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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 16 avril 1996 - Vol. 35 N° 2

Étude des crédits du ministère des Finances


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Table des matières

Journal des débats


(Quinze heures trente minutes)

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, la commission du budget et de l'administration est réunie afin de procéder à l'étude des crédits budgétaires du ministère des Finances, programmes 1 à 8, pour l'année financière 1996-1997.

Alors, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui. Alors, j'annonce le remplacement de M. LeSage (Hull) par M. Thérien (Bertrand).

La Présidente (Mme Barbeau): Merci. Alors, une période de cinq heures a été allouée pour l'étude du programme relevant du ministère des Finances, répartie de la façon suivante: de 15 heures cet après-midi à 18 heures – on va peut-être déborder un petit peu parce qu'on est en retard – et, ce soir, de 20 heures à 22 heures, c'est-à-dire trois heures cet après-midi et deux heures ce soir.

Alors, avant de passer à l'étude des crédits, on va préciser le mode de fonctionnement. Il a été entendu, si les membres sont toujours d'accord, de procéder avec l'étude du programme qui est en rapport avec la Commissions des valeurs mobilières d'abord et, ensuite, de façon générale, les crédits seront votés à la fin, à la toute fin ce soir. Alors, est-ce qu'il y a toujours consentement, monsieur?

M. Bourbeau: Oui, mais, pour ce qui est du débordement, je ne suis pas très fort sur les débordements. J'aimerais bien qu'on puisse finir à 18 heures, à moins que...

La Présidente (Mme Barbeau): Mais il faut qu'on aille à cinq heures.

M. Bourbeau: Pardon?

La Présidente (Mme Barbeau): Il faut qu'on fasse cinq heures, alors...

M. Bourbeau: C'est obligatoire?

La Présidente (Mme Barbeau): On n'est pas obligé? O.K. On verra où on en est, monsieur. Je redemanderai le consentement à l'heure précise.

M. Bourbeau: On verra.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, M. le ministre, pour les remarques préliminaires, vous avez 20 minutes, et, ensuite, le critique de l'opposition officielle. M. le ministre.

M. Landry (Verchères): En matière d'étude des crédits, les désirs de l'opposition sont des ordres. S'ils veulent finir à 18 heures, on finira à 18 heures.

M. Bourbeau: C'est les débordements que je n'aime pas.


Commission des valeurs mobilières du Québec (CVMQ)


Remarques préliminaires

La Présidente (Mme Barbeau): On reviendra avec ça à 18 heures. Pour l'instant, c'est les remarques préliminaires.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Bon. Alors, Mme la Présidente, comme vous l'avez souligné, il serait utile de libérer le président et ses adjoints de la Commission des valeurs mobilières, qui doivent rentrer à Montréal pour une activité en soirée. Alors, on va d'abord parler de ça.

La réglementation du marché financier, comme vous le savez, constitue une préoccupation fondamentale. Nous sommes convaincus que l'efficacité et le dynamisme des marchés financiers québécois dans l'ensemble nord-américain peuvent contribuer puissamment au développement de notre économie et à l'accroissement de la richesse collective. C'est d'ailleurs cette conviction qui avait guidé le gouvernement du Parti québécois en 1982 à présenter à l'Assemblée nationale un projet de refonte globale de la législation des valeurs mobilières. Plus de 15 ans plus tard, nos politiques doivent composer avec un environnement qui, comme chacun le sait, est radicalement différent.

D'abord, les marchés financiers évoluent vers un niveau d'intégration de plus en plus poussé. C'est un phénomène qu'on a tantôt appelé l'internationalisation, la mondialisation, la globalisation, mais tout ça désigne le même phénomène d'un marché mondial de plus en plus unique, voire instantané. Quelle que soit donc la terminologie utilisée, l'on s'aperçoit que, grâce au progrès de la technologie des communications, il devient de plus en plus facile d'investir partout dans le monde. L'argent est fluide.

Les obstacles techniques ayant été en bonne partie levés, il nous reste maintenant à nous pencher sur les meilleures façons de lever les obstacles de nature réglementaire et à redéfinir les règles afin de mieux les adapter à ce nouveau contexte. La coopération internationale entre autorités de réglementation, qui a connu un développement remarquable au cours de la dernière décennie, a déjà donné d'excellents résultats dans ce domaine, et nous sommes confiants qu'elle continuera à le faire.

À ce sujet, on me permettra de souligner le rôle de premier plan qu'a joué notre Commission des valeurs mobilières du Québec dans le développement de cette coopération internationale; rôle beaucoup plus important que celui auquel on aurait pu s'attendre compte tenu du poids relatif de nos marchés dans l'ensemble mondial. Au plan canadien, la concertation entre commissions et autorités de surveillance des valeurs mobilières, déjà amorcée sur une base régulière entre les provinces et territoires au début des années soixante, s'est intensifiée au cours de la dernière décennie, aussi bien du point de vue des investisseurs que des émetteurs. Il m'apparaît essentiel que les divers segments du marché financier canadien soient soumis à une réglementation qui soit suffisamment harmonisée dans ses principes et sa mise en oeuvre.

Je pense ainsi que les commissions de valeurs mobilières, et en particulier celle du Québec, ont réalisé jusqu'ici un très bon travail d'harmonisation; travail qu'elles poursuivent d'ailleurs avec beaucoup de persévérance. Mais, évidemment, on doit toujours se soucier que cette harmonisation soit porteuse de développement et d'accès aux marchés financiers pour nos concitoyens et ne devienne pas un obstacle à l'innovation ou au progrès.

Aujourd'hui, certains gouvernements provinciaux et certains intervenants de l'industrie canadienne des valeurs mobilières semblent vouloir prêter l'oreille au chant des sirènes fédérales qui prônent les vertus de la centralisation en ce qui a trait à la réglementation des valeurs mobilières. J'espère qu'avant de mettre le cap sur les écueils ceux qui sont réceptifs à ce discours pèseront bien le pour et le contre. D'ailleurs, je suis convaincu que ce débat va prendre de plus en plus de consistance au cours des prochaines années, et des prochaines semaines et des prochains mois en particulier, ce qui permettra sans doute à ceux qui s'opposent à une commission fédérale des valeurs mobilières de faire contrepoids au discours à sens unique qui nous a été servi jusqu'ici à ce sujet. On parle de décentralisation, mais, à la première occasion, on centralise.

Nous aurons donc de grands défis, Mme la Présidente, à relever, dans le domaine de la réglementation du secteur financier, d'ici la fin du siècle, et en particulier dans le secteur des valeurs mobilières. Nous aurons d'ailleurs l'occasion de nous pencher sur cette question le mois prochain, lorsque cette commission parlementaire sera appelée à se pencher sur les propositions mises de l'avant dans le rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur les valeurs mobilières en 1993, que j'entends mettre à jour et compléter par un énoncé complémentaire qui sera rendu public d'ici là.

Vous remarquerez que le programme 7 du budget des dépenses du ministère des Finances, qui vise le contrôle, précisément, la surveillance, le développement du commerce des valeurs mobilières, réussit, malgré l'effort collectif de compressions qui est appliqué à l'ensemble des dépenses des organismes gouvernementaux, à traduire néanmoins notre préoccupation de maintenir, à la Commission des valeurs mobilières du Québec, un niveau de ressources et une enveloppe de crédits qui lui permettent de suivre l'évolution des marchés et de maintenir sinon d'accroître sa performance sur le plan du contrôle et de la surveillance des marchés. À ce sujet, celui qui vous parle est bien conscient de la nécessité, autant pour des motifs de protection de l'investisseur québécois que de développement de notre économie, de conserver à la Commission les moyens qui lui permettront de garder à sa vision toute l'acuité appropriée et la meilleure efficacité possible à son action.

C'est pourquoi, Mme la Présidente, nous proposons qu'il y ait une modeste diminution des crédits alloués à la Commission des valeurs mobilières du Québec pour l'exercice 1996-1997, égale à 0,87 % des crédits qui lui ont été votés pour 1995-1996. Ce n'est pas énorme, surtout à la lumière du fait que l'effectif total de 124 postes, qui avait été autorisé à la Commission l'an dernier, est intégralement maintenu.

Avant de procéder plus avant, j'inviterais, avec votre permission, madame, le président de la Commission des valeurs mobilières du Québec, Me Jean Martel, à nous brosser un tableau des réalisations de l'exercice précédent qui auront un impact pour 1996-1997 et des perspectives où l'action de la Commission devra s'inscrire. Il nous exposera également certains de ses objectifs pour l'exercice qui vient. Je vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme Barbeau): Est-ce qu'il y a consentement? Oui? Juste avant, une petite seconde, j'aurais un consentement à demander aux membres pour un remplacement. M. le secrétaire.

Le Secrétaire: Oui. Alors, ce serait pour remplacer M. Beaulne (Marguerite-d'Youville) par M. Baril (Berthier).

La Présidente (Mme Barbeau): Merci. Alors, M. Martel.

M. Landry (Verchères): M. Gilles Baril est déjà assis à nos côtés, puisque c'est mon adjoint parlementaire.

La Présidente (Mme Barbeau): Oui, mais il faut...

M. Landry (Verchères): Mais vous le remplacez...

La Présidente (Mme Barbeau): Il faut le signifier, etc.

M. Landry (Verchères): ...comme membre de la commission. Ça va enrichir notre commission, madame.

La Présidente (Mme Barbeau): C'est ça. Pardon?

M. Bourbeau: Il n'est pas en conflit d'intérêts? Il peut poser des questions au ministre et il avise le ministre pour les réponses. Alors, il me semble qu'il va être des deux côtés de la clôture en même temps, là. Mais ce n'est pas grave, Mme la Présidente, c'est une observation que je faisais, c'est tout.

La Présidente (Mme Barbeau): Mais vous êtes assez fort pour vivre avec ça? Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Ah oui, pas de problème!

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, M. Martel.

M. Martel (Jean): Merci, Mme la Présidente. L'exercice 1995-1996 en a été un de consolidation, de réalignement et de recentrage pour la Commission des valeurs mobilières du Québec. Il nous a fallu, en effet, consolider nos forces dans l'attente des défis auxquels nous conviera la prochaine révision quinquennale de la Loi sur les valeurs mobilières. Il nous a fallu réaligner, en autant que faire se pouvait, les ressources dont nous disposions, afin de pouvoir jouer, dans le cadre de certaines initiatives canadiennes et internationales, un rôle qui reflète mieux la pertinence du point de vue du Québec. Et, enfin, il nous a fallu travailler à jeter les bases d'une vision nouvelle qui soit capable de recentrer l'action de la Commission sur les problématiques qui domineront l'évolution de la réglementation dans les années qui viennent. Ainsi, la globalisation des opérations en valeurs mobilières et l'intégration de plus en plus forte des marchés financiers canadiens nous ont amenés à resserrer davantage notre collaboration avec les autres autorités de contrôle et de surveillance, et ce, tant à l'échelle nationale qu'internationale.

Ces efforts donneront notamment des résultats au plan canadien au cours des prochains mois. On assistera ainsi à la mise en opération du système électronique de données, d'analyses et de recherches, qu'on a appelé sous l'acronyme SEDAR, qui a été mis au point par les autorités en valeurs mobilières du pays. Ce système permettra aux émetteurs de procéder, par voie électronique, au dépôt de documents exigés par les législations de valeurs mobilières. Largement uniformisé sur le plan normatif et intégré d'un océan à l'autre, le SEDAR simplifiera la vie des émetteurs et des participants du marché sur le plan de la divulgation d'informations, tout en diminuant les coûts de levées de capitaux pour les entreprises qui désirent s'adresser à l'ensemble du marché canadien, évidemment les entreprises québécoises incluses.

(15 h 40)

Nous travaillons également à un remaniement du protocole d'entente qui a permis aux autres commissions canadiennes, à l'automne 1994, de mettre sur pied un système d'analyse accéléré des prospectus à l'échelle du pays. Ce régime permet à un émetteur de faire affaire avec une seule juridiction, qu'on appelle la juridiction principale, qui, aux fins de l'examen du prospectus et de son approbation, agit au nom des autres juridictions où l'émetteur veut également distribuer ses titres.

Le Québec s'était, en effet, placé en marge de ce processus pour un ensemble de raisons fort valables, mais qui, par ailleurs, avaient forcé les grands émetteurs québécois à localiser en Ontario la juridiction principale, qui représentait pour eux la porte d'entrée au régime accéléré dans le reste du Canada. Nous avons décidé de rouvrir ce dossier avec nos homologues, et nous sommes confiants de trouver une solution pragmatique aux réserves exprimées à l'époque par la Commission, de telle manière que le Québec puisse intégrer le régime d'examen accéléré et ainsi devenir, à bon droit croyons-nous, la juridiction principale des émetteurs basés au Québec et qui veulent émettre leurs titres à l'échelle du Canada.

Des préoccupations semblables de simplification du système et de diminution des coûts reliés à la réglementation nous animent dans nos travaux visant à la mise sur pied, en partenariat avec les autres autorités canadiennes en valeurs mobilières, d'un régime d'inscription accéléré des conseillers en valeurs voulant opérer à la grandeur du pays.

L'initiative de reformulation des normes qui, au cours des deux dernières décennies, avaient été développées dans un souci d'homogénéité du cadre réglementaire canadien monopolise également beaucoup d'énergie à la Commission. Jusqu'en 1994, ces normes se retrouvaient dans des instruments réglementaires appelés «Instructions générales canadiennes». Or, une décision judiciaire ontarienne a remis en question la capacité des commissions des valeurs d'adopter de telles instructions, qui, jusque-là, avaient force de loi sans être expressément habilitées par une législation. En 1994 – et, pour certaines autres provinces, en 1995 – une telle législation habilitante fut adoptée pour accorder à certaines commissions de valeurs – celles d'Ontario, d'Alberta et de Colombie-Britannique – le pouvoir d'adopter directement des règlements exécutoires. Pour quiconque recherche une harmonisation raisonnable des règles régissant l'organisation du marché à l'échelle du pays, l'exercice de ces nouveaux pouvoirs réglementaires implique que le Québec modifie ou considère de modifier sa propre réglementation afin de maintenir la concordance, ce qui, vu la masse réglementaire en cause, représente une tâche monumentale qui risque de monopoliser certaines ressources de la Commission pendant des années.

Enfin, la Commission a contribué à certaines opérations d'envergure gouvernementale, comme la simplification du cadre réglementaire et certains travaux entourant la révision quinquennale de la Loi sur les valeurs mobilières et de la Loi sur les intermédiaires de marché. Nous avons également lancé une initiative d'examen du fonctionnement des systèmes privés de négociation électronique, les systèmes hors Bourse, qui débouchera sur des audiences publiques de la Commission, que nous envisageons de tenir l'automne prochain. Par ailleurs, nous avons poursuivi les travaux entrepris en matière d'organismes de placement collectif, les fonds mutuels, sous l'égide d'un comité conjoint formé de membres du personnel de la Commission et de représentants de l'industrie, lequel est présidé par la vice-présidente de la Commission.

Les diverses initiatives que je viens d'invoquer représentent autant de réponses aux nouvelles réalités qui imposent à la Commission des valeurs mobilières d'élaborer, en harmonie avec les politiques économiques du gouvernement, les nouvelles mesures normatives permettant aux marchés financier québécois de maintenir leur compétitivité. Mais il y aura sans doute beaucoup d'autres défis à relever par la Commission au cours des années qui viennent. Plusieurs d'entre eux se posent d'ailleurs à nous depuis déjà un certain temps.

Ainsi, on a beaucoup parlé d'internationalisation des échanges, au cours des dernières années, en mettant l'accent sur le besoin de libéraliser réciproquement l'accès aux différents marchés nationaux dans le cadre d'ententes multilatérales, comme celles de l'ALENA ou de l'Organisation mondiale du commerce. Tout cela procédait d'une légitime préoccupation de développement du commerce international des produits et des services, et notamment des services financiers. Mais, au-delà de l'étape du développement, il faut maintenant passer à l'étape de la réglementation et de la supervision de ce commerce sur une échelle internationale. Des faillites retentissantes, comme celle de la Barings et de la BCCI, nous ont confrontés à de dures réalités à cet égard et se sont chargées de nous faire réaliser qu'il y avait encore beaucoup de chemin à parcourir pour en arriver à un arrimage des règles, des normes et des modes de surveillance qui puisse répondre à l'intégration de plus en plus poussée des marchés de capitaux du monde industrialisé et aux opérations transnationales génératrices de risques qui s'y déroulent.

Dans ce contexte, la nécessité d'une action internationale persistante et bien orchestrée de la part de la Commission nous apparaît d'autant plus évidente que la défense de l'investisseur et la promotion de l'efficacité de nos marchés ne sont plus désormais des objectifs pouvant être atteints en ayant recours à des mesures isolées de la dynamique réglementaire mondiale. Au contraire, l'institutionnalisation des marchés, dont la croissance phénoménale des organismes de placement collectif est sans doute la manifestation la plus éloquente, l'automation des marchés et l'activité «transfrontières» des systèmes électroniques de négociation et de compensation sont autant de phénomènes qui démontrent que le diapason normatif en matière de valeurs mobilières a depuis longtemps cessé d'être national. Il s'ensuit que la Commission se doit aujourd'hui, pour maintenir l'efficacité de son action et sa capacité d'orienter l'évolution, de travailler activement, et toutes les fois que l'occasion lui en est donnée, à l'élaboration des communs dénominateurs réglementaires internationaux et de libérer par la suite au Québec, dans notre juridiction, tout le potentiel d'innovation que ces communs dénominateurs nous auront réservé. Je suis convaincu que, si les moyens nous en sont donnés, nous serons en mesure de tirer avantageusement notre épingle du jeu à cet égard, pour le plus grand bénéfice de nos concitoyens et de notre industrie québécoise des valeurs mobilières.

Plus près de nous, M. le Président, je dirais qu'il est également vital que la Commission des valeurs mobilières du Québec procède sans délai à faire contrepoids aux phénomènes de concentration géographique, de concentration de pouvoir financier et de concentration d'influence juridictionnelle qui ont pris, au Canada, une ampleur de plus en plus prononcée depuis la fin des années quatre-vingt, époque à laquelle le secteur bancaire a absorbé les principales maisons de courtage du pays. Il nous faudra réagir rapidement à ces tendances qui, à moyen et à long terme, risquent d'affaiblir la place financière montréalaise et d'affecter la vitalité de l'industrie québécoise des valeurs mobilières, et qui, par voie de conséquence, sont susceptibles de réduire notre capacité de répondre comme il se doit aux besoins impératifs de l'investisseur et de l'économie du Québec.

On sait que le niveau de raffinement de cet investisseur québécois va croissant et qu'en raison des mouvements d'internationalisation auxquels j'ai fait référence tout à l'heure il lui est devenu facile d'exporter ses épargnes à l'extérieur du Québec et d'y créer des emplois. Considérant cette dynamique de fluidité internationale des mouvements de capitaux, qui nous échappent pour l'essentiel, et notre mandat de favoriser le bon fonctionnement du marché des valeurs mobilières dans le respect des besoins de l'investisseur, nous n'aurons d'autre choix, comme organisme de réglementation, que de développer, que de travailler au développement d'un encadrement de marché qui soit non seulement compétitif par rapport à celui des principales juridictions du monde, mais qui serait aussi capable d'offrir un avantage concurrentiel à notre industrie, tout en maintenant des standards irréprochables sur le plan de la protection de l'investisseur. Il s'agit là d'enjeux qui nous apparaissent cruciaux et auxquels nous avons bien l'intention de faire face au cours de l'exercice qui vient.

En conclusion, Mme la Présidente, j'aimerais profiter de cette occasion pour remercier publiquement M. Paul Fortugno, qui a présidé aux destinées de la Commission jusqu'en octobre 1995, pour les grands services qu'il a rendus à notre organisation. Il a témoigné, je pense, d'un souci constant de positionner avantageusement le Québec dans l'échiquier de la réglementation des valeurs mobilières au Canada, et nous lui en sommes fort reconnaissants. Je lui souhaite le plus franc succès dans la poursuite des nouveaux défis qu'il ne manquera pas de relever dans les années qui viennent. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci, monsieur. M. le député de Laporte.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, Mme la Présidente. Il me fait plaisir de saluer le ministre et ses adjoints, de même que le sous-ministre aussi, bien sûr, et le président de la Commission des valeurs mobilières, que j'ai eu l'occasion de connaître jadis. Je dois le féliciter de sa nomination. Je crois qu'il s'agit d'une excellente nomination, une promotion pour Me Martel, dont la compétence dans ce domaine ne fait aucun doute. Je salue aussi la magnanimité dont il a fait état en célébrant son prédécesseur, ce qui est assez inusité. Dans ce genre de choses, on n'a pas souvent l'occasion de voir des gens qui ont ces préoccupations-là.

(15 h 50)

Le domaine des valeurs mobilières est un domaine qui est très vaste, comme le ministre l'a dit tout à l'heure, qui s'internationalise, qui ne connaît plus de frontières, et la réglementation de ce domaine-là prend de plus en plus d'importance.

Le ministre des Finances, tout à l'heure, a fait état des problèmes que cause la velléité du gouvernement fédéral à légiférer en cette matière, nommément par le projet de loi qui avait été déposé il y a une couple d'années, la loi C-100. Je tiens à dire que l'opposition partage le point de vue de ceux qui s'opposent à une ingérence accrue du gouvernement fédéral dans le domaine de la réglementation des valeurs mobilières au Québec, tout en reconnaissant l'importance quand même, dans ce domaine-là, d'une très grande harmonisation, d'une très grande collaboration aussi avec le gouvernement central, étant donné l'importance d'avoir des marchés qui sont de plus en plus fluides et étant donné aussi le fait que les sociétés québécoises ont à transiger sur plusieurs marchés à la fois.

Je voudrais, à ce titre-là, rappeler que le gouvernement libéral, en 1994... le premier ministre du Québec à cette époque, M. Daniel Johnson, avait fait connaître d'une façon très énergique au gouvernement fédéral la position du gouvernement du Parti libéral de l'époque à ce sujet, et je pense que c'est important de le rappeler. Vous me permettrez de citer, Mme la Présidente, une partie de la lettre de M. Johnson adressée au président du Conseil privé et ministre des Affaires intergouvernementales du gouvernement du Canada.

M. Johnson disait ceci: «Permettez-moi d'abord de vous rappeler que le gouvernement du Québec n'a jamais favorisé un rôle fédéral accru dans le secteur des valeurs mobilières, domaine qui relève de la compétence exclusive des provinces. Au contraire, il a régulièrement manifesté son opposition aux initiatives fédérales en cette matière, notamment, comme plusieurs autres provinces, lors de la récente réforme de la législation fédérale relative aux institutions financières, entrée en vigueur en juin 1992.» Cette lettre de M. Johnson est datée de février 1994.

«Dans le rapport quinquennal, poursuit l'ancien premier ministre, qu'elle a déposé à l'Assemblée nationale en décembre dernier, la ministre déléguée aux Finances a d'ailleurs réitéré les préoccupations du Québec en ce qui a trait au projet de réglementation fédérale en valeurs mobilières qui découlerait de cette législation. Elle soulignait qu'une réglementation fédérale serait inopportune, tant sur le plan constitutionnel que sous l'angle de la recherche d'efficacité. Une telle réglementation conduirait, en effet, à une duplication des règles et de la surveillance, et inévitablement à des charges administratives et financières plus lourdes pour les émetteurs, les investisseurs et les intermédiaires.

«Considérant que l'existence de duplications ou chevauchements dans le domaine des valeurs mobilières découle de l'action récente et projetée du gouvernement fédéral dans un domaine de compétence exclusive des provinces, il est étonnant de retrouver ce secteur en tête de vos priorités dans le présent exercice et de constater que la solution passe, selon vous, par un retrait des provinces.»

De poursuivre, toujours M. Johnson: «Je comprends que certaines provinces aient déjà indiqué qu'elles seraient prêtes à se départir de certaines responsabilités en matière de valeurs mobilières. À notre avis, il faudra, dans ce cas, prévoir des accords administratifs bilatéraux sans effet sur le partage des compétences. De tels accords devraient être limités à la prise en charge par un gouvernement des tâches administratives reliées à l'application de la législation du gouvernement provincial désireux de s'en départir.

«Cette délégation pourrait d'ailleurs fort bien se faire d'une province à une autre, ce qui serait probablement plus efficace et économique, puisque les provinces ont déjà l'expertise et les structures administratives que le gouvernement fédéral se devrait, lui, de constituer. Il m'apparaît, du reste, paradoxal que, pour réduire les doubles emplois et améliorer l'efficacité, il faille créer une nouvelle structure et une réglementation additionnelle.»

Et de conclure le premier ministre Johnson: «Depuis plusieurs années déjà, le Québec a mis au coeur de ses priorités l'harmonisation du cadre réglementaire applicable à la prestation des services financiers aux niveaux canadien et international, au même titre que la diminution des coûts inhérents au respect de cette réglementation et la cohérence de celle-ci d'un secteur à l'autre. Ces politiques témoignent de la priorité que nous accordons au fonctionnement efficace du marché tout en assurant que les particularités du Québec soient prises en compte. Des discussions sont d'ailleurs en cours entre hauts fonctionnaires fédéraux et provinciaux quant à la possibilité de créer un forum permanent d'échanges sur ces matières.»

Et en conclusion M. Johnson disait: «Je demeure convaincu que cette approche que nous privilégions nous permettra de contribuer activement à la croissance du secteur et d'accroître l'efficacité non seulement du marché des services financiers et des valeurs mobilières en particulier, mais aussi de la prestation des services gouvernementaux.»

M. le président, on peut donc conclure que c'était la position du Parti libéral lorsqu'il était au gouvernement et ça l'est encore aujourd'hui. Et, dans ce sens, je pense que je rejoins les préoccupations qui ont été avancées tout à l'heure par le ministre des Finances. Alors, ceci étant dit, Mme la Présidente, je serais prêt, quant à moi, à passer à la suite du programme.


Discussion générale

La Présidente (Mme Barbeau): Vous n'avez pas de questions...

M. Bourbeau: Oui, certainement.

La Présidente (Mme Barbeau): ...sur la Commission des valeurs?

M. Bourbeau: Oui.

La Présidente (Mme Barbeau): O.K., allez-y, M. le député.


Voyages hors Québec des membres de la Commission

M. Bourbeau: Alors, le ministre des Finances, tout à l'heure, nous indiquait que le budget alloué à la Commission des valeurs mobilières était sensiblement le même que l'an dernier, avec une légère diminution. On peut dire que la Commission l'a échappé belle, puisque, un peu partout dans la machine gouvernementale, c'est un peu à la hache qu'on travaille de ce temps-là, en termes de coupures. Alors, le président a certainement réussi à plaider sa cause auprès du ministre des Finances d'une façon intéressante.

Peut-être que je pourrais me permettre un petit conseil, Mme la Présidente, qui permettrait au président de régler ses problèmes de budget sans avoir vraiment à faire trop d'efforts. On pourrait peut-être jeter un petit coup d'oeil du côté des voyages de la Commission ou des membres de la Commission. J'ai toujours été, quant à moi, un peu, je dois le dire, scandalisé de la façon dont la Commission voyage. Je pense que l'ex-sous-ministre est un peu au courant, il a été témoin de certaines sautes d'humeur de l'ex-ministre des Finances à certaines époques. Je vois que ça voyage toujours beaucoup à la Commission, c'est une commission itinérante, d'une certaine façon, si on peut dire.

Est-ce que, vraiment, toutes ces présences à l'étranger – au Canada, peut-être, mais aussi un peu partout à travers le monde... Est-ce que c'est vraiment essentiel que toujours et partout la Commission des valeurs mobilières soit représentée?

Je donne ici des exemples: À Londres et à Windsor, en Angleterre, au mois de mai; de nouveau à Londres, au mois de juin; à Paris, France, au mois de juillet – à chaque mois vient son voyage – après ça, Washington, ça, c'est moins loin; à Buenos Aires, en Argentine, au mois d'octobre-novembre; à Madrid, en Espagne, au mois de décembre; au Mexique, au mois de janvier; à Hong Kong, en février; à Rome, en Italie, en mars – c'est intéressant, par exemple, parce que ça permet de voir un peu le monde; ce n'est jamais au même endroit, donc c'est varié comme programme de voyages – Sao Paulo, au Brésil, aux mois de mai-juin. Je pourrais continuer.

Je comprends que le domaine des valeurs mobilières est un domaine où on doit se tenir au courant de ce qui se passe à travers le monde, mais, aujourd'hui, il existe bien des façons de se renseigner sur ce qui se passe à travers le monde sans nécessairement avoir à transporter les individus. Je donne au président la chance peut-être de nous expliquer quel est son point de vue sur la question.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Mme la Présidente, avant de répondre aux deux questions, le député de Laporte m'a donné indirectement un bon conseil quand il a félicité le président de la Commission de rendre hommage à ses prédécesseurs ou à son prédécesseur, M. Fortugno. Moi, j'ai deux prédécesseurs autour de cette table. Avant d'aller plus loin, je vais leur rendre hommage de la façon suivante: au député de Crémazie, pour ses efforts et ses résultats; au député de Laporte, pour ses efforts.

Des voix: Ha, ha, ha!

(16 heures)

M. Landry (Verchères): Il a dit, le député de Laporte, que le gouvernement avait tendance à travailler à la hache. Au contraire, je crois que les modestes chiffres de 0,87 % démontrent qu'on travaille plutôt au scalpel et au bistouri qu'à la hache.

Pour être tout à fait limpide, il faut dire aussi que, de manière exemplaire, afin de préserver ses moyens d'action, la Commission des valeurs mobilières a augmenté ses tarifs et a augmenté son degré d'autofinancement, ce qui est normal. Ce sont les usagers, c'est-à-dire les gens qui en transigent, de ces valeurs, qui paient pour les frais que le gouvernement encourt pour assurer la fluidité du marché des capitaux et l'éthique du marché des capitaux. La Commission des valeurs mobilières, c'est une façon pour l'État de s'acquitter de ses tâches régaliennes de protection des populations et de protection des divers agents qui travaillent sur les marchés financiers. Par conséquent, il est important qu'elle garde, dans toute la mesure du possible, des moyens élevés pour faire face à ses responsabilités élevées.

Quant aux voyages, lorsque le premier ministre m'a demandé d'assumer les fonctions de ministre des Finances et de l'Économie, j'ai trouvé que c'était très lourd. Je suis ressorti alourdi de son bureau, sauf que j'étais très soulagé de ne plus être le ministre des Relations internationales pour vivre dans les avions et vivre dans mes valises. Ces voyages, vus de loin, ne sont pas toujours ce qu'ils sont dans la pratique des choses. Sauter d'un continent à l'autre – les nombreuses personnes d'affaires du Québec vous le diront, maintenant que le Québec est de plus en plus et d'une façon spectaculaire dans l'activité internationale – ne représente pas, comme certains pourraient le croire, des vacances ou des loisirs. Le député de Laporte reconnaît d'ailleurs lui-même que l'activité financière est, par définition, globalisée, mondialisée, internationale. Si l'argent voyage, ceux qui s'occupent d'argent voyagent aussi.

Et une des meilleures preuves – moi aussi, j'aurais pu me poser les questions qu'il se pose, peut-être avoir les sautes d'humeur qu'il avait, je ne sais pas, j'inaugure mes rapports avec M. Martel... Je sais très bien que c'est la Commission des valeurs mobilières du Québec qui a traîné à Montréal l'organisation mondiale et le siège permanent de ses organisations à travers le monde, ce qui, pour employer le vocabulaire un peu réducteur de certains ministres fédéraux, pour une entité sous-nationale, est un exploit. Le siège est à Montréal, plusieurs grandes réunions ont lieu à Montréal. Et, si les Québécois vont à l'étranger, je suis sûr qu'à cause du siège qui est à Montréal beaucoup plus d'étrangers viennent au Québec, ce qui veut dire qu'au moins au chapitre de la balance touristique d'affaires nous sommes excédentaires. Pour les détails, le président de la Commission peut vous en donner, je suis sûr, tant que vous en voulez.

La Présidente (Mme Barbeau): Vous donnez la parole à M. Martel?

M. Landry (Verchères): ...

La Présidente (Mme Barbeau): M. Martel.

M. Landry (Verchères): Si vous le permettez, madame.

La Présidente (Mme Barbeau): Oui, oui, pas de problème. Si les membres de la commission sont d'accord, il n'y a pas de problème. M. Martel.

M. Martel (Jean): Merci, Mme la Présidente. Pour faire écho aux propos du ministre, les voyages et les destinations auxquels vous avez fait référence, auxquels il a été fait référence, Mme la Présidente, ça a l'air bien exotique, ça a l'air bien agréable, mais je pense, dans le fond, qu'on a consacré des efforts assez considérables cette année justement pour répondre à certaines questions qui nous étaient posées aux fins de l'étude de nos crédits, pour élever, si vous voulez, l'information qui serait fournie à un niveau de transparence, je pense, qu'on n'avait pas connu dans le passé. Au-delà de la liste des voyages, effectivement, qui a été produite, on a fourni également une bonne idée, une idée quand même assez exacte de ce qu'on allait faire lors de ces rencontres-là. Je pense qu'essentiellement il serait assez facile de convenir qu'on s'en va là pour travailler.

C'est sûr que ça fait six mois que je suis en poste ou à peu près. Il y a eu un semestre où il y a eu effectivement des déplacements. Vous remarquerez que, dans le semestre où, moi, j'étais en poste, il y a eu le même nombre de déplacements parce que très rapidement j'en suis arrivé à me satisfaire que... finalement, c'était hautement nécessaire et hautement souhaitable d'encourager une telle participation de la Commission à des exercices internationaux.

Quant à nous, on voit les concepts d'internationalisation non pas comme un principe simplement qui sonne bien dans les chambres de commerce, on voit vraiment ça dans notre quotidien. On est convaincus que, pour remplir la mission qui nous incombe en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières du Québec, qui est de développer les marchés québécois et de protéger les investisseurs québécois, pour être capable de bien faire ça aujourd'hui, il faut absolument qu'on soit à l'écoute de ce qui se passe au niveau international et pas simplement renseignés. Parce que, aujourd'hui, on a la chance de participer à des forums où c'est l'avenir international de demain qui est en train de se forger. Ce n'est pas une question d'obtenir des rapports annuels des organismes de surveillance qui font le même travail que nous dans les principales juridictions du monde, c'est de s'asseoir avec les principales juridictions du monde pour travailler et faire évoluer l'encadrement des opérations des marchés de capitaux internationaux de demain. C'est à ça qu'on est conviés. Quant à moi, je pense que ce serait mal servir notre mission, et aussi les intérêts supérieurs du Québec, que de s'abstenir de faire ça si, dans le fond, on a les moyens de le faire. Quand on regarde un peu le ratio coûts-bénéfices de ce que ça peut coûter pour jouer un rôle international comme celui-là et pour avoir les résultats qu'on a, moi, j'ai l'impression qu'il s'agit très, très certainement d'une très, très bonne affaire pour le gouvernement.

Et j'entendais tout à l'heure une référence à Windsor. Bien, à Windsor, ce jour-là, les 29 plus grandes juridictions mondiales en matière de valeurs mobilières étaient assises autour d'une table. Elles ont décidé d'orientations – qui nous guident pratiquement, moi, je dirais, de façon continue dans nos exercices réglementaires – pour réagir à ce qui était un problème international majeur, la faillite de la Barings par suite de la réalisation de certains risques qui avaient été encourus par cette institution-là sur les marchés exotiques, sur le marché de Singapour. Et, parmi ces 29 juridictions-là, il y avait le Québec qui était assis là et qui a participé à la discussion, une discussion qui a débouché sur la conclusion d'une entente qu'on appelle la Déclaration de Windsor, et je pense que c'est quelque chose qu'on entend très régulièrement dans les forums internationaux qui discutent de réglementation. Et, la Déclaration de Windsor, qui impose une discipline à l'évolution de la réglementation au niveau international, eh bien, il y a un signataire qui est la Commission des valeurs mobilières du Québec.

Alors, moi, comme président de cette organisation-là, et notre Commission, qui est également tout à fait sur la même longueur d'onde que moi là-dessus, on pense que ce serait mal servir le Québec que de ne pas réaliser l'investissement de ces frais de déplacement là pour être capable d'exercer une influence sur l'évolution des choses au niveau international plutôt que d'avoir à réagir tout simplement à des gestes qui sont posés par d'autres autorités au Canada, qui, elles, participent à ces exercices-là. Alors, moi, j'aime mieux... Je pense que c'est mieux d'être en proaction que d'être en réaction et qu'il en va de notre crédibilité comme organisme de surveillance, de la crédibilité de nos marchés et aussi du maintien de la compétitivité de notre cadre réglementaire. Les gens ont le choix aujourd'hui de la juridiction où ils veulent opérer. Si on traîne de la patte et on suit la parade, je pense qu'ils auront tôt fait de fuir sous d'autres cieux.

(16 h 10)

Dernier élément qui m'apparaît important, parce que, effectivement, on a effectué un certain nombre de déplacements, je pense que le dernier élément, c'est qu'on s'assure dans tous les cas que la représentation qui est faite de la Commission à ces forums-là soit la meilleure possible compte tenu du sujet qui y est discuté. Les gens qui sont intéressés aux questions qui sont en discussion à ces occasions-là en reviennent enrichis et ça nous économise autant de dépenses de perfectionnement. Et ça nous donne également l'occasion d'être plus performants en matière de surveillance, parce qu'on a l'occasion d'établir des réseaux tout à fait remarquables de coopération avec, moi, je dirais... Quand on regarde l'Organisation internationale des commissions de valeurs, qui a son siège à Montréal, il y a 77 pays là-dedans, il y a 125 organisations de réglementation des valeurs mobilières qui sont membres de ça. C'est peut-être méconnu; on va travailler fort pour que ce soit plus connu. Mais, quand on regarde le réseau d'interactions auquel ça nous donne accès comme, finalement, participant de plein droit, sans tutelle ni surveillance de quelque autre autorité, je pense que c'est un actif important qu'on se doit de maintenir et de chérir. Mais c'est ce qu'on fait. Merci.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Laporte, je vais prendre une autre question de vous, mais, après ça, je vais faire un petit peu d'alternance.

M. Bourbeau: Pas d'objection, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Barbeau): Ça va.

M. Bourbeau: Bon. Le président aura compris que... Je ne sais pas s'il a compris, mais a compris que mon propos n'était pas de tenter d'interdire ou de suggérer qu'on doive interdire à la Commission ou à son président d'aller accomplir à l'extérieur du pays les tâches qu'elle doit accomplir. Loin de moi cette idée-là. Et je suis convaincu que le président n'aura eu aucune difficulté à convaincre son ministre de l'importance des voyages, puisque le ministre a beaucoup voyagé du temps qu'il était ministre des Affaires internationales. Mon propos visait simplement à indiquer qu'à mon avis, dans le passé en tout cas, il y a eu des abus et des abus certains de la part de membres de la Commission. Il fut un temps où certains personnages avaient à peine le temps de venir faire laver leur linge au Québec pour retourner en voyage, et je ne pense pas que c'était toujours essentiel. Dans ce sens-là, les efforts de l'ex-ministre des Finances pour mettre fin à ça ont certainement donné des résultats, quoi qu'en pense le ministre, puisque nous avons un nouveau président aujourd'hui qui semble bien comprendre ces choses.

Mme la Présidente, moi, je ne veux pas m'éterniser là-dessus, j'aurais d'autres questions à poser sur d'autres sujets, mais je comprends que mon droit de parole est expiré, quoi?

La Présidente (Mme Barbeau): C'est dans le même programme ou... avec la Commission des...

M. Bourbeau: Oui, oui, toujours, toujours, toujours.

La Présidente (Mme Barbeau): O.K.

M. Bourbeau: Toujours avec la Commission.

La Présidente (Mme Barbeau): Mais sur d'autres choses. Je peux passer à...

M. Bourbeau: Mais je ne comprends pas, là. Je pense que, normalement, j'ai droit à...

La Présidente (Mme Barbeau): Non, non, c'est correct, mais, je veux dire...

M. Bourbeau: Toujours la Commission des valeurs mobilières. Je crois que...

La Présidente (Mme Barbeau): Vous pouvez aller jusqu'à... Vous avez 20 minutes.

M. Bourbeau: Bien, j'aime autant terminer mon travail.

La Présidente (Mme Barbeau): Vous pouvez les prendre. C'est ça. Il n'y a pas de problème.

M. Bourbeau: Après ça, je pense qu'il est de coutume qu'un député pose des questions, puis, après ça, on alterne, hein.

La Présidente (Mme Barbeau): Oui, oui, oui. Allez-y.


Possibilité d'implantation de la NASDAQ au Québec

M. Bourbeau: Bon. Alors, je voudrais poser une autre question au président au sujet de l'étude qui a été faite des coûts et des bénéfices de l'implantation possible au Québec de la National Association of Securities Dealers Automated Quotations, communément appelée la NASDAQ, qui est une Bourse qui est assez connue à New York, aux États-Unis, et qui connaît un succès fulgurant depuis quelques années, surtout dans le domaine des titres de hautes technologies. Un grand nombre de Québécois et d'institutions québécoises, j'en suis convaincu, placent des fonds, importants d'ailleurs, sur la NASDAQ. Et je me demandais si le président avait des commentaires à faire sur l'opportunité de permettre... Je sais que la NASDAQ a demandé une dispense de l'inscription en tant qu'organisation d'autoréglementation, une dispense qui a été refusée, je crois.

Est-ce que les négociations en cours présentement... Est-ce que, d'après le président, il y aurait un intérêt pour le Québec d'accueillir cet organisme-là chez nous ou est-ce qu'au contraire ça pourrait créer des problèmes? Peut-être que le président pourrait éclairer un peu la commission là-dessus?

La Présidente (Mme Barbeau): M. Martel.

M. Martel (Jean): Tout à fait. Je pense que ça a été un des épisodes un peu marquants du dernier exercice. C'est une demande qui a été logée justement par la NASDAQ, qui est un marché organisé qui est reconnu par la Securities and Exchange Commission, qui est réglementé par la commission américaine, et qui a demandé à venir implanter un terminal chez un courtier inscrit à Montréal, Marleau Lemire, et ce courtier-là voulait se livrer à des opérations de mainteneur de marché en utilisant cet accès-là au marché américain. La demande de la NASDAQ était à l'effet d'être exemptée des dispositions de la Loi sur les valeurs mobilières qui font en sorte qu'un marché organisé doit être ce qu'on appelle un organisme d'autoréglementation reconnu en vertu de notre loi. Et cette reconnaissance qu'on fait des marchés organisés amène un certain nombre de contrôles, fait entrer en jeu toute une série de pouvoirs de la Commission, un peu comme on le fait pour la Bourse de Montréal, par exemple, c'est-à-dire qu'en principe une reconnaissance de la NASDAQ au Québec nous aurait amenés à approuver ses règlements ou à modifier ses systèmes de gestion ou approuver toute modification, pratique et autres.

Je vais parler d'un point de vue historique parce que, dans le fond, une demande d'être exempté de ces dispositions-là de notre loi, c'est traité puis apprécié et discuté par la Commission agissant avec sa capacité de tribunal. Alors, ce qui s'est passé, ce n'est pas une demande qui a été... Cette demande-là n'a pas été refusée. Elle a été retirée par la NASDAQ parce qu'il y avait plusieurs intervenants de l'industrie canadienne qui avaient manifesté leur désir d'être entendus par la Commission lorsqu'elle entendrait et qu'elle, finalement, se pencherait sur cette demande-là de la NASDAQ. Et ces intervenants-là demandaient notamment qu'il y ait réciprocité, c'est-à-dire qu'il leur soit possible d'implanter leurs réseaux aux États-Unis et de bénéficier d'exemptions un peu équivalentes à celles que la Commission pourrait être appelée à accorder à la NASDAQ. Je pense que c'est un dossier qui a créé une certaine émulation dans la communauté financière canadienne, parce que, dans le fond, c'était une demande qui était formulée à la Commission du Québec, et ça a donné l'occasion à un certain nombre d'autres intervenants, les Bourses, l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, d'intervenir devant la Commission pour dire: Écoutez, nous, on veut être entendus, on a un certain nombre de points à débattre.

Ce qui est advenu, dans le fond, c'est que la NASDAQ en est venue à évaluer un peu sa position relative face aux gens qui s'opposaient à sa demande à l'échelle canadienne et cette évaluation-là s'est conjuguée avec une situation qui était un peu trouble à l'époque aux États-Unis. La NASDAQ avait fait l'objet de critiques, sur une base nationale, américaine, par plusieurs études qui ont été faites par des universitaires américains. Il y avait eu également un groupe de travail qui avait été mandaté par l'administration américaine, qui était présidé par un ancien sénateur américain, pour évaluer si, effectivement, les reproches, dont des écarts trop généreux entre les «bids» de l'IAS qu'il y a sur ce marché-là qui faisaient en sorte que ceux qui y participaient s'avançaient de façon un peu... prétendument abusive par rapport à d'autres marchés... si ces allégations-là étaient justifiées et si, effectivement, il y avait un conflit d'intérêts, parce que c'est une association d'industries, la NESDA, qui est un peu l'organisation tutrice de la NASDAQ. Donc, il y a eu des études qui ont été faites et ça posait, ça interpellait la Commission de façon un peu particulière dans le sens que, pour accorder une exemption des dispositions de reconnaissance en vertu de la loi québécoise, il fallait que la Commission se satisfasse, que, finalement, l'investisseur québécois qui serait appelé à être actif directement sur la NASDAQ via un écran situé à Montréal soit convenablement protégé ou aussi bien protégé aux États-Unis par la loi américaine qu'eux auraient pu l'être au Québec. Alors, ça, ça créait un certain climat qui n'était peut-être pas propice au règlement rapide. Alors, je pense que ce qui s'est passé, c'est que la NASDAQ a retiré sa demande.

(16 h 20)

Par contre, justement, notre travail international, parce qu'on a eu beaucoup de réflexion qui s'est faite là-dessus, les opérations «transfrontières» de marchés organisés, comme la NASDAQ, on a réfléchi là-dessus, et ce qu'on a fait, on a décidé de lancer un exercice de réflexion qui déboucherait sur un document de positionnement ou un énoncé, un document de consultation de la Commission. Et ce qu'on veut faire, c'est déboucher sur des audiences publiques qui vont se tenir sur la question des réseaux de négociation électroniques puis des marchés électroniques organisés, comme la NASDAQ, de telle sorte que toutes les préoccupations qui s'étaient manifestées au niveau de l'industrie canadienne lorsque la demande de la NASDAQ était pendante puissent être quand même traitées, considérées et discutées dans un climat qui n'imposera pas à un requérant, comme la NASDAQ l'était à l'époque, de financer, finalement, une discussion ou un débat qu'il n'a pas à financer, quant à nous. Alors, ce vers quoi on se dirige, ce sont des audiences publiques de la Commission qui vont inviter les intervenants à faire valoir leur point de vue là-dessus.

«C'est-u» une bonne chose? «C'est-u» pas une bonne chose? Nous, ce qu'on pense, c'est que ça va nous permettre de disposer d'une matière première suffisante sur laquelle positionner, établir certains paramètres réglementaires au niveau de la Commission, de telle sorte que la NASDAQ, le MATIF, d'autres marchés organisés qui voudraient présenter des demandes similaires, au Québec, sachent plus à quoi s'en tenir avant de réaliser l'investissement de financer une démarche comme celle que la NASDAQ a faite. On perçoit de grands avantages dans l'accroissement de la prévisibilité des décisions de la Commission, et je pense que cette façon de faire, en fait, dont la demande de la NASDAQ a été le déclencheur, va permettre tant à la NASDAQ qu'à d'autres intervenants intéressés qui seraient dans une même position de savoir plus à quoi s'en tenir par rapport à ce que pensent les autorités de réglementation du Québec sur ces questions-là.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Une dernière question, M. le Président. En fait, en pratique, un Québécois qui veut acheter des titres sur la NASDAQ, il peut aller voir son courtier ici, au Québec, puis le courtier peut immédiatement lui permettre d'acheter des titres sur la NASDAQ sans... En quoi les demandes qui ont été faites changeraient quelque chose par rapport à la situation présente? Par exemple, vous allez voir un courtier à Montréal ou à Québec, ici, et vous dites: Je veux acheter des titres de telle compagnie sur la NASDAQ. Ça va être fait automatiquement, comme si vous achetiez des titres à la Bourse de Montréal. Enfin, pour le client, lui, il ne voit pas de différence.

Le Président (M. Lachance): M. Martel.

M. Martel (Jean): Il y a une question de coûts, M. le Président. Il y a une question de coûts qui est impliquée, c'est-à-dire que le courtier québécois ou le courtier montréalais qui peut faire affaires avec l'investisseur québécois, lui, il passe par un courtier américain. Donc, dans le fond, si le courtier québécois est capable d'interagir immédiatement sur la NASDAQ, parce que, dans le fond, il devient actif sur le marché de la NASDAQ directement par rapport à une base d'affaires qui est située au Québec, bien, on élimine un intermédiaire, et, donc, on peut permettre la réalisation plus économique de la transaction pour l'investisseur québécois.

M. Bourbeau: Vous voulez dire qu'il y aurait une double commission de payée dans ce cas-là?

M. Martel (Jean): C'est ça.

M. Bourbeau: Est-ce que, vraiment, c'est une double commission ou il n'y a pas des arrangements entre courtiers pour réduire les commissions?

M. Martel (Jean): C'est effectivement... Il y a des frais de transaction qui se multiplient et qui sont en double, effectivement.

M. Bourbeau: Donc, le fait pour la NASDAQ d'être accréditée chez vous, ça ferait en sorte qu'on pourrait acheter directement des titres sur la NASDAQ, via un courtier québécois, sans avoir à passer par l'intermédiaire américain, dans le fond.

M. Martel (Jean): C'est ça.

M. Bourbeau: Donc, ce serait plus économique, quoi.

M. Martel (Jean): Tout à fait.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Crémazie, vous aviez demandé la parole.

M. Campeau: Oui. Justement, moi, je voudrais rassurer le député de Laporte sur les voyages, par exemple, je trouve son commentaire excellent. Je pense que la Commission des valeurs mobilières a pour politique de voyager toujours, au moins en avion, en classe économique, de suivre les directives du gouvernement, tout comme Loto-Québec, tout comme la Caisse de dépôt, tout comme... j'ai un petit doute sur Hydro-Québec, mais, vu qu'elle n'est pas à notre commission, je ne ferai pas de commentaires. En tout cas, je pense qu'elle a ce style-là.


Projet de réorganisation de l'industrie canadienne des valeurs mobilières

Quant à la question sur NASDAQ, je la trouve fort à propos, puis je me permettrai d'arriver dans le même sens. On a entendu parler de la Bourse de Montréal. On disait – je ne sais pas si c'étaient des fausses rumeurs – que le président avait l'intention de déménager la Bourse de Montréal à Toronto ou de fusionner avec Toronto ou je ne sais pas quoi.

Est-ce que vous pourriez nous éclairer? Mme la Présidente, est-ce qu'il pourrait nous éclairer sur ce sujet-là?

La Présidente (Mme Barbeau): M. Martel.

M. Martel (Jean): Ça, c'est un autre dossier qui a été un des points chauds de l'année qui vient de se terminer. Il y a eu un projet qui... En fait, j'ai toujours servi une mise en garde relativement à ce dossier-là. C'est que le projet ne nous a jamais été soumis, n'a jamais, finalement, procédé ou cheminé suffisamment longtemps pour être capable d'aboutir à la Commission. Mais ce que je comprends de certains entretiens que j'ai eus avec le président de la Bourse, c'est qu'il y avait une préoccupation de coûts pour l'industrie canadienne des valeurs mobilières.

On sait que, depuis 1988, depuis que les grandes maisons de courtage ont été acquises par les banques, c'est une industrie qui est quand même très concentrée, et, finalement, c'est toujours les mêmes poches qui financent les différentes Bourses et les cotisations aux différents marchés qu'on retrouve au Canada. Considérant qu'il y a toujours une concurrence qui s'exerce entre ces différents marchés organisés, notamment sur le plan des systèmes informatiques, bien, là, on avait une espèce d'enchère et de surenchère par les différents marchés, qui était financée toujours par les mêmes joueurs dans l'industrie. Alors, ce qui a été donné comme mot d'ordre – parce qu'on sait que les Bourses sont dirigées par un conseil de gouverneurs qui sont des représentants, finalement, des membres de la Bourse – ça a été de dire: Bien, écoutez, essayez donc de penser à une façon de réduire nos coûts et de faire en sorte de vous entendre davantage pour éviter qu'on ait à financer tant d'initiatives un petit peu éparses, plus ou moins éparpillées à l'échelle du pays.

Alors, ce qui a abouti d'un exercice de réflexion fait en ce sens-là et d'une étude qui a été demandée à un consultant fort connu, qui est la firme Mackenzie, ça a été un projet qui aurait eu pour but de redéployer, en quelque sorte, les différentes spécialités qu'on peut retrouver dans un marché organisé de valeurs mobilières aujourd'hui au Canada; les redéployer de telle sorte qu'on aurait spécialisé les Bourses à l'échelle canadienne et que, dépendamment de la spécialité de la Bourse concernée, c'est cette Bourse-là qui aurait géré le système informatique qui servait de support à l'activité concernée. Et, notamment, on pensait à la Bourse de Montréal pour être responsable du créneau des produits dérivés et on pensait à la Bourse de Toronto pour s'occuper des actions. Alors, pour les actions, la boîte noire, qu'on appelle, c'est-à-dire le système de négociation, aurait été maintenue à Toronto, et même chose pour les produits dérivés, à Montréal. Alors, évidemment, ça posait toute une série de questions sur le plan réglementaire. Ça posait également une série de questions sur le plan des affaires et de la vitalité, je pense, de la Bourse de Montréal comme pôle de rayonnement de l'activité économique dans la communauté montréalaise.

Ce qui est advenu du dossier, je comprends qu'on a procédé à une certaine réflexion sur la question. On a décidé de ne pas nous acheminer, finalement, les demandes qui auraient été un peu corrélatives à ce projet-là. Dans le fond, il fallait que les Bourses s'entendent entre elles pour procéder au redéploiement, dans un premier temps. Considérant que les Bourses sont des organismes d'autoréglementation reconnus, ça aurait pris l'approbation des différentes commissions des valeurs mobilières compétentes pour toute modification de mission de chacune des Bourses concernées. Et ça aurait pris probablement aussi des ententes entre les commissions pour s'assurer qu'il n'y ait pas duplication dans la surveillance de l'éventuel système qui aurait émergé si le projet était allé de l'avant. On ne s'est jamais rendu là. Les Bourses ont décidé de réfléchir davantage sur l'opportunité de procéder, et je crois comprendre que c'est peut-être toujours à l'agenda. Remarquez bien que je ne suis pas encore dans le secret des dieux et des conseils des gouverneurs à ce point-là, mais je pense que c'est un agenda qui est beaucoup plus à long terme qu'il ne l'était.

M. Campeau: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Barbeau): Vous avez terminé, M. le député de Crémazie?

M. Campeau: Oui, terminé.

(16 h 30)

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Laporte.


Diminution des transactions à la Bourse de Montréal

M. Bourbeau: J'aurais une question au président. En fait, quand on regarde l'évolution de la Bourse de Montréal au cours des dernières années, des 10, 15 ans, il semble y avoir un glissement vers Toronto, de l'importance du marché des valeurs mobilières sur la Bourse de Montréal par rapport à Toronto.

Est-ce que ce glissement-là est réel? Est-ce qu'il se continue? Quelles sont les causes? Est-ce que le président peut nous dire quel remède on peut apporter, peut être apporté pour mettre fin à cette perte d'importance de la Bourse de Montréal?

M. Martel (Jean): Effectivement, lorsqu'on regarde le volume des transactions qui se transigent sur la Bourse de Montréal, il y a une diminution de ce volume-là. Je pense qu'on peut attribuer ça à un certain nombre de facteurs. Parmi ces facteurs-là, on retrouve certainement, comme je le disais tout à l'heure, la concentration du pouvoir financier entre les mains, si vous voulez, de l'industrie des valeurs mobilières, entre les mains des banques.

Deuxièmement, on a eu une croissance assez remarquable de l'industrie des fonds mutuels, qui implique la gestion des actifs de ces fonds-là par des personnes qui sont beaucoup plus situées à Toronto qu'à Montréal, de telle sorte qu'on a... Il y a des réflexes, voyez-vous, qui se développent. Je comprends qu'on cherche le meilleur prix. Théoriquement, des fois, on ne s'en préoccupe pas suffisamment. Toujours est-il que les réflexes sont beaucoup plus dans l'axe torontois que dans l'axe montréalais.

Ce qu'on constate, c'est... C'est sûr qu'il peut y avoir certains aménagements réglementaires qui pourraient être considérés pour faire en sorte de pouvoir être porteurs d'une certaine correction sur le plan du flot de transactions vers Montréal. Mais c'est dans le marché, et la présence des sièges décisionnels de ceux qui y participent dans des marchés autres que celui de Montréal, qui sont peut-être une des raisons pour lesquelles on constate ce mouvement-là... Par contre, moi, je suis confiant de pouvoir en arriver à réfléchir, à réexaminer un peu notre encadrement réglementaire et de pouvoir, peut-être, trouver un certain nombre de dispositions, un certain nombre de mesures, un certain nombre de façons de faire qui pourraient éventuellement encourager. C'est sûr qu'on ne pourra pas trouver une solution réglementaire à un phénomène comme celui-là, mais on peut certainement encourager des conditions qui, une fois réunies, pourront – peut-être, là – donner des résultats sur le plan des transactions.

M. Landry (Verchères): Mme la Présidente, je voudrais compléter un peu cette réponse du président, qui a répondu d'une façon pointue à la question des mouvements est-ouest, pour ajouter, ce que tout le monde perçoit à Montréal, à Toronto et ailleurs, que les mouvements nord-sud sont encore plus grands. Il y a une logique implacable qui est celle, d'abord, de l'ouverture totale des frontières au mouvement de l'argent et des capitaux, à toutes fins pratiques, et qui découle aussi du fait que la Bourse, c'est un service. C'est la place, suivant le sens, le terme ancien, où on va chercher les moyens financiers dont on a besoin. Et plus la place est grande, plus il y a de moyens et plus la concurrence est vive.

Alors, le député de Laporte connaît sans doute des industriels montréalais qui ont inscrit leur entreprise sur des places qui ne sont ni celle de Toronto ni celle de Montréal. Je pense que, là, on est dans ce contexte de concurrence où chaque place doit offrir le plus grand nombre d'avantages possible, tout en songeant à l'intérêt de ses usagers. L'intérêt de l'usager de la Bourse doit primer sur l'intérêt de la Bourse.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci, M. le ministre. Alors, c'est fini pour M. le député de Laporte. M. le député d'Abitibi-Ouest.


Voyage hors Québec des membres de la Commission (suite)

M. Gendron: Oui. Je voudrais revenir assez rapidement sur le constat qui a été fait par le député de Laporte à l'effet que, à coup sûr, sur une échelle peut-être plus large qu'une couple d'années, il y a eu un certain nombre de voyages qui n'avaient pas nécessairement une très grande pertinence, même si on peut, après qu'ils ont eu lieu, les expliquer. Moi, j'aimerais mieux, comme parlementaire, pour la suite des choses puis pour qu'on puisse faire, peut-être, un travail plus valable de vérification...

Et j'arrive à deux questions précises: Est-ce que le président de la Commission des valeurs mobilières peut nous garantir que, de tout temps, il n'y a pas de déplacements qui ne sont pas évalués au préalable, qui ne sont pas appréciés par rapport à la philosophie ou à l'orientation que veut se donner la Commission des valeurs mobilières, et porter le jugement ante, avant d'y aller, que tel et tel voyage peut être ou pas beaucoup contributif par rapport aux objectifs que la Commission des valeurs mobilières véhicule? Alors, j'aimerais ça savoir si on s'impose cette rigueur de gestion, si, oui, on a une grille d'évaluation et, sur chacune des invitations à des forums internationaux, à des participations quelconques, si on s'assure qu'on va aller quérir un certain nombre d'informations ou de profitabilités, entre guillemets, qui vont nous permettre, dans le futur, d'être capables de justifier un voyage pour lequel on a eu une appréciation. Première question, j'aimerais savoir si ça existe.

Puis, également, parce que je trouve que c'est lié: Est-ce que, dans tous les cas, la Commission des valeurs mobilières pourrait déposer un rapport... bon, pas nécessairement de mission, mais c'est un nominatif pour se comprendre, un rapport d'évaluation sur les voyages effectués, et, oui, tirer, dans l'évaluation, un jugement appréciatif qui est colligé, pour qu'éventuellement on puisse dire: Voilà, on ne fait pas juste expliquer où nous sommes allés et pourquoi nous y sommes allés, mais quel but on visait et, après une appréciation, au moins être en mesure de faire le constat que, sans tomber dans l'échelle d'appréciation «un peu, beaucoup, passionnément, à la folie», c'est satisfaisant ou pas, là? Et, moi, j'aimerais savoir si cet engagement-là vous agrée, parce que ça nous permettrait, je pense, année après année, de déborder un peu du «nombre, qui est allé, et les endroits». Parce que ça fait un petit bout de temps que je suis ici, moi, là, et on voit toujours les mêmes affaires. Et on nous dit: Oui, oui, c'était utile, c'était requis, c'était nécessaire. C'est facile de justifier après.

La Présidente (Mme Barbeau): M. Martel.

M. Martel (Jean): Tout à fait, je pense, Mme la Présidente. C'est sûr que c'est assez difficile de faire une évaluation systématique de chacune des rencontres, par exemple, auxquelles peut se livrer un groupe de travail de l'Organisation internationale des commissions de valeurs. Quand on a un groupe de travail et qu'il y a, mettons, 10 pays qui sont représentés, comme la documentation qu'on a fait circuler le démontre, c'est assez difficile de dire: Bien, voici, là, on a travaillé à développer un énoncé... En fait, c'est développer un énoncé de politique; c'est ça, le travail dont il s'agit. Alors, évidemment, l'OICV publie régulièrement, moi, je dirais, deux ou trois documents de réflexion par année, qui, comme je le disais, influencent, constituent un peu l'étalon de référence pour tous les exercices de réglementation qui se font sur une base nationale, après coup, par les participants. Alors, par exemple, si on a un groupe de travail, le Groupe de travail numéro 4, auquel fait référence notre liste de voyage, le Groupe de travail numéro 4 de l'OICV, ou numéro 5, ça se penche sur la surveillance des marchés et l'exécution forcée. Là, ce qu'on a décidé d'examiner, cette année, c'est le réseau Internet. On dit: Bon...

M. Gendron: ...si vous me permettez...

M. Martel (Jean): Oui.

M. Gendron: J'avais lu ça et je suis complètement d'accord. Vous devez bien vous douter que ce n'est pas de ceux-là que je parle. Quand on porte un jugement sur le fait qu'il y a un certain nombre de voyages qui étaient de trop, ça ne doit pas être sur des groupes de travail où il est difficile d'anticiper. Ou encore, c'est l'inverse. C'est des groupes de travail nécessaires parce qu'ils sont planifiés, eu égard à un objectif, et il va y avoir quatre, cinq, six séances de travail dans le temps, c'est évident.

M. Martel (Jean): C'est ça.

M. Gendron: Mais, dans la liste qu'il y avait de publiée, sur les quatre, cinq dernières années, il n'y avait pas que des déplacements pour des groupes de travail, à la Commission des valeurs mobilières. Il y avait des fois à aller quérir des informations. Il y avait des fois... Et j'arrête là parce que, au lieu de porter le jugement, si on avait ce que je vous demande...

M. Martel (Jean): O.K.

M. Gendron: Alors, ma question est simple, ce n'est pas compliqué: Est-ce que ça vous intéresse, comme président de la Commission des valeurs mobilières, de, oui, nous donner la garantie que, dans tous les cas, il y aura deux affaires? On sait à peu près ce qui va aller se tirer de ça et on va exiger un rapport d'évaluation, après que l'événement aura eu lieu, qu'on met dans les fichiers de la Commission des valeurs mobilières, pas juste pour se couvrir et justifier le voyage, mais pour être capable de progresser, s'il arrive des mutations de personnel et des changements de président...

M. Martel (Jean): Absolument.

M. Gendron: ...pour qu'il y ait un peu de continu.

(16 h 40)

M. Martel (Jean): Tout à fait, tout à fait, Mme la Présidente. Je peux même vous dire qu'on fait mieux que ça, même, on est...

M. Gendron: Ah! bien, là! Le dépassement est permis.

M. Martel (Jean): Ha, ha, ha! Depuis mon arrivée en poste, là, ce qu'on est en train de travailler, c'est un système qui permet de faire circuler toute l'information à laquelle le participant, qui... Comme je l'ai dit tout à l'heure, le participant à une rencontre, dorénavant, sur le plan international, c'est le meilleur élément de la Commission disponible pour discuter de la question. Ce n'est pas pour faire plaisir, là. On envoie vraiment notre «top-notch» pour discuter de la question. Cette personne-là, évidemment, elle s'enrichit, et le système qu'on est en train d'organiser, c'est de nous permettre de faire rayonner cet enrichissement parmi l'ensemble du personnel. Et là on travaille très fort là-dessus.

J'ai nommé une personne qui est responsable de ce qu'on appelle les relations extérieures de la Commission, qui est en train de monter ce système-là. De telle sorte que, plutôt que d'avoir à faire travailler 10 ou 15 professionnels ou, éventuellement, d'espérer pouvoir en avoir 15 de plus pour faire ce travail-là, on l'a, le travail, déjà fait par les gens qui administrent ces législations-là dans les pays concernés. Alors, on serait bien fou de s'en priver. Ce qu'on fait, c'est qu'on essaie de vraiment libérer tout le potentiel de l'information à laquelle on a accès. Et, moi, je suis confiant qu'on va en retirer des bénéfices importants.

Alors, on fait ça, on fait un examen extrêmement sérieux des questions, on fait ce que j'appelle un casting extrêmement sérieux, aussi, au niveau de la participation de la Commission, et, après coup, on s'organise pour que les résultats et l'information à laquelle on a eu accès bénéficient à d'autres qui n'ont pas eu la chance de participer parce qu'ils n'ont pas le même niveau d'expertise que le participant concerné.

M. Gendron: Merci.

M. Landry (Verchères): Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Barbeau): M. le ministre.

M. Landry (Verchères): ...pour empêcher que, l'an prochain, comme le dit si bien le député d'Abitibi-Ouest, on soit encore à tourner en rond sur cette question importante, mais, somme toute, accessoire au travail de la Commission, avec les conseils du député de Crémazie et, éventuellement, ceux du député de Laporte, s'il veut m'en prodiguer, je vais garder un oeil là-dessus, au moins pour les 12 prochains mois – surtout que j'ai de l'entraînement; pendant des années, j'ai eu à approuver tous les voyages de tout le gouvernement, comme ministre des Relations internationales – non pas pour prétendre que ces voyages ne sont pas utiles, non pas pour tenir en laisse, non plus, une commission pour laquelle nous nommons des hommes et des femmes au conseil d'administration et un président-directeur général qui doit être responsable et comptable de ses actes, non pas, donc, pour exercer un contrôle tatillon, mais pour que cette question soit liquidée, en toute confiance, rapidement, lorsque nous reviendrons devant cette commission, avec des critères, quelques chiffres brefs, et on passera à d'autres choses. Alors, je pense que le député d'Abitibi-Ouest, qui sera probablement encore là, peut-être pas... mais que d'autres collègues puissent, l'an prochain, liquider cette question rapidement.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors...

M. Gendron: Non, non, non. M. le vice-premier ministre...

M. Landry (Verchères): Je ne dis... Je ne veux...

M. Gendron: Il a ouvert une perspective. Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Je ne veux pas dire que le député ne sera pas à l'Assemblée nationale.

Une voix: Ah! Non!

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Mais il pourrait ne pas être commis aux travaux de cette commission.

M. Gendron: Je vous remercie, M. le vice-premier ministre. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Barbeau): Madame... Oui, M. le...

M. Bourbeau: Est-ce que le député d'Abitibi-Ouest voudrait profiter de l'occasion pour faire une annonce devant la commission, ou...

M. Gendron: Il est un peu tôt.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Ah bon! Ah bon!

La Présidente (Mme Barbeau): Bon. Alors, est-ce qu'il y a d'autres questions sur la Commission des valeurs mobilières? Alors, nous allons passer le reste des sujets. Nous avions dit que nous parlerions de façon générale des sept autres programmes. Alors, je remercie les gens de la Commission des valeurs mobilières. Et, M. le ministre, je veux juste mentionner qu'on va voter à la fin complètement...

M. Landry (Verchères): Oui.

La Présidente (Mme Barbeau): ...et qu'il vous reste, pour sept sujets, sept programmes, 3 h 45 min.

M. Landry (Verchères): Il va falloir vivre avec ça.


Déclarations d'ouverture

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, si vous avez des remarques pour le général... Alors, M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Oui. Bien, je vais prendre congé de M. Martel et le remercier, de même que ses adjoints et adjointes. Bon voyage de retour!

Et nous allons maintenant procéder à l'introduction des crédits, au sens plus général du terme. Alors, maintenant, nous poursuivons avec les crédits gérés par le ministère des Finances, puis ceux de l'Inspecteur général des institutions financières. Comme le veut une tradition bien établie, à l'étude des crédits du ministère des Finances, les dirigeants de la Caisse de dépôt et placement du Québec sont avec nous, et c'est toujours un honneur et un plaisir pour nous de recevoir dans nos murs les dirigeants d'une organisation aussi brillante que la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui, généralement, a des résultats très honorables par rapport à la moyenne de l'industrie, particulièrement cette année. Alors, ils sont parmi nous, et je leur souhaite la bienvenue, de même qu'aux dirigeants de Loto-Québec, dont on peut dire aussi beaucoup de bien, d'abord, parce que cette organisation puissante et bien gérée rapporte au trésor public québécois pratiquement 1 000 000 000 $ par année. Et, quand on sait que les principales dépenses de l'État sont la santé, l'éducation et les transferts sociaux, on se rend compte de l'importance de la contribution de Loto-Québec aux finances publiques. Je dois également féliciter Loto-Québec pour la façon dont elle a mené à bien la construction, la conception préalable et l'ouverture d'un établissement sur les rives de l'Outaouais, qui est un succès architectural certain, qui est en concurrence vive avec les casinos nord-américains et qui, déjà, se tire d'affaire d'une façon spectaculaire. Et nos compatriotes ontariens, en particulier, le fréquentent avec enthousiasme, ce qui est une façon d'illustrer le partenariat qui doit exister entre le Québec et les autres parties du Canada.

J'attire également l'attention des membres de cette commission, mais ce sera facile, puisque deux de mes prédécesseurs s'y trouvent qui m'appuieront puissamment, sur le fait que le ministre des Finances ne peut discuter librement aujourd'hui des questions touchant le prochain discours du budget, cela va de soi. Je devrai donc faire preuve, suivant la tradition, de réserve à cet égard, mais nous aurons très bientôt l'occasion de nous reprendre, je peux vous l'assurer.

Les mandats du secteur des politiques économiques du ministère des Finances sont étroitement associés au processus de planification budgétaire du gouvernement. Ses responsabilités principales sont: la préparation et le suivi des prévisions sur la conjoncture économique; l'analyse et la prévision des taux d'intérêt; l'évaluation et le développement des politiques économiques; l'analyse de l'impact économique des politiques fiscale, budgétaire, monétaire et sociale.

Pour préparer les prévisions et assurer le suivi de la situation de l'économie du Québec et du Canada, le secteur développe et maintient à jour des systèmes d'information non seulement sur la situation économique canadienne et québécoise, mais aussi, évidemment, sur la conjoncture internationale, qui se répercute dans nos indicateurs.

Le secteur a réalisé, au cours de la dernière année, un grand nombre d'études et d'analyses détaillées sur les principaux indicateurs de la demande des revenus dans l'économie, ainsi que sur l'évolution des prix, des salaires et du marché du travail, de manière à bien identifier les enjeux de la conjoncture québécoise et canadienne. Et, de plus, ce secteur a effectué des analyses d'impact économique portant sur divers aspects de la situation et des politiques économiques du Québec et du Canada.

Ce secteur a aussi élaboré plusieurs scénarios prévisionnels des taux d'intérêt et des taux de change pour fournir un ensemble de paramètres pour la prévision du service de dette. Et le secteur contribue également à l'élaboration de la stratégie de gestion de la dette du ministère.

Soit dit en passant, j'ai lu, et non pas demandé aux fonctionnaires, une appréciation extraordinaire sur l'efficacité de ce service. Le service de gestion de la dette du ministère des Finances du Québec est un des meilleurs de tous les ministères des Finances existants, qu'il s'agisse d'États souverains ou d'entités sous-nationales. Donc, je rends hommage aux hommes et aux femmes qui font que cette performance, qui n'est pas que pour la beauté du geste mais qui nous rapporte énormément d'argent, est atteinte régulièrement par ce secteur.

(16 h 50)

Par ses travaux sur la conjoncture économique et financière, le secteur des politiques économiques a contribué à la préparation des documents budgétaires du gouvernement, ainsi qu'aux travaux de la Société d'habitation du Québec qui ont conduit à la mise en place du programme Rénove, l'an dernier, par exemple. Par ailleurs le secteur des politiques économiques a réalisé, au cours de la dernière année, des travaux d'analyse sur l'évolution tendancielle et la compétitivité de l'économie québécoise. Ces travaux, qui utilisent des méthodologies semblables à celles utilisées par les grands organismes internationaux, comme l'OCDE et le Fonds monétaire international, permettent de situer l'économie québécoise par rapport à l'Ontario, à l'ensemble du Canada et aux principaux pays de l'OCDE.

En matière de politique économique, le secteur assure la réalisation d'analyses sur les questions reliées au comportement structurel de l'économie, de façon à bien identifier les enjeux qui se dessinent pour le Québec et à proposer des mesures visant à permettre au gouvernement de rencontrer ses objectifs en matière de développement économique et de création d'emplois.

C'est ainsi qu'au cours de la dernière année le secteur des politiques économiques a été associé aux travaux de plusieurs comités interministériels, notamment ceux visant à rationaliser et à harmoniser les programmes d'aide aux entreprises ainsi que les programmes en matière de développement de la main-d'oeuvre et de l'emploi. Il contribue aussi à l'examen des possibilités de création d'emplois par une politique d'aménagement et de réduction des temps de travail.

Suite au dernier discours sur le budget, le secteur a agi comme maître d'oeuvre des négociations avec le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec pour implanter le réseau des fonds régionaux de solidarité.

Enfin, le secteur des politiques économiques a conduit une série de travaux dans le secteur de la sécurité sur le revenu des personnes âgées, dont certains avec la Régie des rentes du Québec, en vue, notamment, d'établir la position du Québec dans le dossier de la renégociation de la politique de financement du Régime de pensions du Canada et du Régime de rentes du Québec, pour lesquels des consultations, d'ailleurs, sont en cours actuellement par le gouvernement du Canada.

Un mot du Bureau de la statistique du Québec, qui a pour mandat de recueillir, compiler, analyser, publier des renseignements de nature statistique. Il le fait en collaboration et en complémentarité avec les ministères et organismes québécois et Statistique Canada. Le Bureau de la statistique du Québec produit des données sur les entreprises, les gouvernements, les individus et les ménages. Il oeuvre dans les domaines démographique, économique, social et culturel.

Le BSQ a finalisé et diffusé à l'ensemble des ministères et organismes gouvernementaux les résultats de l'inventaire des activités statistiques qu'il a conduit auprès d'eux. Avec ce portrait complet de l'activité statistique au Québec, le Bureau sera à même de faire des propositions sur l'organisation de la statistique au sein du gouvernement du Québec. Ces propositions sont pour très bientôt.

De plus, le Bureau tentera, au cours de l'année à venir, de trouver une solution acceptable au problème d'accès aux fichiers administratifs, une source de renseignements de première nécessité pour un organisme statistique, s'il veut bien remplir son rôle.

Enfin, au cours des prochains mois, le Bureau est appelé à être transformé en une unité autonome de services. Ce nouveau statut permettra de donner au Bureau une plus grande flexibilité, offrira des garanties additionnelles de neutralité et renforcera son image d'organisme au service de l'ensemble des ministères et organismes québécois.

Au niveau de la programmation, le Bureau a maintenu, en 1995-1996, ses projets réguliers et a contribué à mettre l'accent sur la collaboration avec les ministères et organismes québécois et Statistique Canada. Ainsi, le Bureau a réalisé avec Statistique Canada une enquête majeure, auprès de 21 000 entreprises de tous les secteurs, sur les besoins de formation de la main-d'oeuvre québécoise, pour le compte de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, du ministère de l'Éducation du Québec et du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, ainsi que de Développement des ressources humaines Canada.

Le Bureau de la statistique a commencé à publier mensuellement des données sur le produit intérieur réel par industrie et est en train de développer un programme statistique sur le secteur des services. Vous savez que ce secteur est assez mal connu, généralement, et ça nous pose des problèmes parce que, au Québec, c'est très développé non seulement pour la consommation intérieure, mais pour l'étranger, et, souvent, nos statistiques de commerce extérieur sont faussées par notre méconnaissance de notre propre secteur des services.

Il publiera ces jours-ci de nouvelles perspectives démographiques à moyen et long terme pour le Québec, les régions administratives et les MRC. Vous savez que, par ces statistiques démographiques, il est arrivé que le Bureau de la statistique, dans une seule bonne étude, a compensé, pour des années, de ses propres frais, parce que les transferts fédéraux sont basés sur des analyses démographiques. Alors, si nous n'avions pas cette source précieuse de statistiques et de renseignements exacts sur la population, nous serions, comme c'est arrivé dans le passé, menacés de perdre des sommes très importantes qui représentent plus que ce que nous coûte le Bureau de la statistique.

Ce Bureau a par ailleurs développé, en 1995-1996, un des sites Internet considérés les plus intéressants au monde, dans le secteur de la statistique. Ainsi, le chiffre d'affaires du Fonds du Bureau, en 1995-1996, s'est maintenu à 1 600 000 $. Le Fonds a permis de réaliser, entre autres, pas moins de 200 études d'impact économique et une trentaine de travaux méthodologiques et enquêtes.

Venons-en au secteur des politiques fiscales et budgétaires. Le secteur des politiques fiscales et budgétaires a cinq principaux mandats: préparer des prévisions et le suivi des équilibres financiers; élaborer et suivre la politique fiscale; élaborer la position du Québec en matière de relations financières fédérales-provinciales; élaborer la politique de tarification; élaborer la politique fiscale et budgétaire à l'égard des administrations locales et des administrations autochtones.

Aux fins de la préparation et du suivi des prévisions des équilibres financiers, par exemple, le secteur effectue, en particulier: les prévisions de revenus, prévisions du service de la dette, suivi des dépenses de programmes, préparation de la synthèse trimestrielle des opérations financières du gouvernement. Le secteur analyse également la situation des finances publiques du Québec, des autres provinces et du gouvernement fédéral. De plus, il examine les questions entourant la fiscalité locale et l'aide gouvernementale aux organismes locaux ou régionaux, tels que les municipalités, commissions scolaires et organismes de transport en commun.

En matière de politique fiscale, le secteur doit faire des recommandations au gouvernement en matière d'impôt des particuliers et des entreprises et sur les taxes à la consommation. Pour ce faire, il réalise des études comparatives, des législations et structures fiscales aux niveaux municipal, provincial, fédéral et international, et analyse leurs interrelations afin d'élaborer des mesures fiscales et d'évaluer leurs effets sur les contribuables et les gouvernements.

Au cours de l'année 1995, le ministère des Finances a effectué, entre autres, les travaux nécessaires à la réforme de la TVQ, qui a été annoncée à l'occasion du discours sur le budget 1995-1996. Cette réforme a permis au Québec de se doter d'une véritable taxe sur la valeur ajoutée. Elle a également conduit à une simplification majeure du régime pour la majorité des entreprises oeuvrant au Québec, soit près de 1 500 000 de formulaires en moins.

Le secteur des politiques fiscales et budgétaires a également été chargé de coordonner le plan d'action du gouvernement visant à percevoir tous nos revenus. Ce plan d'action comportait trois volets représentant un enjeu majeur au dernier budget, comme on s'en souvient: les activités de perception et de vérification du ministère du Revenu; celles pour enrayer le commerce illégal des boissons alcooliques; des mesures pour enrayer le travail au noir dans l'industrie de la construction.

Le secteur des politiques fiscales est également responsable de la mise en place de nouvelles initiatives du gouvernement en matière fiscale. J'aimerais ici ne citer que les plus récentes de ces initiatives: élargissement du crédit d'impôt pour les productions cinématographiques aux variétés et magazines; réduction de la taxe appliquée sur les produits des microbrasseries; crédit de droits miniers concernant le financement de l'exploitation minière pour les petites et moyennes entreprises; nouvelles déductions pour les artistes à l'égard des revenus provenant des droits d'auteurs et autres.

Quant aux relations financières fédérales-provinciales, le secteur des politiques fiscales et budgétaires est responsable d'étudier le fonctionnement et la dynamique des programmes de transferts aux provinces et de préparer les documents nécessaires à la défense des intérêts du Québec dans ce domaine. Comme on sait quelle a été la réduction dramatique de ces transferts fédéraux depuis quelques années, on voit que des milliards de dollars sont en jeu et que les équilibres mêmes du gouvernement du Québec sont en jeu à travers ces travaux de prévision.

Au cours de la dernière année, l'attention a été retenue par la mise en place par le gouvernement fédéral du fameux Transfert social canadien, en matière de santé et de programmes sociaux, que j'ai surnommé – et je crois qu'il est mieux nommé comme cela – le «désengagement social canadien». Le secteur des politiques fiscales et budgétaires a notamment élaboré la demande de transfert de points d'impôt faite par le Québec en décembre dernier. Vous savez que c'est une demande que nous faisons depuis des années. Daniel Johnson père l'avait faite lui-même, ma collègue la députée de Taillon l'a faite, je l'ai faite moi-même, toujours avec la même fin de non-recevoir, même si ce serait la logique même que, dans les secteurs de notre juridiction, nous percevions l'impôt plutôt que de recevoir des transferts fédéraux. Mais, en cette matière comme en de nombreuses autres, notamment en ce qui concerne la société distincte, le gouvernement du Canada prend les directions contraires au bon sens et, on dirait, poussé par je ne sais quel instinct autodestructeur, fait en général ce qu'il ne devrait pas faire dans l'intérêt du Québec.

La fiscalité, maintenant, à l'égard des administrations décentralisées. Étant donné que la fiscalité fédérale, provinciale et locale ne touche finalement qu'un seul et même contribuable, le secteur des politiques fiscales et budgétaires est aussi chargé d'analyser la problématique du financement des gouvernements décentralisés: municipalités, commissions scolaires. Au cours de la dernière année, le secteur a notamment contribué aux travaux entourant la préparation du dossier de la décentralisation des activités gouvernementales.

(17 heures)

Les principaux mandats, maintenant, du secteur des politiques et opérations financières, autre champ de nos activités, sont les suivants: assurer la gestion et le suivi des politiques des processus financiers; agir à titre de conseiller à l'égard des responsabilités d'actionnaires de sociétés d'État; réaliser des opérations de financement; gérer le fonds consolidé du revenu. Ce secteur intervient également dans l'ensemble du financement du secteur public québécois et il conseille le gouvernement sur les politiques à l'égard des régimes de retraite du secteur public, en termes de comptabilité aussi bien que de financement.

Concernant les sociétés d'État, outre les analyses des projets d'investissement, le secteur a coordonné la réalisation de quatre transactions de vente d'actifs, soit par la participation résiduelle de SOQUEM dans Cambior, qui a été liquidée comme chacun sait, la participation de la SGF dans l'aluminerie Albécour, la participation de Sidbec dans l'usine Normines, et enfin la disposition de MIL Davie.

Le Fonds de financement du ministère a, pour sa part, continué de fournir du financement à meilleur coût aux établissements des réseaux de l'éducation, de la santé et des services sociaux ainsi qu'aux sociétés d'État. Au 31 mars 1996, l'en-cours des prêts s'établissait à 5 900 000 000 $ pour le long terme et à 279 000 000 $ pour le court terme.

En plus des économies réalisées directement par les organismes qui empruntent auprès du Fonds de financement, les établissements des réseaux et des municipalités ont pu bénéficier d'économies substantielles pour l'exercice financier 1995-1996. Ces économies réalisées sont estimées à plus de 50 000 000 $. Quant aux opérations financières du fonds consolidé du revenu, qui portent sur plus de 400 000 000 000 $ annuellement, l'effort d'amélioration des systèmes de perception et de paiement a été poursuivi afin de les rendre plus efficaces. L'élargissement des champs d'utilisation des transferts électroniques de fonds et des échanges de documents informatisés dans différents domaines a marqué l'année 1995-1996.

En matière de planification du financement et de gestion de la dette, les conditions des marchés financiers et la taille des besoins de financement du secteur public continuent de représenter un défi d'importance. Le ministère des Finances recherche continuellement de nouvelles formes de financement qui permettront de réaliser des opérations avec plus de flexibilité et à meilleur coût.

Le secteur est impliqué, en 1995-1996, dans la réalisation de financement d'un peu plus de 13 000 000 000 $ pour le secteur public. Il a réalisé un programme de financement de l'ordre de 6 500 000 000 $ pour le fonds consolidé et le Fonds de financement à des conditions très intéressantes. Déjà à la fin de l'été dernier, plus de 80 % du programme de base de l'année avait été complété à un moment où les taux d'intérêt étaient avantageux. Depuis, l'intérêt des investissements pour les titres du Québec n'a cessé de croître et les écarts de rendement avec les titres des autres emprunteurs au Canada se sont réduits substantiellement. Ce contexte favorable nous aura permis de compléter facilement notre programme de financement et de réaliser un devancement pour l'année 1996-1997 de l'ordre de 1 000 000 000 $.

Par ailleurs, des emprunts de près de 900 000 000 $ ont été effectués au nom des sociétés d'État et des organismes subventionnés des secteurs de l'éducation, de la santé et des services sociaux, alors que le ministère a coordonné pour un montant de 2 200 000 000 $ d'emprunts effectués par Hydro-Québec.

Enfin, le secteur a développé au cours de l'année, en collaboration avec l'entreprise privée, le système de nouveaux produits d'épargne qui seront offerts aux Québécois à compter du mois prochain dans le cadre de la campagne d'obligations d'épargne du Québec. Les Québécois se verront ainsi offrir des produits diversifiés et plus modernes, avec des rendements compétitifs.

Le secteur, maintenant, des politiques relatives aux institutions financières. Ce secteur est responsable de l'élaboration de l'ensemble des politiques à l'égard du secteur financier québécois. Les objectifs poursuivis sont de favoriser le développement des institutions financières québécoises, d'assurer la stabilité des institutions et la protection des épargnants et des consommateurs, et de renforcer l'efficacité des marchés. Au cours de la dernière année, le ministère a poursuivi ses travaux pour une meilleure harmonisation interprovinciale et internationale des politiques et des normes qui régissent les institutions financières, notamment à l'égard des sociétés de fiducie et de valeurs mobilières.

Le secteur des politiques relatives aux institutions financières a aussi poursuivi ses travaux de révision quinquennale des principales lois gouvernant nos institutions et marchés. Il s'est aussi penché sur différentes mesures concernant le secteur financier, ayant notamment participé à la préparation de la législation qui a permis au Mouvement Desjardins d'accéder pour la première fois au marché des capitaux et de celle constituant le Fonds de développement de la CSN, la Fondaction, comme on l'appelle.

La Présidente (Mme Barbeau): Il vous reste 30 secondes, M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Bien. Ça va bien, je pense. Enfin, ce secteur effectue un suivi rigoureux des initiatives du gouvernement fédéral dans le domaine des valeurs mobilières et des institutions financières.

Alors, comme vous le voyez, le ministère des Finances a des responsabilités très spécifiques, très pointues. Son budget ne reflète pas tant s'en faut l'importance de ses activités, puisque le service de la dette y est inclus. Mais, avec les quelques centaines de millions de dollars qu'il nous reste à gérer, nous rendons des services signalés à l'ensemble du gouvernement. Notre ministère est un ministère de services, largement. Il a de hautes traditions d'excellence, établies au cours des années, et nous nous efforçons de les maintenir.


Discussion générale

La Présidente (Mme Barbeau): Merci, M. le ministre. M. le député de Laporte.


Service de la dette directe et intérêts sur le compte des régimes de retraite

M. Bourbeau: Oui. Mme la Présidente, on en arrive finalement aux crédits du ministère. Quand on regarde les crédits du ministère des Finances, ce n'est pas un gros ministère, en termes de crédits, si ce n'est, bien sûr, du programme 4, qui est le Service de la dette directe et intérêts sur le compte des régimes de retraite. À part ça, ce sont des sommes que je ne qualifierais pas d'insignifiantes, parce que...

M. Landry (Verchères): Non, ça serait mal vu.

M. Bourbeau: ...1 000 000 $ est toujours 1 000 000 $, n'est-ce pas, comme le disait feu C.D. Howe. Mais, quand on regarde l'ensemble du budget du Québec, c'est bien évident que c'est le 6 000 000 000 $, 5 900 000 000 $ du service de la dette qui est intéressant.

Et on voit, à ce sujet-là, qu'il y a une diminution pour cette année, une diminution d'au-delà de 300 000 000 $ dans les coûts du Service de la dette directe et les intérêts sur le compte des régimes de retraite. Or, comme on sait que le gouvernement a terminé l'année avec un déficit de 4 000 000 000 $, de tout près de 4 000 000 000 $, qu'il faudra financer, bien sûr, l'année qui vient, c'est assez étonnant de voir qu'on pourra s'en tirer, pour l'année qui vient, avec un budget de 300 000 000 $ de moins alors qu'on a à financer une dette qui s'est accrue de 4 000 000 000 $.

Quant à moi, je comprends très bien les explications, je connais bien les explications, mais je pense que ça serait intéressant pour la commission que le ministre nous explique comment il se fait que, d'un coup de baguette magique, on peut, comme ça, financer une dette qui augmente avec des crédits qui diminuent.

Et, par la même occasion, le ministre pourrait peut-être nous dire pourquoi, cette année, on fait un report des versements au fonds d'amortissement des régimes de retraite et qu'on constate également une hausse des taux d'intérêt applicables au compte des régimes de retraite. On vit dans des périodes de temps où les taux d'intérêt baissent, diminuent, et non pas augmentent. On sait aussi que le gouvernement doit payer des taux d'intérêt assez élevés à la Caisse de dépôt sur le compte de retraite, puisqu'on doit payer le taux moyen du rendement de la Caisse et que la Caisse a un bon rendement. Alors, le ministre pourrait-il nous expliquer pourquoi, dans ces conditions-là, on paie le rendement, si je comprends bien, le rendement moyen de la Caisse et on n'a pas recours à l'emprunt sur les marchés internationaux plutôt que d'emprunter de la Caisse de dépôt ou de payer des intérêts à la Caisse de dépôt?


Diminution des crédits

M. Landry (Verchères): D'abord, le député a parlé de baguette magique. Ce n'est pas la baguette magique qui fait la différence, c'est la main qui tient la baguette, et la main qui tient la baguette, c'est la fameuse main invisible, dont parlait Adam Smith, c'est-à-dire le marché. Il y a deux explications principales.

M. Bourbeau: Est-ce que c'est la main de Dieu? Non?

M. Landry (Verchères): Pardon?

M. Bourbeau: Ce n'est pas la main de Dieu?

M. Landry (Verchères): Ah! ça, c'est plus votre rayon que le mien.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Moi, je me confine à l'économie et aux valeurs matérielles, mais je sais que certains de vos dirigeants ont poussé très haut le culte des valeurs spirituelles, ce qui était à leur honneur du reste, mais ce n'est pas notre propos aujourd'hui. Non, moi, je parlais de la main invisible d'Adam Smith.

M. Bourbeau: Oui, mais la baguette magique, ça, c'était pendant la campagne électorale. C'est terminé, maintenant, bien sûr.

M. Landry (Verchères): Si c'est la main invisible qui la tient, le résultat peut être le même.

M. Bourbeau: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Et ce résultat, bien, c'est qu'à cause de la baisse des taux d'intérêt, donc un phénomène de marché, et la baisse des taux de change, un phénomène de marché, on a là l'essentiel de l'explication de ce qui, pour le député de Laporte, semble une chose incongrue. Il y a aussi...

M. Bourbeau: M. le Président... Mme la Présidente...

M. Landry (Verchères): Il y a aussi une petite rallonge.

M. Bourbeau: ...je regrette là.

La Présidente (Mme Barbeau): Oui, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Ce n'est pas incongru du tout. J'ai dit au ministre, qui n'écoutait sûrement pas, qu'on comprenait très bien le système. Je lui ai donné l'occasion d'expliquer à la commission pourquoi il y avait ces changements-là, mais, le ministre, qu'il ne s'imagine pas que le député de Laporte ou le député de Crémazie ne comprennent pas ces choses-là. On les comprend très bien.

M. Landry (Verchères): Pour le député de Crémazie, j'en suis absolument sûr.

M. Bourbeau: On vous donne...

M. Landry (Verchères): Sa compétence est éprouvée et reconnue.

M. Bourbeau: Oui, oui, on a vu ça. On a vu ça avec sa récente nomination, oui.

M. Landry (Verchères): Ça, je ne pense pas que ce soient les paroles les plus élevées que vous ayez prononcées en cette Assemblée.

M. Bourbeau: Non, mais je ne fais que suivre l'exemple du ministre des Finances, qui a donné le ton au début de la commission.

M. Landry (Verchères): Je pense que, là encore, vous n'êtes pas dans les bonnes harmonies.

M. Bourbeau: Ah! c'est votre opinion, pas la mienne.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, j'aimerais bien qu'on revienne au...

M. Landry (Verchères): Alors, je l'ai dit, c'est les taux d'intérêt et le taux de change. Il dit qu'il le savait. S'il le savait, je ne sais pas pourquoi il me l'a demandé.

(17 h 10)

M. Bourbeau: Je vous ai expliqué pourquoi.

M. Landry (Verchères): Et puis, pour l'autre explication, parce qu'il y a aussi un dépassement d'explication, si le député veut savoir exactement la réponse intégrale, le sous-ministre des Finances, qu'il connaît bien, va lui donner la suite.

M. Bourbeau: Oui.

La Présidente (Mme Barbeau): M. Rhéaume. C'est ça?

M. Rhéaume (Alain): Oui. Alors, la diminution des crédits permanents est de l'ordre de 312 000 000 $. 523 000 000 $ se rapportent au service de la dette directe, comme M. le ministre vient de l'expliquer. Ça se rapporte principalement à la réduction des taux d'intérêt et à l'amélioration des taux de change par rapport à ce qui était prévu l'année dernière; aussi, au report d'un versement qui, au moment des crédits 1995-1996, était anticipé à l'égard du fonds d'amortissement des régimes de retraite. L'ensemble de ces réductions-là est partiellement compensé, évidemment, par la hausse de l'en-cours de la dette du gouvernement. On finance à chaque année les nouveaux déficits du gouvernement et, en conséquence, le volume des emprunts, le volume de la dette, lui, a continué d'augmenter.


Hausse des taux d'intérêt applicables au compte des régimes de retraite

Pour ce qui est des intérêts sur le compte des régimes de retraite, ils sont en hausse de 211 000 000 $ par rapport à l'année dernière; donc 523 000 000 $ de réduction au service de la dette directe et 211 000 000 $ de hausse aux intérêts sur le compte des régimes de retraite. Et cette augmentation des intérêts au compte des régimes de retraite relève essentiellement de deux choses. D'abord, l'augmentation du solde du compte: le solde du compte des régimes de retraite s'en va croissant chaque année, disons que la dette du gouvernement à l'égard des régimes de retraite s'en va en augmentant. Le deuxième facteur, c'est: comme il a été convenu de reporter les versements dans le fonds d'amortissement des régimes de retraite et comme les revenus du fonds d'amortissement des régimes de retraite vont en déduction des intérêts qui s'appliquent sur le compte des régimes de retraite, eh bien, le fait qu'il y a eu un report de versements fait en sorte que la réduction des intérêts est moindre que ce qui était anticipé il y a un an.

Pourquoi cela est-il? Il a été mentionné tout à l'heure qu'au cours de l'année 1995-1996 le ministère des Finances a réalisé, pour le secteur public, un programme d'emprunt de l'ordre d'un peu plus de 13 000 000 000 $. Il a été jugé important, en 1995-1996, de ne pas emprunter davantage sur les marchés pour pourvoir un versement supplémentaire au fonds d'amortissement des régimes de retraite.

La raison pour laquelle il a été convenu de ne pas faire des emprunts additionnels en vue de pourvoir à un versement supplémentaire au fonds d'amortissement des régimes de retraite était que, avec le volume d'emprunt qu'il y a à réaliser, avec, comme on le sait, une sollicitation de l'épargne intérieure qui est quand même importante de la part de l'ensemble des agents économiques au Québec, il était hors de question pour le gouvernement d'évincer du marché des emprunts un certain nombre d'autres agents économiques au Québec, et, en faisant nous-mêmes des appels plus importants aux marchés financiers, de forcer l'ensemble des taux d'intérêt sur les titres du gouvernement du Québec et ceux qui s'appliquent aussi aux organismes qu'il subventionne et à ses sociétés d'État, de les forcer à la hausse en faisant un appel trop massif aux marchés financiers.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Ce faisant, il est évident que ça a comporté un coût additionnel pour le gouvernement. Le fait de ne pas emprunter des sommes additionnelles, de ne pas profiter de la conjoncture intéressante sur les marchés pour emprunter des sommes d'argent pour le compte de retraite, ça vous a coûté plus cher, en termes de taux d'intérêt. Est-ce que le ministre pourrait nous dire quel est le taux qui a été payé par rapport à ce qui aurait été payé si on avait procédé autrement?

M. Rhéaume (Alain): En fait, quand on le regarde dans son ensemble, il faut se rappeler que les taux d'intérêt qui sont payés sur le compte des régimes de retraite sont reliés aux rendements qui sont réalisés sur les sommes qui sont déposées par les employés dans le fonds des employés, à la Caisse...

M. Bourbeau: À la Caisse.

M. Rhéaume (Alain): ...de dépôt et placement. Je veux dire, ces taux d'intérêt, aux crédits 1995-1996, ce taux était prévu à 7,87 %; pour 1996-1997, au moment des crédits, il était prévu à 7,75 %. L'ensemble des financements que réalise le gouvernement, dépendamment des conditions de marché, peut être réalisé... Par exemple, on a vu, là, que l'hypothèse que nous avons pour la prévision du coût du service de la dette est à l'effet que, sur les obligations conventionnelles du gouvernement, à 10 ans, pour l'année 1995-1996, au moment des crédits, l'hypothèse était de 9,85 %; pour 1996-1997, l'hypothèse est de 8,22 %.

Donc, dans l'ensemble, pour le moment, les rendements qui sont à payer sur le compte des régimes de retraite sont légèrement inférieurs à ce que coûteraient des emprunts additionnels pour le pourvoir. C'est vrai aujourd'hui, ce n'est pas nécessairement vrai en toute période. Alors, c'est une considération additionnelle qui entre en jeu au moment où nous faisons le programme d'emprunts de l'année, au moment où nous l'exécutons. Et, suivant l'évolution des besoins d'emprunts totaux du secteur public et suivant l'évolution des conditions sur les marchés, il peut être préférable, à certains moments, d'emprunter pour faire des versements; à d'autres moments, de ne pas le faire.

M. Bourbeau: En fait, ce que vous nous dites, c'est que c'était plus économique, au cours de l'année dernière, de ne pas pourvoir le fonds d'amortissement, parce que les taux d'intérêt qui étaient payés sur le régime de retraite des fonctionnaires étaient inférieurs, le régime de retraite qui est payé est inférieur à ce que ça vous aurait coûté si vous aviez emprunté sur des marchés internationaux.

M. Rhéaume (Alain): C'est vrai pour cette année...

M. Bourbeau: Oui.

M. Rhéaume (Alain): ...en termes des taux qui s'appliquent à chacun des deux véhicules, si on peut dire, ce n'est pas nécessairement vrai à long terme.

M. Bourbeau: D'accord.

M. Rhéaume (Alain): Mais le choix pour cette année était de ne pas le faire, compte tenu de l'évolution de la conjoncture, d'une part, et, d'autre part, de l'évolution de la taille des besoins d'emprunt du secteur public pour cette année.

M. Bourbeau: Et le taux d'intérêt qui est payé à la Caisse de dépôt sur les sommes d'argent que doit le gouvernement, est-ce que c'est sur le rendement moyen de la Caisse ou... Pouvez-vous préciser quel est ce taux-là?

M. Rhéaume (Alain): Dans le fond, le taux qui s'applique au compte des régimes de retraite est basé sur... Ce n'est pas celui du fonds général de la Caisse de dépôt. Dans le fond, c'est une formule qui est mixte, c'est-à-dire que la dépense d'intérêts à inscrire pour l'année se calcule en appliquant au solde du compte non budgétaire, à la fin d'une année, le taux stabilisé du fonds des employés de niveau syndicable du régime de retraite, du RREGOP, du gouvernement, déposé à la Caisse de dépôt.

Pourquoi c'est ça? Parce que, dans le fond, les régimes de retraite sont financés de manière équivalente par l'employeur et l'employé. Il est donc normal que les taux d'intérêt qui sont imputés sur la somme que le gouvernement inscrit à son compte des régimes de retraite soient équivalents, à terme, à ce que génèrent comme rendement les fonds des employés qui sont déposés à la Caisse de dépôt. Donc, c'est le même taux que rapporte le fonds des employés de niveau syndicable, au RREGOP, déposé à la Caisse de dépôt, qui est stabilisé de la façon suivante, avec deux composantes: c'est le rendement obtenu des revenus d'intérêts et de dividendes du fonds 301, réalisé au cours de l'année civile qui se termine dans l'année financière du gouvernement, l'année civile de la Caisse. Ces montants de revenus en intérêts et dividendes, en fait, sont obtenus par la somme des revenus de placement et des autres revenus du fonds 301.

Pour ce qui est de la composante gains et pertes de capital qui s'ajoute au rendement courant, ce qui est utilisé, c'est la moyenne des rendements annuels en gains et pertes de capital du fonds 301 qui est réalisée sur une période de cinq ans, se terminant avec la dernière année civile. De façon à prévenir les sauts dans les taux d'intérêt imputés, elle est donc stabilisée sur une période de cinq ans. Il y a un facteur de stabilisation de la partie gains et pertes en capital du fonds 301.

(17 h 20)

M. Landry (Verchères): Je pense qu'on peut en conclure – je ne sais pas si le député de Laporte en conviendra – que ces politiques de gestion de la dette n'ont aucune caractéristique qui nous coûte plus cher; au contraire, plusieurs d'entre elles nous ont coûté moins cher, en tout cas au cours de la période. J'imagine qu'il peut y avoir un certain élément aléatoire là-dedans, parce que notre prévision, pour être bonne, n'est pas parfaite, des taux d'intérêt. Mais, en tout cas, on peut dire que, cette année, le vent a adonné, si je comprends bien, et on est rentré non seulement dans les prévisions qu'on avait faites, mais on a eu des conditions sensiblement inférieures à une gestion moins serrée.

M. Bourbeau: En fait, la clé, là, c'est la stabilisation sur cinq ans du rendement, parce que la Caisse, l'an dernier, bien sûr, avec le rendement de la Bourse, surtout de la Bourse américaine, qui a fait un rendement de plus de 30 %, c'est bien évident que les rendements ont été très, très, très importants. Mais je vois qu'il y a une stabilisation sur cinq ans qui ramène le taux moyen à un taux qui se compare au taux qu'on peut obtenir sur les emprunts sur les marchés.

M. Landry (Verchères): Oui. Ce qui ne veut pas dire qu'avec l'aide de l'opposition on ne pourrait pas considérer certains assouplissements à certaines politiques de placement de la Caisse. En tout cas, je pense que c'est une chose à laquelle vous pouvez réfléchir. Il y a des modifications qui pourraient être souhaitables pour tout le monde. Mais, pour l'instant, on ne peut pas dire que ça nous a coûté de l'argent.

M. Bourbeau: Parfaitement d'accord.

La Présidente (Mme Barbeau): Oui. Il n'y a pas de problème. M. le député de Bellechasse, sur ce sujet.


Emprunts en monnaies étrangères

M. Lachance: Merci, Mme la Présidente. Mes questions seront brèves et j'imagine que j'aurai des réponses courtes. C'est concernant la dette. Au 31 mars 1995, ce qui apparaît, en tout cas, dans les documents officiels, c'est une dette, hélas! de 75 000 000 000 $. J'aimerais savoir le pourcentage des emprunts pour cette dette dans les principales monnaies: dollar canadien, yen japonais... les principales monnaies.

M. Landry (Verchères): Alors, en dollars canadiens, 64 %; en US, 18 %; en tierces devises, 17,2 %. Et ces tierces devises sont: le yen, le Deutsche Mark, le franc suisse, le franc français et la livre sterling. Donc, les deux tiers, pratiquement, en monnaie locale, et le reste en devises: moitié US, moitié tierces. Ça, c'est la dette directe.

M. Lachance: Oui.

M. Landry (Verchères): Mais la dette des régimes de retraite, là, dont on a beaucoup parlé, elle est toute locale. Elle est toute locale, en dollars canadiens.

M. Lachance: Quelles sont les mesures de protection qui existent, qui ont été prises contre les risques des taux de change?

M. Landry (Verchères): On a des méthodes assez complexes de stratégie de gestion de cette dette, que le sous-ministre peut vous décrire avec le plus de précision possible, mais on a des accords d'échange instantané, on a des «swap» de toutes sortes. C'est quoi, le «hedging», c'est l'achat d'options, une mesure technique, là, dont le sous-ministre peut parler.

M. Rhéaume (Alain): On sépare complètement la recherche des capitaux dont on a besoin de la façon dont on gère notre dette. On va chercher des capitaux dans tous les marchés internationaux, aux meilleures conditions possibles, avec la plus grande variété possible d'investisseurs qui sont prêts à faire confiance au crédit du Québec et avec la plus grande diversité possible d'instruments. On va chercher ces capitaux-là au meilleur coût.

La deuxième partie de notre gestion de dette consiste à gérer la somme de la dette de façon à en minimiser conjointement le rendement et le risque. Si on compare le résultat, disons, de cette gestion de dette que l'on a appliquée au cours des années en la protégeant ou en la modifiant avec toute la diversité d'instruments dérivés qui sont à la disposition de n'importe quel emprunteur, si on compare la dette que l'on supporte, le 75 000 000 000 $ auquel vous avez fait référence, avec une dette qui serait à 100 % en dollars canadiens, qui aurait été contractée à 100 % en dollars canadiens, à taux fixe, pour une période de 10 ans, ce qui est le standard normal, la dette du gouvernement du Québec a coûté, en 1995-1996, environ 265 000 000 $ de moins en coût de service de dette que ça n'aurait été le cas.

Donc, je ne peux pas vous décrire, au bénéfice de la commission, exactement tout l'ensemble et chacune des transactions de protection, chacune des mesures de protection, mais la façon dont on a géré la dette, une fois réalisées les opérations d'emprunt, a eu pour effet de réduire son coût d'à peu près 265 000 000 $. La façon dont on a géré aussi cette dette-là, la façon dont on a constitué sa structure, telle que le ministre vient de la décrire, en 1996-1997, devrait amener un coût de service de dette de un peu plus de 300 000 000 $ inférieur à ce que ça aurait été si l'ensemble de la dette avait été contractée en dollars canadiens à taux fixe.

Cette procédure, cette façon de gérer la dette est faite à partir des modèles les plus sophistiqués que l'on puisse trouver, qui ont été développés au ministère des Finances depuis 1988, avec un mode de gestion qui est en place depuis 1990, qui est essentiellement l'application de la théorie à un portefeuille de dette au lieu de l'appliquer à un portefeuille d'actif. Et les résultats qu'on a obtenus jusqu'à maintenant permettent au gouvernement, pour un, à niveau de déficit égal, de pouvoir consacrer plus d'argent au service courant plutôt qu'au service de la dette.

M. Lachance: Selon les informations que vous m'avez communiquées, vous m'avez dit qu'il y avait 64 % de la dette qui est financée, libellée en dollars canadiens. Mais, pour le reste, 36 %, il y a quel pourcentage de ce 36 % qui a une protection contre les fluctuations de monnaies, de taux de change?

M. Rhéaume (Alain): Mme la Présidente, si vous permettez, pour plus de précision, les chiffres qui ont été mentionnés sur la structure de la dette donnent la structure de la dette après les interventions destinées à la protéger. Au moment où on a réalisé initialement les emprunts, elle ne se présentait pas comme ça. La structure de dette dont on parle reflète les engagements relatifs à la dette du gouvernement, c'est-à-dire ce en quoi on doit effectuer nos paiements d'intérêt ou rembourser notre capital. Donc, quand on a parlé de 64 % des engagements relatifs à la dette qui sont libellés en dollars canadiens, c'est après toutes les transactions de protection. La même chose pour le 36 % qui est en diverses monnaies, dont 18 %, je crois, en dollars américains.

M. Lachance: Vous avez dit que la période habituelle était de 10 ans. Je m'excuse d'être un néophyte là-dedans, mais, étant donné qu'il y a des milliards et qu'on se sent concernés pour une partie de cette dette que, malheureusement, nous avons, est-ce qu'il y a avantage à négocier des emprunts de très long terme ou ça dépend de la situation? Sur quelle base vous déterminez la durée de l'emprunt?

M. Landry (Verchères): Mme la Présidente, le député n'a pas à se formaliser d'être un néophyte. Je pense que la plupart du monde est un néophyte dans ces matières, y compris celui qui vous parle, qui a été ministre des Finances pendant 90 jours, il y a 12 ans, et qui l'est depuis quelques mois. Mais c'est une question de stratégie et d'observation de ce qui se passe au jour le jour, et de dégager des tendances et réagir vite. Si j'ai bien compris, la stratégie, c'est d'être mobile, de percevoir les moindres souffles, et je vois ça pratiquement d'heure en heure. Et c'est ce que font nos gestionnaires.

Encore une fois, ce n'est pas eux qui me l'ont dit, j'ai lu dans une revue américaine qu'ils étaient dans les meilleurs du monde pour gérer ce genre de dette, ce qui m'a beaucoup rassuré quant aux intérêts qu'on peut faire. Mais la mécanique pointue relève de hautes techniques que, je pense bien, personne autour de cette table ne maîtrise, sauf le sous-ministre des Finances et quelques-uns de ses collaborateurs qui sont derrière moi.

M. Lachance: Quels sont les deux extrêmes? La période la plus brève et la période la plus longue des emprunts du gouvernement du Québec?

(17 h 30)

M. Landry (Verchères): Oh, pardon! Oui, c'est vrai, il y en a un autour de la table, autre que le ministre des Finances, qui est le député de Crémazie, et peut-être le député de Laporte, que je connais moins bien.

M. Rhéaume (Alain): Les échéances relatives à nos instruments d'emprunt varient de un jour à perpétuité, pratiquement. Nos titres les plus longs sont émis pour des périodes de 50 ans, je crois.

M. Lachance: Merci.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Tout simplement, là, pour préciser devant la commission. Par exemple, M. le ministre, quand on dit que, de la dette directe du Québec, il y en a un peu plus de 10 % qui est en yens japonais, ça, ça veut dire qu'il y a 10 % de la dette du Québec qui est remboursable en yens japonais qui n'est pas couverte par des «swaps» ou des trucs comme ça. Si le yen japonais s'apprécie de 30 % ou se déprécie de 30 %, c'est les dollars canadiens qui devront être convertibles.

M. Landry (Verchères): C'est ça. C'est notre découvert. C'est notre exposition.

M. Bourbeau: Notre risque.

M. Landry (Verchères): En yens.

M. Bourbeau: O.K. Très bien.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Laporte?

M. Landry (Verchères): Il est clair qu'avec les monnaies fortes les taux d'intérêt sont plus bas. Mais on se souvient des mésaventures de certaines municipalités qui, séduites par les taux d'intérêt bas en Suisse, avaient eu l'imprudence de se découvrir de dizaines de millions en francs suisses. Et puis ça a fini assez mal, au point qu'on a été obligé de faire une loi, vous vous en souvenez, pour les forcer à se protéger.

La Présidente (Mme Barbeau): Il y avait une autre question? Est-ce que vous avez autre chose?

M. Bourbeau: Oui, toujours sur le budget du ministère des Finances. Bien, quand on a fini de parler du service de la dette dans le budget du ministère...

M. Landry (Verchères): Vous venez d'épuiser une grande partie de notre budget.

M. Bourbeau: ...à ce moment-là, vous savez, on pourrait ergoter un peu sur les crédits accordés à l'étude des politiques économiques et fiscales qui augmentent d'un soupçon, les opérations financières qui diminuent d'une larme, d'un cheveu. Mais, franchement, là, les budgets sont à peu près les mêmes. Donc, on peut même constater, comme je le disais tout à l'heure, que, dans un climat où le gouvernement coupe un peu partout à la hache, ici, il a coupé au scalpel, comme le disait le ministre. Donc, le ministère des Finances a échappé, d'une certaine façon, à ces coupures massives, et, quant à moi, Mme la Présidente, je concentrerais mes efforts sur d'autres dossiers qu'on pourrait traiter dans les heures qui viennent. Il y a ici des gens de la Caisse de dépôt, il y a des gens de Loto-Québec. Il y a aussi les dossiers comme le Fonds de solidarité des travailleurs de la FTQ dont on aimerait bien traiter, de ce côté-ci. Alors...

La Présidente (Mme Barbeau): Il y avait un député ministériel, c'était une question sur le même sujet ou... Je vais le passer avant et, ensuite, on va changer de... M. le député de Roberval.


Déficit budgétaire

M. Laprise: Juste une question. Dans le service global de la dette annuel, votre service de dette annuel, notre service de dette – on peut dire que c'est notre service, c'est à tous nous autres – quel est le pourcentage qui est versé en capital, de remboursement?

M. Rhéaume (Alain): Il faut distinguer les concepts. En fait, le service de la dette, ça comprend les intérêts qui sont payés là-dessus.

M. Laprise: Exactement. Oui, oui.

M. Rhéaume (Alain): C'est le remboursement du capital pour... Dans le fond, un emprunteur de la taille du gouvernement, qui a sa pérennité, c'est-à-dire, roule son capital emprunté. Donc, dans le fond, les nouveaux emprunts de chaque année viennent refaire le fonds consolidé du revenu des sommes qu'il doit rembourser pour le remboursement du capital sur ses emprunts. Donc, le service de la dette ne comprend que les paiements d'intérêts et les effets du taux de change sur l'augmentation ou la diminution de la dette, selon le cas.

M. Laprise: C'est curieux pareil!

La Présidente (Mme Barbeau): Merci. Est-ce terminé, M. le député de Roberval? M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Oui. Merci. Puisque le député de Roberval, dans son réflexe de bon administrateur municipal, semble un peu étonné de la réponse du sous-ministre, et c'est un peu étonnant aussi quand on n'est pas habitué à ce genre de choses là, je dois dire que, en réalité, vous avez bien raison de poser la question. C'est toujours un peu préoccupant de voir que, dans un contexte comme celui qu'on vit depuis 25 ans au Québec, il est illusoire de penser commencer à rembourser du capital quand la dette augmente continuellement, d'année en année, à cause des déficits que font les gouvernements. Les gouvernements de tout régime, là.

Et il faudra que, rapidement, on équilibre le budget du gouvernement avant de commencer à penser à rembourser du capital. Mais je pense que, effectivement, à partir du moment où le gouvernement aura stabilisé son budget et qu'on aura atteint l'équilibre budgétaire – ça devait avoir lieu en 1998, ça a été reporté en l'an 2000, mais je présume que le gouvernement va y arriver s'il n'y a pas une autre récession qui nous attend – à ce moment-là, il faudra aller plus loin, il faudra aller plus loin que l'équilibre budgétaire, parce qu'on n'est jamais à l'abri d'une autre récession. Si on en arrive à équilibrer parfaitement le budget une année, si c'est une année de croissance économique, ça va toujours. Mais, si on en arrive après ça dans une année de conjoncture difficile, là, on va recommencer à faire des déficits, et, à ce moment-là, on ne s'attaquera jamais au remboursement du capital.

Moi, je pense qu'on devrait aller au-delà de l'équilibre budgétaire, c'est-à-dire faire des surplus budgétaires, de sorte qu'on puisse commencer à rembourser même la dette dans des années de haute conjoncture, et, dans des années de mauvaise conjoncture, au moins on évitera d'aller en déficit, on pourra faire des budgets équilibrés. Je pense que c'est l'objectif qu'on doit se donner comme gouvernement.

M. Landry (Verchères): Le député de Laporte a très certainement raison. J'imagine que cet art est plus facile à expliquer qu'à pratiquer. Je ne minimise pas les difficultés qu'il a connues, mais nous avons eu à faire face, en arrivant, à un déficit de 5 700 000 000 $. La séquence est bien connue. L'année d'après, tel que le député de Crémazie l'avait dit, ce fut 3 900 000 000 $. Et là on n'est pas dans les prévisions, l'année est finie, tous nos comptes sont bouclés. L'an prochain, ce sera 3 200 000 000 $. Là, la séquence est facile à retenir. Elle n'est pas facile à réaliser, elle est facile à retenir, c'est: 3 200 000 000 $, 2 200 000 000 $, 1 200 000 000 $, zéro!

Et là on arrive dans l'hypothèse que vient de mettre sur la table le député de Lac-Saint-Jean, ancien administrateur municipal et maire de Saint-Félicien. Je sais que c'était un administrateur sage à Saint-Félicien, mais, voici, nous autres, ce qu'on va avoir à faire. Quand on va être à zéro, la dette pourrait baisser de deux manières réelles puis d'une manière un peu illusoire. La manière illusoire, c'est que, si le PNB – ce qu'on produit annuellement – continue à monter, bien, la dette par rapport au PNB est plus faible, mais elle n'a pas vraiment baissé. Elle peut baisser de deux manières. Une autre un peu factice, c'est l'inflation. La dette, elle se remet au nominal, c'est-à-dire ce qui est écrit sur l'obligation, puis, si ça vaut moins que ce que ça valait au moment où on a emprunté, bien, elle baisse automatiquement. Les gouvernements du passé ont longtemps rêvé que l'inflation allait régler leurs problèmes, puis ils ont eu raison pendant plusieurs années parce que, quand l'inflation était à 10 %, 12 % et plus, bien, la dette s'effaçait au même rythme. Mais la seule vraie façon de la baisser, qui n'est pas une illusion et qui n'est pas due à l'inflation, c'est de la rembourser. Et, pour la rembourser, il faut non seulement avoir un déficit zéro, il faut faire des surplus. Et on est abonné, évidemment, à toutes les publications des autres provinces du Canada, et il y a quelques provinces du Canada qui font des surplus et qui remboursent leur dette pour vrai, et qui établissent des fonds à cette fin.

Là, nous, ce qu'on a de très précieux, et dont le député de Laporte n'a pas joui, ni le député de Crémazie, c'est un consensus national sur la pente de réduction. Le député de Crémazie voulait aller plus vite, et, moi, j'étais du même avis que lui. Et je pense qu'il ne s'est pas trompé en voulant ramener le compte d'exploitation en équilibre plus vite que la pente que nous avons choisie. Pourquoi est-ce que le député de Crémazie craignait d'aller moins vite? C'est le théorème de Poulidor. J'ai lu ça dans un livre de Sérieyx, la semaine passée, c'est: Plus tu pédales moins vite, moins tu avances davantage. Alors, le député de Crémazie avait bien vu cela, parce que le danger de pédaler moins vite, c'est d'être rejoint par l'orage. Et quel est l'orage? Bien, c'est la régression de l'économie, la récession. Et, dans une bonne économie capitaliste, ça arrive aux cinq, six, sept... Là, ça peut être huit ans. Il y a des prévisionnistes audacieux qui disent qu'on va peut-être avoir la plus longue période de croissance de l'histoire économique moderne des séries de statistiques qu'on possède. Si c'est ça, tant mieux! Mais, si ce n'est pas ça et si l'orage arrive avant le moment zéro, là, haut les gros bras! ça va être difficile.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Laporte.

(17 h 40)

M. Bourbeau: Mme la Présidente, le ministre s'est permis encore une fois de faire allusion au budget que le député de Laporte avait déposé et que le gouvernement a mené à mauvais port. Je tiendrais à dire au ministre que le budget dont il parle, dont le déficit a été de 5 700 000 000 $, c'était le budget déposé par le Québec... Le gouvernement du Québec, lui, prévoyait un déficit de 4 400 000 000 $ et c'est l'administration péquiste qui a ramené ce budget à un déficit de 5 700 000 000 $.

En ce qui me concerne, en ce qui concerne l'opposition en tous les cas, le déficit en question, c'est un déficit qui a été amassé par le gouvernement du Parti québécois de l'époque, par une mauvaise gestion budgétaire au moment où on préparait un référendum, où on ne se préoccupait aucunement du contrôle des dépenses, où on reportait les revenus à l'année suivante, où on mettait un arrêt total aux privatisations qui avaient été escomptées dans l'année. Et, effectivement, par une série de manoeuvres, on a effectivement réussi à faire en sorte qu'un déficit projeté de 4 400 000 000 $ puisse être de 5 700 000 000 $.

Je signale, en plus, que ça n'a pas été votre plus gros déficit. Vous en avez fait un plus gros que ça en 1981-1982, alors que vous aviez atteint un déficit qui faisait 4,8 % du PIB; 4,8 % du PIB, en 1981-1982, c'était pas mal plus que votre déficit de 5 700 000 000 $ de l'an dernier.

Alors, M. le Président, pour les fins du Journal des débats , je tiens à répéter que, ce déficit-là, il appartient au gouvernement qui a été en place pendant l'année en question, pendant beaucoup plus longtemps que celui qui a déposé le budget. Et c'est une chose de déposer un budget, c'en est une autre de le rendre à bon port. Et le gouvernement du Parti québécois, manifestement, a tout fait pour que ce budget-là soit détérioré, dans le but, bien sûr, de bonifier le budget de l'année suivante; le budget de l'année suivante qui, je le reconnais, s'est conclu aux prévisions qui avaient été faites par le ministre des Finances de l'époque, grâce en grande partie, disons-le, à la bouée de sauvetage du gouvernement fédéral qui est venu pomper 550 000 000 $ additionnels dans le budget du Québec, millions qui n'étaient pas prévus originalement, des sommes d'argent venant en grande partie du fonds de... pas de stabilisation, mais de péréquation canadien. Donc, rendons hommage à la péréquation canadienne qui a permis, à ce moment-là, au gouvernement du Québec de sauver les meubles et de sauver son budget.

Moi, je me réjouis bien que le gouvernement fédéral ait pu permettre au gouvernement du Québec d'équilibrer... pas d'équilibrer son budget, mais de rencontrer ses objectifs budgétaires pour l'année dernière, mais reconnaissons quand même que, n'eût été de l'apport imprévu de 550 000 000 $ des fonds fédéraux, le gouvernement aurait eu pas mal plus de difficultés à rencontrer ses objectifs.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le ministre.

M. Landry (Verchères): C'est une belle tirade à laquelle le député de Crémazie, sûrement, va s'empresser de répondre encore mieux que je ne peux le faire, mais, déjà, à première vue, la tirade est plus longue et inversement proportionnelle en vérité à sa longueur. Parce que le député de Laporte dit qu'il avait annoncé, quand il était ministre, un déficit de 4 400 000 000 $ et que nous avons fait un 5 700 000 000 $. Oui, mais ça faisait cinq ans que les prévisions qui nous étaient annoncées ne se réalisaient pas. Alors, elles ne se sont pas réalisées cette année-là plus que les années suivantes. Encore moins, parce que j'ai la mémoire très aiguë des premières semaines où nous avons siégé au Conseil des ministres, où, sans des efforts inouïs déployés dans les derniers mois de l'année, ce n'est pas 5 700 000 000 $ qu'on aurait eus, c'est beaucoup plus que ça. Le député de Crémazie a encore ces chiffres à la mémoire, je suis sûr, et il va nous en parler. Ça aurait été autour de 6 700 000 000 $, c'est-à-dire presque 7 000 000 000 $. C'est des records historiques monstrueux qui auraient été fracassés.

Ensuite, la comptabilité du député de Laporte est singulière quand il nous parle du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral nous recule dans des proportions de 1 000 000 000 $ par année, pratiquement, et, une année, il nous recule juste de 600 000 000 $ et le député de Laporte le remercie.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): C'est comme Paul Martin, qui est un très gentil garçon, soit dit en passant, qui me demandait de le remercier de son dernier budget. Bien, j'ai dit: Oui, tu me donnes un coup de batte de baseball sur la tête plutôt que deux et tu veux que je te rende hommage. Alors, si, au lieu de nous couper 1 200 000 000 $, il nous coupe 600 000 000 $, ça nous fait souffrir quand même, il faut aller chercher l'argent quand même ailleurs ou comprimer, d'autant plus que cette méthode est odieuse parce que purement aléatoire, c'est un coup de dé. On le sait après. Ça nuit à toutes nos planifications triennales.

Et, surtout, comment se fait-il qu'ils ont pu embarquer Robert Bourassa, qu'ils ont pu embarquer Jean-Jacques Bertrand dans des programmes, en leur disant: On va vous payer 50-50, et se retirer impunément, nous laisser les charges sur le dos et vouloir contrôler par leurs normes, encore? Soyons francs. Si Jean-Jacques Bertrand avait su, si Robert Bourassa avait su que le 50 % se transformerait tranquillement en 40 % et en 35 % et en 30 %, est-ce qu'ils auraient signé avec enthousiasme ces programmes-là? La réponse est non. Et c'est Daniel Johnson qui avait raison – Daniel, le père – quand il disait: Donnez-moi mes impôts et je m'occuperai des responsabilités que me confie la constitution de 1867. Malheureusement, on s'est fait appâter, engrener, au sens propre. Le député de Laporte est chasseur, je crois. Il sait c'est quoi engrener: tu mets des graines avant l'ouverture de la chasse, puis, l'oiseau, il vient, et, le matin, tu tires dessus.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Mme la Présidente, je tiens à...

M. Landry (Verchères): Ils nous ont engrenés...

M. Bourbeau: Mme la Présidente, je regrette...

M. Landry (Verchères): ...dans un engrenage infernal.

M. Bourbeau: Je regrette, le ministre vient de faire une grave erreur: le député de Laporte n'est pas chasseur.

M. Landry (Verchères): Ah! il monte à cheval.

M. Bourbeau: Le député de Laporte chasse les chasseurs, c'est différent.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Barbeau): Alors...

M. Landry (Verchères): Chasser le chasseur, j'espère qu'il n'y a pas d'implication pénale là-dedans. Chasser le chasseur est une chose grave. Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Avec des coups de pied où vous savez.

La Présidente (Mme Barbeau): Bon. O.K. Maintenant, je pense que vous vouliez passez à un autre sujet, là. Je ne veux pas...

Des voix: Bien non. Non.

La Présidente (Mme Barbeau): Attendez une seconde. J'ai quelque chose à dire avant. Votre intervention a suscité des réactions, j'ai quatre personnes qui veulent parler de ce côté-là. Alors, je vais y aller par alternance. Après, on changera de sujet. Alors, la première personne, c'était le député de Roberval. Non, je vous ai passé tout à l'heure. M'avez-vous redemandée? Non. C'était M. le député de Rousseau.

M. Brien: Alors, brièvement, justement, c'est lorsque le député de Laporte a parlé du fédéral. Moi, ce que je sais, c'est que les transferts fédéraux qui représentaient en 1971-1972 près de 30 % des revenus budgétaires du gouvernement, bien, présentement, ça ne représente que 20,7 %. Ça fait qu'il y a un manque à gagner qui nous vient du fédéral. En 12 ans, pour surenchérir à ce que notre ministre des Finances disait, il y a un manque à gagner cumulatif de 14 000 000 000 $. Ça fait que, quelque part, c'est certain que c'est difficile pour le gouvernement du Québec de gérer et puis d'aller chercher, autrement dit, ces sommes ou ces manques à gagner là. C'est des sommes importantes.

Quand on sait, par exemple, que l'intérêt de la dette, bien, ça représente les deux tiers du budget de l'éducation, j'ai mentionné – et c'était écrit quelque part – qu'on pourrait créer, demain matin, 150 000 emplois à 40 000 $ par année, avec l'intérêt de la dette du Québec. Je pense que c'est une dure réalité.

Notre gouvernement, on l'a vu dans le discours inaugural, s'est engagé à réduire le déficit des opérations courantes à zéro d'ici l'an 2000. C'est seulement de cette façon, je pense, qu'on va arriver à donner une qualité de vie, à continuer de donner une qualité de vie aux Québécois, et surtout quand on pense à nos enfants et à nos petits-enfants. Merci.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci, M. le député de Rousseau. M. le député de Crémazie, vous m'avez demandé la parole.

M. Campeau: Bien, merci, Mme la Présidente. Évidemment, j'aurais aimé que le député de Laporte soit là, mais vous lui rapporterez mes propos.

Une voix: Ça va être enregistré.

M. Campeau: D'abord, le ministère des Finances fédéral. Ce qu'il faut regarder, c'est que le fédéral annonce toujours les nouvelles pires. Alors, Paul Martin, c'est très habile, dans le fond... Quand on le regarde, il est agréable à parler, agréable à discuter, mais d'une façon très habile. Pour 1996-1997, il avait annoncé des coupures de transferts de 650 000 000 $; mais, cette année, ça va arriver seulement à 600 000 000 $. Il les a changées. Donc il faudra lui dire merci parce que ce n'est pas 650 000 000 $, c'est seulement 600 000 000 $.

(17 h 50)

Pour l'année 1997-1998, on lui avait prédit, au ministère des Finances, bien sûr, avec l'expertise des fonctionnaires du ministère des Finances qui sont très bons et très justes, on avait prédit une coupure dans les transferts de 1 800 000 000 $. Il a crié au loup en disant que c'était fort exagéré. Mais, comme il s'est aperçu que, tel qu'ils le mentionnaient, les chiffres qu'ils accumulaient, c'était bien 1 800 000 000 $, il s'est dépêché de changer la façon de calculer pour que ce soit un peu moins pire, et ce sera 1 200 000 000 $ au lieu de 1 800 000 000 $ pour 1997-1998. Bien sûr, ce n'est pas une amélioration, c'est moins pire. Donc, le saut est un peu moins élevé. Mais il n'en reste pas moins que c'est 1 200 000 000 $, en 1997-1998, de réduction de transferts, et 600 000 000 $ en 1996-1997. Moi, je n'irai pas lui dire merci, même si mon ami le ministre des Finances est bien gentil avec lui et vient presque pour lui dire merci, là, qu'il se fie sur moi, moi, je ne le lui dirai pas.

Maintenant, le déficit, chaque année, ce qu'il faut regarder et ce que le député de Laporte avait souligné, c'est que le Parti libéral ou le gouvernement du Parti libéral, son déficit de 5 700 000 000 $ l'année passée, si on n'avait pas géré très, très, très serré et fait certains exercices qui ont été douloureux, c'est de 6 200 000 000 $ que le déficit aurait été. Mais ce qui est pire, c'est que, chaque année – de 1990-1991, 1991-1992, 1992-1993, 1993-1994, 1994-1995 – le gouvernement se trompait dans le déficit. Il peut se tromper une année, mais il se trompait et, en moyenne, c'était presque de 900 000 000 $ à 1 000 000 000 $, sur les cinq années où le gouvernement s'est trompé dans son déficit.

La pire année, en pourcentage, c'est 1990-1991. Il avait prévu un déficit de 1 750 000 000 $, le résultat a été de 2 842 000 000 $. Une erreur, Mme la Présidente, de 62 %. Franchement, avec une telle erreur, tu ne passes pas ton exercice de mathématiques. Bon. On dira... L'ancien ministre, le député de Laporte, va dire, probablement: Comment ça se fait que c'est les mêmes fonctionnaires qui étaient là à ce moment-là? Bien, je lui répéterais: C'est les mêmes fonctionnaires qui sont aussi avec le gouvernement du Parti québécois aujourd'hui et comment ça se fait que nos chiffres arrivent? Alors, c'est une question... Ce n'est pas le même ministre, ce n'est pas le même gouvernement, plutôt.

Alors, nous, cette année, je pense que le déficit, tel que le ministre des Finances va l'annoncer bientôt, va être respecté, et ça va être la première fois que le déficit annoncé au discours du budget va être respecté depuis nombre d'années. Alors, je pense que ça va être à écrire dans l'histoire, que le déficit, cette année, va avoir été respecté, comme il le sera en 1996-1997, avec mon collègue à la barre des Finances.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Laporte... M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Ce que le député de Laporte aurait pu souligner, Mme la Présidente, c'est que, s'il n'y avait pas eu des coupures fédérales, cette année nous serions à déficit zéro. Alors, il ne faut pas minimiser, là, ce pelletage systématique. Je ne veux pas minimiser non plus le fait que nous devons contribuer à la dette du Canada et au déficit du Canada, nous sommes des citoyens du Canada, sauf que, s'ils avaient respecté nos juridictions, nous n'aurions jamais commis les folies dont ils se sont rendus coupables. Ils n'ont pas vu que l'économie occidentale se redéployait. Ils n'ont pas vu que les richesses naturelles perdaient de leur valeur relative. Ils n'ont pas vu que le Canada entrait dans une période de restructuration et que les trente glorieuses étaient terminées. Ils ont dopé l'économie avec la dette, à partir d'Ottawa.

Ils ont 600 000 000 000 $ de dettes accumulées. Juste en proportion de leur budget, ça n'a rien à voir avec ce qu'on a fait ici. Et, nous, ici, malgré les excès du député de Laporte, on serait à zéro aujourd'hui si on ne s'était pas fait brutalement couper ces versements fédéraux. Il me semble que les faits parlent d'eux-mêmes, les choses parlent par elles-mêmes, ou j'ai mal interprété le député de Laporte et il ne voulait pas vraiment minimiser les coupures fédérales. Puis on pourrait lui pardonner de les trouver moins graves maintenant qu'il est de ce côté de la Chambre que quand il était de l'autre côté aussi; ça, c'est de bonne guerre. L'opposition s'oppose, ça, on a bien compris ça, mais les faits restent les faits.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Mme la Présidente, là, vous savez, on a beau... Le ministre des Finances, comme son ex-chef, n'arrête pas de prétendre que, s'il n'y avait eu aucune coupure venant du gouvernement fédéral, bien sûr, le Québec serait probablement en équilibre budgétaire ou en surplus budgétaire.

Mais il faut quand même réaliser que cette monstrueuse dette, comme l'appelle le ministre des Finances, elle a été compilée par le gouvernement fédéral au cours des années à la demande des citoyens du Canada aussi, dont les citoyens du Québec. On ne s'est pas privé, pendant des générations, des décennies, en tous les cas, pour exiger de nos gouvernements des services, soit des pensions de vieillesse, des allocations familiales et des allocations pour les garderies, enfin, tous les programmes sociaux qu'on a demandés et dont les gouvernements nous ont dotés. Ça a bénéficié à des générations et des générations de Canadiens et de Québécois et nous en avons profité.

Cet argent-là a été dépensé, effectivement, en partie au Québec, et je dirais même plus au Québec, en proportion, qu'ailleurs, puisque nous recevons à peu près 30 % de tous les transferts fédéraux. Donc, le Québec a eu sa juste part, là, même plus que sa juste part, au cours des décennies, de ces sommes d'argent qui ont été empruntées. Alors, si nous avons bénéficié de ces sommes d'argent, si nous en avons joui, il est normal que nous contribuions au remboursement de ces dettes-là.

Et qu'on ne vienne pas nous dire que ces sommes-là ont été empruntées par des étrangers pour nous. Le gouvernement du Canada, depuis 25 ans, a été dirigé en grande partie par des Québécois. Les premiers ministres du Canada ont été des Québécois dans une proportion de 75 % ou 80 % du temps au cours des dernières 25 années, et nous avons été suffisamment représentés, aussi, à Ottawa par des députés venant de chez nous. Donc, ce sont nos députés à nous, que nous avons élus. Le ministre des Finances, comme moi, a certainement voté à l'occasion des élections fédérales – à moins qu'il n'ait pas voté, qu'il ait fait abstraction, là – et, donc, on peut dire que, finalement, cette dette-là a été encourue, les fonds ont été dépensés, en majorité, plus au Québec, d'ailleurs, qu'ailleurs, si on regarde les statistiques, et, aujourd'hui, il n'est que normal que les Québécois contribuent au remboursement de cette dette-là.

Or, le gouvernement fédéral, on le voit, à cause de son déficit énorme – on doit le reconnaître – doit lui aussi mettre de l'ordre dans ses affaires et, ce faisant, doit comprimer les sommes d'argent qu'il dépense dans tous les postes, évidemment, de son budget, y compris les postes de transferts aux provinces. Ce serait assez illogique de penser que ce poste-là, de transferts aux provinces, ne ferait l'objet d'aucune compression et que le gouvernement fédéral serait tenu de comprimer uniquement les autres postes de son budget. Il m'apparaît logique, en tous les cas, même si je ne suis pas au comble de l'enthousiasme en en parlant, là, que le gouvernement fédéral comprime également le poste qui est le poste de transferts aux provinces, comme il comprime les autres postes qui sont dans son budget.

Ce n'est pas agréable, bien sûr, de voir ces transferts-là comprimés, mais on doit reconnaître, Mme la Présidente, que d'autres provinces canadiennes, toutes les autres provinces canadiennes ont dû passer également par la même médecine, recevoir la même médecine. Elles l'ont fait, elles ont subi ces compressions-là et elles ont réussi, dans 80 % des cas, en tous les cas, à équilibrer leur budget. Alors, sauf le Québec et l'Ontario, bon, toutes les provinces canadiennes réussissent maintenant à équilibrer leur budget. C'est donc dire que c'est faisable. C'est faisable de subir des compressions d'une telle ampleur et d'équilibrer le budget d'une province sur une période de temps.

Moi, je pense que le gouvernement québécois est bien d'accord avec la formule, parce qu'il utilise la même formule à l'endroit des municipalités et des commissions scolaires ou du réseau hospitalier. Il demande à ces réseaux-là de comprimer leurs dépenses, et il diminue, en fait, les fonds qu'il leur transfère. Donc, si la formule est valable pour le gouvernement du Québec, je ne vois pas pourquoi le gouvernement fédéral ne pourrait pas utiliser la même formule; cette formule qui consiste à dire: Voici, il y a tant d'argent seulement, tentez de dégager des compressions chez vous, dans vos domaines de responsabilité. Le Québec le fait à l'égard des municipalités, des commissions scolaires, ou, enfin, des réseaux, et le fédéral le fait à l'égard des provinces.

Bon, ceci étant dit, on doit reconnaître que les mécanismes qui jouent, au Canada, en faveur des provinces les moins riches, c'est-à-dire la péréquation, ce mécanisme-là vient aider d'une façon incroyable le Québec. Le Québec retire près de 50 % de tout le Programme de péréquation canadien, qui est de 9 000 000 000 $ par année. Donc, le Québec en retire, je crois, 46 %, de ce 9 000 000 000 $ là. C'est la partie la plus importante, de loin. Aucune province canadienne ne retire un pourcentage de ce programme-là qui ressemble à cette somme-là. Et n'eût été de cette somme de 4 000 000 000 $ que retire le Québec du Programme de péréquation, le Québec serait dans une position extrêmement difficile, au point de vue budgétaire.

(18 heures)

Alors, quand on regarde l'ensemble de tout ça, les réductions que le fédéral applique proportionnellement à toutes les provinces pour rembourser notre dette à nous, que, comme Canadiens, nous avons empruntée, pour des services que nous avons reçus comme Canadiens aussi, Canadiens et Québécois, quand on regarde le Programme de péréquation qui est, pour le Québec, extrêmement généreux, le Québec retirant la grosse, grosse part de ce programme-là, bien, on peut dire de façon générale que le Québec n'est pas si mal traité que ça et que, si on voulait le moindrement aborder ces problèmes-là avec un minimum de bonne foi, on pourrait très bien, je pense, retrouver la paix et l'harmonie dans ce pays.

La Présidente (Mme Barbeau): Bon. M. le député de Laporte, juste un moment. À moins d'un consentement, je dois suspendre. Est-ce qu'il y a consentement pour continuer une demi-heure?

M. Landry (Verchères): Je vais lui donner une petite réplique sur ce qu'il vient de dire, madame.

La Présidente (Mme Barbeau): Un instant. C'est la règle. Est-ce qu'il y a un consentement ou...

M. Bourbeau: Non. Je pense qu'on peut suspendre. Il est 18 heures, puis on reviendra à 20 heures.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, je vais suspendre jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 20 h 9)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): À l'ordre, mesdames, messieurs! La commission reprend ses travaux. Je tiens à vous aviser qu'avant la fin de nos travaux nous allons nous réserver cinq minutes pour la mise aux voix de chacun des programmes. Lors de la suspension des travaux, c'était le ministre des Finances qui avait la parole. Donc, à vous, M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Merci, M. le Président. Juste avant la fin des travaux, utilisant une tactique qui lui donnait formellement le dernier mot, puisqu'il était 18 heures, le député de Laporte s'est livré à une tirade qui mérite un certain nombre de réponses, lesquelles réponses pour une ou deux des choses qu'il a évoquées iront dans le même sens que ce qu'il a dit, donc pas des réponses négatives. Quand il a dit que le Québec était lié par une juste part de la dette fédérale parce qu'il l'avait encourue, c'est rigoureusement exact. Quand il a dit, et ça fait une raison de plus d'honorer notre part de la dette, que ce sont des Québécois parmi les moins compétents en matière de finances publiques, Pierre Trudeau, Marc Lalonde et Jean Chrétien, qui ont précipité le Canada dans ce gouffre, je suis aussi d'accord avec lui. Mais il y a d'autres points sur lesquels il aurait dû voir les choses différemment.

M. Bourbeau: M. le Président, le ministre devrait me citer au mot, il devrait me citer correctement. Je n'ai pas dit, à ce que je sache...

(20 h 10)

M. Landry (Verchères): Vous avez dit que c'étaient des Québécois qui étaient au pouvoir quand la dette a été... On peut sortir les galées.

M. Bourbeau: Oui, mais je...

M. Landry (Verchères): Et c'est vrai aussi.

M. Bourbeau: Oui, mais je n'ai pas dit que c'étaient les moins compétents qui soient.

M. Landry (Verchères): Non...

M. Bourbeau: Ça, c'est le ministre qui le dit, pas moi.

M. Landry (Verchères): ...mais on peut l'inférer de ce que vous avez dit, parce que, si c'est eux qui ont précipité le Canada dans la dette, l'incompétence va avec, il me semble.

M. Bourbeau: M. le Président, demandez donc au ministre de ne pas déformer mes paroles, s'il vous plaît.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Non, non, non. S'il vous plaît, si vous me permettez. On va laisser le ministre s'exprimer puis, après ça, vous allez...

M. Bourbeau: Mais sans...

M. Landry (Verchères): Oui, les gens liront...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Vous aurez tout le temps voulu pour...

M. Bourbeau: Sans déformer mes paroles, M. le Président.

M. Landry (Verchères): Les gens liront au mot à mot de nos travaux et se feront une idée par eux-mêmes.

M. Bourbeau: Oui, oui, très bien.

M. Landry (Verchères): Mais la mienne, elle est faite. Quand la tragédie des finances publiques s'est amorcée au Canada, il est exact que c'étaient des Québécois qui détenaient les postes de commande majeurs, et, ça, ce n'est pas à l'honneur du Québec, ni du Canada d'ailleurs.

Mais, cela dit, tout en assumant notre juste part, l'apologie des finances publiques fédérales dans les transferts vers le Québec qu'a faite le député de Laporte est inexacte, pour employer un mot faible. Il est vrai que nous recevons 31 % des transferts fédéraux, mais, quand on nous fait supporter 34 % des coupures, ça veut dire qu'on nous pénalise davantage que les autres Canadiens, qui ont aussi à contribuer à résorber la dette canadienne.

Mais il y a plus que ça. Ces énormes dépenses, dont plusieurs ont été encourues à fin de dépenses courantes et non pas pour les immobilisations, ont privé le Québec, au fil des ans, de dizaines et de dizaines de milliards de dollars. On a 18,9 % des dépenses fédérales de biens et services. Voyez-vous l'impasse entre le 18 % puis le 24 % de la population que nous formons, d'une année sur l'autre? Alors, des milliards qui nous ont endettés mais qui ne nous ont enrichis d'aucune manière. On n'a pas eu l'autre colonne du bilan; on a juste le négatif.

On a 16 % des dépenses fédérales d'investissement. Alors, même si on se divise les dépenses courantes et dépenses d'investissement, on a eu 16 % des dépenses d'investissement alors qu'on fait 25 % de la population. J'imagine que le député de Laporte n'est pas d'accord avec ces déséquilibres et ces injustices qui durent depuis des décennies.

En recherche et développement, ce qui fait la grande différence entre les sociétés vraiment vigoureuses sur le plan économique et celles qui ne le sont pas, le Québec a dû déployer des ressources incroyables d'imagination, fiscales et autres, pour compenser la négligence fédérale qui ne nous a jamais donné plus de 20 % des dépenses de R & D. Et, dans le 20 %, il y a une installation qui se trouve dans mon comté et qui est tragiquement menacée actuellement.

Vous savez qu'on a, sur le grand campus de recherches d'Hydro-Québec, IREQ, à Varennes, un accélérateur de particules qui s'appelle Tokamak, qui est un des meilleurs équipements dans le monde de cette catégorie et qui a mobilisé les plus grands noms de la physique québécoise. Le gouvernement fédéral retire sa contribution à Tokamak sous prétexte qu'ils ne vont plus que dans des recherches à rendement immédiat, donc le nucléaire canadien CANDU amélioré qu'ils croient vendre, et bonne chance s'ils le font! Sauf que l'excuse n'est pas bonne. Ils subventionnent en Colombie-Britannique, à hauteur beaucoup plus élevée que ce qu'ils font pour Tokamak, un autre accélérateur de particules qui s'appelle, celui-là, Triumf-Kaon. Alors, ce n'est pas un triomphe pour la justice et pour l'équité. Et j'espère que le député de Laporte, quand je vais présenter une motion en Chambre pour sauver Tokamak de Varennes – il est lui-même un homme de la rive sud – il va amener sa formation – il y a peut-être des physiciens qui restent dans son comté – politique à appuyer notre combat pour sauver ce qui reste des lambeaux de la dépense fédérale en recherche et développement au Québec.

M. Bourbeau: On regardera le texte de la motion.

M. Landry (Verchères): J'ajouterais également que, si l'on prend les transferts de péréquation par tête... Il a bien dit que c'est la province de Québec qui en recevait le plus, mais il s'est bien gardé de dire que, par tête d'habitant, c'est elle qui en reçoit le moins. Le député de Laporte devait être au courant de ça. Terre-Neuve reçoit 1 638 $, trois fois plus que le Québec. Et viennent ensuite, en dégradé: l'Île-du-Prince-Édouard avec 1 400 $; le Nouveau-Brunswick avec 1 200 $; la Nouvelle-Écosse avec 1 100 $; le Manitoba, 921 $; la Saskatchewan, 601 $; et le Québec, 522 $. Alors, où est-il ce grand avantage de la péréquation qui, soi-disant, nous fait vivre, alors qu'on expédie des dizaines de milliards de dollars chaque année à Ottawa et que les retours sous forme de transferts chutent dramatiquement?

La proportion des revenus budgétaires en 1976-1979 – on était encore au pouvoir – qui nous venait d'Ottawa était de pratiquement 30 %. En 1997-1998, elle est de 15 %. C'est là une diminution par 2, ça. Alors, les transferts diminuent, la proportion de l'implication fédérale diminue et les succès économiques du fédéralisme sont un peu à l'image de la lamentable reculade qu'on a vue en fin de semaine, où le concept de société distincte, qui avait déjà été très dilué de toute façon au cours des dernières années mais pour lequel s'est battu Robert Bourassa, et le député de Laporte sans doute, est tourné en ridicule. Ou c'est désolant ou c'est humiliant, là, c'est difficile de le dire. Mais beaucoup de gens qui ont siégé dans cette salle au cours des 50 dernières années, dont Jean Lesage, dont Georges-Émile Lapalme, dont, bien sûr, René Lévesque, Daniel Johnson, Robert Bourassa, se sont battus pour modifier la constitution du Canada dans le sens des avantages du Québec. On s'est fait dire à Saint-Hyacinthe, en même temps que la résolution sur le lait cru, que tout ça, c'était du vent. On a traîné un peuple de 7 000 000 d'habitants de Charybde en Scylla constitutionnel pour arriver à cet échec lamentable. Si on ajoute ça à la dimension économique, comment se fait-il que le député de Laporte fait encore, avec réticence, a-t-il dit – d'ailleurs, je lui en rends hommage – l'apologie d'un tel système? Voilà pour ma réponse.

Et, pour amorcer les travaux de ce soir, la Société des loteries a été exemptée, ils nous ont quittés. Mais il reste avec nous beaucoup de gens intéressants, dont l'équipe de la Caisse de dépôt et placement. Et, avec l'accord de tout un chacun, je voudrais que M. Scraire vienne prendre place à mes côtés et qu'on puisse maintenant examiner ce que l'opposition veut bien savoir de la Caisse de dépôt et placement. Et il serait indiqué, je crois, que le patron de la Caisse puisse faire un exposé initial.

(20 h 20)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le ministre. Cet après-midi, lorsque vous avez suspendu les travaux, il y avait le député de Roberval qui avait demandé la parole. Je ne sais pas s'il y tient encore.

Une voix: ...


Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est correct? Bon, c'est parfait. Donc, M. le député de Laporte, ça vous revient à vous.


Placements immobiliers

M. Bourbeau: M. le Président, je suis heureux de voir le président de la Caisse de dépôt – est-ce que je me trompe? Oui, il est là – parce que, justement, la Caisse de dépôt a fait l'objet de beaucoup de publicité récemment dans certains journaux et une publicité qui, parfois, a été positive et, parfois, un peu négative. La publicité positive, bien sûr, portait sur le rendement de la Caisse et, bien sûr, la Caisse qui a un excellent rendement. Il faut dire que le marché de la Bourse, spécialement la Bourse américaine, a été très intéressant l'an dernier, et je présume que la Caisse en a profité un peu. Tant mieux.

Mais un domaine dans lequel la Caisse s'est attirée beaucoup de publicité, c'est le domaine immobilier. Et le président de la Caisse de dépôt se souviendra que, l'an dernier, lors de l'étude des crédits, j'avais attiré l'attention spécifiquement du président de la Caisse de dépôt sur les placements immobiliers de la Caisse de dépôt à l'extérieur du pays. En gros, je lui avais dis, si je me souviens bien, que ce n'est déjà pas facile de gérer des placements immobiliers quand on les fait chez soi, mais que c'est encore plus difficile de les contrôler quand on investit à l'étranger. Je dois dire que, malheureusement, le président de la Caisse de dépôt n'a pas beaucoup de considération pour le député de Laporte ou pour ce qu'il pense, parce que, si je comprends bien ce que j'entends, la Caisse continue et multiplie ses placements à l'étranger – les placements immobiliers, j'entends toujours, là – dans plusieurs pays, et je crains, quant à moi, que les revers que la Caisse a subis au Québec dans le domaine immobilier, ce ne soit éventuellement que de la petite bière à côté des revers que la Caisse va subir à l'égard de ses placements dans d'autres pays.

Je voudrais faire référence, M. le Président, surtout à certains articles qui ont été publiés récemment dans le journal The Gazette , qui a fait une étude en profondeur de certains placements immobiliers, enfin, d'un grand nombre de placements immobiliers que la Caisse a faits au cours des dernières années dans la région de Montréal et où la Caisse a perdu énormément d'argent. Bien sûr, on nous répond: Ah! c'est 1 % du budget de la Caisse ou une fraction. C'est sûr qu'avec un actif de 40 000 000 000 $, 1 %, ce n'est pas grand-chose, c'est seulement 400 000 000 $. Mais c'est quand même des sommes d'argent importantes, c'est des sommes très importantes. Et ce n'est pas parce qu'on a un gros, gros, gros, gros actif qu'on peut se permettre de faire des pertes... que les pertes sont moins lourdes, autrement dit. Il n'y a pas de petites pertes, ce sont toutes des pertes.

Or, dans les articles que la Gazette a... rapportés – je ne sais pas si les membres de la commission ont eu l'occasion de les lire – on nous rappelle que la Caisse de dépôt a fait des placements dans les années quatre-vingt, fin de quatre-vingt et début de quatre-vingt-dix, qui étaient extrêmement spéculatifs. Entre autres, on fait référence à une transaction où la Caisse a prêté, d'après le journal – le président sera ici tantôt pour nous donner des renseignements – 10 000 000 $ à un promoteur pour un projet qui n'a jamais levé de terre, qui ne s'est jamais matérialisé. La garantie, c'est des terrains vacants, donc on prête une hypothèque sur des terrains vacants, et puis, finalement, le promoteur n'a jamais construit quoi que ce soit, puis il s'en est tiré avec... a conservé le 7 000 000 $ qui reste, d'après le journal.

On fait état également d'un prêt que la Caisse a fait à un promoteur, Mario Cytrynbaum, qui, lui, a intéressé la Caisse dans 15 projets entre 1987 et 1993, pour une somme de 63 000 000 $. Or, tous ces projets-là sont tombés à l'eau, enfin, ont été des échecs, à l'exception de un, toujours d'après l'article. Et, quand le promoteur a fait défaut sur son prêt ou ses prêts... Il avait donné en garantie des propriétés dont certaines étaient des propriétés à revenus, d'autres étaient des propriétés, des terrains, d'autres étaient des propriétés sans revenu, semble-t-il. Or, quand la sauce s'est gâtée, le promoteur s'est dépêché de transférer toutes les bonnes propriétés – celles qui avaient de la valeur, celles qui avaient des revenus – dans des compagnies parfois au Panama ou ailleurs, et la Caisse s'est traîné les pieds, n'a rien fait pendant longtemps. Puis, finalement, quand la Caisse a décidé, après un bon bout de temps, de bouger, bien, il était trop tard, il ne restait plus que des peccadilles ou des biens qui n'avaient pas beaucoup de valeur. Le promoteur avait personnellement garanti; on l'a relevé de sa garantie. On a réglé pour des sommes d'argent qui étaient loin, loin, loin du montant de la dette, alors qu'on a laissé filer des propriétés qui valaient très cher.

Et le journaliste continue toujours en disant qu'à la Caisse on refuse totalement de lui donner quelque renseignement que ce soit ou de répondre à ses questions. On cite un avocat spécialiste en immobilier qui a dit que la Caisse a agi – je traduis littéralement, là – comme une gang de cow-boys du Texas, en matière immobilière, à ces époques-là et que l'homme qui était responsable de ces investissements-là était M. Jean-Claude Scraire, vice-président à l'immobilier de la Caisse. Le journaliste conclut en disant que M. Scraire a été félicité ou remercié de ces gestes-là, de ces placements-là par une promotion et qu'il est maintenant président de la Caisse. Fin de la citation.

Moi, je ne veux pas porter de jugement personnel là-dessus tant qu'on n'aura pas eu l'occasion d'entendre le président de la Caisse, mais ce sont des accusations très graves. Et il y en a d'autres, hein. On continue, on parle d'une série d'autres. On raconte un autre prêt de 12 000 000 $ qui, avec les intérêts, est rendu maintenant à 20 000 000 $, et, encore là, qui s'est terminé en queue de poisson sans que la Caisse puisse recouvrer son argent.

On parle d'un autre fait qui est assez troublant aussi, où deux promoteurs avaient acheté un immeuble 2 250 000 $. La Caisse a prêté... Ils l'avaient acheté 2 500 000 $. La Caisse a prêté 2 250 000 $, c'est-à-dire 90 % du coût d'achat. Donc, c'est assez, quand même, rare qu'on voit des prêts aussi généreux, et la Caisse n'a même pas... Il y avait un projet de construction, elle n'a même pas attendu que le zonage soit changé avant de débourser le prêt. Le zonage n'a pas été changé, donc les propriétés n'ont jamais pris de valeur. Enfin, c'est la valeur escomptée. Et, finalement, les promoteurs ont laissé aller l'immeuble. L'immeuble est vacant, il n'y a aucun revenu, et, maintenant, on dit que l'immeuble est en décrépitude. La Caisse paie des taxes sur un immeuble qui est en train de tomber en décrépitude. Donc, là encore, la Caisse se retrouve avec son prêt. Elle est obligée de reprendre les immeubles sans poursuivre personnellement les individus.

Et c'est comme ça, on en a comme ça continuellement. On lit, c'est un chapitre, une litanie de mauvaises transactions sur une longue période de temps. Et, finalement, il y a lieu de se demander: Qu'est-ce que la Caisse a fait dans le domaine immobilier? Je pense que la question est posée, elle est importante, et, ça, c'est au Québec que ça s'est passé. Mauvais placements, des prêts sur des terrains, alors que, moi qui ai pratiqué dans le domaine immobilier pendant quelques années, je n'ai jamais pu trouver un prêteur qui acceptait de prêter sur des terrains. C'était même compliqué d'avoir des prêts sur des immeubles qui rapportaient des revenus. Mais, sur un terrain vacant, jamais. Alors, là, c'est des prêts sur des terrains vacants, qui excédaient le prix d'achat des terrains, dans bien des cas. Donc, les promoteurs n'avaient pas grand risque. Ils encaissaient l'argent, payaient les terrains et gardaient le reste. S'ils ne faisaient pas les travaux, bien, forcément, ils gardaient l'argent, et puis la Caisse ne vérifiait pas si le zonage était changé, enfin, si les conditions étaient là. Bon. Ça, c'est certains cas au Québec.

Et on sait que la Caisse, maintenant, investit dans d'autres pays: des placements au Viêt-nam. Qu'est-ce qu'on fait au Viêt-nam? Comment va-t-on pouvoir contrôler le zonage au Viêt-nam quand on n'est pas capable de contrôler les zonages au Québec, ici, avant de faire des prêts? Qu'est-ce qu'on fait en Pologne? Qu'est-ce que la Caisse a à aller investir des sommes d'argent sur des terrains ou des immeubles en Pologne? Comment peut-on s'assurer qu'on va pouvoir contrôler ça dans des pays étrangers, quand on sait comment c'est compliqué de rentabiliser des projets immobiliers quand on est chez nous, dans notre milieu, avec notre monde qu'on connaît et qu'on peut quand même essayer de défendre nos propres intérêts? J'ai averti le président, l'an dernier, des risques d'investir au Mexique. On a vu, après ça, la dévaluation du peso; on a vu la situation qui est explosive au Mexique. Comment la Caisse peut-elle penser sérieusement rentabiliser des placements immobiliers dans des pays qui ne sont pas nécessairement les pays les plus stables, alors que la preuve est faite qu'elle n'est même pas capable au Québec, ici, de faire des placements qui sont le moindrement sécurisés? Alors, moi, M. le Président, je pose des questions puis j'attends du président de la Caisse qu'il me donne les réponses.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président, il me semblait avoir bien demandé que le président de la Caisse, avant de répondre aux questions très intéressantes du député, puisse faire son exposé initial. Alors, je fais cette remarque et je redemande que le président de la Caisse puisse faire un exposé de quelques minutes avant de répondre aux questions.

(20 h 30)

Deuxièmement, je pense que le député de Laporte rend service à notre commission en reposant les questions qu'il a prises dans la Gazette . Mais, avant de lire la Gazette , il devait savoir déjà tout ça, puisqu'il était responsable de la Caisse lui-même devant l'Assemblée nationale du Québec et que lui ou ses prédécesseurs et son gouvernement avaient nommé tous les administrateurs de la Caisse. Évidemment, ils ont été 10 ans au pouvoir, il y a eu un renouvellement. Ultimement, moi aussi, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt ces articles de la Gazette et je me pose à peu près les mêmes questions, et le président est là, c'est une très bonne circonstance, pour y répondre. Mais avez-vous vu dans les mêmes articles qu'il est question d'une intervention du cabinet du premier ministre Bourassa? Est-ce que vous l'avez, l'article, pour citer ce passage? Alors, tout ça...

M. Bourbeau: M. le Président, la question m'est posée? Je peux répondre. Oui, j'ai lu l'article au complet, et, même si ça s'est passé sous l'administration libérale, ça ne m'empêche pas d'être assez objectif...

M. Landry (Verchères): Ah! vous avez... Non, non.

M. Bourbeau: ...pour questionner le président de la Caisse.

M. Landry (Verchères): Je n'ai pas mis votre...

M. Bourbeau: Et, si ça s'est passé sous notre administration, M. le Président, et si on est responsables, bien, la population a voté en septembre 1994.

M. Landry (Verchères): Tout à fait.

M. Bourbeau: Il reste quand même que ce n'est pas le ministre des Finances... D'ailleurs, je l'ai été si peu longtemps, M. le Président, que je n'ai pas vraiment eu le temps d'exercer un contrôle sur le président actuel de la Caisse. D'ailleurs, je n'aurais pas pu le faire même si je l'avais voulu. Il reste quand même une chose, c'est que, quel que soit le gouvernement, la Caisse est indépendante. Comme vous le savez, le gouvernement n'est pas supposé – en tout cas, sous notre administration, c'était le cas – intervenir dans l'administration de la Caisse. Dans ce sens-là, je n'avais rien à faire – et vous non plus, M. le ministre – dans l'administration de la Caisse. Alors, ça pourrait arriver encore aujourd'hui. Vous n'avez pas un mot à dire dans les placements que la Caisse fait.

M. Landry (Verchères): Vous avez raison et...

M. Bourbeau: Vous ne pouvez pas leur donner de directives sur les placements ni...

M. Landry (Verchères): Je ne vous dis pas que votre intervention est déplacée. J'ai dit, au contraire, qu'elle était extrêmement pertinente et utile pour la commission.

M. Bourbeau: Bon. Voilà.

M. Landry (Verchères): Mais c'est vrai que le gouvernement ne gère pas la Caisse, sauf qu'il en nomme les administrateurs. Et le journal la Gazette , à tort ou à raison, a mentionné une intervention de celui qui fut votre premier ministre pendant très longtemps...

M. Bourbeau: Non, non, pas le premier ministre.

M. Landry (Verchères): ...de son cabinet, auprès de la Caisse de dépôt. Alors, puisque vous cherchez à connaître tous les faits, je croyais qu'il était de mon devoir de porter...

M. Bourbeau: Oui.

M. Landry (Verchères): ...aussi ces faits-là à l'attention de la commission.

M. Bourbeau: Oui, oui, je comprends. Mais l'intervention dont on parle, si j'ai bien lu, ce n'est pas une intervention qui s'est terminée auprès de la Caisse. Je crois que c'est plutôt une intervention du genre: On va écouter ce que vous avez à dire, puis merci beaucoup. Souvent, des gens viennent voir le ministre, ils font des représentations puis le ministre écoute, puis le ministre n'est pas obligé de donner suite à ça.

M. Landry (Verchères): C'est exact.

M. Bourbeau: La politesse exige qu'on reçoive des gens puis qu'on les écoute. Mais, si l'intervention demande que le ministre intervienne auprès de la Caisse de dépôt, quand on sait qu'on ne peut pas le faire, alors on ne le fait pas... enfin, dans mon temps.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Pour répondre à la question du ministre au début, habituellement, le président d'une société ou d'un organisme d'État n'a pas, lors de l'étude des crédits, un 20 minutes qui lui est alloué ou une période de temps qui lui est allouée pour faire un exposé. Mais il peut prendre le temps à l'intérieur de votre 20 minutes pour fournir la réponse, faire l'exposé qu'il voudra.

M. Landry (Verchères): C'est ce que j'avais en tête, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): D'accord. Ça va?

M. Landry (Verchères): C'est ce que j'avais en tête, et, si la commission est d'accord, je crois que ce serait utile d'entendre le président de la Caisse dans un exposé liminaire de cinq minutes. Puis, ensuite, il répondra aux questions.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, oui, il n'y a pas de problème à ce niveau-là.

M. Scraire (Jean-Claude): Bien, d'abord...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Vous voulez d'abord vous identifier pour les fins de nos travaux.

M. Scraire (Jean-Claude): Jean-Claude Scraire, président du conseil et directeur général de la Caisse de dépôt. Je suis accompagné ici de certains de mes proches collaborateurs: M. Michel Nadeau, qui est premier vice-président Grands marchés et directeur général adjoint; M. Serge Rémillard, qui est premier vice-président Administration et Finances; M. Fernand Perrault, qui est premier vice-président Groupe immobilier; M. Jean-Claude Cyr, vice-président Développement et Planification et coordonnateur des affaires économiques québécoises; ainsi que M. Philippe Gabelier, qui est vice-président Affaires publiques et Relations avec les entreprises et coordonnateur des affaires institutionnelles.

M. le Président, M. le vice-premier ministre, MM. les membres de la commission. L'année 1995 a permis à un investisseur actif sur les marchés, un investisseur expérimenté, aussi, comme la Caisse, a permis à ces investisseurs-là d'enregistrer des rendements assez élevés. Mais ils sont toutefois très peu nombreux à avoir franchi la barre des 17 % de rendement, ils sont très peu nombreux à avoir franchi la barre des 18 % de rendement. Nos résultats avec 18,2 % révèlent la qualité des efforts de l'équipe de professionnels et l'appui du conseil d'administration qui comprend les enjeux d'une industrie par ailleurs de plus en plus volatile et extrêmement complexe.

Je voudrais juste souligner les rendements secteur par secteur, parce que, pour qualifier un rendement d'assez élevé, il ne suffit pas de trouver un pourcentage élevé. Il faut voir, comparativement à l'industrie, comparativement aux indices des marchés, ce qui a été réalisé.

Le portefeuille obligataire, qui représente une grande partie, 47 %, de l'ensemble des placements de la Caisse, a rapporté un rendement de 21,2 % en 1995, soit plus que les différents indices qu'on peut retenir: 20 % pour le ScotiaMcLeod et 20 % aussi pour Salomon Brothers.

Les titres boursiers constituent 39,5 % du total des placements. Les actions canadiennes et québécoises représentent 27 % de nos placements; les actions étrangères, 12 %. Les titres canadiens, eux, ont affiché un rendement de 17 %, soit 3 %... 2,7 % de plus que le TSE 300, qui est notre indice de référence habituel, ou 1 %, ou près de 1 % de plus que le XXM de Montréal.

En 1995, c'est peut-être important de le souligner, parce qu'on fait souvent allusion dans la presse ou l'actualité à des investissements importants que la Caisse détient dans des entreprises, que ce soit Provigo, BioChem, Quebecor, des titres québécois comme ceux-là, on peut parler de Domtar aussi... Alors, en 1995, les rendements élevés des actions de la Caisse sont particulièrement et grandement attribuables au bon rendement de ces titres-là, des titres où la Caisse a investi massivement et des titres québécois comme ceux que je viens de nommer.

Ils affichent, les titres de placement en participation... Vous pouvez lire assez souvent, soit dans notre rapport annuel soit dans les médias, qu'on a des rendements en participation, c'est-à-dire des placements négociés à long terme où on a une fidélité avec l'entreprise. Or, ce type de placement là, qui est certainement plus visible dans l'action de la Caisse même s'il est moins important, a rapporté sur cinq ans 12,3 %, donc un rendement de près de 2 % supérieur au rendement des marchés boursiers. Sur 10 ans, c'est la même chose, on observe le même phénomène: un rendement des placements négociés de près de 2 % de plus que les marchés boursiers. C'est ce qui fait que notre portefeuille de participation est appelé à croître. À la suite des décisions du conseil d'administration prises déjà depuis quelques mois, on devrait augmenter notre portefeuille de participation en placements négociés pour aller chercher ce rendement supérieur qu'on estime possible.

Je souligne au passage, aussi, le rendement des actions américaines dans notre portefeuille, qui représentent à peu près le tiers, un petit peu plus que le tiers de notre portefeuille international. On a obtenu sur ces actions-là 38,4 % de rendement, soit le niveau des indices reconnus, le Standard & Poor's ayant fait 38,9 %. Je souligne à ce titre-là que ce type de rendement là obtenu par des gestionnaires au Canada est extrêmement rare. Nos gestionnaires, sur ce marché-là, ont fait un résultat absolument extraordinaire en 1995. Les autres titres étrangers ont connu des rendements de l'ordre de 11,3 %. Les valeurs à court terme, quant à elles, qui représentent 6 % du portefeuille global, ont affiché un rendement de 7,8 %.

Secteur hypothécaire et immobilier. Soulignons d'abord qu'en 1995 nous avons intégré en termes structurels nos activités hypothécaires et celles du groupe immobilier. Il s'agissait auparavant de deux secteurs distincts et gérés avec ce qu'on aurait pu appeler, ou ce qu'on appelait à l'époque, un mur de Chine. Il s'agit d'activités qui opèrent dans un même marché, nous les avons donc réunies en 1995. Le rendement courant de ces portefeuilles-là s'est établi à 8,4 % en 1995 malgré une baisse de valeur marchande de 0,8 %. L'avoir net combiné des deux portefeuilles totalise 4 000 000 000 $; ça représente 7,8 % de l'ensemble des placements de la Caisse.

(20 h 40)

Les financements hypothécaires, pour leur part, ont dégagé en 1995 et compte tenu des prêts improductifs et des reprises hypothécaires qui ont été effectuées, et, comme on le sait, il y en a eu de façon importante au cours des dernières années... Tout en tenant compte de ça, le rendement est de 14,2 %, ce qui est un rendement assez élevé dans les circonstances.

Sur les périodes de cinq ans et de 10 ans, notre portefeuille hypothécaire dépasse l'indice. Par exemple, sur la période de 10 ans, ce qui nous permet de couvrir les cinq années difficiles du secteur immobilier, le rendement est de 11,1 % dans notre portefeuille contre 10,6 % pour la période au niveau de l'indice, et ce, compte tenu des pertes ou des baisses de valeurs.

Le rendement courant du portefeuille immobilier, quant à lui, s'est établi, en 1995, à 7,2 %, tandis que la valeur marchande a fléchi de 5 % une nouvelle année, pour un rendement net de 2,2 % en 1995 contre, là aussi, une surperformance par rapport à l'indice qui, lui, a donné 0,6 %. Les résultats de 1995 dans le secteur immobilier sont intéressants à plus d'un titre, même s'ils ne sont pas extraordinaires. C'est la première année en six ans où on obtient un rendement positif. Vous connaissez la façon dont le secteur immobilier, en Amérique du Nord, en Europe, en Asie, a été affecté depuis les années quatre-vingt-dix. Alors, c'est la première année; donc, ça marque un retournement.

Et l'autre élément qui est positif là-dedans... Il y a deux autres éléments positifs dans le comportement du secteur immobilier en 1995, dans notre portefeuille en tout cas. Un, c'est que la qualité du portefeuille, d'après nos gestionnaires, d'après les évaluations qu'on a, devrait nous permettre de générer de très bons rendements au cours des prochaines années, la qualité intrinsèque du portefeuille. On espère que les dévaluations sont terminées et que, donc, les rendements courants vont nous permettre d'améliorer nos valeurs.

Le second facteur favorable dans le cas du groupe immobilier, ce sont les investissements à l'étranger. Les investissements à l'étranger totalisent actuellement, dans le secteur immobilier, 297 000 000 $. Ils sont effectués surtout aux États-Unis. Et le rendement de ces investissements-là s'est établi à 15,5 % en 1995. Ça représente la moitié du rendement positif qu'on a obtenu dans le portefeuille immobilier, même s'il s'agit d'à peine 10 % du portefeuille immobilier. Ce que ça signifie aussi, c'est qu'en termes de stratégie, et, évidemment, un conseil d'administration peut continuellement réinterroger des stratégies, mais la stratégie qui est mise en place depuis quelques années, qui a été développée au cours des dernières années, de retourner notre portefeuille immobilier pour le diversifier... Il y a quelques années, on pensait que le grand risque dans l'immobilier, c'était d'investir à l'étranger. Aujourd'hui, en théorie de portefeuille, ce que les gens pensent, c'est que le grand risque, c'est de concentrer son portefeuille à la même place. Alors, c'est l'orientation qui a été choisie, la diversification importante du portefeuille immobilier à l'étranger.

J'ajouterais cependant, puis peut-être en faisant écho aux propos du député de Laporte dont j'ai bien retenu, quoiqu'il puisse en penser à première vue, les propos de l'an passé sur la prudence nécessaire sur les marchés étrangers, j'ajouterais d'abord, sur les marchés étrangers, ceci. C'est que, comme je le disais, la majorité de nos investissements à l'étranger sont dans des marchés bien organisés et bien structurés, comme les États-Unis ou comme l'Europe, ou, peut-être demain, comme certains marchés asiatiques – demain, pas aujourd'hui, mais peut-être demain – et que, quand il fait référence à des pays comme le Viêt-nam ou la Pologne ou le Mexique, c'est dans un cadre très différent que ces placements-là sont regardés. Je pourrai y revenir tantôt de façon un peu plus approfondie, mais je peux signaler tout de suite qu'il s'agit d'infimes parties d'investissements qui sont faits.

Au Viêt-nam, on n'a toujours pas d'investissements, malgré trois ans d'efforts, ce qui témoigne de l'extrême prudence que l'on demande à nos gestionnaires. En Pologne, on a un projet sur lequel je pourrai revenir tantôt. Mais je rappelle que, dans ce type d'investissement là, il faut retrouver la mission de la Caisse. Et c'est aux parlementaires à toujours la confirmer, mais la mission de la Caisse a deux volets: un bon rendement sur les investissements, évidemment, et, autant que faire se peut, en même temps contribuer à l'essor économique. Et, sur les volets de ces pays-là, c'est visiblement sans sacrifier sur le premier volet, le rendement, parce qu'il s'agit de pays où on vise à obtenir des rendements plus élevés, parce que, comme n'importe qui peut le constater, il s'agit de pays où le risque est légèrement plus élevé ou, de façon importante, plus élevé.

Alors, tout en visant un rendement plus élevé, en acceptant un risque plus élevé, on vise aussi beaucoup l'essor économique du Québec et des entreprises québécoises. On sait que la croissance économique et du Québec et du Canada porte beaucoup sur toutes les activités du secteur, des secteurs extérieurs, l'exportation, et ce sont peut-être des gouttes d'eau, mais ce sont des éléments qui sont articulés dans ce sens-là. Je pourrai prendre tantôt soit le cas de la Pologne ou le cas du Mexique, par exemple, où la transaction qu'on a... On a un rendement garanti, d'abord, en dollars américains par des grandes compagnies japonaises ou américaines faisant affaires au Mexique, un rendement garanti par les baux de ces compagnies-là, un rendement garanti par nos partenaires – parce qu'on a des partenaires mexicains – des rendements de 13 %, 14 %, 15 % qui sont garantis dans nos portefeuilles. Et, en même temps, l'entreprise conjointe qu'on a avec nos partenaires au Mexique a pu générer un contrat qui est allé à Canam Manac pour bâtir une usine ou un centre industriel, et Canam Manac fournit le fer, les structures nécessaires. Alors, on vise ça.

Je pourrai vous parler de la Pologne tantôt, des montants importants qui sont dans ces investissements-là, qui reviennent au Québec, à des entreprises québécoises, pour fournir du gyproc, pour fournir du bois ouvré. Je pourrai vous donner la liste des types de produits tantôt. Puis, comme je vous dis, je suis prêt à entendre les représentations. Le forum de l'Assemblée nationale est un forum important pour indiquer à la Caisse les attentes, etc. Alors, on peut entendre des représentations. Ce sont des choses qui doivent être constamment considérées.

Je quitte un instant l'immobilier, mais j'y reviendrai parce que j'ai eu beaucoup de questions tantôt du député de Laporte. Il est peut-être important de souligner aussi au passage que 1995, pour la Caisse, marquait sa 30e année d'existence et d'activité. Elle a généré pendant cette période-là 47 000 000 000 $ de revenus. Elle fait maintenant partie, par son réseau d'affaires internationales et par ses partenaires, du cercle des grands gestionnaires de portefeuilles en Amérique du Nord. Son rayonnement couvre non seulement les Amériques, mais l'Asie et l'Europe. C'est devenu une véritable multinationale de l'investissement dans un univers où les activités sont menées et sont toutes menées dans une perspective globale à l'échelle mondiale. Mais, malgré cette évolution-là des marchés financiers, la Caisse demeure orientée plus que jamais sur sa mission d'origine: les rendements financiers optimaux, qui sont sa raison d'être, et, le deuxième grand volet, par ses activités d'investissement, procurer une contribution à l'essor économique des entreprises et de la société québécoise.

Nous poursuivons un objectif qui est réaliste, mais ambitieux et difficile, faire partie du peloton de tête des gestionnaires de fonds en Amérique du Nord au tournant du siècle. Si nous le poursuivons, c'est que nous n'avons pas la certitude de l'être et nous allons dans cette direction-là. On a, en 1995, d'excellents résultats, des résultats dont tous nos déposants, tous nos organismes déposants auxquels ils ont été présentés, tous se disent extrêmement satisfaits de ces résultats-là. On met l'accent sur des facteurs clés dans les modes de gestion, beaucoup d'agilité dans l'organisation, de la souplesse, de la rapidité d'exécution, qui sont des atouts de taille. On doit compter sur une équipe qui soit parmi les meilleures, évidemment, composée de spécialistes capables d'innovation, de créativité. Notre enjeu, c'est de la conserver, de la développer, cette équipe-là. Ce n'est pas toujours facile.

L'atteinte de nos objectifs repose sur d'autres facteurs de succès. Une implantation, par exemple... Et c'est ce à quoi on a travaillé beaucoup en 1995, le concept d'unités d'affaires vraiment responsables, spécialisées, qui connaissent leur domaine, et c'est un peu, si vous regardez le rapport annuel, l'approche qui a été suivie, par exemple, dans le domaine des participations, où on a créé des sociétés spécialisées avec des conseils d'administration de gens de l'industrie.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Si vous pouviez essayer de conclure, parce que le temps qui vous est alloué est déjà... arrive sur la fin, disons. Vous pourrez revenir lors d'une réponse à une autre question.

Une voix: ...

M. Scraire (Jean-Claude): Non, j'aurais seulement souhaité indiquer quelques lignes d'orientation pour l'avenir, mais je peux me borner à 1995.

(20 h 50)

Je veux faire écho à deux autres préoccupations qui ont été manifestées ici même, à l'Assemblée nationale, l'an passé. D'abord, vous aviez le Vérificateur général qui avait à quelques reprises dans le passé fait état d'un souhait de mieux préciser le code d'éthique de la Caisse de dépôt. Comme j'en avais fait part en 1995, alors qu'il y avait certaines mesures – ça faisait quelques jours que j'avais été nommé, à ce moment-là – qui avaient été prises... Mais, par ailleurs, au cours de l'année, c'est-à-dire le 25 août 1995, on a adopté un nouveau code d'éthique qui est beaucoup plus détaillé, qui est disponible pour quiconque, qui s'applique au personnel, qui suppose des déclarations à tout le personnel, non seulement aux administrateurs de la Caisse mais à tout le personnel, de tout leur portefeuille. Le détail des opérations... Ils doivent également de façon – ce sont des rapports annuels – régulière dévoiler les opérations de marché qui sont faites, faire une mise à jour des opérations réalisées, des titres couverts. Les titres couverts sont tous les titres, actions, obligations, droits, bons de quelque nature.

On a donc revu entièrement ce code-là et créé un comité d'éthique, un comité du conseil qui est un comité d'éthique. Donc, le code d'éthique traite également de toutes les questions de conflits d'intérêts, d'informations confidentielles, de cadeaux, d'activités extérieures, les priorités de fonctions. Donc, c'est une préoccupation que nous avons eue en cours d'année, et c'est une préoccupation que nous avons d'autant plus que, avec la constitution de filiales de plus en plus nombreuses où on souhaite et on recherche la présence de gens de l'industrie privée, de gens spécialisés dans les domaines – évidemment, ces gens-là sont susceptibles, à l'occasion, d'être en conflit.... Mais l'avantage pour une organisation qui est active dans le milieu financier, l'avantage d'avoir ces gens-là, et qui est très important, il doit être géré de façon à éviter les conflits ou les potentiels conflits d'intérêts.

Quant à la question des articles ou des allégations publiés dans The Gazette , j'ai eu l'occasion d'avoir des rapports de revues... pas tellement des rapports, mais une revue des dossiers qui ont été évoqués. Je peux vous dire, d'abord, ma conviction que la Caisse et ses professionnels ont agi avec intégrité dans tous les dossiers et qu'il n'y a aucun élément qui puisse me permettre de penser autrement. Ils ont également agi selon les règles et les procédures établies, en conformité avec les règles et les procédures établies, conformément aux politiques et aux orientations établies par le conseil d'administration de la Caisse.

Les objectifs recherchés en – c'est à cette époque-là – 1988, 1989, 1990, en achetant des terrains, étaient les suivants: c'étaient des considérations stratégiques...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Monsieur, si vous me permettez. Le rôle du président, c'est d'être équitable pour les deux parties et, déjà, l'opposition a été, je dirais, tolérante parce qu'on a dépassé. Mais, comme j'ai dit tout à l'heure, on va permettre quelques questions et vous pourrez revenir après, en deuxième lieu. Je ne veux pas priver le droit de parole de chacun, mais je suis dans l'obligation de faire respecter le règlement. Habituellement, je suis assez souple sur le temps alloué, mais, en tout cas. M. le député de Laporte, s'il vous plaît.

M. Bourbeau: M. le Président, le président de la Caisse aura sûrement le temps de reprendre ses propos tout à l'heure et de les compléter. C'est parce que je veux quand même avoir l'occasion de dire quelques mots sur ce qui s'est dit. Le rôle de l'opposition n'est pas toujours un rôle très plaisant, je dois dire, en ce sens que le règlement ne prévoit pas que le rôle de l'opposition soit d'encenser continuellement le gouvernement ou les sociétés d'État qui en dépendent, qui sont sous sa responsabilité. Ça ne nous empêche pas d'être objectifs quand même.

Tout à l'heure, lorsque j'ai parlé, avant d'en arriver sur le dossier immobilier, j'avais quand même souligné la bonne performance de la Caisse. Alors, je n'ai aucune espèce de problème à revenir là-dessus – surtout après l'exposé que vient de faire le président – pour féliciter la Caisse de dépôt pour ses rendements intéressants, supérieurs même à la moyenne, féliciter les dirigeants de la Caisse pour ces résultats qui sont spectaculaires. Ça fait certainement la preuve de la compétence des dirigeants de Loto... de la Caisse de dépôt – de Loto-Québec aussi, si je comprends bien. Et, en aucune façon, je ne mets en cause la compétence ou l'intégrité des dirigeants de la Caisse et, au contraire, je dois reconnaître que les résultats obtenus l'an dernier sont impressionnants. Tant dans le domaine des actions que des obligations, ils ont fait en sorte souvent même de dépasser la moyenne des intervenants du milieu.

Cependant, ça n'empêche pas qu'on puisse regarder l'ensemble du tableau. Et, une fois que j'ai envoyé trois, quatre coups d'encensoir au président sur la presque totalité des actions de la Caisse, on peut quand même revenir sur ce maillon faible de la Caisse, à mon avis, qui est le secteur immobilier. Et je voudrais aussi ouvrir une parenthèse, M. le Président. En aucune façon, je n'ai mis en doute l'intégrité des membres de la Caisse, tantôt, quand j'ai cité les articles. Ça ne m'est même pas passé à l'esprit que l'intégrité soit en cause. Je ne vois pas, d'ailleurs, que le journaliste, non plus, la met en cause. Il s'agit plutôt de mauvaises décisions, semble-t-il, qui auraient conduit à des placements extrêmement dangereux, hasardeux, que certains experts ont même assimilés à des placements de cow-boys, donc quelque chose d'un petit peu improvisé.

J'avais posé des questions pour permettre au président de donner son point de vue. Bon, je sais qu'il a commencé à le faire, alors peut-être qu'il pourra poursuivre tout à l'heure. Ce qui me perturbe un peu, c'est que le président a dit qu'à l'égard des placements immobiliers... bon, l'intégrité n'est pas en cause, mais que tous les gestionnaires ont suivi toutes les politiques de la Caisse à l'égard des placements immobiliers. Puis, ça, ça me dérange. Si vraiment ce que le président nous dit, c'est que la Caisse va recommencer encore à faire la même chose parce que c'est ça qui est la politique de la Caisse, de prêter des sommes d'argent importantes sur des terrains vacants – c'est ça dont on parle – pour des sommes d'argent qui excèdent le coût des terrains, en espérant que les promoteurs vont être assez chanceux pour obtenir leur permis de construction, le zonage, l'environnement après coup, et que, finalement, un jour, on va voir une construction qui va jaillir, ça, c'est risqué, c'est très risqué. Et j'espère que la leçon a porté, que le président va nous dire que les politiques ont été changées ou que la façon de procéder a été changée, sans ça, ça nous promet des lendemains qui risquent de déchanter.

Maintenant, tout à l'heure, le président a donné des statistiques de rendement également pour le secteur immobilier. Je sais que la Caisse de dépôt a formé des filiales au cours de la dernière année – d'ailleurs, l'article du journal en traite – et on aurait ramassé l'ensemble des mauvais prêts ou des mauvais placements et on aurait mis ça dans une compagnie à part, qu'on a appelée, semble-t-il, 2967-9925 Québec inc. Ça semble être une espèce de compagnie fourre-tout où on a mis les déchets, enfin ce qui n'était pas très bon comme placements. Il y a aussi la compagnie, société en commandite, Cadev, qui semble aussi jouer un rôle de... Ce sont, ça, des filiales de la Caisse.

Alors, moi, je voudrais savoir du président, tout à l'heure: Quand il nous donne des statistiques sur le rendement de son portefeuille immobilier, est-ce que ça inclut, ça, toutes ces filiales-là? Et, si oui, pourquoi est-ce que la Caisse se dépêche de créer des filiales pour aller entasser, dans ces filiales-là, les parties les moins intéressantes de son portefeuille? Est-ce que c'est pour se soustraire à la comptabilité générale de la Caisse, pour que ça paraisse mieux dans les livres de la Caisse et que ce soit les filiales qui soient en mauvais état? On ne comprend pas pourquoi il faille créer des filiales comme ça continuellement pour aller y remiser, si je peux dire, les éléments les moins intéressants du portefeuille.

(21 heures)

Alors, M. le Président, je ne voudrais pas... Ce serait facile de parler pendant 20 minutes, puis, après ça, laisser écouler le temps, mais je préférerais plutôt me limiter à ces quelques questions-là, quitte à pouvoir revenir. Si le président ne prend pas ses 20 minutes, on pourrait peut-être échanger plus facilement. Mais, si le président ou le ministre prennent leurs 20 minutes, bien, là, on va être obligés de le faire nous aussi puis on va terminer dans un dialogue de sourds. Mais j'aimerais être capable de permettre au président de clarifier ces choses-là, parce que, dans le fond, c'est pour la Caisse. La réputation de la Caisse, dans le domaine immobilier en tout cas, en a pris pour son rhume dans le milieu québécois, le milieu des affaires aussi, et probablement que ça s'est répercuté à l'étranger. Donc, ce serait intéressant qu'on puisse vraiment aller au fond des choses et puis comprendre ce qui s'est passé, et aussi obtenir l'assurance que ces choses-là ne se représenteront plus.

Deuxièmement, M. le Président, j'aimerais que le président de la Caisse, puisqu'il nous l'a offert, nous parle un peu de ses placements en Pologne. L'an dernier, il nous a parlé longuement de ses placements au Mexique. Là, il vient de nous dire qu'au Viêt-nam il n'a aucun placement encore. Par contre, il nous dit qu'il en a en Pologne. Donc, ce serait intéressant de savoir ce que vous faites en Pologne et, enfin, pourquoi vous êtes là et comment ça va.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. Scraire.

M. Scraire (Jean-Claude): Oui.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): À moins que M. le ministre veuille intervenir. Non?

M. Scraire (Jean-Claude): Je voudrais d'abord relever quelques points dans les dernières questions du député. On parle de prêts sur des terrains pour des montants qui excèdent la valeur. Jamais ça ne s'est fait. Il n'y a jamais eu de prêts sur des terrains pour des montants qui excèdent la valeur. Dans toutes nos opérations de prêts conventionnels ou d'hypothèques conventionnelles, jamais les hypothèques n'ont excédé 75 % de la valeur au moment où elles ont été consenties. Il est évident que, si les valeurs immobilières, au cours des années qui ont suivi, ont diminué, à un moment donné le prêt peut avoir été pour un montant supérieur. Mais, au moment de son consentement, au moment où il a été consenti, en autant qu'il s'agissait d'hypothèques conventionnelles, c'était au maximum, et tous les dossiers ont été revérifiés là-dessus, il n'y a pas eu d'excédents au-delà de 75 % de la valeur sur les hypothèques conventionnelles.

Sur les terrains, sur deux ou trois transactions qui s'inscrivaient dans une politique de banque de terrains, effectivement, la Caisse, au début des années quatre-vingt-dix, a acquis trois ou quatre terrains dans une perspective de banque de terrains, et, à ce moment-là, le prêt... À l'occasion, les transactions se sont faites sous forme de prêts, étant donné que les promoteurs devaient ensuite... Dans un cas, M. Cytrynbaum, dans un autre cas, le groupe Alexis Nihon, qui étaient, je le souligne au passage, deux des grands promoteurs immobiliers de Montréal dans les années quatre-vingt... disons, de 1985 à 1992. Ça a été deux grands groupes immobiliers à Montréal, des promoteurs reconnus, compétents, etc. Alors, dans deux cas, l'investissement a été fait sous forme de prêts, parce que les promoteurs devaient rencontrer un certain nombre de contraintes ou de considérations, ou livrer de la marchandise, comme obtenir les zonages et faire des choses avant que... de sorte que c'était plus prudent de le faire sous forme de prêts plutôt que d'acquérir le terrain purement et simplement.

Alors, dans trois cas comme ça, si ma mémoire est bonne, ça a été fait à 100 % de la valeur. Mais le fondamental était une acquisition et non pas un prêt. Il restait aux promoteurs à livrer un certain nombre de choses. Entre-temps, les valeurs se sont dépréciées et les développements ne se sont pas faits, de sorte que les promoteurs n'ont pas été capables de livrer les produits. Mais dans aucun cas il n'y a eu des prêts, dans tout ce que j'ai vu, qui, sous une forme ou sous une autre, excédaient la valeur.

Autre question très précise du député, on parle de filiales où des prêts sont transférés. La question est relativement simple. C'est que, quand la Caisse faisait des prêts hypothécaires et quand la Caisse fait des prêts hypothécaires, elle les fait au nom de la Caisse. Historiquement, elle a toujours fait ses prêts hypothécaires en son propre nom. La Caisse est prêteuse. Cependant, historiquement aussi, quand la Caisse a investi en immobilier, elle n'a jamais voulu prendre, d'un point de vue légal, les risques d'un propriétaire immobilier, à la Caisse elle-même, de sorte que la détention de propriétés immobilières a toujours été confiée à des filiales. On a toujours détenu... Et les amendements à la loi de la Caisse ont été faits, dans les années 1973-1974, pour faire en sorte que, quand la Caisse était propriétaire, elle n'assumait pas cette responsabilité-là – les responsabilités au niveau de l'environnement, des accidents, etc. – donc il y avait le processus des filiales.

Ce qui fait que, quand vous mettez ces deux théories-là ou politiques-là ensemble, quand la Caisse a repris des prêts hypothécaires... des propriétés, parce que les prêts étaient en défaut, elle les reprenait, mais, immédiatement, elle les transférait à une filiale, une filiale qui était spécialisée dans les reprises hypothécaires. Alors, celle à laquelle vous faites référence, sans doute qu'il s'agit de ça. Je ne me souviens pas du nom, là, mais les propriétés reprises en vertu de prêts hypothécaires ont été transférées à une filiale pour cette raison-là. Ça n'emporte absolument aucun autre avantage que la protection des intérêts financiers de la Caisse, la protection légale. Au point de vue comptable, c'est tout la même chose, c'est tout enregistré dans nos livres. Les rendements sont tous là. Alors, il n'y a aucun autre impact que celui-là. Alors, ce n'est pas pour se soustraire à rien. Nos dossiers là-dessus sont très transparents.

Vous avez allégué des transferts de propriété du groupe Cytrynbaum qui auraient été faits à des investisseurs étrangers, particulièrement de Panama. J'ai lu ça dans les articles aussi. Et c'est quelque chose qui est connu. Ce que je peux vous dire là-dessus, c'est que, du point de vue de la Caisse, le simple fait que les investisseurs soient du Panama ne rend pas les transactions... ne doit pas rendre les transactions suspectes. Et, à cet égard-là, on n'a jamais eu, à la Caisse, et on n'a pas, à la Caisse, d'informations à l'effet qu'il y ait des agissements qui soient répréhensibles à cet égard-là de quelque façon. Les apparences peuvent dire ce qu'elles veulent, mais, nous, à la Caisse, on n'a rien qui nous permette de mettre en doute l'intégrité des processus ou le fait que le vendeur... D'ailleurs, il ne s'agit pas de propriétés sur lesquelles on avait des intérêts; on n'avait aucun intérêt dans ces propriétés-là. Cependant, étant donné que, ultérieurement, l'entrepreneur a fait défaut sur d'autres prêts, s'il avait vendu à des prix moindres que la réalité ou dans des transactions suspectes, il aurait pu y avoir problème. Mais on n'a aucune indication dans ce sens-là, de sorte qu'on n'a jamais pu ou dû intervenir, il n'y avait pas d'indication qu'il y avait quelque chose d'incorrect dans ces transactions-là.

On indique... Dans votre question, puis, faisant référence à l'article de la Gazette , qu'avec le groupe Cytrynbaum presque tous les dossiers ont été en défaut. Ce n'est pas le cas. Je peux vous donner le bilan du dossier Cytrynbaum.

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce qu'on pourrait demander au président de laisser la commission avoir une copie du rapport qu'il lit présentement? Il me semble que ce serait utile pour les membres de la commission de pouvoir consulter le rapport.

M. Scraire (Jean-Claude): Je soulignerais juste qu'il s'agit d'un rapport, actuellement, qui est préliminaire et qui comporte des informations vraiment de nature à nuire ou à des transactions ou à des individus. Je ne pense pas qu'il pourrait être publiable comme ça. Mais ce que je peux souligner au député ou aux membres de la commission, puis je l'ai fait aussi en public, c'est qu'on ferait, dans ces dossiers-là, une revue complète de toute l'information disponible, et cette revue-là serait rendue publique, mais dans une forme...

M. Bourbeau: Épurée.

M. Scraire (Jean-Claude): ...que j'appellerais publiable, sans nuire aux individus. Pas épurée au sens où certains pourraient le penser, mais dans une forme publiable, sans nuire aux tiers ou à des individus. Mais, ceci étant dit, vous êtes évidemment les maîtres de cette question-là. Je souligne juste que...

M. Bourbeau: C'est parce que, M. le Président, sur la question, étant donné, justement, qu'il y a une espèce de nuage qui plane au-dessus de la Caisse autour du dossier Cytrynbaum, la réponse du président est susceptible de faire en sorte que le nuage soit plus épais encore. Si le président dit que le rapport qu'il a devant lui est bon pour lui mais qu'il n'est pas bon pour la commission, moi, je me pose des questions.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. Scraire.

M. Scraire (Jean-Claude): Je poursuis sur le dossier Cytrynbaum pour donner des... Il y a eu 20 déboursés principaux, totalisant 56 000 000 $, plus deux déboursés supplémentaires pour les aménagements dans les années 1990-1991, pour un total de 58 000 000 $. Quatre prêts ont été remboursés totalement, pour 14 000 000 $. Sept prêts sont tombés en défaut, mais sont à jour aujourd'hui, pour 12 000 000 $. Onze défauts sont survenus entre 1992 et 1993, qui ont résulté en 10 reprises de propriété, pour 31 000 000 $. Puis une reprise, il y a eu une vente conclue pour 450 000 $.

(21 h 10)

On estime que, éventuellement, de l'ensemble de ces transactions-là, il pourrait résulter... il n'est pas résulté, il pourrait résulter environ 8 000 000 $ de pertes si les valeurs ne reprenaient pas. Si les valeurs reprennent, il se peut qu'il ne résulte pas de pertes de ces transactions-là. C'est la conclusion sur le dossier Cytrynbaum.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, je répète encore que, enfin, moi, personnellement, je souhaiterais bien que le président puisse déposer une copie de son rapport pour que les membres de la commission puissent en prendre connaissance. Est-ce que le président est disposé à déposer la copie du rapport?

M. Scraire (Jean-Claude): Je ne connais pas les règles de l'Assemblée. Moi, j'ai souligné ce que je savais au fait de déposer. Je sais qu'il y a des choses là-dedans qui ne devraient pas, normalement... qui peuvent nuire.

M. Bourbeau: Qui peuvent nuire à qui, au juste?

M. Scraire (Jean-Claude): Qui peuvent nuire soit à des individus, parce qu'il y a des tiers qui sont mentionnés là-dedans, des tiers à part Cytrynbaum, à part les personnes directement impliquées...

M. Bourbeau: Oui, mais ces gens-là, ce sont des gens qui ont fait affaire avec la Caisse, ça doit être des gens... Je ne vois pas en quoi ça serait dangereux. Est-ce que c'est si dangereux que ça de faire affaire avec la Caisse qu'on ne puisse pas le savoir?

M. Landry (Verchères): Bien, il doit y avoir des questions de concurrence. Il doit y avoir des questions de concurrence et des questions de spéculation. Quelqu'un qui fait affaire de bonne foi avec une société, ce n'est pas pour que l'information qu'il divulgue à la société soit rendue publique.

M. Bourbeau: Écoutez, je comprends. Mais là, le dossier Cytrynbaum, il est public, là.

M. Landry (Verchères): Il est public, dans un...

M. Bourbeau: Cytrynbaum. Il est public, là. Les noms ont été publiés dans la Gazette , là.

M. Landry (Verchères): Il est public dans un journal et il implique les personnes directement parties aux transactions, mais pas les tiers, comme le dit le président.

M. Bourbeau: Écoutez, ces tiers-là...

M. Landry (Verchères): Bien, moi, je ne le sais pas. Je ne l'ai pas lu, ce rapport-là.

M. Bourbeau: Est-ce que je peux vous demander une question? Ces tiers-là, sans donner des noms, c'est des gens qui étaient associés à Cytrynbaum? En quoi il y a des tiers là-dedans? Ces tiers-là, c'est qui? Sans les nommer, quel est le rôle de ces tiers-là là-dedans?

M. Scraire (Jean-Claude): Les rôles sont multiples parce qu'il s'agit de beaucoup de transactions, beaucoup de compagnies. À l'occasion, il y a des locataires qui sont impliqués là-dedans ou qui pouvaient avoir soit signé des baux ou donné des garanties quelconques et sur lesquels il y a des jugements de valeur qui peuvent être portés à l'occasion. Je souligne juste que je n'aimerais pas prendre cette responsabilité-là quant aux tiers qui sont secondairement impliqués.

L'autre élément, là où j'ai le plus de réserves, c'est que le document comme tel contient les valeurs marchandes résiduelles et individuelles des propriétés aujourd'hui, et, ça, ça serait nuisible de le publier. Mais, ceci étant dit, ça pourrait être extrait d'un rapport.

M. Bourbeau: Oui, mais c'est justement, là. La Caisse est accusée d'avoir fait des placements, des mauvais placements, des placements où les sommes d'argent prêtées excédaient les valeurs. Et là vous nous dites qu'effectivement les valeurs sont moindres. Alors, vous confirmez, dans le fond, nos pires soupçons. Si ces valeurs sont inférieures, qu'on le dise, là, on va le savoir. De toute façon, on s'en doute, avec le marché immobilier tel qu'il est présentement. Moi, ça m'apparaît... Je ne vois pas vraiment ce qui... En tout cas, si le président ne veut pas le déposer, M. le Président, moi, je ne passerai pas les derniers trois quarts d'heure à le demander, mais il me semble que, compte tenu des circonstances, le président ne devrait pas avoir trop de réticences à déposer le document dont il s'inspire depuis 15 minutes.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Laporte, je voudrais juste vous lire rapidement, pour l'information des membres de la commission, l'article 214, au sujet des dépôts de documents. On dit: «Lorsqu'un ministre cite – et on sait qu'en l'occurrence le président de la commission parle au nom du ministre – même en partie, un document, tout député peut lui demander de le déposer immédiatement. Le ministre doit s'exécuter, sauf s'il juge que cela serait contraire à l'intérêt public.»

Donc, je vous laisse juger de la portée de l'article 214.

M. Landry (Verchères): M. le Président, le président de la Caisse ne peut parler au nom du ministre. Je vais vous dire pourquoi. D'abord, il ne peut pas parler en mon nom à partir de documents que je n'ai jamais vus ni connus, ni d'Ève ni d'Adam, et, comme l'a dit le député de Laporte, je n'ai pas le droit de les demander non plus, là. Il a été ministre des Finances. Il sait très bien que le ministre des Finances n'est pas l'actionnaire de la Caisse de dépôt. Le ministre des Finances dépose le rapport de la Caisse de dépôt à l'Assemblée nationale. Il n'a pas le droit de donner des directives. Il n'a pas le droit de se substituer aux gestionnaires. Alors, les gestionnaires ne peuvent pas parler en mon nom.

M. Bourbeau: Ha, ha, ha! Disons, mutatis mutandis, le règlement, je présume, s'applique au président comme au ministre. C'est ça?

M. Landry (Verchères): Mais le ministre est parlementaire; le président ne l'est pas.

M. Bourbeau: Enfin, si le président nous dit que c'est contraire à l'intérêt public de déposer le rapport, on va être obligés de prendre sa parole, mais ça n'aide pas, à mon avis, le dossier de la Caisse. On pourrait très bien, demain matin, avoir des journalistes qui vont lire le Journal des débats , là, puis qui vont voir que le président a refusé de déposer un rapport portant sur Cytrynbaum, puis vous risquez d'avoir encore trois pages dans les journaux, demain matin, là-dessus. Moi, ça ne me fait rien. Je vois le titre des journaux demain matin: La Caisse se réfugie derrière le secret professionnel pour ne pas déposer un rapport sur l'affaire Cytrynbaum. Voilà!

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est bien. M. le président, quelle est votre décision?

M. Scraire (Jean-Claude): Je pense toujours que, dans sa forme, c'est préférable qu'il ne soit pas déposé. Je comprends le point du ministre. Mais, comme je le dis et comme je me suis engagé à le faire, la revue de ces dossiers-là va être disponible pour le public, et on n'a absolument rien, rien, au niveau de la Caisse, là-dedans, à cacher sous quelque forme que ce soit. Notre responsabilité est claire: premièrement, c'est d'être suffisamment transparents, mais tout en protégeant les droits des tiers; et, deuxièmement, d'assurer la crédibilité de nos opérations sur les marchés de l'immobilier à l'intérieur du Québec comme à l'extérieur, comme le soulignait le député de Laporte. Et, cette crédibilité-là, elle doit être établie par suffisamment d'information. Les torts qui ont pu être causés par les articles de la Gazette devront être réparés, et l'information sera le moyen qui sera employé pour les réparer.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bon. M. le député de Crémazie m'avait demandé la parole.


Essor économique du Québec

M. Campeau: Bien, M. le Président, d'abord, c'est évident, je voudrais féliciter, pour l'excellente performance de l'année 1995, le président-directeur général de la Caisse de dépôt, mais pas seulement lui. Je sais qu'il a fait un excellent travail, mais je voudrais féliciter à travers lui et reconnaître la qualité de la gestion de toutes les femmes et de tous les hommes qui travaillent à la Caisse de dépôt, quel que soit leur poste. Je m'en réjouis pour toutes les Québécoises et tous les Québécois, parce que c'est notre argent qui est dans la Caisse de dépôt; c'est à nous autres, cet argent-là, et ça nous appartient. Puis je compte aussi qu'il en sera ainsi pour les neuf autres rapports annuels que l'actuel président aura à présenter.

Mais je lis le rapport d'activité puis, sur la première page, je vois: «Le rendement demeure notre première préoccupation». Bien, quitte à me répéter, ça me préoccupe au plus haut point. Est-ce qu'on a remisé le discours en deuxième lecture de Jean Lesage, en 1965, où on parlait, bien sûr, de rendement, mais aussi de rendement économique du Québec, pas seulement de rendement financier? Alors, quand je vois ça, «demeure notre première préoccupation»... Et puis l'autre? Elle est finie ou si c'est juste quand on a le temps qu'on s'en préoccupe? Alors, est-ce que la Caisse... Là, quand je regarde ça... Il ne faut pas oublier, dans le discours de Jean Lesage, il était dit – je n'ai pas le discours à la main, mais je l'ai lu assez souvent pour en rapporter certains extraits – que, entre autres objectifs, la Caisse devait libérer le gouvernement du Québec et ses sociétés d'État de la dépendance des marchés boursiers. À ce moment-là, on parlait des marchés boursiers canadiens, parce que le Québec empruntait presque exclusivement au Canada, en monnaie canadienne. Et la Caisse de dépôt avait été créée, entre autres, pour ça. Alors, est-ce que la Caisse de dépôt ne devrait pas travailler plus intensément avec le Québec?

Moi, bien sûr, je suis pour la mondialisation, qu'il y ait des investissements à l'étranger, à l'international, mais, à force de vouloir diversifier, est-ce qu'on n'a pas oublié une des premières missions de la Caisse de dépôt, qui est de travailler à l'essor économique du Québec, toujours en protégeant son rendement, bien sûr? Alors, moi, je me déclare, oui, pour la diversité, oui, pour la mondialisation, oui, pour le rendement financier, bien sûr, mais, le rendement économique du Québec, on ne devrait pas l'oublier. Et je m'inscris en faux, là, à cette première page, où on dit: «Le rendement demeure notre première préoccupation». Moi, je vous répète, quitte à répéter les mêmes mots: Ça me préoccupe beaucoup. Alors, est-ce qu'on pourrait permettre au président de la Caisse de répondre, M. le Président?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Certainement. M. le président de la Caisse, M. Scraire.

(21 h 20)

M. Scraire (Jean-Claude): Certainement que, pour nous, il n'est pas du tout incompatible que le rendement soit notre première préoccupation et qu'en même temps on conserve, de façon très importante et immédiate, la préoccupation de l'essor économique du Québec. Ça se traduit de différentes façons dans notre action, actuellement. L'un des éléments dont on a fait part, c'est la croissance des placements privés. La majorité de ces placements privés, dans notre secteur de participation, sont faits avec des entreprises québécoises et, comme on a un objectif d'augmenter de façon importante ces placements-là – on parle de 1 000 000 000 $ sur une période de deux ans à peu près – qu'on souhaiterait réaliser par des placements privés, on s'est donné les moyens de le réaliser par la création de sociétés spécialisées.

Il y en a une là-dedans, notamment, qui vise les très petites entreprises, les investissements de moins de 1 000 000 $ par entreprise, donc ça peut être du 200 000 $, du 300 000 $, du 500 000 $. On compte là-dedans les sociétés régionales d'investissement mais aussi des investissements privés ou particuliers, plutôt directs, qu'on fait dans des entreprises. Et ce qu'on vise, à ce niveau-là, c'est vraiment d'améliorer ou d'augmenter le nombre d'entreprises. Si on pense à l'essor économique du Québec, il y a l'augmentation du nombre d'entreprises, donc la création d'entreprises, et, deuxièmement, la croissance des entreprises; la croissance sur le marché local, mais la croissance aussi sur le marché de l'exportation, sur les marchés internationaux.

Ce que je souligne au départ, c'est que le nouveau champ qu'on a ouvert et qu'on développe de plus en plus, c'est même le démarrage d'entreprises. On a commencé à travailler même avec des incubateurs d'entreprises, où on a des plans que je pourrais qualifier de conjoints pour aider au démarrage d'entreprises. On a aussi une société qu'on a créée, qui est spécialisée dans le domaine de la technologie, de la haute technologie.

Comme vous le savez, au Québec, il y a plusieurs secteurs technologiques qui sont porteurs et qui sont rentables, et les deux ne sont pas incompatibles. Pour nous, il n'y a aucune incompatibilité entre les deux. Les secteurs sont rentables, ils sont porteurs aussi d'emplois, puis ils sont porteurs d'activité économique pour le milieu. Donc, on a une société qui a un budget important d'investissements à réaliser, on se dote des ressources humaines et de l'expertise nécessaire pour le faire.

Même chose dans le domaine des communications. On a mis sur pied une société spécialisée dans le domaine des communications, qui est un champ vaste et porteur, et on se dote aussi des ressources. On s'est doté de beaucoup de ressources, en 1995, pour aller dans ce secteur-là, finalement, le secteur des moyennes et grandes entreprises, qui est, si vous me permettez l'expression, le coeur de la business, mais qui va poursuivre son développement. Donc, les participations avec des budgets importants au cours des deux prochaines années, ce sont des placements qui sont importants pour l'essor économique du Québec.

Au niveau de l'immobilier, on parlait tantôt de ce qui a été fait dans les années... fin des années quatre-vingt, début des années quatre-vingt-dix, quand la Caisse de dépôt a, par politique et dans le cadre du développement de son portefeuille immobilier, décidé d'avoir une banque de terrains. Ce qui était visé, c'était l'essor économique du Québec; évidemment, le rendement, mais aussi l'essor économique. On pensait, à ce moment-là, que le portefeuille de la Caisse était suffisamment important pour contenir un certain nombre de terrains d'une certaine valeur et que ces terrains-là pourraient être développés. Particulièrement, on parle de développement industriel dans la grande région de Montréal. Donc, c'était en vue de fournir à des entreprises québécoises ou à des promoteurs, comme Cytrynbaum ou comme le groupe Alexis Nihon... d'offrir des banques de terrains qui pourraient être développées au profit d'entreprises québécoises puis au profit de l'essor économique.

De la même façon, aujourd'hui, on parle de l'immobilier un peu... Je reviens un instant sur la Pologne pour dire que, comme je le soulignais tantôt, en réponse à la question du député de Laporte, la Pologne, on y va pour deux raisons: premièrement, le rendement financier, donc ça nous prend un rendement plus élevé que ce qu'on fait sur les marchés locaux; deuxièmement, l'essor économique du Québec. Bon. En Pologne, il ne s'agit pas, d'abord, d'investissements à long terme, il s'agit d'investissements qu'on fait avec des compagnies de construction, finalement. Il s'agit, par exemple, de construire du résidentiel. On en construit une puis on la vend. Alors, ça ne peut pas être des montants importants, ce sont des investissements qui roulent.

En Pologne, on a toutes sortes d'entreprises québécoises qui sont actives là-bas: J.O. Lévesque, en construction résidentielle en cours au sud de la Pologne; MTC Canada, une usine, firme de toit en opération, développement résidentiel à Varsovie; Granit Bussière, qui est en train d'ouvrir un bureau en Pologne; le Fonds de solidarité qui confirme sa participation à certaines activités. Et, dans les projets spécifiques de nos partenaires... Puis n'oublions pas que, ça, c'est notre filiale qui s'occupe de ça, c'est Cadim. Vous pouvez voir, dans le rapport annuel, on a un conseil d'administration expérimenté, sur Cadim. On a des gens qui connaissent ces marchés-là. Bon. Et Cadim, dans le projet qu'ils ont... Dans les portes et fenêtres, les manufacturiers qui livrent leurs portes et fenêtres en Pologne, c'est Elite et Melco. Dans le domaine du chauffage, la thermopompe, c'est Turcotte qui livre. Puis, dans les matériaux, on livre du bois d'oeuvre, du bois de finition, des solives à plancher, du contreplaqué, de l'isolation, du gypse et divers autres produits. Les architectes sont de Montréal. Il y a des ouvriers de Montréal qui sont là, puis les partenaires sont et des partenaires de là-bas et des partenaires québécois ou canadiens qui sont expérimentés.

Alors, c'est un peu ça qui est visé. Le danger ou la difficulté, dans des cas comme ça... Et, parfois, soit la commission ou les médias, ou les parlementaires ou les médias d'information, nous mettent dans des positions un peu difficiles. Il est impossible de toujours réussir. On juge l'oeuvre d'un groupe de gestionnaires, même si on prend juste l'immobilier, sur l'ensemble de ses résultats. Si on n'accepte pas ou si je dois dire à nos gestionnaires à la Caisse: Vous n'avez pas le droit de vous tromper, vous n'avez pas le droit à l'erreur, je vous le dis tout de suite, on n'aura pas des bons rendements. Pour avoir des bons rendements, il faut aussi avoir le droit à l'erreur; pas trop souvent, puis ne pas répéter les mêmes, c'est certain, mais il faut avoir le droit à l'erreur. Moi, j'accepte le droit à l'erreur, mais il faut que le résultat soit au-dessus de la moyenne et conforme aux attentes. Mais il peut y avoir des cas particuliers où on a des erreurs; ça peut arriver. L'objectif, c'est que, sur le total, on obtienne nos résultats: un rendement élevé puis l'essor économique du Québec.

Poursuivant sur la question du député de Crémazie, pour terminer sur la question de l'essor économique, parce que je pourrais en parler longtemps, de l'essor économique, on a beaucoup de volets, on est extrêmement actif là-dessus, c'est Montréal place financière, qui a été abordée tantôt à l'occasion de discussions avec la Commission des valeurs mobilières. Mais tout ce qui tourne autour de la Bourse de Montréal, des courtiers, des institutions de gestion, on est très actif pour développer ce secteur-là.

On est actif aussi pour développer les centres d'appels. On a des projets qui sont sur le point ou dont on espère qu'ils vont aboutir, avec Bell, puis avec Desjardins, avec le Fonds de solidarité, sur les centres d'appels, dans lesquels il y a beaucoup d'emplois en cause. On pense qu'on est capable de faire, pour un investissement modeste, un apport important dans ces secteurs-là.

Montréal place financière, c'est aussi au niveau des gestionnaires. Bon. Traditionnellement, la Caisse ne s'est pas très impliquée au niveau des gestionnaires ou au niveau des courtiers, en se disant: Il ne faut pas qu'on soit en conflit, etc. La réflexion qui se fait aujourd'hui – j'en fais part puis je serais heureux d'entendre des commentaires – c'est que l'importance de la Caisse lui permet d'avoir une influence favorable sur Montréal place financière, sur les courtiers, sur les gestionnaires, et il faut qu'on développe à Montréal une industrie de gestion de placements, même de placements internationaux. On a l'expertise, on a la compétence, à Montréal, pour faire ça. On a les moyens techniques, on a des gestionnaires expérimentés à la Caisse puis à l'extérieur, puis on n'a pas de gêne à avoir par rapport à aucun marché dans le monde. On peut faire plus, puis notre objectif, c'est d'aller dans cette direction-là, à moins qu'on nous indique qu'on excède nos responsabilités.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Crémazie.

M. Campeau: Bien, moi, j'irai rapidement, là. Bon, bien, tant mieux, ça me réconforte. Mais je vous donne juste une petite suggestion; après ça, je parlerai d'autre chose, si le député de Laporte me permet. Peut-être qu'il y aurait lieu de ramener, l'année prochaine, dans un beau document comme ça, qu'on l'écrive, qu'on se préoccupe du rendement économique. Puis ce n'est peut-être pas méchant non plus... On semble citer à l'occasion quelques extraits du discours de Jean Lesage qui remettent les choses à la bonne place.


Obligations du Québec

Maintenant, sur les obligations du Québec. Je suis à la page 19. Je vois que vous investissez dans le gouvernement du Québec et Hydro-Québec. D'abord, je ne sais pas si votre pourcentage devrait être encore plus élevé, d'achat d'obligations, mais la question qui me préoccupe, c'est: Combien, à la fin de l'année, il vous en reste? Combien de ces émissions-là ou de ces obligations-là que vous avez achetées durant l'année, combien vous en avez reversé sur le marché, sur le marché public, sans les conserver? Peut-être que M. Nadeau pourrait vous aider.

(21 h 30)

M. Scraire (Jean-Claude): Oui. On a procédé à 1 500 000 000 $ d'acquisition d'obligations; pour 1 500 000 000 $ d'obligations du Québec, j'entends. On en a revendu sur le marché, pas nécessairement les mêmes, mais on en a vendu plus qu'on en a acheté, de sorte que notre portefeuille d'obligations québécoises au cours de l'année a décru. Vous le savez sans doute, au cours de l'année 1995, le marché des obligations du Québec a été très favorable, c'étaient les obligations... On dit que, dans le monde, il y avait deux endroits où il fallait être comme investisseurs en 1995, en actions américaines puis en obligations du Québec. C'étaient les deux véhicules les plus payants. Alors, les investisseurs japonais auraient dû être là, les investisseurs américains auraient dû être...

M. Campeau: C'est à cause du ministre des Finances, ça.

M. Scraire (Jean-Claude): ...en obligations du Québec.

M. Bourbeau: ...taux d'intérêt, c'est bien connu.

M. Campeau: À ce moment-là.

M. Bourbeau: C'est payant pour les investisseurs parce que ça coûte plus cher au Québec. Écoutez...

M. Campeau: Parce que le risque est bon.

M. Bourbeau: Oui.

M. Scraire (Jean-Claude): Bien, en fait, il y a plusieurs raisons qui expliquent ça. Mais c'étaient effectivement de bons véhicules et il y avait des failles dans le marché, disons, en 1995.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Laporte.


Projet de construction domiciliaire en Pologne

M. Bourbeau: M. le Président, le président, tantôt, nous a parlé un peu de ses activités en Pologne et a cité un grand nombre de sociétés québécoises. Est-ce que le président pourrait déposer le rapport qu'il avait devant lui? Je présume qu'il n'y a pas de tiers qui seraient en cause. De toute façon, le président les a tous nommés. Alors, je présume qu'il ne doit pas y avoir de problème, là. Ça nous permettrait de pouvoir nous renseigner un peu sur ces sociétés-là qui ont le bénéfice ou le bonheur d'avoir la Caisse comme actionnaire, ou prêteur, ou... Enfin, peut-être que le président...

M. Scraire (Jean-Claude): En relations d'affaires, pour la plupart.

M. Bourbeau: Oui. Mais je vais poser la question au président. Est-ce que le président pourrait nous dire quel est le rôle exact que la Caisse joue auprès de ces entreprises qui... Si je comprends bien, ce sont des entreprises québécoises qui construisent des immeubles en Pologne pour des fins d'habitation et de revente. La Caisse, est-ce qu'elle est prêteur là-dedans? Est-ce qu'elle est coactionnaire? Quel est son rôle là-dedans exactement?

M. Scraire (Jean-Claude): C'est un rôle de financement au niveau soit de l'entreprise... Actuellement, on n'a pas beaucoup de transactions en marche là-dedans. On est en discussion avec le groupe Intrawest, qui, comme vous le savez, gère et exploite le Mont Tremblant, et un autre groupe, le groupe St-Jacques de Montréal, qui sont deux acteurs importants dans le domaine résidentiel et qui envisagent de construire. Alors, le projet auquel on travaille là-bas concerne un potentiel de développement de plusieurs centaines de résidences. Il s'agit, pour nous, d'avoir des partenaires pour le faire parce qu'on ne le fera pas tout seul.

M. Bourbeau: Mais, quand vous dites: C'est en discussion... D'abord, avec Intrawest, vous n'avez pas besoin de discuter longtemps, vous êtes actionnaire d'Intrawest. Alors, ça doit être assez facile de discuter avec...

M. Scraire (Jean-Claude): Bien, c'est un projet spécifique, alors il faut s'entendre sur celui-là aussi.

M. Bourbeau: Oui, oui. Bon, O.K. Vous discutez avec vous-même, quoi, ou, enfin, avec votre partenaire Intrawest. Mais, quand vous dites: On est en discussion, vous voulez dire qu'il n'y a pas de travaux de commencés? Alors, c'est à l'état de planification seulement, le projet de la Pologne, ou si c'est en marche?

M. Scraire (Jean-Claude): Non, il y a cinq ou six résidences unifamiliales... C'est des unifamiliales ou des duplex? Vous avez ça sur le document.

M. Bourbeau: Des petits bungalows à 12 500 $.

M. Scraire (Jean-Claude): Il y a cinq maisons qui sont complétées puis il y en a 14 qui sont en construction.

M. Bourbeau: Des résidences unifamiliales?

M. Scraire (Jean-Claude): Oui.

M. Bourbeau: Ah bon!

M. Scraire (Jean-Claude): Alors, il ne s'agit pas donc... Il s'agit donc de faire tourner des choses. Il ne s'agit pas, pour nous, d'aller investir et de conserver des investissements de façon passive en Pologne. Il s'agit de faire tourner en accompagnant des constructeurs.

M. Bourbeau: Vous les accompagnez de quelle façon exactement, sous quelle forme?

M. Scraire (Jean-Claude): Bien, ça dépend lesquels. C'est pour ça qu'il faut négocier ou avec Intrawest ou avec le groupe... Ça dépend des besoins des entreprises.

M. Bourbeau: Oui, mais avez-vous déjà déboursé des fonds là-bas ou pas du tout?

M. Scraire (Jean-Claude): On me dit que c'est en partnership, en équité avec eux dans les projets.

M. Bourbeau: Donc, vous êtes associés avec ces entrepreneurs-là dans la construction...

M. Scraire (Jean-Claude): L'objectif, c'est ça. Quand ce n'est pas fait, c'est ça, l'objectif.

M. Bourbeau: Mais, jusqu'à aujourd'hui, il y a des maisons en construction. Avez-vous déboursé de l'argent jusqu'à maintenant en Pologne?

M. Scraire (Jean-Claude): Oui, certainement. Les premiers projets, investissements, à date: 3 000 000 $CAN; les frais de développement, installation d'infrastructures puis les constructions en cours.

M. Bourbeau: Donc, tantôt, vous disiez que vous étiez en discussion avec des promoteurs.

M. Scraire (Jean-Claude): Ah! c'est parce que...

M. Bourbeau: Mais là vous dites le contraire...

M. Scraire (Jean-Claude): Non, non.

M. Bourbeau: ...vous êtes déjà rendus sur le terrain...

M. Scraire (Jean-Claude): Non.

M. Bourbeau: ...puis vous dépensez de l'argent.

M. Scraire (Jean-Claude): Oui. Mais il y a des constructeurs qui ont commencé les projets. Sauf qu'il s'agit d'un projet potentiellement plus gros. Alors, si le projet est pour prendre plus d'ampleur, ça prend des gros constructeurs, pas seulement les petits qui sont là. Quand on parle d'Intrawest, on parle d'un gros constructeur, ou du groupe St-Jacques, c'est un gros constructeur aussi.

M. Bourbeau: Là, je dois avouer que c'est de moins en moins clair. Vous dites qu'il y a des petits constructeurs qui sont sur place, qui ne sont pas Intrawest puis qui ne sont pas le groupe dont vous parlez.

M. Scraire (Jean-Claude): Oui, c'est le groupe Servotech Canada, de Sept-Îles.

M. Bourbeau: Oui, mais, si vous avez déjà déboursé 3 000 000 $, c'est donc que vous étiez un peu partenaire avec d'autres qu'avec Intrawest, jusqu'à maintenant.

M. Scraire (Jean-Claude): Jusqu'à maintenant, c'est avec Servotech, mais Servotech, c'est petit. Alors, on ne pourra pas faire des gros projets.

M. Bourbeau: Donc, vous avez un autre partenaire, là. Comment s'appelle-t-il?

M. Scraire (Jean-Claude): Servotech Canada, de Sept-Îles.

M. Bourbeau: Bon. Puis pourquoi est-ce que vous voulez changer de partenaire?

M. Scraire (Jean-Claude): D'après ce que je comprends, c'est parce que le projet est plus gros que... le potentiel est plus gros que prévu, de sorte que le partenaire, qui est un petit promoteur, n'est pas capable de faire un grand projet.

M. Bourbeau: Oui, mais, quand vous êtes entrés là-dedans au début, c'était pour un grand projet ou pour un petit projet?

M. Scraire (Jean-Claude): Ça a commencé très modestement.

M. Bourbeau: Oui, 3 000 000 $, c'est modeste pour cinq bungalows. Ça m'apparaît quand même pas mal d'argent, là. Écoutez, ce n'est pas très clair, là. Je dois avouer qu'on aurait intérêt à poursuivre la discussion, je pense, là-dessus.

M. Scraire (Jean-Claude): Poursuivons.

(Consultation)

M. Landry (Verchères): Pendant que le président cherche ses informations, là, le député de Laporte conviendra avec moi, M. le Président, que, tout ça, ce n'est pas des mauvaises nouvelles, c'est des bonnes nouvelles. Toutes les grandes puissances commerçantes du monde sont accompagnées de leurs financiers dans leurs opérations commerciales. On a juste à voir ce que font les Français, ce que font les Américains, les Britanniques, les Allemands. Les grandes banques, les grandes institutions financières soit les précèdent, soit les accompagnent partout. On a même vu ça ici, à Montréal et au Québec, où des grands travaux faits par des grandes entreprises françaises ont été accompagnés par les grandes institutions financières françaises. Et le monde entier fait ça. Si la Caisse de dépôt le fait, je considère que c'est une bonne nouvelle. Et qu'un projet commence petit pour devenir grand, bien, la plupart des grandes choses ont commencé petites.

M. Bourbeau: M. le Président, j'apprécie les efforts de récupération du ministre.

M. Landry (Verchères): Ce n'est pas du tout des efforts de récupération. Ça tombe que je suis aussi, M. le Président, comme chacun le sait, chargé du commerce extérieur. C'est une des choses que j'apprécie particulièrement et que j'ai essayé d'approfondir dans ma vie, comme le député de Laporte a essayé d'en approfondir d'autres. Et, cette opinion, je crois qu'elle découle du bon sens et de la nature des choses, que les grandes puissances commerçantes sont aussi des puissances financières. Et, fort heureusement, on a quelques grandes puissances financières dans notre économie, dont la Caisse de dépôt et placement. Et, si elle se livre à cette activité, elle sert très bien l'économie du Québec, à l'intérieur comme à l'extérieur.

M. Bourbeau: Sauf, M. le Président, que le ministre dit que les grandes entreprises sont accompagnées des grands... Je suis d'accord. Mais là le président nous dit que ce n'est pas une grande entreprise qui est là, c'est une toute petite entreprise, qui est tellement petite qu'elle n'est pas capable, semble-t-il, de faire les travaux. Puis là on appelle à la rescousse Intrawest, etc. Et on a déjà investi 3 000 000 $, là. Alors, le ministre a raison: si on parle d'Intrawest qui s'en va investir en Pologne avec la Caisse de dépôt, là, ça, ça a du bon sens.

M. Landry (Verchères): Écoutez, là. Non, non, mais...

M. Bourbeau: Mais ce n'est pas de ça qu'on parle, là.

M. Landry (Verchères): Non, mais... Bombardier a commencé dans un garage et puis Quebecor a commencé par le Journal de Rosemont , avec 500 $ empruntés. Tu sais, je ne vois pas où est le point, là.

M. Bourbeau: Le point, là, c'est...

M. Landry (Verchères): Si la Caisse de dépôt met le pied en Pologne, un pays qui est en voie de se convertir à une économie de marché, et qu'elle le fait avec prudence, c'est une bonne nouvelle, en ce qui me concerne.

M. Bourbeau: Mais c'est justement ce qu'on aimerait savoir.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. Scraire.

M. Scraire (Jean-Claude): Le projet initial vise 135 résidences. Il y en a cinq de complétées, comme je le disais tantôt. Il y a 14 maisons en construction actuellement. Et il y a 75 unités de vendues. Ce qui arrive, c'est que le niveau ou la rapidité des ventes est trop élevé pour la capacité du promoteur de livrer à temps. Alors, on est obligé, effectivement, de faire appel à d'autres constructeurs parce qu'il y a 75 unités de vendues et que notre constructeur est incapable de livrer. Il faut mettre plus d'entreprises de construction à l'action à cause de l'envergure du projet, qui va plus rapidement que prévu.

M. Bourbeau: Et les ventes dont vous parlez, ce sont des ventes qui ont été faites à des Polonais, là, pas à des étrangers, je présume?

M. Landry (Verchères): Est-ce que le député voudrait des noms, M. le Président, ou quoi?

Une voix: Des numéros de téléphone.

(21 h 40)

M. Bourbeau: Non, pas encore, mais on va voir. Si le président a la liste, il peut la déposer.

M. Scraire (Jean-Claude): On me dit qu'essentiellement il s'agit de Polonais, oui. Et l'autre nouvelle que j'avais sur ce projet-là, que j'avais hier ou avant-hier, parce qu'un de nos collègues, dans un autre secteur qui n'a rien à voir avec l'immobilier, qui était en Pologne pour des projets, des questions technologiques... pas un employé de la Caisse, mais quelqu'un d'autre avec qui on travaille à l'occasion, me disait que GM vient d'annoncer le développement d'une usine à quelques kilomètres de nos terrains. Alors, ça ne devrait pas nuire.

M. Bourbeau: Dans ce projet-là, est-ce que la Caisse a des garanties? Parce que la Caisse investit pas mal d'argent, là. Est-ce que c'est garanti de quelque façon par le gouvernement polonais ou si c'est ce qu'on appelle de la spéculation, là?

M. Scraire (Jean-Claude): Non, il n'y a pas de garantie autre que le terrain. Quand il y a de l'argent d'avancé, il y a un terrain en garantie.

M. Landry (Verchères): Pour un notaire, y a-t-il plus belle garantie qu'un terrain?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Non, non, M. le Président. Le ministre devrait savoir que c'est les plus mauvaises garanties.

M. Landry (Verchères): Bien, il y a des exceptions notables, si vous voulez mon expression.

M. Bourbeau: Non, non, non.

M. Landry (Verchères): Autrement, on n'enregistrerait pas les droits réels.

M. Bourbeau: Oui, mais le ministre n'a jamais été dans la pratique, on le voit, parce que les terrains, M. le Président, c'est plutôt, à mon avis, un passif qu'un actif. Détenir un terrain, ça ne rapporte aucun revenu puis ça coûte des taxes. Et, quand on en a trop, ça peut amener à la faillite. D'ailleurs, la Caisse paie maintenant assez cher pour le savoir.

M. Landry (Verchères): Oui, mais il faut avoir un peu de perspective historique, là.

M. Bourbeau: Oui, à long terme.

M. Landry (Verchères): Ça fait longtemps que vous ne pratiquez plus le notariat.

M. Bourbeau: Et vous, jamais le droit. Alors, voyez-vous? Pour revenir à la Pologne, M. le président, puisqu'on en parle là, finalement, actuellement, qu'est-ce qui se passe? Vous me dites qu'il y a des problèmes actuellement avec le constructeur actuel, le promoteur original. Vous avez des problèmes avec lui, quoi?

M. Scraire (Jean-Claude): Les travaux se poursuivent. On essaie tout simplement, avec d'autres promoteurs, d'accélérer la livraison des maisons vendues, parce qu'elles sont vendues.

M. Bourbeau: Bon. Et elles sont financées comment, ces maisons-là? C'est vous qui prêtez?

M. Scraire (Jean-Claude): Non.

(Consultation)

M. Scraire (Jean-Claude): C'est la Polish American Bank qui finance les acheteurs. Non, c'est du financement local.

M. Bourbeau: Bon. Alors, M. le Président, il reste à souhaiter bonne chance à la Caisse et à ses entreprises polonaises, ses aventures polonaises. Mais, dans le fond, là...

M. Scraire (Jean-Claude): Mais c'est vrai que c'est...

M. Bourbeau: ...vous n'auriez pas le goût de faire ça au Québec plutôt que de faire ça en Pologne? Ce serait la même chose pour le développement économique. Vos vendeurs de fenêtres pourraient livrer leurs fenêtres au Québec. Alors, il y a quand même pas mal de besoins...

M. Landry (Verchères): Ce n'est pas du tout la même chose pour le développement économique, M. le Président. Parce qu'une exportation, c'est une vente que nous n'aurions pas faite à l'intérieur. Il faut vendre à l'intérieur et vendre à l'extérieur. Et les exportateurs sont ceux qui agrandissent la base industrielle. Je ne vois pas pourquoi le député de Laporte fait une erreur aussi élémentaire.

M. Bourbeau: Oui.

M. Landry (Verchères): Quand la Caisse fait des profits à l'extérieur, elle contribue à élargir notre base industrielle et à rendre plus positive notre balance des paiements.

M. Bourbeau: Oui.

M. Landry (Verchères): C'est élémentaire.

M. Bourbeau: Oui, mon cher Watson, monsieur, mon cher Watson.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Mais on sait aussi que, sur les exportations, le ministre ne perçoit pas sa TVQ.

M. Scraire (Jean-Claude): L'autre élément...

M. Landry (Verchères): Justement, les exportations sont exemptées de la TVQ. Ça aussi, c'est élémentaire pour aider à relancer les exportations. C'est une des principales vertus de cette taxe...

M. Bourbeau: Sauf que c'est moins...

M. Landry (Verchères): ...de supporter notre secteur exportateur.

M. Bourbeau: Sauf que c'est moins rentable pour le budget du ministre.

M. Landry (Verchères): Oui, oui, mais il ne faut pas avoir juste... C'est pour ça, vous aviez juste la rentabilité à court terme en vue...

M. Bourbeau: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Vous nous avez conduit à un déficit de 5 700 000 000 $.

M. Bourbeau: C'est votre déficit, ce n'est pas le nôtre, M. le Président. C'est votre...

M. Landry (Verchères): Non, parce que le vrai vôtre aurait été à 6 000 000 000 $, 7 000 000 000 $, tout le monde le sait. C'est nos efforts qui vous ont empêchés d'avoir l'ignominie de taper le 6 000 000 000 $, 7 000 000 000 $.

M. Bourbeau: C'est votre déficit. C'est notre budget puis c'est votre déficit, M. le Président.

M. Landry (Verchères): Il est arrivé après votre départ du pouvoir et il était la conséquence de votre gestion. Puis, en plus, il avait été prévu à 4 400 000 000 $. C'est vous-même qui l'avez dit cet après-midi.

M. Bourbeau: Je regrette, c'est votre gestion. Vous étiez au pouvoir, pas nous autres.

M. Landry (Verchères): Bon, bien, si c'est notre gestion, souffrez que nous ayons les exportations à coeur et qu'on ne soit pas casaniers, dans des attitudes protectionnistes et une économie repliée.

M. Bourbeau: Très bien.

M. Landry (Verchères): Le fait que la Caisse de dépôt accompagne nos entrepreneurs, permette de vendre des planches, des deux-par-quatre, des matériaux de construction de toutes sortes, des thermopompes, comme l'a dit le président, en Pologne, ça ne doit pas être retenu au passif de la Caisse de dépôt, mais au contraire. C'est là que le discours de Jean Lesage prend tout son sens. Les exportations et la mondialisation n'étaient pas ce qu'elles étaient du temps où Jean Lesage parlait, mais, intelligent comme il l'était, il l'aurait dit dans le contexte d'aujourd'hui.

M. Bourbeau: C'est un libéral.

M. Landry (Verchères): Et je regrette que le député de Laporte ne suive pas les traces d'un aussi grand devancier, peut-être parce qu'il n'en a pas toutes les caractéristiques.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Bon. Ah! c'est très gentil.

Une voix: Et vlan!

M. Bourbeau: Est-ce que le ministre est d'accord avec la politique de la Caisse, par exemple, d'aller construire des résidences en Pologne? Est-ce que le ministre peut nous dire s'il est d'accord avec ça?

M. Landry (Verchères): Si la Caisse de dépôt, dont les gestionnaires sont responsables... On est dans un système basé sur la confiance, la responsabilité des hommes et des femmes de la Caisse, qui sont dans les plus performants de leur profession. S'ils décident de contribuer à la mondialisation des marchés, à ouvrir l'économie du Québec sur le monde et à accompagner nos entrepreneurs à l'étranger, bien sûr que je suis d'accord.

M. Bourbeau: Alors, le ministre est d'accord que la Caisse soit entrepreneur, constructeur, là, parce qu'elle est associée pour construire des bungalows en Pologne. Le ministre est d'accord avec ça.

M. Landry (Verchères): La Caisse est actionnaire d'à peu près 1 000 compagnies qui font 56 sortes d'activités. La Caisse est ceci, la Caisse est cela. Il n'y a presque pas une compagnie canadienne importante dont la Caisse n'est pas actionnaire à un niveau ou à l'autre. Vous ne venez pas de faire une découverte, là, vous.

M. Bourbeau: Donc, vous êtes d'accord que la Caisse construise des bungalows en Pologne.

M. Landry (Verchères): Je suis d'accord que la Caisse fasse son devoir, se développe, ait des rendements plus hauts que la moyenne de son secteur, et on la jugera sur ses rendements, comme c'est normal de le faire.

M. Bourbeau: Le ministre refuse de répondre, alors. Vous tournez autour du pot, là.

M. Landry (Verchères): Bien, je ne tourne pas autour du pot. Je ne suis pas gestionnaire de la Caisse. Vous le savez, vous avez été ministre des Finances.

M. Bourbeau: Non, non, vous êtes...

M. Landry (Verchères): Si j'étais responsable de tout ça, vous êtes responsable de Cytrynbaum. Et vous ne voulez pas que je dise que vous êtes responsable de Cytrynbaum, et ce ne serait pas honnête de dire ça non plus. Alors, n'essayez pas de renverser la table une fois que vous avez changé de côté de la table.

M. Bourbeau: Non, je ne dis pas que vous êtes responsable. Je vous demande si vous êtes d'accord avec la politique de la Caisse. Je ne dirai jamais que vous êtes responsable, vous n'êtes pas gestionnaire de la Caisse. Mais est-ce que le ministre est d'accord avec la politique de la Caisse de construire, d'être constructeur de bungalows en Pologne?

M. Landry (Verchères): Je suis responsable de déposer le rapport annuel de la Caisse devant cette Assemblée. Et, comme ministre du Commerce extérieur, quand je vois une grande institution québécoise favoriser la vente de nos produits, de nos technologies, rapporter des profits des pays étrangers, non seulement je suis d'accord, mais je les encourage...

M. Bourbeau: Bon.

M. Landry (Verchères): ...par toutes sortes de programmes, même de stimulation des exportations, qui sont encore disponibles, et la Caisse n'en a même pas demandé, ils ont fait ça par eux-mêmes.

M. Bourbeau: Bon. Très bien.

M. Landry (Verchères): Peut-être que certains de leurs interlocuteurs ont profité des programme APEX, et, si c'est ça, tant mieux. Ça dénote la synergie de l'économie québécoise à l'étranger.

M. Bourbeau: Bon. M. le Président, je prends note que le ministre est d'accord avec l'investissement. On verra avec le temps ce que ça donnera.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Rousseau.

M. Brien: Merci, M. le Président. Je veux juste souligner brièvement les 30 ans d'existence de la Caisse de dépôt et placement. Bien sûr, c'est une fierté pour les Québécois et les Québécoises.

J'aurais une question. Vous savez, j'ai remarqué, sur votre conseil d'administration, des gens de la FTQ, de la CSN. On sait qu'il y a le Fonds de solidarité. Maintenant, il y a un nouveau fonds aussi pour la CSN. Je voudrais savoir quelle est la relation ou quelles sont les relations de la Caisse avec ce type de fonds là? De quelle façon vous travaillez avec ces fonds?

Puis j'aurais une deuxième question. En ce qui concerne l'industrie culturelle au Québec, je pense au cinéma, entre autres, l'industrie touristique, tout ce qui est... Bon, il y a des entreprises maintenant, comme le Cirque du Soleil. Est-ce que vous êtes partie prenante de ces choses-là?


Relations avec le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec

M. Scraire (Jean-Claude): Premièrement, quant à votre question sur nos relations avec des intervenants comme le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec... Fondaction, attendons un peu étant donné qu'il commence à peine ou qu'il n'a pas commencé. Le Fonds de solidarité, ça fait une bonne dizaine d'années à peu près que c'est dans le décor. On a deux types de relations. Je pense que je pourrais dire que la plus importante, c'est qu'on est souvent partenaires, c'est-à-dire qu'on investit souvent à peu près en même temps dans les entreprises. Particulièrement quand il s'agit de capital de risque, les investisseurs comme le Fonds ou comme nous, on aime bien partager les investissements. On sait qu'on partage les profits, mais on partage surtout le risque, dans notre esprit. Alors, souvent, on se retrouve donc co-investisseur en même temps que le Fonds de solidarité.

(21 h 50)

À l'occasion, on est aussi en compétition avec le Fonds de solidarité dans certains dossiers, puis je pense que c'est une compétition qui est saine. Ça arrive peut-être moins souvent que le co-investissement, mais, à l'occasion, on est en compétition. Un des exemples peut-être les plus clairs, c'est que le Fonds de solidarité a mis en place récemment des fonds dans les régions, et nous sommes aussi dans les fonds dans les régions avec Desjardins et la Banque Nationale, dans la plupart des régions. On a donc le réseau des sociétés régionales et le Fonds de solidarité crée son propre réseau. Alors, ça fait évidemment une certaine compétition qui, à mon sens, est très saine pour les entreprises. Il ne faut pas le voir en termes de dédoublement mais en termes d'opportunité pour les entreprises de se financer, de se faire comprendre par les investisseurs. Et ce n'est pas toujours facile pour les investisseurs, surtout dans les petites entreprises qui arrivent avec quelques feuilles pour présenter un plan d'affaires et à qui on ne demande pas toute une brique, toute une analyse des 20 prochaines années. Alors, c'est assez difficile parfois. Alors, un entrepreneur peut ne pas réussir à convaincre le Fonds de solidarité, il peut réussir à convaincre la société régionale, ou vice versa. Alors, c'est le premier type de relations, donc, qu'on a.


Industrie culturelle

Quant au domaine culturel... Je vais distinguer le culturel et le touristique un peu. Il s'agit de deux secteurs qu'on a... Le culturel, honnêtement, on ne l'a pas touché encore. J'aurai personnellement à coeur qu'on trouve le moyen de le toucher. Il y a deux nouveaux secteurs dans les petites entreprises qu'on souhaiterait toucher.

Un qu'on souhaiterait toucher définitivement, au cours de 1996, c'est celui de la mode et du design du vêtement. Il y a une grosse industrie au Québec dans ce secteur-là. Il y a beaucoup de production qui se fait. Toute l'industrie du design, particulièrement à Montréal et dans les différentes communautés ethniques à Montréal, c'est extrêmement productif, et on a à coeur de trouver la façon dont on peut investir dans ce secteur-là et aider de toutes petites entreprises – parce qu'il s'agit presque toujours de petites entreprises – trouver la façon d'aider ces petites entreprises-là pour qu'il y en ait un certain nombre qui jaillissent là-dedans et qui se donnent une carrière et un chiffre d'affaires international. Grandir là-dedans, ça veut dire aller à l'international; de toute évidence, c'est exporter. Alors, ça, c'est un objectif bien concret qu'on a. C'est très éloigné des traditions des sociétés d'investissement, que de s'intéresser à ce secteur-là. On est en train de réfléchir à la façon de le faire puis de se trouver l'expertise pour le faire. Parce que, dans chaque cas, pour nous, la question, c'est toujours l'expertise.

Quant au tourisme, quant au culturel, c'est le sujet suivant que j'aimerais qu'on aborde quand on aura réussi à démarrer un peu dans le domaine de la mode et du vêtement. Le domaine culturel, que ce soit la production de spectacles, que ce soit le cinéma, que ce soit le disque, ou des choses comme ça, il me semble... Et, quand on voit, comme vous le disiez, le Cirque du Soleil qui a réussi, tout ça, il me semble qu'il y a de la place pour des investisseurs comme le Fonds de solidarité ou la Caisse de dépôt, ou les grandes banques qui développent du capital de risque de façon importante. Il y a de la place pour ces gens-là, il me semble. Mais je ne saurais vous dire comment actuellement.

M. Brien: Vous savez, M. Scraire, avec des actifs de près de 52 000 000 000 $, moi, quand je vois – je suis un amateur de cinéma – l'envahissement du cinéma américain chez nous, je me dis: Si on peut trouver une façon de promouvoir encore davantage cette industrie culturelle qu'est le cinéma québécois, qu'on aille chercher puis qu'on investisse dans nos producteurs, dans nos cinéastes, puis, vous parliez aussi du Cirque du Soleil, dans des gens qui ont des idées semblables, je pense que ça va être un plus. Bien sûr, le rendement est important, puis monsieur mon voisin de Crémazie en parlait tantôt, le rendement est important, mais aussi le développement du Québec sous tous ses aspects, c'est très important aussi. Ça fait que j'espère que ce que vous venez de dire, ça va être mis en place. Je trouve déjà très bien que vous parliez de mode, design, vêtement, mais que, dans les quelques années à venir, on aborde l'industrie du cinéma, entre autres, au Québec et puis que la Caisse de dépôt soit partie prenante de cette industrie.

M. Scraire (Jean-Claude): On me souligne au passage, il ne faudrait pas que je l'oublie non plus, qu'on est quand même, au niveau culturel, à certains égards, déjà présents dans des entreprises comme Coscient ou comme Contes pour tous, ou des choses comme ça. Alors, on a commencé nos investissements dans ce secteur-là et on développe une expertise dans ces secteurs-là qui, dans mon esprit, sont plus du domaine de la communication. Le culturel, spectacles et autres secteurs dont on parlait tantôt, on ne l'a pas vraiment abordé encore.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci beaucoup. Pour le bénéfice des membres de la commission, si vous me permettez, il resterait 40 minutes pour l'étude des crédits du ministère des Finances, tel qu'il avait été alloué au début. Le député de Laporte m'informe que, si on a le consentement, on pourrait terminer ça ce soir au maximum à 22 h 15. Donc, s'il y a consentement, on pourrait finir ça ce soir, et je me réserve, encore une fois... Il faut se réserver cinq minutes pour l'adoption de chacun des programmes.

M. Bourbeau: M. le Président, essentiellement, nous, on a terminé avec la Caisse de dépôt, peut-être une minute, puis j'aimerais prendre quelques minutes pour parler au ministre du Fonds de solidarité ou du Fondaction, puis ça pourrait terminer en ce qui nous concerne. Maintenant, si les députés du Parti québécois veulent poursuivre sur d'autres sujets, moi, ça m'est bien égal.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Donc, il y a consentement pour continuer passé 22 heures?

M. Landry (Verchères): Est-ce que mes collègues sont d'accord? Moi, je suis à la disposition de la commission, évidemment.

Une voix: On est d'accord.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est bien. Donc, on se donne 10, 15 minutes de plus.


Diversification des activités de la Caisse

M. Bourbeau: Oui. Une dernière remarque que je voudrais faire avant de souhaiter bonne chance au président de la Caisse de dépôt, c'est que, quand on entend le président de la Caisse de dépôt énumérer tous les champs d'activité dans lesquels la Caisse est en train de s'insérer, moi, je dois dire que, par expérience, ça a pour effet de m'effrayer un peu en tant qu'actionnaire de la Caisse, ayant mon fonds de pension chez vous. Parce que l'expérience m'a appris que les entreprises qui se sont mises à se diversifier au cours des années ont toujours connu de très sérieux problèmes avec le temps. Le meilleur exemple, c'est celui de Bell Canada, Bell Enterprises, qui était la plus grosse société au Canada de portefeuille, qui s'est mise à se diversifier dans toute une série de champs d'action à une certaine époque et puis qui a perdu énormément d'argent, pour, finalement, liquider tous ses placements à gauche et à droite et revenir à ce qu'elle connaissait le mieux. On pourrait citer le cas de Lavalin, par exemple, qui faisait d'excellentes affaires en matière de génie. Mais, quand Lavalin a commencé à vouloir gérer des usines, acheter des avions ou, enfin, faire un tas d'autres trucs dans lesquels elle n'était pas experte, ça a été la faillite.

L'expérience prouve continuellement, quand on regarde l'histoire récente des affaires en Occident... Je dirais que tous ceux qui ont tenté de diversifier leurs activités se sont inexorablement cassé la gueule, M. le Président, vous me passerez l'expression, parce qu'on vit dans un monde qui est tellement spécialisé aujourd'hui que seuls les experts réussissent en général à se tirer d'affaire. Or, on ne peut pas être expert en tout. J'ai noté que le président, plusieurs fois, a dit: On est en train de se doter d'expertises. Bon. Je suis très content de voir que le président est conscient de ça, mais il y a des experts, et on ne peut pas être expert en tout, expert dans le cinéma, expert dans l'immobilier, expert dans tout. Finalement, on est expert en rien et puis on fait des mauvaises transactions.

Moi, je préférerais que la Caisse soit plus conservatrice, si je peux m'exprimer ainsi. Elle sait très bien placer les fonds publics dans le domaine des actions et des obligations. Pour ce qui est de l'immobilier, je pense que, comme on dit en anglais: «The jury is still out», la preuve est à faire.

Pour le reste, dans les investissements à gauche et à droite dans toutes sortes de secteurs, je ne sais pas si... Le ministre des Finances est ministre du Commerce aussi. Alors, lui, évidemment, a un peu une perspective d'investissement. Mais, comme actionnaire de la Caisse, comme gestionnaire de fonds publics, du fonds de pension des Québécois, la Caisse se doit d'être prudente et, en premier lieu, de voir à ce que ses actionnaires aient un rendement, et tant mieux et j'espère aussi que ça peut aider à l'économie du Québec, mais pas au prix de prendre des risques inconsidérés. Et j'aimerais simplement dire que, enfin, la Caisse devrait être extrêmement prudente avant de se lancer dans toutes sortes d'activités où elle n'a pas nécessairement toujours l'expertise voulue.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. Scraire.

(22 heures)

M. Scraire (Jean-Claude): Un commentaire faisant écho à ce conseil du député de Laporte. Je pense que c'est un peu dans ce sens-là qu'on a procédé, en 1995, à organiser et réorganiser notre secteur de placements privés, qui est le secteur qui est visé par ce type d'activités là en des filiales spécialisées. Vous avez dans le rapport annuel de la Caisse, à la page 32... 52 – j'ai de la misère avec mes lunettes – 52 probablement, les conseils d'administration de ces filiales-là, et c'est important de tenir compte de ça. C'est l'approche qu'on prend justement en tenant compte de ça. On veut être diversifié puis répondre aux différentes opportunités des marchés, mais pas éparpillé. Puis ça prend l'expertise et la responsabilité dans chacun des domaines. C'est pour ça qu'on a des unités d'affaires spécialisées, des filiales, mais avec des conseils d'administration et des gens qui connaissent le domaine dans lequel on veut aller. Et, si on doit aller dans d'autres secteurs, il faut qu'on réussisse à faire la même chose, c'est-à-dire avoir des unités responsables, compétentes, avec toute l'expertise requise. Et je ne peux pas faire autrement que de dire au député de Laporte qu'on est conscient et qu'on vise à se doter, quand on va dans de nouveaux champs, de l'expertise nécessaire.

De la même façon – je reviens à sa préoccupation de l'immobilier – l'immobilier, par exemple, en Pologne, vous pouvez voir, c'est sous la responsabilité de l'une des filiales immobilières, c'est Cadim. On a quelques personnes d'internes là-dedans, au conseil d'administration. Il y a un conseil d'administration de gens qui connaissent ça, des gens... On a le directeur du centre d'affaires Place Ville Marie; la Banque Royale; on a une Mme Laberge, conseillère en immobilier et financement; Monique Landry, qui est conseillère chez Dessau International; Alain Lapointe, directeur du Centre d'études en administration internationale des HEC; plus des gens de la Caisse. Et c'est des gens qui ont développé, au cours des années, de l'expertise dans ces champs-là, et sur lesquels, nous aussi, on s'appuie. Comme le ministre le disait tantôt, le conseil d'administration de la Caisse est responsable. Il s'appuie aussi sur des conseils d'administration qui sont responsables et spécialisés dans des niches.

En terminant, je voudrais juste dire que l'information sur les sujets soulevés par le député de Laporte, même si j'ai pensé approprié de ne pas déposer le document auquel il se référait, toute l'information, dans les meilleurs délais, va être rendue publique, de façon à éviter des doutes ou des questions, au niveau des médias, de l'information ou des parlementaires.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est bien. On vous remercie, M. le président de la Caisse, pour les réponses que vous avez fournies aux parlementaires. Maintenant, M. le député de Laporte, sur le Fonds de solidarité, vous dites?

M. Bourbeau: Alors, je remercie le président de la Caisse et je présume qu'on le reverra bientôt; lors de l'étude du budget, je présume? Non? Vous ne venez pas au budget? Non? Bien, on vous reverra lors...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je vais l'inviter pour me faire plaisir et pour vous faire plaisir.


Fonds de solidarité des travailleurs du Québec et Fondaction

M. Bourbeau: Ha, ha, ha! Très bien. On voulait parler, M. le Président, du Fonds de solidarité. Je note que, dans les coûts pour le gouvernement des mesures dites structurantes, il y a le Fonds de solidarité des travailleurs de la FTQ qui, à chaque année, entraîne des déboursés de plus en plus importants pour le gouvernement du Québec. Pour l'année 1995-1996... On prévoyait 50 000 000 $, en 1995. Et, si je me souviens bien, lors de la discussion avec le ministre des Finances présent ou la précédente, le chiffre de 60 000 000 $ avait été évoqué pour l'année qui vient. On me dit que la campagne de souscription du Fonds de solidarité pour l'année – enfin, c'est la campagne qui s'est terminée le 28 février – a dépassé toutes les espérances et que le Fonds de solidarité aurait recueilli, je crois, 400 000 000 $ ou plus. Le ministre peut sûrement nous le dire, là. Est-ce que le ministre peut nous dire quel est le coût réel, pour le gouvernement du Québec, du Fonds de solidarité des travailleurs de la FTQ, pour l'année qui vient... enfin, l'année dernière plutôt, quant aux crédits d'impôt et aussi quant aux coûts dans le régime d'épargne-actions... le régime d'épargne-retraite, plutôt – enfin, le gouvernement donne des avantages à deux titres: et au titre des fonds de retraite et au titre des actions?

Une voix: ...

M. Bourbeau: Oui, bien, on va se limiter au Québec, pour l'instant, là.

M. Landry (Verchères): Bon. Les chiffres, jusqu'à 1993, vous les connaissez parfaitement; 1994, vous vous souvenez, 50 000 000 $, coût fiscal direct.

M. Bourbeau: Oui.

M. Landry (Verchères): Pour 1995, vous avez demandé si votre mémoire était bonne, elle l'est, c'est 60 000 000 $. Les nouvelles qu'on a pour la campagne 1996, janvier et février: 350 000 000 $. Là, c'est 50 000 000 $ de moins que le chiffre que vous avez mentionné. Ce qui nous mettrait, donc, à un coût fiscal direct de 70 000 000 $. Et, si on inclut la dimension du placement de cette action ou de ces actions dans un régime d'épargne enregistré, il faut multiplier par deux.

M. Bourbeau: Ça veut dire, ça, que le coût pour le Québec serait de 140 000 000 $ pour l'année 1996?

M. Landry (Verchères): C'est ça que ça veut dire.

M. Bourbeau: Pour 1995-1996.

M. Landry (Verchères): Oui.

M. Bourbeau: Et quel est le coût, pour le Québec, du Fondaction de la CSN?

M. Landry (Verchères): Je ne comprends pas la question.

M. Bourbeau: Mais la CSN aussi a un nouveau fonds, là, qui...

M. Landry (Verchères): Ah! la CSN.

M. Bourbeau: Le Fondaction, oui.

M. Landry (Verchères): Ça va être un peu théorique, cette année, parce que, d'après nos nouvelles, ils ont recueilli 7 600 000 $.

M. Bourbeau: Ah bon! des arachides.

M. Landry (Verchères): Alors, j'imagine que ça va croître avec les années, mais...

M. Bourbeau: Oui? Bien, j'espère que non, quant à moi, parce que ça va vous coûter très cher. Mais est-ce que...

M. Landry (Verchères): Vous me surprenez. Vous me surprenez. Je pense que l'action du Fonds de solidarité, en termes d'emplois créés et en termes d'emplois sauvegardés, nous rapporte beaucoup plus que ce que cela nous coûte.

M. Bourbeau: Le ministre a raison, c'est un excellent placement. C'est un excellent placement pour les payeurs de taxes, d'abord. Et, je l'ai dit publiquement et je peux le répéter, je suis un des actionnaires du Fonds de solidarité. Je n'ai d'ailleurs pas les moyens de ne pas l'être, étant donné l'extrême générosité du gouvernement à mon endroit. Mais le problème n'est pas là, le problème est: Est-ce que nous avons vraiment besoin... Est-ce que le Fonds de solidarité a besoin d'un capital de... On doit être rendu à 1 400 000 000 $, à peu près, là. Autrement dit, est-ce que le Fonds de solidarité est capable d'investir 60 % de cette somme-là, présentement, dans des entreprises québécoises, dans des PME québécoises? Et, quant à moi, je suis passablement convaincu que le Fonds de solidarité en a plus, plus d'argent que ce qu'il peut digérer, plus que ce dont il a besoin et qu'en conséquence le gouvernement paie, ou, enfin, ça coûte au gouvernement des sommes d'argent inutiles, dans la mesure où le Fonds de solidarité n'est pas capable de placer ces sommes-là à un rythme qui est compatible avec le rythme auquel il ramasse les sommes d'argent.

M. Landry (Verchères): M. le Président, les chiffres ne donnent pas raison au député de Laporte. J'ai ici la courbe, j'ai ici le tableau, je l'ai en millions de dollars. J'ai un joli graphique – je pourrais le déposer, d'ailleurs, sans aucune difficulté – qui montre qu'il respecte la règle du 60 % dans les entreprises québécoises.

M. Bourbeau: Oui. Oui. M. le Président, oui, je comprends que c'est ce qu'ils disent, oui. Moi aussi, ils me l'ont dit, d'ailleurs. Mais...

M. Landry (Verchères): Ah! mais là, c'est...

M. Bourbeau: Il faudrait...

M. Landry (Verchères): ...quand même assez sérieux, là. Ça veut dire que vous mettez en question la véracité de leurs chiffres, qui doivent être des états vérifiés, j'imagine, là, donc...

M. Bourbeau: Non, non.

M. Landry (Verchères): ...le bureau de comptables qui les vérifie et ainsi de suite.

M. Bourbeau: Non, ce n'est pas une question que je leur impute des motifs, là, mais il y a plusieurs façons de comptabiliser. Par exemple, le Fonds de solidarité a décidé d'envoyer 100 000 000 $ dans les régions, pour des fonds régionaux. Bon.

M. Landry (Verchères): Oui.

M. Bourbeau: Ce 100 000 000 $ là, est-ce qu'il est compté dans le 60 % d'investi dans la PME, déjà? Ou, à partir du moment où le 100 000 000 $ est affecté aux régions, est-ce qu'on le compte dans le 60 %?

M. Landry (Verchères): Là, franchement, vous allez me donner encore un peu de temps...

M. Bourbeau: Oui.

M. Landry (Verchères): ...M. le Président, pour ma réponse au député de Laporte, parce que mes chiffres arrêtent en 1995.

M. Bourbeau: Ah! bon.

M. Landry (Verchères): Et cette affaire de régions est survenue surtout depuis quelques mois, là. De mémoire, je pense qu'il y en a juste deux ou trois qui sont vraiment en marche.

M. Bourbeau: M. le Président, loin de moi l'idée de critiquer le Fonds de solidarité, je suis...

M. Landry (Verchères): Qu'est-ce que ce serait si vous en aviez l'idée?

M. Bourbeau: Je suis un fervent supporteur du Fonds de solidarité et je le fais avec mes propres deniers. Alors, là, je mets mon argent où est ma... «I put my money where my mouth is.»

M. Landry (Verchères): Moi aussi...

M. Bourbeau: Entre guillemets.

M. Landry (Verchères): ...M. le Président, mais probablement dans des dimensions plus modestes.

M. Bourbeau: De toute façon, vous n'avez pas le...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: ...droit d'en mettre du tout, vous. Et, avec le salaire que vous gagnez, vous n'avez pas le droit d'en mettre un seul sou, je crois, ou peut-être des très petites sommes d'argent...

M. Landry (Verchères): Je l'ai fait depuis longtemps.

M. Bourbeau: ...parce que vous êtes limité, comme tout le monde, à 13 500 $, je crois?

M. Landry (Verchères): Oui.

M. Bourbeau: Bon. Mais j'ai l'impression que le Fonds de solidarité a toutes les difficultés au monde à atteindre la norme de 60 %, dans l'investissement des PME québécoises, des sommes d'argent qu'il ramasse. Quand on ramasse 300 000 000 $, 350 000 000 $ par année et qu'on a déjà 1 000 000 000 $ en portefeuille... Ça ne court pas les rues, les placements, les petites PME. Ça demande énormément de travail avant de pouvoir faire un placement. Le Fonds de solidarité doit faire les analyses, doit trouver les sociétés qui sont compatibles avec ses politiques. Et, à mon avis, le rythme d'encaissement des souscriptions du Fonds de solidarité est plus élevé que la possibilité de placer les fonds. Et, dans ce sens-là, si le ministre veut dépenser 140 000 000 $ par année de son budget, c'est son problème. Mais, personnellement, il m'apparaît que le Fonds de solidarité a amplement de fonds pour les années à venir et je doute qu'il soit capable, même, de les investir, dans les cinq prochaines années.

M. Landry (Verchères): Mon budget, c'est l'argent des taxes, c'est l'argent de tout le monde, et j'ai intérêt à ce que cet argent soit dépensé aux fins pour lesquelles le Fonds de solidarité a été fondé. Mais je réitère qu'une direction tout à fait respectable du Fonds, dans ses publications officielles, nous démontre qu'elle respecte la règle du 60 % et qu'elle la respecte d'une façon constante. Et j'ai ici les années 1991, 1992, 1993, 1994 et 1995. Alors, si le député veut simplement nous alerter à une réalité virtuelle, bien, je le remercie de le faire et je ferai les vérifications qui s'imposent.

(22 h 10)

M. Bourbeau: Oui, elle est plus que virtuelle, je crois, M. le Président, mais à un autre point de vue.

M. Landry (Verchères): Bien, écoutez, il faut que le député vive avec ses paroles. Est-ce qu'il dit que le Fonds fait de fausses représentations?

M. Bourbeau: Non. M. le Président, je n'ai absolument pas dit ça.

M. Landry (Verchères): Bon. Le Fonds dit qu'il dépense 60 %.

M. Bourbeau: Le Fonds, oui, dépense, c'est une chose. Mais investir, c'est une autre chose.

M. Landry (Verchères): Il respecte nos lois.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Mesdames, messieurs, là, si je veux faire respecter l'entente qui a été convenue tout à l'heure, il faudrait que je fasse adopter... Il faudrait adopter, c'est-à-dire, les programmes, les crédits des programmes.

M. Bourbeau: M. le Président, de toute façon, je pense que l'essentiel a été dit. Moi, comme opposition, j'aurais intérêt à ce que ça coûte 250 000 000 $ au ministre; ça rendrait encore plus difficile pour lui d'atteindre ses équilibres budgétaires, mais je tente, M. le Président...

M. Landry (Verchères): Ce que dit...

M. Bourbeau: ...je tente, je tente...

M. Landry (Verchères): ...le député est proprement scandaleux.

M. Bourbeau: Mais non! Mais, au contraire...

M. Landry (Verchères): Il veut qu'on lance l'argent des contribuables par les fenêtres. C'est ça qu'il vient de dire.

M. Bourbeau: Non, non, M. le Président, c'est le contraire. Je dis le contraire au ministre. Le ministre n'a pas compris, là, que, puisque je suis éminemment responsable, je dis au ministre: À mon avis, vous dépensez plus d'argent que ce que vous devriez, parce que je crois que le Fonds de solidarité n'a pas besoin de tout cet argent-là pour rencontrer les besoins du marché. Donc, je vous suggère, je vous dis que vous pourriez économiser des fonds pour les contribuables québécois en étant peut-être un petit peu moins généreux pour vos amis de la FTQ. Mais, ceci étant dit, si vous voulez continuer à le faire, c'est votre problème.

M. Landry (Verchères): Écoutez, vous avez été là pendant 10 ans...

M. Bourbeau: Oui et, nous, on a plafonné.

M. Landry (Verchères): ...et puis avez-vous changé la règle du 60 %?

M. Bourbeau: Non, ce n'est pas ça.

M. Landry (Verchères): Alors, vous avez été très bons avec nos amis.

M. Bourbeau: Non, ce n'est pas ça.

M. Landry (Verchères): C'est ce que je comprends.

M. Bourbeau: Non, non, mais le ministre ne sait peut-être pas que, nous, nous avions plafonné à 100 000 000 $ par année la possibilité d'aller cueillir des fonds dans le public. Vous avez enlevé le chapeau et, maintenant, ils vont chercher 350 000 000 $.

M. Landry (Verchères): On a enlevé le chapeau parce qu'on a vu la kyrielle d'entreprises qui sont aidées par le Fonds, on a vu le développement régional que produit le Fonds, puis on a vu la formidable imbrication du Fonds dans l'économie québécoise.

M. Bourbeau: Tout ça s'est fait avec un cap de 100 000 000 $ par année.

M. Landry (Verchères): La progression est beaucoup plus grande, puisqu'il respecte le 60 %. Si la base augmente, le pourcentage, ça fait que le résultat augmente.

M. Bourbeau: Ha, ha, ha!


Adoption des crédits

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Vous avez une conversation intéressante, mais...

M. Landry (Verchères): Vous êtes bien bon, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): ...puisque l'entente était qu'on termine à 22 h 15, je vous demande si les crédits du programme 1, soit Études des politiques économiques et fiscales, sont adoptés?

M. Bourbeau: Sur division, M. le Président, comme toujours.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Est-ce que les crédits du programme 2, Politiques et opérations financières, sont adoptés?

Des voix: Adopté.

M. Bourbeau: Toujours sur division, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Est-ce que les crédits du programme 3, Contrôleur des finances, sont adoptés?

Des voix: Adopté.

M. Bourbeau: Même réponse.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Sur division.

M. Bourbeau: Sur division.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Est-ce que les crédits du programme 4, Service de la dette directe et intérêts sur le compte des régimes de retraite, sont adoptés?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Sur division. Est-ce que les crédits du programme 5, Gestion interne et soutien, sont adoptés?

M. Bourbeau: Sur division.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Sur division. Est-ce que les crédits du programme 6, l'Inspecteur général des institutions financières, sont adoptés?

M. Bourbeau: Sur division.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Sur division. Est-ce que les crédits du programme 7, Contrôle, surveillance et développement du commerce des valeurs mobilières, sont adoptés?

M. Bourbeau: Sur division.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Sur division. Est-ce que les crédits du programme 8, Statistiques, prévisions socioéconomiques et recherche d'ensemble, sont adoptés?

M. Bourbeau: Sur division.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Est-ce que l'ensemble des crédits budgétaires du ministère des Finances, pour l'année financière 1996-1997, sont adoptés?

Des voix: Adopté.

M. Bourbeau: Sur division, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci. Sur division. Sur ce, je remercie le ministre des Finances ainsi que ses représentants...

M. Landry (Verchères): Je veux vous remercier aussi, ainsi que tous les membres de la commission. Et je remercie les fonctionnaires qui ont secondé nos travaux.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci. Donc, j'ajourne les travaux de la commission au mercredi, 17 avril, à 10 heures, pour les crédits du ministère du Revenu.

(Fin de la séance à 22 h 15)


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