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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le jeudi 22 mai 1986 - Vol. 29 N° 10

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le statut économique de l'artiste et du créateur


Journal des débats

 

(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de la culture se réunit à nouveau, ce matin, en consultation générale sur le statut économique de l'artiste et du créateur. Je constate que nous avons quorum. Nous pouvons donc commencer nos travaux.

Est-ce que, de votre côté, M. le député de Saint-Jacques, il y a des remplacements pour aujourd'hui?

M. Boulerice: Non.

Le Président (M. Trudel): II n'y en a pas. Du côté du gouvernement, est-ce qu'il y en avait? Je suppose que les autres membres se joindront à nous un peu plus tard.

Je voudrais souligner dès le départ, avant qu'elle ne rougisse, et sans partisanerie politique, l'anniversaire de naissance de la secrétaire de la commission, celle avec qui chacun d'entre vous avez eu des contacts, Mme Marie Tanguay. Joyeux anniversaîrel Voilà. Il n'y a rien comme une bonne journée de douze heures de travail pour célébrer un anniversaire de naissance.

Nous avons une journée fort chargée aujourd'hui, la plus longue de toutes celles que nous avons eues et que nous aurons. Nous avons neuf mémoires à entendre, neuf groupes à recevoir. Hier, lors de l'ajournement des travaux de la commission, j'ai demandé aux membres d'exercer la meilleure discipline possible, comme nous en avions convenu en séance de travail, il y a une dizaine de jours. J'essaierai, dans la mesure du possible - je serai assez sévère ce matin, cet après-midi et surtout ce soir, vers la fin - d'accorder, au total, une heure ou une heure dix à chacun des organismes. Je demande à chacun des organismes présents - je le répéterai cet après-midi et ce soir - de ne pas lire le mémoire qu'ils ont déposé à la commission. Tous les mémoires ont été lus par les membres de la commission, des résumés en ont été faits tant par la plupart des organismes eux-mêmes que par le personnel de la commission, le personnel de Mme la ministre ou le personnel de M. le député de Saint-Jacques, qui représente l'Opposition. Donc, je vous demanderai de résumer votre pensée et d'apporter des points nouveaux dont vous voulez discuter, de façon à laisser aux membres de la commission plus de temps pour vous poser des questions et discuter avec vous.

En souhaitant la bienvenue aux membres de la Guilde des musiciens de Montréal, nous commençons cette troisième journée de consultation générale sur le statut de l'artiste et du créateur. Messieurs, si vous voulez d'abord vous présenter, s'il vous plaît.

Guilde des musiciens de Montréal

M. Subirana (Emile): Merci beaucoup. Mme la ministre, M. le Président, Mmes et MM. les députés, j'aimerais vous présenter les gens qui m'accompagnent ce matin. Â ma gauche, M. Daniel Mathieu, directeur au conseil d'administration de la Guilde des musiciens de Montréal, et Me Louis Demers, procureur de la guilde; à mon extrême droite, M. Louis Charbonneau, timbalier solo de l'Orchestre symphonique de Montréal et professeur au conservatoire pendant 25 ans, et M. Marc Fortier, non seulement musicien, chef d'orchestre, arrangeur, compositeur mais aussi professeur; à ma droite, M. Claude Landry, secrétaire-trésorier de la guilde.

J'aimerais, si vous me le permettez, vous demander combien de temps on a ce matin en tout.

Le Président (M. Trudel): Je l'ai dit tout à l'heure. Nous avons prévu environ une heure, plus ou moins; probablement un peu plus...

M. Subirana: D'accord.

Le Président (M. Trudel): ...de façon à laisser la chance à tous les organismes de se faire entendre.

M. Subirana: On nous avait laissé entendre qu'on aurait peut-être une heure et demie. Alors, je vais tout simplement résumer, comme vous l'avez dit, rapidement.

Le Président (M. Trudel): M. le président, je vais prendre dix secondes de votre temps pour m'excuser au nom de la commission de vous avoir convoqués le jour, m'a-t-on dit, de votre assemblée générale annuelle, ce qu'on ne savait pas au moment où on vous a convoqués. Au moment où on l'a su, il était déjà trop tard. Je vous remercie d'avoir fait l'effort de vous présenter ce matin.

M. Subirana: Ce sont des choses qui arrivent. Ne vous inquiétez pas, on a un excellent chauffeur et on va se rendre à Montréal très rapidement.

Premièrement, la guilde a négocié et fixé des rémunérations professionnelles de base pour ses membres depuis 1897. Le rôle de la guilde est de conserver et de protéger un certain niveau de revenus. Pour ce faire, la guilde négocie et tente d'imposer aux employeurs un tarif de base, négocie des ententes avec ces employeurs, fournit un contrat type, s'occupe de l'organisation et de la gestion de la caisse de retraite et offre un recours juridique en cas de difficultés grâce à ses avocats. C'est un peu ce qu'on fait. On le fait avec la méthode de base suivante: l'utilisation d'un contrat et l'interdiction de travailler avec des non-membres. C'est la même philosophie que celle de l'Union des artistes et c'est une méthode qui remonte au Moyen Âge. Le contrat nous permet de contrôler les conditions de travail, les cachets, le statut de musicien, la contribution à la caisse de retraite, les revenus et de prendre des mesures juridiques pour percevoir les sommes dues à nos membres.

Il y a, bien sûr, toutes sortes de problèmes qu'on retrouve à la page 7, Ies mêmes problèmes qu'ont tous les artistes à la pige, c'est-à-dire que, comme ils gagnent tellement peu d'argent, on leur propose souvent de travailler au noir et à prendre ou à laisser de l'emploi et c'est la loi de la jungle qui s'applique à ce moment-là. Pour nous, le contrat est quelque chose de très important, sinon, un musicien perd toute protection juridique et ses contributions à la caisse de retraite.

La caisse de retraite, brièvement, est une caisse qui a maintenant 90 000 000 $ et cela nous permet de verser des indemnités aux musiciens âgés de 55 ans et plus ayant eu des revenus pendant au moins 5 ans. L'accumulation régulière de crédits permet au musicien de toucher une retraite décente lorsqu'il arrête de travailler. C'est seulement lorsqu'un contrat nous est soumis, à la guilde, qu'on peut cependant créditer le musicien, exactement encore comme le fait l'union.

À la page 10 de notre mémoire, on trouve des statistiques un peu déprimantes. J'aimerais d'une certaine façon remercier le ministère des Affaires culturelles pour avoir commandé cette étude qui nous donne des statistiques un peu officielles de ce qu'on soupçonnait depuis longtemps, c'est-à-dire que 80 % de nos membres gagnent moins de 5000 $ par année. Ces chiffres montrent clairement qu'un très petit nombre de musiciens membres de la guilde arrivent à vivre décemment de la musique.

Encore une autre remarque: si la musique constituait leur unique revenu, plus de 89 % de nos membres vivraient en dessous du seuil de la pauvreté. C'est peut-être la raison pour laquelle il y a autant de chauffeurs de taxi avec des talents musicaux et des professeurs et toutes sortes de fonctionnaires à la ville qui jouent de la musique les fins de semaine. C'est parce qu'on peut difficilement vivre.

Santé et sécurité du travail. Je ne sais pas, c'est peut-être un peu difficile pour le profane d'apprécier exactement ce que cela veut dire être musicien à la pige. Si vous me le permettez, je vais vous donner quelques exemples. C'est un monde où !e musicien trouvera de longues heures de répétition, la tension nerveuse lorsqu'il jouera et une tension nerveuse encore plus grande lorsqu'il ne jouera pas. C'est une vie où il commencera son année avec un ordre du jour désespérément vide alors qu'il devra quand même nourrir sa famille, ceux qui ont des familles, s'ils peuvent se permettre ce luxe. C'est une vie où il devra toujours être au mieux de sa forme car d'autres attendent pour prendre sa place. C'est une vie où il faudra être extrêmement diplomate dans ses relations avec les chefs d'orchestre de peur d'être remplacé par quelqu'un de plus jeune ou de nouveau. C'est une vie où il devra toujours assurer le spectacle, malade ou non. Personne ne peut se permettre le luxe d'annuler un engagement pour cause de maladie car il n'aura pas d'engagement la fois suivante. La tension nerveuse Soutenue lors d'un concert par les musiciens d'un orchestre symphonique a été comparée à celle subie par les chirurgiens pendant une opération à coeur ouvert et par les pilotes de ligne pendant un atterrissage par très mauvais temps. Tous les artistes connaissent la contrainte constante que sont la tension nerveuse et le simple souci d'arriver à gagner assez pour vivre. Mais la nature du travail dans ce domaine fait qu'ils sont obligés d'accepter tout ce qui se présente, ne sachant jamais s'ils ne resteront pas ensuite de longs mois sans travailler. Pas question, bien sûr, d'être malade ou d'être enceinte. Les musiciens malades ou handicapés doivent se protéger eux-mêmes au moyen d'assurances individuelles. La plupart ne peuvent se le permettre financièrement ou ne seront pas acceptés comme candidats valables par les compagnies.

Les musiciens et la fiscalité. C'est un peu comme à l'UDA encore. On ne nous permet pas de déductions qui ont de l'allure; normalement, on change les interprétations. Depuis le budget MacEachen en 1981, on ne permet pas l'étalement de revenus. Le statut, même vis-à-vis de la Loi sur l'impôt, n'est jamais clair. À un moment donné, on voulait déclarer que tous les musiciens travaillant à Télé-Métropole étaient des employés de Télé-Métropole, Cela a pris six mois, cela nous a coûté des milliers de

dollars en frais de comptables et d'avocats pour clarifier la situation. Des histoires comme cela nous arrivent à tous les six mois. Il faudrait absolument clarifier le statut au point de vue fiscal du musicien. (10 h 15)

La formation du musicien. La guilde est d'avis que les conservatoires et les diverses facultés de musique sont les meilleurs "fabricants" de musiciens qualifiés. Cependant, nous ferions un grand pas en avant si les personnes responsables de la "fabrication du produit" consultaient les organisations professionnelles afin de mieux connaître les conditions du marché du travail. Il y a souvent un certain malentendu sur l'état du marché qui attend les musiciens professionnels dans la réalité.

J'arrive à un aspect important pour nous, concernant les musiciens et leur éducation. Probablement, la question du suivi qu'on leur donne est-elle très importante. Le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec dépensent des millions pour former de jeunes musiciens. Par contre, à notre avis, une fois que l'argent et le temps ont été investis pour "produire" ces jeunes musiciens, aucun intérêt n'est plus porté, aucun effort n'est fait pour assurer que nos jeunes artistes aient un endroit pour jouer. C'est quelque chose qui nous concerne parce que la guilde a consacré ses efforts et a dépensé des milliers de dollars de l'argent de ses membres pour protéger des engagements musicaux qui existaient depuis des années dans la région de Montréal. La guilde ne devrait pas être la seule à se préoccuper de la promotion et de la protection de nos artistes, jeunes ou moins jeunes. C'est le rôle du gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour créer dans des endroits tels que la Place des Arts des conditions favorisant ou exigeant l'utilisation de musiciens. Tous les engagements perdus au profit de la musique enregistrée ou de musiciens étrangers sont une catastrophe pour les musiciens pigistes qui gagnent 5000 $ par année et souvent beaucoup moins.

Le gouvernement du Québec a toujours encouragé l'utilisation de musiciens québécois à la Place des Arts depuis sa création. Cependant, ces dernières années, certaines politiques ont favorisé les producteurs qui utilisent uniquement de la musique enregistrée et des musiciens étrangers au détriment de nos artistes. Il est impensable que la guilde doive se battre seule pour conserver le travail des musiciens. C'est aussi la responsabilité de toute la communauté de protéger la musique "live".

Je peux vous dire quelques mots au sujet de la musique enregistrée encore à la Place de3 Arts et dans d'autres domaines. Un exemple en particulier. Ce n'est pa3 parce que j'en veux au Ballet Eddy Toussaint, c'est simplement un exemple qui m'a frappé parce que j'ai parlé à une jeune danseuse de cette compagnie. À la Place des Arts, le Ballet Eddy Toussaint donne son spectacle en utilisant uniquement de la musique enregistrée. Par contre, lors d'un récent spectacle donné à Londres, ils ont dû utiliser un orchestre de musiciens. Étant donné que cette compagnie, comme de nombreuses compagnies semblables, reçoit des subventions provenant des fonds publics, il serait normal de les obliger à engager des musiciens plutôt que d'utiliser des enregistrements piratés. Pourquoi les musiciens anglais seraient-ils mieux protégés que les musiciens québécois?

L'utilisation de musique enregistrée pour l'accompagnement de spectacles produits en direct doit donner lieu au paiement de redevances aux musiciens qui en ont fait l'enregistrement. Nous n'autorisons pas la photocopie de romans littéraires; nous ne devrions pas plus permettre que le travail d'un musicien soit utilisé dans un but commercial sans que ce dernier soit dédommagé. La loi devrait obliger les producteurs et utilisateurs de musique enregistrée à payer pour cette utilisation. Bien sûr, on préfère de loin que les musiciens soient engagés.

Une dernière remarque. Lorsqu'il s'agit d'économiser de l'argent, il semble que les musiciens et les artistes en général soient les premiers à en souffrir et à être supprimés. Par contre, on réduit rarement les loyers ou les frais d'administration. Ce sont eux, à qui l'on demande toujours de jouer pour moins d'argent, ou que l'on remplace par des bandes sonores, qui devraient être les gens importants et non pas ceux que l'on sacrifie le plus facilement.

Les musiciens étrangers. Nous avons quelque chose à dire à ce sujet. En 1984, plus de 20 000 musiciens américains ont été autorisés à venir au Canada. Dans le même temps, moins de 3000 musiciens canadiens étaient autorisés à entrer aux États-Unis. Le contribuable québécois dépense chaque année des millions de dollars pour la formation de jeunes musiciens. En dépit de tous ces "investissements", il n'existe pratiquement aucune politique en vigueur aux produits formés, un endroit où jouer au qui leur garantisse un avantage au moyen de règles d'immigration plus sévères. Le rôle du gouvernement québécois est ici très important car il peut et il doit définir une nouvelle politique d'immigration. Les Américains protègent leurs musiciens en rendant presque impossible à un musicien étranger d'entrer aux États-Unis. Les Anglais et les Australiens ont une attitude similaire. Il est temps pour le Canada et le Québec de promouvoir leurs artistes au moins aussi bien que le reste du monde. Tous et chacun des engagements sont d'une importance vitale lorsqu'on gagne juste assez pour survivre.

Une structure nouvelle. C'est un peu un

cas interne entre la guilde et la fédération quant à notre affiliation. Quand même, je pense que ce serait assez intéressant d'en parler. L'industrie de la musique est internationale. La diffusion des programmes par satellite et le fait que la musique ne soit pas un langage parlé signifient que le travail de nos musiciens peut être facilement piraté ou vendu illégalement à l'étranger. Nos musiciens doivent donc se défendre en faisant partie d'organisations qui soient en mesure de les aider en cas d'abus au niveau international. À cet égard, la structure actuelle de notre affiliation avec l'AFM demande à être réétudiée.

Dans un effort pour mieux représenter le musicien canadien en général et le musicien québécois en particulier, la Guilde des musiciens de Montréal a lancé un mouvement visant à changer les structures actuelles de l'AFM dont la guilde fait partie depuis 1905. Bien que les sections locales de l'AFM aient toujours bénéficié d'une certaine autonomie, une association comme la guitde doit absolument se développer et avoir une position claire et sans équivoque pour défendre les intérêts de ses membres, ceci tout particulièrement lorsque les intérêts de ses membres ne sont pas nécessairement identiques à ceux de leurs collègues américains.

Les changements proposés amèneront la création d'une organisation canadienne au sein de laquelle les Canadiens auront le contrôle total des affaires canadiennes et ne dépendront plus de la juridiction d'un siège social américain. La guilde est d'avis qu'il est grand temps de procéder à ces changements, en particulier dans le contexte des futures négociations sur le libre-échange et en application du principe selon lequel aucun pays étranger ne devrait contrôler, de quelque façon que ce soit, un aspect quelconque du milieu culturel d'un autre pays.

Cela m'amène à faire une petite remarque au sujet du libre-échange. Je ne sais pas s'il y en a qui ont eu le temps ce matin de lire la Presse, mais la guilde, l'UDA et le milieu culturel s'inquiètent énormément du libre-échange. J'aimerais simplement citer un petit paragraphe ici de la Presse du jeudi 22 mai: "Le monde agricole, le secteur manufacturier et les industries culturelles connaîtront les bouleversements les plus négatifs, alors que le nombre d'emplois dans ces domaines diminuera de 131 000 d'ici à dix ans." Vous pouvez bien croire que, si 80 % de nos membres gagnent en dessous de 5000 $ par année et qu'on nous dit en plus qu'on aura des temps encore plus difficiles d'ici à dix ans, cela nous inquiète énormément. J'espère que tout le monde ici, tous les députés et le ministère vont en prendre note et qu'on pourra tous arriver à une façon de se défendre ou de bien faire valoir ce qu'on a à perdre dans cette histoire de libre-échange.

La guilde et l'Union des artistes. Comme vous pouvez le voir, on porte tous des macarons de l'UDA. Ce n'est pas par accident. La guilde apporte son soutien total au mémoire sur le statut de l'artiste-interprète pigiste présenté par l'union en décembre 1984 et à l'intervention, devant la commission d'enquête sur l'assurance-chômage, présentée en janvier 1986. Les problèmes auxquels ont à faire face tous les artistes sont tout à fait semblables. Les solutions proposées par l'UDA pourraient s'appliquer à tous moyennant quelques modifications insignifiantes.

L'union vous a présenté mardi un document avec d'excellentes recommandations. La guilde n'a pas intérêt à proposer un projet de loi parallèle. On est très satisfait de celui que l'union vous a présenté. D'ailleurs, la guiide et ses musiciens tiennent à féliciter l'union pour son travail formidable et sa présentation des plus éloquentes.

Pour résumer, le principal problème rencontré par nos jeunes musiciens est celui de la diminution des offres de travail, due en partie à la mauvaise situation économique. Malheureusement, la perte de certains autres emplois est le résultat du soutien inapproprié du gouvernement. Le gouvernement doit absolument encourager les musiciens québécois en adoptant des politiques favorisant l'utilisation de la musique "live" dans toutes nos salles de concert.

Le gouvernement doit faire en sorte que les musiciens étrangers rencontrent autant de difficultés pour entrer dans notre pays que les musiciens canadiens en ont pour entrer dans les pays étrangers. La guilde a mis sur pied une organisation qui protège ses membres contre les abus rencontrés par tous les artistes dans leur travail quotidien. Les employeurs doivent être encouragés et/ou convaincus de négocier avec l'association professionnelle qui représente nos musiciens depuis 1897. Des cachets décents, des contrats légaux, des régimes de retraite, une protection contre les réutilisations frauduleuses, ce sont ces conditions élémentaires et minimales qui doivent prévaloir dans la profession et non la loi de la jungle.

En accordant des subventions, le gouvernement devrait spécifier qu'une partie des sommes allouées doit revenir aux artistes, en particulier, aux musiciens et comédiens de soutien et pas seulement aux grandes vedettes. Les musiciens et autres artistes à la pige sont des professionnels à part. Ils devraient bénéficier d'un statut spécial leur procurant les avantages dont le reste de la société profite depuis des années. Le système d'imposition des revenus des artistes doit refléter les réalités de leur profession. Ceci, même si les artistes sont

mieux traités que certains autres groupes professionnels. Les artistes bénéficient du statut social le plus élevé dans toutes les sociétés développées du monde.

Finalement, la guilde défend depuis près d'un siècle les intérêts des musiciens de la région de Montréal. Je suis convaincu que pour aider les musiciens il faut nécessairement aider l'association qui les représente. Je m'imagine des choses peut-être: j'ai bien senti, dans vos questions et commentaires, mardi, une volonté concrète d'aider nos artistes, mais j'ai aussi senti une certaine réticence à aider les associations qui représentent ces artistes. On sait tous que les syndicats, on n'aide pas cela. Ce n'est pas l'atmosphère la plus prosyndicale, ces temps-ci.

C'est tout à fait personnel. Si les artistes doivent être plus forts pour mieux gagner leur vie, il faudra bien que, pour ce faire, leurs associations deviennent plus fortes dans -les domaines où elles ne peuvent présentement protéger leurs membres. On a souvent accusé la guilde d'exercer un quasi-monopole. Vous avez tous bien constaté que la grande majorité de nos membres ne peuvent pas vivre de la musique. Quel serait donc leur sort si la guilde était encore moins forte? La guilde n'est rien d'autre que la volonté des musiciens qu'elle représente. Ne vous inquiétez pas si, en aidant les musiciens, vous vous . trouvez à aider la guilde et vice versa - c'est le même monde.

Finalement, pour bien résumer ce que nous sommes, j'aimerais moi aussi citer, non pas un poète ou un écrivain, mais Mme Ethel Merman, qui chanta "There is no business like show business". Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le président. Avant de céder la parole à Mme la ministre... Vous venez de terminer un texte, j'avais un moment de distraction, je m'en excuse. Est-ce que j'ai bien compris que vous avez dit: Je sens bien aux questions que vous m'avez posées que vous avez des réticences?

M. Subirana: Je peux relire cela si vous voulez. Tout simplement, on ne vit pas dans une ère prosyndicale. On a lu cela dans les journaux. Aux États-Unis, il y a d'énormes problèmes, mais...

Le Président (M. Trudel): M. le président, ce n'est pas cela que je voulais souligner. Peut-être que j'ai fait erreur, mais il m'a semblé vous entendre dire: Aux questions que vous avez posées, etc.. Je voulais simplement vous souligner que nous allons là où vous posez les questions, si j'ai bien entendu.

M. Subirana: Non, ce sont les questions que j'ai entendu poser mardi matin.

Le Président (M. Trudel): Ah bon! D'accord.

M. Subirana: Excusez-moi, mais...

Le Président (M. Trudel): Non, vous éclairez ma lanterne. C'est moi qui avais mal compris.

M. Subirana: Oui.

Le Président (M. Trudel): Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Bacon: Merci, M. le Président. C'est une question de perception, je pense. Je reviendrai à ce que vous venez de nous dire quant à la perception que vous avez de nos commentaires depuis mardi. Les propos que vous avez tenus dans votre mémoire correspondent sûrement à plusieurs préoccupations qui ont été présentées à cette commission et qui touchent les problèmes vécus dans le milieu artistique. Qu'il s'agisse du dossier de la diminution des heures de travail ou de la situation économique, qu'il s'agisse aussi de négociations entre les employeurs et les associations professionnelles ou qu'il s'agisse aussi de conditions élémentaires, comme le cachet et les avantages sociaux qui déterminent le niveau de la qualité de vie économique des artistes, j'estime que la Guilde des musiciens de Montréal nous présente un bon portrait du vécu quotidien de ses membres. Si votre perception est que nous passons outre aux associations pour aller directement aux membres, vous avez aussi raison quand vous dites: Quand nous aidons les membres, nous aidons les associations. Je n'ai pas senti, dans nos propos, depuis le début des délibérations de cette commission ou des dialogues que nous établissons avec les gens qui viennent, un mouvement antiassociation de notre part. C'est tout ce que je vais dire là-dessus pour ce matin. Je n'ai pas à défendre quoi que ce soit puisque cela n'a pas existé. C'est peut-être une mauvaise perception, mais je voulais tout de suite dissiper cette perception que vous avez de nous.

En page 21... Avant d'aborder cela, il y a un sujet que vous abordez dans votre mémoire et que j'estime un sujet fort délicat, c'est celui des musiciens étrangers chez nous. Ce n'est pas la première fois que je l'entends, nous l'avons fait dans des discussions privées, là nous l'avons fait ouvertement. J'apprécierais quand même, au cours de notre échange de vues, que vous nous donniez votre point de vue sur les grandes lignes de notre politique d'immigration, par exemple, parce qu'elles tiennent compte de cela, ainsi que le rôle que vous voudriez voir jouer par le ministère

des Affaires culturelles dans ce domaine.

En page 18 de votre mémoire, vous réclamez d'ailleurs une nouvelle politique. Alors, j'aimerais que, en quelques mots, vous nous exposiez les grandes lignes en regard de votre secteur d'activité. (10 h 30)

M. Subirana: Pour le moment, nous avons, par exemple, des cas où des musiciens américains et français arrivent au Québec pour faire des tournées avec des artistes, certaines vedettes, parce que ces vedettes préfèrent peut-être des musiciens français avec qui ils ont travaillé en France ou des musiciens américains avec qui ils ont travaillé quelques jours aux États-Unis, quand on a des musiciens parfaitement capables de faire ce travail, ici chez nous.

On n'a aucune politique qui interdit à des musiciens étrangers de venir travailler pendant quelques jours et il n'y a aucune politique qui demande s'il y a des musiciens disponibles, chez nous, qui pourraient faire cela. Et s'il y a des politiques - parce qu'on a visité les gens qui s'occupent de cela au fédéral aussi - cela prend tellement de temps pour établir s'il y a des musiciens disponibles et pour faire des enquêtes pour voir si ces musiciens étrangers sont ici illégalement que l'engagement est perdu, et cela ne sert absolument à rien.

Cela m'a vraiment surpris et même choqué de voir que cela prenait de six à huit semaines pour savoir si un musicien étranger était ici illégalement ou non. Une fois qu'on déterminait qu'il était ici illégalement, la gendarmerie ou qui que ce soit ne travaillait pas les fins de semaine, les jeudis et les vendredis soir alors que les musiciens travaillent, on ne pouvait pas aller faire enquête. On a été surpris de constater qu'il fallait que le musicien travaille illégalement de 9 à 5, les lundis ou les mardis pour qu'on puisse l'arrêter.

Mme Bacon: J'avais posé la question à savoir quel rôle vous voudriez voir jouer par le ministère des Affaires culturelles. Est-ce que vous demandez au ministère des Affaires culturelles de jouer un rôle de leadership et de tenter de régler cette question avec les ministères concernés?

M. Subirana: Je pense que ce serait peut-être la façon idéale. Le ministère est peut-être en mesure de convaincre les gens concernés à l'immigration, que ce soit au fédéral ou au provincial, en disant: Voici les faits, voici ce que nos musiciens vivent, voici le taux de chômage, le manque d'emplois. Croyez-nous, cela prend des politiques d'immigration beaucoup plus sévères. Peut-être que, si vous le dites, ils vous croiront. Nous le disons. J'ai envoyé une lettre à l'immigration demandant combien de citoyens canadiens - non pas d'immiqrants reçus - avaient été engagés par nos orchestres canadiens en 1985. On m'a répondu qu'on ne fait aucune distinction entre les immigrants reçus et les citoyens, et on m'a quasiment traité de xénophobe. On m'a cité la Charte canadienne des droits et libertés et toutes sortes de choses.

Tout ce que je voulais savoir, c'est si les gens pour lesquels on dépense des millions de dollars pour la formation étaient engagés dans nos orchestres ou non. Je pense qu'il faut absolument sensibiliser ces gens de l'immigration au fait que nos musiciens sont sous-employés. Peut-être que si cela venait du ministère des Affaires culturelles, cela aurait une certaine force que je n'ai pas.

Mme Bacon: Quel serait l'impact de vos suggestions ou de vos recommandations dans le cadre du débat sur le libre-échange? Est-ce que vous l'avez évalué?

M. Subirana: On procède maintenant à des études. Avec l'aide de M. Marcel Masse et l'aide du secteur privé, on a formé une corporation à but non lucratif qui va faire des enquêtes et qui va demander des recherches. C'est très difficile d'évaluer quels seront les problèmes soulevés par le libre-échange. Je vous ai cité les chiffres de 20 000 musiciens américains qui venaient au Canada contre 3000 qui allaient aux États-Unis. Mais il y a tellement de secteurs. Il y aurait peut-être une amélioration nette là-dedans, mais, dans d'autres secteurs les commerciaux seraient-ils enregistrés à Montréal ou seraient-ils enregistrés à New York? Dans le secteur du films les trames sonores seraient-elles enregistrées à Montréal ou à New York?

Je ne connais pas vraiment l'impact, il faudra l'étudier davantage. Je sais seulement que cela nous inquiète et, évidemment, cela inquiète la presse.

Mme Bacon: En page 21 de votre mémoire, vous dites apporter votre soutien total au document présenté par l'Union des artistes sur le statut de l'artiste-interprète pigiste. Je vous poserai donc la même question que j'ai adressée à des intervenants qui vous ont précédés. Le projet de loi présenté par l'Union des artistes constitue-t-il, à vos yeux, une politique globale qui garantirait une protection complète à l'artiste ou si cette loi représenterait une partie de solutions aux problèmes rencontrés par les artistes-interprètes pigistes?

M. Subirana: Le statut, cela va peut-être régler quelques problèmes. Cela nous donnera peut-être une certaine force face a l'impôt, peut-être qu'au niveau juridique on aura certains avantages. Mais si la musique enregistrée et les musiciens étrangers continuent à nous envahir, si on continue a

farmer de jeunes musiciens sans qu'ils aient un endroit pour jouer, sans parler du fait que la vie de musicien et d'artiste est toujours difficile, je "pense que le statut va régler certains problèmes, mais cela ne va pas tout régler pour les musiciens. Cela va certainement aider.

Mme Bacon: Ma seconde question est également reliée à une dimension internationale. Pourriez-vous nous dire en quelques mots la position de la guilde en regard du vaste dossier du libre-échange? En fait, êtes-vous pour ou contre le libre-échange? Quel type d'interventions - parce qu'il va falloir faire des interventions -voudriez-vous voir s'enclencher en ce moment ou lorsque les discussions dépasseront le stade préliminaire? Il y a quand même un stade préliminaire. Ensuite, on va le dépasser pour discuter des dossiers globaux autant que sectoriels comme celui de la culture. Est-ce que parmi vos membres vous avez déjà fait des consultations? Est-ce que ce stade des consultations est franchi...

M. Subirana: Non.

Mme Bacon: ...ou si vous n'avez fait que des études préliminaires?

M. Subirana: On va commencer des études bientôt. On rencontrera justement M. Masse d'ici une dizaine de jours pour obtenir des fonds pour financer ces recherches. C'est très difficile de savoir à quel point le libre-échange va nous menacer parce que, justement, ce sont des échanges qui se font. Alors, on nous dit: On va vous donner ceci si vous nous donnez cela. On ne sait pas ce que les gens nous offrent. On sait seulement que le domaine culturel, d'habitude, est toujours très protégé. Je pense qu'il devra continuer à être protégé. Si les Américains, avec un bassin de musiciens dix fois plus grand que le nôtre, ont libre accès à nos orchestres et à nos studios d'enregistrement, je pense que, s'il y a une dizaine de musiciens américains qui se présentent versus un musicien québécois, le choix va certainement se porter sur un musicien américain. Cela nous inquiète. On le voit déjà à l'Orchestre symphonique de Montréal - ou de Québec - où il y a un poste pour basson. Il y a eu 75 demandes, une centaine de demandes même - j'en ai parlé, hier, à l'OSM - pour le poste de basson associé à l'orchestre symphonique. Il y a une vingtaine de demandes canadiennes; les autres proviennent des Américains. Alors, on fait face à cela. Si on a système total de libre-échange, on fait face à des chiffres dix fois plus élevés que les nôtres et cela m'inquiète.

Mme Bacon: Est-ce que cette situation est nouvelle ou si cela a toujours été comme cela? Ce n'est pas une situation nouvelle. M. Subirana: Les auditions?

Mme Bacon: Non, qu'il y ait des gens qui viennent d'ailleurs se joindre à l'orchestre. Ce n'est pas une situation nouvelle.

M. Subirana: Non. Cela a déjà été pire parce que, personnellement, cela fait quinze ans que j'écris des lettres partout pour qu'on soit encore plus sévère. Maintenant, on a établi des auditions de niveau canadien. Mais ce n'est pas nouveau, cela. D'ailleurs, 30 % des membres de l'Orchestre symphonique de Montréal sont d'origine étrangère.

Mme Bacon: Comme les discussions sur le libre-échange vont durer longtemps, je vais poser une question d'un autre ordre, si vous me le permettez. L'une des dimensions abordées dans votre mémoire - on pourrait peut-être dire que c'est relié aussi concerne la formation des jeunes musiciens. J'aimerais connaître votre point de vue sur le dossier. J'aimerais que vous nous parliez de la contribution de la guilde à la formation des musiciens, de votre implication.

M. Subirana: La guilde, justement, a contribué dernièrement à ce petit guide qui s'appelle "Vivre en musique", parce qu'on s'inquiétait - d'ailleurs, j'en ai parlé à Michel Brûlé - du fait que les jeunes musiciens ne soient pas du tout au courant de ce qui les attend. Il ne faut pas oublier que, lorsqu'on est un jeune musicien, on pense toujours qu'on va être le meilleur musicien du monde. Notre mère ou nos parents nous posent la question: Comment vas-tu vivre? Cela n'est pas important, je vais être le meilleur musicien. Ne vous inquiétez pas, papa et maman, je vais arriver à faire quelque chose. C'est seulement après deux ou trois ans de carrière que le pauvre gars se rend compte que, tout à coup, il ne peut pas gagner sa vie avec la musique. Mais je pense que, si les universités, les facultés de musique et les conservatoires étaient un peu plus conscients du marché auquel le jeune musicien va faire face, peut-être ils pourraient être un peu plus sévères dans leurs critères d'admission et peut-être dans leurs critères en général. C'est de cette façon, je pense, que la guilde pourrait contribuer en leur donnant une meilleure idée du marché, à ces écoles-là.

Mme Bacon: Est-ce que vous le faites en ce moment?

M. Subirana: Je l'ai fait personnellement comme professeur à l'Université de Montréal et au cégep Saint-Laurent pendant

des années. Je l'ai fait avec mes élèves et avec d'autres et je le fais de temps en temps comme membre du jury au conservatoire. Comme politique, à la guilde, on a collaboré, bien sûr, à l'étude sur le statut socio-économique, mais on n'écrit pas des lettres aux facultés de musique et au conservatoire en leur disant; Écoutez, arrêtez de produire tellement de musiciens. Qu'est-ce que vous faites? Non, nous n'avons pas fait cela encore. Je ne suis pas sûr que ce soit notre râle, mais on aimerait bien les sensibiliser à ce qui se passe.

Mme Bacon: Mais est-ce qu'il ne pourrait pas exister quand même un lien plus étroit entre la guilde et les employeurs?

M. Subirana: Un lien plus étroit entre la guilde et les employeurs?

Mme Bacon: Pour aider à la formation. Quand on pense à la formation de nos musiciens, à ceux qui ont envie de faire une carrière, premièrement, vous me dites que, en fait, vous ne contribuez pas à la formation des jeunes ou, au fond, à l'orientation de ces jeunes. Vis-à-vis des employeurs, vous ne le faites qu'à titre individuel, comme vous venez de le mentionner, comme professeur. Mais la guilde elle-même ne s'implique pas dans ce dossier de formation, d'orientation, de possibilité d'emplois.

M. Subirana: Oui, on s'implique dans la possibilité d'emplois. Justement, on se bat sans arrêt pour que la Place des Arts cesse d'utiliser des musiciens sur ruban et qu'elle adopte une politique, comme on avait pendant quinze ou vingt ans à la Place des Arts, d'employer plus de musiciens. On essaie de négocier des ententes avec tous Ies employeurs, que ce soit au Forum, que ce soit à Radio-Canada, pour promouvoir les musiciens. On ne leur montre pas comment jouer une gamme en si bémol, mais on fait tout notre possible pour qu'ils aient un endroit pour jouer leur gamme en si bémol. De cette façon, on s'implique directement dans la création et la protection des emplois qui restent.

Mme Bacon: Parce qu'en fait vous connaissez le marché.

M. Subirana: Eh bien...

Mme Bacon: II faut l'expliquer...

M. Subirana: ...on le connaît très bien, oui.

Mme Bacon: ...aux étudiants pour leur formation et pour qu'ils puissent avoir une place sur le marché. C'est un peu dans ce sens-là.

M. Subirana: Est-ce que vous permettez que M. Charbonneau...

Mme Bacon: Oui.

M. Charbonneau (Louis): Je suis un musicien professionnel. Je pense qu'il faudrait aussi constater que la majorité des professeurs qui enseignent professionnellement sont, évidemment, des musiciens de la Guilde des musiciens et participent très activement à la formation des jeunes. Évidemment, c'est un autre débat. Je pense qu'il y aurait certainement, du côté formation, une formation conforme aux réalités du marché d'aujourd'hui à faire, évidemment, dans nos institutions. Beaucoup d'entre elles ne se sont pas adaptées aux besoins d'aujourd'hui, n'est-ce pas? C'est très important et nous ne pouvons malheureusement pas pallier cette lacune.

Mme Bacon: Dans votre mémoire, à la page 7, vous évoquez les difficultés de la guilde à parvenir à des ententes collectives avec des employeurs. À quel pourcentage du marché pouvez-vous évaluer les employeurs récalcitrants, par exemple? Est-ce que vous avez des études ou des chiffres là-dessus?

M. Subirana: Non.

Mme Bacon: De manière générale, de quel type d'employeurs s'agit-il et quelles raisons donnent-ils pour refuser les contrats de la guilde? Il y a des raisons.

M. Subirana: Les propriétaires de clubs, par exemple, ce sont des gens qui n'aiment pas les documents et je suppose qu'ils n'aiment pas plus payer l'impôt ou le compte d'Hydro que de signer un contrat de la guilde. Ce sont des entrepreneurs et les formalités les gênent tout de suite. Quand ils voient qu'il faut non seulement payer mais qu'il faut aussi accepter les conditions indiquées sur le contrat de respecter ci et ça et payer les 7 % de la caisse de retraite, cela les gêne un peu. Alors, ce qu'ils font tout simplement, ils disent: Écoutez les musiciens, si vous voulez qu'on signe un contrat, parfait, on n'en signera pas, on engagera un autre groupe de musiciens. (10 h 45)

On n'a donc pas de statistiques pour savoir combien de fois cela arrive. On sait seulement qu'on fait face à des musiciens qui viennent nous dire: S'il fallait que je signe un contrat avec cet employeur-là, j'aurais perdu la "job". J'ai ma famille, il faut que je vive. Il refuse de signer un contrat et c'est pour cela que j'ai travaillé deux semaines sans contrat.

C'est un peu la même situation qu'à

l'UDA: le musicien se trouve dans une situation où, s'il ne signe pas de contrat, il va à l'encontre des règlements de la guilde et, s'il refuse de travailler là, il ne travaille pas. Combien de fois cela nous arrive-t-il, combien de travail est effectué sans contrat parce que l'employeur refuse de signer un contrat? Je ne pourrais pas vous le dire, mais cela arrive très souvent. Bien sûr, cela n'arrive pas à l'OSM. Les conventions à Radio-Canada, à Télé-Métropole et avec des employeurs bien connus, cela se fait de façon tout à fait normale, mais dans les bars, dans les enregistrements au noir qui se font, par exemple, dans un studio, dans un sous-sol, les gens disent: Si tu veux un contrat, on va engager quelqu'un d'autre. Avec 3000 musiciens, ils peuvent choisir.

Mme Bacon: Toujours à la page 7, au troisième paragraphe, vous mentionnez que de nombreux albums d'enregistrement sont, justement, produits sans contrat adéquat. Les tarifs de la guilde sont-ils établis en fonction du marché québécois, canadien ou américain? Vos collègues américains ont-ils les mêmes difficultés que vous pour négocier des contrats avec des employeurs? Est-ce qu'on peut retrouver les mêmes situations? Quels sont vos tarifs? Est-ce québécois, canadien ou américain? Est-ce qu'on peut comparer les situations?

M. Subirana: Oui. Des tarifs internationaux existent, c'est-à-dire si le disque est enregistré pour la distribution internationale, et il y a des tarifs canadiens qui sont peut-être d'une vingtaine de dollars moindre pour une session de trois heures. On a donc des tarifs canadiens. Aux États-Unis, les tarifs sont les mêmes que les nôtres, sauf qu'ils ne sont pas canadiens, bien sûr, ce sont des tarifs internationaux. Il ne faut pas oublier qu'avec l'échange cela représente des tarifs de 40 % plus élevés que les nôtres.

On a exactement les mêmes problèmes aux États-Unis. Les employeurs savent très bien que les musiciens, qui n'ont pas un revenu énorme, refuseront rarement 100 $ sous la table. Le musicien tromboniste, trompétiste ou violoniste ne dira pas: Écoutez, monsieur, je veux bien jouer dans votre orchestre, mais j'ai besoin d'un contrat de la guilde. Là, il sort du studio d'enregistrement fièrement avec ses règlements de la guilde et vient nous voir pour nous dire: Vous voyez, je viens de perdre 100 $, mais je vous appuie à 100 %. C'est très difficile. La plupart des musiciens ne peuvent pas refuser de faire ce travail-là. Je dirais donc que c'est un grand problème partout en Amérique du Nord et qu'au moins 50 %, et peut-être plus, des enregistrements de phonogrammes sont faits sans contrat.

Mme Bacon: Comment pouvez-vous comparer la situation des musiciens d'ici avec celle des musiciens en Angleterre ou en France,-par exemple?

M. Subirana: En France, on peut difficilement comparer cela parce que les associations qui représentent les musiciens n'existent pas dans le même sens qu'on les connaît ici. En Angleterre, c'est tout à fait similaire. Le British Musicians Union représente les musiciens en Angleterre. Je ne sais pas si vous le savez, mais l'Orchestre philarmonique de Los Angeles voulait donner trois concerts à Londres. Le syndicat britannique lui a interdit de donner un troisième concert parce qu'on a une limite de deux concerts par orchestre en Angleterre. L'orchestre ne pouvait donc pas donner un troisième concert.

Le Ballet Eddy Toussaint a joué le "Requiem" de Mozart. Cela prend une chorale, des chanteurs, un orchestre. Interdit de jouer avec des rubans, cela prend des musiciens. C'est une politique qui découle, je pense, non seulement de la volonté des musiciens - c'est officiel que les musiciens veulent jouer - mais, pour moi, d'une volonté du gouvernement de préserver la culture à Londres, qui oblige ces gens-là à prendre des musiciens "live".

Mme Bacon: Est-ce que les orchestres étrangers engagent des musiciens québécois et, si oui, comment se fait la sélection?

M. Subirana: Des orchestres étrangers?

Mme Bacon: On a parlé des musiciens étrangers qui viennent ici pour des engagements. Il y a sûrement des orchestres étrangers qui engagent des musiciens québécois.

M. Subirana: Cela arrive de temps en temps.

Mme Bacon: Comment se fait l'engagement des musiciens québécois à l'étranger?

M. Subirana: Par auditions. Il ne faut pas oublier que la Fédération américaine des musiciens n'interdira pas à un Canadien d'aller jouer aux États-Unis. Ce n'est pas la fédération qui les interdit. C'est l'immigration qui les interdit aux États-Unis. On m'a dit - c'est quelqu'un qui connaît le domaine très bien - que la première flûte à l'Orchestre de Cleveland est un jeune Québébois, que j'ai d'ailleurs entendu pour la première fois quand il avait quinze ans. C'est un excellent flûtiste. Il est première flûte à Cleveland. Cela leur a coûté plus de 5000 $ en frais d'avocat pour que ce gars-là entre à l'Orchestre de Cleveland. Il y a toutes sortes de "red tape", toutes sortes de

choses pour empêcher les musiciens. Ils peuvent aller auditionner et même, si on dit à Dorval, à l'immigration, qu'on va auditionner, on ne passera pas la frontière. Si on dit qu'on va suivre un cours, on passera la frontière, mais jamais si on va auditionner. L'orchestre lui-même ne va pas nou3 empêcher d'auditionner; la fédération non plus, mais l'immigration va nous en empêcher. Je peux vou3 dire tout simplement que c'est très difficile.

Mme Bacon: On a beaucoup entendu parler de professionnalisme à cette commission. Est-ce que vous pouvez nous dire si cette question préoccupe la guilde? Est-ce qu'il y a chez vous des critères de sélection assez rigoureux? Est-ce qu'il y a des catégories de musiciens? Est-ce qu'on peut dire qu'il y a des musiciens junior et des musiciens senior? Est-ce que vous avez des politiques qui concernent ce qu'on appelle la relève ou des mécanismes qui permettraient à un débutant de se faire connaître ou de démarrer dans le métier?

M. Subirana: Eh bien! Il est difficile de se préoccuper beaucoup de la relève quand nos musiciens ont tellement de misère à gagner leur vie. On a, disons, de temps à autre, des concours où on permet aux membres et aux non-membres de jouer pour que les gens de la relève se fassent valoir. Pour nous, un musicien professionnel, c'est simplement un musicien qui joue en respectant des conditions de la guilde qui détermine des conditions de travail professionnelles. Par exemple, il joue pour un certain cachet, il joue à certaines conditions et ce sont des conditions professionnelles. S'il veut jouer dans le métro, par exemple, pour 0,25 $ à toutes les quinze minutes, on ne le considère pas comme étant un musicien professionnel.

Mme Bacon: C'est un junior?

M. Subirana: Je ne sais pas ce que c'est.

Mme Bacon: II y a des junior et des senior.

M. Subirana: Ce serait très junior. Mais ce n'est pas nécessairement des jeunes qui jouent dans le métro. Mais est-ce que ce sont des musiciens professionnels? Je vous dirais que non, parce qu'ils ne sont pas assujettis, ils ne respectent pas des conditions de travail professionnelles, telles qu'on les a établies depuis 1897 et même avant.

Mme Bacon: Vous catégorisez vos musiciens.

M. Subirana: Non. On a seulement des membres en règle et des gens qui ne le sont pas.

Mme Bacon: Et vous vous préoccupez du professionnalisme.

M. Subirana: En ce qui concerne le respect de nos règlements qu'on considère comme étant des critères de professionnalisme. Par exemple, on n'arrive pas en retard à une répétition. C'est indiqué dans nos règlements. On ne parle pas...

Mme Bacon: C'est un code d'éthique, au fond.

M. Subirana: Pardon?

Mme Bacon: C'est comme un code d'éthique. Vous avez un code d'éthique.

M. Subirana: Exactement. C'est cela qui fait qu'un musicien de la guilde, s'il respecte les règlements, d'habitude, ne recevra aucune plainte à cause de son manque de professionnalisme.

Mme Bacon: Les corporations professionnelles, on a l'habitude de dire qu'elles jouissent d'un certain monopole, de certains avantages et, en contrepartie, elles ont aussi évidemment des obligations. À tout le moins, je reviens là-dessus, il y a votre code d'éthique. Quelles pourraient être les • obligations de la guilde? Quel serait son code de déontologie? Est-ce qu'on peut l'expliquer?

M. Subirana: Notre code, eh bien, c'est très difficile. On se considère comme des musiciens professionnels et on fait toujours notre possible pour assurer la meilleure performance, mais nulle part il n'est marqué que la meilleure performance, c'est cela qui nous préoccupe le plus. Quand on est artiste depuis le début de notre carrière, jamais on ne pense à jouer mal ou à jouer moins bien que toute notre capacité, que ce soit à l'orchestre symphonique ou que ce soit en jouant "Sweet Georgia Brown" dans un club de jazz. Cela nous passe jamais à l'esprit qu'on ne va pas faire notre possible, de notre mieux, quand on joue de notre instrument. Alors, on ne l'a pas écrit parce que c'est quelque chose qu'on ressent depuis qu'on commence à suivre des cours, très jeune.

Mme Bacon: Vous avez mentionné tantôt qu'il était difficile de se préoccuper de la relève. J'espère que je traduis bien ce que vous m'avez dit. Est-ce parce qu'il y a tellement de problèmes actuellement, des problèmes ponctuels, que c'est ce qui prend tout votre temps, toutes vos énergies et qu'on s'occupera de la relève une fois qu'on

aura réglé ces problèmes ou si on peut faire les deux à la fois?

M. Subirana: Comment voulez-vous qu'on explique à nos membres qui sont sans travail qu'un certain spectacle va se faire avec des jeunes d'une école secondaire ou d'un cégep, parce qu'ils ont besoin d'une certaine expérience pour jouer dans ce show, ce spectacle? Je suis bien d'accord pour dire que les jeunes ont besoin d'une certaine expérience, mais comment va-t-on justifier que ces jeunes jouent dans le spectacle, que ce soit à cachet réduit ou sans cachet, si nos membres n'arrivent pas à se trouver de l'emploi? C'est cela, notre problème. Je n'ai rien contre l'expérience pour les jeunes.

D'ailleurs, on a collaboré avec l'Orchestre des jeunes de Québec pour qu'ils jouent deux représentations de l'opéra "Le barbier de Séville". Cela a été une expérience formidable pour eux, mais ils l'ont fait au cachet de la guilde. Alors, on peut justifier à l'endroit de nos membres que ces gens se produisent à la Place des Arts dans de telles conditions. Mais, on a des spectacles amateurs et des spectacles partout. Aussi longtemps qu'on aura tellement de chômage, on ne pourra jamais justifier à nos gens que ces jeunes veulent le faire pour avoir de l'expérience, cela serait très difficile à justifier.

Mme Bacon: Merci. Oui, vous avez quelque chose à ajouter?

M. Demers (Louis): Si vous me permettez une intervention. On pariait beaucoup tantôt d'emplois pour des jeunes membres ou d'emplois de musiciens, des relations avec les producteurs dans le passé et présentement. On doit dire que notre expérience, en ce qui concerne certains types de producteurs, démontre que ces producteurs essaient de limiter au strict minimum leurs coûts de production, ce qui est bien normal, et donc de couper des musiciens.

Je pense que la très grande distinction qui peut exister entre l'UDA et la Guilde des musiciens, c'est que la Guilde des musiciens a actuellement un problème important en ce qui concerne la musique enregistrée. Je ne veux pas faire de négociation en commission parlementaire mais, quand même, il y a un point important à souligner, une question qui pourrait être réglée concrètement. À la Place des Arts, pendant de très nombreuses années, dix ou quinze ans, il y a de cela trois ou quatre ans, il y avait une entente entre la guilde et la Place des Arts. En vertu de cette entente, la Place des Arts voyait d'abord à ce que les cachets des musiciens soient encaissés par la Place des Arts qui les versait par la suite aux musiciens, donc une garantie de la perception des cachets, parce qu'il y a beaucoup de producteurs étrangers qui sont plus ou moins sérieux, plus ou moins solvables. Première des choses.

Deuxième des choses, la Place des Arts voyait également à ce qu'il y ait embauche de musiciens locaux dans le sens où, lorsque le producteur voulait louer la salle et voulait utiliser de la musique enregistrée, il y avait ce qu'on appelle - le terme est malheureux -des pénalités qui étaient imposées au producteur. Il pouvait s'en libérer soit en engageant les musiciens locaux effectivement, soit en engageant des musiciens en première partie du spectacle, des choses semblables, lorsqu'il voulait engager des musiciens étrangers ou prendre de la musique enregistrée.

Cela a été fait d'une façon très concrète dans le passé, pendant de nombreuses années. Cela a créé beaucoup d'emplois pour nos musiciens. À ce moment, par exemple - on pourrait donner des noms précis - il y a beaucoup de producteurs étrangers qui venaient avec des artistes français à la Place des Arts et qui n'amenaient pas leurs propres musiciens. C'étaient des musiciens locaux et ils s'en déclaraient satisfaits.

Or, cela a donc aidé beaucoup les musiciens à une certaine époque. À un moment donné, il y a eu une volonté politique, on l'a sentie dans le cadre de nos négociations avec la Place des Arts. On me dit que c'est la même chose au Grand Théâtre de Québec. Il y a eu une volonté politique de faire en sorte que les contrats ne seraient pas renouvelés. Il y a donc eu les pressions de producteurs et on a cru bon d'entendre les producteurs à ce sujet et peut-être pas suffisamment la guilde.

Autant, à l'étranger, les musiciens ont de la difficulté à aller travailler - on leur cause différents problèmes pour aller travailler soit en Angleterre, soit aux États-Unis - il nous apparaît qu'un organisme comme la Place des Arts devrait faire sa part à ce niveau et prévoir une entente avec la guilde en ce qui concerne l'utilisation, dans ses salles, de musique enregistrée ou l'emploi de musiciens étrangers. Cela serait extrêmement facile. Cela s'est fait pendant quinze ans. Cela aiderait énormément les musiciens de faire au moins cela concrètement et ce sont là des choses qui peuvent être faites rapidement.

Mais on a senti, il y a quelques années, une volonté politique de ne pas donner suite à ces ententes. Je pense que ce serait là un élément qui aiderait certainement la guilde.

Mme Bacon: Merci beaucoup.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques. (11 heures)

M. Boulerice: M. Landry, M. Subirana,

M. Demers, je suis heureux de vous revoir. Quant à vos collègues, heureux de vous rencontrer. Je sais que le temps passe et je voudrais ne pas faire d'introduction, mais aller droit au but. Vous avez parlé de la loi anglaise qui interdit d'utiliser de la musique enregistrée pour remplacer les musiciens. M. Demers vient de citer des cas. Il s'agit là, de la part des Anglais, d'une loi protectionniste. Nos voisins américains, d'ailleurs, n'hésitent pas a promulguer des lois protectionnistes quand il s'agit de protéger leur marché; on a des exemples récents, tout au moins dans le domaine de l'automobile.

Ceci pourrait peut-être nous amener dans une discussion sur le libre-échange qu'on n'aura pas aujourd'hui, mais, comme le disait Mme la ministre, on aura bien le temps de la faire. Il va falloir bien la faire, cette discussion, puisqu'à mon point de vue nos voisins consentiront un libre-échange dans la mesure où ce sera intéressant pour leur marché, non pas nécessairement pour le nôtre. Est-ce que vous souhaitez très nettement qu'il y ait au Québec une loi du même type que la loi anglaise? J'aimerais peut-être cela, avant que vous me donniez la réponse, si vous pouviez apporter un peu plus de détails quant à cette loi anglaise.

M. Subirana: Si vous le permettez, je ne suis pas sûr que ce soit une loi anglaise. Comme les Anglais ne sont pas forts dans les lois écrites, ils ont plutôt des traditions. Cela se peut que ce soit tout simplement une tradition. Bien sûr, cette tradition ne serait pas longue parce que la musique enregistrée n'existe pas depuis longtemps. Quand même, il y a trois orchestres symphoniques à Londres, il y a de nombreux théâtres et toutes sortes d'autres clubs et endroits. Ces musiciens sont bien organisés. Ils ont vu à protéger leur emploi. Je suis sûr qu'ils l'ont protégé avec l'aide du gouvernement. Je ne peux pas vous donner des détails.

Je sais tout simplement que, puisqu'on n'a pas de loi qui permet des redevances pour l'utilisation de la musique enregistrée, des "royalties", puisqu'on n'a pas cette loi pour les musiciens exécutants - on l'a pour les auteurs-compositeurs - il faudrait qu'on paie aux musiciens sur cet enregistrement quelques redevances, qu'on enregistre la musique au Québec et qu'on paie certaines autres redevances, ou qu'on engage des musiciens tout simplement et qu'on retourne à ce qu'on avait il y a dix ou quinze ans, c'est-à-dire beaucoup plus de musique "live". J'en ai joué souvent, moi, des ballets à la Place des Arts dans la fosse et, malheureusement, maintenant, on ne se sert, la plupart du temps, que de musique enregistrée.

Ces mêmes compagnies qui s'en servent à Montréal ne peuvent pas s'en servir ailleurs. Si cela prend une loi pour interdire cela, j'en serais bien heureux. Je comprends que le problème n'est pas simple parce que les compagnies de ballet, ce ne sont pas les compagnies les plus riches du monde. Les danseurs sont les gens les moins payés de tout le domaine artistique, je le reconnais. Quand même, il faudrait qu'on fasse quelque chose pour que les musiciens ne disparaissent pas complètement. C'est cela qui nous inquiète. Il faut faire quelque chose pour changer la direction que prend cette histoire de musique enregistrée.

M. Boulerice: M. Subirana, on fait allusion à cette loi ou à cette tradition anglaise. Est-ce que les coûts sont du même ordre au Québec qu'en Angleterre ou si c'est nettement moins cher en Angleterre qu'au Québec, ce qui leur permet de pratiquer cela?

M. Subirana: Les cachets des musiciens sont moins élevés en Angleterre. Par contre, je ne sais pas si les recettes des producteurs sont aussi plus basses. Je ne peux pas vous le dire. Je sais seulement que cela ne va jamais être moins cher de prendre des musiciens "live". Ce sera toujours plus cher. Je suppose que l'argent doit venir de quelque part. Les Grands Ballets canadiens se débrouillent très bien depuis des années avec des musiciens dans la fosse. Eux peuvent s'arranger pour avoir des vrais musiciens. S'il fallait subventionner d'autres compagnies de danse pour qu'elles puissent se permettre ce luxe ou ce prétendu luxe, eh bien, c'est peut-être cela qu'on devra faire.

Ce qui arrive, c'est que pour le moment il y a des compagnies de ballet qui le font, le Royal Winnipeg Ballet, le National Ballet of Canada et les Grands Ballets. Mais il y a d'autres compagnies qui ne le font pas. Il y a des compagnies étrangères qui viennent ici qu'on n'oblige pas à engager des musiciens même si elles le font dans leur pays. Je parle du Ballet de Hambourg. On l'a vécu il y a quelques années. À Hambourg, il y a toujours des musiciens, mais, quand cette troupe vient à Montréal, on lui permet d'utiliser de la musique enregistrée. Alors, est-ce qu'on est plus avancé ou moins avancé qu'en Allemagne?

M. Demers: Je pense que c'est une intervention de la Place des Arts elle-même qui pourrait voir au respect de ces droits minimaux. Il est absolument inconcevable qu'il n'y ait pas de musiciens locaux pour de tels orchestres. Ce n'est pas nécessairement une loi, cela peut simplement être fait par contrat. J'ai l'impression que c'est ce qui se passe en Europe. En Europe, le groupe ne peut pas arriver sans ses musiciens, mais, à la Place des Arts, cela se fait.

M. Boulerice: Vous vous êtes déclarés favorables au projet soumis par l'Union des artistes. Est-ce que vous pourriez m'indiquer quels sont les points principaux avec lesquels vous êtes en accord?

M. Subirana: Je n'en connais pas, de points. La proposition, c'est tout simplement que les artistes pigistes soient reconnus et aient un certain statut. Quand viendra le temps de formuler les clauses spécifiques et d'analyser de quelle façon cette loi va être rédigée, peut-être que le on arrivera à de petites différences, des nuances entre un musicien et un comédien. Pour le moment, dans tout ce que j'ai tu et entendu, nous ne voyons pas de raison d'être contre quoi que ce soit là-dedans.

M. Boulerice: D'accord. II est bien entendu que, plus le musicien va jouer, plus il va s'exécuter, plus, forcément, ses revenus vont augmenter. Cela va nous permettre d'arriver à vivre une époque intéressante, comme dans le proverbe chinois que vous citez dans votre mémoire. Parce que la question me préoccupe grandement, j'aimerais que vous traciez un portrait de la situation quant aux salles, pour la musique, dans la région métropolitaine.

M. Subirana: Je m'excuse, j'ai eu de la difficulté à vous entendre avec les coups de marteau.

M. Boulerice: C'est parce qu'il y a une commission sur les soins dentaires en haut. Il y a des foreuses et des perceuses qui perturbent nos travaux. Je vous demandais, puisque la question me préoccupe à un très haut point, de me dresser le portrait de la situation quant aux salles de concert à Montréal.

M. Subirana: La situation? Ce qui nous inquiète, c'est qu'on a des problèmes avec les salles. On a un problème de rapport de forces. Il y a des salles qui avaient des ententes pendant des années et qui favorisaient la musique "live". Maintenant, on a de la misère à faire valoir ces principes. C'est ce qui nous inquiète le plus dans les salles.

M. Boulerice: Ma question se situait sur un autre plan. C'était quant à l'existence, au nombre et à la qualité des salles.

M. Subirana: L'existence et le manque de salles. Si vous me demandez si je suis en faveur d'une salle pour l'orchestre symphonique...

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Subirana: ...la réponse est absolu- ment oui. J'aimerais aussi souligner que, si cette salle doit servir à la présentation de musique enregistrée, je ne suis pas tellement plus heureux que je ne l'étais avant. J'aimerais simplement vous dire que, d'après moi - je l'ai écrit à Mme Bacon - cette salle va créer d'autres emplois. Je ne sais pas ce que je peux dire d'autre. J'ai entendu l'orchestre symphonique à Boston, il y a quelques semaines. C'est évident que l'orchestre symphonique sonne beaucoup mieux dans une vraie salle. J'ai entendu l'Orchestre de Philadelphie, l'autre jour, à la Place des Arts. La Place des Arts a tendance à uniformiser tous les orchestres. C'est malheureux comme acoustique, mais cela n'a jamais été conçu comme une salle de concert, À mon avis, cela vaudrait vraiment la peine, cela créerait de l'emploi et cela donnerait à un de nos monuments culturels un endroit où l'on pourrait se produire avec le son qu'on connaît dans les enregistrements.

Mme Bacon: M. le député de Saint-Jacques, je pourrais suggérer que cette discussion se fasse devant le comité Goyer.

M. Boulerice: Si vous présumez que le comité écoutera, oui. Vous me permettez de continuer?

Le Président (M. Trudel): Je vous le permets; j'allais presque vous en donner l'ordre, cher ami.

M. Boulerice: Au contraire, c'est très pertinent à la discussion, M. le Président, puisqu'on discute du statut de l'artiste. C'est beau de donner des statuts, mais s'ils n'ont pas d'endroit où pratiquer, où exercer où exposer, je pense qu'on n'aura pas avancé dans le débat qui nous préoccupe.

M. Subirana, les cours qui sont donnés par les musiciens sont calculés sur une base horaire. Les montants qui proviennent des cours devraient, selon vous, être considérés comme des revenus de travailleurs indépendants, même si les autres professeurs de l'école ou de la faculté de musique sont considérés comme employés. Est-ce que cette mesure devrait s'appliquer à tous les artistes donnant des cours?

M. Subirana: S'ils donnent des cours sans un contrat de services qui stipule 52 semaines, neuf mois ou quelque chose comme ça, la plupart du temps - j'ai enseigné à plusieurs endroits - c'est basé sur un tarif horaire. On se trouvait dans la même situation qu'un musicien pigiste, sauf qu'on était un professeur pigiste. On n'était pas engagé tout au long de l'année comme les autres professeurs à la faculté. Les professeurs d'instruments, d'habitude, sont engagés de semaine en semaine. C'est

pourquoi cela m'inquiète un peu d'avoir un revenu qui, bien sûr, est nécessaire pour vivre. J'avais un revenu comme musicien professionnel et un revenu comme professeur. Pour ce revenu de professeur, il fallait que je paie l'impôt comme si je travaillais tout au long de l'année, ce qui n'était pas le cas du tout. Comme le disait M. Charbonneau, je payais de l'assurance-chômage, je payais toutes sortes de choses, mais je ne pouvais jamais en bénéficier.

M. Boulerice: Quelle différence faites-vous entre le professeur à la maison et celui dans une école?

M. Subirana: Je ne sais pas, je suppose que c'est plus ou moins la même chose. Un professeur dans une école reçoit peut-être un chèque d'une institution et un professeur dans sa maison enseigne à des particuliers. Quelquefois, les professeurs enseignent à leurs élèves de l'université à la maison. Quand ils sont très occupés, cela peut arriver aussi.

M. Boulerice: D'accord. J'avais une autre question. D'accord, je ne brûlerai pas vos questions, M. le Président. C'est le reproche que vous nous faites de vous les enlever toutes. Je vous remercie, M. Subirana.

Le Président (M. Trudel): Pour les besoins de l'histoire, je n'accuse personne de me voler des questions; je constate qu'en intervenant le troisième les meilleures questions sont déjà passées, ce qui est tout à fait normal.

J'aimerais revenir, M. le président, si vous me permettez, sur deux sujets qui me préoccupent beaucoup, dont on a déjà discuté. Encore une fois, à moins d'avoir mal entendu, l'impression que je retiens d'une réponse que vous avez donnée à Mme la ministre en ce qui a trait à la relève m'inquiète. J'ai l'impression qu'à la guilde -c'est vrai, vous l'avez dit vous-même - vous avez des problèmes quotidiens. Quand on doit défendre les intérêts de plusieurs milliers de membres qui vivent légèrement en dessus, sinon en dessous du seuil de la pauvreté, dites-vous, les problèmes de la relève viennent en second.

Pour moi, n'étant pas, comme vous, président d'un syndicat, les problèmes de la relève viennent en premier. J'aimerais vous entendre me parler d'un organisme qui a été formé justement pour préparer une relève au travail d'orchestre - c'est limité à l'orchestre symphonique, et c'est une expérience que je juge comme étant exceptionnellement réussie - soit l'Orchestre des jeunes du Québec. Voilà un exemple de relève. Je veux entendre parler de cette question plus à fond, s'il vous plaît.

M. Subirana: Quand l'Orchestre des jeunes s'est produit avec l'orchestre symphonique?

Le Président (M. Trudel): Non. Le phénomène de l'Orchestre des jeunes du Québec de façon générale.

M. Subirana: On est tout à fait en faveur et je pense que M. Charbonneau connaît très bien l'Orchestre des jeunes du Québec.

M. Charbonneau (Louis): Vous me permettez de répondre?

Le Président (M. Trudel): Avec grand plaisir, M. Charbonneau, allez-y. (11 h 15)

M. Charbonneau (Louis): Je pense que c'est une expérience qui est très probante. Cet orchestre aura bientôt dix ans. Je crois qu'à ce jour cela a donné d'excellents résultats. Ce qui manquerait peut-être maintenant, ce serait une politique globale de la musique. Ici au Québec, tout le monde travaille très bien, bien entendu, mais un peu dans son secteur individuel et il n'y a pas de directive maîtresse. Je crois qu'effectivement le ministère des Affaires culturelles du Québec devrait avoir une pensée maîtresse qui part de l'institution d'enseignement pour se terminer à la salle de concert. L'Orchestre des jeunes du Québec, qui est une excellente initiative, s'inscrit là-dedans. Les institutions d'enseignement s'inscrivent aussi là-dedans. Il pourrait y en avoir d'autres.

Je voudrais simplement, si vous me permettez de bifurquer sur la question, ajouter que je crois qu'une salle de la musique - je ne sais pas pourquoi on dit "essentiellement", peut-être parce qu'on pourrait éventuellement l'occuper beaucoup -qui servirait la musique, cela aussi s'inscrivant dans une politique globale, serait certainement une très bonne chose. Si vous me permettez une suggestion, je crois qu'on pourrait faire, par exemple, de la Place des Arts un théâtre lyrique. Je crois qu'on pourrait se permettre d'avoir un théâtre lyrique, de présenter de l'opérette, du ballet. Cela occuperait les différents secteurs des arts, cela donnerait du travail à des choristes, à d'autres musiciens. Il devrait y avoir un orchestre lyrique dans la fosse de la Place des Arts et des comédiens sur scène. Je pense que le gouvernement devrait - c'est une suggestion, c'est un souhait de ma part -avoir une politique globale pour englober tout cela.

Le Président (M. Trudel): Une dernière question pour ma part, le temps avançant et les organismes étant nombreux. À la page 7, au troisième avant-dernier paragraphe, vous

dites: "La production et l'utilisation immorales d'un produit..." Le mot "immorales" est fort. Je me demande comment on peut légiférer sur la moralité. Vous dites que tout cela peut être légiféré. Je m'adresse à l'avocat, je me demande si on peut légiférer sur la "moralité" entre guillemets.

M. Demers: On suppose que toutes les lois partent d'un principe, soit qu'on veut faire le bien, je suppose, et empêcher le mal. Je n'ai pas de commentaires particuliers à faire là-dessus. Je vous avoue que la question de droit d'auteur, évidemment, est un point intéressant pour la guilde, mais je n'ai pas de commentaires particuliers à vous soumettre là-dessus. Si c'est cela dont on parle, lorsqu'on parle d'utilisation...

Le Président (M. Trudel): La question que je pose au fond, c'est si vous faites allusion dans ce paragraphe à la Loi sur les droits d'auteur. Évidemment, on aura l'occasion d'en parler beaucoup cet après-midi, puisque nous recevons la plupart des sociétés de perception et des organismes intéressés par la protection des droits d'auteur. Cela ne me paraissait pas tellement clair. On parlait de légiférer sur la moralité ou l'immoralité. Je voulais avoir une explication.

M. Subirana: Peut-être que je pourrais répondre à cela. Lorsqu'on monte "le Sacre du printemps" à la Place des Arts et qu'on met un long-jeu de l'Orchestre philarmonique de Berlin jouant "le Sacre du printemps", pour moi, cela est immoral, parce que l'orchestre de Berlin ne touche rien, les musiciens de Montréal ne touchent rien. Moi, je trouve cela immoral, s'il était interdit d'utiliser des enregistrements d'orchestre, cela deviendrait illégal. Je serais beaucoup plus heureux. Pour le moment, je considère cela, à ma façon, immoral, parce que personne, pas un musicien ne touche quoi que ce soit pour cette production.

Le Président (M. Trudel): D'accord. Avant de céder la parole au député de Sherbrooke, je conclurai en faisant un bref commentaire sur la question de l'engagement ou du non-engagement des musiciens. On parlait des problèmes dans le domaine de la danse. À mon avis, tout est une question de juste répartition et d'équilibre. Vous avez donné surtout des exemples de grandes compagnies de danse qui, elles, pouvaient se permettre d'engager des musiciens, les plus petites ne le pouvant pas. Il restera au ministère des Affaires culturelles, à l'ensemble du gouvernement, je pense bien, de faire les arbitrages nécessaires. Mais cela me paraît être, d'abord et avant tout, une question d'équilibre. Il y a tant d'argent, espérons qu'un jour on en aura plus à consacrer à la culture. Il faut le répartir de façon aussi juste que possible entre tout le monde. Dans ce sens-là, je peux être d'accord avec votre position; je la trouve normale pour un homme dans votre position. Mais je me dis que ce n'est peut-être pas si facile à réaliser. Si on obligeait les compagnies de danse, pour reprendre précisément votre exemple, à engager des musiciens chaque fois qu'elles se produisent, il faudrait voir Mme la ministre pour avoir des budgets en conséquence. Je ne suis pas certain que, mettant de l'argent de ce côté-là, il ne faudrait pas aller, dans une période de compression, le chercher ailleurs. Alors évidemment, si vous me parlez d'une question d'idéal, je serais d'accord avec vous. Là-dessus, je cède la parole à M. le député de Sherbrooke.

M. Hamel: Merci, M. le Président. Mes questions concernent essentiellement la formation et ce sera bref. Vous aurez te temps d'arriver pour votre assemblée générale à 14 heures.

J'ai cru comprendre tantôt que vous n'étiez pas consultés de façon formelle par les facultés de musique, conservatoires ou écoles quant aux disciplines enseignées par ces écoles de formation. Est-ce que c'est exact? Est-ce que vous souhaiteriez être davantage impliqués dans ce type de consultation et comment verriez-vous cette consultation?

M. Subirana: En tant que professeur pendant quinze ans et connaissant plusieurs professeurs un peu partout en province, je pense que, si les facultés et les écoles de musique étaient plus conscientes des conditions de travail qui existent, elles pourraient aider leurs élèves, les membres de la guilde et tout le milieu musical à régler certains problèmes: le manque d'emplois dans certaines salles, le manque d'emplois un peu partout, les musiciens étrangers, les enregistrements, toutes ces choses-là. Cela devrait les concerner également parce que ce sont leurs élèves qui vont souffrir de ces choses. Je pense que là la guilde protège ses membres, bien sûr, et prend certaines mesures pour les protéger, etc. Quelquefois, c'est bien vu; quelquefois, c'est moins bien vu; cela dépend de la perspective. Mais si on est tous ensemble et qu'on dit: Écoutez, on dépense de l'argent pour former des musiciens, la guilde et les facultés de musique voudraient voir une augmentation des possibilités d'emploi. Alors, cela ajouterait un peu de poids à tout l'argument. C'est de cette façon que je pense que la guilde devrait s'impliquer.

M. Hamel: Est-ce que, d'après vous, il y a suffisamment d'écoles, de conservatoires

ou de facultés de musique au Québec?

M. Subirana: Suffisamment? Je dirais que oui.

M. Hamel: Est-ce que vous recommanderiez alors une forme de spécialisation de chacune?

M. Subirana: M. Charbonneau veut répondre. Il a 25 ans d'expérience au conservatoire.

M. Charbonneau (Louis): Si vous me permettez de répondre, je crois que ce qu'on a eu un peu tendance à faire à cause des programmes d'éducation, des critères, des diplômes et des choses de ce genre, c'est qu'on a tenté d'uniformiser l'enseignement. Par exemple, au moment où je suis entré au conservatoire, c'était assez sélectif, non pas sélectif dans le sens où vous étiez riche, pauvre, blanc, noir ou gris, mais sélectif dans le sens où vous aviez du talent et une possibilité de carrière professionnelle ou pas. Il y avait environ 145 ou 150 élèves que le directeur, M. Pelletier, ainsi que M. Vallerand et M. Champagne avaient très judicieusement choisis. C'était une école spécialisée. C'était une école de formation, par exemple, dans mon cas, pour des musiciens d'orchestre. Nous ne faisions pas autre chose que l'instrument de notre spécialisation. Nous n'allions pas à l'école, nous n'apprenions pas le français, ni l'arithmétique ou je ne sais trop quoi. On nous donnait tout simplement un diplôme comme quoi, à la fin, vous aviez eu un premier prix, un deuxième prix ou pas de prix du tout. On ne vous donnait pas de papier à ce moment-là.

Maintenant, avec le progrès de notre système d'enseignement - je ne crois pas que ce soit un progrès - on a généralisé cet enseignement dans toutes les institutions. Que vous alliez à l'Université de Montréal, à l'Université de Sherbrooke ou au conservatoire, etc., c'est devenu des cégeps. On fait un tas de choses, ce qui est très valable en soi mais il n'y a pas vraiment de spécialisations. Si vous prenez un instrumentiste, par exemple, qui doit se spécialiser, la moyenne de travail qu'il doit faire dans une journée pour être vraiment très bon sur son instrument, c'est entre huit et douze heures. Je ne vous conte absolument pas de blague, je vous l'assure.

Dans le système présent d'éducation, cela devient très difficile parce que, évidemment, il y a toutes sortes d'autres choses qui se greffent à cela pour le diplôme des études collégiales, le diplôme de çi, le diplôme de ça. On manque peut-être en ce moment, c'est mon humble avis, d'écoles un peu spécialisées, autant dans l'orchestre symphonique, autant que dans certains autres domaines comme le disque commercial, parce que c'est aussi une musique fort valable, qui doit être faite à un très haut niveau professionnel.

Il y a beaucoup de nos jeunes qui vont notamment à Boston, à Berklee Institute, qui se spécialise dans la musique commerciale, ce qu'on appelle du jazz, etc., faire de la musique de studio. Ils passent deux ou trois ans là-bas, chose que nous devrions normalement avoir ici. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Hamel: Très bien! Merci, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Mme la députée de Vachon.

Mme Pelchat: Aux pages 11 et 12 de votre mémoire vous faites allusion à la santé et à la sécurité du travail des musiciens. J'aimerais que vous précisiez les problèmes auxquels font face les musiciens quant à la santé et à la sécurité et si vous voyez des solutions à suggérer peut-être à la CSST.

M. Subirana: Le problème, c'est que les musiciens peuvent travailler pendant cinq ou dix ans et tout à coup être malades pendant un mois ou se faire mal au doigt, quelque chose qui n'empêcherait pas une personne normale de travailler mais, pour un musicien, bien sûr, c'est fini. Ils n'ont aucune sécurité, à moins d'avoir une police d'assurance indépendante qui ne couvre pas toujours le problème parce que la plupart du temps si on est capable de faire autre chose on n'est pas couvert par ces compagnies d'assurances.

J'aimerais voir un système d'assurance-maladie ou chômage pour qu'un musicien qui a travaillé pendant X nombre d'années, qui a contribué - donc, pas n'importe qui - puisse toucher quelque chose dans le cas d'une catastrophe plus ou moins grave qui l'empêcherait de gagner sa vie pendant un, deux ou trois mois. Ce sont des choses comme cela. N'étant pas expert dans ce domaine, je ne peux pas vous dire de quelle façon, de quel critère...

Mme Pelchat: Est-ce que la guilde a entrepris des pourparlers avec la CSST pour voir une telle chose se réaliser?

M. Subirana: Non, pas pour le moment.

Mme Pelchat: Si vous me le permettez, il y a une autre chose dans votre mémoire qui m'a un peu étonnée. J'aimerais que vous m'expliquiez. À la page 13, pour vous citer, vous dites: "Même au sein de l'Orchestre symphonique de Montréal, les revenus provenant de ce travail ne sont pas suffisants pour permettre aux musiciens de vivre décemment."

M. Subirana: La plupart des musiciens à l'orchestre symphonique enseignent. Ils font du travail à la pige également parce que ce sont peut-être les musiciens les mieux payés mais il ne faut pas oublier que ces musiciens qui ont consacré toute une vie à préparer leur instrument doivent...

Mme Pelchat: Vous dites que le salaire qu'ils gagnent à l'Orchestre symphonique de Montréal n'est pas suffisant pour qu'ils en vivent?

M. Subirana; J'aurais dû dire: Pour un musicien de ce niveau-là, parce que c'est évident qu'un musicien de l'orchestre symphonique gagnera à peu près 30 000 $ minimum. C'est pas mal mais il faut s'acheter un violon de 50- 000 $ pour le faire, avec un archet de 5000 $. Il faut travailler beaucoup plus que les heures que répète l'orchestre symphonique. Je dois vous dire que le musicien de l'orchestre symphonique est peut-être un des musiciens les plus payés. Si on compare cela à d'autres domaines, ce n'est pas vraiment extraordinaire comme rémunération. Vivre décemment, ce n'est peut-être pas l'expression parce qu'à 30 000 $ par année on ne crève pas de faim tout à fait. Quand même, pour maintenir ce poste-là, cela prend de l'équipement très cher et beaucoup de musiciens ont de3 hypothèques sur leur violon. C'est comme cela qu'ils les paient.

Mme Pelchat: Merci. M. Charbonneau aimerait...

Le Président (M. Trudel): Assez rapidement, M. Charbonneau, s'il vou3 plaît. (11 h 30)

M. Charbonneau (Louis): Ce sera très court. Je voudrais simplement ajouter qu'il faut que vous sachiez qu'un musicien qui entre dans un orchestre symphonique, que ce soit à l'arrière d'une section de violons, quelque chose comme cela, a un minimum de quinze années d'étude et de travail derrière lui. Les gens qui font ce genre d'étude, qui y passent dix ou quinze ans de leur vie, qui se consacrent à une étude, ce sont habituellement des architectes, des médecins, des professionnels. Je pense que vous pouvez établir un peu la différence de relation entre l'investissement et le revenu.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Trudel): M. le député de Viger, une dernière et très brève question.

M. Maciocia: Oui, M. le Président. Ma question concerne un problème que vous n'avez pas touché dans votre mémoire, probablement parce que cela concerne davantage les compositeurs que vous. Comment interprétez-vous l'absence quasi entière d'oeuvres canadiennes, particulièrement du Québec, aux programmes des orchestres du Québec? Est-ce à cause d'un manque de volonté, d'un manque de public, d'un manque de compositeurs ou pour d'autres raisons? Deuxièmement, est-ce que vous faites des pressions auprès des orchestres, comme l'Orchestre symphonique de Montréal, pour que ce problème soit réglé?

M. Subirana: Eh bien, personnellement, comme membre du conseil du Centre de musique canadienne, je fais mon possible pour promouvoir la musique canadienne partout, à l'orchestre symphonique et partout au Canada et à l'étranger. Comme musicien à la pige, j'ai joué à la Société de musique contemporaine pendant quinze ans aussi pour promouvoir la musique canadienne un peu partout. Mais la guilde n'impose pas un choix de programmation aux organismes tels que l'orchestre symphonique ou qui que ce soit. Je me sentirais un peu mal à l'aise d'aller voir M. Mehta, à l'OSM, pour lui dire: Écoutez! Cela fait deux semaines qu'il n'y a pas eu d'oeuvre canadienne. Le Centre de musique canadienne peut faire cela et je m'implique de cette façon comme président de la guilde, mais la guilde elle-même n'a pas de politique concernant les oeuvres, mais seulement concernant les exécutants.

M. Maciocia: Comment interprétez-vous ce manque?

M. Subirana: C'est simplement une opinion personnelle. Je dirais que les gens qui s'occupent de la programmation pour n'importe quel orchestre voient à remplir la salle, premièrement, à faire appel au public, à satisfaire les demandes d'un public. Peut-être pensent-ils que la musique canadienne est un peu difficile à écouter. Je ne sais pas, ils préfèrent la cinquième symphonie de Beethoven plutôt qu'une oeuvre de Morel ou de Mercure. Je peux vous dire tout simplement qu'à l'Orchestre symphonique de Montréal, dans mes discussions avec eux à ce sujet, les gens sont très sensibles au besoin de programmer de la musique canadienne. Ils ne le font peut-être pas souvent, mais cela les inquiète un peu. Alors, ils sont sensibles à ce sujet. Malheureusement, je suis placé dans une position pour demander une augmentation de cachets, mais pas un changement dans la programmation de l'OSM. Un jour, peut-être, on ne sait jamais.

M. Maciocia: Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Viger.

Messieurs, il ne me reste plus qu'à vous

remercier de vous être prêtés à cette intéressante période de questions et réponses. C'est un échange de vues qui, je pense, a été fructueux et qui nous permettra de voir que, de part et d'autre, on a beaucoup de choses à faire pour améliorer le statut de l'artiste et du créateur. Soit dit en passant, je me permets de saluer un de mes électeurs que j'ai aperçu tantôt. Je pensais le voir à vos côtés puisqu'il est chargé du fonds de retraite, M. Léo Desmarchais. Il me fait plaisir de vous saluer, M. Desmarchais.

Messieurs de la guilde, au plaisir de vous revoir.

M. Subirana: Merci beaucoup à tous.

Le Président (M. Trudel): Nous suspendrons nos travaux à 12 h 30 mais, d'ici là, nous suspendons pour trois minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 34)

(Reprise à 11 h 41)

Association des organismes musicaux du Québec

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plattl La commission, après une suspension de quelques minutes, reprend ses travaux en recevant, cette fois-ci, une toute nouvelle association, l'Association des organismes musicaux du Québec, représentée par M. Hun Bang et par Mme Yvonne Goudreau, je pense.

Mme Goudreau (Yvonne): Oui. De l'Atelier de l'opéra.

Le Président (M. Trudel): De l'atelier lyrique de l'Opéra de Montréal, en effet.

Mme Goudreau: C'est cela.

Le Président (M. Trudel): Alors, bienvenue à la commission, madame, monsieur. Je vous cède immédiatement la parole. Nous avons ensemble jusqu'à vers 12 h 30. Allez-y, M. Bang.

M. Bang (Hun): Comme c'est un organisme qui vient de naître, il est très important que je vous explique un petit peu cet organisme. L'Association des organismes musicaux du Québec a été formée pour promouvoir et défendre les intérêts communs. Cette association tend à réunir les organismes musicaux qui sont actifs dans la production, la promotion, l'édition et la formation professionnelle.

Pour vous donner un petit aperçu des groupes qui ont déjà assisté à nos réunions, je voudrais vous en nommer quelques-uns: l'Orchestre sym phonique de Montréal, l'Orchestre métropolitain du Grand Montréal, l'Orchestre des Jeunes du Québec, Jeunesses musicales du Canada, Centre de musique canadienne, Concours international de musique de Montréal, Concours de Musique du Québec Inc., Société de Musique Contemporaine du Québec, Les Événements du Neuf, Opéra de Montréal, Les Nouvelles Variétés lyriques, Les orchestres de chambre I Musici, l'Orchestre de Chambre McGill, Pro-Musica, L'ensemble vocal Tudor de Montréal.

Nous allons continuer à solliciter leur participation, dans le sens que tout le Québec participe à cette association nouvellement formée qui, en fait, est une première dans l'histoire du Québec. Beaucoup de gens nous reprochaient toujours de tirer la couverture chacun de notre côté. C'est la première fois que nous sommes réunis et que nous commençons à discuter pour venir en aide à l'autre qui est en difficulté, pour régler un problème, donner des conseils. Je pense que cette association a un avenir immense.

Quand nous avons reçu une invitation de présenter un mémoire en commission parlementaire... Étant un organisme qui vient de se créer, nous sommes seulement trois personnes dans l'exécutif. Comme vous le voyez aujourd'hui, le président et le secrétaire n'ont pas pu assister à cette présentation. Mais il était essentiel pour nous de se faire valoir un petit peu en présentant le mémoire que vous avez déjà lu. C'est très court. On n'a pas pu mettre tout ce qu'on voulait y mettre.

Le statut de l'artiste est tellement important. Une des conditions essentielles à l'amélioration du statut de l'artiste réside dans une reconnaissance publique et générale de la contribution de l'artiste à la société. Même si les artistes doivent voir à leur promotion, les grands réseaux provinciaux et nationaux doivent concourir à mieux sensibiliser le public à l'importance du rôle des artistes et des créateurs sur la qualité de la vie au pays.

L'éducation musicale ou l'éducation artistique constitue un élément vital dans le développement et l'appréciation de l'apport des artistes et des créateurs d'un pays. Il faut donc soutenir et encourager les enseignants à se faire les porte-parole de la culture de notre pays. Qu'il y ait une présence accrue de toute forme d'art dans les écoles. Ce point de vue me tient vraiment à coeur. Qu'il y ait une véritable concertation entre les ministères des Affaires culturelles et de l'Éducation. Enfin, que les programmes de musique soient établis avec une vision élargie du répertoire et une imagination éclairée. Comme vous le savez, il y a certaines écoles qui ne donnent aucun cours de musique. Je suis chanceux parce que mon garçon va à une école où se donnent des cours de musique actuellement;

je lui fournis du matériel comme musicien souvent.

Surtout, nous voulons qu'il y ait cette concertation entre MAC et MEQ, pour mieux informer les artistes sur les différents débouchés de la profession musicale. Que des bourses de perfectionnement, de soutien aux artistes soient offertes en plus grand nombre. Une chose très importante aussi que nous voulons souligner, c'est un programme de recyclage pour les artistes. Il y a certains musiciens qui sont conscients de leur valeur; ceux qui en ont les moyens s'assurent. Les instrumentistes assurent leurs doigts, ce qui leur coûte une fortune.

On prévoit ce programme de recyclage de plusieurs façons, mais on pense uniquement en fonction d'un instrument dans les cours qui se donnent soit au conservatoire, soit dans les facultés. Combien de musiciens sortent de ces institutions et ne savent pas quoi faire de leur savoir-faire? Jouer seulement d'un instrument, savoir jouer... Si on leur donnait un aperçu de ce que c'est que d'administrer un groupe de musique, d'administrer un budget pour une tournée, d'apprendre ce que cela prend pour se présenter en concert ou en spectacle, ce qu'on appelle fréquemment la régie, cela donnerait éventuellement à ces jeunes qui sortent de l'école... Cela pourrait leur être très utile et même les assurer d'un certain revenu.

Nous avons parlé un peu des salaires et cachets. Je viens d'assister à la discussion entre la Guilde des musiciens et vous. Cela me fera plaisir de répondre à certaines de vos questions tout à l'heure là-dessus. À la Guilde des musiciens, un comité des tarifs existe et est formé des directeurs qui sont élus par les membres. Le conseil d'administration forme un sous-comité des tarifs, dont j'ai fait partie pendant trois ans. Ses représentations ne sont pas suffisantes. Dans notre mémoire, nous parlons du comité des tarifs de la Guilde des musiciens qui contrôle les tarifs minimaux des activités musicales à Montréal. Il est vrai qu'il y a des représentants des producteurs, des musiciens concernés, parce qu'un musicien qui est facteur dans la vie, qui travaille au bureau de poste et qui le soir, pour s'amuser, s'en va jouer dans un club est considéré actuellement au même niveau qu'un musicien qui a 18 ans d'études. On ne peut comparer les tarifs pour un engagement dans ce genre de club et les tarifs pour un concert symphonique, par exemple. Nous aimerions même qu'il y ait des économistes qui soient consultés. C'est le manque de travail actuel qui est un gros problème pour les artistes, surtout les musiciens, artistes, créateurs et chanteurs.

Nous avons parlé aussi, dans notre mémoire, d'un régime privé d'assurance-salaire. Comme vous le savez, en Europe et surtout en France, il y a un RIPS, ce qu'on appelle l'assurance-salaire, un système qui existe. Tout le monde qui travaille dans le monde du spectacle a un revenu annuel garanti. Ceux qui ne travaillent pas n'y sont pas admissibles. Ceux qui travaillent, les jours où ils ne travaillent pas, ils peuvent être assurés de toucher un certain salaire. Nous avons discuté énormément, quand on a parlé d'assurance-salaire, de cette fameuse taxe d'amusement. On ne peut croire, 3i pour jouer au bingo ou aux boules on perçoit une taxe d'amusement, qu'on perçoive également une taxe d'amusement pour un concert symphonique. Cette assurance-salaire peut permettre à des musiciens qui tombent malades, qui n'ont aucune garantie... Des violonistes qui ont des problèmes de tendinite, qui ne peuvent pas jouer pendant six mois, n'ont aucun recours. Nous avons vu récemment, à l'Opéra du Québec, un cas que je dois vous mentionner. Christine Lemelin devait jouer le rôle de Carmen; elle est tombée malade. Donc, elle a travaillé peut-être pendant six mois à préparer ce rôle mais, comme elle est tombée malade, elle n'a aucun salaire. Pour nous, il est très important que cette commission se penche sur la possibilité d'une assurance-salaire pour les musiciens, les chanteurs, les artistes autonomes.

On nous a invités à donner une opinion sur les conventions de travail. Nous avons écrit que le syndicalisme de l'ère moderne devrait être innovateur. Je n'entrerai pas dans les détails pour le moment en ce qui concerne les conventions de travail. Les artistes ont besoin d'aide - je ne sais pas d'où cela peut venir - pour promouvoir... Ensuite, les producteurs ont également besoin d'aide. Les créateurs, les gens qui travaillent actuellement, n'ont pas réellement besoin d'une association syndicale. Ce qui se passe présentement, c'est que toutes nos conditions de travail sont administrées et dictées par l'association professionnelle. Les musiciens ne sont pas vraiment gagnants, actuellement.

Dans le mémoire, il y a un côté qu'on a mentionné, mais sur lequel on n'a pas insisté énormément, c'est la formation et le perfectionnement. Voir comment on peut arriver à résoudre le problème de la relève, cela nous tient à coeur.

Je voudrais juste demander la permission d'intervenir comme personne indépendante et non comme représentant de l'Association des organismes musicaux. Comme je suis le fondateur et le directeur général de l'Orchestre métropolitain, j'aimerais seulement souligner certains faits. L'Orchestre métropolitain est d'une qualité remarquable maintenant. Cela ne s'est pas fait en une journée. Depuis 1979, nous avons travaillé. Le résultat: l'orchestre a embauché 32 anciens membres de l'Orchestre des jeunes du Québec. Cela a été un des débouchés

que nous cherchions. Cela me fait grand plaisir de répondre à M. le député de Viger qui a posé une question tout à l'heure au président de la guilde qui n'a pas pu répondre. J'aurais tellement voulu qu'il réponde fièrement à votre question. Cette année, l'Orchestre métropolitain a créé neuf oeuvres québécoises en première mondiale. L'Orchestre métropolitain a interprété 30 oeuvres québécoises et canadiennes, cette année. C'est grâce au ministère des Affaires culturelles. Actuellement, l'Orchestre métropolitain est subventionné uniquement par le ministère des Affaires culturelles. Cela me fait grand plaisir de vous mettre au courant de ces faits. C'est très important qu'il y ait quelque part un groupe, sans penser peut-être à rentabiliser la salle... Notre série contemporaine a un succès fou. Il y a une clientèle; donc, nous sommes encouragés.

J'aimerais bien qu'on aborde un peu le problème de tarifs aussi. Pour le moment, je vais attendre vos questions et, à la suite, peut-être...

Le Président (M. Trudel): Merci, M.

Bang. Je demanderai à la ministre des

Affaires culturelles de poser les premières questions.

Mme Bacon: Je dois vous remercier, M. Bang et madame, d'être venus nous rencontrer. On sait que votre organisme est un nouvel organisme et qu'il est toujours difficile de se plier aux exigences d'une commission parlementaire. J'aimerais vous remercier pour le travail de réflexion que vous avez fait. On retient de votre mémoire une volonté de promouvoir et de défendre Ies intérêts communs de vos membres.

Par surcroît, on remarque aussi que vos propositions portant sur la promotion et la formation professionnelles auraient des incidences non seulement chez vos membres, mais sur la qualité de la vie culturelle dans son ensemble. Je n'ai pas l'habitude de parler d'un organisme en particulier, mais, comme vous avez mentionné l'Orchestre métropolitain du grand Montréal, je dois dire que j'ai assisté à quelques reprises à vos concerts, comme vous le savez, et j'ai été agréablement surprise de la qualité du travail et de ce désir d'excellence de la part de vos musiciens. Je dois vous en féliciter. En fait, c'est vrai qu'il y a des oeuvres québécoises qui ont été jouées par votre orchestre. On dit souvent qu'on prend des risques quand on joue des oeuvres québécoises, je pense que vous avez eu la main heureuse quant à ce que vous avez fait avec l'Orchestre métropolitain du grand Montréal; c'est une relève pour l'Orchestre des jeunes. Il y a différentes étapes à franchir dans une carrière, et il y a de la place pour les différents orchestres que nous avons à

Montréal.

En page deux de votre mémoire, vous suggérez qu'il y ait une véritable concertation entre les ministères des Affaires culturelles et de l'Éducation afin que les programmes en musique soient établis avec une vision élargie du répertoire et aussi une imagination éclairée dans les moyens à mettre en place pour rendre actif et profitable cet éveil aux arts.

J'aimerais vous entendre sur ce que vous jugez comme étant inadéquat dans le système actuel. J'apprécierais aussi recevoir une ou des suggestions de votre part quant aux moyens qui pourraient être mis en place pour répondre aux besoins.

M. Bang: Actuellement, ce à quoi nous assistons dans les écoles... Les enfants suivent des cours de physique. Mon garçon aime beaucoup et la physique et la musique. Au niveau de la musique, nous avons tenté d'intéresser le ministère de l'Éducation en participant à certains projets. Quand nous avions un projet de disque pour les enfants, par exemple, nous aurions aimé que le ministère de l'Éducation participe à sa réalisation. II l'a fait, je suis d'accord, pour Passe-Partout, mais pour d'autres projets... Le ministère de l'Éducation devrait attacher de l'importance à l'éducation musicale, non seulement à l'écoute musicale. Il n'existe pas vraiment de politique en ce sens.

Le ministre de l'Éducation n'invite pas les organismes musicaux à faire valoir leur savoir-faire dans les écoles. Nous aimerions que le ministère des Affaires culturelles puisse fournir une aide à ces organismes. Il y a beaucoup de théâtre qui se fait dans les écoles, il y a beaucoup de groupes de danse, de folklore, des mimes,, mais, pour que la musique soit donnée dans les écoles, pour que les élèves assistent à des concerts, cela demande des négociations très longues et, parfois, nous n'arrivons pas à conclure une simple entente.

Donc, ces organismes sont subventionnés par le ministère des Affaires culturelles et la rentabilité d'organismes aussi importants est reliée à l'éducation des enfants. Il est sûr que nous demandons vraiment, dans ce sens, une concertation étroite entre deux ministères.

Mme Bacon: C'est ce que vous jugez inadéquat dans le système actuel.

M. Bang; Dans le système actuel, d'après nous, il n'y a aucune collaboration entre les différents niveaux. (12 heures)

Mme Bacon: À la page 5 de votre document, vous ne croyez pas que les syndicats et les associations professionnelles existantes soient une solution. Mais vous estimez que les regroupements d'artistes

devraient être encouragés et aidés à se valoriser. Est-ce que l'exemple que vous donnez avec la Guilde des musiciens en page 6 du mémoire, est généralisé ou s'il peut être vu comme un cas d'exception?

M. Bang: Je vais répondre de deux manières. Pendant trois ans, j'ai fait partie du conseil d'administration de la guilde dont j'étais un membre élu. Nous avons eu beaucoup de demandes de jeunes qui voulaient former un ensemble. Je vous donne un exemple: I Musici de Montréal sont venus faire une demande de cachet inférieur au cachet minimum de la guilde. Ils ne l'ont jamais obtenu. La politique de la guilde, une association professionnelle et non pas un syndicat, est de protéger les acquis; autrement dit, le cachet minimum. Actuellement, cela concerne énormément l'orchestre métropolitain parce qu'on a une dispute concernant une convention collective que la guilde avait acceptée. Les musiciens doivent voter là-dessus. S'ils votent à l'unanimité, je pense que cela devrait être accepté par une association professionnelle.

Le cachet minimum de la guilde - cela peut éclairer les questions qui ont été posées - est de 99 $ actuellement pour un musicien. À New York, c'est 52 $. Au Québec, on est 6 000 000. La population qui assiste aux concerts à Montréal n'est même pas de 100 000 personnes. Pour rentabiliser un spectacle, les producteurs sont obligés de couper. Nous avons assisté au débloquement de "Casse-Noisette". On appelle cela un débloquement parce qu'ils sont allés... J'ai joué pendant neuf ans pour "Casse-Noisette". On a commencé avec 65 musiciens; on est rendu avec 42 musiciens maintenant. Il y a des micros sur les violons pour amplifier le son. Il y a dix ans, le cachet de la guilde était peut-être acceptable pour les producteurs. Mais la guilde a augmenté chaque année les cachets. Donc, les producteurs, chaque année, ont retranché un ou deux musiciens. Je ne connais aucun organisme actuellement qui puisse se payer le luxe d'avoir 60 musiciens sur la scène ou dans la fosse d'orchestre. Durant les années soixante et soixante-dix, la musique était prospère. Il y avait beaucoup de spectacles et beaucoup de vedettes internationales sont venues à Montréal. Durant les années soixante-dix, il était facile de voir Shirley McLaine utiliser 35 musiciens sur scène, Sammy Davis Jr, 40 musiciens; c'était très facile. Maintenant, depuis 1980, les seuls orchestres qui ont eu constamment plus de 60 musiciens sont l'OSM et l'Orchestre métropolitain.

Dans ce sens, une association professionnelle comme la guilde n'est pas une solution pour nous actuellement. L'année prochaine, on va répéter le même exercice. Le cachet va augmenter, le coût de production va augmenter, le producteur va retrancher un autre violon. C'est le seul pays que je connaisse - quand même, je voyage beaucoup - où on puisse monter le ballet "Casse-Noisette" avec 28 musiciens. La musique de Tchaïkovski est jouée par un si petit nombre...

Les musiciens qui travaillent, c'est sûr, sont d'accord avec l'augmentation de leurs salaires, bien sûr. Mais ceux qui ne travaillent pas ou qui viennent d'être coupés, ils ne sont pas d'accord avec ces tarifs. La guilde a 3000 membres. Les musiciens qui travaillent, sont 300? Cela fait 10 % environ qui peuvent prétendre qu'ils sont des musiciens professionnels. Je ne pense pas qu'on peut prétendre être musicien professionnel si on ne peut pas gagner sa vie dans le système actuel. C'est dans ce sens-là que nous avons écrit dans notre mémoire que ce n'est pas une solution.

Mme Bacon: Vous venez de parler de cachet ou de tarif. Est-ce qu'il doit y en avoir, d'abord? Et si oui, comment voyez-vous l'établissement des tarifs en ce qui concerne les musiciens et sur quelle base, sur quels critères doivent-ils être établis? Vous en parlez à la page 4, dernier paragraphe de votre mémoire.

M. Bang: Concernant ce qu'on appelle les cachets des musiciens de Montréal, cela est devenu une loi. Par exemple, il y a un comité paritaire formé de trois membres de la direction de la guilde. Donc, une augmentation que la guilde impose automatiquement devient une loi. Comment peut-on fixer les tarifs? Comment peut-on trouver une solution? Je vous donne un exemple. Si un orchestre symphonique donne un concert, alors la production coûte, disons, 40 000 $, parce que les musiciens travaillent au moins à cinq ou six répétitions avant de donner le concert. À l'OSM, un service coûte 12 000 $. S'il doit faire huit services par semaine, c'est-à-dire parfois cinq ou six répétitions et deux concerts, l'OSM a peut-être le moyen de continuer à produire, mais si l'Orchestre métropolitain ou un autre organisme doit payer 99 $ de tarif, à Montréal, il n'y aura pas de musicien "live". C'est sûr. C'est un peu triste de constater ces faits, mais c'est la vérité, c'est la réalité. Il n'y a personne qui peut se payer ce luxe. Il y a beaucoup de musiciens qui sont prêts à ce qu'il y ait un réajustement. On reste toujours sourd et muet quand on demande qu'il y ait une diminution de salaire.

Mme Bacon: Comment voyez-vous la relation en ce sens-là entre l'employeur et le musicien? Est-ce que cela doit être sur une base contractuelle? Est-ce que cela doit être sur une base individuelle, une base collective

ou même les deux à la fois? Comment voyez-vous cette relation qui doit être établie...

M. Bang: Oui, la relation...

Mme Bacon: ...entre l'employeur et le musicien?

M. Bang: ...entre l'employeur et le musicien. Je vous donne un exemple. Quand quelqu'un, comme les Jeunesses musicales, qui veut engager un groupe de musique de chambre pour faire une tournée, négocie un cachet avec les musiciens, il ne faut pas que le montant du cachet soit connu par la guiide. Vous savez, pour faire de la musique de chambre, pour former un ensemble, cela prend des centaines d'heures de travail. Si vous me demandez aujourd'hui, Mme la ministre: J'aimerais bien avoir un quatuor à cordes pour telle occasion, vous serez obligée de payer toutes les répétitions ainsi que le cachet. Mais si les musiciens eux-mêmes décident de former un groupe et qu'ils pratiquent, la gutlde n'intervient pas. C'est normal. Donc, il n'y aucune relation entre l'employeur et la guiide. Seulement, il y a les musiciens qui, voulant bien répondre à la demande des employeurs, doivent être coincés, toujours. On a dit que les musiciens travaillent continuellement sous pression, mais il y a une autre pression qui arrive, c'est d'être coincé entre l'employeur et la guiide. Je ne sais pas si la commission pourra se pencher sur cette question-là, mais nous aimerions que vous vous penchiez un peu sur cette question qui est l'avenir de la musique: le cachet.

En ce qui concerne l'Orchestre métropolitain et les musiciens, la relation était toujours sur une base coopérative. Cela n'empêche pas de donner des concerts de qualité. À l'avenir, je pense que tous les organismes devraient s'asseoir avec les musiciens. Heureusement, je suis un musicien moi-même. Je connais donc les deux problèmes. Je fais la liaison entre mon conseil d'administration et les musiciens. Nous n'avons jamais de problème. Il y a beaucoup de groupes qui se forment maintenant et qui n'ont pas de problème. Le problème commence avec ce fameux contrat ou cachet minimum de la guiide. Personne ne peut survivre actuellement. Je défends dans ce sens-là les producteurs québécois. On ne peut pas produire des choses juste pour le plaisir de concurrencer, avec un cachet qui e3t le même à Toronto ou à New York où il y a plus de potentiel de clientèle.

Bien sûr, les musiciens aimeraient bien gagner leur vie, mais ils veulent d'abord travailler et nous n'offrons pas de travail actuellement, parce qu'on a un problème. Je ne crois pas que ce soit un problème de personnel, Mme la ministre.

Mme Bacon: Vous proposez justement, à la page 3 de votre mémoire, la mise sur pied d'une agence de promotion des artistes de musique classique. Est-ce que ce serait une agence privée, une agence gouvernementale, une agence de placement? Prendrait-elle en main peut-être la carrière d'un artiste et à quelles conditions? Est-ce que vous pourriez en dire davantage?

M. Bang: J'ai lu le mémoire de la guiide qui demande beaucoup au gouvernement. C'est peut-être une chose que le gouvernement pourrait demander à la guiide, de participer pour créer cette agence. L'agence dont on parle dans notre mémoire, c'est une agence d'orientation également, de planification. Un musicien qui sort du conservatoire, un chanteur qui sort de l'université ne connaissent absolument pas le marché du travail actuellement. Donc, quand j'étais à la guiide, j'ai essayé de mettre sur pied une agence dans ce sens-là, afin qu'un musicien qui paie 150 $ de cotisation annuelle au lieu de recevoir le règlement et toute cette paperasse, puisse se faire dire: Voici ce que tu peux faire pendant six mois. Maintenant que tu es membre de la guiide, voici les avantages. Tu peux faire telle ou telle chose. Contacte telle personne. Ce programme n'existe pas. C'est, si on peut dire, le premier saut qui devrait se faire.

Par la suite, nous avons assisté souvent les musiciens classiques de niveau international. Ils n'ont aucune représentation au Québec. Leur imprésario se trouve à New York ou à Toronto. Je comprends que c'est plus avantageux quelquefois, mais, au Québec, il n'y a aucun impressario de musique classique qui peut survivre. Pour ne pas privilégier certaines personnes privément, si le gouvernement s'entendait avec la guiide et formait une agence de promotion des artistes, cela pourrait être une solution. C'est dans ce sens-là que nous avons parlé.

Mme Goudreau: Mais cette agence, si je peux me permettre, devrait englober plus que les musiciens d'orchestre que protège la Guiide des musiciens. Elle devrait englober aussi les chanteurs. Actuellement, à l'atelier, nous formons des chanteurs. Quelques-uns d'entre eux sont actuellement prêts. Ils devraient être en carrière. Mais pour être en carrière, il devrait y avoir un agent qui s'occupe d'eux. Or, on sait que les agents au Québec sont extrêmement rares et s'occupent peu du classique, comme l'a dit M. Bang. L'urgence et la nécessité d'une agence qui s'occupe vraiment de placer ces jeunes de la relève sont vraiment très importantes et c'est pour eux surtout qu'elle devrait exister, je pense.

Mme Bacon: Est-ce que les chanteurs qui sont rattachés à l'UDA ont les mêmes

problèmes? (12 h 15)

Mme Goudreau: Les chanteurs rattachés à l'UDA ont certains problèmes, oui, mais tout de même moins grands que ceux de3 musiciens rattachés à la guilde. Il va de soi qu'un chanteur doit quand même respecter les tarifs, pas qu'impose, mais que suggère l'Union des artistes, alors que, dans certains cas, il est assez difficile pour des producteurs... Je parle précisément de l'Atelier lyrique de l'Opéra de Montréal; lorsque nous donnons des spectacles avec nos stagiaires et uniquement nos stagiaires, nous n'avons aucun problème. Parfois, nous aimerions inviter des chanteurs de l'extérieur à se joindre à nos stagiaires et là, parfois, cela devient prohibitif. Nous ne pouvons pas le faire. Cela fait que nous nous limitons à des spectacles donnés par nos stagiaires mêmes ou nos ex-stagiaires, c'est-à-dire ceux de l'an passé. Comme on est un organisme très jeune encore, nous en sommes seulement à notre deuxième année, il y a bien peu d'ex-stagiaires que nous pouvons inviter à venir se produire avec nous. Donc, il est évident que nos spectacles et nos productions sont limités en ce sens.

Je voulais parler et peut-être m'attarder un peu sur cette question du producteur. Lorsque nous décidons de donner une production à l'atelier - je parle de l'atelier parce que c'est un organisme de jeunes qui dispose de peu de moyens -lorsque nous voulons monter un spectacle et que nous voulons avoir un orchestre, on doit toujours regarder les répertoires qui ne sont pas nécessairement ceux qu'on voudrait choisir, mais ce qu'on peut se permettre avec des musiciens en nombre très limité. C'est une chose qui est très frustrante. Je sais que c'est, finalement, une question de sous et que les sous sont difficiles à obtenir de part et d'autre, mais c'est très frustrant de dire que nous ne pouvons pas donner à ces jeunes, qui sont chez nous en formation vraiment professionnelle, puisqu'ils ont terminé toutes leurs études de base et qu'ils sont vraiment au tremplin d'une carrière, de3 expériences beaucoup plus nombreuses avec orchestre ou avec des groupes, ce que nous ne pouvons vraiment pas nous payer actuellement.

Mme Bacon: Vous dites aussi, à la page 2, que la formation doit préparer à une meilleure prise de conscience des besoins et des exigences du milieu artistique du XXIe siècle. Quels sont, selon vous, les besoins et les exigences? Est-ce qu'on peut quantifier ces besoins? Est-ce qu'on peut aussi quantifier les exigences du métier?

M. Bang: Nous avons parlé tout à l'heure du système actuel des conservatoires. Tout le monde entre au conservatoire en pensant devenir un jour un soliste qui va voyager en jouant tous les jours. À 22 ans, chacun se rend compte, une fois qu'il termine avec un premier prix du conservatoire, que c'est impossible.

Donc, lorsqu'on parle de valorisation des diplômes terminaux qui laissent croire qu'une fois obtenus les portes du monde du travail vont s'ouvrir, c'est dans ce sens-là. Actuellement, tout le monde fait un travail qui est un peu faussé, si on peut s'exprimer ainsi.

Mme Bacon: Une dernière question, M. le Président. Vous exprimez aussi l'idée, dans votre mémoire, qu'il serait bon d'instaurer un régime privé d'assurance-salaire. À ce moment, qui devrait en prendre l'initiative? Est-ce que ce sont les employeurs qui devraient y contribuer? Si oui, comment pourraient-ils le faire?

M. Bang: Nous en avons parlé beaucoup, je pense. L'Union des artistes a parlé d'assurance-chômage. Mais, comme le problème des artistes autonomes est très difficile à résoudre, ce à quoi nous pensions quand on a discuté de cela, c'est que peut-être le gouvernement fédéral - je ne sais pas de quelle manière - par le ministère de l'Emploi et de l'Immigration, pourrait permettre aux musiciens, aux artistes, aux chanteurs autonomes de s'inscrire à un régime d'assurance-salaire, comme les employés de toutes les compagnies le font pour l'assurance-chômage.

Donc, en présentant le mémoire, je vous ai mentionné un petit peu qu'en instaurant ce système, nous encourageons éventuellement les créateurs à travailler. Une fois qu'ils travaillent... Le système français est très simple. En France, chaque théâtre paie les gens qui travaillent. Un soir de spectacle, le théâtre donne une fiche. Cette fiche est envoyée automatiquement à l'assurance-salaire. Donc, le musicien ou la personne qui travaille dans le spectacle reçoit, disons, 90 fiches annuellement. L'année suivante, il est crédité pour chaque jour ou il ne travaille pas; pour chaque semaine, il a un salaire compensé qui vient du gouvernement, c'est-à-dire de cet organisme. C'est un système semblable qu'on préconise, mais cela peut être complètement autre chose. Cela peut être une assurance-chômage ouverte à tout le monde à l'avenir, je ne sais pas, ou une assurance-salaire qui permettrait au musicien qui tombe malade soudainement et qui se voit complètement privé de revenus...

C'est une chose qu'il faut travailler énormément. Nous avons pensé que, si on abolissait la taxe d'amusement, peut-être pourrait-on instaurer un système dans ce sens aussi, où nous reviendrait les 2 000 000 $ qu'on paie à Montréal annuellement; cela

pourrait être une solution.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. Bang, le temps court très rapidement. Donc, je vais aller immédiatement aux questions. De toute façon, j'ai eu l'occasion de discuter longuement, surtout au sujet de l'Orchestre métropolitain. Ma première question est peut-être un peu philosophique. Qu'est-ce que vous entendez par une vision élargie du répertoire dans les programmes de musique et une juste valorisation des diplômes terminaux?

M. Bang: Excusez-moi. La caméra me gênait.

M. Boulerice: Je vous demandais ce que vous entendiez par une vision élargie du répertoire dans les programmes de musique, une juste valorisation des diplômes terminaux.

M. Bang: Comme je vous en ai un peu parlé tout à l'heure, cela pourrait se donner pendant les cours qui se donnent au conservatoire et à l'université. Élargir veut dire pour nous non seulement donner les cours de matière théorique, musicale ou de chant, etc., mais permettre à ces jeunes artistes une fois sortis de l'école de s'adapter aux besoins du marché. Par exemple, je vous ai mentionné tout à l'heure: Pourquoi ne donnerait-on pas un cours d'administration? Pourquoi ne donnerait-on pas un cours de régie technique? Surtout faire sentir, faire savoir aux chanteurs et aux musiciens que, quand ils étudient il faut déjà pouvoir se préparer. Vous savez, ce n'est pas normal que les musiciens américains gagnent à une audition de l'OSM. C'est parce que leur éducation est basée sur cela. A Julliard ils ont quatre orchestres. Ils apprennent tous les extraits de l'orchestre pendant les quatre années qu'ils sont à l'université. Quand ils sortent de l'université, ils sont prêts à aller auditionner à 54 ou 56 fois. Ils sont en forme comme on dit. Ils arrivent ici.

Tandis que nos jeunes n'ont pas cette possibilité. Ils sont obligés de préparer le concerto de l'examen. Ils ne connaissent pas les extraits de l'orchestre. Je parle de l'orchestre parce que c'est ce que je connais le mieux, mais, dans d'autres domaines, c'est le même problème.

Mme Goudreau: Oui. Pour appuyer ceci, on devrait aussi donner la chance à ces jeunes étudiants d'acquérir, sinon une certaine expérience professionnelle, du moins une connaissance de la profession en se produisant justement en concert. Pour l'orchestre, c'est une manière d'apprendre son métier. Pour le jeune chanteur aussi, on devrait lui permettre de se produire, lui donner les moyens surtout de se produire plus souvent parce que, lorsque nous les recevons à l'atelier lyrique, ils ont déjà terminé leur conservatoire ou leur université et c'est déjà un gros travail à faire que de les préparer pour se produire en public. La plupart ont donné peut-être un récital. Ils n'ont vraiment pas assez travaillé en public. Ils ne se sont pas assez mesurés. C'est là, je pense, que les conservatoires et les universités devraient élargir leurs mandats et donner à leurs étudiants en musique la chance d'acquérir une certaine expérience professionnelle. Il y en a bien peu qui ont la chance de joindre de3 programmes de perfectionnement comme celui de l'Orchestre des jeunes du Québec ou celui de l'Atelier lyrique de l'Opéra de Montréal. En fait, c'est une poignée de musiciens qui ont la chance d'appartenir à ces programmes de perfectionnement professionnel. Donc, les universités et les conservatoires devraient voir à ce que tous leurs étudiants qualifiés aient cette chance.

M. Bang: Je voulais juste ajouter, concernant l'Orchestre des jeunes du Québec, que si nous pouvions instaurer un système de formation d'orchestre dans les conservatoires ou les universités, si le niveau de ces orchestres augmentait, bien sûr, le niveau de l'Orchestre des jeunes du Québec augmenterait aussi. Vous savez, nous assistons actuellement à un manque de musiciens à l'OJQ. Nous ne pouvons pas aller chercher le nombre nécessaire. Le conservatoire exige que ses élèves n'aillent pas jouer ailleurs. L'idée de l'OJQ, comme M. le Président le sait très bien, c'était d'être un peu comme l'Orchestre des premiers prix de Paris, par exemple. À Paris, il y en a, des violonistes, mais au Québec, on en manque. Donc, il y a un danger qui peut se répéter, c'est que cela devienne un programme de formation d'orchestre pour tous les Canadiens. On est obligé d'ouvrir les portes parce qu'on en manque. S'il y avait une politique établie au conservatoire que tous les élèves qui doivent se donner X temps pour apprendre tous les extraits de l'orchestre soient obligés de faire ce programme, c'est sûr que l'OJQ aurait moins de problèmes. Le programme de l'OJQ est vraiment valable.

M. Boulerice: Mme Goudreau, comment envisagez-vous un programme de recyclage pour les artistes dont il est fait mention dans le mémoire?

Mme Goudreau: Le programme de recyclage pour les artistes, comment on peut l'envisager?

M. Boulerice: Oui.

Mme Goudreau: Là encore, je pense que les instances comme la Guilde des musiciens et l'Union des artistes devraient y être parties prenantes. Il est certain qu'au bout de quelque temps un artiste se rend compte qu'il a certaines lacunes ou qu'il doit réorienter sa vie. Donc, il devrait y avoir des organismes qui lui donnent le soutien financier pour pouvoir le faire. Cela signifie parfois un arrêt d'un an dans une vie, c'est un recyclage, ce sont des études à entreprendre et ce sont les organismes qui l'ont aidé ou qui l'ont soutenu dans sa démarche en tant qu'interprète ou autre chose qui devraient aussi maintenant l'aider dans sa démarche vers un autre avenir.

Bien sûr, il existe déjà, au sein même du Conseil des arts du Canada et au ministère des Affaires culturelles, des programmes qui permettent aux artistes qui font face à des difficultés de se- recycler. Ces programmes sont déjà en place et, s'ils étaient mieux connus des artistes, cela les aiderait beaucoup. Tout ce travail devrait, je pense, se faire en collaboration avec l'Union des artistes et aussi, bien sûr, la Guilde des musiciens.

M. Boulerice: Vous dites que les enseignants pourraient se faire les porte-parole de la culture. Vous entendez non seulement les enseignants du conservatoire, mais les enseignants au primaire, au secondaire, au collégial, etc.?

Mme Goudreau: C'est cela. Tous les enseignants, tous les intervenants dans l'éducation musicale ou artistique, pas nécessairement musicale, mais artistique.

M. Boulerice: De quels outils pensez-vous que ces enseignants auraient besoin pour arriver à faire cette promotion de la culture?

Mme Goudreau: Pour faire cette promotion de la culture, quels instruments ils devraient avoir?

M. Boulerice: Oui, des outils, j'entends dans le sens musical du terme.

Mme Goudreau: Oui, outils, entendons-nous. Peut-être, d'abord, une connaissance plus profonde des arts. Trop souvent, dans les écoles, la personne qui s'occupe de la musique n'est pas nécessairement une personne qui a été formée pour enseigner la musique. Si ces personnes avaient une connaissance plus grande de ce qu'elles enseignent, au niveau primaire j'entends, je pense que ce serait très important. Elles peuvent aussi inviter des groupes - c'est un peu indiqué dans le mémoire - à se présenter dans les écoles, à donner des concerts et faire connaître aux enfants ce qu'est la musique.

Je pense que la difficulté, d'abord au niveau primaire, c'est que la musique n'est plus enseignée dans les écoles. C'est une des grandes difficultés actuelles et l'un des moyens serait, justement, de réinstaurer l'enseignement de la musique, les concerts et toutes les activités qui touchent aux arts.

M. Boulerice: Au-delà de l'enseignement de la musique au niveau primaire, suggestion à laquelle je souscris d'emblée, est-ce que vous pensez qu'il y aurait une certaine lacune au niveau de la formation générale des maîtres, dans l'ensemble?

Mme Goudreau: C'est très évident. C'est le gros problème. On ne peut bien former que si l'on connaît soi-même sa matière. II est évident qu'un des grands problèmes est justement la formation même des maîtres.

M. Boulerice: D'accord, je vous remercie, Mme Goudreau et M. Bang.

Le Président (M. Trudel): Merci. Comme il est 12 h 30, je retiendrai le plaisir que j'aurais eu à vous poser quelques questions. M. Bang, nous nous sommes rencontrés plusieurs fois pour en discuter, de toute façon. Nous allons rediscuter, avec le mémoire des Jeunesses musicales du Canada en tout début d'après-midi, de la question fondamentale de la formation.

Mme Goudreau: Et de la relève.

Le Président (M. Trudel): Et de la relève qu'on a un peu escamotée, pas avec vous, mais avec le groupe qui vous a précédés. Je vous remercie, madame et monsieur, je vous souhaite un bon retour à Montréal. M. Bang, nous avons le plaisir de vous compter parmi nous depuis hier matin; il me semble que la salle sera vide sans vous, tantôt. Merci et au plaisir de vous revoir bientôt.

Sur ce, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

(Reprise à 15 h 19)

Le Président (M. Trudel): Mme la députée de Maisonneuve, peut-être, au moins pour assurer le quorum et le départ des travaux de cet après-midi... Cela va, madame? Je sais qu'on ne remplace pas comme cela le député de Saint-Jacques?

La commission de la culture reprend ses travaux, poursuivant ainsi sa consultation

générale sur le statut économique de l'artiste et du créateur, à 15 h 16: Nous avons le plaisir de recevoir les représentants des Jeunesses musicales du Canada qui, à mon avis, ont produit un mémoire sérieux, très approfondi, extrêmement fouillé, l'un des meilleurs, sinon - c'est mon avis personnel -le meilleur qu'il m'ait été donné de lire, sur un sujet qu'ils connaissent bien puisqu'ils s'en occupent depuis au-delà de 35 ans maintenant! la formation et la relève. Mme Tessier et M. Picard, bienvenue! Je vous cède immédiatement la parole. Vous étiez ici ce matin quand j'ai rappelé la façon de fonctionner, j'éviterai de le repéter, je vous cède la parole et on passera immédiatement aux questions.

Jeunesses musicales du Canada

M. Picard (Jean-Claude): Merci, M. le Président, surtout de votre appréciation de notre mémoire. M. le Président, Mme la ministre des Affaires culturelles, Mmes et MM. les députés, au nom des Jeunesses musicales du Canada, je vous remercie de nous entendre et de prendre le temps de nous rencontrer et de discuter avec nous.

Nous attirerons d'abord votre attention sur six recommandations. Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais faire un court préliminaire, si vous le permettez.

Notre présentation portera principalement sur la formation de l'artiste et, en particulier, sur tous les aspects de cette formation non encore couverts, du moins à notre avis, par les maisons d'enseignement supérieur.

Au Québec, il existe peu d'entreprises se consacrant entièrement à la promotion et à l'engagement des jeunes musiciens professionnels en début de carrière. Je tiens à noter tout de suite que, lorsque nous parions de jeunes artistes ou de jeunes musiciens, nous incluons évidemment les artistes lyriques. L'Orchestre des jeunes du Québec, l'Atelier lyrique de l'Opéra de Montréal et les Jeunesses musicales sont les trois principales entreprises oeuvrant avec les jeunes. Cependant, nous croyons qu'en termes de nombre d'engagements, de nombre de concerts, tant au Québec que dans le reste du Canada et à l'étranger, les JMC sont sûrement un des plus importants employeurs. Rappelons ici qu'en 1985-1986, les JMC ont engagé 174 jeunes artistes québécois qui ont présenté 142 concerts en tournée et une trentaine de concerts familiaux du dimanche matin, devant plus de 40 000 auditeurs. Seize jeunes animateurs qui ont rencontré plus de 160 000 écoliers à l'intérieur du Québec.

Tous ces récitals, ces concerts, ces présentations et ces animations font de3 Jeunesses musicales un observateur de premier plan sur la formation de l'artiste.

Nous allons donc attirer votre attention sur les recommandations suivantes. La recommandation 1 en page 4, la recommandation 9 en page 12...

Le Président (M. Trudel): Pouvez-vous reprendre vos notes, s'il vous plaît?

M. Picard: Oui, avec plaisir. Nous allons attirer votre attention sur six des recommandations: La recommandation no 1 en page 4, 9 en page 12, 7 en page 10, 5 en page 7, 3 en page 6 et les recommandations 10, 11 et 12, en pages 13 et 14. 5i nous avons choisi cet ordre, M. le Président, c'est que lorsque nous avons écrit le mémoire, nous avons suivi la logique - celle qui nous semblait à propos à ce moment - de la formation générale de l'être, de la formation générale de l'artiste, de la formation appliquée de l'artiste et des débouchés.

Cependant, aujourd'hui, nous n'avons pas pris le même ordre pour attirer votre attention sur ces six recommandations. Pour vous permettre également d'entendre les deux plus belles voix du Québec, Micheline Tessier et moi vous présenterons chacun à tour de rôle, les recommandations sur lesquelles nous allons insister cet après-midi.

La formation artistique générale. Nous devons constater que durant les dix dernières années, sinon plus, le souci de la culture générale a été absent de l'école. Les jeunes du primaire et du secondaire et les étudiants des cégeps n'ont, pour la plupart, jamais entendu parler des auteurs classiques, romantiques ou impressionnistes et ce, tant en théâtre et en musique qu'en littérature et en peinture.

Pourtant, on souhaiterait qu'ils s'intéressent aux arts. Mais ils ne disposent pas, à notre avis, du vocabulaire élémentaire pour en comprendre la signification. Et ils n'ont d'autre attitude, souvent, que le rejet. Comment demander, en effet, à celui qui ne comprend pas, de regarder, d'écouter? À l'analyse des niveaux d'âge de ceux et de celles qui fréquentent les salles de concert, la semaine dernière, en réunion en Abitibi, on disait qu'il y avait de plus en plus de neige dans nos salles, pour nous rendre compte que les gens qui fréquentent les salles de concert vieillissent.

On se rend compte que la majorité a dépassé la quarantaine. Sans doute payons-nous le prix de l'absence de ce souci de la culture à l'école. Il est plus que temps d'y réagir, afin de mieux préparer les jeunes à leur vie d'adulte, où le temps consacré aux loisirs augmentera et de développer leur sens esthétique pour qu'ils puissent exercer un libre arbitre artistique.

Nous recommandons que l'éveil artistique à l'école soit plus important par l'enseignement, l'organisation de concerts, de représentations théâtrales et de danses et

par une présence accrue des artistes à l'école élémentaire et secondaire.

Ici, M. le Président, nous souhaiterions ajouter deux recommandations à cette première page. Ayant constaté - j'utilise un terme fort - l'agonie de l'enseignement artistique dans les écoles et particulièrement au niveau de l'école secondaire et afin que les arts reprennent la place qui leur revient dans la formation des jeunes, nous recommandons, premièrement, qu'il y ait une concertation entre le ministère des Affaires culturelles et le ministère de l'Éducation, deuxièmement - ceci s'adresse principalement à Mme la ministre - que le ministère des Affaires culturelles se fasse un devoir d'inclure à l'ordre du jour de la prochaine rencontre des ministres de la Culture les moyens de pression à exercer pour accroître la présence artistique à l'école.

Mme Tessier (Micheline): Formation à la profession. Si la formation scolaire peut encore être améliorée, il existe tout un secteur non exploré par les maisons d'enseignement supérieur.

La préparation au métier de la scène, à ses exigences, à ses implications juridiques, financières et publicitaires, n'est à peu près pas touchée pendant toute la durée des études. Il n'existe pas, à notre connaissance, de cours qui soulignent l'importance d'un programme musical bien équilibré, d'un curriculum vitae bien fait, d'un comportement scénique adéquat, etc. Les artistes de variétés, eux, ont compris, puisqu'ils engagent des metteurs en scène pour préparer leur spectacle, ils changent de costumes et d'éclairage et varient le rythme de leur présentation. Pendant ce temps, le musicien classique joue habillé de noir, avec l'éclairage pleins feux et souvent pour lui tout seul.

Afin de mieux préparer les musiciens à leur métier de scène et afin qu'ils prennent conscience qu'être sur scène est synonyme "d'entertainment", nous recommandons que les jeunes musiciens aient accès, durant leurs études, à des sessions de comportement scénique, discutent de l'équilibre de leurs programmes en fonction des divers types d'auditoires et que leurs programmes d'études tiennent compte de ces exigences dans le choix des oeuvres à travailler.

M. Picard: No 7, page 10. Il nous semble que le Québec soit devenu le royaume des maisons d'enseignement supérieur décernant des "degrés" confirmant l'excellence atteinte par des candidats. Dois-je rappeler... J'ai écrit dans le texte cinq universités; je pense que j'en ai oublié une. Les universités Laval, Montréal, McGill, Concordia, du Québec et Bishop, les sept conservatoires en plus des seize cégeps du Québec se partagent une clientèle de quelques centaines d'étudiants.

C'est à se demander si ces maisons de formation ont été créées en pensant plus aux professeurs, c'est-à-dire aux artistes à qui il faut trouver de l'emploi, qu'aux étudiants, c'est-à-dire aux artistes en devenir à qui il faut offrir les meilleurs maîtres.

La survie de toute maison d'enseignement étant reliée au nombre de têtes de pipe, il en résulte une diminution des critères de sélection et, par voie de conséquence, des critères de certification. Décerner un diplôme terminal en musique à quelqu'un qui est conscient de ses possibilités est tout à fait logique et acceptable. Décerner un diplôme en interprétation en faisant croire à quelqu'un qu'à la prochaine étape, c'est le vedettariat, voilà une chose que nous dénonçons de toutes nos forces. Le monde artistique est un monde tout aussi dur et implacable que celui de toute autre profession, avec, en plus, le côté émotionnel à vif.

Afin de revaloriser la valeur des diplômes terminaux, afin de mieux orienter les étudiants dans le choix de leur profession artistique, nous recommandons que les examens de toute fin de cycle en interprétation soient très rigoureux et jugés par les meilleurs représentants de la profession.

Mme Tessier: Page 7, numéro 5: Ce "rêve international" de la grande ville, de la grande salie, des gros titres dans tes journaux a aussi comme conséquence de dévaloriser entièrement la présentation de concerts en tournée. Quoi? Jouer à Barraute, à Port-Cartier, y pensez-vous? C'est bien trop loin! Y a personne qui connaît ça! Ici encore se développe un chemin sans issue: l'absence de manifestations culturelles régulières amène le manque d'intérêt qui, lui, engendre la disparition totale.

On constate donc qu'il faut revaloriser la tournée de concerts aux quatre coins du Québec, afin de rendre justice à tous les citoyens et citoyennes du Québec qui ont choisi de travailler hors des grands centres et afin de décentraliser efficacement la culture. Nous recommandons que le ministère des Affaires culturelles augmente sa contribution à la diffusion des arts en régions, augmente cette contribution au mérite, c'est-à-dire en jugeant de la qualité du travail accompli et de la progression des résultats, que le ministère des Affaires culturelles privilégie les ressources déjà en place sans songer à créer d'autres structures.

Ici, M. le Président, j'aimerais ajouter une autre recommandation. Afin d'offrir plus de débouchés à nos jeunes artistes à l'étranger, on recommande aussi que le ministère des Affaires culturelles maintienne dans les grandes capitales internationales leurs représentants culturels.

M. Picard: Page 6: Faut-il le rappeler? Nos moyens de formation musicale dans les maisons d'enseignement supérieur sont encore basés sur les modèles du XIXe siècle. On dirait que ceux et celles qui enseignent ne vivent pas en cette fin du XXe siècle et ne songent pas à préparer les artistes qui seront ceux et celles qui feront carrière au XXIe siècle. On croirait, à voir les résultats, que ni les professeurs ni les étudiants n'ont pris conscience que l'opéra, les films, les "musicals", la télévision avaient influencé le public et ses goûts, le public et ses attentes, et ce, de façon définitive.

Ce qui nous frappe, M. le Président, lors de nos auditions annuelles, c'est le manque de variété et d'originalité des programmes qui nous sont présentés ainsi que l'absence de ce souci de l'unicité qui fait tout le succès d'un artiste. Qu'est-ce qui peut différencier un pianiste d'un autre, un violoniste, un chanteur, sinon cette unicité qui le démarque et qui en fait un exemplaire tout à fait différent, passionnant à découvrir et à écouter?

Recommandation. Afin de faire prendre conscience par chaque musicien de ses lignes de force, afin de mieux préparer les musiciens à la carrière et au milieu artistique du XXIe siècle, nous recommandons que les ateliers multidisciplinaires soient offerts aux étudiants en cours de formation; que les "master classes" portent autant sur l'originalité du choix des oeuvres et de leur présentation que sur leur interprétation; que les maisons d'enseignement supérieur soient très attentives à l'évolution du milieu artistique; que les camps musicaux du Québec réorientent leur tir pour ne plus être seulement la continuation des conservatoires et facultés de musique durant l'été, mais bien des lieux d'expérimentation de l'art de la scène.

Mme Tessier: Matériel promotionnel des jeunes artistes. Il faut avoir reçu des photos de jeunes artistes pour se rendre compte à quel point ils ne sont généralement pas conscients de l'image qu'ils doivent projeter. Il faut avoir lu leur curriculum vitae pour constater que personne ne leur a parlé de priorités à établir dans un tel document. Comment faire savoir à des auditeurs potentiels que tel artiste jouera en public, sinon par des photos, dépliants originaux et piquant la curiosité? Comment faire connaître l'artiste, sinon par des articles mettant en évidence de façon originale et convaincante? Mais on n'en parle jamais pendant toute la durée de la formation.

Afin de conscientiser l'artiste à la réalité du milieu promotionnel artistique pour qu'il sache comment trouver et se servir de personnes compétentes, nous recommandons que des stages portant sur tous les aspects de la promotion artistique soient organisés à l'intention de tous les jeunes artistes.

Ici nous voudrions, M. le Président, ajouter encore une recommandation. Nous avons constaté l'exode de nos jeunes artistes vers des agences et des gérants d'artistes extérieurs au Québec. Nous avons constaté également le petit nombre d'agences se consacrant à la représentation des artistes classiques au Québec. Or, nous recommandons par conséquent que le ministère des Affaires culturelles favorise l'implantation d'agences québécoises de représentation d'artistes classiques; que le ministère des Affaires culturelles établisse des critères de sélection très rigoureux.

Ayant constaté le manque de moyens de promotion audiovisuels des artistes québécois en comparaison des artistes étrangers, ayant constaté le manque de moyens financiers des jeunes artistes pour la production de leur matériel publicitaire professionnel, nous recommandons la création d'un fonds distribué sous forme de bourse ou de prêt sans intérêt pour les artistes décrochant leur premier engagement professionnel.

Ignorance du marché du travail. Combien de jeunes artistes n'avons-nous pas rencontrés qui venaient de réaliser que leur premier engagement leur avait coûté de l'argent plutôt que de leur en rapporter, parce qu'en négociant le contrat, ils ne savaient pas qu'il y avait cotisation syndicale à payer, redevances et avantages sociaux, costumes à louer, à acheter, frais de transport, nourriture, etc. Leur ignorance venait de leur coûter très cher.

Afin de renseigner les jeunes artistes sur les aspects légaux, syndicaux de la profession, afin de les renseigner sur les aspects financiers et fiscaux, nous recommandons que les maisons d'enseignement supérieur organisent des séminaires portant sur ces sujets.

M. Picard: Voilà, M. le Président, les recommandations sur lesquelles nous voulions attirer votre attention, et si nous n'avons pas suivi à la lettre votre recommandation de ce matin de ne pas lire quelques passages, c'est que nous savions que nous ne prendrions pas trop de votre temps.

Le Président (M. Trudel): Je vous en remercie, madame et monsieur. Ceci n'empêchera évidemment pas les membres de la commission de vous poser toutes les questions qu'ils ont envie de vous poser, notamment celles qui pourraient déborder les cinq ou six recommandations principales que. vous nous faites. Il est difficile de choisir, parmi vos recommandations, laquelle est la meilleure. Telle est du moins mon opinion, j'y reviendrai tantôt. Maintenant, je cède la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles.

Mme Bacon: M. Picard et Mme Tessier, je voudrais vous remercier et vous féliciter pour le mémoire que vous venez de nous présenter et ce souci que vous accordez à la formation des musiciens. Vous féliciter aussi pour l'extraordinaire rôle que les Jeunesses musicales du Canada ont joué et continuent de jouer dans le développement de la culture musicale au Canada et pour la mise en valeur des talents des jeunes musiciens et des jeunes musiciennes. Bravo également pour la qualité de votre réflexion qui est appuyée - je me demande s'il faut le dire, j'ai l'impression que tout le monde le sait! - sur une longue et riche expérience.

Nous partageons avec vous, comme ministère des Affaires culturelles, des objectifs communs. Les Jeunesses musicales du Canada pourront d'ailleurs constater cette communauté de pensée quand elles prendront connaissance des régimes pédagogiques des conservatoires.

Il faut prendre aussi connaissance des activités que vous avez réalisées en 1985 et 1986. On ne doute pas du dynamisme d'un groupe comme le vôtre qui est en forte demande dans le Québec.

Je dis encore une fois que votre mémoire témoigne d'une réflexion qui est large, qui est profonde et qui concerne tout ce qui touche la formation et aussi les débouchés pour les musiciens. Je vais revenir à d'autres pages parce qu'il y a des choses qui nous ont frappés plus que d'autres dans certaines de vos recommandations ou dans ce que vous nous avez indiqué comme expérience ou comme volonté.

En page deux de votre mémoire", vous constatez que les jeunes artistes qui viennent auditionner chez vous manquent de culture générale, de culture artistique et de culture musicale. Est-ce que vous convenez que ces carences débordent du seul ministère des Affaires culturelles, d'une part, et quel type d'intervention souhaiteriez-vous? Est-ce que ce sont des programmes du ministère de l'Éducation - et vous venez de mentionner certaines lacunes - qui font défaut?

J'aimerais savoir quel type d'intervention serait souhaitée par les Jeunesses musicales du Canada pour remédier à la situation. Est-ce que ce sont les recommandations que vous venez d'ajouter à celles qui étaient déjà faites dans votre mémoire?

M. Picard; Nous souhaiterions qu'il soit possible - évidemment, je vous dis tout de suite que nous nous mettons à votre service de faire une concertation entre le ministère des Affaires culturelles et le ministère de l'Éducation pour essayer de pointer du doigt les lacunes exactes et d'y apporter un certain nombre de remèdes.

Nous constatons et nous ne pouvons que constater cette absence de culture générale, d'une part, ches les jeunes artistes qui viennent auditionner pour nous, comme on l'a dit, mais aussi sur l'ensemble des jeunes à l'école, autant primaire que secondaire, et particulièrement au secondaire et au cégep pour qui nous sommes amenés à présenter des concerts. Comme on le dit, s'ils n'ont jamais entendu parler de culture ou s'ils n'ont jamais vraiment entendu parler des époques différentes, que ce soit classique, baroque ou romantique et qu'ensuite, on leur passe une manifestation artistique qui exige pour la comprendre de connaître ce vocabulaire, c'est un dialogue de sourd et, comme on le mentionne, c'est un rejet.

Quant au type d'intervention, je pense que la balle est dans notre camp, gens de la culture, pour, au plus haut niveau, Mme la ministre, rencontrer les autorités du ministère et essayer de pousser un peu à la charrue.

J'ajoute, en terminant, que lorsqu'on se promène dans les écoles secondaires, en particulier, du Québec, on se rend compte qu'il n'y a plus de place pour les programmes en arts, de secondaire I à V, avec quelquefois, en exception, un cours obligatoire de musique ou d'arts plastiques au secondaire I ou II, selon les commissions scolaires. Mais, pour les secondaires III, IV et V, il n'y a plus de place pour cet enseignement.

Je pense que c'est là qu'on rate les occasions les plus importantes de semer chez les adolescents un goût pour autre chose que ce que les grands médias d'information leur proposent. Je n'ai rien contre les vidéoclips; je n'ai rien contre aucun de ces artistes, mais je pense que, si on met des visières à nos enfants, sur le plan culturel ils les auront toute leur vie. Je n'ai pas la solution; si je l'avais, je l'aurais déjà déposée, mais je pense qu'on pourrait vraiment, si on s'en parle, et s'il y a une volonté de changement, y arriver.

Mme Bacon: Évidemment, vous semblez porter un jugement sévère sur le système actuel de formation musicale et les moyens de formation, dites-vous, en page 3 de votre résumé, sont basés sur des modèles du XIX siècle. Quelles sont, d'après vous, les disciplines qui devraient être dispensées en atelier aux étudiants en cours de formation et qui ne le sont pas actuellement?

M. Picard: Évidemment, on a fait un jugement à l'emporte-pièce. Quelques fois, je pense que si on veut faire bouger...

Mme Bacon; II faut peut-être aller jusque-là pour...

M. Picard; II faut, c'est cela. Mme Bacon: ...donner des résultats.

M. Picard: Je pense que vous nous avez compris. Dans l'ensemble, le modèle du XIX siècle, quand on y fait référence, c'est simplement celui où, dans un studio privé, un violoniste, un chanteur, un pianiste, un flûtiste, un contrebassiste apprend du répertoire en fonction de l'acquisition d'un certain nombre de connaissances et en fonction de l'acquisition d'un diplôme terminal, donc de la certification. Depuis ce temps, le milieu musical a évolué énormément, on en a donné quelques caractéristiques. Ce qui nous semble important au cours de la formation, c'est qu'il y ait des stages qui portent sur autre chose que, exclusivement, la technique et le répertoire, qui tiennent compte des exigences du milieu professionnel dans lequel les jeunes musiciens auront à travailler plus tard: des stages de comportement scénique - Micheline en a abordé quelques autres - des stages sur la réalité du milieu. Ce matin, on parlait avec la guilde de toute la question de syndicat, de toute la question des imprésarios, de toute la question des gérants d'artistes, etc., et on se rend compte que cela n'a jamais été abordé pendant toute la session de formation. Je pense qu'on a indiqué dans les recommandations onze, douze et treize des pistes que nous voudrions soumettre aux maisons d'enseignement supérieur pour qu'elles les prennent en considération et qu'elles ajoutent à la formation des jeunes artistes plus d'outils pour mieux les préparer à la carrière.

Mme Bacon: -En page 6 du mémoire, vous suggérez que les maisons d'enseignement supérieur soient très attentives à l'évolution du milieu artistique. Est-ce que vous avez réfléchi sur les moyens qui pourraient être pris pour parvenir à cet objectif? Est-ce que vous pourriez nous en dire davantage?

Mme Tessier: C'est-à-dire qu'il ne faut pas qu'au conservatoire ou à la Faculté de musique on se borne seulement à battre Mozart, Haydn ou Beethoven. La musique contemporaine également évolue. Quand nous sommes à l'autre bout et que nous recevons les jeunes artistes, nous nous rendons compte que beaucoup d'entre eux n'ont pas évolué. C'est toujours le même répertoire d'audition qu'on entend. Cela ne déborde pas beaucoup une certaine période. On dirait que les professeurs - je ne sais trop ce qui se passe - les guident seulement vers un certain répertoire, c'est-à-dire celui qui est le plus connu pour nous, Chopin, Liszt, Mozart, mais, après cela, il n'y a pas tout à fait une évolution. Au cours de la dernière année, il me semble que ces gens devraient être exposés, entre autres, à notre musique canadienne et aux auteurs qui sont davantage contemporains.

M. Picard: J'ajouterais là-dessus, Mme la Présidente, que lorsqu'on parle de l'évolution du milieu artistique, on revient toujours un peu au même leitmotiv. Les jeunes artistes qui viennent jouer pour nous doivent savoir qu'à partir du moment où ils vont monter sur une scène, ils sont - je m'excuse de l'anglicisme, je ne connais pas de bonne traduction - des "entertainers". On est un artiste d'interprétation et lorsqu'on est sur la scène, il faut absolument être capable d'établir le contact avec le public. Si, il y a quelques années, on demandait à un chanteur de bien chanter, aujourd'hui, on lui demande d'avoir une belle voix, de bien chanter, de bien jouer et de bien parler en public. On lui demande même d'être beau et on lui demande d'être belle.

Pour les musiciens, c'est la même chose. Aujourd'hui, à cause de tout ce qu'on a vu comme spectacles, on demande à l'artiste d'être beaucoup plus complet qu'il ne l'était. C'est pour cela que, quand nous disons que c'est basé sur les modèles du XIXe siècle, je pense que les maisons d'enseignement n'ont pas encore donné assez d'importance à cette nécessité qu'ont les artistes, tout jeunes qu'ils soient, d'avoir une idée, une concentration - je ne trouve pas le bon terme - une préoccupation d'être un artiste en art d'interprétation sur une scène, devant un public, pour que le public puisse communiquer avec lui et, en fin de compte, pour que le public l'aime. C'est toute cette formation que nous ne trouvons pas suffisamment adéquate. (15 h 45)

Mme Tessier: Si je puis me permettre d'ajouter quelques mots, on concentre beaucoup trop le jeune artiste sur son instrument, point. II joue du violon, c'est ce qu'il fait et c'est ce qu'il fera. Mais on ne lui a pas donné cette formation complète, c'est-à-dire que, quand il vient chez nous ou qu'il arrive pour auditionner, il n'est pas prêt du jour au lendemain à faire souvent une tournée de concert. II ne sait vraiment pas ce qui l'attend dans la vie. Je souhaiterais qu'en fin d'études terminales on leur donne trois semaines de séminaire sur ce qui les attend dans la vraie vie, par exemple, comment se présenter devant un employeur, ce qu'on doit savoir, comment doit être fait le curriculum, quels genres de photos. Elles ne doivent pas être prises par l'ami de la maison d'à côté, elles doivent être réalisées par un photographe professionnel. C'est tout cela, quelquefois, qui empêche chez nos jeunes artistes québécois l'excellence qu'on aimerait qu'ils aient.

Mme Bacon: À la page 8 de votre mémoire, vous faites quelques propositions, dont celle de décentraliser la diffusion des arts en régions. J'aimerais vous demander si vous jugez que la façon dont sont actuelle-

ment décentralisées les activités du ministère des Affaires culturelles , en régions contribuera de façon satisfaisante à l'atteinte de cet objectif, si les actions doivent maintenant provenir du milieu. Pourriez-vous m'indiquer une situation par rapport aux instances municipales? Allez-vous aussi loin que cela dans votre régionalisation?

M. Picard: Oui. Si j'étais ministre des Affaires culturelles, je pense que j'aurais un joyeux problème à résoudre, celui des conseils régionaux de la culture, non pas parce que nous les contestons, pas du tout, mais parce que les conseils régionaux de la culture ont un rôle local, régional, qui est leur mandat, à notre avis, mais, en même temps, ils doivent permettre que les structures d'accueil soient ouvertes à des concerts, à des spectacles qui doivent tourner. Dans les régions, on est aux prises avec les trop petites salles pour de grands spectacles qui coûtent trop cher. Il y a là toute une conjoncture, je n'ose pas dire de problèmes, mais de difficultés à résoudre, souvent d'ordre financier, mais aussi de l'ordre des installations techniques, d'une part. D'autre part, quand on pense à la décentralisation, je pense que le ministère des Affaires culturelles aurait sûrement un rôle à jouer par ses conseils régionaux pour essayer d'influencer un peu plus les municipalités à s'impliquer dans la chose culturelle, dans chacune des villes.

Si vous avez remarqué, peut-être y arriverez-vous tantôt, mais, à la toute fin, on fait une proposition d'utilisation de la taxe d'amusement qui nous semble intéressante. Quand on considère, par exemple, certaines villes - et là, je vais être un peu chauvin, si vous le permettez, je vais parler des Jeunesses musicales - si nous n'y étions pas, il n'y aurait pas de concerts classiques. Si, dans la ville où nous sommes, il n'y avait pas un comité bénévole, il n'y aurait pas ces concerts et, en plus, nous sommes obligés de payer une taxe d'amusement. C'est presque une aberration. Il serait beaucoup plus facile pour nous de nous retirer et de ne pas demander à des dizaines et des dizaines de bénévoles de travailler sans relâche pour organiser des concerts. En plus de ne pas avoir le soutien financier d'une ville, on est obligé, à la fin de l'année, de payer une taxe d'amusement. Je pense qu'il faut réfléchir sur l'implication des municipalités. Tout importants que nous pensons que nous sommes dans la vie culturelle au Québec, je pense que si on avait le soutien du ministère des Affaires culturelles dans nos démarches auprès des municipalités, en particulier pour ce sujet de la taxe d'amusement d'une part et d'autre part dans leur implication sur la diffusion culturelle, nous pourrions aller de l'avant. Évidemment, le problème sera toujours de définir ce qu'on entend par le mot "culture". Aujourd'hui, on s'entend pour dire que puisque ce sont les Jeunesses musicales qui parlent, nous parlons principalement de musique dite classique, donc de l'époque baroque à l'époque contemporaine et principalement de musique de chambre.

Mme Bacon: Étant donné votre riche expérience à l'échelle canadienne, est-ce que vous pourriez faire des comparaisons entre... Souvent, on essaie de voir ce qui se fait ailleurs aussi, mais pourriez-vous faire des comparaisons entre ce qui se fait ou ce qui ne se fait pas au Québec et ce qui se fait ailleurs dans d'autres provinces et ce, sur le plan de la sensibilisation à la musique, de l'éducation musicale à la formation professionnelle, ce qu'on pourrait appeler aussi gestion de carrière?

M. Picard: D'abord, je pense qu'on va y répondre en deux temps. Je vais faire ma réponse et je vais laisser à Micheline aussi la chance de donner son point de vue. Puisque nous nous occupons des JMC, nous sommes amenés fréquemment à voyager dans tout le pays. Je peux vous dire que si j'avais un ordre de grandeur ou des rangs à donner, je pense que le Québec est sûrement dans le peloton de tête. L'Ontario est peut-être en avant de nous sur certains aspects, en particulier pour les installations physiques, pour le nombre d'orchestres, par exemple et pour le nombre de structures d'accueil présentant des récitals. Je pense aussi que le Conseil des arts de l'Ontario a joué un très grand rôle dans la diffusion. Les provinces des Maritimes se comparent aux provinces centrales, c'est-à-dire le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta, et le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Ecosse - j'exclurais la Nouvelle-Ecosse pour d'autres raisons -donc, le Nouveau-Brunswick, l'île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve sont des provinces qui se ressemblent et où presque tout est à faire quand on parle de diffusion de musique classique. On est aux prises avec de mauvaises salles et souvent, on a très peu de bons instruments, je parle surtout des pianos. La Colombie britannique est une entité à part qui s'est développée très bien, surtout pendant les dix dernières années. Il en est de même pour la Nouvelle-Ecosse où il y a une organisation qui s'appelle Pass-On qui est extrêmement forte dans la diffusion.

Pour ce qui est de la représentation d'artistes, nous en avons parlé tantôt, force nous est de constater que, dans l'ensemble, les gérants d'artistes sont basés presque exclusivement à Toronto. Je ne donnerai pas de noms. Je peux simplement vous dire que, par exemple, dans les cinq dernières années, les artistes qui ont fait des tournées pour les Jeunesses musicales et que nous avions déjà identifiés comme ayant un potentiel suffisant

pour générer assez de revenus pour qu'un gérant soit intéressé à les prendre sous sa tutelle... Quand on parle de gérance d'artistes, on parle évidemment de l'aspect financier. Si je suis un gérant d'artistes, je vais prendre tel artiste parce que je pense que je peux faire de l'argent en le représentant. Donc, les artistes de ces cinq dernières années, au minimum, dont nous savions qu'ils avaient ce potentiel, ont tous été forcés de se diriger vers des représentants qui ont pignon sur rue à Toronto, sauf, une exception qui a un gérant à Montréal. Dans l'ensemble, tous les autres ont dû faire affaires avec des maisons ontariennes. Micheline...

Mme Tessier: J'aimerais ajouter quelque chose, Mme la ministre, si vous le permettez. Les Jeunesses musicales donnent à 90 % des cas, leur premier emploi aux jeunes musiciens. Quand ils ont tourné pour nous, un an ou deux, on ne peut plus les faire retourner à Sherbrooke, Joliette, etc. aux mêmes endroits. Donc, rendu là, il y a un palier à franchir. Il n'existe pas vraiment d'agences d'artistes classiques québécoises pour prendre la relève et pour pousser ces jeunes qui ont quand même une bonne expérience et les rendre plus loin. C'est là une carence qu'il faudrait combler pour éviter l'exode dont Jean-Claude vient de parler.

Mme Bacon: Dans un autre ordre d'idées, vous recommandez la création d'une médecine artistique. Est-ce que voua pourriez décrire ce qui peut affecter la santé des musiciens ou les types de maladies professionnelles qui sont rencontrés chez les musiciens?

Mme Tessier: Certainement. Chaque type de musicien a sa propre maladie. Je ne suis pas médecin, je ne suis pas spécialiste, mais je sais très bien que les artistes ont des tendinites. Par exemple, quelqu'un qui joue trop du violon, qui, pour rejoindre les deux bouts, pour payer son loyer, son téléphone, son gaz, son électricité, etc. doit faire, non seulement l'orchestre des jeunes, mais le soir du studio, en fin de semaine de la télévision, à force de jouer, il développe une tendinite. Souvent, il est deux mois, trois mois, jusqu'à six mois même, et même dans certains cas, il ne peut plus jamais rejouer du violon de sa vie. C'est un cas et cela se produit pour différents instruments. Il y a d'autres cas; il y a toutes sortes d'autres maladies: déformations de mâchoires pour les violonistes qui appuient leurs instruments comme ça. Il y en a d'autres également, mais ce sont les exemples que je connais plus particulièrement.

M. Picard: Sans parler des cordes vocales des chanteurs, avec les nodules, etc. C'est très délicat, vous savez. Il n'y a pas beaucoup de spécialistes ici qui peuvent vraiment traiter efficacement. Chaque fois qu'un chanteur a un problème de nez, c'est la crainte maladive qui s'installe chez cette personne, à savoir, qui dois-je aller voir et en qui vais-je avoir confiance, parce qu'on n'a pas vraiment développé de connaissances très particulières et appliquées à ces problèmes.

Mme Tessier: Surtout que ies jeunes artistes ne sont pas informés très souvent de ces choses-là en fin d'études, ce qui éviterait peut-être les accidents, ce qui préviendrait toutes ces choses.

Mme Bacon: Vous parlez en page 15 d'un manque de concertation dans la création des débouchés et la nécessité que le ministère des Affaires culturelles établisse une table de concertation qui assurera une ligne de conduite basée sur l'excellence, et on revient encore là-dessus. Pourriez-vous préciser davantage sur la composition et les objectifs d'une telle table et les actions que devrait prendre le ministère des Affaires culturelles? Qui devrait être impliqué là-dedans?

M. Picard: Si vous le permettez, peut-être pour les gens qui n'ont pas le mémoire devant eux, je vais relire deux phrases: "En plus du ministère des Affaires culturelles, le ministère de l'Éducation, le ministère des Affaires intergouvernementales, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, sans parler de certaines agences comme les délégations, chacun dans son domaine, pour répondre à des impératifs de divers ordres, présentent "de la culture". C'est au cours de nos voyages et pérégrinations, des renseignements qu'on reçoit d'un peu partout, qu'on se rend compte qu'il semble qu'on n'a pas défini, un peu, ce qu'on voudrait voir présenter à l'extérieur. Quel est le type de manifestation qu'on vaudrait représenter et. lorsque nous parlons de recherche de l'excellence je pense que, si on veut que le Québec soit reconnu artistiquement, soit nationalement ou internationalement, il y a une seule façon de le faire: que tout ce qu'on présente, toujours, soit l'excellence.

Quand on parle de table de concertation, il nous semble que le ministère des Affaires culturelles est probablement celui qui est le mieux outillé pour non pas dicter des règles de conduite, mais plutôt indiquer, en concertation avec ses agences, le type de manifestation qu'on voudrait présenter. Ceci n'est pas un jugement de valeur, ni une critique à l'emporte-pièce du tout, mais cela est vraiment une constatation que nous avons faite, où quelquefois en s'en va à hue et à dia. Tout le monde y trouve

un peu son compte ou tout le monde n'y trouve pas son compte.

Encore une fois - et je pense que c'est M. Charbonneau qui en a parlé, ce matin, -une globalité de pensée, c'est comme si on avait du sable dans les mains et qu'on ouvre les mains très grandes. Cela se diffuse de façon un peu confuse. Je pense qu'il y aurait moyen, sans dépenser d'énergie tant que cela, tout simplement de se réunir, de se parler, de se dire: Dans telle chose, qu'est-ce qu'on fait et pourquoi? Définir un certain nombre d'objectifs, toujours avec la règle de l'excellence.

Mme Bacon: Merci beaucoup, encore une fois, pour l'excellence de votre mémoire. Je pense que cela ajoute à la réflexion que nous avons commencée il y a deux jours. C'est un appui qui nous réconforte. Merci.

M. Boulerice: Mme Tessier, je suis heureux de vous revoir et M. Picard. Je vous remercie, moi aussi, de la rare qualité et de la très grande pertinence de ce mémoire, tant dans sa vue d'ensemble que dans le souci du particulier dans vos recommandations, qui m'impressionnent. Si vous me permettez, je vais profiter de l'occasion - je trouve qu'elle est fort belle -pour exprimer ma gratitude envers l'organisme que vous représentez, qui est les Jeunesses musicales du Canada. Si je suis de la génération de ces Québécois qui peuvent prétendre avoir une culture musicale, c'est qu'il y avait dans ma ville natale, Juliette, la présence très active et dynamique des Jeunesses musicales. C'est peut-être tardif, mais c'est un merci très sincère que je vous adresse.

Mme Tessier: C'est une vocation tardive, alors.

M. Boulerice: J'aimerais, également, vous poser quelques questions, notamment celle-ci. Vous parlez de rééquilibrer l'enseignement supérieur à travers le Québec. Vous recommandez que le ministère des Affaires culturelles et le ministère de l'Éducation... Dans votre texte, vous dites "rationalise". Dans la formulation de ma question, je vais écrire "nationalise", mais cela se rejoint peut-être. Donc, vous recommandez qu'il distribue les ressources plus équitablement sur tout le territoire du Québec. Est-ce que vous pourriez développer davantage, pour mon bénéfice et pour celui de la commission?

M. Picard: Au départ, il y a superconcentration des maisons d'enseignement supérieur, d'une part, à Montréal, avec les universités qu'on connaît. Ensuite, il y a Québec, où il y a l'Université Laval avec son école de musique et le Conservatoire de

Québec. À Trois-Rivières, il y a le Conservertoire, d'une part, et le module musique de l'Université du Québec. (16 heures)

En régions, à Rimouski, Hull, Val d'Or, Chicoutimi - j'espère que je n'en oublierai pas - les conservatoires. Il y a une grande oubliée qui est, évidemment, la région de l'Estrie, Sherbrooke, qui a fait énormément de représentations, je pense, au Conseil des universités pour avoir sa faculté de musique dans son université, mais je ne sais pas pourquoi, je sais que cela n'a pas eu lieu. Ce que nous voulons dire surtout par là... devant ce grand nombre de maisons d'enseignement, ce que nous réclamons surtout au départ, c'est une rationalisation. Nous demandons -je pense que nous le disons textuellement dans la recommandation - que chacune des maisons se démarque, se spécialise, devienne vraiment une maison vouée à ia recherche d'excellence dans un domaine particulier.

Le problème auquel nous faisons face, je pense, dans la formation des artistes, c'est que chaque maison d'enseignement essaie de tout faire à la fois. Toutes les maisons d'enseignement voudraient produire d'excellents pianistes, chanteurs, violonistes, flûtistes, contrebassistes, hautboïste etc., mais avec le nombre de parsonnes que nous sommes dans notre province, les six millions, je pense que nous n'avons pas la clientèle pour un si grand nombre de maisons. Nous demandons donc que ces maisons se démarquent, aillent chercher chacune dans le corps professoral les expertises qu'elles ont et les développent, de telle sorte qu'il sera plus facile d'engager les grands maîtres, des gens très qualifiés dans un endroit: si on est violoniste on choisira telle place plutôt que telle autre parce qu'il y a telle chose.

L'autre conséquence c'est que la multiplicité de ces maisons d'enseignement fait que les musiques d'ensemble sont extrêmement importantes. On en parlait encore ce matin, lorsque la guilde présentait son mémoire et parlait des auditions aux orchestres. Les nôtres sont souvent mal préparés parce que, les maisons d'enseignement n'ayant pas un nombre assez grand de musiciens, elles ne peuvent chacune avoir un orchestre qui fasse le grand répertoire d'orchestre. Si on compare, par exemple à un nombre d'universités américaines... J'ai entendu, par exemple, à un moment donné Le sacre du printemps joué par l'orchestre d'une université américaine, un orchestre de 110 musiciens. Il n'y a personne au Québec qui peut faire ça, dans aucune maison d'enseignement. Non seulement assistons-nous à ce phénomène, mais il y a en plus absence de regroupement. Si on décidait de se regrouper, on pourrait avoir un orchestre important à Québec, par exemple, ou à Montréal où on pourrait toucher du répertoire qu'on ne fait pas. Je pense que

c'est ce que nous voulons principalement dire par cette réglementation. Quand on dit ensuite "redistribuer"... Là je parlais de Sherbrooke tantôt, est-ce qu'à la limite il faudrait décider de fermer une maison quelque part pour en ouvrir une ailleurs pour la décentralisation?

M. Boulerice: Les intervenants qui vous ont précédés ont beaucoup parlé de l'initiation à la musique, de créer un environnement propice, de culture musicale. Là je vais toucher au niveau secondaire. Vous savez sans doute qu'il existe à Montréal - et là je vais vous demander d'être juge mais je crois que votre expertise vous permet de porter jugement - à la commission des écoles catholiques, une école, Jean-François-Perrault, qui donne l'option musique. J'aimerais entendre vos commentaires... C'est quand même récent, ça ne date pas de très loin, quatre ans, cinq ans au maximum...

Mme Tessier: L'école secondaire Jean-François-Perrault est une excellente école. On souhaiterait qu'il y ait plus d'initiatives de ce genre. Il y a aussi l'école Pierre-Laporte, en danse et en musique, qui fait ce genre de choses, sur une échelle peut-être moins importante que Jean-François-Perrault. Mais quand même ce sont d'excellentes initiatives qui devraient se répéter, parce que c'est à l'école finalement qu'on commence ce métier-là.

M. Boulerice: II y a également le Plateau: vous me permettrez de le citer puisque c'est dans un lieu géographique que je connais bien, le comté de Saint-Jacques. Quelles seraient vos recommandations au niveau du primaire et même au niveau de la maternelle. Je vous dis cela parce que j'ai vécu une expérience récente en Europe d'initiation à la culture, je ne vous dirai pas dans quel domaine, où c'était fait avec des enfants de maternelle et je me disais: c'est de toute évidence ceux qui sont les consommateurs de demain. Donc si on les prend très tôt on risque de leur donner ce goût et peut-être après le goût, si ce n'est pas que le goût d'entendre ou d'apprendre, celui de pratiquer, éventuellement de jouer, peut-être pour en faire une carrière, ce qui est sans doute souhaitable, ou pour le bénéfice de leur culture personnelle. Au niveau de la maternelle et au niveau du primaire, quels seraient d'après vous les premiers gestes qu'on devrait poser? Ce serait un début* Parce que, aussi bien pour la musique que pour les sons ou pour les langues, c'est quand on a trois, quatre, cinq et six ans qu'on commence vraiment à réaliser toutes sortes de choses, et c'est vraiment à ce moment-là qu'il devrait y avoir, non seulement des éducateurs spécialisés en musique ou en art, mais ces enfants-là devraient être exposés à des ateliers de théâtre, de musique, de danse, comme cela se fait en Hongrie et en Chine, d'ailleurs, où j'ai eu l'occasion de passer un mois et de voir comment l'éducation artistique était bâtie. À côté d'eux, on est un peu des parents pauvres.

M. Picard: J'aimerais ajouter que, dans l'ensemble, la formation artistique à l'école élémentaire, en particulier, est trop basée sur le cognitif. Je pense - si on veut parler principalement de musique - que le cognitif doit suivre un apprentissage sans souci réel de connaissances au moins durant les trois premières années.

J'aimerais comparer l'apprentissage de la musique, en particulier, à l'apprentissage de notre langue maternelle. S'il avait fallu qu'on nous apprenne à parler notre langue maternelle en commençant par nous confronter aux règles de grammaire et aux exceptions de la langue française, je pense qu'on ne pourrait pas parler ensemble aujourd'hui.

Trop souvent en musique, à l'école élémentaire, on enseigne en fonction du cognitif. Je pense que l'expérimentation est la chose la plus importante, et, si j'avais une recommandation à faire, je demanderais à tous les professeurs de la première, deuxième et troisième année, et aussi de la maternelle, de ne faire qu'une chose. Faites chanter, faites danser vos enfants tous les jours. Et lorsqu'ils sont en troisième et quatrième année, mettez-leur une partition dans la main, mais ne perdez pas votre temps à leur montrer do, ré, mi. Qu'ils apprennent simplement une chanson et qu'en même temps, ils voient la musique écrite sur une portée. Et lorsque arrivera le temps de faire la connaissance, on aura des concepts très bien établis et cela ira extrêmement rapidement de voir que cela s'appelle do, cela s'appelle sol, quand cela dure plus longtemps, c'est une noire, c'est une blanche... Bon, je n'entrerai pas dans les détails. De la même façon que, la première fois à l'école, quand on a été capable d'accoler pa-pa ou ma-man, on n'a pas eu besoin de se faire expliquer longtemps ce que c'était; cela faisait probablement cinq ans qu'on en avait un, une à côté de soi. C'est cela la base, à mon avis. Le reste, cela viendra après.

M. Boulerice: J'aurais te goût de vous faire une "inside joke". Mme Tessier a tenté, récemment, une expérience similaire à Ottawa. On se comprend?...

Dans un autre ordre d'idées, quelles sont les possibilités qui s'offcent actuellement dans le secteur des professions connexes pour un jeune musicien?

Mme Tesser: C'est une autre chose

qu'on ne fait pas ou qu'on fait peu. Quand un musicien, un violoniste, par exemple, développe une tendinite aiguë et permanente, et qu'il n'a - comme je l'ai dit tout à l'heure - qu'appris à jouer du violon et seulement cela, que fait-il à l'âge de 22 ans? On ne développe pas ces professions connexes qui peuvent être musicothécaire, script-assistante d'émissions musicales, copistes, qui peuvent être toutes sortes de choses. On souhaiterait, nous, qu'à un certain moment, dans les études, si la personne développe soit un certain malaise, une certaine maladie ou ne peut plus se rendre au degré qu'elle devrait, il y ait une maison qui se spécialise et qui mette ces étudiants ou ces jeunes artistes au courant de ces professions connexes de sorte que, si, dans le courant de son existence, il arrive qu'ils ne puissent plus jouer de leur instrument, ils puissent au moins se tourner vers quelque chose d'autre, une profession parallèle où ils pourront gagner leur vie.

M. Picard: J'ajouterais, si vous le permettez, qu'il existe des débouchés énormes. La profession musicale, dans son ensemble, est constamment à la recherche de personnes qualifiées musicalement mais avec d'autres intérêts et d'autres connaissances pour les faire travailler, ne serait-ce que dans l'administration des arts. La plupart d'entre nous avons appris sur le tas et, comme on le dit dans le texte à un moment donné, avoir le choix entre quelqu'un qui n'a pas d'expérience ni de formation ou quelqu'un qui a une formation mais pas d'expérience, je vais prendre celui qui, au moins, est formé. Dans notre cas, dans l'ensemble, ce ne sont pas simplement à la suite de maladies, mais ce qu'on peut appeler les "dropouts" du système, parce qu'ils ne peuvent pas atteindre le niveau d'excellence instrumental, doivent se diriger vers autre chose, mais il n'existe pas ces possibilités de se former.

Les demandes sont énormes, la gérance de l'artiste, le domaine de la publicité... Un musicien peut être aussi un excellent photographe, et si, en plus, il connaît les besoins pour lesquels il va faire des photos, cela peut être un meilleur photographe qu'un autre, et les exemples... Il y a énormément de débouchés, sauf que - et on le redit -pendant le temps de la formation du musicien, on n'insiste pas sur les possibilités de faire autre chose que ce pourquoi on est formé.

M. Boulerice: Dans votre mémoire, vous parlez de la signature du premier contrat, des pièges qui peuvent s'y glisser. Est-ce que vous nous dites qu'actuellement, pour ce qui est des aspects légaux des contrats et des aspects syndicaux de la profession, il n'y a personne ou aucun endroit où le musicien peut s'adresser pour obtenir de l'information dans ce domaine?

M. Picard: Ce n'est pas tout à fait ce que nous disons. Ce que nous disons surtout, c'est qu'en cours de formation, on ne l'a pas mis sur les bonnes pistes, on ne l'a pas mis même du tout sur les pistes. Il y a des gens qui, pour la première fois de leur vie, lisent un contrat et, lorsqu'ils ont à le signer -souvent, ils sont dans un studio ou devant un producteur - la décision doit se prendre maintenant; ils n'ont jamais vu un contrat de leur vie. On ne les a pas mis en état de recherche et en état de s'informer des possibilités. Ils sont pris au dépourvu souvent par le nombre d'articles à lire, tout ce qu'un contrat comprend. Ils n'ont jamais vu cela de leur vie. C'est qu'on n'a pas eu ce souci de dire: Attention, lorsque vous allez avoir votre diplôme terminal, le premier engagement que vous allez obtenir, c'est un engagement professionnel et il y aura un contrat à signer.

Mme Tessier: Si je peux ajouter quelque chose...

M. Boulerice: Oui.

Mme Tessier: ...c'est qu'en fin d'études on ne semble pas préparer les jeunes artistes pour la vraie vie. Alors, c'est le côté pratique qui manque.

M. Boulerice: Une dernière question. Vous recommandez - c'est votre 14e recommandation - la création d'un fonds d'assurance dont les primes seraient payées à même la taxe d'amusement perçue par les municipalités, d'une part, et par les musiciens eux-mêmes, d'autre part. Est-ce que vous avez, lorsque vous avez formulé votre recommandation, prévu un mode de répartition?

M. Picard: Non, on n'est pas allé dans ces détails. C'est à la suite de discussions qu'on a eues avec beaucoup de gens. Je pense que la guilde, ce matin, a aussi parlé de ces mêmes problèmes. Il nous semble qu'il faille trouver une utilisation à la taxe d'amusement sur les manifestations artistiques. Je pense qu'on devrait trouver une utilisation autre que de simplement garnir les coffres d'une ville. À notre avis, si on pouvait trouver un moyen de faire un fonds avec ces sommes d'argent, auquel pourraient contribuer les artistes; un fonds d'assurance, ce serait une chose intéressante. Nous n'avons regardé ni les détails, ni les aspects légaux. Nous lançons l'idée. Peut-être qu'après la question que vous venez de nous poser on va essayer de voir ce qu'il en ressort, mais on pense que ce serait peut-être une bonne idée.

M. Boulerice: Effectivement. Mme Tessier et M. Picard, je vous remercie beaucoup. M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci M. le député de Saint-Jacques. Mme Tessier et M. Picard, je n'osais pas poser trop de questions, je m'excuse, j'ai dû m'absenter pour la demi-heure importante, malheureusement, je ne voudrais pas vous faire répéter des choses qui ont été dites en réponse à des questions.

Simplement pour vous dire, d'une part, que je partage entièrement les vues de votre organisme sur la formation. Vous avez été, d'ailleurs, un des seuls sinon le seul organisme à le souligner avec d'autant d'acuité, à savoir le problème de la formation trop restreinte des musiciens. Je suis aussi tout à fait d'accord avec vos vues sur la formation concentrée sur le soliste. C'est le problème.

Je me rappelle m'être fait quelques solides ennemis à l'époque où j'étais sous-ministre aux Affaires culturelles et où je défendais avec sûrement moins d'habileté que vous ne le faites ce dossier, ce problème qui, à mon avis, n'est pas réglé et que vous soulignez fort bien.

La question que j'aimerais vous poser, si elle ne vous a pas déjà été posée, c'est en ce qui concerne les conservatoires. Quand vous parlez, à la page 9, de cette nécessaire collaboration, concertation entre le ministère des Affaires culturelles et celui de l'Éducation: "En ce qui concerne les universités et les conservatoires, coordonne l'implantation des cours qui n'existent pas et que nous jugeons essentiels..."

D'abord, j'aimerais vous poser une première question. Quels sont les. cours, si vous n'y avez pas répondu, que vous jugez essentiels et qui ne seraient pas...

M. Picard: Non, M. le Président, nous en avons parlé un peu tantôt, mais....

Le Président (M. Trudel): Alors, je vous en prie, ne répétez pas, je lirai le Journal des débats. Compte tenu du temps dont nous disposons, je n'insiste pas, on pourra reprendre cela dans une conversation privée. (16 h 15)

Je vais vous poser une deuxième et dernière question, j'espère que celle-là ne vous a pas été posée. J'ai demandé hier à tous ceux qui étaient devant nous et pour tous ceux qui y passeront au cours des prochains jours, un peu pour provoquer le débat de façon générale, formons-nous trop d'artistes? Je vous pose une question plus précise, compte tenu des problèmes que vous avez évoqués, est-ce que nous formons trop de musiciens au Québec?

Mme Tessier: Je ne trouve pas qu'on forme trop de musiciens, mais qu'on en forme trop peu d'excellents.

M. Picard: Deuxième partie de la réponse, c'est vrai, trop peu d'excellents, mais je pense qu'on ne forme pas toujours les musiciens dont nous avons besoin. Encore une fois, quand on parle ici du cercle vicieux, soliste, soliste, soliste, soliste, je pense que c'est la principale préoccupation que nous avons. Où est le jeune quatuor à cordes au Québec? Où est-il? Où est le jeune trio classique, piano, violon, viloncelle? À celle-là, je peux répondre: il est à Chicoutimi. Où est un excellent quintette à vent? Non pas qu'il n'y en ait pas, mais un jeune. Où est le prochain quintette de cuivres? Où est le jeune orchestre de chambre sauf I Musici qui est tout récent? Mais, où sont-ils? Où sont, maintenant, dans les musiciens qu'on a formés - on revient à la question de tantôt - où sont, dis-je, les possibilités pour Radio-Canada ou les stations de radio ou tous les autres métiers connexes d'aller chercher des gens qui ont une compétence artistique, mais qui voudraient l'appliquer à autre chose? Je pense qu'il faut former des musiciens pour jouer soliste, pour jouer à l'orchestre, pour jouer en musique de chambre et pour enseigner. Parce qu'on a tenu pour acquis souvent que lorsqu'on a fait une carrière on devient professeur. Je pense que le don pédagogique n'est pas le même que le don d'interprète. On a aussi souvent fait de graves erreurs dans des maisons d'enseignement. Donc, nous ne formons pas trop de bons musiciens: On n'en forme pas assez d'excellents, comme l'a dit Micheline, et peut-être pas assez polyvalents ou avec l'esprit un peu trop concentré sur une seule chose, la maîtrise d'une technique.

Le Président (M. Trudel): En fait, madame - si cette question ne vous a pas été posée - à la page 7, vous recommandez que les camps musicaux du Québec réorientent leur tir, etc. Est-ce que cette question vous a été posée? Je vous demanderais de développer ce point, parce que c'était une autre de mes - comme on disait à l'époque - bibites. Je pense que c'en est encore une, je n'ai pas l'impression que le problème, là non plus, a été réglé. Au moment où j'étais au ministère, il y a déjà de cela trop longtemps, on parlait déjà beaucoup des camps musicaux. On parlait justement de la réorientation éventuelle de ce qu'ils faisaient. J'aimerais vous entendre parler quelques minutes ou quelques secondes à ce sujet.

M. Picard: Comme on le dit, je pense que, dans l'ensemble, les camps musicaux font simplement continuer le cycle d'étude sans vraiment ajouter sauf, peut-être, que les jeunes musiciens qui y participent ont la

chance d'étudier avec des professeurs auxquels ils n'auraient pas accès durant l'année scolaire.

Par exemple, un étudiant en violon de M. Untel ou de Mme Unetelle va dans tel camp musical où c'est une autre personne qui enseigne. Mais, à part cela, je pense que c'est la seule chose qui les distingue. À notre avis, nous pensons que les camps musicaux doivent continuer en partie cette phase d'étude parce qu'il est éminemment important que les jeunes musiciens continuent à travailler leur instrument pendant l'été et qu'ils n'arrêtent pas pendant trois mois, tout à coup; parce que c'est impensable. En même temps, puisque le climat est différent, je parle du climat pédagogique, l'environnement culturel est différent, je pense que les camps musicaux auraient grand avantage à orienter leur travail sur le métier de la scène, parce qu'ils ont généralement tous une bonne scène où les artistes peuvent jouer. On pourrait avoir, comme on le dit, des "master classes" qui portent sur autre chose que simplement mieux interpréter telle oeuvre plutôt que telle autre, et qui portent sur le métier de scène et être, je pense, plus rigoureux et plus critiques dans le bon sens du terme vis-à-vis des musiciens qui jouent.

Ce qui nous inquiète souvent, c'est qu'on fait miroiter très longtemps à des jeunes qui sont aux études, même dans des maisons supérieures, qu'ils vont finir par y arriver. Je ne pense pas que ce soit rendre service à un individu que de le garder sur les bancs de l'école à 20, 25, 28 ou 30 ans, en lui faisant croire que oui, s'il persévère, il va percer, comme on le dit, quand on sait pertinemment que ce n'est pas le cas. On devrait plutôt lui donner des chances de se réorienter.

Je pense que les camps musicaux d'été seraient un endroit tout è fait choyé pour arriver à mettre sur pied des cours que la maison d'enseignement n'a peut-être pas le temps de donner, parce qu'elle a seulement deux trimestres de quinze semaines.

Mme Tessier: J'aimerais ajouter quelque chose là-dessus. Je pense que plusieurs camps musicaux, notamment les plus importants, auraient avantage à s'inspirer de ce qui se fait à Banff l'été. C'est à Banff qu'on donne des cours en administration des arts, sur leur aspect légal, etc. Je souhaite voir le jour où, au Québec, on pourra avoir cela. Moi-même, pour suivre ce cours, j'ai dû aller à Banff.

Le Président (M. Trudel): Ce qui n'est pas tout à fait désagréable. C'est è la fois coûteux et lointain. Merci, Madame. M. le député de Sherbrooke, on me dit que vous aviez demandé la parole.

M. Hamel: M. le Président, j'ajouterai quelques commentaires. M. Picard et Mme

Tessier, je désire, comme mes collègues, vous féliciter bien chaleureusement pour l'excellence de votre mémoire. Vous avez relevé avec beaucoup de justesse des lacunes sérieuses touchant la formation de nos jeunes musiciens. Vous avez tracé un portrait global de ce secteur vital qu'est la formation. Dans la pertinence de vos commentaires et recommandations, on sent nettement le fruit de votre précieuse expérience. Étant natif de Sherbrooke, vous comprendrez que j'ai grandi dans l'évolution des Jeunesses musicales. Les noms de Mme Boivert et de M. Gilles Lefebvre sont pour moi des noms familiers associés au succès des Jeunesses musicales. -

Quant à l'École de musique de Sherbrooke, l'école universitaire, vous m'avez ouvert une porte. Je déplore vivement, comme vous, qu'elle n'ait pu être formée comme l'avait promis le ministre de l'Éducation de l'époque, M. Jacques-Yvan Morin. Vous avez parlé de rationalisation du réseau de l'enseignement supérieur. C'est un mot qui me plaît beaucoup et je vous inviterais à nous présenter un mémoire dans ce secteur spécifique lors de nos audiences sur le réseau universitaire concernant l'enseignement supérieur. Je pense qu'il serait profitable d'avoir votre expertise dans ce secteur particulier.

Ce matin, je posais une question concernant les nombreuses écoles de musique. Il y en a beaucoup, mais peut-être que leur répartition pourrait être effectuée avec plus de justesse et de rationalité. C'étaient simplement mes commentaires. Merci, M. le Président. Je n'ai pas de question à poser.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Sherbrooke. Mme Tessier, M. Picard, il me reste, encore une fois, tout en réitérant mes félicitations et celles de la commission pour l'excellence de votre mémoire, à vous remercier de vous être prêtés à nos questions et à vous souhaiter bonne chance dans cette entreprise que vous menez depuis des années avec acharnement. Bon retour à Montréal. Merci beaucoup.

M. Picard: Merci. Mme Tessier: Merci.

Association canadienne des annonceurs Inc.

Le Président (M. Trudel): Nous entendrons maintenant l'Association canadienne des annonceurs Inc., représentée cet après-midi par son vice-président, M. Maurice Brisebois, et par son conseiller juridique, Me Robert Legault.

Messieurs, tout en vous laissant le temps de vous installer confortablement, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue à la commission. Vous connaissez sans doute,

puisque vous assistez à nos travaux depuis ce matin, les règles du jeu. Nous avons une petite heure vingt de retard, ce qui n'est pas dramatique. Mats il faut quand même avoir la même politesse à l'endroit de tout le monde et tous ceux qui ont été convoqués à comparaître aujourd'hui le feront aujourd'hui. Je ne dis pas qu'on pourra toujours préciser quand la comparution se fera, mais, dans la mesure du possible, on vous demanderait encore une fois de résumer les grandes lignes de votre mémoire qui a été lu par les membres de la commission. Il a l'avantage d'être relativement court et de traiter d'un point bien précis. Par la suite, nous procéderons à une période de questions. M. Brisebois ou Me Legault, je vous cède la parole.

M. Brisebois (Maurice): M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les commissaires, l'Association canadienne des annonceurs apprécie l'occasion de présenter le point de vue de ses membres lors de cette consultation générale sur le statut économique de l'artiste et du créateur.

Avant de procéder, j'aimerais vous présenter mon collègue Me Legault, qu'on a déjà présenté comme conseiller juridique de l'ACA. En plus de cela, Me Legault est chef négociateur depuis plus de dix ans dans les négociations avec l'Union des artistes, représentant non seulement les annonceurs, mais aussi les agences de publicité du Canada. J'ai moi-même eu l'occasion depuis cinq ou six ans de participer à ces négociations.

Quelques mots sur notre association. Je résume autant que possible, M. le Président, mais tout de même il faut faire comprendre que notre association a été fondée en 1914 et que nous regroupons à peu près 225 annonceurs nationaux et régionaux dans tout le Canada. L'ensemble des budgets publicitaires des membres de notre association représente environ 85 % de toute la publicité nationale, pour un montant total de près 1 500 000 000 $, pour activer la vente de plus de 100 000 000 000 $ de biens et de services. C'est à nous qu'il incombe, chaque fois que nous le devons, d'être le porte-parole de nos membres auprès du public et des responsables gouvernementaux en matière de législation et de réglementation.

Le rôle de l'Association canadienne des annonceurs est d'assumer son leadership dans la promotion des intérêts de la publicité et de rehausser le niveau de responsabilités - je dis bien rehausser le niveau de responsabilités - des annonceurs au Canada. Son objectif principal est de créer un environnement qui donne aux annonceurs la possibilité de présenter une publicité efficace et de qualité professionnelle.

L'ACA - si vous le voulez bien, dorénavant je dirai simplement l'ACA -ayant toujours collaboré étroitement, tant avec les artistes du Québec que ceux de tout le Canada, et cela depuis plus de 25 ans, ne peut être insensible aux revendications légitimes de ces derniers en ce qui concerne leurs droits de suite. L'ACA ne s'oppose pas non plus au désir des artistes d'acquérir hors de tout doute un statut de travailleur autonome et indépendant qui leur permettrait de bénéficier des avantages fiscaux que cela peut procurer. Puisque personne n'est sans ignorer les désavantages et l'insécurité qu'un tel statut engendre, il est normal que l'Union des artistes entende assurer à ses membres que les quelques avantages qui y sont reliés leur soient accordés. Aussi, c'est avec beaucoup d'intérêt que l'ACA s'est penchée sur le document déposé ici, préparé par l'Union des artistes et intitulé "Loi sur les artistes-interprètes, créateurs et artisans". Nous avons malheureusement été fort étonnés de constater que ce document touchait davantage nos relations de travail avec les membres de l'union que le statut de l'artiste en tant que tel ou encore un moyen de clarifier son statut de pigiste et de protéger ses droits de suite. De fait, le projet de loi, s'il devient loi, affectera grandement les relations de l'ACA avec les autres partenaires de l'industrie de la publicité ainsi qu'avec son interlocuteur actuel, l'Union des artistes. Conséquemment, l'ACA se doit de faire part à cette commission parlementaire de sa position face air projet de loi.

Procédons tout d'abord au résumé des grandes lignes du projet présenté par l'Union des artistes sous le titre "Loi sur les artistes-interprètes, créateurs et artisans". Le projet oblige les interlocuteurs autorisés, donc les producteurs, à négocier une entente avec l'association professionnelle reconnue dont il y est fait mention. On doit comprendre qu'il s'agirait probablement ici, évidemment, de l'Union des artistes.

Sous le titre "La négociation", il est prévu un mécanisme de médiation advenant que l'union et les producteurs ne puissent en venir à une entente, ledit mécanisme imposant une entente d'une façon ou d'une autre avec rétroactivité. Il est également stipulé qu'il est interdit à quiconque, artiste ou producteur, de négocier une autre entente avec qui que ce soit. La reconnaissance de l'association professionnelle dont il est fait état dans ce document prévoit une requête à cet effet, avec documents à l'appui, impose la représentativité de la majorité des artistes-interprètes (50 % +1) et assure l'exclusivité à l'association qui obtiendra une telle reconnaissance. La reconnaissance de l'association d'interlocuteurs autorisés impose l'obligation aux producteurs de se regrouper en association incorporée et assure également l'exclusivité de représentation et de négociation à telle association, une fois

qu'elle aura été reconnue par le tribunal administratif et ce, après requête à cet effet, avec documents ' à l'appui. Une association reconnue l'est pendant une période minimum de trois ans et son terme se renouvelle de trois ans en trois ans. Or, une fois que l'association professionnelle est reconnue, nul ne peut, sans son autorisation, conclure d'entente particulière, ou générale et collective, avec un individu ou une autre association que cette association professionnelle reconnue. (16 h 30)

Sous le titre "Extension juridique" il est prévu que l'association professionnelle reconnue pourra éventuellement faire imposer l'entente qu'elle aura négociée à tous les artistes-interprètes pigistes, membres ou non de l'association professionnelle, ainsi qu'à tous les producteurs et diffuseurs de la province de Québec, membres ou non de l'association d'interlocuteurs reconnue qui aura conclu telle entente. Il est également prévu que l'entente collective non seulement pourra être imposée à tous, mais en plus que sa validité, son application et son contenu n'ont pas à être contestés de quelque façon que ce soit. Après une analyse du document, l'ACA s'étonne qu'il ait été intitulé: "Loi sur les artistes-interprètes, créateurs et artisans", alors que le mémoire traite du statut de l'artiste au Québec.

L'ACA est d'avis que ce document poursuit plutôt les buts suivants: imposer aux annonceurs et aux agences de publicité de négocier une entente collective avec l'Union des artistes, seule véritable association actuellement en mesure de se faire octroyer le statut d'association professionnelle reconnue; imposer par la suite les termes et conditions de cette entente à tous les producteurs de la province - tant les annonceurs que les agences de publicité - et, donc, accroître et imposer la juridiction de l'UDA à tous, dans tous les coins de la province, incluant les petites agences de publicité, les petits annonceurs locaux, les petits postes de radio et de télévision; assurer à l'Union des artistes le statut permanent d'association professionnelle reconnue.

En effet, il est évident qu'au lendemain de l'adoption d'une telle loi l'Union des artistes présentera une requête en accréditation au tribunal administratif. Par la suite, l'UDA s'assure de conserver sa reconnaissance presque à tout jamais et ce, de façon exclusive, à moins que ne survienne l'éventualité quasi improbable qu'un autre groupement lui prenne plus de la moitié de ses membres et les garde dans ses rangs pour une période pouvant aller jusqu'à trois ans, avant de réussir à faire reconnaître son caractère de représentativité, en lieu et place de l'Union des artistes, laquelle pourrait, entre-temps, avoir perdu telle représentativité.

Donc, une fois que l'UDA aura acquis le statut d'association professionnelle reconnue, le présent projet de loi lui servira aux fins suivantes. L'Union des artistes se sera fait consacrer par la loi son pouvoir exclusif de négocier des ententes et/ou conventions collectives pour les artistes du Québec dans tous les champs d'activité prévus au document. L'Union des artistes obligera tous les producteurs à négocier avec elle et seulement avec elle. L'Union des artistes obligera tous les artistes de la province de Québec à rejoindre ses rangs et à se soumettre aux termes et conditions des ententes qu'elle aura négociées. L'Union des artistes se servira de cette loi pour accroître et imposer sa juridiction à tous les annonceurs et agences de publicité, petits ou gros, dans toute la province et ce, en obligeant tous les producteurs à respecter les ententes qu'elle aura négociées. Enfin, si quelqu'un veut contester l'imposition, par l'Union des artistes, d'une entente ou d'une convention collective à laquelle cette personne n'a jamais été partie, l'union lui servira sa présomption irréfragable contenue au projet de loi, en même temps que son caractère d'ordre public et enfin l'aspect obligatoire de toutes les clauses de l'entente créées par l'adoption du décret. Cela nous semble beaucoup de clauses de non-contestation dans un même article.

Pour les raisons énumérées préalablement, l'ACA s'oppose aux principes qui se dégagent de l'ensemble du projet de loi. L'ACA a toujours participé à la négociation avec l'UDA de la convention sur les annonces publicitaires. Il a toujours été clairement entendu lors de ces négociations avec l'Union des artistes qu'il s'agissait là, non pas d'une convention collective au sens de la loi, mais bien d'une entente bona fide avec l'Union des artistes, qui ne liait que les membres que nous représentions, donc, les annonceurs et les associations d'agences de publicité. Nous voyons mal comment nous pourrions participer à l'élaboration d'une convention qui imposerait ce que nous avons négocié à des entreprises qui ne sont pas membres de notre association, qui ne nous ont nullement mandatés pour négocier en leur nom et qui ont souvent des préoccupations, des besoins ou des moyens tout à fait différents des nôtres, tout en se situant dans un contexte économique non comparable à celui des membres que nous représentons. Évidemment, la compagnie General Foods et le Roi de l'habit sont, tous deux, des annonceurs qui utilisent la publicité, mais on comprend tous qu'ils ont des ressources fort différentes.

Par ailleurs, l'ACA a toujours été particulièrement soucieuse de respecter la loi relative aux enquêtes sur les coalitions, de façon à ne jamais être taxée de tenter

d'éliminer la concurrence par le biais d'une détermination de prix, "price fixing". En conséquence, nous ne pouvons que nous demander, dans le contexte du projet de loi de l'Union des artistes, si ce n'est pas tenter de se servir de la législation québécoise pour créer un monopole en faveur de l'Union des artistes et ce, en contravention de ce qui est prévu dans la loi précitée.

L'ACA et ses membres ne s'opposent pas, nous le répétons, aux revendications des artistes en ce qui concerne leur statut fiscal et leur droit de suite. Ces revendications nous paraissent légitimes. L'ACA ne peut toutefois donner son assentiment à une expérience politique et économique dont l'ACA et ses partenaires de l'industrie de la publicité seraient les principaux cobayes. L'ACA a toujours été prête à collaborer à l'avancement du statut de l'artiste en encourageant le talent et la créativité dans le respect de la liberté et de l'indépendance de l'artiste. Les membres de l'ACA désirent cependant, eux aussi, conserver leur liberté et leur indépendance.

L'imposition du regroupement de toute l'industrie de la publicité en un seul camp, l'absence de mécanismes dans le projet de loi qui puissent assurer la conciliation des intérêts au sein de ce regroupement prescrit par le projet de loi, l'imposition d'une entente et la mise en place quasi certaine de monopoles auront pour effet de restreindre considérablement cette liberté et cette indépendance.

Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le président. Mme la ministre.

Mme Bacon: Merci, M. le Président. M. Brisebois, Me Legault, d'abord, j'aimerais vous remercier de votre mémoire qui nous donne l'occasion d'examiner une dimension particulière dans le cadre de nos travaux. Vous avez, en effet, choisi de vous situer par rapport à la position exprimée par l'Union des artistes. Au nom des 225 annonceurs régionaux et nationaux répartis dans tout le Canada, l'Association canadienne des annonceurs effectue un travail important en ce qu'elle doit se faire le porte-parole de ses membres auprès du public et, aussi, auprès des responsables gouvernementaux en matière de législation et de réglementation. Votre expérience apporte sûrement un éclairage intéressant à tous les membres de cette commission et je tiens à vous remercier sincèrement de votre contribution.

Il est certain que tous les membres de cette commission sont intéressés par les propos tenus dans votre mémoire. Ce qui nous importe aujourd'hui, c'est davantage la vision que vous nous communiquez quant aux voies et quant aux moyens que vous recommandez en vue de revaloriser le statut de l'artiste. Sans passer en revue chacun des points de votre analyse sur le projet de loi présenté par l'Union des artistes, je relève dans votre mémoire, et je vous cite en page 10, que "l'Association canadienne des annonceurs et ses membres ne s'opposent pas aux revendications des artistes en ce qui concerne leur statut fiscal et leur droit de suite." Toutefois, vous vous dites en faveur de l'avancement du statut de l'artiste en encourageant le talent et la créativité dans le respect de l'indépendance de l'artiste.

En regard du principe que je viens d'énoncer et qui est le vôtre, j'apprécierais que vous nous donniez votre point de vue sur les voies et aussi sur les moyens pour parvenir à l'avancement du statut de l'artiste. En d'autres termes, si le projet de loi présenté par l'Union des artistes ne vous paraît pas satisfaisant, quelles voies entend suivre l'Association canadienne des annonceurs pour parvenir aux objectifs qui sont reliés à l'amélioration de la qualité de la vie des artistes? Par la même occasion, peut-être pourriez-vous nous indiquer le rôle que vous souhaitez voir jouer par le ministère des Affaires culturelles dans le dossier?

M. Brisebois: L'Association canadienne des annonceurs a un but, un objectif seulement: on se préoccupe de la publicité. Lorsqu'une compagnie manufacture des biens ou produit un service, la publicité est une partie importante de son succès économique, et notre responsabilité est la publicité. Nous avons prouvé dans le passé, et nous voulons continuer à le faire, qu'en négociant non seulement avec PUDA mais l'ACTRA et aussi les musiciens on s'assure dans le contexte de la publicité au Canada et au Québec qu'il y a de l'ordre, que les gens ont des ententes, que les tarifs et les modalités de travail sont établis. C'est ce qu'on a fait depuis le début et c'est ce qu'on veut continuer de faire. On est évidemment en faveur du développement économique des artistes, des interprètes, mais on ne prétend pas vouloir tout changer, on voudrait simplement continuer à travailler la main dans la main afin que tout soit bien organisé, que ce ne soit pas la pagaille dans le milieu.

M. Legault (Robert): Si vous me permettez, Mme la Présidente, je ne pense pas...

Le Président (M. Trudel): Je m'excuse, on m'a pris pour Mme la présidente, je ne sais pas ce qui arrive avec mon...

M. Legault: Je m'excuse, Mme la ministre.

Le Président (M. Trudel): Mme la ministre.

M. Legault: Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Le président de l'Assemblée nationale s'est trompé lui aussi hier et je commence à avoir de sérieux doutes sur où j'en suis. Je me pose des questions profondes. Mme la ministre.

M. Legault: Vous faites bien de me rappeler à l'ordre. Ce que j'allais rajouter tout simplement c'est qu'il n'est pas du rôle de l'ACA, il n'est de l'intention de l'Association canadienne des annonceurs de prendre des moyens pour favoriser l'avancement du statut de l'artiste. Ce qu'on veut simplement dire dans notre mémoire évidemment on ne voudrait pas prendre le rôle ou la place des 37 associations qui ont présenté des mémoires devant vous - ce qu'on veut souligner c'est que nous ne nous opposons pas à un tel statut, à l'avancement d'un tel statut, au contraire. Si vous nous demandez quels sont les moyens que nous favorisons ou que nous pourrions favoriser pour procurer à l'artiste un statut économique plus avantageux, évidemment il y a actuellement un débat sur la Loi sur le droit d'auteur, auquel l'Association canadienne des annonceurs participe, et nous sommes favorables évidemment. Personne ne peut être contre la vertu. De plus, nous sommes favorables à établir certaines garanties concernant la perception des droits de suite par les artistes. Donc, il peut y avoir plusieurs moyens pour garantir à l'artiste un statut économique plus favorable.

Tout ce que nous voulions souligner dans notre mémoire c'était que le projet de loi qui était déposé en annexe avec le mémoire de l'Union nous semblait être un projet de loi qui ne garantissait nullement le statut économique de l'artiste ou qui ne garantissait nullement une amélioration du statut économique de l'artiste, mais qui nous semblait au contraire être davantage un document qui voulait nous forcer à négocier ou qui changerait les règles du jeu de la négociation qu'on a effectuée avec l'Union depuis les 25 dernières années.

Mme Bacon: Est-ce que vous pouvez nous dire les modes de consultation qui existent dans votre association par rapport à la question du statut de l'artiste? Est-ce que vous avez fait une vaste consultation chez vos membres?

M. Legault: Non, Mme la ministre, nous avons eu des discussions sur le sujet avec les représentants du conseil d'administration de l'Association canadienne des annonceurs, mais nous n'avons pas eu le temps de consulter tous les membres répartis dans tout le Canada.

Mme Bacon: Lorsque vous préconisez le respect de la liberté, de l'indépendance de l'artiste, est-ce que l'on doit comprendre qu'un regroupement de vos membres ou d'autres associations n'est pas souhaitable dans un dossier aussi délicat peut-être que les négociations de conditions de travail, pour ne citer que celui-là? Est-ce qu'un regroupement ne serait pas souhaitable dans un tel cas et quel type de dynamique ou de rapport de forces pourriez-vous proposer dans un dossier, encore une fois, aussi délicat et complexe à la fois que sont les relations du travail? (16 h 45)

M. Legault: Vous savez, Mme la ministre, c'est extrêmement difficile de parler d'un regroupement lorsque les différents intervenants ont des intérêts tellement différents. Il est évident qu'à l'Association canadienne des annonceurs, si on parle de membres ou d'annonceurs, de compagnies qui utilisent les services de la publicité, si on parle d'annonceurs comme General Foods ou Coca-Cola ou comme les brasseries, ceux-ci ont des moyens financiers qui sont fort différents de ceux des petits annonceurs. De plus, si on parle d'une grosse agence de publicité à Montréal ou à Québec, c'est fort différent de la petite agence de publicité qui est située en province. Si on parle des médias, évidemment que... Si vous me permettez de citer Télé-Métropole ou Radio-Canada, ils ont des moyens qui sont fort différents de ceux des diffuseurs qui sont en province également. Alors, un regroupement de toute l'industrie de la publicité en un seul camp - et c'est là-dessus que nous faisions notre conclusion -pourrait difficilement garantir ou assurer tes intérêts de tous et chacun. Nous avons des intérêts qui sont fort divergents.

Mme Bacon: En page 6 de votre mémoire, vous soulignez que votre association a toujours participé à la négociation de conventions sur les annonces publicitaires. Est-ce que vous pourriez nous expliquer les principes qui guident votre travail par rapport à un tel dossier et en même temps, peut-être, nous dire quelques mots sur les problèmes que vous rencontrez dans le cadre des règles actuelles qui vous régissent?

M. Legault: Je m'excuse, madame la ministre. Dans le cadre de...?

Mme Bacon: Nous dire quelques mots sur les problèmes que vous rencontrez dans la cadre des règles actuelles qui vous régissent.

M. Legault: D'accord. Si vous me permettez, je vais faire un léger retour en arrière ou un historique de nos négociations.

Évidemment, si on remonte à quelque 20 ou 25 ans, il semblerait que l'Union des artistes, voulant établir des règles de travail pour ses membres, voulant établir certaines garanties, a décrété que, dorénavant, un acteur principal dans un message publicitaire, cela coûterait tant, les repas seFaient à telle heure ou de telle durée et a établi certains critères, certaines lignes de pensée. À ce moment-là, la seule association d'agences de publicité qui existait était située en Ontario et la négociation se faisait avec les gens de Toronto.

Il y a quelques années, quelque dix ans - si je peux me permettre - les associations d'agences de publicité ici au Québec se sont regroupées et ont voulu avoir leur mot à dire dans cette négociation étant donné que cela affectait, évidemment, directement leur travail quotidien. C'est à ce moment-là qu'a été créé ce qu'on appelle pour les fins de la discussion les producteurs conjoints. Ceci veut dire que, lorsque nous négocions avec les représentants de l'Union des artistes le contenu d'une nouvelle convention de travail, la négociation se fait entre l'Union des artistes, d'une part, et, d'autre part, tes producteurs conjoints. Les producteurs conjoints est une dénomination fictive, c'est une entité qui n'existe pas, qui n'a pas d'existence juridique. Les producteurs conjoints regroupent quatre associations. Il y a d'abord l'Association canadienne des annonceurs que nous représentons, il y a l'Institut canadien de la publicité qui est une association d'agences de publicité. Il y a le Conseil des agences de publicité du Québec qui est également une association d'agences. Enfin, il y a l'Association des dirigeants d'agences de publicité francophones' du Québec qui est une association d'agences.

Donc, comme vous pouvez le constater, il y a trois associations d'agences de publicité et une association d'annonceurs. Pour éviter d'avoir à le répéter à toutes ces associations, à chaque fois qu'on parlait de notre côté de la clôture, il y a eu cette dénomination qui a été créée pour les fins de la discussion, laquelle s'appelle les producteurs conjoints.

Donc, les producteurs conjoints négocient avec l'Union des artistes les conditions de travail des membres de l'union. Maintenant, lorsque nous négocions pour nos membres, nous négocions uniquement pour nos membres et l'Association canadienne des annonceurs s'est toujours bien gardée d'imposer à quiconque le fruit de ses négociations avec l'union. Nous avons eu, à quelques reprises, la visite du directeur des pratiques commerciales au niveau des enquêtes et coalitions qui se posait la question, à savoir si c'était légal ce qu'on faisait, de négocier avec l'union. On lui a retourné la question: Est-ce légal? Si ce n'est pas légal de négocier avec l'union, dites-le-nous. On ne veut pas imposer, on ne veut pas créer de monopole, on ne veut pas éliminer la concurrence, on ne veut pas faire quoi que ce soit. Finalement, c'est la raison pour laquelle on a toujours dit: Nous négocions strictement pour le bénéfice de nos membres, c'est-à-dire les associations d'agences de publicité qui sont représentées dans les producteurs conjoints et les annonceurs qui font partie de l'Association canadienne des annonceurs. Maintenant, si les autres annonceurs ou les autres agences veulent suivre les conditions de travail que nous avons négociées, libre à eux. Mais, s'ils ne peuvent pas le faire ou s'ils ne veulent pas le faire, à ce moment-là, nous ne pouvons évidemment pas leur imposer de le faire.

Mme Bacon: II y a un dossier dont on parlera, évidemment, beaucoup dans les prochains mois, peut-être même les prochaines années, c'est celui du libre-échange. Est-ce que ce dossier a fait l'objet de discussion au sein de votre association ou si vous avez l'intention d'y travailler?

M. Brisebois: On parle constamment du libre-échange. Et, comme un peu tout le monde, on n'est pas beaucoup avancé. Notre association, comme on a dit tout à l'heure, s'occupe aussi des négociations avec l'ACTRA anglaise et les musiciens. Hier, j'étais à Toronto en réunion avec des gens, des Américains, Association of National Advertisers; ces derniers négocient avec la SAG, qui est l'association comme l'UDA aux États-Unis. Il y a des échanges d'information. C'est entendu qu'on n'est pas rendu au point - on étudie le dossier - où on peut présenter un rapport.

Mme Bacon: Merci beaucoup.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. Brisebois, M. Legault, comme le temps avance et qu'il y a d'autres intervenants, je n'irai pas au préambule et je poserai immédiatement mes questions, en vous remerciant toutefois de venir nous présenter votre point de vue.

Je remarque qu'à la page 2 vous faites état de 1 500 000 000 $ pour ce qui est du chiffre d'affaires. Est-ce que vous pourriez me donner le chiffre d'affaires annuel global pour l'industrie de la publicité, mais au Québec? Je crois que le montant de 1 500 000 000 $ était pour l'ensemble du Canada.

M. Brisebois; Ce ne sont pas nos chiffres. Je peux me tromper d'un petit milliard de dollars, ce n'est pas beaucoup, mais pour le Canada on parle d'environ

6 500 000 000 $ au total; on parle de publicité, pas seulement la publicité nationale ou celle des gros annonceurs, on parle de la publicité au détail, Au Québec, c'est probablement de l'ordre de 1 500 000 000 $.

M. Boulerice: Pouvez-vous m'indiquer le pourcentage du montant qui va aux artistes en cachets?

M. Brisebois: On toussait, je n'ai pas compris, excusez-moi.

M. Boulerice: Pouvez-vous m'indiquer le pourcentage du montant global, que vous venez de me citer, qui va en cachets aux artistes?

M. Brisebois: Non, je n'ai pas ces chiffres. Généralement, si une personne a un budget de 10 000 000 $, le coût de production est d'à peu près de 15 %; quand je dis "production", je ne parle pas des cachets aux artistes, je parle de la production en général, que ce soit une annonce imprimée ou un commercial qui est produit. Le coût de production est d'environ 15 %. Le cachet des artistes, évidemment, n'est pas de 15 %, mais je n'ai pas les chiffres.

M. Boulerice: Vous n'avez pas les chiffres. Dommage!

Vous avez dans votre mémoire "focalisé" sur ce que vou3 appelez le projet de loi, mais qui, à nos yeux de parlementaires - je pense que le malentendu est dissipé - n'est pas un projet de loi; c'est véritablement une annexe au mémoire de l'Union des artistes. Donc, vous avez "focalisé" là-dessus, sauf que plusieurs autres mémoires nous ont été présentés par différentes associations. Dans la plupart de ces mémoires, on retrouvait - cela nous était souligné d'une façon assez particulière - les difficultés que rencontraient les artistes à négocier individuellement un contrat. Jeunesses musicales, tantôt, y étaient; on nous faisait part du désarroi d'un jeune artiste à son premier contrat. Donc, la plupart en ont parlé.

À partir de cela, comme c'est une commission sur le statut de l'artiste dans son ensemble, statut social, économique, etc., je vous poserais cette question: Ne croyez-vous pas que le droit d'association pour négocier est un élément de revalorisation et d'amélioration du statut de l'artiste au Québec?

M. Brisebois: Pour nous, les artistes sont représentés par l'Union des artistes ou bien par l'ACTRA. On travaille depuis toujours avec les organisations qui sont en place ou l'organisation qui est en place et on a l'intention de continuer. Excepté que ce qu'on dit aussi là-dedans, c'est qu'on a des membres, mais il y a des gens qui ne sont pas membres chez nous, on n'a pas de mandat d'eux pour travailler pour eux. Les ententes qu'on fait, si c'est avec l'Union des artistes, cela représente strictement nos membres soit au niveau des annonceurs soit au niveau des agences de publicité. On se limite à cela.

M. Boulerice: Est-ce que vous pourriez me préciser davantage le pourquoi de vos objections à l'égard de la section "Extension juridique" de l'annexe dite projet de loi de l'Union des artistes?

M. Legault: La raison pour laquelle on s'oppose à cette extension juridique, c'est que ce qu'on a qualifié de projet de loi -vous nous dites évidemment qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi - ou l'annexe qui a été déposée par l'Union prévoyait dans son extension juridique que rien ne peut être contesté... Il me semble que, dans la province de Québec, tout peut être contesté. On a un système judiciaire, on a des tribunaux, on a des systèmes d'appel, on peut demander à une autorité compétente de déterminer si oui ou non une partie a raison. Dans le cas présent, il y a tellement de clauses de non contestation dans le même document, que c'est impossible de contester quoi que ce soit.

M. Boulerice: D'accord. M. le Président, je vais céder la parole à mes autres collègues.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Saint-Jacques. Est-ce que d'autres membres de la commission auraient des... Mme la député de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. J'avais fait part au président de la commission de ma surprise du libellé de votre mémoire soumis à la commission parlementaire concernant la "Loi sur les artistes-interprètes, créateurs et artisans." Je trouvais cela intéressant parce que c'est - il faut le souhaiter - en fait, un projet de loi que cette commission aura éventuellement à discuter. Je pense que vous devancez en cela les décisions de Mme la ministre. Il nous semblait que nous pouvons sans doute penser, d'une certaine façon, que le grief que vous faites au document déposé par l'Union des artistes devant cette commission dans votre mémoire et que l'on retrouve à la page 3, grief selon lequel ce document ne touchait pas, dites-vous, le statut de l'artiste en tant que tel... Dans une large mesure, le vôtre ne concerne que l'annexe du projet de loi au mémoire de l'Union des artistes. Je pense bien qu'on peut vous renvoyer le grief très facilement.

Aux questions posées par Mme la ministre, je pense que vous avez identifié ce qui, selon vous, améliorait ce statut, à savoir amélioration du statut fiscal et protection des droits de suite. D'une part, j'aimerais savoir si cela vous semble satisfaisant. D'autre part, à la lecture de ce mémoire -je ne veux pas entrer, je pense bien que cela ne serait pas opportun à ce moment-ci, "relevant", d'examiner les considérations que vous amenez en regard d'un projet de loi qui n'est pas devant nous pour. tout de suite, tout au moins.. Une remarque très brève, concernant - parce que vous insistez beaucoup là-dessus - l'imposition d'une entente à des producteurs qui ne seraient pas des producteurs avec la même carrure, avec le même volume, donc l'imposition d'une entente qui, selon vous, résulterait du projet de loi. Je dois, évidemment, vous rappeler qu'il peut y avoir - vous êtes un négociateur émérite - des annexes à tout projet de convention, il peut y avoir des lettres d'entente particulières pour tel type d'annonceurs qui sont situés géographiquement dans telle région, pour telle catégorie. Je pense bien que c'est une vue de l'esprit que d'imaginer de façon uniforme que, parce qu'il y aurait un tel type de convention pour telle sorte d'annonceur, elle s'appliquerait sans distinction aucune. On retrouve cela à la page 7. Pour l'intelligence des membres de cette commission, il faut comprendre qu'il peut toujours y avoir des lettres d'entente ou des annexes, il peut donc toujours y avoir des protocoles qui s'ajustent aux réalités des uns et des autres. C'est ma première remarque. J'aimerais vous entendre là-dessus. (17 heures)

Concernant, d'une certaine façon, ce que j'appellerais votre vision de la chose, en lisant votre mémoire - je sais que Me Legault est un eminent juriste - comme vous insistiez beaucoup à la page 10 et autres sur la liberté et, disiez-vous, l'indépendance, cela me rappelait cette fameuse maxime qu'on nous enseigne, dès le début de nos études de droit, que, entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et le droit qui affranchit. On nous donne toujours l'exemple de la liberté du loup dans la bergerie, pour nous faire comprendre qu'il y a parfois une action collective permettant le respect des droits individuels.

C'est un peu cette vision que je veux obtenir de vous, particulièrement en ce qui regarde la page 10, cette sorte d'assimilation que vous faites à la loi relative aux enquêtes sur les coalitions. Je vous assure que j'ai beaucoup de difficultés à suivre le raisonnement. J'aimerais peut-être que vous nous l'expliquiez. L'enquête sur les coalitions concerne la fixation des prix, pas celle des salaires. Je ne sache pas que rien de ce qui concerne l'enquête sur les coalitions concerne les salaires. Pensons, par exemple, à un secteur bien connu, celui du sucre et des raffineries de sucre, qui a donné lieu, devant les tribunaux, à des poursuites en vertu de la loi d'enquête sur les coalitions.

Mais, toutes les raffineries de sucre, que je sache - je connais assez bien ce secteur pour en avoir une dans mon comté -ont donc des syndicats accrédités qui représentent leurs travailleurs et ils sont tous à la même centrale. Je ne sache pas que cela fasse jamais l'objet d'enquête. La fixation des salaires, il faut voir cela relativement à l'accréditation d'associations représentatives. C'est un modèle courant dans les relations de travail qui, en aucune façon, ne peut être assimilé à quelque chose qui a à voir avec la fixation des prix et le domaine des enquêtes sur les coalitions.

J'aimerais connaître votre point de vue là-dessus. Pourquoi amenez-vous, d'une certaine façon, un rapprochement à cet égard? J'aurais d'autres questions par la suite, si M. le Président m'en laisse encore le loisir.

M. Brisebois: Je voudrais prendre la première partie de votre question. Notre mémoire devance évidemment un peu les événements. Il est très possible qu'à la suite des audiences publiques il n'y ait pas d'autres audiences publiques avant un projet de loi. Donc, je veux mettre immédiatement sur la table les problèmes, si tel projet était accepté, projet qui pourrait confronter les annonceurs. Je ne peux pas parler au nom des autres, mais je peux quand même parler pour les agences de publicité et les médias au Québec.

L'autre partie, vous avez dit qu'à une entente il peut y avoir toute sorte de choses connexes pour les gens qui n'ont pas les moyens des General Foods de ce bas monde. Dans le moment, on a toujours dit qu'on négociait pour nos membres. C'est notre seule responsabilité. Ce que l'UDA fait est très bien. Quand un autre annonceur, tel Steinberg qui n'est pas membre chez nous, fait de la publicité à la télévision, l'UDA lui demande de signer une lettre d'adhésion montrant les ententes que nous avons faites; Steinberg accepte et les mêmes conditions prévalent. Il n'y a pas de tarifs spéciaux pour Steinberg qui est un grand annonceur... Je vais prendre un petit annonceur, mais ce sont les mêmes conditions qui prévalent. C'est l'état présent des choses.

Quant à la question de la coalition, je laisse cela à Me Legault.

M. Legault: Quant à la brève intervention que nous avons faite concernant la loi relative aux enquêtes sur les coalitions, comme je vous l'ai souligné brièvement tout à l'heure, nous avons eu à quelques reprises la visite des inspecteurs du Service des enquêtes et coalitions, Direction des

pratiques commerciales, qui, ayant appris que nous négociions une convention avec l'Union des artistes pour déterminer combien on devait payer pour faire un message publicitaire ou pour utiliser les services d'un artiste dans un message publicitaire, se posaient la question s'il était légal ou illégal d'agir comme nous le faisions. Évidemment, nous avons analysé la question, nous nous sommes penchés sur le problème, nous avons discuté avec la Direction des pratiques commerciales. C'était une question de "price fixing" qui était à l'origine de tout le débat. Nous avons demandé au directeur des pratiques commerciales de bien vouloir nous confirmer par écrit qu'il était légal pour l'Association canadienne des annonceurs de continuer ces négociations entreprises de langue date quand même, depuis environ les vingt dernières années, avec l'Union des artistes. On n'a jamais voulu nous confirmer effectivement par écrit qu'il était légal de négocier de cette façon. Tout ce que je veux souligner sur ce point, c'est que la Direction* des pratiques commerciales, au Service des enquêtes et coalitions, semble penser qu'il pourrait être illégal ou qu'il pourrait être légal de continuer la négociation comme nous le faisons avec l'union, comme je vous le soulignais, sans aucun doute parce que nous représentons une certaine catégorie d'annonceurs et que nous ne représentons pas la totalité des annonceurs, au Canada. Comme M. Brisebois vous le soulignait, si nous représentons des annonceurs qui dépensent 1 500 000 000 $ en publicité, il se dépense au Canada 6 500 000 000 $ en publicité incluant évidemment tous les petits détaillants, incluant les gouvernements et les petits, les moyens et les gros annonceurs. C'est ce que je peux vous répondre concernant la loi relative aux enquêtes sur les coalitions.

M. Brisebois: L'entente tacite qu'on a eue... Disons que, ensemble, l'UDA, l'ACTRA et nous, on faisait un bon travail. Les choses allaient bien, tout le monde était protégé, on n'allait pas chercher des acteurs aux États-Unis, en France ou ailleurs tout le temps. On protégeait le talent canadien, francophone ou anglophone. C'est réellement la raison pour laquelle ils ont dit: Allez-y, mais on ne le met pas par écrit. C'est ma connaissance des faits.

Mme Harel: M. le Président, évidemment, un projet de loi viendrait d'une certaine façon clarifier ce genre de situation qui peut encore, compte tenu des propos que j'ai entendus de Me Legault, en tout cas, pour ce qu'il en a dit, apparaître confuse ou ambiguë. Puisque vous êtes avec nous, que vous nous présentez ce mémoire et que vous êtes préoccupé par ces questions, ce que j'aimerais obtenir de vous comme information, c'est ceci: Puisque vous nous avez tellement parlé du mémoire de l'Union des artistes, je me réfère à cette affirmation qui est faite. J'aimerais peut-être savoir comment vous réagissez à cette affirmation qui était, disons, la trame de fond, mais qui était libellée dans le mémoire, à savoir qu'il est injuste de faire peser sur les artistes, individuellement, la responsabilité d'aller seuls négocier les conditions minimales décentes de leur entente contractuelle et donc qu'il y avait intérêt à ce qu'une loi garantisse la capacité de négocier des conditions minimales. Si vous voulez, on peut penser que c'est là l'a priori de la position qui conduit à ce projet de loi dont vous nous parlez dans votre mémoire. J'aimerais savoir quelles sont vos réactions en regard de cela et si vous considérez qu'il est vrai qu'un tel projet de loi pourrait améliorer le statut économique de l'artiste, pourrait garantir, d'une façon plus régulière, plus large, les conditions d'exercice de sa négociation puisque, de toute façon, qu'elle soit individuelle ou collective, il y en a une, il faut bien l'admettre. Est-ce qu'un tel projet de loi garantirait, selon vous, des conditions d'exercice qui n'existent pas présentement parce que vous-mêmes ou d'autres peuvent se soustraire à n'importe quel moment? Vous avez dit vous-même que c'est bona fide. Vous avez la liberté de vous soustraire actuellement; c'est bien le cas? Peut-être pas vous, mais bon nombre de ceux qui, comme vous, dans votre secteur, font la même chose que vous. En d'autres termes, ceux qui parmi vous respectent les ententes sont défavorisés par rapport à ceux qui ne les respectent pas, qui peuvent s'y soustraire. Ai-je tort de croire qu'il en est ainsi?

Le volume de vos activités - parce que vous nous avez dit que la publicité, c'est une portion importante du succès économique -en serait-il diminué s'il y avait ce type de condition d'exercice qui viendrait faciliter ou régulariser les conditions minimales dans lesquelles s'exerce le métier d'artiste?

M. Legault: Vous savez, madame, ce n'est pas notre intention de croire que tous les artistes doivent être pris par la main pour négocier un contrat. Il est faux de prétendre que tous les artistes sont incapables de se représenter adéquatement, qu'ils doivent nécessairement être présentés par une association, par un syndicat, par une union. Nous ne sommes pas non plus contre l'existence de l'Union des artistes. Nous ne sommes pas contre le fait que l'union représente ses membres, défende les intérêts de ses membres et les aide à négocier des conditions minimales de travail. Cependant, ce contre quoi nous en avons, c'est que le document présenté par l'union en annexe et intitulé "Loi sur les artistes-interprètes" nous semblait créer un monopole exclusif à

l'Union des artistes, non seulement exclusif, mais perpétuel, d'après l'analyse que nous en avons faite. S'il est possible au Québec d'appartenir à une centrale syndicale, s'il est possible d'appartenir à un syndicat, je ne pense pas qu'il serait souhaitable qu'au Québec il n'y ait qu'un seul syndicat. Je pense que les employés d'une entreprise ont le droit de choisir le syndicat auquel ils veulent appartenir. Dans le document qui vous était soumis - c'est la raison de notre intervention - cela nous semblait être le contraire. Il n'y avait qu'une seule association, il n'y avait qu'un seul syndicat et c'était l'Union des artistes. C'est dans ce sens-là que je veux vous souligner que, non, nous ne sommes pas contre le fait que des garanties minimales soient accordées aux artistes qui travaillent le moins, mais je peux vous garantir que la majorité des artistes savent très bien défendre Ieur3 droits et n'ont pas besoin d'être toujours pris par la main pour négocier un contrat.

Mme Harel: Merci beaucoup. Malheureusement, à cause des contraintes de temps, on m'indique que je ne peux poursuivre, mais on aura sans doute l'occasion de le faire lorsque nous étudierons un projet de loi, ce que nous souhaitons.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la députée de Maisonneuve, de votre collaboration. Messieurs, il me reste à vous remercier de vous être prêtés, comme nombre de groupes, au barrage de questions des membres de la commission. Je vous souhaite un bon retour à Montréal et on aura sûrement l'occasion... Vous avez exprimé avec courage, il faut le dire, compte tenu de la délicatesse du sujet, une position qui se devait, à mon avis, d'être exprimée. On vous reconnaît tout à fait ce droit. Cela va sûrement donner lieu à des discussions que nous aurons entre nous et à la réflexion que Mme la ministre poursuivra après la consultation générale en cours. Nous vous en remercions infiniment. Bon retour à Montréal.

M. Brisebois: Merci beaucoup.

Société du droit de reproduction

des auteurs-compositeurs

et éditeurs au Canada Inc.

Le Président (M. Trudel): Nous entendrons maintenant un ou des représentants de la Société du droit de reproduction des auteurs-compositeurs, et éditeurs au Canada Inc., la SODRAC, représentée par Mme Zénaïde Lussier, directrice.

Mme Lussier (Zénaïde): C'est ça.

Le Président (M. Trudel): Madame, bienvenue à Québec. Il nous fait plaisir de vous rencontrer. Il est 17 h 15. Sans brimer, encore une fois, d'aucune façon le droit de parole des membres de la commission, je souhaiterais, si possible, que nous terminions l'étude de votre mémoire et les discussions qui s'ensuivront pour 18 heures, de façon à pouvoir entendre quatre organismes à compter de 20 heures ce soir. (17 h 15)

Pour ceux des membres de la commission qui pensaient pouvoir finir autour de 22 heures ce soir, je pense que vous allez devoir siéger plus longtemps que cela. Nous avons l'intention, après entente - j'en parlerai à la suspension tantôt - d'entendre les quatre groupes qu'il nous reste à entendre après vous, madame. C'est avec grand plaisir que je vous cède la parole.

Mme Lussier: Bonjour. Je vais tenter d'être brève, quoiqu'on ait toujours l'impression que tout ce qu'on a mis dans notre mémoire est d'une importance capitale et que rien ne peut être exclu. La SODRAC tient, d'abord, à saluer l'initiative prise par le gouvernement de convoquer une commission parlementaire pour analyser la condition socio-économique des artistes québécois. Cette démarche démontre un intérêt et une volonté politique qui sont de fort bon augure pour toute la collectivité artistique du Québec.

C'est donc avec vous, messieurs et mesdames de l'Assemblée nationale, que la SODRAC fête aujourd'hui son premier anniversaire. C'est, en effet, le 22 mai 1985 qu'est née la Société du droit de reproduction des auteurs-compositeurs, et éditeurs au Canada. Elle est née du désir des auteurs et des compositeurs de se doter d'une société pour les représenter et faire valoir leurs droits pour ce qui est de la reproduction de leurs oeuvres.

Le droit de reproduction vise toute reproduction c'est-à-dire toute fixation sur un support, quel qu'il soit, d'une oeuvre musicale. On dit souvent en parlant du droit de reproduction, droit mécanique, en faisant plutôt référence aux supports audio: disques et cassettes. On dit également le droit de synchronisation en faisant plus particulièrement référence aux supports audiovisuels: films, vidéo. Tout cela est une question de vocabulaire. L'appellation générale et le terme général, c'est droit de reproduction. Le droit de reproduction est distinct du droit d'exécution publique. Vous entendrez, plus tard aujourd'hui, la SDE et la CAPAC qui sont, elles aussi, des sociétés d'exécution publique. Les deux droits, le droit de reproduction et le droit d'exécution publique, sont distincts et ils commandent des rétributions également distinctes. Un auteur-compositeur non seulement peut, mais doit être membre de deux sociétés pour

percevoir les droits relatifs à ses oeuvres musicales et ses chansons en ce, qui concerne la reproduction et l'exécution publique.

La SODRAC est une société d'auteurs. En fait, c'est la première société de perception de droits de reproduction essentiellement contrôlée par des auteurs en Amérique. Les auteurs sont majoritaires à son conseil d'administration. Notre président d'honneur est Gilles Vigneault. Les membres, auteurs-compositeurs, à notre conseil d'administration sont François Cousineau, Lise Aubut, Pierre Bertrand, Jane McGarrigle et Luc Plamondon. La SPAC, que vous avez entendue hier, la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs, détient 50 % des actions votantes de notre société. Le solde, les 50 % restants, étant détenu par ta SACEM, la société d'exécution publique française, et par la SOE, aussi connue sous le nom de ProCan.

La SODRAC représente 800 auteurs, compositeurs et éditeurs canadiens, mais aussi des répertoires étrangers. Pour n'en citer que quelques-uns, nous représentons le répertoire français, italien, belge, brésilien, beaucoup de répertoires étrangers. La SODRAC est avant tout une société de perception. La fonction première de notre société est de percevoir les droits d'auteur, évidemment, sur la vente des disques, mais aussi sur le droit de synchronisation dont je parlais avant. La SODRAC considère également qu'elle doit s'occuper de l'intérêt de ses membres. C'est donc a ce titre et pour mettre en évidence certains aspects particuliers du statut social et surtout économique des auteurs et compositeurs que la SODRAC comparaît devant cette commission. Les aspects dont nous traiterons concernent plus particulièrement le droit de reproduction que nous administrons.

J'ai eu cela pour une chanson. Vous connaissez cette expression qui traduit un sentiment de satisfaction devant un bien acquis pour presque rien. Le statut de l'auteur-compositeur est lié à la valeur économique du produit qu'il génère et à la perception qu'en a le public qui, par ailleurs, affirme de façon non équivoque l'importance des artistes et de leurs oeuvres dans sa vie, tel qu'en faisait foi le sondage commandé par l'Union des artistes.

Mais, effectivement, quand on regarde ce que rapporte au Canada aux auteurs-compositeurs la vente de disques, on parle de bien peu de chose. Pour ajouter aux chiffres qui vous étaient cités hier par la SPACQ, Diane Juster a perçu la somme rondelette de 3181,94 $ pour "Je ne suis qu'une chanson", dont elle avait composé les paroles et la musique. C'est un succès qui a servi de levier pour générer un chiffre d'affaires environ mille fois plus important si on considère qu'à la vente le prix moyen des disques, des 33 tours, était de 10 $. Edith

Butler et Lise Aubut ont perçu chacune 1000 $ pour "Paquetville", Pierre Bertrand 125 $ pour "Ma blonde m'aime". Lorsque Robert Charlebois et Luc Plamondon ont obtenu un Félix au Gala de l'ADISQ de 1983 pour "J'taime comme un fou", c'est la somme de 729 $ chacun qu'ils ont perçue. Ceci donne sans doute un éclairage supplémentaire à un certain mouvement d'humeur qui avait fait des remous à l'époque.

Un auteur-compositeur canadien perçoit dans la plupart des cas 0,02 $ par chanson par disque vendu. C'est environ 3 fois moins qu'en France, en Angleterre, au Japon et en Australie. La législation américaine prévoit 0,05 $, même si en moyenne c'est plutôt 0,0325 $ que l'on perçoit. Il faut aussi souligner que l'on est parfois deux, trois, quatre auteurs, compositeurs, éditeurs à se partager cette maigre pitance.

Si les auteurs perçoivent si peu pour la vente sur disque de leurs chansons, c'est surtout à cause de la loi canadienne sur les droits d'auteur qui prévoit un système de licence obligatoire. Au Canada, en effet, un producteur de disques peut enregistrer une oeuvre musicale une fois que l'auteur a autorisé un premier enregistrement, sans être tenu à payer d'autres redevances que 0,02 $. La loi prévoit même 0,02 $ pour chaque face de reproduction. Il ne faut pas oublier que l'on ignorait le 33 tours au moment de la rédaction de la loi qui parle encore de rouleaux perforés. L'industrie phonographique reconnaissant les excès qu'amènerait une application littérale du texte de la loi convient de payer 0,02 $ par chanson.

La présence dans notre droit de ce système de licence obligatoire qui ne s'applique qu'à compter du second enregistrement a eu des conséquences considérables puisque les producteurs phonographiques ont instauré un système qui de facto n'assure aux ayants droit que dans des cas exceptionnels des redevances supérieures à 0,02 $ et ce même pour les premiers enregistrements. Le fait également que les redevances soient payées sur les exemplaires vendus occasionne des délais et un contrôle plus difficile compte tenu des nombreux intermédiaires.

Il se produit peu de disques et il s'en vend peu. Seulement deux disques québécois au cours des derniers mois se sont mérités un placage or, c'est-à-dire une vente de 50 000 exemplaires et plus. Il s'agit de l'album "II y a de l'amour dans l'air", dont l'interprète est Martine St-Clair, et du "Party" d'Edith Butler. Entre 1980 et 1985, la vente au Québec des disques a chuté de 43,18 %. Au Canada, la baisse est moins accentuée et • se situe à 25,31 %. La prolifération des moyens de reproduction à domicile, la copie privée n'est sûrement pas étrangère à cette chute, transformant l'amateur de musique moyennement équipé au

plan technique en véritable pirate qui prive les ayants droit, auteurs, compositeurs, producteurs et interprètes, de la juste rétribution rattachée à la vente de disques ou de cassettes.

Plusieurs pays ont mis en place des systèmes pour compenser les titulaires de droits pour les pertes causées par l'enregistrement à domicile. D'autres, dont les Etats-Unis, l'Italie, les Pays-Bas, la Suisse étudient actuellement la possibilité d'adopter des systèmes analogues.

Le gouvernement canadien hésite encore sur la question. Sa réponse à la Charte des créateurs et créatrices en témoigne. Mais depuis un certain budget du 10 mai 1983 une taxe de 2 $ sur la vente de certaines bandes vidéo de trois quarts de pouce est perçue au Québec. Mais le produit de cette taxe n'a jamais fait l'objet de distribution aux ayants droit. Il s'agît d'une intention louable ayant été complètement détournée de son objet premier. Nous demandons donc au gouvernement actuel de corriger cette situation.

Il est clair qu'une législation en matière de droits d'auteur constitue l'élément essentiel d'une politique nationale de la culture, un élément déterminant du statut social et économique des auteurs-compositeurs que nous représentons. Le gouvernement québécois a, cependant, fait la preuve que la volonté politique d'agir pouvait suppléer à l'absence de pouvoir législatif en matière de droits d'auteur. Le chemin parcouru en ce qui a trait, notamment, à la reprographie et à la reproduction d'oeuvres audiovisuelles dans les institutions d'enseignement en témoigne. Nous avons été rassurés, le 9 avril dernier, d'entendre les propos de Mme Lise Bacon, ministre des Affaires culturelles, devant les délégués de la CISAC et du BIEM, deux sociétés internationales regroupant des associations d'auteurs, qui étaient réunis è Montréal. Le gouvernement actuel semble déterminé, non seulement à ne pas faire marche arrière, mais à conserver, voire améliorer, une image d'exemple et de leader en matière de propriété intellectuelle. La SODRAC espère donc entreprendre et mener à bon port les négociations relatives à la rétribution liée à la reproduction des oeuvres musicales dans les institutions d'enseignement.

Mais il faut reconnaître à la chanson son statut de matière première. À la base de tout disque ou vidéoclip, il y a une chanson, une "toune" comme on dit dans le domaine. Même la plus belle voix, même la technique la plus sophistiquée ne trompe pas indéfiniment le public. Il importe que le ministère des Affaires culturelles et les sociétés d'État qui en dépendent soient conscients de cette réalité lorsque sont allouées des sommes è titre de subventions ou d'investissements pour le rappeler au milieu de la production qui est porté à l'oublier, mettant plutôt au chapitre des priorités des factures à payer, le vinyle, la pochette, le studio, etc.

La SODRAC demande donc instamment au gouvernement: de poursuivre et d'intensifier l'action entreprise en ce qui concerne la propriété intellectuelle; d'appuyer les représentations des créateurs dans le processus de révision de la loi sur le droit d'auteur; de voir au respect des droits des créateurs à l'occasion de l'octroi de fonds publics par l'introduction de conditions spécifiques d'admissibilité et de dispositions contractuelles à cet effet; de consulter les organismes qui représentent les auteurs-compositeurs à l'occasion de l'élaboration de programmes d'aide destinés à l'industrie du disque et de la vidéo; de s'assurer que l'octroi de fonds publics québécois è l'industrie et de la vidéo améliore le statut des auteurs-compositeurs; de voir à ce que sa société de télévision d'État s'acquitte de ses obligations face au droit de reproduction; de mener à terme des négociations pour compenser les ayants droit pour la reproduction des oeuvres musicales en milieu scolaire; de mettre au point de nouveaux mécanismes de financement privé par l'instauration de systèmes d'avantages fiscaux liés à l'investissement dans l'industrie du disque; de mettre au point, sans délai, des mécanismes de redistribution de la taxe perçue sur le matériel vidéo et d'étendre cette mesure aux dispositifs de reproduction audio.

L'intervention de l'État devient utile, voire nécessaire. Il faut cependant que le statut des auteurs-compositeurs soit amélioré du fait de cette intervention, mais pas au détriment des autres intervenants, producteurs, distributeurs, agents. Il faut mettre fin à la "théorie de la tarte", toujours plus petite avec toujours plus de bouches à nourrir. Il faut que l'auteur compositeur trouve sa place, celle qu'il aurait toujours dû avoir, et perçoive sa part, sa juste part.

Le moteur de l'intervention du gouvernement doit résider dans une conviction profonde que la chanson est le premier maillon de la chaîne d'une industrie, conviction que nous voulons vous amener à partager et qui, traduite en actions concrètes, est seule susceptible de générer une action efficace et fructueuse. Je vous remercie.

Le Président (M. Trudel): Merci, madame. Mme la ministre. (17 h 30)

Mme Bacon: Merci, M. le Président. Mme Lussier, j'aimerais d'abord vous souhaiter un heureux premier anniversaire. Ce mémoire que vous nous présentez est sûrement l'aboutissement d'un long cheminement qui vous a amenés à vous regrouper il y a une année. La lecture et l'analyse de votre mémoire nous aident à comprendre la dure réalité vécue dans le domaine de la reproduction de la musique. Selon les chiffres et les descriptions qui nous sont fournis, vous estimez que l'action du gouvernement au niveau de la propriété intellectuelle doit être poursuivie intensément. De même, vous nous suggérez, évidemment, des moyens d'intervention qui, à première vue, réapparaissent appropriés eu égard aux problèmes vécus dans le milieu. Personnellement, je tiens à vous remercier de votre contribution dans le cadre des travaux de cette commission, laquelle est une contribution importante.

En page 9 de votre mémoire, vous suggérez la mise au point des mécanismes de distribution de la taxe perçue sur le matériel vidéo. Pourriez-vous nous expliquer la répartition qui devrait être considérée dans le cas de cette redistribution entre les différents intervenants? Votre cheminement est-il allé aussi loin que cela?

Mme Lussierî Je pense que la meilleure façon est encore de se référer à des expériences qui existent ailleurs à travers le monde à ce niveau. L'expérience que je connais le plus, que nous connaissons le plus, c'est celle de la France où, sur le matériel audio, la répartition s'effectue ainsi: une demie aux auteurs-compositeurs, un quart, un quart aux producteurs et interprètes pour le domaine audio. Pour ce qui est de l'audiovisuel, un tiers, un tiers, un tiers.

Ce qui est intéressant aussi, c'est que la préoccupation qui arrête les gouvernements, enfin le gouvernement fédéral à l'heure actuelle, est basée beaucoup sur le fait que la balance commerciale du Canada est largement déficitaire au niveau des industries culturelles et notamment de la chanson.

Ce qui arrive dans les pays où un système est instauré - c'est le cas en France et en Autriche; il y en a sans doute d'autres, mais je les connais moins - c'est qu'il y a une portion de 50 % "above the top", pour parler en anglais, qui reste à l'intérieur du pays pour des oeuvres nationales, c'est-à-dire la formation des jeunes; cela pourrait être l'investissement dans le disque ou dans la vidéo. Ce qui est important pour nous, c'est que ces sommes-là soient acheminées via les sociétés qui existent. On pense que la meilleure façon, c'est encore de se servir des sociétés qui sont là.

À partir du moment où on a dit: Un tiers, un tiers, un tiers, ou une demie, un quart, un quart, et qu'on a déjà enlevé une portion au début pour les oeuvres nationales, qui a été reproduit? Les redistributions sont souvent basées sur le fait que ceux qui sont les plus joués à la radio sont les plus reproduits et ceux qui sont les plus vendus sont également les plus reproduits. Donc, il y a des clés de répartition qui sont possibles à l'intérieur, à partir des données qui seraient disponibles des sociétés d'exécution publique, par exemple, à partir des données sur les ventes de disques.

C'est l'état de notre réflexion, en se basant aussi sur les expériences existant dans le monde. Ce qu'il faut retenir, par exemple, c'est qu'en France, pendant que nous, on a de la difficulté à faire une loi, eux, ils en font deux. Ils en ont adopté une le 3 juillet dernier.

Les dispositions relatives à la copie privée, comme on dit plutôt en France, ne sont entrées en vigueur qu'en janvier. Donc, on reconnaît que ce n'est pas simple et, comme la France est le pays de la négociation, les clés de répartition à l'intérieur des sociétés vont être négociées. Il y a une société, je pense qu'elle s'appelle SORECOP qui sert de chapeau pour mettre au point ce processus de négociation.

Mme Bacon: Vous demandez au gouvernement de poursuivre intensément son action entreprise au niveau de la propriété intellectuelle. Voulez-vous m'expliquer jusqu'où vous voulez voir le niveau d'intensité de la démarche gouvernementale? Pouvez-vous identifier certains intervenants que vous voudriez voir mettre en cause, par exemple, dans cette démarche? Quel est le rôle que vous voulez voir jouer au ministère des Affaires culturelles dans toute cette démarche?

Mme Lussier: Pour ce qui est de la révision de la loi ou en propriété intellectuelle, de façon générale?

Mme Bacon: En propriété intellectuelle de façon générale.

Mme Lussier: Je pense qu'il y a une image d'exemple du Québec parce qu'au Québec, historiquement, on est plus près des choses culturelles et on ne se pose pas la question à savoir si on a une culture différente, ce qui n'est pas forcément le cas au Canada anglais.

Je pense que déjà si l'État donne l'exemple dans sa maison... Il y a le Service gouvernemental de la propriété intellectuelle qui a fait un travail très apprécié pour ce qui est de l'information, de la formation, de l'établissement de contrats. L'information, ce n'est pas simplement au public qu'il faut la donner; je pense qu'il y aurait un travail

intéressant à faire à ce niveau-là, mais aussi auprès des auteurs-compositeurs. Il n'y a pas juste les usagers qui sont en cause, il faut aussi que les auteurs-compositeurs prennent leur cause en main. Je pense qu'il y a de l'information que le gouvernement peut véhiculer.

Par exemple, dans les écoles, si les petits enfants savaient que, lorsqu'ils font une photocopie d'un livre, quand ils reproduisent le disque de Nathalie Simard qu'ils ont emprunté à leurs petits copains, cela prive des gens qui ont écrit des chansons. Il faudrait que cela commence déjà là. Je pense que c'est important. Quand je prends l'exemple que l'État donne par rapport au traitement qu'il accorde dans ses relations contractuelles avec les ayants droit, je pense que c'est un très bon exemple.

Le gouvernement ou le ministère des Affaires culturelles et puis tout le Service gouvernemental de la propriété intellectuelle, toutes ces entités ont présenté des mémoires, ont donné des appuis, des opinions sur la révision de la loi. L'automne dernier, j'ai été convoquée, enfin, il y a eu une table ronde d'organisée par le Service gouvernemental de la propriété intellectuelle qui voulait réagir - est-ce que c'était à la charte, à l'époque, ou à la réponse, Michel? - à la réponse. Évidemment que c'est le service gouvernemental qui faisait son mémoire, mais il voulait sonder le terrain. Je pense que ce sont des niveaux d'intervention qui sont appréciables et essentielSc

Mme Bacon: D'accord. En page 5 de votre mémoire, vous vous élevez contre la prolifération des moyens - vous venez d'en parler, d'ailleurs - de reproduction à domicile. Vous citez des exemples de pays qui ont mis en place des systèmes pour compenser les titulaires des droits pour les pertes causées par l'enregistrement à domicile, par exemple. Est-ce que vous croyez que la situation qui est vécue ici nécessite une telle intervention de l'État? En même temps, est-ce que vous pouvez identifier certains aspects qui vous intéressent particulièrement?

Mme Lussier: Je pense que le phénomène de la copie privée, c'est un phénomène mondial. Les ventes de disques chutent. La chute au Québec est plus dramatique, car il y a un autre facteur qui est lié sans doute à l'envahissement mondial de la culture américaine. La copie privée, au tout début, on a pensé qu'il fallait la sanctionner. On s'est vite rendu compte que c'était impossible, c'était vraiment aller à contre-courant, et que la seule façon de compenser les ayants droit, c'est vraiment de percevoir, tant sur le matériel de reproduction que sur les bandes, des redevances et de les redistribuer. C'est sûr que, comme nous sommes dans un processus de révision de la Loi sur les droits d'auteur, on pense qu'il ne faut absolument pas- rater ce bateau et qu'il doit y avoir, dans la loi qu'on attend à l'automne, des dispositions à cet effet.

Une des grandes discussions au gouvernement fédéral, c'est toujours la balance commerciale déficitaire. II y avait le mémoire ou la dissidence de Mme MacDonald; elle disait: Si on intègre une disposition dans la . Loi sur les droits d'auteur, à cause de la réciprocité qui est partie des conventions internationales et du traitement qu'on doit donner, des sorties de fonds, il faudrait peut-être penser à une taxe. Mais, une taxe, on est un peu traumatisés par ce qui est arrivé avec, ce que des gens appellent la taxe Plamondon, laquelle est perçue depuis quelques années au Québec. On en fait une question de principe, car on dit: Cela doit être une redevance parce qu'il faut que cela retourne aux ayants droit et que c'est lié aux pertes de revenus de l'exploitation d'oeuvres protégées. Notre réaction, au-delà de la réaction théorique, est beaucoup liée au fait que nous sommes très très déçus et tout à fait traumatisés par cette taxe. On se dit: Mon Dieu, s'il fallait qu'au gouvernement fédéral on décide plutôt d'une taxe et que cela s'en aille dans des belles causes, mais qui n'ont rien à .voir avec les revenus de nos gens! Voilà, c'est ce que je pense.

Mme Bacon: Merci beaucoup.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Merci. J'aurais le goût de vous chanter "C'est à votre tour", mais je pense que cela n'améliorera pas mes chances face à l'industrie du disque.

Mme Lussier: II faudrait demander à mes amis de l'Union des artistes si vous en avez le droit.

M. Boulerice: C'est un considérant que...

Mme Lussier: Cela vous donne une excuse, en tout cas.

M. Boulerice: Voilà. Alors, mes meilleurs voeux pour ce premier anniversaire, en vous en souhaitant de nombreux autres.

Voici la première question que j'aimerais vous poser. Vous avez fait état d'une chute de 43 %, ou quelque chose comme cela, concernant les disques et les cassettes, en comparant 1980 à 1985. Est-ce dû uniquement aux moyens de reproduction illicites, illégaux, etc., ou y a-t-il d'autres

causes?

Mme Lussier: II y a d'autres causes. Cette crise est mondiale. Les chiffres que je citais sont tirés d'une publication de Statistique Canada. Il est clair que c'est lié, au Québec, par exemple, à la crise plus particulièrement ressentie dans la chanson française. En France aussi on parle de crise. Je n'ai pas les chiffres, mais je pense qu'il y a une crise mondiale en ce qui concerne le disque, particulièrement durement ressentie chez les francophones.

C'est aussi une question de moyens. Ce n'est pas seulement parce qu'on chante en français, c'est aussi parce qu'on a ies moyens qu'on a pour faire des disques français qui ont de la difficulté à être concurrentiels. Si, à la radio, on baisse le contenu francophone en disant qu'il n'y a pas d'approvisionnement, il n'y a pas d'approvisionnement parce qu'il n'y a pas de chansons, c'est la saucisse Hygrade qui recommence.

L'intervention du gouvernement est nécessaire pour donner à nos auteurs-compositeurs les moyens de faire, au plan technique, des produits qui soient concurrentiels. Personne n'a jamais dit qu'il n'y avait pas de talents, je pense que tout le monde le reconnaît. Mais si on veut faire des disques qui ont un son concurrentiel, il faut intervenir. L'intervention de l'État, à ce moment-ci, est particulièrement importante si on veut que cela continue.

Je peux ajouter aussi, qu'on remarque que les jeunes veulent chanter et chantent en anglais. La belle époque où notre culture, notre identité nationale se retrouvait dans la voix et les mots de nos chansonniers est terminée. Nos jeunes ne pensent pas en fonction de cela. Cela ne leur fait rien de chanter en anglais. Mais si on leur disait qu'ils ont les moyens de faire une carrière et de chanter en français, peut-être qu'on renverserait la vapeur.

M. Boulerice: D'où l'importance du contenu francophone de la chanson.

Mme Lussier: Oui.

M. Boulerice: Quels outils avez-vous et de quelle façon réussissez-vous à assurer la perception des sommes dues à vos membres?

Mme Lussier: Chaque fois qu'un disque...

M. Boulerice: Excusez-moi. Vous voyez souvent quand on pose une question - je pense qu'il faut vous l'expliquer - un sourire. C'est le président qui écope toujours des questions que Mme Bacon et moi posons. Sa liste diminue et on le prive toujours de questions par un piratage.

Le Président (M. Trudel): Je devrais avoir des droits d'auteur là-dessus.

Mme Lussier: 11 n'y a pas de droits d'auteur sur les idées.

Le Président (M. Trudel): Voilà. Mme Lussier: Voilà.

M. Boulerice: C'était la façon et avec quels outils vous réussissiez à percevoir. (17 h 45)

Mme Lussier: Comment on perçoit, d'accord. Chaque fois qu'un disque sort, en principe - je dis bien en principe, car on a un peu de difficulté à changer les habitudes - le producteur doit nous demander une autorisation. On n'a pas de convention générale, ce qu'on appelle une licence générale avec les producteurs ou les associations de producteurs. On va prendre un exemple: le dernier Martine St-Clair. Là-dessus, il y a des chansons de Luc Plamondon, Schonberg. Le producteur nous dit: Je veux faire un disque. On lui émet une licence, un contrat. Étant donné que la SODRAC est détentrice des droits de reproduction de Plamondon et qu'elle administre le répertoire français, donc Schonberg, elle est en droit de vous donner la permission de faire un disque à 0,02 $ ou 0,05 $ par chanson, par disque vendu. Dans cette licence, dans ce contrat, on prévoit que le producteur doit nous faire des rapports périodiques, qu'on demande. C'est comme ça. C'est une société de perception.

Cela, c'est en théorie, parce que souvent une grande partie de nos activités sont de police. On dit plutôt: M. le producteur, vou3 avez sorti un disque et vous avez oublié de nous demander des licences. Cela se fait après coup et on arrive à percevoir le premier cent sur une sortie de disque, au mieux, je dis bien au mieux, six mois après sa sortie, compte tenu du fait que le producteur doit attendre que le distributeur lui fasse un rapport des ventes et que le producteur doit nous en faire un. Dans la meilleure des hypothèses, il s'écoule six mois.

M. Boulerice: Brièvement, si je vous demandais de me dresser un portrait des problèmes structurels que connaît l'industrie du disque québécois, quelle serait votre réponse?

Mme Lussier: On existe, comme je vous le disais, depuis un an. On s'est beaucoup penché sur la perception. Je pourrais plus facilement vous parler des problèmes .de perception mécanique de droits. L'industrie du disque a peu de moyens, elle a un petit marché et elle arrive à produire peu de disques, et cela continue. Quant aux

problèmes structurels des producteurs, je pense qu'eux aussi ont la corde très serrée. Là où il y a plus de marge, c'est probablement au niveau de la distribution, parce qu'il y a plus d'intervenants. Le producteur a des coûts importants, il faut l'admettre, il faut le constater. Les problèmes structurels, c'est beaucoup la distribution, les problèmes de marché, les problèmes aussi de sortie vers l'étranger. Il faut se rendre à l'évidence: le marché québécois ou le marché francophone au Canada est petit. Il faut penser à sortir avec nos produits. Cela demande des moyens et cela demande aussi d'avoir des produits compétitifs qui peuvent rivaliser sur le marché international. Aussi, il faut de la constance. Si on veut être connu en France et sortir en France, il faut avoir de la continuité. C'est comme ça que je pourrais brièvement répondre à votre question.

M. Boulerice: Merci, madame.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Saint-Jacques. Les questions que je voudrais poser, les députés les posent. Il m'en reste quand même une ou deux. Vous dites, madame, à la page 7 de votre mémoire, au milieu, en parlant de l'aide gouvernementale. "Le gouvernement du Québec devrait également inciter l'investissement privé dans la production de disques". Où en est-ce rendu, à l'heure actuelle? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Lussier: Vous parlez d'investissement privé? À la page 7?

Le Président (M. Trudel): Oui, vous parlez à la page 7..,

Mme Lussier: Ou bien des incitatifs fiscaux? Est-ce à cela que vous faites référence?

Le Président (M. Trudel): Non. Je vous demande de préciser la phrase suivante, au milieu de la page 7, juste avant "Chanson et matière première", alors que vous dites: "Le gouvernement du Québec devrait également inciter l'investissement privé dans la production de disques". On a vu qu'au gouvernement fédéral cela intéressait plusieurs comtés, pour parler en termes politiques.

Mme Lussier: Je pense que le critère de référence qu'on a, c'est l'industrie du film où il y a des incitatifs fiscaux, tant au fédéral qu'au provincial, des incitatifs fiscaux accrus au provincial s'il s'agit d'un film québécois avec une définition différente. Je parle d'une allocation du coût en capital de 150 % au lieu de 100 % au fédéral.

Je pense qu'on pourrait se servir de l'expérience qu'il y a eu au niveau du film.

Au tout début, il y a eu des excès, mais je pense que c'est un mode de financement pour le film qui a trouvé sa juste place et son juste marché, qui est une source de financement. Je crois qu'on pourrait avoir des incitatifs fiscaux liés à l'investissement dans un disque dit québécois et que cela soit une source de financement. Quand on voit le niveau de vente des disques, souvent, l'aspect risque, qui est un aspect fort impartant pour un incitatif fiscal, on s'y qualifie tout à fait.

Le Président (M. Trudel): Très bien. Je comprends ce que vous voulez dire. Ce n'était pas clair dans mon esprit. Il se fait tard, dernière question. À la page 8, de votre mémoire, vous demandez instamment au gouvernement du Québec plusieurs choses, dont à l'avant-dernière recommandation "de mener à terme des négociations pour compenser les ayants droit pour la reproduction des oeuvres musicales en milieu scolaire."

Étant moi-même ex-éditeur de manuels scolaires, j'ai eu un certain problème que vous connaissez sûrement, comme éditeur, à tout le moins. Je voudrais savoir où cela en est actuellement, si quelque chose a été fait en ce qui concerne une négociation entre votre organisme ou d'autres organismes et le ministère de l'Éducation.

Mme Lussier: Oui, jusqu'à maintenant, il y a eu une rencontre organisée par le Service gouvernemental de la propriété intellectuelle et différents intervenants du milieu scolaire. Je pense que c'est un dossier à continuer. Il n'y a pas seulement la SODRAC, il y a d'autres ayants droit et il y a aussi que, quand on reproduit en milieu scolaire, mettons des disques, dans un conservatoire, il y a le niveau des droits d'auteur, mais il y a aussi le niveau des droits des producteurs phonographiques, parce qu'on prend les deux. Les producteurs phonographiques à consonance américaine, les "majors", ont maintenant une société qui les représente dans ce domaine, ce qui n'est pas le cas pour les producteurs québécois.

C'est seulement pour vous dire que ce n'est pas une question simple, qu'il y a eu des amorces et qu'on espère continuer à négocier et conclure... Parce que, soyons francs, actuellement, on reproduit et on n'est pas payé. Tous ces systèmes ne sont pas parfaits. Je pense que l'expérience en ce qui concerne la reprographie est assez difficile à certains niveaux, mais on peut, encore là, profiter de l'expérience et partir le dossier un peu plus loin pour profiter de ce qui a été fait et de l'acquis.

Le Président (M. Trudel): Au-delà des vertueuses intentions des ministères - tous sont sûrement très vertueux et remplis de bonnes intentions - sentez-vous vraiment un

intérêt pour que cette question progresse dans les délais raisonnables, compte tenu, évidemment, de la complexité de la question?

Mme Lussier: On peut certainement vous assurer de notre collaboration la plus entière. 11 y en a plusieurs comme cela, mais c'est un dossier important pour nous.

Le Président (M. Trudel): Merci, madame. Est-ce que d'autres membres de la commission auraient des questions? M. le député de Beauce-Nord.

M. Audet: J'aurais un point qui a été soulevé un peu hier, lors de la rencontre avec M. Lelièvre. Vous mentionnez à la page 8 de votre mémoire: "de voir à ce que la société de télévision d'État s'acquitte de ses obligations face au droit de reproduction". J'aimerais avoir un peu plus de détails.

Mme Lussier: Vous soulevez là une question importante, un peu complexe. Je parle de la société Radio-Québec, parce que je suis devant ce "panel". Les télédiffuseurs, les radiodiffuseurs ont négligé de s'acquitter de leurs obligations en ce qui concerne le droit de reproduction. Le droit de reproduction vise toute fixation sur support audio ou audiovisuel. Cela veut dire que les productions, que ce soit par une télévision ou un producteur indépendant, qui prennent une oeuvre musicale et qui la synchronisent avec des images, font référence ou touchent au droit de reproduction des auteurs-compositeurs que nous représentons et commandent une rétribution. C'est un droit qui existe dans la Loi canadienne sur les droits d'auteur, droit qui a été combattu par les télévisions. Il y a eu, en 1974, l'arrêt Rochat contre Radio-Canada, qui n'avait pas été porté en appel et qui faisait jurisprudence. Il disait, ramené à sa plus simple expression, que, parce que les télévisions ont des contrats avec les sociétés de perception de droits d'exécution publique et que la reproduction qui était faite était comme une condition nécessaire à l'exercice du second, il n'y avait pas de redevances à payer. Il y a un an environ, il y a eu une jurisprudence contradictoire, l'arrêt Bishop contre Télé-Métropole - là, c'est une société d'éditeurs qui a fait le procès, qui perçoit comme la SODRAC des droits de reproduction et qui s'appelle la CMRRA -qui a renversé l'arrêt Rochat et qui a dit: Chaque fois qu'une télévision fait une reproduction, il faut payer un droit de reproduction et cet arrêt a été porté en appel.

Toutes les télévisions s'assoient un peu sur la jurisprudence et font plutôt actuellement du lobbying pour que la loi qui s'en vient intègre une exception, qu'on dit l'exception pour enregistrement éphémère. L'enregistrement éphémère, c'est une exception au droit de reproduction qui dit qu'une télévision peut faire des enregistrements qui sont dits éphémères qu'elle peut garder pendant X temps sans payer de droits de reproduction. Radio-Québec ne paie pas de droits de reproduction. On ne peut pas dire qu'il y a eu d'exemple donné à ce niveau-là. J'espère que ce n'est pas trop compliqué, ce que j'ai raconté là.

M. Audet: Non, cela va. Mme Lussier: Cela va. M. Audet: Merci.

Le Président (M. Trudel): M. le député. Madame, merci beaucoup de...

Mme Lussier: Est-ce que je peux rajouter quelque chose?

Le Président (M. Trudel): Allez-y.

Mme Lussier: Dans les feuilles que j'avais et tous les nombreux paragraphes que j'ai dû sauter pour aller plus vite, je m'étais mis une note, disant que la SODRAC désire donner son appui au mémoire de l'Union des artistes par rapport à une loi qui définisse de façon générale le statut des interprètes, car plusieurs de nos auteurs-compositeurs sont également interprètes. Ils sont donc visés par l'action fort importante de l'Union des artistes et ont souscrit aux objectifs de l'union. J'espère qu'on va voir ensemble et avec vous comment les avantages de cette loi pourraient être étendus de façon plus générale non seulement aux interprètes, mais aux auteurs-compositeurs que nous représentons. Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, madame. Je vous souhaite un bon retour à Montréal et, à 17 h 58, je rappellerai, avant de suspendre les travaux jusqu'à 20 heures ce soir, aux membres de la commission que nous avons encore quatre mémoires à entendre ce soir, que nous allons très certainement dépasser 22 heures - ça me paraît l'évidence même - et que nous allons essayer, encore une fois en respectant le droit de parole de tout le monde, de respecter le plus possible les ententes que nous avons faites lors de la séance de travail de la commission le 12 mai dernier. Je viens de m'entendre à la fois avec Mme la ministre et M. le député de Saint-Jacques, de façon générale, pour essayer de maintenir ce soir environ 50 minutes par organisme, réparties de la façon suivante ce sont des balises: pour les représentants des organismes qui doivent comparaître ce soir, de huit à dix minutes pour résumer votre mémoire qui, encore une

fois, a été lu et relu par les membres de la commission, résumé par vous-mêmes très souvent, par le personnel de la commission, le personnel de Mme la ministre et le personnel de l'Opposition. Donc les membres de la commission, partez du principe qu'on a lu vos mémoires. Vous avez donc de huit à dix minutes pour exposer vos idées, suivies d'une période de questions de trente à quarante minutes réparties de la façon suivante: entre quinze et dix-huit minutes pour la Mme la ministre, quinze et dix-huit minutes pour l'Opposition et, de toute façon, comme il reste toujours très peu de questions pour le président, il se contentera de deux minutes, à l'occasion, de façon qu'on puisse passer à travers un emploi du temps, un agenda qui est extrêmement chargé et qui devrait quand même nous permettre d'entendre les quatre groupes qui comparaîtront ce soir.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 20 h 5)

Le Président (M. Trudel): II est 20 h 5 et la commission de la culture reprend ses travaux dans l'exécution de son mandat de consultation générale sur le statut économique de l'artiste et du créateur. J'invite maintenant la ou les représentants de VIS-ART Droits d'auteurs Inc qui sont nos premiers invités ce soir. Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Hélène Gauthier, direction du Québec, secrétaire exécutive de la corporation. C'est bien cela?

Mme Gauthier (Hélène): Voilà.

Le Président (M. Trudel): Bienvenue, madame. Étant donné que le temps court déjà, je vous cède immédiatement la parole pour vos remarques préliminaires et nous passerons à la période des questions.

VIS-ART Droits d'auteurs Inc.

Mme Gauthier: Je vous remercie, M. le Président. Mme la ministre, mesdames et messieurs les députés, c'est une très grande occasion que la société d'auteurs VIS-ART a ce soir de présenter la version plutôt légale, traitant des droits d'auteur, des artistes en arts visuels. Je vais vous épargner la lecture du mémoire. Je vais plutôt vous remémorer notre résumé qui explique très bien ce que contiennent les recommandations de la société d'auteurs. Je dois vous dire avant que VIS-ART est la première société d'auteurs canadienne qui se spécialise dans le domaine des arts visuels. Avant VIS-ART, il n'y avait pas de société d'auteurs qui travaillait dans ce domaine. Il est évident que la part de travail qu'a à faire la société d'auteurs est très grande. Il y a énormément de travail car c'est un terrain qui était complètement en friche, puisque jusqu'à maintenant la majorité des utilisateurs considérait que les oeuvres du domaine des arts visuels étaient un bien public et qu'on pouvait les utiliser et les reproduire sans se soucier d'obtenir l'autorisation de l'auteur pour ce qui est des reproductions.

Malgré que la loi sur le droit d'auteur au Canada identifie clairement que toutes les oeuvres artistiques sont protégées et doivent, comme tout autre type d'oeuvre, être libérées par une demande d'autorisation préalable, peu d'artistes canadiens québécois encore moins - perçoivent des rémunérations pour les reproductions de leurs oeuvres. II est donc fondamental d'encourager concrètement l'exercice collectif du droit d'auteur pour les artistes en arts visuels. Dans cette démarche de reconnaissance du droit d'auteur, le gouvernement se doit d'être l'instigateur de mesures concrètes auprès des maisons d'enseignement et des différents ministères. C'est par l'exemple qu'il doit amener la société québécoise à respecter le droit primordial pour l'artiste qu'est le droit d'auteur.

D'autre part, les oeuvres dans les lieux publics devraient faire l'objet d'une protection minimale. Ces oeuvres, selon la loi actuelle, ne bénéficient d'aucune protection, parce qu'elles sont dans des lieux publics. Cette dernière, c'est-à-dire la protection minimale des oeuvres dans des lieux publics, serait assumée dans une mesure acceptable par les propriétaires ou les acheteurs d'oeuvres d'art.

Le contrat de commande du gouvernement comporte une clause de cession de droit non exclusive. Cette notion est ambiguë et doit être modifiée afin qu'apparaisse clairement le montant alloué au règlement des droits d'auteur lié à l'achat d'oeuvres d'art et que les utilisations pour lesquelles la licence de reproduction a été achetée soient aussi clairement énumérées.

Cette mesure s'appliquerait également pour les oeuvres de dessin, de gravure et d'illustration acquises expressément dans le but d'être reproduites. Par ces mesures, l'exploitation des droits d'auteur demeurerait la propriété intégrale du créateur.

Les revenus supplémentaires provenant des reproductions secondaires deviendraient une nouvelle source de revenus pour l'artiste. Ici, j'ouvre une parenthèse car la situation actuelle, c'est que les artistes doivent céder la majorité de leurs droits pour avoir accès, sauvent, à des oeuvres d'importance majeure ou à des événements d'envergure nationale ou internationale. De ce fait, ils n'ont aucun droit d'exploitation de ces oeuvres par la

suite.

Je continue. Les mesures de compensation aux artistes exposant dans les musées et les centres d'exposition sont très acceptables. C'est une excellente démarche que le ministère des Affaires culturelles a faite. Ce qui est moins acceptable dans cette situation, c'est une clause de restriction qui apparaît et qui s'y rattache pour les artistes qui vendent leurs oeuvres durant lesdites expositions. À notre avis, cette clause limite la notion de profits pour l'artiste.

Il faut également que le gouvernement et que l'État québécois adoptent une charte des concours. Cette convention établira, entre autres, une distinction entre les prix attribués aux concurrents retenus et la rémunération pour l'exploitation des oeuvres primées, simples mesures concrètes comme l'obligation d'identifier le nom de l'auteur, la non-renonciation aux droits d'auteur par les participants, l'interdiction de modifier ou d'adapter l'oeuvre, des précisions quant à la rémunération de l'artiste et, enfin, une clause de reconnaissance de la propriété matérielle de l'oeuvre, car, dans la majorité des cas, lorsqu'une oeuvre est primée dans un concours, souvent elle est considérée comme étant la propriété de l'organisme ou de la société qui a fait le concours, puisqu'il y a un prix en argent qui y est rattaché, donc on s'imagine tout simplement qu'il y a eu un passage d'argent et acquisition de l'oeuvre.

Le droit de suite, qui est un droit très important et qui n'est pas encore reconnu par la Loi du droit d'auteur, devrait constituer une préoccupation majeure. Son application pourrait devenir une source de financement pour la création de mesures sociales destinées aux artistes en arts visuels. Un projet de contribution sous forme de déclaration volontaire serait à envisager. Le droit de suite, à lui seul, devrait faire l'objet d'une étude très approfondie.

Le ministère des Affaires culturelles, en somme, doit jouer un rôle de partenaire actif dans toutes les actions entreprises par la société d'auteurs visant à la reconnaissance et à la rémunération des droits des auteurs. La société a écrit ce mémoire qui traite plus particulièrement des droits d'auteur, puisque nous considérons que la reconnaissance d'un statut social pour l'artiste en arts visuels est d'abord une reconnaissance professionnelle qui doit commencer par le respect de son droit d'auteur. Je vous remercie.

Le Président (M. Trudel): Merci, madame. Mme la ministre.

Mme Bacon: Merci, Mme Gauthier. Si j'ai bien saisi l'essence du problème abordé dans votre mémoire, vous estimez qu'il faudra rétablir la juste part des créateurs, car, bien que la Loi du droit d'auteur identifie clairement les oeuvres artistiques comme faisant l'objet d'un droit d'auteur, peu d'artistes réussissent à obtenir une rémunération pour les utilisations de leurs créations.

Tout comme vous, j'espère qu'à l'issue des travaux de cette commission, d'autres pas seront franchis afin de trouver, avec tous les intervenants du milieu qui sont venus ici et d'autres, les moyens de faire valoir efficacement le droit d'auteur. Votre réflexion et vos conclusions contribuent - et je vous en remercie - à l'enrichissement des travaux de cette commission. Je vous félicite aussi pour vos recommandations qui sont appropriées en regard du dossier complexe qu'est le droit d'auteur.

En page 10 de votre mémoire, j'ai retenu l'une de vos principales recommandations, soit celle de l'adoption par le ministère des Affaires culturelles et d'autres ministères concernés d'une charte des concours dans le domaine des oeuvres graphiques et plastiques et de la photographie. Vous suggérez que cette charte soit respectueuse du droit d'auteur et des artistes participants. J'aimerais savoir de votre part, dans le cas où la Loi du droit d'auteur serait remaniée dans des délais qu'on peut juger comme étant raisonnables, si une telle charte demeurerait souhaitable ou si vous sentez que ce besoin ne serait pas?

Mme Gauthier: Je pense que cette charte est souhaitable, que la loi soit remaniée ou non, puisqu'il faut toujours - et j'insiste - dans tous les contrats, soit contrat de commandes ou contrat d'achat d'oeuvres d'art, qu'il y ait une différence entre le montant d'achat ou le montant de rémunération pour l'oeuvre primée et la part accordée au droit d'auteur. Tout le principe est là. Finalement, c'est une distinction qui est à faire entre l'argent qui est la récompense ou l'argent de la transaction et l'argent qui est alloué pour une licence de reproduction de l'oeuvre. Il est assez évident qu'une personne qui achète une oeuvre... Si une oeuvre est primée à l'intérieur d'un concours, cette oeuvre est amenée automatiquement à être reproduite pour les fins de promotion du concours lui-même. Assez souvent, cette charte des concours est nécessaire pour imposer, justement, qu'il y ait cette distinction d'une façon constante et dire: Le prix du concours est - je ne sais pas - de 1000 $; nous demandons une licence de reproduction pour un an aux fins du concours et il y a tel montant accordé pour les licences de reproduction. C'est ce que demande la société des auteurs, c'est ce principe qui doit être appliqué dans tous les programmes gouvernementaux.

Ce qui arrive, assez souvent, au niveau de l'édition, c'est que l'oeuvre est achetée expressément dans le but d'être reproduite. Cela' est un autre cas où l'oeuvre est expressément achetée dans le but d'être reproduite. Alors, on accorde un montant d'argent sur un contrat de commande pour l'oeuvre et à ce moment-là l'acheteur, en réalité, ce sont uniquement les droits de reproduction qui l'intéressent. Mais, automatiquement, comme il n'y a pas de clauses et que la situation n'est pas claire, il considère qu'il a fait l'acquisition de l'oeuvre, qu'il en est le propriétaire, qu'il a tous les droits et qu'il peut réutiliser indéfiniment cette oeuvre alors que ce n'est pas le cas. Je travaille actuellement d'une façon très intensive auprès des illustrateurs et des auteurs de bandes dessinées pour essayer de leur faire comprendre vraiment le fond du problème. Les oeuvres qui sont acquises par ce principe-là où il y a un échange d'argent sur un contrat de commande souvent sont détruites puisque, après un an, on ne prévoit pas les réutiliser, donc, on les détruit alors que l'artiste aurait eu intérêt à récupérer son original, ne serait-ce que pour ses propres dossiers.

Mme Bacon: À la page 14, dans la recommandation 1, vous recommandez que l'exercice collectif du droit d'auteur soit encouragé par le gouvernement du Québec par l'application de mesures immédiates et concrètes.

En regard de cette recommandation, pourriez-vous m'expliquer de quelle façon le gouvernement peut encourager l'exercice collectif du droit d'auteur?

Mme Gauthier: J'ai démandé au gouvernement qu'il encourage, par des mesures immédiates et concrètes, l'exercice collectif des droits d'auteur parce que la situation est telle que nous en avons besoin.

Il est vrai que le gouvernement, le ministère des Affaires culturelles, a pris des directives qui sont en faveur du règlement des droits d'auteur. Par contre, le ministère des Affaires culturelles subventionne souvent très fortement des institutions, des maisons d'édition ou des revues d'art qui refusent de payer les droits d'auteur et non seulement refusent de payer les droits d'auteur mais également ne considèrent pas l'autorisation comme préalable. Ils sont hors la loi dès le départ et nous voudrions que... Et, face à cela, il y a tout un chantage de la part de ces éditeurs ou de ces diffuseurs qui est fait aux artistes canadiens, aux artistes québécois. On leur dit; S'il faut payer des droits pour faire de vos reproductions, nous allons choisir un autre artiste qui, lui, ne demandera pas 0,05 $ et va accepter pour le prestige. C'est tellement un honneur qu'on vous reproduise dans notre magazine que normalement ce serait à vous, l'artiste, à nous payer. Alors, c'est un peu la situation. Il y a tout ce chantage et l'artiste qui veut bien faire respecter son droit d'auteur et l'éditeur qui ne veut pas trop payer les droits d'auteur. Disons que l'artiste est un peu dans une situation de déséquilibre actuellement. Il doit prendre une décision qui est importante et il doit aussi assumer la responsabilité que cette décision va lui causer. C'est évident que s'il dit: Non, moi, je refuse maintenant d'être diffusé à n'importe quel prix, qu'on reproduise mes oeuvres comme cela sans que cela ne me rapporte quelque chose, c'est évident qu'il va être mis de côté pendant un certain temps, jusqu'à ce que, évidemment, la plupart des artistes soient regroupés sous le couvert de la société des auteurs. Mais tout cela est un cercle vicieux. C'est toujours le principe de l'artiste qui dit: Je vais attendre qu'il y ait plus de gens qui adhèrent, parce que cela me tente et voilà... Cela tourne en rond. Alors, quelles pourraient être ces mesures concrètes? Je pense que c'est à définir.

Mme Bacon: À la page 6, vous recommandez que tous les services gouvernementaux respectent le paiement des droits de reproduction. Pourriez-vous nous faire une évaluation des pratiques gouvernementales à cet égard et avez-vous été à même de constater un non-respect des droits des auteurs?

Mme Gauthier: La pratique gouvernementale respecte l'autorisation préalable, mais il n'y a pas d'habitude de consommation ou d'habitude d'utilisation des droits d'auteur comme c'est le cas dans les autres sociétés présentes ici ce soir. Souvent, l'artiste qui a adhéré à la société d'auteurs se trouve pris au dépourvu et n'a pas vraiment compris tout le sens de son engagement vis-à-vis de la société d'auteurs. Il est soumis à un certain stress et c'est toujours le chantage qui va se dérouler, dire: On va essayer de trouver dans le bottin de la société d'auteurs, quel est l'artiste pour qui on ne doit pas payer, qui est encore gratuit? C'est ça finalement. On cherche la boîte de "Cracker Jack" où il y aura le plus gros cadeau.

Mme Bacon: Concernant le contrat dans les programmes d'intégration des arts à l'architecture et à l'environnement, vous affirmez qu'il contient une clause de cession de droit non-exclusive. Est-ce que la clause à laquelle vous vous référez signifie que l'auteur perd tous ses droits?

Mme Gauthier: Non. Si je ne me trompe pas, l'artiste cède une partie de ses droits; il a fait une cession non-exclusive, il a cédé une partie de ses droits et il en

conserve une partie. Cette clause est imprécise parce qu'il n'a pas délimité la partie qu'il a cédée. Puisque c'est entendu comme tel, c'est comme s'il l'avait donnée. Cela pourrait être interprété comme s'il avait donné la totalité de ses droits, même s'il en conserve la moitié, sur l'oeuvre, j'entends toujours. Cela pourrait éventuellement créer certains problèmes. Actuellement, les oeuvres qui sont concernées par le contrat d'intégration des arts à l'architecture sont des oeuvres dans des lieux publics. Comme je vous le disais tantôt, selon la loi canadienne, ce sont des oeuvres qui, pour la plupart, ne sont pas protégées. Par contre, si la loi venait à être modifiée et si ces oeuvres étaient protégées autant que n'importe quelle oeuvre, cela créerait une certaine confusion quant à la propriété réelle des droits d'auteur. Cela voudrait dire que si la société d'auteurs perçoit des droits d'auteur sur les reproductions de cette oeuvre faite par un tiers, à qui devra-t-elle remettre l'argent? Une part à l'artiste, une part au ministère? Qu'est-ce qui en est? Alors, nous voudrions, dans un contrat, qu'il n'y ait pas de cession de droit, que le mot cession ne soit plus prononcé, qu'on parle plutôt d'une licence de reproduction, concernant l'oeuvre achetée.

Mme Bacon: J'ai le texte devant moi, concernant le droit d'auteur, où on indique: le créateur conserve son droit d'auteur dans l'oeuvre d'art terminée et autorise le propriétaire à la photographier, à la représenter pour fins de publicité, d'exposition et d'archives. Ma compréhension du contrat était que l'auteur cédait la propriété de l'oeuvre, mais conservait son droit d'auteur sur celle-ci tout en accordant une certaine licence. Je ne sais pas si on est sur la même longueur d'onde là-dessus?

Mme Gauthier: Disons qu'il y a eu cession, il a fait une cession. Je ne sais pas si ce contrat a été modifié, mais j'ai travaillé sur ce contrat. Je demanderais à le revoir parce que je me rappelle d'y avoir travaillé - Michel rigole dans sa barbe - et il était effectivement question, à cette époque, d'une cession de droit. J'ignore si ce contrat a été modifié, je demanderais à le revoir.

Mme Bacon: II faudrait peut-être le revoir. On dit que c'est le contrat que vous aviez accepté.

Mme Gauthier: Mais, il y avait une cession de droit incluse dans ce contrat.

Mme Bacon: En accordant une licence pour certaines reproductions è des fins bien précises.

Mme Gauthier: À ce moment-là, c'était la copie qui n'était pas finale.

Mme Bacon: C'est ça.

Mme Gauthier: Je retire mes propos.

Mme Bacon: Non. Pour une bonne compréhension, je voulais voir si j'avais bien saisi ce qu'il y avait ici au niveau des droits d'auteur.

Mme Gauthier: Dans ces contrats, souvent, il est important que... Je m'excuse pour ce qui est des contrats du gouvernement, mais, dans beaucoup d'autres cas, ces contrats comportent des cessions de droits. Souvent, dans des expositions d'envergure nationale ou internationale, comme les biennales, l'artiste cède tous les droits de reproduction de l'oeuvre qui est présentée à la biennale pour la durée de l'événement.

Mme Bacon: Ce n'est pas un dossier facile.

Mme Gauthier: Je m'excuse...

Mme Bacon: Cela nous démontre que ce n'est pas facile. Ce n'est pas un dossier facile.

À la page 9, concernant la mesure de compensation pour les artistes exposant dans les musées et dans les centres d'exposition agréés par le ministère, vous mentionnez que cette mesure ne s'applique pas dans les cas où les artistes vendent leurs oeuvres pendant l'exposition. Ce programme n'est-il pas plutôt réservé aux musées et centres d'exposition dont la vocation n'est pas commerciale, à l'exclusion, évidemment, des galeries, la vocation d'un musée et d'une galerie n'étant vraiment pas la même chose? Quel contrôle pourrait être fait par le ministère du Revenu à ce moment-là? Est-ce qu'il faudrait faire intervenir le ministère du Revenu?

Mme Gauthier: Non, je ne pense pas. Je crois que les montants qui sont mis en cause pour ce qui est des compensations pour exposition dans les musées, ce ne sont pas des montants vraiment très importants par rapport aux conditions qui y sont rattachées. Cela ne devrait pas empêcher l'artiste de vendre, car l'artiste qui investit dans une exposition, que ce soit dans une galerie commerciale ou dans un musée, a un investissement très important à faire en ce qui concerne les matériaux qu'il doit acheter pour monter ses oeuvres. S'il n'a pas la possibilité de rentabiliser éventuellement son exposition par la vente de ses oeuvres et vous savez comme moi que le marché de l'art au Québec, ce n'est pas un marché qui est très grand - donc, interdire ou mettre une clause de restriction dans ce programme,

c'est bloquer la vente des oeuvres.

Mme Bacon: À la page 11, droit de suite: principes d'orientation, votre recommandation VI, est-ce que vous souhaitez que le vendeur, qui paierait un droit de suite à l'occasion de la revente d'une oeuvre, voie ce montant déductible d'impôt ou non imposable? Est-ce que c'est cela que vous voulez dire à la sixième recommandation?

Mme Gauthier: Oui, c'est exactement cela.

Mme Bacon: Là, nous nous comprenons. Vous voulez voir ce montant déductible d'impôt?

Mme Gauthier: C'est que nous.... Mme Bacon: Non imposable?

Mme Gauthier: C'est évidemment qu'un programme de participation volontaire doit bénéficier de certains encouragements, sinon, il n'intéresse plus personne. Comme nous ne pouvons pas espérer que la prochaine législation contienne le droit de suite, puisque ce droit de suite n'a pas été compris malgré nos pressions et nos recommandations, je pense que la seule solution serait d'en faire un certain rodage sur le plan contractuel. En France, le droit de suite est très efficace puisque tous les programmes sociaux gérés pour les artistes en arts visuels proviennent du droit de suite. C'est un pourcentage qui est prélevé sur le droit de suite.

Mme Bacon: Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Bonsoir, Mme Gauthier. Je vois a la lecture de votre mémoire que vous êtes un organisme, somme toute, récent, deux ans.

Mme Gauthier; Neuf mois.

M. Boulerice: Neuf mois. Avec déjà, quand même, un bout de chemin de fait puisque je voyais, en toute première page, des ententes avec la France et la Belgique. Au départ, cela est très intéressant.

La question que j'aimerais vous poser concerne le droit de suite qui est inclus dans le programme Prêt d'oeuvres d'art du ministère. Est-ce que vous pourriez me tracer un bilan de cette pratique?

Mme Gauthier: C'est dans le contrat achat et prêt d'oeuvres d'art. C'est un autre contrat sur lequel j'ai travaillé à un moment donné. Dans ce contrat, quand le ministère achète des oeuvres, lors de la revente de ces oeuvres, il y a un droit de suite qui est accordé par contrat lors de la première revente de l'oeuvre. C'est ce que je me rappelle du contrat, s'il n'est pas encore modifié. Remarquez que cela fait un certain temps que je n'ai pas vu ces dossiers. Ce sont des dossiers qui ont été travaillés dans les années 1981-1982. Il y avait un pourcentage qui revenait à l'artiste, pourcentage qui était à peu près... si je me rappelle, le montant standard était de 5 % du montant de la vente ou de 20 % de la plus-value de l'oeuvre. Je pense que le droit de suite est très important, puisque souvent, l'artiste, lorsqu'il vend ses premières oeuvres, va les vendre vraiment pour manger. Donc, il les vend à des prix très réduits. Il voit, dix ans après, ces mêmes oeuvres se vendre peut-être dix ou vingt fois le prix qu'il les a vendues, et lui n'y a aucun intérêt. (20 h 30)

II y a une espèce de déséquilibre à ce niveau et l'artiste devrait être partie à cela puisque c'est lui, finalement, qui a donné cette valeur à l'oeuvre. Si l'artiste n'avait pas continué sa carrière, s'il n'avait pas poursuivi sa démarche artistique, je pense que l'oeuvre qui s'est vendue 100 $ n'aurait jamais pris plus de valeur que cela.

M. Boulerice: Vous avez parlé tantôt de la déclaration volontaire de la revente avec des incitatifs fiscaux mais vous en parlez un peu plus loin en disant que ce serait aussi pour mettre sur pied un régime social pour les artistes en arts visuels. Est-ce que vous pourriez détailler un peu?

Mme Gauthier: C'est une mesure qui s'aligne un peu sur les mesures françaises du fait qu'il y a, sur les montants perçus pour le droit de suite - tout passe par la société d'auteurs, évidemment - un pourcentage qui est prélevé d'une façon systématique et qui va dans les caisses de l'Etat pour administrer les régimes sociaux pour les artistes. Quelle est cette échelle de pourcentages? Je pense que c'est à évaluer dans chaque pays, par quota de ventes, j'imagine.

M. Boulerice: D'accord, je vous remercie.

Mme Gauthier: Je vous en prie.

Le Président (M. Trudel): Madame, une simple question sur la publication des manuels scolaires ou l'édition générale, dont vous parlez à la page 6 de votre mémoire et les difficultés éprouvées. Vous en avez parlé quelque peu tantôt, j'aimerais que vous explicitiez. Ce qui me surprend beaucoup -je ne le dis pas à titre d'ancien éditeur parce je crois ne rien avoir à me reprocher

de ce côté-là, mais je sais qu'il y en quelques-uns qui peuvent le faire - ce qui m'étonne beaucoup, c'est quand vous parlez, pour citer votre mémoire; de '•matériel pédagogique entièrement subventionné par l'État". Est-ce que vous parlez de certains manuels scolaires édités par le ministère de l'Éducation en coédition avec...

Mme Gauthier: C'est entièrement ou partiellement: que le manuel soit entièrement ou partiellement édité ou subventionné par l'État, je ne vois pas la différence; le principe reste le même.

Le Président (M. Trudel): Je ne parle pas de la différence, ce qui m'étonne c'est que vous affirmiez... Je ne mets pas votre affirmation en doute, mais je suis étonné que vous-même constatiez que le gouvernement est le premier à ne pas respecter les droits d'auteur. C'est ce que je veux souligner.

Mme Gauthier; Disons qu'il y a peut-être méconnaissance ou encore que les ayants droit demeurent introuvables et, à ce moment-là, on conclut qu'ils sont partis pour la lune et on y va. Ou ils ont changé de planète, je ne sais pas, et on ne renonce pas à la reproduction, sauf qu'on se permet la reproduction sans se soucier qu'il y ait à une place ou à une autre un ayant droit sur les oeuvres si l'auteur est mort.

La situation qui est peut-être plus grave pour la société d'auteurs au niveau des manuels scolaires, c'est que souvent - je ne voudrais pas ouvrir davantage la parenthèse, mais pour nous, le libre-échange ne signifie rien puisque nous sommes déjà victimes du passage de documentation du territoire américain au territoire canadien sans que nous ayons de contrôle. Il y a énormément de documents visuels que l'éditeur va chercher aux États-Unis, au Musée d'art moderne de New York ou dans un autre musée américain, et le musée américain, réclame des droits de reproduction sur l'oeuvre. L'éditeur, lui, en conclut qu'il a payé tous les droits d'auteur, que le musée est l'ayant droit de l'artiste et il reproduit l'oeuvre. Après, nous devons intervenir pour convaincre cet éditeur que le musée américain n'avait pas les droits d'auteur sur l'artiste, que c'était impossible. Lui pense avoir payé des droits d'auteur.

Ces éditeurs sont aussi victimes de la méconnaissance du milieu vis-à-vis du droit d'auteur. On ne peut pas s'imaginer que le droit d'auteur appartienne à un artiste en propre. C'est ce qui se passe assez souvent. Je ne parle pas d'artistes ou de documents qui viennent de banques de données d'ici, mais de documents qui viennent de banques de données américaines. Il y a énormément de livres, d'éditions, de catalogues d'artistes qui sont publiés aux États-Unis et qui sont revendus sur le territoire et sur lesquels aucun droit d'auteur n'a été payé. Au départ, nous pensons qu'il devrait y avoir, avant de parler de libre-échange, un blocage à la frontière qui devrait se faire immédiatement. Peut-être que le libre-échange serait l'occasion de clarifier toute cette situation, puisque tout se promène sans qu'il y ait de contrôle.

Le Président (M. Trudel): En répondant, vous avez devancé ma dernière question qui était d'avoir un court échange sur votre point de vue sur le libre-échange. Je pense que la commission vient de l'obtenir et je vous en remercie. Est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission qui ont des questions à poser?

Mme Hovington: Le mémoire est tellement bien fait que tout est clair et explicatif.

Le Président (M. Trudel): Alors, madame, nous vous remercions d'être venue nous rencontrer aujourd'hui. Nous vous souhaitons un bon retour à Montréal et soyez assurée que nous garderons le contact. Je pense que, de toute façon, vous l'avez déjà avec plusieurs fonctionnaires du ministère des Affaires culturelles et que cela va se continuer dans le bon sens. Vous avez eu de l'aide, je pense.

Mme Gauthier: Oui, ce que je voulais faire en terminant, c'est remercier le ministère des Affaires culturelles de sa précieuse collaboration et de son appui. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Trudel): Merci, madame.

Nos prochains invités, qui devaient commencer à 20 heures, commenceront à 20 h 36. La Société de droits d'exécution du Canada Ltée est représentée par le directeur de sa division de Montréal, M. Claude Lafontaine et par Mme Colombe Généreux. Bienvenue madame et monsieur. Vous connaissez maintenant les règles du jeu puisque vous assistez patiemment d'une part et de façon intéressée, me semble-t-il, d'autre part, depuis le tout début de l'après-midi, autant que je me souvienne, aux travaux de la commission. J'éviterai de vous rappeler les règles du jeu pour ce soir. Tout en vous souhaitant encore une fois la bienvenue, je vous cède immédiatement la parole de façon que vous puissiez résumer votre point de vue et le mémoire bien fait que vous nous avez fait parvenir il y a quelques jours.

Société de droits d'exécution du Canada Ltée

M. Lafontaine (Claude): Merci beaucoup. Mme la vice-première ministre et ministre

des Affaires culturelles, M. le Président, Mme la vice-présidente, messieurs et mesdames les députés, je vais vous éviter la lecture du mémoire que la Société de droits d'exécution vous a fait parvenir, mais je résumerai rapidement ses points. Tout d'abord, la Société de droits d'exécution représente 19 000 auteurs-compositeurs au Canada. Son travail est, justement suite aux propos tenus cet après-midi par Mme Zénaïde Lussier de la SODRAC, d'administrer un des créneaux, un des revenus des auteurs compositeurs au Canada. Ils ont deux sources de revenu, soit la reproduction de leurs oeuvres, ce dont s'occupe la SODRAC, et l'exécution publique ou la retransmission par voie de la radiophonie de leurs oeuvres, soit le travail que nous effectuons pour eux. La première proposition de la SDE a tenu compte de certains éléments qui nous avaient été fournis par le mandat qu'avait reçu cette commission. Nous avons, à plusieurs reprises, constaté que dans le domaine de la création musicale, il y avait à travers le Québec de nombreuses maisons de formation qui s'attachaient à une formation classique. Mais nous nous sommes rendu compte qu'on ignorait peut-être un secteur d'activité dans le domaine de la musique qui est la chanson. Elle est certainement le genre musical le plus à la mode de ce temps-ci et nous avons constaté, avec de nombreux compositeurs de chansons et autres, qu'il y avait, sans aucun doute, place à amélioration dans ce genre musical et qu'une formation adéquate pouvait très bien être reçue à travers le réseau, par exemple, des conservatoires, qui sont administrés par le ministère des Affaires culturelles. Donc, nos premières propositions s'attachent à cette dimension de la formation ou du perfectionnement et nous recommandons donc que, dans tout le Québec, des cours puissent être donnés dans le domaine de la chanson.

Notre deuxième proposition, bien sûr, vise les droits pécuniaires des auteurs-compositeurs. La loi canadienne est une loi caduque et, malheureusement, les premières victimes en sont les éléments essentiels de notre culture, les éléments à la source de cette culture, les créateurs. Les créateurs n'ont pas d'autres sources de revenus que celles qui leur sont reconnues par une loi sur le droit d'auteur. La loi canadienne est pénible parce qu'elle est difficile à administrer et aussi parce qu'elle reconnaît avec trop de parcimonie les droits des auteurs.

Notre deuxième recommandation s'attache aux positions qu'a déjà prises le gouvernement du Québec et qu'on retrouve dans la Position du gouvernement du Québec à propos du livre blanc sur le droit d'auteur de Gutenbeurg à Télidon. Je vous en ferai lecture puisque ces paragraphes ne se retrouvent pas dans le mémoire proposé par la SDE. Le gouvernement du Québec dit, au numéro 5 de la page 7: "Le gouvernement du Québec s'oppose à toute énumération et définition des droits économiques reconnus aux créateurs de même qu'aux exclusions et restrictions proposées par le livre blanc au chapitre des droits économiques. La façon dont ceux-ci sont présentement accordés laisse présager une application ou interprétation restrictive de ces droits et ce, au détriment des créateurs."

Je pense que la position du Québec est claire, saine et bonne. Le dernier paragraphe dit: "Le Québec demande donc que toute forme d'exploitation des oeuvres protégées fasse partie des droits économiques accordés aux créateurs et qu'à toutes les oeuvres protégées soient reconnus les mêmes droits économiques et moraux."

Je me réfère aussi à une autre partie de ce même mémoire, à la page 11, au numéro 9, d'imitations du droit d'auteur, et je pense que la position du Québec est extrêmement intéressante: "Tout en abolissant les licences obligatoires existantes, le livre blanc en propose deux nouvelles ainsi que quantité d'exceptions et limitations du droit d'auteur." "Le Québec demande que toute autre forme de limitation des droits économiques comme l'enregistrement éphémère - ce qui intéresserait particulièrement, évidemment, la SODRAC cet après-midi - la retransmission par câble et satellite, l'exécution publique par juke-box, appareils radio, téléviseurs fasse l'objet d'autorisations des titulaires de droits ou de négociations entre les titulaires de droit et les utilisateurs et qu'un organisme de contrôle ou de surveillance n'intervienne qu'en cas d'abus flagrant de la part du titulaire du droit ou d'impossibilité d'entente entre un titulaire et un groupe d'utilisateurs."

Il y a là un point fort intéressant, quand on parle d'un organisme de contrôle. Le droit d'exécution publique est contrôlé par un tribunal qui s'appelle la Commission d'appel sur le droit d'auteur. C'est un handicap supplémentaire donné aux auteurs pour faire reconnaître leurs droits. Nous devons malheureusement franchir cette étape supplémentaire qui ne permet pas, la plupart du temps, l'exercice libre du droit d'auteur au Canada. "Le Québec réaffirme donc le principe fondamental du droit d'auteur, à savoir que le titulaire du droit touche des redevances pour les utilisations de ses oeuvres, indépendamment du fait qu'elles soient accessibles par câble, satellite ou autres technologies." Cela fait référence ici aux exceptions prévues dans la loi canadienne sur le droit d'auteur.

La SDE appuie entièrement cette position du gouvernement du Québec et la deuxième recommandation de la SDE est que

le Québec fasse valoir ses positions auprès du gouvernement fédéral et défende les intérêts de ses créateurs.

Le troisième point touchait ce qu'on appelle conventionnellement le droit moral. Le droit moral, au Canada, est une chose qui frise pratiquement le ridicule. Juste à titre d'exemple, je vais vous lire ce que dit la loi canadienne sur le droit d'auteur en matière de droit moral: "Indépendamment de ses droits d'auteur, et même après la cession partielle ou totale desdits droits, l'auteur conserve la faculté - ce n'est donc pas un droit, c'est une faculté - de revendiquer la paternité de l'oeuvre, ainsi que le privilège de réprimer toute déformation, mutilation ou autre modification de ladite oeuvre, qui serait préjudiciable à son honneur ou à sa réputation." (20 h 45)

Je pense que c'est là mettre un fardeau sur l'auteur qui ne devrait pas exister. L'auteur devrait être capable de juger si son oeuvre doit être utilisée ou non dans tel contexte. Donc, la position de la SOE à cet effet rejoint totalement celle du gouvernement du Québec en ce qui touche au droit moral. Simplement à titre de rappel, je vous lis le texte de la position du gouvernement du Québec à cet égard, puisqu'on ne le retrouve pas dans le mémoire de la SDE: "Le gouvernement du Québec déplore que le livre blanc, malgré une apparente générosité, traite la question du droit moral d'une façon très parcellaire ou fragmentaire qui ne va pas au-delà d'un énoncé général. Ce qui est déclaré est tellement circonstancié que le droit moral n'est pas renforcé mais diminué. Le gouvernement du Québec appréhende les difficultés des créateurs à faire respecter leur droit moral, compte tenu du fardeau de prouver les préjudices réels subis."

Cette philosophie du droit moral proposée par le gouvernement du Québec - je saute un paragraphe - nous la soutenons entièrement. Elle est la suivante: "Que le droit moral soit affirmé de manière plus explicite et fasse partie intégrante du droit d'auteur; que le droit moral comprenne le droit au respect du nom du créateur, le droit de divulgation, le droit au respect de l'oeuvre et de son intégrité, le droit de repentir et de retrait, moyennant compensation ou indemnité aux personnes subissant des préjudices du fait de l'exercice de ce droit par le créateur, et le droit de déclarer l'oeuvre complétée; que le droit moral soit personnel, inaliénable, imprescriptible et perpétuel, et que toute renonciation au droit moral soit interdite, toute atténuation relevant de l'autorisation écrite du créateur." Je précise immédiatement que l'appareil qui a servi à rédiger le texte de la SDE, l'appareil de traitement de textes s'est obstiné à écrire

Gutenberg avec "ug". Veuillez nous pardonner cet erreur.

Concernant la quatrième proposition de la SDE - celle-là, je m'y attache particulièrement - je vous en lirai l'introduction qui est, en fait, une citation du directeur général de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, Arpad Bogsch; "L'expérience prouve que l'enrichissement du patrimoine culturel national dépend directement du niveau de la protection accordée aux oeuvres littéraires et artistiques; plus ce niveau est élevé, plus les auteurs sont encouragés à créer; plus il y a de créations intellectuelles, plus s'élargit le rayonnement du pays; plus il y a de productions dans le domaine littéraire et artistique, plus s'accroît l'importance des auxiliaires de ces productions que sont les industries du spectacle, du disque et du livre; et, en fin de compte, l'encouragement à la création intellectuelle constitue l'une des conditions premières de toute promotion sociale, économique et culturelle". En ce sens, je pense qu'on peut presque dire que le ministère des Affaires culturelles, la réflexion sur les affaires culturelles au Québec constitue la clé de voûte de l'avenir de notre nation. En ce sens, nous encourageons fortement le gouvernement du Québec à continuer son oeuvre dans le domaine des affaires culturelles. Je vous remercie.

Le Président (M. Trudel): Merci, monsieur. Mme la ministre des Affaires culturelles.

Mme Bacon: M. Lafontaine, Mme Généreux, tout en vous remerciant de l'appui que vous donnez au ministère des Affaires culturelles concernant sa mission culturelle, je puis vous assurer, comme vous le souhaitez dans votre mémoire, que l'analyse des points contenus dans votre document encourage, évidemment, le gouvernement à continuer à trouver des solutions réalistes, à rechercher aussi des solutions à des situations qui sont péniblement vécues dans le milieu artistique, comme celles qui sont partie intégrante de votre réflexion.

Dans votre mémoire, vous déplorez le fait que nos jeunes créateurs ne puissent suivre des cours préparatoires aux domaines les plus florissants de l'industrie, comme la chanson, la musique de film, la publicité, et j'en passe... Vous recommandez qu'un conservatoire ou qu'une faculté de musique offre des cours de formation et de perfectionnement dans le domaine de la chanson et de l'écriture orchestrale. Pourriez-vous nous dire comment est assuré le passage, en vertu des structures actuelles, de nos jeunes au milieu du travail? Comment peut-on assurer ce passage-là? Autrement dit, le seul fait d'offrir des cours de

formation et de perfectionnement dans un conservatoire ou une faculté de musique suffirait-il à assurer un meilleur avenir - si on peut dire - à nos jeunes créateurs?

M. Lafontaine: En effet, on peut très bien se poser la question. Je pense que la proposition s'attache à une dimension économique et à une dimension culturelle. Premièrement, je vous signale, dans notre proposition, que c'est certainement l'une des formes de musique les plus répandues et, de ce fait, la plus industrialisable, si on veut. Je pense que la chanson est un levier puissant. Un exempte qui nous en a été donné, il y a quelques années, par un groupe suédois qui s'appelait ABBA et qui a connu un succès international qui a rapporté de nombreuses devises en Suède. Je vois déjà parmi les députés qu'on connaît bien ce cas et vous savez qu'ABBA, par exemple, a lancé des chaînes de vêtements de sport et des trucs comme cela. C'est l'industrie suédoise qui fournit, qui alimente ces chaînes qui vendent à l'étranger.

Donc, à partir d'un succès commercial d'une chanson, il y a toute une industrie qui s'est développée autour de ça. Quand je pense qu'on est prêt à investir des millions de dollars dans des industries ou des usines étrangères comme Hyundai, je crois qu'on pourrait investir davantage dans le potentiel industriel du Québec, et la chanson est un potentiel industriel. Le fait d'avoir des cours de perfectionnement permettrait à de nombreux compositeurs, à de nombreux auteurs de faire un progrès rapide. La plupart font leur apprentissage sur le tas, comme on dit, par le métier, par erreurs, par essais. Le succès qu'ont remporté les stages de formation du Festival de Granby m'a éclairé énormément là-dessus. J'ai eu des commentaires de la part de Gilles Valiquette, de la part de Raoul Duguay, qui m'ont dit à quel point les jeunes en avaient profité et à quel point, en l'espace d'une semaine, ces gens-là avaient fait l'équivalent de la démarche que Raoul avait peut-être pris cinq ans à faire, à l'époque.

Je pense que cet apprentissage est très important. Il faudrait certainement donner le moyen aux jeunes d'avoir accès à ces stages de perfectionnement. Celui de Granby est une idée extraordinaire. Je félicite les organisateurs du Festival de Granby et j'en profite pour féliciter le gouvernement du Québec qui appuie cette initiative. Je pense qu'il faudrait la structurer davantage. Je pense que l'idée a germé et, maintenant, il faudrait peut-être la structurer. Je pense que les conservatoires au Québec sont à même d'offrir ce genre de cours. Ce ne sont pas, je présume, des cours qui pourraient s'étendre sur plusieurs années, mais je pense que des personnages aussi illustres que Gilles Vigneault, des spécialistes de l'écriture comme Luc Plamondon, pourraient très bien faire partie de ces professeurs invités qui pourraient échanger avec les jeunes et les faire profiter de leur expérience de créateurs.

Mme Bacon; Au niveau des sociétés de perception de droits d'exécution au Canada, on dit que cela coûte cher aux ayants droit. Quelle est la position de votre société sur le fond de la question? Est-ce qu'il est envisageable qu'il y ait, au Canada, une seule société de perception de droits d'exécution?

M. Lafontaine: Je pense que oui. D'ailleurs, l'idée circule depuis maintenant cinq ou dix ans. Certainement qu'elle revient de façon cyclique. À un moment donné, les gens avaient l'impression que le fait d'avoir, par exemple, dans le domaine du droit d'exécution deux sociétés au Canada permettait d'avoir une certaine concurrence donnant de meilleurs services aux ayants droit. À un autre moment, on a l'impression que cela ne fait que diviser les forces; donc, effectivement, je pense que cela diminue la possibilité pour les auteurs de faire reconnaître leurs droits. En ce moment, il y a une excellente collaboration entre les deux sociétés, mais on pourrait très bien vivre des moments où il n'y aurait pas de collaboration entre les sociétés, où les sociétés se boudent. Là, je pense que cela nuirait à la situation des auteurs, des créateurs.

Effectivement, il est envisageable d'avoir une seule société au Canada. Dans la plupart des pays européens, c'est la situation que l'on retrouve. Dans les pays nord-américains, pour toutes sortes de raisons, on retrouve une situation qui est complètement différente. En Argentine, entre autres, il y a sept sociétés de gestion, mais dans un pays comme le Canada, qui compte à peine 25 000 000 d'habitants, il serait peut-être sain qu'il n'y en ait qu'une au pays.

Mme Bacon: Est-ce qu'on devrait y mettre des conditions?

M. Lafontaine: Je ne saisis pas très bien votre question.

Mme Bacon: Si on envisage qu'il y en a une seule, est-ce "que ce devrait être à certaines conditions?

M. Lafontaine: Je ne pense pas. Vous pariez sans doute de conditions économiques; par exemple, souvent, on tombe sous l'empire de la loi antitrust au Canada et on est l'objet de certaines enquêtes du secteur anticoalition, mais il y aurait certainement lieu de prévoir dans la loi canadienne sur le droit d'auteur que, s'il y a administration collective des droits d'auteur ces organismes

doivent échapper à la loi anticoalition canadienne.

Mme Bacon: Est-ce que vous seriez prêts à vous fusionner avec une autre association?

M. Lafontaine: II m'est difficile de vous donner cette réponse, puisque ce serait plutôt le conseil d'administration, ch'ez-nous, qui pourrait répondre à cette question. Je sais qu'il y a déjà eu certaines approches dans le sens que certains services auraient été fusionnés. L'été dernier, on a offert à l'autre société de fusionner les services de perception, les services de licence et, malheureusement, il n'y a pas eu entente entre les deux sociétés.

Je pense qu'il y une certaine volonté. Je puis répondre sans m'engager trop qu'il semble y avoir une volonté de se rejoindre.

Mme Bacon: II pourrait y avoir négociation?

M. Lafontaine: Oui.

Mme Bacon: Merci beaucoup.

M. Lafontaine: Je vous en prie.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre.

M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Bonsoir. Permettez-moi, à mon tour, de vous remercier de participer à cette commission. Je n'ai pas pu m'empêcher de lire la conclusion. Vous dites que le ministère des Affaires culturelles ne constitue pas un luxe de société frivole mais bien une terre fertile. C'est bien ce que j'énonçais au nom de ma formation politique à l'ouverture de cette commission. J'aimerais aller immédiatement sur le fond du sujet et vous poser certaines questions. La première: En quoi les exceptions de l'utilisation accessoire des oeuvres artistiques et de l'exécution d'enregistrements sonores qui se font en public, de façon fortuite, représentent-elles des possibilités économiques intéressantes pour les utilisateurs?

M. Lafontaine: C'est surtout la pratique de la gestion d'une loi du droit d'auteur. On réagit mal à ce genre de choses. Je vous " cite un exemple. Un salon de coiffure utilise un poste de radio dans le salon. Lorsque nous venons pour émettre une licence - dans le cas où cette possibilité pourrait exister parce que, actuellement, il existe une exception dans ce cas; nous ne pouvons émettre de licence dans ce cas-là, mais admettons que la possibilité existe avec la nouvelle loi. S'il y avait cette clause, le propriétaire pourrait très bien dire que le poste de radio est là pour lui. Il n'est pas là pour la clientèle. C'est par hasard que la clientèle entend la musique du poste de radio. C'est la situation vécue par certains pays européens. Je dois vous dire que, sur cela, le conseil que nous avons reçu d'une organisation internationale qui s'appelle la CISAC a été fort précieux. Effectivement, dans certains pays, on a déjà trouvé, dans la législation, des portes ouvertes de cette nature qui ont causé de nombreux ennuis à l'exercice du droit d'auteur.

M. Boulerice: Est-ce que vous pourriez détailler sur l'exception proposée par le gouvernement fédéral quant à la synchronisation d'une oeuvre musicale avec un message publicitaire?

M. Lafontaine: C'est une phrase très curieuse...

M. Boulerice: Très curieuse, oui.

M. Lafontaine: Je ne me souviens plus...

M. Boulerice: Je m'excuse, je n'ai pas noté la page du mémoire où j'ai...

M. Lafontaine: Je vais vous le lire. J'ai le texte du gouvernement fédéral. C'est la recommandation 5. Je vous lis la recommandation 5 du sous-comité et, ensuite, je vous lirai la réponse du gouvernement, ce qui va répondre à votre question. "La nouvelle loi devrait prévoir un droit moral en ce qui concerne l'autorisation d'utiliser une oeuvre protégée pour promouvoir des produits, des services, des causes ou des institutions." En d'autres termes, si vous êtes l'auteur d'une oeuvre musicale et si la compagnie Pepsi-Cola veut s'en servir pour faire la promotion de son produit, elle doit obtenir votre autorisation dans le but d'utiliser votre oeuvre pour son message publicitaire.

La réponse du gouvernement est la suivante: "Cependant, la recommandation 5 ne s'étendra pas aux oeuvres qui font l'objet d'une licence générale d'utilisation octroyée par une société de gestion de droits d'auteur, de manière à ne pas imposer aux utilisateurs l'obligation d'obtenir une seconde autorisation à l'égard des oeuvres dont la gestion a été confiée à de telles sociétés." Cela rend la pratique de la licence dite couverture, "blanket license", absolument inopérante. Lorsque nous accordons à la Société Radio-Canada, par exemple, la licence pour diffuser toutes les oeuvres de notre répertoire autant de fois qu'elle le veut, moyennant le montant d'une licence précise, cela ne veut pas dire pour autant que nous autorisons la Société Radio-Canada à utiliser ces chansons

pour faire la promotion d'autres produits que la chanson ou l'oeuvre elle-même. (21 heures)

La réflexion du gouvernement est étonnante parce qu'on nous dit, finalement... En somme, toutes les oeuvres sont licenciées, soit par la SDE, au Canada, ou par la CAPAC. Pratiquement aucune oeuvre n'échappe à cette licence, finalement, qui est presque obligatoire si on se réfère à l'article 50,9 de la loi canadienne sur le droit d'auteur. Somme toute, cela voudrait dire que le fait que nous ayons licencié un radiodiffuseur pour l'utilisation des oeuvres permettrait, sur les ondes de cette station ou de ce poste, de diffuser par la suite toutes sortes de musique qui pourrait être utilisées par des commerciaux. Je ne suis pas sûr que Robert Charlebois accepterait qu'on utilise sa chanson "J't'aime comme un fou" pour annoncer Pepsi. Nous pensons que le sous-comité avait raison et que le gouvernement a tort, enfin le cabinet à Ottawa.

M. Boulerice: M. Lelièvre, dans une -j'allais dire comparution, qui est un vocabulaire de tribunal qu'on reproche au président - audition précédente, a parlé de cours de formation dans le domaine de la chanson et de l'écriture orchestrale. Je vois que vous reprenez ceci en parlant de cours de perfectionnement en chanson et en écriture orchestrale. Mais lui n'a pas, faute de temps, développé plus à fond. Est-ce que vous pourriez me donner les balises de ce qu'est pour vous un programme de perfectionnement dans le domaine de la chanson et surtout de l'écriture orchestrale?

M. Lafontaine: Dans le domaine de la chanson, je pense que la chanson est un art bien particulier. C'est un des genres musicaux. Il y en a d'autres qui existent, bien sûr; les oeuvres symphoniques sont toujours là, bien que moins populaires auprès du public. Mais la chanson donc jouit de ce statut bien privilégié, aujourd'hui, d'une très grande popularité, d'une très grande vogue, mais c'est aussi un art; parce qu'une chanson, c'est un microcosme finalement. Il faut dire en très peu de mots des choses importantes, des choses intéressantes pour le public. C'est donc un art assez particulier. Je pense que ce n'est pas n'importe qui qui peut s'improviser auteur de chanson. Quand je parle d'auteur, je parle de l'auteur des textes et quand je parle* de compositeur, je parle évidemment de celui qui fait la musique. Il en va de même pour la musique. Il faut savoir structurer ces choses-là. Je me souviens d'avoir participé à un panel, à un moment donné, où nous entendions des oeuvres de jeunes auteurs-compositeurs. On pouvait noter à l'occasion, par exemple, une absence du développement du thème ou le mauvais enchaînement harmonique qui faisait que, à l'audition, l'oeuvre ne paraissait pas nécessairement intéressante. Donc, il y avait là place au perfectionnement. L'expérience du Festival de la chanson de Granby a été très intéressante en ce sens-là. On a pu voir qu'en l'espace d'une très courte période, en l'occurrence une semaine, les jeunes ont pu profiter énormément de l'expérience des plus âgés, de l'expérience, finalement, de leurs prédécesseurs, ceux qui ont appris avec les années. Je pense qu'il est essentiel que cette connaissance puisse passer des plus vieux aux plus jeunes. Je pense aussi que cela servirait à peut-être briser cette démarcation entre les générations. Cela permettrait aussi peut-être de faire la même chose au niveau des publics.

M. Boulerice: D'accord, je vous remercie beaucoup.

M. Lafontaine: Je vous en prie. M. Boulerice: M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Saint-Jacques, de m'en avoir brûlé deux autres. Je pense que M. Lafontaine était ici, cet après-midi, quand on parlait du triste sort réservé au président de la commission. Plus sérieusement, M. Lafontaine, j'ai une seule question qui...

Mme Harel: M. le Président, vous vous réservez le droit de poser des questions, ce que la vice-présidente n'a plus. Est-ce que je dois conclure qu'il en est ainsi?

Le Président (M. Trudel): Pas du tout. Vous étiez, chère amie, à Barcelone, je crois, quand nous avons décidé des règles...

Mme Harel: En Catalogne.

Le Président (M. Trudel): Oui, j'y reviendrai tantôt. On avait décidé, Mme la députée de Maisonneuve, que, dans l'ordre, Mme la ministre aurait un certain temps, M. le député de Saint-Jacques ensuite, que j'aurais quelques minutes et les membres de la commission auraient ensuite quelques minutes.

Par ailleurs, vous étiez absente cet après-midi quand nous avons convenu de limiter à peu près à 30 minutes la période de questions - ou 35 minutes - ce soir, compte tenu du nombre d'organismes que nous allons recevoir.

M. Lafontaine, j'ai une très courte question qui est reliée, évidemment, à votre mémoire, mais qui n'apparaît pas dans votre mémoire. La Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec que nous avons rencontrée hier au cours de la journée reprochait, entre autres choses, et très spécifiquement à Radio-Québec, la

modicité des droits que Radio-Québec payait aux sociétés de droits de perception. Par ailleurs, une source, que je juge généralement bien informée et que je ne vous dévoilerai pas, me dit: C'est vrai, M. le député de Saint-Jacques, quand vous posez vos questions, je vous les laisse poser sans interruption.

Une voix: Sans commentaire.

Le Président (M. Trudel): Et sans commentaire, surtout. Merci. Cette source d'information me disait, entre autres, que si le montant était à ce point modique - on parlait au total d'une somme, je pense, de 85 000 $ ou de 90 000 $, 87 000 $ pour être précis - c'était que les sociétés, paraît-il - et c'est sous réserve de la confirmation ou de l'affirmation - n'en demandaient pas plus. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

M. Lafontaine: Je suis content que vous me posiez cette question parce que c'est un sujet, justement, que je regrettais d'avoir un peu escamoté dans le mémoire qu'a présenté la société.

Cela fait référence directement à la Commission d'appel. Nous sommes actuellement encore devant la Commission d'appel à Ottawa, laquelle siège cette semaine, et nous obtiendrons probablement des résultats au sujet des tarifs de 1936 quelque part au mois d'août. Vous comprendrez qu'il y a déjà des problèmes à administrer des tarifs qui nous sont donnés six, sept, huit mois en retard.

D'autre part, le phénomène de la Commission d'appel fait que les sociétés de gestion ne sont pas libres d'exiger auprès des usagers les tarifs qu'elles croient justes. Nous devons les présenter devant la Commission d'appel qui, même dans les cas où il n'y a pas opposition de la part des usagers, va évaluer ces tarifs et la plupart du temps ils sont coupés. En tout cas, je ne me souviens pas d'un cas où la Commission d'appel a dit: Votre tarif est trop bas, on va vous l'augmenter.

La situation qui se pose dans le cas de Radio-Québec, c'est la même situation qui se pose dans le cas de Radio-Canada. Nous avons fait l'évaluation que la Société Radio-Canada payait, en comparaison de l'industrie privée, un dixième de ce que paie l'industrie privée. Nous avons là un exemple frappant où une société prétend avoir le mandat de faire valoir la culture canadienne alors qu'elle affame les créateurs canadiens. Je pense que c'est une fausse vision de son mandat. Si son mandat est de promouvoir la culture canadienne, je m'en réfère immédiatement à la citation de M. Bogsch que je vous donnais tantôt et je pense que c'est évident: Si on affame les créateurs, il n'y aura pas de création canadienne ou ils vont aller vivre ailleurs où ils peuvent survivre. Le problème se pose, évidemment, dans le cas de Radio-Québec. La bataille se fait autour de Radio-Canada actuellement et il est bien certain que, lorsque les sociétés auront convaincu ou réussi à convaincre la Commission d'appel qu'il est injuste que les sociétés d'État - telle Radio-Canada - paient un dixième du tarif des stations privées, à ce moment-là la société Radio-Québec va aussi sombrer sous le coup de cette décision. Malheureusement, actuellement il en est de même pour la société Radio-Québec qui paie environ un dixième de ce que les stations privées paient et nous n'y pouvons rien.

Le Président (M. Trudel): Merci, votre réponse me satisfait au plus haut point. Est-ce que d'autres membres de la commission, particulièrement la députée de Maisonneuve, auraient des questions à poser?

Mme Harel: Non. Cet échange a été fort intéressant. Vous me faites grief de ne pas toujours être ici, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Non, madame.

Mme Harel: C'est du temps supplémentaire que je fais ici.

Le Président (M. Trudel): Que nous rémunérerons. Vous savez que les députés sont rémunérés pour tout le temps supplémentaire qu'ils font; vous devriez savoir cela, vous avez tellement plus d'expérience que moi. Non, je ne vous fais pas grief d'être absente, madame.

Alors, M. ...

Mme Harel: C'était très clair, la dernière réponse que vous avez donnée.

Le Président (M. Trudel): Je partage votre opinion, Mme la députée de Maisonneuve.

Alors, M. Lafontaine et Mme Généreux, merci de votre visite chez nous aujourd'hui. Comme le disaient Mme la députée de Maisonneuve et Mme la ministre tantôt, c'est un échange de vues qui a été fructueux parce que votre mémoire était clair, vous avez su l'exposer de façon très claire et j'ai aimé, quant à moi, la rigueur de vos positions et la fermeté avec laquelle vous les avez exprimées. Bon retour à Montréal, si vous choisissez de rentrer à Montréal ce soir. Merci beaucoup.

M. Lafontaine; Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): On a parlé toute la semaine et la semaine dernière, je pense, et on parlera encore pendant quelques

semaines de L'autre télévision. Nous accueillons l'autre société de perception qui est l'Association des compositeurs, auteurs et éditeurs du Canada Ltée, mieux connue sous le nom de CAPAC. Nous accueillons son président, M. Marc Fortier - avec nous depuis un bon moment déjà. Et avec lequel nous avons eu le plaisir de dialoguer, notamment hier - et Mme France Lafleur qui est directrice du bureau du Québec et avocat-conseil, si je ne me trompe pas. Bienvenue, madame et monsieur! Je vous cède immédiatement la parole.

CAPAC

M. Fortier (Marc): Merci beaucoup, M. le Président. Mme la ministre, M. le député de Saint-Jacques, messieurs et mesdames de la commission. J'ai deux nouvelles pour vous, la bonne et la mauvaise. La bonne étant que Me Lafleur vous commentera, dans les limites de temps que vous nous avez suggérées, le mémoire ou le dossier de CAPAC dans son actualité. La mauvaise est qu'après Mme Lafleur j'aurai une brève intervention à faire, si la présidence me le permet.

Le Président (M. Trudel): Je vous le permettrai d'autant plus que vous me l'avez demandé dès hier soir et que je brûle du désir de vous entendre. Je devrais faire attention à ce que je dis parce que "brûler de désir", cela peut porter à confusion encore une fois!

M. Fortier (Marc): Oui, Michel! Je suis content de voir que vous vous en souvenez.

Sans plus de préambules, j'ai bien du plaisir...

Le Président (M. Trudel): Je devrais donner des directives au Journal des débats; la postérité qui lira ces propos sera légèrement perdus. Je m'excuse, allez-y, madame.

M. Fortier (Marc): Me Lafleur.

Mme Lafleur (France): M. le Président, messieurs et mesdames de la commission. CAPAC est l'Association des compositeurs, auteurs et éditeurs du Canada. C'est une société de perception de droit d'exécution publique. Lorsque les oeuvres musicales sont exécutées à la radio, à la télévision, dans les salles de concert ou dans les salles de cinéma, nous percevons des droits d'exécution publique que nous retournons aux auteurs, compositeurs et éditeurs qui sont nos membres et aux membres des sociétés étrangères que nous représentons. Nous représentons environ un peu plus de 15 000 membres au Canada, plus les membres de3 pays étrangers avec lesquels nous avons des contrats et des ententes bilatérales. CAPAC est gouvernée par un conseil d'administration formé de huit auteurs-compositeurs et de huit éditeurs, dont huit membres québécois. Nous avons donc une bonne représentation du Québec.

Sans plus tarder, je vais vous donner quelques exemples qui démontrent à quel point les revenus des auteurs-compositeurs au Québec et au Canada sont faibles. Lorsque vous allez voir un spectacle au théâtre Saint-Denis, vous payez le billet 15 $. De 0,15 $ à 0,30 $ sont retournés à l'ensemble des auteurs-compositeurs qui ont fait les chansons de ce spectacle. Lorsque vous achetez un disque qui vous coûte entre 7,99 $ et 10 $, de 0,16 $ à 0,20 $ sont retournés à l'ensemble des auteurs-compositeurs. Radio-Québec paie ou a payé en 1985, au total, aux deux sociétés de perception de droits d'exécution publique pour le répertoire mondial une somme de 88 150 $. Pour répondre à votre question de tout à l'heure à M. Lafontaine, j'aimerais vous dire...

Le Président (M. Trudel): Je voulais la poser tantôt, vous me la volez, mais allez-y tout de suite.

Mme Lafleur: C'est cela, je vais vous voler votre "cue". Il n'y a pas que le Tribunal d'appel du droit d'auteur qui peut mettre aussi les bâtons dans les roues. Tout le monde est prêt à reconnaître le droit d'auteur mais, quand vient le temps de payer, c'est toujours moins drôle. Cette année, nous avons demandé une augmentation à Radio-Québec qui, en retour, ne nous offre que la moitié de ce que nous demandons. Ne veut ou ne peut nous offrir que la moitié. Nous en sommes donc devant le Tribunal d'appel du droit d'auteur qui devra décider. Il n'y a pas seulement la bonne volonté du tribunal, il y a aussi la bonne volonté de l'usagers en l'occurrence Radio-Québec. (21 h 15)

Dans le cas des câblodiffuseurs, rien ne retourne aux auteurs-compositeurs. Dans le cas des propriétaires de juke-box, rien ne retourne aux auteurs-compositeurs et, dans le cas de propriétaires de discothèques qui utilisent des disques, rien ne retourne aux auteurs-compositeurs. Cela vous montre un peu les lacunes et la déficience de la Loi sur le droit d'auteur.

Pour vous donner d'autres exemples au niveau punitif, lorsque des pirates copient des disques au Canada, la sanction pénale, lorsqu'on fait des poursuites au niveau criminel, au fédéral, est de 10 $ par exemplaire contrefait, avec un maximum de 200 $ pour l'ensemble de l'opération. Lorsqu'il y a récidive, c'est la même amende, plus, peut-être, un emprisonnement de deux mois, accompagné ou non de travaux forcés. Je ne sais pas si cela existe encore.

Le Canada est une véritable porte ouverte aux pirates et c'est dû à la Loi sur le droit d'auteur, qui date de 62 ans et qui souffre de lacunes importantes.

La première recommandation de la CAPAC est donc de demander au gouvernement du Québec de faire pression auprès du gouvernement fédéral afin d'adopter une nouvelle loi sur le droit d'auteur qui préservera les principes fondamentaux du droit d'auteur et qui tiendra compte de l'évolution des nouvelles formes de technologie telles que la câblodistribution, les satellites, les magnétoscopes à cassettes, et ainsi de suite. On ne veut pas d'une loi qu'on va encore traîner 60 ans. On veut une loi qui soit flexible et qui tienne compte non seulement des changements présents, mais des changements à venir; donc, qui laisse la porte ouverte à des amendements qui devront avoir lieu petit à petit, selon les usages nouveaux qui apparaîtront.

Un autre point qui tient à coeur à CAPAC, c'est la question des oeuvres créées par des employés dans le cadre d'un travail. Présentement, selon la loi, l'employeur est le premier titulaire du droit d'auteur. CAPAC préfère plutôt que l'employé soit le premier titulaire du droit d'auteur de l'oeuvre qu'il crée, mais qui pourrait être cédé à l'employeur de façon qu'il conserve au moins son droit moral. Présentement, la loi prévoit que, lorsqu'il y a cession du droit d'auteur, l'auteur conserve le droit moral sur son oeuvre. Avec la loi actuelle, l'auteur n'a même pas le droit moral parce qu'il n'est même pas considéré comme étant l'auteur de l'oeuvre qu'il a créée et, pourtant, c'est lui qui l'a créée et c'est son patron qui en retire non seulement les avantages pécuniaires, mais le bénéfice moral.

Comme le gouvernement du Québec est un employeur de grande importance, nous demandons au gouvernement de donner l'exemple, de reconnaître l'employé comme étant le premier titulaire du droit d'auteur et de faire pression auprès du gouvernement fédéral afin qu'il inclue dans sa nouvelle loi une clause selon laquelle l'auteur, dans tous les cas, est le premier titulaire du droit d'auteur, à moins qu'il y ait cession de son droit.

Un autre point qui nous tient à coeur, c'est la reprographie. On vous en a parlé, et par la SPACQ, et par la SODRAC. Pour nous, c'est un manque à gagner très impartant pour les auteurs-compositeurs et nous sommes très surpris que le gouvernement du Québec perçoive présentement une taxe auprès du consommateur de 2 $ par cassette audiovisuelle et que cette taxe retourne au fonds consolidé de la province. Nous sommes tout à fait contre une mesure comme celle-là parce que, pour nous, toute redevance, toute taxe ou tout montant perçu sur les droits d'auteur devrait retourner aux créateurs, ce qui n'est pas le cas présentement. Donc, en plus d'être un moyen détourné pour faire des sous, c'est un moyen, quant à nous, d'induire le consommateur en erreur, car le consommateur a l'impression que cet argent retourne aux auteurs-compositeurs, ce qui n'est pas le cas. Le consommateur moyen n'est pas au courant de toutes les lois et n'est pas au courant que cela va au fonds consolidé de la province.

Donc, nous sommes pour l'abolition de cette taxe et nous préconisons plutôt la perception d'une redevance sur toute cassette vierge ou sur tout support, audiovisuel ou autre, et que ce montant soit versé aux auteurs-compositeurs par le biais des sociétés de perception des droits d'auteur. Nous, ce qu'on voudrait plus particulièrement... Il y a plusieurs méthodes de calcul qui sont faites dans le monde. Nous favorisons la méthode de calcul qui est une redevance sur les supports vierges plutôt que sur les appareils mêmes; tout au moins, que ce soit fait sur les deux. Quand on fait une perception de redevance sur les appareils vendus, si on suit le cours actuel, le coût des appareils a tendance à diminuer au fur et à mesure des années. Donc, pour nous, une redevance basée sur le prix des appareils ne refléterait pas une juste part, alors qu'une redevance qui serait faite plutôt sur les cassettes refléterait beaucoup plus l'usage, c'est-à-dire que les gens qui font beaucoup de copies vont acheter plus de cassettes, donc, c'est eux qui devraient assumer le fardeau le plus lourd. À tout le moins, on pourrait avoir une redevance qui serait perçue sur les deux moyens, comme certains pays le font.

Deuxièmement, la base de calcul. Pour nous, ce serait un taux fixé selon la durée de l'enregistrement et non pas selon le prix de la cassette parce que, finalement, le droit d'auteur n'est pas basé sur la qualité d'une oeuvre ou la qualité de l'enregistrement, mais beaucoup plus, bien que pas nécessairement... Même en droits d'exécution publique, plus une oeuvre est longue, plus elle va coûter cher. Pour nous, c'est le même principe qui s'appliquerait dans le cas d'une redevance. Si vous avez deux enregistrements, un sur une cassette qui coûte 4 $ et l'autre sur une cassette de 6 $, c'est quand même la même oeuvre, donc, une redevance basée sur le prix de la cassette ne serait pas vraiment juste et équitable, alors que si on y va plutôt sur la durée, si vous en avez pour une heure, vous devriez payer pour une heure, si vous en avez pour deux heures, vous devriez payer pour deux heures.

Deuxièmement, ça devrait être perçu auprès des fabricants et des importateurs, parce que les fabricants sont beaucoup moins nombreux que les détaillants, donc, ce serait beaucoup plus facile de percevoir les droits. On devrait percevoir aussi auprès des importateurs, parce que ça nous permettrait

de percevoir des droits pour les oeuvres qui sont faites à l'étranger également.

La seule façon pour les auteurs de percevoir adéquatement leurs droits - on en a fait la preuve dans le passé - c'est que les auteurs se regroupent en société. Alors, on a des sociétés de perception de droits d'exécution publique, des sociétés de droits de reproduction mécanique et autres. Il s'agirait de donner cette administration aux sociétés déjà en place, ou à d'autres. Ce serait un moyen aussi. Dans les autres pays, les différentes sociétés se regroupent pour former soit une seule société ou, enfin, pour se diviser la tarte. Elles se basent, premièrement, sur les fréquences de diffusion à la télévision et à la radio - c'est ce qu'on peut donner comme services à la CAPAC ou à la SDE - et aussi sur le volume des ventes de disques ou de cassettes. C'est un service que la SODRAC ou les autres sociétés peuvent donner. Donc, ce serait peut-être un pas en avant de collaborer tous ensemble pour déterminer les mécanismes mais, de toute façon, ce que nous voulons, c'est que ces sous-là retournent aux auteurs-compositeurs.

Un des derniers points que nous aimerions discuter plus amplement, c'est la récente décision du CRTC. Pour nous, cette décision a jeté une ombre sur la chanson francophone, parce qu'il ne faut pas se leurrer, ce ne sont pas les Canadiens anglais qui vont en bénéficier, ce sont les étrangers. Ce seront les auteurs-compositeurs des oeuvres étrangères qui envahissent de plus en plus notre pays. Présentement, sur le taux que la CAPAC perçoit, dans tout le Canada, pour l'utilisation des oeuvres musicales et les droits d'exécution publique, 58 % retourne à l'étranger. Si on réduit le pourcentage des oeuvres francophones au Québec, ce taux-là va augmenter, on va envoyer encore plus de sous à l'étranger.

Pour nous, c'est une sorte de désastre. Il faut trouver des solutions non seulement de la part du CRTC, mais pour encourager la profusion des oeuvres musicales. Or, cette solution ne fera que diminuer la créativité au Québec, parce que les gens ont besoin de vivre de leur art et ont besoin de sous. S'ils n'ont pas de sous pour pouvoir créer, ils ne créeront plus et il n'y aura plus de chansons francophones au Québec. Dans plusieurs pays, il y a des pratiques protectionnistes en faveur des oeuvres nationales. Pourquoi pas chez nous? Pourquoi l'herbe serait-elle toujours plus verte chez le voisin? Je n'ai rien contre les oeuvres étrangères, j'en suis aussi, j'en écoute beaucoup, mais je pense qu'on a besoin de se retrouver et ce, dans les oeuvres de chez nous, sans que ce soit la ceinture fléchée et la chemise à carreaux. L'auteur, c'est un citoyen comme un autre: il a besoin de vivre. Quand on va acheter un pain, au coin de la rue, on est prêt à payer, on reçoit un pain. Quand on écoute une chanson, qu'est-ce qu'on reçoit? On ne reçoit pas du pain, on ne reçoit pas de la nourriture. Par contre, on reçoit des émotions. Les émotions, ça doit se payer; c'est difficile de mettre un prix là-dessus, mais, pour ma part, ça n'a pas de prix et il va falloir que tout le monde se rende compte qu'une chanson, ça nous apporte quelque chose. Peu importe le sentiment que cela nous apporte, on doit payer autant pour ça que pour de la nourriture, que pour un verre de vin. Une chanson, c'est essentiel à notre vie et il va falloir que tout le monde se rende compte que si on veut continuer à écouter des oeuvres en français il va falloir que les auteurs aient les moyens d'en créer.

Donc, nous demandons au gouvernement du Québec de faire pression auprès du gouvernement fédéral pour démontrer son désaccord face à la dernière décision du CRTC.

J'aimerais souligner l'effort que le gouvernement du Québec a fait ces dernières années dans le cas de la création du service de la propriété intellectuelle qui a apporté une grande amélioration et aussi souligner l'entente que l'Union des écrivains a signée avec le ministère de l'Éducation pour la reprographie dans les écoles. Pour nous, cela a été de grands pas. Cela a montré une volonté d'agir que nous voulons souligner. Nous espérons que le gouvernement va continuer. Cette commission nous le montre. Nous espérons des fruits concrets à la fin de cette commission. Un dernier point à mentionner. Nous appuyons l'UDA dans ses recommandations, au point de vue général, parce que nous ne sommes pas entrés dans les détails. Mais nous appuyons son effort et son projet. Nous espérons que la commission reconnaisse le droit à l'auteur d'être un citoyen à part entière, d'être un travailleur et qu'on lui donne ce qui lui est dû. Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, madame. M. Fortier, est-ce que vous voulez dès maintenant nous annoncer votre mauvaise nouvelle?

M. Fortier (Marc): Merci, M. le Président. Je vais vous consoler de vous faire voler vos questions par Mme la ministre et le député de Saint-Jacques. Je me suis fait voler, en même temps, tout mon temps ou à peu près par Me Lafleur et je me suis fait voler aussi, sans que cela paraisse, un flash que j'avais à vous soumettre par Me Zénaïde Lussier, tout à l'heure, qui vous a parlé - c'était l'objet dont je voulais vous entretenir - de la natalité, et elle vous a parlé de la saucisse Hygrade. Je ne fais pas de mauvais rapprochement entre les deux. Je vais être obligé de restreindre énormément mon discours. Accordez-moi trois minutes avant la

période de questions.

Ce qui me frappe dans la situation canadienne, bien sûr, mais québécoise particulièrement, après 23 ans bientôt d'exercice du métier... Ne dites pas là-dessus que j'ai bonne mémoire, j'ai vécu la grande époque des chansonniers. J'ai vécu la grande époque de 1967-1976 qui coïncide étrangement, d'ailleurs, avec l'Expo et les Jeux olympiques, où nous avions une production très abondante et où c'était agréable de créer et de produire, de vendre. J'ai également vécu l'autre période qui est la période de 1977, à peu près, jusqu'à maintenant, qui est le déclin de notre produit. Ce qui m'inquiète beaucoup, c'est la dénatalité.

Le Président (M. Trudel): Je m'excuse de vous interrompre. On ne vous entend quasiment pas ici. Est-ce que vous pourriez vous rapprocher du micro, parce que le micro ne peut pas se rappprocher de vous?

M. Fortier (Marc): Je ne suis pas un chanteur. Cela paraît.

Le Président (M. Trudel): On a un peu de difficulté à vous comprendre.

M. Fortier (Marc): D'accord. Ce qui...

Le Président (M. Trudel): On vous comprend mais on vous entend mal.

M. Fortier (Marc): ...m'inquiète, c'est le problème de la dénatalité, non seulement, chez Ies créateurs. J'ai autour de moi de vieux amis de 1958-1959-1960, des belles années de 1966-1967 qui n'écrivent plus pour la très simple raison que ce n'est plus payant et l'autre raison, qu'on ne soulève jamais ici, ce n'est plus un objet de fierté d'écrire. Ce qui est agréable quand quelqu'un vous dit: J'ai écouté ton disque ou j'ai écouté ta chanson, ce n'est pas de penser que je viens de faire de l'argent. C'est d'abord et avant tout d'être fier que quelqu'un ait écouté. Cette fierté que nous avions, dans ces années-là, n'est plus. Ce qui fait que beaucoup de mes amis et amies ont abandonné, en totalité ou en partie, le domaine de l'écriture. Ce qui est aussi très grave - je soupçonne la ministre des Affaires culturelles d'être réceptive à cela, mais je pense que le ministre du Revenu le serait beaucoup aussi - c'est que cela a des répercussions considérables sur l'ensemble de l'industrie. Si les compositeurs et les auteurs québécois écrivent moins, il y aura moins de studios. Les musiciens travailleront moins. Les gens qui font les pochettes, les gens qui font la promotion de spectacles travailleront moins. Cela a une influence énorme sur l'ensemble de l'industrie et cela crée une dégénérescence qui amène, finalement, l'incompétence.

(21 h 30)

J'ai vécu des. périodes, quelques mois où je ne faisais pas d'orchestration et je vous assure qu'après quelques mois sans écrire d'orchestration la première qu'on écrit est difficile. La deuxième est plus facile, la troisième est plus facile et quand, par exemple, on est engagé pour faire les arrangements d'une série télévisée on s'aperçoit, au bout de quelques mois, qu'on écrit beaucoup plus vite et beaucoup mieux. C'est - pas le problème, c'est l'inverse d'un problème - la solution américaine. Les Américains sont bons parce qu'ils produisent beaucoup, qu'ils écrivent beaucoup, parce qu'ils sont constamment sur la ligne de front et je voudrais - et je_ vais terminer vite là-dessus - simplement vous rappeler que dans vos considérations je souhaiterais que vous teniez compte que tout projet ou toute action doit viser à faire que les métiers et toutes les industries reliées à la création devraient ultimement bénéficier d'un surplus, si c'est possible, de travail, ce qui va amener nécessairement... Los Angeles, New York et Londres, qui sont les trois grandes villes qui produisent la musique, ces villes-là vivent. Quand il y a beaucoup d'émulation... On l'a vécu chez nous de 1967 à 1976, comme je vous l'ai expliqué, chacun essayait d'être meilleur que l'autre, chacun produisait beaucoup et on a obtenu des résultats exceptionnels. Pour ne vous en citer qu'un seul, ce sont les années où s'est développé le Studio André Perry qui, à partir d'un sous-sol à Brossard, en quelques années, après l'obtention de Son Québec, et finalement à Morin-Heights est devenu un des meilleurs studios au monde. C'est sûr que cette émulation et ce surcroît de travail font que les artistes et tous ceux qui sont autour des artistes et qui travaillent avec les artistes, les techniciens et tous deviennent meilleurs. Actuellement, la crainte que j'ai, la peur que j'ai, c'est que bientôt je vais devenir médiocre, si ce n'est mauvais, et nous sommes une bonne "gang" dans ce groupe-là. Je voudrais juste que vous reteniez ce souci. Merci!

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le président. Mme la ministre.

Mme Bacon: Merci, M. Fortier et Mme Lafleur, de vos commentaires. Dès le début de votre mémoire vous situez la place des créateurs en rapport à la société en disant: Parce que la société a besoin de ses créateurs elle doit encourager cette activité créative en donnant au créateur un soutien moral et financier afin qu'il puisse vivre de son art. Je pense que cela rejoint, M. Fortier, ce que vous venez de nous dire même si on peut parler de créativité ou de création et de continuité dans la création. En ce qui a trait au soutien moral - et je

dis bien soutien moral parce qu'on a parlé de droit moral tantôt - j'estime que la motivation qui a guidé le gouvernement à tenir cette commission parlementaire, pour moi cela suffit pour dire que nous démontrons quand même une bonne volonté d'apporter un soutien moral, prouver une bonne fois notre désir d'apporter ce soutien dont a besoin, évidemment, le milieu culturel. Pour ce qui est de notre soutien financier, je peux dire aussi et vous assurer que, dans le cadre des disponibilités financières de notre gouvernement, comme l'a stipulé notre programme électoral, le milieu culturel recevra la juste part qui lui revient, dont les créateurs, bien sûr.

Dans votre mémoire j'ai retenu une des lignes directrices qui doit guider l'action des gouvernements, à savoir que l'auteur soit reconnu comme le premier titulaire du droit sur son oeuvre nonobstant son statut d'employé, et c'est très important pour moi. En page 4 du mémoire, au second paragraphe, vous mentionnez que l'Association des compositeurs, auteurs et éditeurs du Canada insiste depuis longtemps sur les lacunes graves de la Loi sur le droit d'auteur. Parmi ces lacunes, est-ce que vous pourriez nous indiquer l'élément que vous jugez le plus urgent à réviser? Considérez-vous à l'instar d'autres groupes que - et je reviens peut-être sur ce que vous m'avez dit tantôt - la loi actuelle est désuète au point qu'il faille en modifier les principes et même sa philosophie? Est-ce qu'il faut aller aussi loin que ça?

Mme Lafleur: II y a toujours deux courants d'idée dans le droit d'auteur et au Canada on est influencé soit du côté du Québec par la loi française qui reconnaît un droit total, et moral et pécuniaire, à l'auteur soit par les États-Unis où c'est plutôt la notion de copyright, simplement de l'argent. J'aimerais et je pense que la CAPAC aussi aimerait que la nouvelle loi tende beaucoup plus sur le principe de la loi européenne qui reconnaît à l'auteur, en plus d'être le premier titulaire de son oeuvre, un droit moral et un droit complet sur son oeuvre. La loi actuelle, par le fait qu'elle oublie de le mentionner, prive les auteurs et les créateurs d'un manque de revenus incroyable. Si on regarde juste la câblodiffusion, parce qu'on n'en parle pas dans la loi, cela n'est pas couvert. On parle des phonogrammes, cela n'existe même plus! Un tas de choses comme celles-là ne sont plus à jour. Notre souci est que la nouvelle loi ne fasse pas que dire: Vous avez le droit de percevoir dans tel ou tel domaine, c'est qu'on reconnaisse que les sociétés peuvent aller dans n'importe quel champ d'action, que, quand une oeuvre est utilisée, peu importe son utilisation, l'auteur ait droit à une rémunération juste et équitable. La loi, présentement, en plus de donner un tas d'exceptions pour lesquelles les auteurs ne peuvent pas percevoir leurs droits, dit: Vous pouvez percevoir sur telle ou telle chose. Le droit d'auteur, c'est telle ou telle chose, mais on ne mentionne pas du tout le reste. Donc, pour nous, c'est une complète réforme de la loi et de la philosophie.

Mme Bacon: D'accord. En page 4 de votre résumé, vous souhaitez que le gouvernement du Québec continue de s'impliquer dans la protection des droits des créateurs en regard des intérêts défendus par les créateurs. J'aimerais que vous me donniez votre point de vue sur les prochaines étapes qui devraient être franchies par le gouvernement du Québec.

Mme Lafleur: Je pense que, premièrement, le fait d'avoir fait des ententes... Je sais que vous n'avez pas le pouvoir de légiférer, vous n'avez pas juridiction sur la Loi du droit d'auteur, vous êtes limités. Mais je pense que, dans le livre "La juste part des créateurs", le gouvernement du Québec avait montré une volonté d'occuper tous les champs possibles dans la mesure où c'était possible de le faire. Je pense que le gouvernement présent doit continuer dans cette ligne - que cela soit à travers Radio-Québec, à travers un tas d'organismes - de reconnaître le droit moral de l'auteur, de faire des ententes pour la perception des redevances; c'est une chose que le gouvernement du Québec peut faire. Que cela soit une redevance, plutôt, et que cela soit remis aux auteurs. Je pense qu'on n'a pas besoin d'une loi pour cela. Que le service de la propriété intellectuelle continue son lobbying et sa surveillance auprès de chacun des ministères pour sensibiliser les gens qui, eux-mêmes, utilisent les produits des créateurs. Que cela appartienne aux créateurs et qu'on doive payer pour cela. Il y a une action à faire auprès du public. C'est le public qu'il faut approcher, pas seulement les gens qui utilisent des oeuvres, mais le public en général.

Mme Bacon: D'accord. Quant à la décision du CRTC, je ne sais pas si cela a passé inaperçu, mais le gouvernement a quand même, personnellement j'ai fait des pressions auprès du ministre fédéral des Communications et on l'a publicise de la meilleure manière possible pour que les gens le sachent, mais on a quand même fait les pressions nécessaires pour qu'il y ait des corrections nécessaires qui soient apportées immédiatement. Pour nous, il était inacceptable de voir le changement préconisé ou voulu par le CRTC et nous ne pouvions pas accepter cette façon. Surtout, je pense que, si on regarde la situation du disque et de la chanson, il faut qu'il y ait des efforts qui se fassent. On parle du disque, mais

c'est la chanson qui est là. Je pense que les pressions ont été faites au bon endroit.

Maintenant, M. Fortier, peut-être une dernière question. Vous me semblez assez pessimiste face à la situation, actuelle. Je veux bien qu'on vous tienne occupés pour essayer d'atteindre l'excellence, mais y a-t-il des moyens précis que vous voudriez voir pris par le gouvernement le plus rapidement possible?

M. Fortier (Marc): Je réponds par une question: Est-ce que j'ai l'air pessimiste? Peut-être que ce que je dis est pessimiste, mais je pense que c'est une analyse assez honnête et franche du milieu, surtout quand on le vit quotidiennement. Oui, je suis pessimiste, mais je crois à des solutions. Je vais vous signaler que j'ai passé de très très nombreuses heures à essayer de convaincre votre prédécesseur de moyens à prendre et que je n'ai pas réussi. Espérons que j'aurai plus de succès avec vous, c'est possible.

Oui, il y en a. Sans retourner dans les vieux pays et sans même aller aux États-Unis, on a vécu chez notre voisin, en Ontario, une expérience qui s'appelait la Wintario et qui était une incitation à l'achat. J'y crois beaucoup et, si vous avez lu une entrevue que j'ai accordée à la Presse il y a quelques semaines, lors d'un symposium de la CAPAC, j'ai signalé qu'il faut aller plus vers cette démarche qui concerne le débouchage du bout du tuyau qui s'appelle la consommation plutôt que d'engorger la production.

Wintario l'a fait. Elle a incité les gens à acheter des disques faits en Ontario, pour deux raisons. Premièrement, on pouvait y trouver des restants de la loterie de l'Ontario et, donc, gagner des prix, plus le ticket; si vous ne gagniez pas, vous pouviez l'utiliser pour acheter un nouveau disque fait en Ontario avec un escompte, si je me souviens bien, de 0,50 $. Donc, si vous en accumuliez cinq, vous aviez 2,50 $ de rabais.

J'ai dit, dans l'entrevue en question, que les discaires ont tendance, et c'est bien naturel, en recevant le stock américain qui leur est donné à rabais - pour douze disques, on vous en donne trois gratuitement, etc. - à mettre ces disques à l'avant et à les promouvoir davantage. Si les disquaires obtenaient de notre ami, le ministre du Revenu, un dégrèvement d'une nature ou d'une autre sur les quantités de disques québécois vendus, il y a des chances qu'ils auraient le goût de mettre les disques québécois en avant.

Je suis convaincu qu'il y a bien d'autres moyens possibles et je persiste à croire que, tant qu'on ne convaincra pas les Québécois, comme c'était le cas en 1968, 1969 et 1970, que la qualité de notre produit est là, qu'il est important, et culturellement et économiquement, d'acheter, pour une part, pour sa part du marché, les produits québécois, on n'ira nulle part, si on ne le fait pas.

Mme Bacon: On me disait dernièrement à Boston, à la délégation, quant au disque, qu'une quinzaine de postes de radio de la Nouvelle-Angleterre demandaient des disques du Québec et que, depuis des années que c'est demandé, on n'a jamais répondu à leur demande. Est-ce un problème de distribution à ce moment-là? Est-ce un problème de manque de volonté ou tout simplement que les messages ne se rendent pas?

M. Fortier (Marc): Je dois vous dire que j'ai vécu ce genre d'expérience beaucoup plus avec l'Angleterre ou le Japon. Le problème qu'on a...

Mme Bacon: Boston n'est quand même pas loin. La Nouvelle-Angleterre, ce n'est pas loin.

M. Fortier (Marc): Ah oui! C'est tout près, c'est sûr. C'est tout près à tout point de vue, géographiquement et sur le plan de la mentalité, bien sûr. Je pense que, jusqu'à maintenant, les esprits n'étaient pas orientés vers une exploitation mondiale de nos produits, donc, vers des investissements considérables dans la promotion, la publicité, l'exportation, les ventes, etc., et que toujours - en tout cas, c'est mon expérience et c'est la façon dont je l'ai vu - les sommes et les énergies ont été placées du côté de la création et de la production. Je pense que c'est là le problème, alors que la situation économique américaine et les pouvoirs américains nous montrent bien que ce n'est pas là du tout qu'ils mettent l'accent.

Je reviens sur ce que Mme Lussier - je m'excuse de revenir encore là-dessus - disait tout à l'heure; elle parlait de la qualité du produit. Bien sûr, il faut que le produit soit concurrentiel, mais je pourrais vous citer, de mémoire, plusieurs exemples où les produits sont, au chapitre de la qualité musicale, de l'exécution des musiciens et de la qualité de l'enregistrement, absolument horribles. Je vais vous dire une chose qui vous semblera une monstruosité, mais je pense que plusieurs analystes musicaux vous le confirmeront, la majorité des disques des Beatles sont, sur le plan de l'exécution et sur le plan de l'enregistrement, absolument pénibles et ils ont vendu des centaines de millions de disques.

Je pense qu'on fait ici, au Québec, des produits d'une qualité exceptionnelle. Nous avons des studios extraordinaires. Paul Anka, Williams et un paquet d'artistes américains viennent ici, se font accompagner par des musiciens d'ici et disent: Les musiciens de Montréal sont extraordinaires. C'est fabuleux,

c'est merveilleux! Bon, nous avons ces choses-là. Ce que nous n'avons pas, c'est cette conception que la masse monétaire ou qu'une bonne partie de la masse monétaire doit être orientée vers les débouchés et vers les ventes. Je pense, dans ce sens, qu'on fait l'inverse de ce qu'on devrait faire. (21 h 45)

Mme Bacon: Je dois dire que nos représentants culturels, dans les maisons du Québec ou dans les délégations, sont prêts à vous aider, spécialement ceux que j'ai rencontrés à la Délégation du Québec à Boston. On nous disait qu'eux-mêmes avaient demandé au Québec d'envoyer des gens faire une tournée de promotion. Ils étaient prêts à piloter les artistes ou les promoteurs. La voie est ouverte. J'espère que le message se rendra, mais il y a des possibilités de faire entendre nos disques en Nouvelle-Angleterre.

M. Fortier (Marc): Exact, mais, si vous me permettez, vous connaissez très bien les programmes du ministère, ils sont relativement adéquats et couvrent l'ensemble du sujet. Je vous signalerai juste que, si vous regardez bien, l'importance des programmes n'est pas orientée vers les débouchés extérieurs, elle est orientée surtout vers la création ici d'un produit qu'on ne vendra peut-être jamais. C'est ça le problème, je crois.

Mme Bacon: II y a toujours une place pour des changements. Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. Avant de céder la parole au député de Saint-Jacques, je vais oser faire ce que Charles Dutoit a fait au début de la deuxième partie d'un concert à la Place des Arts et donner, pour ceux et celles que la chose intéresse, le résultat de la partie Canadiens-Calgary qui se dispute à Montréal. C'était, il y a quinze minutes, 0 à 0 après la deuxième période. Sur ce, M. le député de Saint-Jacques.

Une voix: La culture et le sport...

Le Président (M. Trudel): Voilà. Ce n'est pas...

M. Boulerice: Canadiens, oui... Vous dites ça à Québec; vous prenez des risques, M. le député d'un comté montréalais.

Le Président (M. Trudel): Je dois dire que mon fils, étant Québécois de naissance, était un chaud partisan des Nordiques.

M. Boulerice: Si vous me permettez une anecdote, tellement cela peut être savoureux. Lorsque je suis arrivé à Québec, dans une station d'essence, le pompiste m'a remis un "poster" des Nordiques. Je lui ai dit: Je suis de Montréal. Il m'a dit: Excusez-moi, monsieur. Et il a repris le "poster" des Nordiques.

Le Président (M. Trudel): Quant à être du côté léger, vous connaissez le gag qui circulait il y a trois semaines à Québec? Qu'est-ce qui est bleu et blanc et qui joue au golf? Un des Nordiques.

M. Boulerice: Sur un sujet plus sérieux, M. Fortier, Me Lafleur, il y avait un certain pessimisme dans vos propos. Vos propos m'ont donné beaucoup de nostalgie quand vous avez parlé de cette période merveilleuse des boîtes à chanson où il y avait une création, une éclosion extraordinaires de chansons québécoises. Voilà que, tout d'un coup, ça tombe et on se retrouve dans une situation extrêmement précaire. Qu'est-ce qui a amené cela? Est-ce que c'est parce qu'on a vieilli? Parce qu'on a cessé d'acheter des disques? Parce qu'on a cessé de s'intéresser aux auteurs québécois? Parce qu'on n'a peut-être pas assumé le rôle de relayeur de la culture en s'intéressant à la génération qui nous suivait et en lui faisant connaître les produits qu'on avait déjà ici? On n'a peut-être pas favorisé l'éclosion d'un certain type de relève et le champ a été immédiatement envahi par des productions étrangères, soit américaines, anglaises, enfin... majoritairement anglo-saxones; c'était peut-être ça. Je pense que cela mériterait une longue discussion et est-ce qu'on en arriverait à des conclusions très pratiques? Je ne sais pas.

Par contre, dans votre mémoire, je voyais - ça, c'est particulièrement intéressant, je pense qu'il y a eu unanimité de la Chambre à ce sujet-là, quant à la décision du CRTC de réduire le contenu francophone de la programmation... Bien entendu, si cela se produit, cela va être catastrophique. Dans ce dossier-là, on ne doit pas se contenter de dire que c'est une décision d'Ottawa et, si Ottawa répond à nos revendications, tant mieux et, s'il ne le fait pas, s'en estimer désolé et laisser faire. Vous parlez de pratiques protectionnistes. Je n'ai pas d'inhibition face à des pratiques protectionnistes, je l'ai dit cet après-midi. Nos voisins du Sud n'hésitent pas lorsqu'il s'agit de protéger leur marché dans quelque domaine que ce soit, sauf que si, par malheur, le CRTC devait maintenir sa décision et que les stations de radio allaient à un contenu très nettement inférieur par rapport à ce qu'il était il y a certaines années où c'était déjà 75 % - là, on en arrive à 55 % - je dis que le gouvernement du Québec devrait prendre certaines responsabilités.

La majorité des stations de radio bénéficie de publicité dite gouvernementale. Dans un esprit de - je m'excuse d'employer

l'expression anglaise - "give and take", je rendrais conditionnelle l'obtention de publicité gouvernementale aux stations de radio qui donnent le plus grand contenu de musique québécoise. Je pense qu'il ne faut pas se contenter de voeux pieux. Je pense qu'il faut se donner des moyens. Il faut avoir des incitatifs. Oui?

M. Fortier (Marc): Vous me permettez de...

M. Boulerice: J'aimerais que vous réagissiez...

M. Fortier (Marc): Je réagis très fortement, vous allez voir, et non pas de façon pessismiste. Vous parlez des stations de radio. J'ai deux ou trois choses à vous dire à ce sujet. Je les connais bien. Je connais leur rengaine. Premièrement, les postes de radio jouissent d'un privilège qui leur est accordé, un peu semblable au privilège que nous avons tous - je présume - face au permis de conduire. On vous autorise à conduire un véhicule à condition que vous le conduisiez bien. Si vous faites des infractions et si vous êtes dangereux, on va vous le retirer.

Quand une personne ou un groupe de personnes obtient l'autorisation d'occuper les ondes et d'affecter le public d'une manière ou d'une autre, il a des responsabilités. Parmi ces responsabilités, il y a celle de donner aux gens la musique, les informations et toute la culture qui est la leur et qui leur appartient. Des postes de radio nous disent: Ce n'est pas notre son, ce n'est pas cela que les gens nous demandent. Les gens de la mode, Robichaud et compagnie, ne se demandent pas ce que les gens demandent. Ce sont des artistes qui créent des modes. Qu'est-ce que le public fait? Il suit ces modes faites par les créateurs. Les postes de radio, à mon avis, jouent un jeu d'autruche et le jeu de la saucisse Hygrade à l'envers -elles sont moins bonnes parce que moins de gens en mangent. J'en mange moins, parce qu'elles sont moins bonnes - en nous faisant croire que c'est ce que le public réclame. C'est à eux, qui ont obtenu un privilège d'occuper les ondes, d'aider le public et d'aider la culture et l'économie d'ici en leur faisant entendre nos choses.

Mme Lafleur: Lors d'une émission récente, Droit de parole, où Mme Pauline Julien a participé, elle disait que lorsqu'elle allait - et elle en a fait des tournées - en France et en Italie, lorsque venait le temps d'avoir un engagement à la télévision - là, cela déborde du cadre des postes de radio -on vérifiait avant si on avait atteint un certain quota d'oeuvres nationales. Si on avait atteint ce quota, oui, il y avait de la place pour Mme Pauline Julien, ou non, il n'y en avait pas. Par exemple, on établit le quota à 60 % pour le contenu régional ou national; si on avait 50 %, on ne prenait pas Mme Julien. Elle disait qu'elle était pour cela, parce qu'ils sont dans leur pays, que c'est normal qu'ils fassent connaître leurs interprètes ou leurs créateurs, leurs auteurs-compositeurs, et qu'elle passe après. Mais, quand elle arrivait ici, tous les voisins c'était bien mais elle passait après. C'est vrai qu'il ne faut pas, non plus, faire l'autruche, se regarder le nombril et se dire qu'on est bon, on est beau, on va s'écouter. Il est important qu'on jouisse aussi de l'apport des autres cultures. Mais, si on continue à se laisser envahir par les cultures étrangères et à ne pas inciter les gens à prendre nos produits, on n'aura plus de produits et, quand il n'y en aura plus, il sera trop tard. On n'aura plus de français ou, enfin, on n'aura plus de musique québécoise et ce sera bien dommage. On ne pourra pas revenir en arrière. Cela peut se faire au niveau de la radio, au niveau des spectacles, au niveau de la télévision.

Quand je parle de contenu francophone, je parle du contenu francophone québécois. Si on regarde sur les palmarès, il y a beaucoup de chanteurs québécois qui interprètent des chansons d'auteurs français. Cela n'aide pas non plus nos créateurs. Je pense que tout le monde a un petit bout de chemin à faire. Les sociétés en ont. Le gouvernement et le public aussi. Je crois que c'est une question d'entraide, que tout le monde se réveille un peu.

M. Boulerice: Quant à la suggestion que vous faites, non pas d'abolir la taxe sur les supports vierges, mais bien plutôt de lui donner une autre fin que celle qu'elle a actuellement, je réponds d'emblée que je suis éminemment favorable à des pratiques comme celle-là. La suggestion que vous faites, par contre, d'harmoniser la taxe avec la durée d'un enregistrement comme tel m'apparaît équitable. Je pense que les Québécois accepteraient une pratique comme celle-là si on leur explique bien, justement, que cela va à l'auteur et que cela va aider à développer la chanson et l'industrie du disque au Québec.

Voilà, ce n'était pas des questions. Je voulais tout simplement poursuivre le débat avec vous. Je vous remercie. On aura sans doute l'occasion de s'en reparler. M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Saint-Jacques. Je voudrais revenir - une courte question - sur le sujet que vous avez abordé vous-même tantôt, Me Lafleur, c'est-à-dire le problème de Radio-Québec et de Radio-Canada.

Vous avez parlé, si je vous ai bien comprise... Je vous écoutais, mais à un moment donné vous avez bifurqué. Ai-je bien

compris que vous avez demandé le double du montant ou une augmentation importante à Radio-Québec, ce qui vous a été refusé, et que vous êtes en appel actuellement devant la commission d'appel? Ai-je bien compris ce que vous avez dit tantôt?

Mme Lafleur: On a demandé, par exemple, 6 % d'augmentation pour l'année 1986. Eux, ils nous offrent 3 %.

Le Président (M. Trudel): L'année dernière, on a parlé de 88 000 $. Ils vous offrent 3 %?

Mme Lafleur: Non, nous on a 66 000 $ et la SDE a 22 000 $, ou quelque chose comme cela.

Le Président (M. Trudel): D'accord.

Mme Lafleur: Ce qui fait un total de 88 000 $. Alors nous, en tant que CAPAC, on leur a demandé 6 %. Eux nous en offrent 3 %, et ce sans aucune négociation. Donc, nous sommes présentement devant le Tribunal d'appel du droit d'auteur qui tranchera la question, finalement.

Le Président (M. Trudel): Cette négociation s'est faite récemment?

Mme Lafleur: Elle s'est faite à partir de l'automne.

Le Président (M. Trudel): L'automne dernier?

Mme Lafleur: Oui.

Le Président (M. Trudel): Donc, c'est un problème qui n'est toujours pas réglé et qui...

Mme Lafleur: II n'est toujours pas réglé.

Le Président (M. Trudel): Très bien. Quant à moi, cela termine, sauf pour vous dire que votre suggestion, vous n'êtes pas le seul groupe à l'avoir faite. Je l'ai toujours accueillie avec beaucoup de sympathie, parce que je la trouve extrêmement intéressante, ayant un peu vécu celle de l'adaptation québécoise, cette réussite - il faut bien l'avouer - de Wintario en Ontario. Je souhaite, quant à moi, que sous l'actuel gouvernement on soit plus chanceux au ministère des Affaires culturelles pour implanter ce programme. Ce n'est pas spécialement la responsabilité - il faut bien l'admettre - du seul ministère des Affaires culturelles, la Société des loteries et courses n'appartenant pas, malheureusement, au ministère des Affaires culturelles. C'est un programme qui a aidé non seulement l'industrie du disque, mais également l'industrie du livre, la fréquentation des librairies, etc.

En ce qui me concerne, je ferai auprès de Mme la ministre - et je sais qu'elle s'intéresse déjà à cet aspect - des représentations pour qu'on reprenne au moins un dossier que j'avais partiellement en main au moment où j'étais sous-ministre à ce ministère.

Merci beaucoup de nous avoir parlé aussi franchement, M. Fortier, de vos états d'âme, et, je le dis très sincèrement, ce n'est pas péjoratif. Je pense qu'il y a encore de la place pour l'optimisme, évidemment, mais j'imagine facilement que, quand on vit quotidiennement les situations que nous analysons depuis trois jours, on a raison d'être plutôt pessimiste qu'optimiste. Je vous souhaite quand même un bon retour à Montréal et je vous remercie de...

M. Fortier (Marc): J'espère - si vous me permettez, M. le Président - que le député de Saint-Jacques ne me mettra pas sur sa liste noire ou ne me cataloguera pas comme étant un pessimiste notoire et pour toujours. Il y a d'autres sujets beaucoup plus "olél olél". Je ne suis pas toujours pessimiste.

M. Boulerice: Sûrement pas, M. Fortier. Et d'ailleurs mon grand-père me disait que les pessimistes n'avaient pas de place, notamment en politique.

Le Président (M. Trudel): Merci, madame. Merci, M. Fortier.

M. Fortier (Marc): Merci. Bonne fin de soirée.

Société pour l'avancement des droits en audiovisuel

Le Président (M. Trudel): Nous terminerons cette bonne journée en recevant la Société pour l'avancement des droits en audiovisuel. On nous avait indiqué que les deux représentants étaient M. Jean-Guy Jacques et M. Jacques-Bernard Parent. À qui avons-nous l'honneur?

M. Jacques (Jean-Guy): M. Parent ne peut pas venir. (22 heures)

Le Président (M. Trudel): J'en conclus, malgré l'heure tardive, que nous avons le plaisir de rencontrer M. Jacques. Avant de vous céder la parole, M. Jacques, parce qu'il est 21 h 59 et que nos travaux vont se poursuivre, je dois demander le consentement unanime des membres de la commission de façon à ce que nous puissions dépasser 22 heures.

M. le député de Saint-Jacques qui

représente l'Opposition?

M. Boulerice: Consentement, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, monsieur. Mme la ministre?

Mme Bacon: Consentement.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre.

M. Jacques, il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à la commission de la culture. Comme je l'ai expliqué aux autres -je n'ai pas remarqué si cela fait longtemps que vous vous êtes joint à nous - compte tenu du temps dont nous disposons, on préférerait, ici, à la commission, que vous fassiez un résumé du mémoire que vous nous avez présenté et qui a été lu par les membres de la commission. Faites un résumé assez court, mais prenez le temps qu'il vous faut pour expliquer votre point de vue. Ensuite, nous passerons à une période de questions que nous essayerons de maintenir à l'intérieur de 30 à 35 minutes.

Je vous cède la parole avec grand plaisir, M. Jacques.

M. Jacques: Merci, M. le Président. Mme la ministre, mesdames et messieurs, je vous remercie d'offrir à la SADA la présente tribune. À l'instar de notre mémoire, j'essaierai d'être bref et précis.

La SADA a été créée en 1979. SADA veut dire Société pour l'avancement des droits en audiovisuel. Elle avait comme objectifs de protéger les oeuvres de son répertoire, c'est-à-dire des producteurs et des distributeurs de films, contre la représentation et la reproduction illicites des oeuvres audiovisuelles et aussi de percevoir des sommes à la suite de l'utilisation des oeuvres audiovisuelles en émettant des licences de représentation publique et de reproduction. Nous représentons environ 200 sociétés de production et de distribution, soit environ 20 000 oeuvres. Voici notre répertoire. Vous pourriez le faire circuler, si cela vous enchante. C'est considérable et on a mis beaucoup de mois à répertorier ces oeuvres et à les inclure dans notre répertoire, parce que cela nécessitait une cession de la part des détenteurs de droit.

La SADA s'est distinguée, en 1980, en intentant des poursuites contre quatorze collèges, poursuites qui se sont réglées par un règlement hors cour, en mai 1984, qui prévoyait le paiement de 1 250 000 $ par la Fédération des collèges à la SADA, somme qui a été répartie entre les propriétaires ou les producteurs et distributeurs des oeuvres reproduites par les collèges, l'engagement des institutions d'enseignement à se conformer aux dispositions de la Loi sur les droits d'auteur et aussi la possibilité de garder les oeuvres reproduites illicitement dans le passé, moyennant un paiement symbolique de 1 $ la minute. De plus, le ministère de l'Éducation prévoyait la création d'un fonds annuel de 500 000 $, pendant cinq ans, pour aider les institutions d'enseignement à obtenir le droit de reproduire ou d'exécuter en public les oeuvres.

Je vais ici m'écarter de mon mémoire et je vais vous dire que c'est la SADA qui a parti le bal, je crois, surtout dans les milieux d'enseignement, pour une reconnaissance plus grande de ce qu'est le droit d'auteur en intentant cette poursuite de 4 000 000 $ contre quatorze collèges, qui a connu beaucoup de publicité et par les démarches que nous avons poursuivies par la suite. Notre poursuite a inspiré également l'UNEQ et a permis la création de feu la SGDA. La question du droit d'auteur a occupé la sellette pendant ces mois de poursuites et de tractations devant les tribunaux.

La SADA représente surtout les producteurs et aussi les distributeurs de documents audiovisuels québécois, canadiens et étrangers. Nous représentons la quasi-totalité des producteurs québécois de documents audiovisuels. Le producteur est une personne très importante dans le domaine de l'audiovisuel et souvent on va s'acharner contre lui en croyant que c'est lui qui retire tous les profits. J'en aurais long à vous dire sur cela, ayant été moi-même producteur de la série que vous avez vue cet hiver à Radio-Canada, "Prendre la route". Le producteur est celui qui permet aux réalisateurs, scénaristes, cameramen, recherchistes, etc., de vivre de leur métier en montant des productions. La loi actuelle veut que le producteur soit le détenteur, sinon le gestionnaire, des droits d'auteur sur une oeuvre audiovisuelle. Je crois qu'il est bien que cela soit comme cela, parce qu'il y a tellement d'intervenants dans l'audiovisuel qu'il est bon qu'il y ait une personne à qui s'adresser.

La SADA occupe un marché assez spécialisé de l'audiovisuel dans le domaine qu'on qualifie, dans le jargon du métier, "non theatrical", c'est-à-dire les écoles, les institutions de santé, les hôpitaux et aussi, sous un autre angle, les bars qui jouent en public des longs métrages, par exemple, par vidéocassettes, les hôtels qui présentent dans les chambres des longs métrages, tous les moyens qui font que l'exécution est publique.

Ce secteur des écoles au Canada représente 20 000 000 $. Ce marché assez florissant permet, au Canada anglais en particulier, l'existence de sociétés qui produisent de3 documents qui répondent à des besoins pédagogiques dans les écoles. Au Québec, le marché institutionnel représente moins de 2 000 000 $ par année. Pourquoi y

a-t-il moins d'utilisation au Québec? En fait, la question ne devrait pas se poser comme cela. Il n'y a pas moins d'utilisation. Après notre poursuite contre les collèges, on s'est rendu compte qu'il y avait beaucoup d'oeuvres audiovisuelles dans les collèges, sauf qu'on a pris l'habitude de se les approprier sans payer; donc, cela ne se reflète pas sur l'économie. C'est un cercle vicieux. À force d'acquérir des oeuvres audiovisuelles sans payer, les écoles ont abandonné cette rubrique budgétaire et n'ont donc pas demandé d'argent pour faire l'acquisition d'oeuvres audiovisuelles. Aujourd'hui, maintenant . qu'il y a eu cette poursuite, on se retrouve sans budget pour faire l'acquisition d'oeuvres audiovisuelles, ce qui est un grand problème.

Il y a aussi un problème au Québec, c'est celui des institutions publiques, à savoir l'Office national du film, Radio-Canada et Radio-Québec qui, je ne sais pour quelles raisons, offrent à des prix qu'on qualifie de dumping leurs productions aux écoles. Les écoles vont dire: Bien sûr, ces institutions publiques ont déjà bénéficié des taxes des citoyens pour produire ces documents; donc on devrait les avoir à bon marché. Par ailleurs, l'accessibilité des documents des entreprises publiques à faible coût fait que, quand une entreprise privée arrive avec des prix beaucoup supérieurs à ceux pratiqués par ces organismes publics, les écoles trouvent que les prix sont exorbitants. Nous osons qualifier ce que font ces organismes publics de dumping et de concurrence déloyale. Nous souhaiterions qu'il y ait plutôt une concertation. Je ne veux pas, là non plus, violer la loi antitrust. Mais, quand même, nous considérons qu'il y a là une espèce de dumping et de concurrence déloyale.

Pour revenir au marché institutionnel, je vous disais qu'au Québec il représente moins de 2 000 000 $. En 1971, il y avait plus de quinze sociétés qui vivaient de la production de documents audiovisuels pour le marché des institutions d'enseignement. Maintenant, il n'en reste plus aucune. Pour quelle raison? Parce qu'il n'y a pas de demande. Il n'y a pas de budget. Les écoles ont appris è copier et donc à se passer de l'obligation de faire l'acquisition de ces documents. Si, au Canada anglais, on dit qu'il y a 20 000 000 $ par année, nous croyons que le Québec devrait représenter environ 6 000 000 $ comme marché institutionnel. Le montant de 6 000 000 $ voudrait dire de 60 à 100 heures de production de documents audiovisuels annuellement. On peut voir l'impact que cela aurait sur l'industrie de la production de documents audiovisuels. Cela existe au Canada anglais. En France, on vient de découvrir l'audiovisuel dans les écoles et le service des équipements est en train d'équiper les écoles de magnétoscopes, ce qui fait que la France sera bientôt un pays où l'institutionnel deviendra un marché florissant. Aux États-Unis, c'est un marché énorme où les prix pratiqués se chiffrent à environ 15 $ à 20 $ la minute par document acquis par institution.

Donc, c'est un marché aux États-Unis et au Canada anglais. Cela le devient en France. Au Québec, c'est pratiquement inexistant. Pourquoi? Qu'est-ce qu'il faut faire? Je pense que la question se pose. Une des façons de régler le problème, ce serait de doter les écoles, les collèges, les commissions scolaires de devis, de budgets qui les aideraient à encourager la production de documents audiovisuels qui viendraient appuyer leurs programmes pédagogiques et aussi à faire l'acquisition de documents existants. C'est une des solutions que nous proposons. Cela, c'est en plus du fonds de 500 000 $ par année qui a été créé pour aider les écoles à acquérir des licences de reproduction et d'exécution publique dans le cadre du règlement avec la SADA.

Maintenant, comme remarque finale, je veux attirer votre attention sur la Charte des droits des créateurs et créatrices. Nous sommes très heureux de voir que la Loi sur les droits d'auteur est en train d'être corrigée. Mais il y a là une recommandation qui passe très difficilement, que nous n'acceptons pas. Si le gouvernement du Québec pouvait faire des pressions sur celui d'Ottawa, ce serait grandement apprécié par les créateurs de l'audiovisuel. La recommandation 90, à l'encontre de tout l'esprit de la Charte des droits des créateurs et créatrices et même à l'encontre du préambule de cette recommandation 90, prévoit une exception à l'endroit de l'exécution publique dans les institutions d'enseignement. Cela veut dire qu'une école peut jouer une oeuvre audiovisuelle et ce n'est pas considéré comme une exécution publique. Ceci viendrait priver les créateurs de l'audiovisuel de sommes considérables. Par exemple, le long métrage est loué dans un club vidéo, il est dans le club vidéo pour être utilisé à des fins privées seulement, c'est-à-dire joué dans votre foyer. Une école va venir le louer 2 $, le jouer devant 30 élèves et payer la même somme de 2 $. Nous croyons que c'est injuste.

Je vais ouvrir une petite parenthèse maintenant et c'est Mme la ministre Bacon qui m'y a entraîné quand elle a parlé du libre-échange. Ici, dans notre domaine, je crois que ce n'est pas très menaçant parce que nous bénéficions de la barrière de la langue. Donc, je crois que les documents américains, à moins d'être adaptés en français, ce qui serait un autre moyen d'offrir du travail à nos créateurs, ne peuvent pas être utilisés.

Maintenant, pour terminer, je veux insister à nouveau sur le fonds qu'il serait

nécessaire de créer dans le système d'enseignement pour engendrer la production. Ces fonds existent déjà à la Société générale du cinéma et 'à Téléfilms pour aider la production destinée à la télévision et au cinéma. Nous ne demandons pas des sommes additionnelles auprès de ces organismes pour encourager la production de documents qui doivent servir dans les écoles. Nous voulons plutôt que les écoles reviennent à leur budget d'antan, d'avant 1972 environ, qui prévoyait l'acquisition et la production de documents audiovisuels. Les producteurs sauront bien s'organiser pour produire des documents qui sauront satisfaire les besoins.

Une petite question, en terminant. Nous serions intéressés à savoir ce qu'il advient des 2 $ prélevés, à titre de taxe, lors de l'acquisition de cassettes vierges audiovidéo. Merci, Mme la ministre, M. le Président, mesdames et messieurs.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le président. Les interventions de nos invités étant moins longues que les mouvements d'une symphonie de Mahler, cela me permettra de vous donner tout de suite un autre résultat de la partie de hockey. Il y a déjà dix minutes, il restait six minutes à jouer et le Canadien menait 1 à 0. Mme la ministre, je vous cède la parole. (22 h 15)

Mme Bacon: Revenons à la culture, M. le Président. M. Jacques, je vous remercie d'être ici ce soir pour nous présenter votre mémoire qui nous a fait découvrir une facette intéressante du secteur de notre culture, soit la facette de l'audiovisuel, de la création en audiovisuel.

Ces créateurs veulent sûrement s'assurer de recevoir leur juste part et le gouvernement du Québec endosse aussi cette préoccupation. En ce sens, votre réflexion enrichit les travaux de la commission et je vous remercie de la justesse de vos propos et aussi du sérieux de la démarche afin que vos membres puissent aussi, évidemment, bénéficier de cette juste part.

Dans votre mémoire à la page 8 concernant l'acquisition d'oeuvres audiovisuelles pour les établissements d'enseignement du Québec, est-ce que vous croyez qu'il s'agit d'un problème de budget, de répartition budgétaire? À votre avis, est-ce que l'achat de longs métrages pour les bibliothèques est une politique généralisée? Est-ce que les bibliothèques avaient l'habitude d'acquérir des oeuvres audiovisuelles et plus particulièrement du matériel éducatif audiovisuel?

M. Jacques: Je n'ai pas de réponse d'abord, mais ma réponse, à moi, serait que les gens qui font l'acquisition de documents audiovisuels vont souvent choisir des solutions de facilité et, en faisant l'acquisition de productions américaines à succès, on est sûr que les oeuvres vont circuler. Voilà.

Mme Bacon: En page 5 de votre mémoire, vous faites état du phénomène de la reproduction illicite qui a été désastreux, évidemment, pour les créateurs audiovisuels. J'aimerais savoir quelle solution vous auriez à l'esprit pour régler ce problème-là. Est-ce que cela serait sous forme de loi, de réglementation ou par la mise sur pied d'un organisme de surveillance?

M. Jacques: Mme la ministre, même la vieille loi de 1926, à mon point de vue, dans ce domaine avait assez de dents pour faire respecter le droit des créateurs. Le problème en était un, finalement, de mollesse. On s'est mis à copier, grâce à l'arrivée du magnétoscope, les émissions qui passaient à la télévision. Après avoir fait cela pendant quelque temps, on s'est rendu compte qu'on le faisait impunément. On a continué à le faire et cela a atteint des proportions gigantesques et on s'est rendu compte que cela ne coûtait rien. Donc, il n'était pas nécessaire de prévoir des sommes pour faire l'acquisition de ces documents audiovisuels. On a laissé aller petit à petit les sommes prévues pour l'acquisition de documents audiovisuels qui existaient avant 1971-1972. On se retrouve maintenant sans budget prévu à ces fins. Alors, je crois que c'est cela, la réponse.

La loi actuelle, même la vieille loi nous protège parce qu'elle interdit toute reproduction de documents audiovisuels. La loi est là, il s'agit de la respecter.

Mme Bacon: En conclusion de votre mémoire, vous faites état de la révision de la Loi sur les droits d'auteur. Est-ce que vous pensez que le ministère des Affaires culturelles aurait un rôle à jouer ici? Je comprends que vous nous demandez de faire des pressions auprès du gouvernement fédéral pour que cela se règle le plus rapidement possible, mais est-ce que vous pensez qu'au niveau provincial, au niveau du Québec, le ministère des Affaires culturelles aurait un rôle à jouer?

M. Jacques: Je crois que oui. D'après moi, cette exception qui va à l'encontre de tout l'esprit de la Charte des créateurs et créatrices et même qui va à l'encontre du préambule de la recommandation 90, arrive un peu comme un cheveu sur la soupe, en tout cas cela ne s'explique pas. Je crois que cette exception, si elle existe, fait suite à des pressions des milieux d'enseignement eux-mêmes qui veulent se soustraire à l'obligation de payer.

Il y a un esprit qui existe dans les systèmes scolaires et pas seulement au Québec. J'ai eu l'occasion d'aller parler

souventefois en Ontario, en Colombie britannique, en Nouvelle-Écosse à ce sujet-là et partout on reconnaît qu'il y a de la reproduction illicite et partout il y a cette incompréhension. On croit que le document, parce qu'il passe à la télévision doit être accessible à tous et gratuitement. Surtout, dans notre régime canadien, il y a souvent des subventions où des fonds de l'État sont prévus pour aider à la production de documents audiovisuels. Alors, les instituteurs se disent: Ces documents sont déjà financés en grande partie par nos taxes. Ils oublient que les sommes qui ont servi à cela n'ont servi qu'à la production.

Encore là, le Québec - je vais revenir ici au Québec - est un marché si étroit que le producteur ne peut pas rentabiliser son produit en le vendant à la télévision seulement. On se rend compte que, malheureusement, les documents audiovisuels québécois ne s'exportent pas assez. Alors, les producteurs doivent compter sur tous les marchés qui existent, y compris les écoles. Cette mauvaise façon de compter sur la gratuité me fait toujours utiliser cette image: on paie bien des taxes pour qu'Hydro-Québec existe, mais ça n'empêche pas Hydro-Québec d'exiger un tarif pour l'utilisation de son hydroélectricité. Nous croyons que l'audiovisuel doit de la même façon être rétribué lorsqu'on l'utilise.

Mme Bacon: Quant à l'information que vous me demandiez tantôt sur les 2 $ qui sont pris sur la vente des cassettes vierges, ces 2 $ retournent dans le fonds consolidé de la province. Ce n'est pas nécessairement utilisé pour la culture, cela peut être utilisé dans d'autres dossiers.

M. Jacques: Je me doutais bien que c'est ce qu'on faisait des 2 $. Par ailleurs, je me disais que ces 2 $, qu'on prélève sur les vidéocassettes-devraient bien retourner au monde de la vidéo. Ma question était plutôt une suggestion.

Mme Bacon: J'en ferai part à mon collègue des Finances.

M. Jacques: Pardon.

Mme Bacon: Je pourrai en faire part à mon collègue des Finances. Merci, M. Jacques.

M. Jacques: Merci, madame.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, M. Jacques.

Une voix: Non pas M. Saint-Jacques mais M. Jacques.

M. Boulerice: Oui, c'est cela. En quatrième recommandation, vous parlez du "montant annuel de 500 000 $ déjà prévu pour l'acquisition de licences de reproduction". Vous dites que c'est insuffisant. À combien pensez-vous qu'il serait nécessaire de l'augmenter pour que cela réponde à vos exigences?

M. Jacques: M. le député, je vais vous avouer, aujourd'hui, que ce fonds qui existe depuis deux ans et qui est rendu à 1 000 000 $ parce qu'il est cumulatif, n'a à toutes fins utiles pas encore été touché, parce que la Fédération des commissions scolaires qui en reçoit 365 000 $, la Fédération des cégeps et la CREPUQ pensent que ce fonds doit être dépensé dans le cadre d'un protocole d'entente qui a été négocié avec les niveaux primaire et secondaire, donc avec la Fédération des commissions scolaires. Mais le protocole n'est pas encore signé. Donc, il y a cet argent qui existe et qui n'a pas encore été dépensé.

Par ailleurs, quand je dis que c'est insuffisant, c'est que je le compare avec ce qui se fait au Canada anglais où il se dépense 20 000 000 $ pour l'acquisition de droits sur des documents audiovisuels et pour l'acquisition de copies d'oeuvres audiovisuelles, alors qu'au Québec c'est moins de 2 000 000 $. C'est dans cet esprit que je dis qu'un sain marché de l'audiovisuel dans le domaine institutionnel devrait se situer entre 5 000 000 $ et 6 000 000 $ annuellement pour atteindre une parité avec ce qui se pratique au Canada anglais, ce qui est quand même inférieur à ce qui se pratique aux États-Unis. Je soulignais l'exemple de la France qui est en train de s'équiper pour utiliser cette forme de soutien à l'enseignement.

M. Boulerice: Dans votre démonstration sur l'audiovisuel, M. Jacques, vous ciblez très nettement le monde de l'éducation. Ce qui m'étonne peut-être un peu, mais là vous allez m'expliquer, que vous jugez comme une compétitrice la Direction générale des moyens d'enseignement.

Je ne sais pas. Je comprends mal que vous situiez en compétitrice la Direction générale des moyens d'enseignement quand on sait que, pour le ministère de l'Éducation, l'audiovisuel est un des moyens d'enseignement et que c'est tout à fait normal et légitime qu'il développe ses propres productions et alimente, en fin de compte, le réseau qui lui appartient et qui est le réseau des écoles primaires et secondaires.

M. Jacques: M. le député, je n'ai pas nommé la DGME. J'ai nommé l'Office national du film du Canada. J'ai nommé Radio-Canada et Radio-Québec. Je dois

préciser que Radio-Québec n'a pas été l'instigatrice de la politique. Radio-Québec s'est plutôt enlignée sur ce qui existait à Radio-Canada et à l'ONF.

M. Boulerice: Sans faire de polémique, vous ne l'avez pas cité, mais vous l'avez écrit, en page 7, DGME.

M. Jacques: D'accord.

M. Boulerice: À moins que ce ne soit un sigle pour un autre organisme et que j'aie confondu, peut-être.

M. Jacques: Non, vous avez raison, nous avons indiqué la DGME dans notre mémoire. Je vais vous donner un exemple d'une chose qui s'est produite récemment et qui nous force à adopter des politiques de prix inférieurs. L'Office national du film du Canada est membre de la SADA en ce qui a trait à la reproduction de ses oeuvres. Il nous demande d'exiger 1,50 $ par minute -alors que le tarif général de la SADA est de 3 $. Le tarif de Radio-Québec, nous l'avons également aligné sur celui de l'ONF, c'est-à-dire 1,50 $ par minute, parce que Radio-Québec et l'ONF voulaient avoir la même politique de prix.

La SADA est obligée, de par son entente avec l'ONF, d'accorder des licences de reproduction à ceux qui en font la demande à ce tarif. Or, la DGME a demandé à la SADA de lui accorder une licence de reproduction sur les oeuvres de l'ONF et c'est là que c'est catastrophique. La DGME acquiert à 1,50 $ par minute des films de l'ONF qu'elle offre ensuite au système d'enseignement à 25 $ par copie de l'oeuvre. Donc, la SADA se trouve obligée de participer à une politique de l'ONF dont profite la DGME.

M. Boulerice: Donc, ce ne sont pas les productions autonomes de la DGME comme telles, mais ses achats et sa redistribution.

M. Jacques: Voilà!

M. Boulerices C'était dans ce sens.

M. Jacques: Nous sommes pris dans ce carcan.

M. Boulerice: D'accord, je vous remercie, M. Jacques.

Le Président (M. Trudel): M. Jacques, deux questions très courtes et assez techniques pour m'éclairer, parce que je dois avouer, à ma courte honte, que je connaissais mal votre association. Quelle est la proportion des distributeurs que la SADA représente, comme première question, et quelle partie des sommes que vous percevez - puisque vous percevez des droits d'auteur, dites-vous - va aux artistes, si une telle partie va aux artistes?

M. Jacques: II faudrait définir qui on appelle artiste. Dans notre domaine, on appelle artistes les producteurs. C'est vraiment être un artiste que d'être producteur. Je vous disais tout à l'heure que j'ai produit "Prendre la route". Cela a pris cinq ans pour produire cette série, presque à temps plein et, à ce jour, pour cinq ans de travail à temps plein, j'ai touché environ 15 000 $. Donc, voilà ce qu'est être producteur.

La SADA représente la quasi-totalité des producteurs et des distributeurs québécois. Vous me demandez le nombre; je ne l'ai pas sous les yeux, mais c'est la quasi-totalité.

Le Président (M. Trudel): . Je vous demande la proportion et vous me répondez la quasi-totalité; cela me satisfait.

M. Jacques: Quelle est la part que nous leur retournons? Je pourrais vous répondre -je préférerais ne pas vous répondre - que la SADA est une société à but lucratif et que nous avons des ententes privées avec chacune des sociétés. Nous préférons ne pas dire le pourcentage, quoiqu'il soit généreux. Mais si vous l'exigez, je le ferai.

Le Président (M. Trudel): Je pourrais vous poser les questions d'une autre façon, de façon privée.

M. Jacques: Disons que nous retournons 75 % et moins de ce que nous percevons des écoles.

Le Président (M. Trudel): Quand, dans vos documents audiovisuels, vous employez des artistes-interprètes pigistes, si je comprends bien, ce n'est pas votre société qui est chargée de les payer. À ce moment-là, comme producteur, je présume que vous les engagez à forfait.

M. Jacques: Je voudrais préciser que mon expérience de producteur a été ponctuelle. J'ai produit cette série et j'ai trouvé très difficile d'être producteur.

Le Président (M. Trudel): Le métier d'artiste n'est jamais facile.

M. Jacques: Alors, j'ai décidé de pratiquer plutôt le droit, de m'occuper de distribution et de la SADA aussi. Comme producteur, si je passe un contrat avec un réalisateur, je le paie au tarif généralement payé à un réalisateur. Si je travaille avec un scénariste, généralement je vais respecter l'entente entre la SARDEC et Radio-Canada

comme producteur. Donc, le scénariste va toucher les cachets prévus dans cette entente. C'est la même chose pour les recherchistes. Le caméraman va être payé au tarif généralement payé au caméraman.-Tout le monde est payé. D'ailleurs, dans cette production-là, tout l'argent que nous avons réuni a servi à payer tous les artisans. Chacun a été payé; il n'y a personne qui n'a pas été payé, sauf les producteurs.

Le Président (M. Trudel): On est tout a fait d'accord avec vous. Je n'insinuais rien du tout. Vous me dites: Le caméraman, le scénariste, tout cela. Je vous ai posé une question: Dans le cas où vous engagez un artiste-interprète qui peut être représenté par l'Union des artistes, est-ce votre organisme ou les producteurs que vous représentez qui paient ces gens-là?

M. Jacques: Oui.

Le Président (M. Trudel): Est-ce le producteur?

M. Jacques: C'est le producteur. Le producteur est le maître d'oeuvre d'une production et c'est lui qui fait les ententes avec tous les intervenants à cette production.

Le Président (M. Trudel): J'ai une dernière question. Dans votre quatrième recommandation, vous dites que le montant de 500 000 $ dont il a été convenu lors de cette entente historique d'il y a quelques années vous paraît insuffisant. Quel serait -et c'est ma toute dernière question - selon vous, un montant qui pourrait être suffisant?

M. Jacques: J'ai déjà dit à M. le député de Saint-Jacques qu'au Canada anglais le marché institutionnel représente 20 000 000 $ annuellement. Nous osons espérer et avons la prétention de croire que le Québec n'est pas un parent tellement pauvre et que, si on appliquait toutes les proportions, il devrait y avoir entre 5 000 000 $ et 6 000 000 $ pour l'institutionnel.

Le Président (M. Trudel): Je ne veux pas éterniser le débat, ce n'est pas dans ce sens-là que je posais ma question. J'avais compris la réponse que vous donniez tantôt à M. le député de Saint-Jacques. Sur ce, je vous remercie de votre intervention devant nous et vous souhaite un bon voyage de retour à Montréal. L'échange a été fructueux et va nous permettre d'en savoir plus dans un domaine que l'on connaît peut-être un peu moins que d'autres concernant les droits d'auteur. Vous nous avez donné des renseignements précieux qui vont sûrement aider Mme la ministre dans la réflexion qu'elle a déjà entreprise et qu'elle continuera au cours des prochains mois. Je vous remercie infiniment.

Sur ce, tout en félicitant les membres de la commission de leur assiduité et de l'intérêt qu'ils ont porté toute la journée aux travaux de la commission, M. le député de Saint-Jacques et Mme la ministre des Affaires culturelles, la commission ajourne ses travaux à demain matin 10 heures.

M. Jacques: En terminant, M. le Président, je veux aussi vous remercier de m'avoir donné cette occasion et aussi souligner l'effort remarquable du Québec dans le domaine de l'audiovisuel en général et des droits d'auteur. Cette commission en est une manifestation. Le Service gouvernemental de la propriété intellectuelle est une autre manifestation de cette préoccupation du gouvernement du Québec et je vous en remercie grandement.

Le Président (M. Trudel): Merci.

(Fin de la séance à 22 h 35)

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