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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mercredi 28 janvier 1987 - Vol. 29 N° 23

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du rapport annuel 1985-1986 de la Commission d'accès à l'information


Journal des débats

 

(Onze heures quinze minutes)

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de la culture reçoit aujourd'hui, conformément à l'article 119.1, la Commission d'accès à l'information. Je vous rappelle l'article 119.1 qui se lit comme suit: "La commission de l'Assemblée nationale désigne, dans les meilleurs délais, la commission qui fera l'étude du rapport d'activités. "La commission désignée doit faire l'étude de ce rapport dans les 60 jours de son dépôt à l'Assemblée nationale."

Pour que les choses soient claires - je vois le député de Taillon sourire - la commission de la culture a demandé dans les 60 jours du dépôt du rapport de votre commission, M. le président, à la commission de l'Assemblée nationale de la désigner comme étant celle qui devait vou3 recevoir cette année, comme cela a été fait non pas l'an dernier sur votre rapport 1984-1985 - je me suis rendu compte qu'il n'avait pas fait l'objet d'une étude - mais pour votre rapport 1985-1986. Ce n'est qu'en date du 3 décembre 1986 que, lors d'une de ses rares réunions, la commission de l'Assemblée nationale a confié le mandat à la commission de la culture. C'est dans ce contexte-là que, plusieurs mois après le dépôt de votre rapport, nous avons aujourd'hui le plaisir de vous accueillir et de vous souhaiter la bienvenue, ainsi que mesdames les commissaires et à votre personnel que vous voudrez bien nous présenter, M. le président.

En séance de travail, il y a quelques minutes, nous avons convenu de faire les choses de façon aussi informelle que possible. D'abord, si vous le voulez bien, M. le président, il y aura une déclaration de votre part qui sera suivie d'une déclaration du responsable de ce dossier pour le parti de l'Opposition. Par la suite, nous procéderons à un échange de questions et de réponses de façon très informelle entre les membres de la commission et vous-même.

Tout en vous souhaitant une nouvelle fois là bienvenue, je vous cède la parole.

Exposé du président de la CAI M. Marcel Pépin

M. Pépin: Merci beaucoup, M. le Président. Mesdames les députées et messieurs les députés, il me fait plaisir d'abord de vous présenter les membres de la commission. À ma gauche, mon bras droit, Mme Thérèse Giroux, et à ma droite, mon autre bras droit, Mme Caroline Pestieau.

Il me fait donc plaisir de vous rencontrer de nouveau et de faire avec les membres de la commission le bilan de l'année qui s'est écoulée entre le 1er avril 1985 et le 31 mars 1986. Avant d'en retracer les grandes lignes, j'aimerais attirer votre attention sur les efforts particuliers que nous avons mis dans ce rapport d'activités afin de le rendre plus intéressant et plus instructif pour les citoyens, les parlementaires et les responsables chargés de l'application de la loi.

C'est ainsi que nous avons fait état, par exemple, d'un grand nombre de cas concrets survenus au cours de l'année et que nous avons dégagé notre jurisprudence. Je dois dire d'ailleurs que cet exercice fut des plus bénéfiques pour la commission elle-même qui a pu en tirer d'utiles renseignements avant d'aborder l'important mandat de révision de la loi.

J'aimerais auparavant brosser le tableau de nos activités au cours de cette année en commençant par l'exercice de notre mandat d'adjudication. La commission a rendu quelque 110 décisions en cours d'année dont plus de la moitié portaient sur des demandes d'accès aux documents. La majorité des autres cas concernaient l'accès à des renseignements personnels alors que quelques-unes des décisions étaient relatives à des demandes de rectification.

La commission a aussi examiné sept requêtes de la part d'organismes pour ne pas tenir compte de demandes que ces organismes estimaient abusives. Je tiens à souligner toutefois le grand nombre de désistements qui ont eu lieu en cours de route. Plus de 42 % des demandes de révision inscrites au secrétariat de la commission ont été retirées présumément, dans beaucoup de cas, après que l'organisme eût reçu l'avis de la commission l'informant du processus de révision en cours.

Il ne fait donc pas de doute que le pouvoir d'ordonnance de la commission renforce son autorité et permet souvent aux demandeurs d'obtenir satisfaction plus rapidement.

Au chapitre de la nature des décisions rendues, la compilation des statistiques

révèle que dans la majorité des cas, soit 55 %, les requêtes des demandeurs ont été accueillies totalement ou au moins en partie.

La commission a rejeté un nombre è peu près égal de demandes pour l'accès à des documents et à des renseignements personnels. Cependant, les demandes de rectification de renseignements personnels ainsi que les requêtes d'organismes pour ne pas tenir compte de demandes jugées abusives ont été majoritairement rejetées.

On me demande sauvent qui sont les utilisateurs de la loi sur l'accès et à quels organismes ils s'adressent plus particulièrement. Les données colligées en cours d'année nous ont appris que, pour l'accès aux documents, les simples citoyens sont les demandeurs les plus nombreux, suivis des associations et des entreprises. Ce sont surtout les organismes du monde municipal qui sont visés par ces demandes. Viennent ensuite les organismes gouvernementaux et, en fin de liste, les ministères.

Pour ce qui est des demandes d'accès è des renseignements personnels qui ne sont évidement formulées que par des citoyens, ces demandes s'adressent principalement aux organismes gouvernementaux puis à ceux du réseau des affaires sociales.

Les demandes de révision sur lesquelles se penchent les commissaires leur permettent de prendre position sur différents aspects de la loi. Ainsi, les 56 décisions rendues relativement à l'accès aux documents ont permis à la commission de préciser d'importantes notions et d'établir solidement sa jurisprudence à laquelle les responsables peuvent maintenant se référer pour les aider è prendre leurs décisions. Les décisions ont été publiées intégralement par Les Publications du Québec et, plus récemment, par La Société québécoise d'Information juridique.

J'aimerais maintenant parler du deuxième volet de la loi, relatif, celui-là, à la protection des renseignements personnels. La loi confie un rôle plus étendu à la commission à ce chapitre et j'aimerais en tracer les grandes lignes. La loi sur l'accès exige des 3600 organismes publics qu'ils déclarent à la commission les fichiers de renseignements personnels qu'ils détiennent. Ces déclarations doivent indiquer, entre autres, les types de renseignements que ces organismes conservent, d'où viennent ces renseignements, ce qu'ils en feront, les catégories de personnes concernées par les renseignements versés au fichier et, enfin, les catégories de personnes qui auront accès au fichier dans le cadre de leurs fonctions.

Les déclarations de fichier permettront à la commission d'obtenir un portrait fidèle de la situation. De plus, la commission sera en mesure éventuellement de confectionner un répertoire des fichiers, répertoire qui donnera aux citoyens une idée des renseigne- ments que l'État ou tous les organismes assujettis détiennent sur eux.

D'ici là, la déclaration de fichier a tout de même eu le mérite de forcer les organismes à faire l'inventaire des renseignements qu'ils détiennent et à réfléchir sur leur utilité. D'ailleurs, dans le but de les aider à démystifier cette opération, la commission a organisé une tournée d'information et elle continue d'apporter aide et soutien à tous les organismes qui veulent un peu d'aide dans cette opération.

Au 31 mars dernier et près d'une année après l'échéance fixée par la loi, 75 % des organismes, avaient produit leur déclaration de fichier. Ceux qui ont failli à cette obligation sont majoritairement de petites municipalités, bien que d'autres, de taille très respectable, et même un ministère constituaient aussi ce qu'on peut appeler des délinquants.

Quoi qu'il en soit, la commission avait reçu à cette date près de 10 000 déclarations avec une moyenne de neuf fichiers pour les ministères, de six fichiers pour le secteur des affaires sociales et de l'éducation et de quatre pour le monde municipal. Il va sans dire que la commission continue de recevoir des déclarations et d'analyser leur contenu.

Un problème qui semble surgir provient du droit d'accès aux dossiers personnels que s'arrogent les employés des organismes.

La loi permet à toute personne de savoir qui a consulté son dossier dans un organisme et qui est dispensé de s'enregistrer en raison de ses fonctions l'amenant à consulter souvent ce type de dossiers. Malheureusement, cette obligation a été mal comprise par les organismes qui ont réclamé des dispenses d'enregistrement pour toutes les catégories de personnes ayant accès è un fichier.

La commission a donc plublié une directive sur les règles de consultation de ces fichiers par les membres des conseils d'administration et les élus à la tête des organismes. Elle a, par ailleurs, accordé en bloc les dispenses, se réservant le pouvoir de les réviser à la suite d'une analyse plus approfondie des contraintes propres à chaque type d'organisme.

La loi confie aussi à la commission le rôle d'autoriser un chercheur ou un organisme de recherche à recevoir des renseignements nominatifs sans le consentement des personnes concernées. La commission étudie chaque cas au mérite; elle vérifie si le chercheur a vraiment besoin du nom des personnes, s'assure que les renseignements nominatifs seront utilisés de manière à en protéqer la confidentialité. Pendant la période couverte par ce rapport, la commission a étudié 47 requêtes de ce type.

Dans la même veine, la loi avait confié à la commission le rôle d'approuver des

échanges de renseignements entre organismes publics. Devant le nombre impressionnant d'échanges à approuver, le législateur a modifié la loi sur l'accès pour mettre l'accent sur un contrôle a' posteriori par la commission dans un certain nombre de cas comme lorsque l'échange est nécessaire à l'application d'une loi. Par contre, un nombre réduit d'échanges de renseignements entre organismes demeure soumis à un contrôle a priori et exige l'avis de la commission et l'approbation du gouvernement. La commission a étudié au cours de la période précitée huit projets d'entente depuis la modification de la loi.

Enfin, la commission a aussi pour fonction de faire enquête sur l'observation de la loi. C'est ainsi qu'elle a mandaté son personnel pour enquêter sur 25 plaintes qui ont été soumises par des citoyens. Et 18 enquêtes avaient été complétées à la fin de l'année qui nous occupe ce matin. Â la lumière de cette expérience, force nous est de conclure que le citoyen retient mieux les droits que la loi lui confère que les exceptions permises aux organismes, car la moitié d'entre elles se sont révélées non fondées. Pour les autres, il s'agissait souvent de bris de confidentialité attribuable à l'ignorance des dispositions de la loi par le personnel des organismes.

Toujours dans le cadre de ses fonctions, la commission a été amenée à faire des représentations relativement à des projets de loi qui touchaient à un domaine relié à la loi sur l'accès. Au cours de cette année, la commission a formulé trois avis sur des projets de loi de ce titre. En outre, elle a été consultée relativement à deux propositions de modifications de la loi sur l'accès. La commission a également fourni un avis sur deux projets de décrets gouvernementaux portant sur une entente d'échange de renseignements personnels et un sur l'établissement d'un fichier confidentiel.

La loi sur l'accès confie également à la commission le mandat de faire des recommandations au gouvernement sur l'opportunité de maintenir ou d'abroger les dispositions législatives qui contreviennent à la loi sur l'accès. Au cours des derniers mois, la commission a mis la dernière main è ses recommandations qu'elle a remises, depuis, au ministre des Communications, M. Richard French.

Pendant les mois couverts par le rapport, le service juridique a terminé l'identification de ses dispositions et la commission a formulé les propositions de recommandations. Elle les a réunies par secteur dans des brochures en vue d'une consultation publique. Cette consultation s'est tenue à partir du mois d'août et a culminé avec des audiences publiques où 22 groupes ou citoyens ont commenté les propositions de la commission. Les principales questions abordées portaient sur l'accès au dossier médical ou social, sur l'accès au dossier d'adoption, sur l'accès aux procès-verbaux et documents des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens ainsi que sur certains problèmes particuliers au monde municipal. Le problème du tarif exigible pour la délivrance de copies de documents a aussi fait l'objet de débats.

Dans le cadre général de ses activités, la commission a publié un certain nombre de documents pour préciser sa position et mieux informer les organismes. Ainsi nou3 avons diffusé une brochure à l'intention des chercheurs sur les critères qui guident la commission pour l'approbation des projets de transferts à des fins de recherche. Nous avons également publié un bulletin trimestriel à l'intention des responsables de l'accès pour les aider à appliquer la loi. Enfin, nous distribuons régulièrement un dépliant qui s'intitule "Comment exercer son droit de recours auprès de la Commission d'accès à l'information" dans les versions française et anglaise.

Au cours des derniers mois, la commission a été à même de constater que ses services ainsi que les nouveaux droits que confère la loi sont mieux connus. Néanmoins, nous demeurons constamment préoccupés par les façons d'utiliser au mieux nos ressources et les moyens à notre disposition pour faire connaître davantage les services et les nouveaux droits qu'offre la loi, particulièrement, à la veille d'entreprendre cette étape cruciale qu'est la révision de la loi. Les expériences variées qu'a vécues la commission au cours de la dernière année financière ont permis de dégager certains enseignements sur la façon dont la loi sur l'accès est appliquée. Par exemple, les commissaires ont été forcés de constater que, souvent, les organismes semblent prendre plaisir à judiciariser les litiges. Ainsi, ils profiteront de la discrétion que leur confère la plupart des exceptions de la loi pour refuser un document, même si celle-ci leur laisse le choix de les appliquer ou non. On a vu aussi nombre d'organismes invoquer l'article permettant de refuser un document jusqu'au 1er juillet 1986, même s'il le détenait. Pourtant cet article avait été conçu pour laisser aux organismes le temps de repérer les documents. La commission ne peut donc qu'exhorter le gouvernement à rappeler aux organismes publics leurs obligations morale et légale de traduire concrètement dans les faits l'esprit de la réforme votée par le législateur. (11 h 30)

Nous croyons également utile de signaler certains problèmes d'application de la loi. Par exemple, le gouvernement devrait préciser dans les lois municipales les droits et les devoirs des élus municipaux. En cours d'année, il est arrivé que la commission

constate qu'une majorité d'élus municipaux, par exemple, refuse l'accès à des documents à d'autres élus, obligeant ceux-ci à recourir à la loi sur l'accès pour faire valoir leurs droits. . De plus, la notion d'archives municipales a donné lieu à de nombreux conflits d'interprétation.

Des problèmes ont éqalement surgi lorsque des employés impliqués dans un conflit syndical avec leur employeur ont voulu obtenir leur dossier personnel en vertu de la loi sur l'accès. Les demandeurs avaient parfois à formuler des requêtes à leurs employeurs assujettis à la loi. Dans ce cas, la commission se trouve dans l'inconfortable position de figurer parmi les nombreux mécanismes déjà mis en place pour régler les conflits de travail.

Ces difficultés concrètes d'application de la loi ainsi que les réflexions que lui inspirent son travail quotidien sont soigneusement consignées par les commissaires et figureront dans le prochain rapport que la commission remettra au gouvernement. Ce rapport, comme l'exige la loi, fera le point sur la mise en oeuvre de la réforme et devra être complété pour le 1er octobre 1987. Le travail est déjà amorcé par la mise sur pied d'un groupe de travail sur l'opération de la révision de la loi sur l'accès. Ce groupe de travail a d'abord été chargé d'identifier les questions à étudier et de voir entre autres à la consultation des personnes, groupes et organismes intéressés»

Cette étape charnière dans l'existence de la commission est entreprise avec sérieux et je compte que le rapport qui sera remis au gouvernement sera imprégné de réalisme et contiendra des recommandations tirées du vécu de la commission.

Je vous remercie de votre bonne attention. Je m'excuse d'avoir fait un résumé qui est peut-être un petit peu long. Il est bien entendu que nous tenterons de répondre à toutes vos questions et même si vos préoccupations portent sur une période qui dépasse quelque peu la période couverte par le rapport, nous tenterons d'y apporter spontanément les réponses.

Le Président (M. Trudel): Je vous remercie, M. le président. Vous n'avez pas été long et de toute façon, vous avez été intéressant. Je profite de vos dernières paroles pour souligner aux membres de la commission qu'étant donné qu'on vou3 reçoit fort tardivement sur votre rapport 1985-1986, que le rapport sur les dispositions inconciliables a été, depuis, publié, qu'on ne vous a pas entendu sur votre rapport 1984-1985, je serai - je le dis chaque fois sans jeu de mot - libéral dans l'interprétation du règlement. On pourra avoir une discussion qui pourrait déborder les cadres très très restreints de votre rapport annuel.

Sur ce, je cède la parole à M. le député de Taillon qui est critique dans ce dossier pour l'Opposition.

Exposé du critique de l'Opposition

M. Claude Filion

M. Filion: Je vous remercie, M. le Président. Je voudrais également saluer le président, M. Pépin et ses commissaires, Mme Giroux et en particulier Mme Pestieau qui, comme on le sait, doit, selon nos informations, nous quitter pour rejoindre d'autres cieux. Vous avez dit tantôt, M. Pépin, qu'elles étaient toutes les deux vos bras droits. Je crois comprendre que, malheureusement pour vous, le départ de Mme Pestieau fera en sorte que la nature ne vous redonnera temporairement qu'un seul bras droit.

Je suis sûr que l'Assemblée nationale veillera, comme c'est son mandat d'ailleurs, à combler adéquatement le poste que quitte Mme Pestieau et qu'elle a occupé depuis le tout début, sauf erreur, de la commission. J'en profite au nom de ma formation politique et au nom de tous les parlementaires pour la remercier - c'est la dernière fois que nous la voyons - pour les excellents services et le dévouement qu'elle a manifesté à cette tâche qui n'était pas facile.

J'ai évidemment parcouru avec beaucoup d'intérêt le rapport annuel d'activités de la commision. Nous ne sommes pas là, je pense qu'il faut le dire d'entrée de jeu, en matière facile. Le droit à l'information, le droit à la confidentialité sont des droits qui, parfois, entrent en conflit l'un avec l'autre. Évidemment, ces deux droits sont susceptibles également d'entrer en conflit ou d'être soupesés, jugés, analysés en fonction de d'autres droits. Je pense qu'on peut deviner la complexité, la fragilité, j'allais dire du travail que doit effectuer la Commission d'accès à l'information qui a agi en quelque sorte, un petit peu comme débroussailleur dans ce domaine. On sait qu'elle a été la première commission de semblable nature au Canada et qu'elle a donc servi de pionnier dans ce secteur extrêmement important et qui prendra de plus en plus d'envergure dans les années à venir. De façon qénérale, les citoyens du Québec désirent être mieux informés et désirent être mieux protéqés quant à la confidentialité des renseignements qui les concernent. Ce travail, qui est un travail de longue haleine, s'est quand même poursuivi, à mon avis, à un rythme satisfaisant, compte tenu du fait que nous étions à peu près dans la grande noirceur pas plus tard qu'il y a sept ou huit ans, au Québec.

On ne peut pas espérer qu'une société comme la nôtre se dote d'instruments tout à

fait parfaits dans un secteur aussi fragile, comme je l'ai expliqué, et en aussi peu de temps. Cependant, le travail a donné des résultats fructueux. Il faut, bien sûr, continuer et accélérer dans certains secteurs, décélérer peut-être dans d'autres. Et c'est tout ce processus que les législateurs seront appelés à faire lors de l'étude des recommandations de la commission visant à revoir, réformer, si on me passe le mot, la loi sur l'accès à l'information.

Il y a évidemment plusieurs secteurs que je voudrais couvrir avec vous, mais permettez-moi de faire des commentaires sur deux événements importants, je pense, de la dernière année d'activité. D'abord, vous n'en avez glissé mot ni dans votre rapport annuel, ni dans votre commentaire verbal - et je suis sûr que certains vous en auront gré - on sait que le rapport interne du groupe de travail gouvernemental, qu'on appelle communément le rapport Gobeil, avait recommandé de transformer la Commission d'accès à l'information en organisme de surveillance et de modifier son pouvoir décisionnel pour en faire un pouvoir strictement consultatif. Nous nous sommes élevés contre cette recommandation du rapport Gobeil. Et j'ai également entendu le ministre des Communications prendre un peu plus tard la même position.

Sachez que nous nous en réjouissons. La Commission d'accès à l'information a besoin d'instruments et d'outils pour fonctionner. En ce sens, il n'est pas faux d'affirmer que le rapport Gobeil, dans cette recommandation comme dans la plupart de ses recommandations d'ailleurs, était en dehors de la voie de l'avenir du Québec.

Deuxièmement, j'ai commencé à feuilleter le rapport sur les dispositions inconciliables, parce qu'on doit s'arrêter à plusieurs étapes, étant donné l'intensité et la densité des problèmes qui y sont soumis. D'abord, c'est un travail pour lequel on doit féliciter la commission, un travail remarquable. Les décisions qui devront être prises ne seront sûrement pas des plus faciles. Vous avez mentionné tantôt la question de l'accès aux dossiers médicaux, la question de l'accès aux dossiers d'adoption et quelques autres. J'ai également noté plusieurs autres sujets ou dossiers qui ne seront pas faciles à traiter, encore une fois, à cause de cette naturelle opposition de certains droits, de certaines responsabilités. On parle beaucoup de droits, on oublie parfois de parler de responsabilités, mais je pense que cela existe.

Questions et réponses

En ce sens, voici ma première question. Est-ce que, du côté de la Commission d'accès à l'information, votre travail concernant les dispositions inconciliables est terminé? Est-ce que je dois comprendre qu'avec la remise de votre rapport, votre mandat est rempli, bien sûr, mais est-ce que vous êtes encore mis à profit dans la réflexion qui doit s'ensuivre et qui doit résulter en des modifications législatives?

M. Pépin: Bien sûr, M. le député, techniquement, le mandat a été rempli, puisque le rapport a été complété et remis au gouvernement par l'entremise du ministre des Communications. Il appartient maintenant au gouvernement de proposer les modifications législatives qui doivent découler de ce rapport. A la demande du ministre des Communications, par ailleurs, j'ai accepté avec plaisir que les spécialistes de la commission qui ont travaillé longuement à l'examen de ces questions et au repérage des dispositions soient disponibles pour aider le ministère ou tout autre ministère dont les lois sont touchées à poursuivre leur collaboration jusqu'au dépôt d'un projet de loi. Jusqu'ici, ils sont fréquemment invités à participer avec les différents contentieux du gouvernement à la traduction législative, si on veut, d'un certain nombre de ces recommandations.

M. Filion: On sait que la date limite est déjà fixée au 30 juin 1987. C'est une échéance de cinq ou six mois. C'est court un peu. Encore une fois, est-ce que, selon votre connaissance du progrès, des contacts que vous avez avec différents ministères, vous vous attendez raisonnablement que le 30 juin 1987, l'Assemblée nationale et le gouvernement se soient acquittés de leur tâche, selon, encore une fois, le degré d'avancement des dossiers?

M. Pépin: Je n'ai aucune raison de douter de l'efficacité du ministère des Communications à s'acquitter de son mandat. Je n'ai pas d'indication que ce dossier accuse des retards. En ce qui concerne la commission, nous sommes habitués à des délais assez courts, à des mandats remplis à temps. Tout le monde nous disait que c'était impossible de nous acquitter de ces mandats à l'intérieur de quatre ou cinq ans. Nous l'avons fait à l'intérieur de deux ans. Je crois que ceux qui y donnent suite ont la même préoccupation.

M. Filion: Espérons-le. On a également, en 1987, une deuxième grande échéance qui, vous l'avez mentionné à la fois dans votre rapport et dans votre présentation verbale, est la révision de la loi. Vous avez mentionné, sauf erreur, que vous aviez mis sur pied un groupe de travail interne et également - vous me corrigerez si je fais erreur - que vous avez mené certaines consultations auprès des organismes, auprès des groupes intéressés. Vous avez mentionné,

à la fois dans votre rapport et dans votre présentation verbale, deux problèmes un peu particuliers dans le secteur des relations du travail, où certaines personnes qui étaient à la fois syndiquées ou représentants syndicaux demandaient une information. Vous avez mentionné également le secteur municipal. Il s'agit là de deux situations bien particulières. J'aimerais vous entendre un peu sur le problème de la judiciarisation des auditions, des procédures judiciaires qui entourent et, dans certains cas, qui imposent des contraintes assez particulières à l'exercice de votre pouvoir d'adjudication. Est-ce qu'on peut prévoir que cette judiciarisation fera l'objet d'une préoccupation majeure de votre part pour vos recommandations sur la révision de la loi?

M. Pépin: Oui, c'est une préoccupation depuis le tout début, d'ailleurs. Je crois qu'il faut éviter de verser dans l'angélisme à partir du moment où nous devons appliquer une loi dont... Le mandat de la commission est de trancher des litiges entre deux parties qui ont des intérêts dans certains cas fondamentalement opposés. Il ne faudrait pas verser dans l'angélisme et croire que les procureurs des deux parties vont éviter de judiciariser un débat qui, au départ, s'inscrit dans un cadre juridique. Cela dit, ce que je veux dire quand je parle de problèmes de relations du travail, je vous donne un exemple; Lorsqu'un employé demande accès à son dossier personnel, habituellement, il n'y a pas de problème. Si cet employé est en situation conflictuelle avec son employeur, s'il y a des griefs en cours, par exemple, là, on se situe à un autre niveau. L'employeur résiste pour d'autres raisons, il veut garder ses éléments de preuve éventuels pour la plaidoirie du grief. La loi, évidemment, ne fait pas de distinction, sauf qu'elle prévoit que, s'il y a une procédure judiciaire en cours, il y a des restrictions additionnelles. Le grief est-il une procédure judiciaire? Il a fallu trancher cette question. (11 h 45)

Dans ce sens, je n'ai pas de solution précise à ce problème. Je le signale pour éviter que la commission devienne un rouage additionnel dans le règlement des conflits de travail. Nous allons étudier sérieusement cette question et nous tenterons de faire des recommandations là-dessus.

M. Filion: Et dans le secteur municipal?

M. Pépin: Dans le secteur municipal, le problème est différent. D'abord, il y a les villes à charte, la Loi sur les cités et les villes et aussi le Code municipal. Il y a des différences de droits et de devoirs dans chacune de ces lois sectorielles. Lorsqu'il y a des dispositions inconciliables, ces dispositions des lois sectorielles continuent de s'appliquer tant qu'il n'y aura pas eu révision. Il y a des problèmes qui se sont posés quant au statut des élus, des conseillers municipaux qui se voient privés de certains documents dans leur municipalité alors que leurs collègues les ont. Là, il y a un problème et la commission est fréquemment saisie de ce problème. Ce n'est pas de notre ressort. Ce que nous signalons, c'est que nous constatons qu'il y a là une certaine anomalie. En même temps, nous constatons notre Impuissance, puisque c'est à l'étape des lois municipales, je pense, qu'il faut essayer de corriger ce problème. C'est pour cela que nous le signalons. Nous savons, par ailleurs, qu'une révision de l'ensemble des lois municipales est en cours. Cela, c'est le premier problème.

L'autre problème, dans le secteur municipal, évidemment, c'est la notion des archives municipales. Les lois municipales disent que les archives municipales sont accessibles, sauf que personne ne sait ce qu'est une archive municipale. Alors, nous vous suggérons de clarifier un peu ce débat. Jusqu'ici, c'est nous qui écopons du débat de façon assidue et répétée.

M. Filion: De façon générale, sur la judiciarisation, dans quelle proportion les parties sont-elles représentées par procureur?

M. Pépin: L'organisme est presque toujours représenté par un procureur, parce que l'orqanisme est dans une situation un peu plus confortable pour le faire. Le citoyen, j'hésite; je pense que ce serait peut-être 50 %. Il faut dire, par exemple, que, très souvent, c'est le procureur du syndicat qui viendra accompagner le demandeur ou parfois un procureur personnel.

M. Filion: Cela me préoccupe un peu. On a une loi d'accès à l'information. Les mots le disent: "accès à l'information". On cherche à faciliter les choses, à faciliter la transmission de renseignements. La commission elle-même est là pour trancher les litiges, comme on le sait, entre les parties: une partie qui désire avoir l'accès et une partie qui, dans certains cas, pour différentes raisons que prévoit la loi ou pas, conteste cet accès. La commission est chargée de trancher et cette commission elle-même, risque de judiciariser le processus et donc, d'une certaine façon, de rendre l'accès à la commission un peu plus contraignant. J'ai remarqué que les décisions de la commission sont maintenant publiées dans un recueil juridique via les soins de SOQUIJ et, donc, cela fait partie, si on veut, de l'alimentation des avocats dont certains commencent à se spécialiser dans cette loi.

Comme léqislateur, je dois vous dire que cela me préoccupe. Beaucoup de citoyens de mon comté vont à la commission d'accès

et ont des dossiers pendants ou en ont eu dans le passé; ils m'ont fait part de ce qu'ils ont vécu en arrivant à la commission où ils doivent affronter le procureur d'un organisme qui n'en est pas à sa première visite, qui connaît ses objections, une, deux, trois, ses exceptions déclinatoires, etc. Je suis sûr qu'en tant que commissaires, vous avez subi un cours accéléré de droit administratif depuis vos nominations et ça me préoccupe un peu. De façon générale d'ailleurs, la judiciarisation dans une matière comme celle-là doit être à tout prix évitée dans la mesure du possible. Bien sûr, justice doit-elle être rendue, mais dans certains cas, l'accès doit d'abord se faire librement. Quand on a un procureur en face de soi, ce n'est déjà pas facile. Deuxièmement, la judiciarisation amène des délais. Je suis un ancien procureur et dans certains cas, les délais font partie du dossier, ils deviennent un élément du dossier pour l'un ou l'autre des procureurs. C'est regrettable, mais c'est la vie.

À ce moment-ci, à cette étape, nous sommes à l'aube d'une réforme de la loi d'accès à l'information, on doit rechercher à limiter... Justice doit être rendue, cela va et les principes naturels de justice doivent être respectés, mais au-delà de cela, je pense qu'on devrait chercher à ce que cette opération d'adjudication de la commission se fasse avec le moins d'interventions judiciaires.

Je serais tenté de vous poser à ce sujet-là une question. Combien avez-vous reçu de brefs d'évocation?

M. Pépin: II faudrait demander au directeur du service juridique.

M. Filion: Grosso modo, depuis la naissance...

M. Pépin: Cinq.

M. Filion: Cinq brefs d'évocation. Dans certains cas, est-ce que les brefs d'évocation sont réglés à l'heure actuelle ou pas tous?

M. Pépin: Je crois qu'il y en a encore un pendant.

M. Filion: II y en a un pendant. Combien y a-t-il eu d'appels?

M. Pépin: Des appels en Cour provinciale, 34.

M. Filion: 34. Les appels, c'est une procédure prévue dans la loi, c'est normal. Les brefs d'évocation m'inquiètent un peu plus. Inutile de vous dire que, lorsqu'un bref d'évocation est enclenché dans la machine, il est soumis à toute la hiérarchie des tribunaux, etc. Est-ce que vous avez eu des décisions de la Cour d'appel sur la Commission d'accès à l'information?

M. Pépin: II y en a eu deux. M. Filion: De la Cour suprême? M. Pépin: Aucune.

M. Filion: Pas encore. La jurisprudence de la Cour d'appel est-elle claire à l'heure actuelle?

M. Pépin: Les brefs d'évocation portaient tous sur la compétence de la commission à disposer d'un litige. Dans tous les cas, les tribunaux supérieurs ont confirmé la compétence de la commission, y compris les deux qui ont été portés jusqu'en Cour d'appel.

M. Filion: D'accord.

M. Pépin: Si vous me permettez un bref commentaire, M. le député, sur vos préoccupations, d'abord je veux vous dire que nous sommes très heureux que les parlementaires soient préoccupés de cette question-là. C'est une question qui ne préoccupe pas uniquement la commission d'accès, mais également d'autres organismes similaires au nôtre, qui ont des obligations similaires.

Je pense que le problème que vous soulevez dépasse largement la commission d'accès. C'est un problème plus vaste qui touche l'ensemble des tribunaux administratifs et qui touche le caractère plus spécifique des tribunaux administratifs. C'est une chose que j'ai apprise par expérience. Je l'ignorais complètement avant d'être baigné dans la question. La notion même de tribunaux administratifs, la notion de quasi judiciaire est une notion floue. Dans la pratique, les juristes ou les procureurs ne font pas de distinction entre un tribunal judiciaire et un tribunal quasi judiciaire et, en plus, les préoccupations que vous avez soulignées ne vont pas beaucoup dans le sens, selon ce que j'en sais, des préoccupations du Barreau, par exemple, qui a des objectifs en sens inverse.

La Loi du Barreau a des exigences très précises auxquelles nous devons souscrire comme tout autre organisme qui a un mandat de trancher des litiges où les intérêts des parties sont impliqués. Nous sommes dans une situation un peu d'équilibristes. Nous devons reposer beaucoup sur la bonne foi des parties. Lorsqu'on invoque l'argument juridique, nous devons évidemment apporter une réponse qui soit compatible avec les exigences de la loi.

M. Filion: Et à ce sujet d'ailleurs, est-ce que la commission a participé ou entend

participer aux travaux de consultation menés par le petit groupe de travail sur la réforme des tribunaux administratifs qui a été mis sur pied?

M. Pépin: C'est-à-dire que ce groupe de travail a un mandat et la commission elle-même a le mandat de faire une réflexion générale et de remettre cette réflexion à l'Assemblée nationale sur son fonctionnement. Alors, il y a là un peu un problème de date et de "timing" qui survient. J'avoue honnêtement - vous avez vu le rapport assez volumineux que vous avez entre les mains -que celui que nous sommes en train de préparer sera probablement au moins aussi difficile à faire et peut-être plus en termes de décisions. Nous devons entre-temps poursuivre tous les mandats généraux. À tous les jours, il y a des dossiers qu'il faut traiter. Je ne suis pas sûr que nous puissions mettre une période de côté pour répondre à cette question précise et y revenir dans trois autres mois pour le bénéfice de l'Assemblée nationale. Là-dessus, je ne peux pas vous dire que nous ferons nécessairement des représentations.

Fichier des renseignements personnels

M. Filion: Je voudrais aborder brièvement la question du répertoire des fichiers de renseignements. Dans votre rapport, à la page 30, j'ai été frappé par le fait que 75 % des organismes, seulement, avaient produit leur déclaration relativement au fichier de renseignements personnels. On le sait, les organismes qui tiennent des fichiers de renseignements personnels doivent en faire une déclaration à la Commission d'accès à l'information pour permettre de colliger l'ensemble de ces renseignements, en faire un répertoire, etc.

Dans votre rapport, je pense que c'est 75 %, j'ai lu cela. Je me suis dit que cela peut arriver, de la part des organismes, comme vous l'avez mentionné, et qu'il y ait des petites municipalités, etc. Mais j'ai été abasourdi d'apprendre que le ministère du Revenu du gouvernement du Québec n'avait toujours pas, è la date de votre rapport -c'est le sens de ma question qui viendra -produit sa déclaration de fichier de renseignements. Est-ce qu'au moment où on se parle cette déclaration a été faite?

M. Pépin: Oui.

M. Filion: Oui. Donc, la situation a évolué. Les 75 % sont peut-être rendus 85 %?

M. Pépin: Je ne l'ai pas en termes de pourcentage. Il en reste beaucoup moins qu'il en restait. La difficulté est évidemment d'être capable de lire ces déclarations, d'en tirer la substance. Puisque vous parlez du répertoire, c'est une opération qui est beaucoup plus compliquée que nous l'anticipions, puisqu'il faut d'abord saisir sur informatique toutes ces déclarations. Comme il n'y a pas deux organismes qui utilisent le même vocabulaire pour désiqner la même chose, il faudra normaliser les déclarations manuscrites d'abord pour ensuite pouvoir les regrouper, parce que si nous publions un répertoire similaire à celui du gouvernement fédéral qui, lui, ne touche qu'à 140 organismes fédéraux alors que chez nous il y en a 3800, je crois que nous serions en compétition avec Bell Canada quant à l'épaisseur de l'annuaire de Montréal.

Je ne crois pas que ce soit là l'objectif de3 membres de l'Assemblée nationale de noyer le citoyen dans une masse de papier. Nous essayons de traduire ce mandat de façon que ce soit accessible aux citoyens mais en regroupant. Par exemple - c'est une des hypothèses de travail - si on prend le secteur hospitalier, on dit les hôpitaux ont, de façon générale, ce genre de dossiers plutôt que d'énumérer les 300 hôpitaux avec chacun. C'est ce travail de normalisation qui est en voie d'être fait et qui n'est pas simple.

En ce qui concerne les retardataires, nous en sommes à 79 % maintenant de déclarations remplies.

M. Filion: Est-ce que, dans les 21 % qui demeurent, il y a des pressions qui sont exercées? Non pas par la commission, je n'en doute pas, mais est-ce que c'est une exigence de la loi? Après tout, on a un taux de délinquance quand même assez élevé, un cinquième? (12- heures)

M. Pépin: Je dois reconnaître que, volontairement, j'ai été assez tolérant auprès de plusieurs organismes, surtout les plus petits, pour deux raisons. La première, c'est que très souvent les ressources humaines dans de petites municipalités ou de petits organismes sont limitées. Ce n'est pas une notion facile à comprendre pour certains secrétaires-trésoriers de petites municipalités, par exemple, qui n'étaient pas habituées à avoir cette préoccupation. Donc, il fallait prendre le temps de les rencontrer et de leur expliquer. L'autre raison, c'est qu'en même temps qu'est arrivée cette obligation de la loi sur l'accès, d'autres obligations similaires émanant de la Loi sur les archives sont arrivées aussi auprès des mêmes organismes, et, dans le cas des CLSC, d'autres obligations, d'un autre ordre, émanant du réseau du ministère des Affaires sociales, ce qui a fait que les mêmes personnes avaient des délais assez courts pour réaliser différents mandats que le gouvernement leur demandait.

C'est comme cela qu'il a fallu faire preuve d'une certaine tolérance. Maintenant, je crois que, pour ce qui reste, j'ai moi-même communiqué par écrit avec tous ceux qui n'avaient pas encore fait leur déclaration, et nous devrions être en mesure de terminer cela assez rapidement.

M. Filion: Le ministère du Revenu la produit approxivement quand sa déclaration?

M. Pépin: Vous comprendrez que sur les 10 000, je n'ai pas toutes les dates par coeur. Je vais m'informer, si c'est possible de le savoir. Au mois de mai 1986.

M. Filion: Au mois de mai 1986. L'échéance était...

M. Pépin: L'échéance, c'était en juillet 1985. C'est ça?

M. Filion: En juillet 1985. Dernière question sur ce répertoire. Est-ce que cela veut dire que, lorsque le répertoire sera terminé... D'abord, cela va comprendre les bureaux de crédit, etc.?

M. Pépin: Non.

M. Filion: Uniquement les organismes.

M. Pépin: Uniquement les organismes publics.

M. Filion: Cela voudrait dire qu'un citoyen ou une citoyenne va pouvoir, en consultant ce répertoire, connaître le type d'information que ces organismes peuvent posséder sur lui ou sur elle pour tout ce qui concerne les organismes publics, parapublics, péripublics, je ne sais pas comment vous les appelez, etc.

M. Pépin: C'est-à-dire que le citoyen pourra savoir quel fichier de renseignements personnels détient un organisme et ce que contient ce fichier. À partir de là, s'il pense qu'il est fiché, il pourra en demander la confirmation.

M. Filion: D'accord. Est-ce que vous pouvez nous annoncer que le répertoire pourrait être terminé vers...

M. Pépin: Nous souhaitons le faire en 1987.

M. Filion: En 1987.

M. Pépin: Si nous aplanissons tous les problèmes que je vous ai soulignés tout à l'heure. Il y a un problème majeur de logistique qui n'est pas encore résolu.

M. Filion: Évidemment, il faut décoder tous ces fichiers, essayer de les rentrer dans une grille quelconque, etc. Cela fait une troisième échéance d'importance pour 1987 en ce qui concerne l'accès à l'information. Je vais vous souhaiter bonne chance dans ce travail qui est extrêmement important, je pense, pour les citoyens. Ils ont plus ou moins idée de tout ce qui peut circuler, de tout ce qui peut être détenu comme renseignements et comme information à leur sujet, dans un coin de pays comme le nôtre.

Dossiers médicaux

J'ai une autre question à poser, mais si mes collègues voulaient intervenir, je pourrais les laisser sûrement... Je veux vous parler un peu de la question de l'accès à l'information, de l'accès aux documents d'organismes publics. Un problème vécu par un citoyen de mon comté, mais que j'ai curieusement retracé dans votre rapport annuel. Je me suis dit: Cela doit être assez généralisé. Voici le cas. Les citoyens ont accès, on le sait, à leurs dossiers médicaux. Ils se présentent à l'hôpital. Ils font sortir leurs dossiers médicaux. À partir de ce moment, ce qu'ils apprennent, c'est à peu près rien, parce qu'ils ne peuvent pas comprendre; il leur faudrait suivre un cours accéléré, cette fois, en décryptage de hiéroglyphes pour arriver à savoir de quelle maladie ils souffraient, quel a été exactement le diagnostic, quel genre de traitement, etc. C'est tout le problème, disons, de la façon dont le renseignement est capté par l'organisme. Quelle est la position ou la réflexion, si on veut, de la commission à ce sujet?

M. Pépin: M. Filion, évidemment le problème nous a été soulevé fréquemment, plus particulièrement lorsque nous avons rencontré plusieurs groupes qui oeuvrent dans le milieu hospitalier, dans le cadre de la révision des dispositions inconciliables. Le rapport que vous avez devant vous traite de cette question et soumet quelques pistes de solution. Comme il s'agit d'un problème que ma collègue, Mme Pestieau, a examiné de façon plus particulière, peut-être qu'elle pourrait apporter un éclairage sur l'aide que nous suggérons, notamment.

Mme Pestieau (Caroline): La question fondamentale, c'est à qui est destiné le dossier médical, parce qu'il y a au moins trois personnes ou groupes en jeu: l'administration hospitalière, le médecin ou l'équipe médicale traitante et le patient, la personne concernée. Il y a eu aussi une évolution, comme nous le savons tous, de la relation entre malade et médecin où c'était une relation de confiance entre deux personnes, alors qu'aujourd'hui, des équipes traitantes dans les hôpitaux et de nombreux

professionnels interviennent au dossier. La position des hôpitaux, comme nous l'avons appris lors des auditions publiques, c'est que ce n'est pas un instrument qui devrait être à la portée du malade. Cela ne devrait pas être un instrument d'information pour le malade. On reconnaît que le malade a un droit d'accès, mais qu'il tire son plan un peu pour déchiffrer ce qu'il trouve. Il y a souvent des retards dans la compilation du dossier et si les personnes étaient obligées de remplir le dossier d'une façon compréhensive par tout le monde, des retards s'accumuleront. Au point de vue de l'efficacité administrative, ils trouvent très difficile l'idée que le dossier médical soit un instrument d'information pour le malade.

Les médecins ont un point de vue un peu similaire dans le sens qu'ils disent que c'est essentiellement un outil scientifique, évidemment, curatif aussi, mais d'échanges entre professionnels. L'essentiel c'est que le professionnel qui est appelé à intervenir au dossier comprenne tout de suite les interventions et les observations précédentes. Eux aussi ne voient pas tellement l'utilité pour le malade qu'on explique cela en langage clair. Traditionnellement, je pense que tout le monde sait que les médecins ont adopté une attitude assez paternaliste: ils expliquaient ce qu'ils voulaient ou ce qu'ils estimaient que le malade devait comprendre du dossier. '

Nous avons entendu un autre son de cloche des associations d'infirmières et d'infirmiers. Ces personnes sont très souvent appelées à interpréter le dossier médical aux patients. Ces personnes se trouvent coïncées entre le devoir et le désir d'aider le malade et le partage des tâches professionnelles qui fait que c'est le médecin qui interprète le dossier. À la suite de toutes ces interventions, la commission a suggéré que le malade ait accès à son dossier sans autre obstacle que la possibilité que le médecin traitant - et en fait, ce serait le directeur médical de l'hôpital qui prendrait la décision - estime que le moment n'est pas propice ou que peut-être il faudrait remettre à un peu plus tard, par exemple, dans le cas d'un traitement psychiatrique, la communication de l'entièreté du dossier.

Le principe, c'est, selon nos recommandations, que le malade ait le droit d'accès et qu'il y ait seulement cette possibilité de délai qui soit révisable par la commission d'accès. Vous le savez sans doute, c'est une position assez nouvelle, parce que jusqu'ici, ce litige a été tranché par la Commission des affaires sociales. Nous avons aussi recommandé que le dossier médical devienne justement un instrument d'information pour le malade et que le personnel médical soit non seulement autorisé, mais même mandaté pour expliquer le dossier médical au patient. Tout cela, ce sont des recommandations. Il y a un certain changement des mentalités que nous espérons réaliser de cette façon.

M. Filion: Je vous remercie, Mme Pestieau.

Le Président (M. Trudel): M. le député de Taillon, est-ce que vous allez bifurquer vers un autre sujet, parce que Mme la députée de Maisonneuve...

M. Filion: Oui, c'est cela, je l'avais invitée tantôt. Allez-y, Il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Trudel): ...sur le même sujet a demandé d'intervenir. Je rappelle aux membres de la commission que c'est informel. Restons à l'intérieur de chacun des sujets pour poser des questions. Il n'y a pas de règles d'alternance. Faites-moi signe quand vous voulez intervenir sur le sujet en discussion. J'ai vu que M. le député de Taillon avait l'intention de changer de sujet et je cède la parole à Mme la députée de Maisonneuve sur le sujet du dossier médical.

Mme Harel: Oui, sur ce sujet, vous avez certainement pris connaissance de l'article paru dans L'Actualité de décembre 1986, qui faisait état de la difficulté non pas d'avoir accès à un dossier, mais de la difficulté de la confidentialité des dossiers et, comme l'a souligné mon collègue, de la difficulté, une fois l'accès au dossier assuré, de le comprendre. Cet article faisait état d'une étude menée par le comité d'inspection professionnelle de la Corporation des médecins du Québec, laquelle étude avait révélé, que, parmi les 55 établissements de santé visités au Québec, le tiers des hôpitaux pour court séjour avaient des dossiers imcomplets, la moitié des hôpitaux pour long séjour présentaient des dossiers incomplets et que 75 % des dossiers dans les centres d'accueil et d'hébergement étaient jugés insatisfaisants. C'est donc dire que, dans les centres d'accueil et d'hébergement, ce sont souvent des personnes en perte totale d'autonomie et c'est là, finalement, que les dossiers étaient les plus insatisfaisants.

L'article faisait état d'une position mitigée de la Commission d'accès à l'information. Plus concrètement, l'article parlait d'une poire coupée en deux par la commission, d'abord en recommandant de maintenir le principe du préjudice grave pour restreindre l'ouverture du dossier... Est-ce que d'autres corps professionnels... Vous avez parlé des médecins, mais il semble que l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec soit l'un de ceux qui préconisent l'accès au dossier, même comme moyen de thérapie pour le patient et aussi comme

façon d'obliger les médecins à changer leurs habitudes de travail. Croyez-vous qu'il y ait des recommandations immédiates à faire dans ce dossier?

M. Pépin: Dans le rapport sur les dispositions inconciliables qui a été remis à l'Assemblée nationale, ce problème est abordé. Je voudrais clarifier quelque chose tout de suite. Je n'ai pas en tête, de façon très précise, l'article auquel vous faites référence, mais je voudrais clarifier ceci: d'une part, la commission non seulement est favorable à l'accès au dossier médical, mais elle demande que ce soit un droit reconnu y compris dans l'article 7 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. D'autre part, elle recommande de faciliter cet accès en mandatant, comme l'a dit Mme Pestieau tout à l'heure, le personnel pour aider la personne à cheminer dans ce dossier. Le problème du préjudice grave est également abordé dans ce rapport. Il y a un conflit majeur entre l'obligation qu'a le médecin, à cause de ses obligations professionnelles, et le droit du médecin face à un malade dans un sens et le droit du malade face à son dossier. Nous ne l'écartons pas entièrement, nous le restreignons beaucoup. Nous suggérons de le restreindre et nous en faisons un droit d'appel du citoyen devant la commission s'il se sent lésé sur cette question. Alors, ce n'est pas tout à fait ce que j'appelle couper la poire en deux. (12 h 15)

Mme Harel: Est-ce que cette recommandation de l'appel devant la Commission des affaires sociales a été retenue par le gouvernement? Je me rappelle... C'est, évidemment, dans le rapport de la commission. Tout dernièrement, lors de l'étude en commission parlementaire, en deuxième lecture du Code de la sécurité routière, au mois de décembre dernier, nous avions devant nous des dispositions qui, encore une fois, restreignaient le droit pour l'usager d'avoir accès au dossier médical qu'on faisait obligation à son médecin traitant de transmettre à la Régie de l'assurance automobile. Finalement, il a pu y avoir des amendements présentés à la commission, mais il n'en reste pas moins que sans la vigilance, manifestement, il ne semble pas y avoir une ligne directrice gouvernementale sur cette question. Est-ce que vous avez eu l'occasion d'en reparler avec le ministre responsable?

M. Pépin: Mme la députée, très brièvement, je vous rappelle le processus. Il a d'abord fallu, dans un premier temps, identifier toutes les lois et tous les règlements, dans l'ensemble de la législation québécoise, qui venaient en conflit avec la loi sur l'accès qui, elle, a un caractère prépondérant. Après ce travail d'identification, nous avons fait des recommandations pour harmoniser, dans certains cas, certaines recommandations où nous suggérons nous-mêmes de maintenir la situation actuelle, parce qu'elle est justifiée.

Dans le cas qui nous occupe, nous suggérons de le modifier et c'est ce travail qui se fait présentement sous la direction du ministre des Communications qui déposera éventuellement un projet de loi. Est-ce que le gouvernement l'a retenu ou non? Ou le ministère de la Santé et des Services sociaux? Est-ce que la loi à laquelle je fais allusion sera amendée? Je ne suis pas en mesure de vous le dire actuellement. D'ailleurs, ce n'est pas de ma compétence; c'est le processus législatif qui est en route, il n'est pas complété et je le sais. Dès que le gouvernement déposera son projet de loi, on pourra faire le bilan de ce qui est retenu et de ce qui ne l'est pas.

Mme Harel: Enfin, j'aimerais simplement signaler qu'entre-temps, des lois peuvent être adoptées...

M. Pépin: Oui.

Mme Harel: ...comme ce pouvait être le cas avec la réforme du Code de la sécurité routière...

M. Pépin: Chaque fois qu'un projet de loi...

Mme Harel: ...sans en tenir compte.

M. Pépin: ...est déposé, nous l'examinons. Si, d'aventure, nous constatons que dans ce secteur particulier, on devance -rien n'interdit de le faire - l'application du rapport ou qu'on introduit une nouvelle incompatibilité, évidemment, la commission, depuis le début, estime qu'elle a le mandat implicite d'alerter les parlementaires sur ce que nous estimons être un accroc à la prépondérance de la loi.

Mme Harel: Je reviendrai, M. le Président, sur d'autres aspects. Tantôt, j'entendais le président faire état de cette nécessité de trancher des litiges et cela me faisait penser à celui qui, dans l'histoire du monde, est connu pour avoir été invité à trancher un litige, Salomon. Vous vous rappelez? Cela met toujours en présence des droits qui sont tout aussi légitimes les uns que les autres. C'est une situation difficile, parce que ces litiges supposent qu'on concilie l'inconciliable. Enfin, j'y reviendrai.

Le Président (M. Trudel): Vous reviendrez, Mme la députée de Maisonneuve. Je cède maintenant la parole à M. le député d'Arthabaska.

Documents et rôle d'un député

M. Gardner: Merci, M. le Président. J'ai plusieurs questions qui concernent surtout le travail d'un député. Vous allez comprendre facilement. Je suis un nouveau député et j'aimerais savoir bien des choses là-dessus. Il y a un an, quand j'ai commencé, j'avais tout un classeur vide et depuis, il est rempli de renseignements extraordinaires et parfois très confidentiels que je ne voudrais surtout pas voir, un jour, dans le bureau d'un député de l'Opposition. Je pense que même du côté de l'Opposition, on a de ces renseignements.

Si on me le permet, j'ai pris connaissance de votre directive sur la consultation des fichiers de renseignements personnels des organismes publics. Premièrement, est-ce que cela concerne les députés? Par organismes publics, est-ce que vous entendez aussi les députés? C'est une première question rapide. Réponse rapide.

M. Pépin: Je vais vous prévenir tout de suite que je ne suis pas très porté sur la distribution d'avis juridiques, d'autant plus que je n'ai pas la qualité pour le faire. L'Assemblée nationale est assujettie à la loi. Cependant, les documents personnels d'un membre de l'Assemblée nationale sont exclus de l'application de la loi.

M. Gardner: À la page 4 de votre...

M. Pépin: Cela étant dit, probablement que vous auriez un peu de difficulté, comme membre de l'Assemblée nationale, à respecter l'esprit et la lettre de la loi si, vous autorisant de votre statut de député, vous demandiez à connaître le dossier personnel de chacun des employés de cette noble institution.

M. Gardner: Merci. On va quand même essayer d'avoir des renseignements. Vous permettez, M. le Président? À la page 4 de votre directive vous dites: II se produit donc qu'un élu - donc un député - soit appelé par un de ses commettants à intervenir dans le dossier de celui-ci. Dans ce cas, c'est à la demande de la personne concernée que l'élu consulte les renseignements. Il doit alors agir par procuration clairement établie. Quand vous dites "procuration clairement établie", une simple demande par téléphone ou une visite à mon bureau, est-ce une procuration clairement établie? Première question.

M. Pépin: Première difficulté. La personne qui détient le dossier a l'obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des renseignements confidentiels. Si un député l'appelle et lui dit: J'ai un commettant qui me demande d'intervenir en son nom et si cette personne décide de prendre une précaution additionnelle et de s'assurer que c'est bien le député en question et qu'il a bien une procuration, je crois qu'on ne peut pas lui en faire grief. Je crois que cette personne applique de façon sérieuse et de façon sécuritaire les critères de confidentialité. Il y a peut-être lieu d'essayer de trouver un moyen où tous les détenteurs, dans l'appareil gouvernemental, de renseignements personnels qui pourrait convenir à tout le monde, mais jusqu'ici la loi est assez claire là-dessus, exactement comme lorsqu'on entre ici à l'Assemblée nationale, même si nous sommes convoqués, il faut quand même justifier notre identité avant de pénétrer.

M. Gardner: J'ai été très surpris, depuis que je suis là, de constater que c'est facile pour un député et même pour le personnel du député d'avoir des renseignements. J'ai eu simplement une seule objection venant de la Sûreté du Québec - imaginez! - en un an et quelques mois pour mon personnel alors que celui-ci peut avoir des renseignements autant que moi en disant simplement qu'ils sont du bureau du député d'Arthabaska, pour le bénéfice de la cause. Je suis persuadé que c'est la même chose dans d'autres bureaux.

Est-ce que ça ne vous surprend pas que ce soit si facile pour un bureau de député d'avoir des renseignements sur des personnes?

M. Pépin: Ca nous surprend, ça nous inquiète mais la seule réponse que je peux vous donner là-dessus, c'est que s'il est bien connu que ça prend beaucoup de temps pour établir une tradition, il est aussi évident que ça en prend également beaucoup pour renverser cette tradition.

M. Gardner: Dans le même sens, est-ce que...

M. Pépin: Cela illustre la crainte révérencieuse qu'inspirent les députés à l'ensemble de la fonction publique.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Gardner: Surtout ceux de l'Opposition.

Le Président (M. Trudel): Si encore vous aviez raison.

M. Gardner: M. le Président, j'aurais d'autres questions encore dans le même sens. Pour chaque consultation que nous faisons, est-ce inscrit que le député d'Arthabaska a demandé telle chose?

M. Pépin: Normalement, oui.

M. Gardner: Je dois dire qu'il doit y en avoir è plusieurs places. Le député

d'Arthabaska va être reconnu pour être achalant. Est-ce que ça pourrait aller jusqu'à permettre de vérifier l'écrit dans mes dossiers? Est-ce que vous pourriez, un jour, venir vérifier dans mon bureau de comté? Pourriez-vous venir demander tel dossier d'un tel client ou d'un commettant?

M. Pépin: Je répète que je ne suis pas très porté sur les avis juridiques spontanés mais à première vue, nos dossiers de député ne sont pas inclus - je pense que c'est l'article 34 - parmi les documents qui sont compris dans les documents détenus par un organisme public.

M. Gardner: J'apprécie beaucoup votre prudence mais qu'est-ce qui arrive avec les dossiers lorsqu'il y a une défaite? Vous allez peut-être trouver la question idiote mais c'est parce que j'ai un fait clair dans mon comté que je vous expliquerai peut-être en privé. Mais qu'est-ce qui arrive après une défaite? Est-ce qu'on doit brûler ces dossiers ou est-ce qu'on peut les laisser à la disposition de quelques personnes indiscrètes?

M. Pépin: II s'agit de dossiers personnels. Donc, malheureusement, dans toutes les occupations que j'ai eues jusqu'ici, j'ai rencontré plus de députés élus que de députés défaits, alors, je n'ai jamais interrogé les députés défaits sur la façon dont ils ont disposé de leurs archives personnelles. Je crois que, si le député défait lègue à son successeur les dossiers personnels qu'il avait comme député, il lui lègue en même temps l'obligation, à tout le moins morale, d'en protéger la confidentialité.

M. Gardner: C'est cela. Maintenant, toutes ces questions pour en arriver à une dernière, M. le Président. Voici. N'y aurait-il pas lieu que la commission fasse des directives ou encore des suggestions de directives aux députés sur la confidentialité des documents? Je dois vous dire que lorsqu'on arrive député, on n'a fait aucune étude pour l'être. On peut faire des erreurs sans le vouloir. L'erreur est humaine, je le sais bien. Mais n'y aurait-il pas lieu de faire des directives précises sur la confidentialité, même si vous ne voulez pas trop vous embarquer sur le râle du député? Avant, pendant et après son mandat?

M. Pépin: C'est une suggestion que je retiens. Nous l'examinerons de très près. Ce seraient peut-être moins des directives qu'un peu un guide pour vous donner les obligations qui sont celles des fonctionnaires qui ont à gérer ces dossiers et également vos droits comme députés pour intervenir. Je vais essayer de voir si je ne pourrais pas...

M. Gardner: Vous retenez. Vous allez nous en donner des nouvelles. Merci.

M. Filion: Dans le cadre de recherches que j'ai faites, je me souviens qu'il y a des archives à Québec où certains députés défaits font parvenir l'ensemble de leurs dossiers. Je pense que ces archives relèvent de l'Assemblée nationale. En tout cas, vous pourrez vérifier, mais il existe un système de protection des dossiers qui s'adresse aux documents des députés qui quittent leurs fonctions.

M. Gardner: Ils ne sont pas obligés.

M. Filion: Je sais que, dans certains cas, je pense que, lorsque le député a été membre du Conseil exécutif, c'est à peu près obligatoire, c'est-à-dire qu'il fait lui-même le tri. Mais tout cela, en tout cas, reste à vérifier.

M. Pépin: C'est l'article 34 de la loi qui est la réponse à votre question. Comme tout article de loi s'interprète, alors...

Le Président (M. Trudel): Dans l'ordre, si on change de sujet. La députée de Maisonneuve, le député de Taillon, le député de Sherbrooke et le député de Saint-Jacques. Mais sur le même sujet, M. le député de Saint-Jacques?

M. Boulerice: Non. Mon collègue m'a coupé l'herbe sous le pied mais je ne lui en veux pas. Je pense que c'est heureux. Comme j'ai été associé à ce dossier dans le domaine scolaire, M. Pépin, j'ai transposé les règles que j'appliquais à mon ancien milieu de travail au bureau de comté. Je pense qu'effectivement, ce serait pertinent. On n'y est certes pas assujetti, mais je pense qu'on a tous à coeur effectivement l'intérêt de nos électeurs, de nos commettants, de la population. Je pense que ce serait effectivement très bien accueilli de la part des députés qu'un guide, à caractère suggestif, c'est bien entendu puisqu'on n'y est pas assujetti, nous soit adressé. Cela nous éviterait peut-être, à un moment donné, sûrement par bonne volonté parce que je ne pense pas qu'aucun de nous agisse malicieusement, d'éviter à un moment donné d'aller à contre-courant du travail que vous faites d'ailleurs au niveau de...

M. Pépin: Cela me fait plaisir. J'en prends note. Je vais essayer de vous donner satisfaction.

M. Gardner: On a une unanimité pour une fois.

M. Pépin: Ce que j'apprécierais, par ailleurs, ce serait que je puisse, après avoir dégagé cet ensemble de règles qui sont celles de la loi - il n'est pas question d'en inventer des nouvelles - qu'on puisse peut-

être consulter certains d'entre vous pour voir si cela répond à votre requête.

M. Filion: II nous fera plaisir, j'en suis sûr, autant d'un côté que de l'autre, que concrètement, peut-être, une personne puisse visiter nos bureaux de comté, voir de quelle façon ces renseignements sont colligés, etc. (12 h 30)

M. Pépin: Je m'adresserai à M. le président de la commission.

Le Président (M. Trudel: Avec grand plaisir. Sur un autre sujet, Mme la députée de Maisonneuve.

L'accès des parents au dossier d'un enfant de 14 ans

Mme Harel: II y a un certain nombre de dossiers qui ont été examinés de près par la commission que l'on retrouve dans le rapport sur les dispositions inconciliables et qui sont finalement, je dirais, des problèmes de société. Je pense, entre autres, à toute la question qui a été d'actualité, particulièrement à Montréal, de l'accès des parents au dossier médical de leur enfant de quatorze ans et plus. Je pense, également, à cet autre dossier du droit aux origines. Je dois vous dire d'abord que ce sont là deux dossiers qui m'intéressent depuis fort longtemps. J'ai trouvé très intéressante la problématique qui a pu être développée par la commission sur toute cette question et les recommandations qui sont faites.

Je conçois bien et mon collègue de Taillon abordait tantôt toute l'implication de la commission en regard de litiges qui ont des effets sur les conflits de travail. Finalement, ce sont des choix de valeurs dans la société. Ce serait bien plus facile. Tantôt, je vous écoutais et je me disais: C'est un peu comme gouverner. Si on pouvait gouverner entre le bien et le mal, ce serait extraordinaire. C'est toujours comme une sorte de balance des inconvénients parce que vous avez à assurer la sauvegarde des droits. Il faut que vous tranchiez quasi entre la légitimité des droits qui le sont tous à prime abord en établissant une sorte de priorité qui ne peut être que le résultat d'un choix de valeurs.

En regard de votre recommandation qui est d'inviter le gouvernement à enclencher au plus tôt une réflexion approfondie sur l'accès exclusif du mineur de quatorze ans et plus à son dossier médical et social, comment a-t-elle été reçue et quelles sont actuellement les réactions que vous avez reçues, étant entendu qu'il y a là manifestement des textes de loi qui sont contradictoires: la Loi sur la protection de la santé publique permet à un mineur de quatorze ans et plus de consulter un médecin sans gêne, de recevoir, notamment en matière de contraception ou en matière sexuelle, toute l'aide requise; la Loi sur la protection de la jeunesse prévoit la confidentialité assurée au mineur de quatorze ans et plus; d'autre part, la demande qui est souvent répétée dans certains milieux de donner accès au dossier médical aux parents. Je crois qu'il y a aussi une disposition législative. N'y a-t-il pas une disposition législative qui permettrait aux parents d'avoir accès au dossier? Quel est finalement l'état de l'évolution du dossier depuis que vous avez déposé votre recommandation?

M. Pépin: Vous avez raison de le dire, c'est une préoccupation assez largement répandue dans beaucoup de milieux actuellement, surtout dans les milieux près des services de santé et des services sociaux et aussi scolaires. La loi d'accès prévoit que quiconque peut avoir accès à son dossier personnel, ce qui inclut . le titulaire de l'autorité parentale pour les enfants mineurs. Or, dans la pratique, il y a certains dossiers qui doivent être soustraits à la curiosité parentale pour d'autres motifs. C'est la situation que vivent notamment les CLSC, les centres de services sociaux et des recommandations ont été faites là-dessus. Quand nous suggérons de faire une réflexion approfondie, c'est que déjà il y a des dispositions législatives dans un certain nombre de lois qui protègent la confidentialité des dossiers des personnes de quatorze ans et plus, pour harmoniser cette situation. Depuis que cela a été fait, on constate qu'il y a une certaine évolution vers le rabaissement, si je puis dire, de l'âge légal à quatorze ans, dans un certain nombre de dossiers, à tout le moins. Je pense, par exemple, à la décision de la Cour suprême de l'Alberta, récemment, qui a autorisé une jeune femme à se faire avorter malgré l'opposition de ses parents en disant que, dans cette situation, elle était la titulaire de son autorité et non pas ses parents. Il y a une évolution vers cette situation. À ma connaissance, au ministère de la Santé et des Services sociaux, on est très familier aussi avec le problème. Je crois qu'une proposition sera faite. Dans le cas d'autres dossiers, la situation est moins simple, particulièrement dans le cas de l'adoption que vous avez évoqué, où, là, il y a effectivement un choix de société de privilégier certaines valeurs par rapport à d'autres. Je ne suis pas sûr que ce soit dans le mandat de la commission de trancher de façon catégorique un problème comme celui-là. C'est sûrement dans notre mandat - si on nous le demande d'apporter tout l'éclairage que nous pouvons apporter. C'est ce que nous avons tenté de faire dans ce rapport. Il y a, bien sûr, collision frontale entre ce que les parents adoptifs estiment être leur droit et ce que les enfants adoptés, une fois devenus adultes,

estiment être leur droit. Il y a collision frontale également entre le droit à la vie privée de l'enfant par rapport au droit à la vie privée de la mère.

Tout cela n'est pas simple. La recommandation de la commission respecte les principes de la loi actuelle selon lesquels, fondamentalement, un renseignement personnel ne peut être révélé si en même temps il révèle un renseignement personnel sur une autre personne; ce qui serait le cas.

Par ailleurs, nous convenons aussi qu'il y a eu une évolution dans la société et que la naissance est un sujet moins tabou qu'il ne pouvait l'être il y a 50 ans. Nous recommandons que, pour l'avenir, ce droit soit prévu au départ et non pas rétroactivement imposé à ceux qui croyaient être à l'abri de toute curiosité. C'est la solution que nous avons trouvée; elle respecte à la fois l'esprit et la lettre de la loi et respecte aussi les préoccupations de tous les groupes qui militent en faveur du droit aux origines.

Mme Harel: Je souhaite que, dans l'étude que nous poursuivons toujours dans la réforme du Code civil, nous puissions, au moment opportun, introduire des dispositions relatives à l'avenir.

Je termine simplement en vous demandant si la commission d'accès a été récemment alertée sur la question du non-accès des parents au dossier médical de leur enfant mineur de quatorze ans et plus, dans les écoles de la CECM. Est-ce qu'il y a eu consultation auprès de la commission'' Y a-t-il eu échange d'information et l'éclairage de la commission a-t-il été requis par la CECM, qui a d'ailleurs entrepris une étude sur cette question.

M. Pépin: Je ne peux pas vous répondre comme cela. Je vais demander à mes gens è l'arrière si nous avons eu.,. Non, il ne semble pas que nous ayons eu de contact avec la CECM là-dessus.

Le Président (M. Trudel): M. le député de Taillon, si vous permettez, je vais céder la parole pendant quelques instants à M. le député de Sherbrooke, Vous pourrez sans doute terminer la question que vous avez à poser. M. le député de Sherbrooke.

M. Hamel: M. le Président, ce sera très bref puisque les deux questions que je voulais poser l'ont été. Je veux féliciter M. le président de la Commission d'accès à l'information et votre commission pour son excellent travail et pour la pertinence de ses recommandations. J'avais une question sur le monde municipal, vous y avez répandu. Concernant l'accès au dossier sur l'adoption, vous avez très bien exprimé ce à quoi on peut s'attendre. J'ai très hâte de voir votre rapport final. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Taillon.

M. Filion: Vous avez mentionné tantôt que... Évidemment, votre rapport est déposé depuis...

M. Pépin: Juillet.

M. Filion: ...sur les dispositions inconciliables et vous avez mentionné - je pense que c'est intéressant - que, lorsqu'un projet de loi contenait des dispositions pouvant aller à l'encontre du caractère prépondérant de loi sur l'accès à l'information, vous pouviez signaler aux autorités ce caractère contradictoire.

Je dois vous dire également que lors de l'étude du projet de loi 92, qui visait à appliquer à 113 lois la Charte des droits et libertés de ta personne, j'ai eu l'occasion de voir des modifications qui m'ont semblé contraires au rapport, bien sûr, et à la loi elle-même. Est-ce que vous pourriez me dire si effectivement, depuis le dépôt de votre rapport, vous avez envoyé des avis au gouvernement sur des dispositions de projets de loi qui pouvaient être inconciliables avec la loi d'accès à l'information?

M. Pépin: De mémoire, je pense que nous en avons envoyé plusieurs. J'ai ici la liste. Je crois que cela se fait depuis que la commission existe. Il y a 36 avis qui ont été donnés aux membres de l'Assemblée nationale. Il y a eu - Mme Harel y faisait allusion tout à l'heure - le projet de loi sur la Régie de l'assurance automobile, où on voulait limiter l'accès aux communications d'ordre médical sur un citoyen. Nous sommes intervenus et je crois que le projet de loi a été modifié en conséquence.

Documents des municipalités

M. Filion: Je pense en particulier, dans le monde municipal, à l'accès aux documents en ce qui concerne le prix à payer pour obtenir des documents des hôtels de ville.

M. Pépin: Les frais? M. Filion: Oui.

M. Pépin: Pour ce qui est des frais, dans la loi, c'est toujours la disposition inconciliable qui s'applique. C'est que dans le monde municipal, les municipalités ont le pouvoir légal actuellement de fixer elles-mêmes les tarifs de reproduction de copies. Ce pouvoir est incompatible avec - du moins, nous l'avons jugé comme tel - la loi, mais il continue à s'appliquer jusqu'au 30 juin 1987, à tout le moins, tant que le gouvernement n'aura pas suggéré une modification à cette mesure.

Maintenant, en ce qui concerne les tarifs, la loi sur l'accès prévoit expressément que le gouvernement doit demander l'avis de la Commission d'accès à l'information avant d'adopter un règlement sur les tarifs. Alors, s'il y a un nouveau tarif qui est suggéré à l'Assemblée nationale ou soumis pour approbation, il y aura, évidemment, un avis officiel de la commission qui l'accompagnera.

M. Filion: Est-ce que cette liste d'avis ou de conseils, en somme, qui relève de...

M. Pépin: Elle est dans le rapport, oui.

M. Filion: ...votre pouvoir conseil, fait partie du rapport?

M. Pépin: Je crois que oui.

M. Filion: Je pense que cela fait partie du rapport.

M. Pépin: Ce sont les avis qui ont été donnés pendant la période que couvrait le rapport. Nous en avons plusieurs autres.

Mme Giroux (Thérèse): C'est la dernière page»

M. Filion: Pardon?

Mme Giroux: La dernière page du rapport, l'annexe I.

M. Filion: Ah boni C'est peut-être pour cela que cela m'avait... À la page 46,... Quand vous avez dit: 36 avis...

M. Pépin: C'est depuis le début. Ce ne sont pas toujours des avis. Il y a parfois des avis au Conseil des ministres lorsqu'il s'agit d'un projet de décret sur une entente de transfert. Parfois, ce sont des avis également... Oui, c'est toujours cela, soit sur un projet de loi, soit sur une entente de transfert.

M. Filion: Je pense qu'on n'aura pas le temps d'aborder les ententes de transfert aujourd'hui. C'est un domaine tellement vaste et incroyablement complexe qu'on ne finit pas de retrouver dans chacune des lois des dispositions, etc. C'est évident qu'il faudrait chercher à se comprendre là-dedans. C'est rendu un chassé-croisé qui fonctionne parfois uniquement dans un sens et non pas dans l'autre. En tout cas, c'est d'une complexité un peu rébarbative.

Puisqu'on en est sur les documents, pour éclairer ma lanterne, lorsqu'un citoyen veut obtenir copie d'un document d'un organisme public, est-ce que je dois comprendre qu'au-delà de 5 $, il paie 0,25 $ la page?

M. Pépin: II peut.

M. Filion: Mais d'un autre côté, vous parlez, à la paqe 29 de votre rapport - oui, c'est une possibilité; il n'est pas obligé - de la gratuité d'une copie d'un dossier personnel, cette fois-là. Alors, je dois comprendre que si je m'adresse à un bureau de crédit, par exemple, pour obtenir une copie du dossier qui me concerne, à ce moment, cela doit être gratuit. Est-ce que je comprends bien?

M. Pépin: Un bureau de crédit n'est pas assujetti...

M. Filion: D'accord, mais disons... (12 h 45)

M. Pépin: ...à la loi sur l'accès à moins que vous n'assumiez que le ministère du Revenu est un bureau de crédit.

M. Filion: C'est plutôt un bureau de débit en ce qui concerne les citoyens.

Prenons un organisme quelconque, à ce moment, si je m'adresse à l'hôpital ou au CLSC de mon voisinage, le dossier qu'on me transmet doit être remis gratuitement.

M. Pépin: Le règlement actuel prévoit que c'est gratuit.

M. Filion: Si je demande d'accéder à un document qui ne contient pas de renseignements personnels, à ce moment c'est 0,25 $ la page au-delà de 5 $.

M. Pépin: Au-delà d'une franchise.

M. Filion: Cela ne peut pas dépasser ce montant.

M. Pépin: Non.

M. Filion: C'est là-dessus que j'attire votre attention en particulier.

M. Pépins Sauf, comme je vous le disais tout à l'heure, dans le monde municipal, où il y a un autre régime de tarification qui est toujours en vigueur parce qu'il est incompatible avec la loi sur l'accès. Il s'agit de déterminer maintenant si le gouvernement maintiendra deux régimes parallèles, un pour le monde municipal et un autre pour l'ensemble des autres organismes assujettis, c'est une décision qui lui appartient. Évidemment, le monde municipal préfère exercer ce qu'il appelle son autonomie de gestion dans ce secteur comme dans tous les autres.

Bureaux régionaux

M. Filion: D'accord. Deux choses en terminant, parce que je m'aperçois que j'ai

dépassé le temps que j'avais fixé avec le président de la commission et je vous en remercie.

La première des choses: je suis trè3 sensible à la question de la présence régionale en général, les organismes gouvernementaux; la Commission d'accès à l'information à des bureaux à Montréal et à Québec qui sont facilement repérables. Est-ce que la commission a songé ou songe actuellement à une présence quelconque -quand je dis quelconque, je veux dire d'une quelconque façon - dans les principaux centres régionaux à l'extérieur de Montréal et de Québec?

M. Pépin: D'abord, je dois vous dire que nous sommes très présents en ce sens que les commissaires se déplacent pour entendre les litiges dans 'la région d'origine du demandeur de façon générale. C'est ainsi que demain, par exemple, je serai à Chicoutimi, mes collègues sont allés dans toutes les régions et moi de même.

Les professionnels qui s'occupent davantage du secteur de la protection de la vie privée se déplacent également beaucoup dans les régions, mais nous n'y avons pas pignon sur rue. Là-dessus, je dois dire que c'est une situation que j'ai eu l'occasion d'évoquer à quelques reprises dans le passé et que je déplore, dans un certain sens. À ma connaissance, il n'y a jamais eu de politique ou d'orientation générale au gouvernement du Québec sur cette présence en régions. Je suis là depuis 1983, j'ai souvent demandé: Quels sont les critères qui font que la Commission des droits de la personne aura un bureau à Sherbrooke et qu'un autre organisme comme le nôtre n'en a pas? Finalement, on me répondait tout le temps: Cela dépend beaucoup des disponibilités financières et des besoins de chaque organisme. Je veux bien croire que c'est cela.

Nous, nous croyons actuellement que répartir notre personnel en groupuscules régionaux cela équivaudrait à réduire énormément notre efficacité. Je suis malheureusement conscient que cela contribue à accentuer le sentiment d'être moins bien servi en régions qu'à Montréal et à Québec. L'alternative ce serait probablement de multiplier et le personnel et les coûts. Nous essayons de pallier ce problème par une présence personnelle fréquente. Personnellement, je me suis beaucoup déplacé depuis quatre ans: je suis allé dans les régions, je suis allé rencontrer des groupes, j'ai participé à différents colloques où on réclamait la présence de la commission. Mes collègues ont fait de même, ainsi que le personnel; c'est comme cela que nous fonctionnons.

Je vous rappelle qu'à ma connaissance, il n'y a pas de politique générale de présence uniforme des services gouvernementaux dans les régions. Chacun évalue, semble-t-il, ses besoins. Lorsqu'il s'agit, par exempte, d'organismes comme la CSST, c'est plus facile parce qu'ils ont nécessairement une clientèle identifiée dans chaque région. Nous, la clientèle, c'est tout le monde et personne. C'est selon les besoins des gens. Nous pouvons ouvrir un bureau à Rimouski et ne pas avoir une seule demande, alors qu'à Hull, nous en aurons 25. C'est là la difficulté, le problème.

M. Filion: Cette question, je la relie au problème du rayonnement de la loi elle-même et de la commission ou à la publicité, devrais-je dire, de la loi et de la commission. À ce sujet-là, je vous signale que la Commission des droits de la personne, lorsqu'elle a ouvert un bureau régional à Hull... Ce qu'on appelle un bureau régional, il faut se comprendre, ce n'est pas un bureau avec toute une équipe, avec des fonctions différentes, etc. C'est uniquement un agent d'information qui sert un petit peu d'abord à régler près de 50 % des demandes d'information qui lui sont adressées et qui sert un peu plus de répartiteur pour ce qui concerne les autres 50 %. Lorsque la Commission des droits de la personne a ouvert son bureau à Hull, elle a constaté une augmentation de pas moins de 80 % du nombre des dossiers pour la région. Je lis cela dans votre dernier rapport.

Au fait, est-ce que la loi est connue? Est-ce que la commission est connue? Dans ce sens, comme j'ai dit dans mon préambule tantôt, on ne peut pas espérer atteindre la perfection dans ce sens et faire en sorte que tous les citoyens et citoyennes du Québec soient au courant de l'existence de la loi et de la commission à court terme. C'est une jeune commission qui a quatre ou cinq ans d'existence. À ce moment-là, on ne peut pas espérer que ce soit le paradis terrestre en si peu de temps, mais, par contre, je pense qu'il est important que tous les citoyens du Québec aient accès à un service égal. Évidemment, cela ne nécessite peut-être pas, comme vous le mentionnez fort bien, une présence régionale. Vos déplacements fréquents, les colloques que vous avez tenus, etc., ont fait en sorte qu'il existe, je suis convaincu, une proportion de plus en plus grande de citoyens qui sont au courant de l'existence de la loi et de la commission. Mais, à long terme, je pense, en tout cas, que c'est bon d'y réfléchir. Il n'y a rien qui vaut, finalement, une pancarte sur la rue principale de Hull pour que les gens sachent que cela existe.

Nos bureaux de comté sont pleins de dépliants. C'est incroyable! Notre présentoir n'est pas suffisamment large pour tous les offrir à la population qui vient nous voir. Quand un type passe et voit une pancarte,

déjà, c'est beaucoup. Ce n'est pas nécessaire qu'il y ait tout un gros équipement en arrière.

Mais enfin, je m'aperçois que la réflexion de votre côté est déjà bien engagée, que vous êtes très sensible à cette question. Je suis aussi de votre avis.

M. Pépin: Au sujet de la publicité, la commission n'a pas le mandat dans la loi de s'occuper de la publicité de la loi elle-même. Elle a le mandat implicite, évidemment, de faire connaître ses propres services, ce que nous essayons de faire. Quant à faire connaître le droit à des personnes, ou la loi si on veut, c'est un mandat qui va dans le mandat général du gouvernement qui veut faire connaître les services à la population. Là-dessus, il y a eu des discussions avec le précédent ministre des Communications et l'actuel ministre aussi. Tout le monde est bien d'accord en principe pour mieux faire connaître ce genre de droit, En pratique, évidemment, il y a d'autres contraintes d'ordre budgétaire ou autres. Il y a aussi qu'il faut s'assurer avant de faire une campagne publicitaire très articulée qu'en fin de compte, on sera capable de donner la réponse à la demande accrue. Cela, c'est une préoccupation majeure, évidemment.

Cela dit, nous avons fait des efforts assez soutenus avec les moyens du bord un peu chez nous pour faire connaître la commission. Je crois que, .dans une bonne mesure, nous y sommes parvenus. Si je me fie aux remarques de mes collègues d'autres organismes gouvernementaux, lorsque je les rencontre, ils me demandent toujours: Comment faites-vous pour vous faire connaître aussi rapidement? Donc, nous avons réussi un peu à nous faire connaître.

M. Filion: Les journalistes, les médias, aident beaucoup quand ils rapportent vos décisions, entre autres et quand ils rapportent les dossiers qui vous sont soumis. Cela prend la forme d'une nouvelle, les gens la lisent etc.

En terminant, un dernier point. Je lisais dans une revue qu'une infirmière de Sainte-Justine, à un moment donné, avait décidé d'arrondir ses fins de mois en vendant la liste des femmes ayant eu des tests de grossesse positifs. Elles l'a probablement vendue à des compagnies qui s'occupent des naissances etc., ou peut-être à des compagnies pharmaceutiques ou peu importe. Elle a donc décidé d'arrondir ses fins de mois en faisant connaître une liste strictement confidentielle. Ma question est la suivante. Est-ce qu'il existe dans la loi des recours ou des dispositions pénales? D'ailleurs, le geste posé par cette infirmière est possiblement un geste de nature criminelle. En dehors de la question à savoir si un droit pénal sanctionne un tel geste, est-ce que la Commission d'accès à l'information, devant des cas révoltants ou quand elle a jugé bon de le faire, a déposé des plaintes pénales pour viser carrément à sanctionner des gestes ou des omissions de gestes qui sont nettement répréhensibles?

M. Pépin: Cela me permet dans la minute qui suit d'aborder un autre volet de notre mandat dont je ne vous ai pas encore entretenu, soit celui de la surveillance de l'application de la loi. Depuis près d'un an maintenant, nous sommes en mesure de nous acquitter de façon plus régulière de ce mandat avec une équipe d'enquêteurs qui a mis sur pied un programme de vérification et qui va dans toutes les régions du Québec, dans un certain nombre d'organismes présélectionnés selon des critères que je n'exposerai pas, parce que cela permettrait de savoir qui aura notre visite et quand. Ce genre d'infraction à la loi est relevé et vérifié. Là, la commission a le pouvoir ensuite d'intervenir. Il y a différentes façons d'intervenir. Nous sommes encore à l'étape, je dirais, davantage de l'éducation et à l'étape pédagogique plus qu'à l'étape coercitive ou pénale. Mais la principale raison pour laquelle nous n'avons pas encore utilisé de mesures pénales et pour laquelle nous n'avons pas encore eu recours à cette disposition et à cette possibilité, c'est qu'au meilleur de notre jugement, nom avons estimé que les quelques cas sur lesquels nous avons pu établir une certaine preuve n'étaient pas des cas suffisamment probants.

Le Président (M. Trudel): Est-ce que cela va, monsieur...

M. Filion: Oui, cela va.

Le Président (M. Trudel): Est-ce que d'autres députés ont des questions à poser au président de la Commission d'accès à l'information?

Sur ce, M. le président, je vous laisse l'avant-dernier mot de la fin me réservant le mot de la fin. Si vous avez un...

Conclusions

M. Pépin: D'abord, je suis bien heureux des nombreux compliments que, de part et d'autre, on a adressés à la Commission d'accès à l'information. Je voudrais signaler que nous sommes trois commissaires et que certains mandats ne peuvent être délégués au personnel. Donc les commissaires doivent eux-mêmes disposer jusqu'ici de près de 1000 dossiers d'adjudication. Nous avons assez peu de retard. Je veux les remercier publiquement de leur coopération. Ils ont travaillé beaucoup, tout en participant très activement au règlement de tous les autres dossiers que nous avons qui ne sont pas de l'adjudication.

Je veux aussi souligner l'extraordinaire coopération que nous avons du personnel de la commission qui est une équipe très motivée et qui a réussi, en peu d'années, à donner à ce secteur d'activité qui est assez-nouveau en Amérique du Nord et surtout au Canada une crédibilité qui nous honore à tel point que la loi québécoise et le travail de la commission font l'objet de beaucoup d'intérêt à l'étranger également. Nous sommes en contact avec des commissions similaires dans plusieurs pays. Récemment, j'ai compris qu'au Conseil de l'Europe, on a cité la loi québécoise et sa commission en exemple, comme modèle pour concilier le problème de l'accès à l'information, d'une part, et l'accès aux renseignements personnels, d'autre part.

Je veux également annoncer à la commission que la Conférence internationale des commissaires à la protection des données nominatives a accepté notre invitation de se réunir ici, à Québec, au mois de septembre 1987, ce qui nous fait bien plaisir.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le président. M. le député de Taillon.

M. Filion: Je voudrais vous remercier, M. le président et mesdames les commissaires et, encore une fois, vous encourager. Je pense que le bébé - on peut parler de l'enfant maintenant - a tous ses membres et est bien musclé.

M. Pépin: II court trop vite même parfois!

M. Filion: Je pense que l'apprentissage et l'éducation qu'on lui a donnés au départ pourront faire en sorte qu'on aura un jeune homme ou une jeune femme vigoureux ou vigoureuse dans les années à venir, dans les années qui viennent. Je vous encourage dans ce sens.

M. Pépin: Merci bien.

Le Président (M. Trudel): M. le Président, au nom de la commission, merci beaucoup de vous être plié à cet exercice de démocratie. Encore une fois, au nom de la commission, félicitations! Vous accomplissez un travail que je n'hésite pas à qualifier d'exceptionnel. Vous avez l'appui de cette commission. Je pense me faire le porte-parole des membres de la commission pour souhaiter vous revoir dans des délais que je qualifierai de plus normaux, en 1987, sur le rapport que vous ne manquerez sûrement pas de déposer, probablement au cours du mois de juin.

Au plaisir de vous revoir. À Mme la commissaire, qui doit quitter la commission dans les prochaines semaines ou les prochains mois, je souhaite bonne suite de carrière et au plaisir de vous revoir.

Sur ce, la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die, mais - pas pour le Journal des débats - je rappelle aux membres qu'il y a une séance de travail mercredi de la semaine prochaine.

(Fin de la séance à 13 h 2)

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