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(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous avons quorum.
Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements? C'est
une question que je vous pose, mais je vois déjà ceux qui
remplacent. Mais, enfin, allez-y.
La Secrétaire: M. Philibert (Trots-Rivières)
remplace M. Gardner (Arthabaska) et Mme Blackburn (Chicoutimi) remplace Mme
Juneau (Johnson).
Organisation des travaux
Le Président (M. Trudel): Ce sont les remplaçants
pour la durée de la séance d'aujourd'hui.
Avant de déclarer la séance officiellement ouverte,
j'aimerais rappeler très rapidement les ententes intervenues entre les
deux partis à l'occasion d'une séance de travail qui a eu lieu le
siècle dernier, c'est-à-dire le 16 juin dernier. C'est
déjà loin. Les ententes portaient principalement sur trois
points. Premièrement, les journées de séance et les heures
de séance. Je pense que vous savez que c'est de 10 heures à 22
heures, pour résumer les choses rapidement, de 10 heures à 18
heures demain et de 10 heures possiblement à 14 heures sans
interrruption pour le déjeuner jeudi, ce qui pourrait nous permettre de
terminer pour le déjeuner tardif. Chaque groupe parlementaire, tel que
convenu, dispose de 45 minutes pour ses déclarations d'ouverture et de
30 minutes pour ses déclarations de clôture. Il y aura alternance
entre le parti ministériel et le parti de l'Opposition. Chaque organisme
dispose d'une heure au total, soit 20 minutes pour exposer son point de vue,
résumer son mémoire et 40 minutes pour discuter avec les membres
de la commission, soit 20 minutes pour chacune des formations politiques.
Encore une fois, je reconnaftrai l'alternance entre les deux groupes
parlementaires. Telles sont les règles principales dont nous avons
convenu, le 17 juin dernier.
Je vois que M. le député de Mercier brûle du
désir de poser une question. Je vais quand même déclarer la
séance ouverte. Il s'agit de cette séance de consultations
particulières sur le niveau d'immigration pour les années 1988 et
1989, en tenant compte des besoins démographiques, économiques et
socio-culturels du Québec, de même que de ses obligations à
l'endroit de la communauté internationale et des familles à
l'étranger des nouveaux résidents québécois. Tel
est le mandat de cette commission.
M. le député, est-ce que vous voulez poser une
question?
M. Godin: Un point d'information, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Allez-y!
M. Godin: Le 17 juin la commission avait décidé de
siéger à Montréal, si vous vous souvenez bien. Les membres
de la commission avaient eu une longue discussion là-dessus et on avait
réussi à se convaincre de part et d'autre qu'il serait mieux de
siéger à Montréal. Je ne sais pas qui en a eu
l'initiative, mais on siège maintenant à Québec. Est-ce
qu'on peut savoir ce qui s'est passé entre la décision de la
commission et ce jour-ci, qui fait que nous siégeons aujourd'hui
à Québec?
Le Président (M. Trudel): Vous savez que la
décision finale, ultime, est celle du président de
l'Assemblée nationale qui, dans une lettre que j'ai eue relativement
tard parce que, comme vous tous, j'ai quitté rapidement le 23 juin...
J'ai communiqué de nouveau avec mon bureau de Québec plusieurs
jours après. J'avais reçu un mot du président qui, dans
une lettre laconique dont j'ai fait parvenir copie aux membres de la
commission, me disait qu'il refusait que la commission tienne ses audiences
à Montréal. Je dis bien "une lettre laconique". Je pense que vous
en avez reçu copie. J'ai demandé à Mme la
secrétaire de la commission de faire parvenir copie de cette
lettre-là à la fois à vos bureaux ici à
Québec et à vos bureaux de comtés. Étant comme ta
plupart d'entre vous parti en vacances et, peut-être pas comme la plupart
d'entre vous, en voyage officiel à l'étranger pour dix jours, ce
n'est que la semaine dernière que je suis rentré. Il était
un peu tard, de toute façon, pour essayer de réparer les pots
cassés.
M. Godin: La cour d'appel a décidé qu'on
siégeait ici, quoi!
Le Président (M. Trudel): Je ne sais pas
si le président se considère comme une cour d'appel, mais
quand on est président de commission, je pense que le président
de l'Assemblée nationale constitue une sorte de cour d'appel, en
effet.
M. Godin: Cela répond à mes questions, M. le
Président, Merci.
Le Président (M. Trudel): Pour les déclarations
d'ouverture, je vais d'abord demander à Mme la ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration de faire sa
déclaration. Par la suite, en alternance, un membre de la formation du
parti de l'Opposition. Je reviendrai avec une déclaration qui sera celle
du président de la commission et, par la suite, nouvelle alternance.
Je vois que Mme la députée de Maisonneuve brûle d'un
ardent désir de me poser une question, elle aussi.
Allez-y, madame.
Mme Harel: Oui, M. le Président. J'aimerais que vous me
permettiez, à ce stade-ci de nos travaux, de vous communiquer une
information qui aura une certaine importance pour la suite de nos travaux ce
matin.
Le Président (M. Trudel): Allez-y! Je suis tout
ouïe.
Mme Harel: Étant donné que l'ouverture de nos
travaux se fait ce matin, nous devons devancer l'annonce que fera le chef de
l'Opposition cet après-midi même. Il devrait communiquer les
nouvelles affectations et les changements intervenus dans les affectations des
membres de l'Opposition. Comme vice-présidente de la commission, je vous
informe que le député de Saint-Jacques siégera
dorénavant comme membre de cette commission et porte-parole de
l'Opposition en matière d'immigration et de communautés
culturelles. Le député de Mercier se voit confier de nouvelles
affectations.
Peut-être le député de Mercier veut-il maintenant
nous dire quelques mots?
Le Président (M. Trudel): Voilà, madame, une
nouvelle qui, comme vous me l'aviez annoncé de façon
privée, me sidère. Je félicite le député de
Saint-Jacques. Est-ce que le député de Saint-Jacques va conserver
ses attributions aux affaires culturelles?
Mme Harel: Cela, c'est une autre question à
laquelle...
Le Président (M. Trudel): Je savais que vous refuseriez
de...
Mme Harel: ...il n'est pas donné au député
de Saint-Jacques de répondre, ce matin.
Le Président (M. Trudel): Le député de
Saint-Jacques est comme le président de la commission, il a des gens
au-dessus de lui.
M. Godin: Comme dirait Kipling: C'est une autre histoire. Ce
n'est pas sans un pleur, M. le Président et Mme la ministre, que je
quitte le dossier. Mais comme il est confié à mon ami de
Saint-Jacques, je m'en réjouis aussi parce qu'au fond on va pouvoir
développer de nouveaux muscles dans nos dossiers respectifs,
évidemment, on va collaborer étroitement. La bonne collaboration
a toujours existé entre le gouvernement et l'Opposition et se
maintiendra dans ce dossier-là, à moins que le
député n'en décide autrement, à son heure. Je me
réjouis qu'un député compétent prenne ce dossier,
non pas parce que je ne l'étais pas avant lui. Je sais par
expérience qu'il croît beaucoup dans les politiques maintenues de
l'ancien au nouveau gouvernement. Je crois donc que c'est un mal pour un bien.
M. le député de Saint-Jacques, je vous félicite et je
remercie la vice-présidente de la commission d'en avoir avisé les
membres. Je pense que nous allons travailler aussi bien maintenant qu'avant.
C'est mon commentaire.
Le Président (M. Trudel): Avant de vous céder la
parole, Mme la ministre, à titre de président de cette
commisison, comme on est un peu dans le noir je ne sais pas si je dois
remercier le député de Mercier de sa collaboration. Je dois
sûrement le remercier de sa collaboration au sein de la commission au
cours des 18, 19 ou 20 derniers mois. Est-ce qu'il sera toujours parmi nous
demain matin? Nous sommes suspendus aux lèvres du chef de l'Opposition.
Sans interrompre les travaux de cette commission, cet après-midi nous
aurons sûrement quelques espions qui iront voir ce qui se passera
à cette conférence de presse dite historique. M. le
député, et je dois dire mon ami Gérald parce que nous
avons ensemble d'excellents souvenirs de campagne électorale alors qu'il
était responsable...
M. Godin: ...
Le Président (M. Trudel): Dans les deux cas, vous voulez
dire? Je ne pense pas,
M. Godin: Pour les deux, j'entends.
Le Président (M. Trudel): Pour les deux? Ha! Ha! Ha!
Là, vous allez me mettre dans l'embarras. Alors, M. le
député, je vous souhaite le meilleur succès possible et je
vous remercie de votre apport à la commission, s'il est vrai que vous la
quittez. Si vous ne la quittez pas, je ne retire pas ce
que je viens de dire et j'ajouterai autre chose cet après-midi ou
demain. Mme la ministre.
Mme Robic: M. le Président, vous me voyez surprise, moi
aussi, de ce changement. Cependant, je retrouve un autre ami dans ce dossier.
Si, au gouvernement, on pouvait toujours travailler avec autant de
collaboration avec l'Opposition, ce serait un plaisir. J'ai eu de bons conseils
et une bonne collaboration du député de Mercier, je l'en
remercie. Je félicite le député de Mercier pour l'ouvrage
qu'il a fait en tant que ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration. Je pense que l'Opposition peut se féliciter de l'avoir eu
comme ministre à ce ministère pendant plusieurs
années.
C'est avec plaisir que j'aurai maintenant à faire face à
M. le député de Saint-Jacques. Encore là, nos relations
ont toujours été très bonnes. Je suis sûr que cela
va se continuer puisque tous les gouvernements ont toujours collaboré
dans ce dossier et ont toujours eu les mêmes objectifs. C'est avec
plaisir que je retrouve un nouveau critique dans ce dossier.
Le Président (M. Trudel): Mme la ministre, je m'associe
évidemment à vos paroles pour souligner la nomination d'un autre
ami. J'ai plusieurs amis dans l'Opposition, allez-vous me dire, mais...
Une voix: Cela va vous nuire!
Le Président (M. Trudel): Au sein de cette commission, je
dois dire que le fait d'avoir travaillé ensemble depuis 20 mois aide
sûrement. Je connaissais M. te député de Saint-Jacques bien
avant son entrée en politique active à titre de
député. Il avait même tenté de me faire battre dans
le comté de Bourget à l'élection partielle de juin 1985.
Je l'ai...
Une voix: ...
Le Président (M. Trudel): ...invité à
revenir à l'occasion de l'élection générale
puisqu'avec son aide j'avais gagné par 7000 votes et, sans son aide,
j'ai gagné par 3000 votes!
M. le député, je vous félicite de votre nomination.
J'ai hâte de travailler avec vous. Je pense que vous allez devoir vous
plonger rapidement dans ce bain puisque si les déclarations
étonnantes de la part de l'Opposition sont terminées, Mme la
députée de Maisonneuve, je reconnaîtrais maintenant Mme la
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration pour ses
remarques préliminaires. Mme la ministre.
Déclarations d'ouverture Mme Louise
Robic
Mme Robic: Merci, M. le Président. Tout d'abord,
j'aimerais souhaiter la bienvenue à toutes les personnes qui se
retrouvent ici, ce matin. J'espère que vous avez pu profiter du
véritable été que nous avons eu la chance de
connaître cette année et je voudrais remercier la commission de
nous permettre justement de discuter publiquement d'immigration et des services
d'accueil à donner à ces nouveaux arrivants.
M. le Président, dans le cadre de l'exécution des
responsabilités de la ministre, un de mes devoirs est de définir
les objectifs quant au nombre de ressortissants étrangers admissibles au
cours d'une période donnée en tenant compte, notamment, des
besoins démographiques, économiques et socioculturels du
Québec.
Depuis deux ans, nous procédons à une consultation
auprès d'un vaste éventail de partenaires appartenant à
tous les secteurs de l'activité socio-économique. Cet exercice
nous fournit l'occasion de procéder systématiquement à une
réflexion sur les mouvements d'immigration et ses diverses composantes
en regard des objectifs de la société québécoise.
Cela nous facilite la planification des activités du ministère,
entre autres, en matière de recrutement, de sélection, de gestion
de nos programmes à l'étranger et de la programmation de mesures
d'accueil et d'adaptation.
Notre objectif, bien sûr, est de planifier le nombre d'immigrants
à accueillir dans les trois catégories composant le mouvement
migratoire: les membres de la famille, les réfugiés et autres cas
humanitaires et les immigrants indépendants.
Cet exercice également nous permet de respecter les ententes
fédérales-provinciales dans ce domaine de juridiction
partagée. Il nous permet de tenir compte des besoins
démographiques, économiques et socioculturels du Québec,
d'honorer nos obligations à l'endroit de la communauté
internationale et les responsabilités à l'endroit des familles
à des nouveaux résidents québécois qui sont
à l'étranger.
Cette année, la tenue d'une commission parlementaire sur le sujet
permet d'informer et de sensibiliser l'ensemble de la population à la
situation démographique à laquelle fait face le Québec et
à l'importance de l'immigration dans toute politique de population. Je
suis d'autant plus heureuse que nous fassions cet exercice en commission
parlementaire puisque le sondage que nous venons de publier fait ressortir la
nécessité d'informer la population au sujet de tout le
phénomène migratoire. Ce sondage, M. le Président, nous
rend fort heureux car les données démontrent clairement que
la
population est favorable à l'immigration puisque 76% des
répondants affirment que le Québec a besoin d'immigrants et que
60% sont d'avis que le Québec devrait maintenir et/ou augmenter les
niveaux d'immigration. L'opinion publique est loin d'être mitigée
quant à ces opinions, quant aux besoins du Québec en
matière d'immigration. (10 h 30)
Ce qui est encore plus encourageant, c'est que la majorité des
répondants surestime le nombre d'immigrants reçus. Malgré
qu'ils surestiment le nombre d'immigrants que nous recevons, ils sont en faveur
d'élargir ou de maintenir nos niveaux d'immigration.
Le sondage nous montre également que plus la population est
près de l'immigrant, plus elle le connaît, plus elle le
côtoie, plus elle est favorable à l'immigration.
Nous avons également fait publier une étude sur les
caractéristiques socio-économiques de la population
immigrée au recensement de 1981. C'était une première pour
le Québec que cette préparation d'une étude. Je dois
féliciter les personnes qui y ont travaillé. C'est une
étude très importante qui, certainement, nous permet de
réaliser que l'intégration économique des immigrants se
fait très bien. Nous réalisons que l'immigrant a un taux
d'activité plus élevé que le Québécois, un
taux de chômage plus faible, une situation comparable ou plus favorable
en termes de répartition professionnelle, de scolarité et de
niveau de revenus.
La population immigrée compte davantage de travailleurs ayant des
qualifications élevées, mais compte également une
proportion plus élevée de travailleurs de spécialisation
moyenne et réduite que la population née au Canada. On dit que la
population immigrée est à l'antipode sur l'échelle
économique; elle est mieux scolarisée, elle occupe des positions
mieux rémunérées et ce sont souvent des personnes qui sont
ici depuis plusieurs années. Nous avons aussi la situation contraire qui
se produit: des gens qui occupent les positions les moins bien
rémunérées sur l'échelle économique.
Par rapport à la population née au Canada, la proportion
de la population immigrée ayant fréquenté
l'université est plus élevée, mais la population des
personnes n'ayant pas dépassé le niveau d'études primaire
est aussi plus élevée.
Quant aux revenus, la situation des personnes nées à
l'étranger en termes de salaires, de traitements moyens et de revenus
moyens totaux est plus favorable que celle des personnes nées au Canada,
puisqu'ils dépassent d'environ 10 %, dans les deux cas, ceux de la
population non immigrée.
Les indicateurs socio-économiques, plus la durée de
résidence au Québec est courte, sont généralement
moins favorables. Pour la population immigrée, la plus récente,
celle qui est arrivée entre 1971 et 1961, le taux de chômage se
compare à celui de la population non immigrée. Sur le plan
professionnel, l'immigration de la décennie soixante-dix compte
relativement moins de travailleurs hautement qualifiés et davantage de
travailleurs de spécialisation moyenne et réduite que
l'immigration plus ancienne.
La catégorie de personnes les plus défavorisées sur
le plan socio-économique sont les femmes et les minorités
visibles. Ici, M. le Président, j'aimerais peut-être dissiper une
information ou une déclaration qui est souvent répandue, à
savoir que l'immigration crée du chômage.
II semblerait bien que ce soit le contraire et que l'immigration soit
plutôt bénéfique et rentable pour le Québec. Si je
voulais donner un exemple, je donnerais celui de la province voisine,
l'Ontario, dont la population immiqrée forme 24 % de la population, qui
reçoit 40 % de l'immigration canadienne et qui a un taux de
chômaqe de 4 %, II faudrait comparer avec le Québec qui a une
population immigrée de 8 % de sa population, qui reçoit 18 % de
l'immigration canadienne et qui a un taux de chômage de plus ou moins 9
%. Alors, je dirais, M. le Président, qu'au plan économique,
l'immigration est certainement rentable.
Le sondage et l'étude démontrent clairement que nous ne
nous sommes pas trompés en établissant les priorités du
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Nous
avons mis nos priorités sur l'intégration des nouveaux arrivants
en élargissant - de beaucoup d'ailleurs - nos programmes de francisation
et en ajoutant à nos programmes un volet interculturel. Nous avons
également identifié les femmes et les minorités visibles
comme étant des groupes cibles auxquels il fallait donner des services
accrus et nous l'avons fait.
L'immigration, pour l'année 1986, M. le Président, a
été très positive puisque nous avons dépassé
nos objectifs qui avaient été établis à 18 000.
Nous avons reçu au-delà de 19 000 immigrants en 1986. La
catégorie "famille" compte pour 36 %. C'est un programme très
important pour nous, cette catégorie familiale; 51 % des arrivées
originent d'une immigration économique et l'immigration humanitaire
compte pour 13 % des arrivées de 1986.
Cette année, pour la première fois depuis de nombreuses
années, nous avons eu un solde migratoire positif pour le Québec.
L'an dernier, nous avons eu un solde migratoire d'à peine 100 personnes.
Cette année, c'est un solde migratoire de 10 000 que nous pouvons
annoncer. Il semblerait que nos politiques ou les mesures que le gouvernement a
mises en place ont fait en sorte que les personnes sont demeurées au
Québec et que les mouvements interprovinciaux ont
grandement diminué. On doit s'en féliciter. Je dois vous
dire qu'en 1987 nous allons dépasser nos barèmes d'immigration
établis à 22 000 nouveaux arrivants.
M. le Président, quand on regarde ces statistiques, on doit se
réjouir des ententes constitutionnelles du lac Meech qui deviennent de
plus en plus importantes pour le Québec. Non seulement au lac Meech
avons-nous fait en sorte que soit constitutionnalisée l'entente
Couture-Cullen, mais nous avons fait en sorte d'élargir nos
responsabilités. Nous pourrons maintenant faire la sélection de
nos immigrants non seulement à l'étranger mais sur place. Ces
types d'immigrants comptent pour à peu près 25 % de toute notre
immigration. C'est un pas essentiel, important pour le Québec, que
d'avoir récupéré cette sélection. Également,
il est très important pour le Québec d'avoir
récupéré l'accueil, l'adaptation, la francisation des
immigrants. On s'en rend compte même dans les sondages. Les gens nous
disent qu'il faut franciser les immigrants, qu'il faut les intégrer le
plus rapidement possible. Maintenant que cette responsabilité revient au
Québec, nous pourrons certainement être efficaces et
élargir des programmes qui répondront aux besoins des immigrants,
mais également à ceux du Québec.
Je ne peux, ici, passer sous silence un mouvement important qui est le
mouvement des revendicateurs du statut de réfugié. Il est bien
sûr qu'on ne tient pas compte des entrées de ces personnes quand
on établit nos niveaux d'immigration, mais c'est une entrée assez
importante dont il faut parier, bien sûr. Ce mouvement s'est accru
considérablement, d'ailleurs, depuis quelques années. En 1984, le
Québec avait reçu 3082 revendicateurs du statut de
réfugié et, en 1986, c'est 13 173 revendicateurs que le
Québec a reçus. Alors, vous voyez que c'est un mouvement qui
grossit considérablement avec les années. Dans les premiers six
mois de 1987, ce sont 9000 revendicateurs que le Québec a reçus.
Alors, malgré les mesures Bouchard, le Québec accueille environ
900 revendicateurs par mois et on prévoit qu'en 1987, si le mouvement se
continue, ce seront 14 000 revendicateurs que le Québec recevra. Nous
avons en ce moment 22 000 revendicateurs en attente de statut. Alors, c'est
encore un mouvement important. Comme je le disais, quoique nous n'en tenions
pas compte dans l'établissement de nos objectifs d'immigration, vous
comprendrez que nous devons en tenir compte quant aux services à leur
fournir et à leurs besoins.
M. le Président, c'est aujourd'hui même, à Ottawa,
que s'ouvre une séance du Parlement où le gouvernement apportera
des amendements à la Loi sur l'immigration. Je ne peux pas en discuter
puisque je ne cannais pas le texte de ces amendements. Cependant, je suis
d'avis qu'il faut arrêter ce trafic d'humains et que ceux qui profitent
de ce genre d'activités soient sévèrement punis. Quant
à la loi C-55 qui sera à l'étude à l'automne, j'ai
fait connaître au ministre Bouchard, après consultation,
d'ailleurs, avec le Conseil des communautés culturelles et de
l'immigration et la Table de concertation des organismes de Montréal au
service des réfugiés, que certains aspects de ce projet de loi me
causent de vives inquiétudes. Bien que je sois d'accord avec le principe
de ce projet de loi, il est essentiel qu'aucun des objectifs visés ne
soit sacrifié au nom de la rapidité. Je continue à
demander que le processus quant à cette loi soit certes rapide, mais
également efficace et équitable. Nous nous inquiétions
également de l'absence d'un niveau d'appel véritable, des
difficultés inhérentes à la détermination des pays
sûrs pour ce qui est des renvois pour cause d'irrecevabilité, de
l'absence, également, de liberté de choix des conseillers ou des
avocats lors de la première étape, de la conservation d'un
Système où le processus de détermination du statut demeure
lié aux procédures d'immigration proprement dites et de
l'autonomie relative de l'organisme chargé de déterminer ce
statut.
M. le Président, je crois qu'il est important que le Canada
continue d'accueillir des revendicateurs du statut de réfugié
lorsqu'ils ont besoin de protection, c'est-à-dire lorsqu'ils font
l'objet de persécutions dans leur pays d'origine et lorsqu'ils ne
bénéficient pas ou ne pourraient pas bénéficier,
s'ils en faisaient la demande, de la protection d'un autre pays. Mais on doit
mettre fin et ce, le plus rapidement possible, à l'abus de nos
frontières. Le Canada et le Québec doivent continuer d'assumer
leur responsabilité face à la communauté internationale et
répondre généreusement aux besoins des
réfugiés. Nous sommes un pays privilégié, donc,
nous avons certainement des responsabilités vis-à-vis des plus
démunis de ce monde. Cependant, nous pouvons accomplir cet objectif par
l'augmentation du nombre de réfugiés sélectionnés
dans les camps de réfugiés. D'ailleurs, M. le Président,
en 1987, nous avons doublé, dans nos catégories d'immigration, le
nombre de réfugiés à recevoir. Il était à
2000 en 1986 et nous l'avons doublé à 4000 en 1987, plus 1000
sélectionnés sur place pour en arriver à 5000 dans cette
catégorie d'immigrants. (10 h 45)
Nous pouvons également, et nous le faisons, donner de l'aide
financière à des programmes de Rétablissement dans les
pays d'origine et à des programmes d'établissement dans un pays
voisin.
Le dossier de l'immigration devient de plus en plus complexe, mais,
également, de plus en plus important, tant au niveau de nos
responsabilités qu'au niveau de nos besoins démographiques
au Québec, Les sondages sont très positifs. La population
réalise de plus en plus les difficultés dans lesquelles des
humains peuvent se trouver et l'apport positif de l'immigration pour l'avenir
du Québec. C'est dans cette optique que nous pouvons ouvrir cette
commission avec sérénité, sachant que nous avons l'appui
de la population. Merci,
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre.
Je reconnais maintenant M. te député de Saint-Jacques,
actuel porte-parole de l'Opposition sur les questions d'immigration.
M. le député de Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: M. le Président, Mme la ministre, chers
collègues, surtout chers invités, vous me permettrez, d'abord, de
dire que je suis très heureux et surtout très honoré des
nouvelles responsabilités qui m'ont été confiées
par le chef de l'Opposition et président du Parti
québécois, M. Johnson, vu la présence dans ma
circonscription - et c'est là le reflet d'un Québec nouveau - de
communautés culturelles nombreuses et les contacts quotidiens que j'ai
avec elles. Ayant traité, comme vous le savez, longuement du dossier de
la culture et, donc, ayant connu, en plus de leur apport économique et
de leur apport social dont tout le monde fait mention, leur apport culturel
très important - je n'ai qu'à regarder mon collègue de
Viger et à évoquer le théâtre de Marco Micone -je me
retrouve très bien dans ce dossier-là.
Mme la ministre se demandait si l'été avait
été bon, si les vacances avaient été heureuses. Je
lui répondrai par cette blague habituelle qu'il n'y a jamais de paix
pour les braves. Sachant, quand même, depuis un petit bout de temps que
j'arriverais à ce dossier, si vous me permettez l'expression, sachant
que je devais plonger dans cette piscine, je vous dirai que j'ai passé
l'été à pratiquer la natation des communautés
culturelles et de l'immigration.
Bien entendu, l'Opposition accueille très positivement la tenue
de cette commission publique sur les niveaux d'immigration. L'importance de
cette question et des enjeux qu'elle sous-tend justifie effectivement la tenue
d'un tel débat à l'Assemblée nationale. Je crois que la
conjoncture est particulièrement propice pour une telle discussion.
La question est particulièrement importante dans le contexte du
déclin démographique actuel que l'on connaît. Sans
constituer, c'est bien entendu, une panacée à la baisse de la
natalité, l'immigration peut constituer, à mon point de vue, un
facteur important de dynamisme sur le plan démographique.
L'opinion publique a été assez agitée sur cette
question au cours des derniers mois, compte tenu de l'entrée massive de
revendicateurs du statut de réfugié, notamment. Une consultation
publique peut permettre de désamorcer certaines tensions, certaines
inquiétudes, certains préjugés et peut constituer un
instrument pédaqogique valable pour bien sensibiliser la population aux
avantages de l'immigration comme facteur d'enrichissement social,
économique, comme on le disait tantôt, et culturel, comme je me
permettais de le souligner.
Ce sont bien, d'ailleurs les propos que nous tenions lors des nombreuses
séances de travail précédant la commission en disant que,
comme nous étions élus par la population, c'était, je
crois, notre rôle et notre devoir de tracer des pistes et d'influencer la
population dans ses comportements et dans ses attitudes envers une question
très importante pour le Québec.
Cet exercice de consultation, sous l'égide de notre commission
parlementaire, devrait, évidemment, aussi inspirer la politique
gouvernementale de l'Immigration. Cette démarche qu'on entreprend
aujourd'hui n'est pas tout à fait nouvelle. Il faut se rappeler que
c'est le gouvernement du Parti québécois qui a
procédé en 1985, si ma mémoire est bonne, à la
tenue d'une première consultation publique systématique. Elle
avait auparavant un caractère plus restreint. Un certain nombre
d'organismes et d'intervenants avaient été invités
à soumettre des mémoires, à la suite de quoi le Conseil
des communautés culturelles et de l'immigration remettait aussi un
avis.
À l'automne de la même année, la commission de la
culture recommandait au ministère des Communautés culturelles et
de l'Immigration, dans ce qu'il est convenu d'appeler le rapport French,
puisque c'était notre collègue, le député de
Westmount, qui était président de la commission, de
déposer chaque année en mai le document de consultation sur les
niveaux d'immigration et qu'un débat ait ensuite lieu à
l'Assemblée nationale sur les orientations et l'exécution de la
politique de la population.
Cette année, la présentation de mémoires sera donc
accompagnée d'audiences publiques.
La décision du gouvernement de tenir une commission parlementaire
n'est pas étrangère aux démarches menées par
l'Opposition pour obtenir de la part de la commission de la culture un mandat
d'initiative sur l'immigration et sur les réfuqiés. Dès
septembre, notre formation politique, qui constitue l'Opposition officielle,
formulait une telle proposition, malheureusement rejetée par les
députés ministériels.
Nous sommes revenus à la charge, mes collègues et moi, en
février, sans résultat concret, malheureusement. Les
députés
libéraux acceptaient le principe d'un mandat sur l'immigration et
les réfugiés, mais refusaient d'en fixer les modalités et
de l'entreprendre dans un avenir rapproché. Ils invoquaient le fait que
la question était trop d'actualité, trop sujette à
controverse et reportaient à plus tard la décision sur le moment
approprié à la tenue d'un tel mandat d'initiative. À cette
même réunion du début février, l'Opposition
proposait un mandat précis constitué de six
éléments. Il faut croire que les revues de presse des deux
derniers mois nous ont donné amplement raison.
Finalement, la journée même où notre proposition
devait à nouveau être débattue en séance de travail
de la commission, soit le 19 mars, la ministre faisait miroiter la tenue d'une
consultation publique sur les niveaux d'immigration. La commission a dès
lors suspendu ses discussions en attendant le dépôt du mandat
gouvernemental pour éviter une éventuelle redondance avec le
mandat d'initiative.
Il nous apparaît donc clairement que la ministre a voulu prendre
le train en marche, de peur qu'il ne lui passe sous le nez et, en même
temps, elle a peut-être tenté de court-circuiter l'initiative de
l'Opposition en proposant son propre mandat.
Il faut souligner que le mandat gouvernemental reprend directement un
des éléments du mandat d'initiative proposé par
l'Opposition qui était: "considérer la possibilité et les
conditions d'un exercice annuel d'examen des objectifs de la politique
d'immigration".
Mais je croîs le moment mal choisi. On peut déplorer que le
gouvernement n'ait pas choisi le moment le plus approprié pour tenir les
audiences. Le faible nombre d'organismes ayant accepté l'invitation,
malheureusement une quinzaine sur 50, en témoigne. La ministre a
peut-être des contraintes compte tenu du processus de fixation des
niveaux d'immigration, mais il n'en reste pas moins que cela aurait pu se tenir
à un moment plus favorable, c'est-à-dire au printemps, si le
gouvernement n'avait pas tant tergiversé, comme on l'a vu dans les
séances de travail de la commission. D'ailleurs, l'an passé, les
groupes avaient été invités à soumettre leur
mémoire en février ou mars. On constate que le gouvernement
préfère traiter d'un sujet chaud politiquement au moment
où, justement, il fait chaud dehors!
L'autre réserve que nous tenons à formuler concerne le
caractère trop limitatif du mandat confié à la commission.
Le mandat proposé par l'Opposition était beaucoup plus large. Il
permettait, notamment, d'examiner les structures et les programmes d'accueil et
d'intégration des immigrants et des réfugiés. À cet
égard, fort heureusement, la lecture des mémoires permet
néanmoins de constater que les organismes ont bien compris qu'il n'est
pas possible de parler ou de se prononcer sur des niveaux quantitatifs
d'immigration sans justement considérer globalement le contexte de la
société d'accueil, les possibilités d'intégration
et les services à mettre à la disposition des nouveaux arrivants.
Il reste à espérer que les échanges en commission avec les
intervenants permettront d'approfondir la réflexion à ce
propos.
Nous souhaitons aussi examiner le processus de reconnaissance du statut
de réfugié. Cette question est particulièrement importante
et sensible, compte tenu du grand nombre de revendicateurs du statut de
réfugié accueillis au cours des dernières
années.
On connaît les remous créés par le
dépôt du projet de loi fédéral C-55 sur les
réfugiés. Nous savons pertinemment que le Parlement
fédéral vient de commencer ses travaux, il y a quelques minutes.
Nous avions donc proposé d'inclure dans le mandat ce processus de
sélection et d'admission des revendicateurs parce qu'il influe
directement sur les niveaux d'immigration. D'ailleurs, les niveaux fixés
pour cette catéqorie, pour 1986 et 1987, sont sans rapport avec la
réalité. On regrette donc que le gouvernement ait refusé
d'inclure cette question dans le mandat. Il reste qu'il sera difficile de
l'évacuer car les réfugiés constituent une
catégorie importante de nos contingents d'immigrants.
En somme, nous souhaitons que le mandat ne soit pas
interprété de façon trop restrictive et qu'il permettra
des échanges très larges sur la problématique
générale de l'immigration, c'est-à-dire ses objectifs, nos
besoins et les ressources impliquées.
Les données sont connues quant à l'enjeu
démographique de l'immigration. L'indice de fécondité au
Québec est de 1,4, sans doute l'un des plus faibles du monde occidental;
il ne permet pas d'assurer le remplacement des générations.
À moins d'un redressement de la situation, qui ne m'apparaît pas
prévisible pour l'instant, le Québec connaîtra un
déclin. démographique d'ici quelques années. Ceci a pour
corollaire un vieillissement de la population, dont les effets négatifs
ont été maintes fois repris et soulignés.
Dans ce contexte, l'immigration peut contribuer à enrayer en
partie le déclin démographique. II ne faut pas, cependant, y voir
une panacée. Si on compte seulement sur l'immigration pour assurer une
croissance de la population, les seuils d'admission devraient être
relevés considérablement. Se pose alors la question de nos
capacités d'accueil et d'intégration. Jusqu'où peut et
doit aller la contribution de l'immigration? Voilà une des
questions.
Une politique d'immigration doit être partie intégrante,
à notre avis, d'une
politique de la population, comprenant aussi un volet familial,
c'est-à-dire fournir aux individus qui désirent avoir des enfants
des conditions propices, et un volet immigration, dans le sens de limiter les
départs à la fois d'immigrants fraîchement arrivés
et de Québécois de souche.
Quant à l'enjeu culturel, on ne peut parler effectivement
d'immigration sans le considérer, ceci dans la perspective de continuer
la préservation de l'identité culturelle de la majorité
francophone des Québécois. L'arrivée de gens d'autres
origines suscite, chez plusieurs de nos concitoyens et concitoyennes, des
craintes quant à l'altération du visage du Québec,
à la perte de ce qui fait notre spécificité. Il ne faut
pas se cacher la réalité.
Il existe dans la population des sentiments d'inquiétude,
d'insécurité et, pour quelques-uns, malheureusement, une certaine
xénophobie fort limitée, encore là heureusement,
d'où justement la vocation pédagogique de cette commission que
nous vous avions soulignée dès les tout débuts de nos
discussions. 11 faut dire qu'il y a là quelque chose de normal
psychologiquement, mais d'inacceptable, j'en conviens bien avec vous tous.
Cette chose est présente, malheureusement, dans toutes les
sociétés. Le contact avec l'étranger, l'autre, puisque
différent dans ses valeurs, dans sa culture et son mode de vie, nous
incite à nous remettre en question. Dans un premier temps, alors qu'on
n'est pas toujours conscient qu'il constitue une source d'enrichissement, il
peut être perçu comme menaçant et susciter un repli sur
soi.
Le dernier sondage, réalisé à l'instigation du
ministère, fournit d'ailleurs un éclairage intéressant. Il
montre que la proximité relative à l'immigration, le fait d'avoir
des amis, des voisins, des compagnons de travail immigrants, engendre une plus
grande ouverture à l'immigration. (11 heures)
Pour en revenir à l'insécurité des
Québécois et Québécoises, qu'il faudrait d'ailleurs
prendre soin de ne pas dramatiser ou surestimer par le biais de sondages
réalisés dans des conjonctures tout à fait
particulières, elle s'explique d'autant mieux que nous vivons dans un
état de fragilité culturelle en Amérique. On ne peut
demander à des gens dont l'identité est menacée d'ouvrir
grands les bras à la venue d'étrangers dont on n'est pas
sûr que la présence ne fragilisera pas davantage cette
identité. D'où l'enjeu central que constitue la francisation des
nouveaux arrivants. C'est à ce prix, celui de l'adoption de la langue de
la majorité, qu'en contrepartie l'apport des gens d'autres cultures sera
reconnu à sa pleine valeur par l'ensemble des
Québécois.
Dans cette perspective, il est important de bien distinguer l'enjeu
culturel de l'enjeu linguistique. Le Québec doit s'ouvrir aux gens
d'autres cultures, à la fois respecter celles-ci, leur permettre de
s'épanouir et en reconnaître l'apport, tout en étant fermes
sur l'objectif de francisation. Le défi consiste à bâtir un
Québec pluriculturel, mais pluriculturel francophone.
La francisation ne s'arrête pas, Mme la ministre, à
l'octroi de cours de français aux immigrants et réfugiés
à leur arrivée, bien que cela doit être une
priorité, et à l'intégration de jeunes allophones à
l'école française. Cela exige aussi que le français prime
dans toutes les manifestations de la vie collective, que le français
soit la langue d'usage au travail comme dans les commerces. Le gouvernement
québécois ne peut se permettre de faire des compromis à
cet égard. Comme il est dît dans un mémoire: il doit
envoyer des signaux clairs à ceux et celles qui songent à venir
s'établir chez nous, comme aux immigrants que nous accueillons, sur le
caractère français de notre société. Ce n'est
malheureusement pas le cas. Il y a de très nombreux et trop nombreux
exemples de laxisme dans l'application de la Charte de la langue
française pour que le signal soit clair.
Par ailleurs, l'objectif de francisation incite à se poser
certaines questions quant à la sélection des immigrants. Il
faudrait songer à favoriser davantage la venue en plus grand nombre de
francophones ou de ceux que j'appelle "francophonisables". Pour ce faire, il
serait possible, par exemple, d'augmenter le nombre de points accordés
à la connaissance du français dans la grille de sélection,
comme le recommandait un avis du Conseil de la langue française, tout
comme d'intensifier la présence de nos services d'immigration dans les
pays francophones. La situation est d'ailleurs particulièrement
préoccupante à la lumière des données rendues
publiques récemment et qui révèlent que la proportion
d'immigrants ne parlant pas français a diminué sensiblement
depuis 1983. L'enjeu est très bien cerné en peu de mots dans un
mémoire, celui de l'Alliance des professeurs de Montréal;
intégrer les arrivants, sans les assimiler, mais sans nous perdre.
Quant à l'enjeu social, même si les Québécois
et Québécoises ne sont pas considérés
généralement comme racistes - et là, je m'en
réjouis toujours - nous sommes à même de constater
l'existence d'attitudes et de comportements quelquefois discriminatoires
vis-à-vis des membres des minorités ethniques. 11 y aura toujours
des progrès à faire sur le plan du respect des droits de la
personne et de la recherche de l'égalité. Par ailleurs, le
sondage du ministère révèle que les personnes qui ont
tendance à surestimer l'ampleur de l'immigration chez nous sont aussi
celles qui affectent davantage de réticence à son
égard, D'où, encore une fois, l'importance d'une
information adéquate de la population sur les principales données
de l'immigration au Québec.
Certains secteurs, par exemple l'école, sont
particulièrement sensibles à l'émergence de tensions, de
conflits d'origine ethnique. Sans dramatiser, il faut être attentif
à cela. U faut informer et sensibiliser les diverses couches de la
population à la réalité des autres communautés
culturelles à leur apport. L'école doit être le creuset des
rapports harmonieux entre des Québécois de toute origine,
d'où l'importance de l'éducation interculturelle. Et je fais
à ce moment-ci référence au rapport Chancy.
Les immigrants, et peut-être encore davantage les
réfugiés, compte tenu de leur condition particulière,
dramatique, en termes d'isolement, de difficultés d'intégration
en rapport à des valeurs et à un mode de vie différents,
de traumatisme, pour certains relié à une situation vécue
avant te départ de leur pays, ont des besoins tout à fait
particuliers. Il faut s'assurer que nos services sociaux sont en mesure d'y
faire face, et d'y faire face en français.
La commission permettra donc, nous l'espérons, de jeter un
meilleur éclairage sur le vécu des nouveaux arrivants, sur le
plan scolaire comme psychosocial. Par ailleurs, l'intégration aussi bien
culturelle que sociale des nouveaux arrivants sera vraisemblablement
facilitée par une "démontréalisation" ou, si vous
préférez, une "démétropolisation" de l'immigration.
Il s'agit de voir par quel moyen nous pourrions inciter davantage d'immigrants
à s'installer dans les autres régions du Québec.
Plusieurs études et rapports témoignent de l'apport
positif de l'immigration sur le plan du capital, c'est-à-dire
l'immigration des investisseurs, et des ressources humaines. Leur
présence agit comme un stimulant à la fois sur la consommation et
sur la production. L'étude récemment rendue publique par le
ministère sur les caractéristques socio-économiques de la
population immigrée révèle une intégration
réussie et une situation globalement plus favorable chez la population
immigrée, en termes d'occupation, de scolarité et de revenus.
Nous nous en réjouissons. Une autre étude réalisée
par le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration
révèle que le profil socio-économique des
réfugiés est semblable à celui des autres immigrants. Le
revenu est donc tout autant bénéfique.
À court terme, dans une situation économique difficile, la
venue d'immigrants peut susciter des inquiétudes en termes de
chômage. Il est dès lors d'autant plus important de publiciser
immédiatement les effets positifs de l'immigration à long terme,
d'autant plus qu'elle peut pallier en partie les conséquences du
vieillissement de la population.
L'immigration est un enjeu politique également, dans la mesure
où elle constitue une variable importante de notre poids
démographique à l'intérieur du Canada: comme
Québécois et comme francophones. Les données du dernier
recensement témoignent de la diminution de ce poids.
L'immigration est aussi un enjeu politique dans la mesure où il
s'agit d'une juridiction partagée entre les deux ordres de gouvernement.
Le Québec a bien vu toute l'importance de cette question en
réclamant depuis 20 ans un accroissement de ses pouvoirs malheureusement
morts noyés dans les eaux du lac Meech récemment. L'actuelle
consultation se situe d'ailleurs dans le prolongement des gains
réalisés par le Québec, notamment l'entente Couture-Cullen
de ]978 par laquelle nous obtenions la possibilité de
sélectionner des immigrants et de tenir un exercice de
détermination des niveaux d'immigration. L'accord du lac Meech comporte
certes un volet sur l'immmigration, mais il s'agit, en gros, de la
constitutionnalisation de l'entente Couture-Cullen. Par ailleurs, le Canada
devrait se retirer des services de réception et d'intégration et
fournir, à ce titre, une juste compensation au Québec.
Théoriquement, cela devrait permettre au Québec d'intervenir de
façon plus cohérente, de mettre au point des programmes plus
complets et appropriés. Il faudra voir jusqu'où ira la
compensation. Par ailleurs, les ententes à intervenir devront
reconnaître le pouvoir du gouvernement fédéral de fixer des
normes et des objectifs nationaux en matière d'immigration. On voit donc
que la marge de manoeuvre du Québec demeure très limitée.
Ces politiques ne peuvent aller à l'encontre des objectifs
canadiens.
Un problème important a surgi au cours des dernières
années relativement aux revendicateurs du statut de
réfugié dont la reconnaissance demeure du ressort exclusif du
gouvernement central fédéral. Son incurie, dis-je, ses
tergiversations ont conduit à une perte de contrôle de la
situation. Ottawa a misé ensuite, après l'avoir suscitée,
sur une certaine exaspération de la population pour justifier
l'instauration de mesures restrictives et le dépôt d'un projet de
loi excessif, critiqué par à peu près tous les organismes
impliqués dans le domaine. Maintenant, il invoque l'urgence pour
rappeler la Chambre fédérale et faire adopter des amendements
à la loi. Le Québec n'a aucun pouvoir en ce qui concerne les
revendications du statut de réfugié, mais il est victime du
gâchis du gouvernement fédéral. Le Québec ne peut
donc se permettre de demeurer muet dans ce dossier des revendicateurs dont il
accueille plus de la moitié du total canadien. Pourtant, on attend
toujours les réactions
complètes, quoique la ministre ait quand même levé
un peu le voile quant au projet de loi C-55 ainsi qu'aux nouvelles mesures et
amendements à la loi présentés aujourd'hui au Parlement
d'Ottawa, Nous avons bien hâte de vous entendre, madame.
Je terminerai, M. le Président, en disant que cette consultation
vise à discuter des niveaux d'immigration. Le Québec demeure
à la remorque du gouvernement fédéral qui fixe les
procédures de sélection, c'est-à-dire le processus de
reconnaissance pour l'important groupe des revendicateurs du statut de
réfugié.
Alors, il nous faut donc nous demander quel type d'implication le
Québec devrait faire valoir sur le plan de l'immigration humanitaire et
jusqu'où devraient s'étendre ses prérogatives. Je vous
remercie.
M. Claude Trudel
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Saint-Jacques. Il m'est agréable de souhaiter
è mon tour la bienvenue à Mme la ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration ainsi qu'aux membres de la commission de la
culture qui étudieront, au cours des prochains jours, les niveaux
d'immigration pour les années 1988 et 1989 en compagnie de ceux et
celles qui viendront témoigner et exprimer leurs points de vue sur cette
question.
Amicales salutations aussi au personnel de la commission que je revois
avec plaisir, aussi enthousiaste et besogneux que je l'ai toujours connu, sans
oublier - cela va de soi - le personnel politique de Mme la ministre, les
fonctionnaires de son ministère et les différents
observateurs.
Bien qu'il soit à tout le moins incongru de parler de tradition
parlementaire en se référant à une commission dont la
création remonte à 1984, il n'est cependant pas
exagéré d'affirmer que, depuis la réforme parlementaire,
les questions d'immigration ont beaucoup retenu l'attention de la commission de
la culture.
En plus d'examiner annuellement, d'une part, les crédits du
ministère et, d'autre part, d'en analyser trimestriellement les
engagements financiers, la commission de la culture s'est longuement
penchée, en 1984-1985, sur le problème de la démographie
au Québec et a produit un important et remarquable rapport cité
dès qu'il est question d'immigration, de fécondité, de
politique familiale, de politiqe de population. Je veux, bien sûr, parler
du rapport de mon prédécesseur à la présidence de
cette commission, le député de Westmount, M. Richard French,
devenu, comme chacun sait, en décembre 1985, ministre des
Communications, rapport intitulé "Étude de l'impact culturel,
social et économique des tendances démographiques actuelles sur
l'avenir du Québec comme société distincte".
Déjà, eh oui, on parlait de société distincte au
Québec!
En mars dernier, la commission que j'ai l'honneur de présider
avait le plaisir de recevoir les dirigeants et quelques-uns des membres du
Conseil des communautés culturelles et de l'immigration avec lesquels
elle a eu un échange de vue aussi intéressant que fructueux dans
le cadre de l'examen du mandat et des activités de cet organisme.
Aujourd'hui, dans l'accomplissement non pas d'un mandat d'initiative sur
lequel il nous a été impossible de nous entendre, mais à
l'invitation, acceptée avec joie et empressement, je le dis
immédiatement, de Mme la ministre, nous voici de nouveau réunis
pour approfondir un autre volet important de la question de l'immigration au
Québec, celui des niveaux d'immigration pour les années 1988 et
1989. Ainsi qu'on peut le constater, l'intérêt des membres de
cette commission pour les questions d'immigration ne se dément pas et je
suis assuré qu'il en sera ainsi pour les mois et les années qui
viennent.
On me permettra ici de dire mon étonnement et aussi ma
déception de constater qu'à peine plus de 25 % des quelque 51
organismes convoqués ont répondu à l'invitation de la
commission et se feront entendre au cours des trois prochains jours, et ce,
bien que la tenue des présentes audiences ait été
annoncée depuis la mi-avril et que tous les organismes qui ont
demandé une extension des délais pour nous faire parvenir leur
mémoire l'aient obtenue. Je me console à l'idée qu'ici
comme ailleurs la qualité, bien sûr, vaut mieux que la
quantité.
Dernier point d'une déjà longue introduction. Avant
même que ne commencent les audiences de cette commission, convaincu
à l'avance tant de l'importance des travaux que nous allons accomplir au
cours des prochains jours que de la valeur éducative de l'exercice que
nous entreprenons aujourd'hui, je n'hésite pas à recommander
à Mme la ministre et au gouvernement que cet exercice
démocratique devienne dorénavant annuel et que des auditions
soient tenues, si possible, avant l'ajournement d'été.
Le contexte dans lequel nous entreprenons nos travaux aujourd'hui est
particulier: arrivée récente, dans des conditions plutôt
dramatiques, de 174 Tamouls; rappel, aujourd'hui même, du Parlement
d'Ottawa-, dépôt, il y a quelques mois, du projet de loi C-55,
entente du lac Meech et accord d'Ottawa qui permettaient au Québec
d'enregistrer des gains historiques en matière d'immigration. (11 h
15)
Compte tenu de l'actualité des politiques fédérales
et provinciales en ce qui a trait aux revendicateurs du statut de
réfugié, il serait tentant, sinon de limiter nos travaux
à cette question, du moins de leur consacrer la majeure partie de notre
temps. Nous n'en ferons rien; du moins, m'est-il permis de l'espérer, en
rappelant à tous, membres de cette commission, intervenants et
observateurs, les grandes lignes de notre mandat qui consiste à
étudier le niveau d'immigration pour les années 1988 et 1989 en
tenant compte des besoins démographiques, économiques et
socio-culturels du Québec, de même que de ses obligations à
l'endroit de la communauté internationale et des familles à
l'étranger des nouveaux résidents québécois.
Voilà donc le contexte dans lequel nous entreprenons cette
étude en commission parlementaire, comme l'indiquait le 15 avril dernier
Mme la ministre, et je la cite: "en prenant pour acquis que l'admission des
immigrants demeure de juridiction fédérale et que le
Québec reconnaît les catégories d'admission de la loi
fédérale tout en demeurant maître d'oeuvre en ce qui
concerne le volume et la sélection des immigrants". Fin de la
citation.
En effet, on se souviendra qu'à la suite de l'entente
Couture-Cullen de 1978 le ministère a identifié l'exercice de
détermination des niveaux d'immigration comme un outil important pour la
mise en place de sa politique en cette matière. Il a
développé une problématique propre et a voulu
déterminer un niveau souhaitable d'immigration annuelle selon ses
objectifs et ses priorités. Je rappelle qu'il revient à la
ministre de définir les objectifs quant au nombre de ressortissants
étrangers admissibles au cours d'une période donnée en
tenant compte, encore une fois, des besoins démographiques,
économiques, sociaux et culturels du Québec. On voit qu'il s'agit
d'une volonté claire et ferme de lier l'immigration à une analyse
intégrée des capacités d'accueil du Québec.
J'insiste particulièrement sur le concept d'analyse
intégrée. En effet, l'immigration québécoise n'est
pas composée uniquement, ni même majoritairement, de
réfugiés, ce que pourrait laisser croire le contexte actuel. Les
mouvements migratoires se composent de diverses catégories d'immigrants,
qu'il s'agisse de travailleurs indépendants, de réfugiés
ou de membres qui désirent rejoindre leur famille déjà
établie au Québec. Notre analyse devra tenir compte d'un ensemble
de facteurs internes et externes qui se traduiront par une composition
équitable et juste de notre société non seulement pour les
deux prochaines années, mais encore pour le futur plus lointain.
Plusieurs porte-parole de la société
québécoise, dont les membres de cette commission à
l'occasion de leur étude sur les tendances démographiques, ont
par le passé souligné que, sur ce plan, le Québec
présente une situation inquiétante qui se caractérise par
un taux de natalité en très nette régression. Le facteur
immigration contribuera à amoindrir la conséquence
prévisible de la décroissance de notre population à la fin
du siècle. Certes, et on l'a déjà souligné,
l'immigration ne peut constituer à elle seule une panacée
à la situation démographique du Québec. Toutefois, elle
représente dans l'immédiat un élément essentiel
pour améliorer notre situation et atténuer les problèmes
posés par une population vieillissante.
De nombreux mémoires, à ta suite de la commission French,
dont celui, remarquable à mon avis, de l'Alliance des professeurs de
Montréal, recommandent au Québec de se doter d'une
véritable politique de la population dont les trois composantes
essentielles seraient l'immigration, la famille et l'adoption internationale.
Voilà une idée qui mérite, à mon avis, une place
importante dans nos discussions des prochains jours et, quant à la
commission, dans ses réflexions des prochains mois, de concert notamment
avec sa consoeur des affaires sociales.
Le volet économique ne pourra être esquivé non plus.
A cet effet, il est intéressant de constater qu'en 1987 - mes
statistiques datent par rapport à celles que Mme la ministre a
livrées ce matin - 1640 immigrants investisseurs viendront joindre les
rangs de l'entrepreneurship québécois. Cette année
seulement, les activités de ces investisseurs d'outre-mer engendreront
des retombées économiques de 300 000 000 $ au Québec.
Selon une étude du journal Les Affaires, édition du 1er
août 1987, la contribution globale des immigrants investisseurs à
l'économie du Québec en 1983 et 1984 s'élevait à
près de 1 000 000 000 %. Ce n'est pas peu. Avec le Conseil du patronat,
très favorable à cette catégorie d'immigrants, et la
Confédération des syndicats nationaux, qui s'en inquiète
quelque peu, nous approfondirons ensemble tous les volets de cette
question.
Au plan institutionnel, il est bon de se rappeler que c'est en 1968
seulement que le Québec a créé un ministère de
l'Immigration et affirmé ainsi sa volonté d'intervention dans ce
domaine crucial pour son avenir. Au début, les pouvoirs du Québec
dans ce secteur de compétence partagée étaient très
limités et l'objectif prioritaire visait à favoriser
l'intégration harmonieuse des immigrants à la
société québécoise. Tout au long de la
décennie suivante, le Québec s'efforcera d'accroître ses
capacités d'intervention, tant au plan du recrutement, de la
sélection qu'en ce qui a trait à l'accueil, à
l'établissement et à l'intégration harmonieuse des
immigrants au sein de la société québécoise, et
plus particulièrement, de sa majorité francophone, ce qui sera
acquis par la signature, en 1978, de l'entente
Couture-Cullen.
Il faut se réjouir, je pense, que les Québécois
appuient dans une large mesure ce recours à l'immigration pour pallier
le problème de la dénatalité dans leur
société. En effet, selon un sondage déjà
cité réalisé par SORECOM et rendu public jeudi dernier, il
ressort que 41 % des Québécois estiment qu'il faut maintenir
l'immigration à son niveau actuel, 19 % qu'il faut l'augmenter et 40 %
la diminuer.
Pour ce qui est des réfugiés proprement dits, l'opinion
suit à peu près la même tendance. L'accueil des
Québécois pour ces immigrants est réel puisque 61 %
d'entre eux estiment que l'immigration constitue une richesse culturelle pour
le Québec et que 59 % croient que les immigrants se sont
rapprochés de la majorité francophone au cours des dix
dernières années. En outre, 58 % des répondants sont
d'avis que l'immigration humanitaire est la plus importante, alors que 49 %
donnent leur préférence à l'immigration dite
économique.
Une analyse le moindrement approfondie de la question de l'immigration
permet de constater qu'elle constitue une composante de plus en plus importante
de la société québécoise. Rappelons qu'après
une période de quasi-fermeture de frontières, en raison notamment
de la crise économique des années trente et dé la guerre,
le Canada redevient un pays d'immigration dès l'après-guerre.
Entre 1946 et 1982, près de 5 900 000 immigrants y entrent et 965 000
d'entre eux, soit 16,4 %, ont comme première destination le
Québec. Le taux d'attraction du Québec est plus fort entre 1951
et 1967, oscillant généralement entre 20 % et 25 %. Par la suite,
il se maintient entre 15 % et 17 %, si bien que la proportion des
Québécois nés à l'étranger a progressivement
augmenté, passant de 5,6 % en 1951 à 8,3 % en 1981. Enfin, de
1980 à 1986, le Québec a accueilli 130 159 immigrants, soit une
moyenne annuelle de quelque 18 600. Pour la seule année de 1986, la
hausse est de 30 % avec 19 328 nouveaux arrivants.
Nous ne pourrons faire abstraction non plus, au cours des prochains
jours, du concept de société distincte. Au-delà des
querelles de mots où les subtilités juridiques n'en finissent
plus d'alimenter les conversations et les argumentations, le fait est que le
Québec est reconnu comme société distincte dans les textes
constitutionnels. Par conséquent, et plusieurs mémoires l'ont
signalé à juste titre, la question de l'immigration doit
être abordée de manière à en maximiser les
retombées afin que soient équilibrées les
différentes composantes de la société
québécoise. Sans doute n'est-il pas inutile de rappeler que le
Québec a réalisé progressivement que le problème de
la dénatalité pouvait constituer un handicap au maintien et
à l'épanouissement de cette société distincte
majoritairement francophone et a réalisé en même temps
l'importance de l'immigration. En ce sens, certains analystes, dont je suis,
avancent que l'entente Couture-Cullen de 1978, constitutionnalisée par
l'Accord d'Ottawa du 3 juin dernier, répond de façon plus que
satisfaisante aux attentes du Québec. À nous de faire en sorte
que les gains historiques enregistrés au lac Meech et confirmés
à Ottawa se concrétisent dans la réalité de tous
les jours. Je rappelle simplement que l'entente Couture-Cullen reconnaissait
dès 1978 que l'établissement des ressortissants étrangers
au Québec devait contribuer à son enrichissement socioculturel,
compte tenu de sa spécificité francophone. Déjà, la
société distincte...! Je rappelle aussi qu'à l'occasion
des discussions devant mener è l'entente de 1978, le Québec a
fait savoir qu'il entendait sélectionner ceux des ressortissants
étrangers qui pourraient s'intégrer rapidement et avec
succès à la société québécoise.
En ce qui a trait à la connaissance du français, les
documents gouvernementaux soulignent que les immigrants admis au cours de la
période 1980-1986 se répartissaient de la façon suivante
au moment de leur entrée au Québec: 40 % déclaraient
ignorer les deux langues; 26 % connaissaient uniquement le français; 22
% uniquement l'anglais, tandis que 11 % comprenaient le français et
l'anglais. D'ailleurs, ceux et celles qui témoigneront devant cette
commission ne manqueront pas de souligner que le gouvernement du Québec
doit poursuivre sinon augmenter ses efforts en vue de l'intégration des
immigrants à la société québécoise.
Dès avant que ne commencent les travaux de cette commission, je me
déclare d'accord avec eux. Ce que nous recherchons tous, à des
degrés divers et avec des moyens différents, c'est
l'intégration harmonieuse des immigrants à la
société québécoise. Celle-ci, ainsi que nous le
rappelle la commission French, pour la citer encore une fois, devient chaque
jour davantage une société francophone multiculturelle.
C'est à partir de3 grands concepts de liberté et d'accueil
que furent élaborés au cours des années et à
travers différents gouvernements de différentes tendances les
ententes entre Ottawa et Québec en matière d'immigration. La
société québécoise fait partie d'un pays dont le
préjugé favorable à l'accueil des immigrants fut
historiquement constant. Le Québec a véritablement
institutionnalisé son processus d'accueil des immigrants, mis en place
des structures de formation et d'intégration en fonction du
caractère distinct de sa société, créé des
programmes d'aide et de soutien qui font l'admiration de plusieurs pays.
Malgré les progrès réalisés, il faut
continuer à améliorer le système actuel d'accueil des
immigrants. Il ne s'agit pas pour nous, aujourd'hui, de réinventer ce
qui a été trouvé. Il s'agit plutôt d'appliquer le
plus rigoureusement possible les conséquences des politiques
adoptées. Il s'agit également de tenir compte des tendances qui
se profilent au sein de notre société.
Dans ce domaine comme dans tant d'autres, le Québec cherchera par
tous les moyens à développer sa personnalité propre, sa
spécificité et ses particularismes de façon à
réaffirmer sa distinction par rapport au reste du Canada.
À plus long terme, nous ne pourrons que .conclure, me
semble-t-il, qu'en fonction des tendances présentes et futures, le
Québec devra se doter d'une véritable politique de la population
afin de raffermir, encore une fois, son concept de société
distincte. Déjà, cette commission avait établi des
constats importants sur la question de la dénatalité au
Québec. Aujourd'hui, elle aborde un volet tout aussi essentiel de la
société distincte que nous constituons: le niveau de son
immigration.
Je suis maintenant prêt à reconnaître un membre de la
formation du Parti québécois. M. le député de
Mercier, je crois?
M. Godin: De l'Opposition.
Le Président (M. Trudel): Oui, de l'Opposition. M. le
député de Mercier.
M. Gérald Godin
M. Godin: Comme je meurs d'envie d'entendre nos invités,
je vais être très très bref, M. le Président.
Il y a dix ans, le Québec choisissait ses immigrants. Maintenant,
depuis quelques années, c'est le Québec qui est choisi par les
réfugiés et leur nombre croft d'année en année avec
le résultat qu'on peut dire que le pourcentage de choisis est de plus en
plus minime par rapport au pourcentage de ceux qui nous choisissent.
Je pense qu'il y a une étude en cours au ministère de
l'Immigration du Québec sur la performance des "boat people" d'il y a
cinq ou dix ans, je ne me souviens pas trop. On constatait à
l'époque, déjà, qu'ils réussissaient aussi bien au
Québec que ceux qu'on avait sélectionnés nous-mêmes,
ce qui pose des questions sur l'importance d'avoir une machinerie tellement
compliquée et complexe qu'on appelle "grille de sélection" et
tout autre moyen de choisir des gens pour qu'ils s'intègrent au
Québec, alors qu'on constate que ceux qui nous ont choisis
réussissent aussi bien que ceux qui ont été choisis.
Donc, au fond, est-ce que cela n'illustre pas qu'un imprévu est
toujours ce qui arrive de plus et que la réalité, le dynamisme
des réfugiés est tellement fort que, peu importe où ils
vont, ils réussissent et, peu importe d'où ils viennent, ils
réussissent au Québec, quand même, comme, d'ailleurs,
partout dans le monde.
Le seul point qui me gêne un peu dans ce nouveau facteur où
nous sommes choisis par un grand nombre de personnes, c'est qu'avant le
Québec choisissait les réfugiés les plus démunis du
monde. Je me souviens, entre autres, qu'au Vietnam on avait choisi des "dying
boats" dont personne ne voulait au monde et d'autres qroupes qui étaient
les plus démunis des réfugiés possible. Ces groupes sont
maintenant probablement éliminés de la carte ou personne ne les
choisit plus. Ainsi, à l'époque, le Québec pouvait jouer
un rôle encore plus généreux à l'égard des
réfugiés démunis, ce qui a d'ailleurs valu, je pense, au
Canada, la médaille Hansen de l'ONU, il y a quelques années. (11
h 30)
Ce groupe-là, aujourd'hui, m'inquiète de plus en plus
parce que, comme le nombre de réfugiés dans le budget du
Québec est déjà couvert par ceux qui nous choisissent, on
ne peut plus accueillir comme avant les réfugiés choisis par
nous, à Bangkok ou ailleurs, dans les camps de réfugiés,
et, donc, on ne s'en occupe plus, et je pense que c'est une perte pour ce que
j'appellerais la mission de solidarité du Québec. J'aimerais que
le ministère nous informe sur sa volonté à l'égard
de ces groupes de réfugiés très démunis, en fait,
les plus démunis de la terre, si on peut dire. Qu'advient-il d'eux,
maintenant que les budgets sont affectés à des
réfugiés qui nous ont choisis? Est-ce qu'il y a encore une
volonté au Québec de faire l'impossible pour faire davantage pour
les réfugiés dont personne ne veut et que les organismes
éliminent de leurs listes de candidats à l'immigration vers
d'autres pays?
Je pense que, dans ce domaine, plus on donne, plus on reçoit. Il
faut donc que le Québec garde sa réputation d'hospitalité,
d'une part, et il faut, d'autre part, que le gouvernement fasse un travail de
pédagogie et de sensibilisation auprès des
Québécois et des Québécoises, C'est ce qui
distingue le Québec des autres provinces canadiennes et c'est ce qui
explique aussi que le Québec a, semble-t-il, d'après les
sondages, un esprit d'accueil et une ouverture plus grande que les provinces
anglaises du Canada, d'après les sondages faits à Ottawa par la
maison Décima et, au Québec, par Sorecom et qui illustraient que
le Québec, depuis quelques années déjà, avaient une
performance plus généreuse que le reste du Canada anglais. Je
pense qu'il faut donc que cette mentalité se maintienne, et les
politiciens ont un rôle très important à jouer dans ce
domaine. Ce sont eux, en fait, les porte-parole de la
générosité du Québec et ce sont eux qui, par
des faits concrets, économiques et autres, montrent que l'immigration au
Québec, aussi bien des réfugiés que des immigrants choisis
par nous, est un facteur positif. En fait, ce que nous accueillons ainsi, ce
sont des enfants tout faits, tout simplement. Ils contribuent donc au
développement économique du Québec de toutes sortes de
manières. J'aimerais entendre aussi nos invités, tout à
l'heure, sur cette question. Est-ce qu'ils ne croient pas, en tant que membres
d'un groupe plutôt économique que social ou autre, qu'au plan
économique pur, les réfugiés contribuent eux-mêmes,
par leur nombre seul qui augmente celui des consommateurs au Québec,
à faire que l'économie du Québec roule mieux et se
développe plus rapidement? C'est une question que je poserai, à
mon heure, à nos invités, mais mes propos sont ceux-là
pour l'instant.
M. le Président, je vous remets la parole.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Mercier. Est-ce qu'un membre du groupe
ministériel ou Mme la ministre veut ajouter des remarques?
Mme Louise Robic (réplique)
Mme Robic: Merci, M. le Président. J'ai
écouté avec beaucoup d'intérêt les remarques du
député de Saint-Jacques et celles du député de
Mercier. J'espère que votre "briefing", M. le député de
Mercier, va se continuer avec le député de Saint-Jacques et que
vous allez réussir à lui passer votre esprit positif. J'ai
trouvé le député de Saint-Jacques un peu négatif,
surtout à la suite du dernier sondage. J'ai remercié la
commission d'avoir accepté de traiter des niveaux d'immigration. Je
pense que c'est important. Dans cette commission, plusieurs groupes se feront
entendre et je pense que nous allons pouvoir traiter des problèmes qui
les touchent et qui les inquiètent. Je vous avoue que les dates nous ont
peut-être été un peu imposées à cause des
contraintes de temps, mais c'est également à cause des
contraintes de cette commission même, qui doit se pencher sur d'autres
sujets. Mais, comme c'est un été tranquille au Québec,
tout va très bien au Québec et que nous sommes la seule
commission, je suis sûre qu'elle va apporter un intérêt tout
particulier auprès de la population.
Encore une fois, M. le député de Saint-Jacques, il serait
important que vous discutiez avec M. le député de Mercier des
ententes constitutionnelles, car lui a trouvé que nous avions fait des
gains importants à ce niveau. On est bien d'accord avec lui. Non
seulement l'entente Couture-Cullen se trouve constitutionnalisée, mais
nous augmentons notre possibilité de sélection, nous
récupérons la sélection sur place qui n'était pas
dans l'entente Couture-Cullen et nous avons des garanties annuelles pour
décider de nos niveaux d'immigration; nous récupérons
également les services d'accueil, d'adaptation et les services
linguistiques. Ce sont des gains importants qui sont inclus dans la
constitution. Donc, cela ne dépend plus seulement de la bonne
volonté du gouvernement fédéral.
Ici, j'aimerais également vous rappeler qu'il ne s'agit pas
nécessairement de l'importance de l'intégration dans la
société québécoise francophone de ces immigrants;
nous sommes tous d'accord sur cette importance et qu'il faut intégrer
les immigrants le plus rapidement possible après leur arrivée. Ce
n'est certainement pas en niant l'existence d'autres langues sur notre
territoire que nous allons faciliter l'intégration de ces personnes,
mais bien en mettant en place les moyens pour la faciliter. Je voudrais vous
rappeler que nous avions mis en place des classes maternelles d'accueil
à plein temps que votre gouvernement a fait disparaître. Votre
gouvernement a également refusé de franciser les revendicateurs.
Nous avons mis en place, depuis notre arrivée, des programmes importants
de francisation. Non seulement nous avons permis aux revendicateurs de suivre
des cours de français, mais nous avons également
créé un programme spécial pour aider les femmes à
domicile, les mères de famille, à apprendre le français et
à aider la famille à s'intégrer à la
société francophone.
Nous avons su reconnaître les besoins. L'étude nous montre
que nos priorités ont été bien choisies et je m'en
félicite. Je vois ici, dans la salle - on a parlé des enfants de
l'école - le président de la CECM; je tiens à
féliciter la CECM pour les efforts qu'elle fait, depuis quelques
années, pour intégrer Ies enfants de ces immigrants à
leurs classes. Je dois également féliciter mon confrère,
le ministre de l'Éducation, qui est à mettre en place les
recommandations du rapport Chancy.
Donc, le gouvernement a certainement fait des pas de géant pour
l'intégration des immigrants dans la société francophone.
Je m'en félicite et je pense que c'est avec optimisme... D'ailleurs, les
Québécois nous le disent, ils sont d'accord avec nous, ils sont
optimistes quant à l'avenir du français au Québec, ils
sont d'accord que nous avons besoin d'immigrants. Plus on connaît ces
immigrants, plus la population les apprécie. Alors, c'est certainement
très positif. C'est dans cette optique que, j'espère, nous allons
pouvoir entendre ces mémoires et, ensemble, trouver des solutions aux
problèmes demeurants.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme
la ministre. Je vais reconnaître maintenant Mme la
députée de Maisonneuve, en lui faisant remarquer qu'il reste
treize minutes à l'Opposition dans le cadre de l'enveloppe des remarques
préliminaires. Mme la députée.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je pense que mon
intervention va compléter la période de temps qui était
allouée, à l'ouverture de cette commission, aux parlementaires.
Alors, que nos invités ne s'inquiètent pas, c'est dans treize
minutes que tout cela va se terminer.
Je pense que c'est important, et loin de moi l'idée d'introduire
une polémique. Je pense qu'on en a souvent l'occasion et qu'il y aura
d'autres lieux et d'autres moments pendant toute cette année pour faire
cet exercice qui consiste à dire que nous en avons fait moins que vous
en faites, mais je crois que nous sommes ici pour savoir ce que l'on peut faire
de mieux. Et c'est quand même réjouissant - je veux le souligner -
de se rendre compte qu'au Québec et dans cette Assemblée
nationale, les partis politiques qui y siègent sont "consensuels" pour
confirmer et transmettre à l'ensemble de la population les avantages
positifs que représentent l'enrichissement et la contribution qui
constitue l'immigration. Je pense qu'il faut s'en réjouir parce qu'il y
a peu de sociétés occidentales, il y a peu de
sociétés industrielles avancées où il y a ce niveau
de consensus. Et il faut se réjouir aussi que tous les groupes qui
présenteront devant cette commission des mémoires, durant les
audiences, soient unanimes à considérer que l'immigration est une
richesse économique, sociale et culturelle pour le Québec et un
facteur d'épanouissement.
On peut penser qu'il y a, oui, encore des attitudes, des comportements
privés qui peuvent être répréhensibles ou
discriminatoires, mais il faut constater que dans notre société,
d'abord, aucun parti politique ni aucun mouvement organisé ne
prône une hostilité ouverte à l'égard des nouveaux
arrivants ou des attitudes racistes à l'égard de ceux qui sont
devenus nos concitoyens. Je pense qu'on va sortir gagnants de cet exercice. Je
me réjouis, comme membre de l'Opposition, je me réjouis aussi
comme Québécoise, comme Montréalaise qui représente
la circonscription la plus francophone de l'île de Montréal, je me
réjouis de cet exercice que nous faisons présentement. Je l'ai
souhaité depuis longtemps et je suis contente qu'il ait lieu, il n'est
jamais trop tard pour bien faire. Je souhaite, comme le président,
à titre de vice-présidente de cette commission, que cet exercice
puisse avoir lieu dans les années qui viennent, durant nos travaux
parlementaires, mais je suis contente qu'il ait lieu parce que cela nous permet
un exercice réfléchi et dédramatisé des manchettes
spectaculaires qui sont le pain quotidien, il faut bien le reconnaître,
et légitime des médias d'information. C'est un exercice dont nous
ne pouvons sortir que gagnants parce qu'il va nous permettre, avec les groupes
qui se présenteront devant nous, certainement d'ébaucher,
d'entreprendre un débat de société pour en arriver
à élaborer un projet de société concernant
l'immigration.
La seule ombre au tableau, en ce qui me concerne, c'est le constat du
peu de groupes qui ont accepté l'invitation de la commission. Je me suis
demandé comment il se faisait que nous n'entendrons que 15 des 51
groupes qui ont été invités à se présenter.
Personnellement, je regrette, évidemment, l'absence de tous ceux qui ne
viendront pas, mais je regrette, entre autres, l'absence du PSBGM et du centre
de services sociaux Ville-Marie. J'aurais souhaité, comme
Montréalaise, les entendre aussi, puisque nous savons qu'ils ont mis sur
pied des programmes d'accueil importants et j'aurais souhaité faire le
point avec eux sur la philosophie qui les anime. Je me suis demandé
pourquoi. Je n'ai pas, évidemment, d'explication. Je me suis dit que
c'est peut-être un peu comme dans les rapports privés. Il y a des
sujets dont on ne parle pas, parfois, dans nos rapports privés. En
général, on ne parle pas de religion, de sexe ou de statut
matrimonial, on évite ces sujets parce qu'on les craint. Il y a
peut-être encore des sujets, dans notre société, la
condition féminine en est un, que beaucoup d'entre vous évitez
parce que ce sont des sujets qui sont parfois glissants. Je me suis dit que,
peut-être, l'immigration est encore un sujet glissant. Et je me rendais
compte, à la lecture des groupes qui ne s'étaient pas
présentés, pour un très grand nombre, qu'il s'agissait de
groupes des communautés culturelles elles-mêmes qui,
peut-être, se sentent un peu, disons, en réserve sur cette
question de l'immigration, mais beaucoup d'organismes institutionnels, qui ont
à être partie prenante d'un projet d'intégration et
d'accueil. Beaucoup, finalement, ont décliné l'invitation.
D'autre part, je pense, M. le Président, que cette commission
aura à se poser des questions de fond et à
réfléchir avec nos invités sur des questions de fond.
Quand on parle de société distincte... Vous faisiez mention que,
déjà, la commission parlementaire présidée par
l'actuel ministre French, dont je faisais partie dans le
précédent gouvernement, avait fait une étude assez
exhaustive de toute cette question et que le titre de cette étude
mentionnait déjà l'appellation "société distincte".
Il faut se rendre compte que ce sont quand même des bouleversements
majeurs que vit une société, quand la spécificité
consiste à être une
société à caractère français et non
plus une société à caractère
canadien-français. Cela reste quand même un bouleversement assez
fondamental quand on accepte de se définir avec le caractère
multi-ethnique d'une société pluraliste. (11 h 45)
Donc, quand l'appellation "Québécois" -mon collègue
de Mercier l'a déjà dit -recouvre cent et une origines diverses
et plus, il reste fondamentalement important que cette nouvelle identité
québécoise parce que ce que cela pose comme question.,. Les
débats que nous aurons posent la question de notre avenir culturel,
démographique et linguistique. Il ne faut certainement pas faire un
glissement entre la dimension culturelle et la dimension linguistique. Autant,
et j'en suis, on peut favoriser et soutenir une société
pluriculturelle, autant on peut souhaiter, et j'en suis, être assez
intransigeant sur cette question, que cette dimension pluriculturelle se fasse
en français.
Il faut vraiment accepter, M. le Président, que le
caractère pluraliste de notre avenir culturel, le caractère
multiethnique de notre société ne soit en rien dissocié du
souci d'en préserver le caractère francophone. De part et
d'autre, cela fait appel à la responsabilité, pour la
majorité dite canadienne-française, de se concevoir comme
Québécois d'origine multi-ethnique en français, tandis
que, pour les nouveaux arrivants, il s'agit de se voir comme étant dans
une société française, parce qu'il faut qu'il y ait une
culture d'accueil. Dans la mesure où on accepte le pluriculturalisme,
dans la mesure où on le favorise, on n'a quand même pas à
oublier que, dans tout pays, où que l'on arrive, il y a toujours une
culture et une langue d'accueil, dans quelque pays que ce soit. Et il y a un
minimum d'estime de soi, comme collectivité, que l'on doit avoir pour
s'assurer que cette langue et cette culture d'accueil, autant
généreuses et accueillantes puissent-elles être, soient
celles de la majorité. Cela fait appel évidemment, je crois,
à des questions de fond qui ne sont pas des inquiétudes, mais,
gouverner, c'est prévoir. Ce sont des questions que l'on pose, pour cet
avenir collectif que l'on veut non pas se préserver, mais que l'on veut
affirmer. Ces questions sont notamment celles qui concernent l'admission de
plus d'immigrants connaissant le français. Faut-il favoriser
l'immigration francophone? De quelle façon peut-on la favoriser? Faut-il
modifier la grille de sélection des immigrants? Faut-il augmenter le
nombre de points attribués à la connaissance du français?
Ce sont là des questions auxquelles il faudrait quasiment avoir des
réponses lorsqu'on va sortir de ces trois jours de commission.
D'autre part, ne faut-il pas aussi se poser la question de
l'établissement? On se dit souvent: Finalement, le Québec est
grand, six fois la superficie de la France; le Québec est une terre qui
peut recevoir des immigrants, mais il ne faut pas oublier que 92 % des nouveaux
arrivants s'installent sur un territoire qui est l'équivalent du
Luxembourg, c'est-à-dire sur le territoire de l'île de
Montréal. Quand on pense, par exemple, qu'il y a 25 000 nouveaux
arrivants par année, en quatre ans, cela donne 100 000 personnes. 2 000
000 de gens vivent sur l'île de Montréal, c'est donc 5 % de ce
nombre. En huit ans, à 25 000 nouveaux arrivants par année, c'est
10 %; en douze ans, c'est 15 %. Est-ce qu'on peut continuer de laisser une
situation, qui va s'amplïfiant, où nous avons un Québec des
régions de plus en plus canadien-français et francophone et un
Montréal multi-ethnique, mais - disons-nous la vérité - de
plus en plus anglophone?
Les transferts linguistiques. Le Bureau de la statistique est tout
à fait clair et éloquent sur cette question, les derniers
recensements le confirment: les transferts linguistiques se font en faveur de
l'anglais pour deux nouveaux arrivants sur trois. Est-ce qu'on n'a pas
l'inquiétude de voir se profiler, face à face, un Québec
multiethnique bilingue ou de plus en plus anglophone et un Québec des
régions francophone? C'est une autre question qui nous amène
nécessairement à nous poser la question de
l'établissement. Il n'y a pas de solution toute faite qui puisse faire
comme un gant, être prête à porter. Sauf qu'il nous faut
certainement, comme commission et avec nos invités,
réfléchir sur la question de l'établissement. Faut-il,
à ce moment-là, un Montréal plus français ou
peut-on, efficacement, en arriver à un établissement dans les
capitales, tout au moins, des régions? Quelles sont les conditions,
quelles sont les mesures qui pourraient favoriser un établissement en
régions? Cela me semble vraiment inacceptable de penser que tous les
nouveaux arrivants, ou la très grande majorité - pour ne pas dire
la totalité d'entre eux - ne s'installent que sur l'île de
Montréal. Il y a là, donc, des questions de fond et je souhaite
que nous puissions, comme commission parlementaire, les examiner avec nos
invités. Je pense que, oui, l'immigration est un facteur
d'enrichissement mais il ne faut pas qu'elle devienne un facteur
d'instabilité linguistique. Il faut que ce soit un enrichissement
à tous les égards et la connaissance du français langue
seconde n'est pas suffisante.
Pour terminer, M. le Président, je dirai qu'il faut s'assurer des
mesures qui vont franciser d'une façon irréversible, parce que la
connaissance du français langue seconde, qui est souhaitable autant que
la connaissance de l'anglais l'est, est loin d'être suffisante quand la
langue de travail ou la langue d'usage est l'anglais.
J'ai vécu récemment une expérience,
dans un restaurant grec, à Montréal où, me faisant
offrir le service en anglais et leur demandant de parler français, je me
suis fait répondre: "Do you speak Greek, you?" Parce que le grec ou le
français, ou 'le portugais, pour beaucoup de nouveaux arrivants, sont
des langues de communauté, la langue d'usage étant l'anglais.
C'est une situation qui, évidemment, à moyen terme, porte en soi
des germes de conflits, de confrontation, et je souhaite, M. le
Président, que nous mettions à profit cette commission pour
examiner sérieusement les différents programmes qui permettront
d'assurer l'intégration harmonieuse dans la société
québécoise mais dans la majorité francophone. Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la
députée de Maisonneuve. L'enveloppe ministérielle
étant constituée de 30 petites secondes, Mme la ministre m'a fait
signe et a consenti, de bonne grâce, à accorder 30 secondes de
plus à Mme la députée de Maisonneuve.
Auditions
J'invite nos premiers invités, le Conseil du patronat du
Québec, à prendre place à la table des témoins; ce
qui est déjà fait, doit se dire M. le président, depuis 90
longues minutes ou à peu près. Je vous souhaite au nom de la
commission, M. le président du Conseil du patronat, ainsi que vos
collègues, la plus cordiale des bienvenues. Il vous revient la
tâche agréable et aussi, sans doute, un peu dangereuse de lancer
la balle, de faire rouler la balle, de lancer le débat.
Vous êtes un habitué de ces commissions, M. le
président. J'aimerais, pour les fins d'enregistrement du Journal des
débats, que vous nous présentiez, en disant où ils
sont situés physiquement, les membres de votre délégation.
Je vous rappelle que vous avez plus ou moins, mais moins que plus, 20 minutes
pour résumer votre mémoire et qu'on aura 40 minutes d'entretien
avec votre organisme.
M. le président, je vous cède la parole.
Conseil du patronat du Québec
M. Dufour (Ghislain): Je vous remercie, M. le Président.
Mesdames, messieurs, je vous présente mes collègues. A mon
extrême gauche, Me Jean Roberge, conseiller juridique et directeur
adjoint de l'Association des mines de métaux du Québec. M.
Jacques Garon, économiste - ce sera utile tout à l'heure -
directeur de la recherche au Conseil du patronat. Immédiatement à
ma. droite, M. Alexandre Beaulieu, entrepreneur et membre du comité
exécutif du CPQ et président d'Alexandre Beaulieu Inc., et M.
Denis Demers, vice-président exécutif de la
Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec.
Le Président (M. Trudel): M. le président, je me
permettrai de mentionner votre nom, ce que j'ai oublié, mais vous
êtes identifié depuis tellement longtemps au Conseil du patronat
que parler du Conseil du patronat, c'est parler de Ghislain Dufour. Alors, pour
les fins d'enregistrement du Journal des débats, M. le président
du Conseil du patronat, Ghislain Dufour.
M. Dufour (Ghislain): Oui, M. Trudel, député de
Bourget.
Le Président (M. Trudel): Je souhaite que dans quinze ans
on dise cela, oui.
M. Dufour (Ghislain): Beaucoup de choses ont déjà
été dites, effectivement, durant ces 90 minutes, des choses que
nous voulions dire et qui ont été dites. Vous nous permettrez
quand même de les redire, notre mémoire étant relativement
court. Alors, je vous le lis, étant donné que c'est une
synthèse de notre argumentation.
Nous avons pris connaissance avec beaucoup d'intérêt des
documents préparés par le ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration sur les niveaux d'immigration qui pourraient
être acceptables par le Québec au cours des années 1988 et
1989. Je dis bien que notre mémoire porte sur les niveaux et non pas sur
la composition de ces différents niveaux, pour faire
référence à la dernière intervention de Mme
Harel.
Le Conseil du patronat du Québec regroupe 126 associations
patronales de tous les secteurs de l'activité économique
québécoise et plus de 425 entreprises également de tous
les secteurs et de toute taille. Il représente ainsi, directement ou
indirectement, les employeurs d'environ 70 % de la main-d'oeuvre
québécoise.
Il va donc sans dire que le dossier de l'immigration, par ses liens avec
le développement économique - bien sûr, on est aussi
préoccupé par le développement social et culturel, mais
par ses liens directs avec le développement économique - lui
tient à coeur et l'intéresse grandement. C'est donc en fonction
de cet intérêt évident pour tout ce qui touche le
développement économique - et vous me permettrez de le dire
dès le départ, M. le Président - et non à titre de
spécialiste des problèmes de l'immigration, que le Conseil du
patronat du Québec vous livre ces quelques réflexions.
D'entrée de jeu, nous tenons à dire que nous appuyons
fermement une politique d'immigration plus ouverte au Québec, compte
tenu du fait que, malgré une attitude plus libérale prévue
en 1987, nous n'accueillerons toujours que 17 % de
l'immigration canadienne, alors que le Québec représente
26 % de la population du pays. Nous souscrivons également à
l'objectif d'atteindre 25 % de l'immigration canadienne au cours des prochaines
années. Comment y arriver? On pourra en discuter lors de nos
échanges, Nous sommes finalement d'accord pour que l'on admette plus
d'immigrants indépendants et, donc, que l'on favorise davantage
l'immigration à caractère économique, tout en
reconnaissant l'importance de l'immigration humanitaire. Nous allons y
revenir.
Ces grands objectifs doivent cependant tenir compte des besoins
démographiques et économiques du Québec.
D'abord, quelques considérations démographiques. Avec un
taux de natalité en régression ayant pour conséquence
prévisible la décroissance de la population dès la fin du
siècle, il est clair que l'immigration internationale, en tant qu'apport
de population, constitue un des facteurs de croissance de la population. Son
incidence sur la taille et sur la croissance de la population s'amplifie avec
le temps puisque la population immigrée est au fil des ans
alimentée non seulement par les nouveaux venus mais aussi par sa
descendance en sol québécois. Jusqu'en 1985, on y a fait
référence tout à l'heure, l'immigration n'était pas
suffisante et la position du Québec, au plan du solde migratoire
interprovincial, était négative. Les derniers chiffres que nous
avions c'est qu'en 1985 la population du Québec a enregistré un
gain net de 3900 personnes, ce qui était la première augmentation
depuis cinq ans.
Les statistiques préliminaires du rencensement de 1986 font
état d'un Québec qui vieillit avec une croissance de la
population très faible et des niveaux d'immigration tout aussi faibles.
En 1985, par exemple, le taux de fertilité au Québec était
de 1,4 par femme, soit le plus bas parmi toutes les provinces canadiennes alors
que la moyenne était de 1,7. Dans les deux cas, c'est insuffisant,
puisqu'il faut un taux de 2,1 minimum, selon tous les démographes, pour
assurer la relève des futures générations. Par ailleurs,
et on ne le soulignera jamais assez, le nombre de personnes âgées
de 65 è 74 ans a augmenté de 50 % au Québec en quinze ans
et, de 75 ans et plus, de 76 %. En 1986, il y avait plus de 650 000 personnes
de 65 ans et plus au Québec. Si l'on en croit les démographes, il
y en aura près de 1 000 000 dans moins de 20 ans.
Un petit tableau nous indique une progression presque exponentielle. En
1961, les 65 ans et plus ne constituaient que 5,7 % de la population
québécoise, en 1986, 9,9 %, en l'an 2006, ce serait 13,7 %. Si on
regarde aussi les gens de 40 à 64 ans, on voit la même
progression, 22 %, 26 % et 36 %. On peut imaginer qu'il y en a qui sont dans la
soixantaine. Donc, il y a quelque chose de préoccupant. Or, les niveaux
d'immigration actuels sont insuffisants pour pallier à cette carence
démographique puisque nous n'accueillons, répétons-le, que
17 % de l'immigration canadienne alors que nous représentons 26 % de la
population du Canada,
C'est pourquoi une politique d'immigration ouverte est essentielle au
Québec, rien que pour assurer le renouvellement des
générations futures. Voilà notre première
conclusion.
Le CPQ partage donc les principales recommandations formulées
à cet égard par la commission French et le Conseil des
communautés culturelles et de l'immigration, dans son avis du 5 mai 1986
- avis qu'on qualifie, d'ailleurs, de très fouillé et d'excellent
- selon lequel "l'immigration doit dans l'immédiat constituer le
principal élément devant contribuer à améliorer la
situation démographique du Québec." (12 heures)
Considérations économiques maintenant. Le déclin
démographique a aussi des conséquences économiques. On
peut en citer trois. Il y en aurait plusieurs autres mais, à sa face
même, il y en a trois qui nous apparaissent importantes, soit
l'alourdissement du poids démographique et économique des
personnes âgées auquel on vient de référer;
deuxièmement, la plus grande place occupée par la dépense
publique en biens et services et, troisièmement, la réduction de
l'épargne nette qui reste disponible pour le financement des nouveaux
investissements en équipements.
Étant donné que les immigrés reçus au
Québec depuis quelques années sont en moyenne âgés
de 16 à 30 ans et qu'une part relativement importante est très
scolarisée, leur apport économique est, de toute évidence,
bénéfique.
Par ailleurs - on a souligné cela parce que cela nous
apparaît un paragraphe important dans tout le dossier de l'immigration -
de nombreuses études réalisées à ce jour
démontrent que l'immigration ne concurrence pas indûment les
travailleurs sur place. Si les compétences professionnelles des
travailleurs immigrants sont prises en compte lors de la sélection et
correspondent aux perspectives à moyen terme de la structure d'emploi,
il n'y a aucune raison de craindre que les immigrants indépendants ne
viennent grossir le rang des chômeurs au Québec d'autant plus
qu'une partie de cette catégorie d'immigrants - M. le Président,
vous en avez parlé - est composée d'entrepreneurs et
d'investisseurs qui ont eux-mêmes un effet d'entraînement sur la
création des emplois au Québec dans bon nombre de secteurs parce
qu'ils ne sont pas purement dans l'immobilier. Ils sont dans le secteur
manufacturier et ils sont dans le
secteur des services.
C'est ce qu'affirme d'ailleurs Samuel et Conyers dans une étude
commandée par le gouvernement fédéral et que citait dans
son avis du 5 mai 1986 le Conseil des communautés culturelles et de
l'immigration. Je cite les auteurs: "Les immigrants sont susceptibles de
créer plus d'emplois qu'ils n'en occupent. Même en 1983-1984,
année où la conjoncture économique commençait tout
juste à être plus favorable, les immigrants auraient
créé plus d'emplois qu'ils n'en auraient occupés." Ils
estiment que si la composition de l'immigration, en termes d'âge, de
catégories d'admission, de taux d'intégration au marché du
travail, de propension à consommer, demeure inchangée, le
potentiel de création d'emplois continuerait de se réaliser avec
une immigration accrue. Selon eux - c'est la phrase importante de l'analyse
"l'immigration doit être vue comme ayant un effet positif sur
l'emploi."
Il y a aussi une autre étude qui est citée par le
même conseil, c'est l'étude de Mario Polèse et Agnès
Lê Minh. C'est un peu plus vieux, soit 1978, mais cela permet de
constater que, de façon historique, alors qu'ils affirmaient en 1978 que
l'immigration avait eu très peu d'influence sur les taux de
chômage, cela est reconfirmé une dizaine d'années plus tard
ou à peu près par l'étude du fédéral qui est
citée par le Conseil des communautés culturelles et de
l'immigration, comme je le dis.
Alors, considérations démographiques,
considérations économiques et considérations humanitaires.
Le CPQ est d'accord avec ceux qui considèrent que le Québec doit
poursuivre l'objectif humanitaire qui consiste à accueillir sur son sol
un certain nombre de personnes en situation particulière de
détresse. Il n'a aucune objection à ce que le volet humanitaire
soit partie intégrante de la politique d'immigration
québécoise. Pour bien se camper, on passe pour des gens qui se
préoccupent surtout et davantage de l'économique, mais nous
disons que c'est un volet absolument important de la politique. Encore faut-il
cependant que l'on maintienne un véritable équilibre entre le
nombre d'immigrants admis pour des considérations humanitaires et le
nombre d'immigrants indépendants.
Votre document de consultation, Mme la ministre, fait état de
5000 admissions de type humanitaire en 1987 ou à peu près, dont
4000 à titre de réfugiés sélectionnés
à l'étranger, soit 25 % du total des immigrants attendus. 11 y
aurait donc un immigrant admis pour des motifs humanitaires pour deux
immigrants admis au titre de l'immigration économique. Je sais que vous
n'avez pas de politique officielle à l'intérieur de votre
ministère sur cette question, mais nous disons que c'est une proportion
que l'on ne saurait dépasser.
Quant aux revendicateurs du statut de réfugié, ils ont
nettement créé un problème au Canada et au Québec
au cours des dernières années. S'il est évident en effet
qu'un certain nombre de ces revendicateurs du statut de réfugié
sont d'authentiques réfugiés, une bonne proportion d'entre eux
correspond à d'autres types d'immigration. Le Québec doit donc
être très vigilant à cet égard. En effet, si le
Québec doit être un sol accueillant, il ne lui incombe pas moins
de contrôler, et en quantité et en qualité, le nombre
d'immigrants qui souhaitent venir s'établir chez lui. Voilà
pourquoi nous partageons pleinement le point de vue exprimé à cet
égard dans le document de consultation selon lequel, et je cite: "il
paraît indispensable, dans une politique d'immigration, que le mouvement
migratoire ne paraisse pas incontrôlable, ni imposé par les
pressions de l'extérieur."
Quelques autres considérations, M. le Président. Il y en a
quatre. Ce sont des éléments de discussion.
Premièrement, certains problèmes vécus par de
nombreux réfugiés ne facilitent guère leur
intégration à la société québécoise.
Cela suppose que dans le cadre d'une hausse de l'immigration l'on fournisse des
efforts supplémentaires en matière d'accueil et surtout que l'on
mette sur pied un système permettant de suivre les
réfugiés démunis de façon à faciliter au
maximum leur insertion sur le marché du travail. La question qu'on se
pose - on n'a pas totalement regardé tous vos budgets, Mme la ministre,
mais cela nous apparaît aller en dents de scie: Est-ce qu'on dispose des
ressources financières pour ce faire?
Deuxièmement, le Québec a adopté une politique de
non-discrimination vis-à-vis des demandes d'immigration. Des points
additionnels peuvent cependant être accordés selon la connaissance
du français et la profession du conjoint ou encore en fonction du nombre
d'enfants de moins de treize ans. Voilà autant de règles qui
tentent certes de favoriser, et on est d'accord avec ça, une meilleure
intégration des immigrants à la majorité francophone mais
qui ne vont pas nécessairement dans le sens de la
non-discrimination.
Lorsqu'on a écrit ça, on n'était pas tout à
fait sûr et on a fait vérifier cela par des conseillers
juridiques. Notre crainte était que cela aille contre la Charte des
droits et libertés de la personne. Je vois qu'on fait de grands non. On
vous confirme nous aussi que c'est non mais on avait un peu cette
crainte-là parce que vous avez une charte qui empêche la
discrimination par rapport à la langue. Quelqu'un qui n'aurait pas eu
justement cette capacité de français ou l'inverse, donner des
points pour le français, est-ce que c'était discriminatoire? Cela
nous
fatiguait que dans une politique de ce genre-là vous puissiez
avoir quelque chose de discriminatoire mais je pense qu'on peut le retirer de
notre propre mémoire. Interrogation faite avec des juristes, je pense
que c'est tout à fait... .Vous en avez déjà huit grands
critères dans le fond, auxquels vous en ajoutez certains. Voua
êtes déjà discriminatoires dans l'ensemble si vous
l'êtes pour certains éléments. Alors, il semble que cela va
bien.
Troisièmement, à quelques reprises dans le passé,
certains organismes ont souligné l'importance d'étudier le
problème de l'émigration des résidents du Québec,
que ce soit vers d'autres provinces ou d'autres pays. Il y a certains moments,
dans notre récente histoire des dix dernières années,
où cela a causé des problèmes. L'étude, selon les
suggestions faites, consisterait à mieux connaître les causes de
ces départs et à proposer des moyens de les diminuer, À
notre connaissance, une telle étude n'a pas été entreprise
et on croit nous aussi que le résultat d'une telle étude pourrait
être utile.
Quatrièmement, nous voulons finalement noter l'excellente
collaboration qui semble exister dans de nombreux pays entre les
représentants canadiens et québécois affectés au
dossier de l'immigration. J'ai eu à le vivre de façon personnelle
et j'ai été à même de constater très loin du
Québec cette collaboration très étroite qui existait entre
les gens de l'ambassade canadienne et les gens des délégations du
Québec. Comme c'est un dossier difficile, il semble pour nous qu'une
telle collaboration doit continuer d'exister et que cela ne peut être que
bénéfique au Canada et au Québec. Et il semble que cela
existe, en tout cas là où on a pu le constater.
En conclusion, M. le Président, Mme la ministre, ce sont un peu
les commentaires que nous inspirent les documents de consultation. Je dis bien
que nous avons vu ces documents de consultation non pas comme étant pour
nous l'ensemble des éléments d'une politique de population mais
comme étant des décisions à prendre sur les niveaux pour
1988-1989. On en est resté assez globalement à ces analyses
importantes pour nous.
Je conclurai en disant que nous sommes, pour l'essentiel, pleinement
d'accord avec une politique expansionniste de l'immigration, une immigration
par ailleurs contrôlée et dont le niveau devrait graduellement -
à définir: "graduellement" -atteindre l'objectif de 25 %, 26 % de
l'Immigration globale au Canada. De la réalisation de cet objectif
dépend notre niveau de vie futur au Québec.
Si vous me permettez une deuxième conclusion, M. le
Président, ce serait pour vous remercier, membres de la commission, de
nous avoir entendus sur ce dossier, et pour féliciter le gouvernement et
la ministre de cette commission parlementaire. C'est la première. On
aurait voulu le faire dans le temps de M. Godin, mais il n'y a pas eu cette
commission parlementaire. Et on félicite de façon plus
générale pour le travail effectué par la ministre au cours
des premiers mois de 1987, notamment dans des dossiers qui étaient loin
d'être faciles comme on le constate dans le débat qui s'amorce
aujourd'hui à Ottawa.
Nous sommes disponibles pour préciser davantage certains des
points.
Le Président (M. Trudel): Je vous remercie, M. le
président. Votre intervention ayant duré 16 minutes, il restera
22 minutes de chaque côté de la table en commençant par Mme
la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.
Mme la ministre.
Mme Robic: Merci, M. le Président. Tout d'abord,
j'aimerais remercier le Conseil du patronat du Québec d'avoir
accepté d'être présent à cette commission et de nous
faire connaître les idées du conseil en matière
d'immigration. Je salue tout particulièrement MM. Dufour, Roberge,
Garon, Beaulieu et Derners qui sont venus siéger aujourd'hui. Je suis
heureuse de constater que le conseil appuie les objectifs du ministère
des Communautés culturelles et de l'Immigration quant à une
augmentation graduelle des niveaux d'immigration. Je suis également
heureuse de constater que le conseil voit comme bénéfique
l'immigration quant au développement économique du Québec.
Comme je le disais tout à l'heure, je pense que nous avons des preuves
aujourd'hui que les immigrants créent des emplois plutôt que
causent du chômage. Vous l'avez souligné dans votre mémoire
et je vous en remercie.
Votre mémoire souligne d'ailleurs l'intérêt que vous
portez au dossier de l'immigration, en particulier en raison de ses liens avec
le développement économique du Québec. Vous avancez
même que le niveau de vie futur du Québec dépend d'une
orientation plus expansionniste en immigration. Pourriez-vous nous expliquer
comment, à votre avis, l'immigration contribue économiquement
à la société québécoise et permet
d'améliorer le niveau de vie des Québécois?
M. Dufour (Ghislain): Mme la ministre, je pense que vous
référez à l'essentiel de notre mémoire qui est la
préoccupation de la politique de l'immigration face au
développement économique. On va y aller en trois temps. Je vais
parler surtout de la composition de cette immigration des dernières
années. Je demanderai à mon collègue Jacques Garon de vous
parler en termes macro-économiques de cette politique dans
un contexte de développement économique au cours,
peut-être, des dix ou quinze prochaines années et Jean Roberge
vous parlera de façon très concrète. II est dans un
secteur où il a besoin de personnel. Quel est l'apport des immigrants
dans un secteur comme celui-là?
On dit d'abord que l'apport des Immigrants est essentiel pour le
développement économique parce que l'on constate que, dans les
caractéristiques des immigrants actuels, il y a beaucoup de potentiel.
Nous avions nous-mêmes fait un certain nombre de recherches pour voir
comment ces gens-là participent à l'activité
économique québécoise. Je pense que c'est probablement
mieux campé dans le sondage SORECOM auquel vous référiez
tout à l'heure et que nous avons analysé avec beaucoup de
plaisir. Il y a simplement quatre éléments là-dedans qui
m'apparaissent importants. Il y en a plusieurs, mais il y en a quatre que je
veux citer et qui confirment que pour le développement économique
du Québec, c'est important.
Il est dit, par exemple, dans le sondage SORECOM, qu'il y a davantage de
travailleurs immigrés dans les catégories supérieures
d'occupation. Donc, par définition, ce sont des gens qui font le
développement économique. La deuxième constatation est
qu'ils sont plus nombreux à avoir fréquenté
l'université. Ce sont donc des gens qui possèdent une formation
universitaire, pour bon nombre, ce qui est très riche quand on
réussit à les attirer dans un pays. Une chose qui nous a beaucoup
frappés aussi, c'est quand on dit que globalement - et quelqu'un y a
fait référence tout à l'heure, je ne sais pas si c'est M.
Boulerice ou vous, Mme la ministre - leurs gains moyens d'emploi et leurs
revenus globaux dépassent de 10 % ceux de la population née au
Canada. Alors, c'est de l'apport économique. Une autre chose nous frappe
aussi. Dans tout le dossier de l'accès à l'égalité,
le problème des femmes au travail, on dit que les femmes
immigrées représentent un taux d'activité moins
élevé que les hommes et chôment deux fois plus. Là,
c'est parce qu'on les compare aux hommes. Mais on ajoute que toutefois, en les
comparant avec les femmes non immigrées, elles chôment moins,
obtiennent des revenus plus élevés et leur activité sur le
marché du travail est supérieure. Donc, à cause de notre
politique de sélection, on a fait en sorte que l'immigration soit une
immigration vraiment de haut standard et parce que de haut standard, avec
niveau de scolarisation élevé, on assure un développement
économique futur important. Cela, c'est la caractéristique comme
telle de ces gens-là.
Si on regarde par ailleurs sur un plan plus macro-économique et
qu'on les situe dans le développement économique du
Québec, vous allez voir que notre réaction est aussi
très positive.
Et là je demande à Jacques de compléter un peu ce
volet-là. (12 h 15)
M. Garon (Jacques): Alors, à long terme, on a
déjà répondu à la question: A-ton besoin
d'immigration à long terme? Toutes les pressions démographiques
faites par des démographes, des experts, nous démontrent que oui.
On met en question non seulement la qualité mais tout simplement la
quantité des Québécois. Il est sûr que si on
n'améliore pas notre taux de natalité - cela est un
problème connexe - on s'en va peut-être vers une petite
catastrophe pour trois raisons essentielles. D'abord, le pourcentage de la
population dans l'ensemble canadien va baisser, ce qui pourrait encore aggraver
peut-être les tensions régionales au Canada. Ensuite, à
long terme, nous sommes dans un marché de consommation, un marché
libre, donc il nous faut des consommateurs. Or, encore une fois, sur la base
des données démographiques, la catégorie de population qui
diminue le plus au Québec est celle des jeunes. Cela veut dire que, dans
l'avenir, on aura de moins en moins de consommateurs parce que la population
vieillit. Alors, le paradoxe, c'est que, même avec une population de
moins en moins jeune et qui vieillit, on produit beaucoup plus que ce que nous
avons besoin au Québec, puisque 50 % de notre production globale est
soit exportée vers les autres régions canadiennes, soit vers
d'autres pays, dont essentiellement d'ailleurs les États-Unis. Alors,
à l'horizon 2000 et plus, avec une population de jeunes qui diminue de
plus en plus, j'ai l'impression qu'on devra faire face, sur le plan
intérieur, si cela continue, à des problèmes très
importants.
Et puis, un troisième point, il faut aussi des contribuables pour
supporter une population qui vieillit de plus en plus. Ici, si vous me le
permettez, sur la base des données préliminaires de Statistique
Canada, sur le dernier recensement de 1986, on lisait, là je cite, pour
le Canada; "II fallait six travailleurs canadiens pour aider au financement du
régime de retraite pour chaque retraité". Alors, si l'on en croit
les tendances démographiques, dans moins de deux
générations, il n'y aura plus que deux travailleurs canadiens
pour supporter chaque retraité. Alors, c'est probablement ce qui se
passera si la tendance aux retraites anticipées conjuguée
à des taux de fécondité très bas, des familles
moins nombreuses et un faible taux d'immigration se poursuit. Donc, nous nous
retrouvons avec une diminution de la population active qui se trouve à
financer des régimes de retraite pour un nombre croissant de
retraités, sans compter les autres coûts de services sociaux
associés à une longévité qui s'accroft de plus
en plus. Alors, à notre avis, autant de raisons pour avoir une
politique d'immigration maintenant plus ouverte.
M. Dufour (Ghislain): M. Roberge.
M. Roberge (Jean): Nous sommes aussi favorables à une
politique d'immigration plus ouverte, positive et dynamique. Dans le domaine
minier, par exemple, plusieurs immigrants sont venus pour être des
travailleurs expérimentés, qualifiés. Au fil des ans, ils
sont devenus des gérants, des directeurs de mine ou même des
présidents d'entreprises minières. Aujourd'hui, il se dessine un
besoin de personnel qualifié en technologie, en génie minier.
L'immigration serait certainement une solution si nous n'avons pas suffisamment
de Québécois ou de Canadiens voulant devenir des
opérateurs ou des techniciens ou des ingénieurs dans le domaine
des mines. Des immigrants ayant les mêmes qualifications seraient
certainement les bienvenus, surtout que, dans le domaine des mines, une
étude nous révélait d'ailleurs que 82 % des
employés sont grandement satisfaits de leur emploi. Alors, les
immigrants eux-mêmes seraient très heureux de s'intégrer
à ce milieu. Merci,
Mme Robic: Merci.
M. Dufour (Ghislain): Vous permettez?
Le Président (M. Trudel): Oui, allez-y, M. le
président.
M. Dufour (Ghislain): Jacques parlait du pourcentage de la
population québécoise à l'intérieur du Canada. Si
on continue dans le phénomène actuel des paiements de
péréquation, des paiements de transfert, lesquels sont toujours
basés au fond sur la population, on voit ce que donneraient à
très court terme, d'ici douze ou quinze ans, par exemple, ces paiements
de transfert pour la santé. Alors, c'est important de maintenir,
simplement pour les relations fédérales-provinciales, un
pourcentage qui exprime vraiment ce qu'on est aujourd'hui dans la
réalité canadienne.
Mme Robic: Vos besoins en matière de personnel minier
pourraient être une solution à la
"démétropolisation" des immigrants. Alors, sans doute que ces
gens, qu'on voit intéressés à travailler, veulent
travailler. Ce pourrait être intéressant de connaître encore
plus à fond vos besoins à ce niveau-là et vous auriez
certainement notre appui.
Dans votre mémoire, vous soulevez, avec justesse, le
délicat problème de l'émigration des résidents
québécois et vous suggérez l'importance de faire une
étude à ce sujet. Et j'appuie cette recommandation, d'ailleurs.
Malgré un solde migratoire positif cette année, il nous faut
absolument une étude qui pourra nous aider à mettre sur pied des
programmes ou des politiques pour contrer cette émigration. Et
j'aimerais avoir, justement, votre opinion. Comment concilier les interventions
sur ces deux mouvements migratoires?
M. Dufour (Ghislain): Ils ne sont pas contradictoires parce qu'il
n'y a pas seulement des immigrants qui emigrant vers les autres provinces ou
vers d'autres pays, il y a aussi des Québécois comme tels qui
émigrent vers l'extérieur. Évidemment, c'est une recherche
qui devrait s'appuyer sur une analyse un peu sociologique de ce qui s'est
passé au cours des dix dernières années, Je pense que
ça serait le point de départ et, si elle est faite, elle devrait
prendre en considération un certain historique. Et, comme
élément de l'historique, on peut mentionner trois ou quatre
choses. On se rappelle, au début des années soixante-dix, toute
l'attraction que représentait l'Ouest canadien, les découvertes
dans le domaine du pétrole; le taux de chômage était
très élevé au Québec et à ce
moment-là ils avaient tendance à émigrer vers l'Ouest. Il
y a eu aussi certains centres qui se sont bâtis au Canada; ça
été le cas de Toronto, dans le domaine financier, notamment, qui
a drainé bon nombre de familles et de Québécois et
d'immigrants vers l'Ontario. II y a eu aussi -et il ne faut pas que vous vous
surpreniez que le Conseil du patronat le dise - "un certain nombre de
"difficultés politiques", entre guillemets, qui ont peut-être
participé aussi à ce transfert de Québécois ou de
candidats en attente d'être de vrais Québécois vers
l'extérieur. Il y a eu un problème fiscal aussi. On sait tous
qu'il y a des gens qui ont déménagé du Québec vers
l'extérieur pour des problèmes de fiscalité. C'est un
problème qui est en voie de s'améliorer mais qui est encore
là et nous on le dit carrément, la réforme Wilson ne
réglera pas nécessairement ce problème-là compte
tenu du fait que le Québec a une particularité au niveau des
impôts. Si le discours de M. Gérard D. Levesque, par exemple, se
confirme, on aura des problèmes fiscaux face à la réforme
fédérale.
Alors, ce sont tous des éléments qui devraient faire
l'objet d'une analyse, quant à nous, globale. Si je voulais
résumer ça, je dirais que c'est toujours une question de climat
qui fait qu'on attire ou qu'on retient des gens. Le climat
québécois actuellement n'est plus dans la déprime de 1982.
Cela va bien et on le voit par le solde migratoire positif. Mais je pense que
dans une étude il faut toujours s'assurer de l'avenir; il faudrait la
faire.
Par ailleurs, M. le Président, il ne faut plus laisser de
côté ou ignorer le problème de l'émigration
internationale. II y a de plus
en plus de gens qui émigrent vers les États-Unis. C'est
grand, les États-Unis, il y en a de plus en plus qui émigrent
là et, comme nous allons le dire la semaine prochaine, il reste que la
réforme Wilson qui devait réduire les écarts fiscaux ne le
fait pas et encore là on peut avoir un problème.
Je n'ai pas à vous' faire de suggestions, Mme la ministre. Je
sais que vous savez ce dont je vais vous parler, mais je vous le dis quand
même, le Centre de l'emploi et de l'immigration a décidé de
se pencher sur le problème de l'émigration internationale et ils
ont confié à deux ou trois - en tout cas, moi j'en connais un -
bureaux de consultants de Toronto le soin justement de répondre aux
questions que vous vous posez et qu'on se pose. Ils le font pour l'ensemble de3
provinces et ils le font avec le Québec en consultant bon nombre
d'intervenants pour essayer de camper dans quelle profession ça se fait
et pourquoi ça se fait. Alors peut-être qu'il pourrait y avoir des
relations entre votre ministère et le CEIC, si ça n'a pas
été fait, pour essayer d'agencer la réalité
québécoise à l'intérieur de cette
recherche-là.
Mme Robic: Merci beaucoup, M. Dufour. Je pense que je peux passer
la parole à...
Le Président (M. Trudel): Est-ce que le parti de
l'Opposition officielle... M. le député de Mercier.
M. Godin: Oui, j'aurais une question pour le président du
CPQ. Vous avez fait une distinction entre l'immigration économique et
l'immigration humanitaire. Il est bien sûr qu'un investisseur qui arrive
ici avec 1 000 000 $ est important sur le plan économique, mais est-ce
qu'un réfugié n'est pas, avec sa famille, aussi important sur le
plan économique qu'un investisseur ou un ingénieur minier d'une
extrême compétence? Quand je comparais tout à l'heure un
réfugié à un enfant tout fait, est-ce que, au plan
économique, ce n'est pas fondé de dire une telle chose?
M. Dufour (Ghislain): Nous partons de vos propres
catégories: réunion familiale, travailleur indépendant ou
immigrant indépendant et le réfugié. Vous nous amenez sur
le dossier des réfugiés politiques, on n'a aucun problème
et on l'a indiqué carrément dans notre mémoire. Ce contre
quoi on en a, ce sont les réfugiés beaucoup plus
économiques. Je vous ai entendu dire tout à l'heure dans votre
première intervention que c'étaient des gens importants au
chapitre de la consommation, par exemple, parce qu'il est vrai que ce sont des
consommateurs. Dans le passé, selon les statistiques que l'on a, ces
gens-là ont représenté 18 % du nombre global d'immigrants,
ce qui est beaucoup. Dans la proposition de 1987, ces gens-là seraient
5000, donc 25 % du nombre global; alors, on considère que, face aux deux
autres groupes, on leur donne une importance qui est correcte. Je ne laisse
d'aucune façon votre analyse que c'est une personne qui va participer au
développement économique du genre de celui qu'on vient
d'établir. Mais c'est un peu vous-même, M. ex-ministre, qui avez
établi ces strates-là et nous sommes entrés à
l'intérieur de cela. C'est la première fois, par exemple, qu'on
voit dans un document - cela fait trois ou quatre ans que l'on participe
à ces consultations et je pense que vous ne l'aviez pas, dans vos
documents de consultations, dans votre premier, en 1985, dans votre partie
humanitaire -une distinction claire entre ceux que vous sélectionnez et
ceux qui arrivent comme cela sans vous prévenir. Alors que, cette
fois-ci, c'est fait, sur les 5000, il y en a 4000 qui seraient
sélectionnés et 1000...
M. Godin: C'est nouveau, M. le président. L'arrivée
de réfugiés en si grand nombre au Canada est un
phénomène qui n'existait pas, sauf pour les "boat people" qui
étaient...
M. Dufour (Ghislain): Oui, c'est exact.
M. Godin: ...pris sur des bateaux. Donc, le fait que le
phénomène soit maintenant réel amène le
ministère, actuellement, à déterminer qu'il y a un nombre
X qui soit prévu pour ce groupe-là. J'aimerais savoir, de votre
économiste ou de vous-même, si ce nombre de réfugiés
n'est pas également, sur le plan économique, aussi important que
les immigrants sélectionnés par le Québec et qu'on appelle
une immigration dite économique.
M. Garon (Jacques): Si vous me permettez, je suis tout à
fait d'accord avec vous. Sur le plan humain et sur le plan économique,
mais potentiel, ils sont tout aussi importants. La seule chose: est-ce qu'on
est en mesure de les prendre en charge d'une façon très efficace,
au départ, pour pouvoir leur assurer ce potentiel de
développement qu'on leur donnera et pour qu'ils s'intègrent de
façon absolument satisfaisante à l'activité
économique et sociale québécoise? Là, on a
peut-être de petites réserves parce que, à Montréal,
on sait très bien que - je devrais dire au Québec - il y a
environ 11 000 réfugiés qui sont en période d'attente et
ces réfugiés, même s'ils ont un permis de travail,
même s'ils ont accès à certains services sociaux, ce qui
est très bien, entre-temps, il faut qu'ils vivent; or, ils vivent
très souvent dans des conditions déplorables. Pourquoi? Parce
qu'ils
ne parlent ni le français ni l'anglais et, là, on ne parle
pas de catégories d'immigrants indépendants, ce sont des
réfugiés pour des questions humanitaires; il n'y a pas de
question de langue; ils ne parlent ni l'anglais ni le français. Ils
doivent se débrouiller. Ils ne sont pas capables de trouver un emploi
parce qu'ils ne savent pas lire les petites annonces dans les journaux, que ce
soit en anglais ou en français. Alors, la question qui se pose... Je
suis tout à fait d'accord avec vous mais uniquement à condition
qu'on puisse leur donner un encadrement serré, dès le
départ, de façon à ne pas perpétuer des ghettos
où on finit par avoir, comme par exemple, à Montréal, un
marché noir en parallèle, parce qu'il faut que ces gens-là
vivent,
M. Dufour (Ghislain): Et j'ajouterais à cela, si vous me
permettez, que justement, dans les journaux - il y a eu une série
d'articles clans The Gazette il n'y a pas tellement longtemps, à la fin
d'avril - on dénonce constamment l'utilisation mal faite de l'immigrant
qui travaille au noir. Évidemment, on ne peut pas, comme patronat,
être d'accord avec le travail au noir, tout comme vous ne pouvez pas,
comme membres de l'Assemblée nationale, être d'accord avec le
travail au noir. Je veux dire que c'est de l'évasion fiscale. Mais ces
problèmes de la politique de l'immigration actuelle conduisent à
cela. Cela rejoint aussi un peu le problème que l'on mentionne dans
notre mémoire. Les ressources sont-elles là? Les ressources
financières mises à la disposition non seulement du
ministère, mais des organisations qui s'occupent aussi des immigrants.
(12 h 30)
Vous le dites quelque part qu'il faut accroître le nombre de
réfugiés, mais vous ne pensez pas que vous aurez l'argent
additionnel. Alors vous aurez un fichu problème, parce que ce sont les
gens qui coûtent le plus cher. Le travailleur indépendant ou
l'investisseur, selon les termes de votre nouveau programme, Mme la ministre,
du mois d'octobre et que citait M. Trudel tout à l'heure, s'il arrive
ici, qu'il a 650 000 $, et qu'il part en affaires, ne présente pas le
même problème, en termes de structure d'accueil, que celui auquel
voua faites référence, M. Godin. C'est pour cela que l'on dit:
Ils sont plus faciles à intégrer. À ce moment-là,
ils sont probablement plus prêts à apporter leur dynamique
à la contribution du développement du Québec. C'est sans
rejeter les autres.
M. Godin: M. le président, si vous me le permettez, je
dirai que le travail au noir, au fond, c'est du pur "supply-side economics".
L'immigrant ne paye pas de taxes ni d'Impôt, mais tout l'argent va dans
la consommation, si je comprends bien. Donc, n'est-ce pas un effet
économique aussi important que s'il payait des taxes ou de
l'impôt?
M. Dufour (Ghislain): Vous ne m'embarquerez pas dans le fait de
favoriser le travail au noir.
M. Godin: Ha, Ha, Ha! Je vous demande si l'Afrique, qui n'a pas
de taxe, etc., n'a pas une économie, d'une autre manière, qui est
peut-être plus rentable économiquement? C'est une des
théories qui existaient, il n'y a pas longtemps, dans la tête de
M. Thurow, je pense, aux États-Unis.
M. Dufour (Ghislain): Avant de vous faire une
démonstration économique brillante - ce n'est pas moi qui vais la
faire, c'est mon collègue - il y a deux éléments
là-dedans. C'est bien évident que l'on peut toujours penser que
le travail au noir équivaut à un salaire plus bas: les cueilleurs
de pommes et les cueilleurs de tabac ne sont pas toujours nécessairement
payés au salaire minimum. Alors, simplement en termes d'activités
économiques, il y a quelque chose qui n'est pas correct. Quand ils ne
payent pas d'impôt, vous et moi, on en paye plus. À ce
moment-là, on ne peut pas être d'accord avec cela,
M. Godin: C'est une forme d'injustice. M. Dufour
(Ghislain): Pardon?
M. Godin: C'est une forme d'injustice pour...
M. Dufour (Ghislain): Face à vous.
M. Godin: Face aux revenus, en tout cas.
M. Garon (Jacques): Non seulement cela, mais il est bien connu
qu'une bonne partie de ces immigrants envoient de l'argent à leurs
familles, qui sont toujours dans les pays d'où ils viennent. Alors, ce
n'est pas tout ce qu'ils gagnent qui est dépensé au
Québec.
M. Godin: Vous ne voyez pas là une espèce de
justice distributive qui fait que, lorsque l'on fait un "brain drain" d'un
ingénieur minier du Vietnam ou de je ne sais où dans le monde, on
enlève un bien, précieux à un pays? Que sa famille
reçoive en échange ou en retour une partie de ses revenus d'ici,
n'y a-t-il pas une espèce de justice distributive qui s'applique?
Justice à laquelle, en général, les gouvernements sont
froids ou indifférents parce qu'ils s'en foutent, au fond, d'aller
chercher un médecin dans un pays qui en a peut-être plus
besoin
qu'ici.
M. Garon (Jacques): Pour un médecin, il n'y a pas de
problème, mais il y a le marché au noir, non?
M. Godin: Au fond, on est des gens qui saignent certains pays.
J'entends, l'Amérique du Nord, en partie, du moins. Je ne me sens pas du
tout malheureux du fait que des familles retournent une partie de leurs revenus
au Vietnam ou ailleurs, si cela peut aider cette économie. C'est aussi
une forme de solidarité économique que l'on doit avoir d'un pays
à l'autre. C'est ma déduction plutôt morale et
philosophique qu'autre chose. Donc, en disant que le réfugié
devient consommateur, il est aussi un apport économique au
Québec. Le réfugié lui-même, même le plus
pauvre, tôt ou tard, dépense de l'argent au Québec et
contribue au roulement de l'économie. Peut-on dire cela de façon
générale, pour convaincre les gens qui ont encore des doutes, que
même les plus démunis sont, à plus ou moins long terme, un
actif pour le Québec?
M. Dufour (Ghislain): On reconnaît que le
réfugié est un consommateur. Même s'il vit de l'aide
sociale, c'est un consommateur. Ce n'est pas ce que vous me posez comme
question, vous me faites faire un choix entre un travailleur indépendant
et celui-là. Je dis qu'il faut avoir un équilibre entre les deux
et que l'équilibre est bien campé, quant à nous, dans ce
dont on discute, à savoir le niveau d'immigration pour 1988, où
on nous dit que l'on aura un immigrant appelé humanitaire par rapport
à deux indépendants. C'est le même raisonnement qu'il faut
faire face à ces gens qui bénéficient d'un paquet de
services de la collectivité québécoise que celui que l'on
fait par rapport aux salariés. Il faut qu'il y ait des gens qui
produisent dans la société. Alors, ces gens-là produisent.
Mais je ne veux pas embarquer dans votre travail au noir. Le ministre du
Travail est à la veille de convoquer une commission...
M. Godin: On s'entend que l'on n'y touche pas. C'est un autre
débat.
M. Dufour (Ghislain): ...parlementaire là-dessus
bientôt.
M. Godin: On y viendra.
Le Président (M. Trudel): On parlait de la commission des
affaires sociales tantôt. On parlera d'une autre commission.
M. Boulerice: M. le Président.
Le Président (M. Trudel): M. le député.
Une voix: M. le député de Saint- Jacques.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. Dufour, et vos collègues, bonjour. Je
trouvais tantôt que l'on commençait peut-être à
devenir un petit peu odieux a votre égard et à l'égard des
autres groupes qui viennent ici. On s'est plaint que le nombre n'était
pas aussi important, sauf que vous étiez déjà
présents dans la salle. Donc, célébrons plutôt votre
présence et ne parlons pas de ceux qui, malheureusement, ont
décidé de ne pas venir.
Si vous me le permettez, j'aimerais corriger ceci. Quand vous avez
parlé tantôt des migrations interprovinciales, vous avez dit: II
faudrait faire un recul d'une dizaine d'année, recul historique. Je me
permettrai de suggérer de faire un recul d'une vingtaine d'années
au minimum, puisque les migrations interprovinciales, en termes de sortie, de
1967 à 1971, étaient au-delà de 63 224. Cela a
commencé à diminuer aux alentours de 1978-1980 et on voit une
très nette baisse vers 1983-1984 et une partie de 1985 qui
coïncide, d'ailleurs, un peu avec le moment où s'est
dégonflée l'image de l'Ouest comme Eldorado économique, ce
qui a sans doute empêché cela.
Voici ce que je voulais vous poser très exactement comme
question, à la suite de la lecture de votre mémoire. Vous
reprenez, en page 4, ce qu'on a convenu d'appeler, comme je le disais
tantôt, le rapport French en disant; "L'immigration doit dans
l'immédiat constituer le principal élément devant
contribuer à améliorer la situation démographique du
Québec." Quand on sait que pour contrebalancer un déclin
démographique du Québec il faudrait y avoir entre 65 000 et 100
000 immigrants, ne croyez-vous pas, ce que nous avancions tantôt, qu'il
ne saurait y avoir de politique de l'immigration sans y avoir juxtaposée
dans l'immédiat, une politique de la famille et de l'enfance?
M. Dufour (Ghislain): Je voudrais d'abord dire que je maintiens
ou à peu près mes dix ans. Pour avoir vécu un peu ces
exodes, M. Boulerice, au cours des dix dernières années, il y a
eu des vagues plus importantes que d'autres et des vagues qui, par exemple, et
cela ne réfère pas à des notions politiques comme telles,
renvoyaient à la fiscalité. On l'a tous connu et le gouvernement
du temps a même publié un livre blanc pour l'exprimer très
clairement. Je ne peux pas être en désaccord avec le livre blanc
sur ce sujet.
Pour ce qui est de la question très précise qui est
citée, nous disons que l'immigration doit, dans l'immédiat,
constituer le principal élément devant
contribuer à améliorer la situation démographique
du Québec. Nous pensons que c'est tout à fait réaliste, en
tout cas à court et à moyen terme. Nous sommes en train de
préparer un mémoire actuellement qu'on vous soumettra. Vous savez
qu'on vous recontre, députés au pouvoir et de l'Opposition,
à l'automne. Malheureusement, on vous avait manqué l'an
passé, M. Bouler ice. Mais il y a une question qui va être
soulevée à ce sujet: c'est un ministère de la population.
Il s'agit d'une interrogation parce que jamais on ne se permettrait de
décider pour le gouvernement.
Il y a des problèmes qui ont été soulevés
par Mme Harel, je pense, tout à l'heure, soit la question de la
politique de la famille, la question de la politique de la natalité
comme telle qui est différente, quant à nous, de la politique de
ta famille, la question de l'immigration. Il faudrait que tout cela soit
intégré. D'ailleurs, il y a des gens qui ne partagent pas cette
thèse. C'est le cas d'Henripin, par exemple, qui, lui, ne voit pas de
solution là-dedans. J'ai lu un éditorial, il n'y a pas tellement
longtemps, de Michel Roy qui, lui, endossait carrément les propos de Mme
Harel en disant: C'est cela, il faut arriver avec un ministère de la
population qui va intégrer ces trois éléments. Je ne pense
pas que ce matin ce soit tellement le sens de notre démarche. Mais,
à l'automne, on va vous revenir avec cela. Et on croit qu'il faut
intégrer tous ces éléments. On ne peut pas avoir une
politique de l'immigration indépendante d'une politique de la
natalité. C'est évident.
M. Boulerice: Écoutez, sans vous harceler, comme mon
collège, avec le travail au noir, ce que je préfère
appeler le travail clandestin, simplement pour contester encore notre
chronologie, les sorties migratoires les plus importantes sont en 1970 avec 73
811 personnes, mais enfin. À la page 6 de votre mémoire...
M. Dufour (Ghislain): C'est comme les profits des entreprises, il
ne faut jamais regarder cela sur une année.
M. Boulerice: Je vous le ferai distribuer... La moyenne la plus
importante au Québec se situe entre 1967 et 1971 avec 63 264 personnes.
Cela dit, je me ferai un plaisir de vous en donner une copie, M. Dufour.
Voilà un prétexte pour une réunion, entre nous deux,
puisque vous avez déploré une première absence.
Dans votre mémoire, à la page 6, vous parlez d'"efforts
supplémentaires en matière d'accueil"; j'aimerais que vous
précisiez ce que vous entendez par "des efforts supplémentaires
en matière d'accueil".
M. Dufour (Ghislain): J'ai participé au sommet
économique dans le monde organisé par votre gouvernement sous la
responsabilité de M. Bernard Landry, il y a maintenant trois ans. J'ai
entendu ce qu'on appelle les ONG, les organismes non gouvernementaux, venir
parler des problèmes qu'ils rencontraient dans la réalité
concrète de l'intégration, parce qu'il n'y a pas purement des
responsabilités gouvernementales, il y a des responsabilités
aussi qui sont déléguées à des organismes. Les gens
partaient de ressources financières qui étaient souvent
insuffisantes. C'est bien beau de dire qu'on donne des cours de langue ou qu'on
donne des moyens de réaliser une entrevue pour un emploi, des cours de
formation, mais tout cela demande de l'argent au bout. Alors, quand on parle de
structures d'accueil, on pense que les infrastructures sont là. It n'y a
personne qui conteste qu'on doit donner des cours de français aux
immigrants, il n'y a personne qui conteste qu'on doit essayer de leur montrer
comment on se présente sur le marché du travail, etc., mais il y
a des problèmes très concrets. Un problème qui nous
regarde, par exemple, c'est que c'est devenu très difficile d'entrer
dans les entreprises autrement que par des stages. Il n'y a plus d'emplois qui
s'offrent, il faut entrer par des stages. Vous avez tous les problèmes
des assistés sociaux, par exemple. Tous les programmes sont mis sur pied
pour nous demander d'intégrer des Québécois qui sont sur
l'assistance sociale. En plus, on nous demande d'intégrer des immigrants
qui, comme le disait Jacques tout à l'heure, ne parlent ni
français ni anglais, alors que le français est langue de travail.
Alors, cela crée des problèmes. C'est cela qu'on appelle les
structures d'accueil.
Maintenant, pour avoir notre point de vue précis sur les niveaux,
on parle d'environ 5000 immigrants dans le document. C'est déjà
moins que le... Vous savez qu'au Canada ils sont 125 000, si je comprends bien.
Sî je prends nos 25 %, cela devrait déjà faire
au-delà de 30 000 pour 1987. Nous avons appuyé le
fédéral dans un objectif de 150 000 en 1990, Or, 25 % de cela,
c'est 37 500. Même à 5000 par année, on ne
réaliserait pas cela d'ici 1990. La grosse interrogation, c'est qu'on
n'ira pas plus loin que cela parce qu'on pense qu'on n'a pas les structures
d'accueil. Tu n'apprends pas le français, quand tu ne sais ni l'anglais
ni le français, tu n'apprends pas cela en trois mois. Alors, c'est cela.
Il s'agit de mettre de l'argent là-dedans. Les infrastructures sont
là, mais les structures d'accueil sont déficientes en termes de
quantité, à cause des montants d'argent qui sont disponibles.
Peut-être qu'on ne finance pas assez? On le dit dans notre mémoire
aussi. Il y a des organismes non gouvernementaux qui seraient prêts
à embarquer là-dedans, mais encore là c'est une question
d'enveloppe gouverne-
mentale globale. C'est dur d'être précis là-dessus,
mais c'est le problème global de leur intégration dans la
société québécoise.
M. Boulerice: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Merci. Mme la
députée de Maisonneuve, je pense qu'il vous reste un peu de
temps, mais je vous ferai signe. Allez-y.
Mme Harel: D'accord, M. le Président.
Les chiffres sont souvent plus têtus et même l'impression
qu'on peut en avoir... Je regardais les chiffres de Statistique Canada pour les
données sur l'immigration internationale, chiffres qui sont
controversés, mais les migrations entre 1967 et 1985... Je constate
finalement que la moyenne de sorties de 1967 à 1971 était de 21
941 personnes et est donc supérieure à la moyenne de sorties dans
les années controversées, sans doute, de 1977 à 1981, qui
était de 19 923 personnes. Tout est assez relatif, finalement.
M. Dufour (Ghislain): Si vous me le permettez...
Mme Harel: Non, je vais continuer parce que...
M. Dufour (Ghislain): ...c'est sur l'immigration
internationale?
Mme Harel: Non, c'est les migrations interprovinciales. Ce sont
là les chiffres que je viens de vous donner. Ils concernent le solde des
migrations interprovinciales. Je vais demander, M. le Président,
à ce que le secrétaire nous fasse distribuer ces données
du recensement de Statistique Canada. (12 h 45)
M. Dufour, je voudrais peut-être revenir sur les questions que
vous mentionnez à la page 7 concernant une étude quant aux motifs
d'émigration des résidents du Québec pour examiner avec
vous... À ma connaissance le ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration s'est penché sur la question. Je pense
que c'est M. Laporte, le directeur de la recherche, en 1985, qui avait
commencé l'ébauche d'une étude semblable et en avait fait
part à la commission présidée par M. French, la commission
d'étude sur les questions démographiques. Ce que M. Laporte nous
avait signalé c'est que, d'une part, une étude semblable
comportait des difficultés méthodologiques, parce que les
chercheurs n'ont pas les moyens d'identifier et de retrouver les gens qui
quittent, étant donné que, lorsqu'il y a des déplacements
entre le Québec et les provinces canadiennes, il n'y a pas moyen de
pouvoir localiser ces personnes. À ce moment-là, les chercheurs
qui avaient ébauché l'étude avaient
préféré, sur le plan méthodologique, retenir une
étude des motifs de ceux qui étaient restés, étant
entendu qu'il était beaucoup plus facile, comme terrain d'étude,
de pouvoir connaître les facteurs qui déterminaient la
rétention.
M. Laporte avait longuement élaboré devant la commission
qu'un des facteurs déterminants... C'est une question qui m'a toujours
intéressée et je me suis toujours demandé si les
départs, les déplacements étaient dus au fait, par
exemple, d'une appartenance à une communauté culturelle
différente. II m'avait fait part que le facteur déterminant de
rétention était la connaissance du français et que la
connaissance de l'anglais seul sans la connaissance du français, comme
langue d'usage avait un effet déterminant sur les déplacements de
ceux qui avaient bénéficié de l'immigration internationale
mais qui se déplaçaient vers d'autres provinces. La conclusion
qu'on en tirait était - l'étude devait se poursuivre pour en
faire la vérification - que, finalement, l'usage du français,
lorsqu'il y avait établissement ici, était un facteur de
rétention.
Je voulais vous demander si, dans les considérations que vous
apportiez, notamment sur cette attribution de points pour l'usage du
français, vous entendiez faire des recommandations à la
commission sur cette question. Vous avez raison de dire que ce n'est pas
discriminatoire parce que, de toute façon, la francophonie se vit
surtout en Afrique. Il y a beaucoup plus de francophones qui sont noirs, par
exemple, que de francophones qui sont blancs. L'usage de points pour la
connaissance du français n'a aucun caractère discriminatoire, par
exemple, sur le plan racial.
M. Dufour (Ghislain): II y a deux volets dans votre intervention.
Il y a une référence à la recherche que l'on propose pour
analyser le problème de l'émigration. Vous dites que M. Laporte,
pour le compte de la commission French, en a fait une partie. Je ne la connais
pas. Mais, en tout cas, ce serait intéressant de l'avoir et surtout de
la continuer si elle a été démarrée. Cela nous
permettra peut-être de partir des mêmes considérations de
base lors d'une prochaine discussion et d'avoir les mêmes statistiques et
les mêmes analyses.
Pour ce qui est de votre deuxième constatation, j'ai fait le
point tout à l'heure. C'est plus une interrogation qu'on vous
lançait, à savoir est-ce que c'était discriminatoire ou
non? Nous avons répondu nous-mêmes à notre interrogation.
Nous avons analysé les règles actuelles qu'on appelle les aspects
légaux et réglementaires de l'immigration au Québec et
vous avez, par exemple, à la page 6 de ce document, l'ensemble des
critères qui sont utilisés pour faire la sélection
actuellement, qui ne sont
pas de l'actuel gouvernement, d'ailleurs, mais qui sont de votre
gouvernement. Nous disons que nous sommes d'accord avec cela. On peut bien le
polir, mais, pour l'essentiel, on est d'accord avec cela. On va un peu en
contradiction avec le conseil consultatif, auprès de la ministre, qui
voudrait faire sauter carrément le statut de l'emploi
réservé sans aucune considération, alors qu'il nous
apparaît qu'il reste bon nombre d'éléments de l'emploi
réservé et c'est important pour nous. Qu'on ajoute à cela,
en cours de route, un certain nombre de... Tout à l'heure, vous avez
dit, tous les deux, que non seulement on devrait favoriser les points pour le
français, mais qu'on devrait en mettre plus selon les récentes
recommandations de l'Office de la langue française. Allez-y - nous
n'embarquons pas là-dedans - si vous nous dites que ce n'est pas
discriminatoire.
Le Président (M. Trudel): Merci. M. le
député de Sherbrooke.
M. Hamel: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Dufour.
À la page 4 de votre mémoire, justement dans le paragraphe que
vous souligniez comme étant important tantôt, il est question des
compétences professionnelles des travailleurs immigrants et des
immigrants entrepreneurs et investisseurs. J'aimerais savoir si vous avez des
suggestions concrètes à nous faire concernant la sélection
de cette catégorie de travailleurs immigrants.
M. Dufour (Ghislain): Cela rejoint un peu les propos qu'on vient
d'échanger avec Mme Harel. Quand nous regardons les règles
actuelles, les pointages actuels, on est généralement d'accord.
Notamment, il y a un préambule à cela qui nous plaît
beaucoup. On dit qu'on a un taux de chômage très
élevé chez les jeunes. Comme on a une population immigrante qui
est très jeune, on est dans le dilemme à savoir si on fait entrer
ici des gens qui vont prendre ou qui prendraient éventuellement des jobs
qui n'existent pas pour nos jeunes. Mais je pense que la problématique
est bien campée et l'ensemble des règles qui sont là nous
apparaissent tout à fait correctes. En plus de cela - je l'ai dit
très rapidement tout à l'heure - notamment quant aux travailleurs
indépendants qui sont des investisseurs, le nouveau programme du mois
d'octobre nous plaît beaucoup. C'est exact, cet article du journal Les
Affaires. C'était la manchette, d'ailleurs, du journal qui dit: Les
immigrants injectent 300 000 000 $ par années au Québec. On se
référait carrément aux travailleurs indépendants et
investisseurs, et c'est énorme. Il y a un volet de l'article où
on dit que, lorsqu'ils sont dans le secteur manufacturier, ils créent
quatre emplois pour leur propre emploi qu'ils ont généré.
Alors, c'est trè3 fort. C'est ce avec quoi vous avez le plus de
difficulté. Je me rappelle le lancement de ce programme par M. Godin,
quand le programme des immigrants investisseurs avait été
lancé. Même dans notre milieu, on était un peu sceptique;
dans la réalité, cela se confirme comme étant un des...
Pardon?
M. Godin: ...sujet, dans le temps, le scepticisme.
M. Dufour (Ghislain): Cela se confirme comme un des grands volets
positifs chez les travailleurs indépendants. Il y en a tout près
de 2000. Alors, cela est important.
Alors non, on ne changerait pas. Vous avez eu le témoignage du
représentant des mines, tout à l'heure;
généralement, ils font d'excellents travailleurs.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Sherbrooke, vous avez terminé?
M. Hamel: Oui.
Le Président (M. Trudel): Mme la ministre.
Mme Robic: M. le Président, tout simplement un mot de
remerciement pour les membres du Conseil du patronat du Québec, MM.
Dufour, Roberge, Garon, Beaulieu et Demers, pour votre présence et votre
intérêt. Vos commentaires sont importants. Vous pouvez être
assurés qu'ils seront retenus par mon ministère.
M. Dufour, je suis même tentée de vous inviter à
venir avec moi défendre mes crédits. Je pense que nous
avons...
M. Dufour (Ghislain): Remarquez bien que nous avons un
préjugé favorable à votre ministère par rapport
à d'autres.
Mme Robic: Merci, M. Dufour, je m'en souviendrai. Merci.
M. Dufour (Ghislain): II y a peut-être un aspect, si vous
me permettez, M. le Président...
Le Président (M. Trudel): Allez-y, oui.
M. Dufour (Ghislain): C'est une intervention de M. Beaulieu, cela
rejoindrait un peu la préoccupation des réfugiés au sens
où on le disait tout à l'heure, les réfugiés
politiques par rapport aux réfugiés économiques. Vous
voyez les réactions de la population en général. Il y a
une réaction patronale qui existe aussi et qu'on n'a pas eu l'occasion
d'exprimer ce matin. Je demanderais à M. Beaulieu, très
brièvement, de vous l'exprimer parce qu'elle est
importante dans un milieu comme le nôtre.
Vous permettez, M. le Président? Une minute.
Le Président (M. Trudel): Allez-y.
M. Beaulieu (Alexandre): Dans ces commissions parlementaires,
on... J'ai eu l'occasion d'assister à la commission parlementaire sur le
financement des universités et on allait à pas feutrés.
Mais je pense qu'il y a des problèmes qu'il faut mentionner. Le
problème de l'arrivée des revendicateurs du statut de
réfugié, il ne faudrait pas le passer sous silence. Cela
m'apparaît important parce que la population... On a fait état
tantôt de consultations, mais on entend grogner, on grogne et on n'est
pas très heureux que pour les réfugiés qui se disent
revendicateurs du statut de réfugié cela se passe comme cela.
Présentement, il y a, à Ottawa, une session pour essayer de
régler ces problèmes. Le Conseil du patronat s'est
prononcé pour des considérations humanitaires, etc., mais il ne
faut pas être naîf non plus et accueillir ce genre de
réfugiés, les loger au Reine Elizabeth, alors que, pour la
plupart, ils proviennent de pays du monde occidental et sont financés
probablement par des groupes de ces endroits-là. Je pense qu'on doit
favoriser l'immigration, on l'a dit, on doit l'augmenter, on l'a dit encore,
mais on ne doit pas faire en sorte d'accepter, sans question, l'arrivée
de ceux qui prétendent avoir un statut de réfugié et de
repousser au bout de la ligne ceux qui ont déjà fait des demandes
pour rentrer ici au pays. Moi, je pense que le gouvernement, là-dessus,
devrait avoir une politique assez serrée parce que je ne crois pas que
la population en général approuve ces genres de
réfugiés qui ont tout déchiré, qui ne disent pas
d'où ils viennent et on sait que ça vient de pays
européens qui sont peut-être très heureux de nous les
passer.
Je pense que c'est important qu'il y ait une politique à ce sujet
ou au moins qu'elle soit connue.
M. Dufour (Ghislain): De façon plus globale, si vous me le
permettez, c'est un appui finalement à la position de la ministre face
à Ottawa. Je suis d'accord pour dire qu'on ne connaît pas encore
tous les éléments de votre position, mais il reste quand
même que vous demandez au fédéral d'avoir une loi qui
prévoit ces cas-là et, là-dessus, nous approuvons le
dépôt du projet de loi sans en connaître les
modalités mais pour l'essence, pour le principe. Dans ce sens-là,
nous appuyons la ministre québécoise, M. le Président.
Mme Robic: Donc, c'est fini, M. le Président?
Le Président (M. Trudel): C'est malheureusement
terminé, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques,
pour des remerciements,
M. Boulerice: M. Dufour, même si les séances
précédentes n'étaient pas publiques, vous étiez
présent. Donc, c'est la troisième fois que vous vous impliquez
dans ce dossier. Cela mérite d'être souligné. Je vous en
suis reconnaissant. J'ai noté, d'ailleurs, avec beaucoup
d'intérêt votre énoncé d'un préjugé
favorable face à ce ministère. J'ai bien saisi dans votre ton que
ce n'était pas lié au parti ni au titulaire qui détenait
ce ministère. Alors j'aurai sans doute le plaisir, j'espère, dans
quelques années ou quelques mois, de vous l'entendre dire ou, à
défaut, de vous le servir.
Le Président (M. Trudel): À mon tour; un des
avantages d'être président d'une commission, c'est d'avoir le
dernier mot. Je ne voudrais pas m'en servir pour relancer un débat qui
menaçait d'être amorcé par les déclarations de M.
Beaulieu.
M. le Président, au nom des membres de la commission des deux
côtés de cette table, je vous remercie de votre présence et
d'avoir défendu brillamment votre mémoire. On aura sûrement
l'occasion de vous revoir à l'occasion d'autres commissions
parlementaires.
M. Dufour (Ghislain): Merci, M. .le Président. Merci,
mesdames, messieurs.
Le Président (M. Trudel): La commission suspend ses
travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 58)
(Reprise à 15 h 10)
Le Président (M. Trudel): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de la culture reprend ses consultations
particulières sur le niveau d'immigration pour les années 1988 et
1989, en tenant compte des besoins démographiques, économiques et
socioculturels du Québec, de même que de ses obligations à
l'endroit de la communauté internationale et des familles à
l'étranger des nouveaux résidents québécois.
Nos prochains invités à qui je demanderais de venir
prendre place à la table des témoins - c'est cela, c'est la table
des témoins, cher ami - sont les représentants de la Commission
des écoles catholiques de Montréal. M. Michel Pallascio est le
président et M. Robert Attar, directeur de l'accueil et de
l'administration, si je ne me trompe pas. Messieurs,
bienvenue.
Étant donné que, comme toute bonne commission
parlementaire qui respecte ses traditions, 15 heures, cela veut dire 15 heures
11 minutes, nous allons commencer Immédiatement. Je pense, M. Pallascio,
que vous étiez ici ce matin quand on a rappelé les règles
du jeu. Vous avez plus ou moins 20 minutes pour expliquer votre point de vue et
on aura 40 minutes de discussions avec vous. Allez-y.
Commission des écoles catholiques de
Montréal
M. Pallascio (Michel): Je vous remercie, M. le Président.
Je voudrais remercier les membres de la commission parlementaire de bien
vouloir nous entendre sur ce sujet. Tout d'abord, je voudrais présenter
plus particulièrement la personne qui m'accompagne. Je voudrais aussi
noter une chose: si nous ne sommes que deux personnes pour représenter
la CECM, on ne voudrait pas que ce soit un signe que la présente
commission parlementaire n'a pas d'importance pour nous. Maïs nous sommes
dans une période de calme dans les commissions scolaires et nous
obligeons un peu notre personnel à prendre des vacances durant la
période tranquille.
Je voudrais vous présenter, à ma gauche, M. Robert Attar,
qui est, entre autres, le directeur du service de l'accueil et de l'admission
chez nous, mais aussi, ce qui est beaucoup plus important, qui est membre du
Conseil des communautés culturelles et de l'immigration du
Québec, président de l'Association culturelle
Égypte-Québec et aussi fondateur du service de l'accueil et de
l'admission qui existe depuis 1969 à la CECM. Cet aspect de la
présentation de M. Attar est important parce que la Commission des
écoles catholiques de Montréal est la première à
avoir développé un service d'accueil au Québec et M. Attar
a été l'instigateur, la première personne à fonder
ce service.
Avant de commencer, je voudrais rappeler que, ce matin, nous
étions présents à la présentation du Conseil du
patronat et il y a un aspect important de sa présentation que nous
endossons. Ils ont mentionné tout particulièrement que la
présente commission parlementaire sur l'évolution de
l'immigration au Québec doit se faire aussi de pair avec une certaine
politique familiale. Je m'explique de ce côté-là. À
la CECM, nous avons été particulièrement bien
placés pour voir l'impact de la baisse de la natalité au
Québec. Si on regarde les chiffres de notre clientèle scolaire,
elle est passée de 230 000, en 1969, à 98 000 cette année,
soit en un peu moins de 20 ans. Si nous enlevons les 34 % de la
clientèle immigrante qui font partie de la clientèle actuelle, il
y a un problème majeur en ce qui concerne le remplacement de la
population d'origine francophone ou québécoise, surtout dans la
région montréalaise, entre autres.
Je vais commenter un peu le mémoire que la CECM vous a
déposé. L'immigration s'inscrit dans le cadre
socio-économique des inégalités de développement.
La crise de l'énergie aggravée par les
déséquilibres de l'économie mondiale a eu des
répercussions considérables sur le flux migratoire et sur les
conditions de vie des immigrants dans les pays d'accueil.
Enfin, la confrontation des idéologies politiques et même
des convictions religieuses a multiplié, à travers le monde,
l'exode massif de personnes à la recherche de la liberté. Dans
ces pays d'accueil, la distance sociale qui tend parfois à la
ségrégation des immigrants se compose souvent d'une exploitation
économique, d'une discrimination sociale et très souvent d'une
distance culturelle. L'immigrant est visible par sa langue, parfois aussi son
accent, son mode de vie différent, ses valeurs, ses traditions, sa
couleur, ainsi que ses normes qui sont étrangères à celles
de la société d'accueil.
Naissances vivantes et migration sont les deux facteurs principaux qui
déterminent la taille et la composition de notre population. Or, toutes
les analyses démographiques montrent une baisse continue de la
fécondité et des changements d'importance dans les tendances
migratoires. Les répercussions sont très profondes sur la
composition culturelle de notre société et aussi sur notre
système scolaire.
Une commission scolaire aussi importante que la Commission des
écoles catholiques de Montréal qui, en 20 ans, a perdu
près de la moitié de sa clientèle scolaire doit se
préoccuper, à juste raison, de l'avenir de sa population
scolaire. Nos écoles françaises reçoivent depuis plus de
dix ans une nouvelle clientèle hétérogène et c'est
à Montréal seulement que ce phénomène se
développe par rapport aux autres villes du Québec.
En 1967 - et je pense que les chiffres sont quand même assez
importants ici - les écoles françaises de la CECM avaient 2,6 %,
soit 4843 élèves d'origine non francophone et qui provenaient en
qrande partie d'Europe, alors qu'en 1985-1986 elles en comptaient 36 % au
primaire et 33 % au secondaire, soit une moyenne de 34,5 %. Il y avait donc
quelque 34 000 élèves d'origine non francophone à la CECM
en juin 1986.
Nos prévisions indiquent que, dans moins de cinq ans, soit vers
1991, le pourcentage des élèves d'origine non francophone
à la CECM dépassera 50 % du total de notre clientèle.
Déjà, 32 écoles sur 176 comptent de 51 % à plus de
90 % d'élèves d'origine non francophone chacune et
44 écoles en groupent de 40 % à 50 % chacune. Quand on
parle d'écoles de 90 % d'élèves d'origine non francophone,
c'est que vous avez des classes complètes sans aucun
Québécois francophone.
Cette augmentation est certainement une .conséquence de la loi
101; elle ne résulte pas seulement du phénomène de
l'immigration, mais elle provient surtout du taux élevé de la
natalité chez les familles d'origine ethnique résidant à
Montréal depuis plus d'une génération.
La CECM a été, depuis 1969, le promoteur des classes
d'accueil au moment de la promulgation de la loi 63 qui institutionnalisait
pour les parents le libre choix linguistique de l'école.
En 18 ans, les classes d'accueil ont dirigé quelque 26 000
élèves d'origine non francophone vers les classes
régulières françaises. Ces jeunes, issus des
différentes communautés culturelles, se francisent de plus en
plus et nous avons la ferme conviction que nous nous dirigeons, à
Montréal, vers une génération de plus en plus francophone,
mais, ce qui est très important, de cultures diverses.
Le travail de pionnier accompli à la CECM par des enseignants et
des enseignantes, ainsi que par des directions d'école a assuré
aux classes d'accueil une renommée qui a largement débordé
les frontières du Québec.
Comme ces classes reçoivent les jeunes immigrants de cinq ans
à seize ans tout le long de l'année scolaire, les règles
budgétaires permettent à la commission de recevoir du
ministère de l'Éducation des allocations supplémentaires
pour assurer le bon fonctionnement des classes d'accueil.
À titre d'information, la CECM a reçu 1400 jeunes
immigrants du 1er octobre 1986 au 30 mai 1987 et elle a dû assigner 74
professeurs en plus des 147 enseignants et enseignantes en poste à
l'ouverture de l'année scolaire en septembre 1986 pour desservir 2171
élèves en classes d'accueil.
Le changement démographique de l'immigration. Nous vous avons
remis un tableau très résumé qui tient compte des analyses
faites par la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada,
Statistiques de I'immiqration pour les années 1976, 1980, 1984 et 1985,
qui démontre un peu le changement d'origine de la clientèle
ethnique à l'intérieur de nos écoles. Les pays asiatiques
sont, à l'heure actuelle, à 17 %, les pays de l'Europe de
l'Ouest, à 16 % et les pays d'Amérique centale et
d'Amérique latine, à 14 %.
Il est important de mentionner que, pour les années 1980 à
1986, Haïti est arrivé au premier rang des pays d'où
provient le plus grand nombre d'immigrants, soit 15 576 Haïtiens. Au
deuxième rang, vient le Vietnam avec 11 974 personnes.
C'est quand même, un changement très important sur
l'origine de ces groupes ethniques.
À la CECM, devant ce phénomène migratoire,
l'école française, jusqu'alors monolithiquement
québécoise de vieille souche par ses parents, ses
élèves, ses enseignants et enseignantes, son personnel de
soutien, ses ressources pédagogiques professionnelles et sa direction
scolaire, s'est trouvée face à deux défis de taille:
accueillir et intégrer d'innombrables jeunes immigrants de cultures, de
langues et de races différentes, d'une part, et, d'autre part, recevoir
un nombre important d'élèves accusant de sérieux retards
scolaires, analphabètes ou non scolarisés.
Jamais auparavant le système scolaire du Québec n'a eu
à desservir de telles clientèles. 11 ne possède donc pas
d'outils pédagogiques et de ressources pour combler de telles lacunes
chez ces élèves. La structure des classes d'accueil n'avait pas
été créée pour répondre aux besoins de cette
catégorie d'élèves et les fonds octroyés par le
ministère de l'Éducation ne nous permettent pas d'offrir à
ces nouveaux venus les services auxquels ils ont droit.
La CECM espère donc recevoir du ministère de
l'Éducation les fonds qu'elle lui a demandés pour servir ces
élèves. Tout à l'heure, on voyait que les gens sont
très d'accord sur les problèmes que l'on vit. Il reste que nous
venons un peu avec ce que j'appellerais une liste d'épicerie pour vous
dire les moyens et, surtout, les ressources dont nous avons besoin pour
répondre et donner les services à cette clientèle.
Une partie importante, ce sont les réfugiés. La situation
que nous décrivons s'est aggravée par l'arrivée massive
des revendicateurs du statut de réfugié en 1986-1987. Je tiens
à mentionner ici que la CECM, malgré certains écrits dans
les journaux, a toujours été présente pour recevoir ces
réfugiés. M. Attar ici présent peut témoigner que,
durant le temps des fêtes, l'année dernier, entre autres,
lorsqu'il y a eu des arrivées massives de réfugiés, le
service d'accueil a été ouvert de longues heures è la CECM
le lendemain de Noël et la veille pour recevoir ces gens, les diriger aux
bons endroits et pouvoir leur procurer les services nécessaires.
Il est compréhensible que le climat d'une école puisse
être perturbé par l'arrivée impromptue et dans des
conditions pénibles de jeunes adolescents qui doivent s'adapter à
une nouvelle langue, à un environnement physique différent,
à une réalité socioculturelle et à un
système d'éducation différents de ceux qu'ils ont connus.
Ces mêmes problèmes se posent à l'école face aux
parents de ces jeunes déracinés.
L'école doit aussi harmoniser les relations entre les parents
québécois de
vieille souche et les immigrants qui viennent d'arriver. Or, les
règles budgétaires du ministère de l'Éducation ne
nous permettent pas d'accorder des ressources supplémentaires pour
soutenir pédagogiquement ces jeunes immigrants après leur court
séjour de dix mois en classe d'accueil. Ces nouveaux venus alourdissent
alors par leurs lacunes la clientèle des classes
régulières et retardent involontairement le cheminement de leurs
camarades dans leur apprentissage des différentes matières. Par
nos contacts avec certaines associations ethniques, nous pouvons confirmer que
la volonté de se franciser est là, mais parfois les services de
classes d'accueil, entre autres, ne répondent pas toujours à
leurs besoins. De telles situations peuvent perturber le climat des relations
entre les parents de l'école et provoquer des chocs culturels qu'il faut
à tout prix éviter.
Les politiques de la CECM. Naturellement, la transformation rapide et
grandissante de la démographie de la population des écoles
françaises qui comptent plus de 80 ethnies parlant une trentaine de
langues différentes a incité la CECM à instaurer une
politique des services aux élèves des communautés
culturelles. Nous avons été la première commission
scolaire au Québec à instituer une telle politique.
Elle a comme objectifs, et je tiens à les préciser: 1. De
favoriser d'abord la prise en charge par l'école du quartier d'une
éducation interculturelle basée sur la prise de conscience des
similitudes entre les ethnies, le respect des différences et
l'égalité des chances pour tous les élèves. Quand
on parle de prise en charge par l'école du quartier, nous ne voulons pas
la limiter à l'école. On parle bien d'une implication dans le
quartier et, aussi, avec les différentes associations qui en font
partie. 2. De développer chez les élèves, tant
francophones que non francophones, des attitudes et des comportements
favorisant l'interaction socioculturelle. 3. De permettre à
l'élève non francophone d'acquérir une compétence
en communication orale et écrite correspondant à son âge,
à ses besoins et à ses intérêts. 4. D'assurer aux
élèves non francophones les moyens d'effectuer les rattrapages
nécessaires à la poursuite des objectifs du système
scolaire québécois.
Nous avons préconisé certains moyens. Nous vous en nommons
quelques-uns dans le texte: 1. Assigner des ressources pédagogiques
professionnelles compétentes en la matière pour soutenir le
milieu scolaire concerné. Cela veut dire les moyens de le faire aussi.
2. Offrir aux enseignants et enseignantes des activités de
perfectionnement adaptées aux besoins de chacun des milieux
concernés en prévoyant un budget supplémentaire, si
nécessaire. Je crois que l'on rejoint ici une demande de l'alliance dans
le même sens. 3. Procéder à un recensement du personnel
multi-ethnique de la commission afin de permettre aux milieux qui le
désirent d'avoir recours à ce type de ressource dans la
réalisation de leurs projets. 4. Mettre à la disposition des
écoles un éventail de documents adaptés. Nous avons
développé plusieurs instruments dans les mois passés et
nous avons l'intention d'en développer d'autres. 5. Maintenir et
consolider les services auprès des classes d'accueil, soit en termes de
support linguistique, soit en termes de classes dites de postaccueil. 6.
Développer avec le Service de l'enseignement aux adultes des
modèles d'intervention adaptés aux besoins spécifiques de
(a population peu scolarisée ou analphabète. Dans certains cas,
rejoindre aussi les parents de ces enfants de groupes ethniques dans nos
écoles. 7. Mettre è la disposition des écoles des
personnes-ressources telles que des agents de liaison permettant d'assurer un
lien entre les familles et les intervenants du milieu scolaire, qui servent
aussi d'agents multiplicateurs, dans un certain sens. 8. Mettre en place,
auprès des parents non francophones, des mécanismes d'information
et de sensibilisation les incitant à participer davantage au
comité d'école, au comité régional et au
comité central de parents.
Malgré les restrictions budgétaires et la
réalisation d'autres dossiers pédagogiques prioritaires, la CECM
a concrétisé plusieurs des moyens précités. Pour
nous, depuis plusieurs années, l'accueil des groupes ethniques est,
quand même, une orientation très importante.
Des ressources pédagogiques professionnelles ont
été assignées pour soutenir l'action des enseignants et
enseignantes.
Malgré que nous n'avons pas nécessairement toutes les
ressources du ministère, nous avons, quand même, tenu à
mettre des ressources provenant de la CECM pour aider et donner les services
à ces groupes. Des journées de perfectionnement ont
été offertes aux professeurs. Du matériel didactique a
été élaboré et mis à la disposition des
écoles, permettant de les sensibiliser aux autres cultures.
Un éventail d'activités multiculturelles a
été organisé dans un grand nombre d'écoles avec le
concours des ressources issues des communautés culturelles diverses;
l'enseignement des langues d'origine par le programme PELO qui est
financé par le ministère de l'Éducation; un colloque
organisé pour le PELO et qui a réuni, le 25 avril
dernier, plus de 250 personnes concernées par ce programme, ainsi
que des représentants des groupes ethniques; la diffusion de seize
contes en langues différentes avec la collaboration du ministère
des Communautés culturelles et de l'Immigration, deux moyens qui,
à mon avis, sont très importants.
Les moyens que nous n'avons pu mettre sur pied, ont été
ceux qui exigent des ressources pour du rattrapage et pour du soutien
linguistique. Nous considérons que ces ressources sont indispensables
afin d'atteindre les objectifs principaux de notre action pédagogique.
La volonté existe à la CECM de produire des moyens, de donner des
services; nous avons vu des professeurs donner de leur temps pour produire du
matériel didactique sans que cela ne coûte de ressources à
la CECM. Donc, il y a une volonté de notre personnel de répondre
à ces groupes ethniques. Il faut, quand même, de ce
côté, avoir les moyens de les supporter.
Il est de notre devoir d'attirer l'attention des autorités
gouvernementales sur les conséquences coûteuses et
sérieuses pour notre société si les mesures que nous
réclamons ne sont pas prises, II ne faudrait pas que ces jeunes
deviennent, dans quelques années, des citoyens de deuxième
catégorie. Oui, nous sommes favorables à une politique visant
à augmenter le nombre d'immigrants francophonisables au Québec.
Oui, nous sommes favorables à attirer au Québec des immigrants
investisseurs qui viendront augmenter, par leurs investissements, les emplois
ici. Oui, nous sommes favorables à une immigration humanitaire à
condition que les moyens soient donnés aux divers organismes
concernés, dont les organismes scolaires, pour répondre
adéquatement aux besoins sociaux et éducatifs de ces nouveaux
venus. Il ne faudrait surtout pas que la société d'accueil soit
pénalisée dans les services auxquels elle a droit afin de
desservir une clientèle immigrante pour laquelle des services
adéquats n'ont pas été prévus.
Je pense que vous avez les considérants de nos recommandations.
Je retiens seulement les recommandations: Que le nombre d'immigrants admis au
Québec pour les années 1988 et 1989 soit augmenté pour
atteindre 25 % du nombre des immigrants admis; que l'excellent travail
effectué par le ministère des Communautés culturelles et
de l'Immigration pour attirer des immigrants investisseurs se poursuive et que
les moyens soient accordés à ce ministère pour augmenter
ses stratégies d'intervention; que le nombre de réfugiés
pour le Québec soit limité annuellement à 5000 personnes,
ce qui correspond, pour nous, à peu près aux 25 % du nombre de
réfugiés qui sont admis présentement au Canada; et que des
fonds soient octroyés aux commissions scolaires pour répondre aux
besoins urgents des services de soutien et de rattrapage pédagogiques
pour les jeunes immigrants et leurs familles.
Je pense que c'est une présentation quelque peu rapide de notre
texte. On me fait signe un peu pour le temps. Alors, nous sommes prêts
à répondre aux questions des membres de la commission.
Le Président (M. Trudel): Je vous remercie, M. le
président. Avant de céder la parole à Mme la ministre, il
y a une tradition, qui date de très peu de temps, de la commission de la
constitution, en fait où l'enveloppe de temps est rigoureusement
divisée en deux. Il reste donc 22 minutes par formation politique.
Mme la ministre.
Mme Robic: Merci, M. le Président. Tout d'abord, je
souhaite la bienvenue à M. Pallascio et à M. Attar, de la
Commission des écoles catholiques de Montréal, et je les remercie
d'avoir accepté notre invitation de se présenter ici aujourd'hui.
Je tiens à vous féliciter pour votre mémoire qui a
demandé beaucoup de recherches et de travail.
Je vous ai félicités ce matin - et je veux le refaire
encore cet après-midi - pour le travail qui a été fait
à la CECM pour intégrer les enfants d'immigrants à vos
écoles. Il y a eu des efforts formidables qui ont été
faits et je dois vous en féliciter.
Il y a encore beaucoup d'ouvrage à faire, sans doute, et je suis
heureuse de voir que le ministère de l'Éducation met en
application les recommandations du rapport Chancy. Graduellement, il a
l'intention de mettre en application toutes les recommandations du rapport
Chancy.
Vous êtes d'accord pour augmenter les niveaux d'immigration et je
suis heureuse de vous l'entendre dire. Vous êtes à même de
le savoir parce que vou3 êtes très près de cette population
immigrante. Je suis heureuse de vous entendre dire que Montréal est
devenue une ville multiculturelle, multiraciale et, également, de plus
en plus francophone, que les immigrants parlent de plus en plus
français. C'est bon à entendre et on doit continuer dans le
même sens à les encourager à s'intégrer à la
majorité francophone. (15 h 30)
Cependant, vous limitez le volume annuel des réfugiés au
niveau actuel et, selon vous, il semblerait que les enfants de
réfugiés ont plus de difficultés d'intégration -
c'est ce qui ressort un peu de votre mémoire - que les enfants des
autres catégories.
J'aimerais savoir sur quelles considérations vous appuyez cette
recommandation et quels sont les moyens mis en place par votre commission pour
pallier ces problèmes.
M. Pallascio: Alors, si on prend la question, d'abord, du rapport
Chancy, nous avons quand même certains moyens qui ont été
mis en application à la CECM. Nous en avons mentionné
quelques-uns dans le texte et je demanderai peut-être à M. Attar
de développer cet aspect-là, puisqu'il est à ce service
depuis plus de 18 ans et qu'il pourrait y répondre mieux que moi.
La question des réfugiés qui nous arrivent à la
CECM. Vous avez, dans les chiffres, les pourcentages des personnes qui nous
arrivent et aussi l'origine de ces personnes. Il est sûr qu'à
l'heure actuelle ces personnes nous arrivent aussi dans le cours de
l'année. Il faut alors les recevoir, leur donner le service le plus
rapidement possible. Ce sont des réfugiés et des immigrants qui
ne sont pas nécessairement facilement intégrables à
l'école, donc qui demandent souvent des services supplémentaires
ou plus importants que d'autres groupes.
C'est pour cela que nous mentionnons, dans notre mémoire,
l'importance de pouvoir avoir un soutien et les moyens de recevoir ces
gens-là. Présentement, nous les recevons tous, nous tes
référons aux services que nous avons à la commission, au
service d'accueil tout d'abord, avant de les intégrer aux services
réguliers. Le service d'accueil est un stage d'environ dix mois, qui
n'est pas toujours suffisant pour tous les groupes et pour le genre de groupes
que nous refusons. Quelquefois, ce stage devrait être prolongé de
plusieurs mois avant qu'on puisse les intégrer. Nous ne pouvons Ie3
intégrer au secteur régulier s'ils ne sont pas encore prêts
à faire face à l'enseignement régulier dans une langue
étrangère; il faut absolument pouvoir leur donner un service
complet avant de les amener au secteur régulier.
Ce sont des difficultés que nous rencontrons à
l'arrivée de ces réfugiés, présentement. À
l'heure actuelle, il faut comprendre qu'après ce stage-là ils
sont dirigés vers le secteur régulier qui doit les recevoir
automatiquement. Par conséquent, nous sommes bien souvent obligés
d'ajouter des ressources supplémentaires pour aider le secteur
régulier à recevoir cette clientèle. Ces ressources ne
sont pas toujours prévues dans les règles budgétaires des
différents ministères et peuvent amener un poids, si vous voulez,
supplémentaire vis-à-vis de nos ressources du secteur
régulier.
Alors, ce sont un peu les problèmes que nous rencontrons. Je vais
laisser la parole à M. Attar qui répondra à la
première partie de la question.
M. Attar (Robert): M. le Président, mesdames et messieurs,
il est certainement incontestable que le Québec, actuellement et depuis
toujours, a offert un accueil aux immigrants que je n'ai vu moi-même,
comme ex-immigrant, dans aucun pays du monde, ni même chez nos voisins du
Sud. Malgré les sondages qui démontrent parfois une certaine
réticence de notre population, il est faux de dire que l'on rejette les
immigrants, au Québec. En effet, lorsqu'il a fallu poser des gestes de
solidarité sociale au moment où les réfugiés de la
mer, que l'on appelait communément "boat people", sont arrivés et
qu'il a fallu faire parrainer ces réfugiés par des familles
québécoises - cela coûtait 10 000 $ pour parrainer une
famille de réfugiés de la mer - des centaines de familles
vietnamiennes, asiatiques ont été accueillies au Québec.
Des citoyens se sont réunis pour ramasser cet argent, ces 10 000 $ pour
aider ces personnes à s'installer et à s'intégrer à
notre communauté. Je pense qu'il n'y a pas, au monde, un pays qui a
posé de tels gestes.
Cela dit, il reste que le vécu de chaque jour et la
détonation du tissu de la démographie immigrante provoquent, dans
le système scolaire et dans la population, des attitudes parfois de
rejet et de choc culturel. Des élèves de quatorze ans qui n'ont
que deux années de scolarité, cela n'existe pas au Québec;
des analphabètes de 16 ans, cela n'existe pas au Québec;
fonctionnellement, des gens qui n'ont jamais été à
l'école, cela n'existe pas au Québec, de nos jours. Donc, vous
comprenez qu'alors qu'on le faisait facilement avec des élèves
qui venaient d'autres pays où ils étaient scolarisés, si
nous recevons des élèves sans bulletin, sans document, sans
aucune connaissance de la langue française, en dix mois, on ne peut pas
faire de miracles.
Il est certain que le rapport Chancy a préconisé beaucoup
de moyens, mais il n'a pas dit où aller chercher les fonds. Les fonds ne
se créent pas, ce sont des taxes qu'on doit payer pour que le
ministère ou le gouvernement puisse offrir des services. Donc, nous
sommes dans un cercle vicieux où, recevant une population de
réfugiés, posant un geste humanitaire, le gouvernement qui pose
ce geste doit prévoir des services adéquats à ce geste.
Parfois, il n'y a pas d'équivalence entre le qeste humanitaire et les
besoins dans le milieu de l'éducation, dans le milieu des services
sociaux et dans le domaine de l'assistance à l'accueil de ces nouveaux
venus.
Quand, ce matin, en commission, les personnes qui nous ont
précédés, soit le Conseil du patronat, ont parlé
des structures d'accueil, c'est un peu tous ces services auxquels il faut
recourir lorsqu'on reçoit de telles populations. En plus, nous sommes
dans un domaine où nous devons faire face aux parents; cela veut dire
des parents qui ne comprennent pas les structures scolaires, qui ne comprennent
pas la langue et qui essaient, à travers les COR et les cours qu'on
donne aux adultes, d'apprendre le français. Pendant ce temps-là,
nous avons
des enfants chez nous. Avec leurs valeurs traditionnelles, ils veulent
que l'école remplace l'autorité et tout ce que les parents
doivent offrir comme apport à l'enfant, comme soutien à
l'enfant.
Imaginez-vous deux minutes en orthophonie, par exemple: les
défauts qu'un enfant a dans le langage. Permettez-moi d'entrer dans ces
détails. Quand vous recevez un enfant québécois qui a des
problèmes d'élocution, des problèmes d'audition, il y a du
matériel, il y a des orthophonistes, il y a des ressources. Quand ce
sont des personnes qui ne comprennent pas le français, comment
détecter, d'abord, que cet enfant est sourd, comment détecter que
cet enfant a des problèmes d'élocution dans sa propre langue
maternelle pour qu'enfin on commence à lui apprendre le français?
Vous comprenez qu'actuellement nous entrons, avec cela, dans un nouveau
système scolaire et que c'est au détriment d'une population
régulière, au détriment des services réguliers.
Quand vous parlez de 50 ou 100 élèves, c'est une chose;
quand vous parlez de 3000 élèves, c'est autre chose. Il y a des
commissions scolaires qui n'ont pas 3000 élèves au Québec;
nos classes d'accueil ont 3000 élèves avec la rotation annuelle:
des élèves qui arrivent et des élèves qui sortent,
ceux qui arrivent en mars, ceux qui arrivent en avril, ceux qui arrivent en
janvier, ceux qui arrivent en novembre. Nous sommes le seul système qui
reçoit des élèves tout au long de l'année scolaire
dont 40 % déménagent durant l'année. Ils sont chez le
frère, ils vont chez le beau-frère. Vous rendez-vous compte de
toute la charge de travail que doit affronter une commission scolaire, dans une
ville comme Montréal, qui doit se préoccuper de donner è
ces enfants les services adéquats? En dix mois, on ne peut pas faire de
miracles.
Nous avons pu atteindre certains objectifs du rapport Chancy;
sensibiliser les professeurs, les aider à mieux comprendre les autres,
inviter des animateurs issus des groupes ethniques à faire comprendre
pourquoi - dans certaines familles, cela peut aller très loin - le
frère, la soeur, le père, la mère, le cousin ou l'oncle
peut venir et donner une raclée au petit gars à l'école,
parce que c'est de la famille. Le directeur de l'école ne peut pas
accepter cela. Donc, il faut que les professeurs comprennent tout cela; il faut
que le milieu le comprenne, il faut que les parents le comprennent aussi. Il y
a l'autorité que les Asiatiques délèguent au professeur,
le respect de l'autorité du professeur que les Asiatiques ont dans leurs
familles et qu'ils inculquent à leurs enfants.
Tout cela, nous essayons, n'est-ce pas, de le faire comprendre à
nos professeurs et de les habituer à ces diverses cultures. Cependant,
avec le "bumping" et le déplacement des professeurs, c'est è
recommencer chaque année, parce que les conventions collectives nous
forcent à déplacer des professeurs à cause des surplus.
Donc, vous vous rendez compte que le travail n'est pas fini. Quand vous avez
fini avec une école, on recommence. Où sont les ressources pour
faire face à tout cela?
Donc, c'est un peu ce que nous vous disions. Nous avons pu accomplir
certaines actions très positives, très concluantes, arrêter
des manifestations de chocs culturels. Nos écoles françaises
n'étaient pas habituées à recevoir des gens de couleur.
C'était surtout dans les autres commissions que les professeurs
étaient habitués, bien sûr. Aujourd'hui, nous n'avons pas
tous les instruments nécessaires, mais nous essayons de surmonter et de
diminuer les tensions culturelles qui peuvent naftre dans nos écoles. Ce
que le rapport Chancy disait, nous essayons aujourd'hui de le réaliser
par étapes.
M. Pallascio: Si vous me le permettez, je voudrais seulement
rajouter quelque chose sur la volonté des groupes immigrants de se
franciser. Nous avons reçu, il y a quelques mois, différents
représentants d'associations vietnamiennes à l'assemblée
des commissaires, qui sont venus nous faire part des problèmes qu'ils
rencontrent. Ils nous ont dit: Le problème n'est pas de se franciser,
mais d'avoir les ressources voulues pour le faire. Alors, comme je le
mentionnais tout à l'heure, c'est un exemple du stage d'accueil qui dure
dix mois et qui, dans leur communauté, semble insuffisant. Ils
étaient prêts à suivre des cours l'été,
à ce que l'on accentue le programme, pour autant que l'on ait les moyens
de le faire. Actuellement, le stage est de dix mois, mais ils étaient
prêts à nous suggérer des moyens, si vous voulez, de
permettre cette francisation de leurs gens. Ce sont des points sur lesquels
nous avons discuté. Il y a d'autres problèmes qu'ils rencontrent,
soit la différence de culture et, un peu, la formation que l'on doit
donner aux enseignants face à cette nouvelle culture: comment aborder
des enfants d'origine et de culture différentes, comment faire affaire
avec eux. Ce sont des points importants pour lesquels nous devons
développer de nouveaux outils et donner un support à notre
personnel à l'intérieur des écoles.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. le président, en vous souhaitant la
bienvenue, je pense que vous n'aviez pas à vous excuser tantôt
quant au nombre. Connaissant vos fonctions à la CECM, c'est la preuve
toute évidente de la préoccupation de la CECM dans ce
dossier-là. Vous allez me permettre, j'en suis
certain, de saluer d'une façon particulière M. Attar que
je connais depuis de nombreuses années et avec qui j'ai très
souvent travaillé et collaboré, justement dans le dossier des
classes d'accueil pour enfants d'immigrants. Il comprend bien, aujourd'hui, le
plaisir que j'ai à le revoir, mais cette fois-ci, à titre de
porte-parole de l'Opposition en matière d'immigration et de
communautés culturelles.
Vous avez débuté par un énoncé qui dit: Oui,
la CECM favorise l'immigration au Québec. M. Attar a dit avec beaucoup
d'émotion, qui vient de son vécu, que le Québec
était effectivement une terre d'accueil exemplaire à bien des
égards et qui n'avait pas de leçon à recevoir de qui que
ce soit. Vous avez même dit: Surtout pas de nos voisins du Sud où,
malheureusement, effectivement, s'est produit ce "melting-pot" où on a
fait disparaître des cultures, qui, par contre, Dieu le sait, sont
enrichissantes. Donc, la CECM dit: Oui, nous sommes d'accord avec une politique
d'immigration, une augmentation du nombre d'immigrants au Québec. Nous
sommes d'accord avec l'énoncé d'un Québec pluriculturel,
et d'un Québec pluriculturel francophone, et nous voulons bien remplir
notre fonction d'intégration harmonieuse de ceux que j'appelle,
affectueusement, ces Québécois nouveaux à la culture
francophone majoritaire.
Vous avez fait cet énoncé, mais, par contre, vous avez
parlé de liste d'épicerie et de cuisine. Je suis très
heureux que vous arriviez à cela. Premièrement, cela me
ramène un peu dans le passé. Je vous avoue en avoir quelquefois
la nostalgie, mais voilà effectivement des problèmes très
concrets. On peut faire n'importe quel énoncé de politique, mais,
par contre, cela doit se traduire par des gestes concrets par la suite. Il nous
faut les moyens et les outils nécessaires pour le faire.
Quand je vous entendais, M. Attar, tantôt, dire: Oui, mais nous
avons 3000 élèves par année et on ne sait jamais combien
on va en avoir, je me suis souvenu quand mon directeur général,
M. Bélisle, me disait: Faites-moi donc une prévision
d'élèves pour vos classes d'accueil. Je lui répondais:
Cela m'est impossible, mais demain, peut-être, en ouvrant le journal, si
je vois qu'il y a un coup d'État militaire, une révolution ou une
guerre civile dans un pays, je pourrai peut-être vous dire qu'on a des
chances de recevoir des gens de ce pays-là très bientôt.
Donc, effectivement, c'est très difficile de faire la prédiction
quant au niveau des réfugiés. (15 h 45)
Quand vous fixez un chiffre pour le nombre de réfugiés, je
comprends que votre réticence n'a pas d'autre fondement que les
ressources que vous avez et les difficultés tout à fait
particulières que cela représente. Vous iriez sans doute à
une numerus clausus plus importante si on vous donnait effectivement certaines
garanties quant aux outils ou aux moyens pour mieux les intégrer. Est-ce
que je le comprends bien si je l'exprime ainsi?
M. Pallascio: Si vous le permettez, je vais laisser M. Attar
répondre à cette question.
M. Attar: Du point de vue des démarches scolaires, je
dirais oui. Mais, tout de même, on est la commission scolaire la plus
importante du Québec et, je pense, la première ou la
deuxième au Canada. Il faut aller un peu plus loin que des
énoncés touchant un système scolaire. Philosophiquement,
nous avons, au Québec, une politique humanitaire. Une commission
scolaire qui est un organisme public doit avoir aussi une politique
humanitaire, mais où peut se trouver la limite de la tolérance
lorsque cette politique est déjouée? Comme eximmigrant, je vous
dis que, lorsque j'ai dû venir au Québec, cela m'a pris un an et
demi. On m'a analysé de la tête aux pieds, on a analysé mon
sang, mes urines, ainsi qu'à ma famille, mes empreintes digitales, toute
la patente, les poumons, mon dossier policier, et, ensuite, on m'a dit que je
pouvais venir. Cela a pris un an et demi. Je possédais quatre langues,
deux diplômes supérieurs, la même chose pour mon
épouse. Ce n'était pas facile d'entrer au Québec et au
Canada.
Or, aujourd'hui, je vois arriver des réfugiés qui n'en
sont pas, dans mon bureau à la CECM, je détecte que ce ne sont
pas de vrais réfugiés, qu'ils donnent des raisons. Je ne suis pas
juge, mais j'écoute. Je leur dis: Vous comptez rester ici? Alors, il y a
deux phénomènes. D'abord, il y a des personnes qui arrivent et
qui ne sont pas vraiment des réfugiés. Comme structure scolaire,
nous devons d'abord recevoir des gens qui doivent rester au pays. Or, si vous
me donnez des outils pédagogiques je dis: Oui, cela répond
à une question, mais cela ne règle pas le fond du problème
qui est de recevoir des réfugiés qui n'en sont pas, qui prennent
la place d'autres vrais réfugiés qui devraient être
là. Je ne suis pas prêt à dire: D'accord, j'accepte qu'en
principe, si vous me donnez des outils, on accepte tous les
réfugiés au détriment d'autres objectifs. Surtout lorsque
certains de ces réfugiés vous disent, malgré tous les
services qu'on met à leur disposition: Nous comptons retourner chez nous
remettre la justice en place. Vous rendez-vous compte de l'effet que cela
produit dans la population? Des Québécois paient à ces
personnes leur séjour, les services sociaux, les services scolaires et
les entendent dire: On retournera chez nous.
Nous avons des réactions qui nous viennent des parents dans les
écoles et
partout et nous avons de la difficulté, comme administrateurs
scolaires, à nous trouver face à des personnes qui font de telles
déclarations et se déclarent "réfugiés" entre
guillemets. C'est pour cela que, lorsque vous me posez la question: Si on vous
donne les ressources, les acceptez-vous, je dis: Écoutez, du point de
vue pédagogique, c'est oui. Mais comme institution scolaire, face aux
réactions que j'ai de la population, à la CECM, on a à
répondre à certaines questions et, parfois, nous sommes dans
l'embarras.
M. Pallascio: Si vous me le permettez aussi, sur le nombre de
réfugiés et d'immigrants, je pense que la CECM a
démontré que, depuis dix ans, avec un afflux, quand même,
très important d'immigrants, dont le nombre et le pourcentage ont
augmenté d'année en année, nous avons su répondre
adéquatement à l'arrivée de ces gens, à leur donner
au moins un service et aussi à éviter des problèmes que,
dans d'autres villes, même canadiennes, ils ont connus. Je pense que les
quelques incidents qu'on a connus à la CECM sont très mineurs par
rapport à d'autres événements qui se sont passés
dans d'autres villes.
Ce que nous disons à la CECM, présentement, c'est que
Québec doit avoir sa part d'immigration. Je reviens un peu à ce
que je disais au début. Il faut que ce soit regardé dans le
contexte aussi de la dénatalité au Québec. Nous aurons,
vers 1991, plus de 50 % d'immigrants à l'intérieur de nos
écoles. Quand on parle de donner un service à ces gens, il n'y a
pas de problème. Il faut voir les impacts que cela aura, au plan
sociologique, à l'intérieur de nos écoles d'ici quelques
années. Est-ce que, avec les services qu'on va se donner, même si
on en a les moyens, on aura la capacité de recevoir ce3 gens et de les
intégrer réellement au système, comme on peut le faire
à l'heure actuelle? Ce sont des questions qu'il faut se poser
présentement, à mon avis. Je reviens à ce que disaient les
membres du Conseil du patronat: II faut regarder cela dans un ensemble aussi,
celui d'une politique de la famille au Québec.
M. Boulerice: J'aurais deux autres questions à vous poser
qui sont, en tout cas, brèves dans leur formulation actuellement. La
réponse vous appartient.
Le Conseil de la langue française, dans son rapport "La place du
français dans les écoles", avait fait mention d'un projet
éducatif interculturel pour les écoles. J'aimerais savoir
où vous en êtes, à la CECM, avec cette recommandation du
Conseil de la langue française.
M. Pallascio: On a une politique globale à la CECM
concernant les milieux ethniques. Les objectifs et les moyens que nous nous
donnons se situent dans la politique globale de la CECM. Cela couvre toute la
commission elle-même, ce qui n'empêche pas, dans certaines
écoles, de développer certaines activités locales qui
peuvent se retrouver surtout dans les milieux ethniques. Nous avons, entre
autres, dans certains milieux des moyens bien particuliers, bien locaux, ne
serait-ce que dans des régions comme Montréal-Nord, où
nous avons des concentrations de certaines origines et où nous avons des
services particuliers d'agents de milieux. Nous en avons aussi dans la
région ouest de Notre-Dame-de-Grâce comme telle. Mais, notre
politique, à la commission, est une politique globale qui s'adresse
à la commission d'abord et avant tout. Ce sont des objectifs que nous
nous sommes donnés. Nous sommes la première commission scolaire
à le faire. Avec ces objectifs, nous nous sommes donnés des
moyens que nous avons la possibilité, en tant que commission scolaire,
de prendre. Il y a d'autres moyens que nous revendiquons, si vous voulez,
auprès du ministère pour obtenir les ressources
nécessaires pour pouvoir donner ces services.
M. Attars Vous savez, l'éducation interculturelle, ce n'est pas
aussi facile qu'on le pense. Les groupes ethniques se posent la question:
Qu'est-ce que l'éducation interculturelle? Ou on leur explique
clairement ce que c'est, ou on donne des définitions qui sont
très vagues et imprécises. Il y a une définition, qui me
revient, qui n'est pas officielle, mais qui court dans les coulisses des
groupes ethniques et à laquelle j'adhère, sauf qu'elle n'est pas
expliquée, donc, il y a des interprétations a cela.
L'éducation interculturelle, je l'ai comprise ainsi, est d'abord la
connaissance des diverses cultures pour mieux se comprendre, mieux se
connaître, mieux s'accepter et vouloir vivre ensemble. C'est ma
définition, alors que d'autres l'interprètent en disant que c'est
la convergence des cultures minoritaires vers une culture dominante. Ce sont
des mots que je souligne parce qu'ils sont répétés dans
les milieux ethniques. Je vous ai donné mon interprétation de
l'éducation interculturelle et ce que j'en ai comme écho lorsque
j'assiste à de multiples réunions.
À la CECM, qui a une vocation éducative et sociale,
nous essayons d'abord de faire comprendre ce que sont les autres cultures, de
faire accepter ces cultures, de faire comprendre ce qu'est la culture
québécoise et d'essayer d'amener les parents des familles de
vieilles souches et les nouveaux arrivants, ainsi que les élèves
de ces mêmes souches à s'accepter, à se connaître et
à vouloir vivre ensemble. Sauf que la difficulté à
Montréal, c'est qu'on trouve - je vous ai donné cela dans les
annexes et, si vous avez le temps de les
regarder, dans vos quartiers électoraux ou ailleurs, vous allez
trouver des choses assez surprenantes - une école à 87 %
d'ethnies. Comme Québécois de vieille souche, je serais
minoritaire en s'il vous plaît si je me trouvais là-dedans.
Qu'est-ce que je ferais là? Comment intégrer ces 87 % à la
culture québécoise? Si je suis professeur, je ne sais pas comment
faire, è part mon petit cours que je donne en classe. Allons-nous faire
du "busing" comme aux États-Unis pour transférer les
élèves et avoir une école à 30 %? Mais voyons donc!
Je vous ai dit qu'il y avait 32 écoles qui ont une population de 51 % et
plus. C'était en 1985-1986. Dans une semaine, nous serons en 1987-1988.
Nous sommes rendus, ce matin, à 40 % de population ethnique à la
CECM. Ce n'est plus 34 %. C'est la surprenante découverte que nous avons
faite, parce que nous avons fait cela à la main, école par
école, élève par élève. La fiche de
l'élève dit: nom de l'élève, langue parlée,
lieu de naissance. Alors, je lis: Pierre Noël, francophone, né
à Montréal. J'entre en classe et Pierre Noël est
Haïtien. J'aurais cru que c'était un Québécois de
vieille souche. Donc, il a fallu faire à la main un travail de sept mois
pour savoir où en était notre population ethnique. La croissance
démographique est de 2,5 % par année. Ce matin, nous en sommes
à 40 % et on continue.
Donc, comment puis-je énoncer d'une façon très
claire la définition de l'éducation interculturelle et me trouver
dans des bassins où j'ai de la difficulté à pouvoir ailier
ces deux sociétés? C'est pour cela que, dans le texte, je dis que
des élèves passent de la maternelle au secondaire V
français; qu'on ne vienne pas me dire que nous sommes en train de
fabriquer des anglophones parce qu'alors je mets en doute mon système
scolaire. Chaque fois qu'on dit 1 % à la CECM, il s'agit de 1000
élèves; 40 %, c'est 40 000 élèves dont la
majorité vont à la maternelle au secondaire V. On se dirige,
mesdames et messieurs, vers une société francophone. Je suis
optimiste. Une transformation linguistique ne se fait pas avec des sondages
à tous les trois mois. Cela prend dix ans, une génération.
Je suis sûr qu'à ma retraite je verrai dans les journaux qu'on se
dirige vers une société francophone, mais non culturellement
québécoise. Et c'est cela, le défi.
M. Boulerice: Je sais que mes collègues veulent
également vous interroger. Je vais me limiter è une seule et
dernière question. Vous avez, justement, mentionné les
maternelles. Quel bilan faites-vous des maternelles d'accueil à plein
temps?
M. Attar: Très positif. Malheureusement, on nous les a
coupées par une règle budgétaire qui n'a aucun sens et
contre laquelle nous nous sommes battus. C'est comme un directeur
d'école, qui a des élèves sourds qui viennent d'Abitibi et
des élèves sourds qui viennent de Montréal, qui aurait
deux systèmes pédagogiques: un régime pédagogique
pour les sourds de l'Abitibi et un régime pédagogique pour des
sourds qui viennent de Montréal, dans la même école, dans
le même quartier. C'est ce qu'on a fait avec les immigrants, mais les
immigrants n'ont pas de force politique. On a donné une maternelle
d'accueil à plein temps à tous les enfants dont les parents sont
arrivés au Québec depuis moins de cinq ans et à des
non-francophones, à des enfants qui n'entendront jamais parler
français chez eux de l'âge de six mois jusqu'à cinq ans, on
donne une demi-journée et on appelle cela des maternelles de
francisation. C'est ainsi que nous avons maintenant des problèmes dans
les classes de première année où sont ces enfants de la
maternelle de francisation, des enfants qui doivent fréquenter
l'école française, mais qui n'ont eu qu'une demi-journée
de classe... On les a coupées en 1978. On a dit: Si les parents sont au
Québec depuis plus de cinq ans, donc, si les parents sont arrivés
avant 1982 en septembre prochain, soit en septembre 1987, les enfants iront
à la maternelle à la demi-journée. S'ils sont
arrivés en 1982 et après 1982, chaque cinq ans c'est comme cela,
ils ont le plein temps. Dernièrement...
Mme Harel: Est-ce qu'on peut vous demander d'être concis,
par exemple, M. Attar?
M. Attar: Les pressions que nous avons faites ont permis de
recevoir expérimentalement, l'année passée et cette
année, six groupes de francisation qui ont eu le temps plein pour voir
si vraiment ce que nous disons est réel et si ces enfants-là,
grâce à cela, ont amélioré leur français pour
pouvoir faire une première année adéquatement.
M. Pallascio: Très rapidement, je pense que c'est un
besoin. On a vu le besoin et les demandes qui étaient là. Mais le
plus important, je pense qu'il ne faut pas oublier que, dans le domaine
scolaire, ce sont des jeunes que nous avons entre les mains et, donc, qu'ils
vont passer par le système scolaire pour se former. Il est
extrêmement important de pouvoir les avoir le plus rapidement possible et
de les prendre en main dès le départ pour leur donner le meilleur
service possible.
M. Boulerice: Je vous remercie, M. Pallascio et M. Attar.
Le Président (M. Trudel): Mme la députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Vous ne voulez pas intervenir, M. le
Président?
Le Président (M. Trudel): Non, pas sur ce
mémoire-là. (16 heures)
Mme Harel: Ah bon! Oui, avec plaisir.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Richelieu.
Mme Harel: C'est la règle de l'alternance, alors.
M. Khelfa: Merci.
Le Président (M. Trudel): Allez-y.
M. Khelfa: Merci, M. le Président. J'aurais quelques
interrogations, quelques informations ou clarifications à demander en ce
qui concerne les classes d'accueil. Avec tout le dossier, toute la situation de
la non-confessionnalité et de la confessionnalité, avec quoi vous
devez vivre tous les jours dans vos écoles, surtout en ce qui a trait
aux classes d'accueil, comment vous organisez-vous physiquement et
réellement dans des classes de cette nature? Quelle sorte d'approche
prenez-vous?
M. Pallascio: II faut comprendre une chose dans le moment: c'est
peut-être pluri-etnique, mais ce n'est pas nécessairement
plurireligieux. Notre clientèle est à plus de 90 % d'origine
catholique. Si on prend les immigrants, puisqu'on parle des classes
françaises, on va s'en tenir à celles-ci, plus de 75 % des
arrivants d'origine ethnique sont catholiques aussi. Si vous prenez le secteur
anglais, nous sommes aussi, quant aux groupes ethniques, à plus de 90 %
parce que voua rajoutez, à ce moment-là, ceux d'origine
italienne. Alors, dans les classes d'accueil, ce n'est pas différent,
à l'heure actuelle, de notre clientèle régulière.
De ce côté-là, le respect des minorités est
là et ceux qui demandent le service l'obtiennent. II faut comprendre que
les classes d'accueil, c'est avant tout pour les amener à
s'intégrer au secteur régulier. Donc, on ne retrouve pas
tellement de cours basés sur une question religieuse ou morale, ce sont,
d'abord, des cours de francisation afin de les amener à fonctionner
à travers le secteur régulier, au niveau de la langue. Quand ils
arrivent dans le secteur régulier, ils ont les mêmes droits et les
mêmes services que les autres élèves du secteur
régulier.
M. Khelfa: Cela veut dire que la même règle
s'applique.
M. Pallascio: Oui.
M. Khelfa: D'accord. Un autre point. Dans votre mémoire,
à la page 13, dans une des recommandations, vous mentionnez que vous
souhaitez que le niveau d'îmmiqration augmente à 25 %. Est-ce que,
si je comprends bien, vous voulez que ce soit augmenté à partir
de l'année prochaine, à partir de 1988-1989?
M. Pallascio: Non. À notre avis, il y a une question de
remplacement, si vous voulez, d'avoir une clientèle à l'heure
actuelle. Comme nous ne pouvons pas avoir une clientèle
québécoise, il faut, quand même, permettre d'avoir un
remplacement de la population, A ce moment-là, nous croyons que le
Québec a le droit, d'après ta proportion de sa population,
à 25 % de l'immigration. Il en est de même pour la question des
réfugiés.
M. Khelfa: La phrase dit - parce qu'on parle de 1988-1989, on ne
parle plus de 1987-1988 qui n'est pas encore terminée -que, pour
1988-1989, elle soit augmentée pour atteindre 25 %. Selon notre
jugement, nous sommes à 17 %, actuellement, ou presque; nous naviguons
entre 15 % et 17 %. Donc, d'ici là, qu'elle soit portée à
25 %, soit par tranches de 4 % ou de 6 %, pour qu'elle atteigne 25 % de celle
du Canada. Toronto, vous le savez, a environ 47 % de la population immigrante
du Canada.
Le Président (M. Trudel): 5i vous avez une autre question,
allez-y, il vous reste du temps. Sinon, vous pourrez revenir pour quelques
minutes.
M. Khelfa: Je vais revenir.
Le Président (M. Trudel): Mme ta députée de
Maisonneuve.
Mme Harel: Oui. Merci, M. te Président.
Le Président (M. Trudel): Quatre minutes trente secondes,
s'il vous plaît.
Mme Harel: C'est vraiment très court. M. le
président de la CECM, à la page 7, on retrouve une affirmation
dans le sens que la CECM a comme mandat "d'accueillir et d'intégrer
d'innombrables jeunes immiqrants de cultures, de langues et de races
différentes", de religions également. C'est un peu dans le sens
de. l'intervention que vient de faire mon collègue. Vous avez dit que 90
% étaient de confessionnalité catholique. Mais, les chiffres
d'une étude menée par un organisme de coopération nord-sud
auprès de la CECM démontraient que, présentement, on
retrouve dans 60 % des écoles des élèves musulmans ou des
élèves d'une autre religion orientale; dans 40 % des
institutions
scalaires de la CECM, des élèves de
confessionnalité grecque orthodoxe et, dans 57 %, des
élèves de confessionnalité protestante, Ce sont bien
là des chiffres valides?
M. Pallascio: Ce sont des pourcentages d'institutions qui
reçoivent des jeunes.
Mme Harel: Oui.
M. Pallascio: Nous en avons un peu partout.
Mme Harel: Alors, il peut y en avoir peu. Mais, dans le domaine
du respect des droits, ce n'est pas le nombre qui compte, évidemment; on
s'entend là-dessus. Il n'y en aurait que deux ou trois par écoles
et, déjà, j'imagine que l'objectif de la CECM, ce serait
d'accueillir et d'intégrer des jeunes de cultures, de langues, de races
et de religions différentes.
Je pense que j'ai eu l'occasion de vous en féliciter: en 1984,
vous avez été la première commission scolaire à
rendre publique une politique d'accueil interculturelle avec tout
l'élément, toute la dimension interconfessionnelle, et j'aimerais
vous entendre là-dessus. Vous avez aussi fait part, avec raison, de
l'augmentation régulière d'effectifs québécois, de
jeunes de familles immigrantes. Évidemment, j'aimerais vous entendre
également relativement à une augmentation spectaculaire des
effectifs scolaires de votre pendant sur l'île de Montréal, The
Protestant School Board of Greater Montreal et de son secteur francophone. Si
l'augmentation est importante pour la CECM, vous savez certainement que la
commission scolaire qui a la plus importante progression de ses effectifs,
c'est le secteur francophone du PSBGM. Est-ce que l'aspect interconfessionnel
n'est pas étranger? J'aimerais vous entendre là-dessus.
Également, M. Attar, je dois vous dire que, vraiment, cette
conception que vous nous avez exprimée sur les réfugiés
qui se rendent à vos bureaux nous est difficile à partager.
N'oubliez pas qu'un réfugié, ce n'est pas un immigrant qui a
quitté volontairement son pays d'origine. Un réfugié, par
définition - je parle de ceux qui ont toute la légitimité
pour se donner ce statut ou se faire octroyer ce statut - c'est quelqu'un qui
quitte involontairement son pays, parce qu'il doit s'en exiler et qui a le
souci, j'imagine, ou l'espérance d'y retourner. Il est certainement
souhaitable qu'on n'oublie jamais que les réfugiés qu'on
reçoit sont susceptibles, plusieurs d'entre eux, de retourner dans leur
pays d'origine.
Je me rappelle une entrevue avec l'ambassadrice du Canada à
Buenos Aires qui expliquait que, si l'arrivée de réfugiés
en provenance d'Argentine s'était tarie, c'est parce qu'il y avait eu un
retour à la démocratie et que des gens étaient
retournés dans leur pays. Alors, je pense qu'il faut avoir une vision
différente pour des enfants de familles réfugiées et des
enfants de familles immigrantes. Les uns sont ici pour y rester, pour toujours,
et les autres, peut-être y resteront-ils; cela dépendra des
circonstances. Mais, certains, avec raison, souhaitent pouvoir y retourner.
Cela dit, j'aimerais partager votre optimisme, que l'on retrouve
à la page 4, sur une génération de plus en plus
francophone. Les chiffres que l'on retrouve dans différents rapports,
soit le rapport Chancy ou celui du conseil scolaire, démontrent que,
jusqu'en 1976-1977, 82 % des enfants allophones étaient à
l'école anglaise, puis, selon les derniers chiffres que j'ai eus pour
1983-1984, c'était 60 %. Donc, il y a eu vraiment une
amélioration considérable dont on peut finalement se
réjouir.
Cependant, il y a toute une marge entre la maîtrise de la langue
française et l'usage du français à la maison. Même,
vous disiez que les enfants qui arrivent à la maternelle, parfois, n'ont
pas entendu un mot de français entre 6 mois et 5 ans. Malheureusement,
les chiffres les plus récents, ceux de 1986 du Bureau de la statistique
du Québec, je vous en parlais...
Le Président (M. Trudel): Mme Harel, je dois vous rappeler
que, malheureusement, votre temps est écoulé depuis
déjà fort longtemps. Si vous voulez conclure votre question pour
les représentants de la CECM.
Mme Harel: Je conclus en disant que moi, en ce qui me concerne,
je ne peux pas généraliser à partir du seul milieu
scolaire. Je dis que oui, en ce qui concerne le milieu scolaire, il y a
définitivement un résultat de francisation qui est vraiment
réjouissant. Mais, je ne peux pas généraliser, à
partir du seul milieu scolaire, les transferts linguistiques en faveur du
français. Au sens où l'entendent tous les chercheurs, l'abandon
de la langue maternelle en faveur du français, cela, ce n'est pas encore
chose faite, Pour tout de suite, les chiffres les plus récents, ceux qui
font le pont sur les dix dernières années, nous démontrent
tout à fait le contraire.
M. Pallascio: Si vous le permettez M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Sûrement, allez-y!
M. Pallascio: Si vous me permettez de revenir sur certains points
que vous avez mentionnés tout à l'heure, sur la question des
réfugiés, il faut comprendre une chose: quand on regarde
l'arrivée des réfugiés au
Québec, quand on regarde ceux qui sont dans les camps
présentement et qui doivent attendre longtemps avant d'obtenir la
permission d'immigrer, vous avez des gens qui arrivent ici et qui ont
payé des prix fabuleux et qui ne viennent pas nécessairement
directement de leur pays. Enfin, de ce côté-là, on
aimerait... Je parlais des "boat people", tout à l'heure. Nous avons
accueilli de3 gens qui étaient réellement dans la misère.
Mais, lorsqu'on est obligé de mettre un nombre à ces
arrivées-là, je pense qu'il y aurait lieu de regarder qui on
reçoit.
Vous avez parlé aussi du PSBGM, du développement du
secteur francophone. Je pense qu'il faut faire attention à certaines
choses. Ici, nous avons les chiffres pour tout le Conseil scolaire de
l'île de Montréal. La CECM reçoit trois ou quatre fois plus
d'immigrants que toute autre commission scolaire; en conséquence, elle
est la plus importante et le PSBGM est la seconde en importance. Pour
l'année 1985-1986, la CECM a reçu 2326 étudiants du
secondaire, et 625 pour le secteur du PSBGM.
Il faut comprendre que le PSBGM semble développer son secteur
francophone parce qu'il n'existait pas auparavant. À cause de la loi 101
et des lois linguistiques, naturellement, par la force des choses, il a
développé, lui aussi, un secteur francophone pour les immigrants
qui sont là. Il faut aussi comprendre que nous recevons des
élèves protestants, à Montréal, qui se dirigent
normalement vers le PSBGM. Mais, je pense qu'il y a certains ballons qu'il faut
dégonfler. C'est sûr que le PSBGM, dans le moment, a un secteur
francophone en expansion puisqu'il part presque de zéro; mais, nous
aussi, il est en expansion, notre secteur francophone. Tout comme celui du
PSBGM notre secteur anglophone est en diminution; donc, cela entraîne
chez nous, une diminution de notre clientèle totale. Mais, cette
diminution se fait au secteur anglophone et non au secteur francophone. Nous
sommes aussi en expansion, si vous voulez, sur cet aspect-là.
La question confessionnelle, à notre avis, ne joue pas du tout
dans cela. Sur ces points-la nous avons les chiffres à la CECM, et les
différents dossiers, qui sont sortis à un moment ou à
l'autre, n'ont démontré aucune modification pour une question
confessionnelle. Il est bien sûr que les protestants vont se diriger vers
le secteur protestant, les catholiques vers le secteur catholique, et les
autres ont à choisir entre les deux systèmes. À la CECM,
nous ne refusons personne, de quelque religion qu'ils soient ou pour quelque
raison que ce soit. Ils sont libres de venir, nous leur donnons le service
lorsqu'ils arrivent chez nous. Naturellement, il y a le respect des
orientations de la commission de façon générale et ceux
qui ne sont pas d'accord avec les orientations ont, quand même, le droit
à l'option que toute autre commission scolaire offre dans la
province.
Le Président (M. Trudel): Mme la
députée.
Mme Harel: II ne reste plus de temps, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): L'enveloppe de votre formation
est déchirée, j'allais dire, depuis un bon moment. Celle de la
formation ministérielle, que je représente comme président
de la commission, ayant encore quelques feuillets pour quatre minutes, je me
permettrai, M. le président, de vous poser deux questions qui sont des
questions de chiffres. C'est important quand on parle d'immigration et on en a
parlé beaucoup depuis le début. Dans un cas, la CECM dit vouloir
accélérer de façon importante l'immigration au
Québec. Vous parlez de 25%, on l'a dit tantôt, à partir de
maintenant et rapidement, ce qui équivaudrait à peu près
à 35 000 immigrants dès 1985. Vous nous dites, dans vos
recommandations - ce que je comprends fort bien, d'ailleurs - manquer de fonds
pour répondre aux besoins urgents des services de soutien et de
rattrapage pédagogique, ainsi qu'aux services aux jeunes immigrants et
à leurs familles. Donc, si vous demandez une accélération
de l'immigration, il va falloir encore mettre beaucoup plus de sous. Premier
aspect d'une question.
La deuxième me surprend davantage. C'est qu'en voulant limiter
à 5000, donc à toutes fins utiles, en gelant le nombre de
réfugiés que vous voudriez voir acceptés au Québec,
vous vous trouvez à diminuer de façon, à mon avis,
extrêmement importante la proportion de ce qu'on appelle l'immigration
humanitaire puisque, si votre total augmente, cela passerait de 25% à
15%. Est-ce que c'est vraiment l'objectif que vous recherchez?
M. Pallascio: Écoutez, il faut comprendre une chose. Nous
faisons une distinction entre immigrants et réfugiés. Alors, les
25% s'appliquent au taux d'immigration. Les réfugiés, pour nous,
c'est une question de supplément.
En ce qui regarde la question d'augmenter le nombre d'immigrants, je
pense que tout à l'heure vous avez entendu le Conseil du patronat qui,
pour des raisons économiques, vous faisait valoir l'importance
d'augmenter le taux d'immigration, soit de remplacement de la population; il
faut aller en évolution.
Quand on regarde au niveau scolaire, c'est un peu le même discours
que l'on tient de ce côté-là. Nous avons aussi, si vous
voulez, à respecter l'aspect social et non pas
seulement éducatif. On a aussi un rôle social de ce
côté-là et nous vous mentionnons qu'à notre avis,
après étude du dossier, il faut absolument qu'il y ait une
augmentation du taux d'immigration si on veut garder le même niveau de
population que nous avons présentement, sinon l'augmenter.
Quant aux moyens - nous l'avons expliqué dans notre
mémoire - j'aimerais insister pour dire que nous avons la
possibilité à l'intérieur de la commission de
développer des outils, d'abord par nos propres moyens. Mais, nous
pensons que, actuellement, si on veut qu'en tant que commissions scolaires, on
donne un service et qu'on joue un rôle de francisation et
d'intégration de ces gens-là, il faut nous aider à
développer ces services, nous donner le matériel didactique pour
les rejoindre et les intégrer le plus rapidement possible au secteur
régulier. Voilà, pour la question de l'augmentation à 25
%. Quant aux réfugiés, comme je vous l'ai mentionné tout
à l'heure, pour nous, c'est un autre domaine, même s'il est un peu
connexe.
Le Président (M. Trudel): Oui, je suis tout à fait
d'accord que cela constitue un autre domaine évidemment, sauf que la
question que je vous posais c'était: Réalisez-vous qu'en gelant
le nombre votre proposition veut geler le nombre de réfugiés -
vous diminuez la proportion des réfugiés dans le total des
immigrants acceptés au Québec?
M. Pallascio: II faut comprendre que, actuellement, les
réfugiés demandent beaucoup plus de services que le secteur
régulier de l'immigration. Présentement, si on mentionne des
chiffres, il faudrait peut-être regarder, dans un aspect plus global, les
possibilités qu'on aurait de les recevoir et de donner ces services.
À l'heure actuelle, quand on regarde la situation, on pense que c'est un
chiffre raisonnable proportionnellement à la population que l'on a et
que l'on va recevoir.
Le Président (M. Trudel): Je vous remercie. Mme la
ministre.
Mme Robic: Tout simplement, M. le Président, j'aimerais
remercier encore une fois nos invités, les féliciter de leur
travail et leur suggérer de continuer. Vous pouvez, d'ailleurs, compter
sur notre appui dans votre démarche.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. Pallascio et M. Attar, je vous remercie. Ce que
vous qualifiez de souhaitable dans votre mémoire, je pense que cela doit
devenir réalisable dans ce qu'on conviendra d'appeler les meilleurs
délais.
Mme Harel: Raisonnables. M. Boulerice: Raisonnables.
M. Pallascio: On remercie les membres de la commission de nous
avoir reçus. Merci.
Le Président (M. Trudel): Messieurs, au nom de la
commission, je voua remercie et vou3 souhaite un bon retour à
Montréal. Nous allons suspendre les travaux pour trois à cinq
minutes environ, avant de recevoir les représentants de l'Alliance des
professeurs de Montréal.
(Suspension de la séance à 16 h 18)
(Reprise à 16 h 23)
Le Président (M. Trudel): S'il vous plaftl J'invite les
députés de part et d'autre de la table à prendre place de
même que les représentants de l'Alliance des professeures et
professeurs de Montréal. Mme la présidente de l'alliance, il me
fait plaisir de vous revoir. La dernière fois que nous nous sommes vus
en cette salle c'était au mois de mai, à l'occasion de la
commission sur les accords constitutionnels du lac Meech qui sont devenus
l'accord constitutionnel d'Ottawa. Vous êtes accompagnée, je
crois, du premier vice-président, M. Denis Grenon. Alors, je vous
souhaite la bienvenue à la commission de la culture sur le niveau
d'immigration. Vous aussi êtes une vieille -le mot n'est pas
péjoratif - habituée des commissions parlementaires, vous
connaissez très bien les règles du jeu - un peu comme M. Dufour
ce matin - je n'ai pas à vous les rappeler: plus ou moins vingt minutes
et la période d'échange suivra.
Alors, madame, en vous souhaitant la bienvenue, je vous cède
immédiatement la parole.
Alliance des professeures et professeurs de
Montréal
Mme Pagé (Lorraine): Je vous redis bonjour. Je serais
portée à dire que c'est encore moi et vous verrez que j'ai de la
suite dans les idées puisque je vais vous parler aussi de l'accord du
lac Meech à l'égard de l'immigration. Je vais laisser M. Denis
Grenon, premier vice-président de l'alliance, vous présenter un
peu les raisons et les limites de notre intervention devant la commission
parlementaire, mais aussi vous situer un peu la façon dont nous avons
travaillé pour produire ce mémoire. Après sa très
courte présentation, je vous reviendrai pour présenter vraiment
le fond du mémoire lui-même et les recommandations.
M. Grenon (Denis): Bonjour. Alors, plus
de 7000 enseignantes et enseignants francophones à l'emploi de la
Commission des écoles catholiques de Montréal ainsi que des
salariés de deux institutions privées oeuvrant dans la
rééducation sont membres de l'alliance.
Cette courte présentation de l'alliance justifie notre
intervention devant la commission de la culture ainsi que les limites de cette
intervention. Oeuvrant quotidiennement dans les écoles de
Montréal, nos membres ont pu se faire quelques idées sur
l'immigration. Quant à l'alliance, l'organisme syndical et
professionnel, elle a su, depuis de nombreuses années, se
préoccuper de l'immigration et de la réception des arrivants:
est-il nécessaire de rappeler que l'alliance a participé de
très près à la création des classes d'accueil et
des COFI, par exemple? Ou qu'elle a envoyé, il y a quelques
années, grâce au soutien de l'Office
franco-québécois pour la jeunesse, un groupe d'étude en
France pour examiner les modes d'intégration des arrivants dans le
système scolaire de ce pays? 5oit dit que ce projet a drôlement
intéressé nos collègues français.
Francophones, nos membres enseignent à de jeunes francophones ou
présumés tels et à de jeunes allophones. Les prises de
position de l'alliance en faveur du français, de sa qualité et de
son expansion sont bien connues. Elles ne sont pas inspirées par un
nationalisme que certains pourraient juger étroit et frileux, mais par
la fierté de posséder une langue internationale qui permet
d'exprimer un mode de pensée original, une culture riche, alternative
bienvenue à l'hégémonie culturelle
anglo-américaine. On ne sera donc pas surpris de voir
transparaître cet attachement à notre langue . et à notre
culture dans les pages de ce mémoire.
L'alliance peut donc légitimement présenter un avis sur
l'immigration. Quant aux niveaux... nous n'aurons pas la prétention de
nous présenter en experts. N'étant ni un groupement
d'économistes ni une association de démographes, l'alliance n'a
évidemment pas toute la compétence souhaitée pour traiter
du sujet. Elle a cependant acquis une expérience ancienne et
quotidienne.
Notre mémoire a une autre limite: notre point de vue est
montréalais. Mais cette limite n'est pas trop contraignante puisque
l'immigration se manifeste particulièrement à
Montréal.
Permettez-nous une dernière remarque; quand on traite de niveaux
d'immigration, on peut entendre deux réalités différentes
et complémentaires: des niveaux quantitatifs et des niveaux qualitatifs.
Circonspects quant aux premiers, nous nous sentirons plus aptes à
aborder les seconds.
Je tiens à souligner à la commission que le mémoire
a été préparé par un groupe d'enseignantes et
d'enseignants parmi lesquels nous retrouvons très majoritairement des
enseignants et enseignantes d'autres ethnies que québécoise. Dans
ce comité, j'étais le seul Québécois. Donc, cela
vous place dans la perspective que ce document vient de la souche même de
nos enseignants.
Pour poursuivre le travail de ce document, je laisse la parole à
la présidente de l'alliance.
Mme Pagé: Comme vous l'avez constaté à la
lecture, le document se divise en quatre parties. La deuxième partie a
attiré votre attention sur la situation de l'immigration au
Québec, la troisième traite de la croisée des chemins
démographiques, donc, un peu des choix que nous avons à faire,
des questions que nous avons à nous poser; la dernière partie
contient nécessairement les recommandations que nous acheminons à
la commission aujourd'hui.
Sur la situation de l'immigration au Québec, vous me permettrez
d'être assez concise. Je vous dirai qu'il arrive parfois que l'Alliance
des professeurs de Montréal souscrit tout à fait aux propos de la
CECM, C'est le cas pour le propos qui vous a été acheminé
tantôt par le président de la CECM sur la situation qui se vit
dans les classes, dans les écoles de la CECM. C'est un portrait tout
à fait conforme à la réalité. Donc, je ne vous
ferai pas le plaisir de l'entendre en stéréo, mais je souscris
pleinement à ce qui vous a été dit.
Je voudrais vous faire remarquer deux choses qui sont importantes. C'est
que les types d'immigration ont changé. Nous ne recevons pas aujourd'hui
le même type de clientèle scolaire immigrante dans nos
écoles, dans nos classes, qu'il y a dix ou quinze ans. Et aussi, la
nouvelle forme d'immiqration qu'ont pu représenter, par exemple, les
revendicateurs du statut de réfugié a fait que notre organisation
scolaire montre des lacunes pour faire face à cette nouvelle
réalité. Tantôt, M. Pallascio vous disait: Plus d'enfants,
des besoins diversifiés, des ressources limitées, mais aussi des
enfants qui arrivent en concentration et souvent, nos règles font que
nous manquons de flexibilité pour faire face à tout cela. Il n'y
a pas à se faire des blâmes sur le fait que nous n'ayons pas
été capables de remplir tous les besoins, cela peut arriver, mais
on pourrait, par exemple, distribuer des blâmes et critiquer de
façon très virulente si des correctifs n'étaient pas
apportés pour que de telles choses ne se reproduisent pas.
Je suis à la page 6 du mémoire. Je voudrais insister aussi
sur trois éléments qui nous semblent importants. Pour nous, pour
le Québec, l'immigration est une responsabilité, une
nécessité et une contrainte. Tant que nous n'aurons pas
regardé toute la question de l'immigration par cette triple lunette,
nous aurons peut-être fait des choix malheureux.
D'abord, c'est une responsabilité. Nous disons que les grands
courants migratoires résultent de tensions des relations
économiques entre les États aussi. Tant qu'il y aura des
répartitions inégales dans la distribution des richesses, des
ressources naturelles, tant que des couches importantes de population de pays
pauvres n'auront pas les conditions minimales de vie décente, tant aussi
que nous serons dans notre société de communications rapides qui
offre des mirages è ces populations mal nanties, il y aura donc des
courants migratoires.
Le Québec, pays prospère, attire de ces immigrants pour
différentes raisons. Les gens fuient la répression, les menaces,
la guerre, ils viennent rejoindre un parent, ils viennent investir, ils veulent
avoir un accès à un niveau de vie plus élevé. Les
uns arrivent avec un statut d'immigrant officiel, les autres arrivent avec un
statut de réfugié avant d'entrer au Québec, mais bon
nombre, depuis quelques années, atterrissent ici sans aucune sorte de
statut et revendiquent le titre de réfugié dès leur
arrivée.
Depuis peu de temps, donc, l'immigration traditionnelle venue de paya
européens ou en voie de développement qui était bien
contrôlée par l'État et qui touchait des individus
dotés de ressources financières ou intellectuelles qui
facilitaient leur intégration a cédé le pas à un
afflux d'individus qui sont souvent sans ressources financières, peu
instruits, parfois analphabètes, venant de pays en guerre et
motivés par des raisons comme la peur, la panique et une profonde
insécurité. Le Québec les accueille volontiers et je pense
que nous n'avons pas à rougir de l'accueil que nous avons donné
aux immigrantes et aux immigrants au Québec. Il faut dire aussi que
c'est un juste retour des choses parce que le Québec, comme toutes les
sociétés industrialisées, il faut bien le dire, a
bénéficié et même profité des ressources du
tiers monde.
Une deuxième réalité que je vous signalais, c'est
que l'immigration est une nécessité pour le Québec. Comme
beaucoup de pays industrialisés, nous souffrons d'un déficit
démographique. Probablement que vous avez lu comme moi les
différents reportages dans les journaux à cet effet. Notre taux
de fécondité pose encore de façon plus alarmante la
question de l'immigration. La CM montre d'ailleurs un exemple
éloquent de l'importance de l'immigration et de sa
nécessité puisque cette population scolaire à
Montréal aurait diminué de façon encore beaucoup plus
dramatique s'il n'y avait pas eu la part d'immigration compte tenu de la
dénatalité chronique que nous constatons au Québec. Ce
n'est qu'un exemple, évidemment, mais c'est un exemple qui est
probant.
À la page 12 du mémoire, nous tenons à vous
signaler que le solde migratoire du Canada a toujours été positif
de 1967 à 1985, contrairement à la situation
québécoise. Cela nous révèle que, pour beaucoup
d'immigrants, le Québec est une porte de passage, une porte
d'entrée avant d'aller ailleurs au Canada ou aux États-Unis. Cela
devra nous amener à nous poser des questions et à faire des choix
un peu plus loin dans la présentation du mémoire.
Dernière réalités l'immigration, tout en
étant une nécessité et une richesse, est aussi une
contrainte par deux éléments. D'abord, il faut se poser les trois
questions suivantes: Dans les conditions actuelles, l'immigration est-elle
économiquement avantageuse pour le Québec? Est-ce qu'elle peut
altérer la personnalité du Québec, son caractère
spécifique ou distinct? Est-ce que le Québec francophone risque
d'y perdre?
L'apport économique: positif ou négatif? Je pense que
toutes les études sont probantes à cet effet pour dire que
l'immigrant qui arrive est une richesse pour notre pays. Il arrive avec ses
compétences, ses connaissances, des ressources financières et des
capacités d'adaptation. Il vient donc souvent ici enrichir notre
patrimoine collectif. On peut même dire, ainsi que nous le
démontrent certaines études menées par le Conseil des
communautés culturelles et de l'immigration, que ce n'est pas vrai
seulement pour les immigrants, mais que même les personnes qui arrivent
avec un statut de réfugié, ce qui vient peut-être à
l'encontre de certains préjugés répandus, sont des jeunes
célibataires scolarisés qui font preuve de beaucoup de
réalisme pour leur insertion dans la société qui les
accueille.
Ce portrait des revendicateurs est donc révélateur et je
pense qu'il doit nous amener aussi à venir corriger des perceptions que
les gens ont à l'égard des revendicateurs du statut de
réfugié.
II est bien sûr qu'on ne peut pas dire que l'immigrant est un gain
comme on ne peut pas dire que le Québécois est un gain. Il y a
des Québécois qui sont moins productifs dans notre
société et il y a des immigrants qui le seront moins. Tout
individu est à ta fois producteur, consommateur, innovateur,
entrepreneur comme il peut être aussi chômeur, "drop-out" ou
assisté social pour des raisons de santé. Mais, globalement, on
pense que c'est un apport positif.
La deuxième question que je posais concernait l'identité
culturelle du Québec. Il faut dire que, là, nous avons des
questions, des réticences, des réserves. L'arrivée des
immigrantes et des immigrants vient colorer le visage culturel du
Québec. Toutes les études nous révèlent que, pour
la plupart d'entre eux, leur niveau de compréhension de la langue
anglaise est bien plus élevé que
leur niveau de compréhension de la langue française.
Il faut savoir aussi que, dans nos écoles à
Montréal, nombre de jeunes allophones parlent plus volontiers l'anglais
que le français. On se fait dire: On n'a pas choisi d'être
à l'école française. On suit nos cours en français,
mais ne nous demandez pas de parler français dans les corridors ou dans
la cour de récréation. Je pense que, si vous avez lu La Presse
d'aujourd'hui ou d'hier, le profil fait des communautés italiennes et
grecques est aussi très révélateur à cet
égard. Donc, je ne partage pas l'optimisme de M. Attar sur la
société francophone et multiculturelle.
Nous sommes à même présentement, avec ce petit
survol, de constater qu'il y a des symptômes d'une crise. On a
parlé tantôt abondamment du nombre d'écoles à la
CECM qui revêtent le caractère de la pluri-ethnicité et du
multiculturalisme. On a parlé des lacunes dans les ressources. On a
parlé des enseignantes et des enseignants qui sont parfois
désarmés. On a parlé du matériel insuffisant. Il
faut aussi constater que les nouveaux arrivants s'installent souvent dans des
quartiers qui sont déjà à caractère pluriethnique.
Donc, ils viennent renforcer la mise en minorité du groupe
québécois de souche dans certaines écoles. C'est un
phénomène dont il faudra aussi tenir compte.
M. Attar citait tantôt des écoles où il y a
maintenant 87 % d'enfants d'origine étrangère. C'est bien
difficile de croire que l'école aura un visage francophone
québécois, de notre culture québécoise. Il faut se
préoccuper de cette réalité-là. Il faut aussi se
dire qu'à Montréal l'arrivant est constamment confronté
à la culture anglaise qui est omniprésente. Nous pensons que les
hésitations du gouvernement à l'égard de la politique
d'affichage et en matière de politique linguistique n'ont pas
aidé les choses.
Je suis à la page 21 du mémoire. J'attire votre attention
sur certaines questions que nous posons parce que définir des niveaux
d'immigration, ça veut dire aussi se donner les moyens de faire face
à cette immigration. M. Attar et M. Pallascio vous en ont parlé.
Je vous reparle des mêmes choses: les classes d'accueil, le soutien
linguistique pour les enfants et le nombre d'élèves par classe.
Ce sont toutes des réalités, des choses dont nous avons besoin.
Il faut bien se rendre compte que, présentement, ce sont les
enseignantes et les enseignants à la CECM, ainsi que la structure de la
CECM, qui ont assumé ces choix, qui ont donc fait des transferts.
Parfois, on en a donné moins à certains services, à
certains secteurs pour en donner à ce secteur en développement.
Mais, à partir du moment où l'accroissement est celui que l'on
constate, il faudra que le gouvernement du Québec, par le
ministère de l'Éducation, soit sensible à ces
réalités et se dote vraiment d'une politique de
l'éducation dans ce secteur pour éviter les simples
transferts.
Je vous amène, maintenant, à la troisième partie,
sur la croisée des chemins. L'immigration est donc - je suis à la
page 29 - inévitable et risquée. C'est ce que je vous ai
expliqué dans la première partie. Mais, pour nous, il nous
apparaît clair que le Québec doit continuer à assumer ses
responsabilités internationales. Même si ce n'est pas exempt de
risques, le principal de ces risques étant le bouleversement du
caractère distinct du Québec, l'altération de son visage
spécifique, il ne faut pas retourner en arrière, il faut
continuer à aller de l'avant dans le secteur de l'immiqration. Il faut
aussi se dire que nous sommes là-dedans dépendants des politiques
canadiennes, c'est là que je vous reviens avec le lac Meech, tout
simplement en vous posant une question; j'ai fait la critique de l'accord du
lac Meech que j'avais à faire au moment où il le fallait, mais je
vous pose quelques questions à la page 32.
Par exemple, compte tenu de la définition qui fait partie de
l'entente constitutionnelle du lac Meech sur la réalité
biculturelle du Canada, si le Québec décidait de mettre en oeuvre
un programme ou une mesure compatible, une mesure de francisation des
immigrantes et des immigrants et uniquement de francisation, est-ce que
l'accord du lac Meech ne pourra pas faire qu'on pourra prétendre que ce
n'est pas compatible avec la définition donnée de la
société canadienne, donc, que le Québec se voit
privé d'une compensation juste pour ce plan? Donc, il y a des questions
à poser à cet égard. Aussi dépendants de la
constitution, je rappelle que nous avons encore dans la constitution, l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique qui date du XIXe siècle, des
structures confessionnelles au plan scolaire qui, nous le
répétons, ne sont pas conformes à la réalité
du Québec; elles doivent donc être modifiées dans les plus
brefs délais.
Il faudrait aussi parler de l'adoption internationale parce que nous
pensons que ce volet est un aspect de l'immigration qui peut être
très valable; ces enfants s'intègrent vraiment dans des familles
québécoises qui sont intéressées, disponibles pour
les recevoir. Il faudrait aussi parler de la politique familiale. Je suis
certaine que vous vous en êtes fait parler par d'autres groupes. Je
voudrais attirer votre attention sur une chose, c'est qu'il ne faudrait pas
qu'une politique familiale au Québec vienne porter atteinte aux
progrès qui ont été enregistrés par les femmes
comme citoyennes à part entière.
Je veux attirer votre attention - je sais
que mon temps s'achève, mais vous pourrez me poser des questions
sur les recommandations, cela me fera plaisir d'y répondre et je pourrai
les présenter à ce moment-là - sur une recommandation que
vous trouvez en page 47. Elle touche toute la réalité des femmes.
Nous constatons, comme enseignantes et comme enseignants, que bon nombre
d'arrivantes nous viennent de sociétés orientales ou musulmanes,
où les rapports entre les hommes et les femmes sont profondément
différents de ce qui se vit au Québec. Nous le constatons, par
exemple, dans les cours que nous avons à donner sur l'éducation
sexuelle, sur les rapports entre les humains, l'orientation au choix de
carrière, par exemple. Nous pensons qu'il y a un mandat très
spécifique à donner au Conseil du statut de la femme, parce
qu'avec cette arrivée de nouvelles immigrantes d'origine orientale ou
musulmane, si nous ne sommes pas très vigilants à cet
égard, je pense que nous constaterons, dans quelques années, que
la progression des femmes dans la société
québécoise aura connu un net ralentissement. Je pense qu'il est
important de souligner cet aspect-là de nos recommandations. (16 h
45)
Je voulais attirer votre attention là-dessus en conclusion et je
suis disponible pour compléter par mes réponses la
présentation que je n'ai pas pu faire de façon assez
éloquente, à mon goût.
Le Président (M. Trudel): Merci, madame la
présidente. Je pense que vous l'avez faite, au contraire, de
façon fort éloquente. Vous avez fait un excellent
résumé. Je suivais page après page et je dois dire, avant
de céder la parole, me servant de mon droit de président,
d'ailleurs, une fois de temps en temps, qu'on nous a dit tantôt que ce
mémoire est issu d'un comité. Je dois avouer que c'est la
première fois que je vois un mémoire aussi remarquablement
rédigé sortir d'un comité. Habituellement, les
mémoires qui sortent d'un comité s'en vont un peu dans toutes les
directions.
Ce mémoire, dont je ne partage pas toutes les idées, soit
dit en passant, est remarquable. Je l'ai dit lors de remarques
préliminaires ce matin, et je vous le redis cet après-midi. Je
souligne aux deux partis politiques qu'il leur reste chacun 20 minutes puisque
madame a pris 20 minutes 45 secondes. Madame, félicitations. Alors,
madame la ministre, s'il vous plaît.
Mme Robic: M. le Président, merci. Moi aussi, d'ailleurs,
je vous souhaite la bienvenue, Mme Pagé et M. Grenon. On vous remercie
énormément du travail qui a été mis à la
préparation de ce mémoire. Il est excellent,
énormément de recherches sont allées dans la
préparation de ce mémoire et donc, je vous en
félicite,
M. Grenon, permettez-moi une petite remarque: Vous avez dit, tout
à l'heure: J'étais le seul Québécois dans le
comité. J'aime croire que vous étiez le seul
Québécois d'origine et que tous les autres étaient des
Québécois d'autres origines.
Mme Pagé, je veux vous rassurer car dans l'entente du lac Meech,
il est dit très clairement que la Législature et le gouvernement
du Québec ont le rôle de protéger et de promouvoir le
caractère distinct du Québec et une des composantes, et je dirais
la composante la plus importante de ce caractère distinct, c'est le
caractère francophone du Québec.
D'ailleurs, dans cette entente constitutionnelle, nous
récupérons des compétences fort importantes, entre autres,
tout ce qui touche à l'accueil, à l'adaptation et à la
francisation des immigrants. Pour nous, c'est très important. Il y a
également, le fait que nous allons pouvoir maintenant
sélectionner nos immigrants non seulement à l'étranger,
mais également les qens qui nous arrivent ou qui sont déjà
ici. Alors, ce sont pour nous des gains importants.
Votre mémoire est excellent dans le sens qu'il explore avec
justesse la problématique de l'immigration au Québec et
démontre qu'elle constitue une responsabilité internationale. Je
suis heureuse de vous l'avoir entendu dire aussi clairement. Il dit aussi que
c'est une nécessité dans le contexte démographique
québécois.
Cependant, vous identifiez l'immigration comme un risque culturel et
vous formulez plusieurs interrogations intéressantes en ce sens. Quelle
serait votre réponse à vos propres interrogations? Entre autres:
Que devons-nous faire pour, que le Québec s'engage avec succès
dans son avenir pluraliste sans renoncer à son identité?
Mme Pagé: C'est la question que vous me posez?
Alors, tout d'abord, Mme la ministre, je dois vous dire que, si vous me
rassurez sur l'entente du lac Meech, j'en serai fort aise. J'avais
demandé lors de ma dernière parution qu'on confirme dans
l'entente que le caractère distinct du Québec était
justement lié à son caractère linguistique.
Malheureusement, les pourparlers ou les négociations ne l'ont pas
permis. J'espère que les juges de la Cour suprême feront la
même interprétation que vous quand viendra le temps pour eux de se
pencher sur ce texte parce que je suis bien certaine que cela arrivera sur leur
table à un moment donné.
Nous avons soulîqné, dans notre mémoire, que nous
étions tout à fait contents de voir que le gouvernement du
Québec avait récupéré des pouvoirs dans le secteur
de l'immigration par l'entente du lac
Meech. Nous Pavons souligné quand nous sommes venus aussi,
à ce moment-là, parce que c'était vraiment, d'après
nous, un aspect positif de l'entente.
Vous m'avez demandé, de façon plus précise, comment
nous devons relever le double défi - parce que c'est comme cela que je
comprends la question - du multiculturalisme et de l'identité
québécoise. Je pense que, tout d'abord, il faut faire tomber les
incompréhensions. Les derniers sondages, par exemple, qui ont
été commandés par Le Devoir, révélaient
certaines réticence» chez les Québécois de souche au
phénomène de l'immigration, de l'arrivée de
réfugiés. Je pense qu'ils sont révélateurs de
malaises et d'incompréhension face à l'acquis que
représente pour notre société l'arrivée
d'immigrantes et d'immigrants, même avec un statut de
réfugié. Je prends cette expression-là parce que les gens
sont portés à dire: Les immigrants, ce sont les bons et les
réfugiés, ce sont des pas bons. C'était presque
l'impression que donnait la présentation qui a
précédé.
Alors nous ne souscrivons pas à ce propos et nous pensons qu'il
faut faire tomber ces appréhensions, ces craintes et rassurer les
Québécoises et les Québécois. Et ça,
rassurer les Québécoises et les Québécois,
ça veut aussi dire mettre tout en oeuvre pour affirmer ce que nous
sommes, l'affirmer hautement, l'affirmer fièrement, dans notre langue,
dans notre culture, dans l'expression de ce que nous sommes par les arts, par
nos chansonniers, par nos auteurs, par un soutien à une politique
culturelle d'affirmation et aussi par des mesures pour faire que ces
immigrantes et ces immigrants auront le goût, non pas de se noyer dans ce
que nous sommes, mais de s'intégrer à ce que nous sommes, en leur
favorisant une intégration dans notre société. Cela,
ça veut dire des mesures très précises au niveau de la
sélection des immigrants, par exemple, où il faut donner une
importance à la connaissance du français, au goût de
s'insérer dans ce groupe-là et aussi des mesures d'accueil,
particulièrement dans le système scolaire parce qu'il faut se
dire que, souvent, la première institution avec laquelle l'immigrante ou
l'immigrant est en contact, c'est l'institution scolaire. Pour son enfant,
c'est celle avec laquelle il va être en contact le plus longtemps. Donc,
il s'agit de mesures très précises qui sont contenues dans nos
recommandations.
Mme Robic: Mme Pagé, vous avez fait
référence à un sondage du Devoir d'il y a quelques mois.
Est-ce que vous avez pu prendre connaissance du sondage que nous avons
commandé, nous, du ministère, le sondage SORECOM? Nous avons
posé un certain nombre de questions et cela se révèle
très positif, d'ailleurs. Il nous dit, comme M. Attar, que les
Québécois sont plutôt optimistes quant à l'avenir du
français au Québec. C'est sûr qu'il y a encore beaucoup
à faire, mais on voit qu'il y a eu un progrès qui a
été fait depuis les dix dernières années. Le
sondage révèle que les Québécois sont d'accord avec
ça. Et on réalise également que les communautés les
plus nouvelles qui s'ajoutent se joignent de plus en plus à la
société francophone. Alors, c'est certainement là un pas
positif, dans la bonne direction.
C'est intéressant de noter que 76 % de la population dit que nous
avons besoin des immigrants, reconnaît notre besoin d'immigrants et que
60 % nous dit que nous devons conserver ou augmenter le nombre d'immiqrants que
l'on reçoit malgré qu'on surestime le nombre que l'on
reçoit en réalité. Alors, c'est très positif. Il y
avait même la question à savoir, si on a besoin d'immigrants. La
question était posée de façon négative; alors, elle
aurait pu porter à une réponse beaucoup moins positive, mais elle
a été très fortement positive. Alors, les
Québécois semblent être plus rassurés qu'ils ne
pouvaient l'être il y a quelques mois, avec un recul. C'est très
positif pour nous et vous pouvez être assurée que nous partageons
vos recommandations, à savoir qu'il faut élargir nos cours de
français et qu'il faut tenir compte d'une personne qui a
été souvent négligée, la femme immigrante.
J'espère que vous connaissez mon nouveau programme PAFI qui est
dirigé vers cette femme-là. Nous espérons qu'il sera un
grand succès. Nous croyons que l'unité familiale doit se
franciser, que tous les membres de la famille doivent être
francisés pour pouvoir faire l'intégration que l'on souhaite
à tous les niveaux.
Dans votre mémoire, vous situez la politique de l'immigration
dans le cadre d'une politique de population pour le Québec
également. Vous suggérez une harmonisation des composantes d'une
politique de population en adoptant une vision de complémentarité
et non d'opposition. J'aimerais que vous commentiez un peu cette vision.
Mme Pagé: Pour nous, une politique de population, cela
nous permet de toucher à trois éléments qui sont:
l'immigration proprement dite, mais aussi l'adoption internationale et la
politique familiale. Nous pensons qu'en travaillant à ces trois volets
nous arriverons vraiment à nous doter d'une politique de la population.
Nous pensons qu'il y a certainement lieu de mettre en place, au gouvernement,
des comités interministériels qui pourront justement tenir compte
des réalités de l'adoption internationale par le ministère
des affaires sociales. Quant au ministère de l'Éducation, au
Conseil du statut de la femme et au ministère des
affaires sociales, Ils se chargeront, par exemple, de la politique
familiale et d'autres volets de l'immigration proprement dite. Comme cela, nous
éviterons d'avoir, d'un côté, à mettre des
énergies pour faire venir des immigrants, des immigrantes, accepter des
réfugiés, en posant peut-être des gestes qui ne seront pas
"supportants" dans notre politique d'adoption internationale ou en ne posant
pas non plus les jalons d'une véritable politique familiale. Nous devons
rappeler ici que, pour nous, une politique familiale ne peut pas être vue
par le simple prisme d'une politique nataliste. Toutes les politiques à
haut rendement nataliste qui n'ont pris cela que par ce bout-là n'ont
pas donné des retombées à la mesure des attentes qu'on
avait. Il faut vraiment se poser la question: Quand un couple, un homme et une
femme, décide d'avoir un enfant, ils contribuent à la
société québécoise, mais comment pouvons-nous
socialement et collectivement soutenir ce choix? Il ne faudrait pas que cela
soit le retour, avec la revanche des berceaux, des femmes auprès du
poêle dans la cuisine parce que là, on n'aura rien
réglé. De moins en moins de femmes voudront consentir à ce
choix-là si cela ne vient pas préserver l'affirmation personnelle
qu'elles ont prise au cours des dernières années. Donc, il faudra
que, dans ce volet, on soit très vigilant et qu'on associe très
étroitement les groupes féministes et le Conseil du statut de la
femme.
Mme Robic: Merci, madame. Cela va, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Saint-Jacques, je présume.
M. Boulerice: Oui. Mme la présidente, M. Grenon, vous avez
dit: "C'est encore nous". Je réponds: Bravo! Je pense que l'alliance
prend la place qui lui revient et qui lui appartient, d'ailleurs, dans les
grands dossiers nationaux au Québec, et personne n'en prend ombrage.
Je pense que votre mémoire identifie bien et Justement avec les
nuances nécessaires la situation qui se développe effectivement
dans les écoles et surtout celles à clientèle ethnique.
L'annexe que déposait votre président m'a
révélé des choses que je méconnaissais
peut-être un peu, et même dans ma circonscription.
Déjà, dans certains secteurs, effectivement, il y a une
augmentation,
Vous parlez également de l'émergence de certaines
attitudes que l'on doit dénoncer et qu'on doit - j'hésite
à employer le mot parce qu'il a une connotation un peu péjorative
- réprimer dans le sens de ne pas permettre - vous savez ce à
quoi je fais allusion - dans certaines écoles où c'est
arrivé. (17 heures)
Vous faites aussi état de sentiments et d'attitudes qui sont en
partie quand même compréhensibles - cela, je pense que je le
disais dans le discours d'ouverture de la commission - et qui sont
présents dans la population, cette crainte, le danger de repli sur soi
et tout cela. C'est peut-être une déformation professionnelle chez
moi, mais je dis que ce sont des sentiments, donc, que cela relève de la
psychologie. Il y a encore là, sans abuser du mot, des thérapies
très faciles à utiliser; je ne vous sortirai pas Erickson
là. La Connaissance de soi, d'une part, et l'autre tout de suite
après, L'Acceptation inconditionnelle d'autrui. Ce sont, je pense, des
volumes qui se promènent assez régulièrement dans nos
milieux, dans le milieu de l'éducation. Je pense que votre dossier
aussi, votre mémoire, cerne bien l'enjeu central. On le lit à la
page 27, je pense, et je me suis permis, d'ailleurs, dans les notes
d'introduction de le citer quand vous parlez d'intégrer les arrivants
sans les assimiler, mais non sans nous perdre aussi.
Vous identifiez également les lacunes de l'accord du lac Meech
sur le plan de l'immigration. Mme la ministre a tenté de vous rassurer
en vous disant que nous avions de nouveaux pouvoirs issus de l'accord du lac
Meech. Je partage encore les sentiments et les appréhensions que vous
avez quant au lac Meech. Est-ce que, si le Québec crée des
programmes nouveaux, compte tenu qu'il forme une société
distincte, ces programmes nouveaux seront jugés compatibles dans la
norme de ce que l'entente du lac Meech appelle les programmes nationaux?
Aurons-nous juste une compensation? J'ai peur qu'on soit obligé
d'attendre avec l'âge la décision des juges de la Cour
suprême. Je ne partage pas son optimisme. J'espère par contre,
aussi, qu'elle a bien saisi la mise en garde non équivoque que vous lui
avez donnée sur le laxisme pour ce qui est de l'application de la Charte
de la langue française, notamment en matière d'affichage,
puisqu'elle siège quand même eu Conseil des ministres.
J'espère qu'elle ne sera pas insensible parce qu'elle a très
spontanément avoué que, depuis dix ans, il y a eu des efforts
considérables en ce qui concerne la francisation du Québec. Je
pense qu'on les doit bien à la loi 101.
Je la remercie d'avoir eu l'honnêteté d'avoir rendu justice
au gouvernement précédent très préoccupé par
la situation du français au Québec. J'aimerais, pour ce qui est
du fond du mémoire, Mme Pagé, que vous me disiez ce que vous
entendez par consolidation des classes d'accueil. Je pense qu'on trouve cela
à la page 46.
Mme Page: Ce que j'entends par consolidation des classes
d'accueil, c'est leur mise à jour ou leur adaptation à la
réalité
nouvelle. Tout d'abord, il faut se rappeler que nous avons eu dans le
passé des maternelles d'accueil à temps plein que nous n'avons
plus. Une première consolidation serait le retour de cette mesure. Une
deuxième consolidation tiendrait compte aussi du profil que je vous
traçais de l'évolution de la clientèle que nous
recevons*
Nous recevons maintenant des enfants qui sont moins scolarisés,
davantage démunis au plan de la scolarisation, souvent
analphabètes, et le stage de dix mois en classe d'accueil qui
était tout à fait suffisant quand on recevait des enfants
d'origine italienne, portugaise ou espagnole ne l'est plus. On est
obligé de fonctionner avec des mesures très inventives et en
même temps très spontanées de post-accueil, des mesures de
soutien, alors que tout simplement il faudrait repenser la formule pour
l'adapter à la nouvelle clientèle que nous avons.
Nous avons aussi à repenser comment catégoriser les
enfants dans une classe d'accueil. Il faut savoir - c'est très technique
- qu'une classe d'accueil, c'est une classe à niveaux multiples
où il y a des enfants qui maîtrisent peu le français,
d'autres qui le maîtrisent moyennement et ceux qui le maîtrisent
beaucoup. En plus de cela, il y avait aussi que tu étais
intégré dans une classe selon ton niveau d'âge. Cela ne
veut plus rien dire parce que les enfants que nous recevons, même s'ils
ont douze ans, je ne peux pas les classer dans une classe de douze ans parce
qu'ils n'ont pas atteint ce niveau de scolarisation. Si je les mets avec des
enfants de six ans, cela ne va pas non plus. Je ne peux pas mettre un grand
Chilien de douze ans avec un autre petit bout de chou de sept ans. Je donne un
exemple qui est fondé parce que c'est un peuple... On sait ce qui se
passe au Chili et Mme la députée de Maisonneuve pourra en parler
bien plus éloquemment que moi. Je pense que cela vient aussi montrer
à quel point on a besoin de repenser le système pour l'adapter.
C'est un système qui a fait ses preuves. M. Grenon vous le signalait
dans sa présentation. Quand nous étions allés en France,
nos collègues enseignants français avaient été
abasourdis par notre système de classes d'accueil et le rendement que
cela donnait dans la francisation. Ce bon secteur que nous avons
développé, il faut te garder à la fine pointe en y
apportant les modifications qu'il faut apporter.
Je voudrais terminer ma réponse en me réjouissant avec Mme
la ministre et tous les députés de voir les progrès que
nous avons faits dans la maîtrise du français au plan de la
scolarisation, mais je voudrais juste vous mettre en garde contre une confiance
qui ressemblerait à de la naïveté. Je ne sais pas si vous
êtes déjà allés en Hollande. Cela fait très
longtemps que les digues sont faites pour civiliser la mer. On n'a pas compris
en Hollande que la mer avait compris, qu'on pourrait enlever les digues et que
cela resterait comme cela. Les digues sont restées. Alors, il faut que
nos digues au Québec demeurent. Autrement, la mer anglo-saxonne ne nous
laissera pas grand rivage.
M. Boulerice: Vous avez touché un point qui... C'est un
pléonasme, vous avez touché un point qui m'a touché.
Observateur de la scène internationale, je vois certains mouvements
qu'on a appelés intégristes, reliés à des
convictions religieuses, à des traditions, etc. Vous avez parlé
des acquis ici pour ce qui est des femmes et du risque qu'elles auraient de se
voir menacées dans le système scolaire actuel
québécois. Je vous avoue que c'est une préoccupation que
j'ai: dans quelle mesure le maintien de la confessionnalité des
structures scolaires peut, d'une part, handicaper l'intégration et,
deuxièmement, faire de l'intégration une chose peut-être
contraire à des acquis sociaux, politiques, économiques,
culturels que la moitié de notre population, de peine et de
misère - et ce n'est pas encore complètement terminé,
d'ailleurs - a acquis.
Mme Pagé: Je ne crois pas que nous pouvons répondre
facilement à la question que vous posez en disant: À la CECM,
nous sommes une commission scolaire confessionnelle, voici les valeurs que nous
défendons, si ces valeurs ne vous conviennent pas, allez dans une autre,
parce qu'aller dans l'autre, c'est aller au PSBGM. Pour moi, je regrette, mais
il n'y a pas un secteur francophone au PSBGM. Quand on est obligé de se
battre pour avoir des documents en français au PSBGM, quand il n'y a pas
un commissaire francophone là-dedans, c'est comme demander au renard de
garder les poules. Cela fait plusieurs fois que je le dis et le
répète. Et le renard trouve les poules dodues et il y va
allègrement.
Il y a un réseau francophone qu'il faut affirmer et un
réseau anglophone qu'il faut aussi affirmer. Il ne s'agit pas de tomber
non plus dans la négation de ce qui est au Québec, mais il faut
se ramener à ces réalités. Avant, c'était simple,
tu étais français et catholique ou anglais et protestant. Ce
n'est plus cela. Aussi longtemps qu'on essaiera de bâtir un réseau
qui repose sur la confessionnalité, on va aller dans le morcellement de
nos structures ou dans une forme d'apatride pour des gens qui ne se retrouvent
pas. Ils s'en vont au PSBGM, ils se sentent à l'aise sur le plan
religieux, mais ils se sentent apatrides au plan linguistique. S'ils s'en vont
à la CECM, ils se sentent à l'aise sur le plan linguistique, mais
ils se sentent apatrides dans le domaine de la religion et de la
confessionnalité. Donc, il y a vraiment des
questions à poser à cet égard.
Le deuxième élément que nous avons voulu souligner
à l'égard de la place des femmes, c'est que nos enseignantes et
nos enseignants constatent qu'avec certaines élèves d'origine
ethnique, par exemple, quand vient le temps de parler de choix de
carrière, elles n'ont pas du tout évolué dans le
même sens que la femme nord-américaine qui va dire: Oui, j'ai
besoin de me donner une formation complète, d'acquérir un
métier, de me donner les moyens de mon autonomie financière, au
cas où. Cela leur est tout à fait étranger. On va se faire
répondre: Je n'ai pas besoin d'avoir plus que mon secondaire V pour
changer les couches de mes bébés. C'est ce qu'on entendait dans
notre société québécoise. C'était dit
autrement parce qu'il n'y avait pas de couches de papier à
l'époque, mais c'était: Pas besoin d'un diplôme pour laver
les couches. Mais là, on se refait dire des choses comme cela. Quand on
aborde des questions sur les rapports entre les hommes et les femmes, on
s'aperçoit que, là aussi, il y a des choses qui sont très
différentes. Je vous dirai que moi-même, dernièrement, dans
un magasin où j'attendais à la caisse, je me suis fait dire par
un Québécois d'origine étrangère qu'il ne se
mettait pas en ligne derrière une femme. Je pense qu'il
révélait tout simplement les valeurs qu'il avait apprises dans
son pays sauf qu'il faut être vigilant à cet égard. Moi,
j'ai appris que je devais faire parfois la queue derrière une femme et
parfois derrière un homme en attendant l'autobus, que c'était
comme cela que ça marchait, suivant l'ordre selon lequel on était
arrivé. Mais là, ce n'était pas tout è fait cela.
Alors, je pense qu'il faut commencer à mesurer ces effets et à se
sensibiliser à ces réalités.
M. Boulerice: On pourrait peut-être faire une pointe
d'humour en disant que, dans un sens, on pourrait peut-être le
comprendre: S'il avait été devant, il aurait eu le plaisir de se
retourner et de vous regarder. Mais je sais que ce n'est pas dans ce sens que
cela était. Ha! Ha! Ha!
Une voix: C'est macho.
M. Boulerice: Non, ce n'est pas macho. J'ai toujours
été amateur de beau, M. le Président, et je l'exprime en
toute occasion.
Une voix: ...
M. Boulerice: Au contraire.
Ma formation politique, Mme Pagé, est pour l'entière
juridiction du Québec en matière de législation
linguistique et pour l'entière juridiction du Québec en
matière d'immigration. Ce sont des positions que nous avons clairement
exprimées.
À la page 32 de votre mémoire, vous écrivez que
vous êtes en faveur de l'entière juridiction du Québec sur
la réception et l'intégration des immigrants. Est-ce que cela
doit s'étendre à la sélection?
Mme Pagé: Oui.
M. Boulerice: Oui, d'accord. Mais comment voyez-vous le
rôle du gouvernement fédéral à ce sujet?
Mme Pagé: Je le vois comment? Vous comprendrez que vous
tombez vraiment dans des aspects qui sont plus techniques. Je vous ai
signalé, dès le départ, que nous sommes moins à
l'aise pour traiter de ces questions. Mais nous pensons que, compte tenu de la
spécificité culturelle du Québec à
l'intérieur du Canada, celui-ci doit avoir les moyens pour choisir ses
immigrants et ses immigrantes. On l'a abordé dans notre mémoire,
précédemment. Par exemple, on sait que certains groupes vont
être plus naturellement portés à s'intégrer de
façon très harmonieuse à la culture francophone. Il faut
que le Québec ait les moyens de pouvoir faire ce travail de
sélection. Il faut que le gouvernement fédéral accepte
cela. Si vraiment l'entente du lac Meech est porteuse de toutes les bonnes
volontés dont on nous a parlé, je suis certaine que le
gouvernement fédéral ne mettra pas de bâtons dans les roues
et permettra au Québec d'exercer, en matière d'immigration, les
pleins pouvoirs qui semblent lui être conférés par
l'entente constitutionnelle. Si tout ce qu'on a comme pouvoir est de recevoir
sans dire un mot et qu'on est limité dans les mesures d'accès,
les mesures de soutien ou les mesures d'accueil, on ne pourra pas parler de
pleins pouvoirs,
M. Boulerice: J'aimerais vous poser deux brèves questions
en terminant, afin de permettre à mes collègues également
de vous interroger. On a parlé de "démontréalisation" et
de "démétropolisation" de l'immigration. Comme la question
s'adresse à une Montréalaise, est-ce que vous êtes d'accord
avec ce principe?
Mme Pagé: C'est un aspect que nous n'avons pas
creusé au sein du comité. Nous ne nous sommes pas attardés
à cette question. (17 h 15)
M. Boulerice: Mais elle avait le sens... Votre comité n'en
a peut-être pas discuté, mais on disait qu'on devait essayer, par
différents moyens, d'amener l'immigration à s'installer ailleurs
au Québec, dans d'autres villes, par exemple à
Trois-Rivières, Sherbrooke, au SaguenayLac-Saint-Jean, de
façon à déconcentrer l'immigration qui est un facteur
presque exclusivement montréalais. Est-ce que vous êtes d'accord
avec un tel énoncé?
Mme Pagé: Je pense que le Québec est un vaste
territoire qui a des richesses très abondantes qui pourraient
effectivement être mises à la disposition et à la
contribution de ces nouveaux arrivants. C'est bien évident que je ne
m'inscrirais pas aujourd'hui dans un système de déportation
"systématisé" - tu arrives mais on t'annonce tout de suite que tu
t'en vas là - mais je pense qu'il y aurait intérêt à
ne pas faire comme le Québec d'il y a 20 ans; Québécois de
souche, partout, et multiculturel dans la région de Montréal
parce qu'on se retrouvera aussi avec des difficultés de
compréhension. Déjà, je dois vous dire que, parfois
à la CEQ, quand l'alliance parle de ce qui se passe dans nos
écoles, j'ai l'impression que je parle à des personnes qui
viennent d'une autre planète. Ce fossé-là n'a pas
intérêt à être agrandi et maintenu. Peut-être
justement que la présence d'ethnies différentes un peu partout au
Québec pourrait davantage sensibiliser tous les Québécois
et toutes les Québécoises à cette nouvelle
réalité de notre société contemporaine, bien plus
que mes discours, les mémoires ou les reportages
télévisés.
M. Boulerïce: Brièvement, Mme Pagé, avant de
vous remercier, vous parlez d'élargir la définition des personnes
incluses dans la catégorie de la famille. Je viens de brûler votre
question. En commission parlementaire, je ne sais pas si vous êtes au
courant, la possibilité de questions demeure toujours limitée. On
s'en brûle mutuellement. Je m'excuse, je suis vraiment
désolé d'avoir brûlé votre question.
Le Président (M. Trudel): M. le député,
votre question est sur l'élargissement de la famille.
Mme Pagé: Je pense que M. Attar vous a un peu
sensibilisés tantôt à la réalité qui est
très réelle chez d'autres cultures, à savoir que le noyau
familial a une extension que parfois nous, Nord-Américains, n'accordons
pas. Nous sommes portés à dire que la famille, c'est le
père, la mère, les frères et soeurs, les enfants, le
conjoint, etc., mais on constate, dans d'autres cultures, que les oncles, les
tantes, les cousins, les cousines, les grands-parents font vraiment partie
intégrante du noyau familial. Nous pensons qu'il y aurait avantage
à considérer la possibilité d'étendre la notion de
famille dans les cas où il serait avantageux de favoriser la
réunification familiale. De l'expertise que nous avons constatée,
quand un immigrant reçu fait venir des gens de sa famille, d'abord, il a
un intérêt pour se fixer au Québec, il a le goût de
s'intégrer dans la société, il a le goût de
supporter l'arrivée et l'insertion de ceux et celles qu'il fait venir
ici. Nous pensons que cela peut être là aussi un mécanisme
qui permettra d'enraciner nos immigrants et nos immigrantes au Québec
plutôt que de ne faire du Québec qu'un lieu de passage ou qu'une
porte d'entrée.
M. Boulerice: Mme Pagé, M. Grenon, je vous remercie.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Saint-Jacques. Je vais intervenir au nom de la
formation ministérielle avec la première question, puisque la
deuxième est déjà brûlée. J'aurais
peut-être une suggestion à vous faire tout en vous
répétant ce que je vous ai dit tantôt, ce que je pensais de
façon globale de votre mémoire. Il est remarquable, encore une
fois, tant par sa conception que par sa générosité et sa
rédaction. Encore une fois, un te! mémoire sortant d'un
comité, c'est assez rare.
Je vais vous amener, Mme la présidente, sur un problème
que vous évoquez aux paqes 43 et 44 de votre mémoire quand vous
vous interrogez sur le rôle de certaines corporations professionnelles.
Sauf erreur, parce qu'on a lu tous les mémoires, j'ai l'impression que
votre organisme est le seul à avoir abordé cette question. Encore
une fois, sauf erreur. J'aimerais vous entendre expliquer cela. Vous
suggérez la création d'un comité interministériel;
quant à moi, je ne suis pas en position pour décider mais c'est
une chose que je trouve intéressante. J'aimerais vous entendre
préciser cette recommandation.
Est-ce à dire que vous seriez favorable pour lever toutes les
contraintes institutionnelles du marché du travail
québécois dans une perspective d'immigration plus ouverte?
Mme Pagé: Je vais commencer en vous rassurant. Nous ne
voulons pas lever toutes les contraintes. Le comité de travail, c'est un
comité qui était formé d'enseignantes et d'enseignants
qui, à part Denis Grenon, n'étaient pas des
Québécois de souche. Ils sont donc arrivés ici à
l'âge adulte et ont, comme enseignantes et enseignants, connu un
système d'équivalences, jusqu'à un certain point, de leur
formation précédente pour devenir enseignantes et enseignants
à part entière au Québec. Ils ont donc constaté que
cela s'était fait assez rapidement. Il y a eu certains ajustements,
c'est vrai, mais ils n'ont pas dû reprendre toute leur formation, comme
on peut le constater dans certaines autres professions.
Il y a des corporations professionnelles qui font davantage de chasse
gardée a cet égard. On peut, par exemple, penser au
Collège des médecins; il y en a probablement d'autres. Nous ne
sommes pas habilités, aujourd'hui, à vous dire: Voici, telle
contrainte devrait disparaître, telle autre devrait être
renforcée, telle autre devrait
être conservée; mais nous disons qu'il y a à
regarder cela de près. Particulièrement - je pourrais le
retrouver si }e fouille dans mon mémoire - il y a une page dans le
mémoire où il y a un extrait d'une étude qui montre que le
fait de recevoir des immigrants adultes qui ont acquis une formation, c'est une
retombée économique que souvent on néglige, mais ce sont
des gens pour lesquels on n'a pas eu besoin d'investir au plan de la formation;
ils sont arrivés en l'ayant.
Donc, là aussi, il y a des liens à faire. Nous pensons que
cela mériterait de mettre au travail un comité
interministériel pour se poser des questions sur cet aspect. Il y aurait
certainement lieu, dans le cadre d'une politique d'accueil,
d'intégration, de mise en contribution des richesses, des
compétences qui nous viennent d'ailleurs, de regarder cela d'un peu plus
près.
Le Président (M. Trudel): D'accord. Essayant
d'éviter tout conflit d'intérêts avec ce que j'étais
auparavant et ce que j'espère redevenir un jour - redevenir, j'ai bien
dit, pour ne pas qu'il y ait de... - j'aimerais discuter avec vous de
matériel didactique. Je voulais en discuter tantôt avec les
autorités de la CECM, mais l'enveloppe du temps s'est vidée
rapidement du côté ministériel comme du côté
de l'Opposition,
Une voix: La dictature de l'enveloppe.
Le Président (M. Trudel): La dictature de l'enveloppe!
Oui, mais il faut dire que cela vient d'ententes. La prochaine fois, on se
dira: On donnera 90 minutes aux groupes et cela donnera probablement plus de
temps à tout le monde pour s'exprimer, et ce, toujours à cause
d'une enveloppe.
Dans votre enveloppe, Mme la présidente, est-ce que vous pourriez
me donner quelques-unes des idées que vous avez sur le matériel
didactique qui pourrait être mis ou qui est mis à la disposition,
à ce moment-ci, aujourd'hui, demain ou la semaine dernière, des
enfants immigrants, que ce soit du matériel dît maison, comme on
disait dans le temps, ou du matériel dit professionnel?
Mme Pagé: II faut savoir qu'avec les règles
budgétaires qui ont subi te couperet depuis de nombreuses années
les sommes allouées au remplacement du matériel didactique,
même au développement de ce matériel didactique, sont
très limitées, ce qui fait qu'on se retrouve, dans bien des cas,
avec du matériel maison, qui est le résultat de l'esprit
créatif et inventeur des enseignantes et des enseignants - ils en ont,
sauf que, parfois, ils trouvent qu'il est beaucoup mis à contribution -
ou bien encore avec des documents que j'appellerais "institutionnels", qui sont
issus des services de la commission scolaire. C'est plus facile dans une
commission scolaire comme la CECM, compte tenu de sa grosseur, mais des
immigrants, même s'ils sont concentrés dans la région de
Montréal, il n'y en a pas qu'à la CECM. Il y en a quand
même a Baldwin-Cartier, à Sainte-Croix, à Laval, à
Lonqueuil; là, le matériel institutionnel est plus limité.
II faut se rendre compte que, les sommes étant très
limitées, les budgets présentement passent à peu
près à équiper les élèves avec les manuels
de base. Vous vous souvenez qu'il n'y a pas tellement longtemps encore on avait
deux dictionnaires par classe. On est encore à l'étape où
on achète des grammaires pour tous les élèves ou des
dictionnaires pour tous les élèves, mais on n'a pas encore
vraiment investi, de façon importante, dans l'adaptation de nos manuels
scolaires aux réalités nouvelles. Tout dernièrement, on
voyait que certains règlements, certaines contraintes existaient au
ministère de l'Éducation, par exemple, pour éviter que les
manuels soient sexistes. Elles ont été abandonnées et on
est encore loin d'avoir des règles pour demander que les manuels
produits par les maisons d'édition tiennent compte des
réalités pluriethniques. Vous vous apercevez donc qu'il y a
beaucoup de chemin à faire.
Le Président (M. Trudel): Je vous remercie, Mme la
présidente, et je cède la parole à Mme la ministre. II
reste deux minutes dans l'enveloppe. Il ne reste malheureusement plus de temps
dans l'enveloppe de l'Opposition et il ne reste que deux minutes dans
l'enveloppe ministérielle.
On peut poursuivre, de consentement, mais, là, j'ai
cédé la parole à Mme la ministre. J'avais donné une
indication à M. le député de Saint-Jacques disant qu'il
lui restait très peu de temps.
Mme Harel: C'était son seul discours de la
journée.
Le Président (M. Trudel): Oui; nous admettrons que, M. le
député ayant fait son discours, j'accorderai à Mme la
députée de Chicoutimi deux minutes peut-être, Mme la
ministre? Alors, Mme la députée de Chicoutimi pour à peu
près deux minutes'
Mme Robic: Je vais laisser madame...
Le Président (M. Trudel): Alors, Mme la
députée de Chicoutimi pour à peu près deux
minutes.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président; merci, madame!
J'apprécie que vous m'accordiez un peu de temps, même si
cela ne permettra pas de longs développements. Donc, je ne reviendrai
pas sur tout ce qui a été dit antérieurement
sur la qualité du mémoire. Je voudrais juste revenir
brièvement sur deux questions: les structures confessionnelles
plutôt que linguistiques et la définition élargie de
l'interprétation de la famille, ce que l'on dit être
généralement une famille au sens méditerranéen du
terme et qui englobe, à chaque fois, les cousins, les oncles, les
tantes, les grands-parents. Je voudrais juste ajouter un bref commentaire
là-dessus, peut-être que vous pourrez commenter
également.
Cette définition élargie de la famille pourra avoir des
effets contraires à ceux qu'on cherche, de la façon suivante.
Comme les immigrants avant les années quatre-vingt s'intégraient
massivement à la communauté anglophone, cela veut dire qu'en
élargissant la définition de la famille on retrouvera ce jeu, on
finira par jouer contre la majorité. Cela a d'ailleurs été
évoqué à l'occasion de la loi touchant ce qu'on a
appelé les "illégaux", la loi 58 ou 59, je ne me rappelle plus
très bien le numéro.
En ce qui concerne Ies structures confessionnelles plutôt que
linguistiques, on sait qu'un nouvel arrivant est obligé, s'il ne remplit
pas certaines conditions, notamment si ses parents n'ont pas fait leurs
études en anglais, de s'inscrire à une école
française, indépendamment qu'elle soit protestante ou
catholique..
En raison d'une certaine intolérance...
Le Président (M. Trudel): Je m'excuse, je n'aime pas
intervenir de la -façon dont je dois le faire, mais nous avons encore
trois groupes à voir aujourd'hui, dont un qui suit immédiatement.
Je ne voudrais en aucune façon brimer votre droit de parole, mais les
deux minutes sont largement entamées. Vous voulez passer à la
question, s'il vous plaît?
Mme Blackburn: D'accord. Alors, ma question est la suivante:
Est-ce que vous êtes capable... Vous n'en avez pas fait état
beaucoup dans votre rapport. Quels sont les effets de cette
politique-là, de cette structure scolaire? À combien estime-t-on
le nombre de nouveaux arrivants qui choisissent, s'ils ne sont pas protestants,
catholiques ou de religion autre, de s'inscrire à la commission scolaire
protestante française?
Mme Pagé: Bon, votre première question portait sur
l'élargissement de la famille. Vous avez soulevé un aspect qui
est réel, que notre comité a considéré, mais comme
je vous le disais tantôt, il est formé en majorité de
personnes qui sont des Québécoises et des Québécois
d'origine plus récente. Ils sont donc très
imprégnés par la réalité familiale telle qu'ils
l'ont vécue. Nous avons aussi estimé que la catégorie
d'immigrants qui se sont insérés dans la communauté
anglophone sont davantage des immigrants de vieille souche. C'est probable-
ment une mesure qui représenterait de l'attrait pour les immigrants plus
récents qui, eux, sont nécessairement assujettis depuis quelques
années déjà aux dispositions de la loi 101. Nous avons
donc estimé qu'il y avait quand même là une avenue à
explorer. (17 h 30)
Quant à l'aspect des structures confessionnelles, je ne peux
malheureusement pas vous donner de chiffres précis. D'abord, je vous
signale que le PSBGM ne fait pas état de façon très
ouverte du type de clientèle qu'il reçoit. C'est très
difficile d'avoir des données complètes dans ce secteur.
Pour la CECM, même si nous avons certains chiffres, ils sont
fragmentaires. Ce que nous constatons, par exemple, c'est que nous avons
vraiment vu une explosion d'un secteur francophone. Certaines enquêtes
qui . ont été faites auprès de parents qui envoient leurs
enfants dans le secteur anglohone révèlent que ceux-ci y envoient
leurs enfants parce qu'ils ont la perception que le milieu est plus respectueux
de leurs valeurs religieuses et culturelles. Et on sait que c'est une
publicité qui se fait de bouche à oreille. Moi, je pense qu'il
faut faire le lien avec l'époque où les gens, par exemple, les
Grecs orthodoxes en 1969, ne pouvaient pas aller dans le secteur catholique.
Donc, le bouche à oreille joue et on dit encore: Bien, va plutôt
du côté protestant, ils sont plus ouverts, ils vont mieux
t'accueillir. C'est cet impact qu'il faut bien saisir.
Mme Blackburn: ...problème d'adaptation...
Mme Pagé: Oui, parce que c'est une structure qui est
anglophone. Il y a un secteur francophone, mais la structure du PSBGM, les
commissaires, la documentation, c'est vraiment un secteur qui est anqlophone.
Pour côtoyer régulièrement les enseignantes et les
enseignants de ce secteur, je ne dis pas qu'il n'y a pas de francophones, qu'il
n'y a pas de gens qui parlent le français, ce n'est pas ça que je
dis, mais je dis que c'est vraiment un secteur anglophone avec une excroissance
francophone, si on veut, mais c'est un monde anglophone.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Mme la ministre.
Mme Robic: Merci, M. 1e Président. Vous avez parlé
tout à l'heure, Mme Pagé, de l'importance de conserver nos
digues. Vous avez bien raison. Il faut les entretenir et les protéger et
vous pouvez être assurée que mon gouvernement a bien l'intention
de le faire. Cependant, elles sont solides, ces digues, 350 ans sur ce
continent, 120 ans à l'intérieur d'une
confédération; elles sont solides et les gens veulent
qu'elles
demeurent. Vous aimez votre langue et les Québécois
l'aiment également et plusieurs des Québécois d'adoption
l'aiment comme nous» veulent la protéger comme nous. C'est bon,
ça; c'est bon, mais il faudra toujours protéger nos digues.
À chaque fois que vous parlez d'immigrants de longue date qui
sont allés vers les groupes anglophones, j'ai Cosmo à
côté de moi qui sursaute. Donc, moi, je dis à Cosmo: t'es
perdu quelque part, toi. Mais il y en a plusieurs comme lui, d'ailleurs. Dans
les articles qu'on a lus depuis quelques jours, on aurait pu en lire d'autres
qui donnaient une histoire complètement différente
également. Il faut toujours faire bien attention.
Vous me permettrez de rassurer mon confrere de Saint-Jacques, ici, qui
est devenu depuis quelques heures seulement mon critique en immigration. Je
passe la journée à le rassurer. Nous avons maintenant,
grâce aux accords du lac Meech, la pleine sélection de notre
immigration. Et je voudrais vous rappeler que, oui, c'est vrai, nous voyons une
nette amélioration depuis dix ans et qu'il est vrai que nos jeunes
communautés vont vers la majorité francophone. Mais, avant la loi
101, il y a eu la loi 22 qui a fait du français la langue officielle du
Québec et qui a fait - et non pas la loi 101 - que les jeunes enfants
devaient aller à l'école française. C'était un
début. Vous avez suivi avec la loi 101. Nous n'avons jamais relié
tous les articles de cette loi. Alors, nous allons continuer dans ce même
sens et nous allons certainement, avec l'aide de tous les intervenants,
renforcer notre société francophone et la faire multiethnique et
multiraciale, mais francophone.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. Une
remarque finale de la part du député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Très brièvement, pour vou3 remercier.
Mme la ministre me rassure, mais comme vous l'avez dit tantôt, et je
partage votre propos, il ne faut pas s'installer dans un confort béat et
risquer d'être engourdis. Merci.
Le Président (M. Trudel): Mme la présidente.
Mme Pagé: Je voudrais vous remercier de nous avoir
invités et de nous avoir entendus. Notre discussion a été
très agréable et je vous remercie bien sincèrement.
Le Président (M. Trudel): Je vous remercie, madame, au nom
de la commission, d'avoir accepté notre invitation.
Je soulignais ce matin - et je pense que le député de
Saint-Jacques l'avait fait avant moi - le fait que 15 organismes seulement sur
51 avaient répondu à l'invitation de la commission. Alors, on est
d'autant plus satisfaits de vous avoir revus cet après-midi et que nos
discussions aient été franches et ouvertes. Je vous souhaite un
bon retour à Montréal.
Mme Pagé: Je transmettrai à notre comité de
travail l'appréciation que vous avez faîte de leur cogitation.
Le Président (M. Trudel): Merci.
Mme Pagé: Merci.
Table de concertation
des organismes de Montréal
au service des réfugiés
Le Président (M. Trudel): Sans suspendre cette fois-ci
puisqu'il est 17 h 36, nous allons accueillir immédiatement la Table de
concertation des organismes de Montréal au service des
réfugiés. J'invite ses représentants à prendre
place en face de nous. À la suite d'un accord discret intervenu entre
les parties, il y a quelques secondes, nous allons poursuivre - madame, si vous
voulez prendre place - pendant l'heure qui est résevée, pendant
les 60 minutes qui sont réservées. Donc, nous devrions terminer
autour de 18 h 36 ou 18 h 37. Comme on donne toujours deux ou trois minutes de
plus, ce sera 18 h 40, pour reprendre à 20 heures.
Mme Augenfeld...
Mme Augenfeld (Rivka): Oui.
Le Président (M. Trudel): ...présidente, et soeur
Denise Lainé, au nom de la commission, je vous souhaite la bienvenue. Je
vous souligne immédiatement les règles du jeu, rapidement, parce
que vous n'étiez pas ici ce matin quand je les ai formulées au
nom de la commission. Vous avez plus ou moins - et moins que plus - 20 minutes
pour résumer votre mémoire et nous faire part de vos
commentaires; ensuite, s'engagera une discussion avec les membres de la
commission répartie également entre les deux partis autour de
cette table, soit le parti ministériel et le parti de l'Opposition, Mme
la Présidente, .si vous voulez procéder...
Mme Augenfeld: Merci.
Le Président (M. Trudel): ...avec vos remarques
préliminaires, s'il vous plaït!
Mme Augenfeld: Merci, M. le Président. Je vais, pour
commencer, vous décrire brièvement la Table de concertation des
organismes de Montréal au service des réfugiés. Comme il
est indiqué dans notre mémoire, la table a été
créée en 1979, au
moment de l'arrivée massive des réfugiés du Sud-Est
asiatique, mais très vite, notre action s'est élargie à
l'ensemble des questions concernant les réfugiés et, depuis, on a
une présence constante. On se rencontre mensuellement; on a une
présence régulière d'observateurs de tous les paliers de
gouvernement: fédéral, provincial et municipal, et aussi beaucoup
d'organismes qui viennent comme observateurs, qui ne sont pas directement
impliqués tout le temps dans le travail pour les réfugiés,
mais qui portent quand même un intérêt au sujet. On a 35
organismes membres qui sont très actifs, soit comme organismes de
service, comme groupes d'appui ou comme groupes à la défense des
réfugiés, des Églises et d'autres.
Au tout début, quand nous avons commencé, notre attention
première portait sur les questions d'établissement des
réfugiés qui arrivaient sélectionnés dans les camps
de réfugiés et aussi les questions de parrainage. Si vous vous
rappelez, certaines personnes ici étaient déjà très
actives à cette époque. C'était l'époque où
le parrainage collectif a vraiment vu le jour. Il y avait beaucoup de choses
à faire pour éduquer, sensibiliser et former les groupes de
parrains. Entre autres, soeur Denise Lainé a été
très active, bien avant cela, mais surtout à cette époque,
dans le parrainage et l'établissement... Je voudrais seulement
préciser que soeur Denise travaille au Centre social d'aide aux
immigrants, qui est l'un des organismes les plus anciens dans le travail pour
les réfugiés et immigrants, et, personnellement, mon travail
quotidien se fait au Service canadien d'assistance aux immigrants juifs.
Comme je l'ai dit, au début, c'était cela, mais, avec
l'importance que l'arrivée des requérants du statut de
réfugié a prise ces dernières années, nous avons
été obligés de porter aussi notre attention sur cette
question. Vous pouvez voir déjà notre intérêt pour
le sujet. Je ne voudrais pas trop m'attarder sur les questions de culture, de
démographie, etc. Elles sont incluses dans notre mémoire, vous
pourrez le lire. On est convaincus que le Québec a besoin et peut
accueillir beaucoup d'immigrants, mais cela dépend évidemment des
structures d'accueil et de la sensibilisation de la population. Selon nous, on
ne devrait pas tellement insister sur l'origine linguistique, si vous voulez,
des immigrants avant qu'ils n'arrivent, mais plutôt penser à
l'intégration linguistique et culturelle, qui est le résultat de
structures d'accueil efficaces comme, par exemple, la sensibilisation rapide
aux réalités de la société québécoise
et ne pas tellement penser à une politique d'admission basée sur
le pays d'origine et les cultures d'origine.
Alors, nous sommes convaincus que le gouvernement du Québec
devrait envoyer un message à la population, un message clair en
présentant les immigrants et les réfugiés sous un jour
positif et non comme un danqer pour la culture de la majorité. Nous
sommes convaincus aussi que c'est l'immiqration qui va faire l'avenir du
Québec et, encore une fois, cela prend un effort serein et positif pour
accomplir cette fin. Nous sommes convaincus que le Québec a tout pour
accueillir les immiqrants. On a beaucoup de ressources, on a un qrand pays et
on a besoin d'une population. Nous savons aussi, comme le montre le sondage
SORECOM que le gouvernement a commandé récemment, que, lorsque
les gens ont de l'information, quand ils connaissent un peu les immiqrants,
quand ils se sentent proches des immigrants, ils sont beaucoup plus positifs
quant à la question des immigrants et des réfugiés. Ce
sont plutôt les personnes qui ne connaissent pas les immigrants, qui sont
éloignés ou qui habitent en région qui sont
peut-être méfiantes. C'est la méconnaissance qui
crée la peur, les craintes et des soupçons, parfois. Je suis
convaincue que les qens qui habitent Montréal ou Québec, qui
connaissent des immigrants, qui ont des immigrants dans leur famille ou qui
travaillent avec des immigrants, ont des attitudes beaucoup plus positives que
ceux qui ne les connaissent pas. On en est convaincu parce qu'on voit à
chaque reprise que c'est l'éducation et la sensibilisation qui
créent cette attitude positive et nous pensons que le qouvernement a un
grand rôle à jouer là-dedans.
Comme on l'indique dans notre mémoire, nous croyons que le taux
d'admission devrait augmenter de beaucoup et nous proposons
qu'éventuellement on en arrive à 1 % de la population canadienne
et québécoise. Cela veut dire que, dans un proche avenir, nous
pensons qu'on devrait arriver à un minimum de 60,000 par année.
Cela semble beaucoup comparé à ce qu'on a actuellement, mais nous
croyons que c'est possible et souhaitable.
J'arrive maintenant au point 7 de notre mémoire, à la page
4, en ce qui concerne l'immigration économique par rapport à
l'immigration humanitaire. La politique traditionnelle du Canada et du
Québec visait à maintenir un juste équilibre entre, d'une
part, les besoins démographiques et économiques et, d'autre part,
les obligations internationales et notre tradition humanitaire, surtout la
protection des réfugiés et la réunification des familles.
Plusieurs études ont démontré qu'à moyen et long
terme les personnes admises pour des raisons humanitaires constituent un apport
économique et social fort important. Cela veut dire que, même si
au début on pense qu'on admet des gens qu'on doit appuyer un peu,
éventuellement, et très vite, ces personnes deviennent de
fidèles citoyens et des personnes qui apportent beaucoup soit à
l'économie du pays ou à l'élargissement de la
société.
Nous regrettons que ces dernières années les admissions
des personnes sélectionnées à l'étranger à
titre de réfugiés ou membres de la catégorie de la famille
aient diminué de façon alarmante. Nous proposons un changement de
cap énergique. Le Québec devrait se prévaloir de son
pouvoir de négociation auprès du gouvernement canadien afin
d'élargir la définition même de la catégorie de la
famille pour qu'au minimum on y inclue les enfants majeurs ainsi que les
frères et soeurs. On sera heureuses de revenir sur ce point plus tard et
d'élargir toute cette question de la réunification des familles
qui nous préoccupe beaucoup.
Quant aux réfugiés sélectionnés à
l'étranger, nous recommandons que leur nombre soit augmenté de
façon à représenter au moins un tiers de l'ensemble des
personnes sélectionnées. Et là encore, on sera heureuses
de vous parler plus longuement sur ce sujet. Cela veut dire que, si on arrive,
par exemple, à 60 000 immigrants par année, 20 000 seraient des
réfugiés sélectionnés outre-mer, soit des cas de
réfugiés selon la convention ou des classes
désignées.
En raison de sa position géographique et de son histoire, le
Canada se considère d'abord comme un pays d'établissement pour
les réfugiés, ce qui a amené les gouvernements successifs
à insister outre mesure sur ce rôle en refusant d'assumer leur
part de responsabilité en matière de terre d'asile pour les
requérants. Dans la période difficile que nous traversons
où tous les pays bien nantis semblent se donner le mot pour adopter des
mesures restrictives, le Canada doit maintenir une attitude d'ouverture face
aux requérants et nous comptons sur le Québec pour amener le
gouvernement fédéral à de meilleurs sentiments.
En ce qui concerne les réfuqiés sélectionnés
à l'étranger, nous déplorons pour une nième fois -
et vraiment, je ne sais pas combien de fois nous avons parlé de cette
question et on veut en parler aujourd'hui - la confusion entretenue entre les
critères économiques et les critères humanitaires. Il ne
faut en aucun cas oublier que les réfugiés doivent être
choisis en fonction de leurs besoins et non pas en fonction de critères
douteux d'adaptabilité. (17 h 45)
De plus, tel que soeur Denise le souligne dans son rapport - elle est
récemment rentrée d'une tournée dans les camps d'Asie et
d'Europe et elle serait très heureuse de vous parler de sa visite - le
Québec, tout autant que le Canada, devrait voir à alléger
les mesures administratives imposées à la sélection des
réfugiés d'outremer, sinon nous risquons sérieusement de
perdre la collaboration des organismes et des groupes de parrainage. C'est
là une collaboration qui existe maintenant depuis plusieurs
années, depuis 1979. On considère maintenant qu'avec des
structures administratives très longues et très lourdes, on
risque vraiment de perdre toute cette collaboration qui a été
bâtie avec tant d'efforts des deux côtés.
Depuis plusieurs années, l'ensemble des organismes non
gouvernementaux d'aide aux réfugiés partout au Canada ont
développé un consensus afin de séparer clairement les
questions d'immigration des questions de refuge. Nous souhaitons que le
gouvernement du Québec unisse ses efforts à ceux du Canada pour
mettre en place un système de sélection et d'accueil des
réfugiés complètement indépendant de tout
critère d'immigration. Tel n'est pas le cas actuellement.
En terminant, dans notre mémoire, on parle évidemment en
quelques mots d'une sensibilisation du grand public. Dans le contexte actuel
où les risques de ressac de l'opinion publique en ce qui touche les
réfugiés sont très grands, il est important que le
gouvernement du Québec fasse preuve de leadership et de clairvoyance.
Ainsi, nous souhaitons qu'en collaboration étroite avec tes organismes
du milieu, le ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration entreprenne une vaste campagne de sensibilisation du public sur
l'apport positif des réfugiés et des immigrants à la
société d'accueil.
Par ailleurs, on reconnaît que le Québec a fait ces
dernières années un effort appréciable dans la mise en
place d'une mesure d'accueil pour les réfugiés, mais nous sommes
bien loin d'avoir déployé les ressources nécessaires pour
répondre à l'ensemble des besoins. L'intégration
culturelle et sociale harmonieuse des nouveaux arrivés à la
majorité québécoise passe par un effort accru.
En quelques mots, cela résume nos propos. On n'a pas mis une page
séparée de recommandations parce que je pense que notre
mémoire est assez court et que chaque paragraphe, finalement, est une
recommandation. Nous serions très heureuses de répondre à
vos questions et de discuter avec vous. Je pense que cela laisse plus de temps
pour la discussion.
Le Président (M. Trudel): Je vous remercie, Mme la
présidente. Je reconnais maintenant Mme la ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration. Vous pouvez commencer, Mme
la ministre. Je vous ferai part de l'enveloppe de temps dans quelques
secondes.
Mme Robic: Merci, M. le Président. Mme Augenfeld, Mme
Lainé, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de votre
présence parmi nous aujourd'hui. C'est une
présence qui se comprend très bien puisqu'on connaît
le travail immense que vous faites auprès des réfugiés et
des immigrants. D'ailleurs, je tiens à vous féliciter pour
l'ouvrage extraordinaire que vous avez fait au moment de l'arrivée en
très qrand nombre des revendicateurs du statut de
réfugié.
Vous m'avez fait un peu sursauter, Mme Augenfeld, tout a l'heure, quand
vous avez dit que la catégorie réunification des familles avait
diminué dramatiquement. J'ai fait sortir mes chiffres en toute vitesse
et on réalise que nous recevons depuis 1980 a peu près 7000
membres de famille et c'est continu. C'est le même chiffre pour
l'année 1986. Nous sommes dans les mêmes nombres d'entrées
à ce niveau de réunification des familles. Alors, je veux vous
rassurer à ce sujet.
Vous laissez entendre, et votre mémoire le dit très bien,
que les préoccupations concernant l'intégration linguistique et
culturelle sont du ressort des mesures d'accueil et ne doivent pas influencer
les pratiques de recrutement et de sélection. Vous nous dites, dans le
fond, non seulement qu'il faudrait ne pas tenir compte d'une immigration
francophone, mais vous nous dites également que vous seriez d'accord -
il me semble, enfin, que vous dites cela - pour faire disparaître notre
grille de sélection. Est-ce que j'ai mal compris?
Mme Augenfeld: Non. D'un côté, je ne dis pas qu'il
faut faire disparaître la qrille de sélection, mais plutôt,
disons, que de mettre tant de poids sur la question de la langue avant que la
personne arrive, ou plutôt que de regarder la personne en ce qui concerne
sa capacité d'intégration, son "background" plus large... Il ne
faut pas être si restrictif en ce qui concerne l'emploi
réservé, etc. On parie maintenant d'immigrants
indépendants, mais on n'en a pas beaucoup parlé. On voit
plutôt les structures d'accueil ici comme l'outil qui va intégrer
l'immigrant à la société. Par exemple, cela implique qu'on
fasse beaucoup de pressions. Je sais que bientôt, peut-être, le
Québec va avoir plus de pouvoirs en ce qui concerne l'accès aux
cours de langue a l'arrivée. Ce serait très important, pour une
politique qui change, de savoir qui a accès aux cours de langue. Je ne
sais pas si tous les membres ici présents sont au courant que les cours
de langue, pour le moment, c'est plutôt pour des personnes qui sont
destinées au marché du travail. C'est vu comme un outil pour le
travail. Un immigrant ou une immigrante qui arrive ici mais qui n'est pas
destiné tout de suite au marché du travail n'a pas le droit
à un cours de langue subventionné, avec allocations. Cela veut
dire que la personne, par exemple une femme qui a des enfants et qui reste pour
le moment a la maison, n'a pas droit aux cours. Cela veut dire que, quand elle
arrive, elle reste chez elle. Son mari va travailler ou va aux cours et ses
enfants vont à l'école. Mais la mère reste à la
maison. Très vite, elle est bien en arrière des autres.
Pour nous, les cours de lanque sont un outil primordial pour
l'intégration dans la société, pour la
compréhension de la société et pour la communication avec
les nouveaux voisins. C'est aussi important sinon plus important pour la
personne qui reste a la maison que pour celle qui va au travail. Et encore,
même pour celles qui vont au travail, je ne sais si vous êtes au
courant, mais, si une personne n'a pas une grande expérience de travail,
par exemple, ce qu'on appelle les nouveaux travailleurs, les jeunes personnes
qui arrivent sans grande expérience de travail, même les
réfuqiés, s'ils parlent un peu l'anglais, on leur dit: Ah! avec
l'anglais que vous avez, vous pouvez facilement aller travailler dans une
usine, vous n'avez pas besoin du cours de français. Alors la, la
personne est doublement pénalisée. Elle est trop jeune, elle n'a
pas d'expérience de travail et, pour l'usine, on n'a pas besoin de trop
de français. Je vous assure qu'aller travailler toute la journée
dans une usine et suivre des cours de lanque le soir, ce n'est pas la chose la
plus facile pour la personne qui vient d'arriver.
Alors, encore une fois, on pénalise les personnes qui pourraient
être d'un grand apport pour la société. Les qens qui sont
jeunes et dynamiques ne demandent que la chance d'apprendre la langue comme il
le faut avec tout le monde pour ensuite pouvoir prendre leur place. Pour nous,
c'est un investissement positif. Oui, cela coûte de l'argent d'envoyer
tous les qens au cours de langue, mais je vous assure que c'est un
investissement qui, très vite, a beaucoup d'intérêt, si
vous voulez. On va très vite voir la différence que cela peut
faire si on a des immigrants qui sont bien instruits dans la langue de la
société. C'est aussi leur sentiment devant la manière dont
ils sont accueillis qui va être différent et cela fait une grande
différence dans leur intégration.
Mme Robic: Je vous remercie. Donc, vous êtes d'accord pour
conserver la grille si les programmes sont en place pour faciliter
l'apprentissage du français de tous ces nouveaux arrivants dès
qu'ils arrivent.
Mme Augenfeld: Mais pas pour les réfugiés, par
exemple. On n'est pas d'accord pour qu'il y ait cette grille de
sélection pour les réfugiés.
Mme Robic: Non, la grille de sélection ne s'applique pas
pour les réfugiés, c'est bien sur, ni pour la catégorie
famille, c'est bien sûr.
Mme Augenfeld: Non.
Mme Robic: Mais je perse que ce que vous dites sur les cours de
français est très important et c'est là qu'avec l'entente
du lac Meech, nous allons pouvoir mieux choisir nos personnes qui pourront
suivre des cours de français.
Mme Augenfeld: Je l'espère.
Mme Robic: En ce moment, c'est le fédéral
qui...
Mme Augenfeld: Oui.
Mme Robic: ...avec son programme de PNFE, choisit les personnes
qui ont droit à des cours à temps plein avec allocations. Nous
espérer» qu'avec la nouvelle entente, nous allons pouvoir
justement élargir ces cours à plus de personnes. Nous avons
cependant voulu pallier les problèmes auxquels ces nouveaux arrivants
ont eu à faire face en permettant aux revendicateurs de suivre des cours
de français. On s'est rendu compte, quand on leur en donnait la
possibilité, qu'ils avaient la volonté et le désir
d'apprendre le français. Alors, c'est très positif. Certaines
personnes nous disent: Ces gens ne veulent même pas apprendre le
français. C'est faux.
Mme Augenfeld: Oui.
Mme Robic: On n'a pas eu à les annoncer. Ils
étaient en ligne à nos portes pour venir s'enregistrer. Ils
veulent devenir des citoyens à part entière et ils veulent
pouvoir communiquer dans la langue de communication au Québec qu'est le
français. C'est positif et cela augure très bien pour
l'avenir.
Le Président (M. Trudel): II n'y a pas de commentaire de
la part de... Alors, M. le député de Saint...
Mme Augenfeld: II y a peut-être une chose que je voudrais
dire.
Le Président (M. Trudel): Si vous voulez commenter, vous
êtes la bienvenue.
Mme Augenfeld: II y a quelque chose que Mme la ministre a dit au
tout début de son intervention en ce qui concerne les chiffres pour la
réunification des familles. Ce qu'on sait, c'est que normalement la
réunification des familles se fait quelques années après
que les immigrants indépendants soient arrivés. Comme pendant
plusieurs années il y avait beaucoup moins d'immigrants
indépendants qui arrivaient, il s'ensuit logiquement qu'il y a moins de
parrainages qui se font.
Je voudrais aussi ajouter que ce qui nous préoccupe, c'est le
fait que la catégorie famille est très restrictive. La
définition de la famille, encore une fois, est fédérale.
On est très conscient de cela, sauf qu'on espère que le
Québec fera tout pour encourager le Canada à élarqir la
définition. Même pour les Québécois, les enfants
majeurs sont de la famille. Je pense que les gens sont choqués de se
faire dire: Votre fils qui a 22 ans n'est plus un enfant, vous ne pouvez pas le
parrainer. La même chose pour les frères et soeurs. C'est de la
famille proche et cela fait une force pour les familles. Quand elles peuvent
faire venir la famille proche, cela les aide à s'intégrer,
à partir toutes sortes de projets. Je pense qu'on ne peut que gagner en
élargissant la définition de la famille pour permettre plus
facilement aux gens de parrainer leurs proches.
Le Président (M. Trudel): Merci. Mme la ministre.
Mme Robic: Oui. Mme Augenfeld, je dois vous rassurer encore une
fois parce que mes chiffres me disent bien que ma catégorie famille est
toujours à peu près au même nombre, 7000. Nous avons voulu
d'ailleurs aider à l'élargissement de l'immigration familiale
cette année en acceptant des emplois attestés. On n'avait plus
à faire la preuve que pas un seul Québécois ne pouvait
occuper ce poste. Si un membre de la famille n'entrait pas dans la
catégorie famille et que cette famille pouvait nous garantir qu'elle
avait un emploi pour cette personne, nous avons permis que cette personne
vienne. Donc, cela a certainement permis une entrée plus importante de
membres de la famille.
Mme Augenfeld: Est-ce qu'on peut commenter?
Le Président (M. Trudel): Oui, sûrement.
Mme Lainé (Denise): Au sujet de cet emploi
réservé, si on regarde le temps que cela prend à la
personne pour venir ici, l'emploi est déjà réservé
depuis six mois, je me demande jusqu'à quel point ces emplois
réservés sont vraiment réels et peuvent être utiles.
Nous croyons que la catégorie de la famille est assez forte qu'on
pourrait faire sauter l'emploi réservé.
Mme Robic: Mais... Oui.
Mme Lainé: Actuellement, on donne des points pour l'emploi
réservé et s'il n'y a pas d'emploi réservé... En
langage courant, c'est un truc.
Mme Robic: En permettant de...
Mme Lainé: Nous croyons que les liens entre frère
et soeur et l'aide qu'ils reçoivent lors de leur établissement
ici sont assez forts qu'ils vont leur en trouver. D'ailleurs, c'est ce qu'ils
font; ils trouvent un autre emploi parce que celui d'il y a six mois n'existe
plus. Alors, ils trouvent des emplois. Ils les ont parrainés. Ils en
sont responsables. Alors, je pense que cet article, c'est un peu un jeu.
Mme Robic: C'est tout de même rassurant cependant de
demander à la famille de faire l'effort de trouver un emploi pour un
adulte qu'ils veulent faire entrer.
Mme Lainé: Oui, mais ils le font de toute façon
puisqu'ils en sont responsables. Assez souvent, c'est un emploi qu'ils lui
trouvent, mais non pas celui qui était sur le papier.
Mme Robic: D'accord. Cela va.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. Mme Augenfeld, Mme Marchand, je ne voudrais
pas avoir l'air de quelqu'un qui s'excuse, mais je pense que vous êtes au
courant que c'est ce matin qu'a été rendue officielle ma
nomination comme porte-parole de l'Opposition en matière de
communautés culturelles et d'immigration. Comme j'étais à
Montréal et que mon bureau à Québec était
fermé, j'ai reçu votre texte uniquement au moment où vous
le lisiez. Donc, je n'ai malheureusement pas eu le temps nécessaire pour
les décanter. (18 heures)
Néanmoins, je partage certaines choses avec vous notamment la
distinction effectuée entre réfugiés et immigrants dans
son sens courant et usuel. Je pense qu'il y a eu certains
événements tout à fait récents au Canada, que ce
soit è la frontière de l'Arctique, ce qui était
étonnant et surprenant, ou bien, à Halifax, etc., qui ont
peut-être un peu altéré le véritable sens du mot
réfugié.
Pour moi, un réfugié, c'est quelqu'un qui arrive ici en
criant au secours, parce qu'il est victime d'une répression. On sait
fort bien que, des 155 pays qui sont aux Nations unies, même pas le
tiers, je pense, vit un système démocratique comme le
nôtre. Il y a des gens qui sont persécutés pour des raisons
politiques, des raisons religieuses, enfin un paquet d'autres raisons, et c'est
bien entendu qu'un réfugié qui vient frapper a ma porte, qui crie
au secours et qui demande que je lui porte assistance, parce qu'il y a menace
pour lui, je ne lui répondrai pas: Je m'excuse, mais voulez-vous me le
dire en français. Je vais bien comprendre son signal de détresse.
Je pense que je vais regarder très attentivement. Ce serait inhumain que
de considérer cela sous un aspect linguistique uniquement, et je ne
pense pas que le Québec, de tout temps d'ailleurs, l'ait fait à
partir de cette donnée-la.
Par contre, quant à l'immigration comme telle, si j'ai bien
compris, vous avez parlé de privilégier la famille, la
réunification des familles, le rapprochement des familles, et vous avez
également indiqué, je pense, ne pas tenir compte de
préoccupations d'ordre culturel ou linguistique. Moi, j'aurais le
août de vous faire la remarque suivante - je ne sais pas comment vous
allez réagir: de par ma langue, par la culture qui la sous-tend, je
pense que j'appartiens a une famille dans le sens de civilisation. Je pense
qu'il est légitime que, dans cet ordre-là, je me tourne d'abord
vers ma famille, la famille de ma langue, la famille de ma culture, de ma
civilisation. Je ne pense pas que ce soit discriminatoire. C'est un lien
privilégié qui existe et qui est aussi fort que celui du sang,
à mon point de vue. Quand vous dites qu'il faudrait regarder chez un
individu sa capacité d'intégration, la connaissance de la langue,
de la langue française qui est la langue du Québec, la
connaissance même de la deuxième langue officielle du Canada qui
est l'anglais, les connaissances de la culture, des traditions, etc., sont des
facteurs justement qui facilitent l'intégration.
Est-ce que j'ai bien compris en disant que vous ne voulez plus que le
critère de la langue soit un critère que nous
privilégiions dans le cas de l'immigration? Je ne vous parle pas des
réfugiés, ma position est très claire là-dessus. Je
conviens que ce serait inhumain d'avoir un critère exclusif comme
celui-là, et cela ne peut être comme cela, mais pour ce qui est de
l'immigration...
Mme Augenfeld: M. le député, vous savez,
premièrement, ce n'était pas surtout sur l'immigration
indépendante que portait l'essentiel de nos propos. Moi, je suis
convaincue que - peut-être que je parle un peu personnellement - c'est
une vue globale de l'immigrant qu'il faut regarder, sa volonté de venir
s'établir, d'établir quelque chose. Si je peux me permettre de
vous parler très personnellement pendant une minute... Vous savez, ma
famille a moi, mes parents sont arrivés ici au Canada sans parler un mot
ni d'anglais ni de français et ils se sont établis sans
même toutes ces structures d'accueil qu'on a maintenant. Cela aurait
été très beau de les avoir. Ils ont envoyé leurs
enfants à l'école. Mon père a établi un commerce
sans parler la langue, il a employé d'autres personnes. Moi, maintenant,
je parle les deux langues officielles du Canada. Je parle le français,
peut-être pas aussi bien que je le devrais, mais je le parle. Et puis
je pense que c'était leur volonté et la gratitude qu'ils
avaient envers ce pays qui les a accueillis qui a aidé a leur
intégration. Ils ont appris la langue très peu longtemps
après.
Je suis convaincue que, si on regarde maintenant, M. le
député, ceux qui veulent venir au Canada, ce ne sont pas
nécessairement les personnes qui, traditionnellement, étaient nos
sources d'immigration. Ce sont des personnes du tiers-monde, ce sont des
personnes de partout dans le monde qui ont cette volonté et cette
nécessité d'immigration et, nous, si on les accueille comme il
faut, on va voir qu'elles vont s'intégrer et vont faire partie de notre
société, Je ne pense pas qu'on puisse juste regarder maintenant
les personnes qui nous ressemblent comme immigrants futurs. Je pense qu'on doit
s'ouvrir à l'idée que, peut-être, quand les immigrants
arrivent, ils ne vont pas tellement nous ressembler au début, mais
ensemble on peut bâtir une société harmonieuse.
J'espère que ça ne ressemble pas à des banalités,
mais je suis convaincue qu'avec une certaine attitude ça peut se
faire.
Je voudrais revenir à vos propos du début quand vous
parliez des réfugiés et de tout ce qui a changé. Si vous
me le permettez, on voudrait dire certaines choses sur le fait que, lorsqu'on
choisît les réfugiés outre-mer, dans les camps, on croit
fermement qu'il faut le faire en fonction de leurs besoins. Un des propos du
gouvernement, c'est qu'on ne veut pas tellement que les personnes arrivent ici
en frappant à la porte et en disant: Je suis réfugié.
Nous, on dit toujours - pas nous, mais les gouvernements - qu'on veut les
sélectionner outre-mer parce que l'on veut prendre ceux qui en ont le
plus besoin. Mais,- quand on va dans les camps, quand on va outre-mer - et
j'espère que soeur Denise aura la chance de témoigner sur son
voyage - on voit que les réfugiés, même ceux... Vous ave2
dans un camp 10 000 réfugiés, par exemple. On va
sélectionner ceux qui, à nos yeux, feront les meilleurs
immigrants, les plus beaux, ceux qui parleront le mieux la langue, ceux qui
sont le plus débrouillards et pas nécessairement ceux qui ont le
plus besoin de notre aide, vous savez. C'est de ça dont on parle. Quand
on va à la sélection des réfugiés, qu'on
sélectionnne ceux qui ont besoin d'établissement. Même si,
au tout début ça semble peut-être un investissement un peu
plus long, je vous assure qu'en très peu de temps eux aussi deviennent
de très bons immigrants et un grand apport pour la
société. Mais, malheureusement, ça ne se passe pas comme
ça outre-mer. Ce ne sont pas nécessairement les personnes qui ont
le plus besoin d'établissement qui sont choisies, mais les personnes qui
répondent...
Ce n'est pas toute la grille de sélection, mais, quand
même, une certaine grille flexible est établie, même si elle
n'est pas écrite sur papier.
M. Boulerice: Mais vous m'accordez, nonobstant les
considérations que vous donnez et auxquelles j'agrée, vous me
donnez le privilège, quand même, de favoriser ma famille
linguistique et culturelle, dans un premier choix, si je le désire.
Mme Augenfeld: Je comprends ce que vous me dites et je ne suis
pas contre. Je ne voudrais pas qu'on ferme les yeux sur les personnes qui
vivent un peu partout dans le monde et qui seront pour nous, dans un proche
avenir, de très bons immigrants. Mais vous savez... Je m'excuse, c'est
une discussion qu'on peut poursuivre pendant des heures, n'est-ce pas? Nous
voudrions vraiment... On a parlé un peu des besoins des
réfugiés, des questions humanitaires et des personnes qui ont le
plus besoin, on en est convaincu, de notre attention et notre
compréhension.
M. Boulerice: C'est le drame, Mme Auqenfeld, des commissions. Le
temps est limité, forcément, et les autres collèques
veulent parler de part et d'autre. Alors, écoutez, je vais terminer mes
questions pour céder un peu de temps à ma collègue.
Fixons-nous rendez-vous pour poursuivre la discussion.
Mme Augenfeld: Avec plaisir.
Le Président (M. Trudel): Mme la députée de
Maisonneuve, est-ce que vous voulez intervenir?
Mme Harel: Oui, M. le Président. Je remercie mon...
Le Président (M. Trudel): On s'excuse. Il y a un
événement important dans la vie parlementaire. L'Opposition a
rendu public, il y a une heure et demie, ce qu'on appelle le cabinet
fantôme, le nouveau cabinet fantôme, alors ...
M. Boulerice: Qui va hanter vos nuits.
Le Président (M. Trudel): ...le document que vous voyez
circuler... On vous écoute, mais il y a certains députés
qui...
Mme Harel: M. le Président, je veux bien comprendre les
propos qui ont été tenus jusqu'à maintenant. Moi, j'ai
beaucoup d'estime, j'ai beaucoup d'admiration pour le travail qu'a
réalisé la table des organismes de Montréal a
l'égard des réfugiés et je souscris à l'invitation
qui est faite dans le mémoire de conserver envers et contre tout dans la
tourmente actuelle une attitude
ouverte à l'égard des revendicateurs. Là, par
ailleurs, où je suis en total désaccord, et je veux bien
comprendre, j'ai peut-être mal compris. Dois-je comprendre que la Table
de concertation des organismes de Montréal au service des
réfugiés recommande l'abolition des points attribués a la
connaissance du français dans la grille de sélection des
immigrants? Je veux être bien certaine de cela, d'une part. Je veux
savoir si c'est cela la recommandation de la table. D'autre part, je pense
qu'il y a une confusion qui s'est installée dans les propos tenus... Il
y a eu confusion entre la grille de sélection et les mesures qui doivent
être amplifiées pour favoriser l'apprentissage du français,
notamment dans les COFI, particulièrement à temps complet pour
toutes les catégories, y compris les femmes à la maison, y
compris les réfugiés qui ont déjà connaissance
d'une langue.
Je pense que la confusion entre les deux est extrêmement
dommageable. La grille de sélection avantage simplement une
société qui se considère légitimée de
souhaiter certains critères de sélection parce que
sélectionner c'est choisir. Il y a quoi, 140 000 personnes qui, chaque
année, bon an mal an, demandent de venir au Québec comme
immigrant? En vertu de quels critères allons-nous choisir? Alors, ce
choix, cette sélection, puisque c'est de sélection dont il
s'agit, se fait entre de nombreuses personnes. Je voudrais savoir si c'est bien
l'abolition des points attribués à la connaissance du
français, d'une part, et si, d'autre part, il ne serait pas plus
souhaitable de bien distinguer en ce qui concerne les immigrants. Autant je
peux souscrire à l'élargissement de la catégorie famille,
en n'oubliant pas qu'actuellement 40 % de notre immigration est
constituée de la catégorie famille... Une personne qui vient et
qui a sa résidence ici - je ne sais plus combien exactement - en
entraîne un certain nombre à venir la rejoindre. Il ne faut pas
oublier que pour 40 % de notre immigration la grille de sélection ne
joue pas. La grille de sélection ne joue pas pour la catégorie
famille, la grille de sélection ne joue que pour ceux que l'on
sélectionne. Donc, déjà, la grille de sélection ne
joue pas pour 40 % de ndtre immigration, plus les réfugiés.
Alors, la grille de sélection ne joue plus, en définitive... Il
n'y a pas tout à fait 20 % à la catégorie
réfugiés et il y a presque 40 % à la catégorie
famille. La grille de sélection, avec les points attribués
à la connaissance du français, ne joue donc que pour 40 % de
notre immigration. C'est notre réalité actuelle.
Tantôt, vous avez dit: nous avons un grand pays. Je ne sais pas si
vous faisiez référence au Canada parce qu'évidemment,
à cette commission, nous examinons le niveau d'immigration pour le
Québec. Oui, le
Québec est immense. Il est six fois grand comme la France, mais
92 % des nouveaux arrivants s'installent dans l'île de Montréal,
je le répète et, je l'ai dit ce matin, c'est grand comme le
Luxembourg. Si on recevait - parce qu'on parle toujours d'immigrants, là
- votre recommandation que dans trois ans, c'est-à-dire en 1990, on
reçoive 60 000 personnes par année, en dix ans, disons entre 1990
et l'an 2000, dix ans, c'est exactement 600 000 personnes dont 90 % qui,
vraisemblablement, à moins qu'il n'y ait d'autres solutions que
j'aimerais vous entendre nous apporter pour qu'il y ait des
établissements ailleurs, dans les capitales des régions, mais
cela fait au-delà d'un demi-million de personnes qui s'installeraient
dans l'île de Montréal, si toutes les choses sont ce qu'elles sont
maintenant et si on n'a pas ensemble, comme collectivité, un projet qui
consiste a ce qu'elles soient différentes. Sur les mesures
d'établissement en région, là-dessus, votre mémoire
est muet. Un demi-million de personnes qui s'installent dans l'île de
Montréal ou il y en a déjà 2 000 000, c'est, en
définitive, une personne nouvelle sur quatre en dix ans. Est-ce qu'une
société peut se le permettre?
(18 h 15)
Vous savez, je lisais Jean-Claude Leclerc, qui est bien connu pour sa
franchise mais aussi pour son appui, je dirais, indéfectible en
matière de soutien aux politiques généreuses à
l'égard des réfugiés, qui disait ceci: "On ne peut, sans
inhumanité sélectionner des réfugiés suivant la
langue qu'ils parlent - et j'y souscris - mais les communautés
culturelles et les milieux de l'immigration commettraient une erreur
incalculable en négligeant le message du français pour tous les
immigrants." Cela vaut autant pour la grille de sélection que pour
l'apprentissage sur place, parce que l'autre réalité est celle de
l'étude qui s'intitule "Situation démographique au Québec,
édition 1985", du Bureau de la statistique du Québec, qui
démontrait que, parmi les nouveaux Québécois qui
abandonnaient leur lanque maternelle, près de 80 % choisissaient
l'anglais comme langue d'usage à Montréal.
Sur la question de l'immigration, on n'a pas intérêt
à jouer à l'autruche et à dire que tout va bien dans le
meilleur des mondes, qu'on peut... Je pense que la table de concertation a
intérêt, en matière d'immigration, à voir clairement
le message que lançaient les différents sondages, à savoir
que le français doit être une lanque favorisée dans la
grille de sélection comme au moment de l'apprentissage sur place.
Mme Augenfeld: Je ne sais par où commencer. Vous avez
touché plusieurs sujets. On n'a pas dit, si vous lisez bien notre
mémoire, qu'il faut abolir la grille de sélection ou abolir le
français, comme
considération. Tout ce qu'on a dit, c'est qu'on ne voudrait pas
que les préoccupations d'ordre culturel et linguistique nient
l'importance d'autres aspects. Évidemment, cela aide quand quelqu'un qui
vient ici parle un peu la langue du pays, mais on ne voudrait pas que cela
devienne tellement une préoccupation qu'on néglige d'autres
"aspects telles l'intégration sociale, l'intégration au
marché du travail et les structures d'accueil où les gens peuvent
apprendre assez vite la langue en arrivant.
Encore une fois, quand vous parlez du fait que les immigrants viennent
normalement s'installer à Montréal, c'est vrai, mais cela ne doit
pas être nécessairement la vérité à tout
jamais. Vous savez, on ne peut pas envoyer une famille immigrante toute seule
quelque part et espérer qu'elle va y rester. Cela prend une tout autre
vision de l'immigration. Si on regarde l'Ontario, par exempte, les immigrants
ne sont pas tous à Toronto. Il y en a beaucoup plu3 dans les
différentes villes de l'Ontario qu'ici au Québec. Il faut
commencer à concevoir une autre façon d'installer et
d'intégrer les immigrants. Cela ne se fait pas d'un jour à
l'autre, mais il faut avoir à l'idée que c'est peut-être
possible.
Vous avez des réfugiés médecins - je ne veux pas
faire ici tout le drame des médecins qui sont déjà
citoyens et qui ne peuvent pas encore pratiquer - qui ne veulent rien de plus
que d'aller dans le Grand-Nord, sur la Côte-Nord, n'importe où
pour travailler. Il y a toutes sortes de règlements qui ne leur
permettent pas d'aller travailler. Je suis sûre que, s'il y avait des
structures d'accueil, du travail intéressant et une vie sociale
intéressante, des gens seraient peut-être prêts à
aller s'installer ailleurs. Ce n'est pas absolument obligatoire que tous les
immigrants restent à Montréal. Il faut commencer le projet en
regardant ce que cela prend pour attirer les immigrants ailleurs qu'à
Montréal. Il ne vont pas y aller simplement comme cela. C'est une tout
autre question.
Mme Harel: Vous nous dites "peut-être". C'est le
"peut-être" qu'il faut rendre réalisable. Il nous faut avoir la
capacité, comme société, d'envisager des mesures
concrètes. Par exemple, faut-il envisager, dans la grille de
sélection, que des points soient accordés lorsqu'il y a
établissement dans une capitale des régions?
Mme Lainé: Je ne sais pas maintenant, mais, jadis, le
fédéral en avait. Je ne sais pas si le Québec en a, mais
c'est envisageable.
Mme Augenfeld: Vous savez, on n'a pas toutes les réponses,
mais c'est le début d'une discussion. II faut se demander si c'est
possible, si on veut faire cette chose. Si on décide qu'on veut faire
cette chose, que c'est souhaitable, on peut ensuite commencer à discuter
pour sgvoir comment. Si on se dit: On voudrait pouvoir attirer les immigrants
pour qu'ils ne s'installent pas a Montréal mais dans plusieurs autres
villes, ensuite on se demandera: Qu'est-ce que cela prend pour les attirer? On
regardera ce qui existe, ce qui n'existe pas et ce qu'il faut mettre sur pied,
etc. Est-ce qu'il y a des classes d'accueil pour les enfants immigrants
à Rimouski ou je ne sais pas où? Peut-être qu'il y en a, il
faudrait que j'aille voir. Si je veux que les immigrants aillent là, il
faut que les écoles soient préparées, soient
sensibilisées. Si je veux envoyer des enfants africains à
Chicoutimi, est-ce qu'ils vont être bien accueillis? Vous savez, cela
prend tout un inventaire pour faire l'accueil, voir ce qu'il manque et ce qu'il
faut faire, combien cela coûte, etc. Pour commencer, cela prend une
volonté et une attitude, il faut se dire que c'est peut-être
possible; ensuite, on peut voir.
Mme Harel: Je ne voudrais pas qu'on se quitte sans que vous nous
parliez de toute cette question des revendicateurs du statut de
réfugié. Je veux simplement vous siqnaler que cela prend de
l'imagination, comme vous le dites, et aussi des subventions. Tout cela suppose
quasiment que ce soit mis en place avant qu'on ne décide qu'il y aura 60
000 personnes; sinon, ces 60 000 s'installeront a Montréal et la il va y
avoir un face à face qui peut détériorer les relations
dans une société ou un Québec avec des régions de
plus en plus francophones et françaises et un Montréal de plus en
plus multi-ethnique et bilingue ou anglais.
Je pense qu'on ne peut pas terminer nos travaux sans vous entendre sur
cette question des revendicateurs du statut de réfugié et des
modifications qui seront apportées, qui sont apportées
maintenant, telles qu'elles sont connues aujourd'hui, à l'ensemble des
mesures.
Mme Augenfeld: Justement, Mme Harel, aujourd'hui, on est
très déprimés, si vous voulez, parce que... Ce n'est
même pas le mot, on est très tristes parce que c'est très
triste pour le Canada que le gouvernement fédéral ait
apporté de telles mesures au Parlement. Ce n'est pas nécessaire,
ce n'est pas souhaitable. On était déjà en discussion
quant à un nouveau processus sur le statut de réfugié.
Cela fait des années et des années que les organismes, dans tout
le Canada, en parlent.
Très brièvement, vous savez que c'est depuis que je
travaille là-dedans... Il y en a d'autres qui y travaillent depuis plus
longtemps. En 1981, on a commencé à
s'inquiéter vraiment qu'il y ait un certain
arriéré, un soi-disant "backlog", mais, quand on voit maintenant
de quel chiffre on s'inquiétait à l'époque, ce
n'était rien du tout. C'était faisable, réalisable, de le
régler. On parlait d'un nouveau processus qui était
nécessaire. On parlait du fait que cela prenait absolument une audition
orale pour être juste envers les requérants. Le ministère
de l'Immigration ne voulait pas l'installer. Il y eu le rapport Robinson, un
deuxième rapport, le rapport Ratushny, et un troisième rapport,
le rapport Plaut. Finalement, il y a eu un jugement de la Cour suprême en
avril 1985 qui jugeait qu'une audition était un minimum de justice pour
un requérant. Cela a mis le gouvernement dans une situation
complètement difficile parce qu'il y avait déjà,
jusque-la, un "backlog", un arriéré considérable de 20 000
cas.
Ensuite, cela a pris un an, jusqu'en mai 1986, seulement pour annoncer
les mesures intérimaires, un programme administratif, qui, d'ailleurs,
vient de se terminer, et des lignes directrices pour un nouveau projet de loi,
et cela a pris une autre année pour qu'on arrive avec un autre projet de
loi complètement inacceptable. Après tout ce temps, on arrive
avec un projet de loi qui n'assure pas du tout la protection des
réfugiés, qui est tellement obsédé par la question
des abuseurs qu'on en a oublié les réfugiés. Il y a tant
de mesures de contrôle pour refouler les gens, pour ne pas les entendre
que c'est pour cela qu'il y a eu ce tollé de protestations au pays
contre le projet de loi C-55 et je pense qu'on a gagné, jusqu'à
la fin de juin, un peu de terrain. Malgré que le gouvernement nous ait
dit qu'on était en parfaite conformité avec les lignes
directrices du Haut-commissariat pour les réfugiés, celui-ci a
envoyé un mémoire au gouvernement dans lequel il
s'inquiète beaucoup de certaines dispositions de notre projet de loi,
etc., etc. Ensuite, le projet de loi qui devait être si urgent a eu
quelques heures de débat seulement au mois de juin. Ensuite, il y a eu
un ajournement. Maintenant, tout d'un coup, parce qu'un bateau de plus est
arrivé d'une façon assez dramatique, cela a été
monté en épingle pour montrer jusqu'à quel point on
était en danger en qu'on risquait d'être envahis, pour justifier
des mesures complètement inacceptables et qui vont jouer contre les
réfugiés, contre la protection des réfugiés. On
fait croire au public que toutes ces personnes sont menteuses, que ce sont des
personnes suspectes, des personnes qui viennent nous raconter n'importe quoi.
Le fait qu'une personne arrive sans document est devenu, tout d'un coup, un
crime, quand on sait pertinemment que le fait de ne pas avoir de documents fait
partie très souvent de l'histoire d'un réfugié trè3
souvent. Quand un réfugié quitte son pays, très souvent,
il n'a pas le temps de demander en bonne et due forme un passeport; il part, il
fuit, il se procure n'importe quel document; il arrive ici et il demande notre
protection. Il doit être entendu. Je ne sais pas combien de fois je l'ai
répété: on n'a jamais dit que toute personne qui fait une
demande doit être acceptée, mais on va dire, jusqu'à la fin
de nos jours, que toute personne qui fait une demande doit être entendue
d'une façon juste devant des experts qui sont compétents en
matière de réfugiés pour entendre sa cause. Si un panel
d'experts et, si nécessaire, un appel disent que cette personne n'est
pas une réfugiée, on peut l'accepter, mais, si la personne est
renvoyée sans être entendue, on risque de la renvoyer à une
situation dangereuse. Maintenant, avec les dispositions de la loi, je suis
convaincue que la première chose que l'on fera, si une personne arrive
sans document, sera une enquête pour établir son identité,
ce qui peut inclure des enquêtes policières chez la police du pays
d'origine. Je pense que vous êtes allée, Mme Harel, au Chili et
que d'autres personnes sont allées dans d'autres pays. Imaginez-vous si
la première chose qu'on fait, quand une personne arrive ici, est une
enquête auprès de la police de son pays pour voir qui elle est. Et
si, après, cela se révèle vrai que c'est une
réfuqiée, qu'est-ce qu'on aura fait à la famille de cette
personne? Qu'est-ce qu'on aura fait aux gens du pays d'origine pour les mettre
en danqer? C'est absolument inacceptable. Récemment, on a fait croire
à la population que tout ces gens-là n'étaient pas des
réfugiés, que c'étaient tous des illégaux. Ils ne
sont pas illéqaux, ils s'annoncent quand ils arrivent et ils disent: Je
ne suis pas un immigrant, je fais une demande de refuge. Peut-être qu'il
y en a qui ne sont pas des réfugiés. On a toujours demandé
un processus qui soit plus efficace et qui décide plus vite qui est
réfugié, mais pas en passant par la justice et en niant la
justice. On est convaincus que, s'il y avait un processus qui assure une
audition devant des experts et qui offre le temps de se préparer avec
l'aide de conseillers juridiques, et si cela se passait à
l'intérieur d'un temps raisonnable, avec le temps, cela
découragerait les gens qui utilisent le processus pour d'autres raisons,
mais cela prend un peu de temps et cela prend une volonté pour le faire.
Actuellement, ce que l'on voit, c'est un prétexte que l'on a
utilisé pour imposer des mesures. Vraiment, tout ce que j'ai devant moi,
je n'ai pas encore le bill, mais j'ai ce que la Presse canadienne a dit
là-dessus et cela me semble vraiment très dangereux pour la
protection des réfugiés. C'est malheureux, parce qu'on avait
gaqné beaucoup de terrain. On a, pendant mai et juin, vraiment
expliqué avec un certain succès pourquoi le bill C-55
n'était pas acceptable et c'est vraiment malheureux
qu'un bateau nous ait tellement fait peur qu'on ait besoin maintenant de
se servir du grand marteau contre les réfugiés.
Avec votre permission, je sais qu'il y a d'autres personnes qui veulent
poser des questions, mais soeur Denise, qui revient tout juste de voyage, avait
plusieurs choses à vous dire sur ce qui se passe dans les camps
outre-mer, si cela vous intéresse. Si on peut prendre quelques minutes,
parce que je sais que notre temps achève, elle pourrait nous raconter un
peu ce qui se passe dans la sélection.
Le Président (M. Trudel): Sûrement, oui. Je n'ai
aucune objection, bien au contraire. Alors, soeur Denise.
Mme Lainé: Merci, M. le Président. Je ne sais pas,
je croîs bien que le gouvernement du Québec va conserver la
collaboration du public dans le parrainage. Peut-être qu'il y aurait des
méthodes à changer, des manières de faire face au groupe
de parrainage. Il y aurait aussi des manières administratives à
changer face à la sélection des personnes, parce que, dans les
camps de réfugiés, la vie est très lourde, vous pouvez
l'imaginer. Par exemple, les camps de Hong Kong, ce sont des prisons et les
personnes qui travaillent dans les camps nous disent que les
réfugiés sont considérés un cran plus bas que les
prisonniers. C'est donc dire que les réfugiés n'ont pas une
grande attention et, quand on parle des droits de la personne, on nous dit
qu'il faut oublier ce programme-là dans les camps. (18 h 30)
Alors, quand on arrive pour faire la sélection des
réfugiés et qu'on est devant une famille... J'ai vu, par exemple,
des familles où il y avait sept ou huit enfants. Le père
de famille, qui est le depuis cinq ans, est vraiment découraqé,
et on le serait à moins. Alors, un homme découragé, un peu
affaibli, on l'évite. II ne rejoint pas les critères, il n'est
pas choisi. Il a été refusé par les trois pays qui
sélectionnent: l'Australie, les États-Unis et le Canada. Il a
cinq ou six enfants de tous les âges. La femme est une excellente
cuisinière. C'est elle qui fait la cuisine pour une quinzaine de
personnes. Elle pourrait, ici, faire fonctionner un restaurant ou autre chose.
Mais toutes ces choses n'ont pas été prises en
considération parce que le père était un peu
déprimé.
Quand on parlait des critères de sélection tout à
l'heure, c'est sur cela qu'on voulait un peu signaler que, lorsque les
personnes sont dans un camp et qu'elles sont en situation d'adaptation ici,
elles sont tout à fait différentes. Nous sommes tout près
d'elles pour les voir réagir. Dans les camps de Hong Kong, la situation
est très déplorable à cause, premièrement, de la
manière dont ils sont reçus et, deuxièmement, à
cause de la situation de Hong Konq même qui, dans quelques années,
va revenir aux mains des Chinois. Alors, les qens sont doublement
obsédés et ils sont effrayés. Quand on entre dans le camp
- j'y suis allée sans permission, c'est un passe-droit que j'ai eu -
c'est très pénible de voir tous ces gens qui n'ont qu'à
attendre. Attendre quoi? On ne le sait pas. Il y en a qui sont là depuis
cinq ans et ce sont des personnes qui sont quand même en bonne
santé. Ce sont des personnes qui ont des enfants, de jeunes enfants. On
dit qu'on a besoin d'enfants. Il y a des enfants qui naissent dans les camps
peut-être plus qu'en dehors. Les conseillers en immigration qui vont
sélectionner dans les camps y vont d'abord selon des quotas. À
Honq Kong, c'est le HCR qui permet la sélection des familles.
Je ne sais pas, mais le Québec pourrait, à un moment
donné, aller voir, y jeter un reqard et, après des discussions
avec le HCR les circonstances nous permettraient de faire une meilleure
sélection et de se rendre compte vraiment des besoins de ces
réfuqiés. J'ai visité ceux de Honq Kong. J'ai vu les
autres aussi, mais la situation de ceux de Honq Konq, sur le plan
psychologique, me paraît plus difficile. D'abord, ils sont dans des camps
entourés de fils barbelés et, aussi, il y a la situation de Hong
Kong qui, dans quelques années, va revenir à la Chine.
Il y a aussi les camps en Thaïlande qui, sur le plan
matériel, ne sont plus ce qu'ils étaient il y a quelques
années, mais, sur le plan moral, je pense que personne de nous
n'aimerait que son enfant vive dans un camp. Je crois que le Québec a
fait son effort pour prendre des réfugiés, mais je pense qu'on
pourrait faire encore un effort. Quand on voit, on est encore un peu plus
convaincu qu'il faut absolument que ces camps se vident, autrement, ils vont
nous retomber sur la tête. On a eu les camps des Palestiniens qui ont
fait éclater le Liban. Alors, il ne faudrait pas que les camps
thaïlandais fassent éclater autre chose.
En plus de ces camps, il y a les camps en Europe qui sont, sur le plan
matériel, bien moins attristants. Ils sont tout à fait normaux,
sauf que les appartements sont petits. Seulement, dans tous les camps,
qu'importe où est le camp et qu'importe la situation du pays, être
dans un camp, c'est ne pas avoir d'avenir, c'est ne pas avoir d'espoir.
Alors, la destinée du réfugié est entre les mains
de celui qui veut bien le regarder. Je ne sais pas si on les reqarde assez.
Quand on les reqarde de près, cela fait mal. Maintenant, je sais qu'il y
a des personnes, des groupes qui désirent les aider en faisant du
parrainage. Nous avons nous-mêmes organisé des groupes de
parrainage, mais cela ne marche pas parce que cela prend trop de
temps, cela prend deux ans,.trois ans et les groupes de parrains se
découragent, se disloquent et on est obligés de refuser les gens.
Je pense que pour toute cette section de parrainage et de
réfugiés, peut-être que s'il y avait un personnel... Comme
on l'a demandé au fédéral dans l'histoire des
réfugiés sans statut, je pense que, lorsqu'on parle de
réfugiés, il faut séparer ce terme d'immigration. Ce sont
deux réalités très différentes et le pays peut
progresser, il a un investissement plus grand a faire avec des
réfugiés, mais je pense qu'il y a un résultat, au bout de
quelques années, qui est l'équivalent, sinon plus grand, d'avec
les immigrants.
Mme Augenfeld: Je voudrais ajouter un mot. Justement, il y a
quelques mois, M. Isaka, qui est directeur de l'établissement pour le
HCR, était au Canada et a parlé aux différents paliers de
gouvernement, il a parlé aussi avec les ONG et lui aussi nous a dit,
parlant de l'Afrique cette fois-ci, que, pour la sélection des
réfugiés, celle du Canada était une des plus difficiles.
C'est-à-dire que le Québec prend une portion de cela; pour toute
l'Afrique, disons, sur 1000 réfugiés parrainés par le
gouvernement canadien en un an, une proportion vient au Québec. Mais, en
choisissant quels réfugiés on va faire venir au Canada, on
applique vraiment des critères de sélection assez rigides,
c'est-à-dire qu'on prend la crème de la crème. On ne prend
pas toujours ceux qui sont là vraiment de très longue date et qui
ont besoin d'établissement. On prend des personnes qui vont faire les
meilleurs immigrants. Encore une fois, on demanderait au Québec
d'utiliser son influence auprès du gouvernement en faisant la
sélection que le Québec peut faire en choisissant les RC 1,
disons, les cas du gouvernement qui vont venir des pays comme l'Afrique,
l'Amérique latine ou l'Asie, de vraiment penser aux besoins
d'établissement des réfugiés et non seulement à
ceux qui vont être les plus faciles, si vous voulez, à
établir.
Un dernier mot, si vous voulez, sur les réfugiés
handicapés qu'on n'a pas mentionnés dans notre document. On
demanderait aussi au Québec de considérer prendre un plus grand
nombre de réfugiés handicapés chaque année. Il y a
deux ans, on en a pris dix en une année, je pense. Je vous ferai
remarquer, mesdames et messieurs, que, pour un pays comme le Québec, dix
personnes en un an, ce n'est pas beaucoup. Avec les hôpitaux et les soins
médicaux que nous avons au Québec, on peut bien se permettre de
prendre plus de dix personnes.
Encore une fois, vous savez, dans les camps, très peu peut
être fait pour les réfugiés handicapés. Il ne faut
pas s'imaginer que, si on les fait venir ici, ils vont toujours rester dans le
même état où on les trouve.
Avec certains types de soins, il peut y avoir de qrandes
améliorations. Alors, on vous supplie aussi de penser aux
réfugiés handicapés et de penser à un nombre plus
important que dix, ce qui nous semble très peu pour un pays comme le
Québec.
Le Président (M. Trudel): Merci, madame. Mme la ministre
ou peut-être M. le député de Viger, je m'excuse.
M. Maciocia: Oui, j'aurai seulement une question, Mme Augenfeld,
parce que le temps est écoulé depuis lonqtemps. À la page
cinq de votre mémoire, vous dites: "En ce qui concerne les
réfugiés sélectionnés à l'étranger,
nous déplorons pour la xième fois la confusion entretenue entre
les critères économiques et les critères humanitaires."
Pouvez-vous nous dire quels sont, selon vous, les critères
économiques pour la sélection des réfugiés?
Mme Augenfeld: C'est ce dont on vient de parler, M. le
député. C'est que, très souvent, quand on reqarde les
réfugiés... Si vous avez devant vous 100 réfugiés
et que vous allez en choisir 25, très souvent, l'officier est
porté à choisir ceux qui sont les plus instruits, qui parlent la
langue, qui sont les plus jeunes, les plus dynamiques, en ce sens qu'ils feront
les meilleurs immigrants, qui sont les plus adaptables à court terme, au
lieu de regarder ceux qui ont le plus besoin de notre aide. Quand on choisit
les réfugiés, ce sont leurs besoins qui doivent jouer en premier
lieu. C'est de cela que l'on parle. C'est comme lorsque soeur Denise nous
raconte que, si le père de famille est un peu déprimé
parce qu'il est dans un camp depuis cinq ans, cela joue contre lui. Cela ne
serait pas naturel qu'il ne soit pas un peu déprimé après
cinq ans dans un camp, avec ses cinq ou six enfants. Si cela joue contre lui,
on va perdre beaucoup de personnes, on va néqliger, on choisira peu de
personnes qui ont besoin de notre aide, parce qu'on est tellement
préoccupés par ceux qui vont s'adapter le plus rapidement.
Le Président (M. Trudel): M. le député,
avez-vous d'autres questions à poser?
M. Maciocia: Non, cela va.
Le Président (M. Trudel): Mme la ministre?
Mme Robic: Oui, M. le Président. J'écoutais avec
beaucoup de sympathie les propos de soeur Denise. J'ai eu, je dis bien, le
privilèqe de visiter les camps de réfuqiés en
Thaïlande et je pense que chacun d'entre nous y gagnerait à visiter
ces camps. Je comprends vos préoccupations et je les
partage. D'ailleurs, nous avons cette année, en 1987,
doublé le nombre de réfugiés que le Québec
sélectionnera à l'étranger.
Cependant, ce n'est pas aussi simple que cela semble l'être.
Plusieurs intervenants jouent dans ces camps - vous avez mentionné tout
a l'heure le HCR - il y a le pays même qui, souvent, crée certains
problèmes pour certaines personnes. Quand nous avons eu à traiter
de cas particuliers, on s'est rendu compte que l'on se frappait souvent a un
mur. D'ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a certains de ces
camps où on n'a même pas le droit d'entrer pour
sélectionner. C'est aussi fermé que cela. C'est un
problème, non seulement du Québec ou du Canada, mais c'est un
problème mondial sur lequel il faudra se pencher très
bientôt. Vous avez raison, on ne peut pas parler de paix quand des gens
vivent derrière des fils barbelés en temps que l'on appelle de
paix. Vous avez absolument raison et j'aimerais que l'on puisse en discuter
plus longuement. Cela pourrait être mis a l'ordre du jour d'une prochaine
réunion avec la table de concertation.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Pour conclure et, comme j'ai donné
rendez-vous à Mme Augenfeld, j'aimerais vous relire ce que Pierre
Bourgault écrivait. C'était intitulé: "Les
réfugiés doivent entrer chez nous." Il écrivait: "Ce n'est
pas parce que nous ne pouvons pas sauver tout le monde qu'il doit nous
être interdit d'en sauver quelques-uns. Les compassions verbales nous
déshonorent. Il est temps de joindre le geste a la parole. Nous avons
fait plein d'exceptions dans le passé et nous pouvons en faire encore
une. Vous nous avez indiqué quelques voies, Mme Augenfeld et Mme
Marchand, et je vous en remercie beaucoup.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Saint-Jacques. Mme la ministre.
Mme Robic: Juste une toute petite minute. J'arrive avec un petit
papier. On me dit que nou3 avons eu des rencontres au sujet des
réfugiés handicapés - je ne savais pas qu'elles avaient eu
lieu - avec le MSSS pour pouvoir identifier un certain nombre de
réfugiés et leurs besoins et pouvoir augmenter ce nombre. Alors,
on est déjà au travail à ce niveau-la.
Le Président (M. Trudel): Merci, madame.
Mme Robic: Je ne voulais pas que vous repartiez sans le
savoir.
Le Président (M. Trudel): Mme la présidente...
Mme Augenfeld: On vous remercie de nous avoir invités et
on espère que certains de nos propos vont trouver une oreille favorable.
On est toujours prêts à collaborer avec le gouvernement, avec le
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigratton, et on
est convaincus que d'autres ministères doivent aussi être
impliqués dans ce travail. La sensibilisation sur la question de
l'immigration et des immigrants doit être répandue partout dans le
gouvernement et ensuite dans le public. On vous remercie beaucoup de nous avoir
écoutés.
Le Président (M. Trudel): Merci, madame. Au plaisir de
vous revoir. La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 45)
(Reprise à 20 h 17)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît! Avec un retard qui progresse de cinq minutes sur celui de cet
après-midi, la commission de la culture reprend ses travaux de
consultation particulière sur le niveau d'immigration pour les
années 1988 et 1989, en tenant compte des besoins démographiques,
économiques et socio-culturels du Québec, de même que de
ses obligations à l'endroit de la communauté internationale et
des familles à l'étranger des nouveaux résidents
québécois.
Comme premier intervenant ce soir, nous accueillons avec plaisir le
Congrès juif canadien. Comme nous sommes tous des femmes et des hommes
politiques, nous ne pouvons faire autrement que remarquer la présence
d'un ancien collègue. Je salue le Dr Goldbloom que j'ai bien connu alors
qu'il occupait des fonctions publiques et que j'occupais des fonctions
privées, au service d'un homme public. Dr Goldbloom, je vous revois avec
grand plaisir et vous souhaite la bienvenue chez vous, finalement, parce qu'on
dit que quand on a habité cette maison, même si on n'y revient pas
souvent, elle nous appartient toujours. Après tout, c'est la maison du
peuple.
Dr Goidbloom, si vous voulez bien nous présenter les gens qui
vous accompagnent. Je pense aussi que vous connaissez les règles du jeu.
Vous avez environ 20 minutes pour exposer ou résumer votre
mémoire. Nous procéderons par la suite à un échanqe
de vues avec les membres de la commission.
Congrès juif canadien
M. Goldbloom (Victor): M. le Président, je vous remercie
de votre aénéreux accueil.
C'est M. Morton Besner, président pour le Québec du
Congrès juif canadien, qui fera les présentations.
Le Président (M. Trudel): M. Besner.
M. Besner (Morton): M. le Président, Mme la ministre, Mmes
et MM. les députés, merci de nous recevoir ce soir. Ce soir, nous
vous présentons un mémoire conjointement préparé
par le Congrès juif canadien et les Services canadiens d'assistance aux
immigrants juifs. Le Congrès juif canadien est le porte-parole de la
communauté juive qui représente au Canada 350 000 citoyens de foi
juive dont plus de 110 000 demeurent ici au Québec.
Permettez-moi de vous présenter les membres de notre groupe ce
soir. Pour représenter le Congrès juif canadien, je suis le
président de la région de Québec; le Dr Victor Goldbloom,
de qui vous avez déjà fait mention, est président du
Comité des relations communautaires; M. Ian Kagedan, directeur adjoint
exécutif national. A ma droite, M. Sion Harrar, vice-président
des Services canadiens d'assistance aux immigrants juifs, et Mlle Rivka
Auqenfeld, que vous avez déjà entendue cet après-midi,
conseillère en immigration et établissement aux Services
canadiens d'assistance aux immigrants juifs.
Permettez-moi de demander au Dr Goldbloom de vous présenter un
résumé de notre mémoire. Après, notre groupe est a
votre disposition pour répondre à vos questions. Merci, M. le
Président.
M. Goldbloom: M. le Président, Mme la ministre, Mmes et
MM. les membres de la commission parlementaire, vous avez reçu le
mémoire. Sa page frontispice constitue un résumé.
J'aimerais faire allusion à certains éléments et ajouter
quelques commentaires dans le cadre de ce mémoire et peut-être ne
pas utiliser à cette fin entièrement les 20 minutes qui nous sont
accordées.
Il est évident que la contribution des immigrants à la vie
de la société québécoise est importante depuis un
temps que l'on peut raconter selon l'expérience des gens de chaque
souche, de chaque origine qui constituent aujourd'hui un élément,
une communauté culturelle au sein de cette société. Tel
n'est pas mon but. J'aimerais souligner, seulement en passant, le fait que la
communauté juive a contribué au Québec à une
importante immigration d'expression française. Aujourd'hui, cette
communauté compte à tout le moins 20 000 personnes de langue
maternelle française ou d'expression française. Donc, une
personne sur cinq ou six est d'expression française au sein de la
communauté juive, aujourd'hui.
Nous avons à déplorer des situations, ailleurs dans le
monde, où la vie des gens de foi juive n'est pas une vie acceptable.
Nous avons assisté à des vagues d'immiqration au cours de ce
dernier siècle. C'est il y a une centaine d'années que mes
propres grand-parents sont venus de pays qui sont aujourd'hui de l'autre
côté du rideau de fer. C'est l'expérience d'une très
forte proportion des gens qui constituent aujourd'hui la communauté
juive du Québec, comme c'est le cas d'autres communautés.
Nous nous inquiétons donc de voir les délais requis afin
que le dossier d'un candidat soit étudié et qu'une
décision soit prise. Nous constatons qu'une période qui peut
aller de huit jusqu'à quatorze mois est requise pour que le dossier
aboutisse au bureau où une décision est enfin prise. Ce fait a
une importance majeure quand on fait une relation entre le retard
nécessaire pour l'analyse du dossier et le poste, l'emploi qui, dans un
nombre important de cas, attend en principe cette personne. Est-ce que quatorze
mois plus tard ce même emploi est toujours la, toujours disponible'' On
peut croire que non. Est-ce que l'employeur qui a voulu offrir un emploi
à une personne qui doit obtenir le statut d'immigrant chez nous accepte
d'attendre tout ce temps patiemment, manquant une personne à son
équipe? On peut se demander si, dans une importante proportion de cas,
cette patience va se manifester. Nous constatons aussi que, nonobstant des
améliorations dans les relations fédérales-provinciales
dans ce domaine, nonobstant une certaine coordination, cette dernière
laisse toujours à désirer. On peut voir un écart de
plusieurs mois entre le traitement d'un dossier par le gouvernement
fédéral et le traitement de ce même dossier par les
autorités québécoises.
Deuxième point: Nous constatons que la définition de la
famille est plutôt restrictive quand on met l'accent sur la
réunification familiale. Tel est le cas du gouvernement du Canada comme
c'est le cas du gouvernement du Québec. En réalité, si
l'on définit comme membres de la famille admissibles à ce
processus de réunification seulement de très proches parents, on
crée des situations malheureuses pour bien des familles. Le
mémoire encourage le Québec à élarqir cette
définition afin de tenir compte des liens qui existent
véritablement sur le plan humain entre ceux qui sont déjà
ici et ceux qui sont perçus, par eux-mêmes, comme membres de leur
famille et qu'ils voudraient amener ici partager leur vie.
La question des réfuqiés est une question épineuse,
difficile. Il y a beaucoup de discussions là-dessus actuellement et nous
avons l'impression que la perception de l'opinion publique est quelque peu
embrouillée. L'on ne fait pas suffisamment de distinction entre le
véritable réfugié légitime et les autres personnes
qui font leur demande, qui veulent venir à titre
d'immigrants et qui doivent suivre tout le processus normal. On comprend
que, dans une situation dramatique d'urgence, l'on puisse vouloir bien faire
l'analyse de chaque dossier, bien faire l'analyse des antécédents
de chaque candidat afin de protéger les intérêts de la
société de chez nous. Nous avons quand même l'Impression
que cela pourrait se faire avec plus de rapidité, plus
d'efficacité et, dans certains cas, c'est à regret que je le dis,
avec plus de sensibilité et de considération.
Nous mettons l'accent sur ce que devrait faire le Québec afin de
faciliter, encourager et faire accélérer l'intégration des
immigrants. Les cours de langue, c'est un élément important et
vous remarquerez dans ce mémoire que nous soulignons le fait que des
services de garderie ne sont pas généralement disponibles, par
exemple dans les COFI, et des mères de famille devant avoir soin de
leurs enfants sont privées de la possibilité de suivre les cours
qui leur permettraient de s'intégrer davantage et plus rapidement
à la société québécoise.
Permettez-moi, M. le Président, d'ajouter deux
considérations tirées de documents que vous avez peut-être
eu l'occasion de lire vous-même. Je ne voudrais pas en faire lecture mais
simplement faire allusion à certains éléments. D'abord, un
article paru dans Le Devoir du vendredi 7 août de cette
année, avec le titre "Immigration, un oui mitigé des
Québécois." L'article fait l'analyse d'un sondage effectué
par la société SORECOM qui indique, selon le journaliste, que les
Québécois sont timidement favorables à l'immigration, cela
parce que 41 % estiment qu'il faut maintenir l'Immigration à son niveau
actuel, 19 % qu'il faut augmenter le nombre d'immigrants acceptés et 40
% qu'il faudrait diminuer le nombre. (20 h 30)
À mon sens, ces chiffres ne sont pas aussi décourageants
que le journaliste le prétend. Je ne voudrais pas suggérer qu'il
n'a pas bien fait son travail d'analyse, mais je diffère quelque peu
avec lui, quant aux conclusions. Il me semble que ces chiffres indiquent une
générosité assez significative de la part des
Québécois à l'endroit des immigrants. Quand on fait un
sondage, il y a un élément hypothétique majeur. On ne
demande pas: Est-ce que vous accepteriez telle personne qui vous est connue? On
vous demande: En général, quelle est votre attitude à
l'égard des immigrants qui arrivent? Là, on a des
réactions que l'on peut comprendre sur le plan humain. Il y a beaucoup
de chômage chez nous. Ces gens viennent à une époque
où il n'y a pas assez d'emplois disponibles pour les gens de chez nous;
cela va aggraver le chômage. Ces personnes deviendront, en proportion
importante, des assistés sociaux et tout cela.
Malgré cela, on constate, plus loin dans l'article, que 61 %
disent que l'immigration constitue une richesse culturelle pour le
Québec et que 76 % rejettent l'opinion selon laquelle le Québec
n'a pas besoin d'immigrants. Ces chiffres sont frappants. Il me semble que la
les qens qui reqardent le Québec plutôt que cette question
hypothétique "combien de gens acceptenez-vous à titre
d'immiqrants", disent: Le Québec, a été enrichi par la
venue des immigrants et continue de l'être. Je suis convaincu que
l'opinion publique pourrait être amenée à mieux comprendre
la valeur que représentent les immigrants dans une société
comme la notre.
Enfin, j'aimerais faire allusion à un article paru le 31 mars de
cette année dans une revue montréalaise qui s'appelle The
Downtowner; cet article porte le titre "Immigrants Create Jobs", il est
siqné par l'économiste bien connue, Dian Cohen. Elle indique,
comme je viens de le faire il y a un instant, le genre de questions
posées par ceux qui se penchent sur la question de l'immigration. Est-ce
que la venue des immigrants coûte quelque chose aux contribuables de chez
nous? Est-ce que ces personnes deviennent, en proportion importante, des
assistés sociaux? Est-ce qu'ils privent d'emplois les qens de chez nous?
Est-ce que le taux de chômage monte à cause du nombre d'immigrants
reçus?Quant aux perceptions, il y a, effectivement, deux
jeunes Québécois sur trois qui ont l'impression que l'immiqration
a un effet négatif sur le marché de l'emploi. Pourtant, l'analyse
faite par des qens du ministère fédéra! de l'Immigration
indique que 20 000 sur les 114 000 immigrants analysés pour la
période de 1983 à 1985 sont venus parce qu'ils avaient
été sélectionnés, c'est-à-dire qu'il y avait
des emplois qui les attendaient, donc nous avons mis l'accent sur les
délais qui sont imposés à la venue de ces qens pour le
traitement de leur dossier.
Il y avait, sur ces 114 000, 6000 investisseurs et ces investisseurs
apportaient 1 500 000 000 $ à l'économie de chez nous.
II y avait une création d'emplois, par ces immigrants
investisseurs, au nombre de 17 000 pour la période en question et il y a
d'autres études qui indiquent que chaque immigrant investisseur
crée, à l'intérieur d'une période d'à peine
quelques années, jusqu'à six emplois par sa simple
présence ici.
L'article souligne le fait bien connu que, l'immigrant étant un
être humain qui doit vivre, il est immédiatement un consommateur
et contribue à l'économie par le simple fait de sa
présence, a cause des sommes qui sont consenties par les
autorités publiques, par les membres de sa famille et de sa
communauté mais, d'une manière ou d'une autre, de l'argent est
déboursé pour sa
nourriture, pour ses vêtements, pour toutes sortes de choses qui
obliqent l'économie à produire des biens et des services. C'est
ainsi que l'activité économique est intensifiée par
l'augmentation du nombre d'êtres humains, que ces personnes aient, au
départ, un emploi ou non.
Nous avons tendance à faire la distinction que je viens de faire
entre l'immigrant investisseur et l'immigrant travailleur ou chercheur d'emploi
et nous avons donc l'impression que celui ou celle qui vient à la
recherche d'un emploi n'apporte à peu près rien avec lui ou avec
elle en termes de ressources financières. Pourtant, l'étude
démontre que les immigrants non investisseurs, pendant la période
en question, ont apporté avec eux plus de 2 500 000 000 $ et ont
occasionné la création d'emplois, j'en ai fait mention. Il y a,
de toute évidence, une richesse humaine qui est constituée par
ceux qui, il n'y a pas très longtemps, étaient des immigrants au
pays et nous avons la conviction que nous pouvons accueillir plus de gens que
ce n'est le cas en ce moment et que l'économie et la
société s'en porteraient mieux.
C'est le sens du mémoire qui vous est présenté ce
soir; il y a des éléments qui se trouvent là-dedans que je
n'ai pas touchés en cherchant à faire un résumé.
Nous serons heureux de faire de notre mieux pour répondre aux questions
que vous, membres de la commission, voudriez bien nous poser, M. le
Président, Mme la ministre, Mesdames et Messieurs. Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, Dr
Goldbloom. Je vais reconnaître Mme la ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration.
Mme Robic: Merci beaucoup, M. le président Besner, M.
Goldbloom, Mme Augenfeld, MM. Harrar et Kagedan. Je vous remercie de votre
présence ce soir et de la présentation de votre mémoire
qui est certainement fort intéressant.
Nous sommes heureux de constater que vous êtes d'accord avec tous
les autres intervenants pour nous dire que nous devons augmenter notre
immigration et que cette augmentation doit se refléter sur toutes les
catégories d'admission. Vous ne privilégiez pas une
catégorie plutôt qu'une autre. Vous reconnaissez cependant
également que les volumes accueillis doivent être reliés
à la capacité d'accueil et aux structures en place. Vous
suggérez même que le gouvernement devrait consentir des ressources
additionnelles pour améliorer les structures en place afin de
réaliser de plus amples objectifs en matière
d'intégration. J'ai invité M. Dufour, du Conseil du patronat,
à venir défendre les crédits avec moi. Je vais vous
inviter vous aussi, le Congrès juif, à venir faire la même
chose. Nous sommes bien d'accord et je suis heureuse que, vous aussi, vous
constatiez que l'intégration passe par la francisation et que vous soyez
très favorables à augmenter le nombre de gens qui peuvent suivre
des cours de français dans nos COFI. Cela répond très bien
à la priorité du gouvernement.
Vous avez mentionné, tout à l'heure, que vous avez une
communauté francophone, chez vous, les sépharades, si je ne me
trompe pas, mais je sais également que les ashkénazes parlent
tous français ou presque. Alors, on peut vous citer en exemple en tant
que communauté qui s'est très bien intégrée
à la majorité francophone québécoise.
Malgré que vous ne faites pas de distinction de catégories
d'immigrants, vous souhaitez cependant que le Québec fasse des
interventions particulières pour favoriser l'établissement et
l'intégration des réfugiés. Pourriez-vous expliciter,
compte tenu des actions déjà en place pour recevoir les
réfugiés et des services que l'on offre en ce moment?
M. Goldbloom: Je pense que j'aimerais demander à Mme
Augenfeld si elle veut bien répondre à cette question.
Mme Augenfeld: Je m'excuse, Mme Robic, est-ce que vous pourriez
reformuler votre question très brièvement?
Mme Robic: Oui. Vous dites qu'on devrait rajouter des services ou
offrir de meilleurs services pour intégrer les réfugiés.
Compte tenu des services qui sont déjà en place, on aimerait
savoir ce que vous préconisez comme nouveaux services.
Mme Augenfeld: Vous êtes à quelle page, s'il vous
plaît?
Mme Robic: Je n'ai pas la... Ce sont des notes que j'ai
prises.
Mme Augenfeld: Non. C'est que... On parle partiellement des cours
de langue, comme moyen d'intégration, qui devront être
accessibles, ce qu'on a dit tout à l'heure, à toutes les
personnes destinées au marché du travail ou non.
Évidemment, il y a aussi une question de services. Les
réfuqiés, quand ils arrivent, ont besoin d'une certaine attention
à leurs problèmes, de certains soins, en ce qui concerne la
particularité de leur vécu, en ce qui concerne les services
médicaux.
On parle beaucoup du fait, je pense que c'est plutôt outre-mer,
que le temps de "processing" d'un cas devrait être raccourci de beaucoup.
On sait qu'actuellement une partie de ces procédures est entre vos mains
et l'autre n'y est pas, mais, quand même, c'est très long pour
faire venir un cas et cela nuit aux gens. Les réfuqiés ne sont
pas chez eux quand on les sélectionne outre-mer.
lis sont dans un camp ou ils sont quelque part en transit et le temps
qu'ils passent à attendre pour entrer dans leur pays
d'établissement est une perte, soit pour eux, soit pour nous. On ne
s'améliore pas à attendre. On est dans un état
d'insécurité. On est dans une situation de tension, très
souvent Ies enfants ne peuvent pas aller à l'école et, quand les
gens arrivent ici, ils ont beaucoup perdu. Très souvent, cela peu
prendre plus d'un an pour faire tout le nécessaire du début
jusqu'à la fin d'un cas et on espérerait que cela puisse vraiment
être raccourci de beaucoup.
Mme Robic: Alors, j'ai tendance à être d'accord avec
vous, quand il s'agit de cas de réfugiés, que le processus est
très long mais vous comprendrez qu'il n'y a pas que le gouvernement
canadien ou le gouvernement du Québec, il y a aussi le gouvernement du
pays en place, les instances des camps qui, souvent, créent ces
multiples délais.
Là, je voudrais en profiter pour féliciter le
député de Mercier, pour une de ses initiatives quand il occupait
le poste que j'occupe aujourd'hui. Nous avons une école du
Québec, dans un camp en Thaïlande, justement pour préparer
les gens qui ont été sélectionnés pour venir au
Québec et essayer de créer un intérêt pour les aider
à tenir le temps. Mais, vous avez raison, ces délais sont longs.
(20 h 45)
M. Goldbloom: Mme la ministre, si je peux ajouter un
élément de réponse qui me paraît important. Le
réfugié qui arrive ici arrive très souvent dans un
état de traumatisme et même l'immigrant qui n'a pas le
qualificatif de réfugié peut être traumatisé par la
vie qu'il a connue dans son pays d'origine et c'est ce traumatisme qui est la
raison majeure de sa demande d'admission chez nous. Je suis ici, ce soir,
à titre de bénévole, membre de la communauté juive,
mon activité professionnelle, depuis presque huit années, depuis
mon départ de l'Assemblée nationale, est avec un organisme qui
s'occupe de façon particulière de l'éducation
interculturelle et, notamment, de la formation des enseignants. Une des choses
que nous essayons de communiquer particulièrement aux enseignants, c'est
que, lorsque vous vous trouvez en classe avec une population scolaire
très variée, multiculturelle, multiconfessionnelle, il faut que
vous vous demandiez: Pourquoi ces enfants sont là devant moi? Quelle est
l'histoire de chaque famille et de chaque communauté culturelle qui a
fait que ces gens-là ont jugé qu'il fallait se déraciner
et venir chez nou3 pousser de nouvelles racines?Si vous ne
comprenez pas le traumatisme subi par bon nombre de ces enfants et de ces
familles, vous ne serez pas en mesure de faire une bonne éducation
interculturelle ni de contribuer, aussi bien que vous devriez pouvoir le faire,
à l'intégration de ces gens-là dans la
société québécoise.
Mme Augenfeld: Dans le service médical, ce qu'on voit
particulièrement chez les réfugiés justement, c'est qu'il
y a très souvent un besoin de soins en ce qui concerne la santé
mentale, ce qui est très compliqué par le fait que, très
souvent, il n'y a pas d'intervenant qui parle la même langue que la
personne qui a besoin de soins. C'est vrai que ces personnes doivent se
franciser et elles sont très heureuses d'aller au cours de
français mais, à certains moments, vous savez, quand on doit
raconter un peu son vécu et quand on doit approcher un thérapeute
pour essayer de trouver un certain allégement à ses douleurs,
c'est très difficile de le faire dans une langue qu'on commence à
peine à maîtriser. Les réfuqiés ont besoin
d'intervenants formés dans teur langue d'origine et une certaine
confiance doit régner pour qu'ils puissent surtout trouver les soins
nécessaires.
Il n'y a que quelques centres dans le monde - il y en a un au Canada, un
aux États-Unis et un au Danemark - qui traitent les torturés, car
il y a des personnes qui ont été torturées dans les
prisons ou dans leur pays d'origine. C'est une spécialisation, c'est
triste que cette spécialité doive exister, mais elle est aussi
très importante. Vous savez, entre autres, une des choses les plus
affreuses, c'est que souvent ce sont les médecins qui sont
utilisés dans certains pays pour torturer les gens, ce qui fait ensuite
que les gens n'ont pas de confiance dans le médecin; on peut faire
sursauter une personne simplement en faisant entrer une personne
habillée en blanc qui, normalement, devrait inspirer confiance. C'est
cet ordre de choses qu'on doit considérer aussi. Les
réfugiés, quand ils arrivent ici, ont besoin d'être nourris
et logés, ils ont besoin de travailler, mais ils ont besoin aussi
très souvent de soins qu'ils ne reçoivent pas. Ce ne sont pas des
personnes qui ne peuvent pas fonctionner, ils peuvent fonctionner, ils
travaillent, ils se débrouillent, mais Ils ont besoin aussi de cette
attention spéciale qui très souvent n'est pas disponible. C'est
autre chose que nos services sociaux, nos hôpitaux doivent
considérer comme une spécialité à
développer.
Mme Robic: Merci. Vous insistez également sur la
nécessité d'éduquer la population de la
société d'accueil a l'apport de l''immigration et j'aimerais que
vous expliquiez comment le qouvernement pourrait s'acquitter de ce mandat.
Est-ce par une campagne de publicité, est-ce à travers ce genre
de commission? Comment une campagne des sensibilisation pourrait se faire?
M. Goldbloom: II y a des occasions qui sont offertes, à
tout personnage politique, pour prendre la parole. J'aimerais encourager Mmes
et MM. les députés à profiter de ces occasions pour
enseigner, aux gens qui peuvent se méfier de la présence
d'immigrants et de réfugiés parmi nous, la réalité
de cette situation, la réalité de notre histoire. Je remarque que
cette méfiance se manifeste non seulement chez le groupe que l'on peut
voir comme majoritaire, mais aussi au sein des communautés culturelles
elles-mêmes. Je suis certain que tout le monde a constaté, au
cours de ces récentes semaines particulièrement, la
réaction qui se manifeste au sein des communautés culturelles
devant la venue de réfugiés en bateau de façon inattendue
et irrégulière.
Les gens disent: Mais comment cela se fait-il que ces
personnes-là sont acceptées avec des procédures
plutôt rapides - même si nous ne les trouvons pas tellement rapides
-tandis que nous avons des membres de notre famille qui attendent depuis deux
ou trois années déjà? Les chiffres que j'ai cités,
les résultats des sondages, les résultats des études que
Mme Dian Cohen a cités dans son article devraient être
diffusés plus largement et il est évident que, lorsqu'on le fait
une fois, on atteint un certain nombre de personnes et ce ne sont pas toutes
ces personnes qui écoutent attentivement et qui retiennent le message.
Donc, il faut le répéter. Le simple fait de faire un sondage dans
un domaine comme celui-ci risque de susciter certaines réactions
négatives et il y a une responsabilité qui incombe aux dirigeants
d'amener l'opinion publique a une attitude plus compréhensive, plus
généreuse, plus ouverte.
Mme Robic: Vous avez cité, tout à l'heure, le
dernier sondage SORECQM que nous avons fait faire. C'était d'ailleurs
notre intention de ne pas faire un sondage seulement sur le
phénomène de l'immigration, mais c'est un sondage omnibus qui a
été fait. Vous avez cité des chiffres tout a l'heure; je
suis bien d'accord avec vous que ces chiffres sont très positifs et,
dans une question posée à la négative, nous avons tout de
même 76 % de la population des répondants - je ne sais pas ce que
je vais faire sans vous - qui nous disent que l'on a besoin de l'immigration.
Alors, vous avez raison, mais je pense que, lorsque la population a le temps de
réfléchir, elle est très positive vis-à-vis des
immigrants et, quand elle les connaît, encore plus.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. M. le président Besner, M. le ministre,
M. Harrar, M. Kagedan, je vais sans doute massacrer vos noms, mais,
rassurez-vous, cela fait 301 ans, au Québec, que l'on massacre le nom de
Boulerice. Alors, je pense que vous allez sympathiser avec moi. C'est
très souvent Boularice, Bouleriché même, etc. Au contraire,
je pense que cela me donne une audience peut-être plus étendue;
Mme Augenfeld que j'ai eu le plaisir de rencontrer tantôt... Je pense que
j'aurais été sans aucun doute étonné, en premier
lieu, et déçu que la communauté juive du Québec ne
se fasse pas entendre à cette commission, pour bien des raisons. La
première raison est qu'avec ceux que nous convenons d'appeler les
premières nations, ceux qui, comme les Boulerice, il y a 301 ans, sont
partie de Brest en Bretagne pour venir ici et les Anglo-saxons qui sont
arrivés au moment de la Conquête, je pense que la
communauté juive du Québec est sans aucun doute une des plus
anciennes ici.
D'ailleurs, j'ai toujours énormément de plaisir mais
surtout une très grande fierté à le rappeler, le premier
Parlement de l'Empire britannique à avoir permis à un citoyen de
religion juive de siéger a été le Québec avec
Ezéchiel Hart. D'ailleurs, je pense que mon collègue,
député de Mercier, qui est natif de Trois-Rivières,
où avait été élu Ezéchiel Hart, est
justement né sur la rue Hart, à moins que je ne me trompe.
Voilà.
Donc, vous êtes sans aucun doute une des communautés les
plus anciennes au Québec. Je m'attendais effectivement à ce que
vous veniez vous faire entendre à cette commission, puisque vous avez
constitué une immigration très importante au Québec. Vous
l'êtes actuellement numériquement. Vous l'êtes aussi par les
individus qui composent cette communauté et qui ont fait leur marque au
Québec. Je pense que, sans me faire flatteur, M. le ministre... Je le
dis au Dr Goldbloom car je suis très européen de tradition. Donc,
la conservation des titres, surtout que le Dr Goldbloom l'a porté avec
beaucoup de compétence... Quand Mme la ministre disait quel serait le
meilleur moyen de publiciser l'apport de l'immigration au Québec, j'ai
eu presque le goût de lui souffler tantôt: Donnons plus de tribune
au Dr Goldbloom et sans doute qu'on va réussir.
Je retiens une chose du mémoire, enfin une des choses du
mémoire. Je pense que notre principal ennemi est l'ignorance de l'autre.
Pour un paquet de raisons, et là aussi j'abonde dans votre sens quand
vous parlez des sondages et des réticences que vous avez face aux
sondages. Je les appelle des photos Polaroid, c'est-à-dire qu'ils
sortent, c'est très clair, mais on sait très bien que la
qualité de reproduction, à cause de l'éclairage, finit par
s'estomper et ne représente pas la réalité. Cela trompe en
définitive. Je partage également vos inquiétudes face
à une prolifération de sondages. Tout le monde sait comment se
font les
sondages.
Je ne mets pas en doute les maisons de sondages mais, ciel! j'en ai fait
dans ma vie et Dieu seul sait que cela ne remplace pas un débat, un
échange, un dialogue, comme celui qu'on a depuis ce matin et qui nous
permet justement une connaissance, laquelle vient nier l'ignorance que les gens
peuvent avoir.
Dans votre mémoire, je vois que, pour les candidats
indépendants ou pour les parents aidés qui désirent
immigrer au Québec, vous vous plaignez d'une situation où,
lorsque le Québec n'a pas de représentation, la procédure
peut être effectivement très longue. Je pense que vous avez
effectivement raison. De très nombreux cas m'ont été
soulignés à ce sujet, ce qui m'incite toujours
inévitablement a réclamer le plus grand nombre possible
d'ouvertures de maisons du Québec, de délégations
générales du Québec ou de bureaux du Québec pour
l'immigration à travers le monde, en disant qu'on n'est jamais mieux
servi que par soi-même. Je pense qu'effectivement ces maisons du
Québec peuvent donner un portrait du Québec beaucoup plus
réaliste que celui qui peut être délégué en
sous-traitance au gouvernement fédéral. (21 heures)
J'ai remarqué que, dans les critères d'admission, vous
indiquez des notions qui sont, au premier abord, subjectives mais qui
méritent effectivement une attention. C'est la première fois
qu'on les voit. Vous parlez de motivation, d'initiative, d'intelligence, de
capacité d'adaptation, ce qui est très intéressant. Vous
parlez d'une définition de la famille. Je pense que ceux qui vous ont
précédé ont également parlé d'une
définition de la famille. C'est bien entendu que vous faites aussi - et
je pense que Mme Augenfeld a été très éloquente
lorsqu'elle nous a parlé plus tôt, dans le courant de la
journée, des réfugiés - la différence entre une
immigration que j'appelle, temporairement, une immigration
régulière et le phénomène comme tel des
réfugiés. J'ai également apprécié, quand
vous avez parlé des réfugiés, que vous ayez parlé
du traumatisme que vivent la quasi-totalité des
réfugiés.
Vous savez, j'ai été responsable de classes d'accueil
durant plusieurs années et je pourrais vous conter une anecdote
ahurissante d'une jeune Vietnamienne qui, dans l'apprentissage du
français, avait des difficultés parce que certains sons, à
cause de nos voyelles, qui étaient émis lui rappelaient la
sonorité des bombardements au Vietnam. C'est ce que les psychologues
avaient détecté, parce qu'on s'inquiétait du comportement
de l'enfant. Quand vous parlez des traumatismes du réfugié, je
pense qu'il y a des cas incroyables comme celui que je viens de vous citer et
qu'on a vécu notamment d'ailleurs chez les Chiliens. On voit sans aucun
doute, la même chose peut-être pas au Québec, parce que ce
n'est pas une immigration qui est diriqée vers le Québec, mais en
Israël, lorsque, finalement, on peut sortir d'Union soviétique
après un séjour dans les fameux "hôpitaux psychiatriques" -
entre guillemets. Donc, je suis également content que vous ayez
parlé de ces choses.
Maintenant, les questions que j'aimerais vous poser. Vous
suqqérez que les critères d'admission soient plus flexibles.
J'aimerais que vous m'indiquiez quelles sont les modifications que vous
souhaitez à la grille de sélection, c'est-à-dire
critères et pondération comme tels.
M. Goldbloom: Je ferai de nouveau appel à Mme
Augenfeld.
Mme Augenfeld; Quand on parle des immiqrants indépendants,
c'est plutôt de ne pas mettre l'accent sur les emplois
réservés, sur les offres, mais plutôt de faire une analyse
à savoir ce que cela prend pour être un bon immiqrant. Justement,
c'est peut-être subjectif, mais il faut faire attention aussi parce que
le jugement d'un conseiller peut aller, quand on permet beaucoup de
subjectivité dans un interview, d'un côté comme de l'autre.
Je suis bien consciente de cela. Mais, de l'autre côté, mettre
beaucoup d'insistance sur les emplois réservés, sur une
éducation supérieure... Vous savez, on donne beaucoup de points
à l'éducation, mais très souvent c'est la personne qui n'a
pas tellement d'éducation formelle, mais qui a plutôt une
expérience de la vie et qui a occupé toutes sortes d'emplois qui
est adaptable. Vous savez qu'il y a des personnes qui sont difficiles à
classer dans une catégorie précise. Mais, si vous regardez le
vécu de la personne et que vous voyez qu'elle s'est adaptée
même dans son pays d'oriqlne, à plusieurs situations, vous avez
devant vous une personne qui peut s'adapter ici aussi. C'est très
souvent la personne qui est prête à venir, à repartir
à zéro, à travailler et bâtir de nouveau sa vie qui
fera le meilleur immigrant. Ce n'est pas nécessairement toujours la
personne qui a une grande instruction, qui est peut-être plus
fixée pour exercer tel emploi et non pas à un autre qui va
réussir tout de suite.
En regardant ce dont nous avons besoin, ici, comme immigrants et quel
est le type de personne qui fait un bon immiqrant, qu'on tienne compte aussi de
toute cette expérience de vie, de cette flexibilité et non pas
seulement des emplois réservés et des professions, si vous
voulez.
M. Boulerice: J'aurais une autre question.
Mme Augenfeld: II y a une chose à ajouter.
M. Boulerice: Oui, allez-y. Je vous en prie.
M. Harrar (Sion): Je vaudrais seulement ajouter quelque chose aux
critères d'immigration. JIAS est une agence qui aide les immigrants
à s'intégrer aussi bien sur le marché du travail, en
cherchant des emplois, en créant des relations avec des entrepreneurs
sur le marché, qu'en aidant directement la famille, en subvenant aux
besoins de nourriture, de logement, d'habillement, etc., etc. Nos budgets
permettent à l'immigrant pendant les deux ou trois premières
années, tant qu'il en a besoin, ou de remplacer son salaire ou de le
supplémenter. C'est un supplément au salaire.
Je voudrais vous dire que ces dernières années nous ne
nous sommes pas servis de tout le budget que nous avions a notre disposition.
C'est vrai que nous espérons recevoir certains de nos confrères
qui se trouvent derrière le rideau de fer et ailleurs. Nous avons ici
des ressources que nous voulons mettre à la disposition du Québec
pour agrandir notre communauté. Comme vous le savez, une partie de la
communauté a diminué et le taux d'accroissement de la
communauté juive, en elle-même, a diminué. On veut
justement faire un effort dans ce sens. Nous avons les fonds. Je pense que des
organisations similaires aux nôtres ou des familles qui sont prêtes
à parrainer des personnes, c'est un apport extrêmement important
dans les critères d'admission. Elles devraient recevoir un appui plus
important que ce qui leur est donné aujourd'hui.
M. Boulerice: Avant de vous poser la deuxième question, je
veux juste me rappeler. On parlait tantôt que notre plus grand ennemi
était l'ignorance. Je sais pertinemment que votre congrès
organise des jumelages entre des écoles juives et des écoles
francophones. Je pense que les préjugés peuvent s'acquérir
très tôt et, par contre, ils peuvent être détruits
très tôt. Je suis très au courant de ce
programme-là. On est d'ailleurs à le mettre sur pied dans la
circonscription où j'ai l'honneur d'être député. On
va peut-être réussir à vaincre l'ignorance.
Vous avez parlé de favoriser une augmentation du nombre
d'immigrants dans la plupart des catégories. Certains des intervenants
précédents - je m'adresse toujours à vous, M. le ministre,
en sachant fort bien que vous allez peut-être déléguer
quant aux questions - ont indiqué des quotas. Par exemple, on a dit:
Pour les réfugiés, 5000. C'est le seuil de capacité
d'absorption de la société québécoise pour ce type
d'Immigration. Votre mémoire ne met pas de quota. C'est volontaire? Vous
ne vous êtes pas attardés à un quota comme tel ou en
avez-vous un en tête, croyez-vous qu'il doive y en avoir un?
M. Goldbloom: Nous sommes préoccupés comme vous par
le fait que le Québec ne reçoit pas sa pleine part des immigrants
qui viennent au pays. Il y a donc de la place a l'intérieur des quotas
du Québec. Mais, sur la question précise, j'aimerais consulter
mes collègues des Services d'assistance aux immigrants juifs.
Mme Augenfeld: On n'a pas mis de chiffres dans ce mémoire,
contrairement à la discussion de tout à l'heure; on est convaincu
que le Québec peut accueillir beaucoup plus d'immigrants,
évidemment, encore une fois, avec des structures d'accueil
adéquates. En ce qui concerne les réfuqiés, si on regarde
la proportion que le Québec reçoit de réfuqiés qui
arrivent au Canada, on n'arrive pas à la même proportion de
population. L'Ontario reçoit à peu près 50 % des
réfuqiés qui arrivent au Canada parrainés par le
gouvernement. L'Ontario n'a pas 50 % de la population du Canada. Il en a plus
que le Québec mais le Québec reçoit beaucoup moins que sa
proportion par rapport à la proportion de la population totale
canadienne. On voudrait, au moins, que la proportion soit maintenue. Je sais
que dans les documents que vous nous avez envoyés pour nous
préparer vous parliez du fait que vous voulez atteindre à peu
près 25 % éventuellement de l'immigration au Canada qui devrait
venir au Québec. On souhaiterait au minimum qu'un nombre semblable
provienne du nombre total des réfugiés, mais en espérant
que le Canada aussi augmentera très bientôt le nombre de
réfuqîés qu'il est prêt à accueillir.
On n'a pas mis de chiffres mais on voudrait avoir beaucoup plus
d'immigrants. On est convaincu que c'est possible, que c'est un projet
réalisable et souhaitable.
M. Boulerice: Une dernière question, parce que mon
collègue veut...
M. Harrar: J'aurais quelque chose à ajouter...
M. Boulerice: Oui?
M. Harrar: Je voudrais juste ajouter un petit point à
cela. Je pense que c'est intéressant de remarquer une expérience
arrivée justement dans un pays qui nous est familier, Israel, où,
vers 1947, il y a eu le livre blanc, ou le mandat britannique, à cette
époque, avait décidé que, d'après les normes, la
grandeur et la possibilité économique du pays, les
quantités d'immigrants devraient diminuer a 15 000
par an. On sait que ces chiffres ont été multipliés
par 20 et que rien ne s'est écroulé. Aujourd'hui, en Israël,
on se dit: La porte est ouverte et on est prêt à accepter le
nombre d'immigrants qui arriveraient. D'ailleurs, on s'aperçoit en
Israël qu'avec les vagues d'immigration arrive la croissance
économique; quand les vagues d'immigration diminuent, eh bien, c'est
justement là où les problèmes économiques
deviennent plus graves.
Alors, je pense qu'il est intéressant de voir que, bien
entendu... Aujourd'hui, quand on regarde la société, on essaie
d'étudier les chiffres. On se dit: Quelle est la proportion d'immigrants
que l'on devrait avoir? Qu'est-ce que l'on peut réellement
intégrer? II y a le fait que l'on veut garder un certain
caractère francophone québécois, mais dans quelle mesure
est-on prêt à accepter des immigrants? Jusqu'à quel point
est-on prêt à faire partager ce que l'on a avec d'autres
personnes? Je pense que si l'on arrive à dépasser cette
étape, on se dit: Oui, on a un grand pays, une grande richesse, il nous
manque des mains et des esprits pour le développer; c'est de cela qu'on
a besoin. Si on part de ce point de vue, les chiffres viendront; ce sera
beaucoup plus facile à étudier.
Il y a des ressources. Comme le Dr Goldbloom l'a noté, les
immigrants créent une demande dans la consommation; c'est le moteur
d'une économie, du développement que l'on cherche. Je pense que
c'est pour le bien-être de nous tous. La société
québécoise recevra certainement un cachet différent si une
proportion importante d'immigrants arrive. Mais, aujourd'hui, quand on parle de
20 000 personnes en immigration, c'est infime. À JIAS, les budgets que
nous avons pour l'intégration des immigrants, nous ne les
dépensons même pas. Cela fait déjà quelques
années. Économiquement, nous avons beaucoup de potentiel.
Pourtant, il est là et ce n'est pas exploité à fond. Donc,
en fin de compte, si on ne mentionne pas de chiffres, je pense qu'il est
important de savoir que, si on a le coeur ouvert, on pourrait effectivement
accueillir beaucoup d'autres personnes et on ne s'en sentirait que mieux.
M. Boulerice: Une dernière question. Vous demandez la
création de garderies dans les COFI La majorité des COFI ont des
garderies. Par contre, vous dites plus loin que vous souhaitez l'augmentation
du nombre de places dans les COFI, ce à quoi forcément je
souscris. La question que j'aimerais vous poser... Parce que, voyez-vous, dans
les nombreux préjugés qui peuvent exister, pour les gens, si on
est d'origine juive, on est très riche; c'est une impression, un
préjugé que vous connaissez bien. Il y a des exemples merveilleux
de succès, de réussite économique de
Québécois d'origine juive, mais il ne faudrait pas commettre
l'erreur de croire que tout le monde a la richesse, vous savez, comme
Steinberg, etc. Vous savez, j'ai vécu huit ans dans ce module et j'ai vu
des gens qui étaient quelquefois au seuil de la pauvreté. Si ce
n'était pas le cas, d'ailleurs, vous n'auriez pas de services sociaux,
on n'en aurait pas besoin.
Donc, j'aimerais vous demander: Qu'est-ce que vous pensez de la
politique actuelle qui est de financer les parents plutôt que les
garderies?
Mme Augenfeld: Financer les parents?
M. Boulerice: Actuellement, on finance plutôt les parents
que les garderies.
Mme Augenfeld: II y a deux choses. Il y a des places... Vous
savez, c'est un problème en général dans la
société d'ici; il n'y a pas assez de places dans les garderies
pour répondre à toutes les demandes. 11 y a aussi le
problème des personnes qui n'ont pas beaucoup d'argent à
dépenser pour les qarderies. Maintenant, l'immigrant qui arrive est le
dernier ou la dernière, si vous voulez - parce que c'est la mère,
finalement, qui a le principal problème - sur la liste, elle n'a pas eu
le temps d'inscrire son enfant il y a deux ans, même avant qu'il soit
né, pour avoir une place. Oui! Mais, encore une fois, c'est un
investissement. Vous savez, quand la femme immigrante arrive, elle aussi, comme
son mari, a le droit et le besoin d'aller apprendre le français. Elle va
être, très bientôt aussi, une personne active dans la
société québécoise, qui pourrait communiquer avec
ses voisins, qui pourrait éventuellement travailler et prendre sa place.
(21 h 15)
Les enfants ont besoin de garderies mais les garderies aussi, M. le
député, sont un lieu privilégié d'apprentissage de
la langue pour les enfants. C'est là que les enfants ont leur
première chance d'entendre le français et de rencontrer d'autres
enfants et des professeurs. Vous savez, à cet âqe-là, cela
s'apprend vite. Quand l'enfant arrivera à l'école, l'enfant sera
déjà "francophonisé" -appelez-le comme vous voulez - et on
aura moins besoin d'apporter une attention spéciale à cet enfant,
une fois qu'il arrivera à la maternelle. Si l'enfant reste toujours avec
des membres de sa famille comme gardiens, l'enfant ne pourra pas apprendre la
langue comme il te faut. Alors, encore une fois, pour nous, c'est un
investissement positif. Certaines garderies sont disponibles. Mais, je vous
assure que l'attente est beaucoup plus longue pour entrer au COFI pour une
femme qui attend une place en garderie. Cela s'étend sur des mois. Une
personne peut arriver au mois de mai et facilement attendre jusqu'au mois
de
septembre ou même plus longtemps que cela pour avoir une place en
garderie. C'est une perte de temps. Alors, encore une fois, pour permettre
à l'immigrant d'avoir accès au cours de langue - à
l'immigrante - il faudrait trouver des moyens. Et, je vous avoue, les
garderies, c'est un problème pour la communauté en
général et pour la société. Il faudrait s'assurer
de donner à l'immigrante la possibilité d'aller au cours, et pour
les enfants d'être intégrés.
Le Président (M. Trudel): Merci, madame, Mme la ministre,
il reste quatre minutes à notre formation politique.
Mme Robic: Mme Augenfeld, vous devez certainement être
d'accord avec notre nouveau programme PAFI pour justement aider les femmes
à prendre des cours de français et procurer des garderies
francophones pour les enfants.
Vous avez dit que le Québec a une capacité d'accueil
beaucoup plus grande que le nombre d'immigrants et de réfugiés
qu'il reçoit dans une année. J'aimerais rétablir ici
certains chiffres parce que c'est sûr que quand on parle de nos... Ce
n'est pas des quotas, ce sont des objectifs qu'on se fixe. C'est bien
différent, parce qu'on ne met pas un couvercle une fois qu'on est
arrivé à un certain nombre d'immigrants. On n'en tient pas compte
quand on fixe nos niveaux d'immigration ou quand on donne des statistiques.
Mais, dans l'accueil, dans l'adaptation, dans la francisation, il faut
absolument tenir compte des revendicateurs. Ce matin, je faisais remarquer
qu'en 1984 c'est 3000 revendicateurs que le Québec a reçus et, en
1986, c'est 13 000. Alors, nous avons reçu officiellement 19 000
immigrants réfugiés, catégorie famille également.
Rajoutons à nos services 13 000 revendicateurs, ce qui fait que nous
avons reçu au Québec en 1986, un total de 32 000 personnes. C'est
tout de même important. Il faut en tenir compte, parce qu'on leur donne
des services. Et, en 1987, cela s'annonce encore plus important. C'est 14 000
revendicateurs que nous recevrons probablement en 1987, plus les 22 000
immigrants de nos niveaux déjà établis, de nos objectifs
établis que nous croyons dépasser. Alors, c'est tout de
même des chiffres qu'il faut se rappeler.
M. Boulerice: ...Mme la ministre, c'est bien gentil à
vous.
Mme Robic: Ah, avec plaisir!
M. Godin: M. le Président, j'ai un problème.
Le Président (M. Trudel): M. le député,
à condition que le temps soit d'une minute et trente secondes et que la
réponse soit de même durée.
M. Godin: La réponse n'est pas entre mes mains, M. le
Président.
Le Président (M. Trudel): Non. j'avertis d'avance, compte
tenu- de l'heure.
M. Godin: M. le Président, j'ai une marotte qui est
l'implantation des nouveaux Québécois hors Montréal. Quand
j'étais jeune, il y avait une communauté juive importante
à Trois-Rivières, une à Québec aussi, avec notre
amie Ena Robinson, comme animatrice. J'aimerais savoir si dans votre
expérience comme communauté ou comme congrès juif il y a
au JIAS des recettes qu'on pourrait appliquer au Québec pour permettre
à des communautés de réussir à s'implanter en
nombre suffisant comme à Sherbrooke, de manière que se fassent
hors Montréal l'intégration, la francisation et aussi
l'implantation sur le territoire dans son ensemble, dans la mesure où il
est grand, peu développé et peu habité.
M. Goldbloom: M. le Président, j'aimerais bien avoir une
recette à offrir. Le fait est que la communauté juive se
concentre à Montréal depuis lonqtemps. La communauté juive
ici dans la ville de Québec est moins nombreuse qu'il y a à peine
une dizaine d'années. Il en est de même de Sherbrooke et d'autres
coins de la province. Donc nous n'avons pas de recette à offrir.
Par contre, je sais pertinemment - et c'est le médecin qui parle
pour l'instant -que des médecins immigrants seraient prêts
à aller dans les régions éloignées. Il y en a un
qui m'a appelé, la semaine dernière, pour me dire
précisément qu'il n'a pas réussi à trouver un poste
de résident afin d'être admissible à un programme de
fourniture de soins médicaux dans les régions
éloignées. Alors, je pense que, si nous regardons l'ensemble des
professions et métiers, nous allons trouver des obstacles et je ne veux
pas dire que c'est par mauvaise volonté que ces obstacles existent, ils
existent afin de protéger la société. Il y a quand
même une possibilité de souplesse qui nous permettrait
d'encourager des qens à aller dans les régions, en dehors des
centres métropolitains.
M. Godin: Merci, M. le président. Merci beaucoup.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député. Dr Goldbloom, allez-y si vous avez autre chose à
nous dire.
M. Goldbloom: M. le Président, me permettriez-vous
quelques secondes pour un complément de réponse?
Le Président (M. Trudel): Avec grand plaisir.
M. Goldbloom: C'est à la question qu'a posée Mme la
ministre sur l'éducation que l'on pourrait prodiguer.
Je remarque dans le rapport du songage cité par Le Devoir que,
quand on a demandé à des gens: Combien, pensez-vous, d'immigrants
sont venus par année?l'impression a été de 25
000 et le fait est de 17 000 par année. On a demandé: Quel
pourcentage, pensez-vous, de la population québécoise est
née a l'étranger? L'impression est 16 % et la
réalité est 8 %. Il y a la quelque chose à corriger. Aussi
j'ai mentionné, particulièrement à cause de son
importance, la formation des enseignants dans la sensibilité
interculturelle. Mais je ne voudrais pas limiter cela aux enseignants, il est
important aussi que nous travaillions avec les policiers, par exemple. Cela
c'est d'une importance particulière a cause de la crainte
inspirée dans d'autres pays par la simple apparition d'un policier. De
même, les infirmières, les médecins, les professionnels du
domaine de la santé, les travailleurs sociaux, les fonctionnaires,
notamment, le personnel chargé de l'administration de la justice, tous
ces gens-là devraient être sensibilisés au fait
multiculturel d'aujourd'hui et de demain.
M. Besner: M. le Président, juste un petit mot sur le
côté éducatif des séances de cette commission. Je
pense que c'est la première année que cette question
d'immigration est discutée aussi ouvertement. Auparavant, c'était
par échange de correspondance. Je pense que, s'il y a moyen de diffuser
cette information a la population, on commencera à créer un
esprit d'ouverture en échangeant nos idées avec celles des
membres de l'Assemblée nationale. Cela va créer une situation
où la politique va venir par éducation. Je félicite le
gouvernement pour commencer cette séance d'ouverture et j'espère
que ça va continuer dans les prochaines années.
Le Président (M. Trudel): C'est d'ailleurs, M. le
président, le souhait que j'ai exprimé, une recommandation que
j'ai faite, ce matin, à Mme la ministre et au gouvernement, lors de mes
remarques préliminaires.
M. Boulerice: ...l'an prochain.
Le Président (M. Trudel): Je crois que l'Opposition y
voit. Alors, Mme la ministre, pour vos remarques finales, s'il vous
plaît.
Mme Robic: Je veux tout simplement remercier les membres du
Congrès juif de leur présence, de leur bonne présentation
et croire que certaines de leurs recommandations ne resteront pas au cahier.
Nous allons certainement les utiliser aux bons endroits.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Saint-Jacques.
M. Boulerice: Eh bien voilà: C'est justement au mois de
février que l'Opposition a demandé la tenue d'une telle
commission et soyez certain que votre commande va être respectée,
M. Besner. À défaut d'une annonce immédiate, on va
renouveler immédiatement la demande. Mais, ceci dit sur un ton badin, je
pense que nos travaux sont extrêmement profitables et se font dans un
climat on ne peut plus serein, de part et d'autre. Alors, encore une fois, je
vous remercie beaucoup de votre présence. Je pense qu'elle a
été très enrichissante pour nous et je pense que
c'était un plaisir partagé par l'ensemble de nos collègues
de vous revoir, Dr Goldbloom, dans une maison a laquelle vous avez appartenu et
a laquelle, de coeur, vous appartenez sans doute encore.
M. Goldbloom: M. le Président...
Le Président (M. Trudel): Si vous me permettez, M. le
président, d'ajouter simplement que le député de
Saint-Jacques a failli me faire mentir. Dans une conversation privée qui
précédait le témoignage du Dr Goldbloom, on
échangeait des idées, il me demandait si les commissions
parlementaires étaient aussi politiques que dans son temps -je n'aime
pas l'expression parce que cela vous vieillit alors que vous n'êtes pas
vieux. Je lui ai dit que, dans ce qenre de commission, il n'y a pas beaucoup de
politique et le député de Saint-Jacques a failli glisser sur...
Le député de Saint-Jacques, qui a été nommé
critique officiel de l'Opposition en matière d'immigration et de
communautés culturelles, va apprendre que ce genre de commission se fait
de façon tout à fait détendue.
Alors, a mon tour, avant de vous céder la parole, de vous
remercier au nom des membres de la commission de votre témoignage et
d'avoir répondu à l'invitation de la commission. Je l'ai dit
quelquefois aujourd'hui, je le répète, j'ai été
personnellement - et je pense que c'est le cas du député de
Saint-Jacques éqalement, je pense que c'est aussi le cas de la ministre,
qui a plus de tact que moi, elle ne l'a pas dit publiquement - j'avoue avoir
été déçu par le nombre relativement peu important
d'orqanismes qui ont répondu a l'invitation de la commission.
Comme vous le disiez tantôt, M. le président, il s'agit
d'une première; quant a moi, dans la mesure où je pourrai
influencer le gouvernement, il ne s'agit sûrement pas
d'une dernière. J'ose espérer que nous vous reverrons l'an
prochain et que nous verrons des gens que nous n'avons pas vus cette
année. Alors, bon retour à Montréal. À vous, la
parole.
M. Goldbloom: Merci, M. le Président, merci, Mme la
ministre, merci, M. le porte-parole de l'Opposition.
Le Président (M. Trudel): Alors, la commission va
suspendre ses travaux quelques minutes, le temps de procéder au
changement de la garde.
(Suspension de la séance à 21 h 28)
(Reprise à 21 h 32)
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Saint-Jacques, nouveau critique officiel, je vou3 invite à prendre
place, au moment où nos invités font de même, à ce
que l'on a appelé la table des témoins. Je vous invite, M. le
député, a éteindre votre cigarette.
Nos derniers invités de cette longue, mais très
intéressante et, je pense, fructueuse journée sont les
représentants du Mouvement Québec français dont M. Guy
Bouthillier est le porte-parole. Je l'invite, tout en lui souhaitant la
bienvenue, à nous présenter les gens qui l'accompagnent. Je lui
cède immédiatement la parole en lui rappelant que - ce que j'ai
fait avec les autres - il dispose d'environ 20 minutes pour résumer ou
expliquer son mémoire. Nous procéderons, par la suite, à
des échanges d'idées.
M. Bouthillier, à vous la parole.
Mouvement Québec français
M. Bouthillier (Guy): Merci, M. le Président, Mme la
ministre, M. le porte-parole de l'Opposition, mesdames et messieurs. Le
Mouvement Québec français, comme vous le savez, est un carrefour
qui regroupe dix organismes. Un certain nombre de ces organismes sont
présents autour de la table et je vous présente tout de suite
ceux qui font partie de la délégation. À ma gauche ici, M.
Raymond Johnston, vice-président de la CEQ; la CEQ est également
présente en la personne de Henri Laberge qui est assis derrière.
À ma droite, Roland Chaussé, président du Mouvement
national des Québécois; le deuxième à ma gauche,
Jacques Audet, qui est secrétaire général du conseil
central de la CSN de Québec; le deuxième a ma droite, Robert
Demers, responsable du comité de la FTQ sur les travailleurs
immigrés et les solidarités internationales et André
Gaulin, troisième à ma gauche, qui représente ici
l'Association québécoise des professeurs de français.
D'autres mouvements font partie du Mouvement Québec
français: l'Alliance des professeurs de Montréal qui n'est pas
ici ce soir et pour cause, elle était avec vous cet après-midi,
la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal dont un de ses
membres, Gérard Turcotte, est avec nous ce soir, derrière, et qui
sera présent ici jeudi. Font également partie, vous le savez, du
Mouvement Québec français, l'Union des producteurs agricoles,
l'Union des artistes et l'Union des écrivains.
Notre réponse sur l'immigration et les niveaux d'immigration ne
sera pas mitigée. Nous sommes partisans, si je peux employer
l'expression, d'une immigration large, généreuse et importante.
Nous la plaçons dans un éclairage et c'est de cet
éclairage que nous aimerions vous entretenir dans le cours de cet
exposé. "La question linguistique va au coeur du problème
québécois", constatait Robert Bourassa devant l'Assemblée
nationale en novembre 1969. Et parce qu'elle est fichée au coeur du
problème québécois. La question linguistique colore,
marque, pénètre la plupart des grands problèmes qui se
posent au peuple du Québec. C'est pourquoi il y a peu de questions qui
ne concernent pas le Mouvement Québec français.
En tout cas, s'il devait y avoir quelque domaine qui échappe a
nos préoccupations, ce n'est sûrement pas le cas de l'immiqration
internationale qui a toujours été étroitement liée
dans notre histoire nationale à la rivalité des langues
française et anglaise et qui, de surcroît, occupe une place
importante dans la vie professionnelle, dans la vie quotidienne des
travailleurs et travailleuses de la CSN, de la FTQ, de l'UPA, des enseignants
et des enseignantes de l'Alliance des professeurs de Montréal, de l'AQPF
et de la CEQ, tout en alimentant également la réflexion des
créateurs de l'Union des artistes et de l'Union des écrivains et
en inspirant l'action patriotique, vous le savez, que mènent le MNQ et,
tout particulièrement et pour cause, la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal.
Outre les risques possibles sur les plans de l'économie, de la
santé et de la sécurité nationale qui ne nous
intéresseront pas ici, l'immigration internationale
présente-t-elle des problèmes d'ordre culturel et d'ordre
linguistique? À cette question, la réponse variera selon les
situations.
Dans certains cas, on le sait, l'immigration a été ou est
tellement ressemblante à la société d'accueil qu'elle ne
pose pour ainsi dire aucun problème: tel a été le cas,
heureux entre tous, du Canada anglais dans les rapports qu'il a longtemps
pratiqués au XTXe et au XXe siècle avec l'immigration britannique
dont il partaqeait, vous le savez, la même langue, la même
citoyenneté et parfois même les mêmes sentiments
patriotiques. Dans d'autres cas,
les différences de langue et de culture existent. Elles donnent
lieu à des problèmes réels, mais parfaitement
surmontables, en tout cas, nullement angoissants pour la société,
d'accueil. Dans ces cas, en effet, la bonne volonté des immigrants et,
peut-être plus encore, la puissance de conviction de la
société d'accueil sont telles qu'il suffît d'un peu de
patience et de quelques bons moyens techniques pour fixer les nouveaux
arrivants sur la réalité nationale et rassurer la
société d'accueil sur la permanence de cette
réalité. Vous le savez, c'est l'expérience de la plupart
des grandes sociétés d'accueil d'Europe de l'Ouest,
d'Amérique du Sud et d'Amérique du Nord.
À cet égard, cependant, le Québec semble
présenter un cas particulier, non pas par les niveaux atteints par
l'immigration, non plus par l'acuité des problèmes d'adaptation,
car il s'est toujours trouvé dans notre société, sur le
territoire du Québec, une structure pour accueillir et intégrer
l'immigration internationale.
La particularité du Québec, elle, trouve son origine dans
le fait que sur notre territoire, nous le savons tous, il y a deux
sociétés organisées, deux sociétés capables
de prétendre au titre de société d'accueil. Ces deux
sociétés se côtoient et des deux sociétés,
c'est la société minoritaire anglophone qui, historiquement, a
assuré à son profit et, malheureusement, au détriment de
la société francophone, l'accueil, l'intégration de
l'immigration internationale. Le bilan historique qu'on aurait pu faire dans
les années soixante était parfaitement clair: dans la
rivalité qui opposait, sur le plan de l'immigration comme sur d'autres,
les sociétés francophone et anglophone, c'était, on le
sait tous, la société anglophone qui triomphait et la
société francophone qui était déclassée.
Au demeurant, comment en aurait-il été autrement? D'un
coté, en effet, on trouvait une société forte, sûre
d'elle-même, conquérante et de l'autre, une société
faible, incertaine, minorisée. D'un côté, une
société qui s'organisait pour assimiler et de l'autre, une
société qui luttait pour ne pas être assimilée. Et
d'un cbté, une société qui se réjouissait de voir
arriver de nouveaux renforts et de l'autre, il ne faut pas l'oublier, une
société qui pleurait de voir ses propres effectifs partir vers
les États-Unis en groupes si nombreux que leur mouvement
d'émigration constitue l'une des belles saignées
démographiques qu'ait eu a subir un peuple.
Ce déclassement du Québec français comme
société d'accueil, certains ont voulu -et parfois même le
font encore - lui trouver une explication purement culturaliste. L'explication
est évidemment un peu courte, mais elle semble bien avoir la vie longue,
sans doute parce qu'elle sert des intérêts bien
établis.
Heureusement, la société francophone ne s'est pas
laissée paralyser oar cette explication culturaliste. Ayant enfin
compris l'absolue nécessité pour elle d'assurer l'accueil et
l'intéqration de l'immigration internationale, elle s'est mise à
la tache de s'en donner les moyens. Mais, pour cela, il a d'abord fallu qu'elle
se heurte à la société anglophone qu'elle devait au
préalable déloger de cette fonction qu'elle remplissait si
efficacement et depuis si lonqtemps. C'est la la véritable
particularité du Québec: un lieu où une
société d'origine lutte pour se substituer à une autre
comme société d'accueil de I'immigration internationale.
On le voit, le problème de l'immigration au Québec, c'est
d'abord le problème des rapports entre les francophones et les
anqlophones. Mais si cela peut intéresser sur le plan théorique,
cela n'en constitue pas moins un combat très difficile à
mener.
Mais ce combat difficile a mener est indispensable, tant serait lourd de
conséquences pour nous l'échec sur ce plan et le retour à
la situation antérieure. Conséquences démographiques, bien
sûr, comme tout le monde le dit et le souliqne, mais aussi
conséquences morales, psycholoqiques. En effet, chaque immigrant qui
vient sur notre territoire et qui opte pour l'autre ne contribue-t-il pas un
peu a nous convaincre de notre propre inefficacité, voire même de
notre inefficacité collective.
Voila l'éclairage et de cet éclairage, nous tirons
quelques recommandations. Elles sont évidemment peu nombreuses, compte
tenu de celles que nous aimerions pouvoir faire dans la définition de ce
que serait une politique générale d'intégration à
la collectivité francophone. L'intégration suppose une action de
tous les jours menée sur plusieurs plans a la fois. Elle fait appel au
concours de tous, aussi bien des dîriqeants du pays que vous êtes
que des simples citoyens et citoyennes que nous sommes.
Nous n'avons pas la prétention de présenter toutes nos
idées. Nous nous bornons à quelques idées
regroupées sous trois rubriques: l'école, l'État et,
rubrique peut-être nouvelle sous nos cieux, la naturalisation. La
première, soit l'école. Le problème de la langue
d'enseignement des immigrants reste chez nous, malheureusement, le principal et
le plus délicat point de jonction entre la question linguistique et la
question de l'immigration. Par l'importance de l'enjeu, ce problème a
sollicité depuis une vinqtaine d'années la réflexion de
tous. L'acuité des débats qu'il a déclenchés
-rappelez-vous Saint-Léonard - n'a pas manqué d'ébranler
certaines de nos grandes institutions. Le Parti libéral lui-même
n'a pas échappé à ce déchirement si l'on veut bien
se rappeler que c'est cette question plus
que toute autre qui a provoqué à l'époque du bill
22 le retrait du parti de M. Jérôme Choquette et
l'éloignement du caucus de M. Springate et de M. Ciaccia.
La première idée relative à l'école. La
volonté de briser le mouvement d'adhésion massive de
l'immigration à l'école anglaise s'est manifestée avec
éclat dans la Charte de la langue française d'août 1977,
dont on se rappelle que les articles 72 et 73 présentaient l'avantage de
faire ce qui devait être fait sans introduire de distinctions selon la
langue, l'origine ou la nationalité des enfants. Il n'était pas
banal, en effet, ce jour où il fut inscrit dans nos textes de loi que
l'école française n'était pas moins digne - je dis bien:
n'était pas moins digne -d'accueillir le petit anglophone de Toronto que
les petits Italiens, Portugais ou Sri-Lankais qui viendraient se
présenter à nos frontières. Malheureusement, on le sait,
le Canada anglais ne l'a pas vu du même oeil. Son refus l'a conduit
à se donner la modification constitutionnelle que l'on sait, obtenue
dans les conditions que l'on sait. (21 h 45)
Le Mouvement Québec français a dénoncé
à l'époque ce coup porté à notre Charte de la
langue française. Plus récemment, il a regretté - et il
continue de le faire - que les discussions constitutionnelles du lac Meech
n'aient pas été l'occasion de corriger cet état de choses.
C'est sur un double motif que le MQF fonde son opposition à l'article
23. Un motif de principe: Pourquoi, en effet, faudrait-il laisser s'introduire
dans nos lois des distinctions suivant les personnes et hiérarchiser les
enfants selon leurs origines en créant une espèce de
catégorie d'intouchables? II y a aussi un motif de prudence politique
car dans nos régimes politiques, l'exception que l'on reconnaît au
profit d'une catégorie appelle le plus souvent son extension au profit
de nouvelles catégories. Et, à ce rythme, ne risque-t-on pas
d'aboutir au rétrécissement de l'école française
comme lieu d'accueil de l'immigration?
Cela nous apparaît tout particulièrement vrai de l'objet
qui nous occupe ici, l'article 231a) indiquant la voie à une prochaine
extension de l'exception déjà reconnue par l'article 231b). Cet
article 231a) constitue même une invitation permanente et solennelle
adressée à l'immigration anglophone à faire pression sur
le gouvernement du Québec pour lui arracher le droit d'accès a
l'école anglaise, ce qui, convenons-en, serait particulièrement
lourd de conséquences démographiques dans un pays où
l'immigration en provenance des pays anglophones sera toujours importante.
Aussi avons-nous, au Mouvement Québec français, la conviction que
ces pressions de la part de l'immigration anglophone ne manqueront pas - et
peut-être plus tôt qu'on ne le pense -de s'organiser et de se faire
entendre. C'est pourquoi il nous apparaît prudent, pour nous
éviter des combats fatigants et sans doute un peu de démagogie,
d'en décourager dès maintenant toute manifestation par une
déclaration solennelle que nous demandons au gouvernement du
Québec de faire, par laquelle le gouvernement ferait connaître sa
détermination de s'opposer formellement à toute pression qui lui
serait faite dans le sens de l'article 231a).
Deuxième idée relative à l'école: On le
sait, la loi 101 étend l'obligation de scolarité française
aux niveaux maternelle, primaire et secondaire seulement, sans doute selon
l'idée qu'un jeune immigrant qui aurait fréquenté
l'école française pendant toutes ces années serait bien
préparé à vivre au Québec. Cette idée, bien
entendu, est juste. Cependant, en ne touchant pas au niveau collégial,
la loi 101 laisse sur le carreau cette catégorie de jeunes
immiqrés qui, tout en étant encore aux études, ont
passé l'âge du secondaire. Pour ceux-là, il nous
apparaît qu'il faut ajuster la lettre à l'esprit de la Charte de
la langue française en établissant que l'obligation de
scolarité française s'appliquera dorénavant aux immiqrants
reçus jusqu'au niveau collégial inclusivement.
Troisième idée relative à l'école comme
facteur d'intégration à la société
française: Beaucoup d'immigrants et d'enfants des communautés
culturelles issues de l'immigration sont inscrits dans nos écoles
anglaises. On les connaît, ceux en faveur de qui joue la clause
Québec, ceux qui ont obtenu une dérogation fondée sur un
séjour temporaire, etc.
On se rappellera peut-être que certains, dans les années
soixante-dix, proposaient le remplacement des écoles anglaises par des
écoles françaises. La loi 101 en a décidé
autrement, ce que le Mouvement Québec français accepte
parfaitement. Encore faut-il s'assurer que l'école anglaise du
Québec prépare ses élèves à vivre pleinement
la vie d'une société de tangue française. Cela suppose
plusieurs choses et d'abord bornons-nous à cela aujourd'hui - une solide
connaissance de la langue française, ce que prévoit, du reste,
vous le savez, l'article 84 de la charte. Or, c'est un fait d'expérience
dont nous ne pouvons, faute d'études, mesurer l'ampleur exacte, que des
jeunes sortent de nos écoles anglaises sans vraiment connaître le
français. Cette anomalie n'est dans l'intérêt de personne
et devrait, par conséquent, être corrigée. Aussi le
Mouvement Québec français demande-t-il ici à Mme la
ministre de l'Immigration de saisir de ce problème son collègue
de l'Éducation en le priant de veiller à l'application rigoureuse
de l'article 84 de la charte.
Deuxième ordre de considération autour de l'État.
Dans tout autre pays que le nôtre,
l'immigrant sait d'emblée où il se trouve et dans quelle
langue vit le pays où il se trouve. Malheureusement, il en va
différemment chez nous tant est présente ici la langue anglaise.
Tel est le prix de notre histoire britannique, de notre géopolitique
nord-américaine et de notre lien politique particulier avec le Canada
anglais.
Il faut donc s'employer, en tant que collectivité, à
convaincre l'immigrant que le français constitue bel et bien la
clé du Québec, le français et nulle autre langue. Cela
suppose un messaqe qui soit dit, qui soit répété sans
cesse et sans ambiguïté, qui ne soit contredit ni formellement par
des propos qui iraient en sens contraire, ni même - je dirais ni surtout
- implicitement par un comportement qui irait à l'encontre, sans quoi on
entretiendrait la confusion qui serait néfaste et, pire encore
peut-être, on appellerait la dérision, ce qui serait mortel sur
nos objectifs.
Ce message haut et clair, il appartient à chacun et à
chacune d'entre nous de le porter dans notre vie, dans nos activités de
tous les jours. On sait que ce n'est pas toujours fait. Mais, si chaque citoyen
a ici un rôle à jouer, si chaque domaine de l'activité
sociale a sa place dans cette pédagogie à l'adresse de
l'immigration, combien cela est plus vrai encore de l'État et de ceux et
celles qui l'incarnent! Beaucoup serait à dire ici et nous ne
reprendrons pas aujourd'hui ce que nous disions ailleurs de l'article 133 de la
constitution de 1867 qui, en plaçant la langue anglaise le où il
la place, c'est-à-dire au sommet de l'État, ne vient
assurément pas faciliter la compréhension du message nouveau que
le Québec cherche à adresser à l'immigration.
Qu'il nous soit permis, cependant, de souligner un aspect peu souvent
mentionné, celui des comportements et des pratiques linguistiques de
ceux et celles qui, par leurs fonctions, représentent et symbolisent le
Québec français; les fonctionnaires et, plus encore, les
élus à l'Assemblée nationale. Disons-le tout net, tout ce
qui dans leur comportement linguistique vient inutilement contredire le message
de francisation nous apparaît regrettable. Bien entendu, faute
d'enquêtes ou d'autres moyens, nous ne savons pas ce qui se passe dans le
secret des bureaux, mais des bruits nous parviennent qui ne sont pas sans nous
inquiéter.
En revanche, nous pouvons voir et apprécier ce qui se passe sur
la place publique et l'on a pu constater que ce n'est pas toujours par simple
accommodement pratique que nos élus font usage de l'anglais. Que penser,
par exemple, de ces dirigeants politiques québécois qui
présentent, en anglais, leurs voeux de circonstance aux lecteurs d'un
journal grec de Montréal? Le Québec est en droit d'exiger de ses
élus qu'ils respectent l'esprit de la Charte de la langue
française. C'est pourquoi nous nous permettons de demander à Mme
la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration qu'elle
prenne l'engagement solennel pour elle-même et pour le gouvernement dont
elle fait partie de mettre ses comportements linguistiques en harmonie avec la
politique de francisation qu'elle est chargée de mener.
Troisième élément qroupé autour du
thème de la naturalisation. La naturalisation est un moment important
dans la vie des futurs citoyens. Outre ses effets juridiques importants, nous
les connaissons, celle-ci prend, en effet, aux yeux de celui qui l'obtient, une
grande valeur symbolique. C'est pourquoi la cérémonie d'obtention
n'est jamais banale, mais toujours plus ou moins solennelle. De ce fait, tout
ce qui concerne cette cérémonie, la qualité de celui qui y
préside, la langue dans laquelle elle se déroule, acquiert une
grande importance symbolique.
Dans ces conditions, ne serait-il pas temps de songer à mettre la
cérémonie de la naturalisation au service de notre politique de
francisation? Ainsi, si l'on obtenait que la cérémonie se
déroule en français et que ce soit un représentant du
Québec qui y préside, seul ou avec d'autres, n'aiderait-on pas
l'Intéressé à comprendre que l'intronisation dont il est
le bénéficiaire se fait dans la société
française du Québec et dans nulle autre? Et, s'il est bon de
faire jouer au profit du français la force symbolique de la
naturalisation, ne serait-il pas plus efficace encore d'en faire jouer aussi la
force d'incitation en subordonnant l'acquisition de la naturalisation à
la connaissance par le candidat de la langue française*
Bien sûr, ces questions relèvent de la compétence de
l'autorité fédérale, mais qui nous dit que celle-ci
n'accueillerait pas favorablement les représentations qui lui seraient
faites en ce sens par le gouvernement du Québec? C'est du reste dans cet
esprit et avec cet espoir que le Mouvement Québec français
demande que le gouvernement du Québec et son ministère de
l'Immigration amorcent des discussions dans ce sens avec les autorités
d'Ottawa.
L'immigration internationale a besoin de nous et, par conséquent,
elle nous oblige. Telle est la leçon que l'on peut dégager
notamment du drame des réfugiés. Mais, nous aussi, nous avons
besoin d'elle: pour son appoint démoqraphique, tout le monde le dit;
pour sa contribution a notre développement économique, la plupart
en conviennent; et plus encore peut-être - et cela, on le dit moins
souvent - pour ses leçons de volonté personnelle et de
diqnité collective.
Donnons-nous, comme collectivité, les moyens de nous ouvrir a
l'immigration. Le jeu en vaut la chandelle.
M. le Président, je vous remercie.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le porte-parole. Je
reconnais maintenant Mme la ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration.
Il reste environ 18 ou 19 minutes par formation politique.
Mme la ministre.
Mme Robic: Oui, M. le Président; tout simplement pour
remercier le Mouvement Québec français et son représentant
d'avoir bien voulu participer à cette commission sur les niveaux
d'immigration.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Saint-Jacques.
M. Boulerice: Est-ce que Mme la ministre me donne le temps dont
elle ne veut pas bénéficier ou suis-je limité à mes
19 minutes?
Le Président (M. Trudel): Ce qui avait été
entendu...
M. Boulerice: Non, non; je le sais bien. Mais je m'attendais
à...
Le Président (M. Trudel): II y en a probablement d'autres
- je n'en sais rien -qui veulent parler du côté
ministériel, mais il est entendu que le temps qui n'est pas pris par une
formation. Cela fait partie des ententes convenues.
M. Boulerice: Je serai évidemment plus loquace. Je pense
qu'il y a là un langage tout à fait franc et surtout une
pertinence auxquels effectivement le Mouvement Québec français
nous a toujours habitués dans ses interventions. Je pense que vous en
avez fait d'ailleurs une brillante lors de l'étude du lac Meech.
Tout au long des travaux - et je pense que vous avez assisté
à une partie tantôt -on dénonçait, face à
l'immigration, un danger qui était l'ignorance.
Je suis vraiment très heureux de vous entendre aujourd'hui parler
aussi de la francisation de l'immigration au Québec et souligner que
l'un des plus graves dangers, en plus de l'ignorance, qui est de de la
non-acceptation de l'autre, est celui de l'ambiguïté quant au
caractère français du Québec, ambiguité au niveau
du message, effectivement, et ambiguïté, on l'a vu, lors des
tergiversations sur l'affichage que vous avez d'ailleurs avec pertinence
dénoncée. Et surtout, vous avez montré, de façon
très évidente, à Montréal, que
l'ambiguïté des messages en provenance de l'État
québécois et du gouvernement québécois ne pouvait
mener effectivement au respect d'une loi fondamentale qui est la Charte de la
langue française au Québec.
Je pense qu'il y a aussi énormément de pertinence quand
vous faites allusion à l'accord constitutionnel de 1982 et à
l'article 23, sans compter tous les autres. C'est un sujet, d'ailleurs, sur
lequel je m'étais lonquement penché et qui, vous le savez comme
moi, à son analyse, on s'en rend bien compte... L'accord constitutionnel
ne prévoit pas légalement la présence de l'école
francophone au Québec. L'école francophone au Québec n'est
pas garantie par la loi constitutionnelle fédérale.
L'école de la minorité anglophone l'est, par contre. Je pense, de
toute façon, que vous êtes très au fait de cela. (22
heures)
Ambiguïté aussi lorsque cette Assemblée nationale a
voté, de par la majorité ministérielle, la loi sur les
services de santé et les services sociaux où l'on lançait
un message très direct aux communautés culturelles, est que les
services de santé, les services sociaux, notamment les CLSC, les CSS,
etc., étaient disponibles pour elles dans les établissements
anqlophones, alors qu'au départ les établissements francophones
sont toujours en mesure de donner les services en français qu'on veut la
lanque commune, la langue d'usage dans ce pays.
Je pense que c'était très opportun que vous veniez
démontrer ici que le plus grave danger, justement, réside dans
l'ambiguïté.
Je note aussi à l'intérieur de votre mémoire une
idée qui est effectivement très originale. Tout le monde sait
qu'il n'y a pas un peuple, qu'il n'y a pas une nation qui ne vit pas sans
symbole. Je pense que ça fait partie des qrandes nations. Qu'on puisse
à l'occasion peut-être les ridiculiser, je ne suis pas d'accord
avec cela mais nos voisins du Sud se sont établi des protocoles, des
traditions et cela en fait une grande nation au même titre que la France,
au même titre que la majorité des pays européens. Lorsque
vous parlez de naturalisation québécoise, je trouve que c'est une
idée fort à propos pour justement amplifier et donner un message
très clair qu'ils adhèrent à un pays francophone, qui est
le Québec. Je pense qu'elle mérite d'être retenue. Elle est
au départ très symbolique, mais tout le monde sait que le symbole
agit à la fois sur le conscient et le subconscient.
Des intervenants précédents ont abordé certaines
questions et j'aimerais connaître votre point de vue. Je m'adresse
à vous, M. Bouthillier, naturellement. Votre pouvoir de
délégation est là. On a parlé de
"démontréalisation" ou de "démétropolisation" de
l'immigration, à savoir que la très grande majorité - si
je me rappelle bien les chiffres qu'on citait, c'était près de 80
% - des nouveaux immigrants s'installent en région
métropolitaine. Certains faisaient valoir
l'hypothèse souhaitable que l'immigration puisse être
distribuée, par des mesures qu'il reste a voir et a évaluer, sur
l'ensemble du territoire québécois de façon à ne
pas se retrouver avec une ville de Montréal complètement
détachée du restant du Québec qui, lui, serait d'une
homogénéité à laquelle on ne consent plus,
d'ailleurs, puisqu'on accepte bien une "pluriculturalité", mais
naturellement une "pluriculturalité" dans la francophonie.
J'aimerais connaître votre point de vue là-dessus.
M. Bouthillier: Bien sûr, je crois que la
"démétropolisation", comme vous dites, présente des
avantages j'allais dire à la fois pour l'immigration et pour la
société d'accueil. Elle est un moyen, un espoir de francisation
et elle est aussi une occasion, je crois, de diffuser dans l'ensemble du corps
social québécois les thèmes reliés aux
problèmes de l'immigration.
La question de l'immigration est en ce moment très largement une
question montréalaise. Il est possible que tel ou tel de nos concitoyens
vivant ailleurs qu'à Montréal s'estime non concerné par
cette question. Cela est malheureux et il faut lutter contre cette
espèce de cloisonnement des esprits. Alors, en décloisonnant, si
je puis dire, l'immigration, en "démontréalisant" l'immigration,
l'immigration va vers la société d'accueil et tout le monde s'en
trouve mieux.
Du reste, l'un des mouvements qui font partie de Mouvement Québec
français, le Mouvement national des Québécois, a
adopté une position dans ce sens-là et réfléchit
-car le problème n'est pas simplement d'afficher l'idée, mais de
la réaliser - en ce moment, avec d'autres sans doute, aux moyens de
réaliser cette idée de la "démétropolisation".
M. Boulerice: Certains des intervenants précédents
disaient que le recrutement de l'immigration se fait partout. À la
question que je posais à savoir que, parce qu'on introduisait la notion
de rassemblement des familles, ce qui était un critère pour
l'immigration... Je disais que, de par la langue d'une culture et d'une
civilisation, nous appartenons à une famille et je posais la question;
Croyez-vous qu'il est tout a fait légitime de privilégier en
termes d'immigration, d'abord, l'immigration en provenance de pays où la
langue est la nôtre, c'est-à-dire le français?
M. Bouthillier: Ce que nous voulons, ce sont des immigrants
capables de devenir des citoyens québécois de langue
française intégrés à la société
française. S'ils le sont déjà aux frontières, en
arrivant, en frappant aux portes, la chose est d'autant facilitée; mais,
s'ils ne le sont pas, à nous de nous en donner les moyens et nous en
proposons un certain nombre aussi. À nous de nous donner les moyens
d'assurer l'accueil des immigrants d'où qu'ils viennent sur la
terre.
M. Boulerice: Dans le système de cotation que l'on fait
pour les candidats à l'Immigration, à ce moment-là, vous
acquiescez à l'idée que l'on pourrait donner une cote plus
élevée à quelqu'un qui, automatiquement, a une
connaissance de la lanque française.
M. Bouthillier: Dans la sélection oui. Et tout ce qui
oriente l'immiqrant, qui facilite son intégration à la
société française doit être valorisé. Je
crois que cela l'est, du reste. Il y a des points reconnus dans la grille pour
la connaissance du français - je ne sais pas si c'est douze ou quinze
points, je ne m'en souviens plus - mais nous sommes évidemment
d'accord.
M. Boulerice: Vous parlez de l'obligation de la
fréquentation jusqu'au niveau collégial.
M. Bouthillier: Oui.
M. Boulerice: À défaut d'une loi là-dessus,
est-ce que vous pensez qu'il pourrait peut-être y avoir un palliatif qui
serait certaines mesures incitatives?
M. Bouthillier: C'est une idée que nous lançons et
j'ai été très heureux d'entendre tout à l'heure
qu'on est en train de... Enfin, certaines personnes qui viennent ici autour de
la table sont en train, j'allais dire, d'étendre l'aire d'emprise de la
loi 101 par les deux bouts. Tout à l'heure, si j'ai bien entendu, le
Congrès juif canadien qui nous a précédés proposait
le système des garderies comme moyen de francophonisation. Et pourquoi
pas?
Nous, nous l'avons pris, je ne dirai pas par en haut, mais par un autre
bout, celui du système collégial, à partir du moment
où on est bien obligé de constater - c'est un fait
d'expérience - qu'il y a dea jeunes qui ne sont pas soumis à la
loi 101, ne serait-ce que parce qu'ils n'ont plus l'âge d'être au
secondaire, mais qui veulent faire des études, qui en font et qui,
compte tenu du rapport de forces entre les deux sociétés
d'accueil, française ou francophone et anglophone, choisiront de
préférence bien souvent les céqeps de -langue anglaise. Et
cela nous paraît dommage de ne pas accorder à ces jeunes
l'occasion vraiment sérieuse de jouer le jeu de la carte de la
société francophone du Québec.
Quels sont les moyens incitatifs ou autres? Vous savez, c'est une
idée, je pense, qui est assez nouvelle dans le débat à
l'heure actuelle. Nous la lançons aujourd'hui avec l'idée
qu'il faut absolument mettre dans notre jeu, dans le jeu de la
société francophone du Québec, tous les moyens pour amener
cette immigration nouvelle vers nous, vers notre société
plutôt que vers l'autre. Et cela nous apparaissait un assez bon moyen, de
même que celui des garderies. Nous n'en avons pas parlé, mais nous
serions tout à fait d'accord avec l'idée des messieurs et dames
qui nous ont précédés.
M. Boulerice: Dans le cas des réfugiés, est-ce que
vous - et plusieurs en ont fait la remarque - privilégiez un quota?
Quelqu'un donnait l'exemple de 5000 comme étant la capacité
d'accueil.
M. Bouthillier: Oui, je sais, j'ai entendu les chiffres. Et
pourquoi privilégier un quota? C'est sans doute, selon l'idée que
les réfugiés venant parfois de sociétés plus
éloignées de la nôtre, venant parfois sans avoir leur
propre communauté culturelle d'accueil ici, quand il s'agit d'un
mouvement nouveau, que cette immigration est plus difficile à
intégrer et qu'il faut le faire, donc, poco à poco, un peu plus
lentement, pour être certain de réussir. Si c'est vrai que c'est
la seule façon de réussir nous accepterions ce quota, mais encore
faudrait-il le démontrer.
Je pense qu'une société comme la société
québécoise peut facilement - elle l'a déjà fait, du
reste, non seulement au XIXe siècle, mais encore tout récemment
dans les années soixante-dix - faire preuve de beaucoup de sympathie
à l'endroit des problèmes politiques, des drames politiques qui
sont ceux des réfugiés politiques ou autres. Je crois que la
société québécoise a fait preuve de cette
disponibilité. Je ne vois pas pourquoi on ne mettrait pas à bon
emploi cette disponibilité, d'autant plus que les réfugiés
ont aussi, au-delà des premières difficultés d'adaptation
attribuables à la langue, aux religions, aux moeurs, aux coutumes qui
sont peut-être plus éloignées et moins courantes pour nous,
beaucoup à nous apprendre, ne serait-ce que, précisément,
l'importance des idées politiques. Ces réfugiés politiques
sont souvent victimes de leurs idées et je pense qu'il y a une
dignité certaine dans le fait d'être un réfugié
politique. Il y a là une leçon de dignité et de valeur des
idées collectives, de valeur des idées politiques et je crois que
la société québécoise ne peut que s'en porter
mieux.
M. Boulerice: M. Bouthillier, je sais qu'il est 22 h 10. Vous
devez retourner à Montréal. Le Mouvement Québec
français -vous nous en avez fait d'ailleurs la nomenclature tantôt
- regroupe des organismes et pour employer un vocabulaire usuel très
québécois, des organismes comme on dit en bon
québécois qui ne sont pas des deux de pique, des organismes
sérieux comme l'Union des artistes, l'Union des écrivains
québécois, l'Union des producteurs agricoles, une centrale
syndicale, etc. Donc, ce mémoire a été
présenté avec l'autorité qu'il contient compte tenu des
sociétés que vous représentez. Je peux vous dire que nous,
de l'Opposition, l'accueillons avec beaucoup de sympathie et je vous remercie
d'être venu témoigner à la commission de la culture.
Vous avez demandé à la ministre, à
l'intérieur de cela, des enqaqements solennels. Il lui appartient d'y
répondre et non pas à moi, puisque ce n'est pas moi le ministre.
Mais il n'est jamais trop tard pour bien faire; il reste encore quelques
minutes, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Saint-Jacques. Y a-t-il d'autres interventions du
côté ministériel?
M. le président, il me reste a vous remercier de vous être
présenté devant la commission. Vous m'avez sans doute entendu
dire depuis la fin de l'après-midi, parce que j'ai cru remarquer votre
présence en cette salle depuis la fin de l'après-midi ou à
peu près, à quelques organismes venus nous visiter que je les
remerciais d'avoir répondu à notre invitation. Mais ces
orqanismes, malheureusement, sont trop peu nombreux. Il s'agit d'un
première expérience publique sur ces questions.
Quant à moi, j'ose espérer qu'il ne s'agit pas d'une
dernière expérience et que nous aurons le plaisir de vous revoir
l'an prochain.
M. Bouthillier: C'est moi qui vous remercie au nom de tous mes
collègues et peut-être qu'un jour prochain un exercice comme
celui-là pourra même - qui sait? -donner lieu à un
dialogue. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Sur ce, la commission ajourne
ses travaux jusqu'à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 14)