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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mercredi 21 mai 1986 - Vol. 29 N° 9

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le statut économique de l'artiste et du créateur


Journal des débats

 

(Dix heures vingt-cinq minutes)

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plaît!

II est 10 h 25 et je vois que M. le député de Saint-Jacques prend sa place. Merci, M. le député. La commission de la culture poursuit sa consultation générale sur le statut économique de l'artiste et du créateur. Je constate que l'on a le quorum. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplaçants?

La Secrétaire: Oui, Mme Blackburn (Chicoutimi) remplace M. Godin (Mercier): M. Brouillette (Champlain) remplace M. Khelfa (Richelieu) et M. Therrien (Rousseau) remplace M. Audet (Beauce-Nord).

Le Président (M. Trudel): Je fais remarquer que les remplacements, ici, comme dans les autres séances de la commission et pour d'autres genres de travaux, se font pour la journée. Vous me faites signe que M. Therrien n'est pas là. On vient de me dire que M. Therrien remplaçait le député de Beauce-Nord. De toute façon, nous verrons bien dans le courant de la journée.

Je rappelle aux membres de la commission que nous avons un horaire très chargé puisque nous devons entendre sept groupes au cours de la journée. Les travaux se poursuivront jusqu'à 13 heures ce midi et reprendront après la période des affaires courantes, c'est-à-dîre vers 16 heures pour se poursuivre jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 22 heures ou 22 h 10, comme hier soir, s'il faut se rendre jusque là. La journée est consacrée en entier à entendre les représentations des associations professionnelles d'artistes et de créateurs. Nous commençons par la Conférence des associations de créateurs et de créatrices du Québec qu'il me fait plaisir de saluer et à qui je souhaite la bienvenue. Nous avons Mme Claudette Fortier que nous avons vue hier soir; M. Jean-Yves Collette qui n'a pas parlé encore mais qui était présent hier aussi; M. Gaétan Patenaude; Mme Séguin que nous avons eu le plaisir d'entendre également hier et Mme Jacqueline Lemay. M. ou Mme la présidente, je vous cède la parole. Compte tenu du fait qu'on a sept mémoires à entendre, est-ce qu'on pourrait vous demander de bien vouloir résumer le vôtre?

Encore une fois, ces mémoires ont été lus par les membres de la commission et les résumés en ont été faits. Si vous voulez simplement procéder à nous faire un résumé de votre position, cela nous donnera davantage de temps pour un échange de vues. Merci.

Conférence des associations de créateurs et créatrices du Québec

M. Collette (Jean-Yves): M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, au nom de la Conférence des associations de créateurs et créatrices du Québec, je voudrais tout d'abord vous remercier de nous avoir invités à participer aux audiences de la commission de la culture. Avant de commencer, je voudrais vous demander la permission, M. le Président, de déposer un petit supplément à notre mémoire. Il s'agit de la liste des associations membres, de même qu'une modification et un ajout à nos recommandations. J'ai préparé les 25 exemplaires réglementaires.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le président.

M. Collette: Merci. J'ajouterai également que la Conférence des associations des créateurs et créatrices du Québec appuie la démarche très importante de l'Union des artistes pour qu'une loi vienne confirmer, entre autres choses, le principe de la négociation obligatoire. 5i nous n'en avons pas fait notre cheval de bataille, c'est que notre attention était retenue par d'autres dossiers. Mais quelques-unes de nos recommandations impliquent nécessairement que voie le jour une loi comme celle que réclame l'Union des artistes.

Notre mémoire et nos recommandations, à quelques exceptions près, sont d'ordre général. Cela relève du caractère même de notre conférence qui regroupe plusieurs organismes et qui doit composer avec une multitude d'opinions. C'est pourquoi nous ne retenons que ce qui, chez nous, fait consensus. M. le Président, nous avons fait notre devoir en préparant ce mémoire. Les membres de la commission ont fait le leur en en prenant connaissance. Nous nous abstiendrons donc d'en faire lecture de manière à laisser le plus de temps possible à

la discussion et aux questions auxquelles nous tenterons de répondre au meilleur de notre connaissance.

Mais, avant de vous rendre la parole, la Conférence des associations de créateurs et créatrices du Québec voudrait féliciter Mme la ministre des Affaires culturelles d'avoir pris l'initiative de cette commission. Il n'est pas rare de voir le Québec innover et, encore une fois, le gouvernement du Québec pourra servir de modèle aux autres gouvernements du Canada. Je vous remercie, M. le Président,

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le président. Mme la ministre.

Mme Bacon: M. le Président, j'aimerais mentionner tout de suite que le mémoire qui a été soumis par la Conférence des associations de créateurs et créatrices du Québec est un des excellents mémoires que nous avons lus parce que vous avez réussi à bien articuler non seulement les problématiques mais aussi les solutions. Votre connaissance du milieu reflète aussi votre expérience du milieu et fait que vos propos sont fort justes dans votre mémoire.

Vous avez aussi mentionné dans la présentation de votre mémoire que toutes les prises de position de la Conférence des associations de créateurs et créatrices du Québec font l'objet de consultations auprès des membres et comportent un accord unanime, tacite ou actif. J'arriverai immédiatement, parce que c'est le but de nos rencontres, à ma première question: Quel est le type de consultations que vous avez conduit à travers vos membres? Vous dites que c'est vraiment un accord unanime. Comment va-t-on chercher un accord unanime, tacite ou actif, de ses membres?

M. Collette: La chose varie selon les circonstances, mais, dans ce cas particulier, nous avions rassemblé depuis plusieurs mois déjà des opinions ou des avis qui venaient de la plupart des associations, mais pas nécessairement de toutes les associations, parce qu'il faut dire que les gens ont chacun leurs dossiers, chacun leurs urgences, et le niveau de travail dans un groupe ou dans un autre peut varier. Alors, nous avons rassemblé tout ce que nous avions et nous avons fait autour de cela des réunions de travail pour essayer de voir tout ce qui concordait, allait dans le même sens, ce qui pouvait se traduire en recommandations ou non. Le tout a été, si on veut, enrobé par la connaissance que l'on a du milieu.

Un premier brouillon de mémoire a été fait et envoyé à tout le monde, avec demande de commentaires et de réflexions, de changements, d'autres propositions ou d'ajouts. Nous avons encore une fois recueilli l'ensemble de tout cela que nous avons réintégré, corrigé, aménagé, etc. Ensuite, nous avons une deuxième fois envoyé une version finale du mémoire à tout Le monde en demandant un avis définitif, si on veut. Le seul ennui que nous avons eu dans ce sens-là, ce sont les délais qui étaient relativement courts pour peut-être avoir des réactions plus étoffées, mais, généralement, il faut dire que la conférence existe depuis cinq ans, nous nous voyons relativement régulièrement et il n'y a pas des centaines de dossiers sur lesquels on travaille. Donc, tout cela finit par converger et aller dans le même sens, d'une manière ou d'une autre.

Mme Bacon: Est-ce qu'il serait possible de croire - réalité ou rêve à réaliser - qu'il y ait une rencontre entre le ministère des Affaires culturelles et le milieu? C'est pour cela que je voulais que vous explicitiez davantage sur la façon de tenir votre consultation, d'abord, avec la Conférence des associations de créateurs et créatrices et avec d'autres associations comme celles qui viennent noua voir ici à cette commission parlementaire. On pourrait penser à une grande rencontre une fois l'an du milieu culturel avec le ministère des Affaires culturelles. Est-ce que vous pensez qu'on devrait le faire, comme vous l'avez fait, à partir de documents précis sur lesquels on devrait discuter et établir un ordre du jour avec le milieu? Est-ce que vous pensez que cela pourrait être réalisable?

M. Collette: En effet, je pense que ce serait réalisable et je suis très heureux que vous mentionniez cela, parce que, à un moment donné, on a beau discuter entre nous, il nous manque des éléments. Il nous manque les éléments de faisabilité de certains dossiers et cette proposition est très intéressante. Il faudrait cependant faire en sorte qu'elle soit la plus souple possible, de façon à pouvoir... Il y a certaines circonstances officielles - je dirais peut-être comme aujourd'hui - qui permettent de dire des choses clairement, en discuter, etc., mais qui ne permettent pas l'espèce de discussions à bâtons rompus qui font quelquefois avancer les choses. On trouve des solutions au fil de la discussion.

On pourrait effectivement, à partir de projets d'ordre du jour venant des associations et venant du ministère, essayer de faire un ordre du jour et prévoir deux journées annuelles pour des discussions, des réunions, des ateliers peut-être un peu plus formels, suivis de discussions libres, suivies d'ateliers, etc., qui permettraient...

Mme Bacon: Un cadre souple, pas un cadre comme la commission parlementaire qui est un peu plus rigide.

M. Collette: Oui.

Mme Bacon: D'accord. Vous appuyez la position de l'UDA telle qu'on nous l'a soumise hier. Est-ce que vou3 demandez que le projet de loi suggéré constitue une politique globale? Est-ce qu'à vos yeux cela constitue une politique globale en vue de revaloriser le statut de l'artiste? Est-ce que vous retrouvez dans ce projet de loi l'ensemble des propositions que votre milieu voudrait faire?

M. Collette: II faudrait que je réussisse à nuancer le plus possible ma réponse. Nous appuyons la position de l'Union des artistes parce qu'il nous semble que cette démarche est un pas très important et qui ne nous sert pas nécessairement en tant que créateurs et créatrices maintenant, mais qui pourra nous servir éventuellement. La position des interprètes est assez particulière. En tout cas, elle est différente de celle des créateurs qui travaillent souvent de façon isolée, contrairement aux interprètes qui, eux, doivent travailler avec des sociétés, des grandes compagnies, etc. Quitte aussi à ce qu'ils travaillent avec des organismes plus petits, mais quand même!

Il y a des points qui, chez les créateurs ou, en tout cas, en ce qui concerne les associations de créateurs et créatrices, nous serviraient. Je vais vous donner un exemple. C'est peut-être plus facile comme cela. À l'Union des écrivains québécois, par exemple, qui fait partie de la conférence et qui sera entendue ce soir, nous avons négocié avec l'Association des éditeurs, en 1980, un contrat type d'édition. On est arrivé à un texte final du contrat en 1981. Le contrat a été publié. Il a été rendu disponible mais l'Association des éditeurs, après avoir fait tout ce travail pendant un an et demi avec nous, s'est refusée à entériner le contrat type. Elle s'est aussi refusée à demander à ses membres, qui sont loin d'être tous les éditeurs, d'appliquer ce contrat-là.

Il me semble que, s'il y avait un cadre juridique quelconque incitant fortement les parties à se rencontrer et à s'entendre sur des minima, cela favoriserait d'une manière générale la situation des créateurs et des créatrices dans un domaine ou dans un autre. Je vous donne l'exemple des écrivains parce que c'est un domaine que je connais bien. Mais la même situation peut se reproduire, par exemple, entre des directeurs de galerie et des artistes en arts visuels qui ont besoin d'un contrat d'exposition. Actuellement, les contrats d'exposition sont très variés; pas nécessairement à l'avantage des artistes. Il y a toutes sortes de situations un peu bizarres. M. Demers, de l'UDA, a parlé hier du rapport de forces qui est nécessaire à toute négociation raisonnable. Ce rapport de forces n'existe pas non plus pour les créateurs et les créatrices, pas plus que chez les interprètes avec un producteur.

Cela ne nous semble pas être ce qui règle le problème dans son entier mais cela semble être un élément important dans cette direction.

Mme Bacon: Mais c'est quand même une évaluation que vous faites de votre expérience. À ma connaissance, l'expérience de la conférence est presque unique. Vous avez quand même réussi, malgré la diversité de vos disciplines, à travailler ensemble sur des dossiers communs. Vous en mentionniez quelques-uns: celui des droits d'auteur, celui de la fiscalité, celui de l'assurance-chômage. Ce sont des dossiers sur lesquels vous avez réussi à travailler ensemble.

Si vous aviez à faire une évaluation de votre expérience, en quelques mots, parce que je ne voudrais pas que cela soit exhaustif, comment la feriez-vous? Quel avenir voyez-vous à la conférence, dans ce cadre-là?

M. Collette: Je pense que ce qui a été le plus difficile et ce qui fait qu'en même temps ce qu'on a réussi à faire est d'autant plus précieux, c'est qu'il faut trouver des sujets de préoccupation. Enfin, il y a suffisamment de sujets de préoccupation qui arrivent mais il faut choisir parmi ceux-là, pour notre travail, celui ou ceux qui, vraiment, rejoignent tout le monde.

Par exemple, ce qui a fait notre succès - je le dis humblement mais je pense que c'est, de ce côté-là, une grande réussite dans le domaine de la Loi sur le droit d'auteur -c'est la cohésion que l'on a obtenue de la part de l'ensemble des associations, leur implication dans les discussions qui ont duré plusieurs mois et les nombreuses versions, "reversions", etc., qui nous ont permis d'arriver à une position unanime, cette fois-là, très très forte et très soutenue par les associations. C'est le fait que cette question concernait vraiment tout le monde, à tous les niveaux.

Si on s'occupe d'autres dossiers, il faut vraiment pouvoir réussir à trouver les dossiers qui sollicitent l'attention de tout le monde, de façon permanente. Si on ne trouve pas cela, on a un peu de difficulté à maintenir l'attention et, donc, à maintenir la cohésion de l'ensemble. Je pense que ce qui crée aussi ces difficultés, c'est le fait que chaque organisme, chaque groupe a toutes sortes de réunions. C'est le problème bien connu de la "réunionite". Il y a toutes sortes de groupes, toutes sortes d'implications et toutes sortes de réunions. À un moment donné, cela fait qu'on n'en peut plus des réunions. Il n'y a que les dossiers superimportants qui réussissent à passer pardessus cela.

Si on pouvait réaliser la proposition que vous faisiez tout à l'heure, j'ai l'impression qu'il serait beaucoup plus facile, par

exemple, de faire le tour de table annuel et voir ce qui se passe dans le milieu plutôt que de tenter, un peu artificiellement, s'il n'y a pas d'urgence quelque part à cause d'une commission- parlementaire, d'un comité d'étude ou des choses comme cela, ce serait beaucoup facile, dis-je, de faire le tour de la question et de voir comment les choses pourraient évoluer sans mettre en place une structure comme celle de la conférence, par exemple. Ce qui ne veut pas dire que, s'il arrivait un autre dossier aussi important que le droit d'auteur ou le statut de l'artiste, il ne faudrait pas se réunir pendant plusieurs semaines, etc., pour étudier cette question.

Mme Bacon: Concernant le développement de la vie professionnelle et compte tenu de votre expérience, est-ce que vous croyez souhaitable et même possible que les différentes associations de votre milieu mettent en commun des ressources, des services? Est-ce que cette formule permettrait de faire des économies, par exemple, pour accroître l'efficacité en matière de défense des intérêts des créateurs et des interprètes? Est-ce qu'on peut penser que c'est une chose possible?

M. Collette: Je pense que c'est une chose possible. En tout cas, au niveau théorique, lorsqu'il s'agit de dossiers qu'il faut discuter sur papier, je pense que oui. À d'autres niveaux, si vous pensez à des niveaux techniques, des échanges de services, j'ai l'impression qu'il faut que les organismes aient des affinités quelque part entre eux et non pas au sens général du terme. Au niveau de la discussion et de l'établissement des politiques qui nous concernent, oui, je pense bien que oui.

Mme Bacon: À la page 9 de votre mémoire, vous indiquez dans vos recommandations "que le gouvernement envisage la mise en place d'un système de prêt ou d'échange d'employés entre la fonction publique et les associations professionnelles." Comment voyez-vous le prêt ou l'échange d'employés entre la fonction publique et les associations professionnelles? Est-ce que vous pourriez peut-être détailler un peu?

M. Collette: Oui. L'objectif que nous avions en inscrivant cette recommandation, c'est de favoriser l'échange de connaissances, l'échange d'expériences, jusqu'à un certain point. Cela relève aussi d'une expérience que nous avons faite à l'Union des écrivains. Vous avez dit, à deux reprises jusqu'à maintenant: La conférence, compte tenu de son expérience, etc. Je vaudrais vous dire que l'expérience de la conférence c'est la compilation de l'expérience de chacune des associations. Je vous en donnerai maintenant un exemple.

À l'Union des écrivains, en 1983 ou 1984, il y avait un immense congrès de professeurs de français qui se tenait à Québec et l'Union des écrivains occupait le quart de ce congrès avec un colloque sur la culture et la technologie. Bien sûr, quand il s'agit d'organiser un truc comme cela, il faut chercher des fonds, il faut engager quelqu'un pour s'occuper de la coordination et tout, et les salaires sont toujours une partie importante des budgets.

On a fait une demande et te ministère des Affaires culturelles, je pense, à ce moment ou à un autre - je pense que ce sont les Affaires culturelles - nous a proposé, plutôt que de nous donner 25 000 $ pour un coordonateur pendant six mois, de nous prêter un fonctionnaire qui était en disponibilité. Bien sûr, on a dit oui, très bien, mais pas n'importe quel, pas n'importe quelle. De toute façon, on a rencontré des gens et on est tombé, peut-être que c'est une expérience extrêmement heureuse, sur une personne très compétente et qui nous a rendu de grands services. On s'est dit que si la chose se représentait il faudrait répéter l'expérience.

De la même façon, des tas de personnes qui travaillent dans les organismes professionnels dans le domaine de la création ne connaissent pas le fonctionnement des ministères, etc. Elles pourraient faire des stages et comprendre un peu mieux les mécanismes, les implications des divers-programmes et des divers dossiers.

Mme Bacon: À la page 9, je crois, vous parlez aussi d'intensifier les rencontres entre les créateurs, les élèves et les étudiants de tous les niveaux d'enseignement. Est-ce que vous pourriez en dire un peu davantage? Est-ce que vous avez des dossiers précis en ce moment en cours ou si ce sont des choses que vous aimeriez voir réaliser?

M. Collette: C'est une sorte de souhait. Encore une fois, il faut que je me réfère à une expérience vécue, ce sont les rencontres avec les écrivains dans les maisons d'enseignement. Ces rencontres semblent répondre vraiment à un besoin dans la mesure où la demande est incessante, et on ne peut pas répondre à toutes les demandes tellement il y en a. (10 h 45)

D'autre part, ces démarches des créateurs, des créatrices dans les maisons d'enseignement leur permet, si on peut dire, de... Cela fait partie de leur travail, me semble-t-il, de diffuser leurs connaissances et de faire connaître leur discipline aux gens qui sont plus jeunes. C'est pour cela que je dis que cette mesure préparera éventuellement des clientèles ou même susciterait des vocations. Cette recommandation vise aussi à

soutenir, selon nos moyens, la recommandation ou le projet qui avait été présenté par le Conférence canadienne des arts, section Québec, en ce qui concerne l'implication plus grande des créateurs et des créatrices dans les maisons d'enseignement. Il ne s'agit pas - je pense qu'il faudrait le préciser à cause des discussions qui tournent maintenant autour du monde de l'enseignement - de remplacer les enseignants; il ne s'agit pas d'être là comme du personnel d'appoint non plus, mais il s'agit de trouver une formule qui soit vraiment une formule de collaboration de façon que l'écrivain qui, par exemple, rencontre des étudiants dans une classe puisse devenir une sorte d'instrument ou un support au cours qui est donné à ce moment-là.

J'avoue que les expériences qu'on a vécues jusqu'à maintenant nous démontrent que dans la grande majorité, environ 70 % des cas, les enseignants et les étudiants sont très satisfaits de ce genre d'événement. Cela a l'intérêt de la démystification. On sait que, par exemple, un écrivain ou un graveur, cela existe, que ce n'est pas vraiment seulement une image, que c'est quelqu'un d'accessible. Cela permet de répondre non seulement à des questions touchant la création, mais d'ordre technique également. Cela permet aux étudiants et aux étudiantes de voir que ces choses-là 3ont accessibles, ce qui n'est pas le cas si on n'a jamais entendu parler de cela avant de sortir de l'école.

Mme Bacon: Comment voyez-vous la mise en oeuvre d'une politique concernant l'attribution de contrats de rédaction, de conception, d'illustration, même de services audiovisuels à des créateurs? C'est à la page 10, je pense.

M. Collette: Vous parlez de ce qui est à la page 10.

Mme Bacon: C'est à la page 10 de votre mémoire.

M. Collette: Oui. Les trois recommandations qui sont là sont trois aspects d'une même démarche. Ce qu'on demande, dans le fond, c'est que s'il y a de l'argent gouvernemental engagé, par exemple, donné sous forme de subventions à un organisme qui utilise des créateurs et des créatrices, dans les conditions de versement des subventions, le ministère des Affaires culturelles ou même n'importe quel autre ministère du gouvernement s'assure que les créateurs et les créatrices soient respectés financièrement et contractuellement dans ce domaine. On demande au gouvernement, pour ses contrats à l'interne, de donner l'exemple, si on veut, et de faire la même chose, c'est-à-dire de faire en sorte que le respect du droit d'auteur, par exemple, soit clairement établi - mais il n'y a pas vraiment de problème de ce côté - que les sommes versées aux créateurs et créatrices soient suffisantes et raisonnables. Peut-être que les méthodes de versement pourraient être différentes. Plutôt que des forfaits, cela pourrait être des redevances parce que, souvent, les forfaits ne permettent pas -cela fait un montant intéressant d'un coup -de savoir quelle va être la vie de l'oeuvre qui est vendue à ce moment-là et quels seront les "découlants" de cette vente par la suite. Je ne sais si j'ai répondu entièrement à votre question, mais...

Mme Bacon: Oui, c'était dans les trois recommandations que vous faisiez à la page 10 de votre mémoire. Cela va. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le Président, je voudrais saluer de nouveau Mme Lemay, Mme Séguin et M. Patenaude, qu'il me fait plaisir de revoir, de même que Mme Fortier et M. Collette. En voyant s'ajouter M. Collette, je me suis dit qu'il y aurait des économies de coût à la prochaine commission que de la tenir dans Saint-Jacques.

Une voix: II n'en manque pas une.

M. Boulerice: Je ne rate jamais cette occasion-là, vous devrez vous y habituer rapidement.

Le Président (M. Trudel): M. le député de Saint-Jacques, la première commission itinérante que nous tiendrons passera au moins une demi-journée dans Saint-Jacques. On commencera sûrement dans Chomedey, M. le député de Saint-Jacques.

Mme Blackburn: Et à Chicoutimi. Mme Bacon: Ma crainte, c'est...

Le Président (M. Trudel): Et on passera également par Bourget, merci.

M. Boulerice: Une demi-journée dans Chicoutimi, je vous le concède et au moins une semaine dans Saint-Jacques.

Mme Bacon: Ma crainte, c'était que le député de Saint-Jacques demande que la rencontre du ministère des Affaires culturelles avec le milieu se tienne dans Saint-Jacques.

M. Boulerice: Dans mon bureau de comté, voilà! II y a de la place pour vous recevoir et on en serait très heureux. Mais, au-delà de cette blague qui détend

l'atmosphère, j'aurais une question assez précise à vous poser. J'aimerais que vous m'explicitiez davantage la nature des problèmes que vous avez en termes d'admissibilité à l'aide juridique pour les artistes créateurs et créatrices. Vous y faites allusion de façon très spécifique dans votre mémoire.

M. Collette: C'est qu'il y a souvent des problèmes que les artistes rencontrent dans l'application de leur contrat par exemple. Les sommes en jeu sont souvent relativement minimes, malheureusement. Lorsqu'il s'agit de récupérer, admettons, 1500 $ et qu'il en coûte, devant les tribunaux habituels, 2500 $, les gens démissionnent et laissent tomber la réclamation qui pourrait être acheminée à un tribunal quelconque.

La raison et les conséquences d'une telle situation sont les suivantes. C'est qu'il n'y a presque pas de jurisprudence qui s'établit; il n'y a pas de référence par rapport à d'autres cas, ce qui permettrait, à un moment donné, de faire l'histoire juridique, si on veut, l'histoire du droit d'auteur dans le domaine des tribunaux; en tout cas, de créer des précédents qui aideraient les gens à se débrouiller un peu mieux.

Les artistes, les créateurs, les créatrices se retrouvent donc dans la situation où, parce qu'ils ont un emploi ailleurs la plupart du temps, ils ne sont pas admissibles à l'aide juridique. Cela n'enlève rien aux problèmes qu'ils ont. Si on pouvait leur permettre de faire des réclamations dans le domaine qui les concerne, que leur admissibilité à l'aide juridique soit basée sur les revenus qu'ils ont dans le même domaine, cela nous semblerait plus équitable. Même si quelqu'un gagne 30 000 $ ailleurs et qu'il gagne 3000 $ ou 5000 $ en tant que créateur ou créatrice, il n'y a pas vraiment de raison pour que son emploi ordinaire, si l'on veut, finance le secteur de son activité qui est strictement lié à la création.

M. Boulerice: D'accord. Est-ce que vous pourriez m'indiquer quelle est la nature des principales déficiences qui sont constatées en matière de santé et de sécurité du travail chez les artistes créateurs?

M. Collette: Là, M. le député, vous nous posez une question qui est très vaste dans le fond, parce qu'à la conférence on regroupe toutes sortes d'organismes. Il y a des organismes dans le secteur des arts visuels, dans les domaines de l'écrit, des arts d'interprétation, de la musique, etc. Cela varie beaucoup d'un secteur à l'autre.

Par exemple, il y a évidemment le problème des danseurs, en ce qui concerne les arts de la scène, dont M. Patenaude va vous entretenir juste après, je pense. Alors, je m'abstiendrai, si vous me permettez, je pense qu'il va être beaucoup mieux placé que moi pour donner des exemples précis de ce qui se passe.

Chez les musiciens, toujours dans le domaine des interpètes, il y a certains problèmes qui sont liés à la pratique d'un instrument. On m'a dit que certains violonistes, par exemple, après un certain nombre d'années, développent des espèces de déformations dans leur corps, il leur pousse des - passez-moi les détails - bosses. Il arrive toutes sortes de situations de ce genre.

Il y a aussi les problèmes d'accidents. Ce sont des problèmes qui peuvent arriver aux comédiens, aux danseurs et aux instrumentistes. Évidemment, on n'a jamais encore eu de cas d'écrivains agressés par leur crayon ou par leur ordinateur, peut-être que cela viendra.

Mme Démidoff-Séguin (Tatiana): Dans le domaine des arts visuels, cette question est très importante parce que les artistes ont à travailler avec des matériaux qui sont dangereux et ils ne connaissent pas toujours les dangers inhérents à ces matières. On trouve, après plusieurs années de pratique, comme chez les graveurs, par exemple... Certains de nos grands graveurs sont tellement intoxiqués par les produits qu'ils ont utilisés toute leur vie qu'ils ne peuvent plus entrer dans certains ateliers de gravure; simplement le fait d'y entrer suscite des malaises et ils doivent ressortir. On retrouve les mêmes dangers chez les sculpteurs qui doivent travailler avec de la pierre ou d'autres matériaux qui font beaucoup de poussière et qui ont des émanations nocives. Il y a aussi les accidents parce qu'ils se servent d'outils qui sont dangereux. Ils peuvent se couper facilement un doigt; cela arrive de temps en temps.

Donc, on a de gros problèmes de ce côté, des problèmes d'information pour les artistes et des problèmes de sécurité pour les ateliers. Cela aussi peut se régler avec des subventions ou des programmes adaptés à cela.

M. Collette: Avons-nous bien répondu à votre question? J'ai l'impression que l'on a répondu par des exemples de problèmes qui se posaient. Est-ce que c'est...

M. Boulerice: Oui, mais j'aimerais bien entendre M. Patenaude parce que je sais que la danse présente des problèmes tout à fait particuliers. M. Toussaint, hier soir, a déjà un peu levé le voile, mais je pense que vous allez enrichir nos connaissances à ce niveau et je pense que c'est très important.

M. Patenaude (Gaétan): Merci, M. Boulerice. M. le Président, concernant la

question de la santé et de la sécurité au travail, j'aurai l'occasion d'en parler lorsque je discuterai au niveau de la présentation du mémoire du regroupement de façon détaillée, parce que la question de la santé et de la sécurité au travail, au niveau des interprètes, est bien particulière, le métier d'interprète occasionnant une usure importante du fait de l'exercice du métier. Comme, ici, on est au niveau d'un regroupement d'associations de créateurs, la question de l'interprète est mise... non pas qu'elle est moins importante, sauf qu'elle n'a pas été débattue. Mais je renchérirais, comme mes collègues l'ont fait dans d'autres secteurs. Il y a des pratiques dans des métiers comme cela où il y a des produits toxiques, comme dans les arts visuels.

En ce qui concerne la danse, en ce qui concerne le créateur comme tel, c'est moins aigu. Le problème se pose surtout au niveau des interprètes. C'est surtout au niveau des interprètes que la situation de la santé et de la sécurité au travail se pose et qu'il sera nécessaire, selon nous, de mettre sur pied un programme spécifique en ce qui a trait à la prévention et à la protection.

M. Boulerice: Vous avez dit, au début, que vous endossiez le projet de loi de l'UDA. Alors, vous êtes conscient que le projet de loi de l'UDA mènera à une loi face à certains producteurs, à certains entrepreneurs du secteur privé?

M. Patenaude: La question s'adresse à moi?

M. Boulerice: Je vous demande si vous êtes bien conscient de la portée de la loi?

M. Patenaude: M. Collette parlait, tout à l'heure, de nuancer l'appui au projet. De ce que je connais du projet de loi - je n'ai pas eu connaissance de ce qui a été présenté hier - je sais pertinemment que nous endossons le principe d'une reconnaissance juridique d'un statut pour l'artiste. La nuance que l'on doit faire, compte tenu de notre milieu particulier, c'est de voir comment va se faire le travail de représentation et la mise en place de ces négociations entre les producteurs et les artistes au niveau des créateurs, au niveau des interprètes. Dans le milieu de la danse en particulier, on rencontre souvent des producteurs qui sont aussi des artistes. Il y a un double statut entre producteurs et employeurs. Il y a des gens qui sont directeurs artistiques, chorégraphes et, en même temps, ils se trouvent à engager des danseurs. Donc, ils sont dans une situation de double statut, comme on l'est par rapport à la fiscalité. Que l'on reconnaisse un statut juridique à l'artiste est souhaitable. Il faut voir toutes les modalités d'application de cette reconnaissance et quels seront les rôles des associations, quels sera l'encadrement qui sera nécessaire. À ce niveau, nous endossons le principe d'un statut mais nous mettons nos réserves sur l'application des modalités de reconnaissance du statut.

Mme Fortier (Claudette): Les associations au sein du regroupement n'ont pas toutes la même vocation, si je peux dire. Certaines des associations ont pour objectif de promouvoir le secteur qu'elles représentent. Par exemple, le CEAD a un mandat de promotion du théâtre et non pas de défendre les artistes et certains autres groupements. La réflexion, à ce niveau... En ce qui concerne les associations qui ont le mandat de représenter leurs membres et de les défendre économiquement, nous sommes persuadés qu'il faille avoir une loi qui consacre la particularité du statut des artistes. Nos collègues de l'UDA ont proposé leur démarche et leur réflexion. Je pense que c'est un très grand pas. (11 heures)

M. Boulerice: À la page 14, è "Recommandations: Vie professionnelle", je lis: "Que le gouvernement, de la manière la plus systématique possible, délègue aux associations de créateurs et de créatrices la responsabilité de programmes de développement". Est-ce que vous iriez jusqu'à ajouter "programmes de développement et de perfectionnement"? Je vous pose la question parce que, dans le domaine de l'éducation où j'étais il y a quelque temps, il existe des programmes très décentralisés, surtout des programmes de cogestion au niveau du perfectionnement. Cela se fait, en tout cas selon la dernière évaluation quand même récente, soit celle du 1er décembre 1985 je crois, à la satisfaction des deux parties.

M. Collette: Alors, de ce côté-là, oui, j'ajouterais, éventuellement, "de perfectionnement", quoique j'aie l'impression que la nécessité se ferait sentir d'une façon différente d'une association à l'autre. Il y a des différences, comme je le disais tout à l'heure, entre nos associations. Il y a des différences, en particulier, au niveau de leurs moyens ou de leurs structures, ce qui fait que certains organismes pourraient se sentir prêts, maintenant, à gérer ou à cogérer des programmes de développement ou de perfectionnement," tandis que d'autres-diraient: Oui, on trouve que c'est important, mais il vaut mieux que l'État le fasse ou qu'un autre groupe, ou que les écoles, les maisons d'enseignement le fassent, parce qu'on n'a pas les moyens de le faire. Ce qu'on a voulu signaler de cette manière-là, c'est la disponibilité d'un certain nombre d'organismes à le faire, de façon à acquérir petit à petit des compétences ou à développer des compétences qui sont déjà là et qui

pourraient servir davantage afin que, de manière générale, le milieu se développe de façon plus harmonieuse et avec la plus intéressante autonomie. En gérant des programmes comme ceux-là, par exemple, plutôt que de recevoir une subvention, on reçoit un contrat; donc, on travaille à faire des choses et on est moins à la charge de l'État. On rend des services et c'est avec les services qu'on vend ou que l'on fait, que l'on subsiste.

M. Boulerice: Merci.

La Présidente (Mme Harel): M. le député de Saint-Jacques, vous avez d'autres questions?

M. Boulerice: Non, ça va.

La Présidente (Mme Harel): Je pense qu'il était dans l'ordre d'entendre Mme la députée de Matane? Vous aviez demandé la parole?

Mme Hovington: Je ne sais pas si je suis dans l'ordre, mais j'avais demandé la parole.

La Présidente (Mme Harel): Mon prédécesseur ne m'a pas laissé une liste des interventions.

Mme Hovington: Je peux prendre la parole maintenant, étant donné qu'il faut que je traverse de l'autre côté pour une allocution sur Radio-Québec.

La Présidente (Mme Harel): II y aurait consentement afin de donner la parole à Mme ta députée de Matane.

Mme Hovington: Au niveau des associations professionnelles, est-ce qu'il est prévu chez vous de faire une distinction entre différents artistes: des associations pour les sculpteurs ou les artistes peintres ou les danseurs, ou est-ce que tout cela est mélangé? Je pense spécifiquement aux artistes peintres qui sont des artistes très individualistes, qui sont seuls devant leur toile blanche et qui sont des individus un peu marginaux qui n'ont pas nécessairement le goût de faire partie d'une association. Quand je vois que vous suggérez au gouvernement de toujours passer par des associations* pour, par exemple, distribuer les subventions ou pour examiner les questions d'amélioration ou de perfectionnement, est-ce que vos associations sont bien représentatives de toutes les catégories d'artistes peintres? Je pense à des Philippe Surrey à des Henri Masson, à des René Gagnon, à des Stanley Cosgrove, à des Jean-Paul Lemieux qui n'ont jamais fait partie d'associations et qui, pourtant, auraient peut-être eu besoin de subventions pour s'ouvrir au marché extérieur du Québec ou de soutien, en tout cas, en tant que créateurs. Est-ce que cela ne fait pas une ségrégation, le fait que vous demandiez que tout passe par une association, en tant que gouvernement?

M. Collette: Je ne pense pas qu'on ait réclamé la distribution de subventions.

Mme Hovington: Un petit peu de...

M. Collette: On a parlé effectivement de programmes de développement, mais le mot "développement" est peut-être trop vague dans les circonstances. Je vous prie de nous croire, on ne veut pas distribuer les subventions.

Mme Hovington: Par exemple, vous demandez que soit déléguée aux associations de créateurs la responsabilité de programmes de développement. C'est ce que vous disiez.

M. Collette: Les programmes de développement, cela peut être, par exemple... Qu'est-ce que cela peut être? M. le député de Saint-Jacques disait: Est-ce que ce pourrait être aussi des programmes de perfectionnement? Dans le fond, j'ai répondu que cela pourrait s'ajouter, mais peut-être qu'il peut y avoir une sorte de confusion, de fusion entre les deux mots. Ce sont plus des programmes qui sont au service des créateurs et des créatrices, mais pas nécessairement... Je ne sais pas. Il n'y a pas de... La planification de dossiers qui peuvent servir à l'ensemble. On peut représenter l'ensemble des créateurs et des créatrices sur des programmes essayer de faire en sorte que leurs intérêts soient les mieux respectés ou des choses comme cela.

De façon plus précise, je donnerais encore un exemple. Le ministère de l'Éducation a signé, avec l'Union des écrivains québécois en 1983, une convention qui concerne la reprographie dans les maisons d'enseignement du Québec, de façon que les auteurs puissent être dédommagés pour les photocopies qui sont faites.

L'union des écrivains administre ce programme. L'union des écrivains comprend 450 membres, mais ce programme s'applique à 7300 auteurs. On travaille au nom de ces gens. Bien sûr, tout le monde ne peut pas faire partie d'une association. Ce peut-être parce que, à un moment ou à un autre, on est rébarbatif à ce genre de regroupement ou bien parce qu'on n'aime pas la tête du président ou parce qu'on trouve que c'est trop corporatif. Enfin, on peut trouver les raisons qu'on voudra.

Cela n'empêche pas que les regroupements, de par leur mandat - ces regroupements ont des chartes, des objectifs -travaillent, même s'ils ne le veulent pas, de

toute façon pour l'ensemble de la communauté d'une discipline donnée. Vous donnez l'exemple des artistes en art visuel; déjà, de ce côté - si Mme Séguin veut rajouter quelque chose, elle le fera - il y a quatre ou cinq organismes. C'est déjà assez subdivisé. Je pense que cela peut refléter plusieurs tendances et, comme les artistes en art visuel pratiquent souvent diverses disciplines, ils pourraient aussi bien faire partie de plusieurs associations que d'en choisir une seule, etc. Je vois la crainte que vous avez. Je pense vraiment qu'il n'y a pas de problème de ce côté.

Mme Hovington: Quels seraient les critères que vous établiriez pour définir le statut professionnel d'un créateur en art visuel, par exemple, dans une association?

M. Collette: En art visuel, je vais laisser la parole à Mme Séguin, car ce n'est pas mon secteur.

Mme Démidoff-Séguin: Concernant les associations, par exemple, il y a une association spéciale pour les peintres, une pour les sculpteurs, une pour les graveurs: On peut définir tout ce qui concerne tout métier, aller négocier, aller sensibiliser et les gouvernements et l'ensemble des intervenants culturels. Lorsque nous arrivons par nos pressions à faire adopter des lois ou des mesures favorables aux artistes, ce sont tous les artistes de ces disciplines qui en profitent, pas forcément ceux qui sont membres de l'association. C'est très net au départ. Comme le disait M. Collette, même si une association ne voulait travailler que pour ses membres, à ce niveau-là, on travaille pour tous les artistes.

Maintenant, pour définir le professionnalisme de l'artiste en art visuel, on a des critères actuellement, par exemple, pour accepter des membres. Ce sont des critères de l'UNESCO. Ces critères sont très larges. On peut répondre à certains critères et pas à d'autres. Il n'est pas dit que tel critère est indispensable ou non. Pour l'instant, cela cerne assez le professionnalisme. Ce n'est pas assez précis toutefois pour le ministère du Revenu qui nous dit: Si on veut vraiment faire appliquer ou modifier des lois par le biais du ministère des Finances en faveur des créateurs, il va falloir que ce soit encore plus défini, même si ces critères sont acceptés.

Dans le mémoire que je vais présenter cet après-midi, je donne la liste des critères de professionnalisme tels qu'ils existent actuellement; les nôtres, au Conseil de la sculpture - mais ce sont exactement les mêmes pour les autres associations en art visuel - ceux qui ont été définis par le sous-comité sur l'imposition des artistes et des interprètes et les critères de pro- fessionnalisme qui sont actuellement acceptés par le ministère du Revenu. En tout cas, le ministère du Revenu dit que ces critères donnent une idée de professionnalisme pour un artiste. Mais on continue à travailler. C'est une grande question. Ce sera très difficile à cerner. Pour l'instant, il faut se contenter de ces critères que je peux vous communiquer ultérieurement.

La Présidente (Mme Harel): D'accord. Vous voulez compléter, M. Collette?

M. Collette: Oui. Il arrive parfois qu'on ait un trou de mémoire ou, enfin, que les mots ne viennent pas à la bouche comme on le voudrait. Je voudrais bien ... Voyons! Non, cela ne vient pas comme on voudrait.

Je voudrais vous donner deux exemples, disons, des programmes de développement. Ce sont des choses que peuvent faire les associations professionnelles et qui peuvent s'adresser au choix, selon les décisions qui sont prises, à leurs membres ou à l'ensemble d'une communauté; c'est, par exemple, des fonds de retraite ou des assurances collectives ou des choses comme cela.

Un regroupement peut mettre en place les mécanismes nécessaires et, de toute façon, on a tous intérêt à ce qu'il y ait le plus grand nombre de personnes qui y participent, parce que, à ce moment-là, la caisse est plus importante et les cotisations moindres parce qu'elles demeurent à un plafond pas trop élevé, et la solidité du fonds de retraite, par exemple, est plus intéressante. Donc, cela peut s'adresser à tous les créateurs d'un secteur, à tous les écrivains du Québec, disons, même si c'est l'Union des écrivains qui gère le programme, ou des choses comme cela.

Par ailleurs, pour ajouter une petite note sur les critères de professionnalisme, cette question se pose depuis un bon moment. Elle s'est posée justement, lorsque nous avons rencontré les gens des ministères du Revenu du Québec et du Canada, lorsqu'il était question de réforme et d'aménagement. À ce moment-là, les associations avaient, peut-être pas toutes, mais une grande partie, déjà dressé des listes de critères qui étaient applicables dans leur secteur ou dans leur milieu.

S'il fallait quelque part - il faudrait peut-être arriver à cela assez rapidement -établir des critères applicables de façon universelle à l'ensemble des créateurs et des créatrices, je pense que cela ne serait pas très compliqué. Je pense qu'il faudrait seulement faire la démarche de la moyenne, si l'on veut. C'est-à-dire que chaque groupe émette l'ensemble des critères qui lui semblent importants. On s'assoit autour d'une table; on fait une compilation et on voit ce qui se passe. Bien sûr, il faudrait nuancer

quelque part, mais il n'y a pas des millions de critères et, même s'il y a des différences d'un domaine de création à un autre, cela finit pas s'équivaloir la plupart du temps.

Mme Hovington: Merci.

La Présidente (Mme Harel): Alors, c'est complet, Mme la députée de Matane?

Mme Hovington: Oui, merci.

La Présidente (Mme Harel): M.

Collette, je vais vous demander de pousser votre micro de manière que vous puissiez être plus facilement capté. M. Patenaude, vous avez précédemment dit, en réponse à une question qui vous était posée, je pense par le député de Saint-Jacques, qu'il y avait donc accord de principe à la conférence pour souhaiter le plus rapidement possible une reconnaissance juridique du statut de l'artiste.

Mais je crois comprendre, M. Collette, à la lecture du mémoire que vous présentez devant cette commission, que vous recommandez encore plus que des mesures individuelles. Par exemple, à la page 10, vous recommandez comme mesures s'appliquant aux associations professionnelles "que, par des mesures législatives, le gouvernement reconnaisse le principe de la négociation obligatoire, dans la mesure où se trouvent en présence des regroupements représentatifs de créateurs et créatrices et de producteurs ou productrices." Là, il faut bien voir que, s'il y a certainement un très large consensus pour une reconnaissance juridique du statut de l'artiste dans sa dimension individuelle, c'est-à-dire pour en arriver à des améliorations fiscales ou à des améliorations professionnelles, je crois comprendre qu'il y a comme une réflexion sur l'aspect collectif de cette reconnaissance. Cela va donc plus loin, d'après ce que je crois comprendre de votre mémoire.

C'est intéressant parce que la conférence regroupe non seulement des associations qui doivent promouvoir la défense des intérêts de leurs membres, mais je crois comprendre que la conférence regroupe aussi des associations qui, d'une façon générale, font la promotion du secteur culturel, des activités, des industries culturelles et autres. C'est bien le cas. Donc, il y a là une recommandation -j'aimerais vous entendre là-dessus - à introduire un aspect collectif à cette reconnaissance juridique. C'est certainement le point névralgique de toute la réflexion qui se poursuit. (11 h 15)

Dans le domaine du travail, on a des lois sur le travail. Et si on parle de libre négociation, vous êtes certainement informés qu'il y a obligation de négocier dès qu'il y a accréditation. La libre négociation, cela veut dire qu'elle n'est libre que sur le fond, parce que, sur la forme, l'État reconnaît le droit d'association, l'obligation de négocier, au point même où il y a, dans les dispositions du Code du travail, l'imposition possible d'une première convention collective en cas de désaccord entre les parties.

Quand vous parlez de négociation obligatoire, qu'est-ce que vous envisagez? Comment envisagez-vous cet aspect? Tantôt, vous répondiez à la députée de Matane sur tout l'aspect des associations professionnelles et de la représentativité. Évidemment, il ne peut y avoir de négociation qu'avec un interlocuteur qui regroupe aussi les producteurs. Si tant est que vous souhaitez qu'il y ait telle mise en place du côté des producteurs, il faut donc que vous l'envisagiez de même de votre côté. Comment voyez-vous tout cela?

M. Collette: Eh bien, Mme la Présidente, vous avez raison de dire que la réflexion se poursuit. Effectivement, on n'est pas complètement - comment dire - branchés sur cette question. Cependant - je reviens encore à la composition de la conférence qui est assez variée, ce qui fait qu'on ne peut pas aller dans le fond plus loin que ce qui est inscrit dans notre mémoire - on demande au gouvernement de reconnaître le principe de la négociation obligatoire. C'est que, pour certains organismes, ce serait une chose probablement très utile. Je vous donnais l'exemple, tout à l'heure, du contrat d'édition. Si cette chose avait existé, la représentativité de l'Union des écrivains aurait pu être démontrée, celle de l'Association des éditeurs canadiens aussi. On aurait donc pu arriver à une entente qui s'appliquerait et qui ne serait pas simplement laissée au hasard et à la bonne volonté des éditeurs ou à l'insistance des écrivains. Je donne cet exemple parce que c'est peut-être celui qui me vient le plus facilement à l'esprit.

Il y a certainement d'autres domaines où, par exemple, les écrivains, les scénaristes, etc. aimeraient avoir des garanties, et souhaiteraient qu'il y ait une convention qui englobe, qui recouvre leurs conditions de travail. Mais je ne pense pas -mes collègues me corrigeront si j'avance un peu trop vite dans cette histoire - qu'il y ait, de la part des associations de créateurs et de créatrices, des associations professionnelles donc, un désir d'établir partout, maintenant, des conventions collectives pour chaque secteur où les oeuvres sont utilisées. Cependant, comme je le disais tout à l'heure, si, par exemple, le gouvernement donnait suite à la proposition de l'Union des artistes, il y aurait là un contexte très intéressant qui nous permettrait peut-être de nous prévaloir de ce

que contiendrait ce projet de loi.

Une des raisons pour lesquelles aussi on est un peu hésitants dans ce domaine, c'est qu'on ne sait pas... Il y a le champ des interprètes qui a été très bien défini par l'Union des artistes; la situation est très claire et tout cela. Mais comment cela s'appliquerait-il précisément dans le domaine des créateurs? Là, on ne le sait pas. Et la réflexion là-dessus est encore en marche.

La Présidente (Mme Harel): Je pense que Mme Fortier voudrait ajouter quelque chose, peut-être?

Mme Fortier: Si vous le permettez, j'aimerais ajouter à ce que mon collègue a dit. L'organisme pour lequel je travaille, la SARDEC, représente les auteurs de l'audiovisuel, à savoir la radio, la télévision et le cinéma. C'est certainement la vocation de l'organisme que je représente de négocier des ententes collectives pour ses membres. Vous avez parlé, tout à l'heure, de l'obligation de négocier qu'on retrouve dans le Code du travail. Cela existerait dans une nouvelle loi. Actuellement, le Code du travail ne s'applique pas aux gens que nous représentons, vous n'êtes pas sans le savoir. L'incorporation de chacune des associations ferait en sorte que, si c'est leur mandat de le faire, elles seraient incorporées, selon la loi sur les syndicats, en associations professionnelles et les représentants de cesdites associations négocieraient. Si elles ont une vocation autre, c'est à elle de la déterminer.

Tout à l'heure, Mme la députée de Matane a parlé des associations. Pourquoi se regrouper? Les artistes sont des travailleurs individuels. Le rapport de forces entre leur employeur ou l'usager de leurs oeuvres est très débalancé. Ce n'est qu'au moyen d'associations professionnelles que leur statut économique, social et juridique pourra être défendu et le mieux traité, je crois; c'est la vocation des associations professionnelles.

La Présidente (Mme Harel): M.

Patenaude.

M. Patenaude: Merci, Mme la Présidente. Quand j'ai parlé de nuances tout à l'heure, j'ai oublié de dire que le regroupement n'est pas un syndicat. Le Regroupement des professionnels de la danse regroupe à la fois des créateurs, des interprètes, des administrateurs, des enseignants au niveau de la danse et son but n'est pas de négocier les conventions collectives. Son but est de favoriser l'amélioration du statut socio-économique. Quand on parle de statut économique des artistes, cela va de pair avec le développement des professions artistiques. Dans la mesure où on reconnaît les statuts, il faut aussi, parallèlement à cela, qu'il y ait des mesures pour développer les professions artistiques. La syndicalisation est-elle la solution? Certains le croient, d'autres non. Ce sont les artistes qui vont trancher en dernier recours: les danseurs, les chorégraphes et ceux qui sont directement impliqués.

Nous n'en sommes pas là, mais nous croyons qu'il serait sûrement nécessaire qu'il y ait reconnaissance du statut juridique -vous l'avez mentionné tout à l'heure - par rapport à différentes lois fiscales, sociales ou une reconnaissance juridique. On pourrait faire les amendements au niveau des règlements de ces différentes lois, ce qui fait qu'on aurait accès aux différentes protections sociales. Nous en sommes là. C'est la nuance que nous apportons et elle est fondamentale.

La Présidente (Mme Harel): Oui, je crois que Mme Lemay voudrait la parole.

Mme Lemay (Jacqueline): Je voudrais simplement ajouter que je représente les auteurs et les compositeurs, la SPACQ. Quand on parle de négociations, dans notre cas évidemment, quand il est question des droits d'auteur, on a des sociétés au niveau du droit d'exécution publique qui ont le mandat de négocier et on a aussi la SODRAC qui négocie au niveau des droits mécaniques. Notre mandat à nous, comme association, c'est de pousser sur ces sociétés-là pour que la négociation se fasse mieux. C'est la nuance que je voulais apporter pour expliquer le silence là-dessus.

La Présidente (Mme Harel): Oui, M. Collette.

M. Collette: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Harel): Évidemment, c'est toujours en regard de cette recommandation, à la page 10, au gouvernement de reconnaître le principe de la négociation obligatoire.

M. Collette: Oui. À moins que je ne me trompe, si un projet de loi comme celui-là existait, avec des variantes que je ne connais pas, j'ai l'impression que, s'il y avait cette reconnaissance des associations professionnelles en tant que syndicats pouvant négocier les conventions collectives, il y aurait certaines implications d'une loi comme celle-là sur d'autres choses que peuvent faire les organismes en question. Par exemple, la question de la gestion d'une caisse de compensation, d'une caisse de sécurité ou d'un régime de retraite que, légalement, on ne peut pas vraiment faire maintenant; il faut confier cela à des sociétés de fiducies ou d'autres choses comme cela.

En fait, on s'est arrêté seulement sur cette question de la négociation, mais, dans le fond, une loi définissant les syndicats professionnels a des implications plus larges.

La Présidente (Mme Harel): Je vous remercie, M. Collette. La parole est au député de Sherbrooke.

M. Hamel: Mme la Présidente, sans que nous nous soyons concertés, ma collègue, Mme la députée de Matane, a soulevé deux points qui me préoccupaient aussi et auxquels M. Collette a apporté une certaine réponse. En fait, dans vos recommandations sur la vie professionnelle, au sujet des programmes de développement, je pense que vous avez reconnu qu'il y avait matière à précisions. L'autre point concernait la redistribution des sommes provenant de l'usage des oeuvres. Notre gouvernement est plutôt préoccupé d'alléger ta bureaucratie et la réglementation. Alors, je voyais difficilement qu'on veuille en ajouter ou comment on pourrait redistribuer ces sommes à toutes vos associations plutôt qu'à la conférence. Si vous voulez ajouter quelque chose tantôt, c'étaient deux points qui me préoccupaient.

M. Collette: Excusez-moi, mais est-ce que je comprends bien que vous vous demandez...

M. Hamel: À la page 14, c'est que Mme...

M. Collette: ...si la conférence pourrait accueillir des sommes ou bien si ce sont les associations qui devraient les accueillir?

M. Hamel: Non, c'étaient sensiblement les mêmes préoccupations que ma collègue, Mme la députée de Matane. Dans la deuxième recommandation, à la page 14, vous dites que le gouvernement devrait automatiquement redistribuer des sommes provenant de l'usage des oeuvres dans les institutions publiques et, de plus, établir automatiquement des conventions avec les associations. Or il y a plusieurs associations. Est-ce que vous souhaiteriez davantage être l'organisme centralisateur qui redistribue ensuite?

M. Collette: Non, ce n'est pas cela. Excusez-moi parce, lorsque vous avez posé votre question, je faisais référence au premier élément et c'est pour cela que j'avais mal compris ce que vous me disiez. Vous étiez clair.

Non, je ne veux pas dire que c'est la conférence qui devrait accueillir les sommes et les redistribuer par la suite. Je vous dirai simplement, cependant, que si - c'est dans l'air, cela se discute - le gouvernement du Québec décidait d'établir un système pour compenser, par exemple, les artistes en art visuel pour la présence de leurs oeuvres dans les musées, il pourrait être normal de songer à ce que les associations en art visuel soient celles qui obtiennent le contrat de redistribution, de façon, comme vous l'avez souligné, à alléger l'appareil gouvernemental et en même temps à créer dans ces associations des compétences ou à exploiter les compétences qui s'y trouvent. Puisqu'il s'agit d'un contrat, il y a une partie de cette somme qui devient le profit, 10 % si on veut, ou des frais d'administration, qui permettent à l'organisme, par ailleurs, d'offrir d'autres services parallèles parce qu'il est mieux structuré ou parce qu'il a un personnel plus compétent. Donc, c'est dans ce sens-là, mais ce n'est surtout pas la conférence dans la mesure où la conférence est un regroupement de bonne foi qui étudie les dossiers et qui, lorsqu'il n'y a plus de dossier, n'existe plus jusqu'à un certain point.

La Présidente (Mme Harel): Alors, il me reste à remercier les représentants de la Conférence des associations de créateurs et créatrices du Québec et, à moins qu'il n'y ait d'autres interventions, nous allons continuer. M. Collette, vous avez une dernière intervention?

M. Collette: Non. Je voulais simplement, à mon tour, vous remercier aussi de nous avoir accueillis.

Regroupement des professionnels de la danse du Québec Inc.

La Présidente (Mme Harel): Donc, je vous remercie. J'inviterais maintenant le Regroupement des professionnels de la danse du Québec inc. Je pense que M. Patenaude reste avec nous. Il va demeurer. M. Jean-Pierre Perreault doit le rejoindre. M. Patenaude et M. Perreault, je ne sais lequel de vous nous présente le mémoire du regroupement.

M. Perreault (Jean-Pierre): M. Patenaude présentera un bref survol du mémoire du regroupement. Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je voudrais d'abord vous remercier de nous avoir invités à présenter notre mémoire sur le statut de l'artiste. Est-ce que je parle assez fort?

La Présidente (Mme Harel): Oui. Simplement pourriez-vous déplacer le micro?

M. Perreault: II est...

La Présidente (Mme Harel): Peut-être pas le déplacer, mais le hausser.

M. Perreault: Le hausser? Ah, voilà.

L'art de la danse a connu un essor formidable chez nous au coure de la dernière décennie. Cette prolifération de créateurs, de troupes, d'interprètes et la qualité des réalisations ont permis une contribution précieuse à notre vie culturelle. Le milieu de la danse arrive à une phase cruciale de son développement. II a démontré depuis deux ans un désir de concertation et une maturité face à la capacité de réflexion efficace sur son développement. Nous ne demandons pas une simple valorisation du statut de l'artiste, mais bien son acceptation comme citoyen à part entière et une reconnaissance sincère de l'importance de sa contribution. Cette reconnaissance doit s'accompagner de gestes concrets afin que nous puissions passer d'une condition de survie à un exercice de la profession qui soit dynamique et valorisant. Je vous remercie et je laisse la parole à M. Patenaude.

La Présidente (Mme Harel): Alors, merci M. Perreault. M. Patenaude, qui est le directeur général. (11 h 30)

M. Patenaude; Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je ne reprendrai pas la lecture en entier du mémoire que nous avons présenté. Je vais simplement prendre les différents points, faire ressortir l'essentiel de chacun et ensuite laisser la parole aux députés.

Dans le préambule de notre mémoire, nous définissons le rôle de l'État à l'égard du financement des arts. Dans une société comme la nôtre et dans toute société, le rôle de l'État, par rapport au financement des arts et par rapport aux activités qui ne sont pas immédiatement ou pas visiblement rentables - et certainement pas dans des termes comptables - consiste à intervenir par son financement pour assurer la réalisation de projets et d'activités qui autrement, ne verraient pas le jour ce, sans compter la qualité des promoteurs. C'est donc l'importance du leadership de l'État à l'égard du financement qui va faire la différence.

Quand on parle des arts, on parle de création et d'interprétation; on parle de qualité de vie d'une société. Une société qui ne serait pas capable d'offrir une qualité de vie ne serait pas capable, non plus, d'attirer les investissements, A titre d'exemple, on ne peut pas imaginer New York comme ville, sans les arts. On oublie souvent, lorsqu'on essaie de comptabiliser les différentes activités, qu'il y a certaines activités qui ne s'évaluent pas en termes comptables. Elles paraissent être du capital de risque ou de l'argent jeté par les fenêtres. Dans le domaine des arts, ce n'est pas le cas. Lorsqu'on investit dans le domaine des arts, on investit dans une ressource naturelle, une ressource publique: l'énergie créatrice de nos artistes. C'est fondamental. L'apport de l'État dans le domaine des arts est un peu semblable à son apport dans les ressources naturelles, par exemple, qui laissées au Libre arbitre d'une société, n'attireraient que des promoteurs qui chercheraient à en faire un gagne-pain ou un profit. On ne cherche pas à faire des profits avec le domaine artistique. Le profit qu'on cherche, c'est la société dans son ensemble par sa qualité de vie, par son mieux-être collectif qui le trouve. On peut penser à l'impact des arts dans la diminution de la criminalité, l'harmonisation des rapports sociaux.

Par conséquent, compte tenu qu'au Québec il n'y a pas de mécénat privé, on demande au gouvernement du Québec de ne pas abdiquer ses responsabilités à l'égard du financement des arts, mais, au contraire, d'augmenter sa contribution et de se doter d'une politique de financement à long terme. De plus, parallèlement à cette augmentation de sa contribution, on demande qu'il y ait des incitatifs fiscaux de façon que ce mécénat privé se développe et que dans, peut-être une décennie, nous ayons développé ce nouvel apport au financement.

À la section I, nous parlons de revenus et de droits d'auteur. L'essentiel de cette section a trait aux arts d'interprétation: les interprètes et les créateurs ne gagnent pas leur vie par leurs activités artistiques. À titre indicatif, le revenu moyen d'un interprète en 1984,'selon Statistique Canada, était un désolant 3537 $, alors qu'au Canada anglais il était de 8300 $. Pour un chorégraphe, 800 $ au Québec; 1000 $ pour le reste du Canada. On ne se surprendra pas qu'il faille deux ou trois professions ou trois emplois pour arriver à avoir un minimum décent, quand ce n'est pas la désolante réduction aux prestations des différents régimes de protection sociale, bien sûr lorsque ces professionnels y ont accès. L'objectif visé, c'est l'augmentation du revenu moyen des professionnels de la danse: interprètes et chorégraphes. Pour y parvenir, notamment, nous recommandons au ministère des Affaires culturelles, lorsqu'il attribue ses enveloppes budgétaires, de considérer la particularité du secteur de la danse. Deuxièmement, nous recommandons au ministère, lorsqu'il s'engage à financer en totalité ou en partie un projet, qu'il consente les sommes nécessaires pour assurer une rémunération adéquate aux créateurs et aux interprètes.

En ce qui a trait aux droits d'auteur, à titre indicatif, la danse est un art éphémère contrairement aux autres activités artistiques ou aux autres types de créations où, dans le processus de création et de production, on fixe une oeuvre. L'écrivain écrit, son oeuvre est fixée. Le peintre fixe sur sa toile, de même que le compositeur.

Pour la danse, la fixation, c'est la mémoire du spectateur. C'est le corps

humain qui est la matière de création du chorégraphe. Par conséquent, nous recommandons que les oeuvres chorégraphiques soient protégées, notamment le droit à la rémunération lors de la création de l'oeuvre, lors de sa reprise et lors des diffusions successives. De plus, que des moyens de fixation peu coûteux soient reconnus.

En ce qui a trait aux mesures fiscales et sociales, il est important de comprendre que l'accès aux protections sociales est lié à la rémunération. À titre d'exemple, si vous pouvez bénéficier de l'assurance-chômage ou des services de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, on va baser vos prestations sur le revenu gagné. Comme on le sait, les interprètes ne gagnent pas leur vie de leur profession. Il n'y a donc pas de prestations. Au niveau de la fiscalité, nous identifions deux types: il y a les professionnels qui cherchent à vivre de leur métier, mais qui n'y arrivent pas et les professionnels qui, pour y parvenir, continuent à oeuvrer au niveau professionnel en tant qu'artistes, mais qui ont un revenu de base d'une autre profession, comme enseignants, par exemple.

En ce qui a trait aux interprètes, nous recommandons que les dépenses liées au travail d'interprétation soient reconnues. Pour ce qui est des autres professionnels, on demande qu'une part raisonnable des revenus gagnés d'une autre profession soient accordée à titre de déduction possible de cette rémunération.

En ce qui concerne la santé et la sécurité du travail, la problématique se pose ainsi. Ce n'est pas tant d'avoir accès aux mécanismes de la santé et de la sécurité du travail que de faire reconnaître le principe des maladies professionnelles. Comme l'exercice de la danse occasionne une usure démesurée du corps, il serait nécessaire que des mesures de prévention adéquates soient adoptées.

Pour ce qui est de la reconnaissance et du développement des professions artistiques, nous proposons des mesures pour qu'on arrive dans la profession à avoir des symboles auxquels puisse s'identifier la génération montante. Par exemple, lorsqu'on parie à un jeune garçon ou à une jeune fille, il y a des exemples de métiers qu'ils voudraient faire: joueur de hockey, pompier, avocat. Ce sont des professions qui, dans notre société, veulent dire quelque chose pour ce qui est du statut. Lorsque vou3 entendez un enfant dire: Moi, je veux être chorégraphe, danseur, sculpteur, compositeur, on va lui dire: Mais cela n'est pas un métier, on ne gagne pas sa vie avec cela. La réprobation générale est la tendance.

En ce qui a trait à la diffusion des spectacles, il y a un problème particulier qui se pose pour ce qui est de la danse. C'est que la concentration de la création se fait surtout à Montréal. Pour rendre accessibles à l'extérieur les créations qui se font dans l'agglomération montréalaise, le milieu de la danse est tributaire des acheteurs de spectacles. En général, les acheteurs de spectacles vont considérer la popularité d'une oeuvre en termes de guichet ou de la capacité de faire un profit. Le résultat, c'est que les oeuvres chorégraphiques expérimentales ou de recherche ne sont pas rendues accessibles aux différentes régions du Québec.

Pour ce qui est des équipements culturels, il y a, de toute évidence, insuffisance des équipements culturels tant au niveau des lieux de répétition, des lieux de création que des lieux de diffusion. Par conséquent, nous demandons au gouvernement du Québec d'avoir une politique d'investissement à long terme pour les équipements dans le secteur de la danse et de favoriser la construction d'une salle de danse spécifique à Montréal.

Une brève note sur la question de la défense de la profession. De façon évidente, les professions qui réussissent à bien défendre l'intérêt de leurs membres et à bien se faire valoir au sein de la société, ce sont les associations de membres bien nantis. On peut penser aux avocats, aux médecins, aux hommes d'affaires et aux syndicats d'enseignants. La raison est simple: elles reposent sur un grand nombre de cotisants et sur la capacité individuelle de payer des cotisations substantielles renouvelables et indexées. Ces deux éléments sont absents de façon générale de nos associations d'artistes. Bien sûr, le développement des associations est tributaire du développement des professionnels des arts et, quand ceux-ci se développeront, les associations seront fortes. Pour l'instant, elles reposent sur l'aide des gouvernements et sur un apport bénévole impressionnant qui n'est pas comptabilisé.

À titre de conclusion, nous identifions quatre qualités dont il faudra faire preuve pour assurer aux artistes créateurs et interprètes la place qui leur revient au sein de la société, de même que pour assurer le développement des disciplines artistiques. Il faudra faire preuve de courage, d'imagination créatrice, de clairvoyance et de persévérance. C'est ce dont nous demandons au gouvernement du Québec de faire preuve en dotant le Québec d'une véritable politique des arts et des professions artistiques. Merci, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés.

Le Président (M. Trudel): Merci, M.

Patenaude. Je cède maintenant la parole pour une première volée de questions à Mme la ministre des Affaires culturelles.

Mme Bacon: Merci, M. le Président. M.

Patenaude et M. Perreault, je vous félicite d'avoir pris le temps et les moyens de nous présenter un mémoire aussi étoffé que le vôtre, malgré le jeune âge de votre organisme qui a quand même été fondé en octobre 1984.

Votre organisme regroupe toutes les catégories d'intervenants du milieu: les danseurs, les chorégraphes, les professeurs, les troupes. Vous avez fait preuve d'un grand dynamisme qui est relié sans doute pour beaucoup aux membres de votre direction. Vous avez su aussi vous rallier l'ensemble des intervenants et cela vous donne sûrement cette confiance que vous avez ce matin en nous présentant votre mémoire.

Dans votre mémoire, vous abordez aussi de nombreux problèmes, évidemment, dont plusieurs sont communs à d'autres groupes qui sont venus nous rencontrer et à d'autres qui viendront aussi par la lecture que j'ai fait des mémoires. Il est évident que nous retrouvons souvent les mêmes commentaires qui nous reviennent, mais ceux-là sont les vôtres et sont aussi importants, je pense, que les autres que nous entendrons.

Au préambule de votre mémoire, vous parlez du rôle de l'État à l'égard du financement des arts. Vous voulez que l'État joue un rôle important, que les chances soient grandes que les projets que vous envisagez voient le jour et que ce soit aussi la volonté de l'État comme c'est la volonté des promoteurs de ces projets.

À la page 4 de votre mémoire, vous nous parlez aussi de droits chorégraphiques qui ne sont pas reconnus, donc, qui ne sont pas protégés. Pour remédier à la situation, vous suggérez que l'on reconnaisse ces droits et vous parlez vous-mêmes de moyens de fixation peu coûteux qui peuvent être mis en place. On sait que le secteur de la danse exige beaucoup de rigueur. C'est un mode de vie exigeant et, tout de suite, je pourrais vous dire que le gouvernement tiendra sûrement compte des conditions difficiles dans lesquelles les membres doivent travailler. (11 h 45)

J'aimerais que vous me disiez, toutefois, quand vous parlez de droits et de moyens de fixation qui sont peu coûteux, s'il y a des pays où se fait ce que vous nous proposez et recommandez. De quelle façon s'y prennent-ils? Peut-être avez-vous vu dans d'autres pays des situations que vous aimeriez voir appliquer au Québec, des programmes ou même des lois que vous voudriez voir appliquer au Québec.

M. Perreault: Je ne crois pas qu'il y ait de pays en particulier qui ait résolu ce problème ou même qui ait vraiment essayé d'y faire face. C'est une chose assez récente. Il y a des techniques de notation de la danse, disons. Il y a la méthode Laban la méthode Benesh, etc., qui sont de très bonnes méthodes, mais qui coûtent une fortune. Nous ne pouvons pas entrevoir d'utiliser ces méthodes. La seule méthode qui soit vraiment efficace et à notre portée à courte échéance, c'est le film et la vidéo. Ce sont donc de3 témoins. Parce que, quand on doit utiliser un notateur, cela veut dire qu'il faut pouvoir engager un spécialiste qui doit pouvoir écrire la chorégraphie et, ensuite, revenir, quand on veut remonter l'oeuvre, car c'est ce spécialiste seul qui peut lire l'oeuvre. Le chorégraphe ne le peut pas, ni le danseur. Comme nous en sommes toujours à un point où les artistes ne sont pas payés, on est très loin de cette solution où on pourrait avoir des notateurs.

C'est vraiment cette orientation-là qu'il faudrait avoir au chapitre des technologies nouvelles.

Mme Bacon: Justement, comment pouvez-vous expliquer la disparité entre le Québec et le reste du Canada? Vous mentionniez tantôt 3537 $ pour le Québec, 8300 $ pour le reste du Canada. Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples où c'est nettement mieux rémunéré dans les autres provinces que par rapport au Québec?

M. Perreault: C'est que l'Ontario a une grande avance sur nous. Quand on voit ce qui se passait il y a vingt ans à peine, disons, avec la danse, le gouvernement du Québec n'était pas encore impliqué dans le domaine de la danse, il y a vingt ans, sauf avec les Grands Ballets canadiens, mais c'était tout. L'intérêt du gouvernement pour la danse est très récent. Quand on regarde en Ontario l'École de ballet nationale et le Ballet national qui prennent la part du lion du budget, ils ont augmenté vraiment la contribution du gouvernement. Le gouvernement de l'Ontario a vraiment poussé la promotion de ses organismes de danse. Cela veut dire que les compagnies ont pu avoir un départ beaucoup plus efficace que le nôtre. Surtout de 1960 à 1970, qui ont été des années ' très importantes pour la danse, surtout en danse moderne, les compagnies de l'Ontario ont profité très tôt du fait de se développer un marché. Je crois que c'est une des raisons pour lesquelles il y a vraiment un grand écart entre les fonds. Aussi, ils ont été la première province à avoir une université. Les universités ont beaucoup d'impact sur le milieu de la danse parce qu'il y a habituellement beaucoup de créateurs qui sortent de là. Je crois que ce sont les principales raisons.

Mme Bacon: D'accord. Au chapitre de la santé et de la sécurité du travail, aux pages 7 et 8 de votre mémoire, je sais qu'il y a là, évidemment, un problème important. Un problème, d'ailleurs, qui est très bien

décrit dans une étude de Mme Thibodeau, du Service de la propriété intellectuelle et du statut de l'artiste de notre ministère, étude que nous avons rendue publique vendredi dernier. Votre organisme, de son côté, vient d'entreprendre une importante démarche, je pense, de recherche sur la santé et la sécurité du travail, mais nous n'en connaîtrons les résultats que l'an prochain. Par ailleurs, je crois savoir aussi que le climat de négociation, si l'on peut dire, est très positif avec la CSST. Des solutions au problème de la santé et de la sécurité des danseurs pourraient être apportées, espérons-le, le plus rapidement possible.

Il y a un problème que n'aborde pas votre mémoire, c'est celui du recyclage, en quelque sorte, des danseurs lorsqu'ils terminent leur carrière. C'est une carrière qui est toujours trop brève. Est-ce que vous vous êtes penchés sur ce problème? Est-ce que vous avez maintenant des choses de faites?

M. Perreault: Oui, nous y avons pensé. Je vous remercie d'y penser aussi, Mme la ministre.

Mme Bacon: Vous les vivez.

M. Perreault: Comme nous sommes très jeunes et qu'il y a tellement à faire, nous avons décidé de commencer par la profession avant de penser à...

Mme Bacon: Recycler vos membres.

M. Perreault: ...l'après-profession, à la deuxième. Un centre vient d'être créé à Toronto, c'est un centre national pour aider les danseurs dans une deuxième carrière. Le regroupement est impliqué là-dedans pour protéger les artistes québécois et s'assurer que nous sommes bien représentés, parce que c'est un organisme qui siège quand même à Toronto. Pour l'instant, nous leur laissons le jeu, si l'on veut, ou le travail. C'est une chose qui est très importante parce que, comme on l'a dit plus tôt, la carrière finit très tôt. Le programme qui est en train d'être établi à Toronto est déjà très efficace. Plusieurs de nos artistes sont en contact avec eux. Habituellement, ce qui se passe quand on n'est plus danseur, on devient chorégraphe ou professeur. Mais très peu de danseurs, finalement, veulent devenir chorégraphes ou professeurs et ils se retrouvent vraiment devant rien. Financièrement, ils n'ont pas été dans une situation qui leur permettait de prévoir. D'un autre côté, ils sont encore très jeunes. C'est une chose qui serait vraiment une priorité dans le plus proche avenir passible. Quant à nous, nous voyons cela comme une priorité future.

Mme Bacon: Oui.

M. Patenaude: Si je peux me permettre de compléter, Mme la ministre voici les mesures que le regroupement a prises concrètement à titre d'aide au centre pour danseurs en transition: à partir de septembre, nous allons mettre à la disposition du centre nos espaces à bureaux pour que la responsable québécoise des danseurs puisse les rencontrer. À ce niveau et comme vous avez pu le voir dans un article qui traitait du regroupement, c'est l'éveil d'une conscience communautaire. C'est beaucoup à ce niveau que nous. avons à travailler. Nous proposons des mesures et les changements peuvent suivre.

Je peux vous citer un exemple qui a précédé la création du regroupement. L'un des danseurs, qui répondait à une question à savoir s'il jugeait bon d'avoir accès à un régime de retraite, me disait: Puis-je répondre oui? tellement le fossé était grand entre son vécu quotidien, ses revenus et la possibilité d'avoir une pension, alors qu'il ne gagnait pas sa vie. C'est donc un peu les décalages que nous avons à vivre dans notre réalité quotidienne pour qu'on puisse vivre de la profession. Après cela, les gens disaient: On y pensera quand ce sera le temps de se reposer. Nous avons la conscience plus active que cela et nous utilisons les ressources de la communauté que nous avons pour y arriver.

Mme Bacon: Y a-t-il un problème de relève?

M. Patenaude: Un problème de...?

Mme Bacon: Existe-t-il vraiment, votre problème de relève? Le fait que la carrière de danseur soit si courte, qu'il y a des inquiétudes pour l'après-carrière, est-ce que ce sont des raisons qui font qu'on peut avoir des problèmes de relève?

M. Perreault: Je ne crois pas que nous ayons des problèmes de relève parce que, même si la profession de danseur ou de chorégraphe peut ne pas paraître très reluisante à certains moments, les gens y viennent quand même parce qu'on naît chorégraphe ou danseur et on le fait de toute façon. Le problème de la relève, ce n'est pas le problème d'un manque d'individus; c'est le manque des moyens pour protéger et vraiment aider la relève. Selon certains mémoires que j'ai vus, on a parlé assez peu souvent de la relève. La danse est un art assez nouveau chez nous; il faut penser à ce qu'elle sera dans 20 ans. Alors, le problème est vraiment d'aider la relève pour s'assurer qu'elle va travailler et avoir une croissance vraiment efficace.

Mme Bacon: D'accord. Dans votre résumé de mémoire, à la page A, vous

indiquez les outils nécessaires à la défense de la profession. Vous mentionnez "qu'une aide accrue soit consentie aux différentes associations, aide qui pourrait prendre la forme de services techniques et administratifs, d'aide financière, de prêt de fonctionnaires en disponibilité." Quel est le rôle que vous voulez voir jouer au ministère des Affaires culturelles quand on parle d'outils nécessaires à la défense de la profession? Est-ce que vous attribuez un rôle spécifique au ministère?

M. Perreault: Nous voyons deux rôles pour le ministère: un niveau du financement, mais il n'est qu'une partie parce que l'autre partie, c'est l'expertise que le ministère peut avoir, le rôle de conseiller. Le ministère* aussi a le rôle de pouvoir nous aider à améliorer nos conditions. Quand on est un artiste, surtout quand on est très jeune, le plus important, c'est d'être écouté, de sentir qu'on est respecté.

Je dois vous dire que j'ai quand même une relation de vingt ans avec le ministère des Affaires culturelles. Il y a eu un changement énorme dans les dix dernières années au niveau de l'écoute. C'est ce qui a été le plus important pour moi. Qu'on ne me donne pas de subvention parce qu'on me disait: On n'a pas d'argent, cela s'accepte. Qu'on ne nous réponde pas au téléphone, cela, c'était dur. On s'attend à cela du ministère. On l'a de plus en plus, d'ailleurs. C'est une concertation parce qu'on ne peut pas... Oui, on va créer tout seul. Mais face à tous les problèmes du milieu, au niveau de la diffusion, au niveau de tous les aspects de la profession, le ministère n'est pas là que pour donner de l'argent, mais pour nous aider dans notre réflexion et pour trouver des outils.

Mme Bacon: C'est pour cela qu'il y a cette commission parlementaire. Il n'y a pas beaucoup d'argent à vous donner aujourd'hui, mais au moins nous vous écoutons.

Peut-être une autre question sur le prêt de fonctionnaires en disponibilité.

M. Perreault: Je réfère cela a Gaétan parce qu'il a son idée.

Mme Bacon: D'accord.

M. Patenaude: En même temps, je vais compléter sur ce que le ministère peut apporter et profiter de l'occasion qui m'est donnée de remercier le Service gouvernemental de la propriété intellectuelle qui, par son travail, a contribué à ce que les démarches entreprises par les danseurs, au niveau de la santé et de la sécurité du travail, soient mises en commun avec des chercheurs de l'Université de Montréal, les gens de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et les gens du ministère de façon que l'étude que nous sommes en voie de réaliser puisse être possible. C'est une forme d'aide qui peut venir du ministère. Il y a des expertises dont on ne dispose pas. Il y a un rôle de concertation qu'on tente de jouer à l'intérieur de notre propre milieu, mais il y a aussi des concertations avec l'ensemble des ressources disponibles auxquelles on fait référence dans le mémoire, surtout dans des périodes de diminution d'argent neuf. Il y a des ressources dans les universités, dans les différents secteurs qu'il faut mettre à contribution.

Au niveau des prêts de fonctionnaires en disponibilité, on soulevait la question en regard avec les associations; cela pourrait aussi se faire avec des compagnies de danse ou avec d'autres organismes culturels. On peut penser à des campagnes de promotion: des fonctionnaires en disponibilité au niveau des communications, par exemple, pourraient venir aider à bâtir les systèmes. Récemment, on parlait d'incubateur d'organismes. Il pourrait y avoir des incubateurs de gestionnaires d'associations ou de compagnies, y avoir des espèces de parrains; non pas des tutelles, mais on viendrait un peu nous aider le temps qu'on puisse voler de nos propres ailes. Cela éviterait peut-être des pertes de ressources ou mieux permettrait de mettre à contribution ce qui est sur les tablettes, comme on dit. Cela reste à explorer dans les modalités, mais je pense qu'il y a un besoin de ce côté parce qu'il y a une surutilisation du bénévolat et un manque de ressources humaines. Cela pourrait être compensé... Est-ce que cela répond à votre question?

Mme Bacon: Oui, je vous remercie. Je voudrais vous féliciter, encore une fois, pour l'excellence de votre mémoire et vous dire que nous le prenons en considération. Nous sommes sympathiques aux demandes que vous faites aussi.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques. (12 heures)

M. Boulerice: M. Patenaude, M. Perreault, le premier intervenant à notre commission, l'Union des artistes, disait que le secteur de la danse était universellement reconnu comme celui où les interprètes, surtout les pigistes, sont les plus exploités et subissent les conditions de travail les plus difficiles. À ce niveau, je pense que vous avez une avocate de premier ordre pour défendre votre cause et faire état des torts qui vous sont causés dans la personne de ma collègue de Chicoutimi, Mme Blackburn. C'est une commission, bien entendu, sur le statut juridique de l'artiste. On aura beau vous donner le meilleur des statuts, il n'en demeure pas moins que l'art s'exerce et se pratique, donc, doit être visible et

accessible. J'ai donc immédiatement regardé dans votre mémoire au point où vous demandiez qu'une salle de spectacles identifiée spécifiquement à la danse soit construite à Montréal et que l'élaboration des différentes composantes du projet soit faite de concert avec les principaux intéressés. J'aimerais que vous m'en parliez davantage, que vous m'indiquiez quels sont les principaux intéressés, selon votre point de vue.

M. Perreault: Je crois que nous avions parlé même de deux salles, parce que la danse est le seul art dans les arts de représentation qui n'a pas sa salle à lui. Si nous voulons une salle à nous, ce n'est pas juste parce que les autres en ont et que nous n'en avons pas, mais parce qu'il y a un besoin urgent. Un théâtre pour la danse, ce n'est pas un théâtre pour le concert. Ce n'est pas non plus une salle de théâtre pour le théâtre. À Montréal, nous n'avons rien. Nous ne faisons pas partie des circuits nationaux et internationaux. Le circuit, au Canada, se fait ainsi: Toronto-Ottawa-Sherbrooke-Québec. Parfois Québec. Plusieurs troupes ne passent même pas à Montréal, parce qu'il n'y a pas de théâtre. Oui, il y a des théâtres, mais ils ne sont pas accessibles: ou ils sont trop chers ou ils ne sont pas efficaces pour la danse. On a beau avoir de très bonnes idées en tant que créateur, si on doit aller dans des fonds de garage ou dans de petites salles qui sont totalement inadéquates, nous ne sommes devant rien. On a beau avoir des idées, mais si on ne peut pas vraiment les montrer à un public... Le seul théâtre que la relève avait, qui lui était vraiment accessible, c'était Tangente. Il a été fermé. Le problème n'a pas été résolu, mais Tangente n'est qu'un intervenant. Tout le milieu a besoin de se trouver un endroit pour pouvoir donner des représentations et pour pouvoir se bâtir un public, parce que le public à Montréal et au Québec a augmenté énormément. Cela ne va pas nécessairement durer. On peut le perdre ce public-là.

La qualité d'un spectacle est vraiment mise en cause par le lieu dans lequel il est donné. Quand on parle de deux salles, c'est qu'il y a, en danse, différents types d'oeuvres et de compagnies. Certaines oeuvres sont mieux vues et mieux appréciées dans de petites salles. Donc, cela prend des salles de trois cents places environ. D'autres, qui coûtent beaucoup plus cher souvent et, aussi, qui peuvent se permettre un auditoire plus grand, ont besoin de salles plus grandes pour pouvoir rentabiliser leur production. Quand on pense qu'en danse on passe trois mois à créer un spectacle. On n'arrive pas avec un texte et on le monte en trois semaines ou un mois. C'est trois mois et si on n'a pas de salle ensuite ou si on peut jouer seulement deux soirs... Nous sommes prêts à nous assumer financièrement de plus en plus, mais il faut nous en donner les moyens. Quand je regarde la situation future, en ce moment où on dit: Non, vous n'aurez pas de salles encore pendant trois ans, je dis qu'on n'a pas le temps d'attendre trois ans. On a besoin de salles, on n'en a pas. On danse "nulle part" en ce moment. Il y a le théâtre de l'Université du Québec qui est accessible. Il est très cher, trop cher pour la plupart des compagnies de danse.

M. Boulerice: M. Perreault, quand vous dites: "de concert avec les principaux intéressés", forcément vous parlez du milieu de la danse, vous parlez de l'enseignement de la danse, vous parlez du ministère des Affaires culturelles, quand vous dites que le projet soit fait "de concert avec les principaux intéressés"?

M. Perreault: Avec tout le milieu, c'est-à-dire les producteurs, les chorégraphes, les compagnies, pas nécessairement les écoles de danse, parce que les écoles de danse n'ont pas nécessairement besoin, quand on parle d'une salle de théâtre, d'une salle de spectacle. C'est surtout les producteurs, les danseurs, les chorégraphes et les troupes.

M. Boulerice: Quelles seraient, d'après vous, les dimensions souhaitées de ces salles, puisque ma question était au singulier et que vous avez donné une réponse au pluriel? Vous avez parlé de deux.

M. Perreault; Oui, nous avons parlé d'une salle polyvalente qui peut passer de 150 à 300 places environ et d'une autre salle qui peut aller de 600 à 800 places.

M. Boulerice: 600 à 800 places. D'accord.

Je pense que vous aviez raison, tantôt, quand vous avez dit qu'il n'y avait pas de problèmes pour la relève. Je pense, effectivement, qu'il y a d'excellentes écoles privées qui en assurent la formation. Il y a également le secteur public qui a sa contribution, de façon émérite. Vous connaissez comme moi le programme, l'option: ballet, à la Commission scolaire Sainte-Croix, où on produit - si je peux employer le terme - des danseurs et des danseuses de qualité, avec par ailleurs une liste d'attente incroyable.

La salle que vous souhaitez serait-elle disponible pour la relève? Je présume que vous allez me répondre oui. C'est pour cela que je suis passé tout de suite rapidement à la question: elle serait disponible pour la relève, elle serait disponible pour les groupes reconnus, mais est-ce qu'elle le serait autant pour la danse que moi j'appellerai la danse de recherche et pour la danse classique que

pour une danse plus commerciale, selon vos termes?

M. Perreault: II faut faire attention, quand on parle de salle, de ne pas trop mélanger les genres, à Montréal particulièrement. D'une ville à l'autre, la mentalité est différente à ce qu'est un théâtre, face à la fréquentation. Je crois que, si on mélange trop les publics, on peut vraiment perdre... De toute façon, concernant la danse commerciale, je me demande s'il y a vraiment un grand besoin, à part quelques troupes professionnelles, donc, qui auraient accès à un théâtre comme cela, mais, le reste, ce sont des troupes d'amateurs. On ne peut pas ouvrir un théâtre et mélanger les récitals d'écoles d'amateurs avec des productions professionnelles.

Par contre, je dirais en ce moment, en danse artistique, nous avons assez de productions pour pouvoir emplir deux salles, vu que nous avons un grand besoin, au Québec, de faire venir des troupes de l'étranger, de leur donner accès à des théâtres, parce qu'en danse ce n'est pas comme en littérature ou comme en musique, où on peut, quand même, être témoin de ce qui se passe a l'étranger par des disques, par toutes sortes de choses. En danse, il faut pouvoir être confronté avec d'autres. C'est très dangereux de s'isoler en ne laissant pas entrer les gens de l'extérieur.

M. Boulerice: D'accord. Vous m'avez parlé de la situation de la danse à Montréal. Il y a une situation dans la danse à Québec qui m'apparaît, somme toute, intéressante avec les mercredis soir de l'auditorium de la bibliothèque Gabrielle-Roy. Je pense que la ville de Québec, - de cela tout le monde va s'en réjouir - devient tranquillement une capitale de la danse.

J'aimerais cela que vous me parliez de la danse, en régions. De son état.

M. Perreault: C'est encore assez triste. Il y a très, très peu de diffusion, parce qu'il y a très peu d'écoles vraiment dynamiques en régions. Nous avons des populations à l'extérieur de Montréal... C'est vrai qu'il y a un essor à Québec qui est formidable. Il y a de petits essais, un peu partout en province. Ce qui se produit c'est qu'aussitôt qu'il y a de l'énergie en régions elle vient à Montréal. C'est normal. C'est le pôle d'attraction. Québec a ce problème-là avec ses danseurs, d'ailleurs. Quand les danseurs sont très bons à Québec, Ils veulent venir à Montréal. C'est une chose qui est assez normale. Par contre, on a un grand besoin de diffusion, mais pas tout simplement en parachutant des spectacles et en envoyant des gens en tournée. Il faudrait vraiment faire des genres de résidence où les troupes vont et font de l'animation. Ils s'impliquent vraiment dans le milieu. On ne va pas parachuter de petits chorégraphes d'avant-garde dans des endroits qui n'ont presque jamais eu de danse et penser que cela va créer un public. Cela va peut-être même faire peur. Toute la question de sortir la danse de Montréal et des grands centres est une chose à laquelle on doit faire face. Il serait temps, mais cela prendrait vraiment des outils et une réflexion pour pouvoir vraiment s'impliquer profondément, et non simplement envoyer des tournées. Seulement envoyer des tournées ne suffit pas. Il y a tout le côté de l'enseignement et de la création d'un milieu de la danse dans les villes.

M. Boulerice: Au-delà des tournées intra-Québec, il y a des hauts lieux de la danse, notamment en Europe, à Paris, à Stuttgart, chez nos voisins américains à New York, où il se fait beaucoup de choses. J'aimerais connaître l'évaluation que vous faites de l'aide du ministère des Affaires culturelles dans l'exportation du produit culturel québécois au niveau de la danse. Exemple: Y a-t-il un intérêt et une aide apportée pour la participation de troupes québécoises? Les manifestations de danse ont quand même leur importance. Je sais qu'il y aura, cet automne, un festival international de chorégraphie à Paris; il y avait le Festival des Bagnelets il y a quelques mois également en France. Quelle est votre évaluation de la situation?

M. Perreault: La danse québécoise, en ce moment, s'exporte très bien. Je me souviens, il y a dix ans, on devait aller là-bas avec nos films, nos photos et tout cela. Maintenant on peut téléphoner à Paris, ils savent qu'on existe, il savent qu'on est là et que la danse est forte ici. Je crois qu'on aurait probablement besoin de plus d'aide parce qu'on voit toujours le Canada, en Europe et surtout aux États-Unis, comme un pays qui subventionne la culture, donc qui est riche. On voit les artistes ou les troupes canadiennes ou québécoises comme étant des troupes qui ont des moyens et ce n'est pas exactement la réalité. Je crois qu'il est important pour nous d'aller à l'étranger et d'exporter le plus possible. Je crois qu'on l'a fait au niveau de la chanson, on l'a fait à plusieurs niveaux. En danse, la percée est vraiment là. Nous faisons très bonne figure, surtout en Europe, et il va falloir pousser encore plus de ce côté. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Boulerice: Oui. J'en aurais au moins sept autres mais je sais qu'il y a des collègues qui veulent en poser. On pourra toujours, en aparté, plus tard, en discuter tous deux. Je sais que mes collègues veulent poser des questions, alors je vais, malheureusement, me restreindre, M.

Perreault.

M. Perreault: Je ne sais pas si cela répondrait exactement à votre question mais en France le ministère de la Culture a établi, pour décentraliser la danse de Paris, des centres à Lyon et un peu partout en France. Je crois qu'il y a huit centres où ils ont envoyé des troupes de danse en résidence dans les villes, ce qui a été très efficace et qui a vraiment aidé à l'éclosion de la danse en France et à son renforcement. Par contre, ces villes ont quand même des populations qui sont assez importantes et ce serait assez difficile d'établir quelque chose comme cela chez nous.

M. Boulerice: D'accord. M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Saint-Jacques. Messieurs, j'ai lu aussi avec beaucoup d'attention, et dois-je ajouter avec beaucoup de plaisir, cet excellent mémoire fort bien écrit - ce qui est toujours agréable - et qui soulève des problèmes à la fois importants et intéressants pour la commission.

Je vous ai entendu répondre tantôt, M. Perreault, à une question du député de Saint-Jacques. Vous n'avez pas fait la distinction, c'est celle que je vous demanderais de faire. Vous avez parlé d'amateurs, d'une part, et de professionnels, d'autre part. On sait que dans certains domaines il est relativement facile de faire une distinction assez précise entre les professionnels et les amateurs et j'aimerais vous entendre élaborer un peu sur cette question. Dans le domaine de la danse, quelles sont les différences que l'on peut faire entre une compagnie professionnelle et une compagnie amateure? Parce qu'il semble que, par moment, ce ne soit pas tellement clair. {12 h 15)

M. Perreault: Le professionnalisme, je crois, est une question d'implication. Pour moi, le professionnel de la danse est quelqu'un dont l'implication majeure est en danse, est face à son art. Donc, ce n'est pas un passe-temps. Pendant longtemps on a dit: un professionnel c'est vraiment quelqu'un qui a un poste et qui a fini son entraînement. C'est entendu qu'un professionnel c'est quelqu'un qui a fait une étude pertinente, c'est-à-dire qui a terminé son entraînement de base, et qui fait de sa vie une carrière en danse. C'est très différent de quelqu'un qui fait cela pour s'amuser, comme par exemple souvent dans les troupes folkloriques où les gens le font. Je regarde certaines troupes folkloriques qui arrivent à des niveaux de professionnalisme, quand on regarde le produit; mais ce sont des gens qui travaillent, qui ont un métier et qui ont tout un développement dans leur carrière, mais aussi qui font de la danse. Alors que pour moi le professionnel de la danse c'est quelqu'un qui ne veut faire que cela. Il peut faire autre chose parce qu'il est devant ce besoin, mais c'est quelqu'un qui a décidé que sa vie est dédiée à la danse; c'est sa carrière.

Le Président (M. Trudel): Très bien, c'est une réponse qui me satisfait personnellement. Je vais vous demander d'aborder avec moi un problème délicat qui va être soulevé demain. Je ne veux pas qu'on lance ce débat dès ce matin, mais il va être nommément soulevé - par la guilde des musiciens notamment - et c'est celui de l'emploi, par la plupart des compagnies de danse, d'enregistrements plutôt que l'engagement de musiciens d'orchestre. La gilde des musiciens va nous dire qu'elle s'oppose, compte tenu des objectifs qu'elle poursuit et de ceux qu'elle défend. J'aimerais vous entendre sur cette question, car vous n'aurez pas la chance d'être présents demain alors que cette question va être posée.

M. Perreault: II y aura toujours de la musique enregistrée en danse. De toute façon quand on a besoin de la scène pour danser, à part des endroits où il y a des fosses d'orchestre, où est-ce qu'on les met les musiciens? C'est aussi une question de coût. Je dois dire que personnellement je constate que généralement en danse il y a peu de respect pour la musique. Ce n'est pas vraiment que les chorégraphes ou que les compagnies ne respectent pas les musiciens, mais c'est qu'ils sont dans une situation où ils doivent s'approprier des musiques afin de pouvoir créer, ils n'ont pas d'autres moyens. Je crois qu'on devrait regarder de plus en plus à aider les chorégraphes à pouvoir commander des oeuvres et utiliser des musiciens s'ils en ont besoin. Mais beaucoup de spectacles de danse ne veulent pas ou n'ont pas besoin de musiciens sur place pendant les spectacles.

Par contre, je suis conscient que la danse est parfois un peu coupable face aux compositeurs parce que souvent les droits d'auteur ne sont pas respectés. Cependant nous serons toujours obligés jusqu'à un certain point d'utiliser des enregistrements, sinon il faudrait tripler nos budgets. Un musicien gagne quatre ou cinq fois plus cher qu'un danseur. Alors, on va partir d'où, si on est obligés d'utiliser des musiciens sur scène?

Le Président (M. Trudel): D'accord. C'est une réponse honnête, directe et tout à fait franche. Vous admettez des choses qu'on avait entendues. Ce n'est pas ce que je voulais vous faire dire, soit dit en passant.

Une dernière question avant un commentaire final. Nous avons entrepris à la commission, hier soir, surtout Mme la ministre et moi, une discussion intéressante

avec M. Eddy Toussaint sur l'absence de concertation dans les milieux de la danse au Québec et, il faut bien l'ajouter, au Canada. J'aimerais vous entendre sur cet aspect. M. Toussaint disait, pour le résumer rapidement et, j'espère, le plus honnêtement possible: C'est tellement différent qu'il devient à peu près impossible de se concerter. Je vous avoue personnellement, ayant suivi ces questions depuis plusieurs années, que cela a été une réponse qui m'a étonné, bien que constatant la situation qui existe dans le milieu de la danse au Québec. J'aimerais vous entendre davantage là-dessus, s'il vous plaît.

M. Perreault: Je crois vraiment que tout artiste est différent. S'il n'était pas différent, il ne serait pas un artiste. Il n'y a pas deux artistes pareils. La concertation est difficile mais je crois que tant au Canada qu'au Québec, et particulièrement au Québec ces dernières années, le milieu a prouvé qu'il pouvait se rencontrer, discuter de ses problèmes et sortir de l'immédiat.

Pour ma part, le fait de dire qu'il n'y a pas de possibilité de concertation dans le milieu de la danse, c'est retourner dix ans, vingt ans en arrière alors qu'on était trois petites troupes au Québec et qu'il y avait des petites batailles de clocher. Nous sommes devenus un milieu. Cela fait partie du processus de maturation de pouvoir asseoir ensemble des artistes qui n'ont pas la même vision, qui n'ont pas les mêmes opinions, qui sont en compétition et de constater les problèmes communs. Nos problèmes individuels, on les règle soi-même; mais les problèmes communs doivent être réglés par l'ensemble.

Est-ce que cela répond à votre question?

Le Président (M. Trudel): C'est une réponse à ma question, en effet. En terminant et avant de céder la parole à la députée de Chicoutimi, j'aimerais vous dire que, sans appuyer à fond et totalement votre demande d'avoir deux salles de danse à Montréal, j'appuie votre demande d'en avoir au moins une. Il s'agirait de voir où elle pourrait être située. J'aimerais suggérer à Mme la ministre, ayant lu l'étude de PLURAM, de la situer dans cette partie de l'est de Montréal qui en a grand besoin et, notamment, dans le comté de Bourget.

M. Boulerice: Dans le comté de Saint-Jacques...

Le Président (M. Trudel): Non. Le comté de Saint-Jacques est bien pourvu. Je cède maintenant la parole...

M. Boulerice: On nous a tout enlevé, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): ...à Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Perreault et...

M. Perreault: Bonjour.

Mme Blackburn: ...M. Patenaude. Il me fait plaisir de vous rencontrer et de vous entendre. Comme le disait tantôt le député de Saint-Jacques, je dois dire que c'est un secteur que je connais un peu plus mais il reste que vous avez un excellent mémoire. C'est une remarque que je faisais tout à l'heure à M. Patenaude et que je vous fais également.

J'ai quand même quelques questions. Permettez-moi de résumer pour voir si j'ai bien compris la situation de la danse en particulier. Vous nous dites en gros: C'est une carrière qui est courte, dans laquelle il y a un risque très élevé d'accident. On a les revenus les plus bas parce qu'il y a un public en croissance mais qui est encore faible. Public qui se comparerait davantage à celui des opéras. En gros, ce serait la situation.

Vous faites une recommandation - et je pense que c'est le premier groupe qui aborde cette question de la possibilité d'incubateurs, l'équivalent d'incubateurs d'entreprises, mais des incubateurs d'entreprises culturelles. Je trouve cela extrêmement intéressant. On sait qu'on en parle beaucoup en matière d'industries tout court mais pour ' des industries culturelles je pense que c'est la première fois. Je trouve que cela serait particulièrement pertinent dans la région de Montréal. Non pas parce que c'est inutile ailleurs, mais on peut penser, étant donné la vocation même de la métropole, qu'il est important qu'on y développe ce que j'appelle des industries culturelles beaucoup plus vivantes et dynamiques. Il me semble que, comme l'ont fait d'autres villes, l'idée est intéressante.

Vous avez parlé de salles de spectacles réservées à la danse qui permettraient de situer Montréal dans le circuit des tournées des grandes troupes. Il me semble que je n'ai pas vraiment vu dans votre mémoire d'allusions à des locaux de répétition. Parce que, dans les coûts de production, il y a toujours à la fois la musique, dont faisait état le président tantôt, mais il y a également les locaux de répétition. Je me demandais si je devais lire que cette salle polyvalente pourrait être utilisée à des coûts relativement modiques comme salle de répétition. C'est parce que je pense particulièrement à la relève. Les grandes troupes qui sont mieux reconnues ont...

M. Perreault: Quand nous avons parlé de théâtre avec le milieu, nous avons parlé de locaux de répétition aussi. Alors qu'il y a

quelques années les troupes avaient chacune leurs locaux permanents, maintenant il y a énormément de petites troupes qui ne travaillent que quelques mois par année et qui ont besoin de louer des studios d'une façon temporaire. Il pourrait très bien y avoir des locaux dans un théâtre. Nous nous sommes dit que si on avait des théâtres on serait bien content et on pourrait continuer à travailler sur nos mauvais planchers. Le besoin est là. Les danseurs et les chorégraphes travaillent présentement dans des locaux qui, souvent, ne sont pas chauffés, qui sont dangereux; on voit des danseurs qui dansent sur du béton qui répètent sur du béton. Ce n'est pas de se trouver une salle de répétition, c'est de trouver une pièce assez grande: on en est à ce stade. Si on avait la possibilité d'avoir des locaux qui pouvaient être partagés par différents créateurs et différentes troupes, ils seraient les bienvenus parce que le besoin est réel. C'est que nous nous sommes dit: On a tellement de demandes qu'on ne sait pas si on doit les faire toutes.

Mme Blackburn: Mon autre question touche une recommandation que vous faites vôtre en partie seulement sur la négociation des contrats. L'idéal proposé est celui d'un organisme qui pourrait négocier les contrats entre les artistes-interprètes et le producteur. Dans le cas de la danse, comme le rappelait tantôt au précédent mémoire M. Patenaude, il y a souvent un double statut de producteur et d'interprète. C'est la première partie de ma question: Comment négocie-t-on dans ces situations-là? La seconde, réfère à la page 6 de votre mémoire où vous ne faites pas la distinction que fait l'UDA. Vous dites: La question de savoir si un danseur-interprète est salarié ou travailleur autonome a ici peu d'importance. Avec un tel seuil de revenus, des exigences aussi grandes, il ne fait aucun doute qu'un train de mesures spéciales s'impose. L'UDA a établi une règle; c'est artiste-interprète pigiste, le statut juridique de cette personne, excluant les salariés.

M. Patenaude: M. le Président, Mme Blackburn, il est important de comprendre ce que le regroupement tente de faire. Son objectif fondamental, c'est l'amélioration du statut socio-économique des professionnels de la danse. Nous ne faisons pas au préalable de distinction entre un danseur qui est à l'emploi d'une compagnie et un pigiste. C'est bien simple, on va prendre un dossier concret, celui de la santé et de la sécurité du travail: le problème vécu par un danseur par rapport à la santé et à la sécurité du travail, par rapport aux maladies professionnelles vécues. C'est son métier -indépendamment de son statut - par rapport à la fiscalité et par rapport à la société, c'est son métier qu'on doit orienter. Ce qui nous préoccupe, c'est de voir... On dit: Oui, un statut juridique, c'est une chose, mais cela doit aller de pair avec le développement des professions artistiques. On identifie clairement la situation du danseur-interprète, aujourd'hui, qui n'arrive pas à gagner sa vie. N'arrivant pas à gagner sa vie, on ne va pas se demander s'il est salarié ou pigiste, on va essayer de voir ce qu'il va faire pour avoir un revenu décent. C'est cela notre priorité. La question de voir comment cela s'articule entre le producteur, les interprètes et les chorégraphes est liée, de même que notre approche, au milieu qu'on représente. C'est un milieu où entrent les différentes compagnies. Il n'y en a pas une qui est à la même échelle; il y a des similitudes, il faudrait voir comment chacune fonctionne. Il y a ce qu'on appelle les compagnies avec des structures administratives importantes, il y a de plus en plus, comme M. Perreault, le soulignait tout à l'heure, des groupes de production qui sont structurés en vue de productions précises. Là, on engage les gens à salaire pendant une période X de temps; on peut les considérer comme pigistes d'une certaine manière. D'ailleurs, dans l'un des préambules, je crois, de l'Union des artistes, on considère tout artiste-interprète pigiste aux fins de la loi. Cela veut-il dire que tous les salariés qui sont à l'emploi des compagnies vont être interprètes-pigistes? Je n'ai pas la réponse. (12 h 30)

M. Perreault: J'aimerais seulement mentionner le fait que la grande majorité des intervenants en danse ne fait pas partie de l'Union des artistes. L'Union des artistes couvre une minorité, vraiment une petite minorité des gens de la danse.

Mme Blackburn: Au moment où vous introduisiez votre mémoire, vous faisiez état que la danse était un art en émergence. Vous demandiez, pour cette raison, qu'elle jouisse, si j'ai compris, d'un statut particulier qui favorise précisément son émergence, sa croissance. Est-ce que vous pensiez à des mesures particulières, à des programmes spécifiquement orientés ou réservés à la danse? Je pense à des programmes d'aide: aide aux tournées, aide à la création.

M. Perreault: D'une part, des programmes d'aide. Un financement accru pour que les artistes puissent être payés, parce que produire en danse coûte extrêmement cher. Pour un chorégraphe, la question n'est pas d'avoir quelques instruments. Ce sont des gens. Ce sont des vies humaines avec lesquelles il travaille et on devrait pouvoir les rémunérer. On en est très loin, encore, à ce moment. Quand je regarde pour faire une production, je me demande si je le fais sans payer mes gens ou si je ne le fais

pas. Finalement, on trouve les moyens. Mais, pour les jeunes, c'est encore plus difficile.

Il y a le côté du financement, mais aussi le côté de l'aide et de la réglementation du milieu. Le milieu est jeune, surtout en ce qui a trait à la danse moderne qui est un art qui change très, très rapidement. Il se modifie sans arrêt. Quand on regarde ce qui se passait au niveau des troupes, il y a 20 ans, il y a dix ans et il y a cinq ans, tout le fonctionnement du milieu a changé. Tout à coup, les grosses troupes sont devenues des petites troupes, les créateurs quittent les compagnies et deviennent des artistes indépendants, etc. Le milieu change. L'interprète change. On ne voit plus l'interprète de la même façon. Donc, le milieu est, toujours, complètement en évolution. C'est sa nature. Il est important qu'on ait des mécanismes qui puissent y répondre rapidement. Je sais que l'État est là pour répondre et non pour créer, mais, souvent, la réponse est lente à venir. C'est long changer de structure, changer de politique. Nous sommes dans un milieu qui évolue particulièrement rapidement en comparaison avec ce qui ce passe, souvent, en musique où les structures du milieu ne changent pas aussi rapidement. Surtout, que l'éclosion a été énorme. Il y a dix ans, il y avait quatre ou cinq troupes et maintenant, nous en avons je ne sais pas combien; c'est énorme le nombre de troupes, seulement en dix ans. Automatiquement, il faut tout revoir parce que la clientèle a changé. Le public de la danse, à Montréal, est dix fois plus nombreux qu'avant. Il faut revoir ces choses-là.

Mme Blackburn: Hier, on a parlé un peu de la santé et de la sécurité du travail, des difficultés que cela posait, particulièrement pour la danse. De M. Toussaint, j'ai compris que ce n'était pas un problème d'accès ou de cotisation à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, mais davantage un problème de rémunération dans le cas d'accidents. Est-ce que je pourrais avoir votre idée là-dessus?

M. Perreault: Je vais tenter de cerner la situation de façon brève. De façon générale, l'ensemble des mesures de protection sociale étant lié avec la rémunération, il faut avoir une rémunération suffisante pour pouvoir avoir des prestations adéquates. Si on gagne 3000 $ par année pour un métier, 90 % de cela, ce n'est pas beaucoup. On ne vivra pas longtemps. De façon spécifique, au niveau de la santé et de la sécurité du travail, dans un sens, vou3 avez raison et, dans un autre, il manque un aspect. Vous avez raison, un danseur qui se brise une jambe, qui s'inflige une entorse ou des blessures spécifiques à la suite d'un accident précis, évidemment, comme tout autre employé, est couvert s'il est employé; s'il est pigiste ou travailleur autonome et qu'il s'est muni d'une assurance, il va avoir accès aux services de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Où se pose le problème? C'est que la Loi sur la santé et la sécurité du travail a été conçue en fonction des industries à haut taux de risques d'accidents et de maladies professionnelles: on peut penser aux mines, aux forêts, à l'amiante, par exemple, avec i'amiantose et tout cela.

La pratique du métier en danse, en particulier, lorsqu'on le voit et qu'on cite le cas d'une danseuse qui se retire à 40 ans et à qui son médecin, à partir des radiographies, dit: Madame, vous avez les pieds usés comme une femme de 65 ans, c'est assez impressionnant. Cette femme a encore un bout de chemin à faire. On parlait de recyclage. Avoir les pieds usés comme cela, cela cause un handicap important.

En tenant compte des modalités de la Commission de la santé et de la sécurité du travail on se dit: Pratiquer un métier comme celui de danseur inflige une usure démesurée ou beaucoup plus importante que celle de quelqu'un qui travaille dans un bureau ou à des choses comme cela. Donc, cette relation d'usure en relation avec le métier artistique impose un train de mesures précis. C'est pour cela qu'on propose l'instauration d'un programme de protection adéquat qui inclurait, lorsqu'il y a des blessures ou des maladies qui se développent, l'accès à des professionnels de la santé spécialisés et qui comprennent l'exercice du métier. C'est un métier où on peut être blessé et avoir besoin de continuer: des mesures doivent être prises et ce n'est pas nécessairement un médecin de pratique générale qui va pouvoir suffire à la tâche.

Donc, on voudrait avoir une extension de l'accès aux professionnels de la santé. Par exemple, M. Toussaint, hier, mentionnait les masseurs ou des choses comme cela. On n'a pas encore préparé tout le programme de protection, de prévention, mais c'est dans cette orientation que nous cherchons. Bien sûr, si on découvrait qu'il est nécessaire, par exemple, d'avoir des périodes de massage et que cela aurait un effet sur le taux de blessures ou de stress ou des choses comme cela, à ce moment il y aurait une recommandation. Il faudrait qu'il y ait un programme, que cela soit couvert par la Commission de la santé et de la sécurité du travail et non pas imposé sur les revenus déjà maigres des danseurs.

Est-ce que je réponds bien à votre question?

Mme Blackburn: Bien. Vous faites état d'un rapport, d'une étude qui est actuellement en cours, financée par le ministère des Affaires culturelles, la Commission de la

santé et de la sécurité du travail et l'Université de Montréal. Quand cette étude devrait-elle être déposée?

M. Patenaude: Les prévisions du dépôt du rapport sont pour mars 1987. Donc, vous avez un plan en annexe D, je crois, qui énonce la proposition, les éléments de l'étude, les étapes, en termes de mois, ainsi qu'un projet d'un résumé de rapport. Donc, vous avez l'étendue de ce que va couvrir l'étude.

Mme Blackburn: Vous me permettrez une dernière question brève pour revenir un peu sur une remarque que faisait tantôt M. Perreault à savoir qu'il y avait peu de danseurs, finalement, qui étaient membres de l'UDA. Est-ce parce que les modes de négociation ne conviennent pas ou parce que la danse n'a pas suffisamment percé dans ces milieux? Comment expliquez-vous cela?

M. Perreault: C'est que le milieu de la danse a vraiment poussé par lui-même, si l'on veut. Les conditions dans lesquelles les troupes et les chorégraphes devaient travailler dans les années soixante, disons, étaient tellement archaïques, qu'on n'aurait jamais pu débuter si on avait été membres de l'union. On travaillait avec rien. On payait à peine nos gens. On n'aurait jamais pu commencer.. Les gens de la danse qui faisaient partie de l'Union des artistes étaient surtout des danseurs qui dansaient à la télévision, qui faisaient des choses dans les variétés, etc.

Donc, il y a eu un écart entre les besoins réels du milieu de la danse et l'autre milieu de la danse qui faisait partie de l'Union des artistes. Nous ne sommes pas nécessairement contre l'Union des artistes. Je crois, d'ailleurs, qu'on va commencer une consultation avec l'union pour voir si cela serait avantageux pour nous. En ce moment, on ne dit certainement pas oui, comme cela, tout de suite, parce que nos moyens sont trop limités. Si, automatiquement, les gens de la danse faisaient partie de l'Union des artistes, avec des règles très strictes, on devrait couper la production à 80 %. Ce n'est pas encore le temps de le faire, c'est le temps de regarder ces choses-là. C'est la raison pour laquelle les danseurs ne font pas partie de l'union. Qu'est-ce que cela leur donnerait de faire partie de l'Union des artistes et de demander des cachets minimums, lorsqu'ils savent très bien qu'ils n'auront pas de travail parce que personne ne pourra les payer, à part quelques producteurs qui peuvent le faire?

C'est surtout pour la relève et les jeunes chorégraphes que cela est dangeureux.

M. Patenaude: J'aimerais compléter ce que M. Perreault vient d'énoncer au sujet de l'union par rapport à la concertation. Il y a déjà des mesures, nous avons été invités, nous du regroupement: le vice-président, M. Daniel Soulières, qui est danseur-chorégraphe et moi-même, à siéger à un comité qui est à réviser les règles de danse, donc, les conditions de travail des danseurs.

Dimanche dernier, avant de venir à Québec, j'assistais à une "sectorielle", qu'ils appellent, sur ces règles de danse. Bien sûr, M. Perreault énonçait des différences entre les deux types de pratique; il y a ce que nous, nous appelons la danse subventionnée ou le producteur est le gouvernement et les différentes agences, en grosse partie; l'autre se fait dans une pratique mixte où il y a un producteur privé ou une subvention qui peut arriver. Il reste encore beaucoup de défrichage à faire à ce niveau et une prise de conscience.

C'est pour cela qu'on dit que, suivant une logique, si jamais il devait y avoir des syndicats qui devaient nous représenter, cela restera à ceux qui sont les principaux concernés. Pour l'instant, il reste beaucoup de travail de définition. On a fait un travail important au niveau de la rédaction du mémoire, où on balise, donne les grandes lignes directrices et on ne croit pas être dans l'erreur, bien loin de là. Il y a des choses qu'on a faites jusqu'à maintenant qui sont fondamentales. Ce n'est probablement pas encore assez su jusqu'à quel point on a mené ce travail. La philosophie même du regroupement a été de favoriser ces concertations entre les producteurs, entre les différents intervenants, de par cette nature même du milieu qui est complexe et qui est mouvante, comme M. Perreault le rappelait tout à l'heure, et en évolution. Chacun n'a pas seulement un chapeau de producteur, comme à Radio-Canada. Là, cela va bien, c'est polarisé comme cela. Dans le milieu de la danse, c'est fluent comme cela. Il reste encore un travail important de clarification. Aussi, la constatation première, c'est qu'on n'arrive pas à en vivre. Donc, il peut y avoir beaucoup d'articulations. Voilà.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Le député de Sherbrooke.

M. Hamel: Merci, M. le Président. Bonjour messieurs. Effectivement, je vous félicite pour l'excellence de votre mémoire. J'ai une question de moins, parce que vous venez de répondre à la même préoccupation que j'ai, tout comme ma collègue d'en face, concernant votre adhésion à l'UDA.

Ma première question a trait à la salle de danse à Montréal. Tantôt, M. Perreault, vous avez mentionné que le théâtre de l'Université du Québec était trop cher. Tout d'abord, je voudrais savoir si cette salle

répond à vos besoins professionnels.

M. Perreault: Elle aurait besoin d'un réaménagement, parce qu'elle a été conçue par un conseil d'administration. La scène est trop petite en ce moment, mais cela pourrait devenir une salle qui pourrait être efficace pour la danse après un réaménagement.

M. Hamel; Bon! Donc, si je comprends bien, il y a deux difficultés. Son réaménagement serait nécessaire, mais aussi son accessibilité financière est trop élevée.

M. Perreault; C'est exact.

M. Hamel: Cela vous empêche-t-il d'y accéder d'une façon régulière? (12 h 45)

M. Perreault: II est important pour les petits producteurs de pouvoir avoir une salle qui n'est pas dispendieuse au niveau du fonctionnement, donc, au niveau du loyer. Si vous arrivez dans une salle qui coûte 700 $ par jour et qu'en plus vous avez à payer vos techniciens, si votre public est d'à peu près 1000 personnes pour votre production, c'est impossible. Le problème à l'université, c'est que souvent les techniciens sont syndiqués. Par contre, il y a des possibilités quand même. Cela demeure un théâtre qui offre une certaine structure. Quand je parlais de salles, je ne demande pas des salles de 3 000 000 $ avec des tapis rouges et tout le reste. On demande des espaces avec des éclairages, un bon plancher, des sièges. Il y a de cinq à dix cinémas qui sont vides à Montréal et qui vont être démolis d'ici quelques années probablement. Je pourrais vous en montrer cinq demain matin. Pourquoi ne pourrait-on pas réaménager les cinémas et en faire des théâtres polyvalents pour la danse? Ces édifices-là vont devoir être sauvés de toute façon. On ne demande pas des salles extraordinaires. On demande de l'espace.

M. Hamel: D'accord. Maintenant, concernant la fiscalité j'aimerais que vous précisiez un peu. Dans votre résumé, è la page 2, section 2A, paragraphe 9, vous dites: "Qu'une réglementation spécifique soit adoptée de façon à reconnaître à un artiste professionnel le droit de déduire une part "raisonnable"..." J'aimerais avoir un peu de précisions sur ce que vous entendez pas "raisonnable"?

M. Perreault: C'est tout ce que cela peut coûter quand on sait qu'un danseur doit dépenser 100 $ par mois, minimum, pour prendre des cours tous les matins. Un danseur fait son entraînement, paie pour ses études mais, une fois qu'il est professionnel, il doit, tout au long de sa carrière, prendre un cours tous les matins. Ce cours-là lui coûte de 5 $ à 7 $ par jour. Cela doit être déductible d'impôt. II a ses vêtements de danse, il a son transport. Souvent, un danseur doit travailler avec trois chorégraphes différents; alors, il travaille dans Saint-Jacques, il travaille sur le Plateau Mont-Royal et, ensuite, il a une autre répétition dans le nord de la ville. Il y a tous ces transports qui doivent pouvoir être déduits. Aussi, pour les chorégraphes qui paient les danseurs de leur poche et qui ne sont pas nécessairement des gens qui sont incorporés en tant que compagnie encore, mais qui doivent payer des danseurs - c'est ça notre matériau - cela devrait pouvoir être déductible. Je connais des chorégraphes qui divisent leur chèque d'assurance-chômage entre leurs danseurs. Notre métier nous coûte cher. Cela devrait pouvoir être reconnu et ça ne l'est pas toujours.

M. Hamel: Est-ce que je peux poser une autre question?

Le Président (M. Trudel): Allez-y, M. le député de Sherbrooke.

M. Hamel: Dans la même page, concernant le statut professionnel au paragraphe 11, j'aimerais aussi avoir quelques précisions. Comment voyez-vous la procédure d'arbitrage que vous souhaitez sous la responsabilité du ministère? Vous dites: "Qu'une procédure d'arbitrage soit prévue et placée sous la responsabilité du ministère des Affaires culturelles". Comment voyez-vous cela d'une façon un peu plus concrète?

M. Perreault: C'est probablement la chose dans le mémoire dont on était le moins certain.

M. Hamel: Cela peut, peut-être, vous embarrasser.

M. Patenaude: Comme vous avez pu le voir chez d'autres associations, c'est un peu la réflexion collective qui s'est faite au niveau des différentes associations dont le regroupement fait partie par le biais de la Conférence des associations de créateurs et créatrices du Québec. Cette question demande un statut particulier au niveau de la fiscalité. Bien" sûr, Revenu Québec et Revenu Canada ne vont pas dire: Bien oui, vous avez un statut particulier, on va vous déduire tout ce que vous demandez parce que vous dites que c'est relié à votre profession. Il peut y avoir des questions qui seront posées. On a donc demandé qu'il y ait des définitions sur les critères et, comme on le fait un peu à l'intérieur du regroupement, on définit le professionnalisme selon la personne qui a complété sa formation de base et qui tente ou qui cherche à exercer son métier de façon régulière et active.

Comme on sait qu'on ne gagne pas sa vie, évidemment il y a des problèmes qui se posent. Les gens, parce qu'ils n'arrivent pas è s'assurer un minimum, sont obligés de compenser par une autre source de revenus.

Je fais un préambule un peu pour compléter la réponse que M. Perreault faisait sur la proposition 9. On s'est dit: II y a des gens, et de façon fréquente, qui sont obligés de travailler dans un autre domaine ou dans un domaine connexe, soit en enseignement, parce que leur travail de créateurs ou d'interprètes n'est pas suffisant pour leur assurer le minimum. Ce qu'on propose, c'est que d'un revenu de professeur à l'université, par exemple, une part raisonnable... On a mis "raisonnable" parce que la mécanique de cela reste à voir. On n'est pas entré dans cela. On s'est dit: Le principe d'abord, c'est de déduire un pourcentage de ce revenu qui est, bien sûr, injecté dans la création ou dans une activité créatrice. Pour un professeur qui injecte une part de ses revenus dans ses créations, des choses comme cela, on demande qu'une réglementation le permette, considérant qu'il n'arrive pas à gagner, de façon générale, sa vie du seul exercice de sa profession artistique.

Revenons à la procédure d'arbitrage. Revenu-Québec, par exemple, conteste le statut professionnel d'un chorégraphe. Qu'est-ce qui arrive? L'association va le défendre? C'est Revenu-Québec contre l'association. Les deux restent sur leurs positions. Qui va trancher? On demande que le ministère des Affaires culturelles, de par ses expertises, soit habilité à écouter, entendre, puis trancher le litige, s'il y a contestation. Bien sûr, il est sous-entendu que les associations vont définir ce qu'est un professionnel. C'est une question délicate, nous en convenons, mais je pense que l'on doit avoir le courage de l'affronter, quitte à ce que l'on fasse comme souvent on fait au Québec: on innove et les autres suivront.

M. Hamel: Merci, monsieur. Merci, M. le Président. J'ai terminé.

Le Président (M. Trudel): M. le député de Viger.

M. Maciocia: M. le Président, je ne sais pas si la question a été posée pendant mon absence, mais ma question est celle-ci: Y a-t-il des programmes de perfectionnement adéquats ici au Québec actuellement dans le secteur de la danse? Si oui, l'accès y est-il très limité? On a l'impression qu'il y a beaucoup de jeunes danseurs et danseuses qui sont obligés de s'expatrier pour se perfectionner davantage ou simplement pour trouver d'autres emplois.

M. Perreault: Voulez-vous dire un perfectionnement de très haut niveau? M. Maciocia: C'est cela.

M. Perreault: Je crois que nous avons ici de l'entraînement d'assez haut niveau, surtout en ballet classique où, quand même, beaucoup a été fait et où nous avons certains grands maîtres. En danse moderne, nous sommes encore très jeunes; donc, il y a très peu de maîtres qui ont été formés jusqu'à ce jour, parce qu'on ne devient un maître qu'après beaucoup d'années d'enseignement et la plupart des chorégraphes sont encore jeunes, les professeurs sont encore assez jeunes. Par contre, il est normal, historiquement et traditionnellement, en danse, qu'on aille à l'extérieur pour de l'entraînement, pour du perfectionnement. C'est entendu que, dans une ville comme New York ou Paris, parce que le milieu est tellement grand et le bassin de professionnels tellement énorme, qu'il y a plus de grands maîtres qu'ici, mais je crois que nous avons ici une capacité de formation.

Par contre - je crois que le ministère est déjà en train de regarder en ce moment la formation en danse, parce que les problèmes ne sont pas tous résolus - nous devons pouvoir élargir et offrir un enseignement de la danse adéquat et vraiment de qualité, à une plus large partie de la population. Éventuellement, il va falloir aussi, je crois, préparer une politique de l'enseignement de la danse. Le plus dangereux au Québec en ce moment, c'est que n'importe qui peut ouvrir une école de danse. Vous pouvez vous-même ouvrir une école de danse la semaine prochaine, si vous voulez. Vous avez besoin de deux salles de bain, une sortie de feu et de ne pas être au troisième étage. C'est comme cela qu'on ouvre. Alors, il n'y a aucune protection du public et surtout des enfants; on parle d'enfants quand on parle de danse. Éventuellement, il va falloir qu'il y ait une politique comme il y en a dans certains pays où n'importe qui ne peut pas enseigner la danse. Je ne crois pas qu'on puisse empêcher les gens d'enseigner parce que je ne crois pas qu'on puisse empêcher les gens de faire quoi que ce soit. On peut cautionner certains établissements qui pourraient être reconnus comme donnant un enseignement de qualité.

On a beaucoup de talents chez nous, mais on en perd sûrement 80 % au départ. Quand des gens nous arrivent en audition, disons, pour l'université, en danse, et que cela fait cinq ans qu'ils ont un entraînement absolument horrible, ils sont irrécupérables. Ou des enfants en ballet classique qui ont été mis sur les pointes n'importe comment. C'est un instrument de torture, quelque part, de mettre un enfant sur des pointes quand le professeur n'est pas formé. Éventuellement,

il va falloir qu'on regarde au-delà de l'enseignement proprement dit afin de résoudre les problèmes de l'enseignement et avoir vraiment plusieurs danseurs de très haut calibre. On devrait étudier une politique pour protéger le public. Les gens ne peuvent pas savoir la différence qu'il y a entre une école et une autre, il n'y a que les spécialistes qui peuvent savoir qui peut enseigner et qui ne peut pas enseigner. C'est le corps et, quelque part, l'avenir de nos enfants que l'on met entre les mains de n'importe qui.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Viger. S'il n'y a pas d'autres questions de la part des membres de la commission, il me reste à vous remercier, messieurs, de votre intervention et à vous souhaiter un bon retour à Montréal, si vous devez le faire aujourd'hui. On espère avoir le plaisir de vous revoir ici, bientôt, en spectacle.

J'aimerais rappeler aux membres de la commission, avant de suspendre les travaux jusqu'après la période des affaires courantes de cet après-midi, les ententes qui avaient été convenues pour la bonne marche des travaux. Sans vouloir, d'aucune façon, restreindre le droit de parole ou d'intervention de qui que ce soit, de quelque côté que ce soit, je rappellerai qu'il nous reste encore, aujourd'hui, cinq organismes à rencontrer et à peu près quatre heures pour le faire. On avait convenu, à la commission, que, dans la mesure du possible, bien sûr, on essaierait de maintenir nos interventions, de part et d'autre, à une heure par groupe ou association qu'on rencontrerait. C'est ce qui a permis à la direction de la commission, entre autres, d'inviter jusqu'à sept groupes par jour.

Je dois admettre qu'à 12 h 56, à midi, nous n'avons rencontré que deux groupes et que nous avons convoqué des gens à la toute dernière minute, ce matin. Un groupe de Montréal doit être ici ce soir, parce qu'un autre groupe s'est désisté à la dernière minute, et il serait fort poli de notre part, je pense, de le rencontrer. Pourrions-nous, cet après-midi et ce soir, rencontrer cinq groupes en quatre heures? Je le souhaite tant pour nous que pour eux, tout en ne dépassant pas trop la période dont nous avions discuté, c'est-à-dire ce soir de 20 heures à 22 heures.

Je demanderais aux membres de la commission la meilleure collaboration possible. Nos invités nous la donnent, de façon générale, en résumant le plus possible leur mémoire. Je souhaiterais, de part et d'autre, qu'on essaie non pas de limiter nos questions, mais peut-être les commentaires que l'on peut faire autour des questions. Je sais bien que ce n'est pas facile, sauf que la politesse nous demande de faire l'effort de passer cinq groupes en moins de quatre heures ce soir et ce, à la condition, bien sûr, que la période des affaires courantes se termine à 16 heures. Si, par malheur, elle devait se terminer à 16 h 30, il ne resterait plus que trois heures trente pour rencontrer tout ce monde.

Merci. Alors, la commission ajourne ses travaux sine die. On reviendra après la période des questions.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise à 16 h 30)

La Présidente (Mme Harel): À l'ordre, s'il vous plaît! J'invite les membres de cette commission à prendre place.

Il est convenu que, dorénavant, nous tenterons de façon rigoureuse de faire appliquer l'enveloppe de temps dévolue pour chacun des groupes. Je rappelle non seulement à nos invités qui sont devant nous maintenant, mais à tous ceux qui se présenteront devant la commission qu'il s'agît d'une enveloppe d'une heure qui comprend à la fois la présentation du mémoire et l'échange avec la commission.

J'inviterais la Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs, représentés par M. Gélinas, son trésorier, et par sa directrice, Mme Claudette Fortier, à nous présenter maintenant son mémoire.

Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs

Mme Fortier: Je vous remercie, Mme la Présidente. Mme la ministre, messieurs et mesdames de la commission, il me fait plaisir d'être à nouveau avec vous. Je laisse à un auteur le soin de vous présenter notre mémoire.

La Présidente (Mme Harel): M. Gélinas.

M. Gélinas (Marc F.): Merci. Tout d'abord, il y a peut-être lieu de différencier les types d'organismes qui se présentent devant vous. Je vais essayer de spécifier ce qu'est la SARDEC par rapport à d'autres types d'organismes qui se présentent ici.

Il y a certaines associations ou organismes qui visent la promotion d'un type d'art. Par exemple, si le Centre d'essai des auteurs dramatiques se présentait, lui il fait la promotion du théâtre québécois et non pas forcément la promotion de ses membres en tant que tels. La SARDEC fait la défense des intérêts moraux, patrimoniaux et pécuniaires de ses membres, comme l'Union des artistes. Notre champ d'action est de voir aux conditions de sain exercice de la profession d'auteur et de recherchiste dans

les domaines de ta production audiovisuelle, à savoir la radio, la télévision et le film.

Cela dit, je vais résumer brièvement non pas la lettre, mais l'esprit et les grands axes de notre mémoire-, Pour nous, l'auteur et le recherchiste sont les premiers maillons de la chaîne dans la production audiovisuelle. Ce sont eux qui sont les garants, les responsables et les initiateurs du contenu. Sans contenu, tout le reste de la machine tourne à vide. On pourrait avoir tout le réseau de Radio-Canada, de Radio-Québec et de TVA en action, avec des écrans blancs; tous les techniciens travailleraient et les directeurs de programmes travailleraient, s'il n'y a pas de contenu, il n'y a pas grand-chose. C'est ce qu'on considère comme étant la place des auteurs et des recherchistes dans cette chaîne.

L'auteur exerce un métier à risques élevés. C'est un investisseur et un entrepreneur. Nous allons revenir là-dessus un peu plus tard. L'auteur investit beaucoup, autant que qui que ce soit dans le domaine commercial et industriel qui a à développer et à mettre en marché des produits. C'est un entrepreneur.

Une troisième chose que l'on retrouve dans notre mémoire, c'est que, dans le domaine de l'audiovisuel, les formes actuelles d'aide gouvernementale faussent le rapport de forces entre les différents secteurs de l'industrie, en discriminant massivement et aveuglément en faveur des producteurs.

Notre objectif en venant ici est de tenter d'arriver à des mesures qui rétabliront un certain équilibre entre les secteurs, pour que l'exercice du métier puisse se faire dans des conditions acceptables et que la gestion privée des fonds publics soit transparente, équitable et éclairée. Quand on dit transparent, c'est qu'on sache où va l'argent. Quand on dit équitable, c'est que sa répartition reflète effectivement les apports de chacun aux oeuvres. Quand on dit qu'on voudrait qu'elle soit éclairée, c'est que, à moyen et à long termes, elle serve les objectifs de cette aide qui sont de promouvoir l'avènement d'un secteur de la production et de la création dans le domaine audiovisuel qui soit financièrement indépendant, mature sur le plan commercial, industriel et créatif.

Un de nos objectifs, qui est aussi un moyen pour la part de ce secteur qui nous concerne, c'est d'assurer le lien des créateurs à la vie économique de leur oeuvre. Cela nous apparaît fondamental.

Pour ce qui est des moyens, tout d'abord, nous voulons dire que nous appuyons le principe d'une loi qui reconnaîtrait les particularités du statut des artistes et des créateurs et aussi le principe d'une négociation obligatoire entre les secteurs de l'industrie, surtout lorsqu'il s'agit de la gestion privée de fonds publics, ce qui est le cas dans le secteur de l'audiovisuel. À cette fin, nous recommandons que le gouvernement intervienne pour s'assurer qu'une partie significative de l'argent versé au nom de la culture aille directement aux créateurs. Cela revient à notre critère d'équitabilité, pour ce qui est de l'usage des fonds publics.

Ensuite, nous recommandons que le gouvernement rende l'obtention de fonds publics conditionnelle à la reconnaissance des associations des créateurs et artisans des industries culturelles. La résultante de cette démarche serait d'assurer à ces artisans et à ces créateurs que leurs droits sont protégés, qu'ils sont liés à l'exploitation et à l'activité économique de leurs oeuvres et qu'ils puissent, par le biais de leurs associations, bénéficier d'avantages sociaux.

Sur le plan fiscal, nous recommandons que le gouvernement reconnaisse aux auteurs un statut fiscal conforme à leur qualité de véritables investisseurs et d'entrepreneurs dans les industries culturelles et, en particulier, que le gouvernement réévalue le régime d'étalement des revenus des créateurs et leur accorde un préjugé favorable en ce qui concerne les dépenses et l'investissement encourus au cours de leur travail. À titre, peut-être, de cerise sur le "sundae" de l'ensemble, que la taxe de 2 $ perçue à titre de droits d'auteurs sur les vidéocassettes vierges soit versée au profit des auteurs et des ayants droit plutôt qu'au fonds consolidé de la province, puisque la légitimité de ladite taxe, au moment de son adoption, a été fondée exactement sur cela et qu'une fois qu'on l'eût vendue à la Chambre en ces termes, on l'a versée au fonds consolidé.

C'est l'ensemble du résumé. J'ai pris quelques notes sur des aspects plus particuliers du projet de l'Union des artistes sur lesquels on pourra revenir un peu plus tard.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. Gélinas. Je resalue Mme Fortier et je m'excuse de l'espèce de jeu de chaise musicale auquel vous assistez. Il y a un débat important de l'autre côté et certains membres de la commission doivent y participer. Je pense que la députée de Maisonneuve sera de retour parmi nous tantôt et que cela mettra fin au va-et-vient. Le député de Mercier doit également revenir. Alors, je vous cède la parole, Mme la ministre.

Mme Bacon: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier M. Gélinas et Mme Fortier de nous avoir soumis leur mémoire et de faire partie ni plus ni moins d'un groupe de personnes préoccupées par le statut de l'artiste et du créateur qui ont bien voulu faire cet effort de solidarité, si je puis m'exprimer ainsi, pour venir devant cette

commission rencontrer les parlementaires et, en même temps, échanger des propos avec nous sur les différentes facettes de ce dossier.

Vous utilisez beaucoup, dans votre argumentation, le fait que les producteurs privés sont en réalité dea gestionnaires de fonds publics dans plusieurs secteurs des industries culturelles. Je pense que, sans vous donner tort ou raison, nous écoutons avec beaucoup de sympathie ces commentaires que voua nous faites. Est-ce que vous pourriez quand même nous citer des cas où vos membres ont eu des difficultés avec des producteurs? Est-ce que vous pourriez nous donner des exemples où des producteurs ont reçu des fonds publics et ont causé certains problèmes à vos membres?

M. Gélinas: Oui. Quand nous parlons de nos trois critères, à savoir la transparence, l'équitabilité et le placement éclairé, ce n'est pas seulement parce qu'on pense que ce sont de bons critères pour le gouvernement. Nous pensons aussi que cela aiderait vraiment à promouvoir la cause des auteurs, si les choses étaient faites ainsi. Tout ce qui est dit ici, il me semble, est publié dans le journal officiel. Alors, je peux vous dire: Oui, nous avons beaucoup de cas où les gens ont de la difficulté. D'abord, ils ont de la difficulté au niveau tout simplement de la façon dont ils contractent entre eux. Cela, c'est un niveau. C'est très simple: les producteurs privés ayant le gros bout du bâton la discrimination gouvernementale est tellement forte à leur égard que, hormis le secteur de la production de commandites et le secteur de la production de commerciaux, on peut, sans risquer beaucoup de se tromper, dire que, s'il n'y avait pas l'aide gouvernementale, il n'y aurait pour ainsi dire pas de secteur de production d'émissions ou de films de long métrage. Cela a été donné comme cela au producteur. Maintenant, c'est aveugle dans le sens où c'est donné et on se fie ensuite au bon vouloir du producteur. On lui donne une force. Lorsqu'on est pris devant le producteur pour négocier individuellement, on a de nombreux contrats qui sont signés ainsi: Tu travailles et je te paye si jamais on me donne l'argent, tu travailles et, si jamais j'ai de l'argent pour aller en production, on va se faire un vrai contrat, des choses comme ça. Si nous étions en privé, nous pourrions vous citer des noms, vous montrer les dossiers.

Mme Bacon: Pas jusque-là! Je n'aurais pas voulu que vous citiez des noms aujourd'hui, mais peut-être donnez des cas sans citer les noms, des exemples.

M. Gélinas: II y en a. Il y a aussi une difficulté très concrète. C'est un cas qu'on est en train de discuter, qui a été longue- ment discuté avec la Société générale du cinéma et qui est présentement en négociation avec Téléfilm Canada, par exemple. Les deux organismes, même trois organismes ont mis de l'argent dans le développement d'un scénario par le biais d'un producteur qui avait un contrat avec un auteur. Ce qui est arrivé, c'est que les investissements étaient d'environ 50 000 $ pour développer le scénario. Téléfilm a mis la moitié de cette somme, selon eux, qui était destinée aux auteurs. Radio-Canada dit: Nous avons mis la moitié de cette somme qui était destinée aux auteurs. La Société générale du cinéma dit: Nous avons mis la moitié de cette somme qui était destinée aux auteurs. Ce qui fait que, finalement, on a trois demies et les auteurs n'ont effectivement reçu que la moitié de la somme. Qui plus est, cela a pris au moins trois mois juste pour savoir où était allé le reste de l'argent, d'une part. D'autre part, les auteurs ne savaient même pas que le producteur avait reçu l'autre partie de l'argent qui était destiné, pourtant, au développement du scénario. Cela s'appelle un manque de transparence. Qui plus est, le producteur se désintéresse du projet. C'est son droit. Son option est écoulée. Ce qui arrive, c'est que l'auteur veut reprendre son projet. L'auteur écrit à son producteur pour lui dire qu'il reprend son projet. Le producteur lui répond qu'il y a un lien de 50 000 $ sur le projet. L'auteur lui dit: Excusez-moi, je croyais qu'il n'y avait que 25 000 $. L'auteur n'a pas été partie aux décisions pour les autres dépenses. L'auteur ignorait l'existence de ces sommes-là et on lui dit que, pour ravoir ses droits, maintenant, il est responsable des 50 000 $.

Dans la pratique, qu'arrive-t-il? Dans la pratique, si l'auteur n'était redevable que de sa part, il pourrait aller voir un autre producteur et lui dire: Écoutez, j'ai déjà 25 000 $ là-dessus, ce qui veut dire que l'on peut s'arranger. Mais quand il part avec une dette de 50 000 $ dont il n'a jamais vu la moitié et que cela devrait être de l'argent qui lui est dû, la difficulté, c'est que son projet meurt, il n'est plus vendable. La résultante, par rapport à la gestion éclairée des fonds publics, c'est que, voici un projet dans lequel trois différents organismes de l'État ont investi et c'est le projet qui meurt. L'État perd son argent parce que les ententes et l'ordre qui devrait régner dans le milieu n'y sont pas. Cela est une difficulté réelle. C'est un cas. C'est un cas particulièrement énorme. Mais il y en a de tous ordres et de toute grandeur. (16 h 45)

Mme Bacon: Vous mentionniez, tantôt, les différents ministères gouvernementaux. Est-ce que vous pouvez nous citer aussi des cas - et encore une fois, je ne demande pas de nom, s'il vous plaît - où vous avez des

membres qui ont eu des difficultés avec le ministère du Revenu? On en a entendu parler hier. On sait que, chez les artistes, on s'est plaint hier de ces problèmes avec le ministère du Revenu. Est-ce que chez vous c'est la même chose? Est-ce que vous avez le même genre de problème?

M. Géiinas: Non, par rapport aux relations avec le ministère du Revenu, je pense que je ne connais pas de cas. Ce n'est pas une cause qui est très exacerbée chez nous. Par contre, il y a un problème réel, à savoir la question de l'investissement. Vous savez, si je décide de faire un produit industriel, un produit commercial physique et que je fais la recherche, je fais la mise au point, ensuite, j'ai une équipe pour faire la production et je produis cette chose, je la mets en marché, mais qu'elle ne lève pas de terre, si je suis une entreprise, je peux déduire cela comme une perte et l'argent que j'ai investi à développer cette chose n'est pas taxé après. Au niveau industriel -j'ai lu une étude sur les produits commerciaux et industriels aux États-Unis -c'est 350 produits qui sont mis sur le marché avant qu'il y en ait un qui lève.

En ce qui concerne le cinéma et la production audiovisuelle, nous avons des taux de chute aussi qui sont fort importants. En ce qui a trait aux scénarios de longs métrages - ce sont des chiffres qui ont été compilés par la Société générale du cinéma, ce qui veut dire que ce sont des scénarios dans lesquels elle a investi et il s'en écrit d'autres à part ceux-là - ceux dans lesquels elle a investi ont un taux de chute de 10 à le Cela veut dire qu'on investit dans un scénario, on développe un scénario, quelqu'un passe six mois de sa vie à écrire le scénario de long métrage pour lequel il reçoit une aide qui est un cachet d'écriture, mais qui ne correspond pas à la valeur marchande du scénario s'il passe à la production. À ce moment-là, ce qui arrive, c'est qu'il y en a un qui marche sur dix. Si je fais un scénario et que la valeur marchande du cachet d'écriture, si on arrive à passer à la production, c'est 25 000 $, si je passe six mois de ma vie à l'écrire et si je reçois 15 000 $ de la Société générale du cinéma, il me manque 10 000 $. J'ai investi 10 000 $, vous voyez. C'est un fait de la vie. J'ai investi ce temps-là, j'ai investi mon argent. Par contre, je ne peux pas le facturer, je n'ai pas d'équipement de production, je ne me facture pas cela à moi-même. C'est un problème réel. C'est vrai pour les projets de longs métrages, c'est vrai pour les projets de séries de télévision, c'est vrai pour les pièces de théâtre. Il y a un taux de chute énorme. C'est ce qu'on appelle en grande partie l'investissement quand le projet ne lève pas, mais il faut quand même les écrire pour qu'il y ait une résultante au bout.

Nous croyons qu'en ce qui concerne la fiscalité il y aurait moyen de tenir compte de cette chose qui est une dépense réelle de temps et d'énergie. Cela veut dire de l'argent. Au bout de cela on pourrait imaginer, une fois un certain niveau d'ordre remis dans le système, que si on a des conventions collectives et que le cachet minimal d'écriture pour un scénario de long métrage c'est X, alors, il y a comme une valeur acceptée par beaucoup de gens, par les producteurs, par les auteurs. On pourrait dire qu'il y a une valeur. À la fin de l'année fiscale où quelqu'un a fait un scénario qui n'a pas levé, mais pour lequel il a quand même investi beaucoup de temps, il demeure qu'il y a du papier. Alors, on a quand même un témoin de cette chose-là qui est le papier.

D'autre part, nous pourrions aussi avoir des preuves que cette personne a non seulement rédigé le document, mais qu'elle a fait les démarches ordinaires, nécessaires et même extraordinaires pour essayer de voir à sa mise en marché correctement, selon les critères qu'on a ici, qu'on utilise. 11 y a une démonstration assez facile à faire que cette personne a vraiment pratiqué le métier, que cette personne a vraiment produit, que cette personne a fait les démarches et que ce n'est pas juste pour avoir une déduction fiscale, que cela fait partie de son métier. On pourrait faire cela et il y aurait peut-être lieu de considérer cela comme des dépenses légitimes de recherche et de développement, et que c'est une perte, comme c'est le cas pour un modèle de tracteur qui ne fonctionne pas. Bien sûr, personne n'a intérêt, en tant qu'auteur, à ne faire que des tracteurs qui ne marchent pas. Cela est très clair, parce que c'est beaucoup plus payant quand le tracteur marche et que quelqu'un l'achète. En tout cas, moi, personnellement, je n'y verrais aucun intérêt. 11 y a une clé ici par laquelle on pourrait aller chercher une part de cet argent qui est investi et crédité. Je le sais moi-même pour avoir fait des scénarios de longs métrages et avoir travaillé, par exemple, avec Francis Mankiewicz. On a investi six mois de notre vie à écrire un scénario, on est venu à un cheveu de signer le contrat, la compagnie a changé de mains. Voilà un projet qui était jugé parfaitement idoine, dans les circonstances, et puis "pouf", la conjoncture change et, nous, on vient de perdre six mois de notre vie et beaucoup d'argent, parce qu'on aurait pu faire autre chose et on ne peut même pas dire qu'on a fait une perte cette année-là. Sur le plan fiscal, cela nous apparaît fondamental.

Autre chose au niveau fiscal. Il nous apparaît que, et l'étude du ministère des Affaires culturelles le démontre aussi, sur le plan fiscal, le statut hybride n'est probable-

ment pas l'exception, mais devrait plutôt être considéré comme la règle pour les auteurs dans le domaine de l'audiovisuel. Ce qui veut dire que les déductions ou les questions de pertes, tout le "package" dont je viens de parler, devraient pouvoir s'appliquer non seulement sur la partie "pigiste" des revenus de l'auteur, mais aussi sur la partie "employé", l'autre partie de son statut hybride. Ce qui arrive, dans la majorité des cas, c'est que la partie "employé" finance la partie "pigiste". "Le Matou", qui est un tracteur qui a fonctionné, a été écrit alors que Beauchemin travaillait à Radio-Québec en tant que recherchiste, ce qui veut dire qu'il a pris ses samedis soir, ses fins de semaine, ses vacances et il a investi son temps et son argent pour écrire "le Matou". Mais, il y a beaucoup de gens qui écrivent des petits minous à côté de cela et qui espèrent que cela va devenir des "Matou". Ces gens-là investissent, effectivement et on croit qu'ils devraient être reconnus en tant que tels.

Mme Bacon: Dans le résumé que vous nous avez présenté, le premier sujet que vous abordez, c'est la formation et le perfectionnement. Vous y indiquez quels sont les problèmes. C'est évident qu'il peut y avoir un problème de surproduction, vous en parlez et vous dites qu'il y a un vaste éventail de cours, d'ateliers, de certificats, de diplômes en scénarisation et sans consultation préalable avec une société d'auteurs, d'où une surproduction dans ce champ, et qu'aucune formation académique préalable n'est requise pour exercer le métier d'auteur.

Est-ce que vous aimeriez en dire davantage...

M. Gélinas: Oui.

Mme Bacon: ...pour éclairer notre lanterne?

M. Gélinas: D'abord, la même attitude de votre ministère à laquelle nous référions... Il est dit dans notre mémoire que la plupart des auteurs sont autodidactes, mais on entend ici dans la pratique de leur métier, parce qu'on sait bien que les auteurs sont, habituellement, assez et pas mal instruits.

Ce qui arrive, fondamentalement, au niveau de la formation, je pense que la formation dans ce domaine, chez nous, est très jeune, relativement jeune pour une industrie. Je crois qu'elle n'est pas encore arrivée à maturité, d'une part. Je crois aussi que la formation peut permettre des choses, mais elle ne fera pas de miracle, à savoir qu'on ne crée pas de Mozart, on ne crée pas les Beatles. Si les dieux nous sont favorables, on peut ne pas nuire à l'éclosion d'un Mozart, d'un Beatle ou d'un grand scénariste. Cela veut dire qu'il y a une partie technique de l'écriture qui s'enseigne bien et qui se transmet assez bien. On peut transmettre l'écriture musicale, c'est très simple, mais on ne peut pas montrer à quelqu'un à être un génie. On peut essayer de favoriser sa créativité, mais on ne lui donnera pas de génie. Cela est vrai.

Par contre, on voit déjà que le programme d'écriture dramatique à l'École nationale a donné des résultats très concrets à venir jusqu'à maintenant. C'est le seul qui soit là depuis assez longtemps. Il est bien structuré et il existe depuis assez longtemps pour qu'on puisse voir qu'il a déjà des retombées positives. Des personnes comme Élisabeth Bourget sont sorties de là et elles produisent énormément. Cela fonctionne très bien.

Je pense qu'il y a là un besoin et que la façon dont les écoles s'en acquittent n'est pas tout à fait idoine par rapport à la réalité de la production, peut-être, et qu'il est trop tôt pour savoir si on va avoir des retombées réelles. Mais, il y a certains apprentissages qui peuvent être faits. J'enseigne moi-même la scénarisation et je pense qu'il y a des choses qu'on peut apprendre aux gens. Il est aussi important d'enseigner la scénarisation aux réalisateurs et aux producteurs, parce qu'ils ne lisent pas les scénarios de la même façon après, même s'ils n'écrivent pas. Dans ce sens-là, c'est aussi très utile.

Mme Bacon: Alors, Mme Fortier et M. Gélinas, j'aimerais vous remercier de nous avoir présenté votre mémoire et vous dire que la diversité de vos intérêts a contribué, évidemment, à la réflexion, parce que cela nous amène à réfléchir sur les différents problèmes. Cela aide, je pense, à la réflexion que veut faire cette commission parlementaire. Vous réussissez, je pense, à toucher les vrais problèmes auxquels vous avez à faire face et cela va sûrement nous aider à continuer le cheminement au cours des prochains jours. Merci beaucoup.

Le Président (M. Trudel): M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. Gélinas, Mme Fortier. M. Gélinas pour aller un peu dans la même foulée que vous, la problématique que vous nous apportez, enfin, que vous essayez de cerner pour nous est tellement complexe qu'effectivement une chatte n'y retrouve pas ses petits. Je vois une chose, en tout cas, qui... Pardon?

Le Président (M. Trudel): Variation sur un même thème.

M. Boulerice: Variation sur un même thème. Je vais me servir de cela pour vous

donner mon sentiment. Vous parlez d'un rapport de l'UNESCO qui dit qu'il faut un bassin de population d'au moins 15 000 000 de personnes pour qu'une culture puisse survivre sans interventions de l'État. Il faut donc tenir pour acquis que le gouvernement sera toujours appelé à investir des fonds publics dans la culture pour compenser la petitesse du marché au Québec. Les fonds publics, ce sont nos fonds. L'État ne crée pas de l'argent, il va le chercher chez les citoyens. L'hypothèse que vous soulevez quant à la reprise par les auteurs de cette fameuse taxe sur les vidéocassettes, m'apparaît pour ma part intéressante comme avenue.

J'aimerais aller dans votre mémoire et vous poser deux brèves questions très spécifiques. La première, est-ce que vous pourriez peut-être me donner davantage d'explications sur les pratiques qui découlent de la fameuse notion de "louage de services"?

M. Gélinas: La pratique du "louage de services" assimile la personne qui a le malheur de signer le contrat à un employé, c'est-à-dire qu'elle cède tous ses droits, à tout jamais, sur ses oeuvres. C'est, d'ailleurs, une pratique qui a longtemps été la norme à Radio-Québec, mais qui tend à s'amenuiser. Les auteurs de Passe-Partout, par exemple, ont dû signer un contrat de louage de services, parce qu'on ne pouvait faire autrement, à cette époque-là, si on voulait travailler et si on voulait travailler à Radio-Québec. Ce qui est arrivé, c'est que le chat est devenu un gros matou dans ce cas-là et les auteurs sont restés avec leur maigre cachet de départ de "louage de services". C'est une pratique odieuse dans le domaine de la propriété intellectuelle et c'est une pratique tout à fait courante lorsque l'auteur est seul face à un producteur qui a tous les moyens et n'a pas d'autres obligations que celle de dépenser le moins possible de sa subvention pour arriver à son produit.

Nous avons des droits, la Loi sur les droits d'auteur existe et il n'y a personne qui oblige à louer ses services. Par définition, il n'y a pas d'obligation absolue, mais il y a juste l'obligation que, si tu veux travailler, dans certains cas, il faut que tu loues tes services; sans ça, tu ne travailleras pas. Le milieu est tellement petit que les gens se font rapidement mettre sur la liste des personnes moins désirables pour faire une chose et des gens qui sont toujours à demander plutôt que d'accepter de travailler maintenant et peut-être de penser au contrat plus tard. Si on avait des ententes en bonne et due forme entre les secteurs, cela permettrait, d'abord, de rendre un peu plus anonyme l'imposition de la norme, ce qui préserverait la capacité de courir des auteurs et permettrait d'éviter cette affaire. Je ne sais si cela répond un petit peu à votre question.

(17 heures)

M. Boulerice: Oui. Vous parlez d'ententes. Quand on parle d'entente, il y a forcément négociations. J'aimerais savoir quelles sont les raisons qui ralentissent le processus de négociation qui est en cours entre la SARDEC et les producteurs, et peut-être plus spécifiquement, si vous le désirez, Radio-Québec.

M. Gélinas: Par rapport à Radio-Québec, c'est une vieille histoire. C'est une histoire à laquelle nous touchons épisodiquement, parce qu'on est très occupé ailleurs. Fondamentalement, par rapport à Radio-Québec, ce que nous n'avons jamais senti, c'était la volonté de négocier et de régler la question. Au départ, la nature des objections qu'on nous apportait, c'était la question de la boîte syndicale. Radio-Québec s'est fait enfermer dans une boîte syndicale très très serrée et on nous disait qu'avec notre contrat avec la CSN c'était impossible. La deuxième ronde a été: Vous n'êtes pas représentatifs, cela s'adonne qu'il y a juste un organisme dans le domaine de l'audiovisuel pour les pigistes et c'est nous. Ensuite, la question de la juridiction syndicale, c'est que nous parlons de pigistes et nous ne parions pas d'employés. Par contre, lorsque la boîte ne signait que des contrats de louage de services, on assimilait tout le monde à des employés. Si on signe des contrats de droits d'auteur, ce sont des travailleurs autonomes, ce ne sont plus des employés et, à ce moment-là, peut-être qu'on pourrait régler la question syndicale. Mais, fondamentalement, c'est qu'il n'y a pas eu de volonté. Après la juste part des créateurs, après les audiences sur la loi 109, après tout cela, il n'y avait pas de volonté réelle de régler le problème. Nos dernières approches remontent à il y a un an et demi, deux ans à peu près. On avait appelé, on avait correspondu, nous y étions allés, nous avions rencontré des gens et on nous avait dit qu'on nous rappellerait, puis il n'y a jamais rien qui s'est passé.

M. Boulerice: Face à l'ensemble des producteurs, M. Gélinas?

M. Gélinas: Face à l'ensemble des producteurs - vous voyez, cela revient, c'est ma litanie - c'est que le milieu de la production d'émissions et de films a été créé, à toutes fins utiles, si on regarde l'ensemble, par l'intervention gouvernementale qui l'a fait en discriminant massivement vis-à-vis des producteurs. Nous, on parle de propriétaires fonciers dans notre mémoire. Ce serait comme si le gouvernement, par son intervention dans le domaine de la propriété foncière et de la location,

donnait tous les droits aux locataires et pas de droits aux locateurs, avait édifié un rapport de forces où le propriétaire n'avait pas de puissance. C'est ce qui est arrivé.

Alors, la raison pour laquelle nous avons de la difficulté, c'est qu'ils n'y ont jamais été obligés, parce que cet argent a été donné - et j'utilise un terme fort -aveuglément.

On nous dit toujours: Nous n'interviendrons pas entre tiers. Maintenant, la loi 109 intervient entre tiers. Chaque fois que la SGC donne de l'argent, elle intervient entre tiers parce qu'elle crée le secteur de la production. La loi 109, par son article 109, intervient entre tiers parce qu'elle dit: Vous allez réinvestir jusqu'à 10 % de vos recettes brutes si vous êtes distributeur. Il faut dire que l'article n'a pas été promulgué, mais il demeure que la loi intervient déjà entre tiers. Il y a des tas d'exemples où on intervient entre tiers et, encore là, sous le signe de la transparence et sous le signe de l'équité et de la façon éclairée dont on veut bâtir cette industrie, il est très important que, quand on dépense une piastre pour monter un film, cette piastre se répartisse de façon équitable, que sa répartition reflète l'apport de chacun; ensuite, que sa répartition soit claire, qu'on sache qu'il y a eu de l'argent, qu'on puisse le savoir, que ce soit transparent, et, troisièmement, que ce soit éclairé dans le sens où, à moyen et à long termes, cela serve à consolider les secteurs.

À cet égard-là, il y a une chose que je n'ai pas dite et que j'aimerais beaucoup dire. Dans le domaine de la production télévisuelle à Montréal et au Canada français, présentement, il n'y a pas pénurie d'auteurs. La raison pour laquelle Il n'y a pas pénurie d'auteurs, c'est que depuis 35 ans Radio-Canada a reconnu ses auteurs comme étant une ressource. Elle a établi un régime, avec la SARDEC, selon lequel ce milieu était attrayant, selon lequel ce milieu permettait de gagner sa vie. Au Québec, on peut dire: Je suis recherchiste à la télévision, je suis auteur pour la télévision. C'est un statut enviable. On y gagne bien sa vie. Ce milieu attire. Cela a été bâti en très, très grande partie grâce aux conventions collectives qui ont existé entre la SARDEC et Radio-Canada.

Ce qui risque d'arriver présentement -et cela a l'air théorique et farfelu, mais c'est une réalité à moyen et à long termes -c'est qu'avec le transfert massif du financement de Radio-Canada vers Téléfilm et ver3 la SGC une part de plus en plus grande de la programmation va se faire par le secteur privé. Si on ne garde pas un certain niveau de professionnalisme, si les gens ne savent pas à quoi s'attendre quand ils s'embarquent dans un "deal", comme le disent si bien les producteurs, s'ils ne savent pas s'ils vont pouvoir négocier un contrat, s'ils ne savent pas une fois le contrat négocié s'ils vont être payés, si les niveaux de rémunérations ne sont pas suffisants pour que la profession attire, il n'y aura pas de contenu. Surtout, nous allons perdre, à moyen et à long termes, ce parc d'auteurs qui a été bâti sur 35 ans. Cela c'est très important. À la SARDEC, il y a un roulement. Il y a toujours à peu près 500 membres. À la SARDEC, on gère à peu près pour 6 000 000 $ de contrats d'auteurs par année. La grosse part de cela, c'est Radio-Canada, présentement. II va y avoir un transfert. Si cela s'en va vers le secteur privé et qu'il n'y a pas d'ordre dans le milieu, il y a bien du monde qui cherchera à faire autre chose qu'écrire pour ta télévision. Vous pouvez être certain de cela.

Mme Fortier: Si je peux me permettre, pour compléter votre question, avec le secteur privé, nous avons amorcé des négociations avec l'APFVQ. Depuis 1978, nous demandons à négocier des ententes-cadres, des contrats types pour la production privée. Nous amorçons des négociations avec le secteur privé, actuellement. C'est loin d'être complété.

M. Boulerice: D'accord. Je vous remercie.

Le Président (M. Trudel): Monsieur le trésorier, j'aurais plusieurs questions à vous poser sur un excellent mémoire qui approfondit bien certains problèmes, qui montre bien la dimension - elle est très importante - économique de la culture et de l'industrie culturelle. Je vais me contenter de vous poser une question qui peut vous paraître bébête. Parce que j'ai l'impression que, vous comme pour nous - on vous donnera l'occasion de le dire publiquement -cela semble aller de soi. Vous dites, à la page 3, et c'est ma première question: "Seules les sociétés d'auteurs peuvent défendre adéquatement ses droits" - en parlant, évidemment, d'un de vos membres -"et lui procurer les conditions de travail essentielles à l'épanouissement de son talent".

J'aimerais vous entendre préciser assez rapidement, malheureusement, parce que le temps nous presse, cette Information.

M. Gélinas: Nous croyons que cela est vrai partout dans le monde. Partout dans le monde, lorsqu'on a une industrie à peu près mûre, à peu près adulte de production audiovisuelle, il y a des sociétés d'auteurs qui sont reconnues. Cela est particulièrement vrai chez nous, je pense. Cette nécessité est particulièrement vraie chez nous. À cause, entre autres, de l'exiguïté du marché, vraiment, c'est très important. Ce qui arrive, c'est que si un auteur, chez nous, à titre

individuel, se met à négocier de façon très, très serrée - cela, c'est un cas celui qui négocie très, très serré - ce gars ou cette fille doit avoir un produit vraiment exceptionnel à vendre. Négocier serré, cela veut dire seulement essayer d'aller chercher à peu près - pour une cession de droits qui est trois fois la cession de droits que l'on donne à Radio-Canada - l'équivalent de la grille du tarif minimum qu'on a à Radio-Canada pour une passe. Cela, c'est négocier très, très dur, très, très serré et on nous haït quand on fait cela. Cela veut dire qu'on n'est pas capable de se bâtir une profession ou une carrière là-dessus.

Autre aspect qui est beaucoup plus important, ce sont les cas litigieux. Il y en a un en particulier dont nous tairons le nom, mais que plusieurs vont reconnaître, où un auteur a fait jurisprudence parce qu'il est allé en cour. On avait un auteur dont les droits ont été lésés de façon flagrante. Cet auteur avait parfaitement raison. Il a été obligé d'y aller à titre individuel et à titre personnel. Ce gars-là, parce qu'il avait raison, parce qu'il a gagné sa cause, a dû faire un purgatoire de cinq ans; il n'a pas pu faire autre chose que des réécritures de type Reader's Digest pendant cinq ans, parce que personne ne voulait y toucher. On disait: Untel, c'est du trouble. Parce que le secteur est très petit, vous savez.

Par contre, si c'est d'organisme à organisme, si on a une entente, si on a un problème, on a un comité conjoint, APFQ-APFVQ-SARDEC, on a un comité conjoint Radio-Canada-SARDEC, etc. Le comité conjoint s'en occupe. D'abord, cela rend la chose anonyme; ensuite, cela médiatise l'affaire, cela la rend beaucoup moins personnelle et, à ce moment-là, ne serait-ce que pour réclamer son dû, on ne se fera pas mettre sur la liste noire. C'est très très grave.

Le Président (M. Trudel): Je vous remercie de votre réponse. C'est pour donner l'occasion à d'autres députés d'intervenir. Une brève question, M. 'le député de Sherbrooke.

M. Hamel: Oui, très brève, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci.

M. Hamel: Dans vos recommandations, la deuxième, vous mentionnez: "Que le gouvernement rende l'obtention de fonds publics conditionnelle à la reconnaissance des associations." Est-ce que cela signifie pour vous l'élimination de l'individu au profit du groupe?

M. Gélinas: Absolument pas. Je vais vous donner un exemple. Dans les ententes que nous avons, nous gérons quatre conventions collectives présentement. Nos conventions collectives n'interdisent à personne de travailler. On n'a pas besoin d'être membre de la SARDEC pour travailler à la DGME, par exemple. On n'a pas besoin d'être membre de la SARDEC pour travailler à Radio-Canada à titre d'auteur. Par contre, quand on va travailler à Radio-Canada à titre d'auteur, on va travailler selon les conditions de l'entente SARDEC qui sont les conditions minimales et, ensuite, on peut négocier de gré à gré. Alors, ce n'est absolument pas la disparition de l'individu; au contraire, c'est un instrument nécessaire.

Quand on dit: "Que le gouvernement rende l'obtention de fonds publics conditionnelle à la reconnaissance des associations", il y a déjà le ministère des Affaires culturelles, de par la loi 109 et la création de l'Institut québécois du cinéma, qui reconnaît une association représentative dans huit secteurs différents de la production audiovisuelle. Alors, nous ne demandons pas que le gouvernement négocie à notre place. Nous disons tout simplement que le gouvernement dise: Aie, écoutez, les "boys", si vous voulez avoir cet argent-là, entendez-vous entre vous; sans cela, vous ne l'aurez pas! C'est juste cela qu'on veut: vous ne l'aurez pas!

Cela se traduit tout simplement: si Mme la ministre des Affaires culturelles écrivait une lettre à la Société générale du cinéma et qu'elle disait: Ne donnez pas d'argent à un producteur qui ne reconnaît pas une entente avec l'association représentative dans chacun des secteurs et qui n'y adhère pas, cela voudrait dire au départ que les producteurs iraient négocier et - qu'ils se sentiraient obligés de régler. Nous aussi, parce qu'on vit de cela, on en a besoin, pas juste eux. Cela rétablirait l'équilibre, tandis que maintenant, de la façon dont cela a été construit, de bonne foi, absolument de bonne foi, il y a eu une distorsion complète au niveau du rapport de forces. Ces gens-là se promènent, ils se sentent très très gros et très très forts, tandis que dans le secteur qui nous concerne, ils n'existeraient pas si ce n'était du gouvernement. C'est aussi simple que cela.

M. Hamel: Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Sherbrooke.

Madame, messieurs, c'est tout le temps dont nous disposons, malheureusement, essayant d'accélérer quelque peu. On le regrette, les journées sont bien remplies et parfois les travaux parlementaires, comme cet après-midi, nous retiennent en dehors de cette enceinte un peu plus longtemps que souhaité.

Je vous remercie de votre présentation,

de vous être déplacés jusqu'à Québec pour venir nous rencontrer. Je pense que cela a été, dans ce cas-là comme dans les autres, très utile aux membres de la commission et que cela permettra à Mme la ministre de prendre les décisions qui s'imposent. Merci beaucoup. (17 h 15)

M. Gélinas: Merci.

Le Président (M. Trudel): Maintenant, durant les 45 minutes qui restent, nous passons à un autre organisme que nous avions convoqué pour plus tôt, je pense, la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec.

Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec

Je salue Mme Aubut, M. Lelièvre, qui est un voisin d'Anjou, tout près de Bourget.

Une voixs C'est un très beau comté.

Le Président (M. Trudel): Anjou est un très beau comté; Bourget aussi. Je vois des choses sur M. Lelièvre dans les journaux locaux à l'occasion. Je salue également Mme Lemay. Bienvenue à vous trois. Je pense que M. Plamondon, qui devait se joindre à nous, en a été empêché.

Mme Lemay: Oui, je voulais dire que Luc Plamondon - c'est étonnant, avec toute l'énergie qu'on lui connaît - pour des raisons de santé, est collé à Montréal. Je pense qu'il est le premier à regretter vraiment de ne pouvoir participer à ces assises. Il y tenait beaucoup. Il s'en excuse.

Le Président (M. Trudel): Connaissant tous M. Plamondon, on peut en conclure qu'il doit être vraiment malade, gravement aussi. On vous demande de vous faire notre porte-parole pour lui souhaiter un prompt rétablissement et un retour prompt à cette vigueur qu'on lui connaît dans la défense des intérêts de ses membres. Madame, si vous voulez, ou monsieur, je ne sais trop.

Mme Lemay: Je voulais simplement dire, d'abord, au nom de la SPACQ, au nom de tous les auteurs et compositeurs du Québec, qu'on félicite et qu'on remercie Mme la ministre, Lise Bacon, de cette initiative d'avoir mis sur pied cette commission parlementaire. C'est stimulant et encourageant.

J'avais des choses à dire sur Luc Plamondon, et je les ai dites. Il regrette sincèrement de ne pas être ici. Je vais céder la parole à deux membres du conseil d'administration de la SPACQ, qui sont aussi des auteurs, bien entendu, Sylvain Lelièvre et

Mme Lise Aubut, qui commenteront le mémoire et apporteront peut-être aussi quelques précisions sur nos priorités.

M. Lelièvre (Sylvain): Merci. M. le Président, notre mémoire n'étant pas très volumineux, je présume que vous avez déjà eu le temps de le parcourir et peut-être même de le lire.

Le Président (M. Trudel): Je ne l'ai pas lu, cher monsieur.

M. Lelièvre: Nous croyons que ce document exprime très bien la condition vécue présentement au Québec par les auteurs et les compositeurs. Si vous le permettez, cependant, plutôt que de relire le document, nous allons simplement en faire avec vous un survol, en vous indiquant à chaque chapitre un peu l'état de la réflexion chez nous, c'est-à-dire où nous en sommes à la SPACQ, ce qui nous permettra, je l'espère, d'aborder plus directement l'étape des questions.

Premièrement, en ce qui a trait à la formation, c'est l'urgence des autres dossiers, celui des droits d'auteur en particulier chez nous, qui nous a empêchés jusqu'à maintenant d'étudier en profondeur le problème de la formation. Nous sommes, cependant, très conscients de sa gravité. Alors qu'il existe chez nos concurrents les plus vigoureux, c'est-à-dire la France et les États-Unis en particulier, des écoles où tous les aspects de l'apprentissage du métier de la chanson sont intégrés dans un programme de formation structurée, chez nous, au Québec, il n'y a à peu près rien. Quand je dis à peu près, je fais l'exception, qu'on signale dans le mémoire, l'exception notoire des stages offerts par le Festival de la chanson de Granby. Ce sont quand même des stages qui sont très limités dans le temps et dans les moyens.

Pour nous, la situation est d'autant plus inquiétante que, depuis trois ou quatre ans, la création chansonnière s'est vue complètement envahie par l'informatique. Autrement dit, on ne peut plus, comme autrefois - en tout ca8, on le peut de moins en moins -s'improviser auteur ou compositeur de chansons. La SPACQ, donc, demande instamment au gouvernement du Québec, que ce soit par le ministère des Affaires culturelles ou le ministère de l'Éducation, de corriger cette situation avant que nous soyons tous devenus une "gang" de vieux auteurs nostalgiques dont les enfants ne chantent plus qu'en anglais les chansons des autres. Autrement dit, notre collaboration vous est acquise dans quelque développement que ce soit du côté de la formation.

Deuxième chapitre, celui des droits d'auteur. Évidemment, cela nous touche de beaucoup plus près. C'est d'abord la question

qui nous a mis au monde comme groupe de pression et c'est la question qui, quotidiennement, si je puis dire, nous préoccupe. Nous vous renvoyons au document pour les exemples tirés de la vraie vie, les exemples vécus montrant combien une chanson rapporte et sur combien de temps. S'il n'y en a pas suffisamment, s'ils ne sont pas assez clairs, on en a un paquet d'autres, y compris nos exemples personnels.

Il reste que, dans l'état actuel du partage des juridictions et des volontés politiques, le dossier des droits d'auteur, pour l'essentiel, relève du gouvernement fédéral. Cependant, il y a deux problèmes qui, d'après nous, pourraient être résolus à court terme par une intervention du gouvernement du Québec, autrement dit, des recommandations plus précises sur lesquelles on voudrait appuyer.

Premièrement, le mémoire, à la page 3, insiste beaucoup sur le délai qui existe chez nous entre la création et la rémunération. On parle d'un délai d'au moins 18 mois et, effectivement, c'est au moins 18 mois; très fréquemment, c'est deux ans, deux ans et demi ou trois ans. Alors, l'auteur ou le compositeur qui n'est pas une compagnie de disques, qui n'est pas un producteur, n'a généralement pas accès aux prêts bancaires à moins qu'il n'exerce un autre métier qui puisse assurer son emprunt, ni plus ni moins. Il n'a pas, non plus, généralement accès aux bourses qu'on accorde aux écrivains. L'auteur de chansons ou le compositeur de musique populaire, on ne le considère pas. Les jurys sont beaucoup trop spécialisés pour considérer comme un véritable écrivain l'auteur de chansons ou le compositeur de musique légère.

Nous proposons que l'auteur ou le compositeur qui prépare l'écriture d'un album, d'une comédie musicale ou d'un spectacle, soit admissible à un programme de prêt-bourse, un peu sur le modèle de celui qu'on offre aux étudiants. C'est pour éclairer un peu la recommandation que l'on fait en page 4.

Il y a un dossier qui me tient particulièrement à coeur, c'est celui des cassettes vierges. Les multinationales du disque estiment que le piratage domestique a fait chuter leurs ventes, donc les nôtres, dans une proportion qui oscille entre 40 % et 50 %, selon les pays et les années. Or, la SARDEC l'a fait remarquer très justement tout à l'heure, le gouvernement du Québec possède déjà une expérience dans le domaine, puisqu'il prélève une taxe de 2 % sur les vidéocassettes vierges. Comme la SARDEC l'a fait valoir, c'est une taxe qui a été proposée au nom des droits d'auteur. Quand je vais acheter une vidéocassette, on me dit: C'est pour payer vos droits d'auteur, M. Lelièvre. Je vous remercie beaucoup, mais finalement cela ne nous revient jamais, cette taxe, puisque cela va au fonds consolidé. Si le gouvernement du Québec est capable de percevoir une taxe sur les vidéocassettes, pourquoi ne serait-il pas capable de percevoir, non pas une taxe, mais une redevance sur les cassettes "audio".

Pour rester dans l'esprit de saine gestion qui anime la commission et qui nous anime aussi, disons qu'il n'est pas question d'alourdir davantage l'appareil d'État. La SPACQ se déclare parfaitement disponible pour redistribuer les sommes perçues aux ayants droit, c'est-à-dire les auteurs, les compositeurs, les éditeurs et même les interprètes. L'UNEQ le fait déjà pour la reprographie, pourquoi pas nous?

Maintenant, en ce qui a trait à la fiscalité et à d'autres réflexions, je vais laisser la parole à ma collègue, Mme Aubut.

Mme Aubut (Lise): J'aimerais ajouter quelques réflexions personnelles. D'abord, si on veut que les créateurs puissent vivre de leur création et surtout qu'il y ait création, il faut trouver une solution au problème de l'investissement dans la création. Or, les multinationales qui oeuvrent au Québec et au Canada n'ont pas l'obligation de réinvestir quelque argent que ce soit dans le produit québécois. Cette situation devrait changer radicalement et nous croyons que cela est du ressort de l'État,

D'autre part, nul n'ignore que, si nous voulons posséder une part de notre marché, nous nous devons d'exiger que " toute distribution, que cela concerne le film, le disque, le livre ou la vidéo, soit québécoise ou tout au moins canadienne. En effet, nous avons le devoir d'imaginer des mécanismes pour qu'une partie des sommes d'argent qui circulent dans les industries culturelles demeure au Québec et au Canada. Par exemple, si tous les distributeurs étaient québécois et canadiens, une part intéressante des sommes demeurerait entre nos mains et serait donc réinvestie dans les produits locaux. Il faudrait même souhaiter qu'il y ait, dans la plupart des cas, une concertation sur ce plan entre les provinces pour empêcher l'une d'entre elles d'être à la merci d'un boycott américain ou autre. Cette recommandation me semble fort importante compte tenu du fait que nous ne possédons en ce domaine que 11 % de notre propre marché.

J'aimerais souligner également que, si la SPACQ est tout à fait en accord avec l'Union des artistes sur le statut que devrait avoir l'artiste-interprète, elle juge qu'il serait nécessaire que ce statut s'étende aux auteurs et aux compositeurs de chansons. Elle souhaiterait également, étant donné le contexte très particulier de la création en ce domaine, qu'en ce qui concerne la fiscalité une somme forfaitaire annuelle correspondant aux 3000 $ premiers gagnés au chapitre des

droits d'auteur ne soit pas imposable et ne soit pas, par conséquent, cumulative à un revenu palliatif.

Par ailleurs, il est certain que l'étalement du revenu des créateurs semble une mesure absolument essentielle et justifiée. Nous aimerions, au surplus, que l'État soit le premier intervenant à respecter ces créateurs, c'est-à-dire qu'il leur accorde des crédits au générique de toutes ses productions, qu'il étende le procédé aux médias de communication qui dépendent de lui et dont il est responsable. Il est également de son devoir d'obliger les producteurs de toutes les industries qui reçoivent des subventions à s'assurer auprès des producteurs que les créateurs dont ils utilisent les oeuvres soient rémunérés. Nous ne doutons pas de la volonté de l'État à cet égard, nous souhaitons simplement que cette volonté soit appliquée.

En terminant, nous voulons remercier le gouvernement du Québec, et particulièrement Mme la ministre des Affaires culturelles, de l'appui non équivoque qu'ils nous ont accordé sur l'urgence d'une révision de la Loi sur les droits d'auteur, d'une part, et sur le contenu francophone à la radio, d'autre part. Nous voulons également vous remercier à l'avance de ce que vous ferez pour améliorer le statut des créateurs et, par conséquent, la création elle-même.

Le Président (M. Trudel): Puis-je vous demander, au nom des membres de la commission, de nous laisser une copie du texte que vous venez de lire, de façon que l'on puisse le distribuer dans le courant de la journée de demain aux membres de la commission, parce que je pense que nous n'avons pas devant nous le texte que vous venez de lire?

Mme Aubut: D'accord, très bien.

Le Président (M. Trudel): Merci. Alors, Mme la ministre, je vous cède la parole.

Mme Bacon: J'aimerais souhaiter la bienvenue à Mme Lemay, à Mme Aubut et à M. Lelièvre, tout en regrettant l'absence de M. Plamondon qui mettait ses espoirs dans cette commission parlementaire, et vous remercier d'avoir participé à ce phénomène que nous appelons les commissions parlementaires et qui soulèvent souvent des craintes chez les uns et des espoirs chez les autres. Je pense que les commentaires que vous nous faites dans votre mémoire rejoignent les commentaires qui ont été faits par plusieurs groupes qui vous ont précédés. Vous êtes aussi sensibilisés, je vais donner un exemple, à la formation. Il y en a plusieurs qui ont soulevé cette question de la formation et cela nous paraît très instructif. Des ententes qui concernent la reproduction d'oeuvres musicales, par exemple dans les établissements d'enseignement, font partie de notre plan de travail avec le ministère de l'Éducation et je pense que cela rejoint aussi vos préoccupations. La question des redevances sur les cassettes vierges est importante et c'est évident qu'il faudra faire aussi certaines pressions là où elles doivent être faites.

J'ai certaines questions, mais je vais tenter de les limiter pour donner la chance à mes collègues de faire valoir des opinions ou de poser eux-mêmes des questions. Croyez-vous que des établissements qui offrent des programmes de formation spécialisée en musique pourraient corriger les lacunes, que vous déplorez dans votre mémoire, dans le domaine de la chanson, dans le domaine de la musique populaire?

M. Lelièvre: Je présume que c'est à moi que vous posez la question?

Mme Bacon: Oui.

M. Lelièvre: Non, je ne le crois pas du tout. Il existe deux types de formation en musique au Québec, celle que dispensent les conservatoires et celle que dispensent les cégeps. Dans les conservatoires, il n'est pas du tout question de musique populaire. Dans mon esprit, j'associais aussi un peu ce qui se fait dans les facultés de musique à ce qui se fait au conservatoire. Il n'est à peu près pas, non plus, question de musique populaire dans les écoles de musique, quelquefois un peu de jazz, mais d'un jazz très académique.

Dans le réseau des cégeps, on peut maintenant s'inscrire en musique populaire. Cela forme un accompagnateur, cela forme un musicien de studio, un musicien qui pourra jouer dans les hôtels pendant les week-ends, qui pourra accompagner l'interprète, mais cela ne forme pas du tout un compositeur de chansons. C'est vraiment une tout autre école. Si on parle des paroles, de l'écriture de paroles, il n'y a absolument rien dans le réseau présentement qui prépare les auteurs à écrire des paroles. Cela existe et est particulièrement développé aux États-Unis.

Mme Bacon: Comment pourrait-on arriver à apporter un correctif à cette situation? (17 h 30)

M. Lelièvre: Je pense qu'il y a plusieurs solutions possibles. À mon point de vue, du côté du ministère des Affaires culturelles, il y a certainement moyen de subventionner des stages de différentes longueurs. On le fait déjà un petit peu avec le festival de Granby, mais aux dernières nouvelles - j'ai parlé avec eux il y a une dizaine de jours - leur stage de formation d'été pour lequel ils avaient obtenu une

subvention l'an dernier était encore incertain parce qu'ils attendaient des subsides gouvernementaux. Il faudrait que ce soit étendu davantage un peu partout et au cours de l'année également, que ce soit offert aussi à des artistes un petit peu plus professionnels. Je pense que le ministère des Affaires culturelles pourrait également ouvrir des programmes de bourses de perfectionnement à l'étranger pour des artistes en exercice. Maintenant, selon moi, il y aurait de la place dans le réseau de l'éducation, c'est-à-dire au niveau du ministère de l'Éducation, pour un cours de formation en chanson populaire, vraisemblablement au niveau collégial.

Mme Bacon: Est-ce que nous aurions suffisamment de professeurs?

M. Lelièvre: Je pense qu'il n'y a aucun problème de ce côté. On est déjà à peu près 140 membres.

Mme Bacon: Vous faites état du tarif des droits d'auteur concernant Radio-Canada. Qu'en est-il de Radio-Québec?

M. Lelièvre; Je suis très content que vous posiez la question. Je peux vous dire que, pour l'année 1985, Radio-Québec a négocié avec la Commission d'appel du droit d'auteur, à Ottawa - je vous dis cela de mémoire, à quelques milliers de dollars près, c'est cela - pour verser 87 000 $ à nos deux sociétés de perception qui sont la CAPAC, pour Composers, Authors and Publishers Association of Canada, et la SDE, pour Société des droits d'exécution. 87 000 $ pour l'année, ce n'est pas seulement pour payer, je ne sais pas Gilles Vigneault ou Jean-Pierre Ferland; c'est aussi pour payer la succession de Maurice Ravel, c'est pour payer John Lennon, c'est pour payer toute création musicale qui passe pendant toute l'année à Radio-Québec. Pour nous, c'est un des dossiers les plus tristes que celui de Radio-Québec.

Mme Bacon: Plusieurs de vos revendications sont, évidemment, à incidence économique. J'aimerais savoir de quelle façon vous entrevoyez le rôle - et cela, je l'ai demandé à plusieurs autres groupes qui sont venus devant nous - du ministère des Affaires culturelles en fonction des principales préoccupations que vous soulevez ici cet après-midi par votre mémoire. Vous vous adressez, avec raison, au gouvernement du Québec et c'est évident, au ministère des Affaires culturelles. Est-ce que vous souhaitez que ce ministère joue un rôle de coordonnateur ou qu'il aille plus loin dans certains domaines?

Mme Aubut: Moi, je pense que oui, il devrait s'impliquer directement dans divers dossiers, par exemple, celui de la distribution dont on parlait tout à l'heure. Effectivement, il y a une grande partie des sommes qui s'en vont en distribution et ce sont vraiment presque tous les fonds dont on dispose. Si je peux me permettre de vous donner un exemple, sur un disque qu'on détaille 10,98 $ sur le marché, il y a une part qui va au marchand, une part qui va en distribution et sous-distribution et le producteur du disque, lui, ne reçoit qu'entre 4,10 $ et 4,30 $ sur lesquels il doit assumer la production du disque, les droits d'auteur, la taxe fédérale de vente, le pressage, la fabrication de la pochette, les photos, etc. Donc, si l'argent qui est entre deux - là où il y en a le plus - c'est au niveau de la distribution - n'est pas réinvesti ici et que ça s'en va à l'étranger, pour nous, c'est un cas désespéré. Je pense qu'à ce niveau le gouvernement pourrait vraiment nous aider beaucoup.

Je pense aussi aux sommes compensatoires qui viendraient de ces redevances sur les cassettes audio ou vidéo. Elles pourraient être versées aux sociétés d'auteur et non pas aux sociétés de perception. Pour moi, je fais une grande différence. Par exemple, la nouvelle révision sur la loi française l'a prévu et maintenant ces sommes sont versées directement à la SACEM qui est, elle, une société de perception. Cependant, elle les reverse aux différents ayants droit. Mais la différence entre la France et nous, c'est que autrefois, pour la SACEM, tous les ayants droit français représentaient 95 % de son marché. Ils représentent encore 66 % de son marché. Alors que nous, au Canada, nous n'avons que 11 %.

Si on ne trouve pas des mécanismes pour s'aider, il n'y a aucune façon de s'en sortir. On sait bien que les montants investis par les multinationales sont énormes. Elles font un peu une sorte de dumping de leurs produits culturels ici. Nous, on ne peut d'aucune façon relever ce défi sans argent.

Mme Bacon: Quelle part devrait être accordée, par exemple, aux auteurs?

Mme Aubut: Je pense que cela devrait, peut-être, être une somme entre 10 % et 15 % du produit de la vente de ces cassettes.

Mme Bacon: Est-ce que vous nous suggérez une loi, une réglementation qui forcerait cette part...

Mme Aubut: Je pense que oui. La raison pour laquelle - je pense que vous allez peut-être trouver cela curieux que je le dise tout haut, parce que je sais que ce sont des choses qui se pensent, mais ne se disent pas, en général - cela ne devrait pas être

accordé aux sociétés de perception directement, c'est parce qu'avec les ententes entre les sociétés on reviendrait toujours au même problème que 90 % de ces sommes iraient à l'extérieur. Alors que, si on les verse aux sociétés d'auteurs, on n'aurait pas ce problème et cela pourrait être considéré comme une compensation ou une injection directe dans la production québécoise.

Mme Bacon: Y a-t-il des discussions en cours à ce sujet ou si ce sont des recommandations que vous faites, ici, à cette commission?

Mme Aubut: Non, il n'y a pas beaucoup...

Mme Bacon: Est-ce que cela a déjà été discuté?

Mme Aubut: On en discute depuis très longtemps, très longtemps et on pense que c'est essentiel à notre survie.

Mme Bacon: Merci beaucoup. M. Lelièvre.

M. Lelièvre: Je ne sais pas si je peux me permettre de compléter. C'est une question qui nous paraît essentielle à nous, étant donné l'étroitesse du marché. C'est, également, une des seules façons, je pense, pour le gouvernement du Québec de mettre un peu le pied dans la porte des droits d'auteur. Je pense que cela se fait sans aucune espèce de bouleversement constitutionnel ou de chicane de quelque genre que ce soit. Je pense que c'est un pouvoir que vous pouvez exercer, si vous en avez le désir.

L'impact d'une décision comme celle-là sur la créativité en chanson sera absolument considérable. En France, par exemple, où un système comme celui-là existe, on ne le sait pas exactement lorsque des enfant3 achètent des cassettes - tout le monde achète des cassettes - et copient les disques du voisin, pour parler franchement comme Mme Aubut, il est probable qu'ils copient 60 % ou 80 % de chansons anglaises ou étrangères, mais, selon l'entente actuelle, la SACEM ne retourne que 25 % des redevances perçues sur les cassettes vierges à l'étranger. Autrement dit, c'est une façon de réinvestir chez soi, de remettre un petit peu la main sur de l'argent qui est généré par ce dumping scandaleux des produits culturels étrangers chez nous.

Mme Bacon: Ne pensez-vous pas que le libre-échange pourrait remettre en question toutes ces possibilités de récupérer les droits d'auteur?

Mme Aubut: Cela nous inquiète profondément. Profondément. Je pense qu'il faut absolument qu'il y ait des recommandations pour que certains domaines soient protégés, parce que, sinon, ce n'est pas possible. Il faut une souveraineté culturelle, parce que, sinon, on ne se donne même pas cinq ans!

Mme Bacon: Avez-vous déjà entrepris des démarches concernant le libre-échange?

Mme Aubut: Nous avons entrepris des démarches auprès de M. Masse qui semble, jusqu'à maintenant, les accueillir favorablement.

Mme Bacon: C'est bien. Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Je pense que votre participation était attendue. L'éclat a quand même eu lieu. Il était dans la pertinence des remarques que vous nous adressez. J'aimerais aller dans la foulée de Mme la ministre sur le libre-échange, mais je pense que, malheureusement, le temps que nous avons ne nous permet pas d'aller peut-être plus loin dans ce domaine. Effectivement, je pense que c'est un sujet, en tout cas, auquel on devra porter un très grand intérêt, surtout dans le domaine culturel.

J'aimerais adresser une première question à M. Lelièvre. Dans votre mémoire, vous déplorez la quasi-absence d'outils de formation à la chanson. Vous indiquez le problème. Mais, je pense que vous faites partie de la solution, à moins que je ne me trompe, je crois que vous enseignez au cégep Maisonneuve?

M. Lelièvre: Oui.

M. Boulerice: C'est cela. J'aimerais que vous me parliez, peut-être, un peu plus à fond de cette expérience. Tantôt aussi, vous avez dit qu'on pourrait peut-être donner des bourses et envoyer des gens aux États-Unis où il y a des écoles ou des endroits où cela se fait. Je trouve cela un peu paradoxal qu'on envoie des gens étudier aux États-Unis pour écrire des chansons françaises chez nous quand on pourrait développer l'expertise chez nous.

M. Lelièvre: Je pense qu'on peut effectivement la développer chez nous. J'ai donné une idée assez claire tout à l'heure de la façon dont je le voyais. Malheureusement, j'ai beau enseigner dans un cégep, présentement je ne peux pas donner le cours que je vaudrais donner tout simplement parce qu'il n'existe pas. Je vous avouerai, presque confidentiellement, que je suis en train de faire tout mon possible pour que cela

débloque. Il y a des possibilités, il y a des projets qui sont en cours de ce côté.

M. Boulerice: Ce serait comment, d'après vous?

M. Lelièvre: Du côté du ministère de l'Éducation?

M. Boulerice: Oui.

M. Lelièvre: J'essaie, avec quelques autres, de faire mettre sur pied un programme tout à fait séparé et autonome de formation en chanson qui serait destiné essentiellement aux auteurs-interprètes et aux compositeurs-interprètes. C'est à un stade tellement préliminaire, cependant, à l'heure où on se parle, que je ne peux vraiment pas vous en dire plus long. On n'a pas encore fait l'étude de pertinence, cela devrait avoir lieu l'an prochain.

M. Boulerice: D'accord. Une autre question que j'aimerais vous poser, c'est quelle mesure, selon vous, pourrait être mise en oeuvre pour accélérer le versement des redevances, celles qui découlent du droit d'exécution publique et des droits mécaniques?

Mme Aubut: Je ne le sais pas parce que c'est Sylvain qui avait développé ce point-là. Je pense que ça venait avec le financement, avec les prêts et bourses, etc. C'est qu'il y a des gens qui consacrent une partie d'une année, ou deux années, à faire une création et qui doivent attendre encore dix-huit mois avant qu'elle soit rémunérée. Ces gens-là n'ont accès à aucun moyen de financement. Il y aurait peut-être une possibilité d'établir des programmes d'aide pour ces gens.

M. Lelièvre: II est très difficile de raccourcir le délai, parce qu'avant que nos droits nous soient versés il faut que les compagnies de perception aient le temps de faire leurs sondages, de recevoir les déclarations, de comptabiliser tout ça et de toucher les sommes qui leur sont dues soit par les postes de radio ou de télévision, les salles de concert, etc.

Mme Aubut: En fait, ce qu'on demandait, c'était une aide à l'écriture comme celle accordée aux écrivains. Pendant qu'un auteur-compositeur écrit une comédie musicale, il n'a aucune rentrée de fonds, aucune assurance, absolument rien au point de vue pécuniaire. C'est une des formes d'aide souhaitée, soit sous forme de bourse ou autrement, pendant que se fait l'écriture cela peut prendre un an.

M. Lelièvre: On avait envisagé la formule de prêt-bourse, un peu comme celle qui s'applique aux étudiants, parce que le compositeur ressemble un peu à un étudiant, c'est-à-dire qu'il est en face d'un projet qui va être rentable dans dix-huit mois, deux mois, un an, trois ans, quatre ans, un peu comme l'étudiant qui est en train de terminer son cours en médecine.

Mme Aubut: Je crois aussi que, dans un projet comme celui-là, il y aurait sûrement des critères. Je pense bien qu'il n'est pas question d'aider quelqu'un qui n'a pas de crédibilité au niveau de l'écriture. On parlait ce matin des critères de professionnalisme. Il y a sûrement des critères à établir à ce niveau-là aussi.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Saint-Jacques. J'aurais eu plusieurs questions à vous poser, mais le désavantage d'être président de commission - je le dis sans aucune amertume, je le dis avec beaucoup de réalisme - c'est de se faire voler, dans le bon sens du mot, des questions à la fois par le ministre et le critique officiel. Donc, la plupart de celles que j'avais à vous poser vous ayant déjà été posées, les réponses que vous avez données me satisfont.

Je vais vous en poser deux qui sont plutôt d'ordre philosophique, sans qu'on s'étende trop trop longtemps. La première est tout bêtement celle-ci: on sait que les auteurs, les compositeurs du Québec sont célèbres, sont estimés. Pourquoi - c'est la question que je posais de façon générale hier en parlant des artistes interprètes pigistes et de tout le milieu culturel en général - alors sont-ils si mal payés?

Mme Aubut: Est-ce que je peux me permettre de répondre un petit peu?

Le Président (M. Trudel): Absolument. Je pose la question à votre groupe, madame.

Mme Aubut: Ils sont très très mal payés parce que nous n'avons pas la chance... Tout à l'heure, M. Gélinas disait que, dans leur domaine, Radio-Canada avait reconnu ses auteurs. Ce n'est pas le cas pour les créateurs de chansons. Vous savez que Radio-Canada ne paie que deux millièmes de son budget annuel en droits d'auteur et que c'est toujours la même proportion qui s'en va encore à l'extérieur. En ce qui concerne la loi, elle n'a pas été changée. On est encore à 0,02 $ par titre de chanson, quand on arrive à se faire payer. Et les radios ne nous jouent pas tellement. De plus en plus, elles se sont créé un son américain et qu'elles arrivent à se faire donner des normes beaucoup moins sévères; maintenant, elles sont rendues à seulement 55 % de contenu francophone, et c'est comme cela sur toute

la ligne. (17 h 45)

Par exemple, les gens qui sont aidés par le gouvernement, que ce soient les maisons de disques, les distributeurs ou les gens qui font des vidéos, etc., dans tous les budgets qu'ils présentent au gouvernement, disant: Voilà notre budget, on va dépenser tant pour telle chose et il y a toujours un poste pour les droits d'auteur. Ce poste n'est jamais payé, tout le monde s'étant, bien sûr, entendu en dessous pour qu'on ne paie pas cela, c'est toujours soi-disant pour la promotion. Les artistes québécois qui vivent de leurs droits d'auteur pour ce qui est de la chanson sont tellement rares que, dans la SPACQ, nous sommes 134 membres, nous représentons la majorité du répertoire actif, au moins 90 % à 95 %, et, là-dessus, une seule personne peut vivre de ses droits d'auteur sans faire absolument rien d'autre, ces derniers temps, ni interprète, ni compositeur, ni musicien, n'ayant pas de métier parrallèle, parce que cela n'est pas reconnu. On aurait besoin d'une loi. On aurait besoin aussi de l'aide des gouvernements pour imposer certaines normes. C'est vraiment le Far West.

Le Président (M. Trudel): Ma deuxième question nous permettra sans doute, soit M. Lelièvre ou quelqu'un d'autre, de revenir sur un sujet qu'on a abordé depuis le début, qui est celui de la formation. La question que je me pose est celle-ci: Est-ce qu'on peut vraiment apprendre à faire de bonnes chansons? Est-ce que cela s'enseigne de façon didactique à faire de bonnes chansons?

M. Lelièvre: Écoutez, je vais vous répondre un peu par un biais. On peut apprendre à composer de la musique classique, il y a des classes de composition. On peut apprendre à écrire des poèmes; maintenant à l'université, en Faculté de lettres ou en études littéraires, il y a des classes de création, il y a un guidage qui se fait au moins. On apprend à danser, on apprend à jouer au théâtre. Ces choses s'enseignent toutes, sauf la chanson. Comme je vous le disais tout à l'heure, en France, en Belgique et aux États-Unis - au moins, à ma connaissance - cela s'enseigne de façon différente, mais cela s'enseigne. Ici, je pense qu'on est en retard là-dessus et qu'on a une lacune grave qu'il est urgent de combler. Le problème de l'absence de relève en chanson au Québec est évoqué souvent et je pense qu'à peu près tout le monde est d'accord là-dessus. On voit qu'il y a une absence de relève qui aurait entre 20 et 30 ans, disons.

Il y a un autre problème qu'on oublie d'évoquer, qui est peut-être moins visible: c'est qu'il y a une grande majorité de nos artistes "seniors" - une bonne partie, en tout cas - qui, s'ils continuent à exercer le métier de création en chansons, d'auteurs et de compositeurs, c'est simplement parce qu'ils l'exercent essentiellement en France. Je peux vous nommer quinze auteurs et compositeurs très importants au Québec qui, soit résident là-bas, soit y travaillent durant la plus grande partie de l'année et, de façon évidente, y gagnent leur vie. Notre président, M. Plamondon, a été assez éloquent là-dessus, mais il n'est pas du tout le seul. Si la liste vous fait défaut, j'ai cela pas très loin dans mon sac.

Le Président (M. Trudel): Tantôt, vous parliez de bourses et le député de Saint-Jacques s'est étonné qu'on puisse aller aux États-Unis apprendre à écrire de la chanson française. On peut peut-être aller aux États-Unis apprendre à écrire, point. Quel organisme au Québec, au-delà d'une école -je ne dis pas que je suis contre l'école -d'enseignement ou d'une école de formation en chanson populaire, présent ou actuel, voyez-vous qui pourrait remplir cette fonction?

M. Lelièvre: Je ne veux pas me prononcer au nom de la SPACQ. On ne souhaite pas servir de corridor ou de transit là-dedans. Mais, il semble simplement que ces programmes devraient être accessibles aux auteurs et aux compositeurs. J'ai eu en main - je ne sais pas si ce document était officiel ou officieux - l'an dernier, une version d'un document de travail du ministère des Affaires culturelles, qui est un peu l'ébauche de ce que devrait être éventuellement la politique de la chanson.

Mais, les statistiques ne changeront pas là-dedans: les auteurs et les compositeurs de chansons, même s'ils font des demandes de bourses au ministère des Affaires culturelles, n'en obtiennent à peu près jamais. C'est peut-être simplement parce qu'il n'y a pas de programmes pertinents pour eux en tant que créateurs. En tant qu'interprètes, il y a des programmes qui sont quand même assez pertinents et on en remercie le ministère, on s'arrange assez bien avec cela. Pour nous, en tant que créateurs, il y a une absence de programmes.

Le Président (M. Trudel): Merci. M. le député de Sherbrooke avait manifesté l'intention de poser une question et, ensuite, Mme la députée de Matane, ce qui devrait nous mener autour de 18 heures, autant que possible avant 18 heures. Merci.

M. Hamel: M. Lelièvre, en lisant votre mémoire, j'avais noté aussi, comme mes collègues, cette préoccupation que j'avais sur la formation et le comment de cette formation. Vous avez répondu à cette question importante. Pour dire que je compatis avec mon président, je préfère dire

que les grands esprits se rencontrent, car nous sommes quatre qui avons soulevé ce point.

Une toute petite question. À la page 4, dans la condition d'exercice de la profession, vous dites: "Pour améliorer notre situation, nous avons quelques suggestions concrètes". Là, je descends un peu plus bas; vous parlez de "forcer les multinationales à réinvestir". Comment? Avez-vous des suggestions un peu plus concrètes à nous donner? Comment forcer les multinationales à réinvestir?

Mme Aubut: Une des choses qui seraient importantes, c'est que les multinationales... Ici, par exemple, il y a certaines multinationales qui n'ont même pas un seul artiste québécois, vous le savez. Elles ont un bureau à Montréal, mais c'est simplement un bureau fantôme en ce qui nous concerne. Il faudrait peut-être imposer à ces gens-là d'avoir, je ne le sais pas, cinq, six ou sept artistes québécois par année.

Il n'y a presque plus de production qui se fait de façon indépendante, pour les raisons qu'on évoquait tout à l'heure, c'est-à-dire que la part qui reste au producteur est très très mince. Si les multinationales n'investissent pas d'argent ici et se servent simplement de leur machine pour pousser le produit américain, on ne peut, en aucune façon, arriver avec cela.

Vous pouvez aller dans les magasins de disques, même si vous êtes un producteur courageux et que vous arrivez à sortir des produits, vous ne les verrez pas en étalage. Il y a toutes sortes de pratiques qui se font et qui ne sont pas toutes très jolies: du style, par exemple; cela coûte tant d'argent pour que les disques soient placés, comme on dit, "front-track", etc. C'est-à-dire que les producteurs québécois ne peuvent pas s'offrir ce luxe. Je pense qu'il serait très important que les multinationales réinvestissent. Cela permettrait à des Québécois d'avoir aussi accès à des productions de qualité, parce que leurs budgets n'ont rien à voir avec les nôtres.

M. Hamel: Mais c'est toujours le comment qui me préoccupe.

Le Président (M. Trudel): Merci. Cela va. Mme la députée de Matane.

Mme Hovington: Cela rejoignait un petit peu ma question, mais je voudrais un éclaircissement sur certains points. Je suis sûre que, dans la population, il y a sûrement une confusion au niveau des droits d'auteurs, créateurs, interprètes. Peut-être que c'est cela, parfois, l'image qui est projetée. Par exemple, il y a un producteur qui me disait: II y a tel compositeur qui gagne, en droits d'auteur, 200 000 $ par année, juste en redevances. Je ne peux pas donner de nom parce que je ne veux pas faire de personnalités, mais c'était peut-être parce qu'il était aussi interprète ou qu'il recevait cela sur les disques vendus ou le nombre de disques. De quelle façon cela fonctionne-t-il exactement?

Mme Aubut: Je pense qu'on a tous quelque chose à dire là-dessus, parce que cela nous touche dans le vif. En tout cas, je peux vous dire qu'à la SPACQ il n'y a pas un auteur - on peut tous les nommer, ils sont tous là, que ce soit Plamondon, Vigneault, tout le monde est là - il n'y a personne qui touche des droits semblables. Pour toucher des sommes comme ça, si ce sont des redevances, il faudrait que ce soit peut-être quelqu'un qui ait des émissions régulières à la télévision, par exemple, quelqu'un qui aurait peut-être une continuité pour enfants tous les jours à Radio-Canada. Mais vous savez, par exemple, que sur une vente de disques, même si quelqu'un compose toutes les pièces d'un album, cela ne fait quand même que 0,20 $ par disque.

Mme Hovingtore S'il est seulement créateur, s'il n'est pas interprète.

Mme Aubut: Voilà! Et ça, il faut le diviser parce que cela comprend trois intervenants. Il y a 50 % de cela qui va à l'éditeur. Dans les 50 % qui restent, il faut diviser en deux, entre l'auteur des paroles et le compositeur de la musique. Donc, pour un disque, cela fait à peu près 0,05 $ pour une personne. Donc, pour gagner 200 000 $, il faudrait en vendre énormément. Je peux vous dire que, personnellement, j'écris beaucoup de chansons et mes revenus d'auteur, bien que cela soit quand même beaucoup vendu et joué... L'année dernière, on a eu un succès de vente, je pense qu'on a eu la meilleure vente au Québec avec un disque qui s'appelle "Le party d'Edith". Eh bien, je peux vous dire que, cumulant cela et tous mes revenus de droits d'auteur, je n'ai pas gagné 3 000 $.

Mme Hovington: Le plus gros du morceau va à l'interprète, au producteur, au distributeur.

Mme Lemay: Je voudrais ajouter quelque chose. Il faudrait vérifier auprès de la personne qui a dit cela. Peut-être qu'il y a une confusion. Il y a des gens qui, à un moment, décident de ne faire que des "jingles" et des commerciaux. Ce sont peut-être des rentrées qui viennent de ce genre de choses. Cela c'est très payant, mais ce n'est pas des redevances.

Mme Aubut; Ce ne sont pas des droits d'auteur.

Mme Lemay: Mais, quelquefois, cela peut être confondu.

Mme Aubut: Je vais reprendre mon exemple de tout à l'heure pour un disque à l'unité. Mettons qu'un disque est vendu 10,49 $ - je vous donne des chiffres approximatifs, pour vous faire une image -vous avez là-dessus le pourcentage du marchand, ensuite celui du sous-distributeur, ensuite le distributeur. Il reste environ 43 % pour le producteur. Sur ces 43 %, il y a 11 % de taxe fédérale, il y a 0,20 $ qui vont à l'ensemble des intervenants: auteurs et créateurs, et, la plupart du temps, c'est entre 5 % et 8 % du prix de détail pour l'interprète. Donc, l'interprète est beaucoup plus payé que l'ensemble des créateurs, parce qu'il semble au producteur plus indispensable.

M. Lelièvre: Quand il est payé, cependant.

Mme Aubut: Oui. Très souvent...

M. Lelièvre: Cela est plus aléatoire. La réponse de Nicole Martin, hier était assez éloquente aussi là-dessus. Enfin, pour ceux qui étaient ici.

Le Président (M. Trudel): Nous qui y étions, on s'en souvient.

M. Lelièvre: C'est un autre problème, c'est davantage de la juridiction de l'UDA, la question de redevances aux interprètes.

Mme Lemay: II y a beaucoup d'exemples qui sont plus éloquents. Par exemple "Le blues du businessman", en huit ans, a rapporté...

Mme Aubut: 5000 $.

Mme Lemay: ...5000 $ ou 6000 $?

Mme Hovington: L'interprète en a eu plus, comme vous disiez, c'est sûr.

Mme Lemay: Ce n'est pas en contradiction, ce sont des choses différentes.

Mme Aubut: Je comprends le sens de la question, c'est quand même vrai. Il faut dire que le créateur qui est à la base de tout cela est celui qui est le moins payé. Par exemple, il est certain que, si on fait un titre qui devient un tube ou un "hit" comme on dit ici, on en a la preuve: on peut le dire, l'exemple de Diane Juster avec Ginette Reno qui, pour 300 000 copies vendues a touché 8000 $ alors que cela a généré 1 200 000 $ de revenus. C'est un exemple qui est vrai, il s'applique sur une plus petite échelle comme sur une plus grande.

Mme Hovington: C'est cela que vous voudriez qui soit rendu plus juste, dans le fond, qui soit réajusté.

Mme Aubut: Oui, parce que c'est très difficile. Les créateurs ne peuvent pas vivre de la création. Alors, on fait presque tous autre chose. Je vous le dis: II y a une exception sur 134 personnes à la SPACQ qui n'est pas obligée de faire autre chose et c'est Luc Plamondon parce qu'il écrit beaucoup pour la France. S'il n'écrivait que pour ici, ce ne serait pas possible. Mais tous les autres sont soit interprètes soit musiciens soit producteurs, mais on ne peut pas vivre des revenus d'auteur.

M. Lelièvre: Même professeur.

Mme Aubut: Même professeur. C'est une situation qu'il faut corriger parce que, sinon, cela n'incite pas les gens à écrire. 3e veux dire même la plupart d'entre nous pourraient certainement fournir beaucoup plus de créations, si on avait le temps de s'y consacrer, tout simplement.

Mme Hovington: Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la députée de Matane. M. le député de Viger terminera l'intervention.

M. Maciocia: Je sais qu'il est quasiment six heures. C'est seulement une petite question que je voulais vous poser. Vous participez actuellement, aux audiences de la Commission d'appel du droit d'auteur pour obtenir des tarifs plus équitables. Est-ce que vous pourriez nous mettre au courant de l'état du dossier actuellement et en même temps nous dire quelle est l'orientation que prend ce dossier? Est-ce que vous êtes satisfait ou non?

Mme Lemay: Nous avons demandé la hausse des tarifs à trois niveaux, les concerts, la télévision privée et Radio-Canada. On est actuellement à discuter de la télévision privée. Pour Radio-Canada, ce n'est pas terminé. Cela a été ajourné grâce à une intervention de Radio-Canada. Ils trouvaient que les choses allaient trop bien pour nous, alors, ils ont traîné cela jusqu'au mois de juin. Donc, ce n'est pas terminé. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'on a au moins obtenu d'être là et de défendre nous-mêmes ces tarifs. C'est "un droit que nous n'avions pas avant. Ce fut vraiment une bataille extraordinaire. Nous sommes allés en Cour fédérale contre Radio-Canada et nous avons gagné, contre Radio-Canada, le droit d'être là. Nous aurons les résultats seulement trois mois après la fin des audiences.

Mme Aubut: Est-ce que je pourrais

compléter sa réponse en disant... M. Boulerice: Oui.

Mme Aubut: ...que pour nous, c'est extrêmement difficile? On s'est rendu compte que le mécanisme de la commission d'appel est un peu absurde, en ce sens que c'est tellement compliqué de se présenter devant cette commission pour faire entendre notre position pour que cela soit jugé un peu plus justement; et nous étions complètement absents du débat pendant toutes ces années. Et cela coûte tellement cher que quelquefois on se disait: Bon, sur tel tarif, nous n'irons peut-être pas. À ce moment-là, la commission se permet de faire des commentaires en disant: Mais non, il ne faut pas manquer d'argent, etc. C'est très compliqué. Peut-être le faisons-nous aussi avec beaucoup de candeur, parce que les sociétés qui devraient, normalement, nous représenter ne vont pas jusqu'à demander ce que nous demandons. Je ne sais si elles ont perdu confiance dans le système ou dans leurs possibilités, mais, en tout cas, je pense qu'il est temps que des gens s'impliquent réellement dans le dossier. C'est peut-être la première fois que ce sont les auteurs eux-mêmes qui le font. C'est là qu'on verra si cela fait vraiment une différence.

Mme Bacon; M. le Président, j'aimerais, peut-être, apporter un éclairage nouveau à M. Lelièvre. Cela m'a fait sursauter un peu quand il m'a dit qu'il avait vu un document du ministère sur la politique de la chanson: document que j'ai demandé de détruire. Cela me tracasse un peu de voir qu'il y a des gens qui l'ont en leur possession.

M. Lelièvre: Je ne le montrerai à personne.

Mme Bacon: Cela fera partie de mes problèmes à régler. Je voudrais dire à ceux et celles qui sont préoccupés par ce dossier que nous n'avons pas l'intention de ne pas avoir de politique sur la chanson, parce que c'est ce qui circule un peu dans le milieu. J'ai demandé aux gens du ministère de retourner à leur table de travail, d'être, peut-être, un peu plus rigoureux dans les travaux qu'ils avaient à entreprendre et cela explique pourquoi il y a un retard dans la publication de la politique de la chanson, mais il y aura publication de la politique de la chanson.

M. Lelièvre: Je vous remercie, madame.

Le Président (M. Trudel): Mesdames, messieurs, merci de vous être déplacés pour venir exprimer votre opinion. Comme je l'ai dit tout au long de la journée, cette opinion nous est fort précieuse. Je vous en remercie et je vous souhaite bon retour.

Quant aux membres de la commission, je vous rappelle que c'est mercredi soir et qu'il est rare qu'une commission siège. La commission de la culture siégera à 20 heures. Je compte sur votre présence à tous. En attendant, elle suspend ses travaux jusqu'à 20 heures»

(Suspension de la séance à 13 h 2)

(Reprise à 20 h 8)

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plaît!

Est-ce que M. le député de Saint-Jacques peut régler ses problèmes de cigarette. Vous avez très peu de temps, M. le député de Saint-Jacques, pour régler ce genre de problème. Dans quelques semaines, le projet de loi sera adopté.

M. Boulerice: Vous allez voir !e "filibuster" là-dessus, M....

Le Président (M. Trudel): Venant d'un fumeur comme vous, je n'en doute pas.

La commission de la culture reprend ses travaux, sa consultation générale sur le statut économique de l'artiste et du créateur.

Nous avons le plaisir d'accueillir ce soir trois organismes. Nous allons commencer immédiatement, parce qu'il est déjà 20 h 10. On va dire que le président ne pense qu'à l'heure. Je vois en effet l'heure avancer, le temps passer. Nous commençons donc avec le Conseil de la sculpture, représenté par Mme Tatiana Démidoff-Séguin, que nous avons eu le plaisir d'entendre et avec laquelle on a eu le plaisir d'échanger des observations hier, en fin de journée ou en début de soirée... on ne sait plus trop bien, après presque 24 heures de travaux.

Alors, madame, la parole est à vous pour le temps dont vous aurez besoin, en vous demandant autant que possible de limiter votre première intervention, ce qui nous laissera l'occasion de vous poser plus de questions. Merci.

Conseil de la sculpture du Québec

Mme Démidoff-Séguin: M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs les députés. Je vous remercie de me Fecevoir à la commission parlementaire sur le statut de l'artiste.

Oui, je vais essayer de résumer le plus possible même si j'avais préparé un show. Je vais quand même prendre quelques minutes pour vous parler du Conseil de la sculpture et de la sculpture au Québec, parce que c'est un domaine des arts qui est moins connu et c'est important d'expliquer un peu

ce qui se passe.

Je vais donc prendre des secteurs qui nous intéressent plus particulièrement.

La formation, Nous trouvons que l'art n'est pas enseigné de façon obligatoire dès le primaire et que l'enseignement qui se donne actuellement ne fait pas toujours appel à des spécialistes dans ce secteur. De plus, nous demandons que l'enseignement obligatoire respecte les quatre champs du savoir, soit les humanités, les sciences, les arts et la technologie et que les ajouts de matière se fassent par champ de connaissance et non au détriment d'un autre champ.

Le droit d'auteur. Nous travaillons beaucoup sur ce dossier parce que toutes les demandes dans les arts visuels sont, jusqu'à présent, non considérées ou refusées par le gouvernement fédéral, c'est-à-dire qu'on ne nous accorde ni le droit de suite, ni le droit d'exposition (compensation), ni le droit d'exposition (diffusion), ni le droit à l'intégrité de l'oeuvre d'art, tel que nous le demandons, ni le droit de suite sur les oeuvres du 1 %, ni le droit de déclarer une oeuvre complétée, ni le droit de retrait et de repentir. Nous faisons mémoire sur mémoire, mais jusqu'à présent nous n'obtenons pas de résultat. Les seuls résultats que nous avons eus viennent du gouvernement du Québec qui nous a accordé des droits de compensation dans les musées, non pas en légiférant, non par loi, mais par des décisions spéciales.

En fiscalité: Les artistes en arts visuels sont tous sur le même point. Mon mémoire parle de sculpture, mais cela touche tous les domaines des arts visuels. Le revenu moyen d'un sculpteur par son art est de 2000 $ par année et vous pourrez vous reporter au tableau de la page 45 qui est extrait d'une enquête que nous réalisons en ce moment et qui s'appelle "La situation des sculpteurs et du marché de la sculpture au Québec". Vous verrez, d'après les chiffres pour les années 1983-1984, que le revenu moyen en 1983 était de 2005 $ et en 1984 de 2453 $, après qu'on a enlevé tous les frais. Ceci fait, évidemment, que les artistes ne vivent pas de leur art et ils ont tous un autre métier pour vivre. Finalement, c'est difficile de créer et d'avoir un autre métier, mais c'est quand même le lot général.

En fiscalité, on demande aussi que les artistes puissent déduire leurs frais de production sur un autre salaire qu'ils ont automatiquement, puisqu'ils ont tous deux métiers, parce que, sans cela, c'est eux qui financent leurs propres créations et ils n'ont pas les reins assez solides pour le faire. C'est un débat que nous avons avec le ministère du Revenu.

Ce que nous demandons aussi, c'est que le gouvernement accorde des déductions d'impôt. Ce serait intéressant qu'il accorde des déductions d'impôt de 3000 $ par année à toute personne qui achèterait des oeuvres d'art. Actuellement, il y a un abri fiscal pour les compagnies, qu'elles peuvent amortir sur cinq ans, mais pour les particuliers, cela n'existe pas, de sorte que les gens ne sont pas incités à acheter des oeuvres d'art. Ce qu'on voudrait, c'est que cela s'applique aux oeuvres d'artistes vivants pour permettre aux créateurs de pouvoir vendre des oeuvres et de vivre un peu de leur art. On voudrait aussi que les artistes puissent bénéficier de la comptabilité de caisse, un peu comme les agriculteurs et les pêcheurs, parce que la comptabilité d'exercice, c'est trop compliqué et c'est vraiment difficile pour les artistes de se faire à ce système.

On aimerait aussi que les artistes bénéficient des mêmes avantages que les collectionneurs lors du don de leurs oeuvres à une société ou organisation autorisée par la loi, parce que les artistes ont beaucoup moins d'avantages qu'un collectionneur.

Dans le droit social, on voudrait qu'on puisse étudier des mesures qui permettraient aux artistes d'avoir droit à des avantages sociaux tels que retraite, chômage, prestations d'assurance pour les accidents du travail. On a commencé à avoir des rencontres avec la CSST et on va donner des résultats de nos rencontres et de nos démarches. On aimerait être appuyés par le ministère des Affaires culturelles pour avoir quelques résultats dans ce domaine.

On aimerait aussi, pour la sécurité au travail, que les sculpteurs puissent bénéficier de subventions pour équiper leurs ateliers, parce que le plus grand problème, c'est l'aération. On sait très bien que tous les artistes ont des ateliers qui ne répondent pas aux normes de sécurité, mais ils n'ont pas les moyens non plus de faire autrement. 11 faudrait qu'il y ait des subventions spéciales pour cela parce que si c'est une subvention d'équipement, ils vont préférer acheter des outils plutôt que d'équiper leur atelier sécuritairement parce que, n'ayant pas d'argent, ils voudront créer avant de se protéger eux-mêmes.

Être sculpteur, cela implique une organisation importante et onéreuse parce qu'il faut s'équiper en outillage. L'équipement des ateliers coûte très cher. Les sculpteurs sont les seuls artistes dans les arts visuels à utiliser une aussi grande variété de matériaux. Alors, c'est beaucoup plus difficile. Il existe quelques ateliers communautaires, mais c'est beaucoup plus difficile. On aimerait beaucoup que les sculpteurs puissent bénéficier de subventions pour de l'équipement pour leurs ateliers, un peu comme les métiers d'art. Dans les métiers d'art, ce sont des subventions qu'ils peuvent avoir assez facilement, alors que ce n'est pas le cas dans les arts visuels. Mais les sculpteurs ont des problèmes bien particuliers. Ils doivent aussi dépenser de

l'argent en matières premières, en location d'équipement, de machinerie lourde. Comme la plupart ne vendent pas leurs oeuvres, qu'ils sont les plus grands collectionneurs de leurs oeuvres, c'est très difficile et c'est trè3 lourd d'exercer ce métier.

Pour les expositions, on aimerait beaucoup que les galeries et les musées exposent autant d'oeuvres de sculpture que de peinture. Actuellement, la sculpture occupe 6 % du marché de la peinture. C'est dire qu'on n'est pas beaucoup représenté.

On voudrait aussi que le gouvernement apporte une attention particulière à la mise en marché et à la diffusion des oeuvres d'art visuel. C'est un problème majeur que la diffusion. Les créateurs sont très nombreux puisque, au Québec, 1200 personnes se déclarent artistes. 11 est évident que, sans critères de professionnalisme, il est difficile de savoir qui est professionnel de ce nombre, mais il y en a quand même beaucoup. Il y a très peu de galeries, donc très peu de moyens de diffusion.

Concernant la diffusion dans les journaux et les autres médias, la télévision ne montre pas d'art visuel ou très peu. L'artiste de ce secteur est vraiment exclu de cette source d'information. Nous avions rencontré, à une table ronde, le vice-président de Radio-Canada avec des gens de Radio-Québec. Il disait que, quand on présentait de l'art visuel à la télévision, la cote d'écoute baissait, ou alors que la télévision n'était pas la meilleure façon de présenter des oeuvres d'art. Il valait mieux les exclure.

Donc, sans publicité et coupés du public, complètement ignorés ou presque, les artistes en art visuel ont bien de la difficulté à se faire connaître et à intéresser le public à leurs oeuvres.

Au sujet de la diffusion internationale, il est urgent de mettre en place une véritable politique de diffusion culturelle internationale. La diffusion de la sculpture québécoise contemporaine à l'étranger est actuellement pratiquement inexistante. Nous avons un problème actuellement. Depuis quatre ans, nous essayons de présenter des expositions de sculpture en dehors du Québec. Depuis un an et demi, nous travaillons à une exposition d'envergure d'oeuvres d'installation de grand format.

Nous avions été acceptés par le ministère des Relations internationales qui nous avait mis en priorité, cette année, sur ses listes, de sorte que nous avons lancé le concours et nous avons réuni un jury prestigieux composé des personnalités les plus éminent es dans le domaine des arts visuels. Nous sommes allés en France négocier les lieux avec les musées. Là, le ministère des Relations internationales nous dit qu'il n'a plus un sou parce qu'il y a eu des compressions budgétaires, de sorte que nous avons présenté notre demande au ministère des Affaires culturelles qui doit recevoir toutes les demandes qui arrivent de partout, dans le cadre du programme Accessibilité II. Mais, pour ce programme, il y avait tellement de demandes. Nous étions en tournée pour la négociation des lieux. Nous avons donc adressé un télégramme dès qu'on a eu le premier lieu officiel. Nous avons été refusés, parce que nous n'avions pas de lettre signée et qu'il y avait d'autres demandes. On a un gros gros problème, parce que l'exposition est importante. Elle est acceptée déjà dans des lieux et elle veut être reçue de façon importante par ces lieux. C'est notre crédibilité à nous, au Conseil de la sculpture. La sculpture ne pourra plus ressortir parce qu'une fois qu'on aura dit: oui, non... C'est en même temps le Québec qui est un peu en jeu. Enfin, on a un problème de ce côté.

On aimerait, dans les programmes gouvernementaux, surtout concernant le programme du 1 %, ce serait bien que soit créée une banque de jurys, d'abord répondant à des critères de professionnalisme et ce par tout le Québec, pour que des gens qui peuvent juger des oeuvres puissent venir des régions juger à Montréal et ceux de Montréal en région, pour qu'il y ait un grand brassage à ce niveau et que tous les artistes puissent être mis en valeur et être mieux connus de tous les gens qui peuvent juger des oeuvres. On voudrait aussi que les concours dans les régions soient équitables par rapport à Montréal centre et vice versa, que pour un même montant d'argent, un même nombre d'artistes soient en concours, pour éviter que pour une somme de 30 000 $, par exemple, dans une région il y ait huit artistes en lice et dans une autre région, 200. Ce serait quand même plus équitable pour tous les artistes.

On aimerait aussi que le ministère continue à soutenir financièrement les associations d'artistes, mais on voudrait éviter une prolifération de conseils, essayer de faire certains regroupements. Tous ne peuvent pas être faits parce que, dans les arts visuels, par exemple, nous avons plusieurs secteurs et cela fait 25 ans que ça dure. On fête nos 25 ans, cette année. Il est évident que quand on est le Conseil de la sculpture du Québec et qu'on défend la promotion de la sculpture, on ne la défend pas de la même façon que les peintres parce qu'on a d'autres contraintes. Même si on est uni sur les dossiers de droit d'auteur, de fiscalité et de statut de l'artiste où à peu près les mêmes problèmes reviennent, quand il s'agit de la diffusion vraiment de la sculpture, cela devient différent.

Pour comprendre les besoins des créateurs et leur permettre un cadre de vie correspondant à leurs besoins, il faudrait établir une consultation la plus large possible

et une collaboration entre tous les intervenants impliqués: les créateurs, les musées, les galeries, les critiques et les historiens d'art, les collectionneurs, les spécialistes du marché de l'art, les gouvernements, les municipalités, le monde des affaires. Le jour où on pourra réunir tout ce monde ensemble, on pourra peut-être faire bouger des choses et bâtir ensemble une politique qui réponde à nos besoins. On aimerait beaucoup que le ministère des Affaires culturelles établisse, de toute urgence, une politique des arts visuels, puisqu'on n'a pas eu de politique globale jusqu'à présent, qui réponde à la réalité et aux besoins exprimés par ce milieu.

Je pense que j'ai à peu près fait le tour de la question. Il y a le problème des galeries d'art aussi. Je disais qu'il n'y avait pas beaucoup de galeries d'art, qu'il y avait beaucoup d'artistes. Les galeries d'art que nous avons sont, elles aussi, en grande difficulté financière, de sorte qu'elles ne peuvent pas répondre complètement non plus aux besoins des artistes. Ayant de grandes difficultés à survivre ici au Québec, elles ne peuvent pas assurer leur rôle de diffusion internationale.

Je vous remercie.

Le Président (M. Trudel): Merci, madame. Je pense que Mme la ministre a quelques questions à vous poser sur un mémoire qui fourmille de recommandations et qui est très fouillé, l'un des plus fouillés, dois-je dire, de ceux qu'on a lus.

Mme Démidoff-Séguin: ...recommandations.

Le Président (M. Trudel): Je les ai comptées, j'en discutais en aparté avec Mme la ministre il y a quelques secondes. Mme la ministre.

Mme Bacon: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord féliciter Mme Démidoff-Séguin pour sa présence ce soir. Elle l'a fait toute seule, ce soir. C'est quand même une expérience pour elle, mais aussi une grande responsabilité, et je pense qu'elle a été très éloquente pour nous faire connaître les besoins et les aspirations aussi du monde des sculpteurs. J'ai évidemment pris bonne note de votre dossier, qui est un dossier ponctuel, mais je verrai avec le ministère, Accessibilité II, s'il y a des possibilités pour vous.

J'aimerais quand même dire que le Conseil de la sculpture a vraiment le souci du détail. Quand on prend connaissance de votre mémoire - et ce mémoire-là traduit vraiment et adéquatement l'esprit qui anime le créateur - c'est ce souci du bien fait, aussi du perfectionnement qu'on retrouve, et c'est cela un créateur, dans le mémoire et qui fait peut-être mieux saisir les réalités du milieu. Je pense que, comme le disait le président tantôt, il est tellement bien étoffé, ce mémoire, qu'on peut vraiment les saisir davantage.

Ma première question, je dirais que, dans un élan de création, dans un élan peut-être de réalisme avec l'environnement dans lequel on doit travailler, vous formulez quand même 76 recommandations qui sont, pour vous, sûrement aussi importantes les unes que les autres, mais des 76, si je vous demandais quelles sont les cinq qui sont prioritaires, pourriez-vous m'en nommer cinq?

Je ne veux pas vous embêter, mais, s'il y avait des choix parmi les 76, parce qu'on ne peut pas tout faire en même temps, quelles seraient vos priorités?

Mme Démidoff-Séguin: S'il y avait des choix à faire, il y aurait des choix concernant les sculpteurs. Il y a deux choses: l'aide à la création, qui existe déjà, les subventions qui sont déjà là et qu'on peut aménager d'une façon ou d'une autre; surtout, la diffusion. Je pense que c'est très important de se pencher sur cette question: la mise en marché.

On dit toujours: les artistes vivent de bien-être social, vivent de subventions, les subventions c'est de la charité. Je ne pense pas que les subventions soient de la charité au départ. Mais même quand on regarde ça froidement, ce n'est pas tellement important les subventions au point de vue somme d'argent. C'est évident que le ministère fait son possible et qu'il donne des subventions dans différents secteurs, mais quand un artiste réussit bien, même s'il a une subvention par année - parfois une subvention c'est quoi, c'est 3000 $ ou c'est 5000 $ - ce n'est pas avec cela qu'il va vivre durant l'année. Surtout que, quand il demande cette subvention, c'est pour réaliser des oeuvres et tout part dans les matériaux la plupart du temps, de sorte que cela aide l'artiste, parce que s'il n'avait pas ça, il n'y aurait rien qui se ferait. Mais on ne peut pas dire que les artistes vivent tranquillement de subventions gouvernementales. Il faudrait que les artistes puissent vivre de leur art et je pense que ça c'est le voeu des artistes.

La sculpture occupe 6 % du marché de l'art. Déjà dans les galeries d'art, dans ces secteurs, la diffusion c'est très difficile, il n'y a presque rien. Les galeries disent qu'ils ne peuvent pas faire autrement. Les collectionneurs ne sont pas assez sensibilisés à la sculpture, et la sculpture c'est plus cher parce que ce sont des oeuvres uniques et toutes ces choses-là. Il faut trouver des formules. Là où les sculpteurs réussissent le mieux c'est dans l'intégration des arts à l'architecture. On dit que la sculpture occupe 70 % de ce programme. C'est bien. Ce n'est pas tous les sculpteurs qui font de la

sculpture intégrée à l'architecture. Malgré tout, c'est une facette.

Mais pour un contrat donné, même si le contrat est important, on dit: l'artiste a eu 30 000 $, c'est beau... Mais comme il doit réaliser sa sculpture, réaliser les fondations, payer la main d'oeuvre, la machinerie lourde, le transport, les frais d'ateliers, il ne reste pas grand-chose non plus. Si l'artiste avait plusieurs contrats cela aiderait. Il faudrait inciter les municipalités, il faudrait inciter le domaine public, les compagnies, il faudrait créer un mouvement... La diffusion c'est important. Alors j'en ai déjà deux: l'aide à la création, l'aide à la diffusion.

Ce qui est très important, aussi, pour nous, c'est la diffusion internationale. Parce qu'il est important pour les artistes de se faire connaître au Québec, d'accord, mais il faut qu'ils se fassent connaître aussi en dehors du Québec. J'ai entendu beaucoup de commentaires. L'art qui se fait au Québec est un art, non seulement très valable, mais complètement dans les courants internationaux. C'est simplement que le Québec n'est pas sur la carte internationale. II y a certains pays, il y a les États-Unis, l'Allemagne... Même, la France est en perte de vitesse un peu, mais le Québec est complètement en dehors des circuits. Il faudrait qu'on puisse aller dans les grandes manifestations culturelles internationales: la foire de Bâle, Kassel, Chicago, que l'on puisse faire connaître ce qui se fait au Québec. Cela, ce serait très important aussi pour les artistes parce que plus ils seront reconnus à l'étranger, en tout cas, d'une certaine façon, plus les gens auront envie de les acheter ici. (20 h 30)

J'ai quelquefois entendu des réflexions de collectionneurs qui disaient: Oui, mais acheter québécois... Quand on achète des artistes étrangers, cela a plus de valeur. C'est un placement qui est mieux. Pourquoi? Parce que les artistes d'ici ne sont pas connus. Les gens se disent que d'acheter d'un artiste qui n'est pas connu ce qu'on ne pourra revendre qu'en petit circuit fermé -on est 6 000 000 - c'est moins intéressant. Il y a cela, aussi, à voir. C'est bien important.

Cela serait important, aussi, si un regroupement comme le nôtre... On n'a pas beaucoup d'argent. C'est encore beau que l'on ait notre subvention, mais c'est très difficile, avec la subvention que nous avons, qui a quand même été augmentée l'année dernière, de pouvoir faire le travail qu'on fait, parce que c'est un travail qui repose beaucoup sur le bénévolat. Alors, on a une relève qui arrive, plus ou moins. C'est pour cela que les conseils d'artistes font des vagues. Il y a des creux parfois. C'est tellement lourd à porter, tout ce bénévolat! Il faudrait qu'on ait au moins la possibilité de pouvoir engager un directeur ou une directrice général(e) à temps plein, cela serait important, en plus de la secrétaire pour qu'on puisse faire nos photocopies, ne serait-ce que pour tous ces dossiers. Seulement pour cette commission parlementaire -il est important pour nous d'y être - il a fallu faire 60 copies du mémoire. Pour nous, pour nos budgets, c'est un gros investissement. Évidemment, cela est important. On n'en aura pas une autre avant 20 ans. Alors, cela vaut la peine de mettre le paquet. C'est beau. Il faut que cela marque.

Donc, si on avait un peu plus de moyens pour pouvoir, justement, travailler et faire avancer des dossiers et faire avancer des choses... Si on se bat tellement pour envoyer des expositions de sculpture à l'étranger, c'est parce qu'il nous faut, d'abord, sensibiliser le milieu, ici, à la sculpture, veiller à ce que les gens n'oublient pas que la sculpture, cela existe. Même nos musées, qui ont certains moyens, n'ont pas des moyens assez forts pour faire une véritable politique internationale de diffusion. Il faut que cela vienne aussi d'ailleurs. J'en ai combien? J'en ai quatre. Le cinquième ne devrait pas être loin.

Mme Bacon: Peut-être à mesure que je vous poserai des questions...

Vous parlez de diffusion internationale de la culture. Pensez-vous que c'est possible pour le gouvernement d'ouvrir des marchés à l'étranger ou est-ce que cela ne serait pas... Parce qu'il y a des gens qui nous disent que ce sont les galeries d'art, par exemple, qui devraient ouvrir des marchés à l'étranger. Est-ce que vous, vous voyez surtout le gouvernement le faire? Est-ce une responsabilité gouvernementale, selon vous?

Mme Démidoff-Séguin: Vous voulez dire comme le gouvernement fédéral qui a le Centre culturel canadien à Paris, un à Londres ou bien la Galerie 49ème parallèle, à New York. Cela pourrait être intéressant. Ce qui serait intéressant, c'est ce qu'on a demandé au sommet "Québec dans le monde". On a demandé la création d'un organisme de diffusion internationale. À l'époque, comme cela avait été demandé, on avait dit qu'il serait géré par le milieu et le ministre des Affaires culturelles trouvait qu'il fallait que ce soit le ministère aussi qui gère cet organisme. On comprend ces choses-là. Il y a à voir de tous les côtés. Mais lors du sommet, on nous avait dit qu'on créerait des comités qui étudieraient la question dès janvier 1985. Le temps a passé et les comités n'ont pas été mis en place parce que c'est un accord qui devrait être fait entre les ministères des Affaires culturelles et des Affaires intergouvernementales. On voudrait aussi que cela soit fait avec le milieu et en accord avec le milieu. À ce

I

moment-là, cet organisme peut être, si tout le monde apporte son avis, très intéressant, ne serait-ce que pour l'information sur ce qui se passe ailleurs, tous les concours qui se font dans le monde et auxquels les artistes pouvaient participer. Pour toutes ces choses-là, on n'a pas d'information. Chaque fois, chacun va chercher un petit morceau d'information. C'est très très difficile. Pour envoyer une exposition ailleurs, par exemple, on se bat depuis un an et demi et on commence à voir comment cela fonctionne. Mais il faut savoir pour la douane, les transports, où s'adresser et puis, quand on s'en va dans des lieux étrangers, il faut savoir aussi quels sont les lieux importants. Aller exposer à l'étranger, dans un lieu où la critique ne va pas, où personne ne va, c'est quoi? C'est ajouter une ligne à son curriculum en disant: J'ai exposé à Paris ou à New York. Mais qu'est-ce que cela donne si c'est dans un lieu qui n'est pas intéressant, pas dans le grand circuit. On a besoin de savoir cela aussi. Chaque organisme, avec le peu de moyens qu'il a, se bat pendant des années pour avoir trois informations qui deviennent périmées deux ans plus tard. On n'a pas de soutien là-dessus.

Donc, la première phase pour nous, c'est que le ministère mette en place ces comités de consultation avec le milieu et que tous ensemble, on trouve les moyens de faire quelque chose de cohérent et qui soit vraiment intéressant.

Mme Bacon: Est-ce que vous croyez que le marché de la sculpture occupe ailleurs une plus grande part du marché qu'ici, quand vous faites des comparaisons?

Mme Démidoff-Séguin: La sculpture a des problèmes partout. On se demande pourquoi il y a encore des sculpteurs. Mais en dehors de cela, par exemple, dans certaines villes des États-Unis, je pense à Philadelphie, à un moment donné, on a fait un gros effort et les compagnies, incitées par le gouvernement, ont embarqué et ont commandé des sculptures. En somme, les oeuvres de commande, c'est important. Si toutes les industries investissaient dans l'art, pour elles, quand même, cela doit faire partie de leur promotion, c'est important de montrer leur intérêt pour l'art. Si on arrivait à leur faire miroiter cela, cela pourrait déjà ouvrir des débouchés d'une part. D'autre part, nous avons appuyé une société de mise en marché du produit culturel, mais ce serait important aussi d'aller ouvrir des marchés dans les...

Par exemple, des bureaux d'avocats, de notaires ou de comptables pourraient très bien acheter des oeuvres d'art parce qu'ils les amortissent en cinq ans, à 20 % par année. C'est exactement comme lorsqu'ils achètent des rideaux ou des meubles. On pourrait leur dire que leur rideau, au bout de cinq ans, il va être brûlé par le soleil. Ils vont le jeter ou le remplacer, tout comme le tapis. Tandis qu'une oeuvre d'art est entièrement payée au bout de cinq ans. Elle a augmenté de valeur. Mais c'est simplement que la diffusion n'est pas assez faite. Les gens ne le savent pas ou n'y pensent pas. Alors, nous, on le fait comme on peut. On n'a pas tellement de moyens pour le faire. Le marché existe parce qu'il paraît qu'à Toronto, il est beaucoup plus grand et ce sont les mêmes personnes, mais qui achètent davantage.

Mme Bacon: Dans l'ensemble, comment pouvez-vous évaluer les programmes ou les services du ministère des Affaires culturelles sur le plan de la province et sur le plan d'une région, par exemple?

Mme Démidoff-Séguin: Au niveau de la sculpture?

Mme Bacon: Oui.

Mme Démidoff-Séguin: On a des...

Mme Bacon: Si vous aviez à faire l'évaluation des programmes ou des services du ministère.

Mme Démidoff-Séguin: Il y a des programmes intéressants concernant l'aide à la création qui est régionalisée et qui permet aux artistes de réaliser des oeuvres et d'être aidés pour cela. Mais, quand un artiste reçoit une bourse du gouvernement, c'est, la plupart du temps, considéré comme une bourse d'études, alors que c'est une bourse pour des matériaux. Il est obligé non seulement de payer de l'impôt sur les bourses, ce qui va lui diminuer considérablement sa bourse suivant les autres apports d'argent qu'il peut avoir mais aussi, il n'a pas le droit, normalement selon la loi, de déduire des frais, parce que c'est une bourse d'études. On a un problème à ce niveau-là. C'est intéressant d'avoir l'argent, l'artiste essaie... C'est pour cela que concernant les déclarations d'impôt, on aimerait que ce soit une comptabilité de caisse. Tout ce qu'il a gagné dans l'année, tout ce qu'il a dépensé, puis il fait le total. Pour les artistes, c'est très difficile en plus de tenir une comptabilité avec des comptes à payer, des comptes à recevoir, c'est très compliqué cette chose-là.

Les programmes sont intéressants au niveau de la création, mais on n'a pas tellement de programmes au niveau de la diffusion. Jusqu'à présent, c'est peut-être quelque chose à mettre en place, à penser, comment faire ces choses-là. Ce serait important aussi.

Mme Bacon: Je sais que le libre-échange vous intéresse beaucoup pour en avoir discuté avec vous déjà. Est-ce que vous pourriez nous indiquer la voie que le gouvernement devrait prendre dans votre secteur d'activité par rapport à toute cette discussion sur le libre-échange?

Mme Démidoff-Séguin: Le libre-échange: au départ, viscéralement, on pourrait dire, on se dit: On va se faire manger par les États-Unis; parce qu'on ne sait pas chercher autre chose. Ils sont tellement gros et on est tellement petit; mais, il peut y avoir certains avantages qu'on n'a pas encore évalués. C'est encore une affaire de moyens. Pour cela, le nouveau regroupement qui s'est formé, la Conférence d'industrie culturelle des communications, qui est doublée d'une fondation, va pouvoir étudier secteur par secteur, avec l'argent de cette fondation -aux dernières nouvelles, il y aurait 250 000 $ à cette fondation - toutes ces implications, les avantages et les inconvénients. Nous, au départ, on dit: On est contre mais, on ne se base sur rien de précis. Comme ce libre-échange va quand même s'étaler sur plusieurs années, si on arrive à avoir - c'est pour cela que je fais encore partie de ce conseil d'administration -encore des réunions supplémentaires... Je ne veux pas que notre secteur soit délaissé. Il y a des secteurs de pointe dont on parle plus: l'informatique et toutes ces choses-là. Ce sont de gros secteurs, mais je ne veux pas que le secteur des arts visuels soit oublié. AIor3, je vais donner encore un peu de temps pour essayer d'obtenir de l'argent dans ce secteur pour des études; puis, on verra après. Normalement, on dit qu'il n'y a pas de barrière en art visuel, puisqu'il n'y a pas de langue: c'est de l'art visuel. C'est vrai et ce n'est pas vrai aussi, parce que les artistes du Québec n'ont de marché qu'au Québec. On n'a même pas un marché dans le reste du Canada. Cela ne marche pas. On ne vend pas dans les autres pays non plus; donc, on a un problème. Je ne sais pas où il est, mais il existe.

Mme Bacon: Avec les relations que vous avez, avec les membres de votre regroupement, est-ce qu'il est possible de faire bloc? Ce sont des artistes qui travaillent souvent seuls et je ne pense pas me tromper en disant ça. Est-ce qu'on retrouve le même phénomène que dans le domaine de la danse, où chacun a sa façon de voir les choses, où on veut bien se regrouper mais pas au point d'être solidaire, au point de faire tous la même chose. Je pense que chacun veut rester dans sa démarche personnelle ou individuelle. Est-ce qu'on retrouve la même chose chez les sculpteurs?

Mme Démidoff-Séguin: Chez les sculpteurs, on est particulier. On est au coude à coude. En tout cas. Les sculpteurs sont des artistes individuels, c'est vrai, et individualistes. La démarche créatrice, c'est vraiment très personnel. Pour le reste, on est un organisme très dynamique, parce qu'on a peut-être tellement conscience des difficultés qu'on a dans la diffusion de nos oeuvres, dans le transport des oeuvres et avec les galeries qui ont de la difficulté à nous accepter. Tout cela crée des liens d'un état, pas de guerre, mais de difficulté. Au Conseil de la sculpture du Québec, on peut dire que les gens sont très solidaires, c'est-à-dire que nous avons pratiquement... On ne regroupe pas tous les sculpteurs du Québec, mais on regroupe tous les principaux sculpteurs professionnels. On a tous les grands noms de la sculpture: Daudelin, Archambault, Vaillancourt. On a aussi les sculpteurs intermédiaires. On a la relève. Ils sont tous là et pourvu qu'ils soient tranquilles, à leur création chez eux, ils vont nous aider. Quand j'ai vu l'Union des artistes, j'ai trouvé cela beau. On voit que ce sont des gens du spectacle: c'était magnifique, la salle pleine d'artistes. Il y avait un moment chaud et des applaudissements. J'ai dit: Moi, j'aurais pu faire venir 40 sculpteurs ici. Cela aurait été un bon "show". Je suis toute seule. Je n'ai pas eu l'idée.

M. Boulerice: Je pense que vous nous en faites un beau,,

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Mme Bacon: C'est parce que vous êtes très éloquente.

Mme Démidoff-Séguin: Merci.

M. Boulerice: II y a de la fougue.

Mme Bacon: Est-ce qu'il y a quand même des modalités de consultation chez vos membres pour l'adoption d'un projet de politique ou de définition de politique? Je pense qu'il doit y avoir des consultations qui tiennent compte de l'individualité ou de l'individualisme de chacun, mais, en même temps, il y a un groupe qui existe.

Mme Démidoff-Séguin: Oui. Par exemple, ce mémoire découle de l'autre mémoire que j'ai écrit sur la politique des arts visuels. Pour ce faire, il y a eu des rencontres avec le gouvernement. Ensuite, on a eu des rencontres avec tous nos membres. On a exposé point par point les différentes facettes. On a fait un questionnaire par écrit. Le mémoire a été fait. On l'a présenté à l'assemblée générale annuelle l'année dernière. Il a été accepté à

l'unanimité par l'assemblée générale avec des félicitations et des applaudissements. C'est quelque chose qui répond vraiment aux demandes des membres et à ce qu'ils ressentent. Nous aurons un très beau document, gros comme ça, qui va sortir; c'est notre enquête. On a réussi à avoir un spécialiste avec des programmes de Canada au travail et on a fait une enquête vraiment approfondie sur les sculpteurs avec un questionnaire qu'on avait fait en 1980. On n'avait jamais pu compiler les réponses; on n'avait pas d'argent pour cela. On n'était pas capable de le faire. On a refait un autre questionnaire et on a compilé tout cela. On a des comparaisons. Le tableau que j'ai sorti, à la page 45, c'est juste un extrait. Nous aurons de nombreux tableaux et cela va nous aider beaucoup à définir un peu mieux ce qui se passe chez les sculpteurs.

Mme Bacon: Cela va, M. le Président. Merci, Mme Séguin.

Le Président (M. Trudel): Je m'excuse Mme la ministre. Merci. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Mme Séguin, merci pour votre mémoire. Merci aussi pour le cadeau que vous m'avez fait. J'ai réalisé tantôt que dans le mémoire du Conseil régional de la culture, à la page frontispice, c'est une oeuvre signée par vous. Je l'ai remarqué et je l'apprécie beaucoup. Merci. (20 h 45)

Je pense que je me suis joué un tour au cocktail tantôt, lorsque je vous ai suggéré une certaine façon de procéder. Vous avez, comme résultat, brûlé 95 % de mes questions. Aussi, vais-je aller dans ce qui me reste, puisque vous avez effectivement éclairci les points qui nous semblaient problématiques.

En page 17, vous dites que les galeries d'art contemporain battent de l'aile. Je ne partagerai pas tout à fait votre opinion là-dessus. En tout cas, je regarde Graff, qui va fêter ses vingt ans, Cult-Art, qui est très préoccupée de sculpture, qui fonctionne très bien et qui prend un essor merveilleux que vous connaissez sans doute.

Mme Démidoff-Séguin: Lequel?

M. Boulerice: Cult-Art, sur Roy, près... Vous savez dans quel comté c'est. Je ne le répéterai pas, au risque d'agacer mes collègues encore une fois.

Mme Démidoff-Séguin: Je sais, je sais, on vient de le quitter, ce comté.

M. Boulerice: Par contre, vous dites: Qu'en est-il des musées? Effectivement, je pense que les musées ne donnent pas à la sculpture la place qu'elle mérite. Je lis un peu plus loin en ce qui concerne les acquisitions d'oeuvres d'art du Musée d'art contemporain - vous connaissez mes affinités avec ce musée - là encore, et ce n'est pas un reproche que je fais à mes collègues, ni au conservateur, je ne crois pas que la sculpture occupe la place qui devrait lui revenir dans sa collection.

À défaut des questions que vous m'avez - c'est quand même heureux, cela signifie que vous y avez répondu - enlevées, j'aimerais vous dire qu'avec la fougue que vous avez, il y aurait peut-être intérêt à ce que votre groupe rencontre le Musée d'art contemporain, son comité d'acquisition et son conseil d'administration pour les sensibiliser. Je pense que vous l'avez fait d'une façon exceptionnelle avec nous, ce soir.

Quand on me parlait d'habitude de sculpture, vous l'avez nommé tantôt et on ne répétera pas son nom, j'y étais sensibilisé de façon agressive, mais je sais que vous ne le ferez pas comme cela. Je pense qu'il y aurait avantage à rencontrer le Musée d'art contemporain de Montréal pour le sensibiliser à la place de la sculpture, surtout que vous dites que les musées pourraient intervenir dans les échanges internationaux.

Au moment où j'ai quitté le Musée d'art contemporain de Montréal, c'était embryonnaire, c'étaient des discussions comme on peut en avoir, mais il y avait la possibilité d'un jumelage entre le Musée d'art contemporain et le nouveau musée de Lyon, à Villeurbanne. Montréal et Lyon d'ailleurs sont deux villes jumelées. Alors, on trouvait intéressant que les deux musées puissent être jumelés. Cela aurait permis un transit d'oeuvres québécoises et d'oeuvres françaises, de part et d'autre de l'Atlantique; donc, une ouverture internationale pour les oeuvres produites ici.

De nouveau, je pense que le Conseil de la sculpture aurait intérêt à rencontrer les gens du Musée d'art contemporain, comme cela pourrait se faire avec le Musée du Québec qui possède une collection de sculptures assez intéressante aussi. C'est un bout de chemin que vous pouvez très bien faire vous-mêmes et je pense que cela sera peut-être - comment dit-on en français -plus "récompensant", plus "rewarding", car cela aura été fait par vous.

Par contre, un point m'étonne et j'aimerais vous en entendre parler. Vous parlez du droit de retrait et de repentir. Est-il fréquent qu'un artiste accomplisse un geste inconsidéré qu'il puisse regretter par la suite et en arriver à la solution dont vous parlez?

Mme Démidoff-Séguin: Le droit de retrait et de repentir est un droit qui existe dans la législation française, par exemple. C'est le droit pour un artiste de retirer du

marché, de modifier ou même de détruire une oeuvre qu'il n'accepte plus ou qui, pour toutes sortes de raisons, lui porte préjudice. Mais la loi est ainsi faite que c'est tellement difficile, qu'il faut remplir tellement de conditions... Il y a des délais qui sont très longs. Cela va éviter à un artiste pris de folie de détruire toute son oeuvre, mais d'un autre côté, cela va permettre - c'est quand même un droit moral très important -à l'artiste de détruire une oeuvre ou de la modifier quand vraiment cette oeuvre va lui porter préjudice pour une raison qui va être expliquée, qui va être vraiment étudiée. C'est un droit qu'on demande, qui ne sera pas appliqué très souvent, mais un droit moral important pour la liberté de création de l'artiste.

M. Boulerice: Maintenant, Mme Séguin, est-ce qu'il n'est pas possible pour vous actuellement, pour votre conseil, d'effectuer des démarches auprès des cégeps et des universités pour avoir accès justement, en dehors des heures de cours, aux ateliers équipés pour la sculpture qui existent? Est-ce qu'il faut nécessairement une loi ou une incitation du ministère?

Mme Démidoff-Séguin: Je vais vous dire une chose. Il y a cette commission parlementaire et dans notre .document on a mis tout ce qui était important pour nous, on a fait le tour de la question; peut-être qu'il en manque encore, mais n'ayez crainte, on les ajoutera si on les trouve. Ce qu'il y a, c'est qu'il faut regarder aussi comment on fonctionne. On est très riche. On a 43 000 $ de subvention; on en avait 33 000 $; avant, 28 000 $. Quand il faut payer le loyer - on est relogé dans l'école Centenaire de la paix, qui était subventionnée par le ministère des Affaires culturelles, la ville de Montréal - on paie cher ce loyer et on découvre toujours des choses nouvelles; finalement, on paie aussi cher ou plus cher que si on était ailleurs. C'est beau. Ce n'est pas trop mal, mais c'est très cher.

Il faut payer une secrétaire, il faut payer les photocopies, de sorte que tous les membres du conseil d'administration font du bénévolat. Et chez nous, pour devenir membre du conseil d'administration, il faut s'engager à faire au moins une journée de bénévolat par semaine, deux journées pour le président. Pour moi actuellement, pour moi c'est au moins six jours parce que, comme je travaille seize heures par jour puis le samedi et le dimanche... il est permis de respirer un peu certains autres jours pour aller travailler en régions. C'est effrayant le travail qu'il y a, avec peu de moyens. Alors, je sais ce que vous dites. C'est très bien. Il faudrait qu'on fasse toutes ces pressions et c'est notre rôle de le faire; mais on fait plus que ce qu'on peut et on n'est pas capable. On n'a pas les reins assez solides pour faire toutes ces choses.

Peut-être qu'à simplement le dire cela restera là, parce que ce n'est peut-être pas le rôle du gouvernement de le faire non plus. C'est que pour chaque chose qu'on fait, il faut faire des suivis là-dessus. On a toutes les expositions qu'on monte pour la diffusion de la sculpture. On a le droit d'auteur. On a le statut de l'artiste et la fiscalité. Chaque fois qu'on monte des expositions à Montréal, comme la grande exposition qu'on va monter au Vieux-port, il faut aller négocier des lieux, qu'on doit obtenir gratuitement parce qu'on n'a pas d'argent, alors c'est des démarches, c'est des réunions, c'est des dossiers. C'est qu'on devrait remplir... On sait à peu près le rôle qu'on doit remplir maintenant après cinq ans de travail. Mais il nous faudrait avoir les reins plus solides.

C'est pour cela qu'on demande... Vous verrez dans le mémoire, à un moment donné, un beau budget très détaillé de nos rêves.

M. Boulerice: Je vais vous remercier en vous disant que, pour ce qui est du Musée d'art contemporain, si cela peut vous être utile, je vous offre mon concours.

Mme Démidoff-Séguin: Merci. Le Musée d'art contemporain, on peut toujours évidemment... D'abord, on a présenté un mémoire, on a déjà sorti les textes qui les concernent et demandé l'acquisition d'oeuvres. Je vous remercie de votre appui. Mais ce qui est plus difficile c'est que, même si le musée faisait des ententes avec lui... C'est plus facile, vous save2, de transporter une exposition de gravures qu'une exposition de sculptures. C'est là tout le problème. Vous pouvez faire toute une exposition de gravures dans une valise, vous faites les encadrements sur place. La sculpture, ce n'est pas la même chose. C'est là le gros problème. Pourtant, c'est un art majeur. C'est un art très important.

M. Boulerice: En terminant, on en parlait M. le Président et moi en aparté quand vous avez suggéré que les bureaux d'avocats achètent, je vous informe que les bureaux de députés peuvent acquérir pour 1000 $ d'objets décoratifs. Sensibilisez les députés au fait que vous effectuez de la sculpture pour nos bureaux.

Mme Démidoff-Séguin: Voyez-vous, on a monté un projet de mise en marché. C'est effectif, cela fonctionne. Avec un projet de Canada au travail de six mois, on a monté une banque, on invite les collectionneurs à venir voir la banque, mais dans six mois si on n'a pas plus d'argent, qu'est-ce qu'on va faire? On n'est plus capable de continuer. Là aussi c'était une façon de sensibiliser. Je compte sur vous pour faire le tour des

députés. Je pourrai vous fournir un peu de documentation.

M. Boulerice: C'est un marché de 122 000 $. C'est quand même intéressant.

Le Président (M. Trudel): Sur cet espoir que je vous demande de continuer à caresser... De notre côté, on peut peut-être demander, étant donné que pour les 1000 $ on doit... Ce que M. le député de Saint-Jacques vous disait, c'est qu'on a 1000 $ pour un tas de choses, dont la décoration. Je vous suggérerais de faire pression sur l'Assemblée nationale elle-même et son organisation, de façon que les budgets des députés soient augmentés.

Sur ces considérations tout à fait terre à terre mais très importantes...

M. Boulerice: Nos murs rendraient un enfant de cinq ans neurasthénique tellement c'est laid!

Le Président (M. Trudel): Si on parle particulièrement, sans insulter qui que ce soit, de ces murs...

M. Boulerice: Non, je parle de ceux des longs couloirs où il n'y a pas d'art dessus et c'est dommage.

Le Président (M. Trudel): II y a les anciens présidents de l'Assemblée nationale, je ne voudrais pas les insulter, M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Ce n'est pas de l'art, c'est...

Le Président (M. Trudel): Ils ne sont pas encore à l'état de sculpture, ils sont à l'état de peinture.

Mme Séguin, nous vous remercions de votre comparution. Je pense que... Vous m'avez dit tantôt que vous retourniez à Montréal ce soir?

Mme Démidoff-Séguin: Non, demain. C'est vraiment trop tard.

Le Président (M. Trudel): Alors, je vous souhaite un bon voyage. On a passé deux jours fort agréables en votre compagnie, on vous a vue plusieurs fois. Si d'autres membres de la commission avaient des questions, je pense qu'on pourrait se les réserver, si vous voulez rester, madame, après nos travaux, parce qu'il reste une heure ou un peu plus et il reste deux groupes, dont un qu'on a convoqué rapidement ce matin et je ne voudrais pas que la soirée se termine sans qu'on les ait entendus. Merci, madame.

Mme Démidoff-Séguin: Je vous remer- cie.

Le Président (M. Trudel): Le prochain groupe, c'est l'Union des écrivains québécois représentée, je crois, ce soir, si mes listes sont toujours à jour, par sa présidente, Mme Lalonde que je vois en arrière, par M. André Ricard et par M. Michel Guay ou...? Non, il y a un petit changement. Veuillez prendre place. Je vous souhaite la bienvenue et, avant de vous céder la parole, vous me permettrez une remarque qui me brûle la langue et les lèvres depuis deux jours et parlant en troisième, je ne veux pas me la faire enlever cette fois-là.

Je profite de votre présence, vous de l'Union des écrivains québécois, pour regretter l'absence - et je le dis publiquement - l'absence surprenante des éditeurs et d'autres représentants de ce que l'on appelle l'industrie du livre au Québec. C'est une absence que je remarque peut-être plus qu'un autre parce que j'ai déjà été responsable de ce secteur au ministère des Affaires culturelles et je suis un ancien éditeur spécialisé dans les manuels scolaires, en édition scolaire; j'ai été étonné de constater, malheureusement, l'absence de ces gens. Alors, je suis très heureux de vous souhaiter la bienvenue et je sais, pour l'avoir lu, que votre mémoire aborde de front une question qui est délicate. Ne vous gênez pas, vous êtes ici pour parler de ce qui vous intéresse et ce qui vous intéresse nous intéresse. Alors, Mme la présidente, à vous la parole.

Union des écrivains québécois

Mme Lalonde (Michèle): Merci, M. le Président. Nous allons faire de notre mieux pour défendre les intérêts de tout le secteur de la littérature, y compris celui du livre, et peut-être essayer de pousser une image dynamique de l'écrivain qui est souvent perçu comme un des éléments passifs que l'on exploite. Nous allons tenter de le faire valoir comme un agent dynamique de ce qu'on espère être un secteur économique qui arrive à s'autosubventionner.

Alors, voilà, je vais proposer que le secrétaire...

Le Président (M. Trudel): Pourriez-vous présenter les gens qui vous accompagnent, pour les fins d'enregistrement au Journal des débats, s'il vous plaît?

Mme Lalonde: C'est ce que j'allais proposer. M. Michel Guay est le secrétaire général de l'Union des écrivains québécois; M. André Ricard est conseiller, un membre du conseil d'administration de l'Union des écrivains québécois. Et je vais proposer que M. Guay fasse une présentation générale de l'union, que nous allons peut-être commenter au fur et à mesure. Maintenant, il y a eu

rumeur, dans les antichambres de cette commission, que vous alliez préférer une formule de questions réponses. Nous ne savons trop quelle formule vous préféreriez pour ce mémoire. (21 heures)

Le Président (M. Trudel): Mme la présidente, la formule qui vous va le mieux. Les rumeurs étaient fondées - je m'excuse de pas l'avoir répété, je n'avais pas réalisé que vous n'étiez pas dans la salle au moment où on en a parlé quelquefois aujourd'hui -compte tenu du temps dont on dispose, cela pourrait aller un peu plus tard que 22 heures, évidemment. Nous souhaiterions, de façon à pouvoir vous poser plus de questions, que vous résumiez l'excellent mémoire que vous nous avez présenté, lequel a été lu par tous les membres de la commission, résumé aussi, à des fins de travail des membres de la commission, par l'équipe technique de la commission. Si vous voulez simplement résumer, ajouter des choses, faire quelques commentaires par la suite, Mme la ministre, M. le député de Saint-Jacques, moi-même et les autres membres de la commission seront heureux de vous poser des questions.

Mme Lalonde: Voilà, merci! Si vous le permettez, peut-être peut-on suivre l'ordre des questions de ce mémoire et apporter quelques éléments qui n'y sont pas en ce qui touche à la présentation. Je vais proposer que Michel Guay nous redonne un portrait synthétique de l'activité de l'union depuis sa fondation.

M. Guay (Michel): Très rapidement, je pense que ce qu'il faut noter et qui n'apparaît pas nécessairement clairement ici, c'est que ce qui caractérise l'Union des écrivains québécois depuis l'origine, il y a déjà neuf ans, c'est sa double vocation. L'union s'intéresse à la fois au développement de la littérature dans le sens de diffusion, marketing, etc., et à la défense stricte des intérêts socio-économiques des écrivains. Historiquement, on s'est rendu compte que c'est le fait de courir ces deux lièvres en même temps, parce que, pour nous, c'est lié, c'est-à-dire que plus on défend les intérêts des écrivains, plus le développement de la littérature en bénéficie, et vice versa. Comme on le mentionne, on regroupe aujourd'hui à peu près 450 membres. Cela peut représenter, pour vous donner une idée, le gros des écrivains qu'on pourrait qualifier de littéraires, bien que rien dans nos statuts n'empêche des auteurs d'oeuvre.s non littéraires, dans le sens restreint du terme, d'adhérer à l'union. Par ailleurs, à travers certains programmes que nous administrons, parce qu'on a une gestion qui est fondée sur le principe des programmes, nous administrons donc un programme qui s'intéresse aux droits de reprographie, comme vous le savez, et cette gestion nous amène à représenter les intérêts de 7500 auteurs, ce qui veut dire, à toutes fins utiles, à peu près toute personne qui a publié un livre depuis 1950 au Québec.

Mme Lalonde: Voilà! Ce qu'il faut peut-être ajouter aussi, c'est que depuis quelques années l'Union des écrivains québécois s'est de plus en plus appliquée à développer une interaction et une collaboration avec les autres littératures d'expression française dans le monde et à créer un réseau. On s'est aperçu qu'il n'y avait pas d'instance au-dessus des associations nationales d'écrivains qui puisse devenir l'interlocutrice directe de l'Unesco ou des grandes agences internationales et postuler des subventions ou une participation des plans encouragés ou qui se déroulaient sous le haut patronage de l'Unesco. On cherchait essentiellement à faire en sorte que les écrivains québécois puissent participer à de tels plans, au même titre que d'autres écrivains d'autres pays, de manière à ne pas drainer indéfiniment les fonds publics disponibles au Québec et pouvoir d'emblée s'inscrire dans des projets à caractère international. Un des éléments dynamiques de la création de la Fédération internationale des écrivains de langue française, dont le siège social, au moment de l'assemblée de création, a été attribué au Québec par les délégués des différents pays réunis en assemblée générale... Ce siège social a eu quelque difficulté, disons, à s'implanter avec sécurité. L'Union des écrivains québécois sert de surface logistique, si on peut dire, pour assurer la permanence du siège social au Québec. On considère que c'est une de nos actions importantes puisqu'on s'est beaucoup plaint que les sièges sociaux disparaissaient du Québec et en voilà un qui nous est carrément attribué par la communauté internationale et que nous considérons très important à avoir, avec une sorte de rôle qu'on nous a spontanément je pense, attribué. Je pense que la communauté internationale des écrivains considère que le Québec est bien équipé technologiquement, et est bien caractérisé culturellement, pour servir à titre d'un des grands centres de la francophonie, puisque ce qui est espéré, c'est qu'il y ait plusieurs centres et non pas une structure métropolitaine, comme cela existait antérieurement.

Donc, c'est une des dimensions sur laquelle il faudrait insister en demandant que le ministère garde toujours à l'esprit que nous nous inscrivons dans cette grande perspective de collaboration avec les autres littératures d'expression française du monde.

Voilà. Dans notre mémoire nous avons fait valoir surtout des recommandations qui invitaient à des actions précises, concrètes, ce que nous appelons, nous, nos politiques

des petits pas, c'est-à-dire des petits pas très importants qui font avancer les choses et qui impliquent peu d'investissement, de fonds publics, et qui, selon nous, seraient très importants, changeraient beaucoup les choses. Cela ne nous empêche pas de formuler ici des recommandations ou des considérations plus générales, mais nous avons déposé ces recommandations essentiellement parce que nous pensions qu'elles étaient dans l'immédiat ce qu'il y avait de faisable et de facile.

Par ailleurs, nous n'avons pas répété, dans ce mémoire, les propositions qui ont été présentées ou le seront par la Conférence des associations de créateurs et créatrices du Québec, dans la mesure où nous nous en portions solidaires d'emblée.

Donc, les propositions qui toucheraient, par exemple, l'étalement du revenu ou l'accessibilité à l'aide juridique sont contenues dans le mémoire de la Conférence des associations des créateurs et créatrices du Québec. Nous y adhérons a priori. C'est un peu ce que j'avais à proposer en introduction à nos recommandations.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la présidente. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles. Mme la ministre?

Mme Bacon: Merci, M. le Président. Mme Lalonde, M. Guay et M. Ricard. Je dois dire que j'ai lu avec beaucoup d'attention et d'intérêt votre mémoire et les recommandations que vous nous faites. Il est sûr que le secteur du livre constitue un des fondements de notre culture. Le mémoire que vous nous présentez reflète l'esprit dynamique de votre travail. Je suis certaine de me faire l'interprète des gens autour de cette table en vous disant combien nous apprécions le travail inestimable et aussi le travail enrichissant des écrivains pour la qualité de notre vie culturelle.

J'ai parfaitement saisi, aussi, la délicate tâche que vous devez accomplir dans votre milieu et dont l'impact se fait sentir, en bout de ligne, dans l'esprit et aussi dans le coeur de tous les Québécois et de toutes les Québécoises. C'est évident qu'on vous incite à continuer le travail qui est commencé: c'est un excellent travail.

Dans certaines de vos recommandations - j'en prendrai quelques-unes pour en laisser à mes collègues pour discussion - il y a l'idée d'un institut québécois. En page 5: un Institut québécois du droit d'auteur. C'est une idée qui m'a semblé fort intéressante et je ne sais pas si j'ai saisi réellement ce que vous voulez. Est-ce que c'est un centre de recherche spécialisé que vous voyez quand vous parlez d'institut? Quelle serait la nature ou la fonction ou la composition de l'Institut québécois du droit d'auteur que vous proposez?

Mme Lalonde: Nous pensons à quelque chose dans la ligne de ce que vous suggérez, en tenant compte du fait qu'au gouvernement - au ministère des Affaires culturelles - à l'heure actuelle, il y a des services de consultation, si on peut dire, spécialisés. On trouve des experts en droit d'auteur touchant l'information au gouvernement. Le gouvernement est un des grands utilisateurs du droit d'auteur. Nou3 pensons qu'un institut du droit d'auteur à proprement parler pourrait être différent, mais contenir ou s'aligner sur des expertises qui existent déjà. Mais pour desservir les auteurs eux-mêmes et toucher à toute question d'exploitation particulière, d'application particulière du droit d'auteur au Québec. Le secrétaire général a probablement quelque chose à ajouter là-dessus, des points techniques particuliers qui sont...

M. Guay: J'ajouterais quelques commentaires, si vous me le permettez. La fonction de recherche est évidemment primordiale. En termes de composition, on ne voyait pas nécessairement une structure qu'on pourrait qualifier de XIXe siècle, c'est-à-dire un édifice avec de l'argent investi dans de beaux décors, mais plutôt d'exploiter les ressources qui existent déjà. Il y a ici et là, dans les universités, dans les cabinets d'avocats, quelques rares personnes qui s'intéressent au droit d'auteur. Il faut faire valoir ce domaine-là qui va devenir de plus en plus important parce que la propriété intellectuelle, c'est le Klondike des années qui viennent. La plupart des avocats ne le savent pas encore malheureusement, ce qui fait qu'on trouve très peu de jurisprudence pour des cas qui nous intéressent. Un tel institut pourrait proposer... On a une recommandation qui suggère... C'est la conférence qui suggère d'ouvrir les mécanismes d'aide juridique, de faciliter les mécanismes d'aide juridique pour les créateurs. Un écrivain qui a un problème dans ce domaine n'a pas les ressources financières pour obtenir les conseils d'avocats qui lui permettraient de poursuivre, même s'il a gain de cause sur le fond. Alors, un institut comme celui-là pourrait probablement contribuer à enrichir le potentiel juridique, à encourager les avocats à travailler dans ce domaine, à développer l'expertise dont les usagers ont besoin, mais aussi les producteurs, et, bien sûr, les créateurs, parce que c'est pour eux qu'on le suggère.

Mme Bacon: Encore à la page 6, dans la première recommandation, vous indiquez une exemption de base de 15 000 $. Qui pourrait déterminer ceux et celles qui auraient droit à une exemption de base de 15 000 $ et pourquoi cet avantage serait-il

réservé aux seuls écrivains? Est-ce que vous le verriez s'étendre ailleurs ou à d'autres personnes, ou si vous le réservez seulement aux écrivains?

M. Guay: On ne s'opposerait pas du tout à ce qu'une mesure du genre soit élargie aux autres créateurs. On est solidaire, à travers la conférence, entre autres, de tous les créateurs et créatrices du Québec. On a voulu représenter ici le point de vue des écrivains. Si d'autres s'en inspirent, tant mieux. Si le gouvernement accepte, encore mieux. Alors, on n'a aucune objection à ce que vous retendiez.

Mme Bacon: Pourquoi 15 000 $?

M. Guay: Pourquoi 15 000 $? Parce que, tout compte fait, cela va représenter, grosso modo, un salaire à peu près moyen. C'est-à-dire que, si quelqu'un gagne 25 000 $ ou 28 000 $, toutes déductions faites, il va retenir à peu près 15 000 $. Or, 15 000 $, c'est déjà très élevé par rapport aux gains des écrivains en 1986. Par conséquent, on croît qu'en termes de coût pour le gouvernement - en tout cas, les premières années il y a très peu d'écrivains qui pourront se rendre à ce plafond. Mais cela fixera quand même un objectif, c'est-à-dire que cela ne sera pas décourageant de gagner un autre dollar. Ce que nous essayons de faire à travers cette proposition, puisqu'il faut tenir pour acquis, une fois pour toutes, que les écrivains - et c'est vrai pour d'autres créateurs aussi, pour l'ensemble des créateurs - ne pourront pas, dans un avenir prévisible, gagner beaucoup de dollars... On a un petit marché, on le sait. Même si la performance est très bonne, les dollars sont peu nombreux. Alors, essayons de donner à chacun de ces dollars un maximum de valeur. Une façon pour la société entière de donner à chaque dollar gagné par les créateurs le maximum de rendement, c'est de ne pas imposer ces dollars.

Mme Bacon: D'accord. Toujours à la page 6, vous indiquez, à la recommandation A, la "caisse nationale de sécurité". Est-ce que vous pourriez préciser un peu sur cette recommandation qu'on nous fait? (21 h 15)

M. Guay: C'est pour essayer de répondre à tous les besoins sociaux des écrivains, par exemple, l'assurance-chômage. On croit ou on est porté à croire que chaque groupe de créateurs en soi ne réussira pas à développer des mécanismes de protection sociale. On se dit que, si on met tout ce monde ensemble, si on additionne les ressources et qu'on réussit par on ne sait trop quelle technique à assurer la contribution de l'ensemble des producteurs de tous ces milieux-là et que l'État joue un rôle, d'abord pour rassembler tous ces secteurs-là, aussi bien les créateurs que les producteurs, pour assurer la double contribution à une caisse de sécurité, il y aura peut-être possibilité de commencer à avoir une caisse qui se tienne. Si vous pensez juste au secteur des écrivains, seuls, ou juste aux sculpteurs, seuls, les groupes sont relativement pauvres et ne pourront pas créer une caisse qui aura de l'allure. Personnellement, j'ai un fonds de retraite à la Fiducie du Québec qui me vient de certaines prestations; j'ai 41 $ d'accumulés là-dedans depuis six ans. Je me promets des voyages en Floride pour mes vieux jours. Je vais être très vieux quand je vais partir.

Mme Bacon: On vous souhaite longue vie!

M. Guay: Merci! Des voix: Ha! Ha!.

M. Boulerice: ...le discours sur le budget.

Mme Bacon: En fait, si on veut revenir à la proposition 4, pour en tirer des avantages, il faudrait faire partie de votre regroupement.

M Guay: Pas nécessairement. On ne favorise pas ou, en tout cas, on ne veut pas imposer une syndicalisation obligatoire. Dans ce contexte-là, on serait pour l'équivalent d'une formule Rand, c'est-à-dire que les bénéfices dont jouiraient éventuellement, par exemple, les écrivains, qui viendraient de l'intervention d'une union des écrivains... On voudrait que ceux qui ne sont pas membres -libre à eux et à elles de ne pas être membres de l'union des écrivains contribuent également.

Mme Lalonde: L'interlocuteur du gouvernement, sur un projet comme celui-là, serait normalement l'association ou le regroupement d'associations, mais pour penser des modalités qui sont utiles à tout écrivain ou tout membre de la profession.

Mme Bacon: Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Mme Lalonde, M. Ricard, M. Guay, il y a beaucoup de choses dans ce mémoire, il est très dense. La preuve, voici la liste des questions. Je vais essayer de vous en épargner quelques-unes, parce que je sais qu'il y a des gens qui attendent après vous. Vous demandez - je vais poser la question à M. Guay - dans une recommandation que le ministère de

l'Éducation s'assure qu'il y ait réellement un enseignement de la littérature québécoise au niveau collégial et vous recommandez aussi la création d'une école du livre. Vous dites que c'est un lieu privilégié de formation et de perfectionnement pour tout ce qui concerne les professions reliées au livre et, ensuite, vous recommandez la création d'un collège des littératures avec comme fonction principale l'étude de la littérature québécoise dans ses rapports avec les autres littératures d'expression française. Est-ce que les cours universitaires sont satisfaisants, actuellement, pour vous?

M. Guay: Je vais répondre à votre dernière question. Le collège des littératures, pour nous, c'est de niveau universitaire, sans être nécessairement des cours qui donnent des crédits universitaires. Je répète un peu ce que je disais au sujet de l'Institut québécois du droit d'auteur, il s'agit plus pour nous d'exploiter ce qui existe déjà. Dans les universités, comme, d'ailleurs, dans certains collèges, cégeps, il y a des ressources, des cours de littérature qu'il suffirait de mettre en rapport les uns avec les autres pour créer ce collège-là, auquel on verrait participer activement les écrivains comme tels pour donner des séminaires. On pourrait suivre, par exemple, le séminaire de Jacques Godbout, mais ce seraient des séminaires donnés telle année et, ensuite, Jacques Godbout ne serait pas professeur attitré de ce collège-là. Cela permettrait également de mettre à contribution les écrivains étrangers de passage au Québec. Nous avons à l'Union des écrivains québécois des programmes d'échange, par exemple, avec les écrivains français qui viennent ici, mais, très souvent, à leur départ, au moment où ils quittent, on se dit qu'on n'a pas réussi à exploiter la présence de ces personnes. S'il y avait un tel collège des littératures, cela tomberait sous le sens que tel écrivain belge, américain ou français passant au Québec fasse profiter le public en général, mais aussi les autres écrivains et les lecteurs intéressés, de son passage. On pourrait bénéficier de cela.

M. Boulerice: Cela ne viendrait pas remplacer les facultés de lettres de nos universités.

M. Guay: Non, pas du tout. M. Boulerice: D'accord.

Mme Lalonde: Cela serait plutôt un réseau de mise en circulation... Il faut dire aussi qu'on a deux ou trois propositions qui vont dans le même sens. Ce qu'on propose à ce moment-là, c'est une institution; pas nécessairement, comme on pourrait l'avoir pensé au siècle dernier, automatiquement un collège ou un institut qui est un édifice avec quinze fenêtres sur rue. On pense qu'en 1986 les institutions peuvent exister à travers les médias et les moyens de communication, à travers la mobilité même des gens. Par conséquent, nous serions portés à penser à une telle "institution en termes de réseau très organisé existant, permettant la mise en circulation et la répercussion, disons, des activités ou des écrivains.

M. Boulerice: C'est cela qui vous a amenés aussi à formuler sans doute la recommandation d'un studio pour l'échange avec les écrivains de pays francophones.

M. Guay: C'était dans le même esprit, mais à ce moment-là on pensait à deux choses, si on veut. Si on pense à la formation de l'écrivain, la formation permanente de l'écrivain, cela fait partie de ses besoins d'être en contact avec d'autres écrivains. Or, on est dans une littérature qui est en rapport plus ou moins normal avec les autres littératures d'expression française et avec les autres littératures du monde. Ce ne sont pas tous les écrivains du monde qui passent par Montréal ou par Québec. Il faut encourager ces échanges-là.

Mme Lalonde: Écoutez! On peut peut-être donner un exemple assez concret. Il y a un écrivain qui s'appelle Abdellatif Laâbi, qui est très connu dans le monde, qui s'intéresse au Québec, qui travaille avec des écrivains québécois et des écrivains français, membre de l'Union des écrivains de France, avec qui nous sommes en rapport, etc., et qui voudrait venir au .Québec. Je reçois, l'autre jour, un appel téléphonique de quelqu'un de i'AUPELF cherchant un moyen de faire circuler cet écrivain, de lui faire donner des conférences, etc. Cette infrastructure n'existe pas, qui permettrait d'accueillir un écrivain de renommée mondiale qui veut venir deux semaines ou un mois au Québec. Enfin, c'est un invité naturel dans les différentes universités ou sur les différentes tribunes littéraires.

C'est un réseau de ce type qu'il serait intéressant de créer avec une mobilité importante pour les écrivains de différentes origines, si on veut.

M. Boulerice: Vous connaissez mon intérêt pour les bibliothèques publiques. J'ai forcément regardé avec beaucoup d'attention la recommandation à la page 7: Que les subventions d'acquisition pour les bibliothèques servent avant tout à acquérir des ouvrages québécois. J'aimerais vous entendre commenter plus à fond votre recommandation.

M. Guay: Pour nous, il en va d'un principe démocratique et fondamental, c'est-

à-dire qu'à partir du moment où ce sont des fonds publics qui contribuent en partie - en tout cas, jusqu'à maintenant, une partie importante - à l'acquisition des ouvrages, sans tomber dans la coercition ridicule, il faut assurer que notre propre littérature soit présente dans les bibliothèques publiques. Surtout quand on sait, et on le sait, que les autres littératures importantes auxquelles nous voulons tous avoir accès, aussi bien comme écrivains que comme lecteurs, ont souvent des moyens considérables de se faire valoir auprès des acheteurs, des acquéreurs de livres. Le seul besoin même d'avoir des collections d'ouvrages français et américains, pour nommer deux grandes littératures du monde, ce seul besoin fera toujours que les bibliothèques publiques achèteront des ouvrages de ces origines. Un des rôles de l'État québécois est d'assurer, à travers cette réalité, que notre propre littérature qui est par définition modeste et jeune, ne se fasse pas "bulldozer" complètement.

M. Boulerice: D'accord. Je vois, en quatrième position de vos recommandations générales, que vous suggérez au ministère des Communications - vous comprendrez l'hésitation que j'ai à formuler votre recommandation, dans le contexte d'étudier: "la possibilité de créer une radio de Radio-Québec - une radio culturelle". J'ai entendu une marque d'approbation à côté qui me réjouit. Est-ce que vous avez une idée de la programmation que vous auriez souhaitée dans la création d'une radio?

Mme Lalonde: Quand vous dites: "que vous auriez souhaitée", vous avez vraiment un point de vue pessimiste. Nous allons faire valoir l'idée, peu importe. Nous pensons que l'occupation au moins juridique de ce secteur par le gouvernement serait importante. Nous pourrions avoir là une sorte de "FM" culturel qui aurait un type de programmation passant, peut-être, par un parti pris de vulgarisation ou de rapprochement des auditoires populaires, et non pas une chaîne culturelle très élitiste touchant des publics très... Il y aurait une présentation des différents genres mis sur pied d'égalité et beaucoup d'informations touchant la culture, car nous croyons que le fait de mettre en circulation et d'attirer l'attention sur les objets culturels, cette activité en soi est génératrice à la fois de création et de consommation.

On pense que la radio est aussi un moyen particulièrement adapté à la littérature et qu'elle offrirait des sources de revenus très intéressantes pour les auteurs, contrairement à la télévision... Enfin, contrairement... Nous n'avons rien non plus contre un réseau de télévision faisant appel à des auteurs, mais, tout de même, nous pensons que la télévision limite probablement le nombre d'auteurs ou de textes qui peuvent être rétribués, alors que la radio est un médium qui peut offrir beaucoup plus de contrats, petits et moyens, desservant l'ensemble d'une littérature plutôt que quelques grandes vedettes ou auteurs qui occupent beaucoup de temps d'antenne avec des téléromans assez coûteux à produire. La radio permet la production de petites séries dramatiques, de poèmes qui représentent pour des auteurs, notamment à la pige, des contrats d'importance moyenne mais qui comptent pour beaucoup dans leur budget.

M. Boulerice: L'enquête de l'UDA démontrait que la radio touche une part très importante du public. Je crois que 75 % des Québécois écoutent les émissions de la radio. Cela aurait effectivement une influence considérable sur la diffusion de la culture. Il y a un proverbe italien qui dit que, dans une nuit, mille rêves se font; alors, je pense qu'on ne perdra pas espoir.

J'adresse maintenant une question à M. Guay. M. Guay, j'ai eu l'honneur de recevoir de votre union, le 6 mai, une lettre portant sur la décision de M. Masse concernant le programme de paiement pour le prêt en bibliothèque, où vous expliquiez votre position quant à la gestion des droits et des intérêts des créateurs et des créatrices qui devrait être administrée, au Québec, par votre organisme. J'ai communiqué avec votre secrétaire général, M. Collette pour lui transmettre mon appui verbal. J'entends bien le faire par écrit le plus rapidement possible.

Pourriez-vous nous en parler un petit peu plus? Deuxièmement, est-ce que j'ai été le seul privilégié à recevoir cette lettre ou est-ce que vous l'avez adressée à d'autres personnes? En souhaitant bien ne pas être le seul privilégié, elle est trop importante. (21 h 30)

M. Guay: Le paiement pour le prêt en bibliothèque est une longue histoire. Enfin, sans remonter au Moyen Âge, à la fin des années soixante-dix, il y a eu une proposition du Conseil des arts du Canada visant la création* d'un programme semblable» La commission Applebaum-Hébert a accouché d'une proposition légèrement différente, ce qui a permis au ministre fédéral alors responsable de la question de la mettre sur une tablette parce qu'il y avait deux propositions légèrement différentes. Ce n'est donc qu'en 1986, en février dernier, que le ministre Wilson a publié, dans son budget, quelques lignes qui permettaient de croire que cette année, il y aurait enfin la création du programme comme tel de paiement pour le prêt en bibliothèque.

Il y a là au moins un acquis pour les écrivains. Sauf que depuis que nous nous intéressons de très près à la question, à l'Union des écrivains, nous avons toujours fait valoir qu'un programme comme celui-

là... C'était vrai aussi pour la gestion des droits de reprographie, quoique dans ce cas, il y avait la nature juridique qui a permis de régler la question comme on l'entendait. Ce qui n'est pas le cas pour le prêt en bibliothèque, qui ne fait pas partie du droit d'auteur. Nous faisions valoir qu'un programme comme celui-là devait être géré par les associations d'écrivains. Tout indique, à l'heure où nous nous parlons, que cette formule ne sera pas retenue. L'administration sera confiée et elle est déjà, en partie, confiée au Conseil des arts du Canada. Pour nous, c'est la moitié de l'objectif qui est atteint. D'abord, parce qu'on est par définition très près de notre clientèle. Nous connaissons la clientèle des écrivains. Nous sommes capables de les rejoindre. Nous sommes capables de faire le travail de façon compétente, comme nous l'avons déjà dit. Nous avons une administration légère, ce qui veut dire qu'en frais d'administration, un programme comme celui-là est économique lorsqu'il est administré par un organisme comme le nôtre et plus cher, évidemment, lorsqu'il est administré par un organisme comme le Conseil des arts.

M. Boulerice: Écoutez, les raisons que vous évoquez sont effectivement les raisons pour lesquelles j'appuyais votre demande. M. le Président, est-ce qu'on peut demander à Mme la ministre si elle a l'intention d'intervenir auprès de son collègue du gouvernement fédéral, au niveau du ministère des Communications, pour appuyer la demande de l'Union des écrivains?

Mme Bacon: Je n'ai pas l'habitude de m'esquiver ou de m'éloigner de mes responsabilités pour représenter les gens du Québec. Je pense que je l'ai démontré à plusieurs occasions. On l'a fait au niveau de la radio, par exemple, pour le contenu français. On est capable de le faire pour d'autres domaines. Je pense qu'il y a des moyens de faire des pressions auprès du gouvernement fédéral.

M. Boulerice: Je vous offre, en tout cas, la collaboration de l'Opposition, ce dont vous ne doutez pas.

Mme Bacon: Non, non.

M. Boulerice: Merci, Mme la ministre. Bon, je crois que je vais laisser à... On ne vous a pas volé trop de questions, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Vous m'avez... Le terme volé est peut-être un peu fort. C'est ce que j'ai expliqué une partie de la journée. C'est que parler en troisième, les bonnes questions s'envolent rapidement et on veut éviter de les répéter.

Mme Bacon: Vous êtes chanceux qu'il vous en reste, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Mme la ministre me dit que je suis chanceux qu'il m'en reste. En effet, il m'en reste quelques-unes mais je vais me limiter à deux parce que le temps s'envole.

La première est celle du contrat type pour lequel vous dites que vous avez eu beaucoup de difficultés. Je pense que ce sont des termes qui sont très... Vous vous êtes beaucoup retenu quand vous avez dit que vous avez eu beaucoup de difficultés à faire adopter par l'Association des éditeurs canadiens, avec laquelle vous avez négocié pendant plusieurs mois ou plusieurs années... Je m'en souviens, à l'époque je suivais cela de plus près que maintenant. Par ailleurs, vous avez une recommandation qui est la sixième, à la page 7, de créer un conseil de l'édition. Je vous demanderai tantôt d'apporter des précisions sur cette recommandation.

La question que je vous pose, c'est: Que comptez-vous faire pour régler votre problème avec les éditeurs, d'une part? Est-ce que vous avez besoin de l'aide gouvernementale, d'autre part? Quelle pourrait être l'aide qu'un gouvernement du Québec pourrait vous apporter de ce côté? Bref, voilà un problème. Je ne vous demanderai pas d'analyser le contrat type que vous avez mis de l'avant. Enfin, personnellement, je le connais et je pense qu'à l'heure qu'il est ce serait peut-être un peu déplacé.

M. Guay: Vous avez peut-être remarqué que nous avons, depuis la bataille du contrat type, changé - c'est un changement relativement récent - notre stratégie. Sans abandonner l'idée d'un contrat type universel, nous pensons qu'un mécanisme, qu'on appelle ici un code des rapports auteur-éditeur pourrait permettre d'atteindre les objectifs qu'on poursuivait à travers le contrat type, tout en tenant compte des différences dans le milieu des éditeurs.

On a fait une demande auprès de l'association des éditeurs, l'automne dernier, parce qu'on croit, nous, d'abord et avant tout, aux ententes de gré à gré. On ne veut pas que le gouvernement vienne d'abord régler les problèmes, on pense que les associations devraient être capables de régler leurs problèmes entre elles. Mais, à un moment donné, si on ne réussit pas par la voie de la négociation, on pense que le gouvernement a un rôle à jouer pour inciter les parties à se rencontrer, à s'asseoir et à négocier.

Pour le moment, nous n'en sommes pas là, mais cela fait bientôt sept mois que nous avons fait la demande de création d'un tel conseil. Encore là, on ne demande pas une superstructure, on demande simplement que

des représentants, dûment mandatés de chaque partie, s'assoient et étudient les questions qui tracassent tout le monde à l'occasion de la publication de chaque livre au Québec. Il faut trouver des mécanismes simples, efficaces, et un conseil de l'édition, à notre avis, est un modèle qui a fait ses preuves dans d'autres secteurs, qui est léger, qui ne coûte pas d'argent, qui ne demande que de la bonne volonté. On vise ensuite à en arriver à la rédaction d'un code des rapports comme tels et, finalement, à l'appliquer. Ce sera une troisième étape pour occuper nos prochaines années. L'intervention du gouvernement, on la verrait, si nécessaire, au moment ou on sera découragé de l'autre partie. Si l'autre partie ne veut pas du tout s'asseoir à la table, puisque le gouvernement investit du côté des producteurs, des éditeurs, le gouvernement a certains moyens de convaincre les éditeurs du bien-fondé d'une proposition comme celle-là.

Le Président (M. Trudel): Une deuxième et dernière question, parce que le député de Sherbrooke a manifesté l'intention de vous en poser quelques-unes, je pense, beaucoup plus précise et peut-être un peu technique. À la page 6, deuxième recommandation, vous parlez de la déduction de 100 %. Vous n'êtes pas le premier organisme à recommander une quelconque déduction. Je présume que vous vous associez à tous les autres groupes quand vous recommandez cette chose-là, d'une part. J'aimerais que vous me donniez des exemples d'application dans le domaine de l'édition ou alors du côté des auteurs, des sociétés privées qui subventionnent des projets ou des organismes dans le secteur culturel, etc. Madame?

Mme Lalonde: Voilà, nous avons un exemple qui vient facilement: le prix Molson. De grandes industries comme celle-là consacrent quelquefois des budgets à des activités culturelles proprement dites. À l'heure actuelle, on parle souvent de ce que l'on pourrait appeler des entourloupettes fiscales, c'est-à-dire soit qu'elles inscrivent ces budgets au chapitre de leur promotion ou, enfin, on ne sait trop. Ce n'est pas une politique franche que de... D'abord, valoriser les industries culturelles par une déduction. qui encouragerait l'aide privée aux industries culturelles et, deuxièmement, qui obligerait tous les conseils d'administration de ces grandes entreprises, dès leur première réunion d'administration après l'adoption d'une telle loi, à inscrire à leur ordre du jour la question de savoir quelle industrie culturelle elles préfèrent subventionner. Nous serions, je pense, beaucoup plus à l'aise pour aller chercher des fonds ailleurs que toujours au gouvernement, faire toujours appel aux fonds publics pour assister ou donner le coup d'envoi à des projets valables. Si nous pouvions aller trouver les industries privées en leur disant: Écoutez, il est avantageux, directement avantageux, de procurer de l'aide aux industries culturelles, je pense que tout le monde serait de cette façon plus à l'aise et qu'on stimulerait probablement toute une série de démarches directes auprès de l'entreprise privée, alors qu'on a toujours tendance, peut-être trop, à attendre de l'État, à attendre même passivement qu'il fournisse et fournisse, et réponde automatiquement à tous les besoins.

Le Président (M. Trudel): Merci madame. M. le député de Sherbrooke.

M. Hamel: M. le Président. Madame en lisant votre mémoire et l'ensemble de vos recommandations, je me disais que, dans l'hypothèse où notre gouvernement les réaliserait, nous serions peut-être éligibles à une union de créateurs, puisque vous nous demandez de créer une école du livre, un collège des littératures, un institut québécois du droit d'auteur, une caisse nationale de sécurité, des espaces publics d'affichage, une radio culturelle et enfin un conseil de l'édition. Blague à part, j'ai peut-être le goût de vous demander un peu, comme Mme la ministre tantôt: Dans ces différentes recommandations, laquelle privilégieriez-vous, concernant la forme, la formation et le perfectionnement, les mesures fiscales et finalement vos recommandations générales? Laquelle, dans chacune de ces sections, souhaiteriez-vous voir réalisée?

Mme Lalonde: Vous dites laquelle ou lesquelles?

M. Hamel: Laquelle, dans chacune des sections.

Mme Lalonde: Je crois que celle dont nous avons parlé tout à l'heure touchant les déductions offertes aux entreprises privées, lesquelles permettraient de dégager des fonds, serait très importante, de même que le cinquièmement en page 6, que le ministère du Revenu améliore le statut proprement dit du travailleur indépendant et reconnaisse un statut hybride à ceux et celles qui ont deux types de revenu.

Je pense que ce que nous visons c'est de faire en sorte que l'écrivain arrive à vivre honorablement, à vivre sans dépendre personnellement constamment des fonds publics, et puisse à un moment donné réinvestir lui-même, non seulement dans sa création... Parce qu'il y a deux étapes à la création. Il y a le moment où vous vous assoyez avec crayon et produisez un texte dont vous ne savez pas au fond s'il va être bon, s'il est rentable au moment où vous le faites. Si on se représente la chaîne de production qui s'ensuit, on pose automatique-

ment qu'il y a un écrivain; après quoi il y a un intermédiaire qui vient, un éditeur qui vient exploiter le texte, un producteur de cinéma qui viendrait le mettre en film. Mais ça ne se produit pas nécessairement de cette façon linéaire. Il n'est pas exclu, il ne doit pas être exclu que l'écrivain lui-même, une fois qu'il a produit son texte puisse investir de ses propres moyens financiers, si justement il est honorablement rétribué par ses droits d'auteur et tout, dans l'exploitation même de son texte qu'il puisse aller trouver un éditeur et offrir un projet de coédition. Et ce n'est pas seulement le secteur du livre qui est impliqué dans l'activité d'un écrivain, il y a peut-être d'autres façons de diffuser ses textes. Il y a l'audiovisuel qui touche des publics qui ne vont jamais dans les librairies, mais qui pour la littérature est un moyen très efficace d'aller toucher des publics.

Par conséquent, ce qu'on vise c'est de faire en sorte que l'écrivain puisse s'autosuffire et que la plupart des écrivains soient dans une situation telle qu'ils puissent risquer eux-mêmes. Je pense qu'on est peut-être une population qui a eu, par expérience historique, un sens très calculé, prudent du risque économique, du risque de l'investisseur. Je pense que ce que nous vaudrions atteindre, comme objectif, serait une redéfinition de l'écrivain comme quelqu'un qui réinvestit lui-même dans l'économie proprement dite, à partir de l'économie culturelle. Mais, cela est vrai aussi pour tous les créateurs. Dans la mesure où cette industrie arrive à s'autosuffire, arrive à investir du capital de risque, d'elle-même, je pense que nous aurions une roue économique qui tourne et moins de dépendance directe de l'État - ce que personne ne souhaite.

Le Président (M. Trudel): M. le député de Viger. (21 h 45)

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Dans le mémoire, à la page 3, vous dites: L'Union des écrivains québécois administre une importante convention (la photocopie dans les maisons d'enseignement) qui permet de redistribuer des sommes intéressantes aux auteurs. Est-ce que l'expression "maisons d'enseignement" couvre tous les secteurs d'enseignement, du primaire à l'universitaire? Ou lesquels?

Mme Lalonde: Oui, du primaire à l'universitaire. Mais, la mise en place du système ou des mécanismes d'enregistrement de ces photocopies a été progressive et selon la convention signée avec le gouvernement. Il y a toujours des comités qui sont, en permanence, à l'oeuvre pour l'application de cette convention. Le grand principe de cette convention, lui, fait valoir peut-être que... On parlait, tout à l'heure, de la question du prêt en bibliothèque. Je crois que cette convention a été assez exemplaire. À tel point qu'elle était, enfin, surveillée, le reste du monde s'y intéressait. Dans la mesure où, justement, on a confié la gestion proprement dite de ces sommes à une association de créateurs qui travaille en collaboration avec les ayants droit, en l'occurrence, les éditeurs.

Donc, c'est le secteur culturel, lui-même, qui gère, qui assure la gestion. Ce qui n'empêche pas le gouvernement de reporter ces ententes, etc. Mais, pendant les cinq ans que dure cette entente, la gestion et la bonne administration, avec ses retombées ou ses profits, est confiée à la gestion autonome des créateurs. On pense que c'est un principe qui va dans le sens de la politique qu'a toujours soutenu l'union et qui pourrait servir de modèle ou, en tout cas, de précédent.

M. Maciocia: Quels sont les moyens que vous avez pour vérifier si la convention est vraiment bien respectée dans les maisons d'enseignement?

M. Guay: Les moyens de contrôle sont inscrits dans la convention. Jusqu'à maintenant, nous ne les avons pas utilisés. Comme le disait Mme Lalonde, l'Union des écrivains, chaque année, en vertu d'une entente avec le ministre de l'Éducation, délivre une licence qui permet à tous les établissements d'enseignement du Québec, du primaire à l'universitaire, à l'intérieur de limites qui ont été négociées, de photocopier tous les ouvrages qui apparaissent dans notre répertoire. Notre répertoire contient, à peu près, 20 000 livres québécois, plus, grosso modo, l'ensemble des livres français.

Pour contrôler les limites de photocopies, d'une part, et recueillir des données qui nous permettent de payer les auteurs dont les livres ont été photocopiés, il y a des mécanismes qui doivent être négociés. Ces mécanismes ont été négociés au niveau collégial. Seulement ce niveau, jusqu'à maintenant, applique, dans une certaine mesure, parce que cela prend du temps à faire bouger les machines, un système d'enregistrement de3 photocopies. Mais les données accumulées depuis la signature à la fin de 1984 - donc cela fait un an et demi ou à peu près que cela fonctionne théoriquement - croissent de telle sorte qu'on est porté à croire que cela s'en va dans la bonne 'direction, mais on n'a pas commencé à jouer à la police. Si les données ne poursuivaient pas dans cette direction, la convention prévoit des moyens d'intervention pour aller vérifier sur le terrain la façon dont les photocopies sont enregistrées et si les contrôles sont faits.

En ce qui concerne les niveaux primaire et secondaire, nous sommes présentement en

négociation. Donc, on ne peut pas préjuger de ce qui sera signé comme entente. Ce sera probablement un autre modèle qui sera appliqué, étant donné la quantité formidable d'établissements d'enseignement. À ces niveaux-là, il y a au-delà de 2500 établissements concernés. On va donc arrêter des mécanismes plus simples qu'au niveau collégial où il n'y a qu'une cinquantaine d'établissements.

En ce qui concerne l'universitaire, cela viendra après.

M. Maciocia: Vous parlez de sommes intéressantes. Pourrait-on connaître plus ou moins l'ordre de grandeur?

M. Guay: Oui, mais intéressantes, vous allez voir que cela est dit dans le contexte des revenus d'écrivains, n'est-ce-pas, toute proportion gardée. On parle pour un livre: Au taux 1983-1984, qui était la première année pour laquelle il y a eu paiement, il y avait 50 $ ou à peu près par livre. 35 % de cette somme allait à l'éditeur, ce qui veut dire environ 17 $ et le reste, 32 $ ou 33 $, à l'écrivain. C'est pour le moins modeste. Mais, cela fait partie des revenus qui s'accumulaient. Évidemment, pour l'écrivain qui a dix titres, cela lui faisait, cette année-là, environ 330 $. L'année suivante, nous avons ajouté un paiement qu'on qualifie au prorata, c'est-à-dire selon les informations que nous avions des collèges qui nous disaient, par exemple, que tel livre avait été photocopié 1200 fois. Alors, l'écrivain recevait au-delà de ce paiement forfaitaire une autre somme. Pour certains écrivains, cela a pu vouloir dire, dans le meilleur des cas, un millier de dollars. Pour la vaste majorité, c'est moins de 100 $, parce que la moyenne est de 2,8 livres par auteur.

Donc, qu'il faut bien faire comprendre, non seulement à l'État, mais à la société québécoise, que cette convention coûte à l'État québécois 1 000 000 $ par année. C'est un chiffre symbolique qui peut laisser croire que les écrivains se promènent en Cadillac depuis la signature de cette convention. Quand on se rappelle qu'il y a 7500 auteurs qui doivent se partager cela, 20 000 livres, les Cadillac sont plutôt de modèle ancien.

M. Maciocia: De petites Lada? M. Guay: Pardon? Coccinelle, oui. M. Maciocia: De petites Lada? M. Guay: Lada, oui. J'encourage... Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Boulerice: Une correction, M. le Président, si vous me le permettez. Je pense que l'enregistrement se fait également au niveau secondaire. Vous avez dit collégial, mais il se fait au niveau secondaire maintenant.

M. Guay: Pardon?

M. Boulerice: Je dis que l'enregistrement des photocopies des oeuvres se fait aussi au niveau secondaire maintenant.

M. Guay: II y a eu... Je disais tantôt: Nous sommes en négociation. Il n'y a pas de convention signée concernant les mécanismes d'enregistrement aux niveaux primaire et secondaire. Nous sommes présentement en négociation. Cela dit, vous avez partiellement raison parce qu'au printemps dernier et cet automne, il y a eu un essai auprès d'une trentaine d'écoles, dont plusieurs dans la région de Québec d'ailleurs, où on a testé l'applicabilité du système d'enregistrement du niveau collégial. C'était juste un essai qui concernait un nombre très limité d'établissements d'enseignement, une trentaine sur les 2500.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Viger. M. le député de Saint-Jacques, vous avez terminé. Mme la présidente de l'Union des écrivains, tout en vous remerciant de votre présence, je vous souligne que j'ai eu l'extrême plaisir, il y a quinze jours, je pense, ou à peu près, d'entendre chanter trois de vos poèmes par M. Pierre Mollet sur une musique d'André Prévost. J'ai beaucoup apprécié. Cela m'a permis de me détendre, sachant que ce plaisir allait m'être retiré au moins pour trois ou quatre soirs, puisque nous siégeons, quoique certains membres de cette commission aient pris des libertés, hier soir, pour aller à l'opéra - je parlais du député de Sherbrooke, pour fins d'enregistrement au Journal des débats. Je vous remercie, madame, de votre présence ainsi que de celle de vos collègues et je vous souhaite un bon retour à Montréal. Merci beaucoup.

Mme Lalonde: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Eh enfin! doivent se dire ces gens. Nous accueillons, finalement, le Conseil québécois de la céramique, représenté par M. Léopold Foulem, son président, et par Mme Carol Doyon. Je dois souligner, pour le bénéfice des membres de la commission et de ceux qui assistent aux travaux de ladite commission, que nous avons convoqué, ce matin, à la toute dernière minute, le Conseil québécois de la céramique dont nous avions reçu copie du mémoire, je crois, vendredi dernier. Le Conseil québécois de la céramique a été convoqué parce qu'un autre organisme s'est désisté tôt ce matin. Je vous

remercie, madame et monsieur, de vous être déplacés avec un avis aussi court. Je pense qu'on vous a parlé vers 9 heures ou 9 h 30 ce matin pour vous convoquer pour ce soir. Je vous remercie d'être ici et je vous cède immédiatement la parole.

J'ai rappelé un peu les règles du jeu tantôt. Nous avons pris connaissance de votre mémoire. Il a été résumé pour les membres de la commission. On va prendre le temps qu'il faudra. Je souligne quand même aux membres de la commission qu'il est 21 h 55, oui? Monsieur ou madame, je vous cède la parole et nous passerons aux questions immédiatement après.

Conseil québécois de la céramique

M. Foulem (Léopold): Je voudrais vous remercier pour votre invitation et nous étions prêts à venir et nous sommes honorés d'être ici. Mme Doyon va présenter le mémoire et ensuite on va se diviser la tâche de répondre à vos nombreuses questions. Nous, nous ne sommes pressés et nous espérons que vous n'êtes pas pressés, vous non plus. Merci.

Le Président (M. Trudel): On n'est pas pressé, mais on est ici depuis dix heures ce matin. Vous êtes notre septième groupe, je pense. Nous allons prendre, comme je le disais tantôt, le temps qu'il faut pour dialoguer. Madame.

Mme Doyon (Carol): Je vais vous présenter le mémoire. Comme nous avons été pris un peu de court, même si nous avons beaucoup de temps devant nous, je vais aller à travers le mémoire parce que cela nous semble important. La première chose que je voudrais vous dire, c'est qu'évidemment nous avons trouvé que le temps était très bref. Pour nous, il a été doublement bref, mais c'est notre propre faute. Nous trouvons, comme les gens que nous avons aussi consultés, que le délai d'un mois avait été un peu court, surtout à ce temps-ci de l'année où beaucoup d'entre nous, producteurs culturels ou propagateurs de culture, sommes en examen, en correction et en fin de session,

La première chose que je voudrais dire et que je...

Le Président (M. Trudel): Exerçant, si je comprends bien, votre deuxième métier.

Mme Ooyon: Pardon?

Le Président (M. Trudel): Exerçant, si je comprends bien, votre deuxième ou votre troisième métier puisque, dans le domaine des arts, on parle plus souvent de deuxième ou de troisième métier.

Mme Doyon: Oui, malheureusement. Je voudrais d'abord vous dire que nous sommes un organisme dissident: que nous ne reconnaissons pas l'autorité des organismes multidisciplinaires de métiers d'art, artiste-artisan, qui parlent ou qui veulent statuer sur la vision générale du Québec, mais nous reconnaissons leur autorité quand ils parient au nom de leurs membres. Quant à nous, nous nous reconnaissons une voix partielle. Nous ne considérons pas être la voix totale du Québec, mais quand même une voix importante.

Nous avons développé l'aspect formation et perfectionnement qui nous semblait, à ce moment-ci, l'aspect le plus important. Nous voulions, en nous interrogeant sur le statut de l'artiste, situer le problème des céramistes dans une optique plus large qu'une vision purement artistique, c'est-à-dire que nous voulions parler de deux niveaux. La céramique est une discipline qui s'exerce à des niveaux parfois artistiques parfois strictement artisanaux, sans compter une multitude de positions intermédiaires. Nous avons donc décidé de parler en tant qu'artistes-artisans essayant de concilier, par la création et par le travail technique, les deux. Évidemment, en tant que producteurs-créateurs de céramique, c'est une position qui est un peu difficile, vu que la tradition en céramique a été assez longuement rattachée à la position artisanale.

Je reviens à l'aspect de la formation et du perfectionnement. Avec tous les documents publiés depuis une dizaine d'années, depuis "pour une politique culturelle" de 1976, il nous semble que, dans les métiers d'art, il y ait entre la réalité céramique au Québec et la réalité dont font état tous les documents qui ont été publiés depuis dix ans, des écarts et des divergences de vues très importantes et fondamentales. Il nous semble que la représentation réelle du milieu des métiers d'art n'ait pas été véritablement faite, vu que ce qui a été présenté, c'est l'organisme le plus important qui parlait au nom de tous, mais qui, en réalité, ne parlait qu'en son nom à lui.

Alors, pour nous, on n'y faisait pas suffisamment état de la diversité et de l'individualisme très grand des milieux artistiques et artisanaux en céramique. Nous considérons - et c'est pour nous une chose fort importante - qu'il n'y a pas d'organisme, de voix unique qui peut représenter tous les -céramistes du Québec. Donc, on aura une recommandation qui demande une pluralité de voix.

En second lieu, pour nous, le milieu est polyvalent et diversifié. Il est très important de conserver cet élément, car il nous semble impossible de ne pas considérer cela sans l'appauvrir considérablement, en le réduisant à une composante tout simplement mercantile, comme certains secteurs des métiers d'art l'ont fait.

Nous nous voyons davantage comme un travailleur culturel, comme un producteur de biens symboliques dont les conditions de production ne devraient pas être entièrement soumises aux aléas du marché. Il nous semble important de vous rappeler aussi que la vitalité des milieux artistiques-artisanaux dépend de leur diversité et de la contamination réciproque des divers niveaux et fonctions de la céramique. (22 heures)

Le rôle dévolu au gouvernement comme dernier agent et moteur économique d'une longue liste d'agents et de moteurs, ce n'est pas comme cela qu'on le voit, mais plutôt comme une instance dont la responsabilité morale est de défendre, de diffuser et de créer un climat favorable à l'expression artistique multiple. Car, c'est dans la production d'oeuvres libres, diverses et même provocatrices que se manifestent le dynamisme, la vitalité et la richesse imaginative d'une société.

En vue de tout ceci, la céramique québécoise revendique une place à part dans les métiers d'art. Elle veut se voir comme une forme autonome et indépendante. Ce qui nous semble important dans la formation et le perfectionnement, c'est la formation et l'autonomie du créateur telle que nous la recherchons. Il nous semble que les organismes de métiers d'art ont dangereusement rétréci cette vision en perdant de vue l'individu créateur pour en faire davantage parfois une espèce de pion adaptable, et faussement mobile face aux fluctuations et aux caprices du marché. Nous ne sommes pas sûrs qu'à long terme, tout mettre en place pour les impératifs économiques, ponctuels et à court terme, cela va assurer la survie de la céramique et une certaine prospérité relative aux céramistes.

Nous avons un peu peur de ce genre de formation qui se glisse avec des ateliers de maîtres artisans, de compagnons et d'apprentis parce qu'on pense qu'ainsi, le créateur va perdre beaucoup. Aussi se joue une espèce de division, assez courante et assez insidieuse, celle du savoir manuel contre le savoir intellectuel. À notre avis, nous voulons éviter ceci, dans le sens où nous considérons que les deux sont très importants. Face au système qui s'instaure d'ateliers écoles privées, nous sommes très réticents à ce genre de nouvelles écoles et aussi à- la réapparition des instituts que nous croyions avoir abolis et abandonnés à la suite du rapport Parent en 1967.

D'autre part, nous considérons qu'au niveau de la formation et du perfectionnement, il n'y a pas suffisamment de différence. La situation nous semble un peu confuse parce que perfectionnement semble signifier souvent rattrapage. On a mis davantage le mot "appoint", mais il faudrait quand même faire la part des choses. Si nous regardons ce qui est proposé dans les ateliers-écoles, on se rend compte que c'est un apprentissage en atelier. Celui-ci va émettre un AEC, une attestation d'études collégiales et' on aura des formateurs maîtres pour lesquels rien n'est fait, sinon qu'ils auront des cours d'appoint à l'étranger. Alors que, dans la réalité des milieux institutionnels, nous nous rendons compte que l'élève déjà en partant peut avoir un DEC, l'artisan en exercice qui a un DEC, n'a rien et les formateurs ou les professeurs n'ont rien non plus.

Nous, nous serions d'avis qu'il est important de régler, soit compléter la formation qui est souvent déficiente de certains artisans en exercice, mais il ne faudrait pas ramener cela, évidemment, à une espèce de nivellement par la base. D'autre part, nous trouvons inacceptable la hiérarchisation de la profession, les méthodes préconisées d'accréditation et nous ne comprendrons jamais le soutien qu'elle obtient auprès du gouvernement. Quant à nous, nous ne croyons pas à la primauté de l'atelier-école ou du maître accrédité comme milieu exclusif de formation. D'autant plus que les formes d'art et d'artisanat du XXe siècle nous ramènent davantage, dans tous les pays occidentaux, vers un savoir pluridisciplinaire et dans des lieux pluridisciplinaires liés aux collèges et aux universités. Par exemple, comme aux États-Unis. Par ailleurs, nous ne sommes pas d'accord avec la notion de cadeau de Noël. L'objet d'art et de métier d'art n'est pas, si vous voulez, le cadre sur le mur, la potiche sur la table, la sculpture sur le gazon, mais c'est un lieu d'investissement d'imaginaire, de telle sorte que le cadeau de Noël ou le souvenir de voyage ne nous apparaissent pas suffisants et intéressants comme débouchés pour les métiers d'art. Nous considérons que l'objet touristique, produit comme tel pour toutes sortes de voyageurs, est caractéristique d'une mentalité colonisée et appauvrie. Nous le retrouvons dans les pays dominés économiquement et politiquement ou encore dans les régions en voie d'extinction culturelle; nous refusons ce genre d'exotisme et de folklore et affirmons notre volonté comme artistes-artisans d'être indépendants et autonomes face à cet assaut promotionnel.

Donc, nous considérons qu'il est inacceptable au Québec qu'on veuille faire disparaître le bac en céramique, le DEC, pardon, pendant que partout ailleurs les bacs et les maîtrises ne se comptent plus.

Nous trouvons très important aussi de se mettre à l'heure nord-américaine, d'abandonner le système de guilde à l'européenne ou à la façon médiévale contrôlé par des maîtres-artisans. Nous croyons que le système va favoriser la sclérose, la stagnation et le repliement sur soi et nous déconnecter, finalement, encore

plus fortement de notre réalité nord-américaine. Alors, nous pensons que ce système, si on le généralise va défavoriser la création en limitant l'exercice de la liberté, de l'initiative et la vision personnelle et particulière de chacun en homogénéisant artificiellement le milieu, en l'étouffant par des structures trop nombreuses et de plus en plus bureaucratiques, et en maintenant la création dans le carcan monocentrique et mercantile du marché.

Nous avons peur, évidemment, de tout ce que cela va pouvoir impliquer au niveau de la maîtrise et du contrôle de tels organismes. C'est pourquoi nous avons les recommandations suivantes... Si je dois ramener à deux ou trois recommandations comme cela a été demandé ce soir, la première recommandation veut que la commission accepte et encourage la diversité et la pluralité des milieux de métiers d'art du Québec, qu'elle reconnaisse les besoins de ces milieux comme multiformes, divergents et pluralistes, en conséquence de quoi elle ne choisira pas dans ces milieux un interlocuteur unique, mais plusieurs intervenants aux positions différentes. Alors, cela est pour nous fort important. Qu'elle considère aussi la céramique comme possiblement les autres métiers d'art - mais cela sera à vérifier avec eux - comme un mode d'expression valable, indépendant et autonome, et qu'elle institue une enquête véritable sur les besoins de ce milieu par de3 organismes totalement indépendants du milieu. On entend par organismes totalement indépendants du milieu, qu'il n'y ait pas de conflits d'intérêts entre les divers intervenants ou les diverses personnes qui feraient cette enquête.

Aussi, que le système modernisé de la guilde ne soit pas institué comme modèle d'appoint et de rattrapage idéal pour l'ensemble du milieu, que les artisans membres de MAQAM ne soient pas privilégiés - qu'ils restent, bien sûr, un intervenant important mais un parmi tant d'autres - que les structures organisationnelles des métiers d'art soient allégées et simplifiées plutôt que multipliées et centralisées. Si je vous montre les règlements de MAQAM pour 600 membres, vous avez plus de la moitié de règlements et de volonté de règlements pour 600 membres -ce qui est aberrant: Qu'il y ait plus de transparence dans le fonctionnement des organismes et plus de diversité dans la nomination des membres des comités et des jurys - diversité quant à leur vision, leur production et leur formation. Qu'elle mette fin au nivelage par le bas, tout en restant bien sûr consciente et préoccupée des lacunes dans la formation des artisans en exercice. Qu'elle se préoccupe de mettre sur pied des programmes véritables de perfectionnement pour que les élèves diplômés puissent poursuivre en français des études spécialisées en céramique: bac et plus haut si possible, pour que les céramistes déjà formés et diplômés puissent aussi se perfectionner pour enrichir et rafraîchir leurs enseignements et leur pratique. Enfin, que la formation académique des céramistes québécois, dans l'attribution de bourses de perfectionnement et autres, soit reconnue comme un atout et non comme un handicap, comme cela semble être actuellement le cas. Je vous remercie. Je donne la parole à M. Foulem.

M. Foulem: J'attends des questions.

Le Président (M. Trudel): Est-ce que Mme la ministre vous voulez poser des questions?

Mme Bacon: Oui, M. le Président. J'aimerais d'abord vous féliciter pour ce vaste travail de réflexion sur la situation des métiers d'art en général et pour l'ensemble de vos propos. Vous nous invitez à reconnaître certaines réalités du milieu de la céramique. Tantôt les membres sont forcés de se regrouper pour défendre leurs intérêts et tantôt c'est peut-être l'individualisme qui prédomine selon les conditions reliées au mode de vie, à votre mode aussi de création. Aussi, je dois vous assurer et je vous assure que le ministère des Affaires culturelles tentera, dans l'élaboration de ses politiques, de tenir compte de la diversité, de la polyvalence qui caractérise votre milieu de vie. Je pense que la lecture de votre texte, que vous venez de nous donner, est bien caractéristique de l'individualisme, de la polyvalence et aussi de la diversité du milieu. Quant aux questions que je pourrais vous poser, peut-être pourriez-vous me dire les raisons pour lesquelles la céramique doit être considérée comme autonome, tel que vous le mentionnez en page 2 de votre résumé?

M. Foulem: Mme la ministre, oui. Cette expression signifie que la céramique peut être une spécificité. C'est-à-dire que la céramique, pour nous du conseil québécois, représente et les artisans et les artistes qui utilisent la céramique comme moyen d'expression. C'est cela qu'on demande au ministère, de reconnaître: la céramique. Entre autres, lorsque vou3 accordez des bourses de perfectionnement dans les métiers d'art à l'étranger, par exemple, il semble y avoir une très grosse hésitation de la part des jurys à accorder des bourses aux gens qui se disent artistes ou qui utilisent la céramique comme moyen d'expression. Voyez-vous. Parce qu'ils disent: Ces bourses-là, c'est pour des artisans. Nous, on se reconnaît comme artisans et comme artistes. Ce n'est pas le métier qui décide si la personne est artisan ou artiste, c'est

nécessairement le produit fini.

Les céramistes jouent dans deux plates-bandes en même temps. C'est très facile pour quelqu'un de dire: Vous êtes des artistes ou, d'autres fois, vous êtes des artisans.

Nous, ce que l'on recommande c'est que vous reconnaissiez la céramique comme un mode d'expression valable. Doit-elle être à l'intérieur des arts? Doit-elle être à l'intérieur des métiers d'art? Je pense que c'est un problème qui est fort discuté et discutable.

Maintenant, lorsqu'un jury touche à la céramique, qu'on reconnaisse, d'une certaine façon, cette spécifité. D'autre part, qu'on reconnaisse aux céramistes le droit de se regrouper en association. Parce qu'il semble, présentement, qu'il n'y ait qu'un interlocuteur au niveau des métiers d'art où nous nous retrouvons à cause du médium que nous utilisons. On demande au gouvernement de ne pas tomber dans ce piège-là et que, s'il y a un intervenant pour les métiers d'art, il peut aussi y avoir des intervenants à l'intérieur de ces disciplines qui se veulent des artistes.

Mais, on ne voudrait pas faire de différence. Nous, on dit comme regroupement, c'est "at large". C'est: et les uns et les autres. Ce qui se produit présentement, c'est qu'un groupe revendique l'exclusivité d'intervenir au nom des céramistes québécois.

Mme Bacon: Est-ce que je comprends bien votre message. Est-ce que vous parlez de discrimination, en ce moment, à l'égard de votre art?

M. Foulem: Oui, je pense qu'il y a une certaine discrimination qui se produit. Si vous permettez, je peux revenir à un autre point de nos recommandations. Premièrement, il y a définitivement discrimination. Concernant le premier volet des stages de perfectionnement en métiers d'art à l'étranger que votre ministère nous a accordé et qu'on était énormément content d'avoir. On reçoit une lettre de refus et on dit: La céramique n'est pas prioritaire en ce moment. On donne 200 000 $ et les céramistes sont exclus a priori. Maintenant, vous écrivez au ministère et vous demandez, en vertu de la loi 65, quels sont les critères et on vous dit; Monsieur, il n'y a pas de critères au dossier. Mais le gouvernement a quand même donné 200 000 $ de bourses de perfectionnement en métiers d'art à l'étranger. Où les céramistes ont été défavorisés à ce moment-là, c'est que, dans les métiers d'art, les céramistes constituent le groupe le plus scolarisé. Voyez-vous, on a dit: On va donner la priorité à ceux qui n'ont pas de scolarité.

Je pense que le rôle du gouvernement est d'encourager l'excellence et la polyvalence, Mme la ministre. Des choses comme cela, c'est un peu décevant pour les gens. On s'inquiète beaucoup de cette chose-là. Contrairement à ce que j'ai entendu tout à l'heure des sculpteurs, nous, les céramistes québécois qui faisons plutôt de la céramique d'expression, nous sommes très bien vus à l'étranger. On a un auditoire supérieur à l'étranger qu'au Québec. Même aux États-Unis et c'est surprenant, Mme la ministre. Un magazine américain voulait donner la page couverture à un céramiste québécois. Quand vous pensez - il y en a des millions, ils sont 200 000 000 aux États-Unis - qu'un Québécois puisse faire la page couverture d'un magazine et qu'il soit refusé au stage de perfectionnement en métiers d'art à l'étranger, je pense qu'il y a certaines choses qu'il faudrait voir. La céramique québécoise est très bien vue au niveau international. (22 h 15)

Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il y a deux paliers très différents. Il y a la céramique métier d'art pour les gens qui font le salon et il y a les gens qui font plutôt des expositions, mais qui sont aussi des céramistes. Et ce sont ces gens-là qui sont présentement défavorisés à plusieurs niveaux. Pour l'octroi des bourses, entre autres, on nous a dit que - maintenant, on ne l'a pas écrit - tous les gens qui avaient un diplôme ont été éliminés du concours en perfectionnement. C'est sur cela qu'on s'interroge. On ne vient pas vous demander de l'argent. On vous dit: S'il vous plaît, l'argent que vous avez à donner, donnez-le pour qu'il serve à la collectivité et à l'amélioration de la collectivité, mais pas qu'on nous dise: Les céramistes sont les plus instruits, on va attendre que tout le monde soit rendu là et après cela, on va leur en donner.

Je pense, Mme la ministre, que les céramistes québécois vont, par exemple, étudier aux États-Unis. Il faut comprendre qu'aux États-Unis, dans les universités, c'est compétitif. Si quelqu'un est accepté en maîtrise, aux États-Unis, c'est une compétition, ce n'est pas un privilège. Nos céramistes qui sont gradués avec un DEC du Québec vont aux États-Unis et ils font 100 % de moyenne en maîtrise contre les Américains. Je pense qu'il y a de quoi pavoiser, mais de là à ce que le ministère des Affaires culturelles refuse des bourses, je pense qu'il y a une très grande marge. Si le ministère donne des bourses de perfectionnement, je pense qu'on devrait clarifier, premièrement, ce qui est du perfectionnement et qu'on ne devrait pas utiliser cet argent pour du rattrapage.

Ce qui se produit présentement, c'est qu'on va donner l'argent aux moins scolarisés. Vous pouvez comprendre qu'il y a une certaine discrimination vis-à-vis des gens qui sont scolarisés. En plus de cela, les jurys sont auto-accrédités, c'est-à-dire que dans

les jurys, entre autres, pour les stages de perfectionnement des métiers d'art à l'étranger, premier volet, il devait y avoir deux maîtres artisans et il n'y en a pas eu dans le jury parce qu'on a dit qu'on n'a pas pu en trouver. Deuxième volet, qui vient d'être fini, la somme d'argent était moindre et, cette fois-ci, les personnes qui ont cautionné le jury, c'est le Conseil des métiers d'art du Québec.

Mme la ministre, je m'inquiète un peu de cela, parce que quand les brochures du ministère des Affaires culturelles sont sorties, je suis allé chez l'inspecteur des institutions financières et cette institution-là n'était pas agréée. Comment se fait-il que le ministère des Affaires culturelles demande à des personnes qui se sont autorisées elles-mêmes d'autoriser leur propre jury qui va donner des bourses à la collectivité? C'est cela qui nous inquiète beaucoup.

Il faudrait aussi prendre en considération le fait que quand on donne de l'argent pour du perfectionnement, il faudrait que ce soit nécessairement du perfectionnement.

L'autre chose que je voudrais vous signaler ici, c'est, par exemple, qu'il y a un système de bourses qui se donnent pour des études universitaires. Cependant, au Québec, il ne se donne pas vraiment de maîtrise en céramique au Québec ni même un bac. On donne ces bourses-là à des personnes qui n'ont même pas un DEC et les personnes qui font leur doctorat en céramique sont éliminées, c'est à ce moment-là qu'on s'inquiète au sujet du perfectionnement.

Mme Bacon: Vous avez demandé dans votre... J'ai pris beaucoup de notes pendant que vous parliez...

M. Foulem: C'est bien.

Mme Bacon: Je vais vérifier au ministère. Vous demandez la création de programmes justement encore plus spécialisés qui conduisent à des diplômes supérieurs au DEC. Ma question, c'est de vous demander d'étayer vos propos parce que cela rejoint un peu ce que vous venez de nous dire. Cela fait partie de vos préoccupations et c'est pour cela que vous voulez que nous allions à des études supérieures au DEC.

M. Foulem: Ah oui'. Mme la ministre, vous savez qu'à l'étranger, entre autres en Angleterre et aux États-Unis où les métiers d'art ont obtenu un statut vraiment au même niveau que l'artiste, la céramique et les métiers d'art s'enseignent à l'université. Cela veut dire que la personne qui suit son cours peut obtenir un bac ou une maîtrise. Au Québec, le nouveau système qui vient d'être instauré avec l'aide du ministère des Affaires culturelles, ce sont des AEC. Ce n'est même pas un DEC, Mme la ministre, ce sont 17 unités, lorsque, ailleurs, les étudiants en art, en métiers d'art, peuvent obtenir un bac et une maîtrise. Ce qui nous inquiète à part cela, c'est que ce système d'école parallèle est accrédité avec la bénédiction du ministère des Affaires culturelles et il n'y a eu aucune étude sur l'impact pédagogique d'un tel système et il n'y a aucune collaboration dans l'accréditation des ateliers-écoles avec le ministère de l'Éducation. Cela nous paraît aussi un peu dangereux surtout qu'on sait fort bien que les ateliers-écoles qui vont être accrédités, ce sera chez les artisans qui sont déjà en exercice.

Ce que nous réclamons, c'est qu'on puisse améliorer le système, c'est-à-dire qu'on pourrait avoir les deux. Ce qui est recommandé présentement par les artisans, c'est d'abolir le DEC. Nous considérons que le DEC, le diplôme d'études collégiales, c'est le strict minimum. Il faut quand même comprendre qu'on est dans un contexte nord-américain. Par exemple, en Nouvelle-Écosse, il y a moins de gens que dans toute la ville de Montréal et on y offre aux étudiants la possibilité d'obtenir un bac et une maîtrise. Au Québec, ce qu'on instaure présentement, c'est une AEC, 17 unités, c'est-à-dire une session de cégep. Je trouve que c'est de la dévalorisation et de la déscolarisation. Peut-être pour certains métiers d'art qui n'ont rien, mais en céramique on a quand même 50 ans d'enseignement de la pratique. Nos céramistes qui vont à l'étranger sont très bien reçus. Au Québec, on n'a pas les moyens d'aller perfectionner nos connaissances. Il faut comprendre que le système de bourses actuel, soit du Conseil des arts ou du ministère des Affaires culturelles, habituellement n'est pas favorable à quelqu'un qui voudrait aller se perfectionner dans une école. Pour nous, l'avantage et l'histoire qui était tellement intéressante du nouveau programme Stages de perfectionnement à l'étranger en métiers d'art, c'est que cela permettait à des personnes qui avaient déjà une formation d'aller se recycler et même d'aller poursuivre leurs études dans des milieux universitaires, chose qu'on ne peut pas faire ici.

Pour nous, c'était une amélioration. C'était vraiment merveilleux. Mais, quand on a vu ou est allé l'argent, on est un peu déçu de cette chose, voyez-vous.

Mme Bacon: En fait, votre préoccupation majeure est la formation.

M. Foulem: Le perfectionnement. Il y a deux choses.

Mme Bacon: Les deux.

M. Foulem: Et la formation qui existe. Mme Bacon: Et la formation.

M. Foulem: Voyez-vous, le problème, c'est que la formation existe déjà au Québec.

Mme Bacon: Oui, mais elle ne vous semble pas satisfaisante.

M. Foulem: Ce que Ies artisans disent, c'est: On en veut plus. Le DEC n'est qu'un strict minimum. Ce que le ministère des Affaires culturelles instaure présentement comme système d'éducation parallèle, ce n'est même pas un DEC. C'est une attestation d'études collégiales. C'est vraiment une sous-scolarisation.

Premièrement, en céramique, le minimum devrait être le DEC. Les autres, qu'ils aient un AEC c'est un autre problème. Après le DEC, les étudiants devraient pouvoir aller se perfectionner. Mais, pour le moment, il semble que la priorité soit le nivellement.

Mme Bacon: Quand vous parlez d'avoir votre juste part du marché nord-américain, qu'attendez-vous du ministère des Affaires culturelles comme geste?

M. Foulem: Notre juste part. On voudrait que le ministère encourage au moins deux avenues, que ce ne soit pas seulement le Salon des métiers d'art, que les gens qui font d'autre chose puissent aussi exposer. II faut comprendre que, entre autres, on parle dans notre document d'une galerie qui s'appelle Interaction, galerie d'expression céramique, qui a été aussi créée par des céramistes pour répondre à un besoin du milieu qui était un besoin de diffusion. Mais, un besoin c'est aussi un forum où les gens peuvent discuter, exposer et contester de façon plastique leur médium.

Cela n'existe pas et la galerie, qui était la seule au Canada, c'était la seule galerie parallèle au Canada qui était vouée à un métier d'art, c'était la seule galerie parallèle au Canada qui était consacrée à la céramique et c'était la seule galerie au Québec qui était consacrée à la céramique. Mais, à défaut de subvention, on a dû fermer nos portes. Heureusement que le ministère des Affaires culturelles nous a subventionnés et nous a donné 5000 $ par année deux fois. Il faut penser que peut-être avec 20 000 $ on serait encore ouvert. Je ne sais pas si vous, comprenez. Maintenant, peut-être que le ministère a donné énormément d'argent. Moi, ce que je pense être le problème, c'est que l'argent devrait être dépensé d'une façon plus cohérente. Il y a beaucoup d'incohérence dans les dépenses des hommes.

Si on dit: C'est la seule au Québec, peut-être qu'on devrait lui donner une certaine priorité. Si, par exemple, il y a cinq galeries de gravures... Ce n'est pas qu'une mérite plus que l'autre, mais c'est une question de survie et d'équité. Je pense que, quand vous accordez des bourses, cela devrait être pris en considération.

Mme Bacon: Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. Mme Doyon, M. Foulem, vous vous êtes présentés comme dissidents. Là-dessus, je dis qu'heureusement on vit dans une démocratie qui permet aux dissidents de venir en commission parlementaire. C'est quand même un avantage. Vous dites que vous représentez 70 membres. Je pense que je me fais le porte-parole de mes collègues en vous disant qu'on n'évalue pas les intervenants. Ce sont des gens qui représentent, qui viennent en fonction du contenu des mémoires qu'ils nous présentent. Si vous me le permettez, je vais aller droit au fond des choses dans le contenu de votre mémoire.

En page 4, vous demandez que les clauses du contrat modèle de CARFAC servent de balises en attendant la conception de vos propres contrats. Est-ce que vous pourriez me résumer brièvement les clauses de ce contrat modèle que vous suggérez?

M. Foulem: CARFAC recommande, par exemple, que chaque artiste qui participe à une exposition, dans un lieu public, soit payé. II y a des frais, c'est-à-dire que, si c'est une exposition de groupe, hypothétiquement, c'est 50 $; si c'est une exposition solo, c'est, mettons, 150 $, et, si c'est une exposition qui voyage, c'est un montant fixe. D'accord? Ce qui se produit présentement, c'est que les gens des métiers d'art, entre autres, et en céramique en particulier doivent, par exemple, payer de leur poche leurs frais d'inscription, 25 $, doivent soumettre des diapositives, etc., pour des expositions quelquefois subventionnées. Nous, on dit: C'est pratique courante chez les artistes, mais, en métier d'art, ce n'est pas pratique courante. Nous, on aimerait que le ministère, quand il donne une bourse, soit certain qu'une partie de cet argent va aux artistes. C'est un peu révoltant quand vous voyez que 50 000 $ sont accordés à une exposition et que zéro cent va aux artistes, que tout va en administration. Je pense qu'à ce moment-là, on devrait s'inquiéter un peu. C'est dans cet esprit que nous faisons cette recommandation-là.

M. Boulerice: Vous semblez reprocher au gouvernement une vision essentiellement mercantile de la production en céramique.

Quelle attitude souhaiteriez-vous ou attendez-vous du gouvernement actuel à votre égard?

M. Foulem: D'accord. Voyez-vous, ce qui se produit présentement, c'est que... Par exemple, le ministère des Affaires culturelles, en décembre 1983, a donné 755 000 $ pour créer une société de commercialisation des métiers d'art. Le ministère disait: Le marché institutionnel représente un potentiel de ventes fort intéressant, puisqu'une étude démontre que les compagnies consacrent en moyenne 5000 $ à l'achat de cadeaux. Mais je pense que, quand le ministre donne 750 000 $ pour promouvoir des cadeaux, c'est au détriment d'autre chose. Si le ministère de l'Industrie et du Commerce donne 750 000 $ pour des cadeaux, c'est tout autre chose que si le ministère des Affaires culturelles donne 755 000 $.

Maintenant les études, concernant les cours de formation en métiers d'art présentement, c'est basé exclusivement sur une étude qui a été faite au Salon des métiers d'art du Québec. C'est très clair, les objectifs visés par le perfectionnement sont de faire un produit qui est vendable. D'accord? Axer une génération de céramistes québécois ou axer la formation académique sur la production de cadeaux de Noël, je pense que c'est un peu décevant. Dans toutes les études que nous avons consultées, la préoccupation principale est... Cela est voilé sous deux termes: les besoins du milieu, d'une part, et le milieu n'est jamais défini. Mais, pour ce qui est des besoins du milieu, ce sont toujours les besoins du "milieu" MAQAM, Métiers d'art du Québec, SMAQ, Salon des métiers d'art du Québec. Nous, on dit: II y a un autre milieu, le milieu est bicéphale, au moins. Le ministère devrait prendre cela en considération et non pas axer la formation et tout sur la production d'objets de consommation. (22 h 30)

M. Boulerice: C'est cela. Vous êtes en train de me dire, M. Foulem, qu'il y a deux céramiques: il y a une céramique "cadeau" et une céramique, par contre, qui vise un plaisir intellectuel différent. D'accord.

Maintenant, quand vous dites que vous voulez votre part du marché nord-américain, dois-je comprendre, quant aux industries culturelles, puisque la céramique fait partie des industries culturelles, que vous souhaitez le libre-échange?

M. Foulem: Nous, nos préoccupations ne sont pas nécessairement mercantiles à ce stade-ci. C'est surtout une revendication au niveau des concepts et c'est surtout... Mais le libre-échange, pour nous, ce n'est pas un handicap ni une priorité.

M. Boulerice: Quand vous parlez de la part du marché nord-américain, vous parlez -comme on l'a entendu souvent au cours de la commission - de propriété intellectuelle surtout, mais non pas nécessairement de vente. D'accord.

M. Foulem: Oui. C'est cela. Un instant, Mme Doyon va...

Mme Doyon: Je ne crois pas qu'il faille voir cette partie... Il me semble que je n'avais pas écrit cela comme cela. Ce que j'avais vu, moi...

M. Boulerice: J'ai peut-être lu comme ça, moi, je ne sais pas.

Mme Doyon: Cela, c'est possible. Mais je l'avais davantage vu dans le sens, si vous voulez, de s'orienter non pas dans une part économique du marché nord-américain, mais au niveau des préoccupations, c'est-à-dire qu'on appartenait culturellement à l'Amérique du Nord peut-être davantage qu'à l'Europe ou à la France. Cet aspect nous apparaissait très important, beaucoup plus que la question économique. Je m'excuse, cela m'a échappé. Ce n'était pas tellement le côté économique comme le côté culturel.

M. Boulerice: Mme Doyon, vous avez parlé abondamment des expériences anglo-canadienne et américaine en matière de formation pour l'artisan. J'aimerais cela si vous pouviez un petit peu préciser. Cela se retrouve à la page 15, si je me rappelle bien votre mémoire.

M. Foulem: Oui, je peux vous expliquer cela. Comme je l'expliquais tout à l'heure à Mme la ministre, c'est que, à l'extérieur du Québec, entre autres on pourrait prendre, au Canada, la Nouvelle-Écosse, dans les États américains et en Angleterre, la formation des artisans ou des gens qui utilisent les métiers d'art se fait au niveau universitaire, ce qui ne se fait pas au Québec, d'une part. Donc, nous on pense que ça devrait être cette optique. Les priorités devraient être à ce niveau et non pas au niveau d'un strict minimum. Voyez-vous, les cours qui s'offrent présentement à l'Institut des métiers d'art de Montréal demandent un secondaire V et une certaine connaissance du métier, lorsque ailleurs, c'est un bac et une maîtrise. On est en compétition avec ces gens-là. Quand on va exposer sur une scène canadienne, pancanadienne ou internationale, on est quand même au même niveau que ces gens-là. C'est pour cela qu'on pense que le système d'éducation québécois est déficient à ce niveau. Cela devrait être une priorité du gouvernement au moins de donner la possibilité d'obtenir ces diplômes. Les artistes américains chevronnés, les

céramistes, entre autres - je pourrais facilement dire 80 % de ces artistes - ont une maîtrise en beaux-arts, tandis que la majorité des artisans québécois ont à peine un DEC. L'étude récente dit que pour la majorité, c'est à peu près douze ans de scolarité. Et que le ministère instaure cela comme système d'éducation, on trouve ça un peu dégueulasse.

M. Boulerice: Écoutez, je sais qu'on vous a fait attendre longuement. Il est déjà 22 h 35. Ce serait peut-être sadique de ma part d'aller dans les sept autres questions que j'avais. Ce que je pourrais peut-être faire, c'est de vous les adresser. On pourra continuer dans un échange de correspondance.

M. Foulem: Certainement, M. le député.

M. Boulerice: Je vous remercie pour votre participation et d'avoir répondu à mes questions. M. le Président, s'il y a d'autres questions de la part de la partie gouvernementale.

Le Président (M. Trudel): Vous m'enlevez les paroles de la bouche, M. le député de Saint-Jacques. Est-ce que d'autres membres de la commission ont des questions?

Il n'y a pas d'autre question.

Il me reste à mon tour, monsieur et madame, à vous remercier de vous être déplacés et, encore une fois, avec un avis qui était si court, d'avoir fait, j'allais dire, cette longue route. C'est peut-être parce qu'on la fait régulièrement qu'on la trouve longue. Quand on la fait moins régulièrement, on la trouve peut-être plus agréable. J'avais, moi aussi, quelques questions, mais il est quand même 22 h 35. Je pourrais peut-être les envoyer en même temps que celles de M. le député de Saint-Jacques.

Encore une fois, merci de votre présence et bon retour à Montréal!

Quant aux autres membres de la commission, je vous rappelle que nous allons reprendre nos travaux à 10 heures, demain matin et si vous pensez que vous avez connu la plus longue journée de la présente consultation, rassurez-vous, la journée de demain comprend neuf groupes que nous devrons rencontrer de 10 heures demain matin à quelque chose comme 22 h 30 demain soir. Je demanderais, encore une fois, aux membres de la commission - je ne dirais pas le mot discipline - de faire en sorte que demain, on puisse, dans la mesure du possible, consacrer une heure à chacun des organismes, ce qui fera déjà neuf heures de discussion avec la communauté culturelle du Québec.

Sur ce, les travaux de la commission sont ajournés à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 36)

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