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(Onze heures quinze minutes)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de la culture reçoit aujourd'hui,
conformément à l'article 119.1, la Commission d'accès
à l'information. Je vous rappelle l'article 119.1 qui se lit comme suit:
"La commission de l'Assemblée nationale désigne, dans les
meilleurs délais, la commission qui fera l'étude du rapport
d'activités. "La commission désignée doit faire
l'étude de ce rapport dans les 60 jours de son dépôt
à l'Assemblée nationale."
Pour que les choses soient claires - je vois le député de
Taillon sourire - la commission de la culture a demandé dans les 60
jours du dépôt du rapport de votre commission, M. le
président, à la commission de l'Assemblée nationale de la
désigner comme étant celle qui devait vou3 recevoir cette
année, comme cela a été fait non pas l'an dernier sur
votre rapport 1984-1985 - je me suis rendu compte qu'il n'avait pas fait
l'objet d'une étude - mais pour votre rapport 1985-1986. Ce n'est qu'en
date du 3 décembre 1986 que, lors d'une de ses rares réunions, la
commission de l'Assemblée nationale a confié le mandat à
la commission de la culture. C'est dans ce contexte-là que, plusieurs
mois après le dépôt de votre rapport, nous avons
aujourd'hui le plaisir de vous accueillir et de vous souhaiter la bienvenue,
ainsi que mesdames les commissaires et à votre personnel que vous
voudrez bien nous présenter, M. le président.
En séance de travail, il y a quelques minutes, nous avons convenu
de faire les choses de façon aussi informelle que possible. D'abord, si
vous le voulez bien, M. le président, il y aura une déclaration
de votre part qui sera suivie d'une déclaration du responsable de ce
dossier pour le parti de l'Opposition. Par la suite, nous procéderons
à un échange de questions et de réponses de façon
très informelle entre les membres de la commission et
vous-même.
Tout en vous souhaitant une nouvelle fois là bienvenue, je vous
cède la parole.
Exposé du président de la CAI M. Marcel
Pépin
M. Pépin: Merci beaucoup, M. le Président. Mesdames
les députées et messieurs les députés, il me fait
plaisir d'abord de vous présenter les membres de la commission. À
ma gauche, mon bras droit, Mme Thérèse Giroux, et à ma
droite, mon autre bras droit, Mme Caroline Pestieau.
Il me fait donc plaisir de vous rencontrer de nouveau et de faire avec
les membres de la commission le bilan de l'année qui s'est
écoulée entre le 1er avril 1985 et le 31 mars 1986. Avant d'en
retracer les grandes lignes, j'aimerais attirer votre attention sur les efforts
particuliers que nous avons mis dans ce rapport d'activités afin de le
rendre plus intéressant et plus instructif pour les citoyens, les
parlementaires et les responsables chargés de l'application de la
loi.
C'est ainsi que nous avons fait état, par exemple, d'un grand
nombre de cas concrets survenus au cours de l'année et que nous avons
dégagé notre jurisprudence. Je dois dire d'ailleurs que cet
exercice fut des plus bénéfiques pour la commission
elle-même qui a pu en tirer d'utiles renseignements avant d'aborder
l'important mandat de révision de la loi.
J'aimerais auparavant brosser le tableau de nos activités au
cours de cette année en commençant par l'exercice de notre mandat
d'adjudication. La commission a rendu quelque 110 décisions en cours
d'année dont plus de la moitié portaient sur des demandes
d'accès aux documents. La majorité des autres cas concernaient
l'accès à des renseignements personnels alors que quelques-unes
des décisions étaient relatives à des demandes de
rectification.
La commission a aussi examiné sept requêtes de la part
d'organismes pour ne pas tenir compte de demandes que ces organismes estimaient
abusives. Je tiens à souligner toutefois le grand nombre de
désistements qui ont eu lieu en cours de route. Plus de 42 % des
demandes de révision inscrites au secrétariat de la commission
ont été retirées présumément, dans beaucoup
de cas, après que l'organisme eût reçu l'avis de la
commission l'informant du processus de révision en cours.
Il ne fait donc pas de doute que le pouvoir d'ordonnance de la
commission renforce son autorité et permet souvent aux demandeurs
d'obtenir satisfaction plus rapidement.
Au chapitre de la nature des décisions rendues, la compilation
des statistiques
révèle que dans la majorité des cas, soit 55 %, les
requêtes des demandeurs ont été accueillies totalement ou
au moins en partie.
La commission a rejeté un nombre è peu près
égal de demandes pour l'accès à des documents et à
des renseignements personnels. Cependant, les demandes de rectification de
renseignements personnels ainsi que les requêtes d'organismes pour ne pas
tenir compte de demandes jugées abusives ont été
majoritairement rejetées.
On me demande sauvent qui sont les utilisateurs de la loi sur
l'accès et à quels organismes ils s'adressent plus
particulièrement. Les données colligées en cours
d'année nous ont appris que, pour l'accès aux documents, les
simples citoyens sont les demandeurs les plus nombreux, suivis des associations
et des entreprises. Ce sont surtout les organismes du monde municipal qui sont
visés par ces demandes. Viennent ensuite les organismes gouvernementaux
et, en fin de liste, les ministères.
Pour ce qui est des demandes d'accès è des renseignements
personnels qui ne sont évidement formulées que par des citoyens,
ces demandes s'adressent principalement aux organismes gouvernementaux puis
à ceux du réseau des affaires sociales.
Les demandes de révision sur lesquelles se penchent les
commissaires leur permettent de prendre position sur différents aspects
de la loi. Ainsi, les 56 décisions rendues relativement à
l'accès aux documents ont permis à la commission de
préciser d'importantes notions et d'établir solidement sa
jurisprudence à laquelle les responsables peuvent maintenant se
référer pour les aider è prendre leurs décisions.
Les décisions ont été publiées intégralement
par Les Publications du Québec et, plus récemment, par La
Société québécoise d'Information juridique.
J'aimerais maintenant parler du deuxième volet de la loi,
relatif, celui-là, à la protection des renseignements personnels.
La loi confie un rôle plus étendu à la commission à
ce chapitre et j'aimerais en tracer les grandes lignes. La loi sur
l'accès exige des 3600 organismes publics qu'ils déclarent
à la commission les fichiers de renseignements personnels qu'ils
détiennent. Ces déclarations doivent indiquer, entre autres, les
types de renseignements que ces organismes conservent, d'où viennent ces
renseignements, ce qu'ils en feront, les catégories de personnes
concernées par les renseignements versés au fichier et, enfin,
les catégories de personnes qui auront accès au fichier dans le
cadre de leurs fonctions.
Les déclarations de fichier permettront à la commission
d'obtenir un portrait fidèle de la situation. De plus, la commission
sera en mesure éventuellement de confectionner un répertoire des
fichiers, répertoire qui donnera aux citoyens une idée des
renseigne- ments que l'État ou tous les organismes assujettis
détiennent sur eux.
D'ici là, la déclaration de fichier a tout de même
eu le mérite de forcer les organismes à faire l'inventaire des
renseignements qu'ils détiennent et à réfléchir sur
leur utilité. D'ailleurs, dans le but de les aider à
démystifier cette opération, la commission a organisé une
tournée d'information et elle continue d'apporter aide et soutien
à tous les organismes qui veulent un peu d'aide dans cette
opération.
Au 31 mars dernier et près d'une année après
l'échéance fixée par la loi, 75 % des organismes, avaient
produit leur déclaration de fichier. Ceux qui ont failli à cette
obligation sont majoritairement de petites municipalités, bien que
d'autres, de taille très respectable, et même un ministère
constituaient aussi ce qu'on peut appeler des délinquants.
Quoi qu'il en soit, la commission avait reçu à cette date
près de 10 000 déclarations avec une moyenne de neuf fichiers
pour les ministères, de six fichiers pour le secteur des affaires
sociales et de l'éducation et de quatre pour le monde municipal. Il va
sans dire que la commission continue de recevoir des déclarations et
d'analyser leur contenu.
Un problème qui semble surgir provient du droit d'accès
aux dossiers personnels que s'arrogent les employés des organismes.
La loi permet à toute personne de savoir qui a consulté
son dossier dans un organisme et qui est dispensé de s'enregistrer en
raison de ses fonctions l'amenant à consulter souvent ce type de
dossiers. Malheureusement, cette obligation a été mal comprise
par les organismes qui ont réclamé des dispenses d'enregistrement
pour toutes les catégories de personnes ayant accès è un
fichier.
La commission a donc plublié une directive sur les règles
de consultation de ces fichiers par les membres des conseils d'administration
et les élus à la tête des organismes. Elle a, par ailleurs,
accordé en bloc les dispenses, se réservant le pouvoir de les
réviser à la suite d'une analyse plus approfondie des contraintes
propres à chaque type d'organisme.
La loi confie aussi à la commission le rôle d'autoriser un
chercheur ou un organisme de recherche à recevoir des renseignements
nominatifs sans le consentement des personnes concernées. La commission
étudie chaque cas au mérite; elle vérifie si le chercheur
a vraiment besoin du nom des personnes, s'assure que les renseignements
nominatifs seront utilisés de manière à en protéqer
la confidentialité. Pendant la période couverte par ce rapport,
la commission a étudié 47 requêtes de ce type.
Dans la même veine, la loi avait confié à la
commission le rôle d'approuver des
échanges de renseignements entre organismes publics. Devant le
nombre impressionnant d'échanges à approuver, le
législateur a modifié la loi sur l'accès pour mettre
l'accent sur un contrôle a' posteriori par la commission dans un certain
nombre de cas comme lorsque l'échange est nécessaire à
l'application d'une loi. Par contre, un nombre réduit d'échanges
de renseignements entre organismes demeure soumis à un contrôle a
priori et exige l'avis de la commission et l'approbation du gouvernement. La
commission a étudié au cours de la période
précitée huit projets d'entente depuis la modification de la
loi.
Enfin, la commission a aussi pour fonction de faire enquête sur
l'observation de la loi. C'est ainsi qu'elle a mandaté son personnel
pour enquêter sur 25 plaintes qui ont été soumises par des
citoyens. Et 18 enquêtes avaient été
complétées à la fin de l'année qui nous occupe ce
matin. Â la lumière de cette expérience, force nous est de
conclure que le citoyen retient mieux les droits que la loi lui confère
que les exceptions permises aux organismes, car la moitié d'entre elles
se sont révélées non fondées. Pour les autres, il
s'agissait souvent de bris de confidentialité attribuable à
l'ignorance des dispositions de la loi par le personnel des organismes.
Toujours dans le cadre de ses fonctions, la commission a
été amenée à faire des représentations
relativement à des projets de loi qui touchaient à un domaine
relié à la loi sur l'accès. Au cours de cette
année, la commission a formulé trois avis sur des projets de loi
de ce titre. En outre, elle a été consultée relativement
à deux propositions de modifications de la loi sur l'accès. La
commission a également fourni un avis sur deux projets de décrets
gouvernementaux portant sur une entente d'échange de renseignements
personnels et un sur l'établissement d'un fichier confidentiel.
La loi sur l'accès confie également à la commission
le mandat de faire des recommandations au gouvernement sur l'opportunité
de maintenir ou d'abroger les dispositions législatives qui
contreviennent à la loi sur l'accès. Au cours des derniers mois,
la commission a mis la dernière main è ses recommandations
qu'elle a remises, depuis, au ministre des Communications, M. Richard
French.
Pendant les mois couverts par le rapport, le service juridique a
terminé l'identification de ses dispositions et la commission a
formulé les propositions de recommandations. Elle les a réunies
par secteur dans des brochures en vue d'une consultation publique. Cette
consultation s'est tenue à partir du mois d'août et a
culminé avec des audiences publiques où 22 groupes ou citoyens
ont commenté les propositions de la commission. Les principales
questions abordées portaient sur l'accès au dossier
médical ou social, sur l'accès au dossier d'adoption, sur
l'accès aux procès-verbaux et documents des conseils des
médecins, dentistes et pharmaciens ainsi que sur certains
problèmes particuliers au monde municipal. Le problème du tarif
exigible pour la délivrance de copies de documents a aussi fait l'objet
de débats.
Dans le cadre général de ses activités, la
commission a publié un certain nombre de documents pour préciser
sa position et mieux informer les organismes. Ainsi nou3 avons diffusé
une brochure à l'intention des chercheurs sur les critères qui
guident la commission pour l'approbation des projets de transferts à des
fins de recherche. Nous avons également publié un bulletin
trimestriel à l'intention des responsables de l'accès pour les
aider à appliquer la loi. Enfin, nous distribuons
régulièrement un dépliant qui s'intitule "Comment exercer
son droit de recours auprès de la Commission d'accès à
l'information" dans les versions française et anglaise.
Au cours des derniers mois, la commission a été à
même de constater que ses services ainsi que les nouveaux droits que
confère la loi sont mieux connus. Néanmoins, nous demeurons
constamment préoccupés par les façons d'utiliser au mieux
nos ressources et les moyens à notre disposition pour faire
connaître davantage les services et les nouveaux droits qu'offre la loi,
particulièrement, à la veille d'entreprendre cette étape
cruciale qu'est la révision de la loi. Les expériences
variées qu'a vécues la commission au cours de la dernière
année financière ont permis de dégager certains
enseignements sur la façon dont la loi sur l'accès est
appliquée. Par exemple, les commissaires ont été
forcés de constater que, souvent, les organismes semblent prendre
plaisir à judiciariser les litiges. Ainsi, ils profiteront de la
discrétion que leur confère la plupart des exceptions de la loi
pour refuser un document, même si celle-ci leur laisse le choix de les
appliquer ou non. On a vu aussi nombre d'organismes invoquer l'article
permettant de refuser un document jusqu'au 1er juillet 1986, même s'il le
détenait. Pourtant cet article avait été conçu pour
laisser aux organismes le temps de repérer les documents. La commission
ne peut donc qu'exhorter le gouvernement à rappeler aux organismes
publics leurs obligations morale et légale de traduire
concrètement dans les faits l'esprit de la réforme votée
par le législateur. (11 h 30)
Nous croyons également utile de signaler certains
problèmes d'application de la loi. Par exemple, le gouvernement devrait
préciser dans les lois municipales les droits et les devoirs des
élus municipaux. En cours d'année, il est arrivé que la
commission
constate qu'une majorité d'élus municipaux, par exemple,
refuse l'accès à des documents à d'autres élus,
obligeant ceux-ci à recourir à la loi sur l'accès pour
faire valoir leurs droits. . De plus, la notion d'archives municipales a
donné lieu à de nombreux conflits d'interprétation.
Des problèmes ont éqalement surgi lorsque des
employés impliqués dans un conflit syndical avec leur employeur
ont voulu obtenir leur dossier personnel en vertu de la loi sur l'accès.
Les demandeurs avaient parfois à formuler des requêtes à
leurs employeurs assujettis à la loi. Dans ce cas, la commission se
trouve dans l'inconfortable position de figurer parmi les nombreux
mécanismes déjà mis en place pour régler les
conflits de travail.
Ces difficultés concrètes d'application de la loi ainsi
que les réflexions que lui inspirent son travail quotidien sont
soigneusement consignées par les commissaires et figureront dans le
prochain rapport que la commission remettra au gouvernement. Ce rapport, comme
l'exige la loi, fera le point sur la mise en oeuvre de la réforme et
devra être complété pour le 1er octobre 1987. Le travail
est déjà amorcé par la mise sur pied d'un groupe de
travail sur l'opération de la révision de la loi sur
l'accès. Ce groupe de travail a d'abord été chargé
d'identifier les questions à étudier et de voir entre autres
à la consultation des personnes, groupes et organismes
intéressés»
Cette étape charnière dans l'existence de la commission
est entreprise avec sérieux et je compte que le rapport qui sera remis
au gouvernement sera imprégné de réalisme et contiendra
des recommandations tirées du vécu de la commission.
Je vous remercie de votre bonne attention. Je m'excuse d'avoir fait un
résumé qui est peut-être un petit peu long. Il est bien
entendu que nous tenterons de répondre à toutes vos questions et
même si vos préoccupations portent sur une période qui
dépasse quelque peu la période couverte par le rapport, nous
tenterons d'y apporter spontanément les réponses.
Le Président (M. Trudel): Je vous remercie, M. le
président. Vous n'avez pas été long et de toute
façon, vous avez été intéressant. Je profite de vos
dernières paroles pour souligner aux membres de la commission
qu'étant donné qu'on vou3 reçoit fort tardivement sur
votre rapport 1985-1986, que le rapport sur les dispositions inconciliables a
été, depuis, publié, qu'on ne vous a pas entendu sur votre
rapport 1984-1985, je serai - je le dis chaque fois sans jeu de mot -
libéral dans l'interprétation du règlement. On pourra
avoir une discussion qui pourrait déborder les cadres très
très restreints de votre rapport annuel.
Sur ce, je cède la parole à M. le député de
Taillon qui est critique dans ce dossier pour l'Opposition.
Exposé du critique de l'Opposition
M. Claude Filion
M. Filion: Je vous remercie, M. le Président. Je voudrais
également saluer le président, M. Pépin et ses
commissaires, Mme Giroux et en particulier Mme Pestieau qui, comme on le sait,
doit, selon nos informations, nous quitter pour rejoindre d'autres cieux. Vous
avez dit tantôt, M. Pépin, qu'elles étaient toutes les deux
vos bras droits. Je crois comprendre que, malheureusement pour vous, le
départ de Mme Pestieau fera en sorte que la nature ne vous redonnera
temporairement qu'un seul bras droit.
Je suis sûr que l'Assemblée nationale veillera, comme c'est
son mandat d'ailleurs, à combler adéquatement le poste que quitte
Mme Pestieau et qu'elle a occupé depuis le tout début, sauf
erreur, de la commission. J'en profite au nom de ma formation politique et au
nom de tous les parlementaires pour la remercier - c'est la dernière
fois que nous la voyons - pour les excellents services et le dévouement
qu'elle a manifesté à cette tâche qui n'était pas
facile.
J'ai évidemment parcouru avec beaucoup d'intérêt le
rapport annuel d'activités de la commision. Nous ne sommes pas
là, je pense qu'il faut le dire d'entrée de jeu, en
matière facile. Le droit à l'information, le droit à la
confidentialité sont des droits qui, parfois, entrent en conflit l'un
avec l'autre. Évidemment, ces deux droits sont susceptibles
également d'entrer en conflit ou d'être soupesés,
jugés, analysés en fonction de d'autres droits. Je pense qu'on
peut deviner la complexité, la fragilité, j'allais dire du
travail que doit effectuer la Commission d'accès à l'information
qui a agi en quelque sorte, un petit peu comme débroussailleur dans ce
domaine. On sait qu'elle a été la première commission de
semblable nature au Canada et qu'elle a donc servi de pionnier dans ce secteur
extrêmement important et qui prendra de plus en plus d'envergure dans les
années à venir. De façon qénérale, les
citoyens du Québec désirent être mieux informés et
désirent être mieux protéqés quant à la
confidentialité des renseignements qui les concernent. Ce travail, qui
est un travail de longue haleine, s'est quand même poursuivi, à
mon avis, à un rythme satisfaisant, compte tenu du fait que nous
étions à peu près dans la grande noirceur pas plus tard
qu'il y a sept ou huit ans, au Québec.
On ne peut pas espérer qu'une société comme la
nôtre se dote d'instruments tout à
fait parfaits dans un secteur aussi fragile, comme je l'ai
expliqué, et en aussi peu de temps. Cependant, le travail a donné
des résultats fructueux. Il faut, bien sûr, continuer et
accélérer dans certains secteurs, décélérer
peut-être dans d'autres. Et c'est tout ce processus que les
législateurs seront appelés à faire lors de l'étude
des recommandations de la commission visant à revoir, réformer,
si on me passe le mot, la loi sur l'accès à l'information.
Il y a évidemment plusieurs secteurs que je voudrais couvrir avec
vous, mais permettez-moi de faire des commentaires sur deux
événements importants, je pense, de la dernière
année d'activité. D'abord, vous n'en avez glissé mot ni
dans votre rapport annuel, ni dans votre commentaire verbal - et je suis
sûr que certains vous en auront gré - on sait que le rapport
interne du groupe de travail gouvernemental, qu'on appelle communément
le rapport Gobeil, avait recommandé de transformer la Commission
d'accès à l'information en organisme de surveillance et de
modifier son pouvoir décisionnel pour en faire un pouvoir strictement
consultatif. Nous nous sommes élevés contre cette recommandation
du rapport Gobeil. Et j'ai également entendu le ministre des
Communications prendre un peu plus tard la même position.
Sachez que nous nous en réjouissons. La Commission d'accès
à l'information a besoin d'instruments et d'outils pour fonctionner. En
ce sens, il n'est pas faux d'affirmer que le rapport Gobeil, dans cette
recommandation comme dans la plupart de ses recommandations d'ailleurs,
était en dehors de la voie de l'avenir du Québec.
Deuxièmement, j'ai commencé à feuilleter le rapport
sur les dispositions inconciliables, parce qu'on doit s'arrêter à
plusieurs étapes, étant donné l'intensité et la
densité des problèmes qui y sont soumis. D'abord, c'est un
travail pour lequel on doit féliciter la commission, un travail
remarquable. Les décisions qui devront être prises ne seront
sûrement pas des plus faciles. Vous avez mentionné tantôt la
question de l'accès aux dossiers médicaux, la question de
l'accès aux dossiers d'adoption et quelques autres. J'ai
également noté plusieurs autres sujets ou dossiers qui ne seront
pas faciles à traiter, encore une fois, à cause de cette
naturelle opposition de certains droits, de certaines responsabilités.
On parle beaucoup de droits, on oublie parfois de parler de
responsabilités, mais je pense que cela existe.
Questions et réponses
En ce sens, voici ma première question. Est-ce que, du
côté de la Commission d'accès à l'information, votre
travail concernant les dispositions inconciliables est terminé? Est-ce
que je dois comprendre qu'avec la remise de votre rapport, votre mandat est
rempli, bien sûr, mais est-ce que vous êtes encore mis à
profit dans la réflexion qui doit s'ensuivre et qui doit résulter
en des modifications législatives?
M. Pépin: Bien sûr, M. le député,
techniquement, le mandat a été rempli, puisque le rapport a
été complété et remis au gouvernement par
l'entremise du ministre des Communications. Il appartient maintenant au
gouvernement de proposer les modifications législatives qui doivent
découler de ce rapport. A la demande du ministre des Communications, par
ailleurs, j'ai accepté avec plaisir que les spécialistes de la
commission qui ont travaillé longuement à l'examen de ces
questions et au repérage des dispositions soient disponibles pour aider
le ministère ou tout autre ministère dont les lois sont
touchées à poursuivre leur collaboration jusqu'au
dépôt d'un projet de loi. Jusqu'ici, ils sont fréquemment
invités à participer avec les différents contentieux du
gouvernement à la traduction législative, si on veut, d'un
certain nombre de ces recommandations.
M. Filion: On sait que la date limite est déjà
fixée au 30 juin 1987. C'est une échéance de cinq ou six
mois. C'est court un peu. Encore une fois, est-ce que, selon votre connaissance
du progrès, des contacts que vous avez avec différents
ministères, vous vous attendez raisonnablement que le 30 juin 1987,
l'Assemblée nationale et le gouvernement se soient acquittés de
leur tâche, selon, encore une fois, le degré d'avancement des
dossiers?
M. Pépin: Je n'ai aucune raison de douter de
l'efficacité du ministère des Communications à s'acquitter
de son mandat. Je n'ai pas d'indication que ce dossier accuse des retards. En
ce qui concerne la commission, nous sommes habitués à des
délais assez courts, à des mandats remplis à temps. Tout
le monde nous disait que c'était impossible de nous acquitter de ces
mandats à l'intérieur de quatre ou cinq ans. Nous l'avons fait
à l'intérieur de deux ans. Je crois que ceux qui y donnent suite
ont la même préoccupation.
M. Filion: Espérons-le. On a également, en 1987,
une deuxième grande échéance qui, vous l'avez
mentionné à la fois dans votre rapport et dans votre
présentation verbale, est la révision de la loi. Vous avez
mentionné, sauf erreur, que vous aviez mis sur pied un groupe de travail
interne et également - vous me corrigerez si je fais erreur - que vous
avez mené certaines consultations auprès des organismes,
auprès des groupes intéressés. Vous avez
mentionné,
à la fois dans votre rapport et dans votre présentation
verbale, deux problèmes un peu particuliers dans le secteur des
relations du travail, où certaines personnes qui étaient à
la fois syndiquées ou représentants syndicaux demandaient une
information. Vous avez mentionné également le secteur municipal.
Il s'agit là de deux situations bien particulières. J'aimerais
vous entendre un peu sur le problème de la judiciarisation des
auditions, des procédures judiciaires qui entourent et, dans certains
cas, qui imposent des contraintes assez particulières à
l'exercice de votre pouvoir d'adjudication. Est-ce qu'on peut prévoir
que cette judiciarisation fera l'objet d'une préoccupation majeure de
votre part pour vos recommandations sur la révision de la loi?
M. Pépin: Oui, c'est une préoccupation depuis le
tout début, d'ailleurs. Je crois qu'il faut éviter de verser dans
l'angélisme à partir du moment où nous devons appliquer
une loi dont... Le mandat de la commission est de trancher des litiges entre
deux parties qui ont des intérêts dans certains cas
fondamentalement opposés. Il ne faudrait pas verser dans
l'angélisme et croire que les procureurs des deux parties vont
éviter de judiciariser un débat qui, au départ, s'inscrit
dans un cadre juridique. Cela dit, ce que je veux dire quand je parle de
problèmes de relations du travail, je vous donne un exemple; Lorsqu'un
employé demande accès à son dossier personnel,
habituellement, il n'y a pas de problème. Si cet employé est en
situation conflictuelle avec son employeur, s'il y a des griefs en cours, par
exemple, là, on se situe à un autre niveau. L'employeur
résiste pour d'autres raisons, il veut garder ses éléments
de preuve éventuels pour la plaidoirie du grief. La loi,
évidemment, ne fait pas de distinction, sauf qu'elle prévoit que,
s'il y a une procédure judiciaire en cours, il y a des restrictions
additionnelles. Le grief est-il une procédure judiciaire? Il a fallu
trancher cette question. (11 h 45)
Dans ce sens, je n'ai pas de solution précise à ce
problème. Je le signale pour éviter que la commission devienne un
rouage additionnel dans le règlement des conflits de travail. Nous
allons étudier sérieusement cette question et nous tenterons de
faire des recommandations là-dessus.
M. Filion: Et dans le secteur municipal?
M. Pépin: Dans le secteur municipal, le problème
est différent. D'abord, il y a les villes à charte, la Loi sur
les cités et les villes et aussi le Code municipal. Il y a des
différences de droits et de devoirs dans chacune de ces lois
sectorielles. Lorsqu'il y a des dispositions inconciliables, ces dispositions
des lois sectorielles continuent de s'appliquer tant qu'il n'y aura pas eu
révision. Il y a des problèmes qui se sont posés quant au
statut des élus, des conseillers municipaux qui se voient privés
de certains documents dans leur municipalité alors que leurs
collègues les ont. Là, il y a un problème et la commission
est fréquemment saisie de ce problème. Ce n'est pas de notre
ressort. Ce que nous signalons, c'est que nous constatons qu'il y a là
une certaine anomalie. En même temps, nous constatons notre Impuissance,
puisque c'est à l'étape des lois municipales, je pense, qu'il
faut essayer de corriger ce problème. C'est pour cela que nous le
signalons. Nous savons, par ailleurs, qu'une révision de l'ensemble des
lois municipales est en cours. Cela, c'est le premier problème.
L'autre problème, dans le secteur municipal, évidemment,
c'est la notion des archives municipales. Les lois municipales disent que les
archives municipales sont accessibles, sauf que personne ne sait ce qu'est une
archive municipale. Alors, nous vous suggérons de clarifier un peu ce
débat. Jusqu'ici, c'est nous qui écopons du débat de
façon assidue et répétée.
M. Filion: De façon générale, sur la
judiciarisation, dans quelle proportion les parties sont-elles
représentées par procureur?
M. Pépin: L'organisme est presque toujours
représenté par un procureur, parce que l'orqanisme est dans une
situation un peu plus confortable pour le faire. Le citoyen, j'hésite;
je pense que ce serait peut-être 50 %. Il faut dire, par exemple, que,
très souvent, c'est le procureur du syndicat qui viendra accompagner le
demandeur ou parfois un procureur personnel.
M. Filion: Cela me préoccupe un peu. On a une loi
d'accès à l'information. Les mots le disent: "accès
à l'information". On cherche à faciliter les choses, à
faciliter la transmission de renseignements. La commission elle-même est
là pour trancher les litiges, comme on le sait, entre les parties: une
partie qui désire avoir l'accès et une partie qui, dans certains
cas, pour différentes raisons que prévoit la loi ou pas, conteste
cet accès. La commission est chargée de trancher et cette
commission elle-même, risque de judiciariser le processus et donc, d'une
certaine façon, de rendre l'accès à la commission un peu
plus contraignant. J'ai remarqué que les décisions de la
commission sont maintenant publiées dans un recueil juridique via les
soins de SOQUIJ et, donc, cela fait partie, si on veut, de l'alimentation des
avocats dont certains commencent à se spécialiser dans cette
loi.
Comme léqislateur, je dois vous dire que cela me
préoccupe. Beaucoup de citoyens de mon comté vont à la
commission d'accès
et ont des dossiers pendants ou en ont eu dans le passé; ils
m'ont fait part de ce qu'ils ont vécu en arrivant à la commission
où ils doivent affronter le procureur d'un organisme qui n'en est pas
à sa première visite, qui connaît ses objections, une,
deux, trois, ses exceptions déclinatoires, etc. Je suis sûr qu'en
tant que commissaires, vous avez subi un cours accéléré de
droit administratif depuis vos nominations et ça me préoccupe un
peu. De façon générale d'ailleurs, la judiciarisation dans
une matière comme celle-là doit être à tout prix
évitée dans la mesure du possible. Bien sûr, justice
doit-elle être rendue, mais dans certains cas, l'accès doit
d'abord se faire librement. Quand on a un procureur en face de soi, ce n'est
déjà pas facile. Deuxièmement, la judiciarisation
amène des délais. Je suis un ancien procureur et dans certains
cas, les délais font partie du dossier, ils deviennent un
élément du dossier pour l'un ou l'autre des procureurs. C'est
regrettable, mais c'est la vie.
À ce moment-ci, à cette étape, nous sommes à
l'aube d'une réforme de la loi d'accès à l'information, on
doit rechercher à limiter... Justice doit être rendue, cela va et
les principes naturels de justice doivent être respectés, mais
au-delà de cela, je pense qu'on devrait chercher à ce que cette
opération d'adjudication de la commission se fasse avec le moins
d'interventions judiciaires.
Je serais tenté de vous poser à ce sujet-là une
question. Combien avez-vous reçu de brefs d'évocation?
M. Pépin: II faudrait demander au directeur du service
juridique.
M. Filion: Grosso modo, depuis la naissance...
M. Pépin: Cinq.
M. Filion: Cinq brefs d'évocation. Dans certains cas,
est-ce que les brefs d'évocation sont réglés à
l'heure actuelle ou pas tous?
M. Pépin: Je crois qu'il y en a encore un pendant.
M. Filion: II y en a un pendant. Combien y a-t-il eu
d'appels?
M. Pépin: Des appels en Cour provinciale, 34.
M. Filion: 34. Les appels, c'est une procédure
prévue dans la loi, c'est normal. Les brefs d'évocation
m'inquiètent un peu plus. Inutile de vous dire que, lorsqu'un bref
d'évocation est enclenché dans la machine, il est soumis à
toute la hiérarchie des tribunaux, etc. Est-ce que vous avez eu des
décisions de la Cour d'appel sur la Commission d'accès à
l'information?
M. Pépin: II y en a eu deux. M. Filion: De la Cour
suprême? M. Pépin: Aucune.
M. Filion: Pas encore. La jurisprudence de la Cour d'appel
est-elle claire à l'heure actuelle?
M. Pépin: Les brefs d'évocation portaient tous sur
la compétence de la commission à disposer d'un litige. Dans tous
les cas, les tribunaux supérieurs ont confirmé la
compétence de la commission, y compris les deux qui ont
été portés jusqu'en Cour d'appel.
M. Filion: D'accord.
M. Pépin: Si vous me permettez un bref commentaire, M. le
député, sur vos préoccupations, d'abord je veux vous dire
que nous sommes très heureux que les parlementaires soient
préoccupés de cette question-là. C'est une question qui ne
préoccupe pas uniquement la commission d'accès, mais
également d'autres organismes similaires au nôtre, qui ont des
obligations similaires.
Je pense que le problème que vous soulevez dépasse
largement la commission d'accès. C'est un problème plus vaste qui
touche l'ensemble des tribunaux administratifs et qui touche le
caractère plus spécifique des tribunaux administratifs. C'est une
chose que j'ai apprise par expérience. Je l'ignorais complètement
avant d'être baigné dans la question. La notion même de
tribunaux administratifs, la notion de quasi judiciaire est une notion floue.
Dans la pratique, les juristes ou les procureurs ne font pas de distinction
entre un tribunal judiciaire et un tribunal quasi judiciaire et, en plus, les
préoccupations que vous avez soulignées ne vont pas beaucoup dans
le sens, selon ce que j'en sais, des préoccupations du Barreau, par
exemple, qui a des objectifs en sens inverse.
La Loi du Barreau a des exigences très précises auxquelles
nous devons souscrire comme tout autre organisme qui a un mandat de trancher
des litiges où les intérêts des parties sont
impliqués. Nous sommes dans une situation un peu d'équilibristes.
Nous devons reposer beaucoup sur la bonne foi des parties. Lorsqu'on invoque
l'argument juridique, nous devons évidemment apporter une réponse
qui soit compatible avec les exigences de la loi.
M. Filion: Et à ce sujet d'ailleurs, est-ce que la
commission a participé ou entend
participer aux travaux de consultation menés par le petit groupe
de travail sur la réforme des tribunaux administratifs qui a
été mis sur pied?
M. Pépin: C'est-à-dire que ce groupe de travail a
un mandat et la commission elle-même a le mandat de faire une
réflexion générale et de remettre cette réflexion
à l'Assemblée nationale sur son fonctionnement. Alors, il y a
là un peu un problème de date et de "timing" qui survient.
J'avoue honnêtement - vous avez vu le rapport assez volumineux que vous
avez entre les mains -que celui que nous sommes en train de préparer
sera probablement au moins aussi difficile à faire et peut-être
plus en termes de décisions. Nous devons entre-temps poursuivre tous les
mandats généraux. À tous les jours, il y a des dossiers
qu'il faut traiter. Je ne suis pas sûr que nous puissions mettre une
période de côté pour répondre à cette
question précise et y revenir dans trois autres mois pour le
bénéfice de l'Assemblée nationale. Là-dessus, je ne
peux pas vous dire que nous ferons nécessairement des
représentations.
Fichier des renseignements personnels
M. Filion: Je voudrais aborder brièvement la question du
répertoire des fichiers de renseignements. Dans votre rapport, à
la page 30, j'ai été frappé par le fait que 75 % des
organismes, seulement, avaient produit leur déclaration relativement au
fichier de renseignements personnels. On le sait, les organismes qui tiennent
des fichiers de renseignements personnels doivent en faire une
déclaration à la Commission d'accès à l'information
pour permettre de colliger l'ensemble de ces renseignements, en faire un
répertoire, etc.
Dans votre rapport, je pense que c'est 75 %, j'ai lu cela. Je me suis
dit que cela peut arriver, de la part des organismes, comme vous l'avez
mentionné, et qu'il y ait des petites municipalités, etc. Mais
j'ai été abasourdi d'apprendre que le ministère du Revenu
du gouvernement du Québec n'avait toujours pas, è la date de
votre rapport -c'est le sens de ma question qui viendra -produit sa
déclaration de fichier de renseignements. Est-ce qu'au moment où
on se parle cette déclaration a été faite?
M. Pépin: Oui.
M. Filion: Oui. Donc, la situation a évolué. Les 75
% sont peut-être rendus 85 %?
M. Pépin: Je ne l'ai pas en termes de pourcentage. Il en
reste beaucoup moins qu'il en restait. La difficulté est
évidemment d'être capable de lire ces déclarations, d'en
tirer la substance. Puisque vous parlez du répertoire, c'est une
opération qui est beaucoup plus compliquée que nous
l'anticipions, puisqu'il faut d'abord saisir sur informatique toutes ces
déclarations. Comme il n'y a pas deux organismes qui utilisent le
même vocabulaire pour désiqner la même chose, il faudra
normaliser les déclarations manuscrites d'abord pour ensuite pouvoir les
regrouper, parce que si nous publions un répertoire similaire à
celui du gouvernement fédéral qui, lui, ne touche qu'à 140
organismes fédéraux alors que chez nous il y en a 3800, je crois
que nous serions en compétition avec Bell Canada quant à
l'épaisseur de l'annuaire de Montréal.
Je ne crois pas que ce soit là l'objectif de3 membres de
l'Assemblée nationale de noyer le citoyen dans une masse de papier. Nous
essayons de traduire ce mandat de façon que ce soit accessible aux
citoyens mais en regroupant. Par exemple - c'est une des hypothèses de
travail - si on prend le secteur hospitalier, on dit les hôpitaux ont, de
façon générale, ce genre de dossiers plutôt que
d'énumérer les 300 hôpitaux avec chacun. C'est ce travail
de normalisation qui est en voie d'être fait et qui n'est pas simple.
En ce qui concerne les retardataires, nous en sommes à 79 %
maintenant de déclarations remplies.
M. Filion: Est-ce que, dans les 21 % qui demeurent, il y a des
pressions qui sont exercées? Non pas par la commission, je n'en doute
pas, mais est-ce que c'est une exigence de la loi? Après tout, on a un
taux de délinquance quand même assez élevé, un
cinquième? (12- heures)
M. Pépin: Je dois reconnaître que, volontairement,
j'ai été assez tolérant auprès de plusieurs
organismes, surtout les plus petits, pour deux raisons. La première,
c'est que très souvent les ressources humaines dans de petites
municipalités ou de petits organismes sont limitées. Ce n'est pas
une notion facile à comprendre pour certains
secrétaires-trésoriers de petites municipalités, par
exemple, qui n'étaient pas habituées à avoir cette
préoccupation. Donc, il fallait prendre le temps de les rencontrer et de
leur expliquer. L'autre raison, c'est qu'en même temps qu'est
arrivée cette obligation de la loi sur l'accès, d'autres
obligations similaires émanant de la Loi sur les archives sont
arrivées aussi auprès des mêmes organismes, et, dans le cas
des CLSC, d'autres obligations, d'un autre ordre, émanant du
réseau du ministère des Affaires sociales, ce qui a fait que les
mêmes personnes avaient des délais assez courts pour
réaliser différents mandats que le gouvernement leur
demandait.
C'est comme cela qu'il a fallu faire preuve d'une certaine
tolérance. Maintenant, je crois que, pour ce qui reste, j'ai
moi-même communiqué par écrit avec tous ceux qui n'avaient
pas encore fait leur déclaration, et nous devrions être en mesure
de terminer cela assez rapidement.
M. Filion: Le ministère du Revenu la produit approxivement
quand sa déclaration?
M. Pépin: Vous comprendrez que sur les 10 000, je n'ai pas
toutes les dates par coeur. Je vais m'informer, si c'est possible de le savoir.
Au mois de mai 1986.
M. Filion: Au mois de mai 1986. L'échéance
était...
M. Pépin: L'échéance, c'était en
juillet 1985. C'est ça?
M. Filion: En juillet 1985. Dernière question sur ce
répertoire. Est-ce que cela veut dire que, lorsque le répertoire
sera terminé... D'abord, cela va comprendre les bureaux de
crédit, etc.?
M. Pépin: Non.
M. Filion: Uniquement les organismes.
M. Pépin: Uniquement les organismes publics.
M. Filion: Cela voudrait dire qu'un citoyen ou une citoyenne va
pouvoir, en consultant ce répertoire, connaître le type
d'information que ces organismes peuvent posséder sur lui ou sur elle
pour tout ce qui concerne les organismes publics, parapublics,
péripublics, je ne sais pas comment vous les appelez, etc.
M. Pépin: C'est-à-dire que le citoyen pourra savoir
quel fichier de renseignements personnels détient un organisme et ce que
contient ce fichier. À partir de là, s'il pense qu'il est
fiché, il pourra en demander la confirmation.
M. Filion: D'accord. Est-ce que vous pouvez nous annoncer que le
répertoire pourrait être terminé vers...
M. Pépin: Nous souhaitons le faire en 1987.
M. Filion: En 1987.
M. Pépin: Si nous aplanissons tous les problèmes
que je vous ai soulignés tout à l'heure. Il y a un
problème majeur de logistique qui n'est pas encore résolu.
M. Filion: Évidemment, il faut décoder tous ces
fichiers, essayer de les rentrer dans une grille quelconque, etc. Cela fait une
troisième échéance d'importance pour 1987 en ce qui
concerne l'accès à l'information. Je vais vous souhaiter bonne
chance dans ce travail qui est extrêmement important, je pense, pour les
citoyens. Ils ont plus ou moins idée de tout ce qui peut circuler, de
tout ce qui peut être détenu comme renseignements et comme
information à leur sujet, dans un coin de pays comme le nôtre.
Dossiers médicaux
J'ai une autre question à poser, mais si mes collègues
voulaient intervenir, je pourrais les laisser sûrement... Je veux vous
parler un peu de la question de l'accès à l'information, de
l'accès aux documents d'organismes publics. Un problème
vécu par un citoyen de mon comté, mais que j'ai curieusement
retracé dans votre rapport annuel. Je me suis dit: Cela doit être
assez généralisé. Voici le cas. Les citoyens ont
accès, on le sait, à leurs dossiers médicaux. Ils se
présentent à l'hôpital. Ils font sortir leurs dossiers
médicaux. À partir de ce moment, ce qu'ils apprennent, c'est
à peu près rien, parce qu'ils ne peuvent pas comprendre; il leur
faudrait suivre un cours accéléré, cette fois, en
décryptage de hiéroglyphes pour arriver à savoir de quelle
maladie ils souffraient, quel a été exactement le diagnostic,
quel genre de traitement, etc. C'est tout le problème, disons, de la
façon dont le renseignement est capté par l'organisme. Quelle est
la position ou la réflexion, si on veut, de la commission à ce
sujet?
M. Pépin: M. Filion, évidemment le problème
nous a été soulevé fréquemment, plus
particulièrement lorsque nous avons rencontré plusieurs groupes
qui oeuvrent dans le milieu hospitalier, dans le cadre de la révision
des dispositions inconciliables. Le rapport que vous avez devant vous traite de
cette question et soumet quelques pistes de solution. Comme il s'agit d'un
problème que ma collègue, Mme Pestieau, a examiné de
façon plus particulière, peut-être qu'elle pourrait
apporter un éclairage sur l'aide que nous suggérons,
notamment.
Mme Pestieau (Caroline): La question fondamentale, c'est à
qui est destiné le dossier médical, parce qu'il y a au moins
trois personnes ou groupes en jeu: l'administration hospitalière, le
médecin ou l'équipe médicale traitante et le patient, la
personne concernée. Il y a eu aussi une évolution, comme nous le
savons tous, de la relation entre malade et médecin où
c'était une relation de confiance entre deux personnes, alors
qu'aujourd'hui, des équipes traitantes dans les hôpitaux et de
nombreux
professionnels interviennent au dossier. La position des hôpitaux,
comme nous l'avons appris lors des auditions publiques, c'est que ce n'est pas
un instrument qui devrait être à la portée du malade. Cela
ne devrait pas être un instrument d'information pour le malade. On
reconnaît que le malade a un droit d'accès, mais qu'il tire son
plan un peu pour déchiffrer ce qu'il trouve. Il y a souvent des retards
dans la compilation du dossier et si les personnes étaient
obligées de remplir le dossier d'une façon compréhensive
par tout le monde, des retards s'accumuleront. Au point de vue de
l'efficacité administrative, ils trouvent très difficile
l'idée que le dossier médical soit un instrument d'information
pour le malade.
Les médecins ont un point de vue un peu similaire dans le sens
qu'ils disent que c'est essentiellement un outil scientifique,
évidemment, curatif aussi, mais d'échanges entre professionnels.
L'essentiel c'est que le professionnel qui est appelé à
intervenir au dossier comprenne tout de suite les interventions et les
observations précédentes. Eux aussi ne voient pas tellement
l'utilité pour le malade qu'on explique cela en langage clair.
Traditionnellement, je pense que tout le monde sait que les médecins ont
adopté une attitude assez paternaliste: ils expliquaient ce qu'ils
voulaient ou ce qu'ils estimaient que le malade devait comprendre du dossier.
'
Nous avons entendu un autre son de cloche des associations
d'infirmières et d'infirmiers. Ces personnes sont très souvent
appelées à interpréter le dossier médical aux
patients. Ces personnes se trouvent coïncées entre le devoir et le
désir d'aider le malade et le partage des tâches professionnelles
qui fait que c'est le médecin qui interprète le dossier. À
la suite de toutes ces interventions, la commission a suggéré que
le malade ait accès à son dossier sans autre obstacle que la
possibilité que le médecin traitant - et en fait, ce serait le
directeur médical de l'hôpital qui prendrait la décision -
estime que le moment n'est pas propice ou que peut-être il faudrait
remettre à un peu plus tard, par exemple, dans le cas d'un traitement
psychiatrique, la communication de l'entièreté du dossier.
Le principe, c'est, selon nos recommandations, que le malade ait le
droit d'accès et qu'il y ait seulement cette possibilité de
délai qui soit révisable par la commission d'accès. Vous
le savez sans doute, c'est une position assez nouvelle, parce que jusqu'ici, ce
litige a été tranché par la Commission des affaires
sociales. Nous avons aussi recommandé que le dossier médical
devienne justement un instrument d'information pour le malade et que le
personnel médical soit non seulement autorisé, mais même
mandaté pour expliquer le dossier médical au patient. Tout cela,
ce sont des recommandations. Il y a un certain changement des mentalités
que nous espérons réaliser de cette façon.
M. Filion: Je vous remercie, Mme Pestieau.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Taillon, est-ce que vous allez bifurquer vers un autre sujet, parce que Mme la
députée de Maisonneuve...
M. Filion: Oui, c'est cela, je l'avais invitée
tantôt. Allez-y, Il n'y a pas de problème.
Le Président (M. Trudel): ...sur le même sujet a
demandé d'intervenir. Je rappelle aux membres de la commission que c'est
informel. Restons à l'intérieur de chacun des sujets pour poser
des questions. Il n'y a pas de règles d'alternance. Faites-moi signe
quand vous voulez intervenir sur le sujet en discussion. J'ai vu que M. le
député de Taillon avait l'intention de changer de sujet et je
cède la parole à Mme la députée de Maisonneuve sur
le sujet du dossier médical.
Mme Harel: Oui, sur ce sujet, vous avez certainement pris
connaissance de l'article paru dans L'Actualité de décembre 1986,
qui faisait état de la difficulté non pas d'avoir accès
à un dossier, mais de la difficulté de la confidentialité
des dossiers et, comme l'a souligné mon collègue, de la
difficulté, une fois l'accès au dossier assuré, de le
comprendre. Cet article faisait état d'une étude menée par
le comité d'inspection professionnelle de la Corporation des
médecins du Québec, laquelle étude avait
révélé, que, parmi les 55 établissements de
santé visités au Québec, le tiers des hôpitaux pour
court séjour avaient des dossiers imcomplets, la moitié des
hôpitaux pour long séjour présentaient des dossiers
incomplets et que 75 % des dossiers dans les centres d'accueil et
d'hébergement étaient jugés insatisfaisants. C'est donc
dire que, dans les centres d'accueil et d'hébergement, ce sont souvent
des personnes en perte totale d'autonomie et c'est là, finalement, que
les dossiers étaient les plus insatisfaisants.
L'article faisait état d'une position mitigée de la
Commission d'accès à l'information. Plus concrètement,
l'article parlait d'une poire coupée en deux par la commission, d'abord
en recommandant de maintenir le principe du préjudice grave pour
restreindre l'ouverture du dossier... Est-ce que d'autres corps
professionnels... Vous avez parlé des médecins, mais il semble
que l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec soit l'un de
ceux qui préconisent l'accès au dossier, même comme moyen
de thérapie pour le patient et aussi comme
façon d'obliger les médecins à changer leurs
habitudes de travail. Croyez-vous qu'il y ait des recommandations
immédiates à faire dans ce dossier?
M. Pépin: Dans le rapport sur les dispositions
inconciliables qui a été remis à l'Assemblée
nationale, ce problème est abordé. Je voudrais clarifier quelque
chose tout de suite. Je n'ai pas en tête, de façon très
précise, l'article auquel vous faites référence, mais je
voudrais clarifier ceci: d'une part, la commission non seulement est favorable
à l'accès au dossier médical, mais elle demande que ce
soit un droit reconnu y compris dans l'article 7 de la Loi sur les services de
santé et les services sociaux. D'autre part, elle recommande de
faciliter cet accès en mandatant, comme l'a dit Mme Pestieau tout
à l'heure, le personnel pour aider la personne à cheminer dans ce
dossier. Le problème du préjudice grave est également
abordé dans ce rapport. Il y a un conflit majeur entre l'obligation qu'a
le médecin, à cause de ses obligations professionnelles, et le
droit du médecin face à un malade dans un sens et le droit du
malade face à son dossier. Nous ne l'écartons pas
entièrement, nous le restreignons beaucoup. Nous suggérons de le
restreindre et nous en faisons un droit d'appel du citoyen devant la commission
s'il se sent lésé sur cette question. Alors, ce n'est pas tout
à fait ce que j'appelle couper la poire en deux. (12 h 15)
Mme Harel: Est-ce que cette recommandation de l'appel devant la
Commission des affaires sociales a été retenue par le
gouvernement? Je me rappelle... C'est, évidemment, dans le rapport de la
commission. Tout dernièrement, lors de l'étude en commission
parlementaire, en deuxième lecture du Code de la sécurité
routière, au mois de décembre dernier, nous avions devant nous
des dispositions qui, encore une fois, restreignaient le droit pour l'usager
d'avoir accès au dossier médical qu'on faisait obligation
à son médecin traitant de transmettre à la Régie de
l'assurance automobile. Finalement, il a pu y avoir des amendements
présentés à la commission, mais il n'en reste pas moins
que sans la vigilance, manifestement, il ne semble pas y avoir une ligne
directrice gouvernementale sur cette question. Est-ce que vous avez eu
l'occasion d'en reparler avec le ministre responsable?
M. Pépin: Mme la députée, très
brièvement, je vous rappelle le processus. Il a d'abord fallu, dans un
premier temps, identifier toutes les lois et tous les règlements, dans
l'ensemble de la législation québécoise, qui venaient en
conflit avec la loi sur l'accès qui, elle, a un caractère
prépondérant. Après ce travail d'identification, nous
avons fait des recommandations pour harmoniser, dans certains cas, certaines
recommandations où nous suggérons nous-mêmes de maintenir
la situation actuelle, parce qu'elle est justifiée.
Dans le cas qui nous occupe, nous suggérons de le modifier et
c'est ce travail qui se fait présentement sous la direction du ministre
des Communications qui déposera éventuellement un projet de loi.
Est-ce que le gouvernement l'a retenu ou non? Ou le ministère de la
Santé et des Services sociaux? Est-ce que la loi à laquelle je
fais allusion sera amendée? Je ne suis pas en mesure de vous le dire
actuellement. D'ailleurs, ce n'est pas de ma compétence; c'est le
processus législatif qui est en route, il n'est pas
complété et je le sais. Dès que le gouvernement
déposera son projet de loi, on pourra faire le bilan de ce qui est
retenu et de ce qui ne l'est pas.
Mme Harel: Enfin, j'aimerais simplement signaler qu'entre-temps,
des lois peuvent être adoptées...
M. Pépin: Oui.
Mme Harel: ...comme ce pouvait être le cas avec la
réforme du Code de la sécurité routière...
M. Pépin: Chaque fois qu'un projet de loi...
Mme Harel: ...sans en tenir compte.
M. Pépin: ...est déposé, nous l'examinons.
Si, d'aventure, nous constatons que dans ce secteur particulier, on devance
-rien n'interdit de le faire - l'application du rapport ou qu'on introduit une
nouvelle incompatibilité, évidemment, la commission, depuis le
début, estime qu'elle a le mandat implicite d'alerter les parlementaires
sur ce que nous estimons être un accroc à la
prépondérance de la loi.
Mme Harel: Je reviendrai, M. le Président, sur d'autres
aspects. Tantôt, j'entendais le président faire état de
cette nécessité de trancher des litiges et cela me faisait penser
à celui qui, dans l'histoire du monde, est connu pour avoir
été invité à trancher un litige, Salomon. Vous vous
rappelez? Cela met toujours en présence des droits qui sont tout aussi
légitimes les uns que les autres. C'est une situation difficile, parce
que ces litiges supposent qu'on concilie l'inconciliable. Enfin, j'y
reviendrai.
Le Président (M. Trudel): Vous reviendrez, Mme la
députée de Maisonneuve. Je cède maintenant la parole
à M. le député d'Arthabaska.
Documents et rôle d'un
député
M. Gardner: Merci, M. le Président. J'ai plusieurs
questions qui concernent surtout le travail d'un député. Vous
allez comprendre facilement. Je suis un nouveau député et
j'aimerais savoir bien des choses là-dessus. Il y a un an, quand j'ai
commencé, j'avais tout un classeur vide et depuis, il est rempli de
renseignements extraordinaires et parfois très confidentiels que je ne
voudrais surtout pas voir, un jour, dans le bureau d'un député de
l'Opposition. Je pense que même du côté de l'Opposition, on
a de ces renseignements.
Si on me le permet, j'ai pris connaissance de votre directive sur la
consultation des fichiers de renseignements personnels des organismes publics.
Premièrement, est-ce que cela concerne les députés? Par
organismes publics, est-ce que vous entendez aussi les députés?
C'est une première question rapide. Réponse rapide.
M. Pépin: Je vais vous prévenir tout de suite que
je ne suis pas très porté sur la distribution d'avis juridiques,
d'autant plus que je n'ai pas la qualité pour le faire.
L'Assemblée nationale est assujettie à la loi. Cependant, les
documents personnels d'un membre de l'Assemblée nationale sont exclus de
l'application de la loi.
M. Gardner: À la page 4 de votre...
M. Pépin: Cela étant dit, probablement que vous
auriez un peu de difficulté, comme membre de l'Assemblée
nationale, à respecter l'esprit et la lettre de la loi si, vous
autorisant de votre statut de député, vous demandiez à
connaître le dossier personnel de chacun des employés de cette
noble institution.
M. Gardner: Merci. On va quand même essayer d'avoir des
renseignements. Vous permettez, M. le Président? À la page 4 de
votre directive vous dites: II se produit donc qu'un élu - donc un
député - soit appelé par un de ses commettants à
intervenir dans le dossier de celui-ci. Dans ce cas, c'est à la demande
de la personne concernée que l'élu consulte les renseignements.
Il doit alors agir par procuration clairement établie. Quand vous dites
"procuration clairement établie", une simple demande par
téléphone ou une visite à mon bureau, est-ce une
procuration clairement établie? Première question.
M. Pépin: Première difficulté. La personne
qui détient le dossier a l'obligation de prendre toutes les mesures
nécessaires pour assurer la sécurité des renseignements
confidentiels. Si un député l'appelle et lui dit: J'ai un
commettant qui me demande d'intervenir en son nom et si cette personne
décide de prendre une précaution additionnelle et de s'assurer
que c'est bien le député en question et qu'il a bien une
procuration, je crois qu'on ne peut pas lui en faire grief. Je crois que cette
personne applique de façon sérieuse et de façon
sécuritaire les critères de confidentialité. Il y a
peut-être lieu d'essayer de trouver un moyen où tous les
détenteurs, dans l'appareil gouvernemental, de renseignements personnels
qui pourrait convenir à tout le monde, mais jusqu'ici la loi est assez
claire là-dessus, exactement comme lorsqu'on entre ici à
l'Assemblée nationale, même si nous sommes convoqués, il
faut quand même justifier notre identité avant de
pénétrer.
M. Gardner: J'ai été très surpris, depuis
que je suis là, de constater que c'est facile pour un
député et même pour le personnel du député
d'avoir des renseignements. J'ai eu simplement une seule objection venant de la
Sûreté du Québec - imaginez! - en un an et quelques mois
pour mon personnel alors que celui-ci peut avoir des renseignements autant que
moi en disant simplement qu'ils sont du bureau du député
d'Arthabaska, pour le bénéfice de la cause. Je suis
persuadé que c'est la même chose dans d'autres bureaux.
Est-ce que ça ne vous surprend pas que ce soit si facile pour un
bureau de député d'avoir des renseignements sur des
personnes?
M. Pépin: Ca nous surprend, ça nous inquiète
mais la seule réponse que je peux vous donner là-dessus, c'est
que s'il est bien connu que ça prend beaucoup de temps pour
établir une tradition, il est aussi évident que ça en
prend également beaucoup pour renverser cette tradition.
M. Gardner: Dans le même sens, est-ce que...
M. Pépin: Cela illustre la crainte
révérencieuse qu'inspirent les députés à
l'ensemble de la fonction publique.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Gardner: Surtout ceux de l'Opposition.
Le Président (M. Trudel): Si encore vous aviez raison.
M. Gardner: M. le Président, j'aurais d'autres questions
encore dans le même sens. Pour chaque consultation que nous faisons,
est-ce inscrit que le député d'Arthabaska a demandé telle
chose?
M. Pépin: Normalement, oui.
M. Gardner: Je dois dire qu'il doit y en avoir è plusieurs
places. Le député
d'Arthabaska va être reconnu pour être achalant. Est-ce que
ça pourrait aller jusqu'à permettre de vérifier
l'écrit dans mes dossiers? Est-ce que vous pourriez, un jour, venir
vérifier dans mon bureau de comté? Pourriez-vous venir demander
tel dossier d'un tel client ou d'un commettant?
M. Pépin: Je répète que je ne suis pas
très porté sur les avis juridiques spontanés mais à
première vue, nos dossiers de député ne sont pas inclus -
je pense que c'est l'article 34 - parmi les documents qui sont compris dans les
documents détenus par un organisme public.
M. Gardner: J'apprécie beaucoup votre prudence mais
qu'est-ce qui arrive avec les dossiers lorsqu'il y a une défaite? Vous
allez peut-être trouver la question idiote mais c'est parce que j'ai un
fait clair dans mon comté que je vous expliquerai peut-être en
privé. Mais qu'est-ce qui arrive après une défaite? Est-ce
qu'on doit brûler ces dossiers ou est-ce qu'on peut les laisser à
la disposition de quelques personnes indiscrètes?
M. Pépin: II s'agit de dossiers personnels. Donc,
malheureusement, dans toutes les occupations que j'ai eues jusqu'ici, j'ai
rencontré plus de députés élus que de
députés défaits, alors, je n'ai jamais interrogé
les députés défaits sur la façon dont ils ont
disposé de leurs archives personnelles. Je crois que, si le
député défait lègue à son successeur les
dossiers personnels qu'il avait comme député, il lui lègue
en même temps l'obligation, à tout le moins morale, d'en
protéger la confidentialité.
M. Gardner: C'est cela. Maintenant, toutes ces questions pour en
arriver à une dernière, M. le Président. Voici. N'y
aurait-il pas lieu que la commission fasse des directives ou encore des
suggestions de directives aux députés sur la
confidentialité des documents? Je dois vous dire que lorsqu'on arrive
député, on n'a fait aucune étude pour l'être. On
peut faire des erreurs sans le vouloir. L'erreur est humaine, je le sais bien.
Mais n'y aurait-il pas lieu de faire des directives précises sur la
confidentialité, même si vous ne voulez pas trop vous embarquer
sur le râle du député? Avant, pendant et après son
mandat?
M. Pépin: C'est une suggestion que je retiens. Nous
l'examinerons de très près. Ce seraient peut-être moins des
directives qu'un peu un guide pour vous donner les obligations qui sont celles
des fonctionnaires qui ont à gérer ces dossiers et
également vos droits comme députés pour intervenir. Je
vais essayer de voir si je ne pourrais pas...
M. Gardner: Vous retenez. Vous allez nous en donner des
nouvelles. Merci.
M. Filion: Dans le cadre de recherches que j'ai faites, je me
souviens qu'il y a des archives à Québec où certains
députés défaits font parvenir l'ensemble de leurs
dossiers. Je pense que ces archives relèvent de l'Assemblée
nationale. En tout cas, vous pourrez vérifier, mais il existe un
système de protection des dossiers qui s'adresse aux documents des
députés qui quittent leurs fonctions.
M. Gardner: Ils ne sont pas obligés.
M. Filion: Je sais que, dans certains cas, je pense que, lorsque
le député a été membre du Conseil exécutif,
c'est à peu près obligatoire, c'est-à-dire qu'il fait
lui-même le tri. Mais tout cela, en tout cas, reste à
vérifier.
M. Pépin: C'est l'article 34 de la loi qui est la
réponse à votre question. Comme tout article de loi
s'interprète, alors...
Le Président (M. Trudel): Dans l'ordre, si on change de
sujet. La députée de Maisonneuve, le député de
Taillon, le député de Sherbrooke et le député de
Saint-Jacques. Mais sur le même sujet, M. le député de
Saint-Jacques?
M. Boulerice: Non. Mon collègue m'a coupé l'herbe
sous le pied mais je ne lui en veux pas. Je pense que c'est heureux. Comme j'ai
été associé à ce dossier dans le domaine scolaire,
M. Pépin, j'ai transposé les règles que j'appliquais
à mon ancien milieu de travail au bureau de comté. Je pense
qu'effectivement, ce serait pertinent. On n'y est certes pas assujetti, mais je
pense qu'on a tous à coeur effectivement l'intérêt de nos
électeurs, de nos commettants, de la population. Je pense que ce serait
effectivement très bien accueilli de la part des députés
qu'un guide, à caractère suggestif, c'est bien entendu puisqu'on
n'y est pas assujetti, nous soit adressé. Cela nous éviterait
peut-être, à un moment donné, sûrement par bonne
volonté parce que je ne pense pas qu'aucun de nous agisse
malicieusement, d'éviter à un moment donné d'aller
à contre-courant du travail que vous faites d'ailleurs au niveau
de...
M. Pépin: Cela me fait plaisir. J'en prends note. Je vais
essayer de vous donner satisfaction.
M. Gardner: On a une unanimité pour une fois.
M. Pépin: Ce que j'apprécierais, par ailleurs, ce
serait que je puisse, après avoir dégagé cet ensemble de
règles qui sont celles de la loi - il n'est pas question d'en inventer
des nouvelles - qu'on puisse peut-
être consulter certains d'entre vous pour voir si cela
répond à votre requête.
M. Filion: II nous fera plaisir, j'en suis sûr, autant d'un
côté que de l'autre, que concrètement, peut-être, une
personne puisse visiter nos bureaux de comté, voir de quelle
façon ces renseignements sont colligés, etc. (12 h 30)
M. Pépin: Je m'adresserai à M. le président
de la commission.
Le Président (M. Trudel: Avec grand plaisir. Sur un autre
sujet, Mme la députée de Maisonneuve.
L'accès des parents au dossier d'un enfant de
14 ans
Mme Harel: II y a un certain nombre de dossiers qui ont
été examinés de près par la commission que l'on
retrouve dans le rapport sur les dispositions inconciliables et qui sont
finalement, je dirais, des problèmes de société. Je pense,
entre autres, à toute la question qui a été
d'actualité, particulièrement à Montréal, de
l'accès des parents au dossier médical de leur enfant de quatorze
ans et plus. Je pense, également, à cet autre dossier du droit
aux origines. Je dois vous dire d'abord que ce sont là deux dossiers qui
m'intéressent depuis fort longtemps. J'ai trouvé très
intéressante la problématique qui a pu être
développée par la commission sur toute cette question et les
recommandations qui sont faites.
Je conçois bien et mon collègue de Taillon abordait
tantôt toute l'implication de la commission en regard de litiges qui ont
des effets sur les conflits de travail. Finalement, ce sont des choix de
valeurs dans la société. Ce serait bien plus facile.
Tantôt, je vous écoutais et je me disais: C'est un peu comme
gouverner. Si on pouvait gouverner entre le bien et le mal, ce serait
extraordinaire. C'est toujours comme une sorte de balance des
inconvénients parce que vous avez à assurer la sauvegarde des
droits. Il faut que vous tranchiez quasi entre la légitimité des
droits qui le sont tous à prime abord en établissant une sorte de
priorité qui ne peut être que le résultat d'un choix de
valeurs.
En regard de votre recommandation qui est d'inviter le gouvernement
à enclencher au plus tôt une réflexion approfondie sur
l'accès exclusif du mineur de quatorze ans et plus à son dossier
médical et social, comment a-t-elle été reçue et
quelles sont actuellement les réactions que vous avez reçues,
étant entendu qu'il y a là manifestement des textes de loi qui
sont contradictoires: la Loi sur la protection de la santé publique
permet à un mineur de quatorze ans et plus de consulter un
médecin sans gêne, de recevoir, notamment en matière de
contraception ou en matière sexuelle, toute l'aide requise; la Loi sur
la protection de la jeunesse prévoit la confidentialité
assurée au mineur de quatorze ans et plus; d'autre part, la demande qui
est souvent répétée dans certains milieux de donner
accès au dossier médical aux parents. Je crois qu'il y a aussi
une disposition législative. N'y a-t-il pas une disposition
législative qui permettrait aux parents d'avoir accès au dossier?
Quel est finalement l'état de l'évolution du dossier depuis que
vous avez déposé votre recommandation?
M. Pépin: Vous avez raison de le dire, c'est une
préoccupation assez largement répandue dans beaucoup de milieux
actuellement, surtout dans les milieux près des services de santé
et des services sociaux et aussi scolaires. La loi d'accès
prévoit que quiconque peut avoir accès à son dossier
personnel, ce qui inclut . le titulaire de l'autorité parentale pour les
enfants mineurs. Or, dans la pratique, il y a certains dossiers qui doivent
être soustraits à la curiosité parentale pour d'autres
motifs. C'est la situation que vivent notamment les CLSC, les centres de
services sociaux et des recommandations ont été faites
là-dessus. Quand nous suggérons de faire une réflexion
approfondie, c'est que déjà il y a des dispositions
législatives dans un certain nombre de lois qui protègent la
confidentialité des dossiers des personnes de quatorze ans et plus, pour
harmoniser cette situation. Depuis que cela a été fait, on
constate qu'il y a une certaine évolution vers le rabaissement, si je
puis dire, de l'âge légal à quatorze ans, dans un certain
nombre de dossiers, à tout le moins. Je pense, par exemple, à la
décision de la Cour suprême de l'Alberta, récemment, qui a
autorisé une jeune femme à se faire avorter malgré
l'opposition de ses parents en disant que, dans cette situation, elle
était la titulaire de son autorité et non pas ses parents. Il y a
une évolution vers cette situation. À ma connaissance, au
ministère de la Santé et des Services sociaux, on est très
familier aussi avec le problème. Je crois qu'une proposition sera faite.
Dans le cas d'autres dossiers, la situation est moins simple,
particulièrement dans le cas de l'adoption que vous avez
évoqué, où, là, il y a effectivement un choix de
société de privilégier certaines valeurs par rapport
à d'autres. Je ne suis pas sûr que ce soit dans le mandat de la
commission de trancher de façon catégorique un problème
comme celui-là. C'est sûrement dans notre mandat - si on nous le
demande d'apporter tout l'éclairage que nous pouvons apporter. C'est ce
que nous avons tenté de faire dans ce rapport. Il y a, bien sûr,
collision frontale entre ce que les parents adoptifs estiment être leur
droit et ce que les enfants adoptés, une fois devenus adultes,
estiment être leur droit. Il y a collision frontale
également entre le droit à la vie privée de l'enfant par
rapport au droit à la vie privée de la mère.
Tout cela n'est pas simple. La recommandation de la commission respecte
les principes de la loi actuelle selon lesquels, fondamentalement, un
renseignement personnel ne peut être révélé si en
même temps il révèle un renseignement personnel sur une
autre personne; ce qui serait le cas.
Par ailleurs, nous convenons aussi qu'il y a eu une évolution
dans la société et que la naissance est un sujet moins tabou
qu'il ne pouvait l'être il y a 50 ans. Nous recommandons que, pour
l'avenir, ce droit soit prévu au départ et non pas
rétroactivement imposé à ceux qui croyaient être
à l'abri de toute curiosité. C'est la solution que nous avons
trouvée; elle respecte à la fois l'esprit et la lettre de la loi
et respecte aussi les préoccupations de tous les groupes qui militent en
faveur du droit aux origines.
Mme Harel: Je souhaite que, dans l'étude que nous
poursuivons toujours dans la réforme du Code civil, nous puissions, au
moment opportun, introduire des dispositions relatives à l'avenir.
Je termine simplement en vous demandant si la commission d'accès
a été récemment alertée sur la question du
non-accès des parents au dossier médical de leur enfant mineur de
quatorze ans et plus, dans les écoles de la CECM. Est-ce qu'il y a eu
consultation auprès de la commission'' Y a-t-il eu échange
d'information et l'éclairage de la commission a-t-il été
requis par la CECM, qui a d'ailleurs entrepris une étude sur cette
question.
M. Pépin: Je ne peux pas vous répondre comme cela.
Je vais demander à mes gens è l'arrière si nous avons
eu.,. Non, il ne semble pas que nous ayons eu de contact avec la CECM
là-dessus.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Taillon, si vous permettez, je vais céder la parole pendant quelques
instants à M. le député de Sherbrooke, Vous pourrez sans
doute terminer la question que vous avez à poser. M. le
député de Sherbrooke.
M. Hamel: M. le Président, ce sera très bref
puisque les deux questions que je voulais poser l'ont été. Je
veux féliciter M. le président de la Commission d'accès
à l'information et votre commission pour son excellent travail et pour
la pertinence de ses recommandations. J'avais une question sur le monde
municipal, vous y avez répandu. Concernant l'accès au dossier sur
l'adoption, vous avez très bien exprimé ce à quoi on peut
s'attendre. J'ai très hâte de voir votre rapport final. Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Taillon.
M. Filion: Vous avez mentionné tantôt que...
Évidemment, votre rapport est déposé depuis...
M. Pépin: Juillet.
M. Filion: ...sur les dispositions inconciliables et vous avez
mentionné - je pense que c'est intéressant - que, lorsqu'un
projet de loi contenait des dispositions pouvant aller à l'encontre du
caractère prépondérant de loi sur l'accès à
l'information, vous pouviez signaler aux autorités ce caractère
contradictoire.
Je dois vous dire également que lors de l'étude du projet
de loi 92, qui visait à appliquer à 113 lois la Charte des droits
et libertés de ta personne, j'ai eu l'occasion de voir des modifications
qui m'ont semblé contraires au rapport, bien sûr, et à la
loi elle-même. Est-ce que vous pourriez me dire si effectivement, depuis
le dépôt de votre rapport, vous avez envoyé des avis au
gouvernement sur des dispositions de projets de loi qui pouvaient être
inconciliables avec la loi d'accès à l'information?
M. Pépin: De mémoire, je pense que nous en avons
envoyé plusieurs. J'ai ici la liste. Je crois que cela se fait depuis
que la commission existe. Il y a 36 avis qui ont été
donnés aux membres de l'Assemblée nationale. Il y a eu - Mme
Harel y faisait allusion tout à l'heure - le projet de loi sur la
Régie de l'assurance automobile, où on voulait limiter
l'accès aux communications d'ordre médical sur un citoyen. Nous
sommes intervenus et je crois que le projet de loi a été
modifié en conséquence.
Documents des municipalités
M. Filion: Je pense en particulier, dans le monde municipal,
à l'accès aux documents en ce qui concerne le prix à payer
pour obtenir des documents des hôtels de ville.
M. Pépin: Les frais? M. Filion: Oui.
M. Pépin: Pour ce qui est des frais, dans la loi, c'est
toujours la disposition inconciliable qui s'applique. C'est que dans le monde
municipal, les municipalités ont le pouvoir légal actuellement de
fixer elles-mêmes les tarifs de reproduction de copies. Ce pouvoir est
incompatible avec - du moins, nous l'avons jugé comme tel - la loi, mais
il continue à s'appliquer jusqu'au 30 juin 1987, à tout le moins,
tant que le gouvernement n'aura pas suggéré une modification
à cette mesure.
Maintenant, en ce qui concerne les tarifs, la loi sur l'accès
prévoit expressément que le gouvernement doit demander l'avis de
la Commission d'accès à l'information avant d'adopter un
règlement sur les tarifs. Alors, s'il y a un nouveau tarif qui est
suggéré à l'Assemblée nationale ou soumis pour
approbation, il y aura, évidemment, un avis officiel de la commission
qui l'accompagnera.
M. Filion: Est-ce que cette liste d'avis ou de conseils, en
somme, qui relève de...
M. Pépin: Elle est dans le rapport, oui.
M. Filion: ...votre pouvoir conseil, fait partie du rapport?
M. Pépin: Je crois que oui.
M. Filion: Je pense que cela fait partie du rapport.
M. Pépin: Ce sont les avis qui ont été
donnés pendant la période que couvrait le rapport. Nous en avons
plusieurs autres.
Mme Giroux (Thérèse): C'est la dernière
page»
M. Filion: Pardon?
Mme Giroux: La dernière page du rapport, l'annexe I.
M. Filion: Ah boni C'est peut-être pour cela que cela
m'avait... À la page 46,... Quand vous avez dit: 36 avis...
M. Pépin: C'est depuis le début. Ce ne sont pas
toujours des avis. Il y a parfois des avis au Conseil des ministres lorsqu'il
s'agit d'un projet de décret sur une entente de transfert. Parfois, ce
sont des avis également... Oui, c'est toujours cela, soit sur un projet
de loi, soit sur une entente de transfert.
M. Filion: Je pense qu'on n'aura pas le temps d'aborder les
ententes de transfert aujourd'hui. C'est un domaine tellement vaste et
incroyablement complexe qu'on ne finit pas de retrouver dans chacune des lois
des dispositions, etc. C'est évident qu'il faudrait chercher à se
comprendre là-dedans. C'est rendu un chassé-croisé qui
fonctionne parfois uniquement dans un sens et non pas dans l'autre. En tout
cas, c'est d'une complexité un peu rébarbative.
Puisqu'on en est sur les documents, pour éclairer ma lanterne,
lorsqu'un citoyen veut obtenir copie d'un document d'un organisme public,
est-ce que je dois comprendre qu'au-delà de 5 $, il paie 0,25 $ la
page?
M. Pépin: II peut.
M. Filion: Mais d'un autre côté, vous parlez,
à la paqe 29 de votre rapport - oui, c'est une possibilité; il
n'est pas obligé - de la gratuité d'une copie d'un dossier
personnel, cette fois-là. Alors, je dois comprendre que si je m'adresse
à un bureau de crédit, par exemple, pour obtenir une copie du
dossier qui me concerne, à ce moment, cela doit être gratuit.
Est-ce que je comprends bien?
M. Pépin: Un bureau de crédit n'est pas
assujetti...
M. Filion: D'accord, mais disons... (12 h 45)
M. Pépin: ...à la loi sur l'accès à
moins que vous n'assumiez que le ministère du Revenu est un bureau de
crédit.
M. Filion: C'est plutôt un bureau de débit en ce qui
concerne les citoyens.
Prenons un organisme quelconque, à ce moment, si je m'adresse
à l'hôpital ou au CLSC de mon voisinage, le dossier qu'on me
transmet doit être remis gratuitement.
M. Pépin: Le règlement actuel prévoit que
c'est gratuit.
M. Filion: Si je demande d'accéder à un document
qui ne contient pas de renseignements personnels, à ce moment c'est 0,25
$ la page au-delà de 5 $.
M. Pépin: Au-delà d'une franchise.
M. Filion: Cela ne peut pas dépasser ce montant.
M. Pépin: Non.
M. Filion: C'est là-dessus que j'attire votre attention en
particulier.
M. Pépins Sauf, comme je vous le disais tout à l'heure,
dans le monde municipal, où il y a un autre régime de
tarification qui est toujours en vigueur parce qu'il est incompatible avec la
loi sur l'accès. Il s'agit de déterminer maintenant si le
gouvernement maintiendra deux régimes parallèles, un pour le
monde municipal et un autre pour l'ensemble des autres organismes assujettis,
c'est une décision qui lui appartient. Évidemment, le monde
municipal préfère exercer ce qu'il appelle son autonomie de
gestion dans ce secteur comme dans tous les autres.
Bureaux régionaux
M. Filion: D'accord. Deux choses en terminant, parce que je
m'aperçois que j'ai
dépassé le temps que j'avais fixé avec le
président de la commission et je vous en remercie.
La première des choses: je suis trè3 sensible à la
question de la présence régionale en général, les
organismes gouvernementaux; la Commission d'accès à l'information
à des bureaux à Montréal et à Québec qui
sont facilement repérables. Est-ce que la commission a songé ou
songe actuellement à une présence quelconque -quand je dis
quelconque, je veux dire d'une quelconque façon - dans les principaux
centres régionaux à l'extérieur de Montréal et de
Québec?
M. Pépin: D'abord, je dois vous dire que nous sommes
très présents en ce sens que les commissaires se déplacent
pour entendre les litiges dans 'la région d'origine du demandeur de
façon générale. C'est ainsi que demain, par exemple, je
serai à Chicoutimi, mes collègues sont allés dans toutes
les régions et moi de même.
Les professionnels qui s'occupent davantage du secteur de la protection
de la vie privée se déplacent également beaucoup dans les
régions, mais nous n'y avons pas pignon sur rue. Là-dessus, je
dois dire que c'est une situation que j'ai eu l'occasion d'évoquer
à quelques reprises dans le passé et que je déplore, dans
un certain sens. À ma connaissance, il n'y a jamais eu de politique ou
d'orientation générale au gouvernement du Québec sur cette
présence en régions. Je suis là depuis 1983, j'ai souvent
demandé: Quels sont les critères qui font que la Commission des
droits de la personne aura un bureau à Sherbrooke et qu'un autre
organisme comme le nôtre n'en a pas? Finalement, on me répondait
tout le temps: Cela dépend beaucoup des disponibilités
financières et des besoins de chaque organisme. Je veux bien croire que
c'est cela.
Nous, nous croyons actuellement que répartir notre personnel en
groupuscules régionaux cela équivaudrait à réduire
énormément notre efficacité. Je suis malheureusement
conscient que cela contribue à accentuer le sentiment d'être moins
bien servi en régions qu'à Montréal et à
Québec. L'alternative ce serait probablement de multiplier et le
personnel et les coûts. Nous essayons de pallier ce problème par
une présence personnelle fréquente. Personnellement, je me suis
beaucoup déplacé depuis quatre ans: je suis allé dans les
régions, je suis allé rencontrer des groupes, j'ai
participé à différents colloques où on
réclamait la présence de la commission. Mes collègues ont
fait de même, ainsi que le personnel; c'est comme cela que nous
fonctionnons.
Je vous rappelle qu'à ma connaissance, il n'y a pas de politique
générale de présence uniforme des services gouvernementaux
dans les régions. Chacun évalue, semble-t-il, ses besoins.
Lorsqu'il s'agit, par exempte, d'organismes comme la CSST, c'est plus facile
parce qu'ils ont nécessairement une clientèle identifiée
dans chaque région. Nous, la clientèle, c'est tout le monde et
personne. C'est selon les besoins des gens. Nous pouvons ouvrir un bureau
à Rimouski et ne pas avoir une seule demande, alors qu'à Hull,
nous en aurons 25. C'est là la difficulté, le
problème.
M. Filion: Cette question, je la relie au problème du
rayonnement de la loi elle-même et de la commission ou à la
publicité, devrais-je dire, de la loi et de la commission. À ce
sujet-là, je vous signale que la Commission des droits de la personne,
lorsqu'elle a ouvert un bureau régional à Hull... Ce qu'on
appelle un bureau régional, il faut se comprendre, ce n'est pas un
bureau avec toute une équipe, avec des fonctions différentes,
etc. C'est uniquement un agent d'information qui sert un petit peu d'abord
à régler près de 50 % des demandes d'information qui lui
sont adressées et qui sert un peu plus de répartiteur pour ce qui
concerne les autres 50 %. Lorsque la Commission des droits de la personne a
ouvert son bureau à Hull, elle a constaté une augmentation de pas
moins de 80 % du nombre des dossiers pour la région. Je lis cela dans
votre dernier rapport.
Au fait, est-ce que la loi est connue? Est-ce que la commission est
connue? Dans ce sens, comme j'ai dit dans mon préambule tantôt, on
ne peut pas espérer atteindre la perfection dans ce sens et faire en
sorte que tous les citoyens et citoyennes du Québec soient au courant de
l'existence de la loi et de la commission à court terme. C'est une jeune
commission qui a quatre ou cinq ans d'existence. À ce moment-là,
on ne peut pas espérer que ce soit le paradis terrestre en si peu de
temps, mais, par contre, je pense qu'il est important que tous les citoyens du
Québec aient accès à un service égal.
Évidemment, cela ne nécessite peut-être pas, comme vous le
mentionnez fort bien, une présence régionale. Vos
déplacements fréquents, les colloques que vous avez tenus, etc.,
ont fait en sorte qu'il existe, je suis convaincu, une proportion de plus en
plus grande de citoyens qui sont au courant de l'existence de la loi et de la
commission. Mais, à long terme, je pense, en tout cas, que c'est bon d'y
réfléchir. Il n'y a rien qui vaut, finalement, une pancarte sur
la rue principale de Hull pour que les gens sachent que cela existe.
Nos bureaux de comté sont pleins de dépliants. C'est
incroyable! Notre présentoir n'est pas suffisamment large pour tous les
offrir à la population qui vient nous voir. Quand un type passe et voit
une pancarte,
déjà, c'est beaucoup. Ce n'est pas nécessaire qu'il
y ait tout un gros équipement en arrière.
Mais enfin, je m'aperçois que la réflexion de votre
côté est déjà bien engagée, que vous
êtes très sensible à cette question. Je suis aussi de votre
avis.
M. Pépin: Au sujet de la publicité, la commission
n'a pas le mandat dans la loi de s'occuper de la publicité de la loi
elle-même. Elle a le mandat implicite, évidemment, de faire
connaître ses propres services, ce que nous essayons de faire. Quant
à faire connaître le droit à des personnes, ou la loi si on
veut, c'est un mandat qui va dans le mandat général du
gouvernement qui veut faire connaître les services à la
population. Là-dessus, il y a eu des discussions avec le
précédent ministre des Communications et l'actuel ministre aussi.
Tout le monde est bien d'accord en principe pour mieux faire connaître ce
genre de droit, En pratique, évidemment, il y a d'autres contraintes
d'ordre budgétaire ou autres. Il y a aussi qu'il faut s'assurer avant de
faire une campagne publicitaire très articulée qu'en fin de
compte, on sera capable de donner la réponse à la demande accrue.
Cela, c'est une préoccupation majeure, évidemment.
Cela dit, nous avons fait des efforts assez soutenus avec les moyens du
bord un peu chez nous pour faire connaître la commission. Je crois que,
.dans une bonne mesure, nous y sommes parvenus. Si je me fie aux remarques de
mes collègues d'autres organismes gouvernementaux, lorsque je les
rencontre, ils me demandent toujours: Comment faites-vous pour vous faire
connaître aussi rapidement? Donc, nous avons réussi un peu
à nous faire connaître.
M. Filion: Les journalistes, les médias, aident beaucoup
quand ils rapportent vos décisions, entre autres et quand ils rapportent
les dossiers qui vous sont soumis. Cela prend la forme d'une nouvelle, les gens
la lisent etc.
En terminant, un dernier point. Je lisais dans une revue qu'une
infirmière de Sainte-Justine, à un moment donné, avait
décidé d'arrondir ses fins de mois en vendant la liste des femmes
ayant eu des tests de grossesse positifs. Elles l'a probablement vendue
à des compagnies qui s'occupent des naissances etc., ou peut-être
à des compagnies pharmaceutiques ou peu importe. Elle a donc
décidé d'arrondir ses fins de mois en faisant connaître une
liste strictement confidentielle. Ma question est la suivante. Est-ce qu'il
existe dans la loi des recours ou des dispositions pénales? D'ailleurs,
le geste posé par cette infirmière est possiblement un geste de
nature criminelle. En dehors de la question à savoir si un droit
pénal sanctionne un tel geste, est-ce que la Commission d'accès
à l'information, devant des cas révoltants ou quand elle a
jugé bon de le faire, a déposé des plaintes pénales
pour viser carrément à sanctionner des gestes ou des omissions de
gestes qui sont nettement répréhensibles?
M. Pépin: Cela me permet dans la minute qui suit d'aborder
un autre volet de notre mandat dont je ne vous ai pas encore entretenu, soit
celui de la surveillance de l'application de la loi. Depuis près d'un an
maintenant, nous sommes en mesure de nous acquitter de façon plus
régulière de ce mandat avec une équipe d'enquêteurs
qui a mis sur pied un programme de vérification et qui va dans toutes
les régions du Québec, dans un certain nombre d'organismes
présélectionnés selon des critères que je
n'exposerai pas, parce que cela permettrait de savoir qui aura notre visite et
quand. Ce genre d'infraction à la loi est relevé et
vérifié. Là, la commission a le pouvoir ensuite
d'intervenir. Il y a différentes façons d'intervenir. Nous sommes
encore à l'étape, je dirais, davantage de l'éducation et
à l'étape pédagogique plus qu'à l'étape
coercitive ou pénale. Mais la principale raison pour laquelle nous
n'avons pas encore utilisé de mesures pénales et pour laquelle
nous n'avons pas encore eu recours à cette disposition et à cette
possibilité, c'est qu'au meilleur de notre jugement, nom avons
estimé que les quelques cas sur lesquels nous avons pu établir
une certaine preuve n'étaient pas des cas suffisamment probants.
Le Président (M. Trudel): Est-ce que cela va,
monsieur...
M. Filion: Oui, cela va.
Le Président (M. Trudel): Est-ce que d'autres
députés ont des questions à poser au président de
la Commission d'accès à l'information?
Sur ce, M. le président, je vous laisse l'avant-dernier mot de la
fin me réservant le mot de la fin. Si vous avez un...
Conclusions
M. Pépin: D'abord, je suis bien heureux des nombreux
compliments que, de part et d'autre, on a adressés à la
Commission d'accès à l'information. Je voudrais signaler que nous
sommes trois commissaires et que certains mandats ne peuvent être
délégués au personnel. Donc les commissaires doivent
eux-mêmes disposer jusqu'ici de près de 1000 dossiers
d'adjudication. Nous avons assez peu de retard. Je veux les remercier
publiquement de leur coopération. Ils ont travaillé beaucoup,
tout en participant très activement au règlement de tous les
autres dossiers que nous avons qui ne sont pas de l'adjudication.
Je veux aussi souligner l'extraordinaire coopération que nous
avons du personnel de la commission qui est une équipe très
motivée et qui a réussi, en peu d'années, à donner
à ce secteur d'activité qui est assez-nouveau en Amérique
du Nord et surtout au Canada une crédibilité qui nous honore
à tel point que la loi québécoise et le travail de la
commission font l'objet de beaucoup d'intérêt à
l'étranger également. Nous sommes en contact avec des commissions
similaires dans plusieurs pays. Récemment, j'ai compris qu'au Conseil de
l'Europe, on a cité la loi québécoise et sa commission en
exemple, comme modèle pour concilier le problème de
l'accès à l'information, d'une part, et l'accès aux
renseignements personnels, d'autre part.
Je veux également annoncer à la commission que la
Conférence internationale des commissaires à la protection des
données nominatives a accepté notre invitation de se
réunir ici, à Québec, au mois de septembre 1987, ce qui
nous fait bien plaisir.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le président.
M. le député de Taillon.
M. Filion: Je voudrais vous remercier, M. le président et
mesdames les commissaires et, encore une fois, vous encourager. Je pense que le
bébé - on peut parler de l'enfant maintenant - a tous ses membres
et est bien musclé.
M. Pépin: II court trop vite même parfois!
M. Filion: Je pense que l'apprentissage et l'éducation
qu'on lui a donnés au départ pourront faire en sorte qu'on aura
un jeune homme ou une jeune femme vigoureux ou vigoureuse dans les
années à venir, dans les années qui viennent. Je vous
encourage dans ce sens.
M. Pépin: Merci bien.
Le Président (M. Trudel): M. le Président, au nom
de la commission, merci beaucoup de vous être plié à cet
exercice de démocratie. Encore une fois, au nom de la commission,
félicitations! Vous accomplissez un travail que je n'hésite pas
à qualifier d'exceptionnel. Vous avez l'appui de cette commission. Je
pense me faire le porte-parole des membres de la commission pour souhaiter vous
revoir dans des délais que je qualifierai de plus normaux, en 1987, sur
le rapport que vous ne manquerez sûrement pas de déposer,
probablement au cours du mois de juin.
Au plaisir de vous revoir. À Mme la commissaire, qui doit quitter
la commission dans les prochaines semaines ou les prochains mois, je souhaite
bonne suite de carrière et au plaisir de vous revoir.
Sur ce, la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux
sine die, mais - pas pour le Journal des débats - je rappelle aux
membres qu'il y a une séance de travail mercredi de la semaine
prochaine.
(Fin de la séance à 13 h 2)