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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le jeudi 3 décembre 1987 - Vol. 29 N° 40

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi 90 - Loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma


Journal des débats

 

(Onze heures quatorze minutes)

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plaît!

Avant d'inaugurer les travaux de la commission, j'inviterais les représentants de l'Union des artistes à venir s'asseoir en face de nous à ce qu'on est convenu d'appeler la table des témoins, pendant qu'on fait des photocopies du mémoire qui n'a pas encore été reçu par les membres de la commission. Pendant qu'on va procéder aux affaires courantes, c'est-à-dire à une déclaration de Mme la ministre et de M. le député de Mercier, peut-être aurons-nous le temps de recevoir le mémoire.

Alors, je déclare ouverte la séance de la commission de la culture dont le mandat est de procéder à une consultation particulière dans le cadre de l'étude du projet de loi 90, Loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma. Ainsi qu'il en a été convenu à l'occasion d'une séance de travail de la commission et en tenant compte d'un horaire très chargé qui nous mènera jusqu'à minuit ce soir, entre quinze et vingt minutes seront allouées à Mme la ministre pour une déclaration préliminaire et le même temps sera alloué à l'Opposition pour une ou des déclarations préliminaires.

Par la suite, nous entendrons huit groupes qui ont été invités à se présenter devant nous, à raison d'une heure par groupe, association ou représentation, divisée de la façon suivante: 20 minutes pour l'exposé du mémoire... Dans la plupart des cas, je dois dire que nous n'avons pas encore reçu les mémoires. Étant donné le délai relativement court que nous avons accordé aux différentes associations, nous comprenons que, dans certains cas, il ait été impossible de faire parvenir ie mémoire plus tôt. Je demanderais aux organismes, et je répéterai mon invitation au fur et à mesure que la journée se déroulera parce que tous fes groupes ne sont évidemment pas présents ici ce matin, de résumer, quand même, leur mémoire en 20 minutes et, par la suite, il y aura un échange de vues de 40 minutes avec les membres de la commission, réparties également entre les formations politiques. Sans plus tarder, vu qu'il est déjà 11 h 15, j'inviterais...

Ah oui! J'oublie toujours les questions de cuisine. La secrétaire de la commission me fait remarquer qu'il y a des remplacements ce matin pour la durée de la séance, donc jusqu'à ce soir, minuit. Mme Blackburn (Chicoutimi) remplace M. Brassard (Lac-Saint-Jean) et M. Kehoe (Chapleau) remplace M. Hains (Saint-Henri). Les éléments de cuisine étant faits - Mme la secrétaire, merci. - je demanderais maintenant à Mme la ministre de procéder à ses remarques prélimi- naires. Mme la ministre.

Remarques préliminaires Mme Lise Bacon

Mme Bacon: Je vous remercie, M, le Président.

Pour la seconde fois en 18 mois, une commission parlementaire est convoquée pour discuter de la situation des artistes. En mai 1986, la commission, qualifiée d'événement historique par le président de l'Union des artistes, nous avait éclairés sur l'ensemble des problèmes auxquels les artistes sont confrontés. Les témoignages entendus alors et les recommandations qui avaient été adressées au gouvernement ont été soigneusement étudiés et traduits en un ambitieux plan de travail dont des aspects Importants sont aujourd'hui en application ou en bonne voie de l'être.

En décembre dernier, le Conseil des ministres a entériné les orientations que je lui soumettais et tes discussions avec mes collègues des autres ministères concernés par le dossier ont alors été amorcées. Nous travaillons, notamment, avec le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu sur les questions de la sécurité sociale, de la formation et du perfectionnement, avec le ministère de la Justice sur les recours juridiques et avec la Commission de la, santé et de la sécurité du travail sur les questions de la prévention des accidents et des maladies spécifiques à certains métiers artistiques. Nous avons conclu une entente avec le ministère de l'Éducation pour la mise en oeuvre d'une mesure touchant la sensibilisation des jeunes aux arts.

Dans les semaines qui viennent, comme mon collègue du ministère du Revenu et moi-même l'avons déjà annoncé, nous intensifierons les pourparlers pour apporter une solution satisfaisante aux problèmes fiscaux des artistes, de concert avec le ministère des Finances. Nous poursuivons également le dialogue avec le gouvernement fédéral pour qu'il apporte tes correctifs demandés par les créateurs à ta Loi sur le droit d'auteur et qu'il fasse connaître le plus rapidement possible ses intentions sur la deuxième étape de ce processus de révision. Enfin, pour une seconde année, le ministère des Affaires culturelles assume la coprésidence du comité intergouvernemental sur le statut de l'artiste dont j'avais appuyé la formation à la conférence des ministres chargés de la culture, à Calgary, en septembre 1986.

Pour terminer ce rapide bilan des gestes concrets que nous avons posés depuis un an et demi, je rappellerai brièvement que le ministère des Affaires culturelles a mis en place une série

de mesures pour lesquelles des crédits de 1 400 000 $ ont été réservés dans le budget de l'année en cours, dont 375 000 $ vont aux associations professionnelles et regroupements d'artistes pour leur permettre d'assurer une meilleure défense des intérêts de leurs membres et de leur offrir de meilleurs services. Des crédits supplémentaires de 525 000 $ ont été alloués aux programmes de bourses aux individus. Ces programmes font, d'ailleurs, actuellement l'objet d'une révision complète dans le sens des indications que nous avait données la commission parlementaire de mai 1986 et des consultations qui sont en cours.

Le projet de loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma constitue une pièce majeure du dossier du statut de l'artiste. Au moment de son dépôt à l'Assemblée nationale, le président de l'Union des artistes - j'aime bien vous le citer - a déclaré que la reconnaissance des artistes venait de franchir "un pas de géant." Nous en sommes aujourd'hui à une étape décisive. L'adoption de ce projet de loi marquera un point tournant dans les rapports entre les artistes et la société. Aussi, avant d'en poursuivre l'étude article par article, nous avons convenu avec l'Opposition de recevoir les premiers intéressés par ce projet de loi et d'écouter aussi leurs propositions et leurs suggestions qui permettraient d'en clarifier certains aspects et d'en améliorer aussi le contenu.

Avant de céder la parole aux représentants des organismes, je voudrais, d'abord, les remercier d'avoir accepté notre invitation et les assurer que leurs commentaires seront reçus avec la plus grande attention. Nous remercions également les autres organismes qui ont tenu à nous exprimer leurs points de vue sur le projet à l'étude. Nous examinerons leurs positions et nous en tiendrons compte dans la révision finale du texte. Toute proposition visant à améliorer le projet de loi sera ta bienvenue.

Quant à nous, cependant, le principe même d'une législation qui établit un cadre de négociations collectives et qui statue sur le caractère autonome du travail des artistes des arts de la scène, du disque et du cinéma lorsqu'ils se lient par contrat avec un ou plusieurs producteurs, ce principe, donc, est acquis et ne saurait être remis en cause.

La solution que nous avons proposée tend à assurer le meilleur équilibre possible entre les droits et les obligations de chacune des parties contractantes. Il est temps de combler le vide juridique de Ja législation du travail qui laissait les artistes dans une situation anachronique en matière de relations du travail. Eux aussi ont le droit de négocier leurs conditions d'engagement. Eux aussi ont droit à un statut professionnel. Historiquement considérés comme des rêveurs individualistes, vivant de la passion de leur art et de la générosité de quelques mécènes, il faut constater et reconnaître aujourd'hui qu'ils sont partie intégrante de la vie sociale et de la vie économique d'une société moderne, À ce titre et en tant que moteurs de la culture, ifs ont un premier rôle à tenir dans les rouages de ce qu'on pourrait appeler un véritable "système de production culturelle".

La production culturelle se distingue toutefois des autres secteurs de production. Les arts ne peuvent ni ne doivent être soumis, pour se développer, qu'aux règles de la rentabilité, de l'offre et de la demande et de la productivité, avec ses objectifs à atteindre, ses ressources à maximiser. La production culturelle est une entreprise à risque. Les arts ont besoin du soutien de l'État, non pas de son Ingérence. Les artistes ont des droits en tant que citoyens et travailleurs que l'État doit appuyer s'il juge qu'il y a inéquité.

Nous convenons tous que les rapports entre l'État, les arts, la culture, les industries culturelles et l'ensemble de la société sont des rapports complexes et délicats. Ils sont faits d'harmonie et de discordance, d'autonomie et d'interdépendance. L'équilibre est constamment à rétablir. Le partenariat entre tous les intervenants culturels caractérise ces rapports et ce n'est que dans la discussion ouverte et franche que chacun y trouve la place qui lui revient.

Les consultations que nous avons menées tout au long de la préparation du projet de loi, à partir de cette vaste consultation initiale que fut la commission parlementaire sur le statut de l'artiste, nous ont démontré qu'une législation était nécessaire. Elles nous ont aussi convaincus que le travail ne s'arrête pas avec l'adoption de ce projet de loi. Je tiens ici à réaffirmer ce que je déclarais au moment de son dépôt: Ce projet de loi visant à reconnaître le statut professionnel et le droit à la négociation des artistes dans les secteurs visés ne prétend pas répondre à toutes les attentes. Mais il constitue ce premier pas essentiel à poser pour assurer aux artistes et interprètes particulièrement une reconnaissance voulue et par eux et par l'ensemble de la population.

Parmi les attentes auxquelles le projet n'apporte pas de réponse immédiate, certaines méritent qu'on s'y intéresse dans les plus brefs délais. Les ajustements nécessaires aux dispositions fiscales figurent en tête de liste de nos priorités à venir, avec la recherche, évidemment, d'une solution aux problèmes rencontrés par les artistes créateurs qui ne sont pas touchés par le présent projet de loi, notamment les artistes en arts visuels, en métiers d'art et en littérature. La situation de ces artistes sera naturellement prise en compte dans nos discussions avec les ministères du Revenu et des Finances. Des représentants de ces disciplines ont convenu avec nous que leurs problèmes n'étaient pas assimilables à ceux des arts de la scène, du disque et du cinéma Les relations qu'ils entretiennent avec les diffuseurs ne sont pas de l'ordre de la prestation de services; donc, les contrats qu'ils

signent sont davantage des contrats de vente ou des contrats d'entreprise dans lesquels la problématique du droit d'auteur est prépondérante.

Des représentants d'associations et de regroupements d'artistes ont aussi fait valoir qu'ils devaient discuter avec leurs membres de leur intérêt et de leur volonté de se prévaloir des dispositions de ce projet de loi et de se faire reconnaître aux fins de la négociation d'ententes collectives. Aussi, pour donner le temps aux associations de définir leurs orientations à cet égard, nous pensons que la mise en application de la loi devra comporter un délai raisonnable. D'ailleurs, ce délai sera nécessaire pour que la Commission de reconnaissance des associations d'artistes, dont la création est prévue au projet de loi, puisse se préparer à l'exercice de son rôle.

Le type de législation que nous proposons est unique en Amérique du Nord. Aussi, nous est-il apparu prudent de laisser le régime le plus ouvert possible de manière qu'il puisse s'adapter au dynamisme des milieux artistiques et à leur évolution.

L'option retenue consiste essentiellement à reconnaître le statut de travailleur autonome pour les artistes des secteurs visés et d'établir un régime de négociation d'ententes collectives adapté à ce statut. En faisant cela, nous légalisons des pratiques existantes et leur assurons un support juridique, tout en donnant la possibilité à des associations professionnelles qui n'ont pas d'entente d'en conclure si leurs membres le souhaitent. Les dispositions contenues dans le projet de loi établissent le mécanisme par lequel les syndicats ou associations professionnelles seront habilités à agir comme agent négociateur. Elles s'en tiennent à encadrer les règles du jeu.

Pour les fins du régime proposé, le projet établit une présomption à savoir que les créateurs et interprètes pratiquant leur art sur scène, sur disque ou au cinéma agissent à leur propre compte s'ils ont des engagements de plusieurs producteurs ou s'ils ont des contrats à durée déterminée demandant des prestations distinctes d'un même producteur. Cette qualification de liens contractuels soustrait, dans l'ensemble, les artistes du régime des relations du travail appliqué aux salariés.

Bien que l'Union des artistes, la Guilde des musiciens et la Société des auteurs, recher-chistes, documentalistes et compositeurs aient déjà pu conclure des ententes avec des producteurs pour le respect de conditions minimales d'engagement, comme je l'ai souligné précédemment, aucune loi n'oblige les parties à négocier et n'encadre ces négociations. La plupart des associations professionnelles d'artistes et de créateurs dans les domaines visés par le projet de loi ont revendiqué du gouvernement une reconnaissance officielle de leur rôle d'agent négociateur. Le projet de loi répond à cette requête en attribuant ce rôle pour un ou plusieurs secteurs de négociation si l'association rassemble la majorité des artistes des secteurs concernés et si les règlements sont conformes aux exigences prévues.

Pour valider le respect des conditions que je viens d'énumérer, le projet de loi institue une Commission de reconnaissance des associations d'artistes. Outre ce pouvoir de reconnaissance, la commission aura pour fonction, notamment, de définir les secteurs de négociation d'ententes collectives en prenant en considération la communauté d'intérêts des artistes et l'historique des relations du travail dans les domaines d'activités en cause. La commission aura aussi comme fonction d'agir comme médiateur à la demande d'une partie à ta négociation d'une entente collective et, à la demande des deux parties, comme arbitre de différends. La commission devra donner son avis au ministre sur toute question relative à l'application de la toi, incluant la mise en oeuvre de mesures propres à favoriser la protection du statut professionnel de l'artiste en harmonie avec le développement des entreprises de production.

Cette commission sera formée de trois membres nommés par le gouvernement pour une période déterminée qui ne dépasserait pas cinq ans. Les décisions rendues par la commission dans son champ de compétence sont finales et sans appel.

Lorsque la commission a reconnu une association dans un secteur, celle-ci a le pouvoir, notamment, d'élaborer pour ses membres des contrats types et de négocier avec un producteur ou une association de producteurs une entente collective.

Un producteur ou les artistes d'un secteur peuvent demander à la commission de vérifier si l'association déjà reconnue rassemble toujours la majorité des artistes de ce secteur. Une telle demande ne peut, toutefois, être faite que dans les six mois qui précèdent l'expiration d'une entente collective.

Si l'association n'a pas signé d'entente, la demande de vérification ne pourra intervenir qu'un an après la date de reconnaissance. Une association peut voir sa reconnaissance annulée si, à la demande d'une partie intéressée, iI est établi que ses règlements ne sont plus conformes ou qu'elle ne les applique pas adéquatement. (11 h 30)

Le projet de loi prévoit que les producteurs individuels ou associés ont l'obligation de reconnaître, aux fins de la négociation dans le secteur en cause, comme seul représentant des artistes qu'ils engagent l'association qui a obtenu la reconnaissance de la commission. L'une ou l'autre des deux parties peut prendre l'initiative de la négociation d'une entente collective en donnant un avis écrit d'un moins dix jours à l'autre partie pour l'inviter à une rencontre. Elle en avise la commission.

Les parties sont tenues d'entreprendre les négociations au moment prévu dans l'avis et de les poursuivre avec diligence et bonne foi. À

toute phase des négociations, une des deux parties peut demander la médiation de la commission. La commission a le pouvoir d'agir comme arbitre à la demande des deux parties. Le recours à des moyens de pression pour amener l'autre partie à conclure une entente est prévu à compter du soixantième jour de la date de réception par la commission de l'avis entamant le processus.

Pendant la durée d'une entente ou d'une décision arbitrale, il est, cependant, interdit de recourir à des moyens de pression sous peine d'amende établie par la loi. De plus, une association liée par une entente avec un producteur ne peut, sous peine de sanction, faire pression sur une personne pour empêcher un producteur de présenter une oeuvre ou de la produire.

Le projet prévoit qu'une entente collective ou une décision arbitrale ne peut s'étendre sur plus de trois ans. Lorsque l'entente est en vigueur, elle lie le producteur et tous les artistes du secteur. Si l'entente a été conclue avec une association de producteurs, elle lie tout producteur associé au moment de la signature même s'il cesse de faire partie de l'association. Ce lien s'étend également à tout nouveau membre de l'association de producteurs en cause.

Le projet comporte également des dispositions pénales exposant les contrevenants à des amendes analogues à celles prévues au Code du travail. Enfin, il assure la continuité d'application des ententes collectives existant au moment de l'entrée en vigueur de la loi.

Je reprendrai ici, M. le Président, des propos que je tenais à l'ouverture de la commission parlementaire. "Les retombées du travail créateur profitent à l'ensemble de la société et il est donc équitable que les secteurs public et privé apportent aussi leur contribution. On ne saurait exploiter quelque secteur que ce soit sans se préoccuper d'assurer le bien-être et l'avenir des artistes qui sont à l'origine de notre développement culturel.

Il ne s'agit pas d'inventer des principes de gestion particuliers à l'intention du monde des arts, mais d'y appliquer, en les adaptant au besoin, les mêmes principes et modes de gestion qui guident nos actions dans d'autres secteurs de la vie économique. On ne saurait exploiter le talent des créateurs et interprètes sans se soucier de leur accorder des droits et les moyens de les faire respecter et sans développer un environnement propice à l'exercice de leur discipline."

Le champ des relations du travail dans la domaine des arts de la scène, du disque et du cinéma doit être régi selon des modalités analogues aux règles qui prévalent dans d'autres secteurs d'activités. À la différence de ces autres secteurs, cependant - et c'est la raison fondamentale pour laquelle une loi particulière est nécessaire - les artistes concernés par le projet de loi se définissent en tant que travailleurs autonomes et non pas en tant que salariés, d'où également un mécanisme spécifique de reconnaissance des associations habilitées à négocier des ententes collectives.

À la lumière des commentaires et des propositions qui seront soumis à l'attention des membres de cette commission, nous évaluerons l'opportunité d'apporter des amendements au projet de loi. Je suis donc disposée à tenir compte des modifications qui bonifieraient ce projet dans le sens des objectifs que nous avons toujours poursuivis.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. Maintenant, je reconnais M. le député de Mercier.

M. Gérald Godin

M. Godin: M. le Président, je vous remercie. Bonjour, messieurs les représentants de l'Union des artistes, et bienvenue à Québec, à cette commission parlementaire, la deuxième en dix-huit mois, comme l'a dit la ministre. On peut donc dire, comme je le dis en Chambre, que la ministre a fait ses devoirs et qu'elle livre la marchandise.

La tradition veut que, si une loi est bien reçue, l'Opposition se taise pour que le plus tôt possible on n'en parle plus et que cela passe dans les archives des journaux du Parlement. Mon Intention n'est pas de me conformer à cette tradition, pas plus à elle qu'à d'autres, d'ailleurs. Au contraire, j'assure ta ministre que nous allons travailler ensemble à améliorer le projet de foi; j'assure aussi nos invités que nous voulons travailler ensemble à ce que le projet de loi réponde à des questions qui me préoccupent beaucoup. Je pense que l'obsession syndicale a pris la place de l'obsession sociale en ce qui touche le projet de loi. Nous constatons dans nos comtés que bien des jeunes artistes sont au bord de la misère et que c'est souvent la relève qui subit de longues périodes de chômage. Nous devons penser à eux. C'est pourquoi nos suggestions d'amendement porteront sur la question de la relève artistique au Québec dans votre domaine.

J'ai soumis à Mme la ministre la liste de quatre organismes qui auraient voulu se faire entendre. Elle a dit oui pour deux, elle a éliminé le Regroupement des professionnels de ia danse, ainsi qu'en art visuel. Je pense que, pour atteindre le but visé qui était d'améliorer le projet de loi, elle aurait dû accepter les quatre groupes. Je lui dis merci pour les deux acceptés et je déplore que les deux autres aient été refusés dans ia mesure où...

Mme Bacon: J'aimerais apporter une correction à ce que dit le député de Mercier. Il faut, quand même, donner des vérités Ici. On ne commencera pas à mentir ce matin.

Le Président (M. Trudel): Mme la ministre,

vous avez le droit de parole après les remarques préliminaires des membres de l'Opposition.

M. Godin: Sans vouloir donner de leçon à la ministre, ce qu'elle a en horreur, je répète, quand même, que nous aurions pu faire ce qu'on a fait dans d'autres circonstances semblables alors que j'étais ministre et entendre tout le monde dans la mesure où on veut un projet de loi aussi parfait que possible. Mon expérience comme député ici depuis douze ans me rappelle, me montre, m'enseigne, dis-je, que plus on travaille à ce stade-ci, moins la loi est à corriger plus tard. Donc, nous allons collaborer avec te gouvernement au maximum, mais sans qu'on brime notre droit de parole et sans surtout renoncer à nos critiques même si la ministre n'aime pas qu'on lui fasse des leçons, dit-elle. Il n'est pas question de lui faire des leçons; il est juste question d'améliorer...

Mme Bacon: II faut dire la vérité.

M. Godin: M. le Président, est-ce que j'ai encore la parole? C'est moi qui ai la parole. Merci, M. le Président. Alors, nous sommes ici pour améliorer le' projet de loi en tenant compte de la réalité dans son ensemble et pas seulement de sa partie, je dirais, purement syndicale. Donc, je déplore que la ministre n'ait pas voulu qu'on entende deux des groupes suggérés par nous, car ces groupes avaient des remarques à faire qui auraient contribué à améliorer le projet de loi dans la direction que nous souhaitions. Nous sommes heureux que ce projet de loi soit déposé et nous voulons l'améliorer la main dans la main et sans acrimonie avec personne, le plus tôt possible, avec l'aide de nos témoins qui comparaîtront aujourd'hui.

Donc, Mme la ministre, je laisse un peu de temps à mon collègue de Saint-Jacques qui a porté le dossier pendant de nombreuses années avant que j'en hérite. Mes propos se terminent ainsi. M. le Président, j'ai terminé.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Mercier. Est-ce que d'autres membres de l'Opposition auraient des remarques préliminaires à faire? M. le député de Saint-Jacques?

M. André Boulerice

M. Boulerice: Oui, M. le Président. Très brièvement, puisque ce qui nous intéresse, c'est effectivement le projet de loi et les commentaires que les différentes associations vont présenter avec possibilité de suggestions d'amendement, ce que je souhaiterais vivement.

Comme le disait mon collègue, le député de Mercier, j'ai eu l'honneur et, surtout, le très grand plaisir de piloter cette commission en mai 1986 lorsque nous vous avons entendus. Je crois bien, effectivement, à ce moment-là, vous avoir entendus. Nous avons maintenu le dialogue depuis ce temps et de cela, je m'en réjouis. Je constate aujourd'hui que votre élégante ténacité, votre ardeur, votre vigueur et vos convictions font que nous avons un pas de fait. Je ne le sous-estimerai pas, un pas qui est Important, significatif. On est loin, par contre, d'avoir obtenu la perfection. Je pense que vous apporterez des choses.

Je peux vous dire que j'agirai dans la même lignée que je l'ai fait lors des audiences de mal 1986, lors des rencontres que nous avons eues après. Ce qui m'intéresse est la réussite de votre dossier. Donc, vous pourrez compter sur l'ancien porte-parole de la culture, mais toujours membre de cette commission et ayant le privilège de vivre dans une circonscription où cela s'illustre peut-être d'une façon plus évidente que dans certaines autres.

Je vais conclure là-dessus en laissant à mes collègues la possibilité de vous dire quelques mots, s'ils le souhaitent, en vous disant que j'attends avec beaucoup d'impatience les précisions que vous voudrez apporter. J'estime que la loi a, malheureusement, certaines faiblesses. Par contre, un deuxième volet n'est pas présenté simultanément, ce qui nous aurait permis d'avoir une situation plus claire et plus définitive pour le statut de l'artiste. Mais je pense qu'on va en discuter dans les heures qui viennent.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Saint-Jacques. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Je vais être également brève parce que l'avantage des commissions parlementaires de cette nature, c'est d'avoir un propos assez bref pour donner un peu plus de temps à ceux qu'on veut entendre.

Je voudrais d'abord dire que je partage tout à fait l'avis et les préoccupations du porte-parole du dossier. Tout ce qui concerne la relève au Québec en matière de développement des arts devrait être examiné avec infiniment de soin et encouragé. Il est sûr que les différents aspects de ce projet de loi qui nous permettraient de le faire, on pense devoir les examiner avec beaucoup de soin pour voir comment on pourrait les améliorer. En pariant ainsi, on admet et on est heureux de dire que ce projet de loi constitue un pas dans la bonne direction.

À la réaction de la ministre tout à l'heure, j'ai cru comprendre qu'on pouvait peut-être éventuellement répondre par l'affirmative à une demande présentée par le Regroupement des professionnels de la danse d'être entendu à cette commission. Si tel est le cas, je serais tout à fait heureuse - et j'imagine que mes collègues le seraient également - qu'on puisse corriger cet oubli. Selon l'information qui m'a été communiquée, on aurait refusé de l'entendre. Je pense

que c'est un regroupement comme un autre; on a connu sa position à l'occasion de la première commission parlementaire et, s'il y a eu une demande et qu'il n'y a pas eu de refus, normalement on devrait l'entendre ici.

Une autre question me préoccupe aussi, et vous le comprendrez, c'est tout le développement et la production d'activités à caractère culturel dans les régions. Ce que vous proposez avec le projet de loi qui est sur la table va permettre à un certain nombre de nos artistes de vivre un peu mieux que dans la situation actuelle, soit sous le seuil de la pauvreté dans la trop grande majorité des cas. Mais, comme on n'a pas, dans nos régions, de grandes manifestations culturelles, comme on n'a pas de grands artistes patentés, ils commencent à se former dans les régions et, ensuite, ils vont terminer à Montréal. Ce que je ne retrouve pas dans ce projet de loi, ce serait une préoccupation par rapport aux situations dans les régions qui sont fort différentes de la situation du Montréal métropolitain. Cela avait été souligné à plusieurs reprises à l'occasion de la première commission parlementaire. C'est cet aspect également que je voudrais qu'on puisse examiner au fur et à mesure de fa présentation des mémoires et, évidemment, de l'examen du projet de loi lui-même. Sur ce, je terminerais.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Est-ce que, Mme la députée de Maisonneuve, vous avez des remarques préliminaires à faire?

Mme Harel: Non, M. le Président, je vous remercie. J'attendrai la présentation du mémoire et, par la suite, je m'autoriserai à intervenir.

Le Président (M. Trudel): Très bien, merci. Mme la ministre des Affaires culturelles.

Mme Lise Bacon

Mme Bacon: Je pense, M. le Président, qu'il faut, quand même, apporter des corrections à ce qu'a dit le député de Mercier et il y a la place pour cela. Il faut, quand même, dire la vérité.

D'abord, il y a plus d'une semaine, et le député de Mercier se le rappelle, nous avons convenu avec l'Opposition des groupes à inviter. À ce moment-là, l'Opposition n'a jamais manifesté d'intérêt pour les groupes qu'il a mentionnés ce matin. Nous avons accepté le nombre de groupes que nous avions mentionnés il y a une semaine et jamais les groupes qu'il mentionne ce matin n'ont été mentionnés.

Pour ce qui est du regroupement des arts visuels, j'ai longuement expliqué, à l'adoption du principe de ce projet de loi, qu'il ne pouvait pas être couvert par le projet de loi; donc, des contrats de nature commerciale, pas d'entente collective. Et je le lui ai redit encore ce matin. Pour ce qui est du Regroupement des profession- nels de la danse, je l'ai aussi dit à l'adoption du principe du projet de loi 90, les membres du regroupement sont, pour la majeure partie d'entre eux, membres de l'Union des artistes.

Quant à la question de la santé et de la sécurité au travail qui touche les membres de la danse, je suis heureuse de dire ce matin que ce dossier fort important est déjà très avancé. C'est vrai que, par la suite, comme l'a dit ce matin le député de Mercier, il est revenu avec un nombre de groupements une fois que nous avions convenu des autres et j'ai accepté deux groupements, M. le Président. (11 h 45)

Nous allons terminer ce soir, à minuit. Nous allons rencontrer les gens qui ont d'autres dossiers. Nous avons reçu des mémoires d'autres groupes qui ne seront pas entendus et nous prendrons connaissance de ces mémoires. Nous tiendrons compte de tous les mémoires qui nous seront soumis au moment où, s'il y a lieu, nous ferons des changements ou des amendements à ce projet de loi. Je n'ai pas l'intention de brimer qui que ce soit, M. le Président. Ceux qui ne seront pas ici aujourd'hui jusqu'à minuit viendront nous rencontrer; nous les rencontrerons et nous étudierons les mémoires qu'ils nous présenteront, qu'ils soient verbaux ou écrits.

Le Président {M. Trudel): Merci, Mme la ministre.

Organisation des travaux

Mme Harel: M. le Président, je pense que le temps qui était à la disposition de l'Opposition n'a pas été complètement utilisé. J'aimerais, à titre de vice-présidente de la commission de la culture, vous rappeler et rappeler aux membres de la commission qui siégeaient à ta séance de travail jeudi dernier, et peut-être Informer la ministre qui n'en a pas été informée, que, tors de notre séance de travail, nous avions entériné le projet d'audition des personnes et organismes qui avaient demandé à être entendus, évidemment, en insistant sur le fait que, si des groupes autres... J'ai moi-même posé la question à deux reprises: Est-ce qu'il y a des groupes qui ont été refusés? Est-ce qu'il y a des organismes ou des personnes qui auraient aimé être entendus et quf ne se retrouvent pas sur la liste qui nous était présentée à cette séance de travail? On m'a dit: Non, il n'y en a pas d'autres. Et on m'a mentionné que, s'il y en avait, il n'y aurait aucune objection à ce que la commission parlementaire les entende.

Alors, je ne veux pas que l'impression se dégage que l'Opposition n'avait pas prévu que des groupes ou des organismes ou des personnes s'ajouteraient peut-être à la liste qui était déjà constituée. Bien au contaire, je me rappelle avoir posé la question à deux reprises: Est-ce qu'on s'entend bien sur le fait que des organismes qui demanderaient à être entendus après la séance de

travail que nous faisions pourront l'être? On m'avait bien signalé que ça ne posait pas de difficulté.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la députée.

On me permettra, comme président de cette commission, de me déclarer en parfait désaccord avec votre interprétation. Effectivement, on a approuvé la liste qui avait fait l'objet d'une entente entre le gouvernement et l'Opposition, On vous avait présenté cette liste-là quelques jours à l'avance, je pense, et quelqu'un de votre formation est arrivé rapidement en nous disant: Oui, bien, on est d'accord. On ne savait pas s'il t'était au début. Je me souviens d'avoir dit personnellement que, s'il y avait des ajouts à faire, ça dépendrait du temps qu'il y aurait à notre disposition et que, d'autre part, ça dépendrait aussi de l'accord des deux partis puisqu'on s'étaient entendus sur une liste.

Je ne voudrais pas qu'on perde trop de temps là-dessus. On pourrait faire venir le procès-verbal d'ici quelques minutes, évidemment, s'il faut qu'il y ait débat. Mais je vous rappellerais qu'il est déjà midi moins dix et que, dans douze heures moins dix minutes on sera à la fin des travaux de cette commission.

Je pense que tout le monde a fait valoir son point vis-à-vis de nos amis, les artistes. Chacun des deux côtés de cette table veut le plus grand bien de l'artiste. Je pense qu'on s'entend là-dessus. Je souhaiterais, quant à moi, comme président de la commission, qu'on évite des débats de cette sorte ce matin, quitte à les poursuivre entre nous, à moins qu'il n'y ait des choses véritablement...

Mme Harel: M. le Président, la meilleure façon de les éviter...

Le Président (M. Trudel): Madame, je vous ai laissée parler. Est-ce que vous pouvez me laisser terminer?

Mme Harel: ...c'est de ne pas présumer que nous étions en...

Le Président (M. Trudel): Madame, je n'ai pas terminé ce que j'avais à dire.

Mme Harel: ...désaccord. Alors, la meilleure façon de les éviter, c'est, justement, de rappeler que nous souhaitons que tous les groupes et organismes qui veulent se faire entendre puissent être entendus.

Le Président (M. Trudel): Cela, c'est une chose.

Mme Harel: Et cela a été dit clairement à cette séance de travail de jeudi dernier.

Mme Bacon: On n'a pas nommé les groupes comme on l'a dit ce matin. M. le Président...

Le Président (M. Trudel): Allez-y, madame.

Mme Bacon: ...si vous me permettez une intervention - j'espère que ça sera la dernière et qu'on écoutera les gens qui viennent Ici pour nous dire ce qu'ils ont à dire sur le projet de loi - j'aimerais vous dire que, si nous avions du temps ce soir et que les groupements sont ici, nous pourrions les entendre. Cela dépend de l'heure. Je pense qu'on ne passera quand même pas la nuit là-dessus. Mais s'il reste du temps ce soir on pourra peut-être en entendre s'ils sont déjà là.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre.

Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Oui, brièvement, M. le Président. La liste n'était effectivement pas définitive puisqu'on a ajouté deux groupes. Ce sur quoi je m'interroge...

Mme Bacon: Écoutez, le porte-parole de la culture, c'est M. le député de Mercier. Après entente avec le député de Mercier... Il n'y a pas quatre porte-parole de la culture dans votre formation politique, j'espère?

Mme Blackburn: M. le Président, est-ce que c'est moi qui ai la parole, oui ou non?

Le Président (M. Trudel): Je voudrais vous la donner. On me l'a coupée tantôt. Mais je vais être plus poli que celle qui me l'a coupée. Je vais vous remettre la parole, chère amie...

Mme Blackburn: Bien, je vous remercie, M. le Président. Tout ce que je dis...

Le Président (M. Trudel): ...en étant prudente, car vous n'assistiez pas à la réunion de la commission de la culture à ce moment-là.

Mme Blackburn: ...c'est que l'impression que ça laisse, c'est que le choix des organismes retenus se fonde sur le fait que certains organismes sont plus en désaccord sur le fond par rapport au projet de loi. C'est ça qui est préoccupant. Quand on parle de toute la vérité, de faire la lumière sur ce projet de loi, iI faut aussi entendre ceux qui ne sont pas tout à fait d'accord avec la perspective qui est présentée et qui voudraient améliorer le projet de loi.

Le Président (M. Trudel): Avez-vous lu les mémoires, madame?

Mme Blackburn: Oui, j'ai lu ce mémoire-là.

Le Président (M. Trudel): Vous allez vous apercevoir que, dans les quatre qui vous sont

déjà parvenus, ils ne sont pas tous d'accord et ils sont devant nous aujourd'hui.

Mme Bacon: Ils ne sont pas tous d'accord et on les entend, madame.

Mme Blackburn: II y a des modifications, je le sais, mais la plus importante différence, à mon avis, c'est ceux qui ne se reconnaissent pas bien là-dedans. Et cela, c'est beaucoup plus majeur que celui qui ne partage pas vraiment le libellé. C'est dans ce sens-là que je voulais intervenir et j'espère...

Mme Bacon: Je dois déplorer ce ton-là ce matin, M. le Président. On n'a jamais eu cela avec le député de Saint-Jacques, M. le Président, et je dois lui rendre hommage là-dessus.

Mme Blackburn: M. le Président, vous permettez que je termine?

Le Président (M. Trudel): Allez-y, madame.

Mme Blackburn: Alors, c'est simplement pour vous dire que j'ai terminé. On essaiera de le faire assez brièvement pour pouvoir entendre les deux derniers groupes, si mes collègues sont d'accord.

Mme Bacon: Vous devriez reprendre le dossier, M. le député de Saint-Jacques, on aurait moins de trouble.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Trudel): Deux choses, si vous me le permettez, très brièvement, avant de céder la parole à l'Union des artistes. Il y a un règlement de l'Assemblée nationale qui stipule qu'une commission parlementaire ne peut pas siéger après minuit. Il est évident qu'on peut siéger quelques minutes après minuit, à condition d'avoir commencé à entendre un groupe. Sans presser trop les huit groupes que nous avons déjà, qui comparaîtront devant nous et qui sont déjà sur notre liste d'invités pour aujourd'hui, il est évident que, si les choses s'accéléraient et qu'on arrivait à 23 h 15, 23 h 30, même à 23 h 45 avec un autre groupe - je sais que le Regroupement des professionnels de la danse est ici, j'ai vu M. Patenaude en bas, dans une autre réunion, il y a quinze minutes - on lui laisserait la parole.

Est-ce qu'on aura ie temps de passer dix groupes dans une journée? Moi, je rnë souviens que le record de cette commission, qui a été établi lors de la première commission sur le statut de l'artiste, était de huit dans une journée et c'est déjà beaucoup pour tout le monde. Cela étant dit, je pense que cela met fin au minidébat.

Mme Pelchat: Est-ce qu'on peut connaître le porte-parole de l'Opposition officielle, M. le Président, en matière de culture?

Mme Bacon: Est-ce qu'on sait qui est le porte-parole officiel?

Mme Pelchat: Est-ce qu'il est bien établi?

Le Président (M. Trudel): Mme la députée de Vachon, si vous voulez que les choses aillent rondement...

M. Godin: Si elle veut la chicane, elle va l'avoir, mais moi...

Le Président (M. Trudel): M. le député de Mercier, Mme la députée, s'il vous plaît!

M. Godin: S'ils veulent barber, on va barber des deux bords.

Auditions

Le Président (M. Trudel): A l'ordre, s'il vous plaît!

Alors, M. le président de l'Union des artistes - à l'ordre, s'il vous plaît - il me fait plaisir, au nom d'une commission très unie ce matin, de vous souhaiter la bienvenue...

M. Boulerice: Le temps d'une paix, une deuxième fois.

Mme Bacon: On l'avait avec vous, M. le député de Saint-Jacques.

Le Président (M. Trudel): S'il vous plaît! Il y a un président de l'Assemblée nationale qui a déjà dit que les enfants étaient agités un matin; je serais presque tenté de dire la même chose.

Alors, M. le président de l'Union des artistes, ainsi que les membres qui vous accompagnent, rebienvenue presque chez vous. Ce salon vous appartient presque autant qu'à nous puisque vous y avez passé, il y a dix-huit mois, presque une semaine avec nous. Je pense que les préambules de part et d'autre ont été assez longs pour m'éviter d'en faire un, si ce n'est pour vous souhaiter la bienvenue, vous rappeller les règles du jeu et vous dire que, bien que nous n'ayons pas lu votre mémoire étant donné certains problèmes techniques, il faudrait essayer de faire te tout en 20, 25 minutes de façon que nous puissions avoir avec vous un échange fructueux.

M. le président, je vous cède, avec beaucoup de plaisir, la parole.

Union des artistes

M. Turgeon (Serge): Bien, M. le Président, Mme la ministre, mesdames, messieurs, les membres de cette importante commission, c'est vrai qu'on a déjà passé une semaine ici et je vous assure qu'on va aussi y passer tout le

temps qu'il faudra encore cette fois-ci. J'espère que vous serez tous d'accord pour dire que nous devons discuter de ce qu'est ce projet de loi et non pas de ce qu'il n'est pas.

Là-dessus, je voudrais vous présenter, au point de départ, ceux qui m'accompagnent. À ma droite, notre directeur général, M. Serge Demers; à ma gauche, notre conseiller juridique, Me Marc Trahan, et notre expert en fiscalité, M. Serge Chevalier, de la firme Raymond, Chabot. Je veux vous dire aussi, dès le départ, que bien que nous ayons souscrit à l'esprit du projet de loi 90 qui a été déposé - et comment aurait-il pu en être autrement? - nous croyons, cependant, que, pour mieux cerner la situation visée, certaines modifications destinées à en clarifier le texte doivent être effectuées. Nous espérons ardemment que les modifications de dernière minute, que les amendements qui pourront y être apportés ne viendront, en aucun cas, infléchir l'esprit du projet de loi qui a été déposé.

Je commence tout de suite avec le point 1 qui concerne le champ d'application et les définitions. On dit là-dedans que la loi doit s'appliquer à plusieurs domaines dont celui du film et du matériel vidéo au sens de la Loi sur le cinéma. Nous pensons qu'il serait plus opportun de parler de ce domaine comme étant celui du film et du matériel vidéo, ce qui comprend toute oeuvre audio-visuelle destinée à tous les modes de distribution et de diffusion présents ou futurs et ce, quel qu'en soit le support technique. Pourquoi cela? Parce qu'au moment de son adoption la Loi sur le cinéma visait principalement le cinéma en salle, alors que l'évolution actuelle nous amène plutôt, vous le savez, vers fa coproduction internationale, vers des modes de diffusion et de distribution dont on ignore toujours les grandes possibilités. Or, depuis quelques années, tant par le biais des fonds accordés par Téléfilm Canada que par ceux de la Société générale du cinéma, les producteurs indépendants sont amenés non seulement à produire des films qui sont destinés à la projection en salle, mais aussi des oeuvres conçues pour la télévision. On ne voudrait pas que la définition des domaines de production artistique exclue ce type de production. Donc, une définition plus large et qui songe au futur nous apparaîtrait beaucoup plus viable.

Au point 2, c'est extrêmement Important, cela concerne les définitions. Il faut s'entendre au point de départ sur ce que doit être un artiste et ce que doit être un producteur. À la définition "artiste", bien sûr, c'est une personne physique qui pratique un art à son propre compte et - c'est important pour nous - qui offre ses services professionnels moyennant rémunération. Puisqu'on parle dans cette loi de statut professionnel et de prestations de services, on souhaite donc voir inclure la notion de "services professionnels" à la définition d'artiste. À la définition de "producteur" nous proposons une personne, une compagnie, au sens de la Loi sur les compagnies, du Canada ou du Québec, et/ou une société qui retient les services professionnels d'un artiste dans le but de produire et/ou de présenter une oeuvre artistique. Encore là, il faut comprendre que la définition de producteur dans le projet nous apparaît trop restrictive. Nous désirons plutôt y voir inscrire toutes les formes de constitution juridique sous lesquelles on retrouve les producteurs qui requièrent les services de nos membres. Quant à la distinction de "produire" et de "présenter" une oeuvre artistique, on veut particulièrement se référer Ici au secteur de la variété. C'est très important parce que, très souvent, en régions un propriétaire de salle décide de faire venir un artiste avec ses musiciens et on pense que, dans nombre de cas, ils sont plus que de simples locateurs de salle. Nous souhaitons donc que la loi le stipule.

Au point 4, il est dit que, pour l'application de la présente foi, l'artiste qui s'oblige habituellement envers un ou plusieurs producteurs au moyen de contrats portant sur des prestations distinctes est réputé pratiquer un art à son propre compte. Mais on considère important d'ajouter "en tant que travailleur autonome". Il faut être précis. Nous vous proposons de rajouter: Un artiste dont les services professionnels sont retenus par un producteur en tant que travailleur autonome n'est pas considéré comme occupant une charge ou un emploi au service de ce producteur. Il semble essentiel de spécifier que le lien de travail de l'artiste autonome au producteur échappe à toute définition d'emploi au sens du Code du travail et ce, dans le but de rendre bien claires les choses.

Au point 6, il y a un petit mot qui nous semble important et qui est mal placé, à notre sens, c'est le mot "malgré". On dit que l'artiste a la liberté de négocier et d'agréer les conditions auxquelles il est engagé par un producteur malgré toute entente collective. Nous pensons qu'il serait plus opportun de dire: "et ce, en sus de toute entente collective." On souhaite que soit enlevé, donc, le terme "malgré" car il s'inscrit Ici comme une connotation d'exclusion par rapport à l'entente collective. Cela laisse croire, et c'est fondamental, que le contrat individuel de l'artiste est quelque chose de complètement différent de l'entente collective, alors qu'au contraire il fait partie de cette entente et, en règle générale, le formulaire du contrat est même un élément de négociation avec les producteurs. Donc, on souhaite que le texte de loi ne prête pas à interprétation quant au lien juridique qui existe entre le contrat individuel et l'entente collective. On souhaite qu'il soit clairement établi qu'il s'agit d'une même réalité et non pas de points distincts.

Un peu plus loin, on propose d'enlever le mot "toutefois" dans "peuvent toutefois stipuler une condition". On pense que ce mot est tout à fait inutile dans cela.

À la section I du chapitre III qui concerne le droit à la reconnaissance il est dit au point 7,

alinéa 2°, que l'association est formée exclusivement d'artistes. Nous vous proposons d'enlever le mot "exclusivement" parce que cela nous apparaît, encore là, trop restrictif. Ainsi libelé, l'article 7 exclut tes membres qui sont actuellement représentés par certaines associations qui oeuvrent aussi dans le milieu. Alors, on recommande que l'article 7 en tienne compte et qu'il soit donc reformulé.

Au point 9, on y dit que les règlements d'une association d'artistes ne doivent contenir aucune disposition ayant pour effet d'empêcher injustement un artiste d'adhérer ou de maintenir son adhésion à l'association. On pense que le mot "injustement" doit être remplacé en disant qu'il ne doit contenir aucune disposition ayant pour effet d'empêcher de façon discriminatoire un artiste d'adhérer ou de maintenir son adhésion. C'est que la formulation que nous suggérons correspond tout simplement aux formulations qui sont présentes dans différentes chartes des droits de la personne. Il existe, de plus, à ce propos, une jurisprudence qui facilitera l'interprétation de cet article. (12 heures)

À la section II qui concerne la procédure de reconnaissance, nous suggérons d'ajouter au numéro 14: "Là où les associations d'artistes d'un secteur visé ont le droit de se faire entendre par la commission quant à la liste établissant les artistes du secteur visé." Tout en reconnaissant le pouvoir de décision des membres de la commission en matière de reconnaissance, on pense que l'ajout d'une étape d'explication advenant que la liste agréée par la commission, pour un secteur visé, ne satisfasse pas l'association d'artistes en cause, cela bonifierait le processus et offrirait plus de garantie quant à la décision finale, eu égard, évidemment, aux intérêts de l'association d'artistes.

On dit dans le projet de loi que les producteurs peuvent intervenir sur la définition du secteur de négociation. C'est bien, mais on voudrait que ce soient non seulement tes producteurs, mais aussi la ou les associations d'artistes qui puissent intervenir sur la définition du secteur et cela, toujours dans une notion d'équité parce qu'on pense que les deux parties en cause devraient bénéficier du droit d'intervenir sur l'importante définition du secteur de négociation.

Au chapitre III, section III, qui concerne l'annulation de la reconnaissance, au numéro 17, il est dit que, sur demande d'au moins 10 % des artistes du secteur dans lequel une association a été reconnue ou sur demande d'un producteur visé par la reconnaissance, la commission doit procéder à une procédure de revérification de majorité Là-dessus, on demande que ce soit plutôt sur demande d'au moins 30 % des artistes du secteur dans lequel une association a été reconnue ou encore sur demande non pas d'un seul producteur, mais de 30 % des producteurs liés par une entente collective visée par la reconnaissance, que fa commission doive vérifier si l'association rassemble effectivement ta majorité des artistes du secteur. C'est un pourcentage qui nous semble réaliste, D correspond aussi à la règle généralement suivie, d'ailleurs, dans le cadre du Code du travail du Québec. Il nous semble aberrant qu'un seul producteur, lorsque certains secteurs en comptent parfois 500, puisse, à lut seul, amorcer ce processus qui risque de déstabiliser l'ensemble des relations entre les producteurs et l'association reconnue. Donc, on pense qu'il serait beaucoup plus juste de porter ce pourcentage également à 30 % des producteurs liés par une entente.

Au chapitre 111, à la section IV qui concerne les effets de la reconnaissance, il est dit qu'une association d'artistes doit avoir les pouvoirs et les devoirs de défendre et de promouvoir les intérêts économiques et professionnels de ses membres. Et il nous semble fondamental de dire qu'elle doit défendre et promouvoir les intérêts économiques, sociaux, moraux et professionnels de ses membres, c'est-à-dire que soit repris, en fait, le même libellé qui, depuis une bonne quarantaine d'années jusqu'à nos jours, a servi de définition juridique à tous nos syndicats professionnels. Cela fait partie de notre histoire. Cela reflète les multiples facettes des intérêts que nous défendons depuis toutes ces années. C'est justement, d'ailleurs, à partir de cette définition qui inclut tous les Intérêts de nos membres, qu'ils soient économiques, sociaux, moraux et professionnels, que nous avions souhaité que s'articule un statut véritable

Au point 21 toujours, et au quatrième alinéa, il est dit que l'association peut fixer des cotisations payables par ses membres. Il nous semble qu'il est fondamental de dire que l'association peut fixer des cotisations payables par les artistes. Là, il y a une nécessité d'équité là-dessus. Si notre association oeuvre comme association reconnue dans un secteur et offre ses services aux artistes membres, mais aussi aux artistes non membres de ce secteur, elle doit évidemment pouvoir percevoir des cotisations qui lui permettent de garantir ces services.

On en arrive là-dessus au chapitre III, section IV, qui concerne les effets de la reconnaissance et là, on a un cinquième et un sixième alinéa dans le projet actuel et nous proposons de refondre tout cela en un seul alinéa qui deviendrait l'alinéa 5°. On propose de dire que, dans ces effets de reconnaissance, il y a de négociée avec un producteur ou une association de producteurs une entente collective, prévoyant les conditions minimales d'engagement, incluant un contrat type pour ta prestation de services dans le secteur où l'association est reconnue. Ici, on propose de jumeler les deux, d'en faire une seule rédaction tout simplement pour faire une concordance avec l'article 23 où il est stipulé que l'association reconnue est la seule représentante

des artistes que le producteur ou l'association de producteurs engage. Cela veut dire que l'association reconnue négocie une entente collective pour les artistes d'un secteur donné et, par la suite, les représente tous dans le cadre de cette entente.

Au point 22, on propose de dire que l'association reconnue doit transmettre la liste de ses membres à la commission - pas chaque année - six mois précédant la date d'expiration d'une entente collective visée à la section V. On propose cela, encore là, en concordance avec le second paragraphe de l'article 17. Il serait administrativement souhaitable qu'on ne multiplie pas indûment le nombre de fois où ces listes, qui sont fort longues à établir, seront requises.

À la section V, dans le chapitre III, en ce qui concerne les ententes collectives comme telles, il est dit qu'à moins qu'une entente n'ait été conclue ou que les parties n'aient soumis leur différend à l'arbitrage, l'association reconnue peut, après l'expiration du soixantième jour de la date de réception de l'avis, déclencher à l'égard de l'autre partie une action concertée en vue de l'amener à conclure une entente. 60 jours, cela nous semble énorme. On propose plutôt après le trentième jour de la date. Vous allez comprendre pourquoi on désire diminuer ce délai à 30 jours, c'est à cause de la courte durée de certaines productions, de même que du caractère souvent éphémère de certaines compagnies qui n'existent que le temps de la production. Les productions peuvent durer 30 jours ou 20 jours seulement et les compagnies aussi

On en arrive au chapitre V en ce qui concerne la Commission de reconnaissance des associations d'artistes. À la section I, Constitution, le projet de loi propose que la commission soit nommée pour une période déterminée d'au plus cinq ans. On vous propose pour une période de sept ans. Un mandat ferme de sept ans nous semble garant d'une meilleure stabilité de la commission. Plus un mandat est court, plus le risque est grand, selon nous, que certaines décisions des membres de la commission soient rendues en fonction d'un plan de carrière personnel envisagé à court terme, et ce, dans des domaines directement reliés - ou propres du champ d'intervention de la commission.

Par contre, un mandat de sept ans ferme offre un cadre de travail où l'esprit des décisions sera plus dénué d'influences ou d'orientations. On vous propose aussi que le président de cette prochaine régie soit un juge de la Cour provinciale. Je ne sais pas comment vous allez réagir là-dessus, mais on vous propose cela parce qu'il nous semble que cela assurerait l'autonomie du tribunal administratif que constitue la commission.

Par la suite, en ce qui concerne le président qui exerce ses fonctions à temps plein, cela va. Le gouvernement fixe la rémunération et les autres conditions du travail, cela va. Mais on dit que les autres membres de la commission, les deux autres, ne sont pas rémunérés et là-dessus on vous propose plutôt que les autres membres de la commission soient rémunérés selon la Loi sur la fonction publique du Québec. On pense qu'une telle mesure est plus propice à garantir l'indépendance des membres de la commission.

Au chapitre V qui concerne la Commission de reconnaissance des associations d'artistes, il est dit qu'un membre de la commission ne peut avoir un intérêt direct ou indirect. On vous propose qu'un membre de la commission permanent, au sens de l'article 39, ou temporaire, au sens de l'article 41, ne puisse, sous peine de déchéance, donc, avoir un intérêt direct ou indirect et on vous propose que ce même membre doive produire au ministre responsable une déclaration écrite à cet effet. On propose ces modifications dans le but de garantir, encore là, la plus grande intégrité possible des membres de ce tribunal administratif et leur capacité d'en répondre, évidemment, vis-à-vis du ministre responsable.

Toujours au chapitre V, à la section II, qui concerne les fonctions et les pouvoirs de cette commission, on propose de rajouter au point 52 que la ou les associations d'artistes d'un secteur de négociation visé aient le droit de se faire entendre par la commission sur ces décisions. C'est dans le même esprit que ce qui a motivé l'amendement qu'on a proposé tantôt à l'article 14. Une décision de la commission qui aurait été prise, par exemple, dans la méconnaissance de certains éléments que pourrait faire valoir une association équivaudrait peut-être à nuire au fonctionnement serein d'un secteur donné.

Le point 56, alinéa 2°, on propose tout simplement de le biffer; à notre avis, il est tout à fait inutile et ouvre la porte à des délais qui risquent de paralyser le bon fonctionnement de la commission et de nuire plutôt aux relations avec les parties

Au chapitre VI, qui concerne les dispositions pénales, tout en étant d'accord pour dire qu'une loi sans disposition pénale significative est sans effet, on a cru bon de suggérer certaines modifications propres à garantir un peu plus d'équité selon la nature des contrevenants. C'est ainsi qu'au point 59, alinéa 2°, on propose de passer de 500 $ à 1000 $ plutôt qu'à 5000 $, puis à l'alinéa 3°, de passer de 2000 $ à 10 000 $ plutôt qu'à 25 000 $. Cela nous semble un peu plus réaliste.

Enfin, en ce qui concerne les dispositions transitoires et finales, nous vous suggérons que la présente loi entre en vigueur le 1er septembre 1988 parce qu'on pense qu'après avoir été sanctionnée par l'Assemblée nationale, la date d'entrée en vigueur de la loi devrait être portée à ce moment-là pour permettre d'abord à la commission et aux parties de s'organiser et de mettre en place les éléments nécessaires à l'application de la loi 90.

Au risque, M. le Président, que vous me disiez que je suis hors du sujet, je voudrais vous

signaler que, dans notre mémoire sur le statut de l'artiste-interprète pigiste, comme dans l'abrégé qui a été présenté ici au mois de mai 1986, nous disions clairement qu'acquérir un statut véritable, cela voulait dire pour nous acquérir une reconnaissance légale associée à une reconnaissance fiscale qui nous soit propre et qui soit inscrite dans la Loi sur l'impôt du Québec. Cela veut dire trois choses, mais, premièrement, que la Loi sur l'impôt du Québec doit être amendée pour nous reconnaître comme travailleurs autonomes. À ce jour, je vous le rappelle, rien ne nous assure que cette concordance légale sera chose faite. Deuxièmement, cela veut dire qu'on doit introduire dans la Loi sur les Impôts du Québec la possibilité d'une déduction forfaitaire de 30 % des revenus de l'artiste et, troisièmement, que l'on introduise aussi dans cette même Loi sur l'impôt du Québec un régime pertinent d'étalement des revenus. On propose le retour à la rente à versements invariables qui existait avant le 12 novembre 1981 - c'était un autre 12 novembre. Cette mesure avait fait ses preuves pendant près de dix ans et cela permettait à l'artiste de se créer un minimum de sécurité.

On propose aussi la création d'un comité consultatif regroupant annuellement les artistes et les représentants du ministère du Revenu. Cela ne coûte pas cher. Ce serait une réunion une fois par année, une seule journée. On se réunirait pour discuter des problèmes courants rencontrés par les artistes dans leurs relations avec le ministère, des problèmes qui sont reliés aux bulletins d'interprétation, qui sont reliés à leur application concrète et le reste.

Cela pour vous dire que cela termine un peu les observations que nous avons à faire sur ce projet de loi, mais je voudrais aussi souligner notre appui au Syndicat des techniciens et des techniciennes en cinéma du Québec, le STCQ, stipulant que ses membres soient également couverts par cette loi. Les représentants du STCQ, vous vous en souviendrez, se sont toujours liés à cette recherche d'un statut professionnel véritable.

Par ailleurs, on est conscient qu'il reste à définir un statut qui corresponde aux aspirations des artistes d'autres disciplines et, notamment, à nos camarades des arts visuels. Vous l'avez dit, Mme la ministre, et plusieurs l'ont dit. C'est pourquoi, nous aussi, solidairement avec ces associations d'artistes de ce milieu, nous vous demandons évidemment de prendre des engagements précis à cet effet.

Là-dessus, M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le président. Je reconnaîtrai maintenant Mme la ministre des Affaires culturelles.

Mme Bacon: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier les gens de l'Union des artistes du travail rapide qu'ils ont effectué compte tenu du délai, qui était quand même assez court, qu'on leur a donné; et nous, nous avons eu un délai assez court pour prendre connaissance de votre document. Je voudrais vous remercier car vous avez continué l'excellent travail que vous aviez commencé, il y a déjà plusieurs années. On espère avec vous que cette commission parlementaire nous permettra de bonifier certaines parties du projet de loi, mais en même temps peut-être, d'apporter, s'il y a lieu, les corrections nécessaires pour répondre aux besoins de votre milieu.

À l'article 1, dans le champ d'application, quand vous parlez d'évolution actuelle dans le domaine du matériel vidéo et de nouveaux modes de diffusion, quelle référence faites-vous exactement? Est-ce qu'il y a des modes précis que vous avez envisagés que vous n'indiquez pas là-dedans?

M. Turgeon: Ja vais inviter M. Demers à répondre à cette question.

M. Demers (Serge): Nous venons de conclure une entente collective avec l'ONF et les producteurs de films et de vidéos du Québec. Pour fa première fois, nous avons Introduit des dispositions dans cette nouvelle entente qui touchent la production faite par les producteurs indépendants destinée à la télévision. C'est une évolution de l'industrie. Il y a quelques années, les producteurs de films produisaient presque essentiellement des films destinés aux salles de cinéma Alors, comme l'esprit de la Loi sur le cinéma vise à réglementer principalement la production de films destinés aux salles, nous croyons que de faire référence à cette loi particulièrement restreint la portée que devait avoir, lorsqu'on parle du cinéma et de la vidéo, cette industrie qui produit maintenant pour fa télévision, entre autres. Pour ne pas que ce soit limitatif, étant donné que la commission aura à s'inspirer de la loi et à la respecter, nous croyons que la définition doit être plus large. Actuellement, nous avons d'ailleurs avec ces producteurs des conditions maintenant nouvelles et particulières qui touchent la production destinée à la télévision. (12 h 15)

Mme Bacon: À l'article 7, vous souhaiteriez qu'on élargisse le membership des associations qui pourraient être reconnues en ne leur Imposant pas d'être formées exclusivement d'artistes. Quels seraient les critères pour vraiment déterminer qui serait touché par cet article? Est-ce que vous avez déjà établi des critères ou si c'est à faire?

M. Demers: Pour nous, la définition de l'artiste, dans la mesure où elle sera suffisamment claire, permettra de très bien cerner la partie du membership d'une association qui est visée et qui peut se placer sous le coup de cette loi. Cependant, nous savons ~ d'ailleurs, nos amis

de la SARDEC auront l'occasion de vous en parier plus longuement, puisque cela les touche encore plus directement que nous, Je pense - qu'ils peuvent représenter aussi une catégorie de gens qui ne correspondent pas nécessairement à la définition de l'artiste, mais qui, pour des raisons historiques font partie du membership. Il est possible qu'une partie du membership d'une association échappe à l'application de cette loi, puisqu'elle ne correspond pas aux définitions qui y sont présentes, mais il ne faudrait pas que, parce qu'on a le mot "exclusivement", cette association soit obligée de se scinder, compte tenu des gens qu'elle représente déjà à ce stade-ci. Je les laisserai discuter davantage cette question, puisque cela tes touche plus directement.

Si vous me permettez un commentaire avant que vous passie2 à un autre point, je tiens à m'excuser concernant la question des mémoires. Ils ont quitté Montréal par bus hier après-midi à 13 heures et se sont volatilisés entre Montréal et Québec. Ce n'est pas un commercial pour la compagnie Parbus, vous le comprendrez bien, mais je voulais simplement vous expliquer qu'on en a envoyé 50 copies par autobus, hier après-midi.

Mme Bacon: Merci. Sur l'article 21, paragraphe 4°, vous commentaires parient de "nécessaire équité". Vous pourriez peut-être préciser cela.

M. Demers: Pour nous, il y a un article fondamental dans ce projet de loi qui dit: Lorsque la commission aura vérifié la représentativité d'une association, celle qui est majoritaire représentera tous les artistes. Représenter tous les artistes, cela ne veut pas seulement dire percevoir des choses, cela veut aussi dire leur offrir des services, leur donner une protection et les représenter au même titre, dans la même mesure et avec la même qualité qu'on représente nos membres. D'ailleurs, depuis quelques jours, nous avons déjà eu l'occasion d'avoir des contacts avec les gens des régions. Nous avons déjà rencontré des gens de la région de Trois-Rivières, une rencontre est prévue à Sherbrooke et nous avons une demande de rencontre au Saguenay. Je vous dirai que les aspirations des artistes de ces régions, quant à la possibilité pour eux d'être enfin représentés, sont très élevées. Mais il faut aussi nous assurer d'avoir la capacité matérielle de répondre à ces besoins. Et, par conséquent, dans la mesure où on donne le service, où on offre la protection, il nous semble normal - c'est d'ailleurs ce qui s'applique dans le cas du Code du travail - de percevoir une cotisation nous permettant de donner ces services.

Mme Bacon: À l'article 2, en ce qui concerne la définition du producteur, est-ce que vous souhaiteriez que les producteurs soient couverts et les diffuseurs aussi?

M. Demers: Pas les diffuseurs parce que, dans la mesure où on touche les ondes, ils sont sous la juridiction fédérale. Mais, si vous me le permettez, j'aimerais quand même faire un commentaire. Je vous donnerais un exemple très concret, le Festival d'été de Québec, étant donné qu'on est ici. Nous avons connu le problème et c'est l'angle que l'on veut couvrir. Cet exemple est loin d'être unique, il est très répandu.

Le Festival d'été de Québec nous dit: Nous ne sommes pas des producteurs, nous faisons affaire avec plusieurs producteurs et, par conséquent, nous ne pouvons pas nous lier avec l'Union des artistes et vous garantir que vos membres auront des contrats en bonne et due forme et que la caisse de sécurité, les assurances, etc. seront payées. Là, on dit: II y a une liste de producteurs - qui n'est jamais à jour, malheureusement - et nous devons courir après 50, 60 ou 75 différents soi-disant producteurs pour constater à l'occasion qu'on force nos membres, individuellement dans certains cas, à se déclarer eux-mêmes producteurs et c'est la condition à laquelle on retient leurs services professionnels. Alors, on dit à un chanteur X: Si tu veux te présenter dans le cadre du festival, tu dois signer un contrat indiquant que tu es ton propre producteur et que tu vas payer tes musiciens, ton éclairagiste, ton preneur de son, etc., ce qui se fait couramment. À ce moment-là, évidemment, si le membre se trouve lésé et a besoin des services de l'union, il n'existe aucun lien juridique nous permettant d'intervenir au nom de notre membre auprès du Festival d'été, puisque c'est l'exemple que je prends. Cela devient un peu trop facile parce que nos membres ayant besoin de travailler, ils accepteront souvent de signer de tels contrats; c'est une façon déguisée pour le véritable producteur, celui qui organise les festivités, de se décharger de sa responsabilité sur quelqu'un d'autre et de se soustraire ainsi, d'une certaine façon, à ses obligations et de couper le lien juridique qui nous permettrait d'avoir des recours. Alors, c'est pour éviter cela que nous avons soumis cet amendement.

Mme Bacon: À la page 11 de votre mémoire, vous suggérez de référer au contrat type dans la disposition de la loi qui habilite une association reconnue à négocier une entente collective, c'est l'article 21, paragraphe 5°. Êtes-vous d'accord pour que subsiste toujours un contrat individuel librement négocié entre un artiste et un producteur, à l'article 6?

M. Demers: Nous sommes en total accord avec la possibilité pour tous nos membres de pouvoir se négocier Individuellement, comme ils le veulent, des conditions supérieures à l'entente collective. Il n'y a aucune objection; au con-

traire, nous pensons que cela doit pouvoir se faire dans tous tes cas, ce qui n'est malheureusement pas toujours possible pour certaines catégories de nos membres.

La seule restriction que nous avons, c'est que nous ne voulons pas que le contrat Individuel négocié librement par te membre avec le producteur - nous n'intervenons jamais dans cette négociation - soit coupé au plan du lien juridique de l'entente collective. Dans l'entente collective, il y a ce qu'on appelle une clause compromissoire, c'est-à-dire qui nous permet de formuler une plainte, un grief, au nom de notre membre sf le contrat collectif et le contrat individuel ne sont pas appliqués à ta satisfaction du membre et, à ce moment-là, nous pouvons très clairement faire valoir nos prétentions devant un arbitre pour faire trancher le litige.

Or, s'il y a coupure au plan juridique entre le contrat individuel et l'entente collective, nous pourrions nous voir privés de ce recours, ce qui ne nous donnerait finalement juridiction pour défendre notre membre que sur les minimums. Je dois dire, à titre d'exemple, que nous avons récemment eu une décision arbitrale dans un dossier qui touche le secteur des annonces publicitaires où l'arbitre a conclu - en errant, selon nous; puisque nous allons en évocation, on verra bien - que l'union n'avait juridiction pour représenter ses membres que sur les minima. Dans la mesure où cette situation serait confirmée, nous croyons que cela rendrait la défense de nos membres très aléatoire et que cela les obligerait à se prendre personnellement des avocats, à assumer des frais que, dans la plupart des cas, ils ne peuvent assumer et, par conséquent, à faire en sorte que nous ne puissions pas les défendre. Je ne sais pas si Me Trahan a quelque chose à ajouter. Je pense que c'est important.

M. Trahan (Marc): Cet aspect que vient de soulever le directeur général est essentiel. Effectivement, cette décision arbitrale aurait des conséquences extrêmement néfastes puisque, à toutes fins utiles, ce que disait cet arbitre, c'est que la juridiction de l'Union des artistes ne s'appliquerait que dans le cadre où il s'agirait d'un contrat conclu au minimum prévu à l'entente collective.

D'autre part, M. Demers a référé - et, effectivement, c'est ma prétention - à l'utilisation de procédures en évocation devant fa Cour supérieure pour tenter de faire casser cette décision arbitrale. Toutefois, dans l'état du droit, la tendance jurisprudentielle des tribunaux supérieurs, depuis quelques années, a été de restreindre d'une façon drastique le droit à l'évocation et nous ne voudrions pas nous retrouver à de nombreuses reprises devant les tribunaux dans des circonstances telles celles que nous vivons. Donc, pour la compréhension juridique du texte et pour l'application de la loi, il nous apparaît essentiel que les paragraphes 5° et 6° soient reliés. Sinon, ceci peut comporter un autre danger que nous avons vécu par le passé, c'est qu'un contrat soit déposé à l'Union des artistes selon certaines conditions minimales et que, parallèlement, un contrat beaucoup plus avantageux soit transigé et que les avantages, par exemple, de la caisse de sécurité, ne soient pas octroyés au membre de l'Union des artistes.

M. Turgeon: En somme, en clair, et je ne veux pas en remettre là-dessus parce que les explications sont très efficaces, c'est que l'union, l'association doit représenter l'artiste dans la valeur totale et réelle de son contrat et non pas partielle.

Mme Bacon: En fait, le danger que je voyais peut-être dans un contrat individuel, c'est de stéréotyper ce genre de contrat-là et de te rendre peut-être sans objet particulier. Ne craignez-vous pas qu'il y ait un danger à ce moment-là?

M. Demers: II faudrait voir, je pense, notre pratique Actuellement, les formules des contrats types sont négociées dans chacun de nos secteurs avec les producteurs. Ce n'est jamais une décision unilatérale de l'union. Et il y a toujours des dispositions - et c'est garanti dans chacun de nos contrats - qui prévoient "autres conditions". Là, il y a des espaces pour mettre toutes les conditions qu'on veut bien négocier. Que ce soit de négocier les frais de transport, une limousine ou quelque condition que l'on puisse imaginer, notre membre est libre de négocier. Cependant, ça se fait entre les parties sur des formulaires dont nous recevons copie et par la suite dont nous vérifions le contenu. D'abord, pour nous assurer qu'ils sont supérieurs aux minima - c'est la condition de base - et, deuxièmement, par la suite pour nous assurer que ce que le producteur a consenti à notre membre sur le plan individuel soit effectivement ce qu'il va lui verser. À défaut de quoi nous utilisons les recours à notre disposition. Mais je dois vous dire que, dans la pratique, si on prend 25 contrats individuels de nos membres sur une même production, c'est très rare que les conditions de l'un et de l'autre soient semblables. Chacun a ses particularités et je pense qu'il n'y a pas de risque que ce soit différent. L'important, c'est uniquement de maintenir le lien juridique.

Mme Bacon: Alors, je voudrais peut-être, M. le Président, mentionner qu'en ce qui concerne la fiscalité je suis d'accord avec le président de l'Union des artistes qu'un ne va pas sans l'autre. C'est d'ailleurs pour ça que déjà mon collègue du Revenu est au travail avec eux et avec d'autres pour essayer de trouver des solutions le plus rapidement possible - il y a quand même d'autres sessions qui s'en viennent, celle-là se terminera en décembre, mais il y en aura une autre au

printemps - et aussi, évidemment, le ministre des Finances avec qui je discutais encore hier de tout le dossier culturel. Alors, je dois peut-être - sans faire de promesse - vous dire que c'est en bonne voie pour ce qui est du travail entre le ministère du Revenu, le ministère des Finances et le milieu culturel. Je pense qu'il est possible d'arriver avec des aménagements ou des amendements à des lois qui sont déjà là sans avoir à faire tout un nouveau chambardement en ce qui concerne les lois. Mais je pense qu'il y a des amendements possibles qui seraient sûrement requis pour donner une suite logique.

Je pense avoir déjà dit que le ministre des Affaires culturelles doit donner des balises et que ce projet de loi était probablement les balises que je voulais donner à l'ensemble de mes collègues qui auront à réagir et à agir. Depuis la dernière commission parlementaire que nous avons eue, il y a quand même un bon bout de temps, tout s'est mis en branle dans chacun des ministères. On va voir arriver, à mesure que les dossiers vont se développer, des réalisations qui sont souhaitées et souhaitables.

Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. Il reste quelques minutes à l'enveloppe ministérielle. Est-ce que... Vous la prenez? Très bien.

Alors, M. le député de Saint-Jacques, vous avez à peu près 23 minutes et demie.

M. Boulerice: Bon, je vais poser ma première question. Au sujet de la partie fiscale, CSST, etc., ça oui, je pense que tout le monde convient effectivement que c'est très important, ia fiscalité puisque j'ai eu l'occasion lorsque je suis allé dans vos bureaux de voir sur un échantillonnage de quelques années le salaire versé en dents de scie à certains artistes avec une courbe incroyable, mais un étalement fiscal complètement désastreux. Moi, je suis déçu que ça n'arrive pas en même temps. Je ne peux pas m'empêcher de le dire. Comme on a déjà fait un parallèle avec la loi de l'UPA, quand il s'agit de parler de l'UDA, donc, je me permets une image agricole en disant: Quand on veut bien labourer, rien ne nous empêche de mettre deux boeufs après la charrue. Cela aurait pu arriver simultanément. Je pense qu'il y aurait eu un portrait global de tout cela, mais en tout cas, cela n'y est pas, sauf qu'on va pousser pour que cela y soit le plus rapidement possible. (12 h 30)

À l'article 2, vous avez fait changer la notion de producteur comme telle; pour la changer, c'est que vous avez sans doute vécu des expériences un peu particulières à ce niveau-là. Vous pourriez peut-être me donner un aperçu des expériences que vous auriez vécues au niveau de l'article 2 qui motivent ces changements. Une question subsidiaire, je ne sais pas, à vous, à M. Turgeon ou à M. Demers: Dans la définition, considérez-vous que l'État sera lié par sa propre loi puisque, souvent - on l'observe maintenant - l'État est producteur de spectacles culturels?

M. Demers: Sur le premier volet de votre question, effectivement, nous avons vécu ces dernières années, et depuis toujours, des situations où tes producteurs tentent de se défiler de leurs responsabilités comme producteurs par ce qu'on appelle des subterfuges juridiques, c'est-à-dire à faire assumer par d'autres les responsabilités que, normalement, ils devraient assumer eux-mêmes. Nous pensons que de ne pas Introduire la notion de présentation de spectacles, de tes limiter à la production, c'est restrictif et cela permet de perpétuer ce genre de comportement.

Lors d'une rencontre que j'ai eue vendredi dernier dans la région de Trois-Rivières, à l'invitation du Conseil régional de la culture, où j'étais invité à titre de conférencier pour parier justement de la loi 90 à des artistes et à des producteurs de la région, j'ai pu constater que les producteurs de la région avaient déjà vu ce trou dans la loi puisqu'il y en a un qui s'est permis de faire un commentaire et de dire: Comme je n'ai plus l'intention de produire, je ne louerai qu'une salle et, à partir de cela, je pense que je pourrai me débrouiller. Il est évident que, si on ne ferme pas cette boucle, nous aurons énormément de difficulté à nous trouver des vis-à-vis responsables juridiquement face aux artistes et nous aurons donc de la difficulté, le cas échéant, à les faire payer, à leur faire donner ce qui leur est dû normalement, en vertu de contrats, il est donc essentiel que le volet présentation soit lié au volet production.

En ce qui a trait à l'autre question sur l'État producteur, je vais laisser Me Trahan vous répondre là-dessus.

M. Trahan: Il nous apparaît évident, M. le député de Saint-Jacques, qu'effectivement, dans cette loi, même si ce n'est pas mentionné dans notre mémoire, l'État ou la couronne devrait être impliqué puisque, par certains ministères, ces gens sont eux-mêmes producteurs. Il serait assez incongru que les producteurs du secteur privé soient liés par une loi déposée par le gouvernement du Québec et que, par exemple, le ministère des Communications, dans ses productions, le ministère des Affaires culturelles ou n'importe quel ministère qui a à produire à quelque niveau que ce soit, ne le soit pas. Il nous apparaît donc évidemment souhaitable que l'État soit lié et qu'il y ait un article précis qui lie l'État au projet de loi 90.

M. Demers: Si vous permettez, j'aimerais ajouter là-dessus qu'il serait aussi souhaitable que nous ayons un interlocuteur gouvernemental et que l'ensemble des ministères se désigne quelqu'un avec lequel nous pourrions établir des

conditions parce que, finalement, c'est la même problématique. C'est surtout, je pense, dans le cadre de ta production de matériel dit industriel ou de documentaires qui servent soit à la formation du personnel ou à expliquer les politiques du ministère ou autres. Et je pense qu'on pourrait facilement avoir un ministère avec lequel nous pourrions échanger en tant qu'interlocuteur.

M. Boulerice: Je vous remercie, M. le Président.

M. Turgeon: Me permettez-vous une chose, M. le député de Saint-Jacques, parce que je pense que votre question ouvre aussi un volet intéressant? Vous parlez de l'État producteur, mais l'État est souvent, et plus souvent qu'autrement, pourvoyeur aussi. Les subventions, c'est cela.

Ce projet de loi, pour un gouvernement, qui n'a certainement pas, j'imagine, l'intention de se soustraire à son devoir de subventionner une partie de la culture, de savoir que, quand ces subventions vont à des producteurs ou à des présentateurs de spectacles tout simplement, on pourra s'assurer de cette façon que l'argent du gouvernement, l'argent de tout le monde sera redistribué de façon équitable à ceux qui sont la matière première de cette industrie...

Le Président (M. Trudel): M. le député de Saint-Jacques. M. le député de Mercier.

M. Godin: Seulement quelques questions, M. Turgeon.

Au chapitre VI de la loi, à l'article 39, on parle d'une Commission de reconnaissance des associations d'artistes. Est-ce que vous souhaiteriez que cette commission soit composée de gens qui émanent du milieu et consultée, donc, sur les candidats que le gouvernement aurait en tête?

M. Turgeon: Oui, avec la commission formée de trois membres, selon nous, il est évident que le président devrait être sans doute un éminent juriste ou, enfin, quelqu'un qui connaît bien le monde des relations du travail et ce nouveau monde de relations du travail. Quant aux deux autres membres, ils devraient certainement provenir et du milieu des producteurs, de quelqu'un qui a une bonne connaissance du milieu des producteurs et, pour faire l'équilibre, de quelqu'un qui a une bonne connaissance aussi du milieu de l'autre côté de la table, des artistes! Il semble qu'il faut rechercher un équilibre dans la composition de cette commission.

M. Godin: Est-ce que vous souhaiteriez que l'union soit consultée sur les nominations à venir comme cela se fait dans d'autres organismes? C'est déjà dans la loi?

Mme Bacon: Ils ont été consultés. J'attends leurs suggestions.

M. Godin: Mais est-ce qu'on ne pourrait pas le mettre dans la loi, M. le Président, puisque la ministre l'a déjà dans le coeur et dans les neurones? Est-ce qu'on ne pourrait pas aller plus loin et le mettre dans la loi elle-même après consultation tout simplement qui est une...

Mme Bacon: On verra.

Le Président (M. Trudel): ...peut-être qu'on étudie le projet article par article la semaine prochaine.

M. Godin: Oui, mais...

M. Turgeon: C'est évident qu'à cette question si on veut être consulté, si on nous offre la possibilité de l'être, on va répondre oui avec un gros 0 à toutes ces questions; c'est évident.

M. Godin: Est-ce que vous souhaiteriez qu'on inscrive cette modification dans la loi?

M. Trahan: Le problème, si vous me le permettez...

M. Godin: Oui, M. Trahan.

M. Trahan: ...M. le député de Mercier, est le suivant. C'est qu'effectivement, si l'aspect de consultation nous apparaît un aspect extrêmement positif, d'autre part, tenant compte que cette commission sera composée de trois membres, il pourrait y avoir un danger si, par exemple, un des membres était issu du milieu des producteurs et que l'autre était issu du milieu artistique, à toutes fins utiles, nous nous retrouverions dans la situation qui peut exister en droit du travail lorsqu'il y a un organisme d'arbitrage non unique, mais à trois parties, un arbitre qui représente la partie patronale, un arbitre qui représente la partie syndicale et un troisième qui est neutre. Évidemment, à l'usage, dans le domaine des relations du travail, il est à peu près constant que, dans ce cadre, 99 % des décisions comportent une dissidence. D'un côté, le président du tribunal se prononce soit du côté patronal, donc, il y a une dissidence syndicale ou l'inverse se produit.

Mais, comme le soulignait le président de l'Union des artistes, il est bien évident que, dans la consultation, cette consultation qui a été toujours extrêmement positive, se doit de continuer. Mais nous croyons que d'identifier les membres d'une commission au niveau strictement de leur honnêteté est aussi de l'apparence de droit parce que nous sommes dans le domaine du droit administratif. Lorsqu'on se réfère aux auteurs les plus connus, que ce soit Dussautt, Ouellet, une des plus grandes critiques qu'on fait des tribunaux administratifs est justement qu'ils

ne représentent pas une apparence de droit, que leurs structures sont trop souples, qu'effectivement les règles de droit qui existent dans les tribunaux de droit commun ne s'appliquent pas dans les tribunaux administratifs, ce qui amène à des abus. Évidemment, à cause des difficultés, par exemple, d'évoquer une décision, à cause du fait qu'il n'existe pas de droit d'appel, ces tribunaux disposent d'un très très grand pouvoir.

Donc, pour être bref, je pense qu'effectivement nous souhaitons la consultation. D'autre part, nous souhaitons que cette commission ait un impact sur l'ensemble des tribunaux administratifs du Québec face à ce problème d'apparence de droit. C'est la raison pour laquelle nous avons tenté de modifier les articles relatifs à la composition de cette commission. Nous ne voyons pas, par exemple, quelqu'un qui soit membre d'une commission à titre gratuit, il y a très peu d'artistes qui pourraient aller siéger à ce genre de commission. Mais nous ne voyons pas plus une commission qui ressemblerait au mécanisme dont j'ai parlé tout à l'heure.

M. Godin: M. le Président, la sagesse de...

M. Turgeon: Si vous me le permettez, M. Godin, il y a sans doute une différence fondamentale entre parler de personnes issues de l'un ou l'autre milieu et de personnes qui ont la connaissance de l'un et l'autre milieu.

M. Godin: D'accord. Cela répond à ma question, M. le Président. Une dernière question: Est-ce que l'union a réfléchi - sûrement qu'elle l'a fait, mais j'aimerais que vous me rafraîchissiez la mémoire - au problème des jeunes chômeurs du milieu? 66 % de vos membres gagnent moins de 5000 $ par année. Est-ce que le statut d'artiste ne devrait pas aussi couvrir d'une façon ou d'une autre ce genre de membres et d'artistes qui sont la relève et qui, malheureusement, gagnent si peu qu'ils sont souvent au seuil de la pauvreté, comme dans nos comtés on le constate souvent auprès de nos commettants?

M. Turgeon: C'est évident que cette question, ce problème, est une préoccupation quotidienne et constante de l'Union, des artistes et de ses dirigeants actuels, en tout cas. Ce que fait ce projet de loi, c'est qu'il régit, il donne des règles du jeu dans le cas où on travaille...

M. Godin: Voilà.

M. Turgeon: ...et il va aussi aider, par exemple, en régions ceux qui pourraient travailler, les aider à travailler à des conditions décentes. Mais on n'a jamais prétendu, et je ne prétendrai jamais, que ce projet de loi est une fin en soi. On l'a dit: C'est un pas, un début. C'est déjà quelque chose en marche. 11 y a ce qu'il peut faire, régir cela quand on travaille, puis améliorer nos conditions de travail minimales, mais pour le reste, il faudra qu'une politique culturelle se bâtisse effectivement au-dessus de cela. C'est la base. L'union l'a toujours dit: Le statut de l'artiste, c'est la base de toute véritable politique culturelle.

M. Demers: Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter ceci dans le cadre de votre question: Notre réflexion sur cette question se poursuit depuis quelques années et nous avons envisagé certaines hypothèses. Par exemple, nous avons envisagé la mise sur pied d'une caisse de stabilisation des revenus. Nous savons que les revenus de nos membres fluctuent énormément. On ne peut pas savoir quand une personne dans notre milieu est vraiment en chômage ou ne l'est pas. C'est plus difficile à définir que pour un salarié, parce que, lorsque l'on répète, par exemple: Est-ce qu'on est considérés comme étant en chômage? Lorsque l'on prépare un spectacle, si on le prépare pendant deux mois, est-ce qu'on est considérés comme étant en chômage? On a un engagement pour une journée et le lendemain on ne travaille pas, est-ce que... C'est très complexe et ce que nous avons pensé et ce que nous envisageons, et nous aurons à faire faire des études économiques, c'est une caisse, où pourraient contribuer le membre, le producteur et peut-être même l'État, qui permettrait un peu comme sur la formule de nos assurances collectives qui prévoit une protection, par exemple, sur cinq ans, de stabiliser les revenus et de garantir un minimum pour nos membres sur une certaine base pendant une certaine période, étant bien entendu qu'au-delà d'une certaine période ces mécanismes ne pourraient pas s'appliquer parce qu'à un moment donné, s'il n'y a plus de travail dans un certain métier, on va se recycler dans un autre, parce qu'il ne faut jamais oublier que nos membres travaillent. Il y a aussi une demande du public. Si, après un certain nombre d'années, on constate qu'on n'arrive pas à se trouver du travail, c'est peut-être parce que tout simplement on ne passe pas la rampe et à ce moment-là il faut peut-être trouver le moyen de se recycler dans une autre discipline.

Il y a aussi les problèmes particuliers à certaines catégories de membres. Je pense, entre autres, aux danseurs dont la carrière est extrêmement brève. À ce moment-là, qu'est-ce qu'on fait si la carrière dure cinq ans? Qu'est-ce qu'on fait après pour recycler ces gens-là pour s'assurer qu'ils aient une certaine protection et qu'ils puissent réintégrer un autre milieu de travail s'ils ne peuvent plus danser? Ce sont des questions que l'on se pose et auxquelles on aura sûrement des solutions très concrètes à proposer dans un proche avenir.

M. Turgeon: C'est une question effectivement fondamentale, M. Godin. Il est Important qu'à ce projet de loi se greffent d'autres poli-

tiques, d'autres lois. Je vous donne un exemple, un domaine où c'est chaud actuellement, le domaine du doublage. Mais ce projet de loi touche drôlement le doublage et il faudra, si on établit des conditions minimales de travail là-dedans, qu'on se donne aussi éventuellement au besoin des politiques qui feront en sotte que du doublage, cela va se développer, puis on va en faire de plus en plus.

Alors, c'est un départ pour mol, mais il va falloir que le reste se greffe aussi à cela, qu'on soit logiques et conséquents, comme pour la fiscalité.

M. Godin: M. le Président, cela répond à toutes mes questions. Je suis rassuré de voir que l'union est déjà assez avancée dans ses réflexions sur cette question qui me semble socialement très importante et aussi culturellement dans la mesure où la relève est souvent, comme je l'ai dit, composée de ceux et celles qui ont des creux de plusieurs mois. (12 h 45)

M. Turgeon: La réalité de l'union, justement, M. Godin, c'est qu'il y a 3500 membres actifs, donc, des gens considérés comme des professionnels, mais il y a aussi autant de stagiaires, 3500, et les stagiaires sont les jeunes qui veulent donc devenir professionnels. C'est cela, cette relève. C'est de notre responsabilité d'y voir.

M. Godin: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Mercier. Mme la députée de Maison-neuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): En vous rappelant, madame, que Mme la députée de Chicoutimi veut intervenir et qu'il reste à votre formation dix minutes.

Mme Harel: Dix minutes, c'est parfait. Vous m'indiquerez quand cinq minutes seront terminées afin que je partage également avec ma collègue.

J'ai trouvé extrêmement pertinents les propos de Me Trahan sur tes tribunaux administratifs. Vous soulignez que, pour éviter leur paralysie, il n'est pas souhaitable de se retrouver dans une situation où c'est comme des assesseurs, finalement, qui sont toujours du même bord, comme la tour de Pise ou la Cour suprême. On retrouve à l'article 39 le fait que la commission se compose de trois membres nommés par le gouvernement pour une période de sept ans. Ne faut-il pas faire une distinction entre une formule qui serait libellée de façon à obliger le gouvernement à choisir parmi ou une autre formule qui l'obligerait à être nommé par les organismes d'une formule qui exclut toute consultation? Là, la bonne foi se présume et la bonne foi de l'actuelle ministre des Affaires culturelles se présume totalement, n'est-ce pas? Donc, je ne mets pas en doute, d'aucune façon, son désir personnel de consultation, mais il est ainsi évident qu'il y a une pérennité des lois qui se poursuit même si les ministres se succèdent - je ne veux pas présumer du prochain remaniement ministériel - ainsi qu'il y a une pérennité dans l'État et les lois se maintiennent même s'il y a des changements de gouvernement. Alors, pourquoi ne pas prévoir? Puisque c'est une loi qui, normalement, ne devrait pas appeler tes gouvernements à jouer dedans, pourquoi ne pas prévoir maintenant qu'il y a consultation?

M. Trahan: Évidemment, je pense que la bonne foi, comme vous le soulevez, de la ministre des Affaires culturelles n'est pas en doute, mais je pense que vous avez raison de mentionner le fait que les gens passent. À titre d'avocat, les commentaires sur les tribunaux administratifs que j'ai reçus... Par exemple, je me réfère au problème des petites entreprises, des petits dépanneurs face aux grandes chaînes où un petit individu avait à se présenter devant un tribunal administratif, il était totalement démuni. Dans le sens de votre question, je pense qu'il faut absolument que dans cette loi, d'une façon ou d'une autre, on trouve une méthode pour assurer, du fait qu'il n'y a pas de droit d'appel, que cette commission ait tellement de pouvoirs - ses pouvoirs sont énormes, il faut bien s'en rendre compte - qu'elle devienne presque un organisme de réglementation qui aurait plus de pouvoirs, même, dans certains cas que le ministre parce qu'on y prévoit un pouvoir de recommandation au ministre.

Sur ce sujet, on peut se poser des questions. Il est bien évident que, quant à nous, vous êtes avocate vous-même, l'indépendance et la séparation du judiciaire et du législatif est un principe fondamental de droit. Donc, il y a un choix à faire. Par exemple, si on nomme un juge de la Cour provinciale on s'assure d'une indépendance judiciaire et d'une apparence de droit. D'autre part, on se prive que le président de cette future commission puisse être un appui au ministre des Affaires culturelles, quel qu'il soit. Est-ce qu'il est souhaitable que le président d'un tribunal administratif soit aussi conseiller d'un ministre? Cela m'apparaît assez inusité. C'est comme si, par exemple, le président de la Commission des transports allait voir le ministre des Transports et lui disait: Écoutez, je vais rendre ma décision, mais je vous conseillerais peut-être d'amender votre loi. Et, que ce soit dans le domaine du droit du travail ou dans tout autre domaine, on parle toujours jusqu'à un certain point du droit du travail, il est clair que le premier principe de droit qui existe dans le domaine de l'arbitrage, c'est que l'arbitre n'a pas le droit d'ajouter à une convention collective. Il n'a qu'à l'interpréter et à rendre sa décision.

Les pouvoirs qui sont donnés à cette

commission ne sont pas des pouvoirs d'arbitrage. Ce sont des pouvoirs de tribunaux administratifs, mais aussi des pouvoirs de conseiller. Donc, il est bien évident que je ne prétends pas avoir la réponse à cette question, mais je pense que les savants parlementaires de cette commission pourront s'interroger sur l'ensemble de la problématique qui est posée par la composition de cette commission.

M. Demers: Si vous me le permettez, je vais juste ajouter un commentaire. Vous parlez de consultation. Je pense qu'il existe déjà des précédents, Je ne sais pas s'ils sont inscrits dans certaines lois, mais je sais que, lorsqu'il était question de désigner des gens à l'Institut québécois du cinéma, les organismes étaient consultés...

Mme Harel: Le Conseil du statut de la femme...

M. Demers: ...et dans d'autres organismes du même genre. Alors, cela pourrait être une procédure comme celle-là.

Mme Harel: C'est très fréquemment utilisé. Le Conseil du statut de la femme, le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration, enfin...

Mme Bacon: À peu près dans toutes les lois.

Mme Harel: ...pour l'ensemble des organismes. Je pense que mes cinq minutes sont écoulées. Je le regrette beaucoup.

Le Président (M. Trudel): Vous m'aviez demandé de vous donner un "cue", je vous le donne. Il reste un peu moins de cinq minutes.

Mme Harel: Je vais prendre juste une demi-minute pour vous dire que, d'une certaine façon, je crois que votre stratégie a été gagnante. Dernièrement, j'étais invitée à donner un cours à la Fédération des femmes du Québec sur les stratégies gagnantes et je donnais en exemple votre campagne. Vous avez commencé par faire une campagne politique, ensuite, une campagne médiatique et, là, c'est une campagne juridique.

Il y a peut-être un élément qui m'a étonnée, vous maintenez votre compétence en matière de respect des intérêts moraux de vos membres. Cela m'a vraiment surprise que vous reveniez... Pourquoi tenez-vous à ce que... Vous avez dit: C'est notre patrimoine, d'une certaine façon. C'est ainsi qu'étaient libellées les constitutions, j'imagine. Mais vous y tenez encore, vous y tenez toujours? Sur le plan juridique...

M. Trahan: On y tient parce que... Mme Harel: Sur le plan juridique, là?

M. Trahan: Sur le plan juridique, c'est dans la loi des syndicats professionnels et, d'autre part, je ne pense pas qu'on doive voir d'une façon péjorative ou d'une façon négative le terme "moral". Il s'est passé des incidents très précis où les intérêts moraux de nos membres ont été remis en question. Je ne veux entrer dans des cas concrets. Il nous apparaît que, dans la plupart des secteurs, cette protection qui est effectivement théorique, jusqu'à un certain point, est quand même importante pour les membres. Si elle n'était pas prévue dans la loi... Elle ne mène pas à une action directe sur le plan juridique, mais elle peut quand même donner un signal à nos membres que nous nous occupons de leurs intérêts moraux et ils ont des problèmes d'Intérêts moraux.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la députée...

Mme Harel: On en reparlera.

Le Président (M. Trudel): ...de Maisonneuve. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Oui, M. le Président. J'aurais d'abord plusieurs questions, mais, probablement par manque de connaissance du milieu, je n'arrive pas à bien comprendre la portée de la recommandation que vous faites touchant la définition de producteur. Lorsque vous parlez de producteur dans le but de produire ou de présenter une oeuvre artistique, pour bien comprendre la portée de votre modification, je voudrais savoir ce que cela veut dire, par exemple, pour la Coopérative culturelle de Chicoutimi. Cette dernière a la responsabilité d'organiser la présentation de spectacles, de concerts, de théâtre et ainsi de suite. Quand on parle de présenter, dans ce sens, qu'est-ce que cela veut dire? J'ai de la difficulté à comprendre comment vous associez les deux et je le dis probablement par méconnaissance.

M. Turgeon: Bonne question!

M. Demers: C'est une très bonne question. Justement, j'ai discuté avec une coopérative de Trols-Rivières - j'imagine que c'est un cas assez semblable, le Théâtre Parminou, c'est une coopérative aussi - des mêmes éléments. D'abord, il faut clarifier une chose dès le départ. Si les membres d'une coopérative sont et se définissent comme des salariés - la plupart des coopératives fonctionnent sur la base d'une relation salariale - à ce moment-là, l'Union des artistes ne les représente pas étant donné qu'elle ne représente que des travailleurs autonomes. Au départ, la loi ne change rien en ce qui a trait à ces groupes dits coopératifs, groupes de salariés ou troupe permanente; c'est une réalité.

L'autre réalité. Si une troupe présente ou prépare des spectacles, par la suite, elle ira

vendre ces spectacles. Il faut que l'acheteur puisse avoir un lien juridique. Je parle toujours dans la mesure où ceux qui sont dans la troupe ont des travailleurs autonomes, donc, des gens représentés par l'Union des artistes. Il faut que les garanties contractuelles soient données par celui qui achète le spectacle et qui le présente. Finalement, c'est lui, la plaque tournante de l'argent et c'est lui qui, à un moment donné, devra contribuer par certains montants, soit pour nos avantages sociaux ou d'autres bénéfices que l'on négocie. Alors, c'est ce que l'on veut voir clarifié pour s'assurer que celui qui va acheter les spectacles ne se défilera pas de ses responsabilités et ceux qui seront les vendeurs d'une certaine façon se retrouveraient à un moment donné sans capacité de représentation lorsqu'il serait question de réclamer leur dû. Je ne sais pas si cela clarifie.

Mme Blackburn: Cela clarifie, mais...

Le Président (M. Trudel): II faut que ce soit une très courte question, Mme la députée, parce qu'il reste cinq minutes et, plus on veut avoir de monde aujourd'hui, plus il faut être bref.

Mme Harel: À moins qu'il n'y ait consentement.

Mme Blackburn: D'accord. C'est vraiment parce que... Je reviens à l'exemple de la Coopérative culturelle de Chicoutiml qui ne fait que gérer des activités pour présenter des spectacles au seul amphithéâtre un peu Important qu'on a et qui est au cégep. À ce moment-là, cela veut dire que le contrat qui lie le travailleur autonome à sa troupe, c'est celui que, généralement, lorsque vous achetez un spectacle, vous passez ou vous achetez, je ne sais pas à combien, 10 000 $ ou 20 000 $, selon la valeur du spectacle, sa notoriété et sa popularité... À ce moment-là, je ne comprends pas vraiment, selon l'exemple que je viens de vous donner, comment on peut lier celui qui dit: Moi, contre un contrat qui est le suivant, où je donne 10 000 $ pour une soirée... Qu'il y ait d'autres obligations, j'ai de la difficulté à comprendre cela.

M. Demers: II y a, je pense, une différence entre celui qui loue une salle... On a des troupes de théâtre qui vont en tournée, par exemple. Disons que le Théâtre du rideau vert décide de se déplacer, ou La cie Jean Duceppe, et il s'en va en tournée, il est évident pour nous que la relation du producteur, si on prend l'exemple de La cie Jean Duceppe, avec nos membres est très claire: le producteur, c'est La cie Jean Duceppe; il s'en va en province, il va louer des salles et, dans ce cas-là, il n'y a pas de problème. Les problèmes commencent à se poser surtout dans le domaine de la variété. Dans le domaine du théâtre, c'est moins vrai, mais, dans le domaine de la variété, on monte un spectacle, c'est-à-dire on fait venir un ou deux artistes dans une région, dans une salle, et on fait la promotion; on ne fait pas que louer sa salle, on fait la promotion du spectacle, soit qu'on fasse imprimer des affiches, qu'on achète du temps d'antenne. Donc, on présente un spectacle. On ne fait pas que louer notre salle. En même temps, on se départit de notre responsabilité de producteur car, à ce moment-là, si on organise la campagne publicitaire, on perd soit les revenus du "box office", etc., on est en fait celui qui a la responsabilité du spectacle. On ne voudrait pas que l'artiste, et surtout dans le domaine de la variété, j'y reviens, se trouve à s'assumer lui-même, alors qu'il n'a aucun contrôle ni sur l'organisation du spectacle, ni sur la publicité qui est faite autour, ni même, dans certains cas, le mode de présentation du même spectacle.

En d'autres termes, il faut vraiment s'assurer que les locateurs de salle en soient véritablement et, à ce moment-là, il n'y a pas de problème, mais que cela ne devienne pas une façon d'évacuer les responsabilités et de déguiser le véritable producteur en locateur de salle. Là, il y a toujours eu une ambiguïté et c'est celle-là qu'on voudrait voir dissiper. C'est pour cela qu'on dit "et" et "ou" et je pense que la commission, avec des cas types, finira par développer une jurisprudence sur la base des faits qui lui seront présentés.

Mme Blackburn: Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Mme la ministre, il reste trois minutes à votre formation politique.

Mme Bacon: Oui, il reste quelques minutes et je ne voudrais pas prendre tout ce temps-là, mais, de toute façon, M. le Président, j'aimerais remercier l'Union des artistes de son magnifique travail. On sait que ces gens souhaitent ce projet de loi depuis plusieurs années et nous espérons continuer ce travail avec eux tant au ministère des Affaires culturelles qu'aux autres ministères qui ont déjà entamé des discussions avec l'Union des artistes et qui seront, je pense, une suite logique à ce projet de loi. Merci beaucoup.

Le Président (M. Trudel): Merci. Messieurs de l'Union des artistes, iI me reste à vous remercier d'avoir comparu devant nous ce matin et je vous souhaite un bon retour à Montréal.

Nous allons suspendre les travaux de la commission jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures) (Reprise à 15 h 2)

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce que les députés peuvent reprendre leur place à la table? Merci.

Alors, la commission de la culture reprend ses travaux afin de procéder à une consultation particulière dans le cadre de l'étude du projet de loi 90, Loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma.

Comme premier invité, cet après-midi... Il y a eu des changements, je pense. Oui. Alors, je ne me trompe pas en souhaitant la bienvenue aux membres de l'ADISQ, à M. André Di Cesare, président, à M. Gaétan Morency, directeur général, et à M. Gilles Cioutier, conseiller, que j'ai le plaisir de revoir ici aujourd'hui. On s'est connus en d'autre temps, on s'est même fréquentés pendant quelques années. M. Cioutier, bienvenue! M. le président, bienvenue! Vous étiez ici ce matin, vous connaissez les règles du jeu. Je vous cède la parole pour 20 minutes.

ADISQ

M. Di Cesare (André): M. le Président, Mme la ministre, chers membres de la commission, il me fait plaisir, au nom de l'Association du disque et de l'industrie du spectacle et de la vidéo du Québec, de vous soumettre nos observations sur le projet de loi 90 actuellement à l'étude devant votre commission. Notre position sera présentée par mon collègue, le directeur général, M. Gaétan Morency.

M. Morency (Gaétan): Merci. Alors, je vais lire quelques parties du mémoire, pour ensuite conclure plus concrètement sur des points qu'il nous semble important de soulever et laisser le plus de temps possible aux discussions avec les membres de la commission.

Donc, l'Association du disque et de l'industrie du spectacle et de la vidéo du Québec, l'ADISQ, tient à vous exprimer sa pleine reconnaissance pour l'invitation qu'elle a reçue de comparaître à la présente audience. Votre démarche à notre endroit, de même qu'à l'égard d'autres interlocuteurs Institutionnels du milieu, revêt une importance d'autant plus critique qu'elle intervient dans le processus ultime d'adoption d'un cadre législatif déterminant pour l'avenir individuel et industriel de plusieurs dizaines de milliers d'artisans québécois des secteurs de la scène, du disque, du cinéma et, ne l'oublions pas, des industries culturelles dans leur ensemble.

Aussi, votre rôle actuel est-il d'autant plus crucial qu'il s'inscrit dans la succession d'étapes d'un calendrier politique et gouvernemental dont nul ne conteste le courage et la perspicacité. L'influence de votre commission sera d'autant plus examinée et appréciée par l'ensemble de tous les intervenants impliqués directement ou indirectement et, à terme, par l'opinion publique, que vous devrez, au cours des prochaines heures, conjuguer à des fins d'intérêt public l'ensemble des opinions et des convictions qui vous sont présentées sur un sujet dont les impacts sont encore, à ce jour, insoupçonnés. Au courage et à la perspicacité doivent s'ajouter forcément fa prudence et la prévoyance.

Notre première conclusion se résume de la manière suivante: Bien que le présent projet de loi s'inscrive dans une trajectoire politique et gouvernementale judicieuse, constitue-t-il la réponse initialement souhaitée par l'intention ministérielle, le comité d'études Caron et l'enthousiasme partagé par l'ensemble du milieu artistique et culturel?

L'article 3.1, le statut professionnel de l'artiste. Tel que nous l'évoquions au début de notre exposé, l'initiative gouvernementale actuelle a le mérite de prolonger dans l'action une mise en chantier de mesures de redressement visant à aménager de façon équitable et compensatoire le statut professionnel des artistes québécois. Nous sommes conscients - et en cela d'accord avec la ministre - que toutes les mesures ne peuvent être adoptées simultanément par le fait des contraintes budgétaires ou autres avec lesquelles les autorités publiques doivent s'ajuster.

Dans le contexte qui nous préoccupe aujourd'hui, nous tenons cependant à mettre en relief un certain nombre d'éléments relatifs à la définition de l'artiste qui pourraient spécifier, circonstancier davantage la portée des dispositions prévues au projet de loi sans remettre en cause l'intention législative.

Tout d'abord, tel que défini à l'article 2, "artiste" signifie une personne physique qui pratique un art à son propre compte, moyennant rémunération, à titre de créateur ou d'interprète, dans un domaine visé à l'article 1. Nous partageons l'avis que cette définition devrait expressément exclure les artistes qui agissent en qualité de producteurs, coproducteurs ou, à quelque titre que ce soit, de partenaires autonomes à l'élaboration et à la distribution d'un service ou d'un produit culturel. Cette position s'établit sur le principe d'une reconnaissance pleine et entière de l'autonomie de l'artiste. Elle correspond aussi à un état d'esprit admis et renforcé au sein de la communauté. À cet égard, l'analyse des mémoires soumis en mai 1986, de même que la position ministérielle, comporte cette conviction que la dynamique industrielle doit être accessible à tous ceux et celles, artistes, créateurs ou interprètes, qui aspirent au double statut d'artiste et d'entrepreneur.

Selon cette perspective, il est, à notre avis, dans l'intérêt général que la définition de l'artiste, telle que stipulée à l'article 2, soit nuancée afin de refléter l'unanimité du milieu, la philosophie gouvernementale en matière de développement économique. Dans cette logique, des dispositions qui confirmeront ce réajustement devront être apportées au projet de loi. Nous songeons ici, notamment, aux articles 6, 9, 36 et 37.

Le régime de négociation d'ententes collectives. Nous sommes d'accord avec te principe

d'une protection des artistes par un champ réglementaire applicable aux relations entre tes producteurs, les artistes ou les associations accréditées. Les dispositions prévues dans le présent projet de loi endossent-elles ce principe, de manière à refléter la complexité des liens d'interdépendance qui donnent au milieu artistique et culturel québécois la spécificité à laquelle Mme la ministre se référait dans son exposé du 20 mal 1986?

Il ne fait aucun doute que le projet de loi 90 propose un réalignement profond des règles du jeu qui prévalent actuellement au chapitre des relations du travail au sein de la communauté artistique et culturelle. Nous nous joignons cependant à l'interrogation croissante chez plusieurs artistes, producteurs et autres Intervenants directs qui, sans rejeter le bien-fondé d'une loi de régie, mettent en doute la portée pratique et les impacts sous-estimés d'une démarche à ce point structurante pour l'avenir individuel et industriel de la communauté. A-t-on mesuré la nature des emplois, leur nombre et les pratiques de gestion qui seront affectés par le projet de loi? Tel que le précisait Mme ia ministre dans son exposé du 26 mai 1986, il ne s'agit pas d'inventer des principes de gestion particuliers à l'intention du monde des arts, mais d'y appliquer, en les adaptant aux besoins, les mêmes principes et modes de gestion qui guident nos actions dans d'autres secteurs de la vie économique, A-t-on évalué la corrélation directe qu'il y a entre cet énoncé et l'ampleur du geste que propose l'actuel projet de loi 90?

Quant au nombre touché, mentionnons brièvement qu'il s'agit approximativement de 45 000 emplois. Les répertoires additionnés des membres de la SPACQ, de l'APFVQ, de l'ACA, de la SARDEC, de la SODRAC, de l'Union des écrivains, du Regroupement des professionnels de la danse, de NABET, pour ne citer que ceux-là, nous permettraient d'arriver rapidement à ce nombre. À qui s'adresse le projet de loi? Combien d'articles répondent directement à l'intention initiale?

Nous convenons qu'une loi ne peut explicitement prévoir toutes les exceptions. Le projet de loi actuellement à l'étude prévoit-il le principe de l'exception? Les pouvoirs d'arbitrage de la commission comprennent-ils ce principe? Le pouvoir de médiation confié à la commission correspond-il aux exigences d'efficacité et de rapidité de notre milieu? Qu'arrivera-t-il lorsqu'un artiste se présentera à un producteur à titre d'interprète-compositeur-musicien? Le producteur devra-t-il retenir ses services en appliquant chacune des ententes collectives touchant son secteur d'activité, mais négociée par et avec éventuellement l'Union des artistes, la Guilde des musiciens et la SPACQ? Qu'arrivera-t-il si un producteur est éventuellement en conflit avec l'une des dites associations d'artistes? Il ne pourra pas y avoir de production parce qu'il va manquer l'un des éléments? Qu'arrivera- t-il si, en plus d'être Interprète-compositeur-musicien, l'artiste est coproducteur? Sera-t-il exclu des ententes collectives?

Qu'arrivera-t-it, enfin, aux jeunes Interprètes non membres de l'UDA ou de la guilde dont la production est présentement parrainée par un producteur? M. Turgeon déclarait dans Le Devoir du 28 novembre 1987 que l'union serait habilitée à représenter autant les non-membres que les membres. Devrons-nous appliquer les mêmes conditions d'engagement à ces débutants? La formule d'accréditation d'une association est-elle suffisamment rigoureuse pour permettre des regroupements sur la notion d'exercice commun de la profession plutôt que sur l'accréditation fondée sur le nombre?

La reconnaissance du principe des conditions minimales est foncièrement équitable. L'universalité des conditions minimales est-elle néanmoins compatible avec la spécificité de toutes les professions artistiques? Les secteurs précarisés ou en voie d'émergence ne risquent-ils pas de subir les lois naturelles du marché et, ainsi, d'être privés de la visibilité nécessaire à leur épanouissement, en plus d'appauvrir certaines initiatives qui auraient pu leur garantir un marché initial et un épanouissement souhaitable et équitable? Quelles sont les dispositions permettant la formulation d'un code d'éthique commercial de nature à soustraire les parties aux différends d'interprétation sur les droits dérivés ou de tout autre nature?

La complexité des impacts économiques, sociaux et culturels qui est implicite dans le libellé du projet de loi 90 mérite-t-elle d'être davantage étudiée? La concertation recherchée par tous les intervenants, quel que soit leur "bord" - pour reprendre une expression déjà soumise à cette table - ne serait-elle pas une étape préalable dans la continuité des étapes judicieuses poursuivies jusqu'à ce jour par le gouvernement? Nous comprenons les limites suggérées par cette dernière opinion dans les circonstances actuelles et les délais recherchés pour confirmer la profession d'agir du gouvernement.

À qui revient l'autorité de droit pour garantir une stratégie de consensus ou, à défaut, de compromis dont la majorité des parties en cause pourraient partager les bénéfices? Le calendrier parlementaire n'est pas une fin en soi lorsque l'esprit des lois n'a pas atteint la maturité susceptible de garantir la générosité qui les a inspirées. L'intelligence reconnue du gouvernement actuel en matière législative ne fait certes pas défaut sur ce point particulier.

En conclusion, nous croyons que le principe de reconnaissance de conditions collectives marque une amélioration par rapport aux situations qui ont prévalu ou qui prévalent toujours dans certains cas. Toutefois, nous croyons fermement qu'il y va de l'intérêt fondamental des nombreux intervenants de pouvoir examiner plus à fond les implications et les orientations

concertées que recherchent la majorité des Interlocuteurs. À ce titre, nous sommes disponibles pour tout effort préalable à l'adoption d'une loi dont les retombées seraient mieux comprises par tous et, de façon particulière, par les artistes eux-mêmes.

En conclusion sur le mémoire comme tel, vous aurez compris que notre intention n'est pas de contredire la démarche entreprise par le gouvernement ou d'entraver le processus inévitable et nécessaire d'octroi d'un ou de statuts professionnels de l'artiste. Nous avons soumis à cet égard certains commentaires qui pourraient, à notre avis, répartir de façon plus équitable les éléments de définition de l'artiste. Les corrections que le gouvernement apportera seront les bienvenues par toute la communauté sans préjudice aux catégories d'artistes touchées expressément par les dispositions du projet de loi qui les concernent directement.

Aussi, maintenons-nous notre confiance pour que le statut socio-économique de l'artiste conserve sa priorité au calendrier du ministère des Affaires culturelles. (15 h 15)

En deuxième lieu, les membres de la commission auront compris le sens de notre intervention sur l'aménagement des relations du travail qui devront gouverner les rapports individuels et collectifs entre les artistes, leurs associations et les producteurs. À cet égard, nous réitérons notre conviction profonde que la politique culturelle relative au statut de l'artiste, tout autant qu'aux relations du travail, doit d'abord et avant tout s'inspirer de l'environnement stratégique particulier dans lequel les affaires culturelles québécoises doivent s'articuler.

Les conditions dictées par un marché restreint et largement occupé par les productions étrangères, surtout anglophones, nous Imposent une attitude de concertation dans la gestion courante de nos pratiques commerciales et industrielles sur notre propre territoire et, d'autant plus, sur nos marchés extérieurs. Nos capacités de production et de commercialisation sont fonction directe de notre capacité de gérer, avec la souplesse nécessaire, les rapports sociaux et professionnels qui fondent notre force. Ainsi, notre faiblesse au plan des infrastructures industrielles pourrait-elle être compensée par des politiques de ressources humaines qui pourront être consignées au sein de législations, de manière à protéger tous les intervenants et à leur garantir des cadres de concertation supérieurs à ceux dont nous avons été témoins jusqu'à ce jour.

Enfin, il est Impérieux pour les autorités publiques de respecter fermement un contexte démocratique qui permettrait à chacun des intervenants de puiser auprès de ses propres membres les positions nécessaires facilitant la concertation avec l'ensemble des autres partenaires. Cette dernière exigence, croyons- nous, ne pourra que favoriser l'émergence de réalités durables que ne permet pas, dans sa forme actuelle, le projet de loi 90. Ce projet de loi est déterminant pour l'avenir de nos industries culturelles. Aussi, devrait-il tenir compte de l'ensemble des points de vue et présumer davantage des impacts pour la communauté artistique tout entière et pour le Québec.

Ce qu'on pourrait ajouter rapidement, puisqu'il reste quelques minutes, concrètement, là où on veut en venir, c'est qu'on est devant un projet de loi qui met l'accent sur la négociation, qui nous rappelle une époque, dans l'industrie du livre, if y a dix ou quinze ans, où les auteurs interprétaient la réalité économique dans le sens suivant, c'est-à-dire que les éditeurs exploitaient les auteurs, alors que ces mêmes éditeurs étaient pratiquement tous en faillite. La démarche qui a été entreprise à cette époque a été de développer des mesures pour générer dans cette industrie les revenus nécessaires pour faire vivre autant les artistes que les éditeurs. On considère - et j'ai été quatre ans à la SODICC avant d'être à l'ADISQ - j'ai vu circuler les états financiers des producteurs pendant ces quatre années-là et il y a à peu près autant de producteurs qui réussissent bien financièrement que d'artistes qui réussissent bien financièrement. Donc, la majorité des producteurs sont dans des situations financières difficiles, ont peu de ressources, n'ont pas de "middle management", n'ont pas de formation en gestion, en mise en marché, et font face à une concurrence qui, finalement, est très experte et dispose de ressources financières incroyables.

Or, notre infrastructure Industrielle dans ce contexte a besoin, si elle est petite, de se concerter quand il est temps d'établir des projets qui vont structurer toute cette industrie dans un avenir prévisible et qui vont lui permettre d'être plus ou moins compétitive sur son propre marché ou sur les marchés étrangers. Dans ce sens-là, nous pensons que ce projet de loi, notamment la partie qui concerne les relations du travail, était l'occasion en or pour susciter une concertation, la recherche de compromis et l'Identification des principaux enjeux dans l'industrie, de façon à structurer cette industrie et à lui donner une force plutôt que de couper l'herbe sous les pieds de ceux qui ont à coeur le développement des talents québécois. On ne manque pas de talents au Québec et je pense que c'est une ressource naturelle parmi les plus grandes ressources naturelles du Québec; on se compare avantageusement à n'importe quel pays au monde quand il s'agit de ressources, de talents, et pas seulement dans le secteur artistique, c'est vrai dans le secteur scientifique aussi. Nous sommes des créateurs, mais il faut vraiment se donner l'infrastructure. On a toujours eu le problème de ne pas pouvoir développer, promouvoir ces talents-là. On n'a pas les infrastructures industrielles pour les promouvoir et, si on passe notre temps... Par exemple, à l'ADISQ, concrète-

ment, on a un budget qu'on est allé chercher avec toute l'ardeur qu'on veut mettre au développement de l'industrie, un budget qui, avec ce projet de loi, devra être réaffecté à ta négociation. On va passer, finalement, énormément de temps à négocier, alors que notre but est de développer l'Industrie. On va négocier des cents et quelques milliers de dollars à la fin d'une année, alors que ce qui est Important, c'est qu'ensemble les intervenants se donnent les moyens de générer des revenus importants et se donnent en même temps la façon de gérer et de répartir justement entre les artistes, les producteurs et les intervenants ces revenus supplémentaires.

Donc, en conclusion, on regrette un peu et on souhaite - il n'est pas trop tard - profiter de l'occasion afin que tous les intervenants se confrontent. Je pense que ce qui ressortirait d'une telle concertation serait des plus intéressants pour faire de nos Industries culturelles des industries qui peuvent au moins s'imposer sur leur propre marché et, par le fait même, franchir nos frontières. Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le directeur général. Je reconnais maintenant Mme la ministre des Affaires culturelles.

Mme Bacon: Je voudrais remercier les gens de l'ADISQ de nous avoir soumis ce mémoire et d'être venus discuter avec nous aujourd'hui du projet de loi 90. On a l'impression qu'on se retient un peu, qu'on ne va pas jusqu'au bout dans ce que vous voulez dire. Il serait peut-être bon de te faire aujourd'hui, on est ici pour cela. Malgré la grande franchise que vous avez dans votre mémoire, je voudrais faire remarquer à certains qui disaient qu'on ne voulait entendre que des louanges que chacun est venu dire ce qu'il pensait réellement de ce projet de loi, et c'est ce que nous voulons entendre aussi. Je vous prierais d'aller jusqu'au bout de votre cheminement.

En ce qui regarde les relations du travail, au point 3.2 de votre mémoire, vous parlez de la portée pratique des impacts, d'une démarche à ce point structurante pour l'avenir. Vous parlez de concertation, et c'est désiré par tout le monde cette concertation de la part des artistes et de la part des producteurs. Ce que nous voulons, c'est que cette loi en s'appliquant suscite davantage cette concertation dans les négocations qui existent quand même déjà. Il y a tout de même une négociation qui se fait. Je ne pense pas que vous perdiez tout votre temps à faire la négocation davantage par rapport à ce que vous faites maintenant.

Au point 3.2, j'aimerais que vous nous disiez ce que vous entrevoyez comme conséquences possibles. Vous ne semble? pas aller jusqu'au bout de ce cheminement. J'aimerais que vous le fassiez cet après-midi avec nous.

M. Morency: Je pourrais amorcer la réponse et M. André Di Cesare pourra compléter. En fait, notre doute profond est quant à l'attitude d'une structure bureaucratique syndicale très bien développée, qui a des ressources énormes. Nous pourrions appuyer notre opinion d'exemples. Nous avons eu souvent l'occasion de constater que le développement des industries culturelles et l'enrichissement général des Industries culturelles ne sont pas l'objectif premier de cette structure syndicale qui est en place. C'est notre principale crainte quand on vient institutionnaliser une force qui est déjà là, qui n'a pas besoin d'être institutionnalisée pour s'exercer et qui est capable, par exemple, de compromettre la tenue d'un événement comme le gala des Félix l'an dernier, qui est là pour promouvoir le talent et qui est là pour augmenter les ventes de disques, il n'y a pas eu d'hésitation à compromettre cet événement à des fins syndicales. Évidemment, nous sommes plus une chambre de commerce qu'un conseil du patronat. Nous n'avons pas de mandat précis de nos membres de négocier et nous sommes souvent témoins d'attitudes et de comportements En fait, l'équilibre des rapports de forces qui sont essentiels en relations du travail, on ne les retrouve pas dans notre secteur. Quand on négocie avec l'UDA, celle-ci peut faire la grève sans aucune conséquence pour elle parce qu'elle peut travailler, si elle fait la grève, dans le domaine de la scène, à la télévision ou dans les commerciaux, un peu partout. Finalement, les producteurs qui y mettent leur argent le perdent et sont mis pratiquement hors d'affaires assez rapidement. Nous n'avons pas des réserves de capitaux très grandes, tout le monde le sait, c'est une industrie très peu capitalisée.

Donc, s'il n'y a pas un rapport de forces égal, comment peut-on espérer négocier? Comment peut-on espérer faire le lien entre concertation et négociation? Finalement, la situation actuelle, c'est qu'on signe ce qu'on veut bien qu'on signe, on n'a pas le choix. On n'a pas les moyens de pression qu'aurait un employeur - si on l'était - dans des circonstances normales ou qui existent dans d'autres secteurs. Ensuite, la relation dans notre secteur - en tout cas, dans le domaine du disque, de la chanson, de la scène - la relation qui existe entre un artiste et son gérant ou son producteur, ce sont deux partenaires qui visent à développer une carrière, un talent, à moyen terme, et qui sont partenaires Comme un courtier est partenaire de son client pour développer un capital, un gérant est partenaire d'un artiste pour développer un talent Dans ce sens-là, quand on volt dans le projet de !ol qu'il est donné à l'association la permission d'intervenir et de négocier pour son artiste, sans même de lettres de créance de celui-ci, avec le producteur, c'est nier à la fois l'autonomie qui est réclamée par le statut de l'artiste et l'autonomie pour s'entendre avec un producteur et développer une carrière. En fait, c'est comme si on donnait le pouvoir à une infrastructure

syndicale de s'ingérer dans les affaires d'un entrepreneur. C'est un projet de toi qui à la fois réclame le statut de travailleur autonome et est très paternaliste dans la façon d'aider, de supporter les entrepreneurs. C'est comme si on voulait une infrastructure syndicale forte pour aider des entrepreneurs à développer à leur propre compte une carrière. Il y a des paradoxes fondamentaux dans ces propositions-là.

Une voix: Si vous me permettez, M. le Président, Mme la ministre, il y a aussi...

Le Président (M. Trudel): En vous identifiant, M. Cloutier, pour le Journal des débats.

M. Cloutier (Gilles): Gilles Cloutier. J'agis à titre de conseiller législatif et économique auprès de l'ADISQ. Il y a, en réponse, en complément de ce qu'a dit mon collègue, un certain nombre d'éléments que vise la loi qui, à notre avis, excluent, comme nous le mentionnions, un certain nombre d'autres interlocuteurs de contextes, soit d'interdépendance envers des associations. J'en mentionne quelques-unes: la SPACQ, quel type de relation elle a avec l'APFVQ, avec l'ACA, la SARDEC, la SODRAC, l'Union des écrivains. Enfin, quand on met tout ce beau monde ensemble et qu'on additionne le nombre d'emplois qui auront à bénéficier du projet de loi dans sa formulation actuelle, ou à être pénalisés, et qu'on regarde - parce que les jours ont un petit peu manqué avant le dépôt du projet de loi, et les réactions, les consultations avec le milieu, avec les partenaires aussi - il nous est à peu près impossible de mesurer. Et une loi qui ne nous permet pas de mesurer, par les principaux intéressés, les impacts qu'elle doit générer, cela nous laisse, non pas frustrés au niveau de votre démarche, mais au niveau des risques qu'il y a à adopter à très court terme - puisqu'il y a un échéancier à la fois politique et gouvernemental - un projet de loi qui n'ait pas comptabilisé l'ensemble des impacts qu'elle va susciter.

Quand on mentionne que la loi est structurante, elle est structurante pour qui? Elle touche combien d'emplois? On énumère à peu près 45 000 emplois. Il y en a peut-être davantage, des emplois directs et indirects. On ne comptera pas les livreurs de pizzas après les spectacles. Ce n'est pas notre but de vouloir jouer à une économie industrielle globale. Mais, quand on regarde tes producteurs, artistes, interprètes, techniciens et autres syndiqués du milieu qui directement et indirectement vivent de l'activité culturelle, il nous est impossible de mesurer, d'analyser et de visualiser ce que veut dire la loi. Le doute émis par les producteurs membres de I'ADISQ et d'autres intervenants, dont certains pourront s'exprimer sur le sujet, c'est que, parmi les artistes eux-mêmes, ceux qui produisent, qui coproduisent se demandent quel sera leur statut. Il y a un certain nombre d'éléments qu'on a regardés au niveau de la compatibilité du statut de l'artiste, tel que défini par la loi, avec la Loi sur le droit d'auteur, par exemple. Il y a des possibilités de conflits de juridiction. Je ne sais pas s'ils ont été examinés, mais, à notre avis, ils ne sont pas suffisamment représentés dans le projet de loi.

En conclusion, la loi dicte des règles du jeu qui en remplacent déjà - et, dans certains cas, heureusement - mais, en même temps, elle suggère des règles du jeu qui sous-estiment, à notre avis, l'impact qu'auront toutes les autres personnes du milieu qui ne seraient pas membres des associations accréditées ou qui ne seraient pas partie à la loi. Alors, une loi vise un certain nombre d'intervenants, 3500, 4000, 5000, mais qu'advient-il des 40 000 autres qui devront vivre avec cette loi et à qui, à toutes fins utiles, elle sera imposée? (15 h 30)

II y a un autre élément, en terminant. Si on regarde la formulation de la loi, est-ce que la loi n'amènera pas à terme l'ADISQ à devenir négociateur, ce qu'elle n'a peut-être pas l'intention de devenir? À court terme, pour une association comme l'ADISQ, envisager de devenir un négociateur, ce que la loi pourrait - les doutes sont très forts à cet égard - la forcer à devenir, ce qu'elle ne veut peut-être pas devenir, ce qu'elle n'a peut-être pas le mandat de devenir et, comme le disait M. Morency tout à l'heure, ce que l'ADISQ n'a peut-être pas les moyens non plus d'offrir à ses membres... C'étaient les quelques commentaires.

Mme Bacon: Si on en reste à la définition des secteurs de négociation, vous craignez, dans votre mémoire, qu'un producteur, pour une même production, doive tenir compte de plusieurs ententes négociées, par exemple, si je résume bien la pensée que j'ai pu traduire dans votre mémoire. Est-ce à dire que vous souhaitez que la définition des secteurs de négociation soit la plus large possible? Est-ce que c'est le souhait que vous exprimez dans votre mémoire?

M. Morency: En fait, ce qu'on souhaite, c'est qu'avant d'établir... La négociation, après le projet de loi, va avoir une teneur différente de la concertation d'avant et que l'ensemble des intervenants dans une production, par exemple, décident ensemble, de façon concertée, de modus vivendi, de compromis, de façon à éviter ce qu'on vit déjà dans les faits, ce qu'on expérimente déjà. Il y a des appartenances à différents syndicats qui n'ont pas vraiment le statut de syndicat et qui compliquent la production. En fait, c'est à la fois une industrie qui a peu de ressources, mais c'est aussi une industrie très complexe à gérer parce qu'il y a énormément de contrats d'intervenants. Alors, c'est important.

Ce qu'on veut faire ressortir, c'est que sur la même scène, vont se retrouver trois, quatre, cinq ou six associations accréditées, peut-être deux associations de producteurs, les proprié-

taires de salles, les producteurs de spectacles... Finalement, si on prend le chemin de la négociation sans, auparavant s'entendre sur des modus vivendi, sur des compromis - on ne rêve pas en couleur, on ne pense pas que le consensus soit possible - mais, si on ne s'entend pas d'avance pour en discuter et même révéler ces enjeux... Je pense que, depuis quelques jours, le projet de loi a suscité des consultations entre des gens qui n'avaient pas vraiment l'habitude de se consulter; on a été forcés de se parler un peu. Ce qui est ressorti, ce sont les enjeux qu'on ne connaît pas des uns et des autres, des "rationalités" qui se sont développées en vase clos dans des associations ou des regroupements dont l'intérêt est de les mettre sur la table, face à tout le monde, ce qui va améliorer toutes les relations du travail. Si on continue à segmenter toutes les relations du travail, on s'éloigne de cette concertation qui pourrait mettre en lumière les compromis qui sont essentiels pour qu'on puisse fonctionner.

Mme Bacon: Vous dites aussi dans votre conclusion qu'il serait impérieux de permettre à chacun des intervenants de puiser auprès de ses propres membres les positions nécessaires pour faciliter la concertation; on revient à la concertation avec l'ensemble des autres partenaires. Est-ce à dire que vous souhaitez que le projet de loi prévoie le regroupement de tous les producteurs? Est-ce que cela revient à cela, au fond, votre...

M. Morency: C'est-à-dire... Mme Bacon: ...conclusion?

M. Morency: ...que, lorsque vient le temps de s'exprimer sur un projet de foi comme celui-là, on est presque mis dans une position de négociation, c'est-à-dire que la première négociation du processus, c'est le projet de loi. On n'a pas eu le temps d'aller chercher un mandat clair et précis de tous nos membres et de les informer en profondeur, de susciter des tables de discussion qui sont nécessaires pour pouvoir analyser et prendre position. Ce qu'on souhaite, c'est que tout le monde ait le temps d'aller voir ses membres...

M. Cloutier: II y a un autre élément qui va un peu dans le sens que vous mentionnez, Mme la ministre. Quand vous demandez: Est-ce que notre crainte est de voir tous les producteurs se liguer pour réagir, évidemment, à ce stade-ci, on ne peut pas parler pour tous les producteurs, tous les producteurs n'étant pas membres de l'ADlSO, mais, étant devant un fait accompli que force la démarche législative actuelle, d'un côté et de l'autre, il serait probable - je ne dis pas souhaitable nécessairement - que l'on ait à discuter avec tous les producteurs. Peut-être que tous les producteurs ne le voudraient pas. Peut-être qu'il y a des producteurs qui désirent demeurer indépendants. On peut avoir une entreprise prospère et ne pas être membre de la chambre de commerce de sa région, mais en même temps cotiser pour tel ou tel événement à caractère économique ou avoir une citoyenneté corporative.

Alors, notre crainte, en partie, c'est que les producteurs, du fait d'un projet de loi qui a un caractère extrêmement sain à plusieurs égards pour donner un dénominateur commun aux conditions minimales de travail des artistes, et on a défendu cette position avec certains de vos collègues dans d'autres forums que celui-ci, c'est que les artistes se sentant protégés, est-ce que les producteurs ne se sentiront pas agressés et amenés dans un corridor de regroupements qu'ils ne voudront pas nécesairement? Il est antidémocratique ou peu démocratique, nous semble-t-il, d'amener, par la force des choses, par la force de certains articles de loi, des gens à devoir s'asseoir tous ensemble, surtout si ces gens-là sont compétiteurs, surtout si ces gens-là ont des intérêts parfois divergents ou sont dans des secteurs d'activité extrêmement exclusifs. Un écrivain québécois qui décide d'aller écrire en France, mais qui bénéficie ici de conditions minimales, d'arrangements ou même de bourses, est-ce qu'il sera condamné, s'il ne le désire pas, à devoir s'asseoir avec un type qui est dans le domaine du disque? Peut-être pas. Notre crainte est de voir ces gens-là obligés de s'asseoir ensemble. Ce n'est pas malsain, c'est sûr, mais je ne crois pas qu'un projet de loi, qui est une loi-cadre et une loi incitative dans son intention, doive amener des contraintes que les gens du milieu ne souhaitent pas ou, s'ils les souhaitent, sur lesquelles ils n'ont pas eu l'occasion de s'entretenir.

Mme Bacon: Vous avez parlé ni plus ni moins d'un rapport de forces. Évidemment, la loi 90, à différents articles, parle d'associations de producteurs sans pour autant obliger les producteurs à s'associer. Si vous aviez ce regroupement, ne pensez-vous pas que cela rétablirait ce rapport de forces que vous estimez - si je vous ai bien compris, vous me corrigerez - déséquilibré par rapport à la situation?

M. Cloutier: Donnez-moi un exempte, Mme la ministre.

Mme Bacon: Écoutez, dans la loi 90, on n'oblige pas les gens à se regrouper. On ne donne pas d'ateliers fermés,- parce qu'on a voulu garder une liberté d'action, une liberté d'adhésion ou une liberté de fonctionnement.

J'essaie de traduire un peu ce que vous disiez tantôt. Quand vous disiez: II y a des rapports de forces, vous sembliez dire que la situation créée par la loi 90 deviendrait déséquilibrée par rapport à la force d'un regroupement d'artistes ou, peut-être - je le mets entre guillemets - la faiblesse de producteurs qui ne

sont pas regroupés. Est-ce que le fait que les producteurs se regroupent, disons - la loi ne vous oblige pas à le faire - mais, s'il y avait un regroupement, est-ce que cela rétablirait ce rapport de forces ou ce déséquilibre que vous semblez déplorer?

M. Cloutier: Est-ce que, dans la pratique, la loi - il y a l'intention de la loi - mais dans la pratique, connaissant un petit peu le milieu, un peu tout le monde ici réuni, n'amènera pas les producteurs à devoir le faire contre leur gré? Alors, est-ce que, comme dans la Grèce antique où on fouettait les gens lorsqu'ils refusaient de voter, lorsqu'ils refusaient d'assumer leur liberté, est-ce qu'on ne forcera pas, on ne contraindra pas les gens à se liguer? Est-ce que le principe de liberté d'association, que ne conteste ni ce projet-ci ni aucune intention gouvernementale actuelle, ne sera pas faussé par cela? Je vais passer la parole à mon collègue.

M. Morency: Pour créer un rapport de forces équivalent, il faudrait que tous les producteurs, pas seulement les producteurs de disques ou de spectacles, mais les producteurs de commerciaux, de télévision, tous les producteurs fassent un consortium unique de production, comme on le vit, par exemple, dans le domaine des salles de spectacles. On l'a vécu en 1984, on le revit actuellement à la Place des Arts. Par exemple, un syndicat de techniciens qui travaille dans toutes les salles, dans plusieurs salles, peut faire la grève dans une salle, ses membres travaillant dans les autres salles et empêchant les producteurs - les résidents, les principaux locataires de la Place des Arts - de produire. Le coût du rapport de forces, le coût pour les producteurs, est énorme et n'a pas d'impact sur le syndicat. C'est un peu la même chose si on négocie, par exemple, le disque. Il peut très bien y avoir une grève dans le disque sans empêcher pour autant les artistes de travailler sur la scène, en télévision ou dans les commerciaux. On peut négocier secteur par secteur, un par un, et jouer avec l'effet de levier dont on dispose dans les autres secteurs.

Là, on ne peut pas parler de rapport de forces. Même si tous les producteurs de l'ADISQ sont heureux d'être membres de l'ADISQ parce qu'on donne des services et qu'on leur permet de développer leur entreprise - c'est ça qu'ils recherchent en s'associant, ils sont heureux de faire cela - même s'ils s'associaient complètement pour négocier, ça ne nous donnerait pas pour autant un rapport de forces équilibré.

Le Président {M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Mercier.

M. Godin: Messieurs, bienvenue dans la maison du peuple pour discuter d'un projet de loi extrêmement important, vous l'avez reconnu vous-mêmes. Je sens une sourde opposition dans vos propos, M. Morency, et, vous, M. Cloutier, qui me rappelle un peu l'attitude des éditeurs d'il y a dix ans, avant que le gouvernement ne leur Impose de payer des droits d'auteur à leurs auteurs. À l'époque, pour avoir été éditeur, je me souviens qu'il se disait partout: On publiera donc trois livres de moins par année et qui seront punis? Les auteurs. Donc, il y a une espèce de rebrassage des capitaux et des décisions dans les maisons d'édition pour s'habituer à un nouveau contexte qui reconnaît davantage de droits aux auteurs. Comme, d'ailleurs, à chaque fois qu'il y a un changement dans l'industrie, II y a un réajustement des lois économiques Internes qui font qu'à terme on se rend compte que c'est une bonne décision et qu'il fallait marcher là-dedans.

Je vous demande à vous, M. le président: Est-ce que vous voulez vivre, oui ou non, avec cette loi-là? Êtes-vous disposé à vous réajuster en fonction des exigences nouvelles que la toi vous pose?

M. Di Cesare: Les exigences économiques? M. Godin: Oui.

M. Di Cesare: Les exigences économiques existent déjà. Les artistes se font payer leurs droits déjà. Les artistes qui sont en studio, qui sont choristes se font déjà payer. Cela ne changera rien à ce niveau. Tout ce que ça va faire, c'est que cela va créer une inflation, dans le sens qu'on va être obligé de payer des vacances, des fonds de retraite. On paie les mêmes affaires, on va payer les mêmes affaires. Cela ne changera rien à ce niveau-là.

M. Godin: II y aura simplement un point de plus à votre budget de dépenses annuelles...

M. Di Cesare: Ce n'est pas cela qui...

M. Godin: ...qui va refléter la nouvelle toi et un respect davantage important pour les créateurs.

M. Di Cesare: Mais le respect existe déjà.

M. Godin: Oui, d'accord, mais vous dites qu'il y a de nouveaux droits qui vont se créer: vacances, CSST dans certains cas et autres exigences. Est-ce que l'industrie, bien qu'elle soit pauvre dans certains secteurs, a les moyens, a les reins assez forts pour survivre à tout cela?

M. Di Cesare: Je ne pense pas qu'elle va survivre à l'inflation de ses coûts de production. Ça, c'est évident.

M. Godin: Vous nous dites donc que la loi peut mettre en danger même l'industrie du...

M. Di Cesare: Oui.

M. Godin: Oui? À ce point-là? M. Di Cesare: À ce point-là.

M. Godin: II n'y a pas les ressources suffisantes donc à l'intérieur de l'industrie..

M. Di Cesare: Notre problème face au spectacle, face au disque, notre problème, c'est la compétition qui vient de l'extérieur du Québec et du Canada. Cette compétition arrive déjà ici, sur disque, entre autres, avec ses coûts de production payés, ce qui fait que le prix de détail des disques est décidé par eux. Nous, il faudrait vendre nos disques, pour arriver dans le marché de 5 000 000 d'habitants, de 5 000 000 de francophones, il faudrait vendre nos disques à peu près 20 $ sur le marché du détail.

Dans le spectacle, il faudrait doubler le prix de nos billets, mais on n'aurait plus d'acheteurs. C'est ça notre problème.

M. Godin: Vous nous informez ici, comme commission parlementaire, que le gouvernement et l'Opposition risquent de tout faire fermer avec une telle loi?

M. Di Cesare: Je ne dis pas que vous risquez de tout faire fermer avec une telle loi, mais je dis que s'il n'y a pas consultation de tout le monde, ce dont on va s'apercevoir, c'est qu'à moyen terme il va y avoir beaucoup moins de production qui va se faire. Ça, je peux vous le dire, je peux l'attester. (15 h 45)

M. Godin: ...n'arrivera pas chez vous, c'est-à-dire un réajustement des budgets et présenter moins de spectacles, faire moins de disques, mais payer davantage les nouveaux droits que crée cette loi. Est-ce que cela ne peut pas se faire comme cela aussi?

M. Di Cesare: II n'y a pas de nouveaux droits qui vont se créer. Ce qui va se créer, ce sont des droits plus élevés en négociation. C'est tout simplement cela qui va se créer.

M. Godin: Ce que j'appelle nouveaux droits...

M. Di Cesare: Les droits sont quand même payés dans le moment. Je ne pense pas que la loi crée de nouveaux droits.

M. Godin: Je ne vous comprends plus. Vous me dites que cela ne change rien et, en même temps, que cela change tout.

M. Di Cesare: Non, ce que cela va changer, c'est qu'en négociation, étant donné que les producteurs n'ont pas la force de négocier, n'ont pas la même force que les syndicats d'artistes vont avoir, les droits vont augmenter et, plus les droits vont augmenter, moins il va y avoir de productions parce que le marché ne peut pas absorber des coûts de production plus élevés que ceux que nous avons présentement. On est au maximum des coûts de production présentement. Ce ne sont pas les droits qui ne se paient pas. Ce que j'ai compris de votre part, c'est que vous pensez que cela va créer de nouveaux droits. Je pense que les droits existent déjà. Les artistes sont payés pour faire des spectacles déjà.

M. Godin: Vous imaginez qu'il y aura de nouveaux privilèges, de nouveaux...

M. Di Cesare: Non, cela va faire de nouvelles négociations..

M. Godin: ...de nouveaux droits sociaux, si vous voulez, vacances et autres, qui n'existaient pas avant?

M. Di Cesare: Oui, entre autres, ils vont faire augmenter les minima qui existent déjà dans le marché.

M. Godin: Créer une surenchère, donc, des conditions actuelles...

M. Di Cesare: Oui.

M. Godin: ...qui aura comme effet.

M. Di Cesare: Parce qu'on n'a pas la force de se défendre face à tout cela.

M. Godin: ...à terme, de mettre en danger même certaines entreprises.

M. Di Cesare: Ah!

M. Godin: C'est ce que je comprends.

M. Di Cesare: Certainement.

M. Godin: Je redonne la parole...

M. Di Cesare: Parce qu'on n'a pas la force. Si, dans la loi, on donnait la même force aux petits producteurs qu'aux grands syndicats d'artistes, c'est sûr qu'on pourrait se parler d'égal à égal, mais ce n'est pas cela qui va se passer dans les faits, dans la pratique. Les Intentions sont bonnes, c'est dans la pratique qu'est le danger.

Le Président (M. Trudel): Avez-vous terminé, M. le député de Mercier?

M. Godin: J'aimerais entendre la ministre là-dessus, parce que, là, on a sorti le morceau que vous vouliez avoir depuis le début, Mme la ministre.

Le Président (M. Trudel): II reste quelques secondes dans l'enveloppe ministérielle, alors, M.

le député de Saint-Jacques, peut-être?

M. Boulerice: Oui, M. le Président, je vous remercie. À part le fait d'être un consommateur qui va peut-être au-delà de ses ressources pour ce qui est de l'achat de disques, je dois vous avouer malheureusement que je connais très peu la mécanique interne de cette industrie. Mais je vous en prie, Mme la députée de Vachon...

Vous avez parlé, tantôt, il y a quelques secondes, de droits plus élevés pour ce qui est des artistes. Alors, il y a une question que j'aimerais poser, ce qui me permettrait peut-être de mieux saisir votre problématique. Dans le cas d'un contrat type, chez vous, est-ce que vous pourriez me dire quel est le pourcentage des droits qui sont versés par rapport à l'interprète, au distributeur, etc.?

M. Di Cesare: Je ne peux pas vous donner tous les pourcentages exacts, mais je peux...

M. Boulerice: Approximativement, quand même.

M. Di Cesare: L'artiste-interprète? L'interprète ou l'artiste auteur-compositeur? Parce qu'il y a bien des secteurs qui sont impliqués dans un disque.

M. Boulerice: Vous pouvez me donner les deux versions.

M. Di Cesare: Mis à part les coûts de production initiaux qui sont d'environ, présentement, de 50 000 $, entre 35 000 $ et 50 000 $ pour un disque, un droit est payé à l'artiste qui varie entre, si c'est un artiste signé par un producteur, 3 % et 6 % du prix de détail. Les auteurs-compositeurs sont payés entre 0,02 $ et 0,04 $, et jusqu'à 0,05 $ de la chanson Le producteur, lui, reçoit 46 % ou 47 % du prix de détail. Il doit payer sa production, sa promotion, plus les artistes-interprètes, plus les artistes auteurs-compositeurs. Cela, c'est sur un disque.

M. Boulerice: Bien. Vous m'avez dit tantôt que... Oui, je vous en prie.

M. Di Cesare: Plus la fabrication du disque aussi, il ne faut pas l'oublier, et la taxe fédérale, d'ailleurs.

M. Boulerice. Oui. Malheureusement, personne n'échappe à la taxe. Mais vous nous avez dit que l'industrie du disque serait drôlement menacée. À ce moment-là, la question que je vous pose, c'est,. Remarquez que c'est un autre palier, mais quand même... Est-ce que vous êtes en train de me dire que la politique du disque, qui a été faite par le gouvernement fédéral, n'est pas suffisante et ne répondait pas à vos besoins?

M. Di Cesare: Je n'ai pas compris, je m'excuse. Que la politique du disque du gouvernement fédéral... Vous parlez de Musicactlon? M. Boulerice: C'est cela, oui.

M. Di Cesare: Que ce n'est pas suffisant? C'est-à-dire que Musicaction, premièrement, c'est un prêt, il faut comprendre cela. Ce n'est pas un don, c'est un prêt qui est consenti à l'industrie du disque pour produire un disque et qui finance 50 % de la production. Admettons qu'au départ le maximum auquel un disque peut être financé, c'est 35 000 $ de Musicaction. Pour obtenir 35 000 $, cela veut dire qu'il faut que tu aies dépassé 70 000 $. Donc, l'industrie investit 35 000 $ pour chaque disque. Dans le moment, les coûts de promotion et de marketing sont à peu près l'équivalent des coûts de production pour un disque

Donc, notre compétition fait qu'on doit investir de plus en plus dans le marketing et la promotion de nos produits, sans parler des vidéoclips pour lesquels il faut également investir, mais on n'en a pas les moyens

M. Morency: Donc, ces fonds-là sont intéressants pour la production, mais, au niveau de la promotion et tout ça, c'est encore insuffisant, surtout si on vise les marchés internationaux.

M. Di Cesare: Un producteur, ce qu'un disque lui rapporte devrait se situer entre 1 $ et 1,50 $ selon sa structure. À 1 $ ou 1,50 $, quand on sait que la plupart des disques vendus au Québec le sont à 15 000 copies, et que tu as un prêt à rembourser à Musicaction de 0,50 $ la copie et que tu investis 35 000 $ dans ta production, il n'y a pas de profits pour les producteurs. Quand tu as des profits, il faut qu'avec tu paies ceux qui ne marchent pas. Donc, si on crée de l'inflation par une nouvelle loi, cela va causer un problème au bout du compte.

M. Boulerice: Vous semblez sceptique pour ce qui est du rôle de médiateur de la commission. J'aimerais avoir des commentaires un peu plus détaillés là-dessus.

M. Di Cesare: Je suis sceptique face à une médiation?

M. Boulerice: Oui. Le pouvoir de médiation de fa commission.

M. Di Cesare: Je ne suis pas sceptique face au pouvoir de la commission. Tant que la commission n'est pas là, je ne peux pas être sceptique.

M. Boulerice: C'est ce qui se dégageait comme impression. Vous me l'informez ou vous me le confirmez, je veux bien accepter votre réponse.

M. Cloutier: Si vous me permettez, M. Boulerice, quant aux pouvoirs de la commission, l'institution d'une commission, je pense, c'est une démarche extrêmement logique, concrète et utile dans le cadre d'une réglementation, d'une régie des relations du travail.

Je reprends une question qui a été posée ce matin par le député de Mercier. Sur la nomination des membres de la commission, ce n'est pas de dire: On a un producteur, on a un artiste, parce que tout le monde est un peu tout le monde, finalement, surtout quand l'artiste est lui-même un producteur, ce qui est un cas qui se répand de plus un plus. Quant à la nomination des membres - c'est un premier point et une question à laquelle il est intéressant de répondre de notre côté - quel devrait être le rôle du milieu pour la désignation des membres? Je pense qu'il peut suggérer une liste, un peu comme on le fait pour le sénat fédéral maintenant. On la soumet aux provinces, on est d'accord ou pas et, finalement, on s'entend, ou demande au milieu: Désignez-vous quelqu'un? Alors, là, cela risque de retarder, dans certains cas, des nominations.

Il peut y avoir des mécanismes souples permettant une représentativité correcte des membres de la commission. Évidemment, le pouvoir gouvernemental n'est pas contesté sur la désignation des membres, sur la nomination. Quant à la mécanique de désignation ou de consultation préalable, je pense que les portes sont ouvertes là-dessus Nous, contrairement à d'autres points de vue qui ont été émis ce matin, on ne voit aucune objection là-dessus; je pense que cela serait souhaitable. Si on décide de désigner trois médecins et qu'on n'a pas le choix, mais que ce sont des médecins corrects, honnêtes et bons en relations du travail, cela va. Alors, il ne s'agit pas de dire: On ne veut pas un producteur, on ne veut pas un artiste. Si tel est le souhait du gouvernement, dans la mesure où on a des retours sur la consultation, cela va là-dessus.

Sur les pouvoirs de la commission comme telle, ne connaissant pas - ce qu'on mentionnait tout à l'heure - les impacts ou la portée de la loi, la signification véritable de la loi, comment, à ce jour, peut-on présumer de l'importance et de la qualification de la commision quand vient le temps de reconnaître une association professionnelle, par exemple? Je donne un exemple un peu farfelu. Si, moi, amateur de danse à claquettes, je décide de former une association parce qu'il n'y a pas assez de membres dans les écoles de danse à claquettes ou qu'elles n'existent pas et que je décide de vendre des cartes de membres un soir de bingo, à ce moment-là, est-ce que mon syndicat, l'association ou la commission va nous demander, les 50 000 membres, de faire de la danse à claquettes pour voir si, oui ou non, on est des artistes?

On n'est peut-être pas des professionnels, mais il y a des mécanismes de désignation et des pouvoirs de référence qu'il faudrait examiner de façon plus concrète, en voir la portée et la signification pour le milieu comme tel. On ne dit pas que les pouvoirs sont corrects ou pas. suffisants ou Insuffisants, on dit qu'il est prématuré d'encadrer une commission avec des pouvoirs ne connaissant pas la signification ou l'agenda caché, peut-être, que comporte le projet de loi dans sa formulation actuelle.

Le Président (M. Trudel): M. le député de Mercier, je pense que vous aviez demandé la parole?

M. Godin: Oui, M. le Président, s'il vous plaît! M. Morency en tant qu'ancien administrateur de la SODICC, est-ce qu'il y a des fonds qui vont de la SODICC vers les producteurs de l'ADISQ?

M. Morency: Oui.

Le Président (M. Trudel): Est-ce que, si ces fonds étaient augmentés, il y aurait moins d'inquiétude de la part de M. Di Cesare et de ses collègues?

M. Morency: Encore une fois, la SODICC consent des prêts et un prêt a ceci de particulier qu'il faut le rembourser, donc cela n'améliore pas le résultat final, la performance économique du producteur ou du produit sur le marché. Si le prix de détail est trop bas, même si on emprunte des millions, il va toujours rester trop bas et, dans ce sens, ce sont peut-être plus des mesures. Finalement, il est question d'augmenter le budget des Affaires culturelles, c'en sont des mesures On parle de recycler, par exemple, la taxe d'amusement et la future taxe fédérale dans l'industrie, c'est-à-dire recycler... Par exemple, à Montréal, il y a 7 000 000 $ payés par année en taxes d'amusement par les producteurs Si ces 7 000 000 $ étalent réinjectés dans l'industrie et qu'on négociait avec tous les partenaires la façon dont on va les répartir entre les auteurs, compositeurs, interprètes et producteurs, je pense qu'on irait pas mal plus loin que de savoir à qui la cent qu'on ne fait pas de toute façon va aller.

Évidemment plus l'industrie augmente ses activités, plus il y a des besoins de financement sous forme de prêts. Plus une entreprise grandit, plus elle a besoin d'une grosse marge de crédit. Dans ce sens-là, II faudra que la SODICC suive les besoins de l'industrie mais le principal problème n'est pas vraiment là, c'est plutôt de générer des revenus. Dans cette industrie-là, on interprète toujours, on Identifie l'exportation comme étant une source de revenu fantastique, sauf que, lorsqu'on arrive à Paris et qu'on veut faire concurrence aux producteurs parisiens, qui, eux, mettent 500 000 $ en promotion pour lancer un spectacle alors qu'ici, à Montréal, on est habitué d'en mettre 25 000 $, c'est évident que nos budgets ne sont pas suffisants, même si le

marché est là. On ne peut pas nier qu'il y a 50 000 000 d'habitants en France, mais si, pour promouvoir nos produits là-bas, sur un événement, il faut mettre 500 000 $, il faut quelque part les investir, il faut les générer et les investir. Et là, à terme, à force de développer une expertise et des investissements de cet ordre-là, on ouvrira des canaux durables d'exportation, on pourra faire une brèche dans notre marché national. Déjà, l'effet de Musicaction et du programme de promotion du disque du ministère des Affaires culturelles crée des effets. Déjà, il y a des disques cette année, par exemple, qui se vendent à au-delà de 50 000 copies, ce qu'on n'avait pas vu depuis plusieurs années; 50 000 copies, c'est ce que cela prend pour arriver "break-even". Alors, c'est un minimum. C'est évident que plus on injecte de l'argent, surtout si on l'injecte de façon à créer un effet de levier, c'est-à-dire doter le talent d'infrastructures susceptibles d'être expertes dans sa mise en marché, dans sa gestion, c'est évident qu'à terme on va arriver à des résultats, parce que je pense qu'on a le talent qui est de calibre international. À ce niveau-là, on n'a pas de problème. Le problème est au niveau de nos infrastructures de production et de diffusion, et ce n'est finalement pas en les étouffant à court terme qu'on va réussir un développement à terme. Je pense qu'on pourrait, par exemple, par une négociation, gagner des points sur des minimums, mais si, à terme, par exemple, sur les spectacles en tournée, au lieu d'avoir trois choristes, il n'y en a plus qu'un, finalement, qui y gagne vraiment? Si, à terme, il n'y a plus de producteur ou si les producteurs choisissent de produire des artistes étrangers parce que c'est moins compliqué et plus payant, qui y gagne? Ce sont des questions qu'on se pose. (16 heures)

M. Godin: On touche un point central en tant que parlementaires, au fond. On a dit de l'autre côté, au salon bleu, dans nos discours, que pas de budget, pas de statut de l'artiste et donc les deux doivent aller de pair, comme les mamelles de la louve de Rome. Et, donc, je pense qu'il est important que le milieu envoie le message au gouvernement pour ne pas que la ministre soit seule à se battre pour vous et que le gouvernement au complet, le Conseil du trésor et le premier ministre sachent que le projet de loi 90, c'est bien beau, mais, s'il n'y a pas de budget augmenté à la SODICC et au ministère qui accompagne cette loi-là, cela veut dire pas de statut réel, parce que pas de budget, pas de statut; pas de statut, pas de budget. Donc, on touche le point central qui est que, en toute cohérence, le gouvernement doit maintenant doter le ministère et la ministre de moyens améliorés - je dis cela, parce qu'elle est de Trois-Rivières - pour qu'elle puisse mettre du concret autour d'un projet qui, pour l'instant, est plus théorique qu'autre chose. Dans la pratique, en tout cas, il n'est ni implanté ni incarné. Si les fonds suivent, il y aura vraiment un statut. Par statut, nous entendons les meilleurs revenus pour les artistes, les créateurs du Québec, également des vacances et, pourquoi pas, des primes de séparation et tout ce dont jouissent les fonctionnaires du Québec ou toute personne qui a un statut digne de ce nom dans la société québécoise. Donc, on peut conclure en disant: Statut, oui, mais budget augmenté, aussi, simultanément.

M. Morency: Aussi les diriger, ce qui est important. On pense qu'en dirigeant, par exemple, des fonds substantiels en création, on règle le problème. On règle toujours le problème à court terme. Il faut, en parallèle à l'injection de fonds en création, Injecter des fonds dans des infrastructures de diffusion et de gestion qui vont faire que les prochains fonds qui seront générés par les artistes seront autonomes et seront générés pour une industrie en santé plutôt que par un État-providence.

M. Godin: Merci, messieurs. J'ai terminé.

Le Président {M. Trudel): Merci, M. le député de Mercier. Mme la ministre.

Mme Bacon: Si on parle de subventions ou de budget de fonctionnement, ou tout simplement du budget du ministère des Affaires culturelles, j'aime bien le coup de pouce que me donne le député de Mercier, mais je dois dire que, déjà, nous avons commencé à travailler depuis longtemps et, avec la coalition qui nous a rencontrés à plusieurs reprises et qui rencontre encore le premier ministre pour une deuxième fois, ce qui ne s'était jamais fait au Québec, nous allons travailler ensemble pour augmenter le budget du ministère des Affaires culturelles.

Je voudrais seulement revenir avant la fin... Vous avez parlé de votre association de danseurs à claquettes. Cela m'a un peu dérangée quand je vous ai entendu parler de cela. La commission a quand même le rôle d'approuver les règlements d'une association ou d'un regroupement en ce qui concerne les conditions d'admissibilité. À ce moment-là, les producteurs peuvent intervenir s'ils ne sont pas d'accord. Ce n'est pas coulé dans le béton, vous avez le droit d'intervenir auprès de la commission si vous n'êtes pas d'accord. Je pense qu'on a laissé, qu'on a tenté, en tout cas... Peut-être que ce n'est pas le résultat que nous obtenons, suivant l'interprétation de chacun, mais nous avons voulu laisser une grande liberté de regroupement, une liberté d'admissibilité, une liberté aussi d'intervention auprès de la commission, de reconnaissance. Je dois vous dire que j'apprécie beaucoup cette franchise que vous avez eue cet après-midi. Je voulais, en effet, comme le dit le député de Mercier, que vous alliez jusqu'au bout. Je pense que c'est pour cela qu'on est ici. C'est pour cela qu'on rencontre le milieu, c'est pour cela qu'on

rencontre les gens qui auront à vivre avec une loi que nous voulons adopter. Il y a eu, en effet, consultation, et passablement de consultations depuis le début, mais on ne termine jamais la consultation. Il y en aura encore après, il y en aura encore, je pense, pour expliquer davantage, pour informer davantage, d'abord, sur tous les rouages qui seront mis en place par ce projet de loi, et ce n'est pas terminé la discussion. Je vous remercie d'être venus nous dire ce que vous pensez et de l'avoir dit clairement. Je pense qu'on n'est pas ici pour des demi-vérités ou des demi-mesures. On essaie de faire un projet de loi qui faisait partie de notre programme électoral et que nous avions pris l'engagement de présenter le plus rapidement possible. Il y a eu un long cheminement depuis la commission parlementaire. On va écouter aujourd'hui l'ensemble des groupes qui vont venir s'exprimer sur cela et faire le point pour essayer de traduire dans notre loi, qui sera adoptée article par article la semaine prochaine, autant que faire se peut, traduire les désirs et les aspirations des uns et des autres, tout en ayant à l'esprit, je pense, ce que, nous, nous voulions faire dans cette loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma ou de l'industrie du film, comme on nous a dit ce matin. Merci beaucoup.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre, messieurs. J'aurais aimé poursuivre dans la foulée de ce que le député de Mercier disait, en faisant la comparaison avec un milieu que j'ai bien connu, le milieu de l'édition. Cela aurait été intéressant, mais malheureusement le temps file trop rapidement et on aura peut-être l'occasion, M. Cloutier, de s'entretenir sur ces questions intéressantes. Alors, messieurs, merci. Sans suspendre - on suspendra après le prochain groupe - j'invite maintenant les représentants de la Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs, la SARDEC, à venir prendre place à la table en face de nous.

Bien, on est comme suspendu mais, non, on fera une suspension après le prochain... Alors, Mme Fortier et Mmes Pelletier: laquelle est laquelle? Moi, j'ai deux Pelletier sur ma liste.

Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs

Mme Fortier (Claudette): Non, il n'y a qu'une Mme Pelletier. Alors, je suis Claudette Fortier; à ma gauche est Louise Pelletier, qui est auteur et membre du conseil d'administration, et Me Evelyne Saint-Pierre, qui est directrice générale adjointe.

Le Président (M. Trudel): On s'excuse, Mme Saint-Pierre, on avait le mauvais nom sur notre liste. Alors, bienvenue, Mme Fortier, il me fait plaisir de vous revoir et je vous cède immédiatement la parole pour les 20 minutes qui sont mises à votre disposition.

Mme Fortier: Merci, M. le Président. La SARDEC se réjouit de l'initiative du gouvernement d'avoir déposé ce projet de lot tant attendu et le remercie d'avoir convoqué la SARDEC aux présentes audiences.

La SARDEC, qui est la Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs, représente depuis 38 ans les auteurs-scénaristes et recherchistes oeuvrant dans le domaine du cinéma, de la télévision, de la radio, de la scène ou de l'audio-visuel en vertu des dispositions de la Loi sur les syndicats professionnels. Elle négocie et gère des ententes collectives avec la Société Radio-Canada, l'Office national du film et la Société de radio-télévision du Québec et elle tente présentement de négocier sa première entente avec l'Association des producteurs de films et de vidéo du Québec. La SARDEC est également membre de l'Affiliation internationale des syndicats d'auteurs et de la Confédération internationale des sociétés d'auteurs et compositeurs. La SARDEC siège également comme représentante des scénaristes à l'Institut québécois du cinéma, à la Conférence canadienne des arts, en tant que représentante de la cinématographie de langue française, ainsi qu'à la Conférence des associations de créateurs et créatrices du Québec. Voici pour nos lettres de noblesse.

Nous aimerions, au cours des prochaines minutes, exposer aux membres de cette commission nos principaux commentaires et recommandations sur le projet de loi 90, en regard des besoins et des particularités de la SARDEC. Tout d'abord, au premier chapitre, Champ d'application et définitions, à l'article 1, premier alinéa, les auteurs étant, de par la nature même de leur profession, des travailleurs autonomes, nous considérons que le verbe "engagent" au premier article de la loi fait davantage appel à la notion employeur et employé qu'à celle d'entrepreneur. Par conséquent, nous suggérons de modifier la première partie de cet article comme suit: "La présente loi s'applique aux artistes et aux producteurs qui retiennent leurs services professionnels dans les domaines de production artistique suivants:" L'article continue, et nous proposons également les mêmes modifications aux articles 6, 23, 24, 29, 35 et 37, où on fait appel à la notion d'engagement.

Au même article, nous considérons que la référence à la Loi sur le cinéma, afin de définir les mots "film" et "matériel vidéo", risque de limiter inutilement les secteurs d'application de la loi. La Loi sur le cinéma touche principalement les oeuvres destinées à la distribution en salle. Une Interprétation restrictive du mot "film" ferait en sorte que toute la production audiovisuelle destinée entre autres à la télévision échappe à l'emprise de la toi. Bien entendu, nous parions ici de la production effectuée par les producteurs privés pour les besoins des diffuseurs

et non des télédiffuseurs, puisque ces derniers sont soumis à une législation fédérale.

Nous recommandons la modification suivante au texte de la loi, au même article: "...les oeuvres audiovisuelles destinées à tout mode de distribution et diffusion présent ou futur quelqu'en soit le support technique." On couvre ainsi toutes les productions et, cela va de soi, les modifications suggérées ci-dessus devraient également se refléter dans le titre de la loi.

Article 2, définition de l'artiste. Nous recommandons que la notion de "services professionnels" soit incluse à la définition de l'artiste. Ainsi, une personne physique qui pratique un art à son propre compte et qui offre ses services professionnels, moyennant rémunération, à titre de créateur ou d'Interprète dans un domaine visé à l'article 1.

Au deuxième alinéa, ta définition du producteur. Afin de conserver une certaine logique à la lecture de la loi dans son ensemble, nous croyons qu'il est essentiel que la définition du producteur fasse appel au lien contractuel mentionné à l'article 1, donc à la définition de l'artiste. C'est pourquoi nous recommandons de modifier la définition du mot "producteur" comme suit: "une personne ou une société qui retient les services professionnels d'un artiste afin de produire et/ou présenter une oeuvre artistique dans un domaine visé à l'article 1."

Statut professionnel de l'artiste, à l'article 4, Tout au long de nos interventions auprès du gouvernement, nous avons illustré à maintes reprises notre statut de "travailleur autonome". Pour nous, cette désignation devrait être spécifiquement mentionnée à l'article 4. De plus, nous souhaitons que la relation employeur-employé soit explicitement exclue de l'application de la loi,

Ainsi, nous recommandons de modifier l'article 4 comme suit: "Pour l'application de la présente loi, l'artiste qui s'oblige habituellement envers un ou plusieurs producteurs au moyen de contrats portant sur des prestations distinctes est réputé pratiquer un art à son propre compte en tant que travailleur autonome. Un artiste dont les services professionnels sont retenus par un producteur en tant que travailleur autonome n'est pas considéré comme occupant une charge ou un emploi au service de ce producteur."

Enfin, nous espérons que cette reconnaissance trouvera un écho favorable au ministère du Revenu et qu'il y aura une action concrète en ce sens pour le ministre responsable. Le créateur a besoin d'un statut fiscal conforme à sa qualité de véritable preneur de risque.

Maintenant, l'article 6. Cet article n'est pas clair et porte à de nombreuses interprétations, enfin pour nous. Que signifie réellement que malgré toute entente collective un artiste conserve la liberté de négocier et d'agréer des conditions auxquelles il est engagé par un producteur? Est-ce que cela signifie que les ententes fixeront des conditions minimales et que l'artiste aura toute liberté de se négocier des conditions plus avantageuses? Si telle est la signification de cette partie de l'article 6, nous recommandons fortement sa réécriture comme suit: "Sous réserve des conditions minimales prévues aux ententes collectives, l'artiste conserve la liberté de négocier et d'agréer les conditions auxquelles un producteur retient ses services professionnels. L'artiste et le producteur liés par une même entente collective ne peuvent stipuler une condition moins avantageuse pour l'artiste qu'une condition prévue par cette entente."

Au chapitre de la reconnaissance d'une association d'artistes, section I, Droit à la reconnaissance, article 7, deuxième alinéa, ce deuxième alinéa de l'article préoccupe au plus haut point la SARDEC. Si les commissaires responsables de la reconnaissance des associations considèrent que les recherchistes et les documentalistes ne sont pas des artistes au sens de la loi, la SARDEC risque de perdre également la reconnaissance envers les auteurs. Par conséquent, nous suggérons que le deuxième alinéa soit modifié comme suit: "elle regroupe des artistes et, le cas échéant, des personnes en voie de se qualifier comme artistes." Donc, nous enlevons "exclusivement".

À première vue, le troisième alinéa ne pose pas de problème. Toutefois, nous nous préoccupons des méthodes qui seront employées pour déterminer si l'association rassemble la majorité des artistes dans un secteur de négociations. Nous regroupons 500 membres mais, comme nous avons toujours été opposés à la pratique de l'atelier fermé, certains auteurs travaillent dans nos secteurs de juridiction sans nécessairement être membres chez nous. Nous n'avons rien de commun avec les syndicats industriels et nous espérons que les critères de représentativité issus du Code du travail ne seront pas appliqués aux réalités de nos associations et que les commissaires nommés par le gouvernement feront preuve de prudence à ce chapitre. (16 h 15)

À l'article 8, premier alinéa, les règlements de la SARDEC prévoient certains critères d'admissibilité. Étant donné le potentiel d'auteur qui sommeille en chacun de nous, ces derniers sont très souples. Il ne faudrait surtout pas que les exigences de qualification professionnelle mentionnées au premier alinéa s'Interprètent en termes d'exigences académiques. À la SARDEC toute personne qui a signé un contrat professionnel dans notre juridiction est admissible en tant que membre, même certains anciens ministres. Afin de ne pas restreindre la souplesse de nos règlements, nous recommandons que l'on ajoute les mots "ou contractuelle", après "professionnelle". Le premier alinéa se lirait donc comme suit: "1° établissant des conditions d'admissibilité fondées sur des exigences de qualification professionnelle ou contractuelle propres aux artistes."

À l'article 9, le terme "injustement" étant

très vague et sujet à de multiples Interprétations, nous suggérons de modifier l'article comme suit: "...ne doivent contenir aucune disposition contraire à la Charte des droits et libertés de la personne ayant pour effet d'empêcher un artiste de se qualifier comme membre..."

A la section Procédure de reconnaissance, article 13, étant donné la souplesse des critères d'admissibilité, ainsi que l'absence d'atelier fermé dans notre association, nous aimerions que l'article stipule clairement que l'association concernée sera consultée quant aux mesures qui seront choisies pour déterminer sa représentativité et que, si un référendum est tenu, elle ait accès à la liste des personnes qui seront appelées à voter sur sa représentativité.

Article 17: Annulation de la reconnaissance. Nous considérons que 10 % des artistes du secteur ou un seul producteur pouvant mettre en jeu la reconnaissance de l'association rendra ladite reconnaissance beaucoup trop fragile et précaire. Nous demandons donc d'augmenter à 30 le pourcentage des artistes pouvant demander la vérification et de prévoir certaines conditions devant justifier la demande d'un producteur lorsqu'il est seul visé par l'entente et un pourcentage minimum de producteurs lorsque l'entente vise une association de producteurs.

Articles 19 et 20. Pour que l'association puisse faire valoir son point de vue efficacement, la commission devrait l'aviser de la preuve qu'elle entend utiliser et, s'il y a une liste d'artistes appelés à voter, l'association devrait y avoir accès.

Section IV, Effets de la reconnaissance, article 21, premier alinéa. Nous recommandons que cet alinéa soit modifié de façon à être conforme aux devoirs conférés aux associations formées en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels. Ainsi on devrait lire: "défendre et promouvoir les intérêts économiques, sociaux, moraux et professionnels de ses membres".

Au quatrième alinéa, afin d'être conforme au pouvoir de représentation conféré aux associations reconnues, nous recommandons que cet alinéa fasse état des "artistes" plutôt que de se limiter aux membres des associations, puisque nous couvrirons tous les artistes par nos ententes. Actuellement, les non-membres signitaires de contrats établis en vertu de nos ententes ont droit aux mêmes avantages que nos membres. Par conséquent, ils paient une cotisation professionnelle à notre association. Pourquoi en serait-il autrement par les ententes conclues en vertu de la loi 90?

Les cinquième et sixième alinéas. Toutes nos conventions actuelles prévoient un formulaire de contrat sur lequel il est spécifié que l'entente liant l'association au producteur fait partie intégrante dudit contrat. Nous ne voyons pas l'utilité de la distinction qui est faite dans le projet de loi, à l'effet que, d'une part, l'association a le devoir d'élaborer un contrat type et, d'autre part, celui de négocier des ententes collectives. Ces deux aspects devraient être liés. Par ailleurs, la pratique nous a démontré qu'un contrat type n'est pas d'une grande efficacité lorsqu'il n'existe aucune obligation de le respecter et qu'à la longue un tel document peut causer préjudice.

Lorsque nous effectuons une mise à jour, nous n'avons aucun moyen d'empêcher la circulation du contrat antérieur devenu désuet. Ce genre de chose ne risque pas d'arriver avec une entente collective. SI des changements majeurs surgissent, les parties peuvent s'entendre immédiatement sur certaines modifications et retirer les vieux formulaires de contrats. Par conséquent, nous demandons que la notion du contrat type soit liée à celle de la négociation collective. Ainsi les cinquième et sixième alinéas devraient être reliés pour se lire ainsi: négocier avec un producteur ou une association de producteurs dans un secteur où elle est reconnue une entente collective prévoyant les conditions minimales pour retenir les services professionnels des artistes ainsi que le contrat type qui en découle.

Article 22. Plutôt que de remettre une liste chaque année, nous recommandons que cette remise soit liée à l'échéance des ententes collectives. Ainsi l'association devrait remettre une liste de ses membres six mois avant l'échéance d'une entente collective visée à la section V.

À la section V, maintenant, Entente collective, l'article 31. Étant donné ta courte durée de certaines productions artistiques et le fait que parfois les compagnies de production disparaissent aussi rapidement qu'elles apparaissent, nous recommandons que le délai de 60 jours soit diminué à 30 jours.

Au prochain chapitre, Commission de reconnaissance des associations d'artistes, section I, Constitution, à l'article 39, nous recommandons que cet article reconnaisse aux associations et aux producteurs le droit d'être consultés sur les membres devant faire partie de la commission. De plus, nous suggérons que le mandat des membres de la commission soit d'au moins sept ans afin d'assurer le plus de stabilité possible dans le suivi des dossiers.

Fonctions et pouvoirs, article 51. Afin d'éviter tout conflit de juridiction entre les associations représentant des artistes francophones et celles représentant des anglophones, nous recommandons que ce critère linguistique soit prévu au deuxième paragraphe de l'article 51.

À l'article 56, deuxième alinéa. Étant donné le caractère public de la procédure entourant la demande de reconnaissance, nous craignons que cette disposition vienne alourdir indûment et inutilement le fonctionnement de la commission. Par conséquent, nous demandons de le retirer au deuxième alinéa.

Dispositions pénales, maintenant, à l'article 58. Afin que cet article ait réellement un pouvoir

dissuasif, nous recommandons que les amendes soient de l'ordre de 1000 $ à 5000 $.

À l'article 59, nous croyons que les amendes prévues aux deuxième et troisième alinéas de cet article devraient être réajustées tout en conservant, bien entendu, un caractère dissuasif. Alors au deuxième alinéa, nous suggérons des amendes de 500 $ à 1000 $ et, au troisième alinéa, de 2000 $à10 000 $.

Voilà l'essentiel de nos commentaires et recommandations concernant ce projet de loi. Nous souhaitons toutefois rappeler notre demande présentée en mai 1986 à la commission parlementaire sur le statut de l'artiste, plus spécifiquement celle portant sur le statut fiscal qui était, je vous le rappelle, que le gouvernement reconnaisse aux artistes - donc aux auteurs - un statut fiscal conforme à leur qualité véritable d'investisseurs et d'entrepreneurs dans les industries culturelles. En particulier, qu'il réévalue le régime d'étalement des revenus des créateurs et leur accorde un préjugé favorable en ce qui concerne les dépenses encourues par leur travail.

Avant de répondre à vos questions, permettez-nous de remercier encore une fois Mme Bacon, ministre des Affaires culturelles, pour toute l'attention et la compréhension accordées aux associations oeuvrant dans le milieu artistique.

Merci.

Le Président (M. Audet): Merci, Mme Fortier.

Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Bacon: Alors, Mmes Fortier, Pelletier et Saint-Pierre, nous vous remercions beaucoup de votre participation à cette commission parlementaire. Ce n'est pas la première fois que vous venez nous dire les besoins ou les aspirations de la Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs.

Je dois dire que j'ai lu avec attention votre dossier et nous allons regarder ensemble, je pense, certaines questions qui pourraient demander davantage de réponses ou d'explications.

Dans un de vos articles, à l'article 51, à la page 6 du mémoire, vous demandez de tenir compte du facteur linguistique dans la définition des secteurs de négociation. Est-ce qu'il y a des situations auxquelles vous faites référence quand vous demandez une telle chose?

Mme Fortier: Nous voulions simplement clarifier. Vous savez que dans la production il y a des associations différentes au niveau linguistique, autant chez les interprètes que les auteurs et les scénaristes. Il pourrait y avoir deux associations. Alors, pour ne pas qu'il y ait de confusion, on veut préciser qu'un secteur pourrait en être un de langue. Par exemple, la Société des auteurs représente les auteurs-scénaristes travaillant aux productions de langue française, alors qu'un autre groupe qui est l'ACTRA, que vous entendrez plus tard, représente les auteurs-scénaristes écrivant pour tes productions de langue anglaise. La même chose se fait au niveau des interprètes.

Mme Bacon: C'est ce genre de référence. Mme Fortier: Exactement.

Mme Bacon: À la page 3 de votre mémoire, vous vous inquiétez des critères de représentativité, au sens du Code du travail, qui ne s'appliquent pas à la réalité de votre association. Est-ce que vous pouve2, peut-être, nous décrire quelle est cette réalité que vous vivez?

Mme Fortier: Bien sûr. La SARDEC regroupe également des recherchistes et des documentalistes... Pour remonter un peu dans l'histoire de la production, ces gens étaient des pigistes, ce qu'on appelait des pigistes à l'époque, à ta Société Radio-Canada. Leurs alliés les plus immédiats étaient tes auteurs, qui avaient également un statut de travailleurs autonomes, de pigistes. Alors, ils sont venus dans notre association. Mais, actuellement, ils ont dans certains cas, pas dans tous les cas, un statut d'employé, même s'ils ont des contrats à terme. Donc, ces gens sont chez nous et ils ne répondent pas, comme tel, aux critères qui sont prévus dans la loi. Ils ne sont pas nécessairement des travailleurs autonomes et, dans certains cas, quant aux critères de création artistique, ils ne sont ni des créateurs, comme on l'entend, ni des interprètes. Bien sûr, ils participent à la création d'une production audio-visuelle; ils préparent les dossiers, fouillent les dossiers, font de la recherche, mais on ne veut pas faire éliminer notre association, pour ce qui est de la représentativité des auteurs, parce que nous représentons également au sein de notre association des employés au sens du Code du travail.

Mme Bacon: Mais est-ce que vous considérez que les recherchistes et les documentalistes devraient être considérés comme des artistes et être reconnus par la loi, à ce moment-là?

Mme Fortier: La plupart d'entre eux devraient être reconnus dans ce projet de loi, puisque, par exemple, dans un documentaire, la recherche sert souvent l'écriture du texte du documentaire, même dans la fiction. Si c'est un texte historique, on a besoin de recherche. Alors, les recherchistes font cette recherche pour écrire les textes.

Mme Bacon: À la page 4 de votre mémoire, si je comprends bien, dès qu'un auteur, par exemple, a signé un contrat professionnel, II peut faire partie de la SARDEC.

Mme Fortier:...

Mme Bacon: Est-ce que vous pensez que tout auteur qui signe un contrat doit être couvert par la loi? Les critères que vous pourriez suggérer à ta commission, par exemple, quels pourraient être ces critères pour qu'elle détermine si les gens sont visés par la loi ou non? Est-ce que vous avez des critères à formuler?

Mme Fortier: Nous maintenons ce critère de la signature d'un contrat d'engagement professionnel, parce que qu'est-ce que c'est un auteur? On est tous des auteurs en puissance. On peut tous écrire. On devient un auteur quand l'oeuvre est produite. C'est-à-dire on est admissible quand l'oeuvre est produite. Donc, quand il y a un contrat d'engagement professionnel qui est signé.

Mme Bacon: Cela voudrait dire qu'il suffirait d'écrire un texte, par exemple, pour dire qu'on a droit d'être reconnu.

Mme Fortier: Non, il faudrait que ce texte fasse l'objet d'une production, connaisse une...

Mme Bacon: Une diffusion. Mme Fortier: Une diffusion.

Mme Bacon: Mais vous allez loin, quand même, quand vous demandez cela. Si quelqu'un produit un texte, le diffuse, il pourrait être reconnu par la loi. C'est cela que vous nous dites?

Mme Fortier: II est admissible comme membre chez nous. (16 h 30)

Mme Bacon: D'accord, merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Mercier.

M. Godin: M le Président, je veux surtout insister sur la fiscalité de vos membres. Mme Fortier, bonjour et bienvenue dans le parlement de Québec, au salon rouge. Selon votre expérience comme payeuses d'impôts toutes les trois, qu'est-ce que vous suggéreriez au comité qui se penche sur la fiscalité de vos membres pour que déjà on réfléchisse sur une action à avoir quant au rapport Wilson quand il sera appliqué? On me dit que toutes sortes de rumeurs circulent quant à la reconnaissance fiscale de vos membres, auteurs, recherchistes et autres. Peut-on réfléchir ensemble sur ce que vous suggéreriez au gouvernement du Québec comme reconnaissance de dépenses totalement reliées à vos revenus pour que déjà on entame la réflexion là-dessus ici? Même si le comité est à peine formé et qu'il va livrer la marchandise dans un an et quelques mois, je pense qu'il serait important que le Québec indique la voie à suivre aux auteurs de la réforme Wilson pour qu'ils ne nous arrivent pas avec des choses qui ne tiennent pas debout dans quelques mois. Donc, quelles dépenses verriez-vous, vous, qui soient déductibles d'impôts ou reliées à la production de revenus chez vos membres?

Mme Fortier: Chez nos membres, peut-être, mes collègues voudront compléter, ce que nous demandons et ce que nous avons demandé à ce moment-là c'est qu'un pourcentage de leurs revenus soit déductible de leurs gains Imposables. Les auteurs n'ont pas nécessairement les mêmes dépenses que des interprètes, sauf qu'ils ont des dépenses réelles, et c'est plus facile à comptabiliser parce que chez les auteurs c'est souvent du temps, des frais de représentation, etc., ce qui constitue leurs dépenses. Alors, c'est difficile à comptabiliser, un auteur ne peut pas dire: J'ai travaillé 25 heures à 50 $ et c'est ce que j'ai investi dans le développement de mon scénario. Donc, idéalement pour les auteurs ce serait un pourcentage de leurs gains, de leurs revenus d'auteur qui pourrait être déductible. Ce serait l'idéal.

M. Godin: Ce serait automatique, si je comprends bien.

Mme Fortier: Automatique.

M. Godin: Vous verriez un chiffre, admettons 30 % ou 25 %, qui soit déductible automatiquement et qui couvrirait la base des dépenses encourues par un auteur.

Mme Fortier: C'est cela.

M. Godin: Bon! Cela répond à ma question, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Est-ce que vous avez terminé, M. le député?

M. Godin: Oui, pour l'instant, oui.

Le Président (M. Trudel): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Je dois dire, à mon grand regret, que je n'avais pas eu le temps de prendre connaissance du rapport.

Le Président (M. Trudel): D'accord. Est-ce que d'autres membres de la formation ministérielle ont des questions à poser?

Mme Bacon: Je pense qu'il nous reste à remercier les gens de la SARDEC, à moins que vous ayez une intervention à faire, M. le Président. On veut se garder un peu de temps aussi pour entendre les autres.

Le Président (M. Trudel): J'ai dû me garder

du temps pour moi sur mes vingt minutes tantôt - j'avais quelques appels téléphoniques à retourner. J'aurais aimé mais étant donné que le temps avance et que si on veut rencontrer d'autres groupes... Oui, madame, peut-être une courte question?

Mme Blackburn: Oui, une courte question... Le Président (M. Trudel): Allez-y.

Mme Blackburn: ... parce que je sais qu'il y a une recommandation qui revient ici, qui a été présentée aussi en fin de matinée par l'UDA lorsqu'on parle du producteur, produire ou présenter; pour la définition de producteur, c'est produire ou présenter. Comment Interprétez-vous la situation suivante? Au moment ou ceux qui gèrent une salie de spectacles invitent un chanteur, un compositeur à venir se produire, dans quelle catégorie la coopérative culturelle se situe-t-elle à ce moment-là? Comme producteur?

Mme Fortier: Si c'est la coopérative culturelle qui invite et qui est responsable de l'organisation, bien sûr, la coopérative est le producteur.

Mme Blackburn: Donc, ce que vous dites c'est que du moment que la coopérative culturelle ou les responsables de la salle de spectacles font de la publicité, de l'information, vendent le spectacle, ils deviennent producteurs? Avec les responsabilités qui s'y attachent?

Mme Fortier: Exactement.

Mme Blackburn: Bien, merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, madame.

M. Godin: M. le Président, je tiens moi aussi à remercier la société, dont je serai membre éventuellement, pour cet excellent document. Je présume que le gouvernement sera sensible à vos demandes et surtout au plan fiscal, parce que c'est là, je pense, que le noeud du problème se situe pour plusieurs de vos membres, beaucoup plus que dans la reconnaissance syndicale. Oui, Mme Fortier.

Mme Fortier: Puisque cet aspect vous intéresse et puisqu'il reste un peu de temps, j'aimerais simplement, peut-être, préciser pour vous, pour vos arguments, la Loi sur le droit d'auteur considère de manière différente les créateurs. C'est-à-dire que la loi sur la propriété intellectuelle fait en sorte que 50 ans après le décès des créateurs leurs oeuvres tombent dans le domaine public, ce qui n'est pas le même cas pour les biens matériels ou physiques. Alors, les créateurs, les oeuvres qui créent leur capital appartiennent au domaine public 50 ans après leur mort. Le pendant de cela devrait être que, de leur vivant, ils aient certains avantages fiscaux.

M. Godin: En échange. Mme Fortier: En échange.

M. Godin: En vertu du principe des vases communicants. C'est noté, Mme Fortier, Mme la présidente, et par moi et par le côté ministériel, n'est-ce pas?

Mme Bacon: Je ne veux pas prendre plus de temps, mais quant à la fiscalité - je l'ai encore dit ce matin - le ministre du Revenu se penche sur le dossier depuis quelque temps et essaie de trouver des formules, je pense, qui pourraient apporter des amendements à la Loi sur les impôts. Il y a un travail qui se fait, il y a un cheminement qui se fait en ce moment.

Le Président (M. Trudel): Je peux, peut-être, ajouter, madame, en vous remerciant d'avoir répondu à notre invitation, qu'il y a eu beaucoup de discussions alors que nous étions tous deux députés, moi et le nouveau ministre du Revenu. Je peux vous assurer de son ouverture d'esprit. Mme la ministre qui siège avec lui au conseil peut en attester mieux que moi encore, mais je pense que nous avons un ministre du Revenu qui est très ouvert. Maintenant, il reste à compléter le travail de ce côté-là et cela nous fera du pain sur la planche pour les prochains mois.

Mme Fortier: Nous sommes très heureux de ces paroles.

Le Président (M. Trudel): En vous remerciant et vous souhaitant un bon retour à Montréal. Merci.

Mme Fortier: Merci, M. le Président et Mme la ministre, messieurs et mesdames.

Le Président (M. Trudel): Nous allons suspendre, pour ce qu'on appelle la pause-santé pour trois minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 33) (Reprise à 16 h 43)

Le Président (M. Trudel): Mme la députée de Chicoutimi. M. le député de Mercier. Si M. le député de Mercier vient s'asseoir, on va recommencer immédiatement, de façon à avoir un cinquième groupe après la Guilde avant de suspendre pour le dîner. Mme la députée de Chicoutimi, vous allez venir rejoindre la table des députés. Merci.

Nous avons, donc, le plaisir d'accueillir la Guilde des musiciens de Montréal, représentée par son président, M. Subirana, qu'on a vu avec plaisir l'an dernier, M. Claude Landry, que je

retrouve avec plaisir, Mme Gisèle Frechette bonjour, M. Gilles Pelletier et M. Éric Lefebvre. SI vous avez à intervenir, je vous rappelle - je pense que vous étiez ici ce matin - de le faire en mentionnant votre nom pour les fins d'enregistrement au Journal des débats.

Je vous souhaite la bienvenue à cette séance de la commission de la culture portant sur le projet de loi 90. Sans plus attendre, étant donné les circonstances, Je vous cède immédiatement la parole. M. le président ou M. le directeur général?

M. Subirana (Émile): Le président.

Le Président (M. Trudel): M. le président, allez-y.

Guilde des musiciens de Montréal

M. Subirana: Merci, M. le Président. Mme la ministre, mesdames et messieurs les députés, tout d'abord j'aimerais simplement vous souligner que l'importance du projet de loi 90 nous apparaît primordiale pour l'ensemble des musiciens, tant ceux membres de la guilde que ceux qui n'en font pas partie. À cet effet, nous désirons féliciter la ministre des Affaires culturelles pour son dévouement face à la cause des artistes et, plus particulièrement, celle des musiciens. En effet, l'adoption de ce projet de loi créera un régime de négociation unique en Amérique du Nord et tracera ainsi une voie privilégiée quant aux régimes de négociation qui verront peut-être le jour dans les autres provinces canadiennes.

Pour aller plus vite, je vais sauter rapidement et souligner nos recommandations. Je tiens pour acquis que tout le monde a reçu une copie de ce mémoire et a eu le temps de le lire. En l'absence de mécanisme d'arbitrage des griefs, on recommande au gouvernement d'inclure dans le projet de loi les dispositions 100 à 111 du Code du travail, en effectuant les modifications qui s'imposent afin de rendre compatibles ces dispositions avec l'esprit de la loi. Bien sûr, il est toujours possible d'incorporer ces clauses dans les conventions négociées, mais présentement la plupart de nos conventions ne contiennent pas ces clauses.

Les moyens de pression disponibles fors de l'échec des négociations. Nous recommandons au gouvernement d'intégrer dans le projet de loi une disposition antibriseurs de boycottage qui prévoirait l'impossibilité pour un producteur d'utiliser les services d'un artiste qui fait partie du secteur de négociation visé pendant une période de boycottage.

Le paiement de cotisations par l'ensemble des artistes d'un secteur de négociation et te rôle des contrats types. Les contrats types exigés pour la prestation de services dans ce secteur de négociation se doivent d'être obligatoirement utilisés lors de la signature d'un contrat par un artiste offrant ses services dans le cadre des activités couvertes par ce secteur de négociation. Afin de reconnaître le rôle de l'association en sa qualité de représentant de tous les artistes d'un secteur de négociation, le projet de loi devrait prévoir le paiement d'une cotisation à l'association par tous les artistes du secteur de négociation et la perception de ces cotisations par les producteurs lors de toute activité artistique visée par une entente collective où un contrat type aura été élaboré. De plus, le producteur devra remettre les sommes ainsi perçues à l'association.

Les productions étrangères, les prestations exécutées sans avis et la difficulté d'appliquer le processus de négociation prévu au projet de loi.

On recommande ici au gouvernement d'octroyer à la Commission de reconnaissance des associations d'artistes un pouvoir extraordinaire de rendre, dans les situations urgentes et à la demande d'une partie, une ordonnance provisoire imposant à un producteur et aux artistes qu'il engage des conditions de travail équivalentes à une entente collective qui pourrait raisonnablement s'appliquer à cette situation.

Le décret sur les musiciens de la région de Montréal. Pour rendre applicable le projet de loi 90 dans la région de Montréal, l'abrogation du décret sera sans doute rendue nécessaire. Cependant, des mesures transitoires devront être négociées afin de protéger les différentes parties touchées par le décret

Les secteurs de négociation et le critère géographique. La Guilde des musiciens de Montréal, de par sa constitution, est limitée géographiquement. lI nous apparaît Important de déterminer si un secteur de négociation peut inclure, en plus d'un type de prestation artistique, une limite géographique. Il ne faut pas oublier, eu égard à ce point-là, que la Guilde des musiciens de Montréal existe avec l'Association des musiciens de Québec depuis la fin du siècle dernier, depuis 1897, et qu'on a un historique de Juridiction géographique partagé.

Comme conclusion, nous croyons que les recommandations présentées dans ce mémoire et dans l'annexe I sont nécessaires afin de rencontrer pleinement les objectifs visés par la présentation de ce projet de loi. Nous espérons qu'elles soient prises en considération lors de la révision du projet de loi avant son adoption finale.

Dans l'annexe I, à l'article 1, nous recommandons que "vidéo" soit clarifié, car iI serait important de bien comprendre la distinction entre un diffuseur et un producteur afin de connaître les limites de l'application du présent projet de loi.

À l'article 2, la définition du terme "artiste". Il est possible de voir certains artistes, s'auto-constituer en compagnie à un seul actionnaire en raison même du caractère de leurs activités artistiques qui s'apparentent le plus souvent aux activités d'un entrepreneur indépendant. En conséquence, nous recommandons au gouvernement d'enlever le mot "physique" inclus

dans la définition du mot "artiste".

L'emploi du terme "oeuvre artistique". Nous proposons de remplacer la définition du terme "producteur" par la définition suivante: "producteur: une personne ou une société qui retient les services d'un artiste aux fins de présenter une prestation artistique".

En raison de notre opinion exprimée à la section 6 du mémoire, nous recommandons également d'abroger le "Décret sur les musiciens de la région de Montréal", tout en prévoyant certaines mesures transitoires. Cela s'applique à l'article 3.

À l'article 4, on a un problème avec l'application restrictive qui pourrait exclure les artistes qui s'engagent au moyen d'un seul contrat pour plusieurs prestations. Alors, on recommande de remplacer le membre de phrase suivant: "au moyen de contrats portant sur des prestations distinctes" et, bien sûr, de définir le terme "prestations distinctes".

On recommande que l'article 6 se lise comme suit: "L'artiste et le producteur ont la liberté de négocier et d'agréer les conditions de travail plus avantageuses pour l'artiste que celles prévues à l'entente collective qui les régit.

À l'article 7, la Gullde des musiciens de Montréal recommande au gouvernement de remplacer les termes "est formée exclusivement d'artistes" par "regroupe des artistes"; à l'article 7, encore une fois, "secteur géographique", préciser exactement ce que cela voudrait dire.

Article 8, nous recommandons de remplacer les termes "exigences de qualification" par "exigences professionnelles".

Article 9, remplacer "injustement" par "de façon discriminatoire".

Article 17, nous recommandons d'augmenter le nombre de producteurs requis aux fins de reconnaître la validité d'une demande de vérification à 30 %. Article 17, deuxième paragraphe, en conséquence de ce qui précède, nous recommandons au gouvernement de déterminer une période fixe, dans l'année, où une demande de vérification pourrait être présentée.

Article 21, nous recommandons d'ajouter les termes "moraux et sociaux" entre les mots "intérêts" et "économiques". C'est également à la suite de notre historique. Article 21, ajouter le mot "tous". Cela nous inquiète énormément. Article 21, paragraphe 4 et paragraphe 5, remplacer les mots "ses membres" par "tous les artistes".

Article 29, nous recommandons d'ajouter les mots "dans un délai de 10 jours".

Article 31, nous recommandons d'ajouter, après les mots "à l'égard de l'autre partie", les mots "ses administrateurs ou toute corporation liée".

Article 37, nous croyons qu'il serait important de prévoir un recours civil, soit en dommages, soit en réintégration, et d'établir une présomption en faveur de l'artiste.

Article 39, nous recommandons également au gouvernement, comme l'ont fait d'autres organismes, d'étendre le mandat à sept ans, pour te président et le vice-président.

Article 58, nous recommandons également de hausser l'amende prévue pour qu'elle puisse se lire comme suit: "de 500 $ à 5000 $", pour des raisons qui ont déjà été soulignées par d'autres organismes.

En ce qui concerne la fiscalité, on réitère nos propositions présentées au mois de mal 1986 également. On avait lu dans les journaux que le ministre du Revenu allait consulter l'UDA pour formuler des propositions sur la fiscalité. Alors, je profite de l'occasion pour lui dire qu'on est prêts aussi à lui donner nos points de vue là-dessus.

J'ai essayé d'être bref, puisque je pense que c'est peut-être plus Important de répondre à vos questions au sujet de ce qu'on a écrit ici que de vous relire le mémoire. Je vous remercie de votre attention et nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le président. Mme la ministre.

Mme Bacon: M. le Président, madame, messieurs, on vous remercie de votre présence Ici et de votre intérêt à ce projet de loi. Je pense que votre document nous démontre cet intérêt que vous avez à participer avec nous à l'amélioration, s'il y a lieu, du projet de loi pour répondre aux attentes du milieu. Nous vous en remercions beaucoup.

Dans votre mémoire, vous parlez de la limite géographique, à deux reprises. À l'article 51, la commission détermine les secteurs de négociation à reconnaître, en tenant compte, notamment, de deux critères: d'abord, la communauté d'intérêts, ensuite l'historique des relations de travail. Vous nous dites vous-mêmes que cela fait 50 ans que vous fonctionnez selon une certaine limite géographique. Vous êtes, quand même, couverts par le critère historique des relations du travail, mais est-ce que vous nous demandez d'ajouter, à l'article 51, la considération géographique? Est-ce que c'est ce qui répond à votre attente?

M. Subirana: On pourrait l'ajouter là ou demander simplement que la commission puisse en tenir compte. Ce qui nous Inquiète un peu, c'est qu'on parle, à certains endroits dans le projet de loi, d'annoncer certaines choses partout en province et, bien sûr, comme c'est un projet qui a été présenté par l'UDA, le problème ne se pose pas. Mais, pour nous, on aimerait qu'il soit possible que la Guilde des musiciens de Montréal maintienne une juridiction qu'elle a depuis 1897 et que l'Association des musiciens de Québec, par exemple, qui a sa juridiction puisse également la maintenir.

Mme Bacon: Je veux juste rectifier. Il y a

eu un projet qui a été présenté par l'UDA. Vous vous rappelez de la commission parlementaire où vous êtes vous-mêmes venus nous dire ce que vous pensiez. Votre mémoire était aussi explicite à ce moment-là. On a tenu compte de tous ces mémoires pour préparer le projet de loi 90.

À l'article 4, comment pouvez-vous préciser le terme "prestations distinctes" afin de rendre peut-être l'interprétation applicable à vos membres? Est-ce qu'il y a une précision qui devrait être apportée à l'article 4?

M. Subirana: Eh bien, pour nous... Est-ce que tu as des commentaires, Éric?

M. Lefebvre )Éric): Oui, peut-être. Une voix: Votre nom?

M. Lefebvre (Éric): Éric Lefebvre, représentant de la guilde.

Le terme "prestations distinctes", comme on l'avait inscrit dans le mémoire, réfère, en fait, on ne sait pas trop à quel concept. Nous voudrions qu'il soit clarifié pour qu'on distingue bien entre ce qui pourrait être appelé une représentation distincte ou n'importe quel type de programme distinct, soit un programme de concert et, dans le cas des comédiens, ça serait une production distincte. On voudrait seulement savoir exactement ce qu'on entend par "prestations distinctes".

Nous pensons qu'effectivement le terme "prestations distinctes" s'attache à un ensemble de présentations qui touchent soit une production ou soit un programme de concert. On voudrait quand même que ça soit clarifié dans le projet de loi.

Mme Bacon: Vous voudriez le voir clarifié dans le texte même de la loi.

M. Lefebvre (Éric): Si c'est possible, parce que présentement "prestations distinctes", ça peut vouloir dire plusieurs choses.

Mme Bacon: Oui, en effet.

M. Lefebvre (Éric): Alors, c'est simplement pour savoir à quoi s'en tenir pour que le projet de loi soit efficace dans ce sens-là.

Mme Bacon: D'accord. À l'article 31, est-ce que la procédure de règlement des griefs n'est pas normalement prévue dans les dispositions d'une convention collective? il faudrait réglementer, d'après ce que vous nous demandez, le processus et l'indiquer dans le projet de loi. Est-ce que j'ai bien saisi votre demande?

M. Subirana: Eh bien, normalement, ces procédures sont prévues dans les ententes collectives, sauf que la Guilde des musiciens de Montréal, dans la plupart de ses ententes - je dirais à l'exception d'une entente - ne prévoit pas ces clauses. C'est encore une tradition avec nous. Quelquefois ça facilite, ça accélère le règlement des problèmes, mais la tradition veut que les musiciens n'incorporent pas ces clauses-là, à l'exception d'une entente, dans toutes nos ententes dans les médias électroniques et dans les autres.

Alors, c'est pour ça, s'il y avait une période transitoire qu'on se retrouverait tout à coup avec des ententes où il serait impossible de régler des différends.

Mme Bacon: Est-ce parce qu'il y a beaucoup d'ententes en vigueur en ce moment?

M. Subirana: Eh bien, on a à peu près une dizaine ou une douzaine d'ententes types à la télévision, pour l'ADISQ, etc., des ententes avec des producteurs de films, avec des producteurs de vidéos. Alors, ces ententes-là n'incorporent pas ces clauses d'arbitrage.

Mme Bacon: Ce sont des ententes, si Je comprends bien, écrites?

M. Subirana: Oui, oui.

Mme Bacon: L'ensemble des ententes?

M. Subirana: C'est ça. Et, bien sûr, dans certains cas, ce sont des ententes qui sont nationales, au Canada, et, dans d'autres cas, nord-américaines.

Mme Bacon: À l'article 8, vous demandez dans votre recommandation de remplacer les termes "exigences de qualification professionnelle" par "exigences professionnelles". Est-ce que vous savez à peu près quel est le pourcentage de vos membres, des musiciens qui seraient touchés par ça si nous laissions "exigences de qualification professionnelle"? Parce qu'à ce moment-là on peut peut-être penser en termes de diplôme. C'est ce que vous indiquez, d'ailleurs, dans votre dossier. (17 heures)

M. Subirana: C'est cela qui nous Inquiétait un peu, parce que, pour le moment, on ne pense pas dans ces termes-là, c'est-à-dire qu'un musicien peut être excellent et ne pas avoir fini un cours universitaire ou même un cours de cégep. Il peut être excellent musicien. Alors, on craint un peu qu'on ait besoin d'avoir un diplôme qui ne garantit pas qu'un musicien va être excellent, d'ailleurs. C'est simplement une garantie qu'il a suivi certains cours. C'est à peu près tout.

Mme Bacon: Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Mercier.

M. Godin: Oui, merci, M. le Président. Messieurs de la guilde, M. Subirana, bonjour. Au fond, dites-moi donc un peu ce que cette loi peut changer dans votre fonctionnement? Je vols, annexée à votre mémoire, une liste de contrats que vous avez signés avec des employeurs et, au fond, ils respectent, j'imagine, les règles de la guilde ou le décret de la guilde. Qu'est-ce que cela donne de plus comme protection à vos membres, cette loi 90?

M. Subirana: Comme protection, ce que cela fait? Vous voyez, ici, j'ai ajouté, pour vous donner une idée de l'envergure de nos opérations et nos ententes, la liste des personnes qui ont une fois ou à maintes reprises engagé des musiciens dans la région de Montréal. Ce que cela va faire, c'est que cela va régulariser un peu la façon dont les musiciens sont engagés. Les musiciens, dans notre juridiction, oeuvrent peut-être avec des contrats types et suivant des ententes, mais, très souvent, ils se voient offrir du travail en dessous de la table. Ils n'ont pas le choix; c'est à prendre ou à laisser.

Ces choses-là, on espère les éliminer un peu plus. Parce qu'il y a beaucoup de productions qui se font à la suite de nos ententes, tout à fait normalement. Mais cette loi va nous permettre de demander aux producteurs de respecter les conditions et non pas seulement à nos membres. Actuellement, nos membres ont le fardeau du respect de ces conditions de travail, si vous voulez. À la suite de cette loi, on pourra exiger que les employeurs de ces membres ou les producteurs, si vous voulez, respectent les conditions de travail et ceux qui offrent des conditions en dessous de la table ou qui ne veulent pas signer de contrats, parce que les contrats les embêtent par principe, on va pouvoir les y obliger, sans dire à notre membre: Tu ne peux pas travailler pour ce gars-là. On va pouvoir obliger l'employeur, parce que le pauvre musicien souvent nous dit: Moi, j'ai une famille à faire vivre. S'il n'y a pas de contrat, que voulez-vous que je fasse? Le gars ne veut pas signer. Alors, c'est cela que ça va éliminer.

M. Godin: Donc, on va hausser le revenu minimum garanti ou le salaire minimum de vos membres, si je comprends bien?

M. Subirana: Pas toujours le salaire minimum, mais, au moins, dans certains cas où le salaire, disons, normalement, devrait être de 200 $ et où le musicien se voit offrir 150 $ en dessous de la table, peut-être que cela va nous permettre d'aller chercher le vrai cachet de 200 $, mais avec une caisse de retraite et un contrat, au cas où il y a une réutilisation de ce produit. Alors, c'est toute une série de conditions et d'avantages qu'aura le musicien qu'il abandonnait quand il acceptait de faire ça en dessous de la table.

M. Godin: Même question à vous qu'à l'Union des artistes, ce matin. Il y a des cas de chômage chez vos membres. Est-ce que la guilde a prévu des caisses, de stabilisation du revenu ou des caisses d'aide pour ces musiciens dans les périodes creuses, dans les périodes où ils ne travaillent pas? Quelle est l'attitude chez vous, face à cela, comparé à l'UDA qui, me dit-on, réfléchit à une solution du genre stabilisation de l'emploi ou à une espèce d'assurance-chômage quelconque? Chez vous, où en est rendue la réflexion sur ces questions-là?

M. Subirana: En ce qui concerne l'assu-rance-chômage, c'est un élément qui est très difficile dans notre domaine. On est, depuis très longtemps, une espèce de fraternité. On avait, iI y a quelques années, des procédures pour aider le musicien qui, disons, n'avait pas travaillé pendant quelques semaines. On lui donnait des coupons - à l'époque, c'était de Steinberg - pour acheter un peu de nourriture pour sa famille, des choses comme cela. On faisait cela à l'époque. Depuis un certain temps, on n'a pas les moyens de faire cela et c'est une chose à laquelle on n'a pas pensé. Par contre, vous avez posé la question, ce matin, sur les membres qui ne travaillaient pas: Les 75 % des membres avaient un revenu inférieur...

M. Godin: Dans le cas de I'UDA, 66 % font moins de 5000 $ par année.

M. Subirana: C'est cela. On a plus ou moins les mêmes statistiques. Mais ce ne sont pas nécessairement les jeunes qui tombent dans ces 75 % ou les gens de la relève. Souvent, ce sont les artistes qui, après une carrière de dix ans ou vingt ans, se trouvent à voir leurs revenus baisser. Alors, ce ne sont pas nécessairement seulement les jeunes, c'est beaucoup plus complexe. Quelquefois les jeunes travaillent beaucoup plus que ceux qui ont 20 ans de carrière. Alors, pour nous, c'est un problème très complexe. On espère pouvoir trouver des solutions à cela, mais, pour le moment, je peux simplement vous dire qu'on n'y a pas pensé dans le sens d'une assurance-chômage et que ce sera quelque chose d'extrêmement compliqué.

M. Godin: Deuxième ordre de questions: la fiscalité. Est-ce que votre guilde réfléchit sur la fiscalité de vos membres et est-ce que vous avez, pour le comité qui se réunira bientôt, un point de vue à faire valoir au gouvernement, à l'Opposition et à la commission parlementaire sur les avantages fiscaux que les musiciens devraient avoir pour que toutes leurs dépenses reliées à leurs revenus soient comptabilisées dans leur rapport d'impôt? Est-ce que vous avez réfléchi à cette question-là?

M. Subirana: Eh bien, oui, on avait proposé certaines choses lors de la dernière commission,

au mois de mal 1986. Je dirais que le point le plus Important, je pense, qui a vraiment causé des problèmes pour les musiciens et les pigistes en particulier, c'est le manque d'étalement du revenu sur plusieurs années. C'est cela, vraiment. Un musicien peut gagner 30 000 $ une année et là il va tomber à 5000 $ ou à moins. C'est vraiment un des points les plus importants pour nous. Les déductions pour certaines dépenses ne sont déjà pas si pires, c'est pas mal déjà. Mais cet élément-là de l'étalement, qui a été éliminé, je pense, par M. MacEachen - je pense que c'était lui; je ne me souviens pas exactement -en 1981 au fédéral, qui nous a causé pas mal de problèmes.

M. Godin: II l'avait éliminé pour les joueurs de hockey à l'époque.

M. Subirana: Et tout le monde.

M. Godin: Oui, mais c'était d'abord cela qui était visé. En terminant, M. le Président, si un musicien signe en dehors de la guilde à des conditions supérieures à celles de la guiide, est-ce que maintenant, au moment où l'on se parle, c'est permis et quelle est la position de la guilde pour l'avenir?

M. Subirana: Si un musicien signe à des conditions plus avantageuses?

M. Godin: Que celles de la guilde, au moment où l'on se parle, que celles du décret, c'est possible?

M. Subirana: Cela arrive presque tout le temps. On négocie des conditions de base. Par exemple, à l'OSM, la plupart des musiciens touchent des cachets supérieurs au montant minimum. Cela arrive à Radio-Canada. Cela arrive partout dans notre domaine. Cela a toujours été une tradition pour nous, quand on négociait ce qu'on appelle nos tarifs de base, que tout le monde était libre de recevoir beaucoup plus, de négocier beaucoup plus, quelquefois le double même. Un musicien qui est très en demande peut négocier un cachet qui dépasse de trois ou quatre fois le cachet minimum.

M. Lefebvre (Éric): De toute façon, la Loi sur les décrets de convention collective prévoit, je pense, que c'est possible de négocier à ta hausse les conditions qui sont émises par le décret. Alors, il n'y a pas vraiment de problème à ce niveau-là. C'est un peu différent de la situation du Code du travail où certains précisent que la convention collective a vraiment un caractère absolu, alors que la Loi sur les décrets de convention collective donne la possibilité de négocier des tarifs à ta hausse.

M. Godin: Madame et messieurs, merci beaucoup.

Le Président (M. Trudet): Merci, M. le député de Mercier. Mme la députée de Chlcou-timi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Bonjour, madame et messieurs. Quelques petites questions brèves. À l'article 2, vous parlez de la définition du terme 'artiste", dans certains domaines, par exemple, ceux qu'on appelle les compositeurs-Interprètes, ils sont là à deux titres. Vous parlez Ici des artistes qui "s'auto-constituent en compagnie à un seul actionnaire en raison même du caractère de leurs activités artistiques qui s'apparentent le plus souvent aux activités d'un entrepreneur indépendant." Ce que vous dites, c'est que la définition du terme "artiste" devrait être plus large pour pouvoir inclure celui qui est son propre producteur.

M. Subirana: C'est bien cela, parce que cela existe actuellement parmi certains membres de la guilde qui, pour des avantages fiscaux, se sont incorporés. Je dois dire que les avantages sont de moins en moins importants, mais, quand même, cela existe encore.

Mme Blackburn: D'accord. À l'article 17, vous proposez - et cela m'apparaît logique - que le nombre requis de producteurs pour reconnaître la validité d'une demande de vérification soit de 30 %, mais vous laisseriez sur demande au moins 10 % des artistes?

Je relis l'article pour qu'on se comprenne: "Sur demande d'au moins 10 % des artistes du secteur dans lequel une association a été reconnue ou sur demande d'un producteur visé par la reconnaissance, la commission doit vérifier si cette association rassemble la majorité des artistes du secteur."

Un organisme - je pense que c'est l'UDA - qui vous a précédés - recommandait que ce soit également 30 %. Mais vous, vous n'y tenez pas; ce serait 10 % seulement dans le cas des producteurs.

M. Subirana: Non.

Mme Blackburn: C'est-à-dire 30 % dans le cas des producteurs ou pour les deux.

M. Subirana: On est entièrement d'accord. On a rédigé ce mémoire rapidement. Cela devrait se lire: 30 % des artistes et 30 % pour les producteurs également. Alors, c'est une erreur, tout simplement.

Mme Blackburn: Ne trouvez-vous pas que c'est beaucoup, 30 % des artistes? C'est, finalement, rendre la démarche tout à fait impossible.

M. Subirana: Je ne pense pas que ce soit excessif. Reconnaître la validité de la Guilde des musiciens, par exemple, cela demanderait que 900 membres sur 3000 le demandent. Ce n'est pas

énorme, à notre point de vue.

Mme Blackburn: Encore faut-il avoir les moyens pour organiser cela. Je présume que ce ne sera pas chose facile. Ce n'est pas parce que j'y songe, remarquez, mais je pense à toutes les associations qui seront reconnues, d'autant plus qu'il y a certaines difficultés, car il y a des artistes qui sont polyvalents. À quel secteur allez-vous les rattacher? Est-ce qu'il faudra qu'ils soient dans deux secteurs, dans deux associations? Il me semble que ce genre de question n'est pas vraiment réglée, non plus.

M. Pelletier (Gilles): Gilles Pelletier, représentant la Guilde des musiciens.

Pour répondre à cette question-là, je pense qu'effectivement une partie de nos membres va être sectorisée. En ce sens que ce n'est pas l'ensemble des 3200 membres qui va être touché en ce qui concerne, par exemple, la musique symphonique. À ce moment-là, les 30 % pourront peut-être s'appliquer parce que cela va peut-être représenter 250 ou 300 membres et non pas les 3200. Si on disait seulement 10 %, on se retrouverait dans une situation où, si on prend un secteur comme la symphonie où à peu près 250 musiciens gagnent leur vie à temps plein, seulement 20 personnes pourraient remettre en question l'accréditation. C'est peut-être pour cela qu'on demandait que le pourcentage soit à peu près le même. Cela ne jouerait pas sur les 3200 membres, mais sur les différents secteurs de négociation.

Mme Blackburn: Donc, lorsqu'on parle d'une contestation, c'est en vertu de secteurs d'association? Est-ce inscrit ailleurs dans la loi? Est-ce qu'on peut lire cela dans la loi ou est-ce l'interprétation que vous en faites chez vous?

M. Pelletier: Chez nous, c'était l'interprétation qu'on en faisait, en ce sens que, si des producteurs, dans le cadre d'une convention, remettaient en question la validité de l'association ou l'accréditation de l'association, à ce moment-là, ce serait à l'intérieur de ce secteur-là qu'elle serait remise en question et non pas dans l'ensemble des secteurs. À moins qu'on n'ait très mal lu la loi, il va y avoir reconnaissance de l'association dans les différents secteurs de négociation; la musique symphonique, la musique de jazz ou quelque chose du genre avec les producteurs de ce domaine-là et non pas "at large" sur tout le spectrum musical.

M. Lefebvre (Éric): Dans l'article, la définition des secteurs de négociation est laissée à la commission de reconnaissance. Présentement, un secteur de négociation, on peut bien penser à musique, théâtre, mais cela peut être aussi d'autres critères. On peut, comme le disait Gilles, sectoriser même les secteurs généraux, comme musique ou théâtre. C'est uniquement dans cette optique qu'on demandait un nombre plus élevé de producteurs et, évidemment, d'artistes qui puissent faire une demande de vérification de reconnaissance.

Mme Blackburn: Ce qui est reconnu par la commission, c'est l'association. Ce qui est identifié par la commission, ce sont les secteurs. Ce dont il est question ici, c'est de l'association.

M. Lefebvre (Éric): L'association du secteur dans le cadre... (17 h 15)

M. Pelletier: Dans le cadre d'une association. Je ne pense pas qu'un certain nombre de producteurs puissent venir remettre en question l'accréditation dans tous les secteurs de négociation. Par exemple, si on parle de télévision, de théâtre, où il y a des musiciens qui vont jouer dans la fosse ou des choses de ce genre-là, à ce moment-là, je pense qu'il y aura possiblement même négociation bipartite ou tripartite. On pourra peut-être se retrouver, au niveau de l'opéra, a avoir une convention signée avec des producteurs, la Guilde des musiciens en tant que représentante des musiciens et l'UDA en ce qui concerne les chanteurs. De la façon dont nous lisions la loi, il y avait effectivement reconnaissance d'une association en vue de la négociation d'une entente collective et non pas uniquement dans le but de la reconnaissance générale. Je ne sais pas s'il y a possibilité de clarifier cette situation-là, parce que, en ce qui nous concerne, à moins que certains articles ne nous aient échappé, je pense qu'il y a accréditation dans le sens de la négociation et la négociation se fait par secteur.

Mme Blackburn: Mais dans l'hypothèse où cette reconnaissance serait à l'association et non pas aux secteurs de négociation, auriez-vous les mêmes exigences par rapport au pourcentage?

M. Pelletier: À ce moment, sans doute que nous devrions le revoir à la baisse parce que je ne pense pas qu'effectivement 30 % des membres soient nécessaires, à ce moment-là, pour remettre en question, s'il y avait nécessité, l'association, pas plus que s'il y a un défaut dans une association. Il y a des règlements généraux qui prévolent que 15, 25 ou 30 membres peuvent demander la tenue d'une assemblée générale spéciale s'il y a eu quelque chose qui s'est fait qui n'est pas dans la légalité. Effectivement, à ce moment-là, si c'était l'ensemble des membres, II faudrait penser probablement à 10%, même peut-être seulement à 5%.

Mme Blackburn: Je vous remercie pour votre intervention.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Mme la ministre.

Mme Bacon: J'aurais peut-être une question à poser. Est-ce que, pour vous, ta musique, c'est un seul secteur? Quand on dit la musique, est-ce que ce n'est pas un seul secteur, la musique?

M. Subirana: Pour moi, oui. Personnellement, oui.

Mme Bacon: En ce moment, comment vous négociez vos contrats? Vous avez des contrats types? Est-ce que vous avez des contrats types qui s'appliquent à, je ne sais pas, à la musique de jazz, à la musique classique ou qui s'appliquent à l'ensemble du secteur de la musique?

M. Pelletier: II y a des tarifs différents qui s'appliquent dans différents secteurs. Par exemple, la musique de chambre a une grille de tarifs qui s'applique. La musique de jazz a une grille de tarifs qui s'applique. Les contrats qui sont faits dans le but d'enregistrement, que ce soit pour un vidéo ou pour un disque, font partie de grilles tarifaires différentes et les contrats sont signés dans ces différentes grilles de tarifs. À ce moment-là, il y a déjà une certaine sectorisation. On ne sectorise pas les musiciens, on sectorise le genre d'emploi.

Mme Bacon: La réponse qu'on fait, c'est: Oui, le seul secteur, c'est le secteur de la musique, mais est-ce qu'à votre avis on devrait scinder le secteur de la musique en sous-secteurs?

M. Subirana: Je ne pense pas que ce soit nécessaire. On négocie, pour plusieurs minisecteurs à l'intérieur de la musique, des ententes qui sont quelquefois énormément différentes et on s'en occupe comme association représentant tous les musiciens depuis, comme je le dis, presque un siècle. Alors, je ne pense pas que ce soit nécessaire, à mon avis.

Parlant de secteurs et de problèmes, j'aimerais, si j'ai deux secondes, préciser quelque chose. Le document qu'on vous a fait parvenir est assez lourd. Il est lourd parce qu'il y a une liste de toutes sortes de producteurs. C'est pour vous donner une idée de ce qui se passerait si jamais on essayait de négocier 471 conventions collectives avec le processus prévu par le projet de loi 90. On aimerait bien qu'on se penche sur ce problème-là pour trouver une façon souple pour régler cela.

Mme Bacon: Je pense qu'il faudrait peut-être s'asseoir, vous expliquer et vous donner davantage d'informations. Ce n'est pas ce qu'il en est. Quand on parle d'un secteur donné, pour nous, c'est le secteur de la musique, ce n'est pas muttisectoriel.

M. Pelletier: Si vous me le permettez, à ce moment-là, si je comprends ce que vous me dites, il ne pourrait y avoir qu'un seul type de convention qui s'applique à l'ensemble des musiciens, que ce soit dans le domaine de la musique de chambre, de la musique de jazz, de la musique d'enregistrement, quelque chose de ce genre-là.

Mme Bacon: En ce moment, vous avez des contrats types, quand même, qui s'appliquent.

M. Pelletier: Oui et qui sont parfois différents, selon le type d'engagement. Ce n'est pas le même contrat que nous utilisons pour un concert symphonique que pour un enregistrement ou pour une émission de télévision.

Mme Bacon: En fait, ce sont les contrats types que vous pouvez faire, Ils peuvent être différents suivant les besoins, mais il y a des contrats types qui doivent exister. Mais le secteur comme tel, c'est le secteur de la musique. C'est ma compréhension du projet de loi.

Le Président (M. Trudel): Exactement. Est-ce qu'on joue tous sur la même note?

Mme Bacon: II y a les critères de la musique, les critères géographiques et la commission peut, ensuite, statuer suivant ces critères. Je pense que cela peut être important suivant les contrats que vous signez.

M. Pelletier: Si vous nous dites - et je pense que c'est ce avec quoi on va repartir - que, finalement, l'accréditation va s'appliquer dans tous les domaines où on devra négocier, qu'il n'y aura qu'une seule accréditation, une seule reconnaissance, à partir de ce moment-là, nous sommes tout à fait d'accord avec vous, mais il y aura plusieurs conventions collectives et il n'y aura qu'une seule accréditation.

Mme Bacon: C'est cela.

Le Président (M. Trudel): Mme la députée de Chicoutimi, après cela, Mme la députée de Vachon et, après, M. le président. Allez-y, madame.

Mme Blackburn: Si vous me le permettez, pour compléter sur cette question et pour peut-être voir si j'ai bien compris tout à l'heure, selon l'explication que vient de nous donner Mme la ministre, dans l'hypothèse où la reconnaissance vient à l'association, donc dans un secteur plus global, les 10 % seraient amplement suffisants; donc, 30 %, cela vous apparaîtrait excessif.

M. Subirana: À ce moment-là, oui.

Mme Pelchat: M. le Président, M. Subirana, j'aimerais revenir à l'article 2. Vous suggérez que l'on enlève le mot "physique" inclus 'dans la

définition de l'artiste. J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi au juste.

M. Subirana: Parce que plusieurs de nos musiciens se sont formés en corporation simplement parce que c'était plus avantageux pour des fins d'impôt et certaines autres raisons. C'est pour cela qu'on voyait dans la loi que ces personnes, tout à coup, il faudrait qu'elles changent leur façon de fonctionner. Il n'y en a pas tellement, mais s'il pouvait y avoir une souplesse dans cette définition, cela aiderait ces gens-là.

Mme Pelchat: Par exemple, quelle sorte de souplesse?

M. Subirana: Eh bien, la souplesse qu'on a suggérée dans notre définition. Éric, veux-tu...

M. Lefebvre (Éric): Oui. Ce qui est Important en enlevant le mot "physique" du mot personne, c'est d'englober aussi les personnes morales parce que certains artistes peuvent conclure des contrats avec un employeur en qualité de corporation. Est-ce que ces artistes-là, qui sont des personnes morales différentes de leur propre personne physique, sont considérés comme parties à l'entente collective? C'est ce qu'on voudrait clarifier. Parce que présentement il y a peut-être un problème entre personnes morales et personnes physiques et certains artistes vont se prévaloir de la Loi sur les compagnies pour pouvoir fiscalement avoir des avantages. Alors, ces personnes morales seront-elles liées par l'entente collective ou non? Alors, par l'abrogation ou en enlevant, tout simplement, le mot "physique", on s'assure que tous les types de personnes - il y a deux types de personnes, en fin de compte, les personnes morales et les personnes physiques - soient liées par l'entente collective.

Mme Pelchat: Mais vous ne pensez pas qu'à ce moment-là on pourrait, de facto, reconnaître des producteurs comme artistes?

M. Lefebvre (Éric): Les producteurs ont une fonction différente qui est inscrite aussi au même article. Ce sont ceux qui retiennent les services d'un artiste. Je veux dire que le fait d'utiliser le mot "personne morale" ou tout simplement d'enlever le mot "physique" pour que soit incluse "personne morale", cela ne modifie pas, en fait, ce fait-là.

Mme Pelchat: C'est parce qu'on sait qu'il y a certains artistes qui sont constitués en corporation justement pour des fins fiscales, comme le disait M. Subirana, mais qui, à la fois, sont leurs propres producteurs. Ils s'engagent eux-mêmes, à ce moment-là; ils sont considérés comme producteurs à plusieurs égards et à plusieurs occasions.

M. Subirana: Je suppose que rien ne leur Interdit d'être également producteurs dans certains cas.

Mme Pelchat: À ce moment-là, si on incluait "personne morale" ou si on enlève le mot "physique" et qu'on reconnaît des compagnies, vous ne trouvez pas qu'on pourrait admettre des producteurs? Il n'y a pas un danger là?

M. Subirana: Mais le producteur, au sens de la loi, c'est quelqu'un qui produit. Alors, ce n'est pas le titre que la personne se donne, mais plutôt ce que la personne fait qui est important, à mon avis.

Mme Pelchat: Cela va.

Le Président (M. Trudet): Merci, Mme la députée de Vachon. Je vais retenir les questions que j'avais, qui étaient d'ordre juridique, pour un autre moment, peut-être tantôt, parce que je voudrais bien qu'on ait le temps de rencontrer les gens du domaine de la danse. On m'a dit, de part et d'autre de la table, qu'on n'avait plus de questions pour vous, M. le président et messieurs. Au nom de la commission, je vous remercie et vous souhaite un bon retour à Montréal.

M. Subirana: Merci beaucoup.

Le Président (M. Trudel): Cette fois-ci, sans suspendre d'aucune façon, j'inviterais le ou les représentants du Regroupement des professionnels de la danse du Québec à s'approcher.

A l'ordre, s'il vous plaît! Merci. Nous accueillons maintenant M. Gaétan Patenaude, qui est le directeur général du Regroupement des professionnels de la danse du Québec et qui est avec nous depuis ce matin. À un autre titre, j'ai eu le plaisir de rencontrer M. Patenaude ce matin. Il représentait, cette fois-là, la Coalition du 1 %, qui a rencontré quelques députés de notre formation politique. En cette fin d'après-midi, il vient rencontrer les membres de cette commission à titre de directeur général du Regroupement des professionnels de la danse du Québec qui avait, d'ailleurs, demandé tant à la présidence de la commission qu'au secrétariat de la commission et aux deux formations politiques de se faire entendre de la commission. Nous sommes heureux, M. Patenaude, de pouvoir accéder à votre demande, tenant compte de l'excellence du travail que nous avons accompli aujourd'hui - je le dis, pas pour moi, mais pour les membres de la commission - ce qui nous permet d'avoir du temps à vous consacrer. Je vous Invite...

M. Godin: Est-ce que M. le Président me permet...

Le Président (M. Trudel): Oui, allez-y, M. le député de Mercier.

M. Godin: ...d'offrir mes excuses à Mme la ministre? Ce n'est pas dans mes habitudes, comme vous le savez.

Mme Bacon: Je les accepte avec d'autant plus de plaisir que ce n'est pas dans vos habitudes.

M. Godin: Je voudrais retirer mes paroles de ce matin, parce que je constate qu'elle s'est rendue aux demandes de l'Opposition une fois de plus. J'espère que ce n'est pas la dernière. Je pense que le regroupement a des choses importantes à nous dire. Tant mieux pour la commission qui sera mieux informée et qu'elle pourra produire une meilleure loi à ta fin. M. le Président, Je remercie la ministre, je passe la parole à notre...

Le Président (M. Trudel): Si vous me le permettez...

M. Godin: C'est à vous de décider cela.

Le Président (M. Trudel): ...le président a tellement peu de chose à faire dans une commission, vous allez, au moins, me laisser le plaisir de passer la parole à M. Patenaude. M. Patenaude, la règle de vingt minutes joue plus ou moins, pas mal moins que plus étant donné le temps, mais on peut dépasser 18 heures. La parole est à vous.

Regroupement des professionnels de la danse du Québec

M. Patenaude (Gaétan): M. le Président, Mme la ministre, chers membres de la commission, je voudrais vous remercier, d'abord, sincèrement d'avoir accédé à notre demande qui est venue, dans le processus de consultation pour ta rédaction de ce mémoire, de façon unanime dans mon milieu. C'est ce qui a fait que nous avons, même tardivement, souhaité être entendus par vous aujourd'hui.

Le mémoire s'intitule "Concilier le droit de l'artiste au respect de son intégrité avec te développement harmonieux du milieu de la danse "

Tout d'abord, nous aimerions manifester notre accord de principe au projet de loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma. Ce projet, par la reconnaissance Juridique qu'il confère à l'artiste, constitue un instrument fondamental sur la voie d'une véritable intégration des professions artistiques au sein de notre société. De plus, en créant un mécanisme pour permettre la négociation d'ententes collectives entre les associations d'artistes reconnues et les producteurs d'un secteur donné, il devrait favoriser la concertation des partenaires et le respect mutuel. (17 h 30)

Toutefois, malgré les qualités indéniables de ce projet, nous tenons à faire part aux membres de la commission de la culture des réserves à l'égard de certains aspects qui suscitent des appréhensions quant aux répercussions possibles sur le milieu de la danse en particulier.

Le premier aspect sur lequel nous émettons des réserves est la définition proposée concernant le secteur de la scène. À l'article 1, on définit celui-ci comme étant formé des disciplines suivantes: théâtre, théâtre lyrique, musique, danse et variétés. Ce qui nous préoccupe en regard de cet aspect, c'est de savoir si la reconnaissance des associations se fera exclusivement selon les secteurs définis par le projet de loi ou s'il sera possible aux artistes d'une discipline, la danse, notamment, d'être représentés par leur propre association.

Nous estimons que la réalité quotidienne qui est vécue par les comédiens, comédiennes, chanteurs, chanteuses, musiciens, musiciennes et danseurs, danseuses est si différente qu'il apparaît impensable de tenter de négocier une convention collective unique pour l'ensemble de ces professions artistiques. S'il est vrai que certains aspects sont communs à tous, soit les régimes de protection sociale, iI n'en est pas de même de l'organisation du travail Qu'y a-t-il de commun, par exemple, entre la journée de travail d'un comédien et celle d'un danseur? L'organisation des répétitions est différente, le processus de création, les exigences physiques et l'organisation des spectacles sont différents.

Comme ce projet de loi vise l'instauration d'un cadre en vue de permettre la négociation d'ententes collectives, il faut s'assurer que les unités de négociation rassembleront non pas le plus grand nombre de membres possible, mais bien tous ceux que les mêmes conditions d'exercice de ta profession réunissent. Pour tout ce qui touche les régimes de protection sociale et les assurances collectives, il sera toujours possible de prévoir des mécanismes pour les rendre accessibles aux artistes.

Par conséquent, nous recommandons que la loi ou les règlements correspondants stipulent que les artistes des disciplines artistiques suivantes: théâtre, théâtre lyrique, musique, danse et variétés, puissent former pour leur discipline respective une association et que celle-ci puisse être reconnue par la Commission de reconnaissance des associations d'artistes.

Le projet définit le statut de l'artiste comme travailleur autonome (article 4), à l'exception des occupations visées par une accréditation accordée en vertu du Code du travail (article 3). Deux questions viennent à l'esprit concernant cette définition. Tout d'abord, nous savons qu'il existe des professions artistiques pour lesquelles il existe deux statuts différents. À titre d'exemple, mentionnons que les musiciens de l'Orchestre symphonique de Montréal ont le statut de travailleurs autonomes alors que les musiciens de l'Orchestre symphonique de Winnipeg ont le statut de travailleurs salariés.

Par conséquent, est-ce que les compagnies de danse qui rémunèrent à salaire leurs interprètes et leurs créateurs, devront, à la suite de l'adoption de ce projet de loi, considérer leurs artistes comme des travailleurs autonomes et les rémunérer à cachet? Et si tel est le cas, de quelle façon ces artistes pourront-ils bénéficier de la protection que leur confèrent les régimes de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec et de l'assurance-chômage, notamment?

L'article 6 accorde à l'artiste le droit de négocier avec un producteur malgré toute entente collective. Toutefois, celui-ci ne pourra négocier des conditions moins avantageuses, Cette mesure est fondamentalement juste et elle aura nécessairement des effets positifs sur l'amélioration des conditions d'exercice de la profession. Cependant, le fait d'instaurer un plancher minimal unique comporte certains inconvénients pour le milieu de la danse. Précisons, tout d'abord, que l'organisation des productions en danse n'est pas monolithique. En effet, on peut considérer qu'il y a un secteur dit "subventionné" et un secteur que nous qualifierons de "privé" pour fes besoins de notre exposé. On peut donc imaginer que la dynamique des relations du travail entre artistes évoluant dans un contexte de travail subventionné en grande partie par les fonds publics et ceux évoluant dans un contexte de production où les fonds proviennent de multiples sources est très différente.

Si nous sommes totalement d'accord avec le principe de protéger l'artiste en favorisant la négociation de conditions d'engagement minimales, nous croyons que celui-ci doit s'appliquer dans le respect de l'évolution du milieu dans lequel travaillent les artistes, de même qu'il doit tenir compte des capacités réelles des producteurs.

Deux situations opposées peuvent se produire. La première, c'est celle où un groupe d'artistes, créateurs et interprètes, fraîchement diplômés des écoles de formation professionnelle décident de se constituer en coopérative. Leurs moyens de se produire sont limités mais les exigences de la profession font qu'ils doivent s'exposer en public s'ils veulent parvenir à percer. Est-ce que, à la suite de l'adoption de ce projet de loi, ce genre d'initiative sera bloquée sous prétexte que le groupe ne peut rencontrer les exigences minimales stipulées par une convention collective? Quels sont, alors, les risques que la jeune relève ne puisse voir le jour? Entendons-nous, nous ne parlons pas d'instaurer en système la pratique de l'embauche des artistes à rabais. Ce dont iI s'agit ici, c'est de l'adoption d'une mesure d'exception visant à favoriser l'émergence de la relève en danse.

Par ailleurs, on précise que l'artiste ou un groupe d'artistes pourront négocier des conditions plus avantageuses que celles prévues par une entente collective. Il est à prévoir que, dans certains cas, des producteurs seront tentés de s'en tenir aux conditions minimales négociées et ce, même s'ils ont la capacité d'offrir de meilleures conditions et ce, simplement parce que les artistes concernés ne seront pas en mesure d'équilibrer la force de négociation du producteur.

Par conséquent, afin d'assurer les meilleures conditions d'engagement possible aux créateurs et aux interprètes, et dans le but de favoriser le développement le plus harmonieux possible du milieu de la danse, nous recommandons: premièrement, que le principe de la négociation d'une échelle de conditions minimales soit inséré dans la loi; deuxièmement, que cette échelle des conditions minimales tienne compte de la réelle capacité de payer des producteurs; troisièmement, qu'un mécanisme de contrôle de la capacité de payer des producteurs soit instauré; finalement, qu'une mesure d'exception. Inspirée de la formule "production autogérée" expérimentée par l'Union des artistes, soit intégrée au projet de loi ou rendue possible par voie de règlement afin de favoriser l'émergence et le développement de la relève en danse.

Reconnaissance d'une association d'artistes. Selon l'article 7, paragraphe 2, une association d'artistes pour fins de reconnaissance en vertu du présent projet de loi devra être formée exclusivement d'artistes et, le cas échéant, de personnes en voie de se qualifier comme artistes. Que veut dire ici "en voie de se qualifier comme artistes"? Par exemple, est-ce que ce sont les finissants des écoles de formation professionnelle qui sont les personnes visées, les stagiaires dans les compagnies de danse ou ceux à l'Union des artistes? Quels sont les critères qui seront utilisés pour déterminer qu'une personne est en voie de se qualifier comme artiste?

Au paragraphe 3, on indique qu'une association devra rassembler "la majorité des artistes d'un secteur" pour être reconnue. Pour déterminer les artistes d'un secteur, est-ce que l'on tiendra compte de ceux qui sont en voie de le devenir? Par ailleurs, il a surtout été question d'interprètes et de créateurs. Qu'advient-il des professeurs, maîtres de ballet et répétiteurs qui oeuvrent dans le domaine de la danse?

À l'article 8, paragraphe 1°, on parle des "conditions d'admissibilité fondées sur des exigences de qualification professionnelle propres aux artistes", mais dont, on n'a aucune précision. Doit-on comprendre que c'est la formule des permis que préconise l'Union des artistes ou si l'on tiendra compte également de la formation professionnelle et artistique de la personne et de ses expériences acquises? Cette question de la définition de l'artiste est cruciale puisque la loi prévoit la possibilité pour la Commission de reconnaissance des associations d'artistes de tenir un référendum à ce sujet.

Pour ce qui touche les effets particuliers sur notre organisme, je les passerai sous silence en tenant compte que vous les avez bien écrits

et aussi que ce sont des questions qui seront à l'ordre du jour, au sein de notre organisme et dans notre milieu, pour savoir de quelle façon les artistes de notre secteur souhaiteront être représentés.

Conclusion. Ce projet de loi soulève une question fondamentale à savoir, qui est le véritable producteur en danse. En fait, le véritable producteur en danse au Québec, c'est le gouvernement du Québec, aidé de façon complémentaire par le Conseil des arts du Canada et le ministère des Communications du Canada. C'est lui qui, en définitive, permet que se développe ce secteur et c'est lui qui fera qu'il y aura une véritable marge de manoeuvre pour négocier les conditions d'exercice de la profession. Précisons ici qu'il s'agit de la danse subventionnée, c'est-à-dire la danse de recherche, de création, tout comme la danse de répertoire. Pour ce qui est de la danse dite commerciale ou privée, de variétés et autres, le mode de fonctionnement est différent puisque les bailleurs de fonds sont surtout privés.

Au fond, qu'advient-il dans l'éventualité où les demandes raisonnables formulées par les interprètes et les créateurs sont refusées par les producteurs - compagnies subventionnées - sous prétexte que les revenus sont insuffisants? Comment, en effet, assurer une rémunération adéquate aux artistes participant à une production qui sera présentée douze mois plus tard, sans connaître les revenus de guichets? Comment, en effet, soutenir décemment le principe de la rémunération à crédit? Il est vrai que, dans ce projet de loi, le gouvernement du Québec se tient à "distance raisonnable", comme le faisait remarquer M. Jean Francoeur dans l'éditorial qu'il signait dans Le Devoir, le 16 novembre 1987. Mais il ne faudrait pas que cela fasse oublier le rôle crucial de celui-ci comme bailleur de fonds et comme soutien de la chose artistique et culturelle. En cela, tes compagnies de danse ne sont pas différentes des commissions scolaires ou des hôpitaux qui gèrent les enveloppes budgétaires que leur confient les ministères concernés et dans lesquelles on retrouve les fonds nécessaires à l'administration des conventions collectives.

Si on se fie à l'évolution des secteurs de l'éducation et des affaires sociales au Québec, sans, toutefois, souhaiter les affrontements qui s'y sont produits, ni la détérioration des climats de travail que l'on peut y constater parfois, on peut espérer que la création de ce nouveau cadre de relations du travail favorisera à la fois la concertation entre tes partenaires du milieu de la danse québécoise, ainsi que la reconnaissance des moyens nécessaires au développement d'un véritable réseau des affaires artistiques et culturelles au Québec, un réseau dans lequel les moyens consentis à la pratique et à la diffusion des arts seraient prépondérants.

En définitive, cette mesure visant à reconnaître un statut juridique à l'artiste, de même qu'à instaurer un cadre pour permettre la négociation d'ententes collectives, ne sera complétée que le jour où le principal soutien à la pratique et à la diffusion des arts au Québec, le ministère des Affaires culturelles, se verra doter des sommes nécessaires pour répondre aux demandes légitimes que formuleront les artistes et créateurs aux organismes qui jouent le rôle de gestionnaires des enveloppes consenties par ce ministère. C'est pourquoi nous réitérons ici notre appui à la démarche de la coalition du monde des arts et des affaires culturelles dans le but de voir le budget du ministère des Affaires culturelles haussé à 1 % du budget de l'État québécois.

En terminant, nous exprimons le souhait que l'adoption de ce projet de loi ne favorise pas l'émergence d'un climat de tension comme les secteurs des affaires sociales et de l'éducation en ont été les tristes témoins Nous espérons également que le législateur sera sensible à la maxime qui veut que l'on ait souvent besoin d'un plus petit que soi. En d'autres termes, nous souhaitons que l'adoption de ce projet ne favorise pas indûment Goliath au détriment de David.

Le Président (M. Trudel): Merci, M, le directeur général. Mme la ministre des Affaires culturelles

Mme Bacon: Alors, M. Patenaude, je vous remercie de votre mémoire. Je dois dire que la conclusion m'apporte un certain réconfort dans la lutte que nous faisons tous ensemble, je pense bien, pour essayer de hausser les budgets du ministère des Affaires culturelles. Je disais ce matin que j'avais une réunion hier avec le ministre des Finances et il y en aura une autre dans les semaines qui viennent. Je dois dire que nous travaillons tous dans le même sens. Il est vrai que, même si nous nous donnons les meilleures lois, quand nous n'avons pas les budgets nécessaires, comme c'est souvent le cas aux Affaires culturelles - et ce n'est pas qu'au Québec, c'est partout à travers le monde, on n'a qu'à se promener pour constater ce problème - on ne peut rien faire car, évidemment, ces budgets sont la vie même de notre vie culturelle.

Je dois dire aussi que vous avez beaucoup d'appréhensions. Je pense que notre premier but en présentant ce projet de loi, ce n'était pas de créer des tensions, au contraire. On a parlé ce matin de concertation. Je le redis: Ce que nous voulons surtout, c'est que, dans le milieu culturel, il y ait entre les artistes et les producteurs cette possibilité de concertation et que nous puissions nous bâtir un réseau culturel fort et vivant qui réponde, je pense, aux besoins d'une population, parce qu'au fait nous sommes là pour que la population puisse bénéficier d'organismes culturels forts.

Je dois dire que vous aviez dans votre

conclusion certaines appréhensions quant à ce qui se fait dans d'autres ministères ou avant, je pense, la conclusion, vous parlez de ce qui se fait dans les autres ministères. On a, depuis le mois de mai 1986, cheminé avec tous les ministères concernés, y compris la Commission de la santé et de la sécurité du travail. L'assurance-chômage, évidemment, c'est fédéral, mais la Commission de la santé et de la sécurité du travail doit nous remettre un dossier Incessamment. Donc, ils ont fait ce cheminement avec nous depuis que nous avons eu la commission parlementaire, comme l'ont fait les autres ministères. Il fallait, quand même, présenter un projet de loi; on ne pouvait pas attendre tous les dossiers des ministères. À mesure qu'on va évoluer, les ministères auront fait leur part. Parce que, comme je le disais encore, le ministère des Affaires culturelles donne des balises et ces balises-là sont nécessaires pour que cela ait un effet d'entraînement dans les autres ministères. C'est un projet qui est, pour moi, un projet gouvernemental beaucoup plus que strictement sectoriel. (17 h 45)

À la page 1 de votre mémoire, vous mentionnez: "selon les secteurs définis par le projet de loi". J'aimerais préciser que la loi ne définit pas les secteurs. C'est ta commission de reconnaissance qui va définir les secteurs. La loi ne fait qu'énoncer un champ d'application. C'est peut-être là qu'il y a une certaine confusion et on l'a vu dans d'autres dossiers. La commission aura un rôle important à jouer pour définir les secteurs.

À la page 2 de votre mémoire, votre recommandation, si je la comprends bien, découle peut-être de cette compréhension que vous aviez de l'article 1 du projet de loi que je viens peut-être de préciser. Cela apporte aussi une précision à la page 2 de votre mémoire.

À la page 3, vous vous posez une question en ce qui concerne l'article 3 du projet de loi. L'article 3 laisse le choix aux danseurs d'être couverts par le Code du travail, mais leur laisse aussi le choix de demander la reconnaissance qui est offerte par le projet de loi. Je pense qu'on n'a pas voulu encadrer les professions, on n'a pas voulu encadrer les secteurs. On veut vous laisser, quand même, cette liberté de choix. Vous avez le choix d'être couverts par le Code du travail ou de demander la reconnaissance selon le projet de loi 90 que nous avons devant nous.

À la page 4, vous avez fait certains commentaires et, justement, la commission de reconnaissance a peut-être un rôle de médiateur. Si on saisit ce rôle, au stade de la négociation des conditions d'engagement minimales, elle devra tenir compte des attentes des artistes et aussi des contraintes des producteurs. Je pense que, d'un côté, il y a des attentes et que, de l'autre côté, il y a aussi des contraintes, en respectant, justement, la réalité et aussi l'évolution du milieu. Son rôle de médiation est donc, à mes yeux, un rôle très important. C'est pour cela qu'il sera important que la commission joue bien son rôle et que les gens qui la composent comprennent bien ce qu'est le milieu, comprennent bien les attentes, la réalité, l'évolution et, en même temps, les contraintes des autres. Le rôle de la commission est, pour mol, dans ce projet de loi, un rôle très important et je pense que cela peut répondre à certaines de vos inquiétudes ou à certaines de vos attentes.

Il nous faudra peut-être, en cours de route, clarifier davantage le rôle de la commission parce qu'on s'aperçoit que cela peut soulever dans certains milieux des questions qui n'ont pas de réponses. On devra clarifier davantage le rôle de la commission.

Je vous remercie, M. Patenaude.

Le Président (M. Trudel): Avez-vous un commentaire, M. Patenaude?

M. Patenaude: Oui. Mme Bacon, lorsque vous disiez qu'il y a certaines appréhensions, vous aviez raison. C'est peut-être issu de l'état dans lequel se trouve notre milieu et des luttes qu'il doit faire pour essayer de s'en sortir et de se battre. Les artistes qui sont aussi professeurs de danse pour arriver à gagner leur vie, pour pouvoir investir dans leurs créations et qui portent à bout de bras, finalement, ce milieu. Lorsqu'on voit des compagnies comme les Grands Ballets canadiens qui n'arrivent même pas à garder nos talents dans leur sein, c'est assez catastrophique. C'est cela, l'état de la situation. C'est pourquoi il y a des luttes ou des revendications sur plusieurs fronts, parce que nous sommes dans une situation précaire. Nous le répétons et le réitérons: Nous appuyons ce projet de loi, dans le sens où cela constitue un outil fondamental et un levier de développement. C'est simplement pour mettre des balises.

J'entendais, tout à l'heure, les réponses aux représentants de la Guilde des musiciens qui parlaient de leur secteur. Les réponses à certaines des questions de notre mémoire sont venues lorsque vous avez répondu à leurs questions. D'une part, cela a précisé qu'un secteur peut être une discipline parce que, dans le texte de loi, ce n'était pas assez clair. On réfère à deux endroits à "secteur" et on ne dit pas que ce secteur peut être fractionné. D'autre part, lorsque les représentants de la guilde mentionnaient que dans leur secteur il y a aussi des contrats types pour différentes catégories, cela rejoint un peu ce que nous, on appelle des échelles minimales particulières et, dans ce sens-là, cela répond à notre question.

Mme Bacon: Je dois dire qu'il y a un dossier de la danse au ministère, qui est fort avancé. Nous travaillons là-dessus et, là, je vais faire peur un peu à mes fonctionnaires, je vais les forcer à travailler peut-être encore plus

qu'ils ne l'ont fait, mais Ils ont vraiment fait un effort considérable pour faire avancer te dossier de la danse. Je leur ai demandé d'être capable de vous annoncer des choses dans les premiers mois de 1988 dans le secteur de la danse. Alors, on fait des efforts considérables parce que je comprends les problèmes de la danse pour avoir visité le Québec, avoir rencontré des gens un peu partout et avoir compris surtout les grands besoins que vous avez. Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Mercier.

M. Godin: Merci, M. le Président. M. Patenaude, merci d'être venu à Québec et d'avoir obtenu votre créneau dans les travaux de la commission. Après avoir lu votre document, je constate qu'on avait raison de se battre pour vous parce qu'il y a une notion fondamentale qui y apparaît et que j'espère voir apparaître aussi dans le projet de loi 90, c'est la négociation de conditions de travail à rabais dans le cas d'une coopérative qui se formerait. Vous décrivez très bien la situation: dans le milieu de la relève, aussi bien en théâtre qu'en musique et en danse, il faut prévoir des formules spéciales qui soient moins rigides que celles que la loi 90 prescrit. J'ai confiance que notre légiste, M. Brière, sera en mesure d'imaginer des formules qui permettraient au ministre de donner des permis ou des autorisations qui mèneraient à la création de coopératives de danse, de théâtre ou de musiciens à des conditions inférieures au marché s'ils le désirent librement sans aucune pression de la part des producteurs ou employeurs.

Donc, il y a encore là du droit nouveau. Je n'ai pas une connaissance du milieu de la danse et autres. Je pense que, dans bien des cas, les artistes sont prêts à tout pour travailler, pour créer, pour se faire connaître et pour livrer leur production au public. Je souhaite qu'ensemble, des deux côtés de la Chambre, nous travaillions à imaginer des amendements qui vous permettraient, à vous, à votre regroupement et à votre milieu, de créer de nouvelles institutions, en fait, au plan du droit, des nouvelles formules qui donneraient libre cours à la créativité du Québec.

Merci beaucoup, M. le Président. Je passe maintenant la parole à mon collègue de Saint-Jacques, si vous me le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Je le permets. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. M. Patenaude, je pense qu'effectivement cela valait le coup d'aménager l'horaire de façon à vous recevoir. Vous connaissez mon intérêt pour le secteur d'activité qui est le vôtre. Je pense que vous êtes un peu en train de nous dire, puis c'est tout à fait légitime, que l'habit est tentant, mais qu'il ne vous fait pas tellement. Il y a une manche qui est peut-être trop longue ou le pantalon qui est trop court, si je peux employer une image, puis essayer d'y mettre un peu de détente. Parce que vous fonctionnez, en principe, vous, au niveau du salaire nécessairement. Donc, cela demanderait, pour la majorité des compagnies de danse, de se revoir elles-mêmes comme telle.

Bon, en parlant de catégories, je ne sais pas si je suis dans la catégorie commentaires ou questions comme telle, mais je remarquais quelque chose ici qui était: "Les artistes concernés ne seront pas en mesure d'équilibrer la force de négociation du producteur". Je pense qu'au départ il faudrait détruire toute idée qui pourrait s'instaurer qu'avec une loi sur le statut de l'artiste l'artiste deviendrait une espèce de syndicaliste bolchevique avec, comme première ambition, celle de détruire le méchant producteur. Je pense que personne n'est animé, dans le milieu de la culture, de cette idée-là, sachant que l'un, en définitive, est la sécurité de l'autre, un peu comme nous, nous disons à la blague que les politiciens sont la sécurité d'emploi des journalistes et la réciproque est vraie.

Par contre, je vois, un petit peu plus loin, que vous dites: "En définitive, la question à laquelle il nous faudra répondre est la suivante: Est-il possible et souhaitable que le regroupement joue le rôle de négociateur d'entente collective? Si oui, est-il possible qu'il puisse continuer de jouer en même temps le rôle de promoteur du développement de la danse comme forme d'art?"

J'ai l'impression que je vais me glisser dans une troisième catégorie qui n'est pas nécessairement celle du commentaire, de la question, mais plutôt de l'opinion en donnant cet exemple. Remarquez qu'un exemple, c'est toujours un peu boiteux. Je vais le puiser dans un vécu qui est personnel. J'appartiens toujours, d'ailleurs, en titre à ce qu'on appelait les PNE, les professionnels non enseignants. C'est une espèce de PME, d'ailleurs, parce qu'on n'est pas tellement nombreux. On est 3000 au Québec avec, nous aussi, chacun des distinctions, il y avait ceux en milieu scolaire, ceux en milieu administratif et différentes formations comme telles, un peu comme il y a le ballet-jazz, la danse moderne, le ballet classique, etc. Nous avions, face au rôle de négociation, trouvé plus Intéressant de conserver, en définitive, notre souveraineté comme association autonome, mais, par contre, de jouer d'association en ce qui concerne la négociation face à notre producteur à nous qui était le ministère de l'Éducation, en nous associant avec la CEQ. Je ne le sais pas, mais j'ai l'impression - remarquez que vous pourrez nous donner vos commentaires - que le regroupement a effectivement un rôle considérable à jouer comme promoteur du développement de la danse comme forme d'art, comme vous l'écrivez bien. Mais je suis en train de me demander s'il ne serait pas préférable, pour en arriver aux fins que vous visiez, que le regroupement s'associe avec une

autre entité qui fournirait des services, tout en respectant votre autonomie et qui vous éviterait, par ses ressources, par sa force, de continuer d'être, malheureusement - je suis obligé de le répéter, en espérant que cela se corrige bientôt - le parent pauvre dans le domaine des arts au Québec. Je ne vous dis pas de signer un contrat avec n'importe qui tout de suite, mais j'aimerais connaître vos commentaires sur cette voie que je me sens inspiré de vous tracer.

Le Président (M. Trudel): Un commentaire, M. Patenaude.

M. Patenaude: Si on a choisi de maintenir cette partie du mémoire qui traite des effets possibles et d'un questionnement qui, pour certains conseillers, était de nature interne, c'était pour Informer la commission de l'état du questionnement du milieu et de ce qui allait suivre sans prendre position. C'est pour cela que j'ai choisi tout à l'heure de ne pas le présenter ici. Cela reste une question qui va être débattue à l'interne quant aux modalités. Chose certaine, si les ressources existantes peuvent être mises à contribution, c'est bien sûr qu'on ne va pas dédoubler. Ce que l'on dit, c'est qu'on doit s'assurer que les représentants des danseurs vont tenir compte des intérêts des danseurs et qu'ils vont manifester dans la représentation de ces intérêts du respect et chercher le développement harmonieux du milieu tel que, si on suit la trame du mémoire que nous présentons aujourd'hui, cela se trouve et cela se résume dans le titre que nous lui avons donné.

M. Boulerice: J'aurais le goût de vous poser d'autres questions, mais je pense que vous devinez bien, M. Patenaude, que ma collègue, la députée de Chicoutimi, Mme Blackburn, a une question à vous poser sur la danse. S'il me reste du temps, je reviendrai peut-être tantôt. Je vais lui céder la parole. Je vous remercie.

Le Président (M. Trudel): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

Bonjour, M. Patenaude. Comme mes collègues des deux côtés de la table, je suis assez heureuse qu'on ait pu vous entendre. Comme le critique en matière culturelle le soulignait, je pense que vous amenez deux questions importantes. Il y en a une qui est fondamentale, à notre avis, et c'est toute la question de la relève. Dans votre secteur d'activités, c'est comme, je dirais, dans à peu près tous les secteurs de l'activité économique au Québec actuellement; on demande de plus en plus aux jeunes professionnels de créer leur emploi. Les conditions de démarrage sont toujours des conditions plus pénibles. Les salaires qu'on peut offrir dans les entreprises nouvellement créées ne sont jamais comparables à ceux que l'on peut offrir dans des productions plus prestigieuses qui ont fait leur marque et qui ont une réputation établie. On sait que, particulièrement dans ce domaine, la seule façon de se faire une réputation, c'est vraiment de commencer - et c'est le cas de le dire - à quelques exceptions près, au bas de l'échelle parce que peu de grands producteurs vont miser sur des jeunes professionnels dans la danse ou ailleurs, sans qu'ils aient déjà fait un peu leurs preuves. Je trouve que c'est majeur dans ce dossier-là. On connaît de jeunes professionnels de la danse qui se sont effectivement constitué une compagnie, mais exclusivement parce que, ensemble, il fallait qu'ils se donnent les moyens de se produire, n'ayant pas d'autres moyens de le faire, ils devaient pratiquer à peu près à 0,25 $ l'heure, si je prends les conditions de travail de ces personnes.

On peut craindre, peut-être à tort, que les conditions minimales qui seront faites, peuvent être mal interprétées de la part des organismes et des producteurs plus patentés qui risqueront de voir la une situation qui risque de leur porter préjudice parce que la concurrence est inégale. Certains pourront se produire en investissant moins. Je pense qu'il faut vraiment s'assurer que la relève aura une façon de mettre sur pied des créations ou des productions à des conditions particulières. Mais, en même temps, j'ai le goût de dire qu'il serait inutile de poser une telle base de négociation, du moment où on aurait vraiment au Québec une politique de financement de la relève qui lui permettrait effectivement de travailler dans des conditions qu'on reconnaît à presque tous les autres travailleurs au Québec.

Vous voyez que je ne suis pas toute d'un côté ou toute de l'autre. Je pense au 1 % que le gouvernement du Parti libéral s'est engagé à investir dans la culture. Si la différence entre les deux tiers qui sont actuellement consacrés et le 1 % allait davantage à la création qu'à l'immobilisation - ce n'est pas parce qu'on n'a pas besoin d'immobilisation, mais que cela pourrait être pris par le biais du Service de la dette - je pense qu'on pourrait se donner ce genre de politique.

Une autre de vos questions touche la définition de l'artiste. Moi aussi, je dois dire que cela me laisse songeuse. Dans les exemples que vous apportez, vous dites: Qu'advient-il des professeurs, des maîtres de ballet et des répétiteurs qui oeuvrent dans le domaine de la danse? Selon vous, devraient-ils être reconnus comme étant des artistes?

M. Patenaude: Si on l'a inclus, ce sont mes collègues professeurs qui se sont posé la question à savoir si un professeur de danse est aussi un artiste. Souvent, les professeurs de danse sont d'anciens danseurs qui deviennent professeurs et qui mettent à contribution leurs talents et leur expérience d'artiste. Donc, ils n'ont pas cessé d'être artistes parce que, à 40 ans, on les considérait trop âgés pour continuer ou que, leur

corps étant fatigué, Ils s'arrêtent et font une transition de carrière. C'est dans ce sens-là.

Bien sûr, l'analyse est faite en fonction du fait que ce personnel artistique fait partie d'une production. Si on est dans une école de danse et qu'il n'y a pas de production comme telle, la distinction est caduque. Si on le reconnaît ou non, cela a une Importance pour la formation et la reconnaissance d'un artiste dans le sens où on dit qu'une association sera reconnue exclusivement pour représenter les artistes. Cette définition est intimement liée avec quels seront les artistes d'un secteur.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, madame. Mme la ministre.

Mme Bacon: J'aimerais peut-être apporter seulement un ajout concernant les conditions minimales. Quand on parle de conditions minimales dans le projet de loi, cela ne veut pas nécessairement dire des conditions uniformes. Je pense que c'est la demande des artistes et la réponse des producteurs et c'est ensemble qu'ils doivent décider des conditions de travail, sauf qu'il faut avoir une base. Et, quant à la base, on parle de conditions minimales, mais ce ne sont pas nécessairement des conditions uniformes.

Je voudrais vous remercier, M. Patenaude. On aura l'occasion de se revoir dans d'autres dossiers.

M. Patenaude: C'est moi qui vous remercie et je suis très heureux de constater qu'à nouveau "le temps d'une paix" de la première commission de la culture sur le statut de l'artiste s'est prolongé pour nous permettre d'être entendus. Merci à tous.

Mme Bacon: Que d'autres vous entendent, M. Patenaude!

Le Président (M. Trudel): Merci, M. Patenaude.

La commission suspend ses travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 5) (Reprise à 20 h 10)

Le Président (M. Trudel): Merci. La commission de la culture reprend ses travaux afin de procéder à une consultation particulière dans le cadre de l'étude du projet de loi 90, Loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma. Et comme cinquième groupe aujourd'hui nous avons le plaisir d'accueillir l'Association des producteurs de films et de vidéo du Québec. Mme Marie-Josée Raymond, "rebonjour" nous nous étions vus il y a un an et demi - et Mme

Louise Baillargeon, directrice générale. Bienvenue, mesdames.

Je pense que vous connaissez maintenant les règles du jeu. C'est la règle 20-20-20, 20 minutes pour vous, 20 minutes pour chacune des formations politiques. Nous vous invitons à nous résumer si possible le mémoire, bien qu'il soit arrivé tardivement. Je vous laisse faire ce que vous entendez, Mme Raymond ou Mme Baillargeon, mais vous avez à peu près 20 minutes pour nous exposer vos idées.

Mme Raymond (Marie-Josée): Alors, je commence.

Le Président (M. Trudel): Merci.

Association des producteurs de films et de vidéo du Québec

Mme Raymond: M. le Président, Mme la ministre des Affaires culturelles, mesdames et messieurs les membres de ta commission, nous vous remercions de nous accueillir aujourd'hui. Et, comme mon temps est compté, je vais passer directement aux choses essentielles.

Comme vous le savez sans doute, l'Association des producteurs de films et de vidéo du Québec existe depuis 1966 et elle regroupe 75 maisons de production du domaine, du cinéma et de la télévision qui réunissent environ 150 producteurs individuels.

L'association désire d'abord affirmer son accord de principe à la reconnaissance tant attendue en faveur des artistes québécois d'un statut juridique et fiscal mieux adapté au niveau de développement des industries culturelles et plus conforme à la réalité de leur expérience de travail. Nous aurions, d'ailleurs, souhaité applaudir sans réserve ce projet de loi mais malheureusement certains aspects de son libellé suscite chez nos membres des inquiétudes et des Interrogations dont nous voudrions vous faire part aujourd'hui.

Absence de consultation préalable. Notre première réaction à la lecture du projet de loi 90 en est une d'étonnement. D'abord, parce que notre association n'a pas été consultée officiellement au moment de sa rédaction, ensuite parce que nous pensions que l'objet premier de ce projet de loi devait être la modification des relations entre l'artiste et l'État. Or, il nous a semblé que le projet de loi 90 ne concerne que très accessoirement les relations entre les artistes et l'État et qu'en fait un seul article, l'article 4, pourrait avoir une incidence sur le statut fiscal des artistes. Ni le texte de loi, ni les notes explicatives qui l'accompagnent ne sont très précis quant à la portée exacte de cet article.

Quelles conséquences pratiques aura la présomption que les créateurs et interprètes agissent à leur compte sur les artistes qui sont formés en compagnie? Sur ceux qui tirent une

part substantielle de leurs revenus d'activités autres qu'artistiques? Sur les artistes qui n'oeuvrent pas dans les domaines visés à l'article 1 et, notamment, les artistes en art visuel? Voilà, nous semble-t-il, des questions importantes à résoudre si l'on veut une fois pour toutes clarifier et modifier le statut fiscal des interprètes et créateurs.

Il nous est apparu que l'objet fondamental du projet de loi était en fait de définir un nouveau régime des relations du travail dans le secteur des industries culturelles, d'encadrer les relations entre les interprètes et créateurs, au sens large, et leurs employeurs indépendants du secteur privé puisque, si nous comprenons bien, les radiodiffuseurs sous juridiction fédérale ne seraient pas touchés par cette loi. Dans cette optique, n'aurait-il pas été souhaitable de consulter au préalable tous les partenaires qui ont partie liée au développement des Industries culturelles québécoises? Ce secteur en mutation constante demeure fragile et une large concertation aurait sûrement fourni au législateur une base plus solide pour procéder à une modification d'une telle envergure. Ces consultations et cette concertation préalable auraient sans doute permis d'éviter certaines imprécisions de formulation qui risquent d'entraîner des effets secondaires aussi fâcheux qu'involontaires.

Définition du terme "artiste". La première de ces imprécisions concerne la définition du terme "artiste" à l'article 2, à savoir: "une personne physique qui pratique un art... à titre de créateur ou d'interprète dans un domaine visé à l'article 1". C'est là une définition très large et englobante qui pourrait inciter nombre de spécialistes, aujourd'hui regroupés au sein du syndicat des techniciens, par exemple, à se constituer en secteur de négociation distinct: directeurs de la photographie, directeurs artistiques, créateurs de costumes, monteurs, créateurs d'effets spéciaux, et ainsi de suite. Est-ce là l'intention du législateur? Si oui, a-t-il bien mesuré les conséquences d'une telle multiplication des secteurs où une association pourra être reconnue et où, conséquemment, des conventions collectives distinctes devront être obligatoirement négociées?

Si nous reconnaissons d'emblée qu'il faut adapter le régime de négociation collective au niveau actuel de développement des Industries culturelles québécoises, il est, à notre avis, tout aussi essentiel de ne pas freiner ce développement par une multiplication et une surdivision des unités de négociation qui ne ferait que provoquer un gaspillage d'énergie, de ressources humaines et financières tout en suscitant une bureaucratisation accrue des relations du travail.

Nous suggérons donc que le projet de loi 90 établisse une définition qui recoupe de plus près les secteurs de négociation généralement et internationalement reconnus et qui évite d'encourager leur prolifération.

Limite au droit d'association des artistes. Si le projet de loi tel que libellé constitue un incitatif à la multiplication indue des secteurs de négociation, it confère, par ailleurs, à l'association d'artistes reconnue dans chacun des secteurs un monopole exclusif sur cette reconnaissance. La liberté d'association reconnue aux artistes à l'article 5 nous semble en quelque sorte limitée et restreinte par ce projet de loi. Si, par exemple, certains artistes sont insatisfaits des services reçus d'une association reconnue, ils ne pourront constituer une association concurrente respectant mieux leurs aspirations qui soit, en vertu de l'article 21, légalement dotée du pouvoir de négocier et de tous les autres pouvoirs conférés en exclusivité à l'association reconnue.

Des exemples nombreux prouvent qu'il faut souvent plusieurs années pour qu'une nouvelle association puisse atteindre le niveau de membership d'une association déjà établie Quel intérêt y aurait-il donc pour un artiste insatisfait d'adhérer à une nouvelle association si pendant toutes ces années cette association est privée de par la loi des pouvoirs qui la rendrait utile à ses membres?

Depuis plusieurs années les musiciens québécois souhaitent constituer une association proprement québécoise qui réponde mieux à leurs besoins et à la situation des milieux culturels d'Ici. Le projet de loi 90 pourrait sonner définitivement le glas de leurs rêves et de leurs espérances. Est-ce vraiment là le projet du législateur?

Le monopole conféré à l'association d'artistes reconnue dans un secteur est également préjudiciable aux producteurs qui, bien qu'ils puissent être regroupés en plusieurs associations, devront toujours faire face à une association unique. Nous pensons que le rôle des gouvernements à cet égard consiste à préserver la société et les individus contre l'établissement de monopoles ou de cartels, à assurer la liberté d'association et la libre concurrence et non à les restreindre.

Nous proposons donc de retirer du projet de loi 90 les dispositions qui confèrent un monopole exclusif de reconnaissance à une association dans un secteur donné.

Limite au droit de négocier des associations de producteurs. Les dispositions les plus inquiétantes du projet de loi 90 sont celles qui prévoient que l'association d'artistes reconnue peut, à son choix, semble-t-il, décider de négocier avec n'importe quelle association de producteurs ou avec n'importe quel producteur en particulier une entente collective qui s'appliquera de facto à l'ensemble des producteurs. Autrement, si nous comprenons bien les articles 21.6° 23, 24, 25 et 35, une association d'artistes peut choisir de plein droit d'ignorer l'APFVQ, qui regroupe plus de 75 maisons de production responsables de plus de 95 % du volume de la production cinématographique et télévisuelle indépendante, et préférer négocier une entente

collective avec une seule maison de producteurs ou même un Individu producteur, entente qui sera de par la loi imposée à tous les producteurs. C'est là une disposition qui nous préoccupe au plus haut point, d'autant plus que la définition du terme "producteur" à l'article 2, soit "une personne ou une société chargée de produire une oeuvre artistique dans un domaine visé à l'article 1, n'implique en aucun cas que cette personne ou cette société ait une quelconque expérience dans te domaine ni qu'elle exerce cette activité sur une base régulière.

Demain matin, trois artistes pourraient donc se former en compagnie, assumer la charge de produire un court métrage de 30 secondes et signer une ou des conventions collectives avec une ou plusieurs associations d'artistes et, en vertu de l'article 61, cette ou ces ententes seront imposées à tous les producteurs dès la date d'entrée en vigueur du projet de loi 90 et ce, sans que l'APFVQ ou que tout producteur autre que notre trio n'ait eu voix au chapitre dans cette négociation.

C'était, bien sûr, un exemple purement hypothétique mais il paraît que semblable situation s'est déjà vue. Soyez assurés que nous ne voulons en aucun cas faire de procès d'intention à quiconque, ni présumer que telle sera l'attitude des artistes impliqués. Il n'en est pas moins que pareille pratique serait, nous semble-t-il, autorisée par le libellé actuel du projet de loi.

Nous sommes convaincus que, si tel est le cas, il ne peut s'agir que d'une erreur de rédaction qui sera corrigée de façon que les associations reconnues d'artistes soient tenues de négocier avec des associations représentatives de producteurs À défaut d'adopter cette modification, vous conviendrez avec nous que c'est le droit de négocier des associations de producteurs qui serait tout simplement dénié par la loi.

La Commission de reconnaissance des associations d'artistes. La loi institue une Commission de reconnaissance des associations d'artistes, c'est-à-dire un nouvel organisme paragouvernemental doté de pouvoirs discrétionnaires très étendus, pouvoirs qui échapperont au contrôle de l'Assemblée nationale et qui pourront à l'occasion contrecarrer les efforts entrepris par le gouvernement pour stimuler la croissance des industries culturelles québécoises. Était-ce la seule ou la meilleure solution? Tous ces pouvoirs sont-ils justifiés et indispensables?

En outre, le projet de loi prévoit des pouvoirs de pénalité et de poursuite qui transformeraient en délits criminels les différences d'interprétation qui peuvent surgir dans les relations entre producteurs et artistes. Pourquoi criminaliser ainsi ces différends? Ces mesures pénales, les articles 58, 59 et 60, sont, d'une part, lourdement discriminatoires puisqu'elles imposent à un producteur les mêmes amendes, pouvant atteindre 25 000 $, que celles Imposées aux associations d'artistes et de producteurs. D'autre part, soulignons qu'en vertu du projet de loi 90 quiconque peut Intenter une poursuite, selon la Loi sur les poursuites sommaires, contre un producteur s'il juge, de façon forcément subjective, que ce dernier n'a pas fait preuve de suffisamment de, et je cite, "bonne fol ou de diligence" dans la négociation. Articles 58 et 27. Il s'agit là d'une disposition qui nous apparaît à l'évidence abusive.

Les maisons de production sont en contact permanent avec plusieurs institutions: la Commission des valeurs mobilières du Québec, qui doit approuver les prospectus et notices d'offres nécessaires à l'obtention de financements privés, les sociétés publiques qui investissent dans la production, comme Téléfilm Canada et la Société générale du cinéma du Québec, les télédiffuseurs publics, Radio-Canada, Radio-Québec, qui achètent nos produits Ces institutions publiques pourraient avoir des réticences à conclure des affaires avec une entreprise soumise à des poursuites criminelles en vertu de la loi 90, ce qui pourrait signifier la faillite de l'entreprise concernée.

Tout cela, répétons-le, parce qu'un Individu impliqué dans un processus de négociation juge que la partie adverse n'a pas fait preuve de suffisamment de diligence ou de bonne foi. C'est, vous en conviendrez je crois, excessif et certainement Inadmissible pour nous. Le projet de loi devrait prévoir des procédures civiles, et non criminelles, en cas d'infraction

Par ailleurs, la commission sera dotée de pouvoirs d'enquête très étendus, article 53, dont celui d'exiger tout renseignement qu'elle juge approprié et de contraindre des témoins. Tous ces pouvoirs sont-ils, encore une fois, essentiels? N'y a-t-il pas là ingérence Indue? Par ailleurs, le projet de loi ne garantit aucunement la confidentialité des informations ainsi recueillies. Bien que la loi de l'accès à l'information puisse permettre la confidentialité de certains de ces renseignements, notamment ceux à caractère économique, nous insistons pour qu'à tout le moins le projet de loi garantisse la confidentialité de toutes les informations recueillies par la commission si la personne, la société ou l'association qui les lui a transmises en fait la demande.

Enfin, nous sommes étonnés de constater que la commission devra exercer une multitude de fonctions qui ne sont pas, règle générale, confiés à une même instance. Cet organisme sera en effet juge et partie, puisque la commission agira tour à tour comme médiateur et arbitre, qu'elle pourra faire des recommandations, qu'elle décidera des secteurs de négociation, de la reconnaissance ou de l'annulation de reconnaissance des associations d'artistes, voire même du fait qu'une personne soit ou non comprise dans un secteur de négociation. Cette personne, ou toute association d'artistes ou de producteurs, se voit dénier tout droit d'appel des décisions de la commission et aucun des recours que le Code de procédure civile prévoit généralement à l'endroit de telles décisions ne pourra être

exercé puisque la loi le proscrit expressément à l'article 57, C'est Inquiétant car les pouvoirs discrétionnaires conférés à la commission, aux articles 19 et 51 notamment, sont considérables.

Bien sûr, il est d'usage en de telles circonstances de faire confiance à l'expérience juridique, à la qualité de jugement et à l'impartialité des membres de la commission. Malheureusement, rien dans le processus de nomination du président et des deux autres membres ne garantit qu'ils disposeront d'une expérience Juridique ou d'une expérience des industries culturelles.

Quant à l'impartialité qui devrait effectivement être exigée de la commission dans l'exercice de toutes ses fonctions, puisqu'elle aura des pouvoirs quasijudiciaires, elle est parfois expressément déniée par la loi. Le projet de loi 90 prévoit, en effet, à l'article 51, que, lors de la prise de décision relative à la définition des secteurs de négociation, la commission, et je cite, "prend notamment en considération la communauté d'intérêts des artistes en cause". Rien n'est dit de la communauté d'intérêts des producteurs en cause, que la commission n'est pas tenue de considérer. C'est donc en prenant obligatoirement en compte les intérêts d'une seule des parties concernées que la commission devra statuer. C'est là une disposition qui entache d'emblée l'impartialité de la commission et porte conséquemment atteinte à sa crédibilité. Bref, c'est toute la conception des fonctions, des pouvoirs et de la neutralité de cette commission qui mériterait d'être réexaminée.

En terminant, M. le Président, nous vous invitons donc à revoir le libellé de plusieurs articles de ce projet de loi, de façon que ce dernier ne provoque pas des effets secondaires préjudiciables pour les artistes, les associations de producteurs et l'ensemble des industries culturelles québécoises que nous avons tenté de mettre en lumière. Nous nous en sommes, d'ailleurs, tenus à l'essentiel. Il existe d'autres aspects plus techniques du projet de loi qui risquent de créer des problèmes, à nos yeux. Nous n'avons pas le temps ni la compétence juridique pour en débattre mais vous trouverez en annexe à notre intervention un document de notre conseiller juridique qui en fait état. Nous sommes persuadés qu'une consultation plus approfondie conduirait à des formulations plus circonscrites et précises qui éviteraient plusieurs des contraintes administratives indues, des contestations juridiques qui résulteraient de l'adoption intégrale et rapide du projet de loi 90. Et surtout, M. le Président, cette réflexion additionnelle et ces corrections contribueraient à ce que ce projet de loi stimule la croissance des Industries culturelles québécoises sans effets secondaires néfastes et imprévus. C'est là une préoccupation qui, nous en sommes persuadés, est partagée par tous les membres de la commission permanente des affaires culturelles. Mais surtout, M. le Président, des changements établis dans un esprit de concertation contribueraient à ce que le projet de loi reçoive l'appui unanime de tous les partenaires de l'industrie. Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, madame. Alors, Mme la ministre des Affaires culturelles.

Mme Bacon: Nous vous remercions de votre intervention auprès de la commission parlementaire. Malheureusement, il faut faire rapidement pour s'imprégner de votre message ce soir puisque nous venons d'avoir votre dossier, mais j'aimerais quand même apporter certains correctifs. Il y a eu des consultations qui ont eu lieu. Il est évident qu'elles ont eu lieu avec le président de votre association sur les grands paramètres du projet de loi. Je pense qu'on a quand même rencontré votre président.

Sur le projet de loi et son libellé, il est normal, au fond, que cette prérogative revienne au gouvernement. Nous le faisons en ce moment avec vous au niveau d'une consultation élargie et, évidemment, comme je le disais ce matin, nous tiendrons compte des objections ou des commentaires qui nous seront faits au cours de cette commission parlementaire; c'est pour cela qu'on la tient, c'est pour en tenir compte par la suite et essayer d'ajuster, s'il y a lieu, certains des articles de la loi. Je pense que cette loi est essentiellement une pratique qui est jusqu'ici... Je pense que, quand on fait un dossier, on a l'impression que les gens ont saisi, peut-être, la portée de ce que nous voulions faire, mais je trouve - vous me permettrez de vous le dire - le ton de votre mémoire fort alarmiste. Peut-être que des informations supplémentaires seraient nécessaires pour enlever ce ton d'alarme que vous déclenchez ce soir.

Vous dites que vous souhaiteriez que le projet soit modifié pour que les associations reconnues soient tenues de négocier avec des associations représentatives de producteurs. Est-ce que vous iriez jusqu'à prévoir dans le projet de loi des dispositions qui obligent les producteurs à se constituer en associations et à se faire reconnaître? (20 h 30)

Mme Raymond: Mme la ministre, tout ce que je peux vous dire, c'est que l'Association des producteurs de films et de vidéo du Québec est l'association la plus ancienne au Canada. Nous avons survécu aux hauts et aux bas de cette industrie et je pense qu'on n'a pas besoin de nous obliger. Nous avons une association qui, d'ailleurs, a déjà des ententes collectives avec plusieurs secteurs reconnus.

Mme Bacon: Quand vous parlez de danger, pour le développement des industries culturelles, d'une multiplication d'unités de négociation, est-ce que vous souhaiteriez davantage la définition de balises, peut-être, de négociation à l'intérieur même du projet de loi? Sur quoi basez-vous votre énoncé pour dire que te projet de loi constitue un incitatif à la multiplication?

Si j'ai bien saisi, c'est ce que vous nous dites comme message.

Mme Raymond: Simplement, à la la lecture du texte - puisque malgré tout officiellement l'association n'a pas été consultée, donc, on n'a pas pu essayer de s'Imprégner du texte qu'on a eu simplement la semaine dernière - la limite des secteurs d'activité ne semble pas forcément évidente. Alors, tant qu'on ne saura pas de façon un peu plus précise le degré de morcellement des différents secteurs, c'est extrêmement difficile pour nous de dire s'il va y avoir quatre ou cinq grands secteurs d'activité. Il y en a déjà un certain nombre de reconnus, comme je l'ai mentionné. Les techniciens peuvent... Enfin, on ne sait pas s'ils sont inclus dans votre loi mais ça serait une possibilité quant à la description actuelle du terme "artiste". Donc, on a déjà un certain nombre de secteurs reconnus mais les autres, on ne sait pas du tout ce qu'une commission peut reconnaître comme secteur. Alors, tant qu'on n'aura pas de précisions là-dessus, c'est très difficile pour nous de nous prononcer.

Mme Bacon: En fait - et ça nous a été dit au cours de la journée - parce que peut-être quand on est devant un projet de loi, on ne peut pas y voir toutes les dispositions... Je pense que c'est assez difficile de tout savoir. Le projet de loi ne définit pas les secteurs. C'est la commission qui définira ensuite les secteurs. Je pense que ce n'est pas au projet de loi de le faire. Si on se met à définir chacun... On parlait cet après-midi de la musique, par exemple, avec peut-être des sous-secteurs. Ce n'est pas au projet de loi de définir les secteurs. Le projet de loi dit: II y a la musique et la danse. Il y a le cinéma et les arts d'interprétation. Je pense qu'à ce moment-là la commission aura un rôle fort important. C'est un rôle de reconnaissance. D'ailleurs c'est son nom, commission de reconnaissance.

Mme Raymond: Oui, mais, si vous me permettez, vous ne faites que transporter à la commission notre inquiétude ou notre incertitude quant aux secteurs. La commission va avoir, effectivement, si j'ai bien compris, un pouvoir quasi terminal de déterminer les secteurs d'activité sans que nous, les producteurs, ayons une grande chance de faire valoir nos points puisque la commission a comme mandat principal de voir aux intérêts des artistes. Alors, là encore nous sommes très inquiets, non seulement sur la constitution de cette commission mais justement du pouvoir discrétionnaire que cette commission va avoir à déterminer les secteurs d'activité des artistes sans prévoir, en tout cas, dans cette loi, une intervention, une consultation ou même une considération pour les vues des producteurs qui, finalement, travaillent ensemble avec les artistes dans les industries culturelles.

Mme Bacon: Je vais essayer d'enlever ce cri d'alarme que vous avez. À l'article 51 on dit que la commission définit les secteurs de négociation pour lesquels une reconnaissance peut être accordée. "À cette fin, la commission prend notamment en considération la communauté d'intérêts des artistes en cause et l'historique des relations entre artistes et producteurs enmatière de négociation d'ententes collectives." À ce moment-là si les producteurs ne sont pas satisfaits, ils ont droit d'appel. Ils peuvent faire appel face à la commission.

Mme Raymond: Oui, Mme Bacon, c'est simplement que vous prenez la peine dans cet... Excusez-moi.

Mme Bacon: Je vais être obligée de continuer, si vous voulez bien, et ça va peut-être être plus clair. À l'article 14, on dit: "Les producteurs peuvent intervenir sur la définition du secteur de négociation." Alors, vous l'avez à l'article 14.

Mme Raymond: Oui, mais enfin, disons, une simple proposition, ça aurait peut-être été agréable pour nous de sentir qu'effectivement dans l'article 51 qui parle de la définition des secteurs de négociation - il me semble qu'une petite ligne en plus... On aurait pu dire que les producteurs auraient, disons, une voix égale au chapitre de la consultation sans qu'on soit obligé de référer à un autre article. Cela aurait peut-être été plus rassurant.

Mme Bacon: J'ai répété 14 à 51.

Mme Raymond: Disons de l'intégrer simplement pour qu'on sente la volonté bien précise du gouvernement de consulter et de voir a ce que ce genre de reconnaissance ne vienne pas avoir des incidences extrêmement fâcheuses sur un plan économique, sur des plans précis En soi, je ne peux même pas vous dire aujourd'hui si on a besoin de plus de petits secteurs, moins de grands secteurs. Il faudrait, au moins, qu'on puisse avoir une idée de ta direction que tout cela va prendre. Il y a une espèce de porte ouverte à beaucoup d'inconnues et cela nous inquiète,

Mme Bacon: Vous avez mentionné aussi, je pense, dans votre mémoire, que dans le projet de loi on disait qu'une entente collective négociée avec un producteur s'appliquerait de facto à l'ensemble des producteurs. J'aimerais savoir où vous avez vu cela, à moins que je vous aie mal saisie.

Mme Raymond: À plusieurs reprises, on reprend le terme qu'une entente négociée, soit avec un producteur, soit avec une association de producteurs... Il y a toujours cette dualité; je ne peux pas vous sortir tous les articles, mais à

plusieurs reprises cette dualité laisse la porte ouverte, dans certains cas, à une négociation. En Interprétant ce qu'on lit, on peut extrapoler en se disant qu'une négociation avec un producteur pourrait être assimilée à une entente existante et devenir, de par la loi, une convention applicable de façon générale. C'est cette ambiguïté entre un producteur et une association qui me mène à...

Mme Bacon: Notre vision des choses était de ne pas encadrer les gens dans ce projet de loi et de laisser une entière liberté d'association, de ne pas les forcer à s'associer, pas plus que de forcer quelqu'un à adhérer à une association ou à un groupe donné. On n'a pas voulu faire d'atelier fermé, on n'a pas voulu forcer les gens à s'associer. On a voulu laisser une liberté.

Mme Raymond: C'est très important. Peut-être qu'on comprend mal. J'ai beaucoup de questions.

Mme Bacon: II faudrait peut-être une meilleure consultation.

Mme Raymond: Oui. Voyez-vous, par exemple, à l'article 35, "l'entente collective lie le producteur et tous les artistes du secteur de négociation qu'il engage". On a souvent une ambiguïté entre le producteur et l'association. Ce n'est pas clairement défini et cela peut porter à confusion.

Mme Bacon: D'accord. On dit aussi, dans votre mémoire, que la commission de reconnaissance a des fonctions exceptionnelles. J'aimerais dire que d'autres commissions dans le secteur du droit du travail ont des fonctions similaires. On n'a qu'à penser au Conseil canadien des relations du travail. Quant au problème des mesures transitoires, pour que trois artistes forment une association et bénéficient de l'article 61, iI faut quand même qu'ils aient conclu une entente avec un ou des producteurs. Malgré tout, cette disposition de la loi pourrait être modifiée ou travaillée. On peut travailler là-dessus.

Dans votre mémoire on parle de dispositions du projet de loi qui confèrent, selon vous, un monopole exclusif de reconnaissance. J'aimerais savoir à quel article de la loi vous vous référez. Ce monopole n'existe pas, d'après moi, parce que on n'a pas voulu que le projet de loi donne de monopole. Les dispositions qu'on a mises dans le projet de loi ne faisaient pas en sorte qu'il y ait un monopole ou un atelier fermé ou une obligation d'adhérer. On a voulu rendre les gens le plus libre possible. Il y a des dispositions de vérification de la majorité, ensuite il y a des règles de maraudage, c'est évident.

Mme Raymond: Si on combine en même temps la nécessité de majorité, plus la reconnaissance des droits acquis, iI est bien évident que des associations existantes au moment où la loi entre en vigueur et qui ont des majorités Incontestables pour le moment deviendraient, à toutes fins utiles si j'ai bien compris, un monopole. Peut-être que je me trompe, mais c'est la façon dont nos avocats l'ont interprété. Je crois que dans les documents qui vous sont...

Mme Bacon: II y en a peut-être qui auraient une longueur d'avance, mais ce n'est pas un monopole. On ne peut pas dire que c'est un monopole.

Mme Raymond: Non, mais la façon dont c'est présenté, si on joint les obligations de majorité, et on sait à quel point c'est difficile d'obtenir la majorité dans ce genre d'association, et la notion du fait acquis que l'entrée en vigueur de la loi entraînerait, je pense que cela nous met effectivement dans une situation qui ressemble étrangement au monopole.

Mme Bacon: Non, encore une fois, si vous me permettez de vous dire que...

Mme Raymond: Ce n'est pas l'intention? Mme Bacon: Non.

Mme Raymond: Bien, alors, on est ravi et rassuré de vous l'entendre le dire, madame.

Mme Bacon: En fait, ce n'est pas la loi qui va créer le monopole et ce n'est pas la loi qui va faire en sorte que des gens vont prendre le monopole. Dans la loi, il n'y a rien qui dit qu'il y a un monopole ou qu'on accorde un monopole. Je vais terminer là-dessus pour donner l'occasion à l'Opposition de s'exprimer mais je voudrais que le ton d'alarme que vous avez, le ton alarmiste, peut-être, soit passager. Disons que peut-être des consultations supplémentaires sont nécessaires.

Mme Raymond: Je vous remercie infiniment et je pense que c'était surtout notre but ce soir, c'est-à-dire que nous étions entièrement prêts à consulter... Nous sommes à votre entière disposition pour toute consultation pour nous rassurer et peut-être vous éclairer sur certains secteurs. Je vous remercie.

Mme Bacon: Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre, M. le député de Mercier.

M. Godin: Oui, M. le Président, je remercie Mme la vice-présidente et son association. Tantôt, votre mémoire un peu "catastrophiste", si je puis inventer un mot, un néologisme... On volt que ce sont des avocats qui ont travaillé là-dessus et non pas tellement des gens qui produisent des films, j'ai l'impression.

Mme Raymond: Excusez-moi, M. Godin, mais

je voudrais juste intervenir ici, vous savez sûrement comme moi que, lorsqu'on consulte des avocats sur des sujets précis, on passe en général les neuf dixièmes du temps à leur expliquer les problèmes que cela nous poserait mais ils nous envoient en général leur facture pour l'ensemble du temps. Alors, non, Je dois dire qu'on a eu, malgré tout, des détails, des relations avec le Code du travail qui ne sont pas de nous, parce que je ne connais pas le Code du travail, mais, quant à l'esprit de notre intervention, soyez rassuré, M. Godin, elle représente entièrement les inquiétudes de l'association.

M. Godin: Les craintes. Alors, une question à une productrice de films. Est-ce que vous croyez que la loi 90 donne trop de pouvoirs à vos employés, acteurs, comédiens et autres techniciens du cinéma ou du vidéo, par rapport à leur salaire, à leurs conditions de travail, qui mettraient en danger une maison de production comme la vôtre?

Mme Raymond: Du tout parce que je n'ai pas du tout parlé d'abus de pouvoir. Ce qui m'inquiète le plus, c'est le pouvoir qui est conféré à la commission: cela, je vous avoue que ça m'inquiète. Les pouvoirs des artistes, des techniciens ou des gens avec qui on fait des films, cela ne m'inquiète pas du tout; ce qui m'inquiète, dans ce cas-ci, c'est plutôt les pouvoirs de la commission, le fait qu'elle a le droit d'imposer, comme je le mentionnais, des sanctions au Code criminel, que cela soit sans appel, pour des cas qui peuvent parfois être des cas de bonne foi, de meilleur effort. Tout cela me semble assez subjectif. Il me semble y avoir des pouvoirs discrétionnaires énormes, et en plus le fait qu'on supprime systématiquement l'appel me semble Inquiétant. D'autre part, la composition de cette commission m'inquiète aussi. On pose des questions; peut-être que, si on a toutes les réponses à ces questions, on sera rassuré, mais pour le moment c'est sûr que cela a inquiété énormément nos membres.

M. Godin: Est-ce que vous croyez qu'il devrait y avoir une consultation de l'Association des producteurs de films et de vidéo avant de nommer un des membres ou les membres de la commission?

Mme Raymond: Avant cela, j'aimerais surtout énormément que nous soyons consultés quant au texte. Comme cela, on s'entendrait bien sur ce que cela veut dire et ensuite on pourrait certainement être, je pense, très efficace en assistant le gouvernement dans la nomination, par nos suggestions, des gens qui seraient à la commission.

M. Godin: ...être moins inquiets. Mme Raymond: Oui.

M. Godin: On a entendu ce matin l'ADISQ et les producteurs de disques qui, eux, craignaient que de tels droits donnés à leurs employés, chanteurs, musiciens et autres, mettent en danger l'équilibre financier de leur maison. Est-ce que. dans le cas des maisons qui font des films ou des vidéos, de telles craintes existent ou pas du tout? (20 h 45)

Mme Raymond: Je ne vols pas dans la loi quoi que ce soit qui puisse nous faire craindre ce genre de déséquilibre. Par ailleurs, l'imprécision des secteurs de négociation est certainement quelque chose qui nous Inquiète. Comme j'expliquais tout à l'heure, la façon d'entériner des conventions entre artistes et un producteur et l'application que ces conventions qui pourraient ensuite s'étendre dans l'ensemble de l'industrie, cela, pour nous, est inquiétant.

M. Godin: Merci, Mme la vice-présidente. M. le Président, j'ai terminé mes questions pour l'instant.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Mercier. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Bonsoir, mesdames. J'ai lu... Évidemment, il est difficile de faire une analyse puisqu'on vient de l'avoir, mais quand même j'ai été attiré dans votre mémoire par ce qui me semble être une contradiction, et vous allez me permettre de mettre ensemble deux morceaux de phrases à la page 4 et à la page 7.

Alors, deuxième paragraphe de la page 4, vous dites, parlant de la définition de l'artiste: C'est là une définition très large et englobante qui pourrait inciter nombre de spécialistes, aujourd'hui regroupés au sein du syndicat des techniciens, par exemple, à se constituer en secteur de négociation distinct: directeur de la photographie, directeur artistique, créateur de costumes, montage, etc.

À la page 7, vous dites: Nous pensons d'ailleurs que le rôle des gouvernements à cet égard consiste à préserver la société et les individus contre l'établissement de monopoles ou cartels et à assurer fa liberté d'association et la libre concurrence et non les restreindre". Nous proposons donc de retirer du projet de loi 90 les dispositions qui confèrent un monopole exclusif de reconnaissance à une association dans un secteur donné.

Comment pouvez-vous à la fois avoir des appréhensions quant à un éclatement, je dirais, des différents secteurs reliés au syndicat des techniciens et en même temps avoir une appréhension par rapport au regroupement d'un même secteur au sein d'une même association? Il y a comme quelque chose qui me semble être un peu contradictoire...

Mme Raymond: Je pense que vous n'avez peut-être pas entièrement compris, comme quoi il faut vraiment qu'on se parle, Ce que nous essayons dans ce mémoire d'expliquer c'est que, d'une part, cette fragmentation des secteurs est une possibilité qui semble incluse dans la loi; par ailleurs, il reste possible, tel qu'on peut le lire dans ce projet de loi, que dans chacun des secteurs il y ait un monopole. Donc, est-ce que vous voyez là qu'on peut avoir une multitude de plus petits monopoles, mais que cela reste quand même une situation monopolistique? Je pense que j'ai expliqué tout à l'heure à Mme Bacon qu'on pouvait en arriver à cette situation de monopole si on ajoutait en même temps le caractère de représentativité qui serait reconnu par la commission avec le 51% et en même temps avec les droits acquis pour certaines associations qui existent déjà. Je ne pense pas que ces deux paragraphes soient...

Mme Blackburn: Ce que vous dites, c'est que cela devrait fonctionner à peu près comme dans les syndicats. Je pense en particulier à des secteurs qu'on connaît mieux, les secteurs public et parapublic, où vous pouvez avoir des professionnels affiliés à CSN, à la FTQ et à la CEQ.

Mme Raymond: Est-ce que vous croyez que cela sera permis avec cette loi-là?

Mme Blackburn: Non, mais c'est ce que vous souhaitez. Dans le fond, vous dites: II ne faudrait pas que tous les danseurs se retrouvent au sein de la même association.

Mme Raymond: Ce n'est pas forcément cela qu'on souhaite: on fait simplement reconnaître que la façon dont le processus a l'air de se développer, tel que décrit dans le projet de loi, cela peut nous amener rapidement et facilement à un système de monopole dans chacun des secteurs plus petits, je suis d'accord, mais un monopole dans chacun des secteurs si on prend en ligne de compte en même temps la nécessité d'avoir une majorité. Comme la commission sera le seul organisme chargé de statuer sur le bien-fondé de l'association et qu'une seule association aura le droit de représenter ce secteur-là, on se retrouve donc dans une situation de monopole.

Mme Blackburn: Alors, ce que je comprends, vous me corrigerez si j'ai tort, c'est que vous dites, par exemple, dans un secteur comme la danse, on pourra avoir...

Mme Raymond: Est-ce comprendre le cinéma, parce que je connais mieux le cinéma que la danse?

Mme Blackburn: Moi, je connais mieux la danse que le cinéma.

Le Président (M. Trudel): On peut s'entendre sur un autre...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Blackburn: On pourrait peut-être essayer de s'entendre sur la musique.

Le Président (M. Trudel): On pourrait parler de théâtre.

Mme Blackburn: Sur la musique ou le théâtre, tiens. Théâtre, tiens.

Le Président (M. Trudel): Merci!

Mme Blackburn: Alors, vous pourriez avoir trois associations représentant les comédiens et comédiennes. Donc, est-ce que c'est ce que vous souhaitez? Si c'est ce que vous souhaitez, je vous comprends un peu comme producteurs, parce qu'à ce moment-là vous négociez les uns avec les autres, l'un un peu plus souple, l'autre un peu moins souple. Il s'exerce effectivement une compétition mais...

Mme Raymond: C'est-à-dire que ce n'est pas forcément trois de façon concurrente et en même temps. C'est simplement la possibilité d'évoluer. Quand il y a un monopole et que les règles de changement sont extrêmement difficiles et qu'en plus il y a certaines clauses de droits acquis, c'est là où on en arrive à une situation difficile. On vit actuellement dans une situation de monopole, mais elle n'est pas reconnue par une loi. Si demain il y avait une seconde association d'artistes qui se formait, je pense qu'il n'y a rien qui empêcherait, même une association minoritaire, de signer des conventions ou, enfin, de négocier. C'est cette transition-là qui nous parait extrêmement menacée dans le document actuel.

Mme Blackburn: Quand vous parlez d'associations qui, actuellement, constituent un monopole, pensez-vous à l'UDA?

Mme Raymond: Par exemple.

Mme Blackburn: Je pense qu'il faut dire les choses de façon claire.

Mme Raymond: C'est-à-dire que, comme iI y en a plusieurs, je n'essaie pas, je suis sûre que vous êtes...

Mme Blackburn: Mais du moment où cette association regroupe des artistes des différents secteurs, à ce moment-là...

Mme Raymond: Non, mais, par exemple la Guilde des musiciens, iI y a eu, si je ne m'abuse, certains efforts pour avoir une association de musiciens québécoise. De la façon que la loi est

écrite en ce moment, est-ce que cela permettrait facilement à une nouvelle association de musiciens, une association strictement québécoise, de se former? Je pose la question parce que, si oui, ce n'est pas clair pour nous. Alors, ce serait peut-être intéressant que cela soit clarifié parce qu'en ce moment, avec les droits acquis de la guilde actuelle, cela ne nous paraît pas évident que c'est facile ou que c'est même pensable d'arriver à une majorité à temps pour se faire reconnaître à la commission.

Mme Blackburn: Je vous remercie. Mme Raymond: Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la députée de Chlcoutimi. J'aurais juste une remarque à vous faire. J'ai encore le goût, sauf qu'il est déjà presque neuf heures moins cinq minutes, car on a reçu un mémoire touffu sur le plan juridique... Je n'ai pas eu le temps de le lire. Cela aurait été probablement intéressant de discuter sur ce plan-là. L'impression que je garde de votre mémoire - ou alors j'ai mal compris votre mémoire, ce qui est toujours possible parce qu'à la fin d'une journée comme cela, peut-être pas la fin, on est presque au milieu de la journée, mais on a dépassé un peu le milieu de la journée - je n'ai pas l'impression qu'on a lu le même projet de loi. Vous exprimez des craintes que je respecte, mais une lecture attentive du projet de loi 90, déposé, je vous ferais remarquer, le 12 novembre dernier, ne me permet pas de parvenir aux conclusions, comme Mme la ministre disait tantôt - mais je pense qu'elle vous a rassurées un petit peu - plutôt alarmistes qui sont contenues dans votre mémoire.

Encore une fois, j'aurais aimé en discuter mais... Ce n'est pas un reproche que je vous fais, soit dit en passant, les délais pour la consultation ont été relativement courts, compte tenu des circonstances. Vous êtes arrivées avec votre mémoire ce soir. Si on l'avait eu hier soir ou même tôt ce matin, quant à mol je serais intervenu. Vous n'êtes pas avocat, moi je suis avocat mais je n'ai pas pratiqué depuis 20 ans. Je vois M. Desmarais, en arrière, qui a peur dès que je parle - il est comme moi, on s'en reparlera tantôt. Il n'est pas question qu'on entreprenne une discussion juridique ce soir.

J'espère, Mme Raymond, que Mme la ministre aura su vous rassurer au moins un petit peu et que votre échange avec M. Godin vous aura éclairée, il n'y a pas de doute là-desssus, et que vous repartirez plutôt rassurée sur - je ne devrais peut-être pas le dire, mais je vais le dire - l'absence d'intentions que vous voyez dans ce projet de loi. Enfin, ce que vous y voyez, moi je ne le vois pas et je n'ai pas l'impression que le gouvernement ait les intentions ou a pu penser ce que vous pensez qu'on a pensé. Pardonnez-moi la façon de vous le dire, mais...

Mme Bacon: C'est une façon très claire de le dire.

Le Président (M. Trudel): C'est une façon très claire de le dire, oui.

Mme Raymond: Si on réussit simplement ce soir à vous faire bien comprendre qu'on a besoin d'explications et que c'est peut-être très Important que l'association qui regroupe des producteurs qui font plus de 95 % de la production indépendante au Québec... Au moins, qu'on leur explique et qu'à ce moment-là on puisse ensemble voir ies ambiguïtés qui entraînent nos inquiétudes. Cela nous permettrait d'être effectivement moins alarmés, mais je dois vous dire que j'espère que les jours qui viennent vont me permettre de revenir en disant que le conseil d'administration n'est plus Inquiet, mais, pour le moment, je suis encore inquiète. Merci.

Le Président (M. Trudel): D'accord. Merci, madame. Mme la ministre.

Mme Bacon: J'aimerais pour le mot de la fin, peut-être, pour que vous quittiez plus sereine, vous dire que même si nous avions expliqué les grands paramètres du projet de loi à M. Demers, votre président, mon conseiller juridique, Me Brière, fulmine un peu quand il voit ta rédaction de Martineau Walker du projet de loi et il demande exactement d'avoir un "senior" avec qui il pourrait discuter. J'ai voulu traduire sa pensée. Je pense qu'il serait important qu'il y ait une rencontre, une consultation qui soit faite où il y aurait vraiment une explication et de l'information qui soient données. Quand on est mieux informé, on est peut-être plus serein Alors, cela sera fait.

Mme Raymond: En tout cas, on comprend mieux de part et d'autre, et je pense que c'est cela qui est important. Je vous remercie infiniment.

Mme Bacon: D'accord.

Le Président (M. Trudel): Merci de vous être présentées devant nous et bon retour à Montréal.

Mme Raymond: Merci.

Le Président (M. Trudel): Sans suspendre, j'inviterais maintenant M. Plamondon et Mme Lemay de la Société professionnelle des auteurs-compositeurs du Québec à s'asseoir devant nous. Je crois comprendre, M. Plamondon, que vous avez des notes manuscrites à nous communiquer dans les minutes qui viennent.

Alors, au nom de la commission, M. Plamondon et Mme Lemay, que nous revoyons après l'avoir rencontrée une première fois au mois de mai... M. Plamondon, ce premier rendez-vous

avait été manqué, vous étiez souffrant, je pense; on vous avait souhaité un prompt rétablissement, on voit que cela est fait. Remarquez que, 18 mois après, on souhaite ardemment que cela soit fait. Alors, vous avez plus ou moins 20 minutes pour nous donner vos commentaires et, par la suite, on engagera la discussion avec vous.

Société professionnelle des auteurs-compositeurs du Québec

M. Plamondon (Luc): Bonsoir, Mme Bacon, bonsoir, tout le monde. Je vais me faire engueuler par M. Trudel parce que j'ai écrit mon mémoire dans l'autobus en venant de Montréal, donc...

Le Président (M. Trudel): D'abord, je n'engueule pas à moins d'avoir... J'ai une réputation surfaite de ce côté-là, je suis convaincu.

M. Plamondon: Ah non! Je me trompe, cela est un texte de chanson. Vous voyez?

Le Président (M. Trudel): Ah bien, vous pouvez commencer avec celui-là quand même, je n'ai pas d'objection.

M. Plamondon: Cela serait peut-être plus drôle. Non, mais je voudrais commencer d'abord par des félicitations: bravo d'avoir, en un aussi court laps de temps, élaboré un projet! C'est assez rare qu'on voie un gouvernement pouvoir accorder à des artistes des demandes aussi rapidement. Je n'ai qu'une seule réticence vis-à-vis du projet. Tout ce qui est dans le projet lui-même, je suis d'accord avec cela. Ma seule réticence, c'est que je ne me sens pas inclus dans ce projet et je me considère comme un créateur du monde du disque, du cinéma et de la scène. Je vais vous expliquer ma théorie.

Le projet de loi, à mon avis, est composé de deux volets qui sont clairement indiqués dans le titre de la loi. C'est-à-dire, c'est d'abord une loi sur le statut professionnel des artistes et des créateurs. Deuxièmement, c'est une loi sur les conditions d'engagement des artistes. Je pense qu'il est important de distinguer ces deux volets parce que, moi, je pense que je voudrais faire partie du premier, mais que je ne peux pas faire partie du deuxième, parce que je ne suis pas un créateur qu'on engage. Moi, je vis de l'exploitation de mes oeuvres comme les écrivains et comme les artistes en arts visuels. Je ne travaille jamais sous contrat. Je ne suis jamais engagé par un producteur de disques ou un producteur de scène ou de télévision. J'écris mes oeuvres. Elles sont déposées dans les sociétés d'auteurs et tout le monde peut les utiliser contre un paiement de droit d'auteur. Enfin, je pense tout de même que le premier volet de la loi qui veut donner aux artistes et aux créateurs du Québec un statut de travailleur autonome, c'est-à-dire pratiquant un art à son propre compte, c'est le texte de la loi que je cite, devrait s'appliquer à toutes les catégories d'artistes et de créateurs. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi, si vous voulez, un gouvernement arrive a donner à ces artistes et à ces créateurs un statut professionnel et exclut une grande partie des créateurs, c'est-à-dire tous les artistes en arts visuels, tous les écrivains, auteurs de théâtre, romanciers et paroliers. (2t heures)

La deuxième section, qui est la section qui concerne les négociations de travail, qui est une loi sur les relations du travail, on est d'accord, on est très content qu'elle soft accordée aux artistes que cela concerne, c'est-à-dire aux artistes-interprètes, aux réalisateurs de cinéma, à tous les gens qui travaillent sous contrat, ou aux auteurs de télévision, bien que la télévision ne soit pas Incluse, parce que cela relève du fédéral. Pour la même raison, évidemment, le droit d'auteur ne peut pas être inclus, puisqu'il relève de la loi fédérale et ce n'est pas la place, devant cette commission, de venir discuter de droit d'auteur.

La raison pour laquelle on voudrait être inclus dans le premier volet, c'est que si, par la suite, le ministère du Revenu s'appuie sur ce texte de loi pour accorder des avantages fiscaux et des avantages sociaux aux artistes et aux créateurs, on voudrait, nous aussi, en être bénéficiaires. On dit bravo pour ce que vous accordez aux artistes-interprètes et à tous les créateurs qui travaillent contractuellement. Mais nous disons aussi: Nous, les autres créateurs, nous voudrions bénéficier de ces avantages sociaux et fiscaux qui découleront de ce texte de loi. C'est pourquoi je me demande si la loi n'aurait pas Intérêt à être divisée en deux volets: un qui accorde un statut professionnel à tous les artistes créateurs du Québec, y compris les artistes en arts visuels et les écrivains et, d'autre part, un deuxième volet qui est composé de cette Commission de reconnaissance des associations d'artistes et qui ne s'adresse qu'aux associations d'artistes pouvant négocier des ententes collectives avec les producteurs. Ce qui n'est pas le cas, en général, des artistes en arts visuels, des écrivains, des auteurs de chansons, des romanciers, des auteurs de théâtre, etc.

Cela résume ma pensée. Je me suis éloigné de mon texte, mais cela a été plus vite. Je voulais suggérer, donc, qu'on change la première phrase de la loi qui dit: "La présente loi s'applique aux artistes et aux producteurs qui les engagent..." Ce qui me dérange, c'est "qui les engagent". C'est ce mot-là qui limite la portée de la première partie de la loi aux artistes qui sont les salariés et les contractuels. Si le texte disait simplement: La présente loi s'applique aux artistes et aux producteurs, cela inclurait tout le monde. Mais, quand vous dites "aux producteurs qui les engagent", cela limite la portée du texte de loi à ceux qui travaillent contractuellement et cela exclut ceux qui vivent de l'exploitation de leurs oeuvres. Je souhaiterais qu'aucun créateur

ne soit exclu des bénéfices du premier volet de la loi.

Pour ce qui est du deuxième volet de la loi qui concerne les relations du travail ou les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma, et les pouvoirs accordés aux associations d'artistes et de créateurs qui sont en mesure de négocier des ententes collectives avec leurs employeurs, les paramètres de la loi m'apparalssent évidents. Ce deuxième volet, en effet, ne peut concerner que certaines catégories d'artistes ou de créateurs. Il semble évident que tous les créateurs qui sont rémunérés par un droit d'auteur ne pourraient venir régler leurs différends ou leurs ententes avec les producteurs devant cette commission, puisque le droit d'auteur relève du gouvernement fédéral qui dans son nouveau projet de loi C-60 sur le droit d'auteur est en train de créer une Commission du droit d'auteur qui arbitrera tous les litiges, dans tous les domaines où la gestion collective est organisée. En ce moment, dans la loi de 1924, la Commission du droit d'auteur à Ottawa ne s'applique qu'aux auteurs de chansons et aux compositeurs de musique. La Commission du droit d'auteur ne s'occupe que des droits d'exécution publique. Mais, si le texte de loi C-60 est adopté tel qu'il est déposé, les pouvoirs de la Commission du droit d'auteur à Ottawa seront étendus à tous les domaines du droit d'auteur et toutes les sociétés de perception de droits, quelles qu'elles soient, seront soumises à l'arbitrage de cette commission.

Je posais une question, à la fin de mon texte, en disant: Faut-il donc exclure des pouvoirs de la commission de reconnaissance toutes les questions de droit d'auteur ou faut-il y voir une invitation à contourner la loi fédérale et à venir ici laver notre linge sale en famille? Cela nous plairait bien. Cela, c'est une blague pour finir.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. Plamondon. Mme la ministre.

Mme Bacon: Merci, M. Plamondon, Mme Lemay. C'est assez difficile pour nous, je pense, de suivre un peu. Mais je vais essayer de suivre le cheminement que vous avez fait dans le dossier. Vous avez parlé du statut professionnel, des conditions d'engagement, des catégories de créateurs. On a dit au cours de la journée - et je l'avais dit à l'occasion de la deuxième lecture de ce projet de loi - que les artistes en arts visuels, par exemple, les métiers d'art et d'autres, seront couverts par une autre loi et on leur a demandé de nous faire des propositions, de nous faire des recommandations. Il y a des consultations qui sont faites entre les gens du ministère et eux. C'est eux-mêmes qui nous ont demandé de ne pas être inclus dans ce présent projet de loi, mais de faire plutôt un projet de loi pour eux seuls, au fond. Ils ne voulaient pas être inclus et c'était difficile de les inclure dans celui-là puisque je pense que le but n'est pas le même ou la fin n'est pas la même.

Alors, nous aurons ce cheminement qui se fait. On attend les recommandations et les suggestions et on pourra préparer un prochain projet de loi qui couvrira l'ensemble de ces disciplines culturelles. Selon votre interprétation de la loi, je pense que, quand on regarde le terme "créateur", pour nous, il Incluait "auteur". Il faudrait peut-être être plus spécifique, suivant ce que vous demandez. Mais ce qui nous faisait peur, c'est que, à trop spécifier, si on avait ajouté, d'autres Interprétations ou d'autres termes, on risque d'exclure. C'est souvent ce qu'on se dit quand on commence à faire des articles d'une loi. Sauf que je pense qu'il va falloir le regarder. Si, pour les gens, créateur ne veut pas dire auteur, à ce moment-là, on regardera s'il ne faut pas spécifier davantage, dans le projet de loi, et vraiment inclure auteur à la suite de créateur.

M. Plamondon: Je crois que, Justement, en spécifiant trop, vous avez exclu, en disant: "les producteurs qui les engagent" et en disant, à la page 6 de la loi, à l'article 4: "Pour l'application de la présente loi, l'artiste qui s'oblige habituellement envers un ou plusieurs producteurs au moyen de contrats... est réputé pratiquer un art à son propre compte." Ce n'est pas dans la définition d'artiste qu'on est exclu...

Mme Bacon: Ce n'est pas tellement là que vous en avez..

M. Plamondon: Dans la définition d'artiste, je me sens complètement inclus...

Mme Bacon: D'accord,

M. Plamondon: ...quand je lis: "une personne physique qui pratique son art à son propre compte, moyennant rémunération - mes droits d'auteur, c'est ma rémunération - à titre de créateur ou d'interprète dans un domaine visé à l'article 1" Je me sens tout à fait inclus. Mais quand, par contre, à l'article 4, on limite la portée de la loi aux artistes qui s'obligent habituellement envers des producteurs au moyen de contrats, là. je me trouve exclu, parce que je ne travaille pas...

Mme Bacon: "qui les engagent" vous exclut.

M Plamondon: Je ne serais Inclus que lorsque... Par exemple, en ce moment, je suis en train d'écrire un film musical. Là, je vais signer un contrat de scénariste avec un producteur de films. Alors, là, je suis inclus, par contre, tout à coup dans la loi. Mais je ne le suis pas... C'est quand on parle des négociations, du deuxième volet de la loi, qu'on est concernés par ces termes-là. Mais est-ce qu'il n'y a pas au départ un énoncé qui dit que le gouvernement accorde

aux artistes un statut de travailleur autonome? Je pense que c'est à l'article 4, justement, qu'il est accordé, ce statut, quand on dit: L'artiste est réputé pratiquer un art à son propre compte. C'est cela, la phrase importante de la loi, non? Je ne me trompe pas quand je dis cela.

Mme Bacon: C'est vraiment important, mais il y a une chose dans l'article 1, si vous voulez y revenir. Vous voulez que nous enlevions "qui les engagent". Il y a des gens qui nous ont suggéré, aujourd'hui, de remplacer "qui les engagent" par "qui retiennent leurs services professionnels". Est-ce que cela, ça semble vous exclure ou si c'est mieux que de dire "qui les engagent".

M. Plamondon: Cela me semblerait déjà mieux. Mais, encore là, iI faut définir les mots.

Mme Bacon: Mais disons que vous touchez quand même...

M. Plamondon: Évidemment, ta commission pourra toujours définir les mots, mais...

Mme Bacon: ...un point Important.

M. Plamondon: Moi, j'avais pensé aux producteurs qui les engagent ou qui les lient par des ententes collectives. Mais, encore là, en tant qu'auteur on peut difficilement faire des...

Mme Bacon: Ce n'est pas toujours collectif.

M. Plamondon: Pardon?

Mme Bacon: Ce n'est pas toujours collectif.

M. Plamondon: Bien, ça va l'être de plus en plus, comme dans tous les autres domaines, si vous voulez.

Mme Bacon: En tout cas, vous avez quand même un point intéressant. Cela va nécessiter qu'on fasse certaines précisions. Parce que cela a été répété aujourd'hui par certains groupes qui sont venus et qui nous ont fait la même remarque que vous nous faites.

M. Plamondon: Vous ne pouvez pas dire: Aux artistes et aux producteurs qui les engagent ou exploitent leurs oeuvres?

Mme Bacon: On dit: Qui retiennent leurs services professionnels. Ce n'est pas la même chose?

M. Plamondon: Mais, normalement, par services professionnels, on entend du temps de travail. On paie des honoraires pour des services professionnels. Ce n'est pas tout à fait la même chose. Moi, je ne suis Jamais payé pour écrire. Je livre mes oeuvres et, ensuite, si mes oeuvres connaissent une exploitation je reçois des droits d'auteur en rémunération, six mois plus tard, un an plus tard, deux ans plus tard, mais jamais au moment où j'écris, même au moment où je livre l'œuvre. Jamais, je ne suis mis sous contrat. Il y a une licence d'exploitation de l'oeuvre qui est signée entre le producteur et l'auteur. Ce sont des licences collectives qui sont signées, par exemple, entre les producteurs de spectacles et la CAPAC qui représente les droits d'exécution publique, il est question d'une entente collective qui serait signée entre l'ADISQ et la SODRAC qui représente les droits phonographiques des auteurs compositeurs. Ça, ce n'est pas encore fait, mais c'est une chose qui... Ces négociations collectives vont tomber complètement sous le coup de la Commission du droit d'auteur à Ottawa. Alors, c'est évident qu'on ne viendra pas discuter de la même chose aux deux endroits. Je ne pense pas que ce soit votre intention.

Mme Bacon: Non.

M. Plamondon: Ma seule crainte, c'est que, à la suite de ce projet-là, on accorde... Et ce n'est pas une crainte, je serais heureux que le ministère du Revenu accorde un régime fiscal spécial aux artistes et je voudrais être inclus là-dedans. Pas seulement moi, mais les écrivains, les auteurs de théâtre, les romanciers et je pense que les artistes en arts visuels devraient l'être aussi. Je ne suis pas là pour les défendre. M. Juneau me disait l'autre jour au groupe-conseil sur le statut de l'artiste que c'est sur ce texte que s'appuierait le ministère du Revenu pour accorder des avantages...

Mme Bacon: Dans ce texte-là... M. Plamondon: ...fiscaux.

Mme Bacon: ...mais quand même, je le disais tantôt, au chapitre des arts visuels, des métiers d'art et d'autres, il y aurait un deuxième volet. Et...

M. Plamondon: Mais qu'est-ce que vous faites des écrivains? Dites-nous ça.

Mme Bacon: II faudrait regarder de très près. Je dois vous dire que M. Séguin, notre collègue Séguin du ministère du Revenu, a une représentante qui est restée ici toute la journée pour écouter tout le monde et qui a bien pris des notes. Alors, je pense qu'elle va sûrement faire rapport à M. Séguin comme je le ferai. Mais nous allons quand même en discuter avec lui en ce qui concerne les créateurs, les auteurs et voir...

M. Plamondon: II nous a semblé quand même qu'au départ il était votre intention de...

Mme Bacon: ...exclure M. Plamondon.

M. Plamondon: Non, non. Mais i! était votre intention de faire une loi qui couvrait tous les créateurs. Et c'est le volet de la négociation collective qui vous a fait éliminer une partie des créateurs. Mais ils...

Mme Bacon: Mais...

M. Plamondon: ...n'ont pas à être éliminés du premier volet qui accorde un statut de travailleur autonome aux créateurs.

Mme Bacon: ...ce que nous avons gardé, M. Plamondon, pour un deuxième volet, c'est à leur demande Comme on parlait des arts visuels au cours de la journée, c'est à leur demande. Les métiers d'art, c'est à leur demande. Et c'est pour ça que nous avons conclu avec eux qu'ils pourraient nous envoyer des recommandations. On va travailler avec eux dans un deuxième volet. Je pense qu'on ne peut pas tout mettre dans une loi. C'était quand même un premier pas et j'ai toujours dit qu'il y en aurait d'autres C'est le premier pas que nous franchissons. Je ne veux pas que ça vous cause...

M. Plamondon: Expliquez-moi comment ça va se passer quand le ministère du Revenu va décider d'accorder aux artistes et aux créateurs des régimes fiscaux spéciaux, par exemple, l'étalement des revenus. Ou, par exemple, le ministère du Revenu pourrait décider que le droit d'auteur n'est pas imposable. Ce serait une bonne idée étant donné que les droits d'auteur sont si petits au Canada et au Québec en particulier à cause de la petitesse du marché. Enfin, ça existe dans d'autres pays, pourquoi pas ici?

Mme Bacon: ...des considérations importantes. (21 h 15)

M. Plamondon: Non, mais je veux dire: Est-ce que le ministère du Revenu aura le droit de le faire? Est-ce que le ministère du Revenu nous exclura aussi si nous sommes exclus de ce texte ici? C'est ma seule préoccupation, c'est la seule chose pour laquelle je suis venu.

Mme Bacon: Pas nécessairement. Je pense qu'on peut voir avec le ministère du Revenu En ce moment, il y a un comité de formé avec le ministère du Revenu, avec un groupe d'artistes, avec le ministère des Affaires culturelles. On est en train de regarder ce qui peut être fait en ce qui concerne la Loi sur les impôts, s'il y a des possibilités au chapitre de la fiscalité d'accorder des avantages. Où est rendu le dossier? Cela chemine. Je pense qu'on peut quand même... Et, comme je vous le disais tantôt, M. le ministre du Revenu a une représentante ici toute la journée, qui va sûrement lui faire rapport de vos demandes et j'en ferai de même. Alors, nous allons voir si on peut inclure dans un premier temps les auteurs.

M. Plamondon: D'accord.

Mme Bacon: Comme vous en faites la demande devant la commission, je pense que cela va lui être transmis.

M. Plamondon: Je vous remercie. Mme Bacon: Merci beaucoup.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Mercier.

M. Godin: Merci, M. le Président. M. Plamondon, on aurait souhaité, nous de l'Opposition, que la loi relative au revenu soit déposée en même temps que celle-ci. Mais, malheureusement, le comité a été formé le jour où la loi a été déposée. Donc, on n'aura pas avant un an et demi ou plus, peut-être un peu moins, si la ministre leur tord un peu les bras, un statut fiscal précis, particulier et spécifique pour les créateurs du Québec. Maintenant, la question que vous posez est intéressante, parce qu'on ne sait pas si effectivement cette loi nous permet de nous raccrocher, nous, (es écrivains, à un statut d'artiste digne de ce nom, au plan fiscal surtout, qui est ce qui nous préoccupe. Le Québec, à mon avis, doit donner l'exemple au Canada anglais dans le cas de la réforme Wilson au plan fiscal. J'aimerais donc vous entendre sur ce que vous estimez qu'il serait utile qui se passe au plan fiscal pour les écrivains du Québec. Parce que déjà ce matin des gens sont venus nous dire que la formule idéale serait une formule qui ferait une espèce de retenue automatique, c'est-à-dire qu'on enlèverait automatiquement 30 % du revenu comme étant une déduction automatique pour un créateur. Il y a peut-être d'autres formules que celle-là. J'aimerais vous entendre là-dessus si vous avez des choses à dire sur un statut d'artiste au plan fiscal avant la réforme Wilson, dans la mesure où la réforme Wilson va s'inspirer de ce que les provinces pourraient peut-être lui suggérer.

J'aimerais donc vous entendre sur ce que vous estimez qui pourrait être fait au plan fiscal pour les créateurs du Québec.

M. Plamondon: Je pense que, premièrement, il faut d'abord rétablir le régime d'étalement des revenus dont on a bénéficié un certain temps parce qu'il est évident que tous les artistes et créateurs sont des gens qui, une année, peuvent gagner beaucoup d'argent et ensuite travailler pendant deux ans sans rien gagner, pour pouvoir de nouveau gagner de l'argent. Donc, l'étalement des revenus nous permettait, une année où on faisait beaucoup d'argent ou qu'on en faisait plus qu'une autre année, de mettre une partie de l'argent de côté, non Imposable, et de récupérer une partie de cet argent dans les années creuses et, à ce moment-là, les sommes devenaient

imposables cette année-là. Je pense que je n'ai pas besoin de vous expliquer ce qu'est le régime d'étalement des revenus. Cela a existé pendant plusieurs années et cela n'existe plus.

Vous savez, un auteur qui écrit un livre ou une pièce de théâtre, quelqu'un qui fait un film ou un acteur qui a une série à la télévision une année, souvent il a des revenus importants cette année-là, mais les deux années que l'auteur passe à écrire son livre, pendant ces années-là, les revenus sont maigres. C'est intéressant pour l'auteur de bénéficier, pendant les années où il écrit, des retombées des années où il a gagné beaucoup d'argent. Cela est une chose.

Comme je l'ai dit tout à l'heure en boutade, mais ce n'est pas vraiment une boutade, il y a des pays où les droits d'auteur sont exclus des impôts. On vit dans un pays où les droits d'auteur sont tellement minimes comparativement au reste du monde pour deux raisons: parce qu'on a une loi qui est complètement désuète et qui ne reconnaît pas des droits dans beaucoup de secteurs où on devrait toucher de l'argent et où on n'en touche pas et, d'autre part, parce qu'on a un tout petit marché et que, même avec une bonne loi du droit d'auteur, la plupart des auteurs n'arriveraient pas à vivre de leurs oeuvres convenablement. Ce serait une solution, en tout cas, de rendre les droits d'auteur non imposables jusqu'à un plafond à déterminer par le gouvernement.

M. Godin: M. Plamondon, est-ce que je peux demander à la ministre si dans ses projets et dans ceux de son collègue, M. Séguin, du Revenu, les auteurs de livres sont inclus ou pas, même si la loi n'en parle pas. Les auteurs, les écrivains, sont-ils inclus?

Mme Bacon: Tous ces - si vous me permettez de le dire - métiers-là font l'objet de reconsidération et de révision de la part du ministre du Revenu, tout ce qui touche le culturel et je pense que...

M. Godin: Même s'ils ne sont pas dans cette loi-là, dans le rapport du ministre du Revenu, ils sont inclus quand même.

Mme Bacon: Pour nous, ce sont des artistes et des créateurs; alors, tout ce qui est culturel, on regarde cela en ce moment.

M. Godin: Est-ce que cela répond à votre question, M. Plamondon? Même si on ne parie pas d'écrivain dans ce projet de loi-là, le comité qui se penche sur la fiscalité des créateurs inclurait les auteurs.

M. Plamondon: Ah oui, à ce moment-là, cela élimine mes inquiétudes.

Mme Bacon: Oui, et c'est pour cela tantôt que je disais qu'au niveau du terme créateur on avait pensé d'ajouter auteur, mais cela pourrait se faire puisque, comme le demandait M. Plamondon, il y a une possibilité, sauf qu'on disait: Si on devient trop spécifique, on risque d'en exclure. Par contre...

M. Plamondon: Même si vous ajoutez "auteur", comme il est dit les artistes de la scène, du disque et du cinéma, vous éliminez les auteurs de livres. Les auteurs de livres ne sont pas inclus, c'est évident, ils ne sont pas dans le titre de la loi, ils sont exclus. Louis Caron quf est président de votre groupe-conseil, en lisant te texte l'autre jour, a dit: Je me sens exclu, je suis un romancier, je suis un auteur de livre, je ne suis pas là. C'est sûr que les auteurs de livres ne sont pas là. Je pense que les auteurs de chansons non plus n'y sont pas, mais cela, c'est une question d'interprétation du "qui les engagent". Les auteurs de chansons, on pourrait arriver à s'infiltrer là-dedans, disons, parce qu'on pourrait dire qu'on est des créateurs du disque et de la scène et on pourrait arriver à s'infiltrer comme les auteurs de théâtre pourraient dire: On est des créateurs de la scène. Par contre, les auteurs de livres sont carrément exclus, cela est sûr.

Mme Bacon: On peut le regarder, je pense que c'est là qu'on peut essayer d'apporter des corrections.

M. Plamondon: Cela veut dire que c'est un peu absurde que les auteurs soient inclus quand ils font une forme d'oeuvre et ne soient pas inclus quand ils écrivent. Ils sont inclus s'ils écrivent un scénario de film, mais ils sont exclus s'ils écrivent un livre ou ils sont inclus s'ils écrivent un texte pour la radio... Non, la radio n'est pas là non plus, la radio et la télévision ne sont pas là non plus.

M. Godin: On tient pour acquis, Mme la ministre, que la réforme fiscale de votre collègue du Revenu inclura les auteurs de chansons...

Mme Bacon:...

M. Godin: ...et les écrivains. Alors, en ce qui me concerne, M. Plamondon, c'est une bonne nouvelle pour vous.

M. Plamondon: C'est une excellente nouvelle; à ce moment-là, j'ai fait un voyage blanc. Enfin, je vous ai exprimé mon inquiétude; si vous répondez à mon inquiétude là-dessus, si on n'a pas besoin d'avoir un statut professionnel pour avoir des avantages fiscaux, alors, cela va.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Bacon: C'est une bonne nouvelle pour le député de Mercier aussi.

M. Plamondon: Je croyais qu'on m'avait dit qu'il fallait qu'on ait d'abord un statut professionnel pour avoir droit aux avantages sociaux et fiscaux.

Mme Bacon: Je pense que cela aide aussi, mais, quand on regarde la révision de la fiscalité, on regarde l'ensemble du domaine culturel et c'est pour cela qu'on va voir quelle décision sera prise par le ministre du Revenu et le ministre des Finances. Je ne veux pas vous annoncer à l'avance ce qui sera dans le budget.

M. Plamondon: Mais est-ce que les producteurs vous ont demandé aussi d'avoir droit aux avantages fiscaux? J'espère qu'ils y ont pensé.

Mme Bacon: Pardon?

M. Plamondon: Je ne le dis pas. Bon alors, il y a d'autres questions? Non.

M. Godin: Ils ne l'ont pas fait. Non, cela va. J'ai terminé, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Terminé. Est-ce que Mme la députée de Chicoutimi...

M. Godin: Je tiens à remercier M. Plamondon d'avoir attiré l'attention de la ministre sur son statut fiscal déplorable.

Le Président (M. Trudel): Remarquez, M. Plamondon, que vous avez aussi sûrement rassuré M. le député de Mercier. On ne sait pas ce qui peut se passer en fin de semaine; il peut peut-être retourner à une carrière d'écrivain rapidement.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Trudel): Je pense que vous l'avez rassuré.

Mme Blackburn: J'appellerais, M. De Président, la neutralité qu'impose le poste de président.

Le Président (M. Trudel): Je pense que ta neutralité n'accepte pas l'humour.

Mme Blackburn: L'humour...

Le Président (M. Trudel): C'est une denrée assez rare en politique, d'ailleurs.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Trudel): M. Plamondon, je vous remercie infiniment de vous être présenté ce soir. Je vous souhaite un bon retour à Montréal et je vous sens rassuré probablement plus que le groupe qui vous a précédé.

M. Plamondon: J'avais un autre petit commentaire à faire aussi.

Le Président (M. Trudel): Allez-y.

M. Plamondon: Au sujet de la reconnaissance des associations. La commission de reconnaissance reconnaîtra les associations d'artistes et de créateurs, ce qui est très bien, mais je pense aussi, pour faciliter les choses, que ce serait bien qu'elle reconnaisse les associations de producteurs et d'utilisateurs parce que sinon, il me semble que les associations d'artistes vont passer leur année devant cette commission à discuter avec chaque producteur Individuellement. Je vous cite l'exemple de la France, c'est simplement ce que je voulais vous dire. En France, par exemple, la SACEM qui représente les auteurs de chansons, discute avec l'Association des producteurs de disques qui regroupe tous les producteurs de disques. La SACEM discute avec les producteurs de spectacles, une association qui regroupe tous les producteurs de spectacles. Quand les gens du cinéma, les producteurs de cinéma discutent avec les réalisateurs ou les scénaristes, ce sont toujours des associations qui regroupent tout le monde. Moi, je ne ferai sans doute pas partie des gens qui viendront discuter ici, sauf, peut-être, quand je serai scénariste ou auteur dans certains domaines, mais cela m'apparaît difficile d'imaginer que chaque association d'artistes va discuter avec un nombre infini de producteurs. Vous savez, dans le domaine du disque, par exemple, le producteur est celui qui a l'étiquette de disque. Vous vous imaginez peut-être qu'au Québec il y. a trois ou quatre maisons de disques, mais, moi, je peux vous dire qu'il y en a des centaines. Chaque interprète a son étiquette de disque. Enfin, toutes les vedettes ont leur... Les éditeurs ont leur étiquette de disque. Il y a - je ne veux pas dire un chiffre - des centaines d'étiquettes de disque. Il y a des centaines de producteurs de spectacles aussi. Est-ce que ce ne serait pas une bonne Idée de les forcer à se regrouper ou est-ce que vous croyez qu'ils vont être forcés par la force des choses à se regrouper? Peut-être que c'est cela votre...

Mme Bacon: M. Plamondon, on n'a pas voulu forcer les gens ni à adhérer à une association, ni à s'associer, à se regrouper. On a voulu, par le projet de loi, laisser la liberté, ne pas encadrer les gens au point où on les force à un atelier fermé, par exemple, à appartenir à un atelier fermé, ne pas les obliger à se former une association ou un groupement. On veut les laisser libres de se regrouper s'ils le veulent, sinon, c'est leur liberté. Je pense que ce projet de loi respecte la liberté d'association et on n'a pas voulu les obliger de le faire.

M. Plamondon: Par contre, la commission de

reconnaissance va décider que, dans chaque secteur artistique, une association en particulier représente les membres de ce secteur. Est-ce qu'elle ne devrait pas décider aussi qui représente la partie adverse?

Mme Bacon: Je pense que la commission de reconnaissance reconnaîtra tout groupement qui arrivera devant elle et qui sera regroupé en association, mais...

M. Plamondon: Les associations d'artistes.

Mme Bacon: ...si les producteurs ne veulent pas... En fait, c'est le statut de l'artiste que nous faisons avec la loi.

M. Plamondon: Oui, bien sûr.

Mme Bacon: Si les producteurs veulent se regrouper, on ne les oblige pas et eux-mêmes ne sentent pas le besoin de le faire, je pense, si Je traduis bien ce qu'ils ont dit aujourd'hui. On ne peut pas les obliger et on ne veut pas les obliger non plus à le faire.

M. Plamondon: Là, à ce moment-là, la valeur d'une entente entre l'Union des artistes et I'ADISQ, s'il y a 200 producteurs de disques qui ne sont pas membres de l'ADISQ...

Mme Bacon: Bien, s'ils négocient avec un groupe de producteurs, à ce moment-là l'entente pourrait être reconnue par la commission de reconnaissance. C'est la commission de reconnaissance qui validera l'entente entre les deux. Par le projet de loi, la commission a cette liberté-là de le faire.

M. Plamondon: La commission impose à tout artiste qui n'est pas membre d'une association d'accepter quand même les conditions minimales négociées par son association.

Mme Bacon: On ne force pas à faire partie de l'association.

M. Plamondon: Non.

Mme Bacon: II est libre d'y adhérer ou pas, mais on lui donne ce filet-là pour le protéger.

M. Plamondon: Absolument, oui. Ce qui est très bien.

Mme Bacon: Et on ne force pas l'Association des producteurs à se regrouper. Il y a une grande liberté d'action.

M. Plamondon: Oui.

Mme Bacon: Vous êtes plus rigide que moi, M. Plamondon.

M. Plamondon: Bien, je vous parle de mon expérience et je peux vous dire que, si la gestion collective des droits des artistes et des créateurs en général en France est si efficace, c'est parce que tout le monde est regroupé des deux côtés de la clôture. Ici, le problème, c'est que souvent quand on s'adresse à une association de producteurs, que ce soit de disques, de films ou de spectacles, on s'aperçoit que cette association ne regroupe qu'un tout petit nombre d'entre eux et que ces associations ne sont pas forcément représentatives de l'ensemble des... Alors, est-ce que les conditions négociées entre une association de producteurs qui... Vous dites que, dans chaque secteur artistique, une association devra regrouper la majorité des artistes pour être reconnue. Mol. je dis qu'on devrait dire la même chose pour ce qui est des producteurs. Dans chaque secteur une association devrait regrouper la majorité des producteurs pour être reconnue et, ensuite, les négociations entre les deux parties seraient reconnues comme des négociations... Enfin, c'est simplement un commentaire, vous en ferez ce que vous voudrez.

Mme Bacon: Vous êtes ici pour cela, M. Plamondon. Merci.

M. Plamondon: C'est mol qui vous remercie.

Le Président (M. Trudel): M. Plamondon et Mme Lemay, merci infiniment et à la prochaine. Nous allons suspendre les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 31) (Reprise à 21 h 43)

Le Président (M. Trudel): Est-ce que messieurs les députés qui sont présents peuvent s'asseoir, s'il vous plaît, de façon qu'on compte les têtes?

Une voix: Voilà ma tête.

Le Président (M. Trudel): Merci. M. le député de Mercier, s'il vous plaît!

Pendant que les gens s'installent, vous me permettrez d'accueillir les représentants du Syndicat des techniciennes et techniciens du cinéma. Avant de leur céder la parole, je vais me permettre un plaisir que je me garde depuis ce midi. En voyant M. Turgeon au fond de la salle et M. Desmarais en face de mol maintenant, je me dis, ayant tous trois fait nos études classiques au même endroit, et, à l'époque, dans l'ombre de grands collèges qui s'appelaient Brébeuf et Sainte-Marie - nous fréquentions un collège classique beaucoup moins connu, le collège Saint-Viateur qui est devenu la polyvalente Paul-Gérin-Lajoie - je me dis que, pour avoir fait nos études dans un collège beaucoup plus humble, on n'a pas si mal réussi. Je suis

prêt à faire exception de mon cas parce que je suis en politique, mais, en vous regardant, messieurs, Je me dis qu'on pourrait presque faire une réunion de l'amicale des anciens de Saint-Viateur, si cela existait, mais cela n'existe pas.

Ces considérations personnelles étant faites... Une voix: Au boulot!

Le Président (M. Trudel): ...au boulot! Madame et messieurs du syndicat, je vous souhaite la bienvenue. Et, puisque vous êtes des nôtres depuis 11 heures ce matin, je vous cède la parole pour vous permettre de nous exposer votre point de vue pendant environ 20 minutes.

Syndicat des techniciennes et techniciens du cinéma

M. Leclerc (François): Bonsoir, Mme la ministre, bonsoir, MM. les membres de cette commission. Je voudrais d'abord vous présenter les personnes qui m'accompagnent. Mon nom est François Leclerc. Je suis président du Syndicat des techniciennes et techniciens du cinéma du Québec. À ma droite, il y a Me Jacques Desmarais, procureur du syndicat, M. Michel Siry, membre du conseil de direction du syndicat, et Mme Hélène Dubé, coordonnatrice.

Le Syndicat des techniciennes et techniciens du cinéma du Québec est le seul syndicat de techniciens pigistes pour la production cinématographique du Québec. Il regroupe 700 membres et plus de 900 permissionnaires, représentant la vaste majorité des ressources humaines, artistiques et techniques de cette industrie. Le STCQ est né le 3 août 1983 de la fusion des deux syndicats existant à l'époque, soit le Syndicat national du cinéma et l'Association des professionnels du cinéma du Québec. Ces deux associations de techniciens pigistes se sont mises d'accord, par voie de référendum dans ce regroupement, sur les piètres conditions de travail dans lesquelles les producteurs les maintenaient par la loi "diviser pour régner". Le STCQ a pour objet la défense et la protection des intérêts sociaux, économiques et moraux de ses membres techniciennes et techniciens.

Une entente collective de travail conclue avec l'Association des producteurs de films et de vidéo du Québec régit les conditions minimales de travail de nos membres dans le secteur de la production de films. Après six longues années de négociations trop souvent interrompues, une nouvelle convention collective valable pour deux ans a été conclue le 14 janvier .1987. De plus, le syndicat est membre de la Fédération canadienne des guildes et syndicats du cinéma et de la télévision et il a aussi organisé un exécutif de la Fédération internationale des syndicats des travailleurs de l'audiovisuel, qui s'appelle aussi FISTAV, à Montréal, du 8 au 11 juin 1986.

Les secteurs d'activité dans lesquels nos membres sont impliqués sont les longs métrages, les messages publicitaires, les documentaires, les courts métrages, les vidéos, autant commerciaux qu'industriels, et les vidéoclips. Dans les trois pages suivantes du mémoire, vous trouverez une description - que je ne vous lirai pas - des 56 postes qui sont couverts par la convention collective.

Le STCQ et le projet de loi 90. En mai 1986, le STCQ déposait à la commission parlementaire sur le statut de l'artiste un mémoire qui mettait en lumière à la fois les liens étroits et l'interdépendance continuelle qu'il y a entre les comédiens, les scénaristes, les réalisateurs et artisans dans la création d'une oeuvre cinématographique, tout comme le fait que les associations représentant ces divers professionnels doivent composer avec les mêmes employeurs ou groupes d'employeurs et vivre des problèmes tout à fait semblables.

Le mémoire éclairait aussi les membres de la commission sur les conditions de travail particulièrement difficiles des techniciens. Pendant de longues années, ils ont investi une partie ou la totalité de leurs gains dans les productions cinématogaphiques québécoises qui n'auraient jamais pu voir le jour autrement. Ils ont été sous-payés souvent même non payés. La passion du cinéma les animait presque aveuglément. Un certain ordre s'est installé dans le milieu de la production avec l'apparition du syndicat national du cinéma et de l'association des producteurs de films, et les premières négociations de conventions collectives. Malgré tout, le travail est demeuré saisonnier et intense. Des semaines de travail de 70 ou 80 heures sont encore aujourd'hui monnaie courante.

Après 18 mois d'attente, le projet de loi sur le statut professionnel et tes conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma est finalement déposé à l'Assemblée nationale. On retrouve dans ce projet de loi des réponses à la plupart de nos recommandations et à celles des autres associations d'artistes, artisans et créateurs, en commençant par un mécanisme pour être reconnus, tout comme un cadre de négociation et de relations du travail précis, répondant à nos attentes. Le projet s'inscrit dans la ligne de pensée des mémoires déposés à cette même commission, il y a un an et demi, et répond aux nombreuses manifestations auxquelles nous avons participé depuis ce temps.

En septembre 1987, toutefois, lors de la consultation sur l'avant-projet de loi, le STCQ n'est même pas contacté. Pourquoi? En sommes-nous exclus avant même qu'il ne soit rédigé? Notre Intérêt dans ce dossier dérange-t-il? Et, si oui, qui dérange-t-il? Les directeurs de la photographie, les costumiers, les spécialistes en effets spéciaux, les scriptes, les décorateurs, pour ne nommer qu'eux, ont besoin d'une loi comme celle-là. Ils l'ont exprimé haut et fort. Ils travaillent dans des conditions identiques à celles des autres artisans du cinéma

que te gouvernement accepte maintenant de reconnaître. La réception du projet de loi, fin novembre, nous éclaire sur les conséquences de cette non-consultation sur l'avant-projet. L'article 2, qui définit l'artiste, nous apprend qu'il doit être un ' créateur ou un interprète. À l'article 7, sur la reconnaissance des associations professionnelles, on prévoit que l'association doit être composée exclusivement d'artistes. Sommes-nous des créateurs? Sommes-nous des artistes? Tous les techniciens du cinéma pratiquent, à divers degrés, un art. Le directeur de la photographie et son équipe créent l'éclairage et choisissent le cadrage approprié pour tourner une scène selon la vision artistique du réalisateur. Le directeur artistique et son équipe de décorateurs, d'accessoiristes, de peintres scé-niques imaginent et réalisent l'environnement dans lequel évolueront les personnages d'un film ou d'un message publicitaire. L'équipe de production, sans compter les heures de travail, veille à ce que la création de l'oeuvre s'exécute dans les conditions maximales, tout en tenant compte des contraintes budgétaires et des limites de temps. Le créateur de costumes, le maquilleur, le coiffeur sont les artistes qui devront donner une vie, un style aux personnages. Dans un film d'époque, leur rôle devient capital et exige à la fois de la fantaisie et de l'exactitude historique. La pureté et la texture de la prise de son, enregistrée en direct ou en postsynchronisation, contribuent d'une manière essentielle à l'oeuvre. Le monteur et son équipe, quant à eux, ont entre les mains le résultat des efforts de tous et donneront à l'oeuvre son rythme et sa forme finale.

Un projet n'est pas un film. Un scénario n'est pas un film. Même si une production et un réalisateur s'y intéressent, même si la Société générale du cinéma ou Téléfilm Canada veulent y mettre des fonds, ce n'est toujours pas un film. Il n'y a pas de film sans photographie, sans prise de son, sans direction artistique, sans régie, sans costumes, sans montage, il n'y a qu'un simple projet. Un film ne prend vie que sur le plateau, le premier jour du tournage, lorsque toute l'équipe est là, que les interprètes sont prêts: Action, l'oeuvre cinématographique naît.

Le Québec a vu, depuis plusieurs années, des producteurs étrangers venir ici tourner leurs projets, que ce soient les télévisions ABC, NBC ou CBS, que ce soient MGM, Warner Bros., 20th Century Fox, Cannon, NeWorld, Hemdale, Tri-Star. Ils sont tous venus et nombreux ceux qui sont revenus. Pourquoi? Bien sûr, notre dollar est faible. Bien sûr, il est moins cher de venir au Québec que d'aller en Europe, mais, surtout, ils ont découvert qu'ici ils n'avalent pas affaire qu'à des techniciens, mais qu'ils obtenaient plus, beaucoup plus, qu'ils avaient affaire à des professionnels qui mettaient tout leur art à leur service. Cela, les producteurs de films et de vidéo du Québec l'ont compris bien avant les étrangers et en profitent depuis toujours. Nos compétences, notre créativité, notre rapport essentiel à toute création cinématographique ne font plus de doute ici ou ailleurs. Nous vous épargnerons la séance de "name dropping" de nos membres dont l'excellence est reconnue partout et honorée de prix tout aussi nombreux que prestigieux. Les deux seuls détenteurs d'Oscar au Québec, dans le secteur privé, sont des membres du STCQ. Pourtant...

Nos conditions de travail. Une oeuvre cinématographique résulte, nous le répétons, du travail de toute une équipe qui participe à sa création. Les professionnels que sont les techniciennes et les techniciens, qui pratiquent leur métier dans l'industrie cinématographique, sont, certes, moins visibles que certains autres artisans, mais ils font partie intégrante du processus de création de l'oeuvre. Aussi, croyons-nous que nos membres ont un égal besoin de se voir reconnaître un statut professionnel et que leurs conditions d'engagement soient régies par une loi. Nos conditions de travail actuelles sont, encore aujourd'hui, réglementées par une entente collective de bonne foi, bona fide, avec l'Association des producteurs de films et de vidéo du Québec. Les producteurs, par l'intermédiaire de leur association, peuvent renier cette entente à leur guise, ce qu'ils n'ont pas hésité à faire à l'automne 1986, alors que l'association patronale, non satisfaite du déroulement des négociations -après six ans, je le répète - décidait unilatéralement que la convention collective prenait fin. D'un seul coup, les professionnels du cinéma sont retournés à l'âge de pierre, au temps du folklore cinématographique, des négociations individuelles, de l'anarchie, du travail sans conditions minimales et ce, avec la bénédiction de l'État qui continuait à subventionner les productions. Les producteurs peuvent également vouloir en changer les modalités en cours de route - à la baisse, à la baisse, évidemment. Cela s'est d'ailleurs tout récemment produit, alors que l'association patronale proposait, à toutes fins pratiques, de déchirer les pages de l'entente nouvellement conclue pour satisfaire aux exigences d'un groupe particulier de producteurs pourtant présents aux négociations.

Les producteurs peuvent aussi ne pas adhérer à l'APFVQ ou s'en retirer à loisir. Donc, se moquer des conditions de travail prescrites par notre convention, faire fi des règles élémentaires du professionnalisme requises pour la création d'un film ou d'un vidéo. Les producteurs, membres de l'APFVQ, peuvent tourner un projet sur support vidéo: séries télévisées, films publicitaires, vidéoclips, longs, moyens et courts métrages, et produire sans même s'Inquiéter de la convention collective, car l'APFVQ, bien qu'elle ait décrété avoir juridiction dans le domaine de la vidéo, nous en exclut farouchement.

Les producteurs peuvent tourner un film, une série au Québec avec des budgets très respectables, dont la plus grande partie provient, indirectement, du ministère des Affaires cultu-

relies, par l'intermédiaire de la Société générale du cinéma, et faire travailler les techniciens et techniciennes dans des conditions franchement inacceptables, avec la bénédiction du gouvernement, de l'association des producteurs, de tous; l'entente négociée est mise dans un tiroir. Cela s'est produit à quelques reprises en 1987.

Les producteurs peuvent faire semblant de respecter les règles. Une production démarre. Le producteur s'assure que les clauses les plus évidentes de la convention collective semblent respectées sur papier. Dans les faits, il agit à sa guise, n'a cure et bafoue la convention collective et sa propre association qui l'a négociée et signée en son nom avec nous. Cela s'est produit très récemment, alors qu'une productrice, membre de l'APFVQ, vice-présidente et trésorière de cette association, a pu tourner tout son projet, Les tisserands du pouvoir blanc, en violant allègrement des dizaines de clauses de fa convention collective.

Les producteurs peuvent, et ne se gênent pas pour le faire, engager des techniciens au noir, faisant fi de la convention collective encore une fois. Cela peut atteindre 30 % de la masse salariale pour les longs métrages et Jusqu'à 50 % pour les films publicitaires. Ils peuvent aussi recourir massivement à la sous-traitance en ignorant les clauses prévues à cet effet. Les producteurs, membres de l'APFVQ peuvent aussi engager des membres du STCQ sur un projet tout en refusant systématiquement d'appliquer la convention collective en vigueur et de signer les contrats d'engagement. C'est le cas du film Bethune. tourné en Chine, et bientôt à Montréal. Le résultat: des heures de travail interminables, des conditions de logement Inacceptables, plus de la moitié des membres d'une équipe malades. Techniciens et comédiens ont dû avoir recours à des moyens de pression pour faire comprendre au producteur que cela n'allait pas du tout. Au retour, au Québec, l'APFVQ ne sévit aucunement contre ce membre qui a violé de manière flagrante l'entente collective.

Les producteurs peuvent, peuvent, peuvent... Que peut le STCQ? Que peuvent ses membres? Comment demeurer de bonne foi, alors que notre convention collective est considérée comme un mal nécessaire ou peut tout bêtement, du jour au lendemain, être jetée au panier? Le gouvernement peut-il reconnaître un statut professionnel aux artistes et créateurs pour définir leurs conditions d'engagement, reconnaître leurs asociations aux fins de négociation d'ententes collectives avec les producteurs en excluant, par définition, cette composante essentielle à la matérialisation d'une oeuvre cinématographique que sont les techniciens? Le gouvernement préfère-t-il laisser les techniciens dans le no man's land juridique qu'ils occupent présentement?

La principale différence entre les techniciens pigistes et les autres groupes d'artistes, créateurs et interprètes, tient dans leur statut de salarié, aux fins de l'impôt, pour la majorité d'entre nous. Ils sont, comme les interprètes, rémunérés selon leur spécialité, soit à l'heure, soit à la journée, et non pour l'ensemble d'un projet, comme les scénaristes ou les réalisateurs. Toutefois, chaque technicien s'engage envers un producteur au moyen d'un contrat portant sur des prestations distinctes, selon l'article 4 du projet de loi 90, et il a la liberté de négocier et d'agréer les conditions auxquelles il est engagé par un producteur pour autant qu'elles ne soient pas moins avantageuses pour l'artiste qu'une condition prévue par l'entente collective. (22 heures)

Article 6 du projet de loi 90. Il y a un syndicat professionnel représentant les techniciens pigistes depuis 18 ans. Pendant cette période, le cinéma a beaucoup changé. 0e projets isolés et épiques, tournés par une bande de passionnés, nous sommes passés à une Industrie bien structurée, largement financée par l'État au moyen de subventions et d'abris fiscaux où oeuvrent de véritables artistes, de véritables professionnels. Pour nous, pourtant, rien n'a changé. Notre activité n'est pas appropriée aux mécanismes d'accréditation accordées en vertu du Code du travail. Nos conditions de travail ne sont pas réglementées par un décret adopté en vertu de la Loi sur les décrets de convention collective. La loi 109, Loi sur te cinéma, nous ignore totalement. Le projet de loi 59 visant à créer la SOGIC ne fait aucune mention des techniciens pigistes. Aux fins de statistiques, tant au fédéral qu'au provincial, nous n'existons tout simplement pas. ni comme salariés, ni comme travailleurs à temps plein ou à temps partiel, ni comme travailleurs temporaires, ni comme artistes, ni comme pigistes, ni à notre propre compte, nous n'existons pas. Pourtant, près de 2000 personnes gagnent leur vie en faisant principalement du cinéma. Survient un projet de loi qui correspond tout à fait à ce que nous sommes, qui répond à nos besoins, à nos aspirations professionnelles et à notre situation de travail. Ce projet confirme notre existence et notre représentativité, notre légitimité. Il reconnaît notre profession et son statut particulier. Il nous offre des garanties de relation plus encadrées et de négociations plus productives avec l'association patronale et ses membres qui ne pourront plus s'échapper à leur gré d'ententes pourtant conclues démocratiquement. Mais voilà qu'une définition et qu'un champ d'application incertains pourraient encore une fois nous obliger à nous contenter de regarder passer le bateau à bord duquel nos confrères de l'UDA, de la SARDEC, de la Guilde des musiciens pourront entreprendre la traversée vers des horizons nouveaux. Devrons-nous, nous aussi, attendre 50 ans avant qu'un gouvernement ne se décide à légitimer notre existence? Devrons-nous continuer à nous battre contre ces gérants de subventions que sont les producteurs et dont l'existence dépend des Impôts des Québécois et

des Canadiens, des impôts que nous payons comme techniciens? Nous avons le droit de faire partie de la traversée. Le projet de Eoi est fait sur mesure pour répondre aux besoins des techniciennes et techniciens du cinéma. Pour ce faire, nous recommandons que soit clarifiée la définition d'artiste, telle que prévue au projet de loi, afin qu'elle assure que les artisans du cinéma du Québec que nous représentons puissent bénéficier des avantages de cette loi.

Le Président (M. Trudel): Merci, M, le président. Mme la ministre des Affaires culturelles.

Mme Bacon: Alors, M. Leclerc, madame et messieurs, je voudrais vous féliciter pour la clarté de votre mémoire et vous dire combien c'est vrai que nous apprécions les valeurs professionnelles des techniciens techniciennes. Vous avez vous-mêmes mentionné les succès remportés déjà par les membres de votre regroupement et je pense que nous en sommes très fiers quand on nous apprend ces bonnes nouvelles. Il est évident que vous cherchez quand même un endroit où vous situer par rapport aux autres regroupements d'artistes, de créateurs, et vous nous avez donné quelques pistes dans votre mémoire.

À la page 3 de votre mémoire, vous nous parlez des membres, le regroupement du personnel artistique et technique qui est nécessaire à toutes les étapes, par exemple, de la production d'un film vidéo, que ce soit la préproduction, la production ou la post-production. Dans les métiers que vous mentionnez, est-ce qu'il y en a pour qui vraiment la loi devrait être clarifiée? Est-ce que c'est l'ensemble de ces métiers-là ou, si vous aviez à faire des choix, auxquels vous pourriez accoler - si je peux me permettre ce terme - le nom d'artiste, de créateur, d'auteur davantage par rapport à d'autres? Il y en a quand même 57.

M. Desmarais (Jacques): Si vous me permettez, Mme la ministre, dans te même esprit qui était soulevé tantôt par ta présidente de l'association des producteurs, il n'est, aucunement de l'intention du syndicat des techniciens de morceler les groupes de personnes pour lesquels il a négocié depuis plusieurs années des conventions collectives. Dans cet esprit-là, on fait tous partie du même groupe, nous sommes des artisans du cinéma qui font en sorte que ce septième art québécois vive quotidiennement.

Mme Bacon: Pour vous...

M. Desmarais: C'est pour cela qu'on a un problème avec les termes qui sont employés. Si on se met à regarder l'ensemble des dictionnaires et encyclopédies qui cherchent à définir le mot créateur, où est-ce que cela s'arrêtera dans la liste? Le mot "créateur" qui crée. Le cadreur, le monteur, l'éclairagiste, l'assistant réalisateur, le régisseur... Est-ce qu'il faudrait, à un moment donné, dire que là il y a une barrière parce qu'on a choisi un terme qui est le mot créateur? Que ça s'arrête là, et qu'on ne couvre plus ces gens-là? Qu'est-ce qui va arriver d'eux? On ne ie sait pas, parce qu'on a choisi le mot créateur. Tout le fond de notre intervention ici est pour vous signaler que nous croyons que l'emploi du mot "créateur"... Pas le mot "artiste". Pour nous, le mot "artiste" fait tout à fait notre affaire: qui pratique un art ou autre. Cela, c'est merveilleux parce que cela couvre à peu près tout le monde, autant les gens qui se servent de leurs mains, de leur tête que ceux qui se servent de techniques. C'est quand on ajoute: "à titre de créateur ou d'interprète". "Interprète" ne pose pas de problème. Mais "à titre de créateur", c'est avec l'emploi de ce terme qu'on a des difficultés et on ne pense pas qu'il faille laisser à la commission le soin de décider à qui s'applique ce projet de loi. C'est votre tâche, comme législateurs, de vous assurer, avec le plus de précision possible, quelles sont les personnes qui sont visées par ce projet de loi. Notre seule raison d'être ici est de vous dire: Votre emploi du terme "créateur" pose des problèmes. Si votre intention est de couvrir l'ensemble des artisans de ce milieu qui s'appelle les arts de la scène et du cinéma, le septième art québécois, on s'empressera rapidement de trouver la terminologie qu'il faut pour couvrir ces gens-là.

Mme Bacon: Je vais vous poser ma question autrement. Quels sont ceux dans la liste qui ne seraient pas des artistes au sens de la loi et pour qui la loi devrait être clarifiée?

M. Leclerc (François): Est-ce que vous voulez qu'on vous les donne, qu'on les choisisse parmi les 56? Lesquels, d'après nous...

Mme Bacon: Est-ce que vous avez fait cet exercice-là vous-mêmes?

M. Leclerc (François): Oui. Pour nous, la proportion...

Mme Bacon: Donnez-moi quelques exemples; je ne vous demande pas de tous les donner, mais quelques exemples si vous en avez.

M. Leclerc (François): La proportion à laquelle on est" arrivé, c'était qu'il y avait environ 35 ou 40 postes sur les 56 où la personne était un créateur ou était en voie de le devenir. Il y a quand même chez nous tout un système d'apprentissage des différentes techniques, des différents métiers, des différentes spécialités. Là-dessus, il y en a de 35 à 40. Cela en laisse 16 où il y a certainement une part de création qui peut varier - cela peut même être selon les projets - mais où iI y a peut-être plus de bras, ou plus de papier, ou plus d'activité

physique sur un plateau de cinéma. Je pense à des régisseurs, à des assistants-réalisateurs et tout cela, qu'on appelle techniciens mais qui n'ont pas une technique, qui ne jouent pas avec de l'équipement, mais qu'on appelle techniciens comme tels.

Mme Bacon: Vous dites qu'il y en a de 35 à 40 qui seraient des artistes, au sens strict du terme, selon la loi.

M. Leclerc (François): Selon notre calcul.

Mme Bacon: Si j'ai bien compris, au fond, vous êtes un syndicat professionnel, vous n'avez pas d'accréditation. Pourquoi préférez-vous être inclus dans le projet de loi 90 plutôt qu'avoir une accréditation au sens du Code du travail, par exemple?

M. Desmarais: On ne le peut pas Imaginez-vous combien cela prend de temps à avoir une accréditation? Le film va être fini depuis six mois! À quel moment établit-on la majorité? Avant que le film commence? Au bout du troisième jour, au bout du vingtième jour de tournage? II faut établir une majorité à un moment donné. Le mode d'accréditation au sens du Code du travail est absolument inapproprié pour ce genre d'entreprise qui s'appelle la production de films Cela commence un jour, cela peut reprendre six mois plus tard. Cela sera-t-il pendant le fait qu'il n'y a pas de tournage que l'accréditation va être demandée, pour prendre la queue du film? Ce n'est pas possible.

Mme Bacon: À cause des lenteurs?

M. Desmarais: Non, à cause de l'impossibilité de fixer un moment. Il n'y a aucune stabilité. L'équipe qui travaille varie de jour en jour.

Mme Bacon: Cette équipe n'est pas composée de tout ce monde-là en même temps.

M. Desmarais: Jamais, jamais.

Mme Bacon: C'est ce que vous voulez dire.

M. Desmarais: II peut y en avoir 3 un jour...

Mme Bacon: Oui.

M. Desmarais: ...il peut y en avoir 100 le lendemain, il peut y en avoir 17 la semaine suivante.

M. Leclerc (François): L'autre aspect qui est intéressant pour nous, c'est que, même en posant l'hypothèse que, d'une certaine manière, une accréditation est possible, cela nous place automatiquement dans la catégorie des salariés. Nous ne sommes pas convaincus... Je pense qu'une bonne majorité de nos membres veulent avoir le choix d'être salariés ou d'être travailleurs autonomes. Selon le point où chacun en est dans sa carrière, pour lui, ça pourra être Intéressant d'aller d'un côté ou de l'autre. Avec le projet de loi, il y a des modifications, des aménagements fiscaux qui vont venir, qui, eux, n'existeront pas du tout avec une accréditation régulière. Ça correspond, de toute façon, à la démarche qu'on a faite en s'associant, depuis le début, aux autres professions qui font du cinéma, que ce soient les scénaristes, les comédiens, les réalisateurs et même les musiciens.

Mme Bacon: En fait, les artistes en art d'interprétation. Vous vous associez davantage à eux.

M. Leclerc (François): Je pense qu'on s'associe à chacun de ces groupes-là. Absolument, puisque nous considérons que l'intervention de chacun de ces spécialistes, de chacun de ces artistes est nécessaire pour faire un film. Il n'y a pas de film s'il n'y a pas de réalisateur, il n'y a pas un film s'il n'y a pas de comédiens, il n'y a pas de film s'il n'y a pas de techniciens. Et c'est le travail de tout ce monde-là, qui n'est pas nécessairement simultané, qui donne, au bout du compte, le film.

M. Desmarais: Si vous permettez, Mme la ministre, l'appui significatif que l'Union des artistes a donné ce matin à notre préoccupation est une indication que cette idée de communauté d'intérêts est réciproque de sa part.

Mme Bacon: D'un côté, vous me dites que vous ne voulez pas morceler les gens qui font partie de votre regroupement et, et de l'autre, on s'aperçoit que, quand on veut définir qui est artiste au sens de la loi, il y a quand même, disons, 16 catégories sur 56 où les gens ne seraient pas des artistes. Comment peut-on arriver à inclure tout ce monde-là dans la même loi et dire que ce sont tous des artistes?

M. Desmarais: II y a une façon, c'est d'éliminer la référence "à titre de créateurs ou d'interprètes". Si vous enlevez ces termes-là, pour nous, ça couvre tout le monde qui travaille à son compte, parce qu'on ne remet pas ça en cause, aucunement, pigistes, travailleurs autonomes. Ou bien ajoutez le terme "technicien", qui est reconnu au sens commun, par tout le monde, comme couvrant l'ensemble des occupations qui sont énumérées aux pages 3, 4 et 5 du mémoire. "Employé qui pratique un art visé à l'article 1", on serait tout à fait satisfaits d'une formule comme celle-là. Ou bien vous la faites large et on pense que la référence au mot "artistique", avec les recherches qu'on a faites dans les dictionnaires, parce que c'est là qu'il faut se

retrouver quand on cherche à donner un sens à un terme employé par le législateur... le mot "créateur" n'est employé dans aucune loi ailleurs. On a cherché, on n'a pas trouvé. Le mot "artisan" l'est, mais, habituellement, le mot "artisan" ne vise que les gens quant à leur statut de travailleur autonome. On parte d'artisans dans la Loi de santé et de sécurité, on parle d'artisans dans la loi sur les décrets de convention collective, on parle d'artisans dans la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, mais toujours pour désigner des personnes en tant que travailleurs plus ou moins autonomes. (22 h 15)

Alors, on veut éviter d'employer le mot "artisan", qui est aussi employé dans le sens commun, mais qui, dans d'autres lois, veut dire autre chose. Si on l'employait là, il faudrait présumer que le législateur a voulu lui donner le même sens cette fois-ci. C'est pour ça que "technicien", ce serait une solution. Le sens commun, en tout cas dans l'industrie du cinéma, comprend ces occupations. Et même, tantôt, la présidente de l'association s'est référée au technicien. Elle a compris le projet de loi - en tout cas, pour la partie qu'elle a comprise. Quant à cette partie - je citais le président de la commission, ex-confrère de collège - elle pense que les techniciens sont couverts. Il ne manque que vous, Mme la ministre.

Mme Bacon: Je pense qu'on n'a pas les mêmes responsabilités. Disons qu'on va parler d'une façon hypothétique. Si nous acceptions les 30 ou 35 personnes de la liste, qui, comme vous le dites, seraient des artistes au sens de la loi, qu'est-ce qu'il arriverait des autres?

M. Desmarais: Le no man's land, ce sont eux qui l'ont après cela. Ils ne peuvent pas s'accréditer, ils demeurent autonomes, pigistes, et il y a une question... Indépendamment du caractère inapproprié du mode d'accréditation dont je parlais tantôt, il y a un flottement dans la jurisprudence, à savoir s'ils sont à leur compte ou non. Deuxième obstacle. À part cela, ils ne sont nulle part. Ils sont minoritaires, ils sont un peu dégradés si on dit: Bien, vous, on vous a oubliés, vous n'êtes pas de véritables créateurs, vous contribuez à ce septième art de façon... On a reconnu que vous faisiez partie d'une équipe absolument merveilleuse, qui place le Québec un peu partout dans le monde, mais... Hélas, un jour, on s'est mis à faire une clôture, on trouvait que vous ne créiez pas, hélas! C'est intenable. Et, comme association, comme syndicat, vous imaginez la position dans laquelle vous tes mettez? Ces gens travaillent quotidiennement tous ensemble. Il y a une pratique historique depuis 18 ans et, pour rassurer Mme Raymond, il n'est aucunement de l'intention du syndicat de morceler, d'aucune façon. Tous ces gens sentent qu'ils sont partie liée, avec tous les aléas que cela comporte pour la production d'un film. Ils veulent continuer à fonctionner ensemble, ils veulent continuer à pouvoir négocier une convention collective, mais Ils ne veulent pas laisser cela dans... Ce n'est pas un vide juridique. Vous avez employé ce matin les mots "vide juridique" dans votre Intervention d'ouverture. Le vide juridique que vous voulez combler pour les Interprètes qui sont à l'origine de ce mouvement qui nous amène aujourd'hui ici serait équivalent pour ceux que vous laisseriez de côté.

Mme Bacon: Oui, mais vous le dites vous-même, Me Desmarais, que, quand on regarde l'ensemble des métiers, iI y a des métiers qui sont là-dedans et qui ne peuvent pas être considérés au sens de la loi comme des métiers artistiques.

M. Desmarais: C'est parce que vous avez choisi d'employer le mot "créateur". Moi, je vous proposerais de regarder le problème différemment. À l'intention de qui voulez-vous reconnaître le statut professionnel et définir les conditions d'engagement? C'est pour réglementer les rapports de travail dans les industries culturelles. C'est cela que vous voulez. Vous avez décidé...

Mme Bacon: Des artistes, des créateurs et des producteurs.

M. Desmarais: Oui. Bon! La demande originale venait de l'Union des artistes qui représente principalement des interprètes. Vous n'avez pas voulu trop singulariser ce groupe, cette association. Vous avez voulu faire une loi générale pour une industrie. Subitement, quand vous vous mettez à rédiger votre loi, vous vous rendez compte que les termes que vous employez ont une certaine portée. Nous vous disons que l'emploi d'un terme fait problème. La solution au problème, c'est de changer ce terme. Si votre intention est de régir correctement les rapports collectifs et de reconnaître un statut professionnel, je pense qu'on peut s'entendre pour faire cet effort.

Mme Bacon: Cela va, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Mercier.

M. Godin: Une seule question, M. le président du syndicat. Est-ce qu'il n'y a pas, dans le domaine du disque, des techniciens et dans le domaine de la scène aussi? Si on ouvre la porte au gouvernement, ce dernier ne s'exposera-t-il pas à avoir une demande similaire de la part des techniciens du disque en studio, ceux qui ajustent les appareils du son et tout cela, et idem pour la scène, les transporteurs de décors? Comme il y en a au cinéma, il y en a aussi à la Place des Arts et dans d'autres institutions

culturelles à Montréal ou à Québec. Vous ne croyez pas qu'eux aussi pourraient figurer au même titre que vos membres syndiqués dans l'ensemble dont vous parlez et n'y a-t-il pas un risque là qu'on court vraiment absolument tout le monde, à moins de stipuler dans la loi techniciens du cinéma", excluant le disque et la scène?

M. Leclerc (François): Concernant les autres groupes auxquels vous vous référez, ces gens-là, si je comprends bien la loi, sont exclus de la loi par le petit article 3, c'est-à-dire qu'ils possèdent des accréditations dans ces lieux précis, le stade olympique, le Forum, la Place des Arts - il y a certains autres lieux à Québec - et c'est un syndicat en particulier qui détient ces accréditations.

M. Godin: D'après vous, il n'y a aucun danger qu'ils se réclament de votre gain à la loi pour... Ils sont déjà couverts par d'autres statuts du Québec, si je comprends bien.

M. Desmarais: Notre analyse nous amène à conclure que non parce que ce sont pour la grande majorité des salariés. Ils sont engagés en permanence par la Place des Arts, par le Théâtre du Nouveau Monde, par le Grand Théâtre à Québec, lis sont couverts par des conventions collectives négociées par des syndicats déjà. Ils sont donc exclus par l'article 3 et je suis persuadé que tous ces groupes-là ne sont pas intéressés à travailler à leur propre compte.

M. Godin: Je suis très sensible et très sympathique à la demande que vous faites parce qu'effectivement ce sont des lieux de travail très temporaires que ceux où un film se tourne et il n'y a aucun moyen de vous protéger, sinon par une loi semblable, si je comprends bien.

M. Leclerc (François): Les employeurs sont aussi temporaires que les lieux de tournage. Les employeurs n'existent pas pendant une longue période.

M. Godin: Je ne sais pas si la ministre a une idée... Je pense que la solution serait peut-être d'ajouter les techniciens du cinéma, quitte à ce qu'en annexe on ait une liste s'inspirant de la vôtre, excluant peut-être le manipulateur du générateur mais incluant te cadreur, l'éclalragiste et les métiers vraiment reliés par la tradition cinématographique à de la création.

Mme Bacon: ...un choix de 36 sur les 56.

M. Godin: C'est cela, oui.

Mme Bacon: Ce n'est pas ce qu'ils veulent.

M. Godin: Vous voulez tout, vous voulez toute ia liste au complet, si je comprends bien.

M. Desmarais: On a une tradition historique de représentations et de négociations. Si les producteurs étaient venus vous dire: Cela n'a pas d'allure de prendre ce monde, là, on aurait de la misère, mais non, on veut tout simplement pouvoir continuer de négocier une convention collective et de représenter un groupe de personnes. Oui, oui, il y a des difficultés de rapports collectifs, mais personne ne remet en cause l'existence de ce groupe qui s'appelle les techniciens. On n'a aucunement l'intention de morceler ce groupe et, faire ce que vous suggérez un peu, cela donnerait ce résultat. Peut-être qu'un jour il y aurait deux conventions collectives: une pour les techniciens qui sont couverts par la loi et une autre pour les techniciens qui ne sont pas couverts par la loi, d'ailleurs comme avant. Le groupe serait plus petit, cela n'irait pas mieux, il ne serait que plus petit et, là, le film pourrait bloquer parce que les manipulateurs de générateurs décideraient d'arrêter. Cela serait un peu nlaiseux.

M. Godin: Je ne suis qu'un seul simple député d'Opposition, donc, je vais me remettre entre les mains de la ministre qui, elle, a le pouvoir de vous dire oui ou non. Je souhaite qu'elle vous dise oui.

Le Président (M. Trudel): Mais vous êtes encore député, c'est déjà cela. Merci, M. le député de Mercier, Mme la députée de Chicou- timi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président, Madame messieurs, bonsoir. J'aurais une première question. Tout à l'heure, vous parliez d'un des avantages, c'est que les aménagements fiscaux qui vont être accordés permettent de payer moins d'impôt, d'avoir de meilleures conditions. Une des recommandations de l'UDA ce matin était de dire, en parlant de la fiscalité, qu'on pourrait penser, comme il est difficile de comptabiliser chacune des dépenses liées à la création, qu'une somme forfaitaire de 30 % du revenu provenant de la profession d'artiste pourrait être déduite du revenu. Mais on sait que créer pour un artiste, se produire, pour un interprète, ce sont des costumes, le maquillage, un certain nombre de frais - pour les danseurs la même chose. Autrement dit, pour tous les artistes, créateurs, interprètes, il y a des frais de création, qu'on reconnaît tous mais . qui. ne sont pas reconnus, finalement. J'ai eu beau regarder à deux ou trois reprises, je vois peu de fonctions pour lesquelles on pourrait justifier de réels frais de création.

M. Leclerc (François): Si vous acceptez le fait que les employeurs ne sont là que pour une courte période, les employeurs, par exemple, ne participent aucunement à la formation, ne

participent aucunement au perfectionnement des techniciens. Ces gens-là doivent arriver, être entraînés, être au fait de la dernière pièce d'équipement qui est sortie sur le marché, savoir comment l'utiliser, au fait des nouvelles techniques, des nouveaux designs, pour une personne qui est plus du côté du décor. Cela signifie qu'on sort un peu, qu'on encourt des dépenses, qu'on doit être abonné à des revues. On doit aller voir des expositions, on doit avoir des contacts avec les autres artistes, puisqu'il ne s'agit pas d'un art qui est isolé, mais qui est vraiment interdépendant de toutes sortes d'autres sources. C'est un des besoins, entre autres, le besoin de formation et de perfectionnement. À cela s'ajoutent des métiers où on a besoin d'équipement spécialisé. Une scripte assistante, d'ici très peu de temps, va fonctionner sur un plateau avec un ordinateur. Ce n'est certainement pas le producteur qui va lui fournir un ordinateur, ce n'est pas le producteur qui l'engage pour un message publicitaire de deux jours. Ce sont des dépenses encourues pour pouvoir fournir des services professionnels.

Mme Blackburn: On parle des techniciens du cinéma, mais il faudrait aussi penser aux techniciens de la scène, à ceux qui s'occupent... Si on avait un terme - je lance cela comme cela - pour se donner une espèce de grille d'analyse, à savoir s'ils sont de l'ordre des créateurs... Des artistes, non. Si on parlait de concepteurs, du moment où il y a une conception, quand quelqu'un n'est pas juste en train de réaliser ce qui est conçu par quelqu'un d'autre; c'est moins de l'ordre de la création que de la conception. La conception, c'est un niveau plus bas, c'est plus de l'ordre technique. Si on utilisait un terme semblable, comment ceux qui conçoivent, qui ont une certaine responsabilité professionnelle pour concevoir dans les différents postes qui sont identifiés... Prenons seulement la première page, pour ne pas faire les 57. Si on avait un terme qui nous permette de voir que dans certains métiers il y a une certaine liberté professionnelle, un certain besoin de création. Je pensais conception. On dit concevoir les éclairages, concevoir...

M. Leclerc (François): C'est difficile pour moi de vous répondre. (22 h 30)

M. Desmarais: Je serais porté à faire une discussion très prolongée et à faire les études qu'il faut pour faire une proposition en dix volets, si on a l'assurance que cet exercice n'est pas vain, si Mme la ministre nous dit rapidement: Oui, j'ai l'Intention de couvrir les personnes que vous représentez parce que c'est un objectif avec lequel je suis d'accord, je suis sûr qu'on va s'entendre rapidement sur une formule qui ne sera pas trop extensive, qui permettra de protéger les objectifs principaux de ce projet de loi. Si c'est seulement cela qui manque, je suis sûr qu'on trouvera une formule.

Mme Blackburn: Messieurs dames, je laisserai la parole à Mme la ministre. Moi, je vais dire comme mon collègue, la réponse viendra vraisemblablement de la ministre.

Je suis assez sensible à votre démonstration, sauf que je trouve que ce n'est pas vraiment facile à intégrer à l'intérieur, mais je pense qu'il devrait y avoir un effort de fait pour trouver une définition qui ne soit pas si large que n'importe qui puisse entrer là-dedans, y compris celui qui ouvre les portes. À un moment donné, il faut commencer quelque part et il faut aussi s'arrêter quelque part. Je pense qu'il faudrait avoir une préoccupation particulière par rapport à ce secteur d'activité. Je vous remercie.

Le Président (M. Trudel): Merci, madame. Vous permettez, M. le président? J'ai écouté ce que vous avez dit tantôt et, bien qu'étant sensible et sympathique à votre cause, je ne sais pas si on peut - je ne parle évidemment pas au nom de la ministre, je parle en mon nom personnel - je ne vois pas ce soir à tout le moins comment on peut régler le problème dans les termes que vous avez vous-mêmes posés, et je vous comprends parfaitement. Vous nous dites: Si on en choisissait, pur exercice théorique, 25, 36, 44 sur 56, qu'arriverait-il des autres? Alors, vous avez, M. Desmarais, notamment, bien décrit ce qui pourrait arriver des autres. Je n'ai pas l'impression que cela serait une solution.

D'autre part, pour moi - ce soir, à tout le moins - intégrer les 56, dites-vous, 57, passez-moi l'expression, d'une claque n'est pas une solution non plus, parce qu'il y a création et création, il y a conception et conception. Je ne parlerai pas de Mme la ministre des Affaires culturelles. Je vois que Mme l'adjointe au ministre du Revenu est présente. J'ai envie de lui dire que je n'ose pas imaginer la première réaction de M le ministre du Revenu, M. Séguin - je veux que ce soit pris dans le bon sens - quand on va lui dire que le numéro 25, un peintre, est soudainement devenu, parce que - là, j'oublie les autres problèmes que vous pouvez avoir - travaillant dans le milieu du cinéma, artiste-créateur, quelle que soit l'expression qu'on prenne, cela va lui prendre une bonne dose de largeur de vue au minimum pour ouvrir une discussion là-dessus.

M. Leclerc (François): Cela nous fera plaisir d'aller le lui expliquer. On devra lui parier aussi, de toute façon, des questions qui relèvent de son ministère.

Le Président (M. Trudel): D'accord, mais vous comprenez ce que Je veux dire, c'est-à-dire que je suis un peu pris ce soir. Je regarde cela et vous me dites: On ne peut pas, on va avoir de la difficulté à exclure des gens, ce que je comprends parfaitement, mais, ce soir, j'ai de la

difficulté à inclure tout le monde. Ce que je vous suggère - de toute façon, la décision revient à Mme la ministre - on ne commencera pas à négocier cela d'un côté et de l'autre de la table, à 22 h 35 le soir. Quant à mol, je me permettrai de réfléchir encore. L'étude article par article ne vient pas encore avant la semaine prochaine, de toute façon, on a peut-être le temps. Oui, M. Desmarais.

M. Desmarais: Si vous me permettez une dernière remarque. La définition de travailleur-créateur, à des fins de fiscalité, ne doit pas nécessairement être la même que celle qui se trouve dans le projet de loi qui est devant nous aujourd'hui. Il n'y a absolument rien qui oblige à lier l'un à l'autre. Cela peut être une indication. Tantôt, c'est ce qu'on a répondu à M. Plamondon, qu'il n'y avait pas un lien nécessaire entre l'un et l'autre. Alors, au nom de cette même attitude...

Le Président (M. Trudel): Disons que c'était un exemple. Je comprends parfaitement votre point. Vous avez raison de le souligner parce qu'effectivement on a répondu cela à l'interlocuteur précédent. Je donnais cela à titre d'exemple. Je pourrais vous donner d'autres exemples. De toute façon, la difficulté que j'ai ce soir, c'est d'accepter que les 57 corps de métier représentés soient considérés soudainement à l'intérieur de ce projet de loi. Peut-être existe-t-il une autre solution ailleurs, il reste sûrement à voir. Quant à moi, votre mémoire est un des très bons qu'on a eus devant nous, qu'on a eu l'occasion de lire aujourd'hui, et je vous en remercie. Je vais poursuivre mes réflexions en espérant qu'on puisse arriver à une solution qui vous satisfasse. Mme la ministre, avez-vous un mot à ajouter? Messieurs, merci.

Pour en venir à une remarque que je faisais au début, je n'osais pas le lui dire, mais cela me rassure beaucoup quand je vois mon ami Turgeon, encore les cheveux tout noirs, et que je vols mon ami Desmarais, avec les cheveux plus blancs que les miens. Cela me rassure beaucoup sur ce qui est advenu de notre génération. Alors, messieurs, merci. Bon retour à Montréal.

M. Leclerc (François): Merci beaucoup.

Le Président (M. Trudel): Alors, comme il est 22 h 35, nous allons passer, si vous le voulez bien, immédiatement au 9e groupe que nous recevons aujourd'hui, je pense, l'ACTRA. Je pense que les gens de l'ACTRA sont arrivés.

Alors, mesdames et messieurs, bienvenue, vous êtes quatre et j'ai trois noms sur ma feuille d'invités. Donc, nous avons M. Garry Neil, qui est le secrétaire général; Mme Judith Harvey, conseillère syndicale; M. Yvan Brodeur, conseiller juridique. Alors, bienvenue, mesdames et messieurs. Je vous cède immédiatement la parole pour 20 minutes, afin que vous nous exprimiez votre point de vue. Nous avons reçu votre mémoire, au secrétariat de la commission, hier, durant la journée. Il a été distribué en fin de journée aux membres de la commission. Donc, on peut présumer qu'il a été lu par tous les membres de ta commission. Allez-y, madame.

Mme Harvey (Judith): En français ou en anglais? Parce que nous avons maintenant la version française si vous voulez l'avoir.

Le Président (M. Trudel): On a la version française, oui. On l'a reçue hier. On avait l'original anglais et la version française. Alors, allez-y.

Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists

M. Neil (Garry): Merci, M. le Président. Mme la ministre. Bonsoir, je m'appelle Garry Neil. Je suis te secrétaire général de i'ACTRA, Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists. C'est une organisation groupant plus de 9000 artistes, interprètes, écrivains et journalistes de la presse électronique qui travaillent dans le secteur des médias canadiens de langue anglaise. Avec moi, aujourd'hui, j'ai Mme Judith Harvey, la directrice de notre bureau à Montréal; Mme Kelly Ricard, un membre de notre conseil à Montréal, et Me Yvan Brodeur, conseiller juridique.

Je ne pourrai pas faire moi-même la présentation de notre mémoire, à cause de la qualité de mon français. Donc, mes collègues présenteront le mémoire de l'ACTRA. Après notre présentation, nous serons heureux de répondre à vos questions, mais nous devrons compter sur votre patience pendant que nous interpréterons et que nous nous consulterons. Nous vous remercions de nous avoir permis de vous présenter le point de vue de l'ACTRA, particulièrement de plus de 800 membres québécois.

Mme Harvey: Bonsoir. Nous tenons à vous féliciter chaleureusement pour le travail important que vous avez accompli pour la reconnaissance d'un statut pour les artistes. L'ACTRA est tout à fait d'accord avec les objectifs généraux du projet de loi. Nous sommes prêts à faire les changements nécessaire à nos procédures et à nos conventions collectives. Nous endossons plusieurs des remarques faites devant vous, ce matin, par l'Union des artistes et la SARDEC. Cependant, à cause de nos structures particulières et de notre juridiction différente de celle de l'union, nous avons quelques préoccupations supplémentaires dont nous voudrions vous faire part. Je voudrais vous présenter Me Yvan Brodeur, qui va expliquer en détail les propositions principales de notre mémoire. M. Brodeur.

M. Brodeur (Yvan): Alors, je toucherai sept sujets, M. le Président, messieurs et mesdames

les membres de la commission. J'essaierai d'être succinct et aussi clair que possible, à cette heure-ci. Le premier point se réfère à l'article 2 de la loi, plus précisément à la définition du mot "artiste". Ce que l'ACTRA demande, c'est que l'on reconnaisse explicitement que la loi ne restreint pas le droit des artistes de pratiquer leur art par le biais d'une corporation. On sait que, dans le domaine artistique, il arrive souvent, et c'est une formule bien connue dans le milieu, que des artistes pratiquent leur art par le truchement d'une corporation. Il pourrait y avoir, à l'article 2, une modification qui tienne compte de cette réalité, sans affecter pour autant le projet de loi dans ses objectifs. Je me permets de suggérer une modification, il pourrait y avoir aussi bien, j'imagine, une modification aux articles 4, 5 ou 6 de la loi ou une modification particulière qui viserait à reconnaître cette réalité. Celle que je vous suggère aurait pour effet d'ajouter les mots "ou par le biais d'une corporation", après les mots "à son propre compte". Donc, l'article se lirait comme suit: "artiste": une personne physique qui pratique un art à son propre compte ou par le biais d'une corporation, moyennant rémunération, à titre de créateur ou d'interprète, dans un domaine visé à l'article 1." Je ne veux pas me substituer aux rédacteurs du projet de loi, qui connaissent leur matériel mieux que moi, j'en suis convaincu, mais je pense que le but recherché est explicité clairement.

La deuxième question touche les articles 2, 7, deuxième paragraphe, 61 et 62; j'ai regroupé tout cela. L'article 2 définit l'artiste comme une personne physique qui pratique un art à titre de créateur ou d'interprète - j'insiste sur ces mots, "à titre de créateur ou d'Interprète" - dans un domaine visé à l'article 1. L'ACTRA est évidemment visée par le présente loi, puisqu'elle représente des créateurs et des interprètes, notamment dans les secteurs du cinéma, du disque et de la publicité, dans des productions de langue anglaise, au Canada, et plus particulièrement au Québec. L'ACTRA représente également, dans des productions de langue anglaise, à la radio et à la télévision, des créateurs et des interprètes, mais aussi des journalistes professionnels.

Or, l'article 7.2° se lit comme suit: "A droit à la reconnaissance, l'association d'artistes qui satisfait aux conditions suivantes: 2° elle est formée exclusivement d'artistes et, le cas échéant, de personnes en voie de se qualifier comme artistes;" Évidemment, le mot "exclusivement" pose ici problème, particulièrement à cause de ces journalistes professionnels membres de l'ACTRA.

Mais la définition comprend aussi un autre problème. À notre avis, il serait important de modifier le texte pour indiquer "elle représente des artistes" plutôt que "elle est formée exclusivement d'artistes". Je m'explique. Si on dit: "elle est formée d'artistes", même si on enlève le mot "exclusivement", je ne suis pas certain qu'on résolve bien le problème, qu'on trouve Ici une solution. "Elle est formée d'artistes", ma foi, cela peut laisser entendre qu'elle n'est formée que d'artistes. Je ne vois pas ce que le projet de loi perdrait dans son essence en Indiquant qu'essentiellement elle représente des artistes.

L'importance de modifier la définition de l'artiste est énorme dans le projet de loi. Elle est énorme, bien sûr, si on tient compte des pouvoirs que la commission aura et des balises ou des éléments de référence avec lesquels elle devra travailler, mais elle est aussi importante en particulier par rapport aux articles 61 et 62 de la loi. L'article 61 nous dit: Toute entente collective qui lie une association d'artistes et un producteur ou une association de producteurs est présumée avoir été conclue en vertu de la présente loi." On dit "qui Iie une association d'artistes". Les mêmes mots apparaissent à la disposition suivante. Pour que les articles 61 et 62 s'appliquent, encore faut-il qu'il s'agisse bien d'une association d'artistes. Alors, ce que nous disons précisément, c'est que, tenant compte des articles 2 et 7, deuxième alinéa, on pourrait se demander, lorsqu'on lit les dispositions de la loi, si l'ACTRA se qualifie à titre d'association d'artistes, je pense qu'il est évident, lorsqu'on regarde les articles 61 et 62, que le législateur veut que l'ACTRA soit couverte et que les ententes signées par t'ACTRA aient pleine valeur juridique aux termes de la loi. (22 h 45)

Le troisième point, les articles 33 et 34 de la loi. L'article 33.1° se lit: "Pendant la durée d'une entente collective ou d'une décision arbitrale, il est interdit à une association reconnue et aux artistes qu'elle représente de boycotter ou de conseiller ou d'enjoindre à des artistes de boycotter un producteur ou une association de producteurs lié par cette entente ou décision ou d'exercer à l'égard de ces derniers un moyen de pression de même nature."

L'ACTRA comprend bien le parallèle que les rédacteurs du projet de loi établissent ici avec certaines dispositions du Code du travail, parallèle qui vise à "civiliser" - entre guillemets - les "relations du travail" - toujours entre guillemets - qui ont cours dans ce milieu-ci. Pour autant, elle lit les articles 33 et 34 avec des réticences importantes. Pourquoi? À cause de la nature même des productions artistiques. Il s'agit d'avoir travaillé un peu dans ce domaine pour être bien conscient que, très souvent, des producteurs créent une corporation pour lancer un produit particulier, comme un film, et, ma foi, soudainement, une autre corporation est créée par les mêmes personnes pour lancer un autre film. La première corporation voit ses fonds sécher et ses comptes de banque descendre abruptement. Malheureusement, il ne reste pas d'argent pour payer les artistes. Les mêmes personnes physiques qui étaient derrière cette entreprise, on les retrouve derrière une

deuxième, une troisième et une quatrième entreprise. On est dans un domaine où, finalement, il y a une volatilité très particulière. Cela fait en sorte qu'on se demande si les dispositions du Code du travail, qui sont là pour s'appliquer dans un cadre où, par définition, il y a une certaine stabilité d'employeurs, sont parfaitement compatibles avec un régime de relations Juridiques comme celui-ci et avec une situation concrète comme celle-ci.

En conséquence, nous demandons que cette limitation quant au boycott soit retirée. Toutefois, si l'Assemblée nationale choisissait de conserver la limitation, nous demandons qu'on rajoute des dispositions qui permettent une application plus facile des dispositions de l'entente collective. Nous nous référons ici à deux types de dispositions en particulier: les dispositions qui touchent l'arbitrage, comme on en retrouve aux articles 100 et suivants du Code du travail; je me réfère au caractère statutaire de l'arbitre, à la possibilité d'assigner des témoins et de tenir une enquête, je n'insiste pas sur les détails, ils sont bien connus; à la possibilité du dépôt de la sentence arbitrale en Cour supérieure pour en assurer et faciliter l'exécution; finalement, je me réfère aussi aux dispositions des articles 45 et 46 du Code du travail, qui, dans une certaine mesure, pensons-nous, pourraient être utiles ici lorsqu'il y a changement d'employeur.

Il s'agit, de façon subsidiaire, d'une demande qui est vraiment minimale, nous semble-t-il, que l'on a pensé utile d'ajouter au Code du travail il y a quelques années iI s'agit de dispositions qu'on retrouve à la Loi sur l'assurance-maladie, par exemple, qu'on a ajoutées également il y a quelques années; je me réfère à celles touchant l'arbitrage. On pense qu'il s'agit de dispositions qu'il serait utile d'ajouter au projet de loi.

Le quatrième point, l'article 8, troisième et quatrième paragraphes. Le problème que nous soulevons ici est celui de la convocation d'une assemblée générale. Pourquoi pas? Au fond, parce que, sur le plan démocratique, l'ACTRA éprouve des difficultés à demander à ses membres ce qu'ils veulent et ce qu'ils choisissent comme politique d'orientation. L'ACTRA a une constitution qui garantit la démocratie comme la plupart des organisations syndicales. Mais l'ACTRA est une association nationale qui regroupe des artistes dans tout le Canada Ce sont des artistes des secteurs que je décrivais tantôt et qui oeuvrent dans les productions de langue anglaise tout comme l'UDA, l'Union des artistes, regroupe des artistes qui oeuvrent au Canada, de la même façon, dans des productions de langue française.

Étant donné la lourdeur, si l'on veut, de l'exercice de ce processus démocratique, - il est vraiment impensable pour l'ACTRA de tenir des assemblées générales dans tout le pays. Les seules assemblées générales qui se tiennent dans ie cas de l'ACTRA, selon sa constitution, se tiennent à l'échelle des régions. Elles ont très peu de pouvoirs finalement. En fait, les décisions Importantes concernant l'orientation de l'ACTRA sont prises par voie de référendum. Ce que nous demandons, c'est que le projet de loi permette à l'article 8, troisième et quatrième alinéas, de tenir compte de cette particularité de l'ACTRA. Le texte - je dis le texte mais je vous demanderais de ne pas vous attacher au mot à mot, je le dis afin de bien expliciter ma pensée - pourrait être quelque chose comme réservant à l'assemblée générale ou à une décision faisant suite à un référendum..."; ou à l'article 8.4°: "prescrivant soit la convocation obligatoire d'une assemblée générale des membres, soit la tenue d'un référendum lorsque 10 %", etc. Nous voudrions qu'il y ait un procédé, un processus, une méthode de consultation de la volonté des membres alternative dans le projet de loi.

La cinquième question que nous voulons soulever est celle de la reconnaissance explicite de l'ACTRA. Ma foi, je pense bien que cela entraînerait celle des autres associations regroupant des artistes au Canada. En fait, à toutes fins utiles, ici au Québec - je me réfère à nouveau aux articles 61 et 62 - il existe effectivement depuis de nombreuses années des accords, peu importe la forme qu'ils prennent, notamment entre l'Union des artistes et l'ACTRA, à savoir que les artistes du champ de compétence de l'Union des artistes qui travaillent dans les productions françaises ailleurs qu'au Québec sont couverts par l'Union des artistes et les artistes du champ de juridiction de l'ACTRA qui oeuvrent au Québec sont couverts par l'ACTRA. Il y a vraiment une division sur le plan linguistique qui est délimitée par le type de production qui a cours.

Il nous paraît qu'il pourrait être utile ici, ou, en tout cas, il serait sécurisant pour nous qu'aux articles 61 et 62 on reconnaisse plus précisément et de façon explicite ces associations nationales comme étant celles qui, actuellement, au moment où le projet de loi est adopté, représentent les artistes. Il y a là, ma foi, une structure qui existe depuis belle lurette. Cela représente un historique, une réalité qu'il y aurait peut-être lieu de reconnaître.

Le sixième point concerne l'article 17. Je serai très bref. On est d'accord avec les représentations de l'UDA pour la modification du pourcentage de 10 % à 30 %. Le septième point touche l'article 22. Je vous dirai Immédiatement qu'on peut vivre avec l'article 22 mais on se demande - peut-être, si vous le jugez utile, vous pourriez nous le dire - si vraiment c'est une disposition qui est utile dans sa forme actuelle. Nous croyons que la production de la liste devrait être requise lorsqu'il doit y avoir vérification du caractère représentatif, mais nous saisissons mal pourquoi, chaque année, la liste devrait être produite. Bien sûr, nous tenons à vous le dire, je vous le dis au nom des gens que je représente ici, le projet de loi va amener un

certain nombre de problèmes d'ajustements pour l'ACTRA. L'ACTRA accepte ces ajustements de bon gré, elle est heureuse du projet de loi, on vous l'a mentionné tantôt. La question n'est pas là. Il est sûr que, notamment quant à la liste, il y aura certains problèmes qui vont se poser parce que des artistes des productions anglaises travaillent à l'occasion à Montréal, à l'occasion à Toronto, à l'occasion ailleurs. Ma foi, II nous apparaît qu'une liste annuelle ne voudra pas nécessairement dire quelque chose de vraiment utile alors qu'on peut très bien comprendre, un peu comme au Code du travail, qu'on veuille se référer à une date précise pour vérifier le caractère représentatif. Ce sont les représentations que nous avons à vous faire. Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci. Merci à M. le président, également. Mme la ministre des Affaires culturelles.

Mme Bacon: Me Brodeur, mesdames et messieurs, on vous remercie d'avoir fait parvenir votre mémoire à la commission parlementaire et de vous présenter ici devant nous pour faire connaître vos impressions et vos appréhensions quant au projet de loi 90 que nous avons devant nous.

Si je saisis bien le problème que vous soulevez, votre association, qui est une association canadienne, regroupe des artistes qui sont ici au Québec. Le fait que les décisions se prennent à l'échelle du pays peuvent peut-être poser certains problèmes. Est-ce qu'il y a des possibilités de modifications à votre charte, par exemple, qui vous permettraient de contourner les problèmes que vous venez de nous mentionner ou s'il faut absolument qu'un projet de loi comme celui que nous avons devant nous tienne compte de la charte actuelle de l'ACTRA?

M. Brodeur: Mme la ministre, je dirais de façon préliminaire - je peux demander à mes clients à la suite de préciser ma réponse s'il y a lieu - qu'il est toujours possible de modifier la constitution. Je voudrais insister sur le fait que l'ACTRA est une association nationale comme beaucoup d'autres et qu'il faut voir le projet de loi ici... Il faut peut-être même souhaiter que l'équivalent soit fait en Ontario, à l'Île-du-Prince-Édouard, en Alberta. Si c'était le cas, ma foi, à la limite il va falloir qu'il existe une sorte d'adaptation des onze pouvoirs législatifs. Finalement, on ne saurait plus comment s'adapter nous-mêmes. De sorte qu'on vient ici un peu en vous demandant de tenir compte des problèmes que nous avons, et ceci bien humblement, comprenant que cela implique de votre part des ajustements. Au fond, nous demandons au législateur de s'adapter à nous et nous sommes bien conscients que ce n'est pas habituellement le processus.

Mme Bacon: Est-ce que tout le monde n'a pas demandé cela aujourd'hui, de s'adapter à eux au fond?

M. Brodeur: Je n'étais pas ici aujourd'hui, malheureusement, Mme la ministre, mais je suis certain que c'est ce qui s'est passé.

Mme Bacon: Sous des formes différentes. Ce que vous nous avez demandé dans votre mémoire, c'est de considérer les journalistes professionnels comme des artistes. Est-ce que j'ai bien saisi votre demande?

M. Brodeur: Non, Mme la ministre. Me permettez-vous seulement un instant d'interruption pour consulter mes clients sur la première question?

Mme Bacon: D'accord.

Mme Harvey: C'est simplement dire que nous représentons ces gens. Les recherchistes et les personnes qui travaillent à CBC principalement. C'était quant à l'article 7.2°. Nous ne sommes pas actuellement dans ce cas une association qui représente exclusivement les artistes.

Mme Bacon: Exclusivement les artistes, c'est dans ce sens. (23 heures)

Mme Harvey: Mais la plupart de nos membres sont des artistes, comme vous l'avez constaté ici.

M. Brodeur: Quant à votre première question, Mme la ministre, on me demande d'ajouter ici qu'en fait, s! on devait se conformer à la demande d'une assemblée générale, comme il s'agit d'ententes qui sont négociées nationaleV ment, le plus souvent, cela nous obligerait à tenir l'assemblée nationale dans une région ou l'autre et le résultat final serait vraisemblablement que ce ne serait plus démocratique parce qu'il y a une foule de gens qui ne pourraient pas venir. La façon qu'on "a trouvée en pratique, dans le cas de l'ACTRA, c'est un référendum.

Mme Bacon: En fait, vos assemblées sont tenues d'un océan à l'autre.

M. Brodeur: II y a des assemblées sur un plan régional et, lorsque interviennent des décisions qui touchent l'ensemble du Canada, l'exécutif soumet les questions par voie de référendum à l'ensemble des membres.

Mme Bacon: Et l'assemblée régionale, par exemple, du Québec n'aurait pas le pouvoir de prendre ces décisions?

M. Brodeur: Elle n'a pas le pouvoir, Mme la ministre.

Mme Bacon: Quel type... Oui?

Le Président (M. Trudel): Me Brodeur, il n'y a aucune hésitation; si vous voulez que le président s'exprime en anglais ou que vous-même voulez vous exprimer en anglais pour faciliter, surtout à 23 heures, la traduction, il n'y a aucun problème.

M. Brodeur: D'accord. SI vous me le permettez, je n'ai pas très bien entendu la réponse de madame à ma gauche ici, mais, quant à la deuxième question, le problème est qu'il existe un certain nombre de membres dans l'ACTRA qui ne sont pas des artistes au sens du projet de loi. À ce moment-là, comme une association d'artistes ne doit regrouper que des artistes, on dit: "elle comprend". Même le mot "comprend", à mon avis peut poser problème, et on pourrait se retrouver dans une situation où, à toutes fins utiles, l'ACTRA ne serait pas une association d'artistes, et même les articles 61 et 62 ne s'appliqueraient pas à l'ACTRA

Mme Bacon: Dans le type d'entente que vous avez, est-ce que ce sont des ententes écrites ou ce que l'on appelle un "gentleman's agreement"? Quel genre d'entente avez-vous qui implique les artistes de langue anglaise, par exemple, qui sont membres de l'ACTRA?

M. Brodeur: Vous vous référez, Mme la ministre, aux ententes avec des producteurs?

Mme Bacon: Oui, M. Brodeur: D'accord.

Mme Bacon: Vous pouvez répondre, si vous... Please, go ahead.

M. Neil: The question of the current legal status of our collective agreement is a very difficult one. In fact, we are voluntarily recognized by various groups of producers in exactly the same way that bill 90 proposes us to do. We are voluntarily recognized by those groups and we have negotiated with some of them for 25, 30 years. In the fields that they are most concerned here, independent films and television production, we negotiate with two national organizations, one of which is affiliated with the Québec producers group APFVQ. In the commercial field, we negotiate with two national organizations of advertisers and advertising agencies, but again it is alt on the basis of simple voluntary recognition. Our agreements just appear like collective agreements.

Mme Bacon: Vous remarquerez que les membres qui sont sous juridiction, si je peux m'exprimer ainsi, provinciale pour être reconnus dans la loi 90... Il faut faire quand même la différence.

M. Brodeur: Je comprends bien, Mme la ministre, que pour les fins du projet de loi ici un artiste qui est membre de l'ACTRA serait visé par le projet de loi lorsqu'il va travailler sur le territoire du Québec. Au fond, je pense que c'est vraiment la balise, sauf qu'évidemment dans le cas d'ACTRA, comme les ententes sont négociées sur les plan national... Remarquez que c'est le cas pour les autres associations qui sont passées ici. Je pense bien que cela Inclut l'UDA. Il y des dispositions qui visent des artistes qui travaillent dans une production francophone à Toronto, par exemple. Mais, dans le cas de l'ACTRA, évidemment, cela touche vraiment les 10 provinces canadiennes. Il va y avoir un réajustement à faire, parce que, lorsque ces artistes vont oeuvrer sur le territoire du Québec Us vont vraiment être visés par cette loi-ci. Et l'entente qui est négociée nationalement va, à toutes fins que de droit, devenir une entente provinciale pour les fins de la loi 90 et dans les champs de juridiction qui sont visés par la loi 90. On est tout à fait prêts à faire les adaptations qui doivent être faites à cet égard.

M. Neil: Can I just add a point? Obviously ACTRA, and I think we are attempting to say it both in our written Intervention and with Judith Harvey's comments, clearly will have to adapt In certains ways to the law, and we are quite prepared to do that and indeed welcome the opportunity because we believe that the law is a positive step forward. But I guess that what we are also attempting to say is there are certain preconditions that are absolutely vital to us and prior to even making those adaptations. Our collective agreement will have to be adapted. That is really clear, but I do not think that It is possible to restructure an entire organization based on... And certainly in the spirit of the law that is proposed. It simply says that members need basic democratic rights. And, when we have those already, it is very difficult to restructure, to try to make them fit this particular law. If those kinds of preconditions were changed, If some of those changes were made, very clearly, we will then be prepared to adapt as necessary in order to conform.

Mme Bacon: M. Neil, you mentioned collective agreement. When you have an agreement or collective agreement with provincial producers, an association of provincial producers, Is it a written or a verbal agreement? Is It the same thing for individual producers and, when you have no agreement at all, what do you do?

M. Neil: The collective agreement Is negotiated with the national organization of producers. It is a written document. Each individual producer is required to become a signatory to that collective agreement prior to producing. They agree to be bound by the terms of the agreement, It is collectively negotiated and that is the method of regulating individuals.

Members, in their constitution, are required only to work for producers who are signatory to a collective agreement. That does not prevent a producer from working outside of the collective agreement, using whoever they want who is not a member of ACTRA. But that is the way that the regulation of the Industry has proceeded.

Mme Bacon: Do you have agreements that are not under national jurisdiction? By national I mean Canada.

M. Neil: In fact, in law, we likely only have about three or four agreements which are all federal because they are negotiated under the Canada Labour Code for this group of our members, the broadcast journalists, and the rest of our collective agreements... We call them collective agreements but they are not legal collective agreements. They have perhaps been fashioned on a federal kind of negociation. They appear to be a federal negociation but they have no legal standing. That was the reference that I made earlier to very clearly, we will need to conform to the Act within those collective agreements and make certain basic changes to them, so that they will conform to Provincial Legislation. But, up to this point, the issue has been moved for us because there has been a legislation which has governed the operations of this bargaining.

Mme Bacon: Thank you.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques, M. le député de Mercier étant absent pour le moment.

M. Boulerice: Bon, bien, M. le Président, vous savez que l'hypothèse des questions n'est quand même pas immense et je pense que la ministre a effectivement posé, aux gens de l'ACTRA, les questions que nous aurions, nous, de l'Opposition, aimé poser. Alors, je m'estime satisfait des questions qu'elle a posées et des réponses qui nous ont été données par l'ACTRA.

Mme Bacon: Voulez-vous dire que je fais aussi le travail de l'Opposition?

M. Boulerice: Pardon? Ah, comme j'ai souvent fait votre travail, madame, ce n'est qu'un délicieux partage entre nous!

Des voix: Oh! Ha, ha, ha!

Mme Bacon: Je peux vous dire que j'ai une bonne expérience de quatre ans et demi.

M. Boulerice: Pardon?

Mme Bacon: J'ai une bonne expérience de quatre ans et demi.

M. Boulerice: Vous savez que la fougue de la jeunesse, jointe à l'expérience et la maturité, fait un beau couple!

Une voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Trudel): M. le député, il faudrait faire attention, parce que j'ai l'impression que la journée va finir comme elle a commencé, c'est-à-dire sur une note...

Mme Bacon: Pas avec lui.

Le Président (M. Trudel): Pas avec lui? Je suis prêt à croire à votre parole, Mme la ministre. Messieurs et mesdames de l'ACTRA, M. le secrétaire général, merci beaucoup. Thank you very much and have a good trip back home.

Est-ce que vous avez des remarques finales à adresser, Mme la ministre?

Conclusions Mme Lise Bacon

Mme Bacon: M. le Président, je pense que tout a été dit au cours de la journée. J'avais dit ce matin que nous avions cette commission parlementaire pour essayer de comprendre davantage certains besoins qui n'avaient pas été regardés de près à l'occasion de la rédaction du projet de loi. Mais nous avons quand même eu l'opinion, les informations et les aspirations qui nous ont fait voir d'autres facettes des problèmes. Je dois dire que dès demain matin, à 8 heures, nous commencerons les études nécessaires, avec tout frais à la mémoire ce que nous avons entendu ici au cours de la journée et de la soirée.

Nous essayerons de traduire par certains amendements, peut-être, à cette loi les demandes qui nous ont été faites aujourd'hui. Il est évident qu'on ne peut pas répondre à toutes les demandes qui nous sont faites, mais on essaiera de traduire le mieux possible ce que nous avons entendu. Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques.

M. André Boulerice

M. Boulerice: Au nom de mon collègue, le député de Mercier, et très assurément en mon nom personnel, pulsqu'au mois de mai 1986 c'est mol qui, à titre de porte-parole de l'Opposition pour les Affaires culturelles, accueillait les intervenants qui venaient présenter leurs mémoires sur le statut de l'artiste, je dirai une chose: Oui, nous accueillons cette loi. Nous l'accueillons avec enthousiame. Nous avons - mon collègue, le député de Mercier, et ma collègue, la députée de Chicoutimi - pris bonne note des recommandations que vous nous avez faites comme groupe. Je puis vous dire que nous allons

exercer, au moment de l'étude article par article. la même vigilance et surtout la même Insistance que nous avons montrée depuis mal 1986 à réclamer le dépôt de cette lof sur le statut de l'artiste.

Mme Bacon: Vous m'ouvrez une belle porte!

M. Boulerice: Toutefois, nonobstant les murmures de l'autre côté de la salle qui ne suffiront pas, malgré leur Intensité vocale, à couvrir ta vérité, j'aimerais préciser quelque chose. Oui, à un statut de l'artiste, mais, comme l'écrivait M. Samson, journaliste au Soleil à Québec, qui est un quotidien prestigieux, non pas uniquement dans cette ville, mais au Québec en entier, il ne faudrait pas que cette loi, par magie, masque malheureusement le retrait progressif de l'État dans les activités culturelles du Québec par des baisses de budget au ministère de la culture, comme nous en avons subi depuis 1985, n'aurais-je qu'à citer le saccage des bibliothèques, à titre d'exemple, où près de 7 000 000 $ ont été coupés en l'espace de deux ans. Je pourrais allonger la liste. Il sera très important, effectivement, de vous donner un statut. Il sera très important de civiliser certaines relations du travail là où elles ont été très difficiles. Mais à quoi servirait un statut si cela n'arrivait pas à créer éventuellement, plus tard, d'autres emplois, de meilleurs emplois et des emplois de plus en plus nombreux dans le domaine de la culture?

Je pense avoir été un des premiers, à cette Assemblée nationale, à parler d'industries culturelles et faire ressortir certains chiffres en disant que 1 $ investi dans les mines, et je ne cesserai jamais de le répéter, rapporte 1,20 $ et 1 $ investi dans la culture rapporte 1 60 $. C'est rentable et c'est beau. Je le répéterai toujours - j'adore cette image - des jeunes m'invitaient dans une manifestation pour la paix et ils avaient pour slogan "Un F-18 pour la paix", je répondais: Oui, je vais y participer si vous m'autorisez à avoir ma propre pancarte, et mon slogan à moi sera "Le prix d'un char d'assaut pour la culture". Je pense que si l'on investissait ces montants dans la culture au Québec au lieu de baisser les montants, nonobstant le parti pris pour l'industrie militarisme que peuvent peut-être avoir certains membres d'autres formations politiques, si on investissait ce serait intéressant. Après cela, il y a un engagement aussi qu'il ne faudrait pas oublier qui est l'engagement du 1 % du budget du Québec pour la culture. Quant à mol, j'aimerais vous dire que le 1 % n'est pas un maximum, iI est un minimum.

Je vous remercie d'avoir participé à cette commission. Une fois de plus s'exerce dans ce pays la démocratie et je pense que c'est très sain. Vous êtes des gens qui ont démontré leur connaissance du milieu, leur connaissance de la problématique, certains mêmes ont une connais- sance et une expérience qui datent ou qui va dater dans quelques jours de 50 ans. Quand on dure 50 ans c'est parce qu'on est bon, sinon on a disparu bien avant. La preuve, d'ailleurs - je pourrais être méchant et dire qu'aucun gouvernement n'a duré 50 ans au Québec. Sur un ton plus sérieux - il faut quand même détendre l'atmosphère - on a vécu de nouveau le temps d'une paix pour la culture, ce que j'avais proposé en mai 1986. On l'a de nouveau très bien vécu, madame la ministre des Affaires culturelles, avec mes collègues et moi-même. Donc, de nouveau merci de vous être présentés à la commission de la culture. Je peux vous assurer que l'Opposition va regarder très attentivement article par article le projet de lof lorsque viendra le temps pour nous de l'étudier. Je suis persuadé que vous saurez être des observateurs très attentifs à ces travaux lorsqu'ils vont se dérouler, à partir de lundi, Je crois bien. Encore une fois, merci et à très bientôt. Comme on dit dans le milieu, cela porte chance à condition de ne pas y répondre, le mot de Cambronne.

Mme Bacon: Vous me permettrez, M. le Président, d'ajouter un mot parce que je sens que le député de Saint-Jacques a eu le temps de se reposer ce soir et qu'il arrive bien en verve et je dois dire...

M. Boulerice: Je défendais les intérêts du doublage, justement, auprès d'autorités françaises.

Mme Bacon: Ah, M. le Président! Ce qu'il ne faut pas entendre!

M. Boulerice: Vous ne voulez pas profiter de mon expérience, de ma disponibilité, tant pis pour vous.

Mme Bacon: Quand on a eu le pouvoir comme le parti du député de Saint-Jacques l'a eu pendant neuf ans et qu'on n'a pas su donner aux artistes un statut professionnel comme nous tentons de le faire, ils sont bien mal placés pour critiquer et nous lancer les critiques qu'ils nous lancent ce soir. C'est vrai que ce n'était pas le député de Saint-Jacques qui était le ministre des Affaires culturelles alors, mais il avait quand même sur te bureau du ministre des Affaires culturelles du Québec un dossier préparé par les fonctionnaires. Je dois dire que nous avons pris moins de deux ans pour préparer le dossier, c'est-à-dire un an et demi, et que nous présentons, tel que nous nous sommes engagés, le dossier. Ce sera la même chose pour le 1 %.

M. Boulerice: J'ose espérer, madame, que vous trouverez ces 90 000 000 $, plus les arrérages, parce que de l'argent qui a été enlevé...

Mme Bacon: ...peut trouver.

M, Boulerice: ...doit être remboursé. Il ne

faudrait pas vous...

Mme Bacon: ...nous allons faire ce que vous n'avez pas fait.

Le Président {M. Trudel): C'est bien ce que j'avais dit tantôt, cela finit comme cela a commencé!

M. Boulerice: ...du 1 %. Vous, vous avez fait reculer, madame.

Mémoires déposés

Le Président (M. Trudel): M. ledéputé de Saint-Jacques, vous êtes en forme, nous aussi. On doit traverser de l'autre côté. Avant d'ajourner les travaux de la commission, je dois faire te dépôt très officiel de dix mémoires dont deux mémoires qui n'ont pas fait l'objet d'une présentation devant la commission: celui du Conseil régional de la culture de la Mauricie, des Bois-Francs et du Centre du Québec et celui de la Conférence des conseils régionaux de la culture du Québec. Alors, je fais le dépôt de tous les documents.

La commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Bonsoir à tous!

(Fin de la séance à 23 h 20)

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