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(Vingt-deux heures onze minutes)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plait! À l'ordre, s'il vous plaîtl II est tard et, si vous voulez
qu'on finisse avant 23 h 59-30, je vous prierais d'observer quelques instants
de-non pas une minute de silence.
La commission de la culture se réunit pour procéder
à l'étude détaillée du projet de loi 68, Loi
modifiant la Loi sur le ministère des Communautés culturelles et
de l'Immigration. C'est un volumineux projet de loi de deux articles.
Une voix:...
Le Président (M. Trudel): II n'y a aucune connotation
politique, monsieur.
Étude détaillée
J'appelle maintenant l'article 1. Mme la ministre.
Mme Robic: M. le Président, comme nous venons de discuter
du principe du projet de loi, je voudrais tout simplement répéter
que le projet de loi 68 modifiant la Loi sur le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration est de droit nouveau. Il a
pour objet de donner au gouvernement du Québec le pouvoir de lixer des
sommes d'argent pour des services qu'il offre en matière d'immigration.
Le seul but visé est de doter le gouvernement du Québec d'un
pouvoir de tarification afin qu'il puisse récupérer du
gouvernement fédéral les sommes d'argent que ce dernier
perçoit pour des services assumés par le Québec.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Saint-Jacques, j'ai oublié de vous demander si
vous avez l'intention de présenter une motion visant à tenir des
consultations particulières, je m'excuse.
M. Boulerice: Je vous avoue, M. le Président, que cela
pourrait peut-être nous éclairer sur le projet de loi, mais
j'aurais besoin d'informations additionnelles auparavant. Cela va
peut-être modifier, ou enfin, infirmer ou confirmer cette volonté.
La première chose: Est-ce que Mme la ministre est au courant s'il y a eu
des impacts, pour ce qui est de l'immigration dans certains pays, avec
l'imposition de la tarification fédérale? Est-ce que cela aurait
diminué une immigration en provenance de certains pays?
Mme Robic: Pas du tout. Je pense que le Canada est un des dernier
pays à exiger des frais d'immigration. Tous tes autres pays ont des
frais d'immigration. Si je me fie aux demandes d'immigration pour le
Québec, il est évident que ces frais n'ont pas diminué le
nombre de personnes qui choisissent le Québec comme endroit
d'immigration.
M. Boulerice: Le nombre d'immigrants peut demeurer le même.
Par contre, c'est mathématique, cela peut être trois quarts-un
quart. Donc, vous n'avez pas répondu à ma question. Est-ce qu'il
y a eu une diminution des demandes de certains pays?
Mme Robic: M. le Président...
M. Boulerice: Par exemple, je vous le dis et je vous l'ai dit
tantôt, un immigrant en provenance d'Europe occidentale n'a pas les
mêmes ressources qu'un immigrant en provenance des Antilles ou
d'Amérique latine. Est-ce qu'il y a une baisse à la suite de
cette demande?
Mme Robic: Le seul temps - si je peux m'en souvenir - dans les
derniers temps où il y a eu des baisses de demandes en immigration,
c'est sous votre règne, M. le député de Saint-Jacques,
alors qu'en 1985, vous n'avez pu attirer que 14 000 personnes. Nous n'avons pas
senti une baisse de l'immigration; bien au contraire. Depuis que nous sommes
là, nous dépassons nos objectifs en immigration. Les pays qui
font des demandes d'immigration n'ont pas pour autant changé parce que
le Canada a imposé des frais.
M. Boulerice: Premièrement, j'aimerais vous dire, Mme la
ministre, que je n'ai jamais régné. De toute façon, je
suis républicain et non pas monarchiste, contrairement à vous. Au
départ, il faut établir la distinction.
Mme Robic: Ah bon! M. Hamel: Res publica.
M. Boulerice: Je suis effectivement pour la république:
res publica, la chose publique. Je vois, M. le député de
Sherbrooke, que vous avez fait vos humanités. Je vous en
félicite.
M. Hamel: ...gréco-latines.
M. Boulerice: Gréco-latines en plus.
Une voix: Bien, moi aussi.
M. Boulerice: On pourra parler de démocratie, n'est-ce
pas? En parlant de démocratie, il est dommage que cela ne s'y
prête pas aujourd'hui mais j'aurais aimé avoir des
commentaires à la suite des agissements du ministre des Relations
internationales quant aux conditions à Haïti. Mais c'est un autre
sujet. J'y reviendrai sans doute un jour.
Mme Robic: M. le Président...
M. Boulerice: Non, mais je pose la question à la ministre.
Si j'ai bien compris, vous n'avez pas de chiffres. Vous n'avez pas de
statistiques quant à la baisse d'immigration qu'aurait amenée
cette tarification?
Mme Robic: II n'y a eu aucune baisse d'immigration causée
par cette tarification et je voudrais rappeler au député de
Saint-Jacques une troisième fois - puisque je l'ai fait deux fois tout
à l'heure à l'Assemblée nationale et que je vais le faire
ici encore une fois - qu'il n'est pas question d'imposer des frais à des
personnes qui n'ont pas les moyens de les payer. D'ailleurs, je l'ai dit
à Mme la députée de Johnson et je le répète
au député de Saint-Jacques: C'est une possibilité de 32 %
de personnes qui demandent de venir s'installer au Canada et auxquelles le
Canada a imposé des frais.
M. Boulerice: Mais encore là, la ministre multiplie les
réponses comme dans la parabole où on essayait de multiplier les
talents auxquels elle faisait allusion dans son discours de clôture
tantôt. Je suis obligé de répéter ma question, elle
ne semble pas l'avoir comprise. Est-ce que cela a amené une
réduction de l'immigration en provenance de certains pays?
Mme Robic: Non.
M. Boulerice: Bon. Voilàl
Mme Robic: C'est-y clair! N-o-n.
M. Boulerice: Bon, cela lui prend trois questions pour être
claire dans une réponse. Merveilleux! Vous avez dit que le Canada
était l'un des derniers pays à imposer une tarification.
Mme Robic: Un des derniers. Je ne voudrais pas dire "le dernier"
mais "un des derniers".
M. Boulerice: Est-ce que les frais sont équivalents
à ceux qu'on observe dans des pays de condition socio-économique
identique au Canada?
Mme Robic: Je crois que les frais du Canada sont plus bas que
dans la plupart des autres pays.
M. Boulerice: Que couvrent les 32 % dont vous parlez?
Mme Robic: Les gens qui ont les moyens de payer, les
indépendants qui représentent 51 % de notre immigration. Il est
bien certain que l'indépendant paie seulement pour une personne et non
pas pour toutes les personnes qu'il... C'est au requérant principal que
sont imposés ces frais et non pas aux personnes qui en sont
dépendantes.
M. Boulerice: C'est toute la catégorie des
indépendants...
Mme Robic: Attendez une minute que je vous retrouve cela. Dans la
catégorie famille, par exemple, bien sûr, c'est le
requérant principal qui doit débourser les frais. S'il vient avec
sa famille, c'est sûr que chaque membre de cette famille ne paie pas les
frais de la demande d'immigration. C'est seulement le requérant
principal. Si c'est un garant, soit quelqu'un qui est ici et qui demande
à faire venir un parent, si c'est le garant qui fait la demande en
premier, amorce la demande, il aura à payer ces frais. Sinon, si la
demande est amorcée par le requérant, on demandera au
requérant de payer les frais. C'est bien sûr que s'il y a un
problème d'argent encore une fois, il y a une souplesse qui
s'opère pour que ces gens ne soient pas pénalisés.
Quand il s'agit de la catégorie réfugiés, eh bien
ces gens n'ont souvent aucun argent. Donc, il n'est pas question d'imposer des
frais. Dans la catégorie indépendants, il y a les travailleurs,
ceux qui viennent avec un emploi. Donc, je crois qu'ils ont les moyens de payer
ces frais minimes. Il y a aussi les entrepreneurs, les retraités qui
sont en condition financière telle qu'ils peuvent subvenir à
leurs propres besoins et les parents aidés -encore une fois, c'est une
catégorie - par un garant. Donc, encore là, soit le garant ou la
personne paie ces trais s'ils en ont les moyens.
Il y a également les travailleurs temporaires qui viennent si
nous avons des travaux à faire. Il y en a certains qui peuvent venir
parce qu'il y a un besoin urgent ou qu'une compagnie te demande. Si nous avons
des études de cas à faire, là également il y a des
frais.
M. Boulerice: Mais qui décide quels sont ceux qui n'ont
pas les moyens?
Mme Robic: En ce moment, c'est le fédéral. C'est le
fédéral qui impose ces frais.
M. Boulerice: C'est le fonctionnaire?
Mme Robic: II n'est pas question pour nous, en ce moment... Je
voudrais vous rappeler le but de ce projet de loi. Ce projet de loi est pour
nous permettre de récupérer des frais qui sont en ce moment
imposés par te gouvernement fédéral. Le gouvernement
fédéral impose ces frais. Donc, nous voulons pouvoir aller
récupérer les montants qui, croyons-nous, couvriraient les frais
de services rendus par le gouvernement du Québec.
M. Boulerice: Cela, je le sais. Vous me l'avez expliqué,
on a compris qu'il s'agit d'aller chercher des sous au "federal". Mais qui
décide quels sont ceux qui n'ont pas les moyens? Est-ce
que c'est le fonctionnaire à l'ambassade ou si c'est une
règle?
Mme Robic: Là, M. le Président, je vous avoue
que... Vous comprendrez que chaque cas d'immigration est traité d'une
façon autonome. Je suppose que dans les questions que l'on pose à
ces personnes et dans la catégorie dans laquelle ces personnes demandent
de venir au Canada, il doit y avoir une possibilité d'identifier les
moyens de ces personnes et d'établir avec eux s'ils ont oui ou non les
moyens de payer ces sommes.
M. Boulerice: D'accord. Donc, si je comprends bien, il y a des
cas d'exception pour des individus mais il n'y a pas d'exception pour ce qui
est du pays d'origine de certains individus.
Mme Robic: Je ne crois pas qu'il y ait d'exception pour des pays
d'origine quand il s'agit d'une immigration indépendante. Il y a
certains pays d'où nous recevons probablement 100 % de
réfugiés. À ce moment si vous voulez dire que ce pays
était une exception, sans doute qu'on peut le dire.
M. Boulerice: Non, non. Je ne parle pas des
réfugiés.
Mme Robic: Alors, non, il n'y a pas de pays qui font exception.
Mais là, vous êtes en train de discuter... Ah! Merci. Mon
attaché politique me dit qu'il y a un seul pays où il y a
exception, la Finlande où le Canada a des arrangements. Cela fait qu'il
n'y a pas de frais pour l'immigration ni d'un côté ni de
l'autre.
M. Boulerice: Si j'étais "vicieux", je vous demanderais le
taux d'immigration de la Finlande au Canada.
Mme Robic: Je pense que je serais bien mal prise parce que je ne
l'ai pas dans mes statistiques.
M. Boulerice: Ha, ha, ha! Vous avez parlé du montant de 1
900 000 $, c'est le chiffre du fédéral en 1986.
Mme Robic: Attendez que je me retrouve dans mes petites cartes.
Le projet de loi est entré en vigueur le 4 février 1986. Dans un
document fédéral intitulé "L'évaluation du
programme de recouvrement des frais de l'immigration" publié en juin
1987 par la direction chargée de son application, le gouvernement
fédéral dit avoir récupéré 16 400 000 $ pour
l'ensemble du Canada et 1 900 000 $ pour le Québec.
M. Boulerice: À ce moment-là, les 1 900 000 $
représentent à peu près juste 11 % ou quelque chose comme
cela, à l'oeil, après un calcul rapide.
Mme Robic: Oui, 12%.
M. Boulerice: 12 %. Oui, mais l'immigration au Québec
c'est plus que cela.
Mme Robic: Certainement, mais si vous enlevez toutes les
exceptions, nous avons reçu 19 % de cette immigration en 1986. Et si
vous enlevez les réfugiés, les parents aidés et les
membres des familles qui n'avaient pas à payer ces frais, vous diminuez
de beaucoup le nombre de personnes qui ont eu à assumer des frais.
M. Boulerice: Donc, par déduction logique, si on comprend
bien, la majorité des exceptions, dans un sens, se retrouverait au
Québec et non pas dans les autres provinces.
Mme Robic: Non, pas du tout. C'est selon l'immigration qui va
dans chaque province. Le gouvernement fédéral traite tous les cas
de la même façon. Ce n'est certainement pas 100 % des personnes
Immigrantes dans les autres provinces qui ont eu à payer ces frais. Cela
doit se diviser à peu près de la même façon.
M. Boulerice: Ce n'est pas ça qu'on dit, Mme la ministre.
On retient environ 11 %.
Mme Robic: 12 % exactement.
M. Boulerice: D'accord, 12 % - on ne se chicanera pas pour une
virgule - quand on a environ 20 %. Vous dites oui, mais si on enlève les
cas d'exception. Il y en a ailleurs aussi des cas d'exception.
Mme Robic: Dans toutes les provinces.
M. Boulerice: Justement, mais pourquoi le fédéral
ne nous donne-t-il que 11 % de ce qu'il perçoit?
Mme Robic: C'est tout simplement que -combien est-ce? 32 % des
immigrants paient des frais. Les autres ne paient pas.
M. Boulerice: Au Québec ou dans tout le Canada?
Mme Robic: Partout, dans tout le Canada.
M. Boulerice: Cela confirme encore les chiffres. C'est le
Québec qui a la plus forte proportion, qu'il y a d'exception.
Mme Robic: Si nous avons reçu 18 % de l'immigration
canadienne, II y a eu des frais imposés à 12 % de cette
immigration. Donc, il y a 6 % d'exceptions.
M. Boulerice: Ce n'est pas cela qu'on dit, Mme Robic: Je
m'excuse, mais...
M. Boulerice: Voilà. Notre mathématique est
très logique. Je ne comprends pas qu'on ne la comprenne pas. On a dit
tantôt: Le fédéral a perçu
16 400 000 $.
Mme Robic: Pardon?
M. Boulerice: Dans tout le Canada, on a perçu 16 000 000
$.
Mme Robic: 16 000 000 $.
M. Boulerice: 16 400 000 $, je pense ou quelque chose comme
ça.
Mme Robic: 16 400 000 $, oui.
M. Boulerice: Donc, s'il y a le même taux d'exceptions
partout, à ce moment, on a 18 %, 19 % ou 20 % de ça et non pas 11
%, comme on a actuellement; car les 1 900 000 $ représentent 11 %ou12 %.
{22 h 30)
Mme Robic: Mais on n'a que 12 % parce qu'ils n'ont imposé
des Irais qu'à 12 % de notre immigration. On ne peut pas imposer des
frais à des personnes à qui le gouvernement fédéral
n'a pas imposé de frais.
M. Boulerice: Les 16 400 000 $, c'est pour les 32 % qui font
l'objet d'une perception. On s'entend là-dessus? Enfin, votre
attachée politique dit oui.
Mme Robic: Oui, d'accord.
M. Boulerice: C'est ce qui est perçu.
Mme Robic: Oui.
M. Boulerice: Alors, sur ces 32 %...
Mme Robic: Oui.
M. Boulerice: ...qui représentent 100%...
Mme Robic: Oui.
M. Boulerice: ...d'accord?...
Mme Robic: Oui.
M. Boulerice: Sur ces 32 %, au Québec, on lui a
versé uniquement 12 % quand nous représentons 20 % ou 18 % de
l'immigration, selon vos chiffres...
Mme Robic: Ah non! Je m'excuse, M. le Président, vous
comprendrez... On va faire venir un actuaire pour pouvoir faire ces calculs. Je
veux bien répondre aux questions, mais là...
M. Boulerice: Mais c'est... Mme Robic: Je veux bien...
M. Boulerice: Bien non, mais c'est important.
Mme Robic: ...répondre aux questions, mais je ne suis pas
actuaire.
M. Boulerice: Vous voulez aller récupérer une
partie de cet argent du fédéral. Alors, comprenez mon
intérêt d'essayer d'établir combien vous allez
réussir à aller percevoir. Est-ce que cela en vaut le
coût?
Mme Robic: Bien, si vous pensez que 1 000 000 $ ou 2 000 000 $ ne
valent pas le coût... Pour nous, cela vaut le coût.
M. Boulerice: Combien allez-vous aller chercher sur 1 900 000
$?
Mme Robic: M. le Président, je pense qu'en ce moment, il
faudra passer tes cas. J'ai fait une étude. Je vous ai donné une
idée de grandeur, mais c'est bien sûr que, ce soir, je ne mettrai
pas un chiffre fixe sur fe montant que je vais aller récupérer du
gouvernement fédéral. Cela dépend du nombre d'immigrants
qui entrent et cela dépend du nombre de ces immigrants qui ont des frais
à payer pour la documentation.
Mme Pelchat: L'article 1 est adopté, M. le
Président.
M. Boulerice: ...vous voulez aller chercher, effectivement, de
l'argent du gouvernement fédéral. Mais on s'aperçoit,
juste en regardant les chiffres, qu'on est la province qui a le plus haut taux
de gens qui sont dans la catégorie de ceux pour lesquels rien n'est
perçu.
Mme Robic: C'est merveilleux.
M. Boulerice: Bien oui, mais alors! Je veux dire...
Mme Robic: Bon! M. le Président, ce qu'il es»
important de retenir ici, c'est que le gouvernement fédéral, dans
un de ses documents, nous dit qu'il a perçu 1 900 000 $ chez des
personnes qui venaient s'établir au Québec pour des services
rendus à ces personnes. Pour ces personnes qui sont venues s'installer
au Québec, une grande partie du travail s'est faite par des
fonctionnaires québécois. Nous prétendons avec raison, je
pense, qu'une partie de ces 1 900 000 $ appartient au Québec. Nous avons
l'intention d'aller récupérer cette partie qui, nous assumons,
nous appartient à cause du travail fait par nos fonctionnaires.
M. Boulerice: Combien voulez-vous percevoir?
Mme Robic: M. le Président, encore une fois, je...
M. Boulerice: Approximativement.
Mme Robic: ...n'établirai pas... Ma marge, c'est entre 1
000 000 $ et 2 000 000 $.
M. Boulerice: Bien, 2 000 000 $, c'est plus que ce qu'ils ont
perçu au départ.
Mme Robic: C'est juste, excepté que notre taux
d'immigration augmente à chaque année. Je vous te disais, on est
parti de 14 000, la dernière année que vous avez
été au pouvoir, pour monter à 19 000. Cette année,
nous allons toucher tes 26 000. Alors j'ai l'impression que dans les
années qui vont suivre, nous allons avoir une progression de nos taux
d'immigration.
M. Boulerice: Si le gouvernement fédéral refuse...
Vous savez, un talent de négociateur, ce n'est pas éternel; on le
voit dans te cas des frégates. Si cela ne réussit pas, qu'est-ce
que vous allez faire? Est-ce que vous pouvez vous engager à ne pas
imposer une double tarification?
Mme Robic: M. le Président, je suis une personne
très positive et je ne pars jamais en me disant que je ne
réussirai pas ma négociation. Je pense que c'est une bien
mauvaise façon de partir, de commencer et une bien mauvaise attitude
quand on veut justement négocier. Il faut être beaucoup plus
positif et penser que nous allons négocier pour pouvoir gagner notre
point. Nous avons également déterminé, au moment de la
commission sur les niveaux d'immigration, qu'il était important pour le
Québec de recevoir un plus grand nombre d'immigrants et de faire en
sorte que ces immigrants s'intègrent à la majorité
francophone. Pour ce faire, il nous faut des programmes d'accueil, des
programmes de francisation. J'ai réussi, je l'ai dit tout à
l'heure, avec fierté d'ailleurs, à augmenter le budget de
francisation des immigrants de 31 % cette année. Et vous comprendrez que
je n'ai pas du tout l'intention de créer un problème aux
immigrants qui veulent venir au Québec, à la fois pour
l'immigrant qui veut venir et pour le Québec qui a tout à gagner
à recevoir une immigration de qualité qui nous apporte beaucoup
sur les plans économique, culturel et social.
M. Boulerice: Est-ce que vous avez l'intention de
réglementer avant d'aller en négociation?
Mme Robic: Excusez-moi?
M. Boulerice: Je demande si vous avez l'intention de
réglementer avant d'aller en négociation.
Mme Robic: M. le Président, je vous rappelle que la raison
même de ce projet de loi est de nous permettre d'aller négocier
avec le gouvernement fédéral. L'Opposition a tenté de le
faire quand elle était au pouvoir et elle s'est fait renvoyer à
ses devoirs. MM. Godin et Fallu se sont fait renvoyer à leurs devoirs
par le gouvernement fédéral qui leur a dit: Vous ne pouvez pas
négocier avec nous, il n'y a rien dans votre loi qui vous permet
d'imposer des Irais dans le domaine de l'immigration.
M. Boulerice: Ce qui est le plus drôle, M. le
Président, c'est qu'à cette époque, II n'y avait aucune
tarification de la part du gouvernement fédéral. Ha, ha. ha!
Mme Robic: M. le Président, ah bien là...
M. Boulerice: C'est en février 1986 qu'il a
commencé à imposer des frais. Voyons donc!
Mme Robic: M. le Président, je vous
référerai à des procès-verbaux...
M. Boulerice: Moi, je n'ai pas régné mais...
Mme Robic: ...du ministère de l'Immigration et des... Ah!
vous avez ouvert ta porte, M. le député de Saint-Jacques. M. le
Président...
M. Boulerice: On va rester ici jusqu'à minuit.
Mme Robic: ...je vais vous ramener à des
procès-verbaux du ministère des Communautés culturelles et
de l'Immigration, l'un daté du mois d'août 1985 où M. Godin
pense qu'il faudrait recommander au Conseil du trésor que le
Québec perçoive des frais de services pour l'immigration à
la suite des discussions de ce projet de loi du gouvernement
fédéral. C'est au mois de septembre 1985 que M. Fallu convient
que l'on ne peut s'opposer à une telle mesure mais qu'il faudra que le
Québec demande un remboursement pour la partie du travail qu'il
effectue. Donc, M. le député de Saint-Jacques...
M. Boulerice: Donc, vous êtes en continuité...
Mme Robic: ...quand je dis des choses, c'est que je suis
sûre de ce que j'avance.
M. Boulerice: Alors, voilà" Le gouvernement
fédéral était en train d'adopter une loi.
Mme Robic: Oui, M. le Président, un règlement.
M. Boulerice: Un règlement. Le gouvernement du
Québec, le gouvernement responsable à l'époque...
Mme Robic: On l'a vu. Ha, ha, ha!
M. Boulerice: ...le gouvernement du Parti
québécois, a commencé en disant: Non, il nous faut notre
partie à nous.
Mme Robic: C'est cela.
M. Boulerice: Voilà! Sauf qu'on est mal parti, on a eu le
Parti libéral.
Mme Robic: On va le régler, le problème, comme on a
réglé les autres.
M. Boulerice: Là, donc, vous êtes en train de me
dire que vous poursuivez ce qui a été amorcé par vos
prédécesseurs, regrettés d'ailleurs, je vous l'ai dit
tantôt, M. Fallu, maire de Sainte-Thérèse maintenant et M.
Godin, député de Mercier. Donc, vous poursuivez. Maintenant, vous
voulez un mandat d'aller négocier. Moi, je suis bien prêt à
vous donner un chèque en blanc...
Ah! c'est vrai, Mme la députée de Vachon, vous
n'êtes pas obligée de rester, vous pouvez...
Mme Pelchat: M. le député de Saint-Jacques, je veux
absolument rester, je ne veux pas manquer un iota de vos propos.
M. Boulerice: Je reconnais en vous, madame, la sagesse d'une
certaine jeunesse qui tient à apprendre des... Je ne pourrai jamais vous
en empêcher.
Le Président (M. Trudel): Je crois qu'on est fort mal
parti pour aller se coucher de bonne heure. M. le député de
Saint-Jacques.
M. Boulerice: Pas du tout, M. le Président. Donc, si on
reprend, vous voulez qu'on vous donne un mandat, des arguments de
négociation. De toute façon, c'est dans la philosophie de ma
formation politique, l'immigration est de la compétence exclusive du
Québec. C'est vrai que vous, vous ne partagez pas ce point de vue. Vous
avez une vision "outaouaitoise" de l'immigration, donc, vous acceptez
l'intervention du fédéral là-dedans et de partager
ça avec le fédéral et vous avez concrétisé
ça avec les accords du lac Meech.
Une voix:...
M. Boulerice: Enfin, les accords du lac Meech, Je vous rappelle
qu'on a voté sur le communiqué de presse. Je veux bien vous dire
d'aller négocier mais si, par malheur, vous échouez...
Une voix: Voyons donc!
M. Boulerice: Ah! Mais oui. On l'a vu, les frégates, ce
n'est pas réglé, ça.
Mme Pelchat: Ce n'est pas encore fini.
M. Boulerice: Pour le centre bancaire et tout cela, vous
n'êtes pas tellement de bons négociateurs, malgré tout. La
parabole des talents, les paiements de transfert, tout ça,
difficulté du ministre des Finances à s'accorder avec le ministre
fédéral. Le mot "négociateurs", je vous dis qu'il prend un
"n" minuscule quand je le fais dactylographier.
Moi, je ne voudrais pas me retrouver avec une double tarification qui
serait pénalisante. C'est là qu'est mon inquiétude. On a
le droit d'exiger des garanties. Votre premier ministre nous disait qu'il avait
obtenu des garanties constitutionnelles au lac Meech. Comprenez que chat
échaudé craint l'eau froide. Nous aussi on aimerait bien avoir
des garanties.
Le Président (M. Trudel): Est-ce une question ou des
commentaires?
M. Boulerice: Non, non, c'est une question.
Mme Robic: Laissez-le aller, M. le Président. Il semble
faire un discours, il aime ça.
M. Boulerice: Ce que j'aimerais... Justement, la ministre dit:
Laissez aller le député de Saint-Jacques. Mais moi, je suis
obligé de dire que je ne peux pas laisser aller la ministre, M. le
Président.
Mme Robic: Alors posez-moi une question, M. te
député.
M. Boulerice: Mais je lui pose la question.
Le Président (M. Trudel): Si vous continuez, moi je vais
m'en aller.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Êtes-vous capable... Ahl Bourget est un
tellement beau comté, M. le Président!
Le Président (M. Trudel): Ça vous permettrait de
venir y faire une nouvelle élection.
M. Boulerice: Voilà! Voilà! Non, mais moi, ce que
je veux...
Mme Robic: Ne demandez pas trop de partielles, n'est-ce pas?
M. Boulerice: Ah! Dans Saint-Henri, on ne le sait pas.
Le Président (M. Trudel):...
M. Boulerice: On parle de Chambly, n'est-ce pas? Enfin, bien des
choses. Anjou.
Le Président (M. Trudel): Verchères, Anjou.
Une voix: Roberval.
M. Boulerice: Voilà! Il peut peut-être y avoir des
retours dans L'Assomption, à ce moment-là ça met en
péril vos députés.
Mme Robic: M. te Président, est-ce que vous me permettez
de ramener le débat à la pertinence?
Le Président (M. Trudel): M. te député,
est-ce que... Je vais... À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Boulerice: Mais cela dit... Effectivement,
M. le Président...
Le Président (M. Trudel): Je m'excuse de vous avoir
interrompu mais maintenant, vous pouvez revenir dans le vif du sujet.
M. Boulerice: Oui, vous nous avez fait
délibérément errer, M. le Président. Je ne vous en
tiens pas rigueur. Ce que je veux...
Le Président (M. Trudel): Vous étiez un Canadien
errant.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: ...savoir de la ministre, la garantie que j'ai
besoin d'avoir avant de quitter, c'est ça. Êtes-vous capable de me
donner la garantie que si, par malheur, vous deviez échouer - comme pour
tes frégates, d'ailleurs - dans la négociation, qu'il n'y aura
pas une double tarification?
Mme Robic: M. le Président, le député de
Saint-Jacques a mentionné tout a l'heure que nous suivions les traces de
nos prédécesseurs. Je dois vous avouer cependant que nous savons
mieux choisir nos pas. Et au lieu de tenter d'aller négocier quand on
n'en a pas le mandat au Québec puisque nous n'avons pas de loi nous
permettant de fixer des frais - et d'aller négocier pour se faire
renvoyer chez nous bredouilles parce qu'on était mal
préparés - comme l'Opposition était mal
préparée quand elfe a tenté d'aller en négociation
et qu'elle s'est fait dire par le lédéral: Retournez chez vous,
vous n'avez même pas la permission, par vos lois, de fixer des frais
nous, M. le Président nous commençons par la case 1, te
plus important, soit d'avoir ce projet de loi qui nous permet de fixer des
frais. Et ensuite, nous irons négocier de bonne foi avec le
fédéral. Normalement, quand nous avons négocié de
bonne foi, M. le Président, nous sommes toujours revenus avec ce que
l'on demandait.
J'ai négocié à quelques reprises avec le
gouvernement fédéral et j'espère que mes prochaines
négociations seront aussi fructueuses. C'est aussi loin que je suis
prête à aller ce soir, M. le Président. (22 h 45)
M. Boulerice: Si je comprends bien, M. le Président, la
représentante d'un gouvernement qui a refusé d'appuyer une motion
concernant le peuple haïtien...
Mme Robic: Ah! M. le Président, s'il vous plaît!
M. Boulerice: Non, la vérité est là. La
transcription du Journal des débats est là.
Le Président (M. Trudel): M. le député,
est-ce que vous pouvez, étant donné l'heure plutôt tardive,
en arriver...
M. Boulerice: Donc, la représentante de ce même
gouvernement refuse de me donner des garanties qu'elle n'imposera pas une
double tarification, ce qui pourrait pénaliser des candidats potentiels
à l'immigration. Je pourrais me servir du premier exemple de pays que
j'ai donné. Je vous avoue être particulièrement
déçu de cette absence de limpidité. Un gouvernement qui
veut obtenir des garanties, qui dit qu'il a des garanties mais qui refuse d'en
donner à sa propre Opposition à l'intérieur de son
Parlement, ce n'est pas tellement édifiant.
Mme Robic: M. le Président, je pense que je vais avoir
encore à répéter ce que j'ai dit tout à l'heure. Le
but de ce projet de loi, c'est de nous donner la possibilité d'exiger du
gouvernement fédéral une part des frais qu'il charge aux
immigrants pour le travail fait par le gouvernement du Québec.
Nous augmentons nos niveaux d'immigration, nous ouvrons nos portes
à l'immigration. II n'est pas à notre avantage de créer un
problème à ces immigrants qui veulent venir ici, un
problème au Québec et faire en sorte qu'il soit plus difficile de
venir au Québec que dans le reste du Canada. Je pense que j'ai
été très claire à ce niveau.
M. Boulerice: Justement, en parlant de niveau, si on avait vu le
niveau pour 1988, si la ministre nous l'avait annoncé dans les
délais promis, à ce moment on aurait pu avoir encore un meilleur
aperçu des sommes qu'elle pourrait peut-être obtenir d'Ottawa.
Mais enfin, cela dit, M. le Président, nous prenons acte des dires de la
ministre. De toute façon, la transcription des débats servira de
pièce au dossier.
Le Président {M. Trudel): Est-ce que l'article 1 est
adopté, M. le député?
M. Boulerice: Alors, l'article 1 est... J'aurais le goût de
dire "sur division", M. le Président, parce que j'ai tellement peur
d'une double tarification.
Le Président (M. Trudel): Vous dites "sur division".
M. Boulerice: Mais comme je l'ai dit à la ministre, je lui
offre tout mon appui pour négocier.
Une voix: Cela va aller loin.
M. Boulerice: Mais oui, cela pourrait effectivement aller loin
parce que l'ai d'excellentes entrées à Ottawa. C'est dommage que
la ministre s'en prive ou veuille s'en priver.
Mme Pelchat: ...fédéral. Le beau risque?
M. Boulerice: Je paie encore des impôts dans ce pays. Donc,
j'estime avoir des droits.
Mme Pelchat: Avec le salaire que vous gagnez, M. le
député, vous ne devez pas en
payer beaucoup.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Trudel): Je pense qu'il y avait là
un message au premier ministre du Québec,
M. Boulerice: Enfin, c'est un mot qui, je l'espère, sera
écrit dans Le Grand Robert un jour et non pas dans Le Petit Robert.
Cela dit, M. le Président, sur un ton plus sérieux, bien
que je dirais que la députée de Vachon est une véritable
détente, sans jeu de mots, je vais considérer l'article 1 comme
adopté.
Le Président (M. Trudel): L'article 1 est adopté.
J'appelle l'article 2.
M. Boulerice: Là, M. le Président, je serais
tenté d'apporter un amendement. Je serais sérieusement
tenté d'apporter un amendement qui, potentiellement, pourrait se lire:
La présente loi n'entre en vigueur que le lendemain de la
négociation finale avec le gouvernement fédéral et
à la suite d'une consultation populaire tenue par la commission de la
culture, des communautés culturelles et de l'immigration. Je pense que
ce serait nous donner des garanties de pression populaire de façon
à éviter une double tarification qui risque de menacer
l'immigration au Québec, malgré la ministre qui se veut, par ses
propos, rassurante, et non pas... Mais je ne ferai pas l'amendement, M. le
Président. Voyez-vous, moi...
Une voix:...
M. Boulerice: Pardon? Je croyais avoir entendu... Je ne ferai pas
l'amendement...
Des voix: ...cet article-là.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Saint-Jacques, vous avez la parole pour nous dire que vous êtes
prêt à adopter l'article 2.
M. Boulerice: Effectivement, M. le Président, tout en
souhaitant de nouveau bonne chance à la ministre, je lui dis qu'elle
peut toujours m'appeler, je suis là pour voler à son secours,
comme je l'ai fait très souvent pour sa collègue la ministre des
Affaires culturelles. Je vais vous dire que, oui, je considère comme
adopté l'article 2.
Adoption du projet de loi
Le Président (M. Trudel): L'article 2 est adopté.
Est-ce que le titre du projet de loi 68 est adopté?
M. Boulerice: Je serais tenté également de faire
une modification au titre qui serait plutôt: Loi modifiant la Loi sur le
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration en vue
d'établir une tarification double pour l'immigration, ce qui rendrait
plus justice au titre.
C'est un pauvre faux-fuyant mais je vais quand même l'accepter tel
qu'il est libellé.
Le Président (M. Trudel): Le titre est adopté. M.
le député de Saint-Jacques, je ne pense pas qu'il soit utile de
présenter une motion de renumérotation et de réimpression
du projet de loi.
M. Boulerice: Non, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député. Le projet de loi 68 est adopté. Mme la ministre,
avez-vous des remarques finales très courtes, s'il vous plaît?
Mme Robic: Je vais me retenir, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. Est-ce
que M. le député de Saint-Jacques peut faire la même
chose?
Mme Robic: Je vous remercie, M. le Président.
M. Boulerice: La députée de Vachon est
"détendante", la ministre est "retontante" et le député de
Saint-Jacques, encore une fois, a rempli le mandat qui lui avait
été donné d'être l'Opposition. Il a fait
connaître son point de vue. On reviendra sans doute sur le sujet dans les
semaines ou tes mois à venir. Ce qui a été dit ici est
transcrit. Si, par malheur, on arrivait à une double tarification, je
mobiliserai l'Opposition, madame, avec beaucoup de succès.
Mme Robic: ...pas votre opposition à vous autres dans
votre parti. Vous n'aurez pas grand monde.
M. Boulerice: Pardon? On pourra peut-être songer à
obtenir un coup de main de M. Ryan. Chaque parti a son Gratton, que
voulez-vous?
Le Président {M. Trudel): Merci, M. le
député; je suppose que vous avez terminé. Merci, M. le
député de Saint-Jacques.
La commission ayant accompli son mandat, elle ajourne ses travaux sine
die. Le président va se coucher.
(Fin de la séance à 22 h 54)