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(Dix heures vingt-cinq minutes)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît!
II est 10 h 25 et je vois que M. le député de
Saint-Jacques prend sa place. Merci, M. le député. La commission
de la culture poursuit sa consultation générale sur le statut
économique de l'artiste et du créateur. Je constate que l'on a le
quorum. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplaçants?
La Secrétaire: Oui, Mme Blackburn (Chicoutimi) remplace M.
Godin (Mercier): M. Brouillette (Champlain) remplace M. Khelfa (Richelieu) et
M. Therrien (Rousseau) remplace M. Audet (Beauce-Nord).
Le Président (M. Trudel): Je fais remarquer que les
remplacements, ici, comme dans les autres séances de la commission et
pour d'autres genres de travaux, se font pour la journée. Vous me faites
signe que M. Therrien n'est pas là. On vient de me dire que M. Therrien
remplaçait le député de Beauce-Nord. De toute
façon, nous verrons bien dans le courant de la journée.
Je rappelle aux membres de la commission que nous avons un horaire
très chargé puisque nous devons entendre sept groupes au cours de
la journée. Les travaux se poursuivront jusqu'à 13 heures ce midi
et reprendront après la période des affaires courantes,
c'est-à-dîre vers 16 heures pour se poursuivre jusqu'à 18
heures et de 20 heures à 22 heures ou 22 h 10, comme hier soir, s'il
faut se rendre jusque là. La journée est consacrée en
entier à entendre les représentations des associations
professionnelles d'artistes et de créateurs. Nous commençons par
la Conférence des associations de créateurs et de
créatrices du Québec qu'il me fait plaisir de saluer et à
qui je souhaite la bienvenue. Nous avons Mme Claudette Fortier que nous avons
vue hier soir; M. Jean-Yves Collette qui n'a pas parlé encore mais qui
était présent hier aussi; M. Gaétan Patenaude; Mme
Séguin que nous avons eu le plaisir d'entendre également hier et
Mme Jacqueline Lemay. M. ou Mme la présidente, je vous cède la
parole. Compte tenu du fait qu'on a sept mémoires à entendre,
est-ce qu'on pourrait vous demander de bien vouloir résumer le
vôtre?
Encore une fois, ces mémoires ont été lus par les
membres de la commission et les résumés en ont été
faits. Si vous voulez simplement procéder à nous faire un
résumé de votre position, cela nous donnera davantage de temps
pour un échange de vues. Merci.
Conférence des associations de créateurs
et créatrices du Québec
M. Collette (Jean-Yves): M. le Président, Mme la ministre,
Mmes et MM. les députés, au nom de la Conférence des
associations de créateurs et créatrices du Québec, je
voudrais tout d'abord vous remercier de nous avoir invités à
participer aux audiences de la commission de la culture. Avant de commencer, je
voudrais vous demander la permission, M. le Président, de déposer
un petit supplément à notre mémoire. Il s'agit de la liste
des associations membres, de même qu'une modification et un ajout
à nos recommandations. J'ai préparé les 25 exemplaires
réglementaires.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
président.
M. Collette: Merci. J'ajouterai également que la
Conférence des associations des créateurs et créatrices du
Québec appuie la démarche très importante de l'Union des
artistes pour qu'une loi vienne confirmer, entre autres choses, le principe de
la négociation obligatoire. 5i nous n'en avons pas fait notre cheval de
bataille, c'est que notre attention était retenue par d'autres dossiers.
Mais quelques-unes de nos recommandations impliquent nécessairement que
voie le jour une loi comme celle que réclame l'Union des artistes.
Notre mémoire et nos recommandations, à quelques
exceptions près, sont d'ordre général. Cela relève
du caractère même de notre conférence qui regroupe
plusieurs organismes et qui doit composer avec une multitude d'opinions. C'est
pourquoi nous ne retenons que ce qui, chez nous, fait consensus. M. le
Président, nous avons fait notre devoir en préparant ce
mémoire. Les membres de la commission ont fait le leur en en prenant
connaissance. Nous nous abstiendrons donc d'en faire lecture de manière
à laisser le plus de temps possible à
la discussion et aux questions auxquelles nous tenterons de
répondre au meilleur de notre connaissance.
Mais, avant de vous rendre la parole, la Conférence des
associations de créateurs et créatrices du Québec voudrait
féliciter Mme la ministre des Affaires culturelles d'avoir pris
l'initiative de cette commission. Il n'est pas rare de voir le Québec
innover et, encore une fois, le gouvernement du Québec pourra servir de
modèle aux autres gouvernements du Canada. Je vous remercie, M. le
Président,
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le président.
Mme la ministre.
Mme Bacon: M. le Président, j'aimerais mentionner tout de
suite que le mémoire qui a été soumis par la
Conférence des associations de créateurs et créatrices du
Québec est un des excellents mémoires que nous avons lus parce
que vous avez réussi à bien articuler non seulement les
problématiques mais aussi les solutions. Votre connaissance du milieu
reflète aussi votre expérience du milieu et fait que vos propos
sont fort justes dans votre mémoire.
Vous avez aussi mentionné dans la présentation de votre
mémoire que toutes les prises de position de la Conférence des
associations de créateurs et créatrices du Québec font
l'objet de consultations auprès des membres et comportent un accord
unanime, tacite ou actif. J'arriverai immédiatement, parce que c'est le
but de nos rencontres, à ma première question: Quel est le type
de consultations que vous avez conduit à travers vos membres? Vous dites
que c'est vraiment un accord unanime. Comment va-t-on chercher un accord
unanime, tacite ou actif, de ses membres?
M. Collette: La chose varie selon les circonstances, mais, dans
ce cas particulier, nous avions rassemblé depuis plusieurs mois
déjà des opinions ou des avis qui venaient de la plupart des
associations, mais pas nécessairement de toutes les associations, parce
qu'il faut dire que les gens ont chacun leurs dossiers, chacun leurs urgences,
et le niveau de travail dans un groupe ou dans un autre peut varier. Alors,
nous avons rassemblé tout ce que nous avions et nous avons fait autour
de cela des réunions de travail pour essayer de voir tout ce qui
concordait, allait dans le même sens, ce qui pouvait se traduire en
recommandations ou non. Le tout a été, si on veut, enrobé
par la connaissance que l'on a du milieu.
Un premier brouillon de mémoire a été fait et
envoyé à tout le monde, avec demande de commentaires et de
réflexions, de changements, d'autres propositions ou d'ajouts. Nous
avons encore une fois recueilli l'ensemble de tout cela que nous avons
réintégré, corrigé, aménagé, etc.
Ensuite, nous avons une deuxième fois envoyé une version finale
du mémoire à tout Le monde en demandant un avis définitif,
si on veut. Le seul ennui que nous avons eu dans ce sens-là, ce sont les
délais qui étaient relativement courts pour peut-être avoir
des réactions plus étoffées, mais,
généralement, il faut dire que la conférence existe depuis
cinq ans, nous nous voyons relativement régulièrement et il n'y a
pas des centaines de dossiers sur lesquels on travaille. Donc, tout cela finit
par converger et aller dans le même sens, d'une manière ou d'une
autre.
Mme Bacon: Est-ce qu'il serait possible de croire -
réalité ou rêve à réaliser - qu'il y ait une
rencontre entre le ministère des Affaires culturelles et le milieu?
C'est pour cela que je voulais que vous explicitiez davantage sur la
façon de tenir votre consultation, d'abord, avec la Conférence
des associations de créateurs et créatrices et avec d'autres
associations comme celles qui viennent noua voir ici à cette commission
parlementaire. On pourrait penser à une grande rencontre une fois l'an
du milieu culturel avec le ministère des Affaires culturelles. Est-ce
que vous pensez qu'on devrait le faire, comme vous l'avez fait, à partir
de documents précis sur lesquels on devrait discuter et établir
un ordre du jour avec le milieu? Est-ce que vous pensez que cela pourrait
être réalisable?
M. Collette: En effet, je pense que ce serait réalisable
et je suis très heureux que vous mentionniez cela, parce que, à
un moment donné, on a beau discuter entre nous, il nous manque des
éléments. Il nous manque les éléments de
faisabilité de certains dossiers et cette proposition est très
intéressante. Il faudrait cependant faire en sorte qu'elle soit la plus
souple possible, de façon à pouvoir... Il y a certaines
circonstances officielles - je dirais peut-être comme aujourd'hui - qui
permettent de dire des choses clairement, en discuter, etc., mais qui ne
permettent pas l'espèce de discussions à bâtons rompus qui
font quelquefois avancer les choses. On trouve des solutions au fil de la
discussion.
On pourrait effectivement, à partir de projets d'ordre du jour
venant des associations et venant du ministère, essayer de faire un
ordre du jour et prévoir deux journées annuelles pour des
discussions, des réunions, des ateliers peut-être un peu plus
formels, suivis de discussions libres, suivies d'ateliers, etc., qui
permettraient...
Mme Bacon: Un cadre souple, pas un cadre comme la commission
parlementaire qui est un peu plus rigide.
M. Collette: Oui.
Mme Bacon: D'accord. Vous appuyez la position de l'UDA telle
qu'on nous l'a soumise hier. Est-ce que vou3 demandez que le projet de loi
suggéré constitue une politique globale? Est-ce qu'à vos
yeux cela constitue une politique globale en vue de revaloriser le statut de
l'artiste? Est-ce que vous retrouvez dans ce projet de loi l'ensemble des
propositions que votre milieu voudrait faire?
M. Collette: II faudrait que je réussisse à nuancer
le plus possible ma réponse. Nous appuyons la position de l'Union des
artistes parce qu'il nous semble que cette démarche est un pas
très important et qui ne nous sert pas nécessairement en tant que
créateurs et créatrices maintenant, mais qui pourra nous servir
éventuellement. La position des interprètes est assez
particulière. En tout cas, elle est différente de celle des
créateurs qui travaillent souvent de façon isolée,
contrairement aux interprètes qui, eux, doivent travailler avec des
sociétés, des grandes compagnies, etc. Quitte aussi à ce
qu'ils travaillent avec des organismes plus petits, mais quand même!
Il y a des points qui, chez les créateurs ou, en tout cas, en ce
qui concerne les associations de créateurs et créatrices, nous
serviraient. Je vais vous donner un exemple. C'est peut-être plus facile
comme cela. À l'Union des écrivains québécois, par
exemple, qui fait partie de la conférence et qui sera entendue ce soir,
nous avons négocié avec l'Association des éditeurs, en
1980, un contrat type d'édition. On est arrivé à un texte
final du contrat en 1981. Le contrat a été publié. Il a
été rendu disponible mais l'Association des éditeurs,
après avoir fait tout ce travail pendant un an et demi avec nous, s'est
refusée à entériner le contrat type. Elle s'est aussi
refusée à demander à ses membres, qui sont loin
d'être tous les éditeurs, d'appliquer ce contrat-là.
Il me semble que, s'il y avait un cadre juridique quelconque incitant
fortement les parties à se rencontrer et à s'entendre sur des
minima, cela favoriserait d'une manière générale la
situation des créateurs et des créatrices dans un domaine ou dans
un autre. Je vous donne l'exemple des écrivains parce que c'est un
domaine que je connais bien. Mais la même situation peut se reproduire,
par exemple, entre des directeurs de galerie et des artistes en arts visuels
qui ont besoin d'un contrat d'exposition. Actuellement, les contrats
d'exposition sont très variés; pas nécessairement à
l'avantage des artistes. Il y a toutes sortes de situations un peu bizarres. M.
Demers, de l'UDA, a parlé hier du rapport de forces qui est
nécessaire à toute négociation raisonnable. Ce rapport de
forces n'existe pas non plus pour les créateurs et les
créatrices, pas plus que chez les interprètes avec un
producteur.
Cela ne nous semble pas être ce qui règle le
problème dans son entier mais cela semble être un
élément important dans cette direction.
Mme Bacon: Mais c'est quand même une évaluation que
vous faites de votre expérience. À ma connaissance,
l'expérience de la conférence est presque unique. Vous avez quand
même réussi, malgré la diversité de vos disciplines,
à travailler ensemble sur des dossiers communs. Vous en mentionniez
quelques-uns: celui des droits d'auteur, celui de la fiscalité, celui de
l'assurance-chômage. Ce sont des dossiers sur lesquels vous avez
réussi à travailler ensemble.
Si vous aviez à faire une évaluation de votre
expérience, en quelques mots, parce que je ne voudrais pas que cela soit
exhaustif, comment la feriez-vous? Quel avenir voyez-vous à la
conférence, dans ce cadre-là?
M. Collette: Je pense que ce qui a été le plus
difficile et ce qui fait qu'en même temps ce qu'on a réussi
à faire est d'autant plus précieux, c'est qu'il faut trouver des
sujets de préoccupation. Enfin, il y a suffisamment de sujets de
préoccupation qui arrivent mais il faut choisir parmi ceux-là,
pour notre travail, celui ou ceux qui, vraiment, rejoignent tout le monde.
Par exemple, ce qui a fait notre succès - je le dis humblement
mais je pense que c'est, de ce côté-là, une grande
réussite dans le domaine de la Loi sur le droit d'auteur -c'est la
cohésion que l'on a obtenue de la part de l'ensemble des associations,
leur implication dans les discussions qui ont duré plusieurs mois et les
nombreuses versions, "reversions", etc., qui nous ont permis d'arriver à
une position unanime, cette fois-là, très très forte et
très soutenue par les associations. C'est le fait que cette question
concernait vraiment tout le monde, à tous les niveaux.
Si on s'occupe d'autres dossiers, il faut vraiment pouvoir
réussir à trouver les dossiers qui sollicitent l'attention de
tout le monde, de façon permanente. Si on ne trouve pas cela, on a un
peu de difficulté à maintenir l'attention et, donc, à
maintenir la cohésion de l'ensemble. Je pense que ce qui crée
aussi ces difficultés, c'est le fait que chaque organisme, chaque groupe
a toutes sortes de réunions. C'est le problème bien connu de la
"réunionite". Il y a toutes sortes de groupes, toutes sortes
d'implications et toutes sortes de réunions. À un moment
donné, cela fait qu'on n'en peut plus des réunions. Il n'y a que
les dossiers superimportants qui réussissent à passer pardessus
cela.
Si on pouvait réaliser la proposition que vous faisiez tout
à l'heure, j'ai l'impression qu'il serait beaucoup plus facile, par
exemple, de faire le tour de table annuel et voir ce qui se passe dans
le milieu plutôt que de tenter, un peu artificiellement, s'il n'y a pas
d'urgence quelque part à cause d'une commission- parlementaire, d'un
comité d'étude ou des choses comme cela, ce serait beaucoup
facile, dis-je, de faire le tour de la question et de voir comment les choses
pourraient évoluer sans mettre en place une structure comme celle de la
conférence, par exemple. Ce qui ne veut pas dire que, s'il arrivait un
autre dossier aussi important que le droit d'auteur ou le statut de l'artiste,
il ne faudrait pas se réunir pendant plusieurs semaines, etc., pour
étudier cette question.
Mme Bacon: Concernant le développement de la vie
professionnelle et compte tenu de votre expérience, est-ce que vous
croyez souhaitable et même possible que les différentes
associations de votre milieu mettent en commun des ressources, des services?
Est-ce que cette formule permettrait de faire des économies, par
exemple, pour accroître l'efficacité en matière de
défense des intérêts des créateurs et des
interprètes? Est-ce qu'on peut penser que c'est une chose possible?
M. Collette: Je pense que c'est une chose possible. En tout cas,
au niveau théorique, lorsqu'il s'agit de dossiers qu'il faut discuter
sur papier, je pense que oui. À d'autres niveaux, si vous pensez
à des niveaux techniques, des échanges de services, j'ai
l'impression qu'il faut que les organismes aient des affinités quelque
part entre eux et non pas au sens général du terme. Au niveau de
la discussion et de l'établissement des politiques qui nous concernent,
oui, je pense bien que oui.
Mme Bacon: À la page 9 de votre mémoire, vous
indiquez dans vos recommandations "que le gouvernement envisage la mise en
place d'un système de prêt ou d'échange d'employés
entre la fonction publique et les associations professionnelles." Comment
voyez-vous le prêt ou l'échange d'employés entre la
fonction publique et les associations professionnelles? Est-ce que vous
pourriez peut-être détailler un peu?
M. Collette: Oui. L'objectif que nous avions en inscrivant cette
recommandation, c'est de favoriser l'échange de connaissances,
l'échange d'expériences, jusqu'à un certain point. Cela
relève aussi d'une expérience que nous avons faite à
l'Union des écrivains. Vous avez dit, à deux reprises
jusqu'à maintenant: La conférence, compte tenu de son
expérience, etc. Je vaudrais vous dire que l'expérience de la
conférence c'est la compilation de l'expérience de chacune des
associations. Je vous en donnerai maintenant un exemple.
À l'Union des écrivains, en 1983 ou 1984, il y avait un
immense congrès de professeurs de français qui se tenait à
Québec et l'Union des écrivains occupait le quart de ce
congrès avec un colloque sur la culture et la technologie. Bien
sûr, quand il s'agit d'organiser un truc comme cela, il faut chercher des
fonds, il faut engager quelqu'un pour s'occuper de la coordination et tout, et
les salaires sont toujours une partie importante des budgets.
On a fait une demande et te ministère des Affaires culturelles,
je pense, à ce moment ou à un autre - je pense que ce sont les
Affaires culturelles - nous a proposé, plutôt que de nous donner
25 000 $ pour un coordonateur pendant six mois, de nous prêter un
fonctionnaire qui était en disponibilité. Bien sûr, on a
dit oui, très bien, mais pas n'importe quel, pas n'importe quelle. De
toute façon, on a rencontré des gens et on est tombé,
peut-être que c'est une expérience extrêmement heureuse, sur
une personne très compétente et qui nous a rendu de grands
services. On s'est dit que si la chose se représentait il faudrait
répéter l'expérience.
De la même façon, des tas de personnes qui travaillent dans
les organismes professionnels dans le domaine de la création ne
connaissent pas le fonctionnement des ministères, etc. Elles pourraient
faire des stages et comprendre un peu mieux les mécanismes, les
implications des divers-programmes et des divers dossiers.
Mme Bacon: À la page 9, je crois, vous parlez aussi
d'intensifier les rencontres entre les créateurs, les
élèves et les étudiants de tous les niveaux
d'enseignement. Est-ce que vous pourriez en dire un peu davantage? Est-ce que
vous avez des dossiers précis en ce moment en cours ou si ce sont des
choses que vous aimeriez voir réaliser?
M. Collette: C'est une sorte de souhait. Encore une fois, il faut
que je me réfère à une expérience vécue, ce
sont les rencontres avec les écrivains dans les maisons d'enseignement.
Ces rencontres semblent répondre vraiment à un besoin dans la
mesure où la demande est incessante, et on ne peut pas répondre
à toutes les demandes tellement il y en a. (10 h 45)
D'autre part, ces démarches des créateurs, des
créatrices dans les maisons d'enseignement leur permet, si on peut dire,
de... Cela fait partie de leur travail, me semble-t-il, de diffuser leurs
connaissances et de faire connaître leur discipline aux gens qui sont
plus jeunes. C'est pour cela que je dis que cette mesure préparera
éventuellement des clientèles ou même susciterait des
vocations. Cette recommandation vise aussi à
soutenir, selon nos moyens, la recommandation ou le projet qui avait
été présenté par le Conférence canadienne
des arts, section Québec, en ce qui concerne l'implication plus grande
des créateurs et des créatrices dans les maisons d'enseignement.
Il ne s'agit pas - je pense qu'il faudrait le préciser à cause
des discussions qui tournent maintenant autour du monde de l'enseignement - de
remplacer les enseignants; il ne s'agit pas d'être là comme du
personnel d'appoint non plus, mais il s'agit de trouver une formule qui soit
vraiment une formule de collaboration de façon que l'écrivain
qui, par exemple, rencontre des étudiants dans une classe puisse devenir
une sorte d'instrument ou un support au cours qui est donné à ce
moment-là.
J'avoue que les expériences qu'on a vécues jusqu'à
maintenant nous démontrent que dans la grande majorité, environ
70 % des cas, les enseignants et les étudiants sont très
satisfaits de ce genre d'événement. Cela a l'intérêt
de la démystification. On sait que, par exemple, un écrivain ou
un graveur, cela existe, que ce n'est pas vraiment seulement une image, que
c'est quelqu'un d'accessible. Cela permet de répondre non seulement
à des questions touchant la création, mais d'ordre technique
également. Cela permet aux étudiants et aux étudiantes de
voir que ces choses-là 3ont accessibles, ce qui n'est pas le cas si on
n'a jamais entendu parler de cela avant de sortir de l'école.
Mme Bacon: Comment voyez-vous la mise en oeuvre d'une politique
concernant l'attribution de contrats de rédaction, de conception,
d'illustration, même de services audiovisuels à des
créateurs? C'est à la page 10, je pense.
M. Collette: Vous parlez de ce qui est à la page 10.
Mme Bacon: C'est à la page 10 de votre mémoire.
M. Collette: Oui. Les trois recommandations qui sont là
sont trois aspects d'une même démarche. Ce qu'on demande, dans le
fond, c'est que s'il y a de l'argent gouvernemental engagé, par exemple,
donné sous forme de subventions à un organisme qui utilise des
créateurs et des créatrices, dans les conditions de versement des
subventions, le ministère des Affaires culturelles ou même
n'importe quel autre ministère du gouvernement s'assure que les
créateurs et les créatrices soient respectés
financièrement et contractuellement dans ce domaine. On demande au
gouvernement, pour ses contrats à l'interne, de donner l'exemple, si on
veut, et de faire la même chose, c'est-à-dire de faire en sorte
que le respect du droit d'auteur, par exemple, soit clairement établi -
mais il n'y a pas vraiment de problème de ce côté - que les
sommes versées aux créateurs et créatrices soient
suffisantes et raisonnables. Peut-être que les méthodes de
versement pourraient être différentes. Plutôt que des
forfaits, cela pourrait être des redevances parce que, souvent, les
forfaits ne permettent pas -cela fait un montant intéressant d'un coup
-de savoir quelle va être la vie de l'oeuvre qui est vendue à ce
moment-là et quels seront les "découlants" de cette vente par la
suite. Je ne sais si j'ai répondu entièrement à votre
question, mais...
Mme Bacon: Oui, c'était dans les trois recommandations que
vous faisiez à la page 10 de votre mémoire. Cela va. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. le Président, je voudrais saluer de
nouveau Mme Lemay, Mme Séguin et M. Patenaude, qu'il me fait plaisir de
revoir, de même que Mme Fortier et M. Collette. En voyant s'ajouter M.
Collette, je me suis dit qu'il y aurait des économies de coût
à la prochaine commission que de la tenir dans Saint-Jacques.
Une voix: II n'en manque pas une.
M. Boulerice: Je ne rate jamais cette occasion-là, vous
devrez vous y habituer rapidement.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Saint-Jacques, la première commission itinérante que nous
tiendrons passera au moins une demi-journée dans Saint-Jacques. On
commencera sûrement dans Chomedey, M. le député de
Saint-Jacques.
Mme Blackburn: Et à Chicoutimi. Mme Bacon: Ma
crainte, c'est...
Le Président (M. Trudel): Et on passera également
par Bourget, merci.
M. Boulerice: Une demi-journée dans Chicoutimi, je vous le
concède et au moins une semaine dans Saint-Jacques.
Mme Bacon: Ma crainte, c'était que le député
de Saint-Jacques demande que la rencontre du ministère des Affaires
culturelles avec le milieu se tienne dans Saint-Jacques.
M. Boulerice: Dans mon bureau de comté, voilà! II y
a de la place pour vous recevoir et on en serait très heureux. Mais,
au-delà de cette blague qui détend
l'atmosphère, j'aurais une question assez précise à
vous poser. J'aimerais que vous m'explicitiez davantage la nature des
problèmes que vous avez en termes d'admissibilité à l'aide
juridique pour les artistes créateurs et créatrices. Vous y
faites allusion de façon très spécifique dans votre
mémoire.
M. Collette: C'est qu'il y a souvent des problèmes que les
artistes rencontrent dans l'application de leur contrat par exemple. Les sommes
en jeu sont souvent relativement minimes, malheureusement. Lorsqu'il s'agit de
récupérer, admettons, 1500 $ et qu'il en coûte, devant les
tribunaux habituels, 2500 $, les gens démissionnent et laissent tomber
la réclamation qui pourrait être acheminée à un
tribunal quelconque.
La raison et les conséquences d'une telle situation sont les
suivantes. C'est qu'il n'y a presque pas de jurisprudence qui s'établit;
il n'y a pas de référence par rapport à d'autres cas, ce
qui permettrait, à un moment donné, de faire l'histoire
juridique, si on veut, l'histoire du droit d'auteur dans le domaine des
tribunaux; en tout cas, de créer des précédents qui
aideraient les gens à se débrouiller un peu mieux.
Les artistes, les créateurs, les créatrices se retrouvent
donc dans la situation où, parce qu'ils ont un emploi ailleurs la
plupart du temps, ils ne sont pas admissibles à l'aide juridique. Cela
n'enlève rien aux problèmes qu'ils ont. Si on pouvait leur
permettre de faire des réclamations dans le domaine qui les concerne,
que leur admissibilité à l'aide juridique soit basée sur
les revenus qu'ils ont dans le même domaine, cela nous semblerait plus
équitable. Même si quelqu'un gagne 30 000 $ ailleurs et qu'il
gagne 3000 $ ou 5000 $ en tant que créateur ou créatrice, il n'y
a pas vraiment de raison pour que son emploi ordinaire, si l'on veut, finance
le secteur de son activité qui est strictement lié à la
création.
M. Boulerice: D'accord. Est-ce que vous pourriez m'indiquer
quelle est la nature des principales déficiences qui sont
constatées en matière de santé et de
sécurité du travail chez les artistes créateurs?
M. Collette: Là, M. le député, vous nous
posez une question qui est très vaste dans le fond, parce qu'à la
conférence on regroupe toutes sortes d'organismes. Il y a des organismes
dans le secteur des arts visuels, dans les domaines de l'écrit, des arts
d'interprétation, de la musique, etc. Cela varie beaucoup d'un secteur
à l'autre.
Par exemple, il y a évidemment le problème des danseurs,
en ce qui concerne les arts de la scène, dont M. Patenaude va vous
entretenir juste après, je pense. Alors, je m'abstiendrai, si vous me
permettez, je pense qu'il va être beaucoup mieux placé que moi
pour donner des exemples précis de ce qui se passe.
Chez les musiciens, toujours dans le domaine des interpètes, il y
a certains problèmes qui sont liés à la pratique d'un
instrument. On m'a dit que certains violonistes, par exemple, après un
certain nombre d'années, développent des espèces de
déformations dans leur corps, il leur pousse des - passez-moi les
détails - bosses. Il arrive toutes sortes de situations de ce genre.
Il y a aussi les problèmes d'accidents. Ce sont des
problèmes qui peuvent arriver aux comédiens, aux danseurs et aux
instrumentistes. Évidemment, on n'a jamais encore eu de cas
d'écrivains agressés par leur crayon ou par leur ordinateur,
peut-être que cela viendra.
Mme Démidoff-Séguin (Tatiana): Dans le domaine des
arts visuels, cette question est très importante parce que les artistes
ont à travailler avec des matériaux qui sont dangereux et ils ne
connaissent pas toujours les dangers inhérents à ces
matières. On trouve, après plusieurs années de pratique,
comme chez les graveurs, par exemple... Certains de nos grands graveurs sont
tellement intoxiqués par les produits qu'ils ont utilisés toute
leur vie qu'ils ne peuvent plus entrer dans certains ateliers de gravure;
simplement le fait d'y entrer suscite des malaises et ils doivent ressortir. On
retrouve les mêmes dangers chez les sculpteurs qui doivent travailler
avec de la pierre ou d'autres matériaux qui font beaucoup de
poussière et qui ont des émanations nocives. Il y a aussi les
accidents parce qu'ils se servent d'outils qui sont dangereux. Ils peuvent se
couper facilement un doigt; cela arrive de temps en temps.
Donc, on a de gros problèmes de ce côté, des
problèmes d'information pour les artistes et des problèmes de
sécurité pour les ateliers. Cela aussi peut se régler avec
des subventions ou des programmes adaptés à cela.
M. Collette: Avons-nous bien répondu à votre
question? J'ai l'impression que l'on a répondu par des exemples de
problèmes qui se posaient. Est-ce que c'est...
M. Boulerice: Oui, mais j'aimerais bien entendre M. Patenaude
parce que je sais que la danse présente des problèmes tout
à fait particuliers. M. Toussaint, hier soir, a déjà un
peu levé le voile, mais je pense que vous allez enrichir nos
connaissances à ce niveau et je pense que c'est très
important.
M. Patenaude (Gaétan): Merci, M. Boulerice. M. le
Président, concernant la
question de la santé et de la sécurité au travail,
j'aurai l'occasion d'en parler lorsque je discuterai au niveau de la
présentation du mémoire du regroupement de façon
détaillée, parce que la question de la santé et de la
sécurité au travail, au niveau des interprètes, est bien
particulière, le métier d'interprète occasionnant une
usure importante du fait de l'exercice du métier. Comme, ici, on est au
niveau d'un regroupement d'associations de créateurs, la question de
l'interprète est mise... non pas qu'elle est moins importante, sauf
qu'elle n'a pas été débattue. Mais je renchérirais,
comme mes collègues l'ont fait dans d'autres secteurs. Il y a des
pratiques dans des métiers comme cela où il y a des produits
toxiques, comme dans les arts visuels.
En ce qui concerne la danse, en ce qui concerne le créateur comme
tel, c'est moins aigu. Le problème se pose surtout au niveau des
interprètes. C'est surtout au niveau des interprètes que la
situation de la santé et de la sécurité au travail se pose
et qu'il sera nécessaire, selon nous, de mettre sur pied un programme
spécifique en ce qui a trait à la prévention et à
la protection.
M. Boulerice: Vous avez dit, au début, que vous endossiez
le projet de loi de l'UDA. Alors, vous êtes conscient que le projet de
loi de l'UDA mènera à une loi face à certains producteurs,
à certains entrepreneurs du secteur privé?
M. Patenaude: La question s'adresse à moi?
M. Boulerice: Je vous demande si vous êtes bien conscient
de la portée de la loi?
M. Patenaude: M. Collette parlait, tout à l'heure, de
nuancer l'appui au projet. De ce que je connais du projet de loi - je n'ai pas
eu connaissance de ce qui a été présenté hier - je
sais pertinemment que nous endossons le principe d'une reconnaissance juridique
d'un statut pour l'artiste. La nuance que l'on doit faire, compte tenu de notre
milieu particulier, c'est de voir comment va se faire le travail de
représentation et la mise en place de ces négociations entre les
producteurs et les artistes au niveau des créateurs, au niveau des
interprètes. Dans le milieu de la danse en particulier, on rencontre
souvent des producteurs qui sont aussi des artistes. Il y a un double statut
entre producteurs et employeurs. Il y a des gens qui sont directeurs
artistiques, chorégraphes et, en même temps, ils se trouvent
à engager des danseurs. Donc, ils sont dans une situation de double
statut, comme on l'est par rapport à la fiscalité. Que l'on
reconnaisse un statut juridique à l'artiste est souhaitable. Il faut
voir toutes les modalités d'application de cette reconnaissance et quels
seront les rôles des associations, quels sera l'encadrement qui sera
nécessaire. À ce niveau, nous endossons le principe d'un statut
mais nous mettons nos réserves sur l'application des modalités de
reconnaissance du statut.
Mme Fortier (Claudette): Les associations au sein du regroupement
n'ont pas toutes la même vocation, si je peux dire. Certaines des
associations ont pour objectif de promouvoir le secteur qu'elles
représentent. Par exemple, le CEAD a un mandat de promotion du
théâtre et non pas de défendre les artistes et certains
autres groupements. La réflexion, à ce niveau... En ce qui
concerne les associations qui ont le mandat de représenter leurs membres
et de les défendre économiquement, nous sommes persuadés
qu'il faille avoir une loi qui consacre la particularité du statut des
artistes. Nos collègues de l'UDA ont proposé leur démarche
et leur réflexion. Je pense que c'est un très grand pas. (11
heures)
M. Boulerice: À la page 14, è "Recommandations: Vie
professionnelle", je lis: "Que le gouvernement, de la manière la plus
systématique possible, délègue aux associations de
créateurs et de créatrices la responsabilité de programmes
de développement". Est-ce que vous iriez jusqu'à ajouter
"programmes de développement et de perfectionnement"? Je vous pose la
question parce que, dans le domaine de l'éducation où
j'étais il y a quelque temps, il existe des programmes très
décentralisés, surtout des programmes de cogestion au niveau du
perfectionnement. Cela se fait, en tout cas selon la dernière
évaluation quand même récente, soit celle du 1er
décembre 1985 je crois, à la satisfaction des deux parties.
M. Collette: Alors, de ce côté-là, oui,
j'ajouterais, éventuellement, "de perfectionnement", quoique j'aie
l'impression que la nécessité se ferait sentir d'une façon
différente d'une association à l'autre. Il y a des
différences, comme je le disais tout à l'heure, entre nos
associations. Il y a des différences, en particulier, au niveau de leurs
moyens ou de leurs structures, ce qui fait que certains organismes pourraient
se sentir prêts, maintenant, à gérer ou à
cogérer des programmes de développement ou de perfectionnement,"
tandis que d'autres-diraient: Oui, on trouve que c'est important, mais il vaut
mieux que l'État le fasse ou qu'un autre groupe, ou que les
écoles, les maisons d'enseignement le fassent, parce qu'on n'a pas les
moyens de le faire. Ce qu'on a voulu signaler de cette
manière-là, c'est la disponibilité d'un certain nombre
d'organismes à le faire, de façon à acquérir petit
à petit des compétences ou à développer des
compétences qui sont déjà là et qui
pourraient servir davantage afin que, de manière
générale, le milieu se développe de façon plus
harmonieuse et avec la plus intéressante autonomie. En gérant des
programmes comme ceux-là, par exemple, plutôt que de recevoir une
subvention, on reçoit un contrat; donc, on travaille à faire des
choses et on est moins à la charge de l'État. On rend des
services et c'est avec les services qu'on vend ou que l'on fait, que l'on
subsiste.
M. Boulerice: Merci.
La Présidente (Mme Harel): M. le député de
Saint-Jacques, vous avez d'autres questions?
M. Boulerice: Non, ça va.
La Présidente (Mme Harel): Je pense qu'il était
dans l'ordre d'entendre Mme la députée de Matane? Vous aviez
demandé la parole?
Mme Hovington: Je ne sais pas si je suis dans l'ordre, mais
j'avais demandé la parole.
La Présidente (Mme Harel): Mon prédécesseur
ne m'a pas laissé une liste des interventions.
Mme Hovington: Je peux prendre la parole maintenant, étant
donné qu'il faut que je traverse de l'autre côté pour une
allocution sur Radio-Québec.
La Présidente (Mme Harel): II y aurait consentement afin
de donner la parole à Mme ta députée de Matane.
Mme Hovington: Au niveau des associations professionnelles,
est-ce qu'il est prévu chez vous de faire une distinction entre
différents artistes: des associations pour les sculpteurs ou les
artistes peintres ou les danseurs, ou est-ce que tout cela est
mélangé? Je pense spécifiquement aux artistes peintres qui
sont des artistes très individualistes, qui sont seuls devant leur toile
blanche et qui sont des individus un peu marginaux qui n'ont pas
nécessairement le goût de faire partie d'une association. Quand je
vois que vous suggérez au gouvernement de toujours passer par des
associations* pour, par exemple, distribuer les subventions ou pour examiner
les questions d'amélioration ou de perfectionnement, est-ce que vos
associations sont bien représentatives de toutes les catégories
d'artistes peintres? Je pense à des Philippe Surrey à des Henri
Masson, à des René Gagnon, à des Stanley Cosgrove,
à des Jean-Paul Lemieux qui n'ont jamais fait partie d'associations et
qui, pourtant, auraient peut-être eu besoin de subventions pour s'ouvrir
au marché extérieur du Québec ou de soutien, en tout cas,
en tant que créateurs. Est-ce que cela ne fait pas une
ségrégation, le fait que vous demandiez que tout passe par une
association, en tant que gouvernement?
M. Collette: Je ne pense pas qu'on ait réclamé la
distribution de subventions.
Mme Hovington: Un petit peu de...
M. Collette: On a parlé effectivement de programmes de
développement, mais le mot "développement" est peut-être
trop vague dans les circonstances. Je vous prie de nous croire, on ne veut pas
distribuer les subventions.
Mme Hovington: Par exemple, vous demandez que soit
déléguée aux associations de créateurs la
responsabilité de programmes de développement. C'est ce que vous
disiez.
M. Collette: Les programmes de développement, cela peut
être, par exemple... Qu'est-ce que cela peut être? M. le
député de Saint-Jacques disait: Est-ce que ce pourrait être
aussi des programmes de perfectionnement? Dans le fond, j'ai répondu que
cela pourrait s'ajouter, mais peut-être qu'il peut y avoir une sorte de
confusion, de fusion entre les deux mots. Ce sont plus des programmes qui sont
au service des créateurs et des créatrices, mais pas
nécessairement... Je ne sais pas. Il n'y a pas de... La planification de
dossiers qui peuvent servir à l'ensemble. On peut représenter
l'ensemble des créateurs et des créatrices sur des programmes
essayer de faire en sorte que leurs intérêts soient les mieux
respectés ou des choses comme cela.
De façon plus précise, je donnerais encore un exemple. Le
ministère de l'Éducation a signé, avec l'Union des
écrivains québécois en 1983, une convention qui concerne
la reprographie dans les maisons d'enseignement du Québec, de
façon que les auteurs puissent être dédommagés pour
les photocopies qui sont faites.
L'union des écrivains administre ce programme. L'union des
écrivains comprend 450 membres, mais ce programme s'applique à
7300 auteurs. On travaille au nom de ces gens. Bien sûr, tout le monde ne
peut pas faire partie d'une association. Ce peut-être parce que, à
un moment ou à un autre, on est rébarbatif à ce genre de
regroupement ou bien parce qu'on n'aime pas la tête du président
ou parce qu'on trouve que c'est trop corporatif. Enfin, on peut trouver les
raisons qu'on voudra.
Cela n'empêche pas que les regroupements, de par leur mandat - ces
regroupements ont des chartes, des objectifs -travaillent, même s'ils ne
le veulent pas, de
toute façon pour l'ensemble de la communauté d'une
discipline donnée. Vous donnez l'exemple des artistes en art visuel;
déjà, de ce côté - si Mme Séguin veut
rajouter quelque chose, elle le fera - il y a quatre ou cinq organismes. C'est
déjà assez subdivisé. Je pense que cela peut
refléter plusieurs tendances et, comme les artistes en art visuel
pratiquent souvent diverses disciplines, ils pourraient aussi bien faire partie
de plusieurs associations que d'en choisir une seule, etc. Je vois la crainte
que vous avez. Je pense vraiment qu'il n'y a pas de problème de ce
côté.
Mme Hovington: Quels seraient les critères que vous
établiriez pour définir le statut professionnel d'un
créateur en art visuel, par exemple, dans une association?
M. Collette: En art visuel, je vais laisser la parole à
Mme Séguin, car ce n'est pas mon secteur.
Mme Démidoff-Séguin: Concernant les associations,
par exemple, il y a une association spéciale pour les peintres, une pour
les sculpteurs, une pour les graveurs: On peut définir tout ce qui
concerne tout métier, aller négocier, aller sensibiliser et les
gouvernements et l'ensemble des intervenants culturels. Lorsque nous arrivons
par nos pressions à faire adopter des lois ou des mesures favorables aux
artistes, ce sont tous les artistes de ces disciplines qui en profitent, pas
forcément ceux qui sont membres de l'association. C'est très net
au départ. Comme le disait M. Collette, même si une association ne
voulait travailler que pour ses membres, à ce niveau-là, on
travaille pour tous les artistes.
Maintenant, pour définir le professionnalisme de l'artiste en art
visuel, on a des critères actuellement, par exemple, pour accepter des
membres. Ce sont des critères de l'UNESCO. Ces critères sont
très larges. On peut répondre à certains critères
et pas à d'autres. Il n'est pas dit que tel critère est
indispensable ou non. Pour l'instant, cela cerne assez le professionnalisme. Ce
n'est pas assez précis toutefois pour le ministère du Revenu qui
nous dit: Si on veut vraiment faire appliquer ou modifier des lois par le biais
du ministère des Finances en faveur des créateurs, il va falloir
que ce soit encore plus défini, même si ces critères sont
acceptés.
Dans le mémoire que je vais présenter cet
après-midi, je donne la liste des critères de professionnalisme
tels qu'ils existent actuellement; les nôtres, au Conseil de la sculpture
- mais ce sont exactement les mêmes pour les autres associations en art
visuel - ceux qui ont été définis par le
sous-comité sur l'imposition des artistes et des interprètes et
les critères de pro- fessionnalisme qui sont actuellement
acceptés par le ministère du Revenu. En tout cas, le
ministère du Revenu dit que ces critères donnent une idée
de professionnalisme pour un artiste. Mais on continue à travailler.
C'est une grande question. Ce sera très difficile à cerner. Pour
l'instant, il faut se contenter de ces critères que je peux vous
communiquer ultérieurement.
La Présidente (Mme Harel): D'accord. Vous voulez
compléter, M. Collette?
M. Collette: Oui. Il arrive parfois qu'on ait un trou de
mémoire ou, enfin, que les mots ne viennent pas à la bouche comme
on le voudrait. Je voudrais bien ... Voyons! Non, cela ne vient pas comme on
voudrait.
Je voudrais vous donner deux exemples, disons, des programmes de
développement. Ce sont des choses que peuvent faire les associations
professionnelles et qui peuvent s'adresser au choix, selon les décisions
qui sont prises, à leurs membres ou à l'ensemble d'une
communauté; c'est, par exemple, des fonds de retraite ou des assurances
collectives ou des choses comme cela.
Un regroupement peut mettre en place les mécanismes
nécessaires et, de toute façon, on a tous intérêt
à ce qu'il y ait le plus grand nombre de personnes qui y participent,
parce que, à ce moment-là, la caisse est plus importante et les
cotisations moindres parce qu'elles demeurent à un plafond pas trop
élevé, et la solidité du fonds de retraite, par exemple,
est plus intéressante. Donc, cela peut s'adresser à tous les
créateurs d'un secteur, à tous les écrivains du
Québec, disons, même si c'est l'Union des écrivains qui
gère le programme, ou des choses comme cela.
Par ailleurs, pour ajouter une petite note sur les critères de
professionnalisme, cette question se pose depuis un bon moment. Elle s'est
posée justement, lorsque nous avons rencontré les gens des
ministères du Revenu du Québec et du Canada, lorsqu'il
était question de réforme et d'aménagement. À ce
moment-là, les associations avaient, peut-être pas toutes, mais
une grande partie, déjà dressé des listes de
critères qui étaient applicables dans leur secteur ou dans leur
milieu.
S'il fallait quelque part - il faudrait peut-être arriver à
cela assez rapidement -établir des critères applicables de
façon universelle à l'ensemble des créateurs et des
créatrices, je pense que cela ne serait pas très
compliqué. Je pense qu'il faudrait seulement faire la démarche de
la moyenne, si l'on veut. C'est-à-dire que chaque groupe émette
l'ensemble des critères qui lui semblent importants. On s'assoit autour
d'une table; on fait une compilation et on voit ce qui se passe. Bien
sûr, il faudrait nuancer
quelque part, mais il n'y a pas des millions de critères et,
même s'il y a des différences d'un domaine de création
à un autre, cela finit pas s'équivaloir la plupart du temps.
Mme Hovington: Merci.
La Présidente (Mme Harel): Alors, c'est complet, Mme la
députée de Matane?
Mme Hovington: Oui, merci.
La Présidente (Mme Harel): M.
Collette, je vais vous demander de pousser votre micro de manière
que vous puissiez être plus facilement capté. M. Patenaude, vous
avez précédemment dit, en réponse à une question
qui vous était posée, je pense par le député de
Saint-Jacques, qu'il y avait donc accord de principe à la
conférence pour souhaiter le plus rapidement possible une reconnaissance
juridique du statut de l'artiste.
Mais je crois comprendre, M. Collette, à la lecture du
mémoire que vous présentez devant cette commission, que vous
recommandez encore plus que des mesures individuelles. Par exemple, à la
page 10, vous recommandez comme mesures s'appliquant aux associations
professionnelles "que, par des mesures législatives, le gouvernement
reconnaisse le principe de la négociation obligatoire, dans la mesure
où se trouvent en présence des regroupements
représentatifs de créateurs et créatrices et de
producteurs ou productrices." Là, il faut bien voir que, s'il y a
certainement un très large consensus pour une reconnaissance juridique
du statut de l'artiste dans sa dimension individuelle, c'est-à-dire pour
en arriver à des améliorations fiscales ou à des
améliorations professionnelles, je crois comprendre qu'il y a comme une
réflexion sur l'aspect collectif de cette reconnaissance. Cela va donc
plus loin, d'après ce que je crois comprendre de votre
mémoire.
C'est intéressant parce que la conférence regroupe non
seulement des associations qui doivent promouvoir la défense des
intérêts de leurs membres, mais je crois comprendre que la
conférence regroupe aussi des associations qui, d'une façon
générale, font la promotion du secteur culturel, des
activités, des industries culturelles et autres. C'est bien le cas.
Donc, il y a là une recommandation -j'aimerais vous entendre
là-dessus - à introduire un aspect collectif à cette
reconnaissance juridique. C'est certainement le point névralgique de
toute la réflexion qui se poursuit. (11 h 15)
Dans le domaine du travail, on a des lois sur le travail. Et si on parle
de libre négociation, vous êtes certainement informés qu'il
y a obligation de négocier dès qu'il y a accréditation. La
libre négociation, cela veut dire qu'elle n'est libre que sur le fond,
parce que, sur la forme, l'État reconnaît le droit d'association,
l'obligation de négocier, au point même où il y a, dans les
dispositions du Code du travail, l'imposition possible d'une première
convention collective en cas de désaccord entre les parties.
Quand vous parlez de négociation obligatoire, qu'est-ce que vous
envisagez? Comment envisagez-vous cet aspect? Tantôt, vous
répondiez à la députée de Matane sur tout l'aspect
des associations professionnelles et de la représentativité.
Évidemment, il ne peut y avoir de négociation qu'avec un
interlocuteur qui regroupe aussi les producteurs. Si tant est que vous
souhaitez qu'il y ait telle mise en place du côté des producteurs,
il faut donc que vous l'envisagiez de même de votre côté.
Comment voyez-vous tout cela?
M. Collette: Eh bien, Mme la Présidente, vous avez raison
de dire que la réflexion se poursuit. Effectivement, on n'est pas
complètement - comment dire - branchés sur cette question.
Cependant - je reviens encore à la composition de la conférence
qui est assez variée, ce qui fait qu'on ne peut pas aller dans le fond
plus loin que ce qui est inscrit dans notre mémoire - on demande au
gouvernement de reconnaître le principe de la négociation
obligatoire. C'est que, pour certains organismes, ce serait une chose
probablement très utile. Je vous donnais l'exemple, tout à
l'heure, du contrat d'édition. Si cette chose avait existé, la
représentativité de l'Union des écrivains aurait pu
être démontrée, celle de l'Association des éditeurs
canadiens aussi. On aurait donc pu arriver à une entente qui
s'appliquerait et qui ne serait pas simplement laissée au hasard et
à la bonne volonté des éditeurs ou à l'insistance
des écrivains. Je donne cet exemple parce que c'est peut-être
celui qui me vient le plus facilement à l'esprit.
Il y a certainement d'autres domaines où, par exemple, les
écrivains, les scénaristes, etc. aimeraient avoir des garanties,
et souhaiteraient qu'il y ait une convention qui englobe, qui recouvre leurs
conditions de travail. Mais je ne pense pas -mes collègues me
corrigeront si j'avance un peu trop vite dans cette histoire - qu'il y ait, de
la part des associations de créateurs et de créatrices, des
associations professionnelles donc, un désir d'établir partout,
maintenant, des conventions collectives pour chaque secteur où les
oeuvres sont utilisées. Cependant, comme je le disais tout à
l'heure, si, par exemple, le gouvernement donnait suite à la proposition
de l'Union des artistes, il y aurait là un contexte très
intéressant qui nous permettrait peut-être de nous
prévaloir de ce
que contiendrait ce projet de loi.
Une des raisons pour lesquelles aussi on est un peu hésitants
dans ce domaine, c'est qu'on ne sait pas... Il y a le champ des
interprètes qui a été très bien défini par
l'Union des artistes; la situation est très claire et tout cela. Mais
comment cela s'appliquerait-il précisément dans le domaine des
créateurs? Là, on ne le sait pas. Et la réflexion
là-dessus est encore en marche.
La Présidente (Mme Harel): Je pense que Mme Fortier
voudrait ajouter quelque chose, peut-être?
Mme Fortier: Si vous le permettez, j'aimerais ajouter à ce
que mon collègue a dit. L'organisme pour lequel je travaille, la SARDEC,
représente les auteurs de l'audiovisuel, à savoir la radio, la
télévision et le cinéma. C'est certainement la vocation de
l'organisme que je représente de négocier des ententes
collectives pour ses membres. Vous avez parlé, tout à l'heure, de
l'obligation de négocier qu'on retrouve dans le Code du travail. Cela
existerait dans une nouvelle loi. Actuellement, le Code du travail ne
s'applique pas aux gens que nous représentons, vous n'êtes pas
sans le savoir. L'incorporation de chacune des associations ferait en sorte
que, si c'est leur mandat de le faire, elles seraient incorporées, selon
la loi sur les syndicats, en associations professionnelles et les
représentants de cesdites associations négocieraient. Si elles
ont une vocation autre, c'est à elle de la déterminer.
Tout à l'heure, Mme la députée de Matane a
parlé des associations. Pourquoi se regrouper? Les artistes sont des
travailleurs individuels. Le rapport de forces entre leur employeur ou l'usager
de leurs oeuvres est très débalancé. Ce n'est qu'au moyen
d'associations professionnelles que leur statut économique, social et
juridique pourra être défendu et le mieux traité, je crois;
c'est la vocation des associations professionnelles.
La Présidente (Mme Harel): M.
Patenaude.
M. Patenaude: Merci, Mme la Présidente. Quand j'ai
parlé de nuances tout à l'heure, j'ai oublié de dire que
le regroupement n'est pas un syndicat. Le Regroupement des professionnels de la
danse regroupe à la fois des créateurs, des interprètes,
des administrateurs, des enseignants au niveau de la danse et son but n'est pas
de négocier les conventions collectives. Son but est de favoriser
l'amélioration du statut socio-économique. Quand on parle de
statut économique des artistes, cela va de pair avec le
développement des professions artistiques. Dans la mesure où on
reconnaît les statuts, il faut aussi, parallèlement à cela,
qu'il y ait des mesures pour développer les professions artistiques. La
syndicalisation est-elle la solution? Certains le croient, d'autres non. Ce
sont les artistes qui vont trancher en dernier recours: les danseurs, les
chorégraphes et ceux qui sont directement impliqués.
Nous n'en sommes pas là, mais nous croyons qu'il serait
sûrement nécessaire qu'il y ait reconnaissance du statut juridique
-vous l'avez mentionné tout à l'heure - par rapport à
différentes lois fiscales, sociales ou une reconnaissance juridique. On
pourrait faire les amendements au niveau des règlements de ces
différentes lois, ce qui fait qu'on aurait accès aux
différentes protections sociales. Nous en sommes là. C'est la
nuance que nous apportons et elle est fondamentale.
La Présidente (Mme
Harel): Oui, je crois que Mme
Lemay voudrait la parole.
Mme Lemay (Jacqueline): Je voudrais simplement ajouter que je
représente les auteurs et les compositeurs, la SPACQ. Quand on parle de
négociations, dans notre cas évidemment, quand il est question
des droits d'auteur, on a des sociétés au niveau du droit
d'exécution publique qui ont le mandat de négocier et on a aussi
la SODRAC qui négocie au niveau des droits mécaniques. Notre
mandat à nous, comme association, c'est de pousser sur ces
sociétés-là pour que la négociation se fasse mieux.
C'est la nuance que je voulais apporter pour expliquer le silence
là-dessus.
La Présidente (Mme Harel): Oui, M. Collette.
M. Collette: Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Harel): Évidemment, c'est
toujours en regard de cette recommandation, à la page 10, au
gouvernement de reconnaître le principe de la négociation
obligatoire.
M. Collette: Oui. À moins que je ne me trompe, si un
projet de loi comme celui-là existait, avec des variantes que je ne
connais pas, j'ai l'impression que, s'il y avait cette reconnaissance des
associations professionnelles en tant que syndicats pouvant négocier les
conventions collectives, il y aurait certaines implications d'une loi comme
celle-là sur d'autres choses que peuvent faire les organismes en
question. Par exemple, la question de la gestion d'une caisse de compensation,
d'une caisse de sécurité ou d'un régime de retraite que,
légalement, on ne peut pas vraiment faire maintenant; il faut confier
cela à des sociétés de fiducies ou d'autres choses comme
cela.
En fait, on s'est arrêté seulement sur cette question de la
négociation, mais, dans le fond, une loi définissant les
syndicats professionnels a des implications plus larges.
La Présidente (Mme Harel): Je vous remercie, M. Collette.
La parole est au député de Sherbrooke.
M. Hamel: Mme la Présidente, sans que nous nous soyons
concertés, ma collègue, Mme la députée de Matane, a
soulevé deux points qui me préoccupaient aussi et auxquels M.
Collette a apporté une certaine réponse. En fait, dans vos
recommandations sur la vie professionnelle, au sujet des programmes de
développement, je pense que vous avez reconnu qu'il y avait
matière à précisions. L'autre point concernait la
redistribution des sommes provenant de l'usage des oeuvres. Notre gouvernement
est plutôt préoccupé d'alléger ta bureaucratie et la
réglementation. Alors, je voyais difficilement qu'on veuille en ajouter
ou comment on pourrait redistribuer ces sommes à toutes vos associations
plutôt qu'à la conférence. Si vous voulez ajouter quelque
chose tantôt, c'étaient deux points qui me
préoccupaient.
M. Collette: Excusez-moi, mais est-ce que je comprends bien que
vous vous demandez...
M. Hamel: À la page 14, c'est que Mme...
M. Collette: ...si la conférence pourrait accueillir des
sommes ou bien si ce sont les associations qui devraient les accueillir?
M. Hamel: Non, c'étaient sensiblement les mêmes
préoccupations que ma collègue, Mme la députée de
Matane. Dans la deuxième recommandation, à la page 14, vous dites
que le gouvernement devrait automatiquement redistribuer des sommes provenant
de l'usage des oeuvres dans les institutions publiques et, de plus,
établir automatiquement des conventions avec les associations. Or il y a
plusieurs associations. Est-ce que vous souhaiteriez davantage être
l'organisme centralisateur qui redistribue ensuite?
M. Collette: Non, ce n'est pas cela. Excusez-moi parce, lorsque
vous avez posé votre question, je faisais référence au
premier élément et c'est pour cela que j'avais mal compris ce que
vous me disiez. Vous étiez clair.
Non, je ne veux pas dire que c'est la conférence qui devrait
accueillir les sommes et les redistribuer par la suite. Je vous dirai
simplement, cependant, que si - c'est dans l'air, cela se discute - le
gouvernement du Québec décidait d'établir un
système pour compenser, par exemple, les artistes en art visuel pour la
présence de leurs oeuvres dans les musées, il pourrait être
normal de songer à ce que les associations en art visuel soient celles
qui obtiennent le contrat de redistribution, de façon, comme vous l'avez
souligné, à alléger l'appareil gouvernemental et en
même temps à créer dans ces associations des
compétences ou à exploiter les compétences qui s'y
trouvent. Puisqu'il s'agit d'un contrat, il y a une partie de cette somme qui
devient le profit, 10 % si on veut, ou des frais d'administration, qui
permettent à l'organisme, par ailleurs, d'offrir d'autres services
parallèles parce qu'il est mieux structuré ou parce qu'il a un
personnel plus compétent. Donc, c'est dans ce sens-là, mais ce
n'est surtout pas la conférence dans la mesure où la
conférence est un regroupement de bonne foi qui étudie les
dossiers et qui, lorsqu'il n'y a plus de dossier, n'existe plus jusqu'à
un certain point.
La Présidente (Mme Harel): Alors, il me reste à
remercier les représentants de la Conférence des associations de
créateurs et créatrices du Québec et, à moins qu'il
n'y ait d'autres interventions, nous allons continuer. M. Collette, vous avez
une dernière intervention?
M. Collette: Non. Je voulais simplement, à mon tour, vous
remercier aussi de nous avoir accueillis.
Regroupement des professionnels de la danse du
Québec Inc.
La Présidente (Mme Harel): Donc, je vous remercie.
J'inviterais maintenant le Regroupement des professionnels de la danse du
Québec inc. Je pense que M. Patenaude reste avec nous. Il va demeurer.
M. Jean-Pierre Perreault doit le rejoindre. M. Patenaude et M. Perreault, je ne
sais lequel de vous nous présente le mémoire du regroupement.
M. Perreault (Jean-Pierre): M. Patenaude présentera un
bref survol du mémoire du regroupement. Mme la Présidente, Mme la
ministre, Mmes et MM. les députés, je voudrais d'abord vous
remercier de nous avoir invités à présenter notre
mémoire sur le statut de l'artiste. Est-ce que je parle assez fort?
La Présidente (Mme Harel): Oui. Simplement pourriez-vous
déplacer le micro?
M. Perreault: II est...
La Présidente (Mme Harel): Peut-être pas le
déplacer, mais le hausser.
M. Perreault: Le hausser? Ah, voilà.
L'art de la danse a connu un essor formidable chez nous au coure de la
dernière décennie. Cette prolifération de
créateurs, de troupes, d'interprètes et la qualité des
réalisations ont permis une contribution précieuse à notre
vie culturelle. Le milieu de la danse arrive à une phase cruciale de son
développement. II a démontré depuis deux ans un
désir de concertation et une maturité face à la
capacité de réflexion efficace sur son développement. Nous
ne demandons pas une simple valorisation du statut de l'artiste, mais bien son
acceptation comme citoyen à part entière et une reconnaissance
sincère de l'importance de sa contribution. Cette reconnaissance doit
s'accompagner de gestes concrets afin que nous puissions passer d'une condition
de survie à un exercice de la profession qui soit dynamique et
valorisant. Je vous remercie et je laisse la parole à M. Patenaude.
La Présidente (Mme Harel): Alors, merci M. Perreault. M.
Patenaude, qui est le directeur général. (11 h 30)
M. Patenaude; Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les
députés, je ne reprendrai pas la lecture en entier du
mémoire que nous avons présenté. Je vais simplement
prendre les différents points, faire ressortir l'essentiel de chacun et
ensuite laisser la parole aux députés.
Dans le préambule de notre mémoire, nous
définissons le rôle de l'État à l'égard du
financement des arts. Dans une société comme la nôtre et
dans toute société, le rôle de l'État, par rapport
au financement des arts et par rapport aux activités qui ne sont pas
immédiatement ou pas visiblement rentables - et certainement pas dans
des termes comptables - consiste à intervenir par son financement pour
assurer la réalisation de projets et d'activités qui autrement,
ne verraient pas le jour ce, sans compter la qualité des promoteurs.
C'est donc l'importance du leadership de l'État à l'égard
du financement qui va faire la différence.
Quand on parle des arts, on parle de création et
d'interprétation; on parle de qualité de vie d'une
société. Une société qui ne serait pas capable
d'offrir une qualité de vie ne serait pas capable, non plus, d'attirer
les investissements, A titre d'exemple, on ne peut pas imaginer New York comme
ville, sans les arts. On oublie souvent, lorsqu'on essaie de comptabiliser les
différentes activités, qu'il y a certaines activités qui
ne s'évaluent pas en termes comptables. Elles paraissent être du
capital de risque ou de l'argent jeté par les fenêtres. Dans le
domaine des arts, ce n'est pas le cas. Lorsqu'on investit dans le domaine des
arts, on investit dans une ressource naturelle, une ressource publique:
l'énergie créatrice de nos artistes. C'est fondamental. L'apport
de l'État dans le domaine des arts est un peu semblable à son
apport dans les ressources naturelles, par exemple, qui laissées au
Libre arbitre d'une société, n'attireraient que des promoteurs
qui chercheraient à en faire un gagne-pain ou un profit. On ne cherche
pas à faire des profits avec le domaine artistique. Le profit qu'on
cherche, c'est la société dans son ensemble par sa qualité
de vie, par son mieux-être collectif qui le trouve. On peut penser
à l'impact des arts dans la diminution de la criminalité,
l'harmonisation des rapports sociaux.
Par conséquent, compte tenu qu'au Québec il n'y a pas de
mécénat privé, on demande au gouvernement du Québec
de ne pas abdiquer ses responsabilités à l'égard du
financement des arts, mais, au contraire, d'augmenter sa contribution et de se
doter d'une politique de financement à long terme. De plus,
parallèlement à cette augmentation de sa contribution, on demande
qu'il y ait des incitatifs fiscaux de façon que ce mécénat
privé se développe et que dans, peut-être une
décennie, nous ayons développé ce nouvel apport au
financement.
À la section I, nous parlons de revenus et de droits d'auteur.
L'essentiel de cette section a trait aux arts d'interprétation: les
interprètes et les créateurs ne gagnent pas leur vie par leurs
activités artistiques. À titre indicatif, le revenu moyen d'un
interprète en 1984,'selon Statistique Canada, était un
désolant 3537 $, alors qu'au Canada anglais il était de 8300 $.
Pour un chorégraphe, 800 $ au Québec; 1000 $ pour le reste du
Canada. On ne se surprendra pas qu'il faille deux ou trois professions ou trois
emplois pour arriver à avoir un minimum décent, quand ce n'est
pas la désolante réduction aux prestations des différents
régimes de protection sociale, bien sûr lorsque ces professionnels
y ont accès. L'objectif visé, c'est l'augmentation du revenu
moyen des professionnels de la danse: interprètes et
chorégraphes. Pour y parvenir, notamment, nous recommandons au
ministère des Affaires culturelles, lorsqu'il attribue ses enveloppes
budgétaires, de considérer la particularité du secteur de
la danse. Deuxièmement, nous recommandons au ministère, lorsqu'il
s'engage à financer en totalité ou en partie un projet, qu'il
consente les sommes nécessaires pour assurer une
rémunération adéquate aux créateurs et aux
interprètes.
En ce qui a trait aux droits d'auteur, à titre indicatif, la
danse est un art éphémère contrairement aux autres
activités artistiques ou aux autres types de créations où,
dans le processus de création et de production, on fixe une oeuvre.
L'écrivain écrit, son oeuvre est fixée. Le peintre fixe
sur sa toile, de même que le compositeur.
Pour la danse, la fixation, c'est la mémoire du spectateur. C'est
le corps
humain qui est la matière de création du
chorégraphe. Par conséquent, nous recommandons que les oeuvres
chorégraphiques soient protégées, notamment le droit
à la rémunération lors de la création de l'oeuvre,
lors de sa reprise et lors des diffusions successives. De plus, que des moyens
de fixation peu coûteux soient reconnus.
En ce qui a trait aux mesures fiscales et sociales, il est important de
comprendre que l'accès aux protections sociales est lié à
la rémunération. À titre d'exemple, si vous pouvez
bénéficier de l'assurance-chômage ou des services de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail, on va
baser vos prestations sur le revenu gagné. Comme on le sait, les
interprètes ne gagnent pas leur vie de leur profession. Il n'y a donc
pas de prestations. Au niveau de la fiscalité, nous identifions deux
types: il y a les professionnels qui cherchent à vivre de leur
métier, mais qui n'y arrivent pas et les professionnels qui, pour y
parvenir, continuent à oeuvrer au niveau professionnel en tant
qu'artistes, mais qui ont un revenu de base d'une autre profession, comme
enseignants, par exemple.
En ce qui a trait aux interprètes, nous recommandons que les
dépenses liées au travail d'interprétation soient
reconnues. Pour ce qui est des autres professionnels, on demande qu'une part
raisonnable des revenus gagnés d'une autre profession soient
accordée à titre de déduction possible de cette
rémunération.
En ce qui concerne la santé et la sécurité du
travail, la problématique se pose ainsi. Ce n'est pas tant d'avoir
accès aux mécanismes de la santé et de la
sécurité du travail que de faire reconnaître le principe
des maladies professionnelles. Comme l'exercice de la danse occasionne une
usure démesurée du corps, il serait nécessaire que des
mesures de prévention adéquates soient adoptées.
Pour ce qui est de la reconnaissance et du développement des
professions artistiques, nous proposons des mesures pour qu'on arrive dans la
profession à avoir des symboles auxquels puisse s'identifier la
génération montante. Par exemple, lorsqu'on parie à un
jeune garçon ou à une jeune fille, il y a des exemples de
métiers qu'ils voudraient faire: joueur de hockey, pompier, avocat. Ce
sont des professions qui, dans notre société, veulent dire
quelque chose pour ce qui est du statut. Lorsque vou3 entendez un enfant dire:
Moi, je veux être chorégraphe, danseur, sculpteur, compositeur, on
va lui dire: Mais cela n'est pas un métier, on ne gagne pas sa vie avec
cela. La réprobation générale est la tendance.
En ce qui a trait à la diffusion des spectacles, il y a un
problème particulier qui se pose pour ce qui est de la danse. C'est que
la concentration de la création se fait surtout à
Montréal. Pour rendre accessibles à l'extérieur les
créations qui se font dans l'agglomération montréalaise,
le milieu de la danse est tributaire des acheteurs de spectacles. En
général, les acheteurs de spectacles vont considérer la
popularité d'une oeuvre en termes de guichet ou de la capacité de
faire un profit. Le résultat, c'est que les oeuvres
chorégraphiques expérimentales ou de recherche ne sont pas
rendues accessibles aux différentes régions du Québec.
Pour ce qui est des équipements culturels, il y a, de toute
évidence, insuffisance des équipements culturels tant au niveau
des lieux de répétition, des lieux de création que des
lieux de diffusion. Par conséquent, nous demandons au gouvernement du
Québec d'avoir une politique d'investissement à long terme pour
les équipements dans le secteur de la danse et de favoriser la
construction d'une salle de danse spécifique à
Montréal.
Une brève note sur la question de la défense de la
profession. De façon évidente, les professions qui
réussissent à bien défendre l'intérêt de
leurs membres et à bien se faire valoir au sein de la
société, ce sont les associations de membres bien nantis. On peut
penser aux avocats, aux médecins, aux hommes d'affaires et aux syndicats
d'enseignants. La raison est simple: elles reposent sur un grand nombre de
cotisants et sur la capacité individuelle de payer des cotisations
substantielles renouvelables et indexées. Ces deux
éléments sont absents de façon générale de
nos associations d'artistes. Bien sûr, le développement des
associations est tributaire du développement des professionnels des arts
et, quand ceux-ci se développeront, les associations seront fortes. Pour
l'instant, elles reposent sur l'aide des gouvernements et sur un apport
bénévole impressionnant qui n'est pas comptabilisé.
À titre de conclusion, nous identifions quatre qualités
dont il faudra faire preuve pour assurer aux artistes créateurs et
interprètes la place qui leur revient au sein de la
société, de même que pour assurer le développement
des disciplines artistiques. Il faudra faire preuve de courage, d'imagination
créatrice, de clairvoyance et de persévérance. C'est ce
dont nous demandons au gouvernement du Québec de faire preuve en dotant
le Québec d'une véritable politique des arts et des professions
artistiques. Merci, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les
députés.
Le Président (M. Trudel): Merci, M.
Patenaude. Je cède maintenant la parole pour une première
volée de questions à Mme la ministre des Affaires
culturelles.
Mme Bacon: Merci, M. le Président. M.
Patenaude et M. Perreault, je vous félicite d'avoir pris le temps
et les moyens de nous présenter un mémoire aussi
étoffé que le vôtre, malgré le jeune âge de
votre organisme qui a quand même été fondé en
octobre 1984.
Votre organisme regroupe toutes les catégories d'intervenants du
milieu: les danseurs, les chorégraphes, les professeurs, les troupes.
Vous avez fait preuve d'un grand dynamisme qui est relié sans doute pour
beaucoup aux membres de votre direction. Vous avez su aussi vous rallier
l'ensemble des intervenants et cela vous donne sûrement cette confiance
que vous avez ce matin en nous présentant votre mémoire.
Dans votre mémoire, vous abordez aussi de nombreux
problèmes, évidemment, dont plusieurs sont communs à
d'autres groupes qui sont venus nous rencontrer et à d'autres qui
viendront aussi par la lecture que j'ai fait des mémoires. Il est
évident que nous retrouvons souvent les mêmes commentaires qui
nous reviennent, mais ceux-là sont les vôtres et sont aussi
importants, je pense, que les autres que nous entendrons.
Au préambule de votre mémoire, vous parlez du rôle
de l'État à l'égard du financement des arts. Vous voulez
que l'État joue un rôle important, que les chances soient grandes
que les projets que vous envisagez voient le jour et que ce soit aussi la
volonté de l'État comme c'est la volonté des promoteurs de
ces projets.
À la page 4 de votre mémoire, vous nous parlez aussi de
droits chorégraphiques qui ne sont pas reconnus, donc, qui ne sont pas
protégés. Pour remédier à la situation, vous
suggérez que l'on reconnaisse ces droits et vous parlez vous-mêmes
de moyens de fixation peu coûteux qui peuvent être mis en place. On
sait que le secteur de la danse exige beaucoup de rigueur. C'est un mode de vie
exigeant et, tout de suite, je pourrais vous dire que le gouvernement tiendra
sûrement compte des conditions difficiles dans lesquelles les membres
doivent travailler. (11 h 45)
J'aimerais que vous me disiez, toutefois, quand vous parlez de droits et
de moyens de fixation qui sont peu coûteux, s'il y a des pays où
se fait ce que vous nous proposez et recommandez. De quelle façon s'y
prennent-ils? Peut-être avez-vous vu dans d'autres pays des situations
que vous aimeriez voir appliquer au Québec, des programmes ou même
des lois que vous voudriez voir appliquer au Québec.
M. Perreault: Je ne crois pas qu'il y ait de pays en particulier
qui ait résolu ce problème ou même qui ait vraiment
essayé d'y faire face. C'est une chose assez récente. Il y a des
techniques de notation de la danse, disons. Il y a la méthode Laban la
méthode Benesh, etc., qui sont de très bonnes méthodes,
mais qui coûtent une fortune. Nous ne pouvons pas entrevoir d'utiliser
ces méthodes. La seule méthode qui soit vraiment efficace et
à notre portée à courte échéance, c'est le
film et la vidéo. Ce sont donc de3 témoins. Parce que, quand on
doit utiliser un notateur, cela veut dire qu'il faut pouvoir engager un
spécialiste qui doit pouvoir écrire la chorégraphie et,
ensuite, revenir, quand on veut remonter l'oeuvre, car c'est ce
spécialiste seul qui peut lire l'oeuvre. Le chorégraphe ne le
peut pas, ni le danseur. Comme nous en sommes toujours à un point
où les artistes ne sont pas payés, on est très loin de
cette solution où on pourrait avoir des notateurs.
C'est vraiment cette orientation-là qu'il faudrait avoir au
chapitre des technologies nouvelles.
Mme Bacon: Justement, comment pouvez-vous expliquer la
disparité entre le Québec et le reste du Canada? Vous mentionniez
tantôt 3537 $ pour le Québec, 8300 $ pour le reste du Canada.
Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples où c'est nettement mieux
rémunéré dans les autres provinces que par rapport au
Québec?
M. Perreault: C'est que l'Ontario a une grande avance sur nous.
Quand on voit ce qui se passait il y a vingt ans à peine, disons, avec
la danse, le gouvernement du Québec n'était pas encore
impliqué dans le domaine de la danse, il y a vingt ans, sauf avec les
Grands Ballets canadiens, mais c'était tout. L'intérêt du
gouvernement pour la danse est très récent. Quand on regarde en
Ontario l'École de ballet nationale et le Ballet national qui prennent
la part du lion du budget, ils ont augmenté vraiment la contribution du
gouvernement. Le gouvernement de l'Ontario a vraiment poussé la
promotion de ses organismes de danse. Cela veut dire que les compagnies ont pu
avoir un départ beaucoup plus efficace que le nôtre. Surtout de
1960 à 1970, qui ont été des années ' très
importantes pour la danse, surtout en danse moderne, les compagnies de
l'Ontario ont profité très tôt du fait de se
développer un marché. Je crois que c'est une des raisons pour
lesquelles il y a vraiment un grand écart entre les fonds. Aussi, ils
ont été la première province à avoir une
université. Les universités ont beaucoup d'impact sur le milieu
de la danse parce qu'il y a habituellement beaucoup de créateurs qui
sortent de là. Je crois que ce sont les principales raisons.
Mme Bacon: D'accord. Au chapitre de la santé et de la
sécurité du travail, aux pages 7 et 8 de votre mémoire, je
sais qu'il y a là, évidemment, un problème important. Un
problème, d'ailleurs, qui est très bien
décrit dans une étude de Mme Thibodeau, du Service de la
propriété intellectuelle et du statut de l'artiste de notre
ministère, étude que nous avons rendue publique vendredi dernier.
Votre organisme, de son côté, vient d'entreprendre une importante
démarche, je pense, de recherche sur la santé et la
sécurité du travail, mais nous n'en connaîtrons les
résultats que l'an prochain. Par ailleurs, je crois savoir aussi que le
climat de négociation, si l'on peut dire, est très positif avec
la CSST. Des solutions au problème de la santé et de la
sécurité des danseurs pourraient être apportées,
espérons-le, le plus rapidement possible.
Il y a un problème que n'aborde pas votre mémoire, c'est
celui du recyclage, en quelque sorte, des danseurs lorsqu'ils terminent leur
carrière. C'est une carrière qui est toujours trop brève.
Est-ce que vous vous êtes penchés sur ce problème? Est-ce
que vous avez maintenant des choses de faites?
M. Perreault: Oui, nous y avons pensé. Je vous remercie
d'y penser aussi, Mme la ministre.
Mme Bacon: Vous les vivez.
M. Perreault: Comme nous sommes très jeunes et qu'il y a
tellement à faire, nous avons décidé de commencer par la
profession avant de penser à...
Mme Bacon: Recycler vos membres.
M. Perreault: ...l'après-profession, à la
deuxième. Un centre vient d'être créé à
Toronto, c'est un centre national pour aider les danseurs dans une
deuxième carrière. Le regroupement est impliqué
là-dedans pour protéger les artistes québécois et
s'assurer que nous sommes bien représentés, parce que c'est un
organisme qui siège quand même à Toronto. Pour l'instant,
nous leur laissons le jeu, si l'on veut, ou le travail. C'est une chose qui est
très importante parce que, comme on l'a dit plus tôt, la
carrière finit très tôt. Le programme qui est en train
d'être établi à Toronto est déjà très
efficace. Plusieurs de nos artistes sont en contact avec eux. Habituellement,
ce qui se passe quand on n'est plus danseur, on devient chorégraphe ou
professeur. Mais très peu de danseurs, finalement, veulent devenir
chorégraphes ou professeurs et ils se retrouvent vraiment devant rien.
Financièrement, ils n'ont pas été dans une situation qui
leur permettait de prévoir. D'un autre côté, ils sont
encore très jeunes. C'est une chose qui serait vraiment une
priorité dans le plus proche avenir passible. Quant à nous, nous
voyons cela comme une priorité future.
Mme Bacon: Oui.
M. Patenaude: Si je peux me permettre de compléter, Mme la
ministre voici les mesures que le regroupement a prises concrètement
à titre d'aide au centre pour danseurs en transition: à partir de
septembre, nous allons mettre à la disposition du centre nos espaces
à bureaux pour que la responsable québécoise des danseurs
puisse les rencontrer. À ce niveau et comme vous avez pu le voir dans un
article qui traitait du regroupement, c'est l'éveil d'une conscience
communautaire. C'est beaucoup à ce niveau que nous. avons à
travailler. Nous proposons des mesures et les changements peuvent suivre.
Je peux vous citer un exemple qui a précédé la
création du regroupement. L'un des danseurs, qui répondait
à une question à savoir s'il jugeait bon d'avoir accès
à un régime de retraite, me disait: Puis-je répondre oui?
tellement le fossé était grand entre son vécu quotidien,
ses revenus et la possibilité d'avoir une pension, alors qu'il ne
gagnait pas sa vie. C'est donc un peu les décalages que nous avons
à vivre dans notre réalité quotidienne pour qu'on puisse
vivre de la profession. Après cela, les gens disaient: On y pensera
quand ce sera le temps de se reposer. Nous avons la conscience plus active que
cela et nous utilisons les ressources de la communauté que nous avons
pour y arriver.
Mme Bacon: Y a-t-il un problème de relève?
M. Patenaude: Un problème de...?
Mme Bacon: Existe-t-il vraiment, votre problème de
relève? Le fait que la carrière de danseur soit si courte, qu'il
y a des inquiétudes pour l'après-carrière, est-ce que ce
sont des raisons qui font qu'on peut avoir des problèmes de
relève?
M. Perreault: Je ne crois pas que nous ayons des problèmes
de relève parce que, même si la profession de danseur ou de
chorégraphe peut ne pas paraître très reluisante à
certains moments, les gens y viennent quand même parce qu'on naît
chorégraphe ou danseur et on le fait de toute façon. Le
problème de la relève, ce n'est pas le problème d'un
manque d'individus; c'est le manque des moyens pour protéger et vraiment
aider la relève. Selon certains mémoires que j'ai vus, on a
parlé assez peu souvent de la relève. La danse est un art assez
nouveau chez nous; il faut penser à ce qu'elle sera dans 20 ans. Alors,
le problème est vraiment d'aider la relève pour s'assurer qu'elle
va travailler et avoir une croissance vraiment efficace.
Mme Bacon: D'accord. Dans votre résumé de
mémoire, à la page A, vous
indiquez les outils nécessaires à la défense de la
profession. Vous mentionnez "qu'une aide accrue soit consentie aux
différentes associations, aide qui pourrait prendre la forme de services
techniques et administratifs, d'aide financière, de prêt de
fonctionnaires en disponibilité." Quel est le rôle que vous voulez
voir jouer au ministère des Affaires culturelles quand on parle d'outils
nécessaires à la défense de la profession? Est-ce que vous
attribuez un rôle spécifique au ministère?
M. Perreault: Nous voyons deux rôles pour le
ministère: un niveau du financement, mais il n'est qu'une partie parce
que l'autre partie, c'est l'expertise que le ministère peut avoir, le
rôle de conseiller. Le ministère* aussi a le rôle de pouvoir
nous aider à améliorer nos conditions. Quand on est un artiste,
surtout quand on est très jeune, le plus important, c'est d'être
écouté, de sentir qu'on est respecté.
Je dois vous dire que j'ai quand même une relation de vingt ans
avec le ministère des Affaires culturelles. Il y a eu un changement
énorme dans les dix dernières années au niveau de
l'écoute. C'est ce qui a été le plus important pour moi.
Qu'on ne me donne pas de subvention parce qu'on me disait: On n'a pas d'argent,
cela s'accepte. Qu'on ne nous réponde pas au téléphone,
cela, c'était dur. On s'attend à cela du ministère. On l'a
de plus en plus, d'ailleurs. C'est une concertation parce qu'on ne peut pas...
Oui, on va créer tout seul. Mais face à tous les problèmes
du milieu, au niveau de la diffusion, au niveau de tous les aspects de la
profession, le ministère n'est pas là que pour donner de
l'argent, mais pour nous aider dans notre réflexion et pour trouver des
outils.
Mme Bacon: C'est pour cela qu'il y a cette commission
parlementaire. Il n'y a pas beaucoup d'argent à vous donner aujourd'hui,
mais au moins nous vous écoutons.
Peut-être une autre question sur le prêt de fonctionnaires
en disponibilité.
M. Perreault: Je réfère cela a Gaétan parce
qu'il a son idée.
Mme Bacon: D'accord.
M. Patenaude: En même temps, je vais compléter sur
ce que le ministère peut apporter et profiter de l'occasion qui m'est
donnée de remercier le Service gouvernemental de la
propriété intellectuelle qui, par son travail, a contribué
à ce que les démarches entreprises par les danseurs, au niveau de
la santé et de la sécurité du travail, soient mises en
commun avec des chercheurs de l'Université de Montréal, les gens
de la Commission de la santé et de la sécurité du travail
et les gens du ministère de façon que l'étude que nous
sommes en voie de réaliser puisse être possible. C'est une forme
d'aide qui peut venir du ministère. Il y a des expertises dont on ne
dispose pas. Il y a un rôle de concertation qu'on tente de jouer à
l'intérieur de notre propre milieu, mais il y a aussi des concertations
avec l'ensemble des ressources disponibles auxquelles on fait
référence dans le mémoire, surtout dans des
périodes de diminution d'argent neuf. Il y a des ressources dans les
universités, dans les différents secteurs qu'il faut mettre
à contribution.
Au niveau des prêts de fonctionnaires en disponibilité, on
soulevait la question en regard avec les associations; cela pourrait aussi se
faire avec des compagnies de danse ou avec d'autres organismes culturels. On
peut penser à des campagnes de promotion: des fonctionnaires en
disponibilité au niveau des communications, par exemple, pourraient
venir aider à bâtir les systèmes. Récemment, on
parlait d'incubateur d'organismes. Il pourrait y avoir des incubateurs de
gestionnaires d'associations ou de compagnies, y avoir des espèces de
parrains; non pas des tutelles, mais on viendrait un peu nous aider le temps
qu'on puisse voler de nos propres ailes. Cela éviterait peut-être
des pertes de ressources ou mieux permettrait de mettre à contribution
ce qui est sur les tablettes, comme on dit. Cela reste à explorer dans
les modalités, mais je pense qu'il y a un besoin de ce côté
parce qu'il y a une surutilisation du bénévolat et un manque de
ressources humaines. Cela pourrait être compensé... Est-ce que
cela répond à votre question?
Mme Bacon: Oui, je vous remercie. Je voudrais vous
féliciter, encore une fois, pour l'excellence de votre mémoire et
vous dire que nous le prenons en considération. Nous sommes sympathiques
aux demandes que vous faites aussi.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Saint-Jacques. (12 heures)
M. Boulerice: M. Patenaude, M. Perreault, le premier intervenant
à notre commission, l'Union des artistes, disait que le secteur de la
danse était universellement reconnu comme celui où les
interprètes, surtout les pigistes, sont les plus exploités et
subissent les conditions de travail les plus difficiles. À ce niveau, je
pense que vous avez une avocate de premier ordre pour défendre votre
cause et faire état des torts qui vous sont causés dans la
personne de ma collègue de Chicoutimi, Mme Blackburn. C'est une
commission, bien entendu, sur le statut juridique de l'artiste. On aura beau
vous donner le meilleur des statuts, il n'en demeure pas moins que l'art
s'exerce et se pratique, donc, doit être visible et
accessible. J'ai donc immédiatement regardé dans votre
mémoire au point où vous demandiez qu'une salle de spectacles
identifiée spécifiquement à la danse soit construite
à Montréal et que l'élaboration des différentes
composantes du projet soit faite de concert avec les principaux
intéressés. J'aimerais que vous m'en parliez davantage, que vous
m'indiquiez quels sont les principaux intéressés, selon votre
point de vue.
M. Perreault: Je crois que nous avions parlé même de
deux salles, parce que la danse est le seul art dans les arts de
représentation qui n'a pas sa salle à lui. Si nous voulons une
salle à nous, ce n'est pas juste parce que les autres en ont et que nous
n'en avons pas, mais parce qu'il y a un besoin urgent. Un théâtre
pour la danse, ce n'est pas un théâtre pour le concert. Ce n'est
pas non plus une salle de théâtre pour le théâtre.
À Montréal, nous n'avons rien. Nous ne faisons pas partie des
circuits nationaux et internationaux. Le circuit, au Canada, se fait ainsi:
Toronto-Ottawa-Sherbrooke-Québec. Parfois Québec. Plusieurs
troupes ne passent même pas à Montréal, parce qu'il n'y a
pas de théâtre. Oui, il y a des théâtres, mais ils ne
sont pas accessibles: ou ils sont trop chers ou ils ne sont pas efficaces pour
la danse. On a beau avoir de très bonnes idées en tant que
créateur, si on doit aller dans des fonds de garage ou dans de petites
salles qui sont totalement inadéquates, nous ne sommes devant rien. On a
beau avoir des idées, mais si on ne peut pas vraiment les montrer
à un public... Le seul théâtre que la relève avait,
qui lui était vraiment accessible, c'était Tangente. Il a
été fermé. Le problème n'a pas été
résolu, mais Tangente n'est qu'un intervenant. Tout le milieu a besoin
de se trouver un endroit pour pouvoir donner des représentations et pour
pouvoir se bâtir un public, parce que le public à Montréal
et au Québec a augmenté énormément. Cela ne va pas
nécessairement durer. On peut le perdre ce public-là.
La qualité d'un spectacle est vraiment mise en cause par le lieu
dans lequel il est donné. Quand on parle de deux salles, c'est qu'il y
a, en danse, différents types d'oeuvres et de compagnies. Certaines
oeuvres sont mieux vues et mieux appréciées dans de petites
salles. Donc, cela prend des salles de trois cents places environ. D'autres,
qui coûtent beaucoup plus cher souvent et, aussi, qui peuvent se
permettre un auditoire plus grand, ont besoin de salles plus grandes pour
pouvoir rentabiliser leur production. Quand on pense qu'en danse on passe trois
mois à créer un spectacle. On n'arrive pas avec un texte et on le
monte en trois semaines ou un mois. C'est trois mois et si on n'a pas de salle
ensuite ou si on peut jouer seulement deux soirs... Nous sommes prêts
à nous assumer financièrement de plus en plus, mais il faut nous
en donner les moyens. Quand je regarde la situation future, en ce moment
où on dit: Non, vous n'aurez pas de salles encore pendant trois ans, je
dis qu'on n'a pas le temps d'attendre trois ans. On a besoin de salles, on n'en
a pas. On danse "nulle part" en ce moment. Il y a le théâtre de
l'Université du Québec qui est accessible. Il est très
cher, trop cher pour la plupart des compagnies de danse.
M. Boulerice: M. Perreault, quand vous dites: "de concert avec
les principaux intéressés", forcément vous parlez du
milieu de la danse, vous parlez de l'enseignement de la danse, vous parlez du
ministère des Affaires culturelles, quand vous dites que le projet soit
fait "de concert avec les principaux intéressés"?
M. Perreault: Avec tout le milieu, c'est-à-dire les
producteurs, les chorégraphes, les compagnies, pas nécessairement
les écoles de danse, parce que les écoles de danse n'ont pas
nécessairement besoin, quand on parle d'une salle de
théâtre, d'une salle de spectacle. C'est surtout les producteurs,
les danseurs, les chorégraphes et les troupes.
M. Boulerice: Quelles seraient, d'après vous, les
dimensions souhaitées de ces salles, puisque ma question était au
singulier et que vous avez donné une réponse au pluriel? Vous
avez parlé de deux.
M. Perreault; Oui, nous avons parlé d'une salle
polyvalente qui peut passer de 150 à 300 places environ et d'une autre
salle qui peut aller de 600 à 800 places.
M. Boulerice: 600 à 800 places. D'accord.
Je pense que vous aviez raison, tantôt, quand vous avez dit qu'il
n'y avait pas de problèmes pour la relève. Je pense,
effectivement, qu'il y a d'excellentes écoles privées qui en
assurent la formation. Il y a également le secteur public qui a sa
contribution, de façon émérite. Vous connaissez comme moi
le programme, l'option: ballet, à la Commission scolaire Sainte-Croix,
où on produit - si je peux employer le terme - des danseurs et des
danseuses de qualité, avec par ailleurs une liste d'attente
incroyable.
La salle que vous souhaitez serait-elle disponible pour la
relève? Je présume que vous allez me répondre oui. C'est
pour cela que je suis passé tout de suite rapidement à la
question: elle serait disponible pour la relève, elle serait disponible
pour les groupes reconnus, mais est-ce qu'elle le serait autant pour la danse
que moi j'appellerai la danse de recherche et pour la danse classique que
pour une danse plus commerciale, selon vos termes?
M. Perreault: II faut faire attention, quand on parle de salle,
de ne pas trop mélanger les genres, à Montréal
particulièrement. D'une ville à l'autre, la mentalité est
différente à ce qu'est un théâtre, face à la
fréquentation. Je crois que, si on mélange trop les publics, on
peut vraiment perdre... De toute façon, concernant la danse commerciale,
je me demande s'il y a vraiment un grand besoin, à part quelques troupes
professionnelles, donc, qui auraient accès à un
théâtre comme cela, mais, le reste, ce sont des troupes
d'amateurs. On ne peut pas ouvrir un théâtre et mélanger
les récitals d'écoles d'amateurs avec des productions
professionnelles.
Par contre, je dirais en ce moment, en danse artistique, nous avons
assez de productions pour pouvoir emplir deux salles, vu que nous avons un
grand besoin, au Québec, de faire venir des troupes de
l'étranger, de leur donner accès à des
théâtres, parce qu'en danse ce n'est pas comme en
littérature ou comme en musique, où on peut, quand même,
être témoin de ce qui se passe a l'étranger par des
disques, par toutes sortes de choses. En danse, il faut pouvoir être
confronté avec d'autres. C'est très dangereux de s'isoler en ne
laissant pas entrer les gens de l'extérieur.
M. Boulerice: D'accord. Vous m'avez parlé de la situation
de la danse à Montréal. Il y a une situation dans la danse
à Québec qui m'apparaît, somme toute, intéressante
avec les mercredis soir de l'auditorium de la bibliothèque
Gabrielle-Roy. Je pense que la ville de Québec, - de cela tout le monde
va s'en réjouir - devient tranquillement une capitale de la danse.
J'aimerais cela que vous me parliez de la danse, en régions. De
son état.
M. Perreault: C'est encore assez triste. Il y a très,
très peu de diffusion, parce qu'il y a très peu d'écoles
vraiment dynamiques en régions. Nous avons des populations à
l'extérieur de Montréal... C'est vrai qu'il y a un essor à
Québec qui est formidable. Il y a de petits essais, un peu partout en
province. Ce qui se produit c'est qu'aussitôt qu'il y a de
l'énergie en régions elle vient à Montréal. C'est
normal. C'est le pôle d'attraction. Québec a ce
problème-là avec ses danseurs, d'ailleurs. Quand les danseurs
sont très bons à Québec, Ils veulent venir à
Montréal. C'est une chose qui est assez normale. Par contre, on a un
grand besoin de diffusion, mais pas tout simplement en parachutant des
spectacles et en envoyant des gens en tournée. Il faudrait vraiment
faire des genres de résidence où les troupes vont et font de
l'animation. Ils s'impliquent vraiment dans le milieu. On ne va pas parachuter
de petits chorégraphes d'avant-garde dans des endroits qui n'ont presque
jamais eu de danse et penser que cela va créer un public. Cela va
peut-être même faire peur. Toute la question de sortir la danse de
Montréal et des grands centres est une chose à laquelle on doit
faire face. Il serait temps, mais cela prendrait vraiment des outils et une
réflexion pour pouvoir vraiment s'impliquer profondément, et non
simplement envoyer des tournées. Seulement envoyer des tournées
ne suffit pas. Il y a tout le côté de l'enseignement et de la
création d'un milieu de la danse dans les villes.
M. Boulerice: Au-delà des tournées
intra-Québec, il y a des hauts lieux de la danse, notamment en Europe,
à Paris, à Stuttgart, chez nos voisins américains à
New York, où il se fait beaucoup de choses. J'aimerais connaître
l'évaluation que vous faites de l'aide du ministère des Affaires
culturelles dans l'exportation du produit culturel québécois au
niveau de la danse. Exemple: Y a-t-il un intérêt et une aide
apportée pour la participation de troupes québécoises? Les
manifestations de danse ont quand même leur importance. Je sais qu'il y
aura, cet automne, un festival international de chorégraphie à
Paris; il y avait le Festival des Bagnelets il y a quelques mois
également en France. Quelle est votre évaluation de la
situation?
M. Perreault: La danse québécoise, en ce moment,
s'exporte très bien. Je me souviens, il y a dix ans, on devait aller
là-bas avec nos films, nos photos et tout cela. Maintenant on peut
téléphoner à Paris, ils savent qu'on existe, il savent
qu'on est là et que la danse est forte ici. Je crois qu'on aurait
probablement besoin de plus d'aide parce qu'on voit toujours le Canada, en
Europe et surtout aux États-Unis, comme un pays qui subventionne la
culture, donc qui est riche. On voit les artistes ou les troupes canadiennes ou
québécoises comme étant des troupes qui ont des moyens et
ce n'est pas exactement la réalité. Je crois qu'il est important
pour nous d'aller à l'étranger et d'exporter le plus possible. Je
crois qu'on l'a fait au niveau de la chanson, on l'a fait à plusieurs
niveaux. En danse, la percée est vraiment là. Nous faisons
très bonne figure, surtout en Europe, et il va falloir pousser encore
plus de ce côté. Est-ce que cela répond à votre
question?
M. Boulerice: Oui. J'en aurais au moins sept autres mais je sais
qu'il y a des collègues qui veulent en poser. On pourra toujours, en
aparté, plus tard, en discuter tous deux. Je sais que mes
collègues veulent poser des questions, alors je vais, malheureusement,
me restreindre, M.
Perreault.
M. Perreault: Je ne sais pas si cela répondrait exactement
à votre question mais en France le ministère de la Culture a
établi, pour décentraliser la danse de Paris, des centres
à Lyon et un peu partout en France. Je crois qu'il y a huit centres
où ils ont envoyé des troupes de danse en résidence dans
les villes, ce qui a été très efficace et qui a vraiment
aidé à l'éclosion de la danse en France et à son
renforcement. Par contre, ces villes ont quand même des populations qui
sont assez importantes et ce serait assez difficile d'établir quelque
chose comme cela chez nous.
M. Boulerice: D'accord. M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Saint-Jacques. Messieurs, j'ai lu aussi avec beaucoup
d'attention, et dois-je ajouter avec beaucoup de plaisir, cet excellent
mémoire fort bien écrit - ce qui est toujours agréable -
et qui soulève des problèmes à la fois importants et
intéressants pour la commission.
Je vous ai entendu répondre tantôt, M. Perreault, à
une question du député de Saint-Jacques. Vous n'avez pas fait la
distinction, c'est celle que je vous demanderais de faire. Vous avez
parlé d'amateurs, d'une part, et de professionnels, d'autre part. On
sait que dans certains domaines il est relativement facile de faire une
distinction assez précise entre les professionnels et les amateurs et
j'aimerais vous entendre élaborer un peu sur cette question. Dans le
domaine de la danse, quelles sont les différences que l'on peut faire
entre une compagnie professionnelle et une compagnie amateure? Parce qu'il
semble que, par moment, ce ne soit pas tellement clair. {12 h 15)
M. Perreault: Le professionnalisme, je crois, est une question
d'implication. Pour moi, le professionnel de la danse est quelqu'un dont
l'implication majeure est en danse, est face à son art. Donc, ce n'est
pas un passe-temps. Pendant longtemps on a dit: un professionnel c'est vraiment
quelqu'un qui a un poste et qui a fini son entraînement. C'est entendu
qu'un professionnel c'est quelqu'un qui a fait une étude pertinente,
c'est-à-dire qui a terminé son entraînement de base, et qui
fait de sa vie une carrière en danse. C'est très différent
de quelqu'un qui fait cela pour s'amuser, comme par exemple souvent dans les
troupes folkloriques où les gens le font. Je regarde certaines troupes
folkloriques qui arrivent à des niveaux de professionnalisme, quand on
regarde le produit; mais ce sont des gens qui travaillent, qui ont un
métier et qui ont tout un développement dans leur
carrière, mais aussi qui font de la danse. Alors que pour moi le
professionnel de la danse c'est quelqu'un qui ne veut faire que cela. Il peut
faire autre chose parce qu'il est devant ce besoin, mais c'est quelqu'un qui a
décidé que sa vie est dédiée à la danse;
c'est sa carrière.
Le Président (M. Trudel): Très bien, c'est une
réponse qui me satisfait personnellement. Je vais vous demander
d'aborder avec moi un problème délicat qui va être
soulevé demain. Je ne veux pas qu'on lance ce débat dès ce
matin, mais il va être nommément soulevé - par la guilde
des musiciens notamment - et c'est celui de l'emploi, par la plupart des
compagnies de danse, d'enregistrements plutôt que l'engagement de
musiciens d'orchestre. La gilde des musiciens va nous dire qu'elle s'oppose,
compte tenu des objectifs qu'elle poursuit et de ceux qu'elle défend.
J'aimerais vous entendre sur cette question, car vous n'aurez pas la chance
d'être présents demain alors que cette question va être
posée.
M. Perreault: II y aura toujours de la musique enregistrée
en danse. De toute façon quand on a besoin de la scène pour
danser, à part des endroits où il y a des fosses d'orchestre,
où est-ce qu'on les met les musiciens? C'est aussi une question de
coût. Je dois dire que personnellement je constate que
généralement en danse il y a peu de respect pour la musique. Ce
n'est pas vraiment que les chorégraphes ou que les compagnies ne
respectent pas les musiciens, mais c'est qu'ils sont dans une situation
où ils doivent s'approprier des musiques afin de pouvoir créer,
ils n'ont pas d'autres moyens. Je crois qu'on devrait regarder de plus en plus
à aider les chorégraphes à pouvoir commander des oeuvres
et utiliser des musiciens s'ils en ont besoin. Mais beaucoup de spectacles de
danse ne veulent pas ou n'ont pas besoin de musiciens sur place pendant les
spectacles.
Par contre, je suis conscient que la danse est parfois un peu coupable
face aux compositeurs parce que souvent les droits d'auteur ne sont pas
respectés. Cependant nous serons toujours obligés jusqu'à
un certain point d'utiliser des enregistrements, sinon il faudrait tripler nos
budgets. Un musicien gagne quatre ou cinq fois plus cher qu'un danseur. Alors,
on va partir d'où, si on est obligés d'utiliser des musiciens sur
scène?
Le Président (M. Trudel): D'accord. C'est une
réponse honnête, directe et tout à fait franche. Vous
admettez des choses qu'on avait entendues. Ce n'est pas ce que je voulais vous
faire dire, soit dit en passant.
Une dernière question avant un commentaire final. Nous avons
entrepris à la commission, hier soir, surtout Mme la ministre et moi,
une discussion intéressante
avec M. Eddy Toussaint sur l'absence de concertation dans les milieux de
la danse au Québec et, il faut bien l'ajouter, au Canada. J'aimerais
vous entendre sur cet aspect. M. Toussaint disait, pour le résumer
rapidement et, j'espère, le plus honnêtement possible: C'est
tellement différent qu'il devient à peu près impossible de
se concerter. Je vous avoue personnellement, ayant suivi ces questions depuis
plusieurs années, que cela a été une réponse qui
m'a étonné, bien que constatant la situation qui existe dans le
milieu de la danse au Québec. J'aimerais vous entendre davantage
là-dessus, s'il vous plaît.
M. Perreault: Je crois vraiment que tout artiste est
différent. S'il n'était pas différent, il ne serait pas un
artiste. Il n'y a pas deux artistes pareils. La concertation est difficile mais
je crois que tant au Canada qu'au Québec, et particulièrement au
Québec ces dernières années, le milieu a prouvé
qu'il pouvait se rencontrer, discuter de ses problèmes et sortir de
l'immédiat.
Pour ma part, le fait de dire qu'il n'y a pas de possibilité de
concertation dans le milieu de la danse, c'est retourner dix ans, vingt ans en
arrière alors qu'on était trois petites troupes au Québec
et qu'il y avait des petites batailles de clocher. Nous sommes devenus un
milieu. Cela fait partie du processus de maturation de pouvoir asseoir ensemble
des artistes qui n'ont pas la même vision, qui n'ont pas les mêmes
opinions, qui sont en compétition et de constater les problèmes
communs. Nos problèmes individuels, on les règle soi-même;
mais les problèmes communs doivent être réglés par
l'ensemble.
Est-ce que cela répond à votre question?
Le Président (M. Trudel): C'est une réponse
à ma question, en effet. En terminant et avant de céder la parole
à la députée de Chicoutimi, j'aimerais vous dire que, sans
appuyer à fond et totalement votre demande d'avoir deux salles de danse
à Montréal, j'appuie votre demande d'en avoir au moins une. Il
s'agirait de voir où elle pourrait être située. J'aimerais
suggérer à Mme la ministre, ayant lu l'étude de PLURAM, de
la situer dans cette partie de l'est de Montréal qui en a grand besoin
et, notamment, dans le comté de Bourget.
M. Boulerice: Dans le comté de Saint-Jacques...
Le Président (M. Trudel): Non. Le comté de
Saint-Jacques est bien pourvu. Je cède maintenant la parole...
M. Boulerice: On nous a tout enlevé, M. le
Président.
Le Président (M. Trudel): ...à Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Bonjour, M.
Perreault et...
M. Perreault: Bonjour.
Mme Blackburn: ...M. Patenaude. Il me fait plaisir de vous
rencontrer et de vous entendre. Comme le disait tantôt le
député de Saint-Jacques, je dois dire que c'est un secteur que je
connais un peu plus mais il reste que vous avez un excellent mémoire.
C'est une remarque que je faisais tout à l'heure à M. Patenaude
et que je vous fais également.
J'ai quand même quelques questions. Permettez-moi de
résumer pour voir si j'ai bien compris la situation de la danse en
particulier. Vous nous dites en gros: C'est une carrière qui est courte,
dans laquelle il y a un risque très élevé d'accident. On a
les revenus les plus bas parce qu'il y a un public en croissance mais qui est
encore faible. Public qui se comparerait davantage à celui des
opéras. En gros, ce serait la situation.
Vous faites une recommandation - et je pense que c'est le premier groupe
qui aborde cette question de la possibilité d'incubateurs,
l'équivalent d'incubateurs d'entreprises, mais des incubateurs
d'entreprises culturelles. Je trouve cela extrêmement intéressant.
On sait qu'on en parle beaucoup en matière d'industries tout court mais
pour ' des industries culturelles je pense que c'est la première fois.
Je trouve que cela serait particulièrement pertinent dans la
région de Montréal. Non pas parce que c'est inutile ailleurs,
mais on peut penser, étant donné la vocation même de la
métropole, qu'il est important qu'on y développe ce que j'appelle
des industries culturelles beaucoup plus vivantes et dynamiques. Il me semble
que, comme l'ont fait d'autres villes, l'idée est
intéressante.
Vous avez parlé de salles de spectacles réservées
à la danse qui permettraient de situer Montréal dans le circuit
des tournées des grandes troupes. Il me semble que je n'ai pas vraiment
vu dans votre mémoire d'allusions à des locaux de
répétition. Parce que, dans les coûts de production, il y a
toujours à la fois la musique, dont faisait état le
président tantôt, mais il y a également les locaux de
répétition. Je me demandais si je devais lire que cette salle
polyvalente pourrait être utilisée à des coûts
relativement modiques comme salle de répétition. C'est parce que
je pense particulièrement à la relève. Les grandes troupes
qui sont mieux reconnues ont...
M. Perreault: Quand nous avons parlé de
théâtre avec le milieu, nous avons parlé de locaux de
répétition aussi. Alors qu'il y a
quelques années les troupes avaient chacune leurs locaux
permanents, maintenant il y a énormément de petites troupes qui
ne travaillent que quelques mois par année et qui ont besoin de louer
des studios d'une façon temporaire. Il pourrait très bien y avoir
des locaux dans un théâtre. Nous nous sommes dit que si on avait
des théâtres on serait bien content et on pourrait continuer
à travailler sur nos mauvais planchers. Le besoin est là. Les
danseurs et les chorégraphes travaillent présentement dans des
locaux qui, souvent, ne sont pas chauffés, qui sont dangereux; on voit
des danseurs qui dansent sur du béton qui répètent sur du
béton. Ce n'est pas de se trouver une salle de répétition,
c'est de trouver une pièce assez grande: on en est à ce stade. Si
on avait la possibilité d'avoir des locaux qui pouvaient être
partagés par différents créateurs et différentes
troupes, ils seraient les bienvenus parce que le besoin est réel. C'est
que nous nous sommes dit: On a tellement de demandes qu'on ne sait pas si on
doit les faire toutes.
Mme Blackburn: Mon autre question touche une recommandation que
vous faites vôtre en partie seulement sur la négociation des
contrats. L'idéal proposé est celui d'un organisme qui pourrait
négocier les contrats entre les artistes-interprètes et le
producteur. Dans le cas de la danse, comme le rappelait tantôt au
précédent mémoire M. Patenaude, il y a souvent un double
statut de producteur et d'interprète. C'est la première partie de
ma question: Comment négocie-t-on dans ces situations-là? La
seconde, réfère à la page 6 de votre mémoire
où vous ne faites pas la distinction que fait l'UDA. Vous dites: La
question de savoir si un danseur-interprète est salarié ou
travailleur autonome a ici peu d'importance. Avec un tel seuil de revenus, des
exigences aussi grandes, il ne fait aucun doute qu'un train de mesures
spéciales s'impose. L'UDA a établi une règle; c'est
artiste-interprète pigiste, le statut juridique de cette personne,
excluant les salariés.
M. Patenaude: M. le Président, Mme Blackburn, il est
important de comprendre ce que le regroupement tente de faire. Son objectif
fondamental, c'est l'amélioration du statut socio-économique des
professionnels de la danse. Nous ne faisons pas au préalable de
distinction entre un danseur qui est à l'emploi d'une compagnie et un
pigiste. C'est bien simple, on va prendre un dossier concret, celui de la
santé et de la sécurité du travail: le problème
vécu par un danseur par rapport à la santé et à la
sécurité du travail, par rapport aux maladies professionnelles
vécues. C'est son métier -indépendamment de son statut -
par rapport à la fiscalité et par rapport à la
société, c'est son métier qu'on doit orienter. Ce qui nous
préoccupe, c'est de voir... On dit: Oui, un statut juridique, c'est une
chose, mais cela doit aller de pair avec le développement des
professions artistiques. On identifie clairement la situation du
danseur-interprète, aujourd'hui, qui n'arrive pas à gagner sa
vie. N'arrivant pas à gagner sa vie, on ne va pas se demander s'il est
salarié ou pigiste, on va essayer de voir ce qu'il va faire pour avoir
un revenu décent. C'est cela notre priorité. La question de voir
comment cela s'articule entre le producteur, les interprètes et les
chorégraphes est liée, de même que notre approche, au
milieu qu'on représente. C'est un milieu où entrent les
différentes compagnies. Il n'y en a pas une qui est à la
même échelle; il y a des similitudes, il faudrait voir comment
chacune fonctionne. Il y a ce qu'on appelle les compagnies avec des structures
administratives importantes, il y a de plus en plus, comme M. Perreault, le
soulignait tout à l'heure, des groupes de production qui sont
structurés en vue de productions précises. Là, on engage
les gens à salaire pendant une période X de temps; on peut les
considérer comme pigistes d'une certaine manière. D'ailleurs,
dans l'un des préambules, je crois, de l'Union des artistes, on
considère tout artiste-interprète pigiste aux fins de la loi.
Cela veut-il dire que tous les salariés qui sont à l'emploi des
compagnies vont être interprètes-pigistes? Je n'ai pas la
réponse. (12 h 30)
M. Perreault: J'aimerais seulement mentionner le fait que la
grande majorité des intervenants en danse ne fait pas partie de l'Union
des artistes. L'Union des artistes couvre une minorité, vraiment une
petite minorité des gens de la danse.
Mme Blackburn: Au moment où vous introduisiez votre
mémoire, vous faisiez état que la danse était un art en
émergence. Vous demandiez, pour cette raison, qu'elle jouisse, si j'ai
compris, d'un statut particulier qui favorise précisément son
émergence, sa croissance. Est-ce que vous pensiez à des mesures
particulières, à des programmes spécifiquement
orientés ou réservés à la danse? Je pense à
des programmes d'aide: aide aux tournées, aide à la
création.
M. Perreault: D'une part, des programmes d'aide. Un financement
accru pour que les artistes puissent être payés, parce que
produire en danse coûte extrêmement cher. Pour un
chorégraphe, la question n'est pas d'avoir quelques instruments. Ce sont
des gens. Ce sont des vies humaines avec lesquelles il travaille et on devrait
pouvoir les rémunérer. On en est très loin, encore,
à ce moment. Quand je regarde pour faire une production, je me demande
si je le fais sans payer mes gens ou si je ne le fais
pas. Finalement, on trouve les moyens. Mais, pour les jeunes, c'est
encore plus difficile.
Il y a le côté du financement, mais aussi le
côté de l'aide et de la réglementation du milieu. Le milieu
est jeune, surtout en ce qui a trait à la danse moderne qui est un art
qui change très, très rapidement. Il se modifie sans arrêt.
Quand on regarde ce qui se passait au niveau des troupes, il y a 20 ans, il y a
dix ans et il y a cinq ans, tout le fonctionnement du milieu a changé.
Tout à coup, les grosses troupes sont devenues des petites troupes, les
créateurs quittent les compagnies et deviennent des artistes
indépendants, etc. Le milieu change. L'interprète change. On ne
voit plus l'interprète de la même façon. Donc, le milieu
est, toujours, complètement en évolution. C'est sa nature. Il est
important qu'on ait des mécanismes qui puissent y répondre
rapidement. Je sais que l'État est là pour répondre et non
pour créer, mais, souvent, la réponse est lente à venir.
C'est long changer de structure, changer de politique. Nous sommes dans un
milieu qui évolue particulièrement rapidement en comparaison avec
ce qui ce passe, souvent, en musique où les structures du milieu ne
changent pas aussi rapidement. Surtout, que l'éclosion a
été énorme. Il y a dix ans, il y avait quatre ou cinq
troupes et maintenant, nous en avons je ne sais pas combien; c'est
énorme le nombre de troupes, seulement en dix ans. Automatiquement, il
faut tout revoir parce que la clientèle a changé. Le public de la
danse, à Montréal, est dix fois plus nombreux qu'avant. Il faut
revoir ces choses-là.
Mme Blackburn: Hier, on a parlé un peu de la santé
et de la sécurité du travail, des difficultés que cela
posait, particulièrement pour la danse. De M. Toussaint, j'ai compris
que ce n'était pas un problème d'accès ou de cotisation
à la Commission de la santé et de la sécurité du
travail, mais davantage un problème de rémunération dans
le cas d'accidents. Est-ce que je pourrais avoir votre idée
là-dessus?
M. Perreault: Je vais tenter de cerner la situation de
façon brève. De façon générale, l'ensemble
des mesures de protection sociale étant lié avec la
rémunération, il faut avoir une rémunération
suffisante pour pouvoir avoir des prestations adéquates. Si on gagne
3000 $ par année pour un métier, 90 % de cela, ce n'est pas
beaucoup. On ne vivra pas longtemps. De façon spécifique, au
niveau de la santé et de la sécurité du travail, dans un
sens, vou3 avez raison et, dans un autre, il manque un aspect. Vous avez
raison, un danseur qui se brise une jambe, qui s'inflige une entorse ou des
blessures spécifiques à la suite d'un accident précis,
évidemment, comme tout autre employé, est couvert s'il est
employé; s'il est pigiste ou travailleur autonome et qu'il s'est muni
d'une assurance, il va avoir accès aux services de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail. Où se pose le
problème? C'est que la Loi sur la santé et la
sécurité du travail a été conçue en fonction
des industries à haut taux de risques d'accidents et de maladies
professionnelles: on peut penser aux mines, aux forêts, à
l'amiante, par exemple, avec i'amiantose et tout cela.
La pratique du métier en danse, en particulier, lorsqu'on le voit
et qu'on cite le cas d'une danseuse qui se retire à 40 ans et à
qui son médecin, à partir des radiographies, dit: Madame, vous
avez les pieds usés comme une femme de 65 ans, c'est assez
impressionnant. Cette femme a encore un bout de chemin à faire. On
parlait de recyclage. Avoir les pieds usés comme cela, cela cause un
handicap important.
En tenant compte des modalités de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail on se dit: Pratiquer un
métier comme celui de danseur inflige une usure démesurée
ou beaucoup plus importante que celle de quelqu'un qui travaille dans un bureau
ou à des choses comme cela. Donc, cette relation d'usure en relation
avec le métier artistique impose un train de mesures précis.
C'est pour cela qu'on propose l'instauration d'un programme de protection
adéquat qui inclurait, lorsqu'il y a des blessures ou des maladies qui
se développent, l'accès à des professionnels de la
santé spécialisés et qui comprennent l'exercice du
métier. C'est un métier où on peut être
blessé et avoir besoin de continuer: des mesures doivent être
prises et ce n'est pas nécessairement un médecin de pratique
générale qui va pouvoir suffire à la tâche.
Donc, on voudrait avoir une extension de l'accès aux
professionnels de la santé. Par exemple, M. Toussaint, hier, mentionnait
les masseurs ou des choses comme cela. On n'a pas encore préparé
tout le programme de protection, de prévention, mais c'est dans cette
orientation que nous cherchons. Bien sûr, si on découvrait qu'il
est nécessaire, par exemple, d'avoir des périodes de massage et
que cela aurait un effet sur le taux de blessures ou de stress ou des choses
comme cela, à ce moment il y aurait une recommandation. Il faudrait
qu'il y ait un programme, que cela soit couvert par la Commission de la
santé et de la sécurité du travail et non pas
imposé sur les revenus déjà maigres des danseurs.
Est-ce que je réponds bien à votre question?
Mme Blackburn: Bien. Vous faites état d'un rapport, d'une
étude qui est actuellement en cours, financée par le
ministère des Affaires culturelles, la Commission de la
santé et de la sécurité du travail et
l'Université de Montréal. Quand cette étude devrait-elle
être déposée?
M. Patenaude: Les prévisions du dépôt du
rapport sont pour mars 1987. Donc, vous avez un plan en annexe D, je crois, qui
énonce la proposition, les éléments de l'étude, les
étapes, en termes de mois, ainsi qu'un projet d'un résumé
de rapport. Donc, vous avez l'étendue de ce que va couvrir
l'étude.
Mme Blackburn: Vous me permettrez une dernière question
brève pour revenir un peu sur une remarque que faisait tantôt M.
Perreault à savoir qu'il y avait peu de danseurs, finalement, qui
étaient membres de l'UDA. Est-ce parce que les modes de
négociation ne conviennent pas ou parce que la danse n'a pas
suffisamment percé dans ces milieux? Comment expliquez-vous cela?
M. Perreault: C'est que le milieu de la danse a vraiment
poussé par lui-même, si l'on veut. Les conditions dans lesquelles
les troupes et les chorégraphes devaient travailler dans les
années soixante, disons, étaient tellement archaïques, qu'on
n'aurait jamais pu débuter si on avait été membres de
l'union. On travaillait avec rien. On payait à peine nos gens. On
n'aurait jamais pu commencer.. Les gens de la danse qui faisaient partie de
l'Union des artistes étaient surtout des danseurs qui dansaient à
la télévision, qui faisaient des choses dans les
variétés, etc.
Donc, il y a eu un écart entre les besoins réels du milieu
de la danse et l'autre milieu de la danse qui faisait partie de l'Union des
artistes. Nous ne sommes pas nécessairement contre l'Union des artistes.
Je crois, d'ailleurs, qu'on va commencer une consultation avec l'union pour
voir si cela serait avantageux pour nous. En ce moment, on ne dit certainement
pas oui, comme cela, tout de suite, parce que nos moyens sont trop
limités. Si, automatiquement, les gens de la danse faisaient partie de
l'Union des artistes, avec des règles très strictes, on devrait
couper la production à 80 %. Ce n'est pas encore le temps de le faire,
c'est le temps de regarder ces choses-là. C'est la raison pour laquelle
les danseurs ne font pas partie de l'union. Qu'est-ce que cela leur donnerait
de faire partie de l'Union des artistes et de demander des cachets minimums,
lorsqu'ils savent très bien qu'ils n'auront pas de travail parce que
personne ne pourra les payer, à part quelques producteurs qui peuvent le
faire?
C'est surtout pour la relève et les jeunes chorégraphes
que cela est dangeureux.
M. Patenaude: J'aimerais compléter ce que M. Perreault
vient d'énoncer au sujet de l'union par rapport à la
concertation. Il y a déjà des mesures, nous avons
été invités, nous du regroupement: le
vice-président, M. Daniel Soulières, qui est
danseur-chorégraphe et moi-même, à siéger à
un comité qui est à réviser les règles de danse,
donc, les conditions de travail des danseurs.
Dimanche dernier, avant de venir à Québec, j'assistais
à une "sectorielle", qu'ils appellent, sur ces règles de danse.
Bien sûr, M. Perreault énonçait des différences
entre les deux types de pratique; il y a ce que nous, nous appelons la danse
subventionnée ou le producteur est le gouvernement et les
différentes agences, en grosse partie; l'autre se fait dans une pratique
mixte où il y a un producteur privé ou une subvention qui peut
arriver. Il reste encore beaucoup de défrichage à faire à
ce niveau et une prise de conscience.
C'est pour cela qu'on dit que, suivant une logique, si jamais il devait
y avoir des syndicats qui devaient nous représenter, cela restera
à ceux qui sont les principaux concernés. Pour l'instant, il
reste beaucoup de travail de définition. On a fait un travail important
au niveau de la rédaction du mémoire, où on balise, donne
les grandes lignes directrices et on ne croit pas être dans l'erreur,
bien loin de là. Il y a des choses qu'on a faites jusqu'à
maintenant qui sont fondamentales. Ce n'est probablement pas encore assez su
jusqu'à quel point on a mené ce travail. La philosophie
même du regroupement a été de favoriser ces concertations
entre les producteurs, entre les différents intervenants, de par cette
nature même du milieu qui est complexe et qui est mouvante, comme M.
Perreault le rappelait tout à l'heure, et en évolution. Chacun
n'a pas seulement un chapeau de producteur, comme à Radio-Canada.
Là, cela va bien, c'est polarisé comme cela. Dans le milieu de la
danse, c'est fluent comme cela. Il reste encore un travail important de
clarification. Aussi, la constatation première, c'est qu'on n'arrive pas
à en vivre. Donc, il peut y avoir beaucoup d'articulations.
Voilà.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Le député de Sherbrooke.
M. Hamel: Merci, M. le Président. Bonjour messieurs.
Effectivement, je vous félicite pour l'excellence de votre
mémoire. J'ai une question de moins, parce que vous venez de
répondre à la même préoccupation que j'ai, tout
comme ma collègue d'en face, concernant votre adhésion à
l'UDA.
Ma première question a trait à la salle de danse à
Montréal. Tantôt, M. Perreault, vous avez mentionné que le
théâtre de l'Université du Québec était trop
cher. Tout d'abord, je voudrais savoir si cette salle
répond à vos besoins professionnels.
M. Perreault: Elle aurait besoin d'un
réaménagement, parce qu'elle a été conçue
par un conseil d'administration. La scène est trop petite en ce moment,
mais cela pourrait devenir une salle qui pourrait être efficace pour la
danse après un réaménagement.
M. Hamel; Bon! Donc, si je comprends bien, il y a deux
difficultés. Son réaménagement serait nécessaire,
mais aussi son accessibilité financière est trop
élevée.
M. Perreault; C'est exact.
M. Hamel: Cela vous empêche-t-il d'y accéder d'une
façon régulière? (12 h 45)
M. Perreault: II est important pour les petits producteurs de
pouvoir avoir une salle qui n'est pas dispendieuse au niveau du fonctionnement,
donc, au niveau du loyer. Si vous arrivez dans une salle qui coûte 700 $
par jour et qu'en plus vous avez à payer vos techniciens, si votre
public est d'à peu près 1000 personnes pour votre production,
c'est impossible. Le problème à l'université, c'est que
souvent les techniciens sont syndiqués. Par contre, il y a des
possibilités quand même. Cela demeure un théâtre qui
offre une certaine structure. Quand je parlais de salles, je ne demande pas des
salles de 3 000 000 $ avec des tapis rouges et tout le reste. On demande des
espaces avec des éclairages, un bon plancher, des sièges. Il y a
de cinq à dix cinémas qui sont vides à Montréal et
qui vont être démolis d'ici quelques années probablement.
Je pourrais vous en montrer cinq demain matin. Pourquoi ne pourrait-on pas
réaménager les cinémas et en faire des
théâtres polyvalents pour la danse? Ces édifices-là
vont devoir être sauvés de toute façon. On ne
demande pas des salles extraordinaires. On demande de l'espace.
M. Hamel: D'accord. Maintenant, concernant la fiscalité
j'aimerais que vous précisiez un peu. Dans votre résumé,
è la page 2, section 2A, paragraphe 9, vous dites: "Qu'une
réglementation spécifique soit adoptée de façon
à reconnaître à un artiste professionnel le droit de
déduire une part "raisonnable"..." J'aimerais avoir un peu de
précisions sur ce que vous entendez pas "raisonnable"?
M. Perreault: C'est tout ce que cela peut coûter quand on
sait qu'un danseur doit dépenser 100 $ par mois, minimum, pour prendre
des cours tous les matins. Un danseur fait son entraînement, paie pour
ses études mais, une fois qu'il est professionnel, il doit, tout au long
de sa carrière, prendre un cours tous les matins. Ce cours-là lui
coûte de 5 $ à 7 $ par jour. Cela doit être
déductible d'impôt. II a ses vêtements de danse, il a son
transport. Souvent, un danseur doit travailler avec trois chorégraphes
différents; alors, il travaille dans Saint-Jacques, il travaille sur le
Plateau Mont-Royal et, ensuite, il a une autre répétition dans le
nord de la ville. Il y a tous ces transports qui doivent pouvoir être
déduits. Aussi, pour les chorégraphes qui paient les danseurs de
leur poche et qui ne sont pas nécessairement des gens qui sont
incorporés en tant que compagnie encore, mais qui doivent payer des
danseurs - c'est ça notre matériau - cela devrait pouvoir
être déductible. Je connais des chorégraphes qui divisent
leur chèque d'assurance-chômage entre leurs danseurs. Notre
métier nous coûte cher. Cela devrait pouvoir être reconnu et
ça ne l'est pas toujours.
M. Hamel: Est-ce que je peux poser une autre question?
Le Président (M. Trudel): Allez-y, M. le
député de Sherbrooke.
M. Hamel: Dans la même page, concernant le statut
professionnel au paragraphe 11, j'aimerais aussi avoir quelques
précisions. Comment voyez-vous la procédure d'arbitrage que vous
souhaitez sous la responsabilité du ministère? Vous dites:
"Qu'une procédure d'arbitrage soit prévue et placée sous
la responsabilité du ministère des Affaires culturelles". Comment
voyez-vous cela d'une façon un peu plus concrète?
M. Perreault: C'est probablement la chose dans le mémoire
dont on était le moins certain.
M. Hamel: Cela peut, peut-être, vous embarrasser.
M. Patenaude: Comme vous avez pu le voir chez d'autres
associations, c'est un peu la réflexion collective qui s'est faite au
niveau des différentes associations dont le regroupement fait partie par
le biais de la Conférence des associations de créateurs et
créatrices du Québec. Cette question demande un statut
particulier au niveau de la fiscalité. Bien" sûr, Revenu
Québec et Revenu Canada ne vont pas dire: Bien oui, vous avez un statut
particulier, on va vous déduire tout ce que vous demandez parce que vous
dites que c'est relié à votre profession. Il peut y avoir des
questions qui seront posées. On a donc demandé qu'il y ait des
définitions sur les critères et, comme on le fait un peu à
l'intérieur du regroupement, on définit le professionnalisme
selon la personne qui a complété sa formation de base et qui
tente ou qui cherche à exercer son métier de façon
régulière et active.
Comme on sait qu'on ne gagne pas sa vie, évidemment il y a des
problèmes qui se posent. Les gens, parce qu'ils n'arrivent pas è
s'assurer un minimum, sont obligés de compenser par une autre source de
revenus.
Je fais un préambule un peu pour compléter la
réponse que M. Perreault faisait sur la proposition 9. On s'est dit: II
y a des gens, et de façon fréquente, qui sont obligés de
travailler dans un autre domaine ou dans un domaine connexe, soit en
enseignement, parce que leur travail de créateurs ou
d'interprètes n'est pas suffisant pour leur assurer le minimum. Ce qu'on
propose, c'est que d'un revenu de professeur à l'université, par
exemple, une part raisonnable... On a mis "raisonnable" parce que la
mécanique de cela reste à voir. On n'est pas entré dans
cela. On s'est dit: Le principe d'abord, c'est de déduire un pourcentage
de ce revenu qui est, bien sûr, injecté dans la création ou
dans une activité créatrice. Pour un professeur qui injecte une
part de ses revenus dans ses créations, des choses comme cela, on
demande qu'une réglementation le permette, considérant qu'il
n'arrive pas à gagner, de façon générale, sa vie du
seul exercice de sa profession artistique.
Revenons à la procédure d'arbitrage. Revenu-Québec,
par exemple, conteste le statut professionnel d'un chorégraphe.
Qu'est-ce qui arrive? L'association va le défendre? C'est
Revenu-Québec contre l'association. Les deux restent sur leurs
positions. Qui va trancher? On demande que le ministère des Affaires
culturelles, de par ses expertises, soit habilité à
écouter, entendre, puis trancher le litige, s'il y a contestation. Bien
sûr, il est sous-entendu que les associations vont définir ce
qu'est un professionnel. C'est une question délicate, nous en convenons,
mais je pense que l'on doit avoir le courage de l'affronter, quitte à ce
que l'on fasse comme souvent on fait au Québec: on innove et les autres
suivront.
M. Hamel: Merci, monsieur. Merci, M. le Président. J'ai
terminé.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Viger.
M. Maciocia: M. le Président, je ne sais pas si la
question a été posée pendant mon absence, mais ma question
est celle-ci: Y a-t-il des programmes de perfectionnement adéquats ici
au Québec actuellement dans le secteur de la danse? Si oui,
l'accès y est-il très limité? On a l'impression qu'il y a
beaucoup de jeunes danseurs et danseuses qui sont obligés de s'expatrier
pour se perfectionner davantage ou simplement pour trouver d'autres
emplois.
M. Perreault: Voulez-vous dire un perfectionnement de très
haut niveau? M. Maciocia: C'est cela.
M. Perreault: Je crois que nous avons ici de l'entraînement
d'assez haut niveau, surtout en ballet classique où, quand même,
beaucoup a été fait et où nous avons certains grands
maîtres. En danse moderne, nous sommes encore très jeunes; donc,
il y a très peu de maîtres qui ont été formés
jusqu'à ce jour, parce qu'on ne devient un maître qu'après
beaucoup d'années d'enseignement et la plupart des chorégraphes
sont encore jeunes, les professeurs sont encore assez jeunes. Par contre, il
est normal, historiquement et traditionnellement, en danse, qu'on aille
à l'extérieur pour de l'entraînement, pour du
perfectionnement. C'est entendu que, dans une ville comme New York ou Paris,
parce que le milieu est tellement grand et le bassin de professionnels
tellement énorme, qu'il y a plus de grands maîtres qu'ici, mais je
crois que nous avons ici une capacité de formation.
Par contre - je crois que le ministère est déjà en
train de regarder en ce moment la formation en danse, parce que les
problèmes ne sont pas tous résolus - nous devons pouvoir
élargir et offrir un enseignement de la danse adéquat et vraiment
de qualité, à une plus large partie de la population.
Éventuellement, il va falloir aussi, je crois, préparer une
politique de l'enseignement de la danse. Le plus dangereux au Québec en
ce moment, c'est que n'importe qui peut ouvrir une école de danse. Vous
pouvez vous-même ouvrir une école de danse la semaine prochaine,
si vous voulez. Vous avez besoin de deux salles de bain, une sortie de feu et
de ne pas être au troisième étage. C'est comme cela qu'on
ouvre. Alors, il n'y a aucune protection du public et surtout des enfants; on
parle d'enfants quand on parle de danse. Éventuellement, il va falloir
qu'il y ait une politique comme il y en a dans certains pays où
n'importe qui ne peut pas enseigner la danse. Je ne crois pas qu'on puisse
empêcher les gens d'enseigner parce que je ne crois pas qu'on puisse
empêcher les gens de faire quoi que ce soit. On peut cautionner certains
établissements qui pourraient être reconnus comme donnant un
enseignement de qualité.
On a beaucoup de talents chez nous, mais on en perd sûrement 80 %
au départ. Quand des gens nous arrivent en audition, disons, pour
l'université, en danse, et que cela fait cinq ans qu'ils ont un
entraînement absolument horrible, ils sont irrécupérables.
Ou des enfants en ballet classique qui ont été mis sur les
pointes n'importe comment. C'est un instrument de torture, quelque part, de
mettre un enfant sur des pointes quand le professeur n'est pas formé.
Éventuellement,
il va falloir qu'on regarde au-delà de l'enseignement proprement
dit afin de résoudre les problèmes de l'enseignement et avoir
vraiment plusieurs danseurs de très haut calibre. On devrait
étudier une politique pour protéger le public. Les gens ne
peuvent pas savoir la différence qu'il y a entre une école et une
autre, il n'y a que les spécialistes qui peuvent savoir qui peut
enseigner et qui ne peut pas enseigner. C'est le corps et, quelque part,
l'avenir de nos enfants que l'on met entre les mains de n'importe qui.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Viger. S'il n'y a pas d'autres questions de la part des
membres de la commission, il me reste à vous remercier, messieurs, de
votre intervention et à vous souhaiter un bon retour à
Montréal, si vous devez le faire aujourd'hui. On espère avoir le
plaisir de vous revoir ici, bientôt, en spectacle.
J'aimerais rappeler aux membres de la commission, avant de suspendre les
travaux jusqu'après la période des affaires courantes de cet
après-midi, les ententes qui avaient été convenues pour la
bonne marche des travaux. Sans vouloir, d'aucune façon, restreindre le
droit de parole ou d'intervention de qui que ce soit, de quelque
côté que ce soit, je rappellerai qu'il nous reste encore,
aujourd'hui, cinq organismes à rencontrer et à peu près
quatre heures pour le faire. On avait convenu, à la commission, que,
dans la mesure du possible, bien sûr, on essaierait de maintenir nos
interventions, de part et d'autre, à une heure par groupe ou association
qu'on rencontrerait. C'est ce qui a permis à la direction de la
commission, entre autres, d'inviter jusqu'à sept groupes par jour.
Je dois admettre qu'à 12 h 56, à midi, nous n'avons
rencontré que deux groupes et que nous avons convoqué des gens
à la toute dernière minute, ce matin. Un groupe de
Montréal doit être ici ce soir, parce qu'un autre groupe s'est
désisté à la dernière minute, et il serait fort
poli de notre part, je pense, de le rencontrer. Pourrions-nous, cet
après-midi et ce soir, rencontrer cinq groupes en quatre heures? Je le
souhaite tant pour nous que pour eux, tout en ne dépassant pas trop la
période dont nous avions discuté, c'est-à-dire ce soir de
20 heures à 22 heures.
Je demanderais aux membres de la commission la meilleure collaboration
possible. Nos invités nous la donnent, de façon
générale, en résumant le plus possible leur
mémoire. Je souhaiterais, de part et d'autre, qu'on essaie non pas de
limiter nos questions, mais peut-être les commentaires que l'on peut
faire autour des questions. Je sais bien que ce n'est pas facile, sauf que la
politesse nous demande de faire l'effort de passer cinq groupes en moins de
quatre heures ce soir et ce, à la condition, bien sûr, que la
période des affaires courantes se termine à 16 heures. Si, par
malheur, elle devait se terminer à 16 h 30, il ne resterait plus que
trois heures trente pour rencontrer tout ce monde.
Merci. Alors, la commission ajourne ses travaux sine die. On reviendra
après la période des questions.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
(Reprise à 16 h 30)
La Présidente (Mme Harel): À l'ordre, s'il vous
plaît! J'invite les membres de cette commission à prendre
place.
Il est convenu que, dorénavant, nous tenterons de façon
rigoureuse de faire appliquer l'enveloppe de temps dévolue pour chacun
des groupes. Je rappelle non seulement à nos invités qui sont
devant nous maintenant, mais à tous ceux qui se présenteront
devant la commission qu'il s'agît d'une enveloppe d'une heure qui
comprend à la fois la présentation du mémoire et
l'échange avec la commission.
J'inviterais la Société des auteurs, recherchistes,
documentalistes et compositeurs, représentés par M.
Gélinas, son trésorier, et par sa directrice, Mme Claudette
Fortier, à nous présenter maintenant son mémoire.
Société des auteurs, recherchistes,
documentalistes et compositeurs
Mme Fortier: Je vous remercie, Mme la Présidente. Mme la
ministre, messieurs et mesdames de la commission, il me fait plaisir
d'être à nouveau avec vous. Je laisse à un auteur le soin
de vous présenter notre mémoire.
La Présidente (Mme Harel): M. Gélinas.
M. Gélinas (Marc F.): Merci. Tout d'abord, il y a
peut-être lieu de différencier les types d'organismes qui se
présentent devant vous. Je vais essayer de spécifier ce qu'est la
SARDEC par rapport à d'autres types d'organismes qui se
présentent ici.
Il y a certaines associations ou organismes qui visent la promotion d'un
type d'art. Par exemple, si le Centre d'essai des auteurs dramatiques se
présentait, lui il fait la promotion du théâtre
québécois et non pas forcément la promotion de ses membres
en tant que tels. La SARDEC fait la défense des intérêts
moraux, patrimoniaux et pécuniaires de ses membres, comme l'Union des
artistes. Notre champ d'action est de voir aux conditions de sain exercice de
la profession d'auteur et de recherchiste dans
les domaines de ta production audiovisuelle, à savoir la radio,
la télévision et le film.
Cela dit, je vais résumer brièvement non pas la lettre,
mais l'esprit et les grands axes de notre mémoire-, Pour nous, l'auteur
et le recherchiste sont les premiers maillons de la chaîne dans la
production audiovisuelle. Ce sont eux qui sont les garants, les responsables et
les initiateurs du contenu. Sans contenu, tout le reste de la machine tourne
à vide. On pourrait avoir tout le réseau de Radio-Canada, de
Radio-Québec et de TVA en action, avec des écrans blancs; tous
les techniciens travailleraient et les directeurs de programmes
travailleraient, s'il n'y a pas de contenu, il n'y a pas grand-chose. C'est ce
qu'on considère comme étant la place des auteurs et des
recherchistes dans cette chaîne.
L'auteur exerce un métier à risques élevés.
C'est un investisseur et un entrepreneur. Nous allons revenir là-dessus
un peu plus tard. L'auteur investit beaucoup, autant que qui que ce soit dans
le domaine commercial et industriel qui a à développer et
à mettre en marché des produits. C'est un entrepreneur.
Une troisième chose que l'on retrouve dans notre mémoire,
c'est que, dans le domaine de l'audiovisuel, les formes actuelles d'aide
gouvernementale faussent le rapport de forces entre les différents
secteurs de l'industrie, en discriminant massivement et aveuglément en
faveur des producteurs.
Notre objectif en venant ici est de tenter d'arriver à des
mesures qui rétabliront un certain équilibre entre les secteurs,
pour que l'exercice du métier puisse se faire dans des conditions
acceptables et que la gestion privée des fonds publics soit
transparente, équitable et éclairée. Quand on dit
transparent, c'est qu'on sache où va l'argent. Quand on dit
équitable, c'est que sa répartition reflète effectivement
les apports de chacun aux oeuvres. Quand on dit qu'on voudrait qu'elle soit
éclairée, c'est que, à moyen et à long termes, elle
serve les objectifs de cette aide qui sont de promouvoir l'avènement
d'un secteur de la production et de la création dans le domaine
audiovisuel qui soit financièrement indépendant, mature sur le
plan commercial, industriel et créatif.
Un de nos objectifs, qui est aussi un moyen pour la part de ce secteur
qui nous concerne, c'est d'assurer le lien des créateurs à la vie
économique de leur oeuvre. Cela nous apparaît fondamental.
Pour ce qui est des moyens, tout d'abord, nous voulons dire que nous
appuyons le principe d'une loi qui reconnaîtrait les
particularités du statut des artistes et des créateurs et aussi
le principe d'une négociation obligatoire entre les secteurs de
l'industrie, surtout lorsqu'il s'agit de la gestion privée de fonds
publics, ce qui est le cas dans le secteur de l'audiovisuel. À cette
fin, nous recommandons que le gouvernement intervienne pour s'assurer qu'une
partie significative de l'argent versé au nom de la culture aille
directement aux créateurs. Cela revient à notre critère
d'équitabilité, pour ce qui est de l'usage des fonds publics.
Ensuite, nous recommandons que le gouvernement rende l'obtention de
fonds publics conditionnelle à la reconnaissance des associations des
créateurs et artisans des industries culturelles. La résultante
de cette démarche serait d'assurer à ces artisans et à ces
créateurs que leurs droits sont protégés, qu'ils sont
liés à l'exploitation et à l'activité
économique de leurs oeuvres et qu'ils puissent, par le biais de leurs
associations, bénéficier d'avantages sociaux.
Sur le plan fiscal, nous recommandons que le gouvernement reconnaisse
aux auteurs un statut fiscal conforme à leur qualité de
véritables investisseurs et d'entrepreneurs dans les industries
culturelles et, en particulier, que le gouvernement réévalue le
régime d'étalement des revenus des créateurs et leur
accorde un préjugé favorable en ce qui concerne les
dépenses et l'investissement encourus au cours de leur travail. À
titre, peut-être, de cerise sur le "sundae" de l'ensemble, que la taxe de
2 $ perçue à titre de droits d'auteurs sur les
vidéocassettes vierges soit versée au profit des auteurs et des
ayants droit plutôt qu'au fonds consolidé de la province, puisque
la légitimité de ladite taxe, au moment de son adoption, a
été fondée exactement sur cela et qu'une fois qu'on
l'eût vendue à la Chambre en ces termes, on l'a versée au
fonds consolidé.
C'est l'ensemble du résumé. J'ai pris quelques notes sur
des aspects plus particuliers du projet de l'Union des artistes sur lesquels on
pourra revenir un peu plus tard.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. Gélinas. Je
resalue Mme Fortier et je m'excuse de l'espèce de jeu de chaise musicale
auquel vous assistez. Il y a un débat important de l'autre
côté et certains membres de la commission doivent y participer. Je
pense que la députée de Maisonneuve sera de retour parmi nous
tantôt et que cela mettra fin au va-et-vient. Le député de
Mercier doit également revenir. Alors, je vous cède la parole,
Mme la ministre.
Mme Bacon: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier
M. Gélinas et Mme Fortier de nous avoir soumis leur mémoire et de
faire partie ni plus ni moins d'un groupe de personnes
préoccupées par le statut de l'artiste et du créateur qui
ont bien voulu faire cet effort de solidarité, si je puis m'exprimer
ainsi, pour venir devant cette
commission rencontrer les parlementaires et, en même temps,
échanger des propos avec nous sur les différentes facettes de ce
dossier.
Vous utilisez beaucoup, dans votre argumentation, le fait que les
producteurs privés sont en réalité dea gestionnaires de
fonds publics dans plusieurs secteurs des industries culturelles. Je pense que,
sans vous donner tort ou raison, nous écoutons avec beaucoup de
sympathie ces commentaires que voua nous faites. Est-ce que vous pourriez quand
même nous citer des cas où vos membres ont eu des
difficultés avec des producteurs? Est-ce que vous pourriez nous donner
des exemples où des producteurs ont reçu des fonds publics et ont
causé certains problèmes à vos membres?
M. Gélinas: Oui. Quand nous parlons de nos trois
critères, à savoir la transparence, l'équitabilité
et le placement éclairé, ce n'est pas seulement parce qu'on pense
que ce sont de bons critères pour le gouvernement. Nous pensons aussi
que cela aiderait vraiment à promouvoir la cause des auteurs, si les
choses étaient faites ainsi. Tout ce qui est dit ici, il me semble, est
publié dans le journal officiel. Alors, je peux vous dire: Oui, nous
avons beaucoup de cas où les gens ont de la difficulté. D'abord,
ils ont de la difficulté au niveau tout simplement de la façon
dont ils contractent entre eux. Cela, c'est un niveau. C'est très
simple: les producteurs privés ayant le gros bout du bâton la
discrimination gouvernementale est tellement forte à leur égard
que, hormis le secteur de la production de commandites et le secteur de la
production de commerciaux, on peut, sans risquer beaucoup de se tromper, dire
que, s'il n'y avait pas l'aide gouvernementale, il n'y aurait pour ainsi dire
pas de secteur de production d'émissions ou de films de long
métrage. Cela a été donné comme cela au producteur.
Maintenant, c'est aveugle dans le sens où c'est donné et on se
fie ensuite au bon vouloir du producteur. On lui donne une force. Lorsqu'on est
pris devant le producteur pour négocier individuellement, on a de
nombreux contrats qui sont signés ainsi: Tu travailles et je te paye si
jamais on me donne l'argent, tu travailles et, si jamais j'ai de l'argent pour
aller en production, on va se faire un vrai contrat, des choses comme
ça. Si nous étions en privé, nous pourrions vous citer des
noms, vous montrer les dossiers.
Mme Bacon: Pas jusque-là! Je n'aurais pas voulu que vous
citiez des noms aujourd'hui, mais peut-être donnez des cas sans citer les
noms, des exemples.
M. Gélinas: II y en a. Il y a aussi une difficulté
très concrète. C'est un cas qu'on est en train de discuter, qui a
été longue- ment discuté avec la Société
générale du cinéma et qui est présentement en
négociation avec Téléfilm Canada, par exemple. Les deux
organismes, même trois organismes ont mis de l'argent dans le
développement d'un scénario par le biais d'un producteur qui
avait un contrat avec un auteur. Ce qui est arrivé, c'est que les
investissements étaient d'environ 50 000 $ pour développer le
scénario. Téléfilm a mis la moitié de cette somme,
selon eux, qui était destinée aux auteurs. Radio-Canada dit: Nous
avons mis la moitié de cette somme qui était destinée aux
auteurs. La Société générale du cinéma dit:
Nous avons mis la moitié de cette somme qui était destinée
aux auteurs. Ce qui fait que, finalement, on a trois demies et les auteurs
n'ont effectivement reçu que la moitié de la somme. Qui plus est,
cela a pris au moins trois mois juste pour savoir où était
allé le reste de l'argent, d'une part. D'autre part, les auteurs ne
savaient même pas que le producteur avait reçu l'autre partie de
l'argent qui était destiné, pourtant, au développement du
scénario. Cela s'appelle un manque de transparence. Qui plus est, le
producteur se désintéresse du projet. C'est son droit. Son option
est écoulée. Ce qui arrive, c'est que l'auteur veut reprendre son
projet. L'auteur écrit à son producteur pour lui dire qu'il
reprend son projet. Le producteur lui répond qu'il y a un lien de 50 000
$ sur le projet. L'auteur lui dit: Excusez-moi, je croyais qu'il n'y avait que
25 000 $. L'auteur n'a pas été partie aux décisions pour
les autres dépenses. L'auteur ignorait l'existence de ces
sommes-là et on lui dit que, pour ravoir ses droits, maintenant, il est
responsable des 50 000 $.
Dans la pratique, qu'arrive-t-il? Dans la pratique, si l'auteur
n'était redevable que de sa part, il pourrait aller voir un autre
producteur et lui dire: Écoutez, j'ai déjà 25 000 $
là-dessus, ce qui veut dire que l'on peut s'arranger. Mais quand il part
avec une dette de 50 000 $ dont il n'a jamais vu la moitié et que cela
devrait être de l'argent qui lui est dû, la difficulté,
c'est que son projet meurt, il n'est plus vendable. La résultante, par
rapport à la gestion éclairée des fonds publics, c'est
que, voici un projet dans lequel trois différents organismes de
l'État ont investi et c'est le projet qui meurt. L'État perd son
argent parce que les ententes et l'ordre qui devrait régner dans le
milieu n'y sont pas. Cela est une difficulté réelle. C'est un
cas. C'est un cas particulièrement énorme. Mais il y en a de tous
ordres et de toute grandeur. (16 h 45)
Mme Bacon: Vous mentionniez, tantôt, les différents
ministères gouvernementaux. Est-ce que vous pouvez nous citer aussi des
cas - et encore une fois, je ne demande pas de nom, s'il vous plaît -
où vous avez des
membres qui ont eu des difficultés avec le ministère du
Revenu? On en a entendu parler hier. On sait que, chez les artistes, on s'est
plaint hier de ces problèmes avec le ministère du Revenu. Est-ce
que chez vous c'est la même chose? Est-ce que vous avez le même
genre de problème?
M. Géiinas: Non, par rapport aux relations avec le
ministère du Revenu, je pense que je ne connais pas de cas. Ce n'est pas
une cause qui est très exacerbée chez nous. Par contre, il y a un
problème réel, à savoir la question de l'investissement.
Vous savez, si je décide de faire un produit industriel, un produit
commercial physique et que je fais la recherche, je fais la mise au point,
ensuite, j'ai une équipe pour faire la production et je produis cette
chose, je la mets en marché, mais qu'elle ne lève pas de terre,
si je suis une entreprise, je peux déduire cela comme une perte et
l'argent que j'ai investi à développer cette chose n'est pas
taxé après. Au niveau industriel -j'ai lu une étude sur
les produits commerciaux et industriels aux États-Unis -c'est 350
produits qui sont mis sur le marché avant qu'il y en ait un qui
lève.
En ce qui concerne le cinéma et la production audiovisuelle, nous
avons des taux de chute aussi qui sont fort importants. En ce qui a trait aux
scénarios de longs métrages - ce sont des chiffres qui ont
été compilés par la Société
générale du cinéma, ce qui veut dire que ce sont des
scénarios dans lesquels elle a investi et il s'en écrit d'autres
à part ceux-là - ceux dans lesquels elle a investi ont un taux de
chute de 10 à le Cela veut dire qu'on investit dans un scénario,
on développe un scénario, quelqu'un passe six mois de sa vie
à écrire le scénario de long métrage pour lequel il
reçoit une aide qui est un cachet d'écriture, mais qui ne
correspond pas à la valeur marchande du scénario s'il passe
à la production. À ce moment-là, ce qui arrive, c'est
qu'il y en a un qui marche sur dix. Si je fais un scénario et que la
valeur marchande du cachet d'écriture, si on arrive à passer
à la production, c'est 25 000 $, si je passe six mois de ma vie à
l'écrire et si je reçois 15 000 $ de la Société
générale du cinéma, il me manque 10 000 $. J'ai investi 10
000 $, vous voyez. C'est un fait de la vie. J'ai investi ce temps-là,
j'ai investi mon argent. Par contre, je ne peux pas le facturer, je n'ai pas
d'équipement de production, je ne me facture pas cela à
moi-même. C'est un problème réel. C'est vrai pour les
projets de longs métrages, c'est vrai pour les projets de séries
de télévision, c'est vrai pour les pièces de
théâtre. Il y a un taux de chute énorme. C'est ce qu'on
appelle en grande partie l'investissement quand le projet ne lève pas,
mais il faut quand même les écrire pour qu'il y ait une
résultante au bout.
Nous croyons qu'en ce qui concerne la fiscalité il y aurait moyen
de tenir compte de cette chose qui est une dépense réelle de
temps et d'énergie. Cela veut dire de l'argent. Au bout de cela on
pourrait imaginer, une fois un certain niveau d'ordre remis dans le
système, que si on a des conventions collectives et que le cachet
minimal d'écriture pour un scénario de long métrage c'est
X, alors, il y a comme une valeur acceptée par beaucoup de gens, par les
producteurs, par les auteurs. On pourrait dire qu'il y a une valeur. À
la fin de l'année fiscale où quelqu'un a fait un scénario
qui n'a pas levé, mais pour lequel il a quand même investi
beaucoup de temps, il demeure qu'il y a du papier. Alors, on a quand même
un témoin de cette chose-là qui est le papier.
D'autre part, nous pourrions aussi avoir des preuves que cette personne
a non seulement rédigé le document, mais qu'elle a fait les
démarches ordinaires, nécessaires et même extraordinaires
pour essayer de voir à sa mise en marché correctement, selon les
critères qu'on a ici, qu'on utilise. 11 y a une démonstration
assez facile à faire que cette personne a vraiment pratiqué le
métier, que cette personne a vraiment produit, que cette personne a fait
les démarches et que ce n'est pas juste pour avoir une déduction
fiscale, que cela fait partie de son métier. On pourrait faire cela et
il y aurait peut-être lieu de considérer cela comme des
dépenses légitimes de recherche et de développement, et
que c'est une perte, comme c'est le cas pour un modèle de tracteur qui
ne fonctionne pas. Bien sûr, personne n'a intérêt, en tant
qu'auteur, à ne faire que des tracteurs qui ne marchent pas. Cela est
très clair, parce que c'est beaucoup plus payant quand le tracteur
marche et que quelqu'un l'achète. En tout cas, moi, personnellement, je
n'y verrais aucun intérêt. 11 y a une clé ici par laquelle
on pourrait aller chercher une part de cet argent qui est investi et
crédité. Je le sais moi-même pour avoir fait des
scénarios de longs métrages et avoir travaillé, par
exemple, avec Francis Mankiewicz. On a investi six mois de notre vie à
écrire un scénario, on est venu à un cheveu de signer le
contrat, la compagnie a changé de mains. Voilà un projet qui
était jugé parfaitement idoine, dans les circonstances, et puis
"pouf", la conjoncture change et, nous, on vient de perdre six mois de notre
vie et beaucoup d'argent, parce qu'on aurait pu faire autre chose et on ne peut
même pas dire qu'on a fait une perte cette année-là. Sur le
plan fiscal, cela nous apparaît fondamental.
Autre chose au niveau fiscal. Il nous apparaît que, et
l'étude du ministère des Affaires culturelles le démontre
aussi, sur le plan fiscal, le statut hybride n'est probable-
ment pas l'exception, mais devrait plutôt être
considéré comme la règle pour les auteurs dans le domaine
de l'audiovisuel. Ce qui veut dire que les déductions ou les questions
de pertes, tout le "package" dont je viens de parler, devraient pouvoir
s'appliquer non seulement sur la partie "pigiste" des revenus de l'auteur, mais
aussi sur la partie "employé", l'autre partie de son statut hybride. Ce
qui arrive, dans la majorité des cas, c'est que la partie
"employé" finance la partie "pigiste". "Le Matou", qui est un tracteur
qui a fonctionné, a été écrit alors que Beauchemin
travaillait à Radio-Québec en tant que recherchiste, ce qui veut
dire qu'il a pris ses samedis soir, ses fins de semaine, ses vacances et il a
investi son temps et son argent pour écrire "le Matou". Mais, il y a
beaucoup de gens qui écrivent des petits minous à
côté de cela et qui espèrent que cela va devenir des
"Matou". Ces gens-là investissent, effectivement et on croit qu'ils
devraient être reconnus en tant que tels.
Mme Bacon: Dans le résumé que vous nous avez
présenté, le premier sujet que vous abordez, c'est la formation
et le perfectionnement. Vous y indiquez quels sont les problèmes. C'est
évident qu'il peut y avoir un problème de surproduction, vous en
parlez et vous dites qu'il y a un vaste éventail de cours, d'ateliers,
de certificats, de diplômes en scénarisation et sans consultation
préalable avec une société d'auteurs, d'où une
surproduction dans ce champ, et qu'aucune formation académique
préalable n'est requise pour exercer le métier d'auteur.
Est-ce que vous aimeriez en dire davantage...
M. Gélinas: Oui.
Mme Bacon: ...pour éclairer notre lanterne?
M. Gélinas: D'abord, la même attitude de votre
ministère à laquelle nous référions... Il est dit
dans notre mémoire que la plupart des auteurs sont autodidactes, mais on
entend ici dans la pratique de leur métier, parce qu'on sait bien que
les auteurs sont, habituellement, assez et pas mal instruits.
Ce qui arrive, fondamentalement, au niveau de la formation, je pense que
la formation dans ce domaine, chez nous, est très jeune, relativement
jeune pour une industrie. Je crois qu'elle n'est pas encore arrivée
à maturité, d'une part. Je crois aussi que la formation peut
permettre des choses, mais elle ne fera pas de miracle, à savoir qu'on
ne crée pas de Mozart, on ne crée pas les Beatles. Si les dieux
nous sont favorables, on peut ne pas nuire à l'éclosion d'un
Mozart, d'un Beatle ou d'un grand scénariste. Cela veut dire qu'il y a
une partie technique de l'écriture qui s'enseigne bien et qui se
transmet assez bien. On peut transmettre l'écriture musicale, c'est
très simple, mais on ne peut pas montrer à quelqu'un à
être un génie. On peut essayer de favoriser sa
créativité, mais on ne lui donnera pas de génie. Cela est
vrai.
Par contre, on voit déjà que le programme
d'écriture dramatique à l'École nationale a donné
des résultats très concrets à venir jusqu'à
maintenant. C'est le seul qui soit là depuis assez longtemps. Il est
bien structuré et il existe depuis assez longtemps pour qu'on puisse
voir qu'il a déjà des retombées positives. Des personnes
comme Élisabeth Bourget sont sorties de là et elles produisent
énormément. Cela fonctionne très bien.
Je pense qu'il y a là un besoin et que la façon dont les
écoles s'en acquittent n'est pas tout à fait idoine par rapport
à la réalité de la production, peut-être, et qu'il
est trop tôt pour savoir si on va avoir des retombées
réelles. Mais, il y a certains apprentissages qui peuvent être
faits. J'enseigne moi-même la scénarisation et je pense qu'il y a
des choses qu'on peut apprendre aux gens. Il est aussi important d'enseigner la
scénarisation aux réalisateurs et aux producteurs, parce qu'ils
ne lisent pas les scénarios de la même façon après,
même s'ils n'écrivent pas. Dans ce sens-là, c'est aussi
très utile.
Mme Bacon: Alors, Mme Fortier et M. Gélinas, j'aimerais
vous remercier de nous avoir présenté votre mémoire et
vous dire que la diversité de vos intérêts a
contribué, évidemment, à la réflexion, parce que
cela nous amène à réfléchir sur les
différents problèmes. Cela aide, je pense, à la
réflexion que veut faire cette commission parlementaire. Vous
réussissez, je pense, à toucher les vrais problèmes
auxquels vous avez à faire face et cela va sûrement nous aider
à continuer le cheminement au cours des prochains jours. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. Gélinas, Mme Fortier. M. Gélinas
pour aller un peu dans la même foulée que vous, la
problématique que vous nous apportez, enfin, que vous essayez de cerner
pour nous est tellement complexe qu'effectivement une chatte n'y retrouve pas
ses petits. Je vois une chose, en tout cas, qui... Pardon?
Le Président (M. Trudel): Variation sur un même
thème.
M. Boulerice: Variation sur un même thème. Je vais
me servir de cela pour vous
donner mon sentiment. Vous parlez d'un rapport de l'UNESCO qui dit qu'il
faut un bassin de population d'au moins 15 000 000 de personnes pour qu'une
culture puisse survivre sans interventions de l'État. Il faut donc tenir
pour acquis que le gouvernement sera toujours appelé à investir
des fonds publics dans la culture pour compenser la petitesse du marché
au Québec. Les fonds publics, ce sont nos fonds. L'État ne
crée pas de l'argent, il va le chercher chez les citoyens.
L'hypothèse que vous soulevez quant à la reprise par les auteurs
de cette fameuse taxe sur les vidéocassettes, m'apparaît pour ma
part intéressante comme avenue.
J'aimerais aller dans votre mémoire et vous poser deux
brèves questions très spécifiques. La première,
est-ce que vous pourriez peut-être me donner davantage d'explications sur
les pratiques qui découlent de la fameuse notion de "louage de
services"?
M. Gélinas: La pratique du "louage de services" assimile
la personne qui a le malheur de signer le contrat à un employé,
c'est-à-dire qu'elle cède tous ses droits, à tout jamais,
sur ses oeuvres. C'est, d'ailleurs, une pratique qui a longtemps
été la norme à Radio-Québec, mais qui tend à
s'amenuiser. Les auteurs de Passe-Partout, par exemple, ont dû signer un
contrat de louage de services, parce qu'on ne pouvait faire autrement, à
cette époque-là, si on voulait travailler et si on voulait
travailler à Radio-Québec. Ce qui est arrivé, c'est que le
chat est devenu un gros matou dans ce cas-là et les auteurs sont
restés avec leur maigre cachet de départ de "louage de services".
C'est une pratique odieuse dans le domaine de la propriété
intellectuelle et c'est une pratique tout à fait courante lorsque
l'auteur est seul face à un producteur qui a tous les moyens et n'a pas
d'autres obligations que celle de dépenser le moins possible de sa
subvention pour arriver à son produit.
Nous avons des droits, la Loi sur les droits d'auteur existe et il n'y a
personne qui oblige à louer ses services. Par définition, il n'y
a pas d'obligation absolue, mais il y a juste l'obligation que, si tu veux
travailler, dans certains cas, il faut que tu loues tes services; sans
ça, tu ne travailleras pas. Le milieu est tellement petit que les gens
se font rapidement mettre sur la liste des personnes moins désirables
pour faire une chose et des gens qui sont toujours à demander
plutôt que d'accepter de travailler maintenant et peut-être de
penser au contrat plus tard. Si on avait des ententes en bonne et due forme
entre les secteurs, cela permettrait, d'abord, de rendre un peu plus anonyme
l'imposition de la norme, ce qui préserverait la capacité de
courir des auteurs et permettrait d'éviter cette affaire. Je ne sais si
cela répond un petit peu à votre question.
(17 heures)
M. Boulerice: Oui. Vous parlez d'ententes. Quand on parle
d'entente, il y a forcément négociations. J'aimerais savoir
quelles sont les raisons qui ralentissent le processus de négociation
qui est en cours entre la SARDEC et les producteurs, et peut-être plus
spécifiquement, si vous le désirez, Radio-Québec.
M. Gélinas: Par rapport à Radio-Québec,
c'est une vieille histoire. C'est une histoire à laquelle nous touchons
épisodiquement, parce qu'on est très occupé ailleurs.
Fondamentalement, par rapport à Radio-Québec, ce que nous n'avons
jamais senti, c'était la volonté de négocier et de
régler la question. Au départ, la nature des objections qu'on
nous apportait, c'était la question de la boîte syndicale.
Radio-Québec s'est fait enfermer dans une boîte syndicale
très très serrée et on nous disait qu'avec notre contrat
avec la CSN c'était impossible. La deuxième ronde a
été: Vous n'êtes pas représentatifs, cela s'adonne
qu'il y a juste un organisme dans le domaine de l'audiovisuel pour les pigistes
et c'est nous. Ensuite, la question de la juridiction syndicale, c'est que nous
parlons de pigistes et nous ne parions pas d'employés. Par contre,
lorsque la boîte ne signait que des contrats de louage de services, on
assimilait tout le monde à des employés. Si on signe des contrats
de droits d'auteur, ce sont des travailleurs autonomes, ce ne sont plus des
employés et, à ce moment-là, peut-être qu'on
pourrait régler la question syndicale. Mais, fondamentalement, c'est
qu'il n'y a pas eu de volonté. Après la juste part des
créateurs, après les audiences sur la loi 109, après tout
cela, il n'y avait pas de volonté réelle de régler le
problème. Nos dernières approches remontent à il y a un an
et demi, deux ans à peu près. On avait appelé, on avait
correspondu, nous y étions allés, nous avions rencontré
des gens et on nous avait dit qu'on nous rappellerait, puis il n'y a jamais
rien qui s'est passé.
M. Boulerice: Face à l'ensemble des producteurs, M.
Gélinas?
M. Gélinas: Face à l'ensemble des producteurs -
vous voyez, cela revient, c'est ma litanie - c'est que le milieu de la
production d'émissions et de films a été
créé, à toutes fins utiles, si on regarde l'ensemble, par
l'intervention gouvernementale qui l'a fait en discriminant massivement
vis-à-vis des producteurs. Nous, on parle de propriétaires
fonciers dans notre mémoire. Ce serait comme si le gouvernement, par son
intervention dans le domaine de la propriété foncière et
de la location,
donnait tous les droits aux locataires et pas de droits aux locateurs,
avait édifié un rapport de forces où le
propriétaire n'avait pas de puissance. C'est ce qui est
arrivé.
Alors, la raison pour laquelle nous avons de la difficulté, c'est
qu'ils n'y ont jamais été obligés, parce que cet argent a
été donné - et j'utilise un terme fort
-aveuglément.
On nous dit toujours: Nous n'interviendrons pas entre tiers. Maintenant,
la loi 109 intervient entre tiers. Chaque fois que la SGC donne de l'argent,
elle intervient entre tiers parce qu'elle crée le secteur de la
production. La loi 109, par son article 109, intervient entre tiers parce
qu'elle dit: Vous allez réinvestir jusqu'à 10 % de vos recettes
brutes si vous êtes distributeur. Il faut dire que l'article n'a pas
été promulgué, mais il demeure que la loi intervient
déjà entre tiers. Il y a des tas d'exemples où on
intervient entre tiers et, encore là, sous le signe de la transparence
et sous le signe de l'équité et de la façon
éclairée dont on veut bâtir cette industrie, il est
très important que, quand on dépense une piastre pour monter un
film, cette piastre se répartisse de façon équitable, que
sa répartition reflète l'apport de chacun; ensuite, que sa
répartition soit claire, qu'on sache qu'il y a eu de l'argent, qu'on
puisse le savoir, que ce soit transparent, et, troisièmement, que ce
soit éclairé dans le sens où, à moyen et à
long termes, cela serve à consolider les secteurs.
À cet égard-là, il y a une chose que je n'ai pas
dite et que j'aimerais beaucoup dire. Dans le domaine de la production
télévisuelle à Montréal et au Canada
français, présentement, il n'y a pas pénurie d'auteurs. La
raison pour laquelle Il n'y a pas pénurie d'auteurs, c'est que depuis 35
ans Radio-Canada a reconnu ses auteurs comme étant une ressource. Elle a
établi un régime, avec la SARDEC, selon lequel ce milieu
était attrayant, selon lequel ce milieu permettait de gagner sa vie. Au
Québec, on peut dire: Je suis recherchiste à la
télévision, je suis auteur pour la télévision.
C'est un statut enviable. On y gagne bien sa vie. Ce milieu attire. Cela a
été bâti en très, très grande partie
grâce aux conventions collectives qui ont existé entre la SARDEC
et Radio-Canada.
Ce qui risque d'arriver présentement -et cela a l'air
théorique et farfelu, mais c'est une réalité à
moyen et à long termes -c'est qu'avec le transfert massif du financement
de Radio-Canada vers Téléfilm et ver3 la SGC une part de plus en
plus grande de la programmation va se faire par le secteur privé. Si on
ne garde pas un certain niveau de professionnalisme, si les gens ne savent pas
à quoi s'attendre quand ils s'embarquent dans un "deal", comme le disent
si bien les producteurs, s'ils ne savent pas s'ils vont pouvoir négocier
un contrat, s'ils ne savent pas une fois le contrat négocié s'ils
vont être payés, si les niveaux de rémunérations ne
sont pas suffisants pour que la profession attire, il n'y aura pas de contenu.
Surtout, nous allons perdre, à moyen et à long termes, ce parc
d'auteurs qui a été bâti sur 35 ans. Cela c'est très
important. À la SARDEC, il y a un roulement. Il y a toujours à
peu près 500 membres. À la SARDEC, on gère à peu
près pour 6 000 000 $ de contrats d'auteurs par année. La grosse
part de cela, c'est Radio-Canada, présentement. II va y avoir un
transfert. Si cela s'en va vers le secteur privé et qu'il n'y a pas
d'ordre dans le milieu, il y a bien du monde qui cherchera à faire autre
chose qu'écrire pour ta télévision. Vous pouvez être
certain de cela.
Mme Fortier: Si je peux me permettre, pour compléter votre
question, avec le secteur privé, nous avons amorcé des
négociations avec l'APFVQ. Depuis 1978, nous demandons à
négocier des ententes-cadres, des contrats types pour la production
privée. Nous amorçons des négociations avec le secteur
privé, actuellement. C'est loin d'être complété.
M. Boulerice: D'accord. Je vous remercie.
Le Président (M. Trudel): Monsieur le trésorier,
j'aurais plusieurs questions à vous poser sur un excellent
mémoire qui approfondit bien certains problèmes, qui montre bien
la dimension - elle est très importante - économique de la
culture et de l'industrie culturelle. Je vais me contenter de vous poser une
question qui peut vous paraître bébête. Parce que j'ai
l'impression que, vous comme pour nous - on vous donnera l'occasion de le dire
publiquement -cela semble aller de soi. Vous dites, à la page 3, et
c'est ma première question: "Seules les sociétés d'auteurs
peuvent défendre adéquatement ses droits" - en parlant,
évidemment, d'un de vos membres -"et lui procurer les conditions de
travail essentielles à l'épanouissement de son talent".
J'aimerais vous entendre préciser assez rapidement,
malheureusement, parce que le temps nous presse, cette Information.
M. Gélinas: Nous croyons que cela est vrai partout dans le
monde. Partout dans le monde, lorsqu'on a une industrie à peu
près mûre, à peu près adulte de production
audiovisuelle, il y a des sociétés d'auteurs qui sont reconnues.
Cela est particulièrement vrai chez nous, je pense. Cette
nécessité est particulièrement vraie chez nous. À
cause, entre autres, de l'exiguïté du marché, vraiment,
c'est très important. Ce qui arrive, c'est que si un auteur, chez nous,
à titre
individuel, se met à négocier de façon très,
très serrée - cela, c'est un cas celui qui négocie
très, très serré - ce gars ou cette fille doit avoir un
produit vraiment exceptionnel à vendre. Négocier serré,
cela veut dire seulement essayer d'aller chercher à peu près -
pour une cession de droits qui est trois fois la cession de droits que l'on
donne à Radio-Canada - l'équivalent de la grille du tarif minimum
qu'on a à Radio-Canada pour une passe. Cela, c'est négocier
très, très dur, très, très serré et on nous
haït quand on fait cela. Cela veut dire qu'on n'est pas capable de se
bâtir une profession ou une carrière là-dessus.
Autre aspect qui est beaucoup plus important, ce sont les cas litigieux.
Il y en a un en particulier dont nous tairons le nom, mais que plusieurs vont
reconnaître, où un auteur a fait jurisprudence parce qu'il est
allé en cour. On avait un auteur dont les droits ont été
lésés de façon flagrante. Cet auteur avait parfaitement
raison. Il a été obligé d'y aller à titre
individuel et à titre personnel. Ce gars-là, parce qu'il avait
raison, parce qu'il a gagné sa cause, a dû faire un purgatoire de
cinq ans; il n'a pas pu faire autre chose que des réécritures de
type Reader's Digest pendant cinq ans, parce que personne ne voulait y toucher.
On disait: Untel, c'est du trouble. Parce que le secteur est très petit,
vous savez.
Par contre, si c'est d'organisme à organisme, si on a une
entente, si on a un problème, on a un comité conjoint,
APFQ-APFVQ-SARDEC, on a un comité conjoint Radio-Canada-SARDEC, etc. Le
comité conjoint s'en occupe. D'abord, cela rend la chose anonyme;
ensuite, cela médiatise l'affaire, cela la rend beaucoup moins
personnelle et, à ce moment-là, ne serait-ce que pour
réclamer son dû, on ne se fera pas mettre sur la liste noire.
C'est très très grave.
Le Président (M. Trudel): Je vous remercie de votre
réponse. C'est pour donner l'occasion à d'autres
députés d'intervenir. Une brève question, M. 'le
député de Sherbrooke.
M. Hamel: Oui, très brève, M. le
Président.
Le Président (M. Trudel): Merci.
M. Hamel: Dans vos recommandations, la deuxième, vous
mentionnez: "Que le gouvernement rende l'obtention de fonds publics
conditionnelle à la reconnaissance des associations." Est-ce que cela
signifie pour vous l'élimination de l'individu au profit du groupe?
M. Gélinas: Absolument pas. Je vais vous donner un
exemple. Dans les ententes que nous avons, nous gérons quatre
conventions collectives présentement. Nos conventions collectives
n'interdisent à personne de travailler. On n'a pas besoin d'être
membre de la SARDEC pour travailler à la DGME, par exemple. On n'a pas
besoin d'être membre de la SARDEC pour travailler à Radio-Canada
à titre d'auteur. Par contre, quand on va travailler à
Radio-Canada à titre d'auteur, on va travailler selon les conditions de
l'entente SARDEC qui sont les conditions minimales et, ensuite, on peut
négocier de gré à gré. Alors, ce n'est absolument
pas la disparition de l'individu; au contraire, c'est un instrument
nécessaire.
Quand on dit: "Que le gouvernement rende l'obtention de fonds publics
conditionnelle à la reconnaissance des associations", il y a
déjà le ministère des Affaires culturelles, de par la loi
109 et la création de l'Institut québécois du
cinéma, qui reconnaît une association représentative dans
huit secteurs différents de la production audiovisuelle. Alors, nous ne
demandons pas que le gouvernement négocie à notre place. Nous
disons tout simplement que le gouvernement dise: Aie, écoutez, les
"boys", si vous voulez avoir cet argent-là, entendez-vous entre vous;
sans cela, vous ne l'aurez pas! C'est juste cela qu'on veut: vous ne l'aurez
pas!
Cela se traduit tout simplement: si Mme la ministre des Affaires
culturelles écrivait une lettre à la Société
générale du cinéma et qu'elle disait: Ne donnez pas
d'argent à un producteur qui ne reconnaît pas une entente avec
l'association représentative dans chacun des secteurs et qui n'y
adhère pas, cela voudrait dire au départ que les producteurs
iraient négocier et - qu'ils se sentiraient obligés de
régler. Nous aussi, parce qu'on vit de cela, on en a besoin, pas juste
eux. Cela rétablirait l'équilibre, tandis que maintenant, de la
façon dont cela a été construit, de bonne foi, absolument
de bonne foi, il y a eu une distorsion complète au niveau du rapport de
forces. Ces gens-là se promènent, ils se sentent très
très gros et très très forts, tandis que dans le secteur
qui nous concerne, ils n'existeraient pas si ce n'était du gouvernement.
C'est aussi simple que cela.
M. Hamel: Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Sherbrooke.
Madame, messieurs, c'est tout le temps dont nous disposons,
malheureusement, essayant d'accélérer quelque peu. On le
regrette, les journées sont bien remplies et parfois les travaux
parlementaires, comme cet après-midi, nous retiennent en dehors de cette
enceinte un peu plus longtemps que souhaité.
Je vous remercie de votre présentation,
de vous être déplacés jusqu'à Québec
pour venir nous rencontrer. Je pense que cela a été, dans ce
cas-là comme dans les autres, très utile aux membres de la
commission et que cela permettra à Mme la ministre de prendre les
décisions qui s'imposent. Merci beaucoup. (17 h 15)
M. Gélinas: Merci.
Le Président (M. Trudel): Maintenant, durant les 45
minutes qui restent, nous passons à un autre organisme que nous avions
convoqué pour plus tôt, je pense, la Société
professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec.
Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du
Québec
Je salue Mme Aubut, M. Lelièvre, qui est un voisin d'Anjou, tout
près de Bourget.
Une voixs C'est un très beau comté.
Le Président (M. Trudel): Anjou est un très beau
comté; Bourget aussi. Je vois des choses sur M. Lelièvre dans les
journaux locaux à l'occasion. Je salue également Mme Lemay.
Bienvenue à vous trois. Je pense que M. Plamondon, qui devait se joindre
à nous, en a été empêché.
Mme Lemay: Oui, je voulais dire que Luc Plamondon - c'est
étonnant, avec toute l'énergie qu'on lui connaît - pour des
raisons de santé, est collé à Montréal. Je pense
qu'il est le premier à regretter vraiment de ne pouvoir participer
à ces assises. Il y tenait beaucoup. Il s'en excuse.
Le Président (M. Trudel): Connaissant tous M. Plamondon,
on peut en conclure qu'il doit être vraiment malade, gravement aussi. On
vous demande de vous faire notre porte-parole pour lui souhaiter un prompt
rétablissement et un retour prompt à cette vigueur qu'on lui
connaît dans la défense des intérêts de ses membres.
Madame, si vous voulez, ou monsieur, je ne sais trop.
Mme Lemay: Je voulais simplement dire, d'abord, au nom de la
SPACQ, au nom de tous les auteurs et compositeurs du Québec, qu'on
félicite et qu'on remercie Mme la ministre, Lise Bacon, de cette
initiative d'avoir mis sur pied cette commission parlementaire. C'est stimulant
et encourageant.
J'avais des choses à dire sur Luc Plamondon, et je les ai dites.
Il regrette sincèrement de ne pas être ici. Je vais céder
la parole à deux membres du conseil d'administration de la SPACQ, qui
sont aussi des auteurs, bien entendu, Sylvain Lelièvre et
Mme Lise Aubut, qui commenteront le mémoire et apporteront
peut-être aussi quelques précisions sur nos priorités.
M. Lelièvre (Sylvain): Merci. M. le Président,
notre mémoire n'étant pas très volumineux, je
présume que vous avez déjà eu le temps de le parcourir et
peut-être même de le lire.
Le Président (M. Trudel): Je ne l'ai pas lu, cher
monsieur.
M. Lelièvre: Nous croyons que ce document exprime
très bien la condition vécue présentement au Québec
par les auteurs et les compositeurs. Si vous le permettez, cependant,
plutôt que de relire le document, nous allons simplement en faire avec
vous un survol, en vous indiquant à chaque chapitre un peu l'état
de la réflexion chez nous, c'est-à-dire où nous en sommes
à la SPACQ, ce qui nous permettra, je l'espère, d'aborder plus
directement l'étape des questions.
Premièrement, en ce qui a trait à la formation, c'est
l'urgence des autres dossiers, celui des droits d'auteur en particulier chez
nous, qui nous a empêchés jusqu'à maintenant
d'étudier en profondeur le problème de la formation. Nous sommes,
cependant, très conscients de sa gravité. Alors qu'il existe chez
nos concurrents les plus vigoureux, c'est-à-dire la France et les
États-Unis en particulier, des écoles où tous les aspects
de l'apprentissage du métier de la chanson sont intégrés
dans un programme de formation structurée, chez nous, au Québec,
il n'y a à peu près rien. Quand je dis à peu près,
je fais l'exception, qu'on signale dans le mémoire, l'exception notoire
des stages offerts par le Festival de la chanson de Granby. Ce sont quand
même des stages qui sont très limités dans le temps et dans
les moyens.
Pour nous, la situation est d'autant plus inquiétante que, depuis
trois ou quatre ans, la création chansonnière s'est vue
complètement envahie par l'informatique. Autrement dit, on ne peut plus,
comme autrefois - en tout ca8, on le peut de moins en moins -s'improviser
auteur ou compositeur de chansons. La SPACQ, donc, demande instamment au
gouvernement du Québec, que ce soit par le ministère des Affaires
culturelles ou le ministère de l'Éducation, de corriger cette
situation avant que nous soyons tous devenus une "gang" de vieux auteurs
nostalgiques dont les enfants ne chantent plus qu'en anglais les chansons des
autres. Autrement dit, notre collaboration vous est acquise dans quelque
développement que ce soit du côté de la formation.
Deuxième chapitre, celui des droits d'auteur. Évidemment,
cela nous touche de beaucoup plus près. C'est d'abord la question
qui nous a mis au monde comme groupe de pression et c'est la question
qui, quotidiennement, si je puis dire, nous préoccupe. Nous vous
renvoyons au document pour les exemples tirés de la vraie vie, les
exemples vécus montrant combien une chanson rapporte et sur combien de
temps. S'il n'y en a pas suffisamment, s'ils ne sont pas assez clairs, on en a
un paquet d'autres, y compris nos exemples personnels.
Il reste que, dans l'état actuel du partage des juridictions et
des volontés politiques, le dossier des droits d'auteur, pour
l'essentiel, relève du gouvernement fédéral. Cependant, il
y a deux problèmes qui, d'après nous, pourraient être
résolus à court terme par une intervention du gouvernement du
Québec, autrement dit, des recommandations plus précises sur
lesquelles on voudrait appuyer.
Premièrement, le mémoire, à la page 3, insiste
beaucoup sur le délai qui existe chez nous entre la création et
la rémunération. On parle d'un délai d'au moins 18 mois
et, effectivement, c'est au moins 18 mois; très fréquemment,
c'est deux ans, deux ans et demi ou trois ans. Alors, l'auteur ou le
compositeur qui n'est pas une compagnie de disques, qui n'est pas un
producteur, n'a généralement pas accès aux prêts
bancaires à moins qu'il n'exerce un autre métier qui puisse
assurer son emprunt, ni plus ni moins. Il n'a pas, non plus,
généralement accès aux bourses qu'on accorde aux
écrivains. L'auteur de chansons ou le compositeur de musique populaire,
on ne le considère pas. Les jurys sont beaucoup trop
spécialisés pour considérer comme un véritable
écrivain l'auteur de chansons ou le compositeur de musique
légère.
Nous proposons que l'auteur ou le compositeur qui prépare
l'écriture d'un album, d'une comédie musicale ou d'un spectacle,
soit admissible à un programme de prêt-bourse, un peu sur le
modèle de celui qu'on offre aux étudiants. C'est pour
éclairer un peu la recommandation que l'on fait en page 4.
Il y a un dossier qui me tient particulièrement à coeur,
c'est celui des cassettes vierges. Les multinationales du disque estiment que
le piratage domestique a fait chuter leurs ventes, donc les nôtres, dans
une proportion qui oscille entre 40 % et 50 %, selon les pays et les
années. Or, la SARDEC l'a fait remarquer très justement tout
à l'heure, le gouvernement du Québec possède
déjà une expérience dans le domaine, puisqu'il
prélève une taxe de 2 % sur les vidéocassettes vierges.
Comme la SARDEC l'a fait valoir, c'est une taxe qui a été
proposée au nom des droits d'auteur. Quand je vais acheter une
vidéocassette, on me dit: C'est pour payer vos droits d'auteur, M.
Lelièvre. Je vous remercie beaucoup, mais finalement cela ne nous
revient jamais, cette taxe, puisque cela va au fonds consolidé. Si le
gouvernement du Québec est capable de percevoir une taxe sur les
vidéocassettes, pourquoi ne serait-il pas capable de percevoir, non pas
une taxe, mais une redevance sur les cassettes "audio".
Pour rester dans l'esprit de saine gestion qui anime la commission et
qui nous anime aussi, disons qu'il n'est pas question d'alourdir davantage
l'appareil d'État. La SPACQ se déclare parfaitement disponible
pour redistribuer les sommes perçues aux ayants droit,
c'est-à-dire les auteurs, les compositeurs, les éditeurs et
même les interprètes. L'UNEQ le fait déjà pour la
reprographie, pourquoi pas nous?
Maintenant, en ce qui a trait à la fiscalité et à
d'autres réflexions, je vais laisser la parole à ma
collègue, Mme Aubut.
Mme Aubut (Lise): J'aimerais ajouter quelques réflexions
personnelles. D'abord, si on veut que les créateurs puissent vivre de
leur création et surtout qu'il y ait création, il faut trouver
une solution au problème de l'investissement dans la création.
Or, les multinationales qui oeuvrent au Québec et au Canada n'ont pas
l'obligation de réinvestir quelque argent que ce soit dans le produit
québécois. Cette situation devrait changer radicalement et nous
croyons que cela est du ressort de l'État,
D'autre part, nul n'ignore que, si nous voulons posséder une part
de notre marché, nous nous devons d'exiger que " toute distribution, que
cela concerne le film, le disque, le livre ou la vidéo, soit
québécoise ou tout au moins canadienne. En effet, nous avons le
devoir d'imaginer des mécanismes pour qu'une partie des sommes d'argent
qui circulent dans les industries culturelles demeure au Québec et au
Canada. Par exemple, si tous les distributeurs étaient
québécois et canadiens, une part intéressante des sommes
demeurerait entre nos mains et serait donc réinvestie dans les produits
locaux. Il faudrait même souhaiter qu'il y ait, dans la plupart des cas,
une concertation sur ce plan entre les provinces pour empêcher l'une
d'entre elles d'être à la merci d'un boycott américain ou
autre. Cette recommandation me semble fort importante compte tenu du fait que
nous ne possédons en ce domaine que 11 % de notre propre
marché.
J'aimerais souligner également que, si la SPACQ est tout à
fait en accord avec l'Union des artistes sur le statut que devrait avoir
l'artiste-interprète, elle juge qu'il serait nécessaire que ce
statut s'étende aux auteurs et aux compositeurs de chansons. Elle
souhaiterait également, étant donné le contexte
très particulier de la création en ce domaine, qu'en ce qui
concerne la fiscalité une somme forfaitaire annuelle correspondant aux
3000 $ premiers gagnés au chapitre des
droits d'auteur ne soit pas imposable et ne soit pas, par
conséquent, cumulative à un revenu palliatif.
Par ailleurs, il est certain que l'étalement du revenu des
créateurs semble une mesure absolument essentielle et justifiée.
Nous aimerions, au surplus, que l'État soit le premier intervenant
à respecter ces créateurs, c'est-à-dire qu'il leur accorde
des crédits au générique de toutes ses productions, qu'il
étende le procédé aux médias de communication qui
dépendent de lui et dont il est responsable. Il est également de
son devoir d'obliger les producteurs de toutes les industries qui
reçoivent des subventions à s'assurer auprès des
producteurs que les créateurs dont ils utilisent les oeuvres soient
rémunérés. Nous ne doutons pas de la volonté de
l'État à cet égard, nous souhaitons simplement que cette
volonté soit appliquée.
En terminant, nous voulons remercier le gouvernement du Québec,
et particulièrement Mme la ministre des Affaires culturelles, de l'appui
non équivoque qu'ils nous ont accordé sur l'urgence d'une
révision de la Loi sur les droits d'auteur, d'une part, et sur le
contenu francophone à la radio, d'autre part. Nous voulons
également vous remercier à l'avance de ce que vous ferez pour
améliorer le statut des créateurs et, par conséquent, la
création elle-même.
Le Président (M. Trudel): Puis-je vous demander, au nom
des membres de la commission, de nous laisser une copie du texte que vous venez
de lire, de façon que l'on puisse le distribuer dans le courant de la
journée de demain aux membres de la commission, parce que je pense que
nous n'avons pas devant nous le texte que vous venez de lire?
Mme Aubut: D'accord, très bien.
Le Président (M. Trudel): Merci. Alors, Mme la ministre,
je vous cède la parole.
Mme Bacon: J'aimerais souhaiter la bienvenue à Mme Lemay,
à Mme Aubut et à M. Lelièvre, tout en regrettant l'absence
de M. Plamondon qui mettait ses espoirs dans cette commission parlementaire, et
vous remercier d'avoir participé à ce phénomène que
nous appelons les commissions parlementaires et qui soulèvent souvent
des craintes chez les uns et des espoirs chez les autres. Je pense que les
commentaires que vous nous faites dans votre mémoire rejoignent les
commentaires qui ont été faits par plusieurs groupes qui vous ont
précédés. Vous êtes aussi sensibilisés, je
vais donner un exemple, à la formation. Il y en a plusieurs qui ont
soulevé cette question de la formation et cela nous paraît
très instructif. Des ententes qui concernent la reproduction d'oeuvres
musicales, par exemple dans les établissements d'enseignement, font
partie de notre plan de travail avec le ministère de l'Éducation
et je pense que cela rejoint aussi vos préoccupations. La question des
redevances sur les cassettes vierges est importante et c'est évident
qu'il faudra faire aussi certaines pressions là où elles doivent
être faites.
J'ai certaines questions, mais je vais tenter de les limiter pour donner
la chance à mes collègues de faire valoir des opinions ou de
poser eux-mêmes des questions. Croyez-vous que des établissements
qui offrent des programmes de formation spécialisée en musique
pourraient corriger les lacunes, que vous déplorez dans votre
mémoire, dans le domaine de la chanson, dans le domaine de la musique
populaire?
M. Lelièvre: Je présume que c'est à moi que
vous posez la question?
Mme Bacon: Oui.
M. Lelièvre: Non, je ne le crois pas du tout. Il existe
deux types de formation en musique au Québec, celle que dispensent les
conservatoires et celle que dispensent les cégeps. Dans les
conservatoires, il n'est pas du tout question de musique populaire. Dans mon
esprit, j'associais aussi un peu ce qui se fait dans les facultés de
musique à ce qui se fait au conservatoire. Il n'est à peu
près pas, non plus, question de musique populaire dans les écoles
de musique, quelquefois un peu de jazz, mais d'un jazz très
académique.
Dans le réseau des cégeps, on peut maintenant s'inscrire
en musique populaire. Cela forme un accompagnateur, cela forme un musicien de
studio, un musicien qui pourra jouer dans les hôtels pendant les
week-ends, qui pourra accompagner l'interprète, mais cela ne forme pas
du tout un compositeur de chansons. C'est vraiment une tout autre école.
Si on parle des paroles, de l'écriture de paroles, il n'y a absolument
rien dans le réseau présentement qui prépare les auteurs
à écrire des paroles. Cela existe et est particulièrement
développé aux États-Unis.
Mme Bacon: Comment pourrait-on arriver à apporter un
correctif à cette situation? (17 h 30)
M. Lelièvre: Je pense qu'il y a plusieurs solutions
possibles. À mon point de vue, du côté du ministère
des Affaires culturelles, il y a certainement moyen de subventionner des stages
de différentes longueurs. On le fait déjà un petit peu
avec le festival de Granby, mais aux dernières nouvelles - j'ai
parlé avec eux il y a une dizaine de jours - leur stage de formation
d'été pour lequel ils avaient obtenu une
subvention l'an dernier était encore incertain parce qu'ils
attendaient des subsides gouvernementaux. Il faudrait que ce soit étendu
davantage un peu partout et au cours de l'année également, que ce
soit offert aussi à des artistes un petit peu plus professionnels. Je
pense que le ministère des Affaires culturelles pourrait
également ouvrir des programmes de bourses de perfectionnement à
l'étranger pour des artistes en exercice. Maintenant, selon moi, il y
aurait de la place dans le réseau de l'éducation,
c'est-à-dire au niveau du ministère de l'Éducation, pour
un cours de formation en chanson populaire, vraisemblablement au niveau
collégial.
Mme Bacon: Est-ce que nous aurions suffisamment de
professeurs?
M. Lelièvre: Je pense qu'il n'y a aucun problème de
ce côté. On est déjà à peu près 140
membres.
Mme Bacon: Vous faites état du tarif des droits d'auteur
concernant Radio-Canada. Qu'en est-il de Radio-Québec?
M. Lelièvre; Je suis très content que vous posiez
la question. Je peux vous dire que, pour l'année 1985,
Radio-Québec a négocié avec la Commission d'appel du droit
d'auteur, à Ottawa - je vous dis cela de mémoire, à
quelques milliers de dollars près, c'est cela - pour verser 87 000 $
à nos deux sociétés de perception qui sont la CAPAC, pour
Composers, Authors and Publishers Association of Canada, et la SDE, pour
Société des droits d'exécution. 87 000 $ pour
l'année, ce n'est pas seulement pour payer, je ne sais pas Gilles
Vigneault ou Jean-Pierre Ferland; c'est aussi pour payer la succession de
Maurice Ravel, c'est pour payer John Lennon, c'est pour payer toute
création musicale qui passe pendant toute l'année à
Radio-Québec. Pour nous, c'est un des dossiers les plus tristes que
celui de Radio-Québec.
Mme Bacon: Plusieurs de vos revendications sont,
évidemment, à incidence économique. J'aimerais savoir de
quelle façon vous entrevoyez le rôle - et cela, je l'ai
demandé à plusieurs autres groupes qui sont venus devant nous -
du ministère des Affaires culturelles en fonction des principales
préoccupations que vous soulevez ici cet après-midi par votre
mémoire. Vous vous adressez, avec raison, au gouvernement du
Québec et c'est évident, au ministère des Affaires
culturelles. Est-ce que vous souhaitez que ce ministère joue un
rôle de coordonnateur ou qu'il aille plus loin dans certains
domaines?
Mme Aubut: Moi, je pense que oui, il devrait s'impliquer
directement dans divers dossiers, par exemple, celui de la distribution dont on
parlait tout à l'heure. Effectivement, il y a une grande partie des
sommes qui s'en vont en distribution et ce sont vraiment presque tous les fonds
dont on dispose. Si je peux me permettre de vous donner un exemple, sur un
disque qu'on détaille 10,98 $ sur le marché, il y a une part qui
va au marchand, une part qui va en distribution et sous-distribution et le
producteur du disque, lui, ne reçoit qu'entre 4,10 $ et 4,30 $ sur
lesquels il doit assumer la production du disque, les droits d'auteur, la taxe
fédérale de vente, le pressage, la fabrication de la pochette,
les photos, etc. Donc, si l'argent qui est entre deux - là où il
y en a le plus - c'est au niveau de la distribution - n'est pas
réinvesti ici et que ça s'en va à l'étranger, pour
nous, c'est un cas désespéré. Je pense qu'à ce
niveau le gouvernement pourrait vraiment nous aider beaucoup.
Je pense aussi aux sommes compensatoires qui viendraient de ces
redevances sur les cassettes audio ou vidéo. Elles pourraient être
versées aux sociétés d'auteur et non pas aux
sociétés de perception. Pour moi, je fais une grande
différence. Par exemple, la nouvelle révision sur la loi
française l'a prévu et maintenant ces sommes sont versées
directement à la SACEM qui est, elle, une société de
perception. Cependant, elle les reverse aux différents ayants droit.
Mais la différence entre la France et nous, c'est que autrefois, pour la
SACEM, tous les ayants droit français représentaient 95 % de son
marché. Ils représentent encore 66 % de son marché. Alors
que nous, au Canada, nous n'avons que 11 %.
Si on ne trouve pas des mécanismes pour s'aider, il n'y a aucune
façon de s'en sortir. On sait bien que les montants investis par les
multinationales sont énormes. Elles font un peu une sorte de dumping de
leurs produits culturels ici. Nous, on ne peut d'aucune façon relever ce
défi sans argent.
Mme Bacon: Quelle part devrait être accordée, par
exemple, aux auteurs?
Mme Aubut: Je pense que cela devrait, peut-être, être
une somme entre 10 % et 15 % du produit de la vente de ces cassettes.
Mme Bacon: Est-ce que vous nous suggérez une loi, une
réglementation qui forcerait cette part...
Mme Aubut: Je pense que oui. La raison pour laquelle - je pense
que vous allez peut-être trouver cela curieux que je le dise tout haut,
parce que je sais que ce sont des choses qui se pensent, mais ne se disent pas,
en général - cela ne devrait pas être
accordé aux sociétés de perception directement,
c'est parce qu'avec les ententes entre les sociétés on
reviendrait toujours au même problème que 90 % de ces sommes
iraient à l'extérieur. Alors que, si on les verse aux
sociétés d'auteurs, on n'aurait pas ce problème et cela
pourrait être considéré comme une compensation ou une
injection directe dans la production québécoise.
Mme Bacon: Y a-t-il des discussions en cours à ce sujet ou
si ce sont des recommandations que vous faites, ici, à cette
commission?
Mme Aubut: Non, il n'y a pas beaucoup...
Mme Bacon: Est-ce que cela a déjà été
discuté?
Mme Aubut: On en discute depuis très longtemps,
très longtemps et on pense que c'est essentiel à notre
survie.
Mme Bacon: Merci beaucoup. M. Lelièvre.
M. Lelièvre: Je ne sais pas si je peux me permettre de
compléter. C'est une question qui nous paraît essentielle à
nous, étant donné l'étroitesse du marché. C'est,
également, une des seules façons, je pense, pour le gouvernement
du Québec de mettre un peu le pied dans la porte des droits d'auteur. Je
pense que cela se fait sans aucune espèce de bouleversement
constitutionnel ou de chicane de quelque genre que ce soit. Je pense que c'est
un pouvoir que vous pouvez exercer, si vous en avez le désir.
L'impact d'une décision comme celle-là sur la
créativité en chanson sera absolument considérable. En
France, par exemple, où un système comme celui-là existe,
on ne le sait pas exactement lorsque des enfant3 achètent des cassettes
- tout le monde achète des cassettes - et copient les disques du voisin,
pour parler franchement comme Mme Aubut, il est probable qu'ils copient 60 % ou
80 % de chansons anglaises ou étrangères, mais, selon l'entente
actuelle, la SACEM ne retourne que 25 % des redevances perçues sur les
cassettes vierges à l'étranger. Autrement dit, c'est une
façon de réinvestir chez soi, de remettre un petit peu la main
sur de l'argent qui est généré par ce dumping scandaleux
des produits culturels étrangers chez nous.
Mme Bacon: Ne pensez-vous pas que le libre-échange
pourrait remettre en question toutes ces possibilités de
récupérer les droits d'auteur?
Mme Aubut: Cela nous inquiète profondément.
Profondément. Je pense qu'il faut absolument qu'il y ait des
recommandations pour que certains domaines soient protégés, parce
que, sinon, ce n'est pas possible. Il faut une souveraineté culturelle,
parce que, sinon, on ne se donne même pas cinq ans!
Mme Bacon: Avez-vous déjà entrepris des
démarches concernant le libre-échange?
Mme Aubut: Nous avons entrepris des démarches
auprès de M. Masse qui semble, jusqu'à maintenant, les accueillir
favorablement.
Mme Bacon: C'est bien. Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Je pense que votre participation était
attendue. L'éclat a quand même eu lieu. Il était dans la
pertinence des remarques que vous nous adressez. J'aimerais aller dans la
foulée de Mme la ministre sur le libre-échange, mais je pense
que, malheureusement, le temps que nous avons ne nous permet pas d'aller
peut-être plus loin dans ce domaine. Effectivement, je pense que c'est un
sujet, en tout cas, auquel on devra porter un très grand
intérêt, surtout dans le domaine culturel.
J'aimerais adresser une première question à M.
Lelièvre. Dans votre mémoire, vous déplorez la
quasi-absence d'outils de formation à la chanson. Vous indiquez le
problème. Mais, je pense que vous faites partie de la solution, à
moins que je ne me trompe, je crois que vous enseignez au cégep
Maisonneuve?
M. Lelièvre: Oui.
M. Boulerice: C'est cela. J'aimerais que vous me parliez,
peut-être, un peu plus à fond de cette expérience.
Tantôt aussi, vous avez dit qu'on pourrait peut-être donner des
bourses et envoyer des gens aux États-Unis où il y a des
écoles ou des endroits où cela se fait. Je trouve cela un peu
paradoxal qu'on envoie des gens étudier aux États-Unis pour
écrire des chansons françaises chez nous quand on pourrait
développer l'expertise chez nous.
M. Lelièvre: Je pense qu'on peut effectivement la
développer chez nous. J'ai donné une idée assez claire
tout à l'heure de la façon dont je le voyais. Malheureusement,
j'ai beau enseigner dans un cégep, présentement je ne peux pas
donner le cours que je vaudrais donner tout simplement parce qu'il n'existe
pas. Je vous avouerai, presque confidentiellement, que je suis en train de
faire tout mon possible pour que cela
débloque. Il y a des possibilités, il y a des projets qui
sont en cours de ce côté.
M. Boulerice: Ce serait comment, d'après vous?
M. Lelièvre: Du côté du ministère de
l'Éducation?
M. Boulerice: Oui.
M. Lelièvre: J'essaie, avec quelques autres, de faire
mettre sur pied un programme tout à fait séparé et
autonome de formation en chanson qui serait destiné essentiellement aux
auteurs-interprètes et aux compositeurs-interprètes. C'est
à un stade tellement préliminaire, cependant, à l'heure
où on se parle, que je ne peux vraiment pas vous en dire plus long. On
n'a pas encore fait l'étude de pertinence, cela devrait avoir lieu l'an
prochain.
M. Boulerice: D'accord. Une autre question que j'aimerais vous
poser, c'est quelle mesure, selon vous, pourrait être mise en oeuvre pour
accélérer le versement des redevances, celles qui
découlent du droit d'exécution publique et des droits
mécaniques?
Mme Aubut: Je ne le sais pas parce que c'est Sylvain qui avait
développé ce point-là. Je pense que ça venait avec
le financement, avec les prêts et bourses, etc. C'est qu'il y a des gens
qui consacrent une partie d'une année, ou deux années, à
faire une création et qui doivent attendre encore dix-huit mois avant
qu'elle soit rémunérée. Ces gens-là n'ont
accès à aucun moyen de financement. Il y aurait peut-être
une possibilité d'établir des programmes d'aide pour ces
gens.
M. Lelièvre: II est très difficile de raccourcir le
délai, parce qu'avant que nos droits nous soient versés il faut
que les compagnies de perception aient le temps de faire leurs sondages, de
recevoir les déclarations, de comptabiliser tout ça et de toucher
les sommes qui leur sont dues soit par les postes de radio ou de
télévision, les salles de concert, etc.
Mme Aubut: En fait, ce qu'on demandait, c'était une aide
à l'écriture comme celle accordée aux écrivains.
Pendant qu'un auteur-compositeur écrit une comédie musicale, il
n'a aucune rentrée de fonds, aucune assurance, absolument rien au point
de vue pécuniaire. C'est une des formes d'aide souhaitée, soit
sous forme de bourse ou autrement, pendant que se fait l'écriture cela
peut prendre un an.
M. Lelièvre: On avait envisagé la formule de
prêt-bourse, un peu comme celle qui s'applique aux étudiants,
parce que le compositeur ressemble un peu à un étudiant,
c'est-à-dire qu'il est en face d'un projet qui va être rentable
dans dix-huit mois, deux mois, un an, trois ans, quatre ans, un peu comme
l'étudiant qui est en train de terminer son cours en
médecine.
Mme Aubut: Je crois aussi que, dans un projet comme
celui-là, il y aurait sûrement des critères. Je pense bien
qu'il n'est pas question d'aider quelqu'un qui n'a pas de
crédibilité au niveau de l'écriture. On parlait ce matin
des critères de professionnalisme. Il y a sûrement des
critères à établir à ce niveau-là aussi.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Saint-Jacques. J'aurais eu plusieurs questions à
vous poser, mais le désavantage d'être président de
commission - je le dis sans aucune amertume, je le dis avec beaucoup de
réalisme - c'est de se faire voler, dans le bon sens du mot, des
questions à la fois par le ministre et le critique officiel. Donc, la
plupart de celles que j'avais à vous poser vous ayant déjà
été posées, les réponses que vous avez
données me satisfont.
Je vais vous en poser deux qui sont plutôt d'ordre philosophique,
sans qu'on s'étende trop trop longtemps. La première est tout
bêtement celle-ci: on sait que les auteurs, les compositeurs du
Québec sont célèbres, sont estimés. Pourquoi -
c'est la question que je posais de façon générale hier en
parlant des artistes interprètes pigistes et de tout le milieu culturel
en général - alors sont-ils si mal payés?
Mme Aubut: Est-ce que je peux me permettre de répondre un
petit peu?
Le Président (M. Trudel): Absolument. Je pose la question
à votre groupe, madame.
Mme Aubut: Ils sont très très mal payés
parce que nous n'avons pas la chance... Tout à l'heure, M.
Gélinas disait que, dans leur domaine, Radio-Canada avait reconnu ses
auteurs. Ce n'est pas le cas pour les créateurs de chansons. Vous savez
que Radio-Canada ne paie que deux millièmes de son budget annuel en
droits d'auteur et que c'est toujours la même proportion qui s'en va
encore à l'extérieur. En ce qui concerne la loi, elle n'a pas
été changée. On est encore à 0,02 $ par titre de
chanson, quand on arrive à se faire payer. Et les radios ne nous jouent
pas tellement. De plus en plus, elles se sont créé un son
américain et qu'elles arrivent à se faire donner des normes
beaucoup moins sévères; maintenant, elles sont rendues à
seulement 55 % de contenu francophone, et c'est comme cela sur toute
la ligne. (17 h 45)
Par exemple, les gens qui sont aidés par le gouvernement, que ce
soient les maisons de disques, les distributeurs ou les gens qui font des
vidéos, etc., dans tous les budgets qu'ils présentent au
gouvernement, disant: Voilà notre budget, on va dépenser tant
pour telle chose et il y a toujours un poste pour les droits d'auteur. Ce poste
n'est jamais payé, tout le monde s'étant, bien sûr, entendu
en dessous pour qu'on ne paie pas cela, c'est toujours soi-disant pour la
promotion. Les artistes québécois qui vivent de leurs droits
d'auteur pour ce qui est de la chanson sont tellement rares que, dans la SPACQ,
nous sommes 134 membres, nous représentons la majorité du
répertoire actif, au moins 90 % à 95 %, et, là-dessus, une
seule personne peut vivre de ses droits d'auteur sans faire absolument rien
d'autre, ces derniers temps, ni interprète, ni compositeur, ni musicien,
n'ayant pas de métier parrallèle, parce que cela n'est pas
reconnu. On aurait besoin d'une loi. On aurait besoin aussi de l'aide des
gouvernements pour imposer certaines normes. C'est vraiment le Far West.
Le Président (M. Trudel): Ma deuxième question nous
permettra sans doute, soit M. Lelièvre ou quelqu'un d'autre, de revenir
sur un sujet qu'on a abordé depuis le début, qui est celui de la
formation. La question que je me pose est celle-ci: Est-ce qu'on peut vraiment
apprendre à faire de bonnes chansons? Est-ce que cela s'enseigne de
façon didactique à faire de bonnes chansons?
M. Lelièvre: Écoutez, je vais vous répondre
un peu par un biais. On peut apprendre à composer de la musique
classique, il y a des classes de composition. On peut apprendre à
écrire des poèmes; maintenant à l'université, en
Faculté de lettres ou en études littéraires, il y a des
classes de création, il y a un guidage qui se fait au moins. On apprend
à danser, on apprend à jouer au théâtre. Ces choses
s'enseignent toutes, sauf la chanson. Comme je vous le disais tout à
l'heure, en France, en Belgique et aux États-Unis - au moins, à
ma connaissance - cela s'enseigne de façon différente, mais cela
s'enseigne. Ici, je pense qu'on est en retard là-dessus et qu'on a une
lacune grave qu'il est urgent de combler. Le problème de l'absence de
relève en chanson au Québec est évoqué souvent et
je pense qu'à peu près tout le monde est d'accord
là-dessus. On voit qu'il y a une absence de relève qui aurait
entre 20 et 30 ans, disons.
Il y a un autre problème qu'on oublie d'évoquer, qui est
peut-être moins visible: c'est qu'il y a une grande majorité de
nos artistes "seniors" - une bonne partie, en tout cas - qui, s'ils continuent
à exercer le métier de création en chansons, d'auteurs et
de compositeurs, c'est simplement parce qu'ils l'exercent essentiellement en
France. Je peux vous nommer quinze auteurs et compositeurs très
importants au Québec qui, soit résident là-bas, soit y
travaillent durant la plus grande partie de l'année et, de façon
évidente, y gagnent leur vie. Notre président, M. Plamondon, a
été assez éloquent là-dessus, mais il n'est pas du
tout le seul. Si la liste vous fait défaut, j'ai cela pas très
loin dans mon sac.
Le Président (M. Trudel): Tantôt, vous parliez de
bourses et le député de Saint-Jacques s'est étonné
qu'on puisse aller aux États-Unis apprendre à écrire de la
chanson française. On peut peut-être aller aux États-Unis
apprendre à écrire, point. Quel organisme au Québec,
au-delà d'une école -je ne dis pas que je suis contre
l'école -d'enseignement ou d'une école de formation en chanson
populaire, présent ou actuel, voyez-vous qui pourrait remplir cette
fonction?
M. Lelièvre: Je ne veux pas me prononcer au nom de la
SPACQ. On ne souhaite pas servir de corridor ou de transit là-dedans.
Mais, il semble simplement que ces programmes devraient être accessibles
aux auteurs et aux compositeurs. J'ai eu en main - je ne sais pas si ce
document était officiel ou officieux - l'an dernier, une version d'un
document de travail du ministère des Affaires culturelles, qui est un
peu l'ébauche de ce que devrait être éventuellement la
politique de la chanson.
Mais, les statistiques ne changeront pas là-dedans: les auteurs
et les compositeurs de chansons, même s'ils font des demandes de bourses
au ministère des Affaires culturelles, n'en obtiennent à peu
près jamais. C'est peut-être simplement parce qu'il n'y a pas de
programmes pertinents pour eux en tant que créateurs. En tant
qu'interprètes, il y a des programmes qui sont quand même assez
pertinents et on en remercie le ministère, on s'arrange assez bien avec
cela. Pour nous, en tant que créateurs, il y a une absence de
programmes.
Le Président (M. Trudel): Merci. M. le
député de Sherbrooke avait manifesté l'intention de poser
une question et, ensuite, Mme la députée de Matane, ce qui
devrait nous mener autour de 18 heures, autant que possible avant 18 heures.
Merci.
M. Hamel: M. Lelièvre, en lisant votre mémoire,
j'avais noté aussi, comme mes collègues, cette
préoccupation que j'avais sur la formation et le comment de cette
formation. Vous avez répondu à cette question importante. Pour
dire que je compatis avec mon président, je préfère
dire
que les grands esprits se rencontrent, car nous sommes quatre qui avons
soulevé ce point.
Une toute petite question. À la page 4, dans la condition
d'exercice de la profession, vous dites: "Pour améliorer notre
situation, nous avons quelques suggestions concrètes". Là, je
descends un peu plus bas; vous parlez de "forcer les multinationales à
réinvestir". Comment? Avez-vous des suggestions un peu plus
concrètes à nous donner? Comment forcer les multinationales
à réinvestir?
Mme Aubut: Une des choses qui seraient importantes, c'est que les
multinationales... Ici, par exemple, il y a certaines multinationales qui n'ont
même pas un seul artiste québécois, vous le savez. Elles
ont un bureau à Montréal, mais c'est simplement un bureau
fantôme en ce qui nous concerne. Il faudrait peut-être imposer
à ces gens-là d'avoir, je ne le sais pas, cinq, six ou sept
artistes québécois par année.
Il n'y a presque plus de production qui se fait de façon
indépendante, pour les raisons qu'on évoquait tout à
l'heure, c'est-à-dire que la part qui reste au producteur est
très très mince. Si les multinationales n'investissent pas
d'argent ici et se servent simplement de leur machine pour pousser le produit
américain, on ne peut, en aucune façon, arriver avec cela.
Vous pouvez aller dans les magasins de disques, même si vous
êtes un producteur courageux et que vous arrivez à sortir des
produits, vous ne les verrez pas en étalage. Il y a toutes sortes de
pratiques qui se font et qui ne sont pas toutes très jolies: du style,
par exemple; cela coûte tant d'argent pour que les disques soient
placés, comme on dit, "front-track", etc. C'est-à-dire que les
producteurs québécois ne peuvent pas s'offrir ce luxe. Je pense
qu'il serait très important que les multinationales
réinvestissent. Cela permettrait à des Québécois
d'avoir aussi accès à des productions de qualité, parce
que leurs budgets n'ont rien à voir avec les nôtres.
M. Hamel: Mais c'est toujours le comment qui me
préoccupe.
Le Président (M. Trudel): Merci. Cela va. Mme la
députée de Matane.
Mme Hovington: Cela rejoignait un petit peu ma question, mais je
voudrais un éclaircissement sur certains points. Je suis sûre que,
dans la population, il y a sûrement une confusion au niveau des droits
d'auteurs, créateurs, interprètes. Peut-être que c'est
cela, parfois, l'image qui est projetée. Par exemple, il y a un
producteur qui me disait: II y a tel compositeur qui gagne, en droits d'auteur,
200 000 $ par année, juste en redevances. Je ne peux pas donner de nom
parce que je ne veux pas faire de personnalités, mais c'était
peut-être parce qu'il était aussi interprète ou qu'il
recevait cela sur les disques vendus ou le nombre de disques. De quelle
façon cela fonctionne-t-il exactement?
Mme Aubut: Je pense qu'on a tous quelque chose à dire
là-dessus, parce que cela nous touche dans le vif. En tout cas, je peux
vous dire qu'à la SPACQ il n'y a pas un auteur - on peut tous les
nommer, ils sont tous là, que ce soit Plamondon, Vigneault, tout le
monde est là - il n'y a personne qui touche des droits semblables. Pour
toucher des sommes comme ça, si ce sont des redevances, il faudrait que
ce soit peut-être quelqu'un qui ait des émissions
régulières à la télévision, par exemple,
quelqu'un qui aurait peut-être une continuité pour enfants tous
les jours à Radio-Canada. Mais vous savez, par exemple, que sur une
vente de disques, même si quelqu'un compose toutes les pièces d'un
album, cela ne fait quand même que 0,20 $ par disque.
Mme Hovingtore S'il est seulement créateur, s'il n'est pas
interprète.
Mme Aubut: Voilà! Et ça, il faut le diviser parce
que cela comprend trois intervenants. Il y a 50 % de cela qui va à
l'éditeur. Dans les 50 % qui restent, il faut diviser en deux, entre
l'auteur des paroles et le compositeur de la musique. Donc, pour un disque,
cela fait à peu près 0,05 $ pour une personne. Donc, pour gagner
200 000 $, il faudrait en vendre énormément. Je peux vous dire
que, personnellement, j'écris beaucoup de chansons et mes revenus
d'auteur, bien que cela soit quand même beaucoup vendu et joué...
L'année dernière, on a eu un succès de vente, je pense
qu'on a eu la meilleure vente au Québec avec un disque qui s'appelle "Le
party d'Edith". Eh bien, je peux vous dire que, cumulant cela et tous mes
revenus de droits d'auteur, je n'ai pas gagné 3 000 $.
Mme Hovington: Le plus gros du morceau va à
l'interprète, au producteur, au distributeur.
Mme Lemay: Je voudrais ajouter quelque chose. Il faudrait
vérifier auprès de la personne qui a dit cela. Peut-être
qu'il y a une confusion. Il y a des gens qui, à un moment,
décident de ne faire que des "jingles" et des commerciaux. Ce sont
peut-être des rentrées qui viennent de ce genre de choses. Cela
c'est très payant, mais ce n'est pas des redevances.
Mme Aubut; Ce ne sont pas des droits d'auteur.
Mme Lemay: Mais, quelquefois, cela peut être confondu.
Mme Aubut: Je vais reprendre mon exemple de tout à l'heure
pour un disque à l'unité. Mettons qu'un disque est vendu 10,49 $
- je vous donne des chiffres approximatifs, pour vous faire une image -vous
avez là-dessus le pourcentage du marchand, ensuite celui du
sous-distributeur, ensuite le distributeur. Il reste environ 43 % pour le
producteur. Sur ces 43 %, il y a 11 % de taxe fédérale, il y a
0,20 $ qui vont à l'ensemble des intervenants: auteurs et
créateurs, et, la plupart du temps, c'est entre 5 % et 8 % du prix de
détail pour l'interprète. Donc, l'interprète est beaucoup
plus payé que l'ensemble des créateurs, parce qu'il semble au
producteur plus indispensable.
M. Lelièvre: Quand il est payé, cependant.
Mme Aubut: Oui. Très souvent...
M. Lelièvre: Cela est plus aléatoire. La
réponse de Nicole Martin, hier était assez éloquente aussi
là-dessus. Enfin, pour ceux qui étaient ici.
Le Président (M. Trudel): Nous qui y étions, on
s'en souvient.
M. Lelièvre: C'est un autre problème, c'est
davantage de la juridiction de l'UDA, la question de redevances aux
interprètes.
Mme Lemay: II y a beaucoup d'exemples qui sont plus
éloquents. Par exemple "Le blues du businessman", en huit ans, a
rapporté...
Mme Aubut: 5000 $.
Mme Lemay: ...5000 $ ou 6000 $?
Mme Hovington: L'interprète en a eu plus, comme vous
disiez, c'est sûr.
Mme Lemay: Ce n'est pas en contradiction, ce sont des choses
différentes.
Mme Aubut: Je comprends le sens de la question, c'est quand
même vrai. Il faut dire que le créateur qui est à la base
de tout cela est celui qui est le moins payé. Par exemple, il est
certain que, si on fait un titre qui devient un tube ou un "hit" comme on dit
ici, on en a la preuve: on peut le dire, l'exemple de Diane Juster avec Ginette
Reno qui, pour 300 000 copies vendues a touché 8000 $ alors que cela a
généré 1 200 000 $ de revenus. C'est un exemple qui est
vrai, il s'applique sur une plus petite échelle comme sur une plus
grande.
Mme Hovington: C'est cela que vous voudriez qui soit rendu plus
juste, dans le fond, qui soit réajusté.
Mme Aubut: Oui, parce que c'est très difficile. Les
créateurs ne peuvent pas vivre de la création. Alors, on fait
presque tous autre chose. Je vous le dis: II y a une exception sur 134
personnes à la SPACQ qui n'est pas obligée de faire autre chose
et c'est Luc Plamondon parce qu'il écrit beaucoup pour la France. S'il
n'écrivait que pour ici, ce ne serait pas possible. Mais tous les autres
sont soit interprètes soit musiciens soit producteurs, mais on ne peut
pas vivre des revenus d'auteur.
M. Lelièvre: Même professeur.
Mme Aubut: Même professeur. C'est une situation qu'il faut
corriger parce que, sinon, cela n'incite pas les gens à écrire.
3e veux dire même la plupart d'entre nous pourraient certainement fournir
beaucoup plus de créations, si on avait le temps de s'y consacrer, tout
simplement.
Mme Hovington: Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la
députée de Matane. M. le député de Viger terminera
l'intervention.
M. Maciocia: Je sais qu'il est quasiment six heures. C'est
seulement une petite question que je voulais vous poser. Vous participez
actuellement, aux audiences de la Commission d'appel du droit d'auteur pour
obtenir des tarifs plus équitables. Est-ce que vous pourriez nous mettre
au courant de l'état du dossier actuellement et en même temps nous
dire quelle est l'orientation que prend ce dossier? Est-ce que vous êtes
satisfait ou non?
Mme Lemay: Nous avons demandé la hausse des tarifs
à trois niveaux, les concerts, la télévision privée
et Radio-Canada. On est actuellement à discuter de la
télévision privée. Pour Radio-Canada, ce n'est pas
terminé. Cela a été ajourné grâce à
une intervention de Radio-Canada. Ils trouvaient que les choses allaient trop
bien pour nous, alors, ils ont traîné cela jusqu'au mois de juin.
Donc, ce n'est pas terminé. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'on a au
moins obtenu d'être là et de défendre nous-mêmes ces
tarifs. C'est "un droit que nous n'avions pas avant. Ce fut vraiment une
bataille extraordinaire. Nous sommes allés en Cour
fédérale contre Radio-Canada et nous avons gagné, contre
Radio-Canada, le droit d'être là. Nous aurons les résultats
seulement trois mois après la fin des audiences.
Mme Aubut: Est-ce que je pourrais
compléter sa réponse en disant... M. Boulerice:
Oui.
Mme Aubut: ...que pour nous, c'est extrêmement difficile?
On s'est rendu compte que le mécanisme de la commission d'appel est un
peu absurde, en ce sens que c'est tellement compliqué de se
présenter devant cette commission pour faire entendre notre position
pour que cela soit jugé un peu plus justement; et nous étions
complètement absents du débat pendant toutes ces années.
Et cela coûte tellement cher que quelquefois on se disait: Bon, sur tel
tarif, nous n'irons peut-être pas. À ce moment-là, la
commission se permet de faire des commentaires en disant: Mais non, il ne faut
pas manquer d'argent, etc. C'est très compliqué. Peut-être
le faisons-nous aussi avec beaucoup de candeur, parce que les
sociétés qui devraient, normalement, nous représenter ne
vont pas jusqu'à demander ce que nous demandons. Je ne sais si elles ont
perdu confiance dans le système ou dans leurs possibilités, mais,
en tout cas, je pense qu'il est temps que des gens s'impliquent
réellement dans le dossier. C'est peut-être la première
fois que ce sont les auteurs eux-mêmes qui le font. C'est là qu'on
verra si cela fait vraiment une différence.
Mme Bacon; M. le Président, j'aimerais, peut-être,
apporter un éclairage nouveau à M. Lelièvre. Cela m'a fait
sursauter un peu quand il m'a dit qu'il avait vu un document du
ministère sur la politique de la chanson: document que j'ai
demandé de détruire. Cela me tracasse un peu de voir qu'il y a
des gens qui l'ont en leur possession.
M. Lelièvre: Je ne le montrerai à personne.
Mme Bacon: Cela fera partie de mes problèmes à
régler. Je voudrais dire à ceux et celles qui sont
préoccupés par ce dossier que nous n'avons pas l'intention de ne
pas avoir de politique sur la chanson, parce que c'est ce qui circule un peu
dans le milieu. J'ai demandé aux gens du ministère de retourner
à leur table de travail, d'être, peut-être, un peu plus
rigoureux dans les travaux qu'ils avaient à entreprendre et cela
explique pourquoi il y a un retard dans la publication de la politique de la
chanson, mais il y aura publication de la politique de la chanson.
M. Lelièvre: Je vous remercie, madame.
Le Président (M. Trudel): Mesdames, messieurs, merci de
vous être déplacés pour venir exprimer votre opinion. Comme
je l'ai dit tout au long de la journée, cette opinion nous est fort
précieuse. Je vous en remercie et je vous souhaite bon retour.
Quant aux membres de la commission, je vous rappelle que c'est mercredi
soir et qu'il est rare qu'une commission siège. La commission de la
culture siégera à 20 heures. Je compte sur votre présence
à tous. En attendant, elle suspend ses travaux jusqu'à 20
heures»
(Suspension de la séance à 13 h 2)
(Reprise à 20 h 8)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Est-ce que M. le député de Saint-Jacques peut
régler ses problèmes de cigarette. Vous avez très peu de
temps, M. le député de Saint-Jacques, pour régler ce genre
de problème. Dans quelques semaines, le projet de loi sera
adopté.
M. Boulerice: Vous allez voir !e "filibuster" là-dessus,
M....
Le Président (M. Trudel): Venant d'un fumeur comme vous,
je n'en doute pas.
La commission de la culture reprend ses travaux, sa consultation
générale sur le statut économique de l'artiste et du
créateur.
Nous avons le plaisir d'accueillir ce soir trois organismes. Nous allons
commencer immédiatement, parce qu'il est déjà 20 h 10. On
va dire que le président ne pense qu'à l'heure. Je vois en effet
l'heure avancer, le temps passer. Nous commençons donc avec le Conseil
de la sculpture, représenté par Mme Tatiana
Démidoff-Séguin, que nous avons eu le plaisir d'entendre et avec
laquelle on a eu le plaisir d'échanger des observations hier, en fin de
journée ou en début de soirée... on ne sait plus trop
bien, après presque 24 heures de travaux.
Alors, madame, la parole est à vous pour le temps dont vous aurez
besoin, en vous demandant autant que possible de limiter votre première
intervention, ce qui nous laissera l'occasion de vous poser plus de questions.
Merci.
Conseil de la sculpture du Québec
Mme Démidoff-Séguin: M. le Président, Mme la
ministre, mesdames et messieurs les députés. Je vous remercie de
me Fecevoir à la commission parlementaire sur le statut de
l'artiste.
Oui, je vais essayer de résumer le plus possible même si
j'avais préparé un show. Je vais quand même prendre
quelques minutes pour vous parler du Conseil de la sculpture et de la sculpture
au Québec, parce que c'est un domaine des arts qui est moins connu et
c'est important d'expliquer un peu
ce qui se passe.
Je vais donc prendre des secteurs qui nous intéressent plus
particulièrement.
La formation, Nous trouvons que l'art n'est pas enseigné de
façon obligatoire dès le primaire et que l'enseignement qui se
donne actuellement ne fait pas toujours appel à des spécialistes
dans ce secteur. De plus, nous demandons que l'enseignement obligatoire
respecte les quatre champs du savoir, soit les humanités, les sciences,
les arts et la technologie et que les ajouts de matière se fassent par
champ de connaissance et non au détriment d'un autre champ.
Le droit d'auteur. Nous travaillons beaucoup sur ce dossier parce que
toutes les demandes dans les arts visuels sont, jusqu'à présent,
non considérées ou refusées par le gouvernement
fédéral, c'est-à-dire qu'on ne nous accorde ni le droit de
suite, ni le droit d'exposition (compensation), ni le droit d'exposition
(diffusion), ni le droit à l'intégrité de l'oeuvre d'art,
tel que nous le demandons, ni le droit de suite sur les oeuvres du 1 %, ni le
droit de déclarer une oeuvre complétée, ni le droit de
retrait et de repentir. Nous faisons mémoire sur mémoire, mais
jusqu'à présent nous n'obtenons pas de résultat. Les seuls
résultats que nous avons eus viennent du gouvernement du Québec
qui nous a accordé des droits de compensation dans les musées,
non pas en légiférant, non par loi, mais par des décisions
spéciales.
En fiscalité: Les artistes en arts visuels sont tous sur le
même point. Mon mémoire parle de sculpture, mais cela touche tous
les domaines des arts visuels. Le revenu moyen d'un sculpteur par son art est
de 2000 $ par année et vous pourrez vous reporter au tableau de la page
45 qui est extrait d'une enquête que nous réalisons en ce moment
et qui s'appelle "La situation des sculpteurs et du marché de la
sculpture au Québec". Vous verrez, d'après les chiffres pour les
années 1983-1984, que le revenu moyen en 1983 était de 2005 $ et
en 1984 de 2453 $, après qu'on a enlevé tous les frais. Ceci
fait, évidemment, que les artistes ne vivent pas de leur art et ils ont
tous un autre métier pour vivre. Finalement, c'est difficile de
créer et d'avoir un autre métier, mais c'est quand même le
lot général.
En fiscalité, on demande aussi que les artistes puissent
déduire leurs frais de production sur un autre salaire qu'ils ont
automatiquement, puisqu'ils ont tous deux métiers, parce que, sans cela,
c'est eux qui financent leurs propres créations et ils n'ont pas les
reins assez solides pour le faire. C'est un débat que nous avons avec le
ministère du Revenu.
Ce que nous demandons aussi, c'est que le gouvernement accorde des
déductions d'impôt. Ce serait intéressant qu'il accorde des
déductions d'impôt de 3000 $ par année à toute
personne qui achèterait des oeuvres d'art. Actuellement, il y a un abri
fiscal pour les compagnies, qu'elles peuvent amortir sur cinq ans, mais pour
les particuliers, cela n'existe pas, de sorte que les gens ne sont pas
incités à acheter des oeuvres d'art. Ce qu'on voudrait, c'est que
cela s'applique aux oeuvres d'artistes vivants pour permettre aux
créateurs de pouvoir vendre des oeuvres et de vivre un peu de leur art.
On voudrait aussi que les artistes puissent bénéficier de la
comptabilité de caisse, un peu comme les agriculteurs et les
pêcheurs, parce que la comptabilité d'exercice, c'est trop
compliqué et c'est vraiment difficile pour les artistes de se faire
à ce système.
On aimerait aussi que les artistes bénéficient des
mêmes avantages que les collectionneurs lors du don de leurs oeuvres
à une société ou organisation autorisée par la loi,
parce que les artistes ont beaucoup moins d'avantages qu'un collectionneur.
Dans le droit social, on voudrait qu'on puisse étudier des
mesures qui permettraient aux artistes d'avoir droit à des avantages
sociaux tels que retraite, chômage, prestations d'assurance pour les
accidents du travail. On a commencé à avoir des rencontres avec
la CSST et on va donner des résultats de nos rencontres et de nos
démarches. On aimerait être appuyés par le ministère
des Affaires culturelles pour avoir quelques résultats dans ce
domaine.
On aimerait aussi, pour la sécurité au travail, que les
sculpteurs puissent bénéficier de subventions pour équiper
leurs ateliers, parce que le plus grand problème, c'est
l'aération. On sait très bien que tous les artistes ont des
ateliers qui ne répondent pas aux normes de sécurité, mais
ils n'ont pas les moyens non plus de faire autrement. 11 faudrait qu'il y ait
des subventions spéciales pour cela parce que si c'est une subvention
d'équipement, ils vont préférer acheter des outils
plutôt que d'équiper leur atelier sécuritairement parce
que, n'ayant pas d'argent, ils voudront créer avant de se
protéger eux-mêmes.
Être sculpteur, cela implique une organisation importante et
onéreuse parce qu'il faut s'équiper en outillage.
L'équipement des ateliers coûte très cher. Les sculpteurs
sont les seuls artistes dans les arts visuels à utiliser une aussi
grande variété de matériaux. Alors, c'est beaucoup plus
difficile. Il existe quelques ateliers communautaires, mais c'est beaucoup plus
difficile. On aimerait beaucoup que les sculpteurs puissent
bénéficier de subventions pour de l'équipement pour leurs
ateliers, un peu comme les métiers d'art. Dans les métiers d'art,
ce sont des subventions qu'ils peuvent avoir assez facilement, alors que ce
n'est pas le cas dans les arts visuels. Mais les sculpteurs ont des
problèmes bien particuliers. Ils doivent aussi dépenser de
l'argent en matières premières, en location
d'équipement, de machinerie lourde. Comme la plupart ne vendent pas
leurs oeuvres, qu'ils sont les plus grands collectionneurs de leurs oeuvres,
c'est très difficile et c'est trè3 lourd d'exercer ce
métier.
Pour les expositions, on aimerait beaucoup que les galeries et les
musées exposent autant d'oeuvres de sculpture que de peinture.
Actuellement, la sculpture occupe 6 % du marché de la peinture. C'est
dire qu'on n'est pas beaucoup représenté.
On voudrait aussi que le gouvernement apporte une attention
particulière à la mise en marché et à la diffusion
des oeuvres d'art visuel. C'est un problème majeur que la diffusion. Les
créateurs sont très nombreux puisque, au Québec, 1200
personnes se déclarent artistes. 11 est évident que, sans
critères de professionnalisme, il est difficile de savoir qui est
professionnel de ce nombre, mais il y en a quand même beaucoup. Il y a
très peu de galeries, donc très peu de moyens de diffusion.
Concernant la diffusion dans les journaux et les autres médias,
la télévision ne montre pas d'art visuel ou très peu.
L'artiste de ce secteur est vraiment exclu de cette source d'information. Nous
avions rencontré, à une table ronde, le vice-président de
Radio-Canada avec des gens de Radio-Québec. Il disait que, quand on
présentait de l'art visuel à la télévision, la cote
d'écoute baissait, ou alors que la télévision
n'était pas la meilleure façon de présenter des oeuvres
d'art. Il valait mieux les exclure.
Donc, sans publicité et coupés du public,
complètement ignorés ou presque, les artistes en art visuel ont
bien de la difficulté à se faire connaître et à
intéresser le public à leurs oeuvres.
Au sujet de la diffusion internationale, il est urgent de mettre en
place une véritable politique de diffusion culturelle internationale. La
diffusion de la sculpture québécoise contemporaine à
l'étranger est actuellement pratiquement inexistante. Nous avons un
problème actuellement. Depuis quatre ans, nous essayons de
présenter des expositions de sculpture en dehors du Québec.
Depuis un an et demi, nous travaillons à une exposition d'envergure
d'oeuvres d'installation de grand format.
Nous avions été acceptés par le ministère
des Relations internationales qui nous avait mis en priorité, cette
année, sur ses listes, de sorte que nous avons lancé le concours
et nous avons réuni un jury prestigieux composé des
personnalités les plus éminent es dans le domaine des arts
visuels. Nous sommes allés en France négocier les lieux avec les
musées. Là, le ministère des Relations internationales
nous dit qu'il n'a plus un sou parce qu'il y a eu des compressions
budgétaires, de sorte que nous avons présenté notre
demande au ministère des Affaires culturelles qui doit recevoir toutes
les demandes qui arrivent de partout, dans le cadre du programme
Accessibilité II. Mais, pour ce programme, il y avait tellement de
demandes. Nous étions en tournée pour la négociation des
lieux. Nous avons donc adressé un télégramme dès
qu'on a eu le premier lieu officiel. Nous avons été
refusés, parce que nous n'avions pas de lettre signée et qu'il y
avait d'autres demandes. On a un gros gros problème, parce que
l'exposition est importante. Elle est acceptée déjà dans
des lieux et elle veut être reçue de façon importante par
ces lieux. C'est notre crédibilité à nous, au Conseil de
la sculpture. La sculpture ne pourra plus ressortir parce qu'une fois qu'on
aura dit: oui, non... C'est en même temps le Québec qui est un peu
en jeu. Enfin, on a un problème de ce côté.
On aimerait, dans les programmes gouvernementaux, surtout concernant le
programme du 1 %, ce serait bien que soit créée une banque de
jurys, d'abord répondant à des critères de
professionnalisme et ce par tout le Québec, pour que des gens qui
peuvent juger des oeuvres puissent venir des régions juger à
Montréal et ceux de Montréal en région, pour qu'il y ait
un grand brassage à ce niveau et que tous les artistes puissent
être mis en valeur et être mieux connus de tous les gens qui
peuvent juger des oeuvres. On voudrait aussi que les concours dans les
régions soient équitables par rapport à Montréal
centre et vice versa, que pour un même montant d'argent, un même
nombre d'artistes soient en concours, pour éviter que pour une somme de
30 000 $, par exemple, dans une région il y ait huit artistes en lice et
dans une autre région, 200. Ce serait quand même plus
équitable pour tous les artistes.
On aimerait aussi que le ministère continue à soutenir
financièrement les associations d'artistes, mais on voudrait
éviter une prolifération de conseils, essayer de faire certains
regroupements. Tous ne peuvent pas être faits parce que, dans les arts
visuels, par exemple, nous avons plusieurs secteurs et cela fait 25 ans que
ça dure. On fête nos 25 ans, cette année. Il est
évident que quand on est le Conseil de la sculpture du Québec et
qu'on défend la promotion de la sculpture, on ne la défend pas de
la même façon que les peintres parce qu'on a d'autres contraintes.
Même si on est uni sur les dossiers de droit d'auteur, de
fiscalité et de statut de l'artiste où à peu près
les mêmes problèmes reviennent, quand il s'agit de la diffusion
vraiment de la sculpture, cela devient différent.
Pour comprendre les besoins des créateurs et leur permettre un
cadre de vie correspondant à leurs besoins, il faudrait établir
une consultation la plus large possible
et une collaboration entre tous les intervenants impliqués: les
créateurs, les musées, les galeries, les critiques et les
historiens d'art, les collectionneurs, les spécialistes du marché
de l'art, les gouvernements, les municipalités, le monde des affaires.
Le jour où on pourra réunir tout ce monde ensemble, on pourra
peut-être faire bouger des choses et bâtir ensemble une politique
qui réponde à nos besoins. On aimerait beaucoup que le
ministère des Affaires culturelles établisse, de toute urgence,
une politique des arts visuels, puisqu'on n'a pas eu de politique globale
jusqu'à présent, qui réponde à la
réalité et aux besoins exprimés par ce milieu.
Je pense que j'ai à peu près fait le tour de la question.
Il y a le problème des galeries d'art aussi. Je disais qu'il n'y avait
pas beaucoup de galeries d'art, qu'il y avait beaucoup d'artistes. Les galeries
d'art que nous avons sont, elles aussi, en grande difficulté
financière, de sorte qu'elles ne peuvent pas répondre
complètement non plus aux besoins des artistes. Ayant de grandes
difficultés à survivre ici au Québec, elles ne peuvent pas
assurer leur rôle de diffusion internationale.
Je vous remercie.
Le Président (M. Trudel): Merci, madame. Je pense que Mme
la ministre a quelques questions à vous poser sur un mémoire qui
fourmille de recommandations et qui est très fouillé, l'un des
plus fouillés, dois-je dire, de ceux qu'on a lus.
Mme Démidoff-Séguin: ...recommandations.
Le Président (M. Trudel): Je les ai comptées, j'en
discutais en aparté avec Mme la ministre il y a quelques secondes. Mme
la ministre.
Mme Bacon: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord
féliciter Mme Démidoff-Séguin pour sa présence ce
soir. Elle l'a fait toute seule, ce soir. C'est quand même une
expérience pour elle, mais aussi une grande responsabilité, et je
pense qu'elle a été très éloquente pour nous faire
connaître les besoins et les aspirations aussi du monde des sculpteurs.
J'ai évidemment pris bonne note de votre dossier, qui est un dossier
ponctuel, mais je verrai avec le ministère, Accessibilité II,
s'il y a des possibilités pour vous.
J'aimerais quand même dire que le Conseil de la sculpture a
vraiment le souci du détail. Quand on prend connaissance de votre
mémoire - et ce mémoire-là traduit vraiment et
adéquatement l'esprit qui anime le créateur - c'est ce souci du
bien fait, aussi du perfectionnement qu'on retrouve, et c'est cela un
créateur, dans le mémoire et qui fait peut-être mieux
saisir les réalités du milieu. Je pense que, comme le disait le
président tantôt, il est tellement bien étoffé, ce
mémoire, qu'on peut vraiment les saisir davantage.
Ma première question, je dirais que, dans un élan de
création, dans un élan peut-être de réalisme avec
l'environnement dans lequel on doit travailler, vous formulez quand même
76 recommandations qui sont, pour vous, sûrement aussi importantes les
unes que les autres, mais des 76, si je vous demandais quelles sont les cinq
qui sont prioritaires, pourriez-vous m'en nommer cinq?
Je ne veux pas vous embêter, mais, s'il y avait des choix parmi
les 76, parce qu'on ne peut pas tout faire en même temps, quelles
seraient vos priorités?
Mme Démidoff-Séguin: S'il y avait des choix
à faire, il y aurait des choix concernant les sculpteurs. Il y a deux
choses: l'aide à la création, qui existe déjà, les
subventions qui sont déjà là et qu'on peut aménager
d'une façon ou d'une autre; surtout, la diffusion. Je pense que c'est
très important de se pencher sur cette question: la mise en
marché.
On dit toujours: les artistes vivent de bien-être social, vivent
de subventions, les subventions c'est de la charité. Je ne pense pas que
les subventions soient de la charité au départ. Mais même
quand on regarde ça froidement, ce n'est pas tellement important les
subventions au point de vue somme d'argent. C'est évident que le
ministère fait son possible et qu'il donne des subventions dans
différents secteurs, mais quand un artiste réussit bien,
même s'il a une subvention par année - parfois une subvention
c'est quoi, c'est 3000 $ ou c'est 5000 $ - ce n'est pas avec cela qu'il va
vivre durant l'année. Surtout que, quand il demande cette subvention,
c'est pour réaliser des oeuvres et tout part dans les matériaux
la plupart du temps, de sorte que cela aide l'artiste, parce que s'il n'avait
pas ça, il n'y aurait rien qui se ferait. Mais on ne peut pas dire que
les artistes vivent tranquillement de subventions gouvernementales. Il faudrait
que les artistes puissent vivre de leur art et je pense que ça c'est le
voeu des artistes.
La sculpture occupe 6 % du marché de l'art. Déjà
dans les galeries d'art, dans ces secteurs, la diffusion c'est très
difficile, il n'y a presque rien. Les galeries disent qu'ils ne peuvent pas
faire autrement. Les collectionneurs ne sont pas assez sensibilisés
à la sculpture, et la sculpture c'est plus cher parce que ce sont des
oeuvres uniques et toutes ces choses-là. Il faut trouver des formules.
Là où les sculpteurs réussissent le mieux c'est dans
l'intégration des arts à l'architecture. On dit que la sculpture
occupe 70 % de ce programme. C'est bien. Ce n'est pas tous les sculpteurs qui
font de la
sculpture intégrée à l'architecture. Malgré
tout, c'est une facette.
Mais pour un contrat donné, même si le contrat est
important, on dit: l'artiste a eu 30 000 $, c'est beau... Mais comme il doit
réaliser sa sculpture, réaliser les fondations, payer la main
d'oeuvre, la machinerie lourde, le transport, les frais d'ateliers, il ne reste
pas grand-chose non plus. Si l'artiste avait plusieurs contrats cela aiderait.
Il faudrait inciter les municipalités, il faudrait inciter le domaine
public, les compagnies, il faudrait créer un mouvement... La diffusion
c'est important. Alors j'en ai déjà deux: l'aide à la
création, l'aide à la diffusion.
Ce qui est très important, aussi, pour nous, c'est la diffusion
internationale. Parce qu'il est important pour les artistes de se faire
connaître au Québec, d'accord, mais il faut qu'ils se fassent
connaître aussi en dehors du Québec. J'ai entendu beaucoup de
commentaires. L'art qui se fait au Québec est un art, non seulement
très valable, mais complètement dans les courants internationaux.
C'est simplement que le Québec n'est pas sur la carte internationale. II
y a certains pays, il y a les États-Unis, l'Allemagne... Même, la
France est en perte de vitesse un peu, mais le Québec est
complètement en dehors des circuits. Il faudrait qu'on puisse aller dans
les grandes manifestations culturelles internationales: la foire de Bâle,
Kassel, Chicago, que l'on puisse faire connaître ce qui se fait au
Québec. Cela, ce serait très important aussi pour les artistes
parce que plus ils seront reconnus à l'étranger, en tout cas,
d'une certaine façon, plus les gens auront envie de les acheter ici. (20
h 30)
J'ai quelquefois entendu des réflexions de collectionneurs qui
disaient: Oui, mais acheter québécois... Quand on achète
des artistes étrangers, cela a plus de valeur. C'est un placement qui
est mieux. Pourquoi? Parce que les artistes d'ici ne sont pas connus. Les gens
se disent que d'acheter d'un artiste qui n'est pas connu ce qu'on ne pourra
revendre qu'en petit circuit fermé -on est 6 000 000 - c'est moins
intéressant. Il y a cela, aussi, à voir. C'est bien
important.
Cela serait important, aussi, si un regroupement comme le nôtre...
On n'a pas beaucoup d'argent. C'est encore beau que l'on ait notre subvention,
mais c'est très difficile, avec la subvention que nous avons, qui a
quand même été augmentée l'année
dernière, de pouvoir faire le travail qu'on fait, parce que c'est un
travail qui repose beaucoup sur le bénévolat. Alors, on a une
relève qui arrive, plus ou moins. C'est pour cela que les conseils
d'artistes font des vagues. Il y a des creux parfois. C'est tellement lourd
à porter, tout ce bénévolat! Il faudrait qu'on ait au
moins la possibilité de pouvoir engager un directeur ou une directrice
général(e) à temps plein, cela serait important, en plus
de la secrétaire pour qu'on puisse faire nos photocopies, ne serait-ce
que pour tous ces dossiers. Seulement pour cette commission parlementaire -il
est important pour nous d'y être - il a fallu faire 60 copies du
mémoire. Pour nous, pour nos budgets, c'est un gros investissement.
Évidemment, cela est important. On n'en aura pas une autre avant 20 ans.
Alors, cela vaut la peine de mettre le paquet. C'est beau. Il faut que cela
marque.
Donc, si on avait un peu plus de moyens pour pouvoir, justement,
travailler et faire avancer des dossiers et faire avancer des choses... Si on
se bat tellement pour envoyer des expositions de sculpture à
l'étranger, c'est parce qu'il nous faut, d'abord, sensibiliser le
milieu, ici, à la sculpture, veiller à ce que les gens n'oublient
pas que la sculpture, cela existe. Même nos musées, qui ont
certains moyens, n'ont pas des moyens assez forts pour faire une
véritable politique internationale de diffusion. Il faut que cela vienne
aussi d'ailleurs. J'en ai combien? J'en ai quatre. Le cinquième ne
devrait pas être loin.
Mme Bacon: Peut-être à mesure que je vous poserai
des questions...
Vous parlez de diffusion internationale de la culture. Pensez-vous que
c'est possible pour le gouvernement d'ouvrir des marchés à
l'étranger ou est-ce que cela ne serait pas... Parce qu'il y a des gens
qui nous disent que ce sont les galeries d'art, par exemple, qui devraient
ouvrir des marchés à l'étranger. Est-ce que vous, vous
voyez surtout le gouvernement le faire? Est-ce une responsabilité
gouvernementale, selon vous?
Mme Démidoff-Séguin: Vous voulez dire comme le
gouvernement fédéral qui a le Centre culturel canadien à
Paris, un à Londres ou bien la Galerie 49ème parallèle,
à New York. Cela pourrait être intéressant. Ce qui serait
intéressant, c'est ce qu'on a demandé au sommet "Québec
dans le monde". On a demandé la création d'un organisme de
diffusion internationale. À l'époque, comme cela avait
été demandé, on avait dit qu'il serait géré
par le milieu et le ministre des Affaires culturelles trouvait qu'il fallait
que ce soit le ministère aussi qui gère cet organisme. On
comprend ces choses-là. Il y a à voir de tous les
côtés. Mais lors du sommet, on nous avait dit qu'on
créerait des comités qui étudieraient la question
dès janvier 1985. Le temps a passé et les comités n'ont
pas été mis en place parce que c'est un accord qui devrait
être fait entre les ministères des Affaires culturelles et des
Affaires intergouvernementales. On voudrait aussi que cela soit fait avec le
milieu et en accord avec le milieu. À ce
I
moment-là, cet organisme peut être, si tout le monde
apporte son avis, très intéressant, ne serait-ce que pour
l'information sur ce qui se passe ailleurs, tous les concours qui se font dans
le monde et auxquels les artistes pouvaient participer. Pour toutes ces
choses-là, on n'a pas d'information. Chaque fois, chacun va chercher un
petit morceau d'information. C'est très très difficile. Pour
envoyer une exposition ailleurs, par exemple, on se bat depuis un an et demi et
on commence à voir comment cela fonctionne. Mais il faut savoir pour la
douane, les transports, où s'adresser et puis, quand on s'en va dans des
lieux étrangers, il faut savoir aussi quels sont les lieux importants.
Aller exposer à l'étranger, dans un lieu où la critique ne
va pas, où personne ne va, c'est quoi? C'est ajouter une ligne à
son curriculum en disant: J'ai exposé à Paris ou à New
York. Mais qu'est-ce que cela donne si c'est dans un lieu qui n'est pas
intéressant, pas dans le grand circuit. On a besoin de savoir cela
aussi. Chaque organisme, avec le peu de moyens qu'il a, se bat pendant des
années pour avoir trois informations qui deviennent
périmées deux ans plus tard. On n'a pas de soutien
là-dessus.
Donc, la première phase pour nous, c'est que le ministère
mette en place ces comités de consultation avec le milieu et que tous
ensemble, on trouve les moyens de faire quelque chose de cohérent et qui
soit vraiment intéressant.
Mme Bacon: Est-ce que vous croyez que le marché de la
sculpture occupe ailleurs une plus grande part du marché qu'ici, quand
vous faites des comparaisons?
Mme Démidoff-Séguin: La sculpture a des
problèmes partout. On se demande pourquoi il y a encore des sculpteurs.
Mais en dehors de cela, par exemple, dans certaines villes des
États-Unis, je pense à Philadelphie, à un moment
donné, on a fait un gros effort et les compagnies, incitées par
le gouvernement, ont embarqué et ont commandé des sculptures. En
somme, les oeuvres de commande, c'est important. Si toutes les industries
investissaient dans l'art, pour elles, quand même, cela doit faire partie
de leur promotion, c'est important de montrer leur intérêt pour
l'art. Si on arrivait à leur faire miroiter cela, cela pourrait
déjà ouvrir des débouchés d'une part. D'autre part,
nous avons appuyé une société de mise en marché du
produit culturel, mais ce serait important aussi d'aller ouvrir des
marchés dans les...
Par exemple, des bureaux d'avocats, de notaires ou de comptables
pourraient très bien acheter des oeuvres d'art parce qu'ils les
amortissent en cinq ans, à 20 % par année. C'est exactement comme
lorsqu'ils achètent des rideaux ou des meubles. On pourrait leur dire
que leur rideau, au bout de cinq ans, il va être brûlé par
le soleil. Ils vont le jeter ou le remplacer, tout comme le tapis. Tandis
qu'une oeuvre d'art est entièrement payée au bout de cinq ans.
Elle a augmenté de valeur. Mais c'est simplement que la diffusion n'est
pas assez faite. Les gens ne le savent pas ou n'y pensent pas. Alors, nous, on
le fait comme on peut. On n'a pas tellement de moyens pour le faire. Le
marché existe parce qu'il paraît qu'à Toronto, il est
beaucoup plus grand et ce sont les mêmes personnes, mais qui
achètent davantage.
Mme Bacon: Dans l'ensemble, comment pouvez-vous évaluer
les programmes ou les services du ministère des Affaires culturelles sur
le plan de la province et sur le plan d'une région, par exemple?
Mme Démidoff-Séguin: Au niveau de la sculpture?
Mme Bacon: Oui.
Mme Démidoff-Séguin: On a des...
Mme Bacon: Si vous aviez à faire l'évaluation des
programmes ou des services du ministère.
Mme Démidoff-Séguin: Il y a des programmes
intéressants concernant l'aide à la création qui est
régionalisée et qui permet aux artistes de réaliser des
oeuvres et d'être aidés pour cela. Mais, quand un artiste
reçoit une bourse du gouvernement, c'est, la plupart du temps,
considéré comme une bourse d'études, alors que c'est une
bourse pour des matériaux. Il est obligé non seulement de payer
de l'impôt sur les bourses, ce qui va lui diminuer
considérablement sa bourse suivant les autres apports d'argent qu'il
peut avoir mais aussi, il n'a pas le droit, normalement selon la loi, de
déduire des frais, parce que c'est une bourse d'études. On a un
problème à ce niveau-là. C'est intéressant d'avoir
l'argent, l'artiste essaie... C'est pour cela que concernant les
déclarations d'impôt, on aimerait que ce soit une
comptabilité de caisse. Tout ce qu'il a gagné dans
l'année, tout ce qu'il a dépensé, puis il fait le total.
Pour les artistes, c'est très difficile en plus de tenir une
comptabilité avec des comptes à payer, des comptes à
recevoir, c'est très compliqué cette chose-là.
Les programmes sont intéressants au niveau de la création,
mais on n'a pas tellement de programmes au niveau de la diffusion.
Jusqu'à présent, c'est peut-être quelque chose à
mettre en place, à penser, comment faire ces choses-là. Ce serait
important aussi.
Mme Bacon: Je sais que le libre-échange vous
intéresse beaucoup pour en avoir discuté avec vous
déjà. Est-ce que vous pourriez nous indiquer la voie que le
gouvernement devrait prendre dans votre secteur d'activité par rapport
à toute cette discussion sur le libre-échange?
Mme Démidoff-Séguin: Le libre-échange: au
départ, viscéralement, on pourrait dire, on se dit: On va se
faire manger par les États-Unis; parce qu'on ne sait pas chercher autre
chose. Ils sont tellement gros et on est tellement petit; mais, il peut y avoir
certains avantages qu'on n'a pas encore évalués. C'est encore une
affaire de moyens. Pour cela, le nouveau regroupement qui s'est formé,
la Conférence d'industrie culturelle des communications, qui est
doublée d'une fondation, va pouvoir étudier secteur par secteur,
avec l'argent de cette fondation -aux dernières nouvelles, il y aurait
250 000 $ à cette fondation - toutes ces implications, les avantages et
les inconvénients. Nous, au départ, on dit: On est contre mais,
on ne se base sur rien de précis. Comme ce libre-échange va quand
même s'étaler sur plusieurs années, si on arrive à
avoir - c'est pour cela que je fais encore partie de ce conseil
d'administration -encore des réunions supplémentaires... Je ne
veux pas que notre secteur soit délaissé. Il y a des secteurs de
pointe dont on parle plus: l'informatique et toutes ces choses-là. Ce
sont de gros secteurs, mais je ne veux pas que le secteur des arts visuels soit
oublié. AIor3, je vais donner encore un peu de temps pour essayer
d'obtenir de l'argent dans ce secteur pour des études; puis, on verra
après. Normalement, on dit qu'il n'y a pas de barrière en art
visuel, puisqu'il n'y a pas de langue: c'est de l'art visuel. C'est vrai et ce
n'est pas vrai aussi, parce que les artistes du Québec n'ont de
marché qu'au Québec. On n'a même pas un marché dans
le reste du Canada. Cela ne marche pas. On ne vend pas dans les autres pays non
plus; donc, on a un problème. Je ne sais pas où il est, mais il
existe.
Mme Bacon: Avec les relations que vous avez, avec les membres de
votre regroupement, est-ce qu'il est possible de faire bloc? Ce sont des
artistes qui travaillent souvent seuls et je ne pense pas me tromper en disant
ça. Est-ce qu'on retrouve le même phénomène que dans
le domaine de la danse, où chacun a sa façon de voir les choses,
où on veut bien se regrouper mais pas au point d'être solidaire,
au point de faire tous la même chose. Je pense que chacun veut rester
dans sa démarche personnelle ou individuelle. Est-ce qu'on retrouve la
même chose chez les sculpteurs?
Mme Démidoff-Séguin: Chez les sculpteurs, on est
particulier. On est au coude à coude. En tout cas. Les sculpteurs sont
des artistes individuels, c'est vrai, et individualistes. La démarche
créatrice, c'est vraiment très personnel. Pour le reste, on est
un organisme très dynamique, parce qu'on a peut-être tellement
conscience des difficultés qu'on a dans la diffusion de nos oeuvres,
dans le transport des oeuvres et avec les galeries qui ont de la
difficulté à nous accepter. Tout cela crée des liens d'un
état, pas de guerre, mais de difficulté. Au Conseil de la
sculpture du Québec, on peut dire que les gens sont très
solidaires, c'est-à-dire que nous avons pratiquement... On ne regroupe
pas tous les sculpteurs du Québec, mais on regroupe tous les principaux
sculpteurs professionnels. On a tous les grands noms de la sculpture: Daudelin,
Archambault, Vaillancourt. On a aussi les sculpteurs intermédiaires. On
a la relève. Ils sont tous là et pourvu qu'ils soient
tranquilles, à leur création chez eux, ils vont nous aider. Quand
j'ai vu l'Union des artistes, j'ai trouvé cela beau. On voit que ce sont
des gens du spectacle: c'était magnifique, la salle pleine d'artistes.
Il y avait un moment chaud et des applaudissements. J'ai dit: Moi, j'aurais pu
faire venir 40 sculpteurs ici. Cela aurait été un bon "show". Je
suis toute seule. Je n'ai pas eu l'idée.
M. Boulerice: Je pense que vous nous en faites un beau,,
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Mme Bacon: C'est parce que vous êtes très
éloquente.
Mme Démidoff-Séguin: Merci.
M. Boulerice: II y a de la fougue.
Mme Bacon: Est-ce qu'il y a quand même des modalités
de consultation chez vos membres pour l'adoption d'un projet de politique ou de
définition de politique? Je pense qu'il doit y avoir des consultations
qui tiennent compte de l'individualité ou de l'individualisme de chacun,
mais, en même temps, il y a un groupe qui existe.
Mme Démidoff-Séguin: Oui. Par exemple, ce
mémoire découle de l'autre mémoire que j'ai écrit
sur la politique des arts visuels. Pour ce faire, il y a eu des rencontres avec
le gouvernement. Ensuite, on a eu des rencontres avec tous nos membres. On a
exposé point par point les différentes facettes. On a fait un
questionnaire par écrit. Le mémoire a été fait. On
l'a présenté à l'assemblée générale
annuelle l'année dernière. Il a été accepté
à
l'unanimité par l'assemblée générale avec
des félicitations et des applaudissements. C'est quelque chose qui
répond vraiment aux demandes des membres et à ce qu'ils
ressentent. Nous aurons un très beau document, gros comme ça, qui
va sortir; c'est notre enquête. On a réussi à avoir un
spécialiste avec des programmes de Canada au travail et on a fait une
enquête vraiment approfondie sur les sculpteurs avec un questionnaire
qu'on avait fait en 1980. On n'avait jamais pu compiler les réponses; on
n'avait pas d'argent pour cela. On n'était pas capable de le faire. On a
refait un autre questionnaire et on a compilé tout cela. On a des
comparaisons. Le tableau que j'ai sorti, à la page 45, c'est juste un
extrait. Nous aurons de nombreux tableaux et cela va nous aider beaucoup
à définir un peu mieux ce qui se passe chez les sculpteurs.
Mme Bacon: Cela va, M. le Président. Merci, Mme
Séguin.
Le Président (M. Trudel): Je m'excuse Mme la ministre.
Merci. M. le député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Mme Séguin, merci pour votre mémoire.
Merci aussi pour le cadeau que vous m'avez fait. J'ai réalisé
tantôt que dans le mémoire du Conseil régional de la
culture, à la page frontispice, c'est une oeuvre signée par vous.
Je l'ai remarqué et je l'apprécie beaucoup. Merci. (20 h 45)
Je pense que je me suis joué un tour au cocktail tantôt,
lorsque je vous ai suggéré une certaine façon de
procéder. Vous avez, comme résultat, brûlé 95 % de
mes questions. Aussi, vais-je aller dans ce qui me reste, puisque vous avez
effectivement éclairci les points qui nous semblaient
problématiques.
En page 17, vous dites que les galeries d'art contemporain battent de
l'aile. Je ne partagerai pas tout à fait votre opinion là-dessus.
En tout cas, je regarde Graff, qui va fêter ses vingt ans, Cult-Art, qui
est très préoccupée de sculpture, qui fonctionne
très bien et qui prend un essor merveilleux que vous connaissez sans
doute.
Mme Démidoff-Séguin: Lequel?
M. Boulerice: Cult-Art, sur Roy, près... Vous savez dans
quel comté c'est. Je ne le répéterai pas, au risque
d'agacer mes collègues encore une fois.
Mme Démidoff-Séguin: Je sais, je sais, on vient de
le quitter, ce comté.
M. Boulerice: Par contre, vous dites: Qu'en est-il des
musées? Effectivement, je pense que les musées ne donnent pas
à la sculpture la place qu'elle mérite. Je lis un peu plus loin
en ce qui concerne les acquisitions d'oeuvres d'art du Musée d'art
contemporain - vous connaissez mes affinités avec ce musée -
là encore, et ce n'est pas un reproche que je fais à mes
collègues, ni au conservateur, je ne crois pas que la sculpture occupe
la place qui devrait lui revenir dans sa collection.
À défaut des questions que vous m'avez - c'est quand
même heureux, cela signifie que vous y avez répondu -
enlevées, j'aimerais vous dire qu'avec la fougue que vous avez, il y
aurait peut-être intérêt à ce que votre groupe
rencontre le Musée d'art contemporain, son comité d'acquisition
et son conseil d'administration pour les sensibiliser. Je pense que vous l'avez
fait d'une façon exceptionnelle avec nous, ce soir.
Quand on me parlait d'habitude de sculpture, vous l'avez nommé
tantôt et on ne répétera pas son nom, j'y étais
sensibilisé de façon agressive, mais je sais que vous ne le ferez
pas comme cela. Je pense qu'il y aurait avantage à rencontrer le
Musée d'art contemporain de Montréal pour le sensibiliser
à la place de la sculpture, surtout que vous dites que les musées
pourraient intervenir dans les échanges internationaux.
Au moment où j'ai quitté le Musée d'art
contemporain de Montréal, c'était embryonnaire, c'étaient
des discussions comme on peut en avoir, mais il y avait la possibilité
d'un jumelage entre le Musée d'art contemporain et le nouveau
musée de Lyon, à Villeurbanne. Montréal et Lyon d'ailleurs
sont deux villes jumelées. Alors, on trouvait intéressant que les
deux musées puissent être jumelés. Cela aurait permis un
transit d'oeuvres québécoises et d'oeuvres françaises, de
part et d'autre de l'Atlantique; donc, une ouverture internationale pour les
oeuvres produites ici.
De nouveau, je pense que le Conseil de la sculpture aurait
intérêt à rencontrer les gens du Musée d'art
contemporain, comme cela pourrait se faire avec le Musée du
Québec qui possède une collection de sculptures assez
intéressante aussi. C'est un bout de chemin que vous pouvez très
bien faire vous-mêmes et je pense que cela sera peut-être - comment
dit-on en français -plus "récompensant", plus "rewarding", car
cela aura été fait par vous.
Par contre, un point m'étonne et j'aimerais vous en entendre
parler. Vous parlez du droit de retrait et de repentir. Est-il fréquent
qu'un artiste accomplisse un geste inconsidéré qu'il puisse
regretter par la suite et en arriver à la solution dont vous parlez?
Mme Démidoff-Séguin: Le droit de retrait et de
repentir est un droit qui existe dans la législation française,
par exemple. C'est le droit pour un artiste de retirer du
marché, de modifier ou même de détruire une oeuvre
qu'il n'accepte plus ou qui, pour toutes sortes de raisons, lui porte
préjudice. Mais la loi est ainsi faite que c'est tellement difficile,
qu'il faut remplir tellement de conditions... Il y a des délais qui sont
très longs. Cela va éviter à un artiste pris de folie de
détruire toute son oeuvre, mais d'un autre côté, cela va
permettre - c'est quand même un droit moral très important
-à l'artiste de détruire une oeuvre ou de la modifier quand
vraiment cette oeuvre va lui porter préjudice pour une raison qui va
être expliquée, qui va être vraiment étudiée.
C'est un droit qu'on demande, qui ne sera pas appliqué très
souvent, mais un droit moral important pour la liberté de
création de l'artiste.
M. Boulerice: Maintenant, Mme Séguin, est-ce qu'il n'est
pas possible pour vous actuellement, pour votre conseil, d'effectuer des
démarches auprès des cégeps et des universités pour
avoir accès justement, en dehors des heures de cours, aux ateliers
équipés pour la sculpture qui existent? Est-ce qu'il faut
nécessairement une loi ou une incitation du ministère?
Mme Démidoff-Séguin: Je vais vous dire une chose.
Il y a cette commission parlementaire et dans notre .document on a mis tout ce
qui était important pour nous, on a fait le tour de la question;
peut-être qu'il en manque encore, mais n'ayez crainte, on les ajoutera si
on les trouve. Ce qu'il y a, c'est qu'il faut regarder aussi comment on
fonctionne. On est très riche. On a 43 000 $ de subvention; on en avait
33 000 $; avant, 28 000 $. Quand il faut payer le loyer - on est relogé
dans l'école Centenaire de la paix, qui était
subventionnée par le ministère des Affaires culturelles, la ville
de Montréal - on paie cher ce loyer et on découvre toujours des
choses nouvelles; finalement, on paie aussi cher ou plus cher que si on
était ailleurs. C'est beau. Ce n'est pas trop mal, mais c'est
très cher.
Il faut payer une secrétaire, il faut payer les photocopies, de
sorte que tous les membres du conseil d'administration font du
bénévolat. Et chez nous, pour devenir membre du conseil
d'administration, il faut s'engager à faire au moins une journée
de bénévolat par semaine, deux journées pour le
président. Pour moi actuellement, pour moi c'est au moins six jours
parce que, comme je travaille seize heures par jour puis le samedi et le
dimanche... il est permis de respirer un peu certains autres jours pour aller
travailler en régions. C'est effrayant le travail qu'il y a, avec peu de
moyens. Alors, je sais ce que vous dites. C'est très bien. Il faudrait
qu'on fasse toutes ces pressions et c'est notre rôle de le faire; mais on
fait plus que ce qu'on peut et on n'est pas capable. On n'a pas les reins assez
solides pour faire toutes ces choses.
Peut-être qu'à simplement le dire cela restera là,
parce que ce n'est peut-être pas le rôle du gouvernement de le
faire non plus. C'est que pour chaque chose qu'on fait, il faut faire des
suivis là-dessus. On a toutes les expositions qu'on monte pour la
diffusion de la sculpture. On a le droit d'auteur. On a le statut de l'artiste
et la fiscalité. Chaque fois qu'on monte des expositions à
Montréal, comme la grande exposition qu'on va monter au Vieux-port, il
faut aller négocier des lieux, qu'on doit obtenir gratuitement parce
qu'on n'a pas d'argent, alors c'est des démarches, c'est des
réunions, c'est des dossiers. C'est qu'on devrait remplir... On sait
à peu près le rôle qu'on doit remplir maintenant
après cinq ans de travail. Mais il nous faudrait avoir les reins plus
solides.
C'est pour cela qu'on demande... Vous verrez dans le mémoire,
à un moment donné, un beau budget très
détaillé de nos rêves.
M. Boulerice: Je vais vous remercier en vous disant que, pour ce
qui est du Musée d'art contemporain, si cela peut vous être utile,
je vous offre mon concours.
Mme Démidoff-Séguin: Merci. Le Musée d'art
contemporain, on peut toujours évidemment... D'abord, on a
présenté un mémoire, on a déjà sorti les
textes qui les concernent et demandé l'acquisition d'oeuvres. Je vous
remercie de votre appui. Mais ce qui est plus difficile c'est que, même
si le musée faisait des ententes avec lui... C'est plus facile, vous
save2, de transporter une exposition de gravures qu'une exposition de
sculptures. C'est là tout le problème. Vous pouvez faire toute
une exposition de gravures dans une valise, vous faites les encadrements sur
place. La sculpture, ce n'est pas la même chose. C'est là le gros
problème. Pourtant, c'est un art majeur. C'est un art très
important.
M. Boulerice: En terminant, on en parlait M. le Président
et moi en aparté quand vous avez suggéré que les bureaux
d'avocats achètent, je vous informe que les bureaux de
députés peuvent acquérir pour 1000 $ d'objets
décoratifs. Sensibilisez les députés au fait que vous
effectuez de la sculpture pour nos bureaux.
Mme Démidoff-Séguin: Voyez-vous, on a monté
un projet de mise en marché. C'est effectif, cela fonctionne. Avec un
projet de Canada au travail de six mois, on a monté une banque, on
invite les collectionneurs à venir voir la banque, mais dans six mois si
on n'a pas plus d'argent, qu'est-ce qu'on va faire? On n'est plus capable de
continuer. Là aussi c'était une façon de sensibiliser. Je
compte sur vous pour faire le tour des
députés. Je pourrai vous fournir un peu de
documentation.
M. Boulerice: C'est un marché de 122 000 $. C'est quand
même intéressant.
Le Président (M. Trudel): Sur cet espoir que je vous
demande de continuer à caresser... De notre côté, on peut
peut-être demander, étant donné que pour les 1000 $ on
doit... Ce que M. le député de Saint-Jacques vous disait, c'est
qu'on a 1000 $ pour un tas de choses, dont la décoration. Je vous
suggérerais de faire pression sur l'Assemblée nationale
elle-même et son organisation, de façon que les budgets des
députés soient augmentés.
Sur ces considérations tout à fait terre à terre
mais très importantes...
M. Boulerice: Nos murs rendraient un enfant de cinq ans
neurasthénique tellement c'est laid!
Le Président (M. Trudel): Si on parle
particulièrement, sans insulter qui que ce soit, de ces murs...
M. Boulerice: Non, je parle de ceux des longs couloirs où
il n'y a pas d'art dessus et c'est dommage.
Le Président (M. Trudel): II y a les anciens
présidents de l'Assemblée nationale, je ne voudrais pas les
insulter, M. le député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Ce n'est pas de l'art, c'est...
Le Président (M. Trudel): Ils ne sont pas encore à
l'état de sculpture, ils sont à l'état de peinture.
Mme Séguin, nous vous remercions de votre comparution. Je pense
que... Vous m'avez dit tantôt que vous retourniez à
Montréal ce soir?
Mme Démidoff-Séguin: Non, demain. C'est vraiment
trop tard.
Le Président (M. Trudel): Alors, je vous souhaite un bon
voyage. On a passé deux jours fort agréables en votre compagnie,
on vous a vue plusieurs fois. Si d'autres membres de la commission avaient des
questions, je pense qu'on pourrait se les réserver, si vous voulez
rester, madame, après nos travaux, parce qu'il reste une heure ou un peu
plus et il reste deux groupes, dont un qu'on a convoqué rapidement ce
matin et je ne voudrais pas que la soirée se termine sans qu'on les ait
entendus. Merci, madame.
Mme Démidoff-Séguin: Je vous remer- cie.
Le Président (M. Trudel): Le prochain groupe, c'est
l'Union des écrivains québécois représentée,
je crois, ce soir, si mes listes sont toujours à jour, par sa
présidente, Mme Lalonde que je vois en arrière, par M.
André Ricard et par M. Michel Guay ou...? Non, il y a un petit
changement. Veuillez prendre place. Je vous souhaite la bienvenue et, avant de
vous céder la parole, vous me permettrez une remarque qui me brûle
la langue et les lèvres depuis deux jours et parlant en
troisième, je ne veux pas me la faire enlever cette fois-là.
Je profite de votre présence, vous de l'Union des
écrivains québécois, pour regretter l'absence - et je le
dis publiquement - l'absence surprenante des éditeurs et d'autres
représentants de ce que l'on appelle l'industrie du livre au
Québec. C'est une absence que je remarque peut-être plus qu'un
autre parce que j'ai déjà été responsable de ce
secteur au ministère des Affaires culturelles et je suis un ancien
éditeur spécialisé dans les manuels scolaires, en
édition scolaire; j'ai été étonné de
constater, malheureusement, l'absence de ces gens. Alors, je suis très
heureux de vous souhaiter la bienvenue et je sais, pour l'avoir lu, que votre
mémoire aborde de front une question qui est délicate. Ne vous
gênez pas, vous êtes ici pour parler de ce qui vous
intéresse et ce qui vous intéresse nous intéresse. Alors,
Mme la présidente, à vous la parole.
Union des écrivains
québécois
Mme Lalonde (Michèle): Merci, M. le Président. Nous
allons faire de notre mieux pour défendre les intérêts de
tout le secteur de la littérature, y compris celui du livre, et
peut-être essayer de pousser une image dynamique de l'écrivain qui
est souvent perçu comme un des éléments passifs que l'on
exploite. Nous allons tenter de le faire valoir comme un agent dynamique de ce
qu'on espère être un secteur économique qui arrive à
s'autosubventionner.
Alors, voilà, je vais proposer que le secrétaire...
Le Président (M. Trudel): Pourriez-vous présenter
les gens qui vous accompagnent, pour les fins d'enregistrement au Journal des
débats, s'il vous plaît?
Mme Lalonde: C'est ce que j'allais proposer. M. Michel Guay est
le secrétaire général de l'Union des écrivains
québécois; M. André Ricard est conseiller, un membre du
conseil d'administration de l'Union des écrivains
québécois. Et je vais proposer que M. Guay fasse une
présentation générale de l'union, que nous allons
peut-être commenter au fur et à mesure. Maintenant, il y a eu
rumeur, dans les antichambres de cette commission, que vous alliez
préférer une formule de questions réponses. Nous ne savons
trop quelle formule vous préféreriez pour ce mémoire. (21
heures)
Le Président (M. Trudel): Mme la présidente, la
formule qui vous va le mieux. Les rumeurs étaient fondées - je
m'excuse de pas l'avoir répété, je n'avais pas
réalisé que vous n'étiez pas dans la salle au moment
où on en a parlé quelquefois aujourd'hui -compte tenu du temps
dont on dispose, cela pourrait aller un peu plus tard que 22 heures,
évidemment. Nous souhaiterions, de façon à pouvoir vous
poser plus de questions, que vous résumiez l'excellent mémoire
que vous nous avez présenté, lequel a été lu par
tous les membres de la commission, résumé aussi, à des
fins de travail des membres de la commission, par l'équipe technique de
la commission. Si vous voulez simplement résumer, ajouter des choses,
faire quelques commentaires par la suite, Mme la ministre, M. le
député de Saint-Jacques, moi-même et les autres membres de
la commission seront heureux de vous poser des questions.
Mme Lalonde: Voilà, merci! Si vous le permettez,
peut-être peut-on suivre l'ordre des questions de ce mémoire et
apporter quelques éléments qui n'y sont pas en ce qui touche
à la présentation. Je vais proposer que Michel Guay nous redonne
un portrait synthétique de l'activité de l'union depuis sa
fondation.
M. Guay (Michel): Très rapidement, je pense que ce qu'il
faut noter et qui n'apparaît pas nécessairement clairement ici,
c'est que ce qui caractérise l'Union des écrivains
québécois depuis l'origine, il y a déjà neuf ans,
c'est sa double vocation. L'union s'intéresse à la fois au
développement de la littérature dans le sens de diffusion,
marketing, etc., et à la défense stricte des
intérêts socio-économiques des écrivains.
Historiquement, on s'est rendu compte que c'est le fait de courir ces deux
lièvres en même temps, parce que, pour nous, c'est lié,
c'est-à-dire que plus on défend les intérêts des
écrivains, plus le développement de la littérature en
bénéficie, et vice versa. Comme on le mentionne, on regroupe
aujourd'hui à peu près 450 membres. Cela peut représenter,
pour vous donner une idée, le gros des écrivains qu'on pourrait
qualifier de littéraires, bien que rien dans nos statuts n'empêche
des auteurs d'oeuvre.s non littéraires, dans le sens restreint du terme,
d'adhérer à l'union. Par ailleurs, à travers certains
programmes que nous administrons, parce qu'on a une gestion qui est
fondée sur le principe des programmes, nous administrons donc un
programme qui s'intéresse aux droits de reprographie, comme vous le
savez, et cette gestion nous amène à représenter les
intérêts de 7500 auteurs, ce qui veut dire, à toutes fins
utiles, à peu près toute personne qui a publié un livre
depuis 1950 au Québec.
Mme Lalonde: Voilà! Ce qu'il faut peut-être ajouter
aussi, c'est que depuis quelques années l'Union des écrivains
québécois s'est de plus en plus appliquée à
développer une interaction et une collaboration avec les autres
littératures d'expression française dans le monde et à
créer un réseau. On s'est aperçu qu'il n'y avait pas
d'instance au-dessus des associations nationales d'écrivains qui puisse
devenir l'interlocutrice directe de l'Unesco ou des grandes agences
internationales et postuler des subventions ou une participation des plans
encouragés ou qui se déroulaient sous le haut patronage de
l'Unesco. On cherchait essentiellement à faire en sorte que les
écrivains québécois puissent participer à de tels
plans, au même titre que d'autres écrivains d'autres pays, de
manière à ne pas drainer indéfiniment les fonds publics
disponibles au Québec et pouvoir d'emblée s'inscrire dans des
projets à caractère international. Un des éléments
dynamiques de la création de la Fédération internationale
des écrivains de langue française, dont le siège social,
au moment de l'assemblée de création, a été
attribué au Québec par les délégués des
différents pays réunis en assemblée
générale... Ce siège social a eu quelque
difficulté, disons, à s'implanter avec sécurité.
L'Union des écrivains québécois sert de surface
logistique, si on peut dire, pour assurer la permanence du siège social
au Québec. On considère que c'est une de nos actions importantes
puisqu'on s'est beaucoup plaint que les sièges sociaux disparaissaient
du Québec et en voilà un qui nous est carrément
attribué par la communauté internationale et que nous
considérons très important à avoir, avec une sorte de
rôle qu'on nous a spontanément je pense, attribué. Je pense
que la communauté internationale des écrivains considère
que le Québec est bien équipé technologiquement, et est
bien caractérisé culturellement, pour servir à titre d'un
des grands centres de la francophonie, puisque ce qui est espéré,
c'est qu'il y ait plusieurs centres et non pas une structure
métropolitaine, comme cela existait antérieurement.
Donc, c'est une des dimensions sur laquelle il faudrait insister en
demandant que le ministère garde toujours à l'esprit que nous
nous inscrivons dans cette grande perspective de collaboration avec les autres
littératures d'expression française du monde.
Voilà. Dans notre mémoire nous avons fait valoir surtout
des recommandations qui invitaient à des actions précises,
concrètes, ce que nous appelons, nous, nos politiques
des petits pas, c'est-à-dire des petits pas très
importants qui font avancer les choses et qui impliquent peu d'investissement,
de fonds publics, et qui, selon nous, seraient très importants,
changeraient beaucoup les choses. Cela ne nous empêche pas de formuler
ici des recommandations ou des considérations plus
générales, mais nous avons déposé ces
recommandations essentiellement parce que nous pensions qu'elles étaient
dans l'immédiat ce qu'il y avait de faisable et de facile.
Par ailleurs, nous n'avons pas répété, dans ce
mémoire, les propositions qui ont été
présentées ou le seront par la Conférence des associations
de créateurs et créatrices du Québec, dans la mesure
où nous nous en portions solidaires d'emblée.
Donc, les propositions qui toucheraient, par exemple, l'étalement
du revenu ou l'accessibilité à l'aide juridique sont contenues
dans le mémoire de la Conférence des associations des
créateurs et créatrices du Québec. Nous y adhérons
a priori. C'est un peu ce que j'avais à proposer en introduction
à nos recommandations.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la présidente.
Je cède maintenant la parole à Mme la ministre des Affaires
culturelles. Mme la ministre?
Mme Bacon: Merci, M. le Président. Mme Lalonde, M. Guay et
M. Ricard. Je dois dire que j'ai lu avec beaucoup d'attention et
d'intérêt votre mémoire et les recommandations que vous
nous faites. Il est sûr que le secteur du livre constitue un des
fondements de notre culture. Le mémoire que vous nous présentez
reflète l'esprit dynamique de votre travail. Je suis certaine de me
faire l'interprète des gens autour de cette table en vous disant combien
nous apprécions le travail inestimable et aussi le travail enrichissant
des écrivains pour la qualité de notre vie culturelle.
J'ai parfaitement saisi, aussi, la délicate tâche que vous
devez accomplir dans votre milieu et dont l'impact se fait sentir, en bout de
ligne, dans l'esprit et aussi dans le coeur de tous les Québécois
et de toutes les Québécoises. C'est évident qu'on vous
incite à continuer le travail qui est commencé: c'est un
excellent travail.
Dans certaines de vos recommandations - j'en prendrai quelques-unes pour
en laisser à mes collègues pour discussion - il y a l'idée
d'un institut québécois. En page 5: un Institut
québécois du droit d'auteur. C'est une idée qui m'a
semblé fort intéressante et je ne sais pas si j'ai saisi
réellement ce que vous voulez. Est-ce que c'est un centre de recherche
spécialisé que vous voyez quand vous parlez d'institut? Quelle
serait la nature ou la fonction ou la composition de l'Institut
québécois du droit d'auteur que vous proposez?
Mme Lalonde: Nous pensons à quelque chose dans la ligne de
ce que vous suggérez, en tenant compte du fait qu'au gouvernement - au
ministère des Affaires culturelles - à l'heure actuelle, il y a
des services de consultation, si on peut dire, spécialisés. On
trouve des experts en droit d'auteur touchant l'information au gouvernement. Le
gouvernement est un des grands utilisateurs du droit d'auteur. Nou3 pensons
qu'un institut du droit d'auteur à proprement parler pourrait être
différent, mais contenir ou s'aligner sur des expertises qui existent
déjà. Mais pour desservir les auteurs eux-mêmes et toucher
à toute question d'exploitation particulière, d'application
particulière du droit d'auteur au Québec. Le secrétaire
général a probablement quelque chose à ajouter
là-dessus, des points techniques particuliers qui sont...
M. Guay: J'ajouterais quelques commentaires, si vous me le
permettez. La fonction de recherche est évidemment primordiale. En
termes de composition, on ne voyait pas nécessairement une structure
qu'on pourrait qualifier de XIXe siècle, c'est-à-dire un
édifice avec de l'argent investi dans de beaux décors, mais
plutôt d'exploiter les ressources qui existent déjà. Il y a
ici et là, dans les universités, dans les cabinets d'avocats,
quelques rares personnes qui s'intéressent au droit d'auteur. Il faut
faire valoir ce domaine-là qui va devenir de plus en plus important
parce que la propriété intellectuelle, c'est le Klondike des
années qui viennent. La plupart des avocats ne le savent pas encore
malheureusement, ce qui fait qu'on trouve très peu de jurisprudence pour
des cas qui nous intéressent. Un tel institut pourrait proposer... On a
une recommandation qui suggère... C'est la conférence qui
suggère d'ouvrir les mécanismes d'aide juridique, de faciliter
les mécanismes d'aide juridique pour les créateurs. Un
écrivain qui a un problème dans ce domaine n'a pas les ressources
financières pour obtenir les conseils d'avocats qui lui permettraient de
poursuivre, même s'il a gain de cause sur le fond. Alors, un institut
comme celui-là pourrait probablement contribuer à enrichir le
potentiel juridique, à encourager les avocats à travailler dans
ce domaine, à développer l'expertise dont les usagers ont besoin,
mais aussi les producteurs, et, bien sûr, les créateurs, parce que
c'est pour eux qu'on le suggère.
Mme Bacon: Encore à la page 6, dans la première
recommandation, vous indiquez une exemption de base de 15 000 $. Qui pourrait
déterminer ceux et celles qui auraient droit à une exemption de
base de 15 000 $ et pourquoi cet avantage serait-il
réservé aux seuls écrivains? Est-ce que vous le
verriez s'étendre ailleurs ou à d'autres personnes, ou si vous le
réservez seulement aux écrivains?
M. Guay: On ne s'opposerait pas du tout à ce qu'une mesure
du genre soit élargie aux autres créateurs. On est solidaire,
à travers la conférence, entre autres, de tous les
créateurs et créatrices du Québec. On a voulu
représenter ici le point de vue des écrivains. Si d'autres s'en
inspirent, tant mieux. Si le gouvernement accepte, encore mieux. Alors, on n'a
aucune objection à ce que vous retendiez.
Mme Bacon: Pourquoi 15 000 $?
M. Guay: Pourquoi 15 000 $? Parce que, tout compte fait, cela va
représenter, grosso modo, un salaire à peu près moyen.
C'est-à-dire que, si quelqu'un gagne 25 000 $ ou 28 000 $, toutes
déductions faites, il va retenir à peu près 15 000 $. Or,
15 000 $, c'est déjà très élevé par rapport
aux gains des écrivains en 1986. Par conséquent, on croît
qu'en termes de coût pour le gouvernement - en tout cas, les
premières années il y a très peu d'écrivains qui
pourront se rendre à ce plafond. Mais cela fixera quand même un
objectif, c'est-à-dire que cela ne sera pas décourageant de
gagner un autre dollar. Ce que nous essayons de faire à travers cette
proposition, puisqu'il faut tenir pour acquis, une fois pour toutes, que les
écrivains - et c'est vrai pour d'autres créateurs aussi, pour
l'ensemble des créateurs - ne pourront pas, dans un avenir
prévisible, gagner beaucoup de dollars... On a un petit marché,
on le sait. Même si la performance est très bonne, les dollars
sont peu nombreux. Alors, essayons de donner à chacun de ces dollars un
maximum de valeur. Une façon pour la société
entière de donner à chaque dollar gagné par les
créateurs le maximum de rendement, c'est de ne pas imposer ces
dollars.
Mme Bacon: D'accord. Toujours à la page 6, vous indiquez,
à la recommandation A, la "caisse nationale de sécurité".
Est-ce que vous pourriez préciser un peu sur cette recommandation qu'on
nous fait? (21 h 15)
M. Guay: C'est pour essayer de répondre à tous les
besoins sociaux des écrivains, par exemple, l'assurance-chômage.
On croit ou on est porté à croire que chaque groupe de
créateurs en soi ne réussira pas à développer des
mécanismes de protection sociale. On se dit que, si on met tout ce monde
ensemble, si on additionne les ressources et qu'on réussit par on ne
sait trop quelle technique à assurer la contribution de l'ensemble des
producteurs de tous ces milieux-là et que l'État joue un
rôle, d'abord pour rassembler tous ces secteurs-là, aussi bien les
créateurs que les producteurs, pour assurer la double contribution
à une caisse de sécurité, il y aura peut-être
possibilité de commencer à avoir une caisse qui se tienne. Si
vous pensez juste au secteur des écrivains, seuls, ou juste aux
sculpteurs, seuls, les groupes sont relativement pauvres et ne pourront pas
créer une caisse qui aura de l'allure. Personnellement, j'ai un fonds de
retraite à la Fiducie du Québec qui me vient de certaines
prestations; j'ai 41 $ d'accumulés là-dedans depuis six ans. Je
me promets des voyages en Floride pour mes vieux jours. Je vais être
très vieux quand je vais partir.
Mme Bacon: On vous souhaite longue vie!
M. Guay: Merci! Des voix: Ha! Ha!.
M. Boulerice: ...le discours sur le budget.
Mme Bacon: En fait, si on veut revenir à la proposition 4,
pour en tirer des avantages, il faudrait faire partie de votre
regroupement.
M Guay: Pas nécessairement. On ne favorise pas ou, en tout
cas, on ne veut pas imposer une syndicalisation obligatoire. Dans ce
contexte-là, on serait pour l'équivalent d'une formule Rand,
c'est-à-dire que les bénéfices dont jouiraient
éventuellement, par exemple, les écrivains, qui viendraient de
l'intervention d'une union des écrivains... On voudrait que ceux qui ne
sont pas membres -libre à eux et à elles de ne pas être
membres de l'union des écrivains contribuent également.
Mme Lalonde: L'interlocuteur du gouvernement, sur un projet comme
celui-là, serait normalement l'association ou le regroupement
d'associations, mais pour penser des modalités qui sont utiles à
tout écrivain ou tout membre de la profession.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Mme Lalonde, M. Ricard, M. Guay, il y a beaucoup de
choses dans ce mémoire, il est très dense. La preuve, voici la
liste des questions. Je vais essayer de vous en épargner quelques-unes,
parce que je sais qu'il y a des gens qui attendent après vous. Vous
demandez - je vais poser la question à M. Guay - dans une recommandation
que le ministère de
l'Éducation s'assure qu'il y ait réellement un
enseignement de la littérature québécoise au niveau
collégial et vous recommandez aussi la création d'une
école du livre. Vous dites que c'est un lieu privilégié de
formation et de perfectionnement pour tout ce qui concerne les professions
reliées au livre et, ensuite, vous recommandez la création d'un
collège des littératures avec comme fonction principale
l'étude de la littérature québécoise dans ses
rapports avec les autres littératures d'expression française.
Est-ce que les cours universitaires sont satisfaisants, actuellement, pour
vous?
M. Guay: Je vais répondre à votre dernière
question. Le collège des littératures, pour nous, c'est de niveau
universitaire, sans être nécessairement des cours qui donnent des
crédits universitaires. Je répète un peu ce que je disais
au sujet de l'Institut québécois du droit d'auteur, il s'agit
plus pour nous d'exploiter ce qui existe déjà. Dans les
universités, comme, d'ailleurs, dans certains collèges,
cégeps, il y a des ressources, des cours de littérature qu'il
suffirait de mettre en rapport les uns avec les autres pour créer ce
collège-là, auquel on verrait participer activement les
écrivains comme tels pour donner des séminaires. On pourrait
suivre, par exemple, le séminaire de Jacques Godbout, mais ce seraient
des séminaires donnés telle année et, ensuite, Jacques
Godbout ne serait pas professeur attitré de ce collège-là.
Cela permettrait également de mettre à contribution les
écrivains étrangers de passage au Québec. Nous avons
à l'Union des écrivains québécois des programmes
d'échange, par exemple, avec les écrivains français qui
viennent ici, mais, très souvent, à leur départ, au moment
où ils quittent, on se dit qu'on n'a pas réussi à
exploiter la présence de ces personnes. S'il y avait un tel
collège des littératures, cela tomberait sous le sens que tel
écrivain belge, américain ou français passant au
Québec fasse profiter le public en général, mais aussi les
autres écrivains et les lecteurs intéressés, de son
passage. On pourrait bénéficier de cela.
M. Boulerice: Cela ne viendrait pas remplacer les facultés
de lettres de nos universités.
M. Guay: Non, pas du tout. M. Boulerice: D'accord.
Mme Lalonde: Cela serait plutôt un réseau de mise en
circulation... Il faut dire aussi qu'on a deux ou trois propositions qui vont
dans le même sens. Ce qu'on propose à ce moment-là, c'est
une institution; pas nécessairement, comme on pourrait l'avoir
pensé au siècle dernier, automatiquement un collège ou un
institut qui est un édifice avec quinze fenêtres sur rue. On pense
qu'en 1986 les institutions peuvent exister à travers les médias
et les moyens de communication, à travers la mobilité même
des gens. Par conséquent, nous serions portés à penser
à une telle "institution en termes de réseau très
organisé existant, permettant la mise en circulation et la
répercussion, disons, des activités ou des écrivains.
M. Boulerice: C'est cela qui vous a amenés aussi à
formuler sans doute la recommandation d'un studio pour l'échange avec
les écrivains de pays francophones.
M. Guay: C'était dans le même esprit, mais à
ce moment-là on pensait à deux choses, si on veut. Si on pense
à la formation de l'écrivain, la formation permanente de
l'écrivain, cela fait partie de ses besoins d'être en contact avec
d'autres écrivains. Or, on est dans une littérature qui est en
rapport plus ou moins normal avec les autres littératures d'expression
française et avec les autres littératures du monde. Ce ne sont
pas tous les écrivains du monde qui passent par Montréal ou par
Québec. Il faut encourager ces échanges-là.
Mme Lalonde: Écoutez! On peut peut-être donner un
exemple assez concret. Il y a un écrivain qui s'appelle Abdellatif
Laâbi, qui est très connu dans le monde, qui s'intéresse au
Québec, qui travaille avec des écrivains québécois
et des écrivains français, membre de l'Union des écrivains
de France, avec qui nous sommes en rapport, etc., et qui voudrait venir au
.Québec. Je reçois, l'autre jour, un appel
téléphonique de quelqu'un de i'AUPELF cherchant un moyen de faire
circuler cet écrivain, de lui faire donner des conférences, etc.
Cette infrastructure n'existe pas, qui permettrait d'accueillir un
écrivain de renommée mondiale qui veut venir deux semaines ou un
mois au Québec. Enfin, c'est un invité naturel dans les
différentes universités ou sur les différentes tribunes
littéraires.
C'est un réseau de ce type qu'il serait intéressant de
créer avec une mobilité importante pour les écrivains de
différentes origines, si on veut.
M. Boulerice: Vous connaissez mon intérêt pour les
bibliothèques publiques. J'ai forcément regardé avec
beaucoup d'attention la recommandation à la page 7: Que les subventions
d'acquisition pour les bibliothèques servent avant tout à
acquérir des ouvrages québécois. J'aimerais vous entendre
commenter plus à fond votre recommandation.
M. Guay: Pour nous, il en va d'un principe démocratique et
fondamental, c'est-
à-dire qu'à partir du moment où ce sont des fonds
publics qui contribuent en partie - en tout cas, jusqu'à maintenant, une
partie importante - à l'acquisition des ouvrages, sans tomber dans la
coercition ridicule, il faut assurer que notre propre littérature soit
présente dans les bibliothèques publiques. Surtout quand on sait,
et on le sait, que les autres littératures importantes auxquelles nous
voulons tous avoir accès, aussi bien comme écrivains que comme
lecteurs, ont souvent des moyens considérables de se faire valoir
auprès des acheteurs, des acquéreurs de livres. Le seul besoin
même d'avoir des collections d'ouvrages français et
américains, pour nommer deux grandes littératures du monde, ce
seul besoin fera toujours que les bibliothèques publiques
achèteront des ouvrages de ces origines. Un des rôles de
l'État québécois est d'assurer, à travers cette
réalité, que notre propre littérature qui est par
définition modeste et jeune, ne se fasse pas "bulldozer"
complètement.
M. Boulerice: D'accord. Je vois, en quatrième position de
vos recommandations générales, que vous suggérez au
ministère des Communications - vous comprendrez l'hésitation que
j'ai à formuler votre recommandation, dans le contexte d'étudier:
"la possibilité de créer une radio de Radio-Québec - une
radio culturelle". J'ai entendu une marque d'approbation à
côté qui me réjouit. Est-ce que vous avez une idée
de la programmation que vous auriez souhaitée dans la création
d'une radio?
Mme Lalonde: Quand vous dites: "que vous auriez
souhaitée", vous avez vraiment un point de vue pessimiste. Nous allons
faire valoir l'idée, peu importe. Nous pensons que l'occupation au moins
juridique de ce secteur par le gouvernement serait importante. Nous pourrions
avoir là une sorte de "FM" culturel qui aurait un type de programmation
passant, peut-être, par un parti pris de vulgarisation ou de
rapprochement des auditoires populaires, et non pas une chaîne culturelle
très élitiste touchant des publics très... Il y aurait une
présentation des différents genres mis sur pied
d'égalité et beaucoup d'informations touchant la culture, car
nous croyons que le fait de mettre en circulation et d'attirer l'attention sur
les objets culturels, cette activité en soi est
génératrice à la fois de création et de
consommation.
On pense que la radio est aussi un moyen particulièrement
adapté à la littérature et qu'elle offrirait des sources
de revenus très intéressantes pour les auteurs, contrairement
à la télévision... Enfin, contrairement... Nous n'avons
rien non plus contre un réseau de télévision faisant appel
à des auteurs, mais, tout de même, nous pensons que la
télévision limite probablement le nombre d'auteurs ou de textes
qui peuvent être rétribués, alors que la radio est un
médium qui peut offrir beaucoup plus de contrats, petits et moyens,
desservant l'ensemble d'une littérature plutôt que quelques
grandes vedettes ou auteurs qui occupent beaucoup de temps d'antenne avec des
téléromans assez coûteux à produire. La radio permet
la production de petites séries dramatiques, de poèmes qui
représentent pour des auteurs, notamment à la pige, des contrats
d'importance moyenne mais qui comptent pour beaucoup dans leur budget.
M. Boulerice: L'enquête de l'UDA démontrait que la
radio touche une part très importante du public. Je crois que 75 % des
Québécois écoutent les émissions de la radio. Cela
aurait effectivement une influence considérable sur la diffusion de la
culture. Il y a un proverbe italien qui dit que, dans une nuit, mille
rêves se font; alors, je pense qu'on ne perdra pas espoir.
J'adresse maintenant une question à M. Guay. M. Guay, j'ai eu
l'honneur de recevoir de votre union, le 6 mai, une lettre portant sur la
décision de M. Masse concernant le programme de paiement pour le
prêt en bibliothèque, où vous expliquiez votre position
quant à la gestion des droits et des intérêts des
créateurs et des créatrices qui devrait être
administrée, au Québec, par votre organisme. J'ai
communiqué avec votre secrétaire général, M.
Collette pour lui transmettre mon appui verbal. J'entends bien le faire par
écrit le plus rapidement possible.
Pourriez-vous nous en parler un petit peu plus? Deuxièmement,
est-ce que j'ai été le seul privilégié à
recevoir cette lettre ou est-ce que vous l'avez adressée à
d'autres personnes? En souhaitant bien ne pas être le seul
privilégié, elle est trop importante. (21 h 30)
M. Guay: Le paiement pour le prêt en bibliothèque
est une longue histoire. Enfin, sans remonter au Moyen Âge, à la
fin des années soixante-dix, il y a eu une proposition du Conseil des
arts du Canada visant la création* d'un programme semblable» La
commission Applebaum-Hébert a accouché d'une proposition
légèrement différente, ce qui a permis au ministre
fédéral alors responsable de la question de la mettre sur une
tablette parce qu'il y avait deux propositions légèrement
différentes. Ce n'est donc qu'en 1986, en février dernier, que le
ministre Wilson a publié, dans son budget, quelques lignes qui
permettaient de croire que cette année, il y aurait enfin la
création du programme comme tel de paiement pour le prêt en
bibliothèque.
Il y a là au moins un acquis pour les écrivains. Sauf que
depuis que nous nous intéressons de très près à la
question, à l'Union des écrivains, nous avons toujours fait
valoir qu'un programme comme celui-
là... C'était vrai aussi pour la gestion des droits de
reprographie, quoique dans ce cas, il y avait la nature juridique qui a permis
de régler la question comme on l'entendait. Ce qui n'est pas le cas pour
le prêt en bibliothèque, qui ne fait pas partie du droit d'auteur.
Nous faisions valoir qu'un programme comme celui-là devait être
géré par les associations d'écrivains. Tout indique,
à l'heure où nous nous parlons, que cette formule ne sera pas
retenue. L'administration sera confiée et elle est déjà,
en partie, confiée au Conseil des arts du Canada. Pour nous, c'est la
moitié de l'objectif qui est atteint. D'abord, parce qu'on est par
définition très près de notre clientèle. Nous
connaissons la clientèle des écrivains. Nous sommes capables de
les rejoindre. Nous sommes capables de faire le travail de façon
compétente, comme nous l'avons déjà dit. Nous avons une
administration légère, ce qui veut dire qu'en frais
d'administration, un programme comme celui-là est économique
lorsqu'il est administré par un organisme comme le nôtre et plus
cher, évidemment, lorsqu'il est administré par un organisme comme
le Conseil des arts.
M. Boulerice: Écoutez, les raisons que vous évoquez
sont effectivement les raisons pour lesquelles j'appuyais votre demande. M. le
Président, est-ce qu'on peut demander à Mme la ministre si elle a
l'intention d'intervenir auprès de son collègue du gouvernement
fédéral, au niveau du ministère des Communications, pour
appuyer la demande de l'Union des écrivains?
Mme Bacon: Je n'ai pas l'habitude de m'esquiver ou de
m'éloigner de mes responsabilités pour représenter les
gens du Québec. Je pense que je l'ai démontré à
plusieurs occasions. On l'a fait au niveau de la radio, par exemple, pour le
contenu français. On est capable de le faire pour d'autres domaines. Je
pense qu'il y a des moyens de faire des pressions auprès du gouvernement
fédéral.
M. Boulerice: Je vous offre, en tout cas, la collaboration de
l'Opposition, ce dont vous ne doutez pas.
Mme Bacon: Non, non.
M. Boulerice: Merci, Mme la ministre. Bon, je crois que je vais
laisser à... On ne vous a pas volé trop de questions, M. le
Président.
Le Président (M. Trudel): Vous m'avez... Le terme
volé est peut-être un peu fort. C'est ce que j'ai expliqué
une partie de la journée. C'est que parler en troisième, les
bonnes questions s'envolent rapidement et on veut éviter de les
répéter.
Mme Bacon: Vous êtes chanceux qu'il vous en reste, M. le
Président.
Le Président (M. Trudel): Mme la ministre me dit que je suis
chanceux qu'il m'en reste. En effet, il m'en reste quelques-unes mais je vais
me limiter à deux parce que le temps s'envole.
La première est celle du contrat type pour lequel vous dites que
vous avez eu beaucoup de difficultés. Je pense que ce sont des termes
qui sont très... Vous vous êtes beaucoup retenu quand vous avez
dit que vous avez eu beaucoup de difficultés à faire adopter par
l'Association des éditeurs canadiens, avec laquelle vous avez
négocié pendant plusieurs mois ou plusieurs années... Je
m'en souviens, à l'époque je suivais cela de plus près que
maintenant. Par ailleurs, vous avez une recommandation qui est la
sixième, à la page 7, de créer un conseil de
l'édition. Je vous demanderai tantôt d'apporter des
précisions sur cette recommandation.
La question que je vous pose, c'est: Que comptez-vous faire pour
régler votre problème avec les éditeurs, d'une part?
Est-ce que vous avez besoin de l'aide gouvernementale, d'autre part? Quelle
pourrait être l'aide qu'un gouvernement du Québec pourrait vous
apporter de ce côté? Bref, voilà un problème. Je ne
vous demanderai pas d'analyser le contrat type que vous avez mis de l'avant.
Enfin, personnellement, je le connais et je pense qu'à l'heure qu'il est
ce serait peut-être un peu déplacé.
M. Guay: Vous avez peut-être remarqué que nous
avons, depuis la bataille du contrat type, changé - c'est un changement
relativement récent - notre stratégie. Sans abandonner
l'idée d'un contrat type universel, nous pensons qu'un mécanisme,
qu'on appelle ici un code des rapports auteur-éditeur pourrait permettre
d'atteindre les objectifs qu'on poursuivait à travers le contrat type,
tout en tenant compte des différences dans le milieu des
éditeurs.
On a fait une demande auprès de l'association des
éditeurs, l'automne dernier, parce qu'on croit, nous, d'abord et avant
tout, aux ententes de gré à gré. On ne veut pas que le
gouvernement vienne d'abord régler les problèmes, on pense que
les associations devraient être capables de régler leurs
problèmes entre elles. Mais, à un moment donné, si on ne
réussit pas par la voie de la négociation, on pense que le
gouvernement a un rôle à jouer pour inciter les parties à
se rencontrer, à s'asseoir et à négocier.
Pour le moment, nous n'en sommes pas là, mais cela fait
bientôt sept mois que nous avons fait la demande de création d'un
tel conseil. Encore là, on ne demande pas une superstructure, on demande
simplement que
des représentants, dûment mandatés de chaque partie,
s'assoient et étudient les questions qui tracassent tout le monde
à l'occasion de la publication de chaque livre au Québec. Il faut
trouver des mécanismes simples, efficaces, et un conseil de
l'édition, à notre avis, est un modèle qui a fait ses
preuves dans d'autres secteurs, qui est léger, qui ne coûte pas
d'argent, qui ne demande que de la bonne volonté. On vise ensuite
à en arriver à la rédaction d'un code des rapports comme
tels et, finalement, à l'appliquer. Ce sera une troisième
étape pour occuper nos prochaines années. L'intervention du
gouvernement, on la verrait, si nécessaire, au moment ou on sera
découragé de l'autre partie. Si l'autre partie ne veut pas du
tout s'asseoir à la table, puisque le gouvernement investit du
côté des producteurs, des éditeurs, le gouvernement a
certains moyens de convaincre les éditeurs du bien-fondé d'une
proposition comme celle-là.
Le Président (M. Trudel): Une deuxième et
dernière question, parce que le député de Sherbrooke a
manifesté l'intention de vous en poser quelques-unes, je pense, beaucoup
plus précise et peut-être un peu technique. À la page 6,
deuxième recommandation, vous parlez de la déduction de 100 %.
Vous n'êtes pas le premier organisme à recommander une quelconque
déduction. Je présume que vous vous associez à tous les
autres groupes quand vous recommandez cette chose-là, d'une part.
J'aimerais que vous me donniez des exemples d'application dans le domaine de
l'édition ou alors du côté des auteurs, des
sociétés privées qui subventionnent des projets ou des
organismes dans le secteur culturel, etc. Madame?
Mme Lalonde: Voilà, nous avons un exemple qui vient
facilement: le prix Molson. De grandes industries comme celle-là
consacrent quelquefois des budgets à des activités culturelles
proprement dites. À l'heure actuelle, on parle souvent de ce que l'on
pourrait appeler des entourloupettes fiscales, c'est-à-dire soit
qu'elles inscrivent ces budgets au chapitre de leur promotion ou, enfin, on ne
sait trop. Ce n'est pas une politique franche que de... D'abord, valoriser les
industries culturelles par une déduction. qui encouragerait l'aide
privée aux industries culturelles et, deuxièmement, qui
obligerait tous les conseils d'administration de ces grandes entreprises,
dès leur première réunion d'administration après
l'adoption d'une telle loi, à inscrire à leur ordre du jour la
question de savoir quelle industrie culturelle elles préfèrent
subventionner. Nous serions, je pense, beaucoup plus à l'aise pour aller
chercher des fonds ailleurs que toujours au gouvernement, faire toujours appel
aux fonds publics pour assister ou donner le coup d'envoi à des projets
valables. Si nous pouvions aller trouver les industries privées en leur
disant: Écoutez, il est avantageux, directement avantageux, de procurer
de l'aide aux industries culturelles, je pense que tout le monde serait de
cette façon plus à l'aise et qu'on stimulerait probablement toute
une série de démarches directes auprès de l'entreprise
privée, alors qu'on a toujours tendance, peut-être trop, à
attendre de l'État, à attendre même passivement qu'il
fournisse et fournisse, et réponde automatiquement à tous les
besoins.
Le Président (M. Trudel): Merci madame. M. le
député de Sherbrooke.
M. Hamel: M. le Président. Madame en lisant votre
mémoire et l'ensemble de vos recommandations, je me disais que, dans
l'hypothèse où notre gouvernement les réaliserait, nous
serions peut-être éligibles à une union de
créateurs, puisque vous nous demandez de créer une école
du livre, un collège des littératures, un institut
québécois du droit d'auteur, une caisse nationale de
sécurité, des espaces publics d'affichage, une radio culturelle
et enfin un conseil de l'édition. Blague à part, j'ai
peut-être le goût de vous demander un peu, comme Mme la ministre
tantôt: Dans ces différentes recommandations, laquelle
privilégieriez-vous, concernant la forme, la formation et le
perfectionnement, les mesures fiscales et finalement vos recommandations
générales? Laquelle, dans chacune de ces sections,
souhaiteriez-vous voir réalisée?
Mme Lalonde: Vous dites laquelle ou lesquelles?
M. Hamel: Laquelle, dans chacune des sections.
Mme Lalonde: Je crois que celle dont nous avons parlé tout
à l'heure touchant les déductions offertes aux entreprises
privées, lesquelles permettraient de dégager des fonds, serait
très importante, de même que le cinquièmement en page 6,
que le ministère du Revenu améliore le statut proprement dit du
travailleur indépendant et reconnaisse un statut hybride à ceux
et celles qui ont deux types de revenu.
Je pense que ce que nous visons c'est de faire en sorte que
l'écrivain arrive à vivre honorablement, à vivre sans
dépendre personnellement constamment des fonds publics, et puisse
à un moment donné réinvestir lui-même, non seulement
dans sa création... Parce qu'il y a deux étapes à la
création. Il y a le moment où vous vous assoyez avec crayon et
produisez un texte dont vous ne savez pas au fond s'il va être bon, s'il
est rentable au moment où vous le faites. Si on se représente la
chaîne de production qui s'ensuit, on pose automatique-
ment qu'il y a un écrivain; après quoi il y a un
intermédiaire qui vient, un éditeur qui vient exploiter le texte,
un producteur de cinéma qui viendrait le mettre en film. Mais ça
ne se produit pas nécessairement de cette façon linéaire.
Il n'est pas exclu, il ne doit pas être exclu que l'écrivain
lui-même, une fois qu'il a produit son texte puisse investir de ses
propres moyens financiers, si justement il est honorablement
rétribué par ses droits d'auteur et tout, dans l'exploitation
même de son texte qu'il puisse aller trouver un éditeur et offrir
un projet de coédition. Et ce n'est pas seulement le secteur du livre
qui est impliqué dans l'activité d'un écrivain, il y a
peut-être d'autres façons de diffuser ses textes. Il y a
l'audiovisuel qui touche des publics qui ne vont jamais dans les librairies,
mais qui pour la littérature est un moyen très efficace d'aller
toucher des publics.
Par conséquent, ce qu'on vise c'est de faire en sorte que
l'écrivain puisse s'autosuffire et que la plupart des écrivains
soient dans une situation telle qu'ils puissent risquer eux-mêmes. Je
pense qu'on est peut-être une population qui a eu, par expérience
historique, un sens très calculé, prudent du risque
économique, du risque de l'investisseur. Je pense que ce que nous
vaudrions atteindre, comme objectif, serait une redéfinition de
l'écrivain comme quelqu'un qui réinvestit lui-même dans
l'économie proprement dite, à partir de l'économie
culturelle. Mais, cela est vrai aussi pour tous les créateurs. Dans la
mesure où cette industrie arrive à s'autosuffire, arrive à
investir du capital de risque, d'elle-même, je pense que nous aurions une
roue économique qui tourne et moins de dépendance directe de
l'État - ce que personne ne souhaite.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Viger. (21 h 45)
M. Maciocia: Merci, M. le Président. Dans le
mémoire, à la page 3, vous dites: L'Union des écrivains
québécois administre une importante convention (la photocopie
dans les maisons d'enseignement) qui permet de redistribuer des sommes
intéressantes aux auteurs. Est-ce que l'expression "maisons
d'enseignement" couvre tous les secteurs d'enseignement, du primaire à
l'universitaire? Ou lesquels?
Mme Lalonde: Oui, du primaire à l'universitaire. Mais, la
mise en place du système ou des mécanismes d'enregistrement de
ces photocopies a été progressive et selon la convention
signée avec le gouvernement. Il y a toujours des comités qui
sont, en permanence, à l'oeuvre pour l'application de cette convention.
Le grand principe de cette convention, lui, fait valoir peut-être que...
On parlait, tout à l'heure, de la question du prêt en
bibliothèque. Je crois que cette convention a été assez
exemplaire. À tel point qu'elle était, enfin, surveillée,
le reste du monde s'y intéressait. Dans la mesure où, justement,
on a confié la gestion proprement dite de ces sommes à une
association de créateurs qui travaille en collaboration avec les ayants
droit, en l'occurrence, les éditeurs.
Donc, c'est le secteur culturel, lui-même, qui gère, qui
assure la gestion. Ce qui n'empêche pas le gouvernement de reporter ces
ententes, etc. Mais, pendant les cinq ans que dure cette entente, la gestion et
la bonne administration, avec ses retombées ou ses profits, est
confiée à la gestion autonome des créateurs. On pense que
c'est un principe qui va dans le sens de la politique qu'a toujours soutenu
l'union et qui pourrait servir de modèle ou, en tout cas, de
précédent.
M. Maciocia: Quels sont les moyens que vous avez pour
vérifier si la convention est vraiment bien respectée dans les
maisons d'enseignement?
M. Guay: Les moyens de contrôle sont inscrits dans la
convention. Jusqu'à maintenant, nous ne les avons pas utilisés.
Comme le disait Mme Lalonde, l'Union des écrivains, chaque année,
en vertu d'une entente avec le ministre de l'Éducation, délivre
une licence qui permet à tous les établissements d'enseignement
du Québec, du primaire à l'universitaire, à
l'intérieur de limites qui ont été
négociées, de photocopier tous les ouvrages qui apparaissent dans
notre répertoire. Notre répertoire contient, à peu
près, 20 000 livres québécois, plus, grosso modo,
l'ensemble des livres français.
Pour contrôler les limites de photocopies, d'une part, et
recueillir des données qui nous permettent de payer les auteurs dont les
livres ont été photocopiés, il y a des mécanismes
qui doivent être négociés. Ces mécanismes ont
été négociés au niveau collégial. Seulement
ce niveau, jusqu'à maintenant, applique, dans une certaine mesure, parce
que cela prend du temps à faire bouger les machines, un système
d'enregistrement de3 photocopies. Mais les données accumulées
depuis la signature à la fin de 1984 - donc cela fait un an et demi ou
à peu près que cela fonctionne théoriquement - croissent
de telle sorte qu'on est porté à croire que cela s'en va dans la
bonne 'direction, mais on n'a pas commencé à jouer à la
police. Si les données ne poursuivaient pas dans cette direction, la
convention prévoit des moyens d'intervention pour aller vérifier
sur le terrain la façon dont les photocopies sont enregistrées et
si les contrôles sont faits.
En ce qui concerne les niveaux primaire et secondaire, nous sommes
présentement en
négociation. Donc, on ne peut pas préjuger de ce qui sera
signé comme entente. Ce sera probablement un autre modèle qui
sera appliqué, étant donné la quantité formidable
d'établissements d'enseignement. À ces niveaux-là, il y a
au-delà de 2500 établissements concernés. On va donc
arrêter des mécanismes plus simples qu'au niveau collégial
où il n'y a qu'une cinquantaine d'établissements.
En ce qui concerne l'universitaire, cela viendra après.
M. Maciocia: Vous parlez de sommes intéressantes.
Pourrait-on connaître plus ou moins l'ordre de grandeur?
M. Guay: Oui, mais intéressantes, vous allez voir que cela
est dit dans le contexte des revenus d'écrivains, n'est-ce-pas, toute
proportion gardée. On parle pour un livre: Au taux 1983-1984, qui
était la première année pour laquelle il y a eu paiement,
il y avait 50 $ ou à peu près par livre. 35 % de cette somme
allait à l'éditeur, ce qui veut dire environ 17 $ et le reste, 32
$ ou 33 $, à l'écrivain. C'est pour le moins modeste. Mais, cela
fait partie des revenus qui s'accumulaient. Évidemment, pour
l'écrivain qui a dix titres, cela lui faisait, cette
année-là, environ 330 $. L'année suivante, nous avons
ajouté un paiement qu'on qualifie au prorata, c'est-à-dire selon
les informations que nous avions des collèges qui nous disaient, par
exemple, que tel livre avait été photocopié 1200 fois.
Alors, l'écrivain recevait au-delà de ce paiement forfaitaire une
autre somme. Pour certains écrivains, cela a pu vouloir dire, dans le
meilleur des cas, un millier de dollars. Pour la vaste majorité, c'est
moins de 100 $, parce que la moyenne est de 2,8 livres par auteur.
Donc, qu'il faut bien faire comprendre, non seulement à
l'État, mais à la société québécoise,
que cette convention coûte à l'État québécois
1 000 000 $ par année. C'est un chiffre symbolique qui peut laisser
croire que les écrivains se promènent en Cadillac depuis la
signature de cette convention. Quand on se rappelle qu'il y a 7500 auteurs qui
doivent se partager cela, 20 000 livres, les Cadillac sont plutôt de
modèle ancien.
M. Maciocia: De petites Lada? M. Guay: Pardon? Coccinelle,
oui. M. Maciocia: De petites Lada? M. Guay: Lada, oui.
J'encourage... Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Boulerice: Une correction, M. le Président, si vous me
le permettez. Je pense que l'enregistrement se fait également au niveau
secondaire. Vous avez dit collégial, mais il se fait au niveau
secondaire maintenant.
M. Guay: Pardon?
M. Boulerice: Je dis que l'enregistrement des photocopies des
oeuvres se fait aussi au niveau secondaire maintenant.
M. Guay: II y a eu... Je disais tantôt: Nous sommes en
négociation. Il n'y a pas de convention signée concernant les
mécanismes d'enregistrement aux niveaux primaire et secondaire. Nous
sommes présentement en négociation. Cela dit, vous avez
partiellement raison parce qu'au printemps dernier et cet automne, il y a eu un
essai auprès d'une trentaine d'écoles, dont plusieurs dans la
région de Québec d'ailleurs, où on a testé
l'applicabilité du système d'enregistrement du niveau
collégial. C'était juste un essai qui concernait un nombre
très limité d'établissements d'enseignement, une trentaine
sur les 2500.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Viger. M. le député de Saint-Jacques,
vous avez terminé. Mme la présidente de l'Union des
écrivains, tout en vous remerciant de votre présence, je vous
souligne que j'ai eu l'extrême plaisir, il y a quinze jours, je pense, ou
à peu près, d'entendre chanter trois de vos poèmes par M.
Pierre Mollet sur une musique d'André Prévost. J'ai beaucoup
apprécié. Cela m'a permis de me détendre, sachant que ce
plaisir allait m'être retiré au moins pour trois ou quatre soirs,
puisque nous siégeons, quoique certains membres de cette commission
aient pris des libertés, hier soir, pour aller à l'opéra -
je parlais du député de Sherbrooke, pour fins d'enregistrement au
Journal des débats. Je vous remercie, madame, de votre présence
ainsi que de celle de vos collègues et je vous souhaite un bon retour
à Montréal. Merci beaucoup.
Mme Lalonde: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Eh enfin! doivent se dire ces
gens. Nous accueillons, finalement, le Conseil québécois de la
céramique, représenté par M. Léopold Foulem, son
président, et par Mme Carol Doyon. Je dois souligner, pour le
bénéfice des membres de la commission et de ceux qui assistent
aux travaux de ladite commission, que nous avons convoqué, ce matin,
à la toute dernière minute, le Conseil québécois de
la céramique dont nous avions reçu copie du mémoire, je
crois, vendredi dernier. Le Conseil québécois de la
céramique a été convoqué parce qu'un autre
organisme s'est désisté tôt ce matin. Je vous
remercie, madame et monsieur, de vous être déplacés
avec un avis aussi court. Je pense qu'on vous a parlé vers 9 heures ou 9
h 30 ce matin pour vous convoquer pour ce soir. Je vous remercie d'être
ici et je vous cède immédiatement la parole.
J'ai rappelé un peu les règles du jeu tantôt. Nous
avons pris connaissance de votre mémoire. Il a été
résumé pour les membres de la commission. On va prendre le temps
qu'il faudra. Je souligne quand même aux membres de la commission qu'il
est 21 h 55, oui? Monsieur ou madame, je vous cède la parole et nous
passerons aux questions immédiatement après.
Conseil québécois de la céramique
M. Foulem (Léopold): Je voudrais vous remercier pour votre
invitation et nous étions prêts à venir et nous sommes
honorés d'être ici. Mme Doyon va présenter le
mémoire et ensuite on va se diviser la tâche de répondre
à vos nombreuses questions. Nous, nous ne sommes pressés et nous
espérons que vous n'êtes pas pressés, vous non plus.
Merci.
Le Président (M. Trudel): On n'est pas pressé, mais
on est ici depuis dix heures ce matin. Vous êtes notre septième
groupe, je pense. Nous allons prendre, comme je le disais tantôt, le
temps qu'il faut pour dialoguer. Madame.
Mme Doyon (Carol): Je vais vous présenter le
mémoire. Comme nous avons été pris un peu de court,
même si nous avons beaucoup de temps devant nous, je vais aller à
travers le mémoire parce que cela nous semble important. La
première chose que je voudrais vous dire, c'est qu'évidemment
nous avons trouvé que le temps était très bref. Pour nous,
il a été doublement bref, mais c'est notre propre faute. Nous
trouvons, comme les gens que nous avons aussi consultés, que le
délai d'un mois avait été un peu court, surtout à
ce temps-ci de l'année où beaucoup d'entre nous, producteurs
culturels ou propagateurs de culture, sommes en examen, en correction et en fin
de session,
La première chose que je voudrais dire et que je...
Le Président (M. Trudel): Exerçant, si je comprends
bien, votre deuxième métier.
Mme Ooyon: Pardon?
Le Président (M. Trudel): Exerçant, si je comprends
bien, votre deuxième ou votre troisième métier puisque,
dans le domaine des arts, on parle plus souvent de deuxième ou de
troisième métier.
Mme Doyon: Oui, malheureusement. Je voudrais d'abord vous dire
que nous sommes un organisme dissident: que nous ne reconnaissons pas
l'autorité des organismes multidisciplinaires de métiers d'art,
artiste-artisan, qui parlent ou qui veulent statuer sur la vision
générale du Québec, mais nous reconnaissons leur
autorité quand ils parient au nom de leurs membres. Quant à nous,
nous nous reconnaissons une voix partielle. Nous ne considérons pas
être la voix totale du Québec, mais quand même une voix
importante.
Nous avons développé l'aspect formation et
perfectionnement qui nous semblait, à ce moment-ci, l'aspect le plus
important. Nous voulions, en nous interrogeant sur le statut de l'artiste,
situer le problème des céramistes dans une optique plus large
qu'une vision purement artistique, c'est-à-dire que nous voulions parler
de deux niveaux. La céramique est une discipline qui s'exerce à
des niveaux parfois artistiques parfois strictement artisanaux, sans compter
une multitude de positions intermédiaires. Nous avons donc
décidé de parler en tant qu'artistes-artisans essayant de
concilier, par la création et par le travail technique, les deux.
Évidemment, en tant que producteurs-créateurs de
céramique, c'est une position qui est un peu difficile, vu que la
tradition en céramique a été assez longuement
rattachée à la position artisanale.
Je reviens à l'aspect de la formation et du perfectionnement.
Avec tous les documents publiés depuis une dizaine d'années,
depuis "pour une politique culturelle" de 1976, il nous semble que, dans les
métiers d'art, il y ait entre la réalité céramique
au Québec et la réalité dont font état tous les
documents qui ont été publiés depuis dix ans, des
écarts et des divergences de vues très importantes et
fondamentales. Il nous semble que la représentation réelle du
milieu des métiers d'art n'ait pas été
véritablement faite, vu que ce qui a été
présenté, c'est l'organisme le plus important qui parlait au nom
de tous, mais qui, en réalité, ne parlait qu'en son nom à
lui.
Alors, pour nous, on n'y faisait pas suffisamment état de la
diversité et de l'individualisme très grand des milieux
artistiques et artisanaux en céramique. Nous considérons - et
c'est pour nous une chose fort importante - qu'il n'y a pas d'organisme, de
voix unique qui peut représenter tous les -céramistes du
Québec. Donc, on aura une recommandation qui demande une
pluralité de voix.
En second lieu, pour nous, le milieu est polyvalent et
diversifié. Il est très important de conserver cet
élément, car il nous semble impossible de ne pas
considérer cela sans l'appauvrir considérablement, en le
réduisant à une composante tout simplement mercantile, comme
certains secteurs des métiers d'art l'ont fait.
Nous nous voyons davantage comme un travailleur culturel, comme un
producteur de biens symboliques dont les conditions de production ne devraient
pas être entièrement soumises aux aléas du marché.
Il nous semble important de vous rappeler aussi que la vitalité des
milieux artistiques-artisanaux dépend de leur diversité et de la
contamination réciproque des divers niveaux et fonctions de la
céramique. (22 heures)
Le rôle dévolu au gouvernement comme dernier agent et
moteur économique d'une longue liste d'agents et de moteurs, ce n'est
pas comme cela qu'on le voit, mais plutôt comme une instance dont la
responsabilité morale est de défendre, de diffuser et de
créer un climat favorable à l'expression artistique multiple.
Car, c'est dans la production d'oeuvres libres, diverses et même
provocatrices que se manifestent le dynamisme, la vitalité et la
richesse imaginative d'une société.
En vue de tout ceci, la céramique québécoise
revendique une place à part dans les métiers d'art. Elle veut se
voir comme une forme autonome et indépendante. Ce qui nous semble
important dans la formation et le perfectionnement, c'est la formation et
l'autonomie du créateur telle que nous la recherchons. Il nous semble
que les organismes de métiers d'art ont dangereusement
rétréci cette vision en perdant de vue l'individu créateur
pour en faire davantage parfois une espèce de pion adaptable, et
faussement mobile face aux fluctuations et aux caprices du marché. Nous
ne sommes pas sûrs qu'à long terme, tout mettre en place pour les
impératifs économiques, ponctuels et à court terme, cela
va assurer la survie de la céramique et une certaine
prospérité relative aux céramistes.
Nous avons un peu peur de ce genre de formation qui se glisse avec des
ateliers de maîtres artisans, de compagnons et d'apprentis parce qu'on
pense qu'ainsi, le créateur va perdre beaucoup. Aussi se joue une
espèce de division, assez courante et assez insidieuse, celle du savoir
manuel contre le savoir intellectuel. À notre avis, nous voulons
éviter ceci, dans le sens où nous considérons que les deux
sont très importants. Face au système qui s'instaure d'ateliers
écoles privées, nous sommes très réticents à
ce genre de nouvelles écoles et aussi à- la réapparition
des instituts que nous croyions avoir abolis et abandonnés à la
suite du rapport Parent en 1967.
D'autre part, nous considérons qu'au niveau de la formation et du
perfectionnement, il n'y a pas suffisamment de différence. La situation
nous semble un peu confuse parce que perfectionnement semble signifier souvent
rattrapage. On a mis davantage le mot "appoint", mais il faudrait quand
même faire la part des choses. Si nous regardons ce qui est
proposé dans les ateliers-écoles, on se rend compte que c'est un
apprentissage en atelier. Celui-ci va émettre un AEC, une attestation
d'études collégiales et' on aura des formateurs maîtres
pour lesquels rien n'est fait, sinon qu'ils auront des cours d'appoint à
l'étranger. Alors que, dans la réalité des milieux
institutionnels, nous nous rendons compte que l'élève
déjà en partant peut avoir un DEC, l'artisan en exercice qui a un
DEC, n'a rien et les formateurs ou les professeurs n'ont rien non plus.
Nous, nous serions d'avis qu'il est important de régler, soit
compléter la formation qui est souvent déficiente de certains
artisans en exercice, mais il ne faudrait pas ramener cela, évidemment,
à une espèce de nivellement par la base. D'autre part, nous
trouvons inacceptable la hiérarchisation de la profession, les
méthodes préconisées d'accréditation et nous ne
comprendrons jamais le soutien qu'elle obtient auprès du gouvernement.
Quant à nous, nous ne croyons pas à la primauté de
l'atelier-école ou du maître accrédité comme milieu
exclusif de formation. D'autant plus que les formes d'art et d'artisanat du XXe
siècle nous ramènent davantage, dans tous les pays occidentaux,
vers un savoir pluridisciplinaire et dans des lieux pluridisciplinaires
liés aux collèges et aux universités. Par exemple, comme
aux États-Unis. Par ailleurs, nous ne sommes pas d'accord avec la notion
de cadeau de Noël. L'objet d'art et de métier d'art n'est pas, si
vous voulez, le cadre sur le mur, la potiche sur la table, la sculpture sur le
gazon, mais c'est un lieu d'investissement d'imaginaire, de telle sorte que le
cadeau de Noël ou le souvenir de voyage ne nous apparaissent pas
suffisants et intéressants comme débouchés pour les
métiers d'art. Nous considérons que l'objet touristique, produit
comme tel pour toutes sortes de voyageurs, est caractéristique d'une
mentalité colonisée et appauvrie. Nous le retrouvons dans les
pays dominés économiquement et politiquement ou encore dans les
régions en voie d'extinction culturelle; nous refusons ce genre
d'exotisme et de folklore et affirmons notre volonté comme
artistes-artisans d'être indépendants et autonomes face à
cet assaut promotionnel.
Donc, nous considérons qu'il est inacceptable au Québec
qu'on veuille faire disparaître le bac en céramique, le DEC,
pardon, pendant que partout ailleurs les bacs et les maîtrises ne se
comptent plus.
Nous trouvons très important aussi de se mettre à l'heure
nord-américaine, d'abandonner le système de guilde à
l'européenne ou à la façon médiévale
contrôlé par des maîtres-artisans. Nous croyons que le
système va favoriser la sclérose, la stagnation et le repliement
sur soi et nous déconnecter, finalement, encore
plus fortement de notre réalité nord-américaine.
Alors, nous pensons que ce système, si on le généralise va
défavoriser la création en limitant l'exercice de la
liberté, de l'initiative et la vision personnelle et particulière
de chacun en homogénéisant artificiellement le milieu, en
l'étouffant par des structures trop nombreuses et de plus en plus
bureaucratiques, et en maintenant la création dans le carcan
monocentrique et mercantile du marché.
Nous avons peur, évidemment, de tout ce que cela va pouvoir
impliquer au niveau de la maîtrise et du contrôle de tels
organismes. C'est pourquoi nous avons les recommandations suivantes... Si je
dois ramener à deux ou trois recommandations comme cela a
été demandé ce soir, la première recommandation
veut que la commission accepte et encourage la diversité et la
pluralité des milieux de métiers d'art du Québec, qu'elle
reconnaisse les besoins de ces milieux comme multiformes, divergents et
pluralistes, en conséquence de quoi elle ne choisira pas dans ces
milieux un interlocuteur unique, mais plusieurs intervenants aux positions
différentes. Alors, cela est pour nous fort important. Qu'elle
considère aussi la céramique comme possiblement les autres
métiers d'art - mais cela sera à vérifier avec eux - comme
un mode d'expression valable, indépendant et autonome, et qu'elle
institue une enquête véritable sur les besoins de ce milieu par
de3 organismes totalement indépendants du milieu. On entend par
organismes totalement indépendants du milieu, qu'il n'y ait pas de
conflits d'intérêts entre les divers intervenants ou les diverses
personnes qui feraient cette enquête.
Aussi, que le système modernisé de la guilde ne soit pas
institué comme modèle d'appoint et de rattrapage idéal
pour l'ensemble du milieu, que les artisans membres de MAQAM ne soient pas
privilégiés - qu'ils restent, bien sûr, un intervenant
important mais un parmi tant d'autres - que les structures organisationnelles
des métiers d'art soient allégées et simplifiées
plutôt que multipliées et centralisées. Si je vous montre
les règlements de MAQAM pour 600 membres, vous avez plus de la
moitié de règlements et de volonté de règlements
pour 600 membres -ce qui est aberrant: Qu'il y ait plus de transparence dans le
fonctionnement des organismes et plus de diversité dans la nomination
des membres des comités et des jurys - diversité quant à
leur vision, leur production et leur formation. Qu'elle mette fin au nivelage
par le bas, tout en restant bien sûr consciente et
préoccupée des lacunes dans la formation des artisans en
exercice. Qu'elle se préoccupe de mettre sur pied des programmes
véritables de perfectionnement pour que les élèves
diplômés puissent poursuivre en français des études
spécialisées en céramique: bac et plus haut si possible,
pour que les céramistes déjà formés et
diplômés puissent aussi se perfectionner pour enrichir et
rafraîchir leurs enseignements et leur pratique. Enfin, que la formation
académique des céramistes québécois, dans
l'attribution de bourses de perfectionnement et autres, soit reconnue comme un
atout et non comme un handicap, comme cela semble être actuellement le
cas. Je vous remercie. Je donne la parole à M. Foulem.
M. Foulem: J'attends des questions.
Le Président (M. Trudel): Est-ce que Mme la ministre vous
voulez poser des questions?
Mme Bacon: Oui, M. le Président. J'aimerais d'abord vous
féliciter pour ce vaste travail de réflexion sur la situation des
métiers d'art en général et pour l'ensemble de vos propos.
Vous nous invitez à reconnaître certaines réalités
du milieu de la céramique. Tantôt les membres sont forcés
de se regrouper pour défendre leurs intérêts et
tantôt c'est peut-être l'individualisme qui prédomine selon
les conditions reliées au mode de vie, à votre mode aussi de
création. Aussi, je dois vous assurer et je vous assure que le
ministère des Affaires culturelles tentera, dans l'élaboration de
ses politiques, de tenir compte de la diversité, de la polyvalence qui
caractérise votre milieu de vie. Je pense que la lecture de votre texte,
que vous venez de nous donner, est bien caractéristique de
l'individualisme, de la polyvalence et aussi de la diversité du milieu.
Quant aux questions que je pourrais vous poser, peut-être pourriez-vous
me dire les raisons pour lesquelles la céramique doit être
considérée comme autonome, tel que vous le mentionnez en page 2
de votre résumé?
M. Foulem: Mme la ministre, oui. Cette expression signifie que la
céramique peut être une spécificité.
C'est-à-dire que la céramique, pour nous du conseil
québécois, représente et les artisans et les artistes qui
utilisent la céramique comme moyen d'expression. C'est cela qu'on
demande au ministère, de reconnaître: la céramique. Entre
autres, lorsque vou3 accordez des bourses de perfectionnement dans les
métiers d'art à l'étranger, par exemple, il semble y avoir
une très grosse hésitation de la part des jurys à accorder
des bourses aux gens qui se disent artistes ou qui utilisent la
céramique comme moyen d'expression. Voyez-vous. Parce qu'ils disent: Ces
bourses-là, c'est pour des artisans. Nous, on se reconnaît comme
artisans et comme artistes. Ce n'est pas le métier qui décide si
la personne est artisan ou artiste, c'est
nécessairement le produit fini.
Les céramistes jouent dans deux plates-bandes en même
temps. C'est très facile pour quelqu'un de dire: Vous êtes des
artistes ou, d'autres fois, vous êtes des artisans.
Nous, ce que l'on recommande c'est que vous reconnaissiez la
céramique comme un mode d'expression valable. Doit-elle être
à l'intérieur des arts? Doit-elle être à
l'intérieur des métiers d'art? Je pense que c'est un
problème qui est fort discuté et discutable.
Maintenant, lorsqu'un jury touche à la céramique, qu'on
reconnaisse, d'une certaine façon, cette spécifité.
D'autre part, qu'on reconnaisse aux céramistes le droit de se regrouper
en association. Parce qu'il semble, présentement, qu'il n'y ait qu'un
interlocuteur au niveau des métiers d'art où nous nous retrouvons
à cause du médium que nous utilisons. On demande au gouvernement
de ne pas tomber dans ce piège-là et que, s'il y a un intervenant
pour les métiers d'art, il peut aussi y avoir des intervenants à
l'intérieur de ces disciplines qui se veulent des artistes.
Mais, on ne voudrait pas faire de différence. Nous, on dit comme
regroupement, c'est "at large". C'est: et les uns et les autres. Ce qui se
produit présentement, c'est qu'un groupe revendique l'exclusivité
d'intervenir au nom des céramistes québécois.
Mme Bacon: Est-ce que je comprends bien votre message. Est-ce que
vous parlez de discrimination, en ce moment, à l'égard de votre
art?
M. Foulem: Oui, je pense qu'il y a une certaine discrimination
qui se produit. Si vous permettez, je peux revenir à un autre point de
nos recommandations. Premièrement, il y a définitivement
discrimination. Concernant le premier volet des stages de perfectionnement en
métiers d'art à l'étranger que votre ministère nous
a accordé et qu'on était énormément content
d'avoir. On reçoit une lettre de refus et on dit: La céramique
n'est pas prioritaire en ce moment. On donne 200 000 $ et les céramistes
sont exclus a priori. Maintenant, vous écrivez au ministère et
vous demandez, en vertu de la loi 65, quels sont les critères et on vous
dit; Monsieur, il n'y a pas de critères au dossier. Mais le gouvernement
a quand même donné 200 000 $ de bourses de perfectionnement en
métiers d'art à l'étranger. Où les
céramistes ont été défavorisés à ce
moment-là, c'est que, dans les métiers d'art, les
céramistes constituent le groupe le plus scolarisé. Voyez-vous,
on a dit: On va donner la priorité à ceux qui n'ont pas de
scolarité.
Je pense que le rôle du gouvernement est d'encourager l'excellence
et la polyvalence, Mme la ministre. Des choses comme cela, c'est un peu
décevant pour les gens. On s'inquiète beaucoup de cette
chose-là. Contrairement à ce que j'ai entendu tout à
l'heure des sculpteurs, nous, les céramistes québécois qui
faisons plutôt de la céramique d'expression, nous sommes
très bien vus à l'étranger. On a un auditoire
supérieur à l'étranger qu'au Québec. Même aux
États-Unis et c'est surprenant, Mme la ministre. Un magazine
américain voulait donner la page couverture à un céramiste
québécois. Quand vous pensez - il y en a des millions, ils sont
200 000 000 aux États-Unis - qu'un Québécois puisse faire
la page couverture d'un magazine et qu'il soit refusé au stage de
perfectionnement en métiers d'art à l'étranger, je pense
qu'il y a certaines choses qu'il faudrait voir. La céramique
québécoise est très bien vue au niveau international. (22
h 15)
Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il y a deux paliers très
différents. Il y a la céramique métier d'art pour les gens
qui font le salon et il y a les gens qui font plutôt des expositions,
mais qui sont aussi des céramistes. Et ce sont ces gens-là qui
sont présentement défavorisés à plusieurs niveaux.
Pour l'octroi des bourses, entre autres, on nous a dit que - maintenant, on ne
l'a pas écrit - tous les gens qui avaient un diplôme ont
été éliminés du concours en perfectionnement. C'est
sur cela qu'on s'interroge. On ne vient pas vous demander de l'argent. On vous
dit: S'il vous plaît, l'argent que vous avez à donner, donnez-le
pour qu'il serve à la collectivité et à
l'amélioration de la collectivité, mais pas qu'on nous dise: Les
céramistes sont les plus instruits, on va attendre que tout le monde
soit rendu là et après cela, on va leur en donner.
Je pense, Mme la ministre, que les céramistes
québécois vont, par exemple, étudier aux
États-Unis. Il faut comprendre qu'aux États-Unis, dans les
universités, c'est compétitif. Si quelqu'un est accepté en
maîtrise, aux États-Unis, c'est une compétition, ce n'est
pas un privilège. Nos céramistes qui sont gradués avec un
DEC du Québec vont aux États-Unis et ils font 100 % de moyenne en
maîtrise contre les Américains. Je pense qu'il y a de quoi
pavoiser, mais de là à ce que le ministère des Affaires
culturelles refuse des bourses, je pense qu'il y a une très grande
marge. Si le ministère donne des bourses de perfectionnement, je pense
qu'on devrait clarifier, premièrement, ce qui est du perfectionnement et
qu'on ne devrait pas utiliser cet argent pour du rattrapage.
Ce qui se produit présentement, c'est qu'on va donner l'argent
aux moins scolarisés. Vous pouvez comprendre qu'il y a une certaine
discrimination vis-à-vis des gens qui sont scolarisés. En plus de
cela, les jurys sont auto-accrédités, c'est-à-dire que
dans
les jurys, entre autres, pour les stages de perfectionnement des
métiers d'art à l'étranger, premier volet, il devait y
avoir deux maîtres artisans et il n'y en a pas eu dans le jury parce
qu'on a dit qu'on n'a pas pu en trouver. Deuxième volet, qui vient
d'être fini, la somme d'argent était moindre et, cette fois-ci,
les personnes qui ont cautionné le jury, c'est le Conseil des
métiers d'art du Québec.
Mme la ministre, je m'inquiète un peu de cela, parce que quand
les brochures du ministère des Affaires culturelles sont sorties, je
suis allé chez l'inspecteur des institutions financières et cette
institution-là n'était pas agréée. Comment se
fait-il que le ministère des Affaires culturelles demande à des
personnes qui se sont autorisées elles-mêmes d'autoriser leur
propre jury qui va donner des bourses à la collectivité? C'est
cela qui nous inquiète beaucoup.
Il faudrait aussi prendre en considération le fait que quand on
donne de l'argent pour du perfectionnement, il faudrait que ce soit
nécessairement du perfectionnement.
L'autre chose que je voudrais vous signaler ici, c'est, par exemple,
qu'il y a un système de bourses qui se donnent pour des études
universitaires. Cependant, au Québec, il ne se donne pas vraiment de
maîtrise en céramique au Québec ni même un bac. On
donne ces bourses-là à des personnes qui n'ont même pas un
DEC et les personnes qui font leur doctorat en céramique sont
éliminées, c'est à ce moment-là qu'on
s'inquiète au sujet du perfectionnement.
Mme Bacon: Vous avez demandé dans votre... J'ai pris
beaucoup de notes pendant que vous parliez...
M. Foulem: C'est bien.
Mme Bacon: Je vais vérifier au ministère. Vous
demandez la création de programmes justement encore plus
spécialisés qui conduisent à des diplômes
supérieurs au DEC. Ma question, c'est de vous demander d'étayer
vos propos parce que cela rejoint un peu ce que vous venez de nous dire. Cela
fait partie de vos préoccupations et c'est pour cela que vous voulez que
nous allions à des études supérieures au DEC.
M. Foulem: Ah oui'. Mme la ministre, vous savez qu'à
l'étranger, entre autres en Angleterre et aux États-Unis
où les métiers d'art ont obtenu un statut vraiment au même
niveau que l'artiste, la céramique et les métiers d'art
s'enseignent à l'université. Cela veut dire que la personne qui
suit son cours peut obtenir un bac ou une maîtrise. Au Québec, le
nouveau système qui vient d'être instauré avec l'aide du
ministère des Affaires culturelles, ce sont des AEC. Ce n'est même
pas un DEC, Mme la ministre, ce sont 17 unités, lorsque, ailleurs, les
étudiants en art, en métiers d'art, peuvent obtenir un bac et une
maîtrise. Ce qui nous inquiète à part cela, c'est que ce
système d'école parallèle est accrédité avec
la bénédiction du ministère des Affaires culturelles et il
n'y a eu aucune étude sur l'impact pédagogique d'un tel
système et il n'y a aucune collaboration dans l'accréditation des
ateliers-écoles avec le ministère de l'Éducation. Cela
nous paraît aussi un peu dangereux surtout qu'on sait fort bien que les
ateliers-écoles qui vont être accrédités, ce sera
chez les artisans qui sont déjà en exercice.
Ce que nous réclamons, c'est qu'on puisse améliorer le
système, c'est-à-dire qu'on pourrait avoir les deux. Ce qui est
recommandé présentement par les artisans, c'est d'abolir le DEC.
Nous considérons que le DEC, le diplôme d'études
collégiales, c'est le strict minimum. Il faut quand même
comprendre qu'on est dans un contexte nord-américain. Par exemple, en
Nouvelle-Écosse, il y a moins de gens que dans toute la ville de
Montréal et on y offre aux étudiants la possibilité
d'obtenir un bac et une maîtrise. Au Québec, ce qu'on instaure
présentement, c'est une AEC, 17 unités, c'est-à-dire une
session de cégep. Je trouve que c'est de la dévalorisation et de
la déscolarisation. Peut-être pour certains métiers d'art
qui n'ont rien, mais en céramique on a quand même 50 ans
d'enseignement de la pratique. Nos céramistes qui vont à
l'étranger sont très bien reçus. Au Québec, on n'a
pas les moyens d'aller perfectionner nos connaissances. Il faut comprendre que
le système de bourses actuel, soit du Conseil des arts ou du
ministère des Affaires culturelles, habituellement n'est pas favorable
à quelqu'un qui voudrait aller se perfectionner dans une école.
Pour nous, l'avantage et l'histoire qui était tellement
intéressante du nouveau programme Stages de perfectionnement à
l'étranger en métiers d'art, c'est que cela permettait à
des personnes qui avaient déjà une formation d'aller se recycler
et même d'aller poursuivre leurs études dans des milieux
universitaires, chose qu'on ne peut pas faire ici.
Pour nous, c'était une amélioration. C'était
vraiment merveilleux. Mais, quand on a vu ou est allé l'argent, on est
un peu déçu de cette chose, voyez-vous.
Mme Bacon: En fait, votre préoccupation majeure est la
formation.
M. Foulem: Le perfectionnement. Il y a deux choses.
Mme Bacon: Les deux.
M. Foulem: Et la formation qui existe. Mme Bacon: Et la
formation.
M. Foulem: Voyez-vous, le problème, c'est que la formation
existe déjà au Québec.
Mme Bacon: Oui, mais elle ne vous semble pas satisfaisante.
M. Foulem: Ce que Ies artisans disent, c'est: On en veut plus. Le
DEC n'est qu'un strict minimum. Ce que le ministère des Affaires
culturelles instaure présentement comme système
d'éducation parallèle, ce n'est même pas un DEC. C'est une
attestation d'études collégiales. C'est vraiment une
sous-scolarisation.
Premièrement, en céramique, le minimum devrait être
le DEC. Les autres, qu'ils aient un AEC c'est un autre problème.
Après le DEC, les étudiants devraient pouvoir aller se
perfectionner. Mais, pour le moment, il semble que la priorité soit le
nivellement.
Mme Bacon: Quand vous parlez d'avoir votre juste part du
marché nord-américain, qu'attendez-vous du ministère des
Affaires culturelles comme geste?
M. Foulem: Notre juste part. On voudrait que le ministère
encourage au moins deux avenues, que ce ne soit pas seulement le Salon des
métiers d'art, que les gens qui font d'autre chose puissent aussi
exposer. II faut comprendre que, entre autres, on parle dans notre document
d'une galerie qui s'appelle Interaction, galerie d'expression céramique,
qui a été aussi créée par des céramistes
pour répondre à un besoin du milieu qui était un besoin de
diffusion. Mais, un besoin c'est aussi un forum où les gens peuvent
discuter, exposer et contester de façon plastique leur
médium.
Cela n'existe pas et la galerie, qui était la seule au Canada,
c'était la seule galerie parallèle au Canada qui était
vouée à un métier d'art, c'était la seule galerie
parallèle au Canada qui était consacrée à la
céramique et c'était la seule galerie au Québec qui
était consacrée à la céramique. Mais, à
défaut de subvention, on a dû fermer nos portes. Heureusement que
le ministère des Affaires culturelles nous a subventionnés et
nous a donné 5000 $ par année deux fois. Il faut penser que
peut-être avec 20 000 $ on serait encore ouvert. Je ne sais pas si vous,
comprenez. Maintenant, peut-être que le ministère a donné
énormément d'argent. Moi, ce que je pense être le
problème, c'est que l'argent devrait être dépensé
d'une façon plus cohérente. Il y a beaucoup d'incohérence
dans les dépenses des hommes.
Si on dit: C'est la seule au Québec, peut-être qu'on
devrait lui donner une certaine priorité. Si, par exemple, il y a cinq
galeries de gravures... Ce n'est pas qu'une mérite plus que l'autre,
mais c'est une question de survie et d'équité. Je pense que,
quand vous accordez des bourses, cela devrait être pris en
considération.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. Mme Doyon, M. Foulem, vous vous êtes
présentés comme dissidents. Là-dessus, je dis
qu'heureusement on vit dans une démocratie qui permet aux dissidents de
venir en commission parlementaire. C'est quand même un avantage. Vous
dites que vous représentez 70 membres. Je pense que je me fais le
porte-parole de mes collègues en vous disant qu'on n'évalue pas
les intervenants. Ce sont des gens qui représentent, qui viennent en
fonction du contenu des mémoires qu'ils nous présentent. Si vous
me le permettez, je vais aller droit au fond des choses dans le contenu de
votre mémoire.
En page 4, vous demandez que les clauses du contrat modèle de
CARFAC servent de balises en attendant la conception de vos propres contrats.
Est-ce que vous pourriez me résumer brièvement les clauses de ce
contrat modèle que vous suggérez?
M. Foulem: CARFAC recommande, par exemple, que chaque artiste qui
participe à une exposition, dans un lieu public, soit payé. II y
a des frais, c'est-à-dire que, si c'est une exposition de groupe,
hypothétiquement, c'est 50 $; si c'est une exposition solo, c'est,
mettons, 150 $, et, si c'est une exposition qui voyage, c'est un montant fixe.
D'accord? Ce qui se produit présentement, c'est que les gens des
métiers d'art, entre autres, et en céramique en particulier
doivent, par exemple, payer de leur poche leurs frais d'inscription, 25 $,
doivent soumettre des diapositives, etc., pour des expositions quelquefois
subventionnées. Nous, on dit: C'est pratique courante chez les artistes,
mais, en métier d'art, ce n'est pas pratique courante. Nous, on aimerait
que le ministère, quand il donne une bourse, soit certain qu'une partie
de cet argent va aux artistes. C'est un peu révoltant quand vous voyez
que 50 000 $ sont accordés à une exposition et que zéro
cent va aux artistes, que tout va en administration. Je pense qu'à ce
moment-là, on devrait s'inquiéter un peu. C'est dans cet esprit
que nous faisons cette recommandation-là.
M. Boulerice: Vous semblez reprocher au gouvernement une vision
essentiellement mercantile de la production en céramique.
Quelle attitude souhaiteriez-vous ou attendez-vous du gouvernement
actuel à votre égard?
M. Foulem: D'accord. Voyez-vous, ce qui se produit
présentement, c'est que... Par exemple, le ministère des Affaires
culturelles, en décembre 1983, a donné 755 000 $ pour
créer une société de commercialisation des métiers
d'art. Le ministère disait: Le marché institutionnel
représente un potentiel de ventes fort intéressant, puisqu'une
étude démontre que les compagnies consacrent en moyenne 5000 $
à l'achat de cadeaux. Mais je pense que, quand le ministre donne 750 000
$ pour promouvoir des cadeaux, c'est au détriment d'autre chose. Si le
ministère de l'Industrie et du Commerce donne 750 000 $ pour des
cadeaux, c'est tout autre chose que si le ministère des Affaires
culturelles donne 755 000 $.
Maintenant les études, concernant les cours de formation en
métiers d'art présentement, c'est basé exclusivement sur
une étude qui a été faite au Salon des métiers
d'art du Québec. C'est très clair, les objectifs visés par
le perfectionnement sont de faire un produit qui est vendable. D'accord? Axer
une génération de céramistes québécois ou
axer la formation académique sur la production de cadeaux de Noël,
je pense que c'est un peu décevant. Dans toutes les études que
nous avons consultées, la préoccupation principale est... Cela
est voilé sous deux termes: les besoins du milieu, d'une part, et le
milieu n'est jamais défini. Mais, pour ce qui est des besoins du milieu,
ce sont toujours les besoins du "milieu" MAQAM, Métiers d'art du
Québec, SMAQ, Salon des métiers d'art du Québec. Nous, on
dit: II y a un autre milieu, le milieu est bicéphale, au moins. Le
ministère devrait prendre cela en considération et non pas axer
la formation et tout sur la production d'objets de consommation. (22 h 30)
M. Boulerice: C'est cela. Vous êtes en train de me dire, M.
Foulem, qu'il y a deux céramiques: il y a une céramique "cadeau"
et une céramique, par contre, qui vise un plaisir intellectuel
différent. D'accord.
Maintenant, quand vous dites que vous voulez votre part du marché
nord-américain, dois-je comprendre, quant aux industries culturelles,
puisque la céramique fait partie des industries culturelles, que vous
souhaitez le libre-échange?
M. Foulem: Nous, nos préoccupations ne sont pas
nécessairement mercantiles à ce stade-ci. C'est surtout une
revendication au niveau des concepts et c'est surtout... Mais le
libre-échange, pour nous, ce n'est pas un handicap ni une
priorité.
M. Boulerice: Quand vous parlez de la part du marché
nord-américain, vous parlez -comme on l'a entendu souvent au cours de la
commission - de propriété intellectuelle surtout, mais non pas
nécessairement de vente. D'accord.
M. Foulem: Oui. C'est cela. Un instant, Mme Doyon va...
Mme Doyon: Je ne crois pas qu'il faille voir cette partie... Il
me semble que je n'avais pas écrit cela comme cela. Ce que j'avais vu,
moi...
M. Boulerice: J'ai peut-être lu comme ça, moi, je ne
sais pas.
Mme Doyon: Cela, c'est possible. Mais je l'avais davantage vu
dans le sens, si vous voulez, de s'orienter non pas dans une part
économique du marché nord-américain, mais au niveau des
préoccupations, c'est-à-dire qu'on appartenait culturellement
à l'Amérique du Nord peut-être davantage qu'à
l'Europe ou à la France. Cet aspect nous apparaissait très
important, beaucoup plus que la question économique. Je m'excuse, cela
m'a échappé. Ce n'était pas tellement le côté
économique comme le côté culturel.
M. Boulerice: Mme Doyon, vous avez parlé abondamment des
expériences anglo-canadienne et américaine en matière de
formation pour l'artisan. J'aimerais cela si vous pouviez un petit peu
préciser. Cela se retrouve à la page 15, si je me rappelle bien
votre mémoire.
M. Foulem: Oui, je peux vous expliquer cela. Comme je
l'expliquais tout à l'heure à Mme la ministre, c'est que,
à l'extérieur du Québec, entre autres on pourrait prendre,
au Canada, la Nouvelle-Écosse, dans les États américains
et en Angleterre, la formation des artisans ou des gens qui utilisent les
métiers d'art se fait au niveau universitaire, ce qui ne se fait pas au
Québec, d'une part. Donc, nous on pense que ça devrait être
cette optique. Les priorités devraient être à ce niveau et
non pas au niveau d'un strict minimum. Voyez-vous, les cours qui s'offrent
présentement à l'Institut des métiers d'art de
Montréal demandent un secondaire V et une certaine connaissance du
métier, lorsque ailleurs, c'est un bac et une maîtrise. On est en
compétition avec ces gens-là. Quand on va exposer sur une
scène canadienne, pancanadienne ou internationale, on est quand
même au même niveau que ces gens-là. C'est pour cela qu'on
pense que le système d'éducation québécois est
déficient à ce niveau. Cela devrait être une
priorité du gouvernement au moins de donner la possibilité
d'obtenir ces diplômes. Les artistes américains chevronnés,
les
céramistes, entre autres - je pourrais facilement dire 80 % de
ces artistes - ont une maîtrise en beaux-arts, tandis que la
majorité des artisans québécois ont à peine un DEC.
L'étude récente dit que pour la majorité, c'est à
peu près douze ans de scolarité. Et que le ministère
instaure cela comme système d'éducation, on trouve ça un
peu dégueulasse.
M. Boulerice: Écoutez, je sais qu'on vous a fait attendre
longuement. Il est déjà 22 h 35. Ce serait peut-être
sadique de ma part d'aller dans les sept autres questions que j'avais. Ce que
je pourrais peut-être faire, c'est de vous les adresser. On pourra
continuer dans un échange de correspondance.
M. Foulem: Certainement, M. le député.
M. Boulerice: Je vous remercie pour votre participation et
d'avoir répondu à mes questions. M. le Président, s'il y a
d'autres questions de la part de la partie gouvernementale.
Le Président (M. Trudel): Vous m'enlevez les paroles de la
bouche, M. le député de Saint-Jacques. Est-ce que d'autres
membres de la commission ont des questions?
Il n'y a pas d'autre question.
Il me reste à mon tour, monsieur et madame, à vous
remercier de vous être déplacés et, encore une fois, avec
un avis qui était si court, d'avoir fait, j'allais dire, cette longue
route. C'est peut-être parce qu'on la fait régulièrement
qu'on la trouve longue. Quand on la fait moins régulièrement, on
la trouve peut-être plus agréable. J'avais, moi aussi, quelques
questions, mais il est quand même 22 h 35. Je pourrais peut-être
les envoyer en même temps que celles de M. le député de
Saint-Jacques.
Encore une fois, merci de votre présence et bon retour à
Montréal!
Quant aux autres membres de la commission, je vous rappelle que nous
allons reprendre nos travaux à 10 heures, demain matin et si vous pensez
que vous avez connu la plus longue journée de la présente
consultation, rassurez-vous, la journée de demain comprend neuf groupes
que nous devrons rencontrer de 10 heures demain matin à quelque chose
comme 22 h 30 demain soir. Je demanderais, encore une fois, aux membres de la
commission - je ne dirais pas le mot discipline - de faire en sorte que demain,
on puisse, dans la mesure du possible, consacrer une heure à chacun des
organismes, ce qui fera déjà neuf heures de discussion avec la
communauté culturelle du Québec.
Sur ce, les travaux de la commission sont ajournés à
demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 36)