Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Quinze heures vingt et une minutes)
La Présidente (Mme Harel): Mesdames et messieurs les
membres de la commission parlementaire de la culture, je déclare la
séance ouverte. Je vous rappelle le mandat de la commission:
étudier les crédits budgétaires du ministère des
Affaires culturelles pour l'année financière 1986-1987, soit le
programme 6, Charte de la langue française. Je vais demander au
secrétaire d'annoncer immédiatement les remplacements.
Le Secrétaire: II y a trois remplacements: M. Johnson
(Anjou) remplace M. Boulerice (Saint-Jacques), M. Laporte (Sainte-Marie)
remplace M. Hamel (Sherbrooke) et M. Chagnon (Saint-Louis) remplace M. Trudel
(Bourg et).
Charte de la langue française
La Présidente (Mme Harel): Nous allons
immédiatement commencer nos travaux. Je vais inviter la ministre
à faire ses remarques d'ordre général et à nous
présenter les personnes qui l'accompagnent.
Remarques préliminaires Mme Lise Bacon
Mme Bacon: Merci, Mme la Présidente. Je présenterai
certaines personnes au fur et à mesure de mes notes
préliminaires, si vous le voulez bien.
Mme la Présidente, mesdames et messieurs de la commission
parlementaire de la culture, la commission de la culture est saisie aujourd'hui
des prévisions budgétaires des organismes chargés de
l'application de la Charte de la langue française. Ces prévisions
budgétaires, qui apparaissaient l'an dernier au budget du
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration,
constituent pour l'exercice 1986-1987 le programme 6 du ministère des
Affaires culturelles. Ce changement est attribuable à la
désignation de la ministre des Affaires culturelles à titre de
ministre responsable de l'application de la Charte de la langue
française.
Tous ceux et celles qui s'intéressent de près à la
question de la langue au Québec connaissent le cadre institutionnel de
la Charte de la langue française. Pour l'information de tous ceux qui
prendront part ou assisteront à nos échanges de propos au cours
des prochaines heures, vous me permettrez de prendre quelques minutes pour vous
rappeler la vocation des organismes institués par notre Parlement en vue
d'administrer la politique linguistique du Québec et pour vous
présenter ceux qui ont été appelés à les
diriger.
La charte a d'abord prévu la création d'un Office de la
langue française dont la mission est de "définir et conduire la
politique québécoise en matière de recherche linguistique
et de terminologie et de veiller à ce que le français devienne,
le plus tôt possible, la langue des communications, du travail, du
commerce et des affaires dans l'administration et les entreprises."
L'Office de la langue française est un pilier de notre Charte de
la langue française non seulement en raison du rôle officiel qu'on
lui a donné en matière de recherche linguistique et de
terminologie, mais également et surtout pour la place
déterminante et le défi de taille dont on l'a chargé en
matière de francisation de l'entreprise dans notre environnement
anglo-saxon nord-américain.
L'importance de cet organisme se reflète, cela va de soi, dans
son effectif qui est de 323 personnes et dans son budget qui est de l'ordre de
15 200 000 $.
Le président de l'Office de la langue française est M.
Claude Aubin, qui est ici avec moi.
La charte est également la source légale d'une Commission
de toponymie. "La commission a compétence pour établir les
critères de choix et les règles d'écriture de tous les
noms de lieux et pour attribuer en dernier ressort des noms aux lieux qui n'en
ont pas encore aussi bien que pour approuver tout changement de nom de
lieu."
Les fonctions de la commission ne sont pas singulières au
Québec. Tous les États ont un instrument officiel chargé
de la terminologie géographique et de la dénomination des lieux.
Ici, au Québec, le législateur a chargé de ces fonctions
un organisme dont la qualité du travail est d'autant plus remarquable
que les ressources dont il dispose sont modestes. Je veux parler d'un effectif
de 28 personnes et d'un budget d'environ 1 400 000 $. Le président de la
Commission de toponymie est M. Henri Dorion.
La charte prévoit en outre un Conseil de la langue
française. Le conseil a été
institué pour "conseiller le ministre sur la politique
québécoise de la langue française et sur toute question
relative à l'interprétation et à l'application de la
charte." Je suis très consciente - et j'estime que tout ministre
chargé de l'application de la charte doit l'être - que le
rôle d'un tel conseil est très difficile à remplir. Suivre
de près et analyser l'évolution de la situation linguistique est
une entreprise scientifique qui, tout en requérant rigueur, est
relativement aisée. Ce qui est moins facile, c'est de conseiller,
c'est-à-dire de donner des avis au ministre responsable ou au
gouvernement en évitant d'aviver les passions, d'exciter les
sensibilités fragiles et de réallumer les antagonismes propres
à notre société québécoise que nous avons
tous cherché à éteindre, chaque génération
et chaque gouvernement à sa façon, au cours des dernières
décennies.
Pour exercer son mandat, le Conseil de la langue française qui
est formé de 12 membres est assisté d'un effectif de 34 personnes
et jouit d'un budget d'un peu plus de 2 300 000 $. M. Jean Martucei est le
président du Conseil de la langue française.
Puis, il y a la Commission de protection de la langue française
dont on a davantage entendu parler au cours des dernières semaines et
dont la mission est de "traiter des questions se rapportant au défaut de
respect de la Charte de la langue française." Par analogie, on pourrait
dire de la commission qu'elle fait office de police de la langue
française, mais je le dis uniquement pour rappeler qu'elle est un
instrument d'inspection et d'enquête, qu'elle se manifeste par des
inspecteurs ou des commissaires-enquêteurs et qu'elle s'en remet au
Procureur général dès lors que ses efforts de persuasion
et ses mises en demeure ont été vains, tout cela comme le fait la
police. Ce n'est certainement pas parce qu'il me plaît de penser qu'une
si grande et noble chose que la langue d'un peuple doit, elle aussi, être
un objet de police. La Commission de protection de la langue française
dispose d'un effectif de 34 personnes et d'un budget de près de 1 500
000 $. Son président est M. Gaston Cholette.
Pour compléter la présentation du cadre institutionnel de
la Charte de la langue française, je souligne l'existence d'une
Commission d'appel de francisation des entreprises chargée d'entendre
tout appel d'une décision de l'Office de la langue française de
refuser, de suspendre ou d'annuler un certificat de francisation. On me dit que
cette commission, dont le président assume ses fonctions sur une base
occasionnelle, c'est-à-dire lorsqu'il y a appel, n'a jamais
été saisie d'une plainte. Une modeste provision est
réservée pour les travaux éventuels de cette commission
d'appel dont le président est M. Raynald
Savoie.
Il y a donc cinq organismes gouvernementaux chargés de
l'application de la Charte de la langue française. Ces cinq organismes
disposent au total d'un effectif de 419 personnes et d'un budget de 20 383 900
$. En 1986-1987, les effectifs seront sensiblement les mêmes qu'en
1985-1986. Quant aux ressources financières, elles sont
comprimées de 7,6 %, passant de 22 070 600 $ en 1985-1986 à 20
382 900 $ en 1986-1987.
J'aimerais vous présenter aussi, à ma droite, mon
sous-ministre, M. Pierre Boucher, et, à ma gauche, Mme Marianne Rouette,
qui est responsable à mon cabinet de l'application de la Charte de la
langue française. J'ai également à mes côtés
M. Escojido qui était anciennement, au Conseil exécutif,
responsable des dossiers de la langue et qui assume maintenant les mêmes
responsabilités avec nous au ministère des Affaires culturelles.
J'ai aussi avec moi mon nouveau chef de cabinet, M. Jacques Dion, et les
membres de mon cabinet, Mme Pergat et M. Boisvert.
Ces présentations faites - évidemment, je ne nommerai pas
tous ceux qui sont derrière moi; nous pourrions y revenir
peut-être ultérieurement si vous en avez besoin -je voudrais
profiter du cadre serein et détendu de notre commission parlementaire de
la culture pour vous faire part des positions et des orientations du
gouvernement auquel j'appartiens eu égard à la langue
française et à la Charte de la langue française.
Quelques-uns de mes collègues qui participent, comme moi,
à l'application de notre politique de la langue ont eu l'occasion
d'exposer les vues que leur inspire l'exercice de leurs fonctions
ministérielles respectives en matière linguistique. Je pense
particulièrement au ministre de l'Éducation et ministre de
l'Enseignement supérieur et de la Science et au ministre de la Justice
qui sont, chacun à sa façon, les maîtres d'oeuvre de la
politique de la langue. Je remercie ici mes collègues du Conseil des
ministres qui sont venus se joindre à nous pour l'étude des
crédits de la Charte de la langue française. Je pense que je n'ai
pas à les nommer, vous les connaissez tous. Il faut aussi
démontrer que la question de la langue est l'affaire de tout le
gouvernement - et c'est ce qui explique la présence de plusieurs de mes
collègues du Conseil des ministres -de tous les ministres qui le
constituent et pas uniquement la prérogative de la ministre
chargée de l'application de la charte.
Pour ma part, j'essaierai avec la fermeté et la lucidité
dont je dois être capable à titre de ministre des Affaires
culturelles, de ministre responsable de la charte et de vice-première
ministre de faire des considérations générales de nature
à rassurer tous les Québécois et les
Québécoises, sans exception, quant aux intentions du
gouvernement à l'égard de la langue française et de la
Charte de la langue française.
D'abord, je tiens à souligner que notre gouvernement souscrit
pleinement à la généreuse déclaration de principe
qui forme le préambule de la Charte de la langue française et je
les cite. "Langue distinctive d'un peuple majoritairement francophone, la
langue française permet au peuple québécois d'exprimer son
identité. "L'Assemblée nationale reconnaît la
volonté des Québécois d'assurer la qualité et le
rayonnement de la langue française. Elle est donc résolue
à faire du français la langue de l'État et de la loi aussi
bien que la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des
communications, du commerce et des affaires. "L'Assemblée nationale
entend poursuivre cet objectif dans un esprit de justice et d'ouverture, dans
le respect des institutions de la communauté québécoise
d'expression anglaise et celui des minorités ethniques dont elle
reconnaît l'apport précieux au développement du
Québec. "L'Assemblée nationale reconnaît aux
Amérindiens et aux Inuit du Québec, descendants des premiers
habitants du pays, le droit qu'ils ont de maintenir et de développer
leur langue et culture d'origine. "Ces principes s'inscrivent dans le mouvement
universel de revalorisation des cultures nationales qui confère à
chaque peuple l'obligation d'apporter une contribution particulière
à la communauté internationale."
Je veux donc, Mme la Présidente, insister sur des mots
clés de ce préambule qui sont des objectifs de plus en plus
partagés par toutes les communautés culturelles du Québec,
qui sont des points de convergence et de ralliement de plus en plus reconnus et
auxquels souscrit notre gouvernement: la langue française est, de toutes
les richesses du patrimoine québécois, celle qui exprime le mieux
l'identité du peuple québécois et qui, de ce fait, le
distingue le mieux dans l'ensemble de la communauté canadienne; la
volonté des Québécois d'assurer la qualité et le
rayonnement de la langue française est et doit être de plus en
plus et de mieux en mieux exprimée; enfin, c'est avec un esprit de
justice et d'ouverture ainsi que dans le respect des institutions de la
communauté québécoise d'expression anglaise et celui des
minorités ethniques dont on reconnaît l'apport précieux au
développement de la personnalité du Québec que doit
être poursuivi l'objectif de faire du français la langue
officielle.
Ces valeurs me paraissent essentielles et doivent être constamment
rappelées. Elles sont le fondement de la démocratie chez nous et
le prix à payer pour devenir ou rester Québécois, je
devrais dire pour être bien et heureux a vivre sa vie au Québec,
c'est de les partager avec enthousiasme et dignité.
Cela m'amène à dire que le gouvernement actuel n'a
nullement l'intention, sous prétexte qu'il est issu d'un parti politique
qui se serait identifié au fédéralisme canadien et qui se
serait fait accueillant plus que tout autre aux membres de la communauté
anglophone et des communautés allophones, de renoncer à maintenir
le français langue officielle du Québec.
La langue française est et doit demeurer un bien commun à
toute la population québécoise. Elle doit permettre au peuple
québécois d'exprimer son idendité et sa
spécificité dans toutes ses manifestations et en toutes
circonstances, soit à l'école, au travail, dans les
communications, dans les échanges commerciaux, dans les relations
d'affaires aussi bien à l'échelle internationale et dans les
limites du Canada qu'au Québec même.
S'il est normal que la langue française puisse constituer un
véritable ciment pour la société québécoise,
il n'est, pour autant, ni anormal, ni impossible, ni invraisemblable que la
société québécoise, en constante évolution,
souhaite, dans un esprit de justice et d'ouverture et sans pour autant remettre
en question les objectifs poursuivis et les acquis obtenus au cours des
dernières décennies, revoir les règles de droit qui
encadrent son système de valeur. C'est dans cette perspective qu'il faut
lire les événements des derniers mois au Québec. Ce n'est
ni une personne seule, ni un organisme seul, ni le gouvernement qui ont fait de
la langue française un enjeu de média; c'est la dynamique interne
de notre société. Cette dynamique s'exprime de la manière
suivante: d'une part, des membres de la communauté anglophone font appel
à une nouvelle compréhension et à une nouvelle
tolérance de la part de la majorité; d'autre part, la
majorité semblerait plus généreusement réceptive
à l'idée d'accommodements qui, tout en respectant l'essentiel,
supprimeraient les irritants.
Le gouvernement actuel veut et doit se tenir à l'écoute
des personnes et des groupes qui désirent inventer de nouveaux moyens de
faire progresser la politique linguistique du Québec et de promouvoir,
avec générosité, les droits linguistiques fondamentaux qui
contribuent à faire du français la langue officielle du
Québec. C'est cela gouverner, Mme la Présidente, et c'est cela un
gouvernement juste, aussi. C'est un gouvernement qui sait être
accueillant aux idées nouvelles, qui respecte les divergences internes
de la société, qui ne se braque pas dans des dogmes ou des
doctrines, qui sait adapter ses politiques et les règles de droit qui en
dérivent au consensus social et à la capacité de la
société de faire progresser
son consensus social. En tout cas, c'est ainsi que le gouvernement veut
exercer ses pouvoirs et ses responsabilités.
C'est dans le cadre général que je viens d'exposer et en
se fondant sur les valeurs que je viens d'exprimer que le gouvernement
considère les écarts que se sont permis certains citoyens par
rapport aux dispositions de la charte ayant trait à la langue
d'affichage et à la langue d'enseignement.
En ce qui concerne la langue d'affichage, la position du gouvernement
est simple et claire. D'une part, les dispositions de la loi sont bien en
vigueur et doivent être respectées par tous les citoyens.
Toutefois, compte tenu qu'un tribunal de première instance a jugé
inopérant l'article 58 de la Charte de la langue française qui
prescrit que l'affichage public et la publicité commerciale se font
uniquement dans la langue officielle, notre gouvernement, comme le
prédécent, d'ailleurs, adopte l'approche suivante: après
que la Commission de protection de la langue française a exercé
ses prérogatives et a transmis des dossiers pour sa considération
au Procureur général, celui-ci en fait l'étude et intente,
s'il y a lieu, les poursuites pénales appropriées dans tous les
cas où le contrevenant utilisait une seule langue autre que le
français; c'est dire que dans les cas ou le contrevenant utilisait deux
langues, dont le français, le Procureur général, comme son
prédécesseur, s'abstient d'intenter une poursuite dans l'attente
du jugement de la Cour d'appel sur le jugement de l'honorable juge Pierre
Boudreault.
D'autre part, le gouvernement s'abstiendra de modifier l'article 58 de
la Charte de la langue française, voire même d'énoncer des
politiques, tant et aussi longtemps que la Cour d'appel n'aura pas
confirmé ou infirmé le jugement de l'honorable juge Pierre
Boudreault.
En ce qui a trait à la langue de l'enseignement,
c'est-à-dire aux intentions du ministre de l'Éducation de
solutionner le problème de quelque 1500 enfants qui, pour toutes sortes
de raisons, fréquentent l'école anglaise alors qu'ils n'y sont
pas admissibles en vertu des dispositions de la Charte de la langue
française, je peux confirmer, bien que cela m'apparaisse superflu
puisque le ministre de l'Éducation s'est déjà
exprimé sur le sujet à maintes reprises, l'intention du
gouvernement de régulariser la situation. Au moment approprié,
l'Assemblée nationale sera saisie de la question, étant entendu
que la régularisation visée se fera au grand jour.
D'aucuns voient dans les événements reliés à
la langue d'affichage et aux admissions illégales à
l'école anglaise des problèmes considérables qui mettent
en péril la langue française au Québec. Mes
collègues et moi reconnaissons que les écarts que se sont permis
certains citoyens à l'égard des dispositions de la Charte de la
langue française sont inadmissibles bien qu'humainement
compréhensibles. La loi étant la loi, quel qu'en soit le contenu,
une société ne peut tolérer que des citoyens ne la
respectent pas sous prétexte qu'elle ne leur convient pas. Autrement, la
démocratie n'aurait plus de sens et, à la limite, il n'y aurait
plus de démocratie.
Je crois, toutefois, opportun d'exprimer un point de vue partagé
par un nombre de plus en plus grand de Québécois, à savoir
que ce qui menace le plus la langue française, c'est, au-delà des
événements immédiats, l'indifférence et
l'insouciance que l'on note à l'égard de la qualité de la
langue au Québec. Une langue ne peut être vivante et florissante
que si ceux qui la parlent en sont fiers et l'utilisent correctement. Or, il me
semble qu'aujourd'hui, au Québec, parce que la langue anglaise nous
affleure et nous envahit dans notre vie de tous les jours et parce que de plus
en plus d'entre nous désirent profiter de la culture anglophone et
valorisent le bilinguisme, les francophones renoncent à l'effort
quotidien de redressement du français parlé et écrit.
Où la langue s'apprend-elle et se parle-t-elle? D'abord, dans le
milieu familial. Les Québécois pourront avoir toutes les lois
linguistiques imaginables, rien ne vaudra jamais la place
prépondérante des parents pour apprendre aux enfants à
bien parler leur langue, à bien écrire leur langue, à
être fiers de leur langue, à tomber en amour avec leur langue.
Toute ministre responsable de la langue française que je sois, il
m'apparaît que mes pouvoirs sont d'une infinie petitesse comparés
à ceux de milliers de parents du Québec qui, eux, sans être
investis de la notoriété d'une personne politique, sont les
véritables et indiscutables maîtres d'oeuvre de la sauvegarde et
du développement de la langue française.
Puis, il y a l'école où l'on apprend à
écrire sa langue, où on en saisit les structures, où on
découvre la gamme de ses subtilités et de ses richesses. Or, il y
a un constat assez largement établi que l'école ne valorise plus
la connaissance et la maîtrise de la langue comme cela pouvait être
le cas autrefois. Encore ici, aucune loi, aucun gouvernement, aucun ministre
responsable de la langue ne pourront jamais remplacer le pouvoir gigantesque
que détiennent les enseignants, quelle que soit la matière qu'ils
enseignent, à l'égard de l'apprentissage et de la
découverte de la langue et à l'égard de
l'émerveillement que les jeunes doivent avoir pour leur langue
maternelle. Les récents Etats généraux de
l'éducation ont montré la conscience et l'inquiétude
qu'ont de plus en plus d'administrateurs scolaires et d'enseignants face au
déclin de la qualité de la langue à l'école. Le
diagnostic bien posé, il m'apparaît que les prochaines
années
devront donner lieu à un ressaisissement inédit si on ne
veut pas former des générations de jeunes culturellement
handicapés et si l'on veut éviter que le français
parlé au Québec ne tourne au dialecte.
Puis, enfin, il y a tout ce qui n'est pas le milieu familial et le
milieu scolaire, il y a l'environnement social en général. Il y a
tes communications, il y a la place considérable de la radio et de la
télévision, il y a tous ces véhicules de la langue que
sont le disque et le vidéodisque, le film et le vidéofilm, le
livre, même la bande dessinée, et j'en passe. II y a
également l'ordinateur que d'ores et déjà bien des jeunes
et des citoyens utilisent aujourd'hui comme on recourait au crayon et à
la plume hier et qui parle une langue française bizarre quand il ne
parle pas tout simplement l'anglais ou le franglais.
Eh bien, tous ceux qui façonnent cet environnement, les artistes,
les écrivains, les journalistes, les scientifiques, les concepteurs de
logiciels, ont leur part considérable à prendre dans la
sauvegarde et la promotion de la langue française*
Je ne veux pas compliquer ce discours, Mme la Présidente, alors
que nous sommes essentiellement réunis pour examiner la part des deniers
publics affectés à la langue française, mais j'aurais
l'impression de ne pas prendre mes responsabilités et de passer
radicalement à côté de ce qui est peut-être ma
première mission comme ministre responsable de la Charte de la langue
française en ne conviant pas tous les Québécois à
une nouvelle obsession: la qualité de la langue française, tant
écrite que parlée.
Certes, il faudra solutionner les problèmes causés par
ceux qui ne respectent pas les dispositions de la Charte de la langue
française. Mais au-delà de ces problèmes qu'on pourrait
qualifier d'accidentels, il y a ce défi qui ne cessera jamais
d'être actuel dans notre petite société francophone
baignant dans une mer anglophone et qui consiste à nous mobiliser
collectivement en faveur de la qualité de la langue française. Ce
n'est pas un mince défi, nous le savons tous, mais c'est le vrai
défi, car, voyez-vous, la langue française au Québec sera
non pas uniquement ce que les anglophones et les allophones de notre
collectivité en feront, mats d'abord et avant tout ce que les
francophones eux-mêmes voudront bien en faire. La langue, c'est en
quelque sorte le miroir qu'une communauté se tend, c'est son
fidèle reflet. C'est pourquoi j'estime qu'il serait sage de ne pas
laisser distraire nos esprits et mobiliser nos passions par des accidents de
parcours en oubliant l'essentiel, je veux dire ici la qualité de notre
langue.
Vous me permettrez, avant de terminer, de vous présenter deux
personnes, un membre de mon personnel et une autre associée au travail
que nous avons accompli depuis le début: mon secrétaire de
presse, M. Antoine Godbout, et mon adjointe parlementaire, Mme Christiane
Pelchat.
La Présidente (Mme Harel): Merci, Mme la ministre.
J'invite maintenant M. le chef de l'Opposition à nous faire ses
remarques d'ordre général avant que nous abordions l'étude
des éléments du programme 6. (15 h 45)
M. Pierre Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): Mme la Présidente, merci. Si vous le
permettez, Mme la Présidente et si cela sied à la ministre et aux
collègues de chaque côté de vous, madame, je pourrais faire
un certain nombre de remarques générales, peut-être en
relevant un certain nombre de choses dans le texte de Mme la ministre et,
ensuite, nous pourrions passer aux questions précises - j'en ai beaucoup
sur les différents organismes -afin d'adopter le tout en bloc,
plutôt qu'élément par élément, si cela ne
vous disconvient pas. On pourrait diviser cela à partir de
préoccupations: la langue des services de l'éducation, du
travail, de l'affichage, des tribunaux, etc.
Mes remarques générales. D'abord, je voudrais,
évidemment, faire mes respects à Mme la ministre que j'ai
l'occasion de voir régulièrement en Chambre et également
à ses collègues qui nous font l'honneur d'être ici en
nombre impressionnant: le ministre de la Justice, le ministre de
l'Éducation, le président du Conseil du trésor qui est
dans la salle - même s'il n'est pas autour de la table - le ministre
délégué aux Petites et Moyennes entreprises, le ministre
délégué aux Mines - je n'oublie aucun ministre - le
ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes qui nous fait le plaisir d'être ici également, ainsi
que tous les autres aspirants à ce type de poste qui sont autour de la
table.
Je voudrais saluer M. Aubin, M. Martucci, M. Cholette, M. Dorion, le
nouveau sous-ministre, M. Boucher et les collaborateurs et collaboratrices de
Mme la ministre qui oeuvrent dans un secteur extrêmement sensible.
Avant d'aborder l'aspect de la sensibilité autour de la langue -
je partage les préoccupations très élevées de la
ministre, à la fin de son texte, sur la qualité - permettez-moi
d'abord de relever une inexactitude. Je souhaite, Mme la ministre, que ce soit
la dernière fois que j'ai à le faire. Aujourd'hui, j'ai
apporté des documents, une fois pour toutes, pour planter le clou
là-dessus. Vous dites, Mme la ministre, aux pages 10 et 11 de votre
document: "...utilisait deux langues dont le français le Procureur
général, comme son
prédécesseur, s'abstient d'intenter une poursuite dans
l'attente du jugement de la Cour d'appel."
Cela est inexact. Mme la ministre pourra le demander à son
collègue, le ministre de la Justice. Il y a eu 57 poursuites
déposées en cour après l'affaire Boudreault sous la
signature de celui qui vous parle, à titre de Procureur
général.
J'espère que la ministre va cesser de répéter cela;
cette fois-ci, elle l'a écrit et elle le consigne dans le Journal des
débats. J'espère que la ministre va considérer cette
preuve que je lui donne avec une cause, entre autres. Juste pour qu'on soit
sûr, je vais lui en donner une des 57. Le 31 janvier 1985, le Procureur
général contre Northside Cleaner nettoyeurs. Que la ministre,
s'il vous plaît, cesse de dire que l'actuel ministre de la Justice et
Procureur général fait comme son prédécesseur. Dieu
sait qu'il devrait faire plus de choses comme son
prédécesseur!
Ce qu'il fait comme son prédécesseur, c'est qu'il
décide d'accorder des délais là où il y avait
déjà des causes intentées par son
prédécesseur. C'est une différence de taille. Je trouve
regrettable que la vice-première ministre continue, malgré mes
dénégations répétées à
l'Assemblée, non seulement de l'affirmer, mais, cette fois, de le
publier. Il me semble également que la vérité a sa place,
autant que la, qualité de la langue française.
Deuxièmement, la ministre dit à la page 3 de son texte,
évoquant le rôle délicat du conseil présidé
par M. Martucci: "Ce qui est moins facile, c'est de conseiller,
c'est-à-dire de donner des avis... en évitant d'aviver les
passions, d'exciter les sensibilités fragiles et de réallumer les
antagonismes propres à notre société
québécoise et que nous avons tous cherché à
éteindre, chaque génération et chaque gouvernement
à sa façon, au cours des dernières décennies".
Je tiens à dire, Mme la Présidente, qu'il est exact que
nous avons vécu, surtout au tournant des années soixante et
soixante-dix, une période particulièrement passionnée,
pour ne pas dire agitée, et qui a été marquée,
d'ailleurs, par des phénomènes d'agitation sociale; que personne
ne souhaite le retour à cette période et que le Québec
bénéficie d'une paix linguistique et sociale qui en
découle depuis la deuxième moitié des années
soixante-dix. Je crois que le succès de la loi 101, ainsi qu'un certain
nombre d'autres facteurs politiques ne sont pas étrangers à cette
réalité.
Je dirais à la ministre que, oui, c'est passionnant, les
questions linguistiques, mais qu'on ne peut pas espérer éteindre
la passion autour des enjeux linguistiques dans cette société. II
s'agit de savoir comment nous allons vivre avec. Il s'agit de savoir comment
nous pouvons composer harmonieusement avec, oui, ce feu, cette flamme et cette
passion d'un peuple minoritaire sur le continent nord-américain qui veut
s'affirmer comme différent, notamment par la langue. Hé oui! Cela
soulève des passions. Je dois vous dire que, moi, cela me passionne et
je crois que cela passionne des milliers de Québécois.
Entre la passion, cependant, et les troubles sociaux, il y a une marge.
Imaginer que nous pourrons toujours traiter de ces questions en matière
linguistique d'une façon tout à fait froide, c'est, je crois,
faire fausse route. Il s'agit d'en traiter de façon calme. Il s'agit
d'en traiter de façon la plus harmonieuse possible. Il ne s'agit pas
d'en traiter de façon froide et sans passion, car, oui, c'est
passionnant que la survie de ce petit peuple en Amérique du Nord en
dépit de trois cents ans d'histoire, en dépit de sept
régimes politiques différents qui l'ont gouverné, en
dépit du fait qu'il ait été noyé sur le plan
linguistique dans l'ensemble canadien, en dépit du fait qu'il ait vu ses
frères du Manitoba disparaître et devenir 5 % de ceux qui sont des
parlant français au nord des États-Unis dans cette province du
Manitoba.
Oui, c'est passionnant. Je dois vous dire que si je n'avais pas cette
passion, je ne serais pas en politique. Je souhaite que la ministre ait quelque
passion autour de cette question, car je la sais capable de passion dans
d'autres sujets. Je souhaite qu'elle reconnaisse que la question linguistique,
il est normal que nous en traitions avec passion et qu'on n'a pas à se
sentir mal ou gêné, pour autant. Mais il faut être
suffisamment délicats pour ne pas provoquer et ne pas faire ressortir
chez les gens les bas-fonds de la nature humaine qui s'expriment sous forme de
racisme ou d'intolérance. Je me permets donc d'être en
désaccord avec la ministre lorsqu'elle dit que nous tentons
d'éteindre même les passions. Non, les passions ne
s'éteindront jamais autour de cette question.
À la page 4, la ministre nous dit: "Par analogie, on pourrait
dire de la commission qu'elle fait office de police de la langue
française." Je comprends qu'elle précise: "Je le dis uniquement
pour faire comprendre aux Québécois qu'elle est un instrument
d'inspection..." Évidemment, je n'aime pas cette expression de "police
de la langue française" dont on affuble la commission étant
donné que c'est l'expression qu'a utilisée, entre autres,
Mordecai Richler pendant des années dans le New York Times, à
compter de 1977, pour présenter le Québec comme une espèce
d'État fasciste, avec des gendarmes qui se promenaient avec une svastika
française pour taper sur la tête de ceux qui parlaient anglais. Je
n'aime pas tellement l'expression "police". D'autant plus que le rôle de
la commission est un rôle qui fait penser, par exemple, à celui
des commissaires du travail. Est-ce que vous
avez déjà utilisé l'expression "la police du
travail" pour expliquer le rôle d'un commissaire du travail au
ministère du Travail? Est-ce qu'on a déjà utilisé
une telle expression? Non. On l'utilise plus facilement dans le cas de la CSST.
Est-ce qu'on parle de la police? Non, on parle des inspecteurs de la CSST
à laquelle, d'ailleurs, vous ne voulez pas beaucoup de bien, je le sais.
Je trouve un peu déplorable qu'on manipule ce vocabulaire qui, lui, est
un vocabulaire de l'intolérance et non pas de la passion positive qui
anime la ministre dans sa recherche de la qualité du français.
C'est le vocabulaire de l'intolérance, permettez-moi l'expression, des
autres à l'égard de la loi 101.
Une absence remarquable, je crois, dans le texte de la ministre: rien
sur la langue du travail. Je dois dire que cela me préoccupe beaucoup,
car, avant de valoriser une langue, encore faut-il qu'elle soit utile. Pour
qu'elle soit utile pour les personnes qui l'utilisent, encore faut-il que
celles-ci puissent s'en instrumenter quotidiennement. Parmi les rôles que
nous retrouvons dans les mandats qu'ont un certain nombre d'organismes que la
ministre a décrits, il y a toute cette recherche de
l'amélioration des conditions qui font que les Québécois
de langue française peuvent s'exprimer dans leur lieu de travail dans
leur langue et pour qui, dans bien des cas, le simple affichage à
l'intérieur de l'industrie est important pour combattre une situation de
fait, qui a déjà existé historiquement.
On peut dire les choses comme elles sont sans tomber dans des querelles
historiques à n'en plus finir: oui, à une certaine époque,
les francophones du Québec étaient considérés comme
une main-d'oeuvre de "cheap labour" et une main-d'oeuvre carrément
exploitée. Ces choses ont changé, heureusement, depuis un certain
nombre d'années. Mais pendant 300 ans... Durham l'a remarqué au
XIXe siècle - d'ailleurs, il avait pour nous un magnifique projet
d'assimilation pour nous sortir, disait-il, de notre médiocrité -
et malheureusement il a été lu pendant de nombreuses
années au Foreign Office, en Angleterre, et il aura fait école
jusqu'à la Confédération. On sait qu'au tournant du
siècle, et jusqu'à l'adoption, dans les années quarante,
d'un minimum de législations sociales, le Québec était un
endroit où les francophones étaient exploités. Ils
n'étaient pas exploités que par les anglophones. Qu'on me
comprenne bien. Ils étaient parfois même exploités par les
leurs. Mais comme il y avait peu des leurs dans les circuits
économiques, cette exploitation avait également une connotation
linguistique et culturelle.
Heureusement, ces choses ont changé. La ministre trouvera
peut-être que j'ai une analyse marxiste des choses. Je dirai que je
préfère ce genre d'analyse qu'on pourrait qualifier de marxiste
au comportement marxiste actuel du Procureur général en
matière d'affichage, qui est une autre sorte de marxisme.
Une voix: Un jeu de mots facile.
M. Johnson (Anjou): II n'apparaît important - j'y
reviendrai dans les questions que j'aurai à poser à la ministre -
qu'on se préoccupe du progrès du français langue de
travail. Je crois que le cadre dans lequel cela se pose pour nous à ce
moment-ci de l'histoire du Québec est un cadre où, d'une part, il
y a de plus en plus de succès en langue française dans tous les
domaines de l'activité humaine, y compris dans le domaine
économique et dans le domaine scientifique. On me dit que l'un des
organismes - je crois que c'est l'office dans sa section des fichiers
linguistiques - a même atteint un tel degré d'excellence qu'un
certain nombre de pays européens achètent les droits - c'est
également vrai, je crois, pour la Commission de toponymie, si je ne me
trompe - de ces fichiers pour les publier dans des traductions allemandes,
anglaises et françaises, la version française venant souvent du
Québec.
Donc, on a atteint un certain degré d'excellence dans
l'utilisation de notre langue. Il s'agit simplement de se promener sur un
chantier de construction, dans la mesure où ils ne sont pas en
grève, ou de traiter avec des travailleurs de la construction pour se
rendre compte combien, depuis dix ans, l'utilisation du français dans le
milieu de travail a changé de façon considérable. Il y a
une certaine fierté chez les " gens à rechercher l'utilisation
des vocables techniques, à ne pas se contenter de ce que la ministre
appelle le franglais, avec raison, et à chercher le mot précis.
(16 heures)
Deuxièmement, sur le plan social, les phénomènes
d'exploitation des francophones se sont considérablement modifiés
depuis 40 ans, et la situation sociale est différente. Maintenant les
Québécois peuvent aspirer à contrôler un certain
nombre de choses au-delà des institutions politiques qu'ils ont
contrôlées par la force de leur majorité sur leur
territoire. Et puis il y a, c'est vrai, une ouverture saine de tolérance
entre les communautés, notamment une ouverture remarquable, je crois,
depuis quelques années, Dieu merci! de la communauté francophone
à l'égard des allophones, notamment sur le plan de
l'intégration scolaire. Le phénomène de l'immigration
récente, diversifiée de plus en plus, d'ailleurs, depuis une
dizaine d'années sur notre territoire, provenant tantôt d'Afrique,
tantôt d'Amérique latine, des Caraïbes ou d'Europe de l'Est,
ce phénomène, heureusement, sauf de façon
marginale, n'a pas donné lieu à des situations de tension
raciale qu'ont connues d'autres pays, que connaissent actuellement d'autres
territoires en Occident. Et il y a un effort authentique, dans des
communautés partout au Québec, pas seulement à
Montréal, d'intégration des nouveaux Québécois
à la communauté majoritaire.
Il y a aussi à l'égard des anglophones, là aussi,
toute une dynamique très différente depuis quelques
années. Je n'entends pas en faire un long historique, sinon pour
constater que cette dynamique différente est largement influencée
par un phénomène d'américanisation de la majorité
francophone du Québec depuis quelques années à travers les
médias, à travers la musique, à travers un certain nombre
de valeurs, à travers le fait qu'une population de plus en plus
instruite dans les domaines technique et scientifique a tendance à avoir
recours à la littérature américaine, donc de langue
anglaise, dans tous les domaines d'activité et que cela produit quelque
chose de différent qui devrait devenir non pas un "melting pot"
nord-américain, mais un vrai "melting pot" québécois
où la prédominance de la langue de la majorité soit
assurée.
Il m'apparaîtrait donc important que la ministre ne se contente
pas, dans l'élaboration des politiques à venir du gouvernement...
Car, croyons-nous, elles sont à venir: nous avon3 eu la confirmation
récente que les politiques élaborées dans le passé
par le Parti libéral ne satisfaisaient pas le premier ministre. Je
présume que les ministres qui sont ici présents auront à
élaborer une politique linguistique, la ministre y jouant un rôle
central, je n'en doute pas. J'espère que, dans votre appréciation
de ces changements que vous reconnaissez au Québec, vous tiendrez compte
de la nécessité de continuer, de déployer les efforts en
matière de langue du travail car, si la langue française comme
langue de travail n'est pas assurée, ne fait pas la démonstration
de son utilité, elle ne pourra jamais être valorisée que
dans les salons qui seront réservés, à long terme,
à quelques élites.
J'aurais donc une série de questions que j'adresserai à la
ministre et que j'ai tenté de recouper sous différents...
Mme Bacon: ...
La Présidente (Mme Harel): M. le chef de
l'Opposition...
M. Johnson (Anjou): Pardon?
La Présidente (Mme Harel): ...avant d'entamer ces
échanges à partir des questions, je pense que Mme la ministre
voudrait intervenir à ce moment, comme le lui permet d'ailleurs le
règlement.
Mme Lise Bacon (réplique)
Mme Bacon: Ce sera très bref, je n'abuserai pas de mon
droit de parole, Mme la Présidente. J'ai seulement pris en
considération ce que vient de me dire le chef de l'Opposition, et je
pense ne pas avoir de leçon à recevoir quant à
l'application de la charte en matière de langue de travail.
Vous vous rappelez qu'à la fin du précédent
gouvernement on a fait les manchettes à la venue d'une industrie
importante pour le Québec, l'industrie de l'automobile qui s'appelle
Hyundai, "Hunday", suivant la façon dont les gens le prononcent.
À mon arrivée au ministère responsable de l'application de
la Charte de la langue française, j'ai découvert qu'on n'avait
pas obligé les propriétaires de cette compagnie... Dans un
contrat rédigé en anglais, dont j'avais copie, on n'obligeait pas
la langue de travail en français. J'ai donc demandé...
M. Johnson (Anjou): La loi s'applique, madame.
Une voix: La loi s'applique. Mme Bacon: J'ai donc
demandé...
M. Johnson (Anjou): On n'est pas obligé de le marquer dans
un contrat. La loi s'applique. À moins que vous ne pensiez que la loi ne
s'applique pas.
La Présidente (Mme Harel): S'il vous plaît!
Mme Bacon: Je pense avoir écouté le chef de
l'Opposition avec beaucoup de respect, Mme la Présidente".
La Présidente (Mme Harel): Oui.
M. Johnson (Anjou): Oui, c'est vrai.
Mme Bacon: S'il ne mérite pas ce respect, on va jouer le
même jeu.
La Présidente (Mme Harel): Mme la ministre, je vais aussi
demander la collaboration de tous pour que vous terminiez votre
intervention.
Mme Bacon: J'ai demandé au président responsable de
l'office de se rendre compte, d'abord, de la signature de ce contrat, de la
copie de ce contrat, et d'offrir les services de l'office à cette
compagnie, puisque nous sommes quand même privilégiés
d'avoir des dossiers fort importants, en matière de lexique, qui
touchent l'industrie de l'automobile, d'offrir au ministère de
l'Industrie et du Commerce et à la compagnie, par l'entremise du
ministère de
l'Industrie et du Commerce, les services de l'office. Je n'ai pas vu
dans mes dossiers cette dimension ajoutée au contrat qui avait
été signé. Je n'ai pas vu de lettre du ministre
précédent demandant à l'office d'offrir de tels services.
Je ne pense pas avoir de leçon à recevoir aujourd'hui du chef de
l'Opposition.
Quant aux autres remarques qu'il m'a faites, j'en ai pris note et je les
appliquerai au moment opportun, s'il y a lieu, et je les étudierai avec
tout le sérieux. J'espère qu'il étudiera Ies remarques que
j'ai faites précédemment dans mes remarques
préliminaires.
La Présidente (Mme Harel): M. le chef de l'Opposition.
Discussion générale
M. Johnson (Anjou): Vous me permettrez, juste avant de commencer
mes questions, de dire à Mme la ministre que je crois qu'elle aurait
peut-être avantage, puisqu'elle veut absolument traiter de ces questions
sur le ton du mépris qui lui est malheureusement assez
caractéristique de ce temps-ci, à consulter son collègue,
le ministre de la Justice, pour savoir si la loi s'applique. Chaque fois qu'un
individu achète une auto, il n'est pas obligé de signer un
contrat pour dire qu'il va respecter les feux rouges! Quand une industrie
s'implante au Québec, la loi s'applique, la langue française
s'applique, l'ensemble des dispositions, le rôle de la commission et des
organismes, cela s'applique. Si Mme la ministre est préoccupée
par le fait qu'on ne l'ait pas mentionné explicitement, je pourrai lui
dire que, pour ma part, j'ai eu l'occasion de le mentionner aux dirigeants de
Hyundai, qu'il ne serait pas question de dérogation à la loi,
quand je les ai rencontrés, ce qui ne les a pas empêchés de
s'implanter au Québec.
Francisation des entreprises
Par ailleurs, je ne fais pas reproche à Mme la ministre et je ne
prétends pas lui donner des leçons sur la question de la langue
de travail. Je dis simplement que c'est totalement absent de son exposé
et je me préoccupe de cette dimension que nous semblons malheureusement,
je crois, depuis quelques années, tenir plus ou moins pour acquise,
parce qu'en se promenant, au niveau de la qualité - ce seront
peut-être mes premières questions - de l'utilisation de la
terminologie française dans le milieu de travail, on se rend compte de
progrès considérables, et c'est visible, encore une fois. On n'a
qu'a se promener dans une usine, on n'a qu'à rencontrer des travailleurs
dans des domaines spécialisés et on se rend compte qu'il y a un
progrès remarquable depuis dix ans. Mais il y a aussi encore des zones
et des coins où il y a, je crois, des résistances. J'aimerais que
Mme la ministre ou, si elle le juge à propos, les représentants
des organismes qui l'accompagnent nous fassent un peu le bilan, le tour du
jardin de cette question de la francisation des entreprises. Où en
est-on? Quelles sont les difficultés majeures? Quel type d'orientations
et de ressources additionnelles, le cas échéant, croit-on devoir
y consacrer? Ce n'était pas dans le but de faire la leçon
à Mme la ministre, d'ailleurs, qui ne saurait en subir aucune.
Mme Bacon: Est-ce la première question?
M. Johnson (Anjou): Oui, les certificats de francisation, par
exemple, l'évolution numérique de cela. En gros, où cela
s'en va-t-il? C'est quoi les problèmes? Est-ce qu'il y en a? Surtout,
c'est quoi les solutions?
Mme Bacon: II faut peut-être rappeler, Mme la
Présidente, que le programme de francisation des entreprises existe
toujours et qu'on ne l'a pas réduit. Même si on doit, à
certaines instances, faire quelques coupures, nous continuons à
appliquer le programme de francisation des entreprises. Si nous avions
discontinué ce programme, je comprendrais l'inquiétude du chef de
l'Opposition, mais comme ce programme est toujours là... On a besoin des
instruments que nous nous sommes donnés et nous continuons à
utiliser les instruments qui sont à notre portée.
M. Johnson (Anjou): En fait, ma question est: Où en
sommes-nous avec les certificats pour l'utilisation de la langue
française dans le milieu de l'entreprise? Quels sont les chiffres pour
les entreprises ayant 50 employés et plus, etc.?
Mme Bacon: Oui. Quant au processus de francisation des
entreprises qui emploient 50 personnes et plus, à la suite de l'adoption
de la loi, en 1983, il s'étend évidemment à toutes les
entreprises qui comptent 50 personnes et plus à leur emploi et non plus
seulement à celles qui dépassaient ce nombre en 1977.. Pour les
entreprises employant 100 personnes et plus, la situation actuelle se
présente de la façon suivante, et je vais vous donner des
chiffres: le nombre de certificats permanents attestant que le français
possède le statut recherché par le programme de francisation est
de 696; le nombre de programmes en voie de réalisation, 774; le nombre
de programmes en négociations, 11; le nombre d'entreprises au
début de l'exercice, 1481; les programmes à entreprendre, 110;
pour un total d'entreprises de 1591.
Il importe de comprendre que...
M. Johnson (Anjou): Je m'excuse. Est-ce 50 et plus?
Mme Bacon: C'est cent personnes et plus.
M. Johnson (Anjou): Cent et plus.
Mme Bacon: Oui. Je vais y revenir. Il importait de comprendre que
le processus de mise en oeuvre des programmes de francisation des entreprises
est la première étape -je pense qu'on sait cela - dans la
démarche globale de francisation. L'accompagnement de l'application des
895 programmes de francisation en cours ou à entreprendre devrait
s'opérer graduellement, chacun selon un échéancier
particulier. Ce sont les chiffres qu'on vous donnait tout à l'heure.
Pour les entreprises employant de 50 à 99 personnes, le nombre de
certificats permanents attestant que le français possède le
statut recherché par le programme de francisation est de 1337; le nombre
de programmes en voie de réalisation, 498; le nombre de programmes en
négociations est de 2. Donc, le nombre d'entreprises au début de
l'exercice est de 1837; les programmes à entreprendre, 307; pour un
nombre total d'entreprises de 2144.
M. Johnson (Anjou): Est-ce que, en termes de progression, de ce
côté, l'office est satisfait du rythme ou s'il y a un
ralentissement des résistances ou si, au contraire, les choses vont
passablement bon train?
Mme Bacon: Pour les entreprises employant de 50 à 99
personnes, on atteint 60,1 %.
M. Johnson (Anjou): Oui, 60 %.
Mme Bacon: C'est quand même au-delà de ce que
nous...
M. Johnson (Anjou): Est-ce que c'était à peu
près dans les prévisions de l'office?
Mme Bacon: C'est satisfaisant.
M. Johnson (Anjou): C'est au-delà des prévisions ou
est-ce à peu près dans les prévisions de l'office?
Mme Bacon:
Oui.
M. Johnson (Anjou): Ces 60 %... Comparé à l'an
dernier ou il y a deux ans, vou3 étiez à quoi? À 55 %?
À 40 %? Est-ce qu'il y a une espèce de plafonnement autour de 60
% depuis un an ou deux?
Mme Bacon: Je pense que parler de plafonnement, ce n'est pas
être sérieux, mais cela augmente à peu près de 10 %
à chaque année.
M. Johnson (Anjou): De 10 % par année.
Mme Bacon: À peu près.
M. Johnson (Anjou): Et il n'y a pas de ralentissement depuis un
an ou deux? Cela continue de progresser.
Mme Bacon: Non. Cela se maintient. M. Johnson (Anjou):
Très bien.
La Présidente (Mme Harel): Sur le même sujet, M. le
député de Mercier.
M. Godin: Une question, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Harel): Sur le même sujet?
M. Godin: Oui. Sur le même sujet. L'an dernier, un rapport
a été publié et remis en commission parlementaire, sur la
loi 57. On y disait que, pour des questions techniques ou autres, un noyau
central d'entreprises de haute technologie, dans le domaine de l'avionnerie,
des logiciels ou autres, refusaient de se franciser parce que c'était
plus compliqué là qu'ailleurs. Est-ce que ce groupe a
été touché? Par exemple, Pratt et Whitney. Est-ce que
Pratt et Whitney a bougé depuis un an et demi ou si c'est au même
stade qu'avant?
Mme Bacon: II avance un peu comme les autres excepté que
pour Pratt et Whitney, c'est 98 % hors Québec. Alors, le marché
étant 98 % hors Québec, il faut considérer cela aussi. (16
h 15)
M. Godin: Oui mais, pour les emplois à Longueuil, Mme la
ministre, les Québécois francophones qui y travaillent se
plaignaient, eux, de travailler en anglais et de voir que Pratt et Whitney
jouait plutôt du "striptease" au lieu de prendre des décisions
réelles pour que cela se francise à un rythme acceptable. Je
constate qu'il n'y a pas de réponse précise là-dessus.
Mme Bacon: Ce qu'on me dit, c'est que ce n'est pas anormalement
lent. Il est évident que ce n'est pas l'aisance.
M. Godin: Deuxième question. Il y avait à
l'époque, l'année dernière, un budget donné aux
centrales syndicales, à leur demande d'ailleurs, pour s'assurer que les
travailleurs qui travaillent à la francisation aient le moyen de le
faire. Est-ce que ces sommes ont été éliminées des
transferts ou si elles
sont maintenues pour l'année en cours dans lé programme 1?
Il s'agirait de 250 000 $ par année, madame.
Mme Bacon: De 250 000 $, on a retranché 100 000 $ parce
que la subvention est pour huit mois et non pour une année. On a quand
même huit mois.
M. Godin: On peut dire que pour la période correspondante
il y aura le même montant à verser aux centrales syndicales pour
la poursuite de l'objectif.
Mme Bacon: Cela revient à peu près à la
même chose quand on considère la période qui n'est pas
d'une année complète.
M. Godin: Cela répond à ma question.
La Présidente (Mme Harel): Merci. M. le chef de
l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): Peut-être plus spécifiquement
autour des logiciels. Je sais qu'il y a une association de 90 entreprises, dans
le secteur des logiciels de la région montréalaise, dont je ne me
souviens pas du nom, qui a exprimé récemment son espoir de voir
la non-application des dispositions de la loi 101 dans ce secteur. Elle demande
un moratoire. Est-ce qu'on pourrait nous renseigner un peu là-dessus?
C'est le Centre de linguistique de l'entreprise qui réclamait un
moratoire sur l'application de la loi 101 quant aux logiciels. Cela date du 27
février dernier.
Mme Bacon: II y a eu des rencontres avec ces gens à
plusieurs reprises. Eux-mêmes constatent que le mot "moratoire" a
dépassé leur pensée. Ce sont peut-être en ce moment
nos meilleurs avocats pour la promotion, la sensibilisation des
entreprises.
M. Johnson (Anjou): Dans le fond, c'est parce qu'ils voient des
difficultés techniques. Ce n'est pas qu'ils veulent que ce soit
gelé complètement...
Mme Bacon: Non, non.
M. Johnson (Anjou): ...c'est à cause de la
complexité des systèmes.
Mme Bacon: Le mot "moratoire" avait dépassé leur
pensée.
M. Johnson (Anjou): D'accord.
La Présidente (Mme Harel): Sur le même sujet, M. le
député de Mercier.
M. Godin: Concernant les termes techniques, est-ce que dans le
domaine de Quebecair et du français dans l'air la ministre a
été consultée par sa collègue des Transports pour
s'assurer que ce qui était un des qualificatifs de Quebecair, à
savoir qu'on parlait français dans l'air, cela reste et non pas que cela
devienne "je flanchais dans l'air"?
Mme Bacon: Je ne saisis pas la dernière partie de la
question.
M. Godin: Et non pas que cela devienne "je flanchais dans
l'air".
M. Johnson (Anjou): Je flanchais dans l'air.
M. Godin: Je flanchais dans l'air. C'est un jeu de mots,
madame.
M. Johnson (Anjou): C'est un jeu de mots. La langue
française...
M. Godin: Nous craignons que cela devienne "je flanchais dans
l'air". Est-ce que vous nous assurez que vous avez été
associée aux discussions avec votre collègue des Transports pour
que Quebecair reste le noyau central de francisation de l'espace au
Québec?
Mme Bacon: Comme le chef de l'Opposition disait tantôt que
je pouvais être méprisante, je serais tentée de vous dire
que, tant et aussi longtemps qu'on engagera des gens du Québec, c'est
peut-être plus facile de parler français. Si nous donnons des
emplois à Toronto, ce sera peut-être plus difficile de parler
français à Quebecair.
M. Godin: Est-ce que dans votre discussion vous avez
été associée aux discussions, madame?
Mme Bacon: Ce n'est pas nous qui l'avons fait, M. le
député de Mercier.
M. Godin: Mme la ministre, est-ce que...
Mme Bacon: C'est l'ancien gouvernement auquel vous
apparteniez.
M. Godin: Est-ce que vous avez été associée
aux discussions préparatoires à la vente de Quebecair à
n'importe qui pour vous assurer, vous, défenseur des travailleurs
francophones du Québec, qu'il y aurait du français dans Quebecair
et dans l'air du Québec à l'avenir?
Mme Bacon: Vous savez bien que comme membres du gouvernement nous
sommes associés à toutes les discussions qui sont en cours. C'est
évident que tout ce qui touche la Charte de la langue française
sera important dans les transactions qui seront
faites.
M. Godin: Quelles mesures avez-vous prises, madame, pour vous
assurer vous, personnellement et concrètement, que cette
réalité sera une garantie dans les négociations à
venir et à aboutir bientôt entre Quebecair et l'acheteur
éventuel?
Mme Bacon: Je m'adresse à un ancien ministre qui sait
très bien qu'on ne peut pas révéler les discussions du
Conseil des ministres sur la place publique.
M. Godin; Donc, vous avez été associée,
madame, aux discussions.
Mme Bacon: Je n'ai pas fait partie des discussions de la vente ou
de l'achat. Je dis que les discussions que nous avons au Conseil des ministres
ne doivent pas être discutées sur la place publique.
M. Godin: Est-ce qu'elles ont porté en partie sur la place
du français à Quebecair et dans l'air du Québec? C'est ma
question, ce n'est pas un secret d'État. Il y a une loi 101 que vous
appliquez vous-même. Est-ce que la loi 101 fera partie des
modalités de vente de Quebecair ou des préoccupations du futur
acheteur choisi par le Québec?
Mme Bacon: La loi 101 fait toujours partie des
préoccupations de l'ensemble du Conseil des ministres.
M. Godin: Comme pour Hyundai.
M. Johnson (Anjou): Comme pour Hyundai, c'est cela!
M. Godin: Merci, madame.
La Présidente (Mme Harel): M. le chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): Oui. Toujours un peu sur la langue du
travail, le quotidien pour les gens, les choses concrètes au sujet
desquelles - d'ailleurs j'espère qu'on aura un certain nombre de choses
dans le discours sur le budget ce soir quant è la qualité du
français... En attendant, il y a une charte et il y a de la
jurisprudence autour de cette charte. Il y a eu une décision des
tribunaux il y a un an ou deux, en 1984, où la Cour supérieure a
décidé que le refus de statut permanent à une
employée anglophone, auquel elle aurait eu droit en vertu de la
convention collective, pour le motif qu'elle ne connaissait pas suffisamment le
français n'était pas justifié. Les principes
d'interprétation qu'on retrouve dans cet arrêt de jurisprudence
ont amené la commission à constater dans son rapport de l'an
dernier, je crois, la chose suivante, et je cite: "La seule façon pour
un ouvrier d'établir désormais avec certitude son droit de
recevoir en français les communications que son employeur lui adresse,
c'est de le demander explicitement et vraisemblablement au moment même de
l'embauche, faute de quai son droit risque de se prescrire. Il est ahurissant
qu'un ouvrier francophone, au Québec, en 1985, soit obligé, avant
même d'occuper un nouvel emploi, d'exiger de son employeur qu'il lui
adresse toutes ses communications en français." En d'autres termes, la
commission constatait qu'à la suite de deux arrêts de
jurisprudence en 1984 l'interprétation par la Cour supérieure de
la Charte de la langue française était telle que, pour obtenir la
garantie qu'on communiquera avec lui en français, un individu devrait en
faire la demande avant même l'embauche ou il risquerait de perdre ses
droits. Est-ce que la ministre a l'intention, à l'occasion de la
révision éventuelle de la loi 101 - ce qui semble assez
inévitable d'après ce qu'on nous dit - d'inclure des dispositions
qui renforceraient cette dimension du droit du français au travail par
des modifications législatives qui nous amèneraient des
interprétations un peu moins strictes de3 tribunaux?
Une voix: ...
La Présidente (Mme Harel): À l'ordre, s'il vous
plaît! Je pense qu'avec raison on a fait état de
sensibilité fragile sur cette question et la présence accrue
à la commission le manifeste bien. Alors, je souhaiterais que les
remarques des uns et des autres se fassent en dehors de cette salle. Mme la
ministre.
Mme Bacon: Je n'ai pas le nom de la cause. Est-ce une cause qui
date de 1984 que mentionnait le...
M. Johnson (Anjou): C'est une cause qui date de 1984...
Mme Bacon: C'est une dame de Lachine?
M. Johnson (Anjou): Attendez, je vais vous le donner tout de
suite. Je vais vous donner la référence. C'est la Commission des
droits de la personne contre la ville de Lachine, et le Syndicat canadien de la
fonction publique et autres contre... C'est la cause de Myriam qui a fait tant
les manchettes.
Mme Bacon: Mme la Présidente, est-ce qu'on se
promène de la commission à l'office, de l'office à la
Commission de toponymie ou si on prend organisme par organisme?
M. Johnson (Anjou): On parle en ce moment du français
langue de travail. Je disais que le point de vue dans l'étude des
crédits, c'était peut-être mieux de l'analyser à
partir des problèmes du monde plutôt qu'à partir des
structures. Là, il y a un problème pour le monde qui s'appelle:
obtenir des communications dans sa langue, quand on est travailleur, en vertu
de la jurisprudence. Je notais que la ministre ne parlait pas du tout de la
langue de travail dans son texte et je trouvais que c'était important
qu'on en parle. Je demande simplement: Est-ce que oui ou non, dans la
révision que la ministre envisage, elle tiendra compte des
problèmes soulevés par la jurisprudence récemment comme
nous en avons tenu compte lors de la loi 57 à l'égard d'autres
dispositions pour s'assurer qu'un travailleur n'est pas obligé de faire
la demande explicite qu'on lui fera des communications en langue
française avant même d'être embauché?
La Présidente (Mme Harel): Vous m'avez posé la question de
procédure, Mme la ministre. Je pense que nous avons à adopter
programme par programme. À l'intérieur du programme 6... Si nous
nous trouvions en face de plusieurs programmes, nous aurions
intérêt à les aborder distinctement, mais comme l'ensemble
des éléments concerne le même programme...
Mme Bacon: Ce serait inhumain de faire parader les gens à
côté de moi si j'ai besoin de renseignements. Il faudrait quand
même avoir un certain respect pour les gens qui sont responsables des
organismes. On ne se comprendra pas, Mme la Présidente.
M. Johnson (Anjou): Mme la Présidente,
permettez-moi...
La Présidente (Mme Harel): On peut ajouter des
chaises.
Mme Bacon: Je comprends que c'est à l'intérieur
d'un programme, Mme la Présidente, mais cela touche divers organismes.
Si nous prenons un organisme après l'autre, cela sera beaucoup plu3
facile d'avoir les réponses, parce qu'il y a des réponses
très techniques. Si le chef de l'Opposition veut avoir ses
réponses... Je ne peux pas faire parader les gens un après
l'autre tout l'après-midi.
La Présidente (Mme Harel): Pouvez-vous les inviter
à venir prendre place à vos côtés?
Mme Bacon: Je ne peux pas inviter le reste de la salle, Mme la
Présidente, quand même.
M. Johnson (Anjou): Mme la Présidente, si vous permettez
juste...
Mme Bacon: De toute façon, je peux apporter une
réponse au chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): La question s'adresse à la ministre.
Je lui demande simplement...
Mme Bacon: Parce que si on sort la jurisprudence...
M. Johnson (Anjou): Je demande, compte tenu de la jurisprudence
récente en matière de français langue de travail - je
comprends que de toute évidence elle n'avait pas préparé
beaucoup de choses là-dessus; elle n'en parle pas dans son texte - si
elte considère que dans la révision de la loi 101 elle apportera
des correctifs pour faire en sorte qu'une personne ne soit pas obligée
explicitement de requérir de son employeur éventuel qu'il fasse
les communications avec elle en français. Ma question, il me semble, est
relativement simple.
La Présidente (Mme Harel): Mme la ministre des Affaires
culturelles.
Mme Bacon: Mme la Présidente, je n'ai pas répondu
au mépris du chef de l'Opposition tantôt. C'est lui-même qui
fait montre de mépris en ce moment, par la façon dont il
s'adresse, à celle qui vous parle. Ma réponse est oui, je
prendrai note de ce qu'il vient de dire. Oui, nous serons prudents dans les
choses que nous ferons, mais je lui demande, s'il vous plaît, d'avoir
autant de respect pour celle qui vous parle que j'essaie d'en avoir pour
lui.
M. Johnson (Anjou): En matière de services, Mme la
Présidente. J'aurais terminé avec la dimension langue de travail
et...
La Présidente (Mme Harel): Sur ce même sujet, M. le
député de Mercier.
M. Godin: Les hôpitaux anglophones devaient se charger de
franciser leur personnel en contact avec le public francophone qui les
fréquente. Est-ce que l'office a vu à ce que des programmes de
français soient donnés à ces personnes et quel est le
progrès accompli jusqu'à maintenant? Combien de personnes qui
relèvent de l'Institut conjoint hospitalier de Montréal, qui est
un organisme qui regroupe les hôpitaux anglophones de Montréal,
ont suivi des cours de français et combien de postes ont
été identifiés dans ces hôpitaux comme étant
des postes bilingues pour éviter les situations ou les conflits qu'on a
connus dans le passé?
Une dame est morte dans une langue autre que sa langue. Alors,
j'aimerais savoir
s'il y a eu des rapports là-dessus que la ministre
connaîtrait.
Mme Bacon: Mme la Présidente, on m'informe qu'à
plusieurs reprises on a offert les services de l'office. Il est évident
que tous les chiffres que me demande le député de Mercier ne
peuvent être fournis immédiatement. Nous prenons note de ses
demandes et nous les lui ferons parvenir après la commission.
M. Godin: Est-ce qu'on peut revenir un peu sur la première
partie de votre réponse, madame? Qui a offert ces services à qui?
L'office aux hôpitaux anglophones, si je comprends bien? Sans
réponse, quoi?
Mme Bacon: C'est l'office.
M. Godin: Oui. Est-ce qu'il y a des réponses ou non des
hôpitaux?
Mme Bacon: Nous ne pouvons pas fournir les chiffres en ce moment,
mais nous allons continuer à faire les mêmes pressions que dans le
passé.
M. Godin: Donc, on peut attendre ces réponses dans les
semaines qui viennent. Le nombre de personnes qui suivent des cours de
français dans les hôpitaux anglophones. Dès que possible.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Harel): D'autres interventions sur le
même sujet?
M. Johnson (Anjou): Oui.
La Présidente (Mme Harel): Toujours sur la question de la
langue de travail?
M. Johnson (Anjou): Je vais laisser la ministre décider
comment elle veut procéder. Je ne peux pas être inconvenant. Moi,
je veux parler de la langue des services dans le secteur hospitalier et des
services sociaux. Est-ce qu'elle est prête à discuter de cela en
ce moment?
Mme Bacon: On va voir les questions. Je voudrais surtout les
entendre. (16 h 30)
Langue des services dans le secteur hospitalier et des
services sociaux
M. Johnson (Anjou): Mon collègue de Mercier vient de
soulever cette question extrêmement importante de la capacité pour
les organismes de santé et de services sociaux, notamment dans la
région de Montréal, qui sont des établissements
anglophones - je pense au Royal Victoria, à St. Mary's, au Montreal
General Hospital, à l'ensemble des grands établissements qui font
partie, d'ailleurs, de la tradition montréalaise dans ce domaine - de
fournir des services en français à la majorité. On sait
qu'il y a eu une cause - dans le cas de St. Mary's, je crois - qui a fait
beaucoup de bruit, etc., et qu'une des façons qui étaient
prévues normalement, au moment de l'adoption de la charte en 1977, pour
atténuer ce type de difficultés avec le temps, c'était
l'obligation qui était faite aux personnes soumises au Code des
professions d'avoir une connaissance de la langue officielle avant d'obtenir
leur permis. On sait par ailleurs que la charte créait une série
de présomptions de connaissances pour celles et ceux qui avaient
étudié au Québec au niveau secondaire, au primaire, etc.,
même dans le système anglophone à partir d'une certaine
année, présumant que l'enseignement du français langue
seconde serait adéquat au niveau du système anglophone. Ma
question s'adresse à la ministre et à tous les collaborateurs de
qui elle voudra s'inspirer: Est-ce qu'elle a l'impression qu'en ce moment il y
a encore des difficultés pour les francophones d'obtenir des services,
notamment dans le secteur ouest de Montréal, surtout dans les grands
établissements de santé et de services sociaux?
Mme Bacon: II y a une nette progression, je pense, dans la
façon dont sont donnés les services dans les institutions que
mentionne le chef de l'Opposition. Il est évident qu'il y aura toujours
place à l'amélioration. C'est pour cela que nous continuons
à faire le travail et que nous tentons de sensibiliser les personnes qui
doivent donner des services à la population francophone au fait de le
faire dans leur langue. Mais il y a encore place à
l'amélioration. Nous n'avons pas atteint l'idéal que nous voulons
atteindre.
M. Johnson (Anjou): Pardon?
Mme Bacon: Nous n'avons pas atteint la situation idéale
que nous désirons atteindre.
M. Johnson (Anjou): Oui. Dans son rapport d'activités
1984-1985, la commission de protection - je comprends que ce n'est pas l'office
- considérait qu'il y avait une situation encore inadmissible en disant:
"N'est-il pas complètement inadmissible qu'un malade francophone au
Québec en 1985 - on ne parle pas de 1977 - soit obligé de se
battre, si peu que ce soit, pour qu'on communique avec lui en français
dans un hôpital de langue anglaise?" Si la commission a jugé bon
d'affirmer cela, je présume qu'elle devait avoir quelques cas, un nombre
suffisant de cas pour qu'un organisme de cette envergure s'exprime en ces
termes, compte tenu de son mandat. Dans le fond, la question que j'adresse
à la ministre est la
suivante: Ne croit-elle pas qu'il faudrait que, conformément aux
dispositions de l'article 20 de la loi, l'office vienne en aide de façon
très volontaire, quitte à y mettre des ressources, pour nous
assurer qu'on ait un plan avec ces établissements qui permette d'assurer
des services en langue française plus facilement accessibles pour les
gens de langue française dans les grands hôpitaux de
Montréal?
Mme Bacon: II y a plusieurs hôpitaux qui font un effort
considérable pour donner des services dans la langue de leur
clientèle. Ils font un effort au niveau du recrutement du personnel.
Souvent, les problèmes auxquels ils ont à faire face sont dans le
recrutement du personnel bilingue. Mais je pense que l'effort se fait. Comme je
le disais tout à l'heure, il y a une nette amélioration par
rapport au passé; il y aura toujours de la place pour plus
d'amélioration.
M. Johnson (Anjou): Le regroupement des
établissements...
Mme Bacon: Je mentionnerais, par exemple, le Jewish General
Hospital qui a fait un rapprochement considérable
dernièrement.
M. Johnson (Anjou): Oui, c'est vrai. Cela, je peux vous le
confirmer, en tout cas empiriquement. Cela ne semble pas être le cas
cependant d'autres établissements. On se souvient qu'en commission
parlementaire le regroupement de ces établissements s'était
engagé à fournir l'équivalent de ce qu'on retrouve
à l'article 20, c'est-à-dire les critères et
modalités de vérification pour la nomination, la mutation, la
promotion à une fonction. Est-ce que les établissements l'ont
fait, dans le fond? Pour savoir si cela va bien, il faudrait peut-être
voir s'ils bougent. Est-ce que cela bouge de ce côté?
Mme Bacon: On a un peu plus de difficulté à
obtenir, à atteindre ce que nous demande l'article 20 de la loi. C'est
ce que le Jewish General a fait, que d'autres n'ont pas encore atteint.
M. Johnson (Anjou): Donc, ce n'est pas tout à fait inexact
que je vous livre mon impression qu'effectivement, empiriquement, on dirait que
des choses ont changé au Sir Mortimer, au Jewish General, alors que ce
n'est peut-être pas tout à fait exact pour d'autres.
Mme Bacon: Ce n'est pas le cas pour tout le monde.
M. Johnson (Anjou): Pourtant, ils s'étaient engagés
à fournir, devant une commission parlementaire.... Ce serait peut-
être intéressant de le rappeler, de voir la ministre... Je suis
sûr que la ministre doit s'en occuper, étant donné que cela
fait partie de son mandat, dans les semaines qui viennent.
Les problèmes des CSS-CLSC à Montréal. D'ailleurs,
un des seuls ministres qui manquent à cet égard, c'est
peut-être sa collègue, Mme Lavoie-Roux, du ministère de la
Santé et des Services sociaux. Je veux tout simplement rassurer la
ministre, j'avais déjà écrit cela au moment de la
préparation des crédits.
Mme Bacon: Cela vous a tenté...
M. Johnson (Anjou): Ce n'est pas pour lui faire une trappe.
Mme Bacon: J'étais tentée de dire: On lui a
tellement laissé un pauvre héritage qu'elle est trop
occupée pour être ici cet après-midi.
M. Johnson (Anjou): Oui! Alors, c'est celai Cela va bien! Vous
voulez que je me retienne, hein! Je vais continuer de me retenir un petit bout
de temps, mais attendez. Je ne vous ferai pas ce plaisir...
Mme Bacon: II ne faudrait pas bouder, quand même.
M. Johnson (Anjou): Ce message-là, il n'était pas
pour vous autres.
Une voix: N'allez pas bouder.
M. Johnson (Anjou): Mme la ministre...
La Présidente (Mme Harel): Ce n'est pas la même
présidence.
M. Johnson (Anjou): ...peut-elle nous dire... Au-delà de
la question des établissements hospitaliers, qui sont des structures
relativement bien définies, à l'égard desquelles on peut
obtenir des engagements, sans compter les obligations qu'on peut leur imposer -
il y a des moyens administratifs d'y arriver, si le gouvernement fait son
boulot, il y a moyen de faire bouger les gens aussi - il y a un problème
beaucoup plus complexe, qui est celui du Centre de services sociaux
Ville-Marie. Je vais juste résumer, je sais que la ministre est quand
même familière avec ces notions, notamment à
l'époque où elle était au gouvernement, avant 1985. Le
Centre de services sociaux Ville-Marie était un centre de services
sociaux territorial, mais pour lequel, au-delà de la configuration
territoriale dont il avait une responsabilité en vertu de la Loi sur les
services de santé et les services sociaux, il y a aussi une certaine
superposition d'une très large partie de la population anglophone,
ce
qui nous permet, à Montréal, à l'égard de
ces populations les plus fragiles, qui font appel aux services sociaux -
habituellement, ce sont des gens fragiles - d'assurer, pour l'essentiel et pour
une très forte proportion des anglophones de l'île de
Montréal, des services sociaux dans leur langue.
Cependant, il y a également des francophones dans ces
territoires, que ce soit à Dorval, à Baie-d'Urfé, à
Pointe-Claire, dans la partie extrême ouest de Montréal,
même à Dollard-des-Ormeaux, etc., qui est beaucoup plus à
l'ouest, et le transfert des effectifs des CSS aux CLSC pose un problème
pour les deux communautés, selon qu'on a affaire à l'est ou
à I'ouest de Montréal. Il était question d'entente de
services entre les CSS et les CLSC pour essayer de régler ce
problème de disponibilité de personnel dans la langue de celui ou
celle qui demande ces services. Encore une fois, il faut être conscient
qu'on a affaire à des populations qui sont plus fragiles que
d'autres.
Est-ce que la ministre considère que, dans la mesure où sa
collègue a annoncé qu'il y aurait gel des CLSC - est-ce
temporaire je ne le sais pas - il faudra du côté du CSS
Ville-Marie faire des démarches particulières pour s'assurer que
celui-ci donne des services en langue française dans les territoires que
ce CSS couvre et qui ne sont pas couverts par des CLSC? Dans le fond, on avait
un peu remis le problème. Dans la mesure où le problème du
transfert des effectifs n'était pas réglé, on
n'était pas pour essayer de régler un problème d'une
complexité pareille; s'il devait y avoir un transfert vers les CLSC, il
fallait le régler au niveau des CLSC. Maintenant qu'il n'y a plus de
CLSC, il va falloir regarder ce qui se passe au CSS.
Mme Bacon: Mme la Présidente, d'abord je fais confiance
à ma collègue, c'est évident, mais aussi aux gens qui
doivent donner les services et qui sont à l'intérieur de ces
structures du ministère des affaires sociales. Ils l'ont toujours fait -
et j'espère qu'ils continueront de le faire - dans le respect des gens
qu'ils doivent servir, qu'ils soient dans leur territoire, qu'ils soient
francophones ou anglophones. Raison de plus, maintenant, de faire en sorte que
ces services soient donnés même si nous devons avoir des
compressions budgétaires. Il y a toujours cette préoccupation de
donner aux gens des services en français là où il y a des
francophones.
Je fais extrêmement confiance aux gens qui sont aux CSS ou dans
les CLSC et qui doivent donner ces services. S'ils ont le respect de leurs
concitoyens, ils vont continuer de le faire même s'ils doivent servir
aussi des gens de langue anglaise. La plupart du temps, les francophones
reçoivent d'excellents services de ces structures.
M. Johnson (Anjou): Ouais! Ma question était
peut-être un peu technique, mais la réponse: Faisons confiance aux
gens, je la trouve inspirée par des motifs élevés, un peu
comme la fin du texte de la ministre sur la qualité de la langue
française. Mais, dans le concret, dans le quotidien, il y a des
problèmes avec les services de santé et les services sociaux en
langue française dans l'ouest de Montréal. Il faut pouvoir donner
un certain nombre de recours aux gens. Je comprends qu'on peut stimuler tout ce
qui est de l'action positive, une bonne implication des organismes, etc., mais,
quand je vois des hôpitaux de grande réputation qui prennent un
engagement de fournir des grilles en matière de sélection de
personnel pour parvenir à cet objectif et qu'ils ne l'ont pas fait
après de nombreux mois, je veux bien croire à la bonne
volonté, mais quand même, à un moment donné, c'est
clair, on est obligé de le faire comme société.
Si je prends le raisonnement de la ministre et que je le pousse plus
loin, je dis: Dans le fond, elle n'a pas besoin du tout de la Charte de la
langue française. On est conscient qu'il y a là un instrument
contraignant, c'est bien évident. Il est vrai que c'est ennuyeux
d'être obligé de légiférer pour la langue, mais
c'est notre statut en Amérique du Nord qui l'exige et on vit avec cela,
comme francophone, et c'est correct. Il faut essayer de ne pas faire des abus,
etc. Le "bon ententisme", c'est très beau, c'est merveilleux, mais cela
a fait parler le monde de "wrench" plus que de clé anglaise longtemps
sur les chantiers. À un moment donné, il faut des instruments. Ce
que je dis à la ministre - elle me répond: Oui, les gens auront
de la bonne volonté, cela marchera -c'est que ce n'est pas tout à
fait cela ma question. Il y a des endroits où cela ne marche pas. Quels
sont les recours et qu'est-ce qu'on va faire pour que cela marche? C'est cela,
ma question. Quelles sont les ressources? Au moins, à la rigueur, si
elle me répondait: Oui, on va faire des programmes incitatifs, on
engagera des gens, on mettra 250 000 $ là-dedans avec Ie3 CSS, le
General, le Royal Victoria et le St. Mary's et on réglera cela. Mais, ce
n'est pas cela. Elle nous annonce qu'il y a des coupures là comme
ailleurs. Je ne vois pas les programmes nouvellement incitatifs qui
l'aideraient. Elle me dit: La bonne volonté... La bonne volonté!
cela fait trois ans qu'ils ont promis de déposer les
critères.
Mme Bacon: L'office n'a pas ces communications constantes avec
les CSS ou les CLSC, comme semble le penser le chef de l'Opposition. Je pense
qu'il y a une loi qui doit être respectée. L'office est saisi, en
vertu de l'article 22, qui est sur
l'affichage... Lorsque la santé ou la sécurité
publique exigent l'utilisation de la langue française et d'une langue
autre que française... Cela ne semble pas causer de problèmes
dans l'ensemble des institutions. C'est cela qu'il faut dire. Le chef de
l'Opposition semble nous dire qu'il y a de graves problèmes partout.
Cela ne semble pas poser de problèmes dans l'ensemble des institutions.
Les institutions doivent s'assurer que leurs services sont disponibles dans la
langue officielle - je pense que c'est normal de l'exiger de nos institutions -
et elles doivent garantir que ces services soient donnés dan3 la langue
française. On mentionnait tantôt un hôpital anglophone, le
Jewish General. Ces gens ont donné un exemple en se conformant aux
dispositions de la loi. Chez ma collègue de la Santé et des
Services sociaux, il y a sûrement des discussions en cours
là-dessus et nous en avons ensemble. Mais il semble qu'il y a des
efforts considérables qui sont faits pour se conformer au respect de la
Charte de la langue française. S'il y avait abus, nous verrions
immédiatement a les faire corriger. (16 h 45)
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Mercier.
M. Godin: Mme la Présidente, si on vivait au ciel, je
serais totalement d'accord avec Mme la ministre, sauf que ce n'est pas le ciel.
C'est le Québec anglophone menacé d'assimilation... Par
conséquent, l'article 20 de la loi dote l'office de pouvoirs très
cohérents pour intervenir, de dents, si vous voulez, comme on dit dans
bien des cas. On appelle cela des dents. S'il n'y a pas de programmes concrets
de soumis par les hôpitaux audit office... Vous nous dites qu'il n'y a
pas de contact régulier entre l'office et lesdits hôpitaux
anglophones. Est-ce que Mme la ministre peut s'engager à ce que l'office
prenne des mesures pour qu'il y ait des contacts suivis et que l'office voie
à ce que les critères soient déposés au moins
devant lui à défaut de quoi, comme dit la loi, l'office
établira lui-même lesdits critères et lesdites
règles? Là, c'est très peu satisfaisant comme comportement
du ministère des affaires linguistiques et de l'office. Je
m'inquiète pour l'avenir des francophones dans ces hôpitaux.
Est-ce qu'il y aura d'autres personnes qui mourront dans des langues qu'elles
ne comprennent pas avec des conflits linguistiques entre les patients et les
infirmières? Cela m'inquiète pour l'avenir. J'aimerais que les
consommateurs de soins hospitaliers au Québec dans les hôpitaux
anglophones soient assurés au moins, sans devoir se battre sur des lits
de douleur ou même de mort dans certains cas, qu'il y aura des services
pour ces personnes-là dans leur langue pour éviter les conflits
qu'on a vécus dans le passé.
Mme Bacon: Mme la Présidente, on mentionne l'article 20,
mais je crois qu'on veut dire l'article 23 qui dit que "les organismes et
services reconnus en vertu du paragraphe f de l'article 113 doivent assurer que
leurs services au public sont disponibles dans la langue officielle. Ils
doivent rédiger dans la langue officielle les avis, communications et
imprimés destinés au public. Ils doivent élaborer les
mesures nécessaires pour que leurs services au public soient disponibles
dans la langue officielle ainsi que des critères et des modalités
de vérification de la connaissance de la langue officielle aux fins de
l'application du présent article", de l'article 23.
M. Godin: "Ces mesures, critères et modalités sont
soumis à l'approbation de l'office."
Mme Bacon: Sont soumis à l'approbation de l'office.
M. Godin: On me dit que cela ne se fait pas, madame. Vous me
dites que les contacts entre l'office et ces organismes sont distendus, pour ne
pas dire distants, pour ne pas dire inexistants.
Mme Bacon: Je dis que certains organismes - je l'ai dit
tantôt, je le redis, je répète - se plient aux exigences de
l'article 23. Il y en a d'autres qui sont plus lents à le faire et avec
lesquels on continue à travailler pour que cela se fasse.
M. Godin: Est-ce que l'office a lui-même
préparé dans sa grande sagesse les critères et
modalités pour couvrir ceux qui ne feraient pas ces rapports à
l'office?
Mme Bacon: Tout cela existe, Mme la Présidente.
M. Godin: Est-ce qu'on peut avoir cela dans des délais
raisonnables?
Mme Bacon: On vous les fera parvenir. M. Godin: Merci, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Viger, sur cette question.
M. Maciocia: Oui, sur cette question, Mme la Présidente.
C'est simplement pour dire qu'à un certain moment le chef de
l'Opposition a dit que cela faisait trois ans que ces organismes avaient promis
de se conformer. Je ne comprends pas qu'il se soit aperçu de ce manque,
si on peut dire, après trois ans. Tout cela pour dire: Qu'on donne quand
même à Mme la ministre la possibilité - cela fait seulement
quatre mois qu'elle est là - de vérifier vraiment si ces
organismes
ne se sont pas conformés et, s'ils ne se sont pas
conformés, sûrement que Mme la ministre et l'Office de la langue
française vont faire tout leur possible pour qu'ils se conforment. Je ne
vois pas comment on peut dire: Pourquoi ne faites-vous pas cela? Cela fait
trois ans, avez-vous dit.
M. Godin: On est ici pour cela. M. Johnson (Anjou): D'une
part...
M. Maciocia: Cela fait trois ans, avez-vous dit. Vous vous
apercevez de cela après trois ans.
M. Godin: Pour nos commettants.
La Présidente (Mme Harel): J'aimerais qu'on évite
ce genre d'intervention, M. le député de Viger, parce que,
dorénavant, les réponses, c'est de ce côté
maintenant qu'elles doivent être apportées et les questions, c'est
de ce côté qu'elles sont posées. M. le député
de Viger peut certainement intervenir à ce moment-ci auprès de
Mme la ministre des Affaires culturelles. Voulez-vous poursuivre votre
intervention?
M. Maciacia: Non. C'était une observation que je voulais
faire, Mme la Présidente, et je considère que c'était
très approprié à ce moment-ci.
M. Johnson (Anjou): Je ne veux pas entrer dans un dialogue
là-dessus, Mme la Présidente, mais, dans le fond, c'est cela que
cela met en cause, je pense, et c'est cela qu'on voulait illustrer pour la
ministre. Il y a une résistance dans certains milieux. Cette
résistance, les ministres responsables de l'application de la charte
l'ont bien vue. D'abord, fallait-il l'adopter. La résistance
était même dans le Parlement, en face de nous autres au
début, et on s'en souvient.
Deuxièmement, il y a des résistances d'un certain nombre
de milieux. C'est pour cela que la loi, finalement, malgré toutes les
méchancetés qu'on a dites à son sujet, les horreurs qu'on
a pu écrire notamment dans la presse hors Québec - je veux
inclure là une bonne partie de la presse américaine
rédigée par des gens qui venaient de Toronto, qui venaient faire
leur tour ici et qui n'étaient pas contents. Les ministres successifs
ont eu à exercer des pressions considérables.
La loi a beau être là, mais je dis à la ministre
qu'elle est difficile à faire appliquer, extrêmement difficile.
C'est pour cela d'ailleurs que, quand certains milieux se font envoyer un
signal qu'ils ne seront pas poursuivis, c'est encore plus compliqué.
C'est cela la réalité et la dynamique de la francisation, qu'on
aime cela ou non. Cela fait partie de la vie. Il faut apprendre à vivre
avec cela comme une contrainte quand on est au gouvernement et ce n'est pas un
drame. C'est sérieux. C'est suffisamment sérieux pour qu'on
demande à la ministre de nous instruire sur ses intentions. Mon
collègue de Mercier qui a assumé le même type de
responsabilités que la ministre pendant un certain nombre de mois et
d'années a été témoin de ces résistances. La
simple réponse que lui donne la ministre est la lecture de l'article 23
de la loi. Ce qu'on lui dit c'est que ce n'est pas suffisant. Cela prend plus
que cela. Cela prend plus que de dire: Oui, l'article est là. Le
problème, c'est la mise en vigueur de la francisation en milieu
d'entreprises et au niveau des services offerts aux citoyens. C'est cela la
dynamique actuellement, bien au-delà de la question d'affichage qui est
une tout autre affaire mais qui est aussi symptomatique de la résistance
et des noyaux durs parfois qu'on frappe dans ces questions assez importantes et
du fait qu'on ne pourra jamais rien tenir pour acquis dans la mesure où
nous sommes une minorité sur ce continent.
Ce qui m'amène à poser une question peut-être
d'ordre un peu plus général, ce dans quoi, d'ailleurs, la
ministre excelle, je dois le dire et je le dis avec l'admiration d'un
collègue de l'Assemblée qui la voit aller. Je voudrais que la
ministre m'entretienne sur sa vision de la symétrie qui existerait,
d'après elle, entre la situation des Franco-Manitobains et des
Anglo-Québécois. Je crois que cela est très important sur
le plan des principes, des idées et de la philosophie, car cela guidera,
je crois, beaucoup le gouvernement dans les décisions qu'il aura
à prendre, notamment dans la cohésion à assurer avec la
constitution de 1982, le "Canada Bill" qui a maintenant changé de nom,
c'est bien connu, la question de la réciprocité en matière
linguistique, le côté unilatéral que le Québec s'est
donné, notamment par la loi 57, pour reconnaître, par exemple, la
réciprocité en matière scolaire à l'égard du
Nouveau-Brunswick, sans pour autant attendre un accord de
réciprocité.
Avant d'entrer dans toutes ces questions qui, je le sais, fascinent et
intéressent le ministre de l'Éducation, malgré le fait
qu'à ce moment il doive bâiller - je sais qu'il est absolument
préoccupé par cette question - j'aimerais savoir si la ministre
considère que la situation des anglophones au Québec est une
situation similaire aux francophones du Manitoba, sur le plan sociologique,
politique. Comment voit-elle cela?
Mme Bacon: Mme la Présidente, j'ai l'impression que le
chef de l'Opposition s'égare. Avant de répondre à cette
question, j'aimerais peut-être relever ce qu'il disait tantôt,
compte tenu des résistances qu'il dit avoir senties à
l'Assemblée nationale face à
l'adoption de la loi 101, résistances qu'il disait sentir du
côté de l'Opposition officielle. 3e ne pense pas avoir de
leçon de morale à recevoir du chef de l'Opposition quant à
la défense du français par les parlementaires que nous sommes.
Avant la loi 101 - cela, le chef de l'Opposition semble l'oublier - il y a eu
d'autres lois qui ont été adoptées en cette Chambre pour
protéger la langue française. La loi 22 nous a fait perdre le
pouvoir et j'ai perdu mon siège. Je n'ai pas à recevoir de
leçon de morale du chef de l'Opposition. S'il veut être
sérieux dans les questions qu'il pose, je pense qu'il pourrait quand
même regarder - nous étudions toujours, j'aîmerais vous le
rappeler, les budgets de nos différents organismes -davantage ce qui se
fait dans chacun des organismes. Je ne le sais pas, j'ai l'impression qu'on
n'est pas ici pour faire les pitres. Je pense qu'il faut être
sérieux à l'étude des crédits des organismes qui
sont régis pas la loi 101.
Je ne commencerai pas aujourd'hui à faire des comparaisons sur
tous les dossiers qui existent ici, au Québec, et en dehors du
Québec. Je suis ici pour répondre aux questions des membres de
cette Assemblée suivant les préoccupations qui sont les miennes
et, en même temps, aussi les responsabilités qui sont les
miennes.
M. Johnson (Anjou): Mme la Présidente...
Mme Bacon: Je ne pense pas... Mme la Présidente, je n'ai
pas terminé.
M. Johnson (Anjou): Pardon.
Mme Bacon: Je ne pense pas que je doive répondre à
des questions de mise en boîte, si on n'a pas d'autres questions à
poser. Je veux tout simplement dire, en réponse à cette question
du chef de l'Opposition, que tout ce qui est mal fait ailleurs ne sera pas
répété ici et ce qui est bien fait ailleurs sera aussi
suivi ici et respecté. Je pense que nous n'avons pas de leçon
à recevoir de qui que ce soit.
La Présidente (Mme Harel): M. le chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): Je veux simplement rassurer la ministre qui,
de toute évidence, a comme un sérieux problème. Qu'elle ne
considère pas cette commission comme étant une commission de
l'éducation permanente. Ce n'est pas vrai que je passe mon temps
à lui faire des leçons. Ce n'est pas une commission de
l'éducation permanente où je ferai des leçons. Je me
permets simplement de demander un certain nombre de choses à la
vice-première ministre du Québec, responsable de la promotion de
la langue française. Je lui demande simplement des détails sur un
certain nombre de choses et, là, elle nous explique que, non, on se
trompe de programme, on devrait changer les gens autour de la table. Elle ne
pourrait pas répondre sur tous les détails. Quand je lui pose des
questions d'ordre, comment dirais-je, philosophique, sur ce qui l'inspire
profondément dans ses orientations, quels sont les grands principes,
là, elle nous répond qu'on devrait peut-être parler des
détails.
Je dis à la ministre que, oui, c'est sa responsabilité
comme vice-première ministre, indépendamment des leçons
qu'elle croirait penser que je lui donne. Si elle se sent comme une
écolière, c'est son problème, je ne lui donne pas de
leçon. Je lui pose des questions. Elle ne se sortira pas des commissions
parlementaires, tant qu'elle sera ministre, si elle n'accepte pas que les
députés de l'Opposition lui posent des questions. Ce que je lui
demande, très concrètement, c'est ceci. L'arrêt Macdonald,
qui vient de sortir de la Cour suprême cet après-midi, vient de
dire qu'une contravention en matière de circulation à
Montréal ne va pas à l'encontre de l'article 133. Donc, il n'y a
pas d'obligation à ce qu'elle soit bilingue. Alliance Québec
réclame des modifications législatives pour qu'on oblige la
bilinguisation d'un certain nombre d'activités comme celles-là.
Alliance Québec réclame la même chose du Manitoba pour les
Franco-Manitobains, comme les groupes de Franco-Manitobains réclament la
même chose de leur gouvernement provincial.
La question que je pose à la ministre sur les fondements de ce
qu'est une politique linguistique, c'est: Est-ce qu'elle considère qu'en
matière linguistique il faille équivaloir les Franco-Manitobains
et les Anglo-Québécois? Il me semble que c'est clair. Il me
semble que je ne lui fais pas de leçon. Je lui demande simplement quel
est le fondement de son action en matière linguistique, notamment
à l'égard des questions qui touchent les services bilingues et
l'article 133. Il me semble que c'est clair. Si la ministre n'a pas de
réponse, très bien, qu'elle nous dise qu'elle n'a pas de
réponse. J'en prendrai acte. Je ne me passerai pas de lui poser une
question comme cela. Si elle continue d'utiliser le subterfuge des
leçons présumées que je lui ferais pour ne pas
répondre, très bien. J'en prends acte. C'est son droit et je le
respecte. Je prends acte qu'elle ne répond pas. Peut-être qu'un
autre ministre pourrait nous répondre. Le ministre de la Justice, par
exemple.
M. Marx: C'est bien facile. Avez-vous lu le programme 2 de la
charte...
La Présidente (Mme Harel): M. le ministre de la Justice,
nous étudions
actuellement les crédits des Affaires culturelles et je pense
qu'en tant que présidente de cette commission il y a une règle
de... (17 heures)
M. Marx: Juste un point, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Harel): Oui.
M. Marx: Hier, quand nous avons fait l'étude des
crédits en matière de justice, j'ai attendu impatiemment la venue
du chef de l'Opposition, mais il n'est pas venu, malheureusement. Maintenant,
c'est trop tard, il aura l'occasion l'an prochain, une autre fois.
La Présidente (Mme Harel): M. le ministre de la Justice, vous
savez bien qu'il n'y a pas de règlement qui sous-tend la question que
vous venez de poser. Alors, j'inviterais les membres de cette commission
à poursuivre l'étude du programme 6. À moins que Mme la
ministre ne veuille à ce moment intervenir, je laisserai la parole au
chef de l'Opposition.
Les "illégaux"
M. Johnson (Anjou): J'aurais une question au sujet de ce qu'on
appelle les "illégaux" ou l'amnistie aux clandestins, ce qu'on voudra.
Sur ce problème des 1500 enfants dans le système scolaire surtout
dans la région de Montréal et particulièrement dans le
secteur anglo-catholique si je ne me trompé pas, j'aurais une
série de questions à poser à la ministre. Est-ce que la
ministre accepterait de répandre à des questions sur cela?
Mme Bacon: Mme la Présidente, j'aimerais rappeler au chef
de l'Opposition que ia question des "illégaux" relève,
évidemment, de la loi 101. Mais c'est la responsabilité du
ministre de l'Éducation qui était ici avec nous tout à
l'heure et on n'a pas posé cette question pendant que le ministre de
l'Éducation était présent avec nous. Je ne suis pas
responsable de cette partie de la charte, c'est le ministre de
l'Éducation qui en est responsable.
M. Johnson (Anjou): Ma question s'adresse à la ministre
responsable de la loi 101, Mme la Présidente.
Mme Bacon: Cette section de la toi est la responsabilité
du ministre de l'Éducation, Mme la Présidente, et le chef de
l'Opposition sait cela.
M. Johnson (Anjou): Est-ce que la ministre a été
consultée, à titre de ministre responsable de la politique
linguistique et de la promotion du français, sur la question dite des
"illégaux"?
Mme Bacon: Nous avons été consultés, Mme la
Présidente, tant au niveau des fonctionnaires qu'au niveau
ministériel.
M. Johnson (Anjou): Est-ce que la ministre a fait établir
par ses services ou par l'un des organismes qui relèvent de sa
responsabilité des projections et des analyses numériques
quantifiées quant aux effets d'une normalisation totale du statut des
1500, cette normalisation ou cette amnistie s'appliquant aux frères et
soeurs et aux descendants et, donc, aux descendants des frères et soeurs
aussi par définition qui auraient les mêmes droits? Est-ce que la
ministre a fait faire un certain nombre d'études quant aux
conséquences chiffrées sur le plan démographique d'une
telle disposition?
Mme Bacon: Mme la Présidente, le ministère de
l'Éducation a fait toutes les études quant à ce
problème des "illégaux" puisque cette section de la loi 101 est
sous la responsabilité du ministre de l'Éducation. Je ne sens pas
le besoin - et nous ne devons pas le faire - de faire double emploi quant
à ces études. Le ministère de l'Éducation et le
ministre de l'Éducation sont suffisamment responsables pour faire les
études nécessaires et en faire part à celle qui vous
parle.
M. Johnson (Anjou): Quant à nous, nous accepterions que
son collègue de l'Éducation nous instruise à ce sujet.
Est-ce que la ministre consent à ce que son collègue nous en
parle?
Mme Bacon: Non seulement j'y consens, mais maintenant qu'il est
de retour je trouve tout à fait normal qu'il vous donne les informations
qu'il aurait pu vous donner s'il avait été là tout
à l'heure.
M. Johnson (Anjou): Je vous remercie, madame.
La Présidente (Mme Harel): Je vous rappelle qu'il faut le
consentement unanime des membres de la commission.
Des voix: Accordé.
La Présidente (Mme Harel): Nous pouvons compter sur ce
consentement.
Une voix: Comme pour M. Marx.
La Présidente (Mme Harel): Pour tout de suite, c'est un
consentement pour une intervention du ministre de l'Éducation en
réponse au chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): Puisque le ministre
de l'Éducation est là et que c'est lui qui répondra
à ces questions, j'aurais un certain nombre de questions à lui
poser préliminaires à celles-ci. D'une part, pourrait-il nous
dire quel était le mandat exact de la commission Rondeau et quelle
était sa composition? Deuxièmement, est-ce que la commission
Rondeau a confié un certain nombre d'études
démographiques, juridiques à certaines personnes et à
certains groupes et est-ce que ces documents seraient disponibles?
Troisièmement, est-ce que, dans ces études ou dans
l'évaluation qu'aurait faite la commission elle-même, on a fait
ces projections sur un plan démographique des conséquences de
l'octroi, fût-il hypothétique, jusqu'à ce qu'une loi soit
déposée, d'un statut d'accès à l'école
anglaise pour ceux qu'on a appelé les "illégaux" - les 1500 ou
les 1800 leurs frères et soeurs, ainsi que leurs descendants?
M. Ryan: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Harel): Avec le consentement, M. le
ministre de l'Éducation.
M. Johnson (Anjou): On va peut-être avoir des
réponses!
M. Marx: Je m'excuse, Mme la Présidente, sur une question
de règlement. Il y a l'article 132. J'aimerais vous le lire: "Le
député qui n'e3t pas membre d'une commission peut, avec la
permission de cette dernière, participer à ses
délibérations, mais ne peut y voter ni y présenter de
motion. Cette permission n'est pas requise lorsqu'une commission étudie
les crédits." Donc, tous les députés ont le droit de
parler à cette commission et je pense qu'il faut enlever la censure
qu'on a imposée à certains députés.
La Présidente (Mme Harel): Vous avez en partie tort et en
partie raison. Vous avez en partie raison, dans ce sens que l'article 132
s'applique à tous les députés qui veulent interroger la
ministre sur ses crédits. Mais vous avez en partie tort, parce que les
députés ne le font qu'à titre de députés
pour interroger la ministre titulaire sur ses crédits et non pas,
à la place de la ministre et avec le consentement de la ministre, pour
répondre à des questions d'autres membres de la commission.
C'est un précédent et nous pouvons le faire avec le
consentement de tous et le consentement de la ministre en premier lieu, mais je
ne sache pas que, jusqu'à maintenant, l'étude des crédits
d'un ministère se soit poursuivi avec la présence ou avec la
collaboration d'autres ministres. Mais, puisque c'est le cas et puisque c'est
requis sans doute par l'étude de ce dossier, avec le consentement de la
ministre et de la commission, je vais inviter le ministre de l'Éducation
à répondre aux questions.
M. Marx: Mme la Présidente, je ne veux pas insister sur ce
point, mais à l'article 132 on parle de "délibérations".
Je pense que chaque député pourrait faire une observation, le cas
échéant, sans poser nécessairement de questions. Le chef
de l'Opposition a fait assez d'observations aujourd'hui sans poser de
questions. Il a même pris peut-être une heure à faire des
observations avant de poser une question. Donc, je pense que chaque
député de l'Assemblée nationale a le droit de faire des
observations ou de poser des questions, le cas échéant.
Je me souviens qu'à cette commission ou à une autre
commission l'ancien député de Sainte-Marie a insisté sur
ce point et le président, à l'époque, lui a reconnu le
droit de participer aux délibérations de n'importe quelle
commission.
La Présidente (Mme Harel): À tous les membres de la
commission, je vais dire ceci: Nous travaillons d'abord à
l'intérieur d'une enveloppe de temps qui a été
répartie entre les deux leaders de nos formations politiques. Il y a,
évidemment, toujours la règle de la pertinence qui s'applique
à nos travaux. D'autre part, tout député peut, lors de
l'étude des crédits, intervenir dans les
délibérations, mais non pas se substituer à
l'exécutif qui doit répondre des crédits. Donc, dans ce
cas présent, je vais inviter...
Mme la ministre, vous aviez une question de règlement?
Mme Bacon: Je voulais tout simplement faire remarquer à la
commission, Mme la Présidente, que la section de la loi 101 qui touche
à l'éducation est la responsabilité de mon collègue
de l'Éducation. Je pense que le chef de l'Opposition était
très conscient, quand il me posait les questions, que je ne pouvais y
répondre. Seul le ministre de l'Éducation pouvait lui donner ses
réponses.
La Présidente (Mme Harel): C'est donc avec le consentement
unanime que nous allons maintenant entendre le ministre de l'Éducation,
à la suite des questions posées par le chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): Mme la Présidente, vous
permettez...
La Présidente (Mme Harel): M. le chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): ...juste avant de laisser la parole au
ministre de l'Éducation... Il sait très bien qu'on va
l'entendre.
M. Ryan: Je n'en suis pas encore sûr encorel
M. Johnson (Anjou): Je n'ai pas dit "le comprendre", j'ai dit
"l'entendre". Je veux simplement relever ce que vient de dire la ministre. Je
sais que l'administration des dispositions en matière scolaire
relève du ministre de l'Éducation, sans doute, d'ailleurs, en
vertu d'un décret. Probablement que, dans ses attributions, le ministre
a eu, en vertu de la Loi sur l'exécutif, un décret
spécifique se référant à la loi.
Mme Bacon: Cela a été déposé à
l'Assemblée nationale.
M. Johnson (Anjou): Cela dit, les organismes qui relèvent
de la ministre ont des fonctions d'évaluation, notamment le conseil et,
en particulier, l'office. La question que je posais à la ministre,
c'était dans le but de savoir si ces organismes avaient fait des
études en termes d'impact éventuel de ce type de décision.
Je crois que cela relevait de la ministre.
Mme Bacon: Vous avez eu votre réponse.
M. Johnson (Anjou): La réponse est non, si je comprends
bien.
Mme Bacon: La réponse, c'est que je faisais confiance
à ce qui se fait.
M. Johnson (Anjou): Donc, vous n'avez pas demandé d'avis
aux organismes?
Mme Bacons Non.
M. Johnson (Anjou): Bon. Voilà!
La Présidente (Mme Harel): M. le ministre de
l'Éducation.
Mme Bacon: On ne fait pas double emploi.
M. Marx: On ne veut pas perdre d'argent.
Mme Bacon: II ne reste pas suffisamment d'argent dans les
caisses.
La Présidente (Mme Harel): Je vais demander la collaboration de
tous pour que nous poursuivions nos travaux dans l'ordre. J'inviterai à
ce moment-ci M. le ministre de l'Éducation à faire son
intervention.
M. Ryan: Oui, Mme la Présidente. Il y a seulement une
question que je voudrais clarifier avec vous, d'abord, Mme la
Présidente. Les questions qui intéressent présentement le
chef de l'Opposition ont déjà été examinées
à la commission parlementaire de l'éducation à l'occasion
de l'étude des crédits de ce ministère. Je n'ai pas
d'objection à ce qu'on recommence ici les discussions qui ont eu lieu
à l'autre endroit où on aurait bien aimé rencontrer le
chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): On aime vous entendre.
M. Ryan: Mais, si c'est de consentement unanime que vous voulez
consentir à cette exception, je le ferai avec plaisir.
M. Johnson (Anjou): C'est parce qu'on aime vous entendre.
M. Ryan: Je vais essayer d'être aimable.
Une voix: "One more time."
M. Ryan: Mme la Présidente, je crois que la
première partie de la question du chef de l'Opposition portait sur le
mandat et la composition du groupe de travail présidé par M.
Jean-Claude Rondeau.
Une voix: Tu y as déjà répondu, à
celle-là.
M. Ryan: Mais il me fait plaisir de répondre encore une
fois. Le groupe de travail était composé, comme le sait sans
doute le chef de l'Opposition, des personnes suivantes: le président
était M. Jean-Claude Rondeau que j'ai le grand plaisir d'avoir à
mon bureau comme conseiller spécial. M. Jean-Claude Rondeau, pour ceux
qui ont semblé l'ignorer depuis quelques jours, est une des
personnalités les mieux connues du monde de l'éducation au
Québec. Il a été directeur général de la
Commission des écoles catholiques de Montréal pendant trois ans
après avoir occupé au sein de cet organisme des fonctions
responsables qui lui ont gagné l'admiration pratiquement universelle des
milieux éducatifs de Montréal. Lorsque j'ai... Pardon?
M. Godin: Incluant l'Alliance des professeurs de
Montréal.
M. Ryan: Y compris, phénomène assez exceptionnel,
l'Alliance des professeurs de Montréal. Tout le monde se souvient que,
lorsqu'il fut remercié de ses services comme directeur
général, on s'est posé toutes sortes de questions.
Moi-même, je m'en suis posé, mais il n'entrait pas dans mes
attributions de me substituer à la Commission des écoles
catholiques de Montréal. Lorsque j'ai eu mes décisions à
prendre, une fois que j'eus été nommé ministre de
l'Éducation, j'ai considéré que c'était une
personnalité très compétente, très impartiale que
je serais heureux de m'adjoindre comme conseiller. Je ne pouvais trouver de
personne plus objective, impartiale
et efficace pour diriger ce groupe de travail que M. Jean-Claude Rondeau
qui n'a jamais été identifié, à ma connaissance, ni
comme un militant péquiste, ni comme un militant libéral. Je ne
lui ai demandé aucun acte de foi avant de l'engager, me fiant sur sa
compétence.
Ensuite, il y avait M. Gérald Brown, qui est le directeur des
services aux anglophones au ministère de l'Éducation, un homme
qui, je pense, par sa fonction même, peut être
considéré comme éminemment respectable au chapitre de
l'objectivité. Je suis heureux de dire, entre parenthèses, que
j'ai trouvé chez mes collaborateurs du ministère de
l'Éducation une attitude de grande objectivité devant des
questions délicates comme celle-ci, devant toutes les questions que nous
avons été appelés à traiter ensemble.
Ensuite, il y avait M. Jeff Polenz, qui est attaché politique
à mon cabinet de ministre de l'Éducation. M. Polenz a
travaillé pendant sept ans comme conseiller technique auprès de
l'Association des enseignants protestants de la commission scolaire du
Lakeshore. C'est un jeune homme d'origine polonaise, comme son nom l'indique
assez bien. Il était entré il y a à peu près un an
au service du groupe Alliance Québec. Je vous dirai ce qui est
arrivé en toute simplicité pour que vous sachiez toute
l'histoire. Un jour, après la formation du gouvernement, j'ai
rencontré les membres du groupe Alliance Québec qui m'ont fait
toutes sortes de représentations, y compris, vous pourrez le deviner,
une suggestion voulant que je m'assure de la présence d'un conseiller de
langue anglaise à mon cabinet. J'ai dit au président du groupe
s'il avait des suggestions à me faire, de me les transmettre, que j'en
serais très heureux. J'ai attendu pendant quelques jours. Je n'en ai
point reçu. (17 h 15)
Mais j'avais remarqué, au cours de la conversation, qu'il y avait
un jeune homme qui ne disait pas un mot, mais dont les yeux brillaient d'une
manière un peu spéciale. J'avais eu l'occasion de le voir
à l'oeuvre antérieurement et j'ai appelé M. Polenz, je
l'ai fait appeler par mon directeur de cabinet. C'est la plus belle acquisition
que j'aie pu faire en fait de personne capable d'assurer une bonne liaison du
côté des milieux anglophones et des milieux ethniques. Je pense
que, si l'Opposition a le plaisir de connaître M. Polenz, elle
appréciera sûrement son objectivité et, si elle ne le
connaît pas, c'est une grande carence chez elle.
Une voix: Et chez lui.
M. Ryan: Oui, je suis sûr que lui-même le regrette si
tel n'est point le cas. Je ne me suis point enquis de ces choses. Je ne
surveille pas ses fréquentations.
Un autre membre du groupe était M. Michael Machiagodéna.
Je pense que vous reconnaîtrez tous qu'il s'agit d'un nom italien. M.
Machiagodéna est un homme originaire de Victoriaville, non pas d'Italie.
Il a fait toutes ses études au secteur catholique français de nos
écoles, sauf au niveau universitaire où il est allé
à une université de langue anglaise. II est directeur
général adjoint du secteur anglophone à la Commission des
écoles catholiques de Montréal, par conséquent un
éducateur de carrière.
Il y avait, finalement, M. William Cusano, député de Viau,
whip adjoint de l'Opposition, ancien éducateur bien connu, qui a
été enseignant à Montréal, directeur d'école
et qui, par conséquent, pouvait rn'apporter la note politique dont
j'estimais avoir besoin, étant donné le caractère
éminemment politique de cette situation.
J'ai choisi ces personnes pour deux raisons: parce qu'avec ces personnes
je n'étais pas obligé d'aller voir M. Gobeil pour avoir des
traitements, c'était gratuit. Je n'étais pas obligé de
demander de CT ou tout ce que vous voudrez.
Une voix: Une dérogation.
M. Ryan: Non justement, pas de dérogation.
M. Johnson (Anjou): Pas de dérogation, pas de 400 $ par
jour, rien de même.
M. Ryan: Je savais que j'aurais un rapport rapide. Je savais
qu'il s'agissait de personnes qui étaient toutes éminemment
informées de la situation. On n'était pas obligé de leur
faire un dessin pour leur dire comment marchait le Bureau
d'admissibilité à l'enseignement en anglais, comment fonctionne
la commission d'appel, comment se font les inscriptions dans les commissions
scolaires concernées; ils étaient éminemment au courant,
ce qui leur a permis de faire le travail qui leur avait été
confié beaucoup plus rapidement.
Au comité, j'avais confié la mission suivante... J'ouvre
une parenthèse, je ne sais pas si le chef de l'Opposition a reçu
le rapport de M. Rondeau. Apparemment non, parce qu'il aurait trouvé les
réponses à ses questions dans le rapport.
M. Marx: De toute façon, il ne veut pas être
confondu avec les faits.
M. Ryan: Alors, si cette question intéresse vraiment le
chef de l'Opposition, je lui transmettrai volontiers le rapport du
comité Rondeau. Mais, je vois qu'on le dérange quand il pose des
questions délicates.
Le groupe de travail avait reçu la
mission suivante: premièrement, avec la collaboration des
commissions scolaires, des enseignants, des cadres d'école et des
parents concernés, identifier les diverses catégories
d'élèves impliqués dans le problème;
deuxièmement, identifier les mesures législatives,
administratives ou autres nécessaires à la solution du
problème; troisièmement, application et interprétation de
la loi 101 par le ministère de l'Education et les organismes relevant de
ce dernier, y compris le Bureau d'admissibilité à l'enseignement
en anglais et la commission d'appel; un autre point, application et
interprétation de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et
libertés par le ministère de l'Éducation et les organismes
relevant de celui-ci, y compris le Bureau d'admissibilité à
l'enseignement en anglais et la commission d'appel; finalement, application et
interprétation des règlements portant sur les articles 81 et 85
de la loi 101 par le Bureau d'admissibilité à l'enseignement en
anglais et la commission d'appel.
C'est sur ces points que le groupe de travail a fonctionné; son
mandat lui fut donné le 21 février et son rapport me fut remis
à la fin d'avril. Par conséquent, il a préparé son
travail en l'espace de deux mois. Il faut dire que j'avais ajouté une
précision à l'intention du groupe de travail. Je lui avais dit:
Si nous devons régler ce problème, il faut le régler en
vue de la prochaine année scolaire. Si nous laissons passer la prochaine
année scolaire, je pense que, à ce moment-là, les chances
de régler deviennent infiniment réduites. Alors, ils m'ont remis
ce rapport dans un délai très intéressant. Je l'ai
reçu il y a à peu près une douzaine de jours. Je l'ai
rendu public la semaine dernière. Je ne sais pas si le chef de
l'Opposition veut continuer dans la veine de ses questions.
M. Johnson (Anjou): J'avais une question, tout cela m'amenait
à dire: Est-ce que dans le cadre de ce mandat, les personnes dont vous
nous avez donné le curriculum ont effectué une étude sur
des projections démographiques, une étude de nature quantitative
sur ce que représenterait la prolongation aux frères, soeurs et
descendants et, donc, aux descendants des frères et soeurs
également, des droits en vertu de l'article 23 de la charte canadienne
ou en vertu de certaines dispositions d'une loi de portée
générale que vous voudriez faire adopter?
M. Ryan: À ma connaissance, ils n'ont pas fait
d'étude de ce genre. Personnellement, je serais plutôt enclin a
les en féliciter parce que les projections démographiques qui
nous avaient été faites il y a 20 ans ont été
tellement démenties par les développements des deux
dernières décennies que ce serait plutôt imprudent pour le
législateur de se fonder sur des études de ce genre-là
pour le genre de décisions que nous avions à prendre. Cependant,
dans le rapport que le groupe de travail m'a soumis, vous trouverez des
données extrêmement intéressantes qui fournissent des
paramètres que vous souhaitez.
En voici des exemples. Tout d'abord, ils ont examiné
l'évolution des inscriptions scolaires au cours de la dernière
décennie. Ils ont constaté la chose suivante: tandis que les
francophones représentent à peu près 81 % ou 82 % de la
population totale du Québec en date du dernier recensement - et en date
d'aujourd'hui, car il n'y a pas beaucoup de changements qui peuvent
s'être produits de ce côté-là parce que ces grands
pourcentages prennent plus de temps que cela pour évoluer - la
proportion des élèves qui sont inscrits à l'enseignement
français à notre système d'enseignement est maintenant de
89 % à comparer à 82 % ou 83 % il y a une dizaine
d'années. Par conséquent, il y a eu une progression
considérable attribuable aux différentes mesures de la loi 22
pour commencer et de la loi 101 ensuite. On doit reconnaître cela. Des
départs se sont également produits pour d'autres raisons. Par
conséquent, la commission nous dit qu'il y a une marge de
sécurité. Nous ne sommes plus en situation d'alarme de ce point
de vue là. La fréquentation des écoles françaises
est beaucoup plus forte qu'autrefois.
Un deuxième fait venait s'ajouter à celui-ci. En plus des
élèves de langue française qui sont inscrits à
l'enseignement français, on a une proportion croissante
d'élèves anglophones que leurs parents inscrivent volontairement
aux écoles françaises. Le nombre de ceux-là est
sûrement aujourd'hui de 25 000 à 30 000.
Par conséquent, il y a une marge de sécurité qu'on
n'avait pas il y a une dizaine d'années quand il a fallu que le
législateur se décide à intervenir dans ces questions.
Même si on faisait une étude extrêmement poussée qui
serait, encore une fois, très difficile et fort peu éclairante
étant donné le nombre très peu élevé de
personnes impliquées, M. le chef de l'Opposition, je pense que cela ne
changerait pas la tendance générale. C'est un facteur dont a tenu
compte la commission Rondeau pour proposer les conclusions que l'on trouve
à la fin de son rapport.
En plus, je dois ajouter, comme me le suggère le
député de Saint-Louis, que les coure par immersion ont connu un
développement considérable dans les écoles anglaises.
Aujourd'hui, dans. plusieurs commissions scolaires anglophones, une proportion
très importante des élèves reçoivent la presque
totalité de leur enseignement primaire dans des périodes
où l'enseignement est donné en français. Par
conséquent, il y a toute une
série de développements qui sont survenus au cours des dix
dernières années qui nous invitent à voir un
problème comme celui qui nous restait...
Là, je voudrais prendre une attitude la plus comprehensive
possible. On a échangé des propos un peu vifs à
l'Assemblée nationale ces jours-ci. J'espère bien que nous allons
pouvoir régler ce problème-là non sans passion, comme le
disait le chef de l'Opposition, mais, je pense, en faisant primer la raison sur
la passion. Il me semble que c'est la tâche de l'homme politique de faire
en sorte que, si les passions sont un ingrédient de la vie politique,
elles doivent être toujours subordonnées à l'exercice de la
raison. Je pense que, si nous tenons compte de tous ces facteurs, il y a moyen
que nous trouvions ensemble un terrain d'entente pour trouver une solution
à ce problème-là.
Je pense que je vais vous faire une confidence, Mme la
Présidente, qui va vous intéresser. Quand je suis arrivé
au ministère de l'Éducation...
M. Johnson (Anjou): C'est parce que je vais avoir d'autres
questions à poser à la ministre, si le ministre me le permet.
M. Ryan: Pas de problème.
M. Johnson (Anjou): On veut bien entendre ses confidences.
M. Marx: Mme la Présidente, on aimerait entendre les
confidences.
Mme Bacon: Allez-y.
La Présidente (Mme Harel): Consentement unanime. Alors,
nous entendons les confidences.
M. Marx: Oui. De toute façon, il peut parler pendant 20
minutes, parce que cela n'arrive pas souvent.
M. Johnson (Anjou): Suite au prochain épisode.
M. Godin: Dans ses mémoires peut-être.
Mme Bacon: Cela passionne tellement le chef de l'Opposition, Mme
la Présidente, laissez aller le ministre de l'Éducation.
M. Marx: On écoute.
M. Johnson (Anjou): Mme la Présidente...
Mme Bacon: Le ministre de l'Éducation n'a pas
terminé.
M. Johnson (Anjou): Je veux bien, mais il est 17 h 25. Je n'ai
pas d'objection à ce qu'on libère Mme la ministre à 18
heures plutôt qu'à 18 h 15, mais j'aurais quand même
quelques autres questions à poser.
La vice-première ministre, responsable de la loi 101 à
l'exception de la dimension qui touche la question scolaire proprement dite,
nous disait tout à l'heure que, comme elle ne voulait pas faire double
emploi, elle avait pris la décision de ne pas demander à ces
organismes de faire un certain nombre d'études. Dans le fond, c'est
qu'il n'y a pas eu d'emploi du tout. Votre commission, non plus, n'a pas fait
d'étude. Vous me dites: Dans le fond, ils n'en ont pas fait de
projections démographiques sur le nombre des frères et soeurs,
etc. Mme la vice-première ministre nous disait qu'elle n'avait pas
demandé cela à ces organismes parce qu'elle ne voulait pas faire
double emploi. Ce qu'on découvre, c'est qu'il n'y en a pas eu,
finalement. C'est cela que je comprends. Est-ce que vous nous confirmez
cela?
La Présidente (Mme Harel): M. le ministre de
l'Éducation.
M. Ryan: Oui. Mme la Présidente, juste une
précision additionnelle sur ce point. Plusieurs études
démographiques ont été faites ces dernières
années sur des aspects reliés à l'application de la loi
101, en particulier par le démographe bien connu dont le nom est
"Mayer", je pense.
Une voix: Maheux.
M. Ryan: Non, "Mayer", c'est un autre. Maheux, en a fait
aussi.
Une voix: Pierre Paillé.
M. Ryan: II y en a plusieurs, -si cela vous intéresse.
M. Godin: Paillé, M. le ministre.
M. Ryan: Oui, M. Paillé. Nous avons étudié
toute cette documentation. Nous l'avons présente à l'esprit
continuellement et, malgré certains efforts qu'on a pu s'imposer dans
certains milieux pour étirer au maximum les perspectives de danger et de
noyade, nous n'avons pas trouvé dans ces études des indications
qui nous justifieraient d'emprunter la voie de l'alarmisme. L'application de la
loi 101 se fait solidement. Les perspectives des années à venir
sont bonnes du point de vue de l'accroissement des effectifs inscrits aux
écoles françaises et la chute que nous avons connue depuis une
dizaine d'années dans le nombre total des inscriptions est pratiquement
terminée. Maintenant, nous allons vers une stabilisation et je pense que
les conditions et les perspectives qui nous sont connues par les études
disponibles sont
suffisamment éclairantes pour que nous puissions envisager le
règlement du problème des illégaux dans un climat
d'oecuménisme que je souhaite devoir être accepté aussi par
l'Opposition.
Une voix: Est-ce qu'on peut connaître la confidence?
La Présidente (Mme Harel): M. le chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): Mme la Présidente, je remercie le
ministre de l'Éducation pour son exposé serein, ce qui fait
changement ici, à l'exception de ses confidences qu'on aurait bien
aimé entendre, mais on se reprendra. J'ai quelques autres questions
dirigées vers la ministre...
M. Ryan: Oui, cela concernait l'ancien gouvernement.
M. Johnson (Anjou): Oui.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Restructuration des organismes s'occupant de la
langue
M. Johnson (Anjou): Mme la Présidente, j'ai quelques
autres questions, j'allais dire, à la ministre, mais je sais qu'elle les
comprendra comme étant dirigées vers elle compte tenu de ses
allusions depuis le début. Ce sont deux questions qui touchent les
organismes. Fusion, abolition, maintien, beaucoup de choses, beaucoup de
rumeurs ont circulé. Est-ce que la ministre pourrait rassurer un peu les
419 personnes, je crois, au total, qui sont impliquées dans ces
organismes? J'ai bien compris dans son texte le respect qu'elle porte à
la Commission de toponymie qui est, je crois, unanimement partagé pour
la qualité du travail qui se fait et la reconnaissance, d'ailleurs, du
travail qui se fait, bien au-delà de nos frontières. J'ai compris
qu'elle trouvait que le conseil oeuvrait dans une zone de difficulté, la
difficulté des passions., J'ai compris qu'elle reconnaissait aussi le
rôle primordial de l'office et que, tout en qualifiant de police, pour
les fins de la discussion, la commission de surveillance, elle semblait, en
tout cas, bien établir que, dans la mesure où il faut appliquer
la loi, cela prend bien un organisme pour l'appliquer. Est-ce que la ministre
pourrait nous rassurer, enfin au moins rassurer à peu près 419
personnes quant à ses intentions de ce côté? (17 h 30)
Mme Bacon: En janvier dernier, Mme la Présidente, je
mentionnais qu'il fallait revoir les structures des différents
organismes qui doivent assurer le respect de la Charte de la langue
française. J'avais bien pris soin à ce moment, parce que je
savais qu'il pourrait y avoir de la démagogie de l'autre
côté, de mentionner que nous nous en tiendrions au respect de la
loi, au principe même et à l'esprit de la loi. Ce ne seraient que
des mesures administratives qui seraient considérées. De plus, je
me proposais de revoir, au cours de l'exercice 1986-1987, les
différentes structures des organismes.
À l'occasion d'une rencontre avec les présidents de ces
organismes, j'avais évoqué certaines hypothèses de travail
sur lesquelles nous pourrions nous pencher au cours des mois qui étaient
pour suivre janvier. J'avais demandé aux différents
présidents de ces organismes de faire de même, de se pencher sur
des hypothèses de travail, afin qu'il y ait une mise en commun de ces
hypothèses de travail et que nous puissions ensemble faire le choix des
meilleures structures possible pour assurer le respect de la Charte de la
langue française.
À l'occasion de différentes entrevues, j'avais fait aussi
la différence entre le rôle du conseil et le rôle des trois
autres organismes. À ce moment-là, je disais que le rôle du
conseil n'était pas nécessairement un rôle de structure.
C'est un rôle de conseil, de gens qui doivent donner des avis aux
ministres, des avis au gouvernement, et il doit être traité d'une
façon différente. Je l'ai même répété
à l'occasion du sommet de la francophonie, à Paris,
d'ailleurs.
Nous n'avons pas terminé la préparation des
hypothèses de travail. J'ai eu une autre réunion avec les
présidents des organismes à l'occasion de la préparation
et de l'étude de ces crédits - parce qu'ils sont
préparés le plus sérieusement possible - et, encore une
fois, nous avons parlé d'hypothèses de travail. Il faut,
évidemment, coordonner toute cette réorganisation, cette
rationalisation des diverses ressources, soit humaines, financières et
institutionnelles, qui sont impliquées dans le domaine linguistique. Il
nous faudra trouver ensemble, vers la fin mai, début juin,
l'hypothèse de travail qui devra être retenue pour qu'au cours des
mois d'été et vers l'automne nous soyons capables d'arriver avec
de nouvelles structures pour pouvoir les présenter à une
prochaine session.
Encore une fois, il n'est pas question de diminuer la protection de la
langue française, il n'est pas question de diminuer le respect de la
Charte de la langue française. Je l'affirme encore aujourd'hui comme je
l'ai toujours affirmé depuis janvier: II n'y a pas d'abolition comme
telle des services qui sont donnés en ce moment par ces organismes. Il
n'y a pas d'abolition des responsabilités. Il n'y a que restructuration
de ces différents organismes dans le respect des principes, dans le
respect de l'esprit de la loi.
La Présidente (Mme Harel): M. le chef
de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): Si je comprends bien, vous nous dites que les
fonctions vont continuer d'être assurées; quant aux structures, on
attend l'élaboration de vos hypothèses qui se traduiraient donc,
par définition, par des modifications à la loi
également.
Mme Bacon: Évidemment, parce que, si on fait des
changements de structures, il faudrait faire des changements à la loi.
Il faudrait faire des amendements à la loi.
M. Johnson (Anjou): Oui. La prochaine question s'adresse à
la ministre. Je ne veux pas tomber dans des choses aussi compliquées que
les effets éventuels du libre-échange sur le problème de
l'étiquetage. Cela a l'air théorique de dire cela, mais il va
falloir voir, dans le cadre du libre-échange, si jamais cela arrivait,
quels seront ses effets sur l'applicabilité de dispositions comme celles
de la loi 101 sur l'étiquetage.
Mme Bacon: Je pourrais peut-être répondre tout de
suite au chef de l'Opposition qu'il y a des études qui sont en cours en
ce moment sur les effets qu'il pourrait y avoir sur l'étiquetage.
M. Johnson (Anjou): À votre ministère, ou est-ce
que c'est dans le cadre général du comité
présidé par l'ancien ambassadeur Warren?
Mme Bacon: Nous avons demandé à nos services du
ministère des Affaires culturelles de se pencher sur ce qui touche la
culture, mais cette question fera l'objet d'un avis du Conseil de la langue
française.
Envoi de matériel unilingue
M. Johnson (Anjou): Mon autre question concerne ceci. On sait que
la loi 101 régit notamment les envois et la publicité. Je demande
à la ministre si ces organismes l'ont informée ou si elle a
l'impression que l'envoi de matériel unilingue est en recrudescence au
Québec auprès des consommateurs, comme en témoignent
quelques cas que j'ai ici, y compris des choses que je reçois à
la maison. Je serais simplement curieux de savoir si la ministre
considère qu'il y a une recrudescence de cette sollicitation unilingue
de langue anglaise comme il y a, on le sait, une recrudescence de l'affichage
unilingue anglais en ce moment.
Mme Bacon: Il y a quelques plaintes à la commission, mais
nous n'avons pas de comparaison avec les mois qui ont
précédé, le mois d'avril ou mars. Nous n'avons pas de
comparaison, avec les derniers mois, par exemple.
M. Johnson (Anjou): D'accord. Je disais à la ministre
qu'à Sir Mortimer, à Montréal, ou au Jewish General, on
avait l'impression que les services en langue française étaient
plus accessibles pour les gens, Je vais vous dire empiriquement mon impression,
c'est que ça, il y en a beaucoup plus. D'abord, moi j'en reçois
à la maison. J'en ai reçu une couple. Je ne sais pas pourquoi:
"Change his opportunity in the skies." Je ne sais pas s'il y avait un message
particulier pour un parti politique à ce niveau. Sûrement pas le
nôtre.
J'ai cette impression empiriquement et des citoyens sont venus à
l'occasion à mon bureau de comté où je suis
régulièrement le lundi et spontanément m'ont dit: Moi,
j'ai recommencé à recevoir des envois unilingues è la
maison. Je dois dire que c'est un phénomène très
récent. C'est peut-être arrivé, je ne sais pas, moi, une ou
deux fois dans les quatre ou cinq dernières années où
spontanément un citoyen m'a dit cela dans mon bureau de comté.
C'est arrivé au moins une demi-douzaine de fois depuis le mois de
février, quand je fais du bureau de comté, qu'on m'a dit
cela.
Est-ce que la ministre a l'intention de confier un mandat
spécifique à la commission d'observer ces pratiques? Entend-elle
demander à la commission de sévir? Est-ce que le Procureur
général a l'intention, à sa connaissance, en tout cas, de
traiter ces dossiers de la même façon que l'affichage avec ou sans
poursuite pour bilinguisme, avec peut-être poursuite pour unilinguisme
anglais?
Mme Bacon: Quant à l'affichage public ou à la
publicité commerciale, je pense que nous pourrons, en temps et lieu,
apprécier les exigences et les implications du jugement à venir.
11 faut attendre quand même le jugement de la Cour d'appel et le
gouvernement pourra alors faire connaître sa position en cette
matière d'affichage public. À l'article 52 - parce que c'est
à cela que fait référence le chef de l'Opposition - en
1984-1985 il y a eu 101 plaintes.
M. Johnson (Anjou): 101.
Mme Bacon: Des dossiers. En 1985-1986, 120.
M. Johnson (Anjou): En 1985-1986, c'est-à-dire
jusqu'à maintenant. Donc, pour à peu près la moitié
de l'année fiscale.
Mme Bacon: En 1984-1985, 101. M. Johnson (Anjou): Douze
mois. Mme Bacon: En 1985-1986, 120.
M. Johnson (Anjou): Oui, mais 1985-1986, ce n'est pas fini.
Mme Bacon: On part d'avril.
M. Johnson (Anjou): Oui, mais c'est une compilation en date de
quel mois? Février, mars?
Mme Bacon: Cela a été fait en avril.
M. Johnson (Anjou): Cela a été fait en avril.
Mme Bacon: Cette année, après la fin de l'exercice
financier.
M. Johnson (Anjou): Donc, pour deux périodes comparables,
vous n'avez, dans le fond, è toutes fins utiles, aucune augmentation des
plaintes ou, enfin, dix.
Mme Bacon: 101 pour 1984-1985. M. Johnson (Anjou): 101 versus
120. Mme Bacon: II n'y a pas de diminution. M. Johnson (Anjou): 20
%.
M. Marx: J'aimerais savoir si le chef de l'Opposition a
déposé une plainte étant donné tout ce qu'il
reçoit chez lui?
M. Johnson (Anjou): Non.
La Présidente (Mme Harel): M. le ministre de la Justice, les
questions ne se posent pas au chef de l'Opposition.
M. Marx: Non.
M. Johnson (Anjou): C'est cela.
La Présidente (Mme Harel): M. le chef de l'Opposition et, par la
suite, M. le député de Saint-Louis. Alors, M. le chef de
l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): Pour clore sur cela, effectivement, la
méthode qui vise à compiler le nombre de plaintes dans l'exercice
1985-1986 et à le comparer à 1984-1985 - même si cela
démontre à peu près 20 % de différence, en chiffres
absolus ce n'est pas la fin du monde - je ne suis pas sûr que ce soit une
bonne méthode.
Moi, je n'ai pas porté plainte. On ne doit pas tenir pour acquis
que tout le monde porte plainte, n'est-ce pas? Car, alors, la ministre serait
obligée d'augmenter les effectifs à la commission et elle
trouverait cela dur. D'autant plus que le nombre de poursuites qui en
découlent, cela est une autre chose. Il ne faudrait surtout pas se fier
à ça pour savoir l'état de la situation.
Quand on voit le Procureur général qui ne poursuit pas, il
ne faudrait pas se servir des statistiques des poursuites.
M. Marx: Mais le Procureur général poursuit.
M. Johnson (Anjou): Mon autre question, Mme la
Présidente...
M. Marx: II faut que le chef de l'Opposition dépose sa
plainte.
Primauté du Québec en matière linguistique
M. Johnson (Anjou): ...s'adresse à la ministre qui nous a
fait part de la confiance qu'elle faisait à son collègue de
l'Éducation -c'est un sentiment de solidarité qui l'honore -
à l'égard des questions linguistiques. En matière
constitutionnelle, est-ce que la ministre épouserait ce principe
général - et non pas en principe un généra! - qui
veut que, dans nos institutions politiques le Parlement du Québec
devrait être le dernier lieu de décision en matière
linguistique, ou si elle fera totalement confiance à son
collègue, le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes?
Mme Bacon: Comme vice-première ministre, Mme la
Présidente, je fais totalement confiance à mes collègues
du Conseil des ministres. Peut-être que le ministre responsable de ce
dossier peut donner la réponse au chef de l'Opposition.
La Présidente (Mme Harel): Alors, c'est toujours la règle
du consentement. La question avait été posée à la
ministre.
M. Johnson (Anjou): Je n'aime pas qu'on impose des conditions,
surtout qu'on a affaire à un consentement. Je pense qu'on
apprécierait beaucoup que le ministre nous permette aussi de
bénéficier de notre temps et nous donne une réponse assez
brève, sans l'y obliger, encore une fois, l'alternative pour nous
étant de lui refuser le consentement, ce qui serait
désagréable pour tout le monde.
M. Rémiliard: Vous savez, je comprendrais très bien
que, si vous avez plusieurs questions à poser de ce genre, vous puissiez
vous passer des commentaires que je pourrais faire. D'ailleurs, vous pouvez me
poser ces questions aussi pendant la période des questions, je serai
heureux de vous répondre.
Mais ce que je peux vous dire, Mme la Présidente, c'est que nous
sommes très conscients des problèmes que peut soulever le respect
du fait francophone au Québec et nous sommes très confiants dans
nos institutions. Nous sommes confiants dans la
valeur démocratique de l'Assemblée nationale, nous sommes
confiants dans la valeur de notre parlementarisme et nous sommes confiants
aussi dans la valeur de notre système judiciaire, en particulier des
différentes instances de ce système judiciaire, dont la Cour
suprême qui interprète en dernier ressort des points de droit qui
nous permettent de vivre dans une société démocratique
dont nous pouvons être fiers.
Dans ce contexte, Mme la Présidente, nous sommes
particulièrement heureux, nous du gouvernement, de faire profiter les
Québécois et les Québécoises des mêmes droits
fondamentaux dont les autres Canadiens peuvent profiter en ayant l'avantage
d'une Charte canadienne des droits et libertés dont, somme toute,
après quatre ans d'application, de jurisprudence, nous pouvons dire que
nous sommes fiers.
C'est dans ce contexte que le gouvernement a pris la décision,
dès le début, de ne plus utiliser systématiquement cette
clause "nonobstant" qui empêchait, justement, les Québécois
et les Québécoises d'avoir des droits fondamentaux de même
valeur et aussi garantis que les autres Canadiens.
Cette clause "nonobstant" qui s'appliquait, entre autres, aux articles 2
et 7 à 15 et cette Charte canadienne des droits et libertés qui
garantit des droits linguistiques, le droit à l'instruction dans la
langue de la minorité, ce sont des principes que nous reconnaissons, que
nous acceptons et que nous sommes heureux de voir appliqués dans notre
souci de voir le fait francophone s'exprimer pleinement au Québec, en
étroite relation avec les droits des minorités nationales ici au
Québec et le droit, également, de3 francophones hors
Québec. (17 h 45)
C'est dans ce contexte, Mme la Présidente, que, de notre
côté, nous avons pleine confiance en notre système
judiciaire comme nous avons pleine cnfiance en notre régime
parlementaire. Mais nous croyons, de notre côté, que c'est aux
Québécois et aux Québécoises, en premier lieu, de
bénéficier des droits qui leur permettent de vivre en
société, de vivre comme ils l'entendent et c'est dans ce contexte
que nous sommes heureux de voir qu'ils ont maintenant les mêmes droits,
les mêmes libertés que les autres Canadiens.
La Présidente (Mme Harel): M. le chef de l'Opposition.
M. Johnson (Anjou): Mme la Présidente, la réponse
du ministre m'amène à conclure, à la suite de la question
que je posais à la ministre, à laquelle elle refusait de
répondre, que c'est l'opinion du gouvernement, semble- t-il, que la
situation des Anglo-Québécois est assimilable à celle des
Franco-Manitobains, puisque le ministre vient de nous dire que les droits
normalisés en vertu de la constitution canadienne pour toutes les
minorités au Canada, qu'elles soient francophones hors Québec ou
anglophones à l'intérieur du Québec, sont les mêmes
et qu'ils doivent s'appliquer au Québec.
Je crois que le ministre vient de faire une déclaration
très importante quant à la politique du gouvernement en cette
matière. Il vient de nous affirmer que la politique linguistique du
gouvernement du Québec - ce qu'il a fait plutôt que la ministre
responsable - est basée sur le postulat que la situation des
francophones hors Québec est identique à la situation des
anglophones qui sont au Québec.
C'est précisément le seul postulat raisonnable, rationnel
que pouvait évoquer publiquement le spécialiste de droit
constitutionnel qu'est le nouveau ministre, pour donner une cohérence
à l'attitude du gouvernement depuis un certain nombre de semaines.
Ce n'est pas une matière secondaire; elle est assez fondamentale.
Elle éclairera sans doute le gouvernement dans tout ce qu'il aura
à faire en appliquant, notamment -disons les choses comme elles sont -
cet effort systématique de nos tribunaux, depuis 1977, pour abaisser la
loi 101, que ce soit à l'égard du concept de langue officielle
devant tes tribunaux - la jurisprudence est abondante - que ce soit au niveau
d'une interprétation restrictive à l'égard du droit au
travail dans leur langue de3 francophones sur leur territoire, le seul
où ils sont majoritaires que ce soit même à l'égard
des francophones hors Québec.
Cette conception est précisément ce qui différencie
l'approche de ce gouvernement de la formation politique que je dirige. Notre
postulat, à nous, c'est que les Québécois francophones
sont sur le seul territoire en Amérique du Nord où ils forment
une majorité et qu'on ne saurait assimiler les phénomènes
de minorité au Québec avec ceux des minorités francophones
hors Québec. Ce principe étant établi, je dois en conclure
que le ministre qui nous a même annoncé que, grâce à
la charte canadienne, enfin, il existait une liberté au Québec,
un peu comme si ce pauvre peuple porteur d'eau, ignare, comme le disait
quelqu'un dans Cité Libre dans les années cinquante et qui a
occupé une grande fonction au Canada, dans le fond, ne pouvait pa3 se
donner lui-même la liberté et la responsabilité de la
tolérance, de l'équilibre entre les communautés. Nous
croyons, nous, que l'Assemblée nationale devrait être le seul lieu
où se décide les équilibres en matière linguistique
et que d'avoir recours à la constitution canadienne, à une
Cour
suprême où nous continuons d'être minoritaires et
qui, de façon systématique, a interprété de
façon restrictive les lois linguistiques du Québec depuis 20 ans,
et particulièrement depuis 1977, c'est faire preuve de faiblesse,
d'absence de confiance dans la capacité des institutions
démocratiques québécoises de se saisir de ces enjeux
fondamentaux qui s'appellent liberté. Je crois que ce Parlement est un
Parlement où nous devons décider de ces libertés.
Le ministre nous dit qu'il faut s'en remettre à la Cour
suprême et à la décision de neuf premiers ministres, en
dehors de celui du Québec s'il le faut. À notre avis, c'est
là la distinction fondamentale, dans ce dossier qui éclaire tous
les autres, y compris celui de l'affichage, entre ce gouvernement sans
politique linguistique, mais avec des postulats qui sont au coeur de la
réflexion de ce gouvernement que vient d'évoquer le ministre des
Affaires intergouvernementales canadiennes, cette faiblesse, cette absence de
confiance dans les institutions parlementaires québécoises. Je
vous dis, Mme la Présidente, qu'il n'y a là rien de rassurant,
quant à moi, à l'égard de ce qui arrivera à la loi
101. C'est pour cela que nous serons extrêmement vigilants.
M. Rémillard: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Harel): Oui, M. le ministre.
M. Rémillard: ...je pense que je peux répondre
à cette grande intervention.
La Présidente (Mme Harel): Toujours avec le consentement
de la ministre titulaire et des membres de cette commission, vous
répondez au nom de l'exécutif, évidemment.
M. Rémillard: Oui. Je vois que le chef de l'Opposition
répond en fonction des postulats qu'il a lui-même très bien
énoncés: l'absolutisme, le manque de tolérance. Il nous le
rappelle et je le comprends très bien. De notre côté, ce
n'est pas la situation. C'est une situation que nous considérons pour
nous avec des principes très fermes. Il est clair que la situation des
anglophones au Québec est une chose et que la situation des francophones
hors Québec est une autre chose. Quand je me reporte à la Charte
canadienne des droits et libertés, je me réfère,
justement, à l'article 23 qui fait cette distinction - je voudrais bien
le mentionner - parce que justement on a refusé d'utiliser le
critère de la langue maternelle au Québec alors que ce
critère de la langue maternelle s'applique dans les autres provinces
canadiennes.
Savez-vous, Mme la Présidente, que si un anglophone venant
d'Angleterre, du Royaume-Uni, vient au Québec, il ne peut avoir le droit
d'envoyer ses enfants dans une école de langue anglaise alors que, si
vous avez un Français de France qui va s'établir au Manitoba, qui
devient canadien, il a le droit d'envoyer ses enfants à l'école
française?
M. Johnson (Anjou): Mais il n'y a pas d'école.
M. Rémillard: Fermez-vous! Laissez-moi parlerî Je
vous ai entendu parler, laissez-moi parler!
M. Johnson (Anjou): Oh! ça ne se peut pas.
M. Rémillard: Ce que je veux vous dire, Mme la
Présidente, c'est que l'article 23 a, justement, dans son essence
même, dans sa substance, ce fondement de la distinction que nous devons
faire lorsque nous parlons des minorités nationales entre une
minorité qui est celle des francophones hors Québec que ce
gouvernement que nous avions depuis les neuf dernières années a
négligés systématiquement. Et pourquoi, Mme la
Présidente? Parce que ces gens étaient en contradiction avec
leurs propres politiques lorsqu'on réclamait une clause comme la clause
Québec qui était une négation directe des droits des
francophones hors Québec. On demandait à la Cour suprême
d'appliquer des principes qui auraient fait, s'ils avaient été
appliqués à ces francophones hors Québec, qu'il n'y aurait
plus de francophones au Canada. Voilà la situation.
Lorsqu'on dit que la Cour suprême a toujours penché du
même côté contre le Québec, c'est faux, Mme la
Présidente. C'est faux. La Cour suprême a su aborder ces principes
d'une façon équitable en fonction de postulats que je
considère beaucoup plus acceptables sur le plan humanitaire que des
postulats où on ne revoit que l'absolutisme et le manque de
tolérance, le manque de tolérance dans tous ces concepts de
droits fondamentaux qui doivent être à la base de notre
société démocratique. Notre action, à nous, est
fondée sur des principes fermes, précis et concrets: le respect
du fait francophone au Québec, l'aide, la collaboration,
l'entière collaboration que nous pouvons donner aux francophones hors
Québec et la reconnaissance des droits de la minorité anglophone,
ici, au Québec, en relation avec le fait francophone au Québec
qui est là et que nous allons respecter. La, loi 101 est là pour
demeurer. Ses fondements sont là pour demeurer. Nous allons la
respecter. Mais, Mme la Présidente, nous allons respecter quand
même le fait francophone qui veut vivre, qui veut s'exprimer au Canada,
parce que nous croyons, comme Québécois, comme Canadiens, que ces
gens doivent s'exprimer. Nous croyons que ces gens doivent avoir des
droits qu'on leur refuse depuis tant d'années. Nous voulons
profiter des négociations constitutionnelles que nous allons avoir avec
le gouvernement fédéral et les autres provinces pour justement
faire en sorte que ces droits des francophones hors Québec puissent
être améliorés. Nous allons le faire en toute
sincérité, du fond du coeur, parce que nous croyons que nous
avons une responsabilité envers ce fait francophone comme foyer des
francophones, ici, au Canada et même en Amérique.
Alors, Mme la Présidente, je voudrais qu'on comprenne bien que,
pour nous...
La Présidente (Mme Harel): Je vous incite à
conclure parce que nous allons devoir également conclure nos
travaux.
M. Rémillard: Je conclus, Mme la Présidente. Je
conclus en disant que, pour nous, il n'y a pas d'ambiguïté. Il y a
une situation qui est claire, nette et précise. C'est la reconnaissance
du fait francophone comme phénomène national
québécois, la reconnaissance du fait francophone canadien et
aussi la reconnaissance des droits de la minorité anglophone du
Québec.
La Présidente (Mme Harel): Alors, M. le chef de
l'Opposition, M. Cholette, avec le consentement de la ministre.
Mme Bacon: Je pense qu'il reste encore quelques minutes, Mme la
Présidente; si nous voulons adopter les crédits et si on ne peut
pas poursuivre après six heures...
La Présidente (Mme Harel): Nous avons... Oui.
M. Johnson (Anjou); Consentement, oui.
La Présidente (Mme Harel): Oui. Enfin, nous avons...
M. Johnson (Anjou): On était prêt à aller
jusqu'à 18 h 10 ou 18 h 15...
La Présidente (Mme Harel): Bon.
M. Johnson (Anjou): ...comme on a commencé un peu plus
tard.
La Présidente (Mme Harel): Si vous permettez! Je dois vous
rappeler que nous avons entrepris nos travaux à 15 h 25; ceux-ci ont
dû être retardés à cause de l'absence du technicien
du Journal des débats. Nous pourrions demander à nos leaders de
nous réunir à nouveau pour 20 ou 25 minutes, afin de
compléter les trois heures imparties à la commission de la
culture.
Mme Bacon: Alors, Mme la Présidente, nous ne ferons pas
durer le plaisir plus longtemps, si vous voulez, nous ne recommencerons pas une
telle session. Je suis prête à prolonger d'un quart d'heure, si
vous le voulez, mais pas plus qu'un quart d'heure.
M. Johnson (Anjou): Dix minutes, cela suffirait.
La Présidente (Mme Harel): Alors, est-ce qu'il y a
consentement des membres de la commission?
M. Johnson (Anjou): Dix minutes.
La Présidente (Mme Harel): Pour une dizaine de
minutes?
M. Johnson (Anjou): Oui.
La Présidente (Mme Harel): Alors, M. Cholette, avec le
consentement de la ministre.
Mme Bacon: On ne bâillonne personne, Mme la
Présidente.
Mise au point de M. Gaston Cholette
M. Cholette (Gaston): Mme la Présidente, au cours du mois
d'avril, la Commission de protection de la langue française a fait
l'objet d'une accusation grave de la part du Procureur général,
accusation qui a été rapportée dans tous les journaux et
que la commission et moi-même avons apprise sans aucun avertissement.
M. le Procureur général a accusé la commission de
ne pas faire son travail. C'était, bien sûr, une accusation
extrêmement grave. Voilà pourquoi j'ai cru opportun, dès le
lendemain - à ce moment-là, nous étions quand même
assez loin de la commission parlementaire qui siège aujourd'hui - de
répondre publiquement à ces accusations. Il y a quelques jours,
Mme Bacon, ministre responsable de l'application de la Charte de la langue
française, n'a pas accusé la commission, cette fois, mais
plutôt son président d'insubordination. (18 heures)
Quand j'ai rencontré Mme Bacon, la semaine dernière, je
lui ai demandé en quoi... Parce que j'estime avoir le droit, comme
président de l'organisme gouvernemental, de savoir sur quoi est
fondée une accusation aussi grave que celle-là, alors, j'ai
posé, la question à Mme Bacon. Je n'ai pas eu de réponse.
La seule réponse que j'ai eue, c'est quelque chose qui, à mon
sens, ne justifie pas une accusation d'insubordination. Je pense qu'il est
important que je sache de quoi je suis accusé, parce que les journaux en
ont fait plusieurs interprétations, ce qui signifie que c'est une
accusation qui peut être fondée sur plusieurs raisons, mais je
n'en at connu qu'une. Par exemple, dans le journal - une seconde - Le
Devoir, on dit: "La ministre ne s'est par ailleurs pas gênée pour
s'en prendre à l'attitude du président de la Commission de
protection de la langue française, M. Gaston Cholette, qui rendait
aujoud'hui publique la politique de son organisme en matière d'affichage
commercial. Mme Bacon soutient avoir appris dans les journaux la tenue de ce
changement de politique et n'avoir reçu qu'hier matin la lettre de M.
Cholette l'en informant personnellement. Il s'agit d'un geste d'insubordination
et de manque de respect." C'est le point que Mme Bacon a soulevé quand
je l'ai rencontrée seul. C'est une interprétation donnée
par le Devoir. Dans le Journal de Montréal, on dit que l'insubordination
est attribuable à autre chose.
La Présidente (Mme Harel): Je vais vous demander de
conclure, M. le président, parce que nous avons peu de temps pour cette
commission.
M. Cholette: Je pense, madame, que j'ai le droit normalement
comme président d'un organisme dont on étudie ici la conduite et
les crédits à une défense pleine et entière. Le
Journal de Montréal dit qu'il y a eu insubordination parce j'aurais
décidé en somme de boycotter l'application de la loi, ce qui est
absolument faux. Par ailleurs un autre journal affirme qu'il y aurait eu
insubordination parce que nous allons continuer à traiter l'article 58
comme avant, c'est-à-dire en ne faisant pas de distinction entre les cas
de bilinguisme et les cas d'unilinguisme anglais. Je peux être
accusé d'insubordination pour trois raisons d'après les journaux.
Mme Bacon m'en a donné une: c'est que la commission parle trop aux
journalistes. À mon avis ce n'est pas une raison d'insubordination, ce
n'est pas de l'insubordination. Je n'accepte pas et je tenais à saisir
la commission parlementaire...
La Présidente (Mme Harel): De cette question.
M. Cholette: ...de ce cas.
La Présidente (Mme Harel): Alors, nous allons
compléter nos travaux. Mme la ministre et M. le chef de l'Opposition, de
brèves remarques générales avant de compléter les
travaux.
Mme Bacon: Vous permettez, Mme la Présidente. Je pense que
c'est une belle illustration de l'exercice autonome de la responsabilité
d'un président d'organisme que nous venons de voir. J'aimerais vous
mentionner seulement les débuts d'une lettre que je recevais de la
Commission de protection de la langue française et qui disait: "J'ai
plaisir à vous informer que la Commission de protection de la langue
française reprend son travail normal en ce qui concerne l'article 58 de
la Charte de la langue française." Je n'irais pas plus loin, Mme la
Présidente.
M. Marx: Juste un commentaire. Tout ce que j'aimerais dire c'est
que M. Cholette a finalement compris parce qu'il a fait la déclaration
qu'il va commencer à m'envoyer des plaintes.
La Présidente (Mme Harel): M. le chef de l'Opposition,
nous terminons nos travaux à ce moment-ci, alors je vous invite aux
dernières interventions.
M. Johnson (Anjou): Mme la Présidente, je ne veux pas
soulever à nouveau ces questions. Je crois que M. Cholette a vécu
des moments extrêmement difficiles depuis quelques mois. Je comprends son
émotion à vouloir exprimer ici ce qu'il considérait de
toute évidence comme un traitement qu'il percevait comme injuste. Je
comprends aussi qu'il a sûrement fallu une certaine dose de courage pour
faire ce qu'il a fait, même si cela peut être déplaisant
pour la ministre et surtout pour le Procureur général dont on
connaît les difficultés dans ce dossier.
Je tiens en terminant cependant, Mme la Présidente, à vous
dire que nous avions décidé d'adopter en bloc les
crédits.
Je vous dirai que, pour notre part, vous devrez considérer,
compte tenu du peu de réponses que nous avons obtenues, des
imprécisions et surtout des qualificatifs utilisés par la
ministre, et des absences nombreuses dans ses exposés, que ces
crédits ne peuvent être adoptés que sur division, pour
manifester notre mécontentement.
La Présidente (Mme Harel): J'avais reconnu le
député de Saint-Louis bien avant dans nos travaux, alors je vais
l'inviter à intervenir maintenant. Très rapidement, M. le
député de Saint-Louis, compte tenu du peu de temps qu'il nous
reste pour compléter les travaux de la commission.
M. Chagnon: Madame, je regrette de n'avoir pu intervenir
précédemment. Il demeure qu'il reste environ trois minutes
d'audition. Nous avions, comme vous l'aviez mentionné - le chef de
l'Opposition l'avait mentionné aussi - parlé d'une entente entre
les leaders qui faisait en sorte que nous avions au moins 10 % du temps.
J'aurais aimé - et probablement d'autres de mes collègues -
participer à cette période de questions.
La Présidente (Mme Harel): Plusieurs de vos
collègues y ont participé, M. le député
de Saint-Louis.
M. Chagnon: Je parlais des trois dernières heures.
Malheureusement, nous n'avons pas pu poser de questions. Finalement, je voulais
poser une question sur les crédits, puisque aucune question n'a
été posée cet après-midi concernant les
crédits; j'aurais aimé savoir, quant aux 7,6 % de compressions
budgétaires que nous avons eu l'occasion de voir dans les crédits
des organismes chargés de l'application de la Charte de la langue
française, à quel endroit particulier ces compressions
étaient effectuées. Était-ce en termes de personnel ou
était-ce en termes de services particuliers au personnel?
Deuxièmement, une question aurait pu être posée
à la suite des déclarations du début de l'année,
quant à la possibilité - et cela se comprend en termes de
rationalisation - de ramener les trois organismes particuliers dont nous
parlions aujourd'hui en un seul peut-être plus fonctionnel. En ce qui me
concerne, Mme la Présidente, je terminerai en disant que je regrette
l'intervention que nous avons connue ici. Je trouve cela un peu pénible.
Je pense que les états d'âme des hauts fonctionnaires qui ont
à travailler sur une question ou sur une autre devraient se
régler plus particulièrement entre les dirigeants des
ministères avec lesquels ils sont concernés.
La Présidente (Mme Harel): Mme la ministre, voulez-vous
terminer?
Mme Bacon: Pour répondre à la question concernant
le budget, parce que c'est la question qu'on me pose, sur les compressions
budgétaires, nous avons demandé à l'ensemble des
organismes de compresser leurs dépenses de la même façon
que nous demandions aux différents ministères de compresser les
dépenses. Cela se répartit dans l'ensemble des quatre organismes
qui doivent oeuvrer pour la protection de la langue.
Une voix: ...
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Saint-Louis.
Mme Bacon: En ce qui concerne les effectifs, on ne peut pas dire
qu'il y a une réduction majeure. Pour les dépenses, les
compressions peuvent se comparer à celles que nous demandons au
ministère.
La Présidente (Mme Harel): Alors, nous allons mettre aux
voix le programme 6. Est-ce que le programme 6 est adopté?
M. Johnson (Anjou): Sur division, Mme la Présidente.
Adoption des crédits
La Présidente (Mme Harel): Nous complétons
l'étude des crédits du ministère des Affaires culturelles
et nous allons donc mettre aux voix l'ensemble des crédits du
ministère.
J'appelle donc l'ensemble des crédits du ministère.
M. Johnson (Anjou): Sur division, pour la même raison, dans
la mesure où la ministre est responsable de l'application de la loi.
La Présidente (Mme Harel): Alors, comme tous les
crédits ont été étudiés, j'ajourne donc les
travaux de la commission sine die.
(Fin de la séance à 18 h 8)