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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le vendredi 21 novembre 1986 - Vol. 29 N° 20

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Interpellation: Les politiques libérales en matière d'immigration


Journal des débats

 

(Dix heures quatre minutes)

Le Président (M. Bissonnet): La commission permanente de la culture se réunit ce matin pour procéder à l'interpellation, par le député de Mercier de la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration sur le sujet suivant: les politiques libérales en matière d'immigration. Est-ce que, Mme la secrétaire, vous voulez annoncer les changements, s'il y a lieu?

La Secrétaire: Mme Pelchat (Vachon) est remplacée par M. Cannon (La Peltrie).

Le Président (M. Bissonnet): Mme Pelchat (Vachon) est remplacée par M. Cannon, député de La Peltrie.

On vous a transmis l'ordre d'intervention des députés lors d'une interpellation et c'est cet ordre que nous allons suivre de façon très stricte à la suite de l'entente entre les leaders.

La parole est aux députés de l'Opposition. Je reconnais, Mme la députée de Maisonneuve pour une période de dix minutes.

Exposé du sujet Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Vous remarquerez: j'ai d'une certaine façon le déplaisir de ne pas avoir à mes côtés mon collègue de Mercier et critique de l'Opposition en matière d'immigration, M. Gérald Godin. Je voudrais d'abord le saluer; j'espère qu'il a l'occasion de nous écouter sur sa télé câblée et je veux qu'il sache que c'est un grand honneur qu'il m'a fait de me demander de le remplacer ce matin. Je lui souhaite un bon repos malgré que ce soit un repos forcé. Je n'ai qu'un seul regret, celui de ne pas être moi-même à ses côtés pour cette interpellation devant l'Assemblée.

M. le Président, la société québécoise a connu en matière d'ouverture sur le monde, en matière de rapprochement des communautés ethniques avec la majorité francophone du Québec des progrès remarquables et spectaculaires. Évidemment, il ne faut jamais oublier que cette majorité francophone du Québec reste et demeure une minorité en voie de minorisation au Canada et en Amérique du Nord. Les initiatives prises par le gouvernement précédent ont été nombreuses et nous savons, pour qui connaît la machine gouvernementale, que le gouvernement actuel a reconduit la majorité de ces initiatives qui avaient été mises en oeuvre précédemment.

Je voudrais rendre rapidement hommage à Jacques Couture et à Gérald Godin pour l'ensemble de ce qu'ils ont entrepris. Je pense à l'introduction du programme PELO, programme d'enseignement des langues d'origine, qui, depuis 1978, permet au ministère de l'Éducation d'enseigner maintenant dix langues: portugais, grec, italien, hébreu, arabe, espagnol, laotien, cambodgien, vietnamien, et même le chinois mandarin dans les écoles du Québec de la Ire à la 6e année. Je pense également, au programme de langues ethniques administré par le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, qui vise à accorder un soutien financier aux organismes des communautés culturelles qui administrent eux-mêmes des cours de langue et de culture d'origine. Ce sont là des programmes mis en place depuis 1978; de même que le plan d'action à l'égard des communautés culturelles, plan d'action qui s'intitulait "Autant de façons d'être Québécois" lequel date de mars 1981 et a vu l'implantation d'un comité du plan d'action pour voir à sa réalisation; de même que la création de tous ces comités interministériels qui concernaient l'égalité en emploi, en 1984; tous ces programmes d'aide aux médias des communautés culturelles en 1978; ces programmes d'aide aux centres communautaires des communautés culturelles; la mise en place du comité sur l'école québécoise et les communautés culturelles par le ministère de l'Éducation; tous ces programmes qui, notamment ont résulté en la création du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration en 1984; également cette modification substantielle qui a vu l'ajout d'une direction des communautés culturelles au ministère de l'Éducation.

Évidemment, c'est un survol trop rapide, mais ces initiatives nombreuses qui ont visé à l'intégration et à la reconnaissance de la contribution des communautés culturelles au patrimoine québécois, se sont ajoutées à une politique extrêmement - disons-le, elle est reconnue par les autres, alors c'est plus facile d'en parler nous-mêmes - généreuse à l'égard des

personnes en détresse. Je fais référence à la politique d'aide aux réfugiés. Il faut savoir que cette politique a distingué le Québec non seulement des autres provinces canadiennes, mais également, je pense, de l'ensemble des efforts faits dans la communauté internationale. Il faut savoir que le Canada a obtenu le premier prix annuel du Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations Unies pour l'effort consenti à l'égard des réfugiés. De plus, il faut reconnaître que le Québec reçoit plus de la moitié des réfugiés qui sont en territoire canadien. En quelque sorte, ce prix au Canada, c'est une reconnaissance de la contribution du Québec.

Il faut se rappeler les propos que tenait Mme Flora MacDonald, qui venait à Québec en juin dernier à la quatrième conférence sur le droit constitutionnel et qui disait: Si l'on tient compte de la taille de la population et du produit national brut, aucun autre pays n'a égalé le Canada au cours des dernières années au chapitre de l'aide aux réfugiés. Quand on constate que le Québec reçoit plus de la moitié de ces refugiés, compte tenu de la taille de sa population dans l'ensemble canadien et compte tenu de son taux de chômage, c'est un effort à nul autre pareil que les Québécoises et les Québécois ont consenti en matière d'accueil aux réfugiés.

Il en a été de même pour les programmes d'aide humanitaire. Il faut se rappeler que, depuis cinq ans, le Québec a accueilli, grâce à des programmes mis en place par Jacques Couture et Gérald Godin et reconduits par la ministre, 4000 Indochinois, 3000 Européens de l'Est en particulier des Polonais, 3500 Libanais que l'on sait avoir connu cette traqédie et 1200 Latino-Américains en particulier des Salvadoriens et des Guatémaltiques, et évidemment, en 1980, ce programme de régulation du statut pour les Haïtiens qui vivaient clandestinement et qui craignaient le régime de Duvalier en retournant dans leur pays. C'est donc là, il faut bien le constater, un tableau qui nous permet de bien démontrer l'accueil et la générosité manifestés à l'égard des nouveaux arrivants dans les années précédentes.

M. le Président, je voudrais, à ce chapitre, insister sur le fait que nous n'avons peut-être pas à nous congratuler comme société, mais nous n'avons certainement pas à nous critiquer de cet accueil et de cette générosité. On peut, d'ailleurs, s'en féliciter et on peut également reconnaître que le gouvernement précédent était d'autant plus méritoire qu'il n'attendait pas de résultats électoraux, même légitimes, à l'égard des actions qu'il entreprenait. Tout cela était certainement, dans le fond, un effort consenti pour renforcer nos liens et pour, justement, rendre éloquente cette ouverture sur le monde.

Nos états de service, M. le Président, il n'y a pas que nous qui les reconnaissons. Je pense qu'on trouve un porte-parole éclairé en la personne de l'actuel ministre de la Justice, M. Marx; l'an dernier, dans cette Chambre, à l'occasion du dixième anniversaire de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, il faisait mention que le Québec n'était pas, à bien des égards, une province comme les autres. Le discours de M. Marx - j'invite la ministre à le revoir si tant est qu'elle l'ait manqué puisqu'elle ne siégeait pas en Chambre à ce moment-là -indiquait que le Québec n'était pas comme les autres provinces, justement du fait que, depuis au moins un siècle, disait-il, le Québec, contrairement à toutes les autres provinces du Canada, n'avait adopté aucune loi à caractère discriminatoire. L'actuel ministre de la Justice notait également à l'occasion du dixième anniversaire de l'adoption de la charte qu'elle était la plus progressiste. "La législation, disait-il, la plus progressive de toute la législation provinciale au Canada." C'est là une sorte d'hommage que rendait le ministre de la Justice à l'égard du gouvernement qui était en poste à ce moment-là et qui nous permet de reconnaître, quel que soit le gouvernement en place, que la société québécoise, que les Québécois et les Québécoises sont à bien des égards assez exemplaires dans les rapports qu'ils entretiennent avec les nouveaux arrivants.

Je voudrais immédiatement saisir l'occasion qui m'est donnée pour manifester la crainte que nous avons eue ce matin en lisant les journaux, particulièrement La Presse, d'assister à ce qui pourrait devenir la fabrication d'un scénario de crise raciale ou ethnique appréhendée.

Il nous a semblé que l'on peut reconnaître qu'il y a, sans doute comme dans toutes les autres sociétés - on n'est ni pires ni meilleurs - des comportements répréhensibles chez certains individus, mais il faut voir que l'on est très loin, au Québec, d'une crise de société qui justifierait la mise en scène que l'on semble être en train de préparer, la fabrication d'une sorte de scénario de crise raciale ou ethnique pour faire oublier que l'inquiétude, et que la crise réelle est démographique, linguistique et sociale. Nous allons certainement avoir l'occasion d'interroger la ministre ce matin, notamment sur ce qui apparaît actuellement. J'espère qu'elle aura l'occasion de bien nous expliquer où le gouvernement veut en venir avec cette opération qui, à première vue, nous apparaît être une opération de culpabilisation et où on voudrait faire augmenter la mauvaise conscience des Québécois qui pourtant n'ont rien, à bien des égards, à se reprocher comme société. (10 h 15)

Le Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Maisonneuve. Mme la

ministre de l'Immigration.

Réponse de la ministre Mme Louise Robic

Mme Robic: Merci, M. le Président. Je me joins à la députée de Maisonneuve pour offrir mes meilleurs voeux de prompt rétablissement au député de Mercier.

Votre bilan, Mme la députée, est assez juste. C'est certainement un bilan positif pour le Québec et je l'endosse pleinement. Ce pays qui a vu le jour le long du fleuve Saint-Laurent ici même, à Québec, s'est développé grâce aux immigrants venus d'un peu partout. Notre générosité est légendaire et je puis vous assurer que mon gouvernement a bien l'intention de suivre les traces de tous les autres gouvernements qui se sont succédé au Québec depuis plusieurs décennies.

D'ailleurs, vous remarquerez qu'au cours de cette année nous avons fait une large consultation pour établir les niveaux d'immigration pour 1987. Nous avons consulté au-delà de 60 organismes, dont 40 nous ont soumis des recommandations que nous avons transmises au Conseil des ministres. Tous ces organismes socioculturels nous ont recommandé d'augmenter nos niveaux d'immigration pour l'année prochaine. Ils nous ont même suggéré, tel que nous l'avons fait nous-mêmes au Conseil des ministres, d'aller progressivement en augmentant chaque année le nombre d'immigrants qui pourraient venir s'établir au Québec.

Les catégories d'immigrants n'ont pas changé. Nous croyons que le Québec, étant un pays privilégié a une responsabilité envers les plus démunis de ce monde. Nous continuerons donc de recevoir des cas humanitaires. Nous continuerons donc de recevoir des réfugiés. Je voudrais ici, Mme la députée, vous dire que nous recevons au Québec 25 % des réfugiés qui arrivent au Canada, mais au-delà de 50 % des demandeurs d'asile. Également, notre programme de réunification des familles continuera cette année encore et l'année prochaine à être une de nos priorités. Nous croyons qu'il est très important de nous assurer que les membres d'une famille puissent être réunis.

Nous avons également le volet de l'immigration indépendante. À ce niveau, nous avons plusieurs sous-catégories: les professionnels, les parents aidés, les investisseurs et les entrepreneurs. En 1987, ce sera entre 20 000 et 22 000 nouveaux immigrants que nous recevrons.

Je voudrais dire ici que la priorité de mon ministère sera de s'assurer que ces immigrants puissent s'intégrer à la communauté québécoise francophone et ce, le plus tôt possible.

Cette augmentation représente 17 % pour l'année 1987. Nous avons suggéré au Conseil des ministres d'augmenter l'immigration pour tenir compte du poids démographique du Québec dan3 l'ensemble canadien, ce que nous croyons être fort important. C'est pour cela que graduellement et d'ici cinq ans nous devrions doubler l'immigration au Québec.

J'ai également une deuxième préoccupation, celle de la femme immigrante. Cette femme qui a souvent été laissée pour compte et qui, pour nous, joue un rôle très important dans la société. Nous allons nous pencher sur des proqrammes qui pourront l'aider à sortir de son isolement afin qu'elle puisse participer pleinement à la vie québécoise et toujours en français.

La députée de Maisonneuve a mentionné aujourd'hui, entre autres, une déclaration -que j'espère, d'ailleurs qu'elle recevra l'assentiment de l'Opposition - qui veut renforcer le respect que nous avons toujours eu, comme Québécois des minorités. Il n'y a pas là à voir des squelettes dans les garde-robes. C'est une déclaration claire et justifiée puisque le Canada lui-même a ce genre de déclaration et que plusieurs provinces ont une telle déclaration. Pour nous, en cette année internationale de la paix, nous croyions que c'était un bon moyen de souligner cette année et de faire réfléchir les gens. C'est sûr, il y a encore certains préjugés - même s'il y en a très peu au Québe, et nous en sommes très fiers - qui peuvent encore exister. Mais nous espérons que, par cette déclaration, on fera réfléchir les gens et qu'on leur fera reconnaître une fois de plus que tout citoyen, tout individu, a droit au respect et à la reconnaissance de ses droits.

Le Président (M. Bissonnet): Vous avez terminé, Mme la ministre? Cela va?

Mme Robic: Oui.

Le Président (M. Bissonnet): Mme la députée de Maisonneuve.

Argumentation Mme Louise Harel

Mme Harel: Oui. J'aimerais demander immédiatement à la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration qu'est-ce qui justifie... Elle nous a dit que c'était très justifié, mais elle ne nous a pas donné d'arguments qui allaient justifier la décision d'un vaste plan de communications. Nous pouvons lire ce matin dans les médias qu'il s'agirait d'un plan qui contraste avec la parcimonie observée par le gouvernement Bourassa depuis son élection, au chapitre de la publicité gouvernementale. Un plan à nul

autre pareil. Un plan qui serait partagé entre sept ministères. D'abord, Mme la ministre, je vais vous demander quel est le montant qui est autorisé pour ce plan de communications. Donc, un plan inégalé jusqu'à maintenant qui s'expliquerait s'il y avait une recrudescence d'atteintes aux droits des personnes ou s'il y avait une sorte de prolifération de comportements répréhensibles. Mme la ministre, est-ce qu'il y a des problèmes particuliers, nouveaux, qui ne nous seraient pas connus?

Vous avez mentionné qu'il y a très peu, dites-vous, de manifestations de préjugés raciaux ou ethniques au Québec. Évidemment, c'est contraire à ce qu'on peut lire dans le programme libéral intitulé "À part entière", automne 1985, qui date d'il y a seulement un an. Il faut dire que c'était Claude Dauphin à l'époque qui était porte-parole de votre parti pour les dossiers des communautés culturelles et de l'immigration. On pouvait y lire au chapitre 5 "Indifférence, préjugés, racisme" ce qui suit: "Notamment, un gouvernement libéral mettra en oeuvre les mesures suivantes pour lutter contre ce phénomène en abordant de front les nombreux préjugés qu'ont bien des Québécois de la majorité culturelle." J'imagine que vous parlez des Québécois d'origine canadienne-française, la majorité culturelle. Est-ce bien ce à quoi vous faites allusion dans ce texte du Parti libéral? Est-ce à dire que ce sont là des comportements qui ne sont l'apanage que des membres de la majorité ici au Québec? C'est ce qu'on prétend dans le programme du Parti libéral.

Je vous rappellerai - et certainement comme ministre de l'Immigration, vous le savez également, pour le peu de temps que j'y ai été - qu'il y a malheureusement des comportements qu'on retrouve dans toutes les communautés, qu'elles soient de vieille souche ou qu'elles soient formées d'immigrants de deuxième génération. Ce sont là des comportements qu'on retrouve dans les écoles multi-ethniques où des enfants d'immigrants de deuxième génération ont parfois des comportements que les familles alimentent à l'égard des enfants de première génération ou de couleur. Ces faits ont, d'ailleurs, été constatés par de nombreuses études.

Alors, pourquoi avoir insisté sur les préjugés de la majorité culturelle uniquement dans le programme du Parti libéral? Qu'est-ce qui justifie maintenant, selon vous, cette mise en scène, semble-t-il, cette publicité gouvernementale qui n'a pas sa pareille? Et pourquoi, dans la version première que La Presse attribue à la ministre, avoir inscrit que le Québec reconnaît qu'il est impérieux de corriger les tares et les injustices tolérées dans le passé, et cela en regard des déclarations faites par le ministre de la Justice qui affirmait que le Québec était la seule des provinces où depuis un siècle il n'y avait eu aucune législation à caractère discriminatoire? Comment s'expliquer que vous avez pu présenter un mémoire qui contenait une telle affirmation? N'est-il pas dangereux d'une certaine façon de jouer au pyromane? Cela m'est apparu, en lisant cet article, comme le pompier qui se promène la nuit en arrosant de façon à pouvoir le jour maîtriser l'incendie. Est-ce qu'il n'est pas un peu dangereux d'alimenter une sorte de menace appréhendée, hors de proportion avec la réalité que vous reconnaissez vous-même, pour pouvoir ensuite prétendre mieux protéger les communautés culturelles contre la majorité?

Le Président (M. Bissonnet): Mme la ministre.

Mme Louise Robic

Mme Robic: Mme la députée de Maisonneuve, je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas de préjugés qui existaient. J'ai dit que nous sommes privilégiés. Il y en a peut-être moins au Québec qu'ailleurs dans le monde. Alors, il faut se féliciter de cela, mais il ne faut pas prétendre que cela n'existe pas.

Je voudrais d'abord vous mettre en garde contre certaines données de cet article, dont je ne sais pas d'où elles viennent. C'est très dangereux. D'abord, je dois vous dire que cette idée d'une déclaration nous a été proposée par la Commission des droits de !a personne. Nous avons travaillé sur une déclaration, et je voudrais vous mettre en qarde car ce n'est pas moi, ce n'est pas mon ministère qui a préparé la première déclaration dont on voit certains énoncés dans cet article, mais bien le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, qu'on avait consulté. Nous avons également consulté d'autres qroupes. Et c'est à la suite de ces consultations que nous avons préparé la déclaration qui vous sera présentée le 10 décembre prochain.

Quant au montant fabuleux qu'on nous annonce, je dois vous dire que, comme publicité, c'est un montant de 15 000 $ qui sera dépensé. On ne parle pas d'un énorme montant. Il ne faut tout de même pas exagérer. Le montant total qui sera dépensé pour des interventions à la suite de cette déclaration, c'est 65 000 $. C'est justement pour pouvoir s'assurer que les enfants dans les écoles puissent avoir une copie de cette déclaration et qu'on puisse en parler. On sait fort bien que les enfants ne viennent pas au monde avec des préjugés. Si nous travaillons avec notre jeunesse, nous pouvons être sûrs que les préjugés tomberont et j'espère que ces jeunes enfants pourront influencer leurs parents si eux ont des préjugés.

Le Président (M. Bissonnet): Mme la députée de Matane.

Mme Claire-Hélène Hovington

Mme Hovington: M. le Président, j'aimerais dire à la députée de Maisonneuve que les femmes qui ont immigré au Québec comme celles qui appartiennent aux différentes communautés culturelles font l'objet d'une attention particulière de la part du gouvernement libéral du Québec. Également, le dossier des femmes immigrées est une des priorités de la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration. (10 h 30)

Les femmes immigrées, d'abord, définies comme étant nées à l'étranger, mais vivant au Québec, présentent un certain nombre de problèmes en rapport avec leur intégration à la société d'accueil. Ces femmes trop souvent discriminées et isolées, parce que femmes d'abord et immigrées ensuite, étaient en 1981 environ 260 000 soit 8 % de la population féminine du Québec. La très grande majorité d'entre elles est localisée à Montréal et dans ses environs. Elles se regroupent au sein d'environ 35 organismes et plusieurs d'entre eux reçoivent un support technique et financier du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. En 1985-1986, ces subventions du ministère s'élevaient à 142 440 $. Pour les sept premiers mois de l'exercice financier en cours le MCCI a versé des subventions de 154 400 $. Donc, c'est une augmentation de 8 % cette année par rapport à l'année passée. Les besoins des femmes immigrées se résument, par ordre de priorités, comme suit: l'apprentissage du français, l'information sur les lois et les programmes sociaux, les conditions de travail, l'accès au marché de l'emploi, la formation de base et la formation professionnelle, l'accès aux services de santé et aux services sociaux communautaires et particulièrement aux garderies. Il y aurait également lieu d'ajouter la question de la représentation des femmes immigrées dans les structures administratives québécoises.

L'intégration des femmes immigrées à la société d'accueil et leur meilleure connaissance des lois et des programmes sociaux, tout comme l'accès à l'égalité dans le monde du travail passent d'abord et avant tout par l'apprentissage du français. Le MCCI offre dans les centres d'orientation et de formation pour immigrants appelés COR deux types de cours gratuits soit ceux à temps partiel et ceux à temps plein. Dans les deux cas, les personnes ayant accès à ces cours doivent en règle générale être résidentes permanentes et ne pas avoir obtenu leur citoyenneté canadienne. Il faut noter que 50 % de la clientèle dans les COFI sont des femmes immigrées. Également, selon les critères d'admissibilité établis par le gouvernement fédéral, il faut souligner que plusieurs des femmes immigrées ne sont pas admissibles aux cours offerts à temps plein dans le COFI ou, alors, lorsqu'elles le sont, elles ne reçoivent pas toujours les allocations monétaires qui les inciteraient à poursuivre jusqu'au bout leur projet. Un exemple: les femmes parrainées.

Pour répondre à ce besoin précis, la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration a mis sur pied, en août 1986, un projet pilote de cours de français à temps partiel, avec la participation du Centre d'information et de référence pour femmes. Une somme de 30 000 $ a été obtenue pour offrir des allocations de services de garde à ces femmes ayant des enfants d'âqe préscolaire et qui voulaient suivre les cours à temps partiel. Ce projet a été un très grand succès.

Tout le mouvement à l'éqard du dossier des femmes immigrées est résolument engagé. Afin de continuer à faire évoluer ce dossier, le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration devra compter sur l'intérêt et la collaboration soutenue des différents groupes de femmes et des nombreux partenaires gouvernementaux et économiques afin d'intégrer justement le plus harmonieusement possible les femmes immigrées à la société d'accueil.

À cette fin, le MCCI a mis sur pied la table externe de consultations dans le but de concerter, justement, les actions des groupes de femmes immigrées avec les actions du gouvernement du Québec. Également, M. le Président, la liqne de pensée du MCCI est de préparer des dossiers sectoriels: conditions de travail, garderies, formation, etc., dans le but de conscientiser et de sensibiliser les ministères et organismes intéressés par la problématique des femmes immigrées pour qu'ils prennent éventuellement une partie de cette responsabilité à leur charge.

Enfin, le MCCI vise à ce que les femmes immigrées et les groupes qu'elles constituent s'intègrent de plus en plus au Regroupement québécois des femmes. Le Secrétariat à la condition féminine intègre maintenant le dossier des femmes immigrées à l'intérieur des dossiers de la condition féminine du Québec. Les organismes des femmes immigrées font partie intégrante de la consultation annuelle de la ministre déléguée à la Condition féminine.

Le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration est conscient que l'amélioration de la situation économique des Québécoises venues d'ailleurs ou appartenant aux communautés culturelles demeure quand même tributaire de la situation économique globale de tous les Québécois et de toutes les Québécoises.

Même à cela, M. le Président, depuis janvier dernier, Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration a entrepris une tournée auprès des

organismes regroupant les femmes immigrées afin de mieux identifier leurs problèmes et d'essayer d'y trouver des solutions. Elle est vraiment à l'écoute des femmes immigrantes les plus défavorisées aux plans social et économique. Elle est à leur écoute et elle vise è ce que celles-ci s'intègrent de plus en plus au regroupement des femmes du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Matane. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Nous allons reconnaître avec la ministre la nécessité des programmes d'éducation, particulièrement auprès des jeunes Québécoises et Québécois en matière de droits et libertés. Je crois que, comme société, nous avons certainement à renouveler de façon régulière notre engagement à l'égard de l'égalité des personnes dans notre société. Ce que nous devons espérer, c'est qu'au lieu d'être versés à ce qui semble être une campagne de promotion qui n'a pas nécessairement de fondement, ces fonds puissent être consacrés à la diffusion de la Charte des droits et libertés de la personne, à la diffusion des recours qu'ont les personnes au Québec pour voir la mise en oeuvre de leurs droits. Qu'on consacre donc à cela ces sommes que la ministre considère comme modestes: 65 000 $. Je pense qu'il n'y aura pas de plan médias. Si tant est qu'on veut diffuser de l'information dans les écoles du Québec, j'imagine que le plan médias dans les journaux électroniques ou dans les journaux écrits est comme mis de côté. C'est donc dire qu'on peut espérer que cette diffusion en soit une de la charte et des recours qu'elle ouvre pour les Québécoises et les Québécois.

Il faut également reconnaître que présentement ce projet d'égalité à l'égard des personnes dans notre société joue aussi à l'égard de l'état d'infériorisation que connaît la majorité d'origine québécoise, d'origine canadienne-française. Cet état d'infériorisation n'est pas partagé uniquement par les membres des communautés culturelles; la situation du Québec a ceci de singulier et de spécifique, que des études ont démontré qu'un niveau de prospérité de loin supérieur était souvent atteint par l'ensemble des membres des communautés culturelles, en comparaison avec les Québécois de vieille souche. C'est donc dire que cette situation amène à un rattrapage dans les disparités.

Vous savez que présentement il y a toujours plus d'enfants allophones, donc de membres des communautés culturelles, qui ont accès à l'enseignement collégial qu'il n'y a d'enfants de francophones. Ces disparités valent dans bien des domaines. Souvent les membres des communautés culturelles sont très scolarisés et l'infériorisation n'est pas liée qu'à l'immigration. Il faut voir que l'on est dans une société... Par exemple, dans les secteurs du bas de la ville de Montréal - qui sont entièrement francophones pour un certain nombre de quartiers - eh bien, le taux de mortalité, l'espérance de vie est beaucoup moindre que dans bien des quartiers où on compte une forte concentration de membres des communautés culturelles. C'est donc à un projet d'égalité des personnes et à un projet pour faire disparaître des disparités linguistiques, économiques, sociales et culturelles qu'il faut appeler l'ensemble des Québécoises et des Québécois.

Mme la ministre, au début de cette interpellation, vous avez affirmé vouloir faciliter, favoriser l'intégration à la majorité francophone. Ma question est de savoir quels sont les moyens que vous entendez utiliser. Dans le niveau d'immigration 1987, que vous avez rendu public en octobre dernier, il est dit: "La plus grande partie de l'augmentation du niveau d'immigration en 1987 se produira dans la catégorie des immigrants indépendants et visera la sélection et le recrutement de travailleurs qualifiés et d'immigrants investisseurs." On sait que cette catégorie est sujette à une sélection en fonction de facteurs: huit facteurs déterminent le choix. Parmi les facteurs retenus, il y a cette question de la connaissance du français. Vous avez certainement pris connaissance de ces études nombreuses qui se sont accumulées au cours des deux ou trois dernières années.

Pour avoir été membre de la commission parlementaire de la culture, je sais qu'un des facteurs de rétention... Il ne faut pas simplement accueillir l'immigration internationale, il faut aussi pouvoir la retenir, et on sait que presque un immigrant sur deux nous quitte après avoir eu l'accueil des premières années. On sait que le facteur de départ, pour la majorité de ceux qui nous quittent chez les allophones, est l'usage exclusif de la langue anglaise et que le facteur de rétention, celui qui fait que l'on reste au Québec, est la connaissance du français. Cela a été démontré par la commission French - votre collègue, ministre des Communications - et par des études récentes du Conseil de la langue française.

Alors, Mme la ministre, quelles sont les politiques que vous entendez conduire en matière de sélection d'immigrants indépendants dont vous voulez augmenter le volume de façon qu'ils puissent avoir cette connaissance du français? Ce n'est pas le fait de ceux qui nous arrivent maintenant puisque les deux tiers d'entre eux sont identifiés à la langue anglaise.

Le Président (M. Bisonnet): Merci, Mme

la députée de Maisonneuve. Je reconnais maintenant Mme la ministre.

Mme Louise Robic

Mme Robic: M. le Président, je dois vous avouer que je suis assez surprise des mots de la députée de Maisonneuve au sujet de cette déclaration. Après sa première remarque où elle se félicite et félicite les gouvernements de l'accueil qu'ils ont fait à ces communautés culturelles, elle devrait être fière de pouvoir endosser une déclaration qui va renforcer, justement, la Charte des droits et libertés de la personne, déclaration que la Commission des droits de la personne croyait être nécessaire et de bon aloi.

Je voudrais vous faire remarquer ici que la réception de ces immigrants sélectionnés à l'étranger suit une grille qui a été établie et qui est appliquée à tous les immigrants sélectionnés à l'étranger. Vous avez raison, Mme la députée, quand vous dites qu'il faut aider tous ces nouveaux Québécois à s'intégrer à la majorité francophone.

Je viens de parler d'un programme pilote qui a été mis en place pour aider la femme immigrante à suivre des cours de français. Pour nous, c'est une priorité de franciser cette femme immigrante, cette femme au foyer. Si nous voulons encourager et faciliter l'intégration des communautés culturelles à la majorité francophone, cela passe par la francisation de l'enfant qui va à l'école française, du conjoint qui travaille en français, et également de la femme au foyer qui forme l'unité familiale. Pour ce faire et à la suite de ce projet pilote qui a été un succès, nous avons l'intention, l'année prochaine, de donner des montants substantiels pour favoriser l'apprentissage du français par ces femmes. D'ailleurs, c'est un montant de 400 000 $ que nous voulons mettre dans ce que j'appelle des programmes de quartiers, des programmes de français à temps partiel. Ils seront donnés dans des quartiers pour faciliter la participation des femmes immigrantes à ces cours et en leur fournissant les moyens de faire garder leurs enfants d'âge préscolaire.

Nous allons également, à travers nos écoles, tenter d'aider tous ces jeunes qui se côtoient tous les jours et qui viennent de plusieurs communautés culturelles et de la majorité afin qu'ils puissent mieux se connaître, mieux connaître les traditions qui sont les leurs et qui sont un enrichissement pour toute la société québécoise. (10 h 45)

Quant à votre dernière remarque, je voudrais vous faire comprendre que le principal facteur de recrutement est la santé économique du Québec. En 1985, pour la première fois en 17 ans, nous aurons un solde migratoire positif. Nous devons être fiers de cela. Nous avons pu, justement grâce à notre ouverture et grâce à la santé économique du Québec, conserver de plus en plus de nos immigrants et de nos propres citoyens.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre.

Je reconnais maintenant le député de La Peltrie.

M. Lawrence Cannon

M. Cannon: Merci, M. le Président. Pour stimuler l'économie canadienne, le gouvernement fédéral lançait, en janvier 1986, une nouvelle catégorie d'immiqrants appelés les investisseurs. L'investisseur immigrant est défini comme une personne possédant 500 000 $ et disposée à en placer au moins la moitié dans des projets d'investissement. Le Québec a bien accueilli les objectifs du programme fédéral compte tenu que notre gouvernement est fondamentalement convaincu que tous nos objectifs sociaux contribuent à une excellente santé économique.

Cependant, le véhicule financier proposé par le gouvernement fédéral était peu adéquat pour le Québec. Je suis fier de pouvoir affirmer à cette commission que la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration a pris à coeur les intérêts du Québec en se dotant d'un véhicule financier propre au Québec. Pour ceci, le ministère a travaillé en étroite collaboration avec le secteur financier québécois pour mettre en place ce mécanisme particulier. Encore une fois, avec un gouvernement libéral, le Québec se place au premier rang avec un tel programme. Nous avons élaboré notre propre programme avec nos propres critères de sélection qui nous apparaissent nettement plus avantageux autant pour les investisseurs que pour l'économie québécoise.

Le Québec a connu dans le passé un exode important de ses ressources humaines. La ministre vient d'indiquer il y a quelques instants qu'en 1985, pour la première fois, nous avions un solde positif. Cet exode a été le fruit de plusieurs facteurs: les politiques linguistiques, économiques et sociales de l'ancien gouvernement complémentées par une remontée de l'économie dans l'Ouest du pays. Aujourd'hui, tous les pays de l'Occident mettent l'accent sur des mesures visant à stimuler leur économie. Ceci s'inscrit dans la pensée et dans la philosophie du gouvernement libéral qui est passé à l'action. Justement, ce proqramme est un programme d'action. Il est réalisé conjointement avec le secteur financier et s'inscrit dans une démarche d'affaires sur un marché concurrentiel.

Le Québec se place parmi les premiers

sur le plan international en concurrence avec des pays tels l'Australie, les États-Unis, les autres provinces canadiennes, ainsi que plusieurs autres pays qui ont développé à leur façon des structures d'accueil spécifiquement conçues pour cette catégorie d'immigrants. Ces immigrants investisseurs disposent d'un savoir-faire précieux pour nos entreprises. Ces gens entretiennent et entretiendront inévitablement des relations d'affaires dans leur pays d'origine. Leur venue parmi nous favorisera de nombreux contacts avec l'étranger et " donnera lieu à des échanges fructueux. Par là, c'est une avenue supplémentaire qui s'ouvre au milieu des affaires québécois à une époque où on commence à vivre une certaine internationalisation des affaires.

Mme la ministre, qui est une femme de terrain, a déjà commencé à vendre ce programme à l'étranger. Elle a rencontré les milieux financiers de Hong Kong et de la France. Notre programme a été très bien reçu et soulève beaucoup d'intérêt dans le monde. L'immigration de nature économique, fort importante pour relancer l'économie et créer des emplois, constitue une des grandes priorités de notre gouvernement. Une économie plus forte nous permettra d'assumer pleinement nos responsabilités face à tous les immigrants, c'est-à-dire leur plein épanouissement sur leur nouvelle terre d'accueil. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Louise Hareî

Mme Harel: Merci. Mme la ministre, de même que le député qui vient de parler ont souligné qu'en 1985, pour la première fois, le solde migratoire n'a pas accusé de déficit. Nous pouvons donc espérer qu'il se maintiendra au niveau obtenu sous le précédent gouvernement. Il demeure que les problèmes démographiques mis en relief par le faible taux de natalité - nous aurons l'occasion, je l'espère, de revenir là-dessus durant l'interpellation - ce taux de natalité que l'on sait être sous le seuil du renouvellement des générations... On sait que, pour maintenir les générations, il faut un taux de 2,1 % et que le Québec connaît, bon an mal an, un taux de 1,4 %. Même si l'écart paraît petit, évidemment cela fait un très grand nombre d'enfants de moins.

Nous aurons l'occasion d'y revenir. Cette dénatalité n'est pas comblée même avec la hausse du niveau d'immigration tel que rendu public par la ministre le mois passé. Les spécialistes, les démographes évaluent à près de 58 000 en 1984 - en 1985, 1986, évidemment, c'est encore un peu plus - le nombre de ressortissants étrangers qu'il faudrait recevoir - donc le double de ce qui a été annoncé - pour combler, si vous voulez, ce manque à gaqner en matière de natalité. Nous y reviendrons.

J'aimerais, avec la ministre, reprendre la question relative à l'importance de la connaissance du français dans la sélection des ressortissants étrangers. Compte tenu de la hausse du niveau d'immigration, compte tenu du fait que le ministère, la ministre et le gouvernement ont affirmé que c'était surtout la sélection d'immigrants indépendants et d'investisseurs qui allait permettre cette hausse, qu'entend-elle concrètement faire pour accentuer l'importance de la connaissance du français?

Actuellement, il faut savoir que c'est souvent bien plus la situation pécuniaire, la situation financière qui discrimine, si vous me permettez l'expression, qui sélectionne, que la connaissance du français; et cela même plus encore quand on pense que parmi les huit critères de sélection des immigrants - critères établis par le Québec, donc que le Québec peut modifier, que la ministre peut modifier tout de suite si elle veut favoriser cette intégration à la majorité francophone -on retrouve l'instruction, la préparation professionnelle spécifique, l'adaptabilité, l'emploi, l'expérience professionnelle, l'âge, les langues, parents ou amis résidant au Québec. Et il y a des points bonis.

La lanque est un des facteurs qui peuvent s'évaluer objectivement - on connaît ou on ne connaît pas le français - qui n'obtient que 15 du nombre de points dans le cas où les candidats doivent être évalués selon des facteurs. Tandis que l'adaptabilité -vous savez que l'adaptabilité, c'est bien plus difficile à cerner - peut donner jusqu'à 22 points à un candidat. L'adaptabilité, 22 points; la connaissance du français, 15 points. Comment fait-on pour évaluer l'adaptabilité? On dit ceci: Par des questions orales simples permettant d'évaluer la flexibilité, la sociabilité, le dynamisme, l'initiative, la persévérance, la confiance en soi, l'esprit de réalisme, la maturité. Et tout cela se fait dans une entrevue entre un agent d'immigration et un candidat.

L'adaptabilité bénéficie de 22 points dans la sélection, tandis que la connaissance du français ne bénéficie que de 15 points. Le Conseil de la langue française, dans un avis remis à la ministre responsable de la langue, a recommandé fortement d'au moins doubler les points. Qu'entend faire la ministre de l'Immigration en regard de cette recommandation du conseil? Celle-ci s'appuyait, rappelons-le, sur une étude très fouillée d'un démographe, l'étude Paillé, qui démontrait que près des deux tiers des nouveaux arrivants allaient rejoindre la communauté anglophone du Québec.

D'autre part, nous savons que le taux d'érosion de l'immigration internationale au Québec est estimé à 50 %. Ce sont là des

chiffres que l'on retrouve dans le communiqué gouvernemental publié par le ministère et signé par Mimi Dupuis, attachée de presse, j'imagine, de la ministre. On y lit qu'il y a un taux d'érosion de 50 % de l'immigration internationale au Québec.

L'étude de la commission de la culture, notamment présidée par le collègue de la ministre, a démontré qu'une meilleure connaissance du français chez les allophones augmentait leurs chances de faire leur vie au Québec et que la connaissance du français est un des facteurs de rétention des nouveaux arrivants une fois que nous les avions accueillis. Qu'entend faire la ministre dans l'immédiat puisqu'elle a à coeur d'augmenter l'immigration et d'intégrer ces nouveaux arrivants à la communauté francophone? Qu'entend-elle faire pour accentuer l'importance de la connaissance du français?

Le Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Maisonneuve. Mme la ministre.

Mme Louise Robic

Mme Robic: D'abord, j'aimerais ici vous dire que c'est juste, nous avons parlé d'un taux d'érosion de 50 % au cours des cinq dernières années, sous votre gouvernement, Mme la députée de Maisonneuve. Ce que je viens de vous annoncer, c'est qu'avec cette stabilité politique que les gens prévoyaient, nous avons pu l'an dernier arrêter cette érosion et annoncer des taux migratoires positifs qui devraient se continuer cette année. Nous en sommes très fiers.

L'importance de l'immigration pour le Québec est énorme. Nous avons besoin d'immigrants dans plusieurs domaines. L'immigration économique par le nouveau programme que nous avons mis sur pied, les immigrants investisseurs, va permettre à nos PME qui constituent la base la plus importante du développement économique au Québec, de se procurer des sommes additionnelles pour pouvoir se développer et, ce faisant, créer des emplois pour les Québécois.

Vous parlez d'une grille de sélection. Permettez-moi de sourirel Vous voudriez que j'ajuste une grille de sélection que vous avez vous-même créée. Donc, vous deviez y croire. Il est très important - je vous l'avoue et je l'ai prouvé en mettant des programmes sur pied - pour nous d'intégrer ces immigrants à la majorité francophone. Cependant, nous manquerions à nos responsabilités si le seul critère à mettre de l'avant était la connaissance du français pour ces immigrants. Les autres points de sélection qui sont tous aussi importants, entre autres, l'employabilité et l'adaptabilité, aideront ces citoyens à s'intégrer à la majorité francophone. Quand ils seront bien adaptés, quand ils travailleront, nous pourrons certainement s'ils ont une faiblesse concernant la langue, leur donner les cours nécessaires pour qu'ils apprennent Je français. Je le répète encore une fois, il est impartant pour nous de faire en sorte que ces nouveaux Québécois apprennent le français et ce, le plus rapidement possible après leur arrivée.

Le Président (M. Bissonnet): Merci Mme la ministre. M. le député de Richelieu.

M. Albert Khelfa

M. Khelfa: Merci. M. le Président, la société québécoise est majoritairement francophone; cependant, c'est une société pluraliste et dynamique. Nous ne pouvons plus la considérer comme monolithique composée de francophones catholiques et blancs, mais plutôt composée de gens de tous âges venant d'autres pays et véhiculant d'autres cultures. (11 heures)

Comme le lui prescrit sa loi constitutive, le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration se préoccupe notamment de maintenir et de développer les cultures d'origine dans les différentes communautés culturelles établies au Québec, de même que de rapprocher les membres de celles-ci de ceux de la société d'accueil. Le ministère estime que la fierté des membres des communautés culturelles eu égard à leur culture d'origine respective demeure un des facteurs importants favorisant une intégration harmonieuse à la société d'accueil et une plus grande ouverture permettant le rapprochement des membres de ces différentes communautés avec ceux de la majorité francophone du Québec. Ceci est dans le cadre d'échanges culturels. Ces échanges donnent lieu à d'importants apports au développement de la culture québécoise.

En regard de sa mission auprès des membres des communautés culturelles établies au Québec, le ministère a conçu une politique d'action concertée et administrée par la Direction des communautés culturelles. Cette politique permet au ministère de s'associer et d'associer les organismes à titre de partenaires dans la réalisation d'activités préparées à l'intention des membres de ces communautés. Cette politique regroupe une série de programmes par le biais desquels une aide technique et financière est accordée aux organismes partenaires pour réaliser des activités jugées compatibles avec la mission du ministère. Dans le cadre de cette politique d'action concertée, le ministère entretient d'étroites relations avec un nombre important d'organismes respectifs de la plupart des communautés culturelles du Québec. À titre d'exemple, prenons le cas du

programme d'aide à l'enseignement des langues ethniques où le ministère collabore avec 70 organismes qui enseignent 35 langues d'origine à quelque 18 000 jeunes de moins de 18 ans.

En regard du maintien et du développement de la culture d'origine, le ministère étudie annuellement au-delà de 300 demandes d'aide financière. Toutefois, l'activité de celle-ci déborde largement de l'administration des programmes d'aide financière. Le volet animation et liaison-conseil s'étend bien au-delà de cet aspect d'aide financière et établit en quelque sorte le cadre de la relation du ministère avec les groupes représentatifs des différentes communautés culturelles. Cette relation se concrétise par des rencontres, des séances de travail et par l'assistance à des événements. Toutes ces activités permettent d'acquérir une meilleure connaissance des organismes partenaires et, conséquemment, de mieux connaître les différentes facettes des communautés culturelles, de bien comprendre leurs problèmes et de mieux orienter les actions du ministère, Également, ces objectifs sont traduits par les divers programmes de subventions qui composent le volet de la communauté culturelle; entre autres, des programmes de langues ethniques, des programmes d'aide aux activités des communautés culturelles et des programmes d'aide au fonctionnement des organismes des communautés culturelles.

M. le Président, la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration procède cette année à une révision des programmes de subventions pour mieux refléter ces orientations. Le ministère introduira une programmation interculturelle qui vise le rapprochement entre les communautés culturelles et la majorité francophone.

En ce qui concerne nos programmes de subventions, l'effort du ministère se traduira par un soutien financier important à des organismes multi-ethniques voués au rapprochement interculturel et aussi à des initiatives prises par certaines communautés pour faire connaître à l'ensemble de la société leur héritage culturel propre. Dans la première catégorie, on peut ranger les subventions accordées dans le cadre des programmes d'aide au financement des organismes de communautés culturelles à des organismes multi-ethniques. Dans la deuxième catégorie, on peut retrouver un bon nombre de subventions accordées aux divers projets dans le cadre des programmes d'aide aux activités de communautés culturelles.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député-

M. Khelfa: Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): Mme la députée de Malsonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Faut-il rappeler à la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration que la grille de sélection a été établie dans un contexte de sécurité linguistique que, malheureusement, l'on ne retrouve pas avec l'actuel gouvernement? On n'a qu'à constater les multiples manifestations d'inquiétude, fondées et légitimes, pour comprendre que l'immigration est et peut, à bien des égards, devenir un facteur d'instabilité linguistique et aggraver d'une certaine façon cette instabilité linguistique. Déjà que, malgré l'adoption de la Charte de la langue française en 1977, les études de 1981 ont démontré - études qui sont hors de tout doute puisqu'elles ont été faîtes par "Statistiques démographiques", les publications qui concernent la situation démographique au Québec - que les transferts linguistiques, en fait essentiellement le choix que l'on fait d'une autre langue que sa langue maternelle, ont avantagé pour 8000 personnes le groupe français et pour 114 000 personnes le groupe anglais. S'il y a un déficit, c'est è tous égards le groupe français qui en porte le fardeau. Le transfert linguistique des allophones se fait en faveur du groupe anglais - il se fait toujours en faveur du groupe anglais - qui a donc, à la sélection même des immiqrants... Toutes ces études nous amènent également à constater qu'au recensement, malgré la générosité des programmes qui sont mis en place - Mme la ministre a fait référence à un programme à l'intention des femmes parrainées, je crois, en particulier, qui peuvent bénéficier de garde en garderie au moment où elles suivent un cours de français - 160 000 allophones ont déclaré ne pas être en mesure de converser en français. Pour ces personnes, il n'y a actuellement aucun accès à des cours de façon régulière.

Les réfugiés. On dit qu'il y a 11 000 réfugiés actuellement qui sont sur le territoire québécois en attente de statut. La ministre peut-elle nous confirmer que ces réfugiés n'ont toujours pas accès à des cours de langue? Peut-elle faire le point sur les négociations qui se poursuivent présentement quant aux programmes de formation en établissements, de manière à favoriser l'usage et l'apprentissage du français durant toutes ces années où il y a attente du statut, dans le cas des requérants au statut de réfugié? Croit-elle que l'enseignement de l'anglais en 1ère année, chez des enfants d'immigration récente... II faut voir les études réalisées au Conseil scolaire de l'île de Montréal qui démontraient que Ies enfants allophones qui fréquentent, pour la majorité

d'entre eux, les écoles du PSBGM - qui offre de3 classes et des écoles françaises - et qui font l'apprentissage de l'anglais dès la 1ère année, tout en conversant dans la langue maternelle en dehors des heures passées à l'école, que ces enfants ne sont pas trilingues, que ces enfants ne maîtrisent bien aucune langue et que bien des retards scolaires sont attribuables à l'absence d'apprentissage réel du français dans la première partie du primaire. Ces retards s'accumulent pas la suite et expliquent bien des difficultés que connaissent présentement les enfants d'immigration récente dans les écoles du Québec.

Mme la ministre peut-elle nous faire le bilan de la négociation en cours, notamment avec le gouvernement fédéral, en regard de la juridiction sur la sélection des réfugiés? On sait que, présentement, près du tiers de l'immigration au Québec ou tout au moins une large portion de son volume de réfugiés lui échappe totalement, la sélection étant exclusivement de juridiction fédérale. Quel est l'état des négociations sur cette question?

Le Président (M. Bissonnet): Mme la ministre.

Mme Louise Robic

Mme Robic: Mme la députée de Maisonneuve, vous êtes en train de faire le bilan de votre échec en ce qui concerne la francisation des nouveaux arrivants. Je voudrais vous rappeler que malheureusement c'est sous votre gouvernement qu'il y a eu une coupure de classes d'accueil et que vous avez négligé d'aider les femmes immigrantes à apprendre le français; chose que nous sommes en train de rétablir. Nous sommes persuadés que, malgré le fait d'envoyer les enfants des nouveaux arrivants à l'école française et que le conjoint travaille en français, quand ils rentrent à la maison et que l'épouse ne parle pas français et qu'ils doivent parler dans leur langue d'origine, cela ne favorise pas l'apprentissage du français. Pour nous, c'est essentiel. Si cette femme est isolée, si elle ne peut participer à la vie québécoise et si elle se retrouve seulement dans son groupe ethnique, vous pouvez être sûr que l'on n'aide pas cette famille à s'intégrer à la majorité québécoise. Il faut que l'unité familiale puisse participer à tous les événements que l'on retrouve au Québec et, pour ce faire, il faut justement que tous les membres de la famille parlent le français. C'est pour cette raison que nous mettons l'accent sur les cours de français pour les femmes à domicile. Nous voulons favoriser l'assistance à ces cours et les rendre accessibles et c'est pour cela que nous allons investir des sommes d'argent pour créer des cours de quartier, parce qu'on sait que cette femme ne peut s'éloigner de chez elle et nous voulons lui faciliter les choses. Elle doit être là pour les repas et, lorsque son mari arrive, pour préparer le repas du soir. Nous allons nous ajuster à ses besoins pour lui permettre d'assister et de suivre des cours de français.

Pour les transferts linguistiques, il n'y a aucune modification depuis les dix dernières années et les statistiques que nous avons sont des statistiques de 1971 à 1981. Nous devrons attendre les nouvelles statistiques du recensement de 1986. Mais cela prouve qu'il faut mettre en place le mécanisme nécessaire pour franciser les nouveaux arrivants, et ce, le plus tôt possible. C'est ce que je tente de faire en ce moment.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre. M. le député d'Arthabaska.

M. Laurier Gardner

M. Gardner: Merci, M. le Président. Depuis quelques mois, le thème des revendicateurs fait la manchette des journaux. Que la situation soit rapportée de façon humaniste ou de façon méfiante, on a souvent tendance à évaluer la situation dans un ensemble, alors qu'en réalité le cas d'un revendicateur de statut de réfugié est un cas particulier. Il s'agit d'un individu qui prétend que, pour sauver sa vie, son intégrité physique ou morale, il doit fuir son pays en quête d'une terre d'accueil où il pourra vivre en paix et en toute sécurité. Le phénomène des revendicateurs du statut de réfugié n'est pas nouveau. Ce mouvement migratoire est plutôt la suite logique de politiques oppressives, de guerres civiles et de situations économiques inégales ressenties dans certains coins du monde.

Un revendicateur est une personne qui arrive dans un pays et demande sur place d'être reconnu comme réfugié pour se voir accorder le droit de résidence. En signant la convention de Genève sur les réfugiés dans le monde, le Canada s'engageait à recevoir chez lui, comme résident, toute personne qu'il reconnaissait comme étant réfugié au sens de cette convention, c'est-à-dire toute personne dont l'intégrité physique et morale est menacée. Pour sa part, le Québec, en se dotant de pouvoirs en matière d'immigration en 1978, reconnaissait et adhérait au principe de cette convention. Il est important de souligner à ce point que la détermination du statut de réfugié est une juridiction exclusive du gouvernement fédéral. Ainsi, le gouvernement fédéral doit, afin de respecter ses engagements, examiner la demande de chaque revendicateur, afin de déterminer s'il s'agit d'un réfugié au sens de la convention. (11 h 15)

Depuis quelques années, le nombre de

personnes revendiquant le statut de réfugié au Canada a augmenté considérablement. S'il est vrai qu'un certain nombre de ces revendicateurs sont d'authentiques réfugiés, il y en a d'autres qui profitent des lacunes du système canadien en espérant se voir accorder le droit d'immigrer.

Un des facteurs qui encouragent ces personnes à choisir le Québec comme terre d'accueil est le resserrement des politiques d'immigration des pays industrialisés. À ceci s'ajoute le fait que le système actuel de reconnaissance du statut de réfugié est déficient. La lenteur administrative du traitement des dossiers se traduit par un engorgement du système. Un individu peut attendre trois à cinq ans avant que son statut soit déterminé.

Aussi, le jugement de la Cour suprême, en 1984, soulevant l'inconstitutionnalité du processus fédéral a incité le gouvernement canadien à réviser sa politique de détermination du statut de réfuqié. Ce faisant, le 21 mai 1986, le gouvernement fédéral annonçait la mise en place d'un programme spécial pour régulariser le statut des personnes qui étaient en attente de statut depuis déjà longtemps.

Je suis fier de souligner, en cette commission, que la ministre des Communautés culturelles" et de l'Immigration et députée de Bourassa a obtenu du fédéral, pour le Québec, le droit de participer à la sélection sur place de ces personnes. Il s'agit là, M. le Président, d'une première pour le Québec puisque celui-ci n'avait qu'un droit de sélection à l'étranger. Le Québec, tout en ne faisant pas partie du processus de détermination du statut de réfugié, est néanmoins impliqué dans ce dossier. À la suite d'une décision du gouvernement fédéral en 1982 de retirer son appui financier aux revendicateurs, le Québec a fait preuve, encore une fois, de responsabilité sociale et humaine. Le Québec a pris en charge l'accueil de ces renvendicateurs.

Devant l'accroissement du nombre de personnes qui revendiquent le statut de réfugié au Québec, je tiens à souligner que la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration - et, je le répète, députée de Bourassa, puisque c'est son plus beau titre s'est entretenue avec son homologue fédéral, à plusieurs reprises, pour discuter de cette situation inquiétante. Elle implore le gouvernement fédéral de s'assurer que le nouveau processus de détermination du statut de réfugié fasse preuve d'équité, de justice et d'efficacité. Avec le dépôt en Chambre de la loi fédérale concernant ce nouveau processus attendu en 1987, nous souhaitons que le nouveau processus de détermination du statut de réfugié permette aux réfugiés de se voir accorder le droit de résidence plus rapidement puisque les cas devraient être traités en une période de trois à six mois.

Je crois qu'il serait pertinent de mentionner que Mme la ministre a obtenu du gouvernement fédéral le remboursement de la totalité de l'aide sociale accordée aux revendicateurs du statut de réfugié arrivés ici avant le 21 mai 1986. Aussi, elle a obtenu 10 000 000 $ pour la francisation des personnes dont le statut a été régularisé par le programme spécial. Malgré les politiques individualistes que peuvent adopter les nations, la solution à la question des revendicateurs réside plutôt dans l'adoption par les pays du Nord d'une politique commune tout en respectant l'esprit de la convention de Genève. Merci, M. le Président. J'espère ne pas avoir trop dépassé.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député d'Arthabaska. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, je pense qu'il faut féliciter les négociateurs du gouvernement. Je ne sais si ce comité de négociation était présidé par le sous-ministre en titre. Je sais qu'il avait, dans le passé, déjà négocié l'entente Cullen-Couture. Ses talents de négociateur sont bien connus de part et d'autre de cette Chambre. Je crois comprendre, par les propos que vient de tenir le député d'Arthabaska, que le gouvernement s'est vu confirmer sa participation à la sélection; c'est bien le cas.

Jusqu'à présent, le Canada se réservait l'admission et le Québec, depuis l'entente Cullen-Couture, avait l'exclusivité de la sélection à l'étranger en faisant la distinction entre admission et sélection. Devons-nous comprendre que le Canada est maintenant partie prenante à la sélection, ici même au Québec, des requérants au statut de réfugié, ne l'étant pas en fait à l'étranger? Le Canada, à l'étranger, n'intervient pas, il intervient seulement pour l'admission et non la sélection. J'aimerais peut-être qu'on nous clarifie cela parce qu'il y a, je pense, un malentendu dans les propos. Si le Québec participe à la sélection, il n'a donc pas l'exclusivité comme c'est le cas pour les ressortissants étrangers qu'il choisit par ses agents d'immigration à l'étranger.

Mme la ministre, je pense qu'il nous faut revenir sur cette question de francisation des nouveaux arrivants. Pourquoi y revenir? Parce que c'est là le principal défi à relever. Il n'y a pas d'immigration qui sera bien reçue et acceptée au Québec sans qu'il y ait processus de francisation. Je pense que la francisation et l'immigration vont de pair. Il ne faut jamais que l'immigration soit perçue comme un facteur d'instabilité linguistique, sinon comment penser que ces manifestations d'accueil pourraient se poursuivre si tant est qu'elles

avaient pour résultat de se retourner contre les gens qui accueillaient eux-mêmes? C'est donc d'une absolue nécessité qu'il y ait une déclaration, aussi importante que celle sur les droits et libertés, une déclaration claire à l'égard de la nécessaire francisation dans le domaine de l'immigration. À cet effet j'aimerais vérifier si l'information qui nous est parvenue à savoir que, actuellement, le ministère ferait parvenir à l'Office des ressources humaines des demandes d'embauché de candidats possédant les deux langues officielles... À votre connaissance, est-ce que ce sont là des directives qui ont pu être communiquées à l'Office des ressources humaines par des personnes qui mettraient en cause le fait que le Québec n'a qu'une seule langue officielle?

D'autre part, que pensez-vous, en tant que ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles et au premier chef responsable de l'intégration des nouveaux arrivants à la communauté francophone, de l'enseignement de l'anglais en première année? Nous avons parlé rapidement des résultats de la campagne de francisation. Il faut bien voir que la Charte de la langue française a certainement favorisé l'accueil des enfants dans les écoles françaises. Au début des années soixante-dix - ce sont là des chiffres que l'on retrouve dans l'étude menée par te Comité sur l'école québécoise et les communautés culturelles de janvier 1985 - c'étaient 85 % des jeunes des communautés culturelles qui fréquentaient l'école anglaise. Juste un an avant la charte, en 1976-1977, c'étaient 82 % des élèves des communautés culturelles qui fréquentaient l'école anglaise. En 1983-1984, 40 % des allophones, des enfants de communautés culturelles étaient à l'école publique française. C'étaient donc moins de 60 % qui fréquentaient toujours l'école anglaise. Il y a là, évidemment, une progression qui est de bon augure. Il demeure que des communautés... Pensons aux 75 % des élèves italiens et grecs qui sont toujours inscrits à l'école anglaise; aux 60 % des enfants portugais qui, au contraire, fréquentent l'école française. Dépendamment des communautés, on peut constater qu'il y a là... Les hispanophones qui viennent d'Amérique latine, d'Amérique centrale ou d'Espagne fréquentent à 80 % l'école française.

Mme la ministre, comment entendez-vous réagir, comme ministre de ce gouvernement, en regard de ce que les journaux nous annonçaient ce matin même, la contestation des commissions scolaires anglophones de !a clause Canada inscrite à l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés? II faut voir que, depuis simplement le juqement de la Cour suprême en 1984 qui invalidait la clause Québec, dans la région de l'Outaouais ces chiffres prometteurs dont je viens de vous parler commençaient à régresser. Seulement depuis 1984, la fréquentation des écoles françaises par les élèves des communautés culturelles, des groupes ethniques, a commencé à décroître dans la région de l'Outaouais. Étant donné la décision de la Cour suprême d'appliquer la clause Canada, la situation tend à s'aggraver. Est-ce à dire que, si la clause Canada était contestée, comme c'est le cas, devant les tribunaux, cela ouvrirait la porte à la fréquentation des écoles anglaises par des enfants d'immigrants?

Le Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée. Mme la ministre.

Mme Louise Robic

Mme Robic: M. le Président, je voudrais rappeler à Mme la députée de Maisonneuve que c'est le gouvernement libéral qui a fait du français la langue officielle du Québec. Et cet énoncé, ce principe n'est pas remis en cause par notre gouvernement et ne le sera jamais.

Quant aux revendicateurs du statut de réfugié et du programme spécial qui a été mis en place par le gouvernement fédéral, je suis fière de vous annoncer encore une fois, de confirmer ce que mon confrère vous a dit: Nous avons obtenu des responsabilités additionnelles et nous faisons sur place la sélection de ces revendicateurs du statut de réfugié qui seront reconnus comme résidents permanents. C'est une première. Vous avez raison, j'ai de très bons négociateurs. Je voudrais bien vous faire remarquer que vous les aviez vous-même et vous n'aviez pas réussi. Cela est certainement dû aux bons mandats et aux bons appuis que je leur donne. Je les en félicite, d'ailleurs.

En plus d'obtenir pour la première fois de participer conjointement avec le gouvernement fédéral à la sélection sur place de ces personnes, nous avons obtenu 10 000 000 $ de plus pour des cours de français. Cette négociation prouve, encore une fois, mon intention, et l'intention de notre gouvernement, de faire tout en notre possible pour franciser les nouveaux Québécois. Nous avons également obtenu que le gouvernement fédéral rembourse ]00 % de l'aide sociale qui doit être payée à ces personnes. Je pense que ce sont des points très importants et très positifs. Quand on négocie bien, on obtient plusieurs choses. Nous, on ne laisse pas tomber de nos droits, jamais.

Madame, vous parlez d'instabilité. Il n'y a aucune instabilité au Québec présentement. La seule instabilité qu'il peut y avoir c'est celle que vous tentez de créer vous-même et je vous mets en garde contre cela. Le peuple québécois va se rendre compte que ce gouvernement n'a pas du tout l'intention de

laisser se détériorer la qualité - on va parler de qualité également - au Québec, Nous allons, au contraire, mettre l'accent sur la qualité du français pour bien aider ces gens à s'intégrer à la majorité québécoise en l'apprenant le plus tôt possible dès leur arrivée.

Il est à déplorer que ces revendicateurs qui sont ici depuis plusieurs années n'aient pu avoir leur statut confirmé qu'après une attente de quatre à cinq ans. On demande et on espère que le gouvernement fédéral, avec le dépôt de sa nouvelle loi, facilitera la reconnaissance du statut à ces gens dans les quelques mois qui suivent leur arrivée, donc, que tous ces gens auront droit à ce moment à des cours de français.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre. Je reconnais maintenant le député de Richelieu.

M. Albert Khelfa

M. Khelfa: Merci. Pour conclure ce que j'ai mentionné tantôt, j'aimerais souligner qu'il est certain que la crise démographique actuelle pourra avoir un effet sur le Québec traditionnel. Le défi est et sera de plus en plus de maintenir la spécificité de la culture franco-québécoise. D'ailleurs, le député d'Arthabaska a mentionné tantôt les gains que nous avons obtenus et que nous allons continuer à obtenir. Je crois que la députée de Maisonneuve a omis involontairement de féliciter la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration et de féliciter le gouvernement actuel de leurs gains là où eux ont connu un échec. Il faut donner à César ce qui revient à César, Mme la députée.

Pour conclure, M. le Président, j'aimerais souligner que, par le dynamisme actuel du gouvernement du Québec, par la volonté d'établir des structures accueillantes et vigilantes, nous allons atteindre l'objectif qu'on s'est fixé de conserver la culture franco-québécoise saine en intégrant l'ensemble des communautés. Merci. (11 h 30)

Le Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Richelieu. Ce sera maintenant la dernière intervention de cinq minutes de la députée de Maisonneuve. Après, en conclusion de l'interpellation de cette commission, je reconnaîtrai Mme la ministre pour dix minutes et vous, Mme la députée de Maisonneuve, également pour dix minutes. Alors, c'est votre dernière intervention de cinq minutes, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, cela passe vraiment trop vite. J'entendais la ministre des Communautés culturelles et de l'Immiqration reprocher au gouvernement précédent, celui du Parti québécois, de ne pas avoir obtenu certaines garanties quant à la question de la sélection des réfugiés. Je me demandais si c'étaient des reproches qu'il fallait faire au précédent gouvernement ou des félicitations qu'il fallait adresser au gouvernement fédéral qui avait accepté. Ces reproches, il fallait également les adresser au gouvernement libéral fédéral qui avait systématiquement refusé, depuis la négociation de l'entente Cullen-Couture - avant le référendum, je le rappelle - toute autre participation du Québec en matière de sélection.

Très rapidement, M. le Président, puisque le temps nous presse, je pense que Mme la ministre va devoir nous expliquer comment elle entend dépenser ces 10 000 000 $ d'argent frais. Comment entend-elle donner suite aux engagements du Parti libéral pour assurer l'accès aux COFi à tous les nouveaux arrivants - c'était un engagement de la dernière campagne électorale - et évidemment augmenter l'accès et la durée de la période de fréquentation dans les COFI? Est-ce qu'elle entend donner suite à cet engagement?

J'aimerais également que Mme la ministre nous présente M. Tchipeff qui vient d'être nommé sous-ministre adjoint au ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Nous n'avons pas eu le plaisir de nous le faire présenter et je dois dire que la simple lecture de son curriculum vitae est nettement insuffisante pour comprendre sa relation avec la problématique des communautés culturelles et de l'immigration, mises à part, évidemment, ses activités partisanes au comité du non lors du référendum et à l'intérieur des groupes ethniques du Parti libéral. M. Tchipeff était jusqu'à tout dernièrement vice-président de la Société d'assainissement des eaux et a eu comme activité professionnelle principale le commerce en gros de ferronnerie. On pouvait comprendre son intérêt pour la connaissance de la problématique de l'assainissement des eaux, mais je lui demanderais de nous faire comprendre la nomination de M. Tchipeff et sa responsabilité à l'égard des communautés culturelles du Québec, communautés culturelles, n'est-ce pas, qu'on souhaite voir se rapprocher de la communauté francophone.

Également, est-ce qu'il est exact que, dans la revue des programmes actuels requise par les directives du Conseil du trésor, la ministre s'apprête à couper les postes d'accueil dans les aéroports? On sait très bien que maintenant les immigrants ne sont plus conduits par bateaux. Le ministère est situé sur la rue McGill è Montréal parce qu'auparavant c'était au port de Montréal que les immigrants arrivaient, mais maintenant c'est dans les aéroports. Si c'est

confirmé que ces postes d'accueil seront maintenant chose du passé, c'est donc d'une certaine façon un très grand paradoxe puisque c'est la responsabilité première du Québec de rendre visible sa présence en matière d'immigration; elle est particulièrement significative au moment où on arrive dans un nouveau pays. L'information qu'on a serait que cette responsabilité serait confiée simplement à l'accueil fédéral. Mme la ministre peut-elle nous dire, si tel est le cas, comment elle entend remédier à cette situation?

Évidemment, nous n'avons pas eu de réponse concernant les mesures qu'elle préconise à titre de ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration pour faciliter cette francisation. Cela ne se fera pas tout seul. Vous savez, pour apprendre une langue lorsqu'on arrive ici à 20 ans ou è 30 ans, il faut que cela soit utile, utile pour travailler, gaqner sa vie, utile pour circuler dans une ville ou pour communiquer.

Présentement, 92 % des nouveaux arrivants s'installent à Montréal. Mme la ministre a-t-elle prévu, le ministère a-t-il prévu des mesures pour faciliter l'établissement des nouveaux arrivants en régions? Dans la sélection, est-ce qu'il est envisagé d'avoir ce critère en tête et que les agents d'Immigration puissent l'évaluer de façon à faciliter la francisation? Il y a actuellement des écoles - et la CECM le note - à Montréal où la forte concentration de nouveaux arrivants empêche une véritable intégration. Alors, en matière d'affichage, en matière de langue de travail...

Le Président (M. Bissonnet): Si vous voulez conclure, Mme la députée.

Mme Harel: ...et en matière de langue d'enseignement, est-ce que la ministre entend donner toutes les garanties pour assurer cette sécurité culturelle dont la majorité francophone a besoin et qui va faciliter la francisation des nouveaux arrivants?

Le Président (M. Bissonnet): Mme la ministre, en conclusion. Vous avez un droit de parole de dix minutes.

Mme Robic; Est-ce que je conclus là tout de suite?

Le Président (M. Bissonnet): Oui, ce sont vos dix dernières minutes. Après, je reconnaîtrai la députée de Maisonneuve, qui aura sa conclusion de dix minutes puisque c'est son interpellation. Mme la ministre.

Conclusions Mme Louise Robic Mme Robic: Tout d'abord, M. le Président, permettez-moi de sourire quand la députée de Maisonneuve me pose des questions sur la nomination de M. Antoine N. Tchipeff au titre de sous-ministre adjoint. Vous devriez me - féliciter, madame la députée, et il semblerait que vous ayez des problèmes à nous féliciter pour nos bonnes réalisations. Vous aimez mieux les accorder à d'autres gouvernements qu'à nous-mêmes. Mais, quand je regarde votre programme, vous vous blâmez pour les postes que vous n'avez pas confiés à ces nouveaux Québécois. Mais, moi, je viens de le faire, madame. Alors, vous devriez me féliciter pour avoir permis à un membre des communautés culturelles de nous servir et de faire maintenant partie de la fonction publique. M. Tchipeff, venant d'une communauté culturelle, comprend très bien, madame la députée, les problèmes auxquels ont à faire face ces gens. M. Tchipeff est intégré à la majorité francophone et je suis sûre qu'il pourra nous aider justement à franciser et à aider ces personnes à s'intégrer à cette communauté francophone majoritaire.

Quant à l'établissement des immigrants en régions, la tâche serait plus facile si le député de Mercier, lorsqu'il était ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, n'avait pas perdu cette responsabilité au profit du fédéral.

M. le Président, pour conclure, je voudrais vous dire que je suis très heureuse de cette occasion qui nous a été donnée aujourd'hui et qui m'aura particulièrement permis d'attirer l'attention des membres de la commission mais également de la population sur notre vision de l'avenir de la société québécoise et du rôle que joueront nos nouveaux citoyens.

Je voudrais profiter de cette dernière intervention pour revenir sur le sujet de la francisation des immigrants. Les débats qui ont présentement cours au Québec concernant la loi 101 nous ramènent presque inexorablement à la question de la francisation des immigrants. Voilà, en effet, une question très importante et je puis vous assurer, M. le Président, qu'elle retient effectivement toute mon attention. Je n'ai pas l'intention de me livrer à un long cours d'histoire mais il me semble, par ailleurs, important de rappeler certains faits historiques.

Au lendemain de la conquête, en 1763, la nation canadienne-française s'est maintenue et développée grâce à une fécondité très élevée. Pendant ce temps, les immigrants qui venaient s'établir au Québec et ce, jusqu'au début du XXe siècle, étaient très majoritairement d'origine anglo-saxonne, soit qu'ils venaient des États-Unis - ce fut la période des Loyalistes - soit qu'ils venaient d'Irlande, d'Ecosse ou d'Angleterre. Pendant un siècle et demi, les Québécois francophones ont vu leur nombre s'accroître

sans apport extérieur important. À l'inverse, les immigrants venaient augmenter de façon notable la proportion des anglophones vivant au Québec. Les choses ont depuis ce temps bien changé. D'une part, les taux de fécondité ont chuté dramatiquement au Québec au cours des dernières années. En 20 ans à peine, nous sommes passés d'une surfécondité à une fécondité qui est l'une des plus faibles de tout le monde occidental. D'autre part, les souches d'immigration ont également considérablement évolué au cours des récentes années. Nous sommes arrivés à un moment où il nous faut faire des choix importants quant à l'avenir de la société que nous voulons bâtir.

Je dirai, M. le Président, que nous faisons face à trois choix possibles. Nous pourrions décider collectivement que le Québec recevra dorénavant le moins d'immigrants possible; nous vivrons alors renfermés sur nous-mêmes. Ce choix entraînera, compte tenu du faible taux de natalité, une diminution progressive de la population québécoise. Par ailleurs, ce choix entraînerait sûrement une augmentation du pourcentage de francophones dans la société québécoise. Puisque pendant ce temps la population du reste du Canada continuerait de croître, la proportion du Québec au sein de la Confédération irait en diminuant et nous risquerions d'être marginalisés. C'est la raison pour laquelle il me semble que nous devons écarter ce choix.

Un deuxième choix serait de ne recevoir dorénavant que des immigrants francophones. Ceux qui défendent cette position nous assurent qu'elle permettait au Québec de maintenir son poids démographique dans la Confédération canadienne, tout en assurant chez nous une large prépondérance de la majorité francophone. Je crois, M. le Président, qu'il s'agit là pourtant d'un choix qu'il nous faut rejeter. Il nous faut le rejeter parce qu'il s'agirait d'une décision discriminatoire puisque notre sélection ne serait basée que sur la connaissance du français. Comment, en effet, pourrions-nous refuser de recevoir chez nous des réfugiés sous prétexte qu'ils ne parlent pas français? Comment pourrions-nous refuser à des familles le droit de se réunir sous prétexte que leur langue n'est pas le français? Cette politique n'a d'ailleurs été suivie par aucun des gouvernements qui se sont succédé au Québec au cours des 25 dernières années. Ce serait manifestement commettre une faute grave contre l'humanité que de s'engager dans cette voie. De plus, ce serait tout à fait illusoire de croire que l'on puisse recevoir une forte immigration francophone. N'oublions pas que pour environ 300 000 000 de personnes qui parlent le français dans le monde, soit comme langue maternelle soit comme langue seconde, il y a plus de 4 000 000 000 d'autres individus qui ne connaissent pas notre langue,

II nous reste donc un troisième choix qui est celui d'ouvrir nos portes de façon contrôlée à l'immigration diversifiée. Vous aurez compris, M. le Président, que c'est ce choix que nous privilégions. Nous avons donc l'intention au cours des prochaines années d'augmenter progressivement le nombre d'immigrants qui viendront s'établir au Québec.

Il est bien certain que tous ces immigrants ne parleront pas tous le français. D'ailleurs, si l'on jette un coup d'oeil sur les statistiques des dix dernières années, on se rend compte que le nombre de ceux qui parlent français varie, selon les années, entre 30 % et 40 %. Il n'y a pas eu sous le gouvernement précédent de variations importantes dans la proportion des immigrants qui parlaient français.

Je continue à croire, M. le Président, que ce qui est important, ce n'est pas que nous ne recevions que des immigrants qui parlent français, mais que nous nous donnions, par contre, les moyens d'enseigner le français aux immigrants non francophones qui nous arrivent. Notre objectif est que tout enfant d'immigrants qui arrive au Québec ait les moyens d'apprendre rapidement le français. Nous n'avons pas l'intention - et je tiens à le répéter fermement et clairement pour qu'aucune ambiguïté ne subsiste sur ce point - de modifier la loi 101 sur cette question. Il nous apparaît important que tous les enfants d'immigrants doivent aller dans les écoles françaises. Bien sûr, en contrepartie, il faut s'assurer que nos écoles françaises soient accueillantes envers les nouveaux venus. Pour ce qui est des immigrants adultes, il faut, soit dans le cadre des cours à temps plein, soit dans le cadre des cours à temps partiel, que tous et toutes aient la chance de pouvoir apprendre le français. (11 h 45)

Au cours des récentes négociations avec mon homologue fédéral, j'ai obtenu qu'un budget supplémentaire d'environ 10 000 000 $ soit consacré à l'apprentissage du français pour les revendicateurs qui verront leur dossier traité dans le cadre de l'opération du 21 mai 1986. Il s'agît là de résultats dont je suis très fière, mais je peux vous assurer que ce n'est qu'un début. Ma première priorité est la francisation des immigrants. J'ai bien l'intention de multiplier les démarches tant auprès de nos homologues fédéraux qu'auprès de notre propre gouvernement pour que toutes les ressources nécessaires afin d'atteindre cet objectif soient acquises. Cette semaine, je recevais d'ailleurs à mon bureau le ministre fédéral responsable du multiculturalisme et Secrétaire d'État, M. David Cromble, et je peux vous dire sans trahir de secret que le principal sujet de discussion a été la

francisation des immigrants et que nos fonctionnaires ont reçu mandat de voir quelles améliorations pourraient être apportées aux programmes actuellement en vigueur qui nous permettraient de rejoindre un plus grand nombre de nos concitoyens qui ne connaissent pas encore la langue française.

En terminant, il ne m'apparaît pas inutile de rappeler que près de 50 % du budget du ministère dont j'ai la responsabilité est consacré à la francisation des immigrants. Cette proportion dépassera fort probablement les 60 % lorsque seront incorporées à notre budget les sommes d'argent supplémentaires qui viennent de nous être consenties par le gouvernement fédéral.

J'aimerais vous rappeler qu'une de mes priorités est la francisation de la femme immigrée. Si l'on veut réussir à intégrer les familles immigrées à la majorité francophone, je le répège, si l'on veut que l'unité familiale parle le français, il faut nécessairement accentuer nos efforts à la francisation des mères de famille. C'est dans cette intention que j'ai mis sur pied un projet pilote et, grâce à ce projet qui a connu des succès, mon ministère consacrera en 1987-1988 un montant additionnel de 400 000 $ à des cours de français.

M. le Président, ces quelques chiffres montrent la priorité que nous accordons à l'objectif de francisation des immigrants. Ils témoignent de ma volonté d'agir et sont la preuve qu'il ne s'agit pas d'une vague promesse, mais d'un engagement formel qui déjà s'incarne dans la réalité.

M. le Président, il est temps que les Québécois comprennent qu'il ne s'agit pas seulement de faire justice aux groupes culturels et ethniques minoritaires, mais d'investir réellement dans l'enrichissement culturel, social et économique du Québec. L'insertion de ces groupes culturels ne doit plus être perçue seulement comme une question de justice pour eux, mais comme une question d'apport économique essentiel pour nous.

Je termine tout de suite, M. le Président. Le défi, c'est de faire en sorte que la société francophone de demain soit diversifiée sur le plan culturel et ethnique et qu'elle assure harmonieusement ses diversités. Car il n'y aura de survivance d'une communauté francophone en Amérique du Nord que si cette dernière s'alimente de ses apports externes et parvient à les faire fleurir en sol québécois.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre.

Sur votre droit de réplique, Mme la députée de Maisonneuve. S'il vous plaît! II n'y a pas d'applaudissements en commission, MM. les députés.

Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Il y a une réalité que l'ensemble des Québécois et . Québécoises, de quelque origine qu'ils soient, se doivent de constater. L'immigration est un facteur indispensable de développement social, économique et culturel pour le Québec. L'immigration est d'autant plus importante que, bon nombre d'observateurs l'ont souligné à juste titre depuis quelques mois, le taux de fécondité au Québec, qui a été l'un des plus élevés de tout l'Occident, est maintenant l'un des plus bas de tous les pays industrialisés. Il y a là des phénomènes de société qui ont eu une accélération, qui ont connu une progression presque inégalée dans l'histoire. II semble que seulement l'Espaqne soit maintenant en train de nous rattraper.

Entre 1960 et 1972, en l'espace de douze ans à peine, le taux de fécondité a baissé de 55 %. Dans les années soixante c'est le quatrième enfant ou presque qui est disparu des statistiques. Dans les années quatre-vingt que l'on connaît maintenant, c'est le troisième qui est presque en voie d'extinction, un peu comme une race qui est en voie d'extinction, tout au moins dans les statistiques. Ce sont 15 % des familles qui comptent trois enfants et plus.

Il faut bien voir par exemple que la création du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles en 1968 ne s'est pas faite sans qu'il y ait une raison qui milite en faveur du fait que le Québec réclame sa juridiction en matière d'immigration. Pourquoi 1968? Il faut se rappeler qu'en quatre ans, de 1964 à 1968 -c'est là, semble-t-il, un phénomène totalement inusité - la fécondité a chuté d'un tiers au Québec. C'est la baisse que l'on dit être la plus radicale qu'a connue l'histoire mondiale, en temps de paix évidemment. Cette chute ne peut être attribuée ni à la pilule contraceptive, qui n'était pas encore en circulation libre, ni au divorce, puisque la loi n'avait pas été modifiée par le gouvernement fédéral. Finalement, c'est là un comportement de société que bien des observateurs mettront encore longtemps à expliquer.

C'est donc dire qu'à bien des égards, malgré des mesures énergiques que l'on doit souhaiter en termes de maintien des couples qui désirent des enfants, mesures énergiques pour soutenir leur désir d'enfants, il reste que l'immigration est un phénomène souhaitable et désirable pour le développement et la croissance du Québec. Cette réalité étant, il faut maintenant s'assurer que l'immigration n'est en aucune manière, je le répète, un facteur d'instabilité linguistique contrairement à ce qu'elle a toujours représenté. Historiquement, la répartition était très simple. Aux Canadiens

français les enfants et aux Canadiens anglais du Québec les immigrants. C'est une répartition qui a prévalu pendant des décennies pour ne pas dire des siècles.

Notre taux de natalité nous a pendant longtemps illusionnés sur cette capacité que l'on avait d'être compétitifs. Ma grand-mère a eu 18 enfants et c'est comme cela pour bien des familles québécoises. La réalité a changé maintenant. Le principal enjeu qui se profile, c'est celui de l'intégration. Quand je dis que le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration a été créé au Québec en 1968, c'est parce que c'est durant les années soixante que la collectivité québécoise a pris conscience de cette réalité démographique et de la nécessité qu'elle avait de s'ouvrir aux nouveaux arrivants et de faire que ceux et celles qui choisissaient le Québec comme pays d'adoption soient accueillis d'abord par une culture d'accueil qui soit la culture de la majorité et soient, par la suite, invités à s'intégrer à la langue de la majorité.

Il y a encore, évidemment, énormément à faire quant à la francisation. J'ai parié des transferts linguistiques. Les transferts linguistiques sont très inquiétants. L'école ne suffit pas à franciser. L'école est un pas en avant. L'école ne suffit pas à franciser les enfants immigrants. Actuellement, les transferts linguistiques nous permettent de constater que l'école permet l'apprentissage du français, parfois comme langue seconde. La langue maternelle qui est la langue parlée à la maison reste la langue maternelle; mais la langue de choix est celle qui permet de gagner sa vie, celle qui permet de circuler, celle qui permet de communiquer - d'où cette nécessité qu'au Québec tout se fasse, puisse se faire et se réalise en français -celle du travail, de l'affichage, des communications, de la technologie et de l'école aussi. C'est donc une responsabilité qui échoit - qui est un défi extraordinaire -au ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration et à la ministre. Avec son collègue responsable de la langue, elle a, au premier chef, cette responsabilité, qui jamais dans l'histoire n'a revêtu autant d'importance, de la francisation des nouveaux arrivants, pas seulement des enfants d'immigrants, mais la francisation de l'ensemble des personnes qui nous arrivent. Ce n'est pas simple parce que, vous savez, un vieil adage dit que, lorsque l'on met deux langues sur un pied d'égalité, c'est parce qu'il y en a plusieurs qui mettent les deux pieds sur la même langue. On ne peut pas mettre les deux langues sur le même pied pour les nouveaux arrivants, parce que deux langues sur le même pied, c'est un choix et dans le contexte nord-américain ce choix joue en défaveur de la langue de la seule minorité française en Amérique du Nord.

C'est d'autant plus important donc que la ministre ne confonde pas de façon malicieuse, comme elle l'a fait, cette recommandation du Conseil de la langue française en matière d'immigration de doubler les points affectés au critère de sélection de la connaissance du français à l'égard des candidats à l'immigration. La ministre a confondu malicieusement en faisant référence aux demandeurs d'asile, aux personnes en détresse. Là n'est pas la question. La sélection ne se fait pas de la même façon pour les personnes qui sont en attente de statut de réfugié, puisque c'est la convention de Genève qui prévaut à ce moment-lè. Cela ne se fait pas de la même façon à l'égard des personnes qui sont en demande pour des raisons humanitaires, puisque c'est l'article 18c de la loi du ministère qui joue. C'est une sélection qui joue à l'égard des immigrants indépendants, de ceux qui sont autonomes, de ceux dont la ministre dit vouloir augmenter le nombre en haussant le niveau d'immigration. Eh bien, eux et elles doivent savoir que la connaissance du français est esentielle pour vivre harmonieusement au Québec et qu'il faut donner suite à la recommandation du Conseil de la langue française de doubler les points qui permettent d'évaluer la connaissance du français, de façon que l'on n'ait pas seulement à investir des millions -parce que ce sont des millions que l'on investit dans la francisation une fois qu'ils sont ici - mais que l'on puisse espérer, parce qu'il y a beaucoup de francophones qui sont refusés, admettons-le, que ceux et celles qui veulent adopter le Québec comme patrie aient des facilités pour le faire.

Il faut bien se comprendre, le fait de rester ici, le fait de rester chez nous est beaucoup plus élevé chez ceux et celles qui ont fait l'apprentissage du français ou qui en ont l'usage que chez ceux et celles... Les deux tiers de ceux qui arrivent n'ont aucune connaissance du français. Les deux tiers de ceux et celles qui sont venus en 1986 et de ceux et celles qui viendront en 1987 n'ont aucune connaissance du français. Or, on sait que les millions qui sont investis le sont souvent en pure perte parce qu'un immigrant sur deux nous quitte après que des mesures assez généreuses d'accueil leur ont permis d'obtenir le statut de citoyen.

M. le Président, je pense qu'à tous égards c'est une responsabilité qui échoit à la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, tant au niveau de la sélection qu'au niveau de l'accueil, de voir à favoriser l'usage du français et à recommander à ses collègues du Conseil des ministres que la vie au Québec, dans toutes ses manifestations, dans le milieu du travail comme dans le domaine des communications, se passe en français. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): Merci,

Mme la députée de Maisonneuve.

La commission de la culture ayant rempli son mandat, soit l'interpellation du député de Mercier à l'endroit de la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration sur les politiques libérales en matière d'immigration, il me fait plaisir, mes chers collègues, d'ajourner les travaux de cette commission sine die. Merci et bonne journée à tous.

(Fin de la séance à 12 heures)

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