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(Onze heures quatorze minutes)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Avant d'inaugurer les travaux de la commission, j'inviterais les
représentants de l'Union des artistes à venir s'asseoir en face
de nous à ce qu'on est convenu d'appeler la table des témoins,
pendant qu'on fait des photocopies du mémoire qui n'a pas encore
été reçu par les membres de la commission. Pendant qu'on
va procéder aux affaires courantes, c'est-à-dire à une
déclaration de Mme la ministre et de M. le député de
Mercier, peut-être aurons-nous le temps de recevoir le
mémoire.
Alors, je déclare ouverte la séance de la commission de la
culture dont le mandat est de procéder à une consultation
particulière dans le cadre de l'étude du projet de loi 90, Loi
sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la
scène, du disque et du cinéma. Ainsi qu'il en a été
convenu à l'occasion d'une séance de travail de la commission et
en tenant compte d'un horaire très chargé qui nous mènera
jusqu'à minuit ce soir, entre quinze et vingt minutes seront
allouées à Mme la ministre pour une déclaration
préliminaire et le même temps sera alloué à
l'Opposition pour une ou des déclarations préliminaires.
Par la suite, nous entendrons huit groupes qui ont été
invités à se présenter devant nous, à raison d'une
heure par groupe, association ou représentation, divisée de la
façon suivante: 20 minutes pour l'exposé du mémoire...
Dans la plupart des cas, je dois dire que nous n'avons pas encore reçu
les mémoires. Étant donné le délai relativement
court que nous avons accordé aux différentes associations, nous
comprenons que, dans certains cas, il ait été impossible de faire
parvenir ie mémoire plus tôt. Je demanderais aux organismes, et je
répéterai mon invitation au fur et à mesure que la
journée se déroulera parce que tous fes groupes ne sont
évidemment pas présents ici ce matin, de résumer, quand
même, leur mémoire en 20 minutes et, par la suite, il y aura un
échange de vues de 40 minutes avec les membres de la commission,
réparties également entre les formations politiques. Sans plus
tarder, vu qu'il est déjà 11 h 15, j'inviterais...
Ah oui! J'oublie toujours les questions de cuisine. La secrétaire
de la commission me fait remarquer qu'il y a des remplacements ce matin pour la
durée de la séance, donc jusqu'à ce soir, minuit. Mme
Blackburn (Chicoutimi) remplace M. Brassard (Lac-Saint-Jean) et M. Kehoe
(Chapleau) remplace M. Hains (Saint-Henri). Les éléments de
cuisine étant faits - Mme la secrétaire, merci. - je demanderais
maintenant à Mme la ministre de procéder à ses remarques
prélimi- naires. Mme la ministre.
Remarques préliminaires Mme Lise Bacon
Mme Bacon: Je vous remercie, M, le Président.
Pour la seconde fois en 18 mois, une commission parlementaire est
convoquée pour discuter de la situation des artistes. En mai 1986, la
commission, qualifiée d'événement historique par le
président de l'Union des artistes, nous avait éclairés sur
l'ensemble des problèmes auxquels les artistes sont confrontés.
Les témoignages entendus alors et les recommandations qui avaient
été adressées au gouvernement ont été
soigneusement étudiés et traduits en un ambitieux plan de travail
dont des aspects Importants sont aujourd'hui en application ou en bonne voie de
l'être.
En décembre dernier, le Conseil des ministres a
entériné les orientations que je lui soumettais et tes
discussions avec mes collègues des autres ministères
concernés par le dossier ont alors été amorcées.
Nous travaillons, notamment, avec le ministère de la Main-d'Oeuvre et de
la Sécurité du revenu sur les questions de la
sécurité sociale, de la formation et du perfectionnement, avec le
ministère de la Justice sur les recours juridiques et avec la Commission
de la, santé et de la sécurité du travail sur les
questions de la prévention des accidents et des maladies
spécifiques à certains métiers artistiques. Nous avons
conclu une entente avec le ministère de l'Éducation pour la mise
en oeuvre d'une mesure touchant la sensibilisation des jeunes aux arts.
Dans les semaines qui viennent, comme mon collègue du
ministère du Revenu et moi-même l'avons déjà
annoncé, nous intensifierons les pourparlers pour apporter une solution
satisfaisante aux problèmes fiscaux des artistes, de concert avec le
ministère des Finances. Nous poursuivons également le dialogue
avec le gouvernement fédéral pour qu'il apporte tes correctifs
demandés par les créateurs à ta Loi sur le droit d'auteur
et qu'il fasse connaître le plus rapidement possible ses intentions sur
la deuxième étape de ce processus de révision. Enfin, pour
une seconde année, le ministère des Affaires culturelles assume
la coprésidence du comité intergouvernemental sur le statut de
l'artiste dont j'avais appuyé la formation à la conférence
des ministres chargés de la culture, à Calgary, en septembre
1986.
Pour terminer ce rapide bilan des gestes concrets que nous avons
posés depuis un an et demi, je rappellerai brièvement que le
ministère des Affaires culturelles a mis en place une série
de mesures pour lesquelles des crédits de 1 400 000 $ ont
été réservés dans le budget de l'année en
cours, dont 375 000 $ vont aux associations professionnelles et regroupements
d'artistes pour leur permettre d'assurer une meilleure défense des
intérêts de leurs membres et de leur offrir de meilleurs services.
Des crédits supplémentaires de 525 000 $ ont été
alloués aux programmes de bourses aux individus. Ces programmes font,
d'ailleurs, actuellement l'objet d'une révision complète dans le
sens des indications que nous avait données la commission parlementaire
de mai 1986 et des consultations qui sont en cours.
Le projet de loi sur le statut professionnel et les conditions
d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma
constitue une pièce majeure du dossier du statut de l'artiste. Au moment
de son dépôt à l'Assemblée nationale, le
président de l'Union des artistes - j'aime bien vous le citer - a
déclaré que la reconnaissance des artistes venait de franchir "un
pas de géant." Nous en sommes aujourd'hui à une étape
décisive. L'adoption de ce projet de loi marquera un point tournant dans
les rapports entre les artistes et la société. Aussi, avant d'en
poursuivre l'étude article par article, nous avons convenu avec
l'Opposition de recevoir les premiers intéressés par ce projet de
loi et d'écouter aussi leurs propositions et leurs suggestions qui
permettraient d'en clarifier certains aspects et d'en améliorer aussi le
contenu.
Avant de céder la parole aux représentants des organismes,
je voudrais, d'abord, les remercier d'avoir accepté notre invitation et
les assurer que leurs commentaires seront reçus avec la plus grande
attention. Nous remercions également les autres organismes qui ont tenu
à nous exprimer leurs points de vue sur le projet à
l'étude. Nous examinerons leurs positions et nous en tiendrons compte
dans la révision finale du texte. Toute proposition visant à
améliorer le projet de loi sera ta bienvenue.
Quant à nous, cependant, le principe même d'une
législation qui établit un cadre de négociations
collectives et qui statue sur le caractère autonome du travail des
artistes des arts de la scène, du disque et du cinéma lorsqu'ils
se lient par contrat avec un ou plusieurs producteurs, ce principe, donc, est
acquis et ne saurait être remis en cause.
La solution que nous avons proposée tend à assurer le
meilleur équilibre possible entre les droits et les obligations de
chacune des parties contractantes. Il est temps de combler le vide juridique de
Ja législation du travail qui laissait les artistes dans une situation
anachronique en matière de relations du travail. Eux aussi ont le droit
de négocier leurs conditions d'engagement. Eux aussi ont droit à
un statut professionnel. Historiquement considérés comme des
rêveurs individualistes, vivant de la passion de leur art et de la
générosité de quelques mécènes, il faut
constater et reconnaître aujourd'hui qu'ils sont partie intégrante
de la vie sociale et de la vie économique d'une société
moderne, À ce titre et en tant que moteurs de la culture, ifs ont un
premier rôle à tenir dans les rouages de ce qu'on pourrait appeler
un véritable "système de production culturelle".
La production culturelle se distingue toutefois des autres secteurs de
production. Les arts ne peuvent ni ne doivent être soumis, pour se
développer, qu'aux règles de la rentabilité, de l'offre et
de la demande et de la productivité, avec ses objectifs à
atteindre, ses ressources à maximiser. La production culturelle est une
entreprise à risque. Les arts ont besoin du soutien de l'État,
non pas de son Ingérence. Les artistes ont des droits en tant que
citoyens et travailleurs que l'État doit appuyer s'il juge qu'il y a
inéquité.
Nous convenons tous que les rapports entre l'État, les arts, la
culture, les industries culturelles et l'ensemble de la société
sont des rapports complexes et délicats. Ils sont faits d'harmonie et de
discordance, d'autonomie et d'interdépendance. L'équilibre est
constamment à rétablir. Le partenariat entre tous les
intervenants culturels caractérise ces rapports et ce n'est que dans la
discussion ouverte et franche que chacun y trouve la place qui lui revient.
Les consultations que nous avons menées tout au long de la
préparation du projet de loi, à partir de cette vaste
consultation initiale que fut la commission parlementaire sur le statut de
l'artiste, nous ont démontré qu'une législation
était nécessaire. Elles nous ont aussi convaincus que le travail
ne s'arrête pas avec l'adoption de ce projet de loi. Je tiens ici
à réaffirmer ce que je déclarais au moment de son
dépôt: Ce projet de loi visant à reconnaître le
statut professionnel et le droit à la négociation des artistes
dans les secteurs visés ne prétend pas répondre à
toutes les attentes. Mais il constitue ce premier pas essentiel à poser
pour assurer aux artistes et interprètes particulièrement une
reconnaissance voulue et par eux et par l'ensemble de la population.
Parmi les attentes auxquelles le projet n'apporte pas de réponse
immédiate, certaines méritent qu'on s'y intéresse dans les
plus brefs délais. Les ajustements nécessaires aux dispositions
fiscales figurent en tête de liste de nos priorités à
venir, avec la recherche, évidemment, d'une solution aux
problèmes rencontrés par les artistes créateurs qui ne
sont pas touchés par le présent projet de loi, notamment les
artistes en arts visuels, en métiers d'art et en littérature. La
situation de ces artistes sera naturellement prise en compte dans nos
discussions avec les ministères du Revenu et des Finances. Des
représentants de ces disciplines ont convenu avec nous que leurs
problèmes n'étaient pas assimilables à ceux des arts de la
scène, du disque et du cinéma Les relations qu'ils entretiennent
avec les diffuseurs ne sont pas de l'ordre de la prestation de services; donc,
les contrats qu'ils
signent sont davantage des contrats de vente ou des contrats
d'entreprise dans lesquels la problématique du droit d'auteur est
prépondérante.
Des représentants d'associations et de regroupements d'artistes
ont aussi fait valoir qu'ils devaient discuter avec leurs membres de leur
intérêt et de leur volonté de se prévaloir des
dispositions de ce projet de loi et de se faire reconnaître aux fins de
la négociation d'ententes collectives. Aussi, pour donner le temps aux
associations de définir leurs orientations à cet égard,
nous pensons que la mise en application de la loi devra comporter un
délai raisonnable. D'ailleurs, ce délai sera nécessaire
pour que la Commission de reconnaissance des associations d'artistes, dont la
création est prévue au projet de loi, puisse se préparer
à l'exercice de son rôle.
Le type de législation que nous proposons est unique en
Amérique du Nord. Aussi, nous est-il apparu prudent de laisser le
régime le plus ouvert possible de manière qu'il puisse s'adapter
au dynamisme des milieux artistiques et à leur évolution.
L'option retenue consiste essentiellement à reconnaître le
statut de travailleur autonome pour les artistes des secteurs visés et
d'établir un régime de négociation d'ententes collectives
adapté à ce statut. En faisant cela, nous légalisons des
pratiques existantes et leur assurons un support juridique, tout en donnant la
possibilité à des associations professionnelles qui n'ont pas
d'entente d'en conclure si leurs membres le souhaitent. Les dispositions
contenues dans le projet de loi établissent le mécanisme par
lequel les syndicats ou associations professionnelles seront habilités
à agir comme agent négociateur. Elles s'en tiennent à
encadrer les règles du jeu.
Pour les fins du régime proposé, le projet établit
une présomption à savoir que les créateurs et
interprètes pratiquant leur art sur scène, sur disque ou au
cinéma agissent à leur propre compte s'ils ont des engagements de
plusieurs producteurs ou s'ils ont des contrats à durée
déterminée demandant des prestations distinctes d'un même
producteur. Cette qualification de liens contractuels soustrait, dans
l'ensemble, les artistes du régime des relations du travail
appliqué aux salariés.
Bien que l'Union des artistes, la Guilde des musiciens et la
Société des auteurs, recher-chistes, documentalistes et
compositeurs aient déjà pu conclure des ententes avec des
producteurs pour le respect de conditions minimales d'engagement, comme je l'ai
souligné précédemment, aucune loi n'oblige les parties
à négocier et n'encadre ces négociations. La plupart des
associations professionnelles d'artistes et de créateurs dans les
domaines visés par le projet de loi ont revendiqué du
gouvernement une reconnaissance officielle de leur rôle d'agent
négociateur. Le projet de loi répond à cette requête
en attribuant ce rôle pour un ou plusieurs secteurs de négociation
si l'association rassemble la majorité des artistes des secteurs
concernés et si les règlements sont conformes aux exigences
prévues.
Pour valider le respect des conditions que je viens
d'énumérer, le projet de loi institue une Commission de
reconnaissance des associations d'artistes. Outre ce pouvoir de reconnaissance,
la commission aura pour fonction, notamment, de définir les secteurs de
négociation d'ententes collectives en prenant en considération la
communauté d'intérêts des artistes et l'historique des
relations du travail dans les domaines d'activités en cause. La
commission aura aussi comme fonction d'agir comme médiateur à la
demande d'une partie à ta négociation d'une entente collective
et, à la demande des deux parties, comme arbitre de différends.
La commission devra donner son avis au ministre sur toute question relative
à l'application de la toi, incluant la mise en oeuvre de mesures propres
à favoriser la protection du statut professionnel de l'artiste en
harmonie avec le développement des entreprises de production.
Cette commission sera formée de trois membres nommés par
le gouvernement pour une période déterminée qui ne
dépasserait pas cinq ans. Les décisions rendues par la commission
dans son champ de compétence sont finales et sans appel.
Lorsque la commission a reconnu une association dans un secteur,
celle-ci a le pouvoir, notamment, d'élaborer pour ses membres des
contrats types et de négocier avec un producteur ou une association de
producteurs une entente collective.
Un producteur ou les artistes d'un secteur peuvent demander à la
commission de vérifier si l'association déjà reconnue
rassemble toujours la majorité des artistes de ce secteur. Une telle
demande ne peut, toutefois, être faite que dans les six mois qui
précèdent l'expiration d'une entente collective.
Si l'association n'a pas signé d'entente, la demande de
vérification ne pourra intervenir qu'un an après la date de
reconnaissance. Une association peut voir sa reconnaissance annulée si,
à la demande d'une partie intéressée, iI est établi
que ses règlements ne sont plus conformes ou qu'elle ne les applique pas
adéquatement. (11 h 30)
Le projet de loi prévoit que les producteurs individuels ou
associés ont l'obligation de reconnaître, aux fins de la
négociation dans le secteur en cause, comme seul représentant des
artistes qu'ils engagent l'association qui a obtenu la reconnaissance de la
commission. L'une ou l'autre des deux parties peut prendre l'initiative de la
négociation d'une entente collective en donnant un avis écrit
d'un moins dix jours à l'autre partie pour l'inviter à une
rencontre. Elle en avise la commission.
Les parties sont tenues d'entreprendre les négociations au moment
prévu dans l'avis et de les poursuivre avec diligence et bonne foi.
À
toute phase des négociations, une des deux parties peut demander
la médiation de la commission. La commission a le pouvoir d'agir comme
arbitre à la demande des deux parties. Le recours à des moyens de
pression pour amener l'autre partie à conclure une entente est
prévu à compter du soixantième jour de la date de
réception par la commission de l'avis entamant le processus.
Pendant la durée d'une entente ou d'une décision
arbitrale, il est, cependant, interdit de recourir à des moyens de
pression sous peine d'amende établie par la loi. De plus, une
association liée par une entente avec un producteur ne peut, sous peine
de sanction, faire pression sur une personne pour empêcher un producteur
de présenter une oeuvre ou de la produire.
Le projet prévoit qu'une entente collective ou une
décision arbitrale ne peut s'étendre sur plus de trois ans.
Lorsque l'entente est en vigueur, elle lie le producteur et tous les artistes
du secteur. Si l'entente a été conclue avec une association de
producteurs, elle lie tout producteur associé au moment de la signature
même s'il cesse de faire partie de l'association. Ce lien s'étend
également à tout nouveau membre de l'association de producteurs
en cause.
Le projet comporte également des dispositions pénales
exposant les contrevenants à des amendes analogues à celles
prévues au Code du travail. Enfin, il assure la continuité
d'application des ententes collectives existant au moment de l'entrée en
vigueur de la loi.
Je reprendrai ici, M. le Président, des propos que je tenais
à l'ouverture de la commission parlementaire. "Les retombées du
travail créateur profitent à l'ensemble de la
société et il est donc équitable que les secteurs public
et privé apportent aussi leur contribution. On ne saurait exploiter
quelque secteur que ce soit sans se préoccuper d'assurer le
bien-être et l'avenir des artistes qui sont à l'origine de notre
développement culturel.
Il ne s'agit pas d'inventer des principes de gestion particuliers
à l'intention du monde des arts, mais d'y appliquer, en les adaptant au
besoin, les mêmes principes et modes de gestion qui guident nos actions
dans d'autres secteurs de la vie économique. On ne saurait exploiter le
talent des créateurs et interprètes sans se soucier de leur
accorder des droits et les moyens de les faire respecter et sans
développer un environnement propice à l'exercice de leur
discipline."
Le champ des relations du travail dans la domaine des arts de la
scène, du disque et du cinéma doit être régi selon
des modalités analogues aux règles qui prévalent dans
d'autres secteurs d'activités. À la différence de ces
autres secteurs, cependant - et c'est la raison fondamentale pour laquelle une
loi particulière est nécessaire - les artistes concernés
par le projet de loi se définissent en tant que travailleurs autonomes
et non pas en tant que salariés, d'où également un
mécanisme spécifique de reconnaissance des associations
habilitées à négocier des ententes collectives.
À la lumière des commentaires et des propositions qui
seront soumis à l'attention des membres de cette commission, nous
évaluerons l'opportunité d'apporter des amendements au projet de
loi. Je suis donc disposée à tenir compte des modifications qui
bonifieraient ce projet dans le sens des objectifs que nous avons toujours
poursuivis.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre.
Maintenant, je reconnais M. le député de Mercier.
M. Gérald Godin
M. Godin: M. le Président, je vous remercie. Bonjour,
messieurs les représentants de l'Union des artistes, et bienvenue
à Québec, à cette commission parlementaire, la
deuxième en dix-huit mois, comme l'a dit la ministre. On peut donc dire,
comme je le dis en Chambre, que la ministre a fait ses devoirs et qu'elle livre
la marchandise.
La tradition veut que, si une loi est bien reçue, l'Opposition se
taise pour que le plus tôt possible on n'en parle plus et que cela passe
dans les archives des journaux du Parlement. Mon Intention n'est pas de me
conformer à cette tradition, pas plus à elle qu'à
d'autres, d'ailleurs. Au contraire, j'assure ta ministre que nous allons
travailler ensemble à améliorer le projet de foi; j'assure aussi
nos invités que nous voulons travailler ensemble à ce que le
projet de loi réponde à des questions qui me préoccupent
beaucoup. Je pense que l'obsession syndicale a pris la place de l'obsession
sociale en ce qui touche le projet de loi. Nous constatons dans nos
comtés que bien des jeunes artistes sont au bord de la misère et
que c'est souvent la relève qui subit de longues périodes de
chômage. Nous devons penser à eux. C'est pourquoi nos suggestions
d'amendement porteront sur la question de la relève artistique au
Québec dans votre domaine.
J'ai soumis à Mme la ministre la liste de quatre organismes qui
auraient voulu se faire entendre. Elle a dit oui pour deux, elle a
éliminé le Regroupement des professionnels de ia danse, ainsi
qu'en art visuel. Je pense que, pour atteindre le but visé qui
était d'améliorer le projet de loi, elle aurait dû accepter
les quatre groupes. Je lui dis merci pour les deux acceptés et je
déplore que les deux autres aient été refusés dans
ia mesure où...
Mme Bacon: J'aimerais apporter une correction à ce que dit
le député de Mercier. Il faut, quand même, donner des
vérités Ici. On ne commencera pas à mentir ce matin.
Le Président (M. Trudel): Mme la ministre,
vous avez le droit de parole après les remarques
préliminaires des membres de l'Opposition.
M. Godin: Sans vouloir donner de leçon à la
ministre, ce qu'elle a en horreur, je répète, quand même,
que nous aurions pu faire ce qu'on a fait dans d'autres circonstances
semblables alors que j'étais ministre et entendre tout le monde dans la
mesure où on veut un projet de loi aussi parfait que possible. Mon
expérience comme député ici depuis douze ans me rappelle,
me montre, m'enseigne, dis-je, que plus on travaille à ce stade-ci,
moins la loi est à corriger plus tard. Donc, nous allons collaborer avec
te gouvernement au maximum, mais sans qu'on brime notre droit de parole et sans
surtout renoncer à nos critiques même si la ministre n'aime pas
qu'on lui fasse des leçons, dit-elle. Il n'est pas question de lui faire
des leçons; il est juste question d'améliorer...
Mme Bacon: II faut dire la vérité.
M. Godin: M. le Président, est-ce que j'ai encore la
parole? C'est moi qui ai la parole. Merci, M. le Président. Alors, nous
sommes ici pour améliorer le' projet de loi en tenant compte de la
réalité dans son ensemble et pas seulement de sa partie, je
dirais, purement syndicale. Donc, je déplore que la ministre n'ait pas
voulu qu'on entende deux des groupes suggérés par nous, car ces
groupes avaient des remarques à faire qui auraient contribué
à améliorer le projet de loi dans la direction que nous
souhaitions. Nous sommes heureux que ce projet de loi soit déposé
et nous voulons l'améliorer la main dans la main et sans acrimonie avec
personne, le plus tôt possible, avec l'aide de nos témoins qui
comparaîtront aujourd'hui.
Donc, Mme la ministre, je laisse un peu de temps à mon
collègue de Saint-Jacques qui a porté le dossier pendant de
nombreuses années avant que j'en hérite. Mes propos se terminent
ainsi. M. le Président, j'ai terminé.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Mercier. Est-ce que d'autres membres de l'Opposition
auraient des remarques préliminaires à faire? M. le
député de Saint-Jacques?
M. André Boulerice
M. Boulerice: Oui, M. le Président. Très
brièvement, puisque ce qui nous intéresse, c'est effectivement le
projet de loi et les commentaires que les différentes associations vont
présenter avec possibilité de suggestions d'amendement, ce que je
souhaiterais vivement.
Comme le disait mon collègue, le député de Mercier,
j'ai eu l'honneur et, surtout, le très grand plaisir de piloter cette
commission en mai 1986 lorsque nous vous avons entendus. Je crois bien,
effectivement, à ce moment-là, vous avoir entendus. Nous avons
maintenu le dialogue depuis ce temps et de cela, je m'en réjouis. Je
constate aujourd'hui que votre élégante ténacité,
votre ardeur, votre vigueur et vos convictions font que nous avons un pas de
fait. Je ne le sous-estimerai pas, un pas qui est Important, significatif. On
est loin, par contre, d'avoir obtenu la perfection. Je pense que vous
apporterez des choses.
Je peux vous dire que j'agirai dans la même lignée que je
l'ai fait lors des audiences de mal 1986, lors des rencontres que nous avons
eues après. Ce qui m'intéresse est la réussite de votre
dossier. Donc, vous pourrez compter sur l'ancien porte-parole de la culture,
mais toujours membre de cette commission et ayant le privilège de vivre
dans une circonscription où cela s'illustre peut-être d'une
façon plus évidente que dans certaines autres.
Je vais conclure là-dessus en laissant à mes
collègues la possibilité de vous dire quelques mots, s'ils le
souhaitent, en vous disant que j'attends avec beaucoup d'impatience les
précisions que vous voudrez apporter. J'estime que la loi a,
malheureusement, certaines faiblesses. Par contre, un deuxième volet
n'est pas présenté simultanément, ce qui nous aurait
permis d'avoir une situation plus claire et plus définitive pour le
statut de l'artiste. Mais je pense qu'on va en discuter dans les heures qui
viennent.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Saint-Jacques. Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs.
Je vais être également brève parce que l'avantage des
commissions parlementaires de cette nature, c'est d'avoir un propos assez bref
pour donner un peu plus de temps à ceux qu'on veut entendre.
Je voudrais d'abord dire que je partage tout à fait l'avis et les
préoccupations du porte-parole du dossier. Tout ce qui concerne la
relève au Québec en matière de développement des
arts devrait être examiné avec infiniment de soin et
encouragé. Il est sûr que les différents aspects de ce
projet de loi qui nous permettraient de le faire, on pense devoir les examiner
avec beaucoup de soin pour voir comment on pourrait les améliorer. En
pariant ainsi, on admet et on est heureux de dire que ce projet de loi
constitue un pas dans la bonne direction.
À la réaction de la ministre tout à l'heure, j'ai
cru comprendre qu'on pouvait peut-être éventuellement
répondre par l'affirmative à une demande présentée
par le Regroupement des professionnels de la danse d'être entendu
à cette commission. Si tel est le cas, je serais tout à fait
heureuse - et j'imagine que mes collègues le seraient également -
qu'on puisse corriger cet oubli. Selon l'information qui m'a été
communiquée, on aurait refusé de l'entendre. Je pense
que c'est un regroupement comme un autre; on a connu sa position
à l'occasion de la première commission parlementaire et, s'il y a
eu une demande et qu'il n'y a pas eu de refus, normalement on devrait
l'entendre ici.
Une autre question me préoccupe aussi, et vous le comprendrez,
c'est tout le développement et la production d'activités à
caractère culturel dans les régions. Ce que vous proposez avec le
projet de loi qui est sur la table va permettre à un certain nombre de
nos artistes de vivre un peu mieux que dans la situation actuelle, soit sous le
seuil de la pauvreté dans la trop grande majorité des cas. Mais,
comme on n'a pas, dans nos régions, de grandes manifestations
culturelles, comme on n'a pas de grands artistes patentés, ils
commencent à se former dans les régions et, ensuite, ils vont
terminer à Montréal. Ce que je ne retrouve pas dans ce projet de
loi, ce serait une préoccupation par rapport aux situations dans les
régions qui sont fort différentes de la situation du
Montréal métropolitain. Cela avait été
souligné à plusieurs reprises à l'occasion de la
première commission parlementaire. C'est cet aspect également que
je voudrais qu'on puisse examiner au fur et à mesure de fa
présentation des mémoires et, évidemment, de l'examen du
projet de loi lui-même. Sur ce, je terminerais.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Est-ce que, Mme la députée
de Maisonneuve, vous avez des remarques préliminaires à
faire?
Mme Harel: Non, M. le Président, je vous remercie.
J'attendrai la présentation du mémoire et, par la suite, je
m'autoriserai à intervenir.
Le Président (M. Trudel): Très bien, merci. Mme la
ministre des Affaires culturelles.
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: Je pense, M. le Président, qu'il faut, quand
même, apporter des corrections à ce qu'a dit le
député de Mercier et il y a la place pour cela. Il faut, quand
même, dire la vérité.
D'abord, il y a plus d'une semaine, et le député de
Mercier se le rappelle, nous avons convenu avec l'Opposition des groupes
à inviter. À ce moment-là, l'Opposition n'a jamais
manifesté d'intérêt pour les groupes qu'il a
mentionnés ce matin. Nous avons accepté le nombre de groupes que
nous avions mentionnés il y a une semaine et jamais les groupes qu'il
mentionne ce matin n'ont été mentionnés.
Pour ce qui est du regroupement des arts visuels, j'ai longuement
expliqué, à l'adoption du principe de ce projet de loi, qu'il ne
pouvait pas être couvert par le projet de loi; donc, des contrats de
nature commerciale, pas d'entente collective. Et je le lui ai redit encore ce
matin. Pour ce qui est du Regroupement des profession- nels de la danse, je
l'ai aussi dit à l'adoption du principe du projet de loi 90, les membres
du regroupement sont, pour la majeure partie d'entre eux, membres de l'Union
des artistes.
Quant à la question de la santé et de la
sécurité au travail qui touche les membres de la danse, je suis
heureuse de dire ce matin que ce dossier fort important est déjà
très avancé. C'est vrai que, par la suite, comme l'a dit ce matin
le député de Mercier, il est revenu avec un nombre de groupements
une fois que nous avions convenu des autres et j'ai accepté deux
groupements, M. le Président. (11 h 45)
Nous allons terminer ce soir, à minuit. Nous allons rencontrer
les gens qui ont d'autres dossiers. Nous avons reçu des mémoires
d'autres groupes qui ne seront pas entendus et nous prendrons connaissance de
ces mémoires. Nous tiendrons compte de tous les mémoires qui nous
seront soumis au moment où, s'il y a lieu, nous ferons des changements
ou des amendements à ce projet de loi. Je n'ai pas l'intention de brimer
qui que ce soit, M. le Président. Ceux qui ne seront pas ici aujourd'hui
jusqu'à minuit viendront nous rencontrer; nous les rencontrerons et nous
étudierons les mémoires qu'ils nous présenteront, qu'ils
soient verbaux ou écrits.
Le Président {M. Trudel): Merci, Mme la ministre.
Organisation des travaux
Mme Harel: M. le Président, je pense que le temps qui
était à la disposition de l'Opposition n'a pas été
complètement utilisé. J'aimerais, à titre de
vice-présidente de la commission de la culture, vous rappeler et
rappeler aux membres de la commission qui siégeaient à ta
séance de travail jeudi dernier, et peut-être Informer la ministre
qui n'en a pas été informée, que, tors de notre
séance de travail, nous avions entériné le projet
d'audition des personnes et organismes qui avaient demandé à
être entendus, évidemment, en insistant sur le fait que, si des
groupes autres... J'ai moi-même posé la question à deux
reprises: Est-ce qu'il y a des groupes qui ont été
refusés? Est-ce qu'il y a des organismes ou des personnes qui auraient
aimé être entendus et quf ne se retrouvent pas sur la liste qui
nous était présentée à cette séance de
travail? On m'a dit: Non, il n'y en a pas d'autres. Et on m'a mentionné
que, s'il y en avait, il n'y aurait aucune objection à ce que la
commission parlementaire les entende.
Alors, je ne veux pas que l'impression se dégage que l'Opposition
n'avait pas prévu que des groupes ou des organismes ou des personnes
s'ajouteraient peut-être à la liste qui était
déjà constituée. Bien au contaire, je me rappelle avoir
posé la question à deux reprises: Est-ce qu'on s'entend bien sur
le fait que des organismes qui demanderaient à être entendus
après la séance de
travail que nous faisions pourront l'être? On m'avait bien
signalé que ça ne posait pas de difficulté.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la
députée.
On me permettra, comme président de cette commission, de me
déclarer en parfait désaccord avec votre interprétation.
Effectivement, on a approuvé la liste qui avait fait l'objet d'une
entente entre le gouvernement et l'Opposition, On vous avait
présenté cette liste-là quelques jours à l'avance,
je pense, et quelqu'un de votre formation est arrivé rapidement en nous
disant: Oui, bien, on est d'accord. On ne savait pas s'il t'était au
début. Je me souviens d'avoir dit personnellement que, s'il y avait des
ajouts à faire, ça dépendrait du temps qu'il y aurait
à notre disposition et que, d'autre part, ça dépendrait
aussi de l'accord des deux partis puisqu'on s'étaient entendus sur une
liste.
Je ne voudrais pas qu'on perde trop de temps là-dessus. On
pourrait faire venir le procès-verbal d'ici quelques minutes,
évidemment, s'il faut qu'il y ait débat. Mais je vous
rappellerais qu'il est déjà midi moins dix et que, dans douze
heures moins dix minutes on sera à la fin des travaux de cette
commission.
Je pense que tout le monde a fait valoir son point vis-à-vis de
nos amis, les artistes. Chacun des deux côtés de cette table veut
le plus grand bien de l'artiste. Je pense qu'on s'entend là-dessus. Je
souhaiterais, quant à moi, comme président de la commission,
qu'on évite des débats de cette sorte ce matin, quitte à
les poursuivre entre nous, à moins qu'il n'y ait des choses
véritablement...
Mme Harel: M. le Président, la meilleure façon de
les éviter...
Le Président (M. Trudel): Madame, je vous ai
laissée parler. Est-ce que vous pouvez me laisser terminer?
Mme Harel: ...c'est de ne pas présumer que nous
étions en...
Le Président (M. Trudel): Madame, je n'ai pas
terminé ce que j'avais à dire.
Mme Harel: ...désaccord. Alors, la meilleure façon
de les éviter, c'est, justement, de rappeler que nous souhaitons que
tous les groupes et organismes qui veulent se faire entendre puissent
être entendus.
Le Président (M. Trudel): Cela, c'est une chose.
Mme Harel: Et cela a été dit clairement à
cette séance de travail de jeudi dernier.
Mme Bacon: On n'a pas nommé les groupes comme on l'a dit
ce matin. M. le Président...
Le Président (M. Trudel): Allez-y, madame.
Mme Bacon: ...si vous me permettez une intervention -
j'espère que ça sera la dernière et qu'on écoutera
les gens qui viennent Ici pour nous dire ce qu'ils ont à dire sur le
projet de loi - j'aimerais vous dire que, si nous avions du temps ce soir et
que les groupements sont ici, nous pourrions les entendre. Cela dépend
de l'heure. Je pense qu'on ne passera quand même pas la nuit
là-dessus. Mais s'il reste du temps ce soir on pourra peut-être en
entendre s'ils sont déjà là.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre.
Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Oui, brièvement, M. le Président. La
liste n'était effectivement pas définitive puisqu'on a
ajouté deux groupes. Ce sur quoi je m'interroge...
Mme Bacon: Écoutez, le porte-parole de la culture, c'est
M. le député de Mercier. Après entente avec le
député de Mercier... Il n'y a pas quatre porte-parole de la
culture dans votre formation politique, j'espère?
Mme Blackburn: M. le Président, est-ce que c'est moi qui
ai la parole, oui ou non?
Le Président (M. Trudel): Je voudrais vous la donner. On
me l'a coupée tantôt. Mais je vais être plus poli que celle
qui me l'a coupée. Je vais vous remettre la parole, chère
amie...
Mme Blackburn: Bien, je vous remercie, M. le Président.
Tout ce que je dis...
Le Président (M. Trudel): ...en étant prudente, car
vous n'assistiez pas à la réunion de la commission de la culture
à ce moment-là.
Mme Blackburn: ...c'est que l'impression que ça laisse,
c'est que le choix des organismes retenus se fonde sur le fait que certains
organismes sont plus en désaccord sur le fond par rapport au projet de
loi. C'est ça qui est préoccupant. Quand on parle de toute la
vérité, de faire la lumière sur ce projet de loi, iI faut
aussi entendre ceux qui ne sont pas tout à fait d'accord avec la
perspective qui est présentée et qui voudraient améliorer
le projet de loi.
Le Président (M. Trudel): Avez-vous lu les
mémoires, madame?
Mme Blackburn: Oui, j'ai lu ce mémoire-là.
Le Président (M. Trudel): Vous allez vous apercevoir que,
dans les quatre qui vous sont
déjà parvenus, ils ne sont pas tous d'accord et ils sont
devant nous aujourd'hui.
Mme Bacon: Ils ne sont pas tous d'accord et on les entend,
madame.
Mme Blackburn: II y a des modifications, je le sais, mais la plus
importante différence, à mon avis, c'est ceux qui ne se
reconnaissent pas bien là-dedans. Et cela, c'est beaucoup plus majeur
que celui qui ne partage pas vraiment le libellé. C'est dans ce
sens-là que je voulais intervenir et j'espère...
Mme Bacon: Je dois déplorer ce ton-là ce matin, M.
le Président. On n'a jamais eu cela avec le député de
Saint-Jacques, M. le Président, et je dois lui rendre hommage
là-dessus.
Mme Blackburn: M. le Président, vous permettez que je
termine?
Le Président (M. Trudel): Allez-y, madame.
Mme Blackburn: Alors, c'est simplement pour vous dire que j'ai
terminé. On essaiera de le faire assez brièvement pour pouvoir
entendre les deux derniers groupes, si mes collègues sont d'accord.
Mme Bacon: Vous devriez reprendre le dossier, M. le
député de Saint-Jacques, on aurait moins de trouble.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Trudel): Deux choses, si vous me le
permettez, très brièvement, avant de céder la parole
à l'Union des artistes. Il y a un règlement de l'Assemblée
nationale qui stipule qu'une commission parlementaire ne peut pas siéger
après minuit. Il est évident qu'on peut siéger quelques
minutes après minuit, à condition d'avoir commencé
à entendre un groupe. Sans presser trop les huit groupes que nous avons
déjà, qui comparaîtront devant nous et qui sont
déjà sur notre liste d'invités pour aujourd'hui, il est
évident que, si les choses s'accéléraient et qu'on
arrivait à 23 h 15, 23 h 30, même à 23 h 45 avec un autre
groupe - je sais que le Regroupement des professionnels de la danse est ici,
j'ai vu M. Patenaude en bas, dans une autre réunion, il y a quinze
minutes - on lui laisserait la parole.
Est-ce qu'on aura ie temps de passer dix groupes dans une
journée? Moi, je rnë souviens que le record de cette commission,
qui a été établi lors de la première commission sur
le statut de l'artiste, était de huit dans une journée et c'est
déjà beaucoup pour tout le monde. Cela étant dit, je pense
que cela met fin au minidébat.
Mme Pelchat: Est-ce qu'on peut connaître le porte-parole
de l'Opposition officielle, M. le Président, en matière de
culture?
Mme Bacon: Est-ce qu'on sait qui est le porte-parole
officiel?
Mme Pelchat: Est-ce qu'il est bien établi?
Le Président (M. Trudel): Mme la députée de
Vachon, si vous voulez que les choses aillent rondement...
M. Godin: Si elle veut la chicane, elle va l'avoir, mais
moi...
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Mercier, Mme la députée, s'il vous plaît!
M. Godin: S'ils veulent barber, on va barber des deux bords.
Auditions
Le Président (M. Trudel): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Alors, M. le président de l'Union des artistes - à
l'ordre, s'il vous plaît - il me fait plaisir, au nom d'une commission
très unie ce matin, de vous souhaiter la bienvenue...
M. Boulerice: Le temps d'une paix, une deuxième fois.
Mme Bacon: On l'avait avec vous, M. le député de
Saint-Jacques.
Le Président (M. Trudel): S'il vous plaît! Il y a un
président de l'Assemblée nationale qui a déjà dit
que les enfants étaient agités un matin; je serais presque
tenté de dire la même chose.
Alors, M. le président de l'Union des artistes, ainsi que les
membres qui vous accompagnent, rebienvenue presque chez vous. Ce salon vous
appartient presque autant qu'à nous puisque vous y avez passé, il
y a dix-huit mois, presque une semaine avec nous. Je pense que les
préambules de part et d'autre ont été assez longs pour
m'éviter d'en faire un, si ce n'est pour vous souhaiter la bienvenue,
vous rappeller les règles du jeu et vous dire que, bien que nous n'ayons
pas lu votre mémoire étant donné certains problèmes
techniques, il faudrait essayer de faire te tout en 20, 25 minutes de
façon que nous puissions avoir avec vous un échange
fructueux.
M. le président, je vous cède, avec beaucoup de plaisir,
la parole.
Union des artistes
M. Turgeon (Serge): Bien, M. le Président, Mme la
ministre, mesdames, messieurs, les membres de cette importante commission,
c'est vrai qu'on a déjà passé une semaine ici et je vous
assure qu'on va aussi y passer tout le
temps qu'il faudra encore cette fois-ci. J'espère que vous serez
tous d'accord pour dire que nous devons discuter de ce qu'est ce projet de loi
et non pas de ce qu'il n'est pas.
Là-dessus, je voudrais vous présenter, au point de
départ, ceux qui m'accompagnent. À ma droite, notre directeur
général, M. Serge Demers; à ma gauche, notre conseiller
juridique, Me Marc Trahan, et notre expert en fiscalité, M. Serge
Chevalier, de la firme Raymond, Chabot. Je veux vous dire aussi, dès le
départ, que bien que nous ayons souscrit à l'esprit du projet de
loi 90 qui a été déposé - et comment aurait-il pu
en être autrement? - nous croyons, cependant, que, pour mieux cerner la
situation visée, certaines modifications destinées à en
clarifier le texte doivent être effectuées. Nous espérons
ardemment que les modifications de dernière minute, que les amendements
qui pourront y être apportés ne viendront, en aucun cas,
infléchir l'esprit du projet de loi qui a été
déposé.
Je commence tout de suite avec le point 1 qui concerne le champ
d'application et les définitions. On dit là-dedans que la loi
doit s'appliquer à plusieurs domaines dont celui du film et du
matériel vidéo au sens de la Loi sur le cinéma. Nous
pensons qu'il serait plus opportun de parler de ce domaine comme étant
celui du film et du matériel vidéo, ce qui comprend toute oeuvre
audio-visuelle destinée à tous les modes de distribution et de
diffusion présents ou futurs et ce, quel qu'en soit le support
technique. Pourquoi cela? Parce qu'au moment de son adoption la Loi sur le
cinéma visait principalement le cinéma en salle, alors que
l'évolution actuelle nous amène plutôt, vous le savez, vers
fa coproduction internationale, vers des modes de diffusion et de distribution
dont on ignore toujours les grandes possibilités. Or, depuis quelques
années, tant par le biais des fonds accordés par
Téléfilm Canada que par ceux de la Société
générale du cinéma, les producteurs indépendants
sont amenés non seulement à produire des films qui sont
destinés à la projection en salle, mais aussi des oeuvres
conçues pour la télévision. On ne voudrait pas que la
définition des domaines de production artistique exclue ce type de
production. Donc, une définition plus large et qui songe au futur nous
apparaîtrait beaucoup plus viable.
Au point 2, c'est extrêmement Important, cela concerne les
définitions. Il faut s'entendre au point de départ sur ce que
doit être un artiste et ce que doit être un producteur. À la
définition "artiste", bien sûr, c'est une personne physique qui
pratique un art à son propre compte et - c'est important pour nous - qui
offre ses services professionnels moyennant rémunération.
Puisqu'on parle dans cette loi de statut professionnel et de prestations de
services, on souhaite donc voir inclure la notion de "services professionnels"
à la définition d'artiste. À la définition de
"producteur" nous proposons une personne, une compagnie, au sens de la Loi sur
les compagnies, du Canada ou du Québec, et/ou une société
qui retient les services professionnels d'un artiste dans le but de produire
et/ou de présenter une oeuvre artistique. Encore là, il faut
comprendre que la définition de producteur dans le projet nous
apparaît trop restrictive. Nous désirons plutôt y voir
inscrire toutes les formes de constitution juridique sous lesquelles on
retrouve les producteurs qui requièrent les services de nos membres.
Quant à la distinction de "produire" et de "présenter" une oeuvre
artistique, on veut particulièrement se référer Ici au
secteur de la variété. C'est très important parce que,
très souvent, en régions un propriétaire de salle
décide de faire venir un artiste avec ses musiciens et on pense que,
dans nombre de cas, ils sont plus que de simples locateurs de salle. Nous
souhaitons donc que la loi le stipule.
Au point 4, il est dit que, pour l'application de la présente
foi, l'artiste qui s'oblige habituellement envers un ou plusieurs producteurs
au moyen de contrats portant sur des prestations distinctes est
réputé pratiquer un art à son propre compte. Mais on
considère important d'ajouter "en tant que travailleur autonome". Il
faut être précis. Nous vous proposons de rajouter: Un artiste dont
les services professionnels sont retenus par un producteur en tant que
travailleur autonome n'est pas considéré comme occupant une
charge ou un emploi au service de ce producteur. Il semble essentiel de
spécifier que le lien de travail de l'artiste autonome au producteur
échappe à toute définition d'emploi au sens du Code du
travail et ce, dans le but de rendre bien claires les choses.
Au point 6, il y a un petit mot qui nous semble important et qui est mal
placé, à notre sens, c'est le mot "malgré". On dit que
l'artiste a la liberté de négocier et d'agréer les
conditions auxquelles il est engagé par un producteur malgré
toute entente collective. Nous pensons qu'il serait plus opportun de dire: "et
ce, en sus de toute entente collective." On souhaite que soit enlevé,
donc, le terme "malgré" car il s'inscrit Ici comme une connotation
d'exclusion par rapport à l'entente collective. Cela laisse croire, et
c'est fondamental, que le contrat individuel de l'artiste est quelque chose de
complètement différent de l'entente collective, alors qu'au
contraire il fait partie de cette entente et, en règle
générale, le formulaire du contrat est même un
élément de négociation avec les producteurs. Donc, on
souhaite que le texte de loi ne prête pas à interprétation
quant au lien juridique qui existe entre le contrat individuel et l'entente
collective. On souhaite qu'il soit clairement établi qu'il s'agit d'une
même réalité et non pas de points distincts.
Un peu plus loin, on propose d'enlever le mot "toutefois" dans "peuvent
toutefois stipuler une condition". On pense que ce mot est tout à fait
inutile dans cela.
À la section I du chapitre III qui concerne le droit à la
reconnaissance il est dit au point 7,
alinéa 2°, que l'association est formée exclusivement
d'artistes. Nous vous proposons d'enlever le mot "exclusivement" parce que cela
nous apparaît, encore là, trop restrictif. Ainsi libelé,
l'article 7 exclut tes membres qui sont actuellement représentés
par certaines associations qui oeuvrent aussi dans le milieu. Alors, on
recommande que l'article 7 en tienne compte et qu'il soit donc
reformulé.
Au point 9, on y dit que les règlements d'une association
d'artistes ne doivent contenir aucune disposition ayant pour effet
d'empêcher injustement un artiste d'adhérer ou de maintenir son
adhésion à l'association. On pense que le mot "injustement" doit
être remplacé en disant qu'il ne doit contenir aucune disposition
ayant pour effet d'empêcher de façon discriminatoire un artiste
d'adhérer ou de maintenir son adhésion. C'est que la formulation
que nous suggérons correspond tout simplement aux formulations qui sont
présentes dans différentes chartes des droits de la personne. Il
existe, de plus, à ce propos, une jurisprudence qui facilitera
l'interprétation de cet article. (12 heures)
À la section II qui concerne la procédure de
reconnaissance, nous suggérons d'ajouter au numéro 14: "Là
où les associations d'artistes d'un secteur visé ont le droit de
se faire entendre par la commission quant à la liste établissant
les artistes du secteur visé." Tout en reconnaissant le pouvoir de
décision des membres de la commission en matière de
reconnaissance, on pense que l'ajout d'une étape d'explication advenant
que la liste agréée par la commission, pour un secteur
visé, ne satisfasse pas l'association d'artistes en cause, cela
bonifierait le processus et offrirait plus de garantie quant à la
décision finale, eu égard, évidemment, aux
intérêts de l'association d'artistes.
On dit dans le projet de loi que les producteurs peuvent intervenir sur
la définition du secteur de négociation. C'est bien, mais on
voudrait que ce soient non seulement tes producteurs, mais aussi la ou les
associations d'artistes qui puissent intervenir sur la définition du
secteur et cela, toujours dans une notion d'équité parce qu'on
pense que les deux parties en cause devraient bénéficier du droit
d'intervenir sur l'importante définition du secteur de
négociation.
Au chapitre III, section III, qui concerne l'annulation de la
reconnaissance, au numéro 17, il est dit que, sur demande d'au moins 10
% des artistes du secteur dans lequel une association a été
reconnue ou sur demande d'un producteur visé par la reconnaissance, la
commission doit procéder à une procédure de
revérification de majorité Là-dessus, on demande que ce
soit plutôt sur demande d'au moins 30 % des artistes du secteur dans
lequel une association a été reconnue ou encore sur demande non
pas d'un seul producteur, mais de 30 % des producteurs liés par une
entente collective visée par la reconnaissance, que fa commission doive
vérifier si l'association rassemble effectivement ta majorité des
artistes du secteur. C'est un pourcentage qui nous semble réaliste, D
correspond aussi à la règle généralement suivie,
d'ailleurs, dans le cadre du Code du travail du Québec. Il nous semble
aberrant qu'un seul producteur, lorsque certains secteurs en comptent parfois
500, puisse, à lut seul, amorcer ce processus qui risque de
déstabiliser l'ensemble des relations entre les producteurs et
l'association reconnue. Donc, on pense qu'il serait beaucoup plus juste de
porter ce pourcentage également à 30 % des producteurs
liés par une entente.
Au chapitre 111, à la section IV qui concerne les effets de la
reconnaissance, il est dit qu'une association d'artistes doit avoir les
pouvoirs et les devoirs de défendre et de promouvoir les
intérêts économiques et professionnels de ses membres. Et
il nous semble fondamental de dire qu'elle doit défendre et promouvoir
les intérêts économiques, sociaux, moraux et professionnels
de ses membres, c'est-à-dire que soit repris, en fait, le même
libellé qui, depuis une bonne quarantaine d'années jusqu'à
nos jours, a servi de définition juridique à tous nos syndicats
professionnels. Cela fait partie de notre histoire. Cela reflète les
multiples facettes des intérêts que nous défendons depuis
toutes ces années. C'est justement, d'ailleurs, à partir de cette
définition qui inclut tous les Intérêts de nos membres,
qu'ils soient économiques, sociaux, moraux et professionnels, que nous
avions souhaité que s'articule un statut véritable
Au point 21 toujours, et au quatrième alinéa, il est dit
que l'association peut fixer des cotisations payables par ses membres. Il nous
semble qu'il est fondamental de dire que l'association peut fixer des
cotisations payables par les artistes. Là, il y a une
nécessité d'équité là-dessus. Si notre
association oeuvre comme association reconnue dans un secteur et offre ses
services aux artistes membres, mais aussi aux artistes non membres de ce
secteur, elle doit évidemment pouvoir percevoir des cotisations qui lui
permettent de garantir ces services.
On en arrive là-dessus au chapitre III, section IV, qui concerne
les effets de la reconnaissance et là, on a un cinquième et un
sixième alinéa dans le projet actuel et nous proposons de
refondre tout cela en un seul alinéa qui deviendrait l'alinéa
5°. On propose de dire que, dans ces effets de reconnaissance, il y a de
négociée avec un producteur ou une association de producteurs une
entente collective, prévoyant les conditions minimales d'engagement,
incluant un contrat type pour ta prestation de services dans le secteur
où l'association est reconnue. Ici, on propose de jumeler les deux, d'en
faire une seule rédaction tout simplement pour faire une concordance
avec l'article 23 où il est stipulé que l'association reconnue
est la seule représentante
des artistes que le producteur ou l'association de producteurs engage.
Cela veut dire que l'association reconnue négocie une entente collective
pour les artistes d'un secteur donné et, par la suite, les
représente tous dans le cadre de cette entente.
Au point 22, on propose de dire que l'association reconnue doit
transmettre la liste de ses membres à la commission - pas chaque
année - six mois précédant la date d'expiration d'une
entente collective visée à la section V. On propose cela, encore
là, en concordance avec le second paragraphe de l'article 17. Il serait
administrativement souhaitable qu'on ne multiplie pas indûment le nombre
de fois où ces listes, qui sont fort longues à établir,
seront requises.
À la section V, dans le chapitre III, en ce qui concerne les
ententes collectives comme telles, il est dit qu'à moins qu'une entente
n'ait été conclue ou que les parties n'aient soumis leur
différend à l'arbitrage, l'association reconnue peut,
après l'expiration du soixantième jour de la date de
réception de l'avis, déclencher à l'égard de
l'autre partie une action concertée en vue de l'amener à conclure
une entente. 60 jours, cela nous semble énorme. On propose plutôt
après le trentième jour de la date. Vous allez comprendre
pourquoi on désire diminuer ce délai à 30 jours, c'est
à cause de la courte durée de certaines productions, de
même que du caractère souvent éphémère de
certaines compagnies qui n'existent que le temps de la production. Les
productions peuvent durer 30 jours ou 20 jours seulement et les compagnies
aussi
On en arrive au chapitre V en ce qui concerne la Commission de
reconnaissance des associations d'artistes. À la section I,
Constitution, le projet de loi propose que la commission soit nommée
pour une période déterminée d'au plus cinq ans. On vous
propose pour une période de sept ans. Un mandat ferme de sept ans nous
semble garant d'une meilleure stabilité de la commission. Plus un mandat
est court, plus le risque est grand, selon nous, que certaines décisions
des membres de la commission soient rendues en fonction d'un plan de
carrière personnel envisagé à court terme, et ce, dans des
domaines directement reliés - ou propres du champ d'intervention de la
commission.
Par contre, un mandat de sept ans ferme offre un cadre de travail
où l'esprit des décisions sera plus dénué
d'influences ou d'orientations. On vous propose aussi que le président
de cette prochaine régie soit un juge de la Cour provinciale. Je ne sais
pas comment vous allez réagir là-dessus, mais on vous propose
cela parce qu'il nous semble que cela assurerait l'autonomie du tribunal
administratif que constitue la commission.
Par la suite, en ce qui concerne le président qui exerce ses
fonctions à temps plein, cela va. Le gouvernement fixe la
rémunération et les autres conditions du travail, cela va. Mais
on dit que les autres membres de la commission, les deux autres, ne sont pas
rémunérés et là-dessus on vous propose plutôt
que les autres membres de la commission soient rémunérés
selon la Loi sur la fonction publique du Québec. On pense qu'une telle
mesure est plus propice à garantir l'indépendance des membres de
la commission.
Au chapitre V qui concerne la Commission de reconnaissance des
associations d'artistes, il est dit qu'un membre de la commission ne peut avoir
un intérêt direct ou indirect. On vous propose qu'un membre de la
commission permanent, au sens de l'article 39, ou temporaire, au sens de
l'article 41, ne puisse, sous peine de déchéance, donc, avoir un
intérêt direct ou indirect et on vous propose que ce même
membre doive produire au ministre responsable une déclaration
écrite à cet effet. On propose ces modifications dans le but de
garantir, encore là, la plus grande intégrité possible des
membres de ce tribunal administratif et leur capacité d'en
répondre, évidemment, vis-à-vis du ministre
responsable.
Toujours au chapitre V, à la section II, qui concerne les
fonctions et les pouvoirs de cette commission, on propose de rajouter au point
52 que la ou les associations d'artistes d'un secteur de négociation
visé aient le droit de se faire entendre par la commission sur ces
décisions. C'est dans le même esprit que ce qui a motivé
l'amendement qu'on a proposé tantôt à l'article 14. Une
décision de la commission qui aurait été prise, par
exemple, dans la méconnaissance de certains éléments que
pourrait faire valoir une association équivaudrait peut-être
à nuire au fonctionnement serein d'un secteur donné.
Le point 56, alinéa 2°, on propose tout simplement de le
biffer; à notre avis, il est tout à fait inutile et ouvre la
porte à des délais qui risquent de paralyser le bon
fonctionnement de la commission et de nuire plutôt aux relations avec les
parties
Au chapitre VI, qui concerne les dispositions pénales, tout en
étant d'accord pour dire qu'une loi sans disposition pénale
significative est sans effet, on a cru bon de suggérer certaines
modifications propres à garantir un peu plus d'équité
selon la nature des contrevenants. C'est ainsi qu'au point 59, alinéa
2°, on propose de passer de 500 $ à 1000 $ plutôt qu'à
5000 $, puis à l'alinéa 3°, de passer de 2000 $ à 10
000 $ plutôt qu'à 25 000 $. Cela nous semble un peu plus
réaliste.
Enfin, en ce qui concerne les dispositions transitoires et finales, nous
vous suggérons que la présente loi entre en vigueur le 1er
septembre 1988 parce qu'on pense qu'après avoir été
sanctionnée par l'Assemblée nationale, la date d'entrée en
vigueur de la loi devrait être portée à ce moment-là
pour permettre d'abord à la commission et aux parties de s'organiser et
de mettre en place les éléments nécessaires à
l'application de la loi 90.
Au risque, M. le Président, que vous me disiez que je suis hors
du sujet, je voudrais vous
signaler que, dans notre mémoire sur le statut de
l'artiste-interprète pigiste, comme dans l'abrégé qui a
été présenté ici au mois de mai 1986, nous disions
clairement qu'acquérir un statut véritable, cela voulait dire
pour nous acquérir une reconnaissance légale associée
à une reconnaissance fiscale qui nous soit propre et qui soit inscrite
dans la Loi sur l'impôt du Québec. Cela veut dire trois choses,
mais, premièrement, que la Loi sur l'impôt du Québec doit
être amendée pour nous reconnaître comme travailleurs
autonomes. À ce jour, je vous le rappelle, rien ne nous assure que cette
concordance légale sera chose faite. Deuxièmement, cela veut dire
qu'on doit introduire dans la Loi sur les Impôts du Québec la
possibilité d'une déduction forfaitaire de 30 % des revenus de
l'artiste et, troisièmement, que l'on introduise aussi dans cette
même Loi sur l'impôt du Québec un régime pertinent
d'étalement des revenus. On propose le retour à la rente à
versements invariables qui existait avant le 12 novembre 1981 - c'était
un autre 12 novembre. Cette mesure avait fait ses preuves pendant près
de dix ans et cela permettait à l'artiste de se créer un minimum
de sécurité.
On propose aussi la création d'un comité consultatif
regroupant annuellement les artistes et les représentants du
ministère du Revenu. Cela ne coûte pas cher. Ce serait une
réunion une fois par année, une seule journée. On se
réunirait pour discuter des problèmes courants rencontrés
par les artistes dans leurs relations avec le ministère, des
problèmes qui sont reliés aux bulletins d'interprétation,
qui sont reliés à leur application concrète et le
reste.
Cela pour vous dire que cela termine un peu les observations que nous
avons à faire sur ce projet de loi, mais je voudrais aussi souligner
notre appui au Syndicat des techniciens et des techniciennes en cinéma
du Québec, le STCQ, stipulant que ses membres soient également
couverts par cette loi. Les représentants du STCQ, vous vous en
souviendrez, se sont toujours liés à cette recherche d'un statut
professionnel véritable.
Par ailleurs, on est conscient qu'il reste à définir un
statut qui corresponde aux aspirations des artistes d'autres disciplines et,
notamment, à nos camarades des arts visuels. Vous l'avez dit, Mme la
ministre, et plusieurs l'ont dit. C'est pourquoi, nous aussi, solidairement
avec ces associations d'artistes de ce milieu, nous vous demandons
évidemment de prendre des engagements précis à cet
effet.
Là-dessus, M. le Président, je vous remercie.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le président.
Je reconnaîtrai maintenant Mme la ministre des Affaires culturelles.
Mme Bacon: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier
les gens de l'Union des artistes du travail rapide qu'ils ont effectué
compte tenu du délai, qui était quand même assez court,
qu'on leur a donné; et nous, nous avons eu un délai assez court
pour prendre connaissance de votre document. Je voudrais vous remercier car
vous avez continué l'excellent travail que vous aviez commencé,
il y a déjà plusieurs années. On espère avec vous
que cette commission parlementaire nous permettra de bonifier certaines parties
du projet de loi, mais en même temps peut-être, d'apporter, s'il y
a lieu, les corrections nécessaires pour répondre aux besoins de
votre milieu.
À l'article 1, dans le champ d'application, quand vous parlez
d'évolution actuelle dans le domaine du matériel vidéo et
de nouveaux modes de diffusion, quelle référence faites-vous
exactement? Est-ce qu'il y a des modes précis que vous avez
envisagés que vous n'indiquez pas là-dedans?
M. Turgeon: Ja vais inviter M. Demers à répondre
à cette question.
M. Demers (Serge): Nous venons de conclure une entente collective
avec l'ONF et les producteurs de films et de vidéos du Québec.
Pour fa première fois, nous avons Introduit des dispositions dans cette
nouvelle entente qui touchent la production faite par les producteurs
indépendants destinée à la télévision. C'est
une évolution de l'industrie. Il y a quelques années, les
producteurs de films produisaient presque essentiellement des films
destinés aux salles de cinéma Alors, comme l'esprit de la Loi sur
le cinéma vise à réglementer principalement la production
de films destinés aux salles, nous croyons que de faire
référence à cette loi particulièrement restreint la
portée que devait avoir, lorsqu'on parle du cinéma et de la
vidéo, cette industrie qui produit maintenant pour fa
télévision, entre autres. Pour ne pas que ce soit limitatif,
étant donné que la commission aura à s'inspirer de la loi
et à la respecter, nous croyons que la définition doit être
plus large. Actuellement, nous avons d'ailleurs avec ces producteurs des
conditions maintenant nouvelles et particulières qui touchent la
production destinée à la télévision. (12 h 15)
Mme Bacon: À l'article 7, vous souhaiteriez qu'on
élargisse le membership des associations qui pourraient être
reconnues en ne leur Imposant pas d'être formées exclusivement
d'artistes. Quels seraient les critères pour vraiment déterminer
qui serait touché par cet article? Est-ce que vous avez
déjà établi des critères ou si c'est à
faire?
M. Demers: Pour nous, la définition de l'artiste, dans la
mesure où elle sera suffisamment claire, permettra de très bien
cerner la partie du membership d'une association qui est visée et qui
peut se placer sous le coup de cette loi. Cependant, nous savons ~ d'ailleurs,
nos amis
de la SARDEC auront l'occasion de vous en parier plus longuement,
puisque cela les touche encore plus directement que nous, Je pense - qu'ils
peuvent représenter aussi une catégorie de gens qui ne
correspondent pas nécessairement à la définition de
l'artiste, mais qui, pour des raisons historiques font partie du membership. Il
est possible qu'une partie du membership d'une association échappe
à l'application de cette loi, puisqu'elle ne correspond pas aux
définitions qui y sont présentes, mais il ne faudrait pas que,
parce qu'on a le mot "exclusivement", cette association soit obligée de
se scinder, compte tenu des gens qu'elle représente déjà
à ce stade-ci. Je les laisserai discuter davantage cette question,
puisque cela tes touche plus directement.
Si vous me permettez un commentaire avant que vous passie2 à un
autre point, je tiens à m'excuser concernant la question des
mémoires. Ils ont quitté Montréal par bus hier
après-midi à 13 heures et se sont volatilisés entre
Montréal et Québec. Ce n'est pas un commercial pour la compagnie
Parbus, vous le comprendrez bien, mais je voulais simplement vous expliquer
qu'on en a envoyé 50 copies par autobus, hier après-midi.
Mme Bacon: Merci. Sur l'article 21, paragraphe 4°, vous
commentaires parient de "nécessaire équité". Vous pourriez
peut-être préciser cela.
M. Demers: Pour nous, il y a un article fondamental dans ce
projet de loi qui dit: Lorsque la commission aura vérifié la
représentativité d'une association, celle qui est majoritaire
représentera tous les artistes. Représenter tous les artistes,
cela ne veut pas seulement dire percevoir des choses, cela veut aussi dire leur
offrir des services, leur donner une protection et les représenter au
même titre, dans la même mesure et avec la même
qualité qu'on représente nos membres. D'ailleurs, depuis quelques
jours, nous avons déjà eu l'occasion d'avoir des contacts avec
les gens des régions. Nous avons déjà rencontré des
gens de la région de Trois-Rivières, une rencontre est
prévue à Sherbrooke et nous avons une demande de rencontre au
Saguenay. Je vous dirai que les aspirations des artistes de ces régions,
quant à la possibilité pour eux d'être enfin
représentés, sont très élevées. Mais il faut
aussi nous assurer d'avoir la capacité matérielle de
répondre à ces besoins. Et, par conséquent, dans la mesure
où on donne le service, où on offre la protection, il nous semble
normal - c'est d'ailleurs ce qui s'applique dans le cas du Code du travail - de
percevoir une cotisation nous permettant de donner ces services.
Mme Bacon: À l'article 2, en ce qui concerne la
définition du producteur, est-ce que vous souhaiteriez que les
producteurs soient couverts et les diffuseurs aussi?
M. Demers: Pas les diffuseurs parce que, dans la mesure où
on touche les ondes, ils sont sous la juridiction fédérale. Mais,
si vous me le permettez, j'aimerais quand même faire un commentaire. Je
vous donnerais un exemple très concret, le Festival d'été
de Québec, étant donné qu'on est ici. Nous avons connu le
problème et c'est l'angle que l'on veut couvrir. Cet exemple est loin
d'être unique, il est très répandu.
Le Festival d'été de Québec nous dit: Nous ne
sommes pas des producteurs, nous faisons affaire avec plusieurs producteurs et,
par conséquent, nous ne pouvons pas nous lier avec l'Union des artistes
et vous garantir que vos membres auront des contrats en bonne et due forme et
que la caisse de sécurité, les assurances, etc. seront
payées. Là, on dit: II y a une liste de producteurs - qui n'est
jamais à jour, malheureusement - et nous devons courir après 50,
60 ou 75 différents soi-disant producteurs pour constater à
l'occasion qu'on force nos membres, individuellement dans certains cas,
à se déclarer eux-mêmes producteurs et c'est la condition
à laquelle on retient leurs services professionnels. Alors, on dit
à un chanteur X: Si tu veux te présenter dans le cadre du
festival, tu dois signer un contrat indiquant que tu es ton propre producteur
et que tu vas payer tes musiciens, ton éclairagiste, ton preneur de son,
etc., ce qui se fait couramment. À ce moment-là,
évidemment, si le membre se trouve lésé et a besoin des
services de l'union, il n'existe aucun lien juridique nous permettant
d'intervenir au nom de notre membre auprès du Festival
d'été, puisque c'est l'exemple que je prends. Cela devient un peu
trop facile parce que nos membres ayant besoin de travailler, ils accepteront
souvent de signer de tels contrats; c'est une façon
déguisée pour le véritable producteur, celui qui organise
les festivités, de se décharger de sa responsabilité sur
quelqu'un d'autre et de se soustraire ainsi, d'une certaine façon,
à ses obligations et de couper le lien juridique qui nous permettrait
d'avoir des recours. Alors, c'est pour éviter cela que nous avons soumis
cet amendement.
Mme Bacon: À la page 11 de votre mémoire, vous
suggérez de référer au contrat type dans la disposition de
la loi qui habilite une association reconnue à négocier une
entente collective, c'est l'article 21, paragraphe 5°. Êtes-vous
d'accord pour que subsiste toujours un contrat individuel librement
négocié entre un artiste et un producteur, à l'article
6?
M. Demers: Nous sommes en total accord avec la possibilité
pour tous nos membres de pouvoir se négocier Individuellement, comme ils
le veulent, des conditions supérieures à l'entente collective. Il
n'y a aucune objection; au con-
traire, nous pensons que cela doit pouvoir se faire dans tous tes cas,
ce qui n'est malheureusement pas toujours possible pour certaines
catégories de nos membres.
La seule restriction que nous avons, c'est que nous ne voulons pas que
le contrat Individuel négocié librement par te membre avec le
producteur - nous n'intervenons jamais dans cette négociation - soit
coupé au plan du lien juridique de l'entente collective. Dans l'entente
collective, il y a ce qu'on appelle une clause compromissoire,
c'est-à-dire qui nous permet de formuler une plainte, un grief, au nom
de notre membre sf le contrat collectif et le contrat individuel ne sont pas
appliqués à ta satisfaction du membre et, à ce
moment-là, nous pouvons très clairement faire valoir nos
prétentions devant un arbitre pour faire trancher le litige.
Or, s'il y a coupure au plan juridique entre le contrat individuel et
l'entente collective, nous pourrions nous voir privés de ce recours, ce
qui ne nous donnerait finalement juridiction pour défendre notre membre
que sur les minimums. Je dois dire, à titre d'exemple, que nous avons
récemment eu une décision arbitrale dans un dossier qui touche le
secteur des annonces publicitaires où l'arbitre a conclu - en errant,
selon nous; puisque nous allons en évocation, on verra bien - que
l'union n'avait juridiction pour représenter ses membres que sur les
minima. Dans la mesure où cette situation serait confirmée, nous
croyons que cela rendrait la défense de nos membres très
aléatoire et que cela les obligerait à se prendre personnellement
des avocats, à assumer des frais que, dans la plupart des cas, ils ne
peuvent assumer et, par conséquent, à faire en sorte que nous ne
puissions pas les défendre. Je ne sais pas si Me Trahan a quelque chose
à ajouter. Je pense que c'est important.
M. Trahan (Marc): Cet aspect que vient de soulever le directeur
général est essentiel. Effectivement, cette décision
arbitrale aurait des conséquences extrêmement néfastes
puisque, à toutes fins utiles, ce que disait cet arbitre, c'est que la
juridiction de l'Union des artistes ne s'appliquerait que dans le cadre
où il s'agirait d'un contrat conclu au minimum prévu à
l'entente collective.
D'autre part, M. Demers a référé - et,
effectivement, c'est ma prétention - à l'utilisation de
procédures en évocation devant fa Cour supérieure pour
tenter de faire casser cette décision arbitrale. Toutefois, dans
l'état du droit, la tendance jurisprudentielle des tribunaux
supérieurs, depuis quelques années, a été de
restreindre d'une façon drastique le droit à l'évocation
et nous ne voudrions pas nous retrouver à de nombreuses reprises devant
les tribunaux dans des circonstances telles celles que nous vivons. Donc, pour
la compréhension juridique du texte et pour l'application de la loi, il
nous apparaît essentiel que les paragraphes 5° et 6° soient
reliés. Sinon, ceci peut comporter un autre danger que nous avons
vécu par le passé, c'est qu'un contrat soit déposé
à l'Union des artistes selon certaines conditions minimales et que,
parallèlement, un contrat beaucoup plus avantageux soit transigé
et que les avantages, par exemple, de la caisse de sécurité, ne
soient pas octroyés au membre de l'Union des artistes.
M. Turgeon: En somme, en clair, et je ne veux pas en remettre
là-dessus parce que les explications sont très efficaces, c'est
que l'union, l'association doit représenter l'artiste dans la valeur
totale et réelle de son contrat et non pas partielle.
Mme Bacon: En fait, le danger que je voyais peut-être dans
un contrat individuel, c'est de stéréotyper ce genre de
contrat-là et de te rendre peut-être sans objet particulier. Ne
craignez-vous pas qu'il y ait un danger à ce moment-là?
M. Demers: II faudrait voir, je pense, notre pratique
Actuellement, les formules des contrats types sont négociées dans
chacun de nos secteurs avec les producteurs. Ce n'est jamais une
décision unilatérale de l'union. Et il y a toujours des
dispositions - et c'est garanti dans chacun de nos contrats - qui
prévoient "autres conditions". Là, il y a des espaces pour mettre
toutes les conditions qu'on veut bien négocier. Que ce soit de
négocier les frais de transport, une limousine ou quelque condition que
l'on puisse imaginer, notre membre est libre de négocier. Cependant,
ça se fait entre les parties sur des formulaires dont nous recevons
copie et par la suite dont nous vérifions le contenu. D'abord, pour nous
assurer qu'ils sont supérieurs aux minima - c'est la condition de base -
et, deuxièmement, par la suite pour nous assurer que ce que le
producteur a consenti à notre membre sur le plan individuel soit
effectivement ce qu'il va lui verser. À défaut de quoi nous
utilisons les recours à notre disposition. Mais je dois vous dire que,
dans la pratique, si on prend 25 contrats individuels de nos membres sur une
même production, c'est très rare que les conditions de l'un et de
l'autre soient semblables. Chacun a ses particularités et je pense qu'il
n'y a pas de risque que ce soit différent. L'important, c'est uniquement
de maintenir le lien juridique.
Mme Bacon: Alors, je voudrais peut-être, M. le
Président, mentionner qu'en ce qui concerne la fiscalité je suis
d'accord avec le président de l'Union des artistes qu'un ne va pas sans
l'autre. C'est d'ailleurs pour ça que déjà mon
collègue du Revenu est au travail avec eux et avec d'autres pour essayer
de trouver des solutions le plus rapidement possible - il y a quand même
d'autres sessions qui s'en viennent, celle-là se terminera en
décembre, mais il y en aura une autre au
printemps - et aussi, évidemment, le ministre des Finances avec
qui je discutais encore hier de tout le dossier culturel. Alors, je dois
peut-être - sans faire de promesse - vous dire que c'est en bonne voie
pour ce qui est du travail entre le ministère du Revenu, le
ministère des Finances et le milieu culturel. Je pense qu'il est
possible d'arriver avec des aménagements ou des amendements à des
lois qui sont déjà là sans avoir à faire tout un
nouveau chambardement en ce qui concerne les lois. Mais je pense qu'il y a des
amendements possibles qui seraient sûrement requis pour donner une suite
logique.
Je pense avoir déjà dit que le ministre des Affaires
culturelles doit donner des balises et que ce projet de loi était
probablement les balises que je voulais donner à l'ensemble de mes
collègues qui auront à réagir et à agir. Depuis la
dernière commission parlementaire que nous avons eue, il y a quand
même un bon bout de temps, tout s'est mis en branle dans chacun des
ministères. On va voir arriver, à mesure que les dossiers vont se
développer, des réalisations qui sont souhaitées et
souhaitables.
Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. Il reste
quelques minutes à l'enveloppe ministérielle. Est-ce que... Vous
la prenez? Très bien.
Alors, M. le député de Saint-Jacques, vous avez à
peu près 23 minutes et demie.
M. Boulerice: Bon, je vais poser ma première question. Au
sujet de la partie fiscale, CSST, etc., ça oui, je pense que tout le
monde convient effectivement que c'est très important, ia
fiscalité puisque j'ai eu l'occasion lorsque je suis allé dans
vos bureaux de voir sur un échantillonnage de quelques années le
salaire versé en dents de scie à certains artistes avec une
courbe incroyable, mais un étalement fiscal complètement
désastreux. Moi, je suis déçu que ça n'arrive pas
en même temps. Je ne peux pas m'empêcher de le dire. Comme on a
déjà fait un parallèle avec la loi de l'UPA, quand il
s'agit de parler de l'UDA, donc, je me permets une image agricole en disant:
Quand on veut bien labourer, rien ne nous empêche de mettre deux boeufs
après la charrue. Cela aurait pu arriver simultanément. Je pense
qu'il y aurait eu un portrait global de tout cela, mais en tout cas, cela n'y
est pas, sauf qu'on va pousser pour que cela y soit le plus rapidement
possible. (12 h 30)
À l'article 2, vous avez fait changer la notion de producteur
comme telle; pour la changer, c'est que vous avez sans doute vécu des
expériences un peu particulières à ce niveau-là.
Vous pourriez peut-être me donner un aperçu des expériences
que vous auriez vécues au niveau de l'article 2 qui motivent ces
changements. Une question subsidiaire, je ne sais pas, à vous, à
M. Turgeon ou à M. Demers: Dans la définition,
considérez-vous que l'État sera lié par sa propre loi
puisque, souvent - on l'observe maintenant - l'État est producteur de
spectacles culturels?
M. Demers: Sur le premier volet de votre question, effectivement,
nous avons vécu ces dernières années, et depuis toujours,
des situations où tes producteurs tentent de se défiler de leurs
responsabilités comme producteurs par ce qu'on appelle des subterfuges
juridiques, c'est-à-dire à faire assumer par d'autres les
responsabilités que, normalement, ils devraient assumer eux-mêmes.
Nous pensons que de ne pas Introduire la notion de présentation de
spectacles, de tes limiter à la production, c'est restrictif et cela
permet de perpétuer ce genre de comportement.
Lors d'une rencontre que j'ai eue vendredi dernier dans la région
de Trois-Rivières, à l'invitation du Conseil régional de
la culture, où j'étais invité à titre de
conférencier pour parier justement de la loi 90 à des artistes et
à des producteurs de la région, j'ai pu constater que les
producteurs de la région avaient déjà vu ce trou dans la
loi puisqu'il y en a un qui s'est permis de faire un commentaire et de dire:
Comme je n'ai plus l'intention de produire, je ne louerai qu'une salle et,
à partir de cela, je pense que je pourrai me débrouiller. Il est
évident que, si on ne ferme pas cette boucle, nous aurons
énormément de difficulté à nous trouver des
vis-à-vis responsables juridiquement face aux artistes et nous aurons
donc de la difficulté, le cas échéant, à les faire
payer, à leur faire donner ce qui leur est dû normalement, en
vertu de contrats, il est donc essentiel que le volet présentation soit
lié au volet production.
En ce qui a trait à l'autre question sur l'État
producteur, je vais laisser Me Trahan vous répondre
là-dessus.
M. Trahan: Il nous apparaît évident, M. le
député de Saint-Jacques, qu'effectivement, dans cette loi,
même si ce n'est pas mentionné dans notre mémoire,
l'État ou la couronne devrait être impliqué puisque, par
certains ministères, ces gens sont eux-mêmes producteurs. Il
serait assez incongru que les producteurs du secteur privé soient
liés par une loi déposée par le gouvernement du
Québec et que, par exemple, le ministère des Communications, dans
ses productions, le ministère des Affaires culturelles ou n'importe quel
ministère qui a à produire à quelque niveau que ce soit,
ne le soit pas. Il nous apparaît donc évidemment souhaitable que
l'État soit lié et qu'il y ait un article précis qui lie
l'État au projet de loi 90.
M. Demers: Si vous permettez, j'aimerais ajouter là-dessus
qu'il serait aussi souhaitable que nous ayons un interlocuteur gouvernemental
et que l'ensemble des ministères se désigne quelqu'un avec lequel
nous pourrions établir des
conditions parce que, finalement, c'est la même
problématique. C'est surtout, je pense, dans le cadre de ta production
de matériel dit industriel ou de documentaires qui servent soit à
la formation du personnel ou à expliquer les politiques du
ministère ou autres. Et je pense qu'on pourrait facilement avoir un
ministère avec lequel nous pourrions échanger en tant
qu'interlocuteur.
M. Boulerice: Je vous remercie, M. le Président.
M. Turgeon: Me permettez-vous une chose, M. le
député de Saint-Jacques, parce que je pense que votre question
ouvre aussi un volet intéressant? Vous parlez de l'État
producteur, mais l'État est souvent, et plus souvent qu'autrement,
pourvoyeur aussi. Les subventions, c'est cela.
Ce projet de loi, pour un gouvernement, qui n'a certainement pas,
j'imagine, l'intention de se soustraire à son devoir de subventionner
une partie de la culture, de savoir que, quand ces subventions vont à
des producteurs ou à des présentateurs de spectacles tout
simplement, on pourra s'assurer de cette façon que l'argent du
gouvernement, l'argent de tout le monde sera redistribué de façon
équitable à ceux qui sont la matière première de
cette industrie...
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Saint-Jacques. M. le député de Mercier.
M. Godin: Seulement quelques questions, M. Turgeon.
Au chapitre VI de la loi, à l'article 39, on parle d'une
Commission de reconnaissance des associations d'artistes. Est-ce que vous
souhaiteriez que cette commission soit composée de gens qui
émanent du milieu et consultée, donc, sur les candidats que le
gouvernement aurait en tête?
M. Turgeon: Oui, avec la commission formée de trois
membres, selon nous, il est évident que le président devrait
être sans doute un éminent juriste ou, enfin, quelqu'un qui
connaît bien le monde des relations du travail et ce nouveau monde de
relations du travail. Quant aux deux autres membres, ils devraient certainement
provenir et du milieu des producteurs, de quelqu'un qui a une bonne
connaissance du milieu des producteurs et, pour faire l'équilibre, de
quelqu'un qui a une bonne connaissance aussi du milieu de l'autre
côté de la table, des artistes! Il semble qu'il faut rechercher un
équilibre dans la composition de cette commission.
M. Godin: Est-ce que vous souhaiteriez que l'union soit
consultée sur les nominations à venir comme cela se fait dans
d'autres organismes? C'est déjà dans la loi?
Mme Bacon: Ils ont été consultés. J'attends
leurs suggestions.
M. Godin: Mais est-ce qu'on ne pourrait pas le mettre dans la
loi, M. le Président, puisque la ministre l'a déjà dans le
coeur et dans les neurones? Est-ce qu'on ne pourrait pas aller plus loin et le
mettre dans la loi elle-même après consultation tout simplement
qui est une...
Mme Bacon: On verra.
Le Président (M. Trudel): ...peut-être qu'on
étudie le projet article par article la semaine prochaine.
M. Godin: Oui, mais...
M. Turgeon: C'est évident qu'à cette question si on
veut être consulté, si on nous offre la possibilité de
l'être, on va répondre oui avec un gros 0 à toutes ces
questions; c'est évident.
M. Godin: Est-ce que vous souhaiteriez qu'on inscrive cette
modification dans la loi?
M. Trahan: Le problème, si vous me le permettez...
M. Godin: Oui, M. Trahan.
M. Trahan: ...M. le député de Mercier, est le
suivant. C'est qu'effectivement, si l'aspect de consultation nous
apparaît un aspect extrêmement positif, d'autre part, tenant compte
que cette commission sera composée de trois membres, il pourrait y avoir
un danger si, par exemple, un des membres était issu du milieu des
producteurs et que l'autre était issu du milieu artistique, à
toutes fins utiles, nous nous retrouverions dans la situation qui peut exister
en droit du travail lorsqu'il y a un organisme d'arbitrage non unique, mais
à trois parties, un arbitre qui représente la partie patronale,
un arbitre qui représente la partie syndicale et un troisième qui
est neutre. Évidemment, à l'usage, dans le domaine des relations
du travail, il est à peu près constant que, dans ce cadre, 99 %
des décisions comportent une dissidence. D'un côté, le
président du tribunal se prononce soit du côté patronal,
donc, il y a une dissidence syndicale ou l'inverse se produit.
Mais, comme le soulignait le président de l'Union des artistes,
il est bien évident que, dans la consultation, cette consultation qui a
été toujours extrêmement positive, se doit de continuer.
Mais nous croyons que d'identifier les membres d'une commission au niveau
strictement de leur honnêteté est aussi de l'apparence de droit
parce que nous sommes dans le domaine du droit administratif. Lorsqu'on se
réfère aux auteurs les plus connus, que ce soit Dussautt,
Ouellet, une des plus grandes critiques qu'on fait des tribunaux administratifs
est justement qu'ils
ne représentent pas une apparence de droit, que leurs structures
sont trop souples, qu'effectivement les règles de droit qui existent
dans les tribunaux de droit commun ne s'appliquent pas dans les tribunaux
administratifs, ce qui amène à des abus. Évidemment,
à cause des difficultés, par exemple, d'évoquer une
décision, à cause du fait qu'il n'existe pas de droit d'appel,
ces tribunaux disposent d'un très très grand pouvoir.
Donc, pour être bref, je pense qu'effectivement nous souhaitons la
consultation. D'autre part, nous souhaitons que cette commission ait un impact
sur l'ensemble des tribunaux administratifs du Québec face à ce
problème d'apparence de droit. C'est la raison pour laquelle nous avons
tenté de modifier les articles relatifs à la composition de cette
commission. Nous ne voyons pas, par exemple, quelqu'un qui soit membre d'une
commission à titre gratuit, il y a très peu d'artistes qui
pourraient aller siéger à ce genre de commission. Mais nous ne
voyons pas plus une commission qui ressemblerait au mécanisme dont j'ai
parlé tout à l'heure.
M. Godin: M. le Président, la sagesse de...
M. Turgeon: Si vous me le permettez, M. Godin, il y a sans doute
une différence fondamentale entre parler de personnes issues de l'un ou
l'autre milieu et de personnes qui ont la connaissance de l'un et l'autre
milieu.
M. Godin: D'accord. Cela répond à ma question, M.
le Président. Une dernière question: Est-ce que l'union a
réfléchi - sûrement qu'elle l'a fait, mais j'aimerais que
vous me rafraîchissiez la mémoire - au problème des jeunes
chômeurs du milieu? 66 % de vos membres gagnent moins de 5000 $ par
année. Est-ce que le statut d'artiste ne devrait pas aussi couvrir d'une
façon ou d'une autre ce genre de membres et d'artistes qui sont la
relève et qui, malheureusement, gagnent si peu qu'ils sont souvent au
seuil de la pauvreté, comme dans nos comtés on le constate
souvent auprès de nos commettants?
M. Turgeon: C'est évident que cette question, ce
problème, est une préoccupation quotidienne et constante de
l'Union, des artistes et de ses dirigeants actuels, en tout cas. Ce que fait ce
projet de loi, c'est qu'il régit, il donne des règles du jeu dans
le cas où on travaille...
M. Godin: Voilà.
M. Turgeon: ...et il va aussi aider, par exemple, en
régions ceux qui pourraient travailler, les aider à travailler
à des conditions décentes. Mais on n'a jamais prétendu, et
je ne prétendrai jamais, que ce projet de loi est une fin en soi. On l'a
dit: C'est un pas, un début. C'est déjà quelque chose en
marche. 11 y a ce qu'il peut faire, régir cela quand on travaille, puis
améliorer nos conditions de travail minimales, mais pour le reste, il
faudra qu'une politique culturelle se bâtisse effectivement au-dessus de
cela. C'est la base. L'union l'a toujours dit: Le statut de l'artiste, c'est la
base de toute véritable politique culturelle.
M. Demers: Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter ceci dans
le cadre de votre question: Notre réflexion sur cette question se
poursuit depuis quelques années et nous avons envisagé certaines
hypothèses. Par exemple, nous avons envisagé la mise sur pied
d'une caisse de stabilisation des revenus. Nous savons que les revenus de nos
membres fluctuent énormément. On ne peut pas savoir quand une
personne dans notre milieu est vraiment en chômage ou ne l'est pas. C'est
plus difficile à définir que pour un salarié, parce que,
lorsque l'on répète, par exemple: Est-ce qu'on est
considérés comme étant en chômage? Lorsque l'on
prépare un spectacle, si on le prépare pendant deux mois, est-ce
qu'on est considérés comme étant en chômage? On a un
engagement pour une journée et le lendemain on ne travaille pas, est-ce
que... C'est très complexe et ce que nous avons pensé et ce que
nous envisageons, et nous aurons à faire faire des études
économiques, c'est une caisse, où pourraient contribuer le
membre, le producteur et peut-être même l'État, qui
permettrait un peu comme sur la formule de nos assurances collectives qui
prévoit une protection, par exemple, sur cinq ans, de stabiliser les
revenus et de garantir un minimum pour nos membres sur une certaine base
pendant une certaine période, étant bien entendu
qu'au-delà d'une certaine période ces mécanismes ne
pourraient pas s'appliquer parce qu'à un moment donné, s'il n'y a
plus de travail dans un certain métier, on va se recycler dans un autre,
parce qu'il ne faut jamais oublier que nos membres travaillent. Il y a aussi
une demande du public. Si, après un certain nombre d'années, on
constate qu'on n'arrive pas à se trouver du travail, c'est
peut-être parce que tout simplement on ne passe pas la rampe et à
ce moment-là il faut peut-être trouver le moyen de se recycler
dans une autre discipline.
Il y a aussi les problèmes particuliers à certaines
catégories de membres. Je pense, entre autres, aux danseurs dont la
carrière est extrêmement brève. À ce
moment-là, qu'est-ce qu'on fait si la carrière dure cinq ans?
Qu'est-ce qu'on fait après pour recycler ces gens-là pour
s'assurer qu'ils aient une certaine protection et qu'ils puissent
réintégrer un autre milieu de travail s'ils ne peuvent plus
danser? Ce sont des questions que l'on se pose et auxquelles on aura
sûrement des solutions très concrètes à proposer
dans un proche avenir.
M. Turgeon: C'est une question effectivement fondamentale, M.
Godin. Il est Important qu'à ce projet de loi se greffent d'autres
poli-
tiques, d'autres lois. Je vous donne un exemple, un domaine où
c'est chaud actuellement, le domaine du doublage. Mais ce projet de loi touche
drôlement le doublage et il faudra, si on établit des conditions
minimales de travail là-dedans, qu'on se donne aussi
éventuellement au besoin des politiques qui feront en sotte que du
doublage, cela va se développer, puis on va en faire de plus en
plus.
Alors, c'est un départ pour mol, mais il va falloir que le reste
se greffe aussi à cela, qu'on soit logiques et conséquents, comme
pour la fiscalité.
M. Godin: M. le Président, cela répond à
toutes mes questions. Je suis rassuré de voir que l'union est
déjà assez avancée dans ses réflexions sur cette
question qui me semble socialement très importante et aussi
culturellement dans la mesure où la relève est souvent, comme je
l'ai dit, composée de ceux et celles qui ont des creux de plusieurs
mois. (12 h 45)
M. Turgeon: La réalité de l'union, justement, M.
Godin, c'est qu'il y a 3500 membres actifs, donc, des gens
considérés comme des professionnels, mais il y a aussi autant de
stagiaires, 3500, et les stagiaires sont les jeunes qui veulent donc devenir
professionnels. C'est cela, cette relève. C'est de notre
responsabilité d'y voir.
M. Godin: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Mercier. Mme la députée de
Maison-neuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): En vous rappelant, madame, que
Mme la députée de Chicoutimi veut intervenir et qu'il reste
à votre formation dix minutes.
Mme Harel: Dix minutes, c'est parfait. Vous m'indiquerez quand
cinq minutes seront terminées afin que je partage également avec
ma collègue.
J'ai trouvé extrêmement pertinents les propos de Me Trahan
sur tes tribunaux administratifs. Vous soulignez que, pour éviter leur
paralysie, il n'est pas souhaitable de se retrouver dans une situation
où c'est comme des assesseurs, finalement, qui sont toujours du
même bord, comme la tour de Pise ou la Cour suprême. On retrouve
à l'article 39 le fait que la commission se compose de trois membres
nommés par le gouvernement pour une période de sept ans. Ne
faut-il pas faire une distinction entre une formule qui serait libellée
de façon à obliger le gouvernement à choisir parmi ou une
autre formule qui l'obligerait à être nommé par les
organismes d'une formule qui exclut toute consultation? Là, la bonne foi
se présume et la bonne foi de l'actuelle ministre des Affaires
culturelles se présume totalement, n'est-ce pas? Donc, je ne mets pas en
doute, d'aucune façon, son désir personnel de consultation, mais
il est ainsi évident qu'il y a une pérennité des lois qui
se poursuit même si les ministres se succèdent - je ne veux pas
présumer du prochain remaniement ministériel - ainsi qu'il y a
une pérennité dans l'État et les lois se maintiennent
même s'il y a des changements de gouvernement. Alors, pourquoi ne pas
prévoir? Puisque c'est une loi qui, normalement, ne devrait pas appeler
tes gouvernements à jouer dedans, pourquoi ne pas prévoir
maintenant qu'il y a consultation?
M. Trahan: Évidemment, je pense que la bonne foi, comme
vous le soulevez, de la ministre des Affaires culturelles n'est pas en doute,
mais je pense que vous avez raison de mentionner le fait que les gens passent.
À titre d'avocat, les commentaires sur les tribunaux administratifs que
j'ai reçus... Par exemple, je me réfère au problème
des petites entreprises, des petits dépanneurs face aux grandes
chaînes où un petit individu avait à se présenter
devant un tribunal administratif, il était totalement démuni.
Dans le sens de votre question, je pense qu'il faut absolument que dans cette
loi, d'une façon ou d'une autre, on trouve une méthode pour
assurer, du fait qu'il n'y a pas de droit d'appel, que cette commission ait
tellement de pouvoirs - ses pouvoirs sont énormes, il faut bien s'en
rendre compte - qu'elle devienne presque un organisme de réglementation
qui aurait plus de pouvoirs, même, dans certains cas que le ministre
parce qu'on y prévoit un pouvoir de recommandation au ministre.
Sur ce sujet, on peut se poser des questions. Il est bien évident
que, quant à nous, vous êtes avocate vous-même,
l'indépendance et la séparation du judiciaire et du
législatif est un principe fondamental de droit. Donc, il y a un choix
à faire. Par exemple, si on nomme un juge de la Cour provinciale on
s'assure d'une indépendance judiciaire et d'une apparence de droit.
D'autre part, on se prive que le président de cette future commission
puisse être un appui au ministre des Affaires culturelles, quel qu'il
soit. Est-ce qu'il est souhaitable que le président d'un tribunal
administratif soit aussi conseiller d'un ministre? Cela m'apparaît assez
inusité. C'est comme si, par exemple, le président de la
Commission des transports allait voir le ministre des Transports et lui disait:
Écoutez, je vais rendre ma décision, mais je vous conseillerais
peut-être d'amender votre loi. Et, que ce soit dans le domaine du droit
du travail ou dans tout autre domaine, on parle toujours jusqu'à un
certain point du droit du travail, il est clair que le premier principe de
droit qui existe dans le domaine de l'arbitrage, c'est que l'arbitre n'a pas le
droit d'ajouter à une convention collective. Il n'a qu'à
l'interpréter et à rendre sa décision.
Les pouvoirs qui sont donnés à cette
commission ne sont pas des pouvoirs d'arbitrage. Ce sont des pouvoirs de
tribunaux administratifs, mais aussi des pouvoirs de conseiller. Donc, il est
bien évident que je ne prétends pas avoir la réponse
à cette question, mais je pense que les savants parlementaires de cette
commission pourront s'interroger sur l'ensemble de la problématique qui
est posée par la composition de cette commission.
M. Demers: Si vous me le permettez, je vais juste ajouter un
commentaire. Vous parlez de consultation. Je pense qu'il existe
déjà des précédents, Je ne sais pas s'ils sont
inscrits dans certaines lois, mais je sais que, lorsqu'il était question
de désigner des gens à l'Institut québécois du
cinéma, les organismes étaient consultés...
Mme Harel: Le Conseil du statut de la femme...
M. Demers: ...et dans d'autres organismes du même genre.
Alors, cela pourrait être une procédure comme celle-là.
Mme Harel: C'est très fréquemment utilisé.
Le Conseil du statut de la femme, le Conseil des communautés culturelles
et de l'immigration, enfin...
Mme Bacon: À peu près dans toutes les lois.
Mme Harel: ...pour l'ensemble des organismes. Je pense que mes
cinq minutes sont écoulées. Je le regrette beaucoup.
Le Président (M. Trudel): Vous m'aviez demandé de
vous donner un "cue", je vous le donne. Il reste un peu moins de cinq
minutes.
Mme Harel: Je vais prendre juste une demi-minute pour vous dire
que, d'une certaine façon, je crois que votre stratégie a
été gagnante. Dernièrement, j'étais invitée
à donner un cours à la Fédération des femmes du
Québec sur les stratégies gagnantes et je donnais en exemple
votre campagne. Vous avez commencé par faire une campagne politique,
ensuite, une campagne médiatique et, là, c'est une campagne
juridique.
Il y a peut-être un élément qui m'a
étonnée, vous maintenez votre compétence en matière
de respect des intérêts moraux de vos membres. Cela m'a vraiment
surprise que vous reveniez... Pourquoi tenez-vous à ce que... Vous avez
dit: C'est notre patrimoine, d'une certaine façon. C'est ainsi
qu'étaient libellées les constitutions, j'imagine. Mais vous y
tenez encore, vous y tenez toujours? Sur le plan juridique...
M. Trahan: On y tient parce que... Mme Harel: Sur le plan
juridique, là?
M. Trahan: Sur le plan juridique, c'est dans la loi des syndicats
professionnels et, d'autre part, je ne pense pas qu'on doive voir d'une
façon péjorative ou d'une façon négative le terme
"moral". Il s'est passé des incidents très précis
où les intérêts moraux de nos membres ont été
remis en question. Je ne veux entrer dans des cas concrets. Il nous
apparaît que, dans la plupart des secteurs, cette protection qui est
effectivement théorique, jusqu'à un certain point, est quand
même importante pour les membres. Si elle n'était pas
prévue dans la loi... Elle ne mène pas à une action
directe sur le plan juridique, mais elle peut quand même donner un signal
à nos membres que nous nous occupons de leurs intérêts
moraux et ils ont des problèmes d'Intérêts moraux.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la
députée...
Mme Harel: On en reparlera.
Le Président (M. Trudel): ...de Maisonneuve. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Oui, M. le Président. J'aurais d'abord
plusieurs questions, mais, probablement par manque de connaissance du milieu,
je n'arrive pas à bien comprendre la portée de la recommandation
que vous faites touchant la définition de producteur. Lorsque vous
parlez de producteur dans le but de produire ou de présenter une oeuvre
artistique, pour bien comprendre la portée de votre modification, je
voudrais savoir ce que cela veut dire, par exemple, pour la Coopérative
culturelle de Chicoutimi. Cette dernière a la responsabilité
d'organiser la présentation de spectacles, de concerts, de
théâtre et ainsi de suite. Quand on parle de présenter,
dans ce sens, qu'est-ce que cela veut dire? J'ai de la difficulté
à comprendre comment vous associez les deux et je le dis probablement
par méconnaissance.
M. Turgeon: Bonne question!
M. Demers: C'est une très bonne question. Justement, j'ai
discuté avec une coopérative de Trols-Rivières - j'imagine
que c'est un cas assez semblable, le Théâtre Parminou, c'est une
coopérative aussi - des mêmes éléments. D'abord, il
faut clarifier une chose dès le départ. Si les membres d'une
coopérative sont et se définissent comme des salariés - la
plupart des coopératives fonctionnent sur la base d'une relation
salariale - à ce moment-là, l'Union des artistes ne les
représente pas étant donné qu'elle ne représente
que des travailleurs autonomes. Au départ, la loi ne change rien en ce
qui a trait à ces groupes dits coopératifs, groupes de
salariés ou troupe permanente; c'est une réalité.
L'autre réalité. Si une troupe présente ou
prépare des spectacles, par la suite, elle ira
vendre ces spectacles. Il faut que l'acheteur puisse avoir un lien
juridique. Je parle toujours dans la mesure où ceux qui sont dans la
troupe ont des travailleurs autonomes, donc, des gens représentés
par l'Union des artistes. Il faut que les garanties contractuelles soient
données par celui qui achète le spectacle et qui le
présente. Finalement, c'est lui, la plaque tournante de l'argent et
c'est lui qui, à un moment donné, devra contribuer par certains
montants, soit pour nos avantages sociaux ou d'autres bénéfices
que l'on négocie. Alors, c'est ce que l'on veut voir clarifié
pour s'assurer que celui qui va acheter les spectacles ne se défilera
pas de ses responsabilités et ceux qui seront les vendeurs d'une
certaine façon se retrouveraient à un moment donné sans
capacité de représentation lorsqu'il serait question de
réclamer leur dû. Je ne sais pas si cela clarifie.
Mme Blackburn: Cela clarifie, mais...
Le Président (M. Trudel): II faut que ce soit une
très courte question, Mme la députée, parce qu'il reste
cinq minutes et, plus on veut avoir de monde aujourd'hui, plus il faut
être bref.
Mme Harel: À moins qu'il n'y ait consentement.
Mme Blackburn: D'accord. C'est vraiment parce que... Je reviens
à l'exemple de la Coopérative culturelle de Chicoutiml qui ne
fait que gérer des activités pour présenter des spectacles
au seul amphithéâtre un peu Important qu'on a et qui est au
cégep. À ce moment-là, cela veut dire que le contrat qui
lie le travailleur autonome à sa troupe, c'est celui que,
généralement, lorsque vous achetez un spectacle, vous passez ou
vous achetez, je ne sais pas à combien, 10 000 $ ou 20 000 $, selon la
valeur du spectacle, sa notoriété et sa popularité...
À ce moment-là, je ne comprends pas vraiment, selon l'exemple que
je viens de vous donner, comment on peut lier celui qui dit: Moi, contre un
contrat qui est le suivant, où je donne 10 000 $ pour une
soirée... Qu'il y ait d'autres obligations, j'ai de la difficulté
à comprendre cela.
M. Demers: II y a, je pense, une différence entre celui
qui loue une salle... On a des troupes de théâtre qui vont en
tournée, par exemple. Disons que le Théâtre du rideau vert
décide de se déplacer, ou La cie Jean Duceppe, et il s'en va en
tournée, il est évident pour nous que la relation du producteur,
si on prend l'exemple de La cie Jean Duceppe, avec nos membres est très
claire: le producteur, c'est La cie Jean Duceppe; il s'en va en province, il va
louer des salles et, dans ce cas-là, il n'y a pas de problème.
Les problèmes commencent à se poser surtout dans le domaine de la
variété. Dans le domaine du théâtre, c'est moins
vrai, mais, dans le domaine de la variété, on monte un spectacle,
c'est-à-dire on fait venir un ou deux artistes dans une région,
dans une salle, et on fait la promotion; on ne fait pas que louer sa salle, on
fait la promotion du spectacle, soit qu'on fasse imprimer des affiches, qu'on
achète du temps d'antenne. Donc, on présente un spectacle. On ne
fait pas que louer notre salle. En même temps, on se départit de
notre responsabilité de producteur car, à ce moment-là, si
on organise la campagne publicitaire, on perd soit les revenus du "box office",
etc., on est en fait celui qui a la responsabilité du spectacle. On ne
voudrait pas que l'artiste, et surtout dans le domaine de la
variété, j'y reviens, se trouve à s'assumer
lui-même, alors qu'il n'a aucun contrôle ni sur l'organisation du
spectacle, ni sur la publicité qui est faite autour, ni même, dans
certains cas, le mode de présentation du même spectacle.
En d'autres termes, il faut vraiment s'assurer que les locateurs de
salle en soient véritablement et, à ce moment-là, il n'y a
pas de problème, mais que cela ne devienne pas une façon
d'évacuer les responsabilités et de déguiser le
véritable producteur en locateur de salle. Là, il y a toujours eu
une ambiguïté et c'est celle-là qu'on voudrait voir
dissiper. C'est pour cela qu'on dit "et" et "ou" et je pense que la commission,
avec des cas types, finira par développer une jurisprudence sur la base
des faits qui lui seront présentés.
Mme Blackburn: Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Mme la ministre, il reste trois minutes
à votre formation politique.
Mme Bacon: Oui, il reste quelques minutes et je ne voudrais pas
prendre tout ce temps-là, mais, de toute façon, M. le
Président, j'aimerais remercier l'Union des artistes de son magnifique
travail. On sait que ces gens souhaitent ce projet de loi depuis plusieurs
années et nous espérons continuer ce travail avec eux tant au
ministère des Affaires culturelles qu'aux autres ministères qui
ont déjà entamé des discussions avec l'Union des artistes
et qui seront, je pense, une suite logique à ce projet de loi. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Trudel): Merci. Messieurs de l'Union des
artistes, iI me reste à vous remercier d'avoir comparu devant nous ce
matin et je vous souhaite un bon retour à Montréal.
Nous allons suspendre les travaux de la commission jusqu'à cet
après-midi, 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 heures) (Reprise à 15
h 2)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît! Est-ce que les députés peuvent reprendre leur place
à la table? Merci.
Alors, la commission de la culture reprend ses travaux afin de
procéder à une consultation particulière dans le cadre de
l'étude du projet de loi 90, Loi sur le statut professionnel et les
conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du
cinéma.
Comme premier invité, cet après-midi... Il y a eu des
changements, je pense. Oui. Alors, je ne me trompe pas en souhaitant la
bienvenue aux membres de l'ADISQ, à M. André Di Cesare,
président, à M. Gaétan Morency, directeur
général, et à M. Gilles Cioutier, conseiller, que j'ai le
plaisir de revoir ici aujourd'hui. On s'est connus en d'autre temps, on s'est
même fréquentés pendant quelques années. M.
Cioutier, bienvenue! M. le président, bienvenue! Vous étiez ici
ce matin, vous connaissez les règles du jeu. Je vous cède la
parole pour 20 minutes.
ADISQ
M. Di Cesare (André): M. le Président, Mme la
ministre, chers membres de la commission, il me fait plaisir, au nom de
l'Association du disque et de l'industrie du spectacle et de la vidéo du
Québec, de vous soumettre nos observations sur le projet de loi 90
actuellement à l'étude devant votre commission. Notre position
sera présentée par mon collègue, le directeur
général, M. Gaétan Morency.
M. Morency (Gaétan): Merci. Alors, je vais lire quelques
parties du mémoire, pour ensuite conclure plus concrètement sur
des points qu'il nous semble important de soulever et laisser le plus de temps
possible aux discussions avec les membres de la commission.
Donc, l'Association du disque et de l'industrie du spectacle et de la
vidéo du Québec, l'ADISQ, tient à vous exprimer sa pleine
reconnaissance pour l'invitation qu'elle a reçue de comparaître
à la présente audience. Votre démarche à notre
endroit, de même qu'à l'égard d'autres interlocuteurs
Institutionnels du milieu, revêt une importance d'autant plus critique
qu'elle intervient dans le processus ultime d'adoption d'un cadre
législatif déterminant pour l'avenir individuel et industriel de
plusieurs dizaines de milliers d'artisans québécois des secteurs
de la scène, du disque, du cinéma et, ne l'oublions pas, des
industries culturelles dans leur ensemble.
Aussi, votre rôle actuel est-il d'autant plus crucial qu'il
s'inscrit dans la succession d'étapes d'un calendrier politique et
gouvernemental dont nul ne conteste le courage et la perspicacité.
L'influence de votre commission sera d'autant plus examinée et
appréciée par l'ensemble de tous les intervenants
impliqués directement ou indirectement et, à terme, par l'opinion
publique, que vous devrez, au cours des prochaines heures, conjuguer à
des fins d'intérêt public l'ensemble des opinions et des
convictions qui vous sont présentées sur un sujet dont les
impacts sont encore, à ce jour, insoupçonnés. Au courage
et à la perspicacité doivent s'ajouter forcément fa
prudence et la prévoyance.
Notre première conclusion se résume de la manière
suivante: Bien que le présent projet de loi s'inscrive dans une
trajectoire politique et gouvernementale judicieuse, constitue-t-il la
réponse initialement souhaitée par l'intention
ministérielle, le comité d'études Caron et l'enthousiasme
partagé par l'ensemble du milieu artistique et culturel?
L'article 3.1, le statut professionnel de l'artiste. Tel que nous
l'évoquions au début de notre exposé, l'initiative
gouvernementale actuelle a le mérite de prolonger dans l'action une mise
en chantier de mesures de redressement visant à aménager de
façon équitable et compensatoire le statut professionnel des
artistes québécois. Nous sommes conscients - et en cela d'accord
avec la ministre - que toutes les mesures ne peuvent être adoptées
simultanément par le fait des contraintes budgétaires ou autres
avec lesquelles les autorités publiques doivent s'ajuster.
Dans le contexte qui nous préoccupe aujourd'hui, nous tenons
cependant à mettre en relief un certain nombre d'éléments
relatifs à la définition de l'artiste qui pourraient
spécifier, circonstancier davantage la portée des dispositions
prévues au projet de loi sans remettre en cause l'intention
législative.
Tout d'abord, tel que défini à l'article 2, "artiste"
signifie une personne physique qui pratique un art à son propre compte,
moyennant rémunération, à titre de créateur ou
d'interprète, dans un domaine visé à l'article 1. Nous
partageons l'avis que cette définition devrait expressément
exclure les artistes qui agissent en qualité de producteurs,
coproducteurs ou, à quelque titre que ce soit, de partenaires autonomes
à l'élaboration et à la distribution d'un service ou d'un
produit culturel. Cette position s'établit sur le principe d'une
reconnaissance pleine et entière de l'autonomie de l'artiste. Elle
correspond aussi à un état d'esprit admis et renforcé au
sein de la communauté. À cet égard, l'analyse des
mémoires soumis en mai 1986, de même que la position
ministérielle, comporte cette conviction que la dynamique industrielle
doit être accessible à tous ceux et celles, artistes,
créateurs ou interprètes, qui aspirent au double statut d'artiste
et d'entrepreneur.
Selon cette perspective, il est, à notre avis, dans
l'intérêt général que la définition de
l'artiste, telle que stipulée à l'article 2, soit nuancée
afin de refléter l'unanimité du milieu, la philosophie
gouvernementale en matière de développement économique.
Dans cette logique, des dispositions qui confirmeront ce réajustement
devront être apportées au projet de loi. Nous songeons ici,
notamment, aux articles 6, 9, 36 et 37.
Le régime de négociation d'ententes collectives. Nous
sommes d'accord avec te principe
d'une protection des artistes par un champ réglementaire
applicable aux relations entre tes producteurs, les artistes ou les
associations accréditées. Les dispositions prévues dans le
présent projet de loi endossent-elles ce principe, de manière
à refléter la complexité des liens
d'interdépendance qui donnent au milieu artistique et culturel
québécois la spécificité à laquelle Mme la
ministre se référait dans son exposé du 20 mal 1986?
Il ne fait aucun doute que le projet de loi 90 propose un
réalignement profond des règles du jeu qui prévalent
actuellement au chapitre des relations du travail au sein de la
communauté artistique et culturelle. Nous nous joignons cependant
à l'interrogation croissante chez plusieurs artistes, producteurs et
autres Intervenants directs qui, sans rejeter le bien-fondé d'une loi de
régie, mettent en doute la portée pratique et les impacts
sous-estimés d'une démarche à ce point structurante pour
l'avenir individuel et industriel de la communauté. A-t-on mesuré
la nature des emplois, leur nombre et les pratiques de gestion qui seront
affectés par le projet de loi? Tel que le précisait Mme ia
ministre dans son exposé du 26 mai 1986, il ne s'agit pas d'inventer des
principes de gestion particuliers à l'intention du monde des arts, mais
d'y appliquer, en les adaptant aux besoins, les mêmes principes et modes
de gestion qui guident nos actions dans d'autres secteurs de la vie
économique, A-t-on évalué la corrélation directe
qu'il y a entre cet énoncé et l'ampleur du geste que propose
l'actuel projet de loi 90?
Quant au nombre touché, mentionnons brièvement qu'il
s'agit approximativement de 45 000 emplois. Les répertoires
additionnés des membres de la SPACQ, de l'APFVQ, de l'ACA, de la SARDEC,
de la SODRAC, de l'Union des écrivains, du Regroupement des
professionnels de la danse, de NABET, pour ne citer que ceux-là, nous
permettraient d'arriver rapidement à ce nombre. À qui s'adresse
le projet de loi? Combien d'articles répondent directement à
l'intention initiale?
Nous convenons qu'une loi ne peut explicitement prévoir toutes
les exceptions. Le projet de loi actuellement à l'étude
prévoit-il le principe de l'exception? Les pouvoirs d'arbitrage de la
commission comprennent-ils ce principe? Le pouvoir de médiation
confié à la commission correspond-il aux exigences
d'efficacité et de rapidité de notre milieu? Qu'arrivera-t-il
lorsqu'un artiste se présentera à un producteur à titre
d'interprète-compositeur-musicien? Le producteur devra-t-il retenir ses
services en appliquant chacune des ententes collectives touchant son secteur
d'activité, mais négociée par et avec
éventuellement l'Union des artistes, la Guilde des musiciens et la
SPACQ? Qu'arrivera-t-il si un producteur est éventuellement en conflit
avec l'une des dites associations d'artistes? Il ne pourra pas y avoir de
production parce qu'il va manquer l'un des éléments? Qu'arrivera-
t-il si, en plus d'être Interprète-compositeur-musicien, l'artiste
est coproducteur? Sera-t-il exclu des ententes collectives?
Qu'arrivera-t-it, enfin, aux jeunes Interprètes non membres de
l'UDA ou de la guilde dont la production est présentement
parrainée par un producteur? M. Turgeon déclarait dans Le Devoir
du 28 novembre 1987 que l'union serait habilitée à
représenter autant les non-membres que les membres. Devrons-nous
appliquer les mêmes conditions d'engagement à ces
débutants? La formule d'accréditation d'une association est-elle
suffisamment rigoureuse pour permettre des regroupements sur la notion
d'exercice commun de la profession plutôt que sur l'accréditation
fondée sur le nombre?
La reconnaissance du principe des conditions minimales est
foncièrement équitable. L'universalité des conditions
minimales est-elle néanmoins compatible avec la
spécificité de toutes les professions artistiques? Les secteurs
précarisés ou en voie d'émergence ne risquent-ils pas de
subir les lois naturelles du marché et, ainsi, d'être
privés de la visibilité nécessaire à leur
épanouissement, en plus d'appauvrir certaines initiatives qui auraient
pu leur garantir un marché initial et un épanouissement
souhaitable et équitable? Quelles sont les dispositions permettant la
formulation d'un code d'éthique commercial de nature à soustraire
les parties aux différends d'interprétation sur les droits
dérivés ou de tout autre nature?
La complexité des impacts économiques, sociaux et
culturels qui est implicite dans le libellé du projet de loi 90
mérite-t-elle d'être davantage étudiée? La
concertation recherchée par tous les intervenants, quel que soit leur
"bord" - pour reprendre une expression déjà soumise à
cette table - ne serait-elle pas une étape préalable dans la
continuité des étapes judicieuses poursuivies jusqu'à ce
jour par le gouvernement? Nous comprenons les limites suggérées
par cette dernière opinion dans les circonstances actuelles et les
délais recherchés pour confirmer la profession d'agir du
gouvernement.
À qui revient l'autorité de droit pour garantir une
stratégie de consensus ou, à défaut, de compromis dont la
majorité des parties en cause pourraient partager les
bénéfices? Le calendrier parlementaire n'est pas une fin en soi
lorsque l'esprit des lois n'a pas atteint la maturité susceptible de
garantir la générosité qui les a inspirées.
L'intelligence reconnue du gouvernement actuel en matière
législative ne fait certes pas défaut sur ce point
particulier.
En conclusion, nous croyons que le principe de reconnaissance de
conditions collectives marque une amélioration par rapport aux
situations qui ont prévalu ou qui prévalent toujours dans
certains cas. Toutefois, nous croyons fermement qu'il y va de
l'intérêt fondamental des nombreux intervenants de pouvoir
examiner plus à fond les implications et les orientations
concertées que recherchent la majorité des Interlocuteurs.
À ce titre, nous sommes disponibles pour tout effort préalable
à l'adoption d'une loi dont les retombées seraient mieux
comprises par tous et, de façon particulière, par les artistes
eux-mêmes.
En conclusion sur le mémoire comme tel, vous aurez compris que
notre intention n'est pas de contredire la démarche entreprise par le
gouvernement ou d'entraver le processus inévitable et nécessaire
d'octroi d'un ou de statuts professionnels de l'artiste. Nous avons soumis
à cet égard certains commentaires qui pourraient, à notre
avis, répartir de façon plus équitable les
éléments de définition de l'artiste. Les corrections que
le gouvernement apportera seront les bienvenues par toute la communauté
sans préjudice aux catégories d'artistes touchées
expressément par les dispositions du projet de loi qui les concernent
directement.
Aussi, maintenons-nous notre confiance pour que le statut
socio-économique de l'artiste conserve sa priorité au calendrier
du ministère des Affaires culturelles. (15 h 15)
En deuxième lieu, les membres de la commission auront compris le
sens de notre intervention sur l'aménagement des relations du travail
qui devront gouverner les rapports individuels et collectifs entre les
artistes, leurs associations et les producteurs. À cet égard,
nous réitérons notre conviction profonde que la politique
culturelle relative au statut de l'artiste, tout autant qu'aux relations du
travail, doit d'abord et avant tout s'inspirer de l'environnement
stratégique particulier dans lequel les affaires culturelles
québécoises doivent s'articuler.
Les conditions dictées par un marché restreint et
largement occupé par les productions étrangères, surtout
anglophones, nous Imposent une attitude de concertation dans la gestion
courante de nos pratiques commerciales et industrielles sur notre propre
territoire et, d'autant plus, sur nos marchés extérieurs. Nos
capacités de production et de commercialisation sont fonction directe de
notre capacité de gérer, avec la souplesse nécessaire, les
rapports sociaux et professionnels qui fondent notre force. Ainsi, notre
faiblesse au plan des infrastructures industrielles pourrait-elle être
compensée par des politiques de ressources humaines qui pourront
être consignées au sein de législations, de manière
à protéger tous les intervenants et à leur garantir des
cadres de concertation supérieurs à ceux dont nous avons
été témoins jusqu'à ce jour.
Enfin, il est Impérieux pour les autorités publiques de
respecter fermement un contexte démocratique qui permettrait à
chacun des intervenants de puiser auprès de ses propres membres les
positions nécessaires facilitant la concertation avec l'ensemble des
autres partenaires. Cette dernière exigence, croyons- nous, ne pourra
que favoriser l'émergence de réalités durables que ne
permet pas, dans sa forme actuelle, le projet de loi 90. Ce projet de loi est
déterminant pour l'avenir de nos industries culturelles. Aussi,
devrait-il tenir compte de l'ensemble des points de vue et présumer
davantage des impacts pour la communauté artistique tout entière
et pour le Québec.
Ce qu'on pourrait ajouter rapidement, puisqu'il reste quelques minutes,
concrètement, là où on veut en venir, c'est qu'on est
devant un projet de loi qui met l'accent sur la négociation, qui nous
rappelle une époque, dans l'industrie du livre, if y a dix ou quinze
ans, où les auteurs interprétaient la réalité
économique dans le sens suivant, c'est-à-dire que les
éditeurs exploitaient les auteurs, alors que ces mêmes
éditeurs étaient pratiquement tous en faillite. La
démarche qui a été entreprise à cette époque
a été de développer des mesures pour générer
dans cette industrie les revenus nécessaires pour faire vivre autant les
artistes que les éditeurs. On considère - et j'ai
été quatre ans à la SODICC avant d'être à
l'ADISQ - j'ai vu circuler les états financiers des producteurs pendant
ces quatre années-là et il y a à peu près autant de
producteurs qui réussissent bien financièrement que d'artistes
qui réussissent bien financièrement. Donc, la majorité des
producteurs sont dans des situations financières difficiles, ont peu de
ressources, n'ont pas de "middle management", n'ont pas de formation en
gestion, en mise en marché, et font face à une concurrence qui,
finalement, est très experte et dispose de ressources financières
incroyables.
Or, notre infrastructure Industrielle dans ce contexte a besoin, si elle
est petite, de se concerter quand il est temps d'établir des projets qui
vont structurer toute cette industrie dans un avenir prévisible et qui
vont lui permettre d'être plus ou moins compétitive sur son propre
marché ou sur les marchés étrangers. Dans ce
sens-là, nous pensons que ce projet de loi, notamment la partie qui
concerne les relations du travail, était l'occasion en or pour susciter
une concertation, la recherche de compromis et l'Identification des principaux
enjeux dans l'industrie, de façon à structurer cette industrie et
à lui donner une force plutôt que de couper l'herbe sous les pieds
de ceux qui ont à coeur le développement des talents
québécois. On ne manque pas de talents au Québec et je
pense que c'est une ressource naturelle parmi les plus grandes ressources
naturelles du Québec; on se compare avantageusement à n'importe
quel pays au monde quand il s'agit de ressources, de talents, et pas seulement
dans le secteur artistique, c'est vrai dans le secteur scientifique aussi. Nous
sommes des créateurs, mais il faut vraiment se donner l'infrastructure.
On a toujours eu le problème de ne pas pouvoir développer,
promouvoir ces talents-là. On n'a pas les infrastructures industrielles
pour les promouvoir et, si on passe notre temps... Par exemple, à
l'ADISQ, concrète-
ment, on a un budget qu'on est allé chercher avec toute l'ardeur
qu'on veut mettre au développement de l'industrie, un budget qui, avec
ce projet de loi, devra être réaffecté à ta
négociation. On va passer, finalement, énormément de temps
à négocier, alors que notre but est de développer
l'Industrie. On va négocier des cents et quelques milliers de dollars
à la fin d'une année, alors que ce qui est Important, c'est
qu'ensemble les intervenants se donnent les moyens de générer des
revenus importants et se donnent en même temps la façon de
gérer et de répartir justement entre les artistes, les
producteurs et les intervenants ces revenus supplémentaires.
Donc, en conclusion, on regrette un peu et on souhaite - il n'est pas
trop tard - profiter de l'occasion afin que tous les intervenants se
confrontent. Je pense que ce qui ressortirait d'une telle concertation serait
des plus intéressants pour faire de nos Industries culturelles des
industries qui peuvent au moins s'imposer sur leur propre marché et, par
le fait même, franchir nos frontières. Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le directeur
général. Je reconnais maintenant Mme la ministre des Affaires
culturelles.
Mme Bacon: Je voudrais remercier les gens de l'ADISQ de nous
avoir soumis ce mémoire et d'être venus discuter avec nous
aujourd'hui du projet de loi 90. On a l'impression qu'on se retient un peu,
qu'on ne va pas jusqu'au bout dans ce que vous voulez dire. Il serait
peut-être bon de te faire aujourd'hui, on est ici pour cela.
Malgré la grande franchise que vous avez dans votre mémoire, je
voudrais faire remarquer à certains qui disaient qu'on ne voulait
entendre que des louanges que chacun est venu dire ce qu'il pensait
réellement de ce projet de loi, et c'est ce que nous voulons entendre
aussi. Je vous prierais d'aller jusqu'au bout de votre cheminement.
En ce qui regarde les relations du travail, au point 3.2 de votre
mémoire, vous parlez de la portée pratique des impacts, d'une
démarche à ce point structurante pour l'avenir. Vous parlez de
concertation, et c'est désiré par tout le monde cette
concertation de la part des artistes et de la part des producteurs. Ce que nous
voulons, c'est que cette loi en s'appliquant suscite davantage cette
concertation dans les négocations qui existent quand même
déjà. Il y a tout de même une négociation qui se
fait. Je ne pense pas que vous perdiez tout votre temps à faire la
négocation davantage par rapport à ce que vous faites
maintenant.
Au point 3.2, j'aimerais que vous nous disiez ce que vous entrevoyez
comme conséquences possibles. Vous ne semble? pas aller jusqu'au bout de
ce cheminement. J'aimerais que vous le fassiez cet après-midi avec
nous.
M. Morency: Je pourrais amorcer la réponse et M.
André Di Cesare pourra compléter. En fait, notre doute profond
est quant à l'attitude d'une structure bureaucratique syndicale
très bien développée, qui a des ressources énormes.
Nous pourrions appuyer notre opinion d'exemples. Nous avons eu souvent
l'occasion de constater que le développement des industries culturelles
et l'enrichissement général des Industries culturelles ne sont
pas l'objectif premier de cette structure syndicale qui est en place. C'est
notre principale crainte quand on vient institutionnaliser une force qui est
déjà là, qui n'a pas besoin d'être
institutionnalisée pour s'exercer et qui est capable, par exemple, de
compromettre la tenue d'un événement comme le gala des
Félix l'an dernier, qui est là pour promouvoir le talent et qui
est là pour augmenter les ventes de disques, il n'y a pas eu
d'hésitation à compromettre cet événement à
des fins syndicales. Évidemment, nous sommes plus une chambre de
commerce qu'un conseil du patronat. Nous n'avons pas de mandat précis de
nos membres de négocier et nous sommes souvent témoins
d'attitudes et de comportements En fait, l'équilibre des rapports de
forces qui sont essentiels en relations du travail, on ne les retrouve pas dans
notre secteur. Quand on négocie avec l'UDA, celle-ci peut faire la
grève sans aucune conséquence pour elle parce qu'elle peut
travailler, si elle fait la grève, dans le domaine de la scène,
à la télévision ou dans les commerciaux, un peu partout.
Finalement, les producteurs qui y mettent leur argent le perdent et sont mis
pratiquement hors d'affaires assez rapidement. Nous n'avons pas des
réserves de capitaux très grandes, tout le monde le sait, c'est
une industrie très peu capitalisée.
Donc, s'il n'y a pas un rapport de forces égal, comment peut-on
espérer négocier? Comment peut-on espérer faire le lien
entre concertation et négociation? Finalement, la situation actuelle,
c'est qu'on signe ce qu'on veut bien qu'on signe, on n'a pas le choix. On n'a
pas les moyens de pression qu'aurait un employeur - si on l'était - dans
des circonstances normales ou qui existent dans d'autres secteurs. Ensuite, la
relation dans notre secteur - en tout cas, dans le domaine du disque, de la
chanson, de la scène - la relation qui existe entre un artiste et son
gérant ou son producteur, ce sont deux partenaires qui visent à
développer une carrière, un talent, à moyen terme, et qui
sont partenaires Comme un courtier est partenaire de son client pour
développer un capital, un gérant est partenaire d'un artiste pour
développer un talent Dans ce sens-là, quand on volt dans le
projet de !ol qu'il est donné à l'association la permission
d'intervenir et de négocier pour son artiste, sans même de lettres
de créance de celui-ci, avec le producteur, c'est nier à la fois
l'autonomie qui est réclamée par le statut de l'artiste et
l'autonomie pour s'entendre avec un producteur et développer une
carrière. En fait, c'est comme si on donnait le pouvoir à une
infrastructure
syndicale de s'ingérer dans les affaires d'un entrepreneur. C'est
un projet de toi qui à la fois réclame le statut de travailleur
autonome et est très paternaliste dans la façon d'aider, de
supporter les entrepreneurs. C'est comme si on voulait une infrastructure
syndicale forte pour aider des entrepreneurs à développer
à leur propre compte une carrière. Il y a des paradoxes
fondamentaux dans ces propositions-là.
Une voix: Si vous me permettez, M. le Président, Mme la
ministre, il y a aussi...
Le Président (M. Trudel): En vous identifiant, M.
Cloutier, pour le Journal des débats.
M. Cloutier (Gilles): Gilles Cloutier. J'agis à titre de
conseiller législatif et économique auprès de l'ADISQ. Il
y a, en réponse, en complément de ce qu'a dit mon
collègue, un certain nombre d'éléments que vise la loi
qui, à notre avis, excluent, comme nous le mentionnions, un certain
nombre d'autres interlocuteurs de contextes, soit d'interdépendance
envers des associations. J'en mentionne quelques-unes: la SPACQ, quel type de
relation elle a avec l'APFVQ, avec l'ACA, la SARDEC, la SODRAC, l'Union des
écrivains. Enfin, quand on met tout ce beau monde ensemble et qu'on
additionne le nombre d'emplois qui auront à bénéficier du
projet de loi dans sa formulation actuelle, ou à être
pénalisés, et qu'on regarde - parce que les jours ont un petit
peu manqué avant le dépôt du projet de loi, et les
réactions, les consultations avec le milieu, avec les partenaires aussi
- il nous est à peu près impossible de mesurer. Et une loi qui ne
nous permet pas de mesurer, par les principaux intéressés, les
impacts qu'elle doit générer, cela nous laisse, non pas
frustrés au niveau de votre démarche, mais au niveau des risques
qu'il y a à adopter à très court terme - puisqu'il y a un
échéancier à la fois politique et gouvernemental - un
projet de loi qui n'ait pas comptabilisé l'ensemble des impacts qu'elle
va susciter.
Quand on mentionne que la loi est structurante, elle est structurante
pour qui? Elle touche combien d'emplois? On énumère à peu
près 45 000 emplois. Il y en a peut-être davantage, des emplois
directs et indirects. On ne comptera pas les livreurs de pizzas après
les spectacles. Ce n'est pas notre but de vouloir jouer à une
économie industrielle globale. Mais, quand on regarde tes producteurs,
artistes, interprètes, techniciens et autres syndiqués du milieu
qui directement et indirectement vivent de l'activité culturelle, il
nous est impossible de mesurer, d'analyser et de visualiser ce que veut dire la
loi. Le doute émis par les producteurs membres de I'ADISQ et d'autres
intervenants, dont certains pourront s'exprimer sur le sujet, c'est que, parmi
les artistes eux-mêmes, ceux qui produisent, qui coproduisent se
demandent quel sera leur statut. Il y a un certain nombre
d'éléments qu'on a regardés au niveau de la
compatibilité du statut de l'artiste, tel que défini par la loi,
avec la Loi sur le droit d'auteur, par exemple. Il y a des possibilités
de conflits de juridiction. Je ne sais pas s'ils ont été
examinés, mais, à notre avis, ils ne sont pas suffisamment
représentés dans le projet de loi.
En conclusion, la loi dicte des règles du jeu qui en remplacent
déjà - et, dans certains cas, heureusement - mais, en même
temps, elle suggère des règles du jeu qui sous-estiment, à
notre avis, l'impact qu'auront toutes les autres personnes du milieu qui ne
seraient pas membres des associations accréditées ou qui ne
seraient pas partie à la loi. Alors, une loi vise un certain nombre
d'intervenants, 3500, 4000, 5000, mais qu'advient-il des 40 000 autres qui
devront vivre avec cette loi et à qui, à toutes fins utiles, elle
sera imposée? (15 h 30)
II y a un autre élément, en terminant. Si on regarde la
formulation de la loi, est-ce que la loi n'amènera pas à terme
l'ADISQ à devenir négociateur, ce qu'elle n'a peut-être pas
l'intention de devenir? À court terme, pour une association comme
l'ADISQ, envisager de devenir un négociateur, ce que la loi pourrait -
les doutes sont très forts à cet égard - la forcer
à devenir, ce qu'elle ne veut peut-être pas devenir, ce qu'elle
n'a peut-être pas le mandat de devenir et, comme le disait M. Morency
tout à l'heure, ce que l'ADISQ n'a peut-être pas les moyens non
plus d'offrir à ses membres... C'étaient les quelques
commentaires.
Mme Bacon: Si on en reste à la définition des
secteurs de négociation, vous craignez, dans votre mémoire, qu'un
producteur, pour une même production, doive tenir compte de plusieurs
ententes négociées, par exemple, si je résume bien la
pensée que j'ai pu traduire dans votre mémoire. Est-ce à
dire que vous souhaitez que la définition des secteurs de
négociation soit la plus large possible? Est-ce que c'est le souhait que
vous exprimez dans votre mémoire?
M. Morency: En fait, ce qu'on souhaite, c'est qu'avant
d'établir... La négociation, après le projet de loi, va
avoir une teneur différente de la concertation d'avant et que l'ensemble
des intervenants dans une production, par exemple, décident ensemble, de
façon concertée, de modus vivendi, de compromis, de façon
à éviter ce qu'on vit déjà dans les faits, ce qu'on
expérimente déjà. Il y a des appartenances à
différents syndicats qui n'ont pas vraiment le statut de syndicat et qui
compliquent la production. En fait, c'est à la fois une industrie qui a
peu de ressources, mais c'est aussi une industrie très complexe à
gérer parce qu'il y a énormément de contrats
d'intervenants. Alors, c'est important.
Ce qu'on veut faire ressortir, c'est que sur la même scène,
vont se retrouver trois, quatre, cinq ou six associations
accréditées, peut-être deux associations de producteurs,
les proprié-
taires de salles, les producteurs de spectacles... Finalement, si on
prend le chemin de la négociation sans, auparavant s'entendre sur des
modus vivendi, sur des compromis - on ne rêve pas en couleur, on ne pense
pas que le consensus soit possible - mais, si on ne s'entend pas d'avance pour
en discuter et même révéler ces enjeux... Je pense que,
depuis quelques jours, le projet de loi a suscité des consultations
entre des gens qui n'avaient pas vraiment l'habitude de se consulter; on a
été forcés de se parler un peu. Ce qui est ressorti, ce
sont les enjeux qu'on ne connaît pas des uns et des autres, des
"rationalités" qui se sont développées en vase clos dans
des associations ou des regroupements dont l'intérêt est de les
mettre sur la table, face à tout le monde, ce qui va améliorer
toutes les relations du travail. Si on continue à segmenter toutes les
relations du travail, on s'éloigne de cette concertation qui pourrait
mettre en lumière les compromis qui sont essentiels pour qu'on puisse
fonctionner.
Mme Bacon: Vous dites aussi dans votre conclusion qu'il serait
impérieux de permettre à chacun des intervenants de puiser
auprès de ses propres membres les positions nécessaires pour
faciliter la concertation; on revient à la concertation avec l'ensemble
des autres partenaires. Est-ce à dire que vous souhaitez que le projet
de loi prévoie le regroupement de tous les producteurs? Est-ce que cela
revient à cela, au fond, votre...
M. Morency: C'est-à-dire... Mme Bacon:
...conclusion?
M. Morency: ...que, lorsque vient le temps de s'exprimer sur un
projet de foi comme celui-là, on est presque mis dans une position de
négociation, c'est-à-dire que la première
négociation du processus, c'est le projet de loi. On n'a pas eu le temps
d'aller chercher un mandat clair et précis de tous nos membres et de les
informer en profondeur, de susciter des tables de discussion qui sont
nécessaires pour pouvoir analyser et prendre position. Ce qu'on
souhaite, c'est que tout le monde ait le temps d'aller voir ses membres...
M. Cloutier: II y a un autre élément qui va un peu
dans le sens que vous mentionnez, Mme la ministre. Quand vous demandez: Est-ce
que notre crainte est de voir tous les producteurs se liguer pour
réagir, évidemment, à ce stade-ci, on ne peut pas parler
pour tous les producteurs, tous les producteurs n'étant pas membres de
l'ADlSO, mais, étant devant un fait accompli que force la
démarche législative actuelle, d'un côté et de
l'autre, il serait probable - je ne dis pas souhaitable nécessairement -
que l'on ait à discuter avec tous les producteurs. Peut-être que
tous les producteurs ne le voudraient pas. Peut-être qu'il y a des
producteurs qui désirent demeurer indépendants. On peut avoir une
entreprise prospère et ne pas être membre de la chambre de
commerce de sa région, mais en même temps cotiser pour tel ou tel
événement à caractère économique ou avoir
une citoyenneté corporative.
Alors, notre crainte, en partie, c'est que les producteurs, du fait d'un
projet de loi qui a un caractère extrêmement sain à
plusieurs égards pour donner un dénominateur commun aux
conditions minimales de travail des artistes, et on a défendu cette
position avec certains de vos collègues dans d'autres forums que
celui-ci, c'est que les artistes se sentant protégés, est-ce que
les producteurs ne se sentiront pas agressés et amenés dans un
corridor de regroupements qu'ils ne voudront pas nécesairement? Il est
antidémocratique ou peu démocratique, nous semble-t-il, d'amener,
par la force des choses, par la force de certains articles de loi, des gens
à devoir s'asseoir tous ensemble, surtout si ces gens-là sont
compétiteurs, surtout si ces gens-là ont des
intérêts parfois divergents ou sont dans des secteurs
d'activité extrêmement exclusifs. Un écrivain
québécois qui décide d'aller écrire en France, mais
qui bénéficie ici de conditions minimales, d'arrangements ou
même de bourses, est-ce qu'il sera condamné, s'il ne le
désire pas, à devoir s'asseoir avec un type qui est dans le
domaine du disque? Peut-être pas. Notre crainte est de voir ces
gens-là obligés de s'asseoir ensemble. Ce n'est pas malsain,
c'est sûr, mais je ne crois pas qu'un projet de loi, qui est une
loi-cadre et une loi incitative dans son intention, doive amener des
contraintes que les gens du milieu ne souhaitent pas ou, s'ils les souhaitent,
sur lesquelles ils n'ont pas eu l'occasion de s'entretenir.
Mme Bacon: Vous avez parlé ni plus ni moins d'un rapport
de forces. Évidemment, la loi 90, à différents articles,
parle d'associations de producteurs sans pour autant obliger les producteurs
à s'associer. Si vous aviez ce regroupement, ne pensez-vous pas que cela
rétablirait ce rapport de forces que vous estimez - si je vous ai bien
compris, vous me corrigerez - déséquilibré par rapport
à la situation?
M. Cloutier: Donnez-moi un exempte, Mme la ministre.
Mme Bacon: Écoutez, dans la loi 90, on n'oblige pas les
gens à se regrouper. On ne donne pas d'ateliers fermés,- parce
qu'on a voulu garder une liberté d'action, une liberté
d'adhésion ou une liberté de fonctionnement.
J'essaie de traduire un peu ce que vous disiez tantôt. Quand vous
disiez: II y a des rapports de forces, vous sembliez dire que la situation
créée par la loi 90 deviendrait
déséquilibrée par rapport à la force d'un
regroupement d'artistes ou, peut-être - je le mets entre guillemets - la
faiblesse de producteurs qui ne
sont pas regroupés. Est-ce que le fait que les producteurs se
regroupent, disons - la loi ne vous oblige pas à le faire - mais, s'il y
avait un regroupement, est-ce que cela rétablirait ce rapport de forces
ou ce déséquilibre que vous semblez déplorer?
M. Cloutier: Est-ce que, dans la pratique, la loi - il y a
l'intention de la loi - mais dans la pratique, connaissant un petit peu le
milieu, un peu tout le monde ici réuni, n'amènera pas les
producteurs à devoir le faire contre leur gré? Alors, est-ce que,
comme dans la Grèce antique où on fouettait les gens lorsqu'ils
refusaient de voter, lorsqu'ils refusaient d'assumer leur liberté,
est-ce qu'on ne forcera pas, on ne contraindra pas les gens à se liguer?
Est-ce que le principe de liberté d'association, que ne conteste ni ce
projet-ci ni aucune intention gouvernementale actuelle, ne sera pas
faussé par cela? Je vais passer la parole à mon
collègue.
M. Morency: Pour créer un rapport de forces
équivalent, il faudrait que tous les producteurs, pas seulement les
producteurs de disques ou de spectacles, mais les producteurs de commerciaux,
de télévision, tous les producteurs fassent un consortium unique
de production, comme on le vit, par exemple, dans le domaine des salles de
spectacles. On l'a vécu en 1984, on le revit actuellement à la
Place des Arts. Par exemple, un syndicat de techniciens qui travaille dans
toutes les salles, dans plusieurs salles, peut faire la grève dans une
salle, ses membres travaillant dans les autres salles et empêchant les
producteurs - les résidents, les principaux locataires de la Place des
Arts - de produire. Le coût du rapport de forces, le coût pour les
producteurs, est énorme et n'a pas d'impact sur le syndicat. C'est un
peu la même chose si on négocie, par exemple, le disque. Il peut
très bien y avoir une grève dans le disque sans empêcher
pour autant les artistes de travailler sur la scène, en
télévision ou dans les commerciaux. On peut négocier
secteur par secteur, un par un, et jouer avec l'effet de levier dont on dispose
dans les autres secteurs.
Là, on ne peut pas parler de rapport de forces. Même si
tous les producteurs de l'ADISQ sont heureux d'être membres de l'ADISQ
parce qu'on donne des services et qu'on leur permet de développer leur
entreprise - c'est ça qu'ils recherchent en s'associant, ils sont
heureux de faire cela - même s'ils s'associaient complètement pour
négocier, ça ne nous donnerait pas pour autant un rapport de
forces équilibré.
Le Président {M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Mercier.
M. Godin: Messieurs, bienvenue dans la maison du peuple pour
discuter d'un projet de loi extrêmement important, vous l'avez reconnu
vous-mêmes. Je sens une sourde opposition dans vos propos, M. Morency,
et, vous, M. Cloutier, qui me rappelle un peu l'attitude des éditeurs
d'il y a dix ans, avant que le gouvernement ne leur Impose de payer des droits
d'auteur à leurs auteurs. À l'époque, pour avoir
été éditeur, je me souviens qu'il se disait partout: On
publiera donc trois livres de moins par année et qui seront punis? Les
auteurs. Donc, il y a une espèce de rebrassage des capitaux et des
décisions dans les maisons d'édition pour s'habituer à un
nouveau contexte qui reconnaît davantage de droits aux auteurs. Comme,
d'ailleurs, à chaque fois qu'il y a un changement dans l'industrie, II y
a un réajustement des lois économiques Internes qui font
qu'à terme on se rend compte que c'est une bonne décision et
qu'il fallait marcher là-dedans.
Je vous demande à vous, M. le président: Est-ce que vous
voulez vivre, oui ou non, avec cette loi-là? Êtes-vous
disposé à vous réajuster en fonction des exigences
nouvelles que la toi vous pose?
M. Di Cesare: Les exigences économiques? M. Godin:
Oui.
M. Di Cesare: Les exigences économiques existent
déjà. Les artistes se font payer leurs droits déjà.
Les artistes qui sont en studio, qui sont choristes se font déjà
payer. Cela ne changera rien à ce niveau. Tout ce que ça va
faire, c'est que cela va créer une inflation, dans le sens qu'on va
être obligé de payer des vacances, des fonds de retraite. On paie
les mêmes affaires, on va payer les mêmes affaires. Cela ne
changera rien à ce niveau-là.
M. Godin: II y aura simplement un point de plus à votre
budget de dépenses annuelles...
M. Di Cesare: Ce n'est pas cela qui...
M. Godin: ...qui va refléter la nouvelle toi et un respect
davantage important pour les créateurs.
M. Di Cesare: Mais le respect existe déjà.
M. Godin: Oui, d'accord, mais vous dites qu'il y a de nouveaux
droits qui vont se créer: vacances, CSST dans certains cas et autres
exigences. Est-ce que l'industrie, bien qu'elle soit pauvre dans certains
secteurs, a les moyens, a les reins assez forts pour survivre à tout
cela?
M. Di Cesare: Je ne pense pas qu'elle va survivre à
l'inflation de ses coûts de production. Ça, c'est
évident.
M. Godin: Vous nous dites donc que la loi peut mettre en danger
même l'industrie du...
M. Di Cesare: Oui.
M. Godin: Oui? À ce point-là? M. Di Cesare:
À ce point-là.
M. Godin: II n'y a pas les ressources suffisantes donc à
l'intérieur de l'industrie..
M. Di Cesare: Notre problème face au spectacle, face au
disque, notre problème, c'est la compétition qui vient de
l'extérieur du Québec et du Canada. Cette compétition
arrive déjà ici, sur disque, entre autres, avec ses coûts
de production payés, ce qui fait que le prix de détail des
disques est décidé par eux. Nous, il faudrait vendre nos disques,
pour arriver dans le marché de 5 000 000 d'habitants, de 5 000 000 de
francophones, il faudrait vendre nos disques à peu près 20 $ sur
le marché du détail.
Dans le spectacle, il faudrait doubler le prix de nos billets, mais on
n'aurait plus d'acheteurs. C'est ça notre problème.
M. Godin: Vous nous informez ici, comme commission parlementaire,
que le gouvernement et l'Opposition risquent de tout faire fermer avec une
telle loi?
M. Di Cesare: Je ne dis pas que vous risquez de tout faire fermer
avec une telle loi, mais je dis que s'il n'y a pas consultation de tout le
monde, ce dont on va s'apercevoir, c'est qu'à moyen terme il va y avoir
beaucoup moins de production qui va se faire. Ça, je peux vous le dire,
je peux l'attester. (15 h 45)
M. Godin: ...n'arrivera pas chez vous, c'est-à-dire un
réajustement des budgets et présenter moins de spectacles, faire
moins de disques, mais payer davantage les nouveaux droits que crée
cette loi. Est-ce que cela ne peut pas se faire comme cela aussi?
M. Di Cesare: II n'y a pas de nouveaux droits qui vont se
créer. Ce qui va se créer, ce sont des droits plus
élevés en négociation. C'est tout simplement cela qui va
se créer.
M. Godin: Ce que j'appelle nouveaux droits...
M. Di Cesare: Les droits sont quand même payés dans
le moment. Je ne pense pas que la loi crée de nouveaux droits.
M. Godin: Je ne vous comprends plus. Vous me dites que cela ne
change rien et, en même temps, que cela change tout.
M. Di Cesare: Non, ce que cela va changer, c'est qu'en
négociation, étant donné que les producteurs n'ont pas la
force de négocier, n'ont pas la même force que les syndicats
d'artistes vont avoir, les droits vont augmenter et, plus les droits vont
augmenter, moins il va y avoir de productions parce que le marché ne
peut pas absorber des coûts de production plus élevés que
ceux que nous avons présentement. On est au maximum des coûts de
production présentement. Ce ne sont pas les droits qui ne se paient pas.
Ce que j'ai compris de votre part, c'est que vous pensez que cela va
créer de nouveaux droits. Je pense que les droits existent
déjà. Les artistes sont payés pour faire des spectacles
déjà.
M. Godin: Vous imaginez qu'il y aura de nouveaux
privilèges, de nouveaux...
M. Di Cesare: Non, cela va faire de nouvelles
négociations..
M. Godin: ...de nouveaux droits sociaux, si vous voulez, vacances
et autres, qui n'existaient pas avant?
M. Di Cesare: Oui, entre autres, ils vont faire augmenter les
minima qui existent déjà dans le marché.
M. Godin: Créer une surenchère, donc, des
conditions actuelles...
M. Di Cesare: Oui.
M. Godin: ...qui aura comme effet.
M. Di Cesare: Parce qu'on n'a pas la force de se défendre
face à tout cela.
M. Godin: ...à terme, de mettre en danger même
certaines entreprises.
M. Di Cesare: Ah!
M. Godin: C'est ce que je comprends.
M. Di Cesare: Certainement.
M. Godin: Je redonne la parole...
M. Di Cesare: Parce qu'on n'a pas la force. Si, dans la loi, on
donnait la même force aux petits producteurs qu'aux grands syndicats
d'artistes, c'est sûr qu'on pourrait se parler d'égal à
égal, mais ce n'est pas cela qui va se passer dans les faits, dans la
pratique. Les Intentions sont bonnes, c'est dans la pratique qu'est le
danger.
Le Président (M. Trudel): Avez-vous terminé, M. le
député de Mercier?
M. Godin: J'aimerais entendre la ministre là-dessus, parce
que, là, on a sorti le morceau que vous vouliez avoir depuis le
début, Mme la ministre.
Le Président (M. Trudel): II reste quelques secondes dans
l'enveloppe ministérielle, alors, M.
le député de Saint-Jacques, peut-être?
M. Boulerice: Oui, M. le Président, je vous remercie.
À part le fait d'être un consommateur qui va peut-être
au-delà de ses ressources pour ce qui est de l'achat de disques, je dois
vous avouer malheureusement que je connais très peu la mécanique
interne de cette industrie. Mais je vous en prie, Mme la députée
de Vachon...
Vous avez parlé, tantôt, il y a quelques secondes, de
droits plus élevés pour ce qui est des artistes. Alors, il y a
une question que j'aimerais poser, ce qui me permettrait peut-être de
mieux saisir votre problématique. Dans le cas d'un contrat type, chez
vous, est-ce que vous pourriez me dire quel est le pourcentage des droits qui
sont versés par rapport à l'interprète, au distributeur,
etc.?
M. Di Cesare: Je ne peux pas vous donner tous les pourcentages
exacts, mais je peux...
M. Boulerice: Approximativement, quand même.
M. Di Cesare: L'artiste-interprète? L'interprète ou
l'artiste auteur-compositeur? Parce qu'il y a bien des secteurs qui sont
impliqués dans un disque.
M. Boulerice: Vous pouvez me donner les deux versions.
M. Di Cesare: Mis à part les coûts de production
initiaux qui sont d'environ, présentement, de 50 000 $, entre 35 000 $
et 50 000 $ pour un disque, un droit est payé à l'artiste qui
varie entre, si c'est un artiste signé par un producteur, 3 % et 6 % du
prix de détail. Les auteurs-compositeurs sont payés entre 0,02 $
et 0,04 $, et jusqu'à 0,05 $ de la chanson Le producteur, lui,
reçoit 46 % ou 47 % du prix de détail. Il doit payer sa
production, sa promotion, plus les artistes-interprètes, plus les
artistes auteurs-compositeurs. Cela, c'est sur un disque.
M. Boulerice: Bien. Vous m'avez dit tantôt que... Oui, je
vous en prie.
M. Di Cesare: Plus la fabrication du disque aussi, il ne faut pas
l'oublier, et la taxe fédérale, d'ailleurs.
M. Boulerice. Oui. Malheureusement, personne n'échappe
à la taxe. Mais vous nous avez dit que l'industrie du disque serait
drôlement menacée. À ce moment-là, la question que
je vous pose, c'est,. Remarquez que c'est un autre palier, mais quand
même... Est-ce que vous êtes en train de me dire que la politique
du disque, qui a été faite par le gouvernement
fédéral, n'est pas suffisante et ne répondait pas à
vos besoins?
M. Di Cesare: Je n'ai pas compris, je m'excuse. Que la politique
du disque du gouvernement fédéral... Vous parlez de Musicactlon?
M. Boulerice: C'est cela, oui.
M. Di Cesare: Que ce n'est pas suffisant? C'est-à-dire que
Musicaction, premièrement, c'est un prêt, il faut comprendre cela.
Ce n'est pas un don, c'est un prêt qui est consenti à l'industrie
du disque pour produire un disque et qui finance 50 % de la production.
Admettons qu'au départ le maximum auquel un disque peut être
financé, c'est 35 000 $ de Musicaction. Pour obtenir 35 000 $, cela veut
dire qu'il faut que tu aies dépassé 70 000 $. Donc, l'industrie
investit 35 000 $ pour chaque disque. Dans le moment, les coûts de
promotion et de marketing sont à peu près l'équivalent des
coûts de production pour un disque
Donc, notre compétition fait qu'on doit investir de plus en plus
dans le marketing et la promotion de nos produits, sans parler des
vidéoclips pour lesquels il faut également investir, mais on n'en
a pas les moyens
M. Morency: Donc, ces fonds-là sont intéressants
pour la production, mais, au niveau de la promotion et tout ça, c'est
encore insuffisant, surtout si on vise les marchés internationaux.
M. Di Cesare: Un producteur, ce qu'un disque lui rapporte devrait
se situer entre 1 $ et 1,50 $ selon sa structure. À 1 $ ou 1,50 $, quand
on sait que la plupart des disques vendus au Québec le sont à 15
000 copies, et que tu as un prêt à rembourser à Musicaction
de 0,50 $ la copie et que tu investis 35 000 $ dans ta production, il n'y a pas
de profits pour les producteurs. Quand tu as des profits, il faut qu'avec tu
paies ceux qui ne marchent pas. Donc, si on crée de l'inflation par une
nouvelle loi, cela va causer un problème au bout du compte.
M. Boulerice: Vous semblez sceptique pour ce qui est du
rôle de médiateur de la commission. J'aimerais avoir des
commentaires un peu plus détaillés là-dessus.
M. Di Cesare: Je suis sceptique face à une
médiation?
M. Boulerice: Oui. Le pouvoir de médiation de fa
commission.
M. Di Cesare: Je ne suis pas sceptique face au pouvoir de la
commission. Tant que la commission n'est pas là, je ne peux pas
être sceptique.
M. Boulerice: C'est ce qui se dégageait comme impression.
Vous me l'informez ou vous me le confirmez, je veux bien accepter votre
réponse.
M. Cloutier: Si vous me permettez, M. Boulerice, quant aux
pouvoirs de la commission, l'institution d'une commission, je pense, c'est une
démarche extrêmement logique, concrète et utile dans le
cadre d'une réglementation, d'une régie des relations du
travail.
Je reprends une question qui a été posée ce matin
par le député de Mercier. Sur la nomination des membres de la
commission, ce n'est pas de dire: On a un producteur, on a un artiste, parce
que tout le monde est un peu tout le monde, finalement, surtout quand l'artiste
est lui-même un producteur, ce qui est un cas qui se répand de
plus un plus. Quant à la nomination des membres - c'est un premier point
et une question à laquelle il est intéressant de répondre
de notre côté - quel devrait être le rôle du milieu
pour la désignation des membres? Je pense qu'il peut suggérer une
liste, un peu comme on le fait pour le sénat fédéral
maintenant. On la soumet aux provinces, on est d'accord ou pas et, finalement,
on s'entend, ou demande au milieu: Désignez-vous quelqu'un? Alors,
là, cela risque de retarder, dans certains cas, des nominations.
Il peut y avoir des mécanismes souples permettant une
représentativité correcte des membres de la commission.
Évidemment, le pouvoir gouvernemental n'est pas contesté sur la
désignation des membres, sur la nomination. Quant à la
mécanique de désignation ou de consultation préalable, je
pense que les portes sont ouvertes là-dessus Nous, contrairement
à d'autres points de vue qui ont été émis ce matin,
on ne voit aucune objection là-dessus; je pense que cela serait
souhaitable. Si on décide de désigner trois médecins et
qu'on n'a pas le choix, mais que ce sont des médecins corrects,
honnêtes et bons en relations du travail, cela va. Alors, il ne s'agit
pas de dire: On ne veut pas un producteur, on ne veut pas un artiste. Si tel
est le souhait du gouvernement, dans la mesure où on a des retours sur
la consultation, cela va là-dessus.
Sur les pouvoirs de la commission comme telle, ne connaissant pas - ce
qu'on mentionnait tout à l'heure - les impacts ou la portée de la
loi, la signification véritable de la loi, comment, à ce jour,
peut-on présumer de l'importance et de la qualification de la commision
quand vient le temps de reconnaître une association professionnelle, par
exemple? Je donne un exemple un peu farfelu. Si, moi, amateur de danse à
claquettes, je décide de former une association parce qu'il n'y a pas
assez de membres dans les écoles de danse à claquettes ou
qu'elles n'existent pas et que je décide de vendre des cartes de membres
un soir de bingo, à ce moment-là, est-ce que mon syndicat,
l'association ou la commission va nous demander, les 50 000 membres, de faire
de la danse à claquettes pour voir si, oui ou non, on est des
artistes?
On n'est peut-être pas des professionnels, mais il y a des
mécanismes de désignation et des pouvoirs de
référence qu'il faudrait examiner de façon plus
concrète, en voir la portée et la signification pour le milieu
comme tel. On ne dit pas que les pouvoirs sont corrects ou pas. suffisants ou
Insuffisants, on dit qu'il est prématuré d'encadrer une
commission avec des pouvoirs ne connaissant pas la signification ou l'agenda
caché, peut-être, que comporte le projet de loi dans sa
formulation actuelle.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Mercier, je pense que vous aviez demandé la parole?
M. Godin: Oui, M. le Président, s'il vous plaît! M.
Morency en tant qu'ancien administrateur de la SODICC, est-ce qu'il y a des
fonds qui vont de la SODICC vers les producteurs de l'ADISQ?
M. Morency: Oui.
Le Président (M. Trudel): Est-ce que, si ces fonds
étaient augmentés, il y aurait moins d'inquiétude de la
part de M. Di Cesare et de ses collègues?
M. Morency: Encore une fois, la SODICC consent des prêts et
un prêt a ceci de particulier qu'il faut le rembourser, donc cela
n'améliore pas le résultat final, la performance
économique du producteur ou du produit sur le marché. Si le prix
de détail est trop bas, même si on emprunte des millions, il va
toujours rester trop bas et, dans ce sens, ce sont peut-être plus des
mesures. Finalement, il est question d'augmenter le budget des Affaires
culturelles, c'en sont des mesures On parle de recycler, par exemple, la taxe
d'amusement et la future taxe fédérale dans l'industrie,
c'est-à-dire recycler... Par exemple, à Montréal, il y a 7
000 000 $ payés par année en taxes d'amusement par les
producteurs Si ces 7 000 000 $ étalent réinjectés dans
l'industrie et qu'on négociait avec tous les partenaires la façon
dont on va les répartir entre les auteurs, compositeurs,
interprètes et producteurs, je pense qu'on irait pas mal plus loin que
de savoir à qui la cent qu'on ne fait pas de toute façon va
aller.
Évidemment plus l'industrie augmente ses activités, plus
il y a des besoins de financement sous forme de prêts. Plus une
entreprise grandit, plus elle a besoin d'une grosse marge de crédit.
Dans ce sens-là, II faudra que la SODICC suive les besoins de
l'industrie mais le principal problème n'est pas vraiment là,
c'est plutôt de générer des revenus. Dans cette
industrie-là, on interprète toujours, on Identifie l'exportation
comme étant une source de revenu fantastique, sauf que, lorsqu'on arrive
à Paris et qu'on veut faire concurrence aux producteurs parisiens, qui,
eux, mettent 500 000 $ en promotion pour lancer un spectacle alors qu'ici,
à Montréal, on est habitué d'en mettre 25 000 $, c'est
évident que nos budgets ne sont pas suffisants, même si le
marché est là. On ne peut pas nier qu'il y a 50 000 000
d'habitants en France, mais si, pour promouvoir nos produits là-bas, sur
un événement, il faut mettre 500 000 $, il faut quelque part les
investir, il faut les générer et les investir. Et là,
à terme, à force de développer une expertise et des
investissements de cet ordre-là, on ouvrira des canaux durables
d'exportation, on pourra faire une brèche dans notre marché
national. Déjà, l'effet de Musicaction et du programme de
promotion du disque du ministère des Affaires culturelles crée
des effets. Déjà, il y a des disques cette année, par
exemple, qui se vendent à au-delà de 50 000 copies, ce qu'on
n'avait pas vu depuis plusieurs années; 50 000 copies, c'est ce que cela
prend pour arriver "break-even". Alors, c'est un minimum. C'est évident
que plus on injecte de l'argent, surtout si on l'injecte de façon
à créer un effet de levier, c'est-à-dire doter le talent
d'infrastructures susceptibles d'être expertes dans sa mise en
marché, dans sa gestion, c'est évident qu'à terme on va
arriver à des résultats, parce que je pense qu'on a le talent qui
est de calibre international. À ce niveau-là, on n'a pas de
problème. Le problème est au niveau de nos infrastructures de
production et de diffusion, et ce n'est finalement pas en les étouffant
à court terme qu'on va réussir un développement à
terme. Je pense qu'on pourrait, par exemple, par une négociation, gagner
des points sur des minimums, mais si, à terme, par exemple, sur les
spectacles en tournée, au lieu d'avoir trois choristes, il n'y en a plus
qu'un, finalement, qui y gagne vraiment? Si, à terme, il n'y a plus de
producteur ou si les producteurs choisissent de produire des artistes
étrangers parce que c'est moins compliqué et plus payant, qui y
gagne? Ce sont des questions qu'on se pose. (16 heures)
M. Godin: On touche un point central en tant que parlementaires,
au fond. On a dit de l'autre côté, au salon bleu, dans nos
discours, que pas de budget, pas de statut de l'artiste et donc les deux
doivent aller de pair, comme les mamelles de la louve de Rome. Et, donc, je
pense qu'il est important que le milieu envoie le message au gouvernement pour
ne pas que la ministre soit seule à se battre pour vous et que le
gouvernement au complet, le Conseil du trésor et le premier ministre
sachent que le projet de loi 90, c'est bien beau, mais, s'il n'y a pas de
budget augmenté à la SODICC et au ministère qui accompagne
cette loi-là, cela veut dire pas de statut réel, parce que pas de
budget, pas de statut; pas de statut, pas de budget. Donc, on touche le point
central qui est que, en toute cohérence, le gouvernement doit maintenant
doter le ministère et la ministre de moyens améliorés - je
dis cela, parce qu'elle est de Trois-Rivières - pour qu'elle puisse
mettre du concret autour d'un projet qui, pour l'instant, est plus
théorique qu'autre chose. Dans la pratique, en tout cas, il n'est ni
implanté ni incarné. Si les fonds suivent, il y aura vraiment un
statut. Par statut, nous entendons les meilleurs revenus pour les artistes, les
créateurs du Québec, également des vacances et, pourquoi
pas, des primes de séparation et tout ce dont jouissent les
fonctionnaires du Québec ou toute personne qui a un statut digne de ce
nom dans la société québécoise. Donc, on peut
conclure en disant: Statut, oui, mais budget augmenté, aussi,
simultanément.
M. Morency: Aussi les diriger, ce qui est important. On pense
qu'en dirigeant, par exemple, des fonds substantiels en création, on
règle le problème. On règle toujours le problème
à court terme. Il faut, en parallèle à l'injection de
fonds en création, Injecter des fonds dans des infrastructures de
diffusion et de gestion qui vont faire que les prochains fonds qui seront
générés par les artistes seront autonomes et seront
générés pour une industrie en santé plutôt
que par un État-providence.
M. Godin: Merci, messieurs. J'ai terminé.
Le Président {M. Trudel): Merci, M. le
député de Mercier. Mme la ministre.
Mme Bacon: Si on parle de subventions ou de budget de
fonctionnement, ou tout simplement du budget du ministère des Affaires
culturelles, j'aime bien le coup de pouce que me donne le député
de Mercier, mais je dois dire que, déjà, nous avons
commencé à travailler depuis longtemps et, avec la coalition qui
nous a rencontrés à plusieurs reprises et qui rencontre encore le
premier ministre pour une deuxième fois, ce qui ne s'était jamais
fait au Québec, nous allons travailler ensemble pour augmenter le budget
du ministère des Affaires culturelles.
Je voudrais seulement revenir avant la fin... Vous avez parlé de
votre association de danseurs à claquettes. Cela m'a un peu
dérangée quand je vous ai entendu parler de cela. La commission a
quand même le rôle d'approuver les règlements d'une
association ou d'un regroupement en ce qui concerne les conditions
d'admissibilité. À ce moment-là, les producteurs peuvent
intervenir s'ils ne sont pas d'accord. Ce n'est pas coulé dans le
béton, vous avez le droit d'intervenir auprès de la commission si
vous n'êtes pas d'accord. Je pense qu'on a laissé, qu'on a
tenté, en tout cas... Peut-être que ce n'est pas le
résultat que nous obtenons, suivant l'interprétation de chacun,
mais nous avons voulu laisser une grande liberté de regroupement, une
liberté d'admissibilité, une liberté aussi d'intervention
auprès de la commission, de reconnaissance. Je dois vous dire que
j'apprécie beaucoup cette franchise que vous avez eue cet
après-midi. Je voulais, en effet, comme le dit le député
de Mercier, que vous alliez jusqu'au bout. Je pense que c'est pour cela qu'on
est ici. C'est pour cela qu'on rencontre le milieu, c'est pour cela qu'on
rencontre les gens qui auront à vivre avec une loi que nous
voulons adopter. Il y a eu, en effet, consultation, et passablement de
consultations depuis le début, mais on ne termine jamais la
consultation. Il y en aura encore après, il y en aura encore, je pense,
pour expliquer davantage, pour informer davantage, d'abord, sur tous les
rouages qui seront mis en place par ce projet de loi, et ce n'est pas
terminé la discussion. Je vous remercie d'être venus nous dire ce
que vous pensez et de l'avoir dit clairement. Je pense qu'on n'est pas ici pour
des demi-vérités ou des demi-mesures. On essaie de faire un
projet de loi qui faisait partie de notre programme électoral et que
nous avions pris l'engagement de présenter le plus rapidement possible.
Il y a eu un long cheminement depuis la commission parlementaire. On va
écouter aujourd'hui l'ensemble des groupes qui vont venir s'exprimer sur
cela et faire le point pour essayer de traduire dans notre loi, qui sera
adoptée article par article la semaine prochaine, autant que faire se
peut, traduire les désirs et les aspirations des uns et des autres, tout
en ayant à l'esprit, je pense, ce que, nous, nous voulions faire dans
cette loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des
artistes de la scène, du disque et du cinéma ou de l'industrie du
film, comme on nous a dit ce matin. Merci beaucoup.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre,
messieurs. J'aurais aimé poursuivre dans la foulée de ce que le
député de Mercier disait, en faisant la comparaison avec un
milieu que j'ai bien connu, le milieu de l'édition. Cela aurait
été intéressant, mais malheureusement le temps file trop
rapidement et on aura peut-être l'occasion, M. Cloutier, de s'entretenir
sur ces questions intéressantes. Alors, messieurs, merci. Sans suspendre
- on suspendra après le prochain groupe - j'invite maintenant les
représentants de la Société des auteurs, recherchistes,
documentalistes et compositeurs, la SARDEC, à venir prendre place
à la table en face de nous.
Bien, on est comme suspendu mais, non, on fera une suspension
après le prochain... Alors, Mme Fortier et Mmes Pelletier: laquelle est
laquelle? Moi, j'ai deux Pelletier sur ma liste.
Société des auteurs, recherchistes,
documentalistes et compositeurs
Mme Fortier (Claudette): Non, il n'y a qu'une Mme Pelletier.
Alors, je suis Claudette Fortier; à ma gauche est Louise Pelletier, qui
est auteur et membre du conseil d'administration, et Me Evelyne Saint-Pierre,
qui est directrice générale adjointe.
Le Président (M. Trudel): On s'excuse, Mme Saint-Pierre,
on avait le mauvais nom sur notre liste. Alors, bienvenue, Mme Fortier, il me
fait plaisir de vous revoir et je vous cède immédiatement la
parole pour les 20 minutes qui sont mises à votre disposition.
Mme Fortier: Merci, M. le Président. La SARDEC se
réjouit de l'initiative du gouvernement d'avoir déposé ce
projet de lot tant attendu et le remercie d'avoir convoqué la SARDEC aux
présentes audiences.
La SARDEC, qui est la Société des auteurs, recherchistes,
documentalistes et compositeurs, représente depuis 38 ans les
auteurs-scénaristes et recherchistes oeuvrant dans le domaine du
cinéma, de la télévision, de la radio, de la scène
ou de l'audio-visuel en vertu des dispositions de la Loi sur les syndicats
professionnels. Elle négocie et gère des ententes collectives
avec la Société Radio-Canada, l'Office national du film et la
Société de radio-télévision du Québec et
elle tente présentement de négocier sa première entente
avec l'Association des producteurs de films et de vidéo du
Québec. La SARDEC est également membre de l'Affiliation
internationale des syndicats d'auteurs et de la Confédération
internationale des sociétés d'auteurs et compositeurs. La SARDEC
siège également comme représentante des scénaristes
à l'Institut québécois du cinéma, à la
Conférence canadienne des arts, en tant que représentante de la
cinématographie de langue française, ainsi qu'à la
Conférence des associations de créateurs et créatrices du
Québec. Voici pour nos lettres de noblesse.
Nous aimerions, au cours des prochaines minutes, exposer aux membres de
cette commission nos principaux commentaires et recommandations sur le projet
de loi 90, en regard des besoins et des particularités de la SARDEC.
Tout d'abord, au premier chapitre, Champ d'application et définitions,
à l'article 1, premier alinéa, les auteurs étant, de par
la nature même de leur profession, des travailleurs autonomes, nous
considérons que le verbe "engagent" au premier article de la loi fait
davantage appel à la notion employeur et employé qu'à
celle d'entrepreneur. Par conséquent, nous suggérons de modifier
la première partie de cet article comme suit: "La présente loi
s'applique aux artistes et aux producteurs qui retiennent leurs services
professionnels dans les domaines de production artistique suivants:" L'article
continue, et nous proposons également les mêmes modifications aux
articles 6, 23, 24, 29, 35 et 37, où on fait appel à la notion
d'engagement.
Au même article, nous considérons que la
référence à la Loi sur le cinéma, afin de
définir les mots "film" et "matériel vidéo", risque de
limiter inutilement les secteurs d'application de la loi. La Loi sur le
cinéma touche principalement les oeuvres destinées à la
distribution en salle. Une Interprétation restrictive du mot "film"
ferait en sorte que toute la production audiovisuelle destinée entre
autres à la télévision échappe à l'emprise
de la toi. Bien entendu, nous parions ici de la production effectuée par
les producteurs privés pour les besoins des diffuseurs
et non des télédiffuseurs, puisque ces derniers sont
soumis à une législation fédérale.
Nous recommandons la modification suivante au texte de la loi, au
même article: "...les oeuvres audiovisuelles destinées à
tout mode de distribution et diffusion présent ou futur quelqu'en soit
le support technique." On couvre ainsi toutes les productions et, cela va de
soi, les modifications suggérées ci-dessus devraient
également se refléter dans le titre de la loi.
Article 2, définition de l'artiste. Nous recommandons que la
notion de "services professionnels" soit incluse à la définition
de l'artiste. Ainsi, une personne physique qui pratique un art à son
propre compte et qui offre ses services professionnels, moyennant
rémunération, à titre de créateur ou
d'Interprète dans un domaine visé à l'article 1.
Au deuxième alinéa, ta définition du producteur.
Afin de conserver une certaine logique à la lecture de la loi dans son
ensemble, nous croyons qu'il est essentiel que la définition du
producteur fasse appel au lien contractuel mentionné à l'article
1, donc à la définition de l'artiste. C'est pourquoi nous
recommandons de modifier la définition du mot "producteur" comme suit:
"une personne ou une société qui retient les services
professionnels d'un artiste afin de produire et/ou présenter une oeuvre
artistique dans un domaine visé à l'article 1."
Statut professionnel de l'artiste, à l'article 4, Tout au long de
nos interventions auprès du gouvernement, nous avons illustré
à maintes reprises notre statut de "travailleur autonome". Pour nous,
cette désignation devrait être spécifiquement
mentionnée à l'article 4. De plus, nous souhaitons que la
relation employeur-employé soit explicitement exclue de l'application de
la loi,
Ainsi, nous recommandons de modifier l'article 4 comme suit: "Pour
l'application de la présente loi, l'artiste qui s'oblige habituellement
envers un ou plusieurs producteurs au moyen de contrats portant sur des
prestations distinctes est réputé pratiquer un art à son
propre compte en tant que travailleur autonome. Un artiste dont les services
professionnels sont retenus par un producteur en tant que travailleur autonome
n'est pas considéré comme occupant une charge ou un emploi au
service de ce producteur."
Enfin, nous espérons que cette reconnaissance trouvera un
écho favorable au ministère du Revenu et qu'il y aura une action
concrète en ce sens pour le ministre responsable. Le créateur a
besoin d'un statut fiscal conforme à sa qualité de
véritable preneur de risque.
Maintenant, l'article 6. Cet article n'est pas clair et porte à
de nombreuses interprétations, enfin pour nous. Que signifie
réellement que malgré toute entente collective un artiste
conserve la liberté de négocier et d'agréer des conditions
auxquelles il est engagé par un producteur? Est-ce que cela signifie que
les ententes fixeront des conditions minimales et que l'artiste aura toute
liberté de se négocier des conditions plus avantageuses? Si telle
est la signification de cette partie de l'article 6, nous recommandons
fortement sa réécriture comme suit: "Sous réserve des
conditions minimales prévues aux ententes collectives, l'artiste
conserve la liberté de négocier et d'agréer les conditions
auxquelles un producteur retient ses services professionnels. L'artiste et le
producteur liés par une même entente collective ne peuvent
stipuler une condition moins avantageuse pour l'artiste qu'une condition
prévue par cette entente."
Au chapitre de la reconnaissance d'une association d'artistes, section
I, Droit à la reconnaissance, article 7, deuxième alinéa,
ce deuxième alinéa de l'article préoccupe au plus haut
point la SARDEC. Si les commissaires responsables de la reconnaissance des
associations considèrent que les recherchistes et les documentalistes ne
sont pas des artistes au sens de la loi, la SARDEC risque de perdre
également la reconnaissance envers les auteurs. Par conséquent,
nous suggérons que le deuxième alinéa soit modifié
comme suit: "elle regroupe des artistes et, le cas échéant, des
personnes en voie de se qualifier comme artistes." Donc, nous enlevons
"exclusivement".
À première vue, le troisième alinéa ne pose
pas de problème. Toutefois, nous nous préoccupons des
méthodes qui seront employées pour déterminer si
l'association rassemble la majorité des artistes dans un secteur de
négociations. Nous regroupons 500 membres mais, comme nous avons
toujours été opposés à la pratique de l'atelier
fermé, certains auteurs travaillent dans nos secteurs de juridiction
sans nécessairement être membres chez nous. Nous n'avons rien de
commun avec les syndicats industriels et nous espérons que les
critères de représentativité issus du Code du travail ne
seront pas appliqués aux réalités de nos associations et
que les commissaires nommés par le gouvernement feront preuve de
prudence à ce chapitre. (16 h 15)
À l'article 8, premier alinéa, les règlements de la
SARDEC prévoient certains critères d'admissibilité.
Étant donné le potentiel d'auteur qui sommeille en chacun de
nous, ces derniers sont très souples. Il ne faudrait surtout pas que les
exigences de qualification professionnelle mentionnées au premier
alinéa s'Interprètent en termes d'exigences académiques.
À la SARDEC toute personne qui a signé un contrat professionnel
dans notre juridiction est admissible en tant que membre, même certains
anciens ministres. Afin de ne pas restreindre la souplesse de nos
règlements, nous recommandons que l'on ajoute les mots "ou
contractuelle", après "professionnelle". Le premier alinéa se
lirait donc comme suit: "1° établissant des conditions
d'admissibilité fondées sur des exigences de qualification
professionnelle ou contractuelle propres aux artistes."
À l'article 9, le terme "injustement" étant
très vague et sujet à de multiples Interprétations,
nous suggérons de modifier l'article comme suit: "...ne doivent contenir
aucune disposition contraire à la Charte des droits et libertés
de la personne ayant pour effet d'empêcher un artiste de se qualifier
comme membre..."
A la section Procédure de reconnaissance, article 13,
étant donné la souplesse des critères
d'admissibilité, ainsi que l'absence d'atelier fermé dans notre
association, nous aimerions que l'article stipule clairement que l'association
concernée sera consultée quant aux mesures qui seront choisies
pour déterminer sa représentativité et que, si un
référendum est tenu, elle ait accès à la liste des
personnes qui seront appelées à voter sur sa
représentativité.
Article 17: Annulation de la reconnaissance. Nous considérons que
10 % des artistes du secteur ou un seul producteur pouvant mettre en jeu la
reconnaissance de l'association rendra ladite reconnaissance beaucoup trop
fragile et précaire. Nous demandons donc d'augmenter à 30 le
pourcentage des artistes pouvant demander la vérification et de
prévoir certaines conditions devant justifier la demande d'un producteur
lorsqu'il est seul visé par l'entente et un pourcentage minimum de
producteurs lorsque l'entente vise une association de producteurs.
Articles 19 et 20. Pour que l'association puisse faire valoir son point
de vue efficacement, la commission devrait l'aviser de la preuve qu'elle entend
utiliser et, s'il y a une liste d'artistes appelés à voter,
l'association devrait y avoir accès.
Section IV, Effets de la reconnaissance, article 21, premier
alinéa. Nous recommandons que cet alinéa soit modifié de
façon à être conforme aux devoirs conférés
aux associations formées en vertu de la Loi sur les syndicats
professionnels. Ainsi on devrait lire: "défendre et promouvoir les
intérêts économiques, sociaux, moraux et professionnels de
ses membres".
Au quatrième alinéa, afin d'être conforme au pouvoir
de représentation conféré aux associations reconnues, nous
recommandons que cet alinéa fasse état des "artistes"
plutôt que de se limiter aux membres des associations, puisque nous
couvrirons tous les artistes par nos ententes. Actuellement, les non-membres
signitaires de contrats établis en vertu de nos ententes ont droit aux
mêmes avantages que nos membres. Par conséquent, ils paient une
cotisation professionnelle à notre association. Pourquoi en serait-il
autrement par les ententes conclues en vertu de la loi 90?
Les cinquième et sixième alinéas. Toutes nos
conventions actuelles prévoient un formulaire de contrat sur lequel il
est spécifié que l'entente liant l'association au producteur fait
partie intégrante dudit contrat. Nous ne voyons pas l'utilité de
la distinction qui est faite dans le projet de loi, à l'effet que, d'une
part, l'association a le devoir d'élaborer un contrat type et, d'autre
part, celui de négocier des ententes collectives. Ces deux aspects
devraient être liés. Par ailleurs, la pratique nous a
démontré qu'un contrat type n'est pas d'une grande
efficacité lorsqu'il n'existe aucune obligation de le respecter et
qu'à la longue un tel document peut causer préjudice.
Lorsque nous effectuons une mise à jour, nous n'avons aucun moyen
d'empêcher la circulation du contrat antérieur devenu
désuet. Ce genre de chose ne risque pas d'arriver avec une entente
collective. SI des changements majeurs surgissent, les parties peuvent
s'entendre immédiatement sur certaines modifications et retirer les
vieux formulaires de contrats. Par conséquent, nous demandons que la
notion du contrat type soit liée à celle de la négociation
collective. Ainsi les cinquième et sixième alinéas
devraient être reliés pour se lire ainsi: négocier avec un
producteur ou une association de producteurs dans un secteur où elle est
reconnue une entente collective prévoyant les conditions minimales pour
retenir les services professionnels des artistes ainsi que le contrat type qui
en découle.
Article 22. Plutôt que de remettre une liste chaque année,
nous recommandons que cette remise soit liée à
l'échéance des ententes collectives. Ainsi l'association devrait
remettre une liste de ses membres six mois avant l'échéance d'une
entente collective visée à la section V.
À la section V, maintenant, Entente collective, l'article 31.
Étant donné ta courte durée de certaines productions
artistiques et le fait que parfois les compagnies de production disparaissent
aussi rapidement qu'elles apparaissent, nous recommandons que le délai
de 60 jours soit diminué à 30 jours.
Au prochain chapitre, Commission de reconnaissance des associations
d'artistes, section I, Constitution, à l'article 39, nous recommandons
que cet article reconnaisse aux associations et aux producteurs le droit
d'être consultés sur les membres devant faire partie de la
commission. De plus, nous suggérons que le mandat des membres de la
commission soit d'au moins sept ans afin d'assurer le plus de stabilité
possible dans le suivi des dossiers.
Fonctions et pouvoirs, article 51. Afin d'éviter tout conflit de
juridiction entre les associations représentant des artistes
francophones et celles représentant des anglophones, nous recommandons
que ce critère linguistique soit prévu au deuxième
paragraphe de l'article 51.
À l'article 56, deuxième alinéa. Étant
donné le caractère public de la procédure entourant la
demande de reconnaissance, nous craignons que cette disposition vienne alourdir
indûment et inutilement le fonctionnement de la commission. Par
conséquent, nous demandons de le retirer au deuxième
alinéa.
Dispositions pénales, maintenant, à l'article 58. Afin que
cet article ait réellement un pouvoir
dissuasif, nous recommandons que les amendes soient de l'ordre de 1000 $
à 5000 $.
À l'article 59, nous croyons que les amendes prévues aux
deuxième et troisième alinéas de cet article devraient
être réajustées tout en conservant, bien entendu, un
caractère dissuasif. Alors au deuxième alinéa, nous
suggérons des amendes de 500 $ à 1000 $ et, au troisième
alinéa, de 2000 $à10 000 $.
Voilà l'essentiel de nos commentaires et recommandations
concernant ce projet de loi. Nous souhaitons toutefois rappeler notre demande
présentée en mai 1986 à la commission parlementaire sur le
statut de l'artiste, plus spécifiquement celle portant sur le statut
fiscal qui était, je vous le rappelle, que le gouvernement reconnaisse
aux artistes - donc aux auteurs - un statut fiscal conforme à leur
qualité véritable d'investisseurs et d'entrepreneurs dans les
industries culturelles. En particulier, qu'il réévalue le
régime d'étalement des revenus des créateurs et leur
accorde un préjugé favorable en ce qui concerne les
dépenses encourues par leur travail.
Avant de répondre à vos questions, permettez-nous de
remercier encore une fois Mme Bacon, ministre des Affaires culturelles, pour
toute l'attention et la compréhension accordées aux associations
oeuvrant dans le milieu artistique.
Merci.
Le Président (M. Audet): Merci, Mme Fortier.
Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Bacon: Alors, Mmes Fortier, Pelletier et Saint-Pierre, nous
vous remercions beaucoup de votre participation à cette commission
parlementaire. Ce n'est pas la première fois que vous venez nous dire
les besoins ou les aspirations de la Société des auteurs,
recherchistes, documentalistes et compositeurs.
Je dois dire que j'ai lu avec attention votre dossier et nous allons
regarder ensemble, je pense, certaines questions qui pourraient demander
davantage de réponses ou d'explications.
Dans un de vos articles, à l'article 51, à la page 6 du
mémoire, vous demandez de tenir compte du facteur linguistique dans la
définition des secteurs de négociation. Est-ce qu'il y a des
situations auxquelles vous faites référence quand vous demandez
une telle chose?
Mme Fortier: Nous voulions simplement clarifier. Vous savez que
dans la production il y a des associations différentes au niveau
linguistique, autant chez les interprètes que les auteurs et les
scénaristes. Il pourrait y avoir deux associations. Alors, pour ne pas
qu'il y ait de confusion, on veut préciser qu'un secteur pourrait en
être un de langue. Par exemple, la Société des auteurs
représente les auteurs-scénaristes travaillant aux productions de
langue française, alors qu'un autre groupe qui est l'ACTRA, que vous
entendrez plus tard, représente les auteurs-scénaristes
écrivant pour tes productions de langue anglaise. La même chose se
fait au niveau des interprètes.
Mme Bacon: C'est ce genre de référence. Mme
Fortier: Exactement.
Mme Bacon: À la page 3 de votre mémoire, vous vous
inquiétez des critères de représentativité, au sens
du Code du travail, qui ne s'appliquent pas à la réalité
de votre association. Est-ce que vous pouve2, peut-être, nous
décrire quelle est cette réalité que vous vivez?
Mme Fortier: Bien sûr. La SARDEC regroupe également
des recherchistes et des documentalistes... Pour remonter un peu dans
l'histoire de la production, ces gens étaient des pigistes, ce qu'on
appelait des pigistes à l'époque, à ta
Société Radio-Canada. Leurs alliés les plus
immédiats étaient tes auteurs, qui avaient également un
statut de travailleurs autonomes, de pigistes. Alors, ils sont venus dans notre
association. Mais, actuellement, ils ont dans certains cas, pas dans tous les
cas, un statut d'employé, même s'ils ont des contrats à
terme. Donc, ces gens sont chez nous et ils ne répondent pas, comme tel,
aux critères qui sont prévus dans la loi. Ils ne sont pas
nécessairement des travailleurs autonomes et, dans certains cas, quant
aux critères de création artistique, ils ne sont ni des
créateurs, comme on l'entend, ni des interprètes. Bien sûr,
ils participent à la création d'une production audio-visuelle;
ils préparent les dossiers, fouillent les dossiers, font de la
recherche, mais on ne veut pas faire éliminer notre association, pour ce
qui est de la représentativité des auteurs, parce que nous
représentons également au sein de notre association des
employés au sens du Code du travail.
Mme Bacon: Mais est-ce que vous considérez que les
recherchistes et les documentalistes devraient être
considérés comme des artistes et être reconnus par la loi,
à ce moment-là?
Mme Fortier: La plupart d'entre eux devraient être reconnus
dans ce projet de loi, puisque, par exemple, dans un documentaire, la recherche
sert souvent l'écriture du texte du documentaire, même dans la
fiction. Si c'est un texte historique, on a besoin de recherche. Alors, les
recherchistes font cette recherche pour écrire les textes.
Mme Bacon: À la page 4 de votre mémoire, si je
comprends bien, dès qu'un auteur, par exemple, a signé un contrat
professionnel, II peut faire partie de la SARDEC.
Mme Fortier:...
Mme Bacon: Est-ce que vous pensez que tout auteur qui signe un
contrat doit être couvert par la loi? Les critères que vous
pourriez suggérer à ta commission, par exemple, quels pourraient
être ces critères pour qu'elle détermine si les gens sont
visés par la loi ou non? Est-ce que vous avez des critères
à formuler?
Mme Fortier: Nous maintenons ce critère de la signature
d'un contrat d'engagement professionnel, parce que qu'est-ce que c'est un
auteur? On est tous des auteurs en puissance. On peut tous écrire. On
devient un auteur quand l'oeuvre est produite. C'est-à-dire on est
admissible quand l'oeuvre est produite. Donc, quand il y a un contrat
d'engagement professionnel qui est signé.
Mme Bacon: Cela voudrait dire qu'il suffirait d'écrire un
texte, par exemple, pour dire qu'on a droit d'être reconnu.
Mme Fortier: Non, il faudrait que ce texte fasse l'objet d'une
production, connaisse une...
Mme Bacon: Une diffusion. Mme Fortier: Une diffusion.
Mme Bacon: Mais vous allez loin, quand même, quand vous
demandez cela. Si quelqu'un produit un texte, le diffuse, il pourrait
être reconnu par la loi. C'est cela que vous nous dites?
Mme Fortier: II est admissible comme membre chez nous. (16 h
30)
Mme Bacon: D'accord, merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Mercier.
M. Godin: M le Président, je veux surtout insister sur la
fiscalité de vos membres. Mme Fortier, bonjour et bienvenue dans le
parlement de Québec, au salon rouge. Selon votre expérience comme
payeuses d'impôts toutes les trois, qu'est-ce que vous suggéreriez
au comité qui se penche sur la fiscalité de vos membres pour que
déjà on réfléchisse sur une action à avoir
quant au rapport Wilson quand il sera appliqué? On me dit que toutes
sortes de rumeurs circulent quant à la reconnaissance fiscale de vos
membres, auteurs, recherchistes et autres. Peut-on réfléchir
ensemble sur ce que vous suggéreriez au gouvernement du Québec
comme reconnaissance de dépenses totalement reliées à vos
revenus pour que déjà on entame la réflexion
là-dessus ici? Même si le comité est à peine
formé et qu'il va livrer la marchandise dans un an et quelques mois, je
pense qu'il serait important que le Québec indique la voie à
suivre aux auteurs de la réforme Wilson pour qu'ils ne nous arrivent pas
avec des choses qui ne tiennent pas debout dans quelques mois. Donc, quelles
dépenses verriez-vous, vous, qui soient déductibles
d'impôts ou reliées à la production de revenus chez vos
membres?
Mme Fortier: Chez nos membres, peut-être, mes
collègues voudront compléter, ce que nous demandons et ce que
nous avons demandé à ce moment-là c'est qu'un pourcentage
de leurs revenus soit déductible de leurs gains Imposables. Les auteurs
n'ont pas nécessairement les mêmes dépenses que des
interprètes, sauf qu'ils ont des dépenses réelles, et
c'est plus facile à comptabiliser parce que chez les auteurs c'est
souvent du temps, des frais de représentation, etc., ce qui constitue
leurs dépenses. Alors, c'est difficile à comptabiliser, un auteur
ne peut pas dire: J'ai travaillé 25 heures à 50 $ et c'est ce que
j'ai investi dans le développement de mon scénario. Donc,
idéalement pour les auteurs ce serait un pourcentage de leurs gains, de
leurs revenus d'auteur qui pourrait être déductible. Ce serait
l'idéal.
M. Godin: Ce serait automatique, si je comprends bien.
Mme Fortier: Automatique.
M. Godin: Vous verriez un chiffre, admettons 30 % ou 25 %, qui
soit déductible automatiquement et qui couvrirait la base des
dépenses encourues par un auteur.
Mme Fortier: C'est cela.
M. Godin: Bon! Cela répond à ma question, M. le
Président.
Le Président (M. Trudel): Est-ce que vous avez
terminé, M. le député?
M. Godin: Oui, pour l'instant, oui.
Le Président (M. Trudel): Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Je dois dire, à mon grand regret, que je
n'avais pas eu le temps de prendre connaissance du rapport.
Le Président (M. Trudel): D'accord. Est-ce que d'autres
membres de la formation ministérielle ont des questions à
poser?
Mme Bacon: Je pense qu'il nous reste à remercier les gens
de la SARDEC, à moins que vous ayez une intervention à faire, M.
le Président. On veut se garder un peu de temps aussi pour entendre les
autres.
Le Président (M. Trudel): J'ai dû me garder
du temps pour moi sur mes vingt minutes tantôt - j'avais quelques
appels téléphoniques à retourner. J'aurais aimé
mais étant donné que le temps avance et que si on veut rencontrer
d'autres groupes... Oui, madame, peut-être une courte question?
Mme Blackburn: Oui, une courte question... Le Président
(M. Trudel): Allez-y.
Mme Blackburn: ... parce que je sais qu'il y a une recommandation
qui revient ici, qui a été présentée aussi en fin
de matinée par l'UDA lorsqu'on parle du producteur, produire ou
présenter; pour la définition de producteur, c'est produire ou
présenter. Comment Interprétez-vous la situation suivante? Au
moment ou ceux qui gèrent une salie de spectacles invitent un chanteur,
un compositeur à venir se produire, dans quelle catégorie la
coopérative culturelle se situe-t-elle à ce moment-là?
Comme producteur?
Mme Fortier: Si c'est la coopérative culturelle qui invite
et qui est responsable de l'organisation, bien sûr, la coopérative
est le producteur.
Mme Blackburn: Donc, ce que vous dites c'est que du moment que la
coopérative culturelle ou les responsables de la salle de spectacles
font de la publicité, de l'information, vendent le spectacle, ils
deviennent producteurs? Avec les responsabilités qui s'y attachent?
Mme Fortier: Exactement.
Mme Blackburn: Bien, merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, madame.
M. Godin: M. le Président, je tiens moi aussi à
remercier la société, dont je serai membre éventuellement,
pour cet excellent document. Je présume que le gouvernement sera
sensible à vos demandes et surtout au plan fiscal, parce que c'est
là, je pense, que le noeud du problème se situe pour plusieurs de
vos membres, beaucoup plus que dans la reconnaissance syndicale. Oui, Mme
Fortier.
Mme Fortier: Puisque cet aspect vous intéresse et
puisqu'il reste un peu de temps, j'aimerais simplement, peut-être,
préciser pour vous, pour vos arguments, la Loi sur le droit d'auteur
considère de manière différente les créateurs.
C'est-à-dire que la loi sur la propriété intellectuelle
fait en sorte que 50 ans après le décès des
créateurs leurs oeuvres tombent dans le domaine public, ce qui n'est pas
le même cas pour les biens matériels ou physiques. Alors, les
créateurs, les oeuvres qui créent leur capital appartiennent au
domaine public 50 ans après leur mort. Le pendant de cela devrait
être que, de leur vivant, ils aient certains avantages fiscaux.
M. Godin: En échange. Mme Fortier: En
échange.
M. Godin: En vertu du principe des vases communicants. C'est
noté, Mme Fortier, Mme la présidente, et par moi et par le
côté ministériel, n'est-ce pas?
Mme Bacon: Je ne veux pas prendre plus de temps, mais quant
à la fiscalité - je l'ai encore dit ce matin - le ministre du
Revenu se penche sur le dossier depuis quelque temps et essaie de trouver des
formules, je pense, qui pourraient apporter des amendements à la Loi sur
les impôts. Il y a un travail qui se fait, il y a un cheminement qui se
fait en ce moment.
Le Président (M. Trudel): Je peux, peut-être,
ajouter, madame, en vous remerciant d'avoir répondu à notre
invitation, qu'il y a eu beaucoup de discussions alors que nous étions
tous deux députés, moi et le nouveau ministre du Revenu. Je peux
vous assurer de son ouverture d'esprit. Mme la ministre qui siège avec
lui au conseil peut en attester mieux que moi encore, mais je pense que nous
avons un ministre du Revenu qui est très ouvert. Maintenant, il reste
à compléter le travail de ce côté-là et cela
nous fera du pain sur la planche pour les prochains mois.
Mme Fortier: Nous sommes très heureux de ces paroles.
Le Président (M. Trudel): En vous remerciant et vous
souhaitant un bon retour à Montréal. Merci.
Mme Fortier: Merci, M. le Président et Mme la ministre,
messieurs et mesdames.
Le Président (M. Trudel): Nous allons suspendre, pour ce
qu'on appelle la pause-santé pour trois minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 33) (Reprise à 16 h
43)
Le Président (M. Trudel): Mme la députée de
Chicoutimi. M. le député de Mercier. Si M. le
député de Mercier vient s'asseoir, on va recommencer
immédiatement, de façon à avoir un cinquième groupe
après la Guilde avant de suspendre pour le dîner. Mme la
députée de Chicoutimi, vous allez venir rejoindre la table des
députés. Merci.
Nous avons, donc, le plaisir d'accueillir la Guilde des musiciens de
Montréal, représentée par son président, M.
Subirana, qu'on a vu avec plaisir l'an dernier, M. Claude Landry, que je
retrouve avec plaisir, Mme Gisèle Frechette bonjour, M. Gilles
Pelletier et M. Éric Lefebvre. SI vous avez à intervenir, je vous
rappelle - je pense que vous étiez ici ce matin - de le faire en
mentionnant votre nom pour les fins d'enregistrement au Journal des
débats.
Je vous souhaite la bienvenue à cette séance de la
commission de la culture portant sur le projet de loi 90. Sans plus attendre,
étant donné les circonstances, Je vous cède
immédiatement la parole. M. le président ou M. le directeur
général?
M. Subirana (Émile): Le président.
Le Président (M. Trudel): M. le président,
allez-y.
Guilde des musiciens de Montréal
M. Subirana: Merci, M. le Président. Mme la ministre,
mesdames et messieurs les députés, tout d'abord j'aimerais
simplement vous souligner que l'importance du projet de loi 90 nous
apparaît primordiale pour l'ensemble des musiciens, tant ceux membres de
la guilde que ceux qui n'en font pas partie. À cet effet, nous
désirons féliciter la ministre des Affaires culturelles pour son
dévouement face à la cause des artistes et, plus
particulièrement, celle des musiciens. En effet, l'adoption de ce projet
de loi créera un régime de négociation unique en
Amérique du Nord et tracera ainsi une voie privilégiée
quant aux régimes de négociation qui verront peut-être le
jour dans les autres provinces canadiennes.
Pour aller plus vite, je vais sauter rapidement et souligner nos
recommandations. Je tiens pour acquis que tout le monde a reçu une copie
de ce mémoire et a eu le temps de le lire. En l'absence de
mécanisme d'arbitrage des griefs, on recommande au gouvernement
d'inclure dans le projet de loi les dispositions 100 à 111 du Code du
travail, en effectuant les modifications qui s'imposent afin de rendre
compatibles ces dispositions avec l'esprit de la loi. Bien sûr, il est
toujours possible d'incorporer ces clauses dans les conventions
négociées, mais présentement la plupart de nos conventions
ne contiennent pas ces clauses.
Les moyens de pression disponibles fors de l'échec des
négociations. Nous recommandons au gouvernement d'intégrer dans
le projet de loi une disposition antibriseurs de boycottage qui
prévoirait l'impossibilité pour un producteur d'utiliser les
services d'un artiste qui fait partie du secteur de négociation
visé pendant une période de boycottage.
Le paiement de cotisations par l'ensemble des artistes d'un secteur de
négociation et te rôle des contrats types. Les contrats types
exigés pour la prestation de services dans ce secteur de
négociation se doivent d'être obligatoirement utilisés lors
de la signature d'un contrat par un artiste offrant ses services dans le cadre
des activités couvertes par ce secteur de négociation. Afin de
reconnaître le rôle de l'association en sa qualité de
représentant de tous les artistes d'un secteur de négociation, le
projet de loi devrait prévoir le paiement d'une cotisation à
l'association par tous les artistes du secteur de négociation et la
perception de ces cotisations par les producteurs lors de toute activité
artistique visée par une entente collective où un contrat type
aura été élaboré. De plus, le producteur devra
remettre les sommes ainsi perçues à l'association.
Les productions étrangères, les prestations
exécutées sans avis et la difficulté d'appliquer le
processus de négociation prévu au projet de loi.
On recommande ici au gouvernement d'octroyer à la Commission de
reconnaissance des associations d'artistes un pouvoir extraordinaire de rendre,
dans les situations urgentes et à la demande d'une partie, une
ordonnance provisoire imposant à un producteur et aux artistes qu'il
engage des conditions de travail équivalentes à une entente
collective qui pourrait raisonnablement s'appliquer à cette
situation.
Le décret sur les musiciens de la région de
Montréal. Pour rendre applicable le projet de loi 90 dans la
région de Montréal, l'abrogation du décret sera sans doute
rendue nécessaire. Cependant, des mesures transitoires devront
être négociées afin de protéger les
différentes parties touchées par le décret
Les secteurs de négociation et le critère
géographique. La Guilde des musiciens de Montréal, de par sa
constitution, est limitée géographiquement. lI nous
apparaît Important de déterminer si un secteur de
négociation peut inclure, en plus d'un type de prestation artistique,
une limite géographique. Il ne faut pas oublier, eu égard
à ce point-là, que la Guilde des musiciens de Montréal
existe avec l'Association des musiciens de Québec depuis la fin du
siècle dernier, depuis 1897, et qu'on a un historique de Juridiction
géographique partagé.
Comme conclusion, nous croyons que les recommandations
présentées dans ce mémoire et dans l'annexe I sont
nécessaires afin de rencontrer pleinement les objectifs visés par
la présentation de ce projet de loi. Nous espérons qu'elles
soient prises en considération lors de la révision du projet de
loi avant son adoption finale.
Dans l'annexe I, à l'article 1, nous recommandons que
"vidéo" soit clarifié, car iI serait important de bien comprendre
la distinction entre un diffuseur et un producteur afin de connaître les
limites de l'application du présent projet de loi.
À l'article 2, la définition du terme "artiste". Il est
possible de voir certains artistes, s'auto-constituer en compagnie à un
seul actionnaire en raison même du caractère de leurs
activités artistiques qui s'apparentent le plus souvent aux
activités d'un entrepreneur indépendant. En conséquence,
nous recommandons au gouvernement d'enlever le mot "physique" inclus
dans la définition du mot "artiste".
L'emploi du terme "oeuvre artistique". Nous proposons de remplacer la
définition du terme "producteur" par la définition suivante:
"producteur: une personne ou une société qui retient les services
d'un artiste aux fins de présenter une prestation artistique".
En raison de notre opinion exprimée à la section 6 du
mémoire, nous recommandons également d'abroger le "Décret
sur les musiciens de la région de Montréal", tout en
prévoyant certaines mesures transitoires. Cela s'applique à
l'article 3.
À l'article 4, on a un problème avec l'application
restrictive qui pourrait exclure les artistes qui s'engagent au moyen d'un seul
contrat pour plusieurs prestations. Alors, on recommande de remplacer le membre
de phrase suivant: "au moyen de contrats portant sur des prestations
distinctes" et, bien sûr, de définir le terme "prestations
distinctes".
On recommande que l'article 6 se lise comme suit: "L'artiste et le
producteur ont la liberté de négocier et d'agréer les
conditions de travail plus avantageuses pour l'artiste que celles
prévues à l'entente collective qui les régit.
À l'article 7, la Gullde des musiciens de Montréal
recommande au gouvernement de remplacer les termes "est formée
exclusivement d'artistes" par "regroupe des artistes"; à l'article 7,
encore une fois, "secteur géographique", préciser exactement ce
que cela voudrait dire.
Article 8, nous recommandons de remplacer les termes "exigences de
qualification" par "exigences professionnelles".
Article 9, remplacer "injustement" par "de façon
discriminatoire".
Article 17, nous recommandons d'augmenter le nombre de producteurs
requis aux fins de reconnaître la validité d'une demande de
vérification à 30 %. Article 17, deuxième paragraphe, en
conséquence de ce qui précède, nous recommandons au
gouvernement de déterminer une période fixe, dans l'année,
où une demande de vérification pourrait être
présentée.
Article 21, nous recommandons d'ajouter les termes "moraux et sociaux"
entre les mots "intérêts" et "économiques". C'est
également à la suite de notre historique. Article 21, ajouter le
mot "tous". Cela nous inquiète énormément. Article 21,
paragraphe 4 et paragraphe 5, remplacer les mots "ses membres" par "tous les
artistes".
Article 29, nous recommandons d'ajouter les mots "dans un délai
de 10 jours".
Article 31, nous recommandons d'ajouter, après les mots "à
l'égard de l'autre partie", les mots "ses administrateurs ou toute
corporation liée".
Article 37, nous croyons qu'il serait important de prévoir un
recours civil, soit en dommages, soit en réintégration, et
d'établir une présomption en faveur de l'artiste.
Article 39, nous recommandons également au gouvernement, comme
l'ont fait d'autres organismes, d'étendre le mandat à sept ans,
pour te président et le vice-président.
Article 58, nous recommandons également de hausser l'amende
prévue pour qu'elle puisse se lire comme suit: "de 500 $ à 5000
$", pour des raisons qui ont déjà été
soulignées par d'autres organismes.
En ce qui concerne la fiscalité, on réitère nos
propositions présentées au mois de mal 1986 également. On
avait lu dans les journaux que le ministre du Revenu allait consulter l'UDA
pour formuler des propositions sur la fiscalité. Alors, je profite de
l'occasion pour lui dire qu'on est prêts aussi à lui donner nos
points de vue là-dessus.
J'ai essayé d'être bref, puisque je pense que c'est
peut-être plus Important de répondre à vos questions au
sujet de ce qu'on a écrit ici que de vous relire le mémoire. Je
vous remercie de votre attention et nous sommes prêts à
répondre à vos questions.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le président.
Mme la ministre.
Mme Bacon: M. le Président, madame, messieurs, on vous
remercie de votre présence Ici et de votre intérêt à
ce projet de loi. Je pense que votre document nous démontre cet
intérêt que vous avez à participer avec nous à
l'amélioration, s'il y a lieu, du projet de loi pour répondre aux
attentes du milieu. Nous vous en remercions beaucoup.
Dans votre mémoire, vous parlez de la limite géographique,
à deux reprises. À l'article 51, la commission détermine
les secteurs de négociation à reconnaître, en tenant
compte, notamment, de deux critères: d'abord, la communauté
d'intérêts, ensuite l'historique des relations de travail. Vous
nous dites vous-mêmes que cela fait 50 ans que vous fonctionnez selon une
certaine limite géographique. Vous êtes, quand même,
couverts par le critère historique des relations du travail, mais est-ce
que vous nous demandez d'ajouter, à l'article 51, la
considération géographique? Est-ce que c'est ce qui répond
à votre attente?
M. Subirana: On pourrait l'ajouter là ou demander
simplement que la commission puisse en tenir compte. Ce qui nous
Inquiète un peu, c'est qu'on parle, à certains endroits dans le
projet de loi, d'annoncer certaines choses partout en province et, bien
sûr, comme c'est un projet qui a été présenté
par l'UDA, le problème ne se pose pas. Mais, pour nous, on aimerait
qu'il soit possible que la Guilde des musiciens de Montréal maintienne
une juridiction qu'elle a depuis 1897 et que l'Association des musiciens de
Québec, par exemple, qui a sa juridiction puisse également la
maintenir.
Mme Bacon: Je veux juste rectifier. Il y a
eu un projet qui a été présenté par l'UDA.
Vous vous rappelez de la commission parlementaire où vous êtes
vous-mêmes venus nous dire ce que vous pensiez. Votre mémoire
était aussi explicite à ce moment-là. On a tenu compte de
tous ces mémoires pour préparer le projet de loi 90.
À l'article 4, comment pouvez-vous préciser le terme
"prestations distinctes" afin de rendre peut-être l'interprétation
applicable à vos membres? Est-ce qu'il y a une précision qui
devrait être apportée à l'article 4?
M. Subirana: Eh bien, pour nous... Est-ce que tu as des
commentaires, Éric?
M. Lefebvre )Éric): Oui, peut-être. Une voix:
Votre nom?
M. Lefebvre (Éric): Éric Lefebvre,
représentant de la guilde.
Le terme "prestations distinctes", comme on l'avait inscrit dans le
mémoire, réfère, en fait, on ne sait pas trop à
quel concept. Nous voudrions qu'il soit clarifié pour qu'on distingue
bien entre ce qui pourrait être appelé une représentation
distincte ou n'importe quel type de programme distinct, soit un programme de
concert et, dans le cas des comédiens, ça serait une production
distincte. On voudrait seulement savoir exactement ce qu'on entend par
"prestations distinctes".
Nous pensons qu'effectivement le terme "prestations distinctes"
s'attache à un ensemble de présentations qui touchent soit une
production ou soit un programme de concert. On voudrait quand même que
ça soit clarifié dans le projet de loi.
Mme Bacon: Vous voudriez le voir clarifié dans le texte
même de la loi.
M. Lefebvre (Éric): Si c'est possible, parce que
présentement "prestations distinctes", ça peut vouloir dire
plusieurs choses.
Mme Bacon: Oui, en effet.
M. Lefebvre (Éric): Alors, c'est simplement pour savoir
à quoi s'en tenir pour que le projet de loi soit efficace dans ce
sens-là.
Mme Bacon: D'accord. À l'article 31, est-ce que la
procédure de règlement des griefs n'est pas normalement
prévue dans les dispositions d'une convention collective? il faudrait
réglementer, d'après ce que vous nous demandez, le processus et
l'indiquer dans le projet de loi. Est-ce que j'ai bien saisi votre demande?
M. Subirana: Eh bien, normalement, ces procédures sont
prévues dans les ententes collectives, sauf que la Guilde des musiciens
de Montréal, dans la plupart de ses ententes - je dirais à
l'exception d'une entente - ne prévoit pas ces clauses. C'est encore une
tradition avec nous. Quelquefois ça facilite, ça
accélère le règlement des problèmes, mais la
tradition veut que les musiciens n'incorporent pas ces clauses-là,
à l'exception d'une entente, dans toutes nos ententes dans les
médias électroniques et dans les autres.
Alors, c'est pour ça, s'il y avait une période transitoire
qu'on se retrouverait tout à coup avec des ententes où il serait
impossible de régler des différends.
Mme Bacon: Est-ce parce qu'il y a beaucoup d'ententes en vigueur
en ce moment?
M. Subirana: Eh bien, on a à peu près une dizaine
ou une douzaine d'ententes types à la télévision, pour
l'ADISQ, etc., des ententes avec des producteurs de films, avec des producteurs
de vidéos. Alors, ces ententes-là n'incorporent pas ces clauses
d'arbitrage.
Mme Bacon: Ce sont des ententes, si Je comprends bien,
écrites?
M. Subirana: Oui, oui.
Mme Bacon: L'ensemble des ententes?
M. Subirana: C'est ça. Et, bien sûr, dans certains
cas, ce sont des ententes qui sont nationales, au Canada, et, dans d'autres
cas, nord-américaines.
Mme Bacon: À l'article 8, vous demandez dans votre
recommandation de remplacer les termes "exigences de qualification
professionnelle" par "exigences professionnelles". Est-ce que vous savez
à peu près quel est le pourcentage de vos membres, des musiciens
qui seraient touchés par ça si nous laissions "exigences de
qualification professionnelle"? Parce qu'à ce moment-là on peut
peut-être penser en termes de diplôme. C'est ce que vous indiquez,
d'ailleurs, dans votre dossier. (17 heures)
M. Subirana: C'est cela qui nous Inquiétait un peu, parce
que, pour le moment, on ne pense pas dans ces termes-là,
c'est-à-dire qu'un musicien peut être excellent et ne pas avoir
fini un cours universitaire ou même un cours de cégep. Il peut
être excellent musicien. Alors, on craint un peu qu'on ait besoin d'avoir
un diplôme qui ne garantit pas qu'un musicien va être excellent,
d'ailleurs. C'est simplement une garantie qu'il a suivi certains cours. C'est
à peu près tout.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Mercier.
M. Godin: Oui, merci, M. le Président. Messieurs de la
guilde, M. Subirana, bonjour. Au fond, dites-moi donc un peu ce que cette loi
peut changer dans votre fonctionnement? Je vols, annexée à votre
mémoire, une liste de contrats que vous avez signés avec des
employeurs et, au fond, ils respectent, j'imagine, les règles de la
guilde ou le décret de la guilde. Qu'est-ce que cela donne de plus comme
protection à vos membres, cette loi 90?
M. Subirana: Comme protection, ce que cela fait? Vous voyez, ici,
j'ai ajouté, pour vous donner une idée de l'envergure de nos
opérations et nos ententes, la liste des personnes qui ont une fois ou
à maintes reprises engagé des musiciens dans la région de
Montréal. Ce que cela va faire, c'est que cela va régulariser un
peu la façon dont les musiciens sont engagés. Les musiciens, dans
notre juridiction, oeuvrent peut-être avec des contrats types et suivant
des ententes, mais, très souvent, ils se voient offrir du travail en
dessous de la table. Ils n'ont pas le choix; c'est à prendre ou à
laisser.
Ces choses-là, on espère les éliminer un peu plus.
Parce qu'il y a beaucoup de productions qui se font à la suite de nos
ententes, tout à fait normalement. Mais cette loi va nous permettre de
demander aux producteurs de respecter les conditions et non pas seulement
à nos membres. Actuellement, nos membres ont le fardeau du respect de
ces conditions de travail, si vous voulez. À la suite de cette loi, on
pourra exiger que les employeurs de ces membres ou les producteurs, si vous
voulez, respectent les conditions de travail et ceux qui offrent des conditions
en dessous de la table ou qui ne veulent pas signer de contrats, parce que les
contrats les embêtent par principe, on va pouvoir les y obliger, sans
dire à notre membre: Tu ne peux pas travailler pour ce gars-là.
On va pouvoir obliger l'employeur, parce que le pauvre musicien souvent nous
dit: Moi, j'ai une famille à faire vivre. S'il n'y a pas de contrat, que
voulez-vous que je fasse? Le gars ne veut pas signer. Alors, c'est cela que
ça va éliminer.
M. Godin: Donc, on va hausser le revenu minimum garanti ou le
salaire minimum de vos membres, si je comprends bien?
M. Subirana: Pas toujours le salaire minimum, mais, au moins,
dans certains cas où le salaire, disons, normalement, devrait être
de 200 $ et où le musicien se voit offrir 150 $ en dessous de la table,
peut-être que cela va nous permettre d'aller chercher le vrai cachet de
200 $, mais avec une caisse de retraite et un contrat, au cas où il y a
une réutilisation de ce produit. Alors, c'est toute une série de
conditions et d'avantages qu'aura le musicien qu'il abandonnait quand il
acceptait de faire ça en dessous de la table.
M. Godin: Même question à vous qu'à l'Union
des artistes, ce matin. Il y a des cas de chômage chez vos membres.
Est-ce que la guilde a prévu des caisses, de stabilisation du revenu ou
des caisses d'aide pour ces musiciens dans les périodes creuses, dans
les périodes où ils ne travaillent pas? Quelle est l'attitude
chez vous, face à cela, comparé à l'UDA qui, me dit-on,
réfléchit à une solution du genre stabilisation de
l'emploi ou à une espèce d'assurance-chômage quelconque?
Chez vous, où en est rendue la réflexion sur ces
questions-là?
M. Subirana: En ce qui concerne l'assu-rance-chômage, c'est
un élément qui est très difficile dans notre domaine. On
est, depuis très longtemps, une espèce de fraternité. On
avait, iI y a quelques années, des procédures pour aider le
musicien qui, disons, n'avait pas travaillé pendant quelques semaines.
On lui donnait des coupons - à l'époque, c'était de
Steinberg - pour acheter un peu de nourriture pour sa famille, des choses comme
cela. On faisait cela à l'époque. Depuis un certain temps, on n'a
pas les moyens de faire cela et c'est une chose à laquelle on n'a pas
pensé. Par contre, vous avez posé la question, ce matin, sur les
membres qui ne travaillaient pas: Les 75 % des membres avaient un revenu
inférieur...
M. Godin: Dans le cas de I'UDA, 66 % font moins de 5000 $ par
année.
M. Subirana: C'est cela. On a plus ou moins les mêmes
statistiques. Mais ce ne sont pas nécessairement les jeunes qui tombent
dans ces 75 % ou les gens de la relève. Souvent, ce sont les artistes
qui, après une carrière de dix ans ou vingt ans, se trouvent
à voir leurs revenus baisser. Alors, ce ne sont pas
nécessairement seulement les jeunes, c'est beaucoup plus complexe.
Quelquefois les jeunes travaillent beaucoup plus que ceux qui ont 20 ans de
carrière. Alors, pour nous, c'est un problème très
complexe. On espère pouvoir trouver des solutions à cela, mais,
pour le moment, je peux simplement vous dire qu'on n'y a pas pensé dans
le sens d'une assurance-chômage et que ce sera quelque chose
d'extrêmement compliqué.
M. Godin: Deuxième ordre de questions: la
fiscalité. Est-ce que votre guilde réfléchit sur la
fiscalité de vos membres et est-ce que vous avez, pour le comité
qui se réunira bientôt, un point de vue à faire valoir au
gouvernement, à l'Opposition et à la commission parlementaire sur
les avantages fiscaux que les musiciens devraient avoir pour que toutes leurs
dépenses reliées à leurs revenus soient
comptabilisées dans leur rapport d'impôt? Est-ce que vous avez
réfléchi à cette question-là?
M. Subirana: Eh bien, oui, on avait proposé certaines
choses lors de la dernière commission,
au mois de mal 1986. Je dirais que le point le plus Important, je pense,
qui a vraiment causé des problèmes pour les musiciens et les
pigistes en particulier, c'est le manque d'étalement du revenu sur
plusieurs années. C'est cela, vraiment. Un musicien peut gagner 30 000 $
une année et là il va tomber à 5000 $ ou à moins.
C'est vraiment un des points les plus importants pour nous. Les
déductions pour certaines dépenses ne sont déjà pas
si pires, c'est pas mal déjà. Mais cet
élément-là de l'étalement, qui a été
éliminé, je pense, par M. MacEachen - je pense que c'était
lui; je ne me souviens pas exactement -en 1981 au fédéral, qui
nous a causé pas mal de problèmes.
M. Godin: II l'avait éliminé pour les joueurs de
hockey à l'époque.
M. Subirana: Et tout le monde.
M. Godin: Oui, mais c'était d'abord cela qui était
visé. En terminant, M. le Président, si un musicien signe en
dehors de la guilde à des conditions supérieures à celles
de la guiide, est-ce que maintenant, au moment où l'on se parle, c'est
permis et quelle est la position de la guilde pour l'avenir?
M. Subirana: Si un musicien signe à des conditions plus
avantageuses?
M. Godin: Que celles de la guilde, au moment où l'on se
parle, que celles du décret, c'est possible?
M. Subirana: Cela arrive presque tout le temps. On négocie
des conditions de base. Par exemple, à l'OSM, la plupart des musiciens
touchent des cachets supérieurs au montant minimum. Cela arrive à
Radio-Canada. Cela arrive partout dans notre domaine. Cela a toujours
été une tradition pour nous, quand on négociait ce qu'on
appelle nos tarifs de base, que tout le monde était libre de recevoir
beaucoup plus, de négocier beaucoup plus, quelquefois le double
même. Un musicien qui est très en demande peut négocier un
cachet qui dépasse de trois ou quatre fois le cachet minimum.
M. Lefebvre (Éric): De toute façon, la Loi sur les
décrets de convention collective prévoit, je pense, que c'est
possible de négocier à ta hausse les conditions qui sont
émises par le décret. Alors, il n'y a pas vraiment de
problème à ce niveau-là. C'est un peu différent de
la situation du Code du travail où certains précisent que la
convention collective a vraiment un caractère absolu, alors que la Loi
sur les décrets de convention collective donne la possibilité de
négocier des tarifs à ta hausse.
M. Godin: Madame et messieurs, merci beaucoup.
Le Président (M. Trudet): Merci, M. le
député de Mercier. Mme la députée de
Chlcou-timi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Bonjour, madame et
messieurs. Quelques petites questions brèves. À l'article 2, vous
parlez de la définition du terme 'artiste", dans certains domaines, par
exemple, ceux qu'on appelle les compositeurs-Interprètes, ils sont
là à deux titres. Vous parlez Ici des artistes qui
"s'auto-constituent en compagnie à un seul actionnaire en raison
même du caractère de leurs activités artistiques qui
s'apparentent le plus souvent aux activités d'un entrepreneur
indépendant." Ce que vous dites, c'est que la définition du terme
"artiste" devrait être plus large pour pouvoir inclure celui qui est son
propre producteur.
M. Subirana: C'est bien cela, parce que cela existe actuellement
parmi certains membres de la guilde qui, pour des avantages fiscaux, se sont
incorporés. Je dois dire que les avantages sont de moins en moins
importants, mais, quand même, cela existe encore.
Mme Blackburn: D'accord. À l'article 17, vous proposez -
et cela m'apparaît logique - que le nombre requis de producteurs pour
reconnaître la validité d'une demande de vérification soit
de 30 %, mais vous laisseriez sur demande au moins 10 % des artistes?
Je relis l'article pour qu'on se comprenne: "Sur demande d'au moins 10 %
des artistes du secteur dans lequel une association a été
reconnue ou sur demande d'un producteur visé par la reconnaissance, la
commission doit vérifier si cette association rassemble la
majorité des artistes du secteur."
Un organisme - je pense que c'est l'UDA - qui vous a
précédés - recommandait que ce soit également 30 %.
Mais vous, vous n'y tenez pas; ce serait 10 % seulement dans le cas des
producteurs.
M. Subirana: Non.
Mme Blackburn: C'est-à-dire 30 % dans le cas des
producteurs ou pour les deux.
M. Subirana: On est entièrement d'accord. On a
rédigé ce mémoire rapidement. Cela devrait se lire: 30 %
des artistes et 30 % pour les producteurs également. Alors, c'est une
erreur, tout simplement.
Mme Blackburn: Ne trouvez-vous pas que c'est beaucoup, 30 % des
artistes? C'est, finalement, rendre la démarche tout à fait
impossible.
M. Subirana: Je ne pense pas que ce soit excessif.
Reconnaître la validité de la Guilde des musiciens, par exemple,
cela demanderait que 900 membres sur 3000 le demandent. Ce n'est pas
énorme, à notre point de vue.
Mme Blackburn: Encore faut-il avoir les moyens pour organiser
cela. Je présume que ce ne sera pas chose facile. Ce n'est pas parce que
j'y songe, remarquez, mais je pense à toutes les associations qui seront
reconnues, d'autant plus qu'il y a certaines difficultés, car il y a des
artistes qui sont polyvalents. À quel secteur allez-vous les rattacher?
Est-ce qu'il faudra qu'ils soient dans deux secteurs, dans deux associations?
Il me semble que ce genre de question n'est pas vraiment réglée,
non plus.
M. Pelletier (Gilles): Gilles Pelletier, représentant la
Guilde des musiciens.
Pour répondre à cette question-là, je pense
qu'effectivement une partie de nos membres va être sectorisée. En
ce sens que ce n'est pas l'ensemble des 3200 membres qui va être
touché en ce qui concerne, par exemple, la musique symphonique. À
ce moment-là, les 30 % pourront peut-être s'appliquer parce que
cela va peut-être représenter 250 ou 300 membres et non pas les
3200. Si on disait seulement 10 %, on se retrouverait dans une situation
où, si on prend un secteur comme la symphonie où à peu
près 250 musiciens gagnent leur vie à temps plein, seulement 20
personnes pourraient remettre en question l'accréditation. C'est
peut-être pour cela qu'on demandait que le pourcentage soit à peu
près le même. Cela ne jouerait pas sur les 3200 membres, mais sur
les différents secteurs de négociation.
Mme Blackburn: Donc, lorsqu'on parle d'une contestation, c'est en
vertu de secteurs d'association? Est-ce inscrit ailleurs dans la loi? Est-ce
qu'on peut lire cela dans la loi ou est-ce l'interprétation que vous en
faites chez vous?
M. Pelletier: Chez nous, c'était l'interprétation
qu'on en faisait, en ce sens que, si des producteurs, dans le cadre d'une
convention, remettaient en question la validité de l'association ou
l'accréditation de l'association, à ce moment-là, ce
serait à l'intérieur de ce secteur-là qu'elle serait
remise en question et non pas dans l'ensemble des secteurs. À moins
qu'on n'ait très mal lu la loi, il va y avoir reconnaissance de
l'association dans les différents secteurs de négociation; la
musique symphonique, la musique de jazz ou quelque chose du genre avec les
producteurs de ce domaine-là et non pas "at large" sur tout le spectrum
musical.
M. Lefebvre (Éric): Dans l'article, la définition
des secteurs de négociation est laissée à la commission de
reconnaissance. Présentement, un secteur de négociation, on peut
bien penser à musique, théâtre, mais cela peut être
aussi d'autres critères. On peut, comme le disait Gilles, sectoriser
même les secteurs généraux, comme musique ou
théâtre. C'est uniquement dans cette optique qu'on demandait un
nombre plus élevé de producteurs et, évidemment,
d'artistes qui puissent faire une demande de vérification de
reconnaissance.
Mme Blackburn: Ce qui est reconnu par la commission, c'est
l'association. Ce qui est identifié par la commission, ce sont les
secteurs. Ce dont il est question ici, c'est de l'association.
M. Lefebvre (Éric): L'association du secteur dans le
cadre... (17 h 15)
M. Pelletier: Dans le cadre d'une association. Je ne pense pas
qu'un certain nombre de producteurs puissent venir remettre en question
l'accréditation dans tous les secteurs de négociation. Par
exemple, si on parle de télévision, de théâtre,
où il y a des musiciens qui vont jouer dans la fosse ou des choses de ce
genre-là, à ce moment-là, je pense qu'il y aura
possiblement même négociation bipartite ou tripartite. On pourra
peut-être se retrouver, au niveau de l'opéra, a avoir une
convention signée avec des producteurs, la Guilde des musiciens en tant
que représentante des musiciens et l'UDA en ce qui concerne les
chanteurs. De la façon dont nous lisions la loi, il y avait
effectivement reconnaissance d'une association en vue de la négociation
d'une entente collective et non pas uniquement dans le but de la reconnaissance
générale. Je ne sais pas s'il y a possibilité de clarifier
cette situation-là, parce que, en ce qui nous concerne, à moins
que certains articles ne nous aient échappé, je pense qu'il y a
accréditation dans le sens de la négociation et la
négociation se fait par secteur.
Mme Blackburn: Mais dans l'hypothèse où cette
reconnaissance serait à l'association et non pas aux secteurs de
négociation, auriez-vous les mêmes exigences par rapport au
pourcentage?
M. Pelletier: À ce moment, sans doute que nous devrions le
revoir à la baisse parce que je ne pense pas qu'effectivement 30 % des
membres soient nécessaires, à ce moment-là, pour remettre
en question, s'il y avait nécessité, l'association, pas plus que
s'il y a un défaut dans une association. Il y a des règlements
généraux qui prévolent que 15, 25 ou 30 membres peuvent
demander la tenue d'une assemblée générale spéciale
s'il y a eu quelque chose qui s'est fait qui n'est pas dans la
légalité. Effectivement, à ce moment-là, si
c'était l'ensemble des membres, II faudrait penser probablement à
10%, même peut-être seulement à 5%.
Mme Blackburn: Je vous remercie pour votre intervention.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Mme la ministre.
Mme Bacon: J'aurais peut-être une question à poser.
Est-ce que, pour vous, ta musique, c'est un seul secteur? Quand on dit la
musique, est-ce que ce n'est pas un seul secteur, la musique?
M. Subirana: Pour moi, oui. Personnellement, oui.
Mme Bacon: En ce moment, comment vous négociez vos
contrats? Vous avez des contrats types? Est-ce que vous avez des contrats types
qui s'appliquent à, je ne sais pas, à la musique de jazz,
à la musique classique ou qui s'appliquent à l'ensemble du
secteur de la musique?
M. Pelletier: II y a des tarifs différents qui
s'appliquent dans différents secteurs. Par exemple, la musique de
chambre a une grille de tarifs qui s'applique. La musique de jazz a une grille
de tarifs qui s'applique. Les contrats qui sont faits dans le but
d'enregistrement, que ce soit pour un vidéo ou pour un disque, font
partie de grilles tarifaires différentes et les contrats sont
signés dans ces différentes grilles de tarifs. À ce
moment-là, il y a déjà une certaine sectorisation. On ne
sectorise pas les musiciens, on sectorise le genre d'emploi.
Mme Bacon: La réponse qu'on fait, c'est: Oui, le seul
secteur, c'est le secteur de la musique, mais est-ce qu'à votre avis on
devrait scinder le secteur de la musique en sous-secteurs?
M. Subirana: Je ne pense pas que ce soit nécessaire. On
négocie, pour plusieurs minisecteurs à l'intérieur de la
musique, des ententes qui sont quelquefois énormément
différentes et on s'en occupe comme association représentant tous
les musiciens depuis, comme je le dis, presque un siècle. Alors, je ne
pense pas que ce soit nécessaire, à mon avis.
Parlant de secteurs et de problèmes, j'aimerais, si j'ai deux
secondes, préciser quelque chose. Le document qu'on vous a fait parvenir
est assez lourd. Il est lourd parce qu'il y a une liste de toutes sortes de
producteurs. C'est pour vous donner une idée de ce qui se passerait si
jamais on essayait de négocier 471 conventions collectives avec le
processus prévu par le projet de loi 90. On aimerait bien qu'on se
penche sur ce problème-là pour trouver une façon souple
pour régler cela.
Mme Bacon: Je pense qu'il faudrait peut-être s'asseoir,
vous expliquer et vous donner davantage d'informations. Ce n'est pas ce qu'il
en est. Quand on parle d'un secteur donné, pour nous, c'est le secteur
de la musique, ce n'est pas muttisectoriel.
M. Pelletier: Si vous me le permettez, à ce
moment-là, si je comprends ce que vous me dites, il ne pourrait y avoir
qu'un seul type de convention qui s'applique à l'ensemble des musiciens,
que ce soit dans le domaine de la musique de chambre, de la musique de jazz, de
la musique d'enregistrement, quelque chose de ce genre-là.
Mme Bacon: En ce moment, vous avez des contrats types, quand
même, qui s'appliquent.
M. Pelletier: Oui et qui sont parfois différents, selon le
type d'engagement. Ce n'est pas le même contrat que nous utilisons pour
un concert symphonique que pour un enregistrement ou pour une émission
de télévision.
Mme Bacon: En fait, ce sont les contrats types que vous pouvez
faire, Ils peuvent être différents suivant les besoins, mais il y
a des contrats types qui doivent exister. Mais le secteur comme tel, c'est le
secteur de la musique. C'est ma compréhension du projet de loi.
Le Président (M. Trudel): Exactement. Est-ce qu'on joue
tous sur la même note?
Mme Bacon: II y a les critères de la musique, les
critères géographiques et la commission peut, ensuite, statuer
suivant ces critères. Je pense que cela peut être important
suivant les contrats que vous signez.
M. Pelletier: Si vous nous dites - et je pense que c'est ce avec
quoi on va repartir - que, finalement, l'accréditation va s'appliquer
dans tous les domaines où on devra négocier, qu'il n'y aura
qu'une seule accréditation, une seule reconnaissance, à partir de
ce moment-là, nous sommes tout à fait d'accord avec vous, mais il
y aura plusieurs conventions collectives et il n'y aura qu'une seule
accréditation.
Mme Bacon: C'est cela.
Le Président (M. Trudel): Mme la députée de
Chicoutimi, après cela, Mme la députée de Vachon et,
après, M. le président. Allez-y, madame.
Mme Blackburn: Si vous me le permettez, pour compléter sur
cette question et pour peut-être voir si j'ai bien compris tout à
l'heure, selon l'explication que vient de nous donner Mme la ministre, dans
l'hypothèse où la reconnaissance vient à l'association,
donc dans un secteur plus global, les 10 % seraient amplement suffisants; donc,
30 %, cela vous apparaîtrait excessif.
M. Subirana: À ce moment-là, oui.
Mme Pelchat: M. le Président, M. Subirana, j'aimerais
revenir à l'article 2. Vous suggérez que l'on enlève le
mot "physique" inclus 'dans la
définition de l'artiste. J'aimerais que vous m'expliquiez
pourquoi au juste.
M. Subirana: Parce que plusieurs de nos musiciens se sont
formés en corporation simplement parce que c'était plus
avantageux pour des fins d'impôt et certaines autres raisons. C'est pour
cela qu'on voyait dans la loi que ces personnes, tout à coup, il
faudrait qu'elles changent leur façon de fonctionner. Il n'y en a pas
tellement, mais s'il pouvait y avoir une souplesse dans cette
définition, cela aiderait ces gens-là.
Mme Pelchat: Par exemple, quelle sorte de souplesse?
M. Subirana: Eh bien, la souplesse qu'on a suggérée
dans notre définition. Éric, veux-tu...
M. Lefebvre (Éric): Oui. Ce qui est Important en enlevant
le mot "physique" du mot personne, c'est d'englober aussi les personnes morales
parce que certains artistes peuvent conclure des contrats avec un employeur en
qualité de corporation. Est-ce que ces artistes-là, qui sont des
personnes morales différentes de leur propre personne physique, sont
considérés comme parties à l'entente collective? C'est ce
qu'on voudrait clarifier. Parce que présentement il y a peut-être
un problème entre personnes morales et personnes physiques et certains
artistes vont se prévaloir de la Loi sur les compagnies pour pouvoir
fiscalement avoir des avantages. Alors, ces personnes morales seront-elles
liées par l'entente collective ou non? Alors, par l'abrogation ou en
enlevant, tout simplement, le mot "physique", on s'assure que tous les types de
personnes - il y a deux types de personnes, en fin de compte, les personnes
morales et les personnes physiques - soient liées par l'entente
collective.
Mme Pelchat: Mais vous ne pensez pas qu'à ce
moment-là on pourrait, de facto, reconnaître des producteurs comme
artistes?
M. Lefebvre (Éric): Les producteurs ont une fonction
différente qui est inscrite aussi au même article. Ce sont ceux
qui retiennent les services d'un artiste. Je veux dire que le fait d'utiliser
le mot "personne morale" ou tout simplement d'enlever le mot "physique" pour
que soit incluse "personne morale", cela ne modifie pas, en fait, ce
fait-là.
Mme Pelchat: C'est parce qu'on sait qu'il y a certains artistes
qui sont constitués en corporation justement pour des fins fiscales,
comme le disait M. Subirana, mais qui, à la fois, sont leurs propres
producteurs. Ils s'engagent eux-mêmes, à ce moment-là; ils
sont considérés comme producteurs à plusieurs
égards et à plusieurs occasions.
M. Subirana: Je suppose que rien ne leur Interdit d'être
également producteurs dans certains cas.
Mme Pelchat: À ce moment-là, si on incluait
"personne morale" ou si on enlève le mot "physique" et qu'on
reconnaît des compagnies, vous ne trouvez pas qu'on pourrait admettre des
producteurs? Il n'y a pas un danger là?
M. Subirana: Mais le producteur, au sens de la loi, c'est
quelqu'un qui produit. Alors, ce n'est pas le titre que la personne se donne,
mais plutôt ce que la personne fait qui est important, à mon
avis.
Mme Pelchat: Cela va.
Le Président (M. Trudet): Merci, Mme la
députée de Vachon. Je vais retenir les questions que j'avais, qui
étaient d'ordre juridique, pour un autre moment, peut-être
tantôt, parce que je voudrais bien qu'on ait le temps de rencontrer les
gens du domaine de la danse. On m'a dit, de part et d'autre de la table, qu'on
n'avait plus de questions pour vous, M. le président et messieurs. Au
nom de la commission, je vous remercie et vous souhaite un bon retour à
Montréal.
M. Subirana: Merci beaucoup.
Le Président (M. Trudel): Cette fois-ci, sans suspendre
d'aucune façon, j'inviterais le ou les représentants du
Regroupement des professionnels de la danse du Québec à
s'approcher.
A l'ordre, s'il vous plaît! Merci. Nous accueillons maintenant M.
Gaétan Patenaude, qui est le directeur général du
Regroupement des professionnels de la danse du Québec et qui est avec
nous depuis ce matin. À un autre titre, j'ai eu le plaisir de rencontrer
M. Patenaude ce matin. Il représentait, cette fois-là, la
Coalition du 1 %, qui a rencontré quelques députés de
notre formation politique. En cette fin d'après-midi, il vient
rencontrer les membres de cette commission à titre de directeur
général du Regroupement des professionnels de la danse du
Québec qui avait, d'ailleurs, demandé tant à la
présidence de la commission qu'au secrétariat de la commission et
aux deux formations politiques de se faire entendre de la commission. Nous
sommes heureux, M. Patenaude, de pouvoir accéder à votre demande,
tenant compte de l'excellence du travail que nous avons accompli aujourd'hui -
je le dis, pas pour moi, mais pour les membres de la commission - ce qui nous
permet d'avoir du temps à vous consacrer. Je vous Invite...
M. Godin: Est-ce que M. le Président me permet...
Le Président (M. Trudel): Oui, allez-y, M. le
député de Mercier.
M. Godin: ...d'offrir mes excuses à Mme la ministre? Ce
n'est pas dans mes habitudes, comme vous le savez.
Mme Bacon: Je les accepte avec d'autant plus de plaisir que ce
n'est pas dans vos habitudes.
M. Godin: Je voudrais retirer mes paroles de ce matin, parce que
je constate qu'elle s'est rendue aux demandes de l'Opposition une fois de plus.
J'espère que ce n'est pas la dernière. Je pense que le
regroupement a des choses importantes à nous dire. Tant mieux pour la
commission qui sera mieux informée et qu'elle pourra produire une
meilleure loi à ta fin. M. le Président, Je remercie la ministre,
je passe la parole à notre...
Le Président (M. Trudel): Si vous me le permettez...
M. Godin: C'est à vous de décider cela.
Le Président (M. Trudel): ...le président a
tellement peu de chose à faire dans une commission, vous allez, au
moins, me laisser le plaisir de passer la parole à M. Patenaude. M.
Patenaude, la règle de vingt minutes joue plus ou moins, pas mal moins
que plus étant donné le temps, mais on peut dépasser 18
heures. La parole est à vous.
Regroupement des professionnels de la danse du
Québec
M. Patenaude (Gaétan): M. le Président, Mme la
ministre, chers membres de la commission, je voudrais vous remercier, d'abord,
sincèrement d'avoir accédé à notre demande qui est
venue, dans le processus de consultation pour ta rédaction de ce
mémoire, de façon unanime dans mon milieu. C'est ce qui a fait
que nous avons, même tardivement, souhaité être entendus par
vous aujourd'hui.
Le mémoire s'intitule "Concilier le droit de l'artiste au respect
de son intégrité avec te développement harmonieux du
milieu de la danse "
Tout d'abord, nous aimerions manifester notre accord de principe au
projet de loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des
artistes de la scène, du disque et du cinéma. Ce projet, par la
reconnaissance Juridique qu'il confère à l'artiste, constitue un
instrument fondamental sur la voie d'une véritable intégration
des professions artistiques au sein de notre société. De plus, en
créant un mécanisme pour permettre la négociation
d'ententes collectives entre les associations d'artistes reconnues et les
producteurs d'un secteur donné, il devrait favoriser la concertation des
partenaires et le respect mutuel. (17 h 30)
Toutefois, malgré les qualités indéniables de ce
projet, nous tenons à faire part aux membres de la commission de la
culture des réserves à l'égard de certains aspects qui
suscitent des appréhensions quant aux répercussions possibles sur
le milieu de la danse en particulier.
Le premier aspect sur lequel nous émettons des réserves
est la définition proposée concernant le secteur de la
scène. À l'article 1, on définit celui-ci comme
étant formé des disciplines suivantes: théâtre,
théâtre lyrique, musique, danse et variétés. Ce qui
nous préoccupe en regard de cet aspect, c'est de savoir si la
reconnaissance des associations se fera exclusivement selon les secteurs
définis par le projet de loi ou s'il sera possible aux artistes d'une
discipline, la danse, notamment, d'être représentés par
leur propre association.
Nous estimons que la réalité quotidienne qui est
vécue par les comédiens, comédiennes, chanteurs,
chanteuses, musiciens, musiciennes et danseurs, danseuses est si
différente qu'il apparaît impensable de tenter de négocier
une convention collective unique pour l'ensemble de ces professions
artistiques. S'il est vrai que certains aspects sont communs à tous,
soit les régimes de protection sociale, iI n'en est pas de même de
l'organisation du travail Qu'y a-t-il de commun, par exemple, entre la
journée de travail d'un comédien et celle d'un danseur?
L'organisation des répétitions est différente, le
processus de création, les exigences physiques et l'organisation des
spectacles sont différents.
Comme ce projet de loi vise l'instauration d'un cadre en vue de
permettre la négociation d'ententes collectives, il faut s'assurer que
les unités de négociation rassembleront non pas le plus grand
nombre de membres possible, mais bien tous ceux que les mêmes conditions
d'exercice de ta profession réunissent. Pour tout ce qui touche les
régimes de protection sociale et les assurances collectives, il sera
toujours possible de prévoir des mécanismes pour les rendre
accessibles aux artistes.
Par conséquent, nous recommandons que la loi ou les
règlements correspondants stipulent que les artistes des disciplines
artistiques suivantes: théâtre, théâtre lyrique,
musique, danse et variétés, puissent former pour leur discipline
respective une association et que celle-ci puisse être reconnue par la
Commission de reconnaissance des associations d'artistes.
Le projet définit le statut de l'artiste comme travailleur
autonome (article 4), à l'exception des occupations visées par
une accréditation accordée en vertu du Code du travail (article
3). Deux questions viennent à l'esprit concernant cette
définition. Tout d'abord, nous savons qu'il existe des professions
artistiques pour lesquelles il existe deux statuts différents. À
titre d'exemple, mentionnons que les musiciens de l'Orchestre symphonique de
Montréal ont le statut de travailleurs autonomes alors que les musiciens
de l'Orchestre symphonique de Winnipeg ont le statut de travailleurs
salariés.
Par conséquent, est-ce que les compagnies de danse qui
rémunèrent à salaire leurs interprètes et leurs
créateurs, devront, à la suite de l'adoption de ce projet de loi,
considérer leurs artistes comme des travailleurs autonomes et les
rémunérer à cachet? Et si tel est le cas, de quelle
façon ces artistes pourront-ils bénéficier de la
protection que leur confèrent les régimes de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail du Québec et de
l'assurance-chômage, notamment?
L'article 6 accorde à l'artiste le droit de négocier avec
un producteur malgré toute entente collective. Toutefois, celui-ci ne
pourra négocier des conditions moins avantageuses, Cette mesure est
fondamentalement juste et elle aura nécessairement des effets positifs
sur l'amélioration des conditions d'exercice de la profession.
Cependant, le fait d'instaurer un plancher minimal unique comporte certains
inconvénients pour le milieu de la danse. Précisons, tout
d'abord, que l'organisation des productions en danse n'est pas monolithique. En
effet, on peut considérer qu'il y a un secteur dit "subventionné"
et un secteur que nous qualifierons de "privé" pour fes besoins de notre
exposé. On peut donc imaginer que la dynamique des relations du travail
entre artistes évoluant dans un contexte de travail subventionné
en grande partie par les fonds publics et ceux évoluant dans un contexte
de production où les fonds proviennent de multiples sources est
très différente.
Si nous sommes totalement d'accord avec le principe de protéger
l'artiste en favorisant la négociation de conditions d'engagement
minimales, nous croyons que celui-ci doit s'appliquer dans le respect de
l'évolution du milieu dans lequel travaillent les artistes, de
même qu'il doit tenir compte des capacités réelles des
producteurs.
Deux situations opposées peuvent se produire. La première,
c'est celle où un groupe d'artistes, créateurs et
interprètes, fraîchement diplômés des écoles
de formation professionnelle décident de se constituer en
coopérative. Leurs moyens de se produire sont limités mais les
exigences de la profession font qu'ils doivent s'exposer en public s'ils
veulent parvenir à percer. Est-ce que, à la suite de l'adoption
de ce projet de loi, ce genre d'initiative sera bloquée sous
prétexte que le groupe ne peut rencontrer les exigences minimales
stipulées par une convention collective? Quels sont, alors, les risques
que la jeune relève ne puisse voir le jour? Entendons-nous, nous ne
parlons pas d'instaurer en système la pratique de l'embauche des
artistes à rabais. Ce dont iI s'agit ici, c'est de l'adoption d'une
mesure d'exception visant à favoriser l'émergence de la
relève en danse.
Par ailleurs, on précise que l'artiste ou un groupe d'artistes
pourront négocier des conditions plus avantageuses que celles
prévues par une entente collective. Il est à prévoir que,
dans certains cas, des producteurs seront tentés de s'en tenir aux
conditions minimales négociées et ce, même s'ils ont la
capacité d'offrir de meilleures conditions et ce, simplement parce que
les artistes concernés ne seront pas en mesure d'équilibrer la
force de négociation du producteur.
Par conséquent, afin d'assurer les meilleures conditions
d'engagement possible aux créateurs et aux interprètes, et dans
le but de favoriser le développement le plus harmonieux possible du
milieu de la danse, nous recommandons: premièrement, que le principe de
la négociation d'une échelle de conditions minimales soit
inséré dans la loi; deuxièmement, que cette échelle
des conditions minimales tienne compte de la réelle capacité de
payer des producteurs; troisièmement, qu'un mécanisme de
contrôle de la capacité de payer des producteurs soit
instauré; finalement, qu'une mesure d'exception. Inspirée de la
formule "production autogérée" expérimentée par
l'Union des artistes, soit intégrée au projet de loi ou rendue
possible par voie de règlement afin de favoriser l'émergence et
le développement de la relève en danse.
Reconnaissance d'une association d'artistes. Selon l'article 7,
paragraphe 2, une association d'artistes pour fins de reconnaissance en vertu
du présent projet de loi devra être formée exclusivement
d'artistes et, le cas échéant, de personnes en voie de se
qualifier comme artistes. Que veut dire ici "en voie de se qualifier comme
artistes"? Par exemple, est-ce que ce sont les finissants des écoles de
formation professionnelle qui sont les personnes visées, les stagiaires
dans les compagnies de danse ou ceux à l'Union des artistes? Quels sont
les critères qui seront utilisés pour déterminer qu'une
personne est en voie de se qualifier comme artiste?
Au paragraphe 3, on indique qu'une association devra rassembler "la
majorité des artistes d'un secteur" pour être reconnue. Pour
déterminer les artistes d'un secteur, est-ce que l'on tiendra compte de
ceux qui sont en voie de le devenir? Par ailleurs, il a surtout
été question d'interprètes et de créateurs.
Qu'advient-il des professeurs, maîtres de ballet et
répétiteurs qui oeuvrent dans le domaine de la danse?
À l'article 8, paragraphe 1°, on parle des "conditions
d'admissibilité fondées sur des exigences de qualification
professionnelle propres aux artistes", mais dont, on n'a aucune
précision. Doit-on comprendre que c'est la formule des permis que
préconise l'Union des artistes ou si l'on tiendra compte
également de la formation professionnelle et artistique de la personne
et de ses expériences acquises? Cette question de la définition
de l'artiste est cruciale puisque la loi prévoit la possibilité
pour la Commission de reconnaissance des associations d'artistes de tenir un
référendum à ce sujet.
Pour ce qui touche les effets particuliers sur notre organisme, je les
passerai sous silence en tenant compte que vous les avez bien écrits
et aussi que ce sont des questions qui seront à l'ordre du jour,
au sein de notre organisme et dans notre milieu, pour savoir de quelle
façon les artistes de notre secteur souhaiteront être
représentés.
Conclusion. Ce projet de loi soulève une question fondamentale
à savoir, qui est le véritable producteur en danse. En fait, le
véritable producteur en danse au Québec, c'est le gouvernement du
Québec, aidé de façon complémentaire par le Conseil
des arts du Canada et le ministère des Communications du Canada. C'est
lui qui, en définitive, permet que se développe ce secteur et
c'est lui qui fera qu'il y aura une véritable marge de manoeuvre pour
négocier les conditions d'exercice de la profession. Précisons
ici qu'il s'agit de la danse subventionnée, c'est-à-dire la danse
de recherche, de création, tout comme la danse de répertoire.
Pour ce qui est de la danse dite commerciale ou privée, de
variétés et autres, le mode de fonctionnement est
différent puisque les bailleurs de fonds sont surtout privés.
Au fond, qu'advient-il dans l'éventualité où les
demandes raisonnables formulées par les interprètes et les
créateurs sont refusées par les producteurs - compagnies
subventionnées - sous prétexte que les revenus sont insuffisants?
Comment, en effet, assurer une rémunération adéquate aux
artistes participant à une production qui sera présentée
douze mois plus tard, sans connaître les revenus de guichets? Comment, en
effet, soutenir décemment le principe de la rémunération
à crédit? Il est vrai que, dans ce projet de loi, le gouvernement
du Québec se tient à "distance raisonnable", comme le faisait
remarquer M. Jean Francoeur dans l'éditorial qu'il signait dans Le
Devoir, le 16 novembre 1987. Mais il ne faudrait pas que cela fasse oublier le
rôle crucial de celui-ci comme bailleur de fonds et comme soutien de la
chose artistique et culturelle. En cela, tes compagnies de danse ne sont pas
différentes des commissions scolaires ou des hôpitaux qui
gèrent les enveloppes budgétaires que leur confient les
ministères concernés et dans lesquelles on retrouve les fonds
nécessaires à l'administration des conventions collectives.
Si on se fie à l'évolution des secteurs de
l'éducation et des affaires sociales au Québec, sans, toutefois,
souhaiter les affrontements qui s'y sont produits, ni la
détérioration des climats de travail que l'on peut y constater
parfois, on peut espérer que la création de ce nouveau cadre de
relations du travail favorisera à la fois la concertation entre tes
partenaires du milieu de la danse québécoise, ainsi que la
reconnaissance des moyens nécessaires au développement d'un
véritable réseau des affaires artistiques et culturelles au
Québec, un réseau dans lequel les moyens consentis à la
pratique et à la diffusion des arts seraient
prépondérants.
En définitive, cette mesure visant à reconnaître un
statut juridique à l'artiste, de même qu'à instaurer un
cadre pour permettre la négociation d'ententes collectives, ne sera
complétée que le jour où le principal soutien à la
pratique et à la diffusion des arts au Québec, le
ministère des Affaires culturelles, se verra doter des sommes
nécessaires pour répondre aux demandes légitimes que
formuleront les artistes et créateurs aux organismes qui jouent le
rôle de gestionnaires des enveloppes consenties par ce ministère.
C'est pourquoi nous réitérons ici notre appui à la
démarche de la coalition du monde des arts et des affaires culturelles
dans le but de voir le budget du ministère des Affaires culturelles
haussé à 1 % du budget de l'État
québécois.
En terminant, nous exprimons le souhait que l'adoption de ce projet de
loi ne favorise pas l'émergence d'un climat de tension comme les
secteurs des affaires sociales et de l'éducation en ont
été les tristes témoins Nous espérons
également que le législateur sera sensible à la maxime qui
veut que l'on ait souvent besoin d'un plus petit que soi. En d'autres termes,
nous souhaitons que l'adoption de ce projet ne favorise pas indûment
Goliath au détriment de David.
Le Président (M. Trudel): Merci, M, le directeur
général. Mme la ministre des Affaires culturelles
Mme Bacon: Alors, M. Patenaude, je vous remercie de votre
mémoire. Je dois dire que la conclusion m'apporte un certain
réconfort dans la lutte que nous faisons tous ensemble, je pense bien,
pour essayer de hausser les budgets du ministère des Affaires
culturelles. Je disais ce matin que j'avais une réunion hier avec le
ministre des Finances et il y en aura une autre dans les semaines qui viennent.
Je dois dire que nous travaillons tous dans le même sens. Il est vrai
que, même si nous nous donnons les meilleures lois, quand nous n'avons
pas les budgets nécessaires, comme c'est souvent le cas aux Affaires
culturelles - et ce n'est pas qu'au Québec, c'est partout à
travers le monde, on n'a qu'à se promener pour constater ce
problème - on ne peut rien faire car, évidemment, ces budgets
sont la vie même de notre vie culturelle.
Je dois dire aussi que vous avez beaucoup d'appréhensions. Je
pense que notre premier but en présentant ce projet de loi, ce
n'était pas de créer des tensions, au contraire. On a
parlé ce matin de concertation. Je le redis: Ce que nous voulons
surtout, c'est que, dans le milieu culturel, il y ait entre les artistes et les
producteurs cette possibilité de concertation et que nous puissions nous
bâtir un réseau culturel fort et vivant qui réponde, je
pense, aux besoins d'une population, parce qu'au fait nous sommes là
pour que la population puisse bénéficier d'organismes culturels
forts.
Je dois dire que vous aviez dans votre
conclusion certaines appréhensions quant à ce qui se fait
dans d'autres ministères ou avant, je pense, la conclusion, vous parlez
de ce qui se fait dans les autres ministères. On a, depuis le mois de
mai 1986, cheminé avec tous les ministères concernés, y
compris la Commission de la santé et de la sécurité du
travail. L'assurance-chômage, évidemment, c'est
fédéral, mais la Commission de la santé et de la
sécurité du travail doit nous remettre un dossier Incessamment.
Donc, ils ont fait ce cheminement avec nous depuis que nous avons eu la
commission parlementaire, comme l'ont fait les autres ministères. Il
fallait, quand même, présenter un projet de loi; on ne pouvait pas
attendre tous les dossiers des ministères. À mesure qu'on va
évoluer, les ministères auront fait leur part. Parce que, comme
je le disais encore, le ministère des Affaires culturelles donne des
balises et ces balises-là sont nécessaires pour que cela ait un
effet d'entraînement dans les autres ministères. C'est un projet
qui est, pour moi, un projet gouvernemental beaucoup plus que strictement
sectoriel. (17 h 45)
À la page 1 de votre mémoire, vous mentionnez: "selon les
secteurs définis par le projet de loi". J'aimerais préciser que
la loi ne définit pas les secteurs. C'est ta commission de
reconnaissance qui va définir les secteurs. La loi ne fait
qu'énoncer un champ d'application. C'est peut-être là qu'il
y a une certaine confusion et on l'a vu dans d'autres dossiers. La commission
aura un rôle important à jouer pour définir les
secteurs.
À la page 2 de votre mémoire, votre recommandation, si je
la comprends bien, découle peut-être de cette compréhension
que vous aviez de l'article 1 du projet de loi que je viens peut-être de
préciser. Cela apporte aussi une précision à la page 2 de
votre mémoire.
À la page 3, vous vous posez une question en ce qui concerne
l'article 3 du projet de loi. L'article 3 laisse le choix aux danseurs
d'être couverts par le Code du travail, mais leur laisse aussi le choix
de demander la reconnaissance qui est offerte par le projet de loi. Je pense
qu'on n'a pas voulu encadrer les professions, on n'a pas voulu encadrer les
secteurs. On veut vous laisser, quand même, cette liberté de
choix. Vous avez le choix d'être couverts par le Code du travail ou de
demander la reconnaissance selon le projet de loi 90 que nous avons devant
nous.
À la page 4, vous avez fait certains commentaires et, justement,
la commission de reconnaissance a peut-être un rôle de
médiateur. Si on saisit ce rôle, au stade de la négociation
des conditions d'engagement minimales, elle devra tenir compte des attentes des
artistes et aussi des contraintes des producteurs. Je pense que, d'un
côté, il y a des attentes et que, de l'autre côté, il
y a aussi des contraintes, en respectant, justement, la réalité
et aussi l'évolution du milieu. Son rôle de médiation est
donc, à mes yeux, un rôle très important. C'est pour cela
qu'il sera important que la commission joue bien son rôle et que les gens
qui la composent comprennent bien ce qu'est le milieu, comprennent bien les
attentes, la réalité, l'évolution et, en même temps,
les contraintes des autres. Le rôle de la commission est, pour mol, dans
ce projet de loi, un rôle très important et je pense que cela peut
répondre à certaines de vos inquiétudes ou à
certaines de vos attentes.
Il nous faudra peut-être, en cours de route, clarifier davantage
le rôle de la commission parce qu'on s'aperçoit que cela peut
soulever dans certains milieux des questions qui n'ont pas de réponses.
On devra clarifier davantage le rôle de la commission.
Je vous remercie, M. Patenaude.
Le Président (M. Trudel): Avez-vous un commentaire, M.
Patenaude?
M. Patenaude: Oui. Mme Bacon, lorsque vous disiez qu'il y a
certaines appréhensions, vous aviez raison. C'est peut-être issu
de l'état dans lequel se trouve notre milieu et des luttes qu'il doit
faire pour essayer de s'en sortir et de se battre. Les artistes qui sont aussi
professeurs de danse pour arriver à gagner leur vie, pour pouvoir
investir dans leurs créations et qui portent à bout de bras,
finalement, ce milieu. Lorsqu'on voit des compagnies comme les Grands Ballets
canadiens qui n'arrivent même pas à garder nos talents dans leur
sein, c'est assez catastrophique. C'est cela, l'état de la situation.
C'est pourquoi il y a des luttes ou des revendications sur plusieurs fronts,
parce que nous sommes dans une situation précaire. Nous le
répétons et le réitérons: Nous appuyons ce projet
de loi, dans le sens où cela constitue un outil fondamental et un levier
de développement. C'est simplement pour mettre des balises.
J'entendais, tout à l'heure, les réponses aux
représentants de la Guilde des musiciens qui parlaient de leur secteur.
Les réponses à certaines des questions de notre mémoire
sont venues lorsque vous avez répondu à leurs questions. D'une
part, cela a précisé qu'un secteur peut être une discipline
parce que, dans le texte de loi, ce n'était pas assez clair. On
réfère à deux endroits à "secteur" et on ne dit pas
que ce secteur peut être fractionné. D'autre part, lorsque les
représentants de la guilde mentionnaient que dans leur secteur il y a
aussi des contrats types pour différentes catégories, cela
rejoint un peu ce que nous, on appelle des échelles minimales
particulières et, dans ce sens-là, cela répond à
notre question.
Mme Bacon: Je dois dire qu'il y a un dossier de la danse au
ministère, qui est fort avancé. Nous travaillons là-dessus
et, là, je vais faire peur un peu à mes fonctionnaires, je vais
les forcer à travailler peut-être encore plus
qu'ils ne l'ont fait, mais Ils ont vraiment fait un effort
considérable pour faire avancer te dossier de la danse. Je leur ai
demandé d'être capable de vous annoncer des choses dans les
premiers mois de 1988 dans le secteur de la danse. Alors, on fait des efforts
considérables parce que je comprends les problèmes de la danse
pour avoir visité le Québec, avoir rencontré des gens un
peu partout et avoir compris surtout les grands besoins que vous avez.
Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Mercier.
M. Godin: Merci, M. le Président. M. Patenaude, merci
d'être venu à Québec et d'avoir obtenu votre créneau
dans les travaux de la commission. Après avoir lu votre document, je
constate qu'on avait raison de se battre pour vous parce qu'il y a une notion
fondamentale qui y apparaît et que j'espère voir apparaître
aussi dans le projet de loi 90, c'est la négociation de conditions de
travail à rabais dans le cas d'une coopérative qui se formerait.
Vous décrivez très bien la situation: dans le milieu de la
relève, aussi bien en théâtre qu'en musique et en danse, il
faut prévoir des formules spéciales qui soient moins rigides que
celles que la loi 90 prescrit. J'ai confiance que notre légiste, M.
Brière, sera en mesure d'imaginer des formules qui permettraient au
ministre de donner des permis ou des autorisations qui mèneraient
à la création de coopératives de danse, de
théâtre ou de musiciens à des conditions inférieures
au marché s'ils le désirent librement sans aucune pression de la
part des producteurs ou employeurs.
Donc, il y a encore là du droit nouveau. Je n'ai pas une
connaissance du milieu de la danse et autres. Je pense que, dans bien des cas,
les artistes sont prêts à tout pour travailler, pour créer,
pour se faire connaître et pour livrer leur production au public. Je
souhaite qu'ensemble, des deux côtés de la Chambre, nous
travaillions à imaginer des amendements qui vous permettraient, à
vous, à votre regroupement et à votre milieu, de créer de
nouvelles institutions, en fait, au plan du droit, des nouvelles formules qui
donneraient libre cours à la créativité du
Québec.
Merci beaucoup, M. le Président. Je passe maintenant la parole
à mon collègue de Saint-Jacques, si vous me le permettez, M. le
Président.
Le Président (M. Trudel): Je le permets. M. le
député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui. M. Patenaude, je pense qu'effectivement cela
valait le coup d'aménager l'horaire de façon à vous
recevoir. Vous connaissez mon intérêt pour le secteur
d'activité qui est le vôtre. Je pense que vous êtes un peu
en train de nous dire, puis c'est tout à fait légitime, que
l'habit est tentant, mais qu'il ne vous fait pas tellement. Il y a une manche
qui est peut-être trop longue ou le pantalon qui est trop court, si je
peux employer une image, puis essayer d'y mettre un peu de détente.
Parce que vous fonctionnez, en principe, vous, au niveau du salaire
nécessairement. Donc, cela demanderait, pour la majorité des
compagnies de danse, de se revoir elles-mêmes comme telle.
Bon, en parlant de catégories, je ne sais pas si je suis dans la
catégorie commentaires ou questions comme telle, mais je remarquais
quelque chose ici qui était: "Les artistes concernés ne seront
pas en mesure d'équilibrer la force de négociation du
producteur". Je pense qu'au départ il faudrait détruire toute
idée qui pourrait s'instaurer qu'avec une loi sur le statut de l'artiste
l'artiste deviendrait une espèce de syndicaliste bolchevique avec, comme
première ambition, celle de détruire le méchant
producteur. Je pense que personne n'est animé, dans le milieu de la
culture, de cette idée-là, sachant que l'un, en
définitive, est la sécurité de l'autre, un peu comme nous,
nous disons à la blague que les politiciens sont la
sécurité d'emploi des journalistes et la réciproque est
vraie.
Par contre, je vois, un petit peu plus loin, que vous dites: "En
définitive, la question à laquelle il nous faudra répondre
est la suivante: Est-il possible et souhaitable que le regroupement joue le
rôle de négociateur d'entente collective? Si oui, est-il possible
qu'il puisse continuer de jouer en même temps le rôle de promoteur
du développement de la danse comme forme d'art?"
J'ai l'impression que je vais me glisser dans une troisième
catégorie qui n'est pas nécessairement celle du commentaire, de
la question, mais plutôt de l'opinion en donnant cet exemple. Remarquez
qu'un exemple, c'est toujours un peu boiteux. Je vais le puiser dans un
vécu qui est personnel. J'appartiens toujours, d'ailleurs, en titre
à ce qu'on appelait les PNE, les professionnels non enseignants. C'est
une espèce de PME, d'ailleurs, parce qu'on n'est pas tellement nombreux.
On est 3000 au Québec avec, nous aussi, chacun des distinctions, il y
avait ceux en milieu scolaire, ceux en milieu administratif et
différentes formations comme telles, un peu comme il y a le ballet-jazz,
la danse moderne, le ballet classique, etc. Nous avions, face au rôle de
négociation, trouvé plus Intéressant de conserver, en
définitive, notre souveraineté comme association autonome, mais,
par contre, de jouer d'association en ce qui concerne la négociation
face à notre producteur à nous qui était le
ministère de l'Éducation, en nous associant avec la CEQ. Je ne le
sais pas, mais j'ai l'impression - remarquez que vous pourrez nous donner vos
commentaires - que le regroupement a effectivement un rôle
considérable à jouer comme promoteur du développement de
la danse comme forme d'art, comme vous l'écrivez bien. Mais je suis en
train de me demander s'il ne serait pas préférable, pour en
arriver aux fins que vous visiez, que le regroupement s'associe avec une
autre entité qui fournirait des services, tout en respectant
votre autonomie et qui vous éviterait, par ses ressources, par sa force,
de continuer d'être, malheureusement - je suis obligé de le
répéter, en espérant que cela se corrige bientôt -
le parent pauvre dans le domaine des arts au Québec. Je ne vous dis pas
de signer un contrat avec n'importe qui tout de suite, mais j'aimerais
connaître vos commentaires sur cette voie que je me sens inspiré
de vous tracer.
Le Président (M. Trudel): Un commentaire, M.
Patenaude.
M. Patenaude: Si on a choisi de maintenir cette partie du
mémoire qui traite des effets possibles et d'un questionnement qui, pour
certains conseillers, était de nature interne, c'était pour
Informer la commission de l'état du questionnement du milieu et de ce
qui allait suivre sans prendre position. C'est pour cela que j'ai choisi tout
à l'heure de ne pas le présenter ici. Cela reste une question qui
va être débattue à l'interne quant aux modalités.
Chose certaine, si les ressources existantes peuvent être mises à
contribution, c'est bien sûr qu'on ne va pas dédoubler. Ce que
l'on dit, c'est qu'on doit s'assurer que les représentants des danseurs
vont tenir compte des intérêts des danseurs et qu'ils vont
manifester dans la représentation de ces intérêts du
respect et chercher le développement harmonieux du milieu tel que, si on
suit la trame du mémoire que nous présentons aujourd'hui, cela se
trouve et cela se résume dans le titre que nous lui avons
donné.
M. Boulerice: J'aurais le goût de vous poser d'autres
questions, mais je pense que vous devinez bien, M. Patenaude, que ma
collègue, la députée de Chicoutimi, Mme Blackburn, a une
question à vous poser sur la danse. S'il me reste du temps, je
reviendrai peut-être tantôt. Je vais lui céder la parole. Je
vous remercie.
Le Président (M. Trudel): Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
Bonjour, M. Patenaude. Comme mes collègues des deux
côtés de la table, je suis assez heureuse qu'on ait pu vous
entendre. Comme le critique en matière culturelle le soulignait, je
pense que vous amenez deux questions importantes. Il y en a une qui est
fondamentale, à notre avis, et c'est toute la question de la
relève. Dans votre secteur d'activités, c'est comme, je dirais,
dans à peu près tous les secteurs de l'activité
économique au Québec actuellement; on demande de plus en plus aux
jeunes professionnels de créer leur emploi. Les conditions de
démarrage sont toujours des conditions plus pénibles. Les
salaires qu'on peut offrir dans les entreprises nouvellement
créées ne sont jamais comparables à ceux que l'on peut
offrir dans des productions plus prestigieuses qui ont fait leur marque et qui
ont une réputation établie. On sait que, particulièrement
dans ce domaine, la seule façon de se faire une réputation, c'est
vraiment de commencer - et c'est le cas de le dire - à quelques
exceptions près, au bas de l'échelle parce que peu de grands
producteurs vont miser sur des jeunes professionnels dans la danse ou ailleurs,
sans qu'ils aient déjà fait un peu leurs preuves. Je trouve que
c'est majeur dans ce dossier-là. On connaît de jeunes
professionnels de la danse qui se sont effectivement constitué une
compagnie, mais exclusivement parce que, ensemble, il fallait qu'ils se donnent
les moyens de se produire, n'ayant pas d'autres moyens de le faire, ils
devaient pratiquer à peu près à 0,25 $ l'heure, si je
prends les conditions de travail de ces personnes.
On peut craindre, peut-être à tort, que les conditions
minimales qui seront faites, peuvent être mal interprétées
de la part des organismes et des producteurs plus patentés qui
risqueront de voir la une situation qui risque de leur porter préjudice
parce que la concurrence est inégale. Certains pourront se produire en
investissant moins. Je pense qu'il faut vraiment s'assurer que la relève
aura une façon de mettre sur pied des créations ou des
productions à des conditions particulières. Mais, en même
temps, j'ai le goût de dire qu'il serait inutile de poser une telle base
de négociation, du moment où on aurait vraiment au Québec
une politique de financement de la relève qui lui permettrait
effectivement de travailler dans des conditions qu'on reconnaît à
presque tous les autres travailleurs au Québec.
Vous voyez que je ne suis pas toute d'un côté ou toute de
l'autre. Je pense au 1 % que le gouvernement du Parti libéral s'est
engagé à investir dans la culture. Si la différence entre
les deux tiers qui sont actuellement consacrés et le 1 % allait
davantage à la création qu'à l'immobilisation - ce n'est
pas parce qu'on n'a pas besoin d'immobilisation, mais que cela pourrait
être pris par le biais du Service de la dette - je pense qu'on pourrait
se donner ce genre de politique.
Une autre de vos questions touche la définition de l'artiste. Moi
aussi, je dois dire que cela me laisse songeuse. Dans les exemples que vous
apportez, vous dites: Qu'advient-il des professeurs, des maîtres de
ballet et des répétiteurs qui oeuvrent dans le domaine de la
danse? Selon vous, devraient-ils être reconnus comme étant des
artistes?
M. Patenaude: Si on l'a inclus, ce sont mes collègues
professeurs qui se sont posé la question à savoir si un
professeur de danse est aussi un artiste. Souvent, les professeurs de danse
sont d'anciens danseurs qui deviennent professeurs et qui mettent à
contribution leurs talents et leur expérience d'artiste. Donc, ils n'ont
pas cessé d'être artistes parce que, à 40 ans, on les
considérait trop âgés pour continuer ou que, leur
corps étant fatigué, Ils s'arrêtent et font une
transition de carrière. C'est dans ce sens-là.
Bien sûr, l'analyse est faite en fonction du fait que ce personnel
artistique fait partie d'une production. Si on est dans une école de
danse et qu'il n'y a pas de production comme telle, la distinction est caduque.
Si on le reconnaît ou non, cela a une Importance pour la formation et la
reconnaissance d'un artiste dans le sens où on dit qu'une association
sera reconnue exclusivement pour représenter les artistes. Cette
définition est intimement liée avec quels seront les artistes
d'un secteur.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, madame. Mme la
ministre.
Mme Bacon: J'aimerais peut-être apporter seulement un ajout
concernant les conditions minimales. Quand on parle de conditions minimales
dans le projet de loi, cela ne veut pas nécessairement dire des
conditions uniformes. Je pense que c'est la demande des artistes et la
réponse des producteurs et c'est ensemble qu'ils doivent décider
des conditions de travail, sauf qu'il faut avoir une base. Et, quant à
la base, on parle de conditions minimales, mais ce ne sont pas
nécessairement des conditions uniformes.
Je voudrais vous remercier, M. Patenaude. On aura l'occasion de se
revoir dans d'autres dossiers.
M. Patenaude: C'est moi qui vous remercie et je suis très
heureux de constater qu'à nouveau "le temps d'une paix" de la
première commission de la culture sur le statut de l'artiste s'est
prolongé pour nous permettre d'être entendus. Merci à
tous.
Mme Bacon: Que d'autres vous entendent, M. Patenaude!
Le Président (M. Trudel): Merci, M. Patenaude.
La commission suspend ses travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 5) (Reprise à 20 h
10)
Le Président (M. Trudel): Merci. La commission de la
culture reprend ses travaux afin de procéder à une consultation
particulière dans le cadre de l'étude du projet de loi 90, Loi
sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la
scène, du disque et du cinéma. Et comme cinquième groupe
aujourd'hui nous avons le plaisir d'accueillir l'Association des producteurs de
films et de vidéo du Québec. Mme Marie-Josée Raymond,
"rebonjour" nous nous étions vus il y a un an et demi - et Mme
Louise Baillargeon, directrice générale. Bienvenue,
mesdames.
Je pense que vous connaissez maintenant les règles du jeu. C'est
la règle 20-20-20, 20 minutes pour vous, 20 minutes pour chacune des
formations politiques. Nous vous invitons à nous résumer si
possible le mémoire, bien qu'il soit arrivé tardivement. Je vous
laisse faire ce que vous entendez, Mme Raymond ou Mme Baillargeon, mais vous
avez à peu près 20 minutes pour nous exposer vos
idées.
Mme Raymond (Marie-Josée): Alors, je commence.
Le Président (M. Trudel): Merci.
Association des producteurs de films et de
vidéo du Québec
Mme Raymond: M. le Président, Mme la ministre des Affaires
culturelles, mesdames et messieurs les membres de ta commission, nous vous
remercions de nous accueillir aujourd'hui. Et, comme mon temps est
compté, je vais passer directement aux choses essentielles.
Comme vous le savez sans doute, l'Association des producteurs de films
et de vidéo du Québec existe depuis 1966 et elle regroupe 75
maisons de production du domaine, du cinéma et de la
télévision qui réunissent environ 150 producteurs
individuels.
L'association désire d'abord affirmer son accord de principe
à la reconnaissance tant attendue en faveur des artistes
québécois d'un statut juridique et fiscal mieux adapté au
niveau de développement des industries culturelles et plus conforme
à la réalité de leur expérience de travail. Nous
aurions, d'ailleurs, souhaité applaudir sans réserve ce projet de
loi mais malheureusement certains aspects de son libellé suscite chez
nos membres des inquiétudes et des Interrogations dont nous voudrions
vous faire part aujourd'hui.
Absence de consultation préalable. Notre première
réaction à la lecture du projet de loi 90 en est une
d'étonnement. D'abord, parce que notre association n'a pas
été consultée officiellement au moment de sa
rédaction, ensuite parce que nous pensions que l'objet premier de ce
projet de loi devait être la modification des relations entre l'artiste
et l'État. Or, il nous a semblé que le projet de loi 90 ne
concerne que très accessoirement les relations entre les artistes et
l'État et qu'en fait un seul article, l'article 4, pourrait avoir une
incidence sur le statut fiscal des artistes. Ni le texte de loi, ni les notes
explicatives qui l'accompagnent ne sont très précis quant
à la portée exacte de cet article.
Quelles conséquences pratiques aura la présomption que les
créateurs et interprètes agissent à leur compte sur les
artistes qui sont formés en compagnie? Sur ceux qui tirent une
part substantielle de leurs revenus d'activités autres
qu'artistiques? Sur les artistes qui n'oeuvrent pas dans les domaines
visés à l'article 1 et, notamment, les artistes en art visuel?
Voilà, nous semble-t-il, des questions importantes à
résoudre si l'on veut une fois pour toutes clarifier et modifier le
statut fiscal des interprètes et créateurs.
Il nous est apparu que l'objet fondamental du projet de loi était
en fait de définir un nouveau régime des relations du travail
dans le secteur des industries culturelles, d'encadrer les relations entre les
interprètes et créateurs, au sens large, et leurs employeurs
indépendants du secteur privé puisque, si nous comprenons bien,
les radiodiffuseurs sous juridiction fédérale ne seraient pas
touchés par cette loi. Dans cette optique, n'aurait-il pas
été souhaitable de consulter au préalable tous les
partenaires qui ont partie liée au développement des Industries
culturelles québécoises? Ce secteur en mutation constante demeure
fragile et une large concertation aurait sûrement fourni au
législateur une base plus solide pour procéder à une
modification d'une telle envergure. Ces consultations et cette concertation
préalable auraient sans doute permis d'éviter certaines
imprécisions de formulation qui risquent d'entraîner des effets
secondaires aussi fâcheux qu'involontaires.
Définition du terme "artiste". La première de ces
imprécisions concerne la définition du terme "artiste" à
l'article 2, à savoir: "une personne physique qui pratique un art...
à titre de créateur ou d'interprète dans un domaine
visé à l'article 1". C'est là une définition
très large et englobante qui pourrait inciter nombre de
spécialistes, aujourd'hui regroupés au sein du syndicat des
techniciens, par exemple, à se constituer en secteur de
négociation distinct: directeurs de la photographie, directeurs
artistiques, créateurs de costumes, monteurs, créateurs d'effets
spéciaux, et ainsi de suite. Est-ce là l'intention du
législateur? Si oui, a-t-il bien mesuré les conséquences
d'une telle multiplication des secteurs où une association pourra
être reconnue et où, conséquemment, des conventions
collectives distinctes devront être obligatoirement
négociées?
Si nous reconnaissons d'emblée qu'il faut adapter le
régime de négociation collective au niveau actuel de
développement des Industries culturelles québécoises, il
est, à notre avis, tout aussi essentiel de ne pas freiner ce
développement par une multiplication et une surdivision des
unités de négociation qui ne ferait que provoquer un gaspillage
d'énergie, de ressources humaines et financières tout en
suscitant une bureaucratisation accrue des relations du travail.
Nous suggérons donc que le projet de loi 90 établisse une
définition qui recoupe de plus près les secteurs de
négociation généralement et internationalement reconnus et
qui évite d'encourager leur prolifération.
Limite au droit d'association des artistes. Si le projet de loi tel que
libellé constitue un incitatif à la multiplication indue des
secteurs de négociation, it confère, par ailleurs, à
l'association d'artistes reconnue dans chacun des secteurs un monopole exclusif
sur cette reconnaissance. La liberté d'association reconnue aux artistes
à l'article 5 nous semble en quelque sorte limitée et restreinte
par ce projet de loi. Si, par exemple, certains artistes sont insatisfaits des
services reçus d'une association reconnue, ils ne pourront constituer
une association concurrente respectant mieux leurs aspirations qui soit, en
vertu de l'article 21, légalement dotée du pouvoir de
négocier et de tous les autres pouvoirs conférés en
exclusivité à l'association reconnue.
Des exemples nombreux prouvent qu'il faut souvent plusieurs
années pour qu'une nouvelle association puisse atteindre le niveau de
membership d'une association déjà établie Quel
intérêt y aurait-il donc pour un artiste insatisfait
d'adhérer à une nouvelle association si pendant toutes ces
années cette association est privée de par la loi des pouvoirs
qui la rendrait utile à ses membres?
Depuis plusieurs années les musiciens québécois
souhaitent constituer une association proprement québécoise qui
réponde mieux à leurs besoins et à la situation des
milieux culturels d'Ici. Le projet de loi 90 pourrait sonner
définitivement le glas de leurs rêves et de leurs
espérances. Est-ce vraiment là le projet du
législateur?
Le monopole conféré à l'association d'artistes
reconnue dans un secteur est également préjudiciable aux
producteurs qui, bien qu'ils puissent être regroupés en plusieurs
associations, devront toujours faire face à une association unique. Nous
pensons que le rôle des gouvernements à cet égard consiste
à préserver la société et les individus contre
l'établissement de monopoles ou de cartels, à assurer la
liberté d'association et la libre concurrence et non à les
restreindre.
Nous proposons donc de retirer du projet de loi 90 les dispositions qui
confèrent un monopole exclusif de reconnaissance à une
association dans un secteur donné.
Limite au droit de négocier des associations de producteurs. Les
dispositions les plus inquiétantes du projet de loi 90 sont celles qui
prévoient que l'association d'artistes reconnue peut, à son
choix, semble-t-il, décider de négocier avec n'importe quelle
association de producteurs ou avec n'importe quel producteur en particulier une
entente collective qui s'appliquera de facto à l'ensemble des
producteurs. Autrement, si nous comprenons bien les articles 21.6° 23, 24,
25 et 35, une association d'artistes peut choisir de plein droit d'ignorer
l'APFVQ, qui regroupe plus de 75 maisons de production responsables de plus de
95 % du volume de la production cinématographique et
télévisuelle indépendante, et préférer
négocier une entente
collective avec une seule maison de producteurs ou même un
Individu producteur, entente qui sera de par la loi imposée à
tous les producteurs. C'est là une disposition qui nous préoccupe
au plus haut point, d'autant plus que la définition du terme
"producteur" à l'article 2, soit "une personne ou une
société chargée de produire une oeuvre artistique dans un
domaine visé à l'article 1, n'implique en aucun cas que cette
personne ou cette société ait une quelconque expérience
dans te domaine ni qu'elle exerce cette activité sur une base
régulière.
Demain matin, trois artistes pourraient donc se former en compagnie,
assumer la charge de produire un court métrage de 30 secondes et signer
une ou des conventions collectives avec une ou plusieurs associations
d'artistes et, en vertu de l'article 61, cette ou ces ententes seront
imposées à tous les producteurs dès la date
d'entrée en vigueur du projet de loi 90 et ce, sans que l'APFVQ ou que
tout producteur autre que notre trio n'ait eu voix au chapitre dans cette
négociation.
C'était, bien sûr, un exemple purement hypothétique
mais il paraît que semblable situation s'est déjà vue.
Soyez assurés que nous ne voulons en aucun cas faire de procès
d'intention à quiconque, ni présumer que telle sera l'attitude
des artistes impliqués. Il n'en est pas moins que pareille pratique
serait, nous semble-t-il, autorisée par le libellé actuel du
projet de loi.
Nous sommes convaincus que, si tel est le cas, il ne peut s'agir que
d'une erreur de rédaction qui sera corrigée de façon que
les associations reconnues d'artistes soient tenues de négocier avec des
associations représentatives de producteurs À défaut
d'adopter cette modification, vous conviendrez avec nous que c'est le droit de
négocier des associations de producteurs qui serait tout simplement
dénié par la loi.
La Commission de reconnaissance des associations d'artistes. La loi
institue une Commission de reconnaissance des associations d'artistes,
c'est-à-dire un nouvel organisme paragouvernemental doté de
pouvoirs discrétionnaires très étendus, pouvoirs qui
échapperont au contrôle de l'Assemblée nationale et qui
pourront à l'occasion contrecarrer les efforts entrepris par le
gouvernement pour stimuler la croissance des industries culturelles
québécoises. Était-ce la seule ou la meilleure solution?
Tous ces pouvoirs sont-ils justifiés et indispensables?
En outre, le projet de loi prévoit des pouvoirs de
pénalité et de poursuite qui transformeraient en délits
criminels les différences d'interprétation qui peuvent surgir
dans les relations entre producteurs et artistes. Pourquoi criminaliser ainsi
ces différends? Ces mesures pénales, les articles 58, 59 et 60,
sont, d'une part, lourdement discriminatoires puisqu'elles imposent à un
producteur les mêmes amendes, pouvant atteindre 25 000 $, que celles
Imposées aux associations d'artistes et de producteurs. D'autre part,
soulignons qu'en vertu du projet de loi 90 quiconque peut Intenter une
poursuite, selon la Loi sur les poursuites sommaires, contre un producteur s'il
juge, de façon forcément subjective, que ce dernier n'a pas fait
preuve de suffisamment de, et je cite, "bonne fol ou de diligence" dans la
négociation. Articles 58 et 27. Il s'agit là d'une disposition
qui nous apparaît à l'évidence abusive.
Les maisons de production sont en contact permanent avec plusieurs
institutions: la Commission des valeurs mobilières du Québec, qui
doit approuver les prospectus et notices d'offres nécessaires à
l'obtention de financements privés, les sociétés publiques
qui investissent dans la production, comme Téléfilm Canada et la
Société générale du cinéma du Québec,
les télédiffuseurs publics, Radio-Canada, Radio-Québec,
qui achètent nos produits Ces institutions publiques pourraient avoir
des réticences à conclure des affaires avec une entreprise
soumise à des poursuites criminelles en vertu de la loi 90, ce qui
pourrait signifier la faillite de l'entreprise concernée.
Tout cela, répétons-le, parce qu'un Individu
impliqué dans un processus de négociation juge que la partie
adverse n'a pas fait preuve de suffisamment de diligence ou de bonne foi.
C'est, vous en conviendrez je crois, excessif et certainement Inadmissible pour
nous. Le projet de loi devrait prévoir des procédures civiles, et
non criminelles, en cas d'infraction
Par ailleurs, la commission sera dotée de pouvoirs
d'enquête très étendus, article 53, dont celui d'exiger
tout renseignement qu'elle juge approprié et de contraindre des
témoins. Tous ces pouvoirs sont-ils, encore une fois, essentiels? N'y
a-t-il pas là ingérence Indue? Par ailleurs, le projet de loi ne
garantit aucunement la confidentialité des informations ainsi
recueillies. Bien que la loi de l'accès à l'information puisse
permettre la confidentialité de certains de ces renseignements,
notamment ceux à caractère économique, nous insistons pour
qu'à tout le moins le projet de loi garantisse la confidentialité
de toutes les informations recueillies par la commission si la personne, la
société ou l'association qui les lui a transmises en fait la
demande.
Enfin, nous sommes étonnés de constater que la commission
devra exercer une multitude de fonctions qui ne sont pas, règle
générale, confiés à une même instance. Cet
organisme sera en effet juge et partie, puisque la commission agira tour
à tour comme médiateur et arbitre, qu'elle pourra faire des
recommandations, qu'elle décidera des secteurs de négociation, de
la reconnaissance ou de l'annulation de reconnaissance des associations
d'artistes, voire même du fait qu'une personne soit ou non comprise dans
un secteur de négociation. Cette personne, ou toute association
d'artistes ou de producteurs, se voit dénier tout droit d'appel des
décisions de la commission et aucun des recours que le Code de
procédure civile prévoit généralement à
l'endroit de telles décisions ne pourra être
exercé puisque la loi le proscrit expressément à
l'article 57, C'est Inquiétant car les pouvoirs discrétionnaires
conférés à la commission, aux articles 19 et 51 notamment,
sont considérables.
Bien sûr, il est d'usage en de telles circonstances de faire
confiance à l'expérience juridique, à la qualité de
jugement et à l'impartialité des membres de la commission.
Malheureusement, rien dans le processus de nomination du président et
des deux autres membres ne garantit qu'ils disposeront d'une expérience
Juridique ou d'une expérience des industries culturelles.
Quant à l'impartialité qui devrait effectivement
être exigée de la commission dans l'exercice de toutes ses
fonctions, puisqu'elle aura des pouvoirs quasijudiciaires, elle est parfois
expressément déniée par la loi. Le projet de loi 90
prévoit, en effet, à l'article 51, que, lors de la prise de
décision relative à la définition des secteurs de
négociation, la commission, et je cite, "prend notamment en
considération la communauté d'intérêts des artistes
en cause". Rien n'est dit de la communauté d'intérêts des
producteurs en cause, que la commission n'est pas tenue de considérer.
C'est donc en prenant obligatoirement en compte les intérêts d'une
seule des parties concernées que la commission devra statuer. C'est
là une disposition qui entache d'emblée l'impartialité de
la commission et porte conséquemment atteinte à sa
crédibilité. Bref, c'est toute la conception des fonctions, des
pouvoirs et de la neutralité de cette commission qui mériterait
d'être réexaminée.
En terminant, M. le Président, nous vous invitons donc à
revoir le libellé de plusieurs articles de ce projet de loi, de
façon que ce dernier ne provoque pas des effets secondaires
préjudiciables pour les artistes, les associations de producteurs et
l'ensemble des industries culturelles québécoises que nous avons
tenté de mettre en lumière. Nous nous en sommes, d'ailleurs,
tenus à l'essentiel. Il existe d'autres aspects plus techniques du
projet de loi qui risquent de créer des problèmes, à nos
yeux. Nous n'avons pas le temps ni la compétence juridique pour en
débattre mais vous trouverez en annexe à notre intervention un
document de notre conseiller juridique qui en fait état. Nous sommes
persuadés qu'une consultation plus approfondie conduirait à des
formulations plus circonscrites et précises qui éviteraient
plusieurs des contraintes administratives indues, des contestations juridiques
qui résulteraient de l'adoption intégrale et rapide du projet de
loi 90. Et surtout, M. le Président, cette réflexion
additionnelle et ces corrections contribueraient à ce que ce projet de
loi stimule la croissance des Industries culturelles québécoises
sans effets secondaires néfastes et imprévus. C'est là une
préoccupation qui, nous en sommes persuadés, est partagée
par tous les membres de la commission permanente des affaires culturelles. Mais
surtout, M. le Président, des changements établis dans un esprit
de concertation contribueraient à ce que le projet de loi reçoive
l'appui unanime de tous les partenaires de l'industrie. Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, madame. Alors, Mme la
ministre des Affaires culturelles.
Mme Bacon: Nous vous remercions de votre intervention
auprès de la commission parlementaire. Malheureusement, il faut faire
rapidement pour s'imprégner de votre message ce soir puisque nous venons
d'avoir votre dossier, mais j'aimerais quand même apporter certains
correctifs. Il y a eu des consultations qui ont eu lieu. Il est évident
qu'elles ont eu lieu avec le président de votre association sur les
grands paramètres du projet de loi. Je pense qu'on a quand même
rencontré votre président.
Sur le projet de loi et son libellé, il est normal, au fond, que
cette prérogative revienne au gouvernement. Nous le faisons en ce moment
avec vous au niveau d'une consultation élargie et, évidemment,
comme je le disais ce matin, nous tiendrons compte des objections ou des
commentaires qui nous seront faits au cours de cette commission parlementaire;
c'est pour cela qu'on la tient, c'est pour en tenir compte par la suite et
essayer d'ajuster, s'il y a lieu, certains des articles de la loi. Je pense que
cette loi est essentiellement une pratique qui est jusqu'ici... Je pense que,
quand on fait un dossier, on a l'impression que les gens ont saisi,
peut-être, la portée de ce que nous voulions faire, mais je trouve
- vous me permettrez de vous le dire - le ton de votre mémoire fort
alarmiste. Peut-être que des informations supplémentaires seraient
nécessaires pour enlever ce ton d'alarme que vous déclenchez ce
soir.
Vous dites que vous souhaiteriez que le projet soit modifié pour
que les associations reconnues soient tenues de négocier avec des
associations représentatives de producteurs. Est-ce que vous iriez
jusqu'à prévoir dans le projet de loi des dispositions qui
obligent les producteurs à se constituer en associations et à se
faire reconnaître? (20 h 30)
Mme Raymond: Mme la ministre, tout ce que je peux vous dire,
c'est que l'Association des producteurs de films et de vidéo du
Québec est l'association la plus ancienne au Canada. Nous avons
survécu aux hauts et aux bas de cette industrie et je pense qu'on n'a
pas besoin de nous obliger. Nous avons une association qui, d'ailleurs, a
déjà des ententes collectives avec plusieurs secteurs
reconnus.
Mme Bacon: Quand vous parlez de danger, pour le
développement des industries culturelles, d'une multiplication
d'unités de négociation, est-ce que vous souhaiteriez davantage
la définition de balises, peut-être, de négociation
à l'intérieur même du projet de loi? Sur quoi basez-vous
votre énoncé pour dire que te projet de loi constitue un
incitatif à la multiplication?
Si j'ai bien saisi, c'est ce que vous nous dites comme message.
Mme Raymond: Simplement, à la la lecture du texte -
puisque malgré tout officiellement l'association n'a pas
été consultée, donc, on n'a pas pu essayer de
s'Imprégner du texte qu'on a eu simplement la semaine dernière -
la limite des secteurs d'activité ne semble pas forcément
évidente. Alors, tant qu'on ne saura pas de façon un peu plus
précise le degré de morcellement des différents secteurs,
c'est extrêmement difficile pour nous de dire s'il va y avoir quatre ou
cinq grands secteurs d'activité. Il y en a déjà un certain
nombre de reconnus, comme je l'ai mentionné. Les techniciens peuvent...
Enfin, on ne sait pas s'ils sont inclus dans votre loi mais ça serait
une possibilité quant à la description actuelle du terme
"artiste". Donc, on a déjà un certain nombre de secteurs reconnus
mais les autres, on ne sait pas du tout ce qu'une commission peut
reconnaître comme secteur. Alors, tant qu'on n'aura pas de
précisions là-dessus, c'est très difficile pour nous de
nous prononcer.
Mme Bacon: En fait - et ça nous a été dit au
cours de la journée - parce que peut-être quand on est devant un
projet de loi, on ne peut pas y voir toutes les dispositions... Je pense que
c'est assez difficile de tout savoir. Le projet de loi ne définit pas
les secteurs. C'est la commission qui définira ensuite les secteurs. Je
pense que ce n'est pas au projet de loi de le faire. Si on se met à
définir chacun... On parlait cet après-midi de la musique, par
exemple, avec peut-être des sous-secteurs. Ce n'est pas au projet de loi
de définir les secteurs. Le projet de loi dit: II y a la musique et la
danse. Il y a le cinéma et les arts d'interprétation. Je pense
qu'à ce moment-là la commission aura un rôle fort
important. C'est un rôle de reconnaissance. D'ailleurs c'est son nom,
commission de reconnaissance.
Mme Raymond: Oui, mais, si vous me permettez, vous ne faites que
transporter à la commission notre inquiétude ou notre incertitude
quant aux secteurs. La commission va avoir, effectivement, si j'ai bien
compris, un pouvoir quasi terminal de déterminer les secteurs
d'activité sans que nous, les producteurs, ayons une grande chance de
faire valoir nos points puisque la commission a comme mandat principal de voir
aux intérêts des artistes. Alors, là encore nous sommes
très inquiets, non seulement sur la constitution de cette commission
mais justement du pouvoir discrétionnaire que cette commission va avoir
à déterminer les secteurs d'activité des artistes sans
prévoir, en tout cas, dans cette loi, une intervention, une consultation
ou même une considération pour les vues des producteurs qui,
finalement, travaillent ensemble avec les artistes dans les industries
culturelles.
Mme Bacon: Je vais essayer d'enlever ce cri d'alarme que
vous avez. À l'article 51 on dit que la commission définit les
secteurs de négociation pour lesquels une reconnaissance peut être
accordée. "À cette fin, la commission prend notamment en
considération la communauté d'intérêts des artistes
en cause et l'historique des relations entre artistes et producteurs enmatière de négociation d'ententes collectives." À ce
moment-là si les producteurs ne sont pas satisfaits, ils ont droit
d'appel. Ils peuvent faire appel face à la commission.
Mme Raymond: Oui, Mme Bacon, c'est simplement que vous prenez la
peine dans cet... Excusez-moi.
Mme Bacon: Je vais être obligée de continuer, si
vous voulez bien, et ça va peut-être être plus clair.
À l'article 14, on dit: "Les producteurs peuvent intervenir sur la
définition du secteur de négociation." Alors, vous l'avez
à l'article 14.
Mme Raymond: Oui, mais enfin, disons, une simple proposition,
ça aurait peut-être été agréable pour nous de
sentir qu'effectivement dans l'article 51 qui parle de la définition des
secteurs de négociation - il me semble qu'une petite ligne en plus... On
aurait pu dire que les producteurs auraient, disons, une voix égale au
chapitre de la consultation sans qu'on soit obligé de
référer à un autre article. Cela aurait peut-être
été plus rassurant.
Mme Bacon: J'ai répété 14 à 51.
Mme Raymond: Disons de l'intégrer simplement pour qu'on
sente la volonté bien précise du gouvernement de consulter et de
voir a ce que ce genre de reconnaissance ne vienne pas avoir des incidences
extrêmement fâcheuses sur un plan économique, sur des plans
précis En soi, je ne peux même pas vous dire aujourd'hui si on a
besoin de plus de petits secteurs, moins de grands secteurs. Il faudrait, au
moins, qu'on puisse avoir une idée de ta direction que tout cela va
prendre. Il y a une espèce de porte ouverte à beaucoup
d'inconnues et cela nous inquiète,
Mme Bacon: Vous avez mentionné aussi, je pense, dans votre
mémoire, que dans le projet de loi on disait qu'une entente collective
négociée avec un producteur s'appliquerait de facto à
l'ensemble des producteurs. J'aimerais savoir où vous avez vu cela,
à moins que je vous aie mal saisie.
Mme Raymond: À plusieurs reprises, on reprend le terme
qu'une entente négociée, soit avec un producteur, soit avec une
association de producteurs... Il y a toujours cette dualité; je ne peux
pas vous sortir tous les articles, mais à
plusieurs reprises cette dualité laisse la porte ouverte, dans
certains cas, à une négociation. En Interprétant ce qu'on
lit, on peut extrapoler en se disant qu'une négociation avec un
producteur pourrait être assimilée à une entente existante
et devenir, de par la loi, une convention applicable de façon
générale. C'est cette ambiguïté entre un producteur
et une association qui me mène à...
Mme Bacon: Notre vision des choses était de ne pas
encadrer les gens dans ce projet de loi et de laisser une entière
liberté d'association, de ne pas les forcer à s'associer, pas
plus que de forcer quelqu'un à adhérer à une association
ou à un groupe donné. On n'a pas voulu faire d'atelier
fermé, on n'a pas voulu forcer les gens à s'associer. On a voulu
laisser une liberté.
Mme Raymond: C'est très important. Peut-être qu'on
comprend mal. J'ai beaucoup de questions.
Mme Bacon: II faudrait peut-être une meilleure
consultation.
Mme Raymond: Oui. Voyez-vous, par exemple, à l'article 35,
"l'entente collective lie le producteur et tous les artistes du secteur de
négociation qu'il engage". On a souvent une ambiguïté entre
le producteur et l'association. Ce n'est pas clairement défini et cela
peut porter à confusion.
Mme Bacon: D'accord. On dit aussi, dans votre mémoire, que
la commission de reconnaissance a des fonctions exceptionnelles. J'aimerais
dire que d'autres commissions dans le secteur du droit du travail ont des
fonctions similaires. On n'a qu'à penser au Conseil canadien des
relations du travail. Quant au problème des mesures transitoires, pour
que trois artistes forment une association et bénéficient de
l'article 61, iI faut quand même qu'ils aient conclu une entente avec un
ou des producteurs. Malgré tout, cette disposition de la loi pourrait
être modifiée ou travaillée. On peut travailler
là-dessus.
Dans votre mémoire on parle de dispositions du projet de loi qui
confèrent, selon vous, un monopole exclusif de reconnaissance.
J'aimerais savoir à quel article de la loi vous vous
référez. Ce monopole n'existe pas, d'après moi, parce que
on n'a pas voulu que le projet de loi donne de monopole. Les dispositions qu'on
a mises dans le projet de loi ne faisaient pas en sorte qu'il y ait un monopole
ou un atelier fermé ou une obligation d'adhérer. On a voulu
rendre les gens le plus libre possible. Il y a des dispositions de
vérification de la majorité, ensuite il y a des règles de
maraudage, c'est évident.
Mme Raymond: Si on combine en même temps la
nécessité de majorité, plus la reconnaissance des droits
acquis, iI est bien évident que des associations existantes au moment
où la loi entre en vigueur et qui ont des majorités
Incontestables pour le moment deviendraient, à toutes fins utiles si
j'ai bien compris, un monopole. Peut-être que je me trompe, mais c'est la
façon dont nos avocats l'ont interprété. Je crois que dans
les documents qui vous sont...
Mme Bacon: II y en a peut-être qui auraient une longueur
d'avance, mais ce n'est pas un monopole. On ne peut pas dire que c'est un
monopole.
Mme Raymond: Non, mais la façon dont c'est
présenté, si on joint les obligations de majorité, et on
sait à quel point c'est difficile d'obtenir la majorité dans ce
genre d'association, et la notion du fait acquis que l'entrée en vigueur
de la loi entraînerait, je pense que cela nous met effectivement dans une
situation qui ressemble étrangement au monopole.
Mme Bacon: Non, encore une fois, si vous me permettez de vous
dire que...
Mme Raymond: Ce n'est pas l'intention? Mme Bacon: Non.
Mme Raymond: Bien, alors, on est ravi et rassuré de vous
l'entendre le dire, madame.
Mme Bacon: En fait, ce n'est pas la loi qui va créer le
monopole et ce n'est pas la loi qui va faire en sorte que des gens vont prendre
le monopole. Dans la loi, il n'y a rien qui dit qu'il y a un monopole ou qu'on
accorde un monopole. Je vais terminer là-dessus pour donner l'occasion
à l'Opposition de s'exprimer mais je voudrais que le ton d'alarme que
vous avez, le ton alarmiste, peut-être, soit passager. Disons que
peut-être des consultations supplémentaires sont
nécessaires.
Mme Raymond: Je vous remercie infiniment et je pense que
c'était surtout notre but ce soir, c'est-à-dire que nous
étions entièrement prêts à consulter... Nous sommes
à votre entière disposition pour toute consultation pour nous
rassurer et peut-être vous éclairer sur certains secteurs. Je vous
remercie.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre, M. le
député de Mercier.
M. Godin: Oui, M. le Président, je remercie Mme la
vice-présidente et son association. Tantôt, votre mémoire
un peu "catastrophiste", si je puis inventer un mot, un néologisme... On
volt que ce sont des avocats qui ont travaillé là-dessus et non
pas tellement des gens qui produisent des films, j'ai l'impression.
Mme Raymond: Excusez-moi, M. Godin, mais
je voudrais juste intervenir ici, vous savez sûrement comme moi
que, lorsqu'on consulte des avocats sur des sujets précis, on passe en
général les neuf dixièmes du temps à leur expliquer
les problèmes que cela nous poserait mais ils nous envoient en
général leur facture pour l'ensemble du temps. Alors, non, Je
dois dire qu'on a eu, malgré tout, des détails, des relations
avec le Code du travail qui ne sont pas de nous, parce que je ne connais pas le
Code du travail, mais, quant à l'esprit de notre intervention, soyez
rassuré, M. Godin, elle représente entièrement les
inquiétudes de l'association.
M. Godin: Les craintes. Alors, une question à une
productrice de films. Est-ce que vous croyez que la loi 90 donne trop de
pouvoirs à vos employés, acteurs, comédiens et autres
techniciens du cinéma ou du vidéo, par rapport à leur
salaire, à leurs conditions de travail, qui mettraient en danger une
maison de production comme la vôtre?
Mme Raymond: Du tout parce que je n'ai pas du tout parlé
d'abus de pouvoir. Ce qui m'inquiète le plus, c'est le pouvoir qui est
conféré à la commission: cela, je vous avoue que ça
m'inquiète. Les pouvoirs des artistes, des techniciens ou des gens avec
qui on fait des films, cela ne m'inquiète pas du tout; ce qui
m'inquiète, dans ce cas-ci, c'est plutôt les pouvoirs de la
commission, le fait qu'elle a le droit d'imposer, comme je le mentionnais, des
sanctions au Code criminel, que cela soit sans appel, pour des cas qui peuvent
parfois être des cas de bonne foi, de meilleur effort. Tout cela me
semble assez subjectif. Il me semble y avoir des pouvoirs
discrétionnaires énormes, et en plus le fait qu'on supprime
systématiquement l'appel me semble Inquiétant. D'autre part, la
composition de cette commission m'inquiète aussi. On pose des questions;
peut-être que, si on a toutes les réponses à ces questions,
on sera rassuré, mais pour le moment c'est sûr que cela a
inquiété énormément nos membres.
M. Godin: Est-ce que vous croyez qu'il devrait y avoir une
consultation de l'Association des producteurs de films et de vidéo avant
de nommer un des membres ou les membres de la commission?
Mme Raymond: Avant cela, j'aimerais surtout
énormément que nous soyons consultés quant au texte. Comme
cela, on s'entendrait bien sur ce que cela veut dire et ensuite on pourrait
certainement être, je pense, très efficace en assistant le
gouvernement dans la nomination, par nos suggestions, des gens qui seraient
à la commission.
M. Godin: ...être moins inquiets. Mme Raymond:
Oui.
M. Godin: On a entendu ce matin l'ADISQ et les producteurs de
disques qui, eux, craignaient que de tels droits donnés à leurs
employés, chanteurs, musiciens et autres, mettent en danger
l'équilibre financier de leur maison. Est-ce que. dans le cas des
maisons qui font des films ou des vidéos, de telles craintes existent ou
pas du tout? (20 h 45)
Mme Raymond: Je ne vols pas dans la loi quoi que ce soit qui
puisse nous faire craindre ce genre de déséquilibre. Par
ailleurs, l'imprécision des secteurs de négociation est
certainement quelque chose qui nous Inquiète. Comme j'expliquais tout
à l'heure, la façon d'entériner des conventions entre
artistes et un producteur et l'application que ces conventions qui pourraient
ensuite s'étendre dans l'ensemble de l'industrie, cela, pour nous, est
inquiétant.
M. Godin: Merci, Mme la vice-présidente. M. le
Président, j'ai terminé mes questions pour l'instant.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Mercier. Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Bonsoir, mesdames.
J'ai lu... Évidemment, il est difficile de faire une analyse puisqu'on
vient de l'avoir, mais quand même j'ai été attiré
dans votre mémoire par ce qui me semble être une contradiction, et
vous allez me permettre de mettre ensemble deux morceaux de phrases à la
page 4 et à la page 7.
Alors, deuxième paragraphe de la page 4, vous dites, parlant de
la définition de l'artiste: C'est là une définition
très large et englobante qui pourrait inciter nombre de
spécialistes, aujourd'hui regroupés au sein du syndicat des
techniciens, par exemple, à se constituer en secteur de
négociation distinct: directeur de la photographie, directeur
artistique, créateur de costumes, montage, etc.
À la page 7, vous dites: Nous pensons d'ailleurs que le
rôle des gouvernements à cet égard consiste à
préserver la société et les individus contre
l'établissement de monopoles ou cartels et à assurer fa
liberté d'association et la libre concurrence et non les restreindre".
Nous proposons donc de retirer du projet de loi 90 les dispositions qui
confèrent un monopole exclusif de reconnaissance à une
association dans un secteur donné.
Comment pouvez-vous à la fois avoir des appréhensions
quant à un éclatement, je dirais, des différents secteurs
reliés au syndicat des techniciens et en même temps avoir une
appréhension par rapport au regroupement d'un même secteur au sein
d'une même association? Il y a comme quelque chose qui me semble
être un peu contradictoire...
Mme Raymond: Je pense que vous n'avez peut-être pas
entièrement compris, comme quoi il faut vraiment qu'on se parle, Ce que
nous essayons dans ce mémoire d'expliquer c'est que, d'une part, cette
fragmentation des secteurs est une possibilité qui semble incluse dans
la loi; par ailleurs, il reste possible, tel qu'on peut le lire dans ce projet
de loi, que dans chacun des secteurs il y ait un monopole. Donc, est-ce que
vous voyez là qu'on peut avoir une multitude de plus petits monopoles,
mais que cela reste quand même une situation monopolistique? Je pense que
j'ai expliqué tout à l'heure à Mme Bacon qu'on pouvait en
arriver à cette situation de monopole si on ajoutait en même temps
le caractère de représentativité qui serait reconnu par la
commission avec le 51% et en même temps avec les droits acquis pour
certaines associations qui existent déjà. Je ne pense pas que ces
deux paragraphes soient...
Mme Blackburn: Ce que vous dites, c'est que cela devrait
fonctionner à peu près comme dans les syndicats. Je pense en
particulier à des secteurs qu'on connaît mieux, les secteurs
public et parapublic, où vous pouvez avoir des professionnels
affiliés à CSN, à la FTQ et à la CEQ.
Mme Raymond: Est-ce que vous croyez que cela sera permis avec
cette loi-là?
Mme Blackburn: Non, mais c'est ce que vous souhaitez. Dans le
fond, vous dites: II ne faudrait pas que tous les danseurs se retrouvent au
sein de la même association.
Mme Raymond: Ce n'est pas forcément cela qu'on souhaite:
on fait simplement reconnaître que la façon dont le processus a
l'air de se développer, tel que décrit dans le projet de loi,
cela peut nous amener rapidement et facilement à un système de
monopole dans chacun des secteurs plus petits, je suis d'accord, mais un
monopole dans chacun des secteurs si on prend en ligne de compte en même
temps la nécessité d'avoir une majorité. Comme la
commission sera le seul organisme chargé de statuer sur le
bien-fondé de l'association et qu'une seule association aura le droit de
représenter ce secteur-là, on se retrouve donc dans une situation
de monopole.
Mme Blackburn: Alors, ce que je comprends, vous me corrigerez si
j'ai tort, c'est que vous dites, par exemple, dans un secteur comme la danse,
on pourra avoir...
Mme Raymond: Est-ce comprendre le cinéma, parce que je
connais mieux le cinéma que la danse?
Mme Blackburn: Moi, je connais mieux la danse que le
cinéma.
Le Président (M. Trudel): On peut s'entendre sur un
autre...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: On pourrait peut-être essayer de s'entendre
sur la musique.
Le Président (M. Trudel): On pourrait parler de
théâtre.
Mme Blackburn: Sur la musique ou le théâtre, tiens.
Théâtre, tiens.
Le Président (M. Trudel): Merci!
Mme Blackburn: Alors, vous pourriez avoir trois associations
représentant les comédiens et comédiennes. Donc, est-ce
que c'est ce que vous souhaitez? Si c'est ce que vous souhaitez, je vous
comprends un peu comme producteurs, parce qu'à ce moment-là vous
négociez les uns avec les autres, l'un un peu plus souple, l'autre un
peu moins souple. Il s'exerce effectivement une compétition mais...
Mme Raymond: C'est-à-dire que ce n'est pas
forcément trois de façon concurrente et en même temps.
C'est simplement la possibilité d'évoluer. Quand il y a un
monopole et que les règles de changement sont extrêmement
difficiles et qu'en plus il y a certaines clauses de droits acquis, c'est
là où on en arrive à une situation difficile. On vit
actuellement dans une situation de monopole, mais elle n'est pas reconnue par
une loi. Si demain il y avait une seconde association d'artistes qui se
formait, je pense qu'il n'y a rien qui empêcherait, même une
association minoritaire, de signer des conventions ou, enfin, de
négocier. C'est cette transition-là qui nous parait
extrêmement menacée dans le document actuel.
Mme Blackburn: Quand vous parlez d'associations qui,
actuellement, constituent un monopole, pensez-vous à l'UDA?
Mme Raymond: Par exemple.
Mme Blackburn: Je pense qu'il faut dire les choses de
façon claire.
Mme Raymond: C'est-à-dire que, comme iI y en a plusieurs, je
n'essaie pas, je suis sûre que vous êtes...
Mme Blackburn: Mais du moment où cette association
regroupe des artistes des différents secteurs, à ce
moment-là...
Mme Raymond: Non, mais, par exemple la Guilde des musiciens, iI y
a eu, si je ne m'abuse, certains efforts pour avoir une association de
musiciens québécoise. De la façon que la loi est
écrite en ce moment, est-ce que cela permettrait facilement
à une nouvelle association de musiciens, une association strictement
québécoise, de se former? Je pose la question parce que, si oui,
ce n'est pas clair pour nous. Alors, ce serait peut-être
intéressant que cela soit clarifié parce qu'en ce moment, avec
les droits acquis de la guilde actuelle, cela ne nous paraît pas
évident que c'est facile ou que c'est même pensable d'arriver
à une majorité à temps pour se faire reconnaître
à la commission.
Mme Blackburn: Je vous remercie. Mme Raymond: Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la
députée de Chlcoutimi. J'aurais juste une remarque à vous
faire. J'ai encore le goût, sauf qu'il est déjà presque
neuf heures moins cinq minutes, car on a reçu un mémoire touffu
sur le plan juridique... Je n'ai pas eu le temps de le lire. Cela aurait
été probablement intéressant de discuter sur ce
plan-là. L'impression que je garde de votre mémoire - ou alors
j'ai mal compris votre mémoire, ce qui est toujours possible parce
qu'à la fin d'une journée comme cela, peut-être pas la fin,
on est presque au milieu de la journée, mais on a dépassé
un peu le milieu de la journée - je n'ai pas l'impression qu'on a lu le
même projet de loi. Vous exprimez des craintes que je respecte, mais une
lecture attentive du projet de loi 90, déposé, je vous ferais
remarquer, le 12 novembre dernier, ne me permet pas de parvenir aux
conclusions, comme Mme la ministre disait tantôt - mais je pense qu'elle
vous a rassurées un petit peu - plutôt alarmistes qui sont
contenues dans votre mémoire.
Encore une fois, j'aurais aimé en discuter mais... Ce n'est pas
un reproche que je vous fais, soit dit en passant, les délais pour la
consultation ont été relativement courts, compte tenu des
circonstances. Vous êtes arrivées avec votre mémoire ce
soir. Si on l'avait eu hier soir ou même tôt ce matin, quant
à mol je serais intervenu. Vous n'êtes pas avocat, moi je suis
avocat mais je n'ai pas pratiqué depuis 20 ans. Je vois M. Desmarais, en
arrière, qui a peur dès que je parle - il est comme moi, on s'en
reparlera tantôt. Il n'est pas question qu'on entreprenne une discussion
juridique ce soir.
J'espère, Mme Raymond, que Mme la ministre aura su vous rassurer
au moins un petit peu et que votre échange avec M. Godin vous aura
éclairée, il n'y a pas de doute là-desssus, et que vous
repartirez plutôt rassurée sur - je ne devrais peut-être pas
le dire, mais je vais le dire - l'absence d'intentions que vous voyez dans ce
projet de loi. Enfin, ce que vous y voyez, moi je ne le vois pas et je n'ai pas
l'impression que le gouvernement ait les intentions ou a pu penser ce que vous
pensez qu'on a pensé. Pardonnez-moi la façon de vous le dire,
mais...
Mme Bacon: C'est une façon très claire de le
dire.
Le Président (M. Trudel): C'est une façon
très claire de le dire, oui.
Mme Raymond: Si on réussit simplement ce soir à
vous faire bien comprendre qu'on a besoin d'explications et que c'est
peut-être très Important que l'association qui regroupe des
producteurs qui font plus de 95 % de la production indépendante au
Québec... Au moins, qu'on leur explique et qu'à ce
moment-là on puisse ensemble voir ies ambiguïtés qui
entraînent nos inquiétudes. Cela nous permettrait d'être
effectivement moins alarmés, mais je dois vous dire que j'espère
que les jours qui viennent vont me permettre de revenir en disant que le
conseil d'administration n'est plus Inquiet, mais, pour le moment, je suis
encore inquiète. Merci.
Le Président (M. Trudel): D'accord. Merci, madame. Mme la
ministre.
Mme Bacon: J'aimerais pour le mot de la fin, peut-être,
pour que vous quittiez plus sereine, vous dire que même si nous avions
expliqué les grands paramètres du projet de loi à M.
Demers, votre président, mon conseiller juridique, Me Brière,
fulmine un peu quand il voit ta rédaction de Martineau Walker du projet
de loi et il demande exactement d'avoir un "senior" avec qui il pourrait
discuter. J'ai voulu traduire sa pensée. Je pense qu'il serait important
qu'il y ait une rencontre, une consultation qui soit faite où il y
aurait vraiment une explication et de l'information qui soient données.
Quand on est mieux informé, on est peut-être plus serein Alors,
cela sera fait.
Mme Raymond: En tout cas, on comprend mieux de part et d'autre,
et je pense que c'est cela qui est important. Je vous remercie infiniment.
Mme Bacon: D'accord.
Le Président (M. Trudel): Merci de vous être
présentées devant nous et bon retour à
Montréal.
Mme Raymond: Merci.
Le Président (M. Trudel): Sans suspendre, j'inviterais
maintenant M. Plamondon et Mme Lemay de la Société
professionnelle des auteurs-compositeurs du Québec à s'asseoir
devant nous. Je crois comprendre, M. Plamondon, que vous avez des notes
manuscrites à nous communiquer dans les minutes qui viennent.
Alors, au nom de la commission, M. Plamondon et Mme Lemay, que nous
revoyons après l'avoir rencontrée une première fois au
mois de mai... M. Plamondon, ce premier rendez-vous
avait été manqué, vous étiez souffrant, je
pense; on vous avait souhaité un prompt rétablissement, on voit
que cela est fait. Remarquez que, 18 mois après, on souhaite ardemment
que cela soit fait. Alors, vous avez plus ou moins 20 minutes pour nous donner
vos commentaires et, par la suite, on engagera la discussion avec vous.
Société professionnelle des
auteurs-compositeurs du Québec
M. Plamondon (Luc): Bonsoir, Mme Bacon, bonsoir, tout le monde.
Je vais me faire engueuler par M. Trudel parce que j'ai écrit mon
mémoire dans l'autobus en venant de Montréal, donc...
Le Président (M. Trudel): D'abord, je n'engueule pas
à moins d'avoir... J'ai une réputation surfaite de ce
côté-là, je suis convaincu.
M. Plamondon: Ah non! Je me trompe, cela est un texte de chanson.
Vous voyez?
Le Président (M. Trudel): Ah bien, vous pouvez commencer
avec celui-là quand même, je n'ai pas d'objection.
M. Plamondon: Cela serait peut-être plus drôle. Non,
mais je voudrais commencer d'abord par des félicitations: bravo d'avoir,
en un aussi court laps de temps, élaboré un projet! C'est assez
rare qu'on voie un gouvernement pouvoir accorder à des artistes des
demandes aussi rapidement. Je n'ai qu'une seule réticence
vis-à-vis du projet. Tout ce qui est dans le projet lui-même, je
suis d'accord avec cela. Ma seule réticence, c'est que je ne me sens pas
inclus dans ce projet et je me considère comme un créateur du
monde du disque, du cinéma et de la scène. Je vais vous expliquer
ma théorie.
Le projet de loi, à mon avis, est composé de deux volets
qui sont clairement indiqués dans le titre de la loi.
C'est-à-dire, c'est d'abord une loi sur le statut professionnel des
artistes et des créateurs. Deuxièmement, c'est une loi sur les
conditions d'engagement des artistes. Je pense qu'il est important de
distinguer ces deux volets parce que, moi, je pense que je voudrais faire
partie du premier, mais que je ne peux pas faire partie du deuxième,
parce que je ne suis pas un créateur qu'on engage. Moi, je vis de
l'exploitation de mes oeuvres comme les écrivains et comme les artistes
en arts visuels. Je ne travaille jamais sous contrat. Je ne suis jamais
engagé par un producteur de disques ou un producteur de scène ou
de télévision. J'écris mes oeuvres. Elles sont
déposées dans les sociétés d'auteurs et tout le
monde peut les utiliser contre un paiement de droit d'auteur. Enfin, je pense
tout de même que le premier volet de la loi qui veut donner aux artistes
et aux créateurs du Québec un statut de travailleur autonome,
c'est-à-dire pratiquant un art à son propre compte, c'est le
texte de la loi que je cite, devrait s'appliquer à toutes les
catégories d'artistes et de créateurs. Je n'arrive pas à
comprendre pourquoi, si vous voulez, un gouvernement arrive a donner à
ces artistes et à ces créateurs un statut professionnel et exclut
une grande partie des créateurs, c'est-à-dire tous les artistes
en arts visuels, tous les écrivains, auteurs de théâtre,
romanciers et paroliers. (2t heures)
La deuxième section, qui est la section qui concerne les
négociations de travail, qui est une loi sur les relations du travail,
on est d'accord, on est très content qu'elle soft accordée aux
artistes que cela concerne, c'est-à-dire aux
artistes-interprètes, aux réalisateurs de cinéma, à
tous les gens qui travaillent sous contrat, ou aux auteurs de
télévision, bien que la télévision ne soit pas
Incluse, parce que cela relève du fédéral. Pour la
même raison, évidemment, le droit d'auteur ne peut pas être
inclus, puisqu'il relève de la loi fédérale et ce n'est
pas la place, devant cette commission, de venir discuter de droit d'auteur.
La raison pour laquelle on voudrait être inclus dans le premier
volet, c'est que si, par la suite, le ministère du Revenu s'appuie sur
ce texte de loi pour accorder des avantages fiscaux et des avantages sociaux
aux artistes et aux créateurs, on voudrait, nous aussi, en être
bénéficiaires. On dit bravo pour ce que vous accordez aux
artistes-interprètes et à tous les créateurs qui
travaillent contractuellement. Mais nous disons aussi: Nous, les autres
créateurs, nous voudrions bénéficier de ces avantages
sociaux et fiscaux qui découleront de ce texte de loi. C'est pourquoi je
me demande si la loi n'aurait pas Intérêt à être
divisée en deux volets: un qui accorde un statut professionnel à
tous les artistes créateurs du Québec, y compris les artistes en
arts visuels et les écrivains et, d'autre part, un deuxième volet
qui est composé de cette Commission de reconnaissance des associations
d'artistes et qui ne s'adresse qu'aux associations d'artistes pouvant
négocier des ententes collectives avec les producteurs. Ce qui n'est pas
le cas, en général, des artistes en arts visuels, des
écrivains, des auteurs de chansons, des romanciers, des auteurs de
théâtre, etc.
Cela résume ma pensée. Je me suis éloigné de
mon texte, mais cela a été plus vite. Je voulais suggérer,
donc, qu'on change la première phrase de la loi qui dit: "La
présente loi s'applique aux artistes et aux producteurs qui les
engagent..." Ce qui me dérange, c'est "qui les engagent". C'est ce
mot-là qui limite la portée de la première partie de la
loi aux artistes qui sont les salariés et les contractuels. Si le texte
disait simplement: La présente loi s'applique aux artistes et aux
producteurs, cela inclurait tout le monde. Mais, quand vous dites "aux
producteurs qui les engagent", cela limite la portée du texte de loi
à ceux qui travaillent contractuellement et cela exclut ceux qui vivent
de l'exploitation de leurs oeuvres. Je souhaiterais qu'aucun
créateur
ne soit exclu des bénéfices du premier volet de la
loi.
Pour ce qui est du deuxième volet de la loi qui concerne les
relations du travail ou les conditions d'engagement des artistes de la
scène, du disque et du cinéma, et les pouvoirs accordés
aux associations d'artistes et de créateurs qui sont en mesure de
négocier des ententes collectives avec leurs employeurs, les
paramètres de la loi m'apparalssent évidents. Ce deuxième
volet, en effet, ne peut concerner que certaines catégories d'artistes
ou de créateurs. Il semble évident que tous les créateurs
qui sont rémunérés par un droit d'auteur ne pourraient
venir régler leurs différends ou leurs ententes avec les
producteurs devant cette commission, puisque le droit d'auteur relève du
gouvernement fédéral qui dans son nouveau projet de loi C-60 sur
le droit d'auteur est en train de créer une Commission du droit d'auteur
qui arbitrera tous les litiges, dans tous les domaines où la gestion
collective est organisée. En ce moment, dans la loi de 1924, la
Commission du droit d'auteur à Ottawa ne s'applique qu'aux auteurs de
chansons et aux compositeurs de musique. La Commission du droit d'auteur ne
s'occupe que des droits d'exécution publique. Mais, si le texte de loi
C-60 est adopté tel qu'il est déposé, les pouvoirs de la
Commission du droit d'auteur à Ottawa seront étendus à
tous les domaines du droit d'auteur et toutes les sociétés de
perception de droits, quelles qu'elles soient, seront soumises à
l'arbitrage de cette commission.
Je posais une question, à la fin de mon texte, en disant: Faut-il
donc exclure des pouvoirs de la commission de reconnaissance toutes les
questions de droit d'auteur ou faut-il y voir une invitation à
contourner la loi fédérale et à venir ici laver notre
linge sale en famille? Cela nous plairait bien. Cela, c'est une blague pour
finir.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. Plamondon. Mme la
ministre.
Mme Bacon: Merci, M. Plamondon, Mme Lemay. C'est assez difficile
pour nous, je pense, de suivre un peu. Mais je vais essayer de suivre le
cheminement que vous avez fait dans le dossier. Vous avez parlé du
statut professionnel, des conditions d'engagement, des catégories de
créateurs. On a dit au cours de la journée - et je l'avais dit
à l'occasion de la deuxième lecture de ce projet de loi - que les
artistes en arts visuels, par exemple, les métiers d'art et d'autres,
seront couverts par une autre loi et on leur a demandé de nous faire des
propositions, de nous faire des recommandations. Il y a des consultations qui
sont faites entre les gens du ministère et eux. C'est eux-mêmes
qui nous ont demandé de ne pas être inclus dans ce présent
projet de loi, mais de faire plutôt un projet de loi pour eux seuls, au
fond. Ils ne voulaient pas être inclus et c'était difficile de les
inclure dans celui-là puisque je pense que le but n'est pas le
même ou la fin n'est pas la même.
Alors, nous aurons ce cheminement qui se fait. On attend les
recommandations et les suggestions et on pourra préparer un prochain
projet de loi qui couvrira l'ensemble de ces disciplines culturelles. Selon
votre interprétation de la loi, je pense que, quand on regarde le terme
"créateur", pour nous, il Incluait "auteur". Il faudrait peut-être
être plus spécifique, suivant ce que vous demandez. Mais ce qui
nous faisait peur, c'est que, à trop spécifier, si on avait
ajouté, d'autres Interprétations ou d'autres termes, on risque
d'exclure. C'est souvent ce qu'on se dit quand on commence à faire des
articles d'une loi. Sauf que je pense qu'il va falloir le regarder. Si, pour
les gens, créateur ne veut pas dire auteur, à ce
moment-là, on regardera s'il ne faut pas spécifier davantage,
dans le projet de loi, et vraiment inclure auteur à la suite de
créateur.
M. Plamondon: Je crois que, Justement, en spécifiant trop,
vous avez exclu, en disant: "les producteurs qui les engagent" et en disant,
à la page 6 de la loi, à l'article 4: "Pour l'application de la
présente loi, l'artiste qui s'oblige habituellement envers un ou
plusieurs producteurs au moyen de contrats... est réputé
pratiquer un art à son propre compte." Ce n'est pas dans la
définition d'artiste qu'on est exclu...
Mme Bacon: Ce n'est pas tellement là que vous en
avez..
M. Plamondon: Dans la définition d'artiste, je me sens
complètement inclus...
Mme Bacon: D'accord,
M. Plamondon: ...quand je lis: "une personne physique qui
pratique son art à son propre compte, moyennant
rémunération - mes droits d'auteur, c'est ma
rémunération - à titre de créateur ou
d'interprète dans un domaine visé à l'article 1" Je me
sens tout à fait inclus. Mais quand, par contre, à l'article 4,
on limite la portée de la loi aux artistes qui s'obligent habituellement
envers des producteurs au moyen de contrats, là. je me trouve exclu,
parce que je ne travaille pas...
Mme Bacon: "qui les engagent" vous exclut.
M Plamondon: Je ne serais Inclus que lorsque... Par exemple, en
ce moment, je suis en train d'écrire un film musical. Là, je vais
signer un contrat de scénariste avec un producteur de films. Alors,
là, je suis inclus, par contre, tout à coup dans la loi. Mais je
ne le suis pas... C'est quand on parle des négociations, du
deuxième volet de la loi, qu'on est concernés par ces
termes-là. Mais est-ce qu'il n'y a pas au départ un
énoncé qui dit que le gouvernement accorde
aux artistes un statut de travailleur autonome? Je pense que c'est
à l'article 4, justement, qu'il est accordé, ce statut, quand on
dit: L'artiste est réputé pratiquer un art à son propre
compte. C'est cela, la phrase importante de la loi, non? Je ne me trompe pas
quand je dis cela.
Mme Bacon: C'est vraiment important, mais il y a une chose dans
l'article 1, si vous voulez y revenir. Vous voulez que nous enlevions "qui les
engagent". Il y a des gens qui nous ont suggéré, aujourd'hui, de
remplacer "qui les engagent" par "qui retiennent leurs services
professionnels". Est-ce que cela, ça semble vous exclure ou si c'est
mieux que de dire "qui les engagent".
M. Plamondon: Cela me semblerait déjà mieux. Mais,
encore là, iI faut définir les mots.
Mme Bacon: Mais disons que vous touchez quand même...
M. Plamondon: Évidemment, ta commission pourra toujours
définir les mots, mais...
Mme Bacon: ...un point Important.
M. Plamondon: Moi, j'avais pensé aux producteurs qui les
engagent ou qui les lient par des ententes collectives. Mais, encore là,
en tant qu'auteur on peut difficilement faire des...
Mme Bacon: Ce n'est pas toujours collectif.
M. Plamondon: Pardon?
Mme Bacon: Ce n'est pas toujours collectif.
M. Plamondon: Bien, ça va l'être de plus en plus,
comme dans tous les autres domaines, si vous voulez.
Mme Bacon: En tout cas, vous avez quand même un point
intéressant. Cela va nécessiter qu'on fasse certaines
précisions. Parce que cela a été
répété aujourd'hui par certains groupes qui sont venus et
qui nous ont fait la même remarque que vous nous faites.
M. Plamondon: Vous ne pouvez pas dire: Aux artistes et aux
producteurs qui les engagent ou exploitent leurs oeuvres?
Mme Bacon: On dit: Qui retiennent leurs services professionnels.
Ce n'est pas la même chose?
M. Plamondon: Mais, normalement, par services professionnels, on
entend du temps de travail. On paie des honoraires pour des services
professionnels. Ce n'est pas tout à fait la même chose. Moi, je ne
suis Jamais payé pour écrire. Je livre mes oeuvres et, ensuite,
si mes oeuvres connaissent une exploitation je reçois des droits
d'auteur en rémunération, six mois plus tard, un an plus tard,
deux ans plus tard, mais jamais au moment où j'écris, même
au moment où je livre l'uvre. Jamais, je ne suis mis sous contrat.
Il y a une licence d'exploitation de l'oeuvre qui est signée entre le
producteur et l'auteur. Ce sont des licences collectives qui sont
signées, par exemple, entre les producteurs de spectacles et la CAPAC
qui représente les droits d'exécution publique, il est question
d'une entente collective qui serait signée entre l'ADISQ et la SODRAC
qui représente les droits phonographiques des auteurs compositeurs.
Ça, ce n'est pas encore fait, mais c'est une chose qui... Ces
négociations collectives vont tomber complètement sous le coup de
la Commission du droit d'auteur à Ottawa. Alors, c'est évident
qu'on ne viendra pas discuter de la même chose aux deux endroits. Je ne
pense pas que ce soit votre intention.
Mme Bacon: Non.
M. Plamondon: Ma seule crainte, c'est que, à la suite de
ce projet-là, on accorde... Et ce n'est pas une crainte, je serais
heureux que le ministère du Revenu accorde un régime fiscal
spécial aux artistes et je voudrais être inclus là-dedans.
Pas seulement moi, mais les écrivains, les auteurs de
théâtre, les romanciers et je pense que les artistes en arts
visuels devraient l'être aussi. Je ne suis pas là pour les
défendre. M. Juneau me disait l'autre jour au groupe-conseil sur le
statut de l'artiste que c'est sur ce texte que s'appuierait le ministère
du Revenu pour accorder des avantages...
Mme Bacon: Dans ce texte-là... M. Plamondon:
...fiscaux.
Mme Bacon: ...mais quand même, je le disais tantôt,
au chapitre des arts visuels, des métiers d'art et d'autres, il y aurait
un deuxième volet. Et...
M. Plamondon: Mais qu'est-ce que vous faites des
écrivains? Dites-nous ça.
Mme Bacon: II faudrait regarder de très près. Je
dois vous dire que M. Séguin, notre collègue Séguin du
ministère du Revenu, a une représentante qui est restée
ici toute la journée pour écouter tout le monde et qui a bien
pris des notes. Alors, je pense qu'elle va sûrement faire rapport
à M. Séguin comme je le ferai. Mais nous allons quand même
en discuter avec lui en ce qui concerne les créateurs, les auteurs et
voir...
M. Plamondon: II nous a semblé quand même qu'au
départ il était votre intention de...
Mme Bacon: ...exclure M. Plamondon.
M. Plamondon: Non, non. Mais i! était votre intention de
faire une loi qui couvrait tous les créateurs. Et c'est le volet de la
négociation collective qui vous a fait éliminer une partie des
créateurs. Mais ils...
Mme Bacon: Mais...
M. Plamondon: ...n'ont pas à être
éliminés du premier volet qui accorde un statut de travailleur
autonome aux créateurs.
Mme Bacon: ...ce que nous avons gardé, M. Plamondon, pour
un deuxième volet, c'est à leur demande Comme on parlait des arts
visuels au cours de la journée, c'est à leur demande. Les
métiers d'art, c'est à leur demande. Et c'est pour ça que
nous avons conclu avec eux qu'ils pourraient nous envoyer des recommandations.
On va travailler avec eux dans un deuxième volet. Je pense qu'on ne peut
pas tout mettre dans une loi. C'était quand même un premier pas et
j'ai toujours dit qu'il y en aurait d'autres C'est le premier pas que nous
franchissons. Je ne veux pas que ça vous cause...
M. Plamondon: Expliquez-moi comment ça va se passer quand
le ministère du Revenu va décider d'accorder aux artistes et aux
créateurs des régimes fiscaux spéciaux, par exemple,
l'étalement des revenus. Ou, par exemple, le ministère du Revenu
pourrait décider que le droit d'auteur n'est pas imposable. Ce serait
une bonne idée étant donné que les droits d'auteur sont si
petits au Canada et au Québec en particulier à cause de la
petitesse du marché. Enfin, ça existe dans d'autres pays,
pourquoi pas ici?
Mme Bacon: ...des considérations importantes. (21 h
15)
M. Plamondon: Non, mais je veux dire: Est-ce que le
ministère du Revenu aura le droit de le faire? Est-ce que le
ministère du Revenu nous exclura aussi si nous sommes exclus de ce texte
ici? C'est ma seule préoccupation, c'est la seule chose pour laquelle je
suis venu.
Mme Bacon: Pas nécessairement. Je pense qu'on peut voir
avec le ministère du Revenu En ce moment, il y a un comité de
formé avec le ministère du Revenu, avec un groupe d'artistes,
avec le ministère des Affaires culturelles. On est en train de regarder
ce qui peut être fait en ce qui concerne la Loi sur les impôts,
s'il y a des possibilités au chapitre de la fiscalité d'accorder
des avantages. Où est rendu le dossier? Cela chemine. Je pense qu'on
peut quand même... Et, comme je vous le disais tantôt, M. le
ministre du Revenu a une représentante ici toute la journée, qui
va sûrement lui faire rapport de vos demandes et j'en ferai de
même. Alors, nous allons voir si on peut inclure dans un premier temps
les auteurs.
M. Plamondon: D'accord.
Mme Bacon: Comme vous en faites la demande devant la commission,
je pense que cela va lui être transmis.
M. Plamondon: Je vous remercie. Mme Bacon: Merci
beaucoup.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Mercier.
M. Godin: Merci, M. le Président. M. Plamondon, on aurait
souhaité, nous de l'Opposition, que la loi relative au revenu soit
déposée en même temps que celle-ci. Mais, malheureusement,
le comité a été formé le jour où la loi a
été déposée. Donc, on n'aura pas avant un an et
demi ou plus, peut-être un peu moins, si la ministre leur tord un peu les
bras, un statut fiscal précis, particulier et spécifique pour les
créateurs du Québec. Maintenant, la question que vous posez est
intéressante, parce qu'on ne sait pas si effectivement cette loi nous
permet de nous raccrocher, nous, (es écrivains, à un statut
d'artiste digne de ce nom, au plan fiscal surtout, qui est ce qui nous
préoccupe. Le Québec, à mon avis, doit donner l'exemple au
Canada anglais dans le cas de la réforme Wilson au plan fiscal.
J'aimerais donc vous entendre sur ce que vous estimez qu'il serait utile qui se
passe au plan fiscal pour les écrivains du Québec. Parce que
déjà ce matin des gens sont venus nous dire que la formule
idéale serait une formule qui ferait une espèce de retenue
automatique, c'est-à-dire qu'on enlèverait automatiquement 30 %
du revenu comme étant une déduction automatique pour un
créateur. Il y a peut-être d'autres formules que celle-là.
J'aimerais vous entendre là-dessus si vous avez des choses à dire
sur un statut d'artiste au plan fiscal avant la réforme Wilson, dans la
mesure où la réforme Wilson va s'inspirer de ce que les provinces
pourraient peut-être lui suggérer.
J'aimerais donc vous entendre sur ce que vous estimez qui pourrait
être fait au plan fiscal pour les créateurs du Québec.
M. Plamondon: Je pense que, premièrement, il faut d'abord
rétablir le régime d'étalement des revenus dont on a
bénéficié un certain temps parce qu'il est évident
que tous les artistes et créateurs sont des gens qui, une année,
peuvent gagner beaucoup d'argent et ensuite travailler pendant deux ans sans
rien gagner, pour pouvoir de nouveau gagner de l'argent. Donc,
l'étalement des revenus nous permettait, une année où on
faisait beaucoup d'argent ou qu'on en faisait plus qu'une autre année,
de mettre une partie de l'argent de côté, non Imposable, et de
récupérer une partie de cet argent dans les années creuses
et, à ce moment-là, les sommes devenaient
imposables cette année-là. Je pense que je n'ai pas besoin
de vous expliquer ce qu'est le régime d'étalement des revenus.
Cela a existé pendant plusieurs années et cela n'existe plus.
Vous savez, un auteur qui écrit un livre ou une pièce de
théâtre, quelqu'un qui fait un film ou un acteur qui a une
série à la télévision une année, souvent il
a des revenus importants cette année-là, mais les deux
années que l'auteur passe à écrire son livre, pendant ces
années-là, les revenus sont maigres. C'est intéressant
pour l'auteur de bénéficier, pendant les années où
il écrit, des retombées des années où il a
gagné beaucoup d'argent. Cela est une chose.
Comme je l'ai dit tout à l'heure en boutade, mais ce n'est pas
vraiment une boutade, il y a des pays où les droits d'auteur sont exclus
des impôts. On vit dans un pays où les droits d'auteur sont
tellement minimes comparativement au reste du monde pour deux raisons: parce
qu'on a une loi qui est complètement désuète et qui ne
reconnaît pas des droits dans beaucoup de secteurs où on devrait
toucher de l'argent et où on n'en touche pas et, d'autre part, parce
qu'on a un tout petit marché et que, même avec une bonne loi du
droit d'auteur, la plupart des auteurs n'arriveraient pas à vivre de
leurs oeuvres convenablement. Ce serait une solution, en tout cas, de rendre
les droits d'auteur non imposables jusqu'à un plafond à
déterminer par le gouvernement.
M. Godin: M. Plamondon, est-ce que je peux demander à la
ministre si dans ses projets et dans ceux de son collègue, M.
Séguin, du Revenu, les auteurs de livres sont inclus ou pas, même
si la loi n'en parle pas. Les auteurs, les écrivains, sont-ils
inclus?
Mme Bacon: Tous ces - si vous me permettez de le dire -
métiers-là font l'objet de reconsidération et de
révision de la part du ministre du Revenu, tout ce qui touche le
culturel et je pense que...
M. Godin: Même s'ils ne sont pas dans cette loi-là,
dans le rapport du ministre du Revenu, ils sont inclus quand même.
Mme Bacon: Pour nous, ce sont des artistes et des
créateurs; alors, tout ce qui est culturel, on regarde cela en ce
moment.
M. Godin: Est-ce que cela répond à votre question,
M. Plamondon? Même si on ne parie pas d'écrivain dans ce projet de
loi-là, le comité qui se penche sur la fiscalité des
créateurs inclurait les auteurs.
M. Plamondon: Ah oui, à ce moment-là, cela
élimine mes inquiétudes.
Mme Bacon: Oui, et c'est pour cela tantôt que je disais
qu'au niveau du terme créateur on avait pensé d'ajouter auteur,
mais cela pourrait se faire puisque, comme le demandait M. Plamondon, il y a
une possibilité, sauf qu'on disait: Si on devient trop
spécifique, on risque d'en exclure. Par contre...
M. Plamondon: Même si vous ajoutez "auteur", comme il est
dit les artistes de la scène, du disque et du cinéma, vous
éliminez les auteurs de livres. Les auteurs de livres ne sont pas
inclus, c'est évident, ils ne sont pas dans le titre de la loi, ils sont
exclus. Louis Caron quf est président de votre groupe-conseil, en lisant
te texte l'autre jour, a dit: Je me sens exclu, je suis un romancier, je suis
un auteur de livre, je ne suis pas là. C'est sûr que les auteurs
de livres ne sont pas là. Je pense que les auteurs de chansons non plus
n'y sont pas, mais cela, c'est une question d'interprétation du "qui les
engagent". Les auteurs de chansons, on pourrait arriver à s'infiltrer
là-dedans, disons, parce qu'on pourrait dire qu'on est des
créateurs du disque et de la scène et on pourrait arriver
à s'infiltrer comme les auteurs de théâtre pourraient dire:
On est des créateurs de la scène. Par contre, les auteurs de
livres sont carrément exclus, cela est sûr.
Mme Bacon: On peut le regarder, je pense que c'est là
qu'on peut essayer d'apporter des corrections.
M. Plamondon: Cela veut dire que c'est un peu absurde que les
auteurs soient inclus quand ils font une forme d'oeuvre et ne soient pas inclus
quand ils écrivent. Ils sont inclus s'ils écrivent un
scénario de film, mais ils sont exclus s'ils écrivent un livre ou
ils sont inclus s'ils écrivent un texte pour la radio... Non, la radio
n'est pas là non plus, la radio et la télévision ne sont
pas là non plus.
M. Godin: On tient pour acquis, Mme la ministre, que la
réforme fiscale de votre collègue du Revenu inclura les auteurs
de chansons...
Mme Bacon:...
M. Godin: ...et les écrivains. Alors, en ce qui me
concerne, M. Plamondon, c'est une bonne nouvelle pour vous.
M. Plamondon: C'est une excellente nouvelle; à ce
moment-là, j'ai fait un voyage blanc. Enfin, je vous ai exprimé
mon inquiétude; si vous répondez à mon inquiétude
là-dessus, si on n'a pas besoin d'avoir un statut professionnel pour
avoir des avantages fiscaux, alors, cela va.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Bacon: C'est une bonne nouvelle pour le député
de Mercier aussi.
M. Plamondon: Je croyais qu'on m'avait dit qu'il fallait qu'on
ait d'abord un statut professionnel pour avoir droit aux avantages sociaux et
fiscaux.
Mme Bacon: Je pense que cela aide aussi, mais, quand on regarde
la révision de la fiscalité, on regarde l'ensemble du domaine
culturel et c'est pour cela qu'on va voir quelle décision sera prise par
le ministre du Revenu et le ministre des Finances. Je ne veux pas vous annoncer
à l'avance ce qui sera dans le budget.
M. Plamondon: Mais est-ce que les producteurs vous ont
demandé aussi d'avoir droit aux avantages fiscaux? J'espère
qu'ils y ont pensé.
Mme Bacon: Pardon?
M. Plamondon: Je ne le dis pas. Bon alors, il y a d'autres
questions? Non.
M. Godin: Ils ne l'ont pas fait. Non, cela va. J'ai
terminé, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Terminé. Est-ce que Mme
la députée de Chicoutimi...
M. Godin: Je tiens à remercier M. Plamondon d'avoir
attiré l'attention de la ministre sur son statut fiscal
déplorable.
Le Président (M. Trudel): Remarquez, M. Plamondon, que
vous avez aussi sûrement rassuré M. le député de
Mercier. On ne sait pas ce qui peut se passer en fin de semaine; il peut
peut-être retourner à une carrière d'écrivain
rapidement.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Trudel): Je pense que vous l'avez
rassuré.
Mme Blackburn: J'appellerais, M. De Président, la
neutralité qu'impose le poste de président.
Le Président (M. Trudel): Je pense que ta
neutralité n'accepte pas l'humour.
Mme Blackburn: L'humour...
Le Président (M. Trudel): C'est une denrée assez
rare en politique, d'ailleurs.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Trudel): M. Plamondon, je vous remercie
infiniment de vous être présenté ce soir. Je vous souhaite
un bon retour à Montréal et je vous sens rassuré
probablement plus que le groupe qui vous a précédé.
M. Plamondon: J'avais un autre petit commentaire à faire
aussi.
Le Président (M. Trudel): Allez-y.
M. Plamondon: Au sujet de la reconnaissance des associations. La
commission de reconnaissance reconnaîtra les associations d'artistes et
de créateurs, ce qui est très bien, mais je pense aussi, pour
faciliter les choses, que ce serait bien qu'elle reconnaisse les associations
de producteurs et d'utilisateurs parce que sinon, il me semble que les
associations d'artistes vont passer leur année devant cette commission
à discuter avec chaque producteur Individuellement. Je vous cite
l'exemple de la France, c'est simplement ce que je voulais vous dire. En
France, par exemple, la SACEM qui représente les auteurs de chansons,
discute avec l'Association des producteurs de disques qui regroupe tous les
producteurs de disques. La SACEM discute avec les producteurs de spectacles,
une association qui regroupe tous les producteurs de spectacles. Quand les gens
du cinéma, les producteurs de cinéma discutent avec les
réalisateurs ou les scénaristes, ce sont toujours des
associations qui regroupent tout le monde. Moi, je ne ferai sans doute pas
partie des gens qui viendront discuter ici, sauf, peut-être, quand je
serai scénariste ou auteur dans certains domaines, mais cela
m'apparaît difficile d'imaginer que chaque association d'artistes va
discuter avec un nombre infini de producteurs. Vous savez, dans le domaine du
disque, par exemple, le producteur est celui qui a l'étiquette de
disque. Vous vous imaginez peut-être qu'au Québec il y. a trois ou
quatre maisons de disques, mais, moi, je peux vous dire qu'il y en a des
centaines. Chaque interprète a son étiquette de disque. Enfin,
toutes les vedettes ont leur... Les éditeurs ont leur étiquette
de disque. Il y a - je ne veux pas dire un chiffre - des centaines
d'étiquettes de disque. Il y a des centaines de producteurs de
spectacles aussi. Est-ce que ce ne serait pas une bonne Idée de les
forcer à se regrouper ou est-ce que vous croyez qu'ils vont être
forcés par la force des choses à se regrouper? Peut-être
que c'est cela votre...
Mme Bacon: M. Plamondon, on n'a pas voulu forcer les gens ni
à adhérer à une association, ni à s'associer,
à se regrouper. On a voulu, par le projet de loi, laisser la
liberté, ne pas encadrer les gens au point où on les force
à un atelier fermé, par exemple, à appartenir à un
atelier fermé, ne pas les obliger à se former une association ou
un groupement. On veut les laisser libres de se regrouper s'ils le veulent,
sinon, c'est leur liberté. Je pense que ce projet de loi respecte la
liberté d'association et on n'a pas voulu les obliger de le faire.
M. Plamondon: Par contre, la commission de
reconnaissance va décider que, dans chaque secteur artistique,
une association en particulier représente les membres de ce secteur.
Est-ce qu'elle ne devrait pas décider aussi qui représente la
partie adverse?
Mme Bacon: Je pense que la commission de reconnaissance
reconnaîtra tout groupement qui arrivera devant elle et qui sera
regroupé en association, mais...
M. Plamondon: Les associations d'artistes.
Mme Bacon: ...si les producteurs ne veulent pas... En fait, c'est
le statut de l'artiste que nous faisons avec la loi.
M. Plamondon: Oui, bien sûr.
Mme Bacon: Si les producteurs veulent se regrouper, on ne les
oblige pas et eux-mêmes ne sentent pas le besoin de le faire, je pense,
si Je traduis bien ce qu'ils ont dit aujourd'hui. On ne peut pas les obliger et
on ne veut pas les obliger non plus à le faire.
M. Plamondon: Là, à ce moment-là, la valeur
d'une entente entre l'Union des artistes et I'ADISQ, s'il y a 200 producteurs
de disques qui ne sont pas membres de l'ADISQ...
Mme Bacon: Bien, s'ils négocient avec un groupe de
producteurs, à ce moment-là l'entente pourrait être
reconnue par la commission de reconnaissance. C'est la commission de
reconnaissance qui validera l'entente entre les deux. Par le projet de loi, la
commission a cette liberté-là de le faire.
M. Plamondon: La commission impose à tout artiste qui
n'est pas membre d'une association d'accepter quand même les conditions
minimales négociées par son association.
Mme Bacon: On ne force pas à faire partie de
l'association.
M. Plamondon: Non.
Mme Bacon: II est libre d'y adhérer ou pas, mais on lui
donne ce filet-là pour le protéger.
M. Plamondon: Absolument, oui. Ce qui est très bien.
Mme Bacon: Et on ne force pas l'Association des producteurs
à se regrouper. Il y a une grande liberté d'action.
M. Plamondon: Oui.
Mme Bacon: Vous êtes plus rigide que moi, M. Plamondon.
M. Plamondon: Bien, je vous parle de mon expérience et je
peux vous dire que, si la gestion collective des droits des artistes et des
créateurs en général en France est si efficace, c'est
parce que tout le monde est regroupé des deux côtés de la
clôture. Ici, le problème, c'est que souvent quand on s'adresse
à une association de producteurs, que ce soit de disques, de films ou de
spectacles, on s'aperçoit que cette association ne regroupe qu'un tout
petit nombre d'entre eux et que ces associations ne sont pas forcément
représentatives de l'ensemble des... Alors, est-ce que les conditions
négociées entre une association de producteurs qui... Vous dites
que, dans chaque secteur artistique, une association devra regrouper la
majorité des artistes pour être reconnue. Mol. je dis qu'on
devrait dire la même chose pour ce qui est des producteurs. Dans chaque
secteur une association devrait regrouper la majorité des producteurs
pour être reconnue et, ensuite, les négociations entre les deux
parties seraient reconnues comme des négociations... Enfin, c'est
simplement un commentaire, vous en ferez ce que vous voudrez.
Mme Bacon: Vous êtes ici pour cela, M. Plamondon.
Merci.
M. Plamondon: C'est mol qui vous remercie.
Le Président (M. Trudel): M. Plamondon et Mme Lemay, merci
infiniment et à la prochaine. Nous allons suspendre les travaux pour
quelques minutes.
(Suspension de la séance à 21 h 31) (Reprise à 21 h
43)
Le Président (M. Trudel): Est-ce que messieurs les
députés qui sont présents peuvent s'asseoir, s'il vous
plaît, de façon qu'on compte les têtes?
Une voix: Voilà ma tête.
Le Président (M. Trudel): Merci. M. le
député de Mercier, s'il vous plaît!
Pendant que les gens s'installent, vous me permettrez d'accueillir les
représentants du Syndicat des techniciennes et techniciens du
cinéma. Avant de leur céder la parole, je vais me permettre un
plaisir que je me garde depuis ce midi. En voyant M. Turgeon au fond de la
salle et M. Desmarais en face de mol maintenant, je me dis, ayant tous trois
fait nos études classiques au même endroit, et, à
l'époque, dans l'ombre de grands collèges qui s'appelaient
Brébeuf et Sainte-Marie - nous fréquentions un collège
classique beaucoup moins connu, le collège Saint-Viateur qui est devenu
la polyvalente Paul-Gérin-Lajoie - je me dis que, pour avoir fait nos
études dans un collège beaucoup plus humble, on n'a pas si mal
réussi. Je suis
prêt à faire exception de mon cas parce que je suis en
politique, mais, en vous regardant, messieurs, Je me dis qu'on pourrait presque
faire une réunion de l'amicale des anciens de Saint-Viateur, si cela
existait, mais cela n'existe pas.
Ces considérations personnelles étant faites... Une
voix: Au boulot!
Le Président (M. Trudel): ...au boulot! Madame et
messieurs du syndicat, je vous souhaite la bienvenue. Et, puisque vous
êtes des nôtres depuis 11 heures ce matin, je vous cède la
parole pour vous permettre de nous exposer votre point de vue pendant environ
20 minutes.
Syndicat des techniciennes et techniciens du
cinéma
M. Leclerc (François): Bonsoir, Mme la ministre, bonsoir,
MM. les membres de cette commission. Je voudrais d'abord vous présenter
les personnes qui m'accompagnent. Mon nom est François Leclerc. Je suis
président du Syndicat des techniciennes et techniciens du cinéma
du Québec. À ma droite, il y a Me Jacques Desmarais, procureur du
syndicat, M. Michel Siry, membre du conseil de direction du syndicat, et Mme
Hélène Dubé, coordonnatrice.
Le Syndicat des techniciennes et techniciens du cinéma du
Québec est le seul syndicat de techniciens pigistes pour la production
cinématographique du Québec. Il regroupe 700 membres et plus de
900 permissionnaires, représentant la vaste majorité des
ressources humaines, artistiques et techniques de cette industrie. Le STCQ est
né le 3 août 1983 de la fusion des deux syndicats existant
à l'époque, soit le Syndicat national du cinéma et
l'Association des professionnels du cinéma du Québec. Ces deux
associations de techniciens pigistes se sont mises d'accord, par voie de
référendum dans ce regroupement, sur les piètres
conditions de travail dans lesquelles les producteurs les maintenaient par la
loi "diviser pour régner". Le STCQ a pour objet la défense et la
protection des intérêts sociaux, économiques et moraux de
ses membres techniciennes et techniciens.
Une entente collective de travail conclue avec l'Association des
producteurs de films et de vidéo du Québec régit les
conditions minimales de travail de nos membres dans le secteur de la production
de films. Après six longues années de négociations trop
souvent interrompues, une nouvelle convention collective valable pour deux ans
a été conclue le 14 janvier .1987. De plus, le syndicat est
membre de la Fédération canadienne des guildes et syndicats du
cinéma et de la télévision et il a aussi organisé
un exécutif de la Fédération internationale des syndicats
des travailleurs de l'audiovisuel, qui s'appelle aussi FISTAV, à
Montréal, du 8 au 11 juin 1986.
Les secteurs d'activité dans lesquels nos membres sont
impliqués sont les longs métrages, les messages publicitaires,
les documentaires, les courts métrages, les vidéos, autant
commerciaux qu'industriels, et les vidéoclips. Dans les trois pages
suivantes du mémoire, vous trouverez une description - que je ne vous
lirai pas - des 56 postes qui sont couverts par la convention collective.
Le STCQ et le projet de loi 90. En mai 1986, le STCQ déposait
à la commission parlementaire sur le statut de l'artiste un
mémoire qui mettait en lumière à la fois les liens
étroits et l'interdépendance continuelle qu'il y a entre les
comédiens, les scénaristes, les réalisateurs et artisans
dans la création d'une oeuvre cinématographique, tout comme le
fait que les associations représentant ces divers professionnels doivent
composer avec les mêmes employeurs ou groupes d'employeurs et vivre des
problèmes tout à fait semblables.
Le mémoire éclairait aussi les membres de la commission
sur les conditions de travail particulièrement difficiles des
techniciens. Pendant de longues années, ils ont investi une partie ou la
totalité de leurs gains dans les productions cinématogaphiques
québécoises qui n'auraient jamais pu voir le jour autrement. Ils
ont été sous-payés souvent même non payés. La
passion du cinéma les animait presque aveuglément. Un certain
ordre s'est installé dans le milieu de la production avec l'apparition
du syndicat national du cinéma et de l'association des producteurs de
films, et les premières négociations de conventions collectives.
Malgré tout, le travail est demeuré saisonnier et intense. Des
semaines de travail de 70 ou 80 heures sont encore aujourd'hui monnaie
courante.
Après 18 mois d'attente, le projet de loi sur le statut
professionnel et tes conditions d'engagement des artistes de la scène,
du disque et du cinéma est finalement déposé à
l'Assemblée nationale. On retrouve dans ce projet de loi des
réponses à la plupart de nos recommandations et à celles
des autres associations d'artistes, artisans et créateurs, en
commençant par un mécanisme pour être reconnus, tout comme
un cadre de négociation et de relations du travail précis,
répondant à nos attentes. Le projet s'inscrit dans la ligne de
pensée des mémoires déposés à cette
même commission, il y a un an et demi, et répond aux nombreuses
manifestations auxquelles nous avons participé depuis ce temps.
En septembre 1987, toutefois, lors de la consultation sur l'avant-projet
de loi, le STCQ n'est même pas contacté. Pourquoi? En sommes-nous
exclus avant même qu'il ne soit rédigé? Notre
Intérêt dans ce dossier dérange-t-il? Et, si oui, qui
dérange-t-il? Les directeurs de la photographie, les costumiers, les
spécialistes en effets spéciaux, les scriptes, les
décorateurs, pour ne nommer qu'eux, ont besoin d'une loi comme
celle-là. Ils l'ont exprimé haut et fort. Ils travaillent dans
des conditions identiques à celles des autres artisans du
cinéma
que te gouvernement accepte maintenant de reconnaître. La
réception du projet de loi, fin novembre, nous éclaire sur les
conséquences de cette non-consultation sur l'avant-projet. L'article 2,
qui définit l'artiste, nous apprend qu'il doit être un '
créateur ou un interprète. À l'article 7, sur la
reconnaissance des associations professionnelles, on prévoit que
l'association doit être composée exclusivement d'artistes.
Sommes-nous des créateurs? Sommes-nous des artistes? Tous les
techniciens du cinéma pratiquent, à divers degrés, un art.
Le directeur de la photographie et son équipe créent
l'éclairage et choisissent le cadrage approprié pour tourner une
scène selon la vision artistique du réalisateur. Le directeur
artistique et son équipe de décorateurs, d'accessoiristes, de
peintres scé-niques imaginent et réalisent l'environnement dans
lequel évolueront les personnages d'un film ou d'un message
publicitaire. L'équipe de production, sans compter les heures de
travail, veille à ce que la création de l'oeuvre s'exécute
dans les conditions maximales, tout en tenant compte des contraintes
budgétaires et des limites de temps. Le créateur de costumes, le
maquilleur, le coiffeur sont les artistes qui devront donner une vie, un style
aux personnages. Dans un film d'époque, leur rôle devient capital
et exige à la fois de la fantaisie et de l'exactitude historique. La
pureté et la texture de la prise de son, enregistrée en direct ou
en postsynchronisation, contribuent d'une manière essentielle à
l'oeuvre. Le monteur et son équipe, quant à eux, ont entre les
mains le résultat des efforts de tous et donneront à l'oeuvre son
rythme et sa forme finale.
Un projet n'est pas un film. Un scénario n'est pas un film.
Même si une production et un réalisateur s'y intéressent,
même si la Société générale du cinéma
ou Téléfilm Canada veulent y mettre des fonds, ce n'est toujours
pas un film. Il n'y a pas de film sans photographie, sans prise de son, sans
direction artistique, sans régie, sans costumes, sans montage, il n'y a
qu'un simple projet. Un film ne prend vie que sur le plateau, le premier jour
du tournage, lorsque toute l'équipe est là, que les
interprètes sont prêts: Action, l'oeuvre cinématographique
naît.
Le Québec a vu, depuis plusieurs années, des producteurs
étrangers venir ici tourner leurs projets, que ce soient les
télévisions ABC, NBC ou CBS, que ce soient MGM, Warner Bros.,
20th Century Fox, Cannon, NeWorld, Hemdale, Tri-Star. Ils sont tous venus et
nombreux ceux qui sont revenus. Pourquoi? Bien sûr, notre dollar est
faible. Bien sûr, il est moins cher de venir au Québec que d'aller
en Europe, mais, surtout, ils ont découvert qu'ici ils n'avalent pas
affaire qu'à des techniciens, mais qu'ils obtenaient plus, beaucoup
plus, qu'ils avaient affaire à des professionnels qui mettaient tout
leur art à leur service. Cela, les producteurs de films et de
vidéo du Québec l'ont compris bien avant les étrangers et
en profitent depuis toujours. Nos compétences, notre
créativité, notre rapport essentiel à toute
création cinématographique ne font plus de doute ici ou ailleurs.
Nous vous épargnerons la séance de "name dropping" de nos membres
dont l'excellence est reconnue partout et honorée de prix tout aussi
nombreux que prestigieux. Les deux seuls détenteurs d'Oscar au
Québec, dans le secteur privé, sont des membres du STCQ.
Pourtant...
Nos conditions de travail. Une oeuvre cinématographique
résulte, nous le répétons, du travail de toute une
équipe qui participe à sa création. Les professionnels que
sont les techniciennes et les techniciens, qui pratiquent leur métier
dans l'industrie cinématographique, sont, certes, moins visibles que
certains autres artisans, mais ils font partie intégrante du processus
de création de l'oeuvre. Aussi, croyons-nous que nos membres ont un
égal besoin de se voir reconnaître un statut professionnel et que
leurs conditions d'engagement soient régies par une loi. Nos conditions
de travail actuelles sont, encore aujourd'hui, réglementées par
une entente collective de bonne foi, bona fide, avec l'Association des
producteurs de films et de vidéo du Québec. Les producteurs, par
l'intermédiaire de leur association, peuvent renier cette entente
à leur guise, ce qu'ils n'ont pas hésité à faire
à l'automne 1986, alors que l'association patronale, non satisfaite du
déroulement des négociations -après six ans, je le
répète - décidait unilatéralement que la convention
collective prenait fin. D'un seul coup, les professionnels du cinéma
sont retournés à l'âge de pierre, au temps du folklore
cinématographique, des négociations individuelles, de l'anarchie,
du travail sans conditions minimales et ce, avec la bénédiction
de l'État qui continuait à subventionner les productions. Les
producteurs peuvent également vouloir en changer les modalités en
cours de route - à la baisse, à la baisse, évidemment.
Cela s'est d'ailleurs tout récemment produit, alors que l'association
patronale proposait, à toutes fins pratiques, de déchirer les
pages de l'entente nouvellement conclue pour satisfaire aux exigences d'un
groupe particulier de producteurs pourtant présents aux
négociations.
Les producteurs peuvent aussi ne pas adhérer à l'APFVQ ou
s'en retirer à loisir. Donc, se moquer des conditions de travail
prescrites par notre convention, faire fi des règles
élémentaires du professionnalisme requises pour la
création d'un film ou d'un vidéo. Les producteurs, membres de
l'APFVQ, peuvent tourner un projet sur support vidéo: séries
télévisées, films publicitaires, vidéoclips, longs,
moyens et courts métrages, et produire sans même
s'Inquiéter de la convention collective, car l'APFVQ, bien qu'elle ait
décrété avoir juridiction dans le domaine de la
vidéo, nous en exclut farouchement.
Les producteurs peuvent tourner un film, une série au
Québec avec des budgets très respectables, dont la plus grande
partie provient, indirectement, du ministère des Affaires cultu-
relies, par l'intermédiaire de la Société
générale du cinéma, et faire travailler les techniciens et
techniciennes dans des conditions franchement inacceptables, avec la
bénédiction du gouvernement, de l'association des producteurs, de
tous; l'entente négociée est mise dans un tiroir. Cela s'est
produit à quelques reprises en 1987.
Les producteurs peuvent faire semblant de respecter les règles.
Une production démarre. Le producteur s'assure que les clauses les plus
évidentes de la convention collective semblent respectées sur
papier. Dans les faits, il agit à sa guise, n'a cure et bafoue la
convention collective et sa propre association qui l'a négociée
et signée en son nom avec nous. Cela s'est produit très
récemment, alors qu'une productrice, membre de l'APFVQ,
vice-présidente et trésorière de cette association, a pu
tourner tout son projet, Les tisserands du pouvoir blanc, en violant
allègrement des dizaines de clauses de fa convention collective.
Les producteurs peuvent, et ne se gênent pas pour le faire,
engager des techniciens au noir, faisant fi de la convention collective encore
une fois. Cela peut atteindre 30 % de la masse salariale pour les longs
métrages et Jusqu'à 50 % pour les films publicitaires. Ils
peuvent aussi recourir massivement à la sous-traitance en ignorant les
clauses prévues à cet effet. Les producteurs, membres de l'APFVQ
peuvent aussi engager des membres du STCQ sur un projet tout en refusant
systématiquement d'appliquer la convention collective en vigueur et de
signer les contrats d'engagement. C'est le cas du film Bethune. tourné
en Chine, et bientôt à Montréal. Le résultat: des
heures de travail interminables, des conditions de logement Inacceptables, plus
de la moitié des membres d'une équipe malades. Techniciens et
comédiens ont dû avoir recours à des moyens de pression
pour faire comprendre au producteur que cela n'allait pas du tout. Au retour,
au Québec, l'APFVQ ne sévit aucunement contre ce membre qui a
violé de manière flagrante l'entente collective.
Les producteurs peuvent, peuvent, peuvent... Que peut le STCQ? Que
peuvent ses membres? Comment demeurer de bonne foi, alors que notre convention
collective est considérée comme un mal nécessaire ou peut
tout bêtement, du jour au lendemain, être jetée au panier?
Le gouvernement peut-il reconnaître un statut professionnel aux artistes
et créateurs pour définir leurs conditions d'engagement,
reconnaître leurs asociations aux fins de négociation d'ententes
collectives avec les producteurs en excluant, par définition, cette
composante essentielle à la matérialisation d'une oeuvre
cinématographique que sont les techniciens? Le gouvernement
préfère-t-il laisser les techniciens dans le no man's land
juridique qu'ils occupent présentement?
La principale différence entre les techniciens pigistes et les
autres groupes d'artistes, créateurs et interprètes, tient dans
leur statut de salarié, aux fins de l'impôt, pour la
majorité d'entre nous. Ils sont, comme les interprètes,
rémunérés selon leur spécialité, soit
à l'heure, soit à la journée, et non pour l'ensemble d'un
projet, comme les scénaristes ou les réalisateurs. Toutefois,
chaque technicien s'engage envers un producteur au moyen d'un contrat portant
sur des prestations distinctes, selon l'article 4 du projet de loi 90, et il a
la liberté de négocier et d'agréer les conditions
auxquelles il est engagé par un producteur pour autant qu'elles ne
soient pas moins avantageuses pour l'artiste qu'une condition prévue par
l'entente collective. (22 heures)
Article 6 du projet de loi 90. Il y a un syndicat professionnel
représentant les techniciens pigistes depuis 18 ans. Pendant cette
période, le cinéma a beaucoup changé. 0e projets
isolés et épiques, tournés par une bande de
passionnés, nous sommes passés à une Industrie bien
structurée, largement financée par l'État au moyen de
subventions et d'abris fiscaux où oeuvrent de véritables
artistes, de véritables professionnels. Pour nous, pourtant, rien n'a
changé. Notre activité n'est pas appropriée aux
mécanismes d'accréditation accordées en vertu du Code du
travail. Nos conditions de travail ne sont pas réglementées par
un décret adopté en vertu de la Loi sur les décrets de
convention collective. La loi 109, Loi sur te cinéma, nous ignore
totalement. Le projet de loi 59 visant à créer la SOGIC ne fait
aucune mention des techniciens pigistes. Aux fins de statistiques, tant au
fédéral qu'au provincial, nous n'existons tout simplement pas. ni
comme salariés, ni comme travailleurs à temps plein ou à
temps partiel, ni comme travailleurs temporaires, ni comme artistes, ni comme
pigistes, ni à notre propre compte, nous n'existons pas. Pourtant,
près de 2000 personnes gagnent leur vie en faisant principalement du
cinéma. Survient un projet de loi qui correspond tout à fait
à ce que nous sommes, qui répond à nos besoins, à
nos aspirations professionnelles et à notre situation de travail. Ce
projet confirme notre existence et notre représentativité, notre
légitimité. Il reconnaît notre profession et son statut
particulier. Il nous offre des garanties de relation plus encadrées et
de négociations plus productives avec l'association patronale et ses
membres qui ne pourront plus s'échapper à leur gré
d'ententes pourtant conclues démocratiquement. Mais voilà qu'une
définition et qu'un champ d'application incertains pourraient encore une
fois nous obliger à nous contenter de regarder passer le bateau à
bord duquel nos confrères de l'UDA, de la SARDEC, de la Guilde des
musiciens pourront entreprendre la traversée vers des horizons nouveaux.
Devrons-nous, nous aussi, attendre 50 ans avant qu'un gouvernement ne se
décide à légitimer notre existence? Devrons-nous continuer
à nous battre contre ces gérants de subventions que sont les
producteurs et dont l'existence dépend des Impôts des
Québécois et
des Canadiens, des impôts que nous payons comme techniciens? Nous
avons le droit de faire partie de la traversée. Le projet de Eoi est
fait sur mesure pour répondre aux besoins des techniciennes et
techniciens du cinéma. Pour ce faire, nous recommandons que soit
clarifiée la définition d'artiste, telle que prévue au
projet de loi, afin qu'elle assure que les artisans du cinéma du
Québec que nous représentons puissent bénéficier
des avantages de cette loi.
Le Président (M. Trudel): Merci, M, le président.
Mme la ministre des Affaires culturelles.
Mme Bacon: Alors, M. Leclerc, madame et messieurs, je voudrais
vous féliciter pour la clarté de votre mémoire et vous
dire combien c'est vrai que nous apprécions les valeurs professionnelles
des techniciens techniciennes. Vous avez vous-mêmes mentionné les
succès remportés déjà par les membres de votre
regroupement et je pense que nous en sommes très fiers quand on nous
apprend ces bonnes nouvelles. Il est évident que vous cherchez quand
même un endroit où vous situer par rapport aux autres
regroupements d'artistes, de créateurs, et vous nous avez donné
quelques pistes dans votre mémoire.
À la page 3 de votre mémoire, vous nous parlez des
membres, le regroupement du personnel artistique et technique qui est
nécessaire à toutes les étapes, par exemple, de la
production d'un film vidéo, que ce soit la préproduction, la
production ou la post-production. Dans les métiers que vous mentionnez,
est-ce qu'il y en a pour qui vraiment la loi devrait être
clarifiée? Est-ce que c'est l'ensemble de ces métiers-là
ou, si vous aviez à faire des choix, auxquels vous pourriez accoler - si
je peux me permettre ce terme - le nom d'artiste, de créateur, d'auteur
davantage par rapport à d'autres? Il y en a quand même 57.
M. Desmarais (Jacques): Si vous me permettez, Mme la ministre,
dans te même esprit qui était soulevé tantôt par ta
présidente de l'association des producteurs, il n'est, aucunement de
l'intention du syndicat des techniciens de morceler les groupes de personnes
pour lesquels il a négocié depuis plusieurs années des
conventions collectives. Dans cet esprit-là, on fait tous partie du
même groupe, nous sommes des artisans du cinéma qui font en sorte
que ce septième art québécois vive quotidiennement.
Mme Bacon: Pour vous...
M. Desmarais: C'est pour cela qu'on a un problème avec les
termes qui sont employés. Si on se met à regarder l'ensemble des
dictionnaires et encyclopédies qui cherchent à définir le
mot créateur, où est-ce que cela s'arrêtera dans la liste?
Le mot "créateur" qui crée. Le cadreur, le monteur,
l'éclairagiste, l'assistant réalisateur, le régisseur...
Est-ce qu'il faudrait, à un moment donné, dire que là il y
a une barrière parce qu'on a choisi un terme qui est le mot
créateur? Que ça s'arrête là, et qu'on ne couvre
plus ces gens-là? Qu'est-ce qui va arriver d'eux? On ne ie sait pas,
parce qu'on a choisi le mot créateur. Tout le fond de notre intervention
ici est pour vous signaler que nous croyons que l'emploi du mot
"créateur"... Pas le mot "artiste". Pour nous, le mot "artiste" fait
tout à fait notre affaire: qui pratique un art ou autre. Cela, c'est
merveilleux parce que cela couvre à peu près tout le monde,
autant les gens qui se servent de leurs mains, de leur tête que ceux qui
se servent de techniques. C'est quand on ajoute: "à titre de
créateur ou d'interprète". "Interprète" ne pose pas de
problème. Mais "à titre de créateur", c'est avec l'emploi
de ce terme qu'on a des difficultés et on ne pense pas qu'il faille
laisser à la commission le soin de décider à qui
s'applique ce projet de loi. C'est votre tâche, comme
législateurs, de vous assurer, avec le plus de précision
possible, quelles sont les personnes qui sont visées par ce projet de
loi. Notre seule raison d'être ici est de vous dire: Votre emploi du
terme "créateur" pose des problèmes. Si votre intention est de
couvrir l'ensemble des artisans de ce milieu qui s'appelle les arts de la
scène et du cinéma, le septième art
québécois, on s'empressera rapidement de trouver la terminologie
qu'il faut pour couvrir ces gens-là.
Mme Bacon: Je vais vous poser ma question autrement. Quels sont
ceux dans la liste qui ne seraient pas des artistes au sens de la loi et pour
qui la loi devrait être clarifiée?
M. Leclerc (François): Est-ce que vous voulez qu'on vous
les donne, qu'on les choisisse parmi les 56? Lesquels, d'après
nous...
Mme Bacon: Est-ce que vous avez fait cet exercice-là
vous-mêmes?
M. Leclerc (François): Oui. Pour nous, la
proportion...
Mme Bacon: Donnez-moi quelques exemples; je ne vous demande pas
de tous les donner, mais quelques exemples si vous en avez.
M. Leclerc (François): La proportion à laquelle on
est" arrivé, c'était qu'il y avait environ 35 ou 40 postes sur
les 56 où la personne était un créateur ou était en
voie de le devenir. Il y a quand même chez nous tout un système
d'apprentissage des différentes techniques, des différents
métiers, des différentes spécialités.
Là-dessus, il y en a de 35 à 40. Cela en laisse 16 où il y
a certainement une part de création qui peut varier - cela peut
même être selon les projets - mais où iI y a peut-être
plus de bras, ou plus de papier, ou plus d'activité
physique sur un plateau de cinéma. Je pense à des
régisseurs, à des assistants-réalisateurs et tout cela,
qu'on appelle techniciens mais qui n'ont pas une technique, qui ne jouent pas
avec de l'équipement, mais qu'on appelle techniciens comme tels.
Mme Bacon: Vous dites qu'il y en a de 35 à 40 qui seraient
des artistes, au sens strict du terme, selon la loi.
M. Leclerc (François): Selon notre calcul.
Mme Bacon: Si j'ai bien compris, au fond, vous êtes un
syndicat professionnel, vous n'avez pas d'accréditation. Pourquoi
préférez-vous être inclus dans le projet de loi 90
plutôt qu'avoir une accréditation au sens du Code du travail, par
exemple?
M. Desmarais: On ne le peut pas Imaginez-vous combien cela prend
de temps à avoir une accréditation? Le film va être fini
depuis six mois! À quel moment établit-on la majorité?
Avant que le film commence? Au bout du troisième jour, au bout du
vingtième jour de tournage? II faut établir une majorité
à un moment donné. Le mode d'accréditation au sens du Code
du travail est absolument inapproprié pour ce genre d'entreprise qui
s'appelle la production de films Cela commence un jour, cela peut reprendre six
mois plus tard. Cela sera-t-il pendant le fait qu'il n'y a pas de tournage que
l'accréditation va être demandée, pour prendre la queue du
film? Ce n'est pas possible.
Mme Bacon: À cause des lenteurs?
M. Desmarais: Non, à cause de l'impossibilité de
fixer un moment. Il n'y a aucune stabilité. L'équipe qui
travaille varie de jour en jour.
Mme Bacon: Cette équipe n'est pas composée de tout
ce monde-là en même temps.
M. Desmarais: Jamais, jamais.
Mme Bacon: C'est ce que vous voulez dire.
M. Desmarais: II peut y en avoir 3 un jour...
Mme Bacon: Oui.
M. Desmarais: ...il peut y en avoir 100 le lendemain, il peut y
en avoir 17 la semaine suivante.
M. Leclerc (François): L'autre aspect qui est
intéressant pour nous, c'est que, même en posant
l'hypothèse que, d'une certaine manière, une accréditation
est possible, cela nous place automatiquement dans la catégorie des
salariés. Nous ne sommes pas convaincus... Je pense qu'une bonne
majorité de nos membres veulent avoir le choix d'être
salariés ou d'être travailleurs autonomes. Selon le point
où chacun en est dans sa carrière, pour lui, ça pourra
être Intéressant d'aller d'un côté ou de l'autre.
Avec le projet de loi, il y a des modifications, des aménagements
fiscaux qui vont venir, qui, eux, n'existeront pas du tout avec une
accréditation régulière. Ça correspond, de toute
façon, à la démarche qu'on a faite en s'associant, depuis
le début, aux autres professions qui font du cinéma, que ce
soient les scénaristes, les comédiens, les réalisateurs et
même les musiciens.
Mme Bacon: En fait, les artistes en art d'interprétation.
Vous vous associez davantage à eux.
M. Leclerc (François): Je pense qu'on s'associe à
chacun de ces groupes-là. Absolument, puisque nous considérons
que l'intervention de chacun de ces spécialistes, de chacun de ces
artistes est nécessaire pour faire un film. Il n'y a pas de film s'il
n'y a pas de réalisateur, il n'y a pas un film s'il n'y a pas de
comédiens, il n'y a pas de film s'il n'y a pas de techniciens. Et c'est
le travail de tout ce monde-là, qui n'est pas nécessairement
simultané, qui donne, au bout du compte, le film.
M. Desmarais: Si vous permettez, Mme la ministre, l'appui
significatif que l'Union des artistes a donné ce matin à notre
préoccupation est une indication que cette idée de
communauté d'intérêts est réciproque de sa part.
Mme Bacon: D'un côté, vous me dites que vous ne
voulez pas morceler les gens qui font partie de votre regroupement et, et de
l'autre, on s'aperçoit que, quand on veut définir qui est artiste
au sens de la loi, il y a quand même, disons, 16 catégories sur 56
où les gens ne seraient pas des artistes. Comment peut-on arriver
à inclure tout ce monde-là dans la même loi et dire que ce
sont tous des artistes?
M. Desmarais: II y a une façon, c'est d'éliminer la
référence "à titre de créateurs ou
d'interprètes". Si vous enlevez ces termes-là, pour nous,
ça couvre tout le monde qui travaille à son compte, parce qu'on
ne remet pas ça en cause, aucunement, pigistes, travailleurs autonomes.
Ou bien ajoutez le terme "technicien", qui est reconnu au sens commun, par tout
le monde, comme couvrant l'ensemble des occupations qui sont
énumérées aux pages 3, 4 et 5 du mémoire.
"Employé qui pratique un art visé à l'article 1", on
serait tout à fait satisfaits d'une formule comme celle-là. Ou
bien vous la faites large et on pense que la référence au mot
"artistique", avec les recherches qu'on a faites dans les dictionnaires, parce
que c'est là qu'il faut se
retrouver quand on cherche à donner un sens à un terme
employé par le législateur... le mot "créateur" n'est
employé dans aucune loi ailleurs. On a cherché, on n'a pas
trouvé. Le mot "artisan" l'est, mais, habituellement, le mot "artisan"
ne vise que les gens quant à leur statut de travailleur autonome. On
parte d'artisans dans la Loi de santé et de sécurité, on
parle d'artisans dans la loi sur les décrets de convention collective,
on parle d'artisans dans la Loi sur les relations du travail dans l'industrie
de la construction, mais toujours pour désigner des personnes en tant
que travailleurs plus ou moins autonomes. (22 h 15)
Alors, on veut éviter d'employer le mot "artisan", qui est aussi
employé dans le sens commun, mais qui, dans d'autres lois, veut dire
autre chose. Si on l'employait là, il faudrait présumer que le
législateur a voulu lui donner le même sens cette fois-ci. C'est
pour ça que "technicien", ce serait une solution. Le sens commun, en
tout cas dans l'industrie du cinéma, comprend ces occupations. Et
même, tantôt, la présidente de l'association s'est
référée au technicien. Elle a compris le projet de loi -
en tout cas, pour la partie qu'elle a comprise. Quant à cette partie -
je citais le président de la commission, ex-confrère de
collège - elle pense que les techniciens sont couverts. Il ne manque que
vous, Mme la ministre.
Mme Bacon: Je pense qu'on n'a pas les mêmes
responsabilités. Disons qu'on va parler d'une façon
hypothétique. Si nous acceptions les 30 ou 35 personnes de la liste,
qui, comme vous le dites, seraient des artistes au sens de la loi, qu'est-ce
qu'il arriverait des autres?
M. Desmarais: Le no man's land, ce sont eux qui l'ont
après cela. Ils ne peuvent pas s'accréditer, ils demeurent
autonomes, pigistes, et il y a une question... Indépendamment du
caractère inapproprié du mode d'accréditation dont je
parlais tantôt, il y a un flottement dans la jurisprudence, à
savoir s'ils sont à leur compte ou non. Deuxième obstacle.
À part cela, ils ne sont nulle part. Ils sont minoritaires, ils sont un
peu dégradés si on dit: Bien, vous, on vous a oubliés,
vous n'êtes pas de véritables créateurs, vous contribuez
à ce septième art de façon... On a reconnu que vous
faisiez partie d'une équipe absolument merveilleuse, qui place le
Québec un peu partout dans le monde, mais... Hélas, un jour, on
s'est mis à faire une clôture, on trouvait que vous ne
créiez pas, hélas! C'est intenable. Et, comme association, comme
syndicat, vous imaginez la position dans laquelle vous tes mettez? Ces gens
travaillent quotidiennement tous ensemble. Il y a une pratique historique
depuis 18 ans et, pour rassurer Mme Raymond, il n'est aucunement de l'intention
du syndicat de morceler, d'aucune façon. Tous ces gens sentent qu'ils
sont partie liée, avec tous les aléas que cela comporte pour la
production d'un film. Ils veulent continuer à fonctionner ensemble, ils
veulent continuer à pouvoir négocier une convention collective,
mais Ils ne veulent pas laisser cela dans... Ce n'est pas un vide juridique.
Vous avez employé ce matin les mots "vide juridique" dans votre
Intervention d'ouverture. Le vide juridique que vous voulez combler pour les
Interprètes qui sont à l'origine de ce mouvement qui nous
amène aujourd'hui ici serait équivalent pour ceux que vous
laisseriez de côté.
Mme Bacon: Oui, mais vous le dites vous-même, Me Desmarais,
que, quand on regarde l'ensemble des métiers, iI y a des métiers
qui sont là-dedans et qui ne peuvent pas être
considérés au sens de la loi comme des métiers
artistiques.
M. Desmarais: C'est parce que vous avez choisi d'employer le mot
"créateur". Moi, je vous proposerais de regarder le problème
différemment. À l'intention de qui voulez-vous reconnaître
le statut professionnel et définir les conditions d'engagement? C'est
pour réglementer les rapports de travail dans les industries
culturelles. C'est cela que vous voulez. Vous avez décidé...
Mme Bacon: Des artistes, des créateurs et des
producteurs.
M. Desmarais: Oui. Bon! La demande originale venait de l'Union
des artistes qui représente principalement des interprètes. Vous
n'avez pas voulu trop singulariser ce groupe, cette association. Vous avez
voulu faire une loi générale pour une industrie. Subitement,
quand vous vous mettez à rédiger votre loi, vous vous rendez
compte que les termes que vous employez ont une certaine portée. Nous
vous disons que l'emploi d'un terme fait problème. La solution au
problème, c'est de changer ce terme. Si votre intention est de
régir correctement les rapports collectifs et de reconnaître un
statut professionnel, je pense qu'on peut s'entendre pour faire cet effort.
Mme Bacon: Cela va, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Mercier.
M. Godin: Une seule question, M. le président du syndicat.
Est-ce qu'il n'y a pas, dans le domaine du disque, des techniciens et dans le
domaine de la scène aussi? Si on ouvre la porte au gouvernement, ce
dernier ne s'exposera-t-il pas à avoir une demande similaire de la part
des techniciens du disque en studio, ceux qui ajustent les appareils du son et
tout cela, et idem pour la scène, les transporteurs de décors?
Comme il y en a au cinéma, il y en a aussi à la Place des Arts et
dans d'autres institutions
culturelles à Montréal ou à Québec. Vous ne
croyez pas qu'eux aussi pourraient figurer au même titre que vos membres
syndiqués dans l'ensemble dont vous parlez et n'y a-t-il pas un risque
là qu'on court vraiment absolument tout le monde, à moins de
stipuler dans la loi techniciens du cinéma", excluant le disque et la
scène?
M. Leclerc (François): Concernant les autres groupes
auxquels vous vous référez, ces gens-là, si je comprends
bien la loi, sont exclus de la loi par le petit article 3, c'est-à-dire
qu'ils possèdent des accréditations dans ces lieux précis,
le stade olympique, le Forum, la Place des Arts - il y a certains autres lieux
à Québec - et c'est un syndicat en particulier qui détient
ces accréditations.
M. Godin: D'après vous, il n'y a aucun danger qu'ils se
réclament de votre gain à la loi pour... Ils sont
déjà couverts par d'autres statuts du Québec, si je
comprends bien.
M. Desmarais: Notre analyse nous amène à conclure
que non parce que ce sont pour la grande majorité des salariés.
Ils sont engagés en permanence par la Place des Arts, par le
Théâtre du Nouveau Monde, par le Grand Théâtre
à Québec, lis sont couverts par des conventions collectives
négociées par des syndicats déjà. Ils sont donc
exclus par l'article 3 et je suis persuadé que tous ces
groupes-là ne sont pas intéressés à travailler
à leur propre compte.
M. Godin: Je suis très sensible et très sympathique
à la demande que vous faites parce qu'effectivement ce sont des lieux de
travail très temporaires que ceux où un film se tourne et il n'y
a aucun moyen de vous protéger, sinon par une loi semblable, si je
comprends bien.
M. Leclerc (François): Les employeurs sont aussi
temporaires que les lieux de tournage. Les employeurs n'existent pas pendant
une longue période.
M. Godin: Je ne sais pas si la ministre a une idée... Je
pense que la solution serait peut-être d'ajouter les techniciens du
cinéma, quitte à ce qu'en annexe on ait une liste s'inspirant de
la vôtre, excluant peut-être le manipulateur du
générateur mais incluant te cadreur, l'éclalragiste et les
métiers vraiment reliés par la tradition cinématographique
à de la création.
Mme Bacon: ...un choix de 36 sur les 56.
M. Godin: C'est cela, oui.
Mme Bacon: Ce n'est pas ce qu'ils veulent.
M. Godin: Vous voulez tout, vous voulez toute ia liste au
complet, si je comprends bien.
M. Desmarais: On a une tradition historique de
représentations et de négociations. Si les producteurs
étaient venus vous dire: Cela n'a pas d'allure de prendre ce monde,
là, on aurait de la misère, mais non, on veut tout simplement
pouvoir continuer de négocier une convention collective et de
représenter un groupe de personnes. Oui, oui, il y a des
difficultés de rapports collectifs, mais personne ne remet en cause
l'existence de ce groupe qui s'appelle les techniciens. On n'a aucunement
l'intention de morceler ce groupe et, faire ce que vous suggérez un peu,
cela donnerait ce résultat. Peut-être qu'un jour il y aurait deux
conventions collectives: une pour les techniciens qui sont couverts par la loi
et une autre pour les techniciens qui ne sont pas couverts par la loi,
d'ailleurs comme avant. Le groupe serait plus petit, cela n'irait pas mieux, il
ne serait que plus petit et, là, le film pourrait bloquer parce que les
manipulateurs de générateurs décideraient d'arrêter.
Cela serait un peu nlaiseux.
M. Godin: Je ne suis qu'un seul simple député
d'Opposition, donc, je vais me remettre entre les mains de la ministre qui,
elle, a le pouvoir de vous dire oui ou non. Je souhaite qu'elle vous dise
oui.
Le Président (M. Trudel): Mais vous êtes encore
député, c'est déjà cela. Merci, M. le
député de Mercier, Mme la députée de Chicou-
timi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président, Madame messieurs,
bonsoir. J'aurais une première question. Tout à l'heure, vous
parliez d'un des avantages, c'est que les aménagements fiscaux qui vont
être accordés permettent de payer moins d'impôt, d'avoir de
meilleures conditions. Une des recommandations de l'UDA ce matin était
de dire, en parlant de la fiscalité, qu'on pourrait penser, comme il est
difficile de comptabiliser chacune des dépenses liées à la
création, qu'une somme forfaitaire de 30 % du revenu provenant de la
profession d'artiste pourrait être déduite du revenu. Mais on sait
que créer pour un artiste, se produire, pour un interprète, ce
sont des costumes, le maquillage, un certain nombre de frais - pour les
danseurs la même chose. Autrement dit, pour tous les artistes,
créateurs, interprètes, il y a des frais de création,
qu'on reconnaît tous mais . qui. ne sont pas reconnus, finalement. J'ai
eu beau regarder à deux ou trois reprises, je vois peu de fonctions pour
lesquelles on pourrait justifier de réels frais de création.
M. Leclerc (François): Si vous acceptez le fait que les
employeurs ne sont là que pour une courte période, les
employeurs, par exemple, ne participent aucunement à la formation,
ne
participent aucunement au perfectionnement des techniciens. Ces
gens-là doivent arriver, être entraînés, être
au fait de la dernière pièce d'équipement qui est sortie
sur le marché, savoir comment l'utiliser, au fait des nouvelles
techniques, des nouveaux designs, pour une personne qui est plus du
côté du décor. Cela signifie qu'on sort un peu, qu'on
encourt des dépenses, qu'on doit être abonné à des
revues. On doit aller voir des expositions, on doit avoir des contacts avec les
autres artistes, puisqu'il ne s'agit pas d'un art qui est isolé, mais
qui est vraiment interdépendant de toutes sortes d'autres sources. C'est
un des besoins, entre autres, le besoin de formation et de perfectionnement.
À cela s'ajoutent des métiers où on a besoin
d'équipement spécialisé. Une scripte assistante, d'ici
très peu de temps, va fonctionner sur un plateau avec un ordinateur. Ce
n'est certainement pas le producteur qui va lui fournir un ordinateur, ce n'est
pas le producteur qui l'engage pour un message publicitaire de deux jours. Ce
sont des dépenses encourues pour pouvoir fournir des services
professionnels.
Mme Blackburn: On parle des techniciens du cinéma, mais il
faudrait aussi penser aux techniciens de la scène, à ceux qui
s'occupent... Si on avait un terme - je lance cela comme cela - pour se donner
une espèce de grille d'analyse, à savoir s'ils sont de l'ordre
des créateurs... Des artistes, non. Si on parlait de concepteurs, du
moment où il y a une conception, quand quelqu'un n'est pas juste en
train de réaliser ce qui est conçu par quelqu'un d'autre; c'est
moins de l'ordre de la création que de la conception. La conception,
c'est un niveau plus bas, c'est plus de l'ordre technique. Si on utilisait un
terme semblable, comment ceux qui conçoivent, qui ont une certaine
responsabilité professionnelle pour concevoir dans les différents
postes qui sont identifiés... Prenons seulement la première page,
pour ne pas faire les 57. Si on avait un terme qui nous permette de voir que
dans certains métiers il y a une certaine liberté
professionnelle, un certain besoin de création. Je pensais conception.
On dit concevoir les éclairages, concevoir...
M. Leclerc (François): C'est difficile pour moi de vous
répondre. (22 h 30)
M. Desmarais: Je serais porté à faire une
discussion très prolongée et à faire les études
qu'il faut pour faire une proposition en dix volets, si on a l'assurance que
cet exercice n'est pas vain, si Mme la ministre nous dit rapidement: Oui, j'ai
l'Intention de couvrir les personnes que vous représentez parce que
c'est un objectif avec lequel je suis d'accord, je suis sûr qu'on va
s'entendre rapidement sur une formule qui ne sera pas trop extensive, qui
permettra de protéger les objectifs principaux de ce projet de loi. Si
c'est seulement cela qui manque, je suis sûr qu'on trouvera une
formule.
Mme Blackburn: Messieurs dames, je laisserai la parole à
Mme la ministre. Moi, je vais dire comme mon collègue, la réponse
viendra vraisemblablement de la ministre.
Je suis assez sensible à votre démonstration, sauf que je
trouve que ce n'est pas vraiment facile à intégrer à
l'intérieur, mais je pense qu'il devrait y avoir un effort de fait pour
trouver une définition qui ne soit pas si large que n'importe qui puisse
entrer là-dedans, y compris celui qui ouvre les portes. À un
moment donné, il faut commencer quelque part et il faut aussi
s'arrêter quelque part. Je pense qu'il faudrait avoir une
préoccupation particulière par rapport à ce secteur
d'activité. Je vous remercie.
Le Président (M. Trudel): Merci, madame. Vous permettez,
M. le président? J'ai écouté ce que vous avez dit
tantôt et, bien qu'étant sensible et sympathique à votre
cause, je ne sais pas si on peut - je ne parle évidemment pas au nom de
la ministre, je parle en mon nom personnel - je ne vois pas ce soir à
tout le moins comment on peut régler le problème dans les termes
que vous avez vous-mêmes posés, et je vous comprends parfaitement.
Vous nous dites: Si on en choisissait, pur exercice théorique, 25, 36,
44 sur 56, qu'arriverait-il des autres? Alors, vous avez, M. Desmarais,
notamment, bien décrit ce qui pourrait arriver des autres. Je n'ai pas
l'impression que cela serait une solution.
D'autre part, pour moi - ce soir, à tout le moins -
intégrer les 56, dites-vous, 57, passez-moi l'expression, d'une claque
n'est pas une solution non plus, parce qu'il y a création et
création, il y a conception et conception. Je ne parlerai pas de Mme la
ministre des Affaires culturelles. Je vois que Mme l'adjointe au ministre du
Revenu est présente. J'ai envie de lui dire que je n'ose pas imaginer la
première réaction de M le ministre du Revenu, M. Séguin -
je veux que ce soit pris dans le bon sens - quand on va lui dire que le
numéro 25, un peintre, est soudainement devenu, parce que - là,
j'oublie les autres problèmes que vous pouvez avoir - travaillant dans
le milieu du cinéma, artiste-créateur, quelle que soit
l'expression qu'on prenne, cela va lui prendre une bonne dose de largeur de vue
au minimum pour ouvrir une discussion là-dessus.
M. Leclerc (François): Cela nous fera plaisir d'aller le
lui expliquer. On devra lui parier aussi, de toute façon, des questions
qui relèvent de son ministère.
Le Président (M. Trudel): D'accord, mais vous comprenez ce
que Je veux dire, c'est-à-dire que je suis un peu pris ce soir. Je
regarde cela et vous me dites: On ne peut pas, on va avoir de la
difficulté à exclure des gens, ce que je comprends parfaitement,
mais, ce soir, j'ai de la
difficulté à inclure tout le monde. Ce que je vous
suggère - de toute façon, la décision revient à Mme
la ministre - on ne commencera pas à négocier cela d'un
côté et de l'autre de la table, à 22 h 35 le soir. Quant
à mol, je me permettrai de réfléchir encore.
L'étude article par article ne vient pas encore avant la semaine
prochaine, de toute façon, on a peut-être le temps. Oui, M.
Desmarais.
M. Desmarais: Si vous me permettez une dernière remarque.
La définition de travailleur-créateur, à des fins de
fiscalité, ne doit pas nécessairement être la même
que celle qui se trouve dans le projet de loi qui est devant nous aujourd'hui.
Il n'y a absolument rien qui oblige à lier l'un à l'autre. Cela
peut être une indication. Tantôt, c'est ce qu'on a répondu
à M. Plamondon, qu'il n'y avait pas un lien nécessaire entre l'un
et l'autre. Alors, au nom de cette même attitude...
Le Président (M. Trudel): Disons que c'était un
exemple. Je comprends parfaitement votre point. Vous avez raison de le
souligner parce qu'effectivement on a répondu cela à
l'interlocuteur précédent. Je donnais cela à titre
d'exemple. Je pourrais vous donner d'autres exemples. De toute façon, la
difficulté que j'ai ce soir, c'est d'accepter que les 57 corps de
métier représentés soient considérés
soudainement à l'intérieur de ce projet de loi. Peut-être
existe-t-il une autre solution ailleurs, il reste sûrement à voir.
Quant à moi, votre mémoire est un des très bons qu'on a
eus devant nous, qu'on a eu l'occasion de lire aujourd'hui, et je vous en
remercie. Je vais poursuivre mes réflexions en espérant qu'on
puisse arriver à une solution qui vous satisfasse. Mme la ministre,
avez-vous un mot à ajouter? Messieurs, merci.
Pour en venir à une remarque que je faisais au début, je
n'osais pas le lui dire, mais cela me rassure beaucoup quand je vois mon ami
Turgeon, encore les cheveux tout noirs, et que je vols mon ami Desmarais, avec
les cheveux plus blancs que les miens. Cela me rassure beaucoup sur ce qui est
advenu de notre génération. Alors, messieurs, merci. Bon retour
à Montréal.
M. Leclerc (François): Merci beaucoup.
Le Président (M. Trudel): Alors, comme il est 22 h 35,
nous allons passer, si vous le voulez bien, immédiatement au 9e groupe
que nous recevons aujourd'hui, je pense, l'ACTRA. Je pense que les gens de
l'ACTRA sont arrivés.
Alors, mesdames et messieurs, bienvenue, vous êtes quatre et j'ai
trois noms sur ma feuille d'invités. Donc, nous avons M. Garry Neil, qui
est le secrétaire général; Mme Judith Harvey,
conseillère syndicale; M. Yvan Brodeur, conseiller juridique. Alors,
bienvenue, mesdames et messieurs. Je vous cède immédiatement la
parole pour 20 minutes, afin que vous nous exprimiez votre point de vue. Nous
avons reçu votre mémoire, au secrétariat de la commission,
hier, durant la journée. Il a été distribué en fin
de journée aux membres de la commission. Donc, on peut présumer
qu'il a été lu par tous les membres de ta commission. Allez-y,
madame.
Mme Harvey (Judith): En français ou en anglais? Parce que
nous avons maintenant la version française si vous voulez l'avoir.
Le Président (M. Trudel): On a la version
française, oui. On l'a reçue hier. On avait l'original anglais et
la version française. Alors, allez-y.
Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio
Artists
M. Neil (Garry): Merci, M. le Président. Mme la ministre.
Bonsoir, je m'appelle Garry Neil. Je suis te secrétaire
général de i'ACTRA, Alliance of Canadian Cinema, Television and
Radio Artists. C'est une organisation groupant plus de 9000 artistes,
interprètes, écrivains et journalistes de la presse
électronique qui travaillent dans le secteur des médias canadiens
de langue anglaise. Avec moi, aujourd'hui, j'ai Mme Judith Harvey, la
directrice de notre bureau à Montréal; Mme Kelly Ricard, un
membre de notre conseil à Montréal, et Me Yvan Brodeur,
conseiller juridique.
Je ne pourrai pas faire moi-même la présentation de notre
mémoire, à cause de la qualité de mon français.
Donc, mes collègues présenteront le mémoire de l'ACTRA.
Après notre présentation, nous serons heureux de répondre
à vos questions, mais nous devrons compter sur votre patience pendant
que nous interpréterons et que nous nous consulterons. Nous vous
remercions de nous avoir permis de vous présenter le point de vue de
l'ACTRA, particulièrement de plus de 800 membres
québécois.
Mme Harvey: Bonsoir. Nous tenons à vous féliciter
chaleureusement pour le travail important que vous avez accompli pour la
reconnaissance d'un statut pour les artistes. L'ACTRA est tout à fait
d'accord avec les objectifs généraux du projet de loi. Nous
sommes prêts à faire les changements nécessaire à
nos procédures et à nos conventions collectives. Nous endossons
plusieurs des remarques faites devant vous, ce matin, par l'Union des artistes
et la SARDEC. Cependant, à cause de nos structures particulières
et de notre juridiction différente de celle de l'union, nous avons
quelques préoccupations supplémentaires dont nous voudrions vous
faire part. Je voudrais vous présenter Me Yvan Brodeur, qui va expliquer
en détail les propositions principales de notre mémoire. M.
Brodeur.
M. Brodeur (Yvan): Alors, je toucherai sept sujets, M. le
Président, messieurs et mesdames
les membres de la commission. J'essaierai d'être succinct et aussi
clair que possible, à cette heure-ci. Le premier point se
réfère à l'article 2 de la loi, plus
précisément à la définition du mot "artiste". Ce
que l'ACTRA demande, c'est que l'on reconnaisse explicitement que la loi ne
restreint pas le droit des artistes de pratiquer leur art par le biais d'une
corporation. On sait que, dans le domaine artistique, il arrive souvent, et
c'est une formule bien connue dans le milieu, que des artistes pratiquent leur
art par le truchement d'une corporation. Il pourrait y avoir, à
l'article 2, une modification qui tienne compte de cette réalité,
sans affecter pour autant le projet de loi dans ses objectifs. Je me permets de
suggérer une modification, il pourrait y avoir aussi bien, j'imagine,
une modification aux articles 4, 5 ou 6 de la loi ou une modification
particulière qui viserait à reconnaître cette
réalité. Celle que je vous suggère aurait pour effet
d'ajouter les mots "ou par le biais d'une corporation", après les mots
"à son propre compte". Donc, l'article se lirait comme suit: "artiste":
une personne physique qui pratique un art à son propre compte ou par le
biais d'une corporation, moyennant rémunération, à titre
de créateur ou d'interprète, dans un domaine visé à
l'article 1." Je ne veux pas me substituer aux rédacteurs du projet de
loi, qui connaissent leur matériel mieux que moi, j'en suis convaincu,
mais je pense que le but recherché est explicité clairement.
La deuxième question touche les articles 2, 7, deuxième
paragraphe, 61 et 62; j'ai regroupé tout cela. L'article 2
définit l'artiste comme une personne physique qui pratique un art
à titre de créateur ou d'interprète - j'insiste sur ces
mots, "à titre de créateur ou d'Interprète" - dans un
domaine visé à l'article 1. L'ACTRA est évidemment
visée par le présente loi, puisqu'elle représente des
créateurs et des interprètes, notamment dans les secteurs du
cinéma, du disque et de la publicité, dans des productions de
langue anglaise, au Canada, et plus particulièrement au Québec.
L'ACTRA représente également, dans des productions de langue
anglaise, à la radio et à la télévision, des
créateurs et des interprètes, mais aussi des journalistes
professionnels.
Or, l'article 7.2° se lit comme suit: "A droit à la
reconnaissance, l'association d'artistes qui satisfait aux conditions
suivantes: 2° elle est formée exclusivement d'artistes et, le cas
échéant, de personnes en voie de se qualifier comme artistes;"
Évidemment, le mot "exclusivement" pose ici problème,
particulièrement à cause de ces journalistes professionnels
membres de l'ACTRA.
Mais la définition comprend aussi un autre problème.
À notre avis, il serait important de modifier le texte pour indiquer
"elle représente des artistes" plutôt que "elle est formée
exclusivement d'artistes". Je m'explique. Si on dit: "elle est formée
d'artistes", même si on enlève le mot "exclusivement", je ne suis
pas certain qu'on résolve bien le problème, qu'on trouve Ici une
solution. "Elle est formée d'artistes", ma foi, cela peut laisser
entendre qu'elle n'est formée que d'artistes. Je ne vois pas ce que le
projet de loi perdrait dans son essence en Indiquant qu'essentiellement elle
représente des artistes.
L'importance de modifier la définition de l'artiste est
énorme dans le projet de loi. Elle est énorme, bien sûr, si
on tient compte des pouvoirs que la commission aura et des balises ou des
éléments de référence avec lesquels elle devra
travailler, mais elle est aussi importante en particulier par rapport aux
articles 61 et 62 de la loi. L'article 61 nous dit: Toute entente collective
qui lie une association d'artistes et un producteur ou une association de
producteurs est présumée avoir été conclue en vertu
de la présente loi." On dit "qui Iie une association d'artistes". Les
mêmes mots apparaissent à la disposition suivante. Pour que les
articles 61 et 62 s'appliquent, encore faut-il qu'il s'agisse bien d'une
association d'artistes. Alors, ce que nous disons précisément,
c'est que, tenant compte des articles 2 et 7, deuxième alinéa, on
pourrait se demander, lorsqu'on lit les dispositions de la loi, si l'ACTRA se
qualifie à titre d'association d'artistes, je pense qu'il est
évident, lorsqu'on regarde les articles 61 et 62, que le
législateur veut que l'ACTRA soit couverte et que les ententes
signées par t'ACTRA aient pleine valeur juridique aux termes de la loi.
(22 h 45)
Le troisième point, les articles 33 et 34 de la loi. L'article
33.1° se lit: "Pendant la durée d'une entente collective ou d'une
décision arbitrale, il est interdit à une association reconnue et
aux artistes qu'elle représente de boycotter ou de conseiller ou
d'enjoindre à des artistes de boycotter un producteur ou une association
de producteurs lié par cette entente ou décision ou d'exercer
à l'égard de ces derniers un moyen de pression de même
nature."
L'ACTRA comprend bien le parallèle que les rédacteurs du
projet de loi établissent ici avec certaines dispositions du Code du
travail, parallèle qui vise à "civiliser" - entre guillemets -
les "relations du travail" - toujours entre guillemets - qui ont cours dans ce
milieu-ci. Pour autant, elle lit les articles 33 et 34 avec des
réticences importantes. Pourquoi? À cause de la nature même
des productions artistiques. Il s'agit d'avoir travaillé un peu dans ce
domaine pour être bien conscient que, très souvent, des
producteurs créent une corporation pour lancer un produit particulier,
comme un film, et, ma foi, soudainement, une autre corporation est
créée par les mêmes personnes pour lancer un autre film. La
première corporation voit ses fonds sécher et ses comptes de
banque descendre abruptement. Malheureusement, il ne reste pas d'argent pour
payer les artistes. Les mêmes personnes physiques qui étaient
derrière cette entreprise, on les retrouve derrière une
deuxième, une troisième et une quatrième
entreprise. On est dans un domaine où, finalement, il y a une
volatilité très particulière. Cela fait en sorte qu'on se
demande si les dispositions du Code du travail, qui sont là pour
s'appliquer dans un cadre où, par définition, il y a une certaine
stabilité d'employeurs, sont parfaitement compatibles avec un
régime de relations Juridiques comme celui-ci et avec une situation
concrète comme celle-ci.
En conséquence, nous demandons que cette limitation quant au
boycott soit retirée. Toutefois, si l'Assemblée nationale
choisissait de conserver la limitation, nous demandons qu'on rajoute des
dispositions qui permettent une application plus facile des dispositions de
l'entente collective. Nous nous référons ici à deux types
de dispositions en particulier: les dispositions qui touchent l'arbitrage,
comme on en retrouve aux articles 100 et suivants du Code du travail; je me
réfère au caractère statutaire de l'arbitre, à la
possibilité d'assigner des témoins et de tenir une enquête,
je n'insiste pas sur les détails, ils sont bien connus; à la
possibilité du dépôt de la sentence arbitrale en Cour
supérieure pour en assurer et faciliter l'exécution; finalement,
je me réfère aussi aux dispositions des articles 45 et 46 du Code
du travail, qui, dans une certaine mesure, pensons-nous, pourraient être
utiles ici lorsqu'il y a changement d'employeur.
Il s'agit, de façon subsidiaire, d'une demande qui est vraiment
minimale, nous semble-t-il, que l'on a pensé utile d'ajouter au Code du
travail il y a quelques années iI s'agit de dispositions qu'on retrouve
à la Loi sur l'assurance-maladie, par exemple, qu'on a ajoutées
également il y a quelques années; je me réfère
à celles touchant l'arbitrage. On pense qu'il s'agit de dispositions
qu'il serait utile d'ajouter au projet de loi.
Le quatrième point, l'article 8, troisième et
quatrième paragraphes. Le problème que nous soulevons ici est
celui de la convocation d'une assemblée générale. Pourquoi
pas? Au fond, parce que, sur le plan démocratique, l'ACTRA
éprouve des difficultés à demander à ses membres ce
qu'ils veulent et ce qu'ils choisissent comme politique d'orientation. L'ACTRA
a une constitution qui garantit la démocratie comme la plupart des
organisations syndicales. Mais l'ACTRA est une association nationale qui
regroupe des artistes dans tout le Canada Ce sont des artistes des secteurs que
je décrivais tantôt et qui oeuvrent dans les productions de langue
anglaise tout comme l'UDA, l'Union des artistes, regroupe des artistes qui
oeuvrent au Canada, de la même façon, dans des productions de
langue française.
Étant donné la lourdeur, si l'on veut, de l'exercice de ce
processus démocratique, - il est vraiment impensable pour l'ACTRA de
tenir des assemblées générales dans tout le pays. Les
seules assemblées générales qui se tiennent dans ie cas de
l'ACTRA, selon sa constitution, se tiennent à l'échelle des
régions. Elles ont très peu de pouvoirs finalement. En fait, les
décisions Importantes concernant l'orientation de l'ACTRA sont prises
par voie de référendum. Ce que nous demandons, c'est que le
projet de loi permette à l'article 8, troisième et
quatrième alinéas, de tenir compte de cette particularité
de l'ACTRA. Le texte - je dis le texte mais je vous demanderais de ne pas vous
attacher au mot à mot, je le dis afin de bien expliciter ma
pensée - pourrait être quelque chose comme réservant
à l'assemblée générale ou à une
décision faisant suite à un référendum..."; ou
à l'article 8.4°: "prescrivant soit la convocation obligatoire d'une
assemblée générale des membres, soit la tenue d'un
référendum lorsque 10 %", etc. Nous voudrions qu'il y ait un
procédé, un processus, une méthode de consultation de la
volonté des membres alternative dans le projet de loi.
La cinquième question que nous voulons soulever est celle de la
reconnaissance explicite de l'ACTRA. Ma foi, je pense bien que cela
entraînerait celle des autres associations regroupant des artistes au
Canada. En fait, à toutes fins utiles, ici au Québec - je me
réfère à nouveau aux articles 61 et 62 - il existe
effectivement depuis de nombreuses années des accords, peu importe la
forme qu'ils prennent, notamment entre l'Union des artistes et l'ACTRA,
à savoir que les artistes du champ de compétence de l'Union des
artistes qui travaillent dans les productions françaises ailleurs qu'au
Québec sont couverts par l'Union des artistes et les artistes du champ
de juridiction de l'ACTRA qui oeuvrent au Québec sont couverts par
l'ACTRA. Il y a vraiment une division sur le plan linguistique qui est
délimitée par le type de production qui a cours.
Il nous paraît qu'il pourrait être utile ici, ou, en tout
cas, il serait sécurisant pour nous qu'aux articles 61 et 62 on
reconnaisse plus précisément et de façon explicite ces
associations nationales comme étant celles qui, actuellement, au moment
où le projet de loi est adopté, représentent les artistes.
Il y a là, ma foi, une structure qui existe depuis belle lurette. Cela
représente un historique, une réalité qu'il y aurait
peut-être lieu de reconnaître.
Le sixième point concerne l'article 17. Je serai très
bref. On est d'accord avec les représentations de l'UDA pour la
modification du pourcentage de 10 % à 30 %. Le septième point
touche l'article 22. Je vous dirai Immédiatement qu'on peut vivre avec
l'article 22 mais on se demande - peut-être, si vous le jugez utile, vous
pourriez nous le dire - si vraiment c'est une disposition qui est utile dans sa
forme actuelle. Nous croyons que la production de la liste devrait être
requise lorsqu'il doit y avoir vérification du caractère
représentatif, mais nous saisissons mal pourquoi, chaque année,
la liste devrait être produite. Bien sûr, nous tenons à vous
le dire, je vous le dis au nom des gens que je représente ici, le projet
de loi va amener un
certain nombre de problèmes d'ajustements pour l'ACTRA. L'ACTRA
accepte ces ajustements de bon gré, elle est heureuse du projet de loi,
on vous l'a mentionné tantôt. La question n'est pas là. Il
est sûr que, notamment quant à la liste, il y aura certains
problèmes qui vont se poser parce que des artistes des productions
anglaises travaillent à l'occasion à Montréal, à
l'occasion à Toronto, à l'occasion ailleurs. Ma foi, II nous
apparaît qu'une liste annuelle ne voudra pas nécessairement dire
quelque chose de vraiment utile alors qu'on peut très bien comprendre,
un peu comme au Code du travail, qu'on veuille se référer
à une date précise pour vérifier le caractère
représentatif. Ce sont les représentations que nous avons
à vous faire. Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci. Merci à M. le
président, également. Mme la ministre des Affaires
culturelles.
Mme Bacon: Me Brodeur, mesdames et messieurs, on vous remercie
d'avoir fait parvenir votre mémoire à la commission parlementaire
et de vous présenter ici devant nous pour faire connaître vos
impressions et vos appréhensions quant au projet de loi 90 que nous
avons devant nous.
Si je saisis bien le problème que vous soulevez, votre
association, qui est une association canadienne, regroupe des artistes qui sont
ici au Québec. Le fait que les décisions se prennent à
l'échelle du pays peuvent peut-être poser certains
problèmes. Est-ce qu'il y a des possibilités de modifications
à votre charte, par exemple, qui vous permettraient de contourner les
problèmes que vous venez de nous mentionner ou s'il faut absolument
qu'un projet de loi comme celui que nous avons devant nous tienne compte de la
charte actuelle de l'ACTRA?
M. Brodeur: Mme la ministre, je dirais de façon
préliminaire - je peux demander à mes clients à la suite
de préciser ma réponse s'il y a lieu - qu'il est toujours
possible de modifier la constitution. Je voudrais insister sur le fait que
l'ACTRA est une association nationale comme beaucoup d'autres et qu'il faut
voir le projet de loi ici... Il faut peut-être même souhaiter que
l'équivalent soit fait en Ontario, à
l'Île-du-Prince-Édouard, en Alberta. Si c'était le cas, ma
foi, à la limite il va falloir qu'il existe une sorte d'adaptation des
onze pouvoirs législatifs. Finalement, on ne saurait plus comment
s'adapter nous-mêmes. De sorte qu'on vient ici un peu en vous demandant
de tenir compte des problèmes que nous avons, et ceci bien humblement,
comprenant que cela implique de votre part des ajustements. Au fond, nous
demandons au législateur de s'adapter à nous et nous sommes bien
conscients que ce n'est pas habituellement le processus.
Mme Bacon: Est-ce que tout le monde n'a pas demandé cela
aujourd'hui, de s'adapter à eux au fond?
M. Brodeur: Je n'étais pas ici aujourd'hui,
malheureusement, Mme la ministre, mais je suis certain que c'est ce qui s'est
passé.
Mme Bacon: Sous des formes différentes. Ce que vous nous
avez demandé dans votre mémoire, c'est de considérer les
journalistes professionnels comme des artistes. Est-ce que j'ai bien saisi
votre demande?
M. Brodeur: Non, Mme la ministre. Me permettez-vous seulement un
instant d'interruption pour consulter mes clients sur la première
question?
Mme Bacon: D'accord.
Mme Harvey: C'est simplement dire que nous représentons
ces gens. Les recherchistes et les personnes qui travaillent à CBC
principalement. C'était quant à l'article 7.2°. Nous ne
sommes pas actuellement dans ce cas une association qui représente
exclusivement les artistes.
Mme Bacon: Exclusivement les artistes, c'est dans ce sens. (23
heures)
Mme Harvey: Mais la plupart de nos membres sont des artistes,
comme vous l'avez constaté ici.
M. Brodeur: Quant à votre première question, Mme la
ministre, on me demande d'ajouter ici qu'en fait, s! on devait se conformer
à la demande d'une assemblée générale, comme il
s'agit d'ententes qui sont négociées nationaleV ment, le plus
souvent, cela nous obligerait à tenir l'assemblée nationale dans
une région ou l'autre et le résultat final serait
vraisemblablement que ce ne serait plus démocratique parce qu'il y a une
foule de gens qui ne pourraient pas venir. La façon qu'on "a
trouvée en pratique, dans le cas de l'ACTRA, c'est un
référendum.
Mme Bacon: En fait, vos assemblées sont tenues d'un
océan à l'autre.
M. Brodeur: II y a des assemblées sur un plan
régional et, lorsque interviennent des décisions qui touchent
l'ensemble du Canada, l'exécutif soumet les questions par voie de
référendum à l'ensemble des membres.
Mme Bacon: Et l'assemblée régionale, par exemple,
du Québec n'aurait pas le pouvoir de prendre ces décisions?
M. Brodeur: Elle n'a pas le pouvoir, Mme la ministre.
Mme Bacon: Quel type... Oui?
Le Président (M. Trudel): Me Brodeur, il n'y a aucune
hésitation; si vous voulez que le président s'exprime en anglais
ou que vous-même voulez vous exprimer en anglais pour faciliter, surtout
à 23 heures, la traduction, il n'y a aucun problème.
M. Brodeur: D'accord. SI vous me le permettez, je n'ai pas
très bien entendu la réponse de madame à ma gauche ici,
mais, quant à la deuxième question, le problème est qu'il
existe un certain nombre de membres dans l'ACTRA qui ne sont pas des artistes
au sens du projet de loi. À ce moment-là, comme une association
d'artistes ne doit regrouper que des artistes, on dit: "elle comprend".
Même le mot "comprend", à mon avis peut poser problème, et
on pourrait se retrouver dans une situation où, à toutes fins
utiles, l'ACTRA ne serait pas une association d'artistes, et même les
articles 61 et 62 ne s'appliqueraient pas à l'ACTRA
Mme Bacon: Dans le type d'entente que vous avez, est-ce que ce
sont des ententes écrites ou ce que l'on appelle un "gentleman's
agreement"? Quel genre d'entente avez-vous qui implique les artistes de langue
anglaise, par exemple, qui sont membres de l'ACTRA?
M. Brodeur: Vous vous référez, Mme la ministre, aux
ententes avec des producteurs?
Mme Bacon: Oui, M. Brodeur: D'accord.
Mme Bacon: Vous pouvez répondre, si vous... Please, go
ahead.
M. Neil: The question of the current legal status of our
collective agreement is a very difficult one. In fact, we are voluntarily
recognized by various groups of producers in exactly the same way that bill 90
proposes us to do. We are voluntarily recognized by those groups and we have
negotiated with some of them for 25, 30 years. In the fields that they are most
concerned here, independent films and television production, we negotiate with
two national organizations, one of which is affiliated with the Québec
producers group APFVQ. In the commercial field, we negotiate with two national
organizations of advertisers and advertising agencies, but again it is alt on
the basis of simple voluntary recognition. Our agreements just appear like
collective agreements.
Mme Bacon: Vous remarquerez que les membres qui sont sous
juridiction, si je peux m'exprimer ainsi, provinciale pour être reconnus
dans la loi 90... Il faut faire quand même la différence.
M. Brodeur: Je comprends bien, Mme la ministre, que pour les fins
du projet de loi ici un artiste qui est membre de l'ACTRA serait visé
par le projet de loi lorsqu'il va travailler sur le territoire du
Québec. Au fond, je pense que c'est vraiment la balise, sauf
qu'évidemment dans le cas d'ACTRA, comme les ententes sont
négociées sur les plan national... Remarquez que c'est le cas
pour les autres associations qui sont passées ici. Je pense bien que
cela Inclut l'UDA. Il y des dispositions qui visent des artistes qui
travaillent dans une production francophone à Toronto, par exemple.
Mais, dans le cas de l'ACTRA, évidemment, cela touche vraiment les 10
provinces canadiennes. Il va y avoir un réajustement à faire,
parce que, lorsque ces artistes vont oeuvrer sur le territoire du Québec
Us vont vraiment être visés par cette loi-ci. Et l'entente qui est
négociée nationalement va, à toutes fins que de droit,
devenir une entente provinciale pour les fins de la loi 90 et dans les champs
de juridiction qui sont visés par la loi 90. On est tout à fait
prêts à faire les adaptations qui doivent être faites
à cet égard.
M. Neil: Can I just add a point? Obviously ACTRA, and I think we
are attempting to say it both in our written Intervention and with Judith
Harvey's comments, clearly will have to adapt In certains ways to the law, and
we are quite prepared to do that and indeed welcome the opportunity because we
believe that the law is a positive step forward. But I guess that what we are
also attempting to say is there are certain preconditions that are absolutely
vital to us and prior to even making those adaptations. Our collective
agreement will have to be adapted. That is really clear, but I do not think
that It is possible to restructure an entire organization based on... And
certainly in the spirit of the law that is proposed. It simply says that
members need basic democratic rights. And, when we have those already, it is
very difficult to restructure, to try to make them fit this particular law. If
those kinds of preconditions were changed, If some of those changes were made,
very clearly, we will then be prepared to adapt as necessary in order to
conform.
Mme Bacon: M. Neil, you mentioned collective agreement. When you
have an agreement or collective agreement with provincial producers, an
association of provincial producers, Is it a written or a verbal agreement? Is
It the same thing for individual producers and, when you have no agreement at
all, what do you do?
M. Neil: The collective agreement Is negotiated with the national
organization of producers. It is a written document. Each individual producer
is required to become a signatory to that collective agreement prior to
producing. They agree to be bound by the terms of the agreement, It is
collectively negotiated and that is the method of regulating individuals.
Members, in their constitution, are required only to work for producers
who are signatory to a collective agreement. That does not prevent a producer
from working outside of the collective agreement, using whoever they want who
is not a member of ACTRA. But that is the way that the regulation of the
Industry has proceeded.
Mme Bacon: Do you have agreements that are not under national
jurisdiction? By national I mean Canada.
M. Neil: In fact, in law, we likely only have about three or four
agreements which are all federal because they are negotiated under the Canada
Labour Code for this group of our members, the broadcast journalists, and the
rest of our collective agreements... We call them collective agreements but
they are not legal collective agreements. They have perhaps been fashioned on a
federal kind of negociation. They appear to be a federal negociation but they
have no legal standing. That was the reference that I made earlier to very
clearly, we will need to conform to the Act within those collective agreements
and make certain basic changes to them, so that they will conform to Provincial
Legislation. But, up to this point, the issue has been moved for us because
there has been a legislation which has governed the operations of this
bargaining.
Mme Bacon: Thank you.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Saint-Jacques, M. le député de Mercier
étant absent pour le moment.
M. Boulerice: Bon, bien, M. le Président, vous savez que
l'hypothèse des questions n'est quand même pas immense et je pense
que la ministre a effectivement posé, aux gens de l'ACTRA, les questions
que nous aurions, nous, de l'Opposition, aimé poser. Alors, je m'estime
satisfait des questions qu'elle a posées et des réponses qui nous
ont été données par l'ACTRA.
Mme Bacon: Voulez-vous dire que je fais aussi le travail de
l'Opposition?
M. Boulerice: Pardon? Ah, comme j'ai souvent fait votre travail,
madame, ce n'est qu'un délicieux partage entre nous!
Des voix: Oh! Ha, ha, ha!
Mme Bacon: Je peux vous dire que j'ai une bonne expérience
de quatre ans et demi.
M. Boulerice: Pardon?
Mme Bacon: J'ai une bonne expérience de quatre ans et
demi.
M. Boulerice: Vous savez que la fougue de la jeunesse, jointe
à l'expérience et la maturité, fait un beau couple!
Une voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Trudel): M. le député, il
faudrait faire attention, parce que j'ai l'impression que la journée va
finir comme elle a commencé, c'est-à-dire sur une note...
Mme Bacon: Pas avec lui.
Le Président (M. Trudel): Pas avec lui? Je suis prêt
à croire à votre parole, Mme la ministre. Messieurs et mesdames
de l'ACTRA, M. le secrétaire général, merci beaucoup.
Thank you very much and have a good trip back home.
Est-ce que vous avez des remarques finales à adresser, Mme la
ministre?
Conclusions Mme Lise Bacon
Mme Bacon: M. le Président, je pense que tout a
été dit au cours de la journée. J'avais dit ce matin que
nous avions cette commission parlementaire pour essayer de comprendre davantage
certains besoins qui n'avaient pas été regardés de
près à l'occasion de la rédaction du projet de loi. Mais
nous avons quand même eu l'opinion, les informations et les aspirations
qui nous ont fait voir d'autres facettes des problèmes. Je dois dire que
dès demain matin, à 8 heures, nous commencerons les études
nécessaires, avec tout frais à la mémoire ce que nous
avons entendu ici au cours de la journée et de la soirée.
Nous essayerons de traduire par certains amendements, peut-être,
à cette loi les demandes qui nous ont été faites
aujourd'hui. Il est évident qu'on ne peut pas répondre à
toutes les demandes qui nous sont faites, mais on essaiera de traduire le mieux
possible ce que nous avons entendu. Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Au nom de mon collègue, le
député de Mercier, et très assurément en mon nom
personnel, pulsqu'au mois de mai 1986 c'est mol qui, à titre de
porte-parole de l'Opposition pour les Affaires culturelles, accueillait les
intervenants qui venaient présenter leurs mémoires sur le statut
de l'artiste, je dirai une chose: Oui, nous accueillons cette loi. Nous
l'accueillons avec enthousiame. Nous avons - mon collègue, le
député de Mercier, et ma collègue, la
députée de Chicoutimi - pris bonne note des recommandations que
vous nous avez faites comme groupe. Je puis vous dire que nous allons
exercer, au moment de l'étude article par article. la même
vigilance et surtout la même Insistance que nous avons montrée
depuis mal 1986 à réclamer le dépôt de cette lof sur
le statut de l'artiste.
Mme Bacon: Vous m'ouvrez une belle porte!
M. Boulerice: Toutefois, nonobstant les murmures de l'autre
côté de la salle qui ne suffiront pas, malgré leur
Intensité vocale, à couvrir ta vérité, j'aimerais
préciser quelque chose. Oui, à un statut de l'artiste, mais,
comme l'écrivait M. Samson, journaliste au Soleil à
Québec, qui est un quotidien prestigieux, non pas uniquement dans cette
ville, mais au Québec en entier, il ne faudrait pas que cette loi, par
magie, masque malheureusement le retrait progressif de l'État dans les
activités culturelles du Québec par des baisses de budget au
ministère de la culture, comme nous en avons subi depuis 1985,
n'aurais-je qu'à citer le saccage des bibliothèques, à
titre d'exemple, où près de 7 000 000 $ ont été
coupés en l'espace de deux ans. Je pourrais allonger la liste. Il sera
très important, effectivement, de vous donner un statut. Il sera
très important de civiliser certaines relations du travail là
où elles ont été très difficiles. Mais à
quoi servirait un statut si cela n'arrivait pas à créer
éventuellement, plus tard, d'autres emplois, de meilleurs emplois et des
emplois de plus en plus nombreux dans le domaine de la culture?
Je pense avoir été un des premiers, à cette
Assemblée nationale, à parler d'industries culturelles et faire
ressortir certains chiffres en disant que 1 $ investi dans les mines, et je ne
cesserai jamais de le répéter, rapporte 1,20 $ et 1 $ investi
dans la culture rapporte 1 60 $. C'est rentable et c'est beau. Je le
répéterai toujours - j'adore cette image - des jeunes
m'invitaient dans une manifestation pour la paix et ils avaient pour slogan "Un
F-18 pour la paix", je répondais: Oui, je vais y participer si vous
m'autorisez à avoir ma propre pancarte, et mon slogan à moi sera
"Le prix d'un char d'assaut pour la culture". Je pense que si l'on investissait
ces montants dans la culture au Québec au lieu de baisser les montants,
nonobstant le parti pris pour l'industrie militarisme que peuvent
peut-être avoir certains membres d'autres formations politiques, si on
investissait ce serait intéressant. Après cela, il y a un
engagement aussi qu'il ne faudrait pas oublier qui est l'engagement du 1 % du
budget du Québec pour la culture. Quant à mol, j'aimerais vous
dire que le 1 % n'est pas un maximum, iI est un minimum.
Je vous remercie d'avoir participé à cette commission. Une
fois de plus s'exerce dans ce pays la démocratie et je pense que c'est
très sain. Vous êtes des gens qui ont démontré leur
connaissance du milieu, leur connaissance de la problématique, certains
mêmes ont une connais- sance et une expérience qui datent ou qui
va dater dans quelques jours de 50 ans. Quand on dure 50 ans c'est parce qu'on
est bon, sinon on a disparu bien avant. La preuve, d'ailleurs - je pourrais
être méchant et dire qu'aucun gouvernement n'a duré 50 ans
au Québec. Sur un ton plus sérieux - il faut quand même
détendre l'atmosphère - on a vécu de nouveau le temps
d'une paix pour la culture, ce que j'avais proposé en mai 1986. On l'a
de nouveau très bien vécu, madame la ministre des Affaires
culturelles, avec mes collègues et moi-même. Donc, de nouveau
merci de vous être présentés à la commission de la
culture. Je peux vous assurer que l'Opposition va regarder très
attentivement article par article le projet de lof lorsque viendra le temps
pour nous de l'étudier. Je suis persuadé que vous saurez
être des observateurs très attentifs à ces travaux
lorsqu'ils vont se dérouler, à partir de lundi, Je crois bien.
Encore une fois, merci et à très bientôt. Comme on dit dans
le milieu, cela porte chance à condition de ne pas y répondre, le
mot de Cambronne.
Mme Bacon: Vous me permettrez, M. le Président, d'ajouter
un mot parce que je sens que le député de Saint-Jacques a eu le
temps de se reposer ce soir et qu'il arrive bien en verve et je dois
dire...
M. Boulerice: Je défendais les intérêts du
doublage, justement, auprès d'autorités françaises.
Mme Bacon: Ah, M. le Président! Ce qu'il ne faut pas
entendre!
M. Boulerice: Vous ne voulez pas profiter de mon
expérience, de ma disponibilité, tant pis pour vous.
Mme Bacon: Quand on a eu le pouvoir comme le parti du
député de Saint-Jacques l'a eu pendant neuf ans et qu'on n'a pas
su donner aux artistes un statut professionnel comme nous tentons de le faire,
ils sont bien mal placés pour critiquer et nous lancer les critiques
qu'ils nous lancent ce soir. C'est vrai que ce n'était pas le
député de Saint-Jacques qui était le ministre des Affaires
culturelles alors, mais il avait quand même sur te bureau du ministre des
Affaires culturelles du Québec un dossier préparé par les
fonctionnaires. Je dois dire que nous avons pris moins de deux ans pour
préparer le dossier, c'est-à-dire un an et demi, et que nous
présentons, tel que nous nous sommes engagés, le dossier. Ce sera
la même chose pour le 1 %.
M. Boulerice: J'ose espérer, madame, que vous trouverez
ces 90 000 000 $, plus les arrérages, parce que de l'argent qui a
été enlevé...
Mme Bacon: ...peut trouver.
M, Boulerice: ...doit être remboursé. Il ne
faudrait pas vous...
Mme Bacon: ...nous allons faire ce que vous n'avez pas fait.
Le Président {M. Trudel): C'est bien ce que j'avais dit
tantôt, cela finit comme cela a commencé!
M. Boulerice: ...du 1 %. Vous, vous avez fait reculer,
madame.
Mémoires déposés
Le Président (M. Trudel): M. ledéputé de Saint-Jacques, vous êtes en forme, nous
aussi. On doit traverser de l'autre côté. Avant d'ajourner les
travaux de la commission, je dois faire te dépôt très
officiel de dix mémoires dont deux mémoires qui n'ont pas fait
l'objet d'une présentation devant la commission: celui du Conseil
régional de la culture de la Mauricie, des Bois-Francs et du Centre du
Québec et celui de la Conférence des conseils régionaux de
la culture du Québec. Alors, je fais le dépôt de tous les
documents.
La commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die.
Bonsoir à tous!
(Fin de la séance à 23 h 20)