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(Dix heures quatre minutes)
Le Président (M. Bissonnet): La commission permanente de
la culture se réunit ce matin pour procéder à
l'interpellation, par le député de Mercier de la ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration sur le sujet suivant: les
politiques libérales en matière d'immigration. Est-ce que, Mme la
secrétaire, vous voulez annoncer les changements, s'il y a lieu?
La Secrétaire: Mme Pelchat (Vachon) est remplacée
par M. Cannon (La Peltrie).
Le Président (M. Bissonnet): Mme Pelchat (Vachon) est
remplacée par M. Cannon, député de La Peltrie.
On vous a transmis l'ordre d'intervention des députés lors
d'une interpellation et c'est cet ordre que nous allons suivre de façon
très stricte à la suite de l'entente entre les leaders.
La parole est aux députés de l'Opposition. Je reconnais,
Mme la députée de Maisonneuve pour une période de dix
minutes.
Exposé du sujet Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Vous remarquerez: j'ai
d'une certaine façon le déplaisir de ne pas avoir à mes
côtés mon collègue de Mercier et critique de l'Opposition
en matière d'immigration, M. Gérald Godin. Je voudrais d'abord le
saluer; j'espère qu'il a l'occasion de nous écouter sur sa
télé câblée et je veux qu'il sache que c'est un
grand honneur qu'il m'a fait de me demander de le remplacer ce matin. Je lui
souhaite un bon repos malgré que ce soit un repos forcé. Je n'ai
qu'un seul regret, celui de ne pas être moi-même à ses
côtés pour cette interpellation devant l'Assemblée.
M. le Président, la société
québécoise a connu en matière d'ouverture sur le monde, en
matière de rapprochement des communautés ethniques avec la
majorité francophone du Québec des progrès remarquables et
spectaculaires. Évidemment, il ne faut jamais oublier que cette
majorité francophone du Québec reste et demeure une
minorité en voie de minorisation au Canada et en Amérique du
Nord. Les initiatives prises par le gouvernement précédent ont
été nombreuses et nous savons, pour qui connaît la machine
gouvernementale, que le gouvernement actuel a reconduit la majorité de
ces initiatives qui avaient été mises en oeuvre
précédemment.
Je voudrais rendre rapidement hommage à Jacques Couture et
à Gérald Godin pour l'ensemble de ce qu'ils ont entrepris. Je
pense à l'introduction du programme PELO, programme d'enseignement des
langues d'origine, qui, depuis 1978, permet au ministère de
l'Éducation d'enseigner maintenant dix langues: portugais, grec,
italien, hébreu, arabe, espagnol, laotien, cambodgien, vietnamien, et
même le chinois mandarin dans les écoles du Québec de la
Ire à la 6e année. Je pense également, au programme de
langues ethniques administré par le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration, qui vise à accorder
un soutien financier aux organismes des communautés culturelles qui
administrent eux-mêmes des cours de langue et de culture d'origine. Ce
sont là des programmes mis en place depuis 1978; de même que le
plan d'action à l'égard des communautés culturelles, plan
d'action qui s'intitulait "Autant de façons d'être
Québécois" lequel date de mars 1981 et a vu l'implantation d'un
comité du plan d'action pour voir à sa réalisation; de
même que la création de tous ces comités
interministériels qui concernaient l'égalité en emploi, en
1984; tous ces programmes d'aide aux médias des communautés
culturelles en 1978; ces programmes d'aide aux centres communautaires des
communautés culturelles; la mise en place du comité sur
l'école québécoise et les communautés culturelles
par le ministère de l'Éducation; tous ces programmes qui,
notamment ont résulté en la création du Conseil des
communautés culturelles et de l'immigration en 1984; également
cette modification substantielle qui a vu l'ajout d'une direction des
communautés culturelles au ministère de l'Éducation.
Évidemment, c'est un survol trop rapide, mais ces initiatives
nombreuses qui ont visé à l'intégration et à la
reconnaissance de la contribution des communautés culturelles au
patrimoine québécois, se sont ajoutées à une
politique extrêmement - disons-le, elle est reconnue par les autres,
alors c'est plus facile d'en parler nous-mêmes - généreuse
à l'égard des
personnes en détresse. Je fais référence à
la politique d'aide aux réfugiés. Il faut savoir que cette
politique a distingué le Québec non seulement des autres
provinces canadiennes, mais également, je pense, de l'ensemble des
efforts faits dans la communauté internationale. Il faut savoir que le
Canada a obtenu le premier prix annuel du Haut-Commissariat aux
réfugiés des Nations Unies pour l'effort consenti à
l'égard des réfugiés. De plus, il faut reconnaître
que le Québec reçoit plus de la moitié des
réfugiés qui sont en territoire canadien. En quelque sorte, ce
prix au Canada, c'est une reconnaissance de la contribution du
Québec.
Il faut se rappeler les propos que tenait Mme Flora MacDonald, qui
venait à Québec en juin dernier à la quatrième
conférence sur le droit constitutionnel et qui disait: Si l'on tient
compte de la taille de la population et du produit national brut, aucun autre
pays n'a égalé le Canada au cours des dernières
années au chapitre de l'aide aux réfugiés. Quand on
constate que le Québec reçoit plus de la moitié de ces
refugiés, compte tenu de la taille de sa population dans l'ensemble
canadien et compte tenu de son taux de chômage, c'est un effort à
nul autre pareil que les Québécoises et les
Québécois ont consenti en matière d'accueil aux
réfugiés.
Il en a été de même pour les programmes d'aide
humanitaire. Il faut se rappeler que, depuis cinq ans, le Québec a
accueilli, grâce à des programmes mis en place par Jacques Couture
et Gérald Godin et reconduits par la ministre, 4000 Indochinois, 3000
Européens de l'Est en particulier des Polonais, 3500 Libanais que l'on
sait avoir connu cette traqédie et 1200 Latino-Américains en
particulier des Salvadoriens et des Guatémaltiques, et
évidemment, en 1980, ce programme de régulation du statut pour
les Haïtiens qui vivaient clandestinement et qui craignaient le
régime de Duvalier en retournant dans leur pays. C'est donc là,
il faut bien le constater, un tableau qui nous permet de bien démontrer
l'accueil et la générosité manifestés à
l'égard des nouveaux arrivants dans les années
précédentes.
M. le Président, je voudrais, à ce chapitre, insister sur
le fait que nous n'avons peut-être pas à nous congratuler comme
société, mais nous n'avons certainement pas à nous
critiquer de cet accueil et de cette générosité. On peut,
d'ailleurs, s'en féliciter et on peut également reconnaître
que le gouvernement précédent était d'autant plus
méritoire qu'il n'attendait pas de résultats électoraux,
même légitimes, à l'égard des actions qu'il
entreprenait. Tout cela était certainement, dans le fond, un effort
consenti pour renforcer nos liens et pour, justement, rendre éloquente
cette ouverture sur le monde.
Nos états de service, M. le Président, il n'y a pas que
nous qui les reconnaissons. Je pense qu'on trouve un porte-parole
éclairé en la personne de l'actuel ministre de la Justice, M.
Marx; l'an dernier, dans cette Chambre, à l'occasion du dixième
anniversaire de la Charte québécoise des droits et
libertés de la personne, il faisait mention que le Québec
n'était pas, à bien des égards, une province comme les
autres. Le discours de M. Marx - j'invite la ministre à le revoir si
tant est qu'elle l'ait manqué puisqu'elle ne siégeait pas en
Chambre à ce moment-là -indiquait que le Québec
n'était pas comme les autres provinces, justement du fait que, depuis au
moins un siècle, disait-il, le Québec, contrairement à
toutes les autres provinces du Canada, n'avait adopté aucune loi
à caractère discriminatoire. L'actuel ministre de la Justice
notait également à l'occasion du dixième anniversaire de
l'adoption de la charte qu'elle était la plus progressiste. "La
législation, disait-il, la plus progressive de toute la
législation provinciale au Canada." C'est là une sorte d'hommage
que rendait le ministre de la Justice à l'égard du gouvernement
qui était en poste à ce moment-là et qui nous permet de
reconnaître, quel que soit le gouvernement en place, que la
société québécoise, que les Québécois
et les Québécoises sont à bien des égards assez
exemplaires dans les rapports qu'ils entretiennent avec les nouveaux
arrivants.
Je voudrais immédiatement saisir l'occasion qui m'est
donnée pour manifester la crainte que nous avons eue ce matin en lisant
les journaux, particulièrement La Presse, d'assister à ce qui
pourrait devenir la fabrication d'un scénario de crise raciale ou
ethnique appréhendée.
Il nous a semblé que l'on peut reconnaître qu'il y a, sans
doute comme dans toutes les autres sociétés - on n'est ni pires
ni meilleurs - des comportements répréhensibles chez certains
individus, mais il faut voir que l'on est très loin, au Québec,
d'une crise de société qui justifierait la mise en scène
que l'on semble être en train de préparer, la fabrication d'une
sorte de scénario de crise raciale ou ethnique pour faire oublier que
l'inquiétude, et que la crise réelle est démographique,
linguistique et sociale. Nous allons certainement avoir l'occasion d'interroger
la ministre ce matin, notamment sur ce qui apparaît actuellement.
J'espère qu'elle aura l'occasion de bien nous expliquer où le
gouvernement veut en venir avec cette opération qui, à
première vue, nous apparaît être une opération de
culpabilisation et où on voudrait faire augmenter la mauvaise conscience
des Québécois qui pourtant n'ont rien, à bien des
égards, à se reprocher comme société. (10 h 15)
Le Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve. Mme la
ministre de l'Immigration.
Réponse de la ministre Mme Louise Robic
Mme Robic: Merci, M. le Président. Je me joins à la
députée de Maisonneuve pour offrir mes meilleurs voeux de prompt
rétablissement au député de Mercier.
Votre bilan, Mme la députée, est assez juste. C'est
certainement un bilan positif pour le Québec et je l'endosse pleinement.
Ce pays qui a vu le jour le long du fleuve Saint-Laurent ici même,
à Québec, s'est développé grâce aux
immigrants venus d'un peu partout. Notre générosité est
légendaire et je puis vous assurer que mon gouvernement a bien
l'intention de suivre les traces de tous les autres gouvernements qui se sont
succédé au Québec depuis plusieurs décennies.
D'ailleurs, vous remarquerez qu'au cours de cette année nous
avons fait une large consultation pour établir les niveaux d'immigration
pour 1987. Nous avons consulté au-delà de 60 organismes, dont 40
nous ont soumis des recommandations que nous avons transmises au Conseil des
ministres. Tous ces organismes socioculturels nous ont recommandé
d'augmenter nos niveaux d'immigration pour l'année prochaine. Ils nous
ont même suggéré, tel que nous l'avons fait
nous-mêmes au Conseil des ministres, d'aller progressivement en
augmentant chaque année le nombre d'immigrants qui pourraient venir
s'établir au Québec.
Les catégories d'immigrants n'ont pas changé. Nous croyons
que le Québec, étant un pays privilégié a une
responsabilité envers les plus démunis de ce monde. Nous
continuerons donc de recevoir des cas humanitaires. Nous continuerons donc de
recevoir des réfugiés. Je voudrais ici, Mme la
députée, vous dire que nous recevons au Québec 25 % des
réfugiés qui arrivent au Canada, mais au-delà de 50 % des
demandeurs d'asile. Également, notre programme de réunification
des familles continuera cette année encore et l'année prochaine
à être une de nos priorités. Nous croyons qu'il est
très important de nous assurer que les membres d'une famille puissent
être réunis.
Nous avons également le volet de l'immigration
indépendante. À ce niveau, nous avons plusieurs
sous-catégories: les professionnels, les parents aidés, les
investisseurs et les entrepreneurs. En 1987, ce sera entre 20 000 et 22 000
nouveaux immigrants que nous recevrons.
Je voudrais dire ici que la priorité de mon ministère sera
de s'assurer que ces immigrants puissent s'intégrer à la
communauté québécoise francophone et ce, le plus tôt
possible.
Cette augmentation représente 17 % pour l'année 1987. Nous
avons suggéré au Conseil des ministres d'augmenter l'immigration
pour tenir compte du poids démographique du Québec dan3
l'ensemble canadien, ce que nous croyons être fort important. C'est pour
cela que graduellement et d'ici cinq ans nous devrions doubler l'immigration au
Québec.
J'ai également une deuxième préoccupation, celle de
la femme immigrante. Cette femme qui a souvent été laissée
pour compte et qui, pour nous, joue un rôle très important dans la
société. Nous allons nous pencher sur des proqrammes qui pourront
l'aider à sortir de son isolement afin qu'elle puisse participer
pleinement à la vie québécoise et toujours en
français.
La députée de Maisonneuve a mentionné aujourd'hui,
entre autres, une déclaration -que j'espère, d'ailleurs qu'elle
recevra l'assentiment de l'Opposition - qui veut renforcer le respect que nous
avons toujours eu, comme Québécois des minorités. Il n'y a
pas là à voir des squelettes dans les garde-robes. C'est une
déclaration claire et justifiée puisque le Canada lui-même
a ce genre de déclaration et que plusieurs provinces ont une telle
déclaration. Pour nous, en cette année internationale de la paix,
nous croyions que c'était un bon moyen de souligner cette année
et de faire réfléchir les gens. C'est sûr, il y a encore
certains préjugés - même s'il y en a très peu au
Québe, et nous en sommes très fiers - qui peuvent encore exister.
Mais nous espérons que, par cette déclaration, on fera
réfléchir les gens et qu'on leur fera reconnaître une fois
de plus que tout citoyen, tout individu, a droit au respect et à la
reconnaissance de ses droits.
Le Président (M. Bissonnet): Vous avez terminé, Mme
la ministre? Cela va?
Mme Robic: Oui.
Le Président (M. Bissonnet): Mme la députée
de Maisonneuve.
Argumentation Mme Louise Harel
Mme Harel: Oui. J'aimerais demander immédiatement à
la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration qu'est-ce
qui justifie... Elle nous a dit que c'était très justifié,
mais elle ne nous a pas donné d'arguments qui allaient justifier la
décision d'un vaste plan de communications. Nous pouvons lire ce matin
dans les médias qu'il s'agirait d'un plan qui contraste avec la
parcimonie observée par le gouvernement Bourassa depuis son
élection, au chapitre de la publicité gouvernementale. Un plan
à nul
autre pareil. Un plan qui serait partagé entre sept
ministères. D'abord, Mme la ministre, je vais vous demander quel est le
montant qui est autorisé pour ce plan de communications. Donc, un plan
inégalé jusqu'à maintenant qui s'expliquerait s'il y avait
une recrudescence d'atteintes aux droits des personnes ou s'il y avait une
sorte de prolifération de comportements répréhensibles.
Mme la ministre, est-ce qu'il y a des problèmes particuliers, nouveaux,
qui ne nous seraient pas connus?
Vous avez mentionné qu'il y a très peu, dites-vous, de
manifestations de préjugés raciaux ou ethniques au Québec.
Évidemment, c'est contraire à ce qu'on peut lire dans le
programme libéral intitulé "À part entière",
automne 1985, qui date d'il y a seulement un an. Il faut dire que
c'était Claude Dauphin à l'époque qui était
porte-parole de votre parti pour les dossiers des communautés
culturelles et de l'immigration. On pouvait y lire au chapitre 5
"Indifférence, préjugés, racisme" ce qui suit: "Notamment,
un gouvernement libéral mettra en oeuvre les mesures suivantes pour
lutter contre ce phénomène en abordant de front les nombreux
préjugés qu'ont bien des Québécois de la
majorité culturelle." J'imagine que vous parlez des
Québécois d'origine canadienne-française, la
majorité culturelle. Est-ce bien ce à quoi vous faites allusion
dans ce texte du Parti libéral? Est-ce à dire que ce sont
là des comportements qui ne sont l'apanage que des membres de la
majorité ici au Québec? C'est ce qu'on prétend dans le
programme du Parti libéral.
Je vous rappellerai - et certainement comme ministre de l'Immigration,
vous le savez également, pour le peu de temps que j'y ai
été - qu'il y a malheureusement des comportements qu'on retrouve
dans toutes les communautés, qu'elles soient de vieille souche ou
qu'elles soient formées d'immigrants de deuxième
génération. Ce sont là des comportements qu'on retrouve
dans les écoles multi-ethniques où des enfants d'immigrants de
deuxième génération ont parfois des comportements que les
familles alimentent à l'égard des enfants de première
génération ou de couleur. Ces faits ont, d'ailleurs,
été constatés par de nombreuses études.
Alors, pourquoi avoir insisté sur les préjugés de
la majorité culturelle uniquement dans le programme du Parti
libéral? Qu'est-ce qui justifie maintenant, selon vous, cette mise en
scène, semble-t-il, cette publicité gouvernementale qui n'a pas
sa pareille? Et pourquoi, dans la version première que La Presse
attribue à la ministre, avoir inscrit que le Québec
reconnaît qu'il est impérieux de corriger les tares et les
injustices tolérées dans le passé, et cela en regard des
déclarations faites par le ministre de la Justice qui affirmait que le
Québec était la seule des provinces où depuis un
siècle il n'y avait eu aucune législation à
caractère discriminatoire? Comment s'expliquer que vous avez pu
présenter un mémoire qui contenait une telle affirmation?
N'est-il pas dangereux d'une certaine façon de jouer au pyromane? Cela
m'est apparu, en lisant cet article, comme le pompier qui se promène la
nuit en arrosant de façon à pouvoir le jour maîtriser
l'incendie. Est-ce qu'il n'est pas un peu dangereux d'alimenter une sorte de
menace appréhendée, hors de proportion avec la
réalité que vous reconnaissez vous-même, pour pouvoir
ensuite prétendre mieux protéger les communautés
culturelles contre la majorité?
Le Président (M. Bissonnet): Mme la ministre.
Mme Louise Robic
Mme Robic: Mme la députée de Maisonneuve, je n'ai
pas dit qu'il n'y avait pas de préjugés qui existaient. J'ai dit
que nous sommes privilégiés. Il y en a peut-être moins au
Québec qu'ailleurs dans le monde. Alors, il faut se féliciter de
cela, mais il ne faut pas prétendre que cela n'existe pas.
Je voudrais d'abord vous mettre en garde contre certaines données
de cet article, dont je ne sais pas d'où elles viennent. C'est
très dangereux. D'abord, je dois vous dire que cette idée d'une
déclaration nous a été proposée par la Commission
des droits de !a personne. Nous avons travaillé sur une
déclaration, et je voudrais vous mettre en qarde car ce n'est pas moi,
ce n'est pas mon ministère qui a préparé la
première déclaration dont on voit certains énoncés
dans cet article, mais bien le Conseil des communautés culturelles et de
l'immigration, qu'on avait consulté. Nous avons également
consulté d'autres qroupes. Et c'est à la suite de ces
consultations que nous avons préparé la déclaration qui
vous sera présentée le 10 décembre prochain.
Quant au montant fabuleux qu'on nous annonce, je dois vous dire que,
comme publicité, c'est un montant de 15 000 $ qui sera
dépensé. On ne parle pas d'un énorme montant. Il ne faut
tout de même pas exagérer. Le montant total qui sera
dépensé pour des interventions à la suite de cette
déclaration, c'est 65 000 $. C'est justement pour pouvoir s'assurer que
les enfants dans les écoles puissent avoir une copie de cette
déclaration et qu'on puisse en parler. On sait fort bien que les enfants
ne viennent pas au monde avec des préjugés. Si nous travaillons
avec notre jeunesse, nous pouvons être sûrs que les
préjugés tomberont et j'espère que ces jeunes enfants
pourront influencer leurs parents si eux ont des préjugés.
Le Président (M. Bissonnet): Mme la députée de
Matane.
Mme Claire-Hélène Hovington
Mme Hovington: M. le Président, j'aimerais dire à
la députée de Maisonneuve que les femmes qui ont immigré
au Québec comme celles qui appartiennent aux différentes
communautés culturelles font l'objet d'une attention particulière
de la part du gouvernement libéral du Québec. Également,
le dossier des femmes immigrées est une des priorités de la
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration. (10 h 30)
Les femmes immigrées, d'abord, définies comme étant
nées à l'étranger, mais vivant au Québec,
présentent un certain nombre de problèmes en rapport avec leur
intégration à la société d'accueil. Ces femmes trop
souvent discriminées et isolées, parce que femmes d'abord et
immigrées ensuite, étaient en 1981 environ 260 000 soit 8 % de la
population féminine du Québec. La très grande
majorité d'entre elles est localisée à Montréal et
dans ses environs. Elles se regroupent au sein d'environ 35 organismes et
plusieurs d'entre eux reçoivent un support technique et financier du
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. En
1985-1986, ces subventions du ministère s'élevaient à 142
440 $. Pour les sept premiers mois de l'exercice financier en cours le MCCI a
versé des subventions de 154 400 $. Donc, c'est une augmentation de 8 %
cette année par rapport à l'année passée. Les
besoins des femmes immigrées se résument, par ordre de
priorités, comme suit: l'apprentissage du français, l'information
sur les lois et les programmes sociaux, les conditions de travail,
l'accès au marché de l'emploi, la formation de base et la
formation professionnelle, l'accès aux services de santé et aux
services sociaux communautaires et particulièrement aux garderies. Il y
aurait également lieu d'ajouter la question de la représentation
des femmes immigrées dans les structures administratives
québécoises.
L'intégration des femmes immigrées à la
société d'accueil et leur meilleure connaissance des lois et des
programmes sociaux, tout comme l'accès à l'égalité
dans le monde du travail passent d'abord et avant tout par l'apprentissage du
français. Le MCCI offre dans les centres d'orientation et de formation
pour immigrants appelés COR deux types de cours gratuits soit ceux
à temps partiel et ceux à temps plein. Dans les deux cas, les
personnes ayant accès à ces cours doivent en règle
générale être résidentes permanentes et ne pas avoir
obtenu leur citoyenneté canadienne. Il faut noter que 50 % de la
clientèle dans les COFI sont des femmes immigrées.
Également, selon les critères d'admissibilité
établis par le gouvernement fédéral, il faut souligner que
plusieurs des femmes immigrées ne sont pas admissibles aux cours offerts
à temps plein dans le COFI ou, alors, lorsqu'elles le sont, elles ne
reçoivent pas toujours les allocations monétaires qui les
inciteraient à poursuivre jusqu'au bout leur projet. Un exemple: les
femmes parrainées.
Pour répondre à ce besoin précis, la ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration a mis sur pied, en
août 1986, un projet pilote de cours de français à temps
partiel, avec la participation du Centre d'information et de
référence pour femmes. Une somme de 30 000 $ a été
obtenue pour offrir des allocations de services de garde à ces femmes
ayant des enfants d'âqe préscolaire et qui voulaient suivre les
cours à temps partiel. Ce projet a été un très
grand succès.
Tout le mouvement à l'éqard du dossier des femmes
immigrées est résolument engagé. Afin de continuer
à faire évoluer ce dossier, le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration devra compter sur
l'intérêt et la collaboration soutenue des différents
groupes de femmes et des nombreux partenaires gouvernementaux et
économiques afin d'intégrer justement le plus harmonieusement
possible les femmes immigrées à la société
d'accueil.
À cette fin, le MCCI a mis sur pied la table externe de
consultations dans le but de concerter, justement, les actions des groupes de
femmes immigrées avec les actions du gouvernement du Québec.
Également, M. le Président, la liqne de pensée du MCCI est
de préparer des dossiers sectoriels: conditions de travail, garderies,
formation, etc., dans le but de conscientiser et de sensibiliser les
ministères et organismes intéressés par la
problématique des femmes immigrées pour qu'ils prennent
éventuellement une partie de cette responsabilité à leur
charge.
Enfin, le MCCI vise à ce que les femmes immigrées et les
groupes qu'elles constituent s'intègrent de plus en plus au Regroupement
québécois des femmes. Le Secrétariat à la condition
féminine intègre maintenant le dossier des femmes
immigrées à l'intérieur des dossiers de la condition
féminine du Québec. Les organismes des femmes immigrées
font partie intégrante de la consultation annuelle de la ministre
déléguée à la Condition féminine.
Le ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration est conscient que l'amélioration de la situation
économique des Québécoises venues d'ailleurs ou
appartenant aux communautés culturelles demeure quand même
tributaire de la situation économique globale de tous les
Québécois et de toutes les Québécoises.
Même à cela, M. le Président, depuis janvier
dernier, Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration
a entrepris une tournée auprès des
organismes regroupant les femmes immigrées afin de mieux
identifier leurs problèmes et d'essayer d'y trouver des solutions. Elle
est vraiment à l'écoute des femmes immigrantes les plus
défavorisées aux plans social et économique. Elle est
à leur écoute et elle vise è ce que celles-ci
s'intègrent de plus en plus au regroupement des femmes du Québec.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée de Matane. Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Nous allons
reconnaître avec la ministre la nécessité des programmes
d'éducation, particulièrement auprès des jeunes
Québécoises et Québécois en matière de
droits et libertés. Je crois que, comme société, nous
avons certainement à renouveler de façon régulière
notre engagement à l'égard de l'égalité des
personnes dans notre société. Ce que nous devons espérer,
c'est qu'au lieu d'être versés à ce qui semble être
une campagne de promotion qui n'a pas nécessairement de fondement, ces
fonds puissent être consacrés à la diffusion de la Charte
des droits et libertés de la personne, à la diffusion des recours
qu'ont les personnes au Québec pour voir la mise en oeuvre de leurs
droits. Qu'on consacre donc à cela ces sommes que la ministre
considère comme modestes: 65 000 $. Je pense qu'il n'y aura pas de plan
médias. Si tant est qu'on veut diffuser de l'information dans les
écoles du Québec, j'imagine que le plan médias dans les
journaux électroniques ou dans les journaux écrits est comme mis
de côté. C'est donc dire qu'on peut espérer que cette
diffusion en soit une de la charte et des recours qu'elle ouvre pour les
Québécoises et les Québécois.
Il faut également reconnaître que présentement ce
projet d'égalité à l'égard des personnes dans notre
société joue aussi à l'égard de l'état
d'infériorisation que connaît la majorité d'origine
québécoise, d'origine canadienne-française. Cet
état d'infériorisation n'est pas partagé uniquement par
les membres des communautés culturelles; la situation du Québec a
ceci de singulier et de spécifique, que des études ont
démontré qu'un niveau de prospérité de loin
supérieur était souvent atteint par l'ensemble des membres des
communautés culturelles, en comparaison avec les Québécois
de vieille souche. C'est donc dire que cette situation amène à un
rattrapage dans les disparités.
Vous savez que présentement il y a toujours plus d'enfants
allophones, donc de membres des communautés culturelles, qui ont
accès à l'enseignement collégial qu'il n'y a d'enfants de
francophones. Ces disparités valent dans bien des domaines. Souvent les
membres des communautés culturelles sont très scolarisés
et l'infériorisation n'est pas liée qu'à l'immigration. Il
faut voir que l'on est dans une société... Par exemple, dans les
secteurs du bas de la ville de Montréal - qui sont entièrement
francophones pour un certain nombre de quartiers - eh bien, le taux de
mortalité, l'espérance de vie est beaucoup moindre que dans bien
des quartiers où on compte une forte concentration de membres des
communautés culturelles. C'est donc à un projet
d'égalité des personnes et à un projet pour faire
disparaître des disparités linguistiques, économiques,
sociales et culturelles qu'il faut appeler l'ensemble des
Québécoises et des Québécois.
Mme la ministre, au début de cette interpellation, vous avez
affirmé vouloir faciliter, favoriser l'intégration à la
majorité francophone. Ma question est de savoir quels sont les moyens
que vous entendez utiliser. Dans le niveau d'immigration 1987, que vous avez
rendu public en octobre dernier, il est dit: "La plus grande partie de
l'augmentation du niveau d'immigration en 1987 se produira dans la
catégorie des immigrants indépendants et visera la
sélection et le recrutement de travailleurs qualifiés et
d'immigrants investisseurs." On sait que cette catégorie est sujette
à une sélection en fonction de facteurs: huit facteurs
déterminent le choix. Parmi les facteurs retenus, il y a cette question
de la connaissance du français. Vous avez certainement pris connaissance
de ces études nombreuses qui se sont accumulées au cours des deux
ou trois dernières années.
Pour avoir été membre de la commission parlementaire de la
culture, je sais qu'un des facteurs de rétention... Il ne faut pas
simplement accueillir l'immigration internationale, il faut aussi pouvoir la
retenir, et on sait que presque un immigrant sur deux nous quitte après
avoir eu l'accueil des premières années. On sait que le facteur
de départ, pour la majorité de ceux qui nous quittent chez les
allophones, est l'usage exclusif de la langue anglaise et que le facteur de
rétention, celui qui fait que l'on reste au Québec, est la
connaissance du français. Cela a été
démontré par la commission French - votre collègue,
ministre des Communications - et par des études récentes du
Conseil de la langue française.
Alors, Mme la ministre, quelles sont les politiques que vous entendez
conduire en matière de sélection d'immigrants indépendants
dont vous voulez augmenter le volume de façon qu'ils puissent avoir
cette connaissance du français? Ce n'est pas le fait de ceux qui nous
arrivent maintenant puisque les deux tiers d'entre eux sont identifiés
à la langue anglaise.
Le Président (M. Bisonnet): Merci, Mme
la députée de Maisonneuve. Je reconnais maintenant Mme la
ministre.
Mme Louise Robic
Mme Robic: M. le Président, je dois vous avouer que je
suis assez surprise des mots de la députée de Maisonneuve au
sujet de cette déclaration. Après sa première remarque
où elle se félicite et félicite les gouvernements de
l'accueil qu'ils ont fait à ces communautés culturelles, elle
devrait être fière de pouvoir endosser une déclaration qui
va renforcer, justement, la Charte des droits et libertés de la
personne, déclaration que la Commission des droits de la personne
croyait être nécessaire et de bon aloi.
Je voudrais vous faire remarquer ici que la réception de ces
immigrants sélectionnés à l'étranger suit une
grille qui a été établie et qui est appliquée
à tous les immigrants sélectionnés à
l'étranger. Vous avez raison, Mme la députée, quand vous
dites qu'il faut aider tous ces nouveaux Québécois à
s'intégrer à la majorité francophone.
Je viens de parler d'un programme pilote qui a été mis en
place pour aider la femme immigrante à suivre des cours de
français. Pour nous, c'est une priorité de franciser cette femme
immigrante, cette femme au foyer. Si nous voulons encourager et faciliter
l'intégration des communautés culturelles à la
majorité francophone, cela passe par la francisation de l'enfant qui va
à l'école française, du conjoint qui travaille en
français, et également de la femme au foyer qui forme
l'unité familiale. Pour ce faire et à la suite de ce projet
pilote qui a été un succès, nous avons l'intention,
l'année prochaine, de donner des montants substantiels pour favoriser
l'apprentissage du français par ces femmes. D'ailleurs, c'est un montant
de 400 000 $ que nous voulons mettre dans ce que j'appelle des programmes de
quartiers, des programmes de français à temps partiel. Ils seront
donnés dans des quartiers pour faciliter la participation des femmes
immigrantes à ces cours et en leur fournissant les moyens de faire
garder leurs enfants d'âge préscolaire.
Nous allons également, à travers nos écoles, tenter
d'aider tous ces jeunes qui se côtoient tous les jours et qui viennent de
plusieurs communautés culturelles et de la majorité afin qu'ils
puissent mieux se connaître, mieux connaître les traditions qui
sont les leurs et qui sont un enrichissement pour toute la
société québécoise. (10 h 45)
Quant à votre dernière remarque, je voudrais vous faire
comprendre que le principal facteur de recrutement est la santé
économique du Québec. En 1985, pour la première fois en 17
ans, nous aurons un solde migratoire positif. Nous devons être fiers de
cela. Nous avons pu, justement grâce à notre ouverture et
grâce à la santé économique du Québec,
conserver de plus en plus de nos immigrants et de nos propres citoyens.
Le Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre.
Je reconnais maintenant le député de La Peltrie.
M. Lawrence Cannon
M. Cannon: Merci, M. le Président. Pour stimuler
l'économie canadienne, le gouvernement fédéral
lançait, en janvier 1986, une nouvelle catégorie d'immiqrants
appelés les investisseurs. L'investisseur immigrant est défini
comme une personne possédant 500 000 $ et disposée à en
placer au moins la moitié dans des projets d'investissement. Le
Québec a bien accueilli les objectifs du programme fédéral
compte tenu que notre gouvernement est fondamentalement convaincu que tous nos
objectifs sociaux contribuent à une excellente santé
économique.
Cependant, le véhicule financier proposé par le
gouvernement fédéral était peu adéquat pour le
Québec. Je suis fier de pouvoir affirmer à cette commission que
la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration a pris
à coeur les intérêts du Québec en se dotant d'un
véhicule financier propre au Québec. Pour ceci, le
ministère a travaillé en étroite collaboration avec le
secteur financier québécois pour mettre en place ce
mécanisme particulier. Encore une fois, avec un gouvernement
libéral, le Québec se place au premier rang avec un tel
programme. Nous avons élaboré notre propre programme avec nos
propres critères de sélection qui nous apparaissent nettement
plus avantageux autant pour les investisseurs que pour l'économie
québécoise.
Le Québec a connu dans le passé un exode important de ses
ressources humaines. La ministre vient d'indiquer il y a quelques instants
qu'en 1985, pour la première fois, nous avions un solde positif. Cet
exode a été le fruit de plusieurs facteurs: les politiques
linguistiques, économiques et sociales de l'ancien gouvernement
complémentées par une remontée de l'économie dans
l'Ouest du pays. Aujourd'hui, tous les pays de l'Occident mettent l'accent sur
des mesures visant à stimuler leur économie. Ceci s'inscrit dans
la pensée et dans la philosophie du gouvernement libéral qui est
passé à l'action. Justement, ce proqramme est un programme
d'action. Il est réalisé conjointement avec le secteur financier
et s'inscrit dans une démarche d'affaires sur un marché
concurrentiel.
Le Québec se place parmi les premiers
sur le plan international en concurrence avec des pays tels l'Australie,
les États-Unis, les autres provinces canadiennes, ainsi que plusieurs
autres pays qui ont développé à leur façon des
structures d'accueil spécifiquement conçues pour cette
catégorie d'immigrants. Ces immigrants investisseurs disposent d'un
savoir-faire précieux pour nos entreprises. Ces gens entretiennent et
entretiendront inévitablement des relations d'affaires dans leur pays
d'origine. Leur venue parmi nous favorisera de nombreux contacts avec
l'étranger et " donnera lieu à des échanges fructueux. Par
là, c'est une avenue supplémentaire qui s'ouvre au milieu des
affaires québécois à une époque où on
commence à vivre une certaine internationalisation des affaires.
Mme la ministre, qui est une femme de terrain, a déjà
commencé à vendre ce programme à l'étranger. Elle a
rencontré les milieux financiers de Hong Kong et de la France. Notre
programme a été très bien reçu et soulève
beaucoup d'intérêt dans le monde. L'immigration de nature
économique, fort importante pour relancer l'économie et
créer des emplois, constitue une des grandes priorités de notre
gouvernement. Une économie plus forte nous permettra d'assumer
pleinement nos responsabilités face à tous les immigrants,
c'est-à-dire leur plein épanouissement sur leur nouvelle terre
d'accueil. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député. Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Louise Hareî
Mme Harel: Merci. Mme la ministre, de même que le
député qui vient de parler ont souligné qu'en 1985, pour
la première fois, le solde migratoire n'a pas accusé de
déficit. Nous pouvons donc espérer qu'il se maintiendra au niveau
obtenu sous le précédent gouvernement. Il demeure que les
problèmes démographiques mis en relief par le faible taux de
natalité - nous aurons l'occasion, je l'espère, de revenir
là-dessus durant l'interpellation - ce taux de natalité que l'on
sait être sous le seuil du renouvellement des
générations... On sait que, pour maintenir les
générations, il faut un taux de 2,1 % et que le Québec
connaît, bon an mal an, un taux de 1,4 %. Même si l'écart
paraît petit, évidemment cela fait un très grand nombre
d'enfants de moins.
Nous aurons l'occasion d'y revenir. Cette dénatalité n'est
pas comblée même avec la hausse du niveau d'immigration tel que
rendu public par la ministre le mois passé. Les spécialistes, les
démographes évaluent à près de 58 000 en 1984 - en
1985, 1986, évidemment, c'est encore un peu plus - le nombre de
ressortissants étrangers qu'il faudrait recevoir - donc le double de ce
qui a été annoncé - pour combler, si vous voulez, ce
manque à gaqner en matière de natalité. Nous y
reviendrons.
J'aimerais, avec la ministre, reprendre la question relative à
l'importance de la connaissance du français dans la sélection des
ressortissants étrangers. Compte tenu de la hausse du niveau
d'immigration, compte tenu du fait que le ministère, la ministre et le
gouvernement ont affirmé que c'était surtout la sélection
d'immigrants indépendants et d'investisseurs qui allait permettre cette
hausse, qu'entend-elle concrètement faire pour accentuer l'importance de
la connaissance du français?
Actuellement, il faut savoir que c'est souvent bien plus la situation
pécuniaire, la situation financière qui discrimine, si vous me
permettez l'expression, qui sélectionne, que la connaissance du
français; et cela même plus encore quand on pense que parmi les
huit critères de sélection des immigrants - critères
établis par le Québec, donc que le Québec peut modifier,
que la ministre peut modifier tout de suite si elle veut favoriser cette
intégration à la majorité francophone -on retrouve
l'instruction, la préparation professionnelle spécifique,
l'adaptabilité, l'emploi, l'expérience professionnelle,
l'âge, les langues, parents ou amis résidant au Québec. Et
il y a des points bonis.
La lanque est un des facteurs qui peuvent s'évaluer objectivement
- on connaît ou on ne connaît pas le français - qui
n'obtient que 15 du nombre de points dans le cas où les candidats
doivent être évalués selon des facteurs. Tandis que
l'adaptabilité -vous savez que l'adaptabilité, c'est bien plus
difficile à cerner - peut donner jusqu'à 22 points à un
candidat. L'adaptabilité, 22 points; la connaissance du français,
15 points. Comment fait-on pour évaluer l'adaptabilité? On dit
ceci: Par des questions orales simples permettant d'évaluer la
flexibilité, la sociabilité, le dynamisme, l'initiative, la
persévérance, la confiance en soi, l'esprit de réalisme,
la maturité. Et tout cela se fait dans une entrevue entre un agent
d'immigration et un candidat.
L'adaptabilité bénéficie de 22 points dans la
sélection, tandis que la connaissance du français ne
bénéficie que de 15 points. Le Conseil de la langue
française, dans un avis remis à la ministre responsable de la
langue, a recommandé fortement d'au moins doubler les points. Qu'entend
faire la ministre de l'Immigration en regard de cette recommandation du
conseil? Celle-ci s'appuyait, rappelons-le, sur une étude très
fouillée d'un démographe, l'étude Paillé, qui
démontrait que près des deux tiers des nouveaux arrivants
allaient rejoindre la communauté anglophone du Québec.
D'autre part, nous savons que le taux d'érosion de l'immigration
internationale au Québec est estimé à 50 %. Ce sont
là des
chiffres que l'on retrouve dans le communiqué gouvernemental
publié par le ministère et signé par Mimi Dupuis,
attachée de presse, j'imagine, de la ministre. On y lit qu'il y a un
taux d'érosion de 50 % de l'immigration internationale au
Québec.
L'étude de la commission de la culture, notamment
présidée par le collègue de la ministre, a
démontré qu'une meilleure connaissance du français chez
les allophones augmentait leurs chances de faire leur vie au Québec et
que la connaissance du français est un des facteurs de rétention
des nouveaux arrivants une fois que nous les avions accueillis. Qu'entend faire
la ministre dans l'immédiat puisqu'elle a à coeur d'augmenter
l'immigration et d'intégrer ces nouveaux arrivants à la
communauté francophone? Qu'entend-elle faire pour accentuer l'importance
de la connaissance du français?
Le Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve. Mme la ministre.
Mme Louise Robic
Mme Robic: D'abord, j'aimerais ici vous dire que c'est juste,
nous avons parlé d'un taux d'érosion de 50 % au cours des cinq
dernières années, sous votre gouvernement, Mme la
députée de Maisonneuve. Ce que je viens de vous annoncer, c'est
qu'avec cette stabilité politique que les gens prévoyaient, nous
avons pu l'an dernier arrêter cette érosion et annoncer des taux
migratoires positifs qui devraient se continuer cette année. Nous en
sommes très fiers.
L'importance de l'immigration pour le Québec est énorme.
Nous avons besoin d'immigrants dans plusieurs domaines. L'immigration
économique par le nouveau programme que nous avons mis sur pied, les
immigrants investisseurs, va permettre à nos PME qui constituent la base
la plus importante du développement économique au Québec,
de se procurer des sommes additionnelles pour pouvoir se développer et,
ce faisant, créer des emplois pour les Québécois.
Vous parlez d'une grille de sélection. Permettez-moi de sourirel
Vous voudriez que j'ajuste une grille de sélection que vous avez
vous-même créée. Donc, vous deviez y croire. Il est
très important - je vous l'avoue et je l'ai prouvé en mettant des
programmes sur pied - pour nous d'intégrer ces immigrants à la
majorité francophone. Cependant, nous manquerions à nos
responsabilités si le seul critère à mettre de l'avant
était la connaissance du français pour ces immigrants. Les autres
points de sélection qui sont tous aussi importants, entre autres,
l'employabilité et l'adaptabilité, aideront ces citoyens à
s'intégrer à la majorité francophone. Quand ils seront
bien adaptés, quand ils travailleront, nous pourrons certainement s'ils
ont une faiblesse concernant la langue, leur donner les cours
nécessaires pour qu'ils apprennent Je français. Je le
répète encore une fois, il est impartant pour nous de faire en
sorte que ces nouveaux Québécois apprennent le français et
ce, le plus rapidement possible après leur arrivée.
Le Président (M. Bissonnet): Merci Mme la ministre. M. le
député de Richelieu.
M. Albert Khelfa
M. Khelfa: Merci. M. le Président, la
société québécoise est majoritairement francophone;
cependant, c'est une société pluraliste et dynamique. Nous ne
pouvons plus la considérer comme monolithique composée de
francophones catholiques et blancs, mais plutôt composée de gens
de tous âges venant d'autres pays et véhiculant d'autres cultures.
(11 heures)
Comme le lui prescrit sa loi constitutive, le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration se préoccupe
notamment de maintenir et de développer les cultures d'origine dans les
différentes communautés culturelles établies au
Québec, de même que de rapprocher les membres de celles-ci de ceux
de la société d'accueil. Le ministère estime que la
fierté des membres des communautés culturelles eu égard
à leur culture d'origine respective demeure un des facteurs importants
favorisant une intégration harmonieuse à la société
d'accueil et une plus grande ouverture permettant le rapprochement des membres
de ces différentes communautés avec ceux de la majorité
francophone du Québec. Ceci est dans le cadre d'échanges
culturels. Ces échanges donnent lieu à d'importants apports au
développement de la culture québécoise.
En regard de sa mission auprès des membres des communautés
culturelles établies au Québec, le ministère a
conçu une politique d'action concertée et administrée par
la Direction des communautés culturelles. Cette politique permet au
ministère de s'associer et d'associer les organismes à titre de
partenaires dans la réalisation d'activités
préparées à l'intention des membres de ces
communautés. Cette politique regroupe une série de programmes par
le biais desquels une aide technique et financière est accordée
aux organismes partenaires pour réaliser des activités
jugées compatibles avec la mission du ministère. Dans le cadre de
cette politique d'action concertée, le ministère entretient
d'étroites relations avec un nombre important d'organismes respectifs de
la plupart des communautés culturelles du Québec. À titre
d'exemple, prenons le cas du
programme d'aide à l'enseignement des langues ethniques où
le ministère collabore avec 70 organismes qui enseignent 35 langues
d'origine à quelque 18 000 jeunes de moins de 18 ans.
En regard du maintien et du développement de la culture
d'origine, le ministère étudie annuellement au-delà de 300
demandes d'aide financière. Toutefois, l'activité de celle-ci
déborde largement de l'administration des programmes d'aide
financière. Le volet animation et liaison-conseil s'étend bien
au-delà de cet aspect d'aide financière et établit en
quelque sorte le cadre de la relation du ministère avec les groupes
représentatifs des différentes communautés culturelles.
Cette relation se concrétise par des rencontres, des séances de
travail et par l'assistance à des événements. Toutes ces
activités permettent d'acquérir une meilleure connaissance des
organismes partenaires et, conséquemment, de mieux connaître les
différentes facettes des communautés culturelles, de bien
comprendre leurs problèmes et de mieux orienter les actions du
ministère, Également, ces objectifs sont traduits par les divers
programmes de subventions qui composent le volet de la communauté
culturelle; entre autres, des programmes de langues ethniques, des programmes
d'aide aux activités des communautés culturelles et des
programmes d'aide au fonctionnement des organismes des communautés
culturelles.
M. le Président, la ministre des Communautés culturelles
et de l'Immigration procède cette année à une
révision des programmes de subventions pour mieux refléter ces
orientations. Le ministère introduira une programmation interculturelle
qui vise le rapprochement entre les communautés culturelles et la
majorité francophone.
En ce qui concerne nos programmes de subventions, l'effort du
ministère se traduira par un soutien financier important à des
organismes multi-ethniques voués au rapprochement interculturel et aussi
à des initiatives prises par certaines communautés pour faire
connaître à l'ensemble de la société leur
héritage culturel propre. Dans la première catégorie, on
peut ranger les subventions accordées dans le cadre des programmes
d'aide au financement des organismes de communautés culturelles à
des organismes multi-ethniques. Dans la deuxième catégorie, on
peut retrouver un bon nombre de subventions accordées aux divers projets
dans le cadre des programmes d'aide aux activités de communautés
culturelles.
Le Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député-
M. Khelfa: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bissonnet): Mme la députée
de Malsonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Faut-il rappeler
à la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration que
la grille de sélection a été établie dans un
contexte de sécurité linguistique que, malheureusement, l'on ne
retrouve pas avec l'actuel gouvernement? On n'a qu'à constater les
multiples manifestations d'inquiétude, fondées et
légitimes, pour comprendre que l'immigration est et peut, à bien
des égards, devenir un facteur d'instabilité linguistique et
aggraver d'une certaine façon cette instabilité linguistique.
Déjà que, malgré l'adoption de la Charte de la langue
française en 1977, les études de 1981 ont démontré
- études qui sont hors de tout doute puisqu'elles ont été
faîtes par "Statistiques démographiques", les publications qui
concernent la situation démographique au Québec - que les
transferts linguistiques, en fait essentiellement le choix que l'on fait d'une
autre langue que sa langue maternelle, ont avantagé pour 8000 personnes
le groupe français et pour 114 000 personnes le groupe anglais. S'il y a
un déficit, c'est è tous égards le groupe français
qui en porte le fardeau. Le transfert linguistique des allophones se fait en
faveur du groupe anglais - il se fait toujours en faveur du groupe anglais -
qui a donc, à la sélection même des immiqrants... Toutes
ces études nous amènent également à constater qu'au
recensement, malgré la générosité des programmes
qui sont mis en place - Mme la ministre a fait référence à
un programme à l'intention des femmes parrainées, je crois, en
particulier, qui peuvent bénéficier de garde en garderie au
moment où elles suivent un cours de français - 160 000 allophones
ont déclaré ne pas être en mesure de converser en
français. Pour ces personnes, il n'y a actuellement aucun accès
à des cours de façon régulière.
Les réfugiés. On dit qu'il y a 11 000
réfugiés actuellement qui sont sur le territoire
québécois en attente de statut. La ministre peut-elle nous
confirmer que ces réfugiés n'ont toujours pas accès
à des cours de langue? Peut-elle faire le point sur les
négociations qui se poursuivent présentement quant aux programmes
de formation en établissements, de manière à favoriser
l'usage et l'apprentissage du français durant toutes ces années
où il y a attente du statut, dans le cas des requérants au statut
de réfugié? Croit-elle que l'enseignement de l'anglais en
1ère année, chez des enfants d'immigration récente... II
faut voir les études réalisées au Conseil scolaire de
l'île de Montréal qui démontraient que Ies enfants
allophones qui fréquentent, pour la majorité
d'entre eux, les écoles du PSBGM - qui offre de3 classes et des
écoles françaises - et qui font l'apprentissage de l'anglais
dès la 1ère année, tout en conversant dans la langue
maternelle en dehors des heures passées à l'école, que ces
enfants ne sont pas trilingues, que ces enfants ne maîtrisent bien aucune
langue et que bien des retards scolaires sont attribuables à l'absence
d'apprentissage réel du français dans la première partie
du primaire. Ces retards s'accumulent pas la suite et expliquent bien des
difficultés que connaissent présentement les enfants
d'immigration récente dans les écoles du Québec.
Mme la ministre peut-elle nous faire le bilan de la négociation
en cours, notamment avec le gouvernement fédéral, en regard de la
juridiction sur la sélection des réfugiés? On sait que,
présentement, près du tiers de l'immigration au Québec ou
tout au moins une large portion de son volume de réfugiés lui
échappe totalement, la sélection étant exclusivement de
juridiction fédérale. Quel est l'état des
négociations sur cette question?
Le Président (M. Bissonnet): Mme la ministre.
Mme Louise Robic
Mme Robic: Mme la députée de Maisonneuve, vous
êtes en train de faire le bilan de votre échec en ce qui concerne
la francisation des nouveaux arrivants. Je voudrais vous rappeler que
malheureusement c'est sous votre gouvernement qu'il y a eu une coupure de
classes d'accueil et que vous avez négligé d'aider les femmes
immigrantes à apprendre le français; chose que nous sommes en
train de rétablir. Nous sommes persuadés que, malgré le
fait d'envoyer les enfants des nouveaux arrivants à l'école
française et que le conjoint travaille en français, quand ils
rentrent à la maison et que l'épouse ne parle pas français
et qu'ils doivent parler dans leur langue d'origine, cela ne favorise pas
l'apprentissage du français. Pour nous, c'est essentiel. Si cette femme
est isolée, si elle ne peut participer à la vie
québécoise et si elle se retrouve seulement dans son groupe
ethnique, vous pouvez être sûr que l'on n'aide pas cette famille
à s'intégrer à la majorité
québécoise. Il faut que l'unité familiale puisse
participer à tous les événements que l'on retrouve au
Québec et, pour ce faire, il faut justement que tous les membres de la
famille parlent le français. C'est pour cette raison que nous mettons
l'accent sur les cours de français pour les femmes à domicile.
Nous voulons favoriser l'assistance à ces cours et les rendre
accessibles et c'est pour cela que nous allons investir des sommes d'argent
pour créer des cours de quartier, parce qu'on sait que cette femme ne
peut s'éloigner de chez elle et nous voulons lui faciliter les choses.
Elle doit être là pour les repas et, lorsque son mari arrive, pour
préparer le repas du soir. Nous allons nous ajuster à ses besoins
pour lui permettre d'assister et de suivre des cours de français.
Pour les transferts linguistiques, il n'y a aucune modification depuis
les dix dernières années et les statistiques que nous avons sont
des statistiques de 1971 à 1981. Nous devrons attendre les nouvelles
statistiques du recensement de 1986. Mais cela prouve qu'il faut mettre en
place le mécanisme nécessaire pour franciser les nouveaux
arrivants, et ce, le plus tôt possible. C'est ce que je tente de faire en
ce moment.
Le Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre. M. le
député d'Arthabaska.
M. Laurier Gardner
M. Gardner: Merci, M. le Président. Depuis quelques mois,
le thème des revendicateurs fait la manchette des journaux. Que la
situation soit rapportée de façon humaniste ou de façon
méfiante, on a souvent tendance à évaluer la situation
dans un ensemble, alors qu'en réalité le cas d'un revendicateur
de statut de réfugié est un cas particulier. Il s'agit d'un
individu qui prétend que, pour sauver sa vie, son
intégrité physique ou morale, il doit fuir son pays en
quête d'une terre d'accueil où il pourra vivre en paix et en toute
sécurité. Le phénomène des revendicateurs du statut
de réfugié n'est pas nouveau. Ce mouvement migratoire est
plutôt la suite logique de politiques oppressives, de guerres civiles et
de situations économiques inégales ressenties dans certains coins
du monde.
Un revendicateur est une personne qui arrive dans un pays et demande sur
place d'être reconnu comme réfugié pour se voir accorder le
droit de résidence. En signant la convention de Genève sur les
réfugiés dans le monde, le Canada s'engageait à recevoir
chez lui, comme résident, toute personne qu'il reconnaissait comme
étant réfugié au sens de cette convention,
c'est-à-dire toute personne dont l'intégrité physique et
morale est menacée. Pour sa part, le Québec, en se dotant de
pouvoirs en matière d'immigration en 1978, reconnaissait et
adhérait au principe de cette convention. Il est important de souligner
à ce point que la détermination du statut de
réfugié est une juridiction exclusive du gouvernement
fédéral. Ainsi, le gouvernement fédéral doit, afin
de respecter ses engagements, examiner la demande de chaque revendicateur, afin
de déterminer s'il s'agit d'un réfugié au sens de la
convention. (11 h 15)
Depuis quelques années, le nombre de
personnes revendiquant le statut de réfugié au Canada a
augmenté considérablement. S'il est vrai qu'un certain nombre de
ces revendicateurs sont d'authentiques réfugiés, il y en a
d'autres qui profitent des lacunes du système canadien en
espérant se voir accorder le droit d'immigrer.
Un des facteurs qui encouragent ces personnes à choisir le
Québec comme terre d'accueil est le resserrement des politiques
d'immigration des pays industrialisés. À ceci s'ajoute le fait
que le système actuel de reconnaissance du statut de
réfugié est déficient. La lenteur administrative du
traitement des dossiers se traduit par un engorgement du système. Un
individu peut attendre trois à cinq ans avant que son statut soit
déterminé.
Aussi, le jugement de la Cour suprême, en 1984, soulevant
l'inconstitutionnalité du processus fédéral a
incité le gouvernement canadien à réviser sa politique de
détermination du statut de réfuqié. Ce faisant, le 21 mai
1986, le gouvernement fédéral annonçait la mise en place
d'un programme spécial pour régulariser le statut des personnes
qui étaient en attente de statut depuis déjà
longtemps.
Je suis fier de souligner, en cette commission, que la ministre des
Communautés culturelles" et de l'Immigration et députée de
Bourassa a obtenu du fédéral, pour le Québec, le droit de
participer à la sélection sur place de ces personnes. Il s'agit
là, M. le Président, d'une première pour le Québec
puisque celui-ci n'avait qu'un droit de sélection à
l'étranger. Le Québec, tout en ne faisant pas partie du processus
de détermination du statut de réfugié, est
néanmoins impliqué dans ce dossier. À la suite d'une
décision du gouvernement fédéral en 1982 de retirer son
appui financier aux revendicateurs, le Québec a fait preuve, encore une
fois, de responsabilité sociale et humaine. Le Québec a pris en
charge l'accueil de ces renvendicateurs.
Devant l'accroissement du nombre de personnes qui revendiquent le statut
de réfugié au Québec, je tiens à souligner que la
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration - et, je le
répète, députée de Bourassa, puisque c'est son plus
beau titre s'est entretenue avec son homologue fédéral, à
plusieurs reprises, pour discuter de cette situation inquiétante. Elle
implore le gouvernement fédéral de s'assurer que le nouveau
processus de détermination du statut de réfugié fasse
preuve d'équité, de justice et d'efficacité. Avec le
dépôt en Chambre de la loi fédérale concernant ce
nouveau processus attendu en 1987, nous souhaitons que le nouveau processus de
détermination du statut de réfugié permette aux
réfugiés de se voir accorder le droit de résidence plus
rapidement puisque les cas devraient être traités en une
période de trois à six mois.
Je crois qu'il serait pertinent de mentionner que Mme la ministre a
obtenu du gouvernement fédéral le remboursement de la
totalité de l'aide sociale accordée aux revendicateurs du statut
de réfugié arrivés ici avant le 21 mai 1986. Aussi, elle a
obtenu 10 000 000 $ pour la francisation des personnes dont le statut a
été régularisé par le programme spécial.
Malgré les politiques individualistes que peuvent adopter les nations,
la solution à la question des revendicateurs réside plutôt
dans l'adoption par les pays du Nord d'une politique commune tout en respectant
l'esprit de la convention de Genève. Merci, M. le Président.
J'espère ne pas avoir trop dépassé.
Le Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député d'Arthabaska. Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: M. le Président, je pense qu'il faut
féliciter les négociateurs du gouvernement. Je ne sais si ce
comité de négociation était présidé par le
sous-ministre en titre. Je sais qu'il avait, dans le passé,
déjà négocié l'entente Cullen-Couture. Ses talents
de négociateur sont bien connus de part et d'autre de cette Chambre. Je
crois comprendre, par les propos que vient de tenir le député
d'Arthabaska, que le gouvernement s'est vu confirmer sa participation à
la sélection; c'est bien le cas.
Jusqu'à présent, le Canada se réservait l'admission
et le Québec, depuis l'entente Cullen-Couture, avait
l'exclusivité de la sélection à l'étranger en
faisant la distinction entre admission et sélection. Devons-nous
comprendre que le Canada est maintenant partie prenante à la
sélection, ici même au Québec, des requérants au
statut de réfugié, ne l'étant pas en fait à
l'étranger? Le Canada, à l'étranger, n'intervient pas, il
intervient seulement pour l'admission et non la sélection. J'aimerais
peut-être qu'on nous clarifie cela parce qu'il y a, je pense, un
malentendu dans les propos. Si le Québec participe à la
sélection, il n'a donc pas l'exclusivité comme c'est le cas pour
les ressortissants étrangers qu'il choisit par ses agents d'immigration
à l'étranger.
Mme la ministre, je pense qu'il nous faut revenir sur cette question de
francisation des nouveaux arrivants. Pourquoi y revenir? Parce que c'est
là le principal défi à relever. Il n'y a pas d'immigration
qui sera bien reçue et acceptée au Québec sans qu'il y ait
processus de francisation. Je pense que la francisation et l'immigration vont
de pair. Il ne faut jamais que l'immigration soit perçue comme un
facteur d'instabilité linguistique, sinon comment penser que ces
manifestations d'accueil pourraient se poursuivre si tant est qu'elles
avaient pour résultat de se retourner contre les gens qui
accueillaient eux-mêmes? C'est donc d'une absolue nécessité
qu'il y ait une déclaration, aussi importante que celle sur les droits
et libertés, une déclaration claire à l'égard de la
nécessaire francisation dans le domaine de l'immigration. À cet
effet j'aimerais vérifier si l'information qui nous est parvenue
à savoir que, actuellement, le ministère ferait parvenir à
l'Office des ressources humaines des demandes d'embauché de candidats
possédant les deux langues officielles... À votre connaissance,
est-ce que ce sont là des directives qui ont pu être
communiquées à l'Office des ressources humaines par des personnes
qui mettraient en cause le fait que le Québec n'a qu'une seule langue
officielle?
D'autre part, que pensez-vous, en tant que ministre de l'Immigration et
des Communautés culturelles et au premier chef responsable de
l'intégration des nouveaux arrivants à la communauté
francophone, de l'enseignement de l'anglais en première année?
Nous avons parlé rapidement des résultats de la campagne de
francisation. Il faut bien voir que la Charte de la langue française a
certainement favorisé l'accueil des enfants dans les écoles
françaises. Au début des années soixante-dix - ce sont
là des chiffres que l'on retrouve dans l'étude menée par
te Comité sur l'école québécoise et les
communautés culturelles de janvier 1985 - c'étaient 85 % des
jeunes des communautés culturelles qui fréquentaient
l'école anglaise. Juste un an avant la charte, en 1976-1977,
c'étaient 82 % des élèves des communautés
culturelles qui fréquentaient l'école anglaise. En 1983-1984, 40
% des allophones, des enfants de communautés culturelles étaient
à l'école publique française. C'étaient donc moins
de 60 % qui fréquentaient toujours l'école anglaise. Il y a
là, évidemment, une progression qui est de bon augure. Il demeure
que des communautés... Pensons aux 75 % des élèves
italiens et grecs qui sont toujours inscrits à l'école anglaise;
aux 60 % des enfants portugais qui, au contraire, fréquentent
l'école française. Dépendamment des communautés, on
peut constater qu'il y a là... Les hispanophones qui viennent
d'Amérique latine, d'Amérique centrale ou d'Espagne
fréquentent à 80 % l'école française.
Mme la ministre, comment entendez-vous réagir, comme ministre de
ce gouvernement, en regard de ce que les journaux nous annonçaient ce
matin même, la contestation des commissions scolaires anglophones de !a
clause Canada inscrite à l'article 23 de la Charte canadienne des droits
et libertés? II faut voir que, depuis simplement le juqement de la Cour
suprême en 1984 qui invalidait la clause Québec, dans la
région de l'Outaouais ces chiffres prometteurs dont je viens de vous
parler commençaient à régresser. Seulement depuis 1984, la
fréquentation des écoles françaises par les
élèves des communautés culturelles, des groupes ethniques,
a commencé à décroître dans la région de
l'Outaouais. Étant donné la décision de la Cour
suprême d'appliquer la clause Canada, la situation tend à
s'aggraver. Est-ce à dire que, si la clause Canada était
contestée, comme c'est le cas, devant les tribunaux, cela ouvrirait la
porte à la fréquentation des écoles anglaises par des
enfants d'immigrants?
Le Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée. Mme la ministre.
Mme Louise Robic
Mme Robic: M. le Président, je voudrais rappeler à
Mme la députée de Maisonneuve que c'est le gouvernement
libéral qui a fait du français la langue officielle du
Québec. Et cet énoncé, ce principe n'est pas remis en
cause par notre gouvernement et ne le sera jamais.
Quant aux revendicateurs du statut de réfugié et du
programme spécial qui a été mis en place par le
gouvernement fédéral, je suis fière de vous annoncer
encore une fois, de confirmer ce que mon confrère vous a dit: Nous avons
obtenu des responsabilités additionnelles et nous faisons sur place la
sélection de ces revendicateurs du statut de réfugié qui
seront reconnus comme résidents permanents. C'est une première.
Vous avez raison, j'ai de très bons négociateurs. Je voudrais
bien vous faire remarquer que vous les aviez vous-même et vous n'aviez
pas réussi. Cela est certainement dû aux bons mandats et aux bons
appuis que je leur donne. Je les en félicite, d'ailleurs.
En plus d'obtenir pour la première fois de participer
conjointement avec le gouvernement fédéral à la
sélection sur place de ces personnes, nous avons obtenu 10 000 000 $ de
plus pour des cours de français. Cette négociation prouve, encore
une fois, mon intention, et l'intention de notre gouvernement, de faire tout en
notre possible pour franciser les nouveaux Québécois. Nous avons
également obtenu que le gouvernement fédéral rembourse ]00
% de l'aide sociale qui doit être payée à ces personnes. Je
pense que ce sont des points très importants et très positifs.
Quand on négocie bien, on obtient plusieurs choses. Nous, on ne laisse
pas tomber de nos droits, jamais.
Madame, vous parlez d'instabilité. Il n'y a aucune
instabilité au Québec présentement. La seule
instabilité qu'il peut y avoir c'est celle que vous tentez de
créer vous-même et je vous mets en garde contre cela. Le peuple
québécois va se rendre compte que ce gouvernement n'a pas du tout
l'intention de
laisser se détériorer la qualité - on va parler de
qualité également - au Québec, Nous allons, au contraire,
mettre l'accent sur la qualité du français pour bien aider ces
gens à s'intégrer à la majorité
québécoise en l'apprenant le plus tôt possible dès
leur arrivée.
Il est à déplorer que ces revendicateurs qui sont ici
depuis plusieurs années n'aient pu avoir leur statut confirmé
qu'après une attente de quatre à cinq ans. On demande et on
espère que le gouvernement fédéral, avec le
dépôt de sa nouvelle loi, facilitera la reconnaissance du statut
à ces gens dans les quelques mois qui suivent leur arrivée, donc,
que tous ces gens auront droit à ce moment à des cours de
français.
Le Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre. Je
reconnais maintenant le député de Richelieu.
M. Albert Khelfa
M. Khelfa: Merci. Pour conclure ce que j'ai mentionné
tantôt, j'aimerais souligner qu'il est certain que la crise
démographique actuelle pourra avoir un effet sur le Québec
traditionnel. Le défi est et sera de plus en plus de maintenir la
spécificité de la culture franco-québécoise.
D'ailleurs, le député d'Arthabaska a mentionné
tantôt les gains que nous avons obtenus et que nous allons continuer
à obtenir. Je crois que la députée de Maisonneuve a omis
involontairement de féliciter la ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration et de féliciter le gouvernement actuel
de leurs gains là où eux ont connu un échec. Il faut
donner à César ce qui revient à César, Mme la
députée.
Pour conclure, M. le Président, j'aimerais souligner que, par le
dynamisme actuel du gouvernement du Québec, par la volonté
d'établir des structures accueillantes et vigilantes, nous allons
atteindre l'objectif qu'on s'est fixé de conserver la culture
franco-québécoise saine en intégrant l'ensemble des
communautés. Merci. (11 h 30)
Le Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Richelieu. Ce sera maintenant la dernière
intervention de cinq minutes de la députée de Maisonneuve.
Après, en conclusion de l'interpellation de cette commission, je
reconnaîtrai Mme la ministre pour dix minutes et vous, Mme la
députée de Maisonneuve, également pour dix minutes. Alors,
c'est votre dernière intervention de cinq minutes, Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: M. le Président, cela passe vraiment trop vite.
J'entendais la ministre des Communautés culturelles et de l'Immiqration
reprocher au gouvernement précédent, celui du Parti
québécois, de ne pas avoir obtenu certaines garanties quant
à la question de la sélection des réfugiés. Je me
demandais si c'étaient des reproches qu'il fallait faire au
précédent gouvernement ou des félicitations qu'il fallait
adresser au gouvernement fédéral qui avait accepté. Ces
reproches, il fallait également les adresser au gouvernement
libéral fédéral qui avait systématiquement
refusé, depuis la négociation de l'entente Cullen-Couture - avant
le référendum, je le rappelle - toute autre participation du
Québec en matière de sélection.
Très rapidement, M. le Président, puisque le temps nous
presse, je pense que Mme la ministre va devoir nous expliquer comment elle
entend dépenser ces 10 000 000 $ d'argent frais. Comment entend-elle
donner suite aux engagements du Parti libéral pour assurer
l'accès aux COFi à tous les nouveaux arrivants - c'était
un engagement de la dernière campagne électorale - et
évidemment augmenter l'accès et la durée de la
période de fréquentation dans les COFI? Est-ce qu'elle entend
donner suite à cet engagement?
J'aimerais également que Mme la ministre nous présente M.
Tchipeff qui vient d'être nommé sous-ministre adjoint au
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Nous
n'avons pas eu le plaisir de nous le faire présenter et je dois dire que
la simple lecture de son curriculum vitae est nettement insuffisante pour
comprendre sa relation avec la problématique des communautés
culturelles et de l'immigration, mises à part, évidemment, ses
activités partisanes au comité du non lors du
référendum et à l'intérieur des groupes ethniques
du Parti libéral. M. Tchipeff était jusqu'à tout
dernièrement vice-président de la Société
d'assainissement des eaux et a eu comme activité professionnelle
principale le commerce en gros de ferronnerie. On pouvait comprendre son
intérêt pour la connaissance de la problématique de
l'assainissement des eaux, mais je lui demanderais de nous faire comprendre la
nomination de M. Tchipeff et sa responsabilité à l'égard
des communautés culturelles du Québec, communautés
culturelles, n'est-ce pas, qu'on souhaite voir se rapprocher de la
communauté francophone.
Également, est-ce qu'il est exact que, dans la revue des
programmes actuels requise par les directives du Conseil du trésor, la
ministre s'apprête à couper les postes d'accueil dans les
aéroports? On sait très bien que maintenant les immigrants ne
sont plus conduits par bateaux. Le ministère est situé sur la rue
McGill è Montréal parce qu'auparavant c'était au port de
Montréal que les immigrants arrivaient, mais maintenant c'est dans les
aéroports. Si c'est
confirmé que ces postes d'accueil seront maintenant chose du
passé, c'est donc d'une certaine façon un très grand
paradoxe puisque c'est la responsabilité première du
Québec de rendre visible sa présence en matière
d'immigration; elle est particulièrement significative au moment
où on arrive dans un nouveau pays. L'information qu'on a serait que
cette responsabilité serait confiée simplement à l'accueil
fédéral. Mme la ministre peut-elle nous dire, si tel est le cas,
comment elle entend remédier à cette situation?
Évidemment, nous n'avons pas eu de réponse concernant les
mesures qu'elle préconise à titre de ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration pour faciliter cette
francisation. Cela ne se fera pas tout seul. Vous savez, pour apprendre une
langue lorsqu'on arrive ici à 20 ans ou è 30 ans, il faut que
cela soit utile, utile pour travailler, gaqner sa vie, utile pour circuler dans
une ville ou pour communiquer.
Présentement, 92 % des nouveaux arrivants s'installent à
Montréal. Mme la ministre a-t-elle prévu, le ministère
a-t-il prévu des mesures pour faciliter l'établissement des
nouveaux arrivants en régions? Dans la sélection, est-ce qu'il
est envisagé d'avoir ce critère en tête et que les agents
d'Immigration puissent l'évaluer de façon à faciliter la
francisation? Il y a actuellement des écoles - et la CECM le note -
à Montréal où la forte concentration de nouveaux arrivants
empêche une véritable intégration. Alors, en matière
d'affichage, en matière de langue de travail...
Le Président (M. Bissonnet): Si vous voulez conclure, Mme
la députée.
Mme Harel: ...et en matière de langue d'enseignement,
est-ce que la ministre entend donner toutes les garanties pour assurer cette
sécurité culturelle dont la majorité francophone a besoin
et qui va faciliter la francisation des nouveaux arrivants?
Le Président (M. Bissonnet): Mme la ministre, en
conclusion. Vous avez un droit de parole de dix minutes.
Mme Robic; Est-ce que je conclus là tout de suite?
Le Président (M. Bissonnet): Oui, ce sont vos dix
dernières minutes. Après, je reconnaîtrai la
députée de Maisonneuve, qui aura sa conclusion de dix minutes
puisque c'est son interpellation. Mme la ministre.
Conclusions Mme Louise Robic
Mme Robic: Tout d'abord, M.
le Président, permettez-moi de sourire quand la députée de
Maisonneuve me pose des questions sur la nomination de M. Antoine N. Tchipeff
au titre de sous-ministre adjoint. Vous devriez me - féliciter, madame
la députée, et il semblerait que vous ayez des problèmes
à nous féliciter pour nos bonnes réalisations. Vous aimez
mieux les accorder à d'autres gouvernements qu'à
nous-mêmes. Mais, quand je regarde votre programme, vous vous
blâmez pour les postes que vous n'avez pas confiés à ces
nouveaux Québécois. Mais, moi, je viens de le faire, madame.
Alors, vous devriez me féliciter pour avoir permis à un membre
des communautés culturelles de nous servir et de faire maintenant partie
de la fonction publique. M. Tchipeff, venant d'une communauté
culturelle, comprend très bien, madame la députée, les
problèmes auxquels ont à faire face ces gens. M. Tchipeff est
intégré à la majorité francophone et je suis
sûre qu'il pourra nous aider justement à franciser et à
aider ces personnes à s'intégrer à cette communauté
francophone majoritaire.
Quant à l'établissement des immigrants en régions,
la tâche serait plus facile si le député de Mercier,
lorsqu'il était ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration, n'avait pas perdu cette responsabilité au profit du
fédéral.
M. le Président, pour conclure, je voudrais vous dire que je suis
très heureuse de cette occasion qui nous a été
donnée aujourd'hui et qui m'aura particulièrement permis
d'attirer l'attention des membres de la commission mais également de la
population sur notre vision de l'avenir de la société
québécoise et du rôle que joueront nos nouveaux
citoyens.
Je voudrais profiter de cette dernière intervention pour revenir
sur le sujet de la francisation des immigrants. Les débats qui ont
présentement cours au Québec concernant la loi 101 nous
ramènent presque inexorablement à la question de la francisation
des immigrants. Voilà, en effet, une question très importante et
je puis vous assurer, M. le Président, qu'elle retient effectivement
toute mon attention. Je n'ai pas l'intention de me livrer à un long
cours d'histoire mais il me semble, par ailleurs, important de rappeler
certains faits historiques.
Au lendemain de la conquête, en 1763, la nation
canadienne-française s'est maintenue et développée
grâce à une fécondité très
élevée. Pendant ce temps, les immigrants qui venaient
s'établir au Québec et ce, jusqu'au début du XXe
siècle, étaient très majoritairement d'origine
anglo-saxonne, soit qu'ils venaient des États-Unis - ce fut la
période des Loyalistes - soit qu'ils venaient d'Irlande, d'Ecosse ou
d'Angleterre. Pendant un siècle et demi, les Québécois
francophones ont vu leur nombre s'accroître
sans apport extérieur important. À l'inverse, les
immigrants venaient augmenter de façon notable la proportion des
anglophones vivant au Québec. Les choses ont depuis ce temps bien
changé. D'une part, les taux de fécondité ont chuté
dramatiquement au Québec au cours des dernières années. En
20 ans à peine, nous sommes passés d'une
surfécondité à une fécondité qui est l'une
des plus faibles de tout le monde occidental. D'autre part, les souches
d'immigration ont également considérablement évolué
au cours des récentes années. Nous sommes arrivés à
un moment où il nous faut faire des choix importants quant à
l'avenir de la société que nous voulons bâtir.
Je dirai, M. le Président, que nous faisons face à trois
choix possibles. Nous pourrions décider collectivement que le
Québec recevra dorénavant le moins d'immigrants possible; nous
vivrons alors renfermés sur nous-mêmes. Ce choix entraînera,
compte tenu du faible taux de natalité, une diminution progressive de la
population québécoise. Par ailleurs, ce choix entraînerait
sûrement une augmentation du pourcentage de francophones dans la
société québécoise. Puisque pendant ce temps la
population du reste du Canada continuerait de croître, la proportion du
Québec au sein de la Confédération irait en diminuant et
nous risquerions d'être marginalisés. C'est la raison pour
laquelle il me semble que nous devons écarter ce choix.
Un deuxième choix serait de ne recevoir dorénavant que des
immigrants francophones. Ceux qui défendent cette position nous assurent
qu'elle permettait au Québec de maintenir son poids démographique
dans la Confédération canadienne, tout en assurant chez nous une
large prépondérance de la majorité francophone. Je crois,
M. le Président, qu'il s'agit là pourtant d'un choix qu'il nous
faut rejeter. Il nous faut le rejeter parce qu'il s'agirait d'une
décision discriminatoire puisque notre sélection ne serait
basée que sur la connaissance du français. Comment, en effet,
pourrions-nous refuser de recevoir chez nous des réfugiés sous
prétexte qu'ils ne parlent pas français? Comment pourrions-nous
refuser à des familles le droit de se réunir sous prétexte
que leur langue n'est pas le français? Cette politique n'a d'ailleurs
été suivie par aucun des gouvernements qui se sont
succédé au Québec au cours des 25 dernières
années. Ce serait manifestement commettre une faute grave contre
l'humanité que de s'engager dans cette voie. De plus, ce serait tout
à fait illusoire de croire que l'on puisse recevoir une forte
immigration francophone. N'oublions pas que pour environ 300 000 000 de
personnes qui parlent le français dans le monde, soit comme langue
maternelle soit comme langue seconde, il y a plus de 4 000 000 000 d'autres
individus qui ne connaissent pas notre langue,
II nous reste donc un troisième choix qui est celui d'ouvrir nos
portes de façon contrôlée à l'immigration
diversifiée. Vous aurez compris, M. le Président, que c'est ce
choix que nous privilégions. Nous avons donc l'intention au cours des
prochaines années d'augmenter progressivement le nombre d'immigrants qui
viendront s'établir au Québec.
Il est bien certain que tous ces immigrants ne parleront pas tous le
français. D'ailleurs, si l'on jette un coup d'oeil sur les statistiques
des dix dernières années, on se rend compte que le nombre de ceux
qui parlent français varie, selon les années, entre 30 % et 40 %.
Il n'y a pas eu sous le gouvernement précédent de variations
importantes dans la proportion des immigrants qui parlaient
français.
Je continue à croire, M. le Président, que ce qui est
important, ce n'est pas que nous ne recevions que des immigrants qui parlent
français, mais que nous nous donnions, par contre, les moyens
d'enseigner le français aux immigrants non francophones qui nous
arrivent. Notre objectif est que tout enfant d'immigrants qui arrive au
Québec ait les moyens d'apprendre rapidement le français. Nous
n'avons pas l'intention - et je tiens à le répéter
fermement et clairement pour qu'aucune ambiguïté ne subsiste sur ce
point - de modifier la loi 101 sur cette question. Il nous apparaît
important que tous les enfants d'immigrants doivent aller dans les
écoles françaises. Bien sûr, en contrepartie, il faut
s'assurer que nos écoles françaises soient accueillantes envers
les nouveaux venus. Pour ce qui est des immigrants adultes, il faut, soit dans
le cadre des cours à temps plein, soit dans le cadre des cours à
temps partiel, que tous et toutes aient la chance de pouvoir apprendre le
français. (11 h 45)
Au cours des récentes négociations avec mon homologue
fédéral, j'ai obtenu qu'un budget supplémentaire d'environ
10 000 000 $ soit consacré à l'apprentissage du français
pour les revendicateurs qui verront leur dossier traité dans le cadre de
l'opération du 21 mai 1986. Il s'agît là de
résultats dont je suis très fière, mais je peux vous
assurer que ce n'est qu'un début. Ma première priorité est
la francisation des immigrants. J'ai bien l'intention de multiplier les
démarches tant auprès de nos homologues fédéraux
qu'auprès de notre propre gouvernement pour que toutes les ressources
nécessaires afin d'atteindre cet objectif soient acquises. Cette
semaine, je recevais d'ailleurs à mon bureau le ministre
fédéral responsable du multiculturalisme et Secrétaire
d'État, M. David Cromble, et je peux vous dire sans trahir de secret que
le principal sujet de discussion a été la
francisation des immigrants et que nos fonctionnaires ont reçu
mandat de voir quelles améliorations pourraient être
apportées aux programmes actuellement en vigueur qui nous permettraient
de rejoindre un plus grand nombre de nos concitoyens qui ne connaissent pas
encore la langue française.
En terminant, il ne m'apparaît pas inutile de rappeler que
près de 50 % du budget du ministère dont j'ai la
responsabilité est consacré à la francisation des
immigrants. Cette proportion dépassera fort probablement les 60 %
lorsque seront incorporées à notre budget les sommes d'argent
supplémentaires qui viennent de nous être consenties par le
gouvernement fédéral.
J'aimerais vous rappeler qu'une de mes priorités est la
francisation de la femme immigrée. Si l'on veut réussir à
intégrer les familles immigrées à la majorité
francophone, je le répège, si l'on veut que l'unité
familiale parle le français, il faut nécessairement accentuer nos
efforts à la francisation des mères de famille. C'est dans cette
intention que j'ai mis sur pied un projet pilote et, grâce à ce
projet qui a connu des succès, mon ministère consacrera en
1987-1988 un montant additionnel de 400 000 $ à des cours de
français.
M. le Président, ces quelques chiffres montrent la
priorité que nous accordons à l'objectif de francisation des
immigrants. Ils témoignent de ma volonté d'agir et sont la preuve
qu'il ne s'agit pas d'une vague promesse, mais d'un engagement formel qui
déjà s'incarne dans la réalité.
M. le Président, il est temps que les Québécois
comprennent qu'il ne s'agit pas seulement de faire justice aux groupes
culturels et ethniques minoritaires, mais d'investir réellement dans
l'enrichissement culturel, social et économique du Québec.
L'insertion de ces groupes culturels ne doit plus être perçue
seulement comme une question de justice pour eux, mais comme une question
d'apport économique essentiel pour nous.
Je termine tout de suite, M. le Président. Le défi, c'est
de faire en sorte que la société francophone de demain soit
diversifiée sur le plan culturel et ethnique et qu'elle assure
harmonieusement ses diversités. Car il n'y aura de survivance d'une
communauté francophone en Amérique du Nord que si cette
dernière s'alimente de ses apports externes et parvient à les
faire fleurir en sol québécois.
Le Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre.
Sur votre droit de réplique, Mme la députée de
Maisonneuve. S'il vous plaît! II n'y a pas d'applaudissements en
commission, MM. les députés.
Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Il y a une
réalité que l'ensemble des Québécois et .
Québécoises, de quelque origine qu'ils soient, se doivent de
constater. L'immigration est un facteur indispensable de développement
social, économique et culturel pour le Québec. L'immigration est
d'autant plus importante que, bon nombre d'observateurs l'ont souligné
à juste titre depuis quelques mois, le taux de fécondité
au Québec, qui a été l'un des plus élevés de
tout l'Occident, est maintenant l'un des plus bas de tous les pays
industrialisés. Il y a là des phénomènes de
société qui ont eu une accélération, qui ont connu
une progression presque inégalée dans l'histoire. II semble que
seulement l'Espaqne soit maintenant en train de nous rattraper.
Entre 1960 et 1972, en l'espace de douze ans à peine, le taux de
fécondité a baissé de 55 %. Dans les années
soixante c'est le quatrième enfant ou presque qui est disparu des
statistiques. Dans les années quatre-vingt que l'on connaît
maintenant, c'est le troisième qui est presque en voie d'extinction, un
peu comme une race qui est en voie d'extinction, tout au moins dans les
statistiques. Ce sont 15 % des familles qui comptent trois enfants et plus.
Il faut bien voir par exemple que la création du ministère
de l'Immigration et des Communautés culturelles en 1968 ne s'est pas
faite sans qu'il y ait une raison qui milite en faveur du fait que le
Québec réclame sa juridiction en matière d'immigration.
Pourquoi 1968? Il faut se rappeler qu'en quatre ans, de 1964 à 1968
-c'est là, semble-t-il, un phénomène totalement
inusité - la fécondité a chuté d'un tiers au
Québec. C'est la baisse que l'on dit être la plus radicale qu'a
connue l'histoire mondiale, en temps de paix évidemment. Cette chute ne
peut être attribuée ni à la pilule contraceptive, qui
n'était pas encore en circulation libre, ni au divorce, puisque la loi
n'avait pas été modifiée par le gouvernement
fédéral. Finalement, c'est là un comportement de
société que bien des observateurs mettront encore longtemps
à expliquer.
C'est donc dire qu'à bien des égards, malgré des
mesures énergiques que l'on doit souhaiter en termes de maintien des
couples qui désirent des enfants, mesures énergiques pour
soutenir leur désir d'enfants, il reste que l'immigration est un
phénomène souhaitable et désirable pour le
développement et la croissance du Québec. Cette
réalité étant, il faut maintenant s'assurer que
l'immigration n'est en aucune manière, je le répète, un
facteur d'instabilité linguistique contrairement à ce qu'elle a
toujours représenté. Historiquement, la répartition
était très simple. Aux Canadiens
français les enfants et aux Canadiens anglais du Québec
les immigrants. C'est une répartition qui a prévalu pendant des
décennies pour ne pas dire des siècles.
Notre taux de natalité nous a pendant longtemps
illusionnés sur cette capacité que l'on avait d'être
compétitifs. Ma grand-mère a eu 18 enfants et c'est comme cela
pour bien des familles québécoises. La réalité a
changé maintenant. Le principal enjeu qui se profile, c'est celui de
l'intégration. Quand je dis que le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration a été
créé au Québec en 1968, c'est parce que c'est durant les
années soixante que la collectivité québécoise a
pris conscience de cette réalité démographique et de la
nécessité qu'elle avait de s'ouvrir aux nouveaux arrivants et de
faire que ceux et celles qui choisissaient le Québec comme pays
d'adoption soient accueillis d'abord par une culture d'accueil qui soit la
culture de la majorité et soient, par la suite, invités à
s'intégrer à la langue de la majorité.
Il y a encore, évidemment, énormément à
faire quant à la francisation. J'ai parié des transferts
linguistiques. Les transferts linguistiques sont très
inquiétants. L'école ne suffit pas à franciser.
L'école est un pas en avant. L'école ne suffit pas à
franciser les enfants immigrants. Actuellement, les transferts linguistiques
nous permettent de constater que l'école permet l'apprentissage du
français, parfois comme langue seconde. La langue maternelle qui est la
langue parlée à la maison reste la langue maternelle; mais la
langue de choix est celle qui permet de gagner sa vie, celle qui permet de
circuler, celle qui permet de communiquer - d'où cette
nécessité qu'au Québec tout se fasse, puisse se faire et
se réalise en français -celle du travail, de l'affichage, des
communications, de la technologie et de l'école aussi. C'est donc une
responsabilité qui échoit - qui est un défi extraordinaire
-au ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration et
à la ministre. Avec son collègue responsable de la langue, elle
a, au premier chef, cette responsabilité, qui jamais dans l'histoire n'a
revêtu autant d'importance, de la francisation des nouveaux arrivants,
pas seulement des enfants d'immigrants, mais la francisation de l'ensemble des
personnes qui nous arrivent. Ce n'est pas simple parce que, vous savez, un
vieil adage dit que, lorsque l'on met deux langues sur un pied
d'égalité, c'est parce qu'il y en a plusieurs qui mettent les
deux pieds sur la même langue. On ne peut pas mettre les deux langues sur
le même pied pour les nouveaux arrivants, parce que deux langues sur le
même pied, c'est un choix et dans le contexte nord-américain ce
choix joue en défaveur de la langue de la seule minorité
française en Amérique du Nord.
C'est d'autant plus important donc que la ministre ne confonde pas de
façon malicieuse, comme elle l'a fait, cette recommandation du Conseil
de la langue française en matière d'immigration de doubler les
points affectés au critère de sélection de la connaissance
du français à l'égard des candidats à
l'immigration. La ministre a confondu malicieusement en faisant
référence aux demandeurs d'asile, aux personnes en
détresse. Là n'est pas la question. La sélection ne se
fait pas de la même façon pour les personnes qui sont en attente
de statut de réfugié, puisque c'est la convention de
Genève qui prévaut à ce moment-lè. Cela ne se fait
pas de la même façon à l'égard des personnes qui
sont en demande pour des raisons humanitaires, puisque c'est l'article 18c de
la loi du ministère qui joue. C'est une sélection qui joue
à l'égard des immigrants indépendants, de ceux qui sont
autonomes, de ceux dont la ministre dit vouloir augmenter le nombre en haussant
le niveau d'immigration. Eh bien, eux et elles doivent savoir que la
connaissance du français est esentielle pour vivre harmonieusement au
Québec et qu'il faut donner suite à la recommandation du Conseil
de la langue française de doubler les points qui permettent
d'évaluer la connaissance du français, de façon que l'on
n'ait pas seulement à investir des millions -parce que ce sont des
millions que l'on investit dans la francisation une fois qu'ils sont ici - mais
que l'on puisse espérer, parce qu'il y a beaucoup de francophones qui
sont refusés, admettons-le, que ceux et celles qui veulent adopter le
Québec comme patrie aient des facilités pour le faire.
Il faut bien se comprendre, le fait de rester ici, le fait de rester
chez nous est beaucoup plus élevé chez ceux et celles qui ont
fait l'apprentissage du français ou qui en ont l'usage que chez ceux et
celles... Les deux tiers de ceux qui arrivent n'ont aucune connaissance du
français. Les deux tiers de ceux et celles qui sont venus en 1986 et de
ceux et celles qui viendront en 1987 n'ont aucune connaissance du
français. Or, on sait que les millions qui sont investis le sont souvent
en pure perte parce qu'un immigrant sur deux nous quitte après que des
mesures assez généreuses d'accueil leur ont permis d'obtenir le
statut de citoyen.
M. le Président, je pense qu'à tous égards c'est
une responsabilité qui échoit à la ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration, tant au niveau de la
sélection qu'au niveau de l'accueil, de voir à favoriser l'usage
du français et à recommander à ses collègues du
Conseil des ministres que la vie au Québec, dans toutes ses
manifestations, dans le milieu du travail comme dans le domaine des
communications, se passe en français. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bissonnet): Merci,
Mme la députée de Maisonneuve.
La commission de la culture ayant rempli son mandat, soit
l'interpellation du député de Mercier à l'endroit de la
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration sur les
politiques libérales en matière d'immigration, il me fait
plaisir, mes chers collègues, d'ajourner les travaux de cette commission
sine die. Merci et bonne journée à tous.
(Fin de la séance à 12 heures)