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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le vendredi 23 mai 1986 - Vol. 29 N° 11

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le statut économique de l'artiste et du créateur


Journal des débats

 

(Dix heures onze minutes)

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plaît:

La commission de la culture reprend ses travaux remplissant ainsi son mandat de consultation générale sur le statut économique de l'artiste et du créateur. Ce matin, nous rencontrons trois groupes qui sont, dans l'ordre, le Conseil des artistes peintres du Québec, le Conseil québécois du théâtre et le Centre d'essai des auteurs dramatiques.

Je demanderais à Mme Suzanne Joubert, qui représente le Conseil des artistes peintres, de bien vouloir prendre place devant nous, dans ce qu'on appelait autrefois le banc des témoins. Oui, madame, en face de moi, s'il vous plaîtl Mais, comme on est en commission parlementaire sur la culture, moi qui n'ai jamais rêvé de devenir juge de toute façon, je dis bien jamais rêvé de devenir juge...

Mme Joubert (Suzanne): ...distance.

Le Président (M. Trudel): C'est le seul défaut de cette pièce qui, par ailleurs, est remplie d'histoire. Mais j'admets avec vous que nous sommes loin l'un de l'autre. Nous allons nous rapprocher par la pensée et la parole. Alors, je vous la cède immédiatement en vous souhaitant la bienvenue parmi nous.

Vous n'étiez pas présente hier lorsque j'ai expliqué les règles du jeu. Étant donné que, d'une part, nous avons trois mémoires à étudier ce matin et que, d'autre part, nous avons trois heures pour le faire, nous allons consacrer entre 50 et 60 minutes à chaque organisme de façon à ajourner nos travaux à 13 heures. Madame, à moins que vous ne souhaitiez rester debout, je pense que vous devriez vous asseoir pour vous adresser à la commission. Il n'y a rien de très formel chez nous.

Mme Jaubert: D'accord.

Le Président (M. Trudel): Madame, nous vous écoutons.

Mme Joubert: Je suis très remuante de nature et habituée à enseigner. C'est peut-être pour cela.

Le Président (M. Trudel): Remarquez que, si vous êtes plus à l'aise debout, je n'ai pas d'objection.

Mme Joubert: Je me lèverai dans le feu de l'action.

Le Président (M. Trudel): D'accord. Allez-y.

Conseil des artistes peintres du Québec

Mme Joubert: Je suis Suzanne Joubert. Je représente ici le Conseil des artistes peintres du Québec. Je crois qu'il est significatif que le CAPQ ait pu demander à une artiste résidant en région de venir le représenter devant vous. Cela aurait été, je pense, impossible ou impensable il y a seulement quinze ans et cela témoigne de l'extraordinaire épanouissement culturel qu'ont connu les régions du Québec dans les dernières années, grâce à la mise en place progressive d'une infrastructure de base et à la gestion locale, enfin largement locale, de l'enveloppe budgétaire. Je reviendrai à cette introduction.

Je n'ai pas participé à la rédaction générale du mémoire que vous avez devant vous car je ne fais pas partie du conseil d'administration du CAPQ - j'en ai déjà fait partie, il y a déjà de nombreuses années dans le temps que c'était la SAPQ - mais j'ai largement participé, par contre, à la définition des recommandations que je puis donc défendre avec conviction. Si vous me permettez, j'aimerais reprendre une à une ces recommandations en les étayant au besoin de quelques chiffres ou références ou en répondant à vos questions, à moins, M. le Président, que vous ne pensiez qu'il est bien utile de revenir sur le préambule mais je ne le crois pas personnellement.

Le Président (M. Trudel): Non. Allez-y comme bon vous semble, mais je pense que vous avez une excellente suggestion de faire la revue...

Mme Joubert: Oui, ce sera plus pratique.

Le Président (M. Trudel): ...des recommandations que fait votre organisme.

Mme Joubert: En fait, les

recommandations 1, 2 et 3 portent sur la formation de diverses façons. Par exemple, je vous lis la recommandation 1, on en discutera après: Que les enfants qui fréquentent les niveaux primaire et secondaire soient mis en présence d'oeuvres d'art contemporaines québécoises, soit dans leur environnement, soit par des moyens audiovisuels et que ces contacts ou que ces rencontres soient animés, dans la mesure du possible, le plus souvent possible, par un spécialiste ayant une formation appropriée.

Cette recommandation vient de3 constatations, des conclusions qu'on tire de la dernière période. J'ai connu le rapport Parent, la transformation de l'éducation et l'époque où on a introduit les arts plastiques dans les écoles avec beaucoup d'enthousiasme d'ailleurs, en disant qu'il était important que les enfants en fassent. Mais, comme, je pense, tout le monde le sait, le problème est qu'on a à peu près pas ou très peu ou rarement ou seulement de façon irrégulière de véritables spécialistes dans les écoles. Je ne voudrais insulter personne, mais je pense que le fait est qu'il se fait du bricolage dans les écoles, plus souvent qu'autrement. Cela peut être un bricolage très créateur dans certains cas mais, très fréquemment, ça tient du loisir. Même si ce sont réellement des activités créatrices et de qualité, comme c'est le cas parfois, il reste que les enfants, dans un domaine qui est prioritairement visuel, n'en voient pas, ou à peu près pas. On peut passer toutes ces années du primaire et du secondaire sur les bancs de l'école à peu près sans jamais voir, à moins que ce ne soit chez soi, une oeuvre d'art contemporaine, une oeuvre d'art de qualité, fût-elle ancienne, une oeuvre d'art québécoise.

Or, dans nos écoles, nous avons à la fois les futurs artistes et le futur public. Je vous ferai remarquer que si cette suggestion qui peut s'appliquer pratiquement, parce que... Si, par exemple, les bibliothèques d'école sont bien fournies en livres, pourquoi ne seraient-elles pas bien fournies en reproductions et pourquoi n'y aurait-il pas une politique d'exposition d'oeuvres d'art sur les murs des écoles plutôt que de "cartoons" de Walt Disney? Cela contrebalancerait, je crois, le poids des classes sociales, parce qu'on continue à avoir des élites là encore, malgré tous les efforts qui ont été faits pour l'égalité des chances dans le domaine des arts. Les enfants qui ont la chance peut-être d'en voir chez eux sont privilégiés par rapport à ceux qui n'en voient pas. Nous croyons que les écoles devraient jouer un rôle là.

Avant que je passe au point 2, est-ce qu'il y aurait des questions ou des contradictions? Est-ce que quelqu'un désirerait...

Le Président (M. Trudel): Madame, la façon de travailler de cette commission, c'est de laisser l'invité exposer ou résumer son mémoire et les membres de la commission, par la suite, reviennent sur chacun des points.

Mme Joubert: D'accord.

Le Président (M. Trudel): J'avais précisé hier à ceux qui étaient parmi nous que, de toute façon, tous les membres de la commission ont lu tous les mémoires qui ont été présentés. Ces mémoires leur ont été, de plus, résumés et une série de questions a été préparée par chacun des membres. Normalement, on laisse les gens procéder. Je vous laisserai procéder et, par la suite, on vous posera des questions.

Mme Joubert: Très bien. La recommandation 2 dit ou, enfin, recommande que les programmes de formation universitaire - il s'agit de programmes de formation cégep, université, au niveau moyen, disons, de l'enseignement ou au niveau supérieur - soient complétés par des cours de gestion-administration, de mise en marché, santé et sécurité, comptabilité et conservation. Je pense qu'on pourrait appeler cela un cours de gestion-administration qui s'ajouterait à la formation actuelle axée sur la créativité qui ne développe, évidemment, qu'un aspect de la réalité de l'artiste, un aspect fort important, certes, mais qui ne le prépare pas à se défendre et à fonctionner dans le cadre actuel de la société. À la louange des régions, je vous signale avec plaisir, au passage, que le module des arts visuels de l'Université du Québec en Outaouais est probablement l'un des premiers dans la province à offrir, dès le mois de septembre, un cours de gestion des arts à l'usage des élèves au baccalauréat en arts visuels. Nous croyons que cela devrait être un cours généralisé et non pas seulement une initiative locale.

La recommandation 3 parle de faciliter l'accès pour - évidemment, je parle au nom du Conseil des artistes peintres du Québec, donc prioritairement, je pense aux peintres -tous les artistes en arts visuels à des programmes de bourses de perfectionnement. Si vous allez consulter vos statistiques publiées l'année dernière au sujet du programme de l'intégration des arts à l'architecture, le programme du 1 %, vous allez découvrir, dans le portrait démographique des artistes, que les peintres sont ceux qui font le moins de stages de perfectionnement. Je n'ai pas pu étudier très longuement cette question. Cela peut être une question d'ouverture. Peut-être y a-t-il moins de stages offerts aux peintres qu'on n'en offre aux artisans ou à d'autres gens mais c'est un fait, les peintres, en

particulier, sont ceux qui font le moins de stages de perfectionnement. C'est un point très intéressant.

Le deuxième, toujours dans vos propres statistiques, c'est ce document-ci sur l'intégration des arts à l'architecture. Il est remarquable que, parmi les artistes qui sont retenus pour des contrats du 1 %, il y a davantage d'artistes ayant fait des stages de perfectionnement. En d'autres mots, il semble y avoir une corrélation plus ou moins grande entre les stages de perfectionnement et le "succès", entre guillemets, tout au moins socialement parlant, pour ce qui est de l'intégration des arts ou de la banque d'oeuvres d'art, la banque de prêts d'oeuvres d'art. Donc, il s'agit de faciliter l'accès à . des programmes de bourses de perfectionnement. C'est bien large et bien flou comme recommandation, mais je pense que nous avons dans nos manches un tas de détails qui pourraient être discutés dès lors que le principe sera accepté.

Nous passons au point 4. "Nous croyons qu'il serait important d'élaborer un code d'éthique où l'artiste pourrait se référer à une liste tarifaire lorsqu'il doit poser un geste professionnel. C'est pourquoi nous recommandons de donner aux associations les moyens réels d'élaborer ce code d'éthique et de voir è son application."

Je pense qu'il faudrait préciser un peu. Il est question d'un code d'éthique relié aux honoraires et aux salaires. Par exemple, vous seriez étonnés du nombre de fois dans une année où les artistes professionnels vont être appelés à siéger à un jury, à donner une causerie, à avoir à donner un cours un peu spécial dans une université, à rencontrer des étudiants, bref, à poser toutes sortes de gestes en tant que spécialistes. C'est très souvent pour des institutions. Je salue le ministère des Affaires culturelles. Ce n'est pas à lui que je m'adresse. Je pense qu'en tant que jurés, en tout cas, les artistes sont fort bien payés. Mais, comme il n'existe aucun code d'éthique qui prévoit un cachet, de façon universelle, de façon connue, de façon générale - un peu comme cela se fait à l'Union des artistes pour les musiciens; pour les gens de théâtre, je ne sais pas, je pense que pour les musiciens, il existe un code ou une espèce de barème tarifaire - on nous offre généralement un cachet qui ne joue qu'un rôle honoraire, qui n'a réellement pas de poids.

J'ai des exemples en tête. Même des universités vont donner - et cela m'est arrivé, d'ailleurs, à moi-même assez récemment - 50 $ à un artiste pour donner un cours de trois heures dans le cadre d'un programme régulier, par exemple, un programme régulier où on invite des spécialistes de l'extérieur. Si l'artiste refuse en disant: Non, vraiment, 50 $, vous n'êtes pas sérieux, cela ne peut pas passer, je ne peux pas travailler pour cela, pour trois heures de cours, combien d'heures de préparation, hé bien! on ira en chercher un autre parce qu'il n'existe pas de barème et de système tarifaire. Il faut en établir un. Ce n'est pas facile. C'est pourquoi nous demandons de donner aux associations les moyens réels d'établir ce code d'éthique.

Il s'agit, bien sûr, de moyens financiers et on me répondra peut-être qu'à l'Union des artistes, par exemple... Je ne sais pas quel est le système de contribution gouvernementale à l'Union des artistes. Peut-être l'union est-elle infiniment plus autosuffisante que nous, mais je vous réfère à la situation économique des artistes en arts visuels dont il est dit - attendez un peu que je me souvienne de ma référence, je voudrais bien la retrouver - dans les statistiques du Conseil des arts du Canada... Ce sont des statistiques qui datent de 1983 dans le domaine culturel. Je retrouve, en page 28, Statistiques diverses sur les arts, Conseil des arts du Canada, troisième édition, 1983. On y constate que les artistes en arts visuels constituent la classe sociale la plus faiblement rémunérée après celle des retraités. Il est donc très difficile d'attendre des artistes en arts visuels qu'ils puissent faire vivre une association par des cotisations suffisantes, et il y a un besoin. C'est un peu un cercle vicieux; on n'en sort pas.

J'arrive à la recommandation 5. Nous demandons, mais vraiment nous le demandons de façon très insistante, la création d'un fonds de retraite pour les artistes qui soit administré conjointement par les associations et le gouvernement. Selon les derniers rapports de la Conférence canadienne des arts, publiés l'automne dernier - et je vous recommande d'aller les consulter, si vous ne l'avez déjà fait - je pense que je ne me trompe pas en disant que l'artiste contribue très largement non seulement au développement de la société, à son prestige culturel, mais même à la circulation de l'argent. Cependant, il ne dispose d'aucune sécurité sociale. Il y a beaucoup de points légaux à ajuster. Nous sommes bien conscients de la difficulté de mettre cela en place, mais nous y tenons très fort et nous croyons que, si le principe est reconnu, la chose peut certainement être discutée et établie en détail. Je vous rappelle aussi que la Conférence canadienne des arts, lors de sa rencontre récente à Ottawa justement sur le sujet du statut de l'artiste, a fait une recommandation dans le même sens. (10 h 30)

Notre sixième recommandation demande que l'artiste puisse bénéficier d'un statut particulier auprès du ministère du Revenu. Cela, c'est une vieille histoire, vieille déjà de deux ou trois ans maintenant, mais il reste que le Québec affiche un léger retard de ce côté-là et je pense qu'il est urgent de

faire des ententes entre le ministère des Affaires culturelles et le ministère du Revenu afin que vous ne nous repreniez pas d'une main ce vous nous donnez de l'autre.

Toujours à ce sujet du revenu, je voudrais amener une recommandation qui a été discutée par après et qui ne figure pas dans notre mémoire. Ce serait d'élaborer, de rendre possible des abris fiscaux pour les particuliers qui achèteraient, dans certaines conditions, des oeuvres d'artistes québécois vivants. Je pense que c'est très important qu'ils soient vivants, pour que cela ne devienne pas trop de la spéculation; cela en est toujours un peu. J'imagine qu'il est également important pour vous que ce soient des artistes québécois. En disant cela - parce qu'il y aura des zones d'ombre, des zones marginales, ce sera très difficile de distinguer ce qu'est une oeuvre d'art, est-ce que cela a été importé de Hong Kong -peut-être qu'en parlant d'artistes québécois vivants on éviterait une partie des difficultés.

Je vais continuer avec une recommandation qui n'est pa3 non plus présente, qui a été précisée par après et qui n'est pas dans notre mémoire. C'est que l'on assure une présence féminine égalitaire dans les tous les jurys, pour bourses, achat d'oeuvres d'art, banque d'oeuvres d'art et projet du 1 %. Vos statistiques de 1985 sur les artistes et le programme d'intégration des arts à l'architecture 1981-1985 nous font découvrir tout au long la présence insuffisante des femmes qui ne représentent, je pense, que 32 % et quelque des artistes qui reçoivent des contrats d'intégration à l'architecture et un tout petit peu plus, je crois, autour de 39 %, pour les achats de la banque de prêts. Ce document est très intéressant, très bien fait. On y recense les artistes de toutes les manières, mais il y a deux trous dedans. On ne nous parle à aucun moment de la constitution des jurys. On nous parle du pourcentage des artistes, hommes ou femmes, qui reçoivent des contrats ou qui n'en reçoivent pas, mais on ne nous parle pas des pourcentages de présence féminine à des jurys.

Or, il y a une étude qui a été faite en 1980 pour CAR, Canadian Artist Representation, ou le Front des artistes canadiens, qui a été publiée dans les journaux à l'époque. J'ai ici justement une copie de ce journal. Vous pouvez d'ailleurs vous procurer ce document en vous adressant à CAR. Cette enquête, qui a été faite à partir des chiffres du Conseil des arts du Canada, prouve une corrélation irréfutable entre la présence des femmes dans les jurys et la présence des femmes recevant des bourses ou des contrats. Je ne dis pas - je ne peux le dire, je ne le sais pas, je n'ai pas les chiffres, je ne peux pas l'affirmer pour l'instant - que les femmes ne sont pas représentées de façon égalitaire dans les jurys, mais je l'infère. Enfin, je pense que cela pourrait être le cas et qu'il serait intéressant de faire une étude statistique à ce sujet.

Je vous signale également un autre document qui établit le même type de corrélation. Il s'agit d'une étude non publiée, mais dont on parle dans un texte publié, faîte par l'artiste Hélène Roy. Même si l'étude est non publiée, si on fait une étude comparative des statistiques ici, on reconnaît que c'est vrai. Plus la bourse est importante et plus l'achat est important, plus le pourcentage de femmes diminue. Vous pouvez retrouver cela dans un article de la revue Possibles, volume 7, no 1, 1982, les auteurs étant Francine Couture et Suzanne Lemerise. Je pense que, comme les jurys sont très souvent forcément à nombre impair, il y aurait peut-être lieu de renverser de temps en temps les proportions.

Je voudrais passer à une autre recommandation qui n'est pas dans ce mémoire, qui ne figurait pas au mémoire écrit. Je vous ai dit au début que j'étais une artiste résidant en région. Le Conseil des artistes peintres du Québec, qui s'est étendu vers les régions, de façon très efficace d'ailleurs au cours des dernières années, demande avec moi que l'on maintienne à tout le moins à leur niveau actuel - c'est le minimum, déjà cela constituerait un retard parce que la société progresse - les structures culturelles régionales et que les économies que tout le monde veut faire et que tout le monde doit faire, semble-t-il partout dans les gouvernements, soient assumées par l'ensemble du Québec et ne se fassent pas sur le dos des régions.

Je vous renvoie encore une fois à votre document "Arts visuels, les artistes et le programme de l'intégration des arts à l'architecture 1981-1985". C'est la collection de Prêt d'oeuvres d'art 1983. En page 14, nous avons une répartition graphique des artistes inscrits à la collection de Prêt d'oeuvres d'art en 1983. C'est encore pire quand il s'agit des artistes retenus. Mais vous allez constater que les artistes... Pardon, j'ai ici les artistes inscrits et les artistes retenus. À gauche de ce graphique nous voyons que 66 % de tous les artistes inscrits à la banque de prêts d'oeuvres d'art du Québec viennent de Montréal, 15,8 % viennent de Québec et 18,2 % de toutes les autres régions du Québec mises ensemble. Si on regarde les artistes retenus c'est 12,1 % provenant des régions. Pourtant 12,1 % constitue un progrès énorme. C'est un progrès énorme par rapport à 1975. S'il y avait eu une banque d'oeuvres d'art à l'époque, on aurait eu 0,001 % d'artistes des régions. Ce progrès énorme s'est fait quelque part entre le milieu des années soixante-dix et le milieu des années quatre-vingt sur une

période de dix ans, puisque ces chiffres datent de 1983, grâce donc aux structures mises en place dans les régions.

Si on se met à couper ces structures, on va vider encore une fois - c'est l'exode des cerveaux - les régions de tout contenu culturel valable. Pour que les artistes qui sont "bons", entre guillemets, restent dans les régions, encore faut-il d'abord que ce ne soit pas trop dévalorisant et, deuxièmement, qu'ils puissent y gagner leur vie. Il y a là un cercle vicieux. On a amorcé un mouvement très positif; encore faut-il ne pas le bloquer.

Vous allez me dire: Mais pourquoi dites-vous cela? Cela va très bien dans les régions. Si je vous dis cela, c'est qu'on sent la question des resserrements budgétaires, on sent cela venir. On vient de nous couper en Outaouais notre station régionale de Radio-Québec. C'est une forme, n'est-ce pas, de dérégionalisation et le conseil des peintres s'inquiète que cette dérégionalisation puisse continuer.

Le Président (M. Trudel): Madame, est-ce que je peux me permettre de vous interrompre...

Mme Joubert: Oui.

Le Président (M. Trudel): ...quelques secondes pour vous faire remarquer qu'il y a près de 20 à 25 minutes maintenant que vous parlez, ce qui est fort intéressant. Puisque vous deviez partir rapidement, je vous ai fait passer en premier.

Mme Joubert: Oui.

Le Président (M. Trudel): Je voudrais bien que les deux autres groupes aient aussi une heure. Alors, tout le temps que vous prenez à nous parler, vous vous enlevez et vous nous enlevez également l'occasion de vous poser des questions et d'engager avec vous...

Mme Joubert: Rassurez-vous, j'ai terminé.

J'en arrive à la dernière recommandation. Je me suis étendue sur ces deux-là parce qu'elles n'étaient pas au mémoire que vous avez reçu. J'en arrive à la dernière qui, elle, y est et qui demande de donner aux associations - c'est un peu une répétition, cela a déjà été dit - les moyens d'assurer leur action à tous les niveaux. C'est-à-dire que pour pouvoir appliquer toutes les recommandations précédentes, encore faut-il que les associations puissent - et la nôtre, la nôtre en particulier, le Conseil des artistes peintres - s'assurer d'une certaine permanence administrative. Quand tout repose sur des bénévoles, il est très difficile de faire un travail sérieux. Par exemple, pour mettre au point la question de la sécurité sociale des artistes, cela se fait à ce moment-là à notre détriment. Voilà, j'ai terminé.

Le Président (M. Trudel): Merci, madame. Je cède la parole à. Mme la ministre des Affaires culturelles.

Mme Bacon: Merci beaucoup, M. le Président. Mme Joubert, en vous remerciant de votre présence ici, j'aimerais vous dire que votre mémoire m'apparaît intéressant parce qu'on y retrouve des problèmes qui me semblent fondés sur des réalités quotidiennes qui sont vécues par les membres que vous représentez. Par ailleurs, les esquisses de solutions que vous nous présentez, ce matin, sont intéressantes à plusieurs égards, notamment celles relatives à la formation, à la gestion de carrière.

Également, à titre de ministre des Affaires culturelles, je m'interroge sur le contact qui devrait s'établir entre nos jeunes et toutes les formes d'art. Depuis le début de nos audiences, ce problème, qui est un problème délicat, a été soulevé plus d'une fois. Je conviens que le gouvernement québécois et, plus particulièrement, le ministère des Affaires culturelles, a une responsabilité à assumer quant au développement culturel chez les jeunes. On a beau vouloir construire des équipements culturels adéquats, si on n'a pas la population, dans les années qui viennent, pour utiliser ces équipements, je pense qu'il ne sert à rien de le faire.

Par ailleurs, on conviendra que l'État ne peut pas imposer - je sais que c'est délicat de dire cela - quelque mode de vie culturelle et cela, au nom de la liberté d'expression. Également, au nom de ce droit, il s'agit d'acquérir librement toute forme d'art qui correspond aux goûts et besoins de tous et chacun des Québécois et des Québécoises.

Quant aux revendications qui sont reliées aux préoccupations de vos membres, j'aurais certainement quelques questions qui concernent votre suggestion d'abord de créer un fonds de retraite pour les artistes. J'aimerais savoir: Par qui serait administré ce fonds de retraite? Et, surtout, comment serait alimenté ce fonds de retraite? Qui pourrait y avoir accès et qui pourrait décider qui peut avoir accès à ce fonds-là?

Mme Joubert: La réponse est très complexe. On va essayer de la prendre par petits morceaux. Qui pourrait l'administrer? Je pense qu'il serait un peu indécent, socialement, que les artistes aient l'air de jouir de privilèges indus. Alors, il n'est pas question de privilèges indus. Ce serait juste une question de les ramener à peu près au niveau des journaliers, disons, dans les

industries. Cela serait déjà trè3 très bien. Si je regarde du côté de l'industrie, par exemple, je vois comment les fonds de retraite sont gérés. J'imagine - ou, enfin, je pense, je ne suis pas très sûre, je vous avoue que mes connaissances sont un peu limitées dans ce domaine-là - que, d'une part, les ouvriers eux-mêmes cotisent. D'autre part, la compagnie ou l'Industrie qui les emploie cotise et, finalement, le gouvernement joue un rôle là-dedans. Est-ce que je me trompe? C'est à peu près comme cela probablement, plus ou moins, à gauche ou à droite. (10 h 45)

Je pense que la même chose pourrait sensiblement se faire, mais de manière un peu différente. C'est-à-dire que je ne crois pas qu'il faille repousser ou rejeter que les artistes cotisent. Cependant, comme vous le savez, les artistes ont des revenus extrêmement bas. Ils ont généralement... Je parle d'artistes à plein temps, bien entendu; s'il s'agit de gens qui ont des postes de professeur à plein temps et qui sont artistes par surcroît, le problème ne se pose pas. Mais, dans le cas d'artistes à plein temps et gagnant leur vie à la pige, qui n'ont donc, à cause de cela, finalement, droit à aucune sécurité, je pense qu'il est pensable que les artistes cotisent et que, peut-être, cette cotisation, au lieu d'être retenue à la base sur un salaire inexistant, puisse être fixée -cela pourrait être étudié avec des avocats -à partir, par exemple, de leurs revenus. Il pourrait peut-être y avoir une contribution des artistes au prorata de leurs revenus. Je pense que la gestion pourrait se faire par des associations d'artistes. Cela leur donnerait d'ailleurs un rôle très important -je pense que ce serait excellent - un rôle très sérieux.

Finalement, je pense que, de même que l'État joue un certain rôle dans les fonds de retraite des Québécois en général, il pourrait également jouer un rôle dans ce domaine. Cela entraînerait toutes sortes de détails comme, par exemple, si ce sont les associations qui gèrent un programme comme cela, la question du membership, la définition du statut de l'artiste, etc. Je pense que, si on discutait de tout cela ce matin, on en aurait pour pas mal de temps.

Mme Bacon: Vous vous êtes quand même penchés sur cette question pour faire la recommandation.

Mme Joubert: Oui.

Mme Bacon: Est-ce que vous avez des chiffres? Avez-vous fait une étude ou si c'est une recommandation parce que cela vous tient à coeur pour assurer l'avenir de vos membres et que vous voulez que nous soyons saisis de cette recommandation pour que cela fasse un bout de chemin ou si vous vous êtes vraiment penchés sur toutes ces modalités?

Mme Joubert: Mme la ministre, nous espérons que vous reconnaîtrez la justesse du principe et que, par la suite, notre association pourra bénéficier d'un appui lui permettant de faire l'étude détaillée qui s'impose avec des avocats. Vous réalisez bien que nous n'avons pas les moyens de nous payer des avocats. Nous n'avons même pas les moyens, de temps à autre, de nous payer une secrétaire. Si je faisais cette étude moi-même, je ne sais pas comment je gagnerais ma vie.

Mme Bacon: Non, je voulais savoir où était rendu votre dossier, parce que vous faites une recommandation. Est-ce que vous accepteriez qu'un pourcentage - c'est toujours hypothétique, parce que, encore une fois, lorsqu'on considère le bout de chemin qui reste à faire, c'est un long cheminement - des bourses que reçoivent les artistes soit versé dans ce fonds ou seulement les cachets qu'ils reçoivent sur la vente de leurs oeuvres ou sur les contrats qu'ils peuvent avoir?

Mme Joubert: Je pense que c'est une question qui devrait être posée à la base, parce que je vois mal que je puisse m'avancer au nom de tous mes collègues et répondre avec beaucoup d'assurance. Je risquerais de me faire couper le coui Je ne sais pas. Il faudrait, je pense, étudier cette question. Je parlais du prorata des revenus. Je pense que ce serait peut-être plus juste, parce qu'il y a des artistes qui ont des bourses une année et. ce ne sont pas nécessairement les artistes dont le revenu est supérieur. Il vaudrait peut-être mieux que les gens cotisent en proportion de leur revenu réel plutôt qu'en proportion d'une bourse qui tombe comme une manne dans l'année pour un artiste qui a subi une perte l'année précédente.

Mme Bacon: D'accord. Lorsque vous demandez que les associations puissent avoir les moyens d'assurer une continuité afin d'être plus efficaces - et c'est normal - dans leur action, est-ce que vous pensez à des moyens financiers ou à toute autre forme d'aide possible qui corresponde à vos objectifs?

Mme Joubert: Je pense qu'il y aurait deux réponses à cela. Il y en a une qui est très certainement financière parce que, les revenus des artistes étant ce qu'ils sont, c'est-à-dire de moins de 5000 $ par année -je vous renvoie aux statistiques; pardon! je me suis trompée, c'est légèrement plus de 5000 $ mais encore largement en dessous du seuil de pauvreté - il est à peu près impossible pour une association actuellement

de demander à ses membres une cotisation qui serait de nature professionnelle, mais on en discute tous les ans. On ne peut même pas songer à leur demander 100 $ par année. Ils ne paieront pas ou ils ne pourront pas payer ou an va perdre... Donc, si l'association ne peut pas être supportée exclusivement par ses membres, où va-t-elle aller chercher ses revenus? C'est pourquoi nous nous adressons à vous.

Cela, c'est la moitié de la réponse. L'autre moitié, c'est que dans notre société les moyens financiers vont avec le prestige. Les deux, malheureusement, sont très liés et les gens, les associations qui n'ont pas de moyens financiers n'arrivent pas à se faire respecter beaucoup. Je pense que non seulement nous avons besoin de votre support financier, mais nous aurions également bien besoin d'être, dans l'optique que j'ai décrite tout à l'heure, reconnus comme une partie importante, si vous voulez, de la gestion de la culture, de la gestion de la sécurité sociale des artistes, et je pense que l'un ne va pas sans l'autre.

Mme Bacon: Lorsqu'on parie d'associations d'artistes, on pense aussitôt à un regroupement possible de ces associations en vue de garantir leurs droits et cela, d'une façon plus efficace. Est-ce que vous croyez possible un tel regroupement, ne serait-ce que sur le plan administratif? On vient de parler des difficultés de s'administrer quand on est un groupe de gens qui ont à gagner leur vie en môme temps. Il y a énormément de bénévolat, mais il y a une limite à tout ça. Est-ce que c'est possible qu'il y ait un regroupement d'associations d'artistes, comme le vôtre, sur le plan administratif? Est-ce que vous pourriez expliquer pourquoi ce serait possible ou pourquoi ce ne serait pas possible?

Mme Joubert: Moi, je crois que c'est possible. Je suis peut-être trop optimiste, mais je crois vraiment que c'est possible. Je pense que, si les associations d'artistes ont été - au Québec, elles ne sont pas bien anciennes, une vingtaine d'années, et surtout le Conseil des artistes peintres, qui a d'abord été la SAPQ - flottantes et un peu floues, cela tenait surtout au fait que, justement, elles ne jouaient pas - elles le jouent de plus en plus, mais elles ne le jouaient pas, à l'origine, et elles ne le jouent peut-être pas encore - un rôle social reconnu, suffisant, si bien que beaucoup d'artistes se demandent, de toute façon, à quoi cela sert de faire partie de l'association.

Évidemment, on rigole quand on parle des associations d'artistes parce qu'on pense toujours aux chicanes incroyables, qui étaient généralement des chicanes philosophiques. Quand on a des questions pratiques à résoudre, c'est incroyable comme on s'entend mieux parce qu'en général, là, curieusement, on est beaucoup plus d'accord. Je vous cite à titre d'exemple le regroupement canadien qui s'appelle le Front des artistes canadiens, CAR, qui, parce que les cultures et les façons de penser sont différentes, s'est donné, lui, dès le début, une espèce de vocation de syndicat et ne se préoccupe, mais alors à peu près pas, de philosophie ni d'expositions, d'ailleurs, ni de promotion culturelle, mais s'occupe de questions pratiques: la sécurité, les dangers pour la santé, les contrats, les cachets etc., et il a atteint très rapidement un pouvoir considérable. CAR a un pouvoir considérable au Canada parce qu'il s'est occupé de questions pratiques et financières. Je pense que c'est la clé de notre... Est-ce que j'ai répondu à votre question?

Mme Bacon: Oui, un regroupement administratif est donc possible, sur le plan administratif.

Mme Joubert: Je crois même que cela faciliterait le regroupement.

Mme Bacon: Vous avez mentionné aussi vos préoccupations quant à la décentralisation des activités du ministère des Affaires culturelles. Il y a quand même des bureaux régionaux, il y a les conseils régionaux de la culture. Est-ce que vous voulez nous indiquer par ce fait-là que tout cela devrait être repensé ou est-ce que l'allocation des ressources devrait se faire différemment?

Mme Joubert: Non. Pour l'instant, Mme Bacon, nous sommes dans les régions bénéficiaires des structures que votre ministère a mises en place et, évidemment, il n'y a pas que le ministère des Affaires culturelles, il y a toutes sortes de choses qui se sont passées dans les régions. L'Université du Québec a essaimé, mais tout cela se tient. Radio-Québec également avait des bureaux régionaux, des stations régionales. Tout cela se tient, c'est un édifice qui a provoqué dans les régions, ces dix dernières années, un extraordinaire épanouissement. Je ne sais pas combien de gens des régions se trouvent ici, mais, comme vous voyez, avec mes cheveux grisonnants, j'étais dans les régions avant qu'il y ait quelque structure que ce soit et je puis vous dire que c'était le désert. C'était un désert absolu. Dans l'Outaouais, il y a 15 ou 20 ans, nous étions 3, peut-être étions-nous 5, tous isolés et sans aucun autre lien que personnel avec le centre. Bien entendu, il n'était pas question d'intégration des arts à l'architecture en région. Il n'était question de rien de tout cela. Cela a été fait et je ne veux pas le remettre en question, je vous en félicite. Ce qui nous inquiète et l'inquiétude que j'ai

voulu exprimer, ce serait au contraire une recentralisation qui serait subséquente à des coupures de budget. L'inquiétude s'est éveillée, d'abord, bien entendu, avec les resserrements qu'on sent partout et, également, avec la fermeture de certaines stations régionales de Radio-Québec. Pour nous, en région, c'est une catastrophe. Je ne parle pas que de l'Outaouais, je parle de toutes les régions. Est-ce que vraiment on veut retourner à l'époque où il y avait Montréal et la brousse? C'est là notre inquiétude, mais maintenir...

Mme Bacon: ...maintenir les conseils régionaux et le bureau.

Mme Joubert: Maintenir la régionalisation des structures.

Mme Bacon: Oui, nous avons des bureaux régionaux dans les dix régions.

Mme Joubert: Oui. Les conseils régionaux font un excellent travail, je crois. II y a eu des chicanes entre les bureaux du ministère et les conseils de la culture, c'est vrai, mais, mon Dieu, c'est la vie. L'Opposition et le gouvernement se chicanent tout le temps, mais il est important qu'il y ait une opposition, n'est-ce pas? C'est le principe de la balance du pouvoir et je pense que, dans les régions, les conseils de la culture jouent le rôle de balance du pouvoir. C'est très bien.

Mme Bacon: Nous subventionnons notre opposition.

Mme Joubert: Mais oui, c'est fort bien. Mme Bacon: Merci, Mme Joubert. Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre.

M. le député de Saint-Jacques, je sens que vous avez là beaucoup de matière à intervention.

M. Boulerice: Oui. Mme Joubert, vous avez failli faire rompre ce qu'on s'était promis au début de vivre durant cinq ou six jours entre gouvernement et Opposition, le temps d'une paix au profit de la culture. Mais je pense que la volonté de le faire est solide et on ne la brisera surtout pas ce matin, n'est-ce pas, Mme Bacon?

Mme Joubert, vous avez touché un point qui m'intéresse particulièrement. Vous avez demandé: Est-ce qu'il y a ici des gens qui viennent des régions? À cela, je réponds: Oui, moi, je viens d'une région qui s'appelle Montréal.

Le Président (M. Trudel): L'est de Montréal.

M. Boulerice: Et mon collègue de Bourget dit: Une région qui s'appelle l'est de Montréal. D'accord.

Le Président (M. Trudel): Que nous partageons, d'ailleurs.

M. Boulerice: Que nous partageons en franche camaraderie, il faut le dire. Sauf que, mon Dieu, pour la majorité de la population de Montréal, les gens de Montréal ne sont pas nécessairement des gens qui y sont nés, qui sont à Montréal depuis des générations. Ils viennent des régions. Donc, effectivement, je pense que les régions sont extrêmement importantes et j'emploie, depuis quelque temps, une phrase qui résume bien l'opinion que ma formation politique a face aux régions quant à son développement sous toutes les formes, qu'il soit économique, social, culturel, politique, etc., qui est: A quoi cela sert-il de nourrir un corps et une tête si on laisse les membres s'atrophier? Pour nous, les membres sont les régions, effectivement.

Quand vous parlez de la banque de prêts d'oeuvres d'art, vous dites que 66 % des artistes inscrits viennent de Montréal, qui est, disons, la région numériquement la plus importante, avec au moins 2 500 000 personnes. Après, vous parlez de 15,8 % pour Québec et 18,2 % pour l'ensemble des autres régions. Quel serait, d'après vous, le pourcentage qui répondrait le plus à une certaine équité? (11 heures)

Mme Joubert: J'aimerais répondre à votre question en commençant par le commencement. Vous me dites que vous venez de la région de Montréal, que vous venez aussi d'une région. J'ai entendu fréquemment cette argumentation-là.

Montréal est peut-être, théoriquement, une région, mais je pense que vous savez fort bien de quoi je parle et que la comparaison ne peut pas se faire. Les régions sont extrêmement fragiles à tous les points de vue et la justice ici ne consiste pas à donner la même chose à tout le monde mais à aider, pour un temps du moins, les plus faibles afin de briser le cercle vicieux qui fait que, si les artistes ne peuvent pas gagner leur vie en région, ils doivent, bien entendu, se diriger vers Montréal, ce que d'ailleurs ils font en très grand nombre.

Quant au pourcentage que nous considérerions comme juste - je ne me suis jamais arrêtée à y penser - je ne l'ai pas cité pour déplorer qu'il ne soit pas plus grand, mais pour vous faire constater à quel point la situation des régions est fragile et qu'on ne peut, en tout cas, le faire diminuer.

M. Boulerice: Je pense qu'au niveau des arts le Québec est fragile de par sa situation et sa population. Bien entendu; au niveau des régions, la fragilité est peut-être plus accentuée qu'en milieu métropolitain et j'entends par là peut-être Québec ou Montréal.

Tantôt, vous avez parlé de Radio-Québec et de la fermeture de certaines de ses antennes et de ses centres de production et de diffusion. Vous avez parlé de "déculturalisation". Je pense qu'effectivement Radio-Québec avait ou devait avoir un rôle extrêmement important au niveau véhicule de l'art et de la connaissance de l'art québécois. Est-ce que vous pourriez me tracer un portrait de la promotion et de la diffusion des arts visuels en région actuellement? Peut-être pourrions-nous prendre comme exemple la région d'où vous venez. C'est une région frontalière, avec des conditions qui sont particulières puisque vous avez, d'une part, une région que je vous ai nommée tantôt et qui comporte une métropole sur son territoire et, en face, une autre ville qui est quand même très importante et qui véhicule aussi une culture peut-être différente de la nôtre.

Mme Joubert: Je suis un peu gênée de m'étendre autant sur une question qui, évidemment, touche les régions de façon particulière, bien que j'y croie énormément. Enfin, j'espère que le CAPQ ne me reprochera pas d'avoir autant mis l'accent sur ce point.

Pour répondre à votre question, la promotion ou la diffusion des arts visuels en Outaouais je ne peux pas vous parler des autres régions, je ne les cannais pas - se fait, pour l'instant, malheureusement, en partie, quand elle se fait. Si vous me permettez, je vais vous parler des arts visuels, puisque je représente le Conseil des artistes peintres. Elle se fait par un journal, un journal franco-ontarien qui s'appelle Le Droit. Nous n'avons pas, dans la région de l'Outaouais, un seul journal important publié chez nous. Il y a de très petits journaux locaux - ce sont presque des bulletins - qui circulent dans différentes petites villes, mais nous n'avons pas un grand journal dans l'Outaouais québécois. Cela n'existe pas. C'est le Droit qui fait cela.

Je vais vous faire rire. Cela fait du bien de rire un peu de temps en temps. J'ai participé à cela, il y a un certain nombre d'années. Je faisais la critique des arts pour le Droit. Après l'avoir fait - mon Dieu, c'est effrayant, ils vont me jeter des roches si je raconte cela en commission parlementaire, mais c'est vrai - après deux ans et demi, à 45 $ par semaine, pour la critique des arts, soit dix ou douze heures de travail, je leur ai demandé une augmentation de 5 $ et ils ont dit non. Alors, j'ai cessé de la faire.

Depuis ce temps, ce sont des étudiants ou des gens qui, donc, acceptent des miettes et qui font ce travail. Je ne veux pas les noircir, mais ce n'est pas très fort. Cela, c'est pour la presse écrite.

Evidemment, il y a une espèce de petit journal qui s'appelle le Régional de l'Outaouais, qui est publié grâce à des commandites incroyables - ce n'est que de la publicité qu'il y a là-dedans - et qui fait des petites choses de temps en temps aussi. Ce n'est pas très prestigieux. On n'oserait pas trop mettre cela dans notre CV.

Côté médias électroniques, eh bien! il y avait donc Radio-Québec, II y a également une ou deux petites stations privées, des petits postes communautaires et, encore une fois, il y a surtout ce qui se passe à Ottawa, c'est-à-dire que c'est Radio-Canada à Ottawa, c'est Skyline Cablevision, ce sont les médias d'Ottawa qui couvrent ou qui font le plus gros de la promotion de ce qui se passe dans l'Outaouais québécois. C'est très important, dans le domaine de la presse écrite ce qui se fait de mieux dans l'Outaouais québécois, cela se fait à Ottawa, c'est The Citizen, un journal anglophone d'assez bonne qualité publié à Ottawa, qui a une critique d'art dévouée qui traverse la rivière et qui vient chez nous voir ce que nous faisons pour en parler dans The Citizen, en anglais. Voilà.

M. Boulerice: Je vais vous demander, s'il vous plaît, de raccourcir un peu vos réponses; sans cela, vous allez brûler les questions qu'il me reste à vous poser.

Mme Joubert: D'accord.

M. Boulerice: On vient de parler de la promotion, mais pour ce qui est de la diffusion en termes d'équipement, dans la région de l'Outaouais, quelle est la situation des galeries d'art, surtout des galeries d'art contemporain et de la muséologie?

Mme Joubert: II n'y a pas de musée. M. Boulerice: II n'y a pas de musée.

Mme Joubert: Nous avons deux galeries d'art tout nouvellement accréditées grâce à Mme Bacon, merci. Il était temps, nous en sommes bien heureux.

M. Boulerice: Vous m'écoutez bien, je suis content.

Mme Bacon: Non, c'est parce qu'il pensait que rien n'avait été fait, madame.

Mme Joubert: Nous avons...

M. Boulerice: Une bonne influence.

Mme Joubert: ...donc deux galeries d'art nouvellement accréditées qui s'occupent d'art contemporain, qui sont des galeries à but non lucratif. Nous avons une galerie municipale d'excellente qualité, tenue par la ville de Mull.

M. Boulerice: Ce n'est pas suffisant, bien entendu.

Mme Joubert: II y a peut-être deux petites galeries commerciales dont je préfère ne pas parler.

M. Boulerice: D'accord.

Mme Joubert: On me comprendra.

M. Boulerice: Vous êtes la deuxième, peut-être la troisième intervenante à mentionner ce point. Je ne suis pas intervenu aux deux premiers, voulant m'assurer que si le sujet était pour revenir... Vous avez parlé tantôt d'abris fiscaux lors de l'achat d'oeuvres d'art. Est-ce que vous voyez cela comme un genre de REA, régime épargne-art?

Mme Joubert: Tiens!

M. Boulerice: Si oui, comment allons-nous procéder pour cela? Est-ce qu'on va être obligés, après, d'établir peut-être une espèce de commission des valeurs mobilières de l'art, de façon à pouvoir coter le véritable prix d'une oeuvre d'art, accréditer les artistes comme on accrédite, à la Commission des valeurs mobilières, les compagnies émettrices de bons, etc.?

Mme Joubert: Je pense que ce n'est pas si compliqué que cela. D'abord, il est relativement facile d'établir la cote d'un artiste, on n'a qu'à se référer à deux ou trois listes d'expositions et, tout de suite, on a une idée des prix réellement demandés par un artiste dans des expositions réelles, tout cela pour éviter - je ne sais pas - la possibilité de fraude. Je pense, en deuxième lieu, que les associations d'artistes, dont la nôtre, pour lesquelles nous demandons un peu plus de pouvoirs réels et administratifs, pourraient jouer un rôle très important là-dedans également.

M. Boulerice: Est-ce que vous partagez mon point de vue à savoir que si on établissait une espèce de régime d'épargne-art qui permettrait... De toute façon, il ne faut pas se le cacher, l'art pour l'art est très intéressant, mais de plus en plus de citoyens considèrent également l'art comme un investissement et c'est tout à fait légitime. Si on établissait un régime d'épargne-art qui permettrait à celui qui achète d'avoir certains abris fiscaux, qui permettrait à celui qui produit de vendre et si on établissait forcément peut-être une espèce de commission de valeurs mobilières de l'art qui permettrait de coter, on en arriverait peut-être à créer au Québec - ce qui serait exceptionnel parce que je ne pense pas que cela se fasse ailleurs, cela aurait peut-être l'avantage de se faire chez nous -une bourse des arts. Quand je parle de bourse, je ne parle pas de bourse dans le sens de...

Mme Joubert: J'ai bien compris.

M. Boulerice: ...un "stock exchange" de l'art, au Québec. Est-ce que ce serait, d'après vous, un moteur, un élément extrêmement dynamique pour la peinture, pour les arts plastiques au Québec?

Mme Joubert: Je pense que s'il existait sous cette forme, qui m'apparaît très innovatrice et imaginative et qu'il faudrait étudier en détail avant de s'avancer, ou sous une forme légèrement modifiée ou sous une autre forme, quelque chose représentant un abri fiscal, je crois que cela serait une incitation considérable à l'achat d'oeuvres d'art.

M. Boulerice: Je vous remercie pour le qualificatif d'innovatrice. Ma formation politique n'assumera pas les droits de suite ou les droits d'auteur là-dessus. Quiconque voudra bien le prendre et l'appliquer aux arts aura notre accord.

Une toute petite dernière, Mme Joubert. Tantôt, vous avez parlé d'un sentiment de discrimination quant aux jurys.

Mme Joubert: D'une possibilité.

M. Boulerice: D'une possibilité. D'accord. Sans en faire une question, je vais vous répondre que s'il y a possibilité, s'il y a sentiment, je pense que cela est peut-être suffisant pour regarder de plus près au principe du droit à l'équité.

Je vais vous quitter là-dessus en vous remerciant beaucoup d'avoir voulu répondre à mes questions.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Saint-Jacques.

Madame, j'aurais eu quelques questions, à mon tour, à vous poser, mais malheureusement le temps avance rapidement et nous avons encore deux groupes à entendre ce matin. Nous devons absolument ajourner nos travaux à 13 heures. Donc, je me contenterai de vous remercier d'être venue nous voir ce matin. Je vous souhaite un bon voyage de retour. Rendant publique une conversation, malheureusement très rapide, que nous avons eue tantôt, je vous prierais de transmettre, au nom de la commission, nos meilleurs

voeux à votre fils qui se marie, m'avez-vous dit, demain. Bon voyage de retour, madame.

Mme Joubert: Merci.

Le Président (M. Trudel): Nous accueillons maintenant le Centre d'essai des auteurs dramatiques. Je n'ai pas le bon. Je m'excuse. Nous accueillons maintenant le Conseil québécois du théâtre à qui je souhaite la bienvenue. Par qui est-il représenté ce matin?

Conseil québécois du théâtre

Mme Begin (Catherine): Par Catherine Begin, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Mme Catherine Bégin et M. Pierre Rousseau.

Mme Bégin (Catherine): M. Pierre Rousseau, vice-président du Conseil québécois du théâtre. Notre directrice générale par intérim, Mme Marie-Christine Larocque, devait être avec nous. Malheureusement, un problème de santé le lui a interdit. Nous aurons donc peut-être tout à l'heure, selon la circulation sur le pont Pierre-Laporte... Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais il y a des tas de problèmes pour les gens qui arrivent de Montréal. Nous avons été bloqués une heure.

Le Président (M. Trudel): Est-ce qu'il y en a pour ceux qui désirent en sortir rapidement? Vous ne savez pas?

Mme Bégin (Catherine): Je l'ignore. De ce côté-là, je crois que cela va. Il est donc possible que nous ayons avec nous notre secrétaire général, M. Pierre Paquet, s'il arrive à nous rejoindre.

Le Président (M. Trudel): Madame, je vous souhaite la bienvenue et vous cède immédiatement la parole pour vos remarques préliminaires.

Mme Bégin (Catherine): Merci, M. le Président. Je me contenterai tout simplement de relire ce bref énoncé de principe. Nous ne soumettons pas de mémoire.

Le Conseil québécois du théâtre a pour principale fonction de représenter, promouvoir et défendre les intérêts du milieu théâtral québécois.

Élu par un congrès biennal réunissant tous ceux et celles qui oeuvrent en théâtre à titre de professionnels, le Conseil québécois du théâtre se compose de quinze membres. Sept d'entre eux sont délégués par les associations professionnelles reconnues par le congrès, qui sont: les Théâtres associés Inc., l'Association des professionnels des arts de la scène, l'Association québécoise du jeune théâtre, le Centre d'essai des auteurs dramatiques, l'Union des artistes, la Maison québécoise du théâtre pour l'enfance et la jeunesse et l'Association québécoise des marionnettistes. Quatre autres membres, élus lors du congrès, représentent des compagnies théâtrales de statures et de missions artistiques différentes. Enfin, quatre autres membres élus équilibrent la composition de ce conseil et représentent les intérêts des artisans du théâtre, mais, cette fois, en tant qu'individus.

L'évolution du Conseil québécois du théâtre est marquée par trois grandes manifestations qui recoupent sa jeune histoire, soit, en 1981, les États généraux du théâtre professionnel du Québec, qui ont abouti à la formation du Conseil québécois du théâtre, et, en 1983 et en 1986, respectivement, les premier et deuxième congrès québécois du théâtre. Ces événements ont, chacun, accueilli au-delà de 200 professionnels du théâtre de toutes tendances et de pratiques diverses. Les recommandations qui suivent sont donc essentiellement inspirées des résolutions adoptées lors de ces trois manifestations largement démocratiques.

Dans le cadre de l'enquête du gouvernement québécois sur le statut de l'artiste, le Conseil québécois du théâtre trouve nécessaire de mettre en lumière le cadre général de société qu'il croit propre à favoriser l'épanouissement de l'exercice théâtral au Québec. Un tel cadre appelle une amélioration du statut de l'artiste tenant compte de la pluralité des pratiques, de la variété des métiers de théâtre et de la valorisation des structures et des compagnies de théâtre essentielles à la continuité d'une bonne pratique théâtrale. Nos recommandations reposent sur trois axes: le politique, l'économique et les équipements culturels. (11 h 15)

Le politique. L'appui offert aux artistes par nos dirigeants québécois doit émaner d'une pleine confiance des gouvernants face à chacun de ces citoyens productifs et doit correspondre à une empathie de bon aloi face au travail risqué et aux conditions éphémères propres à l'exercice du métier d'artiste.

Le Conseil québécois du théâtre redemande au gouvernement -du Québec, plus particulièrement au ministère des Affaires culturelles, de s'engager définitivement à réaliser sa politique de soutien au théâtre, puisque cette politique est le fruit d'une longue consultation auprès du milieu théâtral et correspond dans son ensemble aux aspirations exprimées par le milieu.

Pour accentuer la volonté d'harmonisation des rapports qui se dessine de plus en plus nettement entre les

structures gouvernementales et le milieu des arts et pour raffermir l'action tant des gouvernants que des créateurs, nous demandons la mise sur pied de mécanismes de consultation étroite et suivie entre le ministère des Affaires culturelles et le milieu du théâtre (un comité du suivi des politiques): entre le ministère des Affaires culturelles et les autres ministères et organismes parapublics concernés de près ou de loin par les milieux artistiques; enfin, entre le MAC et les stuctures correspondantes aux deux autres niveaux de gouvernement, municipal et fédéral.

Nous demandons que la province de Québec, à titre de maître d'oeuvre de la culture au Québec, veille à encourager et même à inciter les trois niveaux de gouvernement à prendre leurs responsabilités face au soutien financier des arts au Québec, de telle sorte que ni le provincial, ni le fédéral, ni le municipal ne prétendent pouvoir s'exclure de leurs devoirs face aux affaires culturelles.

Nous demandons que le gouvernement reconnaisse l'importance fondamentale du théâtre en région et favorise, par les investissements économiques, sociaux et politiques nécessaires, la professionnalisation et le rayonnement du théâtre dans toutes les régions du Québec.

L'économique. Nous demandons que le gouvernement du Québec reconnaisse un statut particulier à l'artiste professionnel et tienne compte, dans l'élaboration de sa politique fiscale, de la pluralité des pratiques et des métiers dans le domaine théâtral.

Étant donné l'absence de tradition d'une contribution significative du milieu des affaires dans le développement des arts ainsi que la multiplication des pressions gouvernementales auprès des organismes artistiques afin que ces derniers développent des liens étroits avec le secteur privé, nous demandons que des incitatifs fiscaux et des mesures législatives soient mis en place dans les plus brefs délais afin de stimuler la participation financière des entreprises privées et des individus dans le domaine des arts.

Nous demandons au gouvernement de stopper la décroissance des fonds et le régime de contraintes budgétaires qu'il impose au milieu artistique afin d'assurer aux artistes et aux praticiens de théâtre des rémunérations décentes; de permettre aux compagnies et aux structures de survivre autrement que dans l'indigence; de rendre justice aux nombreux projets artistiques qui ne peuvent, à l'heure actuelle, voir le jour à cause du manque chronique de fonds nécessaires à la création.

Si, au cours de la présente enquête, nous préférons laisser à chacune de nos associations membres le soin de faire valoir les différents aspects de sa pratique professionnelle et la conception même d'un statut de l'artiste qui en découle, nous croyons toutefois essentiel de faire valoir les conditions générales de travail qui permettraient à tous les artisans d'améliorer leur pratique du théâtre.

À ce chapitre, et tel que préconisé dans les nombreux rapports sur le sujet, les équipements culturels (salles, camions, éclairages, encadrements publicitaires, etc.) doivent être considérés comme des outils de travail essentiels aux artistes et aux compagnies professionnelles et devenir à court terme une priorité sans équivoque du ministère des Affaires culturelles. En effet, il faut que l'indigence dont souffrent les équipements culturels au Québec soit résorbée rapidement par des politiques adéquates, ce qui implique, entre autres, l'amélioration des salles déjà existantes, l'ouverture de nouvelles salles, l'organisation d'un réseau de tournées pour les professionnels des arts de la scène à l'échelle provinciale.

Enfin, nous souhaitons vivement que le gouvernement québécois puisse favoriser l'intégration des rêves, des recherches, des visions et des productions de nos artistes dans la société québécoise et qu'il sache bannir la médiocrité et la suspicion de ses engagements face au milieu des arts. Ce serait la manière la plus juste, à notre avis, d'assurer aux artistes de notre société un statut honorable.

En résumé, afin d'améliorer le statut de l'artiste dans la société, le Conseil québécois du théâtre, propose, entre autres pistes, la mise en application immédiate de la politique de soutien au théâtre du ministère des Affaires culturelles, la consultation suivie du ministère avec le milieu des artistes, avec les autres ministères concernés de près ou de loin par les arts et avec les deux autres niveaux de gouvernement, la reconnaissance du travail théâtral en région, l'établissement d'une politique fiscale particulière aux artistes qui tienne compte de la pluralité des métiers et des tendances de la pratique théâtrale, la mise sur pied d'abris fiscaux pour les compagnies privées et les individus afin de favoriser le financement privé dans le domaine des arts et la mise en oeuvre rapide d'une politique des équipements culturels au Québec. Je vous remercie, M. le Président.

Le- Président (M. Trudel): Je vous remercie, Mme la présidente. Mme la ministre des Affaires culturelles.

Mme Bacon: Merci, M. le Président. En vous souhaitant la bienvenue, Mme Bégin, M. Rousseau, j'aimerais vous remercier pour votre travail de réflexion dont l'idée maîtresse repose évidemment sur cette nécessité de réaliser une politique de soutien du théâtre. Je veux bien partager votre point

de vue et, comme vous, j'estime qu'une confiance doit régner entre les dirigeants tant gouvernementaux que ceux des secteurs culturels en général. Comme vous, je suis également d'avis qu'une telle politique doit être le fruit d'une longue consultation auprès du milieu théâtral. Vous savez bien qu'aujourd'hui je ne suis pas en mesure de vous fixer des échéanciers précis, relativement à un tel projet. Néammoins, je vous félicite pour votre mémoire. Il nous propose des fondements intéressants quant à une nouvelle politique de soutien au théâtre.

En page 2 du mémoire, vous identifiez les ministères et les instances gouvernementales avec lesquels le ministère des Affaires culturelles devrait tenir des consultations en vue d'une éventuelle politique de soutien au théâtre. Est-ce que cette énumération constitue des étapes à franchir de façon successive ou bien si votre idée serait plutôt de réunir tous ces intervenants sous un même parapluie?

M. Rousseau (Pierre): Notre objectif, naturellement, n'est pas de faire, je dirais, une liste comme ça. Effectivement, an vise plutôt quelque chose d'horizontal, qu'une communication réelle se fasse entre les différents ministères, entre les organismes et également entre les différents paliers subventionnaires. La plupart des compagnies dépendent toujours de deux ou trois paliers subventionnaires. Au-delà des subventions qui sont appliquées directement au fonctionnement des compagnies, aux projets artistiques, il y a également tous les programmes de création d'emplois du gouvernement fédéral, par exemple, où il nous semble important que le Québec puisse dire son mot pour qu'il y ait une réelle concertation, qu'il y ait vraiment une politique de fond qui s'établisse et qu'on permette effectivement de soutenir un petit peu mieux les compagnies qui existent, principalement les jeunes compagnies qui, très souvent, dépendent beaucoup de ces programmes de création d'emplois.

Au Québec, entre les ministères, bien naturellement, il y a des consultations qui nous semblent importantes à tenir entre, par exemple, le ministère de l'Éducation du Québec et le ministère des Affaires culturelles concernant toute la question du théâtre dans les écoles. Même chose au niveau minicipal. On traite un peu de la question municipale car il nous semble qu'il serait temps que tout le monde mette l'épaule à la roue dans la question des municipalités qui, au niveau des affaires culturelles, très souvent semble un des aspects un peu délaissés. Si on pouvait, dans les années qui viennent, faire des pressions en ce sens, on pourrait en arriver au fameux 1 % - dont tout le monde parle toujours -des budgets de n'importe quel niveau de gouvernement qui devrait aller aux activités artistiques professionnelles.

Naturellement, il y a toujours la question dite "culturelle", entre guillemets, versus les activités professionnelles artistiques. Nous faisons une démarcation pour éviter le conflit dont fait l'objet, à l'heure actuelle, le budget du Conseil des arts à la CUM sur la question du montant d'argent pour les activités culturelles à la ville de Montréal. Or, aux activités artistiques professionnelles, il n'y en a pas tant que cela, quand on enlève l'aquarium et toutes ces choses-là. C'est un peu notre objectif. On n'a pas d'échéancier, à savoir que, d'ici à deux ans, il faudrait que telle ou telle chose soit faite. On pense qu'il doit commencer à régner une espèce d'ère de concertation, disons.

Mme Bégin (Catherine): Vous me permettez, M. le Président.

Mme Bacon: Et que ces intervenants...

Mme Bégin (Catherine): Pardon, Mme la ministre.

Mme Bacon: Je voulais dire que ces intervenants-là soient sous un même parapluie, au fond, qu'ils travaillent tous ensemble.

M. Rousseau: C'est ce qu'on souhaite. On pense que, dans le fond, c'est pour l'amélioration des arts, d'après ce que j'ai compris tout à l'heure de l'intervention du député de Saint-Jacques, M. Boulerice, qui disait que vous faisiez la paix pour le temps de la commission. Nous souhaitons que cette paix règne pour les années à venir autant entre les gens de l'Assemblée nationale, ici, qu'entre le Québec et le fédéral et les municipalités. Pour nous, le développement des arts, cela dépasse le simple fait du Québec, d'Ottawa, etc.

Mme Bacon: D'accord. Oui, Mme Bégin.

Mme Bégin (Catherine): C'était pour revenir à votre question, Mme la ministre. En fait, il ne s'agit donc pas d'un procédé d'étapes, mais bien d'une état de cohésion que nous souhaitons voir exister et perdurer.

Mme Bacon: D'accord. Vous demandez au gouvernement de tenir compte de la pluralité des pratiques et des métiers dans le domaine théâtral lors de l'élaboration de sa politique fiscale. Est-ce que vous pouvez nous mentionner quelques situations vécues dans votre milieu qui font que vous exigiez ou que vous demandiez de tenir compte de la pluralité des pratiques et des métiers?

Mme Bégin (Catherine): II existe, dans

des petites compagnies théâtrales, par exemple, des interprètes qui fonctionnent à l'année, appartenant à leur propre compagnie de théâtre comme des salariés parce qu'ils n'exercent pas que le métier d'interprète. Ils s'occupent également de brosser les décors, ils conduisent le camion pour aller en tournée, Ils travaillent au bureau, ils font la publicité, etc. Leur statut en tant qu'artiste interprète ne peut être considéré comme tel, uniquement, comme celui d'un artiste interprète qui fonctionnerait en entrepreneur indépendant. Nous regroupons également des créateurs qui ne peuvent pas, pour l'instant, voir recouper leur statut au même titre que celui de l'artiste interprète. Par exemple, un metteur en scène, un scénographe, un auteur ne relèvent pas du même statut artistique que celui de l'artiste interprète. Je ne sais pas s'il y a des anecdotes plus précises que nous pourrions donner. Enfin, je vous mets sur cette voie tout au moins.

Mme Bacon: D'accord. Merci. La plupart de vos demandes sont reliées évidemment aux activités qui ont des incidences économiques et financières; je ne veux pas minimiser cela. Cependant, j'aurais quand même aimé entendre quelques réflexions sur la qualité du travail théâtral et principalement, puisqu'on en a parlé beaucoup ici, sur la question de la formation des jeunes qui constituent la relève et le développement. On a parlé beaucoup de formation depuis le début de cette commission parlementaire.

Mme Bégin (Catherine): Nous avons, au Conseil québécois du théâtre, un comité qui a été formé à la suite d'une résolution du congrès et du précédent congrès. C'est donc dire, Mme la ministre, qu'il s'agit, chez nous, d'un souci très important, la formation professionnelle. Nous avons au Québec plusieurs écoles où la diffusion de l'art dramatique risque de se recouper à plus ou moins brève échéance. Il n'existe pas non plus de contingentement sur le marché scolaire professionnel. Il est donc très important de vérifier quelle serait peut-être une solution face à ce problème de la formation.

Pour ce qui est de la qualité du travail artistique, nous pouvons, je crois, affirmer que si ce n'est académiquement, à l'heure présente, depuis une bonne dizaine sinon une bonne quinzaine d'années, les artistes de la scène au théâtre chez nous sont véritablement des professionnels et la qualité de leur travail, c'est grâce, d'une part, à leur formation et à leur pratique. Mais j'aimerais faire le point sur une situation qui se produit chez nous. Nous ne sommes pas le seul pays où elle se produise, mais elle est dramatique chez nous. La qualité de l'exercice de notre métier relève également, bien sûr, du soutien financier. C'est donc dire que c'est très fréquemment sur la vie même de l'artiste, sur sa santé, que reposeront les énergies qu'il apporte à l'exercice de son métier parce qu'il lui faudra pallier lui-même au manque, justement, de moyens pécuniaires. (11 h 30)

M. Rousseau: J'ajouterais, Mme Bacon, pour ce qui est de la formation, qu'effectivement nous avons un comité qui travaille à cette question. Nous nous sommes donné un échéancier de six à huit mois pour préparer quelque chose. Nous désirons intervenir sur cette question. Nous nous excusons de ne pas être prêts pour la présente assemblée.

À ce sujet, le précédent conseil, qui était présidé par Jean-Luc Bastien, avait suivi les travaux d'un comité interministériel chez vous entre les fonctionnaires du ministère des Affaires culturelles et ceux du ministère de l'Éducation du Québec. Jean-Luc Bastien avait participé à une ou deux rencontres exploratoires à ce sujet.

Nous savons qu'à l'heure actuelle la question des écoles de théâtre est une question qui revient, qui se promène beaucoup parce que, à chaque année, plusieurs jeunes nouveaux acteurs et actrices sortent des écoles avec plus ou moins de possibilité de trouver de l'emploi, le marché étant très réduit. Cette question nous préoccupe énormément. Nous comptons bien, dans les prochains mois, intervenir là-dessus et aimerions aussi savoir ce qui se passe avec ce comité qui existait il y a quelques mois. Est-ce qu'il existe toujours? Est-ce que ses travaux vont continuer? Où en est la question? Comme je sais que la question de la formation et du perfectionnement est à l'ordre du jour, est-ce que vous comptez sur la commission parlementaire pour intervenir là-dessus? Ce sont des choses que nous souhaiterions aussi savoir, bien entendu.

Pour ce qui est de la qualité, je me permettrai d'apporter une précision là-dessus. Également, au Québec, nous avons invité depuis plusieurs années pour des stages de perfectionnement, soit par les universités, soit par nos associations, différents artistes, metteurs en scène, etc., de l'étranger qui venaient soit pour travailler ici avec des comédiens ou... Tous nous disaient que, vraiment, au niveau de la qualité d'interprétation, ils étaient très heureux de voir le bassin d'acteurs et d'actrices, qu'il y avait ici de grandes qualités, sauf qu'ils soulignaient tous que c'était incroyable de voir la pauvreté des moyens dont disposent ici les compagnies. C'est pour cela que nous insistons sur l'aspect financier pour permettre un encadrement plus important parce que, depuis plusieurs années, plusieurs compagnies de théâtre sont réduites à employer deux ou trois acteurs.

C'est très récent que nous ayons pu

voir sur les scènes de Montréal tout à coup des distributions de dix ou quinze personnes. Cela fait donc du bien de voir des comédiens qui peuvent pratiquer leur métier parce que, pendant quelques années, pendant les années de la crise récente, c'était très rare. Pour nous, cela fait partie de nos préoccupations également de faire en sorte qu'il y ait de l'emploi pour les comédiens d'ici.

Mme Bégin (Catherine): Si je peux me permettre, Mme la ministre, voilà quelque chose de très grave et peut-être de particulier aux arts d'interprétation. C'est que le manque de moyens ne fait pas seulement que moins d'artistes peuvent exercer leur métier, ce qui est déjà rogner les ailes à la créativité, mais aussi, pour ceux-là qui peuvent encore le faire, que la production théâtrale va être amenuisée. Donc, la créativité en soi est profondément affectée, profondément, par le manque de moyens et non seulement le nombre d'artistes.

Mme Bacon: D'accord. À la page 4, vous parlez de l'amélioration de salles existantes, de l'ajout de nouvelles salles. Le regroupement des professionnels de la danse a demandé des salles dans les principaux centres régionaux du Québec. Les musiciens ont des souhaits analogues. Comme, dans bien des cas, une même salle pourrait servir pour le théâtre, la danse, la musique, y a-t-il concertation entre les groupes de ces trois secteurs et les conseils régionaux de la culture, par exemple, pour effectuer des pressions auprès des élus municipaux? Lorsque dans une ville régionale on parle de se doter d'un centre culturel, est-ce qu'il est possible de regrouper tous ces secteurs d'activité avec nos bureaux régionaux? On parlait de régions tantôt, on revient encore aux régions. Mais quand, dans une ville régionale, on parle de se doter d'un centre culturel, comme c'est le cas dans certaines régions, est-ce qu'il est possible de regarder cela ensemble pour pouvoir utiliser une salle qui soit multidisciplinaire?

Mme Bégin (Catherine): II faut absolument que ce soit ensemble, effectivement, que la chose soit étudiée. Si vous me permettez, Mme la ministre, de vous répondre à titre d'individu, je dirai que je ne sache pas qu'une salle puisse être multidisci-plinaire de façon aussi aisée que cela. Le théâtre a des besoins particuliers, la musique également. Nous avons eu, en métropole, l'exemple d'une politique qui a été appliquée avant que le milieu soit consulté. Nous verrons les résultats de divers établissements, par exemple, face au profit de la chose artistique. Pour ce qui est du théâtre même, je reste, pour l'heure, dubitative.

M. Rousseau: Pour ce qui est des régions, j'ajouterais qu'effectivement la consultation doit être possible. Je crois même que, d'après mon expérience des conseils régionaux de la culture, on a plus ou moins le choix, en région, de se concerter. Effectivement, les équipements sont restreints, etc. Pour ce qui est de Montréal, je crois que c'est différent. J'ai pris connaissance rapidement des données du rapport PLURAM qui a été fait pour le ministère et le Conseil des arts de la CUM et je pense qu'à Montréal, c'est clair que cela prend des salles distinctes et que, surtout, il faut se protéger contre toute nouvelle salle Félix-Leclerc, un genre de projet qui a été fait rapidement et qui ne répond pas aux besoins des gens ni de la danse, ni du théâtre. Je croîs qu'à l'avenir il faudra être plus prudent, sans toutefois retarder aux calendes grecques tout nouvel aménagement ou encore toute nouvelle construction de salle.

Pour ce qui est des régions, puisque les conseils régionaux de la culture regroupent les différentes pratiques, la consultation peut se faire là. Sauf que, quand on parle de centre culturel, très souvent on se retrouve avec une grande salle - les gens voient grand - de 600 à 800 places qui, malheureusement, ne peut accueillir que des manifestations qui viennent de Montréal et qui sont assez publicisées pour remplir ladite salle. Les activités régionales, les pratiques qui se font en région, n'ont pas le même genre de publicité, n'ont pas le même genre d'engouement auprès du public et ne peuvent pas se produire dans ces grandes salles. Je pense que le problème est beaucoup plus là. Quand on parle de salles de 200 à 300 places, pour ce qui est du jeune théâtre, que ce soit à Montréal ou en région, c'est nécessaire d'en arriver à ce quota du nombre de sièges parce que c'est ce que peuvent attirer ces jeunes compagnies.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Mme Bégin, je suis très heureux de vous accueillir et je vais en profiter pour vous féliciter à nouveau pour votre récente élection à la présidence du conseil québécois.

Mme Bégin (Catherine): Merci, M. Boulerice.

M. Boulerice: Je vais commencer par une introduction, et suivront une ou deux questions. À la page 3, vous dites: "Nous demandons que la province de Québec, à titre de maître d'oeuvre de la culture au Québec, veille à encourager et même à inciter les trois niveaux de gouvernement à prendre leurs responsabilités face au soutien

financier des arts au Québec, de telle sorte que ni le provincial, ni le fédéral, ni le municipal ne prétendent pouvoir s'exclure de ses devoirs face aux affaires culturelles."

À une question posée à d'autres intervenants qui vous ont précédés quant à l'importance du ministère des Affaires culturelles, il s'est développé ce que j'ai appelé avec un certain humour une vision ferroviaire des affaires culturelles auxquelles on demandait d'être une locomotive et non un simple wagon ou la cabane de fin de queue. Donc, face à cette concertation provinciale-fédérale-municipale, ma position - je ne sais pas si vous la partagez - serait que le ministère des Affaires culturelles ne se borne pas à être le témoin de ce possible mariage, mais bien plutôt la marieuse, pour que cela se fasse avec une plus grande et une plus immédiate efficacité.

Vous dites: "Nous demandons que le gouvernement reconnaisse l'importance fondamentale du théâtre en région et favorise, par les investissements économiques, sociaux et politiques nécessaires, la professionnalisation et le rayonnement du théâtre dans toutes les régions du Québec." Je vais vous demander si vous pourriez peut-être nous parler un peu plus de ces investissements et quels sont les critères de professionnalisme auxquels vous voulez faire allusion dans cette assertion?

M. Rousseau: À ce moment-ci, quand on parle du théâtre en région... Le théâtre de pratique professionnelle en région a connu, au cours des années soixante-dix, une effervescence - si on peut dire - dans le sens où plusieurs jeunes compagnies ont vu le jour en région. Par contre, depuis quelques années, ce qui s'est passé, c'est que, faute de moyens financiers, ces compagnies ont énormément de difficultés à vivre. La plupart de ces compagnies, bien qu'installées, pour l'ensemble, dans une région précise, sont des compagnies de tournée. Je crois qu'elles n'ont pas le choix.

Une seule région, à l'heure actuelle, dans le contexte économique que nous vivons, ne pourrait pas, je crois, faire vivre une compagnie. Enfin, c'est à voir. Il y a, bien sûr, le cas de Québec, qui est peut-être une région à part, bien qu'elle fonctionne sur le même principe qu'un conseil régional de la culture, contrairement à Montréal. Mais, quand on se retrouve en Estrie, dans le Bas-Saint-Laurent, au Saguenay—Lac-Saint-Jean ou en Abitibi, cela est très différent. La plupart des compagnies qui sont là ne peuvent pas uniquement se suffire et dire: Voilà, on va jouer nos douze représentations annuelles à Rouyn-Noranda. Je pense que cela est impossible.

Il y a eu, pendant quelques années, certaines difficultés, étant donné que la répartition budgétaire fonctionnait par tête d'habitant, tout simplement. Alors, s'il y avait tant d'habitants dans la région, il y avait tant d'argent pour les affaires culturelles. Ce qui faisait très peu d'argent, pour les professionnels en région, à séparer entre eux. Il y a eu des rectifications de faites au cours des années, principalement pour les compagnies à vocation nationale qui tournent beaucoup au Québec ou encore, plus largement, au Canada ou même à l'étranger. Sauf qu'on en arrive à une étape où, tout de même, quelques-unes de ces compagnies sont rendues à l'étape où elles pourraient mieux s'enraciner dans la région, si on veut. Elles ont pu développer aussi, au cours des années, quand même, un public, que ce soit dans une ville en particulier ou dans la région en particulier. À ce moment-là, elles auraient besoin de salles.

Je ne pense pas qu'une compagnie demande une salle exclusive. Par contre, en Estrie, une salle de 200 ou 300 places serait vraiment la bienvenue dans une ville comme Sherbrooke, par exemple. Elle pourrait servir pour la danse et elle pourrait servir pour le théâtre, bien entendu; il suffit de l'aménager intelligemment. À ce moment-là, cela permettrait à des compagnies qui sont en région de justement développer, avec le temps, un public qui s'attacherait à sa compagnie, parce qu'elle est professionnelle. Cela permettrait à cette compagnie d'en venir à un meilleur dosage, si on peut dire, entre la tournée, que ce soit dans la région ou hors la région nationale, et une présence dans la municipalité principale de la région.

On peut retrouver le cas à Rimouski. On peut également retrouver le cas, j'imagine, à Rouyn, au Saguenay—Lac-Saint-Jean et dans des régions comme l'Estrie ou Hull-Outaouais. Ce sont toutes des régions où il y a des compagnies permanentes professionnelles qui existent mais qui ne disposent pas de salle qui leur permettrait, justement, de mieux s'enraciner. Quand on parle, dans ce petit paragraphe, d'investissements, je crois que c'est d'essayer d'appuyer les démarches qui se font.

Je sais, par exemple, qu'en Estrie, des pressions se font également au niveau de la municipalité de Sherbrooke pour avoir une salle d'une telle capacité. Elles se font au niveau de la municipalité, elles se font au niveau du Conseil régional de la culture et elles doivent également, je crois, se faire au niveau fédéral. Je pense qu'on n'y échappe pas. Donc, à ce moment-là, c'est pour cela qu'on demande au ministère des Affaires culturelles d'appuyer les démarches qui sont faites auprès des municipalités et de faire en sorte que si tout le monde met un peu de soi là-dedans, finalement, il va se faire des choses.

M. Boulerice: Le Conseil des arts de Montréal, par la voix de son président

d'ailleurs, je crois, disait que la vie culturelle s'étiolait à Montréal et que Montréal était en train de perdre, peut-être d'une façon irrémédiable, son rôle de métropole culturelle au Canada. En regard du théâtre, est-ce que cette affirmation se vérifie?

Mme Bégin (Catherine): À travers les siècles, voilà une chose que l'on a entendue et que l'on a pu lire toujours. D'abord, pour ce qui est du culturel, à Montréal, c'est l'affaire de chaque citoyen si la culture s'étiole. Pour ce qui est de l'artistique, pour lequel nous parlons, je doute encore que cette affirmation soit exacte quant aux produits théâtraux, quant au nombre d'interprètes qui subsistent et persistent à faire ce métier, en dépit du bon sens. Pour ce qui est de la création elle-même, oui, il est un fait très grave: nos compagnies de théâtre et parfois même parmi les plus grandes, celles dont on aurait pu attendre des productions plus spectaculaires - ce qui est un besoin chez le public et qui est une obligation dans le répertoire - ont dû aller fréquemment vers des productions du type monologue. C'est une forme de théâtre, il ne faudrait pas que cela devienne une forme obligatoire de théâtre. En ce sens, oui, il y a eu rétrécissement de la créativité, en ce seul sens. (11 h 45)

M. Rousseau: Sur cette question, la fameuse notion de métropole culturelle, je pense que c'est une notion qui a trait à une dimension touristique. Paris est une métropole culturelle effectivement parce que les gens qui vont à Paris, pour plusieurs, y vont pour fréquenter les musées, aller voir des pièces de théâtre. Je me souviens d'avoir fait la file à Paris pour une pièce qui se donnait en français, de Corneille, et, dans la file où on attendait pour acheter les billets, je me demande s'il y avait plus de dix personnes d'expression française. Cela parlait anglais, cela parlait allemand, suédois, à peu près toutes les langues possibles, et ces gens attendaient pour aller voir un spectacle.

Il y a beaucoup de cela dans cette notion de métropole culturelle, sauf qu'à Montréal, dans les grands théâtres ou les grands ensembles, que ce soit l'OSM, l'opéra, etc., le Québec peut en compter difficilement plus d'un ou deux par catégorie. Là où peut-être on fait mal la "job" au niveau du CACUM ou des gouvernements, c'est de ne pas mettre l'accent suffisamment sur tout ce qui est notre "off Broadway" à Montréal. Je crois qu'à Montréal on a beaucoup plus de compagnies qui seraient beaucoup plus proches de ce qu'on pourrait appeler un "off Broadway" qu'un Broadway. Si on rêve d'avoir notre Broadway à Montréal, cela risque de prendre beaucoup d'années et beaucoup d'argent risque d'être perdu en investissements peut-êtres inutiles, alors qu'il y a à Montréal énormément de jeunes compagnies professionnelles qui font beaucoup de création, qui' sont malheureusement peu aidées.

C'est le fameux saupoudrage dont nous parle M. Drapeau à propos de l'argent du Conseil des arts de la CUM. Il dit que le conseil a été créé pour soutenir les grandes compagnies et que, si on se met à donner aux petites, on fait du saupoudrage, sauf que la force artistique, culturelle et de création, malheureusement, c'est là qu'elle est, dans la plupart des cas, dans les petites compagnies. Il faudrait peut-être être plus conscients de cela et se dire: Oui, il y a là effectivement des choses. Si on les soutient, si on permet aussi qu'il y ait des salles et si on fait un meilleur travail de promotion artistique, culturelle, à l'étranger, peut-être qu'on sera intéressé à venir voir ce qui se fait ici, parce que ce sont ces jeunes compagnies qui, pour la plupart, depuis quatre ou cinq ans, voyagent le plus au plan international. Elles sont invitées dans des festivals un peu partout dans le monde. C'est donc que le travail qui se fait ici doit être de calibre pour pouvoir se frotter à d'autres productions d'autres pays. Il faut voir aussi que ce ne sont pas des productions comme en font M. Sthreler ou M. Brook à Paris; bien entendu, c'est différent.

M. Boulerice: Lorsque vous parlez d'"off Broadway" dans le sens de petites compagnies de création qui poussent, cela me fait penser immédiatement à un petit théâtre que vous connaissez sans doute bien et qui est la Licorne. Je rattache cela à l'assertion que vous avez faite, à savoir l'amélioration des salles déjà existantes et l'ouverture de nouvelles salles. Est-ce que, chronologiquement, vous pouvez situer le besoin de cela? Est-ce que c'est un besoin qui, pour le théâtre, vous paraît urgent, très urgent, pour avant-hier même?

Mme Bégin (Catherine): Pour le siècle passé, oui.

M. Boulerice: Le siècle passé.

Mme Bégin (Catherine): C'est vital, c'est notre outil de travail. C'est vital.

M. Rousseau: Vous mentionnez la Licorne. On pourrait ajouter le Théâtre d'aujourd'hui qui, depuis des années, souffre de ce petit espace. C'est le seul théâtre qui se consacre uniquement à la création québécoise. Cela fait des années qu'effectivement il est pris dans une petite salle d'une centaine de places. À la Licorne, c'est la même chose, il y a beaucoup de création qui s'y fait. On pourrait ajouter le Théâtre de Quat'Sous qui n'est pas un très

gros théâtre et qui fait constamment des prolongations. Si on avait une salle de plus grande capacité, on pourrait faire plus de création au cours de l'année, parce que chacune irait chercher son public avec plus de possibilités de sièges, etc.

M. Boulerice: D'accord. Moi, je fais une distinction entre les troupes professionnelles, entre ce que vous venez d'appeler le "off Broadway" et ce qui est véritablement du théâtre amateur comme tel. Premièrement, est-ce que ma distinction est bonne? Je ne prétends pas avoir la vérité. Si oui, quelle est la situation de ce théâtre amateur actuellement au Québec?

M. Rousseau: Le théâtre amateur a son association qui est l'Association québécoise du théâtre amateur. Il y a regroupement également à Montréal. Le théâtre amateur, naturellement, n'a pas du tout les mêmes conditions. Je crois qu'on ne peut pas mêler les choses, sauf que je vous dirais qu'en certaines régions ce sont des compagnies amateurs qui sont obligées d'assurer, si on veut, une présence théâtrale et culturelle. Je pense à la Côte-Nord; je crois qu'il y a là une compagnie qui est soutenue par le ministère des Affaires culturelles. À Thetford-Mines il y a également une compagnie qui est soutenue par le ministère des Affaires culturelles et peut-être en d'autres régions, je ne sais pas, le Saguenay -Lac-Saint-Jean, l'Abitibi. C'est fort possible parce qu'à certains moments il y a peu de possibilités de faire une tournée dans certaines régions et il n'y a pas de place pour qu'une compagnie professionnelle s'installe. À Sept-îles, par exemple, ce serait un peu illusoire. Donc, il y certaines compagnies de théâtre amateur qui assurent, si on veut, un relais, mais je pense qu'au niveau des grands centres, c'est comparer des pommes avec des oranges. Je ne mettrais pas ça dans le même panier.

Mme Bégin (Catherine): Nous faisons, nous, une grande distinction entre l'amateurisme et le professionnalisme étant donné qu'il y en a un des deux qui donne sa vie à son métier; en fait, un métier et un art» Mais je tiendrais à apporter une précision quant aux avenues qu'emploie parfois le théâtre amateur. Nous aurons vu au Québec une situation indécente se produire, à savoir dans le marché scolaire pour le jeune théâtre, où des troupes hautement professionnelles, structurées, organisées, avec des circuits de tournées, ayant déjà fait leurs preuves et tout et tout, se sont fait répondre, soit par des individus responsables de la chose ou des commissions scolaires, carrément qu'on leur préférerait dorénavant des productions émanant du milieu amateur parce que offertes à des prix effarants, pour ne pas carrément parler de dumping.

M. Boulerice: Mme Bégin, M. Rousseau, je vous remercie beaucoup d'avoir répondu à mes questions. J'espère qu'on pourra poursuivre ce dialogue dans un autre temps et peut-être un autre lieu. Merci.

Mme Bégin (Catherine): Merci, M. le député.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député. J'aurais bien eu quelques questions, mais le temps s'envole trop rapidement malheureusement, d'autant plus que M. le député de Saint-Jacques a abordé une question qui m'intéressait fortement, c'était la situation du théâtre à Montréal. On a -évoqué le rôle du Conseil des arts de la CUM dont je suis membre; donc, je me sentirais un peu juge et partie dans cette discussion. J'éviterai d'y entrer et me contenterai de vous remercier, madame, de vous être déplacée, monsieur, et j'aurai moi aussi certainement l'occasion de vous revoir. Je vous ai vus collectivement pendant la campagne électorale alors que l'ex-ministre des Affaires culturelles, M. Godin, et moi avions échangé des propos. Ce qui devait être un débat n'a pas eu lieu puisque M. Godin et moi avions, de façon générale, les mêmes idées sur les sujets que nous avions abordés. Encore une fois, madame, monsieur, merci.

Mme Bégin (Catherine): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Au plaisir de vous revoir. Et nous terminerons cette longue mais fort passionnante semaine, à moins que nous ne fassions une pause de cinq minutes... Oui, M. le député de Saint-Jacques, une pause de cinq minutes. Et nous entendrons, pour terminer cette passionnante semaine, le Centre d'auteur des... Pardonnez-moi le lapsus, le Centre d'essai des auteurs dramatiques.

(Suspension de la séance à 11 h 54)

(Reprise à 12 h A)

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plaîti

M. le député de Saint-Jacques étant en train de distribuer des bonbons...

Une voix: Subventions à distribuer...

Le Président (M. Trudel): ...aux membres de la commission et à tout le personnel technique, nous accueillons maintenant, pour terminer la semaine en beauté, les représentants du Centre d'essai

des auteurs dramatiques, à qui je souhaite la bienvenue...

Mme Dumas (Hélène): Merci.

Le Président (M. Trudel): ...et à qui je demande de se présenter, parce que j'ai un nom sur ma liste et je constate que j'ai deux personnes en face de moi.

Centre d'essai des auteurs dramatiques

Mme Dumas: Hélène Dumas, je suis coordonnatrice.

Le Président (M. Trudel): Que j'avais reconnue. Bienvenue, Mme Dumas.

Mme Dumas: Bonjour tout le monde. Je suis accompagnée de Michel Garneau, qui est auteur dramatique et président du Centre d'essai des auteurs dramatiques.

Le Président (M. Trudel): Cela me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue, M. Garneau.

M. Garneau (Michel): Merci.

Le Président (M. Trudel): Pour respecter, madame et monsieur, les règles du jeu, on vous demanderait de nous faire un court résumé de votre position de façon à nous laisser le temps de vous poser les questions qu'on a à vous poser. Je serai, je le dis aux membres de la commission, très strict, devant vraiment ajourner nos travaux à 13 heures, ce qui nous laisse très exactement 55 minutes. Madame, monsieur, à vous la parole.

Mme Dumas: Je vous ferai grâce de la lecture du document qui est assez bref et dont vous avez dû pouvoir prendre connaissance. Je rappellerai simplement que le centre d'essai est un organisme qui regroupe des auteurs dramatiques, donc qui a toutes les raisons du monde d'être ici à une commission qui traite du statut de l'artiste. Mais on a abordé un élément en particulier, un des points d'étude de la commission qui est la défense des conditions et de la vie professionnelle des auteurs dramatiques, mais d'un point de vue un peu plus global, laissant un peu de côté l'individu auteur dramatique pour regarder son insertion dans l'ensemble de l'activité théâtrale, puisqu'un auteur dramatique est un écrivain un peu spécial et ne peut rien faire sans toute une machine théâtrale qui implique plusieurs personnes, plusieurs intervenants, des moyens et toute une organisation. C'est pour cela qu'on s'est attardé à l'élément vie professionnelle en revendiquant un principe et un sujet de réflexion à partager avec vous qui est celui de la création.

En effet, on pense que, pour améliorer la situation d'un auteur dramatique, il faut bien davantage penser à ce qui se passe à l'origine des projets que penser à comment on va trouver des remèdes aux symptômes qui seraient celui de l'auteur pauvre, méconnu, ignoré, délaissé, ce qui serait finalement le résultat d'une mauvaise organisation sociale qui ne permettrait pas à un auteur dramatique de gagner sa vie et d'être un créateur. Au lieu de s'attarder à comment on va lui offrir des rentes ou comment on va le subventionner, lui, individu qui a du mal à gagner sa vie, on est allé au début, à l'origine qui est celle de l'organisation du théâtre et, plus largement, parce qu'on parle d'auteurs dramatiques, on s'intéresse à la question de la création des nouvelles oeuvres dans notre société.

À partir de ces considérations générales, on a donc pris ce parti pris plus dynamique de parler de la création. Je vais laisser la parole à Michel Garneau qui, en tant qu'auteur, peut vous glisser quelques mots de sa situation, de ses réflexions et des réflexions des auteurs dramatiques sur la question.

M. Garneau: Si on croit, au centre d'essai, que la création est la priorité, c'est qu'on rêve que des conditions soient créées pour qu'un jour il y ait un théâtre de répertoire québécois, qu'il y ait un héritage. Qu'il n'y ait pas seulement une dépense, une consommation de textes dramatiques mais que s'installe progressivement et mieux que cela ne se fait actuellement, car cela se fait tout de même, une dramaturgie québécoise qui finisse par constituer notre mémoire théâtrale, si on veut.

Pour arriver à cela, c'est évident qu'il faut que la profession d'auteur dramatique devienne. Elle n'existe pas actuellement. Quelques personnes sont auteurs dramatiques à peu près à temps plein. Tous les autres sont peu ou prou des écrivains du dimanche. Ils doivent gagner leur vie autrement. Je ne crois pas qu'aucun de ces auteurs dramatiques voudrait qu'on lui donne de l'argent, mais tous voudraient pouvoir travailler, en faire. Moi, personnellement, c'est comme cela que je me sens.

Je dois vous parler personnellement. Il y a une situation assez invraisemblable, je suis un auteur qui a été joué. J'ai écrit une quarantaine de textes dont une trentaine ont été joués. J'ai même eu, une fois, six textes joués dans la même année. Cela a créé un nombre de malentendus extraordinaire. Il y a des gens qui ont pensé que j'étais en train de devenir riche parce que j'étais joué au théâtre. Je vais être très indiscret. Six succès dans cette année m'avaient rapporté 6000 $, environ, 1000 $ chacun, parce que ces succès étaient au Théâtre d'aujourd'hui, au Théâtre de Quat'Sous, au Centre d'essai de l'Université de Montréal, au petit théâtre

des Voyagements, des choses comme cela, rendant le métier, la profession à temps plein impossible.

Donc, l'écrivain de théâtre - et la plupart le font - se subventionnent autrement. Ce qui se produit - il y a des statistiques atterrantes là-dessus - c'est qu'à mesure que le temps passe les écrivains de théâtre cessent d'écrire, sauf quelques-uns. J'étais là, j'étais dans le portrait, comme on dit, mais j'étais présent même, je crois, à la deuxième année du Centre d'essai des auteurs dramatiques. Je pense que j'ai payé ma cotisation à peu près chaque année depuis. Je connais bien le centre. Moi, je connais une situation tragique. La plupart de mes camarades du début n'écrivent plus depuis longtemps déjà. La plupart se sont tus parce que ce n'était pas viable. Ce n'était pas viable particulièrement avec une famille, des enfants, etc. Il y en a qui sont allés faire carrément autre chose et qui ont oublié tout cela. Il y en a qui ont réussi à écrire une pièce de temps en temps. Cela ne crée pas une production et cela ne permet pas à un auteur d'être vraiment un auteur dramatique.

Il faut absolument comprendre ce mécanisme et le comprendre à l'intérieur de la situation du théâtre. L'auteur n'est pas tout seul. Il apporte beaucoup, il apporte du travail parfois, quand il peut écrire. C'est un ensemble de "jobs", le théâtre. Mais si les conditions ne sont pas créées pour que ce soit viable aux auteurs dramatiques, il se produit une espèce de phénomène qu'actuellement, il y a beaucoup de gens de 20 ans qui écrivent, il y en a beaucoup moins de 30 ans et il y en a très peu de 40 ans; de 50 ans, on n'en parie plus. C'est profondément anormal et profondément tragique que des générations après des générations finissent par se taire parce que les conditions ne permettent pas de parler. (12 h 15)

L'apport culturel d'un auteur dramatique ne peut pas se faire sans l'appui de la collectivité. On met l'auteur dramatique devant le spectre de la rentabilité, dans ce cas. On se retrouve régulièrement avec cette chose absurde qui nous poursuit tout le temps où on veut produire de nouveaux auteurs et on veut continuer à créer ce fameux répertoire théâtral et on nous dit que le public n'est pas intéressé à ce qui n'est pas encore là ou que le public est déjà fatigué de telle ou telle forme de théâtre. On se retrouve -moi, c'est ce qui m'affole le plus à propos du théâtre québécois - dans une espèce de série de consommation et de "consumation" de textes et d'auteurs, finalement. Il s'écrit et il se fait beaucoup de textes. Un mois dans un petit théâtre et c'est fini. S'il n'y avait pas, par exemple, le travail du centre d'essai, beaucoup de ces textes disparaîtraient physiquement et n'existeraient même plus parce que cela reposerait strictement sur l'énergie des auteurs de les distribuer quasiment de main à main. Pour contrecarrer cette espèce de "consommationconsumation", je crois qu'il faut une conscience, un désir qu'il se crée une dramaturgie québécoise et, éventuellement, un répertoire auquel on puisse revenir comme les vraies nations le font, par exemple. On pourrait revenir en arrière quelquefois et rejouer des textes de la dramaturgie québécoise et pas juste un ou deux, mais des dizaines.

En terminant, je voudrais dire qu'une dramaturgie ne se fait pas sur deux ou trois auteurs ou autrices qui ont la tête dure et qui ne veulent pas lâcher. Cela ne fait pas une dramaturgie; cela fait des cas d'exception, finalement, dans une espèce de désert. Pour qu'une dramaturgie existe, il faut des textes nombreux. Les têtes dures n'en écriront que mieux, si elles sont entourées, si elles sont, d'une certaine façon, soutenues par une grande et belle quantité d'écritures. Dans ce cas, pour garantir la qualité, il faut assurer une certaine quantité.

Mme Dumas: On serait intéressé à connaître vos vues sur tout cela.

Le Président (M. Trudel): Merci, madame. Mme la ministre des Affaires culturelles.

Mme Bacon: M. le Président, j'ai vivement apprécié les propos du mémoire et ce que je viens d'entendre de M. Garneau et de vous, Mme Dumas, et également votre action qui est menée sur le terrain - au fond, on peut dire cela comme ça, comme vous le mentionnez en préambule - et je voudrais rendre hommage au travail du Centre d'essai des auteurs dramatiques.

Pour parvenir à mener à bien votre mission, vous devez collaborer étroitement avec les compagnies et avec les auteurs du milieu théâtral. En ce sens, votre démarche et votre proposition pour une politique de création constituent certainement pour tous les membres de cette commission un enrichissement dont nous ne saurions nous passer. C'est vraiment l'importance que votre mémoire prend pour nous.

Vous avez dit, M. Garneau, qu'on ne revient pas - si j'ai bien saisi ce que vous venez de dire - sur des textes qui pourraient constituer le répertoire québécois. Une fois qu'on a joué un auteur, souvent, on le délaisse pour en chercher un autre. C'est un peu notre société de consommation, au fond. Est-ce qu'il y a des raisons pour lesquelles les troupes ne reviennent pas sur les pièces qu'elles ont déjà jouées ou si c'est tout simplement parce que cela fait partie de notre façon de vivre, qu'une fois qu'on a

utilisé une chose on la remise, on la met de côté pour chercher ailleurs? Est-ce que cela fait partie de notre façon de vivre?

M. Garneau: Oui, c'est un énorme phénomène culturel, oui, cette sorte d'amnésie, cette sorte de méconnaissance de notre propre mémoire. J'entendais Pierre Rousseau parler tout à l'heure du théâtre en région et, hier, avec Hélène, on parlait, par exemple, de certaines expériences qui ont été menées au Québec. Je pense à la troupe Les gens d'en bas qui ont travaillé dans le Bas-du-Fleuve et une partie de la Gaspésie pendant dix ans et qui ont fait des choses absolument étonnantes. Je disais à Hélène: Dans tout autre pays, il y aurait quinze ouvrages d'écrits, publiés, étudiés sur l'aventure, par exemple, de cette petite troupe absolument exemplaire qui a fait un travail époustouflant. Quand, en Europe, on fait le dixième de cela, on en écrit un témoignage et des gens s'y intéressent. On n'a pas l'habitude de regarder et de se regarder - de regarder ce qu'on fait. Je ne sais pas exactement le pourquoi... En fait, j'en sais un peu, mais ce serait très long de s'embarquer là-dedans, mais c'est double. Si on ne crée pas, si on n'y pense pas, si on n'invente pas ce désir du répertoire québécois, si toujours on oppose création à répertoire, le répertoire sera toujours d'ailleurs.

Quand on parle de théâtre de répertoire, par exemple, cela veut dire: théâtre français de France. Jamais personne ne va penser spontanément: théâtre de répertoire... Ah! Marcel Dubé! Tant qu'on n'aura pas créé la conscience d'un répertoire proprement québécois... Évidemment, les petites troupes trouveront cela plus simple d'écrire leurs propres pièces, c'est bien correct, mais que jamais on ne puisse retourner ou que ce soit tellement exceptionnel que cela n'existe pas vraiment, que ce soit toujours une exception, là, il y a quelque chose de profondément anormal. Mais le paradoxe, en encourageant la création, le problème, on peut le dire d'une façon bête, c'est qu'il y a très peu de gens, outre les jeunes, qui font de la création. C'est tellement risqué, ce n'est tellement pas intéressant, tu ne peux tellement pas élever tes enfants avec cela que les gens arrêtent de faire de la création à un moment donné.

J'ai eu le curieux privilège de voir une pièce créée par des jeunes au grand âge de 40 ans et de me retrouver dans la salle même, au théâtre. Je pense que j'étais le plus vieux au-delà de 20 ans. La création, c'est un phénomène de jeunes, ce n'est pas sérieux, on ne peut pas gagner sa vie avec cela. Cet ensemble fait qu'il y a un tas de petits théâtres, oui, qui font de la création pendant un certain temps et que c'est très difficile. Ce qu'il faut comprendre et ce que je défends ou que j'espère, c'est que ce soit possible qu'il y ait des écrivains de théâtre professionnels qui mènent une aventure d'écriture théâtrale comme cela se fait ailleurs. Qu'on n'ait pas cette espèce de déperdition. À chaque année, on perd un auteur, c'est assez invraisemblable. Il reste quelques personnes. Heureusement qu'on a Tremblay qui ne lâche pas et que ça marche un peu. Ensuite, on tombe tout de suite... Wop! Cela écrit moins, c'est plus difficile. Nous sommes quelques-uns - on peut les compter sur les doigts de la main - des gens qui écrivons depuis 20 ans et qui sommes joués une fois de temps en temps. Si on veut créer une dramaturgie québécoise, il faut que cela soit viable; donc, il faut que les conditions théâtrales soient viables. Tout se recoupe. Nous voulons parler de la création parce que c'est le noyau, c'est le centre, c'est le coeur, c'est l'âme; tout se recoupe.

On parlait tout à l'heure de la nécessité d'avoir des salles. Le Théâtre d'aujourd'hui, par exemple, c'est extraordinaire qu'il ait existé, mais mon Dieu, quel piège! C'est un théâtre qui, en fait, contient très précisément 99 personnes quand il est bien plein. Cela fait que, pour un auteur, il n'est pas rentable. Quand même que le Théâtre d'aujourd'hui ne jouerait que mes pièces pendant un an, cela ne me permettrait pas de vivre: il n'est pas rentable, il est trop petit. D'ailleurs, il ne sera jamais rentable comme cela. La Licorne qui est un endroit merveilleux, délicieux, dont on parlait tout à l'heure, où se retrouvent les forces vives du théâtre à Montréal, c'est un endroit de rencontre, on y monte de bons spectacles et tout cela, c'est aussi un théâtre qui, pour les auteurs, n'est pas viable. Tu ne gagnes pas ta vie en faisant jouer des pièces à la Licorne, c'est trop petit. Il y a cette espèce de phénomène. On a une littérature théâtrale où il y a quelques survivants qui continuent après 40 ans - si cela vous intrigue, j'en ai 47 - et les autres se taisent. Après 30 ans, cela commence à se taire. Cela continuera tant que le théâtre de création ne sera pas plus rentable.

Mme Dumas: II y a aussi l'importance morale qu'on accorde à la création et c'est malheureusement encore le cas. On pense que la création, c'est un violent besoin de s'exprimer qui nous possède jusqu'à 40 ans et qu'après on se range, on s'assoit, on devient sérieux et on fait du beau théâtre. C'est épouvantable que les institutions, qui sont là pour représenter la conscience imaginaire d'une société, puissent très bien continuer de fonctionner en parallèle avec la société, c'est-à-dire en ne regardant pas ce qui se vit, ce qui s'écrit, ce qui se produit. Faire de la création, cela coûte de l'argent. Ce n'est pas prendre trois petits bouts de bois

et un morceau de toile, se mettre des masques et un nez rouge et vogue la galère! C'est terriblement frustrant que d'entendre dire que le répertoire coûte cher et de mettre un point. Tout ce qui a une valeur, rendu sur scène, cela implique des centaines d'heures de travail, des dizaines de personnes et cela se monnaie. Quand on voit, par exemple, que la France est connue outre-frontières parce que Peter Brook monte le Mahabharats, alors que Mnouchikne commande à une auteure contemporaine un texte sur la vie de Sihanouk... On sait que ces gens ont deux ans pour créer un spectacle. Pendant ce temps, on dépense de l'argent. Ce sont des conditions de création qui font qu'en fin de. compte prendre un texte publié chez Bordas, on sait qu'on l'a, on n'est pas obligé de s'inquiéter de l'auteur, de comment il va vivre et, au guichet, on vient de faire une économie. Je pense qu'il y a des mesures dont on n'a pas parlé nécessairement dans notre mémoire. Je pense que, quand une compagnie monte un Molière, si elle avait à mettre 10 % ou 12 % de ses ventes au guichet dans un fonds pour la création, elle pourrait également commander des pièces et arrêter d'opposer l'intérêt de son public, comme si l'expression des artistes d'une société n'intéressait pas le public. C'est mettre dos à dos des notions qui sont presque aberrantes.,

Mme Bacon: Je serais tentée, nous pourrions en discuter des heures et des heures, de vous demander comment créer cette conscience de répertoire.

Mme Dumas: Je pense qu'il y a des politiques qui ont montré le bout du nez, il y a quelques années, et qui ont été oubliées. Je pense que les gens du théâtre connaissent bien le centre d'essai et ses éternelles demandes, recommandations, etc. On dit: II faut que cela commence dans les théâtres.

L'auteur, même s'il est représenté par un organisme qui fait de la promotion, le pouvoir, ce qui est montré au public, ce qui est proposé au public, il y a quand même des individus qui le décident. Tant qu'il y aura des moyens disponibles d'offerts, des initiatives de la part des artistes sont aussi possibles. Après que le public aura eu accès à dix, quinze ou vingt productions de création, mais dans des conditions justes... Il ne s'agit pas que le répertoire ait des salles confortables où on se rend en métro et où on peut s'asseoir sans tomber de son siège et où on voit des comédiens professionnels avec des décors et des moyens. À comparer avec la création qui se fait dans des locaux très défavorisés matériellement, dans des conditions matérielles... S'il y avait des chances égales pour tout le monde, je pense que l'accessibilité du public ferait qu'il y aurait une véritable dynamique. En ce moment, parce que les possibilités d'offrir en grand nombre le répertoire québécois et la création contemporaine sont si limitées, le véritable jeu démocratique pour le public, ce n'est pas possible de le jouer. II faut des mesures concrètes pour qu'il y ait un répertoire québécois. Je pense que, bien modestement, on a pensé à certaines choses et le programme des mesures pour inciter, on est derrière et on dit: Oui, mais encore, et plus et plus.

Mme Bacon: Justement, vous souhaitez dans votre première proposition que le ministère des Affaires culturelles réduise l'écart entre les budgets des compagnies, de troupes vouées à la création, et aux autres compagnies. Est-ce que vous pourriez nous en dire davantage ou même quelques mots, si vous voulez, sur la structure de financement - on va être obligé de parler de cela - ou les sources de revenus des compagnies en question? (12 h 30)

Mme Dumas: Le problème des compagnies qui font de la création, c'est qu'une fois sur deux elles n'ont pas de structure permanente tout simplement parce qu'elles ont 40 000 $, 50 000 $, 70 000 $ par année pour faire deux spectacles. Elles sont soumises à des impératifs de fonctionnement qui n'ont rien à voir avec la création. Quand vous êtes obligés, justement, comme le mentionnait Pierre Rousseau, à la fois de faire la comptabilité, de chercher des commanditaires parce qu'on dit que c'est là qu'il faut aller voir, faire un programme, faire une réflexion dramaturgique, je pense qu'il y a des troupes qui se trouvent piégées. Pour faire de la création, il faut prendre le temps de réfléchir, de s'asseoir, il ne faut pas avoir l'obligation, pour renouveler sa subvention de fonctionnement, de créer deux spectacles, par exemple. C'est un piège. Les problèmes des compagnies, on en est bien sûr un peu informé, mais je ne voudrais pas préciser davantage, sinon pour dire que, là, il y a peut-être huit ou neuf feux et je ne sais pas lequel il faudrait éteindre en premier. Pendant qu'on est assis ici, il y a des gens qui se demandent s'ils vont continuer demain, s'ils vont faire un autre spectacle.

Il y a toujours la génération spontanée, il n'y a plus de mémoire. Vous le savez probablement, ce qui est aberrant, c'est qu'il y a X compagnies dites institutionnelles avant, qui ont des lieux, qui ont une certaine espérance de continuité et on a vu, l'an dernier, que le TNM était très menacé. Il y a toutes les autres qui, bon an mal an, sont formées d'individus qui sortent des écoles de théâtre ou un auteur qui vient d'écrire une pièce et qui s'est fait dire non partout, mais il y a 25 artistes, metteurs en scène, comédiens qui lui ont dits C'est génial! Qu'est-ce qu'il fait? Il dit: Bien, on va la

monter. On fait de "l'autogestion et de l'autogestion, c'est de la création à la petite semaine. Cela confirme aux gens qui ne sont pas intéressés par la création que c'est bien précaire et que, finalement, c'est un épiphénomène et que la stabilité est ailleurs. Pendant ce temps-là on recommence toujours.

Mme Bacon: Dans votre seconde recommandation, vous nous suggérez évidemment, on vient d'en parler encore - de donner aux compagnies, aux troupes qui sont vouées a la création un accès à des salles adéquates pour qu'elles puissent présenter leurs productions. Est-ce que ce constat, qui vous a conduits à cette recommandation, vous l'avez pour l'ensemble du Québec ou pour la région métropolitaine? Est-ce qu'il y a des régions qui sont dans une situation plus précaire que d'autres au Québec?

M. Garneau: Bien, mon Dieu, oui. Il y a certaines régions où... Moi, je passe mes étés dans les Cantons de l'Est, Pierre en parlait tout à l'heure, cela adonne comme cela. Il y a là toute une région qui est absolument défavorisée à tous les points de vue, d'ailleurs, sur le plan culturel. Si vous me permettez de dire cela, sur le pian symbolique, j'ai déjà passé deux jours à essayer de trouver un journal Le Devoir...

Une voix: ...à Beebe.

M. Garneau: À Beebe, on ne sait pas, il y a peut-être bien des choses à Beebe. C'est une région qui, culturellement, est incroyablement défavorisée et il y en a d'autres, évidemment.

J'aimerais revenir à quelque chose. Quand je dis "défavorisée", les gens auxquels je pense, ce sont des jeunes qui réussissent à faire des choses malgré tout. Ce n'est pas mort culturellement, ces coins-là, mais les moyens... À ce moment-là, on sombre, dans beaucoup de cas, dans un ridicule extrêmement douloureux, car les moyens sont inexistants. On arrive toujours à se fâcher un peu parce que ce n'est pas l'argent qui manque, parce qu'on voit de l'argent être distribué par d'autres ministères, évidemment, mais à d'autres fins. Moi, je trouve cela toujours merveilleux, dans ces coins-là, que ce soit à Dolbeau ou à Beebe, que tout à coup il y ait de l'argent pour telle ou telle affaire, généralement très surréaliste par rapport à la culture. Là-dessus, je me pose toutes sortes de questions, mais ma question tourne toujours autour de ce phénomène.

La notion de création, d'abord au niveau de l'écriture et au niveau du théâtre, ce n'est pas une notion qui est valorisée. Il se produit le même phénomène partout au Québec où les jeunes s'engagent dans l'aventure de faire du théâtre dans une espèce d'innocence extraordinaire, dans une espèce de manque de mémoire ne sachant pas, mais le goût de créer est là. On en a la preuve régulièrement, les gens s'embarquent dans des aventures complètement folies et qui sont parfois merveilleuses, qui sont parfois exemplaires mais qui systématiquement ne durent pas. Chaque année, il y a une espèce de vague de créativité qui renaît. La réflexion doit se faire aussi bien au niveau régional qu'au niveau périphérique autour de Montréal. Il y a un désert culturel, par exemple, absolument époustouflant où les pauvres gens sont pris dans une espèce de situation extraordinaire. Ils sont trop près de Montréal pour se faire leur propre culture et quand ils sont rendus là ils sont bien fatigués, ce qui fait qu'ils ne reviennent pas à Montréal. D'accord, ils regardent la télévision et ils louent des vidéocassettes, mais les jeunes qui voudraient faire quelque chose dans ces périphéries n'ont aucun moyen, cela n'existe pas.

Je reviens toujours à cette espèce de conscience de la créativité elle-même, finalement, qui doit informer tout le reste. Je vous parle comme cela, je ne suis pas un spécialiste des façons et des modalités, j'écris des pièces et je fais d'autres affaires. Je sens que cette chose est profondément incomprise et qu'il y a cette espèce de... D'un côté, il y a le vrai théâtre, le théâtre de répertoire qui est étranger. C'est très curieux parce que dans le répertoire il y a Arnold Wesker, écrivain anglais qui a mon âge. Il est du répertoire parce qu'il est Anglais. Il peut appartenir au répertoire. Il y a cette différence. Il y a le théâtre de répertoire, le vrai théâtre, et le théâtre étranger qui est toujours mystérieusement du vrai théâtre et le théâtre de création qui est un sous-théâtre. Cela donne une espèce de sous-prolétariat du théâtre, c'est-à-dire toutes ces petites troupes qui travaillent pour rien par amour de l'art et ce phénomène que l'on s'arrête à un moment donné. On perd le théâtre. Le théâtre perd de ses forces vives. Je travaille dans une école de théâtre, je les connais, les forces vives, je vis dedans, elles sont vraiment vives, elles sont extraordinaires, mais l'essoufflement qu'on peut voir sur dix ans... Je ne crois pas que ce soit juste la grosse vie méchante qui fait qu'il y ait autant d'abandons. Je crois que notre culture ou notre façon à nous de vivre ces espaces culturels fait que les gens étouffent, qu'ils ne sont plus capables et qu'ils en sortent. Donc, on revient à cette tension. On se retrouve dans une création incessante de nouveaux textes mais sans durée de troupes qui partent, qui meurent et qui recommencent.

Mme Dumas: Pour un; Jean-Pierre Ronfard, qui fait oeuvre de création dans les domaines dramaturgique et scénographique dans des nouvelles approches et dans le développement de lieux, il y en a dix à qui on a le droit de pardonner d'être essoufflés. La création, ce n'est pas juste écrire une pièce et la passer par la moulinette, puis l'oublier. C'est un travail à long terme et c'est là qu'on parle d'argent. On parle des lieux: les lieux, ce sont les contenants qui sont essentiels. Ce que je souhaite, finalement, c'est que la conscience culturelle d'un peuple, que doit être le ministère des Affaires culturelles, se fasse dans un esprit d'ouverture.

Je comprends qu'un gouvernement dise: On ne veut pas être interventionniste; cela pourrait être mal interprété. Mais alors, à ce moment, il faut qu'il soit complètement ouvert et suprasensible è ce qui se brasse dans la société, chez les artistes, chez les créateurs, et réponde à la demande sans s'inquiéter que le phénomène X de création, par exemple, que ce soit dans le domaine pictural ou peu importe, ait des chances de peut-être être éphémère et ne se concrétise pas dans une institution qu'on reconnaîtra jusqu'à la fin des temps. Il faut prendre ce risque. Il faut qu'il se prenne là aussi. S'il y a plus d'accessibilité à toutes sortes de nouvelles formes, de nouvelles idées, que soit en littérature, en art dramatique ou peu importe, c'est le public qui va être gagnant. C'est nous tous qui allons élever progressivement notre niveau de conscience et on va soutenir notre culture.

On n'a qu'à regarder comment les peuples qui ont une longue et vieille tradition derrière eux fonctionnent. C'est pour cela que les solutions doivent venir de tous les côtés, avec un esprit d'ouverture à la création. Les questions de rentabilité et d'intérêt du public nous apparaissent les pièges les plus dangereux, parce que c'est réducteur et c'est peut-être une forme de paternalisme qu'on a intérêt à oublier rapidement, tant envers les artistes qu'envers le public.

Mme Bacon: Vous nous dites que la création dramatique sur les scènes du Québec est une situation de parent pauvre, au fond. Qu'en est-il de la création dramatique dans les autres provinces, si on veut faire une comparaison? Parce qu'il faut que nous ayons une meilleure conscience et éveiller la conscience des gens, conscientiser les gens. Mais est-ce que dans les autres provinces, cela va mieux qu'ici?

Mme Dumas: Ils ont la chance d'avoir un pays à couvrir, ce qui fait que Sharon Pollock peut avoir une production de sa nouvelle pièce à Vancouver, deux semaines ou trois semaines après, cela ouvre à

Edmonton, ensuite, au Nouveau-Brunswick, six mois pius tard, on la fait. Juste comme cela, je pense qu'elle a un peu plus de chances, à pièces égales, de gagner sa vie.

Comment la situation de la création s'exerce-t-elle quotidiennement, en termes de moyens à la disposition des artistes et tout cela? Je ne peux pas dire qu'on connaisse réellement bien ce terrain, mais sur le plan de la diffusion elle a certainement plus de chances de gagner un peu plus sa vie par des revenus de droit d'auteur, par exemple.

Mme Bacon: Ils sont plus conscients du répertoire.

Mme Dumas: Je pense qu'ils font face à des problèmes différents, parce qu'ils ont l'immense bassin de la dramaturgie anglo-saxone de l'autre côté de la frontière, en Angleterre et tout cela.

M. Garneau: Les dramaturges canadiens-anglais sont pris un peu, à un certain niveau, avec le même problème que les dramaturges canadiens-français. C'est qu'une pièce anglaise semble aux gens de culture généralement plus une vraie pièce qu'une pièce canadienne. Je sais que des auteurs intéressants et passionnants même - je pense à James Reany - ont eu, au départ, énormément de difficultés à intéresser des gens à leur théâtre, pas le public. Je veux dire des producteurs, des salles de théâtre et tout cela, qui trouvaient que c'était risqué.

La notion de contenu canadien dont les Canadiens parlent tout le temps - ils ne peuvent rien faire sans avoir cette fatale obligation qu'il y ait du canadien dans leur affaire - c'est le même genre, finalement, d'aliénation que celle avec laquelle on est aux prises ici parfois. C'est profondément anormal que les sections de certaines librairies... Du côté anglais, cela s'appelle "Canadiana"; quand tu vas acheter un Margaret Atwood, tu t'en vas dans la section "Canadiana" et quand tu vas acheter Jacques Ferron, tu vas dans la section d'une librairie qui est délicieusement marquée "Littérature québécoise", qui est mise à part. Dans certaines librairies, c'est très frappant, d'ailleurs, parce que c'est grand comme cela, à peu près. On se sent bien comme cela! (12 h 45)

Je pense que, oui, il y a des choses qui sont semblables. Par contre, comme dit Hélène, il y a cette différence fondamentale de la grandeur, de la largeur du public canadien. Mais je suis certain que le jeune dramaturge d'Alberta ou de Saskatchewan n'est pas tout de suite sorti du bois.

Le Président (M. Trudel): Mme Dumas et M. Garneau, je dois absolument partir, je m'en excuse. Je dois être à Montréal à 15 heures, ce qui me paraît hautement

improbable compte tenu de la surveillance des routes, d'une part, et de la température, d'autre part. Mais je vais quand même essayer d'y être aussi près que possible de 15 heures. Je m'en excuse et je vais céder la présidence, si vous me le permettez M. le député de Saint-Jean et Mme la ministre, à mon collègue de Sherbrooke. Je vous remercie de vous être déplacés aujourd'hui. Je lirai avec grand plaisir le reste de votre intervention. J'aurais bien eu quelques questions à voua poser, mais je me reprendrai bien une autre fois. Merci beaucoup.

Mme Bacon: Une dernière question, si vous permettez. Vous nous dites que les politiciens ne devraient pas se laisser piéger par le syndrome de la rentabilité et celui de l'intérêt du public. À votre avis, quelle serait l'unité de mesure ou peut-être le facteur principal à considérer pour déterminer une juste enveloppe à l'égard de la création dramatique. On arrive à cela, à un moment donné, en fin de compte, il faut aussi cela; il faut quantifier.

Mme Dumas: Que voulez-vous dire par "une juste enveloppe"?

Mme Bacon: II y a des sommes qu'on doit mettre à la disposition, que ce soit pour les salles, pour les troupes de théâtre ou pour la création. C'est pour cela que je dis "à l'endroit de la création dramatique." C'est la base même - vous nous l'avez dit, je pense, tantôt, si ma mémoire est fidèle et est-ce là qu'on devrait faire porter l'aide gouvernementale?

Mme Dumas: Dans une situation normale, il y aurait des projets artistiques solides, stimulants, articulés et d'autres moins stimulants, moins articulés et on devrait pouvoir les juger comme cela. Le problème, c'est qu'on a du rattrapage à faire parce que, idéalement, on ne devrait pas catégoriser une création québécoise comme valant X points, additionner les points et associer celui-ci à celui-là. Je ne sais pas vraiment bien comment cela fonctionne, la distribution d'enveloppes, mais je vois... Il me semble que les critères ne devraient pas être aussi facilement compartimentés. Sauf que le problème en ce moment, c'est que la compagnie formée de dix créateurs qui, chaque fois, doit trouver un lieu pour s'héberger, vous arrive avec un budget qui dit quoi? On va répéter cinq semaines comme toutes les compagnies. On va louer la salle tant, on va donner 10 % des recettes à la porte à l'auteur, on va fonctionner avec les mêmes critères et, en fin de compte, cela lui fait une petite subvention de 35 000 $, et petit train va loin... Non, le petit train va s'arrêter dans quelques années, essoufflé.

En ce moment, on est obligé de fonctionner par comparaison. Il y a des théâtres qui fonctionnent normalement, qui ont des sous, qui ont un lieu et du personnel. Il y a des critères de qualité, au ministère, je suppose, de direction, on regarde le cheminement, on regarde comment cela se passe avec le public et non pas seulement combien il y a de personnes assises dans la salle mais quel est l'impact de ce théâtre sur la vie culturelle. Cette démarche artistique en inspire-t-elle d'autres? Cela draine-t-il une énergie créatrice? II me semble que cela se voit à l'oeil nu au fil des saisons.

Qu'est-ce qui attire des créateurs? Un projet artistique articulé attire des créateurs. Si vous avez 1000 $ à donner à quelqu'un pour qu'il travaille à une mise en scène, vous ne pouvez pas lui demander de travailler six mois, ce n'est pas possible. Ou bien il fait cela, il fait une réalisation à Radio-Canada et qu'il donne un cours ici et un cours là. Tout s'ensuit. Mais, en ce moment, les compagnies se disent: Est-on mieux d'arrêter tout de suite ou bien de continuer à faire des shows en se croisant les doigts pour que ce soit un miracle, qu'on ait créé malgré tout quelque chose de fort, qu'il y ait eu une rencontre avec une vision, avec des formes et un public, qu'il se soit passé quelque chose même si on a eu 18 000 $ pour monter le show. On le fait quand même et on ne peut pas les blâmer de le faire quand même. Sauf qu'on peut regarder ce que cela a donné depuis dix ans. C'est pour cela que je suis mal à l'aise pour répondre à ce genre de questions, j'ai peur qu'il y ait un trou...

Mme Bacon: Vous le faites bien.

Mme Dumas: ...un nid-de-poule dans la route et je ne voudrais pas...

Mme Bacon: Cela va bien.

Mme Dumas: Je ne sais comment faire, mais il faut au moins le dire. Je pense qu'un gouvernement peut dire qu'il veut que la santé de ses citoyens soit meilleure. Un gouvernement peut aussi dire que le peuple pour lequel il travaille, au service duquel il est, doit pouvoir avoir accès à ses propres images, à son propre imaginaire. Cela veut dire des images en deux ou trois dimensions, des sons, une musique, un théâtre, des livres, une littérature, cela veut dire cela. Après, sî vous l'avez dit et que vous le pensez vraiment, on va s'asseoir, on va trouver des solutions ensemble et on va brasser des cages où il y a des gens qui se sont enfermés trop vite. Il me semble que ce pourrait être comme cela.

Le Président (M. Hamel): Cela va! Merci, Mme la ministre. Je reconnais maintenant le député de Saint-Jacques en lui rappelant qu'il nous reste 9 minutes et 30 secondes.

M. Boulerice: C'est très peu pour un sujet d'une densité aussi grande que celle que vous apportez, Mme Dumas, M. Garneau. Si vous aviez été ici hier, je pense que les gens de l'industrie du disque nous apportaient sensiblement les mêmes considérations que les vôtres. Ils nous laissaient peut-être avec le même malaise qu'on ressent actuellement où se glissent à la fois, peut-être un peu de pessimisme, peut-être un peu d'angoisse, sûrement de l'anxiété parce que la question qui se pose, c'est: Est-ce que c'est critique, mais non désespéré ou est-ce que c'est désespéré? On a atteint un point critique où on risque peut-être de ne pas s'en sortir?

Ceci dit, sur le fond du mémoire, j'aurais une question très précise à vous poser qui m'est venue à sa lecture. Vous demandez la clarification des critères de professionnalisme, et l'établissement d'une liste de ces critères. Je vous demande quels devraient être, d'après vous, les principaux critères de professionnalisme si on considère que toute oeuvre de création en est une de recherche et d'essai de nouvelles formes? Cela m'apparaît difficile de clarifier cela.

Mme Dumas: J'avoue que vous nous interrogez sur une question qui est presque mineure dans notre mémoire. On a voulu appuyer la proposition d'un regroupement d'associations de créateurs qui souhaitent que le statut fiscal des artistes soit amélioré. On a adopté une position de principe pour cette recommandation de la conférence des associations de créateurs et de créatrices. C'est l'esprit de cette proposition qui nous a semblé juste et légitime. La clarification des critères de professionnalisme, l'établissement d'une liste de critères, c'est une démarche qu'il faudrait mettre en train.

En ce moment, je pense qu'il y a des critères qui sont très flous: parfois, c'est payant et, d'autres fois, ce n'est pas payant. Si on met des critères, je pense que cela peut juste permettre aux artistes de savoir s'ils sont, sur le côté de la clôture, payants ou pas payants. C'est une remarque tout à fait personnelle que je fais là. S'il y avait une question de posée aux auteurs dramatiques sur quels seraient les critères d'établissement de la notion de professionnalisme pour la question fiscale, il faudrait s'arrêter, y penser un peu. Pour le moment, je ne saurais quoi vous dire.

M. Boulerice: Vous avez beaucoup parlé de l'apport du ministère des Affaires culturelles, je pense que c'est normal et légitime puisque, d'ailleurs, c'est une commission de la culture en présence du ministère des Affaires culturelles. Il y a par contre des interventions au niveau de l'entreprise privée, vous y avez fait un peu allusion tantôt en parlant de recherche de commanditaires, etc. J'aimerais que vous développiez un peu, que vous nous précisiez les difficultés qui sont éprouvées, peut-être le niveau d'incompréhension - je ne porte pa3 de jugement, je pose la question - peut-être une certaine incompréhension ou un désintéressement face à l'aide à l'industrie culturelle. Comment le vivez-vous, en tout cas?

M. Garneau: Là, il y a quelque chose. Moi, j'ai travaillé plusieurs fois, il n'y a pas tellement longtemps, avec des groupes très jeunes où les gens, justement, font cela. S'ils vont en tournée par exemple, ils font tout et, en cours de production, ils vont chercher de l'argent dans l'industrie privée. Ils vont vendre de la publicité eux-mêmes, et tout cela. Il s'agit généralement des acteurs qui font cela, les jeunes acteurs qui veulent que le spectacle soit, pour la bonne raison que, s'il n'y a pas de spectacle, ils n'ont pas de travail, s'il n'y a pas de spectacle qu'ils suscitent eux-mêmes, ils se retrouvent à faire, oui, 36 métiers, 36 misères dont ce métier-là d'aller contacter de grosses compagnies, quelquefois de moyennes compagnies, de petites compagnies pour demander de l'aide, pour quêter de l'aide, pour aller chercher 200 $ ici, 300 "$ là, etc. Moi, je leur dis toujours: Faites-le, ce n'est pas mauvais pour la santé, cela se passe dans la réalité, dans le réel. Allons-y, faisons-le!

En même temps, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il y a là quelque chose de profondément anormal. Des gens, par exemple, sortent des écoles de théâtre, l'année d'après c'est une grande partie de leurs activités que d'essayer de se monter un spectacle. II y a des problèmes au niveau de la création qui font... D'autre part en théâtre, on sort beaucoup d'interprètes des écoles et là aussi - mais on entrerait dans un autre domaine - il y a des choses assez curieuses qui se passent. En tout cas! Cette chose-là existe. Elle existe aussi à d'autres niveaux selon la grosseur du théâtre, il y a des alliances que vous connaissez bien entre certains théâtres, compagnies et autres. Je trouve cela correct si c'est dynamique. Dans le cas des grosses compagnies c'est, je suppose, plus que correct. Dans le cas de petites troupes où les acteurs et les actrices sont obligés de sacrifier... J'ai fait cela avec eux. On sacrifiait du temps de répétition à la recherche d'argent. Là, il y a quelque chose de profondément anormal, disons.

On parle de deux choses. Je crois que dans le domaine public, les grosses compagnies et tout cela, si elles le peuvent

et elles le peuvent souvent, jouent un rôle extrêmement important en fournissant de l'argent. C'est très bien au niveau des institutions et tout cela, mais au niveau du jeune théâtre, j'ai tendance à trouver que c'est un peu effroyable que les gens soient obligés de faire cela. C'est un peu triste.

M. Boulerice: Une dernière question, si vous me le permettez. Enfin, auteur dramatique, c'est pour le théâtre et le théâtre, cela peut s'exercer sur différentes scènes - vous allez voir où je veux en venir - visibles ou non. Notre radio est de plus en plus musicale, elle est tellement musicale d'ailleurs qu'elle se qualifie elle-même de "nonstop". Le drame, c'est qu'elle est, également, musicalement beaucoup moins française. -Il y avait - je ne sais pas si c'est parce que je l'écoute moins, je ne sais pas, j'ai le sentiment qu'il y en a moins actuellement - sur un réseau bien particulier, en tout cas, qui est intéressant, une forme de théâtre radiophonique qui apparaissait un médium intéressant pour le théâtre et qui, je crois, existe très peu maintenant. Nommons-les puisqu'il faut les nommer. Le réseau...

M. Garneau: II y a une heure dramatique par semaine à Radio-Canada, au réseau français, c'est tout.

M. Boulerice: C'est tout. Un intervenant qui vous a précédé - c'était un rêve, je lui disais qu'en une nuit mille rêves se font et peuvent se réaliser - parlait d'une radio de Radio-Québec. Présentant une chose comme celle-là, est-ce que ce serait une avenue intéressante pour résoudre non pas l'entité des problèmes des auteurs dramatiques, mais une certaine partie des problèmes des auteurs dramatiques?

M. Garneau: C'est sûrement une avenue. Je suis toujours dans mes Cantons de l'Est, l'été, et j'écoute NPR, National Public Radio, qui est le réseau de radio publique américaine où il y a du théâtre radiophonique. J'écoute cela et cela me permet de redevenir petit et d'écouter, de la même façon que j'écoutais le radiothéâtre Ford quand j'étais petit, du théâtre radiophonique écrit pour la radio. C'est un médium absolument magnifique. C'est évident que c'est un médium actuellement qui est mort. Il existe de ces demi-heures dramatiques dont je parle, qui sont des demi-heures qui frisent souvent le monologue où, disons, on ne se force pas beaucoup sur la production. Il y a cet exemple de nos braves voisins où il se fait de la radio dramatique extrêmement intéressant, des pièces de deux heures à la radio, des commandes radiophoniques, des classiques, etc. C'est évident que, si cela existait, les écrivains de théâtre pourraient écrire pour ce médium.

M. Boulerice: Un auteur me l'a dit: Au-delà de cette limite, mon ticket n'est plus valide.

Le Président (M. Hamel): Mme Dumas et M. Garneau, je vous remercie. Le temps qui nous était alloué est déjà épuisé. Je vous remercie sincèrement de votre participation aux travaux de la commission. Comme le disait mon prédécesseur, je vous souhaite bon voyage. J'ajourne sine die. Merci, au revoir.

(Fin de la séance à 13 h 3)

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