L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de la culture

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de la culture

Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mardi 11 août 1987 - Vol. 29 N° 30

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières sur le niveau d'immigration pour les années 1988 et 1989


Journal des débats

 

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous avons quorum.

Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements? C'est une question que je vous pose, mais je vois déjà ceux qui remplacent. Mais, enfin, allez-y.

La Secrétaire: M. Philibert (Trots-Rivières) remplace M. Gardner (Arthabaska) et Mme Blackburn (Chicoutimi) remplace Mme Juneau (Johnson).

Organisation des travaux

Le Président (M. Trudel): Ce sont les remplaçants pour la durée de la séance d'aujourd'hui.

Avant de déclarer la séance officiellement ouverte, j'aimerais rappeler très rapidement les ententes intervenues entre les deux partis à l'occasion d'une séance de travail qui a eu lieu le siècle dernier, c'est-à-dire le 16 juin dernier. C'est déjà loin. Les ententes portaient principalement sur trois points. Premièrement, les journées de séance et les heures de séance. Je pense que vous savez que c'est de 10 heures à 22 heures, pour résumer les choses rapidement, de 10 heures à 18 heures demain et de 10 heures possiblement à 14 heures sans interrruption pour le déjeuner jeudi, ce qui pourrait nous permettre de terminer pour le déjeuner tardif. Chaque groupe parlementaire, tel que convenu, dispose de 45 minutes pour ses déclarations d'ouverture et de 30 minutes pour ses déclarations de clôture. Il y aura alternance entre le parti ministériel et le parti de l'Opposition. Chaque organisme dispose d'une heure au total, soit 20 minutes pour exposer son point de vue, résumer son mémoire et 40 minutes pour discuter avec les membres de la commission, soit 20 minutes pour chacune des formations politiques. Encore une fois, je reconnaftrai l'alternance entre les deux groupes parlementaires. Telles sont les règles principales dont nous avons convenu, le 17 juin dernier.

Je vois que M. le député de Mercier brûle du désir de poser une question. Je vais quand même déclarer la séance ouverte. Il s'agit de cette séance de consultations particulières sur le niveau d'immigration pour les années 1988 et 1989, en tenant compte des besoins démographiques, économiques et socio-culturels du Québec, de même que de ses obligations à l'endroit de la communauté internationale et des familles à l'étranger des nouveaux résidents québécois. Tel est le mandat de cette commission.

M. le député, est-ce que vous voulez poser une question?

M. Godin: Un point d'information, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Allez-y!

M. Godin: Le 17 juin la commission avait décidé de siéger à Montréal, si vous vous souvenez bien. Les membres de la commission avaient eu une longue discussion là-dessus et on avait réussi à se convaincre de part et d'autre qu'il serait mieux de siéger à Montréal. Je ne sais pas qui en a eu l'initiative, mais on siège maintenant à Québec. Est-ce qu'on peut savoir ce qui s'est passé entre la décision de la commission et ce jour-ci, qui fait que nous siégeons aujourd'hui à Québec?

Le Président (M. Trudel): Vous savez que la décision finale, ultime, est celle du président de l'Assemblée nationale qui, dans une lettre que j'ai eue relativement tard parce que, comme vous tous, j'ai quitté rapidement le 23 juin... J'ai communiqué de nouveau avec mon bureau de Québec plusieurs jours après. J'avais reçu un mot du président qui, dans une lettre laconique dont j'ai fait parvenir copie aux membres de la commission, me disait qu'il refusait que la commission tienne ses audiences à Montréal. Je dis bien "une lettre laconique". Je pense que vous en avez reçu copie. J'ai demandé à Mme la secrétaire de la commission de faire parvenir copie de cette lettre-là à la fois à vos bureaux ici à Québec et à vos bureaux de comtés. Étant comme ta plupart d'entre vous parti en vacances et, peut-être pas comme la plupart d'entre vous, en voyage officiel à l'étranger pour dix jours, ce n'est que la semaine dernière que je suis rentré. Il était un peu tard, de toute façon, pour essayer de réparer les pots cassés.

M. Godin: La cour d'appel a décidé qu'on siégeait ici, quoi!

Le Président (M. Trudel): Je ne sais pas

si le président se considère comme une cour d'appel, mais quand on est président de commission, je pense que le président de l'Assemblée nationale constitue une sorte de cour d'appel, en effet.

M. Godin: Cela répond à mes questions, M. le Président, Merci.

Le Président (M. Trudel): Pour les déclarations d'ouverture, je vais d'abord demander à Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration de faire sa déclaration. Par la suite, en alternance, un membre de la formation du parti de l'Opposition. Je reviendrai avec une déclaration qui sera celle du président de la commission et, par la suite, nouvelle alternance.

Je vois que Mme la députée de Maisonneuve brûle d'un ardent désir de me poser une question, elle aussi.

Allez-y, madame.

Mme Harel: Oui, M. le Président. J'aimerais que vous me permettiez, à ce stade-ci de nos travaux, de vous communiquer une information qui aura une certaine importance pour la suite de nos travaux ce matin.

Le Président (M. Trudel): Allez-y! Je suis tout ouïe.

Mme Harel: Étant donné que l'ouverture de nos travaux se fait ce matin, nous devons devancer l'annonce que fera le chef de l'Opposition cet après-midi même. Il devrait communiquer les nouvelles affectations et les changements intervenus dans les affectations des membres de l'Opposition. Comme vice-présidente de la commission, je vous informe que le député de Saint-Jacques siégera dorénavant comme membre de cette commission et porte-parole de l'Opposition en matière d'immigration et de communautés culturelles. Le député de Mercier se voit confier de nouvelles affectations.

Peut-être le député de Mercier veut-il maintenant nous dire quelques mots?

Le Président (M. Trudel): Voilà, madame, une nouvelle qui, comme vous me l'aviez annoncé de façon privée, me sidère. Je félicite le député de Saint-Jacques. Est-ce que le député de Saint-Jacques va conserver ses attributions aux affaires culturelles?

Mme Harel: Cela, c'est une autre question à laquelle...

Le Président (M. Trudel): Je savais que vous refuseriez de...

Mme Harel: ...il n'est pas donné au député de Saint-Jacques de répondre, ce matin.

Le Président (M. Trudel): Le député de Saint-Jacques est comme le président de la commission, il a des gens au-dessus de lui.

M. Godin: Comme dirait Kipling: C'est une autre histoire. Ce n'est pas sans un pleur, M. le Président et Mme la ministre, que je quitte le dossier. Mais comme il est confié à mon ami de Saint-Jacques, je m'en réjouis aussi parce qu'au fond on va pouvoir développer de nouveaux muscles dans nos dossiers respectifs, évidemment, on va collaborer étroitement. La bonne collaboration a toujours existé entre le gouvernement et l'Opposition et se maintiendra dans ce dossier-là, à moins que le député n'en décide autrement, à son heure. Je me réjouis qu'un député compétent prenne ce dossier, non pas parce que je ne l'étais pas avant lui. Je sais par expérience qu'il croît beaucoup dans les politiques maintenues de l'ancien au nouveau gouvernement. Je crois donc que c'est un mal pour un bien. M. le député de Saint-Jacques, je vous félicite et je remercie la vice-présidente de la commission d'en avoir avisé les membres. Je pense que nous allons travailler aussi bien maintenant qu'avant. C'est mon commentaire.

Le Président (M. Trudel): Avant de vous céder la parole, Mme la ministre, à titre de président de cette commisison, comme on est un peu dans le noir je ne sais pas si je dois remercier le député de Mercier de sa collaboration. Je dois sûrement le remercier de sa collaboration au sein de la commission au cours des 18, 19 ou 20 derniers mois. Est-ce qu'il sera toujours parmi nous demain matin? Nous sommes suspendus aux lèvres du chef de l'Opposition. Sans interrompre les travaux de cette commission, cet après-midi nous aurons sûrement quelques espions qui iront voir ce qui se passera à cette conférence de presse dite historique. M. le député, et je dois dire mon ami Gérald parce que nous avons ensemble d'excellents souvenirs de campagne électorale alors qu'il était responsable...

M. Godin: ...

Le Président (M. Trudel): Dans les deux cas, vous voulez dire? Je ne pense pas,

M. Godin: Pour les deux, j'entends.

Le Président (M. Trudel): Pour les deux? Ha! Ha! Ha! Là, vous allez me mettre dans l'embarras. Alors, M. le député, je vous souhaite le meilleur succès possible et je vous remercie de votre apport à la commission, s'il est vrai que vous la quittez. Si vous ne la quittez pas, je ne retire pas ce

que je viens de dire et j'ajouterai autre chose cet après-midi ou demain. Mme la ministre.

Mme Robic: M. le Président, vous me voyez surprise, moi aussi, de ce changement. Cependant, je retrouve un autre ami dans ce dossier. Si, au gouvernement, on pouvait toujours travailler avec autant de collaboration avec l'Opposition, ce serait un plaisir. J'ai eu de bons conseils et une bonne collaboration du député de Mercier, je l'en remercie. Je félicite le député de Mercier pour l'ouvrage qu'il a fait en tant que ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration. Je pense que l'Opposition peut se féliciter de l'avoir eu comme ministre à ce ministère pendant plusieurs années.

C'est avec plaisir que j'aurai maintenant à faire face à M. le député de Saint-Jacques. Encore là, nos relations ont toujours été très bonnes. Je suis sûr que cela va se continuer puisque tous les gouvernements ont toujours collaboré dans ce dossier et ont toujours eu les mêmes objectifs. C'est avec plaisir que je retrouve un nouveau critique dans ce dossier.

Le Président (M. Trudel): Mme la ministre, je m'associe évidemment à vos paroles pour souligner la nomination d'un autre ami. J'ai plusieurs amis dans l'Opposition, allez-vous me dire, mais...

Une voix: Cela va vous nuire!

Le Président (M. Trudel): Au sein de cette commission, je dois dire que le fait d'avoir travaillé ensemble depuis 20 mois aide sûrement. Je connaissais M. te député de Saint-Jacques bien avant son entrée en politique active à titre de député. Il avait même tenté de me faire battre dans le comté de Bourget à l'élection partielle de juin 1985. Je l'ai...

Une voix: ...

Le Président (M. Trudel): ...invité à revenir à l'occasion de l'élection générale puisqu'avec son aide j'avais gagné par 7000 votes et, sans son aide, j'ai gagné par 3000 votes!

M. le député, je vous félicite de votre nomination. J'ai hâte de travailler avec vous. Je pense que vous allez devoir vous plonger rapidement dans ce bain puisque si les déclarations étonnantes de la part de l'Opposition sont terminées, Mme la députée de Maisonneuve, je reconnaîtrais maintenant Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration pour ses remarques préliminaires. Mme la ministre.

Déclarations d'ouverture Mme Louise Robic

Mme Robic: Merci, M. le Président. Tout d'abord, j'aimerais souhaiter la bienvenue à toutes les personnes qui se retrouvent ici, ce matin. J'espère que vous avez pu profiter du véritable été que nous avons eu la chance de connaître cette année et je voudrais remercier la commission de nous permettre justement de discuter publiquement d'immigration et des services d'accueil à donner à ces nouveaux arrivants.

M. le Président, dans le cadre de l'exécution des responsabilités de la ministre, un de mes devoirs est de définir les objectifs quant au nombre de ressortissants étrangers admissibles au cours d'une période donnée en tenant compte, notamment, des besoins démographiques, économiques et socioculturels du Québec.

Depuis deux ans, nous procédons à une consultation auprès d'un vaste éventail de partenaires appartenant à tous les secteurs de l'activité socio-économique. Cet exercice nous fournit l'occasion de procéder systématiquement à une réflexion sur les mouvements d'immigration et ses diverses composantes en regard des objectifs de la société québécoise. Cela nous facilite la planification des activités du ministère, entre autres, en matière de recrutement, de sélection, de gestion de nos programmes à l'étranger et de la programmation de mesures d'accueil et d'adaptation.

Notre objectif, bien sûr, est de planifier le nombre d'immigrants à accueillir dans les trois catégories composant le mouvement migratoire: les membres de la famille, les réfugiés et autres cas humanitaires et les immigrants indépendants.

Cet exercice également nous permet de respecter les ententes fédérales-provinciales dans ce domaine de juridiction partagée. Il nous permet de tenir compte des besoins démographiques, économiques et socioculturels du Québec, d'honorer nos obligations à l'endroit de la communauté internationale et les responsabilités à l'endroit des familles à des nouveaux résidents québécois qui sont à l'étranger.

Cette année, la tenue d'une commission parlementaire sur le sujet permet d'informer et de sensibiliser l'ensemble de la population à la situation démographique à laquelle fait face le Québec et à l'importance de l'immigration dans toute politique de population. Je suis d'autant plus heureuse que nous fassions cet exercice en commission parlementaire puisque le sondage que nous venons de publier fait ressortir la nécessité d'informer la population au sujet de tout le phénomène migratoire. Ce sondage, M. le Président, nous rend fort heureux car les données démontrent clairement que la

population est favorable à l'immigration puisque 76% des répondants affirment que le Québec a besoin d'immigrants et que 60% sont d'avis que le Québec devrait maintenir et/ou augmenter les niveaux d'immigration. L'opinion publique est loin d'être mitigée quant à ces opinions, quant aux besoins du Québec en matière d'immigration. (10 h 30)

Ce qui est encore plus encourageant, c'est que la majorité des répondants surestime le nombre d'immigrants reçus. Malgré qu'ils surestiment le nombre d'immigrants que nous recevons, ils sont en faveur d'élargir ou de maintenir nos niveaux d'immigration.

Le sondage nous montre également que plus la population est près de l'immigrant, plus elle le connaît, plus elle le côtoie, plus elle est favorable à l'immigration.

Nous avons également fait publier une étude sur les caractéristiques socio-économiques de la population immigrée au recensement de 1981. C'était une première pour le Québec que cette préparation d'une étude. Je dois féliciter les personnes qui y ont travaillé. C'est une étude très importante qui, certainement, nous permet de réaliser que l'intégration économique des immigrants se fait très bien. Nous réalisons que l'immigrant a un taux d'activité plus élevé que le Québécois, un taux de chômage plus faible, une situation comparable ou plus favorable en termes de répartition professionnelle, de scolarité et de niveau de revenus.

La population immigrée compte davantage de travailleurs ayant des qualifications élevées, mais compte également une proportion plus élevée de travailleurs de spécialisation moyenne et réduite que la population née au Canada. On dit que la population immigrée est à l'antipode sur l'échelle économique; elle est mieux scolarisée, elle occupe des positions mieux rémunérées et ce sont souvent des personnes qui sont ici depuis plusieurs années. Nous avons aussi la situation contraire qui se produit: des gens qui occupent les positions les moins bien rémunérées sur l'échelle économique.

Par rapport à la population née au Canada, la proportion de la population immigrée ayant fréquenté l'université est plus élevée, mais la population des personnes n'ayant pas dépassé le niveau d'études primaire est aussi plus élevée.

Quant aux revenus, la situation des personnes nées à l'étranger en termes de salaires, de traitements moyens et de revenus moyens totaux est plus favorable que celle des personnes nées au Canada, puisqu'ils dépassent d'environ 10 %, dans les deux cas, ceux de la population non immigrée.

Les indicateurs socio-économiques, plus la durée de résidence au Québec est courte, sont généralement moins favorables. Pour la population immigrée, la plus récente, celle qui est arrivée entre 1971 et 1961, le taux de chômage se compare à celui de la population non immigrée. Sur le plan professionnel, l'immigration de la décennie soixante-dix compte relativement moins de travailleurs hautement qualifiés et davantage de travailleurs de spécialisation moyenne et réduite que l'immigration plus ancienne.

La catégorie de personnes les plus défavorisées sur le plan socio-économique sont les femmes et les minorités visibles. Ici, M. le Président, j'aimerais peut-être dissiper une information ou une déclaration qui est souvent répandue, à savoir que l'immigration crée du chômage.

II semblerait bien que ce soit le contraire et que l'immigration soit plutôt bénéfique et rentable pour le Québec. Si je voulais donner un exemple, je donnerais celui de la province voisine, l'Ontario, dont la population immiqrée forme 24 % de la population, qui reçoit 40 % de l'immigration canadienne et qui a un taux de chômaqe de 4 %, II faudrait comparer avec le Québec qui a une population immigrée de 8 % de sa population, qui reçoit 18 % de l'immigration canadienne et qui a un taux de chômage de plus ou moins 9 %. Alors, je dirais, M. le Président, qu'au plan économique, l'immigration est certainement rentable.

Le sondage et l'étude démontrent clairement que nous ne nous sommes pas trompés en établissant les priorités du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Nous avons mis nos priorités sur l'intégration des nouveaux arrivants en élargissant - de beaucoup d'ailleurs - nos programmes de francisation et en ajoutant à nos programmes un volet interculturel. Nous avons également identifié les femmes et les minorités visibles comme étant des groupes cibles auxquels il fallait donner des services accrus et nous l'avons fait.

L'immigration, pour l'année 1986, M. le Président, a été très positive puisque nous avons dépassé nos objectifs qui avaient été établis à 18 000. Nous avons reçu au-delà de 19 000 immigrants en 1986. La catégorie "famille" compte pour 36 %. C'est un programme très important pour nous, cette catégorie familiale; 51 % des arrivées originent d'une immigration économique et l'immigration humanitaire compte pour 13 % des arrivées de 1986.

Cette année, pour la première fois depuis de nombreuses années, nous avons eu un solde migratoire positif pour le Québec. L'an dernier, nous avons eu un solde migratoire d'à peine 100 personnes. Cette année, c'est un solde migratoire de 10 000 que nous pouvons annoncer. Il semblerait que nos politiques ou les mesures que le gouvernement a mises en place ont fait en sorte que les personnes sont demeurées au Québec et que les mouvements interprovinciaux ont

grandement diminué. On doit s'en féliciter. Je dois vous dire qu'en 1987 nous allons dépasser nos barèmes d'immigration établis à 22 000 nouveaux arrivants.

M. le Président, quand on regarde ces statistiques, on doit se réjouir des ententes constitutionnelles du lac Meech qui deviennent de plus en plus importantes pour le Québec. Non seulement au lac Meech avons-nous fait en sorte que soit constitutionnalisée l'entente Couture-Cullen, mais nous avons fait en sorte d'élargir nos responsabilités. Nous pourrons maintenant faire la sélection de nos immigrants non seulement à l'étranger mais sur place. Ces types d'immigrants comptent pour à peu près 25 % de toute notre immigration. C'est un pas essentiel, important pour le Québec, que d'avoir récupéré cette sélection. Également, il est très important pour le Québec d'avoir récupéré l'accueil, l'adaptation, la francisation des immigrants. On s'en rend compte même dans les sondages. Les gens nous disent qu'il faut franciser les immigrants, qu'il faut les intégrer le plus rapidement possible. Maintenant que cette responsabilité revient au Québec, nous pourrons certainement être efficaces et élargir des programmes qui répondront aux besoins des immigrants, mais également à ceux du Québec.

Je ne peux, ici, passer sous silence un mouvement important qui est le mouvement des revendicateurs du statut de réfugié. Il est bien sûr qu'on ne tient pas compte des entrées de ces personnes quand on établit nos niveaux d'immigration, mais c'est une entrée assez importante dont il faut parier, bien sûr. Ce mouvement s'est accru considérablement, d'ailleurs, depuis quelques années. En 1984, le Québec avait reçu 3082 revendicateurs du statut de réfugié et, en 1986, c'est 13 173 revendicateurs que le Québec a reçus. Alors, vous voyez que c'est un mouvement qui grossit considérablement avec les années. Dans les premiers six mois de 1987, ce sont 9000 revendicateurs que le Québec a reçus. Alors, malgré les mesures Bouchard, le Québec accueille environ 900 revendicateurs par mois et on prévoit qu'en 1987, si le mouvement se continue, ce seront 14 000 revendicateurs que le Québec recevra. Nous avons en ce moment 22 000 revendicateurs en attente de statut. Alors, c'est encore un mouvement important. Comme je le disais, quoique nous n'en tenions pas compte dans l'établissement de nos objectifs d'immigration, vous comprendrez que nous devons en tenir compte quant aux services à leur fournir et à leurs besoins.

M. le Président, c'est aujourd'hui même, à Ottawa, que s'ouvre une séance du Parlement où le gouvernement apportera des amendements à la Loi sur l'immigration. Je ne peux pas en discuter puisque je ne cannais pas le texte de ces amendements. Cependant, je suis d'avis qu'il faut arrêter ce trafic d'humains et que ceux qui profitent de ce genre d'activités soient sévèrement punis. Quant à la loi C-55 qui sera à l'étude à l'automne, j'ai fait connaître au ministre Bouchard, après consultation, d'ailleurs, avec le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration et la Table de concertation des organismes de Montréal au service des réfugiés, que certains aspects de ce projet de loi me causent de vives inquiétudes. Bien que je sois d'accord avec le principe de ce projet de loi, il est essentiel qu'aucun des objectifs visés ne soit sacrifié au nom de la rapidité. Je continue à demander que le processus quant à cette loi soit certes rapide, mais également efficace et équitable. Nous nous inquiétions également de l'absence d'un niveau d'appel véritable, des difficultés inhérentes à la détermination des pays sûrs pour ce qui est des renvois pour cause d'irrecevabilité, de l'absence, également, de liberté de choix des conseillers ou des avocats lors de la première étape, de la conservation d'un Système où le processus de détermination du statut demeure lié aux procédures d'immigration proprement dites et de l'autonomie relative de l'organisme chargé de déterminer ce statut.

M. le Président, je crois qu'il est important que le Canada continue d'accueillir des revendicateurs du statut de réfugié lorsqu'ils ont besoin de protection, c'est-à-dire lorsqu'ils font l'objet de persécutions dans leur pays d'origine et lorsqu'ils ne bénéficient pas ou ne pourraient pas bénéficier, s'ils en faisaient la demande, de la protection d'un autre pays. Mais on doit mettre fin et ce, le plus rapidement possible, à l'abus de nos frontières. Le Canada et le Québec doivent continuer d'assumer leur responsabilité face à la communauté internationale et répondre généreusement aux besoins des réfugiés. Nous sommes un pays privilégié, donc, nous avons certainement des responsabilités vis-à-vis des plus démunis de ce monde. Cependant, nous pouvons accomplir cet objectif par l'augmentation du nombre de réfugiés sélectionnés dans les camps de réfugiés. D'ailleurs, M. le Président, en 1987, nous avons doublé, dans nos catégories d'immigration, le nombre de réfugiés à recevoir. Il était à 2000 en 1986 et nous l'avons doublé à 4000 en 1987, plus 1000 sélectionnés sur place pour en arriver à 5000 dans cette catégorie d'immigrants. (10 h 45)

Nous pouvons également, et nous le faisons, donner de l'aide financière à des programmes de Rétablissement dans les pays d'origine et à des programmes d'établissement dans un pays voisin.

Le dossier de l'immigration devient de plus en plus complexe, mais, également, de plus en plus important, tant au niveau de nos

responsabilités qu'au niveau de nos besoins démographiques au Québec, Les sondages sont très positifs. La population réalise de plus en plus les difficultés dans lesquelles des humains peuvent se trouver et l'apport positif de l'immigration pour l'avenir du Québec. C'est dans cette optique que nous pouvons ouvrir cette commission avec sérénité, sachant que nous avons l'appui de la population. Merci,

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre.

Je reconnais maintenant M. te député de Saint-Jacques, actuel porte-parole de l'Opposition sur les questions d'immigration.

M. le député de Saint-Jacques.

M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, Mme la ministre, chers collègues, surtout chers invités, vous me permettrez, d'abord, de dire que je suis très heureux et surtout très honoré des nouvelles responsabilités qui m'ont été confiées par le chef de l'Opposition et président du Parti québécois, M. Johnson, vu la présence dans ma circonscription - et c'est là le reflet d'un Québec nouveau - de communautés culturelles nombreuses et les contacts quotidiens que j'ai avec elles. Ayant traité, comme vous le savez, longuement du dossier de la culture et, donc, ayant connu, en plus de leur apport économique et de leur apport social dont tout le monde fait mention, leur apport culturel très important - je n'ai qu'à regarder mon collègue de Viger et à évoquer le théâtre de Marco Micone -je me retrouve très bien dans ce dossier-là.

Mme la ministre se demandait si l'été avait été bon, si les vacances avaient été heureuses. Je lui répondrai par cette blague habituelle qu'il n'y a jamais de paix pour les braves. Sachant, quand même, depuis un petit bout de temps que j'arriverais à ce dossier, si vous me permettez l'expression, sachant que je devais plonger dans cette piscine, je vous dirai que j'ai passé l'été à pratiquer la natation des communautés culturelles et de l'immigration.

Bien entendu, l'Opposition accueille très positivement la tenue de cette commission publique sur les niveaux d'immigration. L'importance de cette question et des enjeux qu'elle sous-tend justifie effectivement la tenue d'un tel débat à l'Assemblée nationale. Je crois que la conjoncture est particulièrement propice pour une telle discussion.

La question est particulièrement importante dans le contexte du déclin démographique actuel que l'on connaît. Sans constituer, c'est bien entendu, une panacée à la baisse de la natalité, l'immigration peut constituer, à mon point de vue, un facteur important de dynamisme sur le plan démographique.

L'opinion publique a été assez agitée sur cette question au cours des derniers mois, compte tenu de l'entrée massive de revendicateurs du statut de réfugié, notamment. Une consultation publique peut permettre de désamorcer certaines tensions, certaines inquiétudes, certains préjugés et peut constituer un instrument pédaqogique valable pour bien sensibiliser la population aux avantages de l'immigration comme facteur d'enrichissement social, économique, comme on le disait tantôt, et culturel, comme je me permettais de le souligner.

Ce sont bien, d'ailleurs les propos que nous tenions lors des nombreuses séances de travail précédant la commission en disant que, comme nous étions élus par la population, c'était, je crois, notre rôle et notre devoir de tracer des pistes et d'influencer la population dans ses comportements et dans ses attitudes envers une question très importante pour le Québec.

Cet exercice de consultation, sous l'égide de notre commission parlementaire, devrait, évidemment, aussi inspirer la politique gouvernementale de l'Immigration. Cette démarche qu'on entreprend aujourd'hui n'est pas tout à fait nouvelle. Il faut se rappeler que c'est le gouvernement du Parti québécois qui a procédé en 1985, si ma mémoire est bonne, à la tenue d'une première consultation publique systématique. Elle avait auparavant un caractère plus restreint. Un certain nombre d'organismes et d'intervenants avaient été invités à soumettre des mémoires, à la suite de quoi le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration remettait aussi un avis.

À l'automne de la même année, la commission de la culture recommandait au ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, dans ce qu'il est convenu d'appeler le rapport French, puisque c'était notre collègue, le député de Westmount, qui était président de la commission, de déposer chaque année en mai le document de consultation sur les niveaux d'immigration et qu'un débat ait ensuite lieu à l'Assemblée nationale sur les orientations et l'exécution de la politique de la population.

Cette année, la présentation de mémoires sera donc accompagnée d'audiences publiques.

La décision du gouvernement de tenir une commission parlementaire n'est pas étrangère aux démarches menées par l'Opposition pour obtenir de la part de la commission de la culture un mandat d'initiative sur l'immigration et sur les réfuqiés. Dès septembre, notre formation politique, qui constitue l'Opposition officielle, formulait une telle proposition, malheureusement rejetée par les députés ministériels.

Nous sommes revenus à la charge, mes collègues et moi, en février, sans résultat concret, malheureusement. Les députés

libéraux acceptaient le principe d'un mandat sur l'immigration et les réfugiés, mais refusaient d'en fixer les modalités et de l'entreprendre dans un avenir rapproché. Ils invoquaient le fait que la question était trop d'actualité, trop sujette à controverse et reportaient à plus tard la décision sur le moment approprié à la tenue d'un tel mandat d'initiative. À cette même réunion du début février, l'Opposition proposait un mandat précis constitué de six éléments. Il faut croire que les revues de presse des deux derniers mois nous ont donné amplement raison.

Finalement, la journée même où notre proposition devait à nouveau être débattue en séance de travail de la commission, soit le 19 mars, la ministre faisait miroiter la tenue d'une consultation publique sur les niveaux d'immigration. La commission a dès lors suspendu ses discussions en attendant le dépôt du mandat gouvernemental pour éviter une éventuelle redondance avec le mandat d'initiative.

Il nous apparaît donc clairement que la ministre a voulu prendre le train en marche, de peur qu'il ne lui passe sous le nez et, en même temps, elle a peut-être tenté de court-circuiter l'initiative de l'Opposition en proposant son propre mandat.

Il faut souligner que le mandat gouvernemental reprend directement un des éléments du mandat d'initiative proposé par l'Opposition qui était: "considérer la possibilité et les conditions d'un exercice annuel d'examen des objectifs de la politique d'immigration".

Mais je croîs le moment mal choisi. On peut déplorer que le gouvernement n'ait pas choisi le moment le plus approprié pour tenir les audiences. Le faible nombre d'organismes ayant accepté l'invitation, malheureusement une quinzaine sur 50, en témoigne. La ministre a peut-être des contraintes compte tenu du processus de fixation des niveaux d'immigration, mais il n'en reste pas moins que cela aurait pu se tenir à un moment plus favorable, c'est-à-dire au printemps, si le gouvernement n'avait pas tant tergiversé, comme on l'a vu dans les séances de travail de la commission. D'ailleurs, l'an passé, les groupes avaient été invités à soumettre leur mémoire en février ou mars. On constate que le gouvernement préfère traiter d'un sujet chaud politiquement au moment où, justement, il fait chaud dehors!

L'autre réserve que nous tenons à formuler concerne le caractère trop limitatif du mandat confié à la commission. Le mandat proposé par l'Opposition était beaucoup plus large. Il permettait, notamment, d'examiner les structures et les programmes d'accueil et d'intégration des immigrants et des réfugiés. À cet égard, fort heureusement, la lecture des mémoires permet néanmoins de constater que les organismes ont bien compris qu'il n'est pas possible de parler ou de se prononcer sur des niveaux quantitatifs d'immigration sans justement considérer globalement le contexte de la société d'accueil, les possibilités d'intégration et les services à mettre à la disposition des nouveaux arrivants. Il reste à espérer que les échanges en commission avec les intervenants permettront d'approfondir la réflexion à ce propos.

Nous souhaitons aussi examiner le processus de reconnaissance du statut de réfugié. Cette question est particulièrement importante et sensible, compte tenu du grand nombre de revendicateurs du statut de réfugié accueillis au cours des dernières années.

On connaît les remous créés par le dépôt du projet de loi fédéral C-55 sur les réfugiés. Nous savons pertinemment que le Parlement fédéral vient de commencer ses travaux, il y a quelques minutes. Nous avions donc proposé d'inclure dans le mandat ce processus de sélection et d'admission des revendicateurs parce qu'il influe directement sur les niveaux d'immigration. D'ailleurs, les niveaux fixés pour cette catéqorie, pour 1986 et 1987, sont sans rapport avec la réalité. On regrette donc que le gouvernement ait refusé d'inclure cette question dans le mandat. Il reste qu'il sera difficile de l'évacuer car les réfugiés constituent une catégorie importante de nos contingents d'immigrants.

En somme, nous souhaitons que le mandat ne soit pas interprété de façon trop restrictive et qu'il permettra des échanges très larges sur la problématique générale de l'immigration, c'est-à-dire ses objectifs, nos besoins et les ressources impliquées.

Les données sont connues quant à l'enjeu démographique de l'immigration. L'indice de fécondité au Québec est de 1,4, sans doute l'un des plus faibles du monde occidental; il ne permet pas d'assurer le remplacement des générations. À moins d'un redressement de la situation, qui ne m'apparaît pas prévisible pour l'instant, le Québec connaîtra un déclin. démographique d'ici quelques années. Ceci a pour corollaire un vieillissement de la population, dont les effets négatifs ont été maintes fois repris et soulignés.

Dans ce contexte, l'immigration peut contribuer à enrayer en partie le déclin démographique. II ne faut pas, cependant, y voir une panacée. Si on compte seulement sur l'immigration pour assurer une croissance de la population, les seuils d'admission devraient être relevés considérablement. Se pose alors la question de nos capacités d'accueil et d'intégration. Jusqu'où peut et doit aller la contribution de l'immigration? Voilà une des questions.

Une politique d'immigration doit être partie intégrante, à notre avis, d'une

politique de la population, comprenant aussi un volet familial, c'est-à-dire fournir aux individus qui désirent avoir des enfants des conditions propices, et un volet immigration, dans le sens de limiter les départs à la fois d'immigrants fraîchement arrivés et de Québécois de souche.

Quant à l'enjeu culturel, on ne peut parler effectivement d'immigration sans le considérer, ceci dans la perspective de continuer la préservation de l'identité culturelle de la majorité francophone des Québécois. L'arrivée de gens d'autres origines suscite, chez plusieurs de nos concitoyens et concitoyennes, des craintes quant à l'altération du visage du Québec, à la perte de ce qui fait notre spécificité. Il ne faut pas se cacher la réalité.

Il existe dans la population des sentiments d'inquiétude, d'insécurité et, pour quelques-uns, malheureusement, une certaine xénophobie fort limitée, encore là heureusement, d'où justement la vocation pédagogique de cette commission que nous vous avions soulignée dès les tout débuts de nos discussions. 11 faut dire qu'il y a là quelque chose de normal psychologiquement, mais d'inacceptable, j'en conviens bien avec vous tous. Cette chose est présente, malheureusement, dans toutes les sociétés. Le contact avec l'étranger, l'autre, puisque différent dans ses valeurs, dans sa culture et son mode de vie, nous incite à nous remettre en question. Dans un premier temps, alors qu'on n'est pas toujours conscient qu'il constitue une source d'enrichissement, il peut être perçu comme menaçant et susciter un repli sur soi.

Le dernier sondage, réalisé à l'instigation du ministère, fournit d'ailleurs un éclairage intéressant. Il montre que la proximité relative à l'immigration, le fait d'avoir des amis, des voisins, des compagnons de travail immigrants, engendre une plus grande ouverture à l'immigration. (11 heures)

Pour en revenir à l'insécurité des Québécois et Québécoises, qu'il faudrait d'ailleurs prendre soin de ne pas dramatiser ou surestimer par le biais de sondages réalisés dans des conjonctures tout à fait particulières, elle s'explique d'autant mieux que nous vivons dans un état de fragilité culturelle en Amérique. On ne peut demander à des gens dont l'identité est menacée d'ouvrir grands les bras à la venue d'étrangers dont on n'est pas sûr que la présence ne fragilisera pas davantage cette identité. D'où l'enjeu central que constitue la francisation des nouveaux arrivants. C'est à ce prix, celui de l'adoption de la langue de la majorité, qu'en contrepartie l'apport des gens d'autres cultures sera reconnu à sa pleine valeur par l'ensemble des Québécois.

Dans cette perspective, il est important de bien distinguer l'enjeu culturel de l'enjeu linguistique. Le Québec doit s'ouvrir aux gens d'autres cultures, à la fois respecter celles-ci, leur permettre de s'épanouir et en reconnaître l'apport, tout en étant fermes sur l'objectif de francisation. Le défi consiste à bâtir un Québec pluriculturel, mais pluriculturel francophone.

La francisation ne s'arrête pas, Mme la ministre, à l'octroi de cours de français aux immigrants et réfugiés à leur arrivée, bien que cela doit être une priorité, et à l'intégration de jeunes allophones à l'école française. Cela exige aussi que le français prime dans toutes les manifestations de la vie collective, que le français soit la langue d'usage au travail comme dans les commerces. Le gouvernement québécois ne peut se permettre de faire des compromis à cet égard. Comme il est dît dans un mémoire: il doit envoyer des signaux clairs à ceux et celles qui songent à venir s'établir chez nous, comme aux immigrants que nous accueillons, sur le caractère français de notre société. Ce n'est malheureusement pas le cas. Il y a de très nombreux et trop nombreux exemples de laxisme dans l'application de la Charte de la langue française pour que le signal soit clair.

Par ailleurs, l'objectif de francisation incite à se poser certaines questions quant à la sélection des immigrants. Il faudrait songer à favoriser davantage la venue en plus grand nombre de francophones ou de ceux que j'appelle "francophonisables". Pour ce faire, il serait possible, par exemple, d'augmenter le nombre de points accordés à la connaissance du français dans la grille de sélection, comme le recommandait un avis du Conseil de la langue française, tout comme d'intensifier la présence de nos services d'immigration dans les pays francophones. La situation est d'ailleurs particulièrement préoccupante à la lumière des données rendues publiques récemment et qui révèlent que la proportion d'immigrants ne parlant pas français a diminué sensiblement depuis 1983. L'enjeu est très bien cerné en peu de mots dans un mémoire, celui de l'Alliance des professeurs de Montréal; intégrer les arrivants, sans les assimiler, mais sans nous perdre.

Quant à l'enjeu social, même si les Québécois et Québécoises ne sont pas considérés généralement comme racistes - et là, je m'en réjouis toujours - nous sommes à même de constater l'existence d'attitudes et de comportements quelquefois discriminatoires vis-à-vis des membres des minorités ethniques. 11 y aura toujours des progrès à faire sur le plan du respect des droits de la personne et de la recherche de l'égalité. Par ailleurs, le sondage du ministère révèle que les personnes qui ont tendance à surestimer l'ampleur de l'immigration chez nous sont aussi celles qui affectent davantage de réticence à son

égard, D'où, encore une fois, l'importance d'une information adéquate de la population sur les principales données de l'immigration au Québec.

Certains secteurs, par exemple l'école, sont particulièrement sensibles à l'émergence de tensions, de conflits d'origine ethnique. Sans dramatiser, il faut être attentif à cela. U faut informer et sensibiliser les diverses couches de la population à la réalité des autres communautés culturelles à leur apport. L'école doit être le creuset des rapports harmonieux entre des Québécois de toute origine, d'où l'importance de l'éducation interculturelle. Et je fais à ce moment-ci référence au rapport Chancy.

Les immigrants, et peut-être encore davantage les réfugiés, compte tenu de leur condition particulière, dramatique, en termes d'isolement, de difficultés d'intégration en rapport à des valeurs et à un mode de vie différents, de traumatisme, pour certains relié à une situation vécue avant te départ de leur pays, ont des besoins tout à fait particuliers. Il faut s'assurer que nos services sociaux sont en mesure d'y faire face, et d'y faire face en français.

La commission permettra donc, nous l'espérons, de jeter un meilleur éclairage sur le vécu des nouveaux arrivants, sur le plan scolaire comme psychosocial. Par ailleurs, l'intégration aussi bien culturelle que sociale des nouveaux arrivants sera vraisemblablement facilitée par une "démontréalisation" ou, si vous préférez, une "démétropolisation" de l'immigration. Il s'agit de voir par quel moyen nous pourrions inciter davantage d'immigrants à s'installer dans les autres régions du Québec.

Plusieurs études et rapports témoignent de l'apport positif de l'immigration sur le plan du capital, c'est-à-dire l'immigration des investisseurs, et des ressources humaines. Leur présence agit comme un stimulant à la fois sur la consommation et sur la production. L'étude récemment rendue publique par le ministère sur les caractéristques socio-économiques de la population immigrée révèle une intégration réussie et une situation globalement plus favorable chez la population immigrée, en termes d'occupation, de scolarité et de revenus. Nous nous en réjouissons. Une autre étude réalisée par le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration révèle que le profil socio-économique des réfugiés est semblable à celui des autres immigrants. Le revenu est donc tout autant bénéfique.

À court terme, dans une situation économique difficile, la venue d'immigrants peut susciter des inquiétudes en termes de chômage. Il est dès lors d'autant plus important de publiciser immédiatement les effets positifs de l'immigration à long terme, d'autant plus qu'elle peut pallier en partie les conséquences du vieillissement de la population.

L'immigration est un enjeu politique également, dans la mesure où elle constitue une variable importante de notre poids démographique à l'intérieur du Canada: comme Québécois et comme francophones. Les données du dernier recensement témoignent de la diminution de ce poids.

L'immigration est aussi un enjeu politique dans la mesure où il s'agit d'une juridiction partagée entre les deux ordres de gouvernement. Le Québec a bien vu toute l'importance de cette question en réclamant depuis 20 ans un accroissement de ses pouvoirs malheureusement morts noyés dans les eaux du lac Meech récemment. L'actuelle consultation se situe d'ailleurs dans le prolongement des gains réalisés par le Québec, notamment l'entente Couture-Cullen de ]978 par laquelle nous obtenions la possibilité de sélectionner des immigrants et de tenir un exercice de détermination des niveaux d'immigration. L'accord du lac Meech comporte certes un volet sur l'immmigration, mais il s'agit, en gros, de la constitutionnalisation de l'entente Couture-Cullen. Par ailleurs, le Canada devrait se retirer des services de réception et d'intégration et fournir, à ce titre, une juste compensation au Québec. Théoriquement, cela devrait permettre au Québec d'intervenir de façon plus cohérente, de mettre au point des programmes plus complets et appropriés. Il faudra voir jusqu'où ira la compensation. Par ailleurs, les ententes à intervenir devront reconnaître le pouvoir du gouvernement fédéral de fixer des normes et des objectifs nationaux en matière d'immigration. On voit donc que la marge de manoeuvre du Québec demeure très limitée. Ces politiques ne peuvent aller à l'encontre des objectifs canadiens.

Un problème important a surgi au cours des dernières années relativement aux revendicateurs du statut de réfugié dont la reconnaissance demeure du ressort exclusif du gouvernement central fédéral. Son incurie, dis-je, ses tergiversations ont conduit à une perte de contrôle de la situation. Ottawa a misé ensuite, après l'avoir suscitée, sur une certaine exaspération de la population pour justifier l'instauration de mesures restrictives et le dépôt d'un projet de loi excessif, critiqué par à peu près tous les organismes impliqués dans le domaine. Maintenant, il invoque l'urgence pour rappeler la Chambre fédérale et faire adopter des amendements à la loi. Le Québec n'a aucun pouvoir en ce qui concerne les revendications du statut de réfugié, mais il est victime du gâchis du gouvernement fédéral. Le Québec ne peut donc se permettre de demeurer muet dans ce dossier des revendicateurs dont il accueille plus de la moitié du total canadien. Pourtant, on attend toujours les réactions

complètes, quoique la ministre ait quand même levé un peu le voile quant au projet de loi C-55 ainsi qu'aux nouvelles mesures et amendements à la loi présentés aujourd'hui au Parlement d'Ottawa, Nous avons bien hâte de vous entendre, madame.

Je terminerai, M. le Président, en disant que cette consultation vise à discuter des niveaux d'immigration. Le Québec demeure à la remorque du gouvernement fédéral qui fixe les procédures de sélection, c'est-à-dire le processus de reconnaissance pour l'important groupe des revendicateurs du statut de réfugié.

Alors, il nous faut donc nous demander quel type d'implication le Québec devrait faire valoir sur le plan de l'immigration humanitaire et jusqu'où devraient s'étendre ses prérogatives. Je vous remercie.

M. Claude Trudel

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Saint-Jacques. Il m'est agréable de souhaiter è mon tour la bienvenue à Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration ainsi qu'aux membres de la commission de la culture qui étudieront, au cours des prochains jours, les niveaux d'immigration pour les années 1988 et 1989 en compagnie de ceux et celles qui viendront témoigner et exprimer leurs points de vue sur cette question.

Amicales salutations aussi au personnel de la commission que je revois avec plaisir, aussi enthousiaste et besogneux que je l'ai toujours connu, sans oublier - cela va de soi - le personnel politique de Mme la ministre, les fonctionnaires de son ministère et les différents observateurs.

Bien qu'il soit à tout le moins incongru de parler de tradition parlementaire en se référant à une commission dont la création remonte à 1984, il n'est cependant pas exagéré d'affirmer que, depuis la réforme parlementaire, les questions d'immigration ont beaucoup retenu l'attention de la commission de la culture.

En plus d'examiner annuellement, d'une part, les crédits du ministère et, d'autre part, d'en analyser trimestriellement les engagements financiers, la commission de la culture s'est longuement penchée, en 1984-1985, sur le problème de la démographie au Québec et a produit un important et remarquable rapport cité dès qu'il est question d'immigration, de fécondité, de politique familiale, de politiqe de population. Je veux, bien sûr, parler du rapport de mon prédécesseur à la présidence de cette commission, le député de Westmount, M. Richard French, devenu, comme chacun sait, en décembre 1985, ministre des Communications, rapport intitulé "Étude de l'impact culturel, social et économique des tendances démographiques actuelles sur l'avenir du Québec comme société distincte". Déjà, eh oui, on parlait de société distincte au Québec!

En mars dernier, la commission que j'ai l'honneur de présider avait le plaisir de recevoir les dirigeants et quelques-uns des membres du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration avec lesquels elle a eu un échange de vue aussi intéressant que fructueux dans le cadre de l'examen du mandat et des activités de cet organisme.

Aujourd'hui, dans l'accomplissement non pas d'un mandat d'initiative sur lequel il nous a été impossible de nous entendre, mais à l'invitation, acceptée avec joie et empressement, je le dis immédiatement, de Mme la ministre, nous voici de nouveau réunis pour approfondir un autre volet important de la question de l'immigration au Québec, celui des niveaux d'immigration pour les années 1988 et 1989. Ainsi qu'on peut le constater, l'intérêt des membres de cette commission pour les questions d'immigration ne se dément pas et je suis assuré qu'il en sera ainsi pour les mois et les années qui viennent.

On me permettra ici de dire mon étonnement et aussi ma déception de constater qu'à peine plus de 25 % des quelque 51 organismes convoqués ont répondu à l'invitation de la commission et se feront entendre au cours des trois prochains jours, et ce, bien que la tenue des présentes audiences ait été annoncée depuis la mi-avril et que tous les organismes qui ont demandé une extension des délais pour nous faire parvenir leur mémoire l'aient obtenue. Je me console à l'idée qu'ici comme ailleurs la qualité, bien sûr, vaut mieux que la quantité.

Dernier point d'une déjà longue introduction. Avant même que ne commencent les audiences de cette commission, convaincu à l'avance tant de l'importance des travaux que nous allons accomplir au cours des prochains jours que de la valeur éducative de l'exercice que nous entreprenons aujourd'hui, je n'hésite pas à recommander à Mme la ministre et au gouvernement que cet exercice démocratique devienne dorénavant annuel et que des auditions soient tenues, si possible, avant l'ajournement d'été.

Le contexte dans lequel nous entreprenons nos travaux aujourd'hui est particulier: arrivée récente, dans des conditions plutôt dramatiques, de 174 Tamouls; rappel, aujourd'hui même, du Parlement d'Ottawa-, dépôt, il y a quelques mois, du projet de loi C-55, entente du lac Meech et accord d'Ottawa qui permettaient au Québec d'enregistrer des gains historiques en matière d'immigration. (11 h 15)

Compte tenu de l'actualité des politiques fédérales et provinciales en ce qui a trait aux revendicateurs du statut de

réfugié, il serait tentant, sinon de limiter nos travaux à cette question, du moins de leur consacrer la majeure partie de notre temps. Nous n'en ferons rien; du moins, m'est-il permis de l'espérer, en rappelant à tous, membres de cette commission, intervenants et observateurs, les grandes lignes de notre mandat qui consiste à étudier le niveau d'immigration pour les années 1988 et 1989 en tenant compte des besoins démographiques, économiques et socio-culturels du Québec, de même que de ses obligations à l'endroit de la communauté internationale et des familles à l'étranger des nouveaux résidents québécois.

Voilà donc le contexte dans lequel nous entreprenons cette étude en commission parlementaire, comme l'indiquait le 15 avril dernier Mme la ministre, et je la cite: "en prenant pour acquis que l'admission des immigrants demeure de juridiction fédérale et que le Québec reconnaît les catégories d'admission de la loi fédérale tout en demeurant maître d'oeuvre en ce qui concerne le volume et la sélection des immigrants". Fin de la citation.

En effet, on se souviendra qu'à la suite de l'entente Couture-Cullen de 1978 le ministère a identifié l'exercice de détermination des niveaux d'immigration comme un outil important pour la mise en place de sa politique en cette matière. Il a développé une problématique propre et a voulu déterminer un niveau souhaitable d'immigration annuelle selon ses objectifs et ses priorités. Je rappelle qu'il revient à la ministre de définir les objectifs quant au nombre de ressortissants étrangers admissibles au cours d'une période donnée en tenant compte, encore une fois, des besoins démographiques, économiques, sociaux et culturels du Québec. On voit qu'il s'agit d'une volonté claire et ferme de lier l'immigration à une analyse intégrée des capacités d'accueil du Québec.

J'insiste particulièrement sur le concept d'analyse intégrée. En effet, l'immigration québécoise n'est pas composée uniquement, ni même majoritairement, de réfugiés, ce que pourrait laisser croire le contexte actuel. Les mouvements migratoires se composent de diverses catégories d'immigrants, qu'il s'agisse de travailleurs indépendants, de réfugiés ou de membres qui désirent rejoindre leur famille déjà établie au Québec. Notre analyse devra tenir compte d'un ensemble de facteurs internes et externes qui se traduiront par une composition équitable et juste de notre société non seulement pour les deux prochaines années, mais encore pour le futur plus lointain.

Plusieurs porte-parole de la société québécoise, dont les membres de cette commission à l'occasion de leur étude sur les tendances démographiques, ont par le passé souligné que, sur ce plan, le Québec présente une situation inquiétante qui se caractérise par un taux de natalité en très nette régression. Le facteur immigration contribuera à amoindrir la conséquence prévisible de la décroissance de notre population à la fin du siècle. Certes, et on l'a déjà souligné, l'immigration ne peut constituer à elle seule une panacée à la situation démographique du Québec. Toutefois, elle représente dans l'immédiat un élément essentiel pour améliorer notre situation et atténuer les problèmes posés par une population vieillissante.

De nombreux mémoires, à ta suite de la commission French, dont celui, remarquable à mon avis, de l'Alliance des professeurs de Montréal, recommandent au Québec de se doter d'une véritable politique de la population dont les trois composantes essentielles seraient l'immigration, la famille et l'adoption internationale. Voilà une idée qui mérite, à mon avis, une place importante dans nos discussions des prochains jours et, quant à la commission, dans ses réflexions des prochains mois, de concert notamment avec sa consoeur des affaires sociales.

Le volet économique ne pourra être esquivé non plus. A cet effet, il est intéressant de constater qu'en 1987 - mes statistiques datent par rapport à celles que Mme la ministre a livrées ce matin - 1640 immigrants investisseurs viendront joindre les rangs de l'entrepreneurship québécois. Cette année seulement, les activités de ces investisseurs d'outre-mer engendreront des retombées économiques de 300 000 000 $ au Québec. Selon une étude du journal Les Affaires, édition du 1er août 1987, la contribution globale des immigrants investisseurs à l'économie du Québec en 1983 et 1984 s'élevait à près de 1 000 000 000 %. Ce n'est pas peu. Avec le Conseil du patronat, très favorable à cette catégorie d'immigrants, et la Confédération des syndicats nationaux, qui s'en inquiète quelque peu, nous approfondirons ensemble tous les volets de cette question.

Au plan institutionnel, il est bon de se rappeler que c'est en 1968 seulement que le Québec a créé un ministère de l'Immigration et affirmé ainsi sa volonté d'intervention dans ce domaine crucial pour son avenir. Au début, les pouvoirs du Québec dans ce secteur de compétence partagée étaient très limités et l'objectif prioritaire visait à favoriser l'intégration harmonieuse des immigrants à la société québécoise. Tout au long de la décennie suivante, le Québec s'efforcera d'accroître ses capacités d'intervention, tant au plan du recrutement, de la sélection qu'en ce qui a trait à l'accueil, à l'établissement et à l'intégration harmonieuse des immigrants au sein de la société québécoise, et plus particulièrement, de sa majorité francophone, ce qui sera acquis par la signature, en 1978, de l'entente

Couture-Cullen.

Il faut se réjouir, je pense, que les Québécois appuient dans une large mesure ce recours à l'immigration pour pallier le problème de la dénatalité dans leur société. En effet, selon un sondage déjà cité réalisé par SORECOM et rendu public jeudi dernier, il ressort que 41 % des Québécois estiment qu'il faut maintenir l'immigration à son niveau actuel, 19 % qu'il faut l'augmenter et 40 % la diminuer.

Pour ce qui est des réfugiés proprement dits, l'opinion suit à peu près la même tendance. L'accueil des Québécois pour ces immigrants est réel puisque 61 % d'entre eux estiment que l'immigration constitue une richesse culturelle pour le Québec et que 59 % croient que les immigrants se sont rapprochés de la majorité francophone au cours des dix dernières années. En outre, 58 % des répondants sont d'avis que l'immigration humanitaire est la plus importante, alors que 49 % donnent leur préférence à l'immigration dite économique.

Une analyse le moindrement approfondie de la question de l'immigration permet de constater qu'elle constitue une composante de plus en plus importante de la société québécoise. Rappelons qu'après une période de quasi-fermeture de frontières, en raison notamment de la crise économique des années trente et dé la guerre, le Canada redevient un pays d'immigration dès l'après-guerre. Entre 1946 et 1982, près de 5 900 000 immigrants y entrent et 965 000 d'entre eux, soit 16,4 %, ont comme première destination le Québec. Le taux d'attraction du Québec est plus fort entre 1951 et 1967, oscillant généralement entre 20 % et 25 %. Par la suite, il se maintient entre 15 % et 17 %, si bien que la proportion des Québécois nés à l'étranger a progressivement augmenté, passant de 5,6 % en 1951 à 8,3 % en 1981. Enfin, de 1980 à 1986, le Québec a accueilli 130 159 immigrants, soit une moyenne annuelle de quelque 18 600. Pour la seule année de 1986, la hausse est de 30 % avec 19 328 nouveaux arrivants.

Nous ne pourrons faire abstraction non plus, au cours des prochains jours, du concept de société distincte. Au-delà des querelles de mots où les subtilités juridiques n'en finissent plus d'alimenter les conversations et les argumentations, le fait est que le Québec est reconnu comme société distincte dans les textes constitutionnels. Par conséquent, et plusieurs mémoires l'ont signalé à juste titre, la question de l'immigration doit être abordée de manière à en maximiser les retombées afin que soient équilibrées les différentes composantes de la société québécoise. Sans doute n'est-il pas inutile de rappeler que le Québec a réalisé progressivement que le problème de la dénatalité pouvait constituer un handicap au maintien et à l'épanouissement de cette société distincte majoritairement francophone et a réalisé en même temps l'importance de l'immigration. En ce sens, certains analystes, dont je suis, avancent que l'entente Couture-Cullen de 1978, constitutionnalisée par l'Accord d'Ottawa du 3 juin dernier, répond de façon plus que satisfaisante aux attentes du Québec. À nous de faire en sorte que les gains historiques enregistrés au lac Meech et confirmés à Ottawa se concrétisent dans la réalité de tous les jours. Je rappelle simplement que l'entente Couture-Cullen reconnaissait dès 1978 que l'établissement des ressortissants étrangers au Québec devait contribuer à son enrichissement socioculturel, compte tenu de sa spécificité francophone. Déjà, la société distincte...! Je rappelle aussi qu'à l'occasion des discussions devant mener è l'entente de 1978, le Québec a fait savoir qu'il entendait sélectionner ceux des ressortissants étrangers qui pourraient s'intégrer rapidement et avec succès à la société québécoise.

En ce qui a trait à la connaissance du français, les documents gouvernementaux soulignent que les immigrants admis au cours de la période 1980-1986 se répartissaient de la façon suivante au moment de leur entrée au Québec: 40 % déclaraient ignorer les deux langues; 26 % connaissaient uniquement le français; 22 % uniquement l'anglais, tandis que 11 % comprenaient le français et l'anglais. D'ailleurs, ceux et celles qui témoigneront devant cette commission ne manqueront pas de souligner que le gouvernement du Québec doit poursuivre sinon augmenter ses efforts en vue de l'intégration des immigrants à la société québécoise. Dès avant que ne commencent les travaux de cette commission, je me déclare d'accord avec eux. Ce que nous recherchons tous, à des degrés divers et avec des moyens différents, c'est l'intégration harmonieuse des immigrants à la société québécoise. Celle-ci, ainsi que nous le rappelle la commission French, pour la citer encore une fois, devient chaque jour davantage une société francophone multiculturelle.

C'est à partir de3 grands concepts de liberté et d'accueil que furent élaborés au cours des années et à travers différents gouvernements de différentes tendances les ententes entre Ottawa et Québec en matière d'immigration. La société québécoise fait partie d'un pays dont le préjugé favorable à l'accueil des immigrants fut historiquement constant. Le Québec a véritablement institutionnalisé son processus d'accueil des immigrants, mis en place des structures de formation et d'intégration en fonction du caractère distinct de sa société, créé des programmes d'aide et de soutien qui font l'admiration de plusieurs pays.

Malgré les progrès réalisés, il faut continuer à améliorer le système actuel d'accueil des immigrants. Il ne s'agit pas pour nous, aujourd'hui, de réinventer ce qui a été trouvé. Il s'agit plutôt d'appliquer le plus rigoureusement possible les conséquences des politiques adoptées. Il s'agit également de tenir compte des tendances qui se profilent au sein de notre société.

Dans ce domaine comme dans tant d'autres, le Québec cherchera par tous les moyens à développer sa personnalité propre, sa spécificité et ses particularismes de façon à réaffirmer sa distinction par rapport au reste du Canada.

À plus long terme, nous ne pourrons que .conclure, me semble-t-il, qu'en fonction des tendances présentes et futures, le Québec devra se doter d'une véritable politique de la population afin de raffermir, encore une fois, son concept de société distincte. Déjà, cette commission avait établi des constats importants sur la question de la dénatalité au Québec. Aujourd'hui, elle aborde un volet tout aussi essentiel de la société distincte que nous constituons: le niveau de son immigration.

Je suis maintenant prêt à reconnaître un membre de la formation du Parti québécois. M. le député de Mercier, je crois?

M. Godin: De l'Opposition.

Le Président (M. Trudel): Oui, de l'Opposition. M. le député de Mercier.

M. Gérald Godin

M. Godin: Comme je meurs d'envie d'entendre nos invités, je vais être très très bref, M. le Président.

Il y a dix ans, le Québec choisissait ses immigrants. Maintenant, depuis quelques années, c'est le Québec qui est choisi par les réfugiés et leur nombre croft d'année en année avec le résultat qu'on peut dire que le pourcentage de choisis est de plus en plus minime par rapport au pourcentage de ceux qui nous choisissent.

Je pense qu'il y a une étude en cours au ministère de l'Immigration du Québec sur la performance des "boat people" d'il y a cinq ou dix ans, je ne me souviens pas trop. On constatait à l'époque, déjà, qu'ils réussissaient aussi bien au Québec que ceux qu'on avait sélectionnés nous-mêmes, ce qui pose des questions sur l'importance d'avoir une machinerie tellement compliquée et complexe qu'on appelle "grille de sélection" et tout autre moyen de choisir des gens pour qu'ils s'intègrent au Québec, alors qu'on constate que ceux qui nous ont choisis réussissent aussi bien que ceux qui ont été choisis.

Donc, au fond, est-ce que cela n'illustre pas qu'un imprévu est toujours ce qui arrive de plus et que la réalité, le dynamisme des réfugiés est tellement fort que, peu importe où ils vont, ils réussissent et, peu importe d'où ils viennent, ils réussissent au Québec, quand même, comme, d'ailleurs, partout dans le monde.

Le seul point qui me gêne un peu dans ce nouveau facteur où nous sommes choisis par un grand nombre de personnes, c'est qu'avant le Québec choisissait les réfugiés les plus démunis du monde. Je me souviens, entre autres, qu'au Vietnam on avait choisi des "dying boats" dont personne ne voulait au monde et d'autres qroupes qui étaient les plus démunis des réfugiés possible. Ces groupes sont maintenant probablement éliminés de la carte ou personne ne les choisit plus. Ainsi, à l'époque, le Québec pouvait jouer un rôle encore plus généreux à l'égard des réfugiés démunis, ce qui a d'ailleurs valu, je pense, au Canada, la médaille Hansen de l'ONU, il y a quelques années. (11 h 30)

Ce groupe-là, aujourd'hui, m'inquiète de plus en plus parce que, comme le nombre de réfugiés dans le budget du Québec est déjà couvert par ceux qui nous choisissent, on ne peut plus accueillir comme avant les réfugiés choisis par nous, à Bangkok ou ailleurs, dans les camps de réfugiés, et, donc, on ne s'en occupe plus, et je pense que c'est une perte pour ce que j'appellerais la mission de solidarité du Québec. J'aimerais que le ministère nous informe sur sa volonté à l'égard de ces groupes de réfugiés très démunis, en fait, les plus démunis de la terre, si on peut dire. Qu'advient-il d'eux, maintenant que les budgets sont affectés à des réfugiés qui nous ont choisis? Est-ce qu'il y a encore une volonté au Québec de faire l'impossible pour faire davantage pour les réfugiés dont personne ne veut et que les organismes éliminent de leurs listes de candidats à l'immigration vers d'autres pays?

Je pense que, dans ce domaine, plus on donne, plus on reçoit. Il faut donc que le Québec garde sa réputation d'hospitalité, d'une part, et il faut, d'autre part, que le gouvernement fasse un travail de pédagogie et de sensibilisation auprès des Québécois et des Québécoises, C'est ce qui distingue le Québec des autres provinces canadiennes et c'est ce qui explique aussi que le Québec a, semble-t-il, d'après les sondages, un esprit d'accueil et une ouverture plus grande que les provinces anglaises du Canada, d'après les sondages faits à Ottawa par la maison Décima et, au Québec, par Sorecom et qui illustraient que le Québec, depuis quelques années déjà, avaient une performance plus généreuse que le reste du Canada anglais. Je pense qu'il faut donc que cette mentalité se maintienne, et les politiciens ont un rôle très important à jouer dans ce domaine. Ce sont eux, en fait, les porte-parole de la

générosité du Québec et ce sont eux qui, par des faits concrets, économiques et autres, montrent que l'immigration au Québec, aussi bien des réfugiés que des immigrants choisis par nous, est un facteur positif. En fait, ce que nous accueillons ainsi, ce sont des enfants tout faits, tout simplement. Ils contribuent donc au développement économique du Québec de toutes sortes de manières. J'aimerais entendre aussi nos invités, tout à l'heure, sur cette question. Est-ce qu'ils ne croient pas, en tant que membres d'un groupe plutôt économique que social ou autre, qu'au plan économique pur, les réfugiés contribuent eux-mêmes, par leur nombre seul qui augmente celui des consommateurs au Québec, à faire que l'économie du Québec roule mieux et se développe plus rapidement? C'est une question que je poserai, à mon heure, à nos invités, mais mes propos sont ceux-là pour l'instant.

M. le Président, je vous remets la parole.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Mercier. Est-ce qu'un membre du groupe ministériel ou Mme la ministre veut ajouter des remarques?

Mme Louise Robic (réplique)

Mme Robic: Merci, M. le Président. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les remarques du député de Saint-Jacques et celles du député de Mercier. J'espère que votre "briefing", M. le député de Mercier, va se continuer avec le député de Saint-Jacques et que vous allez réussir à lui passer votre esprit positif. J'ai trouvé le député de Saint-Jacques un peu négatif, surtout à la suite du dernier sondage. J'ai remercié la commission d'avoir accepté de traiter des niveaux d'immigration. Je pense que c'est important. Dans cette commission, plusieurs groupes se feront entendre et je pense que nous allons pouvoir traiter des problèmes qui les touchent et qui les inquiètent. Je vous avoue que les dates nous ont peut-être été un peu imposées à cause des contraintes de temps, mais c'est également à cause des contraintes de cette commission même, qui doit se pencher sur d'autres sujets. Mais, comme c'est un été tranquille au Québec, tout va très bien au Québec et que nous sommes la seule commission, je suis sûre qu'elle va apporter un intérêt tout particulier auprès de la population.

Encore une fois, M. le député de Saint-Jacques, il serait important que vous discutiez avec M. le député de Mercier des ententes constitutionnelles, car lui a trouvé que nous avions fait des gains importants à ce niveau. On est bien d'accord avec lui. Non seulement l'entente Couture-Cullen se trouve constitutionnalisée, mais nous augmentons notre possibilité de sélection, nous récupérons la sélection sur place qui n'était pas dans l'entente Couture-Cullen et nous avons des garanties annuelles pour décider de nos niveaux d'immigration; nous récupérons également les services d'accueil, d'adaptation et les services linguistiques. Ce sont des gains importants qui sont inclus dans la constitution. Donc, cela ne dépend plus seulement de la bonne volonté du gouvernement fédéral.

Ici, j'aimerais également vous rappeler qu'il ne s'agit pas nécessairement de l'importance de l'intégration dans la société québécoise francophone de ces immigrants; nous sommes tous d'accord sur cette importance et qu'il faut intégrer les immigrants le plus rapidement possible après leur arrivée. Ce n'est certainement pas en niant l'existence d'autres langues sur notre territoire que nous allons faciliter l'intégration de ces personnes, mais bien en mettant en place les moyens pour la faciliter. Je voudrais vous rappeler que nous avions mis en place des classes maternelles d'accueil à plein temps que votre gouvernement a fait disparaître. Votre gouvernement a également refusé de franciser les revendicateurs. Nous avons mis en place, depuis notre arrivée, des programmes importants de francisation. Non seulement nous avons permis aux revendicateurs de suivre des cours de français, mais nous avons également créé un programme spécial pour aider les femmes à domicile, les mères de famille, à apprendre le français et à aider la famille à s'intégrer à la société francophone.

Nous avons su reconnaître les besoins. L'étude nous montre que nos priorités ont été bien choisies et je m'en félicite. Je vois ici, dans la salle - on a parlé des enfants de l'école - le président de la CECM; je tiens à féliciter la CECM pour les efforts qu'elle fait, depuis quelques années, pour intégrer Ies enfants de ces immigrants à leurs classes. Je dois également féliciter mon confrère, le ministre de l'Éducation, qui est à mettre en place les recommandations du rapport Chancy.

Donc, le gouvernement a certainement fait des pas de géant pour l'intégration des immigrants dans la société francophone. Je m'en félicite et je pense que c'est avec optimisme... D'ailleurs, les Québécois nous le disent, ils sont d'accord avec nous, ils sont optimistes quant à l'avenir du français au Québec, ils sont d'accord que nous avons besoin d'immigrants. Plus on connaît ces immigrants, plus la population les apprécie. Alors, c'est certainement très positif. C'est dans cette optique que, j'espère, nous allons pouvoir entendre ces mémoires et, ensemble, trouver des solutions aux problèmes demeurants.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme

la ministre. Je vais reconnaître maintenant Mme la députée de Maisonneuve, en lui faisant remarquer qu'il reste treize minutes à l'Opposition dans le cadre de l'enveloppe des remarques préliminaires. Mme la députée.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je pense que mon intervention va compléter la période de temps qui était allouée, à l'ouverture de cette commission, aux parlementaires. Alors, que nos invités ne s'inquiètent pas, c'est dans treize minutes que tout cela va se terminer.

Je pense que c'est important, et loin de moi l'idée d'introduire une polémique. Je pense qu'on en a souvent l'occasion et qu'il y aura d'autres lieux et d'autres moments pendant toute cette année pour faire cet exercice qui consiste à dire que nous en avons fait moins que vous en faites, mais je crois que nous sommes ici pour savoir ce que l'on peut faire de mieux. Et c'est quand même réjouissant - je veux le souligner - de se rendre compte qu'au Québec et dans cette Assemblée nationale, les partis politiques qui y siègent sont "consensuels" pour confirmer et transmettre à l'ensemble de la population les avantages positifs que représentent l'enrichissement et la contribution qui constitue l'immigration. Je pense qu'il faut s'en réjouir parce qu'il y a peu de sociétés occidentales, il y a peu de sociétés industrielles avancées où il y a ce niveau de consensus. Et il faut se réjouir aussi que tous les groupes qui présenteront devant cette commission des mémoires, durant les audiences, soient unanimes à considérer que l'immigration est une richesse économique, sociale et culturelle pour le Québec et un facteur d'épanouissement.

On peut penser qu'il y a, oui, encore des attitudes, des comportements privés qui peuvent être répréhensibles ou discriminatoires, mais il faut constater que dans notre société, d'abord, aucun parti politique ni aucun mouvement organisé ne prône une hostilité ouverte à l'égard des nouveaux arrivants ou des attitudes racistes à l'égard de ceux qui sont devenus nos concitoyens. Je pense qu'on va sortir gagnants de cet exercice. Je me réjouis, comme membre de l'Opposition, je me réjouis aussi comme Québécoise, comme Montréalaise qui représente la circonscription la plus francophone de l'île de Montréal, je me réjouis de cet exercice que nous faisons présentement. Je l'ai souhaité depuis longtemps et je suis contente qu'il ait lieu, il n'est jamais trop tard pour bien faire. Je souhaite, comme le président, à titre de vice-présidente de cette commission, que cet exercice puisse avoir lieu dans les années qui viennent, durant nos travaux parlementaires, mais je suis contente qu'il ait lieu parce que cela nous permet un exercice réfléchi et dédramatisé des manchettes spectaculaires qui sont le pain quotidien, il faut bien le reconnaître, et légitime des médias d'information. C'est un exercice dont nous ne pouvons sortir que gagnants parce qu'il va nous permettre, avec les groupes qui se présenteront devant nous, certainement d'ébaucher, d'entreprendre un débat de société pour en arriver à élaborer un projet de société concernant l'immigration.

La seule ombre au tableau, en ce qui me concerne, c'est le constat du peu de groupes qui ont accepté l'invitation de la commission. Je me suis demandé comment il se faisait que nous n'entendrons que 15 des 51 groupes qui ont été invités à se présenter. Personnellement, je regrette, évidemment, l'absence de tous ceux qui ne viendront pas, mais je regrette, entre autres, l'absence du PSBGM et du centre de services sociaux Ville-Marie. J'aurais souhaité, comme Montréalaise, les entendre aussi, puisque nous savons qu'ils ont mis sur pied des programmes d'accueil importants et j'aurais souhaité faire le point avec eux sur la philosophie qui les anime. Je me suis demandé pourquoi. Je n'ai pas, évidemment, d'explication. Je me suis dit que c'est peut-être un peu comme dans les rapports privés. Il y a des sujets dont on ne parle pas, parfois, dans nos rapports privés. En général, on ne parle pas de religion, de sexe ou de statut matrimonial, on évite ces sujets parce qu'on les craint. Il y a peut-être encore des sujets, dans notre société, la condition féminine en est un, que beaucoup d'entre vous évitez parce que ce sont des sujets qui sont parfois glissants. Je me suis dit que, peut-être, l'immigration est encore un sujet glissant. Et je me rendais compte, à la lecture des groupes qui ne s'étaient pas présentés, pour un très grand nombre, qu'il s'agissait de groupes des communautés culturelles elles-mêmes qui, peut-être, se sentent un peu, disons, en réserve sur cette question de l'immigration, mais beaucoup d'organismes institutionnels, qui ont à être partie prenante d'un projet d'intégration et d'accueil. Beaucoup, finalement, ont décliné l'invitation.

D'autre part, je pense, M. le Président, que cette commission aura à se poser des questions de fond et à réfléchir avec nos invités sur des questions de fond. Quand on parle de société distincte... Vous faisiez mention que, déjà, la commission parlementaire présidée par l'actuel ministre French, dont je faisais partie dans le précédent gouvernement, avait fait une étude assez exhaustive de toute cette question et que le titre de cette étude mentionnait déjà l'appellation "société distincte". Il faut se rendre compte que ce sont quand même des bouleversements majeurs que vit une société, quand la spécificité consiste à être une

société à caractère français et non plus une société à caractère canadien-français. Cela reste quand même un bouleversement assez fondamental quand on accepte de se définir avec le caractère multi-ethnique d'une société pluraliste. (11 h 45)

Donc, quand l'appellation "Québécois" -mon collègue de Mercier l'a déjà dit -recouvre cent et une origines diverses et plus, il reste fondamentalement important que cette nouvelle identité québécoise parce que ce que cela pose comme question.,. Les débats que nous aurons posent la question de notre avenir culturel, démographique et linguistique. Il ne faut certainement pas faire un glissement entre la dimension culturelle et la dimension linguistique. Autant, et j'en suis, on peut favoriser et soutenir une société pluriculturelle, autant on peut souhaiter, et j'en suis, être assez intransigeant sur cette question, que cette dimension pluriculturelle se fasse en français.

Il faut vraiment accepter, M. le Président, que le caractère pluraliste de notre avenir culturel, le caractère multiethnique de notre société ne soit en rien dissocié du souci d'en préserver le caractère francophone. De part et d'autre, cela fait appel à la responsabilité, pour la majorité dite canadienne-française, de se concevoir comme Québécois d'origine multi-ethnique en français, tandis que, pour les nouveaux arrivants, il s'agit de se voir comme étant dans une société française, parce qu'il faut qu'il y ait une culture d'accueil. Dans la mesure où on accepte le pluriculturalisme, dans la mesure où on le favorise, on n'a quand même pas à oublier que, dans tout pays, où que l'on arrive, il y a toujours une culture et une langue d'accueil, dans quelque pays que ce soit. Et il y a un minimum d'estime de soi, comme collectivité, que l'on doit avoir pour s'assurer que cette langue et cette culture d'accueil, autant généreuses et accueillantes puissent-elles être, soient celles de la majorité. Cela fait appel évidemment, je crois, à des questions de fond qui ne sont pas des inquiétudes, mais, gouverner, c'est prévoir. Ce sont des questions que l'on pose, pour cet avenir collectif que l'on veut non pas se préserver, mais que l'on veut affirmer. Ces questions sont notamment celles qui concernent l'admission de plus d'immigrants connaissant le français. Faut-il favoriser l'immigration francophone? De quelle façon peut-on la favoriser? Faut-il modifier la grille de sélection des immigrants? Faut-il augmenter le nombre de points attribués à la connaissance du français? Ce sont là des questions auxquelles il faudrait quasiment avoir des réponses lorsqu'on va sortir de ces trois jours de commission.

D'autre part, ne faut-il pas aussi se poser la question de l'établissement? On se dit souvent: Finalement, le Québec est grand, six fois la superficie de la France; le Québec est une terre qui peut recevoir des immigrants, mais il ne faut pas oublier que 92 % des nouveaux arrivants s'installent sur un territoire qui est l'équivalent du Luxembourg, c'est-à-dire sur le territoire de l'île de Montréal. Quand on pense, par exemple, qu'il y a 25 000 nouveaux arrivants par année, en quatre ans, cela donne 100 000 personnes. 2 000 000 de gens vivent sur l'île de Montréal, c'est donc 5 % de ce nombre. En huit ans, à 25 000 nouveaux arrivants par année, c'est 10 %; en douze ans, c'est 15 %. Est-ce qu'on peut continuer de laisser une situation, qui va s'amplïfiant, où nous avons un Québec des régions de plus en plus canadien-français et francophone et un Montréal multi-ethnique, mais - disons-nous la vérité - de plus en plus anglophone?

Les transferts linguistiques. Le Bureau de la statistique est tout à fait clair et éloquent sur cette question, les derniers recensements le confirment: les transferts linguistiques se font en faveur de l'anglais pour deux nouveaux arrivants sur trois. Est-ce qu'on n'a pas l'inquiétude de voir se profiler, face à face, un Québec multiethnique bilingue ou de plus en plus anglophone et un Québec des régions francophone? C'est une autre question qui nous amène nécessairement à nous poser la question de l'établissement. Il n'y a pas de solution toute faite qui puisse faire comme un gant, être prête à porter. Sauf qu'il nous faut certainement, comme commission et avec nos invités, réfléchir sur la question de l'établissement. Faut-il, à ce moment-là, un Montréal plus français ou peut-on, efficacement, en arriver à un établissement dans les capitales, tout au moins, des régions? Quelles sont les conditions, quelles sont les mesures qui pourraient favoriser un établissement en régions? Cela me semble vraiment inacceptable de penser que tous les nouveaux arrivants, ou la très grande majorité - pour ne pas dire la totalité d'entre eux - ne s'installent que sur l'île de Montréal. Il y a là, donc, des questions de fond et je souhaite que nous puissions, comme commission parlementaire, les examiner avec nos invités. Je pense que, oui, l'immigration est un facteur d'enrichissement mais il ne faut pas qu'elle devienne un facteur d'instabilité linguistique. Il faut que ce soit un enrichissement à tous les égards et la connaissance du français langue seconde n'est pas suffisante.

Pour terminer, M. le Président, je dirai qu'il faut s'assurer des mesures qui vont franciser d'une façon irréversible, parce que la connaissance du français langue seconde, qui est souhaitable autant que la connaissance de l'anglais l'est, est loin d'être suffisante quand la langue de travail ou la langue d'usage est l'anglais.

J'ai vécu récemment une expérience,

dans un restaurant grec, à Montréal où, me faisant offrir le service en anglais et leur demandant de parler français, je me suis fait répondre: "Do you speak Greek, you?" Parce que le grec ou le français, ou 'le portugais, pour beaucoup de nouveaux arrivants, sont des langues de communauté, la langue d'usage étant l'anglais. C'est une situation qui, évidemment, à moyen terme, porte en soi des germes de conflits, de confrontation, et je souhaite, M. le Président, que nous mettions à profit cette commission pour examiner sérieusement les différents programmes qui permettront d'assurer l'intégration harmonieuse dans la société québécoise mais dans la majorité francophone. Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la députée de Maisonneuve. L'enveloppe ministérielle étant constituée de 30 petites secondes, Mme la ministre m'a fait signe et a consenti, de bonne grâce, à accorder 30 secondes de plus à Mme la députée de Maisonneuve.

Auditions

J'invite nos premiers invités, le Conseil du patronat du Québec, à prendre place à la table des témoins; ce qui est déjà fait, doit se dire M. le président, depuis 90 longues minutes ou à peu près. Je vous souhaite au nom de la commission, M. le président du Conseil du patronat, ainsi que vos collègues, la plus cordiale des bienvenues. Il vous revient la tâche agréable et aussi, sans doute, un peu dangereuse de lancer la balle, de faire rouler la balle, de lancer le débat.

Vous êtes un habitué de ces commissions, M. le président. J'aimerais, pour les fins d'enregistrement du Journal des débats, que vous nous présentiez, en disant où ils sont situés physiquement, les membres de votre délégation. Je vous rappelle que vous avez plus ou moins, mais moins que plus, 20 minutes pour résumer votre mémoire et qu'on aura 40 minutes d'entretien avec votre organisme.

M. le président, je vous cède la parole.

Conseil du patronat du Québec

M. Dufour (Ghislain): Je vous remercie, M. le Président. Mesdames, messieurs, je vous présente mes collègues. A mon extrême gauche, Me Jean Roberge, conseiller juridique et directeur adjoint de l'Association des mines de métaux du Québec. M. Jacques Garon, économiste - ce sera utile tout à l'heure - directeur de la recherche au Conseil du patronat. Immédiatement à ma. droite, M. Alexandre Beaulieu, entrepreneur et membre du comité exécutif du CPQ et président d'Alexandre Beaulieu Inc., et M. Denis Demers, vice-président exécutif de la

Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec.

Le Président (M. Trudel): M. le président, je me permettrai de mentionner votre nom, ce que j'ai oublié, mais vous êtes identifié depuis tellement longtemps au Conseil du patronat que parler du Conseil du patronat, c'est parler de Ghislain Dufour. Alors, pour les fins d'enregistrement du Journal des débats, M. le président du Conseil du patronat, Ghislain Dufour.

M. Dufour (Ghislain): Oui, M. Trudel, député de Bourget.

Le Président (M. Trudel): Je souhaite que dans quinze ans on dise cela, oui.

M. Dufour (Ghislain): Beaucoup de choses ont déjà été dites, effectivement, durant ces 90 minutes, des choses que nous voulions dire et qui ont été dites. Vous nous permettrez quand même de les redire, notre mémoire étant relativement court. Alors, je vous le lis, étant donné que c'est une synthèse de notre argumentation.

Nous avons pris connaissance avec beaucoup d'intérêt des documents préparés par le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration sur les niveaux d'immigration qui pourraient être acceptables par le Québec au cours des années 1988 et 1989. Je dis bien que notre mémoire porte sur les niveaux et non pas sur la composition de ces différents niveaux, pour faire référence à la dernière intervention de Mme Harel.

Le Conseil du patronat du Québec regroupe 126 associations patronales de tous les secteurs de l'activité économique québécoise et plus de 425 entreprises également de tous les secteurs et de toute taille. Il représente ainsi, directement ou indirectement, les employeurs d'environ 70 % de la main-d'oeuvre québécoise.

Il va donc sans dire que le dossier de l'immigration, par ses liens avec le développement économique - bien sûr, on est aussi préoccupé par le développement social et culturel, mais par ses liens directs avec le développement économique - lui tient à coeur et l'intéresse grandement. C'est donc en fonction de cet intérêt évident pour tout ce qui touche le développement économique - et vous me permettrez de le dire dès le départ, M. le Président - et non à titre de spécialiste des problèmes de l'immigration, que le Conseil du patronat du Québec vous livre ces quelques réflexions.

D'entrée de jeu, nous tenons à dire que nous appuyons fermement une politique d'immigration plus ouverte au Québec, compte tenu du fait que, malgré une attitude plus libérale prévue en 1987, nous n'accueillerons toujours que 17 % de

l'immigration canadienne, alors que le Québec représente 26 % de la population du pays. Nous souscrivons également à l'objectif d'atteindre 25 % de l'immigration canadienne au cours des prochaines années. Comment y arriver? On pourra en discuter lors de nos échanges, Nous sommes finalement d'accord pour que l'on admette plus d'immigrants indépendants et, donc, que l'on favorise davantage l'immigration à caractère économique, tout en reconnaissant l'importance de l'immigration humanitaire. Nous allons y revenir.

Ces grands objectifs doivent cependant tenir compte des besoins démographiques et économiques du Québec.

D'abord, quelques considérations démographiques. Avec un taux de natalité en régression ayant pour conséquence prévisible la décroissance de la population dès la fin du siècle, il est clair que l'immigration internationale, en tant qu'apport de population, constitue un des facteurs de croissance de la population. Son incidence sur la taille et sur la croissance de la population s'amplifie avec le temps puisque la population immigrée est au fil des ans alimentée non seulement par les nouveaux venus mais aussi par sa descendance en sol québécois. Jusqu'en 1985, on y a fait référence tout à l'heure, l'immigration n'était pas suffisante et la position du Québec, au plan du solde migratoire interprovincial, était négative. Les derniers chiffres que nous avions c'est qu'en 1985 la population du Québec a enregistré un gain net de 3900 personnes, ce qui était la première augmentation depuis cinq ans.

Les statistiques préliminaires du rencensement de 1986 font état d'un Québec qui vieillit avec une croissance de la population très faible et des niveaux d'immigration tout aussi faibles. En 1985, par exemple, le taux de fertilité au Québec était de 1,4 par femme, soit le plus bas parmi toutes les provinces canadiennes alors que la moyenne était de 1,7. Dans les deux cas, c'est insuffisant, puisqu'il faut un taux de 2,1 minimum, selon tous les démographes, pour assurer la relève des futures générations. Par ailleurs, et on ne le soulignera jamais assez, le nombre de personnes âgées de 65 è 74 ans a augmenté de 50 % au Québec en quinze ans et, de 75 ans et plus, de 76 %. En 1986, il y avait plus de 650 000 personnes de 65 ans et plus au Québec. Si l'on en croit les démographes, il y en aura près de 1 000 000 dans moins de 20 ans.

Un petit tableau nous indique une progression presque exponentielle. En 1961, les 65 ans et plus ne constituaient que 5,7 % de la population québécoise, en 1986, 9,9 %, en l'an 2006, ce serait 13,7 %. Si on regarde aussi les gens de 40 à 64 ans, on voit la même progression, 22 %, 26 % et 36 %. On peut imaginer qu'il y en a qui sont dans la soixantaine. Donc, il y a quelque chose de préoccupant. Or, les niveaux d'immigration actuels sont insuffisants pour pallier à cette carence démographique puisque nous n'accueillons, répétons-le, que 17 % de l'immigration canadienne alors que nous représentons 26 % de la population du Canada,

C'est pourquoi une politique d'immigration ouverte est essentielle au Québec, rien que pour assurer le renouvellement des générations futures. Voilà notre première conclusion.

Le CPQ partage donc les principales recommandations formulées à cet égard par la commission French et le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, dans son avis du 5 mai 1986 - avis qu'on qualifie, d'ailleurs, de très fouillé et d'excellent - selon lequel "l'immigration doit dans l'immédiat constituer le principal élément devant contribuer à améliorer la situation démographique du Québec." (12 heures)

Considérations économiques maintenant. Le déclin démographique a aussi des conséquences économiques. On peut en citer trois. Il y en aurait plusieurs autres mais, à sa face même, il y en a trois qui nous apparaissent importantes, soit l'alourdissement du poids démographique et économique des personnes âgées auquel on vient de référer; deuxièmement, la plus grande place occupée par la dépense publique en biens et services et, troisièmement, la réduction de l'épargne nette qui reste disponible pour le financement des nouveaux investissements en équipements.

Étant donné que les immigrés reçus au Québec depuis quelques années sont en moyenne âgés de 16 à 30 ans et qu'une part relativement importante est très scolarisée, leur apport économique est, de toute évidence, bénéfique.

Par ailleurs - on a souligné cela parce que cela nous apparaît un paragraphe important dans tout le dossier de l'immigration - de nombreuses études réalisées à ce jour démontrent que l'immigration ne concurrence pas indûment les travailleurs sur place. Si les compétences professionnelles des travailleurs immigrants sont prises en compte lors de la sélection et correspondent aux perspectives à moyen terme de la structure d'emploi, il n'y a aucune raison de craindre que les immigrants indépendants ne viennent grossir le rang des chômeurs au Québec d'autant plus qu'une partie de cette catégorie d'immigrants - M. le Président, vous en avez parlé - est composée d'entrepreneurs et d'investisseurs qui ont eux-mêmes un effet d'entraînement sur la création des emplois au Québec dans bon nombre de secteurs parce qu'ils ne sont pas purement dans l'immobilier. Ils sont dans le secteur manufacturier et ils sont dans le

secteur des services.

C'est ce qu'affirme d'ailleurs Samuel et Conyers dans une étude commandée par le gouvernement fédéral et que citait dans son avis du 5 mai 1986 le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration. Je cite les auteurs: "Les immigrants sont susceptibles de créer plus d'emplois qu'ils n'en occupent. Même en 1983-1984, année où la conjoncture économique commençait tout juste à être plus favorable, les immigrants auraient créé plus d'emplois qu'ils n'en auraient occupés." Ils estiment que si la composition de l'immigration, en termes d'âge, de catégories d'admission, de taux d'intégration au marché du travail, de propension à consommer, demeure inchangée, le potentiel de création d'emplois continuerait de se réaliser avec une immigration accrue. Selon eux - c'est la phrase importante de l'analyse "l'immigration doit être vue comme ayant un effet positif sur l'emploi."

Il y a aussi une autre étude qui est citée par le même conseil, c'est l'étude de Mario Polèse et Agnès Lê Minh. C'est un peu plus vieux, soit 1978, mais cela permet de constater que, de façon historique, alors qu'ils affirmaient en 1978 que l'immigration avait eu très peu d'influence sur les taux de chômage, cela est reconfirmé une dizaine d'années plus tard ou à peu près par l'étude du fédéral qui est citée par le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, comme je le dis.

Alors, considérations démographiques, considérations économiques et considérations humanitaires. Le CPQ est d'accord avec ceux qui considèrent que le Québec doit poursuivre l'objectif humanitaire qui consiste à accueillir sur son sol un certain nombre de personnes en situation particulière de détresse. Il n'a aucune objection à ce que le volet humanitaire soit partie intégrante de la politique d'immigration québécoise. Pour bien se camper, on passe pour des gens qui se préoccupent surtout et davantage de l'économique, mais nous disons que c'est un volet absolument important de la politique. Encore faut-il cependant que l'on maintienne un véritable équilibre entre le nombre d'immigrants admis pour des considérations humanitaires et le nombre d'immigrants indépendants.

Votre document de consultation, Mme la ministre, fait état de 5000 admissions de type humanitaire en 1987 ou à peu près, dont 4000 à titre de réfugiés sélectionnés à l'étranger, soit 25 % du total des immigrants attendus. 11 y aurait donc un immigrant admis pour des motifs humanitaires pour deux immigrants admis au titre de l'immigration économique. Je sais que vous n'avez pas de politique officielle à l'intérieur de votre ministère sur cette question, mais nous disons que c'est une proportion que l'on ne saurait dépasser.

Quant aux revendicateurs du statut de réfugié, ils ont nettement créé un problème au Canada et au Québec au cours des dernières années. S'il est évident en effet qu'un certain nombre de ces revendicateurs du statut de réfugié sont d'authentiques réfugiés, une bonne proportion d'entre eux correspond à d'autres types d'immigration. Le Québec doit donc être très vigilant à cet égard. En effet, si le Québec doit être un sol accueillant, il ne lui incombe pas moins de contrôler, et en quantité et en qualité, le nombre d'immigrants qui souhaitent venir s'établir chez lui. Voilà pourquoi nous partageons pleinement le point de vue exprimé à cet égard dans le document de consultation selon lequel, et je cite: "il paraît indispensable, dans une politique d'immigration, que le mouvement migratoire ne paraisse pas incontrôlable, ni imposé par les pressions de l'extérieur."

Quelques autres considérations, M. le Président. Il y en a quatre. Ce sont des éléments de discussion.

Premièrement, certains problèmes vécus par de nombreux réfugiés ne facilitent guère leur intégration à la société québécoise. Cela suppose que dans le cadre d'une hausse de l'immigration l'on fournisse des efforts supplémentaires en matière d'accueil et surtout que l'on mette sur pied un système permettant de suivre les réfugiés démunis de façon à faciliter au maximum leur insertion sur le marché du travail. La question qu'on se pose - on n'a pas totalement regardé tous vos budgets, Mme la ministre, mais cela nous apparaît aller en dents de scie: Est-ce qu'on dispose des ressources financières pour ce faire?

Deuxièmement, le Québec a adopté une politique de non-discrimination vis-à-vis des demandes d'immigration. Des points additionnels peuvent cependant être accordés selon la connaissance du français et la profession du conjoint ou encore en fonction du nombre d'enfants de moins de treize ans. Voilà autant de règles qui tentent certes de favoriser, et on est d'accord avec ça, une meilleure intégration des immigrants à la majorité francophone mais qui ne vont pas nécessairement dans le sens de la non-discrimination.

Lorsqu'on a écrit ça, on n'était pas tout à fait sûr et on a fait vérifier cela par des conseillers juridiques. Notre crainte était que cela aille contre la Charte des droits et libertés de la personne. Je vois qu'on fait de grands non. On vous confirme nous aussi que c'est non mais on avait un peu cette crainte-là parce que vous avez une charte qui empêche la discrimination par rapport à la langue. Quelqu'un qui n'aurait pas eu justement cette capacité de français ou l'inverse, donner des points pour le français, est-ce que c'était discriminatoire? Cela nous

fatiguait que dans une politique de ce genre-là vous puissiez avoir quelque chose de discriminatoire mais je pense qu'on peut le retirer de notre propre mémoire. Interrogation faite avec des juristes, je pense que c'est tout à fait... .Vous en avez déjà huit grands critères dans le fond, auxquels vous en ajoutez certains. Voua êtes déjà discriminatoires dans l'ensemble si vous l'êtes pour certains éléments. Alors, il semble que cela va bien.

Troisièmement, à quelques reprises dans le passé, certains organismes ont souligné l'importance d'étudier le problème de l'émigration des résidents du Québec, que ce soit vers d'autres provinces ou d'autres pays. Il y a certains moments, dans notre récente histoire des dix dernières années, où cela a causé des problèmes. L'étude, selon les suggestions faites, consisterait à mieux connaître les causes de ces départs et à proposer des moyens de les diminuer, À notre connaissance, une telle étude n'a pas été entreprise et on croit nous aussi que le résultat d'une telle étude pourrait être utile.

Quatrièmement, nous voulons finalement noter l'excellente collaboration qui semble exister dans de nombreux pays entre les représentants canadiens et québécois affectés au dossier de l'immigration. J'ai eu à le vivre de façon personnelle et j'ai été à même de constater très loin du Québec cette collaboration très étroite qui existait entre les gens de l'ambassade canadienne et les gens des délégations du Québec. Comme c'est un dossier difficile, il semble pour nous qu'une telle collaboration doit continuer d'exister et que cela ne peut être que bénéfique au Canada et au Québec. Et il semble que cela existe, en tout cas là où on a pu le constater.

En conclusion, M. le Président, Mme la ministre, ce sont un peu les commentaires que nous inspirent les documents de consultation. Je dis bien que nous avons vu ces documents de consultation non pas comme étant pour nous l'ensemble des éléments d'une politique de population mais comme étant des décisions à prendre sur les niveaux pour 1988-1989. On en est resté assez globalement à ces analyses importantes pour nous.

Je conclurai en disant que nous sommes, pour l'essentiel, pleinement d'accord avec une politique expansionniste de l'immigration, une immigration par ailleurs contrôlée et dont le niveau devrait graduellement - à définir: "graduellement" -atteindre l'objectif de 25 %, 26 % de l'Immigration globale au Canada. De la réalisation de cet objectif dépend notre niveau de vie futur au Québec.

Si vous me permettez une deuxième conclusion, M. le Président, ce serait pour vous remercier, membres de la commission, de nous avoir entendus sur ce dossier, et pour féliciter le gouvernement et la ministre de cette commission parlementaire. C'est la première. On aurait voulu le faire dans le temps de M. Godin, mais il n'y a pas eu cette commission parlementaire. Et on félicite de façon plus générale pour le travail effectué par la ministre au cours des premiers mois de 1987, notamment dans des dossiers qui étaient loin d'être faciles comme on le constate dans le débat qui s'amorce aujourd'hui à Ottawa.

Nous sommes disponibles pour préciser davantage certains des points.

Le Président (M. Trudel): Je vous remercie, M. le président. Votre intervention ayant duré 16 minutes, il restera 22 minutes de chaque côté de la table en commençant par Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Mme la ministre.

Mme Robic: Merci, M. le Président. Tout d'abord, j'aimerais remercier le Conseil du patronat du Québec d'avoir accepté d'être présent à cette commission et de nous faire connaître les idées du conseil en matière d'immigration. Je salue tout particulièrement MM. Dufour, Roberge, Garon, Beaulieu et Derners qui sont venus siéger aujourd'hui. Je suis heureuse de constater que le conseil appuie les objectifs du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration quant à une augmentation graduelle des niveaux d'immigration. Je suis également heureuse de constater que le conseil voit comme bénéfique l'immigration quant au développement économique du Québec. Comme je le disais tout à l'heure, je pense que nous avons des preuves aujourd'hui que les immigrants créent des emplois plutôt que causent du chômage. Vous l'avez souligné dans votre mémoire et je vous en remercie.

Votre mémoire souligne d'ailleurs l'intérêt que vous portez au dossier de l'immigration, en particulier en raison de ses liens avec le développement économique du Québec. Vous avancez même que le niveau de vie futur du Québec dépend d'une orientation plus expansionniste en immigration. Pourriez-vous nous expliquer comment, à votre avis, l'immigration contribue économiquement à la société québécoise et permet d'améliorer le niveau de vie des Québécois?

M. Dufour (Ghislain): Mme la ministre, je pense que vous référez à l'essentiel de notre mémoire qui est la préoccupation de la politique de l'immigration face au développement économique. On va y aller en trois temps. Je vais parler surtout de la composition de cette immigration des dernières années. Je demanderai à mon collègue Jacques Garon de vous parler en termes macro-économiques de cette politique dans

un contexte de développement économique au cours, peut-être, des dix ou quinze prochaines années et Jean Roberge vous parlera de façon très concrète. II est dans un secteur où il a besoin de personnel. Quel est l'apport des immigrants dans un secteur comme celui-là?

On dit d'abord que l'apport des Immigrants est essentiel pour le développement économique parce que l'on constate que, dans les caractéristiques des immigrants actuels, il y a beaucoup de potentiel. Nous avions nous-mêmes fait un certain nombre de recherches pour voir comment ces gens-là participent à l'activité économique québécoise. Je pense que c'est probablement mieux campé dans le sondage SORECOM auquel vous référiez tout à l'heure et que nous avons analysé avec beaucoup de plaisir. Il y a simplement quatre éléments là-dedans qui m'apparaissent importants. Il y en a plusieurs, mais il y en a quatre que je veux citer et qui confirment que pour le développement économique du Québec, c'est important.

Il est dit, par exemple, dans le sondage SORECOM, qu'il y a davantage de travailleurs immigrés dans les catégories supérieures d'occupation. Donc, par définition, ce sont des gens qui font le développement économique. La deuxième constatation est qu'ils sont plus nombreux à avoir fréquenté l'université. Ce sont donc des gens qui possèdent une formation universitaire, pour bon nombre, ce qui est très riche quand on réussit à les attirer dans un pays. Une chose qui nous a beaucoup frappés aussi, c'est quand on dit que globalement - et quelqu'un y a fait référence tout à l'heure, je ne sais pas si c'est M. Boulerice ou vous, Mme la ministre - leurs gains moyens d'emploi et leurs revenus globaux dépassent de 10 % ceux de la population née au Canada. Alors, c'est de l'apport économique. Une autre chose nous frappe aussi. Dans tout le dossier de l'accès à l'égalité, le problème des femmes au travail, on dit que les femmes immigrées représentent un taux d'activité moins élevé que les hommes et chôment deux fois plus. Là, c'est parce qu'on les compare aux hommes. Mais on ajoute que toutefois, en les comparant avec les femmes non immigrées, elles chôment moins, obtiennent des revenus plus élevés et leur activité sur le marché du travail est supérieure. Donc, à cause de notre politique de sélection, on a fait en sorte que l'immigration soit une immigration vraiment de haut standard et parce que de haut standard, avec niveau de scolarisation élevé, on assure un développement économique futur important. Cela, c'est la caractéristique comme telle de ces gens-là.

Si on regarde par ailleurs sur un plan plus macro-économique et qu'on les situe dans le développement économique du

Québec, vous allez voir que notre réaction est aussi très positive.

Et là je demande à Jacques de compléter un peu ce volet-là. (12 h 15)

M. Garon (Jacques): Alors, à long terme, on a déjà répondu à la question: A-ton besoin d'immigration à long terme? Toutes les pressions démographiques faites par des démographes, des experts, nous démontrent que oui. On met en question non seulement la qualité mais tout simplement la quantité des Québécois. Il est sûr que si on n'améliore pas notre taux de natalité - cela est un problème connexe - on s'en va peut-être vers une petite catastrophe pour trois raisons essentielles. D'abord, le pourcentage de la population dans l'ensemble canadien va baisser, ce qui pourrait encore aggraver peut-être les tensions régionales au Canada. Ensuite, à long terme, nous sommes dans un marché de consommation, un marché libre, donc il nous faut des consommateurs. Or, encore une fois, sur la base des données démographiques, la catégorie de population qui diminue le plus au Québec est celle des jeunes. Cela veut dire que, dans l'avenir, on aura de moins en moins de consommateurs parce que la population vieillit. Alors, le paradoxe, c'est que, même avec une population de moins en moins jeune et qui vieillit, on produit beaucoup plus que ce que nous avons besoin au Québec, puisque 50 % de notre production globale est soit exportée vers les autres régions canadiennes, soit vers d'autres pays, dont essentiellement d'ailleurs les États-Unis. Alors, à l'horizon 2000 et plus, avec une population de jeunes qui diminue de plus en plus, j'ai l'impression qu'on devra faire face, sur le plan intérieur, si cela continue, à des problèmes très importants.

Et puis, un troisième point, il faut aussi des contribuables pour supporter une population qui vieillit de plus en plus. Ici, si vous me le permettez, sur la base des données préliminaires de Statistique Canada, sur le dernier recensement de 1986, on lisait, là je cite, pour le Canada; "II fallait six travailleurs canadiens pour aider au financement du régime de retraite pour chaque retraité". Alors, si l'on en croit les tendances démographiques, dans moins de deux générations, il n'y aura plus que deux travailleurs canadiens pour supporter chaque retraité. Alors, c'est probablement ce qui se passera si la tendance aux retraites anticipées conjuguée à des taux de fécondité très bas, des familles moins nombreuses et un faible taux d'immigration se poursuit. Donc, nous nous retrouvons avec une diminution de la population active qui se trouve à financer des régimes de retraite pour un nombre croissant de retraités, sans compter les autres coûts de services sociaux associés à une longévité qui s'accroft de plus

en plus. Alors, à notre avis, autant de raisons pour avoir une politique d'immigration maintenant plus ouverte.

M. Dufour (Ghislain): M. Roberge.

M. Roberge (Jean): Nous sommes aussi favorables à une politique d'immigration plus ouverte, positive et dynamique. Dans le domaine minier, par exemple, plusieurs immigrants sont venus pour être des travailleurs expérimentés, qualifiés. Au fil des ans, ils sont devenus des gérants, des directeurs de mine ou même des présidents d'entreprises minières. Aujourd'hui, il se dessine un besoin de personnel qualifié en technologie, en génie minier. L'immigration serait certainement une solution si nous n'avons pas suffisamment de Québécois ou de Canadiens voulant devenir des opérateurs ou des techniciens ou des ingénieurs dans le domaine des mines. Des immigrants ayant les mêmes qualifications seraient certainement les bienvenus, surtout que, dans le domaine des mines, une étude nous révélait d'ailleurs que 82 % des employés sont grandement satisfaits de leur emploi. Alors, les immigrants eux-mêmes seraient très heureux de s'intégrer à ce milieu. Merci,

Mme Robic: Merci.

M. Dufour (Ghislain): Vous permettez?

Le Président (M. Trudel): Oui, allez-y, M. le président.

M. Dufour (Ghislain): Jacques parlait du pourcentage de la population québécoise à l'intérieur du Canada. Si on continue dans le phénomène actuel des paiements de péréquation, des paiements de transfert, lesquels sont toujours basés au fond sur la population, on voit ce que donneraient à très court terme, d'ici douze ou quinze ans, par exemple, ces paiements de transfert pour la santé. Alors, c'est important de maintenir, simplement pour les relations fédérales-provinciales, un pourcentage qui exprime vraiment ce qu'on est aujourd'hui dans la réalité canadienne.

Mme Robic: Vos besoins en matière de personnel minier pourraient être une solution à la "démétropolisation" des immigrants. Alors, sans doute que ces gens, qu'on voit intéressés à travailler, veulent travailler. Ce pourrait être intéressant de connaître encore plus à fond vos besoins à ce niveau-là et vous auriez certainement notre appui.

Dans votre mémoire, vous soulevez, avec justesse, le délicat problème de l'émigration des résidents québécois et vous suggérez l'importance de faire une étude à ce sujet. Et j'appuie cette recommandation, d'ailleurs. Malgré un solde migratoire positif cette année, il nous faut absolument une étude qui pourra nous aider à mettre sur pied des programmes ou des politiques pour contrer cette émigration. Et j'aimerais avoir, justement, votre opinion. Comment concilier les interventions sur ces deux mouvements migratoires?

M. Dufour (Ghislain): Ils ne sont pas contradictoires parce qu'il n'y a pas seulement des immigrants qui emigrant vers les autres provinces ou vers d'autres pays, il y a aussi des Québécois comme tels qui émigrent vers l'extérieur. Évidemment, c'est une recherche qui devrait s'appuyer sur une analyse un peu sociologique de ce qui s'est passé au cours des dix dernières années, Je pense que ça serait le point de départ et, si elle est faite, elle devrait prendre en considération un certain historique. Et, comme élément de l'historique, on peut mentionner trois ou quatre choses. On se rappelle, au début des années soixante-dix, toute l'attraction que représentait l'Ouest canadien, les découvertes dans le domaine du pétrole; le taux de chômage était très élevé au Québec et à ce moment-là ils avaient tendance à émigrer vers l'Ouest. Il y a eu aussi certains centres qui se sont bâtis au Canada; ça été le cas de Toronto, dans le domaine financier, notamment, qui a drainé bon nombre de familles et de Québécois et d'immigrants vers l'Ontario. II y a eu aussi -et il ne faut pas que vous vous surpreniez que le Conseil du patronat le dise - "un certain nombre de "difficultés politiques", entre guillemets, qui ont peut-être participé aussi à ce transfert de Québécois ou de candidats en attente d'être de vrais Québécois vers l'extérieur. Il y a eu un problème fiscal aussi. On sait tous qu'il y a des gens qui ont déménagé du Québec vers l'extérieur pour des problèmes de fiscalité. C'est un problème qui est en voie de s'améliorer mais qui est encore là et nous on le dit carrément, la réforme Wilson ne réglera pas nécessairement ce problème-là compte tenu du fait que le Québec a une particularité au niveau des impôts. Si le discours de M. Gérard D. Levesque, par exemple, se confirme, on aura des problèmes fiscaux face à la réforme fédérale.

Alors, ce sont tous des éléments qui devraient faire l'objet d'une analyse, quant à nous, globale. Si je voulais résumer ça, je dirais que c'est toujours une question de climat qui fait qu'on attire ou qu'on retient des gens. Le climat québécois actuellement n'est plus dans la déprime de 1982. Cela va bien et on le voit par le solde migratoire positif. Mais je pense que dans une étude il faut toujours s'assurer de l'avenir; il faudrait la faire.

Par ailleurs, M. le Président, il ne faut plus laisser de côté ou ignorer le problème de l'émigration internationale. II y a de plus

en plus de gens qui émigrent vers les États-Unis. C'est grand, les États-Unis, il y en a de plus en plus qui émigrent là et, comme nous allons le dire la semaine prochaine, il reste que la réforme Wilson qui devait réduire les écarts fiscaux ne le fait pas et encore là on peut avoir un problème.

Je n'ai pas à vous' faire de suggestions, Mme la ministre. Je sais que vous savez ce dont je vais vous parler, mais je vous le dis quand même, le Centre de l'emploi et de l'immigration a décidé de se pencher sur le problème de l'émigration internationale et ils ont confié à deux ou trois - en tout cas, moi j'en connais un - bureaux de consultants de Toronto le soin justement de répondre aux questions que vous vous posez et qu'on se pose. Ils le font pour l'ensemble de3 provinces et ils le font avec le Québec en consultant bon nombre d'intervenants pour essayer de camper dans quelle profession ça se fait et pourquoi ça se fait. Alors peut-être qu'il pourrait y avoir des relations entre votre ministère et le CEIC, si ça n'a pas été fait, pour essayer d'agencer la réalité québécoise à l'intérieur de cette recherche-là.

Mme Robic: Merci beaucoup, M. Dufour. Je pense que je peux passer la parole à...

Le Président (M. Trudel): Est-ce que le parti de l'Opposition officielle... M. le député de Mercier.

M. Godin: Oui, j'aurais une question pour le président du CPQ. Vous avez fait une distinction entre l'immigration économique et l'immigration humanitaire. Il est bien sûr qu'un investisseur qui arrive ici avec 1 000 000 $ est important sur le plan économique, mais est-ce qu'un réfugié n'est pas, avec sa famille, aussi important sur le plan économique qu'un investisseur ou un ingénieur minier d'une extrême compétence? Quand je comparais tout à l'heure un réfugié à un enfant tout fait, est-ce que, au plan économique, ce n'est pas fondé de dire une telle chose?

M. Dufour (Ghislain): Nous partons de vos propres catégories: réunion familiale, travailleur indépendant ou immigrant indépendant et le réfugié. Vous nous amenez sur le dossier des réfugiés politiques, on n'a aucun problème et on l'a indiqué carrément dans notre mémoire. Ce contre quoi on en a, ce sont les réfugiés beaucoup plus économiques. Je vous ai entendu dire tout à l'heure dans votre première intervention que c'étaient des gens importants au chapitre de la consommation, par exemple, parce qu'il est vrai que ce sont des consommateurs. Dans le passé, selon les statistiques que l'on a, ces gens-là ont représenté 18 % du nombre global d'immigrants, ce qui est beaucoup. Dans la proposition de 1987, ces gens-là seraient 5000, donc 25 % du nombre global; alors, on considère que, face aux deux autres groupes, on leur donne une importance qui est correcte. Je ne laisse d'aucune façon votre analyse que c'est une personne qui va participer au développement économique du genre de celui qu'on vient d'établir. Mais c'est un peu vous-même, M. ex-ministre, qui avez établi ces strates-là et nous sommes entrés à l'intérieur de cela. C'est la première fois, par exemple, qu'on voit dans un document - cela fait trois ou quatre ans que l'on participe à ces consultations et je pense que vous ne l'aviez pas, dans vos documents de consultations, dans votre premier, en 1985, dans votre partie humanitaire -une distinction claire entre ceux que vous sélectionnez et ceux qui arrivent comme cela sans vous prévenir. Alors que, cette fois-ci, c'est fait, sur les 5000, il y en a 4000 qui seraient sélectionnés et 1000...

M. Godin: C'est nouveau, M. le président. L'arrivée de réfugiés en si grand nombre au Canada est un phénomène qui n'existait pas, sauf pour les "boat people" qui étaient...

M. Dufour (Ghislain): Oui, c'est exact.

M. Godin: ...pris sur des bateaux. Donc, le fait que le phénomène soit maintenant réel amène le ministère, actuellement, à déterminer qu'il y a un nombre X qui soit prévu pour ce groupe-là. J'aimerais savoir, de votre économiste ou de vous-même, si ce nombre de réfugiés n'est pas également, sur le plan économique, aussi important que les immigrants sélectionnés par le Québec et qu'on appelle une immigration dite économique.

M. Garon (Jacques): Si vous me permettez, je suis tout à fait d'accord avec vous. Sur le plan humain et sur le plan économique, mais potentiel, ils sont tout aussi importants. La seule chose: est-ce qu'on est en mesure de les prendre en charge d'une façon très efficace, au départ, pour pouvoir leur assurer ce potentiel de développement qu'on leur donnera et pour qu'ils s'intègrent de façon absolument satisfaisante à l'activité économique et sociale québécoise? Là, on a peut-être de petites réserves parce que, à Montréal, on sait très bien que - je devrais dire au Québec - il y a environ 11 000 réfugiés qui sont en période d'attente et ces réfugiés, même s'ils ont un permis de travail, même s'ils ont accès à certains services sociaux, ce qui est très bien, entre-temps, il faut qu'ils vivent; or, ils vivent très souvent dans des conditions déplorables. Pourquoi? Parce qu'ils

ne parlent ni le français ni l'anglais et, là, on ne parle pas de catégories d'immigrants indépendants, ce sont des réfugiés pour des questions humanitaires; il n'y a pas de question de langue; ils ne parlent ni l'anglais ni le français. Ils doivent se débrouiller. Ils ne sont pas capables de trouver un emploi parce qu'ils ne savent pas lire les petites annonces dans les journaux, que ce soit en anglais ou en français. Alors, la question qui se pose... Je suis tout à fait d'accord avec vous mais uniquement à condition qu'on puisse leur donner un encadrement serré, dès le départ, de façon à ne pas perpétuer des ghettos où on finit par avoir, comme par exemple, à Montréal, un marché noir en parallèle, parce qu'il faut que ces gens-là vivent,

M. Dufour (Ghislain): Et j'ajouterais à cela, si vous me permettez, que justement, dans les journaux - il y a eu une série d'articles clans The Gazette il n'y a pas tellement longtemps, à la fin d'avril - on dénonce constamment l'utilisation mal faite de l'immigrant qui travaille au noir. Évidemment, on ne peut pas, comme patronat, être d'accord avec le travail au noir, tout comme vous ne pouvez pas, comme membres de l'Assemblée nationale, être d'accord avec le travail au noir. Je veux dire que c'est de l'évasion fiscale. Mais ces problèmes de la politique de l'immigration actuelle conduisent à cela. Cela rejoint aussi un peu le problème que l'on mentionne dans notre mémoire. Les ressources sont-elles là? Les ressources financières mises à la disposition non seulement du ministère, mais des organisations qui s'occupent aussi des immigrants. (12 h 30)

Vous le dites quelque part qu'il faut accroître le nombre de réfugiés, mais vous ne pensez pas que vous aurez l'argent additionnel. Alors vous aurez un fichu problème, parce que ce sont les gens qui coûtent le plus cher. Le travailleur indépendant ou l'investisseur, selon les termes de votre nouveau programme, Mme la ministre, du mois d'octobre et que citait M. Trudel tout à l'heure, s'il arrive ici, qu'il a 650 000 $, et qu'il part en affaires, ne présente pas le même problème, en termes de structure d'accueil, que celui auquel voua faites référence, M. Godin. C'est pour cela que l'on dit: Ils sont plus faciles à intégrer. À ce moment-là, ils sont probablement plus prêts à apporter leur dynamique à la contribution du développement du Québec. C'est sans rejeter les autres.

M. Godin: M. le président, si vous me le permettez, je dirai que le travail au noir, au fond, c'est du pur "supply-side economics". L'immigrant ne paye pas de taxes ni d'Impôt, mais tout l'argent va dans la consommation, si je comprends bien. Donc, n'est-ce pas un effet économique aussi important que s'il payait des taxes ou de l'impôt?

M. Dufour (Ghislain): Vous ne m'embarquerez pas dans le fait de favoriser le travail au noir.

M. Godin: Ha, Ha, Ha! Je vous demande si l'Afrique, qui n'a pas de taxe, etc., n'a pas une économie, d'une autre manière, qui est peut-être plus rentable économiquement? C'est une des théories qui existaient, il n'y a pas longtemps, dans la tête de M. Thurow, je pense, aux États-Unis.

M. Dufour (Ghislain): Avant de vous faire une démonstration économique brillante - ce n'est pas moi qui vais la faire, c'est mon collègue - il y a deux éléments là-dedans. C'est bien évident que l'on peut toujours penser que le travail au noir équivaut à un salaire plus bas: les cueilleurs de pommes et les cueilleurs de tabac ne sont pas toujours nécessairement payés au salaire minimum. Alors, simplement en termes d'activités économiques, il y a quelque chose qui n'est pas correct. Quand ils ne payent pas d'impôt, vous et moi, on en paye plus. À ce moment-là, on ne peut pas être d'accord avec cela,

M. Godin: C'est une forme d'injustice. M. Dufour (Ghislain): Pardon?

M. Godin: C'est une forme d'injustice pour...

M. Dufour (Ghislain): Face à vous.

M. Godin: Face aux revenus, en tout cas.

M. Garon (Jacques): Non seulement cela, mais il est bien connu qu'une bonne partie de ces immigrants envoient de l'argent à leurs familles, qui sont toujours dans les pays d'où ils viennent. Alors, ce n'est pas tout ce qu'ils gagnent qui est dépensé au Québec.

M. Godin: Vous ne voyez pas là une espèce de justice distributive qui fait que, lorsque l'on fait un "brain drain" d'un ingénieur minier du Vietnam ou de je ne sais où dans le monde, on enlève un bien, précieux à un pays? Que sa famille reçoive en échange ou en retour une partie de ses revenus d'ici, n'y a-t-il pas une espèce de justice distributive qui s'applique? Justice à laquelle, en général, les gouvernements sont froids ou indifférents parce qu'ils s'en foutent, au fond, d'aller chercher un médecin dans un pays qui en a peut-être plus besoin

qu'ici.

M. Garon (Jacques): Pour un médecin, il n'y a pas de problème, mais il y a le marché au noir, non?

M. Godin: Au fond, on est des gens qui saignent certains pays. J'entends, l'Amérique du Nord, en partie, du moins. Je ne me sens pas du tout malheureux du fait que des familles retournent une partie de leurs revenus au Vietnam ou ailleurs, si cela peut aider cette économie. C'est aussi une forme de solidarité économique que l'on doit avoir d'un pays à l'autre. C'est ma déduction plutôt morale et philosophique qu'autre chose. Donc, en disant que le réfugié devient consommateur, il est aussi un apport économique au Québec. Le réfugié lui-même, même le plus pauvre, tôt ou tard, dépense de l'argent au Québec et contribue au roulement de l'économie. Peut-on dire cela de façon générale, pour convaincre les gens qui ont encore des doutes, que même les plus démunis sont, à plus ou moins long terme, un actif pour le Québec?

M. Dufour (Ghislain): On reconnaît que le réfugié est un consommateur. Même s'il vit de l'aide sociale, c'est un consommateur. Ce n'est pas ce que vous me posez comme question, vous me faites faire un choix entre un travailleur indépendant et celui-là. Je dis qu'il faut avoir un équilibre entre les deux et que l'équilibre est bien campé, quant à nous, dans ce dont on discute, à savoir le niveau d'immigration pour 1988, où on nous dit que l'on aura un immigrant appelé humanitaire par rapport à deux indépendants. C'est le même raisonnement qu'il faut faire face à ces gens qui bénéficient d'un paquet de services de la collectivité québécoise que celui que l'on fait par rapport aux salariés. Il faut qu'il y ait des gens qui produisent dans la société. Alors, ces gens-là produisent. Mais je ne veux pas embarquer dans votre travail au noir. Le ministre du Travail est à la veille de convoquer une commission...

M. Godin: On s'entend que l'on n'y touche pas. C'est un autre débat.

M. Dufour (Ghislain): ...parlementaire là-dessus bientôt.

M. Godin: On y viendra.

Le Président (M. Trudel): On parlait de la commission des affaires sociales tantôt. On parlera d'une autre commission.

M. Boulerice: M. le Président.

Le Président (M. Trudel): M. le député.

Une voix: M. le député de Saint- Jacques.

Le Président (M. Trudel): M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. Dufour, et vos collègues, bonjour. Je trouvais tantôt que l'on commençait peut-être à devenir un petit peu odieux a votre égard et à l'égard des autres groupes qui viennent ici. On s'est plaint que le nombre n'était pas aussi important, sauf que vous étiez déjà présents dans la salle. Donc, célébrons plutôt votre présence et ne parlons pas de ceux qui, malheureusement, ont décidé de ne pas venir.

Si vous me le permettez, j'aimerais corriger ceci. Quand vous avez parlé tantôt des migrations interprovinciales, vous avez dit: II faudrait faire un recul d'une dizaine d'année, recul historique. Je me permettrai de suggérer de faire un recul d'une vingtaine d'années au minimum, puisque les migrations interprovinciales, en termes de sortie, de 1967 à 1971, étaient au-delà de 63 224. Cela a commencé à diminuer aux alentours de 1978-1980 et on voit une très nette baisse vers 1983-1984 et une partie de 1985 qui coïncide, d'ailleurs, un peu avec le moment où s'est dégonflée l'image de l'Ouest comme Eldorado économique, ce qui a sans doute empêché cela.

Voici ce que je voulais vous poser très exactement comme question, à la suite de la lecture de votre mémoire. Vous reprenez, en page 4, ce qu'on a convenu d'appeler, comme je le disais tantôt, le rapport French en disant; "L'immigration doit dans l'immédiat constituer le principal élément devant contribuer à améliorer la situation démographique du Québec." Quand on sait que pour contrebalancer un déclin démographique du Québec il faudrait y avoir entre 65 000 et 100 000 immigrants, ne croyez-vous pas, ce que nous avancions tantôt, qu'il ne saurait y avoir de politique de l'immigration sans y avoir juxtaposée dans l'immédiat, une politique de la famille et de l'enfance?

M. Dufour (Ghislain): Je voudrais d'abord dire que je maintiens ou à peu près mes dix ans. Pour avoir vécu un peu ces exodes, M. Boulerice, au cours des dix dernières années, il y a eu des vagues plus importantes que d'autres et des vagues qui, par exemple, et cela ne réfère pas à des notions politiques comme telles, renvoyaient à la fiscalité. On l'a tous connu et le gouvernement du temps a même publié un livre blanc pour l'exprimer très clairement. Je ne peux pas être en désaccord avec le livre blanc sur ce sujet.

Pour ce qui est de la question très précise qui est citée, nous disons que l'immigration doit, dans l'immédiat, constituer le principal élément devant

contribuer à améliorer la situation démographique du Québec. Nous pensons que c'est tout à fait réaliste, en tout cas à court et à moyen terme. Nous sommes en train de préparer un mémoire actuellement qu'on vous soumettra. Vous savez qu'on vous recontre, députés au pouvoir et de l'Opposition, à l'automne. Malheureusement, on vous avait manqué l'an passé, M. Bouler ice. Mais il y a une question qui va être soulevée à ce sujet: c'est un ministère de la population. Il s'agit d'une interrogation parce que jamais on ne se permettrait de décider pour le gouvernement.

Il y a des problèmes qui ont été soulevés par Mme Harel, je pense, tout à l'heure, soit la question de la politique de la famille, la question de la politique de la natalité comme telle qui est différente, quant à nous, de la politique de ta famille, la question de l'immigration. Il faudrait que tout cela soit intégré. D'ailleurs, il y a des gens qui ne partagent pas cette thèse. C'est le cas d'Henripin, par exemple, qui, lui, ne voit pas de solution là-dedans. J'ai lu un éditorial, il n'y a pas tellement longtemps, de Michel Roy qui, lui, endossait carrément les propos de Mme Harel en disant: C'est cela, il faut arriver avec un ministère de la population qui va intégrer ces trois éléments. Je ne pense pas que ce matin ce soit tellement le sens de notre démarche. Mais, à l'automne, on va vous revenir avec cela. Et on croit qu'il faut intégrer tous ces éléments. On ne peut pas avoir une politique de l'immigration indépendante d'une politique de la natalité. C'est évident.

M. Boulerice: Écoutez, sans vous harceler, comme mon collège, avec le travail au noir, ce que je préfère appeler le travail clandestin, simplement pour contester encore notre chronologie, les sorties migratoires les plus importantes sont en 1970 avec 73 811 personnes, mais enfin. À la page 6 de votre mémoire...

M. Dufour (Ghislain): C'est comme les profits des entreprises, il ne faut jamais regarder cela sur une année.

M. Boulerice: Je vous le ferai distribuer... La moyenne la plus importante au Québec se situe entre 1967 et 1971 avec 63 264 personnes. Cela dit, je me ferai un plaisir de vous en donner une copie, M. Dufour. Voilà un prétexte pour une réunion, entre nous deux, puisque vous avez déploré une première absence.

Dans votre mémoire, à la page 6, vous parlez d'"efforts supplémentaires en matière d'accueil"; j'aimerais que vous précisiez ce que vous entendez par "des efforts supplémentaires en matière d'accueil".

M. Dufour (Ghislain): J'ai participé au sommet économique dans le monde organisé par votre gouvernement sous la responsabilité de M. Bernard Landry, il y a maintenant trois ans. J'ai entendu ce qu'on appelle les ONG, les organismes non gouvernementaux, venir parler des problèmes qu'ils rencontraient dans la réalité concrète de l'intégration, parce qu'il n'y a pas purement des responsabilités gouvernementales, il y a des responsabilités aussi qui sont déléguées à des organismes. Les gens partaient de ressources financières qui étaient souvent insuffisantes. C'est bien beau de dire qu'on donne des cours de langue ou qu'on donne des moyens de réaliser une entrevue pour un emploi, des cours de formation, mais tout cela demande de l'argent au bout. Alors, quand on parle de structures d'accueil, on pense que les infrastructures sont là. It n'y a personne qui conteste qu'on doit donner des cours de français aux immigrants, il n'y a personne qui conteste qu'on doit essayer de leur montrer comment on se présente sur le marché du travail, etc., mais il y a des problèmes très concrets. Un problème qui nous regarde, par exemple, c'est que c'est devenu très difficile d'entrer dans les entreprises autrement que par des stages. Il n'y a plus d'emplois qui s'offrent, il faut entrer par des stages. Vous avez tous les problèmes des assistés sociaux, par exemple. Tous les programmes sont mis sur pied pour nous demander d'intégrer des Québécois qui sont sur l'assistance sociale. En plus, on nous demande d'intégrer des immigrants qui, comme le disait Jacques tout à l'heure, ne parlent ni français ni anglais, alors que le français est langue de travail. Alors, cela crée des problèmes. C'est cela qu'on appelle les structures d'accueil.

Maintenant, pour avoir notre point de vue précis sur les niveaux, on parle d'environ 5000 immigrants dans le document. C'est déjà moins que le... Vous savez qu'au Canada ils sont 125 000, si je comprends bien. Sî je prends nos 25 %, cela devrait déjà faire au-delà de 30 000 pour 1987. Nous avons appuyé le fédéral dans un objectif de 150 000 en 1990, Or, 25 % de cela, c'est 37 500. Même à 5000 par année, on ne réaliserait pas cela d'ici 1990. La grosse interrogation, c'est qu'on n'ira pas plus loin que cela parce qu'on pense qu'on n'a pas les structures d'accueil. Tu n'apprends pas le français, quand tu ne sais ni l'anglais ni le français, tu n'apprends pas cela en trois mois. Alors, c'est cela. Il s'agit de mettre de l'argent là-dedans. Les infrastructures sont là, mais les structures d'accueil sont déficientes en termes de quantité, à cause des montants d'argent qui sont disponibles. Peut-être qu'on ne finance pas assez? On le dit dans notre mémoire aussi. Il y a des organismes non gouvernementaux qui seraient prêts à embarquer là-dedans, mais encore là c'est une question d'enveloppe gouverne-

mentale globale. C'est dur d'être précis là-dessus, mais c'est le problème global de leur intégration dans la société québécoise.

M. Boulerice: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci. Mme la députée de Maisonneuve, je pense qu'il vous reste un peu de temps, mais je vous ferai signe. Allez-y.

Mme Harel: D'accord, M. le Président.

Les chiffres sont souvent plus têtus et même l'impression qu'on peut en avoir... Je regardais les chiffres de Statistique Canada pour les données sur l'immigration internationale, chiffres qui sont controversés, mais les migrations entre 1967 et 1985... Je constate finalement que la moyenne de sorties de 1967 à 1971 était de 21 941 personnes et est donc supérieure à la moyenne de sorties dans les années controversées, sans doute, de 1977 à 1981, qui était de 19 923 personnes. Tout est assez relatif, finalement.

M. Dufour (Ghislain): Si vous me le permettez...

Mme Harel: Non, je vais continuer parce que...

M. Dufour (Ghislain): ...c'est sur l'immigration internationale?

Mme Harel: Non, c'est les migrations interprovinciales. Ce sont là les chiffres que je viens de vous donner. Ils concernent le solde des migrations interprovinciales. Je vais demander, M. le Président, à ce que le secrétaire nous fasse distribuer ces données du recensement de Statistique Canada. (12 h 45)

M. Dufour, je voudrais peut-être revenir sur les questions que vous mentionnez à la page 7 concernant une étude quant aux motifs d'émigration des résidents du Québec pour examiner avec vous... À ma connaissance le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration s'est penché sur la question. Je pense que c'est M. Laporte, le directeur de la recherche, en 1985, qui avait commencé l'ébauche d'une étude semblable et en avait fait part à la commission présidée par M. French, la commission d'étude sur les questions démographiques. Ce que M. Laporte nous avait signalé c'est que, d'une part, une étude semblable comportait des difficultés méthodologiques, parce que les chercheurs n'ont pas les moyens d'identifier et de retrouver les gens qui quittent, étant donné que, lorsqu'il y a des déplacements entre le Québec et les provinces canadiennes, il n'y a pas moyen de pouvoir localiser ces personnes. À ce moment-là, les chercheurs qui avaient ébauché l'étude avaient préféré, sur le plan méthodologique, retenir une étude des motifs de ceux qui étaient restés, étant entendu qu'il était beaucoup plus facile, comme terrain d'étude, de pouvoir connaître les facteurs qui déterminaient la rétention.

M. Laporte avait longuement élaboré devant la commission qu'un des facteurs déterminants... C'est une question qui m'a toujours intéressée et je me suis toujours demandé si les départs, les déplacements étaient dus au fait, par exemple, d'une appartenance à une communauté culturelle différente. II m'avait fait part que le facteur déterminant de rétention était la connaissance du français et que la connaissance de l'anglais seul sans la connaissance du français, comme langue d'usage avait un effet déterminant sur les déplacements de ceux qui avaient bénéficié de l'immigration internationale mais qui se déplaçaient vers d'autres provinces. La conclusion qu'on en tirait était - l'étude devait se poursuivre pour en faire la vérification - que, finalement, l'usage du français, lorsqu'il y avait établissement ici, était un facteur de rétention.

Je voulais vous demander si, dans les considérations que vous apportiez, notamment sur cette attribution de points pour l'usage du français, vous entendiez faire des recommandations à la commission sur cette question. Vous avez raison de dire que ce n'est pas discriminatoire parce que, de toute façon, la francophonie se vit surtout en Afrique. Il y a beaucoup plus de francophones qui sont noirs, par exemple, que de francophones qui sont blancs. L'usage de points pour la connaissance du français n'a aucun caractère discriminatoire, par exemple, sur le plan racial.

M. Dufour (Ghislain): II y a deux volets dans votre intervention. Il y a une référence à la recherche que l'on propose pour analyser le problème de l'émigration. Vous dites que M. Laporte, pour le compte de la commission French, en a fait une partie. Je ne la connais pas. Mais, en tout cas, ce serait intéressant de l'avoir et surtout de la continuer si elle a été démarrée. Cela nous permettra peut-être de partir des mêmes considérations de base lors d'une prochaine discussion et d'avoir les mêmes statistiques et les mêmes analyses.

Pour ce qui est de votre deuxième constatation, j'ai fait le point tout à l'heure. C'est plus une interrogation qu'on vous lançait, à savoir est-ce que c'était discriminatoire ou non? Nous avons répondu nous-mêmes à notre interrogation. Nous avons analysé les règles actuelles qu'on appelle les aspects légaux et réglementaires de l'immigration au Québec et vous avez, par exemple, à la page 6 de ce document, l'ensemble des critères qui sont utilisés pour faire la sélection actuellement, qui ne sont

pas de l'actuel gouvernement, d'ailleurs, mais qui sont de votre gouvernement. Nous disons que nous sommes d'accord avec cela. On peut bien le polir, mais, pour l'essentiel, on est d'accord avec cela. On va un peu en contradiction avec le conseil consultatif, auprès de la ministre, qui voudrait faire sauter carrément le statut de l'emploi réservé sans aucune considération, alors qu'il nous apparaît qu'il reste bon nombre d'éléments de l'emploi réservé et c'est important pour nous. Qu'on ajoute à cela, en cours de route, un certain nombre de... Tout à l'heure, vous avez dit, tous les deux, que non seulement on devrait favoriser les points pour le français, mais qu'on devrait en mettre plus selon les récentes recommandations de l'Office de la langue française. Allez-y - nous n'embarquons pas là-dedans - si vous nous dites que ce n'est pas discriminatoire.

Le Président (M. Trudel): Merci. M. le député de Sherbrooke.

M. Hamel: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Dufour. À la page 4 de votre mémoire, justement dans le paragraphe que vous souligniez comme étant important tantôt, il est question des compétences professionnelles des travailleurs immigrants et des immigrants entrepreneurs et investisseurs. J'aimerais savoir si vous avez des suggestions concrètes à nous faire concernant la sélection de cette catégorie de travailleurs immigrants.

M. Dufour (Ghislain): Cela rejoint un peu les propos qu'on vient d'échanger avec Mme Harel. Quand nous regardons les règles actuelles, les pointages actuels, on est généralement d'accord. Notamment, il y a un préambule à cela qui nous plaît beaucoup. On dit qu'on a un taux de chômage très élevé chez les jeunes. Comme on a une population immigrante qui est très jeune, on est dans le dilemme à savoir si on fait entrer ici des gens qui vont prendre ou qui prendraient éventuellement des jobs qui n'existent pas pour nos jeunes. Mais je pense que la problématique est bien campée et l'ensemble des règles qui sont là nous apparaissent tout à fait correctes. En plus de cela - je l'ai dit très rapidement tout à l'heure - notamment quant aux travailleurs indépendants qui sont des investisseurs, le nouveau programme du mois d'octobre nous plaît beaucoup. C'est exact, cet article du journal Les Affaires. C'était la manchette, d'ailleurs, du journal qui dit: Les immigrants injectent 300 000 000 $ par années au Québec. On se référait carrément aux travailleurs indépendants et investisseurs, et c'est énorme. Il y a un volet de l'article où on dit que, lorsqu'ils sont dans le secteur manufacturier, ils créent quatre emplois pour leur propre emploi qu'ils ont généré. Alors, c'est trè3 fort. C'est ce avec quoi vous avez le plus de difficulté. Je me rappelle le lancement de ce programme par M. Godin, quand le programme des immigrants investisseurs avait été lancé. Même dans notre milieu, on était un peu sceptique; dans la réalité, cela se confirme comme étant un des... Pardon?

M. Godin: ...sujet, dans le temps, le scepticisme.

M. Dufour (Ghislain): Cela se confirme comme un des grands volets positifs chez les travailleurs indépendants. Il y en a tout près de 2000. Alors, cela est important.

Alors non, on ne changerait pas. Vous avez eu le témoignage du représentant des mines, tout à l'heure; généralement, ils font d'excellents travailleurs.

Le Président (M. Trudel): M. le député de Sherbrooke, vous avez terminé?

M. Hamel: Oui.

Le Président (M. Trudel): Mme la ministre.

Mme Robic: M. le Président, tout simplement un mot de remerciement pour les membres du Conseil du patronat du Québec, MM. Dufour, Roberge, Garon, Beaulieu et Demers, pour votre présence et votre intérêt. Vos commentaires sont importants. Vous pouvez être assurés qu'ils seront retenus par mon ministère.

M. Dufour, je suis même tentée de vous inviter à venir avec moi défendre mes crédits. Je pense que nous avons...

M. Dufour (Ghislain): Remarquez bien que nous avons un préjugé favorable à votre ministère par rapport à d'autres.

Mme Robic: Merci, M. Dufour, je m'en souviendrai. Merci.

M. Dufour (Ghislain): II y a peut-être un aspect, si vous me permettez, M. le Président...

Le Président (M. Trudel): Allez-y, oui.

M. Dufour (Ghislain): C'est une intervention de M. Beaulieu, cela rejoindrait un peu la préoccupation des réfugiés au sens où on le disait tout à l'heure, les réfugiés politiques par rapport aux réfugiés économiques. Vous voyez les réactions de la population en général. Il y a une réaction patronale qui existe aussi et qu'on n'a pas eu l'occasion d'exprimer ce matin. Je demanderais à M. Beaulieu, très brièvement, de vous l'exprimer parce qu'elle est

importante dans un milieu comme le nôtre.

Vous permettez, M. le Président? Une minute.

Le Président (M. Trudel): Allez-y.

M. Beaulieu (Alexandre): Dans ces commissions parlementaires, on... J'ai eu l'occasion d'assister à la commission parlementaire sur le financement des universités et on allait à pas feutrés. Mais je pense qu'il y a des problèmes qu'il faut mentionner. Le problème de l'arrivée des revendicateurs du statut de réfugié, il ne faudrait pas le passer sous silence. Cela m'apparaît important parce que la population... On a fait état tantôt de consultations, mais on entend grogner, on grogne et on n'est pas très heureux que pour les réfugiés qui se disent revendicateurs du statut de réfugié cela se passe comme cela. Présentement, il y a, à Ottawa, une session pour essayer de régler ces problèmes. Le Conseil du patronat s'est prononcé pour des considérations humanitaires, etc., mais il ne faut pas être naîf non plus et accueillir ce genre de réfugiés, les loger au Reine Elizabeth, alors que, pour la plupart, ils proviennent de pays du monde occidental et sont financés probablement par des groupes de ces endroits-là. Je pense qu'on doit favoriser l'immigration, on l'a dit, on doit l'augmenter, on l'a dit encore, mais on ne doit pas faire en sorte d'accepter, sans question, l'arrivée de ceux qui prétendent avoir un statut de réfugié et de repousser au bout de la ligne ceux qui ont déjà fait des demandes pour rentrer ici au pays. Moi, je pense que le gouvernement, là-dessus, devrait avoir une politique assez serrée parce que je ne crois pas que la population en général approuve ces genres de réfugiés qui ont tout déchiré, qui ne disent pas d'où ils viennent et on sait que ça vient de pays européens qui sont peut-être très heureux de nous les passer.

Je pense que c'est important qu'il y ait une politique à ce sujet ou au moins qu'elle soit connue.

M. Dufour (Ghislain): De façon plus globale, si vous me le permettez, c'est un appui finalement à la position de la ministre face à Ottawa. Je suis d'accord pour dire qu'on ne connaît pas encore tous les éléments de votre position, mais il reste quand même que vous demandez au fédéral d'avoir une loi qui prévoit ces cas-là et, là-dessus, nous approuvons le dépôt du projet de loi sans en connaître les modalités mais pour l'essence, pour le principe. Dans ce sens-là, nous appuyons la ministre québécoise, M. le Président.

Mme Robic: Donc, c'est fini, M. le Président?

Le Président (M. Trudel): C'est malheureusement terminé, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques, pour des remerciements,

M. Boulerice: M. Dufour, même si les séances précédentes n'étaient pas publiques, vous étiez présent. Donc, c'est la troisième fois que vous vous impliquez dans ce dossier. Cela mérite d'être souligné. Je vous en suis reconnaissant. J'ai noté, d'ailleurs, avec beaucoup d'intérêt votre énoncé d'un préjugé favorable face à ce ministère. J'ai bien saisi dans votre ton que ce n'était pas lié au parti ni au titulaire qui détenait ce ministère. Alors j'aurai sans doute le plaisir, j'espère, dans quelques années ou quelques mois, de vous l'entendre dire ou, à défaut, de vous le servir.

Le Président (M. Trudel): À mon tour; un des avantages d'être président d'une commission, c'est d'avoir le dernier mot. Je ne voudrais pas m'en servir pour relancer un débat qui menaçait d'être amorcé par les déclarations de M. Beaulieu.

M. le Président, au nom des membres de la commission des deux côtés de cette table, je vous remercie de votre présence et d'avoir défendu brillamment votre mémoire. On aura sûrement l'occasion de vous revoir à l'occasion d'autres commissions parlementaires.

M. Dufour (Ghislain): Merci, M. .le Président. Merci, mesdames, messieurs.

Le Président (M. Trudel): La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Trudel): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de la culture reprend ses consultations particulières sur le niveau d'immigration pour les années 1988 et 1989, en tenant compte des besoins démographiques, économiques et socioculturels du Québec, de même que de ses obligations à l'endroit de la communauté internationale et des familles à l'étranger des nouveaux résidents québécois.

Nos prochains invités à qui je demanderais de venir prendre place à la table des témoins - c'est cela, c'est la table des témoins, cher ami - sont les représentants de la Commission des écoles catholiques de Montréal. M. Michel Pallascio est le président et M. Robert Attar, directeur de l'accueil et de l'administration, si je ne me trompe pas. Messieurs,

bienvenue.

Étant donné que, comme toute bonne commission parlementaire qui respecte ses traditions, 15 heures, cela veut dire 15 heures 11 minutes, nous allons commencer Immédiatement. Je pense, M. Pallascio, que vous étiez ici ce matin quand on a rappelé les règles du jeu. Vous avez plus ou moins 20 minutes pour expliquer votre point de vue et on aura 40 minutes de discussions avec vous. Allez-y.

Commission des écoles catholiques de Montréal

M. Pallascio (Michel): Je vous remercie, M. le Président. Je voudrais remercier les membres de la commission parlementaire de bien vouloir nous entendre sur ce sujet. Tout d'abord, je voudrais présenter plus particulièrement la personne qui m'accompagne. Je voudrais aussi noter une chose: si nous ne sommes que deux personnes pour représenter la CECM, on ne voudrait pas que ce soit un signe que la présente commission parlementaire n'a pas d'importance pour nous. Maïs nous sommes dans une période de calme dans les commissions scolaires et nous obligeons un peu notre personnel à prendre des vacances durant la période tranquille.

Je voudrais vous présenter, à ma gauche, M. Robert Attar, qui est, entre autres, le directeur du service de l'accueil et de l'admission chez nous, mais aussi, ce qui est beaucoup plus important, qui est membre du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration du Québec, président de l'Association culturelle Égypte-Québec et aussi fondateur du service de l'accueil et de l'admission qui existe depuis 1969 à la CECM. Cet aspect de la présentation de M. Attar est important parce que la Commission des écoles catholiques de Montréal est la première à avoir développé un service d'accueil au Québec et M. Attar a été l'instigateur, la première personne à fonder ce service.

Avant de commencer, je voudrais rappeler que, ce matin, nous étions présents à la présentation du Conseil du patronat et il y a un aspect important de sa présentation que nous endossons. Ils ont mentionné tout particulièrement que la présente commission parlementaire sur l'évolution de l'immigration au Québec doit se faire aussi de pair avec une certaine politique familiale. Je m'explique de ce côté-là. À la CECM, nous avons été particulièrement bien placés pour voir l'impact de la baisse de la natalité au Québec. Si on regarde les chiffres de notre clientèle scolaire, elle est passée de 230 000, en 1969, à 98 000 cette année, soit en un peu moins de 20 ans. Si nous enlevons les 34 % de la clientèle immigrante qui font partie de la clientèle actuelle, il y a un problème majeur en ce qui concerne le remplacement de la population d'origine francophone ou québécoise, surtout dans la région montréalaise, entre autres.

Je vais commenter un peu le mémoire que la CECM vous a déposé. L'immigration s'inscrit dans le cadre socio-économique des inégalités de développement. La crise de l'énergie aggravée par les déséquilibres de l'économie mondiale a eu des répercussions considérables sur le flux migratoire et sur les conditions de vie des immigrants dans les pays d'accueil.

Enfin, la confrontation des idéologies politiques et même des convictions religieuses a multiplié, à travers le monde, l'exode massif de personnes à la recherche de la liberté. Dans ces pays d'accueil, la distance sociale qui tend parfois à la ségrégation des immigrants se compose souvent d'une exploitation économique, d'une discrimination sociale et très souvent d'une distance culturelle. L'immigrant est visible par sa langue, parfois aussi son accent, son mode de vie différent, ses valeurs, ses traditions, sa couleur, ainsi que ses normes qui sont étrangères à celles de la société d'accueil.

Naissances vivantes et migration sont les deux facteurs principaux qui déterminent la taille et la composition de notre population. Or, toutes les analyses démographiques montrent une baisse continue de la fécondité et des changements d'importance dans les tendances migratoires. Les répercussions sont très profondes sur la composition culturelle de notre société et aussi sur notre système scolaire.

Une commission scolaire aussi importante que la Commission des écoles catholiques de Montréal qui, en 20 ans, a perdu près de la moitié de sa clientèle scolaire doit se préoccuper, à juste raison, de l'avenir de sa population scolaire. Nos écoles françaises reçoivent depuis plus de dix ans une nouvelle clientèle hétérogène et c'est à Montréal seulement que ce phénomène se développe par rapport aux autres villes du Québec.

En 1967 - et je pense que les chiffres sont quand même assez importants ici - les écoles françaises de la CECM avaient 2,6 %, soit 4843 élèves d'origine non francophone et qui provenaient en qrande partie d'Europe, alors qu'en 1985-1986 elles en comptaient 36 % au primaire et 33 % au secondaire, soit une moyenne de 34,5 %. Il y avait donc quelque 34 000 élèves d'origine non francophone à la CECM en juin 1986.

Nos prévisions indiquent que, dans moins de cinq ans, soit vers 1991, le pourcentage des élèves d'origine non francophone à la CECM dépassera 50 % du total de notre clientèle. Déjà, 32 écoles sur 176 comptent de 51 % à plus de 90 % d'élèves d'origine non francophone chacune et

44 écoles en groupent de 40 % à 50 % chacune. Quand on parle d'écoles de 90 % d'élèves d'origine non francophone, c'est que vous avez des classes complètes sans aucun Québécois francophone.

Cette augmentation est certainement une .conséquence de la loi 101; elle ne résulte pas seulement du phénomène de l'immigration, mais elle provient surtout du taux élevé de la natalité chez les familles d'origine ethnique résidant à Montréal depuis plus d'une génération.

La CECM a été, depuis 1969, le promoteur des classes d'accueil au moment de la promulgation de la loi 63 qui institutionnalisait pour les parents le libre choix linguistique de l'école.

En 18 ans, les classes d'accueil ont dirigé quelque 26 000 élèves d'origine non francophone vers les classes régulières françaises. Ces jeunes, issus des différentes communautés culturelles, se francisent de plus en plus et nous avons la ferme conviction que nous nous dirigeons, à Montréal, vers une génération de plus en plus francophone, mais, ce qui est très important, de cultures diverses.

Le travail de pionnier accompli à la CECM par des enseignants et des enseignantes, ainsi que par des directions d'école a assuré aux classes d'accueil une renommée qui a largement débordé les frontières du Québec.

Comme ces classes reçoivent les jeunes immigrants de cinq ans à seize ans tout le long de l'année scolaire, les règles budgétaires permettent à la commission de recevoir du ministère de l'Éducation des allocations supplémentaires pour assurer le bon fonctionnement des classes d'accueil.

À titre d'information, la CECM a reçu 1400 jeunes immigrants du 1er octobre 1986 au 30 mai 1987 et elle a dû assigner 74 professeurs en plus des 147 enseignants et enseignantes en poste à l'ouverture de l'année scolaire en septembre 1986 pour desservir 2171 élèves en classes d'accueil.

Le changement démographique de l'immigration. Nous vous avons remis un tableau très résumé qui tient compte des analyses faites par la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, Statistiques de I'immiqration pour les années 1976, 1980, 1984 et 1985, qui démontre un peu le changement d'origine de la clientèle ethnique à l'intérieur de nos écoles. Les pays asiatiques sont, à l'heure actuelle, à 17 %, les pays de l'Europe de l'Ouest, à 16 % et les pays d'Amérique centale et d'Amérique latine, à 14 %.

Il est important de mentionner que, pour les années 1980 à 1986, Haïti est arrivé au premier rang des pays d'où provient le plus grand nombre d'immigrants, soit 15 576 Haïtiens. Au deuxième rang, vient le Vietnam avec 11 974 personnes.

C'est quand même, un changement très important sur l'origine de ces groupes ethniques.

À la CECM, devant ce phénomène migratoire, l'école française, jusqu'alors monolithiquement québécoise de vieille souche par ses parents, ses élèves, ses enseignants et enseignantes, son personnel de soutien, ses ressources pédagogiques professionnelles et sa direction scolaire, s'est trouvée face à deux défis de taille: accueillir et intégrer d'innombrables jeunes immigrants de cultures, de langues et de races différentes, d'une part, et, d'autre part, recevoir un nombre important d'élèves accusant de sérieux retards scolaires, analphabètes ou non scolarisés.

Jamais auparavant le système scolaire du Québec n'a eu à desservir de telles clientèles. 11 ne possède donc pas d'outils pédagogiques et de ressources pour combler de telles lacunes chez ces élèves. La structure des classes d'accueil n'avait pas été créée pour répondre aux besoins de cette catégorie d'élèves et les fonds octroyés par le ministère de l'Éducation ne nous permettent pas d'offrir à ces nouveaux venus les services auxquels ils ont droit.

La CECM espère donc recevoir du ministère de l'Éducation les fonds qu'elle lui a demandés pour servir ces élèves. Tout à l'heure, on voyait que les gens sont très d'accord sur les problèmes que l'on vit. Il reste que nous venons un peu avec ce que j'appellerais une liste d'épicerie pour vous dire les moyens et, surtout, les ressources dont nous avons besoin pour répondre et donner les services à cette clientèle.

Une partie importante, ce sont les réfugiés. La situation que nous décrivons s'est aggravée par l'arrivée massive des revendicateurs du statut de réfugié en 1986-1987. Je tiens à mentionner ici que la CECM, malgré certains écrits dans les journaux, a toujours été présente pour recevoir ces réfugiés. M. Attar ici présent peut témoigner que, durant le temps des fêtes, l'année dernier, entre autres, lorsqu'il y a eu des arrivées massives de réfugiés, le service d'accueil a été ouvert de longues heures è la CECM le lendemain de Noël et la veille pour recevoir ces gens, les diriger aux bons endroits et pouvoir leur procurer les services nécessaires.

Il est compréhensible que le climat d'une école puisse être perturbé par l'arrivée impromptue et dans des conditions pénibles de jeunes adolescents qui doivent s'adapter à une nouvelle langue, à un environnement physique différent, à une réalité socioculturelle et à un système d'éducation différents de ceux qu'ils ont connus. Ces mêmes problèmes se posent à l'école face aux parents de ces jeunes déracinés.

L'école doit aussi harmoniser les relations entre les parents québécois de

vieille souche et les immigrants qui viennent d'arriver. Or, les règles budgétaires du ministère de l'Éducation ne nous permettent pas d'accorder des ressources supplémentaires pour soutenir pédagogiquement ces jeunes immigrants après leur court séjour de dix mois en classe d'accueil. Ces nouveaux venus alourdissent alors par leurs lacunes la clientèle des classes régulières et retardent involontairement le cheminement de leurs camarades dans leur apprentissage des différentes matières. Par nos contacts avec certaines associations ethniques, nous pouvons confirmer que la volonté de se franciser est là, mais parfois les services de classes d'accueil, entre autres, ne répondent pas toujours à leurs besoins. De telles situations peuvent perturber le climat des relations entre les parents de l'école et provoquer des chocs culturels qu'il faut à tout prix éviter.

Les politiques de la CECM. Naturellement, la transformation rapide et grandissante de la démographie de la population des écoles françaises qui comptent plus de 80 ethnies parlant une trentaine de langues différentes a incité la CECM à instaurer une politique des services aux élèves des communautés culturelles. Nous avons été la première commission scolaire au Québec à instituer une telle politique.

Elle a comme objectifs, et je tiens à les préciser: 1. De favoriser d'abord la prise en charge par l'école du quartier d'une éducation interculturelle basée sur la prise de conscience des similitudes entre les ethnies, le respect des différences et l'égalité des chances pour tous les élèves. Quand on parle de prise en charge par l'école du quartier, nous ne voulons pas la limiter à l'école. On parle bien d'une implication dans le quartier et, aussi, avec les différentes associations qui en font partie. 2. De développer chez les élèves, tant francophones que non francophones, des attitudes et des comportements favorisant l'interaction socioculturelle. 3. De permettre à l'élève non francophone d'acquérir une compétence en communication orale et écrite correspondant à son âge, à ses besoins et à ses intérêts. 4. D'assurer aux élèves non francophones les moyens d'effectuer les rattrapages nécessaires à la poursuite des objectifs du système scolaire québécois.

Nous avons préconisé certains moyens. Nous vous en nommons quelques-uns dans le texte: 1. Assigner des ressources pédagogiques professionnelles compétentes en la matière pour soutenir le milieu scolaire concerné. Cela veut dire les moyens de le faire aussi. 2. Offrir aux enseignants et enseignantes des activités de perfectionnement adaptées aux besoins de chacun des milieux concernés en prévoyant un budget supplémentaire, si nécessaire. Je crois que l'on rejoint ici une demande de l'alliance dans le même sens. 3. Procéder à un recensement du personnel multi-ethnique de la commission afin de permettre aux milieux qui le désirent d'avoir recours à ce type de ressource dans la réalisation de leurs projets. 4. Mettre à la disposition des écoles un éventail de documents adaptés. Nous avons développé plusieurs instruments dans les mois passés et nous avons l'intention d'en développer d'autres. 5. Maintenir et consolider les services auprès des classes d'accueil, soit en termes de support linguistique, soit en termes de classes dites de postaccueil. 6. Développer avec le Service de l'enseignement aux adultes des modèles d'intervention adaptés aux besoins spécifiques de (a population peu scolarisée ou analphabète. Dans certains cas, rejoindre aussi les parents de ces enfants de groupes ethniques dans nos écoles. 7. Mettre è la disposition des écoles des personnes-ressources telles que des agents de liaison permettant d'assurer un lien entre les familles et les intervenants du milieu scolaire, qui servent aussi d'agents multiplicateurs, dans un certain sens. 8. Mettre en place, auprès des parents non francophones, des mécanismes d'information et de sensibilisation les incitant à participer davantage au comité d'école, au comité régional et au comité central de parents.

Malgré les restrictions budgétaires et la réalisation d'autres dossiers pédagogiques prioritaires, la CECM a concrétisé plusieurs des moyens précités. Pour nous, depuis plusieurs années, l'accueil des groupes ethniques est, quand même, une orientation très importante.

Des ressources pédagogiques professionnelles ont été assignées pour soutenir l'action des enseignants et enseignantes.

Malgré que nous n'avons pas nécessairement toutes les ressources du ministère, nous avons, quand même, tenu à mettre des ressources provenant de la CECM pour aider et donner les services à ces groupes. Des journées de perfectionnement ont été offertes aux professeurs. Du matériel didactique a été élaboré et mis à la disposition des écoles, permettant de les sensibiliser aux autres cultures.

Un éventail d'activités multiculturelles a été organisé dans un grand nombre d'écoles avec le concours des ressources issues des communautés culturelles diverses; l'enseignement des langues d'origine par le programme PELO qui est financé par le ministère de l'Éducation; un colloque organisé pour le PELO et qui a réuni, le 25 avril

dernier, plus de 250 personnes concernées par ce programme, ainsi que des représentants des groupes ethniques; la diffusion de seize contes en langues différentes avec la collaboration du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, deux moyens qui, à mon avis, sont très importants.

Les moyens que nous n'avons pu mettre sur pied, ont été ceux qui exigent des ressources pour du rattrapage et pour du soutien linguistique. Nous considérons que ces ressources sont indispensables afin d'atteindre les objectifs principaux de notre action pédagogique. La volonté existe à la CECM de produire des moyens, de donner des services; nous avons vu des professeurs donner de leur temps pour produire du matériel didactique sans que cela ne coûte de ressources à la CECM. Donc, il y a une volonté de notre personnel de répondre à ces groupes ethniques. Il faut, quand même, de ce côté, avoir les moyens de les supporter.

Il est de notre devoir d'attirer l'attention des autorités gouvernementales sur les conséquences coûteuses et sérieuses pour notre société si les mesures que nous réclamons ne sont pas prises, II ne faudrait pas que ces jeunes deviennent, dans quelques années, des citoyens de deuxième catégorie. Oui, nous sommes favorables à une politique visant à augmenter le nombre d'immigrants francophonisables au Québec. Oui, nous sommes favorables à attirer au Québec des immigrants investisseurs qui viendront augmenter, par leurs investissements, les emplois ici. Oui, nous sommes favorables à une immigration humanitaire à condition que les moyens soient donnés aux divers organismes concernés, dont les organismes scolaires, pour répondre adéquatement aux besoins sociaux et éducatifs de ces nouveaux venus. Il ne faudrait surtout pas que la société d'accueil soit pénalisée dans les services auxquels elle a droit afin de desservir une clientèle immigrante pour laquelle des services adéquats n'ont pas été prévus.

Je pense que vous avez les considérants de nos recommandations. Je retiens seulement les recommandations: Que le nombre d'immigrants admis au Québec pour les années 1988 et 1989 soit augmenté pour atteindre 25 % du nombre des immigrants admis; que l'excellent travail effectué par le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration pour attirer des immigrants investisseurs se poursuive et que les moyens soient accordés à ce ministère pour augmenter ses stratégies d'intervention; que le nombre de réfugiés pour le Québec soit limité annuellement à 5000 personnes, ce qui correspond, pour nous, à peu près aux 25 % du nombre de réfugiés qui sont admis présentement au Canada; et que des fonds soient octroyés aux commissions scolaires pour répondre aux besoins urgents des services de soutien et de rattrapage pédagogiques pour les jeunes immigrants et leurs familles.

Je pense que c'est une présentation quelque peu rapide de notre texte. On me fait signe un peu pour le temps. Alors, nous sommes prêts à répondre aux questions des membres de la commission.

Le Président (M. Trudel): Je vous remercie, M. le président. Avant de céder la parole à Mme la ministre, il y a une tradition, qui date de très peu de temps, de la commission de la constitution, en fait où l'enveloppe de temps est rigoureusement divisée en deux. Il reste donc 22 minutes par formation politique.

Mme la ministre.

Mme Robic: Merci, M. le Président. Tout d'abord, je souhaite la bienvenue à M. Pallascio et à M. Attar, de la Commission des écoles catholiques de Montréal, et je les remercie d'avoir accepté notre invitation de se présenter ici aujourd'hui. Je tiens à vous féliciter pour votre mémoire qui a demandé beaucoup de recherches et de travail.

Je vous ai félicités ce matin - et je veux le refaire encore cet après-midi - pour le travail qui a été fait à la CECM pour intégrer les enfants d'immigrants à vos écoles. Il y a eu des efforts formidables qui ont été faits et je dois vous en féliciter.

Il y a encore beaucoup d'ouvrage à faire, sans doute, et je suis heureuse de voir que le ministère de l'Éducation met en application les recommandations du rapport Chancy. Graduellement, il a l'intention de mettre en application toutes les recommandations du rapport Chancy.

Vous êtes d'accord pour augmenter les niveaux d'immigration et je suis heureuse de vous l'entendre dire. Vous êtes à même de le savoir parce que vou3 êtes très près de cette population immigrante. Je suis heureuse de vous entendre dire que Montréal est devenue une ville multiculturelle, multiraciale et, également, de plus en plus francophone, que les immigrants parlent de plus en plus français. C'est bon à entendre et on doit continuer dans le même sens à les encourager à s'intégrer à la majorité francophone. (15 h 30)

Cependant, vous limitez le volume annuel des réfugiés au niveau actuel et, selon vous, il semblerait que les enfants de réfugiés ont plus de difficultés d'intégration - c'est ce qui ressort un peu de votre mémoire - que les enfants des autres catégories.

J'aimerais savoir sur quelles considérations vous appuyez cette recommandation et quels sont les moyens mis en place par votre commission pour pallier ces problèmes.

M. Pallascio: Alors, si on prend la question, d'abord, du rapport Chancy, nous avons quand même certains moyens qui ont été mis en application à la CECM. Nous en avons mentionné quelques-uns dans le texte et je demanderai peut-être à M. Attar de développer cet aspect-là, puisqu'il est à ce service depuis plus de 18 ans et qu'il pourrait y répondre mieux que moi.

La question des réfugiés qui nous arrivent à la CECM. Vous avez, dans les chiffres, les pourcentages des personnes qui nous arrivent et aussi l'origine de ces personnes. Il est sûr qu'à l'heure actuelle ces personnes nous arrivent aussi dans le cours de l'année. Il faut alors les recevoir, leur donner le service le plus rapidement possible. Ce sont des réfugiés et des immigrants qui ne sont pas nécessairement facilement intégrables à l'école, donc qui demandent souvent des services supplémentaires ou plus importants que d'autres groupes.

C'est pour cela que nous mentionnons, dans notre mémoire, l'importance de pouvoir avoir un soutien et les moyens de recevoir ces gens-là. Présentement, nous les recevons tous, nous tes référons aux services que nous avons à la commission, au service d'accueil tout d'abord, avant de les intégrer aux services réguliers. Le service d'accueil est un stage d'environ dix mois, qui n'est pas toujours suffisant pour tous les groupes et pour le genre de groupes que nous refusons. Quelquefois, ce stage devrait être prolongé de plusieurs mois avant qu'on puisse les intégrer. Nous ne pouvons Ie3 intégrer au secteur régulier s'ils ne sont pas encore prêts à faire face à l'enseignement régulier dans une langue étrangère; il faut absolument pouvoir leur donner un service complet avant de les amener au secteur régulier.

Ce sont des difficultés que nous rencontrons à l'arrivée de ces réfugiés, présentement. À l'heure actuelle, il faut comprendre qu'après ce stage-là ils sont dirigés vers le secteur régulier qui doit les recevoir automatiquement. Par conséquent, nous sommes bien souvent obligés d'ajouter des ressources supplémentaires pour aider le secteur régulier à recevoir cette clientèle. Ces ressources ne sont pas toujours prévues dans les règles budgétaires des différents ministères et peuvent amener un poids, si vous voulez, supplémentaire vis-à-vis de nos ressources du secteur régulier.

Alors, ce sont un peu les problèmes que nous rencontrons. Je vais laisser la parole à M. Attar qui répondra à la première partie de la question.

M. Attar (Robert): M. le Président, mesdames et messieurs, il est certainement incontestable que le Québec, actuellement et depuis toujours, a offert un accueil aux immigrants que je n'ai vu moi-même, comme ex-immigrant, dans aucun pays du monde, ni même chez nos voisins du Sud. Malgré les sondages qui démontrent parfois une certaine réticence de notre population, il est faux de dire que l'on rejette les immigrants, au Québec. En effet, lorsqu'il a fallu poser des gestes de solidarité sociale au moment où les réfugiés de la mer, que l'on appelait communément "boat people", sont arrivés et qu'il a fallu faire parrainer ces réfugiés par des familles québécoises - cela coûtait 10 000 $ pour parrainer une famille de réfugiés de la mer - des centaines de familles vietnamiennes, asiatiques ont été accueillies au Québec. Des citoyens se sont réunis pour ramasser cet argent, ces 10 000 $ pour aider ces personnes à s'installer et à s'intégrer à notre communauté. Je pense qu'il n'y a pas, au monde, un pays qui a posé de tels gestes.

Cela dit, il reste que le vécu de chaque jour et la détonation du tissu de la démographie immigrante provoquent, dans le système scolaire et dans la population, des attitudes parfois de rejet et de choc culturel. Des élèves de quatorze ans qui n'ont que deux années de scolarité, cela n'existe pas au Québec; des analphabètes de 16 ans, cela n'existe pas au Québec; fonctionnellement, des gens qui n'ont jamais été à l'école, cela n'existe pas au Québec, de nos jours. Donc, vous comprenez qu'alors qu'on le faisait facilement avec des élèves qui venaient d'autres pays où ils étaient scolarisés, si nous recevons des élèves sans bulletin, sans document, sans aucune connaissance de la langue française, en dix mois, on ne peut pas faire de miracles.

Il est certain que le rapport Chancy a préconisé beaucoup de moyens, mais il n'a pas dit où aller chercher les fonds. Les fonds ne se créent pas, ce sont des taxes qu'on doit payer pour que le ministère ou le gouvernement puisse offrir des services. Donc, nous sommes dans un cercle vicieux où, recevant une population de réfugiés, posant un geste humanitaire, le gouvernement qui pose ce geste doit prévoir des services adéquats à ce geste. Parfois, il n'y a pas d'équivalence entre le qeste humanitaire et les besoins dans le milieu de l'éducation, dans le milieu des services sociaux et dans le domaine de l'assistance à l'accueil de ces nouveaux venus.

Quand, ce matin, en commission, les personnes qui nous ont précédés, soit le Conseil du patronat, ont parlé des structures d'accueil, c'est un peu tous ces services auxquels il faut recourir lorsqu'on reçoit de telles populations. En plus, nous sommes dans un domaine où nous devons faire face aux parents; cela veut dire des parents qui ne comprennent pas les structures scolaires, qui ne comprennent pas la langue et qui essaient, à travers les COR et les cours qu'on donne aux adultes, d'apprendre le français. Pendant ce temps-là, nous avons

des enfants chez nous. Avec leurs valeurs traditionnelles, ils veulent que l'école remplace l'autorité et tout ce que les parents doivent offrir comme apport à l'enfant, comme soutien à l'enfant.

Imaginez-vous deux minutes en orthophonie, par exemple: les défauts qu'un enfant a dans le langage. Permettez-moi d'entrer dans ces détails. Quand vous recevez un enfant québécois qui a des problèmes d'élocution, des problèmes d'audition, il y a du matériel, il y a des orthophonistes, il y a des ressources. Quand ce sont des personnes qui ne comprennent pas le français, comment détecter, d'abord, que cet enfant est sourd, comment détecter que cet enfant a des problèmes d'élocution dans sa propre langue maternelle pour qu'enfin on commence à lui apprendre le français? Vous comprenez qu'actuellement nous entrons, avec cela, dans un nouveau système scolaire et que c'est au détriment d'une population régulière, au détriment des services réguliers.

Quand vous parlez de 50 ou 100 élèves, c'est une chose; quand vous parlez de 3000 élèves, c'est autre chose. Il y a des commissions scolaires qui n'ont pas 3000 élèves au Québec; nos classes d'accueil ont 3000 élèves avec la rotation annuelle: des élèves qui arrivent et des élèves qui sortent, ceux qui arrivent en mars, ceux qui arrivent en avril, ceux qui arrivent en janvier, ceux qui arrivent en novembre. Nous sommes le seul système qui reçoit des élèves tout au long de l'année scolaire dont 40 % déménagent durant l'année. Ils sont chez le frère, ils vont chez le beau-frère. Vous rendez-vous compte de toute la charge de travail que doit affronter une commission scolaire, dans une ville comme Montréal, qui doit se préoccuper de donner è ces enfants les services adéquats? En dix mois, on ne peut pas faire de miracles.

Nous avons pu atteindre certains objectifs du rapport Chancy; sensibiliser les professeurs, les aider à mieux comprendre les autres, inviter des animateurs issus des groupes ethniques à faire comprendre pourquoi - dans certaines familles, cela peut aller très loin - le frère, la soeur, le père, la mère, le cousin ou l'oncle peut venir et donner une raclée au petit gars à l'école, parce que c'est de la famille. Le directeur de l'école ne peut pas accepter cela. Donc, il faut que les professeurs comprennent tout cela; il faut que le milieu le comprenne, il faut que les parents le comprennent aussi. Il y a l'autorité que les Asiatiques délèguent au professeur, le respect de l'autorité du professeur que les Asiatiques ont dans leurs familles et qu'ils inculquent à leurs enfants.

Tout cela, nous essayons, n'est-ce pas, de le faire comprendre à nos professeurs et de les habituer à ces diverses cultures. Cependant, avec le "bumping" et le déplacement des professeurs, c'est è recommencer chaque année, parce que les conventions collectives nous forcent à déplacer des professeurs à cause des surplus. Donc, vous vous rendez compte que le travail n'est pas fini. Quand vous avez fini avec une école, on recommence. Où sont les ressources pour faire face à tout cela?

Donc, c'est un peu ce que nous vous disions. Nous avons pu accomplir certaines actions très positives, très concluantes, arrêter des manifestations de chocs culturels. Nos écoles françaises n'étaient pas habituées à recevoir des gens de couleur. C'était surtout dans les autres commissions que les professeurs étaient habitués, bien sûr. Aujourd'hui, nous n'avons pas tous les instruments nécessaires, mais nous essayons de surmonter et de diminuer les tensions culturelles qui peuvent naftre dans nos écoles. Ce que le rapport Chancy disait, nous essayons aujourd'hui de le réaliser par étapes.

M. Pallascio: Si vous me le permettez, je voudrais seulement rajouter quelque chose sur la volonté des groupes immigrants de se franciser. Nous avons reçu, il y a quelques mois, différents représentants d'associations vietnamiennes à l'assemblée des commissaires, qui sont venus nous faire part des problèmes qu'ils rencontrent. Ils nous ont dit: Le problème n'est pas de se franciser, mais d'avoir les ressources voulues pour le faire. Alors, comme je le mentionnais tout à l'heure, c'est un exemple du stage d'accueil qui dure dix mois et qui, dans leur communauté, semble insuffisant. Ils étaient prêts à suivre des cours l'été, à ce que l'on accentue le programme, pour autant que l'on ait les moyens de le faire. Actuellement, le stage est de dix mois, mais ils étaient prêts à nous suggérer des moyens, si vous voulez, de permettre cette francisation de leurs gens. Ce sont des points sur lesquels nous avons discuté. Il y a d'autres problèmes qu'ils rencontrent, soit la différence de culture et, un peu, la formation que l'on doit donner aux enseignants face à cette nouvelle culture: comment aborder des enfants d'origine et de culture différentes, comment faire affaire avec eux. Ce sont des points importants pour lesquels nous devons développer de nouveaux outils et donner un support à notre personnel à l'intérieur des écoles.

Le Président (M. Trudel): M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le président, en vous souhaitant la bienvenue, je pense que vous n'aviez pas à vous excuser tantôt quant au nombre. Connaissant vos fonctions à la CECM, c'est la preuve toute évidente de la préoccupation de la CECM dans ce dossier-là. Vous allez me permettre, j'en suis

certain, de saluer d'une façon particulière M. Attar que je connais depuis de nombreuses années et avec qui j'ai très souvent travaillé et collaboré, justement dans le dossier des classes d'accueil pour enfants d'immigrants. Il comprend bien, aujourd'hui, le plaisir que j'ai à le revoir, mais cette fois-ci, à titre de porte-parole de l'Opposition en matière d'immigration et de communautés culturelles.

Vous avez débuté par un énoncé qui dit: Oui, la CECM favorise l'immigration au Québec. M. Attar a dit avec beaucoup d'émotion, qui vient de son vécu, que le Québec était effectivement une terre d'accueil exemplaire à bien des égards et qui n'avait pas de leçon à recevoir de qui que ce soit. Vous avez même dit: Surtout pas de nos voisins du Sud où, malheureusement, effectivement, s'est produit ce "melting-pot" où on a fait disparaître des cultures, qui, par contre, Dieu le sait, sont enrichissantes. Donc, la CECM dit: Oui, nous sommes d'accord avec une politique d'immigration, une augmentation du nombre d'immigrants au Québec. Nous sommes d'accord avec l'énoncé d'un Québec pluriculturel, et d'un Québec pluriculturel francophone, et nous voulons bien remplir notre fonction d'intégration harmonieuse de ceux que j'appelle, affectueusement, ces Québécois nouveaux à la culture francophone majoritaire.

Vous avez fait cet énoncé, mais, par contre, vous avez parlé de liste d'épicerie et de cuisine. Je suis très heureux que vous arriviez à cela. Premièrement, cela me ramène un peu dans le passé. Je vous avoue en avoir quelquefois la nostalgie, mais voilà effectivement des problèmes très concrets. On peut faire n'importe quel énoncé de politique, mais, par contre, cela doit se traduire par des gestes concrets par la suite. Il nous faut les moyens et les outils nécessaires pour le faire.

Quand je vous entendais, M. Attar, tantôt, dire: Oui, mais nous avons 3000 élèves par année et on ne sait jamais combien on va en avoir, je me suis souvenu quand mon directeur général, M. Bélisle, me disait: Faites-moi donc une prévision d'élèves pour vos classes d'accueil. Je lui répondais: Cela m'est impossible, mais demain, peut-être, en ouvrant le journal, si je vois qu'il y a un coup d'État militaire, une révolution ou une guerre civile dans un pays, je pourrai peut-être vous dire qu'on a des chances de recevoir des gens de ce pays-là très bientôt. Donc, effectivement, c'est très difficile de faire la prédiction quant au niveau des réfugiés. (15 h 45)

Quand vous fixez un chiffre pour le nombre de réfugiés, je comprends que votre réticence n'a pas d'autre fondement que les ressources que vous avez et les difficultés tout à fait particulières que cela représente. Vous iriez sans doute à une numerus clausus plus importante si on vous donnait effectivement certaines garanties quant aux outils ou aux moyens pour mieux les intégrer. Est-ce que je le comprends bien si je l'exprime ainsi?

M. Pallascio: Si vous le permettez, je vais laisser M. Attar répondre à cette question.

M. Attar: Du point de vue des démarches scolaires, je dirais oui. Mais, tout de même, on est la commission scolaire la plus importante du Québec et, je pense, la première ou la deuxième au Canada. Il faut aller un peu plus loin que des énoncés touchant un système scolaire. Philosophiquement, nous avons, au Québec, une politique humanitaire. Une commission scolaire qui est un organisme public doit avoir aussi une politique humanitaire, mais où peut se trouver la limite de la tolérance lorsque cette politique est déjouée? Comme eximmigrant, je vous dis que, lorsque j'ai dû venir au Québec, cela m'a pris un an et demi. On m'a analysé de la tête aux pieds, on a analysé mon sang, mes urines, ainsi qu'à ma famille, mes empreintes digitales, toute la patente, les poumons, mon dossier policier, et, ensuite, on m'a dit que je pouvais venir. Cela a pris un an et demi. Je possédais quatre langues, deux diplômes supérieurs, la même chose pour mon épouse. Ce n'était pas facile d'entrer au Québec et au Canada.

Or, aujourd'hui, je vois arriver des réfugiés qui n'en sont pas, dans mon bureau à la CECM, je détecte que ce ne sont pas de vrais réfugiés, qu'ils donnent des raisons. Je ne suis pas juge, mais j'écoute. Je leur dis: Vous comptez rester ici? Alors, il y a deux phénomènes. D'abord, il y a des personnes qui arrivent et qui ne sont pas vraiment des réfugiés. Comme structure scolaire, nous devons d'abord recevoir des gens qui doivent rester au pays. Or, si vous me donnez des outils pédagogiques je dis: Oui, cela répond à une question, mais cela ne règle pas le fond du problème qui est de recevoir des réfugiés qui n'en sont pas, qui prennent la place d'autres vrais réfugiés qui devraient être là. Je ne suis pas prêt à dire: D'accord, j'accepte qu'en principe, si vous me donnez des outils, on accepte tous les réfugiés au détriment d'autres objectifs. Surtout lorsque certains de ces réfugiés vous disent, malgré tous les services qu'on met à leur disposition: Nous comptons retourner chez nous remettre la justice en place. Vous rendez-vous compte de l'effet que cela produit dans la population? Des Québécois paient à ces personnes leur séjour, les services sociaux, les services scolaires et les entendent dire: On retournera chez nous.

Nous avons des réactions qui nous viennent des parents dans les écoles et

partout et nous avons de la difficulté, comme administrateurs scolaires, à nous trouver face à des personnes qui font de telles déclarations et se déclarent "réfugiés" entre guillemets. C'est pour cela que, lorsque vous me posez la question: Si on vous donne les ressources, les acceptez-vous, je dis: Écoutez, du point de vue pédagogique, c'est oui. Mais comme institution scolaire, face aux réactions que j'ai de la population, à la CECM, on a à répondre à certaines questions et, parfois, nous sommes dans l'embarras.

M. Pallascio: Si vous me le permettez aussi, sur le nombre de réfugiés et d'immigrants, je pense que la CECM a démontré que, depuis dix ans, avec un afflux, quand même, très important d'immigrants, dont le nombre et le pourcentage ont augmenté d'année en année, nous avons su répondre adéquatement à l'arrivée de ces gens, à leur donner au moins un service et aussi à éviter des problèmes que, dans d'autres villes, même canadiennes, ils ont connus. Je pense que les quelques incidents qu'on a connus à la CECM sont très mineurs par rapport à d'autres événements qui se sont passés dans d'autres villes.

Ce que nous disons à la CECM, présentement, c'est que Québec doit avoir sa part d'immigration. Je reviens un peu à ce que je disais au début. Il faut que ce soit regardé dans le contexte aussi de la dénatalité au Québec. Nous aurons, vers 1991, plus de 50 % d'immigrants à l'intérieur de nos écoles. Quand on parle de donner un service à ces gens, il n'y a pas de problème. Il faut voir les impacts que cela aura, au plan sociologique, à l'intérieur de nos écoles d'ici quelques années. Est-ce que, avec les services qu'on va se donner, même si on en a les moyens, on aura la capacité de recevoir ce3 gens et de les intégrer réellement au système, comme on peut le faire à l'heure actuelle? Ce sont des questions qu'il faut se poser présentement, à mon avis. Je reviens à ce que disaient les membres du Conseil du patronat: II faut regarder cela dans un ensemble aussi, celui d'une politique de la famille au Québec.

M. Boulerice: J'aurais deux autres questions à vous poser qui sont, en tout cas, brèves dans leur formulation actuellement. La réponse vous appartient.

Le Conseil de la langue française, dans son rapport "La place du français dans les écoles", avait fait mention d'un projet éducatif interculturel pour les écoles. J'aimerais savoir où vous en êtes, à la CECM, avec cette recommandation du Conseil de la langue française.

M. Pallascio: On a une politique globale à la CECM concernant les milieux ethniques. Les objectifs et les moyens que nous nous donnons se situent dans la politique globale de la CECM. Cela couvre toute la commission elle-même, ce qui n'empêche pas, dans certaines écoles, de développer certaines activités locales qui peuvent se retrouver surtout dans les milieux ethniques. Nous avons, entre autres, dans certains milieux des moyens bien particuliers, bien locaux, ne serait-ce que dans des régions comme Montréal-Nord, où nous avons des concentrations de certaines origines et où nous avons des services particuliers d'agents de milieux. Nous en avons aussi dans la région ouest de Notre-Dame-de-Grâce comme telle. Mais, notre politique, à la commission, est une politique globale qui s'adresse à la commission d'abord et avant tout. Ce sont des objectifs que nous nous sommes donnés. Nous sommes la première commission scolaire à le faire. Avec ces objectifs, nous nous sommes donnés des moyens que nous avons la possibilité, en tant que commission scolaire, de prendre. Il y a d'autres moyens que nous revendiquons, si vous voulez, auprès du ministère pour obtenir les ressources nécessaires pour pouvoir donner ces services.

M. Attars Vous savez, l'éducation interculturelle, ce n'est pas aussi facile qu'on le pense. Les groupes ethniques se posent la question: Qu'est-ce que l'éducation interculturelle? Ou on leur explique clairement ce que c'est, ou on donne des définitions qui sont très vagues et imprécises. Il y a une définition, qui me revient, qui n'est pas officielle, mais qui court dans les coulisses des groupes ethniques et à laquelle j'adhère, sauf qu'elle n'est pas expliquée, donc, il y a des interprétations a cela. L'éducation interculturelle, je l'ai comprise ainsi, est d'abord la connaissance des diverses cultures pour mieux se comprendre, mieux se connaître, mieux s'accepter et vouloir vivre ensemble. C'est ma définition, alors que d'autres l'interprètent en disant que c'est la convergence des cultures minoritaires vers une culture dominante. Ce sont des mots que je souligne parce qu'ils sont répétés dans les milieux ethniques. Je vous ai donné mon interprétation de l'éducation interculturelle et ce que j'en ai comme écho lorsque j'assiste à de multiples réunions.

À la CECM, • qui a une vocation éducative et sociale, nous essayons d'abord de faire comprendre ce que sont les autres cultures, de faire accepter ces cultures, de faire comprendre ce qu'est la culture québécoise et d'essayer d'amener les parents des familles de vieilles souches et les nouveaux arrivants, ainsi que les élèves de ces mêmes souches à s'accepter, à se connaître et à vouloir vivre ensemble. Sauf que la difficulté à Montréal, c'est qu'on trouve - je vous ai donné cela dans les annexes et, si vous avez le temps de les

regarder, dans vos quartiers électoraux ou ailleurs, vous allez trouver des choses assez surprenantes - une école à 87 % d'ethnies. Comme Québécois de vieille souche, je serais minoritaire en s'il vous plaît si je me trouvais là-dedans. Qu'est-ce que je ferais là? Comment intégrer ces 87 % à la culture québécoise? Si je suis professeur, je ne sais pas comment faire, è part mon petit cours que je donne en classe. Allons-nous faire du "busing" comme aux États-Unis pour transférer les élèves et avoir une école à 30 %? Mais voyons donc! Je vous ai dit qu'il y avait 32 écoles qui ont une population de 51 % et plus. C'était en 1985-1986. Dans une semaine, nous serons en 1987-1988. Nous sommes rendus, ce matin, à 40 % de population ethnique à la CECM. Ce n'est plus 34 %. C'est la surprenante découverte que nous avons faite, parce que nous avons fait cela à la main, école par école, élève par élève. La fiche de l'élève dit: nom de l'élève, langue parlée, lieu de naissance. Alors, je lis: Pierre Noël, francophone, né à Montréal. J'entre en classe et Pierre Noël est Haïtien. J'aurais cru que c'était un Québécois de vieille souche. Donc, il a fallu faire à la main un travail de sept mois pour savoir où en était notre population ethnique. La croissance démographique est de 2,5 % par année. Ce matin, nous en sommes à 40 % et on continue.

Donc, comment puis-je énoncer d'une façon très claire la définition de l'éducation interculturelle et me trouver dans des bassins où j'ai de la difficulté à pouvoir ailier ces deux sociétés? C'est pour cela que, dans le texte, je dis que des élèves passent de la maternelle au secondaire V français; qu'on ne vienne pas me dire que nous sommes en train de fabriquer des anglophones parce qu'alors je mets en doute mon système scolaire. Chaque fois qu'on dit 1 % à la CECM, il s'agit de 1000 élèves; 40 %, c'est 40 000 élèves dont la majorité vont à la maternelle au secondaire V. On se dirige, mesdames et messieurs, vers une société francophone. Je suis optimiste. Une transformation linguistique ne se fait pas avec des sondages à tous les trois mois. Cela prend dix ans, une génération. Je suis sûr qu'à ma retraite je verrai dans les journaux qu'on se dirige vers une société francophone, mais non culturellement québécoise. Et c'est cela, le défi.

M. Boulerice: Je sais que mes collègues veulent également vous interroger. Je vais me limiter è une seule et dernière question. Vous avez, justement, mentionné les maternelles. Quel bilan faites-vous des maternelles d'accueil à plein temps?

M. Attar: Très positif. Malheureusement, on nous les a coupées par une règle budgétaire qui n'a aucun sens et contre laquelle nous nous sommes battus. C'est comme un directeur d'école, qui a des élèves sourds qui viennent d'Abitibi et des élèves sourds qui viennent de Montréal, qui aurait deux systèmes pédagogiques: un régime pédagogique pour les sourds de l'Abitibi et un régime pédagogique pour des sourds qui viennent de Montréal, dans la même école, dans le même quartier. C'est ce qu'on a fait avec les immigrants, mais les immigrants n'ont pas de force politique. On a donné une maternelle d'accueil à plein temps à tous les enfants dont les parents sont arrivés au Québec depuis moins de cinq ans et à des non-francophones, à des enfants qui n'entendront jamais parler français chez eux de l'âge de six mois jusqu'à cinq ans, on donne une demi-journée et on appelle cela des maternelles de francisation. C'est ainsi que nous avons maintenant des problèmes dans les classes de première année où sont ces enfants de la maternelle de francisation, des enfants qui doivent fréquenter l'école française, mais qui n'ont eu qu'une demi-journée de classe... On les a coupées en 1978. On a dit: Si les parents sont au Québec depuis plus de cinq ans, donc, si les parents sont arrivés avant 1982 en septembre prochain, soit en septembre 1987, les enfants iront à la maternelle à la demi-journée. S'ils sont arrivés en 1982 et après 1982, chaque cinq ans c'est comme cela, ils ont le plein temps. Dernièrement...

Mme Harel: Est-ce qu'on peut vous demander d'être concis, par exemple, M. Attar?

M. Attar: Les pressions que nous avons faites ont permis de recevoir expérimentalement, l'année passée et cette année, six groupes de francisation qui ont eu le temps plein pour voir si vraiment ce que nous disons est réel et si ces enfants-là, grâce à cela, ont amélioré leur français pour pouvoir faire une première année adéquatement.

M. Pallascio: Très rapidement, je pense que c'est un besoin. On a vu le besoin et les demandes qui étaient là. Mais le plus important, je pense qu'il ne faut pas oublier que, dans le domaine scolaire, ce sont des jeunes que nous avons entre les mains et, donc, qu'ils vont passer par le système scolaire pour se former. Il est extrêmement important de pouvoir les avoir le plus rapidement possible et de les prendre en main dès le départ pour leur donner le meilleur service possible.

M. Boulerice: Je vous remercie, M. Pallascio et M. Attar.

Le Président (M. Trudel): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Vous ne voulez pas intervenir, M. le Président?

Le Président (M. Trudel): Non, pas sur ce mémoire-là. (16 heures)

Mme Harel: Ah bon! Oui, avec plaisir.

Le Président (M. Trudel): M. le député de Richelieu.

Mme Harel: C'est la règle de l'alternance, alors.

M. Khelfa: Merci.

Le Président (M. Trudel): Allez-y.

M. Khelfa: Merci, M. le Président. J'aurais quelques interrogations, quelques informations ou clarifications à demander en ce qui concerne les classes d'accueil. Avec tout le dossier, toute la situation de la non-confessionnalité et de la confessionnalité, avec quoi vous devez vivre tous les jours dans vos écoles, surtout en ce qui a trait aux classes d'accueil, comment vous organisez-vous physiquement et réellement dans des classes de cette nature? Quelle sorte d'approche prenez-vous?

M. Pallascio: II faut comprendre une chose dans le moment: c'est peut-être pluri-etnique, mais ce n'est pas nécessairement plurireligieux. Notre clientèle est à plus de 90 % d'origine catholique. Si on prend les immigrants, puisqu'on parle des classes françaises, on va s'en tenir à celles-ci, plus de 75 % des arrivants d'origine ethnique sont catholiques aussi. Si vous prenez le secteur anglais, nous sommes aussi, quant aux groupes ethniques, à plus de 90 % parce que voua rajoutez, à ce moment-là, ceux d'origine italienne. Alors, dans les classes d'accueil, ce n'est pas différent, à l'heure actuelle, de notre clientèle régulière. De ce côté-là, le respect des minorités est là et ceux qui demandent le service l'obtiennent. II faut comprendre que les classes d'accueil, c'est avant tout pour les amener à s'intégrer au secteur régulier. Donc, on ne retrouve pas tellement de cours basés sur une question religieuse ou morale, ce sont, d'abord, des cours de francisation afin de les amener à fonctionner à travers le secteur régulier, au niveau de la langue. Quand ils arrivent dans le secteur régulier, ils ont les mêmes droits et les mêmes services que les autres élèves du secteur régulier.

M. Khelfa: Cela veut dire que la même règle s'applique.

M. Pallascio: Oui.

M. Khelfa: D'accord. Un autre point. Dans votre mémoire, à la page 13, dans une des recommandations, vous mentionnez que vous souhaitez que le niveau d'îmmiqration augmente à 25 %. Est-ce que, si je comprends bien, vous voulez que ce soit augmenté à partir de l'année prochaine, à partir de 1988-1989?

M. Pallascio: Non. À notre avis, il y a une question de remplacement, si vous voulez, d'avoir une clientèle à l'heure actuelle. Comme nous ne pouvons pas avoir une clientèle québécoise, il faut, quand même, permettre d'avoir un remplacement de la population, A ce moment-là, nous croyons que le Québec a le droit, d'après ta proportion de sa population, à 25 % de l'immigration. Il en est de même pour la question des réfugiés.

M. Khelfa: La phrase dit - parce qu'on parle de 1988-1989, on ne parle plus de 1987-1988 qui n'est pas encore terminée -que, pour 1988-1989, elle soit augmentée pour atteindre 25 %. Selon notre jugement, nous sommes à 17 %, actuellement, ou presque; nous naviguons entre 15 % et 17 %. Donc, d'ici là, qu'elle soit portée à 25 %, soit par tranches de 4 % ou de 6 %, pour qu'elle atteigne 25 % de celle du Canada. Toronto, vous le savez, a environ 47 % de la population immigrante du Canada.

Le Président (M. Trudel): 5i vous avez une autre question, allez-y, il vous reste du temps. Sinon, vous pourrez revenir pour quelques minutes.

M. Khelfa: Je vais revenir.

Le Président (M. Trudel): Mme ta députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui. Merci, M. te Président.

Le Président (M. Trudel): Quatre minutes trente secondes, s'il vous plaît.

Mme Harel: C'est vraiment très court. M. le président de la CECM, à la page 7, on retrouve une affirmation dans le sens que la CECM a comme mandat "d'accueillir et d'intégrer d'innombrables jeunes immiqrants de cultures, de langues et de races différentes", de religions également. C'est un peu dans le sens de. l'intervention que vient de faire mon collègue. Vous avez dit que 90 % étaient de confessionnalité catholique. Mais, les chiffres d'une étude menée par un organisme de coopération nord-sud auprès de la CECM démontraient que, présentement, on retrouve dans 60 % des écoles des élèves musulmans ou des élèves d'une autre religion orientale; dans 40 % des institutions

scalaires de la CECM, des élèves de confessionnalité grecque orthodoxe et, dans 57 %, des élèves de confessionnalité protestante, Ce sont bien là des chiffres valides?

M. Pallascio: Ce sont des pourcentages d'institutions qui reçoivent des jeunes.

Mme Harel: Oui.

M. Pallascio: Nous en avons un peu partout.

Mme Harel: Alors, il peut y en avoir peu. Mais, dans le domaine du respect des droits, ce n'est pas le nombre qui compte, évidemment; on s'entend là-dessus. Il n'y en aurait que deux ou trois par écoles et, déjà, j'imagine que l'objectif de la CECM, ce serait d'accueillir et d'intégrer des jeunes de cultures, de langues, de races et de religions différentes.

Je pense que j'ai eu l'occasion de vous en féliciter: en 1984, vous avez été la première commission scolaire à rendre publique une politique d'accueil interculturelle avec tout l'élément, toute la dimension interconfessionnelle, et j'aimerais vous entendre là-dessus. Vous avez aussi fait part, avec raison, de l'augmentation régulière d'effectifs québécois, de jeunes de familles immigrantes. Évidemment, j'aimerais vous entendre également relativement à une augmentation spectaculaire des effectifs scolaires de votre pendant sur l'île de Montréal, The Protestant School Board of Greater Montreal et de son secteur francophone. Si l'augmentation est importante pour la CECM, vous savez certainement que la commission scolaire qui a la plus importante progression de ses effectifs, c'est le secteur francophone du PSBGM. Est-ce que l'aspect interconfessionnel n'est pas étranger? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Également, M. Attar, je dois vous dire que, vraiment, cette conception que vous nous avez exprimée sur les réfugiés qui se rendent à vos bureaux nous est difficile à partager. N'oubliez pas qu'un réfugié, ce n'est pas un immigrant qui a quitté volontairement son pays d'origine. Un réfugié, par définition - je parle de ceux qui ont toute la légitimité pour se donner ce statut ou se faire octroyer ce statut - c'est quelqu'un qui quitte involontairement son pays, parce qu'il doit s'en exiler et qui a le souci, j'imagine, ou l'espérance d'y retourner. Il est certainement souhaitable qu'on n'oublie jamais que les réfugiés qu'on reçoit sont susceptibles, plusieurs d'entre eux, de retourner dans leur pays d'origine.

Je me rappelle une entrevue avec l'ambassadrice du Canada à Buenos Aires qui expliquait que, si l'arrivée de réfugiés en provenance d'Argentine s'était tarie, c'est parce qu'il y avait eu un retour à la démocratie et que des gens étaient retournés dans leur pays. Alors, je pense qu'il faut avoir une vision différente pour des enfants de familles réfugiées et des enfants de familles immigrantes. Les uns sont ici pour y rester, pour toujours, et les autres, peut-être y resteront-ils; cela dépendra des circonstances. Mais, certains, avec raison, souhaitent pouvoir y retourner.

Cela dit, j'aimerais partager votre optimisme, que l'on retrouve à la page 4, sur une génération de plus en plus francophone. Les chiffres que l'on retrouve dans différents rapports, soit le rapport Chancy ou celui du conseil scolaire, démontrent que, jusqu'en 1976-1977, 82 % des enfants allophones étaient à l'école anglaise, puis, selon les derniers chiffres que j'ai eus pour 1983-1984, c'était 60 %. Donc, il y a eu vraiment une amélioration considérable dont on peut finalement se réjouir.

Cependant, il y a toute une marge entre la maîtrise de la langue française et l'usage du français à la maison. Même, vous disiez que les enfants qui arrivent à la maternelle, parfois, n'ont pas entendu un mot de français entre 6 mois et 5 ans. Malheureusement, les chiffres les plus récents, ceux de 1986 du Bureau de la statistique du Québec, je vous en parlais...

Le Président (M. Trudel): Mme Harel, je dois vous rappeler que, malheureusement, votre temps est écoulé depuis déjà fort longtemps. Si vous voulez conclure votre question pour les représentants de la CECM.

Mme Harel: Je conclus en disant que moi, en ce qui me concerne, je ne peux pas généraliser à partir du seul milieu scolaire. Je dis que oui, en ce qui concerne le milieu scolaire, il y a définitivement un résultat de francisation qui est vraiment réjouissant. Mais, je ne peux pas généraliser, à partir du seul milieu scolaire, les transferts linguistiques en faveur du français. Au sens où l'entendent tous les chercheurs, l'abandon de la langue maternelle en faveur du français, cela, ce n'est pas encore chose faite, Pour tout de suite, les chiffres les plus récents, ceux qui font le pont sur les dix dernières années, nous démontrent tout à fait le contraire.

M. Pallascio: Si vous le permettez M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Sûrement, allez-y!

M. Pallascio: Si vous me permettez de revenir sur certains points que vous avez mentionnés tout à l'heure, sur la question des réfugiés, il faut comprendre une chose: quand on regarde l'arrivée des réfugiés au

Québec, quand on regarde ceux qui sont dans les camps présentement et qui doivent attendre longtemps avant d'obtenir la permission d'immigrer, vous avez des gens qui arrivent ici et qui ont payé des prix fabuleux et qui ne viennent pas nécessairement directement de leur pays. Enfin, de ce côté-là, on aimerait... Je parlais des "boat people", tout à l'heure. Nous avons accueilli de3 gens qui étaient réellement dans la misère. Mais, lorsqu'on est obligé de mettre un nombre à ces arrivées-là, je pense qu'il y aurait lieu de regarder qui on reçoit.

Vous avez parlé aussi du PSBGM, du développement du secteur francophone. Je pense qu'il faut faire attention à certaines choses. Ici, nous avons les chiffres pour tout le Conseil scolaire de l'île de Montréal. La CECM reçoit trois ou quatre fois plus d'immigrants que toute autre commission scolaire; en conséquence, elle est la plus importante et le PSBGM est la seconde en importance. Pour l'année 1985-1986, la CECM a reçu 2326 étudiants du secondaire, et 625 pour le secteur du PSBGM.

Il faut comprendre que le PSBGM semble développer son secteur francophone parce qu'il n'existait pas auparavant. À cause de la loi 101 et des lois linguistiques, naturellement, par la force des choses, il a développé, lui aussi, un secteur francophone pour les immigrants qui sont là. Il faut aussi comprendre que nous recevons des élèves protestants, à Montréal, qui se dirigent normalement vers le PSBGM. Mais, je pense qu'il y a certains ballons qu'il faut dégonfler. C'est sûr que le PSBGM, dans le moment, a un secteur francophone en expansion puisqu'il part presque de zéro; mais, nous aussi, il est en expansion, notre secteur francophone. Tout comme celui du PSBGM notre secteur anglophone est en diminution; donc, cela entraîne chez nous, une diminution de notre clientèle totale. Mais, cette diminution se fait au secteur anglophone et non au secteur francophone. Nous sommes aussi en expansion, si vous voulez, sur cet aspect-là.

La question confessionnelle, à notre avis, ne joue pas du tout dans cela. Sur ces points-la nous avons les chiffres à la CECM, et les différents dossiers, qui sont sortis à un moment ou à l'autre, n'ont démontré aucune modification pour une question confessionnelle. Il est bien sûr que les protestants vont se diriger vers le secteur protestant, les catholiques vers le secteur catholique, et les autres ont à choisir entre les deux systèmes. À la CECM, nous ne refusons personne, de quelque religion qu'ils soient ou pour quelque raison que ce soit. Ils sont libres de venir, nous leur donnons le service lorsqu'ils arrivent chez nous. Naturellement, il y a le respect des orientations de la commission de façon générale et ceux qui ne sont pas d'accord avec les orientations ont, quand même, le droit à l'option que toute autre commission scolaire offre dans la province.

Le Président (M. Trudel): Mme la députée.

Mme Harel: II ne reste plus de temps, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): L'enveloppe de votre formation est déchirée, j'allais dire, depuis un bon moment. Celle de la formation ministérielle, que je représente comme président de la commission, ayant encore quelques feuillets pour quatre minutes, je me permettrai, M. le président, de vous poser deux questions qui sont des questions de chiffres. C'est important quand on parle d'immigration et on en a parlé beaucoup depuis le début. Dans un cas, la CECM dit vouloir accélérer de façon importante l'immigration au Québec. Vous parlez de 25%, on l'a dit tantôt, à partir de maintenant et rapidement, ce qui équivaudrait à peu près à 35 000 immigrants dès 1985. Vous nous dites, dans vos recommandations - ce que je comprends fort bien, d'ailleurs - manquer de fonds pour répondre aux besoins urgents des services de soutien et de rattrapage pédagogique, ainsi qu'aux services aux jeunes immigrants et à leurs familles. Donc, si vous demandez une accélération de l'immigration, il va falloir encore mettre beaucoup plus de sous. Premier aspect d'une question.

La deuxième me surprend davantage. C'est qu'en voulant limiter à 5000, donc à toutes fins utiles, en gelant le nombre de réfugiés que vous voudriez voir acceptés au Québec, vous vous trouvez à diminuer de façon, à mon avis, extrêmement importante la proportion de ce qu'on appelle l'immigration humanitaire puisque, si votre total augmente, cela passerait de 25% à 15%. Est-ce que c'est vraiment l'objectif que vous recherchez?

M. Pallascio: Écoutez, il faut comprendre une chose. Nous faisons une distinction entre immigrants et réfugiés. Alors, les 25% s'appliquent au taux d'immigration. Les réfugiés, pour nous, c'est une question de supplément.

En ce qui regarde la question d'augmenter le nombre d'immigrants, je pense que tout à l'heure vous avez entendu le Conseil du patronat qui, pour des raisons économiques, vous faisait valoir l'importance d'augmenter le taux d'immigration, soit de remplacement de la population; il faut aller en évolution.

Quand on regarde au niveau scolaire, c'est un peu le même discours que l'on tient de ce côté-là. Nous avons aussi, si vous voulez, à respecter l'aspect social et non pas

seulement éducatif. On a aussi un rôle social de ce côté-là et nous vous mentionnons qu'à notre avis, après étude du dossier, il faut absolument qu'il y ait une augmentation du taux d'immigration si on veut garder le même niveau de population que nous avons présentement, sinon l'augmenter.

Quant aux moyens - nous l'avons expliqué dans notre mémoire - j'aimerais insister pour dire que nous avons la possibilité à l'intérieur de la commission de développer des outils, d'abord par nos propres moyens. Mais, nous pensons que, actuellement, si on veut qu'en tant que commissions scolaires, on donne un service et qu'on joue un rôle de francisation et d'intégration de ces gens-là, il faut nous aider à développer ces services, nous donner le matériel didactique pour les rejoindre et les intégrer le plus rapidement possible au secteur régulier. Voilà, pour la question de l'augmentation à 25 %. Quant aux réfugiés, comme je vous l'ai mentionné tout à l'heure, pour nous, c'est un autre domaine, même s'il est un peu connexe.

Le Président (M. Trudel): Oui, je suis tout à fait d'accord que cela constitue un autre domaine évidemment, sauf que la question que je vous posais c'était: Réalisez-vous qu'en gelant le nombre votre proposition veut geler le nombre de réfugiés - vous diminuez la proportion des réfugiés dans le total des immigrants acceptés au Québec?

M. Pallascio: II faut comprendre que, actuellement, les réfugiés demandent beaucoup plus de services que le secteur régulier de l'immigration. Présentement, si on mentionne des chiffres, il faudrait peut-être regarder, dans un aspect plus global, les possibilités qu'on aurait de les recevoir et de donner ces services. À l'heure actuelle, quand on regarde la situation, on pense que c'est un chiffre raisonnable proportionnellement à la population que l'on a et que l'on va recevoir.

Le Président (M. Trudel): Je vous remercie. Mme la ministre.

Mme Robic: Tout simplement, M. le Président, j'aimerais remercier encore une fois nos invités, les féliciter de leur travail et leur suggérer de continuer. Vous pouvez, d'ailleurs, compter sur notre appui dans votre démarche.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. Pallascio et M. Attar, je vous remercie. Ce que vous qualifiez de souhaitable dans votre mémoire, je pense que cela doit devenir réalisable dans ce qu'on conviendra d'appeler les meilleurs délais.

Mme Harel: Raisonnables. M. Boulerice: Raisonnables.

M. Pallascio: On remercie les membres de la commission de nous avoir reçus. Merci.

Le Président (M. Trudel): Messieurs, au nom de la commission, je voua remercie et vou3 souhaite un bon retour à Montréal. Nous allons suspendre les travaux pour trois à cinq minutes environ, avant de recevoir les représentants de l'Alliance des professeurs de Montréal.

(Suspension de la séance à 16 h 18)

(Reprise à 16 h 23)

Le Président (M. Trudel): S'il vous plaftl J'invite les députés de part et d'autre de la table à prendre place de même que les représentants de l'Alliance des professeures et professeurs de Montréal. Mme la présidente de l'alliance, il me fait plaisir de vous revoir. La dernière fois que nous nous sommes vus en cette salle c'était au mois de mai, à l'occasion de la commission sur les accords constitutionnels du lac Meech qui sont devenus l'accord constitutionnel d'Ottawa. Vous êtes accompagnée, je crois, du premier vice-président, M. Denis Grenon. Alors, je vous souhaite la bienvenue à la commission de la culture sur le niveau d'immigration. Vous aussi êtes une vieille -le mot n'est pas péjoratif - habituée des commissions parlementaires, vous connaissez très bien les règles du jeu - un peu comme M. Dufour ce matin - je n'ai pas à vous les rappeler: plus ou moins vingt minutes et la période d'échange suivra.

Alors, madame, en vous souhaitant la bienvenue, je vous cède immédiatement la parole.

Alliance des professeures et professeurs de Montréal

Mme Pagé (Lorraine): Je vous redis bonjour. Je serais portée à dire que c'est encore moi et vous verrez que j'ai de la suite dans les idées puisque je vais vous parler aussi de l'accord du lac Meech à l'égard de l'immigration. Je vais laisser M. Denis Grenon, premier vice-président de l'alliance, vous présenter un peu les raisons et les limites de notre intervention devant la commission parlementaire, mais aussi vous situer un peu la façon dont nous avons travaillé pour produire ce mémoire. Après sa très courte présentation, je vous reviendrai pour présenter vraiment le fond du mémoire lui-même et les recommandations.

M. Grenon (Denis): Bonjour. Alors, plus

de 7000 enseignantes et enseignants francophones à l'emploi de la Commission des écoles catholiques de Montréal ainsi que des salariés de deux institutions privées oeuvrant dans la rééducation sont membres de l'alliance.

Cette courte présentation de l'alliance justifie notre intervention devant la commission de la culture ainsi que les limites de cette intervention. Oeuvrant quotidiennement dans les écoles de Montréal, nos membres ont pu se faire quelques idées sur l'immigration. Quant à l'alliance, l'organisme syndical et professionnel, elle a su, depuis de nombreuses années, se préoccuper de l'immigration et de la réception des arrivants: est-il nécessaire de rappeler que l'alliance a participé de très près à la création des classes d'accueil et des COFI, par exemple? Ou qu'elle a envoyé, il y a quelques années, grâce au soutien de l'Office franco-québécois pour la jeunesse, un groupe d'étude en France pour examiner les modes d'intégration des arrivants dans le système scolaire de ce pays? 5oit dit que ce projet a drôlement intéressé nos collègues français.

Francophones, nos membres enseignent à de jeunes francophones ou présumés tels et à de jeunes allophones. Les prises de position de l'alliance en faveur du français, de sa qualité et de son expansion sont bien connues. Elles ne sont pas inspirées par un nationalisme que certains pourraient juger étroit et frileux, mais par la fierté de posséder une langue internationale qui permet d'exprimer un mode de pensée original, une culture riche, alternative bienvenue à l'hégémonie culturelle anglo-américaine. On ne sera donc pas surpris de voir transparaître cet attachement à notre langue . et à notre culture dans les pages de ce mémoire.

L'alliance peut donc légitimement présenter un avis sur l'immigration. Quant aux niveaux... nous n'aurons pas la prétention de nous présenter en experts. N'étant ni un groupement d'économistes ni une association de démographes, l'alliance n'a évidemment pas toute la compétence souhaitée pour traiter du sujet. Elle a cependant acquis une expérience ancienne et quotidienne.

Notre mémoire a une autre limite: notre point de vue est montréalais. Mais cette limite n'est pas trop contraignante puisque l'immigration se manifeste particulièrement à Montréal.

Permettez-nous une dernière remarque; quand on traite de niveaux d'immigration, on peut entendre deux réalités différentes et complémentaires: des niveaux quantitatifs et des niveaux qualitatifs. Circonspects quant aux premiers, nous nous sentirons plus aptes à aborder les seconds.

Je tiens à souligner à la commission que le mémoire a été préparé par un groupe d'enseignantes et d'enseignants parmi lesquels nous retrouvons très majoritairement des enseignants et enseignantes d'autres ethnies que québécoise. Dans ce comité, j'étais le seul Québécois. Donc, cela vous place dans la perspective que ce document vient de la souche même de nos enseignants.

Pour poursuivre le travail de ce document, je laisse la parole à la présidente de l'alliance.

Mme Pagé: Comme vous l'avez constaté à la lecture, le document se divise en quatre parties. La deuxième partie a attiré votre attention sur la situation de l'immigration au Québec, la troisième traite de la croisée des chemins démographiques, donc, un peu des choix que nous avons à faire, des questions que nous avons à nous poser; la dernière partie contient nécessairement les recommandations que nous acheminons à la commission aujourd'hui.

Sur la situation de l'immigration au Québec, vous me permettrez d'être assez concise. Je vous dirai qu'il arrive parfois que l'Alliance des professeurs de Montréal souscrit tout à fait aux propos de la CECM, C'est le cas pour le propos qui vous a été acheminé tantôt par le président de la CECM sur la situation qui se vit dans les classes, dans les écoles de la CECM. C'est un portrait tout à fait conforme à la réalité. Donc, je ne vous ferai pas le plaisir de l'entendre en stéréo, mais je souscris pleinement à ce qui vous a été dit.

Je voudrais vous faire remarquer deux choses qui sont importantes. C'est que les types d'immigration ont changé. Nous ne recevons pas aujourd'hui le même type de clientèle scolaire immigrante dans nos écoles, dans nos classes, qu'il y a dix ou quinze ans. Et aussi, la nouvelle forme d'immiqration qu'ont pu représenter, par exemple, les revendicateurs du statut de réfugié a fait que notre organisation scolaire montre des lacunes pour faire face à cette nouvelle réalité. Tantôt, M. Pallascio vous disait: Plus d'enfants, des besoins diversifiés, des ressources limitées, mais aussi des enfants qui arrivent en concentration et souvent, nos règles font que nous manquons de flexibilité pour faire face à tout cela. Il n'y a pas à se faire des blâmes sur le fait que nous n'ayons pas été capables de remplir tous les besoins, cela peut arriver, mais on pourrait, par exemple, distribuer des blâmes et critiquer de façon très virulente si des correctifs n'étaient pas apportés pour que de telles choses ne se reproduisent pas.

Je suis à la page 6 du mémoire. Je voudrais insister aussi sur trois éléments qui nous semblent importants. Pour nous, pour le Québec, l'immigration est une responsabilité, une nécessité et une contrainte. Tant que nous n'aurons pas regardé toute la question de l'immigration par cette triple lunette,

nous aurons peut-être fait des choix malheureux.

D'abord, c'est une responsabilité. Nous disons que les grands courants migratoires résultent de tensions des relations économiques entre les États aussi. Tant qu'il y aura des répartitions inégales dans la distribution des richesses, des ressources naturelles, tant que des couches importantes de population de pays pauvres n'auront pas les conditions minimales de vie décente, tant aussi que nous serons dans notre société de communications rapides qui offre des mirages è ces populations mal nanties, il y aura donc des courants migratoires.

Le Québec, pays prospère, attire de ces immigrants pour différentes raisons. Les gens fuient la répression, les menaces, la guerre, ils viennent rejoindre un parent, ils viennent investir, ils veulent avoir un accès à un niveau de vie plus élevé. Les uns arrivent avec un statut d'immigrant officiel, les autres arrivent avec un statut de réfugié avant d'entrer au Québec, mais bon nombre, depuis quelques années, atterrissent ici sans aucune sorte de statut et revendiquent le titre de réfugié dès leur arrivée.

Depuis peu de temps, donc, l'immigration traditionnelle venue de paya européens ou en voie de développement qui était bien contrôlée par l'État et qui touchait des individus dotés de ressources financières ou intellectuelles qui facilitaient leur intégration a cédé le pas à un afflux d'individus qui sont souvent sans ressources financières, peu instruits, parfois analphabètes, venant de pays en guerre et motivés par des raisons comme la peur, la panique et une profonde insécurité. Le Québec les accueille volontiers et je pense que nous n'avons pas à rougir de l'accueil que nous avons donné aux immigrantes et aux immigrants au Québec. Il faut dire aussi que c'est un juste retour des choses parce que le Québec, comme toutes les sociétés industrialisées, il faut bien le dire, a bénéficié et même profité des ressources du tiers monde.

Une deuxième réalité que je vous signalais, c'est que l'immigration est une nécessité pour le Québec. Comme beaucoup de pays industrialisés, nous souffrons d'un déficit démographique. Probablement que vous avez lu comme moi les différents reportages dans les journaux à cet effet. Notre taux de fécondité pose encore de façon plus alarmante la question de l'immigration. La ŒCM montre d'ailleurs un exemple éloquent de l'importance de l'immigration et de sa nécessité puisque cette population scolaire à Montréal aurait diminué de façon encore beaucoup plus dramatique s'il n'y avait pas eu la part d'immigration compte tenu de la dénatalité chronique que nous constatons au Québec. Ce n'est qu'un exemple, évidemment, mais c'est un exemple qui est probant.

À la page 12 du mémoire, nous tenons à vous signaler que le solde migratoire du Canada a toujours été positif de 1967 à 1985, contrairement à la situation québécoise. Cela nous révèle que, pour beaucoup d'immigrants, le Québec est une porte de passage, une porte d'entrée avant d'aller ailleurs au Canada ou aux États-Unis. Cela devra nous amener à nous poser des questions et à faire des choix un peu plus loin dans la présentation du mémoire.

Dernière réalités l'immigration, tout en étant une nécessité et une richesse, est aussi une contrainte par deux éléments. D'abord, il faut se poser les trois questions suivantes: Dans les conditions actuelles, l'immigration est-elle économiquement avantageuse pour le Québec? Est-ce qu'elle peut altérer la personnalité du Québec, son caractère spécifique ou distinct? Est-ce que le Québec francophone risque d'y perdre?

L'apport économique: positif ou négatif? Je pense que toutes les études sont probantes à cet effet pour dire que l'immigrant qui arrive est une richesse pour notre pays. Il arrive avec ses compétences, ses connaissances, des ressources financières et des capacités d'adaptation. Il vient donc souvent ici enrichir notre patrimoine collectif. On peut même dire, ainsi que nous le démontrent certaines études menées par le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, que ce n'est pas vrai seulement pour les immigrants, mais que même les personnes qui arrivent avec un statut de réfugié, ce qui vient peut-être à l'encontre de certains préjugés répandus, sont des jeunes célibataires scolarisés qui font preuve de beaucoup de réalisme pour leur insertion dans la société qui les accueille.

Ce portrait des revendicateurs est donc révélateur et je pense qu'il doit nous amener aussi à venir corriger des perceptions que les gens ont à l'égard des revendicateurs du statut de réfugié.

II est bien sûr qu'on ne peut pas dire que l'immigrant est un gain comme on ne peut pas dire que le Québécois est un gain. Il y a des Québécois qui sont moins productifs dans notre société et il y a des immigrants qui le seront moins. Tout individu est à ta fois producteur, consommateur, innovateur, entrepreneur comme il peut être aussi chômeur, "drop-out" ou assisté social pour des raisons de santé. Mais, globalement, on pense que c'est un apport positif.

La deuxième question que je posais concernait l'identité culturelle du Québec. Il faut dire que, là, nous avons des questions, des réticences, des réserves. L'arrivée des immigrantes et des immigrants vient colorer le visage culturel du Québec. Toutes les études nous révèlent que, pour la plupart d'entre eux, leur niveau de compréhension de la langue anglaise est bien plus élevé que

leur niveau de compréhension de la langue française.

Il faut savoir aussi que, dans nos écoles à Montréal, nombre de jeunes allophones parlent plus volontiers l'anglais que le français. On se fait dire: On n'a pas choisi d'être à l'école française. On suit nos cours en français, mais ne nous demandez pas de parler français dans les corridors ou dans la cour de récréation. Je pense que, si vous avez lu La Presse d'aujourd'hui ou d'hier, le profil fait des communautés italiennes et grecques est aussi très révélateur à cet égard. Donc, je ne partage pas l'optimisme de M. Attar sur la société francophone et multiculturelle.

Nous sommes à même présentement, avec ce petit survol, de constater qu'il y a des symptômes d'une crise. On a parlé tantôt abondamment du nombre d'écoles à la CECM qui revêtent le caractère de la pluri-ethnicité et du multiculturalisme. On a parlé des lacunes dans les ressources. On a parlé des enseignantes et des enseignants qui sont parfois désarmés. On a parlé du matériel insuffisant. Il faut aussi constater que les nouveaux arrivants s'installent souvent dans des quartiers qui sont déjà à caractère pluriethnique. Donc, ils viennent renforcer la mise en minorité du groupe québécois de souche dans certaines écoles. C'est un phénomène dont il faudra aussi tenir compte.

M. Attar citait tantôt des écoles où il y a maintenant 87 % d'enfants d'origine étrangère. C'est bien difficile de croire que l'école aura un visage francophone québécois, de notre culture québécoise. Il faut se préoccuper de cette réalité-là. Il faut aussi se dire qu'à Montréal l'arrivant est constamment confronté à la culture anglaise qui est omniprésente. Nous pensons que les hésitations du gouvernement à l'égard de la politique d'affichage et en matière de politique linguistique n'ont pas aidé les choses.

Je suis à la page 21 du mémoire. J'attire votre attention sur certaines questions que nous posons parce que définir des niveaux d'immigration, ça veut dire aussi se donner les moyens de faire face à cette immigration. M. Attar et M. Pallascio vous en ont parlé. Je vous reparle des mêmes choses: les classes d'accueil, le soutien linguistique pour les enfants et le nombre d'élèves par classe. Ce sont toutes des réalités, des choses dont nous avons besoin. Il faut bien se rendre compte que, présentement, ce sont les enseignantes et les enseignants à la CECM, ainsi que la structure de la CECM, qui ont assumé ces choix, qui ont donc fait des transferts. Parfois, on en a donné moins à certains services, à certains secteurs pour en donner à ce secteur en développement. Mais, à partir du moment où l'accroissement est celui que l'on constate, il faudra que le gouvernement du Québec, par le ministère de l'Éducation, soit sensible à ces réalités et se dote vraiment d'une politique de l'éducation dans ce secteur pour éviter les simples transferts.

Je vous amène, maintenant, à la troisième partie, sur la croisée des chemins. L'immigration est donc - je suis à la page 29 - inévitable et risquée. C'est ce que je vous ai expliqué dans la première partie. Mais, pour nous, il nous apparaît clair que le Québec doit continuer à assumer ses responsabilités internationales. Même si ce n'est pas exempt de risques, le principal de ces risques étant le bouleversement du caractère distinct du Québec, l'altération de son visage spécifique, il ne faut pas retourner en arrière, il faut continuer à aller de l'avant dans le secteur de l'immiqration. Il faut aussi se dire que nous sommes là-dedans dépendants des politiques canadiennes, c'est là que je vous reviens avec le lac Meech, tout simplement en vous posant une question; j'ai fait la critique de l'accord du lac Meech que j'avais à faire au moment où il le fallait, mais je vous pose quelques questions à la page 32.

Par exemple, compte tenu de la définition qui fait partie de l'entente constitutionnelle du lac Meech sur la réalité biculturelle du Canada, si le Québec décidait de mettre en oeuvre un programme ou une mesure compatible, une mesure de francisation des immigrantes et des immigrants et uniquement de francisation, est-ce que l'accord du lac Meech ne pourra pas faire qu'on pourra prétendre que ce n'est pas compatible avec la définition donnée de la société canadienne, donc, que le Québec se voit privé d'une compensation juste pour ce plan? Donc, il y a des questions à poser à cet égard. Aussi dépendants de la constitution, je rappelle que nous avons encore dans la constitution, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui date du XIXe siècle, des structures confessionnelles au plan scolaire qui, nous le répétons, ne sont pas conformes à la réalité du Québec; elles doivent donc être modifiées dans les plus brefs délais.

Il faudrait aussi parler de l'adoption internationale parce que nous pensons que ce volet est un aspect de l'immigration qui peut être très valable; ces enfants s'intègrent vraiment dans des familles québécoises qui sont intéressées, disponibles pour les recevoir. Il faudrait aussi parler de la politique familiale. Je suis certaine que vous vous en êtes fait parler par d'autres groupes. Je voudrais attirer votre attention sur une chose, c'est qu'il ne faudrait pas qu'une politique familiale au Québec vienne porter atteinte aux progrès qui ont été enregistrés par les femmes comme citoyennes à part entière.

Je veux attirer votre attention - je sais

que mon temps s'achève, mais vous pourrez me poser des questions sur les recommandations, cela me fera plaisir d'y répondre et je pourrai les présenter à ce moment-là - sur une recommandation que vous trouvez en page 47. Elle touche toute la réalité des femmes. Nous constatons, comme enseignantes et comme enseignants, que bon nombre d'arrivantes nous viennent de sociétés orientales ou musulmanes, où les rapports entre les hommes et les femmes sont profondément différents de ce qui se vit au Québec. Nous le constatons, par exemple, dans les cours que nous avons à donner sur l'éducation sexuelle, sur les rapports entre les humains, l'orientation au choix de carrière, par exemple. Nous pensons qu'il y a un mandat très spécifique à donner au Conseil du statut de la femme, parce qu'avec cette arrivée de nouvelles immigrantes d'origine orientale ou musulmane, si nous ne sommes pas très vigilants à cet égard, je pense que nous constaterons, dans quelques années, que la progression des femmes dans la société québécoise aura connu un net ralentissement. Je pense qu'il est important de souligner cet aspect-là de nos recommandations. (16 h 45)

Je voulais attirer votre attention là-dessus en conclusion et je suis disponible pour compléter par mes réponses la présentation que je n'ai pas pu faire de façon assez éloquente, à mon goût.

Le Président (M. Trudel): Merci, madame la présidente. Je pense que vous l'avez faite, au contraire, de façon fort éloquente. Vous avez fait un excellent résumé. Je suivais page après page et je dois dire, avant de céder la parole, me servant de mon droit de président, d'ailleurs, une fois de temps en temps, qu'on nous a dit tantôt que ce mémoire est issu d'un comité. Je dois avouer que c'est la première fois que je vois un mémoire aussi remarquablement rédigé sortir d'un comité. Habituellement, les mémoires qui sortent d'un comité s'en vont un peu dans toutes les directions.

Ce mémoire, dont je ne partage pas toutes les idées, soit dit en passant, est remarquable. Je l'ai dit lors de remarques préliminaires ce matin, et je vous le redis cet après-midi. Je souligne aux deux partis politiques qu'il leur reste chacun 20 minutes puisque madame a pris 20 minutes 45 secondes. Madame, félicitations. Alors, madame la ministre, s'il vous plaît.

Mme Robic: M. le Président, merci. Moi aussi, d'ailleurs, je vous souhaite la bienvenue, Mme Pagé et M. Grenon. On vous remercie énormément du travail qui a été mis à la préparation de ce mémoire. Il est excellent, énormément de recherches sont allées dans la préparation de ce mémoire et donc, je vous en félicite,

M. Grenon, permettez-moi une petite remarque: Vous avez dit, tout à l'heure: J'étais le seul Québécois dans le comité. J'aime croire que vous étiez le seul Québécois d'origine et que tous les autres étaient des Québécois d'autres origines.

Mme Pagé, je veux vous rassurer car dans l'entente du lac Meech, il est dit très clairement que la Législature et le gouvernement du Québec ont le rôle de protéger et de promouvoir le caractère distinct du Québec et une des composantes, et je dirais la composante la plus importante de ce caractère distinct, c'est le caractère francophone du Québec.

D'ailleurs, dans cette entente constitutionnelle, nous récupérons des compétences fort importantes, entre autres, tout ce qui touche à l'accueil, à l'adaptation et à la francisation des immigrants. Pour nous, c'est très important. Il y a également, le fait que nous allons pouvoir maintenant sélectionner nos immigrants non seulement à l'étranger, mais également les qens qui nous arrivent ou qui sont déjà ici. Alors, ce sont pour nous des gains importants.

Votre mémoire est excellent dans le sens qu'il explore avec justesse la problématique de l'immigration au Québec et démontre qu'elle constitue une responsabilité internationale. Je suis heureuse de vous l'avoir entendu dire aussi clairement. Il dit aussi que c'est une nécessité dans le contexte démographique québécois.

Cependant, vous identifiez l'immigration comme un risque culturel et vous formulez plusieurs interrogations intéressantes en ce sens. Quelle serait votre réponse à vos propres interrogations? Entre autres: Que devons-nous faire pour, que le Québec s'engage avec succès dans son avenir pluraliste sans renoncer à son identité?

Mme Pagé: C'est la question que vous me posez?

Alors, tout d'abord, Mme la ministre, je dois vous dire que, si vous me rassurez sur l'entente du lac Meech, j'en serai fort aise. J'avais demandé lors de ma dernière parution qu'on confirme dans l'entente que le caractère distinct du Québec était justement lié à son caractère linguistique. Malheureusement, les pourparlers ou les négociations ne l'ont pas permis. J'espère que les juges de la Cour suprême feront la même interprétation que vous quand viendra le temps pour eux de se pencher sur ce texte parce que je suis bien certaine que cela arrivera sur leur table à un moment donné.

Nous avons soulîqné, dans notre mémoire, que nous étions tout à fait contents de voir que le gouvernement du Québec avait récupéré des pouvoirs dans le secteur de l'immigration par l'entente du lac

Meech. Nous Pavons souligné quand nous sommes venus aussi, à ce moment-là, parce que c'était vraiment, d'après nous, un aspect positif de l'entente.

Vous m'avez demandé, de façon plus précise, comment nous devons relever le double défi - parce que c'est comme cela que je comprends la question - du multiculturalisme et de l'identité québécoise. Je pense que, tout d'abord, il faut faire tomber les incompréhensions. Les derniers sondages, par exemple, qui ont été commandés par Le Devoir, révélaient certaines réticence» chez les Québécois de souche au phénomène de l'immigration, de l'arrivée de réfugiés. Je pense qu'ils sont révélateurs de malaises et d'incompréhension face à l'acquis que représente pour notre société l'arrivée d'immigrantes et d'immigrants, même avec un statut de réfugié. Je prends cette expression-là parce que les gens sont portés à dire: Les immigrants, ce sont les bons et les réfugiés, ce sont des pas bons. C'était presque l'impression que donnait la présentation qui a précédé.

Alors nous ne souscrivons pas à ce propos et nous pensons qu'il faut faire tomber ces appréhensions, ces craintes et rassurer les Québécoises et les Québécois. Et ça, rassurer les Québécoises et les Québécois, ça veut aussi dire mettre tout en oeuvre pour affirmer ce que nous sommes, l'affirmer hautement, l'affirmer fièrement, dans notre langue, dans notre culture, dans l'expression de ce que nous sommes par les arts, par nos chansonniers, par nos auteurs, par un soutien à une politique culturelle d'affirmation et aussi par des mesures pour faire que ces immigrantes et ces immigrants auront le goût, non pas de se noyer dans ce que nous sommes, mais de s'intégrer à ce que nous sommes, en leur favorisant une intégration dans notre société. Cela, ça veut dire des mesures très précises au niveau de la sélection des immigrants, par exemple, où il faut donner une importance à la connaissance du français, au goût de s'insérer dans ce groupe-là et aussi des mesures d'accueil, particulièrement dans le système scolaire parce qu'il faut se dire que, souvent, la première institution avec laquelle l'immigrante ou l'immigrant est en contact, c'est l'institution scolaire. Pour son enfant, c'est celle avec laquelle il va être en contact le plus longtemps. Donc, il s'agit de mesures très précises qui sont contenues dans nos recommandations.

Mme Robic: Mme Pagé, vous avez fait référence à un sondage du Devoir d'il y a quelques mois. Est-ce que vous avez pu prendre connaissance du sondage que nous avons commandé, nous, du ministère, le sondage SORECOM? Nous avons posé un certain nombre de questions et cela se révèle très positif, d'ailleurs. Il nous dit, comme M. Attar, que les Québécois sont plutôt optimistes quant à l'avenir du français au Québec. C'est sûr qu'il y a encore beaucoup à faire, mais on voit qu'il y a eu un progrès qui a été fait depuis les dix dernières années. Le sondage révèle que les Québécois sont d'accord avec ça. Et on réalise également que les communautés les plus nouvelles qui s'ajoutent se joignent de plus en plus à la société francophone. Alors, c'est certainement là un pas positif, dans la bonne direction.

C'est intéressant de noter que 76 % de la population dit que nous avons besoin des immigrants, reconnaît notre besoin d'immigrants et que 60 % nous dit que nous devons conserver ou augmenter le nombre d'immiqrants que l'on reçoit malgré qu'on surestime le nombre que l'on reçoit en réalité. Alors, c'est très positif. Il y avait même la question à savoir, si on a besoin d'immigrants. La question était posée de façon négative; alors, elle aurait pu porter à une réponse beaucoup moins positive, mais elle a été très fortement positive. Alors, les Québécois semblent être plus rassurés qu'ils ne pouvaient l'être il y a quelques mois, avec un recul. C'est très positif pour nous et vous pouvez être assurée que nous partageons vos recommandations, à savoir qu'il faut élargir nos cours de français et qu'il faut tenir compte d'une personne qui a été souvent négligée, la femme immigrante. J'espère que vous connaissez mon nouveau programme PAFI qui est dirigé vers cette femme-là. Nous espérons qu'il sera un grand succès. Nous croyons que l'unité familiale doit se franciser, que tous les membres de la famille doivent être francisés pour pouvoir faire l'intégration que l'on souhaite à tous les niveaux.

Dans votre mémoire, vous situez la politique de l'immigration dans le cadre d'une politique de population pour le Québec également. Vous suggérez une harmonisation des composantes d'une politique de population en adoptant une vision de complémentarité et non d'opposition. J'aimerais que vous commentiez un peu cette vision.

Mme Pagé: Pour nous, une politique de population, cela nous permet de toucher à trois éléments qui sont: l'immigration proprement dite, mais aussi l'adoption internationale et la politique familiale. Nous pensons qu'en travaillant à ces trois volets nous arriverons vraiment à nous doter d'une politique de la population. Nous pensons qu'il y a certainement lieu de mettre en place, au gouvernement, des comités interministériels qui pourront justement tenir compte des réalités de l'adoption internationale par le ministère des affaires sociales. Quant au ministère de l'Éducation, au Conseil du statut de la femme et au ministère des

affaires sociales, Ils se chargeront, par exemple, de la politique familiale et d'autres volets de l'immigration proprement dite. Comme cela, nous éviterons d'avoir, d'un côté, à mettre des énergies pour faire venir des immigrants, des immigrantes, accepter des réfugiés, en posant peut-être des gestes qui ne seront pas "supportants" dans notre politique d'adoption internationale ou en ne posant pas non plus les jalons d'une véritable politique familiale. Nous devons rappeler ici que, pour nous, une politique familiale ne peut pas être vue par le simple prisme d'une politique nataliste. Toutes les politiques à haut rendement nataliste qui n'ont pris cela que par ce bout-là n'ont pas donné des retombées à la mesure des attentes qu'on avait. Il faut vraiment se poser la question: Quand un couple, un homme et une femme, décide d'avoir un enfant, ils contribuent à la société québécoise, mais comment pouvons-nous socialement et collectivement soutenir ce choix? Il ne faudrait pas que cela soit le retour, avec la revanche des berceaux, des femmes auprès du poêle dans la cuisine parce que là, on n'aura rien réglé. De moins en moins de femmes voudront consentir à ce choix-là si cela ne vient pas préserver l'affirmation personnelle qu'elles ont prise au cours des dernières années. Donc, il faudra que, dans ce volet, on soit très vigilant et qu'on associe très étroitement les groupes féministes et le Conseil du statut de la femme.

Mme Robic: Merci, madame. Cela va, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques, je présume.

M. Boulerice: Oui. Mme la présidente, M. Grenon, vous avez dit: "C'est encore nous". Je réponds: Bravo! Je pense que l'alliance prend la place qui lui revient et qui lui appartient, d'ailleurs, dans les grands dossiers nationaux au Québec, et personne n'en prend ombrage.

Je pense que votre mémoire identifie bien et Justement avec les nuances nécessaires la situation qui se développe effectivement dans les écoles et surtout celles à clientèle ethnique. L'annexe que déposait votre président m'a révélé des choses que je méconnaissais peut-être un peu, et même dans ma circonscription. Déjà, dans certains secteurs, effectivement, il y a une augmentation,

Vous parlez également de l'émergence de certaines attitudes que l'on doit dénoncer et qu'on doit - j'hésite à employer le mot parce qu'il a une connotation un peu péjorative - réprimer dans le sens de ne pas permettre - vous savez ce à quoi je fais allusion - dans certaines écoles où c'est arrivé. (17 heures)

Vous faites aussi état de sentiments et d'attitudes qui sont en partie quand même compréhensibles - cela, je pense que je le disais dans le discours d'ouverture de la commission - et qui sont présents dans la population, cette crainte, le danger de repli sur soi et tout cela. C'est peut-être une déformation professionnelle chez moi, mais je dis que ce sont des sentiments, donc, que cela relève de la psychologie. Il y a encore là, sans abuser du mot, des thérapies très faciles à utiliser; je ne vous sortirai pas Erickson là. La Connaissance de soi, d'une part, et l'autre tout de suite après, L'Acceptation inconditionnelle d'autrui. Ce sont, je pense, des volumes qui se promènent assez régulièrement dans nos milieux, dans le milieu de l'éducation. Je pense que votre dossier aussi, votre mémoire, cerne bien l'enjeu central. On le lit à la page 27, je pense, et je me suis permis, d'ailleurs, dans les notes d'introduction de le citer quand vous parlez d'intégrer les arrivants sans les assimiler, mais non sans nous perdre aussi.

Vous identifiez également les lacunes de l'accord du lac Meech sur le plan de l'immigration. Mme la ministre a tenté de vous rassurer en vous disant que nous avions de nouveaux pouvoirs issus de l'accord du lac Meech. Je partage encore les sentiments et les appréhensions que vous avez quant au lac Meech. Est-ce que, si le Québec crée des programmes nouveaux, compte tenu qu'il forme une société distincte, ces programmes nouveaux seront jugés compatibles dans la norme de ce que l'entente du lac Meech appelle les programmes nationaux? Aurons-nous juste une compensation? J'ai peur qu'on soit obligé d'attendre avec l'âge la décision des juges de la Cour suprême. Je ne partage pas son optimisme. J'espère par contre, aussi, qu'elle a bien saisi la mise en garde non équivoque que vous lui avez donnée sur le laxisme pour ce qui est de l'application de la Charte de la langue française, notamment en matière d'affichage, puisqu'elle siège quand même eu Conseil des ministres. J'espère qu'elle ne sera pas insensible parce qu'elle a très spontanément avoué que, depuis dix ans, il y a eu des efforts considérables en ce qui concerne la francisation du Québec. Je pense qu'on les doit bien à la loi 101.

Je la remercie d'avoir eu l'honnêteté d'avoir rendu justice au gouvernement précédent très préoccupé par la situation du français au Québec. J'aimerais, pour ce qui est du fond du mémoire, Mme Pagé, que vous me disiez ce que vous entendez par consolidation des classes d'accueil. Je pense qu'on trouve cela à la page 46.

Mme Page: Ce que j'entends par consolidation des classes d'accueil, c'est leur mise à jour ou leur adaptation à la réalité

nouvelle. Tout d'abord, il faut se rappeler que nous avons eu dans le passé des maternelles d'accueil à temps plein que nous n'avons plus. Une première consolidation serait le retour de cette mesure. Une deuxième consolidation tiendrait compte aussi du profil que je vous traçais de l'évolution de la clientèle que nous recevons*

Nous recevons maintenant des enfants qui sont moins scolarisés, davantage démunis au plan de la scolarisation, souvent analphabètes, et le stage de dix mois en classe d'accueil qui était tout à fait suffisant quand on recevait des enfants d'origine italienne, portugaise ou espagnole ne l'est plus. On est obligé de fonctionner avec des mesures très inventives et en même temps très spontanées de post-accueil, des mesures de soutien, alors que tout simplement il faudrait repenser la formule pour l'adapter à la nouvelle clientèle que nous avons.

Nous avons aussi à repenser comment catégoriser les enfants dans une classe d'accueil. Il faut savoir - c'est très technique - qu'une classe d'accueil, c'est une classe à niveaux multiples où il y a des enfants qui maîtrisent peu le français, d'autres qui le maîtrisent moyennement et ceux qui le maîtrisent beaucoup. En plus de cela, il y avait aussi que tu étais intégré dans une classe selon ton niveau d'âge. Cela ne veut plus rien dire parce que les enfants que nous recevons, même s'ils ont douze ans, je ne peux pas les classer dans une classe de douze ans parce qu'ils n'ont pas atteint ce niveau de scolarisation. Si je les mets avec des enfants de six ans, cela ne va pas non plus. Je ne peux pas mettre un grand Chilien de douze ans avec un autre petit bout de chou de sept ans. Je donne un exemple qui est fondé parce que c'est un peuple... On sait ce qui se passe au Chili et Mme la députée de Maisonneuve pourra en parler bien plus éloquemment que moi. Je pense que cela vient aussi montrer à quel point on a besoin de repenser le système pour l'adapter. C'est un système qui a fait ses preuves. M. Grenon vous le signalait dans sa présentation. Quand nous étions allés en France, nos collègues enseignants français avaient été abasourdis par notre système de classes d'accueil et le rendement que cela donnait dans la francisation. Ce bon secteur que nous avons développé, il faut te garder à la fine pointe en y apportant les modifications qu'il faut apporter.

Je voudrais terminer ma réponse en me réjouissant avec Mme la ministre et tous les députés de voir les progrès que nous avons faits dans la maîtrise du français au plan de la scolarisation, mais je voudrais juste vous mettre en garde contre une confiance qui ressemblerait à de la naïveté. Je ne sais pas si vous êtes déjà allés en Hollande. Cela fait très longtemps que les digues sont faites pour civiliser la mer. On n'a pas compris en Hollande que la mer avait compris, qu'on pourrait enlever les digues et que cela resterait comme cela. Les digues sont restées. Alors, il faut que nos digues au Québec demeurent. Autrement, la mer anglo-saxonne ne nous laissera pas grand rivage.

M. Boulerice: Vous avez touché un point qui... C'est un pléonasme, vous avez touché un point qui m'a touché. Observateur de la scène internationale, je vois certains mouvements qu'on a appelés intégristes, reliés à des convictions religieuses, à des traditions, etc. Vous avez parlé des acquis ici pour ce qui est des femmes et du risque qu'elles auraient de se voir menacées dans le système scolaire actuel québécois. Je vous avoue que c'est une préoccupation que j'ai: dans quelle mesure le maintien de la confessionnalité des structures scolaires peut, d'une part, handicaper l'intégration et, deuxièmement, faire de l'intégration une chose peut-être contraire à des acquis sociaux, politiques, économiques, culturels que la moitié de notre population, de peine et de misère - et ce n'est pas encore complètement terminé, d'ailleurs - a acquis.

Mme Pagé: Je ne crois pas que nous pouvons répondre facilement à la question que vous posez en disant: À la CECM, nous sommes une commission scolaire confessionnelle, voici les valeurs que nous défendons, si ces valeurs ne vous conviennent pas, allez dans une autre, parce qu'aller dans l'autre, c'est aller au PSBGM. Pour moi, je regrette, mais il n'y a pas un secteur francophone au PSBGM. Quand on est obligé de se battre pour avoir des documents en français au PSBGM, quand il n'y a pas un commissaire francophone là-dedans, c'est comme demander au renard de garder les poules. Cela fait plusieurs fois que je le dis et le répète. Et le renard trouve les poules dodues et il y va allègrement.

Il y a un réseau francophone qu'il faut affirmer et un réseau anglophone qu'il faut aussi affirmer. Il ne s'agit pas de tomber non plus dans la négation de ce qui est au Québec, mais il faut se ramener à ces réalités. Avant, c'était simple, tu étais français et catholique ou anglais et protestant. Ce n'est plus cela. Aussi longtemps qu'on essaiera de bâtir un réseau qui repose sur la confessionnalité, on va aller dans le morcellement de nos structures ou dans une forme d'apatride pour des gens qui ne se retrouvent pas. Ils s'en vont au PSBGM, ils se sentent à l'aise sur le plan religieux, mais ils se sentent apatrides au plan linguistique. S'ils s'en vont à la CECM, ils se sentent à l'aise sur le plan linguistique, mais ils se sentent apatrides dans le domaine de la religion et de la confessionnalité. Donc, il y a vraiment des

questions à poser à cet égard.

Le deuxième élément que nous avons voulu souligner à l'égard de la place des femmes, c'est que nos enseignantes et nos enseignants constatent qu'avec certaines élèves d'origine ethnique, par exemple, quand vient le temps de parler de choix de carrière, elles n'ont pas du tout évolué dans le même sens que la femme nord-américaine qui va dire: Oui, j'ai besoin de me donner une formation complète, d'acquérir un métier, de me donner les moyens de mon autonomie financière, au cas où. Cela leur est tout à fait étranger. On va se faire répondre: Je n'ai pas besoin d'avoir plus que mon secondaire V pour changer les couches de mes bébés. C'est ce qu'on entendait dans notre société québécoise. C'était dit autrement parce qu'il n'y avait pas de couches de papier à l'époque, mais c'était: Pas besoin d'un diplôme pour laver les couches. Mais là, on se refait dire des choses comme cela. Quand on aborde des questions sur les rapports entre les hommes et les femmes, on s'aperçoit que, là aussi, il y a des choses qui sont très différentes. Je vous dirai que moi-même, dernièrement, dans un magasin où j'attendais à la caisse, je me suis fait dire par un Québécois d'origine étrangère qu'il ne se mettait pas en ligne derrière une femme. Je pense qu'il révélait tout simplement les valeurs qu'il avait apprises dans son pays sauf qu'il faut être vigilant à cet égard. Moi, j'ai appris que je devais faire parfois la queue derrière une femme et parfois derrière un homme en attendant l'autobus, que c'était comme cela que ça marchait, suivant l'ordre selon lequel on était arrivé. Mais là, ce n'était pas tout è fait cela. Alors, je pense qu'il faut commencer à mesurer ces effets et à se sensibiliser à ces réalités.

M. Boulerice: On pourrait peut-être faire une pointe d'humour en disant que, dans un sens, on pourrait peut-être le comprendre: S'il avait été devant, il aurait eu le plaisir de se retourner et de vous regarder. Mais je sais que ce n'est pas dans ce sens que cela était. Ha! Ha! Ha!

Une voix: C'est macho.

M. Boulerice: Non, ce n'est pas macho. J'ai toujours été amateur de beau, M. le Président, et je l'exprime en toute occasion.

Une voix: ...

M. Boulerice: Au contraire.

Ma formation politique, Mme Pagé, est pour l'entière juridiction du Québec en matière de législation linguistique et pour l'entière juridiction du Québec en matière d'immigration. Ce sont des positions que nous avons clairement exprimées.

À la page 32 de votre mémoire, vous écrivez que vous êtes en faveur de l'entière juridiction du Québec sur la réception et l'intégration des immigrants. Est-ce que cela doit s'étendre à la sélection?

Mme Pagé: Oui.

M. Boulerice: Oui, d'accord. Mais comment voyez-vous le rôle du gouvernement fédéral à ce sujet?

Mme Pagé: Je le vois comment? Vous comprendrez que vous tombez vraiment dans des aspects qui sont plus techniques. Je vous ai signalé, dès le départ, que nous sommes moins à l'aise pour traiter de ces questions. Mais nous pensons que, compte tenu de la spécificité culturelle du Québec à l'intérieur du Canada, celui-ci doit avoir les moyens pour choisir ses immigrants et ses immigrantes. On l'a abordé dans notre mémoire, précédemment. Par exemple, on sait que certains groupes vont être plus naturellement portés à s'intégrer de façon très harmonieuse à la culture francophone. Il faut que le Québec ait les moyens de pouvoir faire ce travail de sélection. Il faut que le gouvernement fédéral accepte cela. Si vraiment l'entente du lac Meech est porteuse de toutes les bonnes volontés dont on nous a parlé, je suis certaine que le gouvernement fédéral ne mettra pas de bâtons dans les roues et permettra au Québec d'exercer, en matière d'immigration, les pleins pouvoirs qui semblent lui être conférés par l'entente constitutionnelle. Si tout ce qu'on a comme pouvoir est de recevoir sans dire un mot et qu'on est limité dans les mesures d'accès, les mesures de soutien ou les mesures d'accueil, on ne pourra pas parler de pleins pouvoirs,

M. Boulerice: J'aimerais vous poser deux brèves questions en terminant, afin de permettre à mes collègues également de vous interroger. On a parlé de "démontréalisation" et de "démétropolisation" de l'immigration. Comme la question s'adresse à une Montréalaise, est-ce que vous êtes d'accord avec ce principe?

Mme Pagé: C'est un aspect que nous n'avons pas creusé au sein du comité. Nous ne nous sommes pas attardés à cette question. (17 h 15)

M. Boulerice: Mais elle avait le sens... Votre comité n'en a peut-être pas discuté, mais on disait qu'on devait essayer, par différents moyens, d'amener l'immigration à s'installer ailleurs au Québec, dans d'autres villes, par exemple à Trois-Rivières, Sherbrooke, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, de façon à déconcentrer l'immigration qui est un facteur presque exclusivement montréalais. Est-ce que vous êtes d'accord avec un tel énoncé?

Mme Pagé: Je pense que le Québec est un vaste territoire qui a des richesses très abondantes qui pourraient effectivement être mises à la disposition et à la contribution de ces nouveaux arrivants. C'est bien évident que je ne m'inscrirais pas aujourd'hui dans un système de déportation "systématisé" - tu arrives mais on t'annonce tout de suite que tu t'en vas là - mais je pense qu'il y aurait intérêt à ne pas faire comme le Québec d'il y a 20 ans; Québécois de souche, partout, et multiculturel dans la région de Montréal parce qu'on se retrouvera aussi avec des difficultés de compréhension. Déjà, je dois vous dire que, parfois à la CEQ, quand l'alliance parle de ce qui se passe dans nos écoles, j'ai l'impression que je parle à des personnes qui viennent d'une autre planète. Ce fossé-là n'a pas intérêt à être agrandi et maintenu. Peut-être justement que la présence d'ethnies différentes un peu partout au Québec pourrait davantage sensibiliser tous les Québécois et toutes les Québécoises à cette nouvelle réalité de notre société contemporaine, bien plus que mes discours, les mémoires ou les reportages télévisés.

M. Boulerïce: Brièvement, Mme Pagé, avant de vous remercier, vous parlez d'élargir la définition des personnes incluses dans la catégorie de la famille. Je viens de brûler votre question. En commission parlementaire, je ne sais pas si vous êtes au courant, la possibilité de questions demeure toujours limitée. On s'en brûle mutuellement. Je m'excuse, je suis vraiment désolé d'avoir brûlé votre question.

Le Président (M. Trudel): M. le député, votre question est sur l'élargissement de la famille.

Mme Pagé: Je pense que M. Attar vous a un peu sensibilisés tantôt à la réalité qui est très réelle chez d'autres cultures, à savoir que le noyau familial a une extension que parfois nous, Nord-Américains, n'accordons pas. Nous sommes portés à dire que la famille, c'est le père, la mère, les frères et soeurs, les enfants, le conjoint, etc., mais on constate, dans d'autres cultures, que les oncles, les tantes, les cousins, les cousines, les grands-parents font vraiment partie intégrante du noyau familial. Nous pensons qu'il y aurait avantage à considérer la possibilité d'étendre la notion de famille dans les cas où il serait avantageux de favoriser la réunification familiale. De l'expertise que nous avons constatée, quand un immigrant reçu fait venir des gens de sa famille, d'abord, il a un intérêt pour se fixer au Québec, il a le goût de s'intégrer dans la société, il a le goût de supporter l'arrivée et l'insertion de ceux et celles qu'il fait venir ici. Nous pensons que cela peut être là aussi un mécanisme qui permettra d'enraciner nos immigrants et nos immigrantes au Québec plutôt que de ne faire du Québec qu'un lieu de passage ou qu'une porte d'entrée.

M. Boulerice: Mme Pagé, M. Grenon, je vous remercie.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Saint-Jacques. Je vais intervenir au nom de la formation ministérielle avec la première question, puisque la deuxième est déjà brûlée. J'aurais peut-être une suggestion à vous faire tout en vous répétant ce que je vous ai dit tantôt, ce que je pensais de façon globale de votre mémoire. Il est remarquable, encore une fois, tant par sa conception que par sa générosité et sa rédaction. Encore une fois, un te! mémoire sortant d'un comité, c'est assez rare.

Je vais vous amener, Mme la présidente, sur un problème que vous évoquez aux paqes 43 et 44 de votre mémoire quand vous vous interrogez sur le rôle de certaines corporations professionnelles. Sauf erreur, parce qu'on a lu tous les mémoires, j'ai l'impression que votre organisme est le seul à avoir abordé cette question. Encore une fois, sauf erreur. J'aimerais vous entendre expliquer cela. Vous suggérez la création d'un comité interministériel; quant à moi, je ne suis pas en position pour décider mais c'est une chose que je trouve intéressante. J'aimerais vous entendre préciser cette recommandation.

Est-ce à dire que vous seriez favorable pour lever toutes les contraintes institutionnelles du marché du travail québécois dans une perspective d'immigration plus ouverte?

Mme Pagé: Je vais commencer en vous rassurant. Nous ne voulons pas lever toutes les contraintes. Le comité de travail, c'est un comité qui était formé d'enseignantes et d'enseignants qui, à part Denis Grenon, n'étaient pas des Québécois de souche. Ils sont donc arrivés ici à l'âge adulte et ont, comme enseignantes et enseignants, connu un système d'équivalences, jusqu'à un certain point, de leur formation précédente pour devenir enseignantes et enseignants à part entière au Québec. Ils ont donc constaté que cela s'était fait assez rapidement. Il y a eu certains ajustements, c'est vrai, mais ils n'ont pas dû reprendre toute leur formation, comme on peut le constater dans certaines autres professions.

Il y a des corporations professionnelles qui font davantage de chasse gardée a cet égard. On peut, par exemple, penser au Collège des médecins; il y en a probablement d'autres. Nous ne sommes pas habilités, aujourd'hui, à vous dire: Voici, telle contrainte devrait disparaître, telle autre devrait être renforcée, telle autre devrait

être conservée; mais nous disons qu'il y a à regarder cela de près. Particulièrement - je pourrais le retrouver si }e fouille dans mon mémoire - il y a une page dans le mémoire où il y a un extrait d'une étude qui montre que le fait de recevoir des immigrants adultes qui ont acquis une formation, c'est une retombée économique que souvent on néglige, mais ce sont des gens pour lesquels on n'a pas eu besoin d'investir au plan de la formation; ils sont arrivés en l'ayant.

Donc, là aussi, il y a des liens à faire. Nous pensons que cela mériterait de mettre au travail un comité interministériel pour se poser des questions sur cet aspect. Il y aurait certainement lieu, dans le cadre d'une politique d'accueil, d'intégration, de mise en contribution des richesses, des compétences qui nous viennent d'ailleurs, de regarder cela d'un peu plus près.

Le Président (M. Trudel): D'accord. Essayant d'éviter tout conflit d'intérêts avec ce que j'étais auparavant et ce que j'espère redevenir un jour - redevenir, j'ai bien dit, pour ne pas qu'il y ait de... - j'aimerais discuter avec vous de matériel didactique. Je voulais en discuter tantôt avec les autorités de la CECM, mais l'enveloppe du temps s'est vidée rapidement du côté ministériel comme du côté de l'Opposition,

Une voix: La dictature de l'enveloppe.

Le Président (M. Trudel): La dictature de l'enveloppe! Oui, mais il faut dire que cela vient d'ententes. La prochaine fois, on se dira: On donnera 90 minutes aux groupes et cela donnera probablement plus de temps à tout le monde pour s'exprimer, et ce, toujours à cause d'une enveloppe.

Dans votre enveloppe, Mme la présidente, est-ce que vous pourriez me donner quelques-unes des idées que vous avez sur le matériel didactique qui pourrait être mis ou qui est mis à la disposition, à ce moment-ci, aujourd'hui, demain ou la semaine dernière, des enfants immigrants, que ce soit du matériel dît maison, comme on disait dans le temps, ou du matériel dit professionnel?

Mme Pagé: II faut savoir qu'avec les règles budgétaires qui ont subi te couperet depuis de nombreuses années les sommes allouées au remplacement du matériel didactique, même au développement de ce matériel didactique, sont très limitées, ce qui fait qu'on se retrouve, dans bien des cas, avec du matériel maison, qui est le résultat de l'esprit créatif et inventeur des enseignantes et des enseignants - ils en ont, sauf que, parfois, ils trouvent qu'il est beaucoup mis à contribution - ou bien encore avec des documents que j'appellerais "institutionnels", qui sont issus des services de la commission scolaire. C'est plus facile dans une commission scolaire comme la CECM, compte tenu de sa grosseur, mais des immigrants, même s'ils sont concentrés dans la région de Montréal, il n'y en a pas qu'à la CECM. Il y en a quand même a Baldwin-Cartier, à Sainte-Croix, à Laval, à Lonqueuil; là, le matériel institutionnel est plus limité. II faut se rendre compte que, les sommes étant très limitées, les budgets présentement passent à peu près à équiper les élèves avec les manuels de base. Vous vous souvenez qu'il n'y a pas tellement longtemps encore on avait deux dictionnaires par classe. On est encore à l'étape où on achète des grammaires pour tous les élèves ou des dictionnaires pour tous les élèves, mais on n'a pas encore vraiment investi, de façon importante, dans l'adaptation de nos manuels scolaires aux réalités nouvelles. Tout dernièrement, on voyait que certains règlements, certaines contraintes existaient au ministère de l'Éducation, par exemple, pour éviter que les manuels soient sexistes. Elles ont été abandonnées et on est encore loin d'avoir des règles pour demander que les manuels produits par les maisons d'édition tiennent compte des réalités pluriethniques. Vous vous apercevez donc qu'il y a beaucoup de chemin à faire.

Le Président (M. Trudel): Je vous remercie, Mme la présidente, et je cède la parole à Mme la ministre. II reste deux minutes dans l'enveloppe. Il ne reste malheureusement plus de temps dans l'enveloppe de l'Opposition et il ne reste que deux minutes dans l'enveloppe ministérielle.

On peut poursuivre, de consentement, mais, là, j'ai cédé la parole à Mme la ministre. J'avais donné une indication à M. le député de Saint-Jacques disant qu'il lui restait très peu de temps.

Mme Harel: C'était son seul discours de la journée.

Le Président (M. Trudel): Oui; nous admettrons que, M. le député ayant fait son discours, j'accorderai à Mme la députée de Chicoutimi deux minutes peut-être, Mme la ministre? Alors, Mme la députée de Chicoutimi pour à peu près deux minutes'

Mme Robic: Je vais laisser madame...

Le Président (M. Trudel): Alors, Mme la députée de Chicoutimi pour à peu près deux minutes.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président; merci, madame!

J'apprécie que vous m'accordiez un peu de temps, même si cela ne permettra pas de longs développements. Donc, je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit antérieurement

sur la qualité du mémoire. Je voudrais juste revenir brièvement sur deux questions: les structures confessionnelles plutôt que linguistiques et la définition élargie de l'interprétation de la famille, ce que l'on dit être généralement une famille au sens méditerranéen du terme et qui englobe, à chaque fois, les cousins, les oncles, les tantes, les grands-parents. Je voudrais juste ajouter un bref commentaire là-dessus, peut-être que vous pourrez commenter également.

Cette définition élargie de la famille pourra avoir des effets contraires à ceux qu'on cherche, de la façon suivante. Comme les immigrants avant les années quatre-vingt s'intégraient massivement à la communauté anglophone, cela veut dire qu'en élargissant la définition de la famille on retrouvera ce jeu, on finira par jouer contre la majorité. Cela a d'ailleurs été évoqué à l'occasion de la loi touchant ce qu'on a appelé les "illégaux", la loi 58 ou 59, je ne me rappelle plus très bien le numéro.

En ce qui concerne Ies structures confessionnelles plutôt que linguistiques, on sait qu'un nouvel arrivant est obligé, s'il ne remplit pas certaines conditions, notamment si ses parents n'ont pas fait leurs études en anglais, de s'inscrire à une école française, indépendamment qu'elle soit protestante ou catholique..

En raison d'une certaine intolérance...

Le Président (M. Trudel): Je m'excuse, je n'aime pas intervenir de la -façon dont je dois le faire, mais nous avons encore trois groupes à voir aujourd'hui, dont un qui suit immédiatement. Je ne voudrais en aucune façon brimer votre droit de parole, mais les deux minutes sont largement entamées. Vous voulez passer à la question, s'il vous plaît?

Mme Blackburn: D'accord. Alors, ma question est la suivante: Est-ce que vous êtes capable... Vous n'en avez pas fait état beaucoup dans votre rapport. Quels sont les effets de cette politique-là, de cette structure scolaire? À combien estime-t-on le nombre de nouveaux arrivants qui choisissent, s'ils ne sont pas protestants, catholiques ou de religion autre, de s'inscrire à la commission scolaire protestante française?

Mme Pagé: Bon, votre première question portait sur l'élargissement de la famille. Vous avez soulevé un aspect qui est réel, que notre comité a considéré, mais comme je vous le disais tantôt, il est formé en majorité de personnes qui sont des Québécoises et des Québécois d'origine plus récente. Ils sont donc très imprégnés par la réalité familiale telle qu'ils l'ont vécue. Nous avons aussi estimé que la catégorie d'immigrants qui se sont insérés dans la communauté anglophone sont davantage des immigrants de vieille souche. C'est probable- ment une mesure qui représenterait de l'attrait pour les immigrants plus récents qui, eux, sont nécessairement assujettis depuis quelques années déjà aux dispositions de la loi 101. Nous avons donc estimé qu'il y avait quand même là une avenue à explorer. (17 h 30)

Quant à l'aspect des structures confessionnelles, je ne peux malheureusement pas vous donner de chiffres précis. D'abord, je vous signale que le PSBGM ne fait pas état de façon très ouverte du type de clientèle qu'il reçoit. C'est très difficile d'avoir des données complètes dans ce secteur.

Pour la CECM, même si nous avons certains chiffres, ils sont fragmentaires. Ce que nous constatons, par exemple, c'est que nous avons vraiment vu une explosion d'un secteur francophone. Certaines enquêtes qui . ont été faites auprès de parents qui envoient leurs enfants dans le secteur anglohone révèlent que ceux-ci y envoient leurs enfants parce qu'ils ont la perception que le milieu est plus respectueux de leurs valeurs religieuses et culturelles. Et on sait que c'est une publicité qui se fait de bouche à oreille. Moi, je pense qu'il faut faire le lien avec l'époque où les gens, par exemple, les Grecs orthodoxes en 1969, ne pouvaient pas aller dans le secteur catholique. Donc, le bouche à oreille joue et on dit encore: Bien, va plutôt du côté protestant, ils sont plus ouverts, ils vont mieux t'accueillir. C'est cet impact qu'il faut bien saisir.

Mme Blackburn: ...problème d'adaptation...

Mme Pagé: Oui, parce que c'est une structure qui est anglophone. Il y a un secteur francophone, mais la structure du PSBGM, les commissaires, la documentation, c'est vraiment un secteur qui est anqlophone. Pour côtoyer régulièrement les enseignantes et les enseignants de ce secteur, je ne dis pas qu'il n'y a pas de francophones, qu'il n'y a pas de gens qui parlent le français, ce n'est pas ça que je dis, mais je dis que c'est vraiment un secteur anglophone avec une excroissance francophone, si on veut, mais c'est un monde anglophone.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Mme la ministre.

Mme Robic: Merci, M. 1e Président. Vous avez parlé tout à l'heure, Mme Pagé, de l'importance de conserver nos digues. Vous avez bien raison. Il faut les entretenir et les protéger et vous pouvez être assurée que mon gouvernement a bien l'intention de le faire. Cependant, elles sont solides, ces digues, 350 ans sur ce continent, 120 ans à l'intérieur d'une confédération; elles sont solides et les gens veulent qu'elles

demeurent. Vous aimez votre langue et les Québécois l'aiment également et plusieurs des Québécois d'adoption l'aiment comme nous» veulent la protéger comme nous. C'est bon, ça; c'est bon, mais il faudra toujours protéger nos digues.

À chaque fois que vous parlez d'immigrants de longue date qui sont allés vers les groupes anglophones, j'ai Cosmo à côté de moi qui sursaute. Donc, moi, je dis à Cosmo: t'es perdu quelque part, toi. Mais il y en a plusieurs comme lui, d'ailleurs. Dans les articles qu'on a lus depuis quelques jours, on aurait pu en lire d'autres qui donnaient une histoire complètement différente également. Il faut toujours faire bien attention.

Vous me permettrez de rassurer mon confrere de Saint-Jacques, ici, qui est devenu depuis quelques heures seulement mon critique en immigration. Je passe la journée à le rassurer. Nous avons maintenant, grâce aux accords du lac Meech, la pleine sélection de notre immigration. Et je voudrais vous rappeler que, oui, c'est vrai, nous voyons une nette amélioration depuis dix ans et qu'il est vrai que nos jeunes communautés vont vers la majorité francophone. Mais, avant la loi 101, il y a eu la loi 22 qui a fait du français la langue officielle du Québec et qui a fait - et non pas la loi 101 - que les jeunes enfants devaient aller à l'école française. C'était un début. Vous avez suivi avec la loi 101. Nous n'avons jamais relié tous les articles de cette loi. Alors, nous allons continuer dans ce même sens et nous allons certainement, avec l'aide de tous les intervenants, renforcer notre société francophone et la faire multiethnique et multiraciale, mais francophone.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. Une remarque finale de la part du député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Très brièvement, pour vou3 remercier. Mme la ministre me rassure, mais comme vous l'avez dit tantôt, et je partage votre propos, il ne faut pas s'installer dans un confort béat et risquer d'être engourdis. Merci.

Le Président (M. Trudel): Mme la présidente.

Mme Pagé: Je voudrais vous remercier de nous avoir invités et de nous avoir entendus. Notre discussion a été très agréable et je vous remercie bien sincèrement.

Le Président (M. Trudel): Je vous remercie, madame, au nom de la commission, d'avoir accepté notre invitation.

Je soulignais ce matin - et je pense que le député de Saint-Jacques l'avait fait avant moi - le fait que 15 organismes seulement sur 51 avaient répondu à l'invitation de la commission. Alors, on est d'autant plus satisfaits de vous avoir revus cet après-midi et que nos discussions aient été franches et ouvertes. Je vous souhaite un bon retour à Montréal.

Mme Pagé: Je transmettrai à notre comité de travail l'appréciation que vous avez faîte de leur cogitation.

Le Président (M. Trudel): Merci.

Mme Pagé: Merci.

Table de concertation

des organismes de Montréal

au service des réfugiés

Le Président (M. Trudel): Sans suspendre cette fois-ci puisqu'il est 17 h 36, nous allons accueillir immédiatement la Table de concertation des organismes de Montréal au service des réfugiés. J'invite ses représentants à prendre place en face de nous. À la suite d'un accord discret intervenu entre les parties, il y a quelques secondes, nous allons poursuivre - madame, si vous voulez prendre place - pendant l'heure qui est résevée, pendant les 60 minutes qui sont réservées. Donc, nous devrions terminer autour de 18 h 36 ou 18 h 37. Comme on donne toujours deux ou trois minutes de plus, ce sera 18 h 40, pour reprendre à 20 heures.

Mme Augenfeld...

Mme Augenfeld (Rivka): Oui.

Le Président (M. Trudel): ...présidente, et soeur Denise Lainé, au nom de la commission, je vous souhaite la bienvenue. Je vous souligne immédiatement les règles du jeu, rapidement, parce que vous n'étiez pas ici ce matin quand je les ai formulées au nom de la commission. Vous avez plus ou moins - et moins que plus - 20 minutes pour résumer votre mémoire et nous faire part de vos commentaires; ensuite, s'engagera une discussion avec les membres de la commission répartie également entre les deux partis autour de cette table, soit le parti ministériel et le parti de l'Opposition, Mme la Présidente, .si vous voulez procéder...

Mme Augenfeld: Merci.

Le Président (M. Trudel): ...avec vos remarques préliminaires, s'il vous plaït!

Mme Augenfeld: Merci, M. le Président. Je vais, pour commencer, vous décrire brièvement la Table de concertation des organismes de Montréal au service des réfugiés. Comme il est indiqué dans notre mémoire, la table a été créée en 1979, au

moment de l'arrivée massive des réfugiés du Sud-Est asiatique, mais très vite, notre action s'est élargie à l'ensemble des questions concernant les réfugiés et, depuis, on a une présence constante. On se rencontre mensuellement; on a une présence régulière d'observateurs de tous les paliers de gouvernement: fédéral, provincial et municipal, et aussi beaucoup d'organismes qui viennent comme observateurs, qui ne sont pas directement impliqués tout le temps dans le travail pour les réfugiés, mais qui portent quand même un intérêt au sujet. On a 35 organismes membres qui sont très actifs, soit comme organismes de service, comme groupes d'appui ou comme groupes à la défense des réfugiés, des Églises et d'autres.

Au tout début, quand nous avons commencé, notre attention première portait sur les questions d'établissement des réfugiés qui arrivaient sélectionnés dans les camps de réfugiés et aussi les questions de parrainage. Si vous vous rappelez, certaines personnes ici étaient déjà très actives à cette époque. C'était l'époque où le parrainage collectif a vraiment vu le jour. Il y avait beaucoup de choses à faire pour éduquer, sensibiliser et former les groupes de parrains. Entre autres, soeur Denise Lainé a été très active, bien avant cela, mais surtout à cette époque, dans le parrainage et l'établissement... Je voudrais seulement préciser que soeur Denise travaille au Centre social d'aide aux immigrants, qui est l'un des organismes les plus anciens dans le travail pour les réfugiés et immigrants, et, personnellement, mon travail quotidien se fait au Service canadien d'assistance aux immigrants juifs.

Comme je l'ai dit, au début, c'était cela, mais, avec l'importance que l'arrivée des requérants du statut de réfugié a prise ces dernières années, nous avons été obligés de porter aussi notre attention sur cette question. Vous pouvez voir déjà notre intérêt pour le sujet. Je ne voudrais pas trop m'attarder sur les questions de culture, de démographie, etc. Elles sont incluses dans notre mémoire, vous pourrez le lire. On est convaincus que le Québec a besoin et peut accueillir beaucoup d'immigrants, mais cela dépend évidemment des structures d'accueil et de la sensibilisation de la population. Selon nous, on ne devrait pas tellement insister sur l'origine linguistique, si vous voulez, des immigrants avant qu'ils n'arrivent, mais plutôt penser à l'intégration linguistique et culturelle, qui est le résultat de structures d'accueil efficaces comme, par exemple, la sensibilisation rapide aux réalités de la société québécoise et ne pas tellement penser à une politique d'admission basée sur le pays d'origine et les cultures d'origine.

Alors, nous sommes convaincus que le gouvernement du Québec devrait envoyer un message à la population, un message clair en présentant les immigrants et les réfugiés sous un jour positif et non comme un danqer pour la culture de la majorité. Nous sommes convaincus aussi que c'est l'immiqration qui va faire l'avenir du Québec et, encore une fois, cela prend un effort serein et positif pour accomplir cette fin. Nous sommes convaincus que le Québec a tout pour accueillir les immiqrants. On a beaucoup de ressources, on a un qrand pays et on a besoin d'une population. Nous savons aussi, comme le montre le sondage SORECOM que le gouvernement a commandé récemment, que, lorsque les gens ont de l'information, quand ils connaissent un peu les immiqrants, quand ils se sentent proches des immigrants, ils sont beaucoup plus positifs quant à la question des immigrants et des réfugiés. Ce sont plutôt les personnes qui ne connaissent pas les immigrants, qui sont éloignés ou qui habitent en région qui sont peut-être méfiantes. C'est la méconnaissance qui crée la peur, les craintes et des soupçons, parfois. Je suis convaincue que les qens qui habitent Montréal ou Québec, qui connaissent des immigrants, qui ont des immigrants dans leur famille ou qui travaillent avec des immigrants, ont des attitudes beaucoup plus positives que ceux qui ne les connaissent pas. On en est convaincu parce qu'on voit à chaque reprise que c'est l'éducation et la sensibilisation qui créent cette attitude positive et nous pensons que le qouvernement a un grand rôle à jouer là-dedans.

Comme on l'indique dans notre mémoire, nous croyons que le taux d'admission devrait augmenter de beaucoup et nous proposons qu'éventuellement on en arrive à 1 % de la population canadienne et québécoise. Cela veut dire que, dans un proche avenir, nous pensons qu'on devrait arriver à un minimum de 60,000 par année. Cela semble beaucoup comparé à ce qu'on a actuellement, mais nous croyons que c'est possible et souhaitable.

J'arrive maintenant au point 7 de notre mémoire, à la page 4, en ce qui concerne l'immigration économique par rapport à l'immigration humanitaire. La politique traditionnelle du Canada et du Québec visait à maintenir un juste équilibre entre, d'une part, les besoins démographiques et économiques et, d'autre part, les obligations internationales et notre tradition humanitaire, surtout la protection des réfugiés et la réunification des familles. Plusieurs études ont démontré qu'à moyen et long terme les personnes admises pour des raisons humanitaires constituent un apport économique et social fort important. Cela veut dire que, même si au début on pense qu'on admet des gens qu'on doit appuyer un peu, éventuellement, et très vite, ces personnes deviennent de fidèles citoyens et des personnes qui apportent beaucoup soit à l'économie du pays ou à l'élargissement de la société.

Nous regrettons que ces dernières années les admissions des personnes sélectionnées à l'étranger à titre de réfugiés ou membres de la catégorie de la famille aient diminué de façon alarmante. Nous proposons un changement de cap énergique. Le Québec devrait se prévaloir de son pouvoir de négociation auprès du gouvernement canadien afin d'élargir la définition même de la catégorie de la famille pour qu'au minimum on y inclue les enfants majeurs ainsi que les frères et soeurs. On sera heureuses de revenir sur ce point plus tard et d'élargir toute cette question de la réunification des familles qui nous préoccupe beaucoup.

Quant aux réfugiés sélectionnés à l'étranger, nous recommandons que leur nombre soit augmenté de façon à représenter au moins un tiers de l'ensemble des personnes sélectionnées. Et là encore, on sera heureuses de vous parler plus longuement sur ce sujet. Cela veut dire que, si on arrive, par exemple, à 60 000 immigrants par année, 20 000 seraient des réfugiés sélectionnés outre-mer, soit des cas de réfugiés selon la convention ou des classes désignées.

En raison de sa position géographique et de son histoire, le Canada se considère d'abord comme un pays d'établissement pour les réfugiés, ce qui a amené les gouvernements successifs à insister outre mesure sur ce rôle en refusant d'assumer leur part de responsabilité en matière de terre d'asile pour les requérants. Dans la période difficile que nous traversons où tous les pays bien nantis semblent se donner le mot pour adopter des mesures restrictives, le Canada doit maintenir une attitude d'ouverture face aux requérants et nous comptons sur le Québec pour amener le gouvernement fédéral à de meilleurs sentiments.

En ce qui concerne les réfuqiés sélectionnés à l'étranger, nous déplorons pour une nième fois - et vraiment, je ne sais pas combien de fois nous avons parlé de cette question et on veut en parler aujourd'hui - la confusion entretenue entre les critères économiques et les critères humanitaires. Il ne faut en aucun cas oublier que les réfugiés doivent être choisis en fonction de leurs besoins et non pas en fonction de critères douteux d'adaptabilité. (17 h 45)

De plus, tel que soeur Denise le souligne dans son rapport - elle est récemment rentrée d'une tournée dans les camps d'Asie et d'Europe et elle serait très heureuse de vous parler de sa visite - le Québec, tout autant que le Canada, devrait voir à alléger les mesures administratives imposées à la sélection des réfugiés d'outremer, sinon nous risquons sérieusement de perdre la collaboration des organismes et des groupes de parrainage. C'est là une collaboration qui existe maintenant depuis plusieurs années, depuis 1979. On considère maintenant qu'avec des structures administratives très longues et très lourdes, on risque vraiment de perdre toute cette collaboration qui a été bâtie avec tant d'efforts des deux côtés.

Depuis plusieurs années, l'ensemble des organismes non gouvernementaux d'aide aux réfugiés partout au Canada ont développé un consensus afin de séparer clairement les questions d'immigration des questions de refuge. Nous souhaitons que le gouvernement du Québec unisse ses efforts à ceux du Canada pour mettre en place un système de sélection et d'accueil des réfugiés complètement indépendant de tout critère d'immigration. Tel n'est pas le cas actuellement.

En terminant, dans notre mémoire, on parle évidemment en quelques mots d'une sensibilisation du grand public. Dans le contexte actuel où les risques de ressac de l'opinion publique en ce qui touche les réfugiés sont très grands, il est important que le gouvernement du Québec fasse preuve de leadership et de clairvoyance. Ainsi, nous souhaitons qu'en collaboration étroite avec tes organismes du milieu, le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration entreprenne une vaste campagne de sensibilisation du public sur l'apport positif des réfugiés et des immigrants à la société d'accueil.

Par ailleurs, on reconnaît que le Québec a fait ces dernières années un effort appréciable dans la mise en place d'une mesure d'accueil pour les réfugiés, mais nous sommes bien loin d'avoir déployé les ressources nécessaires pour répondre à l'ensemble des besoins. L'intégration culturelle et sociale harmonieuse des nouveaux arrivés à la majorité québécoise passe par un effort accru.

En quelques mots, cela résume nos propos. On n'a pas mis une page séparée de recommandations parce que je pense que notre mémoire est assez court et que chaque paragraphe, finalement, est une recommandation. Nous serions très heureuses de répondre à vos questions et de discuter avec vous. Je pense que cela laisse plus de temps pour la discussion.

Le Président (M. Trudel): Je vous remercie, Mme la présidente. Je reconnais maintenant Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration. Vous pouvez commencer, Mme la ministre. Je vous ferai part de l'enveloppe de temps dans quelques secondes.

Mme Robic: Merci, M. le Président. Mme Augenfeld, Mme Lainé, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de votre présence parmi nous aujourd'hui. C'est une

présence qui se comprend très bien puisqu'on connaît le travail immense que vous faites auprès des réfugiés et des immigrants. D'ailleurs, je tiens à vous féliciter pour l'ouvrage extraordinaire que vous avez fait au moment de l'arrivée en très qrand nombre des revendicateurs du statut de réfugié.

Vous m'avez fait un peu sursauter, Mme Augenfeld, tout a l'heure, quand vous avez dit que la catégorie réunification des familles avait diminué dramatiquement. J'ai fait sortir mes chiffres en toute vitesse et on réalise que nous recevons depuis 1980 a peu près 7000 membres de famille et c'est continu. C'est le même chiffre pour l'année 1986. Nous sommes dans les mêmes nombres d'entrées à ce niveau de réunification des familles. Alors, je veux vous rassurer à ce sujet.

Vous laissez entendre, et votre mémoire le dit très bien, que les préoccupations concernant l'intégration linguistique et culturelle sont du ressort des mesures d'accueil et ne doivent pas influencer les pratiques de recrutement et de sélection. Vous nous dites, dans le fond, non seulement qu'il faudrait ne pas tenir compte d'une immigration francophone, mais vous nous dites également que vous seriez d'accord - il me semble, enfin, que vous dites cela - pour faire disparaître notre grille de sélection. Est-ce que j'ai mal compris?

Mme Augenfeld: Non. D'un côté, je ne dis pas qu'il faut faire disparaître la qrille de sélection, mais plutôt, disons, que de mettre tant de poids sur la question de la langue avant que la personne arrive, ou plutôt que de regarder la personne en ce qui concerne sa capacité d'intégration, son "background" plus large... Il ne faut pas être si restrictif en ce qui concerne l'emploi réservé, etc. On parie maintenant d'immigrants indépendants, mais on n'en a pas beaucoup parlé. On voit plutôt les structures d'accueil ici comme l'outil qui va intégrer l'immigrant à la société. Par exemple, cela implique qu'on fasse beaucoup de pressions. Je sais que bientôt, peut-être, le Québec va avoir plus de pouvoirs en ce qui concerne l'accès aux cours de langue a l'arrivée. Ce serait très important, pour une politique qui change, de savoir qui a accès aux cours de langue. Je ne sais pas si tous les membres ici présents sont au courant que les cours de langue, pour le moment, c'est plutôt pour des personnes qui sont destinées au marché du travail. C'est vu comme un outil pour le travail. Un immigrant ou une immigrante qui arrive ici mais qui n'est pas destiné tout de suite au marché du travail n'a pas le droit à un cours de langue subventionné, avec allocations. Cela veut dire que la personne, par exemple une femme qui a des enfants et qui reste pour le moment a la maison, n'a pas droit aux cours. Cela veut dire que, quand elle arrive, elle reste chez elle. Son mari va travailler ou va aux cours et ses enfants vont à l'école. Mais la mère reste à la maison. Très vite, elle est bien en arrière des autres.

Pour nous, les cours de lanque sont un outil primordial pour l'intégration dans la société, pour la compréhension de la société et pour la communication avec les nouveaux voisins. C'est aussi important sinon plus important pour la personne qui reste a la maison que pour celle qui va au travail. Et encore, même pour celles qui vont au travail, je ne sais si vous êtes au courant, mais, si une personne n'a pas une grande expérience de travail, par exemple, ce qu'on appelle les nouveaux travailleurs, les jeunes personnes qui arrivent sans grande expérience de travail, même les réfuqiés, s'ils parlent un peu l'anglais, on leur dit: Ah! avec l'anglais que vous avez, vous pouvez facilement aller travailler dans une usine, vous n'avez pas besoin du cours de français. Alors la, la personne est doublement pénalisée. Elle est trop jeune, elle n'a pas d'expérience de travail et, pour l'usine, on n'a pas besoin de trop de français. Je vous assure qu'aller travailler toute la journée dans une usine et suivre des cours de lanque le soir, ce n'est pas la chose la plus facile pour la personne qui vient d'arriver.

Alors, encore une fois, on pénalise les personnes qui pourraient être d'un grand apport pour la société. Les qens qui sont jeunes et dynamiques ne demandent que la chance d'apprendre la langue comme il le faut avec tout le monde pour ensuite pouvoir prendre leur place. Pour nous, c'est un investissement positif. Oui, cela coûte de l'argent d'envoyer tous les qens au cours de langue, mais je vous assure que c'est un investissement qui, très vite, a beaucoup d'intérêt, si vous voulez. On va très vite voir la différence que cela peut faire si on a des immigrants qui sont bien instruits dans la langue de la société. C'est aussi leur sentiment devant la manière dont ils sont accueillis qui va être différent et cela fait une grande différence dans leur intégration.

Mme Robic: Je vous remercie. Donc, vous êtes d'accord pour conserver la grille si les programmes sont en place pour faciliter l'apprentissage du français de tous ces nouveaux arrivants dès qu'ils arrivent.

Mme Augenfeld: Mais pas pour les réfugiés, par exemple. On n'est pas d'accord pour qu'il y ait cette grille de sélection pour les réfugiés.

Mme Robic: Non, la grille de sélection ne s'applique pas pour les réfugiés, c'est bien sur, ni pour la catégorie famille, c'est bien sûr.

Mme Augenfeld: Non.

Mme Robic: Mais je perse que ce que vous dites sur les cours de français est très important et c'est là qu'avec l'entente du lac Meech, nous allons pouvoir mieux choisir nos personnes qui pourront suivre des cours de français.

Mme Augenfeld: Je l'espère.

Mme Robic: En ce moment, c'est le fédéral qui...

Mme Augenfeld: Oui.

Mme Robic: ...avec son programme de PNFE, choisit les personnes qui ont droit à des cours à temps plein avec allocations. Nous espérer» qu'avec la nouvelle entente, nous allons pouvoir justement élargir ces cours à plus de personnes. Nous avons cependant voulu pallier les problèmes auxquels ces nouveaux arrivants ont eu à faire face en permettant aux revendicateurs de suivre des cours de français. On s'est rendu compte, quand on leur en donnait la possibilité, qu'ils avaient la volonté et le désir d'apprendre le français. Alors, c'est très positif. Certaines personnes nous disent: Ces gens ne veulent même pas apprendre le français. C'est faux.

Mme Augenfeld: Oui.

Mme Robic: On n'a pas eu à les annoncer. Ils étaient en ligne à nos portes pour venir s'enregistrer. Ils veulent devenir des citoyens à part entière et ils veulent pouvoir communiquer dans la langue de communication au Québec qu'est le français. C'est positif et cela augure très bien pour l'avenir.

Le Président (M. Trudel): II n'y a pas de commentaire de la part de... Alors, M. le député de Saint...

Mme Augenfeld: II y a peut-être une chose que je voudrais dire.

Le Président (M. Trudel): Si vous voulez commenter, vous êtes la bienvenue.

Mme Augenfeld: II y a quelque chose que Mme la ministre a dit au tout début de son intervention en ce qui concerne les chiffres pour la réunification des familles. Ce qu'on sait, c'est que normalement la réunification des familles se fait quelques années après que les immigrants indépendants soient arrivés. Comme pendant plusieurs années il y avait beaucoup moins d'immigrants indépendants qui arrivaient, il s'ensuit logiquement qu'il y a moins de parrainages qui se font.

Je voudrais aussi ajouter que ce qui nous préoccupe, c'est le fait que la catégorie famille est très restrictive. La définition de la famille, encore une fois, est fédérale. On est très conscient de cela, sauf qu'on espère que le Québec fera tout pour encourager le Canada à élarqir la définition. Même pour les Québécois, les enfants majeurs sont de la famille. Je pense que les gens sont choqués de se faire dire: Votre fils qui a 22 ans n'est plus un enfant, vous ne pouvez pas le parrainer. La même chose pour les frères et soeurs. C'est de la famille proche et cela fait une force pour les familles. Quand elles peuvent faire venir la famille proche, cela les aide à s'intégrer, à partir toutes sortes de projets. Je pense qu'on ne peut que gagner en élargissant la définition de la famille pour permettre plus facilement aux gens de parrainer leurs proches.

Le Président (M. Trudel): Merci. Mme la ministre.

Mme Robic: Oui. Mme Augenfeld, je dois vous rassurer encore une fois parce que mes chiffres me disent bien que ma catégorie famille est toujours à peu près au même nombre, 7000. Nous avons voulu d'ailleurs aider à l'élargissement de l'immigration familiale cette année en acceptant des emplois attestés. On n'avait plus à faire la preuve que pas un seul Québécois ne pouvait occuper ce poste. Si un membre de la famille n'entrait pas dans la catégorie famille et que cette famille pouvait nous garantir qu'elle avait un emploi pour cette personne, nous avons permis que cette personne vienne. Donc, cela a certainement permis une entrée plus importante de membres de la famille.

Mme Augenfeld: Est-ce qu'on peut commenter?

Le Président (M. Trudel): Oui, sûrement.

Mme Lainé (Denise): Au sujet de cet emploi réservé, si on regarde le temps que cela prend à la personne pour venir ici, l'emploi est déjà réservé depuis six mois, je me demande jusqu'à quel point ces emplois réservés sont vraiment réels et peuvent être utiles. Nous croyons que la catégorie de la famille est assez forte qu'on pourrait faire sauter l'emploi réservé.

Mme Robic: Mais... Oui.

Mme Lainé: Actuellement, on donne des points pour l'emploi réservé et s'il n'y a pas d'emploi réservé... En langage courant, c'est un truc.

Mme Robic: En permettant de...

Mme Lainé: Nous croyons que les liens entre frère et soeur et l'aide qu'ils reçoivent lors de leur établissement ici sont assez forts qu'ils vont leur en trouver. D'ailleurs, c'est ce qu'ils font; ils trouvent un autre emploi parce que celui d'il y a six mois n'existe plus. Alors, ils trouvent des emplois. Ils les ont parrainés. Ils en sont responsables. Alors, je pense que cet article, c'est un peu un jeu.

Mme Robic: C'est tout de même rassurant cependant de demander à la famille de faire l'effort de trouver un emploi pour un adulte qu'ils veulent faire entrer.

Mme Lainé: Oui, mais ils le font de toute façon puisqu'ils en sont responsables. Assez souvent, c'est un emploi qu'ils lui trouvent, mais non pas celui qui était sur le papier.

Mme Robic: D'accord. Cela va.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. Mme Augenfeld, Mme Marchand, je ne voudrais pas avoir l'air de quelqu'un qui s'excuse, mais je pense que vous êtes au courant que c'est ce matin qu'a été rendue officielle ma nomination comme porte-parole de l'Opposition en matière de communautés culturelles et d'immigration. Comme j'étais à Montréal et que mon bureau à Québec était fermé, j'ai reçu votre texte uniquement au moment où vous le lisiez. Donc, je n'ai malheureusement pas eu le temps nécessaire pour les décanter. (18 heures)

Néanmoins, je partage certaines choses avec vous notamment la distinction effectuée entre réfugiés et immigrants dans son sens courant et usuel. Je pense qu'il y a eu certains événements tout à fait récents au Canada, que ce soit è la frontière de l'Arctique, ce qui était étonnant et surprenant, ou bien, à Halifax, etc., qui ont peut-être un peu altéré le véritable sens du mot réfugié.

Pour moi, un réfugié, c'est quelqu'un qui arrive ici en criant au secours, parce qu'il est victime d'une répression. On sait fort bien que, des 155 pays qui sont aux Nations unies, même pas le tiers, je pense, vit un système démocratique comme le nôtre. Il y a des gens qui sont persécutés pour des raisons politiques, des raisons religieuses, enfin un paquet d'autres raisons, et c'est bien entendu qu'un réfugié qui vient frapper a ma porte, qui crie au secours et qui demande que je lui porte assistance, parce qu'il y a menace pour lui, je ne lui répondrai pas: Je m'excuse, mais voulez-vous me le dire en français. Je vais bien comprendre son signal de détresse. Je pense que je vais regarder très attentivement. Ce serait inhumain que de considérer cela sous un aspect linguistique uniquement, et je ne pense pas que le Québec, de tout temps d'ailleurs, l'ait fait à partir de cette donnée-la.

Par contre, quant à l'immigration comme telle, si j'ai bien compris, vous avez parlé de privilégier la famille, la réunification des familles, le rapprochement des familles, et vous avez également indiqué, je pense, ne pas tenir compte de préoccupations d'ordre culturel ou linguistique. Moi, j'aurais le août de vous faire la remarque suivante - je ne sais pas comment vous allez réagir: de par ma langue, par la culture qui la sous-tend, je pense que j'appartiens a une famille dans le sens de civilisation. Je pense qu'il est légitime que, dans cet ordre-là, je me tourne d'abord vers ma famille, la famille de ma langue, la famille de ma culture, de ma civilisation. Je ne pense pas que ce soit discriminatoire. C'est un lien privilégié qui existe et qui est aussi fort que celui du sang, à mon point de vue. Quand vous dites qu'il faudrait regarder chez un individu sa capacité d'intégration, la connaissance de la langue, de la langue française qui est la langue du Québec, la connaissance même de la deuxième langue officielle du Canada qui est l'anglais, les connaissances de la culture, des traditions, etc., sont des facteurs justement qui facilitent l'intégration.

Est-ce que j'ai bien compris en disant que vous ne voulez plus que le critère de la langue soit un critère que nous privilégiions dans le cas de l'immigration? Je ne vous parle pas des réfugiés, ma position est très claire là-dessus. Je conviens que ce serait inhumain d'avoir un critère exclusif comme celui-là, et cela ne peut être comme cela, mais pour ce qui est de l'immigration...

Mme Augenfeld: M. le député, vous savez, premièrement, ce n'était pas surtout sur l'immigration indépendante que portait l'essentiel de nos propos. Moi, je suis convaincue que - peut-être que je parle un peu personnellement - c'est une vue globale de l'immigrant qu'il faut regarder, sa volonté de venir s'établir, d'établir quelque chose. Si je peux me permettre de vous parler très personnellement pendant une minute... Vous savez, ma famille a moi, mes parents sont arrivés ici au Canada sans parler un mot ni d'anglais ni de français et ils se sont établis sans même toutes ces structures d'accueil qu'on a maintenant. Cela aurait été très beau de les avoir. Ils ont envoyé leurs enfants à l'école. Mon père a établi un commerce sans parler la langue, il a employé d'autres personnes. Moi, maintenant, je parle les deux langues officielles du Canada. Je parle le français, peut-être pas aussi bien que je le devrais, mais je le parle. Et puis

je pense que c'était leur volonté et la gratitude qu'ils avaient envers ce pays qui les a accueillis qui a aidé a leur intégration. Ils ont appris la langue très peu longtemps après.

Je suis convaincue que, si on regarde maintenant, M. le député, ceux qui veulent venir au Canada, ce ne sont pas nécessairement les personnes qui, traditionnellement, étaient nos sources d'immigration. Ce sont des personnes du tiers-monde, ce sont des personnes de partout dans le monde qui ont cette volonté et cette nécessité d'immigration et, nous, si on les accueille comme il faut, on va voir qu'elles vont s'intégrer et vont faire partie de notre société, Je ne pense pas qu'on puisse juste regarder maintenant les personnes qui nous ressemblent comme immigrants futurs. Je pense qu'on doit s'ouvrir à l'idée que, peut-être, quand les immigrants arrivent, ils ne vont pas tellement nous ressembler au début, mais ensemble on peut bâtir une société harmonieuse. J'espère que ça ne ressemble pas à des banalités, mais je suis convaincue qu'avec une certaine attitude ça peut se faire.

Je voudrais revenir à vos propos du début quand vous parliez des réfugiés et de tout ce qui a changé. Si vous me le permettez, on voudrait dire certaines choses sur le fait que, lorsqu'on choisît les réfugiés outre-mer, dans les camps, on croit fermement qu'il faut le faire en fonction de leurs besoins. Un des propos du gouvernement, c'est qu'on ne veut pas tellement que les personnes arrivent ici en frappant à la porte et en disant: Je suis réfugié. Nous, on dit toujours - pas nous, mais les gouvernements - qu'on veut les sélectionner outre-mer parce que l'on veut prendre ceux qui en ont le plus besoin. Mais,- quand on va dans les camps, quand on va outre-mer - et j'espère que soeur Denise aura la chance de témoigner sur son voyage - on voit que les réfugiés, même ceux... Vous ave2 dans un camp 10 000 réfugiés, par exemple. On va sélectionner ceux qui, à nos yeux, feront les meilleurs immigrants, les plus beaux, ceux qui parleront le mieux la langue, ceux qui sont le plus débrouillards et pas nécessairement ceux qui ont le plus besoin de notre aide, vous savez. C'est de ça dont on parle. Quand on va à la sélection des réfugiés, qu'on sélectionnne ceux qui ont besoin d'établissement. Même si, au tout début ça semble peut-être un investissement un peu plus long, je vous assure qu'en très peu de temps eux aussi deviennent de très bons immigrants et un grand apport pour la société. Mais, malheureusement, ça ne se passe pas comme ça outre-mer. Ce ne sont pas nécessairement les personnes qui ont le plus besoin d'établissement qui sont choisies, mais les personnes qui répondent...

Ce n'est pas toute la grille de sélection, mais, quand même, une certaine grille flexible est établie, même si elle n'est pas écrite sur papier.

M. Boulerice: Mais vous m'accordez, nonobstant les considérations que vous donnez et auxquelles j'agrée, vous me donnez le privilège, quand même, de favoriser ma famille linguistique et culturelle, dans un premier choix, si je le désire.

Mme Augenfeld: Je comprends ce que vous me dites et je ne suis pas contre. Je ne voudrais pas qu'on ferme les yeux sur les personnes qui vivent un peu partout dans le monde et qui seront pour nous, dans un proche avenir, de très bons immigrants. Mais vous savez... Je m'excuse, c'est une discussion qu'on peut poursuivre pendant des heures, n'est-ce pas? Nous voudrions vraiment... On a parlé un peu des besoins des réfugiés, des questions humanitaires et des personnes qui ont le plus besoin, on en est convaincu, de notre attention et notre compréhension.

M. Boulerice: C'est le drame, Mme Auqenfeld, des commissions. Le temps est limité, forcément, et les autres collèques veulent parler de part et d'autre. Alors, écoutez, je vais terminer mes questions pour céder un peu de temps à ma collègue. Fixons-nous rendez-vous pour poursuivre la discussion.

Mme Augenfeld: Avec plaisir.

Le Président (M. Trudel): Mme la députée de Maisonneuve, est-ce que vous voulez intervenir?

Mme Harel: Oui, M. le Président. Je remercie mon...

Le Président (M. Trudel): On s'excuse. Il y a un événement important dans la vie parlementaire. L'Opposition a rendu public, il y a une heure et demie, ce qu'on appelle le cabinet fantôme, le nouveau cabinet fantôme, alors ...

M. Boulerice: Qui va hanter vos nuits.

Le Président (M. Trudel): ...le document que vous voyez circuler... On vous écoute, mais il y a certains députés qui...

Mme Harel: M. le Président, je veux bien comprendre les propos qui ont été tenus jusqu'à maintenant. Moi, j'ai beaucoup d'estime, j'ai beaucoup d'admiration pour le travail qu'a réalisé la table des organismes de Montréal a l'égard des réfugiés et je souscris à l'invitation qui est faite dans le mémoire de conserver envers et contre tout dans la tourmente actuelle une attitude

ouverte à l'égard des revendicateurs. Là, par ailleurs, où je suis en total désaccord, et je veux bien comprendre, j'ai peut-être mal compris. Dois-je comprendre que la Table de concertation des organismes de Montréal au service des réfugiés recommande l'abolition des points attribués a la connaissance du français dans la grille de sélection des immigrants? Je veux être bien certaine de cela, d'une part. Je veux savoir si c'est cela la recommandation de la table. D'autre part, je pense qu'il y a une confusion qui s'est installée dans les propos tenus... Il y a eu confusion entre la grille de sélection et les mesures qui doivent être amplifiées pour favoriser l'apprentissage du français, notamment dans les COFI, particulièrement à temps complet pour toutes les catégories, y compris les femmes à la maison, y compris les réfugiés qui ont déjà connaissance d'une langue.

Je pense que la confusion entre les deux est extrêmement dommageable. La grille de sélection avantage simplement une société qui se considère légitimée de souhaiter certains critères de sélection parce que sélectionner c'est choisir. Il y a quoi, 140 000 personnes qui, chaque année, bon an mal an, demandent de venir au Québec comme immigrant? En vertu de quels critères allons-nous choisir? Alors, ce choix, cette sélection, puisque c'est de sélection dont il s'agit, se fait entre de nombreuses personnes. Je voudrais savoir si c'est bien l'abolition des points attribués à la connaissance du français, d'une part, et si, d'autre part, il ne serait pas plus souhaitable de bien distinguer en ce qui concerne les immigrants. Autant je peux souscrire à l'élargissement de la catégorie famille, en n'oubliant pas qu'actuellement 40 % de notre immigration est constituée de la catégorie famille... Une personne qui vient et qui a sa résidence ici - je ne sais plus combien exactement - en entraîne un certain nombre à venir la rejoindre. Il ne faut pas oublier que pour 40 % de notre immigration la grille de sélection ne joue pas. La grille de sélection ne joue pas pour la catégorie famille, la grille de sélection ne joue que pour ceux que l'on sélectionne. Donc, déjà, la grille de sélection ne joue pas pour 40 % de ndtre immigration, plus les réfugiés. Alors, la grille de sélection ne joue plus, en définitive... Il n'y a pas tout à fait 20 % à la catégorie réfugiés et il y a presque 40 % à la catégorie famille. La grille de sélection, avec les points attribués à la connaissance du français, ne joue donc que pour 40 % de notre immigration. C'est notre réalité actuelle.

Tantôt, vous avez dit: nous avons un grand pays. Je ne sais pas si vous faisiez référence au Canada parce qu'évidemment, à cette commission, nous examinons le niveau d'immigration pour le Québec. Oui, le

Québec est immense. Il est six fois grand comme la France, mais 92 % des nouveaux arrivants s'installent dans l'île de Montréal, je le répète et, je l'ai dit ce matin, c'est grand comme le Luxembourg. Si on recevait - parce qu'on parle toujours d'immigrants, là - votre recommandation que dans trois ans, c'est-à-dire en 1990, on reçoive 60 000 personnes par année, en dix ans, disons entre 1990 et l'an 2000, dix ans, c'est exactement 600 000 personnes dont 90 % qui, vraisemblablement, à moins qu'il n'y ait d'autres solutions que j'aimerais vous entendre nous apporter pour qu'il y ait des établissements ailleurs, dans les capitales des régions, mais cela fait au-delà d'un demi-million de personnes qui s'installeraient dans l'île de Montréal, si toutes les choses sont ce qu'elles sont maintenant et si on n'a pas ensemble, comme collectivité, un projet qui consiste a ce qu'elles soient différentes. Sur les mesures d'établissement en région, là-dessus, votre mémoire est muet. Un demi-million de personnes qui s'installent dans l'île de Montréal ou il y en a déjà 2 000 000, c'est, en définitive, une personne nouvelle sur quatre en dix ans. Est-ce qu'une société peut se le permettre?

(18 h 15)

Vous savez, je lisais Jean-Claude Leclerc, qui est bien connu pour sa franchise mais aussi pour son appui, je dirais, indéfectible en matière de soutien aux politiques généreuses à l'égard des réfugiés, qui disait ceci: "On ne peut, sans inhumanité sélectionner des réfugiés suivant la langue qu'ils parlent - et j'y souscris - mais les communautés culturelles et les milieux de l'immigration commettraient une erreur incalculable en négligeant le message du français pour tous les immigrants." Cela vaut autant pour la grille de sélection que pour l'apprentissage sur place, parce que l'autre réalité est celle de l'étude qui s'intitule "Situation démographique au Québec, édition 1985", du Bureau de la statistique du Québec, qui démontrait que, parmi les nouveaux Québécois qui abandonnaient leur lanque maternelle, près de 80 % choisissaient l'anglais comme langue d'usage à Montréal.

Sur la question de l'immigration, on n'a pas intérêt à jouer à l'autruche et à dire que tout va bien dans le meilleur des mondes, qu'on peut... Je pense que la table de concertation a intérêt, en matière d'immigration, à voir clairement le message que lançaient les différents sondages, à savoir que le français doit être une lanque favorisée dans la grille de sélection comme au moment de l'apprentissage sur place.

Mme Augenfeld: Je ne sais par où commencer. Vous avez touché plusieurs sujets. On n'a pas dit, si vous lisez bien notre mémoire, qu'il faut abolir la grille de sélection ou abolir le français, comme

considération. Tout ce qu'on a dit, c'est qu'on ne voudrait pas que les préoccupations d'ordre culturel et linguistique nient l'importance d'autres aspects. Évidemment, cela aide quand quelqu'un qui vient ici parle un peu la langue du pays, mais on ne voudrait pas que cela devienne tellement une préoccupation qu'on néglige d'autres "aspects telles l'intégration sociale, l'intégration au marché du travail et les structures d'accueil où les gens peuvent apprendre assez vite la langue en arrivant.

Encore une fois, quand vous parlez du fait que les immigrants viennent normalement s'installer à Montréal, c'est vrai, mais cela ne doit pas être nécessairement la vérité à tout jamais. Vous savez, on ne peut pas envoyer une famille immigrante toute seule quelque part et espérer qu'elle va y rester. Cela prend une tout autre vision de l'immigration. Si on regarde l'Ontario, par exempte, les immigrants ne sont pas tous à Toronto. Il y en a beaucoup plu3 dans les différentes villes de l'Ontario qu'ici au Québec. Il faut commencer à concevoir une autre façon d'installer et d'intégrer les immigrants. Cela ne se fait pas d'un jour à l'autre, mais il faut avoir à l'idée que c'est peut-être possible.

Vous avez des réfugiés médecins - je ne veux pas faire ici tout le drame des médecins qui sont déjà citoyens et qui ne peuvent pas encore pratiquer - qui ne veulent rien de plus que d'aller dans le Grand-Nord, sur la Côte-Nord, n'importe où pour travailler. Il y a toutes sortes de règlements qui ne leur permettent pas d'aller travailler. Je suis sûre que, s'il y avait des structures d'accueil, du travail intéressant et une vie sociale intéressante, des gens seraient peut-être prêts à aller s'installer ailleurs. Ce n'est pas absolument obligatoire que tous les immigrants restent à Montréal. Il faut commencer le projet en regardant ce que cela prend pour attirer les immigrants ailleurs qu'à Montréal. Il ne vont pas y aller simplement comme cela. C'est une tout autre question.

Mme Harel: Vous nous dites "peut-être". C'est le "peut-être" qu'il faut rendre réalisable. Il nous faut avoir la capacité, comme société, d'envisager des mesures concrètes. Par exemple, faut-il envisager, dans la grille de sélection, que des points soient accordés lorsqu'il y a établissement dans une capitale des régions?

Mme Lainé: Je ne sais pas maintenant, mais, jadis, le fédéral en avait. Je ne sais pas si le Québec en a, mais c'est envisageable.

Mme Augenfeld: Vous savez, on n'a pas toutes les réponses, mais c'est le début d'une discussion. II faut se demander si c'est possible, si on veut faire cette chose. Si on décide qu'on veut faire cette chose, que c'est souhaitable, on peut ensuite commencer à discuter pour sgvoir comment. Si on se dit: On voudrait pouvoir attirer les immigrants pour qu'ils ne s'installent pas a Montréal mais dans plusieurs autres villes, ensuite on se demandera: Qu'est-ce que cela prend pour les attirer? On regardera ce qui existe, ce qui n'existe pas et ce qu'il faut mettre sur pied, etc. Est-ce qu'il y a des classes d'accueil pour les enfants immigrants à Rimouski ou je ne sais pas où? Peut-être qu'il y en a, il faudrait que j'aille voir. Si je veux que les immigrants aillent là, il faut que les écoles soient préparées, soient sensibilisées. Si je veux envoyer des enfants africains à Chicoutimi, est-ce qu'ils vont être bien accueillis? Vous savez, cela prend tout un inventaire pour faire l'accueil, voir ce qu'il manque et ce qu'il faut faire, combien cela coûte, etc. Pour commencer, cela prend une volonté et une attitude, il faut se dire que c'est peut-être possible; ensuite, on peut voir.

Mme Harel: Je ne voudrais pas qu'on se quitte sans que vous nous parliez de toute cette question des revendicateurs du statut de réfugié. Je veux simplement vous siqnaler que cela prend de l'imagination, comme vous le dites, et aussi des subventions. Tout cela suppose quasiment que ce soit mis en place avant qu'on ne décide qu'il y aura 60 000 personnes; sinon, ces 60 000 s'installeront a Montréal et la il va y avoir un face à face qui peut détériorer les relations dans une société ou un Québec avec des régions de plus en plus francophones et françaises et un Montréal de plus en plus multi-ethnique et bilingue ou anglais.

Je pense qu'on ne peut pas terminer nos travaux sans vous entendre sur cette question des revendicateurs du statut de réfugié et des modifications qui seront apportées, qui sont apportées maintenant, telles qu'elles sont connues aujourd'hui, à l'ensemble des mesures.

Mme Augenfeld: Justement, Mme Harel, aujourd'hui, on est très déprimés, si vous voulez, parce que... Ce n'est même pas le mot, on est très tristes parce que c'est très triste pour le Canada que le gouvernement fédéral ait apporté de telles mesures au Parlement. Ce n'est pas nécessaire, ce n'est pas souhaitable. On était déjà en discussion quant à un nouveau processus sur le statut de réfugié. Cela fait des années et des années que les organismes, dans tout le Canada, en parlent.

Très brièvement, vous savez que c'est depuis que je travaille là-dedans... Il y en a d'autres qui y travaillent depuis plus longtemps. En 1981, on a commencé à

s'inquiéter vraiment qu'il y ait un certain arriéré, un soi-disant "backlog", mais, quand on voit maintenant de quel chiffre on s'inquiétait à l'époque, ce n'était rien du tout. C'était faisable, réalisable, de le régler. On parlait d'un nouveau processus qui était nécessaire. On parlait du fait que cela prenait absolument une audition orale pour être juste envers les requérants. Le ministère de l'Immigration ne voulait pas l'installer. Il y eu le rapport Robinson, un deuxième rapport, le rapport Ratushny, et un troisième rapport, le rapport Plaut. Finalement, il y a eu un jugement de la Cour suprême en avril 1985 qui jugeait qu'une audition était un minimum de justice pour un requérant. Cela a mis le gouvernement dans une situation complètement difficile parce qu'il y avait déjà, jusque-la, un "backlog", un arriéré considérable de 20 000 cas.

Ensuite, cela a pris un an, jusqu'en mai 1986, seulement pour annoncer les mesures intérimaires, un programme administratif, qui, d'ailleurs, vient de se terminer, et des lignes directrices pour un nouveau projet de loi, et cela a pris une autre année pour qu'on arrive avec un autre projet de loi complètement inacceptable. Après tout ce temps, on arrive avec un projet de loi qui n'assure pas du tout la protection des réfugiés, qui est tellement obsédé par la question des abuseurs qu'on en a oublié les réfugiés. Il y a tant de mesures de contrôle pour refouler les gens, pour ne pas les entendre que c'est pour cela qu'il y a eu ce tollé de protestations au pays contre le projet de loi C-55 et je pense qu'on a gagné, jusqu'à la fin de juin, un peu de terrain. Malgré que le gouvernement nous ait dit qu'on était en parfaite conformité avec les lignes directrices du Haut-commissariat pour les réfugiés, celui-ci a envoyé un mémoire au gouvernement dans lequel il s'inquiète beaucoup de certaines dispositions de notre projet de loi, etc., etc. Ensuite, le projet de loi qui devait être si urgent a eu quelques heures de débat seulement au mois de juin. Ensuite, il y a eu un ajournement. Maintenant, tout d'un coup, parce qu'un bateau de plus est arrivé d'une façon assez dramatique, cela a été monté en épingle pour montrer jusqu'à quel point on était en danger en qu'on risquait d'être envahis, pour justifier des mesures complètement inacceptables et qui vont jouer contre les réfugiés, contre la protection des réfugiés. On fait croire au public que toutes ces personnes sont menteuses, que ce sont des personnes suspectes, des personnes qui viennent nous raconter n'importe quoi. Le fait qu'une personne arrive sans document est devenu, tout d'un coup, un crime, quand on sait pertinemment que le fait de ne pas avoir de documents fait partie très souvent de l'histoire d'un réfugié trè3 souvent. Quand un réfugié quitte son pays, très souvent, il n'a pas le temps de demander en bonne et due forme un passeport; il part, il fuit, il se procure n'importe quel document; il arrive ici et il demande notre protection. Il doit être entendu. Je ne sais pas combien de fois je l'ai répété: on n'a jamais dit que toute personne qui fait une demande doit être acceptée, mais on va dire, jusqu'à la fin de nos jours, que toute personne qui fait une demande doit être entendue d'une façon juste devant des experts qui sont compétents en matière de réfugiés pour entendre sa cause. Si un panel d'experts et, si nécessaire, un appel disent que cette personne n'est pas une réfugiée, on peut l'accepter, mais, si la personne est renvoyée sans être entendue, on risque de la renvoyer à une situation dangereuse. Maintenant, avec les dispositions de la loi, je suis convaincue que la première chose que l'on fera, si une personne arrive sans document, sera une enquête pour établir son identité, ce qui peut inclure des enquêtes policières chez la police du pays d'origine. Je pense que vous êtes allée, Mme Harel, au Chili et que d'autres personnes sont allées dans d'autres pays. Imaginez-vous si la première chose qu'on fait, quand une personne arrive ici, est une enquête auprès de la police de son pays pour voir qui elle est. Et si, après, cela se révèle vrai que c'est une réfuqiée, qu'est-ce qu'on aura fait à la famille de cette personne? Qu'est-ce qu'on aura fait aux gens du pays d'origine pour les mettre en danqer? C'est absolument inacceptable. Récemment, on a fait croire à la population que tout ces gens-là n'étaient pas des réfugiés, que c'étaient tous des illégaux. Ils ne sont pas illéqaux, ils s'annoncent quand ils arrivent et ils disent: Je ne suis pas un immigrant, je fais une demande de refuge. Peut-être qu'il y en a qui ne sont pas des réfugiés. On a toujours demandé un processus qui soit plus efficace et qui décide plus vite qui est réfugié, mais pas en passant par la justice et en niant la justice. On est convaincus que, s'il y avait un processus qui assure une audition devant des experts et qui offre le temps de se préparer avec l'aide de conseillers juridiques, et si cela se passait à l'intérieur d'un temps raisonnable, avec le temps, cela découragerait les gens qui utilisent le processus pour d'autres raisons, mais cela prend un peu de temps et cela prend une volonté pour le faire. Actuellement, ce que l'on voit, c'est un prétexte que l'on a utilisé pour imposer des mesures. Vraiment, tout ce que j'ai devant moi, je n'ai pas encore le bill, mais j'ai ce que la Presse canadienne a dit là-dessus et cela me semble vraiment très dangereux pour la protection des réfugiés. C'est malheureux, parce qu'on avait gaqné beaucoup de terrain. On a, pendant mai et juin, vraiment expliqué avec un certain succès pourquoi le bill C-55 n'était pas acceptable et c'est vraiment malheureux

qu'un bateau nous ait tellement fait peur qu'on ait besoin maintenant de se servir du grand marteau contre les réfugiés.

Avec votre permission, je sais qu'il y a d'autres personnes qui veulent poser des questions, mais soeur Denise, qui revient tout juste de voyage, avait plusieurs choses à vous dire sur ce qui se passe dans les camps outre-mer, si cela vous intéresse. Si on peut prendre quelques minutes, parce que je sais que notre temps achève, elle pourrait nous raconter un peu ce qui se passe dans la sélection.

Le Président (M. Trudel): Sûrement, oui. Je n'ai aucune objection, bien au contraire. Alors, soeur Denise.

Mme Lainé: Merci, M. le Président. Je ne sais pas, je croîs bien que le gouvernement du Québec va conserver la collaboration du public dans le parrainage. Peut-être qu'il y aurait des méthodes à changer, des manières de faire face au groupe de parrainage. Il y aurait aussi des manières administratives à changer face à la sélection des personnes, parce que, dans les camps de réfugiés, la vie est très lourde, vous pouvez l'imaginer. Par exemple, les camps de Hong Kong, ce sont des prisons et les personnes qui travaillent dans les camps nous disent que les réfugiés sont considérés un cran plus bas que les prisonniers. C'est donc dire que les réfugiés n'ont pas une grande attention et, quand on parle des droits de la personne, on nous dit qu'il faut oublier ce programme-là dans les camps. (18 h 30)

Alors, quand on arrive pour faire la sélection des réfugiés et qu'on est devant une famille... J'ai vu, par exemple, des familles où il y avait sept ou huit enfants. Le père de famille, qui est le depuis cinq ans, est vraiment découraqé, et on le serait à moins. Alors, un homme découragé, un peu affaibli, on l'évite. II ne rejoint pas les critères, il n'est pas choisi. Il a été refusé par les trois pays qui sélectionnent: l'Australie, les États-Unis et le Canada. Il a cinq ou six enfants de tous les âges. La femme est une excellente cuisinière. C'est elle qui fait la cuisine pour une quinzaine de personnes. Elle pourrait, ici, faire fonctionner un restaurant ou autre chose. Mais toutes ces choses n'ont pas été prises en considération parce que le père était un peu déprimé.

Quand on parlait des critères de sélection tout à l'heure, c'est sur cela qu'on voulait un peu signaler que, lorsque les personnes sont dans un camp et qu'elles sont en situation d'adaptation ici, elles sont tout à fait différentes. Nous sommes tout près d'elles pour les voir réagir. Dans les camps de Hong Kong, la situation est très déplorable à cause, premièrement, de la manière dont ils sont reçus et, deuxièmement, à cause de la situation de Hong Konq même qui, dans quelques années, va revenir aux mains des Chinois. Alors, les qens sont doublement obsédés et ils sont effrayés. Quand on entre dans le camp - j'y suis allée sans permission, c'est un passe-droit que j'ai eu - c'est très pénible de voir tous ces gens qui n'ont qu'à attendre. Attendre quoi? On ne le sait pas. Il y en a qui sont là depuis cinq ans et ce sont des personnes qui sont quand même en bonne santé. Ce sont des personnes qui ont des enfants, de jeunes enfants. On dit qu'on a besoin d'enfants. Il y a des enfants qui naissent dans les camps peut-être plus qu'en dehors. Les conseillers en immigration qui vont sélectionner dans les camps y vont d'abord selon des quotas. À Honq Kong, c'est le HCR qui permet la sélection des familles.

Je ne sais pas, mais le Québec pourrait, à un moment donné, aller voir, y jeter un reqard et, après des discussions avec le HCR les circonstances nous permettraient de faire une meilleure sélection et de se rendre compte vraiment des besoins de ces réfuqiés. J'ai visité ceux de Honq Kong. J'ai vu les autres aussi, mais la situation de ceux de Honq Konq, sur le plan psychologique, me paraît plus difficile. D'abord, ils sont dans des camps entourés de fils barbelés et, aussi, il y a la situation de Hong Kong qui, dans quelques années, va revenir à la Chine.

Il y a aussi les camps en Thaïlande qui, sur le plan matériel, ne sont plus ce qu'ils étaient il y a quelques années, mais, sur le plan moral, je pense que personne de nous n'aimerait que son enfant vive dans un camp. Je crois que le Québec a fait son effort pour prendre des réfugiés, mais je pense qu'on pourrait faire encore un effort. Quand on voit, on est encore un peu plus convaincu qu'il faut absolument que ces camps se vident, autrement, ils vont nous retomber sur la tête. On a eu les camps des Palestiniens qui ont fait éclater le Liban. Alors, il ne faudrait pas que les camps thaïlandais fassent éclater autre chose.

En plus de ces camps, il y a les camps en Europe qui sont, sur le plan matériel, bien moins attristants. Ils sont tout à fait normaux, sauf que les appartements sont petits. Seulement, dans tous les camps, qu'importe où est le camp et qu'importe la situation du pays, être dans un camp, c'est ne pas avoir d'avenir, c'est ne pas avoir d'espoir.

Alors, la destinée du réfugié est entre les mains de celui qui veut bien le regarder. Je ne sais pas si on les reqarde assez. Quand on les reqarde de près, cela fait mal. Maintenant, je sais qu'il y a des personnes, des groupes qui désirent les aider en faisant du parrainage. Nous avons nous-mêmes organisé des groupes de parrainage, mais cela ne marche pas parce que cela prend trop de

temps, cela prend deux ans,.trois ans et les groupes de parrains se découragent, se disloquent et on est obligés de refuser les gens. Je pense que pour toute cette section de parrainage et de réfugiés, peut-être que s'il y avait un personnel... Comme on l'a demandé au fédéral dans l'histoire des réfugiés sans statut, je pense que, lorsqu'on parle de réfugiés, il faut séparer ce terme d'immigration. Ce sont deux réalités très différentes et le pays peut progresser, il a un investissement plus grand a faire avec des réfugiés, mais je pense qu'il y a un résultat, au bout de quelques années, qui est l'équivalent, sinon plus grand, d'avec les immigrants.

Mme Augenfeld: Je voudrais ajouter un mot. Justement, il y a quelques mois, M. Isaka, qui est directeur de l'établissement pour le HCR, était au Canada et a parlé aux différents paliers de gouvernement, il a parlé aussi avec les ONG et lui aussi nous a dit, parlant de l'Afrique cette fois-ci, que, pour la sélection des réfugiés, celle du Canada était une des plus difficiles. C'est-à-dire que le Québec prend une portion de cela; pour toute l'Afrique, disons, sur 1000 réfugiés parrainés par le gouvernement canadien en un an, une proportion vient au Québec. Mais, en choisissant quels réfugiés on va faire venir au Canada, on applique vraiment des critères de sélection assez rigides, c'est-à-dire qu'on prend la crème de la crème. On ne prend pas toujours ceux qui sont là vraiment de très longue date et qui ont besoin d'établissement. On prend des personnes qui vont faire les meilleurs immigrants. Encore une fois, on demanderait au Québec d'utiliser son influence auprès du gouvernement en faisant la sélection que le Québec peut faire en choisissant les RC 1, disons, les cas du gouvernement qui vont venir des pays comme l'Afrique, l'Amérique latine ou l'Asie, de vraiment penser aux besoins d'établissement des réfugiés et non seulement à ceux qui vont être les plus faciles, si vous voulez, à établir.

Un dernier mot, si vous voulez, sur les réfugiés handicapés qu'on n'a pas mentionnés dans notre document. On demanderait aussi au Québec de considérer prendre un plus grand nombre de réfugiés handicapés chaque année. Il y a deux ans, on en a pris dix en une année, je pense. Je vous ferai remarquer, mesdames et messieurs, que, pour un pays comme le Québec, dix personnes en un an, ce n'est pas beaucoup. Avec les hôpitaux et les soins médicaux que nous avons au Québec, on peut bien se permettre de prendre plus de dix personnes.

Encore une fois, vous savez, dans les camps, très peu peut être fait pour les réfugiés handicapés. Il ne faut pas s'imaginer que, si on les fait venir ici, ils vont toujours rester dans le même état où on les trouve.

Avec certains types de soins, il peut y avoir de qrandes améliorations. Alors, on vous supplie aussi de penser aux réfugiés handicapés et de penser à un nombre plus important que dix, ce qui nous semble très peu pour un pays comme le Québec.

Le Président (M. Trudel): Merci, madame. Mme la ministre ou peut-être M. le député de Viger, je m'excuse.

M. Maciocia: Oui, j'aurai seulement une question, Mme Augenfeld, parce que le temps est écoulé depuis lonqtemps. À la page cinq de votre mémoire, vous dites: "En ce qui concerne les réfugiés sélectionnés à l'étranger, nous déplorons pour la xième fois la confusion entretenue entre les critères économiques et les critères humanitaires." Pouvez-vous nous dire quels sont, selon vous, les critères économiques pour la sélection des réfugiés?

Mme Augenfeld: C'est ce dont on vient de parler, M. le député. C'est que, très souvent, quand on reqarde les réfugiés... Si vous avez devant vous 100 réfugiés et que vous allez en choisir 25, très souvent, l'officier est porté à choisir ceux qui sont les plus instruits, qui parlent la langue, qui sont les plus jeunes, les plus dynamiques, en ce sens qu'ils feront les meilleurs immigrants, qui sont les plus adaptables à court terme, au lieu de regarder ceux qui ont le plus besoin de notre aide. Quand on choisit les réfugiés, ce sont leurs besoins qui doivent jouer en premier lieu. C'est de cela que l'on parle. C'est comme lorsque soeur Denise nous raconte que, si le père de famille est un peu déprimé parce qu'il est dans un camp depuis cinq ans, cela joue contre lui. Cela ne serait pas naturel qu'il ne soit pas un peu déprimé après cinq ans dans un camp, avec ses cinq ou six enfants. Si cela joue contre lui, on va perdre beaucoup de personnes, on va néqliger, on choisira peu de personnes qui ont besoin de notre aide, parce qu'on est tellement préoccupés par ceux qui vont s'adapter le plus rapidement.

Le Président (M. Trudel): M. le député, avez-vous d'autres questions à poser?

M. Maciocia: Non, cela va.

Le Président (M. Trudel): Mme la ministre?

Mme Robic: Oui, M. le Président. J'écoutais avec beaucoup de sympathie les propos de soeur Denise. J'ai eu, je dis bien, le privilèqe de visiter les camps de réfuqiés en Thaïlande et je pense que chacun d'entre nous y gagnerait à visiter ces camps. Je comprends vos préoccupations et je les

partage. D'ailleurs, nous avons cette année, en 1987, doublé le nombre de réfugiés que le Québec sélectionnera à l'étranger.

Cependant, ce n'est pas aussi simple que cela semble l'être. Plusieurs intervenants jouent dans ces camps - vous avez mentionné tout a l'heure le HCR - il y a le pays même qui, souvent, crée certains problèmes pour certaines personnes. Quand nous avons eu à traiter de cas particuliers, on s'est rendu compte que l'on se frappait souvent a un mur. D'ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a certains de ces camps où on n'a même pas le droit d'entrer pour sélectionner. C'est aussi fermé que cela. C'est un problème, non seulement du Québec ou du Canada, mais c'est un problème mondial sur lequel il faudra se pencher très bientôt. Vous avez raison, on ne peut pas parler de paix quand des gens vivent derrière des fils barbelés en temps que l'on appelle de paix. Vous avez absolument raison et j'aimerais que l'on puisse en discuter plus longuement. Cela pourrait être mis a l'ordre du jour d'une prochaine réunion avec la table de concertation.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Pour conclure et, comme j'ai donné rendez-vous à Mme Augenfeld, j'aimerais vous relire ce que Pierre Bourgault écrivait. C'était intitulé: "Les réfugiés doivent entrer chez nous." Il écrivait: "Ce n'est pas parce que nous ne pouvons pas sauver tout le monde qu'il doit nous être interdit d'en sauver quelques-uns. Les compassions verbales nous déshonorent. Il est temps de joindre le geste a la parole. Nous avons fait plein d'exceptions dans le passé et nous pouvons en faire encore une. Vous nous avez indiqué quelques voies, Mme Augenfeld et Mme Marchand, et je vous en remercie beaucoup.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Saint-Jacques. Mme la ministre.

Mme Robic: Juste une toute petite minute. J'arrive avec un petit papier. On me dit que nou3 avons eu des rencontres au sujet des réfugiés handicapés - je ne savais pas qu'elles avaient eu lieu - avec le MSSS pour pouvoir identifier un certain nombre de réfugiés et leurs besoins et pouvoir augmenter ce nombre. Alors, on est déjà au travail à ce niveau-la.

Le Président (M. Trudel): Merci, madame.

Mme Robic: Je ne voulais pas que vous repartiez sans le savoir.

Le Président (M. Trudel): Mme la présidente...

Mme Augenfeld: On vous remercie de nous avoir invités et on espère que certains de nos propos vont trouver une oreille favorable. On est toujours prêts à collaborer avec le gouvernement, avec le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigratton, et on est convaincus que d'autres ministères doivent aussi être impliqués dans ce travail. La sensibilisation sur la question de l'immigration et des immigrants doit être répandue partout dans le gouvernement et ensuite dans le public. On vous remercie beaucoup de nous avoir écoutés.

Le Président (M. Trudel): Merci, madame. Au plaisir de vous revoir. La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 45)

(Reprise à 20 h 17)

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plaît! Avec un retard qui progresse de cinq minutes sur celui de cet après-midi, la commission de la culture reprend ses travaux de consultation particulière sur le niveau d'immigration pour les années 1988 et 1989, en tenant compte des besoins démographiques, économiques et socio-culturels du Québec, de même que de ses obligations à l'endroit de la communauté internationale et des familles à l'étranger des nouveaux résidents québécois.

Comme premier intervenant ce soir, nous accueillons avec plaisir le Congrès juif canadien. Comme nous sommes tous des femmes et des hommes politiques, nous ne pouvons faire autrement que remarquer la présence d'un ancien collègue. Je salue le Dr Goldbloom que j'ai bien connu alors qu'il occupait des fonctions publiques et que j'occupais des fonctions privées, au service d'un homme public. Dr Goldbloom, je vous revois avec grand plaisir et vous souhaite la bienvenue chez vous, finalement, parce qu'on dit que quand on a habité cette maison, même si on n'y revient pas souvent, elle nous appartient toujours. Après tout, c'est la maison du peuple.

Dr Goidbloom, si vous voulez bien nous présenter les gens qui vous accompagnent. Je pense aussi que vous connaissez les règles du jeu. Vous avez environ 20 minutes pour exposer ou résumer votre mémoire. Nous procéderons par la suite à un échanqe de vues avec les membres de la commission.

Congrès juif canadien

M. Goldbloom (Victor): M. le Président, je vous remercie de votre aénéreux accueil.

C'est M. Morton Besner, président pour le Québec du Congrès juif canadien, qui fera les présentations.

Le Président (M. Trudel): M. Besner.

M. Besner (Morton): M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, merci de nous recevoir ce soir. Ce soir, nous vous présentons un mémoire conjointement préparé par le Congrès juif canadien et les Services canadiens d'assistance aux immigrants juifs. Le Congrès juif canadien est le porte-parole de la communauté juive qui représente au Canada 350 000 citoyens de foi juive dont plus de 110 000 demeurent ici au Québec.

Permettez-moi de vous présenter les membres de notre groupe ce soir. Pour représenter le Congrès juif canadien, je suis le président de la région de Québec; le Dr Victor Goldbloom, de qui vous avez déjà fait mention, est président du Comité des relations communautaires; M. Ian Kagedan, directeur adjoint exécutif national. A ma droite, M. Sion Harrar, vice-président des Services canadiens d'assistance aux immigrants juifs, et Mlle Rivka Auqenfeld, que vous avez déjà entendue cet après-midi, conseillère en immigration et établissement aux Services canadiens d'assistance aux immigrants juifs.

Permettez-moi de demander au Dr Goldbloom de vous présenter un résumé de notre mémoire. Après, notre groupe est a votre disposition pour répondre à vos questions. Merci, M. le Président.

M. Goldbloom: M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire, vous avez reçu le mémoire. Sa page frontispice constitue un résumé. J'aimerais faire allusion à certains éléments et ajouter quelques commentaires dans le cadre de ce mémoire et peut-être ne pas utiliser à cette fin entièrement les 20 minutes qui nous sont accordées.

Il est évident que la contribution des immigrants à la vie de la société québécoise est importante depuis un temps que l'on peut raconter selon l'expérience des gens de chaque souche, de chaque origine qui constituent aujourd'hui un élément, une communauté culturelle au sein de cette société. Tel n'est pas mon but. J'aimerais souligner, seulement en passant, le fait que la communauté juive a contribué au Québec à une importante immigration d'expression française. Aujourd'hui, cette communauté compte à tout le moins 20 000 personnes de langue maternelle française ou d'expression française. Donc, une personne sur cinq ou six est d'expression française au sein de la communauté juive, aujourd'hui.

Nous avons à déplorer des situations, ailleurs dans le monde, où la vie des gens de foi juive n'est pas une vie acceptable. Nous avons assisté à des vagues d'immiqration au cours de ce dernier siècle. C'est il y a une centaine d'années que mes propres grand-parents sont venus de pays qui sont aujourd'hui de l'autre côté du rideau de fer. C'est l'expérience d'une très forte proportion des gens qui constituent aujourd'hui la communauté juive du Québec, comme c'est le cas d'autres communautés.

Nous nous inquiétons donc de voir les délais requis afin que le dossier d'un candidat soit étudié et qu'une décision soit prise. Nous constatons qu'une période qui peut aller de huit jusqu'à quatorze mois est requise pour que le dossier aboutisse au bureau où une décision est enfin prise. Ce fait a une importance majeure quand on fait une relation entre le retard nécessaire pour l'analyse du dossier et le poste, l'emploi qui, dans un nombre important de cas, attend en principe cette personne. Est-ce que quatorze mois plus tard ce même emploi est toujours la, toujours disponible'' On peut croire que non. Est-ce que l'employeur qui a voulu offrir un emploi à une personne qui doit obtenir le statut d'immigrant chez nous accepte d'attendre tout ce temps patiemment, manquant une personne à son équipe? On peut se demander si, dans une importante proportion de cas, cette patience va se manifester. Nous constatons aussi que, nonobstant des améliorations dans les relations fédérales-provinciales dans ce domaine, nonobstant une certaine coordination, cette dernière laisse toujours à désirer. On peut voir un écart de plusieurs mois entre le traitement d'un dossier par le gouvernement fédéral et le traitement de ce même dossier par les autorités québécoises.

Deuxième point: Nous constatons que la définition de la famille est plutôt restrictive quand on met l'accent sur la réunification familiale. Tel est le cas du gouvernement du Canada comme c'est le cas du gouvernement du Québec. En réalité, si l'on définit comme membres de la famille admissibles à ce processus de réunification seulement de très proches parents, on crée des situations malheureuses pour bien des familles. Le mémoire encourage le Québec à élarqir cette définition afin de tenir compte des liens qui existent véritablement sur le plan humain entre ceux qui sont déjà ici et ceux qui sont perçus, par eux-mêmes, comme membres de leur famille et qu'ils voudraient amener ici partager leur vie.

La question des réfuqiés est une question épineuse, difficile. Il y a beaucoup de discussions là-dessus actuellement et nous avons l'impression que la perception de l'opinion publique est quelque peu embrouillée. L'on ne fait pas suffisamment de distinction entre le véritable réfugié légitime et les autres personnes qui font leur demande, qui veulent venir à titre

d'immigrants et qui doivent suivre tout le processus normal. On comprend que, dans une situation dramatique d'urgence, l'on puisse vouloir bien faire l'analyse de chaque dossier, bien faire l'analyse des antécédents de chaque candidat afin de protéger les intérêts de la société de chez nous. Nous avons quand même l'Impression que cela pourrait se faire avec plus de rapidité, plus d'efficacité et, dans certains cas, c'est à regret que je le dis, avec plus de sensibilité et de considération.

Nous mettons l'accent sur ce que devrait faire le Québec afin de faciliter, encourager et faire accélérer l'intégration des immigrants. Les cours de langue, c'est un élément important et vous remarquerez dans ce mémoire que nous soulignons le fait que des services de garderie ne sont pas généralement disponibles, par exemple dans les COFI, et des mères de famille devant avoir soin de leurs enfants sont privées de la possibilité de suivre les cours qui leur permettraient de s'intégrer davantage et plus rapidement à la société québécoise.

Permettez-moi, M. le Président, d'ajouter deux considérations tirées de documents que vous avez peut-être eu l'occasion de lire vous-même. Je ne voudrais pas en faire lecture mais simplement faire allusion à certains éléments. D'abord, un article paru dans Le Devoir du vendredi 7 août de cette année, avec le titre "Immigration, un oui mitigé des Québécois." L'article fait l'analyse d'un sondage effectué par la société SORECOM qui indique, selon le journaliste, que les Québécois sont timidement favorables à l'immigration, cela parce que 41 % estiment qu'il faut maintenir l'Immigration à son niveau actuel, 19 % qu'il faut augmenter le nombre d'immigrants acceptés et 40 % qu'il faudrait diminuer le nombre. (20 h 30)

À mon sens, ces chiffres ne sont pas aussi décourageants que le journaliste le prétend. Je ne voudrais pas suggérer qu'il n'a pas bien fait son travail d'analyse, mais je diffère quelque peu avec lui, quant aux conclusions. Il me semble que ces chiffres indiquent une générosité assez significative de la part des Québécois à l'endroit des immigrants. Quand on fait un sondage, il y a un élément hypothétique majeur. On ne demande pas: Est-ce que vous accepteriez telle personne qui vous est connue? On vous demande: En général, quelle est votre attitude à l'égard des immigrants qui arrivent? Là, on a des réactions que l'on peut comprendre sur le plan humain. Il y a beaucoup de chômage chez nous. Ces gens viennent à une époque où il n'y a pas assez d'emplois disponibles pour les gens de chez nous; cela va aggraver le chômage. Ces personnes deviendront, en proportion importante, des assistés sociaux et tout cela.

Malgré cela, on constate, plus loin dans l'article, que 61 % disent que l'immigration constitue une richesse culturelle pour le Québec et que 76 % rejettent l'opinion selon laquelle le Québec n'a pas besoin d'immigrants. Ces chiffres sont frappants. Il me semble que la les qens qui reqardent le Québec plutôt que cette question hypothétique "combien de gens acceptenez-vous à titre d'immiqrants", disent: Le Québec, a été enrichi par la venue des immigrants et continue de l'être. Je suis convaincu que l'opinion publique pourrait être amenée à mieux comprendre la valeur que représentent les immigrants dans une société comme la notre.

Enfin, j'aimerais faire allusion à un article paru le 31 mars de cette année dans une revue montréalaise qui s'appelle The Downtowner; cet article porte le titre "Immigrants Create Jobs", il est siqné par l'économiste bien connue, Dian Cohen. Elle indique, comme je viens de le faire il y a un instant, le genre de questions posées par ceux qui se penchent sur la question de l'immigration. Est-ce que la venue des immigrants coûte quelque chose aux contribuables de chez nous? Est-ce que ces personnes deviennent, en proportion importante, des assistés sociaux? Est-ce qu'ils privent d'emplois les qens de chez nous? Est-ce que le taux de chômage monte à cause du nombre d'immigrants reçus?Quant aux perceptions, il y a, effectivement, deux jeunes Québécois sur trois qui ont l'impression que l'immiqration a un effet négatif sur le marché de l'emploi. Pourtant, l'analyse faite par des qens du ministère fédéra! de l'Immigration indique que 20 000 sur les 114 000 immigrants analysés pour la période de 1983 à 1985 sont venus parce qu'ils avaient été sélectionnés, c'est-à-dire qu'il y avait des emplois qui les attendaient, donc nous avons mis l'accent sur les délais qui sont imposés à la venue de ces qens pour le traitement de leur dossier.

Il y avait, sur ces 114 000, 6000 investisseurs et ces investisseurs apportaient 1 500 000 000 $ à l'économie de chez nous.

II y avait une création d'emplois, par ces immigrants investisseurs, au nombre de 17 000 pour la période en question et il y a d'autres études qui indiquent que chaque immigrant investisseur crée, à l'intérieur d'une période d'à peine quelques années, jusqu'à six emplois par sa simple présence ici.

L'article souligne le fait bien connu que, l'immigrant étant un être humain qui doit vivre, il est immédiatement un consommateur et contribue à l'économie par le simple fait de sa présence, a cause des sommes qui sont consenties par les autorités publiques, par les membres de sa famille et de sa communauté mais, d'une manière ou d'une autre, de l'argent est déboursé pour sa

nourriture, pour ses vêtements, pour toutes sortes de choses qui obliqent l'économie à produire des biens et des services. C'est ainsi que l'activité économique est intensifiée par l'augmentation du nombre d'êtres humains, que ces personnes aient, au départ, un emploi ou non.

Nous avons tendance à faire la distinction que je viens de faire entre l'immigrant investisseur et l'immigrant travailleur ou chercheur d'emploi et nous avons donc l'impression que celui ou celle qui vient à la recherche d'un emploi n'apporte à peu près rien avec lui ou avec elle en termes de ressources financières. Pourtant, l'étude démontre que les immigrants non investisseurs, pendant la période en question, ont apporté avec eux plus de 2 500 000 000 $ et ont occasionné la création d'emplois, j'en ai fait mention. Il y a, de toute évidence, une richesse humaine qui est constituée par ceux qui, il n'y a pas très longtemps, étaient des immigrants au pays et nous avons la conviction que nous pouvons accueillir plus de gens que ce n'est le cas en ce moment et que l'économie et la société s'en porteraient mieux.

C'est le sens du mémoire qui vous est présenté ce soir; il y a des éléments qui se trouvent là-dedans que je n'ai pas touchés en cherchant à faire un résumé. Nous serons heureux de faire de notre mieux pour répondre aux questions que vous, membres de la commission, voudriez bien nous poser, M. le Président, Mme la ministre, Mesdames et Messieurs. Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, Dr

Goldbloom. Je vais reconnaître Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Mme Robic: Merci beaucoup, M. le président Besner, M. Goldbloom, Mme Augenfeld, MM. Harrar et Kagedan. Je vous remercie de votre présence ce soir et de la présentation de votre mémoire qui est certainement fort intéressant.

Nous sommes heureux de constater que vous êtes d'accord avec tous les autres intervenants pour nous dire que nous devons augmenter notre immigration et que cette augmentation doit se refléter sur toutes les catégories d'admission. Vous ne privilégiez pas une catégorie plutôt qu'une autre. Vous reconnaissez cependant également que les volumes accueillis doivent être reliés à la capacité d'accueil et aux structures en place. Vous suggérez même que le gouvernement devrait consentir des ressources additionnelles pour améliorer les structures en place afin de réaliser de plus amples objectifs en matière d'intégration. J'ai invité M. Dufour, du Conseil du patronat, à venir défendre les crédits avec moi. Je vais vous inviter vous aussi, le Congrès juif, à venir faire la même chose. Nous sommes bien d'accord et je suis heureuse que, vous aussi, vous constatiez que l'intégration passe par la francisation et que vous soyez très favorables à augmenter le nombre de gens qui peuvent suivre des cours de français dans nos COFI. Cela répond très bien à la priorité du gouvernement.

Vous avez mentionné, tout à l'heure, que vous avez une communauté francophone, chez vous, les sépharades, si je ne me trompe pas, mais je sais également que les ashkénazes parlent tous français ou presque. Alors, on peut vous citer en exemple en tant que communauté qui s'est très bien intégrée à la majorité francophone québécoise.

Malgré que vous ne faites pas de distinction de catégories d'immigrants, vous souhaitez cependant que le Québec fasse des interventions particulières pour favoriser l'établissement et l'intégration des réfugiés. Pourriez-vous expliciter, compte tenu des actions déjà en place pour recevoir les réfugiés et des services que l'on offre en ce moment?

M. Goldbloom: Je pense que j'aimerais demander à Mme Augenfeld si elle veut bien répondre à cette question.

Mme Augenfeld: Je m'excuse, Mme Robic, est-ce que vous pourriez reformuler votre question très brièvement?

Mme Robic: Oui. Vous dites qu'on devrait rajouter des services ou offrir de meilleurs services pour intégrer les réfugiés. Compte tenu des services qui sont déjà en place, on aimerait savoir ce que vous préconisez comme nouveaux services.

Mme Augenfeld: Vous êtes à quelle page, s'il vous plaît?

Mme Robic: Je n'ai pas la... Ce sont des notes que j'ai prises.

Mme Augenfeld: Non. C'est que... On parle partiellement des cours de langue, comme moyen d'intégration, qui devront être accessibles, ce qu'on a dit tout à l'heure, à toutes les personnes destinées au marché du travail ou non. Évidemment, il y a aussi une question de services. Les réfuqiés, quand ils arrivent, ont besoin d'une certaine attention à leurs problèmes, de certains soins, en ce qui concerne la particularité de leur vécu, en ce qui concerne les services médicaux.

On parle beaucoup du fait, je pense que c'est plutôt outre-mer, que le temps de "processing" d'un cas devrait être raccourci de beaucoup. On sait qu'actuellement une partie de ces procédures est entre vos mains et l'autre n'y est pas, mais, quand même, c'est très long pour faire venir un cas et cela nuit aux gens. Les réfuqiés ne sont pas chez eux quand on les sélectionne outre-mer.

lis sont dans un camp ou ils sont quelque part en transit et le temps qu'ils passent à attendre pour entrer dans leur pays d'établissement est une perte, soit pour eux, soit pour nous. On ne s'améliore pas à attendre. On est dans un état d'insécurité. On est dans une situation de tension, très souvent Ies enfants ne peuvent pas aller à l'école et, quand les gens arrivent ici, ils ont beaucoup perdu. Très souvent, cela peu prendre plus d'un an pour faire tout le nécessaire du début jusqu'à la fin d'un cas et on espérerait que cela puisse vraiment être raccourci de beaucoup.

Mme Robic: Alors, j'ai tendance à être d'accord avec vous, quand il s'agit de cas de réfugiés, que le processus est très long mais vous comprendrez qu'il n'y a pas que le gouvernement canadien ou le gouvernement du Québec, il y a aussi le gouvernement du pays en place, les instances des camps qui, souvent, créent ces multiples délais.

Là, je voudrais en profiter pour féliciter le député de Mercier, pour une de ses initiatives quand il occupait le poste que j'occupe aujourd'hui. Nous avons une école du Québec, dans un camp en Thaïlande, justement pour préparer les gens qui ont été sélectionnés pour venir au Québec et essayer de créer un intérêt pour les aider à tenir le temps. Mais, vous avez raison, ces délais sont longs. (20 h 45)

M. Goldbloom: Mme la ministre, si je peux ajouter un élément de réponse qui me paraît important. Le réfugié qui arrive ici arrive très souvent dans un état de traumatisme et même l'immigrant qui n'a pas le qualificatif de réfugié peut être traumatisé par la vie qu'il a connue dans son pays d'origine et c'est ce traumatisme qui est la raison majeure de sa demande d'admission chez nous. Je suis ici, ce soir, à titre de bénévole, membre de la communauté juive, mon activité professionnelle, depuis presque huit années, depuis mon départ de l'Assemblée nationale, est avec un organisme qui s'occupe de façon particulière de l'éducation interculturelle et, notamment, de la formation des enseignants. Une des choses que nous essayons de communiquer particulièrement aux enseignants, c'est que, lorsque vous vous trouvez en classe avec une population scolaire très variée, multiculturelle, multiconfessionnelle, il faut que vous vous demandiez: Pourquoi ces enfants sont là devant moi? Quelle est l'histoire de chaque famille et de chaque communauté culturelle qui a fait que ces gens-là ont jugé qu'il fallait se déraciner et venir chez nou3 pousser de nouvelles racines?Si vous ne comprenez pas le traumatisme subi par bon nombre de ces enfants et de ces familles, vous ne serez pas en mesure de faire une bonne éducation interculturelle ni de contribuer, aussi bien que vous devriez pouvoir le faire, à l'intégration de ces gens-là dans la société québécoise.

Mme Augenfeld: Dans le service médical, ce qu'on voit particulièrement chez les réfugiés justement, c'est qu'il y a très souvent un besoin de soins en ce qui concerne la santé mentale, ce qui est très compliqué par le fait que, très souvent, il n'y a pas d'intervenant qui parle la même langue que la personne qui a besoin de soins. C'est vrai que ces personnes doivent se franciser et elles sont très heureuses d'aller au cours de français mais, à certains moments, vous savez, quand on doit raconter un peu son vécu et quand on doit approcher un thérapeute pour essayer de trouver un certain allégement à ses douleurs, c'est très difficile de le faire dans une langue qu'on commence à peine à maîtriser. Les réfuqiés ont besoin d'intervenants formés dans teur langue d'origine et une certaine confiance doit régner pour qu'ils puissent surtout trouver les soins nécessaires.

Il n'y a que quelques centres dans le monde - il y en a un au Canada, un aux États-Unis et un au Danemark - qui traitent les torturés, car il y a des personnes qui ont été torturées dans les prisons ou dans leur pays d'origine. C'est une spécialisation, c'est triste que cette spécialité doive exister, mais elle est aussi très importante. Vous savez, entre autres, une des choses les plus affreuses, c'est que souvent ce sont les médecins qui sont utilisés dans certains pays pour torturer les gens, ce qui fait ensuite que les gens n'ont pas de confiance dans le médecin; on peut faire sursauter une personne simplement en faisant entrer une personne habillée en blanc qui, normalement, devrait inspirer confiance. C'est cet ordre de choses qu'on doit considérer aussi. Les réfugiés, quand ils arrivent ici, ont besoin d'être nourris et logés, ils ont besoin de travailler, mais ils ont besoin aussi très souvent de soins qu'ils ne reçoivent pas. Ce ne sont pas des personnes qui ne peuvent pas fonctionner, ils peuvent fonctionner, ils travaillent, ils se débrouillent, mais Ils ont besoin aussi de cette attention spéciale qui très souvent n'est pas disponible. C'est autre chose que nos services sociaux, nos hôpitaux doivent considérer comme une spécialité à développer.

Mme Robic: Merci. Vous insistez également sur la nécessité d'éduquer la population de la société d'accueil a l'apport de l''immigration et j'aimerais que vous expliquiez comment le qouvernement pourrait s'acquitter de ce mandat. Est-ce par une campagne de publicité, est-ce à travers ce genre de commission? Comment une campagne des sensibilisation pourrait se faire?

M. Goldbloom: II y a des occasions qui sont offertes, à tout personnage politique, pour prendre la parole. J'aimerais encourager Mmes et MM. les députés à profiter de ces occasions pour enseigner, aux gens qui peuvent se méfier de la présence d'immigrants et de réfugiés parmi nous, la réalité de cette situation, la réalité de notre histoire. Je remarque que cette méfiance se manifeste non seulement chez le groupe que l'on peut voir comme majoritaire, mais aussi au sein des communautés culturelles elles-mêmes. Je suis certain que tout le monde a constaté, au cours de ces récentes semaines particulièrement, la réaction qui se manifeste au sein des communautés culturelles devant la venue de réfugiés en bateau de façon inattendue et irrégulière.

Les gens disent: Mais comment cela se fait-il que ces personnes-là sont acceptées avec des procédures plutôt rapides - même si nous ne les trouvons pas tellement rapides -tandis que nous avons des membres de notre famille qui attendent depuis deux ou trois années déjà? Les chiffres que j'ai cités, les résultats des sondages, les résultats des études que Mme Dian Cohen a cités dans son article devraient être diffusés plus largement et il est évident que, lorsqu'on le fait une fois, on atteint un certain nombre de personnes et ce ne sont pas toutes ces personnes qui écoutent attentivement et qui retiennent le message. Donc, il faut le répéter. Le simple fait de faire un sondage dans un domaine comme celui-ci risque de susciter certaines réactions négatives et il y a une responsabilité qui incombe aux dirigeants d'amener l'opinion publique a une attitude plus compréhensive, plus généreuse, plus ouverte.

Mme Robic: Vous avez cité, tout à l'heure, le dernier sondage SORECQM que nous avons fait faire. C'était d'ailleurs notre intention de ne pas faire un sondage seulement sur le phénomène de l'immigration, mais c'est un sondage omnibus qui a été fait. Vous avez cité des chiffres tout a l'heure; je suis bien d'accord avec vous que ces chiffres sont très positifs et, dans une question posée à la négative, nous avons tout de même 76 % de la population des répondants - je ne sais pas ce que je vais faire sans vous - qui nous disent que l'on a besoin de l'immigration. Alors, vous avez raison, mais je pense que, lorsque la population a le temps de réfléchir, elle est très positive vis-à-vis des immigrants et, quand elle les connaît, encore plus.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. M. le président Besner, M. le ministre, M. Harrar, M. Kagedan, je vais sans doute massacrer vos noms, mais, rassurez-vous, cela fait 301 ans, au Québec, que l'on massacre le nom de Boulerice. Alors, je pense que vous allez sympathiser avec moi. C'est très souvent Boularice, Bouleriché même, etc. Au contraire, je pense que cela me donne une audience peut-être plus étendue; Mme Augenfeld que j'ai eu le plaisir de rencontrer tantôt... Je pense que j'aurais été sans aucun doute étonné, en premier lieu, et déçu que la communauté juive du Québec ne se fasse pas entendre à cette commission, pour bien des raisons. La première raison est qu'avec ceux que nous convenons d'appeler les premières nations, ceux qui, comme les Boulerice, il y a 301 ans, sont partie de Brest en Bretagne pour venir ici et les Anglo-saxons qui sont arrivés au moment de la Conquête, je pense que la communauté juive du Québec est sans aucun doute une des plus anciennes ici.

D'ailleurs, j'ai toujours énormément de plaisir mais surtout une très grande fierté à le rappeler, le premier Parlement de l'Empire britannique à avoir permis à un citoyen de religion juive de siéger a été le Québec avec Ezéchiel Hart. D'ailleurs, je pense que mon collègue, député de Mercier, qui est natif de Trois-Rivières, où avait été élu Ezéchiel Hart, est justement né sur la rue Hart, à moins que je ne me trompe. Voilà.

Donc, vous êtes sans aucun doute une des communautés les plus anciennes au Québec. Je m'attendais effectivement à ce que vous veniez vous faire entendre à cette commission, puisque vous avez constitué une immigration très importante au Québec. Vous l'êtes actuellement numériquement. Vous l'êtes aussi par les individus qui composent cette communauté et qui ont fait leur marque au Québec. Je pense que, sans me faire flatteur, M. le ministre... Je le dis au Dr Goldbloom car je suis très européen de tradition. Donc, la conservation des titres, surtout que le Dr Goldbloom l'a porté avec beaucoup de compétence... Quand Mme la ministre disait quel serait le meilleur moyen de publiciser l'apport de l'immigration au Québec, j'ai eu presque le goût de lui souffler tantôt: Donnons plus de tribune au Dr Goldbloom et sans doute qu'on va réussir.

Je retiens une chose du mémoire, enfin une des choses du mémoire. Je pense que notre principal ennemi est l'ignorance de l'autre. Pour un paquet de raisons, et là aussi j'abonde dans votre sens quand vous parlez des sondages et des réticences que vous avez face aux sondages. Je les appelle des photos Polaroid, c'est-à-dire qu'ils sortent, c'est très clair, mais on sait très bien que la qualité de reproduction, à cause de l'éclairage, finit par s'estomper et ne représente pas la réalité. Cela trompe en définitive. Je partage également vos inquiétudes face à une prolifération de sondages. Tout le monde sait comment se font les

sondages.

Je ne mets pas en doute les maisons de sondages mais, ciel! j'en ai fait dans ma vie et Dieu seul sait que cela ne remplace pas un débat, un échange, un dialogue, comme celui qu'on a depuis ce matin et qui nous permet justement une connaissance, laquelle vient nier l'ignorance que les gens peuvent avoir.

Dans votre mémoire, je vois que, pour les candidats indépendants ou pour les parents aidés qui désirent immigrer au Québec, vous vous plaignez d'une situation où, lorsque le Québec n'a pas de représentation, la procédure peut être effectivement très longue. Je pense que vous avez effectivement raison. De très nombreux cas m'ont été soulignés à ce sujet, ce qui m'incite toujours inévitablement a réclamer le plus grand nombre possible d'ouvertures de maisons du Québec, de délégations générales du Québec ou de bureaux du Québec pour l'immigration à travers le monde, en disant qu'on n'est jamais mieux servi que par soi-même. Je pense qu'effectivement ces maisons du Québec peuvent donner un portrait du Québec beaucoup plus réaliste que celui qui peut être délégué en sous-traitance au gouvernement fédéral. (21 heures)

J'ai remarqué que, dans les critères d'admission, vous indiquez des notions qui sont, au premier abord, subjectives mais qui méritent effectivement une attention. C'est la première fois qu'on les voit. Vous parlez de motivation, d'initiative, d'intelligence, de capacité d'adaptation, ce qui est très intéressant. Vous parlez d'une définition de la famille. Je pense que ceux qui vous ont précédé ont également parlé d'une définition de la famille. C'est bien entendu que vous faites aussi - et je pense que Mme Augenfeld a été très éloquente lorsqu'elle nous a parlé plus tôt, dans le courant de la journée, des réfugiés - la différence entre une immigration que j'appelle, temporairement, une immigration régulière et le phénomène comme tel des réfugiés. J'ai également apprécié, quand vous avez parlé des réfugiés, que vous ayez parlé du traumatisme que vivent la quasi-totalité des réfugiés.

Vous savez, j'ai été responsable de classes d'accueil durant plusieurs années et je pourrais vous conter une anecdote ahurissante d'une jeune Vietnamienne qui, dans l'apprentissage du français, avait des difficultés parce que certains sons, à cause de nos voyelles, qui étaient émis lui rappelaient la sonorité des bombardements au Vietnam. C'est ce que les psychologues avaient détecté, parce qu'on s'inquiétait du comportement de l'enfant. Quand vous parlez des traumatismes du réfugié, je pense qu'il y a des cas incroyables comme celui que je viens de vous citer et qu'on a vécu notamment d'ailleurs chez les Chiliens. On voit sans aucun doute, la même chose peut-être pas au Québec, parce que ce n'est pas une immigration qui est diriqée vers le Québec, mais en Israël, lorsque, finalement, on peut sortir d'Union soviétique après un séjour dans les fameux "hôpitaux psychiatriques" - entre guillemets. Donc, je suis également content que vous ayez parlé de ces choses.

Maintenant, les questions que j'aimerais vous poser. Vous suqqérez que les critères d'admission soient plus flexibles. J'aimerais que vous m'indiquiez quelles sont les modifications que vous souhaitez à la grille de sélection, c'est-à-dire critères et pondération comme tels.

M. Goldbloom: Je ferai de nouveau appel à Mme Augenfeld.

Mme Augenfeld; Quand on parle des immiqrants indépendants, c'est plutôt de ne pas mettre l'accent sur les emplois réservés, sur les offres, mais plutôt de faire une analyse à savoir ce que cela prend pour être un bon immiqrant. Justement, c'est peut-être subjectif, mais il faut faire attention aussi parce que le jugement d'un conseiller peut aller, quand on permet beaucoup de subjectivité dans un interview, d'un côté comme de l'autre. Je suis bien consciente de cela. Mais, de l'autre côté, mettre beaucoup d'insistance sur les emplois réservés, sur une éducation supérieure... Vous savez, on donne beaucoup de points à l'éducation, mais très souvent c'est la personne qui n'a pas tellement d'éducation formelle, mais qui a plutôt une expérience de la vie et qui a occupé toutes sortes d'emplois qui est adaptable. Vous savez qu'il y a des personnes qui sont difficiles à classer dans une catégorie précise. Mais, si vous regardez le vécu de la personne et que vous voyez qu'elle s'est adaptée même dans son pays d'oriqlne, à plusieurs situations, vous avez devant vous une personne qui peut s'adapter ici aussi. C'est très souvent la personne qui est prête à venir, à repartir à zéro, à travailler et bâtir de nouveau sa vie qui fera le meilleur immigrant. Ce n'est pas nécessairement toujours la personne qui a une grande instruction, qui est peut-être plus fixée pour exercer tel emploi et non pas à un autre qui va réussir tout de suite.

En regardant ce dont nous avons besoin, ici, comme immigrants et quel est le type de personne qui fait un bon immiqrant, qu'on tienne compte aussi de toute cette expérience de vie, de cette flexibilité et non pas seulement des emplois réservés et des professions, si vous voulez.

M. Boulerice: J'aurais une autre question.

Mme Augenfeld: II y a une chose à ajouter.

M. Boulerice: Oui, allez-y. Je vous en prie.

M. Harrar (Sion): Je vaudrais seulement ajouter quelque chose aux critères d'immigration. JIAS est une agence qui aide les immigrants à s'intégrer aussi bien sur le marché du travail, en cherchant des emplois, en créant des relations avec des entrepreneurs sur le marché, qu'en aidant directement la famille, en subvenant aux besoins de nourriture, de logement, d'habillement, etc., etc. Nos budgets permettent à l'immigrant pendant les deux ou trois premières années, tant qu'il en a besoin, ou de remplacer son salaire ou de le supplémenter. C'est un supplément au salaire.

Je voudrais vous dire que ces dernières années nous ne nous sommes pas servis de tout le budget que nous avions a notre disposition. C'est vrai que nous espérons recevoir certains de nos confrères qui se trouvent derrière le rideau de fer et ailleurs. Nous avons ici des ressources que nous voulons mettre à la disposition du Québec pour agrandir notre communauté. Comme vous le savez, une partie de la communauté a diminué et le taux d'accroissement de la communauté juive, en elle-même, a diminué. On veut justement faire un effort dans ce sens. Nous avons les fonds. Je pense que des organisations similaires aux nôtres ou des familles qui sont prêtes à parrainer des personnes, c'est un apport extrêmement important dans les critères d'admission. Elles devraient recevoir un appui plus important que ce qui leur est donné aujourd'hui.

M. Boulerice: Avant de vous poser la deuxième question, je veux juste me rappeler. On parlait tantôt que notre plus grand ennemi était l'ignorance. Je sais pertinemment que votre congrès organise des jumelages entre des écoles juives et des écoles francophones. Je pense que les préjugés peuvent s'acquérir très tôt et, par contre, ils peuvent être détruits très tôt. Je suis très au courant de ce programme-là. On est d'ailleurs à le mettre sur pied dans la circonscription où j'ai l'honneur d'être député. On va peut-être réussir à vaincre l'ignorance.

Vous avez parlé de favoriser une augmentation du nombre d'immigrants dans la plupart des catégories. Certains des intervenants précédents - je m'adresse toujours à vous, M. le ministre, en sachant fort bien que vous allez peut-être déléguer quant aux questions - ont indiqué des quotas. Par exemple, on a dit: Pour les réfugiés, 5000. C'est le seuil de capacité d'absorption de la société québécoise pour ce type d'Immigration. Votre mémoire ne met pas de quota. C'est volontaire? Vous ne vous êtes pas attardés à un quota comme tel ou en avez-vous un en tête, croyez-vous qu'il doive y en avoir un?

M. Goldbloom: Nous sommes préoccupés comme vous par le fait que le Québec ne reçoit pas sa pleine part des immigrants qui viennent au pays. Il y a donc de la place a l'intérieur des quotas du Québec. Mais, sur la question précise, j'aimerais consulter mes collègues des Services d'assistance aux immigrants juifs.

Mme Augenfeld: On n'a pas mis de chiffres dans ce mémoire, contrairement à la discussion de tout à l'heure; on est convaincu que le Québec peut accueillir beaucoup plus d'immigrants, évidemment, encore une fois, avec des structures d'accueil adéquates. En ce qui concerne les réfuqiés, si on regarde la proportion que le Québec reçoit de réfuqiés qui arrivent au Canada, on n'arrive pas à la même proportion de population. L'Ontario reçoit à peu près 50 % des réfuqiés qui arrivent au Canada parrainés par le gouvernement. L'Ontario n'a pas 50 % de la population du Canada. Il en a plus que le Québec mais le Québec reçoit beaucoup moins que sa proportion par rapport à la proportion de la population totale canadienne. On voudrait, au moins, que la proportion soit maintenue. Je sais que dans les documents que vous nous avez envoyés pour nous préparer vous parliez du fait que vous voulez atteindre à peu près 25 % éventuellement de l'immigration au Canada qui devrait venir au Québec. On souhaiterait au minimum qu'un nombre semblable provienne du nombre total des réfugiés, mais en espérant que le Canada aussi augmentera très bientôt le nombre de réfuqîés qu'il est prêt à accueillir.

On n'a pas mis de chiffres mais on voudrait avoir beaucoup plus d'immigrants. On est convaincu que c'est possible, que c'est un projet réalisable et souhaitable.

M. Boulerice: Une dernière question, parce que mon collègue veut...

M. Harrar: J'aurais quelque chose à ajouter...

M. Boulerice: Oui?

M. Harrar: Je voudrais juste ajouter un petit point à cela. Je pense que c'est intéressant de remarquer une expérience arrivée justement dans un pays qui nous est familier, Israel, où, vers 1947, il y a eu le livre blanc, ou le mandat britannique, à cette époque, avait décidé que, d'après les normes, la grandeur et la possibilité économique du pays, les quantités d'immigrants devraient diminuer a 15 000

par an. On sait que ces chiffres ont été multipliés par 20 et que rien ne s'est écroulé. Aujourd'hui, en Israël, on se dit: La porte est ouverte et on est prêt à accepter le nombre d'immigrants qui arriveraient. D'ailleurs, on s'aperçoit en Israël qu'avec les vagues d'immigration arrive la croissance économique; quand les vagues d'immigration diminuent, eh bien, c'est justement là où les problèmes économiques deviennent plus graves.

Alors, je pense qu'il est intéressant de voir que, bien entendu... Aujourd'hui, quand on regarde la société, on essaie d'étudier les chiffres. On se dit: Quelle est la proportion d'immigrants que l'on devrait avoir? Qu'est-ce que l'on peut réellement intégrer? II y a le fait que l'on veut garder un certain caractère francophone québécois, mais dans quelle mesure est-on prêt à accepter des immigrants? Jusqu'à quel point est-on prêt à faire partager ce que l'on a avec d'autres personnes? Je pense que si l'on arrive à dépasser cette étape, on se dit: Oui, on a un grand pays, une grande richesse, il nous manque des mains et des esprits pour le développer; c'est de cela qu'on a besoin. Si on part de ce point de vue, les chiffres viendront; ce sera beaucoup plus facile à étudier.

Il y a des ressources. Comme le Dr Goldbloom l'a noté, les immigrants créent une demande dans la consommation; c'est le moteur d'une économie, du développement que l'on cherche. Je pense que c'est pour le bien-être de nous tous. La société québécoise recevra certainement un cachet différent si une proportion importante d'immigrants arrive. Mais, aujourd'hui, quand on parle de 20 000 personnes en immigration, c'est infime. À JIAS, les budgets que nous avons pour l'intégration des immigrants, nous ne les dépensons même pas. Cela fait déjà quelques années. Économiquement, nous avons beaucoup de potentiel. Pourtant, il est là et ce n'est pas exploité à fond. Donc, en fin de compte, si on ne mentionne pas de chiffres, je pense qu'il est important de savoir que, si on a le coeur ouvert, on pourrait effectivement accueillir beaucoup d'autres personnes et on ne s'en sentirait que mieux.

M. Boulerice: Une dernière question. Vous demandez la création de garderies dans les COFI La majorité des COFI ont des garderies. Par contre, vous dites plus loin que vous souhaitez l'augmentation du nombre de places dans les COFI, ce à quoi forcément je souscris. La question que j'aimerais vous poser... Parce que, voyez-vous, dans les nombreux préjugés qui peuvent exister, pour les gens, si on est d'origine juive, on est très riche; c'est une impression, un préjugé que vous connaissez bien. Il y a des exemples merveilleux de succès, de réussite économique de Québécois d'origine juive, mais il ne faudrait pas commettre l'erreur de croire que tout le monde a la richesse, vous savez, comme Steinberg, etc. Vous savez, j'ai vécu huit ans dans ce module et j'ai vu des gens qui étaient quelquefois au seuil de la pauvreté. Si ce n'était pas le cas, d'ailleurs, vous n'auriez pas de services sociaux, on n'en aurait pas besoin.

Donc, j'aimerais vous demander: Qu'est-ce que vous pensez de la politique actuelle qui est de financer les parents plutôt que les garderies?

Mme Augenfeld: Financer les parents?

M. Boulerice: Actuellement, on finance plutôt les parents que les garderies.

Mme Augenfeld: II y a deux choses. Il y a des places... Vous savez, c'est un problème en général dans la société d'ici; il n'y a pas assez de places dans les garderies pour répondre à toutes les demandes. 11 y a aussi le problème des personnes qui n'ont pas beaucoup d'argent à dépenser pour les qarderies. Maintenant, l'immigrant qui arrive est le dernier ou la dernière, si vous voulez - parce que c'est la mère, finalement, qui a le principal problème - sur la liste, elle n'a pas eu le temps d'inscrire son enfant il y a deux ans, même avant qu'il soit né, pour avoir une place. Oui! Mais, encore une fois, c'est un investissement. Vous savez, quand la femme immigrante arrive, elle aussi, comme son mari, a le droit et le besoin d'aller apprendre le français. Elle va être, très bientôt aussi, une personne active dans la société québécoise, qui pourrait communiquer avec ses voisins, qui pourrait éventuellement travailler et prendre sa place. (21 h 15)

Les enfants ont besoin de garderies mais les garderies aussi, M. le député, sont un lieu privilégié d'apprentissage de la langue pour les enfants. C'est là que les enfants ont leur première chance d'entendre le français et de rencontrer d'autres enfants et des professeurs. Vous savez, à cet âqe-là, cela s'apprend vite. Quand l'enfant arrivera à l'école, l'enfant sera déjà "francophonisé" -appelez-le comme vous voulez - et on aura moins besoin d'apporter une attention spéciale à cet enfant, une fois qu'il arrivera à la maternelle. Si l'enfant reste toujours avec des membres de sa famille comme gardiens, l'enfant ne pourra pas apprendre la langue comme il te faut. Alors, encore une fois, pour nous, c'est un investissement positif. Certaines garderies sont disponibles. Mais, je vous assure que l'attente est beaucoup plus longue pour entrer au COFI pour une femme qui attend une place en garderie. Cela s'étend sur des mois. Une personne peut arriver au mois de mai et facilement attendre jusqu'au mois de

septembre ou même plus longtemps que cela pour avoir une place en garderie. C'est une perte de temps. Alors, encore une fois, pour permettre à l'immigrant d'avoir accès au cours de langue - à l'immigrante - il faudrait trouver des moyens. Et, je vous avoue, les garderies, c'est un problème pour la communauté en général et pour la société. Il faudrait s'assurer de donner à l'immigrante la possibilité d'aller au cours, et pour les enfants d'être intégrés.

Le Président (M. Trudel): Merci, madame, Mme la ministre, il reste quatre minutes à notre formation politique.

Mme Robic: Mme Augenfeld, vous devez certainement être d'accord avec notre nouveau programme PAFI pour justement aider les femmes à prendre des cours de français et procurer des garderies francophones pour les enfants.

Vous avez dit que le Québec a une capacité d'accueil beaucoup plus grande que le nombre d'immigrants et de réfugiés qu'il reçoit dans une année. J'aimerais rétablir ici certains chiffres parce que c'est sûr que quand on parle de nos... Ce n'est pas des quotas, ce sont des objectifs qu'on se fixe. C'est bien différent, parce qu'on ne met pas un couvercle une fois qu'on est arrivé à un certain nombre d'immigrants. On n'en tient pas compte quand on fixe nos niveaux d'immigration ou quand on donne des statistiques. Mais, dans l'accueil, dans l'adaptation, dans la francisation, il faut absolument tenir compte des revendicateurs. Ce matin, je faisais remarquer qu'en 1984 c'est 3000 revendicateurs que le Québec a reçus et, en 1986, c'est 13 000. Alors, nous avons reçu officiellement 19 000 immigrants réfugiés, catégorie famille également. Rajoutons à nos services 13 000 revendicateurs, ce qui fait que nous avons reçu au Québec en 1986, un total de 32 000 personnes. C'est tout de même important. Il faut en tenir compte, parce qu'on leur donne des services. Et, en 1987, cela s'annonce encore plus important. C'est 14 000 revendicateurs que nous recevrons probablement en 1987, plus les 22 000 immigrants de nos niveaux déjà établis, de nos objectifs établis que nous croyons dépasser. Alors, c'est tout de même des chiffres qu'il faut se rappeler.

M. Boulerice: ...Mme la ministre, c'est bien gentil à vous.

Mme Robic: Ah, avec plaisir!

M. Godin: M. le Président, j'ai un problème.

Le Président (M. Trudel): M. le député, à condition que le temps soit d'une minute et trente secondes et que la réponse soit de même durée.

M. Godin: La réponse n'est pas entre mes mains, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Non. j'avertis d'avance, compte tenu- de l'heure.

M. Godin: M. le Président, j'ai une marotte qui est l'implantation des nouveaux Québécois hors Montréal. Quand j'étais jeune, il y avait une communauté juive importante à Trois-Rivières, une à Québec aussi, avec notre amie Ena Robinson, comme animatrice. J'aimerais savoir si dans votre expérience comme communauté ou comme congrès juif il y a au JIAS des recettes qu'on pourrait appliquer au Québec pour permettre à des communautés de réussir à s'implanter en nombre suffisant comme à Sherbrooke, de manière que se fassent hors Montréal l'intégration, la francisation et aussi l'implantation sur le territoire dans son ensemble, dans la mesure où il est grand, peu développé et peu habité.

M. Goldbloom: M. le Président, j'aimerais bien avoir une recette à offrir. Le fait est que la communauté juive se concentre à Montréal depuis lonqtemps. La communauté juive ici dans la ville de Québec est moins nombreuse qu'il y a à peine une dizaine d'années. Il en est de même de Sherbrooke et d'autres coins de la province. Donc nous n'avons pas de recette à offrir.

Par contre, je sais pertinemment - et c'est le médecin qui parle pour l'instant -que des médecins immigrants seraient prêts à aller dans les régions éloignées. Il y en a un qui m'a appelé, la semaine dernière, pour me dire précisément qu'il n'a pas réussi à trouver un poste de résident afin d'être admissible à un programme de fourniture de soins médicaux dans les régions éloignées. Alors, je pense que, si nous regardons l'ensemble des professions et métiers, nous allons trouver des obstacles et je ne veux pas dire que c'est par mauvaise volonté que ces obstacles existent, ils existent afin de protéger la société. Il y a quand même une possibilité de souplesse qui nous permettrait d'encourager des qens à aller dans les régions, en dehors des centres métropolitains.

M. Godin: Merci, M. le président. Merci beaucoup.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député. Dr Goldbloom, allez-y si vous avez autre chose à nous dire.

M. Goldbloom: M. le Président, me permettriez-vous quelques secondes pour un complément de réponse?

Le Président (M. Trudel): Avec grand plaisir.

M. Goldbloom: C'est à la question qu'a posée Mme la ministre sur l'éducation que l'on pourrait prodiguer.

Je remarque dans le rapport du songage cité par Le Devoir que, quand on a demandé à des gens: Combien, pensez-vous, d'immigrants sont venus par année?l'impression a été de 25 000 et le fait est de 17 000 par année. On a demandé: Quel pourcentage, pensez-vous, de la population québécoise est née a l'étranger? L'impression est 16 % et la réalité est 8 %. Il y a la quelque chose à corriger. Aussi j'ai mentionné, particulièrement à cause de son importance, la formation des enseignants dans la sensibilité interculturelle. Mais je ne voudrais pas limiter cela aux enseignants, il est important aussi que nous travaillions avec les policiers, par exemple. Cela c'est d'une importance particulière a cause de la crainte inspirée dans d'autres pays par la simple apparition d'un policier. De même, les infirmières, les médecins, les professionnels du domaine de la santé, les travailleurs sociaux, les fonctionnaires, notamment, le personnel chargé de l'administration de la justice, tous ces gens-là devraient être sensibilisés au fait multiculturel d'aujourd'hui et de demain.

M. Besner: M. le Président, juste un petit mot sur le côté éducatif des séances de cette commission. Je pense que c'est la première année que cette question d'immigration est discutée aussi ouvertement. Auparavant, c'était par échange de correspondance. Je pense que, s'il y a moyen de diffuser cette information a la population, on commencera à créer un esprit d'ouverture en échangeant nos idées avec celles des membres de l'Assemblée nationale. Cela va créer une situation où la politique va venir par éducation. Je félicite le gouvernement pour commencer cette séance d'ouverture et j'espère que ça va continuer dans les prochaines années.

Le Président (M. Trudel): C'est d'ailleurs, M. le président, le souhait que j'ai exprimé, une recommandation que j'ai faite, ce matin, à Mme la ministre et au gouvernement, lors de mes remarques préliminaires.

M. Boulerice: ...l'an prochain.

Le Président (M. Trudel): Je crois que l'Opposition y voit. Alors, Mme la ministre, pour vos remarques finales, s'il vous plaît.

Mme Robic: Je veux tout simplement remercier les membres du Congrès juif de leur présence, de leur bonne présentation et croire que certaines de leurs recommandations ne resteront pas au cahier. Nous allons certainement les utiliser aux bons endroits.

Le Président (M. Trudel): M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Eh bien voilà: C'est justement au mois de février que l'Opposition a demandé la tenue d'une telle commission et soyez certain que votre commande va être respectée, M. Besner. À défaut d'une annonce immédiate, on va renouveler immédiatement la demande. Mais, ceci dit sur un ton badin, je pense que nos travaux sont extrêmement profitables et se font dans un climat on ne peut plus serein, de part et d'autre. Alors, encore une fois, je vous remercie beaucoup de votre présence. Je pense qu'elle a été très enrichissante pour nous et je pense que c'était un plaisir partagé par l'ensemble de nos collègues de vous revoir, Dr Goldbloom, dans une maison a laquelle vous avez appartenu et a laquelle, de coeur, vous appartenez sans doute encore.

M. Goldbloom: M. le Président...

Le Président (M. Trudel): Si vous me permettez, M. le président, d'ajouter simplement que le député de Saint-Jacques a failli me faire mentir. Dans une conversation privée qui précédait le témoignage du Dr Goldbloom, on échangeait des idées, il me demandait si les commissions parlementaires étaient aussi politiques que dans son temps -je n'aime pas l'expression parce que cela vous vieillit alors que vous n'êtes pas vieux. Je lui ai dit que, dans ce qenre de commission, il n'y a pas beaucoup de politique et le député de Saint-Jacques a failli glisser sur... Le député de Saint-Jacques, qui a été nommé critique officiel de l'Opposition en matière d'immigration et de communautés culturelles, va apprendre que ce genre de commission se fait de façon tout à fait détendue.

Alors, a mon tour, avant de vous céder la parole, de vous remercier au nom des membres de la commission de votre témoignage et d'avoir répondu à l'invitation de la commission. Je l'ai dit quelquefois aujourd'hui, je le répète, j'ai été personnellement - et je pense que c'est le cas du député de Saint-Jacques éqalement, je pense que c'est aussi le cas de la ministre, qui a plus de tact que moi, elle ne l'a pas dit publiquement - j'avoue avoir été déçu par le nombre relativement peu important d'orqanismes qui ont répondu a l'invitation de la commission.

Comme vous le disiez tantôt, M. le président, il s'agit d'une première; quant a moi, dans la mesure où je pourrai influencer le gouvernement, il ne s'agit sûrement pas

d'une dernière. J'ose espérer que nous vous reverrons l'an prochain et que nous verrons des gens que nous n'avons pas vus cette année. Alors, bon retour à Montréal. À vous, la parole.

M. Goldbloom: Merci, M. le Président, merci, Mme la ministre, merci, M. le porte-parole de l'Opposition.

Le Président (M. Trudel): Alors, la commission va suspendre ses travaux quelques minutes, le temps de procéder au changement de la garde.

(Suspension de la séance à 21 h 28)

(Reprise à 21 h 32)

Le Président (M. Trudel): M. le député de Saint-Jacques, nouveau critique officiel, je vou3 invite à prendre place, au moment où nos invités font de même, à ce que l'on a appelé la table des témoins. Je vous invite, M. le député, a éteindre votre cigarette.

Nos derniers invités de cette longue, mais très intéressante et, je pense, fructueuse journée sont les représentants du Mouvement Québec français dont M. Guy Bouthillier est le porte-parole. Je l'invite, tout en lui souhaitant la bienvenue, à nous présenter les gens qui l'accompagnent. Je lui cède immédiatement la parole en lui rappelant que - ce que j'ai fait avec les autres - il dispose d'environ 20 minutes pour résumer ou expliquer son mémoire. Nous procéderons, par la suite, à des échanges d'idées.

M. Bouthillier, à vous la parole.

Mouvement Québec français

M. Bouthillier (Guy): Merci, M. le Président, Mme la ministre, M. le porte-parole de l'Opposition, mesdames et messieurs. Le Mouvement Québec français, comme vous le savez, est un carrefour qui regroupe dix organismes. Un certain nombre de ces organismes sont présents autour de la table et je vous présente tout de suite ceux qui font partie de la délégation. À ma gauche ici, M. Raymond Johnston, vice-président de la CEQ; la CEQ est également présente en la personne de Henri Laberge qui est assis derrière. À ma droite, Roland Chaussé, président du Mouvement national des Québécois; le deuxième à ma gauche, Jacques Audet, qui est secrétaire général du conseil central de la CSN de Québec; le deuxième a ma droite, Robert Demers, responsable du comité de la FTQ sur les travailleurs immigrés et les solidarités internationales et André Gaulin, troisième à ma gauche, qui représente ici l'Association québécoise des professeurs de français.

D'autres mouvements font partie du Mouvement Québec français: l'Alliance des professeurs de Montréal qui n'est pas ici ce soir et pour cause, elle était avec vous cet après-midi, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal dont un de ses membres, Gérard Turcotte, est avec nous ce soir, derrière, et qui sera présent ici jeudi. Font également partie, vous le savez, du Mouvement Québec français, l'Union des producteurs agricoles, l'Union des artistes et l'Union des écrivains.

Notre réponse sur l'immigration et les niveaux d'immigration ne sera pas mitigée. Nous sommes partisans, si je peux employer l'expression, d'une immigration large, généreuse et importante. Nous la plaçons dans un éclairage et c'est de cet éclairage que nous aimerions vous entretenir dans le cours de cet exposé. "La question linguistique va au coeur du problème québécois", constatait Robert Bourassa devant l'Assemblée nationale en novembre 1969. Et parce qu'elle est fichée au coeur du problème québécois. La question linguistique colore, marque, pénètre la plupart des grands problèmes qui se posent au peuple du Québec. C'est pourquoi il y a peu de questions qui ne concernent pas le Mouvement Québec français.

En tout cas, s'il devait y avoir quelque domaine qui échappe a nos préoccupations, ce n'est sûrement pas le cas de l'immiqration internationale qui a toujours été étroitement liée dans notre histoire nationale à la rivalité des langues française et anglaise et qui, de surcroît, occupe une place importante dans la vie professionnelle, dans la vie quotidienne des travailleurs et travailleuses de la CSN, de la FTQ, de l'UPA, des enseignants et des enseignantes de l'Alliance des professeurs de Montréal, de l'AQPF et de la CEQ, tout en alimentant également la réflexion des créateurs de l'Union des artistes et de l'Union des écrivains et en inspirant l'action patriotique, vous le savez, que mènent le MNQ et, tout particulièrement et pour cause, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal.

Outre les risques possibles sur les plans de l'économie, de la santé et de la sécurité nationale qui ne nous intéresseront pas ici, l'immigration internationale présente-t-elle des problèmes d'ordre culturel et d'ordre linguistique? À cette question, la réponse variera selon les situations.

Dans certains cas, on le sait, l'immigration a été ou est tellement ressemblante à la société d'accueil qu'elle ne pose pour ainsi dire aucun problème: tel a été le cas, heureux entre tous, du Canada anglais dans les rapports qu'il a longtemps pratiqués au XTXe et au XXe siècle avec l'immigration britannique dont il partaqeait, vous le savez, la même langue, la même citoyenneté et parfois même les mêmes sentiments patriotiques. Dans d'autres cas,

les différences de langue et de culture existent. Elles donnent lieu à des problèmes réels, mais parfaitement surmontables, en tout cas, nullement angoissants pour la société, d'accueil. Dans ces cas, en effet, la bonne volonté des immigrants et, peut-être plus encore, la puissance de conviction de la société d'accueil sont telles qu'il suffît d'un peu de patience et de quelques bons moyens techniques pour fixer les nouveaux arrivants sur la réalité nationale et rassurer la société d'accueil sur la permanence de cette réalité. Vous le savez, c'est l'expérience de la plupart des grandes sociétés d'accueil d'Europe de l'Ouest, d'Amérique du Sud et d'Amérique du Nord.

À cet égard, cependant, le Québec semble présenter un cas particulier, non pas par les niveaux atteints par l'immigration, non plus par l'acuité des problèmes d'adaptation, car il s'est toujours trouvé dans notre société, sur le territoire du Québec, une structure pour accueillir et intégrer l'immigration internationale.

La particularité du Québec, elle, trouve son origine dans le fait que sur notre territoire, nous le savons tous, il y a deux sociétés organisées, deux sociétés capables de prétendre au titre de société d'accueil. Ces deux sociétés se côtoient et des deux sociétés, c'est la société minoritaire anglophone qui, historiquement, a assuré à son profit et, malheureusement, au détriment de la société francophone, l'accueil, l'intégration de l'immigration internationale. Le bilan historique qu'on aurait pu faire dans les années soixante était parfaitement clair: dans la rivalité qui opposait, sur le plan de l'immigration comme sur d'autres, les sociétés francophone et anglophone, c'était, on le sait tous, la société anglophone qui triomphait et la société francophone qui était déclassée.

Au demeurant, comment en aurait-il été autrement? D'un coté, en effet, on trouvait une société forte, sûre d'elle-même, conquérante et de l'autre, une société faible, incertaine, minorisée. D'un côté, une société qui s'organisait pour assimiler et de l'autre, une société qui luttait pour ne pas être assimilée. Et d'un cbté, une société qui se réjouissait de voir arriver de nouveaux renforts et de l'autre, il ne faut pas l'oublier, une société qui pleurait de voir ses propres effectifs partir vers les États-Unis en groupes si nombreux que leur mouvement d'émigration constitue l'une des belles saignées démographiques qu'ait eu a subir un peuple.

Ce déclassement du Québec français comme société d'accueil, certains ont voulu -et parfois même le font encore - lui trouver une explication purement culturaliste. L'explication est évidemment un peu courte, mais elle semble bien avoir la vie longue, sans doute parce qu'elle sert des intérêts bien établis.

Heureusement, la société francophone ne s'est pas laissée paralyser oar cette explication culturaliste. Ayant enfin compris l'absolue nécessité pour elle d'assurer l'accueil et l'intéqration de l'immigration internationale, elle s'est mise à la tache de s'en donner les moyens. Mais, pour cela, il a d'abord fallu qu'elle se heurte à la société anglophone qu'elle devait au préalable déloger de cette fonction qu'elle remplissait si efficacement et depuis si lonqtemps. C'est la la véritable particularité du Québec: un lieu où une société d'origine lutte pour se substituer à une autre comme société d'accueil de I'immigration internationale.

On le voit, le problème de l'immigration au Québec, c'est d'abord le problème des rapports entre les francophones et les anqlophones. Mais si cela peut intéresser sur le plan théorique, cela n'en constitue pas moins un combat très difficile à mener.

Mais ce combat difficile a mener est indispensable, tant serait lourd de conséquences pour nous l'échec sur ce plan et le retour à la situation antérieure. Conséquences démographiques, bien sûr, comme tout le monde le dit et le souliqne, mais aussi conséquences morales, psycholoqiques. En effet, chaque immigrant qui vient sur notre territoire et qui opte pour l'autre ne contribue-t-il pas un peu a nous convaincre de notre propre inefficacité, voire même de notre inefficacité collective.

Voila l'éclairage et de cet éclairage, nous tirons quelques recommandations. Elles sont évidemment peu nombreuses, compte tenu de celles que nous aimerions pouvoir faire dans la définition de ce que serait une politique générale d'intégration à la collectivité francophone. L'intégration suppose une action de tous les jours menée sur plusieurs plans a la fois. Elle fait appel au concours de tous, aussi bien des dîriqeants du pays que vous êtes que des simples citoyens et citoyennes que nous sommes.

Nous n'avons pas la prétention de présenter toutes nos idées. Nous nous bornons à quelques idées regroupées sous trois rubriques: l'école, l'État et, rubrique peut-être nouvelle sous nos cieux, la naturalisation. La première, soit l'école. Le problème de la langue d'enseignement des immigrants reste chez nous, malheureusement, le principal et le plus délicat point de jonction entre la question linguistique et la question de l'immigration. Par l'importance de l'enjeu, ce problème a sollicité depuis une vinqtaine d'années la réflexion de tous. L'acuité des débats qu'il a déclenchés -rappelez-vous Saint-Léonard - n'a pas manqué d'ébranler certaines de nos grandes institutions. Le Parti libéral lui-même n'a pas échappé à ce déchirement si l'on veut bien se rappeler que c'est cette question plus

que toute autre qui a provoqué à l'époque du bill 22 le retrait du parti de M. Jérôme Choquette et l'éloignement du caucus de M. Springate et de M. Ciaccia.

La première idée relative à l'école. La volonté de briser le mouvement d'adhésion massive de l'immigration à l'école anglaise s'est manifestée avec éclat dans la Charte de la langue française d'août 1977, dont on se rappelle que les articles 72 et 73 présentaient l'avantage de faire ce qui devait être fait sans introduire de distinctions selon la langue, l'origine ou la nationalité des enfants. Il n'était pas banal, en effet, ce jour où il fut inscrit dans nos textes de loi que l'école française n'était pas moins digne - je dis bien: n'était pas moins digne -d'accueillir le petit anglophone de Toronto que les petits Italiens, Portugais ou Sri-Lankais qui viendraient se présenter à nos frontières. Malheureusement, on le sait, le Canada anglais ne l'a pas vu du même oeil. Son refus l'a conduit à se donner la modification constitutionnelle que l'on sait, obtenue dans les conditions que l'on sait. (21 h 45)

Le Mouvement Québec français a dénoncé à l'époque ce coup porté à notre Charte de la langue française. Plus récemment, il a regretté - et il continue de le faire - que les discussions constitutionnelles du lac Meech n'aient pas été l'occasion de corriger cet état de choses. C'est sur un double motif que le MQF fonde son opposition à l'article 23. Un motif de principe: Pourquoi, en effet, faudrait-il laisser s'introduire dans nos lois des distinctions suivant les personnes et hiérarchiser les enfants selon leurs origines en créant une espèce de catégorie d'intouchables? II y a aussi un motif de prudence politique car dans nos régimes politiques, l'exception que l'on reconnaît au profit d'une catégorie appelle le plus souvent son extension au profit de nouvelles catégories. Et, à ce rythme, ne risque-t-on pas d'aboutir au rétrécissement de l'école française comme lieu d'accueil de l'immigration?

Cela nous apparaît tout particulièrement vrai de l'objet qui nous occupe ici, l'article 231a) indiquant la voie à une prochaine extension de l'exception déjà reconnue par l'article 231b). Cet article 231a) constitue même une invitation permanente et solennelle adressée à l'immigration anglophone à faire pression sur le gouvernement du Québec pour lui arracher le droit d'accès a l'école anglaise, ce qui, convenons-en, serait particulièrement lourd de conséquences démographiques dans un pays où l'immigration en provenance des pays anglophones sera toujours importante. Aussi avons-nous, au Mouvement Québec français, la conviction que ces pressions de la part de l'immigration anglophone ne manqueront pas - et peut-être plus tôt qu'on ne le pense -de s'organiser et de se faire entendre. C'est pourquoi il nous apparaît prudent, pour nous éviter des combats fatigants et sans doute un peu de démagogie, d'en décourager dès maintenant toute manifestation par une déclaration solennelle que nous demandons au gouvernement du Québec de faire, par laquelle le gouvernement ferait connaître sa détermination de s'opposer formellement à toute pression qui lui serait faite dans le sens de l'article 231a).

Deuxième idée relative à l'école: On le sait, la loi 101 étend l'obligation de scolarité française aux niveaux maternelle, primaire et secondaire seulement, sans doute selon l'idée qu'un jeune immigrant qui aurait fréquenté l'école française pendant toutes ces années serait bien préparé à vivre au Québec. Cette idée, bien entendu, est juste. Cependant, en ne touchant pas au niveau collégial, la loi 101 laisse sur le carreau cette catégorie de jeunes immiqrés qui, tout en étant encore aux études, ont passé l'âge du secondaire. Pour ceux-là, il nous apparaît qu'il faut ajuster la lettre à l'esprit de la Charte de la langue française en établissant que l'obligation de scolarité française s'appliquera dorénavant aux immiqrants reçus jusqu'au niveau collégial inclusivement.

Troisième idée relative à l'école comme facteur d'intégration à la société française: Beaucoup d'immigrants et d'enfants des communautés culturelles issues de l'immigration sont inscrits dans nos écoles anglaises. On les connaît, ceux en faveur de qui joue la clause Québec, ceux qui ont obtenu une dérogation fondée sur un séjour temporaire, etc.

On se rappellera peut-être que certains, dans les années soixante-dix, proposaient le remplacement des écoles anglaises par des écoles françaises. La loi 101 en a décidé autrement, ce que le Mouvement Québec français accepte parfaitement. Encore faut-il s'assurer que l'école anglaise du Québec prépare ses élèves à vivre pleinement la vie d'une société de tangue française. Cela suppose plusieurs choses et d'abord bornons-nous à cela aujourd'hui - une solide connaissance de la langue française, ce que prévoit, du reste, vous le savez, l'article 84 de la charte. Or, c'est un fait d'expérience dont nous ne pouvons, faute d'études, mesurer l'ampleur exacte, que des jeunes sortent de nos écoles anglaises sans vraiment connaître le français. Cette anomalie n'est dans l'intérêt de personne et devrait, par conséquent, être corrigée. Aussi le Mouvement Québec français demande-t-il ici à Mme la ministre de l'Immigration de saisir de ce problème son collègue de l'Éducation en le priant de veiller à l'application rigoureuse de l'article 84 de la charte.

Deuxième ordre de considération autour de l'État. Dans tout autre pays que le nôtre,

l'immigrant sait d'emblée où il se trouve et dans quelle langue vit le pays où il se trouve. Malheureusement, il en va différemment chez nous tant est présente ici la langue anglaise. Tel est le prix de notre histoire britannique, de notre géopolitique nord-américaine et de notre lien politique particulier avec le Canada anglais.

Il faut donc s'employer, en tant que collectivité, à convaincre l'immigrant que le français constitue bel et bien la clé du Québec, le français et nulle autre langue. Cela suppose un messaqe qui soit dit, qui soit répété sans cesse et sans ambiguïté, qui ne soit contredit ni formellement par des propos qui iraient en sens contraire, ni même - je dirais ni surtout - implicitement par un comportement qui irait à l'encontre, sans quoi on entretiendrait la confusion qui serait néfaste et, pire encore peut-être, on appellerait la dérision, ce qui serait mortel sur nos objectifs.

Ce message haut et clair, il appartient à chacun et à chacune d'entre nous de le porter dans notre vie, dans nos activités de tous les jours. On sait que ce n'est pas toujours fait. Mais, si chaque citoyen a ici un rôle à jouer, si chaque domaine de l'activité sociale a sa place dans cette pédagogie à l'adresse de l'immigration, combien cela est plus vrai encore de l'État et de ceux et celles qui l'incarnent! Beaucoup serait à dire ici et nous • ne reprendrons pas aujourd'hui ce que nous disions ailleurs de l'article 133 de la constitution de 1867 qui, en plaçant la langue anglaise le où il la place, c'est-à-dire au sommet de l'État, ne vient assurément pas faciliter la compréhension du message nouveau que le Québec cherche à adresser à l'immigration.

Qu'il nous soit permis, cependant, de souligner un aspect peu souvent mentionné, celui des comportements et des pratiques linguistiques de ceux et celles qui, par leurs fonctions, représentent et symbolisent le Québec français; les fonctionnaires et, plus encore, les élus à l'Assemblée nationale. Disons-le tout net, tout ce qui dans leur comportement linguistique vient inutilement contredire le message de francisation nous apparaît regrettable. Bien entendu, faute d'enquêtes ou d'autres moyens, nous ne savons pas ce qui se passe dans le secret des bureaux, mais des bruits nous parviennent qui ne sont pas sans nous inquiéter.

En revanche, nous pouvons voir et apprécier ce qui se passe sur la place publique et l'on a pu constater que ce n'est pas toujours par simple accommodement pratique que nos élus font usage de l'anglais. Que penser, par exemple, de ces dirigeants politiques québécois qui présentent, en anglais, leurs voeux de circonstance aux lecteurs d'un journal grec de Montréal? Le Québec est en droit d'exiger de ses élus qu'ils respectent l'esprit de la Charte de la langue française. C'est pourquoi nous nous permettons de demander à Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration qu'elle prenne l'engagement solennel pour elle-même et pour le gouvernement dont elle fait partie de mettre ses comportements linguistiques en harmonie avec la politique de francisation qu'elle est chargée de mener.

Troisième élément qroupé autour du thème de la naturalisation. La naturalisation est un moment important dans la vie des futurs citoyens. Outre ses effets juridiques importants, nous les connaissons, celle-ci prend, en effet, aux yeux de celui qui l'obtient, une grande valeur symbolique. C'est pourquoi la cérémonie d'obtention n'est jamais banale, mais toujours plus ou moins solennelle. De ce fait, tout ce qui concerne cette cérémonie, la qualité de celui qui y préside, la langue dans laquelle elle se déroule, acquiert une grande importance symbolique.

Dans ces conditions, ne serait-il pas temps de songer à mettre la cérémonie de la naturalisation au service de notre politique de francisation? Ainsi, si l'on obtenait que la cérémonie se déroule en français et que ce soit un représentant du Québec qui y préside, seul ou avec d'autres, n'aiderait-on pas l'Intéressé à comprendre que l'intronisation dont il est le bénéficiaire se fait dans la société française du Québec et dans nulle autre? Et, s'il est bon de faire jouer au profit du français la force symbolique de la naturalisation, ne serait-il pas plus efficace encore d'en faire jouer aussi la force d'incitation en subordonnant l'acquisition de la naturalisation à la connaissance par le candidat de la langue française*

Bien sûr, ces questions relèvent de la compétence de l'autorité fédérale, mais qui nous dit que celle-ci n'accueillerait pas favorablement les représentations qui lui seraient faites en ce sens par le gouvernement du Québec? C'est du reste dans cet esprit et avec cet espoir que le Mouvement Québec français demande que le gouvernement du Québec et son ministère de l'Immigration amorcent des discussions dans ce sens avec les autorités d'Ottawa.

L'immigration internationale a besoin de nous et, par conséquent, elle nous oblige. Telle est la leçon que l'on peut dégager notamment du drame des réfugiés. Mais, nous aussi, nous avons besoin d'elle: pour son appoint démoqraphique, tout le monde le dit; pour sa contribution a notre développement économique, la plupart en conviennent; et plus encore peut-être - et cela, on le dit moins souvent - pour ses leçons de volonté personnelle et de diqnité collective.

Donnons-nous, comme collectivité, les moyens de nous ouvrir a l'immigration. Le jeu en vaut la chandelle.

M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le porte-parole. Je reconnais maintenant Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Il reste environ 18 ou 19 minutes par formation politique.

Mme la ministre.

Mme Robic: Oui, M. le Président; tout simplement pour remercier le Mouvement Québec français et son représentant d'avoir bien voulu participer à cette commission sur les niveaux d'immigration.

Le Président (M. Trudel): M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Est-ce que Mme la ministre me donne le temps dont elle ne veut pas bénéficier ou suis-je limité à mes 19 minutes?

Le Président (M. Trudel): Ce qui avait été entendu...

M. Boulerice: Non, non; je le sais bien. Mais je m'attendais à...

Le Président (M. Trudel): II y en a probablement d'autres - je n'en sais rien -qui veulent parler du côté ministériel, mais il est entendu que le temps qui n'est pas pris par une formation. Cela fait partie des ententes convenues.

M. Boulerice: Je serai évidemment plus loquace. Je pense qu'il y a là un langage tout à fait franc et surtout une pertinence auxquels effectivement le Mouvement Québec français nous a toujours habitués dans ses interventions. Je pense que vous en avez fait d'ailleurs une brillante lors de l'étude du lac Meech.

Tout au long des travaux - et je pense que vous avez assisté à une partie tantôt -on dénonçait, face à l'immigration, un danger qui était l'ignorance.

Je suis vraiment très heureux de vous entendre aujourd'hui parler aussi de la francisation de l'immigration au Québec et souligner que l'un des plus graves dangers, en plus de l'ignorance, qui est de de la non-acceptation de l'autre, est celui de l'ambiguïté quant au caractère français du Québec, ambiguité au niveau du message, effectivement, et ambiguïté, on l'a vu, lors des tergiversations sur l'affichage que vous avez d'ailleurs avec pertinence dénoncée. Et surtout, vous avez montré, de façon très évidente, à Montréal, que l'ambiguïté des messages en provenance de l'État québécois et du gouvernement québécois ne pouvait mener effectivement au respect d'une loi fondamentale qui est la Charte de la langue française au Québec.

Je pense qu'il y a aussi énormément de pertinence quand vous faites allusion à l'accord constitutionnel de 1982 et à l'article 23, sans compter tous les autres. C'est un sujet, d'ailleurs, sur lequel je m'étais lonquement penché et qui, vous le savez comme moi, à son analyse, on s'en rend bien compte... L'accord constitutionnel ne prévoit pas légalement la présence de l'école francophone au Québec. L'école francophone au Québec n'est pas garantie par la loi constitutionnelle fédérale. L'école de la minorité anglophone l'est, par contre. Je pense, de toute façon, que vous êtes très au fait de cela. (22 heures)

Ambiguïté aussi lorsque cette Assemblée nationale a voté, de par la majorité ministérielle, la loi sur les services de santé et les services sociaux où l'on lançait un message très direct aux communautés culturelles, est que les services de santé, les services sociaux, notamment les CLSC, les CSS, etc., étaient disponibles pour elles dans les établissements anqlophones, alors qu'au départ les établissements francophones sont toujours en mesure de donner les services en français qu'on veut la lanque commune, la langue d'usage dans ce pays.

Je pense que c'était très opportun que vous veniez démontrer ici que le plus grave danger, justement, réside dans l'ambiguïté.

Je note aussi à l'intérieur de votre mémoire une idée qui est effectivement très originale. Tout le monde sait qu'il n'y a pas un peuple, qu'il n'y a pas une nation qui ne vit pas sans symbole. Je pense que ça fait partie des qrandes nations. Qu'on puisse à l'occasion peut-être les ridiculiser, je ne suis pas d'accord avec cela mais nos voisins du Sud se sont établi des protocoles, des traditions et cela en fait une grande nation au même titre que la France, au même titre que la majorité des pays européens. Lorsque vous parlez de naturalisation québécoise, je trouve que c'est une idée fort à propos pour justement amplifier et donner un message très clair qu'ils adhèrent à un pays francophone, qui est le Québec. Je pense qu'elle mérite d'être retenue. Elle est au départ très symbolique, mais tout le monde sait que le symbole agit à la fois sur le conscient et le subconscient.

Des intervenants précédents ont abordé certaines questions et j'aimerais connaître votre point de vue. Je m'adresse à vous, M. Bouthillier, naturellement. Votre pouvoir de délégation est là. On a parlé de "démontréalisation" ou de "démétropolisation" de l'immigration, à savoir que la très grande majorité - si je me rappelle bien les chiffres qu'on citait, c'était près de 80 % - des nouveaux immigrants s'installent en région métropolitaine. Certains faisaient valoir

l'hypothèse souhaitable que l'immigration puisse être distribuée, par des mesures qu'il reste a voir et a évaluer, sur l'ensemble du territoire québécois de façon à ne pas se retrouver avec une ville de Montréal complètement détachée du restant du Québec qui, lui, serait d'une homogénéité à laquelle on ne consent plus, d'ailleurs, puisqu'on accepte bien une "pluriculturalité", mais naturellement une "pluriculturalité" dans la francophonie.

J'aimerais connaître votre point de vue là-dessus.

M. Bouthillier: Bien sûr, je crois que la "démétropolisation", comme vous dites, présente des avantages j'allais dire à la fois pour l'immigration et pour la société d'accueil. Elle est un moyen, un espoir de francisation et elle est aussi une occasion, je crois, de diffuser dans l'ensemble du corps social québécois les thèmes reliés aux problèmes de l'immigration.

La question de l'immigration est en ce moment très largement une question montréalaise. Il est possible que tel ou tel de nos concitoyens vivant ailleurs qu'à Montréal s'estime non concerné par cette question. Cela est malheureux et il faut lutter contre cette espèce de cloisonnement des esprits. Alors, en décloisonnant, si je puis dire, l'immigration, en "démontréalisant" l'immigration, l'immigration va vers la société d'accueil et tout le monde s'en trouve mieux.

Du reste, l'un des mouvements qui font partie de Mouvement Québec français, le Mouvement national des Québécois, a adopté une position dans ce sens-là et réfléchit -car le problème n'est pas simplement d'afficher l'idée, mais de la réaliser - en ce moment, avec d'autres sans doute, aux moyens de réaliser cette idée de la "démétropolisation".

M. Boulerice: Certains des intervenants précédents disaient que le recrutement de l'immigration se fait partout. À la question que je posais à savoir que, parce qu'on introduisait la notion de rassemblement des familles, ce qui était un critère pour l'immigration... Je disais que, de par la langue d'une culture et d'une civilisation, nous appartenons à une famille et je posais la question; Croyez-vous qu'il est tout a fait légitime de privilégier en termes d'immigration, d'abord, l'immigration en provenance de pays où la langue est la nôtre, c'est-à-dire le français?

M. Bouthillier: Ce que nous voulons, ce sont des immigrants capables de devenir des citoyens québécois de langue française intégrés à la société française. S'ils le sont déjà aux frontières, en arrivant, en frappant aux portes, la chose est d'autant facilitée; mais, s'ils ne le sont pas, à nous de nous en donner les moyens et nous en proposons un certain nombre aussi. À nous de nous donner les moyens d'assurer l'accueil des immigrants d'où qu'ils viennent sur la terre.

M. Boulerice: Dans le système de cotation que l'on fait pour les candidats à l'Immigration, à ce moment-là, vous acquiescez à l'idée que l'on pourrait donner une cote plus élevée à quelqu'un qui, automatiquement, a une connaissance de la lanque française.

M. Bouthillier: Dans la sélection oui. Et tout ce qui oriente l'immiqrant, qui facilite son intégration à la société française doit être valorisé. Je crois que cela l'est, du reste. Il y a des points reconnus dans la grille pour la connaissance du français - je ne sais pas si c'est douze ou quinze points, je ne m'en souviens plus - mais nous sommes évidemment d'accord.

M. Boulerice: Vous parlez de l'obligation de la fréquentation jusqu'au niveau collégial.

M. Bouthillier: Oui.

M. Boulerice: À défaut d'une loi là-dessus, est-ce que vous pensez qu'il pourrait peut-être y avoir un palliatif qui serait certaines mesures incitatives?

M. Bouthillier: C'est une idée que nous lançons et j'ai été très heureux d'entendre tout à l'heure qu'on est en train de... Enfin, certaines personnes qui viennent ici autour de la table sont en train, j'allais dire, d'étendre l'aire d'emprise de la loi 101 par les deux bouts. Tout à l'heure, si j'ai bien entendu, le Congrès juif canadien qui nous a précédés proposait le système des garderies comme moyen de francophonisation. Et pourquoi pas?

Nous, nous l'avons pris, je ne dirai pas par en haut, mais par un autre bout, celui du système collégial, à partir du moment où on est bien obligé de constater - c'est un fait d'expérience - qu'il y a dea jeunes qui ne sont pas soumis à la loi 101, ne serait-ce que parce qu'ils n'ont plus l'âge d'être au secondaire, mais qui veulent faire des études, qui en font et qui, compte tenu du rapport de forces entre les deux sociétés d'accueil, française ou francophone et anglophone, choisiront de préférence bien souvent les céqeps de -langue anglaise. Et cela nous paraît dommage de ne pas accorder à ces jeunes l'occasion vraiment sérieuse de jouer le jeu de la carte de la société francophone du Québec.

Quels sont les moyens incitatifs ou autres? Vous savez, c'est une idée, je pense, qui est assez nouvelle dans le débat à

l'heure actuelle. Nous la lançons aujourd'hui avec l'idée qu'il faut absolument mettre dans notre jeu, dans le jeu de la société francophone du Québec, tous les moyens pour amener cette immigration nouvelle vers nous, vers notre société plutôt que vers l'autre. Et cela nous apparaissait un assez bon moyen, de même que celui des garderies. Nous n'en avons pas parlé, mais nous serions tout à fait d'accord avec l'idée des messieurs et dames qui nous ont précédés.

M. Boulerice: Dans le cas des réfugiés, est-ce que vous - et plusieurs en ont fait la remarque - privilégiez un quota? Quelqu'un donnait l'exemple de 5000 comme étant la capacité d'accueil.

M. Bouthillier: Oui, je sais, j'ai entendu les chiffres. Et pourquoi privilégier un quota? C'est sans doute, selon l'idée que les réfugiés venant parfois de sociétés plus éloignées de la nôtre, venant parfois sans avoir leur propre communauté culturelle d'accueil ici, quand il s'agit d'un mouvement nouveau, que cette immigration est plus difficile à intégrer et qu'il faut le faire, donc, poco à poco, un peu plus lentement, pour être certain de réussir. Si c'est vrai que c'est la seule façon de réussir nous accepterions ce quota, mais encore faudrait-il le démontrer.

Je pense qu'une société comme la société québécoise peut facilement - elle l'a déjà fait, du reste, non seulement au XIXe siècle, mais encore tout récemment dans les années soixante-dix - faire preuve de beaucoup de sympathie à l'endroit des problèmes politiques, des drames politiques qui sont ceux des réfugiés politiques ou autres. Je crois que la société québécoise a fait preuve de cette disponibilité. Je ne vois pas pourquoi on ne mettrait pas à bon emploi cette disponibilité, d'autant plus que les réfugiés ont aussi, au-delà des premières difficultés d'adaptation attribuables à la langue, aux religions, aux moeurs, aux coutumes qui sont peut-être plus éloignées et moins courantes pour nous, beaucoup à nous apprendre, ne serait-ce que, précisément, l'importance des idées politiques. Ces réfugiés politiques sont souvent victimes de leurs idées et je pense qu'il y a une dignité certaine dans le fait d'être un réfugié politique. Il y a là une leçon de dignité et de valeur des idées collectives, de valeur des idées politiques et je crois que la société québécoise ne peut que s'en porter mieux.

M. Boulerice: M. Bouthillier, je sais qu'il est 22 h 10. Vous devez retourner à Montréal. Le Mouvement Québec français -vous nous en avez fait d'ailleurs la nomenclature tantôt - regroupe des organismes et pour employer un vocabulaire usuel très québécois, des organismes comme on dit en bon québécois qui ne sont pas des deux de pique, des organismes sérieux comme l'Union des artistes, l'Union des écrivains québécois, l'Union des producteurs agricoles, une centrale syndicale, etc. Donc, ce mémoire a été présenté avec l'autorité qu'il contient compte tenu des sociétés que vous représentez. Je peux vous dire que nous, de l'Opposition, l'accueillons avec beaucoup de sympathie et je vous remercie d'être venu témoigner à la commission de la culture.

Vous avez demandé à la ministre, à l'intérieur de cela, des enqaqements solennels. Il lui appartient d'y répondre et non pas à moi, puisque ce n'est pas moi le ministre. Mais il n'est jamais trop tard pour bien faire; il reste encore quelques minutes, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Saint-Jacques. Y a-t-il d'autres interventions du côté ministériel?

M. le président, il me reste a vous remercier de vous être présenté devant la commission. Vous m'avez sans doute entendu dire depuis la fin de l'après-midi, parce que j'ai cru remarquer votre présence en cette salle depuis la fin de l'après-midi ou à peu près, à quelques organismes venus nous visiter que je les remerciais d'avoir répondu à notre invitation. Mais ces orqanismes, malheureusement, sont trop peu nombreux. Il s'agit d'un première expérience publique sur ces questions.

Quant à moi, j'ose espérer qu'il ne s'agit pas d'une dernière expérience et que nous aurons le plaisir de vous revoir l'an prochain.

M. Bouthillier: C'est moi qui vous remercie au nom de tous mes collègues et peut-être qu'un jour prochain un exercice comme celui-là pourra même - qui sait? -donner lieu à un dialogue. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Sur ce, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 14)

Document(s) associé(s) à la séance