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(Dix heures neuf minutes)
Le Président (M. Trudel): Je constate qu'on a quorum. Mme
la secrétaire, est-ce qu'on a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. Brassard (Lac-Saint-Jean) est
remplacé par M. Filion (Taillon).
Le Président (M. Trudel): D'accord. C'est tout?
La Secrétaire: Oui.
Le Président (M. Trudel): La commission se réunit,
ce matin, pour procéder à l'étude du rapport annuel
1986-1987 de la Commission d'accès à l'information,
conformément à l'article 119.1 de la Loi sur l'accès aux
documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels.
M. le président, mesdames les commissaires, au nom de la
commission, il me fait plaisir de vous saluer pour la deuxième fois en
1987, non pas que vous ayez produit deux rapports annuels dans une
année, mais vous vous souvenez que nous étions en retard dans
l'examen de votre rapport précédent.
Nous sommes, étant donné l'été et toutes les
autres circonstances, à peu près dans les délais pour vous
recevoir cette année. En tout cas, les délais me semblent
beaucoup plus raisonnables que ceux de l'an dernier.
Bienvenue à cette commission. Tout comme au mois de janvier
dernier, les choses vont se dérouler de façon détendue,
comme c'est toujours le cas à la commission de la culture, de
façon aussi informelle que possible, et de façon - comme le dit
M. le député de Taillon - efficace. J'ai la chance d'avoir un
président de commission à ma commission, parce que M. ie
député de Taillon est également - vous le savez
-président de la commission des institutions.
Je siège à la commission de M. le député de
Taillon comme membre et il siège à la mienne, à
l'occasion, comme membre, ce qui nous permet d'apprendre l'un de l'autre
comment diriger les travaux de commission. Cela aide d'avoir un
président à côté de soi.
Sans plus tarder, nous allons commencer. J'aurai quelques remarques
préliminaires. M. le député, je pense que vous en avez.
Quant à moi, ce sera très court. M. le président, vous
nous ferez une déclaration qui lancera le débat par la suite. M.
le député de Taillon, s'il vous plaît.
M. Filion: M. le Président, on m'a distribué les
notes du président pour là présentation du rapport. De mon
côté, j'aimerais bien entendre d'abord les commentaires
préliminaires du président.
Exposé du président de la Commission
d'accès à l'information
M. Marcel Pépin
M. Pépin (Marcel): M. le Président, MM. les
députés, il me fait grand plaisir, une fois de plus, de vous
rencontrer et de faire avec vous le bilan de l'année qui vient de
s'écouler et dont les principales activités ont été
rapportées dans le rapport annuel que vous avez sûrement eu
l'occasion de parcourir.
Je ferai ressortir les principales activités de la commission,
sans revenir sur toutes et chacune d'entre elles. Je commencerai par la
fonction principale de la commission, à savoir l'exercice de son mandat
quasi judiciaire.
La commission a reçu, au cours de l'année que nous
examinons ce matin, soit entre le 1er avril 1986 et le 31 mars 1987, 282
demandes de révision, dont plus de la moitié portaient sur des
demandes d'accès aux documents des organismes publics. Je rappelle pour
mémoire que la commission a juridiction sur 3600 organismes publics et
parapublics au Québec.
Je dois attirer votre attention sur le fait que le tiers de ces 282
demandes ont finalement été retirées à la suite du
désistement du demandeur qui, le plus sauvent, a obtenu satisfaction
après que l'organisme eut été avisé qu'une demande
de révision était parvenue à la commission. Finalement, la
commission a donc eu à régler quelque 168 dossiers au cours de
l'année. À cet effet, elle a tenu 129 auditions, soit à
Québec, à Montréal ou dans l'une ou l'autre des autres
villes du Québec, habituellement dans la capitale judiciaire, le
chef-lieu judiciaire de la région. Les autres causes furent
réglées sur dossier.
Au chapitre de la nature des décisions rendues, la compilation
des statistiques
révèle que, pour l'accès aux documents, la
majorité des demandes est accueillie en totalité ou en partie,
alors qu'au contraire, les demandes d'accès aux renseignements
personnels ont été, plus souvent qu'autrement, rejetées.
Comme par les années passées, ce sont les municipalités
qui ont reçu le plus de demandes d'accès aux documents, suivies
de près par les ministères. Évidemment, ce sont les
citoyens qui formulent le plus de demandes, suivis des groupes de pression, des
entreprises et, en toute fin, des journalistes. Pour ce qui est des demandes
d'accès aux renseignements personnels formulées par les citoyens
concernés, ce sont les organismes gouvernementaux qui reçoivent
le plus de requêtes, suivis des organismes qui appartiennent au
réseau des affaires sociales.
En outre, je crois intéressant de fournir une dernière
statistique relative au nombre d'appels téléphoniques
adressés à la commission au cours de cette année
financière. Le personnel de la commission, tant à ses bureaux de
Québec que de Montréal, a répondu en effet à
près de 4000 demandes d'information verbales provenant soit des
citoyens, des responsables de l'accès, des journalistes ou, enfin, de
divers groupes au Québec. Ces demandes ont le plus souvent trait aux
objectifs généraux de la loi.
J'aimerais aussi insister sur le deuxième volet de la loi relatif
à la protection des renseignements personnels. Ce chapitre confie en
effet plusieurs fonctions de contrôle et de surveillance à la
commission, fonctions que je voudrais d'abord décrire brièvement.
Par exemple, la commission peut, sur demande écrite, accorder à
une personne ou à un organisme l'autorisation de recevoir des
renseignements personnels, sans le consentement des personnes
concernées, à des fins d'étude, de recherche ou de
statistique. Au cours de l'année, la commission a reçu 57
demandes de ce type. Si elle les a approuvées pour la plupart, elle a
cependant fixé diverses conditions, de manière à assurer
le caractère confidentiel des renseignements personnels qui sont ainsi
accordés aux chercheurs.
Par ailleurs, la commission a reçu 21 demandes d'enquête
à la suite de plaintes de citoyens. Il s'agissait surtout de plaintes
relatives à la divulgation de renseignements personnels sans le
consentement de la personne concernée. La commission a aussi pour
fonction de donner son avis sur des projets de loi et des projets de
règlement et des ententes de transfert de renseignements personnels et
les projets de décret. En tout, la commission a donné 15 avis de
tous ordres au gouvernement ou aux diverses commissions parlementaires qui
étudient les projets de loi.
J'aimerais attirer votre attention sur l'avis relatif à un
nouveau projet de règlement sur les prêts. Je dois préciser
que tous les avis de la commission sont, en même temps et le même
jour, acheminés aux membres des commissions parlementaires,
c'est-à-dire que l'Opposition en prend connaissance en même temps
que le gouvernement. En 1984, le gouvernement adoptait, en vertu de la loi sur
l'accès aux documents, un règlement qui prescrit les frais de
photocopie de documents, d'une part, et qui prescrit également la
gratuité pour l'obtention de copie de renseignements personnels, d'autre
part.
Cependant, au cours de la dernière année
financière, le gouvernement a proposé l'adoption d'un nouveau
règlement à ce sujet. L'avis de la commission sur ce projet de
règlement était dans le sens de maintenir la gratuité en
matière d'accès aux renseignements nominatifs. Si, par contre, le
gouvernement n'avait pas l'intention de souscrire à ce principe, la
commission recommandait de fixer à un minimum de 40 pages la franchise
sur ce type de document photocopié. Ce projet de règlement est
encore à l'étape de la prépublication. Nous avons
également fourni des avis de ce genre à 14 autres reprises au
cours de l'année.
La commission avait aussi pour tâche de référer les
dispositions législatives qui entrent en conflit avec la loi sur
l'accès aux documents. C'est ainsi que le 30 avril 1986, elle
était en mesure de remettre au gouvernement un rapport qui, plus tard,
fut déposé à l'Assemblée nationale, lequel
constituait l'aboutissement d'un mandat amorcé en 1984. Ce rapport
identifiait les dispositions inconciliables avec la Loi sur l'accès aux
documents et formulait de nombreuses recommandations. Un projet de loi visant
à concrétiser un certain nombre de ces recommandations devrait
être adopté, nous dit-on, d'ici la fin décembre.
La Loi sur l'accès aux documents confie aussi à la
commission le rôle d'en surveiller l'application et de faire
enquête sur son fonctionnement et sur son observation. La commission a
donc adopté un programme qui vise à vérifier comment les
organismes publics. s'acquittent des obligations qui leur incombent en vertu de
la loi.
Les enquêteurs de la commission ont visité huit organismes
publics et vérifié, par exemple, si la liste de classement
était disponible, si le règlement sur les frais était
appliqué et, surtout, si l'organisme avait des mesures de
sécurité adéquates à l'égard des
renseignements personnels. C'est surtout à ce chapitre que les
enquêteurs ont décelé les lacunes les plus
évidentes. En effet, ils ont noté, entre autres, que plusieurs
organismes n'assuraient pas la confidentialité des renseignements
nominatifs de façon satisfaisante, qu'ils ne tenaient pas de registre de
consultation des dossiers et qu'un bon nombre de fichiers n'avaient pas
été
déclarés.
Au terme de chacune de ces vérifications, la commission transmet
un rapport à l'organisme et formule des recommandations qui visent
à assurer le respect de la loi. Dans la plupart des cas, les organismes
acceptent d'emblée de corriger les lacunes que la commission a
portées à leur attention. Depuis que nous avons commencé
ce programme de vérification, nous avons toujours tenté
d'établir une collaboration régulière avec les organismes
visités de manière à mettre à leur disposition
toute l'expertise de la commission en cette matière.
À la reprise des travaux de l'Assemblée, le ministre des
Communications a déposé, il y a quelques jours, le rapport de la
commission sur la mise en oeuvre de la loi sur l'accès, cinq ans
après son adoption. C'est un rapport assez volumineux que vous avez en
main, je pense, et qui s'intitule "Une vie privée mieux
respectée, un citoyen mieux informé".
Il va sans dire qu'un travail de cette ampleur a mobilisé
une grande partie de nos effectifs durant la dernière année
financière. Un comité a été mis sur pied afin
d'identifier, d'abord, les sujets qui méritaient un examen particulier
et afin de compléter avec l'ensemble du personnel de la commission
divers mandats de recherche. C'est ainsi que la commission a été
en mesure de remettre ce rapport au ministre, le 1er octobre, tel
qu'exigé par la clause crépusculaire. Je dois dire à ce
sujet que je dois remercier le personnel de la commission de même que mes
collègues commissaires pour avoir réussi - c'est un record, me
dit-on, dans la fonction publique - à remettre tous nos rapports
à temps, sans une seule journée de retard...
Des voix: Ha! Ha!
Le Président (M. Trudel): C'est sûrement un
record.
M. Pépin: ...depuis cinq ans.
Comme par les années passées, la commission a
été appelée à faire connaître son
expérience, notamment à des organismes similaires dans d'autres
provinces ainsi qu'à l'étranger. C'est ainsi que le Québec
a participé à la Conférence des commissaires à la
protection des données nominatives, à Lisbonne, où nous
avons fait le bilan de nos activités. Il y a quelques semaines, j'ai eu
le grand plaisir d'accueillir ici à Québec la Conférence
internationale des commissaires à la protection de la vie privée
où 19 pays étaient représentés et où les
commissaires européens de même que canadiens et un certain nombre
d'Américains ont eu l'occasion de se familiariser avec le travail qui se
fait au Québec sur ces questions.
L'essentiel des travaux de la commission est diffusé par la
publication de ses décisions par la Société
québécoise d'information juridique. Alors, les décisions
de la commission sont publiées dans un fascicule comme celui-là,
ce qui permet évidemment à tous les organismes, à tous les
citoyens et même à tous les députés qui le veulent
de connaître un peu mieux la jurisprudence de la commission etcomprendre l'orientation, l'interprétation de la loi chez nous.
Évidemment, si l'un ou l'autre d'entre vous souhaitez prendre
connaissance des décisions de la commission, il nous fera plaisir de
vous en faire parvenir des exemplaires.
La commission publie également, quatre fois l'an, un bulletin de
liaison à l'intention des 3600 responsables de l'accès... Ce
bulletin, que j'ai eu l'occasion déjà de vous distribuer,
s'appelle L'Accès. À chaque publication, il traite de l'un ou
l'autre des problèmes les plus souvent rencontrés dans
l'application de cette loi. D'ailleurs, une page de ce bulletin est
réservée au ministère des Communications, à son
service de la loi sur l'accès, pour diffuser des messages aux
responsables.
La commission a aussi continué à diffuser largement son
dépliant intitulé Comment exercer un droit de recours
auprès de la commission, en français et en anglais, par
l'entremise des bureaux de Communication-Québec.
Cette année, nous avons également pris en charge la
préparation du répertoire des responsables qui est mis à
jour annuellement et qui est diffusé largement aux responsables et au
grand public.
Enfin, comme par les années passées, mes collègues
et moi, de même que le personnel de la commission, les cadres et les
professionnels ont eu l'occasion de rencontrer plusieurs groupes pour des
conférences ou des colloques où nous profitons de l'occasion pour
expliquer un peu mieux le travail que nous faisons.
Nous étions conscients, il y a cinq ans - puisqu'il y aura
bientôt cinq ans que la commission a été
créée - que l'implantation d'une réforme de cette
envergure dans l'ensemble de l'administration publique et parapublique
québécoise exigerait une forte dose de patience puisque la loi
demande en somme aux organismes de modifier complètement, dans certains
cas, leur manière traditionnelle d'agir en matière d'accès
à l'information et de protection des renseignements personnels.
L'expérience nous a enseigné que l'adhésion à la
réforme est maintenant une réalité dans la majorité
des organismes. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir dans
certains secteurs. Mais dans l'ensemble, il est juste d'affirmer que le
Québec enregistre un progrès important en ces matières et
qu'il constitue
un modèle pour les autres provinces canadiennes et
également pour d'autres pays à l'extérieur du Canada.
Dans les années qui viennent, il faudra consacrer encore plus
d'effort et d'énergie à mieux faire connaître non seulement
les exigences de la loi, mais aussi les raisons qui justifient une protection
accrue des renseignements personnels et un accès plus large aux
documents qui sont détenus par les organismes publics. À son
rôle de surveillant de l'application de la loi, la commission devra
ajouter celui de promoteur de ses droits fondamentaux et d'informateur du grand
public afin que tous les citoyens puissent bénéficier
également, dans toutes les régions du Québec, des
mêmes services et des mêmes droits.
La commission devra également s'engager dans des démarches
préventives, surtout en matière de protection des renseignements
personnels de manière à éliminer à la source
certains dangers potentiels quant à la dissémination
injustifiée de renseignements personnels. La collaboration du
gouvernement sera essentielle pour mener à bien cette lourde
tâche, car la tentation est toujours très forte de sacrifier
allègrement la vie privée au profit de contrôle financier
de plus en plus sophistiqué dans l'application des programmes de soutien
au revenu, notamment. La loi est très claire. C'est le citoyen et non
l'administration que la loi protège. Il ne faudrait pas qu'une loi
devant protéger le citoyen contre l'administration devienne petit
à petit un outil pour renforcer l'arbitraire administratif contre le
citoyen.
Il nous faut malheureusement constater que ce danger est encore
très réel. Les échanges de renseignements entre organismes
publics et même entre gouvernements sont tellement nombreux et tellement
faciles grâce au perfectionnement des outils informatiques qu'il y a
risque de travestir l'esprit de la loi si on interprète de façon
trop étroite les besoins du gouvernement en matière de
contrôle financier. C'est pour mieux expliquer les objectifs du
législateur et mieux faire comprendre au citoyen ses droits et devoirs
que la commission réclame un mandat plus explicite en matière
d'information tout en poursuivant son travail d'éducation auprès
des organismes assujettis. Grâce à la jurisprudence
accumulée, grâce aussi à son programme de
vérification qui a permis de corriger plusieurs situations anormales au
plan de la protection de la vie privée, la commission estime qu'elle est
maintenant en mesure de fournir aux organismes les outils nécessaires
pour appliquer avec équité les exigences de la loi.
Nous sommes confiants qu'à l'aube de cette deuxième
étape, tous les utilisateurs de la loi, de même que les organismes
sauront partager eux aussi leur expérience avec les parlementaires de
manière à rendre et la loi et la commission plus efficaces dans
le but, bien sûr, de mieux servir le citoyen. Je vous remercie de votre
bonne attention.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le président.
Vous avez présenté tantôt les nouvelles commissaires.
Peut-être pourriez-vous nous les présenter de nouveau parce quele Journal des débats est une machine qui ignore la
présence de ces dames. Peut-être pourriez-vous profiter de
l'occasion pour nous présenter également les autres membres du
personnel de la commission.
M. Pépin: J'allais le faire. J'ai à ma droite, Mme
Thérèse Giroux, qui est avec nous depuis le 15 décembre
1982; à ma gauche, Mme Carole Wallace, qui s'est jointe à la
commission au mois de juillet 1987. Je profite également de l'occasion
pour signaler la participation fort importante et très remarquée
et remarquable de Mme Caroline Pestieau qui nous a quittés au printemps
1987, mais dont le travail à la commission continue encore à
porter fruit.
Le Président (M. Trudel): Merci. M. le
député de Taillon.
Exposé du critique de l'Opposition
M. Claude Filion
M. Filion: Je vous remercie M. le Président. On sait que,
finalement, la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et
sur la protection des renseignements personnels représentait, à
l'époque, d'abord comme l'a mentionné le président
lui-même, une certaine révolution à cause des comportements
établis d'une bonne partie des organismes, à cause des traditions
qui s'étaient installées au fil des années. Cette loi a
été rendue possible du fait qu'il existait un solide consensus
parmi les parlementaires, à l'époque, pour faire en sorte qu'une
telle opération législative puisse, premièrement, voir le
jour et, deuxièmement, être viable. Nous approchons maintenant les
cinq ans de vie et, à voir la qualité du rapport de mise en
oeuvre que j'ai eu l'occasion de feuilleter, je pense qu'on peut dire que
l'enfant a grandi rapidement et solidement sur ses pattes et il doit
peut-être atteindre maintenant, si vous me passez l'expression, une
certaine vitesse de croisière. (10 h 30)
Le rapport de mise en oeuvre, qui n'est pas le propos principal de notre
réunion de ce matin, constitue quand même un document fondamental
dans l'historique de la loi et de la Commission d'accès à
l'information. Il faut toujours se rappeler qu'ici, nous sommes au coeur de la
vie
démocratique. Quand on dit qu'un citoyen est mieux
informé, on veut dire qu'il est plus conscient, qu'il comprend davantage
les mécanismes sociaux qui l'entourent. Cela veut tout dire, un citoyen
mieux informé. Quand on dit également - c'est l'autre volet de la
loi - qu'on doit protéger des individus, cela découle un peu d'un
droit traditionnel qui est le droit au respect pour chaque individu, le droit
à sa vie privée.
Je l'ai souvent souligné et je le répète ce matin,
ce n'est pas facile parfois de concilier ces deux exigences d'avoir
accès à l'information qui peut ou pourrait nous concerner et, en
même temps, garantir que le caractère confidentiel de certains
gestes ou certains traits de caractère des individus sont
protégés. C'était un mandat délicat à
l'époque qui avait été confié à la
commission. Je dois souligner, au nom de ma formation politique, que le mandat
- on peut le dire - a été rempli d'une façon remarquable.
Pour ceux qui me connaissent, je n'emploie pas souvent ces expressions, mais je
livre quand même ici l'essentiel de ma réflexion.
On a quand même devant nous certains défis
extrêmement importants. Le développement technologique fait en
sorte qu'il est maintenant possible de regrouper de façon
concertée, à différents endroits, toute une base
d'information sur chaque citoyen et citoyenne du Québec. Les
méthodes de compilation de ces informations sont absolument colossales.
Les moyens se développent aussi rapidement que l'informatique et
circulent aussi rapidement que peut le faire l'informatique.
Les solutions pour contrer cette évolution technologique - il
faut bien se le dire franchement - demeureront partielles; par exemple, la
Commission d'accès à l'information vient ici, nous dépose
son rapport annuel, nous a déposé son rapport de mise en oeuvre
et c'est à nous, législateurs et parlementaires, de faire en
sorte que les éléments de réforme contenus dans le rapport
de mise en oeuvre soient véritablement de taille à contrer les
tendances, dans certains cas, de la technologie et, dans d'autres cas, à
aider les tendances de la technologie. Mais la technologie va toujours se
développer plus rapidement que les réflexes parlementaires ou
législatifs de n'importe quelle société. On a une loi qui
est considérée comme excellente, on a une commission qui a fait
un boulot remarqué par l'ensemble des autres provinces, entre autres, et
probablement des autres pays, si je me fie aux commentaires recueillis à
l'occasion de la dernière conférence de la part des gens qui
travaillent avec moi -malheureusement je ne pouvais pas y être
personnellement - mais il faut garder ce pas, il faut rester d'avant-garde dans
ce secteur. C'est un défi, cette fois-ci, pour la commission et pour les
parlementaires. D'où l'importance du travail effectué par la
commission concernant le rapport de mise en oeuvre qu'elle nous a
déposé et d'où l'importance du travail que nous aurons
à effectuer et que le ministre également, comme responsable du
dossier, aura à effectuer dans les mois qui viennent. D'ailleurs, nous
pourrons peut-être étudier ce rapport de mise en oeuvre au
début de l'an prochain, la commission parlementaire, comme le
prévoyait la clause crépusculaire déjà
mentionnée.
Une année remarquable également, parce que la commission a
su produire son étude sur les dispositions inconciliables qui, comme
vous l'avez mentionné, a fait l'objet de travaux à l'occasion du
dépôt du projet de loi. En tout cas, du côté de
l'Opposition, on espère bien, comme vous l'avez souligné, faire
en sorte que d'ici à décembre prochain soit adoptée la
totalité du projet de loi. Il reste encore certaines dispositions
législatives qui sont en suspens, etc. Certaines ont fait l'objet de
débats vigoureux, d'ailleurs, à l'occasion de la commission
parlementaire.
J'ai plusieurs questions à poser à la membre de la
commission. J'en profite pour saluer son président, bien sûr et
également Mme Thérèse Giroux, qu'on a déjà
eu l'occasion de recevoir, ici, au parlement, et Mme Wallace, pour qui c'est la
première visite parlementaire. Je vais limiter ici, M. le
Président, mes remarques préliminaires pour entamer, quand vous
le jugerez à propos, la phase d'échanges avec les membres de la
commission.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député. On peut quand même procéder aux questions
presque immédiatement, dans la mesure où les remarques
préliminaires que j'avais à faire ressemblent tellement aux
vôtres qu'il serait probablement inutile de les répéter. On
n'est pas habitué de voir cela, semble-t-il, dans ce parlement, mais je
me rallie complètement aux paroles du député de Taillon en
ce qui concerne...
J'emploie plus souvent l'adjectif "remarquable" que le
député de Taillon et cela ne veut pas dire que j'accorde moins
d'importance à ce mot. Quand je dis que quelque chose est remarquable,
c'est quelque chose de remarquable; je m'associe à ce que le
député de Taillon a dit des travaux de votre commission, M. le
président.
Moi aussi, j'ai lu avec un intérêt... Étant un
insomniaque, malheureusement, je voulais feuilleter le rapport hier soir; je
l'ai lu hier soir. Sur vos cinq ans d'activité, je dois vous dire,
dès le départ, que j'ai été impressionné par
la qualité de son contenu, par la qualité de sa
rédaction.
On voit que la commission, à sa présidence et en son sein,
contient un certain nombre de communicateurs. Cela se
lit dans vos rapports; cela se lit surtout dans les titres que vous
donnez à vos différents documents. Quelqu'un qui est assez
prêt de vous et de moi, M. le président, me disait, en parlant de
vous - je ne nommerai pas cette personne, mais je vous le dirai en privé
tantôt - de toute façon, si ces gens-là de la commission
veulent faire autre chose dans quelques années, ce que je ne vous
souhaite pas, ce que je ne nous souhaite pas, étant donné le
remarquable travail qu'ils accomplissent, s'ils ont l'intention de faire autre
chose, je pense que n'importe quelle maison de publicité ou de
rédaction serait fort heureuse de les accueillir.
Tout cela pour vous dire que, de ce côté-ci - je pense bien
que je me fais le porte-parole de mes collègues - vous avez devant vous
des gens qui sont autant d'appui que vous en aurez besoin et qui sont
disposés à vous suivre aussi loin que possible de façon
que les droits collectifs et les droits privés des personnes soient
respectés.
Je vais céder la parole à M. le député de
Taillon tout en me permettant d'intervenir après lui, car j'ai
l'impression que M. le député de Taillon et moi aurons un peu les
mêmes questions. J'inviterais aussi mes collègues du
côté ministériel à intervenir quand bon leur
semblera. On va faire cela de façon aussi informelle que possible. M. le
président.
M. Pépin: M. le Président, j'ai passé
plusieurs années, comme vous le savez, à Ottawa, en tant que
journaliste. Or, là-bas, on s'adresse aux députés en les
appelant les "honorables" députés. Je m'engage, à compter
de maintenant, à m'adresser aux députés de
l'Assemblée nationale en disant les "remarquables"
députés.
Des voix: Ha! Ha!
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Taillon.
M. Filion: Vous aurez du chemin à faire auprès de
vos anciens collègues journalistes.
M. Pépin: Oui. Ha! Ha!
Questions et réponses
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le président.
M. le député de Taillon, s'il vous plaît.
Accumulation et divulgation des renseignements
M. Filion: M. le Président, j'ai vraiment le goût de
commencer avec une question générale, si vous le permettez -
sentez-vous bien à l'aise, car j'ai plusieurs questions sur le rapport
lui-même - qui découle un peu de ce que je disais tantôt
ainsi que des commentaires recueillis lors de la conférence qui a
été tenue à Québec.
Je pense que le ministre des Communications résumait un peu ma
pensée, mais je vais la formuler autrement. Les possibilités de
savoir aujourd'hui, à cause des développements de la technologie,
sont en train de dépasser et, peut-être à jamais, toutes
les possibilités de garder le secret. L'information est compilée,
ordonnée, classée et diffusée avec une précision et
une rapidité hors de l'ordinaire. La possibilité de garder le
secret est un peu à contre-courant; ce sont des digues et des murs qu'on
essaie d'ériger dans nos sociétés de moins en moins
étanches. Je ne dis pas que je suis convaincu, je sais qu'il y a un long
degré de réflexion au niveau de la commission à cet effet,
mais peut-être voudriez-vous réagir à partir de votre
rapport à ce sujet?
M. Pépin: Je crois qu'il faut, au départ, faire une
distinction entre ce qu'on appelle communément les documents
administratifs d'un organisme quelconque, qu'il s'agisse d'un gros
ministère ou d'une petite commission comme la nôtre, et les
renseignements à caractère personnel qui sont accumulés
pour la gestion de programmes, de programmes universels surtout.
Dans le cas des documents administratifs, j'aimerais partager votre
jugement, à savoir qu'ils sont très bien classés,
très bien conservés et presque éternellement accessibles.
Or, ce n'est pas tout à fait le cas. Nous constatons
régulièrement que l'informatique n'a pas
pénétré toutes les sphères de l'administration, au
contraire. Il s'écrit encore beaucoup de choses et il se compile encore
beaucoup de documents et même nous, qui sommes relativement jeunes, je
dois confesser que, il n'y a pas tellement longtemps, avons
désespérément cherché un document. Nous l'avions
déjà perdu et nous n'avons que cinq ans d'âge. Alors,
j'imagine que le ministère de l'Agriculture qui vogue allègrement
vers ses 150 ans d'histoire au Québec - 132 ans, je pense - a dû
aussi en perdre quelques-uns en cours de route. Pour les documents
administratifs, il y a encore un problème de classification et un
problème de repérage toujours réel un peu partout.
Dans le cas des renseignements personnels - c'est là que je vous
rejoins - il est bien sûr que les outils informatiques modernes
permettent une assimilation à peu près illimitée, de
renseignements sur les individus. Ces mêmes outils se perfectionnent
régulièrement et permettent maintenant des croisements qui sont
non seulement possibles, mais faciles, non seulement entre organismes, mais
également entre gouvernements. Par exemple, il n'y a rien de plus simple
que de comparer la banque de données de l'assurance-chômage avec
la banque de
données de l'aide sociale au Québec. C'est aussi simple
que faire un appel téléphonique.
Cette situation fait en sorte, comme vous le disiez tout à
l'heure, qu'il est possible et même évident que la technologie
précédera toujours un peu la législation en ces
matières. Je pense, après y avoir beaucoup
réfléchi, et surtout après avoir observé ce qui se
passe, que le travail que nous pouvons faire sur le plan législatif et
sur le plan administratif, dans le cas d'une commission comme la nôtre,
c'est d'abord d'être présents, d'alerter les gens. Contrairement
à ce qu'on pourrait penser, les gestionnaires de l'administration sont
également conscients, tout à coup, du danger que comportent ces
outils pour les citoyens et sont très conscients qu'ils sont assez
collaborateurs pour trouver des solutions.
Le gouvernement, l'administration a une responsabilité, c'est de
ne pas donner à ces gestionnaires des mandats contradictoires. Si on dit
au sous-ministre: Vous devez absolument vérifier un certain nombre de
renseignements dans un certain nombre d'organismes et qu'on dit au même
sous-ministre, durant la même semaine, qu'il doit aussi protéger
la vie privée, le pauvre monsieur vient me voir et me demande: Comment
je fais cela? Je lui dis: II faudrait aller parler à votre ministre.
C'est ce qui se produit non seulement ici, mais dans tout le monde occidental
actuellement, parce que la technologie permet des choses qui n'étaient
même pas imaginables il y a quinze ans. Dans ce sens, je crois que
là où nous devons être vigilants, c'est dans ce que
j'appelais, au cours de mes remarques préliminaires, les
démarches préventives pour bien faire saisir aux gestionnaires,
qui ont d'autres préoccupations que les nôtres, que cette
préoccupation doit être constante chez eux. (10 h 45)
Je crois qu'éventuellement - c'est déjà
commencé en France, et surtout en Allemagne - il faudrait même
intervenir auprès des gens qui fabriquent des logiciels pour bien
s'assurer qu'on peut enlever un certain nombre de renseignements personnels
dans les banques lorsqu'il s'agit de faire des croisements à des fins de
contrôle. Nous en sommes à cette étape de notre
réflexion. Nous sommes très conscients de fait que non seulement
cela va vite, mais cela va trop vite; et en même temps, nous sommes aussi
conscients qu'on ne peut pas arrêter cela parce que c'est un outil de
gestion moderne et il s'agit de le domestiquer, non pas de se laisser envahir
par lui.
M. Filion: Cela répond un peu à mes craintes
vis-à-vis de ce que je qualifierais de contrôle
intégré du citoyen.
M. Pépin: ...à certains moments...
M. Filion: On semble faire de la science fiction, M. le
Président, mais en réalité, cela n'en est pas, même
si j'ai eu l'occasion de lire, au cours de l'été, un livre
absolument formidable là-dessus - c'est un roman - où on aboutit
à deux catégories de citoyens, ceux qui sont fichés et la
réponse est: d'accord; tu peux tout faire ce que tu veux dans la
société, et les autres qui ne sont pas intégrés, ne
sont pas fichés ou sont rejetés par le système et font
partie d'une autre société. Je dois vous avouer que...
Le Président (M. Trudel): Vous n'avez pas cité un
document, auquel cas je vous aurais demandé de le déposer, mais
vous avez cité un livre. Pourrait-on avoir le titre, parce que cela
m'intéresse?
M. Filion: Je vais vous l'envoyer. Malheureusement, cela
m'échappe, j'ai oublié le titre.
Le Président (M. Trudel): D'accord.
M. Filion: Je vais vous l'envoyer et je l'enverrai au
président aussi; c'est une lecture formidable.
Le Président (M. Trudel): ...
Demandes de révision
M. Filion: Bon. Revenons au rapport proprement dit. En ce qui
concerne les demandes de révision, vous avez signalé 282
demandes, c'est toujours l'accès aux documents qui prime. Je pense que
c'est à peu près dans la proportion de deux pour un: 176 demandes
pour l'accès aux documents alors qu'il y a eu 96 demandes pour les
renseignements personnels. C'est la deuxième année
consécutive que je remarque à l'examen d'ensemble de rapports
annuels qu'il y a plus de demandes de révision pour l'accès aux
documents que pour l'accès aux renseignements personnels. Est-ce qu'il y
a eu renversement de cette tendance depuis deux ans?
M. Pépin: Non. M. Filion: Non?
M. Pépin: La tendance se maintient et je crois que c'est
facile à expliquer. Dans la plupart des cas, le dossier personnel de
l'individu qui est détenu par un organisme public est donné
spontanément, parce que cela ne pose pas de problème. Je le
faisais remarquer l'an passé, je crois que cela se maintient. Là
où il y a des objections, c'est lorsque, en même temps que
survient ce désir d'avoir accès à son dossier personnel,
il y a un conflit de travail entre la personne et l'organisme. Lorsqu'il y a
conflit de
travail, vous savez très bien, vous qui êtes avocat, M.
Filion, que les avocats essaient de gagner du temps. C'est une façon de
gagner du temps que de refuser l'accès en référant le tout
à la commission. Évidemment, cela explique pourquoi les cas sont
moins nombreux et cela explique aussi pourquoi, très souvent,
l'accès est refusé aussi. La loi sur l'accès est assez
rigide là-dessus. Nous avons convenu, les autres commissaires et moi, de
recommander au gouvernement dans un rapport que vous aurez l'occasion
d'étudier plus tard de modifier un peu la loi là-dessus, parce
qu'actuellement, nous estimons qu'elle est un peu vexatoire pour les individus
en matière d'accès aux renseignements personnels, notamment
lorsqu'il y a un conflit de travail.
M. Filion: Donc, on peut dire qu'il y a une augmentation de
l'utilisation par les syndicats ou les associations accréditées
de la loi sur l'accès aux documents ou si...
M. Pépin: Non, cela reste encore... C'est un peu le
côté charmant de cette loi, cela reste vraiment un outil pour le
simple citoyen. Notre plus grosse clientèle, c'est le simple citoyen de
toutes les régions du Québec. Évidemment, la loi n'est pas
encore aussi connue que certaines autres lois. En même temps que nous
vous disons que nous devrions avoir des outils pour la mieux faire
connaître, nous sommes aussi très conscients que, si jamais elle
était mieux connue, nous serions rapidement submergés.
Demandes de renseignements à des fins de
recherche, d'étude ou de statistique
M. Filion: Je vais me permettre une boutade. Lorsque dans votre
mini-rapport, dans votre présentation de ce matin, vous
catégorisez ceux qui vous formulent le plus de demandes, vous parlez des
citoyens, des groupes de pression, des entreprises, des journalistes. J'ai
l'impression qu'il va falloir ajouter les députés, parce que je
sais qu'il y a quelques députés de ma formation qui ont dû
communiquer avec vous à l'occasion. Peut-être que cela va
être une nouvelle catégorie dans les années à
venir.
L'autre question porte sur les demandes d'autorisation de recevoir des
renseignements pour les fins de recherché, études, statistiques.
J'ai remarqué, et vous me corrigerez, qu'il y a 57 demandes. Je trouve
cela assez énorme. Cela veut dire à peu près qu'à
chaque semaine au Québec il y a un organisme qui demande l'autorisation
de recevoir des communications sur tout un lot de statistiques qui peuvent
être détenues par un des 3600 organismes, ministères ou peu
importe. Vous avez mentionné dans votre rapport et également dans
votre texte les balises qui sont fixées pour ces demandes. Je trouve
cela quand même un peu élevé. Peut-être que vous
pourriez nous rassurer là-dessus.
M. Pépin: Je crois d'abord, M. Filion, qu'il faut dire
qu'il y a beaucoup plus que 57 recherches ou études qui se font au
Québec avec comme matière de base les renseignements personnels
obtenus sans le consentement des personnes concernées. Par exemple, tout
le réseau des affaires sociales. C'est le directeur des services
professionnels dans les hôpitaux, par exemple, qui donne cette
autorisation. Nous avons convenu de maintenir cette formule parce qu'il se fait
de la recherche médicale sur place dans les hôpitaux sur une base
presque permanente: des études de cas, des comparaisons de cas, etc.
Donc, il faut tout de suite multiplier par peut-être quatre ou
cinq. Ensuite, il y a aussi tous ceux qui donnent ces renseignements sans se
préoccuper au préalable d'obtenir l'autorisation prévue
dans la loi. Mais nous avons un cerbère très efficace chez nous,
M. Clarence White, qui est le directeur du service de la vérification et
qui constate régulièrement dans les organismes qu'il y a eu
transfert sans autorisation et cela finit par se savoir. C'est comme cela que
je pense que nous en aurons beaucoup plus à l'avenir parce que
lorsqu'une université, par exemple, se fait pincer en flagrant
délit, eh bien, c'est assez curieux mais, très rapidement, toutes
les autres universités le savent et se mettent tout à coup
à appliquer la loi. C'est comme cela que je crois que c'est un
phénomène qui ira en croissant.
Il y a divers types de demandes de communication de renseignements
nominatifs à des fins d'étude et de recherche mais la plupart
concernent et sont reliées, de près ou de loin, à la
santé des individus mais aussi beaucoup à des études
sociologiques de comportement de la population aussi en matière de crime
ou des choses comme cela.
Nous sommes extrêmement vigilants là-dessus. La commission
a préparé, a adopté il y a déjà deux ans et
demi, des critères qui ont été publiés dans cette
brochure et qui déterminent les exigences de la commission en
matière de transfert de renseignements à des fins de recherche.
Je suis heureux de vous dire que la Commission d'accès à
l'information est la seule, à ma connaissance, qui a fait ce genre de
travail, qui a mis ses critères par écrit avec les justificatifs.
Ces critères ont été examinés dans d'autres
juridictions. Je sais, j'ai appris très récemment que la Suisse,
par exemple, s'est inspirée presque intégralement de nos
critères pour adopter sa propre politique de même que le Conseil
de l'Europe qui l'a proposée intégralement à ses
membres.
M. Filion: II serait intéressant, M. le Président,
de déposer ce document.
Le Président (M. Trudel): II a été
distribué, je pense, mais je pourrais le déposer de nouveau.
M. Pépin: Oui. Je peux le faire. Cela me fera plaisir. Il
s'intitule "L'accès aux renseignements nominatifs à des fins
de recherche, d'étude ou de statistique".
M. Filion: D'accord. Bref, 57 demandent représentent
finalement peut-être un quart ou un cinquième de l'ensemble des
demandes, certaines étant...
M. Pépin: Des recherches qui sont faites.
M. Filion: ...statuées par des instances
déléguées ou en tout cas des instances
décentralisées.
M. Pépin: C'est juste.
M. Filion: D'accord. Je pense que cela va sur ce sujet.
Le Président (M. Trudel): Sur le même sujet ou vous
voulez...?
M. Gardner: Non, sur un autre sujet. Êtes-vous
d'accord?
Le Président (M. Trudel): Sur la question de la
recherche, il n'y a pas d'autre question. M. le député
d'Arthabaska.
Renseignements fournis aux
députés
M. Gardner: Merci M. le Président. M. le président
de la Commission d'accès à l'information, lors de la rencontre du
28 janvier dernier, lors de l'étude du rapport annuel 1985-1986, vous
vous souvenez qu'on avait eu une grosse discussion - une grosse -en tout cas,
de deux ou trois pages dans le Journal des débats, sur le rôle
d'un député face à l'information possible que nous
obtenions avec une certaine facilité dans les ministères. Vous
vous souvenez que vous aviez parlé de craintes
révérencieuses envers les députés, vous aviez
parlé aussi... Je vous avais suggéré de donner des
directives ou encore des suggestions aux députés sur la
confidentialité des documents. Vous aviez parlé d'un guide
possible afin de donner des directives aux fonctionnaires qui ont à
gérer ces dossiers, également, des droits des
députés pour intervenir... Vous vous souvenez que même le
député de l'Opposition, le député de Saint-Jacques,
et moi étions d'accord là-dessus. Vous aviez dit que vous en
preniez bonne note. Je vois dans votre rapport qu'il n'y a rien
là-dessus. Vous n'avez rien écrit là-dessus. Depuis ce
temps, j'ai quasiment regretté d'en avoir parlé, parce que dans
certains ministères, je ne sais pas ce qui s'est passé, on ne
veut même plus donner de renseignement, même si je suis toujours
député d'Arthabaska. Je ne sais pas trop.
Avez-vous fait l'étude qu'on vous avait suggérée.
On vous avait même suggéré de venir nous voir dans nos
bureaux de député. Je n'ai pas eu de visite. Avez-vous fait une
étude ou êtes-vous arrivé à une conclusion
là-dessus?
M. Pépin: M. Gardner, je ne vous avais pas oublié,
au contraire. Votre suggestion que j'ai acceptée d'emblée, je
l'ai trouvée, pour reprendre l'expression à la mode ce matin,
remarquablement difficile à exécuter au cours des mois qui ont
suivi; en ce sens qu'en relisant les débats de cette commission, j'ai
été en mesure, je pense, de décoder un peu, de
façon très claire vos attentes en ce qui concerne un guide comme
celui-là. Je suis privilégié en un sens de ne pas
être avocat, ce qui me permet, à certains jours, d'argumenter de
façon différente avec les juristes. Mais je n'ai pas encore le
pouvoir d'interpréter la loi différemment de ce qu'elle dit.
Alors, nous avons fait ce travail dont vous parliez. Je m'étais
engagé à le soumettre au président de votre commission, M.
Trudel, ce que j'ai fait. M. Trudel a un exemplaire de ce que nous avons pu
produire, ma compréhension de notre démarche. Je sais qu'il
appartient maintenant au président de la commission de la culture de
donner suite à cette initiative. Je crois que ce serait peut-être
à lui maintenant de poursuivre là-dessus. Je dois vous dire que
nous avons travaillé très fort, M. Gardner, pour essayer de
donner une réponse à votre préoccupation.
M. Gardner: Merci de cet effort qui vous a semblé
très difficile. Je vous félicite de ne pas être un avocat.
Moi non plus je n'en suis pas un, sans déprécier, bien sûr,
les avocats. Mais, on les apprécie beaucoup...
M. Pépin: Surtout celle qui est à ma droite.
M. Gardner: Oui. Mais ce que je voudrais... Cela veut donc dire
qu'il va falloir en discuter ici avec notre président de commission, si
je comprends bien. Il y a un rapport.
M. Pépin: M. Trudel va... M. Gardner: Merci.
Le Président (M. Trudel): En effet, j'ai rencontré
M. le président de la Commission d'accès à l'information
à la fin de
septembre, début d'octobre, mi-octobre plutôt, une semaine
avant la reprise des travaux. Il m'a remis un projet de guide, enfin est-ce un
guide, Le député et la loi sur l'accès, qui répond,
pour l'essentiel, aux questions que tes députés se posaient l'an
dernier, au début de cette année, à l'occasion de notre
rencontre avec la commission. (11 heures)
C'est un document qui est bien fait mais délicat et qui
mérite, à mon avis, et c'est pour cela que je vous en parle tout
de suite après entente avec M. le président de la commission, une
étude approfondie, d'abord, de la part des membres de cette commission.
Je suggérerais, à cette fin, une séance de travail
à huis clos. On pourrait se faire, à la fois, les
défenseurs et les promoteurs auprès de nos collègues d'un
tel document. D'ailleurs, je ne veux pas en discuter ici puisque vous n'avez
pas encore ce document. Le problème que j'ai vu tout de suite c'est,
tout en respectant intégralement la loi actuelle, si vous nous obligez
à la respecter, ce qu'on doit faire de toute façon, on nous
obligerait du même coup à -le mot est peut-être un peu fort
bureaucratiser le lien et la relation entre nos commettants et nous. Par
exemple, l'une des façons d'éviter de nous faire reprocher
éventuellement d'avoir des renseignements nominatifs en notre possession
sans y avoir droit ou sans y avoir été autorisés, serait
de nous faire autoriser dans chaque cas par notre commettant à
être son représentant auprès de l'administration. À
mon avis, c'est une première réaction et je voudrais qu'on en
discute. Je pense que, ce matin, nous n'aurons pas le temps de le faire mais
nous pourrons sûrement le faire en une autre occasion; ce qui, à
tout le moins, pourrait enlever beaucoup de spontanéité à
la nécessaire relation entre le député et son commettant,
d'une part. D'autre part, il y a, bien sûr, c'est ce que le
président soulignait tantôt, le côté des
fonctionnaires qui, eux, doivent obéir à la loi. Très
souvent, ils nous disent: Bien, écoutez, est-ce que vous avez un mandat?
Est-ce que la solution ne serait pas d'amender la loi éventuellement? Si
on y arrivait, au mois de janvier ou février, après la
commission, lors de la reprise des travaux au mois de mars, au printemps,
à tout le moins, ne serait-ce pas de dire simplement dans un article,
soit de la loi de la Législature, soit encore de la Loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels que, sous son serment d'office, le
député peut avoir accès, etc. Ce sont des
éléments de solution dont le président et moi avons
discuté privément et dont j'aimerais discuter avec les membres de
la commission avant d'aller plus loin et de donner ce projet. Le
président va dire: M. le Président de la commission de la
culture, voici, à la suite de votre demande, un projet. Ce n'est pas un
texte définitif du côté de la Commission de l'accès
à l'information. Ce n'est surtout pas un texte définitif de notre
côté, vous ne l'avez pas vu. J'ai suggéré au
président ceci: J'ai dit: M. le président, je vais communiquer
après la commission, une fois que nous aurons rendu publique l'existence
du document. Je comprends le président, il avait reçu un mandat
de la commission. Il l'a fort bien rempli - je ne dirai pas de façon
remarquable, cette fois-là - parce qu'on avait une certaine divergence
d'opinions quoiqu'on se rejoignait quand même sur l'essentiel. J'ai dit
au président: Écoutez, on va en parler à la commission et
je vais suggérer, si mes collègues sont d'accord, de faire une
séance de travail. Je sais que le député de Taillon n'aime
pas les choses à huis clos, mais il y aurait peut-être des parties
de cette réunion qui devrait se faire à huis clos. J'ai dit au
président de la commission: J'aimerais aussi que, soit un commissaire,
soit quelqu'un de la commission assiste à cette réunion de
travail autour d'un document de travail pour voir quelle solution on pourrait
apporter à un problème réel qui doit protéger les
droits des individus et qui doit aussi faciliter le travail des
députés. D'une façon générale, ce n'est pas
particulièrement cela. Pour me répéter, la réaction
que j'ai eue devant le projet de la commission, c'est de me dire: C'est
déjà assez difficile - le président a
apprécié ces arguments - dans bien des cas, pour un citoyen
d'aller voir son député et de lui exposer vraiment ses
problèmes personnels -on dit souvent qu'on a remplacé les
curés et qu'on remplace aussi les psychologues - s'il fallait que chaque
fois qu'un citoyen vienne nous voir on dise: Cher monsieur, veuillez d'abord
signer ce papier, j'avoue que ce n'est pas évident comme solution. Cela
dit, je pense que ce rapport est un excellent instrument de travail et de
discussion pour les membres de la commission.
Je vous suggérerais, si vous êtes d'accord, de commenter la
réponse que M. le président vous a donnée, M. le
député d'Arthabaska. J'aimerais entendre les commentaires de M.
le député de Taillon sur cette question. Je suggérerais
une séance de travail dans des délais tout à fait
raisonnables, de façon qu'on puisse profiter des discussions que nous
aurons au mois de janvier ou février sur le rapport d'activité de
cinq ans, la clause crépusculaire, de façon que si jamais l'une
des solutions possibles s'avérait être un amendement à la
loi, cela puisse être fait en temps utile. M. le député de
Taillon.
M. Filion: Écoutez, j'aimerais mieux passer... je n'ai pas
de commentaires à faire à ce stade.
Le Président (M. Trudel): Je vais vous donner copie.
M. Filion: Quant à moi, j'aimerais mieux examiner avec le
président son rapport. J'ai écouté de part et d'autre les
préoccupations autour de la table. Je pense qu'on aura d'autre temps.
Vous avez dit tantôt que les avocats sont là souvent,
malheureusement, pour amener des délais; moi, je veux en gagner, j'aime
mieux traiter du rapport.
M. Pépin: II y a aussi des avocats remarquables.
M. Filion: Pardon?
M. Pépin: II y a aussi des avocats remarquables.
Résultats du programme de
vérification
M. Filion: Ha! Ha! On parlait de remarquables communicateurs.
Vous dites dans votre mini-mémoire et un peu partout... Vous avez
raison, la loi a fait son bout de chemin, elle est connue, il y a une
amélioration de la situation. Mais en même temps, la commission
s'est livrée cette année - l'année qui est le sujet du
rapport, en 1986-1987 - a un programme d'examen sur le fonctionnement et
l'observation de la loi. La commission a sélectionné treize
organismes, probablement parce qu'elle n'a pas eu le temps de faire les treize,
elle en a pris huit. Elle s'est dit: On va aller sur le terrain voir
véritablement comment la loi est mise en application directement â
chacun des endroits. Huit endroits ont été choisis: le CLSC de
Mont-Joli, l'hôpital de Chicoutimi, l'Office municipal d'habitation de
Montréal-Nord, le Cégep de Trois-Rivières, la ville de
Laval, le relais Saint-François Inc., le Centre de services sociaux
Outaouais-Hull et la Commission scolaire régionale de Granby.
Je cite le rapport textuellement: "Les vérificateurs ont pu
constater que certaines obligations prévues dans la loi sur
l'accès étaient respectées. Ils ont, par ailleurs,
décelé plusieurs lacunes importantes." J'en énumère
quelques-unes: fichiers de renseignements non déclarés à
la commission, cueillette de renseignements inutiles, non-respect de l'article
65 qui est relatif à l'information donnée à la
clientèle au cas de cueillette de renseignements, omission de
procéder à l'épuration des dossiers lorsque les
renseignements peuvent et doivent être enlevés; omission
d'enregistrement des consultations des fichiers de renseignements, personnes
mal, peu ou pas informées; confidentialité des renseignements
nominatifs non assurée de façon acceptable; perception
illégale de frais pour l'accès, on donne un exemple
là-dessus d'un endroit, je pense, où cela coûtait 15 $,
etc.
Cela m'a frappé, M. le Président, on marche au
pifomètre, mais voilà que vous avez procédé
à cette enquête; vous avez choisi ces huit organismes. Voici donc
ma première question: dois-je comprendre que, pour les cinq autres, cela
va se faire en 1987 probablement? Deuxièmement, je comprends aussi, pour
être tout à fait complet, qu'une série de recommandations
ont été envoyées aux organismes, donc cela a un effet
immédiat très intéressant, mais comme espèce de
test, ce n'en est pas un, parce que c'est uniquement huit organismes sur 3600,
mais il demeure que les lacunes que vous avez relevées sont importantes,
y avait-il un manque d'intérêt finalement chez ces
organismes-là? Enfin, quel était le problème à la
source de toutes ces infractions?
M. Pépin: D'abord, je dois préciser que les cinq
autres organismes ont tous été également visités,
sauf un, je pense, douze des treize. C'est parce que le rapport est fait en
fonction d'une date précise qui est le 31 mars; cela a été
fait peut-être en avril, mai ou juin.
Évidemment, le propre d'une vérification, c'est d'essayer
de déterminer dans quelle mesure la loi est respectée et que des
méthodes adéquates sont utilisées pour la protection des
renseignements personnels parce que, dans le cas des vérifications,
c'est presque exclusivement sous l'angle de la protection de la vie
privée que se fait cette vérification. Il y a des lacunes.
Pour répondre à votre question, M. le député
de Taillon, je serais presque tenté de faire une comparaision avec un
autre domaine d'intérêt public qui a été au centre
de nos préoccupations comme Québécois depuis environ une
dizaine ou une vingtaine d'années, qui est l'environnement. Si on se
reporte 20 ans en arrière, les gens qui prêchaient des
interventions différentes, un comportement différent de la
population pour protéger davantage notre environnement surtout en ce qui
concerne l'eau, par exemple, étaient plutôt solitaires, au
début et, petit à petit, c'est devenu une préoccupation de
l'ensemble de la population et, aujourd'hui, personne ne remet en cause cette
préoccupation constante qu'a tout le monde. Au début,
c'étaient quelques groupes isolés. Maintenant, ce sont toutes les
municipalités. Il n'y a pas un seul gouvernement qui peut ne pas s'en
préoccuper, tous les citoyens s'en préoccupent.
Je crois qu'en ce qui concerne la vie privée, c'est un peu la
même chose. Avant que les administrations soient fortement
informatisées, il n'y avait pas une préoccupation très
présente pour la protection des renseignements personnels,
parce que c'était déjà tellement difficile de
fouiller dans les caisses de dossiers pour trouver des renseignements
personnels qu'il y avait tout de suite là une sorte de barrière,
une protection naturelle contre la curiosité malsaine, pourrait-on
dire.
Mais avec l'informatique, tout à coup, on découvre que
c'est devenu plus facile. Mais avant que cette préoccupation devienne
une préoccupation constante, une préoccupation spontanée,
je crois qu'il faut y mettre un peu de temps. C'est ce que j'appelais, au
début, cette patience nécessaire pour créer cet
environnement préoccupant.
C'est comme cela que nous constatons, évidemment, un certain
nombre de choses. Mais nous avons également constaté... Prenons
un exemple. La plupart des hôpitaux sont plus ou moins
gérés de la même façon. Un dossier de patient dans
un hôpital à Chicoutimi ne diffère pas tellement d'un
dossier de patient de la ville de Laval ou de Rigaud.
Là, nous constatons un certain nombre de choses puis, nous
faisons des suggestions. Nous savons que, par le biais de l'Association des
hôpitaux avec laquelle nous sommes en relation, avec une seule
vérification, un certain nombre de choses vont être
corrigées de façon générale au Québec. Il y
a aussi des débats, des discussions, parce que la loi dit: Vous devez
protéger les dossiers médicaux de telle façon, mais il y a
aussi la pratique courante dans l'hôpital. On ne peut pas mettre un
dossier médical dans un coffre-fort à toutes les trois minutes,
parce qu'il y a toutes sortes de gens qui s'en servent.
Alors, nous essayons de trouver avec eux des solutions adéquates.
C'est le but de cette démarche que nous faisons actuellement pour
essayer d'imprégner les organismes de cette préoccupation. Nous
n'avons pas été répressifs jusqu'ici. Moi, je crois
davantage, à cette étape où nous sommes, à
l'éducation et à la prévention.
Bien sûr, il faudra un jour aussi sévir lorsqu'il y a
mauvaise foi. Nous avons un cas présentement d'une municipalité
qui s'acharne à recueillir des renseignements qui me paraissent
absolument inutiles pour la municipalité, dangereux pour les individus
et dont l'usage est douteux. Si la municipalité en question continue de
refuser de construire un tel fichier sur ces individus au nom d'une vague
mission de profil sociologique de sa population, là, nous
sévirons. Nous sévirons devant les tribunaux, au besoin.
M. Filion: D'accord. C'était ma question suivante et cela
allait dans le même sens. Je pense que c'est l'an dernier, sûrement
l'an dernier, que je l'avais évoqué et je le reprends. Une
poursuite pénale comporte une certaine valeur pédagogique. Je
l'ai dit l'an dernier; on avait échangé un peu là-dessus.
Vous citez le cas d'un exemple d'une municipalité qui, encore une fois,
s'acharne à obtenir des renseignements, malgré qu'elle ait
été avisée cinq fois. Il me semble que c'est
peut-être le temps de sonner la fin de tous les délais de
compromission, de bonne entente avec ces organismes publics.
La loi a été votée, cela fait déjà
suffisamment longtemps pour qu'on sache quelle est la volonté du
législateur et, dans certains cas, ce n'est pas par répression
qu'il faut le faire, mais à cause de la valeur pédagogique et de
la valeur d'exemplarité qu'il peut y avoir dans certains cas.
Vous me corrigerez si je me trompe. Il n'y a aucune poursuite
pénale, en tout cas, durant l'exercice 1986-1987 et ne comprenez pas mon
intervention comme voulant dire: II faut absolument le faire; non. Mais, dans
certains cas, comme vous le dites, il ne faut pas avoir peur de le faire,
encore une fois, à cause de la valeur d'exemplarité pour tous ces
organismes. (11 h 15)
J'ai été frappé de voir, M. le Président,
que le ministère du Revenu du gouvernement du Québec faisait
partie de la liste des délinquants sur ce répertoire de fichiers,
à la page 26 de votre rapport: "Parmi les 23 ministères
vérifiés, un seul ne disposait pas d'une liste de classement de
ses documents. Il s'agit du ministère du Revenu." Je ne me trompe pas
non plus en disant que le ministère du Revenu était
également, à l'époque, l'un des ministères qui
n'avait pas fourni à la commission son fichier de renseignements.
Bien sûr, ce n'est pas la Commission d'accès à
l'information qui va poursuivre le gouvernement du Québec, mais, maudit!
il faudrait à un moment donné sonner l'alarme et, si le
ministère du Revenu du gouvernement du Québec est toujours en
position de délinquance, est-ce que telle municipalité dans nos
comtés, elle-même, ne se sentirait pas un peu justifiée de
dire: Écoutez, attendez. Laissez-nous du temps, etc. Est-ce que telle
corporation hospitalière ou telle commission scolaire ne pourrait pas
dire: Même le ministère du Revenu n'a toujours pas rempli ses
obligations, alors pourquoi le ferait-on?
Je ne veux pas m'éterniser là-dessus. J'ai remarqué
dans votre rapport de mise en oeuvre les remarques que vous aviez faites au
sujet des poursuites pénales. D'abord, ce sont un peu des avocasseries,
mais le problème, la mens rea... et vous suggériez d'en faire une
question de responsabilités strictes. Je suis évidemment sensible
à ces arguments parce que, si vous intentez une poursuite, vous aimez
bien qu'elle soit accueillie par le tribunal et qu'elle ne soit surtout pas
rejetée, vous en prenez si peu. Alors, j'ai saisi votre remarque dans
le
rapport de mise en oeuvre et, peut-être, en janvier prochain,
faudra-t-il examiner cela pour permettre de donner une assise légale
dans les cas où la commission jugerait bon d'intenter une poursuite,
qu'elle ait un cadre juridique satisfaisant.
Le Président (M. Trudel): M. le député,
vous...
M. Pépin: J'allais inviter Mme Giroux, qui a
travaillé sur ce volet particulier du rapport, à fournir
peut-être d'autres explications.
Mme Giroux (Thérèse): M. le député,
vous avez effectivement un peu devancé la remarque que je voulais faire.
Je pense que la commission croit également que le temps est
peut-être maintenant arrivé de mettre fin à l'attitude
beaucoup plus tolérante, ou enfin de prévention ou de discussion
avec les organismes. Justement, le temps serait peut-être venu de faire
certaines démarches. Cependant, dans l'état actuel de la loi,
c'est l'article - je ne me souviens pas de son numéro - qui
oblige...
M. Filion: 158 à 165...
Mme Giroux: Voilà, qui fait référence
à la notion de "sciemment". Alors, le fardeau de preuve, lorsqu'on
intente une poursuite pénale qui fait référence à
la notion de sciemment, est extrêmement élevé, d'où
la recommandation que nous avons faite dans le rapport sur la révision
de la loi. Je pense qu'au cours de la prochaine année il y aura des
développements à ce sujet.
M. Filion: Est-ce que je me trompe, mais il n'y a jamais eu de
poursuite pénale par la commission?
M. Pépin: II n'y a eu aucune poursuite pénale, mais
il n'y a pas eu, non plus, M. le député, de résistance aux
recommandations de la commission de façon brutale. Je vous donne aussi
de...
M. Filion: De résistance consciente? M. Pépin:
Oui.
M. Filion: C'est-à-dire en connaissance de cause.
M. Pépin: C'est cela. Bien sûr, il y a eu des gens
qui nous opposaient des impératifs administratifs ou des choses comme
cela, un peu comme je le disais dans mes remarques préliminaires, mais
pas d'objection ou d'obstruction au travail de la commission comme telle de
façon évidente.
Je vous donne l'exemple du résultat d'une approche un peu plus
pédagogique que nous avons adoptée. Je pense que je peux citer la
municipalité. Nous avons reçu une plainte concernant la
municipalité de Pointe-Claire. Les enquêteurs ont constaté
qu'il y avait effectivement dans cette municipalité une collecte de
renseignements dont l'usage n'était pas nécessaire à
l'accomplissement des mandats municipaux habituels. Mais il n'y avait pas non
plus, derrière cette démarche de la municipalité,
nécessairement un objectif d'accumuler des données sur ses
citoyens à des fins pernicieuses, pas du tout. Nous avons finalement
constaté qu'il s'agissait d'une firme qui vend des formulaires de
recensement municipal. Cette compagnie, à Pointe-Claire et à
plusieurs autres endroits... Là-dessus, il y a toutes sortes de
questions qui ne sont pas pertinentes. La ville achète le formulaire,
mais elle n'achète pas nécessairement le concept d'aller chercher
des renseignements non nécessaires. On en a discuté avec ces gens
et, finalement, cela va se traduire, selon les dernières nouvelles, par
une modification du formulaire de cette firme pour toutes les
municipalités.
C'est ce genre de travail que nous essayons de faire plutôt que de
poursuivre la ville de Pointe-Claire pour dire: Vous avez erré, vous
avez peut-être quelque chose d'illégal techniquement devant la
loi. Nous essayons plutôt de corriger l'ensemble du problème quand
c'est possible de le faire.
M. Filion: Je pense qu'il n'y a pas de doute là-dessus, on
se comprend bien, la médecine préventive, douce, conciliatoire,
est toujours la meilleure, sauf qu'à un moment donné, dans
certains cas, il est bon de sonner la fin de la récréation, dans
certains dossiers. Le cas échéant, peut-être qu'il y a
d'autres endroits où les délais sont plus longs, on réagit
un peu moins vite. Souvent, les organismes ne disent pas non, il faut se
comprendre. 3600 organismes, ce sont des organismes publics. Ce n'est pas vrai
que ces gens vont envoyer promener la Commission d'accès à
l'information, mais parfois, c'est un peu plus long, parfois on va chercher un
peu plus d'argent pour des frais de photocopie. Comme vous le disiez dans votre
rapport, le personnel n'est pas informé du tout alors qu'il aurait
dû l'être.
Cela a une valeur pour raccourcir les délais pour les autres
organismes. En deux mots, cela accentue la prise de conscience et, en ce sens,
je rejoins tout à fait vos propos ainsi que ceux de Mme Giroux.
M. Pépin: ...qui sera sûrement réglé
d'autant plus que l'arrivée de Mme Watters renforce, je pense,
l'équipe des durs à la commission.
Des voix: Ha! Ha!
M. Filion: Pour concrétiser, je pense...
M. Pépin: Le clan des durs, devrais-je dire.
M. Filion: Est-ce que mes confrères voudraient intervenir
ou si je peux passer à la question suivante?
Le Président (M. Trudel): Sur le même sujet et pour
conclure un peu dans le même sens que vous, M. le député de
Taillon, pour reprendre toujours le même mot depuis le début, je
trouve la commission d'une remarquable patience, c'est le moins qu'on puisse
dire.
À la page 26, vous dites: "Sauf quelques exceptions, les
organismes ont accepté d'emblée de collaborer à l'atteinte
de cet objectif." C'était au moment où vous l'avez
rédigé. Est-ce qu'au moment où l'on se parle, la plupart
de ces exceptions ont fini par se conformer à vos demandes ou s'il y a
encore des organismes récalcitrants? Est-ce qu'il serait possible
d'aller au-delà, à moins que vous m'indiquiez que pour des
raisons importantes, vour préféreriez que ce ne soit pas le cas?
Est-ce qu'il y a moyen d'avoir le nom des récalcitrants? Vous avez
parlé tantôt de la ville de Pointe-Claire qui n'est pas dans ce
groupe, mais si vous préférez garder l'anonymat de votre
mémoire, on va respecter cela pour l'instant.
M. Filion: Page 26, deuxième colonne, troisième
paragraphe.
Le Président (M. Trudel): Page 26, oui, juste avant le
3.5, Le rayonnement de la commission. Vous dites...
M. Filion: Les organismes dont j'ai cité la liste
tantôt. Vous dites qu'il y en a...
Le Président (M. Trudel): Parmi les huit, on dit: "Sauf
quelques exceptions, les organismes ont accepté d'emblée de
collaborer à l'atteinte de cet objectif". C'est remarquable, mais ce
sont les récalcitrants qui m'intéressent aujourd'hui.
M. Pépin: Je devrai consulter...
Le Président (M. Trudel): Je veux dire aussi que je
partage l'opinion du député de Taillon sur le ministère du
Revenu et je souhaite qu'avec le nouveau ministre, qui est un
spécialiste, celui qui vient d'être nommé, les choses
pourront changer.
M. Pépin: Si M. le Président le permet, je
demanderai à M. White de prendre le fauteuil qui est là, il
pourra vous donner la réponse précise.
Le Président (M. Trudel): Sûrement. M. White.
M. White (Clarence): M. le Président, MM. les
députés, dans les dossiers de vérification, les organismes
avec lesquels nous avons encore des discussions sur les huit qui sont
mentionnés à la page 25 du rapport sont les suivants: la ville de
Laval, le Relais Saint-François Inc., à Sherbrooke, le Centre de
services sociaux Qutaouais-Hull et la Commission scolaire régionale de
Granby, qui est la Commission scolaire régionale Meilleur.
Le Président (M. Trudel): Un taux de récalcitrants
de 50 %.
M. White: C'est cela. On a des échanges sur les
recommandations, il y a même un des organismes où les premiers
échanges qu'on a eus sont complètement insatisfaisants.
L'organisme nous dit: On fait cela de même parce qu'on fait cela comme
cela. Mais ce sont des organismes avec qui nous avons des dossiers ouverts, qui
sont actuellement en cours de vérification.
Le Président (M. Trudel): Vous poursuivez les
négociations, je présume. Vous vous êtes fixé une
limite à votre remarquable patience. Vous prenez la peine et je trouve
votre programme fort intéressant. D'ailleurs, les questions du
député ont l'avantage d'être... De temps à autre, il
faut donner des avantages à l'Opposition. L'avantage d'être dans
l'Opposition, c'est qu'on a le choix des premières questions. J'avais,
moi aussi, toute une série de questions sur le programme de
vérification que je trouve fort intéressant. Je me dis:
Voilà un programme à la fois absolument nécessaire,
très utile et que vous accomplissez de façon intéressante.
Comme je le disais tantôt, vous avez un taux de récalcitrants de
50 %. Vous êtes en négociation avec eux. Est-ce que vous avez
l'intention de poursuivre les négociations longtemps ou, comme le
disaient tantôt le député et Mme la commissaire, de
commencer à serrer légèrement la vis? Je pense
qu'après cinq ans, me servant entre autres de ma lecture de ta nuit
dernière, il serait peut-être temps, ne serait-ce que pour donner
l'exemple à l'occasion, de serrer la vis dans certains cas.
M. Pépin: Je crois qu'il faut distinguer sur quel point
précis porte la difficulté ou la négociation en question.
S'il s'agit, par exemple, d'un programme d'information du personnel,
l'équipe de vérification peut se déclarer insatisfaite des
propositions qui sont faites pour informer le personnel. Là-dessus, il y
a une discussion pour fournir des outils ou des moyens pour le faire. Cela n'a
pas le même type de gravité que s'il y avait, par
exemple, transfert illégal de renseignements d'un organisme
à l'autre au détriment des citoyens, de façon
évidente. C'est pour cela que j'hésite un peu à
répondre globalement à votre question. Tout dépend sur
quoi porte la discussion ou la négociation, mais il y a de toute
évidence, à l'occasion, des organismes qui, tout en ne refusant
pas de coopérer avec nous, font en sorte que cette coopération
tarde.
Le Président (M. Trudel): Une dernière question sur
ce sujet qui anticipe un peu sur votre rapport de 1987-1988. Vous avez dit
tantôt que douze des treize organismes avaient été vus au
moment où on se parle. Est-ce que parmi les quatre autres, il y a des
récalcitrants?
M. White: II y a des organismes qui viennent d'avoir notre
rapport. Je peux difficilement vous dire s'il y a des récalcitrants
à cette étape-ci. Des quatre organismes...
Le Président (M. Trudel): Avez-vous la liste de ces quatre
organismes pour compléter la discussion?
M. White: Oui. Il y en a même un qui ne l'a pas encore eu.
Il s'agit de l'Université Laval... Une seconde, s'il vous
plaît.
Le Président (M. Trudel): La liste des quatre autres?
M. White: Oui, c'est cela: le CRSSS du Montréal
métropolitain, l'Université Laval, la Société
d'habitation du Québec et la Commission scolaire Baldwin-Cartier. Le
dossier de la SHQ est presque terminé; on pense pouvoir le fermer d'ici
un mois.
Le Président (M. Trudel): Est-ce que le treizième
est au courant que vous allez le visiter?
M. White: Non. On a décidé de l'abandonner.
Le Président (M. Trudel): Donc, votre vérification
va se limiter à douze pour le moment.
M. White: C'est cela. On a un nouveau programme qui a
été soumis à la commission pour le mois prochain.
Le Président (M. Trudel): Merci. Cela termine mes
questions sur le sujet.
M. Filion: Oui. Ma question est la suivante:
L'échantillonnage que vous avez fait pour choisir ces douze
organismes... On a parlé de huit dans votre rapport, vous avez fait la
liste des lacunes avec un taux de récalcitrants assez
élevé. Est-ce que vous avez des raisons de croire que cet
échantillonnage est conforme à l'ensemble des 3600 organismes? Je
remarque que vous avez pris des organismes de petite taille, de moyenne taille
et de grande taille. Ce que vous me dites à propos de ces huit, est-ce
qu'il y a des raisons de croire qu'on ne le retrouverait pas si on arrivait
avec un programme complet, ce qui est impossible à imaginer, mais une
vérification pour l'ensemble des 3600 organismes, ce qui nous donnerait
une lecture tout à fait exacte de l'application de la loi au
Québec aujourd'hui? (11 h 30)
M. Pépin: Évidemment, le programme a
été conçu en tenant compte de nos ressources. Le personnel
de la commission n'a pas changé depuis trois ans maintenant. Par
exemple, le fait d'avoir à préparer un rapport comme
celui-là à même nos ressources, tout en continuant nos
opérations courantes, et les commissaires étant occupés
aussi dans le volet quasi judiciaire, fait en sorte que c'est évident
qu'on ne peut pas envisager une vérification de 200 organismes par
année.
Voici ce que nous avons fait. Nous avons fait un programme de
vérification qui tient compte des grands secteurs d'activité au
Québec, c'est-à-dire le secteur des services sociaux, le secteur
scolaire, le secteur administratif, gouvernement ou organismes comme la SHQ, et
le secteur municipal. Nous avons aussi tenu compte, comme vous le disiez, de la
taille différente d'un certain nombre d'organismes. C'est beaucoup plus
long d'aller faire la vérification à l'Université Laval
qu'au Relais Saint-François de Sherbrooke.
Nous avons tenu compte également d'une certaine
répartition régionale de manière à profiter d'une
certaine présence en région où on constate que les
médias, notamment dans certaines régions, pénètrent
moins, les quotidiens pénètrent moins dans les régions
périphériques et les gens sont moins familiers avec la loi. Donc,
cela nous permet aussi de les alerter.
C'est comme cela que, dans la première année, nous avons
retenu ces critères. La deuxième année, nous avons retenu
d'autres critères où nos vérificateurs sont un peu mieux
alertés aux problèmes. Ils ont deux programmes parallèles,
en fait. Ils ont le programme de la vérification complète aussi
en vertu des critères de l'année précédente, et ils
ont aussi ce qu'on appelle des "spot-checks". Ils ont un programme de
vérification rapide de problèmes précis dans des secteurs
précis d'activité au Québec. Cela est évidemment
susceptible d'apporter des résultats très différents l'an
prochain.
M. Filion: Je vous remercie. Avec la permission de mes
collègues, je voudrais
peut-être aborder un autre chapitre.
M. Pépin: M. Filion, j'ai oublié aussi de vous dire
qu'en ce qui concerne les déclarations de fichiers, parce qu'on parlait
de délinquants, peut-être qu'on peut vous apporter des
précisions.
M. Filion: Vous voulez dire des précisions sur..,
M. Pépin: Depuis la dernière fois qu'on s'est vu,
est-ce que cela s'est amélioré parce que vous aviez
demandé qu'on vous envoie la liste?
M. Filion: Oui.
M. Pépin: Alors, je ne sais pas où on en est, mais
je pense que cela s'améliore un peu.
Contrôles du milieu informatique
M. Filion: Oui. Je vais y revenir un peu plus tard
peut-être au cours de l'avant-midi.
Je voudrais aborder avec M. le président ainsi qu'avec les
commissaires, les représentants de la commission, tout le
problème du contrôle du milieu informatique au sein, en
particulier, des organismes du gouvernement du Québec. Le
Vérificateur général, dans son rapport de 1985,
écrivait à la page 75, en parlant du ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, au chapitre toujours
de l'informatique, que le contrôle exercé sur les mots de passe du
milieu informatique est insuffisant. Leur confidentialité est mal
protégée et, dans quelques cas, ils sont facilement
identifiables.
De plus, le ministère n'a pas établi de politique sur la
fréquence de leur modification ou de leur révision, etc.
Toujours, le vérificateur, dans son rapport de mars 1985: "Nous avons
également constaté des déficiences dans les
contrôles mis en place pour préserver l'intégrité du
contenu des bases de données servant à la gestion des subventions
et des prestations d'aide sociale." Cela, c'est en parlant du ministère
de la Main-d'Oeuvre et de la 5écurité du revenu.
Toujours dans le même rapport, page 136, en traitant cette fois-ci
de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, le
Vérificateur général écrivait que, d'abord, il
avait procédé à un examen, que les demandes de paiement
pourraient être soustraites... mais en résumé, les fichiers
contenant les mots de passe pour accéder aux fichiers de renseignements
détenus par la RAMQ sont facilement accessibles à des personnes
non autorisées. "Elles peuvent ainsi prendre connaissance de
données confidentielles, entrer dans des transactions non
autorisées ou détruire des données importantes."
Dans son rapport de 1986, évidemment pour l'année
terminée le 31 mars 1986, le Vérificateur général,
toujours en ce qui concerne le contrôle de l'information
informatisée - passez-moi la redondance - au sein des organismes
gouvernementaux écrivait: L'examen des contrôles exercé
nous a révélé encore cette année un manque de
rigueur dans l'accessibilité aux données et aux programmes
informatiques. Des éléments portant è conséquence
peuvent être l'objet d'interventions non autorisées dont la
détection a posteriori n'est pas assurée.
On parlait, à ce moment, de la Régie de l'assurance
automobile du Québec, la RAAQ. Bref, le Vérificateur
général, dans son rapport de 1985 et dans celui de 1986, nous
dit: La RAMQ - comme information, elle, elle en a une jolie tonne - la RAAQ,
dans le secteur de l'automobile, va chercher des renseignements à savoir
si on a mal aux yeux, n'importe quoi, il y a beaucoup de choses à la
RAAQ également comme information, et le ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, toutes les personnes
qui sont assistées par l'État y sont fichées et
catégorisées, or, il y a un paquet de renseignements
là-dedans. Voilà trois organismes qui détiennent une masse
de renseignements que je n'ose pas imaginer.
Le Vérificateur général nous dit dans ses rapports
1985, 1986, que le contrôle informatique est insuffisant,
l'accessibilité aux données est beaucoup trop grande à des
personnes non autorisées. De plus, la possibilité de modifier le
contenu des données informatisées est trop grande.
Ma question est la suivante: La commission, d'une façon directe
ou indirecte, a-t-elle fait des représentations ou des démarches
auprès de ces organismes pour s'assurer que le contrôle
informatique de toutes les données qui y sont contenues est vraiment
étanche et a été resserré?
M. Pépin: Bien sûr, nous avons pris connaissance du
rapport du Vérificateur général et la direction de
l'évaluation chez nous en a fait un examen précis. Il y a un
certain nombre de démarches qui ont été faites par la
commission auprès - je ne sais pas si c'est de tous les organismes que
vous avez mentionnés - d'un certain nombre, mais pas uniquement
là-dessus, parce qu'il y a aussi d'autres problèmes que nous
avons constatés, Ce n'est pas nécessairement uniquement un
problème de mots de passe, la gestion de l'informatique. C'est
fondamentalement aussi le pourquoi de la cueillette, l'usage qui en est fait,
les types de transferts, l'encadrement juridique de tout cela. Je pense que
vous auriez une réponse peut-être un peu plus précise de ce
qui se fait en matière de vérification actuellement
de la part de M. White, s'il veut bien compléter.
M. White: On peut reprendre l'exemple de la RAMQ parce que sans
qu'on fasse une vérification, cela fait au moins deux ou trois
enquêtes que nous faisons à la RAMQ, à la Régie de
l'assurance-maladie du Québec sur des plaintes de citoyens nous disant
qu'il y a eu divulgation de renseignements sans leur consentement. Nous avons
été à même de constater qu'à la Régie
de l'assurance-maladie du Québec, c'est peut-être vrai ce que le
vérificateur dit qu'une personne peut modifier une donnée dans le
système, sauf que le système, c'est une chaîne de montage.
Pour qu'il y ait modification, pour qu'il y ait falsification d'un dossier, il
faut que ce soit fait à partir du début, c'est-à-dire
à l'entrée de demandes de paiement. Parce que voici ce que l'on
fait. On y traite des demandes de paiement des professionnels de la
santé. D'accord? C'est ce qu'on y fait. On traite là des demandes
de paiement. Il faut que le système soit modifié ou soit
changé à partir de l'entrée de la demande de paiement
jusqu'à sa sortie.
M. Filion: Ces gens émettent des cartes aussi, par
exemple.
M. White: Ils émettent des cartes, mais ils n'ont pas
grands renseignements sur les individus quand ils émettent des cartes.
Nous sommes arrivés à la conclusion que, entre autres dans un cas
de plainte, c'était impossible.., En plus, nous sommes même
allés vérifier. Nous avons fait vérifier par un expert la
bande de protection déposée à la Brinks, cela doit
être Sécur inc., aujourd'hui. Nous l'avons fait même
vérifier, parce que, pour qu'il y ait une modification, il fallait que
même les bandes soient modifiées. Il fallait que la bande soit
coupée. Nous sommes arrivés à la conclusion que ce
n'était pas possible et que cela prenait un paquet de monde pour pouvoir
faire cette modification et que, une seule personne ne pouvait pas falsifier la
banque de données. Cela prenait plus qu'une personne. Je ne sais pas ce
que la RAMQ a fait comme remarques au vérificateur. Je sais que les gens
en informatique à la RAMQ voulaient faire des remarques au
vérificateur. Ils n'étaient pas d'accord du tout avec
l'interprétation que le vérificateur faisait du système de
la RAMQ.
Pour ce qui est de la RAAQ, la Régie de l'assurance automobile du
Québec, je pense qu'il n'y a pas besoin que le système soit
étanche. La RAAQ donne des informations à tour de bras; elle en
donne 10 000 par mois. Même si le système d'informatique n'est pas
ce qu'il y a de plus étanche, la RAAQ fait circuler 10 000 informations
au minimum par mois présumément à la suite du consentement
des individus à toutes sortes de gens: aux compagnies d'assurances,
à la police naturellement. La police n'est même pas dans les 10
000. On ne sait même pas qui à la police demande accès aux
banques de données.
Le Président (M. Trudel): M. White, de quelle nature sont
ces renseignements qui circulent?
M. White: Dans le dossier de conducteur?
M. Filion: C'est-à-dire?
M. White: Les points de démérite entre autres, les
accidents.
M. Filion: Est-ce que je peux obtenir votre dossier sur les
points...
M. White: Si vous êtes un assureur, oui; si vous êtes
courtier, oui. Récemment, des gens ont porté plainte à la
commission pour cela. Des gens ont vu leurs primes d'assurances
augmentées et se sont demandé pourquoi. La raison est très
claire. C'est la RAAQ qui a communiqué présumément
à partir d'un consentement qu'on fait signer à la personne
concernée, ce que j'appelle un consentement avec le revolver sur la
tempe: Si tu ne signes pas, tu n'es pas assuré. Alors, les gens signent
et consentent à ce que la RAAQ fournisse des renseignements et la RAAQ
fournit les dossiers et l'information. Alors, le système informatique
à la RAAQ...
Le Président (M. Trudel): Là, vous êtes en
train de nous dire que la RAAQ, un organisme paragouvernemental, fait circuler
à cette vitesse, 10 000 par mois, il faut le faire!
M. White: Oui, oui, c'est 10 000 par mois. C'est cela.
Le Président (M. Trudel): Sans compter, dites-vous, ce qui
pourrait se donner aux forces policières sous d'autres... 10 000
renseignements nominatifs avec des consentements plus ou moins
exprimés.
M. White: Oui. On pourra même vous en reparler dans la
prochaine année des consentements à la RAAQ.
Le Président (M. Trudel): J'espère qu'on va s'en
reparler, mais on pourrait peut-être en parler tout de suite aussi.
M. Pépin: II faut dire aussi que c'est à l'occasion
d'une enquête sur plainte du citoyen que les vérificateurs ont
constaté
qu'il y avait ce type de consentement un peu douteux ou enfin qui, pour
nous, suscite, à tout le moins, des questions. C'est l'outil par lequel
un certain nombre de gens intéressés à connaître le
dossier de conducteur des individus utilisent pour les obtenir de la RAAQ.
À ma connaissance, la RAAQ justifie sa coopération ou sa
collaboration au nom de la sécurité routière.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Sherbrooke, vous avez une question?
M. Hamel: Est-ce qu'il y aurait un formulaire type dans lequel il
y aurait un paragraphe évidemment écrit en six points où
on demande presque implicitement l'autorisation de faire enquête dans ce
sens ou si c'est chaque fois une démarche précise? (11 h 45)
M. White: Ce qu'on a vu jusqu'à maintenant, en tout cas
dans la plainte que nous avons traitée - d'ailleurs notre rapport n'est
pas soumis aux commissaires, c'est pour cela que je fais attention à ce
que je dis -c'est qu'il s'agissait d'un carton de 2 sur 4, ce n'est pas en
bois, c'est en carton...
Une voix: C'est moins assommant.
M. White: ...sur lequel est inscrit le numéro de permis de
conduire de la personne et son nom. Cela dit ceci: Par la présente,
j'autorise la Régie de l'assurance automobile du Québec à
fournir des renseignements concernant mon dossier de conducteur à telle
compagnie d'assurances. Et signature. C'est ce qu'on retrouve actuellement.
Le Président (M. Trudel): C'est à l'occasion de
cette plainte que vous avez découvert que c'était quelque chose
qui se faisait quotidiennement, ou à peu près, parce que,
à 10 000 $ par mois, il faut le faire quotidiennement, oui?
M. White: C'est-à-dire qu'on a aussi entendu une entrevue
à la radio d'un agent d'information de la RAAQ qui a lui-même
révélé qu'un maximum de 10 000 informations par mois
étaient communiquées. Tout cela s'est fait dans un objectif de
prévention des accidents. Je vous dirai que nous avons trouvé un
autre cas où la RAAQ était impliquée - ce n'était
pas la RAAQ comme telle, c'était la police - l'Opération nez
rouge. Toute personne qui s'inscrit comme bénévole à
l'Opération nez rouge voit son dossier de conducteur
vérifié à la RAAQ. Ce dossier est vérifié
par la police. Toute personne qui s'inscrit comme bénévole
à "nez rouge", son dossier est vérifié.
M. Gardner: Est-il bonifié?
M. Hamel: M. le Président.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Sherbrooke.
M. Hamel: Juste une seconde, si vous permettez.
Une voix: Excusez.
M. Hamel: Dans le cas où le client ou l'assuré
refuse de signer cette petite carte, il est plus ou moins sujet au chantage du
renouvellement de sa police. À ce moment-là, il va aux droits de
la personne. C'est presque cela finalement.
Une voix: Oui.
M. Hamel: Quand vous disiez un revolver sur la tempe
tantôt, c'était cela.
M. White: Si tu ne signes pas, la compagnie ne prend pas le
risque de t'assurer.
M. Hamel: C'est cela. Très bien. Merci, cela va.
M. Filion: Si je combine ce que vous venez de nous dire, à
savoir qu'il y a beaucoup d'informations qui sortent de la RAAQ avec ce que le
Vérificateur général nous dit depuis deux ans sur le
contenu des informations, encore une fois transmettre une information, si elle
est exacte, c'est une chose, si elle est inexacte, c'est une autre chose. Ce
qu'il nous dit, je le lis en entier, c'est à la page 99 du rapport du
Vérificateur général, Les contrôles en milieu
informatique à la Régie de l'assurance automobile du
Québec: "L'examen des contrôles exercés par la régie
nous a révélé, encore cette année -en 1985, on
n'avait rien vu en ce qui concerne la RAAQ, il n'y avait pas d'allusion dans le
rapport - un manque de rigueur dans l'accessibilité aux données -
cela rejoint ce que vous dites - et aux programmes informatiques. Des
éléments portant à conséquence peuvent être
l'objet d'interventions non autorisées dont la détection a
posteriori n'est pas assurée."
Ce que cette phrase veut dire, c'est qu'on peut entrer dans
l'ordinateur, y mettre une information inexacte et la détection a
posteriori de l'information inexacte n'est pas assurée. Combinez ce que
nous dit le Vérificateur général avec ce que vous dites et
on a un système en place qui peut égorger injustement un tas de
citoyens. Évidemment, ce serait intéressant... Je veux continuer
quand même, pour être tout à fait honnête. Le
Vérificateur général nous disait: "La régie a
apporté, en 1986, certaines mesures correctives pour remédier
à la majorité des faiblesses que nous avions
constatées. Nous proposons de vérifier ces mesures dans le
cadre de notre prochaine vérification."
Bien sûr, on va les surveiller. Avec ce que vous nous dites
aujourd'hui, je pense qu'on va les vérifier doublement et triplement.
Encore une fois, c'est trois organismes, on n'a pas parlé des autres
exemples que j'ai... c'est-à-dire, vous avez mentionné la RAMQ,
on vient de parler de la RAAQ, mais on n'a pas parlé du ministère
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, j'aimerais
cela... Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de communiquer avec ces gens,
où en sont vos démarches?
M. White: Si je ne vous ai pas parlé du ministère
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, c'est parce que
l'on n'a pas vraiment fait d'enquête, de vérification.
Actuellement, nos démarches auprès du ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu portent plutôt
sur des avis que nous avons à donner sur du couplage de fichiers pour
l'instant.
Alors, je ne peux pas vous parler du système informatique. Je
sais qu'il y a un gros système informatique qui est un système
informatique-réseau où à peu près tous les centres
sont reliés. Il y a quelque chose comme plus de 500 terminaux,
même en province. Mais ces choses existaient même à
l'époque où c'était au ministère de la Santé
- comment l'appelait-on à l'époque - l'aide sociale
était...
M. Filion: C'était Main-d'Oeuvre et Sécurité
du revenu qui était avec Santé et Services sociaux.
M. White: Oui, c'est cela. C'était la partie qui
était à la Santé. En tout cas, c'était la partie de
l'aide sociale. Alors, tous les réseaux, tout le territoire était
informatisé à l'époque. Mais je ne peux pas vous en parler
plus que cela. On n'a pas fait de vérification là-dessus.
M. Filion: D'accord. Pour être plus précis, M. le
Président, si vous me le permettez, en 1985, le Vérificateur
général parlait également de la Régie de
l'assurance-automobile. Il donnait encore plus de détails sur les
logiciels d'exploitation et leurs composantes: "L'usage de certains programmes
de service très spécialisés (utilitaires) permettant de
modifier ou de détruire des données ou des programmes ne fait pas
l'objet d'une autorisation particulière et la régie etc."
C'est à la page 133 du rapport de 1985.
En ce qui concerne le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, qu'on se comprenne bien. Ce n'est pas un
blâme vis-à-vis de la Commission d'accès à
l'information. Ses ressources ne lui permettent pas de contacter chacun des
3600 organismes, chacun des ministères du gouvernement ou chacun des
principaux organismes et de vérifier auprès d'eux les...
J'aurais tendance peut-être, je ne sais pas, mais, en tout cas,
à faire une réflexion sur la possibilité pour la
commission, dans le cadre de son programme de vérification, de
s'attaquer - je le suggère bien modestement, parce qu'il y a des
arguments pour et contre - aux principaux réservoirs d'information que
constitue notamment - je le donne comme exemple - le ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Combien est-ce qu'il
doit y avoir de personnes et de fichiers là? 700 000 personnes
aujourd'hui, grosso modo, dépendent directement ou indirectement de
l'aide sociale. Je ne parle pas de familles, je parle de personnes. Alors, cela
commence à faire... Étant donné les enquêtes
effectuées par ce qu'il est convenu d'appeler les "boubou macoutes" qui
vont chercher des informations on ne peut plus directement et que ces
informations sont souvent colligées dans un dossier qui, lui-même,
entre dans l'ordinateur, je vais vous dire ceci: le contrôle de
l'information au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu est extrêmement important. Mais j'en
fais simplement un objet de réflexion. C'est tout. Mais étant
donné la puissance du réservoir d'information, il n'y a pas de
doute que cela devrait... En tout cas, quant à nous, parlementaires,
cela excite notre curiosité. Je ne sais pas s'il y a d'autres
interventions sur ce sujet-là.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Viger.
M. Maciocia: J'ai seulement une question. Étant
donné qu'on a parlé de 10 000 renseignements par mois de la RAAQ
et tout cela, est-ce qu'on pourrait connaître la position de la
commission vis-à-vis de ces renseignements.
M. Pépin: Vous voulez dire notre position vis-à-vis
de ces transferts. Je vais essayer d'être le plus précis possible.
La loi dit que les renseignements personnels détenus par un organisme
public, en l'occurrence la Régie de l'assurance-automobile, sont
confidentiels, à moins que la personne ne consente - la personne
concernée - à les divulguer.
Alors, là, il y a deux problèmes dans le cas de la RAAQ.
Il y a le problème du consentement un peu bidon. C'est-à-dire,
juridiquement, est-ce que ce type de consentement est valable? Il y a ce
problème. Il y a le deuxième problème qui est celui que le
Code de la sécurité routière donne à la RAAQ un
certain nombre
d'autorisations globales. N'est-ce pas monsieur?
Enfin, on donne à la RAAQ non seulement la permission, mais le
devoir même de transmettre à la police ou à d'autres un
certain nombre de renseignements.
M. Filion: Mais les chiffres de 10 000 excluent ceux que l'on
donne à la police, par exemple.
M. Pépin: II y a deux volets à cela. Quant à
nous, notre position est toujours la même. Il s'agit de limiter de la
façon la plus rigide possible les transferts de renseignements sans le
consentement des personnes. À cela, on nous oppose très souvent
l'exigence d'autres lois, des ententes, sur lesquelles on doit donner un avis
ou, encore, on nous dit: C'est pour appliquer notre propre politique, à
nous, de sécurité routière ou autre chose qu'on a besoin
de la collaboration d'autres. C'est tout cela qui exige de la part de la
commission souvent beaucoup d'analyses et d'examens de ces problèmes
avant d'en arriver è trouver exactement la situation réelle.
Notre position là-dessus, comme sur autre chose, viendra à
mesure que nous poursuivrons notre politique de vérification où
on peut même émettre des ordonnances pour arrêter les
transferts ou même pour détruire les dossiers.
M. Maciocia: Vous avez parlé tantôt de consentement
bidon.
M. Pépin: Oui.
M. Maciocia: Je le comprends. Mais la commission a-t-elle des
moyens pour arriver, disons, à régler ce problème de
consentement bidon?
M. Pépin: D'abord, il y a un débat légal qui
se fait lorsqu'une compagnie d'assurances estime avoir le consentement de la
personne et que la personne estime ne pas l'avoir donné. Notre
problème, c'est un plaignant qui dit: Je n'ai pas donné mon
consentement; ou: La signature qui apparaît là n'est pas la
mienne. Lorsque nous avons un tel cas, nous pouvons intervenir, même sur
le plan pénal. Mais il faut d'abord établir cela.
M. Maciocia: D'accord. Mais s'il existe vraiment, c'est
très difficile d'avoir, comme vous venez de dire, quelqu'un qui n'ait
pas signé réellement. Je suis convaincu que ces gens-là
signent pour être protégés. Vous savez très bien
qu'il n'est pas facile aujourd'hui de s'assurer à un certain moment si
une compagnie vous refuse son assurance; en trouver d'autres devient
très difficile.
Alors, à ce moment-là, la personne est obligée de
signer et, comme je le disais tantôt, il devient très difficile
pour vous de savoir s'il y a quelqu'un, parmi les centaines ou les milliers qui
ont signé ce formulaire, qui n'a vraiment pas signé. À ce
moment-là, que devrait faire la commission pour arrêter...
M. Pépin: Le pouvoir? Nous avons un pouvoir d'ordonnance.
Nous pouvons ordonner, par exemple, à la RAAQ, de cesser tout transfert.
Si la RAAQ poursuit et ne respecte pas l'ordonnance, d'autres mesures peuvent
être prises. Nous pouvons aussi utiliser un pouvoir de destruction de
fichiers. Mais, encore là, comme je vous le dis, il s'agit toujours d'un
problème beaucoup plus global qu'un cas particulier et notre souci,
c'est d'essayer d'assurer la sécurité de tous les citoyens en
même temps et non uniquement de répondre à la plainte d'un
seul. C'est notre souci.
M. Maciocia: Parfait.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Taillon.
M. Filion: Je pense que cela va là-dessus. C'est à
suivre à plus d'un niveau.
M. Maciocia: Ah oui!
Faire connaître la loi et les services de la
commission
M. Filion: Je voudrais aborder, avec votre permission, un certain
volet. Vous l'aviez bien souligné dans votre mémoire, aux pages
11 et 12, et vous l'avez d'ailleurs repris dans votre texte de ce matin, ce
mandat de diffusion, d'information et d'éducation concernant la loi
d'accès. Vous écrivez, dans votre rapport annuel, à la
page 11, première colonne: "La commission regrette cependant de n'avoir
pu davantage faire connaître la loi et les services de la commission,
tant par manque de ressources que faute d'un mandât explicite pour ce
faire. Après cinq ans, nous constatons que l'une des plus
évidentes faiblesses de cette réforme est d'être encore
trop méconnue, non seulement du grand public, mais aussi des organismes
assujettis eux-mêmes."
Tout comme le démontrent en partie les vérifications que
vous avez faites.
Et vous continuez: "Alors que le gouvernement n'hésite pas,
lorsqu'il estime que l'intérêt public le commande, à
prendre les mesures énergiques pour promouvoir une réforme, il
faut bien convenir que les efforts pour faire connaître les droits et
obligations de la loi sur l'accès furent plutôt sporadiques et en
général modestes."
Quelle solution... Bien sûr, il y a un aspect budgétaire
à ces remarques que vous
faites sur ce volet éducatif, ce volet informatif de la
commission. Est-ce que, dans les solutions que vous avancez, se situe
uniquement une implication financière et budgétaire ou s'il y a
autre chose également par rapport à cette carence que vous notez
dans votre rapport? (12 heures)
M. Pépin: II y a, d'une part, une difficulté de
réconcilier et d'harmoniser deux mandats. À cause de son
caractère de tribunal, la commission est soumise, est contrainte
à une certaine obligation de réserve. Conséquemment, elle
est un peu limitée dans les efforts de promotion qu'elle peut faire sous
ce volet.
Par ailleurs, elle constate que dans son mandat de surveillance et de
contrôle, l'une des lacunes les plus évidentes est un manque
à la fois d'information et de stimulant pour alerter les organismes et
le public. Tant que le public ne sera pas alerté, tant qu'il ne sera pas
très conscient de ses droits, la pression sur les organismes pour
assurer ses droits sera plus faible. Donc, nous sommes un peu dans un
cul-de-sac et, en plus, nous n'avons pas de mandat explicite. Nous en avons un
vaguement implicite, mais nous n'avons pas le mandat explicite d'assurer
l'information. Conséquemment, nous n'avons pas de budget publicitaire et
nous n'avons pas non plus de ressources de service proprement dites à
cet égard.
Notre solution serait peut-être, lorsqu'on étudiera
l'orientation prochaine de la commission, d'essayer de régler ces
problèmes, soit que ce soit un ministère ou l'Assemblée
nationale elle-même, il faudra qu'il y ait un organisme quelconque qui
soit responsable de renseigner la population sur ses droits. Je vous donne un
exemple qu'on constate régulièrement. Nous approchons de la
période des fêtes, la Commission des normes du travail va publier
les annonces dans tous les médias écrits pour rappeler aux gens
leur droit à des congés, leur droit à leurs normes
minimales. Nous ne pouvons pas faire cela. Nous ne pouvons pas le faire, parce
que nous n'avons pas le mandat explicite et nous n'avons pas non plus le
budget. Je signale dans le rapport annuel qu'il y a là une lacune et
qu'il faudra trouver une solution quelque part.
M. Filion: Cela me surprend que vous n'ayez pas de mandat
explicite. Est-ce que, dans les pouvoirs, dans les fonctions de la commission,
le texte est insuffisant pour asseoir un mandat explicite?
M. Pépin: Dans le projet de loi 65 qui a été
déposé ici à l'Assemblée nationale, ce mandat
explicite existait et il a été retiré. Lorsqu'une
procédure comme celle-là intervient, il est encore plus clair que
le mandat explicite n'existe pas.
M. Filion: Le projet de loi 65, c'est celui qui a donné
lieu à la loi.
M. Pépin: Oui, c'est juste.
M. Filion: D'accord. Vous en parlez sûrement, je ne l'ai
pas vu dans le rapport de mise en oeuvre, mais cela doit en faire partie.
Cela va sur cette question parce que, effectivement, je pense que vous
soulevez bien le problème, une fonction d'adjudication qui incombe
à la commission en même temps qu'une fonction d'information. Vous
n'êtes pas le seul organisme, d'ailleurs, à vivre ce
problème, mais ce n'est pas toujours facile de faire la marque entre les
deux.
Je retiens quand même l'importance de l'éducation, ne
serait-ce que parce que cela cadre parfaitement bien avec la médecine
douce qui est la meilleure dans toutes les circonstances. Pour qu'elle soit
efficace, il faut quand même avoir une chance d'afficher les
prescriptions. Je pense que cela va sur ce volet informatique et
éducationnel, si on veut, de la commission.
Le Président (M. Trudel): Du côté
ministériel, est-ce qu'il y a des questions? Je m'associe aux remarques
du député de Taillon, j'avais une question qu'il vient de poser.
Je pense que cet aspect de l'éducation, vous soulignez fort bien,
d'ailleurs, dans votre rapport, qu'il est respecté. C'est non seulement
important, mais essentiel. Il faudra que le gouvernement trouve des moyens de
vous donner les ressources nécessaires pour accomplir cette fonction
tellement importante.
M. le député de Taillon, sur un autre sujet?
Déclarations de fichiers
M. Filion: Oui, sur un autre sujet. Oui, mais, en tout cas, dans
mes notes j'en suis rendu, peut-être que je pourrais donner la parole
à votre représentant dont le nom m'a échappé
tantôt... Pourriez-vous m'éclairer, M. le Président?
Le Président (M. Trudel): M. Clarence White.
M. Filion: M. Clarence White, concernant les fichiers.
M. White: Je peux vous faire état des déclarations
de fichiers au 22 octobre 1987; ce sont les statistiques que j'ai au 22
octobre. 5ur 26 ministères, j'ai 26 ministères qui nous ont fait
des déclarations de fichiers.
M. Filion: Le ministère du Revenu... M. White: Le
ministère du Revenu nous
a fait ses déclarations de fichiers au cours de
l'été.
M. Filion: D'accord.
M. White: Alors, le ministère du Revenu nous a fait ses
déclarations de fichiers.
Le Président (M. Trudel): Je vous disais tantôt, M.
le député de Taillon, qu'on pourrait peut-être mettre des
espoirs dans le nouveau ministre.
M. Filion: Oui.
Le Président (M. Trudel): Des espoirs, non pas
désespoir.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président (M. Trudel): M. White, je m'excuse...
M. White: Sur 148 organismes gouvernementaux, il y en a encore 25
qui ne nous ont pas encore donné signe de vie. Quant aux
établissements de santé et services sociaux, sur un total de 733,
on en a 110 qui ne nous ont pas produit de déclarations de fichiers.
Concentrés au niveau des centres d'accueil: 51. Il me reste encore 34
centres hospitaliers et 23 CLSC. Quant aux établissements scolaires, sur
un total de 463 organismes, 54 n'ont pas fait de déclarations de
fichiers. On retrouve dans cela 25 commissions scolaires, 25
établissements privés subventionnés sur 186, j'ai
trouvé cela bon et je pense qu'à la commission tous les gens sont
d'accord avec cela. Les établissements privés
subventionnés étaient les établissements dont on
s'attendait à moins de réponse. Je devrais vous dire qu'au lieu
de 54, c'est 53, parce que je vois que j'avais deux universités dans mes
statistiques et, depuis hier, il reste une université seulement,
l'Université du Québec à Trois-Rivières; cette
dernière nous a produit ses déclarations de fichiers. 5ur le plan
municipal, sur 2248 organismes, 514 au 22 octobre n'avaient pas encore fait
leurs déclarations de fichiers. Sur cela, il y a 327
municipalités et 126 offices municipaux d'habitation.
M. Filion: Est-ce que je dois comprendre que le
Secrétariat aux affaires intergouvernementales qui, lui aussi,
était délinquant l'an dernier, est...
M. White: Le Secrétariat aux affaires
intergouvernementales n'est plus considéré comme étant un
organisme, le secrétariat relève du Conseil
exécutif...
M. Filion: D'accord.
M. White: ...alors, n'est plus considéré comme
étant un organisme.
M. Filion: Qu'en est-il des corps policiers maintenant?
M. White: Je n'ai pas les derniers chiffres, je n'ai pas la
dernière étude, parce qu'on est en train de travailler ce
secteur. Je sais que certains corps policiers nous ont fait des
déclarations de fichiers, d'autres ne l'ont pas fait. Quand je dis:
Certains nous en ont fait, je peux vous dire que le SPCUM a fait ses
déclarations de fichiers, la ville de Longueuil a fait ses
déclarations de fichiers. Il y a un certain nombre de petites
municipalités qui nous ont fait de bonnes déclarations de
fichiers, mais il y a des municipalités importantes qui n'ont pas fait
de déclarations de fichiers de la police sur les opérations
policières. On ne parle pas de personnel policier, on parle des
opérations. Il y a la ville de Laval qui ne nous a pas fait de
déclarations de fichiers. Il y a la Sûreté du Québec
qui n'a pas fait de déclarations de fichiers, c'est-à-dire le
ministère du Solliciteur général pour la
Sûreté du Québec.
M. Filion: D'accord. Alors, peut-être pour résumer,
ces fichiers feront partie d'un répertoire de fichiers, je pense qu'on
avait avancé à un moment donné le chiffre de 10 000
fichiers qui seraient détenus grosso modo par 3600 organismes publics -
je vois que le président sourit. Est-ce qu'il serait encore exact de
dire qu'il y a environ 10 000 fichiers de renseignements détenus par les
3600 organismes publics, évidemment, des fichiers de renseignements sur
les citoyens et citoyennes du Québec? Est-ce que ce chiffre correspond
un peu à la réalité?
Ma question suivante est un peu dans le même souffle. Quand la
publication de ce répertoire des fichiers peut-elle être
prévisible? Quelle forme prendra-t-elle?
M. White: Je peux vous répondre sur le nombre de fichiers.
Au 22 octobre, pour 3618 organismes assujettis à la loi, nous avons
reçu 11 039 déclarations de fichiers.
M. Filion: Au maximum donc, cela va peut-être rejoindre
plutôt 15 000. En tout cas, cela va être plus près de 15 000
que de 10 000 compte tenu qu'il y a encore des délinquants.
M. White: Oui. Vous avez effectivement raison.
Le Président (M. Trudel): Excusez-moi, M. White. Il y
avait de l'activité dans mon coin. Pourriez-vous répéter
votre chiffre?
M. White: Nous avons reçu 11 039
fichiers pour 3618 organismes. Mais sur cela, il faut dire qu'il y en a
seulement 2915 qui ont fait des déclarations. Alors, c'est 11 000 pour
2915.
M. Filion: D'accord pour 2915. Vous avez dit que c'est 3000
combien? Je m'excuse.
Une voix: C'est 3618.
M. Filion: Ah! 3618. Donc, on va probablement être
près de 15 000.
Le Président (M. Trudel): 15 000.
M. Filion: La deuxième partie de ma question était
celle-ci: quand peut-on attendre la publication de ce répertoire des
fichiers et quelle forme est-ce que cela aura? Ce sera quand même un
document assez imposant que plusieurs personnes vont vouloir consulter.
Tout en vous remerciant pour les statistiques sur les organismes
délinquants qui sont très bien faites, qui viennent de nous
être remises ainsi que le tableau récapitulatif, M. le
Président.
M. Pépin: Alors, en ce qui concerne le répertoire,
M. Filion, j'ai souhaité presque jusqu'à la dernière
minute pouvoir vous en faire cadeau aujourd'hui même. Malheureusement, il
y a un petit bout de l'opération qui nous échappe. C'est que
c'est le service des publications gouvernementales qui a présentement la
matière brute. On m'informait ces jours-ci que c'était pour le
début de novembre? Non? Le début de décembre, je
m'excuse.
Le Président (M. Trudel): Cela nous fera un cadeau de
Noël.
M. Pépin: Alors, la première partie du
répertoire ne touche que les organismes gouvernementaux. Il y aura
ensuite les organismes sociaux, santé et services sociaux, scolaires et
municipaux dans des répertoires différents.
Quelle sera la forme exacte? Je sais qu'il y a eu des discussions avec
les spécialistes des publications gouvernementales. Je crois bien qu'on
a dû retenir le meilleur format possible mais, malheureusement, je ne
suis pas en mesure de vous dire exactement si cela prendra une forme ou une
autre. Je ne m'en souviens plus.
M. Filion: Comment cela va-t-il être divisé?
M. Pépin: Cela va être divisé par
ministères et organismes gouvernementaux, le premier.
M. Filion: D'accord. Ensuite, il y aura évidemment le
ménage dans ces fichiers. Il y a du recoupement, de l'information de
trop, des fichiers inutiles, etc. Est-ce que je me trompe quand je dis qu'il y
a quand même une épuration de ce nombre de fichiers qui devra se
faire?
M. Pépin: Sans aucun doute. D'ailleurs, dès hier,
nous avons rencontré le secrétaire de la commission, M. White et
moi-même, les dirigeants du ministère des Affaires culturelles.
Nous avons convenu de discuter ensemble d'une formule efficace pour faire cet
éloge nécessaire éventuellement, parce que notre loi
prévoit la destruction des renseignements personnels devenus inutiles,
mais sous réserve de la Loi sur les archives. Là il faut
harmoniser les deux volets de l'administration québécoise sous
cet angle, en particulier.
M. Filion: Ça va. Je vous remercie. On va attendre, M. le
Président, ce cadeau de Noël; juste le feuilleter, ça va
être un peu long. On peut avoir des surprises également. De voir
tous les fichiers dans ces 15 000 fichiers de renseignements, ça veut
dire qu'un citoyen va se retrouver d'abord dans combien de fichiers. On va
être surpris de voir dans combien de fichiers on se retrouve. Quand je
parlais un peu plus tôt, dans mes remarques préliminaires, M. le
Président, de cette espèce de contrôle
intégré du citoyen, imaginez-vous la force du fichier qui
regrouperait les données de ces 15 000 fichiers. Quand je parlais de
contrôle, de surveillance intégrée du citoyen, c'est de
cela que je parlais. Pour cela, on parle uniquement d'organismes publics. Cela
m'amène à poser une question.
Le Président (M- Trudel): M. le député, vous
permettez une remarque. Il y a également une question au
président de la commission. Tout le monde s'entend sur ce chiffre, 15
000 ou autour de. Un peu plus, un peu moins, mais sûrement autour de
cela. Pour une population de quoi? De 6 000 000... (12 h 15)
M. Filion: De 6 500 000, de 6 750 000. De 6 500 000.
Le Président (M. Trudel): De 6 500 000. Avez-vous une
idée de certains chiffres comparatifs ailleurs? Soit au Canada, soit
ailleurs. Vous parliez tantôt de vos rencontres avec vos collègues
des autres provinces. Enfin, du Canada et surtout de l'étranger. A-t-on
une petite idée si on se situe dans la bonne, la moins bonne ou la
très bonne moyenne? La très bonne moyenne, ce n'est pas
nécesairement une bonne chose dans ce cas-là.
M. Pépin: Je crois que dans le cas de l'accumulation de
renseignements personnels, c'est à peu près la même chose
dans l'ensemble des démocraties occidentales, dans le sens que nous
fonctionnons tous un peu avec les mêmes méthodes de gestion. Il
faut bien quand même se rappeler que c'est un type de
société que nous avons choisi. De la naissance à la mort,
tous les citoyens ont accès à l'un ou l'autre des nombreux
programmes universels, que ce soit l'assurance-santé ou les allocations
familiales. Ensuite, au cours de la vie, il y a toujours à un moment ou
l'autre un programme auquel les citoyens participent, soit obligatoirement, on
n'a pas le choix de participer au Régime de rentes, ou volontairement
par exemple, profiter de l'aide sociale.
Cette situation fait en sorte que, nécessairement,
l'administration collige les renseignements sur les individus à diverses
étapes de leur vie et pour diverses fins. Si on n'avait pas de programme
de prêts et bourses, le ministère de l'Éducation aurait
moins de renseignements sur les étudiants, mais c'est un choix de
société que nous avons fait. On peut multiplier comme cela les
exemples. Je crois que si on prend d'autres gouvernements, d'autres
États qui ont des programmes un peu similaires aux nôtres, ils ont
nécessairement à peu près les mêmes obligations de
colliger des renseignements.
Ce qui est nouveau et ce qui fait notre préoccupation, c'est que,
maintenant, c'est informatisé, c'est très facile d'accès
et un dossier peut s'enrichir - si on me passe l'expression - s'engraisser,
devrais-je plutôt dire, aisément et surtout peut s'échanger
facilement. C'est là qu'est la préoccupation. Ce n'est pas
tellement le cumul de ces renseignements comme le fait qu'ils peuvent
être entreposés de façon éternelle et qu'il n'y a
pas de droit à l'oubli là, c'est cela le problème.
Le Président (M. Trudel): Je suis tout à fait
d'accord avec votre point de vue, M. le président. M. le
député de Taillon, est-ce que vous avez une autre question?
M. Filion: Oui. Effectivement, je partage un peu votre point de
vue, d'ailleurs c'est ce que j'évoquais, le fait que c'est normal, cela
en prend des renseignements, mais imaginez la force de concentration de ces
fichiers mis ensemble. On parle uniquement d'organismes publics. C'est ce que
j'allais dire. On ne parle pas des organismes privés. On parle de 3600
organismes publics, ici. Les organismes privés, c'est un autre secteur
et je voudrais un peu l'aborder avec vous. On sait que la loi ne concerne que
le secteur public, la juridiction de la commission s'arrête en somme
à ces 3600 organismes publics. Dans votre rapport de mise en oeuvre,
j'anticipe peut-être un peu et le président me rappellera à
l'ordre, mais je sais que c'est une question qui l'intéresse, dans votre
rapport de mise en oeuvre, dis-je, aux pages 66 et suivantes vous
écrivez: II s'agit là d'une question qui mérite un examen
approfondi par les autorités concernées. Il y a un groupe de
travail interministériel qui existe dirigé apparemment par le
ministère de la Justice auquel la commission, sauf erreur, est
associée. Est-ce que les membres de la commission peuvent nous dire
où en est la réflexion à ce niveau? Est-ce que la
commission, d'abord, avec un mandat explicite, pour reprendre le mot de
tantôt, et des ressources appropriées, serait dans la
possibilité de mener à terme une mission aussi importante que
celle de rejoindre les organismes privés?
M. Pépin: Je pense que mes collègues me permettront
peut-être de tenir pour acquis un consensus qui se dessine chez nous.
 compter du moment où la raison d'être, l'adhésion
de la commission à la protection de la vie privée ne fait aucun
doute et que notre mandat se limite au secteur public, il est bien sûr
que la vie privée, c'est un tout. Ce n'est pas sectionné. La vie
privée est aussi importante, le dommage est aussi fort lorsqu'il est
commis par une entreprise privée que par un organisme public. Donc, on
ne peut pas ne pas être d'accord avec une protection accrue de la vie
privée. Cela dit, est-ce que la commission souscrit à un
programme, a une mesure dans l'immédiat ou dans un avenir
prévisible qui engloberait le secteur privé pour la protection
des renseignements personnels? Sur ce, nous n'avons pas pris d'engagements,
nous ne sommes pas encore, je pense, en mesure de fournir au gouvernement des
indications, de meilleurs outils possible. Il y a un problème de
juridiction tout d'abord, il y a un problème de frontière, si on
veut. Même si une loi québécoise interdisait à
American Express d'utiliser les renseignements que cette firme collige à
chaque fois que vous utilisez votre carte, elle n'aurait qu'à
s'installer aux îles Cayman et, par un satellite, faire la même
chose. Il y a toutes sortes de problèmes de ce genre-là. Ce que
j'ai dit régulièrement chaque fois que j'ai été
interrogé là-dessus, c'est que le gouvernement doit, par contre,
amorcer sa réflexion là-dessus et se tenir prêt parce que,
nécessairement, d'ici, je pense, dix ans encore mais
nécessairement un jour, à l'échelle canadienne, des
initiatives seront prises dans ce sens-là. La seule chose qui retient
actuellement, c'est qu'aux États-Unis, assez curieusement, ce n'est pas
du tout une préoccupation et c'est aux États-Unis que sont
situées les plus grandes banques privées de renseignements sur
les personnes et ce
n'est pas du tout une préoccupation publique, très peu,
dans le secteur privé, j'entends.
À cause de cela évidemment, il y aura toujours un peu un
problème ici au Canada et au Québec parce que, comment faire pour
protéger ici ce qui circule abondamment à l'échelle
continentale?
M. Filion: Dans un contexte de libre-échange, pourrait-on
même ajouter... Mais en attendant, il y a quand même des
problèmes particuliers que vous rencontrez eu égard à
votre absence de juridiction dans le secteur privé. Je pense au cas
Citicom, sans me prononcer du tout, je ne sais pas s'il est réglé
d'ailleurs, alors je ne veux pas me prononcer sur le fond, mais uniquement pour
l'expliquer aux membres de la commission en même temps. Un citoyen
demande un renseignement à la ville de Québec... C'est au sujet
d'un projet de développement domiciliaire ici à Québec, et
la ville de Québec répond: Le document en question qui est le
plan de développement à la ville de Québec, cela nous
tente plus ou moins de le donner et puis, on le remet au promoteur immobilier
qui est situé en Ontario. Comme la commission n'a évidemment pas
juridiction sur les organismes privés en Ontario, cela pose un
problème, mais je ne veux pas dire qu'il n'y a pas de... Je ne veux pas
me prononcer du tout sur les faits de la cause, mais uniquement expliquer
qu'entre-temps, quand je dis entre-temps, je veux dire jusqu'à ce qu'une
décision ou une orientation définitive soit prise sur l'ensemble
du problème de la juridiction sur le secteur privé, il demeure
que des cas vont se présenter sur une base ponctuelle et qui pourraient
quand même devenir de plus en plus importants.
M. Pépin: Uniquement pour vous donner une
précision, M. le député, en ce qui concerne le cas que
vous venez de soulever, je vous informe, de même que vos
collègues, que Mme Giroux a signé une décision
éblouissante de sagesse dans le cas que vous avez cité et on vous
en fera parvenir une copie volontiers si cela vous intéresse.
En ce qui concerne le secteur privé, j'ajoute que notre
préoccupation à ce moment-ci... On parlait tout à l'heure
des consentements qui sont donnés, par exemple, aux assureurs pour
obtenir des renseignements, pas uniquement à la RAAQ. Cela peut
être n'importe où. Lorsqu'on signe, on autorise même les
assureurs à aller dans les hôpitaux chercher votre dossier, dans
le cas des assurances-vie, dans certains cas, etc.
Notre préoccupation à nous, c'est qu'une fois que
l'assureur a obtenu le renseignement, il peut s'en servir uniquement pour
prendre une décision sur la police qu'il offre à son client. Mais
il peut aussi garder ce document, garder ce renseignement, l'échanger
avec d'autres, enrichir, engraisser une banque commune. Cela peut se promener
à l'échelle de l'Amérique. C'est là qu'est notre
préoccupation; là, on n'a pas de juridiction.
C'est pour cela que c'est à la source qu'on peut toujours
intervenir parce que, ensuite, on perd la place. Cela disparaît dans le
décor. On sait très bien que demain matin, aujourd'hui
même, on peut aller acheter... Il y a des gens qui font un commerce de
banques de noms avec divers types de renseignements. Où sont-ils pris,
ces noms-là? Très souvent, ils proviennent du secteur public par
ce genre de situation-là.
Cela, c'est notre préoccupation. Si nous avons une intervention
ponctuelle à faire pour la protection du citoyen face au secteur
privé, ma première recommandation, ce sera de s'occuper d'abord
de cela, d'exiger de donner au gouvernement un certain pouvoir sur les
renseignements qui proviennent des services publics, mais qui sont ensuite dans
les mains des entreprises privées.
Le Président (M. Trudel): ...M. le député
d'Arthabaska?
M. Gardner: II m'a répondu. Sur la vente... Il y en a qui
vendent cela?
Vente de données informatiques par le
ministère de la Justice
M. Filion: II me reste deux sujets à traiter. Le premier,
c'est la vente des données informatiques par le ministère de la
Justice. J'en ai parlé aux membres de la commission lors de
l'étude des crédits du ministère des Communications.
À l'époque, vous m'aviez dit: II y a tout le problème de
savoir si la commission a juridiction sur les greffes. Vous m'aviez dit
à l'époque: On va vérifier. C'est un examen qui est en
cours à la commission. La commission peut-elle nous informer de cet
examen et nous dire également si elle a examiné le
problème que je lui ai soumis qui est le suivant: le ministère de
la Justice vend à des firmes de crédit les renseignements
colligés dans les greffes des palais de justice, sur des plaintes non
seulement d'ordre pénal, mais également d'ordre civil,
possiblement matrimonial, etc. D'ailleurs, cette pratique n'est pas
récente. Elle date déjà et, encore une fois, ce n'est pas
quelque chose de récent. J'avais posé cette question au
président lors de l'étude des crédits. Je ne sais pas s'il
peut, à ce moment-ci, m'informer de l'état de la réflexion
de la commission. Est-ce que des démarches ont été
entreprises? Est-ce que vous avez vérifié le dossier?
M. Pépin: D'abord, il n'y a pas eu une vérification
comme telle. Nous devons choisir un peu notre programme et cela n'en a pas
fait partie, pour une raison bien simple. Il y a, à la base de
cette question, un problème d'interprétation légale. Les
tribunaux ne sont pas assujettis à la loi. Le greffe des tribunaux est
assuré par le ministère de la Justice qui, lui, est assujetti
à la loi. Est-ce que le document accumulé par le greffe est un
document judiciaire du tribunal ou administratif du ministère? On n'est
pas entré dans cette question. (12 h 30)
Une chose est sûre, et je l'ai dit ici devant cette commission et
je le redis volontiers: il y a quelque chose d'un petit peu indécent
dans cette manière d'agir, dans le sens que, même si c'est public
au greffe, au plumitif du palais de justice, un certain nombre de
renseignements sur les individus, on exporte ce caractère public, on le
publicise même en en faisant le commerce. Là, si la loi n'est pas
heurtée directement, à tout le moins, son esprit l'est, et je
crois que le ministère de la Justice a été, autant par
vous, M. le député, que par nous et par d'autres, alerté
à cette question. La réponse du ministère de la Justice
est que, à partir du moment où un document est public, il est
public tout le temps. Alors, nous avons, dans notre rapport ici, examiné
ce problème et nous proposons une solution: interdire le
caractère, si on veut, "exportable" d'un document public.
M. Filion: Parce que, encore une fois, mon point est le suivant:
premièrement, dans les greffes de palais de justice il y a de
l'information sur toutes les poursuites qui auraient pu être
intentées, les poursuites frivoles, les poursuites qui sont
réglées, les poursuites... je vous poursuis pour libelle -mais la
poursuite pour libelle, elle va être là votre avocat oublie de
produire sa déclaration de règlement hors de cour, la poursuite
va rester là. Et, si je suis une compagnie, je vous poursuis. Encore une
fois, il y a un règlement. C'est payé. Mais vous n'avez pas pris
d'avocat, vous avez payé directement à la compagnie. L'avocat
était paresseux, il n'a pas produit de désistement de sa plainte.
Cela va être encore dans votre fichier et ça va aller au bureau de
crédit et quand vous allez à la banque vous ne saurez pas que
c'est à cause de ça qu'on vous refuse un prêt.
Premièrement.
Deuxièmement, les informations qui sont contenues dans les
greffes de palais de justice ont été colligées pour des
fins judiciaires. Et ça j'ai été absolument frappé
- là où je rejoins vraiment, en tout cas, je dépasse votre
surprise quant à moi et le caractère indécent - je trouve
ça tout à fait inacceptable que le ministère de la Justice
se prête au commerce suivant. J'ai obtenu les détails. Le
ministère de la Justice vend, évidemment, en masse, ces
données judiciaires compilées dans les palais de justice. Il y a
quatre contrats qui existent entre le ministère de la Justice et les
firmes que je vais énumérer pour la production et la livraison en
masse de données judiciaires. D'abord avec la compagnie Écho de
la cour inc.
Une voix: Le petit journal.
M. Filion: Oui, c'est le petit journal. D'ailleurs, ils ont fait
allusion au fait que le député de Taillon trouvait que ça
n'avait pas d'allure. Mais là je leur ai envoyé une lettre. Je ne
sais pas s'ils vont en faire écho dans leur journal. Avec Écho de
la cour, un contrat au montant de 600 $ par mois. On voit que les chiffres ne
sont pas faramineux. Ce n'est pas ça qui va régler les
problèmes de Gérard D. Levesque quand les rapports d'impôt
vont être moins élevés au mois d'avril à cause du
krach. Donc, un contrat avec Écho de la cour inc., au montant de 600 $
où les données fournies sont utilisées pour la publication
du journal Écho de la cour. Avec la compagnie Sokuedit inc., un contrat
de 300 $, un autre de 600 $ par mois pour la production du journal La Semaine
commerciale. C'est intéressant ça, La Semaine commerciale. La
Semaine commerciale parle de l'activité commerciale. Voici la liste des
poursuites intentées contre Y, et tout ça. Un autre contrat avec
la compagnie Acrofax. Excusez, il y a deux contrats avec Sokuedit: un de 300 $
et un autre de 600 $ par mois, ça fait trois. Le quatrième
contrat avec la compagnie Acrofax, 600 $ par mois. Ce que dit le contrat, ce
qu'il prévoit, c'est que les informations seront utilisées pour
les fins d'affaires de la compagnie. La compagnie Acrofax, on n'a pas de
contrôle là-dessus. Sur quoi on a le contrôle, ce sont les
ministères, etc.
Une fois que les données sont rendues chez la compagnie Acrofax
ou toute autre compagnie, comme le mentionnait bien le président
tantôt, on en perd complètement le contrôle. Le total du
revenu des quatre contrats, c'est 25 200 $ par annnée, dans un budget
pour le ministère de la Justice, ou celui du Solliciteur
général, en tout cas, cela rejoint le milliard. Je trouve cela
tout à fait inacceptable. Je ne suis pas un spécialiste encore de
la loi d'accès à l'information, mais je vous le dis moi, en tout
cas, cela heurte l'esprit de la loi, nous dit le président, puis,
malgré tout, le ministère de la Justice persiste. Il faut dire
qu'il y a possibilité que ces informations soient transmises à
SOQUIJ, nous a dit le ministère de la Justice. Quant à nous, que
la Société québécoise d'information juridique, qui
pourrait peut-être décider de mettre fin à ces contrats,
c'est la chose à faire. Parce que des informations, on les collige aux
fins pour lesquelles elles sont colligées, autrement c'est pervertir
le
sens des fichiers qui sont contenus dans les palais de justice.
Je ne sais pas si vous voulez réagir, M. le président, je
ne vous le demande pas parce que pour moi, cela s'adresse au ministère
de la Justice. Cela fait plusieurs fois, les gens le savent, j'ai avisé
le ministre, il ne bouge pas. Par contre, d'un autre côté, dans
Le Devoir du samedi 26 septembre j'ai trouvé fantastique de voir
qu'en France, la Commission nationale de l'informatique et des libertés,
un organisme d'État, veille à la confidentialité des
dossiers de la justice. Cela va beaucoup plus loin que ce qu'on demande
d'arrêter de vendre à Acrofax qui revend à des organismes
de crédit.
En France, ce que nous dit ici la Presse canadienne, bien sûr...
mais M. Alain Simon, qui est un membre de la CNIL, en France, devant la
conférence internationale des commissaires, que vous avez eu l'occasion
d'écouter directement... Toutes ces informations avaient établi
des profils qui, après, s'en vont dans les banques et dans les
organismes avec qui on fait affaire. Alors, le profil de M. Untel est mauvais
parce qu'il a reçu deux poursuites judiciaires en 1978. La commission
veille toujours à ce qu'aucune décision ne soit prise sur le seul
fondement d'un profil. C'est ainsi qu'il serait illégal pour un
organisme propriétaire de logements de confectionner une liste de
mauvais locataires ou de mauvais payeurs. C'est un problème qu'on a
vécu ici au Québec. Cela va loin, parce qu'ils ne veulent pas, je
donne un exemple... les jugements des tribunaux, lorsqu'ils sont
informatisés ne doivent pas contenir les noms des victimes de viol,
d'attentat au meurtre, ni ceux des victimes d'accidents qui ont subi des
incapacités physiques importantes, non plus que ceux des personnes
citées de façon diffamatoire dans certains ouvrages.
Imaginez-vous, en France, ils sont rendus à interdire la publication des
noms des victimes d'accidents qui ont des handicaps, alors qu'ici, on prend le
greffe du palais de justice, on le vend à des compagnies pour 400 $ par
mois et puis cela contient manifestement la liste des demandeurs qui ont subi
des handicaps à la suite d'accidents de toute nature. Je me dis: Dans ce
secteur-là, on a vraiment un bout de chemin à faire. Si la
commission peut agir, je l'invite à le faire. Si elle ne peut pas agir,
parce que la loi n'est pas suffisamment claire, c'est ce que j'ai cru
comprendre de l'intervention du président, c'est pour cela que je dis ce
que je dis ce matin. J'invite d'ailleurs les membres de la commissien à
partager mes propos. J'ai sensibilisé le ministre responsable à
quelques reprises, mais cela ne bouge toujours pas. Voilà!
M. Pépin: Le seul commentaire que je peux faire, M.
Filion, là-dessus, c'est que vous avez cité deux exemples
classiques d'effets pervers de l'informatique. Il y a à peine cinq ans,
probablement que ce n'était pas un problème au ministère
de la Justice, parce que ce n'était pas informatisé. Maintenant
que c'est informatisé, cela devient facile. Voici un autre
problème qui s'en vient. En France, M. Simon nous a parlé de cela
aussi, c'est la mise sur la saisie informatique des décisions
judiciaires, des décisions de la cour. Cela aussi peut devenir assez
percutant comme effet parce qu'actuellement il faut quand même aller
l'acheter la décision de fa cour, elle est sur support papier, mais
lorsque l'on pourra avoir un résumé sur support informatique en
pitonnant chez soi, la justice devient très accessible, mais il peut
aussi y avoir d'autres effets imprévisibles.
M. Filion: J'ai juste une dernière question.
Le Président (M. Trudel): Est-ce que cela porterait sur
l'incident de l'Assemblée nationale il y a quelques semaines?
M. Filion: Vous avez deviné.
Le Président (M. Trudel): J'avais deviné. Je vous
laissais lire parce que j'avais l'intention d'en parler, mais allez-y, puis je
compléterai.
M. Filion: Vous l'avez deviné. On siège souvent
ensemble à différents... On change de siège à
l'occasion, alors il y a des présidents qui ont des atomes crochus
à l'occasion.
Une voix: Pas croches,
Identification personnelle
M. Filion: On essaie. Or, vous nous aviez parlé, la
dernière fois, du problème de l'utilisation des "identifiants" -
je ne sais pas si c'est un mot. Vous nous citiez un cas intéressant,
quand vous êtes entré à l'Assemblée nationale, on
vous a demandé certaines choses, je pense que c'était le
numéro de l'assurance sociale ou celui de l'assurance-maladie qui sont
de plus en plus fréquemment utilisés comme "identifiants" et
constituent une clé d'entrée à de vastes réservoirs
de renseignements personnels. Vous nous faisiez part en juillet dernier de vos
inquiétudes là-dessus. En somme, y a-t-il des protestations
courtoises qui ont été effectuées et qui ont donné
des résultats? Je sais que dans votre rapport de mise en oeuvre, vous
proposez des pistes qui sont quand même intéressantes pour
l'avenir. J'en cite quelques-unes: limiter le pouvoir des organismes d'exiger
une pièce d'identité
particulière; laisser aux citoyens la liberté de
s'identifier au moyen de la pièce de son choix, obliger chaque organisme
à constituer son propre système de codification. Or, je vous
inviterais peut-être très librement à nous faire part de
vos observations sur... D'abord quand vous êtes entré à
l'Assemblée nationale ce matin, quand vous êtes entré,
est-ce qu'on vous a demandé des pièces d'identité?
M. Pépin: II n'y a rien de changé. M, Filion:
II n'y a rien de changé.
M. Pépin: Évidemment, c'est un problème
général. Il faut quand même reconnaître que là
aussi le législateur a des attitudes contradictoires. D'une part, c'est
tabou en régime parlementaire britannique, enfin, en régime de
tradition démocratique britannique, d'avoir des cartes d'identité
formelles comme cela existe en France, en Allemagne, en Autriche ou ailleurs.
C'est tabou, on n'en a pas.
Donc, si on n'en a pas, on n'est pas obligé d'en produire, parce
qu'on n'en a pas. Mais en même temps, le législateur dit un peu
partout: Ce service est accessible à quelqu'un qui justifie son
identité. Puis il autorise des organismes à faire identifier les
gens. Finalement, ce qui arrive, c'est que les "identifiants" qui circulent,
les plus communs, sont utilisés et cela entre dans les moeurs.
Je crois qu'il y a une réflexion de base là-dessus. Si on
continue de dire aux gens de s'identifier, un peu partout, il va falloir qu'on
dise quel outil d'identification devient l'outil légal. Si c'est le
passeport, on va tous le traîner notre passeport.
On arrive à l'Assemblée nationale. J'ai remarqué
que Mme Giroux a présenté sa carte de la RAMQ. Moi, j'ai une
carte de fonctionnaire que j'ai fait faire parce qu'un jour, alors que M.
Bertrand était ministre et qu'il était aussi leader
parlementaire, il m'a demandé de venir le rencontrer ici à 23 h
30 dans un marathon de fin de session. Je n'ai jamais pu entrer à
l'Assemblée nationale. On me disait: II faut vous identifier. J'ai dit:
C'est le ministre. Ils ont dit: Le ministre ne répond pas à son
bureau. J'ai dit: II est en Chambre. Je n'ai pas pu. C'est là que je
suis allé chercher ma carte de fonctionnaire. Comme cela, j'entre sans
problème. Mais peut-être que Mme Wallace a présenté
son permis de conduire. Je ne sais pas. C'est un peu aux caprices des gens.
C'est un premier problème. Il faudra que le législateur se
branche un jour. Si on demande aux gens de s'identifier, il faudra dire avec
quoi.
Une autre chose, c'est que la solution fédérale, la
proposition du comité des Communes, au fédéral, qui
étudie la Loi sur la protection des renseignements personnels veut
rendre illégale l'utilisation des cartes de la RAMQ ou du numéro
d'assurance sociale. Et encore là, c'est d'après moi, un peu
angélique de faire cela. Parce que la banque, la société
de fiducie ou la compagnie d'assurances vous oblige à donner votre
numéro d'assurance sociale. Ensuite, ces entreprises - nous n'avons pas
juridiction sur elles - peuvent faire ce qu'elles veulent. Avec le
résultat que le numéro d'assurance sociale est devenu
"l'identifiant" le plus généralisé et peut-être
qu'il faudrait que le gouvernement fédéral dise: La carte
d'identité au Canada, c'est le numéro d'assurance sociale. On le
saurs. C'est là qu'est le problème.
Je pense que vous avez pleinement raison de vous en soucier parce que
c'est une porte d'entrée, c'est une clé dans de très
grosses banques. Là, tout le monde a la clé. Alors, même si
on met des policiers devant la porte, quand tout le monde a la clé, il y
a plus de chance que cela passe.
Le Président (M. Trudel): II y a un deuxième
problème. Le problème qu'on a vécu cet été
à l'Assemblée nationale, tout le monde ou presque l'a lu dans les
journaux, ce bonhomme qui donne son numéro d'assurance sociale en
entrant - j'allais dire comme vous et moi, on a en principe un truc, vous avez
une carte - et qu'on arrête à la sortie. Le problème qui
s'est posé, en plus de se demander ce que l'on va exiger comme
identification, c'est la confidentialité. On s'est engagé
à l'Assemblée nationale à assurer les mesures de
sécurité. On va garder pour nous le renseignement que l'on va
obtenir. Je ne sais pas combien de temps cette personne-là est
restée à l'Assemblée nationale, au Parlementaire, je
présume que c'est une heure trente, le temps de bien déjeuner. En
une heure trente, on a eu le temps de faire circuler l'information et de dire:
Monsieur, on vous arrête - je ne me souviens pas - parce que vous n'avez
pas payé un repas précédent ou quelque chose comme cela.
Pour moi, c'est au moins aussi important que le problème que vous
soulevez, c'est-à-dire le premier problème: "l'identifiant". Oui,
si on s'entendait sur une façon de s'identifier qui pourrait être
le numéro d'assurance sociale, je me ralierais à cela; mais c'est
de dire: Primo, on doit, à mon avis, commencer par donner l'exemple.
Est-ce que, pour les fins de l'Assemblée nationale, on ne doit pas
garder cela secret? Ce n'est pas ce qui a été fait,
manifestement. Mais je trouve cela grave, personnellement.
M. Pépin: Je peux vous dire simplement que c'est un
problème sous enquête actuellement.
Conclusions
M. Filion: On a déjà retenu les membres de la
commission pour un peu plus que le temps prévu. De mon
côté, vu qu'il est déjà passé 12 h 45, je
suis prêt à conclure très brièvement. Tout
simplement, je remercie le président et mesdames les commissaires, ainsi
que l'équipe qui s'est déplacée pour les accompagner,
d'avoir bien voulu se prêter à cet exercice annuel.
Je remarquais que... Qui se plaint de ne pas être invité?
C'est le Vérificateur général ou le Protecteur du
citoyen?
Le Président (M. Trudel): Le Vérificateur
général, on l'a reçu.
M. Filion: Ah, on l'a reçu. Vous savez, il y a de petits
organismes qui se sont plaints de ne pas être reçus par la
commission. Je dois vous dire qu'en ce qui me concerne, cela ne risque pas de
vous arriver, les échanges étant toujours très
intéressants et très fructueux. Le rapport en
général est bien fait également. Il y a des rapports
annuels que l'on reçoit où on n'apprend rien. Il faut aller
fouiller les chiffres pour essayer de trouver des tendances ou des
orientations.
Dans vos rapports annuels, vous l'écrivez. En ce sens-là,
également, je voudrais vous féliciter parce que c'est un des
problèmes que l'on rencontre. Les rapports annuels, pour arriver
à comprendre ce qui se passe dans l'organisme, il faut soi-même se
déguiser en mathématicien et aller voir les tendances dans les
chiffres, etc. Vous le faites bien; ce qui rend notre travail d'autant plus
aisé. Je compte bien que l'on puisse se revoir pour discuter de
l'important rapport de la mise en oeuvre conformément à la clause
crépusculaire de la loi le plus tôt passible. Quant à nous
et comme porte-parole du Parti québécois, il ne faut pas laisser
traîner ce type de réflexion, il faut s'en saisir, quitte à
mieux réfléchir par la suite. Je compte bien y consacrer toutes
les énergies nécessaires pour faire en sorte que, comme je disais
au début de mon intervention, la phase de croisière, ou de
maturité, en fait, de ce jeune homme bien en santé puisse
être bien remplie. Alors voilà! Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Taillon. Je vous remercie, M. le président,
mesdames les commissaires. Je ne peux pas vous donner une date
définitive, la décision gouvernementale est en gestation, mais il
est certain qu'il y aura une commission parlementaire. Je peux vous le dire,
soyez prudents, entre le 25 janvier et le 10 février - parce que les
dates ne sont pas encore arrêtées - tenez-vous libres quelques-uns
d'entre vous parce qu'il y aura une consultation générale qui
sera annoncée incessamment par le gouvernement. Les dates ne sont pas
définitives, encore une fois, mais c'est autour de ces
dates-là.
Encore une fois, merci de votre disponibilité d'abord, à
tous les membres de la commission et à son président en
particulier. Au plaisir de vous revoir.
Sachez que vous pouvez toujours compter sur notre appui, je me fais
sûrement le porte-parole de tous les membres de la commission, et sur
celui de son président en particulier. Merci beaucoup.
M. Pépin: C'est moi qui vous remercie.
Le Président (M. Trudel): La commission, ayant accompli
son mandat, suspend ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 48)