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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mardi 16 février 1993 - Vol. 32 N° 36

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le financement des services publics au Québec


Journal des débats

 

(Neuf heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission du budget et de l'administration poursuit ce matin une consultation générale et des auditions publiques sur le financement des services publics au Québec.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements? le secrétaire: oui. m. lazure (la prairie) est remplacé par m. beaulne (bertrand).

Le Président (M. Lemieux): Merci. Est-ce que les membres de cette commission ont pris connaissance de l'ordre du jour? L'ordre du jour est-il adopté?

M. Léonard: J'ai une motion à présenter...

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le député de Labelle.

M. Léonard: ...en vertu de l'article 149, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Dépôt de documents.

Motion proposant que la commission soit,

au terme de cette séance, transformée en séance de travail

M. Léonard: Hier, vous nous avez dit que la motion que nous avions présentée devrait l'être plutôt en vertu de l'article 149 qu'en vertu de l'article 175. Alors, je représente une motion ce matin, qui ne donnera pas lieu, je pense, à un débat très long. Je ne voudrais pas entamer le temps des intervenants qui viennent ici.

Alors, très rapidement, je vous la lis: Que la commission du budget et de l'administration soit, au terme de cette séance, transformée en séance de travail, afin de discuter de l'opportunité de prolonger ses travaux, dans le cadre de l'article 149, notamment afin que la commission siège une séance supplémentaire pour entendre les différents experts qui ont étudié, spécifiquement dans le cadre de la commission Bélanger-Campeau et des deux commissions d'étude créées en vertu de la loi 150, l'impact du déséquilibre des finances du gouvernement fédéral sur celles du Québec ainsi que la question des chevauchements et des dédoublements administratifs, et que la commission siège une autre séance supplémentaire afin que les membres puissent interroger les représentants du Conseil exécutif aux fins de la commission et ainsi débattre des solutions qu'ils préconisent à court, moyen et long terme et qu'en conséquence le président de la commission convoque, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés, ladite séance de travail.

Je la dépose. (9 h 40)

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que je pourrais avoir une copie de cette motion? Je vais permettre aux membres de cette commission de prendre connaissance de la motion déposée par M. le député de Labelle. Est-ce que c'est possible que les... On me fait part, M. le député de Saint-Louis, que vous aurez copie de cette motion dans 30 secondes.

(Consultation)

Le Président (M. Lemieux): Oui?

M. Chagnon: Pour l'intelligence de nos travaux puis pour ne pas retarder indûment non plus les visiteurs que nous recevons ce matin, quelle est la différence entre la motion qui nous est présentée ce matin puis celle qu'on nous a présentée hier - qui, si j'ai bien compris, a été jugée irrecevable hier - si ce n'est que l'article sur lequel on s'appuie change? Au lieu d'être 175, c'est 149.

Le Président (M. Lemieux): Hier, il s'agissait d'un rapport intérimaire et, aujourd'hui, il s'agit d'une motion faite...

M. Chagnon: Pour avoir une séance de travail.

M. Lemieux: ...en vertu de l'article 149. Alors, dans le cadre d'un mandat d'initiative... Écoutez, vous me permettrez... Est-ce que vous avez copie de la motion? Est-ce qu'il y a des membres, du côté ministériel, qui aimeraient se faire entendre sur la motion?

Débat sur la recevabilité M. Johnson: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: J'ai une question à votre endroit: S'agit-il ici d'une motion qui requiert l'unanimité, dans la mesure où ce qu'on indique ici explicitement, c'est de siéger au-delà de l'heure prévue pour nos travaux - c'est-à-dire 22 heures ce soir - afin que, transformés en séance de travail, nous continuions nos travaux aux fins décrites par le député de Labelle?

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle.

M. Léonard: M. le Président, dans les horaires que nous avons à l'heure actuelle, il n'y a pas de prévision pour faire des séances de travail, mais une séance de travail se convoque de par la volonté des deux parties. Puis je pense qu'il est de coutume que l'on s'entende pour en faire. Je pense qu'il est tout à fait normal de le faire; on veut le faire le plus tôt possible.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Labelle.

Oui, M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Oui, je crois comprendre que ce n'est pas par motion, alors que la commission siège très officiellement, qu'on convoque une réunion de la commission ou une séance de travail de la commission. C'est précisément là le point que je fais valoir, M. le Président. C'est que c'est à l'occasion des travaux très formels de la commission qu'on veut nous amener à siéger au-delà de 22 heures, afin que nous tenions une séance de travail. Il m'apparaît donc que la règle de l'unanimité devrait jouer, et je le souligne tout de suite.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle.

M. Léonard: M. le Président, si j'étais du parti gouvernemental - et je vais le demander au président - je pense que cela se ferait automatiquement parce que, pour convoquer une séance de travail, nécessairement, c'est en dehors de ce qui peut avoir été prévu autrement. Mais, là, je le fais officiellement devant la commission, en vertu de l'article 149. Et c'est le moyen que j'ai. L'article 149 existe, donc je l'invoque pour vous demander de convoquer une séance de travail. Je pense que c'est le moyen que le règlement met à ma disposition pour demander une séance de travail. Et la commission s'exprime par des motions. Je pense que c'est ça qui...

M. Johnson: M. le Président, je ne ferais pas valoir le point que j'ai fait valoir s'il était question de se transformer en séance de travail plus tard, après demain, mais, là, aujourd'hui, on veut prolonger les travaux de l'Assemblée. Enfin, nous siégons de 9 h 30 le matin à 22 heures le soir. Ce n'est pas rien. On va être au travail pendant 11 heures et 30 minutes, plus ou moins. Ça ne m'apparaît pas exorbitant de prétendre que, comme on demande ici qu'on aille plus loin que 22 heures ce soir, donc on veut modifier l'horaire de nos travaux, donc c'est l'unanimité qui doit prévaloir. Ce n'est pas une motion dans le sens habituel du terme que le député a fait valoir.

M. Léonard: M. le Président, si c'est 22 heures qui fatigue le président du Conseil du trésor, peut-être qu'on peut la faire demain. Pour demain matin, vous pourriez convoquer une séance de travail. Ce que nous avons indiqué, c'est que nous pourrions la faire ce soir, en terminant nos travaux. Je pense que c'est pour aller plus vite; c'est la raison que nous avons. Mais je pense qu'il faut convoquer une séance de travail. Je le fais en vertu du règlement. C'est habituel, c'est le règlement qui me permet de le faire; 149, c'est ça.

Le Président (M. Lemieux): Écoutez, M. le... Oui.

M. Johnson: M. le Président. Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Johnson: D'abord, je corrige l'impression que j'ai laissée. De 9 h 30 ce matin à 22 heures ce soir, ça ne fait pas 11 heures 30 de disponibilité, c'est 12 heures et 30 minutes. Alors, ce n'est pas des petites journées, nécessairement, qui sont en cause. On n'essaie pas de se soustraire à nos devoirs, ici. Ce que je fais remarquer, c'est qu'il m'apparaît que c'est une motion qui arrive pour convoquer une séance de travail de la commission, sous la coupe de la motion qui permet à la commission de faire preuve d'initiative. Est-ce qu'une convocation d'une séance de travail est équivalente à une motion visant à ce que la commission se saisisse, de sa propre initiative, d'une affaire? On est vraiment dans le fonctionnement - je ne dirais même pas la procédure, parce que ça va laisser soupçonner qu'on est dans le code de procédure de l'Assemblée - on est dans le fonctionnement quotidien, réaliste, ordinaire de la commission, où les gens, de part et d'autre, s'interpellent et vous interpellent, M. le Président, ou votre collègue, le vice-président, afin que nous ayons des séances de travail.

Ça, c'est une chose que M. le député de Labelle aurait fort bien pu faire en en parlant aux gens de la majorité. Là, il se saisit de cette occasion très formelle pour faire une motion tout aussi formelle, qui pèche par son excès de formalisme, je dirais. Je ne prétends pas qu'il n'a pas le droit de dire des choses semblables, je dis qu'il ne les dit pas à la bonne place et au bon moment et qu'en conséquence l'unanimité doit jouer. Indépendamment de ça, subsidiaire-ment, M. le Président, si vous trouviez que c'est parfaitement conforme à 149, bien, là, c'est la règle de la double majorité, évidemment, qui jouerait.

Le Président (M. Lemieux): écoutez, afin de ne pas inutilement... non pas inutilement, mais afin de ne pas retarder ces travaux, il est de l'autorité du président d'avoir à décider de la

convocation d'une séance de travail. De facto, de par les pouvoirs qui lui sont donnés par le règlement, le président peut décider de sa propre initiative de convoquer une séance de travail. Alors, s'il est de l'autorité de la commission qu'on ait une séance de travail, le président fera en sorte qu'une telle séance puisse avoir lieu, mais pas dans le cadre des présents travaux, puisque j'ai déjà un mandat de l'Assemblée qui, lui, est clairement défini dans des limites de temps et défini au niveau de la substance.

Mais je suis bien conscient qu'une motion présentée en vertu de l'article 149 pourrait - et je le dis sous toutes réserves - être débattue et exiger, par contre, qu'elle soit adoptée à la majorité des membres de chaque groupe parlementaire. Je pourrais, de facto, décider, si c'est le voeu des parlementaires, qu'il y ait une convocation en séance de travail, mais ça devra se faire hors du présent mandat et ça devra se faire hors des heures qui nous ont été fixées par l'ordre de la Chambre.

M. Léonard: M. le Président, je présente une motion en vertu de 149. J'ai le droit de la présenter, c'est le règlement...

Le Président (M. Lemieux): On peut en débattre.

M. Léonard: ...alors, si le parti gouvernemental n'est pas d'accord, qu'il la batte. c'est ça qu'ils veulent faire, alors qu'ils le disent ouvertement.

Le Président (M. Lemieux): Non, c'est que... M. Léonard: Elle est recevable, ma motion.

Le Président (M. Lemieux): Ce que je veux vous faire comprendre, M. le député de Labelle, c'est que l'objet du présent mandat, l'objet de la séance, de ce qui se passe ici actuellement, c'est une consultation générale et des auditions publiques sur le financement des services publics, et c'est d'entendre, selon l'ordre du jour qui a été adopté, les groupes que nous avons ici. Si nous décidons de revenir, le président convoquera une séance de travail et, à cette séance de travail là, vous pourrez, à ce moment-là, déposer la motion que vous avez déposée devant moi.

M. Léonard: M. le Président, je pense que nous ne changeons pas le mandat de la commission à l'heure actuelle. Je dépose une motion. Elle est recevable. Alors, si elle est recevable, on décidera si on ira en séance de travail ou pas. La commission va en débattre et va décider.

Le Président (M. Lemieux): Alors, permettez-moi de vous lire très rapidement l'article 147: «La commission qui a reçu un mandat de l'Assemblée est convoquée par son président, sur avis du leader du gouvernement. L'avis, dont copie est adressée au président de l'Assemblée, indique l'objet».

Hier, j'ai pris la peine de me faire sortir quel était effectivement l'ordre de l'Assemblée. On indique l'objet, la date, l'heure et l'endroit de la réunion. Ce que je veux que vous sachiez, c'est qu'ici l'opportunité de présenter cette motion-là... À mon avis, le forum est mal choisi au moment où je vous parle.

Cette motion, eu égard à l'objet ou eu égard à l'adoption de l'ordre du jour, doit être présentée lorsque le président décidera d'une séance de travail. C'est dans ce sens-là que je veux bien vous faire comprendre que, moi, je suis lié par le mandat qui est devant moi. Je ne vous dis pas que vous ne pourrez jamais présenter une motion en vertu de 149. Je vous dis que l'opportunité de la présenter n'est pas le forum existant.

M. Léonard: Quand est-ce qu'on peut utiliser 149, à ce moment-là?

Le Président (M. Lemieux): Lorsqu'il y aura...

M. Léonard: Vous nous avez dit vous-même hier. M. le Président, que 149 on pourrait l'utiliser, on pourrait revenir...

Le Président (M. Lemieux): Oui.

(9 h 50)

M. Léonard: ...et c'est ce que je fais ce matin.

Le Président (M. Lemieux): Oui. Lorsqu'il y aura une séance de travail, lorsque l'objet de convocation de la présente commission sera de débattre de cette motion-là. Là, il n'y aura aucun problème. Aucun, aucun, aucun problème. Mais ce n'est pas l'objet du présent mandat...

M. Léonard: M. le Président, si vous permettez...

Le Président (M. Lemieux): ...de la séance.

M. Léonard: ...il faudrait, à ce moment-là, que ce soit l'assemblée nationale qui dise qu'on pourrait présenter une motion en vertu de 149. je regrette, là, le règlement existe.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle, le règlement permet au président, à n'importe quel moment, d'avoir à convoquer une séance de travail. Je peux le faire, moi, de ma propre initiative. Si vous demandez qu'il y ait une convocation de séance de travail, vous m'écrivez, vous écrivez au président, vous lui demandez la convocation d'une séance de travail dont l'objet sera la motion dont vous faites état devant moi.

M. Léonard: m. le président, je fais mieux que vous écrire, je dépose une motion pour qu'on la convoque. c'est mieux que vous écrire. c'est la commission elle-même qui en décide.

Le Président (M. Lemieux): Je vous dis qu'actuellement il n'est pas du statut de la commission, de l'autorité de la commission d'avoir à débattre cette motion, considérant qu'elle a déjà, cette commission, un mandat qui est clair, net et précis.

(Consultation)

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Oui. Toujours, je dirais, sur l'opportunité. Le champ d'application de 149 me semble, à la lecture des articles 147, 148, 149, etc., s'appliquer plus proprement, dans le cas de 149, à une motion qui serait amenée à l'occasion d'une séance de travail. C'est bien ça? Hier, on aurait pu croire, à lire la transcription de nos débats, que le cadre dans lequel nous sommes actuellement permettait d'amener une motion en vertu de 149. C'est loin d'être évident lorsqu'on regarde le contexte dans lequel 147, 148 et 149 se succèdent.

Alors, à ce titre-là, je réitère et appuie votre position, M. le Président. Je ne vois pas comment on peut transformer...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Montmorency.

M. Johnson: ...ou l'agenda ou le mandat que nous avons actuellement, alors que nous siégeons en vertu du mandat de l'Assemblée nationale. Ça ne m'apparaît pas, je le répète, ni le moment ni l'endroit pour cette motion qui, en d'autres lieux et d'autres moments, serait recevable et pourrait être discutée. Ça ne m'apparaît pas du tout être le cas, M. le Président. Ça ne m'apparaît même pas être recevable...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Montmorency.

M. Johnson: ...à cause du moment et du lieu où elle est présentée.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle.

M. Léonard: M. le Président, hier, vous avez dit ceci: La propre initiative... La commission peut obtenir ici, dans le cadre de l'article 149, c'est-à-dire de sa propre initiative, l'autorité utile, si elle le juge nécessaire, d'entendre des experts...

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Léonard: ...sur l'impact du déséquilibre des finances du gouvernement fédéral sur celles du Québec.

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Léonard: M. le Président, lorsque l'Assemblée nationale convoque la commission du budget et de l'administration, il y a toujours un objet. Et, si je suis votre position à l'heure actuelle, jamais, dans le cadre des mandats donnés par l'Assemblée nationale, on ne fait intervenir l'article 149 sur les séances de travail. Alors, au fond, ça veut dire que ça rend caduc l'article 149, qui dit ceci... Après 147, où la commission est convoquée sur avis du leader, ou 148, convocation à la demande du président, 149 dit ceci: «Toute commission peut, sur motion d'un de ses membres, se saisir elle-même d'une affaire. Cette motion doit être adoptée à la majorité des membres de chaque groupe parlementaire.» Si le gouvernement veut la battre, qu'il la batte, mais je maintiens qu'en vertu de 149 elle est recevable.

Décision du président sur la recevabilité

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle, effectivement, c'est ce que j'ai dit, et je continue à penser la même chose, mais il faut absolument que ce soit l'objet comme tel de la séance. Si ce n'est pas le cas, en séance de travail, nous pourrons, là, effectivement, y adopter, en vertu de 149, une motion permettant un mandat d'initiative. Ça, pour moi, c'est très clair. Et hier, lorsque je vous ai donné l'indication de 149, remarquez que je n'ai pas dit: À l'intérieur du mandat ou de l'objet de la présente commission, mais j'ai bel et bien dit, dans le cas de 149: Une telle éventualité pourrait exister, mais dans le cadre d'une séance de travail.

Alors, conséquemment, je vais juger cette motion irrecevable, et nous allons débuter nos travaux pour entendre la Fédération des commissions scolaires du Québec.

Je ne voudrais pas revenir sur cette décision-là, M. le député de... Écoutez!

M. Filion: J'avais demandé la parole tout à l'heure, puis, bon!

Le Président (m. lemieux): mais la décision est rendue, je ne voudrais pas revenir en vertu de 41. il y a des gens qui attendent et qui sont ici.

Auditions

Alors, nous allons maintenant entendre la Fédération des commissions scolaires du Québec. Je demanderais à la porte-parole de bien vouloir s'identifier - ou le porte-parole - et de nous présenter les membres qui l'accompagnent Les

règles de la procédure sont les suivantes: vous disposez d'une période de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Suivra un échange avec les deux formations politiques, d'une durée de 40 minutes: 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour le groupe de l'Opposition officielle.

Alors, nous sommes prêts à vous entendre.

Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ)

Mme Drouin (Diane): Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je suis Diane Drouin, je suis présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec, et j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent: à ma gauche, M. Fernand Paradis, qui est directeur général de la Fédération; à ma droite immédiate, Mme Lise Lemieux, qui est première vice-présidente à la Fédération, suivie de M. Aurèle Hudon, qui est directeur des services pédagogiques et administratifs, et de Mme Louise Hardy, qui est conseillère en gestion financière.

Peut-être, au départ, vous présenter notre Fédération. Alors, la Fédération des commissions scolaires est un organisme qui existe depuis bientôt 46 ans. Il regroupe, sur une base volontaire, 136 des 137 commissions scolaires de notre réseau. Notre mission est d'abord de promouvoir l'éducation, également de regrouper et d'unir les commissions scolaires afin de faire des représentations en leur nom et aussi, bien sûr, de se doter de services communs.

La décision de nous présenter devant vous aujourd'hui tient au fait qu'avec un budget, en éducation, qui dépasse les 5 000 000 000 $, nous sommes conscients que cela constitue un noyau important que le gouvernement pourrait tenter d'épuiser quelque peu. Mais, toutefois, notre intérêt comporte aussi un autre volet, et ce volet-là dépasse l'ampleur de ces crédits pour s'attacher plutôt à démontrer l'importance de l'éducation comme moteur du développement de la société québécoise.

Lorsque l'on considère l'échiquier social et politique québécois, on oublie trop facilement les commissions scolaires gérées par des gouvernements scolaires élus au suffrage universel. Les commissaires d'école ont à coeur de gérer de façon efficace et économique les ressources financières destinées au financement des services publics, plus spécifiquement celles accordées au secteur de l'éducation.

Constatant l'urgence de définir un plan d'ensemble afin d'assainir le financement des services publics, la Fédération des commissions scolaires du Québec s'est donné comme mandat de proposer des solutions réalistes à cette commission parlementaire mise sur pied par le gouvernement du Québec. Souhaitons qu'elle permette un véritable partage d'idées, de ressources et de pouvoirs.

Parce que l'avenir de notre société en dépend, les commissaires d'écoles désirent partager avec vous leur vision du financement des commissions scolaires et contribuer ainsi à bâtir une structure gouvernementale saine et fonctionnelle qui répondra rapidement et efficacement aux besoins des Québécois et Québécoises, jeunes et adultes. Notre fédération est convaincue qu'une société qui investit dans l'éducation de ses jeunes investit dans son avenir. Nous sommes de plus en plus conscients également que, plus le niveau d'instruction et de formation des citoyens de cette même société est élevé, plus sa position devient concurrentielle sur les marchés internationaux. Dans cette perspective, il est donc primordial de donner aux citoyens et citoyennes une solide formation de base et de former une main-d'oeuvre de très haute qualité.

Pourtant, depuis 10 ans, le Québec désin-vestit en éducation. Ses priorités se déplacent par choix, par obligation économique, par nécessité sociale, peut-être les trois à la fois. Une chose est sûre, cependant, désinvestir en éducation mènera la société québécoise vers des réalités coûteuses à tous les niveaux. Ce n'est sûrement pas l'objectif du Québec. Il ne faut plus couper en éducation. Au contraire, il faut investir et cesser de considérer les crédits destinés à cette mission comme des dépenses mais plutôt comme d'excellents placements qui rapporteront des dividendes plus que substantiels. (10 heures)

J'aimerais, là-dessus, vous faire part d'un tableau qui est paru dans le dernier numéro de L'actualité; vous en avez sûrement pris connaissance, au moins de certains articles. J'aimerais vous rappeler qu'à la page 11 on avait un tableau qui illustre qu'entre 1975 et 1985 on peut constater que quelqu'un qui avait peu d'instruction parvenait quand même à trouver du travail, dans une très forte proportion, alors que, maintenant - et les derniers chiffres sont pour 1990 - c'est de moins en moins possible. Et on conclut en disant: «Le niveau de scolarité est donc devenu le facteur d'employabilité le plus important.»

Il y a aussi un autre document, récent également, et qui traite de la rentabilité du diplôme. Je pense qu'il aura une crédibilité certaine, celui-là, parce qu'il a été préparé au niveau du gouvernement, du ministère de l'Éducation, par la Direction des études économiques et démographiques. Là-dedans, non seulement on nous montre ou on nous démontre que la personne elle-même y trouve une certaine forme de rentabilité, mais aussi le gouvernement, au niveau de la fiscalité. Et, si vous le permettez, j'aimerais vous faire part de la conclusion, qui est très courte. Et je vous inviterai, bien sûr, à feuilleter plus largement ce document.

Alors, en conclusion, on nous dit: «Même lorsque l'on ne considère que le seul rendement

fiscal associé à l'augmentation du nombre de diplômés, il s'avère très rentable pour les administrations publiques d'investir dans le domaine de l'éducation. Ainsi, le fait d'amener un décrocheur potentiel à obtenir son diplôme d'études secondaires procure à la société un taux de rendement réel de 8 %. Par ailleurs, le fait d'amener un individu qui possède un diplôme d'études secondaires jusqu'au diplôme d'études collégiales produit un taux de rendement fiscal de 8,1 % et l'obtention d'un baccalauréat universitaire par un diplômé du collégial produit un taux de rendement de 11 %. «Il y a cependant beaucoup d'autres bénéfices publics qui viennent s'ajouter aux rentrées fiscales supplémentaires produites par l'augmentation du nombre de diplômés. Parmi ceux-ci, on observe que les personnes plus instruites sont relativement moins coûteuses pour la société en ce qui a trait à l'utilisation de certains services publics, comme l'aide sociale et l'assurance-chômage. En effet, il existe une relation très forte entre le niveau de scolarité d'un individu et la probabilité qu'il ait un jour besoin de l'assistance publique. Bien que nous n'ayons pas, dans les limites de la présente étude, évalué les sommes qui pourraient être épargnées grâce à l'augmentation du niveau de scolarité de la population, nous avons cependant produit des données qui montrent que les individus moins scolarisés courent davantage le risque d'avoir recours aux services sociaux, comme l'assurance-chômage ou le bien-être social, et donc qu'ils occasionnent des dépenses supplémentaires à la société. Il est clair que, dans un tel contexte, il est très profitable pour la société que les élèves obtiennent au moins un diplôme d'études secondaires. Les sommes dépensées en vue d'encourager le décrocheur potentiel à obtenir un diplôme peuvent très certainement être considérées comme des investissements en capital humain qui sont profitables.» C'était la conclusion de ce document. Ça nous rejoint en tout point.

La Fédération des commissions scolaires du Québec est cependant consciente des difficultés financières que vivent la plupart des sociétés en cette période de ralentissement économique. Le Québec n'y échappe pas, bien au contraire. Le gouvernement est aux prises avec un déficit alarmant. Il dépassera les 4 000 000 000 $ en 1992-1993 et, si rien n'est fait pour le contrôler, il franchira la barre des 6 000 000 000 $ l'an prochain. Il faut faire quelque chose pour stopper son ascension.

La Fédération croit qu'une future reprise de l'économie ne saura seule solutionner à long terme le problème, car elle a la ferme conviction que la centralisation des décisions prises par l'État est en bonne partie responsable de ces problèmes financiers. L'État centralise encore trop dans bien des domaines, dont celui de l'enseignement primaire et secondaire public. L'État décide à peu près tout à la place des commissions scolaires, alors que ces dernières sont les mieux placées pour répondre adéquatement aux besoins de leur population. Déjà, vous-mêmes, vous avez pensé à la décentralisation. Vous en parlez à la page 126 de votre rapport. Vous citez en exemple la Suède, l'Australie. Alors, au Québec également, les commissions scolaires peuvent offrir un meilleur rapport qualité-prix parce qu'elles sont en contact direct avec leurs clients. Pour y arriver, il faut cependant leur en donner les moyens, c'est-à-dire les pouvoirs réels de décider de leurs dépenses, de leurs besoins et de leurs revenus, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Comme tous les gouvernements, les commissions scolaires ont le droit de taxer. Cependant, le gouvernement scolaire est le seul dont le pouvoir de taxation est limité par une loi. Il faut donc revoir la fiscalité scolaire, et ce, dans un contexte de responsabilisation accrue des milieux locaux au moyen d'une décentralisation des décisions de l'État vers ces derniers. En fait, les commissions scolaires ne sont pas différentes des autres gouvernements dont le frein au pouvoir de taxation, pour eux, n'est pas une loi, mais plutôt le citoyen lui-même par l'exercice de la démocratie. Les commissions scolaires réclament donc l'abolition du plafond de taxation qui est prévu dans la Loi sur l'instruction publique.

Revoir la fiscalité scolaire et ainsi permettre aux commissions scolaires de décider de leurs dépenses et de leurs revenus ne doit cependant pas avoir pour effet d'augmenter le fardeau fiscal du particulier. Le contribuable québécois est suffisamment taxé. À cet effet, les commissions scolaires exigent, en contrepartie d'un pouvoir de taxation locale non limité, une révision de la fiscalité des particuliers de manière à ce qu'elle prévoie des modalités compensatoires à l'augmentation des impôts locaux.

Cependant, comme toutes les régions du Québec ne disposent pas d'assiette fiscale équivalente - certaines régions, il faut bien se le dire, sont plus riches que d'autres - il ne saurait être question de disparité régionale au niveau des services éducatifs de base. L'éducation est avant tout une mission à caractère universel, il ne faut pas l'oublier. Tous les Québécois et les Québécoises ont droit à des services éducatifs de base de qualité. Par conséquent, il est essentiel que cette réforme de la fiscalité soit accompagnée d'une nouvelle formule de péréquation, afin de permettre à chaque Québécoise et Québécois d'avoir accès à des services éducatifs de base comparables, et ce, indépendamment de la richesse de leur assiette foncière.

En conclusion, au cours des 25 dernières années, par nécessité, les objectifs nationaux ont été fixés afin d'éviter l'éparpillement en matière éducative. L'erreur commise fut d'imposer l'uniformité des moyens en vue d'atteindre ces objectifs. En conséquence, l'État fut de plus en

plus perçu comme le grand responsable des solutions à trouver et à mettre en place. En outre, en éloignant le centre de décision des personnes concernées, il s'ensuivit une déresponsabilisation des citoyennes et des citoyens.

Par ailleurs, depuis 10 ans, compte tenu du contexte économique difficile, de façon systématique, le réseau scolaire a été mis à contribution pour plus de 1 000 000 000 $ afin de redresser la situation financière du gouvernement, qui devait répondre à des besoins pressants de crédit pour d'autres secteurs probablement. Les conséquences de telles coupures peuvent, de prime abord, paraître négligeables. Cependant, un examen attentif de certains indicateurs met en relief les effets désastreux qui furent générés: 35 % de décrocheurs, violence dans certaines écoles, sentiment d'impuissance des éducateurs face à l'ampleur des problèmes rencontrés.

À la lumière de l'expérience des dernières années, la Fédération des commissions scolaires du Québec recommande au gouvernement de ne pas céder à la tentation de procéder à de nouvelles coupures en éducation; deuxièmement, de considérer l'éducation comme un investissement - de nombreuses études, on vous en a parlé de quelques-unes, ont mis en évidence les coûts sociaux énormes engendrés par un manque de formation; troisièmement, de responsabiliser davantage les citoyennes et les citoyens en décentralisant vers les gouvernements locaux que sont les commissions scolaires et, quatrièmement, de procéder à cette décentralisation selon six principes indissociables adoptés lors de notre assemblée générale de juin dernier par nos commissions scolaires membres.

Premier principe, des mécanismes doivent être mis en place pour assurer le maintien de la qualité des services éducatifs de base sur l'ensemble du territoire québécois; deuxième principe, une formule de péréquation adéquate doit être établie pour permettre à chacun des milieux de se donner des services éducatifs comparables, indépendamment de sa richesse; troisièmement, tout transfert de pouvoirs décisionnels vers les commissions scolaires doit s'opérer d'une façon graduelle afin de permettre à ces instances de maintenir et de développer une qualité de services constante; en quatrième, l'essence même d'un gouvernement local passe par une participation significative au financement des décisions qu'il prend et dont il rend compte à ses commettants; cinquièmement, la participation significative au financement des décisions doit prendre appui sur une réforme de la fiscalité qui aurait pour effet d'éviter une augmentation du fardeau fiscal du citoyen et, finalement, à l'augmentation de pouvoirs décisionnels vers les commissions scolaires doit correspondre un financement conséquent agréé par les commissions scolaires. (10 h 10)

En conclusion, j'aimerais vous dire, comme le disait si bien Confucius, le vrai celui-là: Si vous pensez en fonction d'une année, semez des graines. Si vous pensez en fonction d'une décennie, plantez des arbres. Si vous pensez en fonction d'un siècle, éduquez le peuple. Je vous remercie.

Le Président (M. Després): Merci beaucoup, Mme Drouin, pour cette présentation.

Du côté ministériel, le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Oui, M. le Président, j'aimerais remercier Mme Drouin, lui souhaiter la bienvenue, de même que mesdames et messieurs qui l'accompagnent. On a affaire ici, évidemment, à un de nos partenaires absolument majeur dans la distribution de fonds publics, qu'il s'agisse de la part du fardeau fiscal que vous percevez vous-même à l'intérieur des pouvoirs qui vous sont dévolus - et on reviendra là-dessus - que vous aimeriez voir accrus, ou alors, évidemment, de l'administration des deniers publics, des impôts généraux qui sont distribués aux commissions scolaires pour fin d'éducation primaire, secondaire. Vous êtes dans une position assez proche, finalement, des bénéficiaires. Vous gérez et les enseignants, donc, je dirais, à la limite, ce qui se passe dans les classes, ce qui se passe dans l'école et ce qui se passe sur le territoire de toutes sortes de façons, comme on le sait, évidemment.

Votre plaidoyer m'est apparu consister à chanter les vertus, avec raison, de la décentralisation, en vertu du principe que plus on est proche de l'usager, plus ce dernier en a pour son argent, plus le rapport qualité-prix est élevé. Vous en déduisez - et c'est là-dessus qu'on risque d'engager la discussion - qu'on devrait laisser le champ d'impôt foncier scolaire plus largement ouvert à nos commissions scolaires.

J'aimerais simplement que vous m'expliquiez, au niveau du principe d'abord et de la pratique ensuite, parce qu'il peut y avoir une différence, comment le fait que vous percevriez les impôts plutôt que ne les géreriez... C'est-à-dire que non seulement vous les percevriez, là, mais... C'est plutôt l'inverse. Non seulement vous continueriez à gérer l'argent des impôts, d'où qu'il vienne, au niveau scolaire, mais de plus vous seriez susceptible de les percevoir davantage. Une plus grande part de fardeau fiscal serait perçue par les commissions scolaires. Comment est-ce que cette perception améliorerait la gestion? C'est ça, ma question. Pourquoi y a-t-il un lien d'efficacité obligatoire entre le fait que c'est vous qui levez les impôts et le fait que vous administrez ces sommes-là? Que le 500 000 000 $ vienne de l'assiette fiscale locale ou qu'il vienne de Québec, dites-vous, il est beaucoup mieux administré donc moins gaspillé si c'est nous, les commissions scolaires, qui le percevons, plutôt que ce soit vous, le gouvernement, qui nous

envoyiez le chèque. C'est ça qui m'échappe un petit peu, là.

Mme Drouin: Eh bien, vous avez dit vous-même que plus la décision est prise près du citoyen, souvent c'est plus efficace dans ce sens où... Je vous donnerais juste un exemple. On rencontre des citoyens qui nous disent: Bon, Québec augmente les impôts ou augmente une taxe. On peut toujours aller parler à notre député. Je ne veux pas dire que les députés ne font pas leur affaire, mais on parle à notre député, mais ça s'arrête souvent là. Ils ont l'impression que la décision se prend loin d'eux. Dans les commissions scolaires ou les municipalités, si on annonce une augmentation de taxe, nos salles de conseil se remplissent et les gens ont peut-être l'impression qu'ils ont un mot à dire d'une façon peut-être beaucoup plus précise. Ça nous oblige à une gestion plus serrée, c'est vrai, mais il reste que celui qui paie, souvent, a besoin de sentir qu'il a une mainmise sur les décisions qui vont se prendre.

Tout ça pour vous dire que ce n'est pas juste le fait de percevoir des impôts ou des taxes, d'augmenter cette perception-là qui nous permettrait de mieux gérer, mais aussi il faudra que ce soit accompagné de pouvoirs. On a connu un transfert il y a quelques années, mais de recevoir un montant d'argent, que, nous, nous le percevions ou qu'il vienne d'ailleurs, si les règles, les normes et tout ce qui entoure ça demeurent les mêmes, on ne peut pas vraiment faire grand-chose.

Alors, c'est dans ce sens-là qu'on vous dit: II faut également que nos pouvoirs soient accrus. Parce que, si vous nous dites, comme la dernière fois: Vous aurez à gérer la gestion de vos équipements, mais selon telle norme, telle règle, tel règlement, selon telle balise, les concierges payés à tel tarif, tout est négocié à Québec, alors on a tout ça qui entre dans le tableau et, finalement, on n'a qu'à appliquer les règles qui nous sont dictées de Québec. Si on veut vraiment arriver à une décentralisation, je dirais à plus long terme, il faudra que ce soit accompagné de pouvoirs équivalents pour nous permettre, justement, à l'intérieur de notre gestion, d'avoir une marge de manoeuvre pour nous permettre d'arriver à des meilleurs résultats.

M. Johnson: Pourriez-vous nous donner des exemples concrets, parce que ça persiste à m'échapper, le fait que, si on vous confie quelques centaines de millions, ça serait mieux administré si c'était vous qui perceviez ça? Mieux administré, là. Je n'ai pas dit que les administrés, les contribuables pourraient aller crier chez quelqu'un plus proche de chez eux, qui est plus disponible probablement dans ce cas-là.

Mme Drouin: Oui.

M. Johnson: Je cherche juste à savoir en vertu de quel principe de gestion ou quelle pratique le rapport qualité-prix s'améliore parce que c'est vous qui percevez.

Mme Drouin: Bon écoutez...

M. Johnson: Parce que c'est toujours vous qui le dépensez, là. Je veux qu'on se comprenne.

Mme Drouin: Oui.

M. Johnson: Je comprends qu'il y a des normes à Québec, mais ça, ça se discute, etc. Mais, finalement, c'est dans l'école, et c'est dans la commission scolaire qu'on détermine... Et c'est de ça que les gens nous parlent, de l'épaisseur des tapis et de la grandeur du bureau du président, etc., quand les gens veulent être un petit peu précis ou anecdotiques. Mais ça dépasse largement ça. Vous avez bien autre chose à faire que ces histoires-là, et vous avez un champ de décisions qui n'est pas négligeable. Avez-vous des exemples d'amélioration de certaines activités, du rapport qualité-prix, comme vous dites, qui serait à l'avantage des contribuables, sous prétexte et en raison du fait que ce serait vous l'autorité fiscale?

Mme Drouin: Bon. Je vais peut-être aller un petit peu à côté de votre question, mais j'ai un exemple qui me vient en tête, celui du transport étudiant. En 1981, il y a eu une décentralisation au niveau du transport et, à ce moment-là, dès la première année, on a sauvé, on a économisé 25 000 000 $. C'est 50 000 000 $ sur 3 ans, dans les 3 premières années, si mes renseignements sont bons. Parce que, avant ça, le transport étudiant était géré ou norme de la part de Québec. Alors, tout transporteur, où qu'il soit au Québec, recevait tant du kilomètre. Tout était calculé et géré, alors qu'en le gérant localement... Souvent les commissions scolaires font affaire avec des transporteurs qui sont des gens du coin. On a plusieurs petits transporteurs, les gens se connaissent. On peut beaucoup plus facilement prendre des arrangements locaux avec eux et, par le fait même, on a des économies d'échelle. Et celui-là est un exemple frappant d'une gestion qui a rapporté vraiment des bénéfices au niveau financier.

On a fait des pressions dernièrement pour décentraliser au niveau du pouvoir de dérogation pour l'âge d'admission des enfants à l'école. Bon. On avait connu ce pouvoir-là qui existait au niveau du ministère et, au niveau du ministère, il y avait quelques dizaines de personnes qui s'occupaient de gérer ces dossiers-là - ça pouvait peut-être équivaloir à sept ou huit à temps plein - et c'était le ministre lui-même qui devait signer la dérogation. On s'est dit, dans nos commissions scolaires, dans nos milieux, la direction d'école, les enseignants connaissent le

milieu familial, l'entourage de l'enfant. D'ailleurs, on demandait déjà qu'il y ait une évaluation de l'enfant et on acheminait le dossier. Maintenant, on l'a chez nous. Je n'ai pas de chiffres à vous donner, mais les sept ou huit fonctionnaires qui faisaient ça à Québec doivent sûrement faire autre chose ou être plus rentables sur d'autres sujets.

Mais il reste que, quand on est prêts des gens, et c'est prouvé partout, on peut mieux gérer. Le fait que ce soit nous-mêmes, pour revenir plus précisément à votre question, qui percevions les impôts, tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on sait que, quand le citoyen paie, à ce moment-là, il y a un intérêt beaucoup plus marqué. Et, au lieu de voir peut-être la réaction qu'on a connue depuis 25 ans, lorsque les gens viennent faire souvent des commentaires au niveau des commissions scolaires et qu'on dit: Écoutez, on n'y peut rien, c'est Québec, tout est décidé à Québec... C'est facile. Je ne vous dis pas que c'est facile, ce qu'on propose à nos gens, ce sera beaucoup plus difficile, mais qu'on prenne les responsabilités. Je souhaite même que ça apporte un intérêt encore plus marqué pour ce qui se passe dans le milieu de l'éducation, qu'on attire des candidats de plus en plus intéressés au niveau des postes de commissaire d'école, que les citoyens se sentent beaucoup plus partie prenante à tout ce qui s'appelle l'éducation. (10 h 20)

Aujourd'hui, avec la centralisation qu'on a connue dans les 25 dernières années, on sent parfois un désintéressement, sauf un point particulier, pour un enfant en particulier qui ressort tout à coup. Mais les grandes orientations au niveau de l'éducation, il y a peut-être un certain désintéressement, parce que les gens sont convaincus que tout se décide à Québec et qu'ils n'y peuvent rien au niveau local. On veut changer cette image-là et on veut que les citoyens, dans leur milieu, dans leur région respective, prennent plus à coeur ce qui s'appelle l'éducation. Je pense que, quand on perçoit des taxes, on touche une corde sensible qui fait que les citoyens montreront peut-être plus d'intérêt à ce qui se passe.

M. Johnson: D'accord, oui. Le temps ne me permet pas de prolonger davantage notre échange, parce que je sais notamment que le député de Saint-Louis, qui est un de vos prédécesseurs, va avoir des questions pour vous tout à l'heure. Alors, je vous remercie beaucoup, madame, de vos explications.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président du Conseil du trésor.

Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, ça me fait plaisir de vous souhaiter, à mon tour, la bienvenue au nom de notre formation politique. En fait, ce que je trouve un peu dommage de ce qui se passe à cette commission, et que vous avez le souci de relever, je crois, indirectement, par votre mémoire, c'est que ça devait être une commission portant sur la fiscalité. Ça s'est transformé, de par l'action du gouvernement, en une commission qui concerne les dépenses. Parce que, si c'était une commission qui concernait la fiscalité, nous aurions, entre autres, des données nous permettant de voir, justement, le fardeau fiscal des citoyens et des citoyennes du Québec. Et ce que vous soulevez comme une demande, à savoir que le champ auquel vous avez accès, au plan fiscal, soit élargi, si on voulait évaluer réellement votre demande, encore faudrait-il avoir des données nous permettant de faire des comparaisons, de faire des analyses concernant le poids qu'a à assumer le citoyen ou la citoyenne qui est contributeur, soit par son impôt sur le revenu, soit par sa taxe directe, que ce soit la TVQ ou la TPS, ou par son fardeau fiscal municipal ou scolaire. Malheureusement, nous n'avons pas cette évaluation-là, nous n'avons pas cette analyse-là, ce qui fait que nous sommes ramenés à débattre de la question qui concerne les dépenses.

Cela étant dit, je veux vous féliciter pour votre mémoire, qui est intéressant à bien des égards. D'abord, pour nous rappeler des données majeures, vous nous dites: Le Québec a désinves-ti en matière d'éducation. Moi, je pense qu'il y a un problème à cet égard-là actuellement. Il y a, d'une part, un discours et, d'autre part, une action qui ne suit pas le discours. On dit qu'on croit à l'éducation, qu'on croit à la formation, qu'il est nécessaire d'y investir, que c'est notre avenir, sauf que, dans les faits, les ratios d'investissements comparatifs, par rapport à ce qui se passe en Ontario, par rapport à ce qui se passe aux États-Unis, se détériorent, et d'une façon assez grave.

D'ailleurs, sur ça, j'aimerais vous poser une question plus technique. Retenez-la et puis j'aurai une autre question un peu plus globale par la suite. Quand vous faites référence aux chiffres qui sont des chiffres publiés par le gouvernement de Québec, le gouvernement du Québec, vous parlez des dépenses par élève en comparaison, évidemment, du PIB et vous comparez aux États-Unis et à l'Ontario. Est-ce qu'on s'entend que c'est l'ensemble des dépenses, qu'elles soient, entre autres, aux États-Unis... Parce qu'on sait que l'éducation est plutôt privée à un certain nombre de niveaux. Si vous comparez les dépenses, l'ensemble des dépenses faites par ces pays dans le secteur de l'éducation versus ce qu'on fait au Québec... Je veux savoir si le niveau de comparaison, autrement dit, est parfait, si on n'a pas échappé un certain nombre de morceaux pour qu'on sache bien de ce dont on parle.

Maintenant, je vais revenir à vos recommandations plus de fond. Vous dites: Nous croyons qu'il faut rapprocher la distribution des services et surtout la décision sur la façon dont on va distribuer les services du citoyen et de la citoyenne qui les utilisent. Moi, je reste convaincue de cela. Je crois, pour avoir vécu un certain nombre d'expériences dans le domaine de la régionalisation, que ça reste vrai, parce que le citoyen a davantage prise, dans le fond, sur les décideurs et il peut immédiatement voir une réaction au point de vue qu'il émet. Cela étant dit, ça ne veut pas dire que ça n'exige pas rigueur et principe et organisation systématique.

Alors, à votre première recommandation - moi, je la prends à la page 21 - vous dites: «Des mécanismes doivent être mis en place pour assurer le maintien de la qualité des services éducatifs de base sur l'ensemble du territoire québécois.» Vous faites référence là, bien sûr, au fait que - j'imagine, là, et je voudrais que vous m'expliquiez comment vous envisagez cela - c'est évident que, si on décentralise et qu'on ramène aux niveaux local et régional un certain nombre de responsabilités, il y a une responsabilité nationale qu'on doit conserver quant à des grands paramètres ou des grandes normes qui concernent la qualité de ce qu'on va donner comme formation pédagogique. Alors, je voudrais que vous m'expliquiez un petit peu comment vous voyez ça. C'est ma première question.

Ma seconde. Vous parlez, à la troisième recommandation: «Tout transfert de pouvoirs décisionnels vers les commissions scolaires doit s'opérer d'une façon graduelle afin de permettre à ces instances de maintenir et de développer une qualité de services constante.» Comment vous imaginez cela, le graduel? Avez-vous déjà imaginé un plan qui vous amènerait à opérationa-liser une décision comme celle-là?

Et ma dernière question. Cette demande, évidemment, que vous nous faites, elle est la même du côté des municipalités, elle est la même du côté d'un certain nombre d'organismes régionaux. Est-ce que vous ne craignez pas que l'on multiplie sur le territoire les intervenants et surtout les gens qui ont la capacité d'aller utiliser le champ de taxation tant par les municipalités que par les commissions scolaires et, éventuellement, peut-être par d'autres organisations? Est-ce que vous ne croyez pas qu'il y aurait intérêt à ce qu'on regarde à unifier un petit peu les institutions, mais dans une perspective où on s'assurerait qu'il y a une réelle décentralisation, c'est-à-dire que les pouvoirs sont entre les mains des décideurs locaux?

Mme Drouin: Vous avez beaucoup de questions. Je vais essayer de les retenir. La question qui est plus technique...

Mme Marois: Oui.

Mme Drouin: ...je vais la référer au spécialiste, tout à l'heure. Je vais me permettre de vous répondre aux trois autres. Quand on dit qu'on souhaite qu'il y ait des mécanismes qui soient mis en place pour assurer le maintien de la qualité du service éducatif de base sur l'ensemble du territoire québécois, ça peut être différentes formules. Bon. Et ce qui me vient à l'esprit comme exemple, c'est qu'on pourrait établir que les enseignants doivent avoir partout une formation équivalente, une rémunération comparable. Je pense que c'est la base, d'avoir des services éducatifs comparables sur tout le territoire. On a déjà connu ça - M. Paradis y référait dernièrement - peut-être au départ, dans les années soixante, où un enseignant, à Québec, on pouvait le payer un petit peu plus cher, alors on allait chercher les meilleurs, et, dans les régions éloignées, c'était plus difficile d'en avoir. Il ne faut pas connaître ces disparités-là. Je pense que tout citoyen a droit à avoir une éducation de qualité, une éducation de base de qualité sur l'ensemble du territoire. Alors, j'ai cet exemple-là qui me vient à l'esprit, mais il pourrait y avoir d'autres mécanismes mis sur pied. On pourrait en discuter un peu plus longuement un peu plus tard.

Quand je dis que ça doit se faire d'une façon graduelle, oui, on a pensé à des plans d'action, de quelle façon cette décentralisation pourrait se faire. Au niveau du financement, je vous disais que notre grand objectif, c'était d'avoir le plafond de taxation illimité. C'est sûr que, du jour au lendemain, c'est difficile, mais il reste qu'une première étape on pourrait peut-être aménager la formule référendaire, parce que, actuellement, on ne peut pas dépasser un maximum sans être obligé d'aller en référendum. Alors, on pourrait avoir une formule référendaire qui soit allégée, que ce soient les citoyens qui le demandent comme on voit dans certains autres gouvernements. Après ça, on pourrait y aller graduellement tout en maintenant le fardeau fiscal du citoyen équitable et stable, parce que je pense que c'est important que le citoyen ne soit pas taxé deux fois pour les mêmes services.

Au niveau des relations du travail, actuellement, on a une négociation locale avec les enseignants et, avec les autres personnels, tout est centralisé à Québec, sauf quelques arrangements locaux. Alors, pour les autres personnels, on pourrait commencer avec certaines matières qui pourraient être négociées localement, là aussi, pour ne pas, justement, je dirais, qu'il y ait des différences trop grandes pour qu'on puisse maintenir une qualité de services. (10 h 30)

Au niveau pédagogique aussi. D'ailleurs, au ministère de l'Éducation, on a déjà commencé à travailler là-dessus avec des comités qui étudient ce qui peut être confié aux commissions scolai-

res. On y va d'une façon peut-être plus mince de ce côté-là, beaucoup plus graduelle, parce que c'est le noeud du problème, la partie pédagogique. Mais il y a des décisions qui peuvent être prises localement, certains programmes. Ce qu'on souhaite finalement, c'est que le gouvernement évalue sur les résultats plutôt que sur les moyens; que les moyens soient laissés à chacun des milieux.

Et vous aviez une troisième question où vous nous demandiez si on ne craint pas qu'on multiplie tous les paliers de gouvernement qui devront aller puiser dans le champ de taxation. Je vous dirai d'abord que, quand on parle de gouvernement, c'est qu'on fait affaire à des gens qui sont élus au suffrage universel, des gens qui ont un pouvoir de taxation et aussi un pouvoir de décision. Alors, déjà, au niveau des élus au suffrage universel, actuellement, comme entité gouvernementale, bien sûr, on a notre gouvernement ici, on a les municipalités et les commissions scolaires.

Là-dessus, je vous dirais que, pour nous, il est très important - on a fait un ménage à trois pendant un bon bout de temps, on est capables de continuer à s'entendre là-dessus - que l'éducation demeure une entité vraiment centrée sur le secteur de l'éducation. On ne veut pas que l'éducation soit gérée par un autre gouvernement municipal ou régional qui gérerait en même temps les écoles, les égouts, l'asphalte, le développement agricole. Je pense que l'éducation a suffisamment d'importance pour l'avenir d'un peuple pour que ce soit confié à des élus qui n'ont que ça en charge. C'est déjà beaucoup. Là-dessus, on est très fermes, on n'accepte pas de gouvernement régional qui ferait un mélange de tous ces services-là. Je pense que c'est une situation qui est historique, c'est unique dans l'Amérique du Nord d'avoir des élus au suffrage universel pour gérer l'éducation, et ça nous apparaît important de le maintenir. C'est primordial, dans notre esprit, de maintenir ce gouvernement scolaire local.

Pour ce qui est de la question technique, peut-être que Mme Hardy peut vous répondre là-dessus.

Mme Hardy (Louise): Quant à savoir si les bases sont comparables, la réponse est oui; c'est tiré, d'ailleurs, d'un document réalisé par le ministère de l'Éducation. Il s'agit bien de la dépense des élèves jeunes dans les commissions scolaires du Québec, de l'Ontario, du Canada et des États-Unis. Donc, c'est vraiment une base neutre.

Mme Marois: Les écoles primaires et secondaires? On s'entend? C'est ça.

Mme Hardy: Oui, oui.

Mme Marois: D'accord, c'est ça, parce que, dans le fond, on a exclu les dépenses qui concernaient les cégeps, par exemple, versus des institutions qui n'existent pas ailleurs mais dont les niveaux de formation existent, cependant, ou les universités.

Mme Hardy: Oui.

Mme Marois: Je vais juste revenir pour un court commentaire, M. le Président. D'abord, moi, je ne parle pas de gouvernement, quand je parle de commission scolaire ou de municipalité. Je pense que ce sont des créatures du gouvernement, ce sont des institutions dont les dirigeants, dont les responsables sont des élus au suffrage universel, j'en conviens. On souhaiterait, là comme ailleurs, qu'il y ait une participation un petit peu plus importante d'ailleurs, mais je suis consciente aussi que l'un ne va pas sans l'autre, dans le sens que, si vous avez des pouvoirs réels, les citoyens et citoyennes vont davantage s'intéresser à la gestion de leurs institutions et à leur présence au sein de ces institutions; je suis consciente de ça aussi.

Mais vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a quand même des pays - vous avez fait référence à l'histoire, d'ailleurs, dans le cas du Québec -où la gestion et la distribution des niveaux de primaire et secondaire, par comparaison, sont à un niveau local sous la responsabilité de municipalités ou de régions. Donc, il y a des modèles différents ailleurs. Je ne dis pas que ce sont les modèles idéaux nécessairement, mais j'avoue que j'ai une certaine crainte. Quand on regarde l'ensemble de nos institutions et leur rôle respectif, il est évident qu'on démultiplie quand même les administrations, a ce moment-là, quand on donne et qu'on cloisonne les responsabilités, soit au niveau municipal, soit au niveau des commissions scolaires ou soit au niveau régional. Actuellement, on a évidemment les MRC, mais on a aussi des organisations au niveau régional. Alors, je vous dis l'état de mes questions, ce qui est sûrement intéressant pour ouvrir éventuellement le débat.

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la députée de Taillon.

Vous n'avez pas de commentaires?

Mme Drouin: Écoutez, c'est sûr qu'on n'est pas d'accord sur votre opinion là-dessus. C'est vrai qu'il y a d'autres gouvernements, dans d'autres pays, qui existent sous cette formule-là, mais, quand on compare les budgets qui sont gérés par l'éducation ici, comparativement à ce qui se gère au niveau des municipalités, la différence, elle est énorme. Les gens sont tous surpris de voir... Moi, dans mon propre milieu, notre commission scolaire, chez moi, regroupe 37 municipalités; on a un budget de 87 000 000 $, alors que la ville principale a un budget d'autour de 35 000 000 $ ou 40 000 000 $. Alors, les

budgets sont tout à fait différents et les responsabilités sont différentes. Qu'on nous qualifie d'institution... Je pense que notre base, elle est très solide dans la Constitution canadienne. On voit quelles difficultés on a quand on veut en changer quelque chose. Mais c'est vraiment un gouvernement parce qu'une notion de gouvernement, pour moi, c'est des élus au suffrage universel avec un pouvoir de taxation et un pouvoir de décision, et ça on l'a.

Le Président (M. Lemieux): Merci, madame. M. le député de Saint-Louis, désirez-vous intervenir?

M. Chagnon: Oui, sûrement, M. le Président. Je ne reprendrai pas la dernière partie du propos de la députée de Taillon à l'égard des gouvernements locaux. Le dictionnaire, lorsqu'on regarde le mot «gouvernement», nous amène à conclure qu'effectivement la commission scolaire, comme autorité municipale, est un gouvernement local. On parle «de direction politique et administrative d'une ville» ou d'un autre corps constitué. Alors, c'est un gouvernement. Inévitablement, on ne peut pas passer à côté de cette réalité-là.

Je voudrais revenir sur le caractère de la fiscalité. On imputait au gouvernement le fait de ne pas vouloir discuter de fiscalité dans ce débat-ci, qui dure depuis maintenant deux semaines, et je m'inscris en faux à cet égard-là. Mais, lorsqu'on veut discuter de fiscalité - vous avez soulevé la question de la fiscalité dans votre document, et je vous en félicite, c'est un des moteurs de la reprise en main de la décentralisation et de la dévolution du gouvernement vers les commissions scolaires, éventuellement - si on regarde d'où vient le problème des commissions scolaires eu égard à leur fiscalité, il faut se référer au document de 1965, le rapport de la Commission royale d'enquête sur la fiscalité. Si on veut discuter de fiscalité, on en discute. C'est dans ce document-là qu'on s'aperçoit que les commissions scolaires avaient, jusqu'en 1965, 40 % de leur financement qui leur provenaient de la taxation locale.

En fait, ce que vous réclamez, c'est de revenir à cette formule. Pour modifier cette formule, en 1965, le gouvernement d'alors avait fait ceci, il avait fait en sorte de commencer à diminuer, tout en acceptant le principe de la fiscalité locale scolaire, cette partie de la composition du budget local en exigeant que le budget d'une commission scolaire, désormais, soit soumis à l'approbation du ministère de l'Éducation. Voilà le début des problèmes du merveilleux monde de l'administration locale dans le milieu scolaire.

Vous avez mentionné qu'en 1980 on avait réduit à 4 % le budget des commissions scolaires qui venait dune ponction locale; il est maintenant de l'ordre de 12 % et vous suggérez qu'il remonte à un niveau comme celui qu'on retrouve en Ontario. Au départ, au moment où on se parle, la partie du financement public en matière d'éducation, vous l'avez mentionné, si on ajoute, par exemple, à la partie de la ponction scolaire la partie fiscale, ce que vous ramassez localement à partir de vos taxes, la dépense globale en éducation par habitant et la dépense par élève faite par les commissions scolaires, nous serions en deçà, par exemple, de l'Ontario ou des États-Unis.

En général, lorsqu'on fait l'analyse de ces statistiques, on les regarde non pas tellement par habitant ou par commission scolaire et élève, mais on les regarde en fonction de la richesse collective, du paramètre qui évalue la richesse collective qui s'appelle le produit intérieur brut, que vous connaissez. Est-ce que vous avez des données qui correspondraient, en ce qui concerne, je dirais, l'investissement, parce qu'il s'agit d'un investissement quand on parie d'éducation, fait par Québec et les commissions scolaires par élève par rapport à l'Ontario et par rapport aux États-Unis, mais en fonction du produit intérieur brut? Parce que, là, je pense que le Québec se situerait dans une meilleure moyenne que celle que vous laissez entendre dans les statistiques que nous retrouvons ici. J'ai comme l'impression qu'on dépasserait un peu l'Ontario et un peu les États-Unis. Est-ce que je me trompe? (10 h 40)

Mme Drouin: Là-dessus, je vais vous référer à Mme Hardy qui va vous donner les chiffres. Je peux vous dire qu'entre 1981 et 1991 la dépense par élève jeune n'a augmenté que de 55 % au Québec, alors qu'elle augmentait de 120 % en Ontario et de 110 % aux États-Unis. Déjà, c'est énorme. Mais, pour ce qui est du produit intérieur brut, je vais vous référer à Mme Hardy qui va vous donner les renseignements.

Mme Hardy: Ce que vous dites est tout à fait juste, sauf que, pour faire augmenter le PIB d'un pays, nous croyons que l'éducation est la solution, enfin une des solutions très contribu-toires à ce but-là. Ce n'est pas en diminuant les dépenses ou les crédits octroyés à l'éducation qu'on va faire augmenter le PIB. C'est notre thèse.

M. Chagnon: Évidemment, l'augmentation du PIB, on peut la présumer, on peut la voir venir, ça implique des données comme celles de la concurrence, de la compétitivité. N'empêche que l'investissement dans l'éducation peut avoir un effet sur le PIB, mais il n'est pas automatique, il n'est pas pour d'ici à demain matin. Par exemple, le Québec a énormément investi dans l'éducation depuis les 30 dernières années: toutefois, son PIB par habitant est toujours de-20 % si on le compare à celui de l'Ontario.

Quant à la vision globale de votre document, vous vous rappellerez sans doute d'autres

documents que la Fédération a déjà rendus publics, «Pour un gouvernement local scolaire, démocratique et responsable», où le ton et l'organisation du document, celui que vous nous présentez aujourd'hui, va exactement dans le sens de ce qui fut la bible, il y a une dizaine d'années, des commissions scolaires à tout le moins. Mais il y a un élément que je ne retrouve pas dans votre document et qui m'apparaît aller directement... Vous ne pouvez pas passer à côté, me semble-t-il. On ne peut pas requérir et demander d'avoir un élargissement de son assiette fiscale locale au nom de la décentralisation quand on sait qu'on a 80 %, 85 % de ses coûts, dans une commission scolaire, qui sont basés sur la masse salariale et faire abstraction de la réclamation d'avoir à négocier localement pour l'ensemble de ses employés. On ne peut pas être l'organisateur de ses finances publiques et ne pas vouloir être responsabilisé sur ses propres personnels quant à la négociation de leurs conditions de travail et même de leur masse salariale.

Mme Drouin: Là-dessus, remarquez que je faisais un petit peu allusion à l'histoire quand je vous disais que ça fait 25 ans qu'on vit dans un système très, très centralisé. Alors, c'est difficile de tout décentralisé du jour au lendemain, vous le comprenez comme moi.

M. Chagnon: Oui, oui.

Mme Drouin: Au niveau des relations avec notre personnel, la position qu'on a adoptée, c'est qu'on souhaite que tout ce qui touche le monétaire lourd, c'est-à-dire salaires, régimes de pension, assurances, congés parentaux, pourrait demeurer au niveau de l'État, alors que les conditions de travail pourraient venir au niveau local. Là encore, comme je l'expliquais tout à l'heure, ce n'est pas pour demain matin. Il reste que les gens ont du cheminement à faire. On a les enseignants, bien sûr, mais on a aussi les autres personnels.

Alors, déjà, on commence à travailler au niveau des autres personnels pour avoir au moins déjà une poignée dans la négociation locale au lieu d'avoir seulement des arrangements, pour en venir, à plus long terme, à ce que les conditions de travail soient négociées localement tout en maintenant que le monétaire lourd devrait demeurer à Québec. C'est la position actuelle. On évoluera peut-être d'ici 10 ans, mais...

M. Chagnon: Dans le fond, vous nous dites: Décentralisez, on va faire des gains de productivité. Mais, pour faire ces gains de productivité, il faut absolument que vous ayez le contrôle sur l'organisation de la convention collective localement, parce que c'est là qu'est l'argent, c'est là qu'est 85 % du budget d'une commission scolaire.

Mme Drouin: 70 % au moins pour ce qui est des enseignants, mais c'est vrai que c'est une bonne proportion.

M. Chagnon: Oui, mais il n'y a pas rien que des enseignants, il y a les enseignants, les cadres, les personnels non enseignants. Ça fait 83 %, 85 %, dépendamment des commissions, n'est-ce pas?

Mme Drouin: Remarquez que je vous donne la position qu'on a actuellement. Je vous expliquais que, dans ce régime de très forte centralisation, c'est sûr qu'avant d'adopter une position qui rejoigne tout le monde et qui puisse nous permettre de gérer de la façon que vous le mentionnez je pense que ça va prendre un petit peu de temps...

M. Chagnon: Oui.

Mme Drouin: ...et qu'on est mieux d'y aller pas à pas pour ne pas tout détruire non plus, pour pouvoir maintenir une qualité de services, mais de le faire graduellement.

M. Chagnon: Mais vous envisagez que le discours devient plus cohérent lorsqu'on y greffe la facture ou le facteur de la négociation des conventions collectives à l'intérieur de la décentralisation financière.

Mme Drouin: C'est sûr que le jour où on aura à percevoir un très fort pourcentage au niveau de la taxation locale, on devra inclure les salaires des enseignants ou, du moins, une partie de la gestion du personnel.

M. Chagnon: Comme c'est le cas en Ontario et comme c'est le cas dans les autres provinces et aux États-Unis.

Mme Drouin: Comme c'est le cas en Ontario. En Ontario, il y a plus de 50 % qui viennent de la taxe locale. Et, à ce moment-là, au niveau du personnel... Ça amène d'autres problèmes, remarquez, au niveau de l'Ontario, mais, pour l'instant, nous, la position que les gens ont adoptée, c'est que le monétaire lourd demeurerait à Québec, du moins pour la période actuelle.

M. Paradis, je pense que vous souhaitez ajouter quelque chose là-dessus?

M. Paradis (Fernand): Oui. M. le Président, je voudrais souligner que les propositions qui sont là rejoignent la question du financement et de la fiscalité, mais il y a actuellement des groupes de travail, et le conseil d'administration oeuvre à mettre au point des mécanismes de décentralisation aussi en matière de convention collective. On traîne un lourd passé, je crois. Depuis les années soixante, soixante-dix, les mesures de centralisation ont été nombreuses.

Elles se sont faites graduellement. On est allés vers des choses qui relevaient de plus en plus du milieu; pensons à des listes de rappel qu'on a voulu mettre au point selon des mécanismes provinciaux. C'est 25 ans d'histoire de centralisation. Si on veut retourner la machine, il m'appa-raît illusoire de vouloir, en quelques années, inverser complètement. Il doit y avoir une reprise en main qui se fasse de telle sorte que les mécanismes n'échappent pas au contrôle des élus locaux.

M. Chagnon: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Saint-Louis.

M. le député de Montmorency.

M. Filion: Merci, M. le Président. J'aimerais, moi aussi, saluer et remercier les représentants de la Fédération des commissions scolaires du Québec pour leur mémoire qui, à toutes fins pratiques, est très intéressant et qui rejoint beaucoup de groupes qui sont venus ici à la commission pour dire qu'il faut changer la dynamique au Québec: la dynamique fiscale, la dynamique de gestion, la dynamique où les gens vont se sentir plus impliqués et où, à toutes fins pratiques, on va pouvoir arriver à mieux gérer les finances publiques et à mieux gérer les dépenses publiques au Québec.

Je pense que votre mémoire n'échappe pas à cette philosophie de prise en charge du milieu. Les gens veulent davantage s'identifier, avoir davantage de pouvoirs pour percevoir eux-mêmes leurs deniers et les administrer en fonction des besoins que l'on considère autour de nous, très prêts du terrain.

Par contre, je pense que ça doit un peu décevoir en même temps le gouvernement, parce que eux s'attendaient à ce que vous fassiez une liste d'épicerie, une liste d'épicerie où couper, comment couper, qui devrait être sacrifié et quoi on devrait sacrifier. Je pense que le mémoire, dans ce sens-là, va décevoir beaucoup le gouvernement en place, j'ai bien l'impression, parce que, au fond, vous ne leur donnez pas le moyen de faire des coupures auxquelles ils croient vraiment. Pour eux, c'est de couper dans les dépenses publiques qui est essentiel et l'investissement dans l'éducation, bien, on verra si on peut axer dans ce sens-là.

Moi, j'aimerais vous entendre parler davantage et j'ai une couple de questions, parce que c'est quand même une nouvelle vision que vous apportez, une nouvelle dynamique de la gestion de l'éducation. Vous parlez d'élargir... La troisième recommandation: «Que cet élargissement du pouvoir fiscal des commissions scolaires soit accompagné d'une révision de la fiscalité des particuliers de manière à éviter une augmentation de leur fardeau fiscal.»

Quand vous énoncez un principe comme celui-là, est-ce que vous avez dans l'esprit de changer simplement des points d'impôt ou que le gouvernement cesse ou réduise les points d'impôt au niveau de l'impôt des individus et transfère les fonds à la commission scolaire? Comment vous voyez ça, dans cet esprit-là? J'essaie de voir le pragmatisme de votre recommandation.

Mme Drouin: Écoutez, je pense que le jour où on sera rendus là, on pourra discuter de moyens d'une façon plus précise. On sait que, actuellement, au niveau de l'impôt, il existe des crédits. Au niveau des taxes foncières, les personnes les plus démunies ont droit à ce crédit-là. Je pense que, quand on parle de certains moyens, ça pourrait être sous forme de crédits d'impôt ou autrement. On n'a pas vraiment creusé la question parce qu'on se dit bien là-dessus que - dans notre point 6 aussi - s'il devait y avoir des pouvoirs décisionnels augmentés au niveau des commissions scolaires, ça devrait être dans un mouvement qui serait agréé par les commissions scolaires, et je pense qu'on veut être partie prenante à ces décisions-là.

Mais ce qui est important de retenir, c'est que, si on nous donnait un pouvoir de taxation plus grand, il faudrait que ça paraisse du côté du gouvernement central pour ne pas qu'on ait, comme citoyen, à payer deux fois d'impôt pour les mêmes services. (10 h 50)

M. Filion: Vous soulevez également une recommandation où vous faites appel à la formule de péréquation: Qu'elle soit établie afin de permettre à chacun des milieux de se donner des services éducatifs comparables, indépendamment de leur richesse. Est-ce que, par ricochet, vous parlez de la formule de péréquation fédérale également ou bien si, pour vous, c'est une autre dimension?

Mme Drouin: Non, pas du tout. C'est que déjà, au niveau des commissions scolaires, on a une formule de péréquation qui existe. Le fait qu'on ait une taxe locale à percevoir, comme les milieux sont riches différemment, à ce moment-là il y a un équilibre qui s'établit par une formule de péréquation. Et, si on devait justement modifier le pouvoir de taxation, il faudrait que la formule de péréquation soit ajustée en conséquence parce que, pour nous, il nous apparaît que l'éducation publique de tous les citoyens doit demeurer d'égale qualité, ou du moins pour l'éducation de base, sur tout le territoire du Québec. On ne voudrait pas que, dans certains milieux moins nantis, il y ait une baisse de ce côté-là. Alors, la formule de péréquation permet de garder cet équilibre-là.

M. Filion: Est-ce que vous croyez qu'en essayant de décentraliser et en essayant de ramener la perception des revenus ou que, si vous aviez une plus grande possibilité d'assumer

la gestion de vos revenus et de vos dépenses, vous iriez, dans ce genre d'orientation là, vraiment désengager ou moins alourdir la gestion? On a l'impression qu'on vit dans une lourdeur administrative à tous les niveaux des paliers, que ce soit provincial, municipal ou scolaire. Dans cette orientation-là que vous prôner, est-ce que vous croyez vraiment arriver à des économies d'échelle importantes de par le système qui existe actuellement?

Mme Drouin: Oui. Le système, actuellement, il est dispendieux à plusieurs égards. Quand on doit, pour un même dossier, par exemple, le faire cheminer... Bon, on part d'une commission scolaire avec un dossier, on passe par la direction régionale, quelquefois c'est réglé au palier régional, quelquefois il faut que ça se rende à Québec également, ça revient par la direction régionale, ça revient à la commission scolaire. S'il y a plus de pouvoir qui est donné directement aux commissions scolaires et qu'on évite ce cheminement-là ou ce dédoublement parfois dans les dossiers, ça nous apparaît qu'il y aura des économies d'échelle au niveau de tout le système.

Je parlais de l'exemple des dérogations tout à l'heure, je pense que c'est un exemple frappant, même si je n'ai pas de chiffres précis à vous donner: les formulaires qui partent de la commission scolaire à la direction régionale, au ministère, et en chemin inverse également, pour aboutir de nouveau au niveau des commissions scolaires, alors que, maintenant, ça se fait localement et sans ajout de personnel localement, parce que ce sont des dossiers qui se règlent à travers ce qui se fait couramment.

Le Président (M. Lemieux): Malheureusement, M. le député de Montmorency, le temps est déjà écoulé, de même que pour les ministériels, M. le président du Conseil du trésor.

Nous vous remercions pour votre participation à cette commission parlementaire.

Nous allons suspendre environ deux minutes pour permettre à l'Association nationale des distributeurs de tabac et de la confiserie de bien vouloir prendre place à la table des témoins.

Mme Drouin: Je vous remercie, M. le Président.

(Suspension de la séance à 10 h 53)

(Reprise à 10 h 56)

Le Président (M. Després): J'inviterais l'Association nationale des distributeurs de tabac et de la confiserie à prendre place à la table de la commission.

Avant de commencer votre présentation, j'aimerais vous faire connaître le temps dont nous disposons, c'est-à-dire une heure, une période maximum d'une heure. Vous avez une période maximum de présentation de 20 minutes, après quoi nous pourrons entreprendre une discussion avec les députés ministériels et les députés de l'Opposition pour une période conjointe de 20 minutes. Donc, si M. Trempe peut présenter l'équipe qui l'accompagne et commencer dès maintenant la présentation de son mémoire. M. Trempe.

Association nationale des distributeurs de tabac et de la confiserie (NATCD)

M. Trempe (Raymond): Merci, M. le Président. Mmes, MM. les membres de cette commission, on vous remercie, la première des choses, de nous recevoir chez vous. Mon mon est Raymond Trempe, comme vous l'avez mentionné. Je suis accompagné de MM. Richard Guindon, Robert Beaudry, Jean-Paul Deslières. Nous sommes tous membres de l'Association nationale des distributeurs de tabac et de la confiserie et nous faisons partie aussi d'un comité tabac-taxation pour le Québec, pour notre association nationale.

Le point important à mentionner, c'est que nous sommes tous des distributeurs, gestionnaires, grossistes de commerces indépendants. Notre clientèle aussi est une clientèle composée de détaillants, elle est complètement indépendante, rattachée à aucun groupement, soit des tabagies, des dépanneurs, des épiceries. Comme représentant de notre groupe de détaillants, nous avons M. Jean-Gilles Boisvert, qui est gestionnaire de plusieurs tabagies dans la région de Montréal.

Le point principal de notre groupe, c'est que nous opérons partout sur le territoire de la province de Québec. Sans exception, nous avons des capitaux québécois. Tous nos entrepôts, nos bureaux, nos bureaux-chefs sont situés au Québec. Tous les employés cadres, cadres supérieurs, propriétaires sont des Québécois. Et puis, point principal, je crois, aucune de nos entreprises, autant comme distributeur que comme détaillant, ne reçoit de subvention de quelque gouvernement que ce soit, à quelque niveau que ce soit. (11 heures)

Alain Dubuc mentionnait dans son editorial du 8 février au sujet de cette commission: «Depuis 10 ans, les gouvernements péquistes et libéraux ont solennellement sonné l'alarme, année après année, sur la crise des finances publiques qui les prive de marge de manoeuvre. Ils ont aussi déploré l'explosion incontrôlable de leurs dépenses et ont affirmé l'urgence d'un redressement. Et, depuis 10 ans, à chaque fois que l'on veut que cette menace suscite un débat de société, on sollicite invariablement les mêmes organismes, indécrottables habitués des commissions parlementaires, véritables machines à produire des mémoires qui, invariablement, répéteront chacun leur credo.»

Dans notre cas, je tiens à vous signaler qu'on n'est pas des organismes indécrottables habitués de commissions parlementaires. On est ici pour une première fois, depuis 10 ans que cette commission existe. C'est bien pour sauver notre peau, sauver nos commerces, sauver des PME dans la province de Québec. D'après ce que je peux comprendre, puisque cette commission existe depuis maintenant 10 ans, il semble bien que le gouvernement ait compris qu'il ne fallait plus augmenter les taxes.

Mais, d'après ma compréhension, il y a deux sortes de taxes pour un gouvernement. Il y a des taxes avec un T majuscule et des taxes avec un t minuscule. Si le résultat a réellement été compris depuis 10 ans et que les taxes avec un T majuscule n'ont pas été tellement augmentées - on veut tout probablement parler d'impôts, de taxes visibles - les taxes avec un t minuscule n'ont certainement pas été bien comprises ou du moins ont peut-être servi à boucher tous les autres trous qui existaient. Les taxes sur le tabac ont augmenté, depuis ces 10 dernières années, de 778 %. Depuis les trois dernières années, elles ont augmenté de 92 %, même si certains ont amené un chiffre de 50 %; c'est à cause des multitudes de taxes que comprend la taxe sur le tabac. Souvent, c'est mal compris. Il y a eu 778 % d'augmentation des taxes sur le tabac depuis 10 ans, malgré que les résultats des commissions parlementaires aient été de ne plus augmenter les taxes. On peut certainement dire qu'aujourd'hui le niveau de taxation sur les cigarettes a définitivement atteint un seuil marginal décroissant. Plus on taxe, moins on en retire.

Dans notre commerce, aussi bien de distributeurs que de détaillants, on peut subir une hausse graduelle ou une baisse graduelle du volume. Une perte de volume d'un certain pourcentage par année, chacun est capable de s'y ajuster et de trouver d'autres produits pour la remplacer. Mais c'est impossible de subir une baisse de volume de 50 % en moins de deux ans. C'est absolument impossible de s'ajuster à ça. Et puis la baisse de volume se fait assez curieusement qu'un commerce a encore plus de difficultés à s'y ajuster. C'est que, si on avait perdu la moitié de notre clientèle, 50 % de notre clientèle, pour une raison quelconque, un cataclysme qui est arrivé, on pourrait s'y ajuster parce que ça prendrait 50 % moins de camionneurs, 50 % moins de «prépareurs» ou de n'importe quels travaux que vous avez. Mais ce n'est pas ce qui s'est produit. On a perdu 50 % du volume égal. Ça veut donc dire que nos opérations servent la même clientèle. Nos opérations servent le même nombre de clients, mais, chacun des clients, son volume a baissé de 50 %. Cela veut dire que nos coûts fixes, nos coûts demeurent les mêmes, pratiquement les mêmes, pour une perte de volume de 50 %. C'est là que, pour le commerce de distribution aussi bien que pour le commerce de détail, on en souffre énormément.

Au détail, eux autres, ils ont perdu 50 % ou même plus des ventes de cigarettes. Ça a fait perdre un achalandage pour la vente des autres produits, ce qui est très difficile à récupérer, surtout dans la courte période de temps qu'on a. Comme je le mentionne souvent, les grossistes et les détaillants indépendants sont aussi intelligents, sinon plus intelligents que n'importe quelle organisation à gros volume ou très renommée ou qui est très respectée par la Caisse de dépôt. On est indépendant, on n'a pas la Caisse de dépôt, on est peut-être inconnu, mais on est capable de «fighter» n'importe qui. Je n'ai peur d'absolument personne.

Mais, dans le cas qui nous préoccupe présentement, le problème est plus grave. C'est que notre compétition, son produit, les cigarettes que nous autres on paie 43,67 $ le «carton», eux autres il leur coûte 8,15 $. Ça, c'est très difficile à combattre. La cigarette de contrebande coûte 8,15 $ le «carton» au contrebandier, alors que, nous autres, avec les taxes, c'est près de 43 $, 44 $. Ça, il n'y a personne, il n'y a absolument aucun commerçant, aucun gestionnaire qui peut combattre une si grande différence avec sa compétition, parce que la compétition principale aujourd'hui, c'est la contrebande. Avec une si grosse différence de prix, on ne pourra jamais y arriver. Et puis, graduellement, ce qui se produit depuis trois ans, la contrebande prend un volume accroissant. Ça croît d'année en année, et de la façon que ça procède, d'ici peu de temps, le volume au complet sera vendu par la contrebande.

Il y a une seule solution - il semble qu'aussi bien l'Opposition que le gouvernement aient trouvé la solution - il s'agit de baisser les taxes. Maintenant, la question que je me pose et la question qu'on se pose, la question qu'on doit se poser, c'est: Combien et quand? La situation est alarmante. Il faut qu'on ait la solution très rapidement, parce que, d'ici cinq mois, six mois, une grosse, grosse partie du commerce va disparaître. Il y en a déjà de disparu.

Et puis j'espère que le gouvernement n'achètera pas, ni plus ni moins, sa récompense morale en disant: Je les ai baissées, et je les ai baissées d'une piastre. Ça, ça ne vaut absolument rien. Lui a perdu une piastre, et tout le monde a perdu une piastre, et la contrebande reste au même niveau. La compétition de la contrebande... Je vous l'ai dit tout à l'heure, elles leur coûtent 8,15 $ le «carton» et, présentement, sur ie marché de la contrebande, il se trouve des cigarettes à 14 $, 15 $ le «carton». Ça veut donc dire qu'une baisse telle que je l'ai vue dernièrement, qui avait été proposée, à 2,50 $ le paquet de cigarettes de 25 - de taxes - ramenait un «carton» de cigarettes à 30,72 $. N'y pensez pas, c'est comme si vous n'aviez rien fait Absolument rien! Il faut que la taxe soit baissée pour arriver à contrebalancer la contrebande

complètement, pour tuer la contrebande totalement.

Ça veut donc dire que, dans les mois suivants, le gouvernement pourrait reprendre un peu du marché de la taxation. Moi, je n'ai rien contre la taxe. Que le gouvernement charge 100 $ en taxes sur un «carton» de cigarettes, ça ne m'affecte absolument pas, pourvu que le gouvernement soit capable de me protéger, comme distributeur légal dans la province de Québec, avec un mandat du gouvernement pour collecter ses taxes, afin que je les vende toutes, ces cigarettes-là, et qu'elles ne soient pas vendues par mon compétiteur qui est le contrebandier. Si je les vends toutes, parfait! Il n'y a aucun problème avec ça.

Mais, présentement, tous les corps policiers l'ont dit, c'est une cause perdue. Ils ne peuvent absolument rien y faire. Il y a au-dessus de 143 routes qui traversent la province de Québec et qui se rendent aux États-Unis, où il n'y a même pas un poste de frontière, et la plupart des autres sont surveillées seulement 8 heures sur 24. Ne pensez pas que les contrebandiers ne les connaissent pas! On a le fleuve Saint-Laurent à côté de nous autres, qui se rend jusqu'à Saint-Pierre et Miquelon, qui n'a absolument rien à voir avec notre système de taxation. C'est absolument impossible de le bloquer.

Le point principal, vous l'avez tout probablement vu dans le mémoire qu'on vous a présenté, c'est que, depuis les derniers trois ou quatre ans... À la page 4, vous avez le tableau qui vous présente l'augmentation du prix des cigarettes, qui a fait doubler le prix des cigarettes en trois ans, qui se détaillaient à 24 $ et qui se détaillent aujourd'hui à 48 $ pour un «carton» de cigarettes. Comme de raison, c'est directement dû à l'augmentation des taxes fédérales et provinciales - vous voyez le tableau en page 5 - où il y a eu une progression presque extraordinaire des taxes dans les 3, 4 dernières années, et extraordinaire depuis les 10 dernières années, qui dépassait de beaucoup l'augmentation du coût de la vie.

Mais, pour arriver, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, à la diminution des taxes, je voudrais vous présenter les chiffres, les vrais chiffres des pertes que le gouvernement fait. La taxe sur le tabac est une taxe compliquée. Elle comprend la taxe réelle du tabac, elle comprend la taxe spéciale olympique sur le tabac, elle comprend aussi la taxe de vente du Québec, qui est chargée après la TPS. C'est des taxes que le gouvernement collecte lorsqu'un «carton» de cigarettes est vendu légalement. Ça fait qu'il y a plusieurs chiffres qui sont lancés: perte de 75 000 000 $, rajustée la semaine d'après par le ministère du Revenu à 150 000 000 $. Je sais d'où ils viennent, les chiffres. Ils viennent d'un estimé budgétaire, et un estimé budgétaire comprenant un chiffre de x millions de dollars dus à la contrebande, qui est déjà compris dans l'estimé budgétaire qui, peut-être, oublie la taxe spéciale olympique, qui ne parle certainement pas de la TVQ sur la vente des cigarettes. Ça fait qu'on parie d'une taxe spécifique des cigarettes, une petite partie à l'intérieur où, là, on va peut-être perdre 150 000 000 $ sur la prévision budgétaire.

Ça, ce chiffre-là, je peux vous dire que je suis prêt à le débattre en n'importe quel temp; il est absolument, totalement, complètement faux. La perte réelle du gouvernement du Québec, comprenant toutes les taxes sur le tabac, va excéder de beaucoup 500 000 000 $, tout probablement dans les alentours de 550 000 000 $. Mais, là, je parle de perte réelle sur la taxe spécifique sur le tabac, réelle sur la taxe olympique, réelle sur la taxe de vente du Québec, qui est chargée après la TPS. Ça excède de beaucoup 550 000 000 $. Lorsqu'on parle de diminution d'une taxe, il faut prendre ce chiffre-là en mémoire, parce que c'est réellement le vrai chiffre.

Il y a aussi une partie qu'on oublie souvent, c'est la taxe sur les boites de tabac, de tabac coupé, coupe fine. Vous savez que le Canada n'exportait absolument rien en tabac coupe fine vers les États-Unis il y a quatre ans et que, maintenant, c'est rendu une exportation qui dépasse 12 000 000 de boites par année, et les Américains n'en fument pas plus.

Pour la preuve de tout à l'heure, je reviens à mon chiffre de 550 000 000 $. Il se prouve de trois façons différentes, et les trois arrivent au même chiffre. Il se prouve avec le tableau que je vous ai présenté dans le mémoire, qui est sur la consommation de cigarettes; il est fait par des études très, très, très scientifiques, par l'industrie du tabac, depuis les 16 dernières années, comparativement aux ventes légales qui se calculent très, très bien à chaque mois. Ça, c'est la première, et ils arrivent avec la différence de quelque 26 000 000, 27 000 000 de «cartons» de cigarettes par année qui se perdent à la contrebande. (11 h 10)

On peut le faire aussi par l'étude du budget, des estimés budgétaires du gouvernement provincial. On sait que la consommation n'a pratiquement pas baissé. Et, pour les adeptes antifumeurs, je peux vous dire que, l'année passée, elle n'a pas baissé, elle a peut-être augmenté un petit peu; c'est bien certain, on peut trouver des cigarettes à 15 $, 16 $ le «carton». Il y a beaucoup de personnes qui avaient arrêté de fumer et qui ont recommencé à fumer. Mais, en calculant le budget du gouvernement provincial, on arrive aussi au même cas. C'est que, si vous regardez voilà trois ans en arrière, le budget pour les taxes sur les cigarettes était de près de 504 000 000 $; depuis ce temps-là, les taxes ont doublé, puis il est encore à 504 000 000 $, puis la consommation est demeurée à peu près stable. Donc, il manque un

autre montant de 500 000 000 $, là. C'est la preuve par le budget provincial.

Puis la troisième preuve: les exportations de cigarettes vers les États-Unis. Là, il y a un chiffre qui est difficile, c'est qu'on ne connaît pas la partie qui revient dans la province de Québec. Mais, quand même, par le niveau d'exportation et la consommation de la province de Québec versus ce qui s'exporte dans les autres provinces, on arrive aussi proche du même chiffre. Donc, on peut le prouver de trois façons différentes. Le chiffre que je vous dis, il est absolu, il est vrai, il est prouvable, il est de quelque 550 000 000 $ par année.

Tout à l'heure, je vous ai parlé du nombre de «cartons» de cigarettes qui passaient en contrebande; il est à peu près de 26 000 000, 27 000 000, 28 000 000 de «cartons» de cigarettes par année. Dans un des tableaux qui marquent les pertes qu'il peut y avoir sur les cigarettes de contrebande, on mentionne qu'un camion-remorque de cigarettes qui revient dans la province de Québec rapporte aux contrebandiers 1 400 000 $. Je ne sais pas si, avec 1 400 000 $, la police sur le tabac qui a été instituée par le gouvernement, qui sont d'ailleurs d'anciens policiers de longue date à leur retraite, qui ne peuvent même plus être claires... Être un contrebandier, j'aurais beau jeu pour offrir une récompense pour que le gars se ferme les yeux pendant quatre secondes, pendant que ma «vanne» passe.

Ce que je peux vous dire, c'est que ce qui est arrêté présentement, c'est les petits contrebandiers de fin de semaine, à peu près rien. Les vrais, vous n'y touchez jamais et vous ne pourrez pas y toucher, ils ont les finances nécessaires pour être capables de faire ouvrir la porte toute grande quand ils partent avec leurs cigarettes. Ce qui est arrivé, à cause que le gouvernement n'a pas réagi voilà 18 mois, la première fois qu'on l'a rencontré - on demandait, à ce moment-là, de réduire les cigarettes à 27 $ le «carton» - le réseau s'est amélioré de beaucoup depuis ce temps-là; il y a des ramifications partout dans la province de Québec. On est obligé aujourd'hui de demander au gouvernement de baisser les taxes afin que les cigarettes se détaillent 16 $, 17 $ le «carton», comprenant la TPS et la TVQ. C'est le point de vue des grossistes. J'aimerais maintenant qu'un tabagiste, un opérateur de tabagie vous dise la réaction que ça a produit sur sa clientèle, l'augmentation des taxes sur le tabac.

M. Boisvert (Jean-Gilles): Bonjour. Mon nom est Jean-Gilles Boisvert. Je représente Tabatout inc. Tabatout, c'est une petite chaîne de 13 tabagies situées principalement dans des centres commerciaux régionaux. Elle compte 7 établissements franchisés et 6 corporatifs. On l'a entendu plus d'une fois, la contrebande coûte cher. Elle coûte cher aux petits entrepreneurs, elle coûte cher aux honnêtes citoyens et elle coûte cher, enfin, à tous les contribuables. dans notre chaîne seulement, il s'est vendu en 1992, par rapport à 1990, 25 000 cartouches de cigarettes de moins, soit une diminution de nos ventes de 55 %, en volume. cela représente un chiffre d'affaires de plus de 1 000 000 $ et une perte de profits de plus de 200 000 $ annuellement. cette contrebande du tabac a déjà coûté trop cher à trois de nos franchisés, dont deux ont déclaré faillite et un a tout simplement remis les clés au franchiseur. ces franchisés avaient investi toutes leurs économies dans leur petit commerce. âgés entre 50 et 60 ans, ils se retrouvent aujourd'hui sans le sou, démunis, devant rien.

Ce n'est pas la récession qui leur a fait perdre leur entreprise; notre genre de commerce est généralement à l'abri des récessions. Le consommateur ne se prive pas beaucoup des petits items qu'on lui offre. Non, ce n'est pas la récession, c'est directement et entièrement à la contrebande du tabac que l'on attribue la baisse de nos ventes et de nos profits. Ces petits entrepreneurs et ex-entrepreneurs sont aussi d'honnêtes citoyens qui sont révoltés de voir toutes leurs économies prendre le chemin des criminels. C'est en effet révoltant pour le petit entrepreneur honnête, qui travaille à la sueur de son front, qui respecte les lois et qui paie ses impôts, de voir les criminels empocher les profits à sa place. Ces vendeurs illicites du tabac sont devenus une concurrence déloyale, illégale, révoltante. À cause de notre honnêteté, on ne peut pas compétitionner, dans la légalité, avec ceux qui nous conduisent à notre perte.

C'est révoltant, en effet, pour le petit entrepreneur de se faire narguer tous les jours par des gens qui nous disent qu'on vend nos cigarettes trop cher. C'est aberrant, tout ce qu'on peut entendre dans nos magasins quotidiennement. Les clients nous disent qu'on devrait s'approvisionner chez les Indiens et vendre nos cigarettes au prix de la contrebande si on veut récupérer notre clientèle. Certains se disent même heureux de l'existence de la contrebande parce que, grâce à elle, ils fument enfin à un prix raisonnable. Certains autres nous disent qu'ils n'achètent plus leurs cigarettes à la cartouche, ils les achètent maintenant à la caisse, pour 900 $, soit à peu près l'équivalent de 18 $ la cartouche. Certains nous affirment, dans nos magasins toujours, sans gêne, que leurs enfants se chargent d'écouler les surplus à l'école; il faudra en acheter deux caisses, nous disent-ils, parce que les enfants n'ont pas la quantité suffisante pour répondre à la demande. C'est révoltant de se faire dire, toujours dans nos magasins, que certains réalisent 1000 $ 2000 $, 5000 $ de profit par semaine en revendant des cigarettes, ces gens-là étant, à ce que je sache, il y a peu de temps, des gens honnêtes. Ils se croient encore honnêtes parce que, en effet, la contrebande du tabac a créé dans la

population un sentiment de légitimité à défier ouvertement les lois.

Ces petits entrepreneurs que nous sommes ont choisi de gagner leur vie honnêtement, en respectant les lois. Le petit commerçant est aujourd'hui confronté à la dure réalité du système qui favorise passivement la criminalité. Il n'y a pas que le petit entrepreneur qui paie la note de cette contrebande; tous les contribuables devront payer. La perte de revenus fiscaux sur la vente du tabac, qui dépasse, on le dit, les 500 000 000 $, n'est, à notre avis, que la pointe de l'iceberg. Cette perte fiscale sera de combien l'an prochain si rien n'est fait? La part du marche accaparée par la contrebande grossit à tous les jours. Elle a atteint plus de 40 % en deux ans; elle sera de combien, l'an prochain?

À cette perte fiscale, ne devrions-nous pas ajouter les sommes encourues pour enrayer ou contrôler cette contrebande? Combien a coûté, par exemple, la police du tabac? Combien coûtent à l'État, donc aux contribuables, les faillites et les pertes d'emplois, conséquences de cette contrebande? Combien coûteront à l'État les crimes qu'engendre et que subventionne la contrebande du tabac? Comment seront utilisés les profits de ce marché noir, sinon pour mieux organiser, armer et renforcer le crime organisé? Devrait-on attendre qu'il prenne l'ampleur et la force de celui que connaît l'Italie? Combien en coûtera-t-il...

Le Président (M. Després): En conclusion, M. Boisvert, s'il vous plaît. Pour respecter le temps d'échange avec les parlementaires, je vous demanderais tout simplement une courte conclusion, parce que vous avez déjà dépassé le temps permis.

M. Boisvert: J'en suis à ma conclusion, d'accord. Notre société est déstabilisée par la contrebande du tabac. Cette contrebande a des répercussions beaucoup plus importantes qu'on ne peut l'imaginer. De plus, elle s'organise et s'amplifie à vive allure, pendant qu'on reste là, simplement, à en parler. La situation est urgente et, à notre avis, le moyen le plus sûr, le plus rapide, le plus efficace et le plus économique est sans doute une baisse substantielle des taxes. Merci.

Le Président (M. Després): Merci beaucoup, M. Boisvert et M. Trempe, pour cette présentation.

Nous allons commencer avec le ministre des Finances du Québec.

M. Levesque: Alors, permettez-moi de vous souhaiter la plus cordiale bienvenue à ce forum sur le financement des services publics. Vous abordez un aspect particulier de la fiscalité et, évidemment, un aspect qui vous touche de très près. Il n'y a aucun doute que nous avons à solutionner un problème réel. Disons tout d'abord, évidemment, que, quelle que soit l'orientation de notre discussion, je dois d'abord vous rappeler que le tabac n'est pas un produit qui est nécessairement relié positivement à la santé. Je pense que vous admettrez avec moi que le tabac cause des problèmes sérieux à la santé de notre population et, même si nous recherchons une solution à un problème, celui que vous soulevez, nous ne devons pas oublier, évidemment, que le gouvernement ne peut pas, comme tel, encourager l'utilisation du tabac. (11 h 20)

Ceci étant dit, il faut être pratique, avoir une approche pour les quelques mois qui viennent. On ne changera pas les habitudes en si peu de temps. Nous devons regarder cette situation, et nous l'avons vue, et nous l'avons regardée. Je pense qu'il est important, et vous l'avez souligné, de mettre fin à ce genre de contrebande qui a des effets pervers sur la société. C'est un comportement qui est dangereux pour l'avenir. Donc, il y a cet aspect-là également.

Il y a aussi un autre aspect que je voudrais souligner, c'est que vous attribuez à la fiscalité la raison principale de cette situation. Je voudrais vous rappeler que la fiscalité - et vous le savez, d'ailleurs, vous l'avez mentionné dans votre mémoire - est devenue plus lourde beaucoup plus à cause de l'intervention du gouvernement fédéral que de celle du gouvernement du Québec. Vous l'admettez également. D'ailleurs, on n'a qu'à regarder les chiffres et on s'aperçoit - vous le trouvez dans notre document «Vivre selon nos moyens», à la page 39 - que la taxation au Québec est l'une des plus basses de l'ensemble des provinces canadiennes. On voit, par exemple, que_ le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Ecosse, l'île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve, le Manitoba, la Saskatchewan, la Colombie-Britannique, toutes ces provinces ont des taux de taxes plus élevés qu'au Québec.

Alors, il y a quelqu'un qui est venu dans le jeu avec une contribution négative sur le plan de la fiscalité, et je crois qu'il y a là une intervention du gouvernement fédéral qui doit être corrigée à la base. Comme vous le disiez tout à l'heure, même si on enlevait x % sur notre taxe provinciale, ça n'empêcherait pas la contrebande de continuer. Je reçois de ce message qu'il est important que les deux gouvernements s'impliquent, si c'est du côté de la fiscalité qu'il faut procéder.

Nous avons fait des efforts. Le ministère du Revenu du Québec a fait des efforts - peut-être que M. le ministre du Revenu va vouloir en parler dans quelques instants - mais, apparemment, ce n'est pas ça qui va régler la question, à moins d'avoir des policiers dans chaque maison ou à chaque coin de rue. Donc, si on doit revenir à la fiscalité, je comprends de votre message qu'il faut que le gouvernement fédéral soit de la partie, autrement ce serait simplement

nous priver de revenus sans avoir les effets escomptés. Nous allons avoir dès demain une réunion interministérielle ici, au Québec, sur le sujet, et ii faudra poursuivre du côté du gouvernement fédéral, si c'est la voie qui est retenue à notre réunion de cette semaine. C'est sûr que votre mémoire et son contenu vont être parmi les facteurs que nous allons examiner dans cette analyse de la situation.

Quant aux chiffres, il semble y avoir une difficulté de s'harmoniser, mais il faut bien comprendre que, lorsque, nous, nous parlons de 150 000 000 $, nous parlons de 150 000 000 $ de moins que les prévisions que nous avions. Parce qu'on ne semble pas toujours... Vous, vous l'aviez compris, je vous ai entendu le dire, mais beaucoup ne comprennent pas que les 150 000 000 $... On dit: Bien, on perd plus que ça. Oui, parce que, nous, nous avions prévu de perdre à peu près 175 000 000 $ et nous perdons 150 000 000 $ de plus. Alors, il faut faire l'addition des deux pour avoir le chiffre, et le chiffre du gouvernement, ce n'est pas 150 000 000 $ sur la perte brute ou complète, mais c'est 150 000 000 $ par rapport à nos prévisions. Donc, nous acceptons le chiffre de 325 000 000 $; nous n'allons pas au chiffre de 500 000 000 $. Et ça se comprend. J'ai ici toutes sortes de chiffres et d'analyses qui indiquent la diminution de... Parce que, vous, vous parlez de 1 500 000 $ et, nous, nous avons un autre chiffre que celui-là, et nous nous fions également aux chiffres des manufacturiers pour montrer qu'il y a une diminution dans l'utilisation. Peut-être que, dans les derniers mois - on le verra plus tard... Vous dites que, maintenant, la contrebande va peut-être amener des gens à recommencer à fumer. J'espère que non; ce serait encore un effet néfaste.

Alors, si on réconcilie ces chiffres, je pense que vous pouvez vivre avec ce chiffre de 325 000 000 $, qui est une explication beaucoup plus plausible et qui réconcilie pas mai les chiffres qui ont été avancés, parce qu'on a avancé quelque 420 000 000 $, on a avancé quelque 300 000 000 $. Pour nous, les chiffres, d'après nos recettes, d'après nos experts, se chiffrent à 325 000 000 $, soit 150 000 000 $ de plus que nous n'avions prévu dans le dernier budget.

Alors, la seule question que je pourrais, à ce moment-ci, vous poser, c'est: Est-ce que vous pourriez nous donner le chiffre magique qui va arrêter cette contrebande, si on se tourne vers la fiscalité, et quelle est la partie qui devrait être utilisée? Du côté fédéral, du côté provincial, quelle est votre estimation? Parce qu'il faut bien comprendre que les taxes fédérales sur un «carton» de cigarettes sont d'environ 19 $, alors qu'au provincial c'est environ 17 $, un peu plus que 17 $. Donc, on sait que c'est le gouvernement fédéral qui a le plus de revenus provenant de cette taxe, et, si le gouvernement fédéral n'intervient pas, vous avez raison de vous poser des questions.

M. Trempe: Pour répondre à vos questions, je voudrais tout simplement faire quelques petites clarifications, si nous prenons votre chiffre de 325 000 000 $ comme acquis. Dans notre calcul, nous autres, on rajoute la TVQ, par exemple. Il ne faut pas oublier que la TVQ aussi est perdue.

M. Levesque: Nous l'avons, nous l'avons. Lorsque nous parlons de 325 000 000 $, nous parlons de la taxe spécifique et nous y ajoutons les 8 % de la TVQ.

M. Trempe: Plus la taxe olympique.

M. Levesque: Plus la taxe olympique, oui; tout est inclus.

M. Trempe: Permettez-moi de vous dire poliment que je ne suis pas d'accord avec votre chiffre mais, quand même, continuons.

M. Levesque: Mais on n'est pas tellement loin!

M. Trempe: Bah! Quelques millions!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Levesque: C'est-à-dire, je ne parlais pas de votre dernier chiffre mais du chiffre qui avait été avancé antérieurement, de 400 000 000 $. Vous savez, vous ne pouvez pas, malgré toute votre bonne volonté, arriver précisément. Quant à nous, nous avons la meilleure chance de l'avoir, le chiffre, parce que nous avons les recettes qui rentrent chaque mois, directement. Et c'est ainsi que nous arrivons à ce chiffre-là. Et ce chiffre-là, je ne l'ai pas inventé; il provient des sources gouvernementales qui sont près, évidemment, de ces recettes et des revenus.

M. Trempe: Vous m'avez déjà dit vous-même, lors d'une réunion, il y a à peu près un an, que vous aviez les résultats six mois trop tard à votre ministère. Peut-être qu'il se produit... En tout cas, politiquement...

M. Levesque: Ah non, non, non! Ce n'est pas à ce sujet-là! Ha, ha, ha!

M. Trempe: Comme homme politique, j'imagine, très renommé, vous avez commencé en parlant du tabac et de la santé. C'est peut-être intéressant comme déclaration, mais ça n'a absolument rien à voir avec ce qu'on fait aujourd'hui, parce qu'il ne faut pas oublier... Prenons comme acquis, par exemple, que toutes les cigarettes font mourir, que tout le monde qui fume va mourir. J'imagine qu'ils vont mourir pareil, même s'ils ne fument pas, mais ça fait

mourir. Chose certaine, lorsque les cigarettes sont vendues par la contrebande, vous n'en collectez pas une cent. Si, réellement, les cigarettes doivent rendre malade puis doivent faire mourir, parfait! Mais, au moins, collectez les taxes dessus. Ça fait que, là, la cigarette achetée en contrebande, si elle fait mourir, elle fait autant mourir que l'autre. Elles sont pareilles toutes les deux. Ça fait que je veux qu'on détache cette partie-là, elle n'a absolument rien à voir avec notre débat. Il se vend, il se consomme autant de cigarettes. Puis si, un jour, c'est toutes des cigarettes illégales qui se consomment, j'imagine qu'il va y avoir autant de personnes malades parce qu'elles fument, parce que ça va être des cigarettes pareil. Ça, c'est une première clarification. Je veux bien croire que, politiquement, disons, ça a sa raison d'être.

Quand on parle de fiscalité, de la taxe, c'est officiel que, pour arrêter, stopper le réseau complètement, le gouvernement provincial, de lui-même, ne peut rien y faire, parce que, même si toutes les taxes provinciales étaient abolies sur les cigarettes demain matin, ce ne serait même pas suffisant pour l'enrayer. (11 h 30)

Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, un «carton» de cigarettes coûte 8,15 $. Ça veut donc dire qu'il faudrait qu'il se vende à un prix assez bas pour enrayer le réseau. Ce à quoi on est arrivés, nous autres, comme présentation de chiffres - M. le ministre le demandait tout à l'heure - on dit qu'un «carton» de cigarettes devrait se vendre 16,78 $, qui se compléteraient de cette façon-là: droit d'accise, taxe d'accise, 2,50 $; taxe spécifique du Québec, 2,50 $ sur le tabac; marge grossiste et détaillant, 3 $; TPS et TVQ, 1,01 $, 1,25 $, ce qui donnerait un prix de détail de 16,78 $. Comme vous l'aurez remarqué, là-dedans, il y a certains chiffres qui ne peuvent absolument pas changer, comme le prix du manufacturier à 7,52 $. Il y aurait un total de taxes fédérales de 3,51 $; on rétablirait ce qui se produisait auparavant entre la taxe fédérale et provinciale, où la taxe provinciale a tout le temps été plus grande que la taxe fédérale, la taxe provinciale étant de 3,75 $.

Je veux bien croire que c'est un grand, grand, grand coup d'arriver avec ça. Par contre, l'avantage... On ne peut pas prendre un demi-remède ou une demi-mesure, il faut détruire le réseau. Si on réduit les taxes, et que le prix devient juste semblable au réseau, on vient de rien régler, parce qu'il y a encore beaucoup de jeu pour baisser le prix. Moi, je dis au gouvernement: Détruisez le réseau, dans un premier temps. Je veux bien croire que, pour les finances publiques, peut-être que ça va faire mal pour trois mois, mais ça n'oblige pas le gouvernement à attendre un prochain budget pour réajuster la taxe. Il s'agit que le gouvernement surveille attentivement la contrebande des cigarettes et réajuste graduellement sa taxe.

Je suis d'accord que le gouvernement doit collecter des taxes sur le tabac. Je suis d'accord qu'à 16,78 $ c'est peut-être un prix qui est peut-être un peu bas - on n'a pas été habitué à ça. Par contre, il est peut-être un peu bas, mais il est proche de quelque chose. Le prix de 16,78 $, c'est le prix que les cigarettes se vendaient au mois d'avril 1985. Ce n'est pas des milliers d'années en arrière. Le prix de 16,78 $, ça serait le prix indexé des cigarettes qui se vendaient en 1982, il y a 10 ans. Un «carton» de cigarettes, c'était 12,56 $. Si on l'indexe, ça arriverait à peu près à 16,78 $, aujourd'hui.

Ce n'est pas de demander... C'est tout simplement de rétablir le prix des produits de tabac dans leur réalité. On a exagéré depuis 10 ans, il faut reculer. On a fait erreur depuis 10 ans, on a surtaxé, il faut reculer et là reprendre le chemin perdu. Mais n'oubliez pas que la perte du gouvernement... le gain du gouvernement ne serait pas tout simplement de dire: Je baisse ma taxe. Le réseau est très bien structuré sur la vente de la boisson forte, n'oubliez pas ça. Le réseau vend beaucoup de produits volés. Le réseau coûte énormément au gouvernement en police, en surveillance, en tout ce que vous voulez, et il s'amplifie. Il faut l'arrêter. Moi, je dis: Pas de demi-mesure, 16 $,17 $ du «carton».

Le Président (M. Després): Merci, M. Trempe.

Je passerais la parole, maintenant, au député de Labelle.

M. Léonard: Merci, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue au nom de l'Opposition officielle et je vous remercie de votre mémoire, qui est très éclairant. Vous venez d'entendre le ministre des Finances, qui va me dire, comme à l'habitude, que je suis partisan, mais, comme Opposition, je dois critiquer justement le gouvernement. C'est mon rôle de le faire. Je l'ai fait à plusieurs occasions, depuis le discours sur le budget de 1989, et, en particulier, nous avions souligné, comme Opposition, que les gestes qu'il posait, les décisions qu'il avait prises conduiraient nécessairement à la contrebande. En réalité, nous faisons face aux mêmes problèmes auxquels les gouvernements ont fait face il y a 70 ans lors de la prohibition aux États-Unis. C'est un phénomène exactement semblable. Lorsque les gouvernements exagèrent, lorsqu'ils défendent urbi et orbi la consommation de biens qu'ils jugent ne pas devoir être consommés et qu'ils exagèrent sur les taxes, on aboutit exactement à ce qui se produit ici. Aujourd'hui, ceux... les marchands sont victimes de l'illégalité. Hier, on en voyait d'autres qui étaient dans l'illégalité et qui voulaient régulariser leur situation. Alors, nous avons, justement, ce gouvernement qui prend des décisions qui n'ont pas d'allure.

J'ai l'impression plutôt que votre chiffre de 537 000 000 $ perdus par le gouvernement du

Québec sur le tabac, en taxes, est plus proche de la réalité que le leur. Je voudrais tout de suite dire une chose. Le ministre, si j'ai compris, a admis qu'il avait escompté dans ses revenus une perte de 175 000 000 $ et que, dans sa synthèse des opérations financières, il comptabilise en plus un autre 150 000 000 $ de pertes. Il vient d'admettre que ça fait 325 000 000 $ qu'il perd, strictement à cause de cette décision sur les taxes. Oui, il l'a dit, mais il aurait pu le dire lui-même parce que, en termes de transparence, ses 175 000 000 $, lorsqu'il a fait son discours sur le budget, il n'en a pas parlé. Il n'en a pas parlé, pas plus qu'il n'avait parlé qu'il intégrait et qu'il harmonisait la TPS et la TVQ dans son discours sur le budget de 1990. C'est ça, leur transparence.

Je l'entendais parier des solutions d'un air, je dirais, doucereux, en disant: Maintenant, c'est le fédéral qui taxe plus que le Québec. Le problème, vous l'avez très bien exposé. Au point où nous en sommes, il n'y a pas d'autre solution que de repartir à zéro, pas d'autre solution pour tuer dans l'oeuf les réseaux de contrebande, mais sa décision doit être prise avec l'autre gouvernement, fédéral. Or, quand on examine ici les dossiers, quand on examine les dossiers et qu'on demande d'examiner, par exemple, les déficits du fédéral, qu'on demande de le faire, on nous refuse même une séance d'une journée. C'est ça, on la refuse. Encore, ce matin, et on l'a refusée hier, et on va prendre toutes sortes de subterfuges, de procédures pour le faire, mais, effectivement, la décision doit être prise par les deux gouvernements en même temps, de réduire les taxes à zéro et ensuite de les remonter. C'est la seule solution.

Aujourd'hui, tout le monde, je dirais, est mort de rire en dehors du gouvernement, parce que tout le monde en profite sauf le gouvernement. J'ai l'impression qu'on pourrait entendre les déclarations de la mère de Napoléon, qui disait: «Pourvou que ça doure»! Pourvu que ça dure! Pourvu que ça dure parce que, finalement, c'est tout le monde qui fait de l'argent sauf le gouvernement. Mais, aujourd'hui, la seule préoccupation qu'if a, c'est de faire venir à la barre toutes sortes de groupes de la société, de les désolidariser et de courir après des assistés sociaux, après un fonctionnaire par ci par là, après des recettes pour rééquilibrer ses budgets, alors que lui-même est la cause de son propre problème, en ce qui concerne les taxes, parce qu'il a exagéré. Il perd 550 000 000 $.

Alors, M. le Président, je voudrais qu'on l'établisse davantage, le chiffre que vous avez dit, établi dans votre document: 537 000 000 $. J'aimerais que vous nous l'établissiez parce que ça c'est important. Quand vous dites qu'il quitte du Québec quelque 20 000 000 de «cartons» de cigarettes, 29 000 000... Au fond, le ministre des Finances, lui, admet 325 000 000 $ de pertes; vous, vous dites 537 000 000 $, sans compter ce qu'on perd au fédéral parce que, là aussi, il y a un déséquilibre qu'on voulait examiner ici pour voir les impacts ici sur nos propres finances. alors, j'aimerais que vous explicitiez davantage sur quoi c'est basé.

M. Trempe: La première chose, avant de répondre à cette question-là...

M. Léonard: Vous en aviez parié un peu, mais plus précisément encore.

M. Trempe: vous avez affirmé une chose tout à l'heure, qui me blesse un petit peu, d'une certaine façon. vous dites que tout le monde en profite, sauf le gouvernement.

M. Léonard: Oui, O.K.

M. Trempe: Tout le monde en profite parmi les consommateurs. Le gouvernement, il ne perd rien. Le gouvernement perd... Il y a 550 000 000 $, moi, je dis, de manque à gagner. Il n'a rien dépensé pour aller les chercher. Mais notre réseau, nous autres, on a 170 000 000 $ qu'on perd...

M. Léonard: O.K.

M. Trempe: ...de revenus, dont la dépense est là, nous autres.

M. Léonard: Je l'admets.

M. Trempe: Nous autres, on a payé des employés, on a payé des taxes, on a payé des loyers, on a payé l'électricité, on a payé toutes sortes de choses, mais il y a 170 000 000 $ qui nous manquent.

M. Léonard: O.K.

M. Trempe: Lui, il est grave. Le gouvernement, les 550 000 000 $, il va les piger ailleurs, lui. Il va les trouver quelque part. Si ça lui manque, un trou à une place, il met une montagne à l'autre, il fait n'importe quoi, il va finir par le trouver, ou il va faire un déficit.

M. Léonard: II va emprunter, lui.

M. Trempe: Puis, lui, il a le droit. Il ne fait pas faillite quand il fait un déficit.

Nous autres, quand on arrive pour la preuve des 29 000 000 de «cartons» de cigarettes, de la façon qu'on a procédé...

M. Léonard: O.K.

M. Trempe: ...on a pris 1988 comme année de référence. À ce moment-là, ça nous dit purement et simplement que c'est... En 1988, je prends que la contrebande était une contrebande

endémique, qui a tout le temps existé. Il y a toujours eu un certain degré de contrebande, mais ce n'était pas une contrebande organisée. Je dis 1988; j'ai vendu, à ce moment-là, 66 500 000 cartouches de cigarettes dans la province de Québec. Des chiffres prouvés, Statistique Canada, statistiques de l'industrie. Je dis que mes ventes doivent être toutes des ventes légales. Je prends la réduction de consommation qui est prouvée par l'industrie. Elle n'aime pas trop le dire par exemple, mais la baisse de consommation est à peu près de 1,5 % par année. Beaucoup nous parlent de 3 %, et les associations d'antifumeurs parlent de 40 %. Eux autres, ils prennent Statistique Canada pur. C'est vrai qu'il se vend 40 % de moins de cigarettes, mais ça ne veut pas dire qu'il s'en fume 40 % de moins, par exemple. Ça fait que, si vous voyez la première colonne, celle qui est en plus pâle, c'est la consommation avec une diminution de 1,5 % par année. Ça veut donc dire que, théoriquement, la consommation en 1992 aurait dû être de 62 500 000 cartouches de cigarettes dans la province de Québec. (11 h 40)

Les ventes réelles, maintenant, déclarées, où la taxe a été payée, qui sont passées par le réseau des grossistes, c'est l'autre colonne à côté. En 1992, ça a été de 33 600 000 cartouches. On était supposé en avoir vendu 62 500 000. Il y a un manque à gagner de 29 000 000 de cartouches de cigarettes qui ne se sont pas vendues dans la province de Québec. Là, j'arrive avec ma taxe. Je peux faire la même chose avec les exportations. La quantité d'exportations nous arrive à peu près au même tableau. C'est de même qu'on arrive avec notre perte. Les trois façons de la calculer arrivent proche des quelque 500 000 000 $. Je ne sais pas si ça peut répondre à votre question. Je pourrais vous en parler pendant deux, trois heures de temps, avec beaucoup de tableaux de Statistique Canada.

Mais les gouvernements sont bien plus dans l'erreur. Je ne sais pas si vous avez lu... Dans le mémoire que je vous ai présenté, je fais l'analogie à un conseil des ministres, où le ministre de la Santé se lève...

M. Léonard: Oui, c'est très bien, d'ailleurs. C'est très réaliste.

M. Trempe: Je ne sais pas si vous voulez que je le répète, mais c'est à peu près ce qui se passe. Ils ont comme acquis Statistique Canada, et ils se fient sur Statistique Canada. Mais, lorsqu'on parle d'un commerce illégal, Statistique Canada n'est plus dans le portrait, parce que jamais Statistique Canada n'a demandé à un contrebandier: Combien tu en rentres de «cartons» de cigarettes? Ça, ils ne l'ont pas, ce chiffre-là, ça fait qu'il en sort. Savez-vous que le Canada est le plus gros exportateur de cigarettes vers les États-Unis? Le Canada représente presque 80 % des importations de cigarettes aux États-Unis. Le Canada, c'est extraordinaire ce qu'on exporte vers les États-Unis, mais il y a une curiosité: dans tous les chiffres de statistiques de consommation américaine, même pour les marques génériques à peu près inconnues, il n'y a aucune marque canadienne. C'est drôle. Statistics USA: plus gros exportateur, le Canada, mais on n'en fume pas, par exemple. Ça fait drôle. Le Canada, la même chose, eux autres, ils regardent Statistique Canada: Tabarnouche, ça va bien les «boys»! Il ne s'en fume plus de cigarettes. Tout à l'heure, on va innonder le marché américain. On exporte, c'est une vraie peur. Notre niveau de vie va être extraordinaire d'ici cinq ans. Les compagnies américaines vont toutes fermer leurs portes. Ça va bien les «boys»!

Mais ce qui rentre, ils ne le calculent pas, et il n'y a pas d'Américains qui en fument. Il y a quelque chose, quelque part, qui ne paraît pas bien. C'est ça, qui est le résultat, qui ne paraît pas bien. Il y a 29 000 000 de «cartons» de cigarettes qui rentrent et il n'y a aucun département de statistiques qui s'en est occupé, à venir jusqu'à date. Quand quelqu'un va commencer à le regarder, il va dire: C'est vrai.

M. Léonard: M. le Président...

Le Président (M. Després): Oui, M. le député de Labelle.

M. Léonard: ...je vous crois davantage que le ministre des Finances. Merci.

Le Président (M. Després): Merci. Je passerai la parole au ministre du Revenu.

M. Savoie: Merci beaucoup, M. le Président. Je trouve les déclarations du député de Labelle, particulièrement acerbes, surtout que... Finalement, la situation qui existe, je pense que ça doit être clair, elle n'est pas le résultat seulement d'une intervention gouvernementale mais de plusieurs interventions gouvernementales. Ils ont soulevé, à juste titre, effectivement, que, depuis plusieurs années, les taxes sont haussées considérablement sur le tabac, de façon à le rendre hors marché. On constate, effectivement, depuis trois ans, comme vous l'avez souligné si bien, une hausse importante - vous parlez de 92 % sur trois ans et de 145 % à Ottawa.

Il y a, évidemment, des éléments qu'on pourrait soulever pour apporter plus de nuances, peut-être le mettre dans une meilleure perspective, mais, dans l'ensemble, vous avez raison. Il n'y a personne ici qui vous conteste. Je pense que, ça aussi, il faudrait également le retenir. Ce que nous cherchons, par exemple, c'est des solutions.

Le ministre des Finances a soulevé tout d'abord le problème de la santé. Ce n'est pas négligeable. On ne veut pas parler de chiffres,

parce que c'est difficile de parler de chiffres dans un contexte de santé. Mais j'ai vu des documents du ministère de la Santé et des Services sociaux où on disait que, par exemple, le coût du tabagisme - maladies au niveau des poumons, système respiratoire, des choses semblables, les grippes; on ne parle pas de journées de travail perdues, on parle tout simplement de coût directement au niveau des soins de la santé, ce qui est attribuable au tabagisme - se chiffre à plus de 900 000 000 $ au Québec, par année, récurrents. C'est considérable.

Vous nous dites: La solution, c'est de réduire les taxes. On est d'accord. Il n'y a personne qui conteste cet élément. Mais il faut comprendre aussi que, sur un paquet de cigarettes, le gouvernement n'a que 2,50 $ de taxes. Le fédéral en a plus. Si on se revire de bord et qu'on réduit nos taxes, supposons, de... Québec, unilatéralement, le ministre des Finances se lève et il annonce, par exemple, une réduction de 1,75 $, 2 $ le paquet. C'est énorme, c'est des pertes de plusieurs centaines de millions de dollars. Je ne suis pas sûr que la majorité des Québécois et des Québécoises vont dire que c'a été une réaction à propos. Je ne suis pas sûr de ça. Je pense qu'il y en a qui vont se poser des questions sur le fait que, quand même, 900 000 000 $... Le gouvernement fédéral n'a pas bougé, et le prix du paquet a baissé seulement de 2 $, c'est-à-dire qu'il est passé de 6,50 $ à 4,60 $, une affaire comme ça. Je ne suis pas sûr que ça va avoir l'impact... Je pense que l'orientation que vous cherchez, c'est de dire au gouvernement du Québec: Fartes quelque chose! C'est également un peu la même chose à Ottawa. Je pense que l'action doit être concertée. C'est l'orientation que tout le monde recherche.

Est-ce que vous avez des données sur ce qui se produit actuellement en Ontario, par exemple? Est-ce que vous avez examiné ça? Est-ce que vous avez des informations, l'Association?

M. Beaudry (Robert): Je me présente. Robert Beaudry, épicier en gros à ville d'Anjou. On a fait nos premières représentations au gouvernement en octobre 1991 sur ce problème. Ce n'est pas un problème qu'on discute depuis hier, et c'est de notre survie qu'on discute actuellement. Vous m'excuserez, je ne suis pas politicien, je suis le dirigeant d'une PME, et, quand je vous entends dire, la santé, je suis d'accord avec vous. Mais je ne suis pas politicien, je ne cours pas des votes, moi. Je suis sûr que, si vous voulez des votes, vous êtes mieux de balancer votre budget, et, si vous sanctionnez - excusez-moi, je suis nerveux parce que là vous m'avez piqué au vif - la contrebande comme vous le faites depuis deux ans, vous vous en allez vers l'anarchie.

Là, il est temps qu'on mette nos culottes et qu'on prenne des décisions. Je crois que vous avez tous été nommés ici par le peuple pour prendre des décisions qui sont, des fois, déplorables. Comme moi, des fois, vu la contrebande, je suis obligé de faire venir Jean dans mon bureau, qui a deux enfants, et de lui dire: Écoute, Jean, parce que ton gouvernement ne veut pas prendre de décision, je suis obligé de te laisser aller. Tu vas te mettre sur l'assurance-chômage et peut-être, après, sur le BS. Est-ce que c'est ça qu'on recherche dans notre économie, qui est dure actuellement? Mais on va arrêter de tourner en rond. Je m'excuse encore, je ne suis pas politicien, mais je gagne ma vie durement. Je n'ai pas le droit à aucune subvention et je ne veux pas en avoir, mais je suis rendu que je ne suis plus un grossiste en alimentation, je suis un percepteur de taxes, et, pour ce faire, la sécurité de ma famille, de moi-même et de mes employés est mise en péril à cause du gouvernement et du niveau de taxation du produit que je dois vendre pour survivre. Alors, s'il vous plaît, voulez-vous cerner le problème et le regarder en face? Depuis octobre 1991 qu'on le regarde, qu'on vous sensibilise, qu'on cogne aux portes, qu'on présente des mémoires, et on se fait tourner en rond.

M. Savoie: on est d'accord et c'est partagé, là. mais ce que j'essayais de présenter comme option, c'était la réduction unilatérale, par le gouvernement du québec, de 2 $...

M. Beaudry: Je suis d'accord avec vous que ça prend les deux niveaux...

M. Savoie: Bon.

M. Beaudry: ...mais je suis tanné de me faire dire: Voulez-vous aller parler aux antifumeurs? Ce n'est pas eux autres qui prennent la décision. Je n'ai pas voté pour eux pour prendre des décisions pour moi...

M. Savoie: Non, non. C'est correct ça.

M. Beaudry: ...j'ai nommé un député quelconque et un premier ministre quelconque, et au fédéral et au provincial. Et on va faire des représentations au fédéral demain. Malheureusement, on ne peut pas le faire dans la même bâtisse, dans la même journée. Je suis tanné de me faire dire: Mais, si l'autre le fait, moi, je vais le faire.

M. Trempe: II y a quand même quelques solutions que vous avez en main. Si vous prenez la page 21 du mémoire, vous allez avoir des solutions que nous autres on propose. On le dit, il y a peu de choix, en réalité. C'est très restreint, mais il y a une solution: demander au fédéral de subventionner les pertes subies, par le fédéral, si vous baissez les taxes, et le fédéral se doit de les baisser. Vous pouvez aussi - vous avez le pouvoir de le faire - présenter un

ultimatum au gouvernement fédéral pour lui dire la conduite à suivre dans la fiscalité sur le tabac. Ce n'est pas parce qu'une province... Parce que, n'oubliez pas, la province de Québec, nous autres, on a tout le temps été les premiers dans les bons coups et dans les mauvais coups.

C'est vrai que, dans la fiscalité sur le tabac, c'est la place où, réellement, la contrebande a commencé plus vite. Le fédéral en souffre moins dans les autres provinces. Il commence, là, par exemple. Ça commence à paraître beaucoup en Ontario. La Colombie-Britannique commence. Ça veut donc dire qu'ils vont réagir d'ici à peu près un an et demi, mais, nous autres, ça fait deux ans qu'on l'a sur le dos. On va en mourir, on ne sera pas capables de toffer. Ça fait qu'on dit: Dites au fédéral, là, qu'il y a certaines divergences, différences entre la province de Québec et les autres provinces. On te donne un ultimatum à matin, voilà la conduite à suivre en fait de fiscalité sur le tabac, puis arrange ça dans le plan de péréquation, fais n'importe quoi, mais c'est de même que ça doit marcher dans la province de Québec. Et, si vous faisiez ça, je peux vous dire que vous joueriez un coup de dés extraordinaire parce que la fiscalité sur le tabac dans les provinces limitrophes serait réellement débalancée pour un grand bout de temps. Je pense que des commerçants de l'Ontario ou des consommateurs de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick viendraient acheteur leurs cigarettes dans la province de Québec. Ça serait bon pour la fiscalité du Québec.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trempe: Vous pourriez aussi carrément dire, avec les autres provinces, au gouvernement fédéral de se retirer du champ de la taxation sur les tabacs. Vous pourriez le dire, même s'il y a des grincements de dents. Il y en a, dans votre province, qui sont après mourir, qui ne paient plus d'impôt et qui vont perdre leur emploi tout à l'heure. Dans ce temps-là, à un moment donné, ça peut se dire. (11 h 50)

Et je donne comme quatrième alternative - peut-être que certains vont le comprendre - tout autre choix que le gouvernement du Québec décidera d'appliquer. Ça comprend n'importe quoi. S'il ne veut pas mettre ses culottes, bien, ôtez-y complètement ses culottes. Donnez un coup. Ring! Il n'en a plus. Là, ça va se placer dret-là. Mais il faut que quelque chose se passe. Comme un de mes amis disait, quand tu es après te noyer, au milieu du fleuve Saint-Laurent, tu peux te poigner après un cure-dent pour essayer de te sauver.

On est après se noyer, nous autres, à cause de la fiscalité, pas parce qu'on a mal agi. Nous autres, on est légaux, on ne vend rien que des produits qui sont complètement légaux. Nous autres, on a pignon sur rue; ça fait excessivement plaisir aux fonctionnaires du ministère du Revenu de venir nous trouver pour essayer de nous harceler, puis de fesser sur nous autres. On a pignon sur rue, nous autres. Les autres sont dans la nature. Les autres, quand le gouvernement du Canada passe une loi, qu'ils n'ont pas le droit de vendre à une personne en bas de 18 ans, pensez-vous que les contrebandiers vont suivre cette loi-là? Ils vont avoir de la misère à les ramasser en étoile! Ils les vendent dans les cours d'école, ils en vendent n'importe où, des cigarettes.

On vous en fait, des recommandations. Il s'agit purement et simplement d'agir rapidement, puis de dire au fédéral: Ça fait, baquet! Arrête, coupe, puis que ça règle. Autrement, il va se passer d'autre chose. Pas dans quatre mois, il va vous manquer des joueurs. Ça va peut-être être un avantage pour vous autres, on ne sera pas ici pour venir vous parler. On va être disparus dans la nature. Mais j'imagine que, pour le consommateur du Québec, c'est peut-être préférable de nous garder, nous les indépendants, parce qu'une fois que les indépendants vont être disparus je vous avertis que les trois grands qui restent, qui ont eu bien du plaisir à manger après la carcasse de Steinberg - ils étaient tous comme des vautours alentour - ils aimeraient ça rester tout seuls, je vous en passe le message. Ce serait excessivement intéressant pour une maintenance de prix. On est les seuls qui pouvent maintenir une compétition normale dans la province de Québec parce qu'on n'est pas chapeautés par la Caisse de dépôt. On est les seuls qui restent: De grâce, gardez-nous!

Le Président (M. Camden): On va permettre au député de Montmorency de poser ses questions.

M. le député de Montmorency.

M. Filion: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier les représentants pour leur excellent mémoire. D'ailleurs, pour avoir discuté depuis plusieurs mois avec différents intervenants du milieu, c'est criant la problématique du tabac, c'est toute notre société qui est en cause, c'est toute l'économie qui s'effrite. C'est une érosion incroyable, qui demande vraiment une intervention rapide et avec énergie.

M. le Président, le 17 novembre, je sortais, moi, le député de Québec, pour dire qu'il fallait penser à une réduction de taxes. Mais le problème n'est pas d'il y a trois mois, le problème remonte à janvier 1988. Le gouvernement en place, M. le Président, ce gouvernement-là, en janvier 1988, formait un comité ministériel pour étudier la problématique de l'évasion fiscale du tabac. Ce n'est pas d'hier; ça fait plus de cinq ans que ça traîne. Ça a atteint des proportions, bien sûr, qui n'ont plus de sens, qui n'ont plus de bon sens. Ça fait cinq ans qu'on se traîne les

pieds, et ils aiment tellement le système fédéraliste qu'ils n'osent même pas se lever pour dire: Aïe! ça n'a pas de bon sens ce qui se passe chez nous. C'est en train de pirater notre économie. C'est vraiment en train de créer ou de devenir une espèce de régime de bananes. Ils n'ont même pas le courage politique de se lever et de crier haut et fort. C'est ça, le gouvernement qu'on a, actuellement. Ce gouvernement-là... Tout le monde, le milieu le dit, tout le monde le crie, tout le monde lance un cri d'alarme pour dire: Le fédéral, vous allez arrêter de pirater notre économie, vous allez arrêter de nous empêcher de fonctionner efficacement sur notre territoire.

En novembre, j'ai sorti. Ils n'ont même pas levé... On commence à dire: On serait d'accord. Ça fait trois mois qu'on le crie qu'on doit réduire les taxes. Actuellement, c'est toute notre économie qui est en cause.

M. le Président, on doit avoir une commission parlementaire comme celle-là pour entendre des gens qui viennent confirmer que l'érosion économique n'a plus de bon sens. Arrêtez de palier de santé. La santé... C'est pire, actuellement, ce qui se passe sur le territoire. C'est pire pour nos jeunes. On met une loi aussi ridicule que la loi C-111 pour venir nous dire: On va arrêter d'en vendre aux gens en bas de 18 ans. Ils n'en vendent plus aux gens en bas de 18 ans, les gens dans le système normal, c'est la contrebande. Vous êtes en train de dire à nos jeunes: Allez acheter dans la contrebande. C'est là qu'il faut que vous achetiez vos cigarettes.

Vous acceptez ça, comme gouvernement, au Québec, de laisser aller la pourriture du sytème, comme ça. Ça n'a pas de bon sens. Je pense que vous devez réagir et crier. On n'entend rien de la part du gouvernement en place. Depuis janvier que vous avez mis en place... Écoutez, vous avez dépensé 2 000 000 $ en 1988 pour mettre une équipe, et en 1989 également, 3 000 000 $: 87 postes que vous avez créés pour contrôler la contrebande du tabac. Ce n'est quand même pas d'hier. Comment se fait-il qu'on est, encore, aujourd'hui, en train de se poser la question: Quand est-ce que vous allez réagir, que vous allez enfin dire à votre système fédéraliste, que vous aimez tant: Arrêtez de nous empêcher de fonctionner chez nous? Je pense que c'est grave ce qui se passe, c'est très grave. Je suis heureux de voir aujourd'hui ces gens-là venir à nouveau crier haut et fort que vous devez réagir.

Moi, je pense... Écoutez, on ne fera pas le débat des finances publiques, à savoir à quel niveau il faut baisser les taxes. Oui, il faut les baisser les taxes, puis ça presse, et ça urge. Ottawa doit vous comprendre et vous entendre. Mais parlez. Vous ne parlez pas, vous ne dites rien, vous ne faites rien. Vous laissez aller la vague comme si rien ne se passait. Vous jouez à l'autruche. Ça n'a pas de sens.

M. le Président, j'espère que ce mémoire et ces représentants vont enfin sonner une autre cloche, qui est importante, et vous devez réagir. Dépêchez-vous à réagir avant qu'il ne soit trop tard. C'est toute la société, l'économie du Québec qui est en cause. Je pense que l'érosion va s'accentuer à d'autres niveaux de l'économie, et c'est catastrophique, ce qu'on va vivre.

Moi, j'aurais une question, bien sûr, à poser à nos représentants. Dans toute cette nouvelle dynamique fiscale qu'on doit maintenant entreprendre pour mettre fin à cette problématique de la contrebande du tabac, je suis d'accord avec le principe de réduire les taxes, mais, moi, j'aimerais qu'on change la dynamique fiscale et accompagner, effectivement, une nouvelle dynamique fiscale qui pourrait changer la façon de donner des cadeaux de la fiscalité. Vous savez, on a, actuellement, une espèce de système où on dit: On donne des réductions d'impôt, on ne vérifie rien, on ne veut rien savoir. Votre documentation, au fond, on ne veut pas la voir, ou même on nous empêche de la voir. Vous savez, dans les réserves autochtones, on dit: Bien, écoutez, vous ne pouvez rien vérifier, on ne vous montre rien.

Alors, à partir du principe de dire: Bien oui, on va donner une réduction d'impôt, mais dans une forme de taxe remboursable, est-ce qu'on pourrait arriver à changer une dynamique ou à dire: On perçoit vraiment la taxe, et à eux de faire la preuve que la consommation, comme vous le disiez tout à l'heure, se passe vraiment aux États-Unis et que la consommation se passe vraiment dans les réserves autochtones; qu'ils fassent une demande de remboursement? En réduisant les taxes, là, pour enlever toute la problématique de la concurrence des prix, ça, je suis d'accord, mais, en même temps, changer cette dynamique d'approche avec le citoyen pour lui dire: Écoutez, vous voulez votre remboursement de taxe, prouvez-nous que votre consommation est bien dans la réserve autochtone ou qu'elle est bel et bien aux États-Unis ou outrefrontière.

Dans cette dynamique-là, j'aimerais avoir votre opinion. Est-ce qu'on peut penser vraiment changer cette dynamique-là pour orienter le débat, pour qu'on puisse, enfin, mettre fin à toute cette problématique-là?

M. Trempe: J'ai eu le plaisir de lire ce que vous avez présenté au point de vue de la taxation sur le tabac. Humblement, je dois vous dire que vous ne connaissez absolument rien à l'industrie du tabac. Le gouvernement fédéral a déjà tenté de charger une taxe à l'exportation. Il a été obligé de la retirer parce que c'était d'un ridicule absolu.

Le tabac n'est pas une ressource naturelle unique au Canada ou à la province de Québec. Du tabac, ça peut venir de n'importe où. Les plus grands pays producteurs sont en Afrique. Il y a des producteurs de tabac partout dans le monde. Faire une cigarette, il s'agit d'acheter une machine pour la faire, ça peut se faire

n'importe où. Vous savez que, présentement, sur le marché de la province de Québec, dans les cigarettes illégales qui se fument présentement, vous allez voir une grande, grande, grande partie d'Export qui sont fabriquées à Porto Rico. Ça change quoi? Une cigarette canadienne, ça se fait n'importe où, ça. Donc, l'idée de la taxer à sa sortie pour que l'acheteur américain prouve qu'il l'a vendue aux États-Unis pour consommation américaine avant qu'elle ne revienne au Canada, moi, je dis que c'est de la belle théorie, mais une pratique nulle. Ça ne se fait pas.

Première chose, vous ne pouvez pas faire de législation ici, dans la province de Québec, qui va régler les transactions commerciales aux États-Unis, en partant. Ils vont vous dire d'aller vous promener, purement et simplement, poliment. Deuxième des choses, disons qu'ils l'accepteraient, ça veut donc dire que le grossiste américain ou l'importateur américain, qui aurait acheté 1000 caisses de cigarettes, n'aurait seulement qu'à vous produire la preuve qu'il les a vendues a son dépanneur sur le coin, à côté de chez lui; 80 000 caisses de cigarettes qu'il lui a vendues, et j'ai le reçu, il a droit de faire ce qu'il en veut, le dépanneur à côté...

M. Filion: Non.

M. Trempe: ...et elles reviennent au Canada.

M. Filion: Non.

M. Trempe: L'autre des choses, c'est qu'une cigarette manufacturée... Prenez l'industrie canadienne, quand on la regarde présentement, ils sont craintifs - vous allez les rencontrer ce soir. Ils sont craintifs malgré que leur production augmente. Vous pourrez leur demander la question: Pourquoi vous êtes craintifs, vous autres? Vous n'en avez jamais vendu autant que ça! C'est parce qu'ils ont peur qu'un bon matin le marché s'en aille aux États-Unis.

On a trois manufacturiers de tabac au Canada: Imperial Tobacco, qui est canadien; RJR-Macdonald inc., qui est propriété à 100 % de R.J. Reynold aux États-Unis; puis, Rothmans, Benson & Hedges inc., qui est la propriété de Philip Morris aux États-Unis. C'est quoi que ça leur change, un matin, de dire: On ferme tous nos plants canadiens et on produit aux États-Unis? Où auriez-vous un contrôle sur une taxe? Là, vous feriez mal à un seul manufacturier, qui est le seul canadien. Lui, il est pris pour fermer ses portes, il n'est plus dans le prix du tout, parce que tu ne peux pas bâtir un plant aux États-Unis. Ça fait que cette taxe-là à l'exportation, moi, je la trouve... Elle est non applicable. Elle peut être moralement belle, et dans un discours devant des personnes qui ne connaissent rien dans le tabac...

M. Filion: Oui.

M. Trempe: ...peut-être qu'elle peut attirer des applaudissements, mais je peux vous dire que c'est nul, que ça ne vaut rien.

M. Filion: Mais, à partir du moment où vous avez réduit vos taxes et que vous êtes sur un prix concurrentiel... Vous allez être sur un prix concurrentiel, vous réduisez les taxes.

M. Trempe: Oui.

M. Filion: Vous disiez, tout à l'heure, que, de toute façon, on vendait aux États-Unis, mais qu'il n'y a rien qui se consomme aux États-Unis...

M. Trempe: Pas de cigarettes canadiennes.

M. Filion: Vous êtes en train de me dire qu'au fond on fermerait l'usine au Canada simplement pour le plaisir d'aller produire aux États-Unis, à des prix concurrentiels. C'est ça que vous me dites?

M. Trempe: Non, non. Si vous réduisez le niveau des taxes à un niveau équivalent au niveau américain...

M. Filion: C'est ça. (12 heures)

M. Trempe: ...vous n'avez pas besoin de faire aucune de ces lois-là. Il n'y a aucun problème, notre cigarette canadienne va coûter... Parce que le fumeur de cigarettes canadiennes n'aime pas la cigarette américaine. Il y a une grosse différence entre les deux produits. Le tabac canadien, c'est un tabac qui est soufflé. Le tabac américain est très différent. Les mélanges de tabac ne sont pas les mêmes. De la même façon, le fumeur américain n'aime pas les cigarettes canadiennes. C'est une chose qui existe dans le marché, ça. C'est normal.

Nos cigarettes, nous, du temps qu'elles sont à un prix compétitif, il n'y a aucun problème avec ça. Nos usines vont fonctionner, les emplois vont rester, les cultivateurs vont continuer à fabriquer du tabac. Il n'y a rien de mal là-dedans. Mais vous n'avez pas besoin de parler d'exportation, il n'y aura aucune demande américaine parce que ceux qui importent, présentement, c'est parce que ça revient au Canada. Si ça ne revient pas au Canada, ils n'en importeront pas. N'allez pas vous imaginer que, sur le marché américain, il y a de la consommation de cigarettes canadiennes. Ce n'est pas vrai, il n'y en a pas. Ça fait que mettez-les à prix égal.

Disons que le gouvernement du Québec décidait, demain matin, avec le gouvernement fédéral, d'abaisser les taxes pour que les cigarettes se vendent 16 $, 17 $ le «carton», je peux vous dire une chose qui se produirait: Les contrebandiers seraient très mal pris avec leurs inventaires. Là, eux, ils ne seraient plus capables

de les faire fumer nulle part, leurs cigarettes. Mais ce n'est pas le fait de la taxe. Si le prix arrive au bon prix... La recommandation que vous faites de taxer l'exportation, je ne pense pas qu'elle soit valable.

M. Filion: Je ne taxe pas l'exportation, c'est qu'on rembourse la taxe à l'exportation. Moi, où j'en arrive, c'est sur ça. C'est qu'il faut changer la dynamique pour identifier également les réseaux. Si vous changez la dynamique fiscale en diminuant le prix, si la concurrence se retrouve d'une façon, au niveau des prix, qu'il n'y a pas d'incitatif à la contrebande, vous allez pouvoir rapidement identifier des réseaux corrects d'écoulement des stocks et, là, vous allez vraiment constater que votre produit s'en va aux États-Unis à raison de 1 %, 2 %, 3 %, 5 %, 10 %, vraiment une consommation américaine. Si vous gardez la même dynamique, vous ne pourrez plus jamais réaugmenter les taxes parce que ce n'est pas possible. Dès le moment où vous allez augmenter à nouveau la taxe, vous allez vous retrouver dans une situation où la contrebande va reprendre, et on va être piégé dans l'avenir.

M. Trempe: Si le gouvernement agit en connaissance des causes exactes, je ne pense pas qu'il y ait de problème.

Le Président (M. Després): En conclusion, M. Trempe.

M. Trempe: Parce que, avant 1989, au niveau des taxes, quand même, les cigarettes canadiennes se vendaient le double du prix d'une cigarette américaine et il n'y avait presque pas de contrebande. Ça veut dire que le consommateur l'acceptait.

En conclusion, ce qui ne me laisse pas tellement de temps, la chose primordiale, c'est que les gouvernements, je l'ai dit tout à l'heure, peuvent perdre les quantités de millions qu'ils veulent bien perdre, c'est leur problème, eux, mais, nous, notre réseau de grossistes et de détaillants, on perd 170 000 000 $ cette année, en 1992. On s'attend à perdre plus l'an prochain. On ne sera plus là dans pas grand temps. Il faut qu'on trouve un moyen. J'ai vu, dernièrement, des demandes de subventions pour des pistes de ski, pour l'élevage des wapitis. Oh! il y en a des belles affaires là-dedans. Les gouvernements semblent... C'est beau, ça. Le tabac, ça vous déplaît parce que ça porte le nom de tabac, mais oubliez la partie qui porte le nom tabac. On est quand même des humains, il y a de l'argent qui a été investi, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup d'emplois, peut-être plus de 10 000 à 12 000 emplois qui sont en jeu. Ce n'est pas parce qu'on a l'odieux de vendre un produit qui s'appelle du tabac, qui est légal, que vous devez nous oublier dans la nature et nous tenir loin.

J'entendais quelqu'un de Radio-Canada, hier, à un poste de radio, qui disait qu'il y a une statistique qui vient de sortir à savoir que ça ne changerait absolument rien si les producteurs de tabac disparaissaient du Canada. Dans l'économie, ça ne changerait rien. Bel insignifiant! Ça ne changerait rien. Il y a 250 producteurs, il va les mettre dans la rue, mais ça ne changera rien à l'économie canadienne. Voyons donc! Du tabac, ça se cultive, et s'il s'en fume autant. C'est aussi bien qu'il soit cultivé dans la province de Québec que cultivé au Zimbabwe, bout de torvice! Ça se cultive, ça, et nos cultivateurs qui en cultivent, ce n'est pas parce que ça s'appelle du tabac qu'ils sont si méchants que ça et qu'ils portent la lèpre. Et ce n'est pas parce que, nous autres, on vend du tabac qu'on est des lépreux. Mais c'est 170 000 000 $ que notre réseau manque, en 1992, peut-être plus en 1993.

On vous demande d'agir rapidement, de trouver des moyens. Vous avez certainement assez de génie dans toutes vos têtes ensemble pour trouver les moyens soit de nous subventionner pendant que le mal dure, parce que le mal dépend de vous autres, soit de trouver un moyen, avec le gouvernement fédéral, mais agissez rapidement. Je veux que ce soit la conclusion, la rapidité.

Le Président (M. Després): Merci, M. Trempe, de votre exposé et soyez assuré que le dossier du tabac est une préoccupation des membres de la commission comme elle est une préoccupation du gouvernement du Québec. Donc, merci beaucoup.

Je m'excuse, M. le député de Lotbinière...

M. Camden: Non, c'est pertinent, vous allez voir. C'est parce qu'on nous a présenté un tableau, tout à l'heure, sur le prix à 17,52 $ la cartouche. Est-ce qu'on pourrait avoir le dépôt de ce tableau ou, à tout le moins, en avoir une copie pour qu'on puisse s'en faire photocopier une copie?

Le Président (M. Després): Écoutez, si les gens de l'Association n'ont pas d'objection...

M. Camden: Si vous n'avez pas d'objection.

Document déposé

Le Président (M. Després): ...à le déposer pour en faire des photocopies... Il y a consentement pour le dépôt avec les membres de l'Opposition? Oui. Donc, aucun problème. Vous pourrez, M. le président, nous remettre le tableau pour le distribuer aux membres de cette commission.

M. Trempe: Merci beaucoup d'avoir voulu nous écouter.

Le Président (M. Després): Merci beaucoup

pour votre présentation.

J'inviterais maintenant l'Association du camionnage du Québec à s'avancer à la table des témoins. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 5)

(Reprise à 12 h 8)

Le Président (M. Després): Les députés ministériels, les députés de l'Opposition, nous allons commencer maintenant l'audition avec l'Association du camionnage du Québec.

J'aimerais vous rappeler, d'entrée de jeu, que nous disposons d'une heure: vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, après quoi le temps pourra être partagé entre les députés ministériels et les députés de l'Opposition pour vous poser des questions.

J'inviterais tout d'abord le responsable de votre groupe à se présenter et à présenter son équipe, après quoi vous pourrez immédiatement commencer la présentation de votre mémoire.

Association du camionnage du Québec

M. Leclerc (Serge): Merci, M. le Président. Mon nom est Serge Leclerc. Je suis le président de l'Association du camionnage du Québec. J'ai avec moi M. Jean Guilbault, à ma gauche, qui est président de Transport Guilbault, et M. Raymond Bréard, à ma droite, qui est vice-président exécutif de l'Association du camionnage du Québec, et j'ai également avec moi M. Daniel Béland, qui est directeur du département économique de l'Association du camionnage du Québec.

M. le Président, Mmes, MM. les membres de la commission, permettez-moi, tout d'abord, au nom de l'Association du camionnage du Québec, de féliciter le gouvernement pour l'initiative qu'il a eue de convoquer cette commission. Il offre ainsi aux contribuables la possibilité de venir exprimer leur opinion sur la situation financière du Québec et sur l'orientation budgétaire qui devrait être adoptée, en vue d'assurer la relance de notre économie au cours des mois à venir.

Qu'on le veuille ou non, l'État conditionne, par ses gestes quotidiens, la vie des citoyens et des corporations. En ce moment, le Québec traverse une conjoncture critique, rarement égalée par le passé. Le gouvernement n'a plus les moyens d'assumer sa mission économique et sociale, les citoyens sont, en grande partie, réduits au chômage ou surtaxés et les entreprises, victimes d'un fardeau fiscal excessif, voient diminuer chaque jour davantage leur compétitivité. (12 h 10)

II est donc absolument nécessaire que soit révisé le rôle de l'État québécois dans un contexte mondial axé sur la concurrence des entreprises comme moteur de développement économique. Est-il nécessaire de rappeler à nos gestionnaires le principe de base en vertu duquel la richesse doit être créée avant d'être distribuée?

Une analyse sommaire des comptes publics permet de constater assez facilement que le gouvernement a largement distribué et continue de distribuer encore trop largement une richesse dont nous ne disposons plus depuis longtemps.

Dans ces conditions, il n'est pas étonnant qu'en dépit du discours officiel sur le contrôle des dépenses le déséquilibre des finances publiques atteigne aujourd'hui des sommets sans précédent. Depuis 1976, la dette totale du gouvernement du Québec a enregistré une augmentation moyenne de 15,5 % par année. Entre-temps, l'impôt sur le revenu des particuliers s'est accru en moyenne de 9,9 % par année, alors que celui sur le revenu des entreprises et les contributions des employeurs au fonds des services de santé a augmenté de 12 % par année.

En comparaison, l'indice annuel des prix à la consommation a été en moyenne de 6 % pendant cette période et le produit intérieur brut s'est accru de 7,9 % de 1981 à 1990 et de 3,3 % en 1992. Quant à la croissance du produit intérieur réel, elle n'a été que de 1,6 % en 1992. Dans ces circonstances, l'Association du camionnage du Québec considère qu'il ne sera plus possible désormais d'augmenter les taxes et les impôts à un niveau supérieur au degré de croissance de la richesse collective.

Dans ce contexte, les transporteurs routiers de marchandises n'ont pas été oubliés. En un an, malgré la situation concurrentielle extrêmement difficile qui caractérisait leur industrie, la taxe sur le carburant applicable à leur véhicule a augmenté de 68,6 %. Heureusement, à la suite de représentations soutenues de la part de notre association auprès du ministre des Finances, ce dernier, dans un geste exceptionnel qu'il faut souligner, décidait, le 24 novembre de l'an dernier, de réduire la taxe à 0,126 $ le litre, et ce, jusqu'à ce que le régime de la taxe de vente du Québec accorde le remboursement de la taxe sur les intrants à l'égard des achats de carburant diesel.

Malgré cet effort, un constat s'impose. La taxe sur le carburant du Québec est la plus élevée en Amérique du Nord. Cela n'est absolument plus acceptable dans la perspective de la «continentalisation» de l'économie et de la concurrence. Il n'est plus possible, au Québec, qu'un gouvernement taxe les contribuables sans tenir compte de la réalité fiscale dans les autres provinces canadiennes et aux États-Unis.

Les chiffres sont éloquents. Une analyse détaillée du prix de vente d'un litre de carburant diesel en vigueur en décembre 1992 démontre qu'au Québec les taxes constituent 40,5 % du prix de vente. Dans ces conditions, un litre de diesel coûte 20,7 % plus cher au Québec qu'aux États-Unis. Cela est inadmissible surtout si l'on

considère que le carburant représente de 10 % à 20 % des dépenses d'exploitation des entreprises de transport routier de marchandises. Le déséquilibre ainsi engendré est énorme. Selon une étude réalisée par le département économique de notre association, les taxes fédérales et provinciales sur le carburant constituent respectivement 4,85 % et 9,69 % du coût d'un mouvement de transport en lots brisés et en charge complète.

L'administration des lois ou règlements doit toujours faire l'objet également d'une attention particulière de la part du gouvernement. Nous ne le dirons jamais assez. Trop souvent on oublie ou on ne tient pas sufisamment compte de cette dimension, ce qui entraîne des conséquences incalculables pour ceux et celles qui sont assujettis à ces obligations. Dans plusieurs cas, le fardeau administratif qu'implique la conformité aux décisions gouvernementales est considérable et se reflète dans les coûts d'exploitation des entreprises. Il est donc essentiel qu'au moment de promulguer une loi ou un règlement le gouvernement soit toujours conscient de la complexité de son administration et des coûts qui y sont reliés.

Le premier septembre 1991, le ministère du Revenu du Québec a abandonné sa politique relativement aux sous-transporteurs dans le dossier de l'application de la Loi concernant la taxe sur les carburants. Cette politique consistait à autoriser, à certaines conditions, un transporteur à produire les rapports au nom des sous-transporteurs sous sa responsabilité, à payer les taxes dues et à obtenir les remboursements prévus par la loi. Depuis cette date, ces obligations reviennent donc à chaque sous-transporteur. Il s'agit d'une décision qui a créé des problèmes considérables aux transporteurs du Québec, du Canada et des États-Unis, puisque seul le Québec a adopté cette politique, donnant ainsi lieu à une situation unique en Amérique du Nord.

Qui plus est, le 1er août 1992, à la suite des pressions exercées par le gouvernement des États-Unis, le gouvernement a décidé de ne plus appliquer cette politique dans le cas des transporteurs américains ayant des contrats de plus de 30 jours avec les sous-transporteurs. Dans les faits, seuls les transporteurs québécois et canadiens y sont soumis dans leurs rapports avec le ministère du Revenu du Québec. Cela oblige donc maintenant les transporteurs à produire deux types de rapport de carburant et leur complique énormément l'administration de la loi. Or, dans le contexte de libre-échange où nous nous trouvons actuellement, nous croyons que le ministère du Revenu du Québec a te devoir d'harmoniser les règles de production des rapports pour tous les transporteurs. C'est d'ailleurs dans cette perspective qu'à compter du 1er janvier 1996 tous les États américains vont partager un guichet unique sous l'égide de l'IFTA, l'International Fuel Tax Agreement. Déjà une province canadienne, l'Alberta, a décidé d'adhérer à cette organisation et une autre, l'Ontario, est sur le point d'en faire autant.

L'Association du camionnage considère extrêmement important que le Québec harmonise ses règles avec les autres administrations de l'Amérique du Nord en vertu du principe de l'équité fiscale et de la concurrence. Dans ces conditions, après avoir étudié toutes les options en présence, elle demande au gouvernement: 1° de prendre les dispositions nécessaires afin d'adhérer à l'International Fuel Tax Agreement au plus tard le 1er janvier 1996. Cela permettra aux transporteurs de produire ainsi un seul et unique rapport; 2° de permettre entre-temps aux transporteurs de produire les rapports aux noms des sous-transporteurs sous leur responsabilité en vertu d'un contrat d'exclusivité de plus de 30 jours. Une telle disposition aurait pour effet d'harmoniser la politique du ministère du Revenu du Québec avec les exigences administratives des autres provinces canadiennes et des États américains. La politique en vigueur depuis le 1er septembre ne s'appliquerait qu'aux sous-traitants non liés en exclusivité à un transporteur principal; 3° de vendre la vignette que les transporteurs et sous-traitants doivent obligatoirement apposer sur chaque véhicule, attestant leur enregistrement en vertu de la loi. Ce document est vendu par le gouvernement américain, ce qui réduit considérablement la flexibilité de la flotte de véhicules pour le transport dans d'autres juridictions et limite l'offre de transport. Une telle disposition chez nous aurait l'avantage également de générer des fonds pour le Trésor québécois. Par exemple, nous savons qu'en 1992 il s'est émis 180 000 vignettes. En fait, il s'est donné littéralement 180 000 vignettes. Or, on sait que ces vignettes coûtent, si on les achète aux États-Unis, entre 10 $ et 15 $, ce qui veut dire que, si les vignettes étaient vendues à un prix de 10 $ pièce, le Trésor québécois se serait vu enrichi de 1 800 000 $. Nous croyons que ces mesures s'inscrivent dans un cadre de saine gestion et de la simplification recherchée des procédures administratives. (12 h 20)

L'immatriculation. Il existe une différence fondamentale entre les systèmes fiscaux américains et québécois. Pour la majorité des entreprises, notamment dans le secteur manufacturier, cela ne pose aucun problème, si ce n'est quelques difficultés marginales à caractère très ponctuel. Quant aux transporteurs routiers, ils parcourent chaque jour des centaines de kilomètres à destination et en provenance des États-Unis.

Le système de taxation en vigueur aux États-Unis, dans le domaine du transport, est basé sur l'utilisation des infrastructures routières plutôt que sur le domicile des entreprises. C'est

absolument l'inverse au Québec, où tout le poids des besoins financiers du gouvernement repose sur l'imposition des droits d'immatriculation sans aucune forme de taxation à l'utilisateur des routes.

Dans le but de faciliter les mouvements des véhicules assujettis aux différentes juridictions, le Québec a conclu avec ses voisins des accords de réciprocité en matière d'immatriculation. Toutefois, si une telle initiative est extrêmement bénéfique dans le cas des véhicules de promenade, il n'en est pas de même pour les véhicules commerciaux. L'effet combiné de ces accords et la structure particulière du système américain engendrent un déséquilibre fiscal entre les transporteurs des États-Unis et ceux du Québec.

Voici, de façon détaillée, comment s'explique ce phénomène. Le Québec comble ses besoins financiers en transport au moyen de l'immatriculation. Les Américains ne tirent qu'une partie de leurs ressources des droits d'immatriculation, mais obtiennent le reste par le biais des frais imposés aux utilisateurs du réseau routier. Dans ces conditions, les Québécois qui circulent aux États-Unis doivent acquitter des taxes et des droits qui ne sont pas inclus dans les accords de réciprocité sur l'immatriculation.

Par contre, en vertu de ces mêmes accords, et compte tenu de la particularité de notre système de taxation, les Américains qui viennent au Québec n'ont rien à débourser, si ce n'est la taxe sur le carburant. Par exemple, ici même, le coût d'une plaque d'immatriculation pour un véhicule de six essieux est de 2836 $ canadiens, alors qu'il en est en moyenne de 1145 $ aux États-Unis. Par ailleurs, la vignette obligatoire attestant le paiement de la taxe sur le carburant est distribuée gratuitement, alors qu'il en coûte de 5 $ à 25 $ US pour l'obtenir dans les différents États américains.

Par conséquent, les transporteurs des États-Unis sont doublement avantagés sur le plan concurrentiel et ils en profitent largement. Depuis 1988, ils se sont installés à demeure dans le marché québécois tandis que nos entreprises n'ont cessé, durant la même période, de perdre du terrain sur le marché américain.

Une analyse comparative des droits payables par les transporteurs routiers américains et québécois est révélatrice du fossé qui sépare les deux groupes de contribuables. Elle démontre que, même en vertu des accords de réciprocité, un transporteur québécois peut débourser au minimum 527,50 $ US de plus par véhicule pour effectuer des opérations dans la région du nord-est des États-Unis. Cela, sans compter les taxes supplémentaires payables en vertu des kilomètres ou milles parcourus.

Afin de bien illustrer la situation, nous avons préparé un tableau qui démontre l'impact combiné des diverses taxes et autres droits de circulation imposés par les États-Unis sur les coûts d'opération d'un transporteur québécois voyageant dans l'État de New York, en janvier 1993, et d'un transporteur américain parcourant le Québec. Pour ce faire, nous avons pris comme base, dans le premier cas, une distance parcourue de 10 000 milles pour une consommation de 5,5 milles au gallon, soit un total de 1818,8 gallons, et l'équivalent dans le cas de l'Américain, c'est-à-dire une distance de 16 000 km pour une consommation de 1,95 km au litre, soit un total 8205,13 litres.

Le tableau que vous avez à notre mémoire vous indique qu'on peut facilement constater que les transporteurs québécois voyageant aux États-Unis se voient imposer des frais supérieurs de 83 % à ceux de leurs concurrents américains. Cette variation s'estompe en fonction de l'augmentation de la distance parcourue. Le même calcul à 50 000 milles représente une différence de 33,4 %. Il s'agit quand même d'un écart négatif très substantiel. Si l'on ajoute à cela le coût de la plaque imposé aux Québécois, mais dont sont exempts les Américains, le rapport négatif de deux pour un avantage clairement les Américains. Dans l'exemple qu'on vous a montré, les coûts totaux pour un transporteur québécois se chiffrent à 4729 $, alors que le transporteur américain qui parcourt le même nombre de kilomètres sur le territoire québécois se voit payer 2178 $.

Face à cette réalité, l'Association du camionnage du Québec demande au gouvernement de redéfinir la structure de tarification et de modifier les droits d'immatriculation de façon à ce que le système de taxation du Québec soit également applicable dans le cas des Américains et garantisse ainsi l'équité entre tous les transporteurs circulant au Québec. Le contexte de l'Accord de libre-échange permettra d'atteindre cet objectif avec toute la justification appropriée. La «continentalisation» de l'économie impose aux États signataires des ajustements structurels et fiscaux qui leur permettent de sauvegarder l'équité concurrentielle sur leur marché respectif.

Par conséquent, notre proposition est à l'effet que le système des droits payables au Québec soit modifié en fonction de celui en vigueur aux États-Unis. Ainsi, les 2836 $ d'immatriculation pourraient être restructurés de façon à ce que la Société de l'assurance automobile du Québec perçoive annuellement les mêmes sommes de la part des transporteurs québécois, ce qui n'aurait évidemment aucun effet négatif sur l'équilibre des finances publiques, mais, par contre, le gouvernement bénéficierait ainsi, en toute équité, de revenus supplémentaires provenant des Américains circulant sur notre territoire, dont nous estimons que les sommes pourraient se situer entre 30 000 000 $ et 50 000 000 $ de revenus additionnels par année.

Le financement des infrastructures routières. S'il est un sujet qu'il vaut la peine d'examiner attentivement, c'est bien le financement

des infrastructures routières. Jamais nous ne réfuterons assez énergiquement les mythes dont il fait l'objet et qui entretiennent l'équivoque dans l'esprit des gens. Disons tout d'abord que les camionneurs qui respectent les normes fixées par le ministère des Transports en matière de masse et dimension des véhicules de transport n'ont aucune responsabilité quant à la détérioration des routes. Le réseau routier est conçu, en toute logique, pour supporter facilement les charges prescrites par les ingénieurs de la voirie. Le problème vient du fait de transporteurs illégaux qui surchargent leur véhicule.

À ce chapitre, nous tenons à rappeler aux membres de cette commission le combat acharné qu'a livré l'Association du camionnage du Québec pour obtenir la création d'un corps spécialisé de contrôleurs routiers en vue de mettre un terme à ces abus. C'est en effet notre association qui a été à l'origine de l'adoption de la loi 108, en décembre 1991, par laquelle le gouvernement a confié la responsabilité de ce corps d'intervention à la Société de l'assurance automobile du Québec.

En 1991, les utilisateurs du réseau routier ont déboursé 2 308 000 000 $ en permis de conduire, droits d'immatriculation et taxe sur le carburant, alors que le ministère des Transports du Québec allouait 1 019 000 000 $ à la construction et l'entretien du réseau routier.

Le Président (M. Camden): M. Leclerc, je vais vous inviter à conclure, s'il vous plaît, brièvement.

M. Leclerc (Serge): Bon. Alors, M. le Président, je pense que le but principal de notre intervention a été couvert. C'est principalement au niveau de la restructuration de l'immatriculation, comme je l'ai souligné, qu'il est nécessaire d'apporter un équilibre et une équité au niveau de tous les utilisateurs de routes commerciaux du Québec, ce qui, par le fait même, pourrait générer au Trésor québécois des sommes de 30 000 000 $à50 000 000 $.

Alors, le reste du document peut être consulté par les membes de la commission, et nous sommes à la disposition des membres pour répondre à toute question que vous pourriez avoir sur le mémoire.

Le Président (M. Camden): Je vous remercie de la présentation, M. Leclerc. (12 h 30)

Je pense que le ministre du Revenu souhaite vous adresser des commentaires et des questions.

M. le ministre du Revenu.

M. Savoie: Merci, M. le Président. Je veux tout d'abord saluer les gens de l'Association du camionnage du Québec, M. Leclerc en particulier, qui nous a présenté ce mémoire. J'ai lu le mémoire avec beaucoup d'intérêt. C'est rare qu'on a un mémoire qui nous indique où on peut aller chercher des taxes additionnelles. Je pense, je ne suis pas sûr, mais je crois que c'est le premier de ce genre où on énumère une quinzaine de points, 17 points pour être exact, où on peut effectivement aller chercher des taxes additionnelles, non pas dans la cour du voisin, mais dans sa propre cour. Évidemment, ce n'est pas gratuit comme suggestion, parce qu'il doit effectivement y avoir compensation, et je pense que ça fait quand même partie du jeu. C'est quand même louable.

Il y a évidemment des éléments là-dedans que nous recevons très favorablement. On a déjà eu l'occasion d'échanger sur certains des points, et je peux vous dire que, actuellement, on a plusieurs éléments sous étude au ministère et sur lesquels on devrait vous répondre favorablement. Sauf embûches et arrimages avec d'autres ministères, je pense que la décision reste encore à venir, mais on voit ça d'un oeil très favorable, qu'on parle d'adhérer à l'International Fuel Tax Agreement du 1er janvier. Je pense que, ça aussi, on devrait être en mesure de vous répondre à brève échéance là-dessus. Il n'y a pas de doute.

Également, de permettre entre-temps aux transporteurs de produire les rapports au nom des sous-transporteurs, ça a fait l'objet de plusieurs interventions de votre part et également de la deputation, je peux vous l'assurer, et qui demande également une ouverture pour cette mesure-là qui s'applique depuis le 1er septembre. Ensuite, de prendre la vignette que les transporteurs et les sous-traitants doivent obligatoirement apposer sur chaque véhicule attestant de leur enregistrement, là, je pense qu'il y a également des éléments, là, les 25 $ pour l'achat d'une vignette de circulation au Québec.

Tout ça, c'est un ensemble de mesures, M. le Président, justement dans le but, finalement, de mettre l'ensemble du secteur du camionnage au Québec sur un pied d'égalité avec non seulement les autres provinces, parce que je pense qu'il y a quand même une relative concurrence viable, mais surtout avec les États-Unis, parce qu'on sait qu'avec, évidemment, les tendances nord-américaines, on doit nécessairement chercher à établir un équilibre des plus souhaités.

Il y a des éléments, toutefois, qui font difficulté au niveau du financement public. Je pense qu'ils en sont pleinement conscients. Il y a des endroits où on soulève, par exemple, des éléments avec lesquels on a certaines difficultés. On parle, par exemple, des 325 $, la taxe que vous proposez pour les véhicules lourds. On dit que ça présente certaines difficultés. Le maintien, évidemment, de cette taxe pourrait difficilement, pour des raisons d'équité, s'appliquer sans distinction de la distance parcourue au Québec. Et, vous, au lieu d'y aller sur une distance parcourue, vous dites: On va y aller avec une taxe franche. Ça me ferait plaisir de vous entendre de nouveau là-dessus, des explica

tions peut-être un petit peu plus précises pour les gens évidemment de chez nous.

Dans un deuxième temps, de quelle façon l'Association voit-elle une réduction au niveau du coût de l'essence? Dans le sens qu'on sait que 0,19 $ c'est beaucoup, c'est ce qu'il y a de plus élevé en Amérique du Nord, vous l'avez souligné à quelques reprises. Mais cette compensation, au niveau des 0,19 $, vous pensez que ça va être équitable et que ça va être accepté par l'ensemble de vos membres sur une période peut-être de cinq, sept, huit ans? Une réduction de quelques sous au niveau du litre vis-à-vis d'une augmentation des taxes fixe, indépendamment du taux d'utilisation, du taux de revenu, ça représente une difficulté.

M. Leclerc (Serge): Ce que l'on dit, c'est que c'est sûr que la restructuration de l'immatriculation ne devrait pas coûter plus cher, et la formule devrait être trouvée de façon à ce que ça ne coûte pas plus cher aux Québécois, mais que le transporteur québécois, en bout de ligne, paie les mêmes montants. Mais, la façon dont la structure serait faite, ta formule reste à trouver. Évidemment, nous, on a proposé une approche. Elle n'est pas parfaite, il y a des tests à être faits. Mais ce qu'on dit, c'est qu'elle devrait être faite de façon à ce que les gens qui viennent de l'extérieur du Québec, qui se servent de nos routes, paient eux aussi pour l'utilisation de ces routes-là de la même façon que, nous, quand nous allons aux États-Unis, nous payons pour l'utilisation de leurs routes.

Alors, est-ce qu'il faut copier intégralement ce que les Américains font dans leurs États respectifs ou est-ce qu'il faut peut-être l'adapter à notre réalité? Je pense qu'il faut partir avec ce que, nous, on paie et qu'il faut restructurer de façon à ce que tout le monde paie la même chose. En fait, c'est ça, l'objectif. Et ce qu'on dit, c'est que, actuellement, à cause des ententes de réciprocité, la base de l'entente de réciprocité, c'est l'immatriculation. Pour l'Américain, l'immatriculation, on dit que c'est 1100 $, alors que, nous, on retrouve tout dans l'immatriculation. Aussitôt que tu as payé ta plaque, tu as payé toutes tes taxes, alors que l'Américain, lui, a une taxe pour l'immatriculation... En fait, il a l'immatriculation, mais il y a une série d'autres taxes qui est basée sur l'utilisation ou, enfin, sur certains critères qu'on vous a donnés dans le tableau, là, que ce soit des taxes ou des autocollants, que ce soit aussi des taxes additionnelles. Bon. Alors, ce qu'on dit, c'est qu'il faut repenser tout ça, parce que, lui, lorsqu'il vient ici, il utilise notre réseau routier gratuitement. Je pense que, si on se place du point de vue du gouvernement, ce n'est pas équitable et, si on se place du point de vue du transporteur, ce n'est pas plus équitable, parce qu'il y a un avantage évident, concurrentiel par rapport aux gens qui demeurent au Québec.

M. Bréard (Raymond): Je voudrais ajouter, M. le ministre, qu'il y a quand même un historique qu'il faut garder en mémoire. C'est que, au fil des années, quand la Société d'assurance automobile calculait le prix de l'immatriculation, il y avait une décomposition du montant qui était un montant de 350 $ pour la Commission des transports et un autre montant qui faisait 2800 $. Au fil des années, les décompositions sont tombées, mais le chiffre au bout de la ligne n'est jamais tombé, lui. Alors, on se ramasse aujourd'hui avec un montant d'immatriculation, mais qui était auparavant toutes sortes de montants perçus par le gouvernement pour d'autres raisons.

Si on prend, par exemple, deux éléments de notre proposition, il y a la taxe de 350 $, taxe d'utilisation des véhicules lourds, 325 $. Les Américains nous chargent 412,50 $ à chaque fois qu'on utilise un camion qui parcourt plus de 5000 milles aux États-Unis. Alors, qu'est-ce qu'il y a de gênant là-dedans au Québec de dire aux Américains: Vous nous chargez 412,50 $ quand on parcourt plus de 5000 milles chez vous. Il n'y a pas de problème. On va vous charger 325 $ quand vous parcourrez plus de 5000 milles chez nous. Moi, je ne vois pas ce qu'il y a de gênant là-dedans. Je ne suis pas gêné du tout d'ailleurs.

Deuxièmement, quand on parie des permis de la Commission des transports, 500 $, ça donne un gros chiffre, mais, quand on paie des permis entre 5 $ et 25 $ par État puis qu'on couvre 20 États, si vous payez 15 $ de permis fois 20 États... Les Américains, ils ne nous font pas boire le gallon d'eau d'une «shot», ils nous le font boire au verre, mais ça équivaut à la même chose, parce qu'on est obligé de payer, dans chaque État, 15 $, 10 $, 5 $, 15 $. 10 $, 5 $, ce qui fait que, si tu opères dans 20 États, tu paies à peu près les mêmes montants. Alors, notre proposition, c'est une question d'équité et de revenus supplémentaires, parce que, nous, on les paie quand on y va. Je peux vous dire qu'il n'y a pas beaucoup de camions canadiens qui circulent aux États-Unis s'il n'ont pas tout acquitté leurs droits avant de traverser la frontière, ce qui n'est pas nécessairement le cas à l'inverse.

Le Président (M. Camden): M. le député de Labelle.

M. Léonard: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à l'Association du camionnage et merci de votre mémoire, qui est d'une très grande clarté. Je viens d'entendre le ministre du Revenu qui frétille déjà à l'idée d'imposer des taxes additionnelles ici et là. Je le voyais tout heureux. Malheureusement, je ne suis pas sûr qu'il a compris ce dont il s'agit, parce que, au fond, vous vivez avec quelques années d'avance l'impact du libre-échange ici, au Québec. Vous le vivez maintenant. Vous traversez la frontière tous les jours et vous faites face aux deux systèmes, et on voit très bien les problèmes et

les questions qui se posent à l'occasion de ça. (12 h 40)

Je dois faire une remarque générale, en partant, que j'ai déjà faite, mais qui a encore plus d'acuité en ce qui vous concerne. Le fait de l'ouverture des frontières amène à uniformiser, en quelque sorte, les systèmes de fiscalité. Vous le vivez, mais il faut voir que les décisions qui ont été prises sur la réforme fiscale en 1988-1989 ont conduit plutôt à creuser un fossé beaucoup plus grand qu'auparavant entre la taxation et la tarification au Québec et celle qu'il y a aux États-Unis, alors qu'en signant le libre-échange il aurait fallu faire exactement l'inverse: ramener les deux systèmes de tarification-taxation concurrentiels et plutôt trouver des différences sur le plan de l'impôt sur le revenu. On a fait exactement l'inverse. Donc, on a fait, en quelque sorte, une réforme de la fiscalité à contretemps, au moment où on s'enfonçait dans la récession, puis une réforme de la fiscalité à contre-courant, alors qu'il aurait fallu différencier les systèmes d'impôt sur le revenu, compte tenu des services, par exemple, des services publics qu'on va se payer en terme de santé, donc à partir de l'impôt sur le revenu, mais uniformiser sur le plan de la taxation-tarification. On a fait exactement l'inverse au mauvais moment; une réforme à contretemps, à contre-courant.

Alors, ceci m'a amené à examiner très attentivement votre tableau sur la fiscalité que vous proposiez entre les États-Unis, la différence de concurrence qu'il y a entre les taxes qu'il y a aux États-Unis et au Québec, et c'est à la page 13 de votre document. La question que je me pose, c'est: Jusqu'à quel point peut-on rendre ces systèmes-là vraiment plus semblables, en tout cas prendre ces moyens pour les rendre concurrentiels de sorte que nos camionneurs ne soient pas défavorisés?

Parce qu'il y a eu aussi un autre facteur qu'il faut mettre quand même en lumière, si on examine votre situation. C'est que, par le fait de la déréglementation dans le transport, qui a commencé d'ailleurs avant aux États-Unis qu'au Canada et au Québec, les Américains avaient consolidé, intégré et ramené leurs grandes entreprises de transport au nombre de cinq, à l'époque, et puis il était resté des petits transporteurs, alors que le mouvement ici s'est amorcé beaucoup plus tard, au Canada. Cela a aussi impliqué des problèmes. Alors, en termes concurrentiels, quand vous dites qu'aux États-Unis il y a une taxe routière, dans quelle mesure on peut, nous, l'imposer? Il y a des autocollants de la douane. Est-ce qu'on pourrait effectivement changer notre système de fond en comble pour s'aligner directement sur celui des Américains?

M. Leclerc (Serge): II n'y a pas de raison pourquoi on ne pourrait pas. La structure actuelle qu'on a, c'est une structure qui relève d'une période réglementaire.

M. Léonard: Oui, exactement.

M. Leclerc (Serge): C'était en place avant la réglementation, ça. Quand vous avez déréglementé le transport, là, vous nous avez placés dans une position où vous avez dit: II n'y en a plus de réglementation pour les transporteurs. Là, il a fallu se battre pour avoir du contrôle routier, parce qu'on nous avait dit, à l'époque: On va vous mettre le contrôle routier en place, puis, après ça, on va vous déréglementer. Ce qui est arrivé, c'est l'inverse. C'est qu'on nous a déréglementés, ensuite on nous a mis le contrôle routier. On commence à en avoir un peu, là, et ça fait des années et des années qu'on met de la pression pour en avoir. Bon. Mais, on n'a pas touché à la fiscalité du tout. Puis, il faut bien être conscient qu'au niveau des coûts, ça, c'est une partie.

M. Léonard: Oui, bien, je reviendrai après sur le coût de la masse salariale, parce qu'il y a des éléments majeurs là-dedans aussi.

M. Leclerc (Serge): C'est ça. Ça, c'est une partie. Mais ce qu'on dit, c'est que la déréglementation devrait être continuée au niveau des finances, parce que, là, comme on est déréglementé, tout le monde va partout, comme il veut. Alors, les Américains viennent ici, nous, on va aux États-Unis, on va dans le reste du Canada, le reste du Canada vient ici. Ce n'est plus réglementé, là. Alors, ce qu'on a comme système actuellement en place, c'est un vieux système. Ça ne colle plus à la réalité et ça fait de l'injustice. Et c'est nous qui sommes les victimes de cette injustice-là. Ça aurait pu être l'inverse, mais on le constate aujourd'hui, parce qu'on le vit à tous les jours; on voit des entreprises qui avaient des centaines d'employés qui tous les jours traversaient les frontières et, aujourd'hui, il n'y en a plus. Je peux vous citer des exemples. C'est qu'on a perdu énormément de terrain par rapport aux Américains sur le transport nord-sud. Ça, c'est une réalité. D'ailleurs, on a les statistiques, que vous pouvez consulter n'importe quand.

Alors, ce qu'on dit, c'est qu'il faut repenser et qu'il faut s'assurer que les formules qui seront adoptées seront des formules équitables. Comme les Américains sont déjà installés et ont déjà pris une approche qui est fixe au plus bas niveau, c'est-à-dire l'immatriculation est à 1000 $, 1100 $, et tout le reste est variable selon l'utilisation, nous, on n'a pas le choix, si on veut enlever cette injustice-là et ramener ça sur une base équitable, il faut qu'on repense le système en fonction de ça. On suit, en fin de compte, le mouvement américain. Je veux dire, ils se sont déréglementés avant nous. Ils se sont réorganisés fiscalement parlant, et, nous, il faut qu'on continue le processus. Et c'est ça qu'on vient dire à

votre commission. C'est qu'on vit dans des structures archaïques, si on veut, là, d'avant-déréglementation, au niveau de la fiscalité, sur nos routes, et tout le monde en souffre. Les Québécois en souffrent comme transporteurs et le Trésor québécois en souffre aussi.

M. Léonard: Ce que vous proposez, là... L'alignement vers les Américains, ça implique toute une série de taxes dont le total devrait faire moins que maintenant, mais c'est toute une série de taxes. Il y en a deux types, ou trois, en gros: une qui porte sur le carburant, une qui porte sur l'utilisation des routes, puis là, aux États-Unis, ça revient à parler du péage sur les autoroutes, parce que c'est ça qui se passe, et, ensuite, des droits, permis, immatriculation, etc., perçus par le gouvernement. Ça commence à faire beaucoup de taxes, là.

M. Bréard: Le principe...

M. Léonard: À quel moment vous pourriez percevoir de telles taxes sur un camion américain qui viendrait ici? C'est ça, là.

M. Bréard: Bien...

M. Léonard: Quel endroit? Quel moment?

M. Bréard: Le principe directeur, c'est que notre objectif, c'est de ne pas réduire notre contribution au Trésor québécois. On paie déjà 2836 $ par véhicule. On est prêt à payer le même montant, distribué différemment.

M. Léonard: Oui. Alors, je vous comprends bien. Le camionneur américain devrait payer sa part comme le camionneur québécois. C'est ça.

M. Bréard: C'est ça. Donc, de la même manière que le système fiscal américain perçoit ses droits à la douane. Si vous n'avez pas vos autocollants et que vous ne faites pas la preuve que vous êtes en règle et que vous avez payé vos droits, vous n'entrez pas sur le territoire. C'est aussi simple que ça. Pourquoi on ne le fait pas? C'est la même chose que quand on va aux États-Unis et qu'on réduit notre vitesse parce qu'on sait que, là-bas, ils sont plus sévères que notre propre police. C'est la même chose.

M. Léonard: Vous réduisez vos charges aussi un peu?

M. Bréard: Oui. C'est limité à 80 000 livres par véhicule. Ça, c'est une règle à la grandeur des États-Unis, sauf sur des permis spéciaux. Mais, nous autres, on dit que, si on respecte les charges prescrites par les ingénieurs de la voirie, on n'a pas de problème, et le contrôle routier devrait faire le reste pour s'assurer que tout le monde soit équitable et concurrentiel. Mais le système fiscal américain, il est simple: Vous payez vos droits, vous devez vous-même vous assurer d'avoir payé vos droits au ministère approprié et vous recevez par là votre autocollant. Vous devez l'afficher. Si vous ne l'avez pas, vous n'entrez pas. C'est la même chose qu'on devrait faire au Québec. Le poste frontière devrait être hermétique. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que le ministre des Transports se fait demander un poste de contrôle routier permanent aux frontières. On n'en a pas, et c'est un problème qu'on a déjà soulevé, d'ailleurs.

M. Léonard: Je pense que ça, ça fait partie des préparatifs qu'on aurait dû prendre rapidement en fonction de l'application du libre-échange. On en a un exemple.

J'ai un autre élément, là, que vous soulignez. Vous dites que, dans le domaine du transport par camion, plus de 50 % des coûts d'exploitation sont des salaires. Et vous faites état que les avantages sociaux sont sensiblement plus élevés ici qu'ils ne le sont dans l'État de New York, en particulier. Donc, j'imagine que ça doit être la même chose pour le reste des États-Unis. Et vous posez d'ailleurs la question du Mexique qui va intervenir. Il y a une question que je me pose, très précise, celle-là. Vous parlez des coûts du régime de santé et de sécurité du travail, des coûts de la CSST, par rapport aux coûts de la Société d'assurance automobile du Québec. Comment se fait-il que les coûts de la CSST soient aussi élevés pour des conducteurs de camion, par exemple, qui sont, eux, assurés par la Société d'assurance automobile du Québec? Est-ce que les accidents... Il y en a, évidemment, des accidents de travail, mais est-ce que les accidents qu'on distingue sont aussi nombreux par rapport à ceux qui surviennent dus au hasard de la route?

M. Bréard: Ce sont des problèmes qu'on a soulevés depuis longtemps, sauf que, quand on a fini par lister tout ce qu'on devait demander au gouvernement, on s'est dit qu'on pouvait en laisser tomber au moins quelques-uns pour le moment, parce que, à en trop demander, on finit par ne plus savoir ce qu'on a demandé. C'est effectivement un problème majeur qu'il y a entre l'«assurabilité» des conducteurs à la CSST et le fait que les accidents surviennent sur la route, donc aussi assurés par le permis de conduire que la SAAQ perçoit. Mais... (12 h 50)

M. Léonard: Vous payez, vous payez des deux côtés, c'est ça que vous...

M. Bréard: On paie des deux côtés, mais on s'est dit que... On a déjà soulevé la question au gouvernement, on l'a déjà rappelée, sauf que l'acuité des problèmes, en ce qui concernait la taxe sur le carburant et l'immatriculation, était

devenue plus prioritaire que cette question-là. Mais on l'a toujours gardée en réserve pour être capables de, un jour, régler ce dossier-là. C'est un véritable problème qu'il faut régler, effectivement. Le conducteur est assuré dans les deux côtés.

M. Léonard: Vous êtes en...

M. Bréard: Et à quel endroit est-ce qu'il se fait indemniser?

M. Léonard: Vous êtes en train de dire que vous avez contribué à une bonne partie des 300 000 000 $ que le gouvernement est allé piger à la Société de l'assurance automobile du Québec.

M. Bréard: Ah bien, on y a contribué, y compris par les plaques, y compris par l'assurance, effectivement. C'est un problème à résoudre, mais on ne l'a pas inclus dans le mémoire spécifiquement parce qu'on ne voulait pas noyer l'ensemble des demandes. Mais on doit absolument, un jour, éventuellement, régler ce problème-là.

M. Léonard: Juste une dernière question. Je reviens au financement des infrastructures routières. Quand vous dites qu'il pourrait y avoir un poste à l'entrée, au Québec, par lequel on imposerait certains droits et tarifs aux camionneurs américains qui entreraient au Québec, comme il se fait à l'inverse, est-ce que cela compenserait pour l'utilisation des infrastructures routières en même temps? Parce que vous ne savez pas, à ce moment-là, quelle distance un camionneur américain va faire sur le territoire du Québec. Aux États-Unis, ce sont des péages.

M. Leclerc (Serge): Non, non. C'est qu'on...

M. Léonard: O.K.

M. Leclerc (Serge): ...est obligés de...

M. Léonard: Je veux vous entendre là-dessus.

M. Leclerc (Serge): On est obligés de déclarer, comme transporteur... Le transporteur québécois qui va aux États-Unis est obligé...

M. Léonard: À partir de votre manifeste de transport?

M. Leclerc (Serge): ...de déclarer, oui, le millage ou le kilométrage parcouru aux États-Unis, et, effectivement, il y a des inspections en maison. Les Américains viennent inspecter nos livres et, s'ils trouvent qu'on n'a pas payé ce qu'on devrait payer où on devrait le payer, on est en difficulté. Alors, c'est supporté par des inspections périodiques dans nos entreprises.

M. Bréard: C'est fait par le biais du rapport sur le carburant, qui est obligatoire. Pour circuler aux États-Unis, vous devez être enregistré avec la vignette sur le carburant et vous devez faire vos rapports. Donc, eux autres évaluent aussi le nombre de kilomètres parcourus déclarés par le transporteur. Mais, si vous n'en faites pas assez, de déclarations, vous pouvez être sujet à une inspection du DOT, et là ça coûte cher.

M. Leclerc (Serge): D'ailleurs, à cet effet-là, M. le député, on a fait une demande au ministère des Transports, il y a quelque temps, de déterminer des postes d'entrée des frontières au Québec, et il y en a plusieurs, évidemment, des possibilités d'accès.

M. Léonard: On a dit ce matin qu'il y en avait 147, là?

M. Leclerc (Serge): Bon. Alors, nous, je pense qu'on en a demandé 7.

M. Bréard: Au Québec, il y en a un peu moins, je pense. Il y en a...

M. Leclerc (Serge): II y en a un peu moins, mais...

M. Bréard: 34.

M. Leclerc (Serge): 34. On a demandé d'établir... Comme aux États-Unis, d'ailleurs, on ne peut pas entrer par toutes les routes. Les Québécois ne peuvent pas rentrer avec leurs camions dans n'importe quelle voie d'accès aux États-Unis.

M. Léonard: O.K.

M. Leclerc (Serge): On a des routes désignées qu'il faut prendre.

M. Léonard: O.K.

M. Leclerc (Serge): Alors, nous, ce qu'on a demandé au ministère des Transports, c'est d'établir la réciproque, c'est-à-dire de déterminer des voies d'accès, des portes d'entrée des États-Unis au Québec qui pourraient faire l'objet, justement, d'un contrôle frontalier au niveau de la mise en règle ou de l'état en règle des transporteurs américains venant sur le territoire canadien.

M. Léonard: M. le Président, je voudrais remercier l'Association du camionnage de ses suggestions et de nous faire prendre conscience de l'adaptation très rapide qu'il faut avoir par rapport au contexte du libre-échange. Je pense que ce qu'il y a derrière ça, c'est la création de beaucoup d'emplois, si la réforme était faite

correctement, correctement. C'est ça, je pense, le point majeur, parce que des postes... J'ai connu un temps où nos camionneurs allaient beaucoup aux États-Unis, et ce que vous nous dites ce matin, c'est que vous avez perdu beaucoup, beaucoup de terrain dans les dernières années. Alors, merci.

Le Président (M. Camden): M. le ministre des Finances.

M. Levesque: Alors, M. le Président, je veux réitérer les mots de bienvenue à l'Association du camionnage du Québec et féliciter tous ceux qui sont ici pour représenter cette Association, les féliciter de la qualité du mémoire que vous avez déposé ce matin. Vous avez sûrement apporté une contribution à l'étude qui est faite présentement du financement des services publics, de la fiscalité.

Évidemment, nous recherchons toujours une façon d'améliorer les choses quant aux questions fondamentales comme celle de l'équilibre que nous recherchons. Aussi, comment faire face à une situation difficile, comme celle que constitue l'endettement du Québec, l'endettement qui n'est pas commencé d'aujourd'hui, mais qui date de plusieurs années. Mais l'accumulation de tous ces déficits et particulièrement les déficits attribués au fait qu'on emprunte à long terme pour payer les dépenses courantes, tout cela, évidemment, est un problème auquel on doit faire face aujourd'hui, et qui est une des raisons d'être de la présente commission.

Plusieurs viennent nous voir pour nous demander d'autres choses, et je les comprends, mais ça ne règle pas tellement les problèmes auxquels on doit faire face. Tous les gens nous disent: II ne faut plus emprunter pour payer l'épicerie, comme on dit. Il ne faut plus endetter le Québec, c'est assez. Parce que vous savez, lorsqu'on a un déficit de 5 000 000 000 $, c'est clair que, l'année suivante, on a 500 000 000 $ de moins à distribuer en services parce que le service de la dette vient d'augmenter de 500 000 000 $, et ainsi de suite année après année, de sorte que la tarte, si vous voulez, des services diminue à chaque fois qu'on augmente le service de la dette. Et ça, c'est une réalité à laquelle on doit faire face.

Je vous rappelle ça parce que c'est un peu la mission de cette commission. Et, d'autre part, ceux qui sont venus et celles qui sont venues ici nous ont aussi dit que, oui, il faut cesser d'avoir des déficits comme ça et d'augmenter l'endettement, mais ne vous tournez pas vers les impôts et les taxes, nous en avons assez. Et, vous, vous dites la même chose en d'autres mots. Lorsque vous parlez d'immatriculation, lorsque vous parlez du prix du carburant, vous arrivez à peu près dans les mêmes conclusions: Nous ne voulons plus avoir d'augmentation de taxes qui augmentent les coûts de production, les coûts de fonctionnement de nos entreprises, etc. Donc, vous arrivez à la même conclusion que les autres.

Mais qu'est-ce qu'on fait, dans ce temps-là, pour régler nos problèmes? Il faut diminuer les dépenses. Je n'ai pas vu, évidemment, dans votre mémoire quelque chose ou quelque piste de solution du côté de la diminution des dépenses.

Ceci étant dit, ça ne change pas, absolument pas la qualité du mémoire, parce que vous avez abordé des sujets d'actualité pour vous et de survie de votre industrie, ce qui est extrêmement important dans l'économie du Québec. D'ailleurs, vous l'avez mentionné au tout début de vos remarques, même si ce n'est pas dans le mémoire, je ne sais pas, vous n'avez pas eu le temps de l'écrire, mais vous avez eu au moins la gentillesse de le dire, c'est que nous avons eu, dans les quelques semaines ou mois qui précèdent aujourd'hui, l'occasion de nous rencontrer, de faire une évaluation de la situation. C'est ce qui a amené, évidemment, ma déclaration ministérielle dès le premier jour de la reprise de la session, le 24 novembre dernier, de donner suite à ce que je vous avais dit en termes généraux, mais que je ne pouvais pas préciser. Je pense que c'a été une amélioration importante pour vous. J'en suis fort heureux.

Il reste aussi le fait que, pour revenir à ce même sujet, c'est vrai que vous avez... Même après la diminution que nous avons consentie sur le prix du diesel, sur la taxe sur le diesel, nous avons encore une situation qui n'est pas encore complètement réglée dans le sens d'avoir une taxe qui puisse être concurrentielle absolument avec tout ce qui vous entoure. Mais, cependant, lorsque l'on regarde la situation de 1983 à 1993 - et ça, je le dis simplement par respect de la vérité; on ne pensera pas que la situation a été inventée cette année ou l'année dernière - on s'aperçoit que, ailleurs, il y a eu des augmentations. (13 heures)

Prenons, par exemple, New York, où l'augmentation par litre a été de 0,091 $, entre 1983 et 1993. Durant la même période, le Maine, augmentation de 0,061 $; au Massachusetts, augmentation de 0,075 $; au Rhode Island, augmentation de 0,085 $; en Californie, augmentation de 0,066 $. La moyenne des États est de 0,065 $. Alors que la moyenne des autres provinces canadiennes, entre 1983 et 1993, a été une augmentation de 0,102 $, le Québec n'a augmenté que de 0,085 $. Donc, la situation que vous déplorez aujourd'hui, vous auriez pu la déplorer autant, sinon plus, en 1983. Ça ne règle rien.

M. Leclerc (Serge): On était réglementé en 1983.

M. Levesque: Vous étiez réglementés. Là, vous l'êtes moins. Tout de même, vous faites face à une concurrence différente, mais ça ne change pas le prix du diesel et la façon que ça a

été augmenté parmi tous vos voisins. Ça n'empêche pas non plus que vous désiriez une amélioration de ce côté-là. J'en ai pris note.

Quant à la demande de votre association touchant l'immatriculation, la proposition de l'Association, qui s'appliquerait aux propriétaires de camions de cinq et six essieux - c'est de ça que vous parlez - engendrerait pour nous, évidemment, une perte annuelle - parce qu'il y a toujours quelque chose: «Rien ne se perd, rien ne se crée», à dit Lavoisier, à un moment donné... Ça nous causerait une perte de revenus de 22 400 000 $ qui, nous dit-on, ne pourrait pas être compensée par l'assujettissement des camionneurs américains.

Peut-être que vous pourriez me renseigner là-dessus, mais on me dit que, en vertu des ententes bilatérales de réciprocité avec une quarantaine d'États américains, le Québec s'est engagé à ne pas imposer de droit d'immatriculation aux camionneurs en provenance de ces États, en autant que les camionneurs québécois puissent bénéficier d'un traitement similaire lorsqu'ils circulent dans ces mêmes États. La réduction des droits d'immatriculation des véhicules commerciaux et son remplacement par une taxe équivalente sur les véhicules lourds, est-ce que ça risquerait d'être interprété comme une dérogation aux ententes de réciprocité qui pourrait amener les 38 États américains à remettre en question les mêmes ententes?

Cette éventualité, si c'était le cas, causerait des préjudices énormes aux camionneurs québécois puisqu'elle pourrait les obliger à détenir un certificat d'immatriculation de chaque état américain où ils envisagent de circuler. Alors, c'est une question que je vous pose là-dessus. Vous pourriez peut-être me donner quelques commentaires.

Quant à l'introduction d'une taxe de 325 $ pour l'utilisation des véhicules lourds... Je ne me prononce pas là-dessus. Je vous pose des questions, mais je ne me prononce pas, parce qu'on va tout regarder votre mémoire en dehors de ce forum lorsque nous aurons à prendre des décisions. Cette introduction d'une taxe de 325 $, nous en avons fait une analyse au ministère et nous serions plutôt d'avis que l'instauration d'une telle taxe ne devrait pas être retenue pour la raison suivante, et d'autres raisons dans lesquelles je ne rentrerai pas, même si ce n'est pas une réponse définitive. Même si le Québec pouvait mettre en place la taxe proposée, il pourrait difficilement, pour des raisons d'équité, l'appliquer sans distinction de la distance parcourue au Québec. Et, à cet égard, le maintien d'une franchise de 8000 km en territoire québécois, comme c'est le cas de la taxe américaine, fera en sorte qu'une très faible quantité de camionneurs américains sera obligée de la payer à cause du fait qu'il y en a plusieurs, une grande partie pour qui c'est simplement la distance, disons, de Lacolle à Montréal. Alors, c'est là un autre point d'interrogation que nous avons.

Le Président (M. Camden): M. Lecierc, brièvement.

M. Lecierc (Serge): M. le ministre, nous, ce qu'on dit... D'abord, on n'a pas la même vision que vous avez, là, de notre intervention. Sans parler de la taxe sur le carburant, mais au niveau de l'immatriculation, on ne dit pas qu'on devrait bénéficier de réductions. Ce qu'on dit, nous, c'est qu'on paie la plaque d'immatriculation 2800 $ et quelques, alors que l'Américain, lui, paie 1100 $ en moyenne. Il y a un écart de 1700 $, là. Lui, son 1700 $, l'Américain, il le prend avec différentes taxes qui sont basées sur l'utilisation du réseau routier. Il paie, le transporteur américain, lorsqu'il utilise son réseau. Le vice de forme, c'est que, à cause des accords de réciprocité, il vient jouir au Québec d'une plaque réciproque, si on veut, il vient jouir de la plaque québécoise qui a coûté 2800 $ aux Québécois avec la sienne qui en a coûté 1100 $. Par contre, le Québécois, lui, le transporteur québécois, lorsqu'il a à aller sur son propre réseau, se voit imposé ces taxes additionnelles là à cause de la structure, mais il est obligé de la payer, la taxe, parce que l'Américain la paie.

Donc, ce qu'on dit, c'est qu'il faut repenser tout ce concept-là de plaque d'immatriculation qui comprend tout et peut-être la réduire, la plaque d'immatriculation, à 1200 $, 1400 $, mettez-la à 1500 $, et créer quelque chose qui va tenir compte des 1400 $ additionnels en une taxe ou en plusieurs taxes différentes basées sur l'utilisation des routes, un peu de la même façon que la structure tarifaire américaine ou, enfin, la structure américaine est organisée.

Et nous, ce qu'on dit, M. le ministre, et évidemment on n'a pas fait une recherche très exhaustive, mais ce qu'on voit dans ça, c'est qu'on dit, nous, qu'il y a 20 % de la flotte qui circule sur le territoire québécois qui est américaine. On a à peu près 100 000 véhicules au Québec. On dit qu'il y en a 20 000. Alors, ça peut être 30 000, ça peut être 40 000, on n'est pas sûr des chiffres. On sait, par contre, que vous avez donné des autocollants, des vignettes pour la taxe sur le carburant. Vous en avez distribué 180 000. Ça veut dire qu'il y en a probablement la moitié qui sont allées aux Américains. Il y a 2800 compagnies américaines qui se sont inscrites pour obtenir ces vignettes-là. Alors, si on pense qu'il y a peut-être 20 000 à 30 000 véhicules américains qui circulent au Québec, ça veut dire que, si vous allez chercher 1000 $ par véhicule sous une forme ou sous une autre, le gouvernement va aller chercher 20 000 000 $.

M. Levesque: Merci.

M. Lecierc (Serge): Et, nous, ça fait notre

affaire, parce que, sur le plan compétition, ça nous ramène au même niveau avec les Américains. La formule, M. le ministre, on ne l'a pas trouvée encore, mais on sait que vous avez des équipes qui peuvent se pencher sérieusement sur ce problème-là.

Le Président (M. Camden): Mme la députée de Taillon, s'il vous plaît.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de pouvoir échanger quelques instants avec vous, parce que notre temps est presque terminé. Je dirais, d'entrée de jeu, qu'il n'y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Alors, je pense que vous arrivez avec des propositions fort intéressantes pour, dans le fond, vous rendre plus compétitifs et rehausser le niveau d'emploi ici, au Québec, dans votre secteur d'activité, surtout quand vous nous dites que c'est 33 600 emplois directs au Québec. C'est ce que votre mémoire dit. Peut-être que le ministre des Finances devrait être sensible à vos propositions, qui ne vont pas nécessairement dans le sens d'une réduction, si j'ai bien compris votre mémoire, des taxes que vous avez à encourir, mais au moins que vous puissiez être en compétition avec ceux qui viennent vous compétitionner sur le territoire québécois, que sont les Américains. Je pense que rien n'empêche de le faire. Il s'agit d'avoir l'imagination pour le faire.

Cela étant dit, j'ai une brève question sur la formation de votre personnel. C'est intéressant, dans le fond, parce que, depuis quelques jours, il y a plusieurs groupes qui sont venus pour signifier le fait que le gouvernement avait un discours en matière de formation et d'éducation en général, en matière de formation professionnelle, mais que le geste ne suivait pas le discours. Et, d'ailleurs, c'est votre conclusion, si je ne m'abuse, la cohérence entre les gestes et le discours. Vous nous parlez du fait que le crédit d'impôt à la formation ne vous permettrait pas d'assurer de la formation dans votre milieu par un outil qui, chez vous, est différent, qui est l'Association, qui pourrait offrir de la formation. Vous faites référence aussi au fait que le gouvernement n'a pas réalisé un engagement, semble-t-il, d'institut de formation professionnelle. (13 h 10)

Dites-moi un peu, quelles sont les contraintes que vous rencontrez, comme association, pour rendre disponible de la formation professionnelle à votre personnel sans pouvoir bénéficier du support que pourrait vous donner l'État par le crédit d'impôt? Juste pour qu'on comprenne bien, là, ce à quoi vous êtes confrontés.

M. Bréard: La chose est simple. C'est qu'il y a une disposition dans le règlement qui dit que les associations n'ont pas droit au crédit d'impôt et ne peuvent pas le transmettre à celui qui vient prendre des cours. Le ministre des Finances est bien au courant, parce qu'on insiste, avec le Conseil du patronat, pour que les associations soient capables de dire: Voici, nous, on réunit les employeurs, parce qu'on est des employeurs. Et les employeurs se regroupent en associations pour, justement, évaluer les besoins de formation, donner une expertise technique et dire: Bon, on a besoin d'un cours en vente et marketing, mais dans le transport routier. On travaille avec des professionnels de la formation - parce que ce n'est pas nous qui allons le faire - on donne un sous-contrat et on engage un formateur.

Mais tout le travail de préparer le cours, de commercialiser le cours, de vendre le cours, qui se fait dans nos locaux, c'est nous qui devons chercher la contribution de l'employeur, c'est nous qui devons émettre la facture, c'est nous qui devons dire... C'est l'Association qui donne le cours. Mais, à cause de cette technical ité-là, l'employeur qui viendrait prendre un cours à l'Association du camionnage n'aurait pas droit au crédit d'impôt. Alors, il va sur le marché, il a un cours de 900 $, et ça va lui revenir à peu près à 300 $. Mais, par le fait qu'il vienne à son association prendre un cours qui a été conçu et destiné pour lui, il n'a pas droit.

Alors, ça neutralise tout le processus, parce que, nous, on ne peut pas engager de professionnels, parce qu'on dit aux professionnels: Bien, débrouillez-vous, faites des cours si vous voulez les donner, rejoignez les transporteurs si vous voulez le faire. Oui, mais, nous, on est bons pour donner de la pédagogie, mais on ne sait pas quoi, parce qu'on ne connaît pas votre secteur. Oui, mais l'Association n'est pas là nécessairement non plus... Alors, il faut que tout le monde ait son intérêt. Le seul fait que le gouvernement ne donne pas les crédits d'impôt aux associations et ne permette pas aux employeurs d'en bénéficier quand l'association fait le cours, ça neutralise tout le système.

On a un bon exemple, on donne un cours de vente et de marketing, parce qu'on a décidé qu'on n'attendrait pas le gouvernement. Bien, là, ça coûte le plein montant aux transporteurs routiers, alors qu'on est en compétition avec n'importe qui qui peut donner un cours de vente et de marketing en donnant le crédit d'impôt, puisque lui est accrédité. On ne comprend pas cette exclusion-là. On n'en voit aucune justification.

Mme Marois: O.K. Et vous n'auriez pas d'objection - c'est ce que je comprends à la lecture de votre mémoire - à avoir des ententes, par exemple, avec des institutions du réseau public qui viendraient, à travers vos demandes, vos attentes, distribuer ces cours-là, mais que vous puissiez être reconnus autrement que vous

ne l'êtes actuellement.

M. Bréard: Bien, c'est que nous devons être le...

Le Président (M. Camden): M. Bréard, s'il vous plaît.

M. Bréard: Oui. Quand on engage un professionnel, par exemple, il travaille pour l'Association et il donne un cours. Alors, ce n'est pas lui qui fait tout le travail de facturation, de commercialisation. Alors, il se dit: Faites le travail, donnez vos crédits d'impôt, il n'y a pas de problème; moi, je vais être payé. Que le gouvernement puisse s'assurer que la formation soit faite de qualité en nous obligeant à travailler avec des gens reconnus, on n'a pas de problème avec ça.

Mme Marois: D'accord.

M. Bréard: Mais on doit faire le travail. Ça ne peut pas être le fournisseur de formation qui le fait.

Mme Marois: Oui, je suis tout à fait d'accord avec vous. Merci.

Le Président (M. Camden): Alors, M. Leclerc, M. Bréard et les représentants de l'Association du camionnage du Québec, nous vous remercions de votre présentation.

Sur ce, nous suspendons nos travaux jusqu'à 14 heures cet après-midi, pour entendre le Groupement TVQ Outaouais.

M. Leclerc (Serge): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Camden): Alors, les travaux sont suspendus jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 14)

(Reprise à 14 h 7)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux pour entendre le Groupement TVQ Outaouais. Alors, comme le Groupement a déjà pris place à la table des témoins, j'inviterais la ou le porte-parole de ce groupe à bien vouloir, dans un premier temps, s'identifier et nous présenter les gens qui l'accompagnent.

Dans une seconde phase, permettez-moi de vous faire état de la procédure parlementaire. Nous disposons globalement, pour la présentation de votre mémoire, d'une heure, dont 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire; suivra un échange entre les deux formations politiques pour une durée globale de 40 minutes: 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour le groupe de l'Opposition officielle. Alors, nous sommes prêts à entendre la porte-parole ou le porte-parole de votre groupe.

Groupement TVQ Outaouais

Mme Leblanc (Nicole): Bonjour. Je suis Nicole Leblanc, coordonnatrice régionale du Groupement TVQ Outaouais. Je vous présente, à ma gauche, Marie-Nicole Bruyère, coordonnatrice provinciale du Groupement TVQ Outaouais; M. Jean-Jacques Vallières, conseiller en fiscalité; M. Louis-Serge Chénier, conseiller en politique; à ma droite, Denise Déziel, conseillère juridique, et M. Denis Tassé, président de la région Outaouais pour l'ADA, l'Association des détaillants en alimentation.

Le Président (M. Lemieux): Et vous êtes, madame?

Mme Leblanc: Je m'excuse, Nicole Leblanc - je pense que je l'avais dit - coordonnatrice régionale.

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous sommes prêts à entendre l'exposé de votre mémoire.

Mme Leblanc: O.K. Nous sommes ici aujourd'hui pour vous mentionner tout le marasme que vivent les détaillants, les commerçants, les professionnels, et ceci de façon assez importante. Nous avons noté, dans le protocole d'entente qu'il y a eu entre le Canada et le Québec pour l'harmonisation, plusieurs buts qui sont assez intéressants. Dans tout le document, nous allons vous mentionner des articles se rapportant à cette entente. Ces articles - je ne les lirai pas, je vais seulement nommer l'article - sont à l'annexe A du document que vous avez reçu. (14 h 10)

Dans cette entente, finalement, ça rejoint beaucoup les buts, également, du Groupement TVQ qui sont de minimiser les dédoublements, réduire les coûts, garantir l'intégralité, faciliter l'application, offrir un service, surtout offrir un service pour que ce soit administrable. Vous savez, les petites entreprises sont des gens multidisciplinaires qui ont beaucoup à faire et le fardeau administratif est venu s'ajouter à leurs tâches, et ce, en pensant qu'ils ont également une formation en fiscalité. Et puis je crois qu'on a surestimé les capacités des petites entreprises, étant donné que c'est assez complexe et que même les fonctionnaires et les comptables ont de la difficulté à s'y retrouver.

Vous savez que les petites entreprises sont les moins en mesure de s'adapter aux politiques et aux règles de plus en plus complexes qui se présentent, et de façon rapide, dans les nouvelles

lois fiscales qui changent assez rapidement.

On a pu voir qu'il y a trois sortes de complexités relevées d'après une étude américaine. Il y a la complexité d'observation, qui est le problème des contribuables à tenir les registres, les formulaires, à faire les calculs de façon adéquate, et ce, sans se tromper - vous savez comme moi que, même si on se trompe de toute bonne foi, on en entend parler, et sévèrement; la complexité de réaliser les transactions, c'est-à-dire d'organiser ses affaires pour pouvoir diminuer les impôts, mais toujours en respectant la loi, et la complexité des règles, c'est-à-dire de bien interpréter les règles écrites.

Par rapport à ces nombreuses complexités, nous vous apporterons plusieurs problèmes que nous avons soulevés et des solutions pouvant s'y rapporter. La complexité demeure le point majeur que les commerçants vivent en ce moment; puis, quand je parle des commerçants, je parle des mandataires, en général, des PME, des professionnels.

Je donne un exemple de la complexité. Les gens qui font affaire autant dans l'alimentation que le carburant, à un moment donné, ils ont des taxes à remettre au bon endroit, à la TVQ et au carburant. On a eu vent, à un moment donné, qu'il y a eu un problème à ce niveau-là. Même le fonctionnaire a fait tout changer les taxes de la TVQ sur le carburant; ensuite, ce n'était plus ça, c'est revenu. Moi, je ne suis pas experte dans cette matière, mais certains commerçants nous ont soulevé que c'était un problème majeur.

Donc, tout ça pour vous dire que, quand on ne comprend pas bien les règles, ça peut porter à une délinquance, et une nouvelle délinquance, parce qu'il y a beaucoup de gens qui n'étaient pas délinquants, qui n'ont jamais été délinquants dans leur remise à faire au gouvernement et qui maintenant le sont parce que tout est absolument «inadministrable». Même si c'est un mot qui n'existe pas dans le dictionnaire, bien, c'est presque ça. Aussi bien dire que ça n'existe pas non plus dans vos règles parce que c'est quasiment comme ça quand on les lit. C'est très difficile à exploiter.

Alors, la délinquance, vous savez, ça entraîne des pénalités. C'est comme si le gouvernement nous traitait comme des enfants. Quand on a un enfant qui fait quelque chose de pas correct, parce qu'il n'a pas compris, on le punit avant de lui expliquer. Bien là, c'est ça que vous faites dans le fond. Vous n'expliquez pas comme il faut aux contribuables, vous les traitez comme des enfants, puis vous les punissez plutôt que de chercher le problème. C'est ce qu'on trouve déplorable, d'autant plus que les pénalités ne sont pas les moindres non plus. Alors, ça fait un cercle vicieux; il n'est pas facile à sortir de ça. Donc, si vous trouvez des solutions à ces problèmes, vous avez une grosse chance que vos problèmes de délinquance soient résolus et, par le fait même, que les coûts apportés au recou- vrement de ces dettes-là face au gouvernement soient diminués. Nous savons que le taux de 10 % à 15 % a augmenté du fait que les coûts de recouvrement étaient très élevés; mais, si vous réglez la délinquance, par le fait même, les pénalités vont diminuer. Ce serait plausible, parce que vous allez diminuer vos coûts de recouvrement. Donc, c'est un point qu'on plaide énormément.

Ensuite, pour la stabilité, vous savez que les lois changent très souvent. Depuis 1991, moi qui n'avais aucune taxe à charger, entre autres, en tant que commerçante dans le vêtement pour dames, depuis 1991 on a une foule de choses qui s'ajoutent jour après jour. Il va falloir, à un moment donné, qu'il y ait une certaine stabilité pour qu'on sache où on s'en va et quelles règles suivre.

La structure de la fiscalité serait également importante à simplifier et à harmoniser, surtout à cause de la compétitivité de la province, et d'autant plus pour les régions frontalières avec le fameux service de 4 %. Là-dessus, je n'ai pas à élaborer ce que ça veut dire. Je sais que vous avez tous compris cette complexité.

Maintenant, on arrive avec les points de notre mémoire dont, entre autres, le guichet unique. Ici, également, je ne veux pas perdre de temps à vous expliquer ce que ça veut dire, le guichet unique, parce que je pense que tous le savent par rapport à ça. Ce que je veux souligner, c'est qu'on a une solution à vous apporter par rapport au service à la clientèle, entre autres, pour ne pas attendre des heures et des heures face aux demandes de service. Vous avez en annexe des exemples de gens qui ont attendu des heures pour avoir le service à la clientèle.

Nous vous proposons, avec l'annexe du traitement de voix, le B et le C. Vous avez également l'article 64 du protocole qui vous mentionne qu'on devrait donner un service de haut rendement. Dans l'annexe B, vous avez le traitement de voix Informatrix. Vous avez l'annexe Informatrix dans l'annexe B et vous avez l'annexe qui est proposée par le gouvernement fédéral, le Système électronique de renseignements par téléphone, l'annexe C, qui est très efficace et qui peut sauver beaucoup de temps, parce que juste ça tout seul, c'est assez pour décourager un mandataire et dire: Ah! je laisse tout tomber, et ne pas régler le litige, s'il y a lieu. Alors, on vous suggère fortement ces deux possibilités face au traitement de voix.

Également, toujours dans le guichet unique, on parle des versements trimestriels. On propose également que les versements soient faits en un versement unique pour les acomptes provisionnels, Tes retenues a la source et les versements de la TVQ et TPS. Ça, ça pourrait vous amener une économie d'enveloppes, une économie de temps, une économie de frais bancaires, de temps-personne. C'est assez important. Nous, on avait fait un petit peu un parallèle avec les

Publi-Sac, dans le sens qu'on met tout dans le même sac pour faire une publicité, puis ça coûte beaucoup moins cher. Le gouvernement pourrait faire la même chose, en ce sens qu'on aurait un versement une seule fois. On sauve également beaucoup de temps. On pense que ce serait une proposition assez intéressante.

Et puis dans le système aussi de compensation que vous avez déjà en marche, par rapport à la TPS et à la TVQ, c'est déjà un point en avant de votre part. Les transactions aussi avec un seul agent. Vous savez qu'en ce moment, pour régler mon dossier, on a fait affaire avec cinq personnes différentes, puis, à chaque fois, il faut tout recommencer; ça coûte cher et à vous et à nous également.

Informer le public. Ce qui est très important dans l'information du public, autant pour les contribuables que pour nous, si vous me pardonnez l'arrogance de vous dire que les contribuables, s'ils sont tenus dans l'ignorance, ils vont agir comme des ignorants. Vous allez me dire: Bien oui, mais il y en a de la publicité à la radio. Vous avez reçu des cahiers, vous avez reçu plein de choses pour vous informer. Mais pensez-vous que la méthodologie actuelle est adéquate pour informer le public? Étant donné qu'il y a tellement d'incompréhension, il y a quelque chose qui ne va pas. Il y a une explication. Il va falloir réviser votre système d'information parce que les gens ne comprennent pas ce que vous voulez. La même chose au niveau des contribuables dont on va vous parler tantôt. C'est assez important qu'ils comprennent l'implication du gouvernement. Il y a des brochures de télévision, style bande dessinée, qui sont intéressantes. Vous allez trouver ça comique, mais ça attire beaucoup plus l'attention.

J'ai ici, pour encourager également une bonne gestion par rapport au gouvernement, une autre solution qui va faire faire des économies, d'après moi, majeures, c'est un abonnement sélectif. En ce moment, on reçoit... Tout le monde, tous les commerçants reçoivent des documents en main pour savoir comment administrer la TPS, comment remplir nos retenues à la source, ainsi de suite. Mais vous savez qu'il y a beaucoup de ces mandataires qui font affaire avec un comptable ou un gestionnaire, et ces documents-là prennent le bord de la poubelle et ça coûte énormément cher.

Donc, moi, je suggère que vous envoyiez ces documents obligatoires aux comptables et gestionnaires et que les mandataires intéressés à avoir de la documentation le fassent sous forme d'abonnement avec, par exemple, à l'annexe E, des bons de commande. Ils font un bon de commande et ils peuvent recevoir l'information qu'ils ont besoin dans le domaine où ils sont intéressés. C'est ce qui est important.

Et puis on a pensé également à quelque chose au niveau des bibliothèques. Vous faites, en ce moment, une entente avec le fédéral pour sauver des frais, partager les frais de salaires, partager tous ces frais-là. Vous pourriez faire la même chose avec les municipalités et avoir de disponibles ces informations-là au niveau des bibliothèques municipales. Moi, je pourrais aller à la bibliothèque et dire: Bon, eh bien, je vais emprunter, au même titre qu'un livre, un document dont j'ai besoin. Vous auriez moins besoin d'avoir autant de documents en circulation, ça vous coûterait moins cher.

Et la même chose quand on a proposé, à un moment donné, à M. Savoie d'avoir une vidéocassette pour expliquer aux gens qui ont de la difficulté à interpréter les écritures, qu'ils aient une vidéocassette explicative. Ça pourrait être le même principe d'emprunt. Donc, le vidéo, s'il n'est pas remis, ils le paient, et, quand ils le remettent, vous, ça vous évite des frais également. Et ça va dans le sens d'aujourd'hui avec l'environnement pour le recyclage. On peut même suggérer de rapporter à Communication-Québec ou aux bibliothèques les documents non utilisés que vous pourrez redistribuer. Même les enveloppes de retour que l'on reçoit et que l'on n'utilise pas, bien souvent, parce qu'on met tout dans une, et ça s'accumule. Moi, j'en ai accumulé, de ces enveloppes-là. Où elles vont? Encore dans les poubelles. Pourquoi on n'aurait pas un endroit où on peut retourner ces enveloppes-là? Vous pourriez les réutiliser. Vous feriez, à l'échelle de la province, sûrement une économie valable. Alors, ça, ce sont des suggestions que nous vous apportons au niveau de l'information publique. (14 h 20)

Maintenant, l'harmonisation. Vous savez, on insiste énormément sur l'harmonisation parce que nous sommes assurés que, s'il y avait une harmonisation, il y aurait beaucoup de frais de sauvés à ce niveau-là. Pour le versement trimestriel, qui est en ce moment amendé pour qu'il soit accessible aux gens qui ont un montant déterminant de 12 000 $ et plus par année de taxes, nous pensons que ça pourrait être élargi étant donné qu'on sait que 50 %, apparemment, des gens qui ont droit à cette option-là ont fait la demande. Donc, le gouvernement pourrait considérer que, s'il y a seulement que 50 % qui en font la demande, même si on élargit le bassin, ça ne devrait pas lui coûter si cher que ça et ça pourrait être un très bon point de relance économique, dire aux commerçants: Bien, regardez, on vous aide, on élargit le bassin, ça va vous aider à mieux fonctionner, ça va vous coûter un peu moins cher. Et, à ce moment-là, vous, dans votre coin, vous savez que, s'il y a juste à peu près 50 % qui l'utilisent, parce que ce n'est pas tout le monde qui le veut, ça ne vous coûtera pas aussi cher que ça. Vous pourriez vous en servir dans ce sens-là, et je pense que ça pourrait aider des deux côtés.

Il y a également le versement trimestriel. Ce serait intéressant qu'il soit accessible sur l'exercice complet, sur l'exercice financier

complet parce que, en ce moment, là aussi, je vous souligne que la loi n'est pas claire. On a été obligé de demander à un fonctionnaire; lui, ça lui a pris deux jours à pouvoir me répondre; 11 dit avoir été obligé d'aller dans les réglementations fédérales pour avoir une réponse à savoir: est-ce que c'est pour l'année, l'exercice financier complet que je suis eligible au trimestriel ou si, aussitôt que j'atteins mon montant de 12 000 $ par année, je perds ce droit-là? à ce moment-là, on vous demande - excusez, j'ai perdu mon affaire; où j'étais rendue - d'élargir le versement trimestriel et de laisser l'exercice financier complet plutôt que d'être obligé de surveiller les 12 000 $ tout le temps.

Maintenant, par rapport au RTI, c'est déjà mentionné; les formulaires abrégés, c'est déjà mentionné. On veut aussi vous souligner l'importance des frais encourus par les gens, par les mandataires, pour administrer. Ce n'est pas tellement gros, si vous voulez, ça pourrait être déposé, parce que je ne l'ai pas dans le document, les schémas démontrant les coûts administratifs produits par les principales déclarations gouvernementales. Ça, c'est seulement pour les formulaires qu'on a à remplir mensuellement ou annuellement. Si vous remarquez, la remise de la TVQ demande 30 heures-semaine minimum, et ça c'est par un professionnel, sans compter les gens qui le font eux-mêmes et qui ne sont pas des professionnels; ça prend plus de temps. Si le professionnel charge 60 $, ça coûte 1800 $ par année; 75 $, 2250 $, et ça c'est juste pour la TVQ et la TPS, une moyenne de 47,75 heures par année, ce qui fait entre 3000 $ et 4000 $ de frais seulement pour remplir les formulaires que nous avons à vous remettre. Et ça, c'est sans compter le temps et les dollars en cas de litige.

Le Président (M. Lemieux): J'autorise le dépôt.

Mme Leblanc: bon, alors, je vous remets ça, c'est assez intéressant. alors, pour conclure, ici, je vais laisser la parole à m. vallières qui va vous parler des pénalités.

Le Président (M. Lemieux): Puis-je vous rappeler, M. Vallières, que vous n'avez environ que quatre minutes.

Mme Leblanc: Oui, c'est ça.

M. Vallières (Jean-Jacques): Vous me permettrez, M. le Président, de vous donner notre impression de la pénalité. On se demande si ce n'est pas un symptôme d'un malaise. Après étude et discussion, nous avons conclu que la santé administrative de Revenu Québec était précaire. Notre diagnostic: maladie, inefficacité chronique; symptômes, coûts exhorbitants de la collection; l'effet primaire, les débours exagérés de la petite entreprise.

Au 1er juillet 1992, le taux passait de 10 % à 15 %, ce qui, à notre avis, représentait un affront à la PME à un moment qui n'aurait pas pu être plus mal choisi. Nous en avons recherché le rationnel et, maintenant, nous en sommes d'autant plus inquiet.

La seule interprétation qu'on puisse donner est la suivante: soit que le gouvernement a une piètre opinion de la fabrique de l'entrepreneur québécois ou c'est un aveu de la part de Revenu Québec d'une inefficacité grossière, ou bien les deux. Comme toile de fond, prenez, par exemple, un cas hypothétique: une remise de 200 $ TPS et de 200 $ TVQ avec un mois de retard. Sur la TPS vous aurez, après calcul des 6 % qui se traduisent par 0,5 % par mois, une pénalité de 1 $. Pour 200 $, un jour de retard, vous avez une pénalité de 30 $ sur le côté du Québec. Cette représentation, elle suscite plusieurs questions: Ou bien on considère l'entrepreneur québécois totalement démuni de sens civique, qui mérite une punition, ou bien on admet une inefficacité chronique de l'administration du ministère.

Examinons d'abord l'aspect pénalité. La pénalité se doit d'être proportionnelle au crime. C'est donc dire qu'un châtiment d'une telle sévérité doit certainement refléter un crime très odieux. De quel esprit criminel l'entrepreneur québécois est-il possédé pour se mériter un tel châtiment? Et comment expliquer que le fédéral ne le considère pas ainsi puisqu'il n'impose qu'une pénalité de 0,5 %? C'est quand même un écart impressionnant.

Vous connaissez sans doute le principe de cause à effet. Si on accepte le crime comme l'effet, quelle en serait la cause? Serait-ce par un esprit rebelle ou serait-il plutôt victime des circonstances qui rendent le respect de ces lois et règlements quasi impossibles à administrer? Et si c'était le fonctionnement d'un esprit rebelle, on peut se demander: A-t-il toujours été ainsi? Quels sont les facteurs qui ont assuré la germination d'un trait aussi malsain? Mais si c'étaient plutôt les circonstances, ne serait-ce pas là la preuve d'une lacune dans les communications, manque de directives adéquates peut-être? Serait-ce moral que de continuer à imposer des contraventions si on enlevait tous les panneaux routiers?

Considérons maintenant l'aspect inefficacité. À la poursuite de quelques sous, le ministère s'est embourbé de règles qu'il ne parvient plus à comprendre, encore moins à expliquer. L'équilibre entre la simplicité et l'équité a totalement été égaré. En conséquence, ce n'est ni simple, ni équitable. Comment expliquer que le gouvernement du Québec ait besoin de 15 % absolus pour recouvrer les frais de collection tandis que le fédéral y parvient avec 6 % annuels? Quels sont les coûts concernant la correction d'erreurs banales qui n'auraient jamais dû être, en premier lieu? Si le gouvernement maintient le taux à

15 %, n'admet-il pas qu'il a complètement perdu le contrôle de ses dépenses? Où sont toutes les épargnes qui devaient se matérialiser à l'harmonisation de la TPS et de la TVQ? À quoi ont servi les subsides fédéraux?

À la lumière de ces observations, nous vous présentons les recommandations qui suivent dans un but bien arrêté de rétablir les bonnes relations...

Le Président (M. Lemieux): Vous pouvez prendre deux minutes de plus.

M. Vallières (Jean-Jacques): Bon.

Le Président (M. Lemieux): Vous pouvez prendre deux minutes de plus, pas de problème. Allez-y.

M. Vallières (Jean-Jacques): Alors, tel que je le disais, à la lumière...

Le Président (M. Lemieux): On voudrait vous suivre.

M. Vallières (Jean-Jacques): Pardon?

Le Président (M. Lemieux): C'est intéressant ce que vous dites. Alors, on aimerait vous suivre. Prenez deux minutes de plus. Pas de problème!

M. Vallières (Jean-Jacques): Alors, à la lumière des observations et dans le but bien arrêté de rétablir les bonnes relations entre le contribuable et le ministère et de réduire les coûts administratifs aussi bien pour le mandataire que pour le ministère, nous vous recommandons ce qui suit: dans un premier temps, que le ministre du Revenu fasse preuve de tolérance et de compassion et qu'il mette tout en oeuvre pour regagner la confiance des contribuables et changer ainsi le climat de confrontation en un climat de collaboration; deuxièmement, que le ministre du Revenu évite à tout prix de s'embourber dans de fausses économies, mais qu'il cherche plutôt, par tous les moyens, à identifier et isoler les causes du présent marasme et qu'il apporte des correctifs de façon urgente; que la gestion de la qualité totale soit affichée comme cri de bataille. Il est tellement moins coûteux de prévenir l'erreur que de la corriger par la suite.

Alors, finalement, on demande, comme signe de bonne foi, que le gouvernement annule toute action qui a porté le taux de 10 %à15 %.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Nous vous remercions.

M. le président du Conseil du trésor, avez-vous quelques questions?

M. Savoie: Oui. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse, M. le ministre du Revenu.

M. Savoie: Ce n'est pas grave. Oui, M. le Président. Il me fait plaisir de saluer tout particulièrement les gens de l'Outaouais qui sont venus nous présenter un mémoire sur un sujet qui fait évidemment l'objet de beaucoup d'attention par le gouvernement et, évidemment, suscite également beaucoup d'intérêt de la part de plusieurs contribuables.

Je dois dire tout d'abord que nous avons eu l'occasion de nous rencontrer il y a quelques semaines à Montréal où nous avons eu l'occasion d'échanger sur plusieurs des recommandations qui nous sont présentées aujourd'hui. Je peux vous dire que j'ai trouvé la rencontre évidemment intéressante, comme les gens qui ont pu entendre votre présentation ont pu trouver également qu'il y avait là des éléments qui vont certainement nous aider et nous faciliter la tâche qu'on a d'administrer la taxe de vente au Québec.

On a soulevé des points. On a parlé, par exemple, des trois mois. Il faut se rappeler qu'auparavant, au Québec, les rapports au niveau de la taxe de vente se faisaient sur une base mensuelle; à Ottawa, depuis l'introduction de la TPS, cela se fait sur une base trimestrielle, aux trois mois. Le ministre des Finances a annoncé, lors de son dernier budget, certaines mesures d'harmonisation et également une possibilité, pour une bonne partie des contribuables - on parle d'un pourcentage élevé des mandataires du gouvernement - de remettre évidemment la taxe de vente sur une période de trois mois. Donc, une certaine harmonisation avec le Québec. (14 h 30)

II y a, on a eu l'occasion de le souligner, une volonté d'harmoniser davantage. Plus le temps va passer, plus on va chercher à avoir une taxe aussi identique que possible dans ses mesures d'application que l'orientation qui est donnée par Ottawa. Je pense que là-dessus les échanges ont présenté évidemment une certaine similarité quant au résultat final. On était d'accord avec l'orientation voulue, mais, évidemment, il y a une question de temps puisqu'au niveau des services, par exemple, l'introduction étant à 4 %, il fallait trouver un peu d'argent d'autres sources et, en conséquence, l'harmonisation n'a pas été aussi parfaite que voulue.

Ils ont des bons points. Ils ont soulevé des points valables, et je tiens à le souligner, par exemple au niveau de l'information: la notion d'utilisation de cassettes. On sait malheureusement que les gens lisent de moins en moins. Il y a un phénomène où la lecture est de plus en plus absente lors de la présentation de cahiers d'utilisation. J'ai souligné, par exemple, qu'une connaissance, qui a acheté un ordinateur, qui fabriquait un instrument de haute précision, au lieu d'avoir un texte écrit, a reçu les instructions sur une cassette VHS. Ça peut se faire sur

demande. Au ministère du Revenu, on est près à examiner ça, suite à leur recommandation; il y a là une avenue qui peut évidemment satisfaire une partie de la population, certains mandataires qui, évidemment, vont se sentir plus confortables avec une cassette qu'avec un texte écrit. Donc, des mesures... Dans l'ensemble, je pense qu'il y a plusieurs éléments.

On a convenu également de se rencontrer au mois d'avril pour faire le suivi, suite au budget, pour voir ensemble s'il y avait des éléments qui maintenaient l'orientation sur l'harmonisation, sur, par exemple, l'élargissement des montants au niveau des trois mois, et échanger d'une façon constante pour faire le suivi et que, évidemment, le gouvernement réponde, dans la mesure du possible, à leurs attentes; ils ont le droit de le faire et c'est ce qu'ils font.

Il y a des choses sur lesquelles, par contre, il est très difficile de bouger. On parle, par exemple, de l'amende de 15 %. Vous savez qu'auparavant l'amende pour la production était de 10 %, on l'a augmentée à 15 %. l_a raison est très simple, c'est qu'on n'a pas les moyens de financer, comme société, la cueillette de ces amendes-là; ça coûte 15 %, alors on charge 15 %. Ça ne donne rien de transférer ces fonds-là à nos enfants ou à nos arrière-petits-enfants. Quelqu'un, finalement, qui ne produit pas, comme vous le savez, la première faute, sur une période... Auparavant, c'était 36 mois, on l'a réduite à 24, donc, dans une période de 24 mois, on permet une erreur; la deuxième fois, l'amende s'applique et, à chaque 24 mois, on commence avec un nouveau dossier. L'amende de 15 %, donc, est là pour s'assurer que ceux qui sont négligents, on les encourage à répondre convenablement et d'une façon qu'on pense juste. Et là-dessus, également, il y a eu consensus. Même s'il n'y pas eu accord, je pense qu'ils ont constaté que l'ensemble des contribuables pouvait difficilement payer pour ceux qui, finalement, sont délinquants, mais d'une façon régulière.

Il y a des éléments, par contre, qui sont nouveaux dans votre présentation. Cet après-midi, vous soulevez, par exemple, des recommandations dans le but, justement, de dire... Avec le tableau, en arrière, les effets difficiles, vous mentionnez le mot «pervers», justement de décourager le respect de la fiscalité au Québec et en soulignant, par exemple, qu'à Ottawa, c'est à 6 %. Si je comprends bien, c'est qu'Ottawa a un peu de retard et qu'ils vont nous rattraper bientôt. Ce n'est pas nouveau dans le domaine de la fiscalité, compte tenu également de leur déficit!

Je pense que, d'une façon globale, ce qui a été convenu était acceptable. Aujourd'hui, vous arrivez et vous dites: Oui, mais, en plus de cela, on sent, finalement, une difficulté additionnelle au niveau de la gestion de l'ensemble des taxes au Québec et des impôts. C'est nouveau un peu pour nous, dans le sens que ça n'a pas fait l'objet d'interventions auparavant, lors de nos rencontres, je crois.

Je me demandais, Mme Leblanc, ou, en tout cas, une personne que vous pouvez désigner, si vous seriez en mesure de nous dire où ça va bien, où vous êtes confortables avec le ministère du Revenu. Parce qu'il doit y avoir, évidemment, des choses qui fonctionnent bien puisqu'on parte de 400 000 mandataires et de 4 500 000 contribuables avec lesquels on traite: les mandataires, sur une base mensuelle, presque, et, évidemment, l'ensemble des contribuables sur une base annuelle. Alors, je me dis qu'il doit y avoir des choses que vous voulez qu'on développe davantage, qui se font actuellement.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le ministre du Revenu.

Je sais Mme Déziel, que vous aviez demandé la parole. Est-ce que...

Mme Déziel (Denise): Oui, bien, plus ou moins. En fait, je vous écoutais sagement. Vous pariiez d'un délai. Je me souviens, je pense que, la dernière fois, on parlait d'un délai de 90 à 110 jours et la question que je me pose actuellement, c'est que vous avez dit: Oui, on est prêt à faire différentes choses, mais on n'a rien encore de concret sur la table en tant qu'engagement. Est-ce que je dois comprendre que ce que vous mentionnez, c'est que, pour le prochain budget, vous avez des engagements précis à nous offrir, à savoir, premièrement, par exemple, l'harmonisation et l'uniformisation, par exemple, si on parie de tous les problèmes de discussions avec le gouvernement et de compréhension de toutes ces règles, que ceci sera facilité également, ce qui est une de nos demandes, le guichet unique, les formulaires fiscaux abrégés, courts, simples et, finalement, une facilité de discussion avec l'administration?

Alors, je pense que je vous repose peut-être un peu la question. J'aimerais savoir si on peut avoir un engagement que ceci sera traité et que, d'ici - à moins que vous puissiez nous donner la réponse immédiatement - le prochain budget, on pourra s'asseoir et avoir une heureuse réponse de votre part.

M. Savoie: La réponse ne provient pas de nous. Il faut constater que ça provient du ministre des Finances, lors de la présentation de son budget, et il maintient toute sa liberté. Toutefois, ce que nous avons indiqué lors de nos rencontres, c'est qu'il y a une volonté d'harmoniser chez nous, il y a une volonté de faciliter la tâche, tant au niveau, par exemple, des formulaires qu'au niveau des règles applicables à la taxe de vente. Donc, il est impossible de répondre d'une façon précise à votre question puisque, évidemment, comme vous pouvez l'imaginer facilement, ça relève du ministre des

Finances et, en conséquence, c'est à lui, au moment qu'il juge opportun, d'apporter une réponse à votre question. Mais le truc dans ces exercices, c'est que cette commission a pour but de voir de quelle façon on peut davantage vivre selon nos moyens au Québec.

Vous nous présentez un mémoire en disant: Bien, aidez-nous à faire notre tâche en tant que mandataires, en tant que percepteurs pour le gouvernement de la taxe de vente et, évidemment, ça va fonctionner un peu mieux. Moi, ce que je vous demande c'est... Là, on a su ce qui marchait moins bien. Si on avait des exemples de ce qui marchait mieux, on pourrait peut-être faire un petit peu de chemin ensemble.

Le Président (M. Audet): Mme Leblanc.

Mme Leblanc: Je ne veux pas m'attarder indéfiniment sur ce qui va bien parce que je sais que vous êtes au courant, on vous l'a déjà mentionné, puis j'ai mentionné tantôt, en faisant mon exposé, que c'est déjà commencé le numéro unique, que c'est déjà commencé. Par exemple, j'en ai nommé quelques-unes tantôt, des choses, qu'on a commencé à regarder des méthodes de facilitation.

Sauf que, moi, ce que je trouve déplorable, parce que je pense, comme je vous dis, qu'on n'a pas de temps à perdre sur ça parce que c'est connu, c'est: Allez-vous attendre que les commerçants, que les PME, que les professionnels tombent sans connaissance, au bout de leur sang? On mentionnait que c'est un peu comme quelqu'un qui est sur la table d'opération, les outils sont tout autour, puis là les médecins le regardent puis disent: Bien oui, il saigne beaucoup, il va mourir,, mais ils ne font rien. C'est à peu près ça qu'on ressent, nous autres là. Les gens sont en train de crever, vous le voyez autour de vous autres, ça tombe comme des mouches.

On est prêt à coopérer. On vous le démontre, parce qu'on ne serait pas ici aujourd'hui. On est vraiment prêt à coopérer, on a travaillé fort à vous trouver des solutions qu'on trouve intéressantes aussi, mais il va falloir que ça bouge des deux côtés. On a l'impression qu'on est tout seul à tirer le train. C'est ça qu'on a l'impression, et on est tanné de tirer le train tout seul, on veut le faire avec un leader. Et on a l'impression qu'on n'a plus de leader, à un moment donné. On ne sait plus où on s'en va. Les gens, ils sont écoeurés de ce côté-là, et ce n'est pas normal. Moi, je n'ai jamais connu ça, une situation pareille à date. C'est dans ce sens-là qu'on vous parle et c'est dans ce sens-là que ça urge de bouger puis qu'on voie quelque chose de concret, comme le mentionnait Mme Déziel tantôt. (14 h 40)

Entre-temps aussi, nous autres, on continue à payer nos pénalités de 15 %. Et, je vous l'ai dit tantôt, concernant les délinquances, si vous réglez ce problème-là, ce ne sera plus un problème. on n'en parlera même plus de ça, des 15 %, des 10 %. ce ne sera même plus important

Les conséquences de ça également, pourquoi il y a des pénalités, je vous mentionnais les gens qui ont des «recevables», qui sont obligés d'augmenter leur marge de crédit. Ils sont obligés de mettre leurs employés au chômage pour venir à bout de payer d'avance les taxes, parce qu'il n'y a rien qui a été prévu pour les gens qui ont des «recevables». On est obligés de débourser l'argent de notre poche avant. C'est également un problème qui est majeur.

À part ça, les pénalités, quand vous faites des erreurs vous autres aussi, je trouve que ça irait dans les deux sens. Vous nous chargez des 15 % de pénalité, même si, des fois, les erreurs sont de bonne foi, même si, des fois, c'est à cause que ce n'est pas clair, que c'est incompréhensible, que le système n'est pas établi. Même les fonctionnaires, les comptables ne s'y retrouvent pas. Pourquoi, nous autres, quand vous faites des erreurs et que ça nous prend des heures au téléphone à régler les problèmes, on n'aurait pas droit aussi à une compensation pour le temps qu'on a passé? Quand je parle de compensation, je ne parle pas dans le sens de recevoir un montant annuel comme on entend à Ottawa, là. Je vous parle d'une pénalité à vous aussi. Nous autres aussi ça nous coûte de l'argent, des téléphones et du temps pendant qu'on règle un chèque qu'on a eu de trop... M. Tassé a reçu un chèque, il va vous le montrer.

M. Tassé (Denis): Un chèque de 1000 $ que j'ai reçu, pour lequel j'ai déjà eu le crédit, et, là, on tarde. Ça fait déjà deux, trois semaines qu'on demande l'information. On appelle. On nous met en attente. Le monsieur dit: Je vais vous rappeler. On ne sait pas quoi faire avec le chèque.

Mme Leblanc: Et, pendant ce temps-là, nous autres, on n'a pas d'argent.

M. Tassé: C'est ça. Et je suis convaincu que, probablement, si je le déposais, vous me chargeriez de l'intérêt sur le chèque parce que je l'ai encaissé. Bien, là, je l'ai, le chèque. Alors, on pose des pénalités d'un côté et, de l'autre côté, on a de l'argent qui vous appartient. Il faudrait peut-être commencer, avant d'imposer des pénalités, à régler vos problèmes, et vous avez des gros problèmes au niveau des communications. Ça, c'est un exemple, et j'ai plusieurs exemples juste dans mon entreprise. Alors, qu'est-ce que vous allez faire pour ça?

M. Savoie: Je pense, comme vous l'avez souligné, que l'introduction de la taxe de vente a été un événement important au ministère du Revenu. Ça a été une embauche de personnel considérable, une fusion avec le gouvernement

fédéral pour faire un guichet unique, comme vous l'avez souligné. On a quand même procédé avec, je pense, un succès des plus acceptables au niveau de l'application d'une mesure complexe et, sur l'ensemble, ça s'est bien déroulé. Il va continuer d'y avoir ici et là des accidents, des erreurs, des mécanismes à améliorer, et ça n'arrêtera jamais, ça, au niveau du ministère du Revenu.

Je pense que, si vous jasez avec les gens, au niveau de la fiscalité, vous allez constater qu'effectivement le ministère du Revenu du Québec, tout au moins, a fort bien réalisé le mandat qui lui a été accordé par le gouvernement au mois de juillet, l'an passé. Je vais prendre note, tout à l'heure, de l'histoire de votre chèque et on va y faire suite. Maintenant, il se peut...

Une voix:...

M. Savoie: Mais, en cas de doute, il faut retourner le chèque.

M. Tassé: II serait bon de savoir à qui le retourner.

M. Savoie: au ministre du revenu, ça ne présente pas de difficultés. on va tâcher de donner suite. je pense qu'effectivement ça a été quand même un travail considérable de passer de 200 000 mandataires à 430 000 mandataires.

M. Tassé: Nous, on paie des pénalités... Le Président (M. Audet): Un instant! M. Tassé: Excusez!

Le Président (M. Audet): J'ai Mme Bruyère qui avait souhaité intervenir sur cette question. Allez-y, madame!

Mme Bruyère (Marie-Nicole): M. le Président, je crois que la raison que M. Savoie donne concernant les efforts qu'ils ont faits pour appliquer la TVQ et la TPS, bien, c'est de bonne foi, sauf que, par chez nous, on appelle ça une «waguine de foin». Si j'avais amené ma waguine de l'Outaouais derrière le camion, j'aurais pu mettre une tonne de rapports qui ont été émis en 1985, 1986, 1987, 1988, 1989 sur les effets pervers que cette taxe aurait sur les contribuables, sur les PME et sur le budget de la province. Il n'en reste pas moins, M. Savoie, que vous l'avez appliquée, ou M. Levesque l'a appliquée, cette loi. On l'a, la TVQ. Vous saviez pourtant ce que ça donnerait et on est en plein dedans. On est en plein dedans et les consommateurs, eux, sont en plein dedans aussi parce que, eux aussi... Il y en a qui parlent de contrebande de cigarettes, il y a le marché au noir, il y a le travail au noir, vous en perdez de l'argent. Vous en perdez beaucoup plus que ce que vous récoltez en essayant d'écraser et de saigner à blanc les PME, et, ça, on trouve ça injuste et c'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui.

Du blabla de cuisine, moi, j'ai de la misère avec ça, parce qu'il n'y a jamais rien de concret et de précis, et on a de la difficulté avec ça. On veut avoir des choses concrètes. Ça fait déjà six mois que, nous, en tant que groupement, on se bat. Il y en a d'autres organismes qui, depuis des années, le font, et on est toujours à la même place. Alors, M. le Président, je pense qu'on fait les efforts de notre côté. On aimerait savoir si le ministère des Finances et le ministère du Revenu sont capables aussi de prendre en considération les recommandations qu'on leur donne pour diminuer leurs dépenses.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Mme Déziel, vous voulez compléter ce commentaire?

Mme Déziel: Enfin, brièvement. C'est ça, il faut comprendre. On n'essaie pas, on n'est pas ici... Ça va?

Le Président (M. Lemieux): Ça va, brièvement, parce que...

Mme Déziel: En fait, on n'essaie pas de trouver un responsable actuellement. Comprenez que ces gens-ci, si vous calculez juste nous, plus tous les gens, au taux horaire où habituellement on est payés, et on fait ça de façon bénévole, si, à ce moment-là, il fallait calculer tout le temps que ces gens-là ont mis pour vous présenter quelque chose de sérieux, je pense, à ce moment-là, les coffres de l'État seraient renfloués avec tout ce montant-là.

On n'essaie pas de trouver un responsable, mais on dit: Vous avez des bâtisseurs. On est prêt à collaborer avec vous. Essayez de collaborer avec nous. On vous donne ici... On n'a pas eu le temps de tout vous donner, mais vous avez plein de solutions pour renflouer les coffres, pour diminuer aussi les frais. Par exemple, que l'on parle simplement de diminuer le montant que ça vous coûte en formulaires qui ne sont pas nécessaires; au niveau écologique, c'est tout à fart aberrant. Alors, on vous dit: Vous avez des solutions, on vous les propose. Tentez de les appliquer et on est prêt à collaborer avec vous. Merci.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Montmorency.

M. Filion: Merci, M. le Président. J'aimerais, au nom de ma formation politique, bien sûr, vous remercier de votre présence et pour l'excellent travail que vous avez fait au niveau d'un mémoire qui se veut très constructs et très intéressant, d'ailleurs. Et, quand on le regarde, on se rend compte rapidement que c'a été fait

avec des énergies du désespoir un peu, parce qu'on voit que vous allez très loin. On voit que vous vous rendez compte effectivement qu'il y a beaucoup de problèmes au niveau de l'harmonisation. Et je pense que c'est l'ensemble de la collectivité québécoise qui doit vous remercier, parce que les petites entreprises, je pense qu'on ne se soucie pas assez des problèmes qu'elles vivent au niveau de l'harmonisation.

C'est sûr que, quand on est une entreprise importante, on a les ressources humaines puis on a les fonds financiers, on a tout ce qu'il faut pour s'engager des experts et faire en sorte que ça baigne dans l'huile et qu'on exécute les lois telles qu'elles doivent être administrées.

Ce que je trouve intéressant également de votre document, c'est que vous citez différents éléments où le ministre semble faire la sourde oreille, encore une fois, dans un dossier où il ne devrait pas faire la sourde oreille, parce que ça ne fait que créer de l'animosité. Et les gens, au fond, se disent: Bien coudon! ce gouvernement-là, ce qu'il veut, au fond, c'est quoi? C'est notre peau? Et les gens réagissent à ça, et vous n'êtes pas les seuls. Je vous dirais, depuis le début de la commission, que tout le monde a un peu cette impression-là et tout le monde aimerait que le gouvernement, enfin, assume ses responsabilités et perçoive son dû, mais d'une façon correcte.

Alors, moi, j'aimerais vous adresser quelques questions, parce que c'est un peu vous qu'on veut entendre. J'aimerais que vous essayiez de nous expliquer un peu - et vous avez dû sûrement vivre des cas particuliers - de démontrer à cette commission un peu le ridicule du manque d'harmonisation que l'on vit pour sensibiliser davantage l'opinion publique à cette problématique. Alors, j'aimerais ça si vous pouviez nous raconter le genre de difficultés auxquelles vous êtes confrontés.

Le Président (M. Lemieux): Oui, madame.

Mme Bruyère: Le genre de difficultés, entre autres, et ça, on n'en a qu'un petit morceau, style un crédit, un chèque de 102 $, un crédit sur un rapport de TPS qui devait normalement être produit, mais qui n'a jamais été produit. Alors, cherchons l'erreur, genre erreur dans un point décimal. Au lieu de 2080 $, c'est 208 000 $. Alors, pénalité, quelque 1000 $ plus intérêts. Alors, à un moment donné, cherchez l'erreur. Et ça prend des mois. La personne ne dort pas. Elle fait quasiment une dépression, parce que, là, on la menace de saisie, et c'est une erreur du ministère, et preuve à l'appui, M. Savoie.

Autre genre de problèmes qu'il y a depuis la gestion de...

Le Président (M. Lemieux): Voulez-vous vous adresser au président, s'il vous plaît?

Mme Bruyère: Excusez, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): De rien, madame. (14 h 50)

Mme Bruyère: Autre problème qu'il y a depuis juillet par rapport à la gestion de la TPS par le ministère provincial, c'est qu'on envoie des rapports aux mandataires disant: Vous n'avez pas produit votre rapport TPS. Pourtant, ils ont payé, ils ont le sceau de la banque, ils ont fait leur rapport. Et on en a reçu cette semaine. Je ne sais pas ce qui s'est passé. C'était la semaine des rapports non produits de TPS pour le mois d'août, le mois de septembre, le mois de novembre, alors il y a eu probablement un «bug» dans l'informatique, qu'on appelle.

Autre genre de choses aussi qu'on peut relever facilement, c'est, comme M. Tassé, des crédits de 2000 $. On ne sait pas d'où ils viennent, on ne sait pas où ils vont, parce que, à un moment donné, ils sont là et tout à coup, pouf! La même journée, on reçoit deux formulaires datés du 5 janvier: un crédit de 2038 $ et, le 5 janvier, un autre formulaire, il n'y a plus de crédit, le compte est à zéro. Wo! Il y a comme quelque chose qui ne marche pas, là.

Alors, ça, ce sont des genres de litiges et, s'il y a quelqu'un d'autre qui en a d'autres... C'est ceux qui me viennent à l'esprit pour l'instant, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, madame. M. le député de Montmorency, d'autres questions?

M. Filion: J'aimerais continuer... On sait que la TPS et la TVQ créent une espèce de syndrome dans la population. Est-ce qu'il y a beaucoup de personnes qui s'adressent chez vous et vous disent qu'ils ne veulent pas payer de TVQ? Est-ce qu'il y a une espèce de fléau? Parce que, dans les coffres de l'État, on se rend compte qu'à l'impôt des sociétés il manque 460 000 000 $. Là, on s'aperçoit qu'on ne perçoit pas l'impôt des sociétés prévu. Vous devez, vous autres, ressentir quelque chose sur le terrain, face à toute cette problématique de taxe là. Est-ce que vous pourriez m'expliquer un peu comment vous voyez ça?

Le Président (M. Lemieux): Oui, madame.

Mme Leblanc: Oui. Là-dessus, je peux vous répondre, c'est sûr, parce que, nous, on est une entreprise qui existe depuis 20 ans. On a toujours été en courbe croissante et, depuis 1991, on a presque perdu la moitié de notre chiffre d'affaires. Premièrement, les gens ne veulent plus payer la taxe. On a beaucoup de gens qui marchandent et qui disent: Ah! on ne veut pas payer la taxe, si tu nous charges la taxe, on va ailleurs. Alors, les commerçants honnêtes sont pénalisés versus ceux qui décident d'aller en dessous de la table. Également, nous, on a

beaucoup de «recevables». Alors, les gens n'ont pas les moyens de payer d'avance les taxes. Ils diminuent leurs achats. Ils cherchent les soldes. Et, également, le pouvoir de dépense, de consommation a diminué beaucoup. J'ai plein de clientes, moi, qui arrivent et qui disent: Eh bien, je ferme mon compte, j'ai perdu mon emploi. Du monde qui n'avaient pas fermé leur compte depuis 10 ans, 20 ans et qui ont perdu leur emploi.

Si je comprends bien votre question, c'est dans ce sens-là. Il y a énormément de facteurs de pareille sorte. La même chose quand, moi, je veux faire affaire avec des services ailleurs, que ce soit du débosselage, que ce soit de la coiffure, n'importe quoi, surtout au niveau de la construction, débosselage automobile: Eh bien, si tu me paies comptant, on ne te chargera pas de taxe. Ce qui n'a jamais été avant. Des gens avec qui je fais affaire depuis cinq, six, sept ans et qui ne m'ont jamais offert ça. Et il y a une grosse différence de prix, là. Et, moi, j'aime mieux payer avec chèque parce que j'ai des déductions, et ainsi de suite. Ce n'est pas normal, toutes ces choses-là. C'est ça que je trouve absolument déplorable à ce niveau-là.

Alors, ne vous demandez pas où vont les pertes de cet argent-là, de 460 000 000 $ de perte de revenus. C'est quand les chiffres d'affaires baissent ou qu'il y a du marché au noir. C'est un ou c'est l'autre. Et je peux vous garantir que les gens qui n'entreront pas dans le marché au noir, si vous ne corrigez pas ça, on va crever. Et j'ai toujours fonctionné de façon très honnête et j'ai de la difficulté à comprendre qu'en ce moment on ait baissé autant de chiffre d'affaires, et on va me dire: Bien oui, mais ce n'est pas juste la taxe. Je suis peut-être bien d'accord, il y a un malaise général en ce moment et on doit travailler ensemble. Comme Mme Déziel disait, il n'y a pas à blâmer personne. On doit travailler ensemble et trouver le problème.

Le Président (M. Lemieux): Monsieur, vous vouliez compléter, tout à l'heure, vous avez demandé la parole.

M. Vallières (Jean-Jacques): Bon, permettez que je réponde peut-être au ministre Savoie quand il a demandé...

Le Président (M. Lemieux): Pardon, voulez-vous vous adresser au président? Et brièvement, parce qu'il y a deux dames après vous qui veulent aussi...

M. Vallières (Jean-Jacques): Oui, M. le Président. À la suite du commentaire du ministre Savoie, à savoir: Qu'est-ce qui est bon dans l'administration? vous notez qu'on a bien dit: à la lumière des observations et dans le but bien arrêté de rétablir les bonnes relations. Ça veut dire que les problèmes ont commencé tout récemment. Avant, ça marchait très bien. Il y a évidence de gestes qui ont été posés, mais c'est totalement insuffisant. Entre-temps, on continue à nous pénaliser à 15 %. Eh bien, peut-être qu'on dit: O.K., jusqu'à ce que le système soit rodé, qu'on nous pénalise à 10 % et, après ça, on retournera à 15 %, 20 %, 25 %, parce que, comme Mme Leblanc le disait, ça ne sera plus nécessaire parce qu'on aura maîtrisé le système.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Madame, voulez-vous ajouter un commentaire? Non? Madame.

Mme Déziel: Écoutez, brièvement, je pense qu'on parlait...

Le Président (M. Lemieux): Ça va? Et vous, vous vouliez ajouter un commentaire? Oui.

Mme Bruyère: Oui. M. le Président, j'aimerais répondre à la question de M. Filion. Un problème dans l'Outaouais qui est flagrant, c'est qu'on est une région frontalière. On n'est pas la seule dans la région du Québec. Alors les fameux 4 %, je ne touche même pas aux 8 %, les 4 % de services ont eu un impact négatif dans notre région: 31 salons de coiffure ont fermé ou ont fait faillite. Je sais qu'à un moment donné M. Savoie avait dit: II y a moins de faillites. Oui, mais les gens sont plus intelligents, ils ferment avant de faire faillite. Les 4 % aussi, il y a beaucoup de professionnels qui vont migrer en Ontario. Alors, ça, c'est un autre problème qu'on a dans la région de l'Outaouais. Alors, les gens sont tannés d'avoir des problèmes avec ça, ils sont tannés de calculer des taxes, ce qui fait qu'ils s'en vont dans un endroit où ils peuvent avoir un taux horaire plus élevé.

Et il y a un autre problème aussi dans notre région, c'est la publicité qui n'est pas trompeuse dans le sens qu'elle est malfaisante, mais c'est une publicité qui est malsaine. Il y a des commerçants qui vont dire: Nous, on ne charge pas la taxe, sauf que les consommateurs se disent: Est-ce qu'il la met dans le prix ou s'il ne la met pas vraiment dans le prix? Est-ce qu'il l'absorbe ou est-ce qu'il ne l'absorbe pas? Ils ont de la misère à faire une comparaison des prix parce que, là, ils ne savent plus qui la met et qui ne la met pas. Ce qui fait qu'il y a comme une espèce de danse, là, une espèce de cauchemar, c'est comme si Dracula se promenait avec son manteau noir et venait nous déposer ça dans la région de l'Outaouais, et c'est ça qu'on trouve difficile, d'autant plus dans notre région.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Montmorency, est-ce que vous avez terminé?

M. Filion: l'alternance.

Le Président (M. Lemieux): L'alternance.

Alors, M. le président du Conseil du trésor. M. Audet: M. le Président. Le Président (M. Lemieux): Oui?

M. Audet: En vertu du règlement, est-ce que l'article 213 s'applique en consultation? C'est parce que j'aurais aimé poser une question au député de Montmorency?

Le Président (m. lemieux): oui, effectivement il s'applique. l'article 213 s'applique très bien. oui, après une intervention vous avez le droit...

M. Audet: Oui? C'est juste que je veux savoir si oui ou non le député, ou un prochain gouvernement, ou un futur gouvernement de son parti s'engage à abolir la TVQ sans augmenter l'impôt des particuliers. Parce que c'est ça qu'il semble dire. Je veux savoir si oui ou non il va abolir la TVQ sans augmenter les impôts.

M. Filion: M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): Simplement pour vous dire que vous n'êtes pas tenu de répondre...

M. Audet: Oui ou non, juste ça.

Le Président (M. Lemieux): ...M. le député de Montmorency, parce que la question que le député de Beauce-Nord doit poser doit être strictement sur votre intervention.

M. Audet: C'est ça, oui ou non.

M. Filion: M. le Président, je pense que le député de Beauce-Nord doit comprendre le but du mémoire ici. On parle que l'harmonisation complique la vie de tout le monde et on est en train de vouloir organiser le système en guichet unique, en guichet unique pour que ça fonctionne mieux, et, dans cette optique-là, c'est ce qu'on demande ici et il n'y a pas d'oreilles...

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Filion: ...au gouvernement pour écouter cette demande-là.

M. Audet: Alors, je comprends que le député n'a pas compris ma question...

Le Président (M. Lemieux): Non, il n'y a pas de réplique, M. le député de Beauce-Nord.

M. Audet: ...ou il ne le sait pas.

Le Président (M. Lemieux): II n'y a pas de réplique. S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Audet: Ah! d'accord. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Je vais passer la parole à M. le président du Conseil du trésor, s'il vous plaît, puisqu'il nous reste seulement deux minutes de ce côté-ci.

M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Oui.

Le Président (M. Lemieux): C'est-à-dire, je m'excuse, pas deux minutes, deux ou trois minutes.

M. Johnson: Deux ou trois minutes, oui.

Le Président (M. Lemieux): Deux ou trois minutes.

M. Johnson: Merci.

M. Lemieux: Dix minutes pour l'Opposition. Alors, je m'excuse...

M. Johnson: Et quelques instants pour nous, oui, c'est ça. Alors, évidemment, dans la mesure où je serai le dernier à intervenir du côté ministériel, je veux remercier les gens de s'être déplacés, d'être venus démontrer, encore une fois, que le ministre du Revenu, c'est une bonne tête de Turc, c'est une victime. Ça fait des siècles, depuis la taille et l'impôt sur le sel que les percepteurs ont bien bien mauvaise réputation. Mais ils sont toujours ouverts à améliorer le système. C'est vrai dans le public comme dans le privé.

Je trouve regrettable que quelqu'un fasse une dépression parce qu'il ne s'est pas rendu compte qu'une amende de 30 000 $, parce qu'il est 2000 $ en retard, c'est évidemment une erreur d'ordinateur, et que notre système démocratique va faire en sorte qu'on ne l'enverra pas en prison, qu'on ne prendra pas sa maison s'il doit 30 $ et non pas 30 000 $. Ça, vous me permettrez de ne pas souscrire à des craintes comme celles-là. J'ai déjà reçu un compte de téléphone d'une compagnie de téléphone pour 72 minutes d'interurbain et j'en avait fait 12 Elle l'a corrigé, elle n'a pas saisi ma maison, elle n'a pas fermé mon compte de banque. C'est la même chose pour mes cartes de crédits. Lorsque ça arrive à vos clients de voir débiter 2 fois leur carte de crédit du même montant, c'est des choses qui arrivent, on appelle, on change ça et on n'en fait pas une maladie.

Mais il n'y a pas beaucoup de monde qui transige avec 400 000 mandataires et 4 500 000 contribuables. Ça fait littéralement des dizaines de millions de transactions, là, par année. Des dizaines de millions de transactions. Qu'on vienne nous dire que les gens vont se faire couper les cheveux dans une autre province pour sauver 0.80 $, parce que c'est ça, 4 % sur 20 $ ou

0.40 $,4 % sur 10 $... (15 heures)

Mettons les choses en perspective, quel genre de régime avons-nous voulu mettre sur pied? On a hérité d'une structure fiscale. Les gouvernements héritent les uns des autres - ça on n'a pas le choix - et on essaie un peu de mettre de l'ordre là-dedans à mesure qu'on avance. On essaie de simplifier. On essaie de faire un guichet unique. On essaie - et on a réussi dans votre cas - d'allonger la période durant laquelle vous détenez les sommes avant de les remettre au gouvernement, le dernier jour de la fin du mois suivant le mois de la perception et non pas 15 jours plus tard. Il y a des choses qu'on essaie de faire, évidemment, mais ça ne sera pas parfait.

S'il y a des dizaines de millions de transactions informatiques ou à la mitaine qui se font, il est possible que monsieur reçoive un chèque de 1000 $ auquel il n'a pas droit; et il s'en est aperçu. Je n'ai pas perçu, par ailleurs, que ça l'avait mis dans tous ses états, mais ça l'a amené à dire: Regardez donc comme il faut, du point de vue de l'administration publique, comment vous pouvez corriger le tir, comment vous pouvez être un peu plus sensible à ce que les contribuables exigent, comment vous pouvez être plus pratique, surtout dans votre approche. Et c'est ça. Je pense que, si vous regardez ce qui se fait au ministère du Revenu depuis des années, vous voyez que les décisions et les changements vont toujours dans ce sens-là.

Le Président (M. Lemieux): En conclusion, M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Ils vont toujours dans ce sens-là. Et on peut vouloir déplorer qu'il y ait une TPS fédérale, maintenant, qui est, évidemment, exigée. On avait le choix: ou bien de ne pas s'harmoniser du tout, ou alors de s'engager sur la voie de l'harmonisation, y compris la déduc-tibilité, le remboursement, devrais-je dire, de la taxe sur les intrants, sur vos achats, quels qu'ils soient, et non pas simplement les achats que vous faites pour fins de revente. Ça, c'est des choses qu'on a faites.

Il me semble que c'est plus plutôt que moins qui a été fait, et c'est toujours dans le sens d'aider le contribuable, de l'informer davantage et de simplifier le système. Mais, des impôts, là, je vous l'annonce tout de suite, il va toujours y en avoir. Ça, je pense qu'on s'en doute. On essaie de les réduire le plus possible en réduisant les dépenses...

Le Président (M. Lemieux): M. le président du Conseil du trésor...

M. Johnson: ...et on essaie, évidemment, de tenir compte des difficultés, comme percepteur d'impôt, auxquelles vous avez à faire face.

Le Président (M. Lemieux): ...merci.

M. Johnson: On vous remercie pour votre intérêt.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Oui, vous avez un commentaire.

Mme Déziel: Oui, brièvement. Je comprends, M. le Président, en fait, que, si c'était parfait, malheureusement, on ne serait pas ici aujourd'hui. Alors, c'est tout simplement pour nous aider ensemble. Je comprends sûrement que M. le ministre - j'espère - a lu notre mémoire vraiment attentivement, puisque l'on ne demande pas l'abolition, évidemment, de la TVQ ni de la TPS et qu'on a plusieurs propositions à faire, justement pour alléger le fardeau du gouvernement. Alors, on ne veut pas être pris non plus dans une bataille politique sur ce qui est bon et ce qui n'est pas bon.

Ce qu'on vous dit, finalement - si seulement ce message pouvait être là - ce qu'on vient vous dire, c'est qu'on ne vient pas vous dire que vous êtes les méchants et que vous n'avez rien fait, on vient vous dire simplement: II y a du travail au noir que ça crée; on est prêts, tout simplement, à collaborer. Si vous stimulez chez l'individu plus d'information, il comprendra et il essaiera de collaborer avec le gouvernement, avec le guichet unique. Et j'étais heureuse d'entendre encore que vous vous en allez vers cette voie.

Toutefois, vous comprendrez que, pour nous, bâtisseurs, il est difficile d'attendre et de ne pas avoir vraiment de délai. On a besoin, pour que nos entreprises soient florissantes, pour pouvoir vous payer de l'impôt, pour ne pas que ce soit dans le travail au noir... Parce que, en réponse à un élément qui avait été dit par le député au niveau du travail au noir, si vous avez du travail au noir, ça veut dire qu'il n'y aura pas d'impôt sur le revenu. Alors, c'est une autre façon, effectivement, de passer à côté. Alors, on ne dit pas d'enlever la taxe, mais on dit simplement: Faites en sorte de prendre certains des éléments qui sont dans le mémoire pour aider le contribuable à vous aider à l'intérieur de ça, et ayez la pédale douce au niveau des pénalités.

Le Président (M. Lemieux): Merci.

Mme Déziel: Ottawa le sait, on vous demande de faire de même.

Le Président (M. Lemieux): Merci, madame. Mme Déziel: Merci.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle.

M. Léonard: Alors, je veux vous souhaiter

la bienvenue et vous remercier de votre mémoire et de sa qualité, parce qu'il nous donne des renseignements très précis, très concrets, très pratiques sur la perception de la taxe. On sent très bien, à travers la rédaction de votre mémoire, que vous avez vécu plusieurs expériences - pour ne pas dire des milliers d'expériences - et que vous représentez, d'ailleurs, plusieurs milliers de consommateurs et de gens qui collectent les taxes, donc, au plan des commerçants en particulier.

Je pense qu'il faut revenir sur un certain nombre de notions, et surtout sur une décision du gouvernement qui est à l'effet d'introduire cette réforme de la taxe visant à la tarification et à la taxation, je dirais, à contretemps et à contre-courant. À contretemps parce qu'elle a été mise en route au moment où la récession était enclenchée: le 1er janvier 1991, et la récession était là depuis avril 1990. Donc, ça a eu un effet de freinage considérable dans l'économie. Deuxièmement, c'est à contre-courant, et vous en êtes une illustration, en particulier dans l'Outaouais.

Mais je vais élargir un peu dans le contexte du libre-échange où cette réforme a été introduite, alors qu'il aurait fallu faire l'inverse, qu'il aurait fallu modifier très probablement l'impôt sur le revenu et diminuer les taxes pour permettre une meilleure concurrence, pour que les commerçants puissent arriver à un régime concurrentiel avec ce qui se passe ailleurs aux États-Unis et ce qui se passe ailleurs dans les autres provinces. À partir du moment où nos taux de taxes sont plus élevés qu'ailleurs, il n'est pas du tout étonnant que le consommateur, lui, aille ailleurs pour commercer. Donc, réforme à contretemps, réforme à contre-courant. Je pense que, ça, c'est majeur.

Plus que cela, malheureusement, ce fut une réforme improvisée, cachée d'abord dans le budget d'avril 1990. Personne n'avait rien vu dans le discours sur le budget; donc, c'est vrai que ça a été caché. Ça a été révélé à la fin du mois d'août, puis là on avait supposément fait des ententes avec Ottawa. C'était le lendemain, c'était urgent de convoquer l'Assemblée nationale, d'ailleurs, à ce moment-là, à l'occasion des problèmes qu'on avait avec les Mohawks et les Warriors. Et on a improvisé cette réforme en faisant des grands discours sur l'harmonisation, alors que le fond des choses n'avait pas été réglé.

Il y a deux taxes qu'on essaie d'harmoniser, alors que la philosophie de chacune est très différente. La TPS, qui est une taxe multistade, qui s'ajoute au cours des processus de fabrication, est très différente de la taxe de vente qui, elle, est perçue seulement à la fin de tout le processus industriel et commercial. Ceux qui en font les frais, malheureusement, aujourd'hui, ce sont les commerçants. Je sais qu'on a essayé de donner des cours pour préparer tout le monde.

Ça a été vrai pour les commerces, dans les chambres de commerce; ça a été vrai aussi dans les industries. Mais le gouvernement lui-même a modifié sa trajectoire en cours de route.

Au début, il devait y avoir un taux de taxe pour le fédéral, puis un taux de taxe pour le Québec. Or, aujourd'hui, on se retrouve avec un taux de taxe pour le fédéral, mais, je vous les liste: la TVQ à 8 %, ou à 4 % sur les services; l'assurance, certaines parties de l'assurance à 9 %; l'assurance automobile, 5 %; certaines parties sont détaxées complètement; en cours de route, on a laissé tomber le livre, évidemment; puis, après ça, quand on arrive en alimentation, si vous achetez un petit pot de yaourt, vous êtes taxés et, si vous en achetez, je pense que c'est six, vous n'êtes plus taxés. Bref, tout est mêlé. Plus que ça, le ministre du Revenu a permis à tout le monde de mettre sur le prix de vente le prix de la TPS, de la TVQ ou seulement une des deux, ou de ne rien mettre du tout, ou de l'inclure. C'est ça qu'il a fait. Alors, tout est mêlé. C'est la liberté, qu'il avait dit. Je me rappelle très bien, j'étais en commission parlementaire: Le commerçant veut le faire...

M. Savoie: C'est le gouvernement fédéral.

M. Léonard: Alors, M. le Président, c'est le commerçant qui en fait les frais. C'est le commerçant.

On a, après ça, toute une série de choses qui sont intervenues, parce que, dans certains domaines, on a exagéré la taxe. On l'a vu ce matin, sur le tabac: 537 000 000 $. Et, entre le ministre des Finances et ceux qui sont venus à la barre, je pense que je crois plus ceux qui sont venus à la barre, là-dessus, parce qu'ils l'ont, le calcul, très clairement.

M. Johnson: Non.

M. Léonard: Non? Le président du Conseil du trésor dit que... On dit, nous: Je pense que leur calcul est beaucoup plus exact, puis, quand vous aurez l'honnêteté de dire et d'admettre tout ce que vous perdez en taxes de vente et en taxes sur le tabac, vous allez voir que vous allez rejoindre leurs chiffres, très probablement. (15 h 10)

Mais, ce qu'il y a à travers tout cela, c'est que la contrebande a miné la moralité fiscale des Québécois. Il y en a de plus en plus, et dans de plus en plus de domaines. Ça a commencé, évidemment, par le tabac, mais, là, ça s'étend à d'autres domaines. Ça s'étend aussi à l'idée. comme on l'a expliqué très bien, que les gens ne veulent pas payer la taxe, le moins possible, et qu'ils marchandent et qu'ils font de la pression sur le commerçant. Je sais que vous n'aimez pas ça, entendre ça, que vous aimeriez qu'on ne parle pas de ça, mais c'est ça, la réalité économique présentement; c'est cela, la réalité écono-

mique.

Ça se retrouve dans une page que je trouve à lire pour tous ceux qui ont le mémoire, à l'annexe D; ça, c'est la vie de tous les jours, de tous les mois de chacun des commerçants. Dès qu'il y a une erreur, d'ailleurs, et ça arrive souvent qu'il y en a, surtout dans des périodes où on implante un système, c'est ça qui se passe; alors, c'est terrible. Et le coût, vous l'avez dans le tableau qui a été distribué: 2500 $, dans le meilleur des cas, 3500 $. Et, encore là, M. le Président, il faut circuler, il faut aller dans les chambres de commerce et entendre les commerçants en parler. Je sais qu'ils sont très polis envers le ministre du Revenu; ils doivent lui dire les choses tout doucement, en essayant de lui faire comprendre, parce qu'ils savent que, lui, il peut prendre des décisions. Mais, quand il n'est pas la, je peux vous dire que ça crie dans le décor; ça crie partout, parce que ça ne marche pas, le système.

Alors, moi, je vous remercie du témoignage que vous êtes venus faire ici, à cette commission, et du travail que vous faites parce que, au fond, il va falloir le simplifier, le système, l'uniformiser pour vrai et l'harmoniser dans la mesure du possible. Mais, en réalité, on retrouve un vieux dossier dont on ne veut pas entendre parler aussi, de l'autre côté, et qu'on qualifiera de politique, je veux bien, moi: je pense qu'il y a un gouvernement de trop, tout simplement. S'il n'y en avait rien qu'un, ça irait beaucoup mieux là-dessus.

M. Johnson: Ça va coûter moins cher. M. Léonard: Oui.

M. Johnson: 400 000 000 000 $ de dettes accumulées.

M. Léonard: Ça, vous ne voulez pas en parler, mais vous les payez quand même.

M. Johnson: Bien, voyons donc!

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Est-ce que vous avez des commentaires?

M. Johnson: II prétend qu'on ne paiera pas....

M. Gautrin: Oui, je ferais des commentaires.

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît! M. le député de Verdun. Non, non, non. S'il vous plaît!

M. Gautrin: N'importe quand, on fera le débat. N'importe quand.

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît!

M. le député de Verdun.

M. Léonard: Oui, vous avez peur des débats là-dessus!

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Madame, immédiatement.

Mme Bruyère: Messieurs, mesdames, comme Mme Leblanc et Mme Déziel l'ont mentionné, M. le Président, on n'est pas ici pour faire de la chicane...

Le Président (M. Lemieux): J'espère!

Mme Bruyère: ...on est ici pour s'entraider, pour la collaboration. La collaboration, on ne peut pas la couper en deux mots: «colle» sur un bord et «décolle» sur l'autre. C'est de la collaboration; ça veut dire, ça, que, comme je l'ai bien mentionné ici, contribuer à un pays, contribuer à des taxes, à des impôts, c'est de la participation. C'est ça qu'on essaie de donner comme message au gouvernement depuis six mois. On participe. Que ce soit avec le ministère du Revenu, le ministère des Finances ou de l'Industrie et du Commerce, on participe avec les moyens que nous avons. Et, nous l'avons mentionné dans le mémoire, on n'est pas des fiscalistes, sauf exceptions; on n'est pas des gens qui avons des doctorats en quoi que ce soit, mais on vit à tous les jours, sur le tas, les problèmes qu'impose l'application de la TVQ, entre autres.

Alors, on est ici aujourd'hui. On s'est tapé cinq heures de route et on va s'en taper cinq autres pour retourner, et ce n'est pas pour entendre les gens se chicaner. C'est pour que les gens... On est d'accord, autant d'un côté que de l'autre. Nous, on est là pour dire: II y a une union. Je ne veux pas que, ni d'un côté ni de l'autre, on s'en serve, de ça, non plus, pour montrer du doigt. Ce qui est important, c'est que, de chaque côté, on soit honnête en fonction des contribuables qui paient des impôts et des taxes. Ce sont les contribuables qui font vivre le gouvernement, et vice versa aussi. C'est pour ça qu'il est important qu'on participe et qu'on collabore.

Alors, notre mémoire, les efforts qu'on y met depuis des mois... Je dois vous dire qu'il y a 33 384 membres qui nous appuient de façon officielle, avec lettres à l'appui, et nous avons à peu près 250 000 mandataires qui nous suivent. Alors, s'il ne se passe pas quelque chose d'intéressant d'ici quelque temps, si on n'a pas, à peu près dans 90 ou 110 jours, des résultats concrets... Ce n'est pas une question de menace, mais on fait notre effort, on essaie de collaborer et de participer. J'ai l'impression que les contribuables en ont ras le bol, qu'ils sont écoeurés, que ce soient des contribuables qui ont des PME

ou qu'ils n'en aient pas.

Alors, ce qui est important, c'est que M. Savoie, M. le Président, nous a conviés à une rencontre lors du dépôt du budget. On espère sincèrement, avec les 250 000 mandataires qui sont derrière nous, que, lors du dépôt de ce budget, il va y avoir des choses constructives, positives qui vont faire en sorte que les contribuables vont vouloir continuer à contribuer honnêtement, et honnêtement aussi de la part du gouvernement. C'est tout ce qu'on est venus faire ici.

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions, madame, et je remercie l'ensemble de votre groupement pour cette participation à cette commission parlementaire.

Nous suspendons nos travaux pour environ deux minutes, pour permettre au Bureau d'assurance du Canada de bien vouloir prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 15 h 16)

(Reprise à 15 h 19)

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît! Alors, je demanderais au porte-parole ou à la porte-parole de votre groupe de bien vouloir s'identifier et de nous présenter... Oui, M. le ministre du Revenu.

M. Savoie: Une question de privilège, je crois, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): En vertu de quel article, M. le ministre du Revenu?

M. Savoie: Je l'ignore, M. le Président. Je pense que c'est à vous...

Le Président (M. Lemieux): Vous l'ignorez, mais ce n'est pas nécessairement à moi. Lorsqu'on fait un rappel au règlement, la personne qui fait cet appel au règlement se doit de me citer l'article du règlement.

M. Savoie: Oui, mais vous comprendrez, M. le Président, que je n'ai pas le livre des règlements.

Le Président (M. Lemieux): Mais allez-y. Allez-y, expliquez-moi votre question de privilège.

M. Savoie: Tout à l'heure, le député de Labelle a insinué que, lors de rencontres avec les chambres de commerce, les gens étaient gentils avec moi lorsque j'étais présent aux discussions avec les chambres de commerce parce que j'avais certains pouvoirs, comme ministre du Revenu, que je pouvais prendre des décisions, ce qui laissait entendre, peut-être, qu'il y avait un abus au niveau de l'utilisation que je pouvais faire de mes pouvoirs de ministre du revenu et des fonctions du ministère. je pense que c'est ça qui a été insinué, et je voudrais que le député de labelle clarifie ce point-là très rapidement. (15 h 20)

M. Léonard: M. le Président, je peux le clarifier, parce que je ne pense pas qu'il y ait une question de privilège, aucunement.

Le Président (M. Lemieux): Non, ce n'est pas une question de privilège.

M. Léonard: ce que j'ai dit, ce que j'ai décrit, c'est une situation tout à fait hypothétique. quand les gens s'adressent au ministre dont ils pensent qu'il peut régler une situation, ils s'adressent de façon très polie, en essayant de la lui expliquer. je n'ai rien dit qui soit de nature à blesser le ministre, absolument pas, et je sais qu'il intervient simplement pour ramener la question sur le tapis. alors, m. le président, je n'ai aucune excuse à faire. dans ce que j'ai dit - je le regarderai dans les galées - je ne pense pas qu'il y ait une injure, de quelque nature que ce soit.

Le Président (M. Lemieux): Écoutez...

M. Savoie: J'accepte ces explications, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): D'abord, ce n'est pas une question de privilège.

M. Léonard: Je n'ai absolument aucune peur de ce que j'ai à dire ici.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle, écoutez... S'il vous plaît!

M. Savoie: J'accepte simplement les explications.

M. Léonard: Vous ne m'intimiderez jamais ici.

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît! M. Savoie: J'accepte vos excuses.

Le Président (M. Lemieux): Alors, je pense que nous sommes heureux de vous avoir parmi nous. Permettez-moi de reprendre dès le début. J'avais demandé à la ou au porte-parole de votre organisme de bien vouloir s'identifier.

Dans un deuxième temps, la procédure est la suivante. Nous disposons globalement d'une heure: 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire et suivra un échange avec les deux formations politiques de 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour le groupe de l'Opposition officielle.

Alors, nous sommes prêts à entendre la ou le porte-parole de votre groupe.

Bureau d'assurance du Canada (BAC)

M. Bouchard (Jean): Merci, M. le Président. Mon nom est Jean Bouchard. Je suis le président du comité des BAC-Québec et également président du conseil d'une société d'assurances générales, La Laurentienne Générale. M'accompagnent cet après-midi Mme Hélène Lamontagne, qui est avocate-conseil du Bureau d'assurance du Canada, ainsi que M. Raymond Medza, qui est le directeur général du Bureau d'assurance du Canada au Québec, qui est situé à Montréal.

Nous tenons d'abord à vous remercier de l'opportunité que vous nous avez donnée de vous présenter un mémoire, d'une part, et de nous recevoir ici cet après-midi pour en discuter.

Comme vous le savez, le Bureau d'assurance du Canada, communément connu sous le nom de BAC, est l'association nationale qui représente la presque totalité des assureurs de dommages qui opèrent au Canada. Il regroupe environ 180 sociétés d'assurances de dommages, qui perçoivent plus de 85 % de toutes les primes d'assurance de dommages versées au Canada.

Au Québec, les orientations du BAC sont déterminées par le comité BAC-Québec qui regroupe les chefs de direction de compagnies d'assurances de dommages parmi les plus importantes. Vous avez d'ailleurs, dans notre mémoire, la liste des membres de ce comité.

Nous voulons vous dire d'abord que nous souscrivons aux énoncés du président du Conseil du trésor et du ministre des Finances à l'effet qu'il faut réviser le rôle et la taille de l'État, minimiser la charge fiscale et, ce qui est très important, apprendre à vivre selon nos moyens.

Évidemment, le fardeau fiscal des Québécois a atteint un point critique - plusieurs, d'ailleurs, l'ont soulevé à cette tribune - non seulement pour les citoyens, mais également pour les sociétés, y compris les sociétés d'assurances de dommages. Les impôts et les taxes prélevés ont atteint un niveau que nous qualifions d'inacceptable et également, de toute façon, de plus, les déficits successifs de plus en plus élevés ont contribué à l'augmentation de l'endettement national et, donc, aussi, à rendre l'opération de l'État de plus en plus difficile. Nous espérons donc que la commission ne sera pas un simple exercice de rhétorique mais vraiment le point de départ d'une action énergique afin de diminuer la taille de l'appareil gouvernemental, d'éliminer graduellement le déficit et, par voie de conséquence, de réduire notre niveau d'endettement et alléger le fardeau fiscal qui nuit à notre essor économique. Pour cela, nous croyons que cette commission ne doit pas être simplement une remise en cause des services dispensés par le gouvernement mais également une analyse sérieuse de l'efficacité de l'appareil gouver- nemental.

Compte tenu du court temps accordé pour formuler des recommandations sur un sujet excessivement vital, il nous est impossible de procéder à une étude globale de la fiscalité ainsi que des autres sources de financement des dépenses publiques du Québec. Notre mémoire traitera donc uniquement de trois points, des trois points suivants, en nous basant sur notre expérience: premièrement, le fardeau fiscal imposé aux assureurs de dommages; deuxièmement, le financement de l'appareil de contrôle des assureurs et, troisièmement, les mécanismes d'application des lois.

Nous invitons les membres de la commission, d'abord, à prendre connaissance des distinctions fondamentales entre le secteur des assurances de dommages et les autres institutions financières, tel que nous le soulignons, d'ailleurs, en page 4 du mémoire que nous avons déposé. Elles ne sont pas des intermédiaires financiers, et nos revenus ne comprennent pas de portion épargne, comme c'est le cas d'autres institutions telles que les banques ou les sociétés d'assurances sur la personne. Le but de notre industrie est de garantir, pour une courte période, une indemnité en remboursement de dommages à la propriété ou de la responsabilité envers des tiers, qui surviennent durant la période de couverture. L'assurance-dommages est une opération essentiellement à court terme.

Regardons d'abord le fardeau fiscal imposé aux assurances de dommages. Les assurances génèrent au Trésor québécois plus de 525 000 000 $ annuellement et, essentiellement, il s'agit de taxes directes et indirectes qui se reflètent dans le coût des assurances, comme la taxe de vente sur l'achat de biens et services reliés aux indemnités, la taxe sur les primes, la surtaxe compensatoire sur les salaires, la surtaxe sur les primes et la taxe de vente de 5 % ou 9 %, selon qu'il s'agit d'assurance automobile ou d'assurance-habitation. Ces sommes excluent les cotisations et frais divers pour le financement du bureau de l'Inspecteur général et du Conseil des assurances de dommages, ainsi que les impôts sur les profits des sociétés. Disons qu'une approximation du chiffre que nous pourrions faire de l'ensemble de ces taxes-là pourrait toucher environ 750 000 000 $.

Le fardeau déjà très lourd des charges fiscales des sociétés d'assurances de dommages a été encore alourdi par l'introduction de la TVQ et des mesures compensatoires applicables seulement aux institutions financières. Lors de la réforme des taxes à la consommation, le BAC avait souligné au ministère des Finances l'effet négatif du projet sur les assureurs, particulièrement sur ceux dont le siège social est au Québec. Si, comme le prétend le gouvernement, on veut favoriser le développement des sociétés établies au Québec et leur permettre de concurrencer les sociétés étrangères, on ne doit pas

imposer des mesures qui les désavantagent.

Nous remettons aujourd'hui une série de tableaux additionnels à ce qui avait été inclus au mémoire. Dans un de ces tableaux, nous notons d'ailleurs que, d'après l'impact net de la réforme de la TVQ, basé sur les données de 1990, elle devait produire un effet neutre sur les assureurs de dommages. En finale, après différentes discussions, elle produit environ 3 500 000 $ de revenus additionnels au Trésor québécois. Cependant, lorsqu'on analyse d'un peu plus près et qu'on compare l'impact sur les assureurs québécois par rapport aux assureurs dont le siège social est hors Québec, les assureurs qui sont situés hors Québec ont un avantage de 3 800 000 $, alors que les sociétés dont le siège social est au Québec sont désavantagées de 7 400 000 $. Ce qui fait une différence entre les deux de quelque 11 000 000 $.

Il n'est pas surprenant, de plus, que l'on constate... D'ailleurs, dans un rapport qui a été publié en octobre 1991 sous le sous-titre «Taxation of financial institutions in Canada», le Conference Board indique, de plus, que l'industrie des assurances de dommages est présentement la plus lourdement taxée de toutes les institutions financières. Nous soumettons d'ailleurs un tableau additionnel qui reprend l'article et les tableaux du Conference Board.

Notons que les assureurs de dommages représentent seulement 4,1 % des actifs des institutions financières, même s'ils supportent 41 % du fardeau fiscal des institutions financières. Inutile aussi de rappeler que tous ces coûts sont un des facteurs de détermination des primes d'assurance. Ces différentes taxes doivent être repassées au consommateur dans le prix de nos produits. Donc, sous ce premier titre, nous croyons que le gouvernement doit revoir l'ensemble du régime fiscal afin d'en répartir le fardeau plus équitablement entre les différents contribuables et les produits et services qu'ils consomment.

Quand au financement de l'appareil de contrôle, l'appareil gouvernemental qui contrôle les activités de l'assurance de dommages est le bureau de l'Inspecteur général des institutions financières. C'est lui qui est chargé de l'application de la Loi sur les assurances, de la Loi sur l'assurance automobile - c'est-à-dire les articles 156 et suivants, parce que c'est un cas où il y a partage de responsabilités entre deux ministères - ainsi que d'autres lois touchant les sociétés d'assurances de dommages. (15 h 30)

Une analyse des états des revenus et dépenses de cet organisme démontre que le bureau de l'Inspecteur général génère pour le gouvernement des revenus excédentaires aux dépenses encourues, alors qu'il ne devrait que s'autofinancer. Le tableau que nous avons en page 6 de notre mémoire illustre les états financiers du bureau de l'Inspecteur général des institutions financières pour l'année 1991. Ces coûts, payés par les assureurs cotisés, se reflètent également dans les primes payées par les consommateurs. On y observe que le gouvernement génère des profits importants aux dépens des institutions financières supervisées, alors que l'organisme de contrôle ne devrait, en principe, que s'autofinancer. Puisque les excédents vont au Trésor, il s'agit d'une taxe déguisée, payée par les consommateurs des produits d'assurances de dommages, et qui découle de l'application des lois touchant les sociétés d'assurances.

Il faut s'interroger sur la pertinence d'effectuer les mêmes contrôles au Québec également, alors que les compagnies sont déjà soumises à ceux du gouvernement fédéral. Nous avons au Québec des sociétés à charte provinciale et à charte fédérale. Les sociétés à charte fédérale sont déjà soumises au contrôle de l'organisme du ministère des Institutions financières fédéral et, lorsqu'elles opèrent au Québec, elles sont également soumises à une duplication de contrôle de la part de notre propre bureau. Il nous apparaît donc primordial qu'il y ait une reconnaissance mutuelle des juridictions, de façon à éviter la duplication des efforts et des frais, et j'insiste sur la reconnaissance mutuelle des juridictions qui dépasse la simple harmonisation des législations.

Nous croyons qu'il doit y avoir une certaine harmonisation. Tout au plus y aurait-il lieu d'harmoniser les pratiques de chacun des paliers de gouvernement de façon à ce que les sociétés puissent relever d'une seule autorité tout en respectant les différentes juridictions. Cela permettrait d'éviter des chevauchements coûteux. Nous ne désirons pas remettre en cause le travail du bureau de l'Inspecteur général, mais les règles contraignantes auxquelles la loi l'astreint dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés. Nous croyons que les institutions financières qui assument le total des coûts devraient pouvoir, de façon systématique, être également consultées sur les activités et les budgets du service. D'après les mémoires présentés, il semble que le même phénomène existe également dans d'autres secteurs. C'est pourquoi le BAC recommande que l'on évalue la pertinence et les coûts de tous et chacun des programmes afin de déterminer s'ils doivent être maintenus, d'une part, ou modifiés, ou tout simplement abolis, d'autre part.

Maintenant, dans le cadre des mécanismes d'application des lois, l'entrée en vigueur d'une loi entraîne la mise en place de structures administratives qui non seulement se reflètent dans les dépenses générales du gouvernement, les taxes et les impôts ou dans l'imposition de frais de service particuliers aux utilisateurs, mais aussi dans les frais d'exploitation que doivent encourir les entreprises pour répondre aux exigences imposées. Ces coûts s'ajoutent aux frais généraux des sociétés et sont donc finalement ajoutés aux coûts des produits distribués aux consommateurs.

Prenons, à titre d'exemple, certaines dispositions du nouveau Code civil du Québec, de la Loi sur les assurances, de la Loi sur les intermédiaires de marché et de ce que nous anticipons avec le projet de loi sur la protection des renseignements personnels. Par exemple, le Code civil du Québec. Lors de l'adoption du projet de réforme, nous avions porté à l'attention de la commission et du législateur que certains articles du nouveau Code augmenteraient les frais d'exploitation et encourageraient la fraude. L'envoi, par exemple, de deux contrats coûtera plusieurs millions de dollars et c'est ce que la loi, jusqu'à un certain point, forcera les assureurs à faire. Quant à la fraude - que l'on estime présentement, de façon extrêmement conservatrice, à 10 % dans ce mémoire, mais nous sommes en train d'en faire une évaluation plus précise, disons, par une étude que nous faisons avec l'Université de Montréal - elle se situera probablement, si on regarde ce qui se passe dans des pays voisins, comme les États-Unis, par exemple, largement au-delà de 10 %. La conséquence directe de ces mesures serait d'augmenter le coût des assurances que doivent supporter les consommateurs. Pourtant, le législateur a adopté le Code sans tenir compte de nos commentaires à cet effet.

La Loi sur les assurances elle-même. Pour illustrer notre propos, nous prendrons tout simplement, dans la Loi sur les assurances, les articles 285.13 et 298.2 qui ont été introduits lors de l'adoption du projet de loi 112. Nous avions alors exprimé notre inquiétude sur les coûts et les tracasseries que ces mesures entraîneraient. Elles touchent la formation de différents comités et les différents contrôles qui s'y rapportent. Dans le meilleur des cas, ces articles obligent l'assureur à former des comités de déontologie, comités de vérification, selon des règles rigides fixées dans la loi. Nous notons que la plupart des compagnies, d'ailleurs, avaient déjà certains comités de cette nature à qui elles avaient confié des mandats stricts qui leur venaient des conseils d'administration.

De façon générale, nous constatons que les conseils d'administration des grandes sociétés devraient compter, enfin, un nombre raisonnable, je dirais, entre 13 et 15 membres. À cause des nouvelles dispositions, les sociétés d'assurances québécoises ont dû augmenter le nombre d'administrateurs à 21 et plus, 21 membres et plus, avec tous les coûts que cela entraîne et avec, également, toutes les tracasseries que cela entraîne.

Il est évident que les autorités ne font pas confiance aux administrateurs des sociétés. Enfin! Sous forme de déréglementation, on a responsabilisé beaucoup plus les membres des conseils d'administration des sociétés d'assurances. Nous avons demandé, par exemple, exigé la confirmation des réserves par des rapports actuariels, des réserves et des actifs par des rapports actuariels.

Nous avons demandé que soient formés des comités de déontologie et des comités de vérification à qui les conseils d'administration doivent donner des mandats très stricts quant à leur contenu, mais, en plus, on a effectué ou on a, en plus, installé, au niveau de nos autorités de contrôle, tout un appareil pour contrôler que ce travail-là se fasse en plus du fait qu'il doit être contrôlé par les conseils d'administration avec l'ensemble des rapports qui doivent être faits, disons, autant à deux niveaux, autant au niveau de l'Inspecteur général qu'au niveau des conseils d'administration, ce qui impose énormément de contraintes, des coûts additionnels et des retards et des paralysies de fonctionnement.

Les intentions sont bonnes, et nous étions d'ailleurs d'accord avec plusieurs des recommandations. Vous noterez que plusieurs des sociétés qui opèrent au Québec avaient déjà, même avant l'imposition de la loi, formé des comités de déontologie, des comités de vérification et s'étaient déjà imposé la règle d'avoir des rapports actuariels sur leurs propres réserves. Donc, ce n'est pas tant sur la question d'intention que sur la façon dont la déréglementation s'est faite à ce niveau-là ou ce que nous appelons plutôt une «reréglementation» encore plus contraignante et plus paralysante.

La Loi sur les intermédiaires de marché elle-même, qui est un dernier exemple, avait besoin de refonte. On a adopté une loi qui confie à l'Inspecteur général des institutions financières le contrôle des intermédiaires de marché selon de nouvelles règles. Il y aurait un surintendant des intermédiaires avec le personnel que cela implique, un conseil des assurances de dommages avec son personnel, un conseil des assurances de personnes avec son personnel et les coûts ne seraient pas affectés. Alors, si vous regardez quand même un tableau qui vous a été soumis, nous constatons qu'au bas mot le contrôle des intermédiaires lui-même coûte plus de 2 000 000 $, disons, à l'industrie de l'assurance de dommages au Québec.

Alors, c'est quand même un certain nombre d'exemples que nous voulons vous apporter. Et nous craignons, par la lecture et l'analyse que nous faisons du projet de loi 68 sur la protection des renseignements personnels, que plusieurs des dispositions qui sont prévues à cette loi vont venir causer encore énormément de coûts additionnels tant à l'industrie qu'au niveau du fonctionnement gouvernemental.

Alors, le Bureau d'assurance du Canada recommande et insiste pour qu'avant d'adopter des lois on en évalue l'impact financier non seulement sur les dépenses de l'État, mais aussi sur les sociétés qui doivent s'y conformer, d'autant plus que, dans l'un et l'autre des cas, ce sont les consommateurs qui, en définitive, en supportent les coûts.

Le sommaire de nos recommandations est donc que nous croyons que tout exercice de

rationalisation doit se faire dans le même esprit que dans le secteur privé, en se fixant des objectifs et des critères de mesures rigides qui permettent d'évaluer le degré de réussite des objectifs.

Nous soumettons que l'État devrait réduire sa taille de quelque 20 % par l'adoption des recommandations suivantes: la création, d'abord, d'un comité d'analyse relevant du bureau du premier ministre, et composé de représentants tant du gouvernement que de personnes indépendantes de l'État, et qui serait chargé de remettre en question tous et chacun des programmes, d'en évaluer la pertinence et les coûts pour formuler des recommandations appropriées; deuxièmement, une révision en profondeur de l'ensemble du régime fiscal afin de répartir équitablement le fardeau entre les contribuables tout en tenant compte des particularités de chacun des secteurs; un mécanisme d'évaluation de l'impact économique de chaque projet de loi, tant au niveau des dépenses du gouvernement que de celles des entreprises à qui il s'adresse, et l'adoption d'une loi qui encadre l'obligation pour le gouvernement de présenter un budget équilibré.

C'est là l'essence, M. le Président, du mémoire et des recommandations que nous voulons vous faire. Encore une fois, nous vous remercions d'avoir l'opportunité de les présenter ici, cet après-midi. Nous sommes à la disposition des membres de la commission.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre des Finances, la parole est à vous maintenant. (15 h 40)

M. Levesque: Alors, M. le Président, je tiens à souhaiter la plus cordiale bienvenue à nos visiteurs, les féliciter du mémoire qu'ils présentent, en même temps que les remercier pour la participation à ce forum et la contribution qu'ils font à notre étude ou notre réflexion.

Vous arrivez à des recommandations que vous voulez résumer en quatre points. Le comité d'analyse, relevant du premier ministre, composé de représentants du gouvernement et de personnes indépendantes de l'État et chargé de remettre en question tous et chacun des programmes, etc. Évidemment, le choix des représentants pose un certain problème, dans le sens que, si nous avions dans ce comité tous ceux et celles qui sont passés ici depuis le début de cette commission, c'est sûr que ce serait difficile d'avoir un résultat probant, d'avoir une sorte de consensus. Il y aurait beaucoup de difficultés à arriver avec des conclusions, tellement on voit qu'il y a beaucoup qui sépare les uns des autres. Tout dépend, évidemment, des intérêts que l'on défend ou des solutions que l'on propose. Je peux m'imaginer trois, quatre ou cinq personnes qui sont passées ici et les mettre avec le premier ministre. Vous ne pouvez pas demander au premier ministre d'être entouré d'une seule ligne de pensée ou d'une seule philosophie. Vous voudriez que ce comité représente un peu la société québécoise. À ce moment-là, je m'imagine que vous auriez une certaine difficulté à arriver à des conclusions, si un comité était formé, par exemple, de quatre ou cinq de ceux et celles qui sont venus à cette commission. Vous comprenez ce que je veux dire. C'est difficile. Tout de même, la proposition est là. «Que le gouvernement revoie l'ensemble du régime fiscal afin de répartir équitablement le fardeau entre les contribuables tout en tenant compte des particularités de certains secteurs». Ça, je crois que vous avez parfaitement raison, c'est ce qui doit nous guider. C'est de revoir l'ensemble du régime, mais répartir également le fardeau, ayant à l'esprit ce que nous appelons l'équité fiscale. C'est très important. D'ailleurs, lorsque vous parlez de la propre fiscalité, vous parlez de l'ensemble d'abord. Vous dites: L'endettement, c'est assez; les taxes, le fardeau fiscal, c'est assez. Vous parlez évidemment, par la suite, des programmes. Nous y reviendrons.

Mais, quant à la question du fardeau, j'aimerais attirer votre attention, parce que vous parlez de votre propre cas, puis c'est bien normal. Personne ne pourrait vous blâmer de bien représenter les membres de votre association. À la page 31, à l'annexe 5 du document que nous avons déposé, vous aurez probablement l'occasion de voir ce qui est sur la taxe sur le capital. Vous verrez que le taux général, de 1980 à 1992, a augmenté assez régulièrement, tandis que ce qui tient lieu de taxe sur le capital, pour les entreprises de votre secteur, dommages matériels, vous voyez que, de 1980 à 1981, il y a eu une augmentation de 2 % à 3 %, mais que, depuis 1981, c'est demeuré à 3 %. C'est simplement pour vous faire remarquer ça. Je ne sais pas si on vous a oublié ou quoi, mais, enfin, c'est demeuré là.

Aussi, parce que vous le mentionnez, vous dites qu'il y a une taxe sur les primes d'assurance, c'est bon de se rappeler quelle était la situation. Je ne le ferais pas normalement, mais, comme nos amis de l'autre côté de la table, depuis quelque temps, essaient de concentrer tous leurs efforts pour trouver à redire sur l'administration, je suis obligé, parce que je sais que ça va venir, de rappeler au moins quelques faits.

En 1985, dès notre arrivée au pouvoir, nous avons aboli la taxe que nos amis d'en face venaient d'établir sur les assurances, dans le domaine de l'assurance-vie individuelle et, également - ça, peut-être que ce n'est pas directement dans votre rayon d'action, mais, des fois, ça l'est, enfin ça peut l'être - pour la question de l'assurance pour la maladie ou les accidents. C'est dans votre domaine, je pense. Non? Pas encore. Mais prenons quelque chose qui est sûrement dans votre domaine, c'est l'assurance automobile. Oui, oui, oui. Ne commencez pas...

Une voix:...

M. Levesque: ...à mettre des points d'interrogation. Vous, vous dites oui, mais, votre voisin, il avait l'air... Alors, ça, c'est passé de 9 % à 5 %, n'est-ce pas? Alors, c'est bon de se le rappeler, tout en passant.

Maintenant, «que le gouvernement mesure l'impact économique de chaque projet de loi, tant au niveau des dépenses du gouvernement que celles des entreprises, avant d'être déposé par l'Assemblée nationale». Évidemment, nous essayons de faire ça chaque fois. Peut-être que nous ne le faisons pas d'une façon qui soit aussi parfaite, idéale que celle que vous souhaitez, mais je pense qu'il faut toujours regarder l'impact économique des projets de loi, de toutes les mesures gouvernementales. «Que le gouvernement encadre, par législation, l'obligation pour le gouvernement de présenter un budget équilibré». Déjà, il y a eu des législations de députés à cet effet-là. Vous ne venez que confirmer ce qui était désirable. Mais, vous savez, ça a déjà été fait aussi aux États-Unis et ça n'a pas toujours donné les effets espérés. Vous savez, si on n'était pas où on est présentement, ce serait quelque chose de désirable. Autrement dit, cette disposition-là aurait dû venir peut-être il y a plusieurs années afin qu'on n'ait pas à souffrir les effets de plusieurs années d'endettement.

À ce propos, je me permets simplement encore, et je le fais bien discrètement... À la page 90 de notre document «Vivre selon nos moyens», on s'aperçoit ce que les intérêts à payer chaque année constituent dans l'ensemble. On voit ce qui s'est passé en 1970-1971, la part de 1 $ de revenu budgétaire consacré au paiement d'intérêts, c'était 0,047 $, en 1970; rendu en 1975-1976, au moment où nous avons quitté le pouvoir d'après la volonté du peuple et la volonté d'en haut, au lieu de 0,047 $, on était rendu à 0,048 $. Mais, si on suit l'évolution, tout d'un coup, en 1980-1981, ce n'est plus 0,04 $, c'était 0,134 $; cinq ans après, en 1985, on est rendu à 0,173 $, sur le 1 $, en service de dette. Heureusement, nous sommes encore à 0,173 $ en 1992-1993. Mais vous voyez là, quand on essaie de mettre du blâme sur tout le monde, c'est une bonne chose de se rappeler les faits et les chiffres.

Le tableau ne mentionnait pas 1975-1976, mais je l'ai fait sortir, c'est 0,048 $. Donc, en 1970, cette part, autrement dit l'endettement, l'effet de l'endettement, c'est clair que c'était à 0,047 $ en 1970-1971, à 0,048 $ en 1975-1976 et, tout d'un coup, en 1980-1981, on arrive à 0,134 $, tout d'un coup, en 1985-1986, on arrive à 0,173 $ et, aujourd'hui, 0,173 $. Alors ça, ça parle beaucoup plus fort que tous les vêtements déchirés de l'autre côté. Ça, c'est clair, c'est précis, on ne peut pas le contester. (15 h 50)

Ceci étant dit, j'aimerais cependant profiter de votre expertise qui est là, de votre expérience. Parce que nous recherchons quoi? À donner suite à ce que vous voulez. Vous dites: Cessez ça, l'endettement. C'est clair qu'on doit cesser. Prenez un déficit. Disons que, cette année, on n'est pas loin des 5 000 000 000 $, le déficit appréhendé. Ça veut dire quoi, ça? Ça veut dire qu'on augmente le service de la dette, seulement cette année, de 500 000 000 $, un demi-milliard. Ça veut dire qu'il y a un demi-milliard de moins qu'on peut donner à nos concitoyens en services. Si on fait ça année après année, ce n'est pas étonnant qu'à un moment donné un service de la dette qui, en 1975-1976, était à peu près de un demi-milliard, aujourd'hui c'est rendu 6 500 000 000 $. Ça veut dire que nous devons prendre 6 500 000 000 $ de nos revenus pour payer les intérêts à des Allemands, à des Japonais, à des Suisses, à des Anglais, à des Américains, à des Canadiens, à des Québécois. Mais, pendant ce temps-là, on n'a pas cet argent-là, 6 500 000 000 $, pour retourner des services à notre population. C'est pourquoi, et nous sommes d'accord avec vous, l'endettement, c'est suffisant, bien suffisant. On a dépassé ce qui est suffisant.

Du côté du fardeau fiscal, c'est suffisant, nous le savons, nous nous en rendons compte tous les jours. Mais quels seraient, selon vous, les choix de réduction de dépenses qui devraient être faits, avec ou sans législation, et qui nous amèneraient un budget équilibré? C'est peut-être une question... C'est la question. On ne vous demande pas de répondre d'une façon complète, mais peut-être de nous donner des pistes de solutions. Merci d'avance, parce que je n'aurai plus le droit de vous parler.

M. Bouchard: M. le Président, pour répondre aux commentaires du ministre des Finances, d'abord, il semble que, sur les grands objectifs, il n'y ait pas tellement de désaccord. Les amorces de solutions, enfin, auxquelles nous voulons faire allusion, c'est que, bien entendu, nous ne sommes pas des administrateurs publics, nous sommes des administrateurs privés. Donc, nous puisons un peu dans notre expérience d'administrateurs privés l'approche que nous prendrions lorsqu'on a à faire face à un problème de même nature, c'est-à-dire une entreprise qui n'a plus suffisamment de revenus pour rencontrer ses exigences.

La première chose à faire, c'est de s'établir très clairement un objectif. Si on veut équilibrer un budget, il faut arrêter de faire des déficits, tout simplement. C'est aussi simple et aussi complet que ça. Que ce soit dans une entreprise gouvernementale ou dans une entreprise privée, assez souvent, et malheureusement peut-être, on attend qu'une situation se détériore, peut-être des fois avec trop d'amplitude, avant d'apporter les correctifs nécessaires. Je crois que c'est là que, présentement, le gouvernement du Québec

n'est peut-être pas nécessairement l'unique exemple au monde, mais, du moins, que le gouvernement du Québec est arrivé à ce moment-ci, où on a atteint un niveau de taxation que nous jugeons insupportable.

Nous avons en même temps, tel que vous le décrivez si bien, un niveau de dépenses élevé et une dette à servir qui s'est accumulée au cours des ans. Je ne fais pas le procès des différents gouvernements qui ont passé. Je fais tout simplement prendre état ou constater une situation que nous voyons tous, à ce moment-ci. Je pense que la plupart des observateurs s'entendent, sinon sur les modalités, du moins sur la constatation quant à la situation des finances de l'État.

La raison pour laquelle nous suggérons la formation d'un groupe tel que vous le mentionniez tout à l'heure, je comprends que les choix ne sont pas simples, mais je pense qu'avec un... Ce sont des choix qui sont faisables, quant à qui devrait participer à un comité comme celui-là. La raison pour laquelle il faut procéder de cette façon-là... Bien souvent, également, dans l'entreprise privée, ce que nous faisons lorsque nous atteignons une situation critique, il faut que quelqu'un à la tête, normalement le chef de direction, s'entoure de quelques personnes qui prennent conscience d'une situation et établissent d'abord un objectif global, d'ensemble qu'il faut atteindre, sur lequel ils fixent également des échéances. Dans le cas présent, il m'apparaît que les échéances sont plus pressantes que celles qui semblent se refléter dans votre document «Vivre selon nos moyens», qui, je pense, prévoit d'arriver à un équilibre budgétaire sur une période de cinq à sept ans, probablement.

Il m'apparaît que la situation... Dans une situation d'internationalisation comme celle dans laquelle nous sommes présentement, une mondialisation d'échanges, je comparerais peut-être le situation du gouvernement du Québec à la situation d'entreprises qui sont en concurrence les unes avec les autres à l'intérieur d'un même ensemble, d'une même société. Nous arrivons où une société comme celle du Québec devient en concurrence avec des sociétés autres qui sont soit aux États-Unis, soit en Amérique du Sud, soit dans les autres provinces du Canada, soit dans des États européens. Nous sommes en concurrence avec d'autres États. C'est un peu de cette façon-là que le problème, à mon sens, devrait se percevoir, où nos sociétés ne sont plus des sociétés fermées. Ce sont de plus en plus des sociétés ouvertes et elles doivent se comporter comme telles. C'est donc de se fixer des objectifs très rigoureux et très exigeants.

Maintenant, ça comprend deux choses. Est-ce qu'on vise la diminution des services offerts? C'est une avenue ou c'est un aspect qui a été touché par d'autres intervenants, ici, lors des auditions, la réduction de certains services. Bien sûr, vous rencontrez d'autres groupes qui vous disent: Non, non, ce n'est pas en réduisant les services, je pense que les services sont corrects comme ils sont là. Mais il va falloir que quelqu'un, à un moment donné, rétablisse un consensus différent de celui qui existait dans les années soixante-dix, lors de l'établissement des programmes sociaux tels que l'assurance-hospita-lisation, l'assurance-maladie, le régime de retraite. On visait l'universalité. C'étaient exactement les mêmes programmes pour tout le monde et, également, c'étaient des programmes qui étaient perçus comme des programmes gratuits. Alors, on se rend compte présentement, en arrivant sur le mur de briques auquel nous faisons face, que c'était loin d'être des programmes gratuits. C'étaient des programmes coûteux.

L'autre chose, enfin, l'autre élément de solution, j'imagine, qui, à mon sens, devrait être regardé, c'est l'omniprésence de l'État et son rôle perçu comme étant le protecteur et le grand responsable, vis-à-vis du public, d'à peu près tout ce qui se passe. Je pense qu'on doit aller bien plus vers une responsabilisation individuelle et la respecter. L'État, évidemment, a un rôle à jouer, mais, à mon sens, c'est un rôle qui est beaucoup plus supplétif que celui très interventionniste qu'il a joué jusqu'à maintenant. Alors, c'est au moins deux aspects. Il y a, à mon sens, la façon dont l'État se perçoit lui-même en tant qu'intervenant dans la société dans son ensemble, et ce qui va demander aussi que les membres de la communauté, pas juste les gouvernements... Il faut également un changement d'attitude de la part des consommateurs, de la part des administrés, si vous voulez, tant individuel que des différentes sociétés, à l'effet que l'État n'est pas là pour tout donner quand on en a besoin et ne rien contrôler quand on n'en a plus besoin. Je pense qu'il y a un équilibre qu'il faut qui s'établisse dans les deux domaines.

Moi, pour ma part, ce n'est pas mon rôle, je n'ai pas le mandat, en tant que président du BAC-Québec, de vous dire: Coupez dans telles dépenses de façon spécifique, coupez dans tels programmes de façon spécifique. Notre rôle n'est pas cela. Enfin, je pense que mon mandat est de venir témoigner un peu de la façon dont, nous, on envisage une gestion, même si ce ne sont pas des choses qui se font exactement de la même façon. Disons que l'environnement dans lequel l'État fonctionne est beaucoup plus complexe, où il doit tenir compte de dimensions beaucoup plus nombreuses ou de variables beaucoup plus nombreuses que dans l'administration d'une société privée, mais il reste que les principes devraient demeurer les mêmes. Je pense que ce à quoi l'on s'attend, c'est qu'il y ait des manifestations d'une volonté excessivement ferme de réaliser des choses précises, exigeantes et dans un contexte ou dans un laps de temps relativement restreint, et c'est l'urgence de la

situation qu'on veut faire ressortir.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de Labelle.

M. Léonard: MM. les représentants du Bureau d'assurance du Canada, je vous félicite de votre mémoire, en vous souhaitant la bienvenue. Je veux juste vérifier un chiffre en partant. Vous dites que vous contribuez pour 525 000 000 $ au budget du Québec. Comme sur les taxes c'est 356 000 000 $, je suppose que, le reste, c'est l'impôt sur le revenu qui contribue et d'autres taxes. C'est juste pour une vérification toute technique, là, rapidement.

M. Bouchard: Ce que nous disons, en réalité... Les 525 000 000 $, ça excluait les impôts sur le revenu. Ça comprenait uniquement les taxes que nous percevons et que nous remettons au Trésor fédéral.

M. Léonard: Juste les taxes. M. Bouchard: C'est ça. M. Léonard: O.K.

M. Bouchard: L'actuel impôt sur le revenu et la participation au fonctionnement de l'Inspecteur général.

M. Léonard: Très bien. Je voulais le mentionner pour bien indiquer l'importance de l'industrie de l'assurance au Québec comme ailleurs, d'ailleurs, mais je pense que, effectivement, c'est un secteur important de la vie économique qui touche à toute la question de la responsabilité, la responsabilité civile, d'ailleurs.

Je voudrais juste faire un commentaire sur le service de la dette. Le ministre des Finances a prévenu les coups en disant: En face, ils vont sûrement m'attaquer là-dessus. Effectivement, je ne peux pas passer sous silence qu'il a vécu, depuis 1985 jusqu'à 1990, une période où c'était la pleine croissance économique et il n'a pas réussi à équilibrer son budget, même au plan des dépenses courantes, alors qu'il aurait dû rembourser une partie du déficit qui avait été encouru pour relancer l'économie. C'est là qu'on retrouve, finalement, le cycle économique qui a été un des plus longs qu'on n'ait jamais connu, qui a duré sept à huit ans complets. Il aurait fallu que, durant cette période, il rembourse des emprunts qui avaient été faits justement pour relancer l'économie. (16 heures)

Là-dessus, je pense que, lorsque nous sortirons de la récession, comme il l'indique lui-même, dans deux ans, lorsqu'il y aura la première phase de la reprise qui aura été terminée, dans à peu près deux ans ou trois, on va se retrouver avec un taux de service de dette de 19,3 %, 20,3 % peut-être bien. Et je sais qu'il aime bien se péter les bretelles par rapport à ce qu'il a à son bilan, mais il a quelques problèmes là-dessus.

Je voudrais revenir à vos recommandations. Je voudrais revenir à vos recommandations aux termes desquelles vous dites, comme première, qu'il faut réduire de 20 % la taille de l'État. Vous parlez, d'ailleurs, dans votre mémoire, à un endroit, de la réglementation qui est en double et que vous voudriez qu'il y ait au moins une harmonisation. Je trouve ça effectivement important. Je vous souligne que, quant à nous, la réduction de la taille de l'État, ce n'est pas juste l'État québécois. Je pense que, pour nous, c'est un gouvernement complet qu'on veut faire sauter. Et c'est là qu'il y a surtout des économies à faire. Et, quelles que soient les thèses politiques, il faut qu'on l'admette, cette affaire-là. Et l'harmonisation, ça passe surtout par là. Quand il y a juste une autorité qui décide, vous avez pas mal plus de chances que la direction soit claire et non pas comme maintenant.

Mais revenons à la taille de l'État québécois, c'est de celle-là que vous voulez parler. Et vous dites: Qu'on réduise l'État de 20 %. Vous savez que les dépenses du Québec sont composées, en très grande partie, de dépenses de santé et d'éducation; 70 %, pas loin, les deux ensemble, 65 %, 70 %. Lorsqu'on dit que l'on réduirait la taille de l'État de 20 %, cela signifie que vous voulez aller sur ce plan-là. Or, disons qu'on peut admettre qu'il faudrait que les dépenses de santé soient touchées de façon très significative, parce que c'est le gros morceau du budget de l'État. Les dépenses en santé au Québec, par rapport à ce qu'il y a ailleurs, se comparent bien et même avantageusement par rapport à ce qu'il y a aux États-Unis. Et, effectivement, la part de la santé dans le PIB est plus faible ici qu'aux États-Unis. Et, pourtant, quand vous considérez ce que les gens pensent du système, ils le préfèrent au système américain. Vous voyez très bien que le président américain en a fait son engagement, d'instaurer un système de santé, parce qu'il coûte trop cher aux États-Unis. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a quelques problèmes sur ce plan-là, à dire qu'on va couper de 20 %? Peut-être qu'en santé ce ne sera pas 20 %, mais si ce n'est pas en santé, ça va être en éducation. Puis, l'éducation, c'est l'investissement dans la jeunesse. Donc, c'est pour l'avenir. En grande partie, c'est un investissement qu'il faut que ce soit.

Et, sur le plan de la santé, notamment, pour revenir, est-ce que, finalement, on ne doit pas constater que le secteur public que nous avons instauré au cours des années soixante-dix a bien rempli son rôle, qu'il satisfait les Québécois? Et là je ne voudrais pas dire que je lui donne l'absolution sur toute la ligne. Qu'il y ait des choses à corriger, je suis d'accord, mais sur l'ensemble, est-ce que, raisonnablement, on peut penser qu'on appliquerait cette règle de 20 % au

secteur de la santé? À moins que vous ne me disiez qu'on envoie ça dans le privé, auquel cas on n'a rien corrigé quant aux dépenses du citoyen par rapport à la santé. Ça me laisse un peu perplexe. Je reviendrai avec d'autres questions, mais je trouve que c'est une question importante.

M. Bouchard: M. le Président, lorsque nous parlons de réduction de 20 %, pour nous, il s'agit tout simplement de voir où est notre capacité de payer par rapport à nos revenus. Nous n'avons indiqué nulle part quels devraient être les choix, et nous nous en sommes bien gardés, parce que nous n'avions certainement pas de mandat; et on n'a pas eu de débat avec notre association pour dire quels devraient être, de façon spécifique, les choix. Je veux simplement reprendre un peu, suite aux commentaires du représentant de l'Opposition, qu'à l'intérieur... Je pense qu'il faut regarder deux choses. Et puis je prends encore, je tire encore, quand même, mes comparaisons ou mon raisonnement... Je vais appuyer mon raisonnement un peu sur ce que nous faisons dans des entreprises de services parce que, le gouvernement, c'est une entreprise de services.

Jusqu'à un certain point, dans le secteur privé, lorsque nous avons à réduire nos budgets pour rencontrer des exigences de rentabilité - pour nous, ce n'est même pas un budget, c'est des exigences de rentabilité que nous devons fournir à nos actionnaires - nous ne réduisons pas les services. Par exemple, si, moi, en tant que société d'assurances, je veux m'ad-ministrer, disons, avec un taux de dépenses de 20 % moins élevé que celui que j'avais, je n'émettrai pas moins de polices d'assurance, je ne paierai pas moins de réclamations, mais je vais essayer, au contraire, d'être plus efficace dans ce que je fais au niveau de la souscription des risques, de la distribution de mes produits et de la gestion des prestations que je dois ou des prestations que nous avons, qui nous sont soumises.

Je pense qu'un effort devrait être fait avant de dire que nous coupons ou que nous devons réduire, parce que je suis d'accord qu'en réalité nous nous sommes dotés de régimes sociaux qui sont généralement bien perçus par la société, et probablement généralement bien perçus et trouvés peut-être généreux aussi par ceux qui nous regardent de l'extérieur. Mais je me dis: Le premier choix n'est peut-être pas de couper dans ça. Si on identifie des endroits où il y a abus, peut-être devrions-nous couper dans des abus, si on en a identifié, mais je pense que c'est l'efficacité avec laquelle nous gérons cet ensemble de services là sur laquelle nous devrions nous pencher.

Il faut noter, par exemple, que, sur les quelque 70 % du budget qui vont aux affaires sociales et à l'éducation, il y a une bonne partie de ça qui est un budget de salaires et d'équipements de toutes sortes. Alors, est-ce qu'il n'y a pas des façons différentes de gérer cet ensemble-là? Et je ne parle pas de privatiser ou de gérer de façon centrale. Évidemment, venant de l'entreprise privée, je pourrais avoir un biais vers l'entreprise privée. Je veux dire, le débat ne se situe peut-être pas nécessairement à ce niveau-là au moment où on se parle.

Est-ce qu'une gestion plus efficace doit passer par le secteur privé? Je ne vous dis ni oui ni non à ça. Je me dis: II y a une façon de se gérer de façon plus efficace si on ne veut pas réduire au départ la quantité de biens et de services que nous livrons, mais, si on n'a pas les moyens de se donner ces services-là parce que notre économie n'est pas assez forte pour les supporter, il va falloir également penser en termes de réduction des services.

M. Léonard: Oui. Effectivement, on peut aborder la question sous cet angle, mais, quand on compare les capacités de payer même aux États-Unis, en faisant la relation du niveau de vie américain et du nôtre, lorsqu'on compare les taux de taxation et la part de l'État dans le PIB, vous savez, aux États-Unis, c'était de 29,9 % en 1990. Le document que vous avez eu, d'ailleurs... Mais cela ne comprend pas les dépenses de la santé, alors que le taux, la part calculée pour le Québec, comme pour le Canada, comprend les dépenses de santé. Si on veut comparer sur les mêmes bases, il faudrait faire les réajustements nécessaires.

Ceci étant dit, moi, je serai toujours d'accord pour que, lorsqu'il y a des abus dans un système, on les corrige, on rectifie la situation. Il n'y a aucun problème. Je pense que, dans toute situation, dans tout secteur comme celui de la santé, vous allez en trouver. Et le devoir d'un administrateur public, c'est de les rechercher puis de les corriger. Je suis d'accord. Mais quand on s'amène pour dire: On va couper le tout de 20 %, je me demande si c'est vraiment possible. Il y a eu des comités là-dessus, et ils sont partis avec de grandes intentions, et ils se sont ramassés un peu plus loin sans avoir avancé beaucoup. Je pense qu'il ne faut pas... Ça me paraîtrait hasardeux de prétendre qu'on peut couper les dépenses de l'État de 20 %. On a beau regarder les salaires, je crois que le décalage - s'il y en a un - entre le public et le privé n'est pas de 20 %, loin de là. Il l'a déjà été dans certains secteurs, mais ce n'est plus le cas.

Quant à nous, les rationalisations les plus importantes, c'est effectivement au niveau des deux États. Nous avons deux gouvernements qui prennent les décisions dans les mêmes domaines, partout, et cela est une source majeure de perte de temps, de coûts de toutes espèces. On parie généralement des dédoublements, des chevauchements, tout ce qu'on veut, mais, pour moi, il y a aussi autre chose. C'est que, lorsque vous avez

une baignoire, qu'il y a deux sorties à la baignoire et qu'on en bouche juste une, alors que, dans l'autre, à l'autre bout, les problèmes ne sont pas réglés... et c'est exactement ce qui se passe: le déficit fédéral est deux fois plus élevé, toutes proportions gardées, que celui du québec. et, quand on parle ici d'un service de dette de 17 % du budget du québec, mais qu'il est de 33 % au fédéral, je pense qu'avant de prendre des assurances, de prendre des décisions ici, il va falloir aussi qu'on en prenne ailleurs. ou bien, si on n'est pas capable d'influencer correctement ce qui se passe ailleurs, comme cela se fait depuis 15 ans, et même encore plus, bien, à ce moment-là, il faut prendre les décisions qui s'imposent. je crois que, ça, c'est une donnée majeure de tout cela. (16 h 10)

D'autre part, juste une dernière... On dit: Mesurer l'impact financier de chaque projet de loi ou programme; oui, je dirais aussi que cela doit surtout aussi toucher les revenus, parce qu'on a parlé des abris fiscaux, et ils représentent des coûts considérables pour le gouvernement. Ça aussi devrait être quantifié et rendu public. Sur ce plan-là, il y a aussi des choses à faire. Et, donc, ce n'est pas seulement au plan des programmes de dépenses, mais aussi sur le plan des revenus qu'on doit avoir des projections, des estimations très précises. Et puis on espère que le ministre des Finances va être plus transparent dans l'avenir. Mais, là-dessus, moi, je vais vous suivre, en autant qu'on le fasse des deux côtés.

Alors, voilà, c'est les commentaires que j'avais à faire. Et, sur ce plan, une dernière chose: quand vous parlez des programmes autofinancés, de budget équilibré, je suis d'accord sur le budget équilibré du public, du gouvernement, sur le cycle économique, sur la moyenne période. Cependant, cela signifie très clairement qu'en période de croissance économique le gouvernement doit faire des surplus quant à ses dépenses courantes, et pas des déficits quant à ses dépenses courantes. Mais, en gros, si vous voulez mon commentaire, je suis pour la transparence dans tous les programmes gouvernementaux, autant de dépenses que de revenus.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Després): Merci, M. le député de Labelle.

M. Bouchard, est-ce qu'il y a des commentaires?

M. Bouchard: Oui, un commentaire, M. le Président. C'est que, bien sûr, j'accepte bien qu'on se compare avec ce qui se passe aux États-Unis ou dans d'autres juridictions, ailleurs. Je sais bien qu'on a un problème également au niveau du gouvernement canadien. Je pense qu'on y est aussi très sensible. Mais un des principes, évidemment... Si on a à comparaître devant une commission à d'autres niveaux au Canada, je pense que les représentations du Bureau seront dans le même sens que celles que nous faisons ici, et probablement avec encore plus de véhémence que ce que nous faisons aujourd'hui. Mais il y a quand même un principe, disons, que nous voulons également appliquer, c'est que, si nous voulons que l'ensemble du trottoir soit propre, on va commencer par balayer également le devant de notre perron. Alors, donc, je me dis: On a un problème à régler à notre niveau, ici.

Et, lorsque je parle de dédoublements, il y a des dédoublements qui viennent du fait que nous avons deux paliers de gouvernement, mais il y a également des dédoublements qui viennent du fait qu'il y a également conflit de juridictions ou, enfin, duplication de juridictions entre différents ministères ici même, à l'intérieur du gouvernement québécois. Alors, il y a des choses à faire là.

Mais il reste un principe. En tant que payeurs de taxes et en tant que gestionnaires d'entreprise, nous disons que nous ne pouvons pas nous payer un standard de vie au-dessus de nos moyens; et, présentement et depuis quelques années, nous avons vécu, disons, sur un standard de vie au-dessus de nos moyens. Nous avons peut-être d'excellents avantages sociaux de toutes sortes. Est-ce que nous avions les moyens de nous les payer, ou bien donc si nous avons emprunté de façon à maintenir notre standard de vie?

Si on reporte ça, par exemple, au niveau personnel ou au niveau d'une entreprise, c'est certain que c'est une chose qu'on ne peut pas tolérer, qui devient intolérable, et je pense que, pour les gouvernements, il en va de même aussi dans les finances publiques. Je pense qu'on peut faire quand même des parallèles intéressants entre les deux. Mais, je reviens sur le fait que, pour nous, il y a urgence à ce que ces choses s'équilibrent.

M. Léonard: Mais je pourrais simplement dire que, quand vous avez une grande entreprise à succursales et que le bureau-chef pellette des frais généraux à la tonne à sa succursale, il est très difficile de s'administrer dans ce contexte. C'est un peu ça qui se passe présentement. C'est simplement ce que je voulais illustrer.

M. Bouchard: Oui, oui, oui.

Une voix: C'est un commentaire politique.

Le Président (M. Després): Merci, M. le député de Labelle.

M. le député de Verdun, la parole est à vous.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Brièvement, je voudrais d'abord essayer de répondre

par un commentaire sur le commentaire du député de Labelle. Je trouve qu'il a signalé plusieurs fois, en voulant prétendre que la réduction des deux gouvernements pourrait régler le problème financier... Il sait très bien, parce qu'il a siégé comme moi à la commission créée par la loi 150, qu'au contraire ça créerait un problème financier majeur pour le Québec si jamais on devait aller dans la voie qu'il suggère, c'est-à-dire la réduction, la séparation du Québec. On parlerait de plusieurs milliards de dollars, et ça, vous le savez, M. le député de Labelle.

Pour répondre, quand même, ou vous posez une question, monsieur... Je dois dire que j'ai été très favorablement impressionné par votre document. Je dois comprendre qu'on peut évidemment vous chercher des petites bêtes. Les 20 %, bien sûr, vous les voyez globalement. Vous ne demandez pas de réduire les services, mais vous dites: Le gouvernement pourrait se gérer d'une manière plus efficace. Et, probablement, vous voyez une économie potentielle de 20 % et vous ne demandez pas, bien sûr, de couper des services à telle et telle personne âgée, mais bien plutôt d'être beaucoup plus efficace dans notre gestion.

Je dois vous dire que, de ce côté-ci, par des lois comme la loi 198, on essaie d'atteindre cet objectif. Mais il est bien sûr que c'est un objectif global et qu'il ne faut donc pas vouloir faire peur au monde et couper tel ou tel service de première ligne dont les gens ont besoin. Vous nous dites: Vous pouvez rationaliser la gestion, votre gestion et vos dépenses. C'est dans ce sens-là que vous voulez aller.

Le Président (M. Després): Vous avez fini, M. le député de Verdun?

M. Gautrin: J'ai terminé.

Le Président (M. Després): Est-ce qu'il y a un commentaire de la part de M. Bouchard, étant donné que le temps est...

M. Bouchard: J'ai été malheureusement distrait, M. te Président. Je m'excuse auprès du député de Verdun. Est-ce qu'il y avait une question?

M. Gautrin: J'interprétais ce que vous nous dites, et je voulais savoir si je comprenais bien ce que vous essayez de nous dire, c'est-à-dire que vous nous demandez d'être plus efficaces dans la gestion, d'être en mesure de réduire notre dépense de fonctionnement, mais de ne pas couper sur les services essentiels, comme d'aucuns veulent essayer de faire croire pour créer des fausses peurs.

Le Président (M. Després): Est-ce que vous avez des commentaires. M. Bouchard?

M. Bouchard: Non. Effectivement, c'est le sens que nous donnons à notre intervention, M. le Président.

Le Président (M. Després): Merci, M. Bouchard.

La parole est à la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Bonjour.

Je ferai juste un commentaire. Vous disiez: II faut nettoyer notre perron, par rapport au fait qu'on n'a pas nécessairement à se tourner vers le gouvernement fédéral, avec les doubles juridictions, les dédoublements, etc. Mais je vais ajouter un autre exemple, toujours avec la même image. Si vous avez quelqu'un au balcon en haut, qui balaie le perron et que ça tombe sur le perron d'en bas, c'est pas mal difficile de tenir le perron d'en bas propre, même si, nous, on a nettoyé nos propres saletés.

Je pense que c'est important, le débat qu'on a maintenant, parce que vous y faites référence d'abord pour les difficultés que ça entraîne chez vous en termes de complexité administrative. Je voyais votre annexe, là, et vous faites une bonne démonstration de cela. C'est très clair. Parce que, quand on regarde ce qui s'est passé dans les finances publiques du Québec depuis la dernière décennie, comprenant un moment de récession sérieux au début de la décennie et comprenant une croissance économique aussi significative, on constate que le gouvernement québécois a maintenu la croissance de ses dépenses dans des balises tout à fait raisonnables, si on considère que c'est 1 % au-dessus du taux d'inflation, en moyenne, sur neuf ans, qui est le cycle économique auquel je fais référence.

Cela étant dit, je ne veux pas dire, par mes affirmations ici, qu'il ne faut pas intervenir davantage pour rationaliser la distribution de nos services, l'organisation des finances publiques. Il y a sûrement matière, là, à économies substantielles, quand ce ne serait que de donner suite aux recommandations, par exemple, du Vérificateur général. Je pense à la gestion des ressources humaines, qui est catastrophique, comme il le mentionnait à certains égards. Alors, donc, il y a un travail que nous pouvons faire dans notre propre maison, mais l'image est toujours valable pour le reste. On s'entend bien.

Je trouve intéressant que vous souhaitiez, vous le dites... Évidemment, j'imagine que vous pensiez à votre secteur en particulier quand vous disiez' revoir l'ensemble du régime fiscal afin de répartir équitablement le fardeau entre les contribuables, tout en tenant compte des particularités de certains secteurs. Un des problèmes auquel on est confronté - et mon collègue de Labelle le mentionnait - avec le document qui est devant nous, c'est qu'il y a un certain nombre d'outils que nous n'avons pas. La démonstration que vous nous faites, par exemple,

pour le secteur des assurances, vous la faites, mais personne ne nous l'a faite ici, ni dans des annexes, ni dans le document que nous avons, ni dans les documents qui concernent le budget. Et je vais aller plus loin que cela. (16 h 20)

Dans le cadre de l'implantation de la TVQ, suite à l'implantation de la TPS, nous avions été très insistants pour demander des études comparatives sur l'introduction de cette taxe versus le fait qu'on remettait, entre autres, la taxe sur les vêtements, les meubles, bon, etc., et le gouvernement n'était pas en mesure de nous fournir un certain nombre d'analyses. Alors, moi, je vous dirai: Je suis d'accord avec ce que vous demandez quand vous demandez que ce soit plus évident, qu'on ait une meilleure information et qu'on puisse faire de meilleurs choix.

Mais, à cet égard-là, je me tourne vers le gouvernement et je lui dis: Donnez-moi l'information nécessaire pour la faire, l'analyse, pour la prendre, la décision. Vous, quand vous dites ça, est-ce que vous avez en tête autre chose que votre secteur en particulier? On parlait tout à l'heure des abris fiscaux, on a parlé depuis le début aussi des taxes sur la masse salariale, évidemment, bon, et d'un certain nombre d'éléments comme ceux-là, mais est-ce que vous aviez en tête des éléments précis quand vous faisiez cette recommandation-là, en dehors de votre secteur d'activité?

Le Président (M. Després): Une courte réponse, M. Bouchard, étant donné que le temps est déjà dépassé, Mme la députée de Taillon.

M. Bouchard: Alors, M. le Président, pour répondre de façon spécifique à l'intervention de Mme Marois. ce que nous avons voulu demander, à l'aide des constatations que nous avons faites pour l'analyse de notre secteur, nous avons fait la démonstration pour notre secteur en particulier. C'est dans ce cas-ci que nous voulions la faire. Et, d'ailleurs, c'est une des fois où nous faisons une représentation de cette nature, parce qu'on a eu, d'ailleurs, auparavant, d'autres représentations qui ont été faites au niveau du ministère des Finances, dans le même ordre. Nous voulions ramener à l'intérieur de ce débat-ci ce que nous avions déjà fait valoir auparavant. Mais on ne veut pas que le débat se limite uniquement à nous, sauf que, comme on connaît moins les autres secteurs, on a voulu utiliser notre secteur en particulier pour servir de témoin.

Mme Marois: Ça va.

Le Président (M. Després): Merci beaucoup, M. Bouchard, d'être venu à cette commission, au nom de tous les membres de la commission du budget et de l'administration.

Et je veux inviter la Corporation des maîtres électriciens du Québec à s'avancer à la table des invités, s'il vous plaît. Merci. (Suspension de la séance à 16 h 22)

(Reprise à 16 h 24)

Le Président (M. Després): Au nom des membres de cette commission, j'aimerais souhaiter la bienvenue à la Corporation des maîtres électriciens du Québec, et vous dire que nous avons une heure à votre disposition, qui sera partagée de la façon suivante, c'est-à-dire 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et 20 minutes qui seront partagées entre les députés ministériels et les députés de l'Opposition.

Si le responsable peut présenter l'équipe qui l'accompagne et nous faire la présentation de leur mémoire.

Corporation des maîtres électriciens du Québec (CMEQ)

M Brown (Jean-Guy): Alors, M. le Président, M. le vice-président, mesdames et messieurs de cette commission, à mon extrême droite, j'ai M. Roger Gosselin, qui est ex-président de la Corporation des maîtres électriciens du Québec, et M. Yvon Guilbault, qui est le directeur général de notre corporation; à ma gauche, M. Yvan Roy, comptable agréé, directeur du service technique de la Corporation, et M. Pierre Liberatore, ingénieur, qui est le directeur du service technique; et moi-même, Jean-Guy Brown, président de la Corporation.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, nous aimerions préciser que la Corporation des maîtres électriciens du Québec est consciente que la présente commission parlementaire porte sur le budget et l'administration des finances et des lois fiscales dans leur ensemble. Cependant, la Corporation a décidé de ne traiter que d'un seul sujet fort contraignant pour ses membres, soit l'application de la taxe de vente provinciale. Nous préférons laisser aux intervenants qui en ont les compétences le soin de traiter des autres facettes de cet important dossier.

La Corporation des maîtres électriciens du Québec, fondée en 1950, est une corporation professionnelle qui regroupe quelque 3000 entrepreneurs électriciens oeuvrant sur les chantiers de construction à travers la province. L'éventail des membres de la Corporation représente des petites, des moyennes et des grandes entreprises.

Lorsque le ministre du Revenu a annoncé son projet de réforme de la taxe de vente, les entrepreneurs électriciens et toute l'industrie de la construction avaient constaté une volonté du gouvernement de simplifier l'application de la loi. Malheureusement, comme, tous, on peut le constater, la réalité fut toute autre. La Corporation présente un tableau qu'elle croit réaliste de la situation vécue et des problèmes que ren-

contrent quotidiennement les entrepreneurs électriciens lors de l'application de la taxe de vente du Québec.

Les propositions de la Corporation des martres électriciens du Québec visent à faciliter l'application de la TVQ par l'entrepreneur électricien en préconisant une méthode simple, adaptée au contexte du marché, et respectant les lois et règlements actuellement en vigueur.

L'ancien régime de la taxe de vente était basé sur un taux de taxation de 9 % qui s'appliquait sur la vente des biens meubles, alors que les biens immeubles étaient exempts de cette taxe. Dans le domaine de la construction, cette base de taxation causait déjà bien des problèmes d'interprétation. Avec l'annonce de la réforme, l'industrie de la construction pouvait au moins se consoler, car le nouveau régime de taxation au Québec devenait plus simple d'application. En effet, il prévoyait un taux de taxation unique qui s'appliquait sans distinction sur la vente des biens meubles et immeubles. Les entrepreneurs ne pouvaient plus se tromper lorsqu'ils appliquaient la taxe de vente sur leurs contrats.

Mais il est désolant de constater que la volonté qui avait été manifestée par le gouvernement du Québec en vue de régler les problèmes d'application de la taxe de vente au Québec dans le secteur de l'industrie de la construction soit demeurée un voeu pieux. Actuellement, s'il veut appliquer correctement la taxe de vente du Québec, l'entrepreneur en construction doit très bien maîtriser la notion des biens meubles et immeubles, ce qui n'est pas évident. Comme nous allons le démontrer, l'épée de Damoclès qui pendait au-dessus de la tête des entrepreneurs en construction sous l'ancien régime de l'impôt sur la vente au détail devient de plus en plus menaçante sous le régime de la TVQ.

La loi stipule en effet qu'un bien meuble est tout ce qui n'est pas un bien immeuble, selon la loi du Québec. Vous conviendrez qu'une définition aussi imprécise ouvre largement la porte aux interprétations de toutes sortes. Les plus sceptiques n'ont qu'à demander deux avis consécutifs au ministère du Revenu sur un même sujet aussi controversé que les luminaires pour s'en convaincre. Il y a autant de réponses qu'il y a de répondants.

La loi stipule également que le mandataire a l'obligation de percevoir correctement la TVQ sur le matériel qu'il fournit et les services qu'il dispense. Il s'agit ici d'une responsabilité énorme et il en résulte des coûts administratifs additionnels fort importants pour les entrepreneurs. Ainsi, un entrepreneur qui aurait mal interprété la notion des biens meubles et immeubles et qui aurait perçu une taxe de 4 % alors qu'il aurait dû percevoir une taxe de 8 % sera l'unique responsable envers le gouvernement de la portion de la taxe impayée.

Voyons maintenant quelques exemples où l'entrepreneur en construction doit interpréter la

TVQ et l'appliquer aux travaux qu'il a effectués. Commençons par les luminaires. Un bulletin d'interprétation du ministère du Revenu stipule que les biens qu'on trouve dans un immeuble ne sont pas tous partie intégrante de l'immeuble. Ainsi, les lampes suspendues au plafond ou appliquées sur les murs ne deviennent pas partie intégrante de l'immeuble dans lequel elles sont installées. Donc, ces luminaires doivent être considérés comme des biens meubles. Par contre, s'ils sont encastrés, ils doivent être considérés comme des biens immeubles. Pourtant, la fonction première d'un luminaire, qu'il soit encastré, en surface ou suspendu, est de fournir de l'éclairage dans une pièce. Des locaux sans fenêtres qui servent de lieux de travail à des personnes doivent comporter une source d'éclairage, sinon ils perdent leur nature ou leur fonction. Ainsi, dans cet exemple, un luminaire en surface, encastré ou suspendu devrait être considéré comme étant un bien immeuble et être taxé à 4 %. Admettre le contraire serait aberrant.

Un autre exemple: les génératrices. Dans un avis que le ministère du Revenu du Québec faisait parvenir à la Corporation, on statuait qu'une génératrice installée à l'immeuble deviendrait un bien meuble. L'entrepreneur qui vend et installe ce type de bien devrait donc percevoir une taxe de 8 %. Cependant, cette interprétation résistera-t-elle à l'analyse dans le cas d'une génératrice d'urgence installée dans un hôpital? Imaginons, par exemple, qu'une panne de courant survienne lors d'une intervention chirurgicale dans un hôpital temporairement départi de sa génératrice d'urgence. Dans un cas comme celui-ci, il nous semble que la génératrice est essentielle et devrait être considérée comme faisant partie intégrante de l'immeuble, donc être taxée à un taux de 4 %. (16 h 30)

Que dire maintenant des systèmes d'alarme-incendie? Il s'agit là d'un exemple flagrant où le régime de la taxation du Québec ne tient pas compte de la réglementation touchant les immeubles construits au Québec. Dans le régime de la taxe de vente du Québec, les systèmes d'alarme-incendie peuvent être des équipements rajoutés à des immeubles, qui gardent leur nature meuble lorsqu'ils sont installés.

Le Code national du bâtiment oblige pourtant les propriétaires de certains immeubles à munir leurs bâtiments d'un réseau d'avertisseurs d'incendie. Si cette obligation n'est pas respectée, les bâtiments ne sont pas conformes et ne peuvent pas être utilisés. C'est donc dire que ces systèmes devraient logiquement faire partie intégrante de la bâtisse proprement dite et être taxés à un taux de 4 %.

Un autre exemple: l'installation électrique d'une machinerie. Lors des travaux de ce type, l'entrepreneur électricien doit effectuer l'ajout d'un circuit électrique alimenté à partir d'un panneau de distribution de l'immeuble. Ce circuit

électrique, qui doit obligatoirement être protégé par un disjoncteur, fait partie du réseau électrique et serait considéré comme un bien immeuble. Par contre, il peut arriver, pour des raisons de sécurité, par exemple, qu'un deuxième dispositif de sectionnement doive être installé sur le circuit électrique qui sert à alimenter la machinerie. À votre avis, comment doit-on taxer cette installation?

Certains considéreront toute l'installation comme faisant partie du réseau électrique, qui est un bien immeuble, et appliqueront un taux de 4 % de taxation. D'autres supposeront que l'installation fait partie de la machinerie, qui est un bien meuble, et que, par conséquent, elle est taxable à 8 %. D'autres, enfin, estimeront que la portion de l'installation partant du panneau électrique jusqu'au disjoncteur doit être considérée comme un bien immeuble taxé à 4 % et que la partie partant du disjoncteur jusqu'à la machinerie doit être considérée comme un bien meuble et être taxée à 8 %. Plutôt compliqué, vous ne trouvez pas?

Parlons des lampadaires. Le ministère du Revenu les considère comme des biens immeubles. Donc, un lampadaire avec luminaire intégré ne constitue qu'une seule entité immeuble. L'interprétation serait-elle la même, dans le cas où un lampadaire est constitué d'un poteau de bois sur lequel est vissé un luminaire? Nous vous rappelons que, dans l'interprétation donnée par le ministère du Revenu, les luminaires en surface sont des biens meubles. Dans ce cas, est-ce la surface ou le poteau de bois sur lequel est fixé le luminaire qui détermine la nature du bien meuble installé?

Comme vous pouvez le constater, il existe une panoplie d'exemples concernant les problèmes d'application de la TVQ. Nous en avons d'ailleurs décrits plusieurs de façon très explicite dans le mémoire déposé par la Corporation devant cette commission. Sans les reprendre tous, mentionnons, entre autres, les cas des thermopompes, des plinthes chauffantes et de l'éclairage temporaire sur les chantiers, qui sont autant d'exemples qui manquent de pragmatisme du système lorsqu'il s'agit d'appliquer concrètement et correctement la TVQ.

L'industrie de la construction a des pratiques commerciales très spécifiques. Ainsi, il existe une pratique commerciale que l'on appelle le Bureau des soumissions déposées. Lorsqu'un donneur d'ouvrage veut, par exemple, obtenir les services d'un entrepreneur électricien, il doit lancer un appel d'offres par le biais du BSDQ. Une des règles de ce système stipule que l'entrepreneur qui dépose la soumission la plus basse, toutes taxes incluses, doit généralement obtenir le contrat. Mais, s'il interprète mal la loi, et applique un taux de 8 % à un endroit où il aurait dû appliquer 4 %, il est fort plausible qu'il ne soit pas le plus bas soumissionnaire et que, pour cette unique raison, il perde le contrat.

Cet exemple nous démontre clairement qu'une mauvaise interprétation de la loi peut avoir des impacts absolument désastreux pour un entrepreneur électricien.

Il est également de pratique courante que les donneurs d'ouvrage, qu'il s'agisse des entrepreneurs généraux, des gouvernements ou des municipalités, demandent aux entrepreneurs en construction de leur fournir un prix global ou forfaitaire pour l'ensemble du contrat. L'entrepreneur doit donc déterminer les parties du contrat sur lesquelles il doit percevoir une taxe de 8 % et de 4 %. Gare à lui s'il se trompe, il pourrait bien en payer la note.

Une autre pratique courante dans l'industrie veut qu'une somme équivalente à 10 % de la totalité d'un contrat effectué par un entrepreneur soit retenue par le donneur d'ouvrage afin de s'assurer de la conformité des travaux selon les plans et devis fournis. Quelle est la taxe qui s'applique à cette retenue? 4 % ou 8 %? Le problème, c'est qu'il est de pratique courante que plusieurs retenues soient payées en même temps. Imaginez la situation dans laquelle se retrouve l'entrepreneur qui reçoit un chèque de paiement applicable à plusieurs retenues, et sur lequel certains montants ont été retranchés pour plusieurs contrats, le tout étant taxable naturellement. Il nous semble inconcevable que des entrepreneurs aient à vivre une telle situation.

Il est notoire que l'industrie de la construction a des pratiques commerciales très spécifiques. Ne serait-il pas logique que la loi sur la taxation en tienne compte, principalement au moment de son application, afin de ne pas alourdir davantage le fardeau administratif des entrepreneurs, surtout lorqu'on constate que le ministère du Revenu reconnaît que ces pratiques sont usuelles dans l'industrie de la construction? En effet, dans un bulletin de mai 1990, le ministère du Revenu avouait que l'application de la loi causait de nombreuses difficultés aux entrepreneurs. Voici ce qu'on peut y lire: «Certains dossiers ont révélé les difficultés que cause l'application de la loi actuelle à l'industrie de la construction dans le domaine des contrats mixtes. Ces difficultés proviennent en majeure partie du fait que les entrepreneurs doivent déterminer la partie immeuble et la partie meuble des contrats et payer ou percevoir, selon le cas, la taxe de vente en conséquence. «Ces dossiers ont révélé également qu'une application rigoureuse de la loi dans le domaine de l'industrie de la construction provoque des résultats indésirables, compte tenu de la méthode d'attribution des contrats dans ce secteur, particulièrement pour la construction d'immeubles commerciaux ou institutionnels pour un prix global.»

Pour votre information, les contrats mixtes sont des contrats à prix forfaitaire, dont nous parlions précédemment.

Ce bulletin prévoyait que, lorsque la nature

mobilière ou immobilière d'un bien était incertaine, une convention écrite entre les parties, incluant le ministère du Revenu, devait être produite. L'expérience a prouvé que cette situation n'était pas adaptée au contexte dans lequel oeuvrent les entrepreneurs. Pour cette raison, compte tenu de la lourdeur administrative qui s'y était rattachée, elle n'a pas été utilisée par les parties.

Ce qu'il faut retenir de tout ce qui précède, c'est que l'entrepreneur a l'impression bien réelle qu'il est constamment assis entre deux chaises: celle du 4 % et celle du 8 %. Comme les règles du jeu ne sont pas claires, il se trouve dans la position de celui qui doit poser un jugement sans savoir si son interprétation est juste ou erronée. Avec la TVQ, il lui est demandé d'être un spécialiste en matière de taxation, afin de débroussailler et d'appliquer la notion fort complexe de biens meubles et immeubles. Du côté de sa clientèle, l'entrepreneur électricien est inconfortable. Certains clients peuvent craindre que le taux de taxation qui leur est chargé soit inadéquat. Malheureusement, ces craintes sont trop souvent partagées par l'entrepreneur électricien lui-même.

Lorsqu'il s'agit d'un client dit commercial, le mal peut sembler moindre, car il est possible, pour la majorité de ces clients, de récupérer la totalité de la taxe impayée en réclamant un remboursement de la taxe sur les intrants. Par contre, si le client a le sentiment que l'entrepreneur lui a chargé un taux de taxation trop élevé, cela peut définitivement compromettre leurs relations d'affaires.

Il y a les autres, les clients qui ne peuvent pas réclamer la TVQ. Pensons, entre autres, aux propriétaires de bâtisses résidentielles qui font effectuer des travaux d'installation électrique. En aucun cas, ces derniers ne pourront réclamer la TVQ qu'ils ont payée. (16 h 40)

L'entrepreneur électricien doit donc faire preuve d'une vigilance extrême lorsqu'il appliquera la taxe sur les travaux qu'il aura effectués. Si, par malheur, il fait une erreur - il a chargé un taux de 8 % au lieu de 4 % - qui peut s'assurer qu'on ne mettra pas en doute sa crédibilité et son honnêteté? Dans le cas contraire, l'entrepreneur préférera assumer une perte plutôt que de risquer de perdre un client en le poursuivant en justice pour récupérer le montant de cette taxe.

Alors, les solutions préconisées par la Corporation des maîtres électriciens du Québec. Premièrement, considérer comme immeuble le matériel installé à un bâtiment par un entrepreneur électricien et le taxer à 4 %. Il y a approximativement 90 % du matériel installé par les entrepreneurs électriciens qui est déjà considéré comme un bien immeuble taxé à 4 %. Le reste, soit environ 10 % du matériel installé et/ou vendu par l'entrepreneur électricien, peut porter à interprétation et être considéré comme des biens meubles ou immeubles, selon l'utilisation qu'on en fait.

Nous avons démontré clairement que la notion de biens meubles et immeubles cause de nombreux problèmes d'application pour les entrepreneurs électriciens. Or, ce problème ne s'applique que pour environ 10 % du matériel installé et/ou vendu par les entrepreneurs électriciens. En imposant un taux de taxation de 4 % sur tout le matériel de construction installé à un bâtiment par un entrepreneur électricien, l'application de la taxe serait considérablement simplifiée pour les deux parties, et ce, sans modifier la loi actuelle. Avec cette solution, le matériel meuble garde sa nature et, s'il est vendu, par opposition à installé, il demeure taxable à un taux de 8 %. les pratiques commerciales qui existent actuellement dans l'industrie de la construction pourraient demeurer inchangées, puisque tout le matériel installé par un entrepreneur serait taxable à 4 %. le gouvernement réduirait énormément ses frais d'inspection et serait assuré que la tvq est applicable et perçue adéquatement par ses entrepreneurs. il faudrait être conscient que le débroussaillage des biens taxables à 4 % et 8 % exige beaucoup de temps de la part des inspecteurs et que, par conséquent, il représente beaucoup d'argent pour le gouvernement. en pesant le pour et le contre, cette solution nous semble au nombre de celles qui devraient être envisagées pour régler les problèmes d'application de la tvq.

On devrait y arriver, M. le Président.

Le Président (M. Després): Merci.

M. Brown: La Corporation des maîtres électriciens recommande également de considérer le matériel et les biens meubles, qui sont déjà assujettis à un code, une loi et un règlement, comme des biens immeubles et les taxer à 4 %. Une forte majorité des biens installés par l'entrepreneur électricien est régie par nombre de lois, de codes et de règlements. Tous ces codes, lois et règlements régissent déjà la construction des immeubles au Québec et contiennent une fouie d'exigences auxquelles doivent obligatoirement se soumettre les entrepreneurs. Afin d'éviter une surréglementation, nous croyons pertinemment que tout le matériel et tous les biens dont ces règlements font mention - les génératrices d'urgence, les systèmes de ventilation, les ascenseurs de pompier, alarmes-incendie - devraient être considérés comme faisant partie de l'immeuble où ils sont installés et être taxables à un taux de 4 %.

Alors, M. le Président, vu que le temps nous est plus court, je vous remercie. Il y a juste une parole de M. Henry Ford, c'est qu'il importe peu de connaître les coupables, ce qui importe, c'est de trouver des solutions.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Després): Merci, M. Brown, pour cette présentation.

Je vais maintenant passer la parole au ministre du Revenu.

M. Savoie: Merci, M. le Président. Vous me permettrez certainement de saluer la Corporation des maîtres électriciens du Québec pour la présentation d'un mémoire qui, finalement, aborde un problème très, très pointu, c'est-à-dire la distinction des biens meubles et des biens immeubles en matière de taxation, et qui se situe un peu en dehors du contexte du débat, au niveau des finances publiques, mais qui soulève quand même un point qui mérite certainement l'attention de la commission.

Je note qu'en 1934 la ville de Montréal a introduit une taxe sur les biens meubles de 2 %. Évidemment, s'est soulevée, à ce moment-là, la question, pour les plombiers comme pour les électriciens, de l'application de la taxe. Est-ce qu'on appliquait la taxe de 2 % sur certains équipements plutôt que tels autres, étant donné que c'était limité à des biens meubles?

Lorsqu'on commence à jouer dans des immeubles par destination, des choses comme ça, on commence à jouer dans des nuances qui sont assez difficiles à saisir pour plusieurs. Ça a été la même chose avec la commission scolaire et, évidemment, avec les taxes qui ont été présentées par le gouvernement Duplessis d'alors. Ce n'est pas un nouveau débat, je pense qu'il faudrait que ce soit bien clair aussi. Il y a eu, par exemple, lors de l'évolution de la taxe de vente au Québec, l'introduction de la taxe de 8 %, il y a eu, tout au cours de ces années, des difficultés d'interprétation au niveau de l'application des 8 % sur, par exemple, tel appareil versus tel autre.

Finalement, avec la décision, pas la décision, mais le bulletin d'interprétation auquel vous faites référence, de 1988, la règle d'interprétation, on a cherché à apporter certains éclaircissements, en soulignant, comme vous l'avez fait, la notion de le présenter, soit suite à l'entente qui pouvait intervenir entre l'électricien et, évidemment, le propriétaire ou le responsable des travaux. Tout ça fait en sorte que, finalement, avec l'introduction de la taxe de vente à 8 %, qui, évidemment, s'applique sur les meubles, et celle de 4 %, qui s'applique sur les immeubles, la situation, bien que moins difficile qu'auparavant, ne s'est pas, en tout cas, solutionnée d'une façon aussi claire et nette que, je pense, la majorité des citoyens voudraient le voir. s'il y avait eu, évidemment, une taxe de 8 % sur les immeubles, comme une taxe de 8 % sur les meubles, je pense que ça aurait mis fin aux discussions, mais, si je crois comprendre votre mémoire, c'est que ce n'est pas dans ce sens-là que vous vous orientez. vous ne deman- dez pas que la taxe passe de 4 % à 8 %, mais bien qu'on y apporte des distinctions additionnelles. C'est compréhensible.

Donc, il y a eu une règle d'interprétation présentée en 1988, qui a cherché à clarifier, en tout cas qui a donné une piste, qui soulève encore quelques questionnements. Je pense que, lorsqu'on parle de contrats mixtes, le gouvernement a donné une certaine discrétion quant à l'application qu'on pouvait donner aux contrats. Mais, certainement... en tout cas, comme vous l'avez souligné, ce n'est pas tout à fait une satisfaction parfaite.

Deuxièmement, sous l'ancien régime également, si l'entrepreneur avait fait défaut de percevoir la taxe auprès d'un client, il en était seul responsable. Aujourd'hui, on a changé ça un peu. On a dit qu'il pouvait également revenir contre le client, auprès duquel il pouvait également percevoir pour corriger la situation. Troisièmement, la situation fiscale des maîtres électriciens a été améliorée avec la taxe de vente. Je pense que ça, ça sort assez clair, puisque vous pouvez être remboursés pour la taxe qui a été payée. La situation n'existait pas auparavant, ça devrait vous aider à être un petit peu plus concurrentiels.

Alors, si je comprends bien, c'est que le mémoire ne porte pas sur la taxe de vente en tant que telle, mais porte encore sur des interprétations qu'il reste à faire entre meubles et immeubles, en ce qui concerne certains contrats.

On m'a remis une lettre typique, qui a été fournie à un entrepreneur qui, évidemment, fait partie de la Corporation. On me donne un modèle type, par exemple, du 9 février, où on indique: On avait soulevé des points dans une lettre au ministère, qui est datée du 5. Le 9 février, on répond en lui disant que tel élément est taxé à 8 %, que tel autre élément est taxé à 4 %.

On comprend bien les difficultés que le mémoire soulève et le fait qu'il faudrait y apporter ou chercher à y apporter une solution claire, comme, par exemple, l'utilisation d'un taux unique, comme, également, peut-être, une meilleure harmonisation, là encore, avec la TPS. Je pense que ce n'est pas mis en doute du tout que cette orientation puisse appliquer des réponses définitives et régler le dossier.

Dans le contexte actuel, je peux vous dire qu'on est des plus sensibles à ce genre de revendications, au niveau de cette élimination de la différence qui peut exister le 8 % et le 4 %, et que, dans la mesure du possible, nous allons faire des recommandations, à brève échéance, pour donner suite à votre mémoire. Avant de donner suite à votre mémoire, on va vous inviter à rencontrer les officiers du ministère, pour voir la piste que nous avons déterminée, pour être sûr que ça vous donne satisfaction quant à la solution du problème de taxation auquel vous faites face sur-le-champ.

Il faut comprendre que ça ne relève pas du

ministère du Revenu. Il faut comprendre, également, que c'est une politique fiscale et que, donc, les annonces devront se faire par le ministre des Finances, à ce moment-là, comme c'est le ministre des Finances qui a introduit l'ensemble du mécanisme. (16 h 50)

Donc, depuis 1934, difficultés avec biens meubles, biens immeubles. Depuis 1934, ça a soulevé de nombreux points de discussion. Certainement, depuis 1988, on y porte un effort pour chercher à diminuer les différences et, certainement, avec l'introduction de la taxe en 1992, le 1er juillet, une première taxe à 4 %, étant donné qu'on vise l'harmonisation le plus possible avec la TPS, je pense qu'on pourrait s'attendre à ce que votre problème - maintenant, qui va fêter son 50e anniversaire, ou qui a déjà fêté son 50e; il s'en va sur son 60e anniversaire, l'année prochaine - puisse finalement se régler, à brève échéance.

Je serais curieux, évidemment, de vous entendre - je pense qu'il me reste quelques minutes - tout simplement de vous entendre un peu sur l'introduction de la taxe de vente, pour votre corporation. Je comprends qu'il y a certainement là une administration additionnelle qui n'existait pas auparavant, mais, d'une façon générale, au niveau des intrants et des remboursements, sentez-vous que ça a avantagé votre position concurrentielle au Québec vis-à-vis, par exemple, de l'Ontario?

M. Roy (Yvan): Est-ce que vous pourriez préciser votre question?

M. Savoie: C'est que, étant donné que nous avons la taxe de vente sur les biens meubles et immeubles, que vous pouvez jouir au Québec des remboursements, au lieu de lancer une taxe de vente où il n'y avait pas de remboursement, compte tenu qu'aujourd'hui vous avez un remboursement, ne sentez-vous pas que ça vous donne un avantage vis-à-vis, par exemple, de l'Ontario où ça n'existe pas?

M. Gosselin (Roger): Ça a un avantage... L'avantage, pour nous, on ne peut pas le mesurer parce que, comme entrepreneur - moi, je suis un entrepreneur - je peux vous dire qu'on travaille moins cette année que l'an passé. Ça fait que si ça répond à votre question...

M. Savoie: Ha, ha, ha!

M. Gosselin: Mais il y a quelqu'un qui me disait: Donnez-nous le mandat et donnez-nous de l'argent pour exécuter le mandat que vous nous demandez, puis peut-être qu'on fera les recherches nécessaires. Mais, dans le moment, je pense que le problème économique du Québec n'est pas différent, peut-être, des autres provinces. L'économie étant ce qu'elle est, le contexte est assez difficile. Si vous visez, dans le cas qui nous touche, étant donné qu'on a touché seulement la taxe de vente, c'est sûr que si vous visez...

Vous avez souligné un point, que l'administration de la taxe de vente, c'est compliqué dans des petites entreprises. On se le fait dire, on le vit. C'est quelque chose qui est assez compliqué, qui est très peu harmonisé actuellement avec la TPS. Je ne vous l'ai pas fait dire, vous l'avez dit. Et ce qu'on souhaite, étant donné que c'est un mal nécessaire, les taxes... On n'a pas discuté à savoir si on devait ou non avoir des taxes. Je pense que tout le monde aimerait ne pas avoir de taxes, mais c'est un mal avec lequel on doit vivre. Je pense que le but, en comparant les deux taxes, TPS et TVQ, au niveau administration, c'est beaucoup, beaucoup plus simple d'administrer la TPS que la TVQ, actuellement. Ça, c'est évident.

M. Savoie: Oui, c'est ça.

M. Gosselin: L'harmonisation, d'après moi, a été manquée, dans un premier temps.

M. Savoie: C'est ça. C'est-à-dire qu'au niveau de l'harmonisation, étant donné qu'on ne l'a introduite qu'à 4 %, pour vous donner un avantage comparatif... Et c'était ça le but de la question. Lorsque vous soumissionnez pour un contrat, par exemple, avec les firmes de l'Ontario, vous devez normalement avoir un avantage comparatif sur le coût, à cause, justement, de la taxe de 4 %.

M. Guilbault (Y von): Les entrepreneurs ne ressentent pas nécessairement la situation comme vous le dites, parce que la concurrence s'établit entre les entrepreneurs au Québec. La partie dont vous parlez joue beaucoup plus au niveau des investissements. Quand les investissements se font, les entrepreneurs ont du travail. Ils n'en ont pas actuellement. Est-ce que ça pourrait répondre à une partie de la question?

On n'a pas amené notre mémoire pour... on ne l'a pas amené en termes macro-économiques, vous vous en êtes rendu compte. Pour certains, ça pourrait être considéré comme, même, du menu fretin dans la vie de tous les jours, le point qu'on apporte. Mais, si vous vous mettez à la place d'un entrepreneur qui vit ça régulièrement, à savoir, quand il fait sa soumission, s'il va charger 8 % ou 4 %... Des fois, il y a des bons montants d'impliqués. Il y a des génératrices qui se vendent 10 000 $, 15 000 $, 20 000 $. C'est un bien immeuble, c'est un bien meuble? Or, lui, il décide que c'est un bien meuble; l'autre décide que c'est un bien immeuble. Au niveau de la soumission, ça fait des problèmes.

L'autre cas qui arrive souvent - mettez-vous encore au niveau de la personne qui vit ça tous les jours, qui n'est pas un spécialiste de la

taxation - ce qui arrive, c'est que l'entrepreneur va se faire inspecter souvent deux, trois, quatre ans plus tard après que les travaux ont été faits. Quand l'inspecteur du ministère du Revenu arrive et dit: Sors tes factures qu'on t'inspecte pour voir si tu as bien appliqué la taxe de vente, souvent, il a des surprises parce qu'il réalise que l'interprétation que lui a faite de la taxe, ce n'est pas tout à fait la même que celle de l'inspecteur. Et l'inspecteur lui dit: Si tu n'es pas d'accord, bien, tu as juste à émettre un avis d'opposition. Mais ça n'empêche pas qu'il faut qu'il paie, et, souvent, c'est des montants de 10 000 $, 15 000 $ ou 20 000 $ qui sont, dans beaucoup de cas, des montants énormes.

Évidemment, on a laissé l'aspect macroéconomique de la question fiscale à d'autres porte-parole, mais, étant donné, comme vous le dites, qu'on est à la veille de fêter notre 60e anniversaire et qu'on n'était pas là ni l'un ni l'autre - même si on n'a pas la même couleur de cheveux - pour éviter que ça arrive à 60 ans, pourquoi, à un moment donné, on n'arriverait pas avec une règle claire et avec des solutions, où on dit: Quand c'est un produit installé par des entrepreneurs, pourquoi, à ce moment-là, ce ne serait pas 4 % dans tous les cas? Surtout que vous avez remarqué, dans le mémoire, qu'on admet facilement que, dans 90 % des cas, c'est installé. C'est clair. C'est les autres 10 % qui font mal. Il y a une zone grise, là, qui peut impliquer beaucoup de montants d'argent, surtout dans le cas de génératrices, de systèmes d'alarme. Est-ce que les lampadaires sont meubles ou immeubles? Est-ce que c'est des luminaires encastrés ou non encastrés?

Pour l'entrepreneur qui n'est pas un spécialiste, vous allez admettre que c'est compliqué. C'est un irritant de taille assez importante pour qu'on ait jugé bon de l'emmener devant une commission parlementaire, parce que les gens nous appellent au bureau et nous disent: Ça, c'est un bien meuble ou immeuble? On le «sait-u», nous autres, si c'est un bien meuble ou immeuble! On appelle au ministère du Revenu. Dépendamment à qui on parle, bien, on dit: Ça devrait être ça. Est-ce que l'inspecteur, qui va inspecter trois ans plus tard, va dire la même chose? Ça donne des problèmes. Ce sont des irritants qui pourraient, à notre avis, être facilement corrigés une fois qu'on l'admet, et on ne se prononce pas nécessairement sur le principe de la taxation, sur la façon de taxer, sur la fiscalité, sur toutes les règles fiscales, mais on dit: Si on doit faire face à une taxation, au moins qu'elle soit claire, précise et applicable par des gens dont ce n'est pas le métier d'interpréter des textes. C'est ce qu'on vous dit, et ça coûte des centaines et des milliers de dollars.

Aller faire un avis d'opposition contre le ministère du Revenu, quand tu t'appelles Jos Bleau, que tu viens de je ne sais trop où, ce n'est pas tellement évident. C'est bon juste pour les avocats, mais ce n'est surtout pas bon pour l'entrepreneur. Alors, c'est ça qu'on essaie de faire ressortir comme situation.

Il y a des gens qui pourraient dire, par rapport a d'autres mémoires qui ont été présentés ici, parce que c'est quand même suivi, c'est télévisé, on pourrait fort bien dire: Quelle banalité que ce mémoire-là! On pourrait aller jusque-là. Mais, quand vous pensez à la personne qui doit appliquer ça, c'est loin d'être banal, surtout quand quelqu'un se fait sauter un contrat, surtout, quand, à un moment donné, il dit: Sur la retenue de 10 %, est-ce qu'il y a une partie taxable ou une partie non taxable? C'est compliqué et, à ce moment-là, on n'a pas d'autre choix - appelons ça stratégiquement - que de s'adresser aux autorités pour dire: Trouvez une solution pratique pour ceux dont ce n'est pas le métier d'appliquer ça. C'est ce qu'on fait. Merci.

M. Savoie: C'est ce que nous avons retenu de votre présentation, et c'est ce que j'ai mentionné au tout début. C'est que, suite au dépôt de votre mémoire, il va y avoir une recommandation faite du côté du ministère et il va y avoir une rencontre prévue pour s'assurer qu'on donne suite d'une façon satisfaisante à votre recommandation.

M. Guilbault: On apprécie le fait que vous ayez été touché par ce problème.

Le Président (M. Després): Merci, M. Guilbault.

Vous voulez ajouter quelque chose? De façon très courte? Je dois passer la parole au...

M. Brown: C'est parce que, au début, lorsque la réforme est arrivée, elle était supposée être harmonisée avec la TPS. À ce moment-là, au niveau des entrepreneurs, on avait beaucoup d'attentes, et tous les entrepreneurs étaient très satisfaits de cette position-là. Nous autres, on pensait, par le fait même aussi, que la notion de biens meubles et immeubles... que, si le taux de la taxe était égal dans les deux parties, à ce moment-là, on n'aurait pas de problèmes d'application. (17 heures)

Vous avez touché un point tantôt, que le client... Vous avez instauré la notion que l'entrepreneur électricien va pouvoir être capable d'aller à son client pour aller rechercher la partie de taxe qui n'a pas été payée. On sait que, consciemment, l'entrepreneur ne fera pas une chose semblable parce qu'il se dit, surtout avec sa clientèle, et dans les régions autres que Montréal, où tout le monde se connaît, que c'est d'admettre qu'on a fait une erreur, puis qu'on n'a pas été clairvoyant, puis qu'on n'est pas un bon administrateur. Alors, l'entrepreneur électricien va tout simplement laisser tomber ça, puis il ne le réclamera pas.

Le Président (M. Després): Merci, M. Brown. La parole est au député de Labelle.

M. Léonard: Merci, M. le Président.

Bienvenue. Je vous félicite pour la qualité de votre mémoire. Ce n'est pas des banalités que vous avez écrites là-dedans. Je pense que ce sont des témoignages, puis j'en ai eu, quant à moi, et, n'en déplaise au ministre du Revenu, il y a des problèmes avec la TPS, avec la TVQ et l'harmonisation entre les deux. Je le voyais opiner du bonnet, dire: Oui, oui, il y a des problèmes, on va... Mais on attend toujours la solution.

Je voudrais tout simplement dire qu'il y a effectivement un problème qui a été accentué par les hésitations et les tergiversations du gouvernement là-dessus, de son gouvernement, il faut se rappeler qu'à l'origine ie système devait être très simple: 7 %, TPS, 8 %, TVQ. Mais les fonctionnaires eux-mêmes, malgré toute leur bonne volonté, ont eu à faire face à une foule de changements de décisions en cours de route. Parce que, entre le 30 août 1990 et, après ça, tout ce qui est survenu par la suite, il y a eu, d'abord, détaxation, en décembre, pour le livre, ce qui ne vous a pas affecté, puis, après ça, au discours sur le budget 1991, déjà, encore une fois, on a modifié les taux. On en est resté, pour certains secteurs, à 8 %, à 4 %... à 4 % plutôt, et puis ça devait être 7 %, on en est resté à 8 %. Alors, tout cela a fait que ça a compliqué énormément la situation. Je pense que le ministre du Revenu, même s'il se pense bien important, a été victime de son collègue, du ministre des Finances, le ministre des Finances, en l'occurrence, et ses fonctionnaires surtout, parce qu'ils ont dû pédaler puis suivre.

Mais je suis conscient que nous sommes maintenant devant un système extrêmement complexe qu'il faut absolument simplifier. C'est le témoignage de tout le monde et, vous-même, ce que vous dites le démontre. La crainte que j'ai, c'est que, oui, oui, ils vont simplifier, mais, lui, il doit penser probablement que, son taux de 4 %, il pourrait le remonter à 8 % ou quelque chose comme ça. C'est ça, le danger, à l'heure actuelle. Il n'a pas été très clair là-dessus. Mais, moi, j'aurais une question, une question.

Il y a beaucoup de travail au noir. Vous ne l'avez pas abordé dans votre mémoire. Je sais que le travail au noir, ce n'est pas juste la taxe qui est en cause là-dedans. Il y a l'impôt sur le revenu. Il y a beaucoup d'autres choses. Mais je crois que la TVQ-TPS a ajouté. J'aimerais ça vous entendre, si vous avez une opinion sur cette question-là, si vous avez quelque chose à dire à la commission.

M. Brown: Disons qu'au niveau du marché au noir ça découle un peu plus de la loi 185. On est venus en commission parlementaire s'exprimer à ce sujet-là. La taxation, c'est certain que, lorsque le consommateur voit les deux taxes carrément sur une facture, la prochaine fois, il essaie de faire des pressions au niveau des entrepreneurs pour être capable de travailler à... de ne pas payer ces taxes. Mais une autre situation aussi... On a un décret de la construction. Il y a des salaires horaires, il y a la situation économique. Toutes ces parties-là, ça affecte le consommateur pour le travail au noir.

Le consommateur veut en avoir plus pour son argent dans n'importe quel domaine. Ce n'est pas typique à la construction. C'est dans tous les domaines, même au niveau de la coiffure. On va parler de garagistes... Ça s'applique partout. Mais c'est sûr que, lorsqu'un consommateur voit les taxes claires, nettes et précises sur des factures, ça l'incite à vouloir passer à côté du système.

M. Léonard: Surtout dans une période de récession économique.

M. Brown: C'est plus évident parce qu'il y a beaucoup plus de personnes qui sont disponibles, entre parenthèses, à effectuer du travail au noir, parce qu'elles sont sur l'assurance-chômage ou sur le bien-être social.

M. Léonard: Mon collègue de Montmorency vous interrogera sur un autre aspect de votre mémoire, mais je pense que tout ça est encore explicite après d'autres mémoires, la complexité du système présentement. Il faudrait que le ministre se rende compte... Ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est qu'effectivement les gens le lui disent poliment, tout gentiment, mais ils s'attendent à ce qu'H prenne des décisions, qu'il fasse des choses. Alors, je pense que c'est un peu votre souhait, puis j'en reste là pour l'instant. Est-ce qu'il leur reste du temps?

Le Président (M. Després): Oui. Est-ce qu'il y a...

M. Savoie: Non, c'est beau. On a fait l'intervention en leur disant qu'on verrait à faire une proposition et...

Le Président (M. Després): Non? O.K. En fait, l'intervention a été faite.

M. le député de Montmorency.

M. Savoie: J'ai dit qu'après cet exercice on verrait à faire une proposition et à les rencontrer avec la proposition.

Le Président (M. Després): Merci, M le ministre du Revenu.

M. le député de Montmorency.

M. Filion: Merci, M. le Président.

Également, j'aimerais souligner le bon travail et l'excellent mémoire de la Corporation des maîtres électriciens du Québec. J'ai un peu

constaté avec eux l'espèce de labyrinthe... Ça devient un labyrinthe. À quel moment on qualifie de bien meuble, de bien immeuble, où on arrête... Le fil. à quelle place on le coupe, dans le circuit, pour dire que, effectivement, ça va être meuble ou immeuble? Ça crée des problèmes d'application pratique énormes. Je pense que vous avez soulevé, effectivement, une solution qui dit, au fond: Tout le travail que fait l'électricien, on devrait considérer ça comme meuble, un bien meuble. Alors, c'est... excusez, bien immeuble, pour que ce soit effectivement taxé à 4 %. Alors, vous résumez la définition d'une façon simple.

Maintenant, vous êtes également conscients qu'en disant ça vous avez toujours la loi fédérale qui, elle... Au niveau de la loi fédérale, est-ce que vous seriez... Je comprends que c'est un taux unique, mais vous venez donner une définition différente, au Québec. Au fédéral, ça n'a pas d'importance. Que ce soit un bien meuble, que ce soit un bien immeuble, c'est un taux unique, alors la différence n'a plus d'importance. Sauf que, si vous amenez un positionnement comme celui-là, vous avez la loi de l'impôt sur le revenu où, elle, la notion demeure entière, c'est-à-dire qu'au niveau de la capitalisation c'est important de savoir si le travail qui est fait est rattaché à un immeuble ou s'il est rattaché à un bien meuble. Alors, pour solutionner votre problème, vous allez le garder entier au niveau de la loi de l'impôt sur le revenu, parce que, au niveau de la loi de l'impôt sur le revenu, il faut faire une distinction du travail quand même, dépendamment comment vous voulez classer le travail: Est-ce que c'est une dépense courante ou est-ce une dépense capitalisable qui est reliée à l'immeuble?

J'ai l'impression que le problème va demeurer entier sur le plan technique, ce que je perçois du problème. Je pense que, dans ce sens-là, on va peut-être aussi créer plus de confusion entre deux lois. Je ne sais pas si vous avez également regardé la possibilité au niveau de l'impôt sur le revenu, parce que la notion s'applique dans les deux lois: au niveau de la taxe de vente et au niveau de l'impôt sur le revenu. Est-ce que vous vous êtes penchés également sur cette réflexion d'interprétation du mot «immeuble» et du mot «meuble» au niveau de la loi de l'impôt sur le revenu, si on doit garder les mêmes paramètres ou non?

M. Roy: En fait, la question que vous soulevez, c'est de savoir, au niveau de la dépense, si ça devient une dépense courante ou si on doit la capitaliser et l'amortir. Nous pensons que le principe de l'amortissement, qui est de répartir le coût d'un actif sur sa vie utile, n'a rien à voir avec les notions de meuble et d'immeuble parce que, par exemple, vous pouvez très bien avoir, je ne sais pas, dans une industrie, dans un moulin à scie, un très gros banc de scie, par exemple, qui est un meuble, qui est un équipement, qui va vous aider à gagner des revenus sur plusieurs exercices. Donc, par le fait même, au niveau de la loi de l'impôt, vous allez le capitaliser et l'amortir.

M. Filion: Je vous arrête parce que, dépendamment de la capitalisation que vous allez faire, vous allez avoir un taux d'amortissement différent. Si vous êtes un meuble, vous allez amortir jusqu'à 20 %; si vous êtes immeuble, vous allez avoir un taux d'amortissement de 5 %. Alors, dans cette optique-là, vous allez vous trouver à dire: Tout ce qu'on fait comme travail, nous, c'est meuble, au niveau de la taxe de vente. Alors, si c'est meuble au niveau de la taxe de vente, je ne me pose même plus la question, à savoir où je vais aller classer mon bien au niveau de l'impôt sur le revenu. Et là vous avez une problématique d'interprétation aussi. (17 h 10)

M. Guilbault: Vous voyez, ce n'est pas l'entrepreneur électricien qui a le problème d'interprétation, c'est le client. Quand le client fait installer des appareils électriques, est-ce que, lui, à travers toute une facture qui pourrait être complexe, va se poser la question: Est-ce que je capitalise ou si je passe aux dépenses courantes? Je ne suis pas sûr que ça va se passer comme ça, en réalité, s'il y a seulement une partie de la facture entière qui passe dans une rénovation, qu'il va dire: Ça, c'est meuble; ça, c'est immeuble.

Pour l'entrepreneur, lui, il n'a pas à décider ça. Quand on a étudié la question, évidemment, vous aurez remarqué qu'on ne l'a pas étudiée sous à peu près tous les aspects. Écoutez, on a joint dans notre mémoire principal des interprétations du ministère du Revenu, et je pense qu'il y en a beaucoup d'autres qu'on aurait pu joindre. C'est quelque chose de complexe, c'est clair. L'entrepreneur électricien n'a pas à jouer au comptable pour savoir si son client va capitaliser ou passer quelque chose aux dépenses. Vous comprenez l'idée?

M. Filion: Oui, je sais très bien.

M. Guilbault: L'idée, c'est que l'entrepreneur électricien doit avoir quelque chose de clair et qu'il n'ait pas à subir les irritants, sans se questionner en termes macro-économiques, à savoir si la taxe est suffisante ou non, dire: II y a une taxe qui s'applique; est-ce que, moi, je l'applique à 4 % ou à 8 %? C'est ce qu'il faut éviter. En termes d'interprétation, c'est lui qui, comme mandataire du percepteur de taxe, subit le préjudice, au bout de la ligne. Quand un entrepreneur nous appelle et nous dit: Qu'est-ce que je fais avec ça? on ne peut pas lui garantir avec certitude: Tu dois charger 4 %, ou: Tu dois charger 8 %. On n'est pas capable, même si on s'adresse au ministère du Revenu. C'est là que devient le problème. Le reste, on va laisser ça

aux spécialistes, aux comptables agréés... M. Filion: Oui, je comprends.

M. Guilbault: ...ou... enfin, et ainsi de suite. Mettez-vous dans la position d'un entrepreneur électricien.

M. Filion: Je me mets effectivement au niveau de l'entrepreneur électricien qui demande, lui, au fond, la simplicité d'application.

Une voix: La sécurité.

M. Filion: Oui, et la sécurité aussi pour ne pas vous retrouver, après ça... On sait que vous êtes de nouveaux percepteurs d'impôt, là, des nouveaux fonctionnaires non rémunérés. Ça, on comprend ça, le système veut que ce soit ainsi. Sauf que je me dis en même temps qu'il faut faire attention aux définitions entre lois. Autrement dit, ce serait peut-être plus simple, au fond, si on y allait avec un taux unique. Vous auriez un résultat...

M. Gosselin: Au début, quand on a parlé de la TVQ, en tout cas je vais parler pour moi, là, mais je pense que, dans l'ensemble des entrepreneurs électriciens du Québec et, peut-être, je vais aller plus loin, dans l'ensemble de l'industrie de la construction du Québec, tous les gens pensaient qu'on aurait un seul taux, qu'on aurait des intrants sur tout ce qu'on achèterait, autrement dit le même principe que la TPS. Et ce n'est absolument pas ça qui a été fait. Pourquoi pas d'intrants sur l'essence? Pourquoi pas d'intrants sur la facture d'électricité? Pourquoi pas d'intrants sur telle chose? Ça, on n'en a pas parlé dans le mémoire, mais on le sait. On est conscient de ces phénomènes-là aussi, et cette difficulté-là... Nous autres, c'est de ne pas être assis entre deux chaises qu'on veut savoir, comme entrepreneurs. Si on remet 10 000 $ de TVQ au gouvernement, on ne veut pas en remettre 12 000 $ deux ans après. On veut avoir une sécurité d'opération. C'est certain que c'est harassant pour nous autres, la gestion des taxes, que ce soit la TPS ou la TVQ. Ça, on est conscients de ça, mais on est prêts à vivre avec en autant que c'est simple et secure. C'est à peu près ça.

M. Filion: C'est ça. Mais je pense que vous avez parfaitement raison. Actuellement, la loi est ainsi faite que la fausse harmonisation qui a été faite par le gouvernement du Québec a créé plus de problèmes et est plus coûteuse aussi en même temps aux entreprises. Vous vivez l'insécurité et en même temps aussi vous vivez une déshar-monisation qui fait en sorte que c'est beaucoup plus complexe au niveau de la gestion interne des documents et de la comptabilité. Dans ce sens-là, je trouve que le ministre du Revenu, quand il dit que ça remonte à Duplessis, moi, je pense que la problématique est beaucoup plus amplifiée, et de beaucoup, qu'à l'époque Duplessis. À l'époque Duplessis, les notions de meuble et d'immeuble n'allaient pas jusqu'à avoir des taux différents et à créer une dynamique parce qu'on a amplifié le problème au niveau de plusieurs plans, au niveau de l'exécution pratique des choses.

Moi, j'aimerais savoir aussi de votre part... Il y a la question, bien sûr, du taux unique, mais est-ce qu'il y a autre chose que vous verriez au niveau de l'application pratique qui serait beaucoup plus simple? Est-ce qu'il y aurait autre chose à améliorer au niveau du système de la TVQ, face aux électriciens? À part cette problématique de meuble et d'immeuble, est-ce que vous avez d'autres exemples pratiques qu'il serait bon...

M. Brown: Ce qu'on a demandé aussi dans notre mémoire, c'est l'harmonisation avec la TPS. À ce moment-là, on va avoir la même perception. Que ce soit une taxe fédérale ou une taxe provinciale, on va avoir exactement les mêmes renseignements, la même perception et l'entrepreneur électricien va être sécuritaire à l'intérieur de ces données-là. À l'heure actuelle, le gaz ne l'est pas, telle chose ne l'est pas, une telle l'est. À un moment donné, il y a une zone grise. Là, ça devient très difficile pour l'entrepreneur d'appliquer ça. Qui est le responsable? Qui est le mandataire de la perception de la taxe? C'est l'entrepreneur en tant que tel. Je dois vous dire que, personnellement, je n'ai pas de formation en tant que fiscaliste pour être capable de collecter la taxe à mon client.

M. Filion: Évidemment. Depuis l'avènement de la TVQ à 4 %, est-ce que c'est la première fois vraiment que vous faites des représentations dans ce sens-là ou si vous avez déjà...

M. Brown: Au niveau de la taxe, c'est...

M. Filion: ...d'une façon formelle, adressé au ministre des Finances ou au ministre du Revenu...

Une voix: Oui.

M. Filion: ...ce que vous amenez? Nous, on a l'impression que cette commission-là, si on se fie à ce qui se passe ici, il n'y a jamais rien eu avant. On veut voir si, effectivement, il y a une sourde oreille de la part du gouvernement ou bien s'ils sont vraiment sensibles à vos revendications.

M. Guilbault: Si vous regardez le mémoire, il y a des échanges de correspondance à la fin du document. Il y en a eu régulièrement, des échanges de correspondance avec le ministère du

Revenu pour avoir des interprétations. Mais, à chaque fois qu'on arrive avec un cas, c'est traité comme un cas d'espèce. Ça dépend où c'est situé, ça dépend s'il faisait froid, s'il ne fait pas froid, ça dépend à quoi ça sert, combien de temps ça va servir, et, finalement, la lettre qu'on reçoit ne veut plus rien dire parce qu'on la reçoit bien après que ça ait été installé. Donc, des échanges de correspondance, il y en a régulièrement et, au-delà de toutes les années, il y en a toujours eu. Mais là, pour une fois, on s'est dit: Le problème est tellement irritant, tellement agaçant pour ceux qui doivent l'appliquer que, dans une commission parlementaire aussi importante que de discuter des finances du Québec, on va apporter un point qui irrite les gens au plus haut degré. C'est ce qu'on a fait.

Alors, on dit: Si c'est 4 %, appliquez 4 % et tout le monde va appliquer 4 %. Tout le monde va être sur un pied d'égalité, en termes de compétition, ce qui n'est pas le cas. C'est fatigant, c'est tannant, quelqu'un vit dans un milieu d'insécurité, à savoir si l'inspecteur va être d'accord avec l'interprétation qui a été donnée, des fois, deux ans avant, trois ans avant. Il va dire: Là, ce n'est pas tout à fait pareil, c'est nouveau. Alors, c'est quelque chose qui ne devrait pas être toléré et c'est pour ça qu'on vient devant une commission parlementaire dire: Même si ça peut, j'insiste, paraître simpliste, compte tenu des objectifs de la commission, il faut que quelqu'un se penche sur un sujet comme celui-là parce qu'il y a des gens, à tous les jours de l'année, dans toutes les régions du Québec qui se posent la question: Est-ce que c'est meuble ou immeuble? Bien moi, je pense que c'est meuble, je ne prendrai pas de chances. Peut-être que l'inspecteur ne dira pas la même chose dans deux ans, surtout quand c'est des questions qui relèvent de génératrices et de systèmes qui coûtent des milliers de dollars.

M. Filion: Oui.

M. Guilbault: C'est ça qu'on essaie d'apporter devant cette commission. Le ministre nous dit qu'il est prêt à regarder cette question-là, on en est fort heureux, on espère qu'il va se trouver des solutions. Mais, comme on a pris la peine de le souligner à la fin de notre mémoire, on a bien dit: On ne cherche pas des coupables, on cherche des solutions. Des coupables, on pourrait en trouver tout au long des années, semble-t-il, à partir de 1934, et ça, on pourrait faire une longue histoire, mais on n'a pas fait de recherche, M. le ministre.

M. Filion: Non, mais...

M. Brown: Juste pour vous donner une...

M. Filion: Oui.

M. Brown: ...situation très pratique au niveau de l'entrepreneur. La semaine prochaine, j'ai une soumission à déposer au Bureau des soumissions déposées d'une valeur de 75 000 $ et je dois déterminer quelles sont les valeurs des taxes. C'est 4 % ou 8 % pour une partie ou l'autre partie, et je n'ai pas le temps d'appeler au ministère, premièrement, parce que je vais avoir de la difficulté à avoir la ligne, deuxièmement, ça va prendre trop de temps pour avoir une interprétation et je dois déposer une soumission. Mais, si on prend juste l'exemple... Tiens, je vais regarder ici. Je vois des luminaires qui sont suspendus. Ils sont supposés être à 8 %. Je vois ceux-là qui sont encastrés, ils sont à 4 %, mais la lumière qui est dedans est à 8 %.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brown: Aïe! ça n'a pas de bon sens.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brown: À un moment donné, il faut arrêter. C'est pour ça qu'on dit: Les notions de biens meubles et immeubles, si elles sont très importantes au niveau fiscal, parfait, mais mettez ça le même taux. Alors, on ne s'obstinera plus.

M. Filion: Non. Mais je pense que, même si le ministre, tout à l'heure, a commencé son discours en disant que ce n'est peut-être pas ici, à cette commission-ci, que vous deviez intervenir, moi, au contraire, je pense que c'est très pertinent, ce que vous amenez comme débat et que, au contraire, ça fait partie du débat des finances publiques. Les finances publiques, vous savez, il y a la partie taxes, revenus et la partie dépenses. Quand on veut parler des finances publiques dans leur ensemble, un débat comme celui-là, c'est super important, parce que je pense que vous venez encore dire au gouvernement: Écoutez, cet irritant-là nous complique tellement la vie, ça nous agace à un point tel que ça nous décourage à être de bons fonctionnaires qui vont percevoir vos impôts. On trouve qu'on est des... On veut participer, comme le disait... Et tous les mémoires, depuis deux jours, entre autres, les gens ont tous le même discours. On veut participer, on veut être des percepteurs d'impôt pour l'État, mais donnez-nous des outils et permettez-nous de travailler convenablement et sans nous irriter de façon telle qu'au contraire on est désincités à être des percepteurs d'impôt et on sait que... (17 h 20)

Je comprends votre insécurité également que de penser que des cotiseurs vont venir, dans un an, deux ans ou trois ans, vous dire: Aïe! tu as mal compris; parce que tu as mal compris, on te charge des intérêts et des pénalités. C'est un peu être le dindon de la farce d'une situation. Je pense que vous avez tout à fait raison et que

votre mémoire est très pertinent. Dans ce sens-là, je pense que ça ne peut qu'enrichir les connaissances qu'on doit aller chercher dans la population pour réorienter la législation fiscale.

Alors, merci pour votre mémoire et votre présentation.

Le Président (M. Després): Merci. Oui, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Roy: Un des dangers, je pense, qui pourraient peut-être arriver comme solution, parce qu'on l'a vécu dans le passé, on a demandé au ministère du Revenu de nous donner une interprétation. On avait fourni une liste d'items de matériel installé par des entrepreneurs et, pour chacun des items installés, on savait s'il était meuble ou immeuble et on savait comment interpréter la loi. Le danger là-dedans, c'est que la technologie évolue très rapidement et, là, tu te ramasses dans des situations où la technologie... Prenez, par exemple, le cas des thermopompes. Les thermopompes qu'on a présentement ne sont pas les mêmes qu'on avait en 1981. On a présentement des thermopompes murales que vous pouvez mettre dans un cadre de fenêtre comme un système d'air climatisé. Le système d'air climatisé, si tu l'enlèves de la fenêtre, ça devient un bien meuble, alors que la thermopompe a deux fonctions: une fonction de chauffage et une fonction de climatisation. Alors, sur quelle base tu te bases pour déterminer quel est l'immeuble et quel est le meuble?

Donc, la raison pour laquelle... On aurait pu très bien soumettre au ministère une liste des items. D'ailleurs, ça a été des demandes des entrepreneurs, de fournir une liste des items qu'ils installent et de savoir l'interprétation pour chacun des items. Mais, encore là, ce n'est pas possible parce que, dépendamment de comment il est installé, comme notre président vous l'a mentionné, à quoi ça sert, l'interprétation diffère. C'est la raison pour laquelle, et je termine, on a amené une solution pour dire: Tout le matériel installé - parce qu'on sait pertinemment que, par le matériel qui est installé, il faut bien comprendre: «installé» veut dire raccordé avec des marettes - demeure dans un bâtiment, donc fait partie de l'immeuble et, dans ce cas-là, 4 %, et ça ne change pas la loi. Il n'y a pas de ministre des Finances qui doit intervenir là-dedans. La loi demeure pareille. Il s'agit juste de sortir un bulletin d'interprétation, comme il y en a une pile, pour dire: Pour l'industrie de la construction, tout ce qui est installé, c'est immeuble.

Le Président (M. Després): Merci beaucoup, M. Roy.

M. le député de Vanier, vous avez demandé la parole.

M. Lemieux: Merci, M. le Président.

On me dit que j'ai trois minutes environ.

Le Président (M. Després): Oui, trois minutes.

M. Lemieux:j'ai peut-être une question plus globale. vous êtes tous des québécois et vous êtes bien conscients aussi de l'état des finances publiques. eu égard à ce document qui a été préparé par le ministère des finances, «vivre selon nos moyens», lorsqu'on regarde à la page 122 des revenus budgétaires en millions pour 1993-1994, 36 312 000 000 $, et qu'on se rend en 1997-1998, 43 646 000 000 $, il y a des dépenses budgétaires en millions avant mesures et après mesures. on constate que, si on veut en arriver à limiter à 1 % par année la croissance des dépenses des programmes, ça implique des mesures de rationalisation d'environ 7 200 000 000 $.

Vous êtes comme moi, vous payez des taxes, vous payez des impôts comme citoyens. Jusqu'où êtes-vous prêts à aller? Êtes-vous prêts à accepter qu'on remette en cause la gratuité de certains services publics? Êtes-vous prêts à accepter qu'il y ait une rationalisation, un réalignement de l'administration publique, je dirais, très substantiel? Êtes-vous prêts à accepter qu'il y ait peut-être certaines phases d'étatisation du secteur public? Êtes-vous prêts à accepter, à titre d'exemple, la CSST, qu'il y ait peut-être une mixité avec le secteur privé? Qu'elle soit mise en compétition avec le secteur privé?

J'aimerais vous entendre sur ces grandes questions puisque, comme moi, au-delà du mémoire que vous avez présenté, vous êtes des citoyens payeurs de taxes.

M. Guilbault: Comme citoyens, on a choisi de présenter un mémoire qui ne traitait pas de la macro-économique. C'est pour ça qu'on a bien spécifié, au point de départ, que les points qui ont été touchés pourraient apparaître banals, parce qu'on est très conscients que des députés comme vous pourraient intervenir sur cette question-là.

M. Lemieux: Non, ils ne sont pas banals.

M. Guilbault: Ils pourraient l'être, compte tenu des questions importantes que vous venez de soulever: déficit, la CSST, et ainsi de suite. On a choisi volontairement de ne pas commenter cette question-là.

M. Lemieux: Mais, vous, comme citoyen?

M. Guilbault: je ne suis pas autorisé, comme citoyen, à vous parler aujourd'hui. je suis porte-parole de la corporation des maîtres électriciens.

M. Lemieux: Pardon?

M. Guilbault: J'ai sûrement une opinion. Je pourrais vous la dire tout de suite après la commission parlementaire, d'homme à homme.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lemieux: Et vous refusez de me dire ça en public?

M. Guilbault: Absolument.

M. Lemieux: Pourtant, ça vous touche, ce sont vos taxes...

M. Guilbault: Ça me touche... M. Lemieux: ...vos impôts.

M. Guilbault: ...ça nous touche énormément, mais je dois vous dire qu'on a fait un choix de présenter à cette commission parlementaire un irritant de taille pour les gens qu'on représente.

M. Lemieux: Oui, je suis conscient.

M. Guilbault: Ça nous fera plaisir, dans un autre temps, de vous faire part de nos points de vue sur des questions comme celle que vous avez apportée. Mais, pour aujourd'hui, on n'a pas à se prononcer sur cette question-là et nous ne sommes pas mandatés...

M. Lemieux: Non. J'en suis conscient. M. Guilbault: Oui.

M. Lemieux: J'ai essayé d'avoir, de vous ou d'une autre personne, une opinion globale de ce qu'il pouvait penser comme citoyen et citoyenne et d'être bien conscient que, comme gouvernement, on a une responsabilité qui est collective, tout simplement.

M. Guilbault: écoutez, on est conscients aussi. ne pas l'être, ce serait tout à fait, je dirais même, débile dans la situation qu'on vit. on la vit à tous les jours, cette récession-là; nos entrepreneurs la vivent à tous les jours. la csst, le temps nous manquerait pour en parler. la csst, c'est un problème très sérieux...

M. Gosselin: La CSST, la CCQ...

M. Guilbault: ...on pourrait en parler...

M. Gosselin: ...le travail au noir via les mesures fiscales dont on a déjà parlé dans une commission parlementaire précédente, qui était la 185. On en a parlé, de ces choses-là. Ça a été présenté... Vous avez des mémoires là-dessus qui ont été présentés.

La CSST, c'est un irritant majeur dans l'industrie de la construction, c'est sûr, mais ce n'est pas seulement dans l'industrie de la construction.

M. Lemieux: En quoi?

M. Gosselin: C'est quelque chose qui coûte beaucoup de sous et qui fait de gros déficits. Ça nous amène des interrogations, ça aussi. On l'a déjà souligné. Mais c'est évident que la partie qui a été choisie par notre corporation était une partie beaucoup plus...

M. Lemieux: Technique.

M. Gosselin: ...terre à terre, peut-être, ou opérationnelle dans le quotidien, qui a été ajoutée aux responsabilités des entrepreneurs...

M. Lemieux: Ce n'est pas un reproche...

M. Gosselin: ...qui ont, par le fait même, une responsabilité de collection et de bonne collection d'argent à l'intérieur de ça.

M. Lemieux: Ce n'est pas un reproche.

Le Président (M. Després): En conclusion, M. Guilbault.

M. Lemieux: Oui, en conclusion, ce n'est pas un reproche...

Le Président (M. Després): Non, M. le député de Vanier.

M. Lemieux: ...je pense, vous m'avez bien compris. Ça va. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Després): Le temps est maintenant terminé. Au nom des membres de cette commission, j'aimerais vous remercier pour votre présentation à la commission sur les finances publiques et inviter dès maintenant la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec à prendre place à la table des invités. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 27)

(Reprise à 17 h 31)

Le Président (M. Després): À l'ordre, s'il vous plaît!

Messieurs, Mme la députée, nous recevons la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec. Il me fait plaisir, au nom des membres de cette commission, de vous souhaiter la bienvenue et de vous dire que nous avons exactement une heure à notre disposition. Vous avez une période maximum de 20 minutes pour présenter votre mémoire, pour garder le reste du temps d'une façon partagée entre les

députés ministériels et les députés de l'Opposition.

J'inviterais le responsable à présenter l'équipe qui l'accompagne et à débuter dès maintenant la présentation de votre mémoire. Merci.

Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec (CMMTQ)

M. Brière (Jean): M. le Président, mon nom est Jean Brière, je suis le président de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec. À ma gauche, vous avez Michel Favre, qui est le directeur général de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec, et le responsable de l'administration du bureau de la Corporation des martres mécaniciens en tuyauterie du Québec, à ma droite, M. Jean Allard.

M. Michel Favre va lire la partie du mémoire qu'on vous a présenté.

M. Favre (Michel): Bonsoir. La CMMTQ a été créée en 1949 par une loi qui est aujourd'hui connue comme étant la Loi sur les maîtres mécaniciens en tuyauterie. La CMMTQ est une corporation à appartenance obligatoire; cela veut dire qu'une personne qui désire exécuter des travaux ou faire exécuter des travaux d'installation de tuyauterie au Québec ne peut les exécuter ou les faire exécuter sans être qualifiée à cette fin et sans être membre de la CMMTQ.

La Corporation regroupe actuellement quelque 2300 entrepreneurs spécialisés en plomberie, chauffage, ventilation, climatisation, réfrigération et protection-incendie. La CMMTQ fait passer des examens d'admission. Elle s'occupe de perfectionner ses membres, s'occupe de les discipliner par le biais de son comité de discipline, s'occupe des plaintes des consommateurs et de ses membres à tous les niveaux.

Le bien-fondé de l'existence de la CMMTQ et son rôle à l'égard du public et des entrepreneurs ont été confirmés et reconfirmés à plusieurs reprises par les autorités gouvernementales. La CMMTQ n'est pas une corporation ayant des pouvoirs de nature privée, elle a un rôle d'intérêt public confié spécifiquement par une loi, elle est un partenaire et une aide des autorités gouvernementales qui l'ont créée et qui lui ont confié des tâches spécifiques de la nature de celles exercées par l'État.

Dans le cadre du mandat de la commission du budget et de l'administration sur le financement des services publics au Québec, la CMMTQ entend soulever, par le dépôt du présent mémoire, certains problèmes reliés à la fiscalité et auxquels font face ses membres. Ces problèmes non seulement affectent les entrepreneurs, mais ont également pour conséquence d'engendrer le travail au noir et d'éroder l'assiette fiscale du Québec, ce qui, comme vous le savez, n'aide pas le gouvernement dans sa lutte contre le déficit.

Ces difficultés, vous l'aurez deviné, émanent en très grande partie de la taxe de vente du Québec, et plus particulièrement des modifications majeures apportées en 1992. La Corporation est en accord, en principe, avec la nouvelle TVQ, mais il n'en demeure pas moins qu'elle souhaite des améliorations quant à son application.

Il va de soi que plus le fardeau fiscal est augmenté, plus nous risquons de développer une économie parallèle où des sommes gigantesques sont perdues, et ce, à la faveur du marché noir. Depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle taxe, il est de plus en plus évident que la survie et la prospérité des entrepreneurs sont tributaires de leur capacité de faire du travail au noir. Ça n'a aucun sens.

Les recommandations contenues dans le présent mémoire ont essentiellement pour but de limiter au maximum le travail au noir Elles tiennent compte de la capacité financière de payer du consommateur et du fait que l'instauration de certains incitatifs aurait pour effet d'améliorer grandement la situation. De plus, le principe de cette nouvelle taxe serait sauvegardé et serait même plus apprécié par la population en général.

Enfin, nous demandons également au gouvernement de porter une attention particulière à la lourdeur administrative imposée aux entreprises et qui résulte du fait que ces dernières sont les mandataires du gouvernement pour prélever cette taxe.

Les recommandations de la Corporation portent donc: sur le développement d'incitatifs à l'égard des consommateurs; l'uniformisation des taux de la taxe dans l'industrie de la construction; simplifier la loi et son application en enlevant les exceptions; améliorer les communications entre les entrepreneurs et la fonction publique et offrir une compensation adéquate aux entreprises pour la mise en application de la TVQ.

Parlons d'abord des incitatifs pour le consommateur. À titre d'exemple, l'ampleur de la taxation sur certains produits tels les cigarettes a donné comme résultat un marché au noir très important. N'est-ce pas le sort destiné au secteur de la construction si rien n'est mis en branle pour inciter le consommateur et l'entrepreneur à se conformer aux dispositions de la nouvelle taxe? Nous proposons, à cet égard, de permettre aux propriétaires d'obtenir soit un remboursement de taxes ou un allégement fiscal sous forme de crédit d'impôt lorsqu'ils font affaire avec un maître mécanicien en tuyauterie.

Uniformiser les taux de la taxe. Au moment de la facturation, les entrepreneurs de notre industrie se conforment quotidiennement à l'application de certaines dispositions de la nouvelle taxe de vente du Québec. Ainsi, des notions telles que biens meubles, biens immeubles, contrat d'entreprise ou contrat de vente soulèvent maintes questions quand arrive le mo-

ment de faire un choix pour le taux approprié. La question de l'heure est trop souvent: 4 % ou 8 %?

Gérer des opérations quotidiennes avec des notions mal définies mine la motivation des entrepreneurs et, pour certains biens, les définitions demeurent trop évasives par rapport à la réalité quotidienne. L'entrepreneur qui achète un bien meuble, par exemple un chauffe-eau, à être incorporé à un immeuble et qui, réputé par la jurisprudence, conserve son caractère de bien meuble a la possibilité de payer ou non la TVQ au fournisseur, c'est-à-dire 8 %. Par la suite, l'entrepreneur pourra demander un remboursement, lequel il est en droit d'exiger.

Dans le cas d'une vente au détail avec installation, le client sera facturé à 8 % sur le prix de vente. Par contre - et ici c'est important -l'entrepreneur qui achète d'autres biens meubles du fournisseur peut ne pas payer la taxe à condition que ces biens meubles soient revendus au détail. Il percevra alors la taxe de 8 % à la vente, et ce même entrepreneur devra obligatoirement débourser au fournisseur la TVQ pour les matériaux, pour les biens meubles qui seront incorporés à l'immeuble. Le client, quant à lui, sera facturé pour ces biens à 4 % du prix de vente.

Quand on parle de complexité, ici, j'aimerais profiter de l'occasion pour demander à Jean de donner quelques exemples de cette complexité.

M. Allard (Jean): Tout d'abord, je vais donner quelques exemples - ici, j'en ai quatre, cinq - juste des exemples quotidiens, que nos entrepreneurs vivent tous les jours. Première chose, un exemple, c'est la cuisinette. Vous êtes locataire dans un immeuble commercial et vous demandez une cuisinette pour vos employés. Comme l'immeuble ne vous appartient pas, bien, les tuyaux, le lavabo, les robinets sont taxés à 8 %. Par exemple, si on suit la même cuisinette au même endroit, sauf que c'est demandé par le propriétaire de l'immeuble, bien, là, ça appartient au propriétaire, donc c'est chargé à 4 %. Donc, il faut vérifier, quand vous faites votre soumission, dans ce cas-là, si votre client est locataire ou propriétaire. Ça, c'est le premier exemple.

Un deuxième, l'installation d'une balayeuse centrale. Les «ducts», la machine elle-même, c'est un bien immeuble, donc c'est à 4 %. Incroyable, mais vrai, les accessoires de cette machine-là, c'est-à-dire le boyau pour passer la balayeuse comme telle, c'est un bien meuble qui est chargé à 8 %.

Encore un autre au point de vue commercial, par exemple, le troisième exemple: la tuyauterie au niveau d'une machinerie. Pour une imprimerie, la tuyauterie qui apporte l'encre, la tuyauterie est chargée alors à 8 % parce que c'est un bien meuble, elle fait partie de la machine. Le ministère du Revenu dit: Tu peux enlever la machine, donc, les tuyaux, ça s'en vient avec. Par contre, les mêmes tuyaux, qui sont reliés exclusivement à l'immeuble, vous le savez sans doute, sont taxés, eux, à 4 %. (17 h 40)

J'en ai deux autres encore plus étonnants. Dans un système de ventilation, vous avez des filtres électroniques qui sont considérés par le ministère du Revenu comme un bien immeuble, qui font partie intégrante de la machine, qui vont être chargés à 4 %, tandis qu'un filtre que vous pouvez enlever et que vous jetez ensuite, lui, il est chargé à 8 %.

Et je vais vous donner le dernier et non le moindre: une tour d'eau sur un immeuble commercial. On ne sait plus si elle est chargée à 4 % ou à 8 %. Ça, c'est des exemples que nos entrepreneurs vivent quotidiennement et, des fois, les 4 % de différence, c'est ça qui fait qu'ils perdent la soumission ou la gagnent, la soumission.

M. Brière: Si vous me permettez, M. le Président, au niveau d'une tour d'eau, par exemple, c'est à savoir si les fenêtres ouvrent ou n'ouvrent pas, c'est ce qui fait que c'est un bien meuble ou immeuble. Si les fenêtres ouvrent, vous pouvez avoir un apport d'air sans vous servir de la tour d'eau, donc c'est meuble, et, si les fenêtre n'ouvrent pas, c'est immeuble. C'est comme ça que c'est.

Ensuite de ça, il y a un chauffe-eau. Vous avez des chauffe-eau. Un chauffe-eau, ça en prend un dans chaque logement, sans ça il est inhabitable, le logement. C'est une loi qu'il y ait de l'eau chaude dans un logement de nos jours. Alors, qu'il soit meuble ou immeuble, on pourrait se brancher une fois pour toutes là-dessus. Que ce soit 4 %, que ce soit 8 %, mais que ce soit un et non deux. À tous les quatre ans, cinq ans, à un moment donné, je ne sais pas - puis je ne veux pas être méchant non plus - si c'est parce qu'il y a des fonctionnaires qui n'ont pas grand ouvrage à faire, on nous en envoie chez nous passer deux ou trois jours. Il s'en vient vérifier les chauffe-eau. Ça, ça fait 20 ans que ça existe, puis c'est comme ça. Régulièrement, à tous les quatre ou cinq ans, il y en a un qui vient faire un tour, il vient vérifier les chauffe-eau. Ça coûte 100 $, 150 $. Ça dépend évidemment... On n'est pas pour s'obstiner pour les vérifications. On le paie puis: Bonjour, merci! Mais c'est fatiguant, c'est achalant. Ce qu'on voudrait, c'est qu'effectivement on puisse s'entendre une fois pour toutes.

Je pourrais vous donner un autre exemple qui est arrivé chez nous, à mon entreprise, où ça nous a coûté quelque 30 000 $, alors que, dans les documents de soumission - c'est peut-être un petit peu un à-côté, c'est avec une réserve indienne - l'article 4 du devis disait que les Indiens étaient exempts de la taxe de vente. On avait le papier qui prouvait cela, c'était marqué dans les documents de soumission. On a soumis-

sionné de bonne foi sans ajouter la taxe de vente du Québec. Un inspecteur est venu chez nous, il nous a fait une facture pour quelque 28 000 $, plus les intérêts, comme si on était un simple voleur quelque part qui avait triché volontairement. Et puis, vous savez que vous avez le choix avec ça: Tu paies ou bien on te saisit. C'est aussi simple que ça.

On est allés en opposition, c'est vrai. On nous a dit: Écoute, collecte-les, les Indiens, toi! Vous avez connu un gouvernement ou une association quelque part qui les a collectés dernièrement? Je ne veux pas être méchant! Si j'avais su, au départ, par exemple, ça n'avait pas été marqué. Si j'avais marqué... Si j'avais quand même mis les taxes dans ma soumission, je ne l'aurais pas eue, la job. On ne l'aurait pas eue.

Alors, c'est tout ce qu'on demande, on demande que le gouvernement se branche, puis qu'il nous dise: C'est comme ça. À ce moment-là, on pourra tous soumissionner sur le même pied d'égalité. À partir de là, au moins, ce ne sera pas la petite entreprise qui va recevoir un petit coup de masse de temps en temps, mais réguliè-remnt.

M. Fabre, si vous voulez continuer.

M. Fabre: En fait, c'est un peu spécial quand on pense qu'un entrepreneur en chauffage doit visiter une usine de vert plat pour décider du taux de taxation de la tour d'eau qu'il va installer sur un immeuble. Spécial! Pour le moins spécial!

On veut aussi parler de la politique de remboursement de la taxe sur les intrants. On sait que ça exige une comptabilisation assez difficile. En plus de réussir le tour de force de faire la distinction entre les situations des taux à 4 % ou à 8 % qui doivent être appliqués selon les cas, les feuilles de travail pour ces remboursements augmentent largement les contrôles internes et les procédures de l'entreprise. Quant aux critères d'admissibilité au remboursement, il ne serait pas exagéré de les qualifier d'extrêmement sévères. Chacune des réclamations doit comporter une description détaillée du bien afin qu'un remboursement soit accordé.

Quand on pense à la masse de travail quotidienne qu'exige cette obligation, on hypothèque une fois de plus le temps des entrepreneurs, et le temps, c'est de l'argent. On trouve que c'est énormément de temps consacré à ça pour rien. Cette perte de temps, ça se constate également... On dit que ça se constate également dans vos coffres, parce que c'est de l'argent qui ne se rend pas chez vous quand on ne travaille pas, quand on passe notre temps à faire cet ouvrage-là. Alors, cette perte de temps fait non seulement augmenter les coûts des vérificateurs-percepteurs du gouvernement, l'exemple que M. Brière vous donnait tout à l'heure, mais amplifie l'exécution de leur tâche. Puisqu'il existe énormément d'ambiguïtés, les vérificateurs doivent allouer un temps considérable à chaque entreprise pour clarifier l'application de la TVQ.

À cet égard, nous préconisons l'utilisation d'un seul taux de taxation touchant les biens meubles et les services par le contrat d'entreprise. Le taux pourrait facilement être celui déjà appliqué aux services, soit 4 %. Cette mesure éliminerait une grande partie de la confusion existant actuellement.

On demande également de simplifier la loi et son application en enlevant les exceptions. Pour les entrepreneurs, les dépenses ne donnant pas droit au remboursement, telles que véhicules routiers, carburant, électricité et gaz, téléphone et communications, constituent des exceptions qui sont difficilement justifiables. La Corporation s'interroge sur l'objectif de cette mesure qui amène assurément de la frustration pour les entrepreneurs, surtout si on considère que l'on s'éloigne de plus en plus de l'harmonisation avec la TPS fédérale et que cela rend impossible les déclarations communes de TPS et de TVQ auprès de Revenu Québec qui, maintenant, assure seul l'administration des deux taxes.

Nous proposons une modification importante à la politique des remboursements de taxe sur les intrants de façon à ce que soient inclus dans les RTI les remboursements sur l'ensemble des biens et services associés aux activités de l'entreprise, entre autres: l'achat d'un véhicule routier commercial ainsi que la règle de 12 mois applicable aux accessoires; l'achat de carburant servant à des fins commerciales; les coûts relatifs à ceux d'électricité et de gaz, toujours dans le cadre des activités de l'entreprise; les appareils nécessaires aux communications. On parle de téléphone cellulaire, de téléphonie, de télécopieur, ainsi de suite. Nous considérons que ces éléments sont essentiels aux activités de l'entreprise et, par conséquent, ne devraient pas figurer à titre d'exceptions aux RTI.

On demande également que la communication entre les entrepreneurs et le gouvernement soit améliorée. L'aspect que nous voulons aborder maintenant ne touche pas à la législation fiscale, mais est néanmoins très important: le service à la clientèle de Revenu Québec. Partant du constat que les entrepreneurs ne sont pas des spécialistes ni des fiscalistes, il devient essentiel de leur fournir toutes les informations nécessaires qui leur serviront d'outils de base à la compréhension de cette taxe très compliquée. Malheureusement, les entrepreneurs n'ont pas été préparés adéquatement au fameux jour J, le 1er juillet 1992, n'ayant reçu les informations nécessaires que quelques jours avant la mise en application de la TVQ. De plus, des formulaires imprécis, complexes et de compréhension difficile leur ont été distribués.

Il n'y a pas de quoi se sentir sécurisé. Depuis 1990, le gouvernement nous promet la simplification de l'ensemble des formulaires Eh bien, nous croyons que c'est le temps ou jamais

de passer à l'action. Tout changement, quel qu'il soit, apporte confusion et insécurité, d'où l'importance d'une bonne préparation et d'un bon service à la clientèle afin que la transition se fasse le plus possible en douceur.

Mais le support indispensable de l'appareil gouvernemental au moment même de l'application se traduit par un énorme fiasco. Le soutien téléphonique confirme ce raté monumental. Le rôle inadéquat des fonctionnaires a répandu la consternation et le ridicule parmi les membres de la CMMTQ, surtout quant au délai entre l'annonce et l'entrée en vigueur de la TVQ. Parmi les principales difficultés, nous rencontrons le manque de connaissance de la loi par les fonctionnaires, ce qui engendre un manque de précision, des directives incertaines et une frustration croissante pour l'entrepreneur. Cela est certainement dû au fait qu'il est sûrement très difficile pour celui qui ne connaît pas ou peu l'industrie de la construction de fournir une opinion verbale sur certains aspects de la facturation. Ou encore la loi fait emploi de termes qui ne veulent absolument rien dire pour les entrepreneurs, et ceci peut laisser place aussi à l'interprétation. Certains ont aussi obtenu trois réponses différentes à la même question dépendamment de la personne à qui on s'adressait.

Quant au système téléphonique, que l'on ait eu la chance d'être mis en attente ou que l'on ait la malchance de se buter à une ligne occupée, une chose est certaine, les attentes sont interminables. C'a pour effet d'occasionner une perte de temps et de productivité pour l'entreprise. Malheureusement, l'accessibilité à l'information demeure ardue, au point que les entrepreneurs se sentent complètement désemparés devant cette obligation d'appliquer cette loi, et ce, sans avoir droit de se tromper.

Les entrepreneurs vivent dans une crainte constante de ne pas avoir chargé le bon taux et de recevoir une visite d'un vérificateur de Revenu Québec avec les conséquences qui s'y rattachent. À supposer qu'une erreur s'est glissée, même avec toute la bonne volonté, l'entrepreneur aura à payer des intérêts et une amende avant même qu'on lui permette de contester. (17 h 50)

Notre proposition consiste à regrouper et à centraliser tous les services s'adressant aux entreprises en un guichet unique. Nous retrouvons cette alternative dans le rapport Poulin, et qui pourrait être adaptée aux besoins du secteur de la construction. Ce moyen aiderait sensiblement les entrepreneurs à avoir accès à toute l'information nécessaire à leur bon fonctionnement et à une meilleure observance de la loi et, surtout, à obtenir des réponses adéquates dans l'immédiat.

Compte tenu de la complexité de l'application de cette taxe, nous suggérons également d'abaisser le montant des pénalités imposées aux entreprises fautives, c'est-à-dire celles qui auraient mal interprété la loi.

Enfin, en terminant, la compensation que nous demandons doit porter sur le chapeau de percepteur... C'est-à-dire qu'on demande une compensation adéquate aux entrepreneurs pour la mise en application de la taxe. On demande aux entrepreneurs de porter le chapeau de percepteur et d'administrateur, ce qui comprend l'interprétation, à ses risques en passant, du taux applicable lors des travaux. En d'autres mots, le gouvernement du Québec impose une responsabilité considérablement accrue quant à l'application de la TVQ, et ce, sans que l'entrepreneur n'ait le choix, et en plus à ses dépens.

Pour s'acquitter de la tâche d'administrer cette taxe, l'entrepreneur doit débourser des sommes supplémentaires, ce qui réduit de plusieurs milliers de dollars la rentabilité de l'entreprise. Pourtant, le contexte économique actuel dicte à l'entreprise de bien compter chaque dollar. Au lieu de promouvoir des alternatives économiques intéressantes, le gouvernement impose une nouvelle taxe sans tenir compte des coûts supplémentaires à l'implantation interne: coûts de consultations externes, programmes informatiques, formation, etc.

Les entrepreneurs supportent indirectement le manque de productivité relié au délai obligatoire accordé à la modification de leur structure. L'établissement de procédures internes de contrôle, de facturation et de remboursement d'achats et la formation nécessaire au personnel représentent également pour l'entrepreneur des déboursés considérables.

La CMMTQ suggère enfin au gouvernement d'accorder aux entreprises une compensation monétaire afin que les frais d'implantation et d'application de la taxe de vente au Québec soient réduits. Cette politique aiderait à alléger les coûts imposés aux entrepreneurs pour s'acquitter de cette tâche supplémentaire.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, monsieur. M. le ministre du Revenu.

M. Savoie: Merci, M. le Président. Alors, ça me fait plaisir de souhaiter la bienvenue à la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec et de les remercier d'avoir pris le temps de préparer un mémoire et de le présenter à cette commission. Évidemment, les recommandations, pour certains éléments, touchent au moins la présentation que nous avons eue tout à l'heure de la part des maîtres électriciens, concernant l'histoire de la distinction des biens meubles et immeubles.

Je voudrais tout simplement souligner qu'évidemment, là encore, c'est une situation qui existait avec l'ancienne taxe de vente, c'est-à-dire que l'évaluation qu'on devait faire sur un bien meuble ou sur un bien immeuble, dépendant

que ce soit le locataire ou le propriétaire, se faisait également en vertu de l'ancienne taxe de vente. On parle, évidemment, d'un questionnement et d'un problème qui finalement sont sempiternels au Québec, et que la TPS a réglé en partie au niveau d'Ottawa, parce qu'il y a un taux uniforme. Alors, la question ne se pose pas, si c'est deux taux, que ce soit un bien ou un service. Et, au Québec, auparavant, c'était 8 % et 0 %, et maintenant c'est 8 % et 4 %. C'est ça, là. Et ce que vous souhaitez finalement, c'est un taux uniforme, parce que, à ce moment-là, on ne se poserait plus la question, le dossier serait réglé, la compilation se ferait d'une façon beaucoup plus rapide et il y aurait moins de difficultés.

J'ai déjà entrepris une ouverture avec les maîtres électriciens. On va revenir avec eux, et j'imagine que la réponse qui va s'appliquer aux maîtres électriciens pourrait également s'appliquer à la Corporation des maîtres mécaniciens; en conséquence, on pourrait peut-être, dans la mesure du possible, trouver une solution qui s'appliquerait à un et qui va nécessairement s'appliquer à l'autre.

Moi aussi, je suis heureux de voir, finalement, la possibilité de régler, malgré une difficulté des taux de 8 % et de 4 %, de trouver une solution à un problème qui existe, comme je vous l'ai mentionné, depuis quoi, 40 ans, au niveau de la taxe de vente. On pourrait même remonter, je suis certain, en 1934, là aussi, avec la ville de Montréal et la taxe de 2 %.

La notion des 8 % et des 4 %. Vous dites: On ne sait pas pourquoi on a fait ça comme ça. La raison était très simple, c'est parce que de mettre 8 % et 8 %, là... Le débat, en 1992, était à l'effet qu'il y avait une récession à ce moment-là et qu'on ne voulait pas ralentir davantage la reprise. En conséquence, on est intervenus à 4 %. Or, le fait d'intervenir à 4 % nécessite une compensation pour le gouvernement - parce que, évidemment, le gaz, tout ça, ces éléments-là, il y avait déjà des taxes là-dessus - du fait qu'on ne pouvait pas fournir, qu'on ne pouvait pas faire jouir le gaz, les véhicules automobiles et d'autres éléments, la téléphonie, par exemple, le fax, comme vous l'avez mentionné, des bénéfices de la nouvelle taxe de vente du Québec. On espère que c'est quelque chose qui va se corriger, là, le plus rapidement possible, soit peut-être en ayant un taux 6-6 ou 7-7. On va laisser ça au ministre des Finances. Mais ça explique au moins le pourquoi, pourquoi qu'il y a eu la distinction entre 8 % et 4 %.

Vos commentaires concernant l'harmonisation, évidemment, c'est un souhait et c'est enclenché. Je pense que ce n'est rien qu'une question de temps avant qu'effectivement vous constatiez, j'imagine assez rapidement, au cours des 24, 36 prochains mois, une volonté déterminée, malgré le coût pour le gouvernement, d'harmoniser et de simplifier toute la procédure de la taxe de vente. C'est une constante, il n'y a pas de doute là-dessus.

Je tiendrais quand même à souligner que, malgré les difficultés qu'on a au Québec, si on se compare à l'Ontario, je peux vous dire qu'on a des avantages majeurs au niveau de la taxe de vente au Québec, le fait qu'effectivement il y ait seulement un guichet; le fait également que, malgré qu'il y ait des difficultés - et lorsqu'on introduit un mécanisme comme ça, il faut toujours s'attendre à une marge d'erreur et à certaines difficultés d'introduction - d'une façon globale, ça a bien été. Et, comme je vous l'ai mentionné, si on doit se comparer à l'Ontario, on se compare avantageusement. De toute façon, je ne sais pas si vous avez été mis au courant, mais apparemment que la ville de Buffalo, dans l'État de New York, a choisi Bob Rae comme l'homme d'affaires de l'année. Alors, ça en dit long.

Évidemment, certains des éléments, la recommandation que vous faites de permettre au propriétaire d'obtenir un remboursement de taxe ou un allégement fiscal sous forme de crédit d'impôt au niveau, par exemple, de certains travaux aux domiciles, ça a déjà fait l'objet de quelques interventions. On a déjà eu l'occasion de commenter là-dessus, ça coûterait, au gouvernement du Québec, plus de 500 000 000 $, un mécanisme comme ça, au minimum, et ça créerait des difficultés parce que ça ne toucherait qu'une partie de l'industrie. À date, en tout cas, il semble que ça pose plus de difficultés, plus de problèmes que ça n'en résout, et il y a une hésitation avec ça.

Évidemment, certaines des mesures que vous proposez, par exemple, au niveau de la téléphonie... On a introduit 160 lignes additionnelles au niveau du ministère du Revenu. Ce qu'on constate, c'est que ce n'est pas seulement pour des questions d'impôt ou de taxe que les gens téléphonent, c'est surtout à cause des programmes que nous gérons également pour le compte du gouvernement du Québec. On est rendus avec 400 personnes qui répondent au téléphone chez nous; c'est une augmentation presque de 100 % sur ce qui existait il y a deux ou trois ans.

Oui, on va faire des efforts additionnels, oui, on est en train de regarder des façons d'alléger le processus et, oui, votre mémoire, évidemment, le soulevant, est un élément additionnel pour nous inciter à peut-être même à court terme voir à offrir un meilleur service au niveau de la téléphonie, avec les coûts nécessairement que cela implique.

D'une façon générale, vous avez abordé là des problèmes spécifiques au niveau de la taxe de vente, on aura l'occasion d'y revenir, je suis certain qu'on va avoir droit à toutes sortes de déclarations. Mais, d'une façon générale, on aura l'occasion d'y revenir.

La question que je me pose, c'est surtout que vous n'avez pas, dans un sens, cherché à

évaluer le travail au noir spécifiquement. Je parlais avec un intervenant au niveau de l'électricité justement qui, lui, me pariait d'un travail au noir qui est assez élevé en termes de pourcentage. Je ne sais pas si, vous, vous pouvez ou vous voulez risquer un chiffre à ce moment-ci sur le montant qui se fait au noir, le montant qui se fait...

M. Favre: Les chiffres qu'on entend, c'est autour de 800 000 000 $...

M. Savoie: Oui, mais...

M. Favre: ...dans l'industrie de la construction.

M. Savoie: ...pour votre groupe spécifiquement.

M. Brière: C'est assez difficile. M. Savoie: En pourcentage.

M. Brière: En pourcentage, je serais bien mal pris d'essayer de vous donner un chiffre sans que ça soit complètement...

M. Savoie: Farfelu. M. Brière: ...farfelu...

M. Savoie: Oui. (18 heures)

M. Brière: ...mais je vous dis que c'est très important. Tout s'enchaîne. Les compagnies qui respectent les réglementations qui existent au Québec dans le domaine de la construction et qui s'y conforment, naturellement la taxation de par les pourcentages est encore plus élevée. Alors, le marché au noir s'installe, que ce soit au niveau du service, par exemple. Quelqu'un qui fait ça pour 25 $ «cash» en dessous de la table, bonjour, merci, ça va devenir de plus en plus commun. Puis ça paraît, parce que les entreprises... Vous n'avez qu'à regarder les heures déclarées à l'Office de la construction du Québec et vous allez voir que ces heures-là sont de moins en moins.

M. Savoie: Alors, on pourrait parler de quoi? De 15 %? De 20 %?

M. Brière: C'est bien difficile. Moi, je peux vous dire que, si je parle d'une entreprise de services chez moi, là...

M. Savoie: Oui.

M. Brière: là, je ne parle pas nécessairement de travail au noir en disant que le travail au noir est le seul responsable de cette baisse, on sait qu'on est dans une crise économique, mais je pourrais vous dire que, au niveau services à Montréal, la valeur des ventes au niveau services a baissé de plus de 50 %. Alors, je vous laisse le soin de déterminer comment il peut s'en faire encore. J'imagine qu'il y a encore de la tuyauterie qui fait défaut, j'imagine qu'il y a encore des réparations. Par contre, il faut comprendre qu'il y a des gens qui attendent peut-être un petit peu plus longtemps, et il faut aussi sous-entendre que probablement ça se fait - j'allais dire par les soirs - au noir.

M. Savoie: C'est ça. Et, dans votre mémoire, vous soulignez qu'il y a plusieurs éléments. Il n'y a pas seulement les taxes, il y a également le décret de la construction, je pense, que...

M. Brière: Le décret de la construction comme tel, on est habitués de vivre avec. On vit avec. Personnellement, en tout cas, je ne suis pas prêt à garrocher la balle au décret de la construction. Si on veut parler du taux de salaire que ces gens-là gagnent, ça, on doit être capable de s'asseoir et de regarder ça en face. D'ailleurs, ça va se faire très bientôt.

M. Savoie: Oui, c'est ça.

M. Brière: Les règlements sont là. Ce qu'on demande, on ne demande pas... On comprend que le gouvernement doit administrer les finances publiques. Ça, on comprend ça. Ce qu'on vous dit, ce n'est pas: On veut l'administrer à votre place. Ce n'est pas ça qu'on dit. On dit: Écoutez - puis je ne dis pas ça méchamment - branchez-vous. C'est à gauche ou à droite?

Je vais vous donner un exemple, si vous permettez. L'impossibilité d'avoir une confirmation écrite. On a un membre qui a acheté une compagnie de construction et autres, du travail en atelier. À l'intérieur de l'atelier, il y a une convention collective. À l'intérieur de cette convention collective, il y avait des montants qui étaient versés aux employés pour des vêtements de sécurité. Ce membre-là n'a jamais été capable d'avoir une confirmation écrite du gouvernement, à savoir si ces biens étaient taxables ou pas. On procède comme ça. Un bon matin, dans un an, deux ans, trois ans, il va arriver un inspecteur: Ah! c'est taxable ça, mon «chum»! Tiens, voilà ta facture. Bonjour, merci. Ce n'est pas correct ça, ce n'est pas honnête. Ce n'est pas honnête.

Tout ce qu'on demande, c'est que... Chez nous, quand on soumissionne, on dit: Ça va vous coûter 25 000 $ pour faire tel projet. Si ça coûte 26 500 $, on va peut-être s'obstiner un petit peu pour essayer d'en avoir un petit peu plus, puis, si on n'en a pas, ça va finir là. Mais le gouvernement, on n'est pas capable d'avoir l'heure juste. C'est ça qu'on veut avoir: l'heure juste. Si vous nous dites: C'est 5 % maintenant au lieu de 4 %, puis on fait une moyenne, disons, question de discussion, puis on prend un jugement de

Salomon, bien, ça sera ça, mais ça sera ça partout.

Je vous parlais tantôt du cas d'une soumission. C'est encore un problème que j'ai eu chez moi avec des réserves indiennes. C'est clairement indiqué dans les documents de la soumission. Nous avons un document à cet effet-là. Pourtant, le ministère est venu, a envoyé quelqu'un passer une semaine et demie ou deux chez nous, puis il a relevé toutes les factures. On veut bien coopérer, mais, si je passais une semaine dans votre bureau, je pense que je vous dérangerais un petit peu, là. On a accepté ça quand même, mais il fait sa facture au bout de ça, 28 000 $. On dépose le document: Battez-vous, allez en opposition. Finalement, on apprend que, si on avait fait un contrat, puis qu'on avait vendu les matériaux avec un contrat et qu'on avait vendu la main-d'oeuvre avec un autre contrat, eh bien, là, la taxe ne serait pas appliquée. Mon cher monsieur, je ne suis pas avocat, moi, je suis entrepreneur en plomberie et chauffage. Je fais ma job pas si pire que ça, mais tant et aussi longtemps que ça va être écrit... S'il le faut, on va être obligés de faire des graphiques bientôt, parce que, avec des phrases d'avocat, vous savez comme moi, il y a trois portes de sortie: Ils en ferment une, ils en ouvrent trois. C'est toujours comme ça, on ne se comprendra jamais.

Il est temps qu'on arrête de se parler comme ça, puis qu'on commence à se comprendre, puis qu'on s'en aille avec une ligne droite. Quand on va faire ça, je pense que ça va aller mieux partout. Parce que ce que vous pensez peut-être perdre... C'est-à-dire que ce qu'on perd chez nous avec le temps qu'on y met, vous le perdez indirectement, c'est sûr, mais, à la fin, on y perd tous. On est tous de la même société, là. Si vous perdez, moi, je perds, parce que vous allez me taxer tout à l'heure. Si je suis trop taxé, je ne veux plus travailler, ça ne me tente plus, je n'ai plus d'incitatif. Ça fait que je pense qu'il est grandement temps... Le temps est rendu à la concertation, qu'on se regarde en face. Et, quand bien même qu'on se garrocherait quelques noms, de temps en temps, ça fait du bien. On continuera, mais on va s'enligner, par exemple, on va y aller.

M. Savoie: Oui, c'est ça. Donc, pour l'histoire du 8 % ou 4 %, au niveau de la taxe de vente, vous comprendrez que c'est quelque chose de majeur, toute la question de meuble et immeuble. On parle de quelque chose qui dure depuis 60 ans. C'est majeur, c'est un dossier de fond. Là, suite à l'importance que vous y attribuez, avec ies maîtres électriciens, et des choses comme ça, on va se pencher dessus, on va préparer un papier, on va le soumettre aux maîtres électriciens. J'imagine que, par la suite...

M. Brière: Je m'excuse, je ne veux pas vous interrompre...

M. Savoie: Oui.

M. Brière: ...mais il ne faut pas juste se pencher.

M. Savoie: Pardon?

M. Brière: Faites attention, il ne faut pas juste se pencher...

M. Savoie: Non, non, non. M. Brière: ...il faut les régler.

M. Savoie: Mais se pencher dans le sens qu'on va se pencher dessus en présentant un papier, là.

M. Brière: Faites attention à votre dos. Ha, ha, ha!

M. Savoie: Oui, oui. Mon dos, moi, il n'est pas si pire malgré tout. On va tâcher de vous présenter quelque chose, en tout cas, qui va se vouloir une solution, en attendant, évidemment, des taux uniformes, comme a fait le gouvernement fédéral, finalement, qui a réglé le dossier une fois pour toutes avec un taux identique.

M. Brière: Ça veut dire qu'on pourrait considérer 4 % à partir de demain matin?

M. Savoie: Bien, c'est-à-dire qu'au niveau des taux identiques, évidemment, ce n'est pas au ministère du Revenu de fixer les taux identiques. Ça relève d'une politique fiscale, et, là, il y a beaucoup d'autres considérations. Mais, en attendant un taux identique, on pourrait peut-être chercher une autre solution qui va vous donner raison, comme on l'a mentionné pour les maîtres électriciens. Je pense qu'il me reste quelques minutes, mais je vais garder ça pour une intervention ultérieure ou peut-être pour un collègue.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre.

Vous voulez compléter la réponse?

M. Allard: Oui, j'aimerais apporter deux points aussi à ce que vous avez dit jusqu'à maintenant. Les deux taux, 4 % et 8 %, c'est de la vieille histoire de 1934, les taux, etc., sauf que je ne comprends pas pourquoi ça ne s'est pas réglé depuis ce temps-là. Ça fait 60 ans, vous l'avez dit vous-même. Comment ça que ce n'est pas réglé?

Mais un aspect encore plus important, c'est que, depuis l'avènement des 4 % et 8 %, c'est l'attitude du consommateur envers l'entrepreneur: Comment ça se fait que tu me charges 8 %? Aïe, la nouvelle taxe, TVQ, c'est 4 %. Moi, je ne te la paie pas. Ça, c'est grave, parce que, là, c'est

rendu qu'il met en doute l'intégrité de l'entrepreneur. Même s'il apporte le texte de loi, le consommateur va dire: Non, non...

M. Savoie: 4 %.

M. Allard: ...c'est 4 %!

M. Savoie: C'est ça.

M. Allard: Ça, c'est un premier point très important à considérer.

Le deuxième point. Vous avez parlé tout à l'heure que vous avez amélioré le système téléphonique. O.K., c'est une première. Comme vous l'avez dit au mois de juillet 1992: On va prendre les mesures en conséquence. Sauf que, qu'est-ce qui se passe entre le 1er juillet 1992 et la prochaine vérification par les vérificateurs du ministère du Revenu à l'entreprise? A-t-il le droit de se tromper? Combien vous allez lui charger de pénalité sur trois ans, quatre ans? Ça, c'est grave, ça. C'est bien beau d'améliorer le système téléphonique, puis d'avoir des bulletins d'interprétation, etc., mais qu'est-ce qui se passe actuellement, en dedans des neuf premiers mois, s'il y a des pénalités importantes? Comme on le dit dans le mémoire, tu n'as pas le droit de te tromper. Ensuite...

M. Savoie: Oui, mais là...

M. Allard: Plus que ça, c'est que le 1er juillet 1992, en même temps que l'introduction de la TVQ, vous avez augmenté le taux de pénalité de 10 %à15 %.

M. Savoie: Oui, Ça...

M. Allard: C'est oui.

M. Savoie: Oui, oui... Non, non, mais ça...

M. Allard: Je trouve...

M. Savoie: ...il faut bien s'entendre, là.

M. Allard: Je trouve intéressante votre réponse, sauf que, actuellement, qu'est-ce qui va arriver?

M. Savoie: II faut bien...

M. Allard: Ça veut dire que vous allez ramasser l'entrepreneur?

M. Savoie: Regardez, là... M. Allard: Bien...

M. Savoie: ...au niveau de la hausse de 10 % à 15 %, ça, ça traite surtout au niveau de la taxe, donc des déductions que, finalement, vous devez faire auprès de votre clientèle et, en tant que mandataire, retenir et nous donner. Si vous ne les remettez pas à temps... Autrefois, la marge était de 36 mois, c'est-à-dire que votre première erreur, pas de problème, il y avait pardon et, si vous commettiez une autre faute pendant la balance des 36 mois, pour une période de 35 mois plutôt, à ce moment-là, il y avait l'amende de 10 %. On a réduit à 24 mois, la marge d'erreur, donc on a réduit... Je pense qu'il y a un effort considérable de ce côté-là. (18 h 10)

Ce qu'on a constaté aussi, c'est que, en tant que gestionnaire, le gouvernement du Québec, à 10 %, ne faisait pas ses frais, c'est-à-dire que ceux qui nous payaient à temps étaient donc automatiquement pénalisés parce que, effectivement, ça nous coûtait 15 %, les téléphones, les démarches, le personnel impliqué. Alors, ce qu'on a fait, c'est que, finalement, on a pris le 36, on l'a réduit à 24, qui est une mesure favorable à vous, n'est-ce pas, et qui se renouvelle d'une façon constante, ce qui est majeur, et on a pris le 10 % et on l'a monté à 15 % pour couvrir nos frais. C'est ça, là.

M. Allard: Si je me permets de vous relancer...

M. Savoie: Pardon?

M. Allard: Si je me permets de vous relancer...

M. Savoie: Oui.

M. Allard: ...le 15 %, si je regarde le taux préférentiel de la Banque du Canada, je trouve que c'est un petit peu trop élevé.

M. Savoie: Ah! mais ça, c'est seulement l'amende. Ça ne comprend pas les intérêts.

M. Allard: Voilà!

M. Savoie: Alors, en plus de cela, il y a les intérêts, parce que, finalement, on finance un peu votre opération. Il faut bien dire...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Savoie: Non, non, mais il faut bien dire que ça a toujours été comme ça. Je ne sais pas pourquoi les trois trouvent ça drôle.

M. Allard: Non, non. Je ne veux pas que vous l'enleviez pour les entreprises, là.

M. Savoie: Ils ont aboli même le montant que vous aviez, le droit de gérance pour la taxe de vente. Il y avait un montant qui vous était accordé et qui a été aboli par ce gouvernement-là.

Ce qui arrive, c'est que c'est une façon constante. Lorsque vous retenez des montants que vous êtes censés collecter en notre nom, finalement, les intérêts là-dessus, on ne peut pas vous les laisser non plus. Sans ça, il n'y a pas d'amende, là. Alors, c'est les intérêts plus l'amende.

M. Brière: Mais avez-vous déjà pensé que peut-être que ces erreurs-là arrivent parce que les gens ne sont pas capables d'avoir d'information, par exemple?

M. Savoie: Ah bien, dans les cas comme ça, là, je pense que...

M. Brière: L'inverse devrait être possible aussi, qu'on puisse vous facturer de l'amende.

M. Savoie: Au niveau du ministère du Revenu, pour l'introduction de la taxe de vente depuis le 1er juillet 1992, je pense qu'on démontre une certaine ouverture d'esprit et qu'on comprend des situations spécifiques.

M. Brière: Je suis d'accord avec vous. Je peux vous dire que, dans un mois et demi, deux mois, on a peut-être reçu trois avis à un moment donné. On n'a pas fait le dépôt, on n'a pas déboursé. Finalement, on nous rappelle: Bon, bien, c'est une erreur, c'est ci, c'est ça. On vient à bout - mais le processus est enclenché, par exemple - de parler à quelqu'un. Identifier quelqu'un, ce n'est pas facile non plus. C'est tout ce qu'on demande, de regarder sérieusement. Il y a un problème. Puis, quand le problème se situe au niveau du gouvernement, ce n'est pas long, l'enclenchement est tout de suite. Avez-vous déjà reçu une lettre du ministère du Revenu, vous? Ça se lit à peu près comme ça: Cher Jean...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Savoie: Je ne me suis pas écrit dernièrement, là, mais, lorsque j'étais...

M. Brière: Bien, mettez-vous dans la peau d'un entrepreneur, quand il a fini de lire ça, ce matin-là, puis sa journée est sur le... Excusez.

M. Savoie: Bien non, mais... Lorsque j'étais en pratique privée, évidemment, des lettres du ministère du Revenu, on en recevait. Il y avait, évidemment... Ça se prenait au sérieux, hein!

M. Brière: Ah! ils se prennent au sérieux, il n'y a pas d'erreur.

M. Savoie: Oui. Ha, ha, ha! Et je m'en rappelle fort bien. Lorsque les interventions étaient là, il fallait s'en occuper. Ça, il n'y a pas de doute.

M. Brière: Mais si on avait au moins une place pour aller s'expliquer.

M. Savoie: Oui, mais vous avez une place pour venir vous expliquer.

M. Brière: Ah oui! Bien oui! Mais, par le temps que tu arrives à t'expliquer, mon «chum», les intérêts, je vais te dire quelque chose, moi, je ne gagne pas assez cher pour vous couvrir. Est-ce que je pourrais faire des placements chez vous, au ministère du Revenu, moi, pour les intérêts? J'aimerais ça.

M. Savoie: Ha, ha, ha! On parle de 6000 personnes, finalement, au ministère du Revenu...

M. Brière: Je comprends ça.

M. Savoie: ...et on parle d'un service d'accueil à plusieurs endroits, des bureaux régionaux, un personnel à votre disposition. On comprend que l'introduction de la taxe de vente, c'est majeur comme changement et que ça nécessite des adaptations. On est au courant de ça et on cherche à développer une flexibilité là.

M. Brière: Comprenez-nous bien. Ce qu'on veut, c'est bien vous servir.

M. Savoie: Et nous pareillement. Notre plus grande préoccupation, c'est de s'assurer que le tout... Les informations que nous avons, c'est qu'en introduisant le système, ce qui est majeur, il y a eu évidemment ici et là des difficultés, mais, de façon générale, ça s'est bien exécuté, et on corrige pour vous donner un service exceptionnel, certainement meilleur que ce qui se fait ailleurs.

Le Président (M. Lemieux): Vous n'avez plus de temps, M. le ministre. Vous pouvez...

M. Brière: est-ce que je dois comprendre que, si vous vous apercevez d'erreurs majeures et qu'il y en a qui ont été brimés dans leurs droits, vous allez compenser?

M. Savoie: Le ministère est reconnu, je pense, pour son sens de fair-play et de justice et l'applique.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle. M. le député de Labelle, s'il vous plaît.

M. Léonard: Merci, M. le Président. MM. les représentants, je vous remercie de votre témoignage, parce qu'il est particulièrement instructif. Je viens d'assister à l'échange, comme tout le monde ici, et je pense que c'est clair, mais je voudrais rappeler un certain nombre de choses D'abord, que la loi 89 a été adoptée avec un bâillon, c'est-à-dire qu'on a coupé... Et 170. la

même chose. On a coupé l'étude en commission, mais, plus que ça, on a refusé d'entendre des groupes venir nous dire ce qu'ils pensaient de la loi. Et, là, le gouvernement est pris pour corriger une situation qu'il aurait pu prévoir s'il avait entendu des groupes venir dire, comme vous aujourd'hui, avant que la loi soit adoptée, ce qu'ils en pensaient. Je pense que vous auriez eu l'occasion d'aller pas mal plus loin, et le gouvernement n'aurait pas à faire face aux problèmes auxquels il a à faire face maintenant. Il en aurait peut-être encore. Je ne dis pas que ça règle tout, mais, souvent, on apprend plein de choses, et j'ai l'impression qu'aujourd'hui le ministre du Revenu, en particulier, apprend plein de choses. En d'autres termes, j'assiste, depuis le début de l'après-midi, et il prend des rendez-vous avec les groupes qui viennent. Il dit: Ah oui! je vais vous rencontrer, je vais vous rencontrer le plus tôt possible, après, comme s'il ne savait pas qu'ils existaient avant. Alors, ça, c'est une première remarque que je voulais faire.

La deuxième, c'est, je pense, quant à la complexité de la loi. Il y a différents aspects là-dessus, la complexité de la loi. J'ai l'impression que ça fait beaucoup de plaintes qu'on reçoit au ministère, et on sait, effectivement, que c'était complexe. On a engagé beaucoup de téléphonistes, qui ont l'art de vous mettre en attente, mais pas beaucoup de professionnels pour répondre aux questions. Alors, du coup, ils se transfèrent les uns aux autres. Les téléphonistes, je comprends, font très bien leur travail. Ils vous réfèrent à un autre qui vous réfère à un autre, et, là, vous passez une demi-heure avant de pouvoir parler à quelqu'un. Je l'ai déjà fait. J'ai été comptable agréé et ça m'est arrivé d'avoir affaire, et, effectivement, c'est un peu ça. Là, ça a l'air encore pire avec la TPS et la TVQ.

Vous soulignez aussi une chose à la page 11: «Certains ont aussi obtenu trois réponses différentes à la même question, dépendamment de la personne à qui l'on s'adressait.» Là, je pense qu'on touche encore à un problème, effectivement, où, dans l'application d'une nouvelle législation, il y a plein de flottement. On en a encore plus qu'on n'en a jamais eu. Puis, encore une fois, au cours de l'après-midi... Je dois dire que le tout vient beaucoup des tergiversations du gouvernement qui a commencé par fixer ça à 7 %, qui a évité, d'ailleurs, d'entendre les groupes quand il a procédé, en août 1990, à son entente avec le gouvernement fédéral. Ça a été fait... Il n'y a même pas eu de commission parlementaire, sauf une demie journée à peu près qu'on avait réclamée, mais je peux vous dire que ça a été court.

Alors, la question que je me posais, l'une par rapport au ministre... Parce qu'il y a un autre ministre dans leur gouvernement qui parle de qualité totale. Je ne sais pas s'il donnerait des étoiles ou un ange au ministère du Revenu ou au ministre du Revenu, à son collègue. Je ne suis pas sûr de la couleur de l'étoile et je ne suis pas sûr même qu'il en donnerait. Il y aurait quelques discussions à y avoir là.

Je me pose aussi la question si... Lorsque vous travaillez, vous n'avez pas le temps de faire vos rapports, donc vous perdez de l'argent, vous prenez des risques et, quand vous faites vos rapports, vous n'avez pas le temps de travailler, donc vous perdez de l'argent. Des deux côtés, vous en perdez, si je comprends, dans la situation actuelle. Comme vous voyez, je vais un peu dans votre sens. Et ce qui me préoccupe surtout, c'est les problèmes que vous avez en termes de concurrence. Celui qui veut respecter la loi intégralement se met du bon côté, donc il ne prend pas de chances, alors que l'autre qui prend des chances, lui, il va prendre son 4 % et il peut arriver plus bas dans ses soumissions. Donc, tout de suite, même sur des gens qui respectent la loi, celui qui la respecte intégralement, qui ne prend pas de chances, est défavorisé.

Deuxièmement, l'autre aspect, et là on ouvre la boite de Pandore, c'est le travail au noir. Alors, là, vous en avez tout un paquet qui ne respectent plus rien. Et c'est eux autres, je pense, qui vous rentrent dans le corps. J'ai déjà eu à dire des choses ici. En particulier, il y a eu une municipalité qui avait deux entrepreneurs sur son territoire qui faisaient à peu près l'essentiel des travaux de construction, deux petits entrepreneurs, 600 000 $ de contrats par année, mais ils avaient pourtant émis pour 11 500 000 $ de permis de construction. Je me demande où tout ça est allé, là. Je ne dis pas que c'est partout pareil, mais ça donne une idée de ce que ça peut être dans certains cas. (18 h 20)

Alors, moi, je prends vos suggestions comme des suggestions pour améliorer la situation. Je pense que ce que ça traduit, c'est qu'il devrait y avoir une consultation beaucoup plus assidue avec le ministère - et, dans le cas, le ministère du Revenu - avec lequel vous faites affaire le plus souvent. Est-ce que vous considérez que, pour améliorer les choses, il devrait y avoir une espèce de, non pas de cour d'appel, mais - j'ai retenu ça dans vos suggestions - un endroit où vous pourriez vous expliquer comme entrepreneur, comme personne, comme employeur? Et ça, je pense qu'il faut être très sensible à cette dimension. Vous êtes un employeur et il est important pour l'État de préserver le travail. Est-ce que vous avez déjà pensé à ce que ça pourrait représenter, cette instance?

M. Brière: C'est bien sûr que, si on avait un endroit où on pouvait consulter... il faut comprendre. Quand on parle de la construction, les gens ont des prix à donner pour des dates données avec des documents. Je vous disais tantôt... Je vous parlais d'un projet avec une réserve indienne dans lequel on a été tenus de payer la taxe provinciale. Je pourrais ajouter à

ça qu'à la deuxième phase de ce même projet là on était prêts, puis preuves à l'appui, les documents étaient presque signés, sauf qu'on avait ajouté une clause au contrat au niveau de la taxe. Bien, c'est un autre chrétien quelque part qui la fait présentement, puis tantôt, il va avoir... Il n'a pas chargé la taxe, tel que dans les documents. Nous autres, on s'est fait prendre, on l'a payée. À la deuxième phase, on l'a rajoutée. On ne la fait pas présentement. Nos gars sont assis chez eux, ils regardent la télévision, puis ils attendent, parce qu'on a chargé la taxe. Pourtant, comme je vous disais tantôt, c'était facile... Si on l'avait su avant, on aurait fait deux contrats. Mais pourquoi toute cette complication-là? Je ne vous dis pas que ça date d'hier, que c'est arrivé... Ce n'est pas l'avènement, strictement de l'avènement de la TVQ puis de la TPS. Ce n'est pas ça, ça existait probablement avant. C'est de l'interprétation qui est laissée à l'entrepreneur.

Je vous parlais aussi de l'interprétation au niveau d'une convention collective. Cet entrepreneur-là, quand, tantôt, il va recevoir la visite d'un inspecteur qui va décider: Mais, mon ami, vous auriez dû charger la taxe là-dessus, vous auriez dû la déduire, vous auriez dû charger de l'impôt là-dessus, il va faire quoi? Il va se revirer contre ses employés puis il va dire: Les «boys», vous avez retiré x dollars pendant tant de semaines puis voici ce que vous me devez. Pensez-vous qu'il a des chances de réussite?

Moi, je pense qu'il y en a tout le temps un autre qui va se faire prendre. Pourtant, si c'était clair, le problème pourrait se régler cet après-midi. Le problème pourrait se régler, si c'était clair. Mais on avait répondu, à ce moment-là, à la personne: Ça pourrait prendre deux ans à avoir une lettre du ministre pour... qui va se répéter. Puis ça, je peux aller chercher les papiers, s'il le faut.

Mais ces choses-là, c'est sûr que, si on avait un endroit où s'adresser... C'est bien sûr, je comprends que le gouvernement ne peut pas avoir une personne qui va écouter tous les entrepreneurs pour le restant de l'année. C'est impossible. Mais il devrait y avoir des... Il y a certainement des façons qu'on peut trouver de se parler, puis de... Ce qui est bon pour moi va être bon pour les autres.

M. Favre: C'est une excellente suggestion que vous faites, monsieur. Puis ça aurait l'avantage de bonifier, avec le temps, l'interprétation, de la clarifier, la simplifier dans le temps. Je pense que ce serait une mesure très bien perçue.

M. Brière: II faudrait que, à ce moment-là, quand on a une interprétation, on puisse appeler quelque part, qu'on nous donne une interprétation x, y, z: Oui, la taxe s'applique; non, elle ne s'applique pas, et voici le numéro, je no sais pas. moi, c'est la i épouse 1H?r>h, puis tu as un document à cet effet-là. puis, là, s'il s'est trompé, il s'est trompé, le gars. ce n'est pas plus grave que ça. mais au moins ce ne sera pas celui qui a demandé l'information qui va être pénalisé.

M. Léonard: Une carte de crédit avec les numéros d'autorisation.

M. Brière: Ça pourrait... Ah oui! Ça pourrait être à cet effet-là, un numéro. Il me donne une réponse. Voici la réponse, il me la faxe.

M. Léonard: Les fax existent aussi, c'est rapide.

M. Brière: ah oui! ça existe, les fax. au moins tu as quelque chose, tu t'en vas... le gouvernement s'est trompé. bon, bien, il va perdre, mettons, 1500 $ de taxes sur ce projet-là parce qu'il s'est trompé. la prochaine fois, il se reprendra. chez nous, si je ne la mets pas, je vais me faire planter. c'est aussi simple que ça.

M. Léonard: On me dit qu'au fédéral on a commencé ça au niveau de l'impôt.

M. Brière: C'est possible. M. Léonard: II est possible...

M. Brière: Je souhaite ne jamais avoir du trouble avec les deux dans la même semaine.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Léonard: Ha, ha, ha! L'autre élément, c'est le remboursement sur les intrants, la taxe sur les intrants. Là, je comprends que, en plus de tous les taux qu'on a déjà mentionnés cet après-midi, il y a aussi eu une correction dans le dernier discours sur le budget, c'est-à-dire qu'on ne rembourse pas les taxes sur les carburants, la téléphonie, les communications, l'électricité, etc. Ça, je suppose que ça vous a occasionné des problèmes majeurs, parce que ça avait été prévu que ça le serait à partir du 1er janvier 1992, alors que ça a été reporté. Est-ce que vous avez eu beaucoup de plaintes sur cette question-là?

M. Allard: Effectivement, en tant que directeur administratif, les membres entrepreneurs appellent au bureau pour avoir des détails là-dessus. Je vais prendre l'exemple de l'achat d'un véhicule. La TVQ n'est pas remboursable à l'achat d'un camion. Par contre, si vous achetez des accessoires, dans les 12 premiers mois suivant la date d'achat du camion, elle n'est pas remboursable. Mais, 12 mois après, si vous achetez, je ne sais pas, une boîte ou des miroirs auxiliaires, là, elle est remboursable.

M. Léonard: C'est <_7c_iioi>7

Une voix: On cherche à comprendre, nous aussi, là.

M. Allard: On peut demander de l'autre côté.

Une voix: On regarde dans un miroir.

M. Allard: Je ne comprends pas. En plus de véhiculer 4 % et 8 %, il faut regarder les dates. Ce qui va arriver, c'est que les gens vont l'oublier, 12 mois après, et ils ne demanderont pas le RTI.

M. Léonard: Ils vont l'oublier.

M. Allard: Le remboursement des RTI, vous parlez de ça. C'est que, dans le document aussi, ils mentionnent, dans les règles du gouvernement, ils disent: Si on achète chez un fournisseur avec un nom clairement indiqué qui donne la nature du bien, comme, je ne sais pas, moi, grossiste en plomberie, c'est sûr que tout ce que vous achetez là, vous pouvez demander un RTI pour vos achats. Mais, si vous achetez chez un fournisseur avec un nom - je ne veux pas nommer de noms de compagnies - de grande entreprise où vous pouvez acheter des tuyaux de «coppe» autant que des marteaux ou bien, je ne sais pas, moi...

Une voix: Des cannes à pêche.

M. Allard: Oui, c'est ça. Il faut, à ce moment-là, dans les feuilles de travail, pour le remboursement du RTI, connaître la nature du bien. Savez-vous ce que ça demande, dans une opération quotidienne d'une entreprise?

M. Léonard: Là, il faut regarder toute la facture pour voir chacun des éléments.

M. Allard: Ce n'est pas tout. Imaginez-vous les inspecteurs. Est-ce qu'ils vont vérifier ça? Combien de temps ça va prendre? On ne fait pas juste un achat par semaine.

M. Léonard: Est-ce que votre machine à calculer chauffe un peu, là?

M. Allard: Les programmeurs chauffent aussi.

M. Léonard: Ha, ha, ha!

M. Allard: mais c'est complètement aberrant. c'est pour ça que, d'ailleurs, dans le document, on demandait une aide du gouvernement. on est percepteurs, administrateurs et décideurs à même la taxe.

Le Président (M. Lemieux): Ça va?

M. Léonard: Ça va.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Montmorency, avez-vous des questions?

M. Filion: Oui, M. le Président.

D'abord j'aimerais féliciter les représentants pour leur mémoire, qui, encore une fois, va permettre à l'Assemblée nationale et au gouvernement de réfléchir sur les problèmes suscités par la taxe de vente du Québec et son harmonisation. Je pense que c'est très concret. Vous avez des exemples qui sont flagrants où je pense que, à toutes fins pratiques, on se rend bien compte que la taxe de vente du Québec doit être revue sur plusieurs points.

Maintenant, vous savez, ça existe, au ministère, des endroits où vous pouvez vous adresser. Vous faites des oppositions, ça vous coûte 20 $ et vous allez discuter. Vous allez avoir une décision. Non mais, actuellement, effectivement, vous avez raison. D'abord, je pense que le ministère est complètement débordé. Je pense que les téléphonistes sont débordées. Je ne sais pas si, au niveau de l'intérieur, l'information se rend et ça vous revient, mais c'est très, très, très difficile. Moi-même, à mon bureau de comté cette semaine, je recevais un appel de quelqu'un et il me demandait: Est-ce que tu as une façon de communiquer au ministère ou si je peux avoir une ligne pour qu'on me donne une information? Parce que les gens ne réussissent pas à rejoindre la personne qui va donner l'information. Actuellement, au ministère, à mon avis, il y a un manque de personnel flagrant, au niveau de personnes compétentes. Il faut bien se comprendre, là. Ce n'est pas tout le monde au ministère qui peut donner une réponse en matière de taxe de vente. Actuellement, il y a une carence de personnel évidente.

Moi, j'aurais aimé, effectivement, que vous me parliez un peu au niveau de la communication avec le ministère. Parce que la notion de biens meubles et biens immeubles, je pense qu'on en a parlé tout à l'heure. Vous revenez un peu avec cette même interprétation là. Je pense que, comme le disait le ministre, il va rendre une décision bientôt. Je l'espère. Jusqu'à maintenant, est-ce que vous avez vraiment demandé des réponses au ministre pour qu'il puisse arriver à des solutions pratiques ou est-ce que c'est la première fois que vous vous adressez au gouvernement pour faire valoir ces points-là qu'on voit aujourd'hui? Parce que, nous, on a l'impression que tout le monde a profité de la commission pour venir dire: Aïe! là, c'est le temps. On va aller les voir et on va leur demander d'agir. (18 h 30)

M. Favre: On a parlé d'incitatifs dans d'autres présentations, à d'autres tables; ici, notamment aux commissions parlementaires sur les projets de loi 185, 186 et, récemment, à un comité qu'on a rencontré sur le champ d'applica-

tion de la loi dans l'industrie de la construction, des suites de la commission Picard-Sexton. Il y a beaucoup d'occasions où on a exprimé, verbalisé ce qu'on vous dit dans ça, notamment en matière d'incitatifs, surtout.

M. Filion: Oui. Puis vous n'avez jamais reçu de réponse qui vous donnait espoir qu'on regardait et que, bientôt, on prendrait une décision, ou bien s'il n'y a rien qui revient, ou...

M. Favre: Bien, on ne s'est jamais adressés au ministère directement, mais c'était à travers d'autres ministères, d'autres tables, d'autres commissions.

M. Filion: Ah! d'accord. C'est vraiment la première fois que vous faites un exercice de demande officielle d'éclairer ou de solutionner des problèmes pratiques?

M. Favre: Oui, oui.

M. Filion: Là où j'aimerais ramener aussi le débat... Tout à l'heure, le ministre soulevait que, avant, c'était un taux de 8 % et de 0 %. Mais c'était quand même plus simple, parce qu'un taux de 0 % c'est comme si le produit n'était pas taxable. Alors, vous n'avez pas vraiment à vous casser la tête, si vous allez faire une erreur dans la taxe ou pas. Quand le produit n'a aucune taxe, à ce moment-là, la perception, vous ne pouvez pas vous tromper, hein, si le produit, c'est à 0 %. C'était beaucoup plus simple à administrer, dans ce sens-là. Moi, je pense que, effectivement, on va devoir revenir sur cet aspect-là d'un taux unique pour, enfin, empêcher les problèmes que vous vivez.

Alors, moi, ce que j'aimerais vous demander: Est-ce que vous croyez, effectivement, que la commission parlementaire où nous sommes va vous aider à régler le problème, ou ce que vous présentez comme demandes? Parce que plusieurs sont venus jusqu'à maintenant, et c'est une espèce de voeu pieux, où ils essaient, là, comme s'ils étaient, là, à bout de souffle. Ils viennent témoigner de façon alarmiste. Avez-vous l'impression qu'on va satisfaire votre demande, en vous adressant à cette commission-ci, ou bien si vous prenez une chance? C'est quoi, l'esprit dans lequel vous vous présentez?

M. Brière: Bon, écoutez, c'est bien difficile. Vous savez, les entrepreneurs, à tous les jours, vivent des problèmes. Là, on vit une récession comme il y a longtemps qu'on n'a pas vue. En tout cas, moi, c'est une des pires que j'ai pu connaître. Et puis, les gens ont peut-être besoin d'avoir quelques bonnes nouvelles une fois de temps en temps. Depuis trois ans, maintenant, c'est un coup derrière l'autre; il n'y a rien qui va bien. Alors, quand ces gens-là ont la taxe...

Il n'y a pas juste ce niveau-là, là. M. Favre parlait tantôt de la loi 185, de la loi 186. Bien, c'est la même chose, les entrepreneurs sont alarmés par ça. Je veux dire, là, dans certains cas, ils vont doubler leurs dépenses, là. Ils vont devoir être membres chez le patronat et membres dans un syndicat aussi. C'est bien sûr qu'il faut trouver des façons qui vont faire que ces gens-là, on est capables de les rassurer et de trouver des fonctionnements. Oui, j'espère que, suite à ça, on va avoir des communications. C'est comme rien. Moi, je pense que le monde, en général, ils sont de bonne volonté. Un moment donné, on va trouver une ouverture quelque part et on va pouvoir se parler.

M. Filion: Avez-vous l'impression...

M. Brière: Ça, c'est un vieux dicton, ça, qu'il faut se parler. Il me semble que ça fait plusieurs années que ça existe, ça, là. Il faudrait peut-être juste commencer à le faire.

M. Filion: Avez-vous l'impression que, du fait que cette loi-là soit difficile pour vous à appliquer, ça vous entraîne des coûts importants d'opération, de gestion, de comptabilité, d'experts, de consultation? Avez-vous l'impression que c'est un peu à cause de ce genre de taxation là qu'on assiste à une espèce de marché au noir? Peut-être pas seulement cette raison-là, mais avez-vous l'impression que le marché au noir est un peu, actuellement, des gens qui ont décidé de se faire leur propre justice fiscale, au fond, et qui se disent: Bien, on va aller récupérer ailleurs, parce que ça n'a pas de bon sens, on ne pourra pas vivre, on ne pourra pas fonctionner? Vous parliez vous-même que vous aviez perdu un contrat quand même important...

M. Brière: Oui.

M. Filion: ...parce que vous avez osé vouloir...

M. Brière: C'est-à-dire que... M. Filion: ...percevoir la taxe.

M. Brière: C'est-à-dire que, quand on s'était fait prendre la première fois, on a refusé de faire le même jeu la deuxième fois. On a dit: C'est marqué dans les documents, c'est vrai, mais ce n'est pas comme ça qu'ils l'appliquent. On est allés aussi en opposition, mais, tu sais, je veux dire, moi, je ne peux passer mon temps en cour.

M. Filion: Oui, mais...

M. Brière: Puis engager un avocat, à un moment donné...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Montmorency, c'est terminé.

M. Brière: ...je veux dire, c'est bien beau, mais les avocats, ça coûte cher. Bonjour, merci beaucoup, combien ça va me coûter, et puis il est trop tard, je n'ai plus d'argent. Je reçois la facture, et puis c'est fini.

Le Président (M. Lemieux): Nous...

M. Brière: On n'a pas d'avocats qui travaillent dans nos bureaux, là, je parle, les entrepreneurs, à plein temps, là. Vous savez comme moi que ça coûte énormément cher. Je ne veux pas discuter du tarif qu'ils chargent, ça, c'est leur problème. Mais ça coûte énormément cher. On ne peut pas demander à un entrepreneur de s'engager constamment des avocats. Puis les gens, en général, ce n'est pas des batailleurs dans le sens qu'ils veulent constamment se battre. Je suis sûr qu'il y a beaucoup... Je dirais, moi, qu'il y a 60 % des gens qui paient par dépit. Puis c'est ça qu'il ne faut pas perdre. La population, de plus en plus... Je ne suis pas politicien, moi, là, mais la population, de plus en plus, perd ce goût-là. C'est vrai que la population tente de se faire justice elle-même, puis, des fois, on ne peut pas la blâmer. On ne peut vraiment pas la blâmer.

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions de votre participation à cette commission parlementaire et nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 18 h 36)

(Reprise à 20 h 4)

Le Président (M. Lemieux): La commission reprend ses travaux pour entendre la Coalition québécoise pour la justice en taxation du tabac. J'inviterais ces gens à bien vouloir prendre place à la table des témoins. Dans un premier temps, je demanderais au représentant de l'organisme ayant à faire l'exposé de leur mémoire de bien vouloir s'identifier et nous présenter les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Dans un deuxième temps, permettez-moi de vous rappeler les règles de procédure. Nous disposons globalement d'une heure: 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire, suivra un échange entre les deux groupes parlementaires de 20 minutes pour le groupe ministériel et 20 minutes pour le parti de l'Opposition officielle.

Alors, nous sommes prêts à écouter le représentant de l'organisme afin qu'il se présente, nous présente les membres qui l'accompagnent et qu'il puisse faire l'exposé de son mémoire.

Coalition québécoise pour la justice en taxation du tabac

M. Gadbois (Michel): Bonjour. Mon nom est Michel Gadbois. Je suis le président de l'Associa- tion des détaillants en alimentation. Oui, c'est encore moi! Je vous avais prévenu, il y a une semaine environ, lorsque les détaillants ont fait leur présentation à la commission parlementaire, que les recommandations qu'on faisait sur la contrebande, on allait en résumer une partie, mais que, essentiellement, compte tenu que l'Association des détaillants en alimentation fait partie d'un regroupement plus large des gens qui sont impliqués dans la commercialisation du tabac, nous reviendrions ici pour en parler plus spécifiquement. Alors, je demanderais aux gens alentour de la table de se présenter pour qu'ils identifient leur appartenance à l'intérieur de la Coalition.

M. Nadeau (Michel): Bonsoir. Mon nom est Michel Nadeau. Je suis représentant des grossistes en alimentation à l'échelle canadienne, un organisme qui regroupe plus de 80 % des distributeurs de produits alimentaires au Canada.

M. Dumulong (Luc): Bonsoir. Je suis Luc Dumulong. Je représente la Société pour la liberté des fumeurs.

M. Mercier (Jean-Louis): Bonsoir. Jean-Louis Mercier, président du conseil, Imperial Tobacco.

M. Rondou (Daniel): Bonsoir. Daniel Rondou. Je suis représentant du Syndicat international des travailleurs et travailleuses de la boulangerie, confiserie et du tabac.

M. Ducharme (Germain): Germain Ducharme, président de l'Office des producteurs de tabac jaune du Québec.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Alors, nous sommes prêts à entendre votre mémoire.

M. Gadbois: Merci. Nous ne ferons pas la lecture du mémoire que nous avons fait parvenir. Je pense que, ce matin, il y a eu la présentation de la NATCD qui a été assez éloquente. Nous étions présents, donc on a pu au moins entendre les échanges et se rendre compte que la plupart des aspects principaux de la présentation qui a été faite par M. Trempe, qui représentait le groupe, ont assez bien cerné le sujet. Par contre, je crois que notre contribution aujourd'hui devrait être beaucoup plus pratique, beaucoup plus responsable, dans le sens qu'on s'intéresse beaucoup plus aux solutions.

La crise elle-même ou la crise grave, autant économique que sociale, qui entoure le problème de la surtaxation de ce produit et de la croissance effarante de la contrebande, tout le monde en convient. Et je ne pense pas qu'on y gagnerait beaucoup, ce soir, à répéter encore les arguments alentour de ce sujet-là.

Le gouvernement, non seulement lors de cette commission, mais aussi à la sortie du

caucus qui a eu lieu la fin de semaine dernière, a conclu que la solution se trouvait au niveau de la baisse de taxes. L'Opposition va dans le même sens. Je crois que tout le monde s'entend sur cette solution-là. Donc, il y a un consensus. Ce qui serait plus important, ce serait d'identifier où sont les problèmes à la solution de la lutte contre la contrebande.

Il y a aussi un consensus autour d'un problème majeur qui est celui de l'autre participant à la taxation excessive sur les produits de tabac. On parle ici, évidemment, du gouvernement fédéral, et, encore là, il existe un consensus, je pense, à la commission, d'après les commentaires de ce matin et des commentaires qu'on a eus la semaine dernière, qu'il y a un certain blocage à Ottawa. Je pense que ce qui est surtout important, ce soir, et ce qui serait sûrement plus responsable de notre part, à chacun d'entre nous, c'est de vraiment examiner qu'est-ce qu'on peut faire pour régler le problème, qu'est-ce que le gouvernement du Québec propose pour faire bouger Ottawa. Puisqu'il y a un consensus aussi avec l'Opposition, qu'est-ce que l'Opposition propose pour faire bouger Ottawa?

Nous-mêmes, on a déjà mis en place un certain nombre de mesures pour influencer la décision du gouvernement fédéral. Vous êtes au courant de la campagne publique de la Coalition. Vous avez vu sûrement la conférence de presse ou, du moins, ce qui en est ressorti dans les médias. Vous avez probablement vu chez vos détaillants... Il y en a 6000 qui possèdent la fameuse boîte qui demande aux citoyens, aux consommateurs de participer à cette campagne. (20 h 10)

Vous avez vu probablement aussi la publicité dans les grands médias et dans les médias régionaux. On nous sollicite d'ailleurs partout en région. J'arrive du Saguenay-Lac-Saint-Jean où, chose amusante, M. Loiselle va me succéder à une émission de ligne ouverte radiophonique. Alors, déjà, il y a une espèce de travail de fond qui se fait parce que lui devra répondre justement, à savoir quelles sont les solutions que propose Ottawa là-dessus.

Demain matin, à 8 heures, on rencontre le caucus du Parti conservateur de députés québécois fédéraux qui vont nous recevoir. On a rencontré M. André Harvey à Chicoutimi, qui est le député de Chicoutimi, qui est très préoccupé par la question et nous a organisé, chose quand même pas commune, une rencontre avec tout le caucus. Nous avons une rencontre immédiatement après avec des membres du cabinet de M. Mazankowski. On va lui proposer nous-mêmes les solutions qu'on veut regarder ensemble et qu'on espère qu'on pourra amener ensemble de votre part. Et, aussi, on a organisé, avec nos collègues ailleurs au Canada, avec l'association canadienne des détaillants d'alimentation qui, elle-même, a commencé une campagne auprès des élus fédéraux et auprès des élus provinciaux pour les sen- sibiliser, parce que eux-mêmes ressentent le problème de la contrebande chez eux, à un degré moindre, mais le problème est en croissance et ils sont très préoccupés...

Je crois que la proposition qu'on veut faire ce soir, c'est même d'aller jusqu'à la prétention de pouvoir étendre ou aider le comité interministériel qui se penche sur la question. Chacun des organismes ici a son expertise précise sur plusieurs aspects de toute la réalité qui entoure la taxation. Et, en fait, je préfère qu'on ait des échanges pour qu'on puisse sortir d'ici avec au moins quelques avenues de solution ensemble pour que, nous-mêmes, demain matin à Ottawa, on puisse déjà explorer des avenues où on pourra avoir leur appui.

Alors, mon intervention est donc très brève parce qu'on est très intéressés à avoir des propositions concrètes ce soir. C'est très clair que c'est urgent d'agir. L'ampleur n'est plus à démontrer. L'urgence, évidemment, est située dans le temps au niveau du budget fédéral et, évidemment, des budgets provinciaux. Donc, j'en profite pour nous donner le plus de temps possible lors des audiences et du temps qui nous est accordé pour qu'ensemble on discute des solutions qu'on peut envisager.

On en a plusieurs qu'on peut proposer, essentiellement basées sur une baisse importante de taxes, mais je crois que ce qui serait intéressant, c'est qu'on sorte d'ici, ce soir, avec vous, des deux côtés de la Chambre, des deux côtés de la table, avec au moins l'assurance de ce consensus-là, qu'on puisse travailler ensemble, pas de façon théorique, mais de façon très pratique. Et même, comme les travaux de la commission se terminent bientôt, on pourrait déjà se fixer soit la semaine prochaine ou même jeudi ou vendredi, après notre rencontre à Ottawa, pour voir comment déjà on peut faire accélérer les choses.

Alors, vous voyez que nos positions sont non pas de faire un débat, mais beaucoup plus d'essayer immédiatement d'arriver avec des propositions de travail.

Alors, évidemment, mes collègues sont là pour répondre à certaines questions, mais examinons plus les chances de succès de certaines stratégies. Et c'est vraiment ça que je veux proposer ce soir plutôt que de recommencer le débat, à savoir quelle est la perte gouvernementale, quelle est l'étendue du problème social, quelles sont les pertes de chacun des intervenants dans le dossier, etc. Je pense que la preuve a été faite et, heureusement, il y a un consensus qui se dégage. En tout cas, je l'ai vu ce matin. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Brièvement, M. le Président, et je comprends que mes collègues ministres vont intervenir après. Moi. je suis particulièrement

préoccupé par le problème de la contrebande, et je voudrais m'adresser à vous parce que vous avez des producteurs, dans les gens qui vous accompagnent. On se pose souvent la question: Est-ce que les producteurs de cigarettes, dans le fond, vous n'êtes pas un peu complices des contrebandiers? Est-ce que vous ne pourriez pas faire un peu plus pour aider et faire en sorte que la contrebande n'ait pas lieu, en mieux identifiant les paquets ou en mieux identifiant vos produits? Parce que, pour nous, évidemment, comme gouvernement qui perçoit les taxes, est-ce qu'on a un appui concret de votre part, les producteurs de cigarettes?

Le Président (M. Lemieux): est-ce que c'est possible, dans la mesure du possible, que les questions puissent être aussi... que les réponses, pardon...

M. Gautrin: Je m'excuse d'être aussi direct que...

Le Président (M. Lemieux): ...puissent être aussi brèves lorsque les questions sont faciles, pour susciter davantage le débat? Alors, s'il vous plaît, vous pouvez répondre à la question du député de Verdun.

M. Gautrin: Sans vouloir relancer un débat, je crois que la question est importante.

M. Gadbois: Je vais évidemment céder la parole à M. Mercier, mais il faut faire attention parce que les producteurs... C'est des fabricants de cigarettes. Les producteurs, il y en a alentour de la table, ce sont des producteurs de tabac. Vous parlez des manufacturiers.

M. Gautrin: Je veux parier réellement aux fabricants de cigarettes. Je veux réellement m'adresser aux fabricants de cigarettes.

M. Gadbois: D'accord.

M. Mercier: Merci, j'y vais. Les fabricants de cigarettes. La première chose qui serait importante de dire, c'est que, dans les années cinquante, comme on se rappelle, il y a eu énormément de contrebande où on disait, si on se réfère aux journaux du temps, qu'environ une cigarette sur deux qui étaient consommées au Québec était de provenance américaine. Dans ce temps-là, il n'y avait aucun produit canadien qu'on retrouvait dans le réseau de contrebande.

Deuxième chose, c'est que nous avons vendu, bien entendu, des produits aux États-Unis. Mais ce que je vais faire ici, ce soir, je vais déposer devant la commission un rapport que nous avons eu d'un M. Stamler, puis vous avez probablement entendu parler de lui, parce qu'il a fait plusieurs recherches pour l'industrie, qui démontrent, en fait, quel genre de produits on retrouve dans le réseau de distribution de contrebande aujourd'hui.

Je fais une parenthèse pour indiquer que c'est important de différencier entre les produits non taxes et les produits de contrebande. On pourrait estimer qu'environ 70 % des produits qui sont exportés reviennent peut-être de façon illégale, mais il y a certainement environ 30 % qui reviennent non taxés mais de façon légale à partir des magasins hors taxes, etc. Ce rapport-là indique qu'il y a des produits de provenance de plusieurs pays qu'on retrouve dans le réseau de produits non taxés.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de Montmorency, vous voulez intervenir?

M. Gautrin: Donc, vous déposez actuellement votre rapport à la commission?

M. Mercier: Oui.

M. Gautrin: M. le Président, est-ce que vous acceptez le dépôt du rapport?

Document déposé

Le Président (M. Lemieux): Alors, j'autorise le dépôt, effectivement. Quelqu'un va aller le chercher dans quelques instants. J'autorise le dépôt.

M. le député de Montmorency.

M. Filion: Merci, M. le Président. Toujours dans le but d'échanges constructs et qu'on essaie de trouver une solution commune pour que vous puissiez faire des représentations au partenaire fiscal qu'est Ottawa dans le débat, j'aimerais savoir de votre part: Dans le système fiscal actuel, il y a une foule de mesures d'exemptions fiscales, de réductions fiscales que l'on accorde et qu'on accorde gratuitement sans poser de questions à des contribuables. Et j'aimerais savoir de votre part si c'est possible, dans l'industrie du tabac ou autrement, qu'on puisse arriver à mettre en place un système où on pourrait accorder des exemptions fiscales, mais, en même temps, questionner les gens qui ont ces exemptions fiscales là.

Est-ce que c'est possible d'arriver à ce genre de situation là dans le monde du tabac?

M. Mercier: En fait, si je comprends bien ce que vous demandez, ce serait que les cigarettes canadiennes qui seraient exportées seraient assujetties à une certaine taxe à l'exportation que le consommateur pourrait réclamer dans le cas où c'est justifié et non dans le cas où ce n'est pas justifié. Ce qui veut dire que ce qui se produirait, c'est que le consommateur qui ne peut pas faire de réclamation achèterait d'autres marques qui ne sont pas assujetties à ces taxes-là...

M. Filion: Attention...

M. Mercier: ...et qui sont produites dans d'autres pays.

M. Filion: Non, attention. M. Mercier: Voyez-vous?

M. Filion: Avant d'arriver à débattre... Parce que je pense que je ne veux pas qu'on s'enligne non plus en disant: la taxe remboursable. À partir du moment où on reconnaît que les prix sont concurrentiels... On reconnaît à la base que les taxes sont réduites, les prix sont concurrentiels, dans un but de créer une dynamique différente de ce qu'on a vécu par le passé, une dynamique où on arrête de faire des cadeaux gratuits en matière de taxation à des gens sans même les questionner. (20 h 20)

Le but, ce n'est pas de dire: Allons-y avec une taxe remboursable et laissons les prix à la hausse, ce n'est pas ça. Établissons les prix pour avoir une concurrence loyale. Supposons qu'on réduise les taxes à un niveau où on va retrouver une concurrence loyale et on va désinciter les contrebandiers à quitter le système. Une fois qu'on a fait ça, dans un but vraiment de changer une dynamique... Et, en même temps, moi, je sais qu'il y a des députés à Ottawa qui ont dit: Bien, dorénavant, pourquoi pas que les autochtones paieraient des taxes partout, et que, eux, fassent une demande de remboursement pour démontrer leur consommation personnelle et que l'on rembourse uniquement la consommation personnelle en réserve autochtone? Et là on change une dynamique. Au lieu d'accorder gratuitement sans poser de questions, on accorde, bien sûr, une exemption fiscale, mais dans une dynamique inversée où c'est à eux, maintenant, de faire la demande et de démontrer, de façon raisonnable, que la consommation a bel et bien eu lieu sur la réserve autochtone.

Alors, ma question est une question à savoir si le monde du tabac est prêt à un changement de dynamique fiscale comme ça, uniquement dans un but de changer le rôle de l'État qui donne gratuitement, sans même poser de questions.

M. Mercier: Là, c'est parce que, enfin, vous amenez deux problèmes très différents. Vous parlez des autochtones. Dans certaines provinces, les autochtones ont ce qu'on appelle des quotas qui font qu'ils peuvent avoir un certain nombre de cigarettes pour la réserve, qui sont consommées sur la réserve, sur lesquelles ils ne paient pas les taxes provinciales, mais les autochtones paient toujours les taxes fédérales

Pour compétitionner au niveau du détail pour les détaillants du Québec, ce qu'il leur faut, en fait, c'est un prix compétitif avec la contrebande. Si la contrebande se fait à 20 $, 22 $ 24 $ ou 25 $ la cartouche, ça leur prend un prix compétitif avec la contrebande sur laquelle il n'y a aucune taxe de payée. Le problème des autochtones sur la réserve, pour leur consommation personnelle, c'est quelque chose de très différent de la contrebande qui se produit aujourd'hui, parce que c'est en quantité énorme et puis là c'est le détaillant qui est à l'extérieur de la réserve qui est pris avec ce problème-là et non celui qui est sur la réserve.

M. Filion: Ça, je comprends, mais, pour moi, dans un but d'éclaircir aussi et de voir en même temps jusqu'où une dynamique peut être changée, le but ce n'est pas de ne pas réduire à un prix concurrentiel, mais le prix est réduit, il n'y a plus d'incitatif à la contrebande d'être sur le territoire. Bon. On a fait cette dynamique-là. Mais, en plus, uniquement dans une question de retirer de l'information, par exemple, qu'on puisse avoir plus d'information d'un réseau qui fonctionne correctement. Parce que, vous savez, si on pose des questions, si on dit: Bien écoutez, on vend des produits aux États-Unis et on demande aux détaillants américains de produire une demande de remboursement, on va obtenir de l'information. On va obtenir de l'information dans un réseau structuré, légal, dans une concurrence loyale.

Le but, ce n'est pas d'empêcher la vente hors taxes. Non, non, la vente va bel et bien avoir lieu hors taxes, mais dans une dynamique fiscale où on retire des informations au niveau des autorités fiscales, et qu'on puisse utiliser les informations à toutes sortes de fins. Ça peut être...

M. Mercier: Oui, mais je pense que ce que vous proposez là, ce serait un système énormément complexe qui ferait qu'un Québécois qui va à Plattsburgh, qui achète une cartouche de cigarettes du Maurier, serait obligé de remplir un formulaire en trois pages pour faire une réclamation au gouvernement du Québec. Le gars ne se bâdrera pas de tout faire ça. Il va acheter un «carton» de Marlboro sur lequel il n'y a aucune taxe qui a été prélevée.

M. Filion: non, non, non, non. ce n'est pas au niveau de l'acheteur américain. c'est au niveau de l'usine, le fabricant qui vend aux états-unis à des grossistes.

M. Mercier: Oui, oui. Mais qui va faire la réclamation?

M. Filion: ça va être la personne ou le... pas la personne qui achète là-bas ça va être le détaillant américain qui, lui, va rlire bii-n moi. j'ai écoulé le produit sur \u marché ;imén cain...

M. Mercier: II ne sait pas à qui il vend, lui. M. Filion: Pardon?

M. Mercier: II ne sait pas à qui il vend, lui. Un consommateur qui arrive à son comptoir, il lui vend une cartouche de cigarettes. Il ne sait pas si le gars vient de l'Allemagne, des États-Unis ou du Canada.

M. Filion: Non. Je comprends, mais, quand le produit s'écoule...

M. Mercier: Comment voulez-vous qu'il fasse une réclamation?

M. Filion: ...normalement sur le marché américain, vous l'envoyez dans des endroits où on vend aux consommateurs américains. Ce matin, on nous disait qu'à toutes fins pratiques il ne s'en vendait pas de produits canadiens sur le marché américain. Ils revenaient pratiquement tous au Canada. Alors, dans cet esprit-là, je pense que le détaillant américain qui, à toutes fins pratiques, a acheté des produits canadiens et a une facture à l'effet qu'il y a une taxe qui a été payée qui est remboursable, peut faire la demande en tout temps au gouvernement canadien, et, suite à une vérification, si nécessaire, on le rembourse. C'est tout. À ce moment-là, on peut obtenir une information du marché américain qu'on n'a pas actuellement.

M. Gadbois: Si vous me permettez, c'est évident que c'est des éléments pour améliorer la situation...

M. Filion: Changer la dynamique.

M. Gadbois: ...après la première étape qui est celle de régler la crise qu'on connaît. Si vous me permettez, à ce moment-ci, je voudrais plus qu'on examine les éléments à court terme qu'on doit mettre en place, parce qu'on a une crise. Il y a une urgence. Les autres étapes après, une fois qu'on aura profité de l'expérience et qu'on aura rétabli une situation, on regardera comment s'assurer que la situation ne revienne pas dans l'avenir, il y aura peut-être des éléments de changement au niveau de la fiscalité ou de la nature des relations, des déclarations qu'on pourra examiner.

Je pense qu'aujourd'hui, si on veut être constructif, comme je l'ai demandé tout à l'heure, il faudrait qu'on s'attarde immédiatement sur: C'est quoi la solution demain matin? Alors, je n'ai pas de problème avec ce que vous présentez. On pourrait avoir de longues discussions. Il y en a déjà eu. Je pense que M. Trempe vous en a parlé aussi ce matin. Il y a des éléments complexes là-dedans.

M. Filion: Autrement dit, moi, ma question était simple. Vous êtes ouverts à une nouvelle dynamique fiscale, au fond. C'est ça.

M. Gadbois: On l'est. On verra quand viendra le temps. C'est clair qu'en ce moment notre préoccupation, et, je pense, le consensus, ici, c'est surtout la solution de base de la baisse drastique de taxes.

M. Filion: C'est parce que je veux quand même expliquer que cette mécanique-là d'impôt en main remboursable, ça existe déjà. Ça ne tombe pas des nuages. Ça existe déjà au niveau de l'impôt corporatif, au niveau de l'impôt en main remboursable au titre de dividendes où on suit l'argent et on s'assure que l'argent se rend jusque dans les mains de l'actionnaire individu pour donner un remboursement à la compagnie. Alors, cette mécanique-là, qui existe déjà dans un système fiscal bien organisé, c'est un peu de reproduire le modèle pour changer la dynamique au niveau du tabac. Alors, c'est dans cet esprit-là, je pense, qu'est l'approche.

M. Gadbois: Ça peut être intéressant à examiner, et je ne relancerai pas les préoccupations qu'on a avec le système parce qu'on perd... excusez-moi, on ne perd pas, mais je pense qu'on ne concentre pas notre temps sur le débat principal qui est d'essayer de sortir un consensus, ici, sur les voies d'action à court terme.

M. Filion: Merci.

Le Président (M. Lemieux): Ça va, M. le député de Montmorency?

M. le ministre des Finances.

M. Levesque: M. le Président, vous me permettrez de souhaiter la plus cordiale bienvenue à tous ceux qui sont ici, même ceux qui reviennent pour être sûrs qu'on a compris.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Levesque: Vous êtes toujours aussi éloquents, toujours aussi convaincants et convaincus. Il n'en reste pas moins que, sans vouloir me répéter, parce que vous-même avez dit que vous ne vouliez pas reprendre votre discours, que vous vouliez passer immédiatement à l'action, nous voulons bien, mais il est toujours important de rappeler l'importance de mettre la santé de la population à notre première préoccupation. Ça, je ne pense pas qu'on puisse passer à côté de cela.

Ceci étant dit, il y a là un problème, cependant, à court terme, avec lequel vivent en particulier les détaillants en alimentation, les grossistes. Aussi, il y a le problème de l'illégalité qui se propage présentement d'une façon dangereuse. Alors, il faut attaquer le problème de plein front.

Nous avons - comme vous l'avez évoqué -

eu plusieurs réunions du caucus et des membres du gouvernement. Nous en aurons encore demain et nous en aurons dans les prochains jours. Vous avez toujours dit - vous et ceux qui sont venus, au cours de cette commission, parler de ce problème-là - que vous êtes arrivés à la conclusion que nous ne pouvions pas réussir simplement par la fiscalité québécoise à régler le problème. C'est d'autant plus vrai qu'il ne faudrait pas croire que le Québec se distingue - comme il peut se distinguer quelquefois - dans la fiscalité sur le tabac. Nous n'avons sûrement pas exagéré si on se compare avec les autres provinces. Nous avons toujours été parmi les plus bas au point de vue de la taxation du tabac. Nous étions conscients, évidemment, de la présence des entreprises, des fabricants de tabac au Québec. Nous avons toujours été conscients également des producteurs que nous rencontrons également de temps à autre, comme nous rencontrons les différents intervenants de votre industrie.

Il n'en reste pas moins que la situation est là. Même si nous avons un taux de taxation inférieur à la plupart des provinces canadiennes, il n'en reste pas moins vrai qu'avec le taux élevé, quand on ajoute les taxes fédérales, qui sont plus élevées que les taxes provinciales, à ce moment-là, il y a un problème. (20 h 30)

Et, si on regardait très brièvement ce qui s'est passé entre 1988-1989 et 1992-1993, on s'apercevrait, d'abord, que le prix moyen du paquet de 25 cigarettes est passé de 3,35 $ à 6,43 $. D'où vient cette augmentation? L'augmentation a résulté pour 45,1 % des taxes fédérales, 34,7 % des taxes provinciales et 20,2 % des détaillants grossistes et manufacturiers. Donc, lorsque vous dites qu'il y a deux personnages auxquels il faut s'adresser, peut-être que c'est trois, trois ou quatre, parce que, en plus du fédéral et du provincial, il y a également le secteur privé qui a eu des augmentations. On comprend qu'il y a eu des augmentations de coûts, que ce n'est pas toujours du net. Mais il y a là une augmentation dont on doit tenir compte.

Dans les circonstances, vous dites: Bon, il va falloir parler au fédéral. Et, vous, vous dites: Nous allons faire notre part, nous commençons, nous avons déjà commencé par une campagne de sensibilisation. Nous rencontrons le caucus du Parti conservateur fédéral dès demain matin. Nous allons faire des pressions du côté du gouvernement fédéral. Bon. Très bien. Mais quels seront les résultats que l'on peut escompter? Car il faut tenir compte de ce qu'on va peut-être vous dire ou ne pas vous dire. C'est que, si la situation est sérieuse au Québec, elle n'est pas encore rendue au même stade dans plusieurs autres provinces. Et, lorsque le fédéral diminue sa taxo. évidemment, il la diminue partout On aura peut-être une objection de ce côté-là, purement sur le plan financier.

Deuxièmement, il y a, du côté du gouvernement fédéral, comme il y a ici aussi, au Québec, des gens qui prétendent que ce serait un mauvais signal à donner que de diminuer la taxe sur le tabac, alors qu'on sait les dommages que cela cause à la santé et ce que ça veut dire au point de vue des coûts à notre société que le tabagisme. Alors, vous allez avoir affaire au moins à ces deux objections-là bientôt. Je peux le deviner ou vous le prédire, peut-être.

Alors, qu'est-ce que vous allez dire et comment allez-vous faire pour, d'abord, premièrement, contrer ces arguments-là? Et, deuxièmement, êtes vous prêts à faire en sorte... S'il y avait un consensus et s'il y avait une entente pour réduire le prix, est-ce que vous seriez prêts, pour les manufacturiers, d'une part, où l'augmentation depuis 1988-1989 était de 39 % et, quant à la marge des grossistes et des détaillants, l'augmentation est de 66 % durant la même période, seriez-vous prêts à faire votre part pour que... Si le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial vous posaient la question, est-ce que vous aussi vous participeriez à une sorte de coalition pour la diminution des coûts?

M. Gadbois: D'abord, ce que j'aimerais aussi, c'est vous renvoyer la question. Vous avez eu des contacts avec vos partenaires fédéraux, je crois. Quels sont les résultats de ces contacts-là, à ce niveau-ci ou à ce moment-ci? Nous, on vous les donnera demain, quand on les aura rencontrés, d'une part. D'autre part, je pense que chacun, sûrement, à l'intérieur du groupe - c'est pour ça qu'on vous parle de collaboration; il y a de l'expertise ici - voudra faire ses efforts pour régler le problème. Et, là-dessus, on a quelques éléments de solution. On voudrait avoir les vôtres et échanger, et vous en donner des nôtres. Mais c'est évident qu'une des choses qu'on demande, c'est sûrement: Immédiatement après les travaux de la commission, est-ce qu'il va y avoir une table, est-ce qu'il va y avoir un forum particulier où nous pourrons travailler ensemble pour au moins envoyer le signal, non seulement aux députés québécois qui ont quand même un poids majeur... Parce qu'il y a quand même un contexte électoral très important qui s'en vient, et ce poids-là n'est pas à dédaigner. Donc, s'il y a effectivement un consensus, au Québec, des forces vives, disons, dans le dossier, à ce moment-là, je crois que la deputation québécoise à Ottawa aura à répondre de certains résultats à Ottawa.

Et je ne veux pas me lancer dans un certain nombre de preuves à l'appui, mais on sait, par des études qu'on a et qu'on pourra vous déposer, que vous avez l'appui du public pour la baisse des taxes. Il y a des sondages récents là-dessus. L'élément de santé, je peux vous dire quo, depuis quoique temps, j'hérite de plusieurs groupes et de plusieurs lettres Je n'ai aucun

problème parce que, pour moi, les deux situations sont totalement séparées, et ça serait tomber dans un jeu facile. -Et je crois, d'ailleurs, que les groupes ne se font pas beaucoup de crédibilité en ce moment dans leur dossier - eux qui avaient une bonne crédibilité - en essayant de nous faire croire que la santé est plus protégée avec la situation de contrebande qu'on connaît maintenant que si on était dans un système légal où il y a des éléments de contrôle. Je ne veux même pas me relancer dans ce dossier-là. On l'a déjà discuté ensemble; on en a déjà parlé. Donc, pour le moment, je ne ferai pas le débat sur la santé.

Ce qui m'intéresse aujourd'hui, ce qui intéresse tout le groupe, c'est de savoir: De votre côté, est-ce qu'il y a des démarches en ce moment? Est-ce qu'il y a des résultats en ce moment? Nous, on peut vous dire qu'il y a des options qu'on peut présenter. C'est clair qu'on peut travailler ensemble pour déterminer un prix assez clair, avec l'aide d'experts - ça peut être autant la GRC que l'expertise qu'on a ici - et l'aide du baromètre le plus parfait sur le marché, qui est le détaillant qui va vous dire s'il en vend ou s'il n'en vend pas, pour, effectivement, régler ce problème-là. Est-ce qu'on veut offrir à Ottawa une situation d'«opting in» ou d'«opting out» pour forcer les autres provinces? Ça pourrait se faire sur le dossier de la taxe fédérale. Il baissera avec celui qui sera prêt à baisser, puis ceux qui ne veulent pas baisser ne baisseront pas.

On peut en sortir une série d'idées. Ce qui m'intéresse et, je pense, ce qui intéresse tout le groupe, ce n'est pas qu'on pointe du doigt les différents responsables. On sait qu'on a une crise, on sait qu'on doit la régler. Qu'est-ce qu'on peut faire ensemble pour la régler? Alors, je vous renvoie quelques-unes de vos questions, si vous voulez y répondre.

M. Levesque: Oui, oui. Nous allons, comme je vous l'ai mentionné, avoir des discussions très précises encore demain, dans les jours qui viennent. Nous avons à examiner cette approche que vous évoquez, mais il y a aussi d'autres approches qu'il faut analyser. Il y a évidemment toute la question de la sécurité publique, la question des mesures législatives, réglementaires, pénales. Tout cela doit entrer en ligne de compte. Il y a les questions fiscales, évidemment, qu'on ne peut pas oublier. Il y a aussi les questions de moralité, parce que, si on s'en va vers une sorte de désobéissance aux lois, là aussi il y a un problème auquel on doit faire face. Ce sont ces solutions-là que nous recherchons, et nous vous souhaitons bonne chance. D'ailleurs, le ministre du Revenu pourrait peut-être compléter tout à l'heure. (20 h 40)

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des Finances.

Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: merci, m. le président. en fait, je suis très inquiète, parce que j'écoute le ministre des finances puis il me dit: le feu est poigne à la maison; le fédéral ne veut pas envoyer les pompiers puis, moi, je ne vais rien faire, je vais la laisser brûler. c'est à peu près ça, l'image.

M. Levesque: Je me suis mal exprimé, comme ça.

Mme Marois: Oui, peut-être que le ministre des Finances s'est mal exprimé, mais il pourra revenir, de toute façon, par la suite, je suis persuadée de cela, M. le Président, et je l'écou-terai tout aussi attentivement que je l'ai écouté jusqu'à maintenant.

Moi, je pense que la situation est très sérieuse. C'est vrai que nous avons un problème de sécurité publique, mais nous avons un problème de moralité, de moralité fiscale qui fait en sorte qu'on se permet de passer à côté de tous les systèmes, à tous égards, sans aucune espèce de contrainte, en se disant qu'on peut toutes les mettre de côté parce qu'il y a eu des mauvaises décisions prises par les deux niveaux de gouvernement.

Cela étant dit, le gouvernement le plus responsable sera sans doute celui qui, le premier, prendra les bonnes décisions pour corriger le tir et faire en sorte qu'on revienne à un niveau de taxation raisonnable, qui fasse qu'on démantèle tous les réseaux parallèles qui sont en train de s'établir parce que, sinon, on les cautionne indirectement. On cautionne ces réseaux-là indirectement et, à mon point de vue, on participe à cette évasion fiscale qui coûte au gouvernement du Québec, en manque à gagner, 325 000 000 $, selon l'évaluation que font les Finances. D'autres groupes qui sont venus aujourd'hui ont parlé de 500 000 000 $. Bon. Imaginons que c'est quelque part entre les deux. Et prenons le chiffre, de toute façon, de 325 000 000 $. Moi, je le prends. Sauf que c'est un manque à gagner de 325 000 000 $. On parle de ça, là, de quelques dizaines de millions qu'on veut aller chercher par toutes espèces d'outils et de moyens, qu'ils s'appellent ticket modérateur ou autres, et on laisse s'échapper comme ça des sommes considérables parce qu'on a fait des mauvais choix, on a pris des mauvaises décisions. Et il n'y a rien de honteux à penser qu'on puisse remettre en question ces mauvaises décisions pour en prendre de meilleures. C'est ça que les gens nous disent, dans le fond, actuellement, ceux qui sont là, M. le Président.

J'écoutais, hier soir, une émission, et vos collègues, ce matin, l'ont mentionné, c'est-à-dire ceux qui sont venus, représentant les commerçants de détail, tabagies et autres, ils nous ont dit: II y a eu des remarques à l'effet que ça

n'avait pas nécessairement d'impact sur l'emploi Alors, moi, c'est sur ce terrain-là que je veux vous amener, parce que non seulement il y a un manque à gagner pour le gouvernement, c'est-à-dire des sommes qu'il ne peut pas aller chercher, qui sont importantes, qui creusent des trous dans les finances publiques du Québec, mais, en plus, ça a un impact sur la baisse des niveaux d'emploi chez les producteurs, chez les distributeurs, ce qui fait en sorte que, si on est moins nombreux à contribuer aux finances publiques et qu'on est plus nombreux à tirer dessus parce qu'on a des plus grands besoins, c'est évident que le résultat net va être une hausse des dépenses publiques.

Alors, je voudrais que vous me parliez de ce volet-là aussi, quant à l'impact des mauvaises décisions qui se sont prises jusqu'à maintenant et qui ne sont pas irréversibles. Et, moi, je déteste cette attitude qui fait en sorte qu'on attend que le fédéral bouge. Si on bouge, il va aussi bouger, il n'aura pas le choix. Que ce ne soit pas pareil dans les autres provinces... Il y a quelqu'un qui faisait remarquer ce matin que les Ontariens viendront peut-être acheter nos cigarettes si nos taxes sont plus basses. Alors, vous allez voir que le gouvernement fédéral, il va peut-être bouger. Au lieu d'être dans une situation d'attentisme, si on était dans une situation un petit peu plus active, peut-être qu'on éviterait tous les problèmes auxquels on est confrontés maintenant. Mais, cela étant dit, c'est un autre ordre de débat. Je veux vous entendre sur la question des emplois.

M. Gadbois: On a déjà quantifié les pertes d'emplois dans le secteur du détail, emplois qui sont liés à la fois à des faillites et à des mises à pied, dépendant des types de commerces. On les a chiffrées à 3500 jusqu'à maintenant. On peut s'attendre qu'avec les niveaux qu'on connaît ou qu'on va connaître avec la croissance, encore, de la contrebande, cet été, ça va être catastrophique. Ça va vraiment tomber comme des mouches parce que, là, vraiment, le seuil de tolérance est à peu près à son niveau le plus bas. Quand on est rendu, par exemple, dans les nombreux petits commerces, si je parle uniquement des dépanneurs, par exemple, où, à un moment donné, vous ne pouvez plus mettre des gens à pied parce qu'il reste deux personnes pour travailler dans le commerce, parce que, tous les autres, vous n'êtes plus capables de les payer, on vous a déjà chiffré un peu l'impact économique. Alors, c'est évident que ça se traduit par des fermetures d'entreprises.

C'est important de soulever cet aspect-là. C'est un aspect qui est très difficilement quantifiable, parce qu'on a beau parler des 350 000 000 $, 450 000 000 $ ou 500 000 000 $, tous sont démontrables, et on n'a pas de problème, dépendant de l'incidence de la baisse de consommation qui peut varier selon les études. D'ailleurs, nos études sont beaucoup plus conservatrices que celles des non-fumeurs. Celles des non-fumeurs, ou du moins appuyées par les non-fumeurs, parlent d'une baisse de 1,2 %, quand, nous, on prend la baisse à 3 %. Alors, déjà, si nos chiffres étaient moins conservateurs que les leurs, on excéderait de loin 500 000 000 $. Mais, là-dedans, ce qu'on ne quantifie pas du tout, du tout, c'est les gens qui, effectivement, perdent leur job. Combien ça coûte à l'État? Et. ça. ça se produit ailleurs au Canada. La meilleure preuve que vous avez, c'est que, si les détaillants, ailleurs au Canada, sont impliqués, c'est parce qu'ils ressentent maintenant, à des degrés divers, pour toutes sortes de raisons qui seraient complexes à expliquer mais qu'on espère pouvoir expliquer plus en détail, que la croissance se fait là-bas aussi.

D'ailleurs, ce que je ferais, parce que c'est le but de notre présence ce soir - j'espère que M. Johnson et M. Levesque participeront aussi à ce début de recherche de solution - c'est: Est-ce qu'on peut compter autant sur l'Opposition que sur le gouvernement, soit pour former une table ou un comité conjoint avec nous, où on aurait l'expertise, on aurait les chiffres, pour qu'on puisse au moins montrer à Ottawa un minimum de solidarité sur ce problème-là? On aimerait pouvoir quitter ce soir avec cette conviction et pouvoir l'amener à Ottawa, parce que, après tout, ça nous coûte une fortune de faire ces démarches-là quand, après tout, ça devrait être au gouvernement de faire ces démarches-là. C'est nous qui faisons les pressions depuis un an et demi. Je rappellerai à M. Levesque et je rappellerai à M. Savoie que ça fait depuis le mois de novembre 1991 qu'on vous a rencontrés et qu'on vous avait prédit tout ce qui se passe en ce moment.

Je pense qu'il y a des limites à notre patience, à notre volonté de coopération. Je pense que la population - puis j'espère qu'elle écoute ce soir; puis elle écoutera, de toute façon, parce que c'est un des sujets, vous avez juste à regarder les quotidiens, qui préoccupent tout le monde - va être convaincue que non seulement du côté ministériel, mais du côté de l'Opposition, il y a une volonté de travailler ensemble, avec nous, pour trouver une solution. Il n'y a rien de pire en ce moment... Et le désintéressement public se traduit par la volonté de se venger, en fait, du gouvernement pour l'insatisfaction qu'on a en ce moment, en trichant, même des gens totalement honnêtes. M. Johnson l'a dit: Les gens en ont ras le bol. Mais ce dont ils ont ras le bol, c'est des batailles de clocher qu'on a en ce moment.

On doit se tenir ensemble, puis on peut aller chercher nos députés fédéraux à Québec. Tant qu'on a le système, il faut au moins travailler dedans puis savoir comment s'en servir. Alors, ce que j'espère, c'est que de votre côté vous soyez capables, ce soir, d'arrêter de nous poser dos questions, mais d'arriver au moins aver; des propositions pour qu'on arrive ici et qu'on

dise: Oui, il va y avoir une table où on va pouvoir travailler la semaine prochaine, puis on va pouvoir compter sur votre appui pour faire des démarches - qui devraient être les vôtres.

Il faut que vous imaginiez qu'on fait les 75 comtés. C'est 6000 détaillants qui sont organisés un peu partout pour faire ces pressions-là. Ils ont d'autres choses à faire, dans la vie. Leur raison d'être, comme je vous l'ai expliqué la semaine dernière, c'est d'amener des revenus dans leur entreprise en ce moment; c'est ça qui rapporte l'argent au gouvernement. Mais il faut qu'ils mettent du temps aussi pour faire des démarches politiques. Alors, c'est ça que je vous demande, avant qu'on ne termine les discussions ici: Est-ce qu'il y a des solutions que vous pouvez présenter? Est-ce qu'il y a des propositions que vous pouvez nous donner ce soir, pour dire: Oui, on va travailler avec vous, voilà les étapes qu'on prévoit, on peut s'entendre pour se voir la semaine prochaine; oui, on va se servir de l'expertise que vous avez alentour de la table, ici, plutôt que de la critiquer ou de l'analyser, mais on va arriver au moins avec des solutions? Et, nous-mêmes, on va vous rapporter ce que les députés fédéraux du Québec ont l'intention de faire. Mais, pour ça, il faut qu'ils sentent qu'il y a une solidarité ici pour commencer, si vous voulez qu'ils soient convaincus, parce que leur bataille à eux autres est beaucoup plus difficile.

Le Président (M. Lemieux): Mme la députée de Taillon. (20 h 50)

Mme Marois: Rapidement, M. le Président. Je pense qu'à cet égard l'Opposition a été la première à dénoncer la situation à laquelle vous faites référence, par l'intermédiaire de mon collègue de Montmorency et de l'ensemble de la deputation. Alors, à cet égard-là, je pense que nous avons marqué très clairement notre intention que ce problème se résolve.

Je voudrais ajouter un dernier élément, parce que je sais que mon collègue a d'autres questions à poser. Pour ne pas encourir les foudres du ministre des Finances et lui dire que la question de la santé me préoccupe tout autant que lui - je suis d'ailleurs une ex-fumeuse - à cet égard-là, je crois qu'il y a des façons d'aborder cette question-là, qui ont été utiles par le passé. Mais ce que l'on vit maintenant est d'un autre ordre: c'est la santé sociologique d'une population qui est en danger et, ça, c'est pas mal plus, je dirais, pervers à long terme.

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la députée de Taillon.

Il ne reste plus de temps du côté de l'Opposition officielle; il reste du temps du côté ministériel.

M. le ministre du Revenu.

M. Savoie: Merci beaucoup.

M. Johnson: Combien de temps?

Le Président (M. Lemieux): Quatre minutes.

M. Savoie: La Coalition québécoise pour la justice en taxation du tabac nous présente une option qui est certainement fort intéressante, c'est-à-dire de faire avec eux l'examen, de nouveau, du dossier, de voir de quelle façon on pourrait coordonner nos efforts pour, justement, réduire la contrebande et la situation générale qu'on connaît au niveau du tabac. Le dossier a effectivement beaucoup progressé depuis qu'on s'est rencontrés au mois de novembre 1991. Cette évolution, évidemment, on est en train de la connaître de plus en plus à travers le Canada. Je pense qu'on constate une augmentation importante au niveau de l'Ontario et de la Colombie-Britannique. On connaît également, au niveau du Québec, un point de saturation qui n'est pas du tout acceptable.

Je pense que la Coalition peut prendre bonne note de la déclaration du ministre des Finances, qu'il a faite tout à l'heure. Je pense qu'un examen un petit peu plus serré de ses dires va être beaucoup plus intéressant que cela a semblé l'être lorsqu'il les a prononcés. Ce que je peux vous dire, c'est que nous sommes intéressés à participer, bien sûr, en échangeant de l'information avec la Coalition et en participant, dans la mesure du possible, avec la Coalition pour la réalisation d'un objectif qui, finalement, est commun, c'est-à-dire la réduction de la contrebande et le respect des lois au Québec, sans oublier les autres éléments qui ont fait l'objet de discussions, soit par la députée de Taillon ou par nos collègues, tout à l'heure.

Il est très clair que nous voulons agir. Il est très clair également que nous le ferons aussi rapidement que possible, avec les discussions qui pourraient s'ensuivre de par le comité qui a été formé au gouvernement. Et, lorsqu'il sera possible, nous prendrons contact avec la Coalition et nous serons en mesure, à ce moment-là, de discuter avec vous lorsque cette décision-là sera prise.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre du Revenu.

M. le président du Conseil du trésor. Il reste combien de temps?

M. Johnson: Pour ajouter, simplement, en terminant...

Le Président (M. Lemieux): Une minute et demie seulement.

M. Léonard: M. le Président... Le Président (M. Lemieux): Oui. M. Johnson: Oui...

Le Président (M. Lemieux): Ça va.

M. Léonard: ...une question, je ne sais pas, d'ordre des travaux. Les intervenants ont dit qu'ils intervenaient de façon rapide pour permettre que les échanges soient prolongés. Est-ce que, finalement, c'est tombé, ça? Est-ce qu'ils ont pris leurs 20 minutes, d'abord?

Le Président (M. Lemieux): Non. Ils n'ont pas pris leurs 20 minutes...

M. Léonard: Bon!

Le Président (M. Lemieux): ...mais l'ordre que j'ai de la Chambre, c'est que, habituellement, c'est une heure. Mais, écoutez, moi, je n'ai pas d'objection à faire en sorte qu'on puisse partager le temps...

M. Johnson: Quel temps?

Le Président (M. Lemieux): ...qui n'aurait pas été pris, c'est-à-dire que les membres de la Coalition québécoise ont pris tout simplement 12 minutes, je crois, 10 minutes pour la présentation de leur mémoire. Ils ont commencé... Voyez-vous, nous avons un autre groupe, selon l'ordre du jour qui a été adopté, à 21 heures. En principe, ils avaient de 20 heures à 21 heures pour la présentation de leur mémoire, ce qui m'obligerait à faire en sorte qu'on dépasse la limite de temps, tel que prévu par l'ordre de la Chambre, soit à 22 heures pour l'ajournement. C'est le règlement, c'est-à-dire.

M. Léonard: Oui, mais je n'ai pas connu une seule séance où on a terminé à temps.

Le Président (M. Lemieux): Écoutez, c'est parce que, parfois, on nous dit... Oui, je veux bien le croire mais, moi, comme président, j'ai à faire en sorte que l'organisation des travaux puisse bien se dérouler. Je n'ai pas d'objection, mais, parfois, quand ça finit 9 minutes après ou 20 minutes après, je ne veux pas entendre de remarques aussi, peu importe le côté, que ce soit du côté ministériel ou du côté de l'Opposition.

M. Léonard: On n'a pas fait de remarques là-dessus.

Le Président (M. Lemieux): J'en ai eu, je m'excuse, là. Ça va. Alors, on va répartir le temps 5-5.

M. Johnson: En alternant.

Le Président (M. Lemieux): Alors, allez-y.

M. Léonard: Merci bien. Alors, je voudrais revenir à la question de fond. La question qui a été posée au ministre des Finances est: Est-ce qu'il pourrait intervenir et, dans ses rencontres avec le gouvernement fédéral, appuyer les revendications qui sont faites par l'industrie du tabac à l'effet de contribuer à régulariser la situation? Et je comprends que, dans son intervention, il a fait référence à des groupes qui sont antifumeurs. Je peux dire que j'en suis, quant à moi; je ne suis pas un fumeur et, là-dessus, j'aime autant ne pas vivre dans la fumée. Très bien.

Ceci étant dit, il y a une situation de fait qu'il faut avoir je pense, le courage de voir en face et ne pas dire «si la contrebande grandit». La contrebande est là Elle est pour des millions, le tiers du marché. On est en train de dire que c'est en train de glisser vers la moitié du marché. Et les conséquences pratiques, c'est que finalement, souvent, ce sont les jeunes qui sont les premiers visés dans les opérations de contrebande, parce que ça coûte moins cher, et ils sont... Et là on se retrouve, finalement, devant un fait où la décision d'avoir monté les prix, les taxes au-delà du raisonnable se retourne contre les objectifs qu'on poursuivait, parce qu'elles sont devenues complètement inefficaces. C'est ça, la question.

J'ai fait référence ce matin, dans le débat. à ce qui s'était passé dans la prohibition. La prohibition, dans les années vingt, ça a été le même phénomène. On a essayé de défendre l'usage de l'alcool, avec le résultat qu'il s'en prenait peut-être un peu moins, mais cela a créé d'abord le fait que tous ceux qui prenaient de l'alcool, à cette occasion, étaient dans l'illégalité, mais aussi qu'il s'est créé des réseaux d'illégalité autour. Et on ne peut pas nier qu'il en existe. Donc, là, je crois que le gouvernement est dans l'obligation d'intervenir. Il faut que ces réseaux se démantèlent. Et la question qu'on doit se poser ou la constatation qu'on doit faire, c'est qu'il faut repartir à zéro. Donc, techniquement, on serait obligé de repartir sans taxes et après, de reprendre une autre démarche qui amènerait à décourager les fumeurs le plus possible. Mais on voit que la voie de la fiscalité est arrivée à un cul-de-sac présentement. C'est ça. Parce que les ministres des Finances, au fédéral comme ici, ont exagéré.

Et le problème qu'il y a, c'est que les deux doivent bouger ensemble, parce que, si un seul bouge alors que l'autre ne bouge pas, il n'y aura pas d'avantage et c'est celui qui aura bougé qui va tout perdre alors que l'autre n'aura rien perdu. Puis, sans compter que ça n'aura pas nécessairement réglé la question. Je pense que c'est ça. On est devant une question de moralité fiscale - ça, c'est évident - et, si l'on commence, pour la cigarette, à faillir sur ce plan, ça va se produire aussi sur d'autres, comme pour le marché noir, comme pour d'autres réseaux.

Je pense que le ministre des Finances doit s'engager à travailler dans cette direction, et s'engager très fermement. Ça me paraît quelque

chose qu'il doit faire maintenant, parce que la situation dégénère à vue d'oeil. C'était déjà apparent il y a un an, mais, depuis un an, elle s'est drôlement aggravée. Et toute l'argumentation concernant la santé, je la partage. Je la partage. Mais, présentement, c'est contre-productif, la situation qu'il y a. C'est rendu que les contrebandiers se concurrencent entre eux. Alors, l'État est rendu complètement en dehors de leurs préoccupations. C'est ça qui se produit. La cartouche de cigarettes est en train de baisser de façon curieuse, puis il y a des réseaux un peu partout. Je n'oserais pas dire jusqu'où j'ai entendu parler qu'il en existait - comme je n'y participe pas, je ne peux rien prouver - sauf que j'en ai entendu des drôles.

Alors, M. le Président, c'étaient les remarques que je voulais faire. S'il y a des commentaires là-dessus, dans les cinq minutes qui restent ou la partie des cinq minutes... (21 heures)

Le Président (M. Lemieux): II ne reste plus de temps dans les cinq minutes.

Alors, M. le président du Conseil du trésor, vous avez six minutes.

M. Johnson: M. le Président, je veux simplement faire quelques rappels. On nous a rappelé, de toute façon, quelle était la nature du problème. Je pense bien que tout le monde le connaît, le problème de prix, le problème de coût, le problème de marché, un problème d'équilibre sur le marché, de facilité, de mobilité à travers la plus grande, la plus longue frontière non protégée du monde occidental. Enfin, ce sont toutes des choses, ce sont des données objectives avec lesquelles on doit vivre depuis fort longtemps.

Il n'en reste pas moins que la solution, si elle doit aller du côté des prix, qu'on soit en comité ou qu'on ne soit pas en comité, qu'on se parle publiquement ou privément, on en arrive toujours à la même chose, là. Moi, je veux bien qu'on devienne l'objet de pressions incessantes, de travailler sur un comité avec des gens qui vont nous redire en privé ce qu'ils nous disent à la télévision, il n'en reste pas moins qu'il ne faut pas perdre de vue l'objectif central, tel que vous le décrivez, retrouver un équilibre du côté du prix du marché légal, qui fait en sorte que la contrebande n'existe plus. Au-delà des mesures de contrôle qu'on peut mettre sur pied - et il y en a - au-delà des mesures de répression - il peut y en avoir - vous soutenez qu'il faut un règlement du côté des prix.

Je réitère ce que le ministre des Finances a indiqué, ce que mon collègue du Revenu a indiqué: Nous ne pouvons pas agir seuls. Le ministre des Finances a, fort à propos, rappelé révolution également des marges bénéficiaires du côté du privé. On ne peut pas ignorer ça non plus. Il faut tout regarder. Mais on doit également regarder quelle a été la progression du côté des taxes qui viennent d'autres niveaux de gouvernement. Je rappelle, comme ça a été fait, que le Québec est l'endroit au Canada qui taxe moins les cigarettes que sept autres provinces. Il y en a sept où les taxes sont plus élevées qu'ici, au niveau provincial. Il ne faut pas dire que c'est un problème proprement québécois, que la façon dont on a monté les impôts sur les cigarettes, sur le tabac, au Québec, est absolument la cause première. Ce serait inexact. Ce serait absolument inexact. Il faut, évidemment, ignorer sa géographie pour dire des énormités comme celles qu'on vient d'entendre.

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît, M. le président du Conseil du trésor!

M. Johnson: La réalité, c'est qu'il y a deux gouvernements qui font des recettes fiscales sur ces produits, et nous avons déjà sensibilisé nos homologues fédéraux à ce sujet. Vous entendez le faire. Et nos députés également ont à faire des représentations, et ils les feront. J'ai à en faire comme député, et c'est ce qui, évidemment, va se produire, mais je veux bien qu'on mette les choses en perspective, que, s'il y a une solution qui passe par les prix et la fiscalité, elle ne viendra pas uniquement d'ici, d'autant plus que c'est la minorité de la fiscalité sur le tabac qui a été imposée par Québec, et la majorité l'a été par le gouvernement fédéral.

Alors, si vous avez des comités de travail à mettre sur pied, des gens à sensibiliser, peut-être sensibiliser et mettre sur pied, aller parler publiquement ou privément, comme vous comptez le faire, d'ailleurs, auprès de l'autre niveau de gouvernement et, là, on va vous appuyer. Ça, il n'y a aucun problème là-dedans, et vous allez vous trouver, vous, à nous appuyer. Alors, on va être du même côté - ça, il n'y a aucun doute - à l'égard de cette industrie ici, au Québec.

En terminant, M. le Président, je suis convaincu également qu'à travers tout ça on a eu droit à de généreuses et grandes déclarations de l'autre côté sur le fait que, oui, on se préoccupe de la santé des gens. Tout le monde se préoccupe de la santé des gens, y compris ceux qui vendent des cigarettes. Je suis profondément convaincu de ça. Mais, ceci étant dit, il faudrait que vous nous rassuriez, évidemment, en même temps, sur l'effet qu'a sur la consommation la baisse des prix. Parce que je me souviens, moi, comme député de l'Opposition, lorsque les collègues de ces messieurs dames augmentaient l'impôt sur le tabac, que les fabricants, les distributeurs, les travailleurs de l'industrie de la cigarette, dont de nombreux habitent dans mon comté - ça, vous le savez - ils se faisaient fort de démontrer qu'une augmentation - je cite textuellement - du prix des cigarettes, supérieure d'un point de pourcentage à l'évolution de l'indice des prix à la consommation ne résultait pas pour autant en une augmentation des recet-

tes fiscales de la même proportion. Autrement dit, il y avait une élasticité de la demande. Et, de mémoire, le facteur était de 0,73 %. C'est ça. Je crois comprendre que, si, à mesure qu'on monte les prix, la consommation baisse, à mesure qu'on descend les prix, la consommation monte. C'est ça que ça veut dire en termes économiques, la nécessité de la demande.

Alors, il faut, dans ce cas-là, nous rassurer pleinement, sachant qu'aujourd'hui, de toute façon, le prix est baissé pas mal là, à l'égard d'à peu près la moitié du marché, selon vous. Ça, je comprends ça. Mais je serais curieux de savoir ce que vos études indiquent sur la persistance du phénomène de l'élasticité des prix, si jamais ça a existé, d'ailleurs.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président du Conseil du trésor.

Alors, malheureusement, votre temps est terminé, à moins d'un consentement. S'il y a un commentaire de la part d'un membre de la table des témoins... s'il y a consentement et s'il y a un commentaire... Alors, consentement pour un commentaire d'un membre.

M. Gadbois: ...débat sur l'élasticité, parce que je pense qu'il y a un beau cas qu'on pourrait soumettre aux HEC ici, parce qu'on a découvert le seuil de tolérance, et le seuil vers lequel les gens sont prêts à payer. D'ailleurs, il y a plusieurs variables, et une, on connaît, c'est quand il y a la possibilité d'avoir le produit à d'autres prix. Ça va être une interrogation qui intéresse les intellectuels, mais qui nous préoccupe très peu en ce moment.

La réalité par rapport au prix, je pense qu'on en a parlé suffisamment. Je crois que, nous-mêmes, on a un travail à faire dans le sens d'identifier le prix qui pourrait concurrencer, mais il faudrait arrêter de penser que c'est un prix qui va être permanent. On a un contexte qui est tout à fait nouveau. On n'a jamais connu la situation qu'on connaît présentement. Je vous rappelle que, quand ça coûtait 35 $ ou 40 $ même la cartouche, les gens étaient prêts à payer la différence. Il y a un seuil qui a été traversé. Pour toutes sortes de variables, il a été traversé. Ce qu'il faut comprendre, c'est que, là, on recommence, parce qu'il va falloir le rechercher. Mais on va pouvoir revenir à des niveaux... Il y a un niveau de tolérance que les gens seraient capables de prendre et, pour ça, il ne faut pas oublier qu'il faut détruire la contrebande à sa base. C'est pour ça qu'il ne faut pas perpétuer les deux mythes: que c'est une baisse permanente, donc que le prix va rester bas, donc qu'il va encourager la consommation. Ça ne se produira pas.

Mais je terminerais tout simplement en disant qu'effectivement c'est la solution première. Mais, essentiellement, il faut qu'il y ait une prise de conscience à la fois du gouvernement, de l'Opposition et des groupes québécois avec la deputation québécoise, si on veut atteindre la baisse au niveau fédéral. Et il faut détruire un dernier mythe. C'est que la différence entre la taxe fédérale et la taxe québécoise, elle n'est pas si énorme que ça. Alors, oui, ils sont supérieurs, mais à 54 %, ce n'est pas si grand que ça.

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions pour votre participation à cette commission parlementaire, et j'inviterais immédiatement l'Union québécoise pour la conservation de la nature et le Groupe de recherche appliquée en macro-écologie à bien vouloir prendre place à la table des témoins.

Nous suspendons pour une minute seulement les travaux de cette commission parlementaire.

(Suspension de la séance à 21 h 9)

(Reprise à 21 h 11)

Le Président (M. Lemieux): Ça va. Nous sommes prêts à entendre l'Union québécoise pour la conservation de la nature et le Groupe de recherche appliquée en macro-écologie.

J'inviterais le responsable de ce groupe à bien vouloir s'identifier et à nous présenter la personne qui l'accompagne. Le débat se poursuivra de la façon suivante. Nous disposons globalement d'une heure: 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire; suivra un débat entre les deux groupes parlementaires, pour une durée maximale de 40 minutes, soit 20 minutes pour le groupe ministériel et 20 minutes pour l'Opposition officielle.

Alors, nous sommes prêts à vous écouter immédiatement.

Union québécoise pour la conservation de

la nature (UQCN) et le Groupe de recherche

appliquée en macro-écologie (GRAME)

M. Simard (Christian): Merci beaucoup. Je me présente, mon nom est Christian Simard. Je suis directeur général de l'Union québécoise pour la conservation de la nature. Je serai accompagné, pour la présentation, par M. Jean-François Lefebvre, qui est vice-président du Groupe de recherche appliquée en macro-écologie. Je voudrais d'abord remercier le président et les membres de la commission de bien vouloir nous entendre ce soir, à cette heure tardive et en ce soir enneigé, à propos des questions relatives à la fiscalité.

Maintenant, j'aimerais vous dire quelques mots, mais, excusez... Tout d'abord, vous avez eu une nouvelle version de notre mémoire, là, cet après-midi. C'est une version avec seulement des corrections typographiques, des questions de fichiers informatiques qui ont laissé échapper quelques fautes typographiques. On s'en excuse,

mais l'essentiel du mémoire - pas seulement l'essentiel, mais à 99,9 %, comme le savon Ivory -c'est identique.

J'aimerais vous présenter en quelques mots le GRAME et l'UQCN. Le GRAME. c'est un groupe indépendant de chercheurs et d'experts-conseils. Ses objectifs sont de développer des outils macro-écologiques d'analyse et de gestion pour le développement durable, la macro-écologie étant une science qui s'appuie sur l'observation des grands équilibres biosphériques. une nouvelle science. L'Union québécoise pour la conservation de la nature regroupe, pour sa part, 112 organismes environnementaux à travers le Québec, totalisant plus de 55 000 personnes. Elle compte également 5000 membres à titre individuel.

La présentation qu'on fait ce soir, si on peut la «contextualiser» dans le débat que vous vivez maintenant depuis pratiquement 15 jours, nous croyons bien humblement qu'elle apporte un point de vue original. Ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant était relatif beaucoup à des questions de tickets modérateurs, ou de frais de services, ou tickets orienteurs, etc., nécessité de vivre selon nos moyens et de diminuer les charges de l'État et, d'un autre côté, à des questions de crainte de diminution de services, crainte d'iniquité occasionnée par ces tickets modérateurs ou ces tickets orienteurs. De notre côté, on vous propose une réforme, qui nous apparaît plus en profondeur, de la fiscalité, mais selon des principes de développement durable pour assurer effectivement le développement durable de la société québécoise.

Maintenant, pour vous présenter le contenu ou une synthèse du contenu de l'imposant mémoire - je pense en termes de pages - que vous avez reçu - et imposant, je l'espère bien, au niveau des idées - je demande à M. Jean-François Lefebvre de vous le résumer.

M. Lefebvre (Jean-François): Dans une première étape, j'aimerais prendre juste une petite minute pour situer un peu la notion quand on parle de l'ampleur du déficit et le lien entre, justement, les finances publiques et l'environnement. Le lien peut se retrouver à deux niveaux: un niveau qu'on va élaborer un peu plus, qui est celui de l'impact des différentes politiques sur des coûts environnementaux, et l'impact que ça peut avoir sur les finances publiques. Bon, ça, ça va être la partie qu'on va élaborer le plus, mais j'ai une petite introduction, quand même, qui est importante à voir. C'est que, comme gestionnaires, vous devez vous fier à ce que les économistes vous donnent comme indicateurs. On parle du produit national brut, du produit intérieur brut. Ces indicateurs économiques, au départ, ils sont biaises, et c'est reconnu, dans un sens, sauf qu'on est en train seulement, en économie, de développer des nouveaux indicateurs, qui tiennent compte des pertes de capital environnemental. Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire qu'on peut avoir des politiques fiscales, des politiques économiques qui peuvent réduire le déficit gouvernemental, mais qui peuvent accentuer le déficit réel. Donc, c'est une petite nuance à laquelle il faut quand même faire attention. Ça veut dire que la dette publique peut être plus grande qu'elle ne l'apparaît présentement si on intègre les coûts environnementaux, qui sont une dette, qui sont du même principe que la dette: remettre des coûts à plus tard. Ça doit être intégré. Donc, fin de la première parenthèse.

On aborde maintenant le vif du sujet. Qu'est-ce qu'on propose donc? Premièrement, la marge de manoeuvre du gouvernement pourrait être plus grande que ce qui paraît. Il y a deux aspects qu'il faut regarder: donc, voir à ce qu'il y ait cohérence entre les politiques de dépenses entre les différents programmes, entre les différents ministères, entre eux, et par rapport aux objectifs environnementaux et sociaux. Une chose, donc, au niveau des dépenses. L'autre aspect, c'est au niveau des recettes. Il n'y a pas un mot qui a été dit, depuis le début de ce débat, sur toute la question des taxes environnementales et de réforme de la fiscalité, comme il commence à se faire en Europe présentement. Mais, il y a plusieurs études économiques qui sortent, et même une vient d'être publiée par le gouvernement fédéral, qui concluent que des instruments économiques permettent d'atteindre des objectifs environnementaux à moindre coût. Comme on a déjà des objectifs environnementaux, et je ne pense pas que c'est l'intention du gouvernement de revenir en arrière, le fait d'avoir des instruments économiques qui permettent d'atteindre ces objectifs, à moindre coût, ça représente un autre gain économique.

Donc, premier aspect, les dépenses publiques. Tout le monde a été soulagé quand on a appris que la vitesse de deforestation en Amazonie a été réduite. Pourtant, quel a été le principal geste qu'ils ont fait? Ça n'a pas été de mettre plus d'argent dans la conservation, c'est qu'ils ont aboli les crédits qui finançaient carrément les éleveurs qui mettaient le feu à la forêt. Quand c'est loin, ça paraît très beau, mais, si on se fait notre propre autoportrait, on a beaucoup d'exemples au Québec où on a des incohérences entre des politiques, ce qui engendre des coûts.

Juste un exemple pour le moment, c'est au niveau de l'effet de serre puis de l'efficacité énergétique. Déjà, il y a des politiques qui ont été adoptées au niveau d'encourager le transport en commun, ça a été adopté par le ministère de l'Énergie et des Ressources, le ministère des Transports du Québec et par le MENVIQ, bon. bien entendu, indirectement. Pourtant, on a le projet de déménagement de l'Hôtel-Dieu, qui fait en sorte que c'est impossible d'imaginer que les gens vont prendre plus le transport en commun si on accentue l'étalement urbain, dans ce cas-là.

et la baisse de la densité résidentielle.

La même chose pour toute la question de l'autoroute 25, le nouveau pont sur la rivière des Prairies. Donc, à ce niveau-là, il faudrait chercher à avoir de la cohérence entre les programmes gouvernementaux, ce que demande déjà le ministère de l'Énergie et des Ressources dans sa stratégie d'efficacité énergétique.

Dernier point. Au niveau des taxes aux nuisances - ce qu'on appelle les taxes aux nuisances environnementales - il y aurait tout un autre aspect de la fiscalité qui pourrait être développé et qui, même, doit être développé, c'est le fait d'axer la fiscalité pour avoir des revenus sur ce qui nuit le plus à l'économie, ce qui entraîne des coûts externes. Présentement, on taxe le travail, on taxe l'investissement, on taxe ce qui est bénéfique, dans un sens, à la consommation, ce qui est bénéfique à l'économie, mais on va subventionner ou on ne taxera pas ce qui va entraîner des coûts sociaux et des coûts environnementaux, mais qui finissent aussi par être des coûts économiques.

Juste un exemple: une famille qui, à cause des subventions au développement de nouvelles banlieues, va quitter une ville centrale pour s'établir en banlieue. Pour le même service, comme le transport scolaire, la même famille va réclamer de trois à cinq fois plus de dépenses au gouvernement, pour recevoir le même service. (21 h 20)

Ce qui est proposé maintenant, c'est de développer des taxes environnementales qui serviraient, en partie, à financer le déficit et, en partie, à remplacer d'autres formes de taxation qu'on a présentement.

À ce niveau-là, il y a plusieurs exemples qui sont possibles: avoir des frais d'immatriculation sur les automobiles, qui sont modulés d'après l'efficacité des véhicules, ce qui existe déjà dans plusieurs pays européens; développer une taxe régionale sur les espaces de stationnement, ce qui permettrait de limiter tous les problèmes entre les municipalités, si seulement une ville adopte une mesure comme ça, et il faudrait aller à évaluer des mesures comme l'écotaxe européenne, qui est présentement étudiée, qui serait une taxe sur le carbone, calculée à moitié sur la teneur en carbone de l'énergie et, pour l'autre moitié, qui serait calculée en fonction de la consommation énergétique pour tout ce qui est non renouvelable, tout ce qui est dommageable pour l'environnement. Donc, c'est une taxe qui exclut l'hydroélectricité, l'énergie éolienne, l'énergie solaire.

Un des plus grands obstacles à ces mesures-là... C'est le genre de mesures où on pourrait dire que tout le monde serait plus riche si tout le monde adoptait une fiscalité qui était basée sur les taxes environnementales. Tout le monde serait plus riche, dans ce cas-là, mais on n'adopte pas les mesures parce qu'on attend que les autres les adoptent pour ne pas avoir - comme on a le problème au niveau du tabac - des différences tellement grandes entre les pays que ça nuit au commerce.

Mais ce qu'il faut voir, c'est que l'énergie est déjà beaucoup plus taxée en Europe, que plusieurs pays d'Europe du Nord ont déjà adopté des taxes sur le carbone et que, présentement, le nouveau président américain est en train d'étudier très sérieusement la possibilité d'implanter des taxes sur l'énergie - ça a été même annoncé ce matin qu'il préparait la population à une nouvelle taxe - ce qui fait en sorte que le contexte international, présentement, nous permettrait enfin d'aller vers de telles mesures, tout en sachant qu'elles doivent être progressives, s'implanter lentement sur une période de 20 ans, et qu'elles permettraient, à ce moment-là, à long terme, de réduire à la fois les problèmes environnementaux, mais sans créer les distorsions qu'entraîne une bonne partie de la fiscalité actuelle, ce qui permettrait de créer une revitalisation de l'économie et des emplois dans les secteurs, justement, qui sont les moins dommageables pour l'environnement et qui sont généralement ceux qui sont les plus créateurs d'emplois.

Évidemment, le fait de faire ces mesures-là progressivement implique tout de même de les faire dès maintenant. Si le Québec attend, c'est sûr que, si l'Europe nous devance et qu'on arrive dans 20 ans à dire: On a manqué le bateau, on a manqué le train... Bon. Adopter des mesures très rapidement entraîne des distorsions dans l'économie, mais, si on commence dès maintenant et progressivement, c'est une voie nouvelle qui permettrait... Ça ne réglerait pas tous les problèmes du gouvernement, mais ça permettrait d'aller chercher des revenus tout en réduisant les coûts. Un dernier exemple...

M. le Président, je ne sais pas le temps exact qu'il nous reste, là.

Le Président (M. Lemieux): II vous reste 10 minutes pour l'exposé de votre mémoire.

M. Lefebvre (Jean-François): Ah! O.K. Donc, un des exemples serait une taxe sur le carbone, indirectement, ou une taxe sur l'essence, qui reviendrait indirectement comme en taxer une partie. S'il y a un accroissement de l'efficacité énergétique des véhicules qui est promu en même temps et un accroissement élevé, mais progressif, de la taxe sur l'essence, on peut se retrouver dans une situation où le gouvernement peut à la fois accroître ses revenus sans que les consommateurs ne soient vraiment défavorisés, puisqu'ils vont être incités à avoir des autos plus efficaces. Le gain, comment c'est permis, c'est que ça va être une réduction de l'importation de pétrole. Une simple réduction d'à peu près 20 %, 25 % de la consommation d'essence seulement, ça représente, au niveau de la balance commerciale du Québec, un gain de 300 000 000 $ C'est

quand même non négligeable, et c'est donc de l'argent qu'on ne va pas chercher dans la poche des contribuables, mais tout simplement qu'on gagne parce qu'on cesse d'importer, à ce moment-là, une énergie qui est très polluante et qui nous coûte très cher en même temps, tout en permettant aux gens de se déplacer d'une façon efficace.

Vous avez, à la fin de votre mémoire, dans l'annexe II, entre autres, des citations de constructeurs automobiles américains qui, devant le Sénat américain, en commission sénatoriale - ils étaient un peu dans le même contexte que nous, présentement - ont réclamé - et ça vient des constructeurs automobiles - que, si le gouvernement américain voulait accroître l'efficacité des véhicules, il fallait, à ce moment-là, pour être cohérent, accroître les taxes sur l'essence. Leur argumentation, c'est tout simplement que, si l'essence coûte le même prix et que les autos sont plus efficaces, les gens vont tout simplement rouler plus, et ça va être totalement inefficace comme mesure. Donc, c'est des représentants de Nissan et des autres grands de l'automobile. On aurait tendance a voir les représentants industriels comme étant des gens qui sont farouches à ces mesures-là, mais on voit que c'est même des gens qui peuvent être en faveur de ces mesures-là.

Ensuite, on pourrait dire que tout ce qui a été fait comme analyses pour élaborer la stratégie québécoise d'efficacité énergétique, c'est toujours basé d'après la percée des innovations technologiques qui seraient faites, en fonction des prix actuels de l'énergie. Donc, on a fait des études et on a fait des objectifs où on disait que le gouvernement n'a aucun impact sur le prix et ne touche pas au prix. Par des activités, des programmes, on développe, on incite les gens à acquérir des nouvelles technologies qui sont plus performantes et qui permettent, à la fois, de réduire la pollution, d'accroître l'efficacité énergétique et de développer l'économie du Québec. Mais, nulle part, dans toutes ces études-là, on n'a fait l'hypothèse que le gouvernement pouvait aussi jouer sur les prix. Pourtant, vous le savez que le facteur prix, en économie, c'est le facteur le plus important dans le choix autant des consommateurs que des entreprises, comme critère de décision. Ce qui fait que tout ce qui a été fait comme évaluation du potentiel d'efficacité énergétique, autant par le gouvernement que par Hydro-Québec, est inférieur à ce qui pourrait être fait si on adoptait de telles mesures. Les implications sont multiples.

Quand on fait des études, présentement, pour savoir si on doit implanter des trains de banlieue, encore là, on considère que la situation actuelle ne change pas. S'il y a accroissement du prix de l'essence, il y a un incitatif, à ce moment-là, pour les automobilistes, à utiliser plus les trains et les autres transports en commun. Donc, il y a une dynamique qui fait en sorte que non seulement ces mesures-là peuvent permettre d'aller chercher des revenus pour le gouvernement, mais peuvent réduire les coûts de ce qui est vu, maintenant, comme des services sociaux, dans certains cas, mais qui devrait être vu - je parle des transports en commun, des trains de banlieue ou d'un éventuel train à grande vitesse, ce qui serait dans cette optique-là - comme les moyens les moins coûteux pour faire déplacer les Québécois, pour les individus et pour le gouvernement. Dans ce sens-là, le fait de pouvoir intégrer les coûts environnementaux, ça va faire en sorte que ce sera un incitatif pour tout le monde pour utiliser plus efficacement l'énergie et ça va faire en sorte que le gouvernement aura moins à subventionner les alternatives ou les mesures de dépollution.

Donc, la position des écologistes, comme vous le voyez, n'est plus celle qu'on voyait autrefois, je dirais, de groupes de pression qui réclament de l'argent pour la conservation ou la dépollution, et qui réclament de plus en plus d'argent. Notre approche est maintenant vraiment... Bon, c'est un peu dû à la jonction d'économistes et d'environnementalistes, qui ont permis d'accentuer le débat. C'est vraiment de dire en quoi on peut faire une réforme de la fiscalité qui permettrait d'accroître l'efficacité dans l'utilisation des ressources à tous les niveaux. Donc, ça aurait un impact au niveau énergétique, au niveau de l'intégration des nouvelles technologies, au niveau de l'emploi et ça aurait un impact aussi au niveau de l'efficacité structurelle. Donc, automatiquement, le fait d'intégrer les coûts environnementaux, ce serait une façon aussi de contrer l'étalement urbain: un, par la réduction des subventions à l'étalement urbain et, deux, par le fait que, pour le consommateur, il y a beaucoup de gens qui vont s'établir en banlieue parce que c'est moins cher, non pas parce que c'est le mode de vie qu'ils recherchent. Donc, il y aurait, à ce moment-là, une façon de rééquilibrer les coûts pour tenir compte de l'ensemble des coûts sociaux et environnementaux. (21 h 30)

M. Simard: Oui, j'aurais peut-être - je pense qu'il nous reste quelques minutes - quelques points additionnels. On a parlé de l'incohérence de certains programmes gouvernementaux du point de vue de leurs impacts fiscaux ou de certaines politiques et du point de vue de la préservation des ressources. Essentiellement, tout le débat à Rio a beaucoup porté, entre les Américains et les Européens, sur l'utilisation des ressources via une énergie assez peu chère du côté américain et une habitude, chez les Européens, de développer de plus en plus un système efficace de production, prenant comme un avantage le coût assez élevé de l'énergie. Je pense qu'on ferait un mauvais choix de maintenir, dans l'ensemble de nos politiques, l'idée de «cheap» énergie, ressource très peu chère, parce

que, à long terme, on a des coûts environnementaux, des coûts de ressources assez importants.

Par exemple, au niveau des incohérences qu'on a pu noter par rapport aux objectifs mêmes de cette commission, récemment, le ministère de l'Environnement a annoncé un programme d'élimination des pneus hors d'usage directement axé sur des subventions, notamment des subventions aux cimenteries, un programme de 16 mois, de 7 300 000 $, pris à même les réserves d'une autre société d'État, la société de recyclage RECYC-QUÉBEC, de récupération RECYC-QUÉBEC. Cette société-là, qui a d'autres missions, se voit faire une ponction de 7 300 000 $ pour subventionner les cimenteries pour brûler des pneus, qui sont une source énergétique. C'est comme si, finalement, on vous subventionnait pour mettre du gaz dans votre automobile, en partie, parce que ça a une valeur énergétique, ces pneus-là. Donc, c'est une grave incohérence quand on parle de responsabiliser les utilisateurs - je fais référence à votre document «Vivre selon nos moyens» - et ça, c'est dommage.

D'autres tendances, actuellement, d'aller vers, par exemple, la génération par des centrales thermiques de l'électricité...

Il reste une minute?

Le Président (M. Lemieux): Moins qu'une minute, 30 secondes.

M. Simard: Trente secondes.

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît.

M. Simard: Donc, très rapidement, une autre tendance là-dessus, c'est la génération par des centrales thermiques de l'électricité. Si on remplaçait maintenant la filière hydroélectrique par la filière thermique, Hydro-Québec a estimé à 605 000 000 $, en dollars actualisés, de 1996 à 2010, les pertes fiscales pour les Québécois. Donc, on doit considérer ce genre d'impacts fiscaux de politiques qui, à la fois, sont insoutenables au niveau des ressources et font perdre des revenus. Donc, c'est un peu la base de notre réflexion: plus de cohérence et un nouveau champ de taxation qui peut remplacer les champs de taxation traditionnels et aider la préservation des ressources.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Merci, M. le Président, et je veux remercier nos invités de l'excellente tenue de leur mémoire. Il y a un relevé là, évidemment, de certains des éléments les plus importants pour l'avenir dont les gouvernements doivent tenir compte, la façon, notamment, dont vous concluez qu'on doit recentrer la fiscalité afin de tenir compte de la grande, grande variable environ- nementale. Une variable parce que, effectivement, notre intervention humaine, économique vient influencer le développement sous toutes ses formes.

C'est difficile, par exemple, d'unifier, je dirais de redéfinir l'univers fiscal en fonction des objectifs ou de l'objectif que vous poursuivez. Ça mène à des constats qui sont un peu difficiles à réconcilier les uns avec les autres. Sans expliciter ou sans entrer dans trop de détails, ce n'est pas ça mon propos, on peut relever au passage que c'est difficile de voir le lien, par exemple, entre le développement durable, l'étalement urbain et, pour prendre un exemple d'actualité que vous mentionnez, la construction d'un hôpital là où les gens habitent déjà. Alors, ce n'est pas évident qu'on facilite l'étalement urbain à rapprocher les services des gens. Je pourrais croire que, si on attire les gens ou qu'on les repousse en dehors du centre par des mesures précises, évidemment, ça a des effets qu'on tente de compenser, mais, en l'occurrence, de la même façon que lorsqu'on constate que des gens sont sur un territoire et doivent faire des douzaines de kilomètres pour se rendre du point A au point B, il arrive que la création de liens routiers contribue, de façon remarquable, à une baisse de la consommation de carburant.

Ce qui m'amène, à l'égard du carburant et de la taxation du carbone, à faire un constat. Je ne prétendrais pas que la taxe sur l'essence, au Québec, est particulièrement élevée pour des considérations environnementales - il y a une longue succession de ministres des Finances qui n'ont jamais plaidé ça, en tout cas, à chaque fois qu'ils augmentaient le prix de l'essence - mais on peut constater que c'est ça la situation. C'est ça la situation.

Dans d'autres juridictions, on pense au gouvernement fédéral, il y a fort longtemps, qui avait introduit une taxe spéciale sur les automobiles munies d'un climatiseur. On se souvient de ça. En Ontario, évidemment, il y a eu l'instauration, au budget de 1991, d'un montant de taxe de vente additionnel à l'achat de véhicules à haute consommation d'essence. Ils ont tenté d'être des précurseurs au Canada; ils ont été obligés de réviser le tir en coupant la surtaxe de moitié lorsque, évidemment, les réalités économiques se sont montré le visage.

Je fais ces liens-là justement pour dire qu'aussi intéressant que ce soit d'essayer de recentrer toute la fiscalité autour de cet objectif-là, ou pour en assurer la diffusion, la promotion, on essaie de voir comment on peut, sans tout dérégler, malgré tout faire preuve d'originalité et être un peu des précurseurs. C'est difficile d'être un précurseur aussi majeur que ça dans l'environnement nord-américain.

Est-ce qu'on peut compter, selon votre expérience, sur des expériences similaires chez nos voisins? Comment la fiscalité en matière

environnementale se compare-t-elle avec celle des autres et qu'est-ce que ça signifierait de remplacer notre fiscalité, sur la base de considérations comme celles que vous souhaitez, sur révolution des autres formes de fiscalité qu'on connaît, les autres formes de taxes sur la consommation, autres qu'énergétique? Évidemment, la taxe sur les revenus, donc sur la production plutôt que la consommation, ça demande évidemment, ça aussi, d'être recentré, je présume.

Est-ce qu'on ne peut pas enrichir davantage la discussion... Et je termine là-dessus, par une question à des gens qui se soucient de ça, je dirais, de façon soutenue. Que pensez-vous du système de la parafiscalité, des permis de pollueur? Je pense que vous connaissez le concept où l'objectif social peut être de dire: On va limiter à tant de millions de mètres cubes, tant de centaines de milliers de tonnes les émissions dans l'atmosphère, dans l'eau ou quoi que ce soit et on va décerner des permis pour telle capacité de pollution à telle et telle personne, qui peuvent réussir à faire mieux que le permis qu'elles ont acquis et qui pourraient - c'est là l'objet de ma question - dans certains cas, vendre à d'autres - donc établir un marché du contrôle de la pollution - cet excédent de pollution qu'elles ont réussi à contrôler, afin de voir comment l'objectif global serait atteint. Ou êtes-vous plutôt des partisans de la ligne plus dure, probablement, qui vise à imposer des rythmes de réductions individuelles par entreprise ou par établissement même d'entreprise?

J'ai essayé de lier fiscalité avec les différents régimes qu'on peut retrouver en matière de contrôle, je dirais, de pollution et je serais extrêmement intéressé de vous entendre là-dessus.

M. Simard: Disons qu'il y a une palette d'incitatifs économiques. D'un point de vue très pragmatique, dans le Clean Air Act, aux États-Unis, ça fonctionne, au niveau de la réduction des émissions atmosphériques. Par exemple, ce marché, cette bourse de droit de polluer, entre guillemets, s'il y a des objectifs clairs de rétrécissement d'émissions en bout de liste, devenant un bien, parce que c'est de plus en plus rare, ces quotas d'émissions atmosphériques, ça nous apparaît une des facettes à envisager, et on n'est absolument pas puristes de ce point de vue là. Je pense que c'est intéressant. Il y a plusieurs facettes, c'est un nouvel esprit de recherche.

Un des premiers incitatifs économiques, peut-être, qu'on oublie souvent, c'est d'arrêter de subventionner la venue d'industries éner-givores ou de subventionner des pratiques écologiquement peu soutenables ou qui vont entraîner des coûts sociaux, des coûts de santé, des coûts d'assainissement. Un premier incitatif, souvent c'est de ne pas encourager une activité qui va nous coûter cher à long terme si on internalise les coûts d'environnement, ce qu'on ne fait pas dans notre comptabilité, mais si on le faisait ce serait beaucoup plus clair. Maintenant, donc, on n'est pas fermés à ce genre de choses là et je pense qu'on peut effectivement recentrer. On l'a dit, et je pense que M. Lefebvre va pouvoir pousser davantage de ce côté-là, il y a un lien très direct entre une société durable et la lutte à l'étalement urbain, parce que cet étalement urbain, souvent, se fait à même des terres agricoles, à même des ressources. L'autoroute 25, un énorme hôpital plus grand que pour les besoins, eh bien, ça nuit. (21 h 40)

Maintenant, sauver Montréal est peut-être le principal défi écologique, et, souvent, s'il y a une fiscalité, par exemple, ou même des programmes créateurs d'emplois encourageants, comme des programmes d'isolation de maisons, ces programmes-là, bien, ce sont des mesures qui sont bonnes pour les ressources et bonnes pour l'économie. C'est ce qu'on essaie de trouver, cette quadrature du cercle, bonne pour l'économie.

Je pense que là-dedans, il s'agit d'avoir une certaine volonté de recherche et de pousser avec beaucoup d'innovation. Je pense qu'il y a des mesures transitoires, il y a des négociations éventuelles. Vous savez qu'Ai Gore, le vice-président actuel des États-Unis, est très, très sensible à ces questions-là. Je pense que le contexte est favorable pour le Québec d'aller là-dedans et de ne pas être le dinosaure écouleur de ressources à bon marché et avec tous les problèmes environnementaux qui vont avec - et je fais référence aux pâtes et papiers - mais de proposer des choses, des solutions nouvelles pour son développement. Une partie de ça, bien, c'est les palettes d'outils fiscaux qu'on vous suggère.

M. Lefebvre (Jean-François): II y avait plusieurs questions; je vais aller dans l'ordre peut-être plus pratique. Premièrement, au niveau de toute la question des permis transférables, à la page 9, justement, on dit qu'il y a deux méthodes qui s'avèrent plus efficaces que la réglementation: les permis et l'utilisation de taxes. Le fait qu'on ait développé plus la question des taxes, c'est qu'il y a quand même peu de cas au Québec où les permis sont utilisables, mais il y en a. C'est tout simplement parce que notre mémoire était déjà imposant qu'on a essayé de centrer sur certains aspects. Notre but, c'était vraiment de démontrer la pertinence d'étudier et d'aller vers des outils économiques, mais les permis sont aussi valables que les taxes.

Dans ce sens-là, je vois que le fait de faire un lien entre une ligne dure et une ligne molle, selon les taxes ou les permis transférables, je dirais que c'est inapplicable dans le sens que ce sont des outils qui sont très valables. La seule

nuance qu'il faut voir, c'est en termes purement d'implantation possible. Pour que le système de permis transférables marche, vous le savez, je pense, il faut qu'il y ait un nombre suffisamment grand d'intervenants pour qu'il y ait une création de marché, donc suffisamment d'entreprises, par exemple, pour le cas des émissions de SO2, mais il ne faut pas que le nombre soit trop grand, comme, par exemple, les émissions qui viennent des véhicules automobiles. C'est impossible d'avoir une négociation rentable à ce moment-là.

Je pense que j'éclaircis là-dedans dans le sens que, notre position, c'est d'aller vers tous ces outils, étant donné que certains sont plus applicables que d'autres et que certains sont plus rentables que d'autres, selon les cas, mais ces outils économiques sont, en général, plus rentables pour les gouvernements, et toutes les études, y compris une récente du gouvernement canadien, d'autres études européennes, là où c'est appliqué, concluent que les outils économiques sont plus rentables pour atteindre le même objectif, coûtent moins cher pour le gouvernement pour atteindre le même objectif et, à coût égal, pour le même investissement du gouvernement, ça permet d'atteindre un objectif environnemental plus élevé. Ça fait que, dans ce sens-là, comme je vous le dis, on a favorisé un outil tout simplement pour le développer, l'analyser un peu plus dans cette démarche-là, et aussi parce qu'il est plus applicable. Je veux dire qu'il va y avoir sûrement trois cas sur quatre où ça va être beaucoup plus la fiscalité directement qu'on va pouvoir utiliser que des permis.

M. Simard: II y a aussi la notion de consigne.

M. Lefebvre (Jean-François): Oui, mais qui rentre un peu aussi à l'intérieur. C'est un peu des mesures intermédiaires.

Deuxième question, la question de remplacer les autres éléments de fiscalité. C'est très important de dire qu'on ne dit pas qu'il faut abolir la fiscalité actuelle, faire une révolution, créer une nouvelle fiscalité basée uniquement sur des taxes environnementales. Ce n'est pas du tout notre intervention. C'est de créer et d'augmenter progressivement les taxes environnementales, qui ne combleront qu'une partie du budget, mais quand même une partie du budget, et qui ne remplaceront pas complètement l'impôt au point de vue objectif de redistribution et au point de vue des autres objectifs sociaux. Il faut aussi tenir compte du fait que, comme un des buts des taxes environnementales, c'est de modifier la consommation, de réduire la consommation de nuisances environnementales, ça entraîne une instabilité plus grande qui fait en sorte que ce genre de mesure ne peut pas, à elle seule, remplacer la fiscalité actuelle.

Ce qu'il faut voir, c'est que la position n'est pas du tout l'extrémisme, mais le réalisme de dire qu'une fiscalité cohérente dans un gouvernement devrait faire en sorte qu'on taxe un peu plus ce qui entraîne des coûts sociaux plus élevés ou qu'on subventionne et qu'on ne taxe pas ce qui entraîne des bénéfices économiques. Et c'est d'aller progressivement vers ça, tout simplement, ce qu'on propose, au niveau de la question de remplacer les autres fiscalités.

M y a un élément de la question qui était extrêmement important, c'est la question de l'Hôtel-Dieu, l'autoroute 25. Ici, je crois que ce n'est pas une question de mauvaise volonté, mais c'est une question, je dirais, d'information scientifique où il faut faire un point. Il y a un mythe de dire que le déplacement des emplois vers les banlieues permet de rapprocher les emplois de là où les gens sont maintenant qu'il y a déjà eu un début d'étalement urbain. Sauf que toutes les études démontrent qu'il est impossible d'avoir un transport en commun efficace de banlieue à banlieue, que tout emploi qui est déplacé en banlieue... Puis je parle d'études qui ont été faites à travers... Entre autres, l'étude de Newman et Kenworthy a été faite à travers 32 villes à travers le monde. Toutes les fois que des emplois sont déplacés, la proportion de déplacements faits en automobile est tellement accentuée que, même si une partie des gens vont se retrouver plus proches des emplois, la consommation d'essence monte en flèche. C'a été prouvé par toutes les études et c'est le cas, d'ailleurs, même pour les données qui sont faites sur le transport dans la région de Montréal. On constate que de banlieue à banlieue, c'est 82 % des gens qui prennent l'automobile, alors que, si on a un réseau de transport en commun qui est de façon radiale, en forme d'étoile vers un centre, on peut aller chercher une proportion beaucoup plus grande d'utilisateurs du transport en commun ou de covoiturage, ce qui veut dire que cet argument n'est pas valable. Je m'en excuse, dans un sens.

Le fait de déplacer l'Hôtel-Dieu va entraîner une accentuation de l'utilisation de l'automobile, entre autres à cause de la croissance de l'inefficacité à tous les niveaux, parce qu'on prend l'automobile même pour aller au dépanneur au coin ou pour aller acheter du pain.

Dernière remarque sur cet aspect-là: la construction de l'autoroute 25. Le fait d'avoir un développement autoroutier... Vous avez une analyse justement qui a été faite à la page XX, en chiffre romains, donc, dans l'annexe. Et c'est justement démontré là aussi que, si on accentue l'étalement urbain, on fait en sorte que la consommation d'essence est augmentée parce qu'il y a réduction au niveau de l'énergie marginale consommée par véhicule sur une certaine distance, mais il y a allongement des distances faites, allongement du taux de motorisation et aussi une part plus grande des gens qui se déplacent, à ce moment-là, par automobile plutôt que par le transport en commun. Et toutes les

études empiriques démontrent que la construction d'autoroutes tend à augmenter la consommation d'énergie à cause de l'impact structurant qui est plus important que l'impact marginal.

Quand je parle d'impact marginal, c'est le fait de dire qu'il y a au moins quelques familles qui vont pouvoir être plus proches de leur lieu de travail, par exemple, parce qu'il y a un nouveau pont, on a ajouté une nouvelle voie au réseau routier, sauf que les études empiriques démontrent que l'effet structurant, donc tous les impacts sur le nombre d'automobiles, sur les distances parcourues, fait en sorte qu'on augmente quand même la consommation d'énergie.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de Labelle.

M. Léonard: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais vous féliciter pour votre mémoire, pour ce qu'il représente en termes d'idées et de perspectives quant à l'avenir. Je suis convaincu que ce que vous dites aujourd'hui et ce qui sous-tend les études que vous avez faites, à mon sens, c'est fondamental pour la génération qui vient et les générations qui viennent. (21 h 50)

La question que je me pose, après vous avoir entendus, porte essentiellement sur l'aspect politique de ces questions. Vous avez fait une foule de calculs que je comprends, je pense, mais la réalité, c'est que, si vous prenez un exemple... Vous avez l'autoroute 25; au fond, c'est un facteur d'étalement urbain. Ou prenez n'importe quelle autoroute, c'est un facteur d'étalement urbain, c'est évident. Mais la question, c'est comment dire à des gens qui habitent en dehors, qui ont choisi d'aller en dehors, après qu'ils soient installés: II n'y aura pas d'autoroute, et donc qu'ils vont être pris, durant une heure et deux heures, dans des embouteillages? Et, plus le temps va passer, plus le temps de l'embouteillage va grandir.

Moi, je comprends l'objectif que vous poursuivez, parce que, si on avait pris en considération les facteurs climatiques qu'il y a au Québec, notamment, on aurait dû normalement concevoir un habitat très resserré où l'économie des transports aurait été le facteur déterminant. En réalité, aujourd'hui, on trouve dans des pays chauds des habitats très resserrés et puis, eux, auraient peut-être besoin de plus d'espace, alors que, nous, nous avons fait le contraire, ce qui nous amène une foule de problèmes présentement.

Lorsque nous faisons le bilan énergétique au Québec, au Canada... Je pense même qu'au Québec nous consommons encore plus d'énergie que dans le reste du Canada, et c'est comme ça sur toute la ligne, et le Canada est un des pays, sinon le pays qui consomme le plus d'énergie. On parle de l'énergie parce que c'est une mesure assez significative de l'épuisement des richesses naturelles, des sols, de l'air, de tout ce qu'on veut.

Moi, je dois dire que, il y a maintenant 14 ans. nous avions publié, à l'époque, l'«Option d'aménagement de la région métropolitaine de Montréal», qui contenait une bonne partie des postulats que vous défendez aujourd'hui. Sauf que je ne peux pas dire, après ces 14 ans, que c'a été un best-seller. Je dois le dire. Et la question, c'est que, finalement, il y a toute une foule de facteurs qui tirent en sens contraire à ce que nous considérons, je pense, à juste titre, comme étant la chose à faire. L'économie d'énergie, ça commence déjà et surtout par un plan d'aménagement, un plan d'urbanisme très concret, et je ne pense pas que ce soit une marotte de le dire comme cela parce que c'est fondamental. Cela représente en quelque sorte la conception de la société qu'on veut avoir pour le long terme.

Comment pensez-vous qu'on peut amener à modifier cette conception de la société? Et là je pense que c'est fondamental, parce que, même si vous faites des calculs d'économie d'énergie à quelqu'un qui est en banlieue ou qui rêve d'aller en banlieue avec ses deux ou trois enfants, vous avez, disons, une côte à remonter. Je pense qu'il faut le prendre comme cela. Au fond, il faudrait que tous les intervenants - et c'est pour ça que je le situe à un plan politique - dans une société soient profondément convaincus de l'orientation qu'il faut prendre là-dessus. Et quels sont les moyens que vous voyez au-delà des calculs? Les calculs peuvent convaincre intellectuellement, mais je ne suis pas sûr que ça modifie une décision.

M. Simard: Oui. Je trouve que c'est une réflexion intéressante. C'est très pertinent. À la limite, ça pourrait se résumer: Comment vendre ça au public?

M. Léonard: Oui, mais sans le dire... M. Simard: C'était mieux dit, là, mais...

M. Léonard: ...de façon péjorative parce que, au fond, on est convaincus qu'à terme c'est une bonne chose.

M. Simard: Oui. Mais je pense avoir bien compris votre point et je pense que c'est important. C'est-à-dire que, là-dedans, je pense qu'il faut savoir manier jusqu'à un certain point la carotte et le bâton. Je suis pour l'«austérité joyeuse», selon l'expression de Pierre Dansereau. Et M. Jack Lang avait dit qu'il était un environ-nementaliste de type sensuel; disons que je suis un peu dans cette approche-là aussi. Mais, essentiellement, il y a moyen... Comme on a dit, par exemple, si on fait une taxe sur les nuisances écologiques, ça veut dire que peut-être pour un produit recyclé fabriqué au Québec il peut y

avoir exemption de TVQ. Peut-être qu'un produit qui a l'écologo, qui n'est pas nuisible pour l'environnement, on peut, lui, le récompenser. C'est une façon de voir.

Actuellement, on a présenté facilement, un peu comme mythique, la vie à la banlieue comme étant les grands espaces et le rêve américain. Quand on est dans un bungalow sur le bord de l'autoroute 40 à Repentigny, je ne suis pas sûr si ça correspond à ça parfaitement, et il y en a en mautadit! Et souvent, c'est à cause que les logements ne sont pas chers que les gens vont là, beaucoup plus que pour le régime de vie idyllique. Et, moi, je suis un habitant de centre-ville particulièrement heureux d'être au centre-ville et près des spectacles et des services. D'ailleurs, le GRAME a développé, et on pourra vous en parler, la notion de qualité «équivalent bungalow» dans les centres-villes. On doit donc développer des centres-villes plus viables, accessibles, faire payer peut-être les coûts régionaux assumés par les seules grandes villes centrales et anciennes pour l'ensemble de la région - ça fera plaisir au maire de Montréal que je dise ça -mais essentiellement, c'est comme ça. Par exemple, les coûts pour Québec sont très, très nombreux. Ses écoles ferment et on construit des écoles à Saint-Romuald, Saint-Jean-Chrysostome et les gens s'entretuent, presque, pour avoir ces nouvelles écoles et ces lieux d'écoles là. Je pense que, si on arrête l'hémorragie de l'étalement urbain, déjà...

Et est-ce qu'on doit, par exemple - la question se posait au niveau des inondations - toujours payer pour des sinistrés qui se sont bâtis dans des zones inondables tout en le sachant depuis le début? Et, si vous faites un choix d'aller vivre à Baie-Saint-Paul, est-ce qu'on doit vous amener une autoroute à quatre voies pour aller chez vous, à votre bureau? C'est un choix individuel que vous avez fait d'aller à Baie-Saint-Paul et vous en subissez, jusqu'à un certain point, les bouchons. Baie-Saint-Paul, c'est parce que je viens de Québec, mais on va dire... Saint-Jérôme a peut-être des problèmes plus gros de trafic au retour. Essentiellement, il y a ça. Et c'est souvent parce que le bungalow est vendu moins cher que ses coûts réels en termes de ressources, d'énergie et de coûts sociaux qu'on retrouve plein de monde là qui ne peuvent pas se payer la maison à Montréal qui est très chère, taxée et qui est plus chère à acheter.

Je pense qu'il faut faire attention entre le rêve américain des gens qui vivent en banlieue, en termes de perception politique, et la vie d'enfer de vivre dans un centre-ville près des grands centres de spectacle. Je pense que c'est beaucoup conditionné par le prix là-dedans, et il y a la façon de manier la carotte et le bâton et d'orienter, sans nécessairement être à la remorque d'une impression de la volonté populaire et non du bonheur populaire.

M. Léonard: En parlant de carotte et bâton, j'ai le goût de vous citer une phrase, dans Suétone, qui décrivait la vie de Vespasien. C'est une phrase très laconique qui dit ceci: Rome ayant été dévastée par les incendies sous Néron, Vespasien permit à quiconque le désirait de construire si le propriétaire y renonçait. Et il a rebâti Rome comme cela.

Je veux juste dire qu'une des grandes questions, c'est finalement toute la question de la spéculation sur les terrains vacants, et cela, dans les centres-villes, est mortel parce que cela amène, évidemment, la destruction de logements, mais la déstructuration ultérieure en cascade des centres-villes. Je pense que c'est une des grandes considérations, parce que cela affecte les budgets de tous les gouvernements. Cela affecte nécessairement le budget du gouvernement fédéral présentement, mais aussi du gouvernement du Québec, toutes les politiques d'habitation, de fiscalité, et le budget des municipalités. Donc, aux trois niveaux, les budgets publics sont affectés. Si on parle des finances publiques dans leur entier, on y est amené par les questions d'habitation et les questions d'immobilisation, de construction, et là, le plan - je reviens à toute la problématique politique dans son sens large - qu'une société se donne, les conceptions qu'elle développe dans l'esprit de ses jeunes pour l'avenir sont primordiales et déterminantes.

Moi, j'écoute le discours de tout ce qu'on appelle écologiste, environnementaliste, que je partage beaucoup, et je me demande toujours comment faire avancer sans que ça ait l'air d'une croisade, parce que ce n'est pas une croisade, c'est une conception. Je pense que c'est celle de l'avenir et que c'est comme ça qu'on va s'en sortir. Mais là, on touche à du long terme, évidemment, mais le long terme, c'est toujours à condition de commencer maintenant.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Labelle.

M. le député de Saint-Louis. (22 heures)

M. Chagnon: Je suis content, M. Simard, que vous nous ayez ramené au niveau du plancher des vaches. C'est un peu plus facile que de comprendre la querelle de savants que l'on retrouve en page XX du document où «les données empiriques, dont celles obtenues par Newman et Kenworthy, tendent à infirmer les conclusions de Pierre Veillât, professeur à l'Université de Montréal, qui affirmait que le prolongement de l'autoroute 25, etc.» Enfin, je partage le diagnostic que vous avez fait. Effectivement que l'étalement urbain amène des coûts sociaux. Les exemples que vous avez mentionnés... Le transport des écoles; les écoles se vident dans le centre-ville de Montréal, c'est un cas. Je représente le centre-ville de Montréal, on n'a presque plus d'écoles primaires, il en reste une, deux écoles secondaires. Par contre, en

banlieue, il y a des demandes de construction partout.

Si on veut avoir une approche écologique ou environnementale, lorsqu'on regarde la fiscalité de la consommation de produits qui amène, par exemple, une augmentation du monoxyde de carbone, comme vous le mentionnez, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de regarder les produits qui sont sur le marché, par exemple l'essence sans plomb, l'essence avec plomb et le gaz? On sait, tout le monde, que le gaz naturel serait sûrement le produit le moins toxique. L'essence sans plomb, le second produit le moins toxique, puis l'essence avec plomb, le pire des trois. Si la fiscalité faisait en sorte qu'au litre l'essence avec plomb soit nettement plus élevée que son prix, ou s'il y avait une taxe, taxer de façon beaucoup plus importante que l'essence sans plomb qui, elle-même, serait taxée de façon plus importante que le gaz naturel, n'y aurait-il pas lieu de faire la promotion, par ce chemin-là, ce biais fiscal, de transfert de technologies pour l'utilisation de la voiture, qui est un des facteurs majeurs de la dégradation de notre environnement particulièrement urbain? Ça, c'est la base.

Maintenant, quand on regarde l'organisation sociale, outre Vespasien, quand le baron Hauss-mann a eu le contrat de dessiner l'organisation de la vie à Paris, il s'y est pris sans tenter de mettre, dans le milieu de la ville, les tours à bureaux, puis de penser que le monde va déménager à Neuilly pour se promener soir et matin, c'est sûr. Il a fait une ville qui est organisée, le centre-ville de Paris est un des plus beaux au monde, avec le centre-ville de Londres, si on veut, mais il a eu une réflexion, une pensée, une vision de la vie dans un milieu fortement urbanisé qui fait que ça fait un endroit plus vivable.

Mais, si je reviens au type de fiscalité qui pourrait, de façon très terre à terre, faire en sorte de remplacer la fiscalité qu'on retrouve actuellement, par exemple, sur l'essence...

M. Lefebvre (Jean-François): La compléter là.

M. Chagnon: ...est-ce que vous pensez que ce serait une approche peut-être un petit peu plus simple que de reprendre le premier bout de la page XX que vous nous avez suggéré et qu'il y aurait aussi un avantage à court terme important?

M. Lefebvre (Jean-François): Je pense que l'idée d'avoir une vision d'ensemble, c'est justement un peu ce qu'on promouvoit, et je suis très content de vous l'entendre dire. Quand on arrive avec quelque chose de nouveau, souvent ça a l'air plus complexe que ça ne l'est. On peut déjà préciser qu'en termes administratifs, souvent, les taxes environnementales sont beaucoup moins coûteuses à administrer, beaucoup plus simples que ne le sont les taxes comme la TVQ ou la TPS. Vous avez parlé de la question d'avoir justement une taxation différentielle qui favorise les sources énergétiques les plus efficaces, et c'est exactement ce qui est proposé.

Une des mesures intéressantes, c'est une taxe sur le carbone, ce qu'on appelle «taxe d'équivalent carbone», qui taxe, à ce moment-là, en fonction d'un impact sur l'effet de serre des différents types d'énergie. Là-dessus, il faut juste mentionner que le méthane, le gaz naturel, à cause des émissions de méthane, s'en tire moins bien qu'il ne paraît parce que chaque molécule de méthane fait 25 fois plus d'effet de serre qu'une molécule de CO2. C'est comme si on disait: II y en a moins, mais il est plus toxique. C'est un exemple, parce que ce n'est pas une question de toxicité, mais l'image est là.

À la fois ça a l'air complexe, mais à la fois il y a des exemples extrêmement simples. Vous avez dans le document une étude sur une série de taxes vertes potentielles aux États-Unis, et on . voit que ça peut se résumer à sept ou huit taxes environnementales. Donc, à la page 16 du document, ce qui peut être beaucoup plus concret que la page XX. Donc, vous voyez qu'il y a un ensemble de taxes sur les combustibles fossiles, les déchets dangereux, les pesticides qui sont des mesures très concrètes, très terre à terre, auxquelles on en a ajouté d'autres dont on a parlé tout à l'heure.

Pour revenir un peu à quelque chose qui a été dit tout à l'heure...

Le Président (M. Lemieux): Si vous voulez être bref, parce que le temps du député de Saint-Louis est écoulé et pour permettre à Mme la députée de Taillon d'intervenir parce qu'il lui reste encore cinq minutes.

M. Lefebvre (Jean-François): O.K. Juste pour finir, il y a de petites mesures très concrètes, comme des surtaxes sur les terrains vacants dans les centres urbains, qui permettent de contrer la spéculation, des mesures qui ont été adoptées par certaines villes américaines, qui permettent, à ce moment-là, d'être une façon intelligente de contrer l'étalement urbain, d'empêcher qu'on s'établisse en banlieue alors qu'on garde des terrains bien situés inutilisés à cause de la spéculation. Encore là, c'est des mesures fiscales intelligentes et très accessibles qui sont envisagées.

M. Simard: M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): Oui, brièvement.

M. Simard: ...oui, juste un petit mot pour dire que la spéculation existe aussi en banlieue, si on regarde dans la région de Terrebonne. Je voulais quand même préciser que ce n'est pas un trait urbain, si on peut dire.

Le Président (M. Lemieux): Ça va. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président.

Je voudrais, à mon tour, vous féliciter pour votre mémoire qui est très riche à bien des égards. Évidemment, on n'en a vu qu'un certain nombre d'éléments de base parce qu'il est beaucoup plus élaboré quand on le lit et quand on passe à travers.

Je pense que toute cette discussion autour de l'étalement urbain est une discussion absolument essentielle, à ce moment-ci, et ça va de soi que, à mon point de vue, la carotte, c'est d'essayer d'imaginer une telle qualité de vie dans nos villes qui va faire en sorte que les gens vont avoir le goût d'y vivre avec armes et bagages et, surtout, avec enfants. Je pense que c'est beaucoup un des défis auxquels est confrontée notre société moderne, mais, en même temps, il faut être réalistes, effectivement, sur la reconnaissance des coûts pour les gens qui vont s'installer en banlieue, parce qu'ils profitent des installations du centre sans avoir à en assumer les coûts. Alors ça aussi. Donc, ça, ce serait plutôt le bâton, mais il faut qu'il y ait une carotte quelque part. Je pense que mon collègue positionnait bien toute cette probiématique-là. Je pense que c'est essentiel que ce soit le cas.

Je vais faire juste deux commentaires et, après ça, vous entendre sur une question qui est un petit peu plus large. D'abord, sur la question de l'Hôtel-Dieu et de son déplacement vers l'extérieur du centre-ville; pas à l'extérieur de Montréal, vers l'extérieur du centre-ville. Je pense que ce serait faire une mauvaise évaluation que d'oublier le fait qu'il y a une autre raison pour que l'Hôtel-Dieu reste au centre-ville, c'est toute la synergie utile, nécessaire et souhaitable pour que des institutions soient en lien les unes avec les autres et que leurs décideurs soient en lien les uns avec les autres. Quand je disais: II y a la carotte, c'est ça aussi, la qualité. Ça, c'est la qualité de vie professionnelle; c'est d'un autre ordre, mais c'est tout aussi important si on veut conserver au centre de nos villes une vie, non seulement une vie où on peut s'y divertir, mais une vie aussi où on peut y oeuvrer au plan professionnel en étant en contact avec tous les organismes ou toutes les institutions utiles pour accomplir sa tâche. Et il y a une autre raison, donc, et c'est celle-là, à mon point de vue, au fait que l'Hôtel-Dieu reste au centre, en plus de celles que vous avez identifiées et qui sont aussi pertinentes et justes. Mais il ne faut pas oublier celle-là parce que, dans tout notre débat, si on ne revient pas au fondamental, qui est le fait qu'on ménage une qualité de vie humaine et professionnelle, on n'atteindra pas notre objectif. On ne sera que coercitif pour nous permettre d'y parvenir et, souvent, la coercition ne donne pas les résultats escomptés mais crée des effets pervers. On en discute depuis quelques jours, d'ailleurs, pour un certain nombre de taxes. (22 h 10)

D'ailleurs, c'est intéressant, parce que vous faites une remarque à la page 8. En fait, pas une remarque, mais vous concluez d'une analyse que vous faites, reliée au prix de l'essence plus élevé, par exemple, en Europe, au Japon, en disant «sont ceux où les citoyens utilisent le moins l'automobile pour leurs déplacements, comparés aux Nord-Américains». Vous avez raison en partie, à mon point de vue, mais il y a des réalités historiques aussi qui ont fait que les gens se sont regroupés parce que c'était utile, nécessaire et souhaitable qu'ils se regroupent et que les transports en commun étaient la seule façon de se déplacer. Donc, ça a donné le résultat que l'on connaît maintenant. Mais, comme la vie y est réelle et y est complète, on n'a pas le goût de passer à un autre modèle, et les outils, comme ceux de la taxation sur l'essence sur les moyens de transport qui sont coûteux pour l'environnement, tel l'automobile, eh bien, viennent confirmer ce choix-là. Mais il faut être prudent, je trouve, dans un certain nombre d'analyses.

Si, maintenant, vous aviez à nous dire: II y a des pays dans le monde qui sont les chefs de file quant à l'application de mesures fiscales qui n'ont pas d'effets pervers mais qui ont des effets incitatifs quant à la protection de l'environnement, quant au respect de son futur et des ressources qui seront utiles et qui le sont maintenant pour nous assurer de notre progrès, est-ce que vous auriez un certain nombre d'exemples à nous donner?

M. Simard: Peut-être un petit point, juste avant, sur la question de la qualité et le plaisir de vivre dans un centre-ville. On a publié, et je pense que vous en avez eu une copie dans la première livraison du mémoire, dans le magazine Franc-Vert, édition de l'été, on a fait un petit montage graphique où les auteurs se sont amusés à faire des parcs en terrasses au centre-ville. Bon. Naturellement, il y a des solutions au niveau de jardins, etc., pour rendre davantage intéressant et pour adoucir le climat, l'été notamment, dans les centres-villes. C'est une chose qu'on peut imaginer.

C'est vrai peut-être, les remarques que vous avez faites, pour le Japon, peut-être un petit peu moins pour l'Europe où il y avait toujours possibilité, mais souvent au niveau d'un plaisir de vivre ensemble; en Europe, ce n'est pas toujours pour des raisons de surpopulation dans certains milieux, là, mais des choix de vivre en communauté assez près. C'est des choix aussi culturels, d'accord, mais il n'est pas dit que ce ne sont pas des choix qu'on aurait fait naturellement si on n'avait pas été incité à gruger sur nos ressources.

M. Lefebvre (Jean-François): J'irais un petit peu dans l'ordre, dans le sens où il y a plusieurs questions auxquelles on n'a pas encore répondu. Premièrement, pour revenir à quelque chose qu'on a dit un petit peu antérieurement, avant d'arriver à la dernière question, on parlait de la question de dire à des gens... Et c'est un gros débat, je pense, qui est bien important, qu'on n'a pas fini. Tout à l'heure, on disait: Comment on fait pour dire à des gens, après coup, il n'y aura pas de pont? Ça, je pense que c'est un gros débat parce que, bon, on sait que, électorale-ment, ça paraît très bien d'annoncer un nouveau pont. Ce qu'il faut voir, ce qu'il est très important de voir, c'est qu'à cause de l'impact structurel la construction d'un nouveau pont - là, je ne parle pas de ne pas avoir de pont du tout - à partir du moment où il y en a déjà plusieurs, la construction d'un nouveau pont ne fait qu'accentuer l'utilisation de l'automobile; ça fait en sorte qu'on se retrouve à avoir tous nos autres ponts embouteillés et on demande encore de nouveaux ponts. C'est une fuite en avant, et c'est ce qui est arrivé pour la construction de l'autoroute 13 qui devait décongestionner l'autoroute 15. Bon. Ça, c'est juste pour nous situer, je pense, dans un fait, même si ça date de quelques années: On a maintenant nos deux autoroutes qui sont congestionnées.

Ensuite, quelque chose qui est bien important. J'ai même déjà vu un maire d'une ville de banlieue de la Rive-Sud de Montréal qui personnellement me confiait que le premier choix que lui et sa femme voulaient faire pour s'établir avec leur famille, c'était d'aller à Montréal. C'est uniquement pour des raisons économiques, parce que les taxes étaient moins chères en s'établis-sant en banlieue, qu'il l'a fait. Donc, c'est un mythe de dire qu'il y a un rêve d'aller en banlieue qui est général. Si on arrive à intégrer progressivement une partie au moins des coûts environnementaux, on pourrait faire en sorte d'avoir un rééquilibrage de l'assiette fiscale où là, présentement, les villes centrales qui ont bâti des infrastructures il y a 20, 30 ans ou 50 ans se trouvent à avoir des coûts énormes à assumer maintenant, et les gens ont juste à déménager pour éviter ces coûts-là et se retrouver à payer moins de taxes municipales sans compter, bon, toute la question, par exemple, du délestage au niveau des subventions de transport en commun. Mais, même si on reste juste au niveau du transport en commun-infrastructure, ça veut dire que les familles en ville augmentent leur fardeau fiscal alors que les familles en banlieue vont se servir des services de la ville, mais ne paieront pas pour les coûts. C'est tout ça qu'il faut tenir en compte à ce moment-là.

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions de votre participation à cette commission parlementaire.

Le temps étant écoulé, nous ajournons nos travaux à demain matin, 10 heures, et non pas à 9 h 30, eu égard au désistement d'une des parties.

Je répète, nous ajournons nos travaux à demain matin, 10 heures. Je vous remercie de votre collaboration.

(Fin de la séance à 22 h 15)

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