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(Seize heures trente-six minutes)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je constate qu'on a quorum. Donc, on peut commencer nos travaux. Mme la
secrétaire, y a-t-il des remplacements pour la séance de cet
après-midi?
La Secrétaire: M. Brassard (Lac-Saint-Jean) remplace Mme
Juneau (Johnson).
Le Président (M. Trudel): Y a-t-il d'autres
remplacements?
La Secrétaire: C'est tout.
Le Président (M. Trudel): Du côté
ministériel, il n'y a pas de remplacements? Je déclare donc la
séance ouverte. Cette séance de commission qui procédera
à l'étude de crédits budgétaires du
ministère des Affaires culturelles, programme 5, pour l'année
1987-1988.
Mme la ministre, je pense que vous avez une déclaration
préliminaire à faire. Je vous céderai immédiatement
la parole après vous avoir souhaité bienvenue. Votre
déclaration sera suivie d'une déclaration, je pense, de la part
du député de Lac-Saint-Jean. Par la suite, il y aura
échange de propos. Le temps demandé par le parti de l'Opposition
pour cette séance est de 1 h 30, je pense. Est-ce que je me trompe, M.
le député?
M. Brassard: C'est exact.
Le Président (M. Trudel): Alors, nous avons 1 h 30 de
discussions. Mme la ministre.
Remarques préliminaires Mme Lise Bacon
Mme Bacon: Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord vous
présenter ceux qui dirigent les organismes qui sont chargés de
l'application de la Charte de la langue française. M. Henri Dorion,
à mon extrême gauche, qui est président de la Commission de
toponymie, M. Robert L'Heureux, qui est président par intérim du
Conseil de la langue française, M. Pierre-Etienne Laporte, qui est
président de l'Office de la langue française et M. Miche! Houle,
qui est président par intérim de la Commission de la protection
de la langue française. Il me fait plaisir, aujourd'hui, de confirmer
que Mme Ludmilla de Fougerolles assumera à compter du 8 juin prochain la
présidence de l'organisme. Il y a aussi M. Raynald Savoie qui est
président de la Commission d'appel de la francisation des entreprises.
Comme cette commission n'a pas beaucoup de travail, M. Savoie n'est pas ici
aujourd'hui. M. Escojido, qui est secrétaire aux Affaires linguistiques
de mon ministère.
J'aimerais aussi vous dire que l'étude des crédits de
1987-1988 des divers organismes qui sont voués à l'application de
la Charte de la langue française me fournit l'occasion d'indiquer les
orientations, les objectifs qu'entend poursuivre le gouvernement
québécois en matière linguistique. L'examen des
crédits auquel nous sommes conviés aujourd'hui, M. le
Président, constitue un exercice significatif à plusieurs
égards. Cet exercice est la confirmation concrète et
chiffrée de l'effort gouvernemental pour la protection, la promotion du
statut et de la qualité du français, langue normale et habituelle
du travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires
au Québec.
La Charte de la langue française doit demeurer une sorte de
dénominateur commun pour toute la population québécoise.
La langue française permet au peuple québécois d'exprimer
son identité, son caractère distinct en tous lieux et en toutes
circonstances, que ce soit à l'école, au travail, dans les
communications et dans les échanges commerciaux et d'affaires. S'il est
normal qu'il en soit ainsi et que la lanque française puisse constituer
à la fois un point d'ancrage vital et un pôle de rayonnement pour
la société québécoise, il est tout aussi valable de
considérer que les forces dynamiques de cette même
société pluraliste puissent vouloir, dans un esprit de justice et
d'ouverture, ajuster les moyens de francisation existants sans pour autant
provoquer une remise en question des objectifs bénéfiques et des
acquis obtenus par le truchement de la charte.
Le qouvernement actuel s'est tenu, au cours de l'année 1986-1987,
à l'écoute attentive des personnes et des qroupes qui cherchent
de nouveaux moyens de faire progresser la politique linguistique du
Québec et de promouvoir avec réalisme la protection
des droits linguistiques fondamentaux qui contribuent à faire du
français la langue officielle au Québec. J'aimerais donc passer
en revue quelques points saillants de la dernière année
financière et esquisser aussi des prospectives pour l'année
à venir.
Un groupe de travail, qui a été institué en juin
1986, a procédé à l'examen du cadre institutionnel
voué à l'application de la Charte de la tangue française.
Le rapport produit, en conformité du mandat confié à ce
groupe de travail, fut rendu public dès le début d'octobre
dernier. Mais, par la suite, l'essentiel des recommandations du groupe de
travail Lalande fut traduit sous la forme du projet de loi 140, qui modifiait
la Charte de la langue française.
Les modifications envisagées visaient essentiellement une
réorganisation des structures existantes. Les rôles et fonctions
des organismes de la charte avaient pour but de favoriser une meilleure
harmonisation et une plus grande concertation entre les différentes
composantes.
Les réflexions et les commentaires suscités par le projet
de loi 140 ont été utiles, même s'ils ont donné lieu
à de mauvaises interprétations, les considérations
formulées sur le projet de loi 140 m'ont amenée à
constater qu'il n'y a ni dogme, ni recette miracle en matière de
modernisation et de réorganisation administrative.
Même s'il peut paraître étonnant que l'on accorde
encore aujourd'hui une valeur presque absolue au maintien des structures
existantes, la nécessité d'introduire pour demain une dynamique
nouvelle dans le processus de francisation de l'administration et des
entreprises demeure bien présente. Aussi, importe-t-il que l'ensemble
des artisans de l'aménagement linguistique demeurent vigilants, ouverts
et inventifs afin de préserver et accroître les acquis.
Je tiens ici à souligner à nouveau que la Charte de la
langue française constitue une pièce maîtresse de la
législation québécoise. L'intention du gouvernement
consiste à ne pas attaquer son essence qui relie la langue à
l'identité distincte du peuple québécois. Toutefois, cette
même charte pourrait faire l'objet d'améliorations pour bien
s'ajuster aux réalités d'aujourd'hui et tenir compte de
phénomènes bien présents chez nous, comme
l'informatisation.
Quoi qu'on puisse en dire, la francisation au Québec doit
continuer d'être conçue de façon dynamique, tel un projet
global de société, et ce dans un esprit de tolérance,
d'ouverture et d'accueil, trois caractéristiques qui ont marqué
notre évolution.
Autre point majeur survenu au cours de la dernière année,
la création, au début de janvier 1987, d'un comité
ministériel portant sur la question linguistique. On se rappellera que
peu après la création de ce comité est intervenu le caucus
des députés ministériels, tenu à Saint-Hyacinthe,
au cours duquel fut abordé le dossier linguistique. Lors de cette
réunion, un consensus s'est dégaqé autour de la question
linguistique. En procédant à cette consultation, le gouvernement
voulait s'assurer d'une cohérence quant aux objectifs et orientations
qui seront soumis à l'ensemble de la population sur une question aussi
importante que le dossier linguistique.
Le gouvernement voulait également s'assurer que les orientations
qui seraient retenues pouvaient être appliquées de façon
rigoureuse, une fois la population québécoise informée de
nos intentions» D'ailleurs, je reviendrai, dans un instant, sur le volet
appliqué de la politique linguistique.
Donc, le consensus obtenu à Saint-Hyacinthe repose sur les
éléments suivants: D'une part, le caucus a tenu à ce que
soit respecté le programme de notre formation politique et, à son
tour, notre programme préconise le respect et la protection du fait
français au Québec. D'autre part, en vertu de notre programme, il
importe que soient extraits les irritants restant dans la charte afin que
l'État puisse administrer, de façon réaliste et
cohérente, la Charte de la langue française.
J'insiste sur ce dernier point car le présent gouvernement a
clairement exprimé son intention d'ajuster la Charte de la langue
française aux réalités de la société
québécoise. Cette réalité est bien connue: La
société québécoise est composée d'une
majorité de francophones, soit environ 5 400 000 personnes dont la
langue d'usage est le français. D'après le recensement de 1981,
s'y ajoutent 785 000 personnes dont la langue d'usage est l'anglais et 320 000
autres dit allophones, toujours d'après le recensement de 1981,
Voilà la réalité dont l'État doit tenir
compte, une réalité chiffrée en dessous de laquelle se
tisse un ensemble de valeurs, de comportements et d'attitudes qui
caractérisent notre société distincte. À son tour,
cette société distincte doit englober à la fois la
majorité francophone et la part des anglophones et communautés
ethniques intégrées à notre société. Une
société également caractérisée par la
liberté de vivre, de se déplacer, d'exiger des services et biens
dans sa langue, dans un cadre législatif et administratif précis
qui ne viole en aucun cas Ie3 droits et l'épanouissement de la
majorité francophone. Seuls des esprits intolérants y voient des
épouvantails lorsque vient le moment de permettre à d'autres
peuples, d'autres communautés, de faire en sorte de gérer
convenablement leur vie communautaire institutionnelle tout en ayant une marge
de manoeuvre suffisante pour concrétiser dans les faits un droit
d'expression individuelle indispensable à leur survie.
Voilà quelques-uns des éléments essentiels qui
furent discutés au caucus de Saint-Hyacinthe portant sur des
thèmes aussi divers que l'affichage commercial, l'immigration, la
culture, l'éducation, le commerce et les affaires en
général.
En conséquence, un bilan général de l'application
de la Charte de la langue française s'imposait, après dix
années, afin de la rafraîchir et de la mettre au diapason de la
réalité québécoise. Au mois d'avril dernier, le
comité ministériel, composé de neuf ministres et de trois
députés ministériels, commençait son travail de
réflexion. Une fois son travail terminé, notre caucus sera
à nouveau consulté sur les orientations et mesures
proposées par le comité. Par la suite, elles seront aussi
soumises à l'opinion publique, soit à l'Assemblée
nationale ou en commission parlementaire, les modalités n'ayant pas
encore été arrêtées.
Quant aux échéanciers, les membres du gouvernement
estiment qu'il faut faire preuve de souplesse. C'est ainsi qu'un rapport
d'étape du comité ministériel devrait être
prêt entre la mi-juin et le début du mois de juillet et le
comité profitera de l'été pour travailler activement ce
dossier afin que soit prête pour octobre ou novembre la loi ou la
réglementation retenue.
Après avoir fixé les échéanciers de travail
et précisé le mandat, le comité de douze membres que je
préside et qui est soutenu par un comité technique s'est
attaqué au contenu. Après la tenue des séances de travail
des deux comités, le travail est très avancé. Les
paramètres et champs d'intervention sont déterminés. Le
comité travaille actuellement sur des scénarios d'intervention
qui sous-tendent ce double objectif de la protection et de
l'épanouissement du fait français au Québec.
Le 15 mai dernier, le comité ministériel avait tenu trois
réunions de travail, appuyé par le comité directeur
technique qui en avait tenu cinq. Il s'aqira ensuite de formuler au
gouvernement une proposition qui repose essentiellement sur un consensus
linguistique de la majorité francophone, de 1ë communauté
culturelle anglophone et les minorités ethniques à l'égard
de l'affichage public commercial.
La prochaine étape du travail du comité ministériel
consistera à raffiner l'exposé de la situation, à polir
les orientations retenues et à traduire juridiquement l'ensemble des
propositions.
Comme vous le voyez, M. le Président, le gouvernement
québécois agit avec cohérence et sa démarche est
empreinte de réalisme et de rigueur afin que soit mené à
bon port un dossier complexe.
Enfin, d'emblée, les membres du comité ministériel
ont convenu qu'il ne fallait pas mettre en cause de manière fondamentale
la
Charte de la langue française. Au contraire, le comité a
constaté que le Québec, comme société distincte, a
franchi des pas importants dans la consolidation de la langue d'expression
quotidienne de la population du Québec. L'objectif fondamental consiste
donc à bonifier les lignes de force de la loi et de proposer quelques
adaptations et ce, après dix ans d'application de la Charte de la langue
française.
M. le Président, le travail du comité ministériel
doit être perçu dans une perspective dépassant le simple
contexte administratif. En effet, le dossier linquistique inclut un volet
historique dont l'État doit tenir compte. Il importe d'aborder une
question aussi essentielle pour le développement de notre
société comme étant étroitement associée
à l'histoire même du Québec. C'est dans ce contexte que le
Québec a dû attendre les prises de conscience et les contestations
de la Révolution tranquille des années soixante pour
qu'apparaissent les premières lois linquistiques. D'abord furent
votées les lois 55 et 63, violemment prises à partie par les
francophones et axées sur la langue de l'enseignement. Par la suite, la
loi 22 et la loi 101 constituèrent des pièces législatives
consistantes visant à accroître le statut du français. Les
deux dernières lois possèdent plusieurs traits en commun en plus
d'avoir comme avantage d'établir un aménagement linguistique
précis.
Par surcroît, les lois 22 et 101 ont fait du français la
lanque officielle du Québec et visaient à faire du
français la langue de l'administration publique, des entreprises, du
travail, des affaires, du commerce, de l'enseignement etc. Elles
possèdent enfin la caractéristique de constituer une action
législative en faveur du français, indispensable pour
rééquilibrer le rapport de force entre le Québec et le
reste du Canada et, à plus forte raison, par rapport à
l'Amérique du Nord.
Le Québec aura également réussi à se doter
d'outils de planification linguistique, mais doit demeurer tout de même
vigilant afin de sauvegarder et de valoriser ce qu'il est convenu d'appeler la
société distincte.
En cours d'histoire sont venues s'ajouter dans l'environnement
linquistique l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés
et de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec,
augmentant d'autant une prise de conscience qui allait se projeter
au-delà de l'épanouissement de la collectivité pour
atteindre celle des individus qu'on considérait tout aussi essentielle
au sein de cette société distincte.
Loin de se simplifier, le dossier linguistique allait rejoindre un
débat de société plus larqe qui, d'ailleurs, se tranchera
difficilement. Dans plusieurs pays, on a choisi la voie la plus facile de
banaliser les droits individuels au profit des droits
collectifs. Au Québec, au sein de toutes les formations
politiques à tendance modérée, on tient pour acquis que
les uns et les autres doivent être étroitement associés.
Une marge demeure tout de même présente quant aux modalités
â appliquer, lesquelles sous-tendent ce concept. J'estime que ce
débat est sain dans la mesure où la partisanerie ne gagne pas les
rangs de l'une ou l'autre des parties au nom d'une responsabilité
sociale et culturelle.
À bien y penser, la population québécoise
n'accepterait pas qu'une telle question soit politisée au point de
manquer de bon sens et de réalisme. Quoi qu'il en soit, le
présent gouvernement a décidé d'agir avec cohérence
dans le dossier, tout en tenant compte de l'histoire du Québec, de ses
distinctions, de ses valeurs et également de ses aspirations et sa
fierté de vivre en français sur son territoire, de vivre un
français de qualité, tout en demeurant accueillant et respectueux
à l'égard des autres communautés qui composent notre
société.
Notre gouvernement mettra également de l'avant les notions
d'équité et de justice dans l'application de la Charte de la
langue française, conformément au voeu de la majorité
francophone, sans négliger le respect de3 autres minorités. Le
plus important est de souligner qu'en établissant un cadre linguistique,
l'État doit vivre avec ses décisions et en appliquer les
modalités avec rigueur. Or, dernièrement, j'apprenais que
l'ancien gouvernement du Québec avait pu faire preuve de laxisme dans
l'application de la loi 101 en regard de l'objectif fondamental de protection
du visage français au Québec.
En premier lieu, j'apprenais encore dernièrement qu'au cours de
l'année 1982, plusieurs demandes d'enquête portant sur les
articles 58 et 69 de la Charte de la langue française ont
été mises de côté pour privilégier
l'ouverture par la commission de dossiers dits géographiques ou
sectoriels. Donc, durant cette période, les demandes d'enquête qui
parvenaient à la commission n'étaient carrément pas
traitées. Pourquoi un tel geste est-il posé? Parce que la
commission a alors choisi de privilégier une approche
géographique en lieu et place de répondre individuellement
à chacune des dix demandes d'enquête. La commission
déterminait elle-même les secteurs géographiques dans
lesquels il fallait porter ses interventions en omettant de traiter les
demandes d'enquête provenant du public. Cette mesure administrative a eu
cours longtemps pour réaliser une accumulation de 1686 demandes
d'enquête.
En deuxième lieu, j'aimerais porter à votre attention que
parmi les 1537 dossiers dfaffichage en traitement, au 31 mars 1986,
tel que le stipulait le rapport d'activités 1985-1986, 875 dossiers
n'étaient toujours pas traités. Depuis novembre 1986, il y a eu
1686 demandes d'enquête et ces 875 dossiers ont été
réactivés. C'est donc à un véritable travail
d'assainissement qu'a dû s'attaquer cet organisme.
Les efforts entrepris l'année dernière par les orqanismes
voués à l'application de la Charte de la langue française
se poursuivront pendant l'année 1987-1988 et s'inscriront dans la
foulée de ceux déjà entrepris et s'articuleront autour des
objectifs suivants:
D'abord, la consolidation de l'implantation et de la
généralisation du français au Québec afin de
relever et de maîtriser les défis de technologie nouvelle en vue
de redynamiser le processus de francisation des entreprises?
Deuxièmement, le développement des moyens favorables au
plus qrand rayonnement du français au Québec, au Canada et dans
le monde de la francophonie.
Pour ce qui est du dossier des francophones hors Québec, le bilan
des activités de la dernière année n'est pas à
négliger:
L'accentuation de la concertation, des actions et des mises en commun,
des expériences, des expertises et des acquis des divers organismes
jusqu'ici impliqués dans l'application de la charte, notamment l'Office
de la langue française, le Conseil de la langue française et la
Commission de protection de la lanque française;
II y a aussi le développement des mesures incitatives aptes
à contribuer à la francisation du milieu de travail par un
soutien terminoloqique et linguistique moderne et adapté à
l'évolution des besoins réels des travailleurs des entreprises et
des principales clientèles cibles;
L'établissement d'un plan conjoint de l'Office de ta langue
française et de l'Office des ressources humaines afin d'assurer
l'amélioration continue du français écrit dans
l'administration publique québécoise;
L'incitation et l'encouragement par le biais de l'approche du
faire-faire en vue d'assurer la croissance de l'industrie
québécoise originale et rentable de loqiciels en français
en favorisant la conception, l'utilisation et la commercialisation de logiciels
en français è portée multilingue, afin de rejoindre le
plus grand nombre de marchés étrangers;
L'accentuation de la collaboration de l'Office de la langue
française avec les différents ministères et organismes
qouverne-mentaux concernés par l'application de la Charte de la lanque
française afin de contribuer à l'amélioration de la
qualité du français, à la fois dans l'administration
publique et dans les secteurs variés d'activités relevant de leur
compétence respective;
Enfin, des encouragements variés à la
participation active des principaux intéressés à la
généralisation de l'utilisation du français de tous les
organismes socio-économiques intéressés. Également,
la mise en valeur des services disponibles à la Banque de terminologie
du Québec.
La mise en oeuvre de ces objectifs implique la mise en place
d'activités diverses et nécessite la participation de plusieurs
ministères et organismes gouvernementaux. De l'ensemble des objectifs
cités, on retiendra l'idée de mettre à profit le
caractère linguistique distinctif du Québec en Amérique du
Nord. En somme, il me paraît sérieux et impérieux que les
organismes voués à l'application de la Charte de la langue
française s'appliquent à mettre en place les moyens
adéquats susceptibles de permettre l'atteinte de ces résultats.
Pour y arriver, nous préconisons, d'une part, un resserrement et une
planification plus cohérente dans la gestion des buts et
activités des organismes chargés d'appliquer la Charte de la
langue française. D'autre part, nous favorisons une meilleure
application de l'ensemble de l'administration publique à qui revient un
rôle de protection et de promotion de la langue française.
Toutes ces actions seront menées avec réalisme et
enthousiasme et traduiront l'importance accordée par le gouvernement
à la protection et à la promotion de la qualité du
français.
C'est également dans ce contexte qu'à la veille du
prochain Sommet de la francophonie, le Québec apparaît avec
fierté comme un membre vital de la grande famille internationale
francophone en voie de se construire. En effet, je me réjouis de ce que
le prochain sommet de la francophonie offre une nouvelle occasion pour le
Québec de démontrer son caractère distinctif en
Amérique du Nord. D'ailleurs, un ensemble d'activités
concrétiseront cette volonté. Les industries culturelles et
linguistiques, les communications, l'informatique et les technologies
nouvelles, l'information scientifique et la production de matériaux
éducationnels en français constituent autant de domaines à
explorer pouvant faire l'objet d'échanges d'informations et d'ententes
diverses entre pays francophones.
C'est dans cet esprit d'ouverture que je souhaite que nous abordions
l'étude des crédits de 1987-1988 alloués aux organismes
voués à l'application de la Charte de la langue française.
J'invite donc les membres de la commission parlementaire permanente de la
culture à procéder à l'étude du programme 5 dont
les crédits totaux sollicités ont été
établis, pour l'exercice financier 1987-1988, à quelque 21 000
000 $.
Le programme 5 du ministère des Affaires culturelles regroupe
l'Office de la langue française qui agit comme maître d'oeuvre de
l'application des dispositions de la charte en matière de francisation,
de recherche linquistique et de terminoloqie et requiert des crédits de
15 683 000 $.
Pour sa part, le Conseil de la langue française, qui remplit la
fonction de conseiller de la ministre sur les orientations de la politique
québécoise de la langue française, nécessite des
ressources financières de l'ordre de 2 364 300 $.
En troisième lieu, la Commission de la protection de la langue
française assume les responsabilités de protection, de
surveillance et de contrôle du défaut de respect des dispositions
exécutoires de la charte et se voit attribuer un budget de l'ordre de 1
540 300 $.
En quatrième lieu, la Commission d'appel de francisation des
entreprises instituée pour sauvegarder les droits des parties dans le
cas de refus, de suspension ou d'annulation d'un certificat de francisation par
l'office requiert, pour sa part, une très modeste provision
budqétaire de 8200 $, notamment en raison du faible taux des
requêtes dont elle est saisie.
En cinquième lieu, un montant de l'ordre de 1 411 700 $ permettra
à la Commission de toponymie de continuer d'exercer ses
responsabilités pour la prochaine année.
Voilà esquissés les points saillants qui ont marqué
l'évolution du dossier linguistique au cours de la dernière
année. De plus, un survol de la planification entreprise pour la
prochaine année démontre le sérieux du travail accompli
dans ce dossier. En fait, j'en résumerai le contenu en disant que les
attitudes nouvelles devront aider à saisir d'autres valets de la
politique linguistique eu égard aux différentes composantes de la
question linguistique, tel que le soulignait M. Michel Plourde,
ex-président du Conseil de la langue française, dans l'une de ses
nombreuses conférences. Nouvelles attitudes face à la situation
de la langue française, face à la valeur de la lanque
française et face aux phénomèmes linguistiques." (17
heures)
En somme, ces attitudes nouvelles reposent sur la prémisse
voulant que l'avenir de la langue française soit l'affaire de
l'État, mais aussi et surtout l'affaire de tous les groupes et de chaque
citoyen. Collectivement et individuellement, la société
québécoise doit rester éveillée vis-à-vis du
souci de protéger cette richesse qu'est la langue française
tandis qu'il revient à ceux et celles qui dirigent les grands leviers de
l'État d'avoir cette vision d'ensemble et d'apporter les correctifs
nécessaires le moment venu.
Pour ma part, j'estime que le présent gouvernement du
Québec n'a pas eu peur d'entreprendre la réflexion d'ensemble qui
s'imposait en regard de l'évolution de ce dossier depuis les dix
dernières années.
Bientôt, après une analyse de la situation, ce même
gouvernement sera prêt à suggérer une mise à jour
qui renforcera ce double objectif qu'est la protection et la promotion de la
langue française. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Je vous remercie, Mme la
ministre.
Avant de reconnaître le député de Lac-Saint-Jean,
j'aimerais faire part à la commission d'un nouveau changement: M. Filion
(Taillon) remplace M. Boulerice (Saint-Jacques).
Je reconnais maintenant M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Merci, M. le Président. Je serai assez bref,
compte tenu du peu de temps dont nous disposons pour procéder à
une discussion avec la ministre sur l'application de la charte du
français.
Je pense que tout le monde convient que te Québec est le berceau,
le foyer principal de la francophonie en Amérique du Nord. Tout le monde
convient cependant que cela ne transparaît pas tellement dans le texte de
la ministre. Tout le monde convient aussi, en tout cas au Québec, que
cette francophonie au Québec est fragile. Les progrès que nous
avons accomplis sur le front linguistique, dans le domaine linguistique depuis
quelques années, on se rend compte aujourd'hui qu'ils sont fragiles et
qu'on est même face, dans certains secteurs, à de
véritables reculs. II est donc impérieux, M. le Président,
que le gouvernement dispose des moyens juridiques et politiques pour prendre,
dans l'avenir, les initiatives qui s'imposent et qui s'imposeraient afin de
défendre, de protéger, de promouvoir la langue française
au Québec.
Surtout depuis 1982, depuis l'Acte constitutionnel de 1982, et avec 3on
application au Québec, le Québec français est de nouveau
menacé d'un bilinguisme institutionnel. Je vous signale à ce
sujet que la compétence exclusive . du Québec en matière
linguistique sur son propre territoire n'a pas été,
malheureusement, réclamée par le gouvernement, au cours des
pourparlers constitutionnels actuels. Aux yeux de nombreux experts, il sera
impossible d'appliquer pleinement la Charte de la langue française si
l'Assemblée nationale du Québec ne peut plus être le seul
Parlement à légiférer en matière linguistique.
Déjà, les tribunaux fédéraux ont pu faire tomber de
grands pans de la loi 101, déniant ainsi au Québec sa
compétence exclusive en matière linguistique.
De plus, le concept de société distincte qui est apparu
dans le décor et qui est contenu dans le projet d'entente
constitutionnelle du lac Meech, conclu le 30 avril dernier, nous semble
très imprécis pour pouvoir guider les tribunaux alors que - c'est
ce que déclarait le ministre Rémillard en 1982, et je le cite:
"Ce sont les tribunaux et, en dernière analyse, la Cour suprême
canadienne qui feront, à toutes fins pratiques, maintenant, la politique
linguistique au Canada. Cet accord devrait pourtant permettre que le
Québec récupère les pleins pouvoirs en matière
linguistique afin que la langue soit la pierre angulaire d'un
développement économique, social et culturel qui consacre notre
originalité, notre spécificité, comme se plaît
è le dire le premier ministre, en Amérique du Nord. Cela
n'enlèverait rien, il faut le dire, à la minorité
anglophone dont les droits sont protégés et les institutions
soutenues."
À ce sujet, j'espère, je suppose, je présume que la
ministre, aussitôt l'entente du lac Meech conclue, a demandé au
Conseil de la langue française, qui a, comme on le sait, pour mandat
principal de conseiller la ministre en matière linguistique, un avis sur
la portée de l'entente du lac Meech en matière linguistique et
particulièrement sur la portée de la reconnaissance de la
société distincte comme règle d'interprétation dans
la constitution. Je le présume. On pourra nous le confirmer tout
à l'heure. En tout cas, il m'apparaîtrait normal que la ministre
responsable de l'application de la Charte du français, devant un texte
qui engage l'avenir des Québécois pour des décennies, ait
jugé bon de demander au Conseil de la langue française,
chargé de la conseiller en matière linguistique, un avis sur la
portée, les conséquences du contenu de l'entente du lac
Meech.
M. le Président, je le dis et je pense que les faits sont
nombreux pour étayer cette affirmation, nous avons connu en 1986-1987 ce
qu'on pourrait appeler une année noire dans le domaine linguistique pour
les organismes d'application de la loi ]01. Sans signaler tous les faits, je me
permets d'en énumérer quelques-uns. D'abord, premièrement,
on se rappellera qu'en janvier on annonce la fusion des organismes
chargés d'appliquer la loi 101. On leur annonce qu'il leur faut
maintenant se préparer puisqu'ils seront fusionnés.
Deuxièmement, on assiste pendant des mois à des conflits,
des mésententes, des malentendus entre la ministre responsable et les
présidents des organismes charqés d'appliquer la loi 101.
Troisièmement, on est obligé de constater, au cours de
cette année, un laxisme évident, un relâchement de la part
du gouvernement et des ministres concernés dans l'application de la loi
101 sur le territoire québécois. On pourrait même dire que
le gouvernement envoie un message -tellement clair que cela a d'ailleurs eu des
suites et des conséquences - qui pourrait se
résumer ainsi: Vous pouvez violer la loi 101, il n'y aura pas de
suites.
Quatrièmement, une opinion publique inquiète, à
juste titre, je pense - les sondages le démontrent amplement - du statut
et de la place du français au Québec.
Cinquièmement, un projet de loi 140 -la ministre en a
parlé tantôt - déposé à l'Assemblée
nationale et retiré finalement, mais qui a créé de
l'incertitude du côté des organismes chargés d'appliquer la
loi 101.
Sixièmement, les articles de la Charte du français sur
l'affichage qui sont déclarés inconstitutionnels par les
tribunaux. Le dernier, c'est la Cour d'appel du Québec et c'est
maintenant devant la Cour suprême. Cela vient s'ajouter à des
chapitres entiers qui ont déjà été
déclarés inconstitutionnels par les tribunaux, ce qui confirme
d'ailleurs ce que disait M. Rémillard dès 1982, tout de suite
après l'adoption de l'Acte constitutionnel de 1982, que désormais
au Canada, donc, au Québec aussi, ce sont les tribunaux, et, en
définitive, la Cour suprême, qui font les politiques
linguistiques. À ce sujet-là, M. Mitterrand rappelait à
juste titre, c'est vrai, hier, que dans ce Parlement, on avait adopté de
grandes lois historiques. J'ajoute, tout en reconnaissant que c'est vrai, qu'il
y a de grands chapitres entiers de cette loi linguistique qui ont
été démantelés par des décisions des
tribunaux.
Septièmement, on le constate dans les documents de la ministre,
l'Office de la langue française a dû perdre 520 000 % de budget en
crédits périmés sur ordre du Conseil du trésor. On
énumère et on aligne ces faits et ma conclusion c'est que
1986-1987 a été vraiment une année noire pour les
organismes d'application de la loi 101 et je dirais même dans le domaine
linguistique en général.
Est-ce que l'année qui vient, 1987-1988, sera semblable?
J'espère que non, sauf qu'il y a des indications qui nous obligent
à la réserve. Il n'y a pas de politique linguistique de la part
de ce gouvernement et il m'apparaît important de le signaler. Il y a un
comité en place, qui s'est réuni quelques fois, j'en conviens,
mais il n'en reste pas moins que ce gouvernement n'a pas de politique
linguistique articulée, connue et qui s'applique au Québec. Il
est en recherche, il est à l'étude, Il est en réflexion
sur ta mise en place et la mise en vigueur d'une politique linguistique
complète et articulée au Québec. À ce sujet, je
pense qu'on peut craindre à nouveau que l'année qui vient,
1987-1988, soit de nouveau une année noire dans le domaine linguistique,
comme cela a été en 1986-1987.
Discussion générale Avis sur l'entente
du lac Meech
M. le Président, je me borne à ces quelques remarques,
puisque nous avons évidemment de notre côté plusieurs
questions à poser à la ministre. La première,
évidemment, je l'ai indiqué dans mon intervention, est-ce que la
ministre responsable de l'application de la charte du français a
demandé, aussitôt connue l'entente du lac Meech à la fin
avril, est-ce qu'elle a demandé au Conseil de la langue française
un avis, comme nous l'avions fait d'ailleurs; je me souviens, je vois mon
collèque de Mercier. En 1984 ou 1985 je pense, il avait demandé
un avis au conseil à ce sujet.
M. Godin: En 1983.
M. Brassard: En 1983. Est-ce que la ministre responsable de
l'application de la charte du français a demandé un avis au
Conseil de la lanque française sur la portée et les
conséquences du contenu de l'entente du lac Meech,
particulièrement de l'introduction de la reconnaissance d'une
société distincte comme règle d'interprétation dans
la constitution, évidemment en reqard de la langue, en regard de
l'application de la charte du français?
Mme Bacon: M. le Président, cela va peut-être
déranqer le député de Lac-Saint-Jean mais, oui, j'ai
demandé un avis au Conseil de la lanque française et oui,
j'attends cet avis du Conseil de la lanque française.
M. Brassard: Vous ne l'avez pas reçu encore.
Mme Bacon: Peut-être que cela le dérange. Il aurait
peut-être voulu qu'on ne le fasse pas mais on le fait, M. le
Président. On remplit le rôle qui nous est donné par les
citoyens du Québec.
Je voudrais dire aussi que le gouvernement possède des mandats
pour la protection et la promotion du français et il confie des
rôles et des fonctions aux différents orqanismes. C'est cela un
véritable travail de redressement qu'ont effectué les orqanismes
au cours de la dernière année et que nous continuerons à
faire au cours de l'année qui vient.
Je ne sache pas que ce soient les tribunaux, en ce moment, qui fassent
la politique linquistique. Il faudrait peut-être que je renvoie encore
une fois le député de Lac-Saint-Jean à mon texte
d'introduction aux paqes 23 et suivantes où j'essaie de faire comprendre
au député de Lac-Saint-Jean que c'est le qouvernement du
Québec qui fixe ses objectifs linquistiques et que ce ne sont pas les
tribunaux qui vont le faire.
On vient de parler de laxisme, de relâchement. Je
réfère encore une fois le
député de Lac-Saint-Jean à mon texte, au moment
où je relate la situation qui tenait Heu de dossier de la langue
française à la Commission de la protection de la langue
française en 1982. On pourrait presque appeler un moratoire la
décision qui avait été prise alors par l'ancien
gouvernement de ne pas poursuivre et de ne pas traiter les plaintes qui
étaient formulées par le public et de faire des sélections
géographiques des dossiers. C'est ce que nous tentons de faire quand on
parle de redressement. Je pense que le laxisme est loin d'être un laxisme
qui doit être accolé au gouvernement actuel.
Pourquoi le député de Lac-Saint-Jean pense-t-il qu'on
s'est doté d'un comité ministériel de la politique
linguistique'? Encore là, je le réfère aussi aux notes
préliminaires qu'il aurait peut-être avantage à relire
parce que je pense que les notes qu'on lui a données ne sont pas en
accord avec la réalité de ce qu'on a tenté de
refléter dans le texte que nous avons livré aujourd'hui. (17 h
15)
M. le Président, quand il rappelle le dossier de la loi 140, je
dois dire que, comme responsable des organismes, j'avais rencontré
l'ensemble de ce3 organismes pour discuter avec les fonctionnaires, parler avec
eux des dossiers que j'avais en marche à ce moment-là et
étudier avec eux les changements possibles à l'époque. Je
pense que s'il y avait incertitude alors, il y a eu la possibilité de
dialoguer entre la ministre responsable et les employés et les
différents responsables des organismes de la langue. Je ne pense pas que
ces incertitudes aient causé de traumatisme irréparable chez les
fonctionnaires des différents organismes.
M. le Président, on parle d'année noire. Je ne parle pas
d'année noire. Je parle d'année où il y a une petite
poignée, peut-être, de citoyens qui ont voulu faire peur à
la population, qui ont voulu utiliser - et je ne mets pas cela sur la faute du
député de Lac-Saint-Jean. Je n'oserais pas le faire - le dossier
de la tangue pour ameuter la population. Je pense qu'ils n'ont pas
réussi à le faire. La population a cette maturité et cette
décence d'essayer de comprendre les dossiers avant de juger des actes
qui sont posés. Nous voyons aujourd'hui que la population continue
à faire confiance au présent gouvernement. Ce sont les
réponses que je peux faire au député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Je reviens sur l'avis. C'est ce qui
m'intéresse. J'aimerais savoir quand vous avez demandé cet avis?
Avez-vous indiqué un délai au Conseil de la langue
française vu la rapidité de l'évolution de ce dossier, de
l'imminence d'une conférence constitutionnelle qui pourrait transformer
cette entente en accord formel? Quand avez- vous demandé cet avis?
J'imagine que vous avez réclamé de la rapidité, Quand
comptez-vous le recevoir et comptez-vous le rendre publique?
Mme Bacon: J'ai demandé cet avis en envoyant des copies
conformes et différents communiqués qui avaient été
émis à l'occasion de la conférence qui s'était
tenue au lac Meech, le 7 mai. J'ai demandé au secrétaire et
président par intérim du Conseil de la langue française de
porter ces documents à la considération des membres du Conseil de
la langue française qui avaient déjà, en janvier 1985,
manifesté un intérêt pour les questions et qui avaient mis,
à ce moment, un avis qui était consigné au
ministère. J'ai demandé de bien vouloir me formuler un avis du
conseil en cette matière, ce qu'on fera dès que le conseil se
réunira sur ce sujet la semaine prochaine.
M. Brassard: Comptez-vous le rendre public lorsque vous le
recevrez?
Mme Bacon: On n'a pas l'habitude de cacher les avis qui sont
donnés par le Conseil de la langue française. On a fait les
pleines pages des journaux au cours de la récente année. On n'a
certainement pas l'intention de les cacher.
Comité ministériel sur ta politique
linguistique
M. Brassard: M. le Président, sur la politique
linguistique qui est en voie d'élaboration par un comité
ministériel mis sur pied par le gouvernement, dont la ministre nous a
parlé tout à l'heure, d'abord, première question:
Pourrait-on connaître la composition de ce comité?
Mme Bacon: Je vais essayer d'y aller par coeur. Il y a le
ministre de l'Éducation, le ministre de la Justice, le ministre du
Revenu et leader de la Chambre, il y a le ministre de l'Énergie et des
Ressources, le ministre de l'Immigration. Il y a le ministre
délégué aux Petites et Moyennes entreprises et le ministre
des Relations Internationales et celle qui vous parle. Il y a aussi le
député de Châteauguay, le député de Rosemont
et le député - pas de Deux-Montagnes - du comté de
Rousseau. Je ne pense pas en avoir oublié.
M. Brassard: Merci. Quand vous parlez d'un rapport
d'étape, si j'ai bien compris, si je me rappelle bien, un rapport
d'étape est prévu pour juin.
Mme Bacon: Fin juin, début juillet.
M. Brassard: Ce rapport d'étape sera-t-il rendu
public?
Mme Bacon: Ce rapport d'étape sera soumis au Conseil des
ministres et le Conseil des ministres jugera à propos de le rendre
public ou pas.
M. Brassard: Vous vous proposez de le rendre public, oui?
Mme Bacon: Si le Conseil des ministres juge à propos de le
rendre public, nous le rendrons public. Je vais commencer par le donner au
Conseil des ministres.
M. Brassard: D'accord. Avez-vous déjà rendu public
le mandat de ce comité?
Mme Bacon: Je pense à l'occasion de la conférence
de presse - encore là, autant que je me souvienne - de Saint-Hyacinthe
où nous avions parlé de la formation de ce comité. Vous le
verrez aussi dans mes notes que j'ai lues tantôt. Vous avez le mandat
complet du comité là-dessus.
Une voix: Dans les notes?
Mme Bacon: Oui. Section III des notes aux pages 7 et suivantes:
Le comité ministériel à la question linguistique, section
III.
Nous avions formé ce comité au début de
l'année et c'est à l'occasion du caucus de Saint-Hyacinthe que
nous avons ajouté la présence de trois députés,
trois membres du caucus qui se sont joints au comité ministériel
qui avait déjà siégé.
M. Brassard: Mme la ministre, à la suite des travaux de ce
comité, est-ce que votre orientation en matière d'affichage est
maintenant arrêtée?
Mme Bacon: Elle ne peut pas être arrêtée,
puisque nous avons un rapport d'étape au mois de juin. Ce rapport
d'étape nous permettra de continuer à travailler dans la
période estivale sur le dossier et, comme je le disais tout à
l'heure, d'arriver à l'automne avec des recommandations précises
au Conseil des ministres, au caucus, au gouvernement, qui se traduiront soit
par réglementation ou par législation. Ce n'est pas encore
arrêté.
M. Brassard: Après ce rapport d'étape, si je
comprends bien, votre échéancier est d'élaborer et ensuite
de lui donner une forme législative, lui donner la forme d'un projet de
loi.
Mme Bacon: Nous verrons, lors du rapport d'étape, s'il y a
lieu de faire une législation ou une réglementation, mais ce
n'est pa3 encore, en ce moment, défini.
M. Brassard: Donc, on ne peut pas dire encore maintenant que cela
prendra la forme d'un projet de loi?
Mme Bacon: On ne peut pas présumer de cela. Les
décisions ne sont pas prises, M. le Président.
Commission de protection de la langue
française
M. Brassard: M. le Président, je souhaiterais parler
maintenant de la Commission de protection de la langue française qui a
pour mission, comme on le sait, de disposer des plaintes relatives à
l'application de la Charte de la langue française du Québec.
La ministre utilisait tout à l'heure, dans son texte, les
expressions de réalisme, de cohérence, qu'il fallait être
réaliste et cohérent. Croyez-vous que c'est réaliste et
cohérent d'avoir, si j'ai bien compté, 37 postes à la
Commission de protection de la lanque française, alors que l'an dernier,
compte tenu des statistiques, les plaintes sur l'affichage seulement ont
augmenté de plus de 200 %? J'imagine, je suppose qu'il doit y avoir un
problème devant cet afflux rie plaintes, cette augmentation
considérable des plaintes. De façon globale au cours de
l'exercice 1986-1987, la commission a reçu 3912 demandes
d'enquête, comparativement à 1584 en 1985-1986. Donc cela a plus
que doublé et concernant l'affichage public, vous avez 1954 par rapport
à 629 en 1985-1986. Là, cela a plus que triplé, les
demandes d'enquête concernant l'affichage.
Pourtant les postes, les personnes, le nombre d'enquêteurs n'ont
pas bougé à la Commission de protection de la langue
française, comment la ministre peut-elle affirmer que la commission est
en mesure de traiter correctement ce volume de demandes d'enquêtes et de
plaintes, alors que du câté du personnel, des ressources humaines,
cela ne bouge pas?
Mme Bacon: M. le Président, ce n'est pas un
problème d'effectif ou de ressources humaines. Le gouvernement
précédent avait choisi de privilégier une approche
géographique plutôt que de répondre cas par cas aux
demandes d'enquête. Il nous faut maintenant relever le défi de
procéder au traitement des 1686 demandes d'enquête qui avaient
été faites sous l'ancien gouvernement et qui n'avaient pas
été traitées. Au lieu de privilégier une approche
géoqraphique, nous répondons cas par cas aux demandes
d'enquête. Cela dépend du choix que faisait l'ancien gouvernement.
Mais nous ne privilégions pas une approche géographique.
M. Brassard: Mais la ministre ne conviendrait-elle pas que ce
n'est pas uniquement à cause des méthodes utilisées
par la commission des analyses sectorielles ou géographiques,
mais qu'il y a aussi, de façon évidente, un manque de ressources
humaines adéquates pour traiter ce volume considérable qui double
de façon générale, qui fait plus que tripler dans le cas
des demandes d'enquête concernant l'affichage public? La ministre ne
conviendra-t-elle pas qu'il y a aussi... Ce n'est pas uniquement une question
de méthode. Elle aura beau changer les méthodes d'enquête,
il y a de façon évidente un manque de ressources humaines pour
traiter ce volume considérable.
Mme Bacon: Dans le rapport annuel, M. le Président, on
disait que la Direction de l'inspection avait effectué 13 623
inspections au cours du dernier exercice. Dans ces 13 623 inspections, on
pouvait y inclure les 11 436 produits en vente qu'on appelait des inspections.
Quand on faisait une inspection d'un produit, on disait que c'était une
inspection. Ce n'est pas la même chose. Si on onlève les 11 436
des 13 623, il y en aurait beaucoup moins, M. le Président. Ce n'est pas
le même genre de travail. C'est pour cela que lorsqu'on regarde les
chiffres, c'est aberrant de voir 13 623 inspections au cours du dernier
exercice. Mais dans ces 13 000, on incluait les 11 436 produits en vente. Ce
n'est pas la même chose. Faire l'inspection d'un produit en vente et
faire une grande inspection d'un territoire donné ou d'un territoire
géographique comme le privilégiait la commission, c'est tout
à fait différent. De plus, je n'ai jamais refusé
personnellement des demandes d'effectifs additionnels des organismes. Les
organismes, comme la Commission de la protection de la langue française,
ne seront pas touchés par les compressions au même titre que les
ministères. Il y a eu certaines compressions budgétaires, mais
c'est loin d'être celles que nous avons appliquées aux
ministères sectoriels.
M. Brassard; Si je comprends bien la ministre, M. le
Président, vous affirmez que les ressources humaines,
particulièrement en ce qui a trait aux enquêteurs à la
Commission de protection de la langue française, sont suffisantes pour
faire face aux demandes d'enquête et aux plaintes qui émanent de
la population dans les différents secteurs, entre autres,
l'affichage.
Mme Bacon: M. le Président, quand on parlait de la loi
140, cela permettait de revoir les ressources humaines de chacun des organismes
qui doit appliquer la Charte de la langue française. Cela aurait permis
de faire cesser certains chevauchements d'un organisme à l'autre, de
resserrer un peu aussi... Je vais donner un exemple, soit dans le domaine de la
recherche. Qu'il se fasse des recherches qui soient les mêmes et non...
C'est-à-dire qu'on retrouve souvent des recherches qui se ressemblent ou
qui sont à peu près les mêmes d'un organisme à
l'autre tellement le cloisonnement était large et qu'on n'avait pas de
communication d'un président à l'autre ou d'un organisme à
l'autre. C'était le but de la loi 140 de réunir et de regrouper
l'ensemble des effectifs pour faire ce plan de redressement dans le but de
faire en sorte qu'avec les effectifs que nous avons, nous pouvons assurer le
respect de la Charte de la langue française de la part de la population
et d'avoir les effectifs suffisants, donc de cesser le chevauchement et les
dépenses inutiles et cesser aussi d'avoir peut-être à
certains endroits un surcroît de travail par rapport à d'autres.
Je dois dire que, si on interprète les chiffres en pensant que ce sont
tous des inspections qui ont été faîtes et que le personnel
n'est pas suffisant, moi je dis que 11 436 Inspections portaient sur des
produits en vente, le nombre de produits. Inspecter un produit... Il peut y
avoir 500 produits dans un magasin, qui peuvent donné lieu à une
inspection, et on dira à ce moment-là: 500 inspections; c'est le
nombre de produits, si on lit bien le dossier. (17 h 30)
M. Brassard: Sauf que moi, je ne faisais pa3
référence à ce nombre d'inspections, je faisais
référence au nombre d'enquêtes, à 5.4.1.1, le nombre
de demandes d'enquête. Je faisais référence au nombre de
demandes d'enquête qui, de façon générale, a plus
que doublé. Il est passé de 1584 à 3912 et pour ce qui est
seulement de l'affichage, les articles 58 et 69 de la charte du
français, il est passé de 629 à 1954; il a plus que
triplé, ce qui correspond à une augmentation, de 2J0 %. À
ce sujet, j'ai une question à vous poser, Mme la ministre. Comment
expliquez-vous cette hausse vertigineuse du nombre, du volume des demandes
d'enquête et de plaintes? Est-ce que cela ne traduit pas, finalement, une
dégradation du visage français particulièrement de
Montréal? Est-ce que cela ne traduit pas un recul très net,
surtout en matière d'affichage, du visaqe français de la grande
région de Montréal, cette augmentation considérable de
plaintes? Comment expliquez-vous cette ascension vertigineuse?
Mme Bacon: Je l'explique par une attention sélective du
public, face au phénomène linguistique, compte tenu du traitement
accordé par des médias d'information à ce problème
et par d'autres aussi. Cela s'explique aussi par une action concertée
d'individus et de groupes qui, voulant défendre le visage
français du Québec, ont à eux seuls expédié
à la Commission de protection de la langue française 45 % de
toutes les demandes
d'enquête.
M. Brassard: Vous n'ajoutez pas non plus comme
élément d'information une certaine dégradation du visage
français de Montréal.
Mme Bacon: Non, pas nécessairement, parce que je dis qu'il
y a une attention sélective du public et il y a aussi une action
concertée d'individus qui, à eux seuls, ont expédié
à la commission 45 % de toutes les demandes d'enquête.
M. Brassard: M. le Président, sur ce sujet, mon
collègue de Taillon aurait quelques questions à poser.
Le Président (M. Trudel): Allez-y, M. le
député de Taillon.
M. Filion: Dans la même ligne, Mme la ministre, pourquoi le
public, à votre avis, est-il plus attentif aux infractions qui
pourraient être commises à l'endroit de la loi 101, si ce n'est
précisément à cause de la dégradation du visage
français?
Mme Bacon: C'est un jugement de valeur, M. le Président,
que pose le député de Taillon et à dessein. Moi je dis
qu'il y a une attention sélective du public face à un
phénomène linguistique que nous connaissons et compte tenu du
traitement qui a été accordé par les médias
d'information à ce problème. On photographiait, par exemple, un
magasin ou une boutique sur un coin de rue, et les gens pensaient
immédiatement que toute la rue était uni lingue anglaise. Il n'y
avait, peut-être dans tout un quartier, qu'une seule boutique ou un seul
magasin qui était unilingue anglais et cela donne l'impression, quand on
le grossit, que l'ensemble du quartier est unilingue anglais. C'est cela quand
je dis qu'il y a une attention sélective du public face à ce
phénomène qui est grossi par les médias d'information.
M. Filion: D'accord. Maintenant que la distinction est faite
entre le dossier d'inspection et le dossier d'enquête, et les chiffres
cités par mon collègue, le député de
Lac-Saint-Jean, je les ai aussi à 5.4.1.2., en ce qui concerne les
dossiers d'enquête proprement dits et non pas simplement les demandes
d'enquête et ces chiffres sont les suivants. Ils concernent encore les
dossiers ouverts: 1275 en 1985-1986 et 3285 en 1986-1987, ce qui
représente une augmentation, encore une fois, de près du triple
de dossiers d'enquête qui ont été effectivement ouverts
à la Commission de protection de la langue française. Eu
égard à ce chiffre, qui ne fait pas de distinction entre ce que
vous évoquiez, comment la ministre peut-elle nous assurer que la
Commission de protection de la langue française dispose de l'effectif
nécessaire pour mener à bien sa mission et son mandat?
Mme Bacon: Je pense qu'il faudrait quand même tenir compte
du rattrapage qu'il a fallu faire avec les 1686 cas qui étaient en
suspens ou qui n'avaient pas été traités. Il est
évident qu'il fallait, à ce moment-là, faire ce rattrapage
qui a causé un surplus. Si jamais il y avait pénurie de
ressources humaines, je pense qu'il serait assez facile à ce
moment-là de se rendre au Conseil du trésor pour demander, dans
un cas comme celui-là, de nouvelles ressources. Mais ce n'est pas le cas
actuellement. On n'a pas demandé de nouvelles ressources, de nouveaux
effectifs. C'est évident qu'on a procédé au rattrapage des
1686 cas, ce qui a augmenté sensiblement les cas.
M. Filion: Mme la ministre, sur ces 1686 cas, il faudrait quand
même se comprendre. Vous dites qu'une partie relevait d'une politique qui
avait été appliquée en partie durant l'année 1982,
si je vous ai bien comprise.
Mme Bacon: Oui, mais elles ont été laissées
dans des boîtes à la Commission de la protection de la langue
française...
M. Filion: Oui, en 1982.
Mme Bacon: ...et elles n'avaient jamais reçu traitement.
Quand on a découvert ces plaintes dans les boîtes, il a fallu les
traiter. Il faut les découvrir pour les traiter.
M. Filion: D'accord. Ces plaintes venaient de citoyens.
C'étaient des demandes d'enquête qui provenaient de citoyens,
alors que la commission, elle, priviléqiait à ce moment-là
une approche géoqraphique ou sectorielle.
Mme Bacon: Géographique, c'est cela. M.
Filion: C'était son choix.
Mme Bacon: La commission peut avoir fait son choix, mais la loi
parle aussi des plaintes qui viennent du public. Je ne pense pas que la loi
empêche la commission de traiter les plaintes qui viennent du public, au
contrairel C'est aussi une responsabilité de la commission.
M. Filion: Mais l'article...
Mme Bacon: Nous sommes en ce moment à essayer de faire des
redressements sur le plan du travail des différents organismes. Je
disais tantôt qu'on aurait pu y arriver avec la loi 140. J'ai dit qu'il y
a en ce moment communication entre l'Office
de la langue française, entre la Commission de la langue
française. Il y aura utilisation des ordinateurs de l'Office de la
langue française; il y aura utilisation des possibilités
techniques de l'Office de la langue française par la Commission de la
protection qui va réduire une partie du poids des ressources humaines de
la Commission de la protection de la langue française. Donc, cela peut
faciliter le travail sans augmentation d'effectif. S'il y avait un
véritable besoin d'augmentation d'effectif, nous irions le demander au
Conseil du trésor et la commission me le dirait.
M. Filion La ministre fait grand cas de cette approche
géographique et sectorielle. Elle connaît sûrement
l'existence des articles 169 et 171 de la Charte de la langue française
qui obligent, et je lis l'article 169: "Le commissaire enquêteur
procède aux enquêtes prévues par la présente loi",
et, 171: "Les commissaires enquêteurs procèdent à des
enquêtes chaque fois qu'ils ont des raisons de croire que la
présente loi n'a pas été observée."
Je comprends et la ministre semble nous dire que cette priorisation de
l'approche géographique ou sectorielle qui avait été mise
de l'avant en 1982, pour elle, doit être mise de côté. Mais
la loi oblige quand même les commissaires, les enquêteurs à
faire leur travail,
Mme Bacons Non, M. le Président, loin de moi l'idée de
dire que je condamne cette approche, sauf qu'elle ne doit pas être faite
au détriment du traitement des plaintes provenant du public. On doit
avoir assez de respect pour le public pour traiter les plaintes qu'il nous
envoie, et c'est ce que je dis.
M. Filion: La ministre convient donc que les deux approches sont
valables et méritent d'être menées...
Mme Bacons Elles doivent se compléter.
M. Filion: ...doivent se compléter et méritent
d'être menées de front, si l'on veut.
Mme Bacon: Bien oui, mais elles doivent se compléter. On
ne doit pas privilégier une par rapport à l'autre.
M. Filion: Est-ce que Mme la ministre ou une des personnes qui
l'accompagnent pourrait me dire combien de dossiers ont été
transmis au ministère de la Justice durant l'exercice de 1986-1987,
c'est-à-dire du 1er avril 1986 au 1er avril 1987 environ.
Mme Bacon: Pour 1986-1987 c'est 123.
M. Filion: 123 dossiers?
Mme Bacon: Dossiers transmis au Procureur
général.
M. Filion: Qui ont été transmis. Peut-être
que les mêmes chiffres existent pour la période du 1er avril 1987
jusqu'au mois dernier?
Mme Bacon: Les chiffres que je viens de citer dans le rapport
annuel de l'année dernière jusqu'à maintenant un mois?
Vous voulez dire le dernier mois?
M. Filion; Oui.
Mme Bacon: Je le ferai parvenir au député, M. le
Président, je ne l'ai pas ici.
M. Filion: Est-ce que ce chiffre de cent quelques...
Mme Bacon: 123.
M. Filion: 123, il s'agit là... Comment
diraîs-je?
Mme Bacon: De dossiers transmis.
M. Filion: ...de contrevenants différents qui auraient pu
commettre plusieurs infractions ou s'il s'agit de quelque 120 infractions
commises par un nombre plus restreint de contrevenants?
Mme Bacon: Ce sont les infractions individuelles.
M. Filion: Oui, mais est-ce 126 contrevenants
différents?
Mme Bacon: Oui, 123 infractions d'individus. Ce sont 123 dossiers
transmis au Procureur général. C'est ce qu'était la
question du député de Taillon,
M. Filïon: Est-ce qu'il existe un partage pendant
l'année de cette somme de 123? Les a-t-on pour chacun des mois?
Mme Bacon: Non, je n'ai pas cela. M. Filion: Ou par
trimestre?
Mme Bacon: Ils sont colliqés par la commission, mais il
faudrait peut-être demander à la commission de faire parvenir le
nombre... pas par mois.
M. Filion: Par mois ou par trimestre.
Mme Bacon: Je demanderai à la commission de vous faire
parvenir l'information. On en prend avis.
M. Filion: Combien de dossiers ont eu des suites et des plaintes
ont été déposées?
Mme Bacon: II y a eu le nombre de chefs d'accusation: 75; il y a
eu poursuites pénales: 57; il y a eu 32 jugements. Le nombre de chefs
d'accusatiqn est de 44; 27 condamnations sur le nombre de chefs d'accusation de
39 et cinq acquittements sur le même nombre de chefs d'accusation.
M. Filion: Comment?
Mme Bacon: II y a 123 dossiers transmis au Procureur
général; il y a 57 poursuites pénales qui ont
été entreprises sur 75 chefs d'accusation. Il y a 32 juqements
qui ont été donnés sur 44 chefs d'accusation; 27
condamnations sur 39 chefs d'accusation et cinq acquittements sur cinq chefs
d'accusation.
M. Filion: D'accord. Je vous remercie de ces renseignements et je
prends note de sa volonté, si c'est possible de le faire, de me
transmettre...
Mme Bacon: II faut peut-être dire qu'il faudrait faire
confirmer par le Procureur général, mais ce sont les chiffres que
nous avons ici.
M. Filion: D'accord, bien sûr. Je prends note de sa
volonté d'envoyer la réponse aux membres de cette commission.
Juste une dernière question: Comment la ministre peut-elle expliquer
qu'en 1985-1986, pour 1275 dossiers d'enquête, il y eut 249 plaintes ou
demandes de plaintes, si on veut, envoyées et expédiées au
bureau du Procureur général? Grosso modo, cela représente
un sixième, alors qu'en 1986-1987 il y eut 3285 dossiers d'enquête
et à peine 123 de ces dossiers qui ont été
transformés en demandes de plaintes auprès du bureau du Procureur
général; ce qui représente une proportion d'environ 3
%?
En deux mots, est-ce que je peux poser la question autrement?
Mme Bacon: Oui. (17 h 45)
M. Filion: Comment se fait-il que le nombre de dossiers
expédiés au Procureur général ait diminué de
moitié, alors que le nombre de dossiers d'enquête ouverts a
triplé? Cela fait une différence dans le rythme de six, un rythme
six fois plus bas de dossiers d'enquête expédiés au bureau
du Procureur général.
Mme Bacon: Au cours de l'exercice 1986-1987, il y a eu un gel des
transmissions au Procureur général qui a été
décrété par l'ancien président, ce qui a de plus
entraîné une diminution des demandes de mises en demeure. Son
successeur, M. Laporte, a dû se familiariser durant un certain temps avec
les rouages administratifs de la commission avant de lancer les
activités juridiques. Quand on a un nombre important de dossiers, c'est
évident que c'est plus long et plus lent à les faire parvenir au
Procureur qénérai.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Mercier.
Services sociaux et de santé
M. Godin: M. le Président, je vous remercie. Je reviens
à ma question de l'an passé, Mme la ministre. L'article 20 de la
loi 101 fait obligation aux services sociaux en anglais d'avoir un personnel
bilingue, pour tout ce qui touche les contacts avec le public pour
éviter d'autre St Mary's. Est-ce que l'office peut nous faire rapport
sur le nombre de services sociaux anglophones ou hôpitaux qui ont eu
à appliquer une telle politique et qui ont eu une entente avec l'office
dans le cadre de l'article 20 de la loi 101?
Mme Bacon: Dans les dossiers en négociation avec les
conseillers de l'Office de la langue française, il y avait au cours de
l'exercice sept dossiers qui étaient en négociation et qui ont
été complétés ou sont sur le point de l'être.
Alors, il nous reste quatre dossiers en négociation. Pour ce qui est des
dossiers qui ont fait l'objet ou en instance de réponses satisfaisantes
au cours de l'exercice, huit dossiers ont fait l'objet de réponses
satisfaisantes. Il nous en reste encore dix-huit. Dans les dossiers en
souffrance pour cause de réponses insatisfaisantes, ces dossiers font
l'objet de la vigilance de l'office qui note une attitude positive nouvelle
chez un bon nombre de dirigeants de ces établissements. Il nous reste
encore dix-sept dossiers en souffrance. Dans les dossiers
complétés, approuvés par l'office, plusieurs de ces
dossiers seront complétés dès que les critères et
les modalités de vérification du français auront
été approuvés après révision, ce qui est
à se faire par le conseil d'administration de l'office. 11 reste sept
dossiers complétés approuvés par l'office.
M. Godin: Parmi les 3900 demandes d'enquête
assignées à la commission de la protection, combien touchaient
les services sociaux et de santé anglophones de Montréal et du
Québec?
Mme Bacon: Onze dossiers.
M. Godin: Onze dossiers. Est-ce que les onze dossiers ont
été réqlés à la satisfaction de l'OLF et du
ministère?
Mme Bacon: On n'a pas de non. On me
dit que les consultations se sont terminées avec
satisfaction.
M. Godin: Donc, il reste...
Mme Bacon: II y a en fait, en ce moment, neuf dossiers en
traitement à la commission.
M. Godin: Qui font partie des dix-sept, si je comprends bien.
Mme Bacon: Non, pas nécessairement.
M. Godin: C'est qu'à partir des onze dossiers de plaintes,
il en reste neuf à régler à la satisfaction du
ministère et de l'office.
Mme Bacon: Peut-être que le président de l'Office de
la langue française pourrait ajouter un petit mot.
M. Laporte (Pierre): Je dois dire que depuis mon entrée en
fonction...
Le Président (M. Trudel): Je m'excuse, M. le
président, pour les fins de l'enregistrement du Journal des
débats, est-ce que vous pouvez vous identifier comme étant M.
Pierre Laporte.
M. Laporte: C'est cela. Pierre-Etienne Laporte, président
de l'Office de la langue française.
Je dois dire que cette année, j'ai assumé deux
présidences, une première fois à la commission de
protection et une deuxième fois à l'office. Sur ces dossiers qui
ont à voir avec les organismes de l'administration, au moment où
j'étais à la présidence de la commission et maintenant
comme président de l'office, j'ai fait un effort spécial pour que
les communications entre les deux organismes s'améliorent et qu'on
puisse d'une façon plus efficace traiter ce3 dossiers qui sont
d'intérêt commun. Il y a des dossiers actuellement - je ne peux en
nommer, mais j'en ai en tête - sur lesquels des échanges ont
été entrepris par les deux organismes, de sorte que le traitement
des dossiers se fasse d'une façon mieux coordonnée et plus
efficace. Il y a eu là-dessus dans le passé, sans vouloir faire
le procès de personne, des problèmes de concertation très
réels entre les organismes et je pense que, entre autres, c'est à
ces problèmes qu'il faut maintenant s'attaquer, dans le but d'arriver
à une administration plus efficace de la charte, compte tenu de ces
échanges d'information et de ces prises de décisions, non pas
conjointes, mais concertées qui doivent exister entre les
organismes.
M. Godin: La résistance venait-elle plutôt des
centres d'accueil hospitaliers ou plutôt des rapports difficiles entre
les deux organismes?
M. Laporte: II faut dire d'abord que, du côté des
centres hospitaliers, il y a des problèmes d'application réels.
Je ne sais pas si on peut parler de résistance, mais on peut
certainement parler de difficultés encourues par une application
acceptable de part et d'autre des articles 20 et 23. Donc, une partie de
l'application est actuellement à l'épreuve; cela pose des
problèmes d'"applicabilité" réels. Par ailleurs, je pense
qu'il faut mentionner que, entre les deux organismes, les communications
laissaient -enfin c'est une opinion que j'exprime - à désirer et
il faut une meilleure concertation des actions si on veut arriver à un
traitement plus efficace de ces dossiers dans lesquels, dans la très
grande majorité des cas, les deux organismes sont concernés. Les
deux facteurs que vous mentionnez sont en fait des facteurs qui sont à
l'oeuvre dans ce problème-là.
M. Godin: M. le Président, j'ai terminé. Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Mercier. M. le député de Beauce-Nord m'a
demandé la parole. Je vous reconnais, M. le député de
Beauce-Nord.
M. Audet: Merci, M. le Président. C'est un peu pour faire
suite à une réponse que Mme la ministre a rendue
précédemment à une question du député de
Taillon concernant l'auqmentation des demandes d'enquêtes par rapport
à l'année antérieure. Vous avez mentionné que
près de 45 % de3 demandes provenaient de groupes. Est-ce que vous
pourriez donner des détails? II semblait que c'était quelques
groupes. J'aimerais en savoir un peu plus concernant ces 45 %.
Mme Bacon: Je ne peux pas demander aux fonctionnaires de me
donner les noms de ceux qui font les plaintes. On me dit que ces plaintes
viennent souvent des mêmes groupes et des mêmes personnes. Mes
fonctionnaires sont à même de voir d'où viennent les
plaintes et qui les a signées et qui les a faites. Mais je n'oserais pas
leur demander de me donner le nom des personnes qui font des plaintes.
Il y a des activistes dans ce milieu, comme il y en a dans d'autres
milieux, qui font, à un moment donné, grossir un problème
qui n'est pas un problème en réalité. A l'article 174, on
dit: "Les demandes d'enquête doivent être faites par écrit
et être accompagnées de renseiqnements établissant les
motifs et l'identité des requérants. L'identité d'un
requérant ne peut être divulguée qu'avec son autorisation
expresse." Alors, je ne pourrais pas vous dire d'où viennent ces
plaintes.
M. Audet: D'accord. Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci. M. le
député de Lac-Saint-Jean, en vous soulignant qu'il nous reste
à peine six minutes.
M. Brassard: Oui, et une petite remarque en passant, M. le
Président. Je suis certain que Mme la ministre trouve que le terme
"activiste" n'est peut-être pas le . terme qui convient le mieux. Dans
son...
Mme Bacon: II y a des animateurs qui sont très actifs.
Des voix: Ha! Ha!
M. Brassard: C'est peut-être préférable
à "activiste", car je vous signale qu'activiste a un sens plus ou moins
péjoratif.
Mme Bacon: II y a des promoteurs et des animateurs qui sont
actifs.
Francisation des entreprises
M. Brassard: Des citoyennes et des citoyens, des organismes qui,
légitimement, veillent à l'application d'une loi adoptée
en bonne et due forme par l'Assemblée nationale.
Dans votre introduction - malheureusement, il nous restera peu de temps
pour en parler - vous indiquez, et je vous cite, "la nécessité
d'introduire pour demain une dynamique nouvelle dans le processus de
francisation de l'administration et des entreprises demeure bien
présente". Il reste peu de temps, mais je trouve que c'est une belle
phrase. C'est bien dit, c'est bien écrit, mais j'aimerais savoir, si
elle peut me l'expliquer dans quelques minutes, ce que signifie
concrètement une dynamique nouvelle dans le processus de francisation
des entreprises. Elle a quoi à l'esprit comme mesure, comme programme,
comme intervention, pour traduire concrètement ce qu'elle appelle cette
dynamique nouvelle en matière de francisation des entreprises.
Mme Bacon: M. le Président, j'aimerais faire remarquer au
député de Lac-Saint-Jean que ce ne sont pas les tribunaux qui
disent cela. C'est le gouvernement qui le dit et ce ne sont pas les tribunaux
qui font la loi, ce sont les membres du gouvernement qui font la loi.
M. Brassard: Jusqu'au prochain jugement.
Mme Bacon: Je pense que le député de Lac-Saint-Jean
aurait avantage à relire mon texte, pages 23 et suivantes, il aurait
toutes les réponses à ses questions. Je dois dire qu'à un
certain moment, un dossier a été présenté par le
Conseil de la langue française qui nous indiquait comment le
français pouvait être pauvre à certains niveaux et à
des degrés différents dans l'administration publique. On avait,
à ce moment-là, décidé de faire faire une recherche
au niveau de l'administration publique. C'est pour cela que le conseil, les
organismes travaillent avec l'Office des ressources humaines pour
améliorer le français parlé et écrit, ne serait-ce
déjà qu'en commençant par l'administration publique. C'est
déjà important de le faire, je pense, et nous avons pris en
considération cette étude qui avait été faite, qui
était fort bien faite d'ailleurs et bien étoffée, et qui
avait été présentée au public, et en
commençant par les membres de l'administration publique. Je pense que si
déjà, dans l'administration publique, on faisait en sorte qu'il y
ait une meilleure qualité de français écrit et de
français parlé - tout cela découle des constatations que
cette étude avait données -on aurait déjà rempli un
rôle important et le gouvernement aurait joué son rôle. Et
ce ne sont pas les tribunaux qui lui disent quoi faire à ce
moment-là.
M. Brassard: M. le Président, puisqu'on parle de
tribunaux, j'aimerais citer un extrait d'un avis du Conseil de la lanque
française, celui de 1985 dont elle a fait mention tout à l'heure.
M. Michel Plourde, le président du Conseil de la langue française
d'alors, dit ceci: si l'évolution de la situation linguistique sur le
plan judiciaire continue en ce sens -et il faisait référence
à une accumulation de jugements relatifs à la charte de la langue
française - elle risque d'affaiblir gravement l'usage du français
comme lanque commune et généralisée des activités
publiques au Québec, a-t-il déclaré. Je conviens avec vous
que tous les chapitres de la charte du français ne sont pas encore
démantelés mais il y en déjà plusieurs qui sont
durement affectés par des décisions de tribunaux et qui peuvent
l'être encore dans l'avenir. On peut invoquer, comme on l'a fait pour
l'affichage unilingue français, la liberté d'expression,
l'article 2 de la charte canadienne; on pourra demain invoquer la
liberté de circulation ou d'établissement; on pourra demain
invoquer le multiculturalisme, l'article 27 de la Charte canadienne des droits
et libertés pour restreindre de nouveau et encore davantaqe la
portée de la loi 101. Je continue d'affirmer, à moins que la
politique du gouvernement soit dans le sens réclamé par bien des
groupes qui ont défilé ici concernant l'entente du lac Meech,
voulant que ce soit l'Assemblée nationale qui soit le seul et unique
lieu de décision en matière linguistique...
Mme Bacon: Vous me permettrez de répondre à cela,
M. le Président. La
francisation des entreprises n'a jamais fait l'objet d'interventions de
la part des tribunaux. Je pense qu'il faut que cette situation soit claire et
nous attendrons l'avis du Conseil de la langue française sur la
proposition du lac Meech pour nous exprimer là-dessus. Je
référerai encore une fois le député de
Lac-Saint-Jean à l'étude pilote de M. Conrad Bureau qui avait
été justement présentée sur le français
parlé et écrit dans l'administration publique. II aurait
peut-être avantage à faire sa lecture de chevet de ce
document.
M. Brassard: M. le Président, peut-être pour
terminer, je remercie évidemment la ministre et je remercie aussi les
fonctionnaires qui l'accompagnent, des trois organismes chargés
d'appliquer la charte du français, tout en regrettant... Peut-être
que l'an prochain il faudra prévoir un peu plus de temps. Je pense que
c'est un sujet important. On a manqué de temps aujourd'hui.
Mme Bacon: M. le Président, le gouvernement continue sa
réflexion. Il va tenter d'accentuer la cohérence des actions
à venir quant à la protection de la langue française au
Québec.
Quant au temps qui nous a été alloué, je n'ai pas
à dire de combien de temps j'ai besoin. Ce temps-là nous est
alloué par l'Opposition qui demande une heure et demie. Alors c'est le
temps qui nous est alloué, M. le Président, et il faudrait que
l'Opposition en demande plus l'an prochain.
M. Brassard: M. le Président, on demandait une heure et
demie en présumant que l'intervention de la ministre serait d'une
dizaine de minutes, ce qui n'a pas été le cas.
Mme Bacon: Encore une fois, peut-être que le
député de Lac-Saint-Jean aurait avantage à relire le
texte, puisque cela répondrait à toutes ses questions, M. le
Président.
Adoption des crédits
Le Président (M. Trudel): Je vous remercie, Mme la
ministre. Est-ce que l'on peut considérer que le programme 5, Charte de
la langue française, est adopté?
M. Brassard: Adopté.
Le Président (M. Trudel): En remerciant Mme la ministre et
les membres de la commission de leur collaboration, j'ajourne les travaux de la
commission sine die.
(Fin de la séance à 18 h 1)