles, on devrait en continuer la privatisation. S'il n'existe aucun acheteur pour une société d'État, ceci est en général l'indication qu'une entreprise n'est sans doute pas très rentable!»

Je me rappelle, lorsqu'il y a eu le débat sur la privatisation d'Air Canada et de Petro-Canada, il y avait un économiste de l'Université Laval qui, à juste titre, reflétait les préoccupations de plusieurs qui disent que la tendance a souvent été, pour les gouvernements, de privatiser les profits et de nationaliser ou d'étatiser les déficits. Lorsque vous parlez de continuer les programmes de privatisation, en fait, quand vous mentionnez le secteur financier, commercial et industriel, ça couvre pas mal un large spectre des activités de ces entreprises.

Ma question est la suivante. En lisant ça, on a l'impression, en filigrane, que vous suggérez au gouvernement de vendre les entreprises les plus rentables et de rester pris avec ce qu'on appelle couramment les canards boiteux. J'aimerais que vous explicitiez un peu votre pensée là-dessus D'une part, est-ce que le gouvernement devrait se débarrasser de ses entreprises les plus rentables, qui souvent sont devenues rentables

parce qu'elles ont été financées et qu'elles ont été appuyées à même les fonds publics? Et, d'autre part, qu'est-ce qu'on fait de ce qu'on appelle communément les canards boiteux?

Finalement, dans cette même ligne de pensée, j'aimerais que vous nous fassiez vos commentaires sur la proposition qui a été faite par l'Association des manufacturiers du Québec de privatiser jusqu'à 49 % d'Hydro-Québec?

M. Marcoux: M. le Président, M. le député, d'abord, sur Hydro-Québec, si je comprends, il y a une commission parlementaire qui va siéger. À ce moment-là, si la commission y agrée, nous serons de retour parce que nous avons déposé un mémoire, et on pourra discuter de cette question-là.

En ce qui a trait à la position que nous avons sur la privatisation, et parlant de sociétés à caractère financier, industriel ou commercial, ce n'est pas une position dogmatique. Ce n'est pas ça du tout. C'est beaucoup plus une position qui est tout à fait pratique. Si vous regardez dans les comptes publics de 1991-1992, je crois, il y a quand même des sociétés d'État qui ont coûté, je pense, au gouvernement 200 000 000 $ à peu près, de mémoire. Ce que nous disons ici, ce n'est pas: Gardons les canards boiteux et privatisons ce qui peut être rentable. Le principe que nous énonçons est le suivant. C'est que les activités à caractère financier, industriel ou commercial, à notre avis, sont mieux rendues par l'entreprise privée qui est en concurrence. On ne voit pas pourquoi l'argent des contribuables, dans le fond, servirait à ça. Le principe, c'est que des sociétés qui appartiennent à l'État, et surtout celles qui ne font pas de profits et pour lesquelles tous les contribuables paient, on dit: Je pense que celles-là devraient être privatisées.

Nous avons eu des exemples que souvent, lorsqu'elles ne sont pas rentables, ça continue de se détériorer, et pour toutes sortes de raisons. Alors, nous croyons que la privatisation devrait être poursuivie dans un certain nombre de sociétés dont la finalité est terminée. Il y avait sans doute de bonnes raisons de créer des sociétés dans le temps, il y a 25 ou 30 ans. Le contexte a évolué. Aujourd'hui, il y a peut-être des sociétés privées qui peuvent prendre la relève, et on dit: Écoutez, on pense que ça devrait être remis à l'entreprise privée. Il y a des questions qu'on peut se poser sur d'autres qui sont rentables.

Écoutez, on se dit: La Société des alcools, oui, c'est rentable pour toutes sortes de raisons. Est-ce que c'est nécessaire qu'elle soit un monopole d'État? On ne vous dit pas qu'il faut privatiser ça demain matin, mais je pense qu'on peut se poser la question. Il y a bien d'autres juridictions où c'est rendu par l'entreprise privée, même des indépendants qui vendent ça. On a vu...

Il y a une progression, d'ailleurs, au

Québec. Historiquement, il n'y a pas personne qui pouvait vendre même de la bière dans les supermarchés ou vendre du vin dans les dépanneurs. Je pense que c'est une approche qui est pratique, mais on dit: Surtout celles qui coûtent de l'argent à l'État, est-ce qu'on doit continuer de les maintenir au crochet de l'État? Puis, finalement, ce sont tous les contribuables qui en absorbent les coûts.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Saint-Louis.

M. Chaghon: Brièvement. Dans votre mémoire, les deux créneaux qui retiennent mon attention particulièrement, parce qu'ils sortent des avenues proposées par le gouvernement, sont, d'une part, la privatisation et, deuxièmement, la décentralisation. Puisque le sujet a été amorcé, dans le cas de la privatisation, vous avez fait part d'un exemple, la CSST, qu'on pourrait appeler un canard boiteux au moment où on se parle.

Est-ce qu'il y a d'autres exemples de privatisation de sociétés d'État qui vous viennent à l'esprit? La Société des alcools, Domtar... Vous auriez eu intérêt à nous les situer ou, à tout le moins, à nous les préciser, et les raisons qui vous auraient motivé a les indiquer. Est-ce qu'il y en a qui vous passent par l'esprit? Première question. Ensuite, je viendrai à la décentralisation.

M. Marcoux: M. le Président, d'abord, je voudrais peut-être, en ce qui a trait à la privatisation, simplement lever une ambiguïté parce que, parfois, lorsqu'on parle de privatisation, je pense, c'est davantage pour les sociétés à caractère financier, commercial ou industriel.

Vous dites: Vous ne les avez pas listées. Non, on n'a pas commencé à les examiner une à une. J'avoue qu'on n'a pas eu le temps de le faire - donc, ça, c'est assez clair - avec le délai que nous avions, mais il y en a. Écoutez, on peut toutes les repasser une après l'autre, mais... On peut parler de SIDBEC, on peut parler de SEPAQ, bon... Dire: Est-ce que vraiment ça doit tout...

M. Chagnon: La SAQ. M. Marcoux: Pardon? M. Chagnon: SAQ.

M. Marcoux: La SAQ que j'ai mentionnée. Alors, je pense que nous, ce que nous disons, c'est qu'on doit s'interroger la-dessus, et je pense qu'il y a intérêt à poursuivre en priorisant celles où on dit: La finalité pour laquelle ça a été étatisé, on pense que c'est terminé et que ça doit être retourné a l'entreprise privée.

Si vous me parlez de la CSST, ce que nous

disons, c'est ceci: II est bien sûr que la sécurité et la santé au travail, c'est important. À notre avis, c'est une question d'ordre public, et l'État doit établir les normes et les règles que les entreprises doivent respecter dans ce secteur-là. Par ailleurs, est-il nécessaire que l'assurance du risque se fasse obligatoirement par un organisme d'État? On peut envisager diverses options ou bien... Il y a des entreprises qui assurent des risques, des entreprises privées, toutes sortes de compagnies d'assurances, qui le font pour des frais médicaux, des assurances-santé, etc. Pourquoi ne pourraient-elles pas le faire dans le cas des accidents du travail en étant, bien sûr, obligées de suivre les règlements, les modalités, les normes imposées? Ça pourrait être également... L'employeur pourrait avoir le choix de faire affaire avec la CSST ou encore de faire affaire avec une compagnie d'assurances. Si la CSST est moins chère, bien, mon Dieu...

M. Chagnon: Vous cherchez à établir un système de concurrence.

M. Marcoux:... il fera affaire avec la CSST.

M. Chagnon: Vous cherchez à établir un système de concurrence, et j'approuve cette démarche. Quant à la décentralisation, vous estimez qu'elle apporterait des gains de productivité. Vous donnez un exemple. Que les CLSC soient transférés aux administrations locales, ça m'est passé par la tête, mais lesquelles? Votre texte manque de précision un peu sur ce genre de questions là. Vous mériteriez d'approfondir les sujets que vous avez soulevés.

M. Marcoux: Bien, écoutez, M. le Président, M. le député, je reviens à ce que j'ai dit. On n'a pas eu le temps. On n'est pas à temps plein là-dessus. Ce que nous voulions, c'était indiquer des pistes d'avenues et, je pense, en termes d'orientation où le gouvernement devait considérer de telles orientations.

Si vous me parlez des CLSC. ça pout être les municipalités ou ça peut être, peut-être, les municipalités régionales de comté, dans certains cas. Je pense qu'il n'y a pas de règle précise, mais nous croyons qu'il y aurait un avantage, parce que vous savez que les services qui sont offerts par des CLSC sont des services... Tout d'abord, ils sont impliqués dans la communauté Ce sont des services de première ligne, et il y aurait sans doute intérêt à ce que ça puisse relever d'un niveau local, évidemment en transférant, cependant, aux municipalités, au palier local, les ressources appropriées. Il ne s'agit pas, comme on dit, de pelleter ça.

M. Chagnon: Et la négociation des conventions.

M. Marcoux: Bien, je pense que ça va de soi.

M. Chagnon: Toutefois, on s'est aperçu qu'au niveau local c'était peut-être là que les négociations étaient les plus difficiles, où notre coût de revient par employé est le plus élevé si on le compare, par exemple, au secteur du gouvernement du Québec où à emploi correspondant on a une diminution de 20 % du coût de la rémunération globale par rapport aux municipalités. (16 heures)

M. Marcoux: Si vous me permettez, M. le Président, de faire un commentaire là-dessus, c'est que les municipalités, depuis assez longtemps, demandent que l'arbitrage soit éliminé, dans le cas des policiers et des pompiers. La raison est très simple: c'est que, si on regarde l'évolution des salaires dans ce secteur-là, ça a augmenté de façon incroyable parce que c'était toujours un «piggyback» sur l'autre, et les municipalités disent: Écoutez, là, on ne veut plus avoir l'arbitrage, dans le cas des policiers-pompiers, parce que ça a un effet d'entraînement pour tous les autres employés dans les municipalités.

Le Président (M. Audet): Merci, M. le député.

M. le député de Montmorency.

M. Filion: Merci, M. le Président.

J'aimerais, à mon tour, saluer les membres représentants de la Chambre de commerce du Québec et, bien sûr, tes féliciter pour leur bon document, qui est un document de qualité, que j'aimerais un petit peu comparer à celui qui avait été présenté il y a un an, deux ans environ, bientôt, en 1990, je crois, lors du débat sur l'avenir constitutionnel du Québec.

Mais moi, de ce premier document-là, je sais que ça a pu bouger, là, au niveau des conseils d'administration depuis, mais de ce que je me souviens, c'est que les chambres de commerce du Québec avaient vraiment corné le débat des finances publiques autour d'un phénomène qui est celui des dédoublements admistratifs fédéral-Québec et où - on en parlait même pendant 10, 12 pages - on disait que ça n'avait plus de bon sens, qu'on ne pouvait pas gérer comme on gérait les finances publiques à se dédoubler de la sorte pour qu'on puisse penser à équilibrer nos finances publiques au Québec.

Quand je relis le mémoire que vous nous présentez dans le débat des finances publiques, je trouve que l'accent que vous aviez mis, à l'époque, on ne le retrouve pas dans un élément concret d'application. Entre autres, on voit, bien sûr, là, vous soulevez la main-d'oeuvre, au niveau de la formation de la main-d'oeuvre du Canada, où vous dites, à la page 49 du mémoire: ... s'explique d'une part par le coût bureaucratique élevé. Mais c'est à peu près parmi les rares

éléments que vous soulevez. Mais, quand je me réfère à votre document sur l'avenir constitutionnel, c'était le focus majeur sur les dédoublements.

J'aimerais ça que vous m'expliquiez. Est-ce que vous avez changé d'idée à ce niveau-là ou bien si vous pensez que ce n'est pas encore un problème majeur, les dédoublements?

M. Marcoux: Alors, M. le Président, M. le député, d'abord, comme vous le notez, la formation, on en fait un cas à part, parce que je pense que c'est extrêmement important pour toutes sortes de raisons, puis on a tous discuté, et je pense que les gens sont d'accord.

Le mémoire que nous déposons aujourd'hui touche les finances publiques du Québec. Je comprends qu'on pourrait bien dire: Écoutez, là, il faudrait regarder tout le reste. Il faut, comme on l'a mentionné tantôt - et je pense que c'est M. Garcia aussi - regarder la position du Québec versus les autres provinces, dans ce contexte-là, qui sont également dans le même contexte, et l'endettement du Québec, actuellement, est un des plus élevés parmi toutes les provinces canadiennes. Donc, ça veut dire qu'on a aussi des choses à faire ici, et c'est le point que nous adressons dans ce mémoire-là.

Je ne dis pas qu'il n'y aurait pas autre chose à faire, là, mais, aussi, en éliminant certains dédoublements, mais fondamentalement, je pense qu'il y a des choses à faire ici, au Québec, de faire nos devoirs, et c'est dans ce sens-là que nous avons déposé le mémoire. C'est dans ce sens-là aussi que nous sommes prêts à faire notre part pour appuyer le gouvernement.

M. Filion: Est-ce que vous seriez également d'accord, dans le même sens que vous présentez votre mémoire, de penser à éliminer des frais communs ou les dédoublements de frais, par exemple, une double déclaration d'impôt au Québec?

Vous savez que le Québec, on est la seule province au Canada à produire en double des formulaires d'impôt. On sait qu'actuellement il y a des démarches qui ont déjà été faites et des ententes qui ont été conclues où on administre au Québec la TPS, la TVQ et qu'on centralise, qu'on fusionne les ressources humaines et qu'on fait des économies d'échelle.

Vous ne trouvez pas que ce genre de planification de finances publiques devrait également s'enclencher via un processus de déclaration d'impôt au Québec, où on aurait une seule déclaration d'impôt produite au Québec, avec une administration québécoise, où on aurait des distinctions fédérales-Québec, où on arriverait à des économies d'échelle intéressantes et où je pense qu'on soulagerait toute la population du Québec qui, au fond... On leur demande de produire en double des formulaires qui compliquent la vie de tout le monde.

M. Marcoux: Bien, écoutez, là-dessus, je ne vous dis pas que ça ne pourrait peut-être avoir des avantages, mais je ne pense pas que... Déjà, comme vous mentionnez, pour ce qui est de la TPS, TVQ, il y a eu une entente administrative. Il y a eu d'autres ententes administratives aussi, je pense, dans le domaine de l'habitation. Bon. Alors, il y en a... et espérons qu'il y en aura une également dans le domaine de la formation, mais, à court terme, je ne pense pas que ce soit ça, là, qui va modifier la trajectoire des finances publiques au Québec.

Je pense que, lorsqu'on regarde la situation comparative, ce que je mentionnais tantôt, là, nous avons des choses à faire et à modifier dans les services dont nous sommes responsables, ici, au Québec. Je pense que c'est fondamentalement sur ça qu'on fait porter le mémoire. Je ne dis pas qu'il y a certaines autres choses qui peuvent être regardées et qui peuvent avoir du bon sens. Mais je ne pense pas qu'on va régler ça demain matin, là, et puis qu'on va avoir le temps de redresser la situation et de changer la direction dans laquelle nous sommes orientés.

M. Filion: ...que vous avez...

Le Président (M. Audet): C'est terminé, M. le député de Montmorency.

M. Filion: C'est déjà terminé?

Le Président (M. Audet): Oui, c'est terminé.

M. Filion: Dommage. J'avais une autre question.

Le Président (M. Audet): Alors, je vais reconnaître maintenant M. le président du Conseil du trésor. Très brièvement, il vous reste quelques secondes, à peine une minute.

M. Johnson: Y compris votre réponse, M. Marcoux, apparemment.

On veut créer des emplois, assurer le développement économique du Québec, et ce que vous suggérez, entre autres pistes, là, je ne veux pas simplifier, c'est qu'on coupe dans les dépenses publiques, qu'on coupe dans les effectifs gouvernementaux.

On a réussi à le faire. Ça, c'est stabilisé depuis quelques années, les équivalents de temps complet. Dans les loyers, on coupe. On doit déménager le Conseil du trésor; le mois prochain, on déménage dans plus petit. Alors, ne croyez pas ce qu'on vous dit; on ne déménage pas dans plus grand, on déménage dans plus petit. On a fermé les bars, les bars ouverts, là, qu'il y avait en télécommunications, en informatique, en reprographie. C'est vraiment, à cause des fonds spéciaux, là, beaucoup plus discipliné, vous le savez, maintenant.

Mais il reste les subventions. Vous n'en

avez pas parlé beaucoup des subventions aux entreprises, subventions à toutes sortes d'activités industrielles. Est-ce que vous êtes disposé à regarder ça aussi, couper les subventions pour créer des emplois?

M. Marcoux: Bien. M. le Président, M. le ministre, d'abord, j'espère que, bien, je trouve que le Conseil du trésor, c'est un excellent exemple. J'espère qu'il y en a d'autres qui suivront le même. Quand je parlais tantôt de l'Institut de recherche en santé et en sécurité, c'est un bon exemple. Mais nous mentionnons dans notre mémoire que, d'abord, pour créer des emplois, je pense que vous le savez, il y a 75 % à 80 % des emplois qui sont créés par la PME - c'est vrai au Québec - ou par d'autres entreprises qui sont déjà ici, là, le reste des emplois qui grandissent, et pour ça, je pense qu'il est important de maintenir un climat favorable au développement de l'entrepreneurship et au développement des entreprises de base.

Si je reviens maintenant à la question des subventions aux entreprises, ce que nous disons, d'ailleurs, dans nos recommandations, oui, nous devons remettre en cause même les subventions à l'entreprise. Je sais qu'il y a eu du travail de fait, il y a eu des changements qui ont été apportés, mais nous sommes d'accord pour que ça soit revu et, je pense, que ça soit limité à des cas, par exemple, parfois, pour un support d'appoint à l'exportation, peut-être, mais de façon très limitée, je pense. Je suis d'accord, nous sommes d'accord pour revoir les subventions et les diminuer, s'il y a lieu. Ce n'est pas...

M. Johnson: Les dépenses fiscales aussi, je présume.

Le Président (M. Audet): C'est terminé. M. Marcoux: Pardon?

M. Johnson: les dépenses fiscales aussi, je présume, au même titre que les subventions, les abris fiscaux ou dépenses fiscales, là, pour la recherche, développement, tout ça...

M. Marcoux: Bien, je pense que, là-dessus, il s'agit d'avoir des régimes qui se comparent à d'autres. En ce qui a trait à la recherche, bien, il est peut-être favorable, plus favorable, parfois, d'avoir un incitatif, pour ce qui est de la recherche et développement, qu'une subvention directe. Alors, je pense que c'est l'effet qu'on veut rechercher qu'on doit examiner.

Le Président (M. Audet): Merci.

Alors, je remercie les représentants do la Chambre de commerce du Québec pour leur présentation.

Avant de suspendre quelques minutes, j'invite l'Association des industries forestières du

Québec à prendre place.

La commission est suspendue quelques minutes.

(suspension de la séance à 16 h 9)

(Reprise à 16 h 12)

Le Président (M. Audet): Veuillez prendre vos places: Si vous voulez prendre place, messieurs, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission du budget et de l'administration reprend ses travaux.

Nous recevons maintenant l'Association des industries forestières du Québec. Alors, messieurs, on vous souhaite la plus cordiale bienvenue à notre commission. Je vais maintenant reconnaître... Oh, excusez-moi! Je vais un peu vite.

Alors, je vais vous expliquer, brièvement, les règles de procédure. Vous avez 20 minutes - si vous pouvez vous identifier avant de présenter votre mémoire - et, pendant 40 minutes, nous procéderons à des échanges avec vous. Alors, nous vous écoutons.

Association des industries forestières du Québec Itée (AIFQ)

M: Duchesne (André): Merci, M. le Prési-dent, MM. les ministres, MM. les députés.

Mon nom est André Duchesne. Je suis le président et directeur général de l'Association des industries forestières du Québec. J'ai avec moi M. Yves Gauthier, qui est économiste à l'Association. En principe, j'avais aussi le président du conseil d'administration, M. Roger Ashby, qui est président et chef de l'exploitation chez Rolland, mais, aux dernières nouvelles, il avait un cas de conscience entre le respect des limites de vitesse sur la Transcanadienne et l'heure de notre comparution à l'Assemblée. Il semble bien que c'est le respect des limites de vitesse qui a gagné. S'il arrive, on le prendra, si vous me permettez, M. le Président, mais je vais commencer de toute façon.

Le Président (M. Audet): D'accord, allez-y!

M. Duchesne: Les compagnies qui sont membres de l'AIFQ, M. le Président, représentent la presque-totalité de la production de pâtes et papiers au Québec et pratiquement les deux tiers de la production de sciage. Or, strictement en valeur de pâtes et papiers, c'est 6 700 000 000 $ pour l'année dernière, soit environ 9 % de la valeur des livraisons de toute l'industrie manufacturière québécoise Vous le savez, parce que je vous l'ai déjà dit à quelques reprises, c'est aussi le cinquième de nos exportations et c'est une activité économique qui est essentielle au maintien d'une balance de paiement commerciale

favorable pour le Québec et à l'activité dans plusieurs villes et villages.

Le mémoire que nous avons déposé porte essentiellement sur deux sujets qui préoccupent tout particulièrement l'industrie forestière: l'emballement des dépenses gouvernementales et la taxation sur le capital des sociétés. Il faut bien comprendre, M. le Président, que ce ne sont pas les deux seuls points dont nous aurions pu parler aujourd'hui, mais, d'autres vous l'ont dit, le délai était assez court, la période de l'année n'était pas très propice et, bien honnêtement, ça fait déjà un bon bout de temps qu'on parle avec plusieurs ministres du gouvernement de sujets très précis, et on n'avait pas l'intention de répéter ça ici, aujourd'hui. On se demande vraiment si on va avoir les changements en profondeur dont on a besoin.

Les membres de l'AIFQ sont pleinement conscients que la situation économique actuelle est difficile pour le gouvernement. La récession, même si elle est officiellement terminée, continue d'entraîner des lois de transferts aux particuliers et de dépenses supplémentaires, par conséquent. Au cours des cinq derniers exercices financiers, les dépenses du gouvernement ont grimpé en moyenne de 6, 5 % par année. Ça, c'est 1, 7 % de plus que l'inflation. Or, c'est de là qu'on emploie le terme emballement, M. le Président.

Ça soulève chez nous de sérieuses inquiétudes. Le niveau de taxation, le déficit, la dette accumulée, tout ça, c'est déjà extrêmement élevé. Un endettement additionnel, une hausse d'impôt, ça serait intolérable, et nous croyons que ça n'aurait qu'un effet éphémère, de toute façon, sur les coffres de l'État, puisque ce sont deux approches qui ont des impacts négatifs bien connus sur l'économie de la province. On reporte le problème dans l'avenir, puis il réapparaît de façon plus grave que précédemment.

Donc, l'industrie constate le peu de marge de manoeuvre du gouvernement. Son assiette fiscale croît régulièrement, moins vite que ses dépenses, mais les membres de l'AIFQ pensent que le gouvernement peut et doit contrôler ses dépenses en s'imposant des objectifs précis. Il nous semble engagé dans cette voie-là, et tout ce que je peux faire, aujourd'hui, c'est de vous encourager à continuer, peut-être en accélérant le rythme un peu.

Nous croyons que - et je vous fais une rapide énumération de quelques points dont on a déjà discuté avec un certain nombre de ministres - le gouvernement doit limiter ses effectifs au strict nécessaire. On comprend mal, à l'AIFQ, que le nombre d'employés du ministère des Forêts, par exemple, n'ait pas diminué de façon significative depuis 1987, alors que la responsabilité de l'aménagement des forêts publiques a été transférée aux entreprises de transformation par le biais des contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier. Ça aurait dû permettre une réduction substantielle des effectifs du ministère. Ce n'est pas le cas.

Le gouvernement doit également éviter les dédoublements superflus de fonctions administratives entre les ministères et entre les paliers de gouvernement. Chez nous, on vous l'a déjà dit, deux secteurs sont particulièrement remarquables à cet effet-là: la formation et l'environnement. Juste pour l'environnement, les deux réglementations actuelles, fédérale et provinciale, occasionnent des dépenses qui sont au minimum de 100 000 $ par année par usine pour l'industrie. Alors, vous me direz que ça fait 6 000 000 $. Ça fait probablement au moins 6 000 000 $ encore pour les deux gouvernements, et c'est des choses dont on a déjà parlé et qui ne se règlent pas, semble-t-il. En tout cas, elles ne sont pas encore réglées, à ma connaissance. C'est des dollars qui n'ont aucune retombée positive sur la protection de l'environnement. C'est le même environnement.

On a parié de l'utilisation de fonds publics pour le sauvetage de canards boiteux dans ces discussions là. M le Président Cost vrni quo si le gouvernement limite ses efforts là, ça va imposer des contraintes, des choix difficiles, mais c'est une façon de s'assurer que les entreprises retrouvent leur compétitivité dans certains cas, et ça nous apparaît nécessaire de passer par des situations difficiles, des fois.

Une autre chose dont on a discuté, c'est la gestion des deniers publics en fonction de la vision claire du gouvernement face à son rôle de développement économique. Nous persistons à croire qu'un secteur privé fort, générateur de richesse pour tous les Québécois, assure la croissance de l'assiette fiscale et, évidemment, le financement efficace des services publics qu'on veut se donner. (16 h 20) ce n'est un secret pour personne, la difficulté dans laquelle vit l'industrie papetière à l'heure actuelle. on est en mutation. par contre, je suis convaincu que l'industrie a l'expertise et le positionnement technologique nécessaires pour demeurer un joueur de premier ordre sur l'échiquier mondial. la population croît, la demande en pâtes et papiers croît. on a une opportunité pour saisir une partie de ces nouveaux marchés-là, pourvu que le gouvernement nous aide à créer un contexte économique tel qu'il permette le développement de l'entreprise.

Je vous rappelle, en terminant cette brève liste qui est loin d'être exhaustive, qu'on a perdu au cours des quelques dernières années l'avantage coût historique qu'on avait en matière d'énergie électrique. C'est une difficulté majeure présentement pour l'industrie. On va en reparler à la commission parlementaire sur le plan de développement d'Hydro-Québec qui s'en vient, mais il faut nécessairement jouer nos cartes de la bonne façon, et il va falloir jouer celle-là aussi, ce qu'on n'a pas fait récemment.

Pour le point qu'on a choisi de développer

devant vous, cet après-midi, la question de la taxe sur le capital, l'AIFQ souhaite que la commission réexamine à fond cette question-là. Nous croyons que cette taxe est non seulement inéquitable, mais régressive. L'industrie des produits forestiers est cyclique, vous le savez, et ses opérations nécessitent des énormes quantités de capitaux, avec une rentabilité qui varie en fonction des cycles. Dans une situation comme celle-là, la taxe sur le capital touche proportionnellement plus fortement les entreprises manufacturières qui utilisent beaucoup de capitaux plutôt que celles qui sont plus fortes en main-d'oeuvre Alors, elle s'applique aussi au moment où on ne fait pas de profit. Au lieu de s'appliquer comme une taxe, comme un impôt qui grève les profits, elle s'applique continuellement.

Au cours des 10 dernières années, le secteur papetier québécois a investi environ 8 800 000 000 $, soit à peu près 22 % du total des investissements manufacturiers québécois. Je vous avoue qu'on considère comme une punition le système de taxe sur le capital qui est en vigueur à l'heure actuelle. Au moment où on doit investir probablement des sommes comparables encore dans la prochaine décennie, c'est une véritable croc-en-jambe aux projets d'investissement du Québec que cette taxe.

D'ailleurs, une récente étude du gouvernement fédéral démontre que les entreprises manufacturières canadiennes font face à des coûts de capital qui sont plus élevés que ceux de leurs compétiteurs. Évidemment, la taxe sur le capital québécois s'ajoute à ça. Nous croyons que, dans une telle situation, personne n'y gagne, sauf nos compétiteurs internationaux. Alors, ce qu'on recommande, M le Président, c'est l'aboli tion complète de la taxe sur le capital. À la longue, nous croyons que l'activité supplémentaire qui sera générée va faire plus que compenser la perte immédiate de revenus fiscaux pour le gouvernement. Mais là, il y a la question de la marge de manoeuvre. L'élimination de la taxe, à très court terme, je pense bien que c'est une mission quasi impossible. Alors, on vous a déposé dans notre mémoire un certain nombre de mesures temporaires que l'on croit pouvoir être instaurées qui permettraient d'assouplir les iniquités actuelles. Ce sont des mesures, je vous le répète, M. le Président, que nous considérons essentielles dans une période où les besoins d'investissement sont très élevés.

Ces mesures. Premièrement, déduire tous les nouveaux investissements du calcul de la taxe. Alors, au moins pour ce qui s'en vient, on n'aurait pas à augmenter les frais à payer en période de non-rentabilité. Ensuite, les membres de l'AIFQ souhaitent que des changements soient apportés le plus vite possible, de sorte que la déduction pour les pertes puissent être totale dans les cas où la taxe s'applique en période de non-rentabilité. Actuellement, le montant à payer sur les taxes peut être déduit en partie pour les compagnies qui font des pertes d'exploitation. Ce que nous souhaitons, c'est que les entreprises qui affichent temporairement des lourdes pertes ne soient plus appelées à verser des montants appréciables en taxe sur le capital et, donc, de revenir plus vite à la rentabilité.

Enfin, nous croyons que la base de référence qui sert au calcul de la taxe sur le capital devrait être la valeur fiscale et non la valeur résiduelle comptable, et nous avons expliqué le processus dans notre mémoire. Ce sont des mesures temporaires, M. le Président, mais qui ne doivent pas être des alternatives à l'abolition de la taxe sur le capital que nous considérons régressive et destructrice.

En conclusion, le Québec, c'est une économie relativement petite qui dépend de son marché extérieur en grande partie et qui doit sa prospérité, passée et future, à sa capacité d'être concurrentielle sur les marchés mondiaux. Évidemment, l'état des finances publiques et la fiscalité jouent à ce titre-là un rôle important. Le gouvernement doit être pleinement conscient de son rôle en matière de compétitivité et de croissance économique. Ce n'est pas nouveau. Les membres de l'AIFQ insistent sur le fait qu'une économie de marché doit être basée sur l'intervention des entreprises privées. Le rôle du gouvernement consiste à implanter un contexte qui va favoriser la croissance économique par le secteur privé.

Un gouvernement efficace doit viser à réduire ses dépenses, ce qui lui permettra de réduire son appétit sur le marché des capitaux. Avec un budget équilibré, il pourra réduire le coût de capital pour toutes les entreprises. La croissance des investissements qui en résulte, à tous les échelons de l'économie, permettrait de diriger des ressources vers des secteurs où ils entraîneraient encore plus de bénéfices.

Dans ce cas-là, avec une structure plus petite et plus efficace, nous croyons que le gouvernement n'aurait plus à imposer des mesures fiscales qui sont autodestructrices, telle que la présente taxe sur le capital. Ce n'est pas en s'octroyant les morceaux toujours plus gros d'une assiette fiscale toujours plus restreinte que le gouvernement va assurer le développement économique du Québec. C'est un secteur privé fort, générateur de richesses pour les Québécois, qui assurera la croissance de l'assiette fiscale et le financement des services publics.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Audet): Merci, M. Duches-ne.

Je vais maintenant reconnaître M. le ministre des Finances.

M. Levesque: alors, m. le président, très brièvement, je voudrais dire à m duchesne et à m. gauthier combien nous apprécions leur présence et nous espérons que la troisième

personne va finalement nous arriver, elle qui est tellement respectueuse des lois et des règlements.

Je voudrais vous dire que j'apprécie votre contribution, et nous apprécions ici votre contribution à cette commission. Vous avez préféré, étant donné probablement que vous avez tellement d'autres présentations à faire à divers endroits, de vous en limiter à une petite liste courte, aujourd'hui, qui touche les dépenses gouvernementales. M. le président du Conseil du trésor aurait peut-être dans quelques minutes des questions à vous poser à ce sujet.

Je m'en tiendrai simplement à la taxe sur le capital qui semble être votre point fort, et je vous rappellerai que, lors de la réforme de 1981, le gouvernement de l'époque, plutôt que d'imposer essentiellement les profits, a décidé de répartir le fardeau fiscal des entreprises sur trois sources, soit la taxe sur le capital, oui, mais aussi les contributions des employeurs au fonds des services de santé et, évidemment, l'impôt sur les profits des corporations. Il s'en est nécessairement suivi une baisse substantielle du taux d'imposition des profits. Par exemple, le taux applicable aux PME est alors passé de 12 % à 3 %. Il faut se rappeler un peu ce fait historique avec lequel nous avons vécu depuis. (16 h 30)

Le régime québécois repose sur le principe qu'il faut taxer de manière égale les facteurs de production. Abolir la taxe sur le capital tout en maintenant la taxe sur la masse salariale entraînerait probablement des distorsions dans le comportement des agents économiques. Alors, par contre, pour diminuer l'impact des charges fixes, le gouvernement introduit un mécanisme de crédit pour pertes et un congé fiscal de trois ans pour les nouvelles entreprises. Si on voulait abolir la taxe sur le capital... Et vous ne le suggérez pas, parce que vous savez que ce serait pas mal drastique; vous suggérez peut-être de le faire à moyen terme. Mais, si on le faisait, ça voudrait dire qu'il faudrait qu'on compense cette perte. Cette perte serait assez considérable, assez substantielle, vous l'admettez.

Si on voulait reporter ça maintenant, comme c'était autrefois, sur les profits des corporations, il faudrait, dans le cas, par exemple, des petites entreprises, passer de 5,75 % à 15,75 %. Ça ferait mal. Pour les grandes entreprises, il faudrait y aller de 8,9 % à 18,9 %, simplement pour compenser les revenus. Et vous comprenez fort bien que, présentement, nous n'envisageons pas de réduire les revenus de l'État. Quand on regarde ce qui se passe en 1992-1993, nous sommes déjà à plus de 800 000 000 $ de la barre fixée pour les revenus dans les prévisions du dernier budget. Alors, il y a un manque à gagner réellement important ici, au Québec. À Ottawa, je pense que c'est de l'ordre de 7 000 000 000 $ à 8 000 000 000 $. En Ontario, c'est 1 600 000 000 $ pour le manque à gagner dans les revenus.

Évidemment, tous les prévisionnistes, il y a quelque temps, il y a un an, pensaient qu'on allait connaître une reprise plus rapide. Mais, évidemment, ça a été retardé, et les revenus de l'État, évidemment, ont fléchi. Alors, c'est pour ça que votre suggestion n'arrive pas tellement dans le meilleur temps. Mais, tout de même, nous en prenons note. Nous savons que vous le faites pour le bien de votre industrie, de vos membres. Cependant, lorsque vous dites que c'est une taxe inéquitable et régressive, ce sont des mots un peu durs pour cette taxe qui, après tout, ne fait que remplacer une autre qui existait avant, sous une autre forme.

Puis-je aussi ajouter, en terminant, que je suis heureux de vous entendre dire que le contexte s'améliore dans une industrie si importante, pour les régions du Québec en particulier. Vous êtes partout. Mais votre progrès, votre succès est essentiel au bien-être des grandes collectivités dans les régions du Québec. Vous êtes une industrie fort importante, et nous devons tenir compte, je crois, dans l'intérêt des travailleurs, de vos propositions. Et le gouvernement est toujours à l'écoute de ces propositions-là, mais doit tenir compte, évidemment, de l'ensemble de la situation.

Est-ce que, dans ce que vous présentez, vous ne pourriez pas ajouter quelques suggestions que vous pourriez faire, par exemple, dans le contexte de la commission qui est celle à laquelle nous participons présentement? Et en vous retirant momentanément du secteur purement de l'industrie forestière, pourrlez-vous, juste en deux mots, nous dire quelles pistes de solution vous verriez dans ce contexte actuel?

Je comprends que vous dites: On ne peut pas aller du côté de l'endettement; on ne peut pas aller du côté du fardeau fiscal; il faut aller du côté des dépenses. Ou aimeriez-vous attendre que M. le président du Conseil du trésor vous pose la question?

Le Président (M. Audet): M. Duchesne.

M. Duchesne: M. le Président, M. le ministre a fait quelques commentaires, lesquels je voudrais commenter.

L'information dont je dispose, M. le ministre, c'est que le congé fiscal de trois ans, ça ne s'applique pas à la grande industrie, ça s'applique à la PME. C'est évident que le sens de notre discussion est que c'est très différent si vous êtes une PME à petite capitalisation ou une papetière ou une autre industrie du même type à très forte capitalisation.

L'inéquité dont on vous parle, c'est justement le fait que, pour permettre le développement et le maintien de la compétitivité de ces industries à forte capitalisation, la taxe a un effet qui est excessivement négatif. Et elle a le même effet négatif sur la rentabilité à long terme des entreprises que les taxes sur la masse

salariale ont sur des entreprises qui sont plutôt à forte proportion en main-d'oeuvre. Dans les deux cas, ça a tendance à assurer un revenu plus continu au gouvernement que si on avait des sources de revenus qui étaient basées plus fortement sur l'impôt, sur les bénéfices des sociétés. Mais il y a un équilibre à trouver; vous avez bien mentionné qu'on a tenté de le trouver avec la réforme de 1981, sauf que le message qu'on vous fait aujourd'hui, c'est que cet équilibre-là est loin d'être idéal et les montants qu'on paie en supplément sur ce dossier-là à l'heure actuelle, compte tenu des investissements qui s'en viennent, c'est un boulet aux pieds. C'est bien sûr qu'il va falloir trouver de l'argent ailleurs pour compenser, mais, là, on va parler peut-être avec votre collègue du Conseil du trésor.

Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant reconnaître le porte-parole de l'Opposition, M. le député de Labelle.

M. Léonard: Merci, M. le Président.

Alors, bienvenue, M. le président et son collègue. Merci d'être venus présenter votre point de vue. J'ai d'abord une remarque sur l'augmentation des dépenses publiques. Je dois dire que, depuis le début des années quatre-vingt, les dépenses n'ont pas augmenté plus vite que le PIB, compte tenu de l'inflation. Depuis le début des années quatre-vingt. Quand vous prenez la dernière période de cinq ans, effectivement, vous avez raison, elles ont augmenté plus vite que le PIB dans les dernières années, les dernières cinq années. Mais, le problème, ce n'est pas tellement que les dépenses ont augmenté plus vite, par exemple, au cours des années 1980 à 1990, notamment, ou que les revenus n'augmentent pas au rythme de l'assiette fiscale, c'est les paiements de transferts qui sont venus clencher de façon significative le budget du gouvernement. Ceci étant dit, je voulais simplement faire ce point pour arriver à l'autre partie de votre mémoire, qui touche !a taxe sur le capital.

En disant que la taxe sur le capital vient miner les décisions d'investir des grandes sociétés surtout, qui ont recours à du capital intensif plutôt qu'à de la main-d'oeuvre, effectivement, vous avez un point, vous marquez un point, surtout, en plus, que le taux réel d'intérêt au Canada est de 7 % depuis une dizaine d'années, depuis le début des années quatre-vingt, à peu près. Alors, cela, effectivement, pose problème.

Par ailleurs, je vais vous poser une question. En rapport avec les politiques de paiement de dividendes, l'industrie papetière a été une industrie - et vous me corrigerez si je n'ai pas raison - qui a versé de bons dividendes, pour ne pas dire de gros dividendes, et, donc, si elle a investi d'une part, elle a aussi tiré son profit par ailleurs. Est-ce qu'en remplacement d'une taxe sur le capital, vous, vous pourriez envisager que les taxes sur les sorties de capital, comme les dividendes, pourraient remplacer la taxe sur le capital, pourraient être plus élevées? En d'autres termes, la position serait d'encourager les investisseurs à laisser le capital dans l'entreprise plutôt que de le tirer sous forme de dividendes. Je crois que c'est une avenue qui s'explore, mais il y a des conséquences. Par rapport à l'industrie forestière, qu'est-ce que vous en pensez?

M. Duchesne: Ça fait partie, M. le Président, du genre de choses qu'il faudrait examiner davantage que dans une petite discussion comme ça, cet après-midi. C'est vrai que les taux d'intérêt réels sont trop élevés, et une des conséquences de ça, justement, pour avoir les capitaux dont les entreprises ont eu besoin, c'est qu'elles ont dû en verser, des dividendes, pour s'assurer que les investisseurs continuaient de rendre les fonds disponibles pour faire ces investissements-là, puisqu'ils ne pouvaient pas procéder à partir de fonds autogénérés. Alors, ça fait partie de la problématique. (16 h 40)

Maintenant, comment on peut le répartir pour obtenir la solution optimale? Bien, moi, je pense que ça vaut la peine d'être examiné très sérieusement, et il y a probablement quelque chose qu'on pourrait faire dans cet ordre de grandeur là.

Il y a une difficulté, par contre, qu'il ne faut pas oublier là-dedans, c'est qu'il y a des financements par le biais d'entreprises ou par le biais de fonds de pension, par exemple, qui ont besoin des dividendes pour assurer la rentabilité du fonds aussi, et il faudrait prévoir de ne pas venir soustraire, par la taxation à ce niveau-là, les revenus dont on a besoin par ailleurs. Si on prend de l'argent de la poche gauche pour le mettre dans la poche droite, on n'a rien gagné. Alors, il y a une analyse à faire avant que je ne puisse vous répondre, d'emblée, oui ou non. Mais vous avez certainement le doigt sur un dossier intéressant.

M. Léonard: Bien, je pense que ça devrait être une question intéressante, effectivement, parce que si vous demandez, à ce moment-ci, d'abolir des taxes sur le capital, je vois tout de suite le ministre des Finances poser la question: Par quoi vous allez les remplacer? Mais, pour ce que vous dites en disant que la politique des dividendes sert à attirer des capitaux, je comprends. Mais alors, qu'est-ce qui explique que, au Japon, la politique de dividendes fait qu'ils sont beaucoup moins élevés qu'ils ne le sont en Amérique du Nord? Donc, cela implique, finalement, que la perspective des investisseurs est beaucoup plus à court terme ici que là-bas.

M. Duchesne: Vous avez raison.

M. Léonard: Dans le domaine forestier, le domaine forestier où l'investissement, justement, doit porter sur le long terme, comment vous expliquez ça?

M. Duchesne: Deux choses. D'une part, je pense que les taux d'intérêt réel là-bas sont beaucoup plus bas qu'ici; donc, on ne part pas de la même base. Et l'autre...

M. Léonard: Oui. On tourne en rond, là.

M. Duchesne: Oui, oui. Mais, est-ce que c'est l'oeuf avant la poule, là, je ne veux pas...

M. Léonard: Oui, oui.

M. Duchesne: Mais, l'autre chose, je pense, c'est carrément dans l'attitude des investisseurs nippons par rapport aux investisseurs nord-américains, ceux-ci ayant tendance à vouloir des revenus puis des bénéfices beaucoup plus rapides. Et, ça, le Québec ne peut pas se détacher de ce contexte-là. On peut souhaiter penser à plus long terme, mais, sur le marché des capitaux, on est coincé avec l'attitude, le contexte du rendement du prochain trimestre.

Et, là-dessus, je ne puis que dire que ça serait souhaitable qu'on pense à plus long terme, effectivement, en particulier pour l'industrie forestière qui n'a pas d'autre choix que de penser à long terme, avec l'ampleur de ses investissements puis avec la lenteur de la croissance de sa source d'approvisionnement. Alors, si on pouvait, d'une façon ou d'une autre, tendre vers ça, je pense que tout le monde serait d'accord chez nous.

M. Léonard: Bon. Disons que je reste un . peu sur ma faim; on pourrait échanger plus longuement. Je vous remercie. On reprendra ça

Le Président (M. Audet): Merci, M. le député de Labelle.

M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Oui, M. le Président.

Merci, M. Duchesne, M. Gauthier d'être avec nous aujourd'hui. Je prends les quelques secondes qui me sont imparties pour référer le député de Labelle à la page 59 du document gouvernemental, qui va lui montrer que l'énoncé qu'il a fait sur la croissance des dépenses depuis 1985-1986 à l'endroit du PIB est inexact. C'est évidemment...

M. Léonard:...

M. Johnson: On l'a déjà dit à l'occasion de la récession, évidemment, alors que nous avions presque réussi à ne pas emprunter pour payer les dépenses courantes, que la situation a pu se détériorer. Mais la structure même des dépenses d'un gouvernement - on va y revenir, c'est très, très pertinent, ça - en période de basse conjoncture fait en sorte qu'on doit intervenir davantage. Alors, évidemment, il peut y avoir, d'une façon passagère, obligation, je dirais, là, pour un gouvernement, de soutenir l'emploi, soutenir l'intégrité de l'ensemble des programmes de sécurité du revenu, nécessité d'accepter - obligation, je dirais même, là, si on pense à l'emploi à long terme - l'obligation d'accepter qu'il y ait des jeunes qui s'attardent dans le réseau de l'éducation, que des gens retournent aux études faute de place pour eux sur le marché du travail. Donc, il y a une série de coûts, là, non seulement directs parce qu'ils sont en classe, mais, évidemment, par les programmes de prêts et bourses sur lesquels il y a des pressions considérables en période de basse conjoncture, qui expliquent certaines des dépenses publiques.

Deuxièmement, il y a le facteur que vous avez isolé, je pense - enfin, à tout le moins, dont vous êtes conscients - sur le fait qu'il y a des programmes dont le rythme d'accroissement des dépenses est supérieur à l'inflation, de toute façon - et de façon considérable, même - ce qui, là, au-delà d'un problème passager, devient un problème permanent. C'est à ça qu'on pense ici, et c'est ça qu'on veut régler, évidemment, tous ensemble. On ne peut vraiment rien pour forcer nos clients, vos clients de l'industrie forestière. Vous êtes une industrie exportatrice; vos clients sont pauvres, vos clients achètent moins, vos clients disent: Dans la pâte et le papier, le papier journal, ça prend plus de fibres recyclées. Et le marché, évidemment, du papier recyclé, c'est là où on trouve les lecteurs de journaux en grand nombre; c'est évidemment le Midwest américain, la Côte ouest, le Sud. Ce n'est pas ici qu'on va trouver des centaines de milliers de tonnes de papier journal, c'est là où les gens les lisent, en Amérique, c'est un petit pou au -sud et à l'ouest do che? nous. Ça orée des pressions sur vos coûts, ça, évidemment, si vous devez vous conformer à des exigences d'ailleurs. Ce n'est pas nos exigences à nous, là. À part celles de l'environnement, qui sont réelles, vous êtes obligés de lutter, devrais-je dire, sur une scène où il y a des décideurs qui ne sont pas des décideurs québécois ni canadiens, ni, certaines fois, nord-américains, même, et qui imposent des coûts à vos entreprises.

Ceci étant dit, il n'en reste pas moins qu'on tente de soutenir l'emploi dans le monde de la forêt par certaines dépenses - enfin, vous les connaissez autant que moi, là - quant au programme quinquennal de voirie forestière, les programmes d'emploi en forêt. Il y un tas de choses. Les ententes fédérales-provinciales, il y en a pour des centaines de millions depuis une quinzaine d'années. On connaît les programmes d'accélération et de modernisation de l'industrie des pâtes et papiers. Il y a eu beaucoup de fonds publics là-dedans, là, à l'époque. Vous êtes en

train de nous dire qu'il faut donner un autre coup. Il faut donner un autre coup. Vous plaidez qu'on fasse des investissements additionnels, autant privés que publics.

J'aurais aimé vous entendre développer davantage l'importance qu'il y a de soutenir l'investissement dans votre industrie. Vous dites: Le gouvernement doit couper ses dépenses. Mais je crois comprendre que vous voulez qu'on baisse vos impôts, et je ne vous ai pas entendus dire qu'il fallait nécessairement, en coupant les dépenses, couper dans l'aide à l'entreprise forestière. Je peux comprendre, là; peut-être que vous n'avez pas eu le temps de nous exprimer toutes ces nuances-là, et j'aimerais vous donner l'occasion de le faire. Ça m'apparait important qu'à travers l'exercice d'équilibrage des finances publiques vous souhaitez qu'on baisse les impôts. Ça, ça n'aide pas le déficit, hein, de baisser la taxe sur le capital pour les industries forestières. De façon directe, je pense que ça a été indiqué. Et il y a certaines dépenses qui sont faites également au soutien de cette activité-là, dont vous souhaitez le maintien, sinon, évidemment, l'accroissement.

Alors, j'essaie de voir avec vous, si vous avez quelques instants, d'abord, quels sont les choix que vous nous suggérez. Je vais peut-être aller dans le même sens que le ministre des Finances, ici. Quelles sont les pistes que vous privilégiez lorsque vous dites au gouvernement - vous dites aux contribuables, vous dites aux citoyens - que des services dont on n'a pas besoin et qui coûtent trop cher, on devrait les couper? Si vous avez quelques suggestions, ça nous aiderait.

Et, deuxièmement, comment faites-vous le lien entre cette marge de manoeuvre là, qu'on trouverait, et le soutien à l'emploi qu'on pourrait retrouver dans votre industrie? Parce que c'est de ça, dans le fond, dont on est en train de discuter: c'est la capacité du gouvernement, avec ses finances, donc, avec les impôts de tout le monde, de concentrer son action, ses investissements, ses dépenses là où ça fait le plus grand bien pour l'économie et pour la création d'emplois.

Alors, M. Duchesne, s'il vous plaît.

Le Président (M. Audet): M. Duchesne. (16 h 50)

M. Duchesne: M. le Président, j'ai déjà eu l'occasion de dire à une couple de commissions parlementaires qu'on n'était pas à la recherche de subventions, certainement pas de subventions supplémentaires, voire même que les subventions, de quelque nature qu'elles soient, c'était au mieux un mal nécessaire. Alors, je pense que je maintiens cet avis-là, M. le ministre.

C'est clair qu'en période de récession économique il faut s'attendre à ce que le gouvernement dépense plus que ses entrées de fonds pour aider à soutenir, à stabiliser le système économique. On n'a pas de querelle avec ça. La querelle qu'on a, c'est que même en période de prospérité le gouvernement n'a pas réussi à dégager - je n'appellerai pas ça des profits - une marge de manoeuvre supplémentaire qui lui permette de réduire le déficit accumulé. C'est là où le bât blesse, finalement. C'est vrai que les situations changent, et c'est vrai que l'industrie a profité, il y a 10 ans, d'un program me de modernisation que tout le monde a applaudi, à ce moment-là. Mais quand on fait les gérants d'estrade, on s'aperçoit que, si on devait recommencer ce genre d'investissements là aujourd'hui, il y en a un certain nombre qui ne se feraient pas ou qui se feraient fort différemment. La situation a changé à tel point qu'on veut le faire différemment à l'heure actuelle.

Je n'ai aucun mandat pour venir vous demander, aujourd'hui, un programme de subvention quelconque. Ce qu'on a fait avec le ministre Côté, avec la ministre Bacon, avec vous-même quand on est allé vous voir, c'est d'insister pour que les dépenses du gouvernement dans les différents dossiers soient réduites à ce qui est nécessaire, à ce qui est essentiel, ce qui vous permettrait de dégager la marge de manoeuvre dont vous avez besoin pour soutenir ce qui a besoin d'être soutenu au point de vue socio-économique, mais ce qui diminuerait, du même coup, la charge pour l'ensemble des entreprises. On n'a pas demandé, par exemple, de réduction tarifaire d'Hydro-Québec spécifique pour les pâtes et papiers, mais on pense que les tarifs d'Hydro-Québec sont hors de contrôle à l'heure actuelle et ne nous permettent pas de nous servir de cet outil pour faire notre développement économique.

Alors, il y a une nuance importante, M. le Président, dans le langage que l'on essaie de tenir et la compréhension qu'on semble avoir de ce qu'on demande. C'est clair que, dans le cas particulier de la taxe sur le capital, ce qu'on vous dit, dans ma tête, c'est qu'on préfère être taxé davantage sur les profits et payer moins cher quand ça va mal, parce que le déficit cumulé des papetières en 1992 va encore atteindre, probablement, 600 000 000 $ et un petit peu plus. Il était, en 1991, de 834 000 000 $. La situation s'est-elle améliorée? Pas du tout! Si vous regardez l'évolution des taux de change, vous trouvez là plus que l'explication de la différence. Or, on n'a pas gagné substantiellement de terrain, malgré les investissements qui ont été faits, malgré l'augmentation de la productivité qui était, en bonne partie, reliée à la mise au rancart des vieux équipements qu'on avait modernisés en 1979-1980, M. le ministre, pour leur faire donner un autre bout de vie utile et, en même temps, fournir de l'emploi aux gens qui les opéraient.

Alors, la situation, elle est sérieuse pour notre industrie, c'est évident, mais nous sommes convaincus que les difficultés qu'on a dans

l'industrie papetière, c'est le même genre de difficultés que tout le monde a dans l'industrie manufacturière au Québec. Et l'effort est nécessaire pour l'ensemble de l'industrie, pas strictement pour l'industrie papetière - l'effort de rationalisation des dépenses gouvernementales.

C'est sûr qu'on préférerait, tout le monde, avoir plus d'argent, mais, vous l'avez démontré vous-même, M. le ministre, on en manque.

Le Président (M. Audet): Merci.

M. Johnson: Oui, juste pour poursuivre...

Le Président (M. Audet): II vous reste quelques secondes...

M. Johnson: Merci.

Le Président (M. Audet): ...à peine une minute. M. le député de...

M. Filion: Montmorency.

Le Président (M. Audet): ...Montmorency.

M. Filion: Merci, M. le Président.

J'aimerais, à mon tour, saluer les représentants de l'Association des industries forestières du Québec et j'aimerais questionner un peu plus au niveau de la taxe sur le capital.

Ça semble être un peu votre problème majeur. En termes concrets, avez-vous une idée combien de taxe sur le capital paie l'industrie, par année? Combien ça représente de milliers ou de millions de dollars? Quel est le montant que vous versez au gouvernement du Québec en taxe sur le capital, par an?

M. Duchesne: Le chiffre se situe quelque part entre 50 000 000 $ et 100 000 000 $.

M. Filion: Entre 50 000 000 $ et 100 000 000 $. Et, au moment où on se parle, compte tenu... On sait que c'est difficile, vous êtes dans une partie de l'industrie, actuellement, qui est très, très, très difficile. Est-ce que, vraiment, ça nuit considérablement à l'investissement de capitaux étrangers, la situation de la taxe sur le capital, au moment où on se parle? Parce que vous semblez vraiment mettre un peu le focus à ce niveau-là. Vous semblez dire que les investisseurs étrangers, la taxe sur le capital les repousse vraiment. Comment vous expliquez ça?

M. Duchesne: Les repousser, oui, jusqu'à un certain point, mais il ne faut quand même pas penser que c'est le seul facteur. La raison de ma revue avec vous, tantôt, d'autres dossiers qu'on a discutés dans d'autres forums et sur lesquels on demandait, justement, une plus grande efficacité, c'était de vous souligner que ce n'est pas le seul problème de l'industrie papetière, ça, la taxe sur le capital. On a choisi de parler de ce problème-là ici parce qu'on n'en avait pas discuté encore et parce qu'il nous semblait approprié, dans le cas de la commission sur le financement des services publics, de le mettre de l'avant, mais ce n'est certainement pas le seul problème de l'industrie. Même si on éliminait la taxe en question, vous le voyez bien, on n'éliminerait pas le déficit de l'industrie. Alors, c'est une composante d'un tout, et il ne faut pas y voir le problème majeur. C'est un problème très important, dont on n'avait pas encore eu l'occasion de parler.

M. Filion: C'est quand même un problème assez important puisqu'on parle d'un déficit de 600 000 000 $ ou 800 000 000 $, comme vous le disiez tout à l'heure. Si vous avez de 50 000 000 $ à 100 000 000 $, ça commence quand même à représenter un bon pourcentage.

Vous semblez également contester, au niveau de la taxe sur le capital, la valeur ou l'assiette fiscale sur laquelle on se base pour taxer. Vous vouliez qu'on prenne des valeurs fiscales parce que vous avez des amortissements accélérés qui permettraient de verser moins au gouvernement? Pourquoi?

M. Duchesne: II y a ça et il y a le fait que les juridictions dans lesquelles opèrent nos compétiteurs procèdent de cette façon-là. Il y a le fait que ça simplifie le processus d'évaluation des montants sur lesquels la taxe est imposée. Donc, il y a toute une série d'avantages qui sont partiels.

Mais, essentiellement, ce que l'on réclame, finalement, c'est ça: c'est de nous placer dans une position - je dis ça, et c'est applicable à l'ensemble de l'industrie manufacturière - qui, du point de vue de cette taxation-là, soit comparable à celle dans laquelle nos compétiteurs opèrent ailleurs. Et ce qu'on a énuméré, y compris le calcul, c'est ça que ça vise.

M. Filion: Quand vous parlez des compétiteurs ailleurs, vous vous référez particulièrement à quel État ou à quel endroit, précisément, où on calcule en fonction d'une valeur fiscale au lieu d'une valeur comptable?

M. Duchesne: On me dit que l'Ontario a, entre autres, une façon différente de présenter ça, qui est, à toutes fins pratiques, le calcul de l'assiette fiscale. Évidemment, nos compétiteurs aux États-Unis ont soit des taux excessivement plus bas ou une absence totale de taxe sur le capital.

M. Filion: pour vous, ce qui serait un taux acceptable, ça pourrait être quoi? on sait qu'actuellement on parle d'un taux de 0,56 %. on sait que ce taux-là était à 0,45 % lorsqu'on a

fait la transition en 1981, et il a augmenté d'à peu près 0, 11 %. pour vous, ce serait quoi, le taux? est-ce que le taux a vraiment bougé beaucoup?

M. Duchesne:ce que le taux ne semble pas indiquer, m. le président... on parle d'un très petit chiffre, donc, on dit: ça ne doit pas être très important...

M. Filion: C'est très important. (17 heures)

M. Duchesne:... mais quand on les applique à des gros investissements... Je vous parle de 8 800 000 000 $ dans les 10 dernières années; il y a une bonne partie de ça sur laquelle le 0, 56 % s'applique, et ça s'applique chaque année et non pas l'année de l'investissement seulement. Ça revient chaque année, tant que ce n'est pas déprécié ou évacué dans le système. Alors, même avec des taux de dépréciation accélérée sur certains types d'investissements, c'est ça qui fait que le montant total reste important, même au moment où on est en train de faire des déficits qui sont absolument inacceptables, insupportables, à long terme.

M. Filion: Pour moi, ça va, M. le Président.

Le Président (M. Audet): II vous reste encore près d'une dizaine de minutes.

M. Filion:... on fait l'alternance.

Le Président (M. Audet): II ne reste presque plus de temps, quelques secondes.

M. Léonard: Allez-y, l'alternance.

Le Président (M. Audet): II reste quelques secondes. Alors, si vous voulez... M. le député de Saint-Louis.

M. Chagnon: On a mentionné, évidemment, l'importance du niveau... pas du service de la dette, mais du niveau d'endettement que les entreprises forestières ont pu avoir. Mais, depuis déjà un an et demi, vous vivez avec une baisse du niveau du dollar canadien, ce qui ne peut pas faire autrement que de stimuler votre capacité d'exportation. Or, jusqu'à un certain point, vous avez eu de la misère à augmenter de façon substantielle ces dernières.

Est-ce que... Vos facteurs de compétition, vos facteurs de capacité de concurrencer votre compétition, par ailleurs, dans le sud des États-Unis, est-ce qu'ils n'entravent pas... est-ce qu'ils ne vous empêchent pas, justement, d'avoir ces profits et de participer davantage au niveau... pas au niveau de la taxation, mais au niveau du financement de l'État par le biais de vos impôts?

M. Duchesne: Eh bien, M. le Président, c'est vrai que le taux de change a aidé. En particulier, vu que le changement est survenu en bonne partie à la fin de l'été, on a pu voir que les livraisons en fin d'année, tant dans le secteur du sciage que dans le secteur des pâtes et papiers, ont augmenté de façon assez significative. On termine l'année avec des livraisons papetières qui sont de plus de 2 % supérieures à celles de 1991, et avec des taux d'utilisation de la machinerie qui remontent de façon substantielle. Mais les prix, M. le Président, en particulier dans le secteur des pâtes et papiers, n'ont pas remonté. La demande a remonté un peu, à ce moment-ci. L'utilisation a remonté parce que la demande est un peu là, et parce qu'on a mis au rancart une proportion significative de nos équipements pour lesquels on n'avait plus d'espoir de rentabilité.

Alors, c'est des facteurs intéressants et positifs, mais le prix sur le marché, lui, demeure excessivement bas, et c'est ça qui fait que la rentabilité des entreprises est encore boiteuse. On espère qu'en 1993 on va faire la transition du rouge au noir dans les bilans financiers, mais c'est loin d'être garanti, même avec un bas dollar, pour peu que les prix sur les marchés américains, en particulier, ne remontent pas un peu. Si le prix montait, Ça, ça aurait une autre influence complètement.

M. Chagnon: Merci beaucoup.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Labelle.

M. Léonard: Merci, M. le Président. Tout à l'heure, j'ai interrogé M Duchesne sur les politiques de dividendes, et l'effet que ça pourrait avoir sur les capitaux. Maintenant, j'ai toujours considéré que 16 secteur de la forêt était un des secteurs où l'on pourrait créer de l'emploi, parce qu'au-delà des dépenses qu'on veut rationaliser - et j'en suis, encore une fois - il reste qu'il faut relancer l'économie. Est-ce que, dans ce contexte, il est toujours exact de dire que, dans le domaine forestier, on peut créer de l'emploi au Québec, quel que soit le stade de la production? Si c'est l'aménagement des forêts, ça en est, mais est résorbé un chômage important par ce biais, de sorte qu'on augmenterait de façon Significative la production nationale, le PIB?

Je sais que le problème, probablement, auquel on a à faire face, c'est justement cette perspective de court, moyen et long terme, et la rentabilité des opérations que l'on fait. Est-ce que c'est toujours exact, dans votre esprit, qu'on peut créer beaucoup d'emplois dans le domaine forestier, à différents stades de la production?

M. Duchesne: Non seulement on peut, mais jo pense qu'on en a créé avec la mise en place de la Loi sur les forêts de 1966.

M. Léonard: Encore quelques centaines de milliers de chômeurs, là.

M. Duchesne: Oui, c'est sûr, mais en termes de dépenses sylvicoles, par exemple, la vitesse de croisière, qui n'est probablement pas encore atteinte à cause de la récession, fait qu'on va finir par dépenser probablement 150 000 000 $, 175 000 000 $ par année d'argent nouveau, par rapport à avant la loi, en aménagements forestiers.

Présentement, on est probablement plutôt dans l'ordre de 125 000 000 $, mais on ne dépense pas cet argent-là sans avoir des gens qui travaillent sur le terrain. Alors, c'est sûr que ça a créé et que ça va continuer de créer de l'emploi, sauf qu'en contrepartie il y a toute une série de mesures qui sont prises, qui vont de pair avec l'amélioration de la productivité, et qui sont nécessaires pour que le prix de la matière ligneuse ne devienne pas absolument hors de contrôle. Il y a une compensation qui s'est faite là, et le nombre d'emplois net, M. le député, je suis loin d'être sûr qu'il soit positif, en particulier parce que la récolte a diminué de façon dramatique. Mais, même avec une récolte moyenne, je pense bien que le nombre d'emplois net va être à peu près neutre. Même si on a de nouveaux emplois, les anciens sont plus productifs, et on a tout simplement fait plus de travail avec, à toutes fins pratiques, essentiellement le même nombre de personnes.

M. Léonard: Oui, mais, est-ce que dans ce secteur de l'aménagement, par exemple, forestier, les taux d'intérêt réels ont un impact majeur?

M. Duchesne: Bien, là, on rentre dans une discussion qui a été faite depuis très longtemps dans le secteur forestier pour savoir si on devait comptabiliser les dépenses sylvicoles comme des dépenses d'opération ou des dépenses d'investissement. Il n'y a pas de doute que ça a un impact, mais l'industrie n'a pas d'autre choix, de toute façon, que de comptabiliser ça comme des dépenses d'opération, parce que même avec des taux d'intérêt bas, les taux de croissance de la forêt au Québec ne peuvent pas dépasser les taux d'intérêt, sauf dans des cas particuliers. Alors, il faut le considérer comme dépenses d'opération et il faut, à ce moment-là, couvrir les frais à court terme. Donc, l'impact, à mon sens, n'est pas monumental.

M. Léonard: Oui, mais si vous devez... Vous dites que l'industrie doit considérer toutes ses dépenses d'aménagement forestier, à l'heure actuelle, comme étant des dépenses d'opération, et qu'elle n'a pas le choix. J'aimerais ça que vous élaboriez davantage, parce que c'est important. Si vous faites des dépenses d'aménagement forestier - vous plantez un arbre aujourd'hui et vous le récoltez dans 50 ans - il y a comme un décalage entre dépenses et récupération de votre mise de fonds.

M. Duchesne: L'attitude qu'il faut prendre, M. le Président, là-dedans, ce n'est pas de considérer qu'on fait un investissement pour dans 50 ans, parce qu'au taux d'intérêt, même très bas, qu'on pourrait escompter, cet investissement-là, il devient rapidement non rentable.

M. Léonard: Ce n'est pas ma question de tout à l'heure. Le taux d'intérêt a-t-il une importance là-dedans? Je pense que oui, que ça a justement une importance.

M. Duchesne: Bien, dès le moment où le taux d'intérêt dépasse le taux annuel de croissance des peuplements forestiers, il n'a plus d'importance, il est tombé de l'autre bord. Ça prend un taux d'intérêt très bas pour qu'il soit en bas du taux de croissance des peuplements forestiers.

M. Léonard: Alors, vous êtes en train de me dire qu'il y a juste les Japonais qui peuvent planter des arbres?

M. Duchesne: Eux autres manquent de sol pour les planter. Leur sol coûte tellement cher qu'ils sont pris avec un autre problème. Alors, la solution à ce dilemme-là, carrément, M. le député, c'est celle que l'industrie a employée. On utilise une ressource naturelle qui existe, et on s'assure qu'elle va encore exister. Ceci est une dépense d'opération. On remet la forêt en état de produire, comme elle était quand on l'a récoltée, et on passe ça aux opérations, pas nécessairement dans l'année, là, parce qu'il y a une question de chemin qui peut être déprécié sur un certain nombre d'années, tout ça, mais les dépenses sylvicoles sont passées en très, très grande partie au programme des dépenses courantes.

M. Léonard: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Audet): Merci, M. le député de Labelle. Ça termine nos échanges.

Alors, je veux remercier, au nom de la commission, l'Association des industries forestières du Québec pour sa présentation.

J'invite, avant de suspendre nos travaux quelques minutes, la Jeune Chambre de commerce de Montréal à prendre place.

Nous allons reprendre dans deux minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 10)

(Reprise à 17 h 15)

Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission du budget et de l'adminis-

tration reprend ses travaux.

Nous recevons maintenant la Jeune Chambre de commerce de Montréal. Messieurs, on vous souhaite la plus cordiale bienvenue. Je vous explique rapidement nos règles de procédure.

Vous avez environ une vingtaine de minutes pour présenter votre mémoire. S'ensuivront des échanges d'une quarantaine de minutes: d'abord, du gouvernement, de la formation ministérielle, et de l'Opposition officielle.

Alors, je vous demanderais de vous présenter, s'il vous plaît, et ensuite, de nous exposer votre mémoire.

Jeune Chambre de commerce de Montréal (JCCM)

M. Hémond (Robert): Bonjour, mon nom est Robert Hémond. Je suis président de la Jeune Chambre de commerce de Montréal. Mes collègues: Philippe Carpentier, vice-président aux affaires publiques; et M. Serge Girard, secrétaire de la Jeune Chambre de commerce de Montréal.

La Jeune Chambre de commerce de Montréal, c'est la plus grosse Jeune Chambre de commerce au Québec - on a plus de 800 membres. C'est la plus grosse Jeune Chambre au Canada, la plus vieille, avec 60 années de vie. On est aussi au niveau International. Il y a un mouvement international de 400 000 membres. On est la quatrième plus grosse Jeune Chambre au monde.

Les objectifs de la Jeune Chambre. On parle de développement de nos membres. On parle de formation. On parle de développement d'un réseau de contacts. En fait, ils sont capables d'établir leur premier réseau de contacts. On parle aussi d'être les représentants des jeunes gens d'affaires de Montréal. Aussi, des contribuables d'aujourd'hui, des contribuables de demain.

Ce qui nous a portés à nous arrêter, à réfléchir sur la situation présente, ça vient d'il y a deux ans, lors d'un sondage qu'on a fait auprès de nos membres. Puis, l'une des principales préoccupations des jeunes gens d'affaires de Montréal était l'endettement public. On sait qu'un déficit, aujourd'hui, va égaler des impôts demain. Quand on regarde les jeunes chômeurs aujourd'hui, le taux qui est assez élevé, on se dit qu'à un moment donné il va y avoir une certaine égalité. Sachant bien que notre société actuelle, elle vieillit de plus en plus, il faut trouver une façon de réintégrer ces jeunes gens-là.

Il ne faut pas oublier que le gouvernement élu est là pour générer une économie saine, et qu'il n'est pas là pour gérer un déficit. Le gouvernement élu est là pour montrer l'exemple. Dans des cas déficitaires, je pense qu'il faut être capable de sortir - excusez-moi le terme - du trou. Toutes les interventions qu'on a faites auprès des commissions parlementaires ou au sein de notre communauté, ça a toujours été en tant que bon gestionnaire. On regarde une situation, et on essaie de se dire: Qu'est-ce qu'un bon gestionnaire? Je pense qu'en droit on parlerait de bon père de famille.

Sur ce, je vais laisser mes collègues vous présenter le mémoire.

M. Carpentier (Philippe): M. le Président, MM. les membres de la commission, d'abord, avant d'entrer dans le détail du contenu du mémoire, je pense qu'il y a deux éléments sur lesquels on doit insister, qui sont un peu les bases de notre intervention. C'est d'abord la question: A-t-on les moyens de faire ce qu'on fait actuellement? Évidemment, la réponse et un peu le fait qu'on soit ici, c'est effectivement: Non, on n'a pas les moyens. On n'a peut-être plus les moyens de faire ce qu'on fait actuellement.

Alors, ce qui découle de ça, c'est effectivement que le gouvernement doit faire des choix qui, évidemment, sont nécessairement désagréables à faire, puisque ça implique soit des coupures, soit des décisions qui vont faire mal dans différents secteurs de l'économie ou dans différents secteurs gouvernementaux.

Donc, on part de ces prémisses-là, que le gouvernement doit faire des choix. Alors, dans le mémoire, ce qu'on a voulu faire, c'est d'abord de présenter les objectifs ou pourquoi on est là. Ensuite, donner un peu la vision de l'État ou la vision d'un gouvernement qu'on a, c'est-à-dire comment on voit ça en tant que jeunes gens d'affaires, et comment on aimerait que ce soit dans le futur. Ensuite, on propose quelques pistes qui peuvent amener des solutions par rapport aux problèmes qu'on vit actuellement, au niveau des finances publiques. Finalement, on a touché rapidement au niveau de la taxation, puisque ce n'est pas un domaine qu'on voulait explorer, ce n'est pas notre domaine de spécialité. En fait, comme Robert Hémond, le président, l'a précisé, on a pris une approche de bon gestionnaire, donc, une certaine logique de gestion qui appuie un peu nos choix et nos recommandations. (17 h 20)

D'abord, pour nous, on l'a dit tout à l'heure, la préoccupation des jeunes gens d'affaires, la principale préoccupation, c'est l'endettement public. Or, face à ça, pour nous, la priorité absolue du gouvernement pour les années qui viennent devrait être la réduction de la dette. C'est évident qu'il y a quand même la gestion de l'État et des activités courantes qui doit se poursuivre, mais, à notre avis, on doit toujours avoir en tête la réduction de la dette... et des déficits - ça va de soi.

Un premier élément qu'on propose à cette fin-là, c'est que, peu importe la situation, qu'on soit en période d'expansion, qu'on soit en période de récession, qu'on essaie d'accorder un pourcentage, une proportion fixe des revenus à la réduction de la dette. Comme un consom-

mateur ou comme une entreprise qui est endettée, qui est face à une situation où une bonne partie de ses revenus doit servir à payer des intérêts, son objectif principal devrait donc être de réduire ça et, par conséquent, de consacrer une partie importante de ses revenus à réduire cette dette-là.

Évidemment, on souhaite également des programmes de réduction de dépenses, donc des programmes auxquels on devrait tenir, encore une fois, peu importe la situation politique ou économique. Donc, on souhaiterait une gestion responsable.

On propose également le principe des budgets à base 0. Donc, ne pas partir du budget de l'année antérieure avec un certain pourcentage d'augmentation pour pouvoir arriver au budget de l'année courante. Donc, c'est-à-dire de justifier chacune des dépenses, comme on le fait dans la plupart des entreprises où l'on vit. Chaque année, on doit rejustifier ce qu'on va faire et l'argent qu'on va demander pour le faire.

Évidemment, la question de l'imputabilité, qu'on a entendue beaucoup, nous la souhaitons. Donc, on souhaite que ce principe-là soit appliqué.

Ça m'amène à la vision de l'État, la vision d'un gouvernement qu'on souhaite avoir. On a parlé beaucoup, dans les dernières années, d'un État catalyseur, donc d'un État qui serait un peu l'intermédiaire entre le public ou entre les contribuables qui contribuent à la caisse de l'État et, en fait, les bénéficiaires et ceux qui reçoivent un peu l'argent de l'État. Donc, dans ce sens, on souhaite que ce rôle-là soit accentué et, encore une fois, comme je l'ai dit tout à l'heure, que le rôle de l'État soit de faire des choix, même si ces choix-là sont difficiles, en fonction des revenus qu'il a.

On souhaite également une réduction de la taille de l'État ou de tout ce qui entre, que ce soit au niveau du gouvernement ou au niveau des sociétés publiques, parapubliques. On trouve que l'État est peut-être présent de façon un peu trop large au niveau de l'économie.

On propose également le concept de guichet unique dont on a beaucoup entendu parler, dont on a beaucoup parlé au cours des dernières années. Concept un peu vague, peut-être, parfois, mais, selon nous, concept qui devrait être exploré, c'est-à-dire que, quand quelqu'un peut distribuer ou peut informer sur un service de l'État, pourquoi ne pas le faire pour d'autres services. J'ai un exemple, je pense a Communication-Québec, qui offre un service fantastique. Vous avez besoin d'un renseignement sur l'État, vous appelez Communication-Québec. Dans les secondes qui suivent, vous avez une information. Alors, pourquoi on n'est pas capable de retrouver ça ailleurs? C'est une question qu'on se posait. C'est une piste qu'on souhaite qui soit explorée.

Au niveau des autres pistes plus précises, bon, on souhaite évidemment que certains programmes soient remis en question. Si on revient aux choix de tout à l'heure, que l'État doit faire, ces programmes-là, on en a identifié quelques-uns. Évidemment, ce n'est pas exhaustif. On ne considère pas que c'est à nous de faire ces choix-là, peut-être parce qu'on n'a pas l'information suffisante pour les faire. On n'a peut-être pas le pouvoir de les faire non plus. Alors, tout ce qu'on peut faire, c'est de suggérer. On pourra peut-être discuter de certains programmes plus précis tout à l'heure, si vous avez des questions à ce niveau-là.

On remet également en question... Bon, un autre sujet tabou, c'est-à-dire, peut-être, la sécurité d'emploi. Pour nous, qui sommes des gens du secteur privé, il est parfois difficile de voir que certains individus puissent jouir d'une sécurité d'emploi, alors que d'autres, vraisemblablement, sont face à des situations qui sont difficiles, où leur emploi est précaire. Alors, on trouve, ne serait-ce qu'une certaine forme de justice sociale, qu'il y a peut-être quelque chose qui doit être réajusté à ce niveau-là.

On parle également de dédoublement de responsabilités au niveau, par exemple - sans vouloir tourner le fer dans la plaie - de la main-d'oeuvre et de la formation. Je pense qu'il y a quelque chose, à ce niveau-là, qui est un peu, encore une fois, choquant, peut-être, pour quelqu'un qui vient de l'extérieur. C'est-à-dire qu'il y a énormément d'argent dans un système, et on ne sera pas capable, pour des raisons de duplication ou de conflit, de pouvoir en faire bénéficier ceux qui devraient en bénéficier.

Ensuite, venant du secteur privé, on souhaite également que le gouvernement entretienne des relations plus étroites et on est prêt, effectivement, ou on croit qu'on devrait contribuer, dans la mesure de nos moyens, à certains programmes ou à certaines activités de l'État. Je pense, par exemple, aux centres de recherche ou aux centres de formation auxquels les entreprises privées peuvent participer.

Finalement, au niveau des pistes de solutions, on remet également en question l'universalité au niveau de l'utilisateur de services, c'est-à-dire qu'on n'est pas défavorable à l'utilisation d'un ticket modérateur ou d'un système d'utilisateur payant, pas dans une perspective de réduction ou de réduction à l'entrée, c'est-à-dire d'empêcher les gens d'avoir accès au service, mais uniquement de contribuer, d'avoir une contribution au niveau du financement de ce service-là.

On parle également un peu du même principe au niveau du pollueur-payeur, c'est-à-dire que des gens, des entreprises qui, effectivement, ont des activités polluantes, on ne croit pas que c'est l'État qui devrait assumer les coûts de dépollution ou le coût des activités économiques de ces entreprises-là. Merci.

Ça m'amème, finalement, rapidement, au niveau de la fiscalité. C'est-à-dire qu'on trouve

que... On n'a pas de problème avec le niveau de taxation qui peut être exercé soit sur les contribuables, soit sur les entreprises, mais on trouve qu'au niveau des entreprises, souvent, la lourdeur administrative générée par le système de la fiscalité est un frein, à notre avis, à la compétitive des entreprises. Il y a énormément de temps qui est perdu ou qui doit être consacré à la gestion, soit à des activités reliées à la fiscalité, soit à des activités de lien, d'information avec l'État. On trouve que, si on pouvait dégager un peu les entreprises privées de ce fardeau-là, ce serait quelque chose qui serait favorable pour les entreprises.

Finalement, ça m'amène un peu à la conclusion qui est que... bon, il y a des choix qu'on doit faire. Je pense qu'il n'y a pas de question qui se pose à ce niveau-là. On est rendu dans une situation où on ne peut pas dire qu'on a les moyens de faire ce qu'on fait actuellement. Donc, ces choix-là devront être faits. On doit peut-être en informer ou conscientiser les gens qui vont avoir à subir, en quelque sorte, à subir, entre guillemets, les choix qui vont être faits, les réductions de services ou toute forme d'intervention qui devront être faits. On devra les informer, les sensibiliser, puis une des pistes qu'on suggère, c'est de faire prendre conscience aux gens du coût des services qu'ils consomment, donc, par le biais... ne serait-ce que lors du rapport d'impôt, d'identifier les postes, pour chacun des individus. Donc, vous avez payé 10 000 $ d'impôt, il y en a 4000 $ ou 5000 $ qui vont à tel programme, 3000 $ à tel programme. Je pense que ce serait une piste qui est simple et qui permet aux gens de voir, effectivement, ce pourquoi ils paient, et que l'impact des réductions... ce que ça peut avoir comme impact sur eux-mêmes.

Alors, sur ce, je vais passer la parole à M. Girard, qui va faire la conclusion. (17 h 30)

M. Girard (Serge): Nous vous avons présenté divers moyens de reprendre en main les finances publiques du Québec, mais le mandat de cette commission dépasse, et de loin, la simple recherche de techniques de taxation qui permettraient de réduire le déficit. Il s'agit, d'abord et avant tout, de réfléchir sur le rôle que doit jouer l'État dans une société moderne. Les grands débats de société qu'on a trop longtemps, et à tort, recherché dans les matières constitutionnelles, c'est sur cette question, la question du rôle de l'État qu'elle se joue. De quelle sorte d'État voulons-nous? La Jeune Chambre de commerce de Montréal se prononce en faveur d'un État catalyseur dont le rôle sera de créer et de maintenir des conditions favorables au développement économique du Québec. Il ne s'agit pas de revenir au laisser faire, mais plutôt de favoriser une intervention judicieuse de l'État. Malheureusement, à l'heure actuelle, on doit constater qu'on est plutôt face à un État «baby- sitter», c'est-à-dire que c'est un État qui s'attribue le droit de faire des choix de valeurs qui devraient revenir aux individus, et on pense plus particulièrement, spontanément, au cas du tabac qui ne sera strictement qu'un exemple là-dessus.

L'État se comporte comme s'il lui appartenait de décider si les individus devraient ou non faire usage de tabac. Cela a donné naissance à une inflation fiscale dont l'effet pervers a été de créer un nouveau type de crime. Non seulement cela détériore-t-il le climat, le tissu social qui est nécessaire à une vie démocratique, mais on est obligé maintenant d'engouffrer dans la lutte contre ce crime, ce nouveau crime, les fonds qu'on espérait utiliser à la réduction de la dette. D'un point de vue fiscal, il s'agit d'un non-sens.

D'autre part, quand on parle d'État «babysitter», il s'agit également d'une attitude qui consiste à faire assumer par l'État des responsabilités qui devraient revenir aux individus et qui, donc, l'empêche, l'État, de faire confiance aux individus pour trouver des solutions originales aux nouveaux problèmes auxquels nous sommes confrontés. Dans un tel contexte, il devient difficile, sinon impossible à l'État de résister aux pressions en faveur de la création de programmes sociaux toujours plus nombreux ou de remettre en question des dogmes comme celui de l'universalité. Au lieu de chercher à régler tous les problèmes et à assumer toutes les responsabilités pour lesquelles il est sollicité, l'État moderne, l'État catalyseur doit plutôt s'appliquer à faire des choix, et ce n'est pas non plus un rôle qui est plus facile. Prenant pour point de départ la certitude que le Québec a atteint la limite de l'utilisation de son crédit et la certitude que les Québécois ont atteint la limite de leur volonté de payer de nouvelles taxes, l'État dort se responsabiliser, responsabiliser ses employés et responsabiliser les utilisateurs de ses services. Il doit aussi canaliser les maigres ressources dont il dispose là où elles sont le plus susceptibles de produire du développement économique.

En conclusion, cette commission a le devoir d'aider l'État québécois à se dégager de la mentalité politiquement correcte, que je traduis de «politically correct», pour axer son intervention dans le sens de la création et du maintien de conditions propices au développement économique de notre société.

Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre des Finances.

M. Levesque: M. le Président, permettez-moi de saluer les représentants de la Jeune Chambre de commerce de Montréal et de les féliciter pour leur présentation fort intéressante, et qui nous permet d'entreprendre une discussion immédiate

avec eux.

Pour ce faire, d'abord, je vais... j'aime à voir qu'au tout début de votre mémoire, vous vous situez comme des jeunes gens d'affaires et professionnels âgés de 18 à 40 ans. Alors, je pense qu'il est important d'avoir le message des gens de votre génération et qui êtes appelés probablement à vivre le reste de votre vie avec les décisions qui ont été prises depuis quelque temps déjà et qui se prennent encore et, plus particulièrement, qui devront se prendre pour donner suite, évidemment, aux voeux de la population dont vous représentez une partie. C'est à nous, évidemment, éventuellement, après cette commission, d'essayer de faire le tour des choses, de tenir compte de tout ce qui s'est dit, de tout ce qui s'est écrit, mais en tenant compte surtout de ce que nous pourrons dégager comme étant l'intérêt public, le bien commun.

Lorsque vous dites qu'après avoir consulté vos membres vous arrivez à ce qui constitue la préoccupation majeure - je lis ce que vous écrivez dans votre mémoire - des jeunes gens de votre société, de votre association, de votre Chambre, c'est l'endettement public. Je pense qu'il est important que je le souligne ici parce que c'est de là que vous partez dans l'exposé que vous nous présentez. Il y a une chose, cependant, que vous souhaitez - et je pense que je ne serai pas, moi du moins, comme ministre des Finances, en mesure de répondre d'une façon du moins prochaine à votre voeu - c'est de réduire, d'allouer un certain nombre de deniers à la réduction du capital de la dette. Puis-je vous rappeler que cette dette, il y a une vingtaine d'années, était inférieure à 5 000 000 000 $; la dette totale, elle est rendue à 55 000 000 000 $? Pas plus mes prédécesseurs que moi-même, nous n'avons remboursé autrement qu'en empruntant le même jour où l'emprunt est devenu à échéance. Autrement dit, les déficits s'accumulent. Je rêverais du jour où nous pourrions commencer à rembourser la dette, mais il faut commencer, pour cela, à éliminer les déficits, particulièrement les déficits qui sont attribués à des emprunts faits pour payer les dépenses courantes.

Alors, il y a un processus, il faut d'abord éliminer cette partie-là. Nous avions presque atteint cet objectif avant la récession. Nous sommes, évidemment, et nous avons été retardés considérablement dans la récession pour arriver à ces objectifs. Nous n'avons pas laissé tomber l'objectif, cependant, mais il faut bien comprendre qu'il y a là, devant nous, un défi considérable. Vous êtes d'avis qu'il ne faut pas continuer dans l'endettement, c'est clair. Vous êtes d'avis qu'il ne faut pas non plus augmenter le fardeau fiscal, c'est clair. Vous vous tournez vers une réduction des dépenses de l'État.

Je n'irai pas plus loin parce que vous touchez là un sujet qui fait l'objet des préoccupations de mon collègue, le président du Conseil du trésor, chaque jour de l'année. Alors, je pense bien que c'est de ce côté-là que nous allons faire en sorte d'avoir une contribution. C'est pourquoi je termine immédiatement mon intervention, M. le Président.

Le Président (M. Audet): Merci, M. le ministre des Finances.

M. le député de Labelle.

M. Léonard: Merci, M. le Président.

D'abord, je vous souhaite la bienvenue, la Jeune Chambre de commerce de Montréal; je pense aussi que vous représentez tous les jeunes de 18 à 40 ans qui s'intéressent aux affaires. Je pense, à ce titre, que, moi aussi, ça m'intéresse beaucoup, ce que vous avez à nous dire.

Votre préoccupation touche à l'équilibre des opérations de l'État, je le comprends, surtout quand vous dites que votre souci majeur, c'est que les déficits ne s'accumulent pas; je le partage. Je voudrais dire, en réplique un peu au ministre des Finances, qu'il y a eu des années de vaches grasses, de 1985 à 1990, cinq ans. Malgré tout ça, il a accumulé, durant toutes ces années, des déficits aux dépenses courantes, même dans des périodes de vaches grasses, je le dis.

M. Levesque: Pour payer les intérêts de leurs emprunts.

M. Léonard: Alors, quand il est arrivé, par la suite, quand la récession est arrivée, il a été très surpris, comme si des récessions, ça n'existait plus. Alors, il a commencé par taxer. Il a taxé les Québécois pour 4 000 000 000 $ annuellement et, maintenant, il veut couper. Alors, là, il se fait donner des suggestions par les groupes.

Très bien! Disons que c'est son périple, nous verrons par la suite ce qu'il en arrivera. Mais je pense quand même qu'au-delà de ça nous devons être préoccupés par le souci des équilibres financiers de l'État et des dépenses courantes au moins sur le cycle économique, tout à fait. (17 h 40)

Par ailleurs, comme je m'adresse à des jeunes de 18 à 40 ans, il y a quand même une autre perspective qu'il faut avoir, qui est celle d'augmenter la production nationale. C'est vous qui êtes dans la force de l'âge, qui produisez et qui pouvez produire. Ma question, présentement, au-delà de l'équilibre des finances de l'État - et encore de l'État composé, fédéral et Québec, je pense que c'est comme ça qu'il faut voir les choses - au-delà de cela, comment peut-on augmenter la production nationale? En réalité, si on arrivait à augmenter la productivité ou la production de 10 %, de 20 % - ce n'est pas une chose impossible - les finances de l'État se rééquilibreraient assez rapidement. Qu'est-ce qui empêche qu'on développe davantage l'«entrepre-neurship» au Québec? Quand vous parlez d'État

catalyseur, actuellement, il pourrait jouer ce rôle. Quels seraient les gestes qu'il devrait poser qui vous permettraient de partir en affaires, vous, les jeunes?

M. Girard (Serge): Le rôle que l'État peut jouer, en ce moment, pour développer l'«entre-preneurship», évidemment, plutôt que de concentrer toujours... Je donne un exemple. Au lieu de concentrer la gestion d'un certain nombre de services dans la fonction publique, il y a un tas de services qui peuvent être offerts par l'entreprise privée. C'est une façon de créer une place pour cet «entrepreneurship». Je n'invente rien. C'est une solution qui est dans l'air depuis longtemps. Elle est dans l'air, et elle est sur les tablettes. La seule chose qui reste à faire, c'est de la mettre en pratique.

M. Léonard: Oui, mais... Allez-y!

M. Girard (Serge): Je dis donc que, les solutions, je pense qu'on les connaît déjà. Il peut y avoir une campagne ou un effort d'éducation en faveur de l'«entrepreneurship», il peut y avoir un appui aux entreprises, mais on ne vient pas ici vous demander de créer de nouvelles subventions pour les entrepreneurs.

M. Léonard: Non.

M. Girard (Serge): Alors, dans ce sens, faisons une place à l'«entrepreneurship» et, de la même façon, les fonds... Quand je parlais des maigres ressources dont l'État dispose, allouons-les aux bons endroits. Il y a des secteurs mous qu'on a continué encore et encore à soutenir en pure perte. Il y a des raffineries de sucre, il y a un tas d'entreprises qui ont été plus ou moins artificiellement mises en place, comme si on pouvait acheter des emplois. Ce qu'on dit, c'est que les ressources de l'État devraient être mises dans les secteurs productifs de développement économique.

M. Léonard: Mais disons qu'au-delà du rôle de l'État - je pose la question - sur ('«entrepreneurship» lui-même, j'imagine que les jeunes, à 25 ans plus ou moins, ont l'idée de faire des choses, de se construire leur place au soleil, de créer leur emploi. Qu'est-ce qui les empêche de le faire? Qu'est-ce qui les arrête, à l'heure actuelle? Est-ce qu'ils sortent des études trop endettés? Est-ce qu'ils sortent de la période de 20 ans trop endettés de sorte qu'ils ne peuvent eux-mêmes créer leur entreprise, créer leur emploi? Bien, il y a l'État. Supposons que la glace est à vous, alors vous faites quoi sur la glace?

M. Carpentier: Je vais répondre. Je pense que pour un jeune comme pour n'importe qui qui veut partir en affaires, le problème principal, c'est le financement. Ça, je pense qu'on ne s'en cache pas. On a beau avoir des idées, des envies, des désirs de faire quelque chose, si on n'a pas les ressources de départ pour commencer, c'est assez difficile de le faire. Donc, comment encourager I'«entrepreneurship»? Je pense que l'«entrepreneurship» en soi, il existe, c'est-à-dire le germe, le désir de faire quelque chose, mais effectivement, quand c'est très difficile d'avoir accès à un capital de départ, les choses sont beaucoup plus difficiles.

Je pense qu'au Québec il y a de l'argent qui est disponible pour des projets, mais peu pour des projets qui partent de zéro, c'est-à-dire des projets de pur «entrepreneurship». Si vous êtes une entreprise relativement bien établie, vous pouvez aller voir la SDI, la Caisse de dépôt, vous allez avoir de l'argent disponible, mais pour un jeune qui veut effectivement partir en affaires, c'est beaucoup plus difficile. Si on se compare, par exemple, avec les États-Unis où, depuis quelques années, au cours de la dernière décennie, s'est développé beaucoup, beaucoup ce qu'on appelle le «venture capital», donc le capital de risque, c'est quelque chose qui n'existe pas encore ici, qui est très peu développé, qui est beaucoup moins développé, en tout cas, que chez notre voisin du Sud. Je pense que, ça, c'est un élément qui est un frein, disons, à l'émergence de l'«entrepreneuship» parce que, selon moi, il existe.

M. Léonard: Disons que je vais simplifier la situation. Il reste quand même que, dans une période de récession, c'est là que vous trouvez les meilleurs comptes en banque; il y a des idées, il y a de l'argent, mais l'allumage ne se fait pas.

Alors, qu'est-ce qu'on met sur pied ou qu'est-ce que le privé doit mettre sur pied? Et dans quelle mesure l'État catalyseur catalyse quelque chose?

M. Hémond: Eh bien, moi, peut-être pour... Quand vous parlez de choix, on parle souvent de subventions, on parle souvent de subventions à de grandes entreprises, à des papetières où on voit un coût par employé de 1 000 000 $. Si cet argent-là avait été investi plus vers les PME, peut-être qu'on aurait généré plus d'emplois, plus de dynamisme que d'investir vers des choses, des fois, qui sont peut-être... quand on parte de secteur mou, là, de notre économie. Je ne sais pas si vous comprenez un peu plus ce que je veux dire.

M. Léonard: Oui

M. Girard (Serge): En d'autres termes, l'État devrait être là pour appuyer les petites entreprises qui sont souvent des jeunes, alors les jeunes entrepreneurs et les petites entreprises. L'État devrait être là pour les apppuyer financièrement ou autrement. Et dans les...

M. Léonard: C'est-à-dire pour épauler le secteur privé qui les appuierait.

M. Girard (Serge): Oui, mais même appuyer directement les petites entreprises. Mon point, c'est que, quant à la grande entreprise, ce n'est pas l'État qui devrait appuyer la grande entreprise, c'est plutôt l'État qui devrait rechercher l'appui des grandes entreprises. Il y a peut-être des projets, il y a peut-être des programmes sur lesquels on pourrait inviter la grande entreprise à investir. Il ne s'agira pas, donc, de subventionner la grande entreprise, mais plutôt d'amener la grande entreprise à participer à des programmes ou à des projets gouvernementaux. Le gouvernement appuiera, lui, le petit, le petit entrepreneur, le jeune entrepreneur.

M. Léonard: Bien. Merci.

Le Président (M. Audet): Merci, M. le député de Labelle.

M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Oui. Bienvenue à ces messieurs qui sont les successeurs de gens comme moi qui ont déjà été actifs dans la Jeune Chambre de commerce de Montréal, évidemment, il y a déjà quelques années, pas si longtemps que ça, M. le député de Labelle, mais il y a quand même quelques années.

Je suis heureux de voir l'enthousiasme et l'intérêt que vous mettez, le sérieux que vous mettez à venir discuter de ces choses-là, de votre point de vue, parce que, pour me raccrocher à certains de vos commentaires, il est évident que votre souci, c'est celui de mettre sur pied et de mener des entreprises qui vont être viables, qui vont créer des emplois, qui vont donner un débouché aux jeunes. Ça passe, ça, selon vous, par, en grande partie, des correctifs qu'on doit apporter aux genres de programmes qu'on a mis sur pied pour ne pas que le fardeau soit trop lourd, évidemment, autant pour vous-même, comme individu, que pour les entreprises dans lesquelles vous oeuvrez.

Vous avez dit tout à l'heure que l'État devait faire des choix. Je peux comprendre - et vous avez, avec raison, indiqué que vos moyens ne vous permettent peut-être pas d'aller, de façon détaillée, expliquer un programme de gouvernement. Ça, c'est entendu, mais j'aimerais simplement faire remarquer ici que ce n'est pas l'État qui fait des choix, en réalité. C'est la population qui devrait faire ces choix-là. Ce sont les gens, ce sont les groupes d'intérêt qui, peut-être, ont-ils fait le choix de laisser le gouvernement faire les choix. Mais il faut aller plus loin que ça parce que ce dans quoi ça nous a amenés - et je vais y revenir, vous l'évoquez, là, dans le fond - c'est une distance entre le gouvernement et ses décisions et les décisions que les gens prendraient si les gens pouvaient directement influencer le cours des choses. Je m'explique.

Vous indiquez, par exemple, qu'un sondage, comme le relevait le ministre des Finances, parmi vos membres, dit que c'est l'endettement public qui les préoccupe. C'est intéressant de le formuler comme ça. Les jeunes gens d'affaires ne disent pas: On est préoccupés, on identifie que c'est le gouvernement qui devrait être préoccupé par ça. Ils ne disent pas ça. Ils disent: Nous sommes préoccupés; nous, comme individus, comme citoyens, sommes préoccupés de l'endettement public. Le lien a été fait entre ce que le gouvernement fait de façon lointaine, peut-être, et ce que ça représente quotidiennement comme fardeau pour les gens dans l'entreprise. (17 h 50)

Deuxièmement, vous dites qu'il faut que les gens soient conscients du coût des services publics. Vous parlez de l'utilisateur-payeur, là, en page 8 de votre présentation. Vous parlez donc de tarifs. Vous voulez restaurer - et je suis d'accord avec vous - ce lien qu'il y a entre l'utilisateur, le contribuable, le citoyen, les groupes d'intérêt, les entreprises et le coût des services que tous ces gens-là réclament. Je crois que vous suggérez ici qu'on restaure ce lien-là d'une façon qui passe par la tarification ou certains frais. Il n'en reste pas moins que j'aimerais des éclaircissements de votre part ou des précisions sur la nature ou le niveau de ces frais-là. Comment envisagez-vous qu'on traduise à l'utilisateur que ça coûte quelque chose, les services publics qu'il réclame ou dont il bénéficie aujourd'hui? Ça peut être une portion cofinancée du service. Ça peut être simplement d'être renseigné sur le coût d'un service. Certains groupes sont venus avant vous et ont dit: Envoyez donc à quelqu'un qui va dans un hôpital une facture fictive, je dirais, une facture illustrant le coût des services avec la mention «Payé par le gouvernement du Québec à même vos taxes que nous tentons de minimiser». J'exagère un peu, la phrase serait probablement moins longue et plus bureaucratique que ça, mais, de toute évidence, il faut restaurer ce lien-là. Est-ce que c'est une...

Est-ce qu'on doit - ma question, c'est ça - vraiment aller vers du cofinancement, demander aux gens de débourser quelque chose, même symboliquement, ou est-ce qu'on doit s'en tenir à de l'information? Il y a comme deux écoles, là, qui ont cours sur la façon de signaler aux gens qu'un service public coûte quelque chose. Vous voyez tout de suite dans le document qu'on... Il m'apparaît que l'information, c'est une chose, mais quand on est obligé de même mettre de l'avant un montant symbolique, mais concret, que le message passe plus facilement. C'est le choix que vous voyez qu'on a fait, quant à nous ou quant à moi. Est-ce que vous pourriez juste discuter de ça un petit peu avec nous autres?

M. Girard (Serge): Absolument. Je pense qu'il faut partir d'une réalité: la gratuité n'existe pas. Quand on parle de gratuité et qu'on l'applique à n'importe quel programme, gratuité des soins hospitaliers, ça n'existe pas. Il y a quelqu'un qui va payer quelque part. Gratuité scolaire, ce n'est pas vrai. Il y a encore quelqu'un qui doit payer quelque part. Il y a évidemment une question de sensibilisation.

Dans notre mémoire, on recommande, comme formule, une formule de rapport d'impôt qui permet à l'individu qui a payé des impôts de savoir à peu près, en gros, les proportions qui ont servi... Dans ce qu'il a payé, qu'est-ce qui a servi à quoi? Qu'est-ce qui a servi à payer la dette? Qu'est-ce qui a servi à payer - sans entrer dans le détail - les grands pans de nos programmes sociaux? Mais il y a également, oui, une action directe de débourser un montant. Ça, ça veut dire remettre en question la...

Je parlais tout à l'heure du dogme de l'universalité. Vous savez, la justice sociale peut se définir de différentes façons selon le type de société dans lequel on se situe. Dans une société riche qui a de l'argent à ne plus savoir qu'en faire - il y a longtemps qu'on a connu ça - il était peut-être, justement, de la nature de la justice sociale de donner également à tout le monde, peu importent leurs besoins, aux riches comme aux pauvres. Dans une société, je dirais, appauvrie qui est à la limite de ses ressources, la justice sociale, c'est d'abord de donner à ceux qui sont démunis et non pas aux riches. Il peut y avoir une échelle dégressive. Donc, un ticket modérateur dans une foule de services qui peuvent être, oui, symboliques et croître en fonction du revenu des individus. Les modalités, les technicalités, je pense que ce n'est pas le lieu pour y entrer. Au niveau du principe, on est en faveur d'une conscientisation non pas seulement théorique, mais réelle des utilisateurs.

M. Carpentier: J'aimerais simplement ajouter que, bon, l'information, c'est peut-être utile, mais, parfois, la cotisation qu'on va faire va peut-être être plus efficace ou, du moins, va ajouter à la conscientisation des gens face à la non-gratuité du service comme tel.

M. Johnson: Je vous remercie.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Labelle.

M. Léonard: Oui, M. le Président, merci.

J'interviens à nouveau parce que je partage parfaitement votre avis que l'État doit aider vraiment la petite entreprise qui, après être créée, se débrouillerait elle-même pour grossir, mais je veux juste signaler la différence d'approche que cela implique.

Par exemple, la SDI a investi 117 000 000 $ pour Donohue Matane - 117 000 000 $ - pour les gens de Matane qui le réclamaient, qui en avaient besoin. C'est une entreprise qui est fermée, incidemment, à l'heure actuelle. Mais lorsqu'on transpose ça en termes de petite entreprise, cela veut dire 50 000 $ pour 2340 entreprises. C'est ça que ça veut dire. 50 000 $! Si on avait donné le choix aux Gaspésiens de choisir entre 2340 petites entreprises avec une aide gouvernementale de 50 000 $ ou un dossier de 117 000 000 $ comme celui qui a été fait, quelle aurait été la réaction? J'imagine qu'aujourd'hui on pourrait se la poser. C'est pour ça que je crois que le préjugé devrait être plutôt envers la petite entreprise, vraiment la petite, qui lance des jeunes.

C'est pour ça que je vous posais la question, tout à l'heure: À 25 ans, qu'est-ce qui manque à un jeune pour appuyer son «entrepre-neurship»? Je suis convaincu qu'il a plusieurs idées en tête. Mais c'est ça, la différence entre des super-gros projets et des petits projets. 2340 projets de 50 000 $!

M. Girard (Serge): Je ne sais pas si la question appelle une réponse, mais je pense que... Je voudrais juste compléter un élément.

Vous dites que le préjugé devrait être en faveur de la petite entreprise. Je vais dire plutôt: L'aide gouvernementale devrait être à la petite entreprise parce que c'est elfe qui a besoin...

M. Léonard: Oui.

M. Girard (Serge): ...d'aide financière.

M. Léonard: O.K. On est bien d'accord.

M. Girard (Serge): La grande entreprise, elle, a besoin de moins de bâtons dans les roues. Ça veut dire moins de réglementation, ça veut dire moins de règlements à administrer, ça veut dire...

M. Léonard: C'est ça.

M. Girard (Serge): ...moins besoin de fonctionnaires, ça veut dire réduction des dépenses. Il y a aussi des choses à faire de ce côté-là.

M. Léonard: Très bien.

Le Président (M. Audet): M. le député de Bertrand.

M. Johnson: ...juste par curiosité.

Le Président (M. Audet): Oui, il y a alternance, mais, moi...

M. Beaulne: C'est un commentaire, ça.

M. Johnson: Oui, mais toujours... Toujours sur le même sujet. C'est intéressant. Je pense

que c'est la première fois depuis mardi dernier qu'on a un échange autour d'un thème de part et d'autre. Alors, c'est très intéressant.

M. Léonard: On fait l'évaluation. J'ai toujours dit que je n'étais pas contre les grands projets, mais il reste que, lorsqu'on aide un grand projet, on choisit par rapport à 2300 autres de plus.

M. Johnson: Évidemment, les...

Le Président (M. Audet): M. le président du Conseil du trésor, allez-y. (18 heures)

M. Johnson: Oui, merci.

À cet égard-là, il y a des choix qu'on peut faire. On essaie souvent comme gouvernement, vous le voyez, de faire tout à la fois, sous la pression des demandes.

Juste faire remarquer peut-être au député de Labelle que c'est presque une fausse option que de dire que, par exemple, le député de Bonaventure et ministre des Finances et ses collègues de la Gaspésie auraient dans leurs poches 2340 chèques de 50 000 $ à remettre à des gens. Ce n'est pas évident que, sur une période de cinq ans, il se trouverait autant d'entreprises qui, alléchées par les 50 000 $, prendraient racine, se développeraient, prendraient de l'expansion et, après ça, on ne s'occuperait pas d'elles. Si je comprends bien, une fois qu'elles sont parties, ça fonctionne très bien. Il y a des secteurs industriels, évidemment, où... Avec 50 000 $, Donohue Matane n'aurait pas parti. Ça prend 117 000 000 $, à un moment donné, pour exploiter un territoire immense, pour faire travailler des gens dans la forêt, faire de la transformation, développer des marchés, trouver de la nouvelle technologie et, en attendant, l'actif est toujours là. Je veux juste faire remarquer que l'usine n'est pas disparue parce qu'elle est fermée. Elle est fermée, mais elle est encore là, et la conjoncture, évidemment, pourra donner un coup de main.

Ce qu'on essaie de faire, et c'est ça que vous privilégiez, dans le fond, c'est de mettre à la disposition des entreprises des sources de financement pour celles qui ont de la difficulté parce que, par définition, la nouvelle entreprise, elle n'a pas de crédit, je présume, elle n'a pas de bilan qui la précède pour aller chez un prêteur et les prêteurs conventionnels, les sources de financement conventionnelles sont un peu plus difficiles, évidemment, à arrimer à une bonne idée. Ça varie, je présume, d'une région à l'autre, mais dans la région de Montréal, il y a accès à tellement de sortes de sources de financement qu'il ne tombe pas sous le sens qu'on doive mettre sur pied, par exemple, le même genre de fonds de développement que celui qui, avec Desjardins, le Fonds de solidarité, la Caisse de dépôt, est en train de s'implanter dans diverses régions du Québec où le gouvernement finance, d'ailleurs, les frais de fonctionnement et d'administration de ces fonds de développement et de capital de risque, largement.

Mais je voulais revenir surtout, non pas à notre capacité d'investir, mais à notre capacité d'avoir les moyens d'investir et repréciser peut-être, redemander davantage de précisions, si vous voulez, sur d'autres façons, des façons de gérer les dépenses publiques qui font peut-être appel à votre expérience dans les entreprises qui ont un fardeau réel à supporter au point de vue de la productivité, au point de vue des relations de travail.

On dit souvent: Sécurité d'emploi, fini. Je suis sûr que ce n'est pas pour démotiver les fonctionnaires que vous dites ça, mais que c'est, au contraire, pour trouver une formule alternative qui ferait que tout l'appareil serait plus productif et que les gens qui sont là aujourd'hui conservent leur emploi.

M. Carpentier: Je pense qu'on l'a dit tout à l'heure, il y a certains éléments... J'ai parlé un peu tout à l'heure du principe de budgétisation. Dans une entreprise, on regarde les revenus d'abord, on regarde les besoins ensuite, et on doit justifier effectivement nos besoins, et les chiffres doivent être appuyés par quelque chose, une justification derrière ça. Alors, je pense que si le même exercice se faisait - là, je parle uniquement des dépenses de fonctionnement, je ne parle pas des dépenses de programmes comme telles; je parle des dépenses de fonctionnement au niveau de l'appareil gouvernemental - je pense que cet exercice-là pourrait être fructueux.

On parle aussi beaucoup dans les entreprises, depuis les deux, trois dernières années, qu'il y a eu des réductions d'effectifs au niveau de l'encadrement, c'est-à-dire qu'on a réduit un petit peu les niveaux hiérarchiques au sein des entreprises. Je pense que, encore une fois, au niveau de la machine gouvernementale, ce principe-là pourrait être appliqué; du moins, on pourrait essayer de voir s'il n'y a pas un peu le niveau hiérarchique qui pourrait être réduit. Donc, ce sont des principes qu'on retrouve communément dans toutes les entreprises actuellement, depuis les deux, trois dernières années. Effectivement, ce sont des éléments sur lesquels, à notre avis, on devrait travailler parce que, une organisation, qu'elle soit gouvernementale ou qu'elle oeuvre dans un secteur privé ou public, il y a des principes de fonctionnement qui sont les mêmes, il y a des principes organisationnels qui sont les mêmes. On se dit: Si c'est possible à un endroit, ça devrait être possible à l'autre. Puis j'ai parlé aussi tout à l'heure d'équité ou de justice sociale. Je pense que les employés qui se voient mettre à pied sont parfois relativement mal à l'aise de voir leurs collègues ou leurs amis qui, eux autres, jouissent d'une sécurité d'emploi quasi absolue.

M. Girard (Serge): Je peux compléter sur le même thème. Quand on parle de la hiérarchie, de nombreuses grandes entreprises se sont développées dans les années 1970-1980 en ayant une structure où on avait un grand chef, un moyen chef, un petit chef, un petit-petit chef, un petit-petit-petit chef et des exécuteurs. On s'est rendu compte qu'il n'y avait pas d'argent à faire avec ça, et de nombreuses grandes entreprises se restructurent ou se sont restructurées pour enlever ce qu'on appelle, entre guillemets, les «middlemen» et où on a maintenant un chef et une série de réalisateurs responsables.

L'État gouvernemental, la fonction publique, malheureusement, est encore basée sur l'ancienne forme de hiérarchie. Alors, c'est une des solutions qu'on suggère, de couper les «middlemen».

M. Johnson: Merci.

Le Président (M. Audet): M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Oui. J'ai eu comme député, malheureusement souvent, à dire à des jeunes entrepreneurs, qui avaient d'excellentes idées pour démarrer des entreprises et créer des emplois, que malheureusement ils n'étaient pas éligibles aux programmes de soutien aux entreprises ou de relance économique existants parce que, entre autres, ils se situaient dans ce qu'on appelle généralement le secteur des services.

Étant donné que ça représente quand même presque un tiers du produit intérieur brut du Québec, le secteur des services, et que c'est de plus en plus un secteur intéressant au niveau de la création d'emplois, j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus, à savoir si, effectivement, vous jugez qu'il serait pertinent que le gouvernement, surtout au niveau des petites entreprises, fasse un effort particulier, en tout cas plus que ce qui se fait à l'heure actuelle, dans le domaine des industries de services.

Mon autre question touche à un commentaire que vous faites dans votre rapport concernant la simplification de la fiscalité, qui est un des objectifs que vous souhaiteriez mis de l'avant. À ce titre-là, je vous poserai la question que mes collègues ont posée à quelques intervenants: Est-ce que, dans le contexte actuel où un certain nombre de provinces canadiennes sont à ouvrir des pourparlers avec le gouvernement fédéral concernant les questions de perception d'impôt, seriez-vous favorable à ce qu'au Québec, au lieu de deux rapports d'impôt, on paie un seul, on fasse un seul rapport d'impôt, quitte à ce que le gouvernement du Québec remette au fédéral sa portion, comme le fédéral le fait avec les provinces, toutes les autres neuf provinces canadiennes?

M. Carpentier: D'abord, pour la première question. Je pense que l'économie de la plupart des pays occidentaux subit une pression de la part des pays en voie de développement, de la part des pays asiatiques. On parle beaucoup de mondialisation des marchés. Cette compétition-là, cette concurrence-là se fait sur la base des produits. Effectivement, on voit peu d'exportation de services, on est très peu concurrencés dans le domaine des services.

Qu'est-ce qui va permettre aux économies occidentales, dont le Québec, de se démarquer? C'est effectivement le «knowledge», la compétence intellectuelle, le développement de services de pointe. On pense, par exemple, aux télécommunications. Il y a beaucoup d'autres domaines où le «knowledge», pardonnez-moi l'expression, c'est-à-dire une compétence particulière, c'est vraiment la voie de l'avenir, c'est vraiment là-dessus qu'on va pouvoir développer notre économie, puisque, vraisemblablement, on ne sera pas capables de concurrencer dans des secteurs à haute teneur en main-d'oeuvre parce qu'il y a des concurrents qui peuvent fournir ça à meilleur marché.

Donc, à mon avis, il y a effectivement place pour le développement de l'industrie des services dans notre économie, et on devrait l'encourager, parce que c'est la voie qui va nous permettre de pouvoir se tailler une place sur un marché qui se mondialise de façon accentuée au cours des dernières années.

Alors, pour l'autre question...

M. Girard (Serge): Bien, sur la question de la simplification de la fiscalité, vous suggérez un seul rapport d'impôt. Ça peut être une solution dans la mesure où les deux paliers de gouvernement vont s'entendre. En ce moment, il n'y a rien qui nous porte à un optimisme délirant là-dessus. À ce moment-là, je vais vous dire qu'en ce qui nous concerne, en tant que contribuables, on serait assez indifférents à savoir si ce sera le gouvernement fédéral qui va avoir cette responsabilité et renvoyer l'argent au provincial, ou vice versa.

Alors, dans ce sens-là, on n'est pas prêts à prendre une position claire en faveur de dire au fédéral: envoyez la responsabilité au provincial Mais d'avoir un seul rapport d'impôt, oui, ce serait possible. Encore faudrait-il que les mêmes règles d'imposition s'appliquent, et ça, ça veut dire aux deux paliers de gouvernement de mettre de l'eau dans leur vin. Encore là, on n'est pas très optimistes que ça se fasse.

Le Président (M. Audet): Je vais maintenant reconnaître M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Enfin, M. le Président, merci.

Je voulais toucher un point de votre mémoire bien particulier, en page 7, une phrase où vous dites: «Nous proposons que le secteur privé obtienne la responsabilité de gérer le plus grand nombre de services possible afin d'en

accroître l'efficacité.» Je voudrais prendre le temps qui m'est imparti pour pouvoir échanger avec vous sur cette dimension.

Je suis assez d'accord avec vous qu'il y a, évidemment, une importance de «dévoloir» au secteur privé une partie des responsabilités, actuellement, qui sont assumées par le secteur public. Je voudrais voir jusqu'où vous allez. Dans les fonctions traditionnelles de l'État, vous avez des fonctions qui sont des fonctions, bien sûr, de surveillance et de réglementation. Est-ce que, éventuellement, vous voyez une possibilité de transférer en partie au secteur privé une partie de cette fonction?

Dans les fonctions de l'État, vous avez aussi de construire ou de donner des infrastructures, par exemple, dans les transports, etc. Est-ce que vous envisagez d'aller dans le secteur privé dans ce qu'on pourrait appeler le soutien aux infrastructures? Il y a aussi dans la fonction que l'État a, disons par ce qu'on appelle le parapublic, dans le scolaire et dans la santé, par exemple, des fonctions de donner directement des services, où il y a certains services que, évidemment, on pourrait privatiser. Jusqu'où vous allez dans cette direction-là?

En fin de compte, il y a dans l'État une fonction de répartition de la richesse, par exemple, à l'aide des mécanismes de bien-être social ou de soutien au revenu. Jusqu'où vous allez dans cette potentialité de privatiser certaines fonctions de l'État? Je pense que c'est une idée qu'il faut creuser, qu'il faut aller de l'avant. Vous n'êtes pas le premier qui l'avez soulevée, je voudrais savoir jusqu'où vous, dans votre réflexion, vous êtes prêts à aller dans ces grandes fonctions, ces grands rôles qu'a actuellement l'État?

(Consultation)

M. Carpentier: Effectivement, je pense que le mot qui peut faire accrocher dans cette phrase-là, c'est le mot «possible»; en fait, «le plus possible», dans la mesure où c'est possible de le faire. C'est-à-dire qu'il y a des fonctions qui sont, selon nous, réellement dévolues à l'État, dans lesquelles le privé non seulement ne serait pas efficace mais n'aurait pas l'autorité pour le faire, à notre avis.

Il y a certains éléments, comme ceux que vous avez soulevés... Les infrastructures, je pense que l'État ne pourra jamais, effectivement, se retirer complètement, ne serait-ce que du côté de la planification des infrastructures. Mais du côté de la réalisation, je pense qu'il y a quelque chose qui peut être fait de ce côté-là. Effectivement, l'État ne devra jamais abdiquer son pouvoir ou son rôle de planification, que ce soit dans le domaine de l'éducation, de la santé ou des infrastructures. Mais dans la réalisation, je pense que c'est possible de le faire.

On parle des routes, on parle des hôpitaux.

Il existe des hôpitaux et des cliniques qui sont privés, qui fonctionnent à même les budgets de l'État, mais dont l'opération est confiée au privé et qui fonctionnent très bien, dont les services sont appréciés. On n'a pas préparé de liste exhaustive, mais, à notre avis, là où le secteur privé est capable, au niveau des opérations, de faire quelque chose qui serait plus rentable et peut-être plus efficace, pour nous, c'est complètement ouvert. (18 h 10)

M. Gautrin: Est-ce que je pourrais vous suggérer... Je comprends que votre...

Le Président (M. Audet): C'est terminé pour vous...

M. Gautrin: ...est embryonnaire...

Le Président (M. Audet): ...malheureusement.

M. Gautrin: ...de pouvoir aller un peu plus loin quand même.

Le Président (M. Audet): C'est terminé pour vous, M. le député, malheureusement. Je regrette, c'est terminé.

M. le député de Labelle, vous avez trois minutes.

M. Léonard: Je voudrais aller un peu plus loin. À la page 7, au bas de la page 7, vous dites: «Nous sommes entièrement d'accord avec le transfert de responsabilités aux municipalités qui permet de rapprocher les bénéficiaires-contribuables de la gestion et du financement de ces services. Ceci, toutefois, sous condition que les transferts administratifs soient empreints de logique et qu'un contrôle de la qualité soit maintenu.»

Je suppose que ce que vous voulez dire aussi, ce n'est pas écrit, mais c'est qu'il y aurait un espace fiscal qui serait transféré en même temps. Si vous envoyez des responsabilités aux municipalités, la question que les municipalités vont vous poser, c'est: Comment finance-t-on? Quel est l'espace fiscal qu'on nous accorde?

Deuxièmement, quel type de responsabilités voyez-vous aux municipalités? Je vais simplement la diviser en deux pour les fins de la discussion. Les municipalités, jusqu'ici, jouent un rôle particulièrement dans le domaine de la propriété foncière et ont, en conséquence, le champ de l'impôt foncier, généralement; pour le reste, leurs autres revenus sont beaucoup moins importants. Alors, comment faites-vous un nouvel équilibre au plan local, à partir du principe que vous énoncez?

M. Carpentier: D'abord, je pense qu'il faut vraiment parler du fait que c'est un principe avec lequel on est d'accord au niveau de l'application. Je pense qu'il y a lieu de voir qu'il y

a différents types de municipalités au niveau de la capacité de taxation. Je pense qu'il y a vraiment, à ce niveau-là, un certain décalage entre des régions métropolitaines ou des régions urbanisées, ce qu'on qualifie de MRC, qui ont probablement un pouvoir de taxation en raison de ce qu'elles retrouvent sur leur propre territoire, qui est beaucoup moins grand que ce qu'on retrouve dans une municipalité urbaine.

À notre avis, par exemple, de remettre les mêmes responsabilités à tous ces niveaux, ces différents niveaux municipaux ne seraient pas justes, ne seraient pas équitables. À ce niveau-là, je pense que c'est juste pour essayer de préciser un peu le principe sur lequel on s'appuie. Je vois l'interrogation, là.

M. Léonard: Bien, la première, c'était le transfert d'un espace fiscal quelconque pour faire face à des responsabilités. La deuxième, j'ai peut-être mal terminé ma question.

Jusqu'ici, les municipalités agissent en particulier dans le domaine des services à l'immobilier, ou en grande partie. Si vous dites qu'on va plus loin, on peut toucher certains services sociaux. Est-ce que c'est ça que vous voulez dire? Et, à ce moment-là, la question sur l'espace fiscal qui est accordé est drôlement importante parce que, effectivement, ailleurs, dans d'autres pays, les municipalités jouent un rôle sensiblement différent, en tout cas élargi par rapport à ce qu'on voit ici.

M. Carpentier: Je pense que le type d'exemples qu'on avait en tête quand on a rédigé le mémoire, c'étaient, effectivement, les infrastructures, donc un certain contrôle sur leur territoire. Je pense, effectivement, qu'on n'est peut-être pas encore prêts à avoir une décentralisation ou à rendre responsables les municipalités de la gestion au niveau de ce que vous mentionnez, d'avoir un contrôle, par exemple, sur la qualité do vie de la population au niveau des services sociaux, au niveau des services de santé. Je pense qu'on n'est pas prêts et je ne pense pas que ce soit souhaitable de le faire, effectivement.

M. Girard (Serge): C'est dans ce sens-là qu'on doit comprendre l'expression «empreints de logique». Alors, il y a peut-être des secteurs de responsabilité qui sont adjacents à ce que vous définissiez assez bien, je pense, comme les responsabilités reliées au domaine foncier.

Le Président (M. Audet): Merci.

Alors, ça termine nos travaux pour cet après-midi. Je remercie les représentants de la Jeune Chambre de commerce de Montréal.

Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 17)

(Reprise à 20 h 6)

Le Président: (M. Audet): À l'ordre, s'il vous plait. La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux. Je vous rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à une consultation générale et des auditions publiques sur le financement des services publics au Québec.

Alors, nous recevons ce soir le Laboratoire de recherche en écologie humaine et sociale - bonsoir - ainsi que la Confédération québécoise des coopératives d'habitation, qui viendra se faire entendre à 21 heures.

Alors, bienvenue, madame, messieurs. Je vous rappelle brièvement le fonctionnement de notre commission. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, et je demanderais au porte-parole de s'identifier et d'identifier les gens qui l'accompagnent. Ensuite, suivront des échanges pendant une quarantaine de minutes.

Alors, je vous invite à vous présenter et à exposer votre mémoire.

Laboratoire de recherche en écologie humaine et sociale (LAREHS)

M. Bouchard (Camil): Bonsoir et merci, M. le Président.

Je me présente, mon nom est Camil Bouchard. Je suis directeur du Laboratoire de recherche en écologie humaine et sociale à l'Université du Québec à Montréal. Je suis accompagné, ce soir, par l'agente d'administration du Laboratoire, Mme Sylvie Pinard à ma droite, de M Daniel Fortin, chercheur et professeur à l'UQAM et membre également du Laboratoire, spécialiste dans les questions de pauvreté et de ses effets sur le développement humain, et, à gauche, de Réjean Tessier, un collègue - mais néanmoins ami - de l'Université Laval, spécialiste dans les questions de prévention en périna-talité

Dans le but de préparer cette rencontre, j'ai consacré quelques heures à la lecture du document «Vivre selon nos moyens» et je pense avoir identifié, dans le scénario de redressement . graduel que vous proposez, un endroit où notre contribution pourrait peut-être être utile et vous intéresser, c'est-à-dire celui de la recherche systématique de façons plus rentables de dispenser les services.

Je vous rappellerai peut-être, au point de départ, que la prétention de devoir ou de pouvoir être utile à votre commission vient du fait que j'ai été impliqué dans la fabrication et dans la diffusion d'un rapport qui s'appelle «Un Québec fou de ses enfants», rapport qui suit ou qui est le résultat d'un mandat qui nous avait été confié par le ministre de la Santé et des Services sociaux et que nous avons rendu public en décembre 1991. Ce rapport proposait, de fait, des orientations et proposait des recommandations

d'action en vue de prévenir l'apparition des problèmes importants et des difficultés d'adaptation graves chez les jeunes et chez les enfants du Québec. Nous invitions, à ce moment-là, les citoyens du Québec à réduire de 25 % à 30 % au moins le taux de jeunes enfants victimes de mauvais traitements ou mis à l'écart d'une vie normale dans la société, c'est-à-dire marginalisés.

Après quelques mois, nous avons pu constater que les intervenants, les associations nationales et locales, les institutions des services sociaux et scolaires et les institutions communautaires ont adhéré avec beaucoup d'enthousiasme aux recommandations du groupe. Le ministre de la Santé et des Services sociaux a, par ailleurs, fait siennes les trois grandes orientations du rapport, c'est-à-dire: un, la concertation entre les services, comme premier principe; deux, la lutte à la pauvreté - et il en a fait part très clairement dans sa politique de santé et de bien-être; et, trois, l'adoption d'une approche préventive aux problèmes vécus par les enfants, les jeunes et leur famille. Je vous rappellerai en passant aussi que le plan de réussite qui a été mis à jour par le ministre d'alors, M. Pagé, dans le domaine scolaire, repose sur des principes de prévention et de développement précoce des compétences des enfants, principes qui sont très fortement présents dans le rapport du groupe de travail pour les jeunes. Et je vous dirai aussi que nous avons constaté un accueil très favorable au rapport au niveau du Secrétariat à la famille et de la ministre déléguée à la Condition féminine. (20 h 10)

Cependant, on doit se rendre compte - et je pense que c'est important de le souligner - que tenter de prévenir les problèmes chez les jeunes et tenter, d'autre part, si nous voulons le faire, de redresser un certain mode de fonctionnement ou plusieurs modes de fonctionnement dans nos services et dans nos façons de faire demandent la collaboration de plus d'un, deux ou trois ministères; ça demande la collaboration d'au moins une dizaine de ministères, sinon une douzaine, impliqués directement dans ces opérations et dans ces effets sur le bien-être de la famille et des enfants.

Je mentionne en passant que toute la question - mais ça va devenir plus qu'en passant - des risques associés à des conditions de vie incompatibles avec le développement des enfants et avec l'implication soutenue et bienveillante des parents interpelle les secteurs de l'économie, de la main-d'oeuvre, de la fiscalité, de l'organisation des communautés locales et régionales. Ça va beaucoup plus loin que le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Par ailleurs, d'autre part, la question du financement des activités préventives pose la question fondamentale d'une véritable concertation intersectorielle, pose la question des dépenses dans des termes d'investissements à court terme, à moyen terme et à long terme - et ça explique un peu le titre de mon mémoire «Investir ou dépenser» - et, d'autre part, ça implique également une vision très intégrative des politiques et des services dans des visées à très long terme.

Ce sont donc ces deux aspects que je veux souligner particulièrement devant vous, c'est-à-dire: un, la réduction de la pauvreté - et là, nous avons été, je le pense, très spécifiques - la réduction de la pauvreté chez les familles où on retrouve de jeunes parents, puis chez les familles où on retrouve un seul parent - nous avons, et nous le soulignerons plus tard dans notre exposé, un certain nombre de statistiques inquiétantes à ce niveau; deux, le financement prioritaire des activités de prévention destinées à diminuer le taux de détresse infantile. Donc, une question premièrement, celle de la pauvreté et, deuxièmement, une question qui nous occupe particulièrement, le financement des opérations de prévention.

Le Québec fournit au Canada le quart de sa population, ou à peu près, mais le tiers de ses pauvres. Nous avons un trop grand nombre d'enfants et de jeunes qui vivent dans des environnements familiaux incapables de leur assurer un minimum de bien-être, vous le savez, et de leur fournir des conditions matérielles nécessaires à leur développement social, intellectuel, affectif et physique. À chaque année, nous avons au moins 20 000 enfants québécois qui commencent leur vie dans le dénuement, qui sont entourés de parents aux prises avec la détresse, avec le découragement ou qui sont envahis par un profond sentiment d'incompétence et parfois de honte. Ces 20 000 s'ajoutent aux 280 000 ou 300 000 enfants déjà présents dans la communauté qui traversent de très longues périodes de pauvreté. Si les parents d'un enfant ont entre 15 et 24 ans, actuellement, au Québec, les enfants de ces parents ont 30 % des chances de se retrouver dans un milieu familial pauvre - 30 %; 30 % des familles dont le chef a entre 15 et 24 ans sont pauvres. Alors, quand vous embarquez dans le métro, à Montréal, le matin et que vous regardez les gens, vous pouvez dire qu'une personne sur trois ou à peu près vit des problèmes de pauvreté, sans doute, quoique celles-là travaillent, elles ont peut-être moins de chance de les vivre.

Deuxièmement, pour ce qui est des familles monoparentales, on peut affirmer, sans l'ombre d'un doute, que deux tiers des enfants qui vivent dans ces familles vivent dans un état de pauvreté et une demie de ces enfants pauvres vit dans la très grande misère, c'est-à-dire avec un revenu qui n'atteint pas les 60 % du seuil de pauvreté. Ce sont des statistiques que vous connaissez sans doute. Ce qu'on connaît moins, c'est que ce niveau de 45 %, parce que, pour faire 66 % d'enfants pauvres chez les familles monoparentales, ça prend 45 % des chefs de familles

monoparentales qui soient pauvres, est, dans la nomenclature des pays occidentaux, parmi les plus élevés. Nous sommes juste derrière les États-Unis, qui sont à 52 % ou 54 %, et cette référence-là est assez, en passant, généreuse, puisqu'on sait que les États-Unis ne font pas grand-chose pour leurs familles, en termes de filet de sûreté, ceci comparé à 18 % en Angleterre, 16 % en France, 5.5 % en Suède. Il y a, quelque part là, une question qu'il faut se poser: Comment peut-on redresser nos dépenses, comment peut-on redresser nos finances pour venir à bout de ce problème de pauvreté, non pas chronique, mais spécifique à une partie de la population puis une partie de nos familles? On ne parle pas de toutes les familles, on parle de deux types de famille.

Je vous rappellerai en passant, très rapidement, que les enfants qui vivent dans la pauvreté sont deux fois plus à risque de connaître la mort dès les premiers mois de leur vie, de trois à six fois plus nombreux à connaître la violence physique ou la négligence, de deux à trois fois plus nombreux à subir l'échec ou le décrochage scolaire. Ils sont surreprésentés, ces enfants, dans les statistiques de troubles de comportement, de violence envers autrui, de délinquance, de toxicomanie et toutes les autres formes d'exclusion et de marginalisation.

La thèse que nous défendons aujourd'hui est celle-ci: c'est bien qu'on puisse faire beaucoup avec les programmes d'intervention psychosociaux auprès de ces familles; on peut peut-être faire encore plus et mieux si on arrive à donner aux parents la possibilité d'assumer leur rôle diçinoment, et en tentant le plus possible de réduire le taux de pauvreté dans ces deux formes de famille où on compte, en passant, les enfants les plus jeunes, donc les enfants qui sont dans leur période de formation et d'acquisition la plus importante.

Ce constat fait, je passerai rapidement, en les énumérant, quelques stratégies que nous avons évoquées dans le rapport - j'assume que vous aurez pris connaissance d'une synthèse du mémoire, que vous l'aurez lue rapidement. Nous évoquons d'abord la question du plein emploi; nous pensons que l'adoption par un gouvernement d'une politique de plein emploi le conduit à des formes de partenariat avec les syndicats et avec les patrons plus créatives et plus décentralisées dans le développement des communautés.

Deuxièmement, nous insistons sur la question de la formation professionnelle, spécifiquement dirigée vers les travailleurs jeunes, les moins jeunes, aussi, mais les candidats au recyclage, et nous pensons que, à cet égard, ce que j'ai appelé dans le rapport les «inter-mina-bles», avec un trait d'union, négociations fédérales-provinciales à ce niveau sont d'un cynisme assez extraordinaire dans la période que nous traversons maintenant. La question de la duplication et des tergiversations dans la formation professionnelle entre les deux niveaux de gouvernement est une question qui trouble les gens, qui trouble les citoyens et les citoyennes.

Troisièmement, nous présentons aussi un scénario de régime unique de prestations pour enfants. Nous nous basons en cela sur un certain nombre d'études fédérales et provinciales, et, ayant examiné une série de scénarios, nous pensons que la création d'un programme de soutien financier unique destiné aux enfants pourrait arriver à relever significativement le niveau de vie des enfants et des parents qui vivent dans les familles de travailleurs pauvres, pas de l'ordre de 250 $ à 500 $ par année, mais de l'ordre de 3000 $ à 3500 $ par année au plus modeste. Il y a des références dans le document dont on pourra parler tantôt, et j'ai aussi quelques graphiques, si jamais il y a des questions là-dessus, qui me semblent être intéressants à explorer. Nous sommes actuellement vis-à-vis une trentaine de programmes éparpillés, de revenus, de remboursements et de crédits d'impôt de toutes sortes, de soutien financier à la famille avec enfants, de programmes de soutien aux services de garderie, etc., qui ont peut-être l'effet d'éparpiller les sommes, de les rendre moins visibles, donc, de les rendre, d'une certaine façon, plus vulnérables à l'érosion, mais aussi nous sommes devant un système où les parents n'ont pas l'impression d'être soutenus, alors qu'il y a des milliers - 3 000 000 000 $ -de dollars qui sont dépensés au Québec en vertu du soutien financier aux enfants. (20 h 20)

Les scénarios qui ont été fournis au Sénat canadien par le chercheur Ken Battle à ce sujet là nous semblent tout à tait intéressants a regarder et, dans la perspective où un régime de prestations unifié pour enfants viendrait remplacer la multiplicité des programmes que nous connaissons maintenant, nous savons, d'après ces scénarios, que nous pourrions arriver à augmenter, de façon significative, le revenu des familles de travailleurs pauvres sans pour autant ajouter énormément à la masse budgétaire et des dépenses du gouvernement. De fait, il y a des scénarios à point zéro en tant qu'investissements. On pourra s'en reparler tout à l'heure.

Quatrième mesure, les pensions alimentaires. Nous avons suivi les travaux du ministère de la Justice et du Sommet de la justice. Nous avons vu là quelques espoirs à l'effet que le gouvernement pouvait éventuellement arriver, durant les prochaines années, à des propositions fermes en ce qui concerne l'indexation et la fixation des montants de pensions alimentaires à partir d'une charte ou des barèmes que les juges pourraient suivre mais aussi à la mise sur pied d'un système de perception automatique de pensions alimentaires, de telle sorte que de très nombreuses familles monoparentales ne soient pas mises entre parenthèses durant deux, trois ou quatre ans avant de pouvoir toucher à leur pension alimen-

taire. Je pense particulièrement à toutes ces familles qui ne sont pas sur l'aide sociale, qui n'ont pas de recours direct à une perception auprès du père.

Quatrièmement, nous évoquons dans le mémoire la clause de partage de logement à l'aide sociale. Nous pensons que c'est une clause qui est inappropriée vu ses effets sur la dynamique familiale, sur la capacité des parents à assumer de façon responsable leur rôle parental, et nous pensons que nous ajoutons, avec une mesure comme celle-là, la honte au dénuement. D'ailleurs, je pense que vous aurez tous eu connaissance des sorties du Protecteur du citoyen à cet égard et, pour nous, ce n'est vraiment pas un investissement.

Nous évoquons aussi la possibilité de services de garderie gratuits pour les familles dont le revenu serait inférieur à 125 % du seuil de la pauvreté, au moins durant les premières années du développement de l'enfant. Nous sommes avisés par les recherches que nous avons produites sur le continent nord-américain du bienfait de l'effet extrêmement percutant de la fréquentation de programmes de stimulation infantile et de la fréquentation des garderies à très bas âge et, si vous le voulez, nous pourrons explorer ensemble, à l'aide de graphiques tout à l'heure, quels sont les effets au niveau psychologique, au niveau social, mais, aussi, au niveau des coûts et bénéfices en parlant de dollars. Et ça, je pense que c'est la vocation de votre commission que de s'intéresser à cet aspect de la chose.

Nous pensons aussi que les programmes seraient mieux servis, les citoyens seraient mieux servis et les ministères en auraient davantage pour leur argent si nous avions ce qu'on appelle une approche territoriale intensive, c'est-à-dire si tous les ministères accordaient leurs violons pour arriver à identifier ensemble des territoires prioritaires où les ministères accepteraient de mettre en commun un fonds de dépenses, leur fonds de dépenses jeunesse, et où ils pourraient donc planifier une enveloppe connue en matière de prévention et de promotion du développement, de telle sorte que les regroupements administratifs, comme, par exemple, les MRC, puissent devenir des entités administratives où il y aurait possibilité de procéder par immersion plutôt que par éparpillage des montants d'argent et que par investissements superficiels de sommes inadéquates. Voilà en ce qui concerne la première partie de mon laïus.

La deuxième partie sera un peu plus brève: Comment financer la prévention. J'ai lu vos documents. Je sais que nous ne sommes pas dans un contexte où il faut ajouter beaucoup de millions pour vous faire sourciller. Je pense cependant que l'on peut ensemble examiner un certain nombre de stratégies qui pourraient éventuellement aboutir à installer une culture de la prévention et de la promotion au Québec qui, plus tard, nous éviterait de très nombreux problèmes, nous éviterait d'amener les jeunes et les enfants dans des institutions qui nous coûtent vraiment très cher et que, de cette façon-là, on pourrait arriver à investir plutôt que de dépenser notre argent.

Un, éviter les manoeuvres sectorielles étanches, c'est-à-dire encore une fois consentir à la concertation, non simplement dans les orientations de politiques, mais dans l'administration des politiques. Exemple, nous avons eu dernièrement 42 000 000 $ qui ont été investis dans le domaine scolaire. Nous avons, hypothétiquement, durant les trois prochaines années, y compris celle-ci, 26 000 000 $ nouveaux qui seront investis en matière jeunesse au ministère de la Santé et des Services sociaux. Les orientations de ces deux ministères sont très, très semblables en vertu des principes de prévention, mais, sur le terrain et sur la façon de définir les territoires, sur la façon de définir les objectifs opérationnels, on ne voit pas de «communalité». Et la synergie qui pourrait découler d'une mise en commun de 26 000 000 $ et de 41 000 000 $, ça fait plus de 77 000 000 $ ou 67 000 000 $, ça fait peut-être 100 000 000 $ à 125 000 000 $. On ne sait pas comment calculer la synergie encore, les modèles mathématiques ne sont peut-être pas assez avancés, mais on sait que l'étanchéité budgétaire d'un ministère à l'autre aboutit à des opérations sectorielles qui ne sont pas des plus efficaces.

Nous insistons aussi, de nouveau, sur une connivence attendue entre le fédéral et le provincial, mais ça, je laisse ça à votre entier optimisme.

Troisièmement, nous pensons que, pour arriver à investir d'une façon éclairée, dans le moyen terme, dans le long terme et aussi dans le court terme, parce que les gens ont tendance à penser que la prévention, on ramasse les effets dans 5, 10 et 15 ans; une minute, c'est plus court que 15 ans. Les gens ont l'impression qu'on investit pour dans 15 ans, mais on sait très bien qu'il y a des effets à très court terme, en prévention, qu'on peut observer dans les mois qui suivent l'intervention préventive. Mais pour ce, il faut que les administrations régionales locales puissent avoir le loisir de définir une enveloppe et de l'indexer de telle sorte que, éventuellement, on puisse avoir un budget récurrent qui nous permette une continuité dans nos actions, arrêter de dépenser, encore une fois, pour investir.

Nous avons besoin aussi d'un financement créatif. M. le Président, j'arrêterai là-dessus et, si vous voulez, éventuellement, on parlera des valeurs qui sous-tendent toutes ces propositions. Le rapport d'«Un Québec fou de ses enfants» présentait à un gouvernement qui est à la recherche de solutions originales une méthode de financement des opérations préventives qui s'appelait «une caisse québécoise d'aide à l'en-

fance». Cette caisse reposait sur trois sources: la première, une taxe sur les produits violents et dégradants, qui ne serait sans doute pas trop lourde parce qu'on sait qu'on tomberait vite dans la clandestinité et les films pornos en dessous de la table; deux, une contribution des citoyens et des citoyennes qui serait dégrevée à 150 % d'impôt; trois, un emprunt de 10 ans à l'intouchable Loto-Québec.

Ce que nous visons par cette proposition-là, c'est deux choses: assurer une continuité dans le financement, mais, aussi, assurer un mode de financement qui implique les localités, les communautés et les citoyens dans une opération simple où les gens s'identifient à un projet social important.

Ceci étant dit, je vous laisse le loisir d'opérer la période des questions, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Audet): Merci, M Bouchard

Alors, je vais reconnaître le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Merci, M. le Président. je veux souhaiter la bienvenue à m. bouchard, madame, messieurs qui venez de nous faire une présentation qui va au coeur même des préoccupations à long terme qu'un gouvernement doit avoir.

De toute évidence, à partir du moment où vous mettez l'accent sur la prévention, où vous faites ressortir la productivité qu'il y a, à long terme, d'investir davantage dans des mesures comme celles que vous préconisez, par opposition à essayer, de façon défensive, de ramasser les pots cassés dans 5 ou 10 ans, vous allez, effectivement, dans le sens de nos préoccupations. Cependant, le problème très immédiat de cette proposition - et j'en retiens les mérites, je veux que ce soit extrêmement clair - il s'agit de voir jusqu'à quel point, aujourd'hui, les moyens qu'on a nous permettent d'investir dans la prévention avec les multiplicateurs que vous identifiez de 3 à 7 fois comme rendement d'un investissement dans la prévention.

Disons que ma tournure d'esprit peut-être un peu arythmétique m'amènerait à vous demander d'où viennent ces chiffres - je n'ai pas saisi, et je m'en excuse - d'où viennent ces facteurs de multiplication de 3 à 7 sur 5 ans. Ils (n'apparaissent énormes.

Évidemment, ça signifierait, au niveau que vous souhaitez, par exemple, du réinvestissement de 178 000 000 $ additionnels dans les programmes que vous avez décrits, une économie, dans 5 ans, de 1 250 000 000 $ dans le meilleur des cas, qui est une recette absolument infaillible pour que vous soyez décoré du mérite national dans les circonstances financières que nous traversons

M. Bouchard: M. le ministre.

M. Johnson: Alors, si vous pouviez éventuellement élaborer là-dessus, ne serait-ce que dans cette mesure, parce que, au-delà des 178 000 000 $, il y a également une référence à la récupération de 100 000 000 $ qui se fait au titre de la sécurité du revenu, à la page 10, où vous vous demandez, par ailleurs, quels sont les efforts qu'on fournit, du côté du ministère du Revenu, pour aller chercher notre écot. Sachant qu'il y a plus de 6000 personnes au ministère du Revenu qui s'assurent que tous les contribuables que nous sommes paient absolument tous les impôts que nous devons, est-ce qu'ils devraient être 8000 ou est-ce que les 6000 devraient travailler différemment ou avoir d'autres cibles? Ça, c'est un autre débat, mais c'est un débat de productivité celui-là aussi. C'est un débat de prévention également dans ce sens-là. (20 h 30)

Vous suggérez également - on parle de chiffres - de déductibilité à 150 % jusqu'à 100 000 000 $ probablement de revenus, selon les sondages que vous avez effectués, que les Québécois seraient disposés à verser au titre d'activités de prévention comme celles que vous décrivez. La question est de savoir, aujourd'hui et d'ici 5 ans, quelles sont les priorités que nous devons retenir afin d'assurer une multiplication maximale de ce qu'on appelle les investissements.

Vous reconnaissez que, dans l'éducation, auprès du décrochage scolaire, par exemple, pour davantage assurer les chances de succès d'enfants, il y a des investissements à consentir. Et ils sont rentables, il n'y a aucun doute.

La question est de savoir quelle est la rentabilité relative des différentes interventions que nous pouvons, évidemment, mettre sur pied. Est-ce qu'on doit valoriser davantage - ça m'apparaît être ce que vous souhaitez - je dirais, les valeurs sociales qui définissent le rapport entre l'État, les gouvernants, donc, la société et ses enfants? C'est ce qui est absolument fondamental, évidemment, dans votre présentation. Et, si oui, à quel stade de leur développement? Le plus tôt possible, répondez-vous. Avons-nous les moyens de nous attaquer, là, de a à z, de l'alpha à l'oméga, à toutes la gamme des problèmes qui peuvent assaillir les familles ainsi assiégées par des difficultés financières? Nous avons déjà consenti plus de 1 500 000 000 $ depuis quelques années, là - cette année, c'est 2 300 000 000 $ au titre du soutien familial - pour toutes sortes de formes de programmes. Je le reconnais, vous en souhaitez l'unification. Mais qu'il s'agisse du programme APPORT d'incitation au travail, d'allocations familiales, des autres dimensions, chacun de ces programmes vise une clientèle particulière. Ne sont pas admissibles à APPORT qui veulent, mais qui se qualifient. La même chose est vraie, évidemment, pour l'ensemble des programmes

II y a donc, vous voyez, implicitement des

choix qui sont faits à la lumière des moyens dont nous disposons. ce que le gouvernement poursuit, actuellement c'est peut-être là-dessus que j'aimerais vous entendre - c'est l'identification du choix le plus rentable qu'on puisse faire, autant au titre des finances publiques, pour dégager des marges de manoeuvre qui permettent d'en faire davantage là où c'est important, au titre des programmes sociaux et de création d'emplois, qui sont évidemment les deux termes les plus importants.

Nous avons donc à faire des choix. Vous venez de nous illustrer le vôtre. Je pense qu'il vous appartiendrait de décharger le fardeau de démontrer qu'il est plus rentable que d'autres choix que nous pouvons faire ou que nous avons faits comme société. Si nous avions décidé que les 1 500 000 000 $, vous vous imaginez, de soutien aux familles avaient été orientés davantage dans des interventions comme celle que vous souhaitez, on aurait pu littéralement, avec un dixième de ce que nous avons fait, assurer les 178 000 000 $ dont vous parlez, évidemment.

C'est peut-être là-dessus que j'aimerais vous entendre, sur la considération et l'équilibre entre les actions à court terme nécessaires pour équilibrer les finances publiques, si on veut continuer à rencontrer les objectifs que vous décrivez, et la rentabilité qu'il y aurait, malgré les difficultés des finances publiques, de nous insérer dans une démarche de dépenses additionnelles au titre de la prévention du mal, pour employer le terme général, qui guette les familles québécoises, comme vous le décrivez.

M. Bouchard: Oui. Dans le terme des priorités, M. le ministre, je vous dirai que ce qui me semble le plus important - et je vais revenir un tout petit peu, si vous le permettez, sur ce que je mentionnais tout à l'heure - c'est l'idée d'arriver avec une masse critique là où ça compte, autrement dit, un, d'éviter l'éparpille-ment.

Ça ne fait pas très longtemps, me semble-t-il, que, dans l'administration publique, on se penche sur l'à-propos et la pertinence en même temps que le niveau d'efficacité maximale d'investissement à un endroit donné, dans le domaine du social, en tous les cas. C'est nouveau comme culture, mais je pense que c'est absolument nécessaire qu'on insiste là-dessus.

Si le ministre aux Affaires municipales, celui au Loisir, Chasse et Pêche, celui à la Santé et aux Services sociaux, celui à l'Éducation, de connivence avec le Conseil du trésor, arrivent, pour ne nommer que ceux-là, à un consensus sur un découpage du territoire et une identification de là où sont les besoins les plus grands, je pense que, avec une mission aussi claire et aussi transparente que celle-là, vous auriez l'appui des citoyens pour que certaines ressources, qui sont actuellement investies dans des territoires et des populations qui sont peut-être moins en état de besoin, puissent être orientées vers ces territoires-là. Premier élément de réponse.

Deuxième élément de réponse: intervenir, comme vous l'avez dit, rapidement, très précocement dans la vie des enfants et dans la vie du rôle parental. Nous l'avons mentionné tout au long du rapport, dans la mesure où nous sommes capables d'aider les parents et les parents de très jeunes enfants à préparer ces enfants à une carrière fructueuse à la garderie, à l'école et, plus tard, à l'école secondaire et au collège, nous sommes dans un territoire fertile en termes d'investissement. Donc, intervenir aux bons endroits, massivement et précocement.

J'ai mentionné tout à l'heure la question de l'intervention massive. Elle me semble importante aussi au niveau des services. Que les services se donnent des objectifs rigoureux et qu'ils les évaluent en matière de qui ils rejoignent, comment Ils le font et si le taux d'efficacité de leurs interventions est acceptable ou non. Ça aussi, c'est une culture que nous n'avons pas encore beaucoup dans nos établissements, celle de l'évaluation de nos interventions et du changement des programmes qui sont devenus inutiles ou qui sont devenus inefficaces.

Quatrièmement, j'ai comme fantaisie quelque part - sans doute que cela en est une de plus - de penser que, si on arrivait à détourner - excusez l'expression - 1 % du budget total du ministère de la Santé vers la prévention et l'intervention au niveau de la jeunesse, nous aurions là un budget de 100 000 000 $ qui nous permettrait... Mais il faudrait l'identifier, il faudrait y tenir, il faudrait que les ministères concernés et les partenaires puissent également ajouter à cette cagnotte. Nous aurions là un fonds de roulement en prévention qui serait très important, M. le ministre, Ça représente entre 100 000 000 $ et 125 000 000 $ par année, cette histoire-là, et ce n'est pas du nouvel argent, en passant... Mais c'est vrai que ça prend, à l'intérieur de notre culture d'intervention curative post hoc... et, une fois que la catastrophe est identifiée, c'est vrai que ça prend du leadership et un changement majeur dans nos moeurs administratives et dans nos objectifs locaux et communautaires. Ça, je vous l'accorde. Je ne sais plus où j'en suis dans mes «ièmement»...

Une voix:...

M. Bouchard: Cinquièmement? Merci, M. le ministre.

Je voudrais aussi souligner que, parmi les solutions de financement à très court terme qu'on peut envisager - je reviens là-dessus, c'est une marotte en même temps que c'est une cagnotte - mais l'idée qu'on puisse avoir accès, en tant que citoyens, à quelque chose qui nous rapporte, si ce n'était que symboliquement pour commencer, mais en même temps qu'on pourrait avoir accès à une contribution significative dans

l'amélioration de la qualité de vie des enfants en très bas âge et de leurs parents par l'intermédiaire d'une caisse nationale d'aide à l'enfance, je pense que ce n'est pas si bête que ça dans votre scénario, parce que votre scénario vise la responsabilisation des communautés et des citoyens. Il vise en même temps à identifier des nouveaux modes de financement.

Je ne suis pas un actuaire. Je ne sais pas combien ça va vous coûter pour aller chercher 150 000 000 $ ou 116 000 000 $ par année avec une telle équation - et je tiens les 116 000 000 $ d'un sondage. Est-ce que les gens sont tout a fait monteurs? À moitié menteurs? Un quart menteurs? Mais toujours est-il que les gens nous disent vouloir investir pour la cause des jeunes 116 000 000 $ par année si le gouvernement montre un leadership fiscal en cette matière-là. Ce n'est pas rien, puis, en même temps, c'est une formule où vous, moi et les personnes qui ont un revenu arrivent à s'insérer d'une façon concrète dans un scénario d'amélioration de la qualité de vie des enfants. Et ça, c'est à très court terme. À la prochaine année fiscale, on peut le décider, on peut le faire.

Si vous permettez je vais revenir sur un autre aspect de votre question, à moins que j'aie trop parlé, M. le Président.

Le Président (M. Audet): Je vous laisse aller, M. Bouchard. Allez-y.

M. Bouchard: Sur la question de comment on arrive à produire du sept pour un, je veux corriger peut-être une petite erreur d'impression. Ce n'est pas sur cinq ans. C'est peut-être une information que j'ai glissée dans mon mémoire fautivement. Je ne sais pas si elle apparaît là uu ailleurs, mais ce n'est pas sur cinq ans. Les études dont nous disposons, c'est des études de suivi auprès de cohortes d'enfants chez qui on est intervenu vers l'âge de 3 ou 4 ans et qui ont maintenant 20, 22 ans. D'accord?

M. le Président, est-ce que je peux avoir l'aide de quelqu'un pour distribuer ces graphiques?

Le Président (M. Audet): Certainement. M. Bouchard: Bon.

M. Johnson: Les études de Hewlett et Schoor.

M. Bouchard: Par...

M. Johnson: D'après votre mémoire...

M. Bouchard: Oui. C'est une étude qui...

M. Johnson:... il s'agit des résultats des études qui ont été menées... (20 h 40)

M. Bouchard: C'est une étude qui est rapportée ou ce sont des études qui sont rapportées. Il y en a peut-être sept, huit, là, des consortiums d'études longitudinales aux États-Unis, mais l'étude dont je veux vous parler maintenant, très brièvement, c'est une étude qui a été menée sur une cohorte d'enfants qui ont maintenant, au moment où on se parle, 22 ans, mais qui ont été suivis jusqu'à l'âge de 19 ans.

Et vous allez, M. le ministre et les collègues de la commission, recevoir des graphiques. Je vous invite à tourner les pages très rapidement, parce qu'on n'a pas beaucoup de temps. Un graphique qui s'intitule sommaire des coûts et bénéfices, ratio 7. 01. C'est le quatrième graphi que en partant... c'est le quatrième graphique de la collection. Ce sont des histogrammes à l'horizontale? Ça y est?

M. le ministre, la réponse est là. Elle n'est pas fulgurante, mais elle est très encourageante. Ça coûte, en moyenne, 4800 $, un programme de garderie, disons, de stimulation infantile, bon programme riche, là, qui a de l'allure. On sauve, en termes moyens, là, c'est-à-dire quand on compte... Quand on calcule le coût moyen par enfant qui participe au programme, c'est-à-dire de tous les enfants mis ensemble, y compris les échecs qu'on a avec un certain nombre de ces enfants-là, on réussit à sauver 290 $ en services annexes aux garderies, on réussit à sauver 5113 $ en termes de services spécialisés en éducation. Parce que ces enfants-là sont moins absents, ils requièrent moins de services orthopédagogiques et auxiliaires de toutes sortes. On retire aussi, en moyenne par enfant qui a fréquenté le programme, 642 $ de revenus entre 16 et 19 ans, l'effet Provigo-Métro-Steinberg, jadis. On sauve en même temps, jusqu'à 19 ans, 55 $ d'aide sociale, en moyenne, par enfant et, en termes de services juridiques, 1233 $.

Par ailleurs, comme ils vont à l'école plus longtemps, ça nous coûte 704 $ pour les envoyer au collège et, si on extrapole, à partir de leur niveau de diplomation, on calcule que, en moyenne, puis là, ce n'est pas faramineux, hein, un individu... la moyenne des individus qui participent à ces programmes auront gagné quelque chose comme 25 000 $ dans leur vie active, comme travailleurs, qu'ils auront donc contribué de 4000 $ à 5000 $ de plus à la cagnote des taxes et des impôts, qu'ils auront demandé 1800 $ de moins à la justice, en termes d'investissement de temps et de service, qu'ils retireront 1500 $ d'aide sociale de moins, et on arrive au 28 000 $, au ratio sept pour un.

Donc, M. le ministre, ce n'est pas sur cinq ans, hein. Cependant, comme vous le mentionnez dans votre document, s'il faut penser à la génération future, avec ça, on y est.

M. Johnson: Oui. Alors, bien, je vous...

Le Président (M. Audet): Brièvement, le

temps passe.

M. Johnson: Oui, évidemment, je vous remercie de la précision, évidemment, sur la période de temps qui est en cause, quoique les cinq ans, pour nous...

M. Bouchard: J'ai manqué une médaille.

M. Johnson: ...revêtent une importance évidente quant à un horizon rendu auquel on pourra avoir la tête au-dessus de l'eau au point de vue, évidemment, des déficits et des dettes accumulées que tous ces enfants-là vont être obligés de payer, incidemment, si on ne fait rien de spécial. Alors, ils n'auront pas assez de 28 000 $ de plus de revenus pour payer les impôts et les dettes additionnelles.

M. Bouchard: Oui.

M. Johnson: C'est un petit peu ça, le problème avec lequel on est pris aujourd'hui.

Ce que j'aimerais vous demander, c'est de commenter sur le fait que, dans le fond, à partir du moment où vous suggérez une cohérence administrative, parce qu'il y a de ça, là, et ça fait partie du mandat de la commission... Il n'y a pas de doute, vous avez, par vos exemples, ciblé certaines clientèles, établi une priorité par région. Vous avez battu en brèche le principe d'universalité. J'aimerais, dans ce cas-là, qu'on explicite davantage pourquoi l'universalité, ça ne tient plus.

M. Bouchard: Bon. Alors, là, vous posez peut-être une conclusion, à mon avis, un peu...

M. Johnson: Hâtive.

M. Bouchard: ...drastique. Ha, ha, ha! Il arrive que des services soient donnés, des services courants, qui ne soient pas nécessaires, dont l'ampleur est tout à fait justifiée et justifiable pour l'ensemble de la population. On pense au système d'éducation et d'accès gratuit au système d'éducation. On pense au système de santé, où il y aurait un minimum, qui reste à définir, d'après ce que j'en conviens et d'après les opinions qui sont émises à l'entour de cette table, sur les services de base à définir comme étant des services universels. Il demeure que, pour certaines populations placées dans des conditions à risque et de très grande vulnérabilité, on a besoin de mettre davantage d'énergie. Et les programmes psychosociaux de prévention ne sont pas autrement que dirigés vers ces populations cibles ou ces territoires cibles, ce qui veut dire, effectivement, que, pour une période donnée, on devrait peut-être consentir à commencer par les territoires les plus à risque, où on retrouve les familles les plus vulnérables.

C'est ce que nous disons dans le rapport.

Pour les cinq premières années, concentrons-nous sur les 45 territoires de CLSC ou de MRC les plus amochés. Tranquillement, après ça, on ajoutera dans le programme des services dans d'autres territoires, et je sais que ça ne fait pas l'affaire de tout le monde, mais il faut commencer par quelque part.

Bon. Deuxièmement, j'aborde dans le document la question de l'universalité, mais à propos des allocations familiales, et quand nous proposons un régime, quand je commente, plutôt, le régime de prestations unifié pour enfants, je vais beaucoup plus loin, personnellement, que les membres du groupe de travail ont été. Personnellement, j'émets l'opinion que, si nous voulons arriver à sortir un nombre significatif de familles de la pauvreté, il faut arriver à une option sélective là-dedans. Maintenant, où va être le plafond? À 60 000 $, à 70 000 $, à 65 000 $? C'est une autre histoire. Mais je sais que l'opinion que j'ai maintenant n'est pas partagée; le Québec est divisé en deux là-dessus.

Nous avons fait un sondage. Nous arrivons à 53 % des gens qui sont pour les programmes sélectifs, donc, pour l'abandon de la fonction universelle des allocations familiales, 47 % qui sont contre l'abandon, donc, qui sont pour l'universalité, et les gens qui sont pour, M. le ministre, vous les connaissez, c'est les gens qui ont des enfants et qui ont un revenu moyen. Ça veut dire qu'il va falloir être drôlement convaincants, si on veut avoir l'adhésion de ces gens-là, que, lorsqu'on fera un régime de prestations unifié pour enfants, si jamais on en fait un, et qu'on en fait un sélectif, c'est-à-dire qu'on en fait un pour qu'il ne nous coûte pas plus cher, parce que les scénarios qu'on connaît et qui seraient universels nous coûteraient de 100 000 000 $ à 150 000 000 $ plus cher au Québec, si on veut relever le niveau de revenus des familles des travailleurs pauvres de 3000 $ à 4000 $, si on veut être sélectif de cette façon-là, mais demeurer universels, c'est-à-dire si on veut tout avoir, ça va nous coûter 150 000 000 $ de plus d'argent neuf.

Si ce n'est pas ça qu'on fait, si on n'a pas le choix de faire autrement, il faudra garantir aux familles à qui on demande une contribution d'abandon des allocations familiales ou du semblant d'allocations familiales - en ce qui concerne le fédéral, en tous les cas, qui impose ses allocations familiales - si on demande ça aux familles, il va falloir qu'on leur démontre noir sur blanc que ça s'en va vraiment vers les familles pauvres, puis qu'on fait une bonne job avec ça. Autrement, vous n'aurez pas l'adhésion des citoyens et des citoyennes, pas la mienne, en tout cas, M. le ministre.

Le Président (M. Audet): Merci.

M. Després: ...le rapport. Un chiffre, un chiffre...

Le Président (M. Audet): L'enveloppe de temps est terminée.

M. Després: Un chiffre. Tout simplement... Le Président (M. Audet): Est-ce que...

M. Després: Est-ce que vous me permettez, sur un chiffre, par rapport au tableau?

Le Président (M. Audet): Allez-y, M. le député de Limoilou.

M. Léonard: Bien, c'est parce que des fois, ça s'étire.

M. Després: Merci, M. le député de Labelle. Le Président (M. Audet): Très brièvement.

M. Després: Oui, ce sera très bref. Tout simplement, par rapport au tableau que vous avez exposé tout à l'heure, sommaire des coûts et des bénéfices...

M. Bouchard: Oui.

M. Després: ...c'est basé sur combien de jeunes qu'on a suivis...

M. Bouchard: II y a...

M. Després: ...de l'enfant jusqu'à l'adulte?

M. Bouchard: O.K.

M. Després: Je veux savoir: L'expérience est basée sur combien de jeunes, tout simplement?

M. Bouchard: O.K. Cette expérience là, en particulier, à laquelle je me réfère et qui est la...

M. Després: Oui

M. Bouchard: ...mieux documentée, c'est-à-dire documentée dans le plus de détails, c'est, en tout, je pense, 123 enfants choisis au hasard dans une communauté, donc, divisés en deux: un groupe expérimental et un groupe de comparaison, dans une des communautés les plus pauvres de l'État du Michigan, entre autres, une communauté noire sous-scolarisée, sous-développée, vraiment le tiers monde de cette communauté, un.

Deuxième partie de la réponse...

M. le Président, je vous en prie, une petite seconde...

Le Président (M. Audet):...

M. Bouchard: Je ne veux pas laisser planer le doute là-dessus. C'est-à-dire que ça, c'est une démonstration, c'est une illustration, mais il y en a comme ça, avec Head Start Program aux États-Unis, des dizaines et des dizaines qu'on pourrait vous amener, mais avec beaucoup moins de précision.

Le Président (M. Audet): Oui, merci. M. le député de Labelle.

M. Léonard: Oui, M. le Président.

Alors, M. Bouchard, je suis très impressionné par votre mémoire où, au fond, on évoque des idées qu'on n'a pas l'occasion d'entendre très souvent et de voir étayées très souvent, surtout. (20 h 50)

Alors, j'ai bien noté votre phrase du milieu de la page 4 qui dit ceci. Je la lis pour mémoire: «II y a 30 % de chances qu'un enfant soit pauvre si ses parents ont entre 15 et 24 ans. Ces familles déclarent un revenu qui n'atteint même pas 60 % du seuil de pauvreté...!» Ça, je pense que c'est une donnée qu'on pressentait parce qu'on se rend compte que, finalement, dans notre société, ce sont les jeunes maintenant qui sont pauvres, et de façon très significative. Et puis, je ne veux rien enlever à d'autres, mais il reste quand même qu'il faut constater que, s'il y a une augmentation de la production nationale, de notre productivité, ça doit aller vers cette classe de la population en priorité. C'est vrai au plan de la mesure de la pauvreté, mais quand on le reprend de l'autre côté, en termes de ceux qui détiennent des emplois et de bons emplois, ce sont encore les jeunes qui passent sous la table, comme on dit.

Alors, je pense que ça, c'est un fait drôlement important et d'autant plus que là, on atteint pas juste les parents, mais les enfants de ces parents et, donc, il y a double génération qui est en... Il y a deux générations qui sont en cause par le fait même, dans le même groupe, dans la même famille. Alors, je pense que votre mémoire est une excellente contribution à cette réflexion.

Maintenant, sur un autre plan, vous dites que vous prenez une vision intégrative de l'intervention de l'État par rapport à ces personnes. Quand je lis, quand je vous entends, je me demande comment des fonctionnaires - puis sans aucun procès d'intention à leur endroit - peuvent avoir une vision intégrative, pourraient intervenir sur une personne et comment ça peut être efficace si on n'a pas, par ailleurs, une approche très décentralisée de l'administration de ces sommes et/ou de leur intervention.

Vous avez évoqué, à quelques reprises, le ministère des Affaires municipales, mais je ne pense même pas à cela. Je pense que la question se pose de ceux qui sont près dans le milieu, parce que, si vous mettez plusieurs fonctionnaires ensemble pour faire une seule tâche, au fond, ils doivent obéir à des structures administratives assez différentes les unes des autres.

Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce que je trouve que c'est un point important.

M. Bouchard: Vous avez évoqué peut-être la moitié de la réponse en parlant du niveau local et de la décentralisation. Je pense que la première partie de la proposition est afférente à ça, c'est-à-dire que dans la mesure où le pouvoir administratif est déplacé du central vers les localités, il faut trouver là un leadership et une organisation qui nous permettent d'avoir un accès multisectoriel au problème. Je m'excuse du jargon, mais c'est ça. L'organisation qui nous semble la plus appropriée, actuellement, c'est les régies régionales. Si les régies régionales gèrent des budgets...

M. Léonard: Mais, si vous êtes à la CUM, la régie régionale est loin des quartiers où il y a des problèmes.

M. Bouchard: Oui, oui, mais, si la régie régionale gère un budget, qu'elle gère un budget identifié en prévention et qu'elle arrive à administrer ce budget-là d'une façon contingente aux actions concertées, c'est-à-dire qu'elle dit: Voici, là, ceux qui veulent avoir accès au coffre-fort, il y a quatre clés. Ça prend les quatre clés pour entrer dans le coffre-fort. Ça en prend une du ministère, une du scolaire, une du social, une du communautaire/ et amenez chacun votre clé, puis tâchez que ça soit la bonne, puis de vous entendre avant d'arriver parce que, sans ça, l'argent ne sort pas.

Ce qui arrive, actuellement, M. Léonard, selon moi - et là, je fais ça d'une façon un peu cavalière et très caricaturale - c'est que les gens se battent pour une clé pour entrer dans le coffre-fort, et celui qui la prend, il la cache dans son manteau jusqu'à temps d'arriver au coffre-fort, et il se sauve avec la cagnotte. Ce que ça nous prend comme action concertée va passer par l'admission, dans l'administration même, d'une façon de procéder qui est contingente à la concertation. Quand on aura installé cette culture-là et que les gens auront vécu ce qu'on a pu voir, nous, du groupe de travail pour les jeunes à La Mitis, par exemple, où il y a une table de concertation qui roule d'une façon extraordinaire, quand les gens auront goûté à ça, quand ils auront vécu des expériences de succès où, non pas les fonctionnaires seulement, mais les intervenants au niveau du quartier, au niveau du village auront connu du succès avec ça, ils vont le refaire.

M. Léonard: Mais cela nous amène à une connaissance quasi personnelle des...

M. Bouchard: Des réseaux.

M. Léonard: ...disons, pas juste des régions, mais des personnes en cause. La con- trepartie à cela, c'est que vous pouvez avoir beaucoup de subjectivité dans les jugements qui sont portés par rapport à un cas, et la difficulté administrative, il me semble qu'elle grandit, elle risque de grandir au lieu de diminuer. Mais...

M. Bouchard: J'aurais plus craint d'un jugement subjectif solitaire que d'un jugement subjectif solidaire.

M. Léonard: Oui, peut-être bien. Non, mais je ne dis pas que... À ce moment-là, vous êtes obligé d'être très local, puis, là-dessus, je voudrais... Est-ce que vous avez eu connaissance qu'en Ontario les municipalités de l'Ontario participaient...

M. Bouchard: Oui.

M. Léonard: ...disons, à l'assistance sociale, en tout cas au moins sous certains de ses aspects et que, tout récemment, elles s'en sont retirées? C'est l'État même qui compenserait les municipalités, puis elles ne seraient plus au dossier, de sorte qu'elles iraient en sens inverse de ce que vous dites.

M. Bouchard: C'est-à-dire que ce que je comprends de la situation en Ontario, vous me corrigerez peut-être, là, ils ont mis à l'essai un programme de développement de projets préventifs enracinés dans les groupes communautaires et dans des scénarios de concertation dans les régions. Ce sont les régions qui doivent définir ce qu'il adviendra de ces programmes de prévention. Moi, je n'ai pas eu connaissance que le gouvernement ontarien a fait un recul là-dessus. Peut-être que ce dont vous parlez, c'est que le gouvernement ontarien aurait pris dans la cagnotte municipale les sommes d'argent pour les donner dans des projets qui, justement, démontrent leur caractère de concertation. Effectivement, il y a actuellement, en Ontario, 11 à 12 programmes dans 11 à 12 communautés différentes où on expérimente, dans le vrai sens du terme, la concertation dans le domaine de la prévention, et les échos que j'en ai sont plutôt positifs, M. Léonard.

M. Léonard: L'autre question...

Le Président (M. Audet): Vous pouvez y aller.

M. Léonard: ...que je voulais poser portait sur la sélectivité.

Le président du Conseil du trésor a abordé la question, mais vous, vous dites: Ce n'est pas la même intervention ou, si je comprends, oui, disons, pas la même intervention selon les territoires. Est-ce que vous pouvez préciser davantage?

M. Bouchard: Oui.

M. Léonard: Est-ce que c'est une question de niveau de subvention, de personne, de méthode, etc. ?

M. Bouchard: Dans les réflexions que nous avons faites et les études que nous avons menées pour «Un Québec fou de ses enfants», nous étions tentés de proposer la création d'un réseau de garderies éducatives, et là, l'Office des services de garde nous a dit: Ne dites pas ça; on est déjà un réseau de garderies éducatives. Mais ce qu'on veut dire dans cette proposition de l'installation d'un programme de stimulation infantile au Québec, c'est l'idée que, dans certains quartiers, dans certaines régions - et on les connaît, on connaît les rapports du Conseil des affaires sociales, on connaît ses territoires il y a une concentration tout à fait particulière et massive de familles qui tirent le diable par la queue. Or, très souvent, ce sont des familles qui sont distraites de leur rôle... dont les parents sont distraits de leur rôle, et on le sait. En passant, je vous mentionne très vite que le premier prédicteur de la dépression maternelle, c'est l'anxiété par rapport au budget de fin de mois, et ça, il y a des études ça d'épais pour nous le démontrer. or, on a affaire, donc, à des enfants qui sont souvent placés dans des situations de non-stimulation, de négligence marginale, mais de non-préparation à la fréquentation du scolaire et la fréquentation du social. dans ces quartiers, dans ces régions, il faut arriver à investir davantage au niveau des relations entre le parent et les organismes et des relations entre le parent et son enfant. il nous faut investir davantage au niveau du soutien également du rôle parental comme accompagnateur de son enfant. il nous faut investir davantage dans des programmes de stimulation et de développement de la curiosité et du sentiment de succès chez ces enfants. (21 heures)

Alors, il y a un effort spécial à consentir. Ça veut dire qu'il y a des ressources en plus grand nombre qui devraient nous venir des CLSC. Il y a plus de continuité d'intensité qui devrait nous venir des groupes communautaires et il y a plus d'interventions massives. Ça prend un an pour avoir les effets qu'on observe dans le Perry Preschool Project ou dans ces projets semblables, où toute la gomme est mise à mettre ces enfants sur la voie du succès. Et, quand vous les avez mis sur la voie du succès, le «U-turn» est pas mal plus difficile à faire, pas mal plus difficile à faire. On le sait maintenant, on le sait. Il y a des études, encore, qui ont été produites tout à fait dernièrement. Les enfants tabasseurs, les enfants qui sont les petits - entre guillemets - les petits «bullies» à l'école secondaire, bien, ils ont déjà leur carrière d'amorcée au niveau de la garderie. Et, là, on a besoin d'in- vestir; là, on a besoin de faire des choses pour corriger la trajectoire dans laquelle s'engagent ces enfants-là dès la prime enfance. Alors, oui, on a besoin d'un investissement plus massif. Et, ce que je vous dirai, c'est qu'il n'y a pas de solution à rabais; 1 $ en prévention, c'est exactement la même valeur que 1 $ dans la salle d'opération, mais il n'est pas placé au même endroit.

Le Président (M. Audet): M. le député de Montmorency.

M. Léonard: Bien, il n'y a pas d'alternance?

Le Président (M. Audet): Non, l'enveloppe de temps est terminée.

M. Filion: C'est terminé. Alors, merci, M. le Président

M. Bouchard, c'est un document très intéressant, bien sûr. D'abord, je dois vous dire que l'idée de vouloir intégrer toute la formule de financement des différents programmes qui existent actuellement, je pense que c'est une idée qu'on doit soulever et qu'on doit poursuivre, effectivement.

L'aide à l'enfance, je pense que c'est fondamental à toute société. Dans ce sens-là, je trouve vos idées intéressantes et, en même temps, je suis attiré, ma curiosité est augmentée. Quand vous dites qu'on a besoin d'aide, moi, je serais tenté de vous demander: Combien d'enfants au Québec, actuellement, ont besoin d'une aide aussi impérative, comme vous le dites? En nombre, nos enfants au Québec, combien on peut dénombrer d'enfants chez nous qui ont vraiment besoin d'une aide d'encadrement pour les aider à démarrer et à bien fonctionner dans notre société? À combien vous les estimez, en nombre?

M. Bouchard: Écoutez, cette question est à l'étude actuellement. Nous avons une étude de Santé Québec sur la santé mentale des enfants, qui nous dévoilera sans doute qu'il y a 7 % à 8 % des enfants, comme en Ontario, comme un peu partout ailleurs dans les pays occidentaux, qui ont besoin qu'on intervienne d'une façon spéciale parce qu'ils présentent des problèmes plus importants que les autres.

Actuellement, l'investissement en termes de protection, de rééducation, de réinsertion et de réadaptation que l'on consent au Québec dépasse les 500 000 000 $ par année. Et là on sert à peine 2 % de nos enfants. Dans le fond, on sait très bien, avec les études ontariennes et avec les études américaines, qu'il y a six fois plus d'enfants qui auraient besoin qu'on les rejoigne. Mais si on les rejoint par des stratégies préventives à partir du moment où le problème est à peine esquissé, au moment où le problème est encore comme gérable - excusez ce terme - et à partir du moment où les énergies de la famille

peuvent être mises à contribution - et non pas le découragement de la famille mis à contribution - on a des alliés, là, qui sont pas mal plus importants et qui diminuent et la nécessité d'un invostissomont humain et la nécessité d'un inves tissement budgétaire important. Ce qu'il faut voir, c'est que ces 7 % d'enfants - là, je dis 7 %; on s'en reparlera l'année prochaine, après les résultats de l'étude de Santé Québec - 7 % ou 8 %... Réjean...

Une voix: Oui.

M. Bouchard: ...je pense... Ça m'apparaît quelque chose d'assez réaliste. C'est des enfants qui présentent un état de vulnérabilité très grand. Ça ne veut pas dire que tous vont développer des syndromes catastrophiques, mais ça veut dire qu'il faut s'en occuper, et vite.

M. Filion: Le fléau, également, de la pension alimentaire qui n'est pas versée à la famille monoparentale est quand même un manque de revenus important qui crée sûrement des problèmes au niveau de plusieurs familles au Québec. Si on réglait cette partie de dossier qui, à toutes fins pratiques, ne demande pas de fonds additionnels de l'État, on pourrait aider combien de familles, grosso modo, qui se retrouveraient dans une situation de rémunération assurée ainsi? Parce que je pense que le manque à gagner d'une famille monoparentale... Que ce soit l'aide gouvernementale qui ne vient pas ou la pension alimentaire qui n'est pas versée, à ce moment-là, j'ai l'impression que si on réglait cette partie de dossier là on pourrait quand même faire un pas très important au niveau du nombre d'enfants...

M. Bouchard: Oui.

M. Filion: ...qu'on pourrait soulager.

M. Bouchard: Écoutez, je ne me permettrais pas de citer un chiffre, j'ai un blanc de mémoire sur ce chiffre-là actuellement. Je sais que, dans le rapport «Un Québec fou de ses enfants», vous avez un ou deux chiffres qui sont mentionnés à ce sujet dans la proposition que nous avancions à ce moment-là. Peut-être avez-vous déjà rencontré ou rencontrerez-vous Mme Signori de la Fédération des femmes du Québec, qui doit avoir des chiffres à ce sujet-là. Il y a une étude du ministère de la Justice, qui a été menée en 1987, que vous pourrez retracer facilement par votre service de documentation et qui vous amènera à un pourcentage assez précis là-dessus. Mais, je m'en excuse, je ne suis pas capable de vous le citer de mémoire.

M. Filion: Une autre question que j'aimerais également vous poser, c'est concernant votre innovation au niveau d'une caisse québécoise d'aide à l'enfance.

Vous semblez dire que vous avez fait un sondage. Comment les gens réagissent-ils? Ils seraient prêts à verser une somme d'argent dans cette caisse-là et à obtenir un retour d'impôt pour aider l'enlanco au niveau de la pauvroto ou bien c'est l'enfance en général, selon le sondage?

M. Bouchard: c'est-à-dire que la question que l'on posait, c'est: dépendamment d'un dégrèvement d'impôt de 150 %, est-ce que vous consentiriez à verser un montant - on avait de 0 $ jusqu'à 100 $ et plus par année - si cet argent était investi dans des programmes de prévention pour prévenir les problèmes graves chez les enfants et les jeunes? et dans le tout dernier tableau, le tableau 1 que vous avez dans votre paquet de graphiques, vous avez en détail ce que les gens, au sondage, nous ont dit vouloir donner, en argent de 1991. ça, ça va dépendre en quelle année ça va être installé.

M. Filion: Oui, c'est...

M. Bouchard: Ce qu'on a là, c'est un sondage. Les gens nous disent: Oui, je serais prêt à contribuer, puis voici la mesure que je serais prêt à mettre là-dedans. Il y a peut-être quelque part du pétage de bretelles, et peut-être qu'on en aurait seulement la moitié, mais la moitié de 116 000 000 $, ça fait quelque chose, 58 000 000 $.

M. Filion: Une autre petite question rapide, histoire d'avoir de la précision au niveau de la pensée que vous vouliez développer. Vous iriez même avec une taxe sur les produits violents. Pour vous, un produit violent, c'est quoi?

M. Bouchard: C'est ce que vous trouvez dans les deux tablettes du haut dans les clubs vidéo. C'est violent et c'est dégradant. Puis c'est évalué par des censeurs, et c'est évalué par des gens qui ont la compétence pour dire: Voici, ça, c'est xxxx, xxx, xx. Il y a des précédents, dans certains pays comme en France, par exemple, où on identifie ces produits. Ici, au Canada, on est obligé de les identifier aussi pour les fins d'accès à la consommation chez les mineurs et les majeurs. Il y aurait sans doute un petit effort à faire, mais je vous garantis que, vous et un autre de vos collègues, vous entrez dans un club vidéo et vous allez avoir un accord de 100 % sur ce qui est violent et dégradant, seulement à regarder l'affiche du film.

M. Filion: Dans ce sens-là, oui, mais vous pensez uniquement à des films ou à autre chose également? Je ne sais pas, au niveau des produits de consommation, par exemple.

M. Bouchard: Enfin, quand on en a discuté, on a parlé en général des produits violents et

dégradants, mais on n'a pas été dans le kit porno spécifique.

M. Filion: C'est parce que, quand on soulève, quand même, une taxe à la consommation de produits particuliers, on essaie de voir, d'abord, c'est quoi la masse taxable pour voir combien on peut aller chercher d'argent et à quel taux on peut taxer ces produits-là.

M. Bouchard: Écoutez, c'est une idée qu'on émet, c'est une proposition qu'on fait. Et les études actuarielles, là-dessus, on n'avait pas les moyens de les mener dans le temps qu'on nous impartissait, mais probablement que ce sont des choses qui, du point de vue technique, sont assez faciles à régler.

M. Filion: Ça va. Merci.

M. Bouchard: Mais c'est comme n'importe quelle taxe morale; ça soulève des débats.

M. Filion: Comme la contrebande du tabac. On l'a élevée pour arrêter la consommation, mais on a provoqué un fléau social encore pire.

M. Bouchard: Oui, parce qu'on a dépassé une limite.

M. Filion: Exact.

M. Bouchard: Ce n'est pas la taxe qui est le problème, c'est la limilo.

Le Président (M. Audet): Merci. Alors, il nous reste quelques secondes. C'est presque terminé. Alors, ça termine nos échanges. Ça passe très rapidement.

Alors, au nom de la commission, je voudrais remercier les gens du Laboratoire de recherche en écologie humaine et sociale. Merci beaucoup de votre présentation.

Nous allons suspendre nos travaux environ deux minutes pour permettre à la Confédération québécoise des coopératives d'habitation de prendre place à la table. Merci.

M. Bouchard: Merci de votre accueil. Le Président (M. Audet): Au plaisir. (Suspension de la séance à 21 h 9)

(Reprise à 21 h 11)

Le Président (M. Audet): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux. J'invite maintenant la Confédération québécoise des coopératives d'habitation à prendre place, s'il vous plaît.

Alors, on vous souhaite la plus cordiale des bienvenues. Je vous rappelle brièvement nos règles. Vous avez 20 minutes pour nous faire part de votre exposé et vous présenter. Ensuite, suivront des échanges pour environ une quarantaine de minutes. Nous disposons d'une heure. Alors, nous vous écoutons.

Confédération québécoise des coopératives d'habitation (CQCH)

M. La voie (Garry): Mon nom est Garry Lavoie. Je suis le président de la Confédération québécoise des coopératives d'habitation, et mon collègue, à droite, est le directeur général de la Confédération.

Le Président (M. Audet): Merci.

M. Lavoie: Alors, si vous le permettez, je vais démarrer tout de suite.

Le Président (M. Audet): Allez-y.

M. Lavoie: Pour débuter, je vais peut-être vous faire une présentation rapide de la Con fédération ou du secteur coopératif en habitation.

Alors, le secteur de l'habitation coopérative au Québec s'est développé principalement au cours des 20 dernières années. À l'heure actuelle, il regroupe près de 1200 coopératives d'habitation réparties dans toutes les régions administratives, sauf au Nouveau-Québec. Environ 60 000 personnes, représentant un large éventail socio-économique, vivent dans 22 000 logements coopératifs. Ces dernières années, le secteur coopératif de l'habitation coopérative s'est consolidé en formant huit fédérations régionales, elles-mêmes regroupées à l'intérieur de la Confédération québécoise des coopératives d'habitation.

Le secteur de l'habitation coopérative possède une spécificité bien à lui dans le con texte socio-économique actuel au Québec. D'une part, il se rattache au mouvement coopératif dans son ensemble, et plus particulièrement au volet des coopératives de consommation. Dans ce sens, les coopératives d'habitation sont des entreprises possédées et gérées collectivement par leurs membres usagers, à qui elles garantissent l'égalité dans l'exercice du pouvoir et l'équité dans la participation aux résultats. Se rattachant au domaine immobilier, un des moteurs de notre économie, elles contribuent à la création et au maintien d'emplois par leurs activités de transactions et de gestion immobilière, de construction et de rénovation.

D'autre part, les coopératives d'habitation sont également associées au domaine du logement social Fn offet, In rjrande majorité d'antre elles se sont vu confier, dans le cadre de programmes fédéraux et provinciaux, la gestion de subventions sous forme d'aide en fonction du revenu ou du supplément au loyer destiné à permettre aux ménages à faibles revenus de se loger dans des

conditions convenables et abordables. En mettant l'accent sur l'éducation continue, le cinquième principe international du coopératisme, les coopératives d'habitation permettent aussi à des milliers d'individus, souvent exclus du système institutionnel, d'acquérir des connaissances et des compétences leur permettant d'effectuer un retour aux études ou sur le marché du travail.

De fait, les coopératives d'habitation, dont les activités couvrent plusieurs champs d'intervention, atteignent plusieurs des objectifs que visent les gouvernements. Mentionnons, dans un premier temps, l'amélioration des conditions de logement pour les ménages à faibles revenus. Les coopératives d'habitation ont toujours mis de l'avant la mixité socio-économique dans la composition de leurs membres. Ceci dit, leur mission sociale et la disponibilité de subventions gouvernementales les ont aussi amenées à mettre une proportion élevée de leurs logements à la disposition des ménages à faibles revenus.

Ainsi, dans le cadre d'une étude portant sur les coopératives d'habitation au Québec, publiée par Christian Champagne en 1988, on constate que, à l'époque, près de la moitié des ménages vivant en coopérative gagnent moins de 15 000 $ par année, et près de la totalité des ménages gagnent moins de 40 000 $ par année; 20,5 % des ménages vivent de l'aide sociale; 12,3 % des ménages retirent une pension de retraite; 55,3 % tirent leur revenu d'un emploi. Bien que ces données datent déjà de cinq ans, la dégradation de notre économie nous permet d'affirmer qu'elles donnent toujours un portrait juste de la situation économique des membres des coopératives d'habitation.

Un autre élément, c'est le soutien aux familles. La même étude nous révèle encore que les coopératives logent une proportion plus élevée de familles que le marché privé. Ce qui est remarquable, toutefois, c'est la proportion de familles monoparentales qu'on y retrouve: elle s'établit à 30 % des ménages dans les coopératives d'habitation, en comparaison de 13 % sur le marché privé. Or, les dernières révélations de la Commission des droits de la personne nous laissaient savoir, l'an dernier, que ce type de ménage - famille monoparentale - était précisément celui qui se heurtait à la plus grande discrimination pour se loger.

Par ailleurs, le Conseil de la famille présentait, en mai 1991, un avis sur l'habitation «Agir avec les familles en habitation», duquel nous extrayons la citation suivante: «Le Conseil est d'avis que la coopérative d'habitation constitue la forme d'aide au logement qui responsabilise le plus les familles en leur procurant une stabilité d'occupation des lieux tout en leur faisant vivre un apprentissage à la propriété individuelle.»

Souvenons-nous de l'opinion émise il y quelques années par l'association des diétiticien-nes, selon laquelle le coût élevé du loyer était la raison première de la sous-alimentation dans les quartiers populaires. Quand on connaît le lien qui existe entre une mauvaise alimentation et les problèmes d'apprentissage à l'école, entre autres choses, on peut également conclure que, à leur façon, les coopératives d'habitation contribuent à lutter contre le phénomène du décrochage scolaire, si inquiétant pour notre société.

En ce qui concerne l'intégration des communautés culturelles, un autre des grands défis de notre société, c'est l'intégration d'une variété de communautés d'origines diverses et la lutte contre les phénomènes de discrimination et de racisme dont elles sont l'objet. Encore ici, les coopératives d'habitation font leur part. On relève en effet que l'habitation coopérative accueille plus d'immigrants que les autres types de logements au Canada; 24 % des membres des coopératives comparativement à 16 % de la population canadienne.

Au niveau de la création d'emplois, selon une étude publiée en 1992 par Clayton Research Associates pour le compte de l'Association de l'habitation coopérative de l'Ontario, la réalisation de chaque unité de logement dans une coopérative contribue à la création de 2,2 emplois permanents, en personne par année.

La prise en charge collective. Outre les éléments mentionnés ci-dessus, on pourrait énumérer encore plusieurs exemples illustrant l'apport des coopératives d'habitation à la qualité de vie au Québec, tels que: la conservation et la rénovation de quartiers anciens, la constitution de collectivités stables et harmonieuses, la sécurité accrue pour les individus, la promotion des femmes, etc. Ce qu'il importe de retenir, toutefois, c'est que, à une époque où le discours dominant dénigre l'État-providence et met de l'avant l'initiative individuelle et ('«entrepreneur-ship», avec les échecs retentissants que nous connaissons pourtant, la formule coopérative fait discrètement la preuve que la prise en charge collective et les formules globales offrent une solution de rechange extrêmement valable.

Enfin, l'Union des municipalités du Québec n'a pas hésité à appuyer le plan de relance des coopératives d'habitation présenté à l'automne 1991 par la Confédération et l'Association des groupes de ressources techniques du Québec. N'oublions pas, la formule coopérative en habitation, c'est la «success story» de milliers de personnes, pour la plupart peu instruites et peu favorisées par la société, qui, collectivement, possèdent et gèrent un actif immobilier de plus del 000 000 000 $.

En ce qui concerne le caractère inaliénable des coopératives d'habitation, un élément très important: de par leur raison d'être et les principes qui président à leur fondation, les coopératives d'habitation constituent un\ patrimoine collectif, une propriété impartageable.

Donc, jusqu'à présent, nous avons fait état aussi de la double nature des coopératives d'habitation, à la fois entreprises économiques et

logements sociaux. Il semble que la conséquence de ce statut particulier, c'est que les coopératives d'habitation sont doublement pénalisées dans le système fiscal actuel et perdent sur les deux plans. Le but du présent mémoire est de vous faire certaines recommandations afin de parvenir à un traitement fiscal plus équitable pour les coopératives d'habitation et, en conséquence, pour les ménages à revenus faibles et modestes qu'elles représentent. (21 h 20)

La presque totalité des coopératives d'habitation se sont développées grâce à des programmes de soutien des deux paliers du gouvernement. Ces programmes, dont la mécanique varie, prennent tous la forme d'une aide financière au fonctionnement et d'une aide à la personne pour les ménages à faibles revenus. Or, depuis février 1992, le gouvernement fédéral a complètement aboli le programme des coopératives d'habitation et a imposé des réductions budgétaires de plus de 50 % au logement social. En date d'aujourd'hui, maintenant, on est à 58 % avec la dernière annonce du gouvernement fédéral. De son côté, le gouvernement québécois permet, par son programme sans but lucratif privé, la réalisation de quelques centaines d'unités coopératives chaque année et, en 1993, ces dernières sont même remises en cause étant donné les réductions dans les transferts fédéraux. De façon concrète, le développement des coopératives d'habitation est pratiquement éliminé.

Pour justifier ces décisions douloureuses, nos gouvernements invoquent la récession économique, les déficits accumulés, les exigences du service de la dette; en bref, le manque d'argent. Or, si l'on compare le traitement budgétaire infligé aux couches démunies ou modestes de la société, celles qui n'ont pas accès à la propriété privée, à celui dont jouissent les couches moyennes et supérieures, il est difficile de croire les raisons que nous donnent nos dirigeants. En effet, tant sur le plan des budgets alloués aux différentes formes de logement que sur celui des abris fiscaux, on constate que l'État réservé un traitement beaucoup plus généreux à la propriété privée et aux couches les plus favorisées de la société qu'au logement social ot aux couches plus modestes. Comparons seulement ces données.

Selon le rapport annuel de la Société d'habitation du Québec, les enveloppes budgétaires accordées aux différentes formes de logement en 1991 s'établissent comme suit: vous avez, au niveau du logement social, le tableau qui est présenté dans le mémoire, pour arriver à un total de 96 600 000 $; ça implique les budgets accordés dans le cadre des HLM, des coopératives ou SBL, aux autochtones urbains et aux autochtones ruraux. Et, à votre droite, vous avez le tableau du programme d'accession à la propriété, où on voit un budget de 313 000 000 $. Ces 313 000 000 $ proviennent d'une allocution du vice-président de la Société d'habitation du Québec, Jean-Louis Lapointe, lors du colloque de l'ACHRU à Montréal.

Selon une étude sur les abris fiscaux réalisée en avril 1992 par le Front d'action populaire en réaménagement urbain, le FRAPRU, on apprend que le coût estimé de l'ensemble des abris fiscaux immobiliers en 1981, au Québec, s'élevait à 825 000 000 $, selon le livre vert «Se loger au Québec». Une projection basée sur la hausse du nombre de propriétaires et l'augmentation de la valeur moyenne des propriétés permettait de chiffrer à 1 500 000 000 $, pour les deux niveaux de gouvernement, le coût de l'exemption des gains en capital sur les résidences principales, en 1992, au Québec. L'absence de rétroactivité à l'abolition, en mai 1992, de l'exemption fiscale sur la vente de propriété autre que la résidence principale aurait fait perdre 981 000 000 $ de revenus au gouvernement du Québec en 1992. C'est donc par centaines de millions que le gouvernement du Québec finance la propriété privée au profit des classes moyenne et supérieure aux dépens du logement social et des couches démunies et modestes de la société.

C'est pourquoi nous nous permettons, donc, de recommander à la commission du budget et de l'administration de réviser la politique d'abris fiscaux appliquée par le gouvernement québécois de façon à ce que le coût de la récession et du déficit budgétaire soit réparti plus équitablement entre les différentes couches sociales et à dégager des enveloppes budgétaires pouvant être consacrées au développement du logement social et à la lutte contre l'appauvrissement.

Un autre élément. Alors que le secteur privé de l'habitation profite d'énormes subventions directes et indirectes sous forme d'abris fiscaux, le secteur de l'habitation coopérative se trouve exclu de mesures fiscales déjà accessibles à d'autres secteurs coopératifs, mesures pouvant contribuer à un développement plus autonome. Aussi, la Confédération souhaite reprendre à son compte les recommandations émises par le Conseil de la coopération du Québec dans un mémoire adressé à l'honorable Gérard D. Leves-que et portant sur la Loi sur les impôts, la Loi sur le ministère do l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.

Ces recommandations se présentent comme suit: rendre le régime d'investissement coopératif, le RIC, accessible à toutes les coopératives non financières; permettre à toutes les personnes physiques, membres de coopératives ou non, d'investir dans le RIC; que les intérêts sur les titres émis dans le cadre du RIC soient cumulatifs; que les ristournes attribuées aux membres des coopératives non financières ne soient imposables pour les membres qu'au moment où elles leur sont payées comptant ou lors du rachat des parts; que soit créé un fonds de financement des coopératives non financières et que les sommes récoltées par ce fonds soient injectées

dans les coopératives, sous forme de prêts ou de parts privilégiées; que les titres admissibles émis par un tel fonds aient des attraits fiscaux équivalents à ceux accordés aux titres émis par le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec et soient admissibles comme placement dans un régime enregistré d'épargne-retraite.

En conclusion, notre mémoire avait pour but d'exposer la réalité des coopératives, leur apport à l'amélioration des conditions de vie et de logement au Québec, et les inéquités budgétaires et fiscales dont elles font l'objet. La Confédération s'associe aussi au FRAPRU et au Conseil de la coopération du Québec pour faire certaines recommandations que je viens de vous énumérer.

Le Président (M. Audet): Merci. M. Lavoie: Merci.

Le Président (M. Audet): Je vais maintenant reconnaître M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Oui, en souhaitant la bienvenue à ces messieurs dont je connais les activités un peu partout au Québec. À tout le moins, vous avez des groupes, évidemment, dans chaque région, qui se font fort de rejoindre les députés pour leur expliquer en quoi consistent vos activités.

Le milieu de la coopération est très certainement une des façons pour des citoyens de toutes les régions de prendre en charge leur propre développement. La formule coopérative, dans quelque secteur d'activité que ce soit, mérite évidemment d'être retenue. En ce qui regarde l'habitation, qui vous préoccupe davantage, il est entendu que, là aussi, ça assure une stabilité sociale. Lorsque les gens sentent qu'ils ont investi d'eux-mêmes et de leur argent, dans bien des cas - dans tous les cas - ils ont tendance à raffermir - c'est bien évident, c'est le témoignage que vous venez donner aujourd'hui - les liens qui les rattachent à leur milieu, à leur village, à leur environnement. Donc, c'est un gage de stabilité, à mon sens.

Lorsqu'on peut embarquer les gens dans une formule comme ça, qui les oblige à se concerter davantage, par la force des choses, je pense qu'on vient de créer un esprit extrêmement intéressant, qui est probablement - on ne l'avait pas dit à l'époque - une des caractéristiques distinctes, aussi, du Québec, où la formule coopérative connaît de nombreux succès en matière d'entreprises, dans les services financiers, on le sait. Et ce dont vous venez témoigner aujourd'hui, c'est à l'égard de l'habitation.

Mais il y a certaines de vos réflexions, quand même, qui m'amènent à vous poser des questions sur, je dirais, les caractéristiques du régime coopératif, là, que vous envisagez ou que vous voudriez voir... Que vous envisagez, oui, au sens propre du terme, c'est-à-dire: Comment voulez-vous que l'État vienne davantage appuyer de telles initiatives en matière de logement? Je vais tout de suite vous indiquer que je ne partage pas entièrement les chiffres que vous avez mis de l'avant. Il m'apparaît que vous avez cité peut-être incomplètement le rapport annuel de la Société d'habitation du Québec. D'après ce que j'ai, moi, comme renseignements, il ne faut pas oublier Logirentes ni les Programmes de supplément au loyer; il y en a pour plus de 30 000 000 $, là, seulement là. Alors, ça monte rapidement. Probablement que les 96 000 000 $ devraient être de l'ordre de 135 000 000 $, ou à peu près. Il ne faut pas oublier la contribution des municipalités, évidemment, qui sont des partenaires, de même que le gouvernement fédéral, dans beaucoup de ces projets-là. Et, si on additionne tout ça, il y en a pour au-dessus de 300 000 000 $; il y en avait pour au-dessus de 300 000 000 $ pour l'année que vous citez, ce qui se compare, ma foi, avec les programmes d'accès à la propriété qui ont également pour but, là, il faut reconnaître ça, par une autre formule que celle de la coopération, de permettre à des jeunes ménages, normalement, d'avoir accès à la propriété, de, par définition, trouver un endroit stable où installer leur famille, de prendre conscience qu'ils sont également des actionnaires du développement de leur communauté ou de leur municipalité. Il y a des formules où on souhaite beaucoup que les gens deviennent de véritables propriétaires, en charge de leur propre développement. Une de celles-là, c'est la coopération. (21 h 30)

Vous domando? dos changements qui m'ap paraissent majeurs, là, au régime d'investissement coopératif, par exemple. D'abord, vous voulez - par définition, là, il me semble - que ça soit «extensionné» à des services personnels. Aujourd'hui, on parle de coopératives de travailleurs; pour le RIC, on parle de coopératives de production. Mais, là, on parle de coopératives de services personnels; il devrait y avoir, dites-vous, une subvention sous forme de régime d'investissement coopératif, un peu comme le REA ou les SPEQ, subvention au loyer, en fait, au coût, littéralement, de l'investissement dans le logement coopératif, une subvention au loyer, entendu sous toutes ses formes, qu'il s'agisse de l'intérêt qu'on verse sur le prêt hypothécaire ou du loyer qu'on verse à l'organisme qui est propriétaire. Il m'apparaît que vous voulez transformer nos coopérateurs en actionnaires ordinaires, d'autant plus que vous voulez ouvrir le RIC à toute personne physique qui pourrait détenir des parts sociales, même dans un immeuble à logements coopératifs qu'elle n'occupe pas, qu'elle n'habite pas. Ça m'apparaît - j'aimerais que vous m'expliquiez davantage - une transformation fondamentale du régime coopératif.

Deuxièmement, à l'endroit des abris, ce que vous appelez des abris fiscaux, il est entendu

qu'en matière de logement il y a eu longtemps ce qu'ils appelaient les classes 31, les édifices à revenus multiples en zone urbaine, qui ont été abolis il y a quand même de nombreuses années. Le seul abri fiscal que vous maintenez - j'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi vous le ciblez - c'est celui du gain de capital qui est exempté, évidemment, sur la vente d'une propriété qui sert de résidence principale. J'aimerais que vous me précisiez comment vous croyez qu'on devrait exempter, ou est-ce qu'on devrait les exempter, les gens qui doivent vendre leur maison parce que leur travail les oblige à déménager; les jeunes familles qui doivent acheter une nouvelle maison pour loger leur deuxième ou troisième enfant, pour tenir compte du fait que la famille s'agrandit ou se rétrécit; des personnes âgées qui ont payé toute leur vie l'hypothèque, donc le loyer de leur maison, et qui, arrivées à la retraite, n'ont plus besoin d'une maison dans laquelle, évidemment, ils ont élevé leur famille, donc ils la cèdent et espèrent bénéficier du capital pour se loger le restant de leurs jours, le tout, évidemment, sous une toile de fond où l'inflation a donné une certaine valeur, une valeur certaine, nominale, à cette résidence. Est-ce que vous verriez des ajustements pour l'inflation?

Alors, mes questions visent à voir comment vous réglez le problème d'une jeune famille qui part d'une petite maison, qui la vend plus cher qu'elle ne l'a achetée pour s'acheter quelque chose de plus grand qui coûte plus cher, de toute façon, que le prix auquel elle vient de vendre la petite maison. Alors, non seulement c'est déjà un problème apparent pour moi, mais on veut les taxer sur le gain qu'ils auraient réalisé depuis quelques années. Alors, évidemment, ça va à... Il m'apparaît que c'est à l'envers de l'économie générale en matière d'accessibilité à la propriété pour les gens.

J'aurais aimé que vous me précisiez. Donc, la première question: Est-ce que vous voulez à ce point changer le régime d'investissement coopératif pour qu'il ne soit plus distinguable, si vous me passez l'expression, d'un régime d'actionnariat pur et simple? Et, deuxièmement, comment traitons-nous les cas très réels des familles, lorsqu'elles vendent leur maison et déménagent dans une autre résidence?

M. Lavoie: Si vous le permettez, je vais répondre à la première partie de la question sur le régime d'investissement coopératif, et Jean-Pierre commentera les abris fiscaux, si on peut dire, qu'on a touchés.

Pour le régime d'investissement coopératif, ce n'est pas la création, si on veut dire, d'une forme d'actionnariat qu'on amène à l'intérieur des modifications. Le régime d'investissement est beaucoup plus des modifications qui sont apportées. Ces modifications-là sont des recommandations du Conseil de la coopération du Québec où on retrouve tous les secteurs coopératifs, que ce soit les coops de travail, forestières, scolaires, tout ça. Ce sont des modifications qui ont été demandées aux deux paliers gouvernementaux au niveau du ministère du Revenu, parce que ça implique des modifications. C'est deux mémoires qui ont été envoyés ça fait environ un mois de ça, directement aux deux ministères concernés.

Le régime d'investissement coopératif en tant que tel, la seule chose qu'on veut retrouver à l'intérieur, c'est la possibilité qu'à la rigueur, si on prend l'exemple des coopératives d'habitation, il pourrait y avoir des membres à l'intérieur des coopératives d'habitation qui achèteraient sous forme de parts privilégiées dans les coopératives d'habitation et ils auraient les avantages que l'on retire au niveau du RIC. Ça ne veut pas dire qu'ils deviendraient des actionnariats; au contraire ça ne ferait que favoriser les gens qui auraient dans les coopératives d'habitation un certain montant qu'ils pourraient investir dans la coopérative. Ce serait même à l'avantage de l'État de favoriser ou d'encourager les gens qui en ont la capacité financière.

M. Johnson: C'est une autre sorte d'abri fiscal.

M. Lavoie: Pardon?

M. Johnson: C'est une autre sorte d'abri fiscal pour les détenteurs...

M. Lavoie: C'est la recherche d'équilibre avec la propriété individuelle, dans un certain sens, les avantages. Il y a un élément très important, c'est que les coopératives, ce n'est pas seulement les coopératives d'habitation. Tous les autres secteurs ou l'ensemble des autres secteurs n'ont pas accès très souvent aux abris fiscaux parce que le régime fiscal n'est pas fait vraiment en fonction du type de financem-ïnî qu'on peut retrouver dans la propriété collective les coops de travail ou autres.

M. Johnson: M. Girard.

M. Girard (Jean-Pierre): Oui. M. Johnson, par rapport aux chiffres, dans un premier temps, les questions que vous avez soulevées concernant le rapport annuel de la SHQ 1991, il est bien entendu que les chiffres qu'on vous a donnés ici, c'est la contribution du gouvernement du Québec sur des programmes: programme sans but lucratif privé et programme sans but lucratif public. Évidemment, on n'a pas parlé des programmes d'aide aux personnes. Si on prend le supplément au loyer, comme vous le savez, ça ne s'adresse pas seulement à des gens qui résident dans des coopératives, mais ça s'adresse également au marché privé. Donc, il faut faire attention, à un moment donné, dans les nuances. Le chiffre de 300 000 000 $ que vous avez pris, c'est l'en-

semble des contributions du gouvernement fédéral, des municipalités et du Québec. Nous, ce qu'on met dans notre mémoire, évidemment, c'est la seule contribution du gouvernement du Québec, première des choses.

Deuxième des choses, concernant les abris fiscaux, nous, de façon globale, l'argumentation qu'on développe dans notre mémoire, c'est essentiellement l'équilibre qui existe ou le déséquilibre qu'il y a actuellement à nos yeux entre un certain nombre d'abris fiscaux - on en a cité un parce que c'est à nos yeux le plus important - et le secteur, finalement, de support qui est donné à d'autres formes de logements sociaux comme les HLM, les coopératives ou les organismes sans but lucratif.

Des chiffres maintenant concernant les abris fiscaux, je me permets de vous dire que ça fait déjà quelques années qu'on demande au gouvernement du Québec de mettre à jour l'information qu'on avait de 1980. Cette information-là n'est toujours pas disponible; on trouve ça extrêmement déplorable. Donc, les chiffres que vous avez dans le mémoire en ce moment, ce sont des extrapolations que nous avons dû faire, des extrapolations qui ont été vérifiées et corroborées avec des économistes, enfin, des gens qui sont familiers avec la machine gouvernementale, mais on n'a pas l'intention d'embarquer dans le débat que vous avez soulevé par rapport aux différentes générations. La seule chose qu'on peut se permettre de dire, à cette étape-ci, sur le régime fiscal par rapport au gain de capital pour les propriétaires de maison, c'est qu'à notre connaissance, quelqu'un peut finalement avoir un gain de capital sur plus d'une résidence. Le gain de capital, finalement, est limité à une transaction par année, mais ça peut se répéter plusieurs fois. Donc, il y a matière... Je suis d'accord avec vous qu'au cours d'une vie, une famille va connaître différents états, mais, évidemment... Nous, en tout cas, ce qu'on a comme information, c'est qu'il y a plusieurs cas qui ont été utilisés à titre d'abri fiscal, qui a servi beaucoup plus à de la spéculation qu'étant une réponse à l'évolution de la situation d'une famille. Voilà.

Le Président (M. Audet): M. le député de Montmorency.

M. Filion: Merci, M. le Président.

Je voudrais à mon tour, bien sûr, saluer les représentants de la Confédération québécoise des coopératives d'habitation pour leur mémoire et les éléments de réflexion qu'ils apportent à la commission.

Je vais aller dans les petites questions au niveau plus structure, parce que vous semblez vraiment aller vers une ouverture de structure fiscale pour davantage intéresser les gens au mouvement coopératif. Mais le mouvement coopératif de l'habitation, en principe, ça s'adresse à des gens qui peuvent avoir un revenu qui se situe entre quoi et quoi, en moyenne? Le revenu des gens qui peuvent bénéficier ou qui sont généralement loges à l'intérieur d'un mouvement coopératif, ça peut ressembler à quoi? Leur revenu moyen?

M. Lavoie: On peut dire que 90 % des gens qui habitent dans les coopératives d'habitation ont un revenu inférieur à 40 000 $, à l'intérieur de ça, vous retrouvez 52 % qui ont un revenu inférieur à 20 000 $. Ce sont des chiffres qui datent de 1987. Pardon?

M. Chagnon: Pourriez-vous répéter vos chiffres, s'il vous plaît?

M. Lavoie: 90 % des gens qui habitent dans les coopératives d'habitation ont un revenu inférieur à 40 000 $, et vous avez environ 52 % de ces gens-là qui ont un revenu inférieur à 20 000 $.

M. Filion: Et votre formule de location est déterminée en fonction du revenu par famille ou par... Comment ça fonctionne? C'est une tarification fixe? (21 h 40)

M. Lavoie: C'est très différent parce que les coopératives d'habitation ont été financées dans le cadre de différents programmes, à différentes époques. Vous avez des coopératives d'habitation, comme celles qui ont été créées dans les quatre dernières années dans le cadre du programme provincial, le programme sans but lucratif privé, qui, lui, tous les loyers sont déterminés en fonction des revenus des gens, tandis que dans d'autres projets coopératifs dans le cadre de programmes du fédéral, vous avez certaines coopératives qui ont un loyer du marché...

M. Filion: O.K.

M. Lavoie: ...ça s'appelle le programme PHI, c'est le dernier programme qui a été aboli l'année passée; le loyer du marché est déterminé et, à l'intérieur de cette coop, il y a un certain nombre d'unités de logement qui peut aller jusqu'à 50 % des unités où, là, il y a une aide à la personne; c'est le supplément au loyer, qu'on appelle. Vous avez d'autres types de coopératives. Mais, globalement, toutes les coopératives sans exception, toutes les coopératives d'habitation sont des coopératives sans but lucratif à possession continue et sans capitalisation individuelle. C'est le concept...

M. Filion: Coopératif. M. Lavoie: ...coopératif... M. Filion: Dites-moi...

M. Lavoie:... au Québec.

M. Filion:... vous semblez vouloir ouvrir, effectivement, à des membres qui n'habiteraient pas les coopératives. Il y a des gens qui pourraient investir dans le mouvement coopératif sans vraiment y habiter. C'est ça, l'esprit dans lequel vous aimeriez qu'on s'enligne?

M. Lavoie: Non II faudrait peut-être... Ce qui porte à confusion, c'est que, à l'intérieur de ce mémoire-là, on soulève une comparaison avec les abris fiscaux. Ce qu'on veut souligner à l'intérieur de cette comparaison-là, c'est qu'on croit qu'il y a une certaine inéquité au niveau du partage de la richesse. Dans un contexte où le gouvernement nous dit qu'il y a un déficit, qu'il y a des problèmes, qu'il faut couper, on coupe drastiquement, surtout depuis les deux dernières années; et même, je dirais, si on remonte aux cinq dernières années, il y a eu des coupures continuelles non seulement au niveau du provincial, mais aussi au niveau du fédéral. Il y a eu des coupures drastiques.

Nous, ce que l'on dit à la commission aujourd'hui, c'est: Pourquoi couper autant au niveau du logement social lorsque, avec tout l'apport que ça apporte en termes de logements abordables, lorsque, au niveau des abris fiscaux, il y a encore quand même une très grosse partie de la richesse qui est dirigée vers là? On ne veut pas attaquer ou dire que les abris fiscaux, en général, devraient être abolis. Ce qu'on veut amener au ministre, c'est qu'on pense qu'il y a certains montants... ou même les abris fiscaux en général, dans certains cas, pourraient être limités.

Je ne veux pas partir un débat sur les abris fiscaux ici. De toute façon, on n'est pas des spécialistes au niveau des abris fiscaux. Mais on pense qu'il pourrait y avoir un certain contrôle dans certains des abris fiscaux qui pourrait permettre de dégager des montants et de les diriger au niveau de programmes de développement coopératif. Ça, c'est une partie du mémoire.

L'autre partie, qui traite beaucoup plus des recommandations qui proviennent du Conseil de la coopération du Québec, qu'on s'approprie aussi aujourd'hui, c'est d'essayer d'avoir une vision aussi à long terme du développement du secteur coopératif en général et, dans notre cas, du secteur de l'habitation coopérative. C'est une dos raisons pour lesquelles on appuie fortement une des recommandations, qui est la constitution d'un fonds de développement coopératif, un peu sur le même principe que le Fonds de solidarité. Ce qu'il est important de souligner, c'est que le Fonds de solidarité n'investit pas dans le déve-loppement fins coopératives on tant que tel. Alors...

M. Filion: Oui, mais j'ai un peu l'impression, dans votre mémoire, que vous voulez mélanger abri fiscal et vocation pour laquelle on avait développé le logement coopératif. Quand on a créé le Fonds de solidarité des travailleurs, c'était pour leur permettre d'accumuler des fonds et de bénéficier de retours sur investissements intéressants dans le futur qui auraient une vocation très spécifique. Mais la vocation du mouvement coopératif, c'est une vocation pour permettre le logement. Alors, si je comprends bien, vous aimeriez mélanger abri fiscal dans le mouvement coopératif pour pouvoir grossir davantage le mouvement coopératif. C'est ça? Aller chercher une ponction fiscale des investissements dans le secteur privé pour relancer davantage ou pour développer davantage le mouvement coopératif à son maximum? C'est dans ce sens-là?

M. Lavoie: Vous parlez au niveau du RIC et du fonds coopératif, là?

M. Filion: Oui, parce que vous semblez vouloir l'ouvrir vers un abri fiscal.

M. Lavoie: Oui, on veut ouvrir l'outil, !e RIC, l'élargir à d'autres secteurs coopératifs, parce qu'actuellement il est tourné plus vers les coops de travail en général, et on veut permettre la création d'un fonds d'investissement, si on peut dire, dans le milieu coopératif. C'est évident qu'on veut que ces deux fonds-là aient les mêmes avantages fiscaux que d'autres fonds qui investissent dans l'entreprise ou dans d'autres types d'intervention. C'est ça qu'on vise. Je ne vous dis pas que ces deux fonds-là vont permettre la création demain de 2000 unités de logement coopératif en habitation qui vont rejoindre les gens à très faibles revenus. Ce que l'on vise, au même titre que le Conseil de la coopération du Québec, c'est de s'approprier, de se donner des outils d'investissement ou des outils de dévelop pement qui vont nous permettre, à la rigueur, si on les ramène aux coopératives d'habitation, dans certains cas...

Les coopératives d'habitation, souvent, la difficulté dans le financement hypothécaire - seulement un des aspects, il y a plusieurs autres difficultés - c'est d'aller chercher la mise de fonds en tant que telle, parce que les gens ne peuvent pas, n'ont pas la liquidité, n'ont pas l'argent à investir parce qu'ils n'ont pas assez de revenus. Dans ce cas-là, ils pourraient investir la partie do mise de fonds au niveau d'une hypothèque

Je vous donne juste un petit exemple. Il y aurait d'autres possibilités au niveau des structures financières. Il y a des discussions, entre autres, sur des concepts hypothécaires auxquels on n'a pas accès, actuellement, parce que les institutions financières... Il y a seulement un concept qui est l'hypothèque traditionnelle. Dans le cas de fonds qui auraient des montants d'argent sur du plus long terme, ils auraient des

possibilités de développer certains concepts. Je vous donne l'hypothèque à paiement progressif, qui est un autre type de concept qui a été étudié par le Mouvement Desjardins à une certaine époque. On a élaboré aussi, au niveau du fédéral, le programme d'hypothèque indexée, qui est un autre type.

Alors, ce qu'on veut amener à l'intérieur des recommandations du Conseil de la coopération du Québec, c'est d'essayer de développer des outils de développement qui n'existent pas en tant que tels dans le secteur coopératif en général.

M. Filion: Est-ce que vous pensez que ces changements-là pourraient permettre des rentrées de fonds quelque part pour l'État? Parce qu'on sait qu'on recherche, actuellement, à rationaliser les dépenses publiques. Si on y va vers un élargissement d'abris fiscaux pour le mouvement coopératif, à ce moment-là, ça va coûter des sommes additionnelles à l'État parce que le retour d'impôt, il va falloir le payer quelque part Alors, avez vous une idée si ces mesures-là, dans l'ensemble, vont coûter davantage à l'État que l'État ne va pouvoir, à toutes fins pratiques, à moyen terme, stabiliser ses dépenses publiques par des coupures qui semblent vouloir se manifester, compte tenu de la conjoncture économique que l'on vit? Est-ce que vous vous êtes fait une idée?

M. Lavoie: Écoutez, les abris fiscaux, c'est évident que si le gouvernement a à prendre une décision là-dessus, il aura à évaluer l'impact. Tous les abris fiscaux, généralement, lorsqu'ils ont été mis sur pied, c'est parce qu'il y avait des objectifs à l'arrière de ces abris fiscaux. Dans certains cas, ça a été un échec. L'exemple que M. Johnson soulignait, les MURB ou la classe 38, ça a été un échec. L'exemple des abris fiscaux qui ont été abolis par le gouvernement fédéral, l'année passée, au niveau des propriétaires non occupants, qui équivalaient à peu près à 1 000 000 000 $, s'ils ont été abolis, c'est parce qu'on s'est aperçu qu'on n'avait pas atteint les objectifs qui étaient visés, à l'époque, qui étaient fin stimuler un parc de logements suffisants ot abordables.

Nous, on dit et on pense qu'en créant le fonds des coopératives et en ouvrant, en élargissant le RIC, oui, il y aurait des retombées qui seraient de plusieurs ordres. Je ne pourrais pas vous donner quelles seraient les retombées au niveau des coopératives de travail, mais il y aurait la création d'emplois, la possibilité de créer plusieurs coopératives de travail. Dans d'autres secteurs, ce serait beaucoup plus aux autres secteurs à venir vous l'expliquer. Au niveau des coopératives d'habitation, ce que, nous, on vise beaucoup plus, c'est de trouver des structures financières différentes avec ces fonds qui nous permettraient, à la rigueur, de dévelop- per certains projets coop. Ça ne veut pas dire que le RIC ou le fonds des coopératives va résoudre le problème du logement abordable qu'on prône au niveau des coopératives d'habitation, c'est seulement un aspect.

On essaie d'élargir les possibilités, mais c'est clair qu'au niveau des coopératives d'habitation - et vous le saurez vers la fin du mois - la Confédération, le mouvement coopératif, tous nos partenaires, nous allons présenter un projet au ministre des Affaires municipales, Claude Ryan, et à la Société d'habitation du Québec dont relève le ministre, ou le contraire plutôt, un projet d'investissement du gouvernement dans le développement des coopératives d'habitation, un programme. Ce programme-là, il n'est pas encore déposé, mais il devrait être complet lorsqu'on le présentera.

M. Girard (Jean-Pierre): Peut-être...

Le Président (M. Audet): Si vous voulez ajouter. (21 h 50)

M. Girard (Jean-Pierre): Oui, peut-être deux éléments d'information. Le premier élément, aux questions que vous avez soulevées, il est important...

Je prenais connaissance, avant de venir ici, du mémoire qu'a présenté Claude Béland, au nom du Mouvement Desjardins. Un des éléments, je crois, qui ressort beaucoup de Desjardins, de l'évolution et de la croissance du Mouvement Desjardins au Québec, c'est la prise en charge collective qui a caractérisé Desjardins. Évidemment, notre réseau... On arrive, nous, peut-être avec 70 ans de retard sur Desjardins. On date seulement de 1973, les premières coopératives d'habitation au Québec. Ce qu'on demande par rapport à la fiscalité, finalement, ce sont des moyens comme ceux dont peut disposer Desjardins, notamment sur le plan de la capitalisation. Parce que Desjardins peut maintenant profiter des parts permanentes et, du côté des coopératives d'habitation, bien, on aimerait ça, éventuellement, avoir des outils fiscaux nous permettant d'améliorer la capitalisation des coopératives

II est bien Important, comme l'a rappelé mon président, que ça ne règle pas la problématique sociale à laquelle s'adressent fondamentalement les coops d'habitation depuis 20 ans, à savoir loger des personnes à faibles revenus. Ce n'est pas par la fiscalité qu'on va être capable de régler ce problème-là, et ça, je crois que notre mémoire le démontre très clairement.

Il y a peut-être un autre aspect sur lequel je voulais revenir par rapport aux interventions de M. Johnson, tout à l'heure. C'est concernant, finalement, l'investissement qui est fait dans ces programmes-là des coopératives d'habitation. Il y a des études qui nous ont démontré, chiffres à l'appui, que l'investissement qui est mis par

l'État dans des programmes de coopératives ou d'organismes sans but lucratif dans le domaine de l'habitation, finalement, c'est un investissement qui est beaucoup plus intéressant à long terme pour l'État que les investissements qui sont mis, par exemple, dans des programmes de supplément au loyer sur le marché privé. Les études nous démontrent que, sur une période de 15 à 18 ans, l'État récupère ce qu'il a mis dans le logement coopératif.

Une autre caractéristique aussi extrêmement importante des coopératives qu'il ne faut pas perdre de vue, et c'est bien démontré dans la Loi sur les coopératives, c'est le caractère inaliénable des coopératives, à savoir que c'est un patrimoine collectif qui est impartageable. Il n'y a pas de spéculation, il n'y a pas de façon individuelle de récupérer ce qui est dans les coopératives. Ça, on insiste pour le dire ici. L'investissement que l'État fait dans ça, c'est un investissement qui reste, c'est un investissement qui ne sera pas individualisé à aucun moment.

Le Président: (M. Audet): Merci. M. le député de Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci, M. le Président.

L'idée force de votre mémoire et de votre mouvement, d'ailleurs, c'est la responsabilisation des citoyens qui occupent particulièrement des logements coopératifs. Je pense que vous avez en grande partie raison, surtout si on les compare à d'autres investissements publics du type HLM, par exemple. Il m'apparaîtrait plus avantageux, pour faire en sorte de responsabiliser davantage les locataires de ce genre d'unités d'habitation, de faire en sorte d'avoir davantage de coopératives que de constructions de HLM. Mais, dans la réalité, il appert que certaines carences ou, du moins, certaines problématiques se soulèvent avec l'administration de logements coopératifs.

Par exemple, dans le centre-ville de Montréal, on remarque que parmi les premières coopératives - je pense à celles de Milton Park, entre autres - les gens, qui ont commencé à y habiter depuis maintenant près de 20 ans, ont vu leurs revenus substantiellement s'améliorer et ils ont un plancher de coût de logement qui est nettement inférieur au prix du marché ou au prix qu'on retrouve un peu partout. C'est là un avantage pour quiconque a des revenus relativement petits.

Vous disiez vous-mêmes que 10 % des gens qui sont des utilisateurs des coopératives gagnent 40 000 $ et plus par année. Est-ce que ça ne vient pas un peu jouer à rencontre du rôle social que vous avez voulu démontrer à l'égard du coopératisme en matière de logement? D'autre part, si l'idée force est la responsabilisation des gens, est-ce qu'il n'y aurait pas davantage, de la part du gouvernement, un intérêt à faire en sorte d'aider les gens à acquérir une propriété privée? Une propriété privée, quand on regarde à

Montréal où 75 % des gens sont locataires, ça implique que les gens qui sont locataires ou même en coopérative n'auront pas cet acquis ou cet apport financier que la propriété vous amène lorsque vous la vendez. On remarque que, dans les transferts «intergénérationnels» - on l'a évoqué ici plus tôt - il y a des problèmes majeurs qui vont faire, comme un mur, se frapper les jeunes d'aujourd'hui. Quand 75 % des gens sont locataires, c'est évident qu'il n'y aura pas de transmission entre ces générations d'un capital qui, généralement, est fabriqué à partir d'une propriété.

Est-ce que ce n'est pas là un frein à l'idée même du coopératisme en matière de logement, même s'il devrait être substitué, à mon avis, à la construction de HLM?

M. Lavoie: Est-ce que vous pourriez... Le sens de votre question, là... Vous êtes parti des HLM et vous avez comparé...

M. Chagnon: J'ai dit: Vaut mieux construire des coopératives que des HLM parce que c'est une façon nettement avantageuse sur le plan de la responsabilisation des individus qui vont les occuper. Mais, d'un autre côté, si on regarde le rôle que l'État doit tenir en matière de loge ment, est-ce qu'il n'est pas préférable de voir l'État s'intéresser davantage aux coopératives qu'aux HLM, mais aussi davantage à l'accès à la propriété privée, de façon à permettre aux gens d'avoir la possibilité de transférer un capital d'une génération à l'autre, ce qui est à peu près impossible pour 75 % des gens qui habitent, par exemple, Montréal où 75 % des gens sont locataires?

M. Lavoie: Écoutez, je pense que la responsabilité de l'État est d'intervenir à ces trois niveaux-là, que ce soit au niveau des HLM ou des coopératives ou de favoriser l'accession à la propriété.

Sur les coopératives d'habitation, je dirais que leur raison d'être au Québec - et, je dirais, dans l'ensemble du Canada - c'était de répondre à un besoin de logements abordables, de répondre aussi à d'autres niveaux, je dirais au niveau de sécurité d'occupation, au niveau de la prise en charge. C'était en vue de répondre à ça.

On n'est pas contre le désir des gens d'accéder à la propriété individuelle. Mais la clientèle qu'on retrouve dans les coopératives, il faut bien la situer. Tantôt, quand je soulignais que 90 % des gens étaient en bas de 40 000 $, j'aurais peut-être dû préciser qu'il y a environ 98 % lorsqu'on va à 50 000 $. Il y a très peu de gens, et c'est prouvé, qu'on retrouve à l'intérieur des coopératives qui ont un revenu supérieur à 50 000 $. C'est évident que, si on connaît quelqu'un qui a 50 000 $ ou 55 000 $ dans une coopérative, ça nous amène souvent, peut-être, a généraliser, a dire qu'il y a d'autres exemples

Les exemples de gens à très hauts revenus sont très rares. Généralement, les gens accèdent à la propriété individuelle. Ils quittent et vont à la propriété individuelle. C'est pourquoi on retrouve généralement toujours ce pourcentage en termes de revenus.

Je ne sais pas si je réponds à la question que vous amenez parce que, quand vous situez les trois niveaux, accession à la propriété, coopératives, HLM, je pense que les HLM répondent à un besoin au niveau de notre société, les coopératives d'habitation répondent aussi à un besoin et l'accession à la propriété, c'est évident, c'est un désir de beaucoup de Québécois, lorsqu'ils en ont les moyens.

M. Chagnon: Mais comme les clientèles, comme vous le dites, de HLM et une grande partie des clientèles de coopératives sont des clientèles dont les revenus sont relativement bas, n'y aurait-il pas lieu ou ne serait-il pas préférable de construire des coopératives plutôt que des HLM, ne serait-ce que pour responsabiliser davantage les gens qui vont occuper ces logements?

M. Girard (Jean-Pierre): La réponse à ça, finalement, c'est que, nous, on croit que ça prend un pluralité do formules pour répondre à une pluralité do bosoins. Cost aussi simplo quo ça. Il y a des gens qui ont besoin...

M. Chagnon: Est-ce qu'on peut pluraliser la responsabilisation des citoyens?

M. Girard (Jean-Pierre): Non. Quand vous parliez, tout à l'heure, de comparaison entre HLM et coopératives... Peut-être que, dans certains contextes, la formule coopérative est plus intéressante en termes de prise en charge, effectivement, mais il y d'autres cas...

Nous, on favorise l'existence de différentes formules. C'est bien évident qu'on est convaincus de la formule coopérative; ça a fait ses preuves dans plein de domaines, ici, au Québec. Je pense que l'élément qu'il faut retenir par rapport à la question que vous souleviez tout à l'heure, c'est finalement la question des tranches de revenus auxquelles on s'adresse. Les gens qui sont dans nos coopératives, la grande majorité des gens n'ont pas la capacité d'accéder à la propriété individuelle. Ils ont la capacité d'accéder à la propriété collective. Nous, on a la prétention de dire que la coopérative d'habitation est une forme de propriété collective, dans le sens que ça amène les gens à s'occuper de la gestion de leur unité.

M. Chagnon: Oui, mais, dans un cas comme dans l'autre, la coopérative ou le HLM est financé par l'État.

M. Lavoie: La coopérative est financée de façon beaucoup moins importante que le HLM. Les coopératives d'habitation... Là, on peut entrer...

Il y a différents types de programmes qui ont financé des coopératives d'habitation. Actuellement, le programme qui existait jusqu'en 1985, que le gouvernement provincial avait financé, qui était, dépendamment des régions d'où on vient, le PIQ ou le programme intégré, où on retrouvait Loginove et Corvée-habitation, c'était seulement une partie de la subvention du capital qui était amenée par le gouvernement provincial; le reste était une hypothèque dans le privé.

La coopérative, dans son financement, c'est seulement une portion du financement global qui provient de l'État; le reste, c'est dans le privé, au même titre qu'un propriétaire individuel.

Le Président (M. Audet): Cela termine l'enveloppe de temps qui était dévolue à votre formation, M. le député. (22 heures)

Je vais maintenant reconnaître M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Merci, M. le Président.

D'abord, je tiens à vous féliciter d'être venus exprimer votre point do vue à la commission. D'ailleurs, j'on profito également pour souligner l'excellent travail de conscientisation que fait un mouvement comme le FRAPRU, auquel vous êtes associés.

Ce que vous soulevez, au fond, par votre présentation, c'est l'ensemble de la problématique de l'accessibilité à la propriété. En écoutant les questions que posait mon collègue de Saint-Louis, et vos réponses, d'ailleurs, la réflexion suivante m'est venue à l'esprit: c'est que, dans le contexte, particulièrement, de la rénovation, de la réanimation, je dirais presque, du centre-ville de Montréal, en particulier, et de certains autres centres urbains, la formule coopérative trouve toute sa signification. Elle trouve toute sa signification parce qu'en ce moment, dans les quartiers qui sont en perte ou en cassure de Montréal, que ce soit le sud-ouest, que ce soit le centre-sud ou les autres, il y a un problème de responsabilisation, effectivement, et je pense que la formule coopérative est, dans ce contexte-là, la formule la plus adéquate.

Au fond, ce qui se pose ici comme problème, et ce que la commission a à envisager, et le gouvernement - je dirais même, quelle que soit la couleur du parti au pouvoir - c'est que nous devons faire face à des ressources limitées et, à l'intérieur de l'assiette de revenus de l'État disponibles dans les contraintes actuelles, peut-être réaménager certains programmes et certaines redistributions. Dans ce sens-là - c'est une idée tout à fait personnelle - je pense que ce que vous soulignez s'inscrit dans une sorte d'étape, dans le sens où, idéalement, chaque Québécois

devrait posséder sa maison, devrait y avoir accès.

Je partage les commentaires qui ont été faits par mes collègues, dans le sens suivant: je ne pense pas que, pour favoriser le mouvement coopératif dans l'habitation, il faille pénaliser les ménages propriétaires de leur propre maison lorsqu'ils vendent la maison familiale. Mais j'aimerais que vous nous disiez pourquoi, d'après vous... Étant donné qu'au niveau des principes, tout du moins, le mouvement coopératif, en matière d'habitation, semble fort intéressant, comment expliquez-vous que le gouvernement fédéral ait coupé dans le financement à ce programme-là et que, quand on regarde la répartition des sommes allouées par le gouvernement du Québec aux différentes formes d'habita-tion, le mouvement coopératif ressort effective ment comme le parent pauvre par rapport aux HLM?

M. Lavoie: Bien, écoutez, la question de savoir pourquoi le gouvernement fédéral a coupé au niveau... ou a aboli le programme coopératif, c'est la question qu'on leur a posée parce que toutes les études... La coupure est venue immédiatement après une évaluation qui avait été faite par la Société canadienne d'hypothèques et de logement de l'ensemble des programmes de financement ou d'aide au développement de coopératives d'habitation à travers le Canada. Cette étude, qui a été faite sur une période d'un an, en 1991, si ma mémoire est bonne, démontrait hors de tout doute que la formule ou les objectifs qui avaient été atteints par ces programmes-là étaient au-dessus des objectifs qui étaient demandés. On a souligné certains éléments, tantôt. Lorsqu'on parle en termes de clientèle de revenus, en termes de profil socio-économique qu'on retrouvait dans les coopératives. Les familles monoparentales, le pourcentage était plus élevé que le pourcentage qu'on retrouvait dans la société. En tout cas, toutes les études le démontrent. Ça, c'est un choix du gouvernement fédéral.

Nous nous expliquons aussi très mal le pourquoi de cette décision. Nous croyons que c'est une décision qui a été prise de façon très rapide ou de façon impulsive, sans nécessairement avoir évalué l'impact réel que ça allait amener au niveau des gens à revenus faibles ou modérés.

M. Beaulne: Est-ce que, par rapport aux autres provinces canadiennes - je vous pose la question au cas où vous ayez la réponse - le mouvement de coopératives d'habitation, proportionnellement à la population du Québec, était plus développé ici qu'ailleurs au Canada?

M. Lavoie: Plus développé dans quel sens?

M. Beaulne: Plus développé dans le sens où de plus gros montants y étaient affectés par rapport à la population.

M. Lavoie: Bien, écoutez, les provinces dont on peut faire une comparaison par rapport au Québec, là, il y a vraiment trois provinces où il y a eu beaucoup de développement coopératif. Je n'ai pas les chiffres en tant que tels, mais je peux vous dire qu'en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique, c'est là qu'on retrouve, je dirais, le plus grand nombre de coopératives d'habitation. À savoir si le fédéral a investi plus dans une province que dans une autre, je n'ai pas les données ici en tant que telles pour pouvoir le déterminer, pour pouvoir... On a les données au bureau, mais il faudrait que je vérifie.

M. Girard (Jean-Pierre): Je peux peut-être Le Président (M. Audet): Allez-y. M. Girard.

M. Girard (Jean-Pierre): Oui. En réponse à votre question, par rapport au logement coopératif, on sait que dans un seul quartier d'Ottawa, l'année passée, il s'est développé plus de logements coopératifs que dans l'ensemble du Québec. Donc, dans un seul quartier de la ville d'Ottawa, il s'est développé plus de logements coopératifs que dans l'ensemble du Québec.

Ce qu'on présente ici, c'est une situation catastrophique parce que le gouvernement fédéral s'est retiré et le gouvernement du Québec maintient une présence symbolique dans le développement du logement coopératif en habitation au Québec, nonobstant une demande extrêmement importante. Ce qu'on a essayé aussi de démontrer ce soir, peut-être que ça n'a pas ressorti beaucoup, mais c'est qu'il y a des formes d'aide qui sont allouées actuellement par le gouvernement du Québec qui lui reviennent à un montant beaucoup plus élevé, quand tu le cal cules dans le temps, que la forme d'aide qui pourrait être consacrée au logement coopératif Dans ce sens-là, je pense qu'on amène une contribution à la réflexion qui se fait ici sur la situation des finances publiques.

Il faut voir la formule coopérative comme étant une formule intéressante pour les individus à moyen et à long terme, pas seulement dans le court terme. C'est bien évident que ça coûte moins cher à l'État de venir en aide à quelqu'un en supplément au loyer sur le marché privé pour un an que de venir en aide dans une formule coopérative, mais ta formule coopérative, quand tu prends le temps de l'analyser en termes d'années et, surtout, en termes de patrimoine collectif - on revient sur ça, c'est une valeur profonde, la coopération - c'est intéressant comme retombée.

Le Président (M. Audet): Merci. Alors, ça met fin à nos échanges. Je veux remercier la

Confédération québécoise des coopératives d'habitation. Messieurs, merci beaucoup de votre présentation.

Ceci met fin à notre journée de travaux. Nous ajournons nos travaux jusqu'à demain matin, 10 heures. Sur ce, bonsoir.

(Fin de la séance à 22 h 7)

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