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(Dix heures vingt minutes)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de la culture entreprend ses travaux de consultation
générale concernant le rapport sur la mise en oeuvre de la Loi
sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection
des renseignements personnels.
Mme la secrétaire, est-ce que nous avons quorum? Je pense que
oui.
La Secrétaire: Oui.
Le Président (M. Trudel): Est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire: Non.
Le Président (M. Trudel): Je crois comprendre que M.
Filion (Taillon) est membre de la commission pour la durée des travaux,
de même que M. le ministre des Communications.
Tel qu'entendu au cours d'une séance de travail, nous allons
entreprendre nos travaux par des remarques préliminaires. On a
alloué une période de 20 minutes au parti ministériel et
20 minutes au parti de l'Opposition, mais, avant de céder la parole
à M, le ministre, à M. le député de Taillon ainsi
qu'aux autres membres de la commission qui désireront prendre la parole
dont moi-même, j'ai des petites annonces rapides à faire.
Après discussion avec le député de Taillon, nous
avons modifié l'ordre du jour de nos travaux de façon à
recevoir la Commission d'accès à l'information, non pas tel
qu'initialement prévu, jeudi après-midi vers 16 heures, je pense,
mais bien le mardi 15 mars 1988, à 10 heures. Il y aura une
séance de travail de la commission de la culture le mardi 1er mars,
toujours à 10 heures. Cette séance de travail portera
évidemment sur les premières orientations à la suite de ce
qu'on aura entendu au cours des deux prochaines journées.
Sans plus tarder, il m'est agréable, tout en souhaitant la
bienvenue à mes collègues de la commission, de céder la
parole à M. le ministre des Communications.
Remarques préliminaires M. Richard
French
M. French: Merci, M. le Président. J'aimerais tout d'abord
vous rappeler que, lorsque ie législateur a endossé le principe
de ce projet de loi il y a cinq ans, il a voulu assurer une remise en question,
non pas des principes et de l'exis- tence de la loi, mais de son
fonctionnement, sur un horizon d'environ cinq ans.
Nous voilà donc devant cet échéancier qui nous
appelle à revoir une toi qui touche quelque 3600 organismes de taille et
de fonctionnement dramatiquement différents, une loi qui amène
une foule de changements dans le comportement des administrateurs publics, une
loi qui a permis à un nombre toujours grandissant de
Québécois et de Québécoises de
bénéficier soit de l'accès à l'information, soit de
la possibilité de vérifier leur dossier personnel, soit de la
protection de ce même dossier devant les demandes d'un tiers. Bref, toute
une série de mesures qui, en somme, constituent un régime de
gestion de l'information et de gestion documentaire, pour le gouvernement du
Québec, d'une ampleur, d'une profondeur tout à fait
exceptionnelle. Je dis bien exceptionnelle puisque, ayant acquis une certaine
expérience dans ce domaine lorsque j'étais au service d'un autre
gouvernement, je peux dire qu'il n'y a pas, à ma connaissance, un
gouvernement au monde qui a étendu la couverture de sa loi sur
l'accès à l'information et aux documents publics à autant
d'organismes. Nous sommes donc obligés aujourd'hui de revoir cette
mesure et inviter les Québécois à venir témoigner
de leur expérience et de leurs recommandations.
J'aimerais rappeler à la commission l'importance qu'a toujours
eue l'intervention des députés et des commissions de ce Parlement
dans le domaine de l'accès à l'information et la protection de la
vie privée. Cette loi a toujours été l'objet d'un
consensus et d'une collaboration entre les deux partis politiques et,
d'ailleurs, d'un consensus parmi les parlementaires. Je ne veux pas enlever le
mérite de mon prédécesseur pour l'avoir
présentée au Parlement et ce n'est pas le critiquer que de dire
que les gouvernements ne sont pas naturellement portés à endosser
le genre de principes que nous débattons ici. Les gouvernements, on le
sait, sont préoccupés par une foule de problèmes et
l'accès aux documents publics et la protection des renseignements
privés ne sont pas automatiquement, naturellement no 1 dans la liste de
priorités de ('administration.
C'est donc en invitant la commission parlementaire à bien
poursuivre son travail et en assurant mes collègues de la commission que
je ne me sens nullement celui qui doit mener dans les questions et te
débat qui a lieu ici que je remercie les membres de la commission de
m'avoir accepté puisque la réforme parlementaire veut que,
lorsqu'il s'agit d'une étude, d'une responsabilité de ce genre,
c'est bel et bien une acceptation dont il s'agit, et non pas un
privilège pour le ministre. J'agirai plus en tant que
député parmi d'autres députés qu'en tant que
ministre. Ceux et celles qui m'ont vu fonctionner - II y en a
quelques-uns ici - comme président de cette commission avant
décembre 1985 savent que, lorsque. Je dis que c'est un rôle et une
responsabilité qui incombent aux députés, j'agis en
conséquence et je vais agir en conséquence également cette
fois-ci. Je remercie les membres de la commission de leur intérêt
et je leur signale mon vif intérêt pour leurs recommandations
à la suite des audiences que nous allons tenir. Je vais sûrement
vouloir participer de temps à autre, mais, encore une fois, ce sera
à titre de député et non pas nécessairement
à titre de ministre des Communications. Merci, M le
Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, M le ministre M le
député de Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: Merci, M le Président. Au nom de ma formation
politique, dont je suis le porte-parole, je voudrais évidemment vous
remercier, M le Président, de nous permettre de nous livrer pour une
deuxième fois en peu de temps à un exercice démocratique
plutôt unique. D'abord, vous savez que lors de la dernière session
cette commission a eu à étudier un projet de loi volumineux qui
visait à la compatibilité du corpus législatif du
Québec avec la loi sur l'accès à l'information, un travail
monastique qui a abouti à l'adoption de la loi en décembre
dernier de l'autre côté.
On sait que la loi recèle de multiples caractéristiques
qui font que cette Loi sur I'accès aux documents des organismes publics
et sur la protection des renseignements personnels a une valeur toute
particulière. Parmi celles-ci, j'aimerais relever le fait que cette loi
doit faire l'objet d'une évaluation quinquennale visant à
mesurer, si on veut, l'opportunité de son maintien et, le cas
échéant, de sa révision. II s'agit là d'une formule
extrêmement productive par laquelle les législateurs, en adoptant
une loi demandent que ces mêmes législateurs, cinq ans plus tard,
révisent leur législation pour faire en sorte que le cadre
légal que nous définissons est conforme à la
réalité, est conforme aux aspirations des objectifs de la
loi.
Tout cela confère donc à nos travaux une orientation
innovatrice et une responsabilité majeure, également. Dans cette
perspective, nous sommes assurés que prévaudront une fois encore,
comme le souligne d'ailleurs la commission dans son rapport, l'absence d'esprit
partisan et une studieuse atmosphère J'étais de ceux avec qui le
ministre des Communications a échangé sur l'opportunité
d'être présent à cette commission parlementaire et je n'ai
aucune réticence à mentionner, à dire publiquement que je
considérais que sa présence ne pouvait que renforcer cet esprit
studieux et non partisan.
Tracer le bilan et analyser l'application d'une loi si fondamentale,
cela nous semble d'une importance inestimable pour l'avenir. L'Opposition
officielle est donc heureuse de s'y associer avec la Commission d'accès
à l'information, le ministre responsable, comme je l'ai
mentionné, les membres de la commission de la culture, que je remercie
de leur hospitalité, n'étant pas un membre à temps plein,
et surtout avec tous ceux qui ont jugé bon de nous faire parvenir leurs
commentaires, leurs critiques positives ou négatives, leurs critiques
dans le sens large, sur ce mécanisme de révision. (10 h 30)
On sait que nous commençons nos travaux avec un document de base
exceptionnel qui est le rapport de mise en oeuvre. Dans un effort
d'objectivité remarquable - on dit souvent qu'il est difficile de se
juger soi-même - la Commission d'accès à l'information a
réussi son mandat périlleux d'évaluer à la fois la
loi d'accès à I'information et son propre travail. Eu
égard aux enjeux à la complexité et à la
nouveauté de la loi d'accès ainsi qu'à la très
courte période de sa mise en application - cinq ans, ce n'est quand
même pas beaucoup pour une loi de cette Importance - la réussite
du bilan et de l'anlayse de la Commission d'accès à l'information
mérite, d'entrée de jeu, une forte mention.
Nous en profitons également pour souligner le travail
exceptionnel accompli par les commissaires de la commission et, en particulier,
celui du premier président de la Commission d'accès à
I'information. M. Marcel Pépin, qui, comme tout le monde le sait a
quitté il y a quelques semaines, à peine quelques mois, la
présidence de la Commission d accès à l'information.
La loi sur l'accès à l'information et la protection de
renseignements confidentiels, comme son nom l'indique d'ailleurs, comporte deux
droits et de multiples fonctions. Les dangers et les écueils et,
concurremment, le défi et la témérité à
assurer deux droits fort différents - l'accès à
l'information et la protection des renseignements confidentiels -
méritent d'être soulignés. Cette coexistence pacifique,
allais je dire, ne manque toutefois pas de créer une certaine zone grise
qui, à l'occasion, peut être conflictuelle. Le dossier de
l'adoption est celui qui me vient à l'esprit. Lorsqu'on a eu l'occasion
d analyser tout le dossier de la recherche des parents naturels et de la
protection du dossier d'adoption, à la lueur de ces deux droits, on
s'est rendu compte que les problèmes n'étaient pas simples. J'ai
eu l'occasion de le dire et je le répète, lorsque vient le temps
pour le législateur de trancher ce type de problématique, les
amateurs de blanc et de noir sont priés de s'abstenir. Les jugements
à porter ne sont pas toujours faciles et je croîs que cette
commission a su, dans le passé, au meilleur de la capacité de ses
membres, rendre les décisions les plus éclairées
possible
La Commission d'accès à l'information assume de multiples
rôles assurer l'accès aux
documents, garantir la protection de renseignements personnels, agir
comme tribunal et veiller à l'application et au respect de la loi. Cette
nomenclature rappelle avec acuité la tâche immense et, somme
toute, à la fois stimulante de la commission et explique les multiples
questions, ajustements, révisions qu'elle propose dans son rapport.
Nous ne tenons nullement à reprendre ici de façon
exhaustive l'ensemble des commentaires et réflexions que la commission a
consignés à son rapport ni chacune de ses 33 recommandations,
considérant que les discussions que nous tiendrons avec les divers
intervenants sauront assurer cette nécessaire revue. Cependant, nous
voudrions peut-être mettre en exergue certaines des préoccupations
contenues au rapport.
Le premier des deux chapitres du rapport entend répondre aux
trois questions suivantes: Qu'est-ce que la loi d'accès apporte aux
citoyens, comment les organismes publics en vivent-ils les exigences et de
quelle façon la commission assume-t-elle son rôle? Les
démonstrations sont claires, les faits précis et soulignent,
entre autres, que le droit d'accès est utilisé de façon
appréciable, que les organismes publics ont appris à vivre avec
cette loi, que la protection des renseignements personnels se
révèle une dimension majeure de la vie privé et qu'enfin
la fonction de tribunal et le rôle de surveillance qu'assure la
Commission d'accès à l'information ont su démontrer leur
pertinence.
Pour toutes ces raisons, la Commission d'accès à
l'information conclut, dans son rapport, à la double
nécessité de maintenir la Loi sur l'accès aux documents
publics et sur la protection des renseignements personnels et de continuer
à en confier la surveillance à un organisme indépendant.
Peu des mémoires que nous avons reçus... Après le rapide
examen que j'ai fait, un mémoire conclut en sens contraire. De notre
côté, d'entrée de jeu, nous pouvons immédiatement
dire que nous favorisons, bien sûr, le maintien de la loi et le maintien
de la fonction de surveillance à un organisme indépendant, bien
que nous serons ouverts à entendre les propos de l'organisme qui a
écrit en sens contraire.
La commission reconnaît toutefois, d'emblée, la
nécessité d'une importante réflexion sur
l'amélioration de la loi et opère ainsi cet exercice dans un
second chapitre qui puise son essence sur l'expérience acquise,
expérience de cinq ans, et propose de nombreuses et stimulantes pistes.
Retenons-en quelques-unes.
D'abord, l'élargissement du champ d'application de la loi au
secteur privé, ne s'agirait-il que des entreprises de crédit, des
banques, des compagnies d'assurances. Force est de s'inquiéter, dans le
secteur privé, de la quantité phénoménale de
renseignements personnels recueillis, consultés et
échangés. À juste titre, la Commission d'accès
à l'information s'interroge sur la pertinence d'y élargir le
champ d'application de la loi, préoc- cupation que partagent d'ailleurs
plusieurs des intervenants qui comparaîtront devant cette commission. La
commission ne fait aucune recommandation immédiate à ce sujet
bien précis et, quant à nous, nous aurions aimé que la
commission fasse preuve d'un peu moins de timidité, compte tenu de
l'importance de cette question de l'élargissement du champ d'application
de la loi.
Nous interrogerons également les intervenants sur leur
état de réflexion sur cet aspect fondamental du
développement de la technologie qui fait en sorte que dans le secteur
privé on construit des banques de données d'information
absolument gigantesques. Il aurait également été
intéressant que ta commission nous donne certaines indications sur
l'état de la réflexion du groupe de travail
interministériel auquel la commission est associée et qui,
à l'initiative du ministère de ia Justice, est déjà
à la tâche sur cette question-là.
Deuxième question que je soulève rapidement' l'abolition
du droit d'appel auprès de la Cour provinciale. Cette question a
été mentionnée par plusieurs des intervenants, par
plusieurs des personnes et des groupes qui seront entendus. Le problème,
évidemment, consiste à s'assurer si une simple autorité
morale ne saurait pas assurer toute l'influence nécessaire qu'exerce la
Commission d'accès à l'information à l'égard de
l'application de la loi. La commission recommande à ce sujet qu'un
citoyen puisse faire homologuer une décision en révision de la
commission auprès de la Cour supérieure une fois les
délais d'appel courus.
Également, en ce qui concerne le mandat d'information, dans son
rapport annuel 1986-1987, la Commission d'accès à l'information
écrivait, et je cite, "regretter de n'avoir pu davantage faire
connaître la foi et les services de la commission, tant par manque de
ressources que faute d'un mandat explicite pour le faire. Après cinq
ans, nous constatons - c'est la commission qui l'écrit - que l'une des
plus évidentes faiblesses de cette réforme est d'être
encore trop méconnue non seulement du grand public, mais aussi des
organismes assujettis eux-mêmes." Je pense que c'est quelque chose qui
valait le coup d'être cité.
Également, la protection - je l'ai mentionné tantôt
- des renseignements personnels à l'ère de l'informatique.
À ce sujet, je voudrais simplement citer les propos de l'un des
spécialistes canadiens en la matière, M. David H. Flaherty, de
l'Université Western, Ontario, en septembre dernier, à la
Conférence annuelle des commissaires à la vie privée, dont
d'ailleurs la Commission d'accès à l'information du Québec
était l'hôte: Devant l'émergence de ce qu'il qualifiait de
"société de surveillance", M. Flaherty s'inquiétait des
nouvelles techniques menaçantes et de la réduction de l'espace
privé. J'aime beaucoup cette expression "société de
surveillance".
M. le Président, en terminant, une loi est
toujours perfectible. Dans ce cas-ci, eu égard aux droits
nouveaux que contient la loi sur l'accès à l'information, eu
égard à la très courte période de la mise en
application, nous croyons que l'exercice que nous amorçons ce matin, qui
commencera par l'audition des groupes et personnes intéressés,
est un exercice éminemment démocratique. C'est avec grand plaisir
que nous apporterons le maximum de nos possibilités pour faire en sorte
que ces travaux puissent être les plus productifs possible. Je vous
remercie.
Le Président
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Taillon.
Je vais utiliser une partie du temps réservé au parti
ministériel pour quelques remarques préliminaires que je veux
aussi neutres que possible, en essayant de me faire autant que possible le
porte-parole de toute la commission.
J'aimerais d'abord vous souhaiter la bienvenue aux audiences de la
commission de la culture dont le mandat, vous le savez, consiste à
étudier le rapport de la Commission d'accès à
l'information, rapport qui a été rendu public le 22 octobre
dernier. Je profite aussi de l'occasion pour féliciter les auteurs de ce
volumineux rapport de la Commission d'accès à l'information ainsi
que tous ceux et celles - ils sont très nombreux - qui ont
collaboré à sa rédaction, intitulé "Une vie
privée mieux respectée, un citoyen mieux informé". On se
souviendra que ce travail s'attarde principalement au bilan de la mise en
oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur
la protection des renseignements personnels.
Au cours des prochains jours des groupes et des organismes
représentant différents secteurs d'activités sociale et
économique nous soumettront leur opinion sur ce rapport et nous
exposeront leurs idées et leurs suggestions quant aux corrections qui
pourraient s'imposer après cinq années d'application de la loi
sur l'accès. À ce jour, le secrétariat a reçu la
plupart des mémoires, et les membres de la commission de la culture ont
déjà eu l'occasion d'en prendre connaissance. Je me
réjouis de la très haute qualité de la plupart d'entre eux
et j'en félicite leurs auteurs.
De tout le travail accompli par la Commission d'accès à
l'information depuis sa création en décembre 1982, il ressort que
l'expérience a enseigné que l'adhésion et la mise en
application de cette loi sont une réalité pour la grande
majorité des organismes publics et parapublics. Comme le soulignait le
président de la commission lors de la présentation de son rapport
annuel 1986-1987, et je cite: "Bien qu'il reste beaucoup de chemin à
parcourir dans certains secteurs, dans l'ensemble il est juste d'affirmer que
le Québec enregistre un progrès important en ces matières
et qu'il constitue un modèle pour les autres provinces canadiennes."
Nul ne contestera le fait que la mise en oeuvre d'une politique
d'accès à l'information a des impacts énormes dans une
société aussi complexe que la nôtre où règne,
depuis toujours, la démocratie. Mais, parce que nous sommes
habitués aux réalités démocratiques, il n'en reste
pas moins que la démocratie est une chose fragile et que les droits
démocratiques, tant individuels que collectifs, peuvent subir, au cours
des ans et à la suite des développements technologiques ou
autres, une érosion aussi lente que pernicieuse.
D'une certaine façon, on peut affirmer que l'esprit et la lettre
d'une loi comme celle sur l'accès à l'information respectent au
plus haut point l'idéal démocratique poursuivi par tous. En
effet, au fur et à mesure que se développe une
société organisée, l'État, comme l'entreprise
privée, développe des habitudes et des comportements qui peuvent
être perçus comme étant de l'ingérence dans la vie
privée des citoyens. Pour exercer leur mandat respectif, les organismes
publics et privés ont recours à des Instruments de travail
toujours plus sophistiqués dont le contrôle échappe bien
souvent au simple citoyen.
Le progrès n'a pas de prix, dit-on souvent. Au contraire, je suis
d'avis qu'il en a un et que ce dernier consiste trop souvent en perte de
liberté ou d'autonomie pour les individus. Le tout se réalise
sans que l'on n'y prenne garde et sans que l'on ne l'ait recherché
nécessairement. C'est pourquoi la loi sur l'accès à
l'information se révèle essentielle pour que soient
assurés les droits individuels et collectifs, pour que soient
protégés à la fois l'accès aux documents publics et
le respect des renseignements personnels, pour que soient respectés la
vie privée et le droit du public à l'information. À cet
égard nous ne pouvons, je pense, que louanger le travail professionnel
accompli par la Commission d'accès à l'information mais, pour
mieux en saisir les enjeux, je me permets de situer son mandat et ses pouvoirs
après avoir esquissé le mandat de notre commission.
En vertu de l'article 179 de la toi sur l'accès à
l'information, la commission chargée d'administrer cette loi est tenue
de remettre à tous les cinq ans un rapport au gouvernement sur la mise
en oeuvre de la loi, sur l'opportunité de la maintenir en vigueur et, le
cas échéant, de la modifier. C'est conformément à
cet article de la loi que le président de la Commission d'accès
à l'information, M. Marcel Pépin, remettait l'automne dernier au
ministre un rapport divisé en deux chapitres. (10 h 45)
Le premier, le député de Taillon l'a rappelé
tantôt, soumet un bilan de tout près de trois ans de mise en
oeuvre de la loi, soit de juillet 1984 au 31 mars 1987, qui en analyse
l'utilité réelle et vérifie si elle mérite
d'être maintenue. Le second chapitre propose une réflexion
appuyée sur l'expérience acquise par la commission d'accès
dans tous les domaines de sa juridiction. Il vise
à juger de certaines difficultés d'application de la loi,
à partager les objectifs mieux circonscrits, à mesurer les
nouveaux défis et à évaluer la sagesse et
l'efficacité des solutions proposées. En outre, pour
répéter encore une fois ce qu'on a dit depuis tantôt, le
rapport contient 33 recommandations visant à faciliter l'accès
aux documents, à mieux encadrer la protection des renseignements
personnels, à clarifier davantage l'exercice des nouveaux droits que la
loi reconnaît au citoyen et à alléger les contraintes
administratives qui incombent parfois aux organismes.
La commission reconnaît enfin l'urgence de prévoir des
mesures propres à resserrer la protection des données
personnelles à l'ère de l'informatique. Cette dernière
dimension est particulièrement importante du fait qu'elle constitue la
prochaine étape d'un défi sans cesse renaissant portant sur la
protection des renseignements et ce, à cause de l'évolution
rapide des technologies nouvelles et ce besoin insatiable des administrations
de colliger toujours davantage de renseignements nominatifs. On veut ainsi
éviter que l'accumulation des données ne donne lieu à des
abus gênants et s'assurer que l'État garde le contrôle de
ces vastes opérations de collecte. Cet aspect, ce n'est pas surprenant,
a fait l'objet des réflexions de l'immense majorité de nos
invités des prochains jours.
J'aimerais maintenant m'attarder quelques instants sur le bilan de la
Commission d'accès à l'information. Rappelons que cette loi sur
l'accès à l'information comporte deux principes: d'une part, elle
traite de l'accessibilité des documents de l'administration publique et,
d'autre part, de la confidentialité des renseignements que
l'administration publique détient sur les citoyens. La commission
d'information a pris un envol passablement rapide trois ans après sa
création. En effet, en date du 10 juillet 1985, on affirmait dans un
article d'un journal de Québec que la loi avait été
jusqu'alors peu utilisée. La commission avait en effet ouvert 375
dossiers de toute nature et 127 requêtes de révision avaient
été formulées en 1984-1985. Or, entre le 1er juillet 1985
et le 30 juin 1986, 4306 demandes d'accès ont été
traitées, soit le double de celles de l'année
précédente. Voilà donc une productivité qui
dénote à la fois l'intérêt du citoyen et la
nécessité d'un tel instrument pour la protection de ses
droits.
Au chapitre de l'accès, la loi étend ce principe aux
documents détenus par les organismes publics et s'applique, le ministre
le rappelait tantôt, à 3600 d'entre eux dont les ministères
et organismes gouvernementaux, les sociétés d'État, les
établissements de santé et de services sociaux et les organismes
scolaires et municipaux. Les organismes du secteur privé ne sont pas
touchés par cette loi.
Quant au second volet, celui de la protection des renseignements
personnels, la loi est plus complexe. Elle consacre le principe de la
confidentialité des renseignements personnels et celui du droit à
l'accès et à la rectification de ces mêmes renseignements
en faveur de la personne qu'ils concernent. Entre autres fonctions, la
commission exerce celle d'adjudication en vertu de laquelle, en tant que
tribunal administratif, elle est appelée à trancher les litiges
entre les organismes publics et les citoyens portant sur l'accès aux
documents publics et sur l'accès à la rectification des
renseignements personnels.
La seconde fonction de la commission est reliée à la
surveillance et au contrôle de l'application de la loi sur
l'accès. Ce rôle de surveillance et de contrôle amène
la commission à tenir, de sa propre initiative ou à la suite de
plaintes de citoyens, les enquêtes sur le fonctionnement et l'observance
de la loi.
La troisième fonction est celle en vertu de laquelle la
commission est appelée à fournir des avis au ministre des
Communications, au gouvernement et à l'Assemblée nationale. La
commission exerce enfin une fonction normative en ce qu'elle peut
établir des règles concernant des déclarations de fichier
et prescrire des conditions en ce qui a trait à la gestion des fichiers.
D'aucuns, notamment la Conférence des recteurs, sont d'avis que le cumul
de ces fonctions pose un problème.
Nous voilà donc rendus à une étape cruciale quant
au travail de la Commission d'accès à l'information. D'une part,
comme nous l'avons vu précédemment, les applications
législatives et administratives sont bel et bien implantées et,
d'autre part, il n'est pas question d'une remise en cause profonde de la loi.
La réflexion que nous entamons aujourd'hui s'inscrit dans la suite
logique de tout ce processus. En effet, le fruit de notre travail et surtout
celui de nos Invités se traduira sous forme de recommandations qui
seront soumises au ministre des Communications responsable de l'application de
cette loi, après avoir été déposées à
l'Assemblée nationale.
Enfin, nous dirons que cette phase de réflexion apparaît
opportune dans la mesure où il faut commencer à penser au fait
que le secteur privé dispose d'une masse d'information importante sur la
vie privée des citoyens. Le président de la commission
d'accès soulignait d'ailleurs qu'à titre de gardien de notre
démocratie l'État devait peut-être songer à exercer
un certain contrôle sur ces données. Voilà - et je
répète un peu ce que le député de Talllon a dit
tantôt - une question fort complexe que nous ne manquerons pas d'aborder
avec les différents intervenants que nous entendrons au cours des
prochains jours.
Comme on a pu le constater, le rapport de la commission se
préoccupe beaucoup du possible assujettissement des organismes
privés à des règles de protection des renseignements
personnels, sans toutefois formuler de recommandations immédiates.
Là encore, je le répète, II sera intéressant
d'échanger avec nos invités sur un
sujet aussi délicat et peut-être en arriverons-nous
à formuler des recommandations précises. De toute façon,
nous y reviendrons.
Se pose également la question du rôle du
député et de ses obligations en vertu de la loi. Par exemple, te
député possède-t-ll un statut particulier l'autorisant
à agir de facto pour et au nom d'un électeur qui lui en fait la
demande? Sinon devrait-il posséder un tel statut particulier et quelle
devrait être l'étendue de ce dernier? La présente situation
porte à confusion et mérite qu'on y réfléchisse, ne
serait-ce que quelques instants. C'est ce que nous ferons, donnant ainsi suite
à une séance à huis clos que nous avons tenue
dernièrement à ce sujet.
S'agissant des recours, doit-on conserver le droit d'appel à la
Cour provinciale? Plusieurs intervenants expriment des doutes sérieux
à ce sujet, jugeant dilatoire cette mesure qui peut, d'autre part,
constituer une garantie d'indépendance et d'impartialité. Ne
devrait-on pas ajouter une procédure d'homologation devant la Cour
supérieure? Et que dire de ta question de la confidentialité
réclamée tant par l'Association des hôpitaux du
Québec que par l'hôpital Royal Victoria, par des programmes de
gestion des risques et de l'appréciation de la qualité dans les
hôpitaux? Voilà esquissées quelques-unes des grandes lignes
du mandat de la commission. Je terminerai en soulignant que notre Intervention
des prochains jours s'inscrit dans la foulée d'un travail que je
n'hésite pas à qualifier de remarquable de la part de la
Commission d'accès à l'information.
Les rapports entre cette commission - donc, la commission de la culture
et la Commission d'accès à l'information - sont fréquents
et féconds. C'est ainsi, par exemple, que nous avons eu l'occasion et le
plaisir d'entendre le président de la commission quatre fois dans le
cadre de l'étude des crédits depuis 1984. D'autre part, en vertu
de l'article 119.1 de la loi, nous avons accompli notre mandat de surveillance
de la Commission d'accès à l'information à trois reprises
depuis la création de la commission en 1984. Au cours des séances
tenues le 4 décembre 1984 ainsi que les 28 janvier et 27 octobre 1987,
les membres de cette commission ont pu aborder avec les commissaires des
questions aussi diverses que la protection des documents d'archives, l'effet
des avis de la Commission d'accès à l'information, la
déjudiciarisation des auditions, le coût des documents, les
dossiers médicaux, le rôle du député, l'accès
des parents au dossier d'un enfant de quatorze ans, tes documents des
municipalités, tes demandes de renseignements à des fins de
recherche, d'études et de statistiques, la déclaration de
fichier, l'identification personnelle et le contrôle du milieu
Informatique, pour ne mentionner que les principales.
Enfin, je soulignerai, au nom de la formation politique que je
représente, notre appui au projet de foi déposé au mois de
mai 1982 et adopté la même année instituant ladite commis-
sion. Depuis décembre 1985, la Commission d'accès à
l'information a fait l'objet de l'appui constant de l'actuel ministre des
Communications ainsi que de l'appui, aussi modeste qu'enthousiaste, des membres
de cette commission. Aujourd'hui, la Commission d'accès à
l'information en est rendue à la croisée des chemins. Je crois
pouvoir parler au nom de tous les membres de cette commission pour indiquer
à la Commission d'accès à l'Information qu'avec les
citoyens nous l'aiderons à franchir les prochaines étapes.
Je suis prêt à reconnaître un membre de la formation
du parti de l'Opposition ou alors de la formation du parti ministériel.
Il reste cinq minutes pour les remarques préliminaires, si vous en
avez.
Le silence étant d'or, nous allons pouvoir passer à
l'audition de nos premiers témoins et j'inviterais M. Réal
Barnabé, président de la Fédération professionnelle
des journalistes du Québec, à bien vouloir prendre place - on
l'appelle, je n'ai jamais aimé le mot, cela judi-ciarise tout le
processus, la table des témoins, alors moi je l'appelle la table des
invités. M. Barnabé, bienvenue parmi nous II vous reviendra,
étant donné l'intérêt manifesté par la
profession et la fédération que vous représentez,
étant donné l'intérêt manifesté par ces gens
non seulement depuis la mise en vigueur de la toi mais bien avant celle-ci...
Vous le rappelez dans votre rapport. Étant donné cet
intérêt, il me fait énormément plaisir de vous
céder la parole pour une période d'environ 20 minutes
Auditions
Fédération professionnelle des
journalistes du Québec
M. Barnabé (Réal): Merci, M. le Président.
M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, il me fait
plaisir d'être là ce matin. C'est un intérêt
personnel, mais c'était aussi une préoccupation constante de mes
prédécesseurs, l'accès à l'information étant
un dossier très important pour nous.
Je me permettrai une remarque préliminaire avant de
présenter notre mémoire. Ces jours derniers vous avez reçu
notre mémoire et, ce matin, je me suis présenté avec une
version révisée. Alors, avec votre permission, j'aimerais qu'on
considère que la version révisée est la version officielle
et finale. C'est strictement une question de forme. En revoyant cela au cours
du week-end, on a constaté qu'il fallait améliorer quelque peu la
présentation. Alors, ne soyez pas inquiets, il n'y a pas de changements
dans le contenu et, sauf erreur, au bout de la table, vous avez la version
révisée; pour les journalistes, la même chose a
été faite ce matin. Alors, on peut donc identifier le document
dans sa version finale par la date du 9 février 1988 en haut à
droite. Si la fédération était un organisme public, elle
pourrait peut-être se référer à
l'article 9 de la loi pour dire que la première version est un
document préliminaire, des notes de travail, un brouillon et qu'il faut
donc s'en tenir à la version finale.
Dans la première partie du mémoire, on fait allusion
à l'intérêt de la fédération et je vais
rappeler très rapidement que la Fédération professionnelle
des journalistes du Québec s'intéresse à cette question
depuis longtemps. Dès le congrès de 1979, on a
étudié des résolutions, on a tenu deux colloques sur la
question avec des personnalités étrangères et, en 1980, un
de nos anciens présidents, M. Gérald LeBlanc, présentait
un mémoire devant le groupe de travail dirigé par M. Jean
Paré. En 1981, c'était au tour de Jean-François
Lépine, un autre ancien président, de faire la même chose,
cette fois devant une commission parlementaire avant l'adoption de la loi, et
la fédération a publié aussi, comme vous le savez
sûrement, un guide qui s'adresse aux journalistes, un guide d'utilisation
de la loi. Depuis septembre 1987, Le 30, le magazine du journalisme
québécois, étudie les décisions de la Commission
d'accès à l'information dans une chronique
régulière et suit le dossier de l'accès à
l'information tant à Québec qu'à Ottawa.
Je pense qu'il était important de rappeler cet
intérêt de la Fédération professionnelle des
journalistes pour en arriver à l'essentiel de notre présentation,
une sorte d'appréciation générale sous le chapitre "Une
bonne loi mal appliquée". D'une manière générale,
nous croyons que la réforme est sur la bonne voie. Cette loi est
considérée à juste titre comme l'une des plus
progressistes parmi la poignée de lois semblables en Occident. Nous
croyons cependant que ses principes de base ne sont pas bien compris par de
très nombreux gestionnaires qui ont à son égard une
attitude défensive et dont le premier réflexe est de dire non
à toute demande, cherchant fébrilement des motifs de refus. Nous
avons l'impression que, pour certains gestionnaires, la loi est un
répertoire de bonnes raisons pour refuser l'accès à un
document, alors qu'on sait très bien que ce n'était pas
l'intention du législateur.
Pourtant, Mme Thérèse Giroux, commissaire et
présidente par intérim de la Commission d'accès à
l'information - je me permets de faire une parenthèse ici pour souligner
l'urgence de nommer un président ou une présidente à la
Commission d'accès à l'information puisque Mme Giroux le fait par
intérim; Je pense qu'il est important que cette vacance ne soit pas trop
longue - rappelait récemment dans une décision que la loi sur
l'accès à l'information fait de l'accessibilité aux
documents un principe et des restrictions au droit d'accès des
exceptions. C'est donc dire que les dispositions établissant ces
exceptions doivent recevoir une interprétation restrictive et que toutes
les conditions prévues à ces exceptions doivent être
satisfaites pour que celles-ci puissent être valablement
invoquées.
Mme Giroux ajoutait "tout document est, en effet, en principe,
accessible et seule la présence des conditions prévues à
une restriction peut justifier le refus d'accès aux renseignements qu'il
contient". C'est l'intention de la loi exprimée dans ces quelques mots
de Mme Giroux qui ne semble pas être bien intégrée aux
pratiques ni être bien comprise par plusieurs responsables ou plusieurs
gestionnaires. Ceux-ci ne comprennent pas qu'en principe un document est
accessible et qu'il faut avoir de très bonnes raisons pour en refuser
l'accès. L'intention du législateur - la transparence,
l'accessibilité, l'ouverture - ne semble pas avoir été
intégrée aux pratiques de plusieurs de ceux qui ont à
vivre avec cette loi et à répondre aux requêtes qu'on leur
présente. C'est donc une question de mentalité. (11 heures)
Le changement dans la culture des organisations - puisque c'est de cela
qu'il s'agit - que la loi provoque ne peut se faire du jour au lendemain, on le
comprend. Mais, cinq ans, c'est déjà long et il est temps que les
gestionnaires comprennent ce qu'est profondément cette loi. Il est temps
aussi que les dirigeants politiques se manifestent pour faciliter cette
compréhension, Cette loi a été adoptée à
l'unanimité par l'Assemblée nationale. On dit souvent, dans des
colloques de spécialistes, que c'est l'une des meilleures lois, mais on
a rarement vu un ministre, quelle que soit son étiquette politique, s'en
vanter et dire: Je suis fier de cette loi, à l'exception, comme je le
souligne dans les prochaines lignes, de l'actuel ministre des Communications et
de son prédécesseur, qui ont toujours manifesté un
très grand intérêt pour cette question. Mais ce n'est pas
seulement l'affaire du ministère des Communications. D'ailleurs, la loi
prévoit que le Conseil des ministres nomme un ministre responsable. Ce
n'est pas nécessairement le ministre des Communications, c'est l'affaire
de l'État, et on ne sent pas d'enthousiasme autour de cette loi.
D'autre part, il faut souligner que le ministère des
Communications, à l'intérieur de ses limites, a fait son travail
auprès des organismes. Il y a eu aussi l'ENAP qui a mis sur pied des
cours de formation à l'intention des responsables, mais tout se passe
comme s'il y avait absence de volonté de faire ta promotion de la loi
à l'interne comme à l'externe. On a voté cette loi
à l'unanimité, je le répète, en 1982. Personne
n'est contre la vertu mais on semble parfois la trouver bien embarrassante.
La Commission d'accès à l'information. Notons d'abord que
la Commission d'accès à l'information, sous la présidence
du journaliste Marcel Pépin, a réussi depuis cinq ans à
établir son autorité et à rendre des ordonnances dans des
délais raisonnables, malgré le peu de ressources dont elle
dispose. On aurait peut-être pu dire aussi: grâce au peu de
ressources dont elle dispose puisqu'on constate que, parfois, le fait de
ne pas avoir beaucoup de ressources, cela peut être très
stimulant dans le secteur public et susciter tout à coup une
montée de productivité. Cette frugalité est excellente.
Nous croyons cependant que devrait être reconnu à la Commission
d'accès à l'information le mandat explicite d'informer la
population sur ses droits. Le silence de la loi à cet égard
semble paralysant.
Les délais. Dans son excellent rapport, fa commission
d'accès propose que deux délais en particulier soient
réduits, aux articles 37 et 39, au sujet des recommandations et des
analyses. On propose que ces délais passent de dix et cinq ans à
deux ans. Nous appuyons, bien sûr, cette proposition, mais d'une
manière générale - on n'a pas eu l'occasion, dans ce petit
document, de faire état de tous les délais - nous croyons qu'il
serait urgent de réduire la plupart des délais durant lesquels la
communication de certains documents peut être refusée - je parle
ici des délais d interdiction. Ces délais, donc, pourraient
être aisément coupés de moitié. Le droit au bon
gouvernement, auquel faisait allusion M Jean Paré, ne s'en porterait pas
plus mal puisque l'une des raisons pour lesquelles il y a ces délais,
c'est qu'on dit: II faut bien que l'État fonctionne, il faut pouvoir
gérer le bien public et, dans certains cas le législateur a
pensé qu'il était bon qu'il y ait des délais. Mais,
à l'expérience, je pense qu'on pourrait très facilement
réduire la plupart de ces délais et la survie de l'État ne
serait pas menacée.
La formulation des demandes. La loi prévoit déjà
que les responsables de l'accès ont l'obligation d aider le
requérant dans la formulation de sa demande, à l'article 44. La
commission propose d'ajouter "dans la précision de sa demande". La loi
dit déjà "Le responsable ". Si un citoyen se présente et
qu'il ne sait pas trop comment formuler, le responsable doit l'aider. La
commission dit qu'il faudrait ajouter "dans la précision de sa demande".
Nous appuyons sans réserve cette recommandation même si le seul
fait qu'elle soit faite dénote un manque évident de bonne
volonté. II était écrit dans la loi qu il faut aider le
requérant dans la formulation de sa demande. II faudrait maintenant
ajouter "dans la précision de sa demande". Cela veut donc dire, si on
veut être clair, que dans certains cas il y a des responsables qui ne
respectent pas ce qui est prévu, au point où il faut être
plus clair. Cela est déplorable. Je fais référence
directement à mon premier propos, quant à l'attitude des
gestionnaires et des responsables.
La même remarque s'applique à l'amendement proposé
à l'article 43 obligation de transmettre sans délai une demande
d'accès au responsable de I'application de la loi. Est-ce qu'il faut
donc comprendre qu'il y a des gens dans les organismes publics qui
reçoivent des demandes d'accès et qui laissent traîner ces
demandes sur leur bureau, et qu'il faut donc préciser dans la loi I
obligation de transmettre sans délai ces demandes au responsable? C'est
un peu étonnant mais, bien sûr, nous appuyons ces propositions
d'amendement de la commission d'accès.
Une question bien délicate le droit d'appel en Cour provinciale.
De nombreux cas récents tendent à démontrer qu'il y a abus
de la part de plusieurs organismes qui n'hésitent pas à porter en
appel devant la Cour provinciale les décisions de la commission
d'accès. Ce droit d'appel est prévu à l'article 147 de la
loi. Nous proposons qu'il soit aboli.
Sans entrer dans le détail d'une argumentation longuement
développée dans le rapport de la Commission d'accès
à l'information, soulignons simplement l'injustice provoquée par
la multiplication de ces appels qui ont pour effet de faire retarder
considérablement les décisions et d'occasionner des frais que de
simples Individus peuvent rarement assumer. Soyons plus clairs, prenons
l'exemple d'une société d'État, qui, en
général, par définition, a des ressources, a des moyens,
qui décide qu'une décision de la Commission d'accès
à l'Information sera portée devant la Cour provinciale. On sait
très bien que les procédures sont beaucoup plus complexes et
onéreuses devant un tribunal comme la Cour provinciale que devant la
Commission d'accès à l'information. Cela veut donc dire que,
dès le départ, le simple citoyen est désavantagé
puisqu'il n'a pas les moyens de se payer les avocats que l'organisme peut se
payer.
Donc, nous proposons l'abolition de ce droit d'appel devant la Cour
provinciale. Bien sûr, si jamais le législateur décidait de
ne pas aller jusque-là, ce que la Commission d'accès à
l'information propose dans son rapport est intéressant à savoir
la possibilité pour la Commission d'accès à l'information
d'intervenir lorsqu'un organisme demande la permission d'en appeler et la
possibilité peut-être pour le simple citoyen de voir ses frais
remboursés si jamais il doit se rendre jusque-là.
La protection de la vie privée. Nous appuyons les recommandations
de la commission d'accès qui visent à assurer une meilleure
protection de la vie privée. L'élargissement de la notion de
fichier de renseignements nominatifs pour Inclure l'information qui devient
disponible par la mise en réseau de banques de données
informatiques semble particulièrement pertinent. Nous croyons cependant
que certains organismes, en particulier les forces policières de la
région de Montréal, interprètent la loi d'une
manière restrictive lorsqu'ils refusent systématiquement de
rendre publics les noms de victimes d'actes criminels ou de personnes
impliquées dans un accident. Nous ne nions pas, bien sûr, le droit
au respect de la vie privée de ces personnes, mais nous constatons que
les policiers refusent la divulgation de ces renseignements sans même se
donner la peine, dans plusieurs cas, de solliciter auprès des personnes
concernées des autorisations de divulgation comme le prévoit la
loi. Plusieurs de nos membres se plaignent de cette situation.
On pourrait ajouter sur cette question aussi fort complexe que nous
avons l'impression que certains de ces renseignements ont peut-être, en
vertu d'autres lois, comme le prévoit l'article 55 de la loi sur
l'accès, un caractère public. Peut-être, ce serait à
vérifier. Mais, si ce n'est pas le cas et si les forces
policières refusent toujours de donner à la presse des
renseignements que nous considérons d'intérêt public, il
faudrait peut-être amender la loi pour rendre cette chose possible
puisque, dans plusieurs de ces cas, il nous semble évident que ce
renseignement est d'intérêt public.
Prenons l'exemple d'une personne qui serait assassinée dans votre
rue, un voisin; si les forces policières, sous prétexte que la
loi protège ce renseignement qui a un caractère privé,
refusent de donner l'information à la presse, nous croyons qu'il y a un
problème du point de vue du droit du public à l'information
puisque, pour les voisins, pour le public en général, savoir qui
est cette personne permet peut-être de mieux évaluer l'importance
du crime. Est-ce que c'est un cas isolé? Est-ce que c'est toute la rue
qui est menacée, etc.? Nous croyons vraiment que c'est
d'intérêt public et il faudrait étudier cette question pour
apporter les amendements législatifs qui s'imposent si on juge que c'est
le cas.
Il y a aussi un point que je veux rapidement souligner en terminant,
même s'il n'est pas traité dans le rapport. Il y a, au sein de
l'appareil gouvernemental, des gens qui se demandent si on ne devrait pas
réorganiser un peu les tribunaux administratifs, mettre un peu d'ordre
là-dedans, faire des regroupements. La caractéristique principale
de la Commission d'accès à l'information est d'être un
tribunal avec des pouvoirs réels, avec un pouvoir d'ordonnance, donc un
caractère judiciaire de ses décisions. On a même
proposé que tout cela soit retiré au profit d'un pouvoir de
recommandation. Je veux dire que nous nous opposons avec fermeté
à cette intention. Nous croyons qu'une des caractéristiques de
cette loi, c'est que, justement, la commission ait un pouvoir d'ordonnance. Le
ministre des Communications en partait tout à l'heure, cette loi est
originale par rapport à ce qui existe ailleurs, On me dit que la loi
ontarienne, qui est toute récente, a été faite un peu sur
le modèle québécois. Au moment où on est un peu
plus en avance par rapport aux autres, je pense qu'il ne faudrait pas qu'il y
ait de recul. Il faudrait donc maintenir le fait que la commission a un pouvoir
d'ordonnance, et non pas strictement un pouvoir de recommandation.
Nous avons voulu, dans ce bref document, présenter succinctement
l'essentiel des recommandations et des préoccupations de nos membres.
Bien sûr, nous sommes disposés à répondre à
vos questions et à en débattre. Merci.
Le Président (M. Trudel): Je vous remercie, M. le
Président. M. le ministre, avez-vous quelques questions?
M. French: J'aimerais mieux que tes députés qui le
veulent posent leurs questions. Je dirai peut-être quelque chose à
la fin.
Le Président (M. Trudel): Alors, du côté
ministériel, sans qu'il soit nécessaire d'épuiser
l'enveloppe ministérielle, est-ce qu'il y a une première question
à l'endroit du président de la Fédération
professionnelle des journalistes du Québec?
M. le député d'Arthabaska.
M. Gardner: II y a la question des forces policières qui
m'intéresse beaucoup. Est-ce que c'est uniquement dans la région
de Montréal que vous, les journalistes, avez des problèmes, ou si
c'est dans toute la province?
M. Barnabé: Écoutez, si vous regardez le rapport de
la Commission d'accès à l'information, et je n'en fais pas un
reproche, cette question-là n'est pas abordée directement, sauf
peut-être à ta page 176, par une allusion indirecte. C'est donc un
peu une question nouvelle, parce que la commission d'accès est pas mal
au courant de ce qui se passe un peu partout. Ce que je peux vous dire c'est
que ça se pose peut-être ailleurs, mais jusqu'à maintenant
nos membres de la région de Montréal nous en parlent. C'est
surtout dans la région de Montréal que les forces
policières se cacheraient derrière la loi pour refuser de donner
des renseignements à caractère personnel que nous, nous croyons
d'intérêt public. Donc, on aurait une attitude très,
très prudente. Vous savez que, si dans un organisme on discute de cette
question-là... J'aime bien la profession des avocats, mais souvent les
avocats qui conseillent les organismes ont une attitude défensive. On
regarde la loi et on dit: Tiens, il y a un article qui te permet de dire non.
Dis cela et tu n'auras pas de problème. On a l'impression qu'on se cache
derrière la loi pour dire: Non, c'est personnel et en vertu de la loi on
ne vous donne pas ce renseignement. Nous, nous disons que ce sont des
renseignements qui, dans la plupart des cas, ont un caractère public. Il
faudrait donc, si on constate que la loi n'est pas assez claire, amender la loi
ou encore il faudrait peut-être convaincre les responsables de changer
leur pratique.
M. Gardner: Qu'est-ce que c'est pour vous, comme journaliste, un
caractère public?
M. Barnabé: Est-ce que vous parlez des renseignements
personnels?
M. Gardner: Oui.
M. Barnabé: Dans la loi, les documents des organismes sont
publics et les renseignements sont confidentiels. Ce sont deux objectifs
contraires. Comme journalistes, nous respectons cela. Mais on a le mandat
d'informer le public et
on considère, parfois, dans certains cas, qu'il est
d'intérêt public de donner le nom d'une personne impliquée
dans un incident. Et, dans les cas qui nous sont présentés, soit
des victimes d'actes criminels ou des personnes impliquées dans des
accidents, nous croyons que dans la plupart des cas ce serait
d'intérêt public. Ces renseignements étaient donnés
autrefois par les forces policières de la région de
Montréal sans que la vie privée, la vie des individus ne soit
menacée. On comprendrait si c'était exceptionnel. Si dans
certains cas les policiers disaient: Écoutez, dans ce cas-là nous
pensons que ce n'est pas d'intérêt public de le faire, on
comprendrait cela. Mais c'est devenu systématique et ça va
à ('encontre des pratiques antérieures. On trouve que c'est une
situation déplorable et qu'il faudrait creuser la question pour voir
s'il n'y a pas possibilité d'amender la loi.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député d'Arthabaska.
M. le président, j'aurais une ou deux questions à vous
poser. Je ne veux pas entrer dans des choses trop juridiques, étant
avocat de formation mais n'ayant jamais pratiqué. Je vois mon ami, le
député de Taillon, qui a l'air de penser que c'est très
grave d'avoir une formation juridique et de ne pas avoir pratiqué.
Tout en me déclarant tout à fait d'accord avec vous sur ce
que Mme Giroux dit, à savoir que la loi sur l'accès à
l'information est un principe, les exceptions devant demeurer des exceptions,
vous parlez d'une absence de volonté de faire la promotion de la loi
à l'interne comme à l'externe. Vous avez expliqué
tantôt que, sauf exception, les exceptions étant les ministres des
Communications qui ont été les responsables de l'application de
la loi, peu de membres des gouvernements depuis la création de la
commission s'en sont faits les défenseurs. Là aussi, je vous
rejoins, je suis un petit peu d'accord avec vous. Mais j'aimerais que vous me
donniez, si c'était possible, des exemples d'absence de volonté
à l'interne. Est-ce que la fédération... Je pense que la
fédération, dans son travail quotidien, utilise très
souvent la loi. J'aimerais vous entendre un petit peu là-dessus comme
première question. (11 h 15)
M. Barnabé: Ce qu'on constate c'est que plusieurs de nos
membres, évidemment, travaillent dans le quotidien. Le journal sort
demain matin et le bulletin de nouvelles dans les prochaines heures.
Très souvent, on a besoin du document dans les heures qui suivent. Dans
un premier temps, nos demandes sont souvent verbales. On demande à un
responsable: Est-ce que je peux avoir tel document? Nos membres nous disent
que, lorsqu'on procède de cette manière, très souvent la
réponse, c'est: Non, et, si vous voulez l'avoir, faites une demande
écrite. Donc, le responsable a 20 jours pour répondre à
une demande écrite. S'il dit non, il y a tous les délais devant
la Commission d'accès à l'information, qui prend sa
décision quand même assez rapidement, mais cela reporte parfois la
décision à trois ou quatre mois, et il y a de fortes chances que
l'information qu'on veut ne soit plus pertinente. Je pense que, dans bien des
cas, elle l'est encore parce que cela permet parfois de relancer des questions
d'actualité. Ce que nos membres nous disent, et on a testé la
loi, c'est que, très souvent, on dit non, verbalement, alors qu'à
Ottawa, apparemment, les responsables, lorsqu'on menace d'aller devant le
commissaire à l'information, auraient très souvent, d'une
manière générale, une attitude différente qui
ferait que, très souvent, on donnerait accès aux documents
dès le moment où on menace d'exercer notre droit en tant que tel.
C'est donc une attitude. Écoutez, il faut comprendre les organismes.
Cette loi va à rencontre des pratiques qui ont toujours existé.
On a toujours dit aux fonctionnaires: C'est le secret, c'est la raison
d'État, c'est la confidentialité. Du jour au lendemain, on change
les mentalités. On comprend que cela va lentement, que cela ne se fait
pas du jour au lendemain. J'ai eu l'occasion de rencontrer personnellement des
dizaines de responsables et je peux vous dire qu'au départ - c'est cela
qui est déplorable et c'est cela qu'il faudrait changer... Je pense que
ceux qui doivent changer cela sont d'abord les leaders politiques. La
volonté politique doit venir de là. Encore là, j'insiste,
ce n'est pas un blâme à l'égard du ministre, qui fait ce
qu'il peut dans la mesure de ses moyens, mais on a l'impression qu'il est le
seul à le faire. Il faut faire passer le message dans les
administrations, faire comprendre les principes de base. C'est cela qui nous
semble ne pas être fait.
Le Président (M. Trudel): Merci. Ma deuxième
question, M. Barnabé, encore une fois sans entrer dans les
détails juridiques, concerne l'abolition du droit d'appel. Vous
êtes le premier intervenant. Vous n'êtes pas le dernier à
traiter de cette question Comme je le soulignais dans mes remarques
préliminaires, les groupes nous recommandent d'abolir le droit d'appel.
D'autres nous disent. Non, maintenez le droit d'appel, mais donnez des services
aux citoyens qui seraient pris avec un droit d'appel. C'est une question que
J'ai eu à traiter dans mon comté, encore une fois pas plus tard
qu'hier après-midi. M. Filion est au courant; c'est le cas Labelle. Mme
la députée de Maisonneuve et ex-ministre est également au
courant de ce cas. Sans entrer dans les détails, je me permets d'en
parier parce que la Commission d'accès à l'information en a
elle-même fait état dans un de ses rapports annuels. Un citoyen
est aux prises avec la ville de Montréal. Il demande des renseignements.
La ville utilise tous les moyens à sa disposition pour retarder. C'est
maintenant en appel et on attend depuis un an un jugement sur cette question.
Est-ce que cela ira plus haut? Évidemment,
quand on voit un cas comme celui-là, on se dit: C'est un citoyen
qui demande un renseignement qui peut lui être extrêmement
important pour sa cause et qui doit attendre et défrayer des coûts
quand même importants. Quand on parle d'appel, on commence à
parler de coûts importants. On serait tenté de dire à ce
moment-là: Oui, abolissons ce droit-là. Je ne suis pas sûr
qu'il faille l'abolir, mais est-ce qu'il ne faut pas le limiter plus qu'il
l'est présentement? C'est une première question. La
deuxième, c'est: Jusqu'à quel point doit-on aider le citoyen qui
est pris dans une procédure comme celle-ci? La troisième question
qui déborde largement les deux autres, c'est qu'on va devant ta
commission pour obtenir un renseignement qui peut être utile à une
cause qu'on pourrait éventuellement avoir contre un organisme public. De
là, l'insistance de la part de certains organismes publics à se
défendre avec la dernière énergie, la dernière
énergie se traduisant la plupart du temps par l'utilisation normale de
tous les étages de la hiérarchie juridique et judiciaire. Donc,
à la fédération, vous dites: Nous sommes d'accord pour que
soit aboli ce droit d'appel.
M. Barnabé: Si vous vous reférez au rapport de la
commission d'accès, à la recommandation 9, à la page 192,
dans le résumé des recommandations, la commission étudie
cette question fort complexe. C'est vrai, comme l'a dit la commission, que
c'est un peu gênant pour un organisme de dire: Nous sommes tellement bons
qu'il n'y aura jamais d'appel. Lisez comme il faut la recommandation 9
où on dit: "À l'instar de la pratique actuelle dans les
organismes similaires - cela veut dire qu'il y a des organismes similaires pour
lesquels le droit d'appel de ce type-là n'est pas prévu - le
droit d'appel des décisions de la commission auprès de la Cour
provinciale pourrait être aboli." À la commission d'accès
vous avez des commissaires très compétents et des avocats, etc.,
qui arrivent à peu près à la même conclusion que
nous à savoir que cela pourrait être aboli. On a l'impression
qu'ils n'osent pas le dire aussi clairement que nous mais c'est presque cela.
Sinon, on propose des mesures pour faciliter la situation pour le citoyen en
particulier à savoir que les fonds publics puissent défrayer les
services d'un avocat. En principe, cela est la première chose.
Cependant, il y a plusieurs organismes ou tribunaux administratifs dont
les décisions sont finales et, en général, les lois
prévoient une sorte de recours politique. Comme journaliste je n'aime
pas trop parier de cela. Notre loi actuelle prévoit déjà
ce recours-là à l'article 145. C'est donc possible, dans certains
cas, pour le gouvernement, s'il le juge d'intérêt public - je lis
la loi - d'ordonner par décret à un organisme public de surseoir,
pendant une période X, à une décision de la commission
d'accès Abolir le recours en Cour provinciale cela ne veut pas dire que
cela s'arrête là, il y a encore un recours politique. Je n'aime
pas trop que le Conseil des ministres renverse des décisions d'un
tribunal mais, dans certains cas, lorsque c'est d'intérêt public
et comme c'est prévu par la loi. Cela ne se fait pas en cachette, le
Conseil des ministres doit présenter son décret à
l'Assemblée nationale, ce qui peut provoquer un débat. Il y adéjà des mécanismes, ici, pour éviter l'abus.
On aurait donc là, déjà prévue dans la loi, une
possibilité que, si la commission d'accès se trompe, elle puisse
voir ses décisions révisées mais une possibilité
tellement exceptionnelle qu'il y aurait peut-être moins d'abus parce que
c'est plus facile d'aller en Cour provinciale en payant les avocats qu'il faut
que de dire: Je vais présenter une requête au Conseil des
ministres. Surtout que cela risque de provoquer un débat à
l'Assemblée nationale.
Donc, la réponse est là en partie. La loi prévoit
déjà quelque chose à l'article 145.
Le Président (M. Trudel): Une dernière remarque
parce que, vous l'avez mentionné vous-même, ce n'est pas tout le
monde qui est d'accord avec la remarque de la commission à sa
recommandation 9. Plusieurs mémoires en traitent, c'est une question
vraiment hautement technique, à savoir qu'il n'y a pas d'appel à
d'autres organismes; on mentionne notamment la Commission des affaires sociales
et la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles.
Quelques mémoires et quelques avocats nous ont dit en commission que cet
exemple cité par la Commission d'accès à l'information ne
vaut pas nécessairement parce que dans le cas, par exemple - je me
limiterai à celui-là - de la Commission des affaires sociales la
commission est composée d'avocats ou d'assesseurs quand il n'y a pas
d'avocats alors que ce n'est pas le cas à la Commission d'accès
à l'information, par exemple. Donc, je ferais quand même
attention, je nuancerais cette question-là tout en admettant qu'une de
mes préoccupations concerne ce droit d'appel qui peut donner lieu
à des mesures dilatoires mais auquel on doit réfléchir
sérieusement, je pense, avant de l'abolir de façon finale.
Est-ce qu'il y a d'autres membres de la formation ministérielle
qui auraient des questions à poser? Cela va?
M. le député de Taillon.
M. Filion: Je vous remercie, M. Barnabé, de votre
mémoire, d'autant plus Intéressant que, sauf erreur, je pense que
vous avez vécu la grossesse et l'enfantement de la loi alors que vous
étiez le principal adjoint du ministre qui a piloté le projet de
loi. C'est toujours intéressant de voir le médecin qui a
procédé ou qui était aux environs de la salle
d'accouchement, de voir le bébé une couple d'années
après et d'entendre le médecin donner son évaluation.
Vous mentionnez à juste titre, je pense, une attitude, une
question de mentalité. Quant à
moi j'y crois depuis le début, on a beau adopter à
l'Assemblée nationale les lois qu'on veut. II restera toujours qu'une
bonne partie de l'application de ces lois dépendra de l'attitude, de la
mentalité. Vous soulignez le caractère un petit peu
défensif de certains organismes vis-à-vis des demandes qui leur
sont faites. Vous mentionnez également certains autres points comme, par
exemple, le mandat de la commission qui est de mieux informer l'ensemble de la
population. J'aurai une question à vous poser là-dessus
tantôt. Vous soulevez également la question des délais qui
sont, à votre avis, un peu trop longs et le droit d'appel à la
Cour provinciale. Enfin, sur la question de la protection de la vie
privée, vous soulignez tout le domaine de l'information provenant des
corps de police, ce qui est un sujet fort intéressant et sur lequel
j'aurai également peut-être une ou deux questions à vous
poser.
Ma première question - vous représentez évidemment
les journalistes du Québec - j'aimerais savoir votre évaluation
de ('utilisation que font les journalistes membres de votre
fédération de la loi sur l'accès à l'information.
Est-ce que je dois comprendre finalement que votre mémoire met le doigt
sur les principales embûches ou contraintes que rencontrent vos membres?
J'aimerais que vous analysiez un peu l'évolution de l'utilisation par
les journalistes de la loi sur l'accès à l'Information. Est-ce
qu'il y a eu une véritable évolution depuis cinq ans? Dans quelle
direction nous orientons-nous dans ce secteur-là? En deux mots, quelle
est un peu votre appréciation de l'usage que font vos membres de la loi
sur l'accès à l'information?
M. Barnabé: Je cherchais une référence. Le
ministère des Communications fait régulièrement des
études sur l'utilisation de la loi et la première étude,
qui portait sur la période du 1er juillet au 31 octobre 1984, donc dans
les débuts, démontrait que seulement 6 % des requêtes
avaient été faites par des journalistes; quant à moi, je
dis: Tant mieux, car ce n'est pas une loi pour les journalistes, mais une loi
pour les citoyens. Dans l'ensemble de la population, les journalistes, c'est
beaucoup moins que 6 %.
Je pense que, si on refaisait l'enquête aujourd'hui, on arriverait
probablement à un résultat un peu plus élevé,
peut-être de 10 %. Cela dénote donc que les journalistes sont des
utilisateurs un peu plus importants, quantitativement peut-être, que
d'autres, et ces relevés le démontrent. Par contre, il faut bien
admettre entre nous que cela n'a pas été, depuis l'entrée
en vigueur de la loi, l'avalanche de demandes en provenance de journalistes. Ce
qui préoccupe surtout plusieurs journalistes, c'est la question des
délais. Souvent, on a besoin du renseignement tout de suite et on a
peut-être de la difficulté à accepter qu'il faut commencer
à écrire, envoyer des formulaires, attendre des réponses
et aller ensuite en commission d'accès, etc. Alors, un certain nombre de
nos membres hésitent à utiliser la loi, mais on constate que le
guide publié par la fédération à l'intention des
journalistes, un guide pratique, "Comment avoir recours à la loi",
existe depuis deux ans et on en est à la deuxième
réédition - près de 4000 exemplaires ont été
distribués - donc, quand on pense au succès d'édition au
Québec, 4000, pour un document technique, c'est déjà quand
même assez intéressant. Cela dénote un réel
intérêt. Mais c'est comme si, chez des journalistes, un peu comme
du côté des responsables, cela prend un certain temps avant de
l'intégrer à nos pratiques. Voyez-vous, je suis invité
cette semaine par un journal à faire une session d'information
auprès de journalistes qui ont ce guide depuis deux ans, qui
s'aperçoivent qu'ils n'ont pas encore beaucoup utilisé la loi et
qui veulent commencer à te faire, mais qui ont besoin, en deux heures,
d'un peu de formation. Alors, on est un peu comme tout le monde
là-dedans, c'est une nouvelle loi, un nouvel outil, et, jusqu'à
maintenant, il y a quand même de 6 % à 10 % des demandes qui ont
été faites par des journalistes.
Il faut admettre aussi que, au Canada anglais, la presse anglophone
utilise beaucoup plus ces lois - et c'est évident en lisant les
manchettes des journaux. Peut-être que les choses vont changer
tranquillement ici.
M. Filion: Vous mentionnez l'utilisation que fait la presse
canadienne anglaise. C'est évidemment pour la commission d'accès
à l'information canadienne.
M. Barnabé: Oui, mais même à la Gazette, par
exemple, des journalistes utilisent beaucoup la loi québécoise.
D'ailleurs, la loi canadienne peut évidemment être utilisée
par les journalistes québécois.
M. Filion: Bien sûr. Évidemment, vous mentionnez la
question des délais. Certains de vos membres ont des contraintes de
temps extrêmement serrées ou doivent produire des reportages
quotidiennement. D'autres font du journalisme un peu plus d'enquête, en
profondeur, et prennent un sujet. Est-ce en pensant particulièrement
à eux que vous avez souligné les délais, qui sont
relativement longs, de la loi actuelle? (11 h 30)
M. Barnabé: II y a deux types de délais. Il y a le
temps qu'on prend pour répondre à une demande. La loi dit 20
jours - pas 20 jours ouvrables, mais 20 jours de calendrier, sauf erreur. Un
organisme reçoit une demande, il faut répondre dans les 20 jours.
Déjà, puisque cela se fait par écrit, il y a trois ou
quatre jours pour envoyer la demande par Postes Canada, ça peut
être plus long, mais cela nous semble déjà long. Je me '
dis: Ce n'est peut-être pas possible de
faire mieux. Peut-être qu'on pourrait réduire cela un peu
mais, quand on connaît le fonctionnement des administrations,
déjà 20 jours, le temps qu'il faut pour consulter, etc., c'est un
peu normal que ce soit ainsi. Mais, les délais qui sont
déplorables, c'est que, quand il faut aller à la commission
d'accès... Jusqu'à maintenant, 70 % des décisions de la
commission d'accès ont donné raison aux requérants. Cela
veut donc dire - en tout cas, je fais l'hypothèse - que quand on lit la
loi... Des choses sont quand même asssez claires, il y a une
jurisprudence de la commission d'accès, il y a des organismes qui savent
qu'ils vont avoir tort devant la commission d'accès -ou que les chances
sont très fortes - mais ils y vont quand même pour gagner du
temps.
Là aussi, je vois un certain manque de bonne volonté.
Quand il faut aller en Cour provinciale, c'est interminable. Il y a ces
délais de traitement de la demande, mais il y a aussi les délais
d'interdiction. Par exemple, les mémoires des
délibérations du Conseil des ministres, 25 ans, c'est un peu
long. On comprend que c'est normal qu'on ne puisse pas savoir le lendemain
d'une réunion du Conseil des ministres ce qui a été dit,
les échanges. C'est un peu normal, sinon l'appareil serait un peu
paralysé. Il y a beaucoup de documents, et plusieurs ne le savent pas,
du Conseil des ministres qui sont accessibles en vertu de la loi très
rapidement. Mais les délibérations, ce qui a été
dit, iI y a un délai d'interdiction de 25 ans. Là, on propose de
couper cela de moitié, ça nous semble un peu long. La même
chose pour les analyses et les recommandations qui sont faites dans le cadre
d'un processus décisionnel. Une recommandation d'un fonctionnaire peut
être protégée pendant dix ans. On propose de couper cela au
moins de moitié. La commission d'accès va même plus loin en
parlant de deux ans.
M. Filion: Vous mentionnez la question des relations entre les
journalistes et la police montréalaise pour donner certaines
informations sur l'identité de victimes d'accidents ou d'actes
criminels. En général, et vous me corrigerez, J'ai l'impression
que les autorités policières, premièrement, cherchent
à informer la. famille ou les relations lorsqu'une personne est victime
d'un accident ou victime d'un attentat qui affecte sa santé. Ce que vous
nous dites, si je comprends bien, c'est qu'une fois que cette autorisation ou
que cette communication a été faite auprès des membres de
la famille, tes corps policiers vous refusent toujours la divulgation de
l'identité de la personne. J'aimerais savoir sur quelle base les
autorités policières agissent ainsi en fonction de la loi
actuelle.
M. Barnabé: On est, bien sûr, au chapitre de la
protection des renseignements personnels et la loi dit que la communication ou
la divulgation d'un renseignement personnel est interdite à moins
d'avoir l'autorisation de la personne concernée. Bon. Alors, cette
demande d'autorisation, il y a plusieurs organismes qui se sont donné
des mécanismes pour l'obtenir. Quand vous vous inscrivez à
l'université, dans toutes les universités, sauf erreur, on vous
demande de signer un formulaire. Il y a une phrase du genre: J'autorise la
divulgation des renseignements qui me concernent pour telle fin. La loi dit que
c'est pour des fins précises aussi.
Évidemment, dans un cas d'accident, on ne connaît pas
à l'avance les victimes des accidents. On ne peut pas obtenir cela au
préalable. Si on interprète la loi, je pense que la bonne
interprétation de la loi serait de dire: II faut que les
autorités policières fassent l'effort de demander aux victimes,
si elles sont en état de répondre... Même la loi
prévoit des mécanismes pour cela; si ta personne n'est pas en
état de répondre, il y a des gens qui peuvent répondre
à sa place. Il faudrait donc que les policiers se donnent la peine de
demander aux gens: Êtes-vous d'accord qu'on dise que vous êtes
victime de... C'est à l'intérieur de la loi. Nous, on
prétend que dans la plupart des cas ces renseignements ont un
intérêt public. Je ne veux pas donner d'exemple parce que
ça peut faire penser à des exemples récents, mais tout le
domaine des faits divers, les accidents, les victimes d'actes criminels. Vous
pouvez imaginer des exemples, il y a tout à coup quelqu'un qui est
victime d'un acte criminel; nous pensons que, dans la plupart des cas, c'est
d'intérêt public de divulguer son nom pour toutes sortes de
raisons. Cela complète l'information au public. Cela donne plus de
détails sur peut-être les raisons de l'incident, etc. Si les
policiers qui semblent interpréter strictement la loi disent: La loi
nous interdit de divulguer cela... Et cela est faux. La loi n'interdit pas de
divulguer. La loi dit: Si vous voulez le faire, il faut que ta personne soit
consentante. C'est la première chose. Mais nous voulons aller plus loin.
On se dit qu'il faudrait trouver une façon de préciser dans la
loi que ces renseignements sont d'intérêt public. Comme la loi
prévoit déjà à l'article 55 qu'un renseignement qui
a un caractère public n'est pas confidentiel, à ce
moment-là, il n'y aurait pas de problème.
M. Filion: Mais le problème que vous soulevez, M.
Barnabé, et vous me corrigerez, il me semble que dans les journaux que
je lis, je retrouve des noms, des Identités de personnes qui sont
victimes d'accidents, d'attentats, etc. Il me semble qu'on en voit beaucoup
dans les journaux. Est-ce que la situation que vous décrivez est
marginale ou si elle a pris une proportion qui fait que vous considérez
que le travail d'informer le public, qui est celui des journalistes, est
vraiment entravé d'une façon sérieuse ou, sinon
entravé, empêché?
M. Barnabé: Si, comme journaliste, j'arrive sur les lieux
d'un fait divers et que la police refuse de me donner le nom de la personne
impliquée, je vais m'arranger pour l'avoir. Mais je serai
obligé de l'avoir autrement. Alors qu'auparavant ces renseignements
étalent fournis à la presse automatiquement dans la plupart des
cas. On comprend, par ailleurs, que cela puisse ne pas être
d'intérêt public. Il y a déjà plusieurs
mécanismes dans les lois - pensons aux procédures devant les
tribunaux, aux procédures de non-divulgation, etc., je n'utilise pas les
bons termes - II y a déjà plusieurs mécanismes
là-dessus. C'est donc une question d'attitude générale,
d'interprétation trop stricte de la loi, parce qu'on se cache
derrière la loi. Cela nous semble aller trop loin dans la protection des
renseignements personnels.
M. Filion: Peut-être quelques mots sur le droit d'appel.
J'ai retenu vos commentaires là-dessus et je pense qu'il faut aussi
souligner le fait que le bref d'évocation est une procédure qui
sert à vérifier si la justice a été rendue selon
les règles ou si les règles de la justice naturelle ont
été suivies, etc.; le bref d'évocation est toujours ouvert
même s'il n'y a pas de droit d'appel. Je pense qu'il serait important de
souligner que le pouvoir de surveillance et de contrôle de la Cour
supérieure s'exerce par le bref d'évocation. Il est toujours
loisible... Le droit d'appel est une étape différente, je dirais,
du bref d'évocation. Le fait que l'on discute ou que vous souleviez la
question du droit d'appel ne met pas en cause le pouvoir, à l'occasion,
pour des organismes d'utiliser le bref d'évocation; ce qu'ils ne sont
pas gênés de faire dans certaines occasions à la Commission
d'accès à l'information.
Une dernière question...
M. Barnabé: Pour bien comprendre, est-ce que je peux vous
demander à quelle conclusion vous mène cette analyse?
M. Filion: Cela me mène au fait que, lorsqu'on examine la
question de l'opportunité de maintenir ou non le droit d'appel, on doit
le faire en sachant qu'il existe un certain contrôle judiciaire de la
décision qui est permise par le bref d'évocation. Pour bien
situer les discussions que nous aurons sur ce sujet, il ne s'agit pas de faire
disparaître tout contrôle de la légalité de la
décision rendue par la commission d'appel. Cela existe
déjà par le bref d'évocation et il restera. Il faut
uniquement se poser la question de savoir s'il doit y avoir un droit d'appel ou
non du fond de la décision lorsque les règles ont
été suivies. Lorsque l'on pose le problème de cette
façon, comme l'a fait la commission dans son rapport, on risque
peut-être d'aborder avec beaucoup de sérieux la possibilité
d'abolir ce droit d'appel qui cause des problèmes aux citoyens. Il faut
se souvenir dans ces cas que ce sont toujours des citoyens face à des
organismes. Les organismes ont des moyens et les citoyens en ont moins.
Lorsqu'on entre dans les dédales des appels, c'est dispendieux. C'est
compliqué. Il y a des points de droit, etc. Enfin, bref. C'est
uniquement pour situer un peu le débat au début de nos
travaux.
Ma dernière question, M. Barnabé, porte sur ce que vous
soulevez dans votre mémoire à savoir le mandat d'informer la
population sur ses droits. Vous dites: "Nous croyons que devrait être
reconnu à la Commission d'accès à l'Information le mandat
explicite d'Informer la population sur ses droits. Le silence de la loi
à cet égard semble paralysant*. Si vous le mentionnez, c'est
parce que vous croyez que l'Information n'est pas suffisamment
véhiculée. J'aimerais avoir votre appréciation
là-dessus. Je vous demanderais peut-être de nous dire à
partir de quel critère ou à partir de quelle mesure personnelle,
subjective ou objective vous en êtes arrivé à cette
conclusion.
M. Barnabé: Vous avez sûrement constaté que
la commission d'accès aborde elle-même la question dans son
rapport. Elle demande donc que lui soit reconnu ce pouvoir d'informer. Il faut
se rappeler le contexte: la commission d'accès a été
créée à une époque de compressions
budgétaires, à une époque de récession où ce
n'était pas à la mode de créer de nouveaux organismes.
J'avais suivi les travaux de la commission parlementaire à
l'époque et, dans la première version, les responsabilités
de la commission d'accès étaient plus nombreuses. On ajoutait,
par exemple, la recherche. La commission d'accès n'a pas actuellement le
pouvoir de faire des recherches, d'informer, etc. Quelques parlementaires de
l'Opposition, en particulier l'actuel ministre des Communications, si je me
souviens bien, sauf erreur, avaient dit - c'était probablement, dans le
contexte, une très bonne chose: Réduisons cela parce que plus iI
y a de pouvoir, plus cela risque de devenir un monstre bureaucratique. Nous
étions entièrement d'accord avec cela. Donc, on a limité
les pouvoirs de la commission au minimum: pouvoir de recevoir des
requêtes en révision, pouvoir d'ordonnance, etc., pouvoir de
surveillance. On a limité cela au minimum. On a dit à
l'époque: pour l'information, ce sera le ministère des
Communications. Et, à l'expérience, on constate que ce n'est pas
tout à fait adéquat. On pense qu'il serait
préférable que la commission d'accès puisse faire un peu
d'information. Peut-être qu'il faudrait trouver une façon de
limiter cela pour éviter qu'on construise un empire bureaucratique et
que cela coûte trop cher.
Prenons l'exemple précis du répertoire des responsables,
qui est un outil pour les utilisateurs. La loi dit qu'on publie chaque
année un répertoire des responsables. Cela permet aux
utilisateurs de retrouver rapidement le nom de la personne à qui on
adresse sa demande, son adresse, etc. C'est un outil indispensable. C'est le
ministère des Communications qui le publie. La commission dit dans son
rapport: C'est nous qui
avons l'information - c'est un peu normal - il serait
préférable que ce soit la commission qui le publie. Donc, on
propose que le mandat d'informer soit précisé, soit
accordé, dans la loi, à la commission d'accès et que ce
soit sa responsabilité première, ce qui n'exclurait pas, par
exemple, au ministère des Communications, la possibilité de faire
la promotion de la loi autrement, parce qu'on ne peut pas imaginer un ministre
des Communications qui ferait le contraire.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Taillon. M. le ministre, aimeriez-vous faire une
intervention présentement?.
M. French: J'aimerais d'abord remercier M. Barnabé, qui a
joué un rôle de tout premier plan, tout comme moi, dans
l'évolution de cette loi. D'ailleurs, le mot "accouchement" est une
métaphore tout à fait évocatrice de l'atmosphère de
l'époque. Je pense qu'il a fallu plusieurs intervenants, des
sages-femmes de tous les sexes pour, finalement, accoucher d'un
bébé dont on est tous fiers, mais on veut le voir grandir
davantage tout naturellement.
Je retiens particulièrement de cette intervention très
valable du président de la Fédération professionnelle des
Journalistes du Québec d'abord, pour ce qui est de la Commission
d'accès à l'information, un désir de voir la commission
préserver son pouvoir d'ordonnance. Je ne ferai pas de dessin au
président, qui connaît très bien mes sentiments
là-dessus, mais je prends bonne note de son intervention parce qu'il a
dit qu'il s'opposerait avec fermeté à toute réduction de
ce pouvoir.
Deuxièmement, pour ce qui est du mandat de la commission, le
problème, s'il y en a un, est plus une question de ressources qu'une
question de mandat techniquement ou juridiquement défini. On avait
déjà envisagé que la commission fasse une campagne
publicitaire au sujet de la loi. Il s'agit de trouver des ressources pour faire
cela. On est peut-être nominalement sorti de l'époque
d'austérité mais, quand je regarde les budgets du
ministère des Communications, je vous dis qu'on ne le sent pas Je suis
d'accord qu'il faudrait, dans une certaine mesure, faire un travail au moins
à l'interne pour sensibiliser davantage l'administration. Avons-nous
besoin d'une campagne publique? Possiblement, je n'en suis pas convaincu,
à ce moment-ci. Je vais certainement regarder avec intérêt
les recommandations de la commission parlementaire à ce sujet.
Pour ce qui est du droit d'appel, je veux simplement souligner que je
vais regarder avec beaucoup d'intérêt les recommandations de
l'Opposition et de la Commission d'accès à l'information à
ce sujet. Le président a dit tantôt qu'il y a cinq ans, j'avais un
certain nombre d'arguments sur la Commission d'accès à
l'information, dont un argument en faveur de la limitation de ses pouvoirs et
de ses respon- sabilités, argument que je crois toujours valable.
J'avais également signalé le danger inévitable qu'un
administrateur public puisse utiliser l'argent des contribuables pour
'bluffer", si vous me permettez de le dire, le requérant en cour.
C'était naturel et inévitable. Mais je me suis buté au
lobby des avocats, donc mon argument n'a pas tellement porté fruit
à l'époque. Je vais probablement me buter au lobby des avocats
une deuxième fois, si jamais les recommandations de la commission
étaient les mêmes que celles de la fédération, mais
c'est à regarder de façon très sérieuse.
Enfin, pour ce qui est du nom des victimes et des gens impliqués
dans des événements, je sais qu'il y a un problème et j'ai
demandé qu'on regarde la situation de façon très
approfondie. Je pense que cette question devra faire l'objet d'un débat
de la commission et du gouvernement.
Je terminerai en disant que le législateur ne voulait pas qu'il y
ait des changements dans le sens d'une contrainte de l'information publique,
sauf lorsqu'il y avait une vraie valeur de vie privée impliquée
lorsqu'il s'agissait de renseignements personnels. Il s'agit donc de savoir si
ces renseignements devraient, de façon normative - oublions
l'état actuel de la loi... Les victimes d'accidents ont-ils un droit
généralisé à ne pas voir leur nom
dévoilé? Je n'ai pas de réponse à cette question,
mais il s'agit de poser la question en termes aussi généraux et
non pas, je pense, de chercher les excuses dans les lois actuelles. Le
législateur n'avait pas imaginé cette problématique
lorsqu'on a adopté la loi sur l'accès. On peut recommencer
à zéro, mais il faudra rapidement trancher, d'une façon ou
d'une autre
Cela étant dit, M. le Président, je remercie encore la
fédération. Je sais que non seulement son président, mais
beaucoup de ses membres ont été Impliqués dans cette
présentation. C'est apprécié et cela alimentera de
façon très utile, je pense, les délibérations de la
commission et les délibérations du gouvernement.
Le Président (M. Trudel): Merci. M. le
député de Taillon.
M. Filion: Encore une fois, merci. Je connais un peu
l'importance, ayant discuté avec certains de vos membres, des questions
que vous avez soulevées dans l'utilisation qu'ils font de la loi sur
l'accès à l'information. J'avais pris connaissance
également du guide que la fédération avait
préparé, dont votre mémoire fait état. Quant
à moi, je pense que vos remarques de ce matin ajoutées à
la qualité du mémoire que vous avez présenté, ne
peuvent qu'éclairer davantage nos travaux. Je vous en remercie.
Le Président (M. Trudel): M le président, au nom
des membres de la commission, merci de vous être présenté
et d'avoir brillamment soutenu
les recommandations que vous avez faites à la commission. C'est
à mon tour de vous dire que nous en tiendrons très certainement
compte dans nos libérations des prochains jours et des prochaines
semaines. Merci.
M. Barnabé: Je vous- remercie de votre attention. Je vous
souhaite de bonnes délibérations et soyez assurés de la
collaboration de la FPJQ dans vos efforts, surtout si ces efforts vont dans la
direction d'une amélioration de cette loi. Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci. Nous suspendons nos
travaux pour trois minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 49)
(Reprise à 11 h 56)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je demanderais aux membres de la commission de reprendre leur
siège autour de la table et, à nos Invités, de reprendre
leur place dans cette partie de la salle qui leur est réservée.
J'inviterais immédiatement M. Jean Larivière, du
département des affaires officielles de l'Église de Scientologie,
à prendre place à la table des invités.
Église de Scientologie
M. Larivière, bienvenue. Votre mémoire a été
reçu la semaine dernière, et même avant iI a donc
été lu par tous les membres de la commission. Un
résumé en a été également fait pour les
membres de la commission, en plus de celui que vous nous aviez fait parvenir.
Je vous exempterai donc d'en faire lecture, compte tenu du temps qui vous est
alloué et qui est alloué à la commission pour vous
entendre. Peut-être pourriez-vous nous le résumer de façon
que nous puissions entreprendre avec vous une discussion qui s'avérera
sans doute très intéressante et très utile, compte tenu de
l'expérience pratique que vous avez en cette matière.
M. Larivière, je vous cède immédiatement la
parole.
M. Larivière (Jean): Merci, M. le Président Mon
expérience, c'est essentiellement d'avoir fait à peu près
150 demandes d'accès...
Le Président (M. Trudel): C'est déjà...
M. Larivière: Je suis assez connu de certains responsables
et, évidemment, de la Commission d'accès à l'information,
parce que j'ai dû faire au moins une trentaine de demandes de
révision. Je suis heureux de pouvoir dire que la plupart d'entre elles
ont été réglées dans un délai très
court. C'est pour cela que, d'emblée, vous remarquerez que notre
mémoire est très favorable à la Commission d'accès
à l'information. Nous pensons qu'elle a fait un travail formidable, tant
en ce qui concerne la quantité de travail accompli seulement pour
l'adjudication de toutes ces demandes de révision, tant les nôtres
que celles des autres Individus, qu'en ce qui concerne le rapport qu'elle vient
de produire. On pense que c'est vraiment un très bon rapport du point de
vue de l'objectivité et des recommandations.
Essentiellement, mon expérience, c'est un peu celle du citoyen.
J'ai fait beaucoup de demandes à titre personnel et je suis souvent
allé devant la Commission d'accès à l'information, seul,
sans avocat. Je l'ai fait aussi avec les avocats de l'Église, mais moins
souvent. J'ai donc deux types d'expérience sur ce plan-là. Ce que
j'ai aimé particulièrement lorsque je me suis retrouvé
seul devant la Commission d'accès à l'information, sans
expérience en droit - je ne suis pas avocat - simplement à titre
de citoyen un peu informé, c'est d'avoir joui d'une certaine assistance
de la part de la Commission d'accès à l'information. Je vous
donne un exemple. Je fais face à un responsable de l'accès
à l'information, je fais face à un consensus sur la
validité de la loi et sur son importance, mais, sur la commission
d'accès, on se demande si on doit lui conserver ses statuts et pouvoirs
et garder la même procédure de révision. Nous croyons que
oui parce que la procédure s'est révélée
très efficace pour les citoyens. Par exemple, une des questions
posées est la suivante: Est-ce que les pouvoirs de surveillance et
d'adjudication devraient être gardés au sein de la commission
d'accès? J'ai souvent remarqué, lors d'auditions de
révision - c'est quelque chose qui s'est souvent passé dans mon
cas - des lacunes importantes au plan du traitement des demandes
d'accès. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, la recherche
faite par le responsable de l'accès n'avait pas été
adéquate - c'est souvent survenu - ou, encore, la façon de
procéder pour refuser ces demandes d'accès était
systématique, et c'était évident lors de l'audition que ce
n'était pas fondé. C'est le genre d'information qui permet au
commissaire d'avoir une Information de première main sur ce qui se passe
dans les organismes publics; ensuite, l'information peut être
refilée à la section surveillance qui peut ensuite faire des
recherches sur l'ensemble des organismes publics ou sur certains organismes
publics pour voir si un problème n'est pas répandu dans ce type
d'organisme public.
Si on n'avait pas les deux fonctions au sein du même organisme,
c'est évident qu'il y aurait une perte d'information nécessaire
au bon fonctionnement de cet organisme. De plus, à moins de donner
d'énormes pouvoirs à la commission d'accès quant à
la surveillance de la loi et de lui donner un personnel énorme, on ne
peut systématiquement faire la surveillance de
tous les organismes publics. Cela permet un genre de "spot check", de
vérification ponctuelle de ce qui se passe. Cette procédure de
révision permet à la commission d'accès d'avoir des
informations sur ce qui se passe au sein d'autres organismes et la fonction
surveillance est, dès lors, de beaucoup facilitée par ces
Informations. Pour nous, c'est évident que les deux fonctions
d'adjudication et de surveillance devraient être conservées au
sein du même organisme.
J'aimerais aborder un autre point. J'ai souligné les
délais raisonnables qui, pour nous, montrent l'importance de la
procédure de révision existante. Si on la compare à la loi
fédérale de l'information, la simplicité du recours au
niveau fédéral... Les pouvoirs du commissaire à
l'information ne sont que recommandations; les pouvoirs de recommandation ne
sont pas des pouvoirs de décision comme ici. Ensuite, pour avoir une
décision, il faut aller au niveau judiciaire, avec de longs
délais, des coûts, etc. Aussi, les décisions de la
commission d'accès sont-elles très claires; j'ai vraiment
apprécié ses décisions qui permettaient de bien comprendre
pourquoi tel et tel document était refusé.
Donc, il y a une réelle crédibilité. Pour nous, la
Commission d'accès à l'information a obtenu une réelle
crédibilité par son travail et il n'y a pas lieu de changer ce
système parce que c'est un système qui fonctionne. Alors,
pourquoi essayer de réparer quelque chose qui fonctionne? On devrait
plutôt essayer d'améliorer ce fonctionnement dans la même
direction, selon nous, que celle recommandée par la commission
d'accès dans son rapport.
Il y a d'autres aspects que j'aimerais souligner D'abord, l'aspect
dissuasif de l'existence même de la commission et de ses pouvoirs. Il est
arrivé à plusieurs reprises, lors de demandes d'accès que
j'ai faites, que j'obtienne une réponse négative ou une
réponse vraiment inadéquate. Je vous donne un exemple. J'ai fait
une demande - sans nommer l'organisme précis - à une commission
scolaire importante de la région de Montréal. On me répond
que les documents existent, mais qu'il existe un règlement interne qui a
été adopté par la commission scolaire selon lequel on
devra m'imposer des frais qui sont tout à fait Incompatibles avec ceux
prévus par la loi. J'informe le responsable de cet organisme que je vais
en appeler à la Commission d'accès à l'information et tout
cela s'est réglé très rapidement. Le règlement a
été modifié par la suite en l'espace de quelques mois. Le
simple fait de les avertir que j'en informais la Commission d'accès
à l'information... Je l'ai fait par écrit, je leur en ai
envoyé une copie et le règlement en question, qui était
inconstitutionnel, qui n'allait pas dans le sens de la loi, a été
modifié tout de suite, a été enlevé J'ai vu
d'autres cas où le simple fait de mentionner par téléphone
à des responsables de l'accès que j'allais en appeler a tout de
suite apporté un changement dans leur attitude, et on m'a donné
accès à des documents.
De plus, j'aimerais souligner que j'ai fait beaucoup de demandes de
révision lors de la première année d'utilisation de cette
loi, en 1986, mais que j'en ai fait très peu dans l'année
subséquente, en 1987. Encore là, je crois que c'est en raison de
l'aspect dissuasif. Avec les responsables de l'organisme avec qui j'avais fait
affaires l'année précédente, on s'est entendu sur une
façon de fonctionner. Il y a une certaine confiance qui s'est
installée quant à l'accès aux documents, et l'accès
était supérieur. Il y avait moins de refus systématique de
la plupart des organismes. Naturellement, il y a toujours des gens qui sont
récalcitrants, qui ne veulent pas donner accès aux informations;
encore là, l'existence même de la commission d'accès, avec
ses pouvoirs, est nécessaire
Au niveau des recommandations que fait la commission d'accès,
nous soutenons que la plupart d'entre elles, et même toutes, sont
pertinentes. Il y a certaines d'entre elles qui nous intéressent
particulièrement. Par exemple, concernant la juridiction des organismes
assujettis à la loi, nous croyons que les organismes qui sont
financés et contrôlés par l'État de façon
indirecte devraient être assujettis à la loi. On peut penser
à l'Association des centres de services sociaux qui - c'est juste un
exemple parmi tant d'autres - est financée à même les
budgets des centres de services sociaux et dont les dirigeants, les
administrateurs sont les administrateurs de chacun des centres de services
sociaux. Je crois que la situation existe aussi concernant la
fédération des cégeps ou d'autres types d'associations ou
de fédérations constitués d'organismes publics. Dans ces
cas précis, II y a véritablement... Ce n'est plus vraiment un
organisme privé avec lequel on fait affaires, c'est un organisme public.
On devrait envisager, je crois, de les assujettir à la loi. Cela
pourrait être simplement une question de demander aux organismes publics
de déclarer le financement qu'ils font à des organismes de ce
type et, ensuite, d'en faire la liste. Donc, il y aurait nécessairement
un genre de procédure afin de vérifier si ces organismes doivent
vraiment être assujettis à la loi. Cela devrait être fait;
selon nous, c'est une lacune à l'heure actuelle.
En ce qui concerne le droit d'appel, selon nous, on devrait maintenir le
droit d'appel et nous appuyons la recommandation de la Commission
d'accès à l'information dans la mesure où celle-ci
recommande que ce droit d'appel soit maintenu et que le citoyen jouisse du
concours d'un avocat dont les services seraient gratuits, payés par
l'État.
Quant à la recommandation 10 sur l'application de la lof en
matière pénale, nous croyons que la recommandation de la
commission est très pertinente sur te fait que le régime de
responsabilité stricte soit appliqué et non celui de la
responsabilité de mauvaise foi, la mens rea, en matière
pénale comme en matière criminelle.
Personnellement, j'ai eu une mauvaise expérience avec un
organisme qui, depuis à peu près deux ans, me refuse
l'accès à plusieurs documents et n'a pas répondu à
plusieurs de mes demandes répétées. J'ai fait une plainte
à ce sujet. Même le responsable de l'accès a affirmé
devant mol qu'il n'était pas Intéressé à
répondre à ces demandes d'accès; donc, qu'il n'y
répondait pas et qu'il n'avait pas l'intention d'y répondre.
C'est vraiment ridicule. La plainte n'a pu être reçue en raison de
l'absence de preuve du type mauvaise foi, comme on l'exige devant un tribunal
criminel. Je ne sais pas si c'est quelque chose qui s'est
répété énormément ailleurs, mais cette
recommandation, je peux vraiment la soutenir.
En ce qui a trait aux délais, je crois que ces délais
devraient être réduits. De combien les réduire?
Naturellement, iI y a un peu d'arbitraire dans cela, il y a sûrement
matière à discussion. Nous croyons qu'on pourrait les
réduire de cette façon: tous les délais qui touchent les
documents des cabinets et du Conseil des ministres pourraient être
réduits de 25 à 15 ans, ce qui constitue environ la durée
de trois mandats électoraux, et tous les autres délais
réduits à cinq ans, par exemple, les délais pour les
documents de délibération d'un organisme public. Pour les
documents concernant les recommandations et les analyses, qu'on réduise
les délais à deux ans, comme le recommande la commission.
En ce qui concerne l'application de l'article 28, qui est l'objet de la
recommandation 13 - c'est l'article qui touche les enquêtes de type
policier, mais aussi les enquêtes qui ont pu être faites par
d'autres organismes jouissant de pouvoirs d'investigation - comme le recommande
la commission, nous croyons qu'il y a suffisamment de dispositions permettant
d'exclure des documents de la loi que l'article 28 devrait uniquement
être appliqué pour les forces policières.
La recommandation 26, je ne sais pas si c'est nécessaire, mais
cette recommandation affirme que les documents personnels, les renseignements
personnels ne devraient pas être détruits sous le coup d'une
demande d'accès. Cela pourrait être élargi pour qu'aucun
document visé par une demande d'accès ne puisse être
détruit sous le coup de cette demande d'accès ou à la
suite de cette demande d'accès. Je pense que c'est tout à fait
évident, mais, si on prend la peine de le mentionner, on pourrait
élargir cette notion.
Une recommandation additionnelle qu'on aimerait voir, c'est que les
organismes privés, les compagnies, les sociétés, les
associations puissent avoir le droit de rectifier des dossiers comme celui qui
est permis aux citoyens. C'est quelque chose qui n'était pas
mentionné dans le rapport de la commission. Nous croyons que ce serait
une application logique de la loi que de permettre aux sociétés,
aux compagnies de pouvoir rectifier les dossiers tenus à leur sujet. Je
crois que c'est un nouvel aspect qui mériterait étude de la part
de la commission parlementaire. (12 h 15)
Finalement, au niveau du mandat d'information de la commission
d'accès, on a parié tout à l'heure d'augmenter
l'information qui est donnée au public sur l'existence de la loi. On
croit qu'on pourrait aussi faire un petit guide, pas tout à fait comme
celui du gouvernement fédéral, qui est énorme, qui est
très difficile à consulter pour le citoyen ordinaire, mais un
petit guide qui ferait la liste des ministères et qui donnerait le type
d'information, le type de dossier qu'on peut y retrouver. Un petit guide aussi
pour les commissions scolaires et tous les autres organismes qui mentionne le
type d'information de façon générale - sans y aller pour
les 3600 organismes, naturellement - mais de façon
générale, par type d'organisme, quels types de document, quels
types d'information les citoyens peuvent trouver et auxquels ils peuvent avoir
accès. Donc, un petit guide très simple serait sûrement
quelque chose de très bon pour l'accès aux documents, pour le
citoyen ordinaire.
En gros, pour conclure, nous sommes très satisfaits du travail
qui a été fait par la Commission d'accès à
l'Information. Nous croyons qu'elle a fait un travail énorme, d'une
très bonne qualité. Nous endossons ses recommandations quant
à maintenir son pouvoir de surveillance, d'adjudication, et, pour
l'essentiel, les recommandations qu'elle fait pour bonifier la loi. Je vous
remercie de m'avoir prêté attention.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. Lariviè-re. On
voit en vous - c'est le moins qu'on puisse dire - un praticien de la loi. Ce
n'est pas un reproche, loin de là. SI on a des lois, c'est pour s'en
servir de la façon qu'on le juge bon. Vous me permettrez quand
même, avant de vous poser une question sur votre mémoire, de vous
poser à vous-même une question que vous jugerez peut-être
indiscrète. Si vous la jugez trop indiscrète, faites-en ce que
vous voulez, c'est-à-dire...
M. Filion: Servez-vous de la loi!
Le Président (M. Trudel): Servez-vous de la loi, dit le
député de Taillon. Vous nous dites: J'ai fait personnellement
environ 150 demandes d'accès, quelquefois à titre personnel,
quelquefois au nom... Vous avez bien dit d'organismes?
M. Larivière: Au nom de l'Église de Scientologie,
M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Au nom de cet organisme,
d'accord.
M. Larivière: C'est exact.
Le Président (M. Trudel): Pardonnez-moi, j'avais compris
d'organismes. Ma question est quand même la suivante: Sans vous
demander
dans chaque cas - évidemment, il y en a trop - les raisons qui
ont motivé les demandes d'information, pourriez-vous me résumer
un peu votre philosophie, d'abord, en ce qui a trait à l'organisme que
vous représentez? D'autre part, vous nous dites: J'ai fait quelques
demandes personnelles. Sans entrer dans le détail, parce que cela peut
être vraiment la vie privée qu'on expose en public, j'aimerais
aussi avoir, de votre part, un aperçu de votre philosophie de ce
côté-là, s'il vous plaît!
M. Larivière: Bon, d'accord. Certaines demandes ont
été faites à des ministères et à des
organismes avec lesquels l'Église de Scientologie avait eu des rapports,
soit pour des difficultés, soit simplement pour des échanges. Il
y a peut-être eu une trentaine de demandes, et même plus que cela,
parce que, dans certains cas, il y a eu plusieurs demandes très
précises. Un nombre assez Important de demandes a été fait
à des organismes publics précis, à des ministères
précis avec lesquels l'Église, que je représente, avait eu
des relations, des rapports. Le but était essentiellement de savoir ce
qu'il y avait dans nos dossiers afin d'améliorer nos relations avec ces
organismes et mieux comprendre leur façon de procéder, la
façon dont les choses s'étaient déroulées dans
certains cas, et aussi, peut-être, corriger des informations ou apporter
un nouvel aspect sur l'information contenue dans des dossiers qui nous
concernaient. Plusieurs demandes ont été faites dans ce
sens-là, peut-être le tiers. Dans certains cas, cela a
été des demandes précisées aux mêmes
organismes. Dans d'autres cas, cela a été sur des sujets
d'actualité qui nous intéressaient, sur des dossiers
précis qui nous intéressaient; par exemple, en matière de
santé mentale - c'est une question qui nous intéresse beaucoup -
et sur des sujets très précis dans certains cas: l'utilisation de
certaines procédures d'internement ou de traitement. Plusieurs demandes
ont été faites dans ce sens-là. Cela peut se
répéter à une foule d'hôpitaux ou d'organismes.
Donc, le nombre assez important de demandes peut s'expliquer simplement
par le fait que le même type de demande, presque identique, a
été fait à plusieurs hôpitaux. Comme je l'ai dit
tout à l'heure, des demandes ont été faites sur des
sujets, des dossiers très précis ou très importants pour
nous comme la perception au sein d'un organisme gouvernemental de toute la
question des nouvelles religions, de la façon dont l'administration
traite ces questions. Beaucoup de demandes d'accès ont été
faites dans ce sens-là. On a d'ailleurs publié des rapports, des
documents qui ont été faits à la suite de
l'acces-sibilité à ces documents-là. Donc, cela peut
expliquer un peu...
Le Président (M. Trudel): D'accord, merci. Vous avez
parlé tantôt de santé mentale, vous avez dit que cela
aurait pu être un autre sujet.
Vous avez dit: Les demandes se sont répétées pour
plusieurs hôpitaux. Est-ce que je dois comprendre qu'il s'agissait de cas
individuels, que votre organisme essayait de voir ce qui se passait dans des
cas précis, Individuels ou alors que c'étaient des politiques de
façon générale?
M. Larivière: II y a eu les deux cas, M. le
Président. Dans certains cas, on avait eu des informations
précises sur ce qui se passait ou sur ce qui devait se passer dans un
organisme précis, dans un hôpital précis. On a aussi
tenté de savoir ce qui pouvait se passer dans d'autres hôpitaux
concernant le même type de problème, le même type de
situation.
Le Président (M. Trudel): Dernière question, quant
à moi, M. Larivière, sur votre recommandation à la page
15, vous appelez recommandation additionnelle et que je trouve
intéressante, évidemment, mais j'aimerais que vous
élaboriez davantage que les quelques lignes que vous nous donnez. Donc,
recommandation visant à prévoir le droit des organismes
privés de jouir d'un droit de rectification relativement aux dossiers
détenus à leur sujet par les organismes publics. Au fond, ce que
vous êtes en train de recommander là, c'est ce que vous venez de
me dire depuis un petit bout de temps. Vous avez dit tantôt:
L'Église de Scientologie a notamment demandé, a pris le biais de
la loi d'accès à l'Information pour savoir un peu ce que le
gouvernement pensait des nouvelles religions, ce genre de chose-là.
Est-ce que c'est dans ce sens-là qu'on doit interpréter votre
recommandation additionnelle de la page 15?
M. Larivière: C'est dans cette lignée, M. le
Président, particulièrement lorsque je vous ai mentionné
qu'on avait fait plusieurs demandes pour avoir accès aux dossiers nous
concernant. C'est tout à fait dans cette lignée. C'est d'ailleurs
un travail qu'on a fait, par exemple, aux États-Unis fin des
années soixante, début des années soixante-dix. J'ai
moi-même consulté aux États-Unis des documents obtenus par
la loi sur l'accès à l'information. J'ai passé plusieurs
semaines à Los Angeles dans les dossiers de l'Église de
Scientologie. La quantité d'information est assez énorme. Je ne
dis pas que la situation s'est répétée au Québec,
foin de là, mais, aux États-Unis, c'était assez terrible
de voir comme l'information nous concernant était
déformée, comme de fausses informations s'étaient
glissées dans les documents du gouvernement et s'étaient ensuite
répétées à l'intérieur de toute la machine
de l'administration fédérale des États-Unis.
C'était assez incroyable de voir les choses qu'on y disait, qu'on y
lisait. C'est à la suite de cette constatation-là qu'on a fait un
effort à travers presque tous les pays du monde où une telle loi
existe, pour savoir ce qui se trouve dans les dossiers du gouvernement nous
concernant Lorsque je dis qu'un droit de révision est
nécessaire et important, c'est parce que je l'ai constaté
de mes yeux aux États-Unis. Au Québec aussi, il y a quand
même des choses qui ont été observées et il y a un
besoin, selon mol, de prévoir la correction des dossiers du gouvernement
concernant un organisme comme le nôtre, mais aussi concernant tous les
organismes privés. De la même façon qu'une fausse
information va porter préjudice à un individu, de fausses
informations concernant une compagnie, un organisme, une association vont leur
porter préjudice aussi. Je pense que cela serait simplement logique et
de bon aloi d'accorder ce même droit aux compagnies, aux
sociétés, aux associations.
Le Président (M. Trudel): Vous m'avez dit tantôt, M.
Larivière, que vous étiez allé à Los Angeles, vous
servant d'une loi californienne probablement, que vous aviez découvert
un tas de choses et que cela n'avait pas été le cas au
Québec. Pourrais-je avoir un exemple de choses que vous auriez pu
découvrir? Avez-vous obtenu le droit de corriger les choses que vous
avez découvertes et qui auraient pu ne pas être, selon vous, la
vérité ou qui auraient pu constituer une interprétation
exagérée ou fausse du travail que vous faisiez? Dans les
documents que vous avez obtenus par le processus de la loi d'accès
à l'information.
M. Larivière: Vous parlez, M. le Président, du
Québec, de la situation au Québec?
Le Président (M, Trudel): Oui, bien sûr, je parie du
Québec.
M. Larivière: D'accord. Il y a des choses qu'on a
obtenues, par exemple, au ministère de la Justice. Il existe un dossier
sur les soi-disant sectes religieuses ou nouvelles religions qui est
constitué essentiellement d'articles de journaux de type sensationnel.
Malheureusement, ce dossier n'est constitué, en grande partie, que de
choses négatives dites au sujet de certains groupes et de l'ensemble des
groupes de nouvelles religions. Dans ce cas-là, cela a été
intéressant de voir ce qui s'y trouvait et de pouvoir apporter d'autres
documents. Au ministère de la Justice, je pense qu'il y a eu
coopération pour qu'on puisse apporter d'autres documents, pour qu'on
puisse apporter un nouvel aspect à l'information, que l'information
puisse être équilibrée et que l'aspect qui avait
été omis, l'aspect positif, ou que l'autre point de vue, l'autre
côté de la question puisse être apporté.
Au ministère de la Justice, ce n'est pas qu'il y a eu un
problème. J'ai plutôt constaté un problème, pour en
mentionner un, au Comité de la protection de la jeunesse qui a des
dossiers sur plusieurs groupes à sa banque d'information. Là,
c'est vraiment flagrant. La source de ces documents est un groupe de
l'extérieur qui ne fait que fournir des informations négatives
sur les nouveaux mouvements religieux. C'est l'unique façon de
procéder. Malheureusement, ces dossiers existent et, lorsqu'on les
consulte, lorsque des intervenants du Comité de la protection de la
jeunesse les consulte, ils n'ont qu'un aspect négatif des nouveaux
mouvements religieux. Il n'y a aucun article... On dirait que tout article
positif, tout rapport ou toute information positive est carrément
rejetée. Il n'y a sûrement pas une volonté manifeste de
rejeter nécessairement toute bonne information, mais de la façon
que cela a été élaboré... D'avoir permis à
un organisme de l'extérieur de fournir l'essentiel du contenu de ces
rapports, sans faire de recherches autres, a fait que de tels documents ou de
tels dossiers existent. L'existence du contenu de ces documents se
reflète dans la position de l'organisme, dans les interventions des
personnes qui travaillent là.
Donc, actuellement, avec ces organismes, on est encore en pourparlers
pour pouvoir apporter de l'information additionnelle.
Le Président (M. Trudel): Merci. M. le ministre des
Communications.
M. French: Sur la même piste, M. le Président. Dans
les exemples que vous nous avez offerts, je note que, dans les deux cas, il
s'agissait essentiellement d'informations confectionnées à
l'extérieur des ministères ou des organismes publics en question,
c'est-à-dire que c'était un dossier de coupures de presse, si
j'ai bien compris, au ministère de la Justice. C'étaient des
renseignements provenant, d'après ce que j'ai pu comprendre, dans le cas
du Comité de la protection de la jeunesse, d'un organisme
extérieur qui n'était pas sympathique aux nouvelles religions,
disons, pour ne pas remettre en question votre Église. Ce que vous voyez
là vous amène à nous proposer un droit pour tout organisme
ou personne morale à corriger les dossiers ou à corriger les
renseignements que détiennent les organismes publics assujettis à
la loi québécoise. N'est-ce pas, dans le fond - je vous pose la
question - une demande de constituer des dossiers Indépendants qui
soient à votre goût ou au goût de n'importe quel organisme
privé qui cherche à passer de l'information au gouvernement et
n'y a-t-il pas de meilleurs moyens qu'un droit qui doit être assez
circonscrit dans un statut québécois? N'y a-t-il pas de meilleurs
moyens d'accomplir cet objectif? (12 h 30)
Vous ne nous avez pas dit, par exemple, qu'au ministère de la
Justice iI y avait un dossier qui disait que vous aviez 35 membres, alors que
vous en avez 50. Vous ne nous avez pas dit qu'il y avait un dossier qui disait
qu'un de vos membres avait un dossier criminel ou juridique, alors qu'il n'en a
pas. Ce n'est pas ça que vous nous dites. Vous nous dites que vous
n'aimez pas tellement la teneur des coupures de presse ou le choix des
organismes informateurs
de l'organisme en question. Donc, il me semble qu'il ne s'agit pas du
tout d'une correction à un renseignement détenu sur un individu
dans un fichier de renseignements personnels, tel que compris à
l'intérieur de la loi actuelle. Il s'agit beaucoup plus de la
reconstitution du dossier de fond en comble, de savoir si cela agrée
à l'organisme qui voudrait se prévaloir de la loi amendée,
tel que vous le proposez.
M. Larivière: Ce que je recommande, ce serait
d'étudier la possibilité que des Informations fausses concernant
un organisme soient corrigées, de la même façon que ce
droit existe pour les individus, ainsi qu'un genre de droit de réplique,
de ta part d'une association ou d'une compagnie, au contenu d'un dossier les
concernant. C'est essentiellement ce que je recommande.
M. French: J'ai un dossier devant moi du ministère de la
Justice - je fais une hypothèse.
M. Larivière: D'accord.
M. French: Je suis ministre de la Justice. Devant moi, il y a un
dossier constitué de coupures de presse de La Presse, du Devoir, du
Globe and Mail et du New York Times, etc. Et ce n'est que cela, d'après
ce que vous nous avez dit.
M. Larivière: Pas uniquement cela, M. le ministre.
M. French: Non?
M. Larivière: Cela peut être aussi des analyses
faites par des fonctionnaires concernant...
M. French: D'accord, il y a aussi des analyses basées sur
ces documents...
M. Larivière: C'est cela.
M. French: ...analyses avec lesquelles vous n'êtes pas
d'accord. Comment votre droit de réplique s'exercerait-il et qu'est-ce
qu'il y aurait dans le dossier, si vous aviez un droit de réplique?
M. Larivière: Écoutez, je ne veux pas soutenir que
j'ai les réponses à tout, mais je pense qu'on pourrait simplement
prévoir qu'un organisme privé puisse répondre au contenu
d'un dossier le concernant; par exemple, apporter des informations
additionnelles ou des preuves sur la fausseté de certaines informations
que l'on peut trouver dans ces dossiers.
M. French: Vous pouvez écrire au ministre ou au
président responsable actuellement. Vous pouvez dire: M. le ministre,
j'ai pris connaissance de tel dossier et j'aimerais que vous y apportiez
quelques corrections, voici les documents; on est prêt à
rencontrer n'Importe lesquels de vos fonctionnaires pour éplucher
davantage ces dossiers
Ce que j'essaie de voir, M. Larivière, ce n'est pas du tout...
Votre objectif général, je le comprends. Je me pose des
questions, à savoir si l'amendement que vous recommandez dans le
mémoire qui est devant nous est la voie appropriée, alors que
vous avez déjà le droit d'écrire au ministre ou d'entrer
en contact avec des dirigeants d'organismes, etc.
M. Larivière: C'est exact, M. le ministre. C'est
simplement, je crois, de prévoir ce droit dans le cadre de la loi afin
que la réplique ou des informations additionnelles puissent être
véritablement mises dans te dossier et que quelqu'un qui consulte ce
dossier puisse avoir l'autre côté ou des informations
additionnelles dans le même dossier. Je comprends que le droit existe
pour toute personne d'écrire au ministre et de faire cette demande, mais
la recommandation que je fais, ce serait que tout cela soit prévu dans
la loi de façon formelle.
M. French: En tout cas, M. Larivière, j'aimerais vous
remercier pour la clarté de votre présentation et de nous avoir
fait bénéficier de votre expérience qui doit
sûrement être la plus grande de tous les usagers de la loi au
Québec.
M. Larivière: Merci beaucoup, M. le minis-tre.
Le Président (M. Trudel): M. le député
de
Taillon
M. Filion: Je vous remercie. Effectivement, M. Larivière,
150 demandes sur trois ans, cela fait, grosso modo, une par semaine. Alors, je
pense que les remarques d'appréciation que vous faites à la
commission ne s'en trouvent que rehaussées. Quand vous parlez de
simplicité du recours en révision, du fait que vos demandes ont
été traitées dans un délai raisonnable, de la
gratuité du recours en révision, de l'ouverture d'esprit, si je
peux m'exprimer ainsi - vous parlez un peu de partialité - mais parlons
d'ouverture d'esprit de la commission à vos demandes, je pense que tous
ces éléments que vous avez soulevés seront d'autant plus
remarqués par les membres de la commission que vous avez fait la preuve,
par la fréquence de vos demandes à la commission, que ces
remarques étalent bien senties.
Maintenant, dans le même sens que le ministre, en ce qui concerne
votre recommandation additionnelle, et je prends la situation telle que vous
l'avez vécue dans les deux dernières années... Encore une
fois, je ne voudrais pas être indiscret. Si je le suis, vous n'aurez
qu'à m'ar-
rêter ou à vous arrêter vous-même. Il y a des
choses que vous avez voulu corriger dans les dossiers qui étalent
détenus par les organismes publics, des éléments. Vous en
avez personnellement fait la demande, mais je dois comprendre que certaines des
corrections qui ont été apportées à des dossiers ou
certains des documents auxquels vous avez eu accès concernaient
l'organisme que vous représentez, à savoir l'Église de
Scientologie. Alors, quel est le problème soulevé par votre
recommandation additionnelle? Puisque dans le passé vous avez su, si je
vous ai bien saisi, atteindre les fins que vous recherchiez - pas dans tous les
cas, mais dans 50 % ou 70 % des cas - j'aimerais savoir à quel
problème qui ne peut pas être résolu maintenant s'attache
votre recommandation additionnelle d'étendre aux organismes le droit qui
existe maintenant en faveur des personnes.
M. Larivière: D'accord. C'est simplement d'ordre pratique,
d'ordre formel, je crois. Comme le disait M. le ministre tout à l'heure,
il existe la possibilité de s'adresser au ministre ou aux fonctionnaires
pour demander que des informations additionnelles soient portées au
rapport, mais rien ne garantit que ce sera fait ou que l'information sera
placée de façon telle dans le dossier que celui qui consulte le
dossier en question où se trouvaient les informations contestées
puisse avoir tout de suite connaissance de l'autre côté de la
médaille ou des corrections à ces informations. C'est simplement
d'ordre pratique. Je crois qu'on pourrait prévoir dans la loi, de
façon formelle, un droit de réplique au dossier afin que ce
principe de correction puisse être appliqué de façon
régulière, de façon systématique. À l'heure
actuelle, rien ne garantit que ce sera fait.
M. Filion: Mais au moment où on se parle, sans les
modifications à la loi, si, par exemple, dans un dossier détenu
par un organisme public, il est écrit, je ne sais pas, peu importe
lequel, mais que tel mouvement est rempli de bandits et que c'est inexact...
Est-ce que je comprends mal? La commission pourra m'éclairer plus tard,
mais est-ce qu'un individu qui a un intérêt dans ce mouvement
pourrait d'abord demander l'accès à cette information et,
ensuite, la correction à cette information?
M. Larivière: Ce serait l'organisme en question...
M. Filion: Pas l'organisme, je parle d'un individu, comme c'est
le cas actuellement. Vous avez fait vos demandes en votre nom personnel,
non?
M. Larivière: J'en ai fait en mon nom personnel et j'en ai
fait aussi... Lorsqu'on visait des dossiers concernant l'organisme privé
que je représente, l'Église de Scientologie, à ce moment-
là, les demandes étaient faites ouvertement par l'Église
de Scientologie. C'est dans ce cas où je crois que l'organisme qui a eu
accès au dossier le concernant devrait avoir un droit de réplique
quelconque. Naturellement, il faudrait prévoir quelque chose de pratique
qui n'embourbe pas l'administration.
M. Filion: D'accord.
M. Larivière: Simplement un droit de réplique qui
permettrait de donner l'autre côté de la médaille ou,
enfin, qu'une correction soit faite au dossier.
M. Filion: C'est le droit de rectification, finalement,
uniquement?
M. Larivière: De rectification uniquement, M. le
député.
M. Filion: D'accord. Je pense que cela va, M. le
Président. Je voudrais donc remercier M. Larivière, de
l'Église de Scientologie, de nous avoir fait part de son
expérience concrète - c'est le cas de le dire - de la commission.
Je remarque, finalement, que le jugement qu'il a porté est relativement
positif. Il appuie plusieurs des recommandations contenues au rapport de mise
en oeuvre. Nous tiendrons compte de ses commentaires.
M. Larivière: Merci, M. le député.
Le Président (M. Gardner): Merci, M. le
député de Taillon. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Non?
Merci beaucoup, M. Larivière. Nous suspendons les travaux jusqu'à
14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 39)
(Reprise à 14 h 7)
Le Président (M, Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de la culture reprend ses travaux de consultation
générale sur le rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels.
Nous avons maintenant le plaisir d'accueillir un ancien collègue,
pour certains d'entre nous à tout le moins. Je ne veux pas le vieillir
davantage, mais je retrouve un ancien collègue d'université -
bon, je vais le dire - quelques années avant moi, quand même.
Alors que Me Marols était président de l'AGEUM, j'étais au
tout début de mes études universitaires, ce qui fait que cela
fait, quand même, quelques années. Je souligne
immédiatement, pour le bénéfice de ceux qui sont ici, que
Me Marois a accepté l'invitation de la commission aux audiences
d'aujourd'hui. Il s'agit
d'une Invitation que la commission a faite à Me Marois, compte
tenu de son expérience dans ces matières et du genre de pratique
de droit qui est ta sienne. Alors, Me Marois, au nom de la commission, je vous
souhaite la bienvenue à Québec. Je ne sais trop s'il y a
longtemps que vous avez mis les pieds dans votre ancienne maison, mais cela
vous donne une autre occasion de le faire aujourd'hui. Je vous cède
immédiatement la parole en vous disant que, de toute façon, vous
avez à peu près 20 minutes. SI vous ne voulez pas les utiliser,
on commencera immédiatement l'échange de questions et de
réponses pour une durée totale de 60 minutes. La parole est
à vous.
M. Pierre Marois
M. Marois: M. le Président, mesdames et messieurs les
membres de la commission parlementaire - d'abord, par vos propos
d'introduction, M. le Président, vous avez dit, rappelant le
passé: "Ce qui fait que..." Cela fait que les années passent
vite, on le constate tous - je voulais, d'abord, vous remercier de votre
aimable invitation. J'ai accepté avec plaisir de venir de façon
informelle vous faire part de mes constatations, de mes remarques et de mes
suggestions à partir de mon expérience comme praticien, comme
avocat, qui est mon vieux métier auquel je suis retourné depuis
un certain nombre d'années. Deuxièmement, étant
donné le court délai compte tenu des disponibilités de
temps, je voudrais vous remercier d'avoir accepté de me recevoir en me
dispensant de déposer un mémoire écrit, ce qui nous aurait
rendu, de part et d'autre, la tâche strictement Impossible. Mais compte
tenu de ce dernier fait, je vais essayer de vous simplifier le travail en vous
indiquant tout de suite que je vais m'en tenir à quelques commentaires
d'introduction, à un certain nombre de remarques générales
et m'attarder plus longuement sur à peu près 50 % des
recommandations qui sont dans le rapport qu'on a tous devant nous.
En guise d'introduction, le témoignage doit en être rendu
à la Commission d'accès à l'information, il me semble que
c'est un rapport, d'une part, remarquablement fait et qui a été
rédigé d'une façon extrêmement accessible, compte
tenu particulièrement du nombre de questions très
délicates et de certaines autres qui sont aussi très complexes,
surtout à la lumière de ce que j'appellerais l'équilibre
à maintenir entre, d'une part, la nécessité d'avoir un
gouvernement, une machine administrative publique efficace, rigoureuse - parce
qu'il s'agit de la gestion des fonds publics - qui devrait être le
premier par excellence des services aux citoyens, puis, d'autre part - ce qui
constitue les deux principes de fond de la loi - le droit des citoyens de
savoir, ou l'accès, si on veut, et le droit aussi fondamental pour les
mêmes citoyens d'être assurés que leurs renseignements
personnels sont jalouse- ment et je dirais même précieusement
protégés.
Si ce rapport-là - c'est ma deuxième remarque
d'introduction - est remarquable, je pense aussi qu'on doit rendre
témoignage à la commission du fait que le travail qu'elle a
accompli l'est aussi. Même si la loi - on doit se le rappeler, cela
n'arrive pas tous les jours et cela mérite d'être signalé -
a été votée à l'époque à
l'unanimité, c'est sûr qu'elle suscitait à la fois
certaines inquiétudes et réticences, en même temps que, par
d'autres aspects, c'était une loi qui emballait. Donc, ce n'était
pas facile de l'appliquer. Je pense qu'on doit en témoigner à
l'égard de la commission.
Cela étant dit, je voudrais faire deux remarques
générales. D'une part, si une commission parlementaire peut se
retrouver aujourd'hui pour regarder et étudier un rapport comme
celui-là, c'est que quelqu'un, tous les parlementaires qui ont
travaillé à la mise au point et à l'élaboration de
cette loi-là.. Encore une fois, ce n'est pas à titre d'ancien
législateur ou de membre de quelque gouvernement que ce soit que je suis
là, mais plutôt comme praticien parce que j'ai pu regarder cette
loi-là maintenant à travers la lorgnette de ceux et de celles qui
ont à l'utiliser.
Il y a une idée fondamentale. Si on peut se retrouver là
aujourd'hui, c'est qu'il y a dans la loi une espèce de clause
crépusculaire qui fait qu'aux cinq ans non seulement, c'est possible,
mais même c'est prévu dans la loi: il doit y avoir un rapport, une
réévaluation qui peut même mener, le cas
échéant, à une révision fondamentale de la loi, ce
que je ne recommande pas bien sûr, même à son abolition, ce
que je recommande encore moins, mais qui est là, qui permet de faire ce
travail-là.
Incidemment, II m'apparaît maintenant, en regardant cela -
cependant, c'est comme pour toute bonne chose, il ne faudrait pas en abuser -
que cette idée est à ce point intéressante que les
législateurs, dans les cas où il s'agit de faire ce qu'on appelle
du droit nouveau, auraient peut-être intérêt à
utiliser cette clause crépusculaire, encore une fois, sans en abuser,
parce qu'on peut tomber dans un excès de rapports, de commissions
parlementaires et ajouter une autre lourdeur inutile, dans certains cas. C'est
là où il y a du droit nouveau et accroché à des
choses absolument fondamentales. Je fais une distinction entre des engagements
politiques que peut prendre une formation politique qui se fait élire
sur ces engagements et qui les réalise. Je ne vois pas
nécessairement pourquoi dans toutes les lois, même s'il s'agit de
droit nouveau, dans cette perspective, il faudrait mettre une clause
crépusculaire. Là où il s'agit vraiment de droit nouveau
comme tel - c'est un bel exemple ici, on pourrait passer à d'autres cas
- je défends l'idée de mettre une sorte de clause
crépusculaire qui permet de réexaminer, de réajuster, de
réévaluer.
Et puis, les choses évoluent. Je pense que
ce rapport en témoigne largement au moment où il touche,
par exemple, toutes tes questions de renseignements qui transitent par des
méthodes informatiques dont on ne pouvait pas nécessairement
prévoir la portée et les conséquences à
l'époque, mais dont on voit bien aujourd'hui la portée et les
conséquences et qui supposent des ajustements. Quand on pense - et je
reviendrai là-dessus en ce qui concerne les recommandations - à
certains éléments de données contenues dans des banques de
données dans le secteur privé, cela permet à la
commission, les choses évoluant, de réajuster tes morceaux et
d'ajuster une législation. Et aussi - on le voit très bien quand
on a eu la chance d'être à la fois législateur, de
connaître l'intention du législateur et de retourner en pratique -
il faut voir comment, d'une part, on applique l'intention du législateur
- il y a parfois une sérieuse marge entre la coupe et les lèvres
- et, d'autre part, la façon dont les tribunaux, eux, vont
interpréter non pas l'Intention du législateur, mais un texte de
loi. La nuance est de taille. On n'argumente pas devant un tribunal, à
moins d'être d'une très grande habileté... On peut faire
allusion par la bande à l'Intention du législateur, mais il y a
un texte qui est là et le tribunal doit fonctionner sur la base de ce
texte.
Je pense qu'il y a là une idée intéressante, si on
n'en abuse pas, qui mériterait d'être utilisée beaucoup
plus souvent dans un certain nombre de cas de droit nouveau, comme je l'ai
cerné.
Comme je l'ai dit, ma deuxième remarque générale,
c'est à titre de praticien. J'ai eu la chance d'être parmi ceux et
celles qui ont travaillé à ce projet de loi et qui l'ont
adopté à l'unanimité, mais c'est à titre de
praticien que je suis ici. J'ai pu en voir ta face concrète. J'ai eu
à y recourir personnellement. J'ai eu à y recourir pour des
clients. À titre d'exemple, dans un certain nombre de cas qui posaient
des problèmes environnementaux où il fallait tenter d'obtenir des
études d'impact économique, ce n'était pas possible de les
obtenir parce que l'interprétation qu'on donne à certaines
restrictions est telle que cela nous en empêche. Je reviendrai sur une
recommandation qui touche cette question-là et qui m'apparaît un
peu large quand on parle du délai dans le temps, dix ans, cinq ans ou
vingt-cinq ans. Je pense que ce n'est pas nécessairement par le biais du
délai dans te temps qu'il faut aborder ces problèmes-là.
Je crois que c'est par des choses très concrètes et
précises, nommément, des études d'impact
économique. Mais encore là en faisant bien attention. Des
études d'impact économique qui sont faites par un gouvernement,
que ce soit pour des fins de négocier un contrat ou pour acheter ou pour
vendre, ce serait, évidemment, dangereux et ça pourrait avoir des
conséquences désastreuses de les rendre publiques. Cela pourrait
favoriser les parties si c'était Indûment rendu public avant que
les transactions soient faites.
C'est bien différent quand Il s'agit d'études d'impact sur
des problèmes environnementaux de, je ne sais pas quoi, la
rivière L'Assomption. Pourquoi est-ce que les citoyens seraient
obligés d'aller s'engager des experts pour recommencer, refaire, repayer
et refinancer toutes les études d'impact qui sont déjà
faites, alors que ça pourrait être accessible plus rapidement si
on ne jouait pas tellement avec le délai, mais qu'on introduisait dans
un autre article la possibilité d'obtenir, par exemple, telle chose
à telles conditions et dans tel contexte?
Bon, maintenant, concernant un certain nombre de recommandations plus
particulières, je voudrais, d'abord, commenter rapidement les
recommandations trois et quatre. La première, c'est: "L'ensemble des
organismes publics doit demeurer dans le giron de la loi sur l'accès" et
"certains petit organismes pourraient déléguer la
responsabilité de l'application de la loi au responsable d'un organisme
parent". Je pense que c'est le gros bon sens et je pense que la commission est
tout à fait fondée et justifiée de demander une chose
comme celle-là. Je pense que ça devrait être une
recommandation à laquelle, d'emblée, les gens se rallient
très facilement. Cela devrait être fait et cela serait très
utile que ce soit fait rapidement. "4) Des modifications à la loi sont
proposées" pour y assujettir le Curateur public, par exemple, les
centres d'accueil privés et les sociétés de transport et
autres organismes. Là aussi, cela m'apparaît très clair. Le
rapport est bien étoffé. Je n'ai pas l'intention de commenter
longuement. Le Curateur public, d'évidence, je crois, devrait tomber
sous la coupe de la loi. Les centres d'accueil privés
conventionnés. Écoutez, les hôpitaux privés le sont
déjà. Pourquoi y aurait-il un deuxième poids ou une
deuxième mesure concernant les centres d'accueil privés?
Vraiment, je pense qu'à l'évidence cela tombe sous le sens. Les
nouvelles sociétés de transport et autres organismes municipaux,
je crois que oui. Le transport en commun, ce n'est pas un détail. Je ne
vois pas pourquoi, avec les réserves et les exceptions qui sont
prévues par la loi, on ferait un principe d'exclure de telles
sociétés ou de nouvelles sociétés municipales
publiques ou paramunicipaies. Je ne vois pas pourquoi elles seraient exclues de
l'application de la loi. D'emblée, J'endosse ces recommandations qui me
paraissent importantes.
Les recommandations 1, 11 et 5. La recommandation 1, c'est la
recommandation de base, que la loi continue de s'appliquer et que fa
surveillance soit assumée par un organisme indépendant. La
recommandation 11, vous l'avez devant vous, c'est, en matière
d'information publique, "que la préparation et l'édition du
répertoire des responsables soient confiées à la
commission plutôt qu'au ministre responsable". Au fond, il s'agit de
confirmer une pratique en l'introduisant dans le texte de loi. "Que le
libellé de l'article 132 soit modifié afin de
permettre la production d'un répertoire des fichiers de
renseignements personnels" parce qu'ils sont les mieux placés, je crois,
pour le faire, ils l'expliquent très bien dans le rapport. Et puis, un
mandat d'informer le public.
La commission nous donne, dans le rapport, un certain nombre de chiffres
qui sont éloquents, particulièrement sur la façon dont les
responsables interrogés ont répondu quant à leur
perception de la connaissance ou de la méconnaissance de l'existence
même de la loi par les citoyens. Je crois que la commission a raison de
formuler ces trois recommandations, particulièrement celle concernant
l'information dans la mesure où la commission pourrait disposer des
budgets. Si elle les a, tant mieux, mais si elle ne les a pas... Bien
sûr, je lui donne le pouvoir plus large, il faudrait s'assurer qu'elle
ait les budgets pour le faire. Cela me paraît fondamental parce qu'une
loi comme celle-là, si les gens la méconnaissent, ne la
connaissent pas, ne savent pas qu'elle est à leur disposition, que c'est
possible pour eux d'y recourir, je pense qu'il y a là un sérieux
problème et ils ont raison.
Très rapidement, sur les recommandations 2, 13 et 30. "2) La
commission ne soumet aucune recommandation immédiate à
l'égard de l'assujettissement des organismes privés à des
règles de protection des renseignements personnels. Elle se borne
à souligner le caractère préoccupant de cette question."
Vous avez le point 13, à la page 193: "les restrictions de l'article 28
à l'égard de renseignements ayant une Incidence sur
l'administration de la justice et sur la sécurité publique." Et
5) c'est "pour des raisons d'accessibilité, d'efficacité, de
cohérence et de visibilité, la commission est d'avis qu'elle doit
conserver son rôle de tribunal administratif et ses pouvoirs de
surveillance." Il y a des chiffres dans le rapport auquel je viens de faire
allusion que je n'ai pas l'intention, ni le temps pour l'instant de reprendre,
mais qui sont là, qui sont très éloquents et qui à
mon avis, viennent soutenir d'emblée ces recommandations.
En ce qui concerne la recommandation 2 - cela pourra peut-être
vous étonner - je crois que la commission, dans son rapport, ne va pas
assez loin. Dans son rapport, la commission vous dit qu'elle n'est pas
prête pour l'instant à vous formuler une recommandation concernant
l'assujettissement des organismes privés à des règles de
protection des renseignements personnels. Si on lit le rapport, on constate
qu'elle fait allusion à un comité de travail et elle souligne le
fait que c'est heureux qu'ait été mis sur pied un comité
interministériel qui serait déjà au travail pour examiner
cette question. C'est toute la question à savoir si, oui ou non, les
banques et les institutions financières, des entreprises privées
chargées de faire la collecte de renseignements privés, par
exemple, en matière de crédit, devraient être assujetties
à la loi et ils disent: Bon, attendons le rapport d'un comité
interministériel.
Je pense que cela doit aller un peu plus loin dans le sens suivant. Je
crois, en conscience, que s'il avait fallu, à l'époque, attendre
l'opinion des organismes publics, parapublics, je dirais même des
ministères, des ministres, des sous-ministres, s'il avait fallu attendre
d'avoir un comité interministériel pour sortir une loi comme
celle-là, je prétends modestement qu'elle n'aurait jamais vu le
jour. Pourquoi? Pour la raison fort simple que, lorsque vous remettez en cause
ou en question - et c'est normal et humain, ce n'est pas un blâme - une
forme de statu quo qui peut être dérangeante pour certaines
personnes, c'est évident, si vous demandez à des gens de se
départir de certains contrôles et monopoles qu'ils ont sur
certaines Informations, qu'ils ne le feront pas d'emblée,
spontanément.
C'est heureux qu'il y ait un comité ministériel, mais je
pense qu'il faut aller plus loin. Je ne pense pas que cela prenne une nouvelle
commission Paré, mais je pense qu'il faudrait une petite équipe,
une mini-commission Paré, si vous voulez, une équipe
extrêmement légère, de l'extérieur, qui pourrait
prendre connaissance du travail du comité interministériel, d'une
part, et, d'autre part, avoir accès - et je présume que la
Commission d'accès à l'information accepterait volontiers de
coopérer - à la manne, la masse de renseignements dont dispose la
Commission d'accès à l'information qui, elle, a la chance de voir
des dossiers, par définition, en appel que nous, les citoyens, ne voyons
que si on a finalement l'autorisation. Je reviendrai sur la question d'appel un
peu plus longuement si on me le permet.
Cependant, autant je crois que cela ne va pas assez loin à 2), je
fais une mise en garde en ce qui concerne 13 et 30 où je crois qu'on va
un peu trop vite, à l'opposé. En ce qui concerne l'administration
de la justice et la sécurité publique, cela devrait être
invoqué uniquement par les forces de police. À 30, on touche des
questions analogues. Je crois que cette minicommission devrait avoir le mandat
de travailler à trois choses: ce que je viens d'évoquer, d'une
part, soit que je trouve que l'article 2 ne va pas assez loin, et, en
même temps, regarder cette question de sécurité publique,
corps de police et la recommandation 30. On devrait limiter son mandat à
ces trois choses, ce serait un pas de géant, en lui fixant un
délai dans le temps - pour qu'elle ne l'outrepasse pas - pour faire des
recommandations.
Pour aller le plus vite possibie parce que je vois que le temps passe
déjà terriblement vite, quant à moi, certaines autres
recommandations vont de soi. Je ne veux pas les commenter, mais je tiens,
cependant, à dire et à enregistrer mon appui favorable. Quant aux
autres recommandations sur lesquelles je me prononce, je crois avoir pu
suffisamment non seulement les regarder, mais les vivre pour être
à même de vous donner une opinion; sans quoi, je ne les
commenterais pas. Les recommandations 6, 7, 8, sauf
la question du droit d'appel, je vais y revenir, 16, 17 qui sont
directement reliées fondamentale- ment au principe de l'accès,
23, 26, et 29, la première partie de 29 - pour l'instant, je ne me sens
pas capable de me prononcer sur la deuxième partie - "recommande de
modifier l'article 57 afin de donner un caractère public aux nom et
adresse d'affaires du détenteur d'un permis public", il me semble que ce
sont des recommandations de bon sens, correctes, cohérentes, très
réalistes et qui devraient recevoir l'appui, l'aval et être
poussées le plus rapidement possible par la commission.
Mes derniers commentaires porteraient - Je vais les faire de
façon très générale, quitte à y revenir dans
la période d'échanges - d'une part, sur les recommandations 10,
14 et 9. Je vais essayer de faire le plus vite possible, de vous donner au
moins les grandes lignes. "10) En matière pénale, la commission
recommande que les organismes soient assujettis à un régime de
responsabilité stricte, comme c'est la règle dans la
majorité des lois québécoises. Une défense de
diligence raisonnable, plutôt que celle fondée sur la bonne foi,
devrait aussi être exigée.' Moi, j'appuie cette
recommandation-là. Je pense qu'il y a là une chose absolument
fondamentale. Tel que les textes sont rédigés actuellement, je
vous dis, sur la base de mon expérience personnelle, en vertu des
articles 158, 165 de la loi, que, récemment, dans une décision
qui concerne un organisme public, pour ne pas le nommer, c'est la
Société des alcools du Québec, dans 35 demandes que
j'avais formulées, la commission a jugé que cet organisme avait
à ce point violé la loi que, pour une première fois dans
une décision, elle a appliqué l'article 50 de la loi et a
blâmé un organisme. (14 h 30)
II n'y a pas eu de sanction pénale. Pour qu'il y ait des
sanctions pénales, il faudrait faire la preuve de ce qu'on appelle la
mens rea. l'intention coupable, et iI faudrait faire la preuve que cela a
été fait, comme on dit, sciemment. On peut y opposer une
défense de bonne foi. Surmonter une preuve comme celle-là, c'est
à peu près Impossible, c'est, à tout le moins,
extrêmement difficile. Je ne vois pas pourquoi on ne retiendrait pas les
recommandations de la commission, à savoir qu'on ait un véritable
régime en deux volets: de responsabilité stricte, d'une part,
deuxièmement, avec cette notion de diligence raisonnable; il me
paraît qu'il y a là les balises correspondant à la
cohérence normale de notre système juridique. Sinon, mon
expérience concrète, je vous en ai donné un exemple
très récent, c'est que ce ne sera pas applicable. Tel que c'est
là, ce ne sera pas applicable. Je pense que la commission a raison. Je
reviendrai plus longuement, s'il vous plaît d'en discuter, sur l'article
10. "14) Les analyses susceptibles d'avoir un effet sur une procédure
judiciaire devraient, de l'avis de la commission, ne pouvoir être
refusées si une telle procédure n'est déjà
entreprise." Là, je vous dirais deux choses. D'accord avec la
recommandation de la commission si le sens de cette recommandation est bien ce
qu'on peut en dégager en lisant le verbatim, si c'est vraiment: aucune
personne ne pourra avoir accès à des analyses si des
procédures sont engagées, aucune, ou bien alors, à
l'opposé, tout le monde pourra avoir accès aux analyses s'il n'y
a pas de procédures. Sinon, on va revenir à la situation actuelle
qui risque de mener à un cul-de-sac. Dans un cas où j'ai
présenté des demandes, je me suis trouvé dans la situation
où je me suis fait dire par des procureurs de la couronne,
doublés de procureurs d'un premier bureau privé, doublés
de procureurs d'un deuxième bureau privé représentant un
organisme public devant la Commission d'accès à l'Information -
là, on est rendu à une requête en appel; je vais y revenir,
c'est mon dernier point - Voyons donc, vous êtes un avocat. Il n'y a pas
deux poids deux mesures dans la loi. Le principe, c'est l'article 9: toute
personne Que je sois un avocat ou que je ne sois pas un avocat, cela n'a aucune
espèce d'importance.
Deuxièmement, si c'est cela, si on ne fait pas ce genre de
changement, on va jouer avec les mots. Je vous fais une mise en garde: Si vous
touchez à cela dans le sens de la recommandation de la commission, que
j'appuie, faites attention à ne pas jouer avec le mot "analyse" et
même cernez-le de façon encore plus précise à la
lumière des jugements rendus. Sinon, cela va donner lieu à un
cafouillage et à des interprétations à n'en plus finir
devant les tribunaux, comme c'est le cas actuellement pour te mot
"résolution". Une résolution d'un conseil d'administration,
est-ce que cela constitue une résolution au sens strict? Est-ce que
c'est une recommandation? Est-ce que c'est une recommandation d'un ministre
tuteur d'un organisme? Dès lors, est-ce que c'est ultimement
protégé par le délai de 25 ans? Je le dis: Si vous touchez
à cela et qu'on joue avec le mot "analyse", faites attention à la
façon dont c'est formulé. Je pense qu'autant vous pouvez
sérieusement améliorer l'application de la loi, autant on
pourrait la compliquer si on ne cerne pas cette notion qui est là.
Le dernier point, c'est l'article 9: le droit à l'appel. La
commission vous dit qu'elle serait portée à vous recommander de
l'abolir, mais, si cela doit être maintenu, elle recommande qu'on donne
à la commission "la possibilité d'être entendue lors des
requêtes pour permission d'appeler et que les fonds publics
défraient les services d'un avocat auprès d'un citoyen
impliqué dans la procédure d'appel." Je pourrais vous en parier
très longuement; je souhaite qu'on ait une discussion sur cette
question. Je pense que c'est une des questions les plus importantes qui vous
sont soulevées ici, à l'exception d'une autre que je voudrais
aborder tout de suite.
Dans les cas d'exception - j'ai parlé des
études d'impact économique, tantôt - il y a des
études d'Impact qu'il est actuellement strictement impossible d'obtenir
ou alors les délais sont tels, parce que protégées par
l'article d'un délai de cinq ans ou de dix ans et plus, que ce n'est pas
possible de les obtenir et, au moment où on les obtient, de toute
façon, c'est inutile. Une étude d'impact sur le
libre-échange dans tel secteur économique, si je l'obtiens dans
cinq ans, ce sera dans cinq ans et probablement que la situation
économique aura évolué Une étude d'impact sur un
problème d'ordre écologique concernant une rivière ou un
lac, à un moment donné, si je l'obtiens dans cinq ans ou dix ans,
la situation se sera corrigée, détériorée un peu,
beaucoup, passionnément, je ne sais pas, mais ce sera à
recommencer. Je referme la parenthèse, je pense que, là-dessus,
mon message a été compris.
Je reviens à l'article 9. On vous dira, j'en suis certain: Ne
touchez pas à cela, le droit d'appel, c'est un droit absolument
fondamental dans notre droit, n'abolissez pas cela. Moi, je vous dis: Le temps
est venu d'abolir cet appel. Pourquoi? Je vais vous l'illustrer d un exemple
très concret. Cela fait mieux comprendre les choses quand on part d
exemples concrets. J'ai logé une demande correspondant à 35
demandes en même temps à un organisme public pour ne pas le
nommer, la Société des alcools du Québec, le 6 mai 1987.
J'ai reçu une réponse de refus le 25 mai 1987 non motivée,
ce qui était une violation de I article 50. C'est le problème que
j'ai évoqué tantôt concernant la question des amendes
pénales. II y a eu un blâme pour une première fois, mais
cela n'ira pas plus loin. Encore une fois, je prends ce cas-là. Je ne
veux pas m'acharner sur ce cas là, mais on pourrait parler des
organismes et la commission le fait très longuement et très
largement. Bon nombre d organismes ont coopéré de façon
absolument remarquable. Le monde municipal était déjà
habitué. Mais il y a des réticences et c'est sur ces
cas-là qu'il faut travailler, malheureusement, si on veut qu'il y ait
véritablement un accès Je ne veux pas m'acharner sur quelqu'un en
particulier, mais je prends les cas que je connais refus non motivé.
J'ai été obligé de présenter une
requête en révision. Elle est faite le 25 juin 1987 - vous voyez
que cela va vite - requête en révision à la Commission
d'accès à l'information. La Commission d'accès à
l'information entend les parties le 16 septembre 1987. Un citoyen qui s'en va
devant la Commission d'accès à l'information et qui fait face
à une batterie d'avocats a besoin d'être sérieusement
déjà équipé, parce qu'il y a des questions de droit
qui sont soulevées là. Si vous avez un débat sur le huis
clos, vous savez que la commission dans certains cas, et pour cause, I'utilise
C'est un droit important pour elle parce qu'il y a des questions de
sécurité publique des questions d'incidence économique,
etc. C'est un cas d'exception, mais elle l'utilise avec discernement, le huis
clos. Mais le huis clos, c'est le huis clos. Cela veut dire que je sors et que
les autres parties font leurs représentations en mon absence. Comment un
simple citoyen se débattra-t-il là-dessus? La commission doit
jouer presque le rôle de chien de garde même de
l'intérêt du citoyen pendant qu'elle débat la question du
huis clos. Déjà, sur le plan juridique, ce n'est pas facile pour
un citoyen seul.
II y a l'audition le 16 septembre, la décision est rendue le 1er
décembre. La décision dit On vous blâme. Donnez les
documents, des résolutions de la Société des alcools, du
conseil d'administration octroyant des franchises de succursales à 35
compagnies coopératives à telle date, opérer telle
succursale pour dix ans, renouvelable cinq ans.
Une requête est présentée. Pour aller en appel, vous
savez que la loi dit: Premier temps, vous devez demander la permission à
un juge sous forme d'une requête pour permission d'en appeler et, si le
juge est d'avis que ce sont des questions de droit ou de fait qui sont
susceptibles d être examinées en appel, il va l'autonser, sinon,
il va le refuser. La requête devant le juge, il faut aller la
débattre devant la cour et là ce n est pas un débat de
façon vulgarisée entre les citoyens au coin de la rue. Cela
respecte les règles de preuve et les règles de droit. Pour un
simple citoyen, ce n'est pas une mince tâche.
Présentement, la requête pour permission dans le cas dont
je vous parle a été présentée le 6 janvier et elle
a été entendue le 21 janvier 1987. Nous sommes en février,
le jugement va sortir. Est ce que le jugement va retenir ou pas la
requête? Je n'en sais rien. Si le jugement accorde la requête et
permet l'appel, on s'en va devant le tribunal d'appel Cour provinciale, trois
juges avec les règles. Les règles, c'est un mémoire. Un
mémoire, ce n'est pas un mémoire à la commission
parlementaire, c'est ce qu'on appelle, les avocats dans notre jargon, un factum
en droit, avec toutes les questions de droit soulevées la jurisprudence,
les jugements, etc, analogiquement aux règles qu'on suit quand on va
pour un appel de la Cour supérieure à la Cour d'appel. Ce n'est
pas n'importe quoi.
C'est extrêmement coûteux en temps et en frais. Ce n'est pas
accessible, à mon avis, pour les simples citoyens. En plus, c'est
très facile pour un organisme public, n'importe qui, une commission ou
n'importe quel organisme, commission ou ministère couvert par la loi,
d'utiliser ce biais pour simplement faire ce qu'on appelle des
procédures dilatoires, gagner du temps, faire dépenser de
l'argent, épuiser des gens et leur faire abandonner en cours de route.
On achète la paix comme cela, à moins que vous n'ayez quelqu'un
de "tough" devant vous. Quand on regarde les cas qui ont été
accordés et qu'on regarde les jugements de la Cour d'appel, je pense que
la moyenne au bâton de ta Commission d'accès à
I'information est, quand même, très bonne.
D'autre part, je vous rappelle également que, lorsque vous
êtes rendu à une décision de la Commission d'accès
à l'information, vous êtes déjà en appel puisqu'il y
a eu une première décision rendue. Dans bon nombre de cas, la
Commission d'accès à l'information vous le dit dans son rapport,
tes organismes coopèrent, cela va bien, ils accordent ce qui est
demandé en partie ou en totalité. Peu de gens se
prévalent, ou un pourcentage assez faible par rapport aux demandes, de
la requête en révision à la commission. Même dans ces
cas, souvent cela se règle en cours de route. Dès qu'il y a une
requête placée en révision, la commission vous le dit,
c'est réglé en cours de route, les documents sont fournis. La
commission intervient. Quand elle rend un jugement, c'est en appel. Donc, on
est rendu à un troisième niveau d'appel lorsqu'on passe par la
requête et l'appel devant trois juges de la Cour provinciale. C'est haut
comme niveau. C'est comme si on était rendu analogiquement, c'est un peu
grossier ma comparaison, de la Cour provinciale à, la Cour
supérieure, à la Cour suprême.
À mon avis, l'appel devrait être aboli Le seul cas qui
devrait être maintenu, c'est le pouvoir d'aller en évocation pour
excès de juridiction en Cour supérieure. Là, on
limiterait, forcément, les cas, tout en le permettant carrément
quand il y a un excès de juridiction, s'il devait se produire. Sinon, la
commission vous ouvre deux autres possibilités; si vous n'abolissez pas
l'appel, qu'on lui donne la possibilité d'être entendue. Je veux
bien; au minimum, en tout cas, faites cela. Actuellement, une façon de
bloquer l'intervention de la commission, c'est très simple, n'est-ce
pas! L'organisme qui va en appel inscrit dans sa requête qu'il pose,
notamment, des questions touchant la compétence. Dès lors, le
juge, sur l'examen de la requête, va dire au procureur de la commission:
Vous savez très bien que, sur des questions de compétence, je
n'ai pas le pouvoir de vous entendre. Ce sera sur l'appel au fond et, encore
là, on verra. Donc, il y a moyen de bloquer. Je ne sais pas comment vous
allez régler cela. Dans cette perspective, il y a un problème
sérieux: l'accès par le biais de fonds publics. Cela va
être quoi, la base pour accorder des fonds publics, de quelle
façon? On ne peut pas faire une analogie avec le fonds d'aide au recours
collectif, c'est quelque chose d'autre. Est-ce que ce serait des règles
semblables à l'aide juridique? Je n'en sais rien. La commission a
peut-être des recommandations plus précises. Moi, je pense
carrément qu'il faut prendre le taureau par les cornes.
Voilà, j'ai déjà abusé du temps et largement
dépassé ce que j'avais convenu de prendre comme temps. Je tiens
à vous remercier. C'étaient là mes commentaires. Je pense
que vous êtes en train de toucher, à cause de cette clause
crépusculaire, au coeur de ce qu'est la démocratie, parce que, si
le citoyen ou l'individu n'est pas le coeur de la démocratie, il n'y en
a pas de démocratie. Je vous remercie.
Le Président (M. Gardner): Merci, M. Marois. Je n'osais
pas arrêter ce beau plaidoyer, surtout qu'il semblait bien y avoir
consensus, de part et d'autre de cette salle, pour vous laisser continuer. Je
crois que c'est maintenant le député de Taillon?
M. Filion: Oui, s'il vous plaît.
Le Président (M. Gardner): Alors, M. le
député de Taillon.
M. Filion: À mon tour, Me marois, de vous remercier de
nous faire part de votre expérience, vous qui, à l'époque,
faisiez partie du cabinet qui a décidé de faire en sorte que
cette loi soit déposée et qui, ensuite, faisiez partie de la
Chambre qui l'a votée, et qui maintenant avez eu l'occasion d'utiliser
cette loi dans le cours de votre pratique et à titre personnel
également, nous avez-vous dit. (14 h 45)
Vous avez soulevé plusieurs points et j'ai pris bonne note de vos
remarques, notamment en ce qui concerne l'article 14. Également, en ce
qui concerne le droit d'appel, je dois vous dire que je n'ai pas de question
à vous poser étant donné que j'ai eu l'occasion ce matin -
vous étiez absent - d'abonder, en tout cas, de tirer les lignes à
peu près que vous venez de tirer. Je le répète: le bref
d'évocation permet d'exercer un certain contrôle de la
légalité de la décision rendue par la Commission
d'accès à l'information, d'une part. Deuxièmement, sur
l'exercice du droit d'appel pour les citoyens, j'ai eu à me sensibiliser
au cas d'un citoyen qui a eu à vivre un véritable supplice,
à se faire traîner d'Instance en instance et à vivre tout
ce que vous avez décrit tantôt.
Ma question portera, donc, sur la recommandation 4) du rapport et, de
façon plus générale également, sur la
recommandation 2) qui concerne l'assujettissement des organismes privés
aux règles de protection des renseignements personnels.
La commission fait une étude, je pense, en avançant les
avantages, les inconvénients, un petit peu les contours de la
problématique de l'assujettissement des organismes privés
à la loi d'accès à l'information. On sait qu'il y a
déjà pas moins de 3500 organismes - la première fois que
j'avais entendu le nombre, j'étais resté un peu estomaqué
- publics qui sont affectés par les dispositions actuelles. On
connaît, d'autre part, l'espèce de progression presque monstrueuse
des instruments de captation, j'allais dire, des données concernant les
citoyens, à tel point qu'on est en train de se bâtir, lentement,
mais sûrement, une société de surveillance des
citoyens.
Ce matin, dans mes remarques préliminaires, j'avais parlé
de timidité quand je faisais allusion
à la recommandation de la commission là-dessus. Je vous al
entendu, peut-être avec vos mots, parler également tantôt du
fait que vous êtes plutôt favorable à ce qu'on aille un peu
plus loin en ce qui concerne les organismes privés. En ce
sens-là, j'aimerais que vous puissiez peut-être préciser
votre pensée là-dessus à partir de l'expérience que
vous avez vécue et peut-être faire part à cette commission
des raisons qui motivent cette suggestion que vous faites qui va un peu
au-delà de la recommandation du rapport de mise en oeuvre.
M. Marois: Je vous remercie. Très rapidement, pour
l'illustrer, j'ajouterais ceci à ce que j'ai dit. Comme je pratique dans
le domaine du litige, dans le domaine de ce qu'on appelle le droit des affaires
au sens large, des compagnies et aussi dans le domaine des dommages, des
recours en dommages, je vois une prolifération d'accumulations de
données de crédit et un accroissement, c'est le cas de le dire,
du chiffre d'affaires - donc, du besoin, il y a un besoin - d'entreprises qui
se spécialisent et auxquelles vous pouvez faire appel pour obtenir de
l'information pour savoir, dans le cas d'un avocat, par exemple - dans le cas
des journalistes, je ne sais pas ce qu'ils diraient; eux, ils peuvent le voir
d'une autre façon - si on exerce un recours contre tel ou tel individu,
est-ce qu'il est solvable? Je comprends qu'on puisse s'amuser à faire de
la procédure et que ça peut être payant, mais si, en bout
de ligne, vous avez un jugement et que c'est juste pour l'encadrer, cela ne
mène pas très loin. Donc, est-ce que vous allez pouvoir
exécuter votre jugement? Plus que ça. Si la situation est
périlleuse, est-ce que vous pouvez exercer une saisie avant jugement
pour protéger vos droits? Ce que je vois, c'est une augmentation, une
prolifération dans ce domaine-là et, forcément,
l'entrée et l'accumulation de ces données sur ordinateurs.
Mais plus que ça. Je fais appel à une compagnie X qui se
spécialise - je ne veux pas donner de nom - dans ce domaine-là et
je fais appel dans le même dossier à une deuxième qui se
spécialise dans le même champ d'application.
Ultérieurement, dans le cas d'une autre entreprise, j'ai affaire
à un autre cas où se trouve impliquée une personne qui se
retrouvait dans les deux premières et je m'aperçois que la
troisième entreprise dispose essentiellement des mêmes
données. C'est-à-dire quoi? C'est-à-dire que, là
aussi, il y a des phénomènes de communication d'informations sur
réseau électronique, exactement ce qui est en train de se passer,
ce dont parie la commission dans son rapport, dans les secteurs public,
parapublic et péripublic. Je me dis qu'il y a là un
problème très sérieux.
Je comprends, c'est vrai et vous avez parfaitement raison de le dire,
que c'est 3500 - on me dit que c'est même 3600 - organismes publics,
parapublics et péripublics qui sont actuellement couverts. Mais je pense
qu'il ne faut pas s'en faire avec la taille; d'ailleurs, le rapport de la
commission le démontre bien: les gens, en général,
coopèrent passablement bien, une fois passée la période de
rodage, dans l'ensemble. Il y a des réticences. À la
lumière de cela, iI y a des corrections qui s'imposent. Si cela devait
devenir un monstre, la clause crépusculaire étant là, dans
cinq ans il sera toujours temps de revenir pour faire des réajustements
et voir comment il y a moyen de décomposer les morceaux.
Pourquoi cette règle d'accès serait-elle vraie dans le
secteur public et pour les mêmes données souvent provenant de
contrats obtenus par des entreprises privées transigeant avec un
organisme public, d'ailleurs? Vous savez fort bien, la commission y fait
allusion - elle pourrait certainement s'expliquer davantage - que les
données privées sont accumulées, par le biais de contrats
bien faits - je ne questionne pas ces contrats - par l'entreprise privée
qui les a reçus du secteur public, qui a accès à de
l'information, qui conserve cette information comme étant sa
propriété privée et qui, après, peut me la refiler,
à moi avocat, pour toutes sortes de faits. Comme citoyen, je suis
fiché dans deux ou trois banques d'ordinateurs publics reliés
entre eux et voici que. tout à coup, par un phénomène qui
m'échappe, qui est hors de mon contrôle, je me retrouve dans des
entreprises privées. Des renseignements publics sont rendus dans le
secteur privé; ils sont devenus la propriété de ces
entreprises privées et elles s'en servent et les retransmettent sans que
cela soit à ma connaissance. Je dis qu'il y a là deux poids deux
mesures.
Je ne serais pas, non plus - d'ailleurs, comme la commission -
porté à dire: II faut y aller tout de suite; vous devriez amender
la lof; allez-y carrément. Cela mérite une étude plus en
profondeur, de la même façon que les questions de
sécurité publique ou policière. Là où je
trouve que c'est timide, c'est quand on me parte uniquement d'un comité
interministériel. Je sais un peu ce qu'est un comité
interministériel. Cela a sa valeur, c'est indéniable. Mais, quand
iI s'agit de changer des règles qui risquent de vous concerner... Je
vais terminer comme j'ai commencé mes remarques: S'il n'y avait pas eu
une commission Paré, je ne pense pas qu'on aurait une loi comme
celle-là aujourd'hui, parce que c'est venu de l'extérieur, de
gens crédibles, sérieux, qui ont fait un travail remarquable. Une
petite équipe pourrait regarder ces questions-là et formuler des
recommandations à partir des travaux faits par l'équipe
interministérielle et de la masse d'information dont dispose maintenant
la commission, quitte à vérifier aussi auprès des
Institutions financières ce qu'elles en pensent pour avoir leur opinion.
Il faut que ce soit un débat public, cette affaire-là. Dans ce
sens-là, je trouve cela timide et, pour les motifs que je viens de vous
énumérer, je pense que cela ne va pas assez loin pour
l'instant.
M. Filion: II nous reste peu de temps, M le Président.
J'aurais eu plaisir à continuer de discuter avec notre invité,
mais je vais laisser la parole au ministre des Communications.
Le Président (M. Trudel): M le ministre.
M. French: Me Marois, j'aimerais, à mon tour, vous
remercier très sincèrement puisque je sais que ce n'est pas ce
qu'on appelait, lorsque j'oeuvrais dans un domaine un peu connexe, pas celui de
la pratique professionnelle, mais la pratique de consultation, qui est
professionnelle à sa façon, du temps facturable que vous passez
ici. On apprécie beaucoup votre présence, surtout que vous avez
une expérience de l'usage pratico-pratique de la loi qui nous est d'une
très grande valeur.
J'aimerais poursuivre, si vous le voulez bien, sur cette
problématique du secteur privé puisque je pense qu'il y a
beaucoup de gens qui en parlent et c'est un sujet d'intérêt.
D'abord, je me sens un peu mal à l'aise puisque c'est la
responsabilité de mon collègue, le ministre de la Justice, et non
pas la mienne.
Cela étant dit, j'aimerais profiter de votre présence pour
approfondir et parfaire mon information personnelle quant à ce
problème. Plus particulièrement, je voudrais vous demander de
tracer un peu plus précisément cette filière que vous avez
évoquée de façon générale,
c'est-à-dire les renseignements dont, on présume, la collecte est
faite par un organisme public, parfois de façon obligatoire,
auprès des individus, renseignements qui, dûment colligés
et réorganisés, passent par contrat au secteur privé et
deviennent donc accessibles, moyennant rémunération, à
toutes sortes d'intervenants du secteur privé, dont des avocats, entre
autres. Pouvez-vous m'expliquer cela? Je ne remets aucunement en cause le
phénomène. C'est beaucoup plus parce que je veux ajouter à
mon information à cet égard. Comment cela fonctionne-t-il? Quels
organismes sont concernés? De quelle façon la collecte originale
se fait-elle? C'est ce genre de clarifications, que je demande.
M. Marois: Je pense, M le ministre, que le meilleur professeur
serait sûrement la Commission d'accès à l'information. Elle
l'évoque d'une façon passsablement claire dans son rapport,
à deux ou trois endroits, de façon très précise.
Comment la mécanique marche-t-elle? Je ne pourrais pas entrer dans la
plomberie de cette mécanique. Honnêtement, je n'ai ni les
qualifications ni la compétence et je ne suis pas dans les secrets des
dieux pour savoir comment l'information peut se transporter ou se
transférer. Ce que je sais, cependant, c'est que j'ai pu le voir et le
vérifier dans des cas concrets de citoyens.
Comment cela peut-il se passer? D'après ce que j'ai pu voir et
à la lumière de ce que la commission nous dit, il peut fort bien
arriver qu'ayant à transiger souvent avec le public une commission
quelconque, un organisme ou un ministère qui donne beaucoup de services
directement aux citoyens ou aux Individus accumule, forcément, beaucoup
de données et, pour toutes sortes de raisons ou de considérations
valables, décide de faire procéder à une étude,
à une enquête, à des sondages ou à des
vérifications pour prendre le pouls et évaluer telle ou telle
situation pour fins de recommandations ultérieures par le gouvernement
de façon tout à fait légitime.
C'est donc dire, d'après ce que je comprends de la
mécanique, que ces gens auront, forcément, accès à
certaines banques de données pour faire les sondages en question,
à certaines informations déjà accumulées dans des
ordinateurs souvent déjà reliés ou en communication entre
eux, dans la mesure où il y a des ententes, vous le savez comme moi,
signées ou autorisées entre certains ministères et
certains organismes en plus. Dès lors, ils les ont en leur possession
parce qu'ils ont besoin de ces renseignements pour exécuter le mandat
qui leur est confié. Une fois le travail fait, je peux fort bien vous
remettre les bobines ou la documentation, mais rien ne vous dit que je n'en ai
pas gardé une copie, cela me paraît d'une évidence
évidente. De là à passer cela par la suite ou à
transiger cela avec un organisme qui, lui, se charge de faire des études
de crédit ou de situation d'Individus ou de personnes, pour fins de
transmission d'informations, je présume Je vous le dis très
honnêtement. Rendu là dans la plomberie, je présume, parce
que je ne le sais pas comment les choses se passent. Ce que je sais, en fin de
compte, c'est que cela se fait. On pourrait prendre des cas très
précis de citoyens et dire. Dans ce cas-là, c'est une
Impossibilité que telle entreprise - pour reprendre, je dis bien, le cas
précis de tel et tel citoyen - chargée d'étudier ou de
donner des informations sur le crédit d'une personne ait eu ces
informations autrement que de tel et tel organisme, quand on connaît la
situation de cette personne et qu'on sait qu'elle n'a eu à traiter
qu'avec tel ou tel organisme public, et qu'on découvre par la suite que
ledit organisme public a, justement, eu à faire faire une étude
quelconque par une firme quelconque. (15 heures)
C'est ce que je comprends quant à la plomberie, mais, encore
là, je pense que la commission serait beaucoup mieux placée que
moi. Mais le résultat est là. C'est pour cela que je dis que
c'est une question délicate. Je ne vous recommande pas de plonger comme
cela et d'adopter cela. Je pense que c'est délicat Je comprends
parfaitement votre position quand vous dites: C'est délicat parce que
cela ne relève pas uniquement de moi, cela relève aussi du
ministère de la Justice et d'autres. II y a un comité
interministériel Je présume que c'est un peu ce à quoi
vous faites allusion Vous êtes plusieurs à regarder cela.
Ce serait extrêmement utile, encore une
fois - et je terminerai là-dessus - qu'une petite équipe
de gens qui seraient acceptés par tout le monde comme étant des
"sages", entre guillemets, dans la mesure où on peut acquérir une
certaine sagesse, puisse regarder cette question et peut-être deux autres
touchant la sécurité publique et les enquêtes
policières pour formuler des recommandations vues de l'extérieur,
mais à partir de toutes les informations disponibles, je présume,
notamment à la commission, notamment dans tes travaux du comité
interministériel.
M. French: Concernant le mécanisme d'étude,
l'avantage d'une équipe de sages, c'est qu'ils n'ont pas l'inertie que
connaissent parfois les instances purement du secteur public. Ils ont une
expérience complémentaire à l'expérience des gens
qui sont présents autour de la table dans un comité
interministériel. Est-ce là l'avantage? Je veux juste être
clair là-dessus.
M. Marois: Je pense que ce n'est pas le seul avantage. Il y en a
d'autres. Si, en plus de ce à quoi vous venez de faire allusion qui sont
les données dans le secteur privé, vous pensez aux questions
d'enquêtes policières, à d'autres questions de
sécurité publique, il est évident que, si vous demandez
uniquement l'opinion du ministère de la Justice ou du Solliciteur
général, vous allez avoir une opinion. Si vous demandez
uniquement l'opinion des corps de police, vous allez avoir une opinion. Si vous
demandez à un organisme qui a actuellement des "pouvoirs
d'enquête", entre guillemets, de police parce qu'il a le pouvoir de
restreindre ou d'arrêter des infractions qui pourraient être
commises, il est évident que, si vous lui dites: Écoutez,
à partir d'un certain temps, seriez-vous d'accord pour que vos
enquêtes soient disponibles et accessibles aux citoyens, je pense que
poser la question dans ces termes, c'est y répondre.
En d'autres termes, je pense que cela facilite beaucoup le travail des
parlementaires et cela facilite beaucoup le travail d'un gouvernement qui veut
améliorer une législation sur ce genre de question d'obtenir
l'opinion de gens qui sont un peu plus éloignés de la gestion
quotidienne de l'administration publique ou privée, tout en les
consultant, bien sûr, étant donné qu'ultlmement, de toute
façon, et le gouvernement et l'Assemblée nationale ont le dernier
mot. C'est dans ce sens, sans compter, ce que vous avez mentionné,
qu'une certaine force d'inertie joue toujours. C'est inévitable.
M. French: Me Marois, je vous remercie. Je me suis fait dire par
mon président qu'il est temps d'arrêter. J'aurais aimé
continuer. On vous remercie beaucoup d'avoir mis votre expertise à la
disposition de la commission.
M. Marois: Messieurs dames, je vous remercie. Cela m'a fait
plaisir.
Le Président (M. Trudel): Me Marois, au nom de la
commission, merci beaucoup de votre prestation. Au plaisir de vous revoir.
M. Marois: Merci.
Association des hôpitaux du
Québec
Le Président (M. Trudel): Nous allons maintenant
accueillir les représentants de l'Association des hôpitaux du
Québec, que j'invite à venir prendre place à la table des
invités.
Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue à cette
séance de la commission de la culture consacrée aux
mémoires sur la Commission d'accès à l'information.
Madame, je vous prierais de vous identifier et identifier les personnes qui
vous accompagnent de façon que nous puissions les reconnaître pour
fins d'inscription au Journal des débats.
Mme Gosselin (Ghislaine): D'une part, je voudrais excuser M.
Nadeau, qui devait présider la délégation. Il a dû
retourner d'urgence à Montréal dans la matinée et il m'a
demandé de le remplacer.
Le Président (M. Trudel): C'est presque le cas de le dire,
d'urgence.
Mme Gosseiin (Ghislaine): Oui. Je suis Me Ghislaine Gosseiin, et
il y a une erreur dans l'ordre du jour. On m'a changée de sexe. Je suis
adjointe au directeur général des affaires juridiques à
l'Association des hôpitaux du Québec. Permettez-moi de vous
présenter les autres membres de la délégation. À ma
droite, le Dr Michel Duval, qui est directeur des services professionnels au
centre hospitalier Cité de la santé de Laval et également
président du comité de la gestion des risques à
l'Association des hôpitaux du Québec. À sa droite, Me
Christiane Gosseiin, qui est conseillère en gestion des risques à
l'Association des hôpitaux du Québec. Et, à ma gauche, Mme
Nicole Dion, qui est directrice des services hospitaliers à
l'hôpital Saint-François-d'Assise à Québec.
Le Président (M. Trudel): Merci. Je vous invite
immédiatement, non pas à nous lire le mémoire fort touffu
que vous nous avez envoyé, mais peut-être en faire un
résumé pendant une vingtaine de minutes pour que nous puissions
passer à un échange de vues par la suite.
Mme Gosseiin (Ghislaine): D'accord. Merci, M. le
Président. Je ne sais pas si tous les membres de la commission ont eu
l'occasion d'avoir copie d'un résumé que nous avons transmis ce
midi aux membres de la commission, et ce sera ce résumé que nous
vous lirons, effectivement, compte tenu de l'épaisseur du
mémoire.
L'Association des hôpitaux du Québec,
regroupant l'ensemble des centres hospitaliers publics du Québec,
a, dès l'adoption de la loi sur l'accès, collaboré avec le
ministère des Communications et avec la Commission d'accès
à l'information afin d'en assurer l'application. À cet effet,
elle a immédiatement souscrit aux objectifs qui sous-tendaient cette loi
et elle a rédigé plusieurs documents pour aider ses membres
à les respecter. C'est donc avec beaucoup d'intérêt que
l'AHQ a pris connaissance du dernier rapport produit par la commission.
L'association est toutefois demeurée étonnée, pour
le moins, devant certains jugements de valeur portés par la commission
à rencontre des organismes publics. Elle les taxe visiblement d'avoir
abusé des exceptions prévues dans la loi au détriment de
l'esprit du législateur. Pour en arriver à cette conclusion aussi
troublante, la commission s'est presque uniquement basée sur son
expérience limitée dans ses fonctions de tribunal administratif.
Indépendamment du fait que le législateur a réalisé
l'importance d'inscrire des exceptions dans la loi et indépendamment des
décisions qu'elle a elle-même rendues, elle fait
référence à des intentions qu'elle a perçues des
organismes publics et ce, contrairement à {'impartialité qu'elle
doit toujours démontrer comme tribunal administratif.
Nous pouvons toutefois vous affirmer que les centres hospitaliers
appliquent la loi sur l'accès. Ils se sentent par ailleurs responsables
de réaliser leur mission de dispensateurs de services de santé et
de services sociaux. Comme nous tenterons de vous le démontrer, cela
impose la recherche d'un modus vivendi quant à certaines dispositions
des lois qui les gouvernent. C'est dans cet esprit, membres de la commission,
que nous vous soumettons notre mémoire qui se divise en deux
parties.
La première constitue le rapport des centres hospitaliers sur la
mise en oeuvre de la loi sur l'accès et comporte des sections concernant
les dispositions inconciliables, la protection des renseignements personnels,
l'informatique et fa confidentialité requise pour les programmes de
gestion de risques et d'appréciation de la qualité. La
deuxième partie fait référence aux commentaires de l'AHQ
relatifs à certaines recommandations formulées dans le rapport de
la Commission d'accès à l'information.
Les dispositions inconciliables. La première étape que
l'on devait franchir pour assurer la mise en oeuvre de la loi sur
l'accès était l'étude des dispositions inconciliables.
Même si celles-ci ont fait l'objet de l'adoption d'une loi en
décembre dernier, nous devons vous informer que cette dite loi n'a
réglé qu'une partie des problèmes pour les centres
hospitaliers et, malheureusement, elle en a causé d'autres. Les
dispositions inconciliables auxquelles on fait référence sont les
articles 7, 8, 8.1 et 114 de la Loi sur les services de santé et les
services sociaux Nous croyons que nos commentaires et recommandations à
leur égard méritent encore toute votre attention.
Le pouvoir de refuser un renseignement nominatif dans un dossier d'un
bénéficiaire. Le pouvoir de refuser à un
bénéficiaire un renseignement nominatif contenu à son
dossier a été maintenu dans la loi, et nous l'apprécions.
Ce pouvoir de refuser repose, depuis l'adoption du projet de loi 28, sur l'avis
du médecin traitant. Certes, la notion de préjudice grave pour la
santé, motif justifiant un refus, est une question d'opinion et doit,
pour cette raison, s'appuyer sur l'avis d'une personne compétente.
Cependant, une référence au médecin traitant peut
signifier l'intervention de plusieurs médecins, eu égard aux
périodes d'hospitalisation d'une personne. De plus, iI n'est pas exclu
que le médecin traitant n'exerce plus sa profession dans
l'établissement lorsqu'une personne demande accès à son
dossier. C'est pourquoi les centres hospitaliers ont toujours confié au
directeur des services professionnels, lequel doit être obligatoirement
médecin de par la loi, ce dit pouvoir.
Tout en conservant la possibilité pour un médecin traitant
de refuser un tel accès, nous estimons essentiel de reconnaître
également la possibilité de refuser au directeur des services
professionnels ou à son délégué. Le paragraphe a de
notre recommandation no 1 est formulé en conséquence.
Le refus d'accorder à une personne l'accès à un
renseignement nominatif contenu à son dossier doit être
limité dans le temps. Néanmoins, le médecin traitant ou te
directeur des services professionnels n'a pas le pouvoir de connaître
d'avance l'évolution de l'état de santé de la personne et
de prédire que dans X temps ce bénéficiaire pourra
recevoir communication de l'ensemble des renseignements nominatifs contenus
à son dossier sans qu'il n'y ait plus aucun préjudice grave
à sa santé. C'est pourquoi, au paragraphe b de notre
recommandation no 1, nous proposons que l'article 7 réfère au
moment où une nouvelle demande pourra être formulée par le
bénéficiaire plutôt qu'à celui où ce
renseignement pourra lut être communiqué.
Renseignement concernant les tiers. Le dossier d'un
bénéficiaire comprend divers renseignements dont ceux
donnés par le bénéficiaire et le concernant ou concernant
un tiers et ceux donnés par un tiers et concernant le
bénéficiaire ou concernant un tiers. Pour votre gouverne, le mot
"bénéficiaire" réfère à toute personne qui
reçoit des services de santé dans l'établissement.
Tous ces renseignements sont requis d'un professionnel de la
santé pour l'aider à poser un diagnostic et à traiter un
bénéficiaire.
L'obligation de retirer systématiquement du dossier tout
renseignement concernant un tiers, à moins d'avoir obtenu un
consentement à divulguer ce renseignement, impose au centre hospitalier
d'effectuer ta lecture de l'ensemble du dossier d'un bénéficiaire
et ce, dans tous les cas où il complète une demande
d'accès à ce dossier. Eu égard au nombre de dossier dans
un
établissement et au volume impressionnant de ceux-ci, cette
obligation constitue une tâche impossible à gérer.
Certes, le retrait de certains renseignements peut s'Imposer Cependant,
ce n'est qu'en permettant au centre hospitalier d'exercer son jugement dans une
telle situation que l'on peut trouver une solution adéquate à ce
problème. Le paragraphe c de notre recommandation no 1 propose donc que
le bénéficiaire ait accès à l'ensemble de son
dossier sauf s'il contient, de l'avis de l'établissement, un
renseignement nominatif le concernant et fourni par un tiers ou un
renseignement nominatif concernant un tiers et fourni par un tiers et que
l'information de l'existence ou de la communication de ce renseignement cause
ou pourrait causer préjudice à un tiers.
Article 8 et 81 Ces articles respectivement modifiés et
ajoutés par te projet de loi 28 concernant les personnes qui peuvent
recevoir communication du dossier d'un bénéficiaire ont, sans
contredit, réglé plusieurs problèmes.
Cependant, en ce qui concerne le dossier d'un mineur de quatorze ans ou
plus, nous nous interrogeons sur l'obligation d'imposer les deux conditions
prévues au deuxième paragraphe dudit article 81 avant de refuser
la communication de son dossier au titulaire de l'autorité parentale. La
première condition réfère au refus de ce mineur Comme il
est considéré "capable" aux fins de recevoir des services de
santé et des services sociaux, nous considérons que son refus
devrait à lui seul suffire. À cet égard, concernant la Loi
sur la protection de la santé publique, un mineur de quatorze ans et
plus peut consentir seul aux traitements. (15 h 15)
II en va de même de la deuxième condition, à savoir
que I établissement peut refuser, s'il détermine que la
communication du dossier au titulaire de l'autorité parentale cause ou
pourrait causer préjudice à la santé physique ou mentale
de ce bénéficiaire. La possibilité pour
l'établissement de n'utiliser que la deuxième condition
éviterait également d aggraver la relation parent-enfant qui est
toujours délicate en de telles circonstances. Notre recommandation no 3
va donc en ce sens. Il est enfin important dans ces articles de vous souligner
le sérieux que les centres hospitaliers ont démontré pour
évaluer le bien-fondé de chacune des demandes d'accès au
dossier d'un bénéficiaire formulée par un tiers.
Si plusieurs demandes trouvent une réponse en se
référant à la loi sur l'accès ou à la Loi
sur les services de santé et les services sociaux, pour d'autres, cela
se complique. À titre d'exemple, un descendant qui n'est pas
héritier ni exécuteur testamentaire, mais qui a signé
l'autorisation pour une autopsie, conformément à l'article 23 du
Code civil, a-t-il le droit de recevoir une copie du rapport d'autopsie? Le
paragraphe a de notre recommandation no 4 propose une modification de la loi
pour lui reconnaître ce droit.
Une personne souffrant d'une maladie héréditaire peut-elle
obtenir communication d'une partie de dossier d'un de ses parents ayant
souffert de la même maladie, afin que son médecin puisse
établir un diagnostic et la traiter? Ce dernier exemple reflète
en partie les diverses demandes reçues par les centres hospitaliers et
nous incite à vous proposer une solution visant à respecter la
confidentialité des renseignements nominatifs, tout en permettant
d'assurer les meilleurs soins de santé requis par toute personne. Ainsi,
le paragraphe b de notre recommandation no 4 demande d'autoriser un
établissement, sur la recommandation du directeur des services
professionnels ou de son délégué, lequel doit être
médecin, à donner communication d'un renseignement nominatif
contenu au dossier d'un bénéficiaire, à une personne ou
à son médecin, si ce renseignement est requis pour des fins de
diagnostic ou de traitement, eu égard à la santé de cette
personne.
L'article 114 La confidentialité des dossiers et
procès-verbaux du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens
et de ses comités a été maintenue par le projet de loi 28,
lorsqu'ils réfèrent au contrôle et à
I'appréciation des actes, ainsi qu'au maintien de la compétence
des professionnels membres du conseil.
Le nouveau libellé du troisième alinéa de I article
114 laisse toutefois supposer qu'un membre du conseil a accès, en plus
des procès-verbaux de ce conseil, aux dossiers et procès-verbaux
des comités. Si cette interprétation devait se confirmer, nous
doutons de la possibilité de maintenir ces comités. Aucun
médecin dentiste ou pharmacien n'acceptera d y siéger, car il ne
disposera plus de la liberté d'expression qui lui est vitale pour
assumer son mandat. II faut savoir que ces professionnels sont jugés par
leurs pairs dans les centres hospitaliers. Notre recommandation no 5
suggère donc un nouveau libellé de cet alinéa afin
d'éviter qu'une telle situation ne se produise.
La protection des renseignements personnels La confidentialité
des renseignements contenus au dossier d un bénéficiaire
était, avant même I'adoption de la loi sur I'accès,
reconnue en vertu de l'article 7 de la Loi sur les services de santé et
les services sociaux. Nous devons toutefois ajouter que plusieurs
renseignements nominatifs étaient transmis à d'autres organismes
publics pour respecter les dispositions prévues dans certaines lois et
pour que les différentes composantes du réseau - ensemble des
établissements - assurent conjointement le fonctionnement efficace des
services de santé et des services sociaux afin de permettre la
continuité des soins requis par un individu.
En ce qui concerne les fichiers de renseignements personnels, notre
expérience nous a permis de constater que les déclarations
constituaient un outil d information intéressant pour
la commission, mais elles pourraient être mal
interprétées par un citoyen. Les centres hospitaliers y
inscrivent l'ensemble des catégories de personnes qui ont accès
à un renseignement nominatif compris dans un dossier. Une personne
membre de cette catégorie n'a pas pour autant accès audit
dossier. Dans la plupart des cas, on ne lui transmet que les informations
requises pour qu'elle exécute son travail. Cela n'est nullement
perceptible par un citoyen qui consulte une déclaration de fichier. Il
pourrait facilement croire que toutes les personnes comprises dans une
catégorie ont accès, par exemple, à son dossier de
bénéficiaire.
Dans un autre ordre d'idées, pour les motifs Invoqués par
la commission, nous appuyons sa recommandation no 27 demandant, d'une part, de
ne plus imposer l'enregistrement de consultation d'un fichier de renseignements
personnels et, d'autre part, de resserrer tes dispositions de l'article 62 de
telle sorte que la consultation de tels renseignements soit nécessaire
dans l'exercice des fonctions de la personne qui l'effectue.
Échanges de renseignements. Les échanges de renseignements
prévus aux articles 67 à 70 de la loi sur l'accès
permettent à un organisme public de communiquer un renseignement
nominatif sans consentement de la personne concernée si cette
communication est nécessaire à l'application d'une loi, à
l'application d'une convention collective ou à l'exercice d'un mandat de
gestion administrative. Ces articles introduits dans la loi en 1985 ont
été reçus avec beaucoup de soulagement par les centres
hospitaliers. En ce qui tes concerne, nous souscrivons à la
recommandation no 21 de la commission demandant la définition d'un
mandat de gestion administrative. Nous ne pouvons toutefois partager ces propos
lorsqu'elle se permet d'affirmer à la page 51 de son rapport: "Une
tendance des organismes à considérer abusivement que tous leurs
échanges de renseignements personnels sont nécessaires à
l'application d'une loi semble donc se manifester."
En fait, nous avions déjà informé la commission,
dans le mémoire que nous lui avions soumis concernant les dispositions
inconciliables, que l'interprétation de ("application d'une loi"
prêtait à confusion dans plusieurs cas. Nous lui donnions alors
l'exemple d'un bénéficiaire qui doit être
transféré d'un centre hospitalier de soins de courte durée
à un centre d'hébergement. Un simple refus de sa part d'autoriser
le transfert de certains renseignements compromettrait tout le système
d'admission et de transfert élaboré et coordonné par un
conseil régional et obligerait, de plus, le centre hospitalier à
continuer d'héberger le bénéficiaire. Si le centre
hospitalier devait, pour régler cette situation, référer
au paragraphe 1 de l'article 68, cela l'obligerait à conclure une
entente, laquelle devra être approuvée par décret. Compte
tenu qu'un bénéficiaire peut être transféré
partout dans la province, le transfert étant fait eu égard
à sa résidence, le centre hospitalier devrait donc conclure une
telle entente avec presque tous les autres établissements et conseils
régionaux de la province. Est-ce réaliste?
Afin d'éviter toute ambiguïté, une exception
supplémentaire devrait être accordée aux
établissements. Notre recommandation no 7 requiert donc l'ajout d'une
disposition dans la loi sur l'accès permettant aux établissements
de santé et de services sociaux, au sens de cette loi - parce que cela
inclut les conseils régionaux - le transfert de renseignements
nominatifs, sans le consentement de la personne concernée, lorsque ce
renseignement est nécessaire à la prévention ou à
la dispensation des services de santé et des services sociaux.
L'Informatique. L'informatique commence à se développer
dans les centres hospitaliers. Ceux-ci travaillent présentement à
apprivoiser cette machine de manière qu'elle rende les meilleurs
services possible. Après tout, ce n'est pas parce que cette technologie
nous épate que nos capacités de juger, de gérer, de
décider n'existent plus. Ils ont donc décidé de mettre
l'ordinateur au service des patients afin de leur offrir les meilleurs
soins.
L'utilisation des systèmes informatiques pourra davantage
garantir la confidentialité des renseignements nominatifs. Cette notion
étant étroitement reliée à l'accessibilité
des renseignements nominatifs, les systèmes informatiques permettront de
limiter l'accès d'un professionnel aux seuls renseignements nominatifs
requis pour l'exercice de ses fonctions, il va sans dire, par l'utilisation de
codes. De plus, ces systèmes assureront davantage de
sécurité aux renseignements versés aux dossiers Ils
permettront, en effet, d'identifier une intervention ainsi que la personne qui
l'a faite et le moment où a elle a été consignée au
dossier. Cette notion de sécurité préoccupe les centres
hospitaliers du fait qu'elle regroupe des notions de création et de
conservation de l'information, de validité des données,
d'identification de l'intervenant et de l'intégrité des
données. Enfin, nous sommes assurés que les centres hospitaliers
prennent les précautions qui s'imposent pour effectuer ce virage
technologique
Tout transfert d'un renseignement nominatif entre organismes publics est
généralement soumis au respect des dispositions des lois qui les
gouvernent. C'est pourquoi, même s'ils détiennent plusieurs
informations concernant un citoyen, Ils ne les communiquent à d'autres
que sur une base très limitée. Même si la commission
énonce que les organismes privés utilisent des banques de
données contenant des renseignements nominatifs concernant un citoyen
à des fins diverses, nous vous assurons qu'il n'en a jamais
été ainsi pour les centres hospitaliers et que, dans
l'espèce, le passé est garant de l'avenir.
Confidentialité requise pour la gestion des risques et
l'appréciation de la qualité. En plus d'assurer des services
adéquats, les centres
hospitaliers ont également l'obligation de maintenir un
environnement sûr. Au cours des récentes années se sont
donc développés deux nouveaux programmes destinés à
fournir aux établissements des outils plus perfectionnés et des
activités plus formelles permettant de mesurer et de mieux gérer
les actions prises pour assurer te respect de ces obligations. II s'agit des
programmes d'appréciation de la qualité et de gestion des
risques. Ces deux programmes dont les définitions sont
énoncées dans notre mémoire ont pour finalité le
contrôle et le maintien de la qualité des soins et des services
dispensés par l'établissement. Certaines de leurs
activités sont similaires. Ainsi, ils ont pour mission d'étudier
et d'analyser les problèmes reliés à la distribution des
soins et des services professionnels.
D'une part, afin d'être efficace, un programme de gestion des
risques doit créer chez toutes les personnes oeuvrant au sein du centre
hospitalier un éveil aux risques de façon qu'elles identifient
les risques et les rapportent rapidement. Dans le cadre de ces
activités, les professionnels sont appelés à exprimer
leurs opinions, avis, jugements et recommandations sur les
événements qui surviennent dans les centres hospitaliers et sur
les actes posés par leur pairs. On peut comprendre qu'ils seront
réticents à s'exprimer sur ces sujets s'ils craignent que leurs
propos puissent être éventuellement retenus contre le centre
hospitalier ou eux-mêmes lors de poursuites.
L'intérêt des bénéficiaires sera mieux servi
par la mise en place de programmes de gestion des risques et
d'appréciation de la qualité auxquels les professionnels
accepteront de collaborer activement et librement qu'en donnant aux
bénéficiaires un accès illimité aux informations
concernant les activités du centre hospitalier destinés à
contrôler et à améliorer la qualité des soins et des
services. Sans la mise sur pied de programmes de gestion des risques et
d'appréciation de la qualité efficaces, on peut douter que les
centres hospitaliers puissent continuer à s'assurer pour leurs
responsabilités civiles et professionnelles. C'est pourquoi notre
recommandation no 9 demande que la législation assure la
confidentialité de tout document fait par un centre hospitalier, l'un de
ses comités, ses employés, les médecins ou pharmaciens qui
y oeuvrent dans le but d'être utilisé dans le cadre des programmes
de gestion de risques et d'appréciation de la qualité.
Avant de terminer cette section, nous vous soulignons, par ailleurs, que
le fait d'assurer la confidentialité des activités de ces
programmes ne prive en rien le bénéficiaire des informations
auxquelles il a droit concernant les soins et les services qui lui sont
prodigués puisqu'elles sont consignées à son dossier. (15
h 30)
La partie II. Sans reprendre les commentaires que nous formulons dans
cette partie, nous désirons vous souligner qu'ils font partie du
mémoire et qu'en conséquence ils constituent également la
position officielle de l'Association des hôpitaux du Québec.
L'AHQ, au nom de l'ensemble des membres représentant un groupe
significatif des organismes publics, se devait de sensibiliser la commission
sur le rapport de la mise en oeuvre de la loi sur l'accès à
l'information. Comme nous avons tenté de vous l'expliquer, plusieurs
difficultés persistent et il est difficile, à moins de
changements législatifs, de respecter adéquatement les objectifs
qui sous-tendent cette loi. Nous tenons à vous préciser toutefois
que la rédaction et la présentation de ce mémoire devant
les membres de la commission de la culture sont le gage de la bonne foi des
centres hospitaliers d'assurer l'accès aux documents publics et la
protection des renseignements personnels.
Chacune des personnes membres de la délégation de l'AHQ
est à votre disposition pour répondre à l'ensemble de vos
questions Permettez-nous, enfin, de vous remercier pour l'attention que vous
avez témoignée à notre présentation. Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, madame, pour cette
lecture d'un mémoire intéressant et touffu M le
député de, j'allais dire de Gardner. Cela viendra peut-être
un jour, mais pour le moment c'est M le député d'Arthabaska.
M. Gardner: Merci, M le Président. J'ai quelques
questions. À la page 7 de votre rapport, là ou on parlait des
tiers, j'en étais rendu à quatre tiers. C'était plus que
100 % Je n'ai pas vraiment compris le paragraphe du milieu où vous
dites: "Le paragraphe c de notre recommandation no 1 propose donc que le
bénéficiaire ait accès à I ensemble de son dossier
sauf s'il contient, de l'avis de l'établissement, un renseignement
nominatif le concernant et fourni par un tiers ou un renseignement nominatif
concernant un tiers et fourni par un tiers, et que l'information de l'existence
ou de la communication de ce renseignement cause ou pourrait causer
préjudice à un autre tiers." Êtes-vous capable de mettre
cela en clair, non pas en tiers, mais en clair?
Mme Gosselin (Ghislaine): On va clarifier les tiers.
M. Gardner: Donnez-moi donc un exemple.
Mme Gosselin (Ghislaine): Oui D'une part, il faut être bien
conscient que les professionnels déposent beaucoup de choses au dossier
et ça, on n'en a pas parlé. Le bénéficiaire, M X,
se présente au centre hospitalier. On lui pose des questions. Un
médecin fait toujours son histoire de cas. On lui demande: Quel est
votre nom, votre âge, de quoi souffrez-vous? C'est un renseignement qu'il
donne le concernant, un renseignement d'un bénéficiaire le
concernant. Ensuite, pour continuer l'histoire de cas, le
médecin demande au bénéficiaire. Est-ce qu'il y a
des maladies dans votre famille? Est-ce que quelqu'un dans votre famille
souffre de diabète?Il va dire: Oui, mon père, ma
mère est décédée d'une crise cardiaque, il y a tel
type de maladie dans ma famille. Le bénéficiaire donne et verse
au dossier des renseignements concernant les tiers.
Souvent, parce que l'enfant est mineur, parce qu'on est en psychiatrie
ou pour toute autre raison, ce sont d'autres personnes que le
bénéficiaire qui sont vues et interrogées par des
professionnels de la santé, incluant le médecin. Vous pouvez donc
vous présenter avec votre femme, votre fils, le voisin ou n'importe qui
en disant: Écoutez, il est complètement confus, il vient de tirer
quelqu'un, ou n'importe quoi d'autre. C'est un tiers qui donne un
renseignement. Déjà, dans la loi 28, pour fins de
sécurité pour le tiers, on permet de ne pas Informer le
bénéficiaire parce que cela devient dangereux si le
bénéficiaire sait que vous avez dit de telles choses à son
égard, mais c'est au dossier.
Le tiers également, cette personne qui est le père, la
mère ou l'oncle, peut aussi dire au médecin: Écoutez, je
suis extrêmement nerveux, j'ai tel problème, j'ai telle maladie et
cela affecte le bénéficiaire. Le médecin va aussi le
consigner au dossier parce que cette information est nécessaire pour
aider à diagnostiquer et à traiter le bénéficiaire.
Dans le fond, il y a tout type de renseignement au dossier du
bénéficiaire.
Pour vous compliquer cela un peu, mais pour vous le faciliter un peu, on
vous dira qu'une personne demeure à la campagne, est née dans un
centre hospitalier et vit jusqu'à 80 ans. Les seules fois qu'elle va
à l'hôpital, c'est toujours au même centre hospitalier
qu'elle va et, comme le dossier est toujours actif cinq ans depuis la
dernière mention faite à son dossier - et encore dans les centres
hospitaliers, pour fins d'enseignement et de recherche, on continue à
les garder - cela veut dire que, même à 80 ans, vous pouvez vous
présenter au centre hospitalier et on aura encore votre dossier, du
moment où vous êtes né à l'hôpital. Alors,
essayez de voir l'épaisseur du dossier si vous n'avez pas
été trop malade! N'imaginez pas ce que cela donne si vous avez
été gravement malade.
Alors, demander au centre hospitalier, chaque fois qu'un
bénéficiaire demande son dossier, de trier tout renseignement
concernant un tiers qui a été donné par le
bénéficiaire, par le tiers concernant le
bénéficiaire ou par un tiers concernant lui même ou un
autre tiers, cela devient impossible à gérer. C'est le message
qu'on veut vous passer. Nous sommes conscients que, pour fins de
sécurité des tiers, il faut enlever certaines choses. Mais ce
n'est qu'en donnant la possibilité au centre hospitalier de juger de la
situation que ce sera gérable, sinon c'est impossible, c'est inefficace,
c'est impensable . Les centres hospitaliers qui tentent de le faire
réalisent qu'il nous fallait vous faire cette représentation.
M. Gardner: Merci. J'ai une autre question À la page 8,
vous parlez des jeunes de quatorze ans et vous dites qu'ils sont
considérés capables de recevoir des services de santé et
des services sociaux et, par le fait même, qu'ils deviendraient capables
d'exiger des choses. Cela voudrait-il dire que vous voudriez qu'on mette
l'âge de la majorité à quatorze ans?
Mme Gosselin (Ghislaine): La Loi sur la protection de la
santé publique a une disposition à l'effet que, pour recevoir des
services de santé et des services sociaux, un mineur de quatorze ans et
plus est considéré capable. Alors, cela a été fait,
ne nous leurrons pas, dans les cas particuliers ou il y avait maladies
transmissibles sexuellement, justement pour permettre à l'enfant de ne
pas informer ses parents en allant chercher leur signature. On considère
- et c'est valable pour tous les cas - qu'il peut se présenter au centre
hospitalier, signer et que sa signature prévaut sur celle de ses
parents. C'est la seule qui vaille pour recevoir des services de santé.
Or, dans cette optique, on a dit: Si effectivement on le juge capable de
requérir seul des soins, on devrait lui reconnaître cette
capacité de refuser d informer le titulaire de l'autorité
parentale s'il ne le veut pas. Écoutez, quand cela va bien entre les
parents et l'enfant, la mère accompagne l'enfant de quatorze, quinze ou
seize ans. Si l'enfant se présente seul à l'hôpital sans
ses parents, c'est parce qu'il a des problèmes. Imposer ces doubles
conditions à l'article 81, à savoir que l'enfant doit refuser et
que l'hôpital doit |uger que cela peut être dangereux pour la
santé ou pour la sécurité de I enfant, le parent sait
automatiquement que l'enfant a refusé et le chantage s'exerce.
Déjà que la relation parent-enfant est pénible, maintenir
ces deux conditions-là ne ferait qu'aggraver la relation parent-enfant
et possiblement, et dangereusement, bien souvent, les enfants refuseront
dêtre traités s'ils savent que leurs parents pourront être
informés qu'ils ont reçu de tels traitements.
M. Gardner: Ne considérez-vous pas que cela relève
de la loi des services sociaux et non pas de la loi sur l'accès à
l'information?
Mme Gosselin (Ghislaine): Voyez-vous, nous les traitons en ce qui
concerne toutes les dispositions inconciliables. Vous nous parlez
d'accès par les tiers et tout cela. Le projet de loi 28, qui a
été adopté au mois de décembre, cela a
été fait à cause de la loi sur l'accès. On n'avait
pas de problème sans la loi sur l'accès avec nos autres
dispositions. II va sans dire que, en plus d'en faire parvenir des copies au
minis tre des Communications, nous avons également fait parvenir une
copie de notre mémoire à la
ministre de la Santé et des Services sociaux. Mais toutes ces
questions sont interreliées. Les problèmes pour appliquer la
dispensation des services de santé viennent du fart qu'il nous faille
aussi concilier cela avec les dispositions de la loi sur l'accès. Et
c'est dans ce cadre que nous faisons nos représentations.
M. Gardner: J'ai remarqué aussi - vous me permettez, M le
Président?
Le Président (M. Trudel): Oui.
M. Gardner: Vous dites que l'informatique vous aiderait à
garder... Attendez, j'essaie de retrouver la page. Vous dites que l'utilisation
des systèmes Informatiques pourra davantage garantir la
confidentialité des renseignements nominatifs. Je suis heureux de voir
que vous dites que les centres hospitaliers prennent les précautions qui
s'imposent pour effectuer le virage technologique .Je suis heureux de voir
cela.
Quelle est la façon de procéder pour que I'informatique J
ai bien plus peur du contraire que cela va être difficile de garder la
confidentialité quand vous pouvez appuyer sur un petit bouton et vous
avez tout de suite le nom du type et tout son pedigree. Comment
prévoyez-vous que cela va devenir plus facile de garantir la
confidentialité avec l'Informatique plutôt qu'avec la pile de
dossiers que vous avez dans un classeur?
Mme Gosselin (Ghislaine): Généralement, le classeur
dont vous partez pour les dossiers ce sont les trois ou quatre étages du
sous-sol d un centre hospitalier, quand on parle d'archives.
Je peux personnellement vous dire que la qualité des archivistes
dans les centres hospitaliers est extraordinaire. Mais, quand le
bénéficiaire est hospitalisé, les dossiers montent dans
les unités de soins. Alors, on doit partir avec le dossier parce que
c'est une question de vitesse. Le patient est hospitalisé pour une
intervention chirurgicale ou quoi que ce soit. À ce moment tous les
intervenants vont venir déposer des pièces.
C'est sûr que des mesures de sécurité sont prises
sur les étages. Les dossiers ne sont pas sur les comptoirs et n'importe
qui ne peut pas venir les consulter. Mais les infirmières, pour
être capables de répondre aux prescriptions des médecins ou
quoi que ce soit, ouvrent le dossier complet et regardent. Alors c'est vraiment
en vertu de leur code d'éthique quelles vont se limiter à ne
regarder que ce quelles doivent regarder pour être capables d'assumer
leurs soins.
Avec l'informatique et de la façon que cela se développe
parce qu'il y a présentement des comités en place pour voir
à ce que tout soit bien clair pour assurer la confidentialité,
une personne aura un code d entrée. Son code ne lui permettra que
d'avoir accès aux renseignements qu'elle est en droit de recevoir.
À ce titre, cela va assurer davantage la confidentialité des
renseignements contenus au dossier. Alors, l'infirmière qui a un peu de
temps ne pourra pas se permettre de lire le dossier pour passer le temps.
M. Gardner: Mais, dans une période de rodage, peut-il y
avoir des documents ou des articles qui pourraient aller à des endroits
où ils ne devraient pas aller? Est-ce que je m'explique bien? Cela
ressemble au tiers de tout à l'heure.
Mme Gosselin (Ghislaine): Avec l'informatique?
M. Gardner: Avec I'informatique, oui. Dans la période de
rodage qui va se faire. Vous me dites qu il est en train de se faire.
Mme Gosselin (Ghislaine): D'accord. II y a présentement
cinq centres hospitaliers dans la région de Montréal en
particulier que je connais. Je ne sais pas, par Nicole, si vous le faites aussi
au Québec.
Mme Dion (Nicole): Ils commencent. II y a certains endroits ou il
y a de l'informatique. Le dossier médical dans son entier, pour le
moment n'est pas informatisé Ce que Me Gosselin soulignait c'est que
présentement le dossier est une pièce unique pour l'individu avec
tout son historique. II y a certains individus qui ont besoin du tout et il y a
des individus qui ont besoin d'un résultat de laboratoire, et on
hérite du tout avec le système actuel Dans le système
informatisé, avec un certain code d'accès, cela peut être
très limité dans ce sens.
M. Gardner: Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, M le député
Madame?
Mme Gosselin (Ghislaine): Excusez-moi. Peut être juste pour
terminer sur votre question. À Montréal, il y a
présentement cinq centres hospitaliers qui, depuis deux ans, travaillent
déjà à toute l'informatisation du dossier du
bénéficiaire. Ce projet est coordonné par le conseil
régional du Montréal métropolitain. Tous les points sur la
confidentialité - je n'ai pas les documents parce qu'ils sont justement
confidentiels d'une certaine façon. Mais j'ai eu quand même
à donner des opinions juridiques sur comment, pour fins de signature,
savoir que ce n est pas un autre qui I'imite. Tout cela est à
I'étude depuis deux ans. II va se développer un prototype dans
ces cinq centres hospitaliers pour la période de rodage. Ce n'est
qu'après qu'on pourra extrapoler aux autres centres hospitaliers. C'est
pour cela que cela se fait bien tranquillement, étant bien conscients
des objectifs à
atteindre et que les moyens doivent tous être mis en place pour
les atteindre.
Le Président (M. Trudel): Merci. M le député
M le député de Taillion. (15 h 45)
M. Filion: Oui. Je vous remercie. Je remercie également
les représentants de l'AHQ, qui ont manifestement fait un travail
très poussé pour nous présenter leur mémoire.
Voilà une des marques de commerce de l'AHQ, qui a été
jusqu'au fond des choses. Les avocats ont dû travailler fort aussi pour
prendre le projet de loi 28 qu'on avait adopté au mois de
décembre et produire dès le mois de février, avant
même qu'il puisse être appliqué, en quelques mois, une
critique sur certains de ses aspects.
D'abord, en ce qui concerne la partie de votre mémoire qui touche
le projet de loi 28, évidemment, il s'agissait pour les
législateurs à ce moment d'examiner un ensemble de lois afin de
les rendre compatibles avec la loi sur l'accès à l'information.
II y a plus d'une centaine de lois, de mémoire, qui ont
été examinées et à chaque fois, vous savez, les
situations, comme je vous ai dit ce matin, n'étaient ni blanches ni
noires. On est dans un domaine où ce n'était pas facile de
trancher. À ce moment, le ministre et les membres de la commission
parlementaire ont cru bon d'établir certains jalons qui, ma foi - je lis
votre mémoire - sont assez bien accueillis.
De façon générale, comme vous dites, cela
règle une partie des problèmes. Ce n'est peut-être pas
tout, mais il fallait voir d ou on venait dans ce secteur. II faut voir que ce
n'est pas facile non plus de concilier la nécessité pour les
établissements de votre réseau, à savoir les
hôpitaux, de dispenser des soins de qualité, en même temps
protéger la confidentialité de certaines données, et en
même temps permettre à I'autorité parentale de s'exercer
adéquatement dans certains cas, permettre aux professionnels d avoir
accès aux renseignements dont ils ont besoin pour faire leur
métier, permettre à vos administrateurs de disposer des
données nécessaires à la bonne administration des
hôpitaux au Québec. II s'agissait de concilier tout cela Votre
jugement reste positif quand même et vous dites - je ne me souviens pas
à quelle page de votre mémoire - que de façon
générale quand même, ça règle certains
problèmes.
Moi, j'ai été frappé par deux de vos
recommandations, et c'est pour vous dire que cette loi sera toujours
perfectible. Je suis convaincu que le ministre écoute. Quant à
l'Opposition aussi, nous écoutons bien. Je suis sensible à la
question des rapports d'autopsie. Quand on lit cela on se dit: Bien oui, c'est
bien évident. Pourquoi n'y a-t-on pas pensé avant, en tout cas
quant à moi? Et, également, votre autre recommandation portant
sur les maladies héréditaires. Ah, voilà un bon point qui
avait peut-être échappé à la commission à
l'époque, je ne sais pas . Bref, vos remarques sur ce plan sont bien
accueillies. Bien que ce n'est pas le propos de notre exercice d'aujourd'hui
qui, comme vous le savez, est d'étudier le rapport de la mise en oeuvre,
il demeure que ce n'est sûrement pas lettre morte et que c'est bien
entendu.
Deuxièmement, vous faites une remarque au début qui m'a
fait sursauter. On sursaute à tour de rôle. Vous, vous avez
sursauté quand vous avez lu le rapport de la mise en oeuvre, et vous
dites. C'est une conclusion troublante, le fait que la commission porte un
jugement de valeur à rencontre des organismes publics et que la
commission taxe les organismes publics d'avoir abusé des exceptions
prévues par la loi, etc, au détriment de l'esprit du
législateur. Je ne pense pas que ce soit le sens, pas comme je l'ai lu,
du rapport de la commission. Notamment, si on prend les pages 38 et 39 du
rapport de la commission, la commission prend bien soin de signaler que, chez
les organismes publics, les craintes s'estompent. Également à la
page 39, le chapitre suivant: 2.2 "Des avantages que les organismes
découvrent." Les organismes publics, au début, ont
peut-être vu la loi comme un certain poids, mais, finalement, à
l'usage, ils se sont aperçus qu'il y avait des côtés
positifs à cette loi et que cela les aidait dans bien des cas à
fonctionner.
Sur cet étonnement qui déborde d'une instance à
l'autre je vais vous dire que la source de l'étonnement, à savoir
ce que vous prenez comme jugement de valeur de la commission à
l'égard des organismes publics, je ne crois pas, à mon avis -
j'ai lu le rapport, et on a eu également l'occasion d'échanger
avec eux à d'autres occasions, j'ai lu leurs documents également
- je ne crois pas qu'on puisse, disons, pousser aussi loin que cela. II est
exact que la commission signale que, dans certains cas, il puisse y exister une
certaine résistance. Vous savez, si je me souviens bien, la commission a
procédé à certaines enquêtes spécifiques, a
choisi une dizaine d'organismes, dont plusieurs étaient dans le milieu
de la santé et des services sociaux pour voir jusqu'à quel point
la loi était appliquée. Je me souviens, dans le réseau de
la santé et des services sociaux - ce n'est pas uniquement les
hôpitaux - que les constatations qui découlaient de leur
enquête dans les établissements proprement dits justifiaient le
fait que la résistance au changement existait encore à certains
endroits. Mais ils demeurent extrêmement positifs, je pense, comme
l'ensemble de cette remarque de la commission est extrêmement positif.
C'est bien évident qu'il y a là un statu quo qui a
été brisé, il y a une expérience de cinq ans, cela
continue et il reste que cela crée énormément de
contraintes pour vos hôpitaux, nous en sommes conscients. D'une
façon générale, je ne voudrais pas qu'entre la commission
et les organismes puisse s'installer, sur la base d'une remarque de la
commission tout à fait justifiée, une série de
procès d'intention Je pense qu'au contraire la commission a toujours
cherché à être extrêmement pratique et
pragmatique dans son approche, quitte dans certains cas à écarter
une approche ou une attitude trop légaliste des problèmes.
La troisième partie de mes remarques est plutôt sous forme
de question et porte évidemment sur ce que vous soulevez en ce qui
concerne les recommandations. II y a une question peut-être sur la
recommandation no 9 - si j'ai bien compris, j'aimerais que vous me t'expli
quiez - qui soustrairait de l'accès les procès-verbaux des
comités de gestion des risques, les rapports d'événements,
les enquêtes, opinions, avis, recommandations, est-ce que je comprends
bien que votre recommandation aurait pour effet de les soustraire à
l'accès? Oui Complètement, sans balise aucune?
Mme Gosselin (Ghislaine): Me Christiane Gosselin pourrait
développer ce point.
M. Filion: Oui, puis, du même souffle peut-être,
pendant combien de temps y aurait-il un pouvoir de rétention de ces
informations-là?
Mme Gosselin (Ghislaine): Comme mentionné dans notre
mémoire, il y a une chose qui est tout à fart primordiale pour le
bon fonctionnement des activités de gestion des risques et d
appréciation de la qualité, c'est la participation du personnel
oeuvrant dans l'hôpital. II faut assurer que ces gens-là puissent
émettre des opinions et porter des jugements, évaluer des actes
sans quits craignent que ce qu'ils peuvent avoir dit ou écrit puisse
être retenu contre eux hors contexte souvent, et partiellement, à
l'occasion et notamment lors de procédures judiciaires.
Donc, c'est afin de garantir une participation franche et libre des
professionnels qu'on a fait cette recommandation, en soulignant par ailleurs
que cela ne privait absolument pas le bénéficiaire de son droit
d'accès puisque toutes les informations concernant un
événement précis et concernant tout ce qui lui
était arrivé pendant son séjour au centre hospitalier sont
consignées à son dossier médical pour premièrement,
assurer la suite des traitements. On peut imaginer que, si, par exemple, le
bénéficiaire est blessé, on le note immédiatement
au dossier pour continuer les traitements en conséquence des dommages
subis et également parce que le bénéficiaire y a droit.
Ces informations-là, en principe, sont suffisantes pour lui permettre
d'exercer son dror.t
Donc, vous me demandez quel délai. Comme c'est souligné
dans le rapport, la prescription actuellement concernant les poursuites en
responsabilité médico-hospitalière est de trois ans
à partir de la manifestation des dommages. Ce libellé de
l'article veut dire que le dommage, par exemple, peut se manifester quelquefois
huit ans, dix ans, et on a déjà vu des cas jusqu'à vingt
ans, après les actes médicaux. II va sans dire que ce sont des
cas exceptionnels, mais il n'en reste pas moins que la participation des
professionnels à ces activités-là doit être
protégée pendant un certain nombre d'années.
M. Filion: Sur la recommandation no 10, c'est tout le
régime de responsabilité pénale Oui, vous vouliez ajouter
quelque chose?
Mme Gosselin (Ghislaine): C'est la recommandation de la
commission?
M. Filion: Oui, c'est cela.
Mme Gosselin (Ghislaine): C'est parce que nous, on arrêtait
au no 9, c'est pour cela que je me posais la question.
M Filion: C'est la page 64 de votre mémoire principal.
Mme Gosselin (Ghislaine): Tout en respectant M. Marois, qui a
fait une proposition appuyant la recommandation de la commission, nous devons
souligner avoir une position différente. Le droit statutaire
réfère quand même Le fait de poser un geste,
automatiquement, s'il est contraire à une disposition d'une loi,
entraîne la culpabilité de quelqu'un. Vous dépassez un
autobus scolaire automatiquement et indépendamment des raisons, vous
êtes coupable et vous pourrez dire, comme disent souvent les gens devant
les tribunaux coupable avec explication, pour essayer de vous sauver un peu sur
la sentence. Mais vous êtes coupable.
On essayait de cerner un peu la problématique dans la loi sur
I'accès On a dit: Le responsable a deux obligations comme telles celle
d'assurer I'accès aux documents, d'une part, et celle d'assurer la
protection des renseignements personnels, d'autre part. Ces deux objectifs, il
doit les respecter en composant avec des exceptions, exceptions qui dans
certains cas sont à l'effet de dire: II peut et, dans d'autres cas, il
doit. Et, quand il doit, c'est le contraire de l'objectif principal qui est
recherché. Or, on a beau dire qu'il est responsable et qu'il regarde la
loi souvent, c'est quand même compliqué, en tout cas, plus
compliqué d'interpréter toute la loi d'accès que de
comprendre qu'on ne peut pas aller à plus de 100 kilomètres-heure
sur une autoroute ou de dépasser un autobus scolaire. À cet
égard, nous jugions que le "sciemment" était important. Je n'ai
pas repris tous les volets que je donne, mais en particulier quand la
commission parle de la possibilité, en droit strict, de la
défense d'un bon père de famille, personnellement je n'ai pas
fait de droit criminel depuis plus de dix ans, mais de mémoire c'est au
droit civil que l'on retrouve une défense d'un bon père de
famille et non au droit criminel.
M. Filion: Est-ce qu'il y a eu des problèmes? Par exemple,
est-ce qu'il y a eu des
hôpitaux ou des membres de votre association qui ont
été poursuivis? À votre connaissance, est-ce que cette
prudence vous est Imposée par l'expérience? Je ne crois pas.
Mme Gosselin (Ghislaine): Je ne crois pas qu'il y ait eu de
poursuites pénales qui ont été prises. C'est vraiment
théorique, notre recommandation à cet égard.
M. Filion: C'est cela. D'accord. Votre prudence est aussi
théorique que ta recommandation, sauf que la recommandation s'applique
dans d'autres cas où il y a eu quand même des poursuites.
Votre recommandation no 7 me semblait aller de soi. Votre recommandation
no 7 recommandait l'ajout d'une disposition dans la loi sur l'accès
permettant aux établisssements de santé et de services sociaux,
advenant le transfert d'un bénéficiaire, de transférer les
renseignements ie concernant. Dans l'état actuel de la situation, est-ce
qu'il y a un problème à transférer les renseignements avec
les bénéficiaires?
Mme Dion: L'exemple a été donné un peu dans
la présentation de cet après-midi, mais prenez l'exemple d'un
patient qui a besoin d'un centre d'accueil ou de ce qu'on appelle un centre
d'hébergement et qui est présentement en centre de soins aigus,
dans un lit de soins aigus d'un hôpital. Pour avoir accès à
l'autre centre, il faut qu'on donne l'information concernant ie
côté nominatif du client et les conditions de soins dont a besoin
le client. Le client, ou souvent même ses proches, veut absolument rester
où il est déjà. Il ne voit aucun avantage pour lui de
changer de place. Alors, quand on lui demande son consentement, de bonne foi il
a tout avantage à ne pas nous le donner, il ne veut pas changer de
place. On arrive à un imbroglio du genre et c'est pour cela qu'on dit
que quand c'est pour une fin de traitement - cela peut se présenter
aussi pour une fin d'utilisation de spécialité - qu'on n'a pas de
place et qu'il existe un autre endroit, il faut qu'on donne les renseignements
à l'autre place pour être capable de prendre... Mais, si le
patient a plus ou moins intérêt à y aller, il nous le
refuse. C'est ce que l'on voudrait éviter éventuellement.
M. Filion: C'est plus clair maintenant. Je me demandais dans quel
cas une personne pouvait refuser son consentement. Vous venez de le dire. Les
gens s'attachent à un établissement, ne veulent pas s'en aller,
alors, la meilleure façon pour eux, ils refusent...
Mme Dion: C'est cela.
M. Filion: ...et c'est pour cela que... Alors, votre
recommandation no 7 prend son plein sens...
Mme Gosselin (Ghislaine): Le Dr Duval pourrait même donner
d'autres exemples pour vous convaincre davantage. (16 heures)
M. Duval (Michel): II y a peut-être des cas, aussi,
où il faut voir qu'on fonctionne dans un grand réseau. Quand on
parte de confidentialité des renseignements, je peux donner un exemple.
On se souviendra, il y a à peu près un an et demi, à
Montréal, il y a eu une cause qui Impliquait un centre hospitalier. Un
enfant nouveau-né qui avait quitté le centre hospitalier n'avait
pas eu de suivi dans les jours suivant ie départ du bébé,
et il y a eu un décès, etc. C'est une cause dont tout le monde se
souviendra. Pour un centre hospitalier, si on regarde strictement la
confidentialité, on peut, après une journée, deux
journées d'hospitalisation, sentir que quelque chose ne va pas dans un
dossier. Quand je dis dossier, je parle de mère, enfant, couple, etc. On
peut juger que l'enfant est à risque, sans vraiment avoir de motifs bien
fondés de demander.. On pourrait invoquer la Loi sur la protection de la
jeunesse, mais, si on n'a pas les motifs du bien-fondé de l'affaire, on
ne peut pas le faire. Par contre, lorsque l'enfant s'en va, au bout de trois ou
quatre jours, on souhaiterait qu'il y ait un suivi quasi immédiat, dans
les 24 ou les 48 heures, par un autre établissement du réseau qui
s'occupe du poste hospitalier. Habituellement, ce sont les CLSC qui s'occupent
de cela.
On se retrouve avec le dilemme de communiquer ou de ne pas communiquer
l'Information qui est une présomption. On veut une vérification
dans les jours qui suivent. Si on regarde strictement le cadre, on dit que
c'est un renseignement confidentiel, il n'y a pas réellement de toi qui
nous permette de transmettre le renseignement, mais il faut que quelqu'un
prenne le téléphone, à un moment donné, pour
appeler le travailleur social ou l'infirmière en
périnatalilé du CLSC du territoire et dire: La visite, on ne veut
pas qu'elle soit faite dans trois semaines, on souhaiterait qu'elle soit faite
dans 24 ou dans 48 heures.
M. Filion: Je suis sensible à cette argumentation qui
tourne autour du fait que, finalement, les établissements du
réseau des affaires sociales ne fonctionnent pas de façon
parfaitement individuelle, il y a une collaboration et une concertation
nécessaires, ne serait-ce qu'à cause du contexte
budgétaire. SI on était millionnaire ou milliardaire, on pourrait
penser autrement, mais enfin! Je pense que le rapport Rochon va se charger de
nous le rappeler dans les prochaines heures. C'est probablement pourquoi M.
Nadeau n'est pas ici.
Donc, je suis sensible à cette question de réseau, mais je
me demande, d'un autre côté, pourquoi, en termes d'informatique,
vous semblez un peu réticent dans votre mémoire, pour le moins,
à faire vôtre la recommandation no 18 du
rapport de mise en oeuvre concernant l'extension de "la notion de
fichier de renseignements nominatifs à l'information qui devient
disponible par la mise en réseau de banques de données
informatiques contenant des renseignements personnels."
Mme Gosselin (Ghislaine): Je peux vous donner de façon
très claire notre réaction là-dessus. Autant on donnait
l'exemple qu'avant même la loi d'accès on n'avait pas pour autant
accès aux banques de la Régie de l'assurance-maladie - le temps
que cela a pris pour avoir des profils des professionnels, et, encore
là, ils ne sont donnés qu'au CMDP ou au chef du
département clinique... il n'y avait pas d'échange pour autant.
Ce n'est pas l'informatique qui fera qu'il y aura plus d'échanges entre
les organismes publics.
D'autre part, si l'information nous est donnée, qu'elle vienne
d'une feuille de papier ou d'une banque de données, elle ne constitue
pas un nouveau dossier pour le centre hospitalier. Si elle concerne le
bénéficiaire, elle est versée au dossier du
bénéficiaire, elle fait partie du dossier du
bénéficiaire. Dans les fichiers de renseignements nominatifs, par
ailleurs, vous constaterez, à la lecture de la formule soumise par la
commission, qu'on doit noter les supports, effectivement, sur papier, sur
informatique, etc Pour nous, cela ne crée pas de nouveaux dossiers. Il
n'y a donc aucun intérêt à dire que cela créerait un
nouveau fichier de renseignements nominatifs. Cela nous arrive sur des banques,
mais c'est versé dans les dossiers des béné-ficaires s'il
s'agit de bénéficiaires ou des employés s'il s'agit
d'employés. C'est pourquoi nous nous référons
carrément à notre section à cet égard.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Taillon. M. le ministre.
M. French: Me Gosselin, j'aimerais remercier à mon tour
l'AHQ pour un mémoire des plus fouillés. Deux choses. D'abord sur
le rôle de la commission, juste pour clarifier dans votre esprit les
attentes du législateur et de l'Assemblée nationale. On peut
être d'accord ou pas sur tes opinions émises par la commission sur
la bonne volonté ou la compétence ou l'intérêt que
portent les organismes publics à l'implantation de la loi. Mais c'est
certainement à l'intérieur des prerogatives voulues par te
législateur de la commission d'avoir commenté ces
choses-là II y a peut-être une culture et des attentes pour un
tribunal administratif en bonne et due forme, mais la commission n'est pas un
tribunal administratif en bonne et due forme. Elle n'est pas une régie
de services publics ou une régie de l'électricité et du
gaz. Elle est une créature de l'Assemblée nationale avec un
penchant pour le requérant. Et vous pouvez vous attendre à
l'avenir que la commission continuera à être appelée
à faire ces commentaires et j'aimerais bien que ce soit clair dans votre
esprit que ceci n'indique pas à mon avis un accroc à la bonne
conception du rôle de la commission et ne pourrait être
évoqué comme un indice que la commission ne fait pas son travail
ou ne connaît pas son rôle. Je le dis sans préjudice aux
autres recommandations mais juste pour clarifier cette question-là dans
vos esprits. Vous pouvez répondre si vous voulez. Mais
j'évoquerai juste... Voulez-vous répondre à cela?
Mme Gosselin (Ghislaine): J'aimerais simplement vous souligner que
dès l'adoption de la loi sur l'accès nous avons collaboré
avec la commission et nous ne voulons pas la dévaloriser aujourd'hui,
loin de là. Nous avons fait visiter les centres hospitaliers à
ses représentants. Les fichiers de déclaration de renseignements
nominatifs ont été élaborés en collaboration avec
des représentants de la commission. Lorsqu'il y a des problèmes
nous échangeons régulièrement avec eux. Vraiment ce qui
nous préoccupait, c'était de dire: Écoutez, nos
commentaires, ce n'est pas parce que ça pose des tracasseries
administratives qu'on demande des modifications. Il y a des tracasseries. On va
les prendre. On est habitués de les prendre. C'est lorsque la
disposition a pour effet de mettre en péril la mission même de
l'établissement. C'est à cela et seulement cela qu'on s'attaque,
entre guillemets, et qu'on veut vous sensibiliser. Mais on ne veut pas attaquer
la commission. On a tout simplement souligné à certains
égards, quand les centres hospitaliers se sont servis d'exceptions, et
qu'on disait qu'ils n'auraient pas dû nécessairement le faire,
même si la loi leur permettait de le faire... Sur cela je dois endosser
effectivement le penchant que le législateur a donné à la
commission.
M. French: Ce que je dirai tout simplement c'est que, s'il y a
des cas où vous trouvez que la commission a erré vis-à-vis
vos hôpitaux, vos membres ou vous-même, vous avez juste à
les évoquer en bonne et due forme et les discuter comme tel. Mais on ne
saurait, je pense, critiquer, comme vous le faites à la page deux, la
façon dont la commission s'est permise de commenter son
expérience parce que c'est précisément ce que le
législateur a demandé à la commission de faire, sans
préjudice au contentieux qui pourrait exister un moment donné ou
sans préjudice à vos recommandations.
Un seul commentaire de substance ou en tout cas un seul problème
qui n'a pas été évoqué par mes collègues
d'Arthabaska et de Taillon, j'aimerais juste résumer ma
compréhension du problème des comités de gestion de
risques. Dans le fond, ce que vous nous dites c'est que, suivant
l'interprétation de la loi actuelle, les procès-verbaux et les
documents préparés pour ces comités-là devraient
normalement être accessibles en vertu de la loi sur l'accès. Non.
Ce n'est pas ça?
Mme Gosselin (Ghislaine): Eu égard aux exceptions, si ce
sont des avis, il y a tant de délai, mais en
général...
M. French: Mais iI y a un risque qu'il y ait une partie de cette
matière-là qui soit accessible dans la situation actuelle. Ce que
vous nous demandez dans le fond c'est une exception pour couvrir ce
cas-là puisque le législateur ne l'avait pas à l'esprit,
et vous non plus vous n'avez pas soulevé cela jusqu'à
aujourd'hui. C'est à peu près ça?
Mme Gosselin (Ghislaine): Oui, oui.
Mme Gosselin (Christiane): Je voudrais ajouter qu'en ce qui
concerne notamment la gestion des risques le Québec est la
première province canadienne à le faire de façon
concrète, et ça fait depuis avril 1986. Donc, au moment de
l'adoption de la loi c'est évident que c'étaient des
hypothèses que nous n'envisagions pas. En ce qui concerne
l'appréciation de la qualité, ce sont également des
programmes qui sont tout à fait récents et les deux ont justement
pour but de permettre d'accroître la qualité des services.
M. French: Alors, vous entreprenez une nouvelle démarche
et vous nous demandez de collaborer avec vous pour trouver un moyen pour
entreprendre cette démarche en toute quiétude. C'est à peu
près cela?
Mme Gosselin (Ghislaine): Oui. M. French: Oui.
Mme Gosselin (Ghislaine): Ne serait-ce que pour vous souligner,
si vous me le permettez, qu'en ce qui concerne l'appréciation de la
qualité le conseil canadien d'agrément a fait une recommandation
en 1986 à toutes les provinces pour demander la confidentialité
de ces programmes. D'autre part, en ce qui a trait à la gestion des
risques qu'on s'est imposée - vous vous en souviendrez sûrement,
depuis deux ans... Les centres hospitaliers en particulier, lorsqu'ils ont
tenté de s'assurer pour leur responsabilité civile et
professionnelle, non seulement les montants étalent rendus
astronomiques, mais on n'était même pas capable d'avoir un
marché pour assurer les centres hospitaliers. Effectivement, on a
dû se prendre en charge pour s'en sortir et on a créé un
fonds que le ministère de la Santé et des Services sociaux a
subventionné. On est allé chercher des mandats des centres
hospitaliers et c'est là qu'on a réalisé toute
l'importance de dire: Pour contrer les phénomènes relatifs aux
assurances, il faut faire de la gestion des risques et éviter
précisément des poursuites en trouvant des solutions à la
base.
M. French: II est donc très délicat pour les
centres hospitaliers de gérer l'information sur les questions qui
intéressent inévitablement au plus haut point les
bénéficiaires, les professionnels et tes administrateurs. Ayant
été mêlé à deux ou trois cas dans mon
comté, je sais combien il est difficile de trancher ces questions. Je
vous avoue qu'il y a encore du chemin à faire du côté des
hôpitaux, mais il y a sûrement aussi de notre côté un
effort à faire pour mieux animer nos exigences vis-à-vis de vos
besoins. C'est pour cela qu'on est ici. C'est pour cela qu'on vous remercie de
votre présence.
Je vous signale qu'il est important que vous envoyiez le document
à ma collègue. Lorsqu'il s'agit de questions comme celle des
dossiers de bénéficiaires d'âge mineur, etc., il s'agit un
peu beaucoup de politique sociale et relativement peu de politique de gestion
de l'information ou de politique d'accès aux documents. Nous sommes
à la fois défenseur des principes généraux
incarnés dans la loi, que ce soit la vie privée ou l'accès
aux documents, mais également très soucieux - je parle pour mon
collègue et l'ensemble de ta commission - de ne pas compromettre la
politique sociale ou la politique de santé. C'est un problème
très difficile et nous sommes un peu beaucoup guidés par nos
collègues qui connaissent cela et avec qui vous avez des relations
soutenues, d'ailleurs. C'est ce qui va se passer pour l'ensemble de vos
recommandations, nous allons certainement consulter - je parle au nom du
gouvernement et non pas au nom de la commission - la ministre de la
Santé et des Services sociaux. Je suis convaincu que la commission, dans
son rapport, va être très intéressée à
baliser ces recommandations par une certaine expérience et
peut-être même des consultations de façon officieuse avec le
ministère et ses experts. Je vous remercie beaucoup.
Mme Gosselin (Ghislaine): Nous vous remercions.
Le Président (M. Trudel): Merci beaucoup de vous
être présentés devant nous cet après-midi.
Nous allons suspendre les travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 13)
(Reprise à 16 h 22)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de la culture reprend ses travaux. Nous accueillons
maintenant les représentants de l'hôpital Royal Victoria, de
Montréal, à moins qu'il n'y ait eu des changements. Il y a
effectivement eu des changements. Alors, comme Je connais personnellement
l'avocat qui représente l'hôpital Royal Vic, Me Mongeau, je vais
demander à Me Mongeau, tout en lui souhaitant la bienvenue, ainsi qu'aux
autres membres de la
délégation de l'hôpital Royal Victoria,
de procéder à I'identification des gens qui l'accompagnent pour
les fins de l'enregistrement du Journal des débats.
Étant donné que l'heure avance, quand même, et que
nous sommes légèrement en retard, je vais Immédiatement
vous céder la parole pour résumer un mémoire
déjà court et qui va à l'essentiel Me Mongeau.
Hôpital Royal Victoria
M. Mongeau (Richard): Merci, M le Président. Je dois vous
dire immédiatement que Je serai bref dans mes remarques au nom de
l'hôpital Royal Victoria. J'aimerais vous présenter, à ma
gauche, Mlle Sharon Lefroy responsable de I'appréciation de la
qualité et de la gestion des risques à l'hôpital Royal
Victoria, et, à ma droite M Charles McDougall, vice-prési dent
principal de notre hôpital. Moi même, je suis Richard Mongeau. Je
n'agis pas devant vous aujourd hui, messieurs et madame les membres de la
commission et M le Président, en tant qu'avocat pour Royal Victoria,
mais je suis plutôt un membre bénévole du conseil d
administration qui, à ce titre, vient vous présenter le
présent mémoire.
Ce mémoire est dans le contexte de cette étude sur le
rapport de la Commission d'accès I'information et j'aimerais le
résumer de la façon suivante. L'hôpital Royal Victoria a,
depuis plus de deux ans et, plus exactement, depuis deux ans et demi un
comité de gestion des risques et d'appréciation de la
qualité et ce ne sont pas des programmes, tel que vous l'a dit tout
à l'heure la représentante de I'Association des hôpitaux du
Québec chez nous, à Royal Victoria, mais, en fait une
réalité. J'ai l'honneur de présider ce sous-comité
du conseil d'administration qui est toujours ce comité de gestion des
risques et d'appréciation de la qualité des soins et des services
à l'hôpital. D'ailleurs, Mlle Lefroy, qui est à ma gauche
est ta permanente, si je peux utiliser ces mots, de ce comité du conseil
d administration. Elle a comme fonction principale de veiller à la
qualité des services à l'hôpital et à la gestion des
risques.
C est un effort commun à I hôpital Royal Victoria. J'ai
(honneur de vous dire effectivement que nous sommes les pionniers en
matière de gestion des risques au Canada. À plusieurs reprises,
soit Mlle Lefroy ou un autre vice-président de (hôpital, M Stock,
est appelé effectivement à donner des conférences et
à monter ce comité de gestion des risques dans d'autres
hôpitaux canadiens.
Ce comité existe dans la plupart des États
américains, je pense dans 48 États américains.
L'expérience est très intéressante Je peux vous dire que,
depuis que je suis président de ce comité, bientôt un an,
on peut améliorer ainsi la qualité des services en
étudiant les rapports d'accidents et d incidents, de tout ce qui peut se
passer à l'intérieur d'un hôpital. C'est de cette
façon par des exemples pratiques, que les employés de
l'hôpital peuvent recevoir une certaine éducation et plus
particulièrement les membres du conseil d'administration peuvent en
toute liberté agir et remplir le rôle que la Loi sur les services
de santé et les services sociaux leur a donné,
c'est-à-dire le rôle de gérer, d'administrer et de veiller
à la qualité des soins.
Je dois vous dire, mesdames et messieurs de la commission de la culture,
que le législateur s'est déjà penché sur cette
question. Tel que le faisait remarquer tout à I'heure - j'étais
dans la salle et je suivais de façon très attentive - le
député de Taillon, la lot 28 qui a été
sanctionnée par l'Assemblée nationale à la fin de
l'année 1987 a, d'ailleurs, en son article 115,
légiféré en matière d'exclusion de certains
procès-verbaux et dossiers, mais en relation avec le conseil des
médecins dentistes et pharmaciens dans un centre hospitalier.
La raison pour laquelle nous sommes devant vous aujourd hui c'est pour
vous rappeler que le conseil d administration a ce rôle de s'assurer de
la qualité des services dans un centre hospitalier. Ce rôle
n'appartient pas seulement au conseil des médecins, dentistes et
pharmaciens dun centre hospitalier. Si vous laissez ce rôle seulement au
conseil des médecins, dentistes et pharmaciens du centre hospitalier,
ils regarderont entre eux cette question de la qualité et si vous ne
donnez I'immunité effectivement qu'au conseil des médecins
dentistes et pharmaciens cette immunité va en définitive profiter
certainement au conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, mais d
un autre côté, le conseil d'ad ministration et ses comités
ne pourront pas jouir de la même immunité ou exclusion sur
certains documents. Le conseil d'administration et les comités ne
pourront pas jouer le rôle qui leur est dévolu, c'est
à-dire surveiller la qualité des soins et des services.
Dans le fond, ce que je viens de vous dire est simple. Vous le retrouvez
au mémoire Cette exclusion, cette immunité quant à
certains documents est heureusement acquise maintenant pour le conseil des
médecins, dentistes et pharmaciens - ils vont pouvoir jouer leur
rôle - mais elle devrait également s'appliquer au conseil
d'administration et à ses comités quand ils ont affaire à
I'appréciation de la qualité et à la gestion de
risques.
On ne vous demande pas aujourd'hui qu'il y ait une exclusion totale et
complète de tous les documents et de tout ce qui se passe devant un
conseil d administration et ses comités. Ce n'est pas cela Ce n'est
toujours qu'en relation avec l'appréciation de la qualité et la
gestion des risques.
Également dans notre demande - et c'est à la
dernière page de notre mémoire - nous suggérons
effectivement un amendement législatif. Nous avons écrit cet
amendement législatif pour votre étude et analyse. Nous
suggérons que la
même mesure d'exclusion et immunité s'applique
également au comité consultatif du personnel clinique. Vous devez
comprendre que, dans un hôpital, dans la structure, et j'y vais d'une
façon très brève, il y a le conseil d'administration et
ses comités qui doivent gérer l'hôpital dans son entier et
il y a le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens. Comme vous le
savez, et par la terminologie même, c'est l'ensemble des médecins,
des dentistes et des pharmaciens qui oeuvrent à l'intérieur d'un
centre hospitalier. Mais il y a sur la même ligne hiérarchique
effectivement le comité consultatif du personnel clinique qui a la
même responsabilité que le conseil des médecins, dentistes
et pharmaciens. Je vous donne des exemples: les infirmières font partie
de ce comité consultatif du personnel clinique, les
ergothérapeutes, les physiothérapeutes et tous ces professionnels
de la santé qui ne sont pas médecins, dentistes ou pharmaciens.
Donc, le législateur a accordé cette exemption au conseil des
médecins et dentistes. Bravo pour le travail qu'eux font. Mais il y a
également le comité consultatif du personnel clinique qui,
à notre avis, devrait avoir cette même exclusion, cette même
immunité concernant certains de ses travaux, certains de ses documents,
toujours en relation avec l'appréciation de la qualité des
services et avec la gestion des risques.
Maintenant, je vous parlais d'une certaine immunité et d'une
certaine exclusion. C'est un mot qui peut faire peur à quelques-uns,
s'il est mal compris. Il est important que vous compreniez que l'hôpital
Royal Victoria, dans son mémoire et dans ses représentations,
évidemment, ne tente pas de mettre de côté l'accès
qu'un bénéficiaire peut avoir à l'heure actuelle à
la documentation ou aux renseignements contenus dans son dossier de
bénéficiaire. Ce n'est nullement notre intention. Le dossier du
bénéficiaire reste tel qu'il est.
Évidemment, il y a eu des recommandations ou des commentaires de
l'AHPQ; je ne m'attarde pas sur ces questions. Mais la raison pour laquelle
nous sommes devant vous avec notre mémoire, effectivement, n'est pas
pour exclure certains documents, du dossier, du bénéficiaire.
C'est plutôt, pour permettre aux conseils d'administration de tous les
hôpitaux de la province de Québec et, plus
particulièrement, au comité qui est responsable de la gestion des
risques et de l'appréciation de la qualité de faire leur travail.
Si vous voulez, tout à l'heure, poser des questions très
pratiques concernant ce travail, il nous fera plaisir d'y répondre. Mlle
Lefroy pourra vous répondre parce que c'est elle qui, au jour le jour,
à Royal Victoria, doit faire face à cette question
d'appréciation de la qualité et à la gestion des
risques.
Laissez-moi vous donner un exemple pour bien comprendre ce que fait ce
comité Je le répète: Ce n'est pas un programme dans les
airs; c'est un comité à l'hôpital Royal Victoria et dans
quelques-uns des hôpitaux au Québec. Avec un amendement
législatif qui donnerait un genre d'exclusion et d'immunité
relativement aux rapports et aux documents qui sont préparés pour
ce comité, je pense que ce comité verrait le jour dans tous les
hôpitaux parce qu'il aide à augmenter la qualité des
services dans les hôpitaux.
J'aimerais vous dire, peut-être, en terminant, l'importance - je
vous disais que je vous donnerais un exemple pratique peut-être - de ce
comité que j'ai l'honneur de présider. Ce comité - et vous
le verrez dans notre mémoire - se réunit chez nous tous les mois.
Il y a donc douze réunions par année; plutôt, il y a onze
réunions, il y a un mois de congé, le mois d'août. Il y a
onze réunions par année où nous discutons des
problèmes sérieux tels que les infections à
l'Intérieur d'un centre hospitalier et les problèmes d'infection.
S'il y a dans un département quelconque plus d'infections que dans un
autre département ou plus d'infections selon une norme connue et
établie dans tout le Canada, c'est alors que nous posons des questions.
Nous interrogeons les gens. Nous leur demandons des rapports Nous leur
demandons ce qu'ils font pour éviter les infections. Nous allons au bout
des choses et nous leur demandons, comme je le dis, des rapports. Les rapports
ou les déclarations qui viennent devant notre comité, c'est pour
ça, entre autres, que nous demandons l'exclusion. Nous demandons
l'exclusion de l'accès à l'information pour ces documents.
Ce sont dans certains cas des analyses. Actuellement, la loi couvre une
partie des analyses. Ce ne sont pas nécessairement des analyses. Cela
peut être des déclarations d'une infirmière, des
déclarations d'un médecin, des déclarations d'un
employé qui explique au comité pourquoi il y a plus d'infections
dans ce département que dans un autre département. Pourquoi
faisons-nous ce travail? Tout simplement pour arriver à une meilleure
qualité des services et, évidemment, à moins d'infections
dans l'hôpital dans son ensemble.
Il y a d'autres facettes de notre travail Peu importe si c'est un
accident ou un Incident qui arrive. Je vous donne un exemple pratique: une
personne tombe en bas d'une civière et se fracture la hanche,
évidemment, dans son rapport, dans son dossier médical, ce
patient va voir qu'il y a eu un incident, il est tombé en bas de la
civière et il s'est cassé, fracturé une hanche, etc. et
tous ces documents-là continueront d'être accessibles. Par contre,
nous du comité de gestion des risques et d'appréciation de la
qualité, nous devons voir pourquoi cela s'est passé, comment cela
s'est passé et surtout il ne faut pas que cela se reproduise de nouveau.
Cela peut fort bien être un manquement: une personne de l'hôpital,
une infirmière ou un infirmier ou quelqu'un d'autre n'a pas
relevé les barres de cette civière. Cela peut fort bien
être un manquement d'un personnel médical qui n'a
pas fait une recommandation, parce que le patient était
agité ou était vieux et pouvait difficilement voir te bout de son
lit ou quelque chose comme cela. Il faut aller au bout de chacun de ces
incidents pour éviter effectivement la répétition de ces
incidents. Les exemples que Je vous donne, ce sont des exemples vécus
continuellement à l'Intérieur de notre hôpital où on
tente de régler ces problèmes.
Premièrement, lorsqu'un Incident ou un accident se produit, il
faut demander des rapports. Il faut demander à chaque personne
impliquée dans cet incident ou dans cet accident de nous faire des
déclarations et de nous expliquer, surtout par écrit ce qui s'est
passé pour pouvoir l'étudier et l'analyser pour que cela ne se
reproduise pas. Que ce soit à l'intérieur du conseil
d'administration, que ce soit à l'intérieur d'un de ses
comités, le comité de gestion des risques et
d'appréciation de la qualité, ou que ce soit à
l'intérieur du comité consultatif du personnel clinique, ces
fonctions existent, ces rapports existent.
Laissez-moi vous donner, en terminant, cet exemple qui est la
réalité d'aujourd'hui. Actuellement, nous tentons de faire notre
travail le comité de gestion des risques et d'appréciation de la
qualité. C'est difficile d'obtenir l'information parce que,
évidemment, c'est écrit et les gens savent que ce document n'est
pas exclu de la loi sur l'accès à l'information. Ce document peut
se retrouver un jour dans les mains de quelqu'un. Ce n'est pas facile de faire
rapporter des incidents par les gens. L'exemple que l'on vit - et je n'ai pas
honte de le dire, c'est à la suite des recommandations des conseillers
juridiques de l'hôpital Royal Victoria - c'est qu'après avoir
étudié et analysé ces documents, nous les
détruisons à l'heure actuelle. Nous ne pouvons pas garder en
"filière" ces documents, parce qu'on n'aurait pas pu aller les chercher,
ces informations. Ce sont des Informations que l'on va chercher, tout
simplement, en disant aux gens: Quand on aura fini l'utilisation de ces
informations, ces documents seront détruits.
En conclusion, nous demandons aux législateurs - et vous
êtes les législateurs qui par la loi 28, avez donné cette
immunité au conseil des médecins, dentistes et pharmaciens - de
la donner aux membres du conseil d'administration et du comité de
gestion des risques et d'appréciation de la qualité des services
et au comité consultatif du personnel clinique concernant les dossiers,
les rapports, les déclarations et les procès-verbaux de ces
comités.
Il me fera plaisir, en compagnie des deux collègues qui
m'accompagnent, Mme Lefroy et M. McDougall, de répondre à vos
questions.
Le Président (M. Trudel): Merci, Me Mon-geau, pour un
exposé fort clair et j'allais même dire, pour employer une
expression anglaise, "candid". Je me posais la question tout en vous
écoutant; je me demandais: Est-ce qu'il va nous le dire? Est-ce qu'il va
nous dire ce qu'il m'a dit tantôt: Le problème que le
comité - et je reviendrai tantôt là-dessus - peut avoir,
compte tenu de l'état actuel de la législation, c'est
d'être pris avec un paquet de paperasse et la paperasse doit
disparaître? Je vous aurais fait préciser ce point, mais vous
l'avez dit vous-même de façon très franche et très
directe.
M. Mongeau: C'est la réalité de tous les jours.
Le Président (M. Trudel): Ou de tous les mois.
M. Mongeau: Oui, de tous les mois, quant à notre
comité.
Le Président (M. Trudel): Quand vous vous
réunissez.
M. Mongeau: Comme législateurs, vous deviez savoir que
cette réalité existait.
Le Président (M. Trudel): Je vous remercie de votre
franchise. Comme vous le savez - et vous le savez parce que vous m'avez
aidé à y être, à un moment donné; c'est la
seule fois où on a fait une campagne là-dessus, d'ailleurs - j'ai
été membre d'un conseil d'administration pendant une dizaine
d'années et c'était avant la période des comités
comme celui dont vous parliez tantôt. J'apprécie ce que vous me
dites parce qu'à l'époque il y avait - et il existe toujours,
d'ailleurs - le conseil des médecins et dentistes - et on a
ajouté il y a deux ans les pharmaciens; d'autres groupes demanderont
peut-être d'en faire partie un jour - qui s'occupait jusqu'à un
certain point, doit-on le dire, de ce genre de chose, sauf qu'il n'y avait que
les médecins. C'est un progrès que de dire: On va former à
l'intérieur d'un hôpital un comité qui va regarder chacun
des Incidents, des événements.
Évidemment, il y a une question de confidentialité.
J'apprécie le fait que les gens veuillent être assurés
d'une certaine confidentialité avant de parler librement.
J'apprécie aussi le fait que c'est en parlant librement, très
ouvertement à l'intérieur d'un comité, en étant
assuré que ce qu'on dit va être gardé confidentiel, qu'on
risque le plus d'avoir des résultats concrets. Sauf que cela laisse quoi
au citoyen bénéficiaire qui a une réclamation? Vous nous
dites - je suis prêt à prendre votre parole; vous êtes un
avocat pratiquant, alors que moi, je suis un avocat non pratiquant - et l'AHPQ
l'a dit tantôt aussi, que le dossier comme tel du
bénéficiaire n'est pas touché par le genre de travail
accompli par le comité de gestion des risques et d'appréciation
de la qualité, Je suis tout à fait prêt à accepter
cela.
J'aimerais que vous fassiez - vous n'êtes pas médecin,
c'est sûr - une distinction pour les
membres de la commission entre ce qu'on va retrouver dans le dossier des
bénéficiaires et ce qu'on va retrouver dans les
délibérations d'un comité, en nous donnant, si possible,
un exemple précis. Vous avez donné tantôt l'exemple
général de contamination. Je pense, par exemple, à un
Incident qui peut se passer à l'occasion d'une opération.
Oublions l'exemple classique: des plaideurs, qui ont eu à plaider des
causes contre les médecins, nous parlent toujours des ciseaux ou du bout
de fil oublié dans l'estomac de Mme Y ou de M. X. Je prends cet exemple:
il se passe quelque chose lors d'une opération et le patient en souffre.
Je ne sais pas moi, je ne vous donnerai pas d'exemple, mais essayez de m'en
donner un. Je pourrais vous en donner un tout de suite, mais je ne vous le
donnerai pas. II arrive un événement lors d'une opération,
J'imagine que cet événement-là va faire partie, d'abord,
du dossier du bénéficiaire. S'il a eu des conséquences
pour le bénéficiaire, c'est important qu'il en fasse partie, tant
pour éviter qu'un événement comme cela ne se
répète que pour donner la chance à cette
personne-là d'avoir accès à tout ce qui s'est passé
de façon à pouvoir, sinon poursuivre l'hôpital, du moins
voir avec l'hôpital où en est son dossier. Je présume aussi
que cet événement-là fera l'objet d'une étude et
d'un rapport à l'occasion d'une réunion du comité que vous
présidez.
M. Mongeau: C'est exactement cela. Je vous remercie de votre
question...
Le Président (M. Trudel): Les deux choses sont bien
distinctes. On se comprend bien?
M. Mongeau: Oui.
Le Président (M. Trudel): C'est ce que je veux vous faire
préciser, finalement.
M. Mongeau: Oui.
Le Président (M. Trudel): "Leading question", comme on
dit.
M. Mongeau: Je vous remercie parce que je pense que le point
crucial est là et vous l'avez, M. le Président, bien
identifié. Arrive un Incident ou un accident dans une salle
d'opération, ce peut être n'importe quoi, il est évident
que, si l'incident a un effet quelconque sur le patient, l'incident est
rapporté dans le dossier du bénéficiaire et, comme vous le
savez, ce dossier est accessible au bénéficiaire. C'est sûr
et certain que c'est dans le dossier du bénéficiaire. Donnons un
exemple hypothétique, mais cela peut être un accident aussi qui a
pu se passer: l'anes-thésiste, lors de l'opération, n'a
peut-être pas bien surveillé son patient et peut-être que le
patient a eu des réactions d'une personne semi-réveillée
au lieu d'être une personne complètement endormie et cela a
apporté des problèmes.
Cela va se retrouver dans le dossier du bénéficiaire que
le patient s'est réveillé ou est devenu conscient lors de
l'opération. Cela va se trouver là. Évidemment, cet
incident mentionné dans le dossier du bénéficiaire, s'il y
a eu une conséquence grave pour le patient, pourra amener une
procédure judiciaire. Le dossier du bénéficiaire est
disponible et cet incident-là est bien marqué dans le dossier du
bénéficiaire. Il n'y a rien, qui, à la suite de notre
demande, va faire qu'il y aura moins d'informations ou qu'il va y avoir des
documents dans le dossier du bénéficiaire qui seront exclus,
absolument rien. Le dossier du bénéficiaire restera tel qu'il est
aujourd'hui avec autant de mentions, ni plus ni moins, mais exactement les
mentions qu'il y a à l'heure actuelle. (16 h 45)
Par contre, nous du comité de gestion des risques, si cet
incident nous est rapporté - je dois vous dire qu'à l'heure
actuelle nous avons de grandes difficultés à faire rapporter ces
incidents parce qu'il n'y a pas cette exclusion du document qui Inciterait
à rapporter l'incident - il nous est rapporté sous la forme
suivante. Le nom du patient, pour notre étude, n'a pas d'importance. Il
nous est rapporté en disant: Dans la salle d'opération
numéro X, tel jour, à telle heure, où étaient
présents les médecins, infirmières, etc., Untel, Untel,
Untel, il y a eu cet incident ou cet accident. Chacune des personnes
présentes dans la salle d'opération va faire sa
déclaration: Quant à nous, nous avons vu cet accident de telle
façon. L'infirmière va dire cela, le chirurgien va dire cela, la
personne qui assistait le chirurgien va dire la façon dont elle l'a vu,
l'anesthésiste va raconter la façon dont cela s'est passé.
Ce sont des déclarations, c'est un rapport Ce rapport va se rendre
à Mlle Lefroy qui, elle, l'étudiera, demandera d'autres
explications, ira voir, par exemple, le chef anesthésiste et qui va lui
demander: Quel est le problème?
Donnons un exemple pour bien Illustrer cette difficulté. Le chef
anesthésiste peut dire: Oui. mais cet anesthésiste a
travaillé pendant deux jours d'affilée sans dormir, il est
épuisé, iI n'a pas bien fait son travail parce que c'est un
épuisement. Donc, que fera notre comité? Pourquoi était-il
épuisé? Pourquoi a-t-il travaillé pendant 24 heures ou 48
heures d'affilée sans dormir? Est-ce qu'on manque
d'anesthéslstes? Est-ce que les anesthésistes étalent en
congé? Est-ce que c'est une mauvaise planification parce que tous les
autres anesthésistes sont en vacances cette semaine-là? Est-ce
qu'il y a eu trop d'opérations "cédulées" ce
matin-là pour la capacité des anesthésistes et des
chirurgiens? C'est Mlle Lefroy qui fera le tour de l'hôpital pour aller
chercher toutes les explications.
Quand ce rapport d'accident ou d'incident est rédigé - il
est toujours rédigé sous la même forme que le
mémoire que nous vous avons présenté, il est même
relié de cette façon - il
vient à notre comité que je préside. Le
comité réunit le médecin-chef de l'hôpital,
l'infirmière-chef de l'hôpital, le vice-président
responsable des finances et des questions immobilières dans
l'hôpital et toutes les personnes qui touchent à tous les
domaines, la présidente du comité consultatif du personnel
clinique. Tous ces gens sont là et on discute pendant deux heures de
certains incidents, On discuterait donc de cet incident.
À la fin de cette discussion, on pourrait demander un "follow-up"
sur ce rapport. On peut dire à Mlle Lefroy: Tel rapport de tel
médecin, ce n'est pas complet; on veut aller au bout du problème
pour que cela ne se reproduise pas. C'est cela qui est le rapport. Le rapport,
c'est non pas l'incident qui s'est passé; ce n'est pas caché et
ce ne sera caché pour personne. Cela existe dans le dossier du
bénéficiaire, cela va continuer d'exister dans son dossier, mais
c'est l'explication...
Dans le fond, pour être, encore une fois, bien candide, si on
demande à l'anesthésiste de nous mettre dans son rapport
écrit tout ce qui s'est passé, pourquoi cela s'est passé
et de faire une déclaration écrite, l'anesthésiste ne le
fera jamais. Si ce document est accessible un jour à des personnes
extérieures à l'hôpital, il ne le fera jamais. Il le fera
en cour, lorsqu'il sera interrogé; il répondra aux questions. Le
résultat de cela, c'est que nous du comité de gestion des risques
et d'appréciation de la qualité des soins ne serons pas capables
d'éviter un problème comme cela qui va peut-être se
reproduire la semaine suivante parce qu'encore une fois cet anesthésiste
ou un autre anesthésiste aura travaillé pendant un trop grand
nombre de jours sans dormir, encore une fois, la "cédule" des vacances
n'aura pas été corrigée, etc., etc. Je vous donne un
exemple qui n'est pas farfelu, c'est un exemple très pratique, et qui
nous empêche, à l'heure actuelle, d'aller au fond des
problèmes de gestion de risques.
Le Président (M. Trudel): Très bien.
J'apprécie, encore une fois, que vous soyez très direct et
très franc, sauf que si quelqu'un va en cour, si un
bénéficiaire, pour reprendre toujours le même exemple,
décide de poursuivre l'hôpital, évidemment, vous allez me
dire que l'anesthésiste, l'infirmière Y, le médecin Z et
l'administrateur WXYZ2 sous serment ne vont pas se parjurer. Je suis prêt
à vous croire qu'ils ne vont pas se parjurer.
Je ne suis pas capable d'attirer votre attention sur une page de votre
mémoire parce qu'elles ne sont pas numérotées, mais, dans
vos conclusions, vous avez 1, 2 et 3, et à 2, vous dites: Tous les
documents relatifs aux inspections professionnelles et à la surveillance
de ia qualité devraient être exempts des procédures de
communication et d'interrogatoires préalables, et personne ne devrait y
avoir accès conformément à la loi sur l'accès
à l'information. Ces docu- ments ne devraient pas être admissibles
lors de poursuites en justice." Cela va, quand même, assez loin.
Remarquez, encore une fois, que je ne pratique pas, donc je ne veux pas
m'ériger en maître et en connaisseur de la procédure, loin
de là, mais j'ai comme l'impression que celui qui veut poursuivre un
hôpital est un petit peu démuni.
M. Mongeau: Oui, je dois vous dire une chose: Cette
partie-là du mémoire concerne des représentations ou des
démarches qui sont faites actuellement auprès du ministre de la
Justice et de la ministre de la Santé et des Services sociaux
relativement à la loi de la preuve, ce qui n'est pas mon propos
aujourd'hui devant vous. Mon propos devant vous, c'est l'accès à
l'information. Et la question de la loi de la preuve a été mise
là, tout simplement. Je pense qu'on n'a pas voulu créer de la
confusion, mais qu'on en a créé, malheureusement. Ce n'est pas
mon propos. On dit dans ça: Nous poursuivons nos démarches et
c'est en parallèle à ce que nous venons vous demander qui se
trouve à être à la dernière page, le texte de
l'amendement législatif.
En parallèle, on vous dit que l'AHPQ et le Royal Victoria
continuent auprès du ministre de la Justice à demander des
amendements à la loi de la preuve sur les procédures judiciaires
comme telles. Mais c'est un aspect différent des propos tenus
aujourd'hui devant vous. Si j'avais à résumer en quinze secondes,
les propos devant vous, dans le fond, ce sont les suivants. Maintenant que les
comités de gestion des risques et d'appréciation de la
qualité des services existent dans les hôpitaux - et Ils existent
chez nous - pour pouvoir faire notre travail au niveau du conseil
d'administration et des comités du conseil d'administration, nous devons
assurer les gens dans l'hôpital, qui sont participants ou qui sont
témoins d'un accident ou d'un incident, de la confidentialité si
nous voulons faire notre travail. Cela n'empêche pas ces gens-là
d'aller témoigner. Cela n'empêche pas les
bénéficiaires de demander leur dossier. Cela n'empêche
aucun interrogatoire au préalable et les procédures judiciaires
de se poursuivre.
Mais c'est ce genre de documents, de rapports, de déclarations.
Sans cela, on ne pourra pas avoir les déclarations. Parce que
l'anesthésiste, dans le cas que je vous donnais, n'écrira pas une
déclaration en disant: Je suis fatigué. Ou le chef
anesthésiste n'ira pas impliquer son confrère en disant: II
était fatigué parce que ça fait 48 heures qu'il travaille
sans dormir, etc. On ne l'aura pas, cette information-là et. si on ne
l'a pas, on ne pourra pas corriger les difficultés qu'on vit
actuellement.
Dans l'exemple que je vous donnais tout à l'heure de la personne
âgée qui tombe en bas de ta civière, s'il n'y a personne
qui rapporte cet incident-là au comité de gestion des risques,
bien, il y va y avoir d'autres personnes âgées qui vont tomber en
bas des civières et peut-être
qu'on n'aura pas corrigé la situation. Cet exemple-là que
je vous donne, c'est un exemple réel et la façon dont nous
l'avons corrigé, c'est qu'on a fait passer des directives, à
savoir que, lorsqu'une personne est âgée et qu'elle semble
confuse, il faut absolument que les deux côtés de la
civière soient levés. Et maintenant, à l'hôpital
Royal Victoria, depuis que nous avons analysé cet incident-là -
d'ailleurs, iI y a eu deux ou trois incidents comme ça depuis que je
suis président, donc depuis les neuf derniers mois - nous avons
émis des directives à cet effet-là et ce genre d'incident
ne se produit plus.
Si on n'avait pas assuré les gens que leur rapport écrit
sur cet incident-là ne resterait pas là accessible à tout
le monde, Ils ne l'auraient jamais fait. On a assuré les gens et, tel
que je l'ai dit tout à l'heure, pour l'instant ces rapports sont
détruits, mais on ne veut plus les détruire parce qu'on en a
besoin pour continuer nos travaux.
Le Président (M. Trudel): Merci, Me Mon-geau. M. le
député de Taillon.
M. Filion: Me Mongeau, je vous écoute et j'ai lu votre
mémoire. À peine en quelques minutes, j'aimerais peut-être
qu'on essaie de prendre le problème autrement que de la façon
dont vous l'exposez. Vous savez que les hôpitaux fonctionnent depuis
longtemps. La loi d'accès à l'information ne s'applique pas
depuis très longtemps. Les gens se parlent, communiquent entre eux,
échangent de l'information et veillent au mieux-être des
bénéficiaires qui sont dans le centre hospitalier. Cela dure
depuis très longtemps.
Le comité de gestion des risques dont vous parlez est,
évidemment, une excellente Initiative, à mon sens. Cela vaut la
peine de centraliser au sein d'un comité l'expertise, les faits, les
conclusions, etc., qui peuvent amener une amélioration de
l'administration de l'hôpital et, donc, du mieux-être des
bénéficiaires. La question que je vais vous poser est la suivante
et peut-être qu'elle s'adresse plus, finalement, à une personne
qui vit à l'Intérieur de l'hôpital qu'à un
administrateur. Dans ce sens-là, Mme Lefroy se sentirait peut-être
à l'aise d'y répondre. En quoi les dispositions actuelles de fa
loi sur l'accès à l'information, telle que modifiée pour
protéger ta confidentialité des débats au sein du CMD...
Il ne faut pas oublier, dans l'exemple que vous donniez, de
l'anesthésiste, que cela va se parler au CMD.
Une voix: Cela va arrêter là.
M. Filion: Cela va arrêter là dans ta mesure
où vous dites que les médecins ne seraient pas des gens
responsables. SI cela se parle au CMD que les anesthésistes ont une
surcharge de travail, qu'ils sont absolument exténués, etc.,
j'aime mieux présumer la bonne foi que la mauvaise foi et j'aime mieux
croire que les médecins vont réagir à l'information qui
pourrait être divulguée au CMD. Je termine ma question: En quoi
concrètement, dans la vie quotidienne des hôpitaux du
Québec, les dispositions actuelles de la loi sur l'accès à
l'information ont déjà été préjudiciables,
ont déjà causé un préjudice direct ou, en tout cas,
Indirect, mais causé un préjudice à l'exercice des mandats
des comités de gestion des risques qu'encore une fois je favorise? Ayant
moi-même siégé au sein d'un conseil d'administration
d'hôpital, je participe au type de préoccupation que
véhiculent ces nouveaux comités de gestion des risques.
Concrètement, en quoi les dispositions actuelles ont-elles causé
préjudice aux travaux et aux activités des comités de
gestion des risques en présumant, encore une fois, la bonne foi des
individus?
Si on présume la mauvaise foi, Me Mongeau, on n'aboutira jamais
à rien. Il y aura toujours une façon de disposer des cas
où il n'y a rien qui va se faire. Mais en présumant la bonne foi
des gens qui se dévouent quotidiennement dans les hôpitaux et qui
ont à coeur le mieux-être des bénéficiaires,
j'aimerais que quelqu'un d'autre autour de la table ou vous-même me
donniez un exemple concret. Je vous avoue que votre exemple de la
civière ne me convainc pas, non plus. Je suis convaincu que les
personnes qui ont vécu l'incident où la personne
âgée est tombée en bas de la civière se disent:
Écoutez, cela n'a pas de maudite allure; si vous le voulez, on va
changer cela, parce que ce sont des gens responsables qui travaillent dans nos
hôpitaux.
M. Mongeau: Je suis entièrement d'accord. Vous qui avez
siégé à un conseil d'administration, je vais vous
répondre de deux façons. L'exemple de l'anesthésiste, cela
reste à l'intérieur du conseil des médecins et dentistes.
La documentation, tes déclarations et les rapports restent et sont
protégés, dans l'état actuel de notre législation,
depuis la loi 28. Vous qui avez siégé à un conseil
d'administration, vous auriez été en droit - et c'est même
votre devoir législatif de voir à la qualité des soins
dans le centre hospitalier - de demander au conseil des médecins et
dentistes un rapport sur cet incident, sur cette question, et de voir à
régler la situation afin que cela ne se reproduise plus.
Dans le cas qui nous concerne, le rapport du conseil des médecins
et dentistes au conseil d'administration n'est pas couvert. Dans l'état
actuel de notre législation, tout ce qui se passe à
l'intérieur du conseil des médecins et dentistes, c'est couvert
par l'amendement législatif. Mais du conseil des médecins et
dentistes au conseil d'administration ou à un de ses comités,
cela n'est pas couvert. Cela aurait pu être un rapport verbal: on entend
et on oublie. Mais le rapport écrit n'est pas couvert actuellement par
fa loi et nous venons devant vous aujourd'hui pour vous dire que c'est
important que le rapport écrit, qui
arrive au conseil d'administration ou au comité de gestion des
risques du conseil d'administration, soit couvert Cela répond à
la première partie de votre question, je l'espère.
Deuxièmement, quand un Incident se passe dans un hôpital -
revenons à l'exemple de la civière - ce n'est pas
nécessairement seulement un corps de travail ou un corps professionnel,
comme les infirmiers ou les infirmiers, qui peut être responsable de
cette question. Ce peut être également que les civières
sont vétustes, qu'il y a un problème parce que les
civières n'ont pas de côtés. Donc, le règlement de
ce problème ne concerne pas simplement l'infirmière ou le corps
de métiers ou le corps professionnel des infirmières, mais
concerne effectivement plusieurs corps de métiers ou plusieurs
professionnels dans cet hôpital. Cela concerne, dans le cas que je vous
donnais, le médecin. Est-ce que le médecin doit, oui ou non,
demander aux infirmières, et l'écrire dans le dossier du
bénéficiaire, qu il faut absolument que les côtés de
la civière soient levés? Donc, cela concerne le médecin.
Cela concerne les infirmiers et les infirmières. Cela concerne
également les gens qui sont responsables de l'équipement à
I'hôpital, et c'est cela, le travail de Mme Lefroy, de prendre un rapport
de l'incident et de voir tous ceux qui peuvent être Impliqués pour
solutionner ce problème et sortir du petit cocon qui est simplement un
corps professionnel. C'est son travail au jour le jour. {17 heures)
Vous demandez plus particulièrement: Est-ce que cela cause
préjudice? Dans les travaux que notre comité fait, est-ce qu'il y
a eu un préjudice, si j'ai bien compris votre question, qu'on pourrait
vous rapporter? J'aimerais demander à M McDougall ou à Mlle
Lefroy, l'une des deux personnes qui vivent tous les jours ces questions dans
différentes fonctions, s'ils ont des exemples ou des commentaires
à formuler à cet effet.
M. McDougall (Charles): Je ne sais pas s! ma réponse sera
assez détaillée pour dire qu'un préjudice direct a
été causé, mais je vois certainement les rapports
d'incidents provenant de tous tes départements qui sont sous mon
influence ou sous mon contrôle administratif et il y a souvent des
hésitations majeures de la part du cadre qui, lui aussi est
appelé à faire des commentaires sur ces rapports. On ne parle pas
seulement des gens qui sont directement liés à I incident, mais
on demande, avant que le rapport soit livré au comité, des
commentaires des cadres ou des chefs de département. C'est clair dans
tous les échanges que j'ai eus qu'il y a toujours une hésitation
à savoir: Si je dis cela, quel effet cela aura-t-il sur un autre?
Qu'est-ce qu'on fait avec ce commentaire? C'est clair que le fonctionnement
n'est pas aussi efficace qu'il pourrait l'être.
Ce comité est tout à fait nouveau pour nous, il existe
chez nous depuis deux ans et demi . Cela fart plus longtemps qu'il existe
aux
États-Unis et ailleurs, mais on croit que c'est un outil
essentiel pour augmenter la qualité des soins.
Je voudrais souligner deux autres points mineurs. Les soins aux patients
ne sont pas seulement rendus par les médecins, la loi a reconnu
plusieurs autres disciplines comme responsables du contrôle de la
qualité de leurs soins l'ordre des Infirmiers et infirmières, les
ergothérapeutes, etc. La majorité de ces départements ont
un comité d'assurance de qualité, mais toutes les
délibérations de ces comités, qui peuvent avoir un effet
majeur sur la qualité des soins, n'y sont pas protégées
couramment. On recherche ce genre de protection
Un autre genre d'activités que te comité pratique un
incident unique ne peut pas être corrigé en soi, mais un incident
qui se répète, avec quelques variations ici et là peut
attirer une certaine attention du conseil d'administration et du cadre
impliqué dans ces départements et pourrait nécessiter un
autre genre de réponse de l'institution. Cette facilité de
discussion, cette mise à l'aise pour tout le monde est, pour nous,
critique et c'est pour cela qu'on vous demande cet amendement.
M. Filion: D'accord Malheureusement, le temps passe toujours vite
ici. Je voudrais vous remercier de nous avons sensibilisés d'une
façon aussi précise à votre préoccupation et
d'avoir pris la peine de vous déplacer pour venir rencontrer directement
les parlementaires pour leur faire part d'un sujet qui devient de plus en plus
préoccupant pour vous et pour l'ensemble de la société
quant à ce qui se passe dans nos hôpitaux De quelle façon
cela doit-il s'améliorer?Vous suggérez une
façon et je suis convaincu que les membres de cette commission, en tout
cas les membres de l'Opposition, pour parler de ma formation politique
étudieront votre requête avec beaucoup de
considération.
M. Mongeau: On vous remercie de votre attention Je pense que vous
êtes conscients de l'importance de cette question. Comme membre
bénévole du conseil d'administration et aussi comme
président de ce comité, je viens devant vous aujourd hui
témoigner des difficultés que nous avons lorsque nous tentons de
faire notre travail pour améliorer cette qualité des services. Je
pense que "témoigner" est le meilleur terme que je puisse employer. Je
viens plutôt témoigner que vous faire des représentations
comme telles. Je viens vous donner le témoignage d'une expérience
de deux ans et demi à Royal Victoria.
Le Président (M. Trudel): Si c'est terminé du
côté de l'Opposition, Me Mongeau, ce ne l'est pas du
côté du parti ministériel. Le député
dArthabaska m'avait demandé la permission de poser une question.
Allez-y, M le député d'Ar-thabaska.
M. Gardner: Oui, Merci, M. le Président. J'aime bien les
choses claires et j'aime bien qu'on me dise clairement ce qui arrive. Pour un
gars qui a vécu un conflit dans un hôpital où les
médecins voulaient avoir la tête de la directrice
générale... Je ne sais pas si vous êtes au courant de
l'hôtel-Dieu d'Arthabaska qui a eu le problème qu'on a
vécu. J'aime bien aussi qu'on précise les rôles de chacun
et que chacun joue son rôle. Cela est bien enregistré. J'aime bien
préciser aussi qu'ici nous ne sommes pas protégés par la
loi sur l'accès à l'information.
Le Président (M. Trudel): On en reparlera, M. le
député.
M. Gardner: Vous demandez, en fait, que le comité de
gestion des risques soit exempté de la loi sur l'accès à
l'information. Est-ce qu'actuellement le conseil d'administration est exclu de
ta loi par la loi sur les services sociaux? Est-ce que le conseil des
médecins et dentistes est aussi exclu? Voulez-vous nous préciser
cela?
M. Mongeau: D'accord. Il y a, évidemment, l'accès
à l'information générale. Il n'y a pas d'exclusion quant
à l'information générale comme telle. Mais, quand on parle
d'exclusion, la loi 28, que vous, législateurs, avez votée en
décembre 1987, amende la Loi sur les services de santé et les
services sociaux qui dit que, dans le cas où les conseils des
médecins, dentistes et pharmaciens - je vais employer mes mots à
moi -considèrent des questions de qualité des services rendus, il
y a une exemption quant aux procès-verbaux de ces réunions et aux
dossiers qui ont été étudiés, pas les dossiers de
bénéficiaires, mais les dossiers sur ces questions de
qualité de services. C'est là l'état actuel de la loi.
La raison principale pour laquelle je suis devant vous aujourd'hui pour
témoigner de notre expérience, c'est afin de dire que la loi sur
les services de santé donne cette responsabilité de veiller
à la qualité des soins au conseil d'administration plus qu'au
conseil des médecins et dentistes. C'est à nous, du conseil
d'administration - et je suis membre du conseil d'administration et d'un
comité du conseil, qui est le comité de gestion des risques - de
veiller à cette qualité des soins et des services à
l'intérieur de l'hôpital. Nous ne jouissons pas de la même
exclusion pour les mêmes documents. En réalité, on n'a pas,
nous, cette exclusion. Le conseil consultatif du personnel clinique, soit les
infirmières et les autres, ne l'a pas, non plus. Nous venons vous
demander, pour les questions de qualité de services et de gestion des
risques, de donner cela aussi au conseil d'administration et à ses
comités et au conseil consultatif de personnel clinique et à ses
comités. Cela va faire le parallèle avec le conseil des
médecins et dentistes à qui vous avez donné cette
exclusion au mois de décembre.
M. Gardner: Ne trouvez-vous pas qu'il va y avoir trop
d'exceptions, à un moment donné?
M. Mongeau: Non, parce que c'est la même ligne. Que cela
parte du conseil des médecins et dentistes et que cela aille au conseil
d'administration, c'est le même rapport, c'est la même ligne qui
continue. Qu'ils continuent la ligne. Là, ils s'arrêtent au
conseil des médecins et dentistes, mais moi, Richard Mongeau, membre du
conseil d'administration, président du comité de gestion des
risques, qui veux avoir un rapport sur un incident particulier et qui sais que
le conseil des médecins et dentistes l'a étudié - eux sont
protégés, c'est-à-dire que le document est exclu - si Je
leur demande le rapport et que cela s'en vient à mon comité, il
n'est pas exclu. Il y a la lignée qui ne suit pas, J'essaie de vous dire
que c'est cette lignée que nous vivons tous les mois quand nous nous
réunissons Oui?
M. Gardner: Oui, mais cela ne serait pas sur toutes les
questions, seulement sur les questions.
M. Mongeau: Seulement sur cela... M. Gardner:
D'accord.
M, Mongeau: ...l'appréciation de la qualité des
services - dans le fond, c'est: est-ce que le service a été bien
rendu? - et la gestion des risques, parce qu'il y a également un aspect
de qualité des services à l'intérieur de cela.
M. Gardner: Maintenant, puisque j'ai mentionné le conflit
qui a eu lieu à l'hôtel-Dieu d'Arthabaska, j'aimerais vous
rappeler que la conclusion est que le conseil d'administration a maintenu la
directrice générale
M. Mongeau: Encore là, c'est effectivement le rôle
du conseil d'administration. Veiller à la qualité des soins dans
un hôpital, c'est le rôle du conseil d'administration. Comme membre
du conseil d'administration, je viens, tout simplement, vous dire: C'est notre
rôle et on veut l'assumer. Mais il faut avoir cet outil nécessaire
qu'on vous demande.
M, le Président, je pense que c'est Important de vous souligner
qu'à la dernière page de notre mémoire et non pas dans les
annexes, nous vous avons suggéré un texte. Je révisais ce
matin le texte de la loi. 28. II est important de souli gner que
l'hôpital Royal Victorial n'a pas d'objection à ce que la
Commission d'accès à l'information regarde ce document pour bien
voir qu'il s'agit d'un document d'appréciation des services et de
gestion des risques.
Dans le texte de l'article 115 de la loi 28, on dit, à la fin:
Nul ne peut en prendre connaissance sauf tes membres des conseils et des
comités concernés. Quand je regarde notre
recommandation, je fais le parallèle avec ce qui était
dans l'article 115 de la loi 28 et je cite: "Nul ne peut en prendre
connaissance sauf les membres du conseil et de ses comités ou encore la
commission", en pariant de la Commission d'accès à l'information.
Nous n'avons pas d'objection - je pense que cela a été un oubli -
s'il y a une demande d'accès, à ce qu'au moins la commission
puisse regarder le document en disant: II s'agit bien d'un document
d'appréciation de la qualité des soins ou des risques,
évidemment.
Le Président (M. Trudel): Je suis très heureux que
vous le souligniez.
M. Filion: Cela a pris un jugement d'un tribunal dans un
cas...
Le Président (M. Trudel): Pour obtenir... M. Filion:
...pour le faire admettre.
Le Président (M. Trudel): Me Mongeau, madame et monsieur,
il me reste à vous remercier, au nom des membres de la commission et au
nom de l'aile ministérielle de cette commission, de votre visite.
Maintenant, j'ai dit tous les membres, parce qu'en plus j'ai un double chapeau
quand le ministre n'est pas là. Non pas que je me prenne encore pour un
ministre.
M. Filion: Encore, encore? L'avez-vous déjà
été?
Le Président (M. Trudel): Me Mongeau, merci de votre
prestation devant nous cet après-midi. Bon retour à
Montréal et surtout merci d'avoir été très direct
et très franc et aussi très clair sur le rôle de ce nouveau
comité. Comme le disait le député de Taillon tantôt,
c'est une question sur laquelle les membres de la commission vont se pencher
avec beaucoup d'intérêt au cours des prochaines semaines avant de
remettre leur rapport au ministre via l'Assemblée nationale.
M. Mongeau: M. le Président...
Le Président (M. Trudel): Merci beaucoup et bon retour
à Montréal.
M. Mongeau: ...je vous remercie et je tiens à noter la
très grande collaboration de la secrétaire de la commission qui,
en l'espace de peu de temps, nous a donné des bons conseils sur la
procédure pour se présenter devant vous. Nous tenons à la
remercier tout particulièrement.
Le Président (M. Trudel): II me fait plaisir de m'associer
à vos remerciements parce que, travaillant avec Mme Tanguay depuis deux
ans presque jour pour jour aujourd'hui, je peux attester que c'est la
façon dont on travaille à cette commission. Merci beaucoup. M.
Mongeau: Merci.
Le Président (M. Trudel): Nous suspendons pour trois
minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 12)
(Repriseà17h 18)
Comité de sauvegarde de la côte
d'Abraham
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît!
J'invite maintenant comme dernier intervenant de cet après-midi
le Comité de sauvegarde de la côte d'Abraham. Ma feuille m'indique
que le président est M. Réjean Lemoine, que je salue,
accompagné de M. Pierre Maheux et de Mme Yvette Bélanger. Alors,
madame, messieurs, bienvenue à la commission de la culture.
Je n'ai pas remarqué si vous avez été avec nous une
partie de la journée, mais les règles du jeu sont fort simples.
Vous avez plus ou moins, et autant que possible moins que plus, 20 minutes pour
nous exposer votre point de vue. Ne vous sentez pas obligés, mais si
vous voulez le faire, vous êtes les bienvenus aussi, de lire le
mémoire. Il a déjà été lu par les membres de
la commission et il a été résumé par des
recherchistes au service de la commission. Alors, moins de temps vous prenez
pour lire ou nous exposer votre point de vue que nous connaissons
déjà, plus de temps nous avons pour échanger avec vous et,
compte tenu de la Journée que nous avons derrière nous et de
celles que nous avons encore devant nous, si possible, sans rien enlever
à votre droit strict de prendre une heure, nous allons essayer de faire
le tout en 45 minutes, mais ce n'est pas une règle stricte. Alors, M. le
président, je vous cède la parole avec grand plaisir.
M. Lemoine (Réjean): Merci, monsieur. Je vais commencer
par vous expliquer un peu ce qu'est le Comité de sauvegarde de la
côte d'Abraham. Le Comité de sauvegarde de la côte d'Abraham
est un regroupement de citoyens et de citoyennes des quartiers du centre-ville
de Québec qui a été mis sur pied à la suite d'un
projet de développement au centre-ville de Québec, projet qui est
vieux, qui date de 1970 et qui n'a jamais vraiment fonctionné. C'est le
projet de la Grande place. C'est un site de 400 000 pieds carrés de
terrains vacants dans le centre-ville de Québec où on veut
établir un centre commercial multifonctionnel et où la ville de
Québec à qui appartiennent ces terrains qui ont été
acquis dans le cadre d'un programme avec la Société d'habitation
dans les années soixante-dix pour environ 8 000 000 $... Donc, pour
développer ce site-là, on a un projet de
centre commercial avec une firme de Toronto, la firme Citicom.
C'est à la suite de l'annonce de la démolition d'une
dizaine de bâtiments historiques dans l'arrondissement historique de
Québec et dans le site du patrimoine mondial couronné par
l'Unesco en 1985 que le Comité de sauvegarde de la côte d'Abraham
a pris conscience une première fois de l'importance de regrouper les
citoyens pour la protection et la sauvegarde du patrimoine des quartiers du
centre-ville de Québec. À la suite de cette prise de conscience,
on s'est rendu compte qu'il fallait être des chiens de garde d'un projet
de développement important pour l'avenir économique de
Québec. Dans ce cadre, l'accès à l'information,
c'est-à-dire la Commission d'accès à l'Information a
été un outil important de conscientisation des gens de
Québec et aussi un outil important, en tant que citoyens et citoyennes,
pour pouvoir faire valoir nos droits en termes d'information. En fait, dans ce
projet-là on peut constater que, depuis la signature en septembre 1986
d'un protocole d'intention entre la ville de Québec et la firme
torontoise Citicom et le promoteur Laurent Gagnon, il y a eu un black-out
d'information sur ce que serait la nature du projet et les conséquences
pour la qualité de vie des gens du milieu, des gens des quartiers du
centre-ville, de ce projet. Donc, dans ce cadre le Comité de sauvegarde
de la côte d'Abraham, à plus d'une dizaine de reprises, a fait des
demandes d'accès à l'information à la ville de
Québec et, à deux reprises, est allé devant la Commission
d'accès à l'Information La première fois, au début
de l'année 1987, nous sommes allés chercher des documents sur la
valeur architecturale des bâtiments que la ville refusait de nous donner
et la Commission d'accès à l'information nous a donné
raison, c'est-à-dire qu'on a pu avoir accès à ces
documents. Dans le deuxième cas, c'est à propos des études
de faisabilité et de circulation du projet Citicom que nous nous sommes
présentés devant la Commission d'accès à
l'information. Cette cause est encore pendante devant la Cour provinciale
puisque, sur une décision préliminaire, la Commission
d'accès à l'information a exigé que les études
soient produites devant la commission, puisque la ville de Québec
s'opposait à ce que les études soient produites devant la
commission. Donc, la commission a décidé que ces documents
étaient sous sa juridiction. Dans un deuxième temps, la ville a
fait appel devant la Cour provinciale de cette décision.
Si on se présente devant vous aujourd'hui, c'est plus pour faire
une appréciation qualitative de la loi d'accès à
l'information, à partir de préoccupations de simples citoyens et
citoyennes qui ont utilisé cette loi et qui, à partir de leur
expérience, en connaissent les bons côtés, les avantages,
et en connaissent aussi les désavantages, les problèmes qui
peuvent expliquer la façon dont fonctionne la Commission d'accès
à l'information présentement.
D'abord, j'aimerais vous dire que nous avons été
très surpris, dans le mémoire de la Commission d'accès
à l'information qui s'Intitule: "Une vie privée mieux
respectée, un citoyen mieux informé", de constater qu'on donnait
le monde municipal comme un exemple de milieu où il y avait un esprit
d'ouverture, pour ce qui est de l'accès à l'Information. À
partir de notre expérience pour une seule ville, la ville de
Québec, nous disons qu'en effet la loi est nouvelle, les gens ont a
apprendre à travailler avec la loi. Les citoyens ont à apprendre
à travailler avec la loi. On a cependant constaté qu'il n'y avait
quand même pas de pratique d'ouverture quant à l'accès
à l'information, que sur les informations qu'on pourrait qualifier de
"stratégiques" - entre guillemets - les autorités municipales
généralement sont très prudentes et vont essayer
d'utiliser tous les recours de la loi pour empêcher les citoyens d'avoir
droit à des informations sur des projets qui concernent des
investissements publics. Donc, on a également constaté des effets
qu'on appelle pervers de la loi d'accès à l'information, dans le
cas, toujours, de la ville de Québec - et ce commentaire n'est pas pour
généraliser cela à l'ensemble des municipalités -
des effets pervers, par exemple, à la suite de la mise en vigueur de la
loi de l'accès à l'information. On a constaté que, dans
certains services de la ville de Québec, alors qu'auparavant on pouvait
avoir sur le champ des informations... Là, je vais donner des exemples
très précis au service d'urbanisme, à la division des
permis, on pouvait avoir des renseignements sur les permis de construction, les
permis de démolition, les permis de restauration; maintenant, toute
l'information est centralisée auprès du responsable de
l'accès à l'information, Me Pierre Angers, à l'hôtel
de ville de Québec.
C'est un exemple pour dire que, si une grande municipalité
concentre auprès d'une seule personne, d'un responsable de
l'accès à l'information, des informations qui, auparavant,
pouvaient être obtenues quotidiennement et très facilement sur le
champ par les citoyens, dans les faits concrets, on est devant un recul en
termes d'accès à l'information puisque, maintenant, il faut
attendre vingt jours pour avoir accès à des documents que,
auparavant, on pouvait avoir immédiatement, qu'on pouvait consulter sur
place.
On constate également que, comme je le disais tantôt, pour
ce qui est des Informations stratégiques, des informations importantes
pour des projets de développement, des projets de construction, des
permis de changement de zonage, ou des choses comme celles-là c'est de
plus en plus difficile et, effectivement, on nous fait maintenant attendre
systématiquement 20 jours pour avoir ce type d'information.
Donc, la loi telle qu'elle est faite présentement, avec ses
délais d'application, on constate sa méconnaissance dans le
public et cela nous fait penser - c'est notre évaluation à partir
de
notre expérience - que seuls les groupes de pression minimalement
organisés peuvent prétendre présentement, si on parle de
façon sérieuse, pouvoir bénéficier des
privilèges de la loi. Des citoyens qui n'ont pas une certaine expertise
juridique, qui n'ont pas une certaine scolarité auront des
problèmes à faire valoir leurs droits à ce niveau et nous
pensons qu'un des moyens de transformer ce problème serait d'avoir une
plus grande publicité autour de la loi sur l'accès à
l'information et peut-être quelques modifications à la loi.
Nous pensons que la loi sur l'accès à l'information
devrait être plus coercitive et contenir moins de restrictions à
l'accès. Ce qu'on a constaté dans la pratique, c'est que, par
exemple, une municipalité qui ne veut pas donner des documents va
invoquer un ou deux articles de la loi, soit 22 ou 24, et on se retrouvera
devant la Commission d'accès à l'information avec toute la
ribambelle des articles de loi, 27 et 29, qu'on nous ajoute à la
dernière minute, comme si on avait peur, avec seulement deux articles de
loi, de ne pas être capable d'établir une preuve, et on dit: Plus
on va en mettre, plus on est sûr que les documents ne sortiront pas.
C'est sûr qu'il y a une certaine pratique à prendre, je
pense, du côté des municipalités à s'habituer
à travailler avec la loi sur l'accès à l'information, mais
on constate quand même que la loi, à ce niveau, devrait
peut-être être plus sévère. On constate
également que, sur le plan des pouvoirs du commissaire-enquêteur,
la commission devrait être renforcée quand on a vraiment
l'impression que les citoyens se font niaiser dans le sens que les
municipalités, dès le départ, ne veulent pas rendre les
documents publics et même, souvent, ne veulent même pas
déposer ces documents, prétextant que cela a été
fait par des tiers, que cela a été fait en Ontario, que cela a
été fait ailleurs ou que ce n'est pas sous la juridiction de la
commission. On pense que cela deviendrait Important que la loi soit un peu plus
sévère pour ce genre de chose.
Un commentaire rapide sur l'article 37 de la loi sur le plan des avis et
recommandations. Nous pensons que, si on va à la limite de la logique de
cet article de la loi, l'article 37, finalement, c'est l'esprit
général de la loi qui est en cause parce que, si on gèle
pour dix ans tout ce qui concerne avis et recommandations, par exemple, sur le
plan des projets ou si on gèle pour cinq ans tes analyses et qu'on ne
peut pas y avoir accès sur des projets publics - on ne parle pas de
projets privés, on parle de projets publics -dans le fond, c'est dire
aux citoyens que les investissements publics, ce n'est pas leur affaire et que
les projets de développement, ce n'est pas leur affaire, que cela
concerne uniquement les organismes publics et qu'ils n'y ont pas accès.
Donc, je pense que là-dessus on devrait, sinon abolir, du moins changer
le sens de cet article.
Pour parler plus précisément des problèmes que nous
avons rencontrés sur le plan des études de Citicom, je vais
laisser la parole à M. Pierre Maheux, qui est membre du
comité.
M. Maheux (Pierre): Pour ce qui est des études
Citlcom-ville de Québec, à la suite de la demande d'accès
à l'information qu'on avait déposée, entre la demande
d'accès à l'information et notre demande d'appel au bureau de la
Commission de l'accès à l'information, les études ont
été retournées à Toronto par la ville de
Québec, à la suite d'une décision de l'exécutif de
la ville de Québec, décision qui n'est enregistrée dans
aucun procès-verbal de l'exécutif de la ville de
Québec.
Maintenant, depuis quelques semaines, ces études sont de retour
à Québec. Actuellement, ta cause est pendante en Cour
provinciale, mais on sait pertinemment qu'une partie des études a
été rendue publique en conférence de presse par le maire
de Québec, soit les études d'impact de circulation et,
deuxièmement, on a appris de source sûre que les études
étaient de nouveau sur le bureau du directeur général
alors qu'une cause est pendante actuellement en Cour provinciale pour demander
que la ville dépose sur le bureau de ta Commission d'accès
à l'information les études que Citicom a déposées
sur son bureau pour voir si, oui ou non, elle peut les rendre publiques en
totalité ou en partie. À ce chapitre-là on
considère que c'est un détournement de la loi et on peut se
demander quels sont les véritables pouvoirs de la Commission
d'accès à l'information dans une situation de ce genre-là.
(17 h 30)
Par exemple, quand un organisme public ou parapublic qui est assujetti
à la loi de la Commission d'accès à l'information donne un
contrat général à un organisme privé pour
gérer un projet X, il serait pratique et aussi utile que les contrats
faits avec l'entrepreneur général, disons, qui ont
été accordés par l'organisme public, que les sous-contrats
que cet entrepreneur général accorde soient publics pour
éviter de la fausse représentation et de la fausse
publicité. Prenons l'exemple, encore une fois, de l'étude
Citicom. Ce qui a été annoncé publiquement, c'est que les
retombées, en termes d'études d'ingénierie et tout le
reste, seraient accordées à des firmes québécoises.
Ce qui n'a pas été dit, c'est que les firmes
québécoises servaient de boîtes à malle pour
d'autres firmes qui faisaient après ça tout l'ouvrage à
Toronto ou à Ottawa. À ce chapitre-là on trouverait
important que les sous-entrepreneurs qui travaillent dans le cadre d'un contrat
lié indirectement par le biais d'un entrepreneur général
à un organisme public soient eux aussi assujettis à la loi sur
l'accès à l'information et que les pouvoirs du commissaire, en
termes de pouvoirs d'enquête, soient plus grands. Parce que, pour
certains documents qu'on veut demander, le problème c'est qu'on sait que
le document existe, on sait qu'il a été fait, mais il n'y a aucun
service qui est au courant et le document n'a pas de titre. Comment peut-on
demander à
l'accès à l'information un document qui n'a pas de titre
officiellement et dont on est incapables d'avoir le titre? Deux
premières questions.
Deuxièmement, en termes des coûts de l'accès
à l'information. C'est 0,50 $ la photoco pie, si je ne me trompe pas
J'ai déjà fait une demande de documents à la
Communauté urbaine de Québec et on m'a répondu: Oui,
monsieur, le document est disponible, mais il a 300 pages à 0,50 $ la
feuille. J'ai laissé faire, pour des raisons assez évidentes.
À ce moment-là, je pense que la tarification des documents
à rendre publics et au chapitre de l'accès à l'information
devrait être révisée.
C'est tout.
M. Lemoine: Je terminerais en disant qu'un autre point qui est
peut-être également important parce que ça nous concerne
plus spécifiquement, ce sont les frais judiciaires encourus pour des
poursuites en appel. Je pense que, dans le mémoire de la commission
d'accès, Une vie privée mieux respectée, un citoyen mieux
informé, on recommande de changer la loi pour que les frais judiciaires
des citoyens lorsque leur cause est portée en appel, soient
défrayés par le gouvernement, par l'État. Et,
effectivement, on constate, en tout cas dans notre cas, que la ville de
Québec fait présentement défrayer par son contentieux, par
ses avocats, toute une ribambelle de poursuites judiciaires et elle va en appel
sur des documents. Si elle perd en appel, elle va invoquer que les documents
viennent de l'Ontario pour ne pas sortir les études de Citicom. Donc,
nous disons qu'à ce moment-là nous avons déjà
engagé des montants d'argent dans cette histoire-là. Et je pense
que, pour être au moins d'égal à égal avec un
organisme public, les citoyens ne devraient pas avoir à défrayer
les frais judiciaires qu'entraînent de telles causes. On devrait surtout
restreindre le droit d'appel. Parce que, dans le cas qui nous concerne, la
ville de Québec n'appelle même pas sur le fond de la question.
C'est-à-dire qu'elle n'appelle pas sur le fait de rendre public ou de ne
pas rendre public, elle appelle uniquement sur le fait qu'elle ne veut pas
remettre devant la commission les études disant que cela ne
relève pas de sa juridiction. Donc, on est loin d'être sur le fond
de la question et, à ce moment-là, si on veut vraiment avoir ces
études-là, je pense qu'il va falloir attendre, sinon une
décennie, au moins plusieurs années.
Donc, nous pensons que, pour rendre plus crédibles les
mécanismes d'appel, on devrait restreindre les mécanismes d'appel
uniquement sur le fond et que les citoyens qui lancent ces causes-là
devraient au moins avoir une certaine forme de compensation financière
pour les dépenses qui leur sont occasionnées.
Pour le reste, en terminant je voudrais dire que nous pensons que la loi
sur I'accès à l'information est une bonne loi. Une loi qui,
à cause de sa gratuité au chapitre de l'appel en révision,
permet aux citoyens d'aller de l'avant et d'essayer de poursuivre des causes
sauf qu'elle devra être mieux publicisée et mieux connue pour que
les citoyens ordinaires puissent vraiment l'utiliser et faire valoir leurs
droits surtout face à des organismes publics qui sont très grands
et on pense aux municipalités, surtout à de grandes
municipalités comme Québec et Montréal. Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, M le
président.
Deux courtes questions. Mais avant j'aimerais faire un commentaire.
Compte tenu de ce que vous avez dit et de l'organisme public avec lequel vous
êtes aux prises, nommément la ville de Québec, je
m'étonne - et on a fait beaucoup d'efforts pour que mon
étonnement se transforme en réjouissance, mais c'est resté
un étonnement - je m'étonne que des organismes aussi Importants
que l'Union des municipalités du Québec et I'Union des
municipalités régionales de comté n'aient pas jugé
bon de nous faire part des commentaires que leur inspirait le remarquable
rapport - je répète ce que je disais ce matin - de la Commission
d'accès à I information. Nous avons failli - je dis bien, nous
avons failli - parce que cela a été annulé aujourd'hui
même. Jusqu'à ce matin, l'Union des municipalités
régionales de comté nous disait: Oui, on veut bien participer, on
va être là. On l'avait inscrit à l'ordre du jour de jeudi
après-midi pour lui laisser tout le temps nécessaire à
préparer un mémoire et, ce matin, ces gens nous ont fait part,
enfin cet après midi même, ils nous ont fart part de leur
désistement. Je m'étonne que des organismes de cette importance
n'aient pas jugé bon de profiter des audiences de cette commission pour
nous donner leur point de vue sur le rapport.
J'al deux brèves questions, M le président, avec un autre
commentaire. II faut avoir, dans votre cas, beaucoup de respect pour les
institutions judiciaires du Québec et du pays pour ne pas
réclamer l'abolition du droit d'appel, tel que l'ont fart plusieurs
organismes devant la commission. Vous en parlez en demandant que la commission
puisse défrayer les frais judiciaires relatifs aux demandes d appel,
mais vous ne mettez pas en cause le droit d'appel, si je ne me trompe pas et je
pense que je ne me trompe pas, parce que votre mémoire n'est quand
même pas volumineux. On a eu le temps de le lire et de le relire. Si j'ai
bien compris, vous ne mettez pas en cause le droit d'appel, te! qu'il existe
actuellement dans la loi.
M. Lemoine: Dans un premier temps, on dit qu'on devrait au moins
limiter le droit d'appel au fond de la question lorsqu'une décision a
été prise sur le fond. Dans bien des cas, c'est avant même.
L'organisme ne veut pas déposer les documents publics. À ce
rnomen-là, les commissaires prennent une première
décision, une
décision préliminaire, et on en appelle déjà
de cette décision. D'ailleurs, c'était clair lors de cette
audition et l'avocat de Cititcom a clairement dit qu'on allait invoquer la
constitutionnalité de la loi si les tribunaux québécois
obligeaient Citicom et la ville de Québec à déposer les
études devant la commission. II n'était même pas question
de tes rendre publiques. II était simplement question de les
déposer à ce moment-là. On s'imagine qu'on est loin de
faire l'étude sur le fond de la question et on peut s'Interroger sur la
validité du processus en termes de temps par rapport aux besoins des
citoyens et des citoyennes Ils veulent les études, pas dans 50 ans. Ils
les veulent le plus tôt possible si elles sont du domaine public.
Le Président (M. Trudel): Merci. J'ai une deuxième
brève question, mais auparavant un autre commentaire. Tantôt, M
Maheux vous avez dit qu'on vous aurait facturé 0,50 $ la page, qu'on
vous a dit que c'était 0,50 $ la page pour faire de la photocopie Je ne
mets pas du tout en cause ce que vous m'avez dit.
Une voix: ...
Le Président (M. Trudel): Je dois quand même m'en
étonner parce que le règlement du 12 septembre 1984,
décret 209-84 - "dash" comme disait André Malraux, pour trait
d'union - stipule bien qu'il s'agit de 0,25 $ la page. Le règlement a
été amendé en décembre 1987, mais au moment ou vous
l'avez demandé à la ville de Québec, je présume que
vous étiez encore sous l'empire de l'ancien règlement. Et
même si vous étiez sous i empire du nouveau règlement c'est
toujours la même chose, c'est toujours 0,25 $ la page. Vous me permettrez
comme président de la commission.
M. Lemoine: À Québec, M le Président, c'est
encore 0,50 $ la photocopie. II faut se chicaner pour l'avoir parce que c'est
0,50 $. Lorsque ce sont des études quelque peu volumineuses, cela fait
quand même des frais assez élevés.
Le Président (M. Trudel): On demandera à la
commission de faire une enquête parce que le règlement doit,
à mon avis, être valable pour tout le monde.
Ma deuxième question. À deux de vos recommandations, vous
dites que... Est-ce qu'il y a moyen de parler moins fort du côté
de... Merci. Vous dites que la loi sur l'accès à l'information
doit être crcitive et, deuxièmement, que les pouvoirs du
commissaire-enquêteur doivent être renforcés. Est-ce que
vous pouvez expliquer cela parce que c'est un peu vague?
M. Lemoine: ...
Le Président (M. Trudel): De quelle façon
voudriez-vous voir la loi pour la rendre crcitive, d une part, et de
quelle façon voudriez-vous voir les pouvoirs du
commissaire-enquêteur renforcés par rapport à la loi
actuelle'?
M. Lemoine: On s'est rendu compte, lorsqu'on a vu qu'on se
foutait un peu de notre gueule en termes de démarche,
c'est-à-dire qu'on allait nous faire niaiser pendant longtemps, qu'il y
avait des articles de la loi qui étaient des recours que la commission
avait s'il y avait un problème de mauvaise foi ou si un organisme ne
voulait pas sérieusement mettre ses documents sur la table. On constate
que - et c'est l'aspect litigieux ou, entre guillemets, peut-être plus
"touchy" de la question - souvent, les demandes d'accès à
l'information qui entraînent une jurisprudence et qui sont Importantes
deviennent "politiques", entre guillemets. On a juste à penser à
Jacques Parizeau versus Auto-Psy, à Jean Pelletier versus les
études de Citicom. Donc, à un moment donné, il y a une
person nalisation de la bataille qui fait que la commission aurait
peut-être besoin de plus de pouvoirs pour dire à quelqu'un. Les
études, c'est sur la table tout de suite qu'il nous les faut. C'est dans
ce sens là.
Je ne peux pas vous dire, en termes de mécanique, un
libellé pour un article de loi, mais je pense à ce
moment-là que la commission aurait dû dire à la ville de
Québec. C'est tout de suite sur la table, la loi l'exige. Et la
commissaire aurait pu, à ce moment-là, prendre une
décision sur le banc, dire: On est ici pour étudier les
documents. II est clair que les études de Citicom sont des documents
couverts par la loi puisqu'elles doivent être produites dans le cadre d
une résolution du conseil municipal, une entente. Ce sont donc des
documents qui de vaient être remis à la ville. C'est clair que ce
sont des documents publics, à ce moment-là, c'est une question de
pouvoir par rapport à la commission et je pense qu'on devrait
effectivement aller dans le sens de donner plus de marge de manoeuvre à
la Commission d'accès à l'information pour faire obéir les
récalcitrants.
Le Président (M Trudel): Merci Oui, M le
député d'Arthabaska Je reconnaîtrai ensuite le
député de Taillon.
M. Gardner: J'en aurais une petite vite, afin de prouver quelque
chose. Une petite courte On va se comprendre. II y a certainement une partie de
la question à laquelle vous allez pouvoir répondre facilement,
mais j'aimerais qu'on fasse la preuve. Vous avez quand même de
l'expérience. Quelle est la somme d'argent que vous avez
été obligé d'investir pour tout le dossier actuellement et
avez-vous une idée - c'est la deuxième partie qui est
peut-être plus dure, je suis certain que la première vous allez
pouvoir y répondre - avez-vous une idée du montant que la ville
de Québec a pu investir
dans ce dossier au point de vue défense, accès à
l'information seulement? Je ne dis pas dans le dossier pour amener...
M. Lemoine: D'accord. Juste en ce qui concerne l'accès
à l'information, je sais qu'à la ville de Québec II y a
une avocate, Me Vallée, qui est responsable des dossiers, donc, qui
s'occupe systématiquement de toutes les demandes d'accès et qui
vient plaider devant la commission. Donc, iI y a une personne. Elle ne doit pas
être à temps plein, mais c'est elle qui est responsable des
dossiers au contentieux de la ville.
Je vais laisser la parole à Pierre Maheux pour les coûts.
C'est lui qui est familier avec cela. Je ne pourrais pas évaluer cela:
à la ville il y a un taux horaire, j'imagine, ou c'est sur contrat que
les gens sont payés.
M. Maheux: Pour le groupe, pour le moment nos frais d'avocats, si
je parle des frais d'avocats seulement, sont d'environ 1000 $. En frais de
paperasseries diverses et de temps consacré, parce que toutes les
premières démarches, on les a faites, y compris les
séances à la commission, on fes a faites sans concours juridique.
On y est allé comme de grands garçons tout simplement. Pour ce
qui est du reste, rendus à la Cour pronvlciale, on a demandé un
avocat. Les frais de paperasseries et de temps qu'on a consacrés
là-dedans, on peut difficilement le calculer. Ce n'est pas dans notre
habitude. Pour ce qui est des frais supplémentaires, advenant que la
cause continue en Cour provinciale, on évalue les frais d'avocats
entre... J'ai demandé une évaluation récemment et on m'a
répondu: C'est au minimum 2000 $ à 3000 $ s'il n'y a pas un
second appel, si après cela on ne va pas à la Cour
supérieure ou à la Cour d'appel du Québec pour d'autres
motifs qui tourneraient à ce moment-là sur le fond de la
question.
Quant aux frais engagés par la ville là-dessus, le maire a
répondu par écrit à une question qu'on lui avait
posée en ce sens-là à l'avant-dernier conseil de ville. Il
a déclaré que les frais du contentieux c'était une
enveloppe annuelle et qu'il ne faisait pas de ventilation à
l'intérieur de cela.
M. Gardner: Mais vous comprenez le but de ma question, c'est pour
bien montrer que c'est assez disproportionné quand même.
M. Lemoine: Les 1000 $ dont Pierre a parlé sont uniquement
pour une permission d'en appeler devant la Cour provinciale. Donc, cela a
duré juste deux heures. Alors, on s'imagine que, si on va en Cour
provinciale sur le fond, cela va monter un peu plus rapidement.
M. Gardner: Plaise à notre président, les avocats
pratiquants coûtent plus cher que ceux qui ne pratiquent pas.
Le Président (M. Trudel): Plaise au député
de Taillon.
M. Filion: Juste...
Le Président (M. Trudel): M. ledéputé de Taillon.
M. Filion: Oui. Pas là-dessus, n'est-ce pas?
Moi aussi, je suis un avocat non pratiquant.
Le Président (M. Trudel): Sur ce que vous voudrez. On est
tout à fait... (17 h 45)
M. Filion: Je ne voudrais pas me compromettre.
D'abord, en ce qui concerne le dossier Citlcom lui-même,
évidemment, il est devant les tribunaux. Une décision a
été rendue par la commission. Vous comprendrez que les membres de
cette commission ne se prononceront pas - pas ici en tout cas - sur le fond du
litige qui vous oppose à la ville de Québec.
Je voudrais cependant vous féliciter. Vous avez d'abord
créé ce regroupement de citoyens et citoyennes. Vous avez
vécu différentes expériences qui vous ont toujours
demandé beaucoup de persévérance, beaucoup de conscience
sociale. Je dois vous dire que ce type de regroupement, de comité de
citoyens, etc., restera toujours, en définitive, le meilleur chien de
garde de la démocratie. Dans ce sens, je voudrais vous féliciter
d'avoir été patients, têtus même probablement dans
certains cas, pour arriver à faire valoir vos droits
démocratiquement en vertu des lois qui sont adoptées par le
Parlement. Il serait peut-être facile dans certains cas... Même
l'impatience doit vous gagner, l'irritation doit approcher, mais je vous incite
évidemment à continuer à faire ce que vous faites à
l'intérieur des paramètres que vous vous êtes
définis vous-mêmes.
Le droit d'appel est un gros problème. Le président l'a
soulevé, le député d'Arthabaska également. Vous
save2, dans son mémoire, dans son rapport de mise en oeuvre, la
Commission d'accès à l'information nous dit, et je résume,
je vulgarise: On pourrait abolir carrément le droit d'appel ou on
pourrait chercher à le rendre plus équitable en défrayant
le coût des avocats qui sont appelés à représenter
les citoyens parce que les frais sont énormes. Vous avez
déjà 1000 $ d'engagés et 2000 $ ou 3000 $ qui,
j'espère, vont suivre parce que cela va être le fond de l'appel
à ce moment Également, le rapport de mise en oeuvre
suggère que la commission elle-même puisse être partie au
débat, puisse être présente lors des requêtes pour
permission d'appeler pour faire valoir son point de vue.
De votre côté, vous suggérez qu'une certaine limite
soit inscrite au droit d'appel. Je vais vous dire que ces suggestions sont
intéressantes en ce qui concerne les limites au droit d'appel ou la
possibilité de rendre plus facile
l'accès aux services juridiques. Mais ils sont très
difficiles d"opérationalisation". Dans ce sens, je rappelle un peu ce
que j'ai dit ce matin et les membres de cette commission seront appelés
à discuter du droit d'appel lors d'une séance de travail. Le
droit d'appel n'est pas la seule procédure possible il y a toujours le
bref d'évocation qui, lui, vient corriger - et je vulgarise - les
excès les plus grossiers de la justice. II vient vérifier si les
règles de justice naturelle ont été appliquées. II
vient vérifier et contrôler le caractère de la
légalité de la décision rendue. Le bref d'évocation
va toujours rester. Dans cette optique... Parce que ce n'est pas facile de
limiter le droit d'appel ou de rendre des services juridiques. On a
déjà l'aide juridique Mais je comprends que vous n'avez pas
accès à l'aide juridique dans votre dossier. Vous me faites un
signe de tête pour dire qu'effectivement vous ne l'avez pas. II serait
difficile d'imaginer que, pour certaines instances judiciaires ou quasi
judiciaires, il puisse y avoir des frais d'avocat qui sont payés et
d'autres pas payés dans d'autres instances. Je pense que le
problème pour nous reste entier, c'est vraiment de décider si le
droit d'appel comme tel doit être laissé ou carrément
aboli. Je ne pense pas, en deux mots, qu'il y ait beaucoup de solutions
mitoyennes. Possiblement, mais on verra au fil de nos auditions, en tout cas,
d'instinct, je ne crois pas qu il y ait beaucoup de... Oui?
M. Lemoine: Sur les décisions préliminaires, |e
pense qu'il ne devrait pas y avoir de droit d'appel, à savoir si un
document est et doit être déposé devant la commission ou
non, je pense qu'à ce moment cela devient une guérilla
judiciaire. Je pense que la commission devrait avoir le droit de statuer si
effectivement un document doit être ou ne doit pas être soumis.
C'est quand même assez rare que cela arrive. Normalement, les organismes
publics, de bonne foi vont présenter les documents Mais, dans le cas qui
nous concerne, il est clair que, lorsque la commission a demandé que les
documents soient déposés sur la table, on lui a dit qu'ils
étaient partis à Toronto. Donc, on s'était
défilé devant la loi et on a sorti toute la ribambelle d'avocats
pour essayer de prouver que - je veux dire - il y avait des doutes sur la
constitutlonnalité de la loi. À ce moment, la commissaire a eu
à trancher. Je pense que la ville n'aurait pas dû avoir le droit
d'appel là-dessus. Sur le fond, lorsqu'on lui demandera, lorsqu'on lui
dira: Peut-être que vous devez rendre publique une partie des
études, s'ils ne sont pas d'accord, là, ils pourront aller en
appel. Je pense que, compte tenu de l'importance du dossier, peut-être
que c'est un droit qu'ils doivent conserver. Mais je pense qu'au moins au
niveau des décisions préliminaires cela devrait être aboli
carrément.
M. Filion: D'accord Encore une fois, l'appel dont vous attendez
la décision sur la requête pour permission d'appeler est
uniquement sur une décision intérimaire de déposer le
document.
M. Lemoine: C'est cela.
M. Filion: à la suite de quoi il y aura le débat
à savoir si le document sera ou non accessible.
M. Lemoine: Voilà. Après cela, on va revenir devant
la commission d'accès si jamais ce problème se règle pour
discuter du fond. On dit L'appel devrait être uniquement sur le fond et
non pas sur une décision préliminaire. Cela serait au moins une
limite.
M. Filion: Bon. J'espère que vous allez conserver votre
patience. Jusque-là parce qu'on peut Imaginer les étapes qui
s'ensuivent. Deuxièmement, juste un détail. J'ai la même
réaction que le président en ce qui concerne les 0,50 $ à
la ville de Québec.
M. Lemoine: M Maheux.
M. Filion: On m'informe, on a fait vérifier comme iI faut
la question des 0,25 $, et c'est 0,25 $. II existe des franchises de 5 $ dans
certains organismes, mais pas dans les municipalités Vous êtes
entièrement.
M. Lemoine: À moins qu'ils ne vous aient facturé
pour une page recto verso, on ne le sait pas.
M. Filion: Donc, vous êtes entièrement dans votre
droit en ce sens. Vous connaissez, je pense, certains représentants de
la commission d'accès et si vous avez besoin d'information quant
à ce qu'il faut suivre, allez-y parce que les décrets
découlent des lois, les lois sont votées par les
députés et cela s'applique autant à la ville de
Québec que cela peut s'appliquer au CLSC de Saint-Sauveur ou à
n'importe quel autre organisme. Je pense que vous en êtes conscient. Vous
avez le fin mot du règlement ici cet après-midi. Moi, en tout
cas, je vous incite à faire valoir tous vos droits vis-à-vis de
quelque organisme public que ce soit. Encore une fois, la loi, si elle n'a
peut-être pas des crocs de tigre, contient quand même suffisamment
de recours, de ressorts pour faire en sorte que, pour les citoyens comme vous,
elle puisse fonctionner autant en hiver qu'en été. Quand
j'entends cela je vais vous le dire, cela m'horripile. Je ne sais pas si le
responsable de l'accès à l'information à la ville de
Québec connaît les règlements, il doit sûrement
connaître les règlements, il est responsable de l'accès
à l'information à la ville de Québec et je ne sais pas ou
niche ce personnage-là, mais, à un moment donné, 0,25 $,
c'est 0,25 $. Lorsque le législateur prend une décision via le
gouvernement ... Dans ce cas ci, en tout cas, je vais vous
dire, tenez-moi au courant là-dessus personnellement parce que je
trouve cela absolument révoltant. On décourage les citoyens et
c'est une façon indirecte, etc., puis vous avez raison de le souligner,
les documents sont de plus en plus volumineux.
Les conseillers en gestion que les municipalités engagent vont
avoir le don de faire des rapports de plus en plus épais, il va falloir
fouiller de plus en plus pour trouver exactement ce dont on a besoin comme
citoyen. Alors, si à cette patience que vous avez il faut ajouter le
fait qu'on vous traite d'une façon contraire aux lois et aux
règlements, bien je vais vous dire: On en demande peut-être trop
des citoyens dans une démocratie. Que ce soit à la ville de
Québec ou à la ville de Longueuil qui est dans mon comté,
si ce type de situation-là est porté à notre connaissance,
je pense que c'est absolument révoltant! Combien de citoyens ont
dû retourner chez eux en faisant le calcul que cela n'a pas d'allure!
Il faut aussi comprendre que la loi n'existait pas il y a cinq ans, que
nous sommes Ici, d'ailleurs, dans le cadre d'un rapport de mise en oeuvre pour
faire en sorte que cette loi-là fonctionne autant en été
qu'en hiver et, en ce sens-là, en ce qui concerne la formation politique
que je représente, l'Opposition officielle, Je vous remercie d'avoir
pris le temps de venir nous exposer les petits problèmes que vous vivez
avec des décisions interlocutoires qui sont portées en appel,
alors que le fond du litige n'est toujours pas réglé et nous
raconter le type d'ennuis et d'Inconvénients, de barricades qu'on met
à l'exercice de vos droits les plus fondamentaux Merci de votre
mémoire, merci de vous être déplacés. C'est dans le
Journal des débats, mais je vous le répète, tenez-moi au
courant sur les 0,25 $ ou 0,50 $ parce que, si les gens n'entendent pas raison,
on emploiera des plus gros moyens. Voilà!
Le Président (M. Trudel): Merci. M. le
député de Taillon.
Oui, M. le président.
M. Lemoine: II y a un point sur lequel on est passé
rapidement, c'est la question d'identification des documents, et qui est
important parce que nous, on est peut-être un peu plus
persévérants que la moyenne, mais je sais, pour avoir à
plusieurs reprises fait des demandes que, quand les gens n'ont pas le titre
exact du document, ils sont souvent découragés parce qu'on leur
dit: Si tu n'as pas le titre, tu ne peux pas faire de demande. Donc, à
ce moment-là, certains documents.., Comme, par exemple, la
première fois qu'on est allé à la commission
d'accès, c'est parce qu'on avait des entrées auprès de
certains fonctionnaires qui nous ont appris l'existence de ces
documents-là qu'on a pu les demander, mais le citoyen ordinaire qui dit:
Je pense qu'il doit y avoir une étude dans tel service qui concerne la
maison à côté de chez nous ou la rue à
côté de chez nous et à qui on dit qu'elle n'existe pas,
qu'il ne peut pas faire de demande d'accès ou qu'il faut qu'il trouve le
titre précis, je me demande comment ce citoyen-là peut faire pour
aller plus loin dans sa démarche. II faut quasiment qu'il convainque les
responsables de l'accès de l'existence du document, pour que lui aille
le chercher après. Donc, II y a quand même un problème
à ce chapitre-là, en termes d'identification de
l'information.
M. Filion: Je l'avais noté tantôt quand vous l'aviez
dît, mais à ce sujet-là, est-ce que le citoyen ne peut pas,
avec le responsable de la Commission d'accès à l'information qui
aide à la formulation de la demande, formuler sa demande d'une
façon suffisamment générale pour être sûr
d'aller chercher les bons papiers? Est-ce que ce n'est pas cela qui se passe en
réalité?
M. Lemoine: On a un exemple précis: nous, cela fait
longtemps qu'on demande à la ville de Québec d'avoir les dossiers
des 70 expropriations à la Grande place. Il y a eu entre 1970 et 1985 70
expropriations. Il y a, à la division des propriétés
municipales, des archives qui existent. On est sûr qu'il y a des
documents parce que des gens ont publié des documents comptables, ils
ont fait des additions. Donc, iI existe des documents et on a demandé
à plusieurs reprises ces documents-là. C'est très
difficile parce qu'ils nous disent qu'ils n'existent pas, qu'il n'y a pas de
document. Quand on dit qu'il n'y a pas de document, nous, on sait et on peut
faire la démonstration que les documents existent, mais on ne peut pas
aller à la commission d'accès en disant: ils nous disent que les
documents n'existent pas. Quand une municipalité dit qu'elle n'a pas de
document et que nous on a la preuve d'une certaine façon que ces
documents... Vous voyez le problème. On dit: II y a 70 dossiers qui
concernent 70 expropriations, on aimerait bien voir ce qu'il y a dans ces
dossiers. La ville nous dit: Non, ce n'est pas dans nos dossiers
présentement. Qu'est-ce que le citoyen peut faire dans ce
temps-là?
M. Filion: Quand les représentants des organismes ou de la
municipalité vous disent que cela n'existe pas, à ce
moment-là ils le disent sous serment?
M. Lemoine: Ils le disent par écrit, c'est le responsable
de l'accès,
M. Filion: Mais est-ce qu'ils le disent sous serment?
M. Lemoine: Non, je ne le pense pas. C'est une lettre. C'est la
lettre du responsable à l'accès qu'on reçoit.
M. Filion: En deux mots, il n'y a pas
d'audition?
M. Lemoine: Non, non, non. À ce moment-là, vous ne
pouvez pas appeler pour des documents qui n'existent pas. Cela, c'est aussi un
problème qui peut entraîner le découragement de certains
citoyens lorsque la municipalité... Ces problèmes-là se
posent surtout lorsque les documents sont plus stratégiques, ont une
certaine importance, lorsque c'est un dossier d'actualité. Plus le
dossier est "chaud" - entre guillemets - plus ii va être difficile de
prouver l'existence du document ou plus te citoyen va avoir de la misère
à avoir de l'information sur ce dossier-là.
Le Président (M. Trudel): Avez-vous terminé, M. le
député de Taillon?
M. Filion: Je vous remercie également sur ce
point-là. J'avais mal saisi quand vous avez parlé de
l'identification des documents. Je pensais que vous parliez de la
dénomination, en deux mots, l'art de nommer le document. Mais là,
vous parlez du moment où l'on vous répond: Non, il n'existe pas,
le document.
M. Lemoine: ...trouver où est le document, le
répertorier. Il faut quasiment faire la preuve auprès du
responsable que le document existe pour qu'on puisse simplement demander
l'accès.
M. Fiiion: D'accord, merci.
Le Président (M. Trudel): Alors, madame et messieurs, je
vous remercie de vous être déplacés pour, comme le disait
le député de Taillon, nous exposer des problèmes bien
réels que vous rencontrez et que nous, comme parlementaires, qui n'avons
pas à faire face quotidiennement à ce genre de problème ne
soupçonnons peut-être même pas, ou pas comme on l'aurait
dû. Pour moi, ce fut très instructif et si le député
de Taillon, pour le parti de l'Opposition, s'est engagé à suivre
ce dossier, vous pouvez compter sur ma collaboration pour le suivre au nom du
parti ministériel - je ne parle pas nécessairement au nom du
gouvernement, je ne fais pas partie du Conseil des ministres - de cette
commission. Informez-nous de l'évolution de ce dossier et nous le
suivrons de très près. Merci beaucoup.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures, ce soir.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
(Reprise à 20 h 7)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de la culture reprend sa consultation
générale concernant le rapport sur la mise en oeuvre de la Loi
sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection
des renseignements personnels. Excusez-moi si je compte. J'ai plus de noms sur
ma liste que j'ai de personnes en face de moi.
Nous avons le plaisir d'accueillir des représentants de la
Société des alcools du Québec, d'Hydro-Québec et de
la Société de transport de la Communauté urbaine de
Montréal. Qui est le porte-parole de...
M. Tremblay (Jocelyn): C'est mol qui suis le porte-parole.
Le Président (M. Trudel): Alors, si vous vouiez bien nous
présenter les gens qui vous accompagnent, pour fins d'identification
pour le Journal des débats.
Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue à cette
séance de la commission. Vous n'étiez pas parmi nous aujourd'hui.
Donc, je rappelle très brièvement les règles du Jeu. Vous
avez plus ou moins, et autant que possible moins que plus, 20 minutes pour
résumer le mémoire, que les membres de la commission ont lu,
d'ailleurs, et qui a déjà été résumé
par les services de recherche de la commission. Donc, un résumé
fera l'affaire et après cela il y aura une discussion de 40 minutes avec
les membres de la commission. Au total, nous aurons le plaisir de converser
avec vous pendant plus ou moins une heure.
Alors, M. le président, je vous cède la parole en vous
demandant encore une fois de vous identifier et d'identifier les gens qui vous
accompagnent.
Hydro-Québec, STCUM et SAQ
M. Tremblay (Jocelyn): Merci, M. le Président. Messieurs,
madame, les membres de la commission, mon nom est Jocelyn Tremblay, je suis
président de la Société des alcools. D'abord, je voudrais
vous présenter les membres qui m'accompagnent. Il y a Mme
Hélène Leclerc, de la STCUM. Il y a Me Jean-Yves Nadeau, qui est
aussi un représentant de la STCUM. Il y a Me Jean Bernier,
d'Hydro-Québec, Me Yvon Duplessis, avocat conseiller dans le dossier, et
Mme Denise Bilodeau, qui est secrétaire administrative de la
Société des Alcools du Québec.
Le Président (M. Trudel): Très bien. Alors, si vous
voulez procéder avec votre mémoire.
M. Tremblay (Jocelyn): M. le Président, je voudrais
d'abord vous remercier de l'occasion que vous nous donnez de venir
présenter le mémoire que nous vous avons déjà
donné. C'est un mémoire qui a été
présenté, comme vous l'avez constaté, par trois organismes
d'État qui sont Hydro-Québec, la STCUM et la
Société des alcools.
Vous me permettrez d'abord de vous dire que ce mémoire a
été préparé à la suite de
longues discussions et après mûres réflections,
à la suite aussi de l'application que nous avons tenté de faire
au meilleur de nos moyens concernant la loi sur l'accès à
l'information. C'est un mémoire que nous avons préparé,
comme je le disais, avec beaucoup d'attention et beaucoup de soin. Avec les
difficultés éprouvées au cours de l'année dans
l'application de cette loi, nous avons retenu essentiellement quatre
éléments qui nous apparaissent très importants et qui,
à notre avis, devraient faire l'objet d'une attention plus
particulière de la part de la commission pour nous permettre de
continuer à remplir notre mandat de gestionnaires de
sociétés d'État tout en respectant non seulement la loi
sur l'accès à l'information, mais aussi l'esprit de cette
loi.
Pour ne pas alourdir la présentation étant donné
que les membres de la commission ont probablement déjà lu le
rapport dans son entier, si vous me le permettez, je voudrais, pour
cristalliser un peu ou fixer les idées, simplement lire le
résumé de synthèse et, par la suite, nous serons à
votre disposition pour répondre aux questions de la commission.
La Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la
protection des renseignements personnels, adoptée par l'Assemblée
nationale du Québec le 22 juin 1982, précise deux des droits
fondamentaux reconnus par la Charte des droits et libertés de fa
personne: le droit à l'information et le droit au respect de la vie
privée. La loi sur l'accès à l'information énonce
trois principes généraux: le droit de toute personne physique ou
morale d'avoir accès aux documents détenus par un organisme
public; deuxièmement, le droit pour toute personne physique à ce
que ne soient pas divulgués par un organisme public les renseignements
qui la concernent et qui permettent de l'identifier; troisièmement, le
droit pour toute personne physique d'être informée de l'existence,
dans un fichier de renseignements personnels, d'un renseignement nominatif la
concernant et d'en recevoir communication.
Il est à noter que nos organismes publics ont tout mis en oeuvre
pour répondre à la lettre et à l'esprit de la loi sur
l'accès à l'information. D'après notre expérience,
les responsables de l'accès aux documents ont répondu
affirmativement à la très grande majorité des demandes
d'accès à l'information. Dans la plupart des cas de refus, la
Commission d'accès a l'information a confirmé la décision
du responsable de l'accès aux documents.
Toutefois, il s'est avéré que l'application pratique de la
loi a posé certaines difficultés que tous auraient avantage
à solutionner le plus rapidement possible dans le but d'améliorer
la qualité des services offerts à la collectivité.
En vertu de l'article 179 de la loi, la Commission d'accès
à l'information doit, au plus tard le 1er octobre 1987, soumettre au
gouvernement du Québec un rapport sur la mise en oeuvre de la loi, sur
l'opportunité de la main- tenir en vigueur et, le cas
échéant, de la modifier. De plus, l'article 179.1 de la loi
énonce que ce rapport devra être étudié en
commission parlementaire, et c'est ce que vous faites présentement.
C'est pour profiter de cette occasion offerte aux organismes publics que nous
aimerions vous faire part des difficultés que nous avons à
affronter, tout en espérant que vous pourrez aussi y apporter une
solution appropriée.
Nous sommes entièrement d'accord avec les principes de base
exprimés par la loi sur l'accès. En effet, la loi a eu l'effet
bénéfique d'attirer notre attention sur certaines questions
très Importantes se rapportant à la gestion efficace de
l'information. Cependant, d'après notre expérience, certains
problèmes se sont révélés, à notre avis,
insurmontables dans le contexte de la loi dans sa forme actuelle. C'est dans le
but de remédier à ces problèmes, tout en préservant
les buts essentiels de la loi, que nous vous proposons bien respectueusement
les modifications suivantes.
D'abord, nous recommandons que la lot sur l'accès soit
modifiée afin de prévoir qu'un organisme public puisse refuser de
divulguer des renseignements reçus par une personne ou par un membre de
son service de sécurité interne lorsqu'une telle divulgation
devient susceptible d'entraîner l'une des conséquences
énumérées à l'article 28 de la loi. De plus, nous
recommandons que cette nouvelle exception ne soit disponible qu'aux services de
sécurité interne dont rétablissement et l'exploitation
sont expressément prévus par un règlement adopté
par le gouvernement en vertu de la toi sur l'accès. (20 h 15)
Deuxièmement, nous recommandons que l'article 32 soit
modifié de la façon suivante, à savoir qu'un organisme
public peut refuser de communiquer un document lorsque sa divulgation est
susceptible d'avoir un effet sur une procédure judiciaire.
Troisièmement, nous recommandons que l'article 35 soit modifié
pour y prévoir qu'un organisme public puisse refuser de communiquer les
mémoires de délibérations d'une séance de son
personnel de direction dans l'exercice normal de ses fonctions. Enfin,
quatrièmement, nous recommandons que l'article 65 sort modifié
pour y prévoir que le ministre responsable de l'application de la loi
puisse, par règlement, exempter certains organismes de l'obligation
créée par ledit article.
M. le Président, je voudrais vous faire remarquer et souligner
entre autres le caractère commercial des organismes qui ont
préparé ce mémoire. À mon avis, le caractère
commercial de nos entreprises nous rend très difficile l'application de
la loi dans le contexte actuel. Si je peux parier de la Société
des alcools - nos collaborateurs pourront parler de chacun de leurs organismes
- lorsqu'on considère, par exemple, le cas de la sécurité
dans nos entrepôts, dans nos magasins, c'est inévitable,
indéniable qu'il nous faut prévoir des mécanismes et des
organismes
qui sont en mesure de protéger en fin de compte les biens de
l'État. À titre d'exempte, à la Société des
alcools nous avons des Inventaires moyens permanents dans nos entrepôts
qui se chiffrent par au-delà de 100 000 000 $.
On ne peut pas Imaginer qu'un organisme de la taille de notre entreprise
ne puisse pas avoir de systèmes ou de personnes de
sécurité interne qui soient en mesure d'établir ou d'avoir
des mécanismes de sécurité de façon à se
prémunir contre le vol, que ce soit vis-à-vis de ses
employés ou du public. C'est dans cet esprit que sont faites les
recommandations. Ce n'est pas du tout dans le but de vouloir contester la loi
sur l'accès à l'information. Pas du tout. Je pense que cette loi,
comme nous l'avons répété à plusieurs reprises dans
le mémoire, nous a permis de prendre conscience de la
nécessité et de l'utilité d'une bonne gestion de
l'information à l'intérieur de nos entreprises. C'est dans cet
esprit que nous vous soumettons très respectueusement les modifications
à la loi actuelle.
Le Président (M. Trudel): Je vous remercie. Est-ce que
d'autres de votre délégation auraient des choses à ajouter
immédiatement ou peut-être préférez-vous le faire en
répondant aux questions des membres de la commission de la culture?
M. Nadeau (Jean-Yves): Cela va. On va attendre au moment de la
période des questions.
Le Président (M. Trudel): Très bien. Nous y voici.
Je vais entreprendre ce qu'on a déjà appelé, mais pas dans
cette commission-ci, on y assiste rarement à des séances de
mitraillage... Je vais me jeter à l'eau le premier.
M. le président, comme tout le monde je connaissais votre
société - je m'adresse au président de la SAQ - la
qualité de son service de façon générale. Ce que
j'ai appris dans votre mémoire entre autres, en plus de vos opinions sur
la loi sur l'accès à l'information et des difficultés, sur
lesquelles je reviendrai, que vous dites rencontrer, c'est presque l'art de
commettre des larcins contre la société. Vous avez des choses
assez convaincantes dans votre mémoire, dans une annexe à votre
mémoire.
Ma première question, M. le président,- selon ce que vous
répondrez, j'en aurai peut-être d'autres; sinon je céderai
la parole à mes collègues - portera non pas sur l'article 28 -
j'y reviendrai peut-être tantôt, mais je pense que mes
collègues vont le faire à ma place, si je n'y reviens pas - mais
sur votre troisième recommandation que j'ai ici dans un
résumé. J'essaie de retrouver la page. Vous recommandez d'amender
l'article 35 de façon à y prévoir qu'un organisme public
puisse refuser de communiquer les mémoires de
délibérations d'une séance de son personnel de direction
dans l'exercice de ses fonctions. Voici une demande qui nous est faite par
plusieurs organismes totalement différents les uns des autres, que ce
soit un centre hospitalier, l'AHPQ nous l'a faite cet après-midi, que ce
soit autre chose Voici que vous arrivez avec globalement te même genre de
recommandation.
Ma première réaction c'est de me dire: Oui, pourquoi pas,
avec des nuances, bien sûr. Ma deuxième réaction, je vais
vous poser une question sur la deuxième réaction plutôt que
sur ma première. Le personnel de direction, pour qu'on sache de quoi on
parle, chez vous, il consisterait en quoi? Je m'adresse aux porte-parole des
trois organismes les uns à la suite des autres. On comprend quoi
à la SAQ, disons, par le personnel de direction? Cet après-midi
les hôpitaux nous disaient: Tel comité... On savait dans l'espace,
dans le temps et physiquement en quoi cela consistait. En quoi cela
consisterait-il chez vous, M. le président de la SAQ, le personnel de
direction qui pourrait être exempté et dont les mémoires de
délibérations ne seraient pas accessibles au grand public?
M. Tremblay (Jocelyn): Oui. Le personnel de direction dont on
parle, dans la structure actuelle de l'entreprise, il y a d'abord un conseil
d'administration, il y a un comité exécutif, il y a des
comités de vérification Interne, des comités de ressources
humaines, il y a aussi le comité de gestion interne dans l'entreprise.
C'est constitué des vice-présidents. Or, bien entendu,
d'après nous, toutes les décisions qui sont prises à ces
niveaux peuvent engager l'entreprise de la Société des alcools
aux points de vue financier et commercial. Il y a aussi d'autres groupes de
direction qui peuvent engager l'entreprise. D'après nous, on
considère que, par exemple, les directeurs des secteurs, les directeurs
des ventes, les directeurs des entrepôts constituent aussi à
l'occasion des comités de décision. Si tous les documents qui
sont présentés à ces comités de décision
sont susceptibles éventuellement d'être distribués au grand
public, à notre avis, je pense qu'on va certainement créer une
contrainte très importante à la liberté de nos
gestionnaires qui vont être très réticents à
exprimer le fond de leur pensée ou vraiment leurs recommandations ou
leur opinion, sachant qu'ils seront toujours susceptibles d'aller sur la place
publique pour s'expliquer. Dans ce sens, on considère que les
comités de direction, c'est d'abord tous ceux qui peuvent engager la
société sur le plan commercial ou sur le plan juridique.
Le Président (M, Trudel): Vous avez répondu
à ma question quant au groupe concerné. Depuis l'entrée en
vigueur de cette loi, est-ce qu'on a pu constater, à la SAQ ou dans les
autres organismes, ce que vous êtes en train de nous décrire comme
réaction des dirigeants susceptibles de voir l'une ou l'autre de leurs
discussions ou des documents sur lesquels ils ont pris des décisions...
J'apprécie, soit dit en passant, dans le cas des trois organismes, la
nature commerciale. J'admets avec vous que nous sommes dans un domaine qui est
peut-être un
peu particulier. Est-ce que depuis l'entrée en vigueur, donc
depuis cinq ans, ou les trois dernières années, on a pu
apprécier ce que vous nous dites?
M. Tremblay (Jocelyn): Je dois vous dire que je pense, à
moins de me tromper, qu'on n'a jamais eu de demande sur la publication de
rapports d'analyse d'un comité de direction ou de directeurs chez nous.
Je dois vous dire que, vraiment, la conscientisation de cette obligation
créée par la loi, on l'a eue il y a seulement quelques, je
voudrais presque dire quelques mois, mais au maximum une année. Les gens
ont commencé à réaliser quelle était l'importance
de cette loi et quelles étaient les conséquences des rapports ou
des analyses qu'ils peuvent être en mesure ou qu'ils peuvent être
obligés de produire. On n'a jamais eu de demande formelle concernant les
rapports de direction, les rapports des comités de gestion.
Le Président (M. Trudel): Est-ce le même cas dans
les deux autres organismes qui sont représentés ici?
M. Bernier (Jean): Jean Bernier, secrétaire
général d'Hydro-Québec. Je veux renchérir un peu
sur ce que M. Tremblay disait. Hydro-Québec est une entreprise qui est
fortement décentralisée. Nous avons dix grandes unités de
gestion qui chapeautent 43 sous-unités de gestion. En effet, dans la
plupart des grandes villes de province, à partir de Thetford-Mines,
Baie-Comeau, Sept-Îles, nous avons des secteurs qui sont organisés
pour pourvoir aux besoins de la clientèle. Dans chacune de ces
sous-unités, de ces grandes unités et plus loin en amont, au
siège social, il y a beaucoup de ce qu'on pourrait appeler des
assemblées délibérantes, des réunions de toute
espèce où les gens sont appelés à exprimer leur
point de vue, leur opinion, débattre des sujets. Je pense que cela va de
soi que ces discussions, ces délibérations dont on parle,
doivent, dans fa mesure du possible, rester entre les individus. Cela assure
une ouverture dans la délibération et cela permet, sans doute,
une meilleure décision.
Le pouvoir de décision est aussi décentralisé.
Là-dessus, il n'y a pas de question. À Hydro-Québec, que
ce soit par son conseil d'administration, que ce soit par son comité
exécutif ou par d'autres instances habilitées dûment par
des autorités précises à prendre des décisions, il
n'y a aucun problème à ce que les décisions soient rendues
publiques et soient connues. Ce qu'on dit, c'est: Laissons les gens qui ont
à les prendre bien discuter et bien approfondir leur sujet, assurons que
ces délibérations ou discussions restent entre eux; mais que, par
ailleurs, les décisions qui en résultent' soient rendues
publiques, cela va de soi. Il faut être pratiques, vous savez. Des
délibérations et les mémoires de
délibérations, qu'est-ce que c'est, finalement? Qui
prépare ces délibérations-là? Quel est l'exactitude
du rapport qu'on fait de ces délibérations? Va-t-on parler de
verbatim? Est-ce qu'on reprend l'idée générale? Je ne sais
pas, M. le Président, si vous avez déjà été
dans de grandes assemblées de cette nature, où les gens expriment
toutes sortes d'idées, et, quand on vient pour lire le compte rendu des
délibérations, tous et chacun disent: Ce n'est pas tout à
fait cela que j'ai dit, j'avais ajouté telle autre idée. De sorte
qu'en pratique, si on veut rendre fidèlement la
délibération, il faut quasiment la prendre en sténotypie
et la faire au texte. Quant au reste, cela ne représente pas
nécessairement, ni le climat, ni la couleur, ni l'intonation. Donc,
laissons les gens délibérer et axons nos efforts sur les
décisions qui sont prises, lesquelles, dans notre esprit chez nous, et
on ne se gêne pas pour le faire, sont rendues publiques à qui les
demande.
Le Président (M. Trudel): Si je peux répondre
à votre question, quand vous me dites: Je ne sais pas si vous avez
déjà assisté à des réunions, la
réponse est oui. Comme hommes politiques, on parle à des
journalistes et on a un peu le même phénomène. Comme hommes
politiques, cela nous est arrivé sûrement à chacun d'entre
nous d'assister à ce genre de réunion où quelqu'un, trois
semaines après, nous apporte un mémoire de ce qui a
été dit. On ne reconnaît ni ses paroles, ni surtout celles
des autres.
M. Bernier: Donc, vous me comprenez bien.
Le Président (M. Trudel): Je vous comprends bien, oui
M. Bernier: Parfait
Le Président (M. Trudel): Je vous poserais la même
question que j'ai posée à M. Tremblay. Depuis l'entrée en
vigueur de la loi, est-ce que vous avez eu des demandes formelles? Oui, vous en
avez eu, cela je le sais. Est-ce que cela a changé le processus de
décision, tes délibérations des cadres de direction
d'Hydro-Québec?
M. Bernier: Non, pas formellement. Non.
Le Président (M. Trudel): Vous continuez donc à
vous sentir à l'aise même si, un jour - je n'essaie pas de vous
mettre des paroles dans la bouche, ce n'est pas un contre-Interrogatoire -ce
genre de mémoire, si jamais votre suggestion d'amendement n'était
pas retenue par le gouvernement, même si un jour ces mémoires
pouvaient se retrouver dans le public.
M. Bernier: Cela n'a pas changé la
délibération. Les gens continuent de discuter aussi fermement
qu'avant, sauf qu'il y a pas mal plus de prudence à rapporter le
mémoire de délibérations et on met beaucoup plus l'accent
sur la
décision prise que sur tout le processus qui a amené
à la décision.
Le Président (M. Trudel): Oui, M. le président.
M. Tremblay (Jocelyn): J'aimerais rajouter que dans ce processus
de décision, dans les rapports présentés à
différentes instances de décision dans l'entreprise, il y a aussi
des rapports d'ordre commercial qui ne doivent pas être publiés
tant que la décision... C'est-à-dire que ta décision doit
être publiée, mais l'analyse commerciale ne peut pas être
publiée sans mettre en péril dans plusieurs cas les biens ou la
vocation commerciale de l'organisme d'État. Je voudrais prendre en
exemple la Société des alcools. Nous avons une usine de mise en
bouteilles. C'est évident que toutes les études concernant la
mise en marché, concernant la stratégie commerciale de notre
usine de mise en bouteilles, si les gens ou les autres sociétés
ou les autres entreprises ont accès à cette information avant
l'application du plan, vous avez une usine qui est en difficulté
très sérieuse dans sa compétitivité.
Le Président (M. Trudel): Je vous remercie. J'ai une
demande d'intervention de la part du député de Lotbinière;
comme il n'est pas membre de la commission, je vais demander le consentement
unanime des membres de cette commission pour permettre au député
de Lotbinière d'intervenir.
M. le député de Taillon.
M. Filion: Consentement. (20 h 30)
Le Président (M. Trudel): Consentement de la part de
l'Opposition. Est-ce que les collègues du parti ministériel... M.
le député de Lotbinière.
M. Camden: Merci, M. le Président, et évidemment
merci du consentement des membres de cette commission. J'aimerais
connaître de la part de M. Bernier, d'Hydro-Québec, comment la
société Hydro-Québec vit avec cette loi et comment elle
répond à la demande des citoyens, plus particulièrement
dans l'ensemble de ses études d'impact quant à des
décisions d'aménagement et d'infrastructure.
M. Bernier: Vivre avec la loi, on a eu le privilège, du
moins, personnellement, j'ai eu le privilège d'être invité
dès les débuts à participer à des colloques, des
forums ou des tables rondes, d'abord sur le projet de loi et
subséquemment sur l'élaboration du guide d'application de la loi.
Donc, au départ nous étions relativement familiers avec la grande
mécanique.
Une des premières choses que nous avons faites a
été de désigner à travers le système
d'Hydro-Québec une centaine de personnes, qu'on a appelées des
répondants, auxquelles on a donné de la formation et auxquelles
on a communiqué les éléments essentiels de la loi, de
façon à pouvoir recevoir les demandes, à y donner
réponse dans la mesure du possible ou à les acheminer aux
responsables. Officiellement, depuis que la lof est en vigueur en 1984, on a eu
formellement 35 demandes à Hydro-Québec. Il y en a 16 ou 17
auxquelles on a répondu affirmativement; le reste a été
à toutes fins utiles refusé. On a eu cinq appels devant la
commission et on nous a donné raison sur les cinq appels. Dans ces
appels, iI y a eu un problème un peu particulier avec la Chambre des
notaires concernant l'accessibilité à de l'information nominative
dans des cas de transactions d'immeubles, parce que vous savez que, dans la Loi
sur HydroQuébec, les comptes ou le prix de l'électricité
fournie pour des fins industrielles et commerciales portent privilège
sur les immeubles sans enregistrement. De telle sorte que, lorsque les notaires
font des transactions pour vendre ces immeubles, évidemment c'est leur
devoir de s'assurer que les comptes dus au moment de la transaction sont bien
payés. En l'occurrence, comme ces sommes qui peuvent être dues
portent privilège sans enregistrement, cela devient essentiel pour le
notaire de bien s'assurer de l'état du statut de l'immeuble
vis-à-vis d'Hydro-Québec.
Alors, cela nous a amenés à beaucoup de discussions avec
la Commission d'accès à l'information. Nous sommes allés
à trois reprises devant la commission pour faire statuer sur certains
points d'information, assez curieusement - et c'est arrivé comme
ça - pour que la loi soit interprétée de façon plus
ouverte vis-à-vis de la communication de l'information. Nous
souhaitions, nous, à Hydro-Québec, que les professionnels
notaires - d'ailleurs, sur la base de leur serment d'office - puissent
recevoir, lorsqu'il s'agissait d'immeubles industriels et commerciaux, de
l'information nominative concernant le client mais strictement quant à
la partie due pour l'électricité.
En fait, il y a eu un grand débat. La commission a
précisé sa pensée dans différents Jugements qui ont
été rendus et, à ce moment-ci, le fond du dossier n'est
pas réglé. Je sais que le ministère de la Justice s'en
préoccupe et nous souhaitons qu'un jour cela soit, parce qu'autrement le
notaire doit obtenir le consentement du client. Souvent, le client n'est pas
présent. Il y a toutes sortes de problèmes qui se posent. Donc,
cela a été parmi les cinq dossiers que nous avons portés
devant la commission. Trois de ces cinq dossiers ont porté sur ce
point-là.
Dans l'ensemble cela se déroule bien et nous sommes
généralement ouverts à donner l'information. D'ailleurs
chez nous, quels sont les grands documents clés? C'est le plan de
développement. Il est public. Ce sont les règlements tarifaires.
Ils sont publics. Et nous sommes organisés, en termes de communication,
pour les donner aux clients. Les règlements qui concer-
nent les conditions de fourniture d'électricité sont des
documents publics. Ils sont imprimés en quantité bien suffisante
pour que tout le monde en ait. Ces documents-là sont donnés aux
clients. Les clients sont souvent préoccupés de leur dossier. Ils
appellent au bureau de service. Les préposés au bureau de
service, s'étant assurés de l'identification de leur
interlocuteur, ont un accès direct au dossier de l'abonné et lui
communiquent l'information.
Sur le plan des opérations régulières de
l'entreprise, cela ne crée pas de difficulté et nous n'avons pas
eu de demandes... D'abord, en nombre elles sont limitées, et de demandes
difficiles, cela n'a pas été le cas.
En ce qui concerne le plan d'équipement, les études
d'impact, les décisions d'Hydro-Québec relativement à ses
projets et tout, évidemment il y a souvent des moments où on est
un peu mal placés pour communiquer l'information, mal placés
parce que nous détenons certaines informations qu'on veut
réserver, par exemple, à la commission parlementaire de
l'énergie quand on y vient ou encore qu'on veut réserver à
ia décision ou à l'annonce du ministre. De telle sorte qu'il nous
faut, si vous voulez, naviguer, entre guillemets, entre plusieurs
volontés, entre plusieurs souhaits exprimés de part et d'autre.
Mais dans l'ensemble ça ne crée pas de difficulté.
M. Camden: M. le Président, si vous le permettez à
nouveau.
Vous venez de mentionner, M. Bernier, les études d'impact que
vous souhaitez réserver à la commission parlementaire ou encore
au ministre.
Une voix: Non, non.
M. Camden: Je dois vous dire que j'ai vécu des
problèmes particuliers quant aux études d'impact. Il
m'apparaît que, plutôt que réserver cela au ministre, qui
lui-même a fait des constatations plutôt surprenantes, et
même votre président, à certains égards, à
certains moments, a fait des constatations plutôt particulières...
Je vous entendais précédemment nous indiquer qu'on met davantage
l'accent - je vous cite - on met plus l'accent sur la décision que sur
les délibérations. Je dois vous indiquer que des citoyens
demandent au citoyen d'État Hydro-Québec les raisons et les
éléments sur lesquels il a délibéré pour
conduire à une décision. Particulièrement dans les
études d'impact, au moment où des décisions sont sur le
point d'être prises, ou relativement à, des éléments
sur la base desquels les décisions ont été prises, il nous
apparaît important que les citoyens soient au fait de ces
éléments qui sont une constituante très importante des
délibérations qui mènent à la décision.
C'est un commentaire personnel, mais là-dessus Hydro-Québec n'a
pas trop performé parce que. souvent et maintes fois, les études
d'impact ont été cachées, n'ont pas été
rendues publiques aux citoyens et également à des corps publics,
des municipalités, des municipalités régionales de
comté, des gens qui sont représentatifs. Loin de moi
l'idée d'identifier des gens dont on dit: Voici, ce sont des marginaux,
des verts, des écolos, mais des gens, dans la moyenne
générale et même, à bien des égards, je dois
vous dire, le député. Je dois vous dire que c'est avec un certain
étonnement que j'ai eu certaines informations concernant les
études d'impact. Bien souvent, les gens de mon milieu ont appris
davantage par la bande que directement par la société
d'État.
Je dois vous dire que l'accès aux documents des organismes
publics pourrait être encore plus radical à certains égards
puisque, bien souvent, cela concerne la vie, le milieu de vie des gens qui
devront composer avec des décisions pour lesquelles ils n'ont pas eu
accès à des délibérations On peut le
déplorer, mais je pense qu'il faudra plus que le déplorer dans
l'avenir. Il faudra prendre les mesures pour faire en sorte que les
sociétés d'État, dont Hydro-Québec, se comportent
en bons citoyens et fournissent le contenu de leurs
délibérations, plus particulièrement le contenu de ces
études d'impact, pour que les gens puissent apporter des
complémentarités d'information pour étoffer le document et
permettre aux sociétés d'État de prendre des
décisions plus justes et à la mesure de la réalité
du milieu des gens. Cela parait, évidemment, rempli de bons souhaits,
mais c'est très Important pour l'ensemble des résidents et des
citoyens, qu'ils soient de ma circonscription électorale ou
d'ailleurs.
Vous avez indiqué tout à l'heure qu'il y a 100 personnes
qui sont des répondants. Je ne sais pas si ce sont des répondants
que j'ai eu à côtoyer, mais, si c'en est, je dois vous dire que je
suis très inquiet quant à l'accès à l'information,
surtout quant à la façon dont on véhicule l'information au
citoyen.
J'aimerais entendre vos commentaires plus particulièrement
à la suite de la divulgation des études d'impact, des analyses
comparatives qui existent d'un milieu par rapport à un autre et qui
amènent à prendre une décision versus la consultation
établie auprès des citoyens, surtout les demandes d'Information
de ces mêmes personnes auprès de la société qui sont
souvent refusées, et je l'ai vécu.
M. Bernier: Que je sache, M. le Président, le contenu, le
gabarit général des études d'impact sont
déterminés au préalable par ce que je crois être le
ministère de l'Environnement qui, étant informé d'un
projet, nous indique de quelle façon il faut le présenter, ce
qu'il faut étudier et ce qu'il faut faire Ces études se font.
Il est possible qu'on ait une opinion sur la qualité de la
communication publique, qu'on ait des opinions sur le moment, sur la
manière de cette communication et sur tous ces
éléments-là. Là-dessus, vous savez, je ne suis pas
ici pour
vendre ou pour prêcher quoi que ce soit. Passer des lignes de
transport, parce que c'est sans doute ce dont on parle, ou penser Implanter un
barrage, c'est sûr que cela dérange toutes sortes de gens ou
toutes sortes de points de vue. C'est devenu de plus en plus complexe - on a un
exemple présentement d'une ligne - on a de plus en plus de
difficulté à nous Installer.
Quant à moi, comme responsable de la lof sur l'accès
à l'information, M. le Président, je n'ai Jamais reçu de
demande d'étude d'impact. Une demande d'études relatives au
barrage de Manic V nous été faite par notre syndicat des
ingénieurs, il y a un an et demi. Il y avait environ deux pieds et demi
de papier. On a fait venir nos amis les ingénieurs, qui étaient
nos employés, et on leur a remis les études. Il est difficile
pour moi de commenter le problème que vous mentionnez parce que vous
touchez à la qualité de la communication dans le champ. Je vous
assure qu'il m'est bien difficile de vous préciser ce qui se passe dans
le détail. Si vous avez des cas précis à m'apporter, il me
fera grand plaisir de les regarder et de fournir les réponses, si
réponse il y a à fournir, mais c'est une chose de parier de
l'accès à l'information dans le cadre d'une loi et autre chose de
parler de la qualité de la communication qu'une entreprise publique doit
faire relativement à ses projets. Je vous avouerai que je ne suis pas
tellement en état de parler qualité de communication dans le sens
que vous le mentionnez.
Le Président (M. Trudel): M. le président de la
Société des alcools.
M. Tremblay (Jocelyn): M. le Président, j'aimerais
peut-être faire un parallèle lorsqu'on parle d'étude
d'impact parce que cela nous touche aussi, à une échelle un peu
plus réduite. Par exemple, si on était obligé de
dévoiler ou de publier toutes les études d'impact lorsqu'il
s'agit de faire l'étude de localisation d'un magasin, je pense que, sur
le plan commercial, cela nous mettrait en très grande difficulté
parce que, avant d'aller en appel d'offres, on doit essayer de localiser la
zone commerciale la plus propice et la plus intéressante. À
partir du moment où on est obligé de publier ces études,
c'est bien évident qu'on peut être soumis à toutes sortes
de pressions dans la négociation de nos baux de location.
J'attire votre attention sur cet élément qui, à mon
point de vue, apparaît très important quand il s'agit de
protéger ta valeur commerciale ou les intérêts de
l'entreprise.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le président.
M. le député de Taillon.
M. Filion: Au nom de ma formation politique, je voudrais
souhaiter la bienvenue aux représentants des organismes devant nous ce
soir. D'une part, quant à moi, M. le Président, c'est fa
première fois que je constate que des organismes ont eu la bonne
idée de se regrouper pour présenter un mémoire à
une commission parlementaire, à la commission que je préside
moi-même. Je n'ai pas eu l'occasion d'assister à semblable chose
et je tiens à souligner que c'est une bonne idée.
Vous nous formulez ce soir quatre demandes particulières, mais je
suis convaincu que, à la première réunion, il y en avait
peut-être 40.
M. Tremblay (Jocelyn): II y en avait 23. (20 h 45)
M. Filion: II y en avait 23? Bon, voilà! À force de
discuter entre vous, vous en êtes probablement arrivés à
retenir les faits saillants, les points les plus importants des commentaires
que vous vouliez porter à l'attention des membres de cette commission
qui, comme vous l'avez souligné, sont réunis pour examiner
à l'intérieur d'une clause dite crépusculaire le
bien-fondé d'une loi, le bien-fondé de certaines modifications
à la loi.
Donc, bravo pour cette initiative, d'autant plus qu'on dit que l'alcool
et le volant ne font pas bon ménage mais je constate que la
Société des alcools du Québec et la Société
de transport de la CUM se sont bien entendues pour se liguer cette fois-ci et
faire bon ménage dans la présentation du mémoire.
Je voudrais attirer votre attention sur la recommandation que vous nous
présentez concernant l'article 28 qui, je dois vous le dire, à
première vue, me semble remplie de bon sens. Je me demande juste
où cela peut arrêter. Afin de protéger le caractère
un peu particulier des enquêtes de vos services de sécurité
Interne, vous demandez que ces enquêtes puissent être
assimilées aux enquêtes de nature policière et donc jouir
de la protection, si ma mémoire est bonne, de l'article 28 qui permet
à un organisme public de refuser la divulgation d'un renseignement
lorsque cela a notamment pour effet d'entraver le déroulement d'une
procédure, etc.
Je vous dis ma première réaction. Je trouve que c'est
plein de bon sens. Je me demande juste où cela peut arrêter.
D'abord, est-ce que tous vos organismes ont des services de
sécurité? Oui. Il y a d'autres organismes parapublics où
le service de sécurité est un peu administré par, en
somme, le soutien un peu normal de l'administration.
Vous savez aussi que la Commission d'accès à l'information
s'est un peu attachée à cette disposition et recommandait le
contraire de ce que vous nous recommandez. Quant à eux, ils voulaient
que l'article 28 soit, de façon très explicite,
réservé aux forces policières. J'aimerais peut-être,
à partir de l'expérience que vous avez vécue ou que vous
vivez, que celui ou celle d'entre vous qui se sentira à l'aise nous
émailler d'exemples concrets cette demande.
J'ouvre une parenthèse en terminant. On prend ici l'exemple de
Loto-Québec. C'est récent.
Ils ne sont pas ici. Ils ont fait une enquête de leur service de
sécurité mais ils ont contacté les policiers à un
moment donné. À ce moment, on pourrait dire que les
enquêtes de leur service de sécurité étaient
Intégrées à une forme d'enquête policière.
À ce moment, on pourrait appliquer l'article 28 peut-être en
l'étirant parce que je pense que la police téléguidait un
peu les opérations du service de sécurité interne. Est-ce
que finalement ce cas ne démontre pas qu'à l'intérieur de
la loi actuelle on pourrait aménager l'exercice des obligations de votre
service de sécurité interne? J'aimerais vous entendre
là-dessus.
M. Tremblay (Jocelyn): Oui. Je pense que si on prend le cas de
Loto-Québec qui s'est produit dernièrement cela demeure
très différent de celui, par exemple, des problèmes que
rencontre la Société des alcools. À ma connaissance,
à Loto-Québec entre autres, cela a été un
problème de vol. C'était une cellule qui faisait un vol
organisé.
Si on regarde chez nous à la Société des alcools,
on a des magasins distribués sur tout le territoire. On a 357 magasins.
C'est évident qu'on peut être l'objet de vols comme n'importe
quelle autre entreprise commerciale quant à la clientèle, quant
à nos employés. C'est aussi évident que pour des raisons
pratiques, s'il faut demander ou requérir le travail des policiers
à chaque fois qu'on a besoin de faire une enquête dans un magasin,
je pense que nous allons avoir de la difficulté à établir
le processus d'enquête, à avoir les systèmes qui nous
permettent de mesurer ou de vérifier si vraiment il y a vol ou fraude
dans un magasin.
Nous disons que c'est une question pratique. Par exemple, on a un doute
que dans un magasin on a des déficits d'inventaire et que ceux-ci
proviennent d'un employé qui a la main peut-être un peu trop
rapide à la caisse. On est obligé de prendre les moyens pour
essayer d'étoffer cette preuve, essayer de la mesurer avant d'aller dire
au Service de police: Écoutez, on est en train de se faire voler. Si
à tout bout de champ on vient dire aux policiers: MM. tes policiers, on
pense qu'on se fait voler dans tel magasin, je vous assure que les policiers
vont passer, iI y en a plusieurs qui vont travailler pour nous autres à
temps plein. On a présentement un service d'enquête qui regroupe
au-delà de 15 à 20 personnes qui travaillent à temps plein
dans le réseau et dans nos entrepôts.
Il y a tout un travail de déblaiement, un travail
préliminaire d'enquête qui doit être fait par nos services.
Si tous les éléments de preuve ou les éléments qui
peuvent conduire éventuellement à l'arrestation, à la
condamnation des personnes, si ces éléments doivent être
divulgués aux syndicats, au grand public ou encore à la personne
qui est l'objet d'une enquête, cela veut donc dire que nos services
deviennent absolument Inopérants à toutes fins utiles. C'est un
peu comme si on Installait une caméra vidéo dans un
entrepôt pour s'assurer que dans tel endroit il n'y a pas de vol de la
part de nos employés, mais qu'on passait l'avertissement qu'il y a une
caméra qui est installée dans nos entrepôts de telle date
à telle date parce qu'on fait un contrôle.
On dit: Écoutez, à ce moment-là, cela devient
inopérant. Dans ce sens, nos services d'enquête n'ont aucune
protection, n'ont aucun pouvoir, aucun moyen pour essayer de faire vraiment le
travail pour lequel on veut les payer. Je ne pense pas que la crainte que vous
avez que cela puisse s'étendre à toutes sortes d'organismes qui
vont faire des enquêtes à propos de tout et de rien... C'est la
raison pour laquelle, d'ailleurs, on recommande que ces services
d'enquête, dans le cas des entreprises d'État qui ont des actifs
importants à protéger, soient expressément prévus
et adoptés en vertu de la loi sur l'accès Nous, on est d'accord
avec vous qu'il y a plusieurs organismes publics qui existent qui peuvent
très facilement fonctionner, travailler avec les corps policiers
actuellement en faisant une plainte aux corps policiers, et les corps policiers
vont venir faire enquête. Mais, je vous assure que chez nous, s'il faut
faire des plaintes et attendre la venue de la police... Par exemple, Je regarde
sur le territoire de Montréal, nous avons 130 magasins; durant ta
période des fêtes, je vous assure que la police de Montréal
va travailler pour nous autres presque à 50 % de son effectif parce
qu'on est obligé d'établir des mesures de sécurité,
des moyens de contrôle qui sont à la fois des moyens de dissuasion
dans nos magasins, comme n'importe quelle entreprise. J'imagine que Steinberg,
Provigo, Eaton, tout te monde a les mêmes problèmes quant au vol
à l'étalage. Ce n'est pas spécifique à la
Société des alcools Peut-être qu'on est plus choyé
que d'autres parce que ce sont des produits qui sont facilement revendables,
mais...
Une voix: Plus comestibles.
M. Tremblay (Jocelyn): Plus comestibles, c'est ça.
M. Filion: Est-ce que finalement dans vos organismes, si le
législateur - parce qu'il va falloir qu'il trouve une formule pour
traduire cette réalité que vous décrivez. Vous parlez
d'enquêtes, vous parlez de sécurité. Il faudrait que ce
qu'on veut cerner soit dit clairement. Finalement, si on parle des
enquêtes des services de sécurité interne, par exemple,
cette expression couvre-t-elle la réalité de vos trois
organismes? Vous comprenez ma question? En deux mots, il faut le formuler
clairement dans la lof parce qu'on ne peut pas parler juste d'enquête. Il
peut y avoir toutes sortes d'enquêtes au sein d'un organisme. Ici on veut
protéger, du moins, c'est un peu te sens de votre mémoire, ce qui
touche à la sécurité..
M. Tremblay (Jocelyn): Des biens. M. Filion: ...des
biens.
M. Nadeau: Écoutez, dans le cas de la STCUM, vous
êtes au courant que nous transportons environ 700 000 personnes par jour
dans le métro. Il n'y a personne d'autre que le service de surveillance
de la STCUM qui est chargé d'appliquer le règlement sur la
conduite des personnes quant aux propriétés de l'entreprise. Ce
n'est pas le service de police de la communauté urbaine qui a ce
pouvoir. C'est la société de transport. Il y a tout près
d'une centaine d'agents de surveillance qui travaillent dans le métro
à assurer le confort, la sécurité du public, et aussi
à prévenir des infractions aux règlements qui sont en
vigueur. Je vous donne un exemple. L'an dernier en 1987, il y a eu 3909
plaintes qui ont été portées pour violation aux
règlements et au Code criminel, en particulier à l'article 118,
pour entrave à un fonctionnaire public dans l'exercice de ses
fonctions.
Je prenais connaissance également récemment du projet de
loi 75 qui est devenu loi le 18 décembre dernier, qui a
été adopté par l'Assemblée nationale, le Code de
procédure pénale. Il a pour effet, entre autres, de donner des
pouvoirs accrus aux personnes qui occupent des fonctions- comme celles qu'on a
chez nous, qui sont des agents de surveillance. Dès qu'ils sont des
fonctionnaires publics, au sens de la loi, on leur donne les mêmes
pouvoirs, avec certaines restrictions, dans le cas d'arrestation, par exemple,
que les agents de la paix. C'est sur le plan pénal, sur le volume
d'activité qu'on a à assumer là-dessus.
En matière de responsabilité civile, vous n'êtes pas
sans ignorer qu'il y a des gens qui se blessent dans le métro. Ce n'est
pas couvert par l'assurance automobile, les gens qui font des chutes dans les
escaliers mécaniques ou qui font des chutes parce qu'il y a des
arrêts brusques de métro, ou peu importent les causes. On a de
nombreuses poursuites, annuellement. Cela a toujours été comme
cela, bon an, mal an, cela augmente un petit peu, cela diminue un petit peu. On
sent chez nous qu'il y a des gens qui commencent actuellement à se
servir beaucoup de la loi d'accès pour venir chercher de l'information
avant d'entreprendre des procédures. Dans plusieurs cas on se rend
compte qu'on se fait littéralement mettre tout nu dans notre dossier
pour divulguer notre preuve carrément à l'avance. J'avais une
autre idée, malheureusement je l'ai oubliée.
Si vous me permettez, je n'étais pas intervenu au départ
à la question que vous aviez posée, M. le Président, sur
l'exclusion qu'on demandait quant aux personnes qui prennent les
décisions dans l'entreprise. Dans le cas de la STCUM, cela vise
particulièrement, évidemment, les délibérations du
conseil d'administration. Dans le cas de la société de transport,
vous n'êtes pas sans savoir que le conseil d'administration tient des
assemblées publiques. Les décisions sont prises publiquement.
C'est obligatoire. Elles sont toutes publiques. Il n'y a pas de
décisions qui peuvent être prises autrement qu'en public.
Là-dessus, iI n'y a pas de problème. Les procès-verbaux du
conseil d'administration sont ouverts au public. Depuis l'avènement de
la loi de l'accès à l'information, au total, en excluant celles
qui ont pu entrer aujourd'hui - je n'étais pas là, je ne le sais
pas - il y a eu 443 demandes. Évidemment, c'est allé en
augmentant, 4 en 1984, 18 en 1985, 141 en 1986, 180 en 1987. Je peux vous dire
qu'en 1988 cela augmente considérablement. Là-dessus, la
très grande majorité - quand je dis la très grande
majorité, je parle de quelque chose comme 99 % - des demandes ont
reçu une réponse affirmative. Il y a eu un cas qui s'est rendu
devant la Commission d'accès à l'information. On l'a
malheureusement perdu, mais finalement le droit d'accès à
l'information a été donné. On sent qu'on a du volume et on
va en avoir encore plus. On sent également que les gens commencent
à être conscients de la portée de la loi, et je rejoins ce
que Me Bernler disait tout à l'heure, les gens commencent à
être réticents dans des assemblées
délibérantes. Je ne parle pas des gens du conseil
d'administration mais je parle de la direction du côté de
l'exécutif. Les gens commencent à être très
méfiants sur ce qui est écrit. On contrôle beaucoup les
comptes rendus des réunions qui sont faits.
Ce à quoi on s'attend chez nous, notre demande porte
principalement sur les délibérations officieuses qu'il peut y
avoir entre les membres du conseil d'administration, mais qui ne donnent pas
lieu à des décisions, parce qu'elles doivent être
publiques. Les délibérations du comité de direction. Vous
êtes au courant, le titre II de la loi de fa communauté urbaine
qui crée la société de transport crée deux grands
pôles de pouvoir, un qui est le conseil d'administration et l'autre qui
est celui de la fonction de président-directeur général.
Le président ou la présidente-directrice générale
s'est créé un comité de direction qui siège de
façon statutaire toutes les semaines. Il serait utile de l'inclure dans
le groupe pour lequel on pense qu'il devrait y avoir une exemption. Il y a
également les comités qui sont créés en vertu de la
loi, à partir des articles 268 et suivants, qui sont les comités
du conseil d'administration qui ont une existence prévue à la loi
et qui regroupent, entre autres, actuellement, ie comité de
vérification interne, qui est un comité du conseil
d'administration chez nous. Il y a d'autres comités qui,
éventuellement, vont être créés. On l'a appris
récemment. Il faudrait que cela regroupe principalement cela, donc:
conseil d'administration, comité de direction et les comités du
conseil d'administration, pour le moment. (21 heures)
M. Filion: J'aurais une dernière question qui
s'adresserait plutôt à M. Bernler, d'Hydro-Québec,
et qui concerne le quatrième volet de vos commentaires, où vous
nous recommandez que l'article 65 soit modifié pour permettre au
ministre de créer une certaine catégorie d'exemptions ou
d'exceptions pour... Je parle de l'information qui est préalable
à la cueillette de renseignements, probablement, de ceux, dans le cas
d'Hydro-Québec, qui requièrent l'installation
d'électricité. On peut songer également, à la
société de transports, à ceux qui demandent des passes
mensuelles, alors tout ce qui concerne la cueillette de données, de
renseignements nominatifs. Vous nous recommandez donc, à ce
chapitre-là, à cause des ennuis que vous avez rencontrés,
à cause du fait que c'est un article à peu près pas
appliqué, parce que cela n'aurait pas d'allure... Avec la loi actuelle,
il y a six paragraphes. Imaginez que j'appellerais HydroQuébec, et je
leur dirais: Venez donc brancher l'électricité chez nous. Et
là, la personne qui s'adresse à moi me dit le nom et l'adresse,
l'usage auquel ce renseignement est destiné, la catégorie de
personnes qui auront accès à ce renseignement, le
caractère obligatoire ou facultatif de la demande de renseignement, les
conséquences, pour mol ou, selon le cas, pour un autre, d'un refus de
répondre à la demande, et les droits d'accès et de
rectification prévus par la loi. C'est un vrai cours, finalement, qu'on
demande au préposé à l'information de donner au
requérant.
Vous nous recommandez donc de créer des exceptions, mais la
commission, dans son rapport à la page 195, avait peut-être
trouvé une solution, tout en reconnaissant elle-même qu'il fallait
modifier cet article 65. La commission elle-même nous recommande,
à la page 195 de son rapport, l'abrogation de l'article 65 et son
remplacement par des obligations beaucoup moins lourdes, finalement. Ma
question est la suivante: Est-ce que la recommandation 24 de la commission
convient à Hydro-Québec?
M. Duplessis (Yvon): Si vous me permettez d'intervenir. Si vous
consultez la page 21 du mémoire, on dit qu'à défaut
d'adopter une telle recommandation, c'est-à-dire notre quatrième
recommandation, nous tenons à mentionner que nous sommes tout à
fait d'accord avec ta position prise par la Commission d'accès à
l'information. Or, il faut prendre aussi en considération le fait que ce
mémoire-là a été rédigé avant la
publication du rapport de la Commission d'accès à l'information.
Or, on a donc consulté te rapport à la suite de la
réception de celui-ci et on a ajouté un paragraphe, si vous
voulez. On mentionne que nous sommes tout à fait d'accord, en fin de
compte, avec la recommandation de la commission là-dessus.
M. Filion: Je croyais, étant donné que la
synthèse que vous avez faite de votre mémoire ne tenait pas
compte de cette argumentation, que finalement votre position était
plutôt de continuer à demander l'abrogation.
M. Bernier: Non, non. M. Filion: Mais vous...
M. Bernier: Non, non. Je peux vous assurer, M. Filion, je pense
que c'est une question d'ordre pratique... Vous en avez donné l'exemple
tantôt et je pourrais peut-être ajouter qu'une fois les six
paragraphes lus, c'était la pause-café; ce qui fait que le client
n'avait pas son service.
Des voix: Ha, ha, ha.
M. Bernier: Alors, en fait, c'est une question de gros bon sens.
Je pense que c'est très lourd pour des services que les gens sont
habitués d'avoir, il peut y avoir des exceptions, mais quant à
nous, le principe étant sur la table, on est bien prêts à
s'accommoder de tout allégement, de façon à ce qu'on soit
aussi diligents que possible envers les clients.
M. Filion: Avec la permission de mes collègues, juste une
dernière question. Vous vous souviendrez, en novembre 1987, M. Bernier,
les journaux avaient fait état de la création du superfichier
d'Hydro-Québec, superfichier de renseignements personnels
d'Hydro-Québec. En novembre 1987, notamment. Je crois
qu'Hydro-Québec révisait un petit peu son fichier de
renseignements. Sauf erreur, des contacts ont été établis
avec différents organismes, associations de consommateurs, probablement
la Ligue des droits libertés. Je veux aussi savoir où en sont
rendus les contacts et te dossier relatif au fichier d'Hydro-Québec.
M. Bernier: Les divers groupes de consommateurs sont en relation
avec nos gens du marché interne pour essayer de bonifier, st vous
voulez, et, dans certains cas, de faire disparaître certains types
d'information. Il y a tout un débat actuellement sur le numéro
d'assurance sociale. Les discussions se poursuivent. On a un projet de
formé, un comité consultatif à Hydro-Québec
composé des gens de ces associations, un comité qui
siégerait de façon régulière pour "monitorer",
excusez l'expression, les politiques générales
d'Hydro-Québec en matière de relation avec ses clients, en
matière de demandes d'information, en matière d'interruption de
service, en matière de présentation des factures, en fait, tous
les domaines où Hydro-Québec a une relation directe avec son
client. Ce sont des choses qui se développent et qui sont en voie de se
placer tranquillement. Il faut se dire que ce n'est pas nouveau, nous avons eu,
à intervalles plus ou moins irréguliers, des rencontres avec
diverses instances, par exemple, dans l'année 1982, avec la Commission
des services juridiques pour divers problèmes relatifs aux interruptions
de service.
Les relations se développent et cela devrait porter des fruits.
Nous tentons d'une part d'alléger les procédures.
Nous tentons, d'autre part, de nous protéger aussi, parce qu'il
faut toujours être conscient de deux choses: Hydro-Québec n'a pas
ie choix de ses clients et Hydro-Québec a un système de relations
avec ses abonnés qui est essentiellement basé sur un
système d'honneur. Lorsque quelqu'un appelle Hydro-Québec et
demande de l'électricité, il a de l'électricité; et
il ne sera facturé, pour le service, que deux mois après te
début de la livraison et ce n'est généralement
qu'après cinq ou six mois que seront entreprises les premières
démarches en vue de la perception d'un compte qui n'est pas payé.
Il s'agit de tenir compte de ces deux éléments. Les "write-up"
d'Hydro, en passant, sur les comptes de clients qui ne sont pas payés,
annuellement cela représente 20 000 000 $ de pertes pour
Hydro-Québec. Il s'agit donc de tenir compte de ce système que
l'on veut maintenir comme cela, parce qu'il est efficace et rapide et, d'autre
part, if faut apporter une certaine attention, si vous voulez, plus
particulière à certains individus, dans certaines circonstances
et pour certains cas. Donc, c'est un dosage, un équilibre qu'il faut
constamment rechercher pour essayer de maintenir ces deux volets.
M. Filion: Je comprends l'Intérêt
d'Hydro-Québec pour 20 000 000 $ de mauvaises créances. Le
chiffre parle par lui-même. Il est quand même assez énorme.
Il y a peu d'entreprises au Québec qui pourraient se targuer, en fait,
mentionner qu'elles ont perdu 20 000 000 $ de mauvaises créances Donc,
je suis sensible à cette préoccupation et je suis sensible, d'un
autre côté, vous n'étiez pas là ce matin, à
ce que j'ai évoqué et qui est en train de se construire
lentement... Les renseignements personnels que vous avez à
Hydro-Québec, je ne vous pose pas la question ce soir, la Commission
d'accès à l'information est là pour faire le
répertoire des fichiers, etc., mais ce que je décrivais ce matin,
c'est une société de surveillance, c'est-à-dire une
société où, dans des petites bandes informatiques, on a
à peu près les tenants et les aboutisssants de la carrière
de chacun. Le problème c'est que souvent, dans ces informations, il y en
a qui sont fausses ou inexactes, ou incomplètes et qui causent un long
préjudice à la personne qui est concernée, d'où la
préoccupation des associations de consommateurs, du personnel de la
Commission d'accès à l'information et de la ligue des droits et
libertés avec lesquels Hydro-Québec est en contact.
Ma suggestion à Hydro-Québec est tout simplement de
maintenir le contact avec ces groupes-là pour tenter d'en arriver
à une solution qui respecte à la fois les obligations de bon
gestionnaire d'Hydro-Québec, mais aussi la protection de la vie
privée qui, dans les années à venir, va s'amenuiser.
Merci.
Le Président (M. Trudel): De toute façon, on en
n'est pas à trois minutes près. Merci, M. le député
de Taillon.
M. le ministre est-ce que vous auriez un mot à ajouter?
M. French: Je voudrais dire aux trois organismes que nous
apprécions beaucoup qu'ils aient mis en commun leurs ressources
intellectuelles et leur expérience et que nous allons étudier
avec beaucoup d'intérêt et de soin leurs recommandations. Je
n'exclus pas que nous soyons en contact avec vous pour plus de détails
en certains cas. Nous comprenons que vous nous faites part d'un certain nombre
de problèmes hautement pratico-pratiques et que vos recommandations ne
sont nullement basées sur un rejet des principes de la loi. On a bel et
bien compris, de chacun des organismes, que vous vous faites un point d'honneur
de respecter la loi avec le plus de transparence possible, ce que nous
apprécions.
Je ne fais pas de commentaire sur les autres expériences des
députés qui n'utilisent pas la loi. Cela est une autre question,
évidemment. Enfin, ce n'est pas parce que je ne suis pas intervenu que
je n'ai pas porté une attention particulière à ce qui me
semble un mémoire fort bien préparé. Nous allons
certainement donner suite à l'esprit sinon à la lettre des
recommandations. Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre.
Un mot, M. le député.
M. Filion: Alors je vous remercie et vous félicite de
l'initiative, encore une fois, de vous être regroupés. Je ne sais
pas si vous le savez, mais vous avez réduit notre temps de travail, en
passant de 23 à 4 recommandations. Quand viendra le temps pour nous de
nous réunir en séance de travail, les parlementaires de cette
commission, avant de déposer le rapport dont le gouvernement sera saisi,
ce sera beaucoup plus facile. Je dois vous dire que, dans mon cas, je suis
également persuadé que chacun des organismes que vous
représentez est conscient de l'importance des principes contenus dans la
loi. Je pense que l'époque où l'on pouvait dire qu'il y avait une
résistance souterraine ou sous-marine, ou sous-fluviale, M. le
député, est vraiment révolue. Autant dans les airs que sur
terre, que sous mer, on peut dire que, quant à mol, je suis vraiment
convaincu qu'au sein de vos organismes it existe une volonté d'appliquer
les principes, tel que l'a mentionné le ministre tantôt. Je vous
remercie de votre présentation et de la qualité de votre
mémoire.
Le Président (M. Trudel): On peut conclure,
M. le député, que ce n'étaient pas des paroles en
l'air. Ici, vous avez exprimé le...
M. Duplessis: Si vous me permettez d'intervenir sur un point qui
n'a pas été mentionné dans le rapport, mais dont on a
discuté tout au long de la journée, je fais
référence ici à l'abolition du droit d'appel à la
Cour provinciale.
J'aimerais émettre quelques idées et je serai très
bref là-dessus. Premièrement, ce que l'aimerais mentionner c'est
qu'il ne faut pas oublier que la loi sur l'accès à l'information
reconnaît deux droits fondamentaux: le droit à l'information et le
droit au respect de la vie privée. Ces deux droits-là sont
reconnus dans la Charte des droits et liberté de la personne.
Dans un deuxième temps, ce droit est accordé autant au
demandeur, celui qui va avoir accès à des documents, qu'à
l'organisme public. Si l'on consulte les décisions de la Cour
provinciale, on se rendra compte que ce ne sont pas nécessairement les
organismes publics qui vont devant la Cour provinciale, mais qu'il y a aussi
des requérants qui se rendent devant la Cour provinciale.
Troisième point à mentionner là-dessus. En vertu de
l'article 147, c'est sur permission que l'on peut en appeler devant la Cour
provinciale On peut quand même faire confiance, je crois, au juge de la
Cour provinciale qui aura à se prononcer sur ce dossier-là quant
à la qualité de l'appel. Ce sur quoi, par contre, nous n'aurions
aucune objection, ce serait de mentionner que l'autorisation d'en appeler doit
être jugée d'urgence. II me semble que déjà
là on éliminerait certains délais du fait que cette
autorisation, du moins la procédure d'autorisation, doit être
jugée d'urgence.
Finalement, J'aimerais mentionner un dernier point. Ce n'est pas unique
à la commission d'accès à l'information, mais il faut
quand même se rendre compte que, depuis juillet 1984, ont
siégé à la commission trois commissaires, dont un seul
était juriste. C'est encore le cas présentement: II y a deux
commissaires seulement; le troisième devrait être nommé
bientôt; et il y a un seul commissaire qui est juriste. Il me semble que
c'est quand même une protection. Cela fait seulement trois ans que l'on
vit avec la loi sur l'accès à l'information. Je ne crois pas que
le fait d'attendre cinq ans de plus, parce que la clause crépusculaire
s'appliquera encore dans cinq ans, soit néfaste pour qui que ce soit,
autant l'organisme public que le contribuable.
Ce sont les seuls points dont je voulais faire mention. On n'en a pas
discuté dans notre mémoire, mais on s'est rendu compte que cela
avait été discuté tout au long de la journée. Il ne
faut quand même pas croire que tes organismes publics ' en appellent de
la décision de la Cour provinciale tout simplement à titre de
moyen dilatoire. Il y a quand même des organismes publics qui sont de
bonne foi. Il y en a peut-être qui sont de mauvaise foi; je ne crois pas
que ce soit notre cas. Nous sommes allés très peu souvent devant
la Cour provinciale. La Société de transport de la CUM n'y est
jamais allée. La Société des alcools y est allée
à deux reprises seulement et Hydro-Québec y est allée
à une reprise. Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, Me Duplessis.
M. le ministre, vous m'avez fait signe que vous vouliez intervenir.
M. French: Pour répondre ou pour répliquer à
deux affirmations qui me paraissent au moins discutables - et je le dis dans le
bon sens de "discutable": susceptibles de nous éclairer si nous en
débattons - d'abord, la notion qu'un organisme a un droit au même
sens qu'une personne, qu'un Individu. Je sais que c'est une question de droit
assez importante, mais, à mon avis, dans cette loi, il y a une
asymétrie fondamentale. Les individus ont des droits; les organismes ont
des responsabilités. Je ne saurais acquiescer à un argument
basé sur le fait qu'il y a un droit, d'une part, et un droit d'autre
part. Il n'y a pas de deuxième droit. Ce sont des responsabilités
qu'ont les organismes publics. Le principe fondamental de la loi, c'est cela.
Si on est pour le changer, on peut en débattre, mais je n'accepterai
jamais comme prémisse évidente pour tout le monde que les
organismes ont des droits. À mon sens, ils n'en ont pas.
Deuxièmement, on nous offre en termes de défense, pour une
prérogative d'appel à la Cour provinciale, l'argument que deux
des commissaires n'ont pas de formation juridique. Cela va de soi dans les
facultés de droit de cette province, évidemment, mais, encore une
fois, je m'inscris en faux, absolument et complètement, d'un bord
à l'autre, contre ce genre d'argumentation. Si vous voulez, Me
Duplessis, regarder les décisions de la commission, regarder la
jurisprudence, regarder les révisions en cour, venez me démontrer
que les commissaires qui n'ont pas de formation juridique se sont fait
renverser sur les points de droit ou autres plus que le commissaire qui en a.
Je serais très intéressé mais, à mon sens, parce
que j'ai posé la question, ce n'est pas, que je sache, le cas.
M. Filion: Si je peux me permettre d'ajouter un
élément...
Le Président (M. Trudel): Un instant, s'il vous
plaît! Je ne voudrais pas...
M. Filion: Non.
Le Président (M. Trudel): ...qu'on entreprenne un
débat à 21 h 20 pendant qu'un autre groupe attend depuis un bon
moment.
M. Filion: Je veux ajouter un élément tout à
fait dans le même sens que le ministre. En plus de cela, l'argument
à l'effet que ce sont des avocats ou que ce ne sont pas des avocats,
etc. J'en suis un et je ne trouve pas que c'est très
important, d'autant plus, encore une fois je le répète,
c'est la troisième fois que je le dis aujourd'hui, que le contrôle
de la légalité de la décision rendue par la Commission
d'accès à l'information peut toujours faire l'objet, vous le
savez fort bien, d'un bref d'évocation. Il n'y a rien qu'on peut faire,
d'ailleurs, en cette Assemblée nationale pour empêcher les Cours
supérieures d'exercer leur pouvoir de surveillance et de contrôle
de l'exercice des règles naturelles de la justice et des dénis de
justice, des excès de justice ou des excès de juridiction, etc.
Je voulais simplement ajouter cet élément à votre
réflexion. Je vous signale également qu'il y a plusieurs autres
organismes, il y en a au moins deux autres, qui peuvent être
assimilés à la Commission d'accès à l'information
et dont les décisions ne sont pas susceptibles d'appel.
M. Duplessis: Si vous me permettez de répondre très
brièvement.
Le Président (M. Trudel): De façon très
brève, parce que si j'avais su que vous alliez...
M. Duplessis: Bifurquer.
Le Président (M. Trudel): ...bifurquer dans cette voie, un
sujet qui n'avait pas été discuté bien qu'il l'ait
été durant la journée, mais qui n'avait pas
été abordé ni dans votre mémoire, ni dans la
discussion, à l'intérieur du temps dont nous disposons, j'aurais
dit: Monsieur, excusez-moi, mais c'est terminé. Allez-y pour une
très brève réponse.
M. Duplessis: Je suis tout à fait d'accord avec M. le
ministre. Je trouve que fa commission a rendu d'excellentes décisions
depuis juillet 1984. Je l'ai toujours reconnu et je le reconnais encore
aujourd'hui. Les décisions sont très bien motivées et
certaines décisions de la commission sont même mieux
motivées que certaines des tribunaux supérieurs. Ce n'est pas
là-dessus que j'en ai; j'ai toujours admis cela. Quant aux droits et
responsabilités, le droit des contribuables et la responsabilité
des organismes publics, je suis tout à fait d'accord avec vous. Quand je
faisais référence tantôt au terme "droit", je parlais tout
simplement du droit d'en appeler. Je suis tout à fait d'accord avec vous
quant à la responsabilité qui va à l'organisme. C'est tout
ce que je voulais ajouter.
Le Président (M. Trudel): Merci, Me Duplessis. Mesdames et
messieurs, il me reste à vous remercier, au nom de la commission, de
vous être déplacés pour nous rencontrer ce soir, souhaiter
un bon retour à Montréal à ceux qui y retournent ce soir
et dire à mes collègues que nous allons suspendre pour deux
minutes et quinze secondes.
(Suspension de la séance à 21 h 21)
(Reprise à 21 h 23)
Le Président (M. Trudel): Est-ce qu'on pourrait
procéder au changement de la garde, s'il vous plaît? M. le
député de Taillon, s'il vous plaît! Je m'excuse
d'être obligé d'interrompre les civilités de M. le
député de Taillon, mais il est maintenant 21 h 24. Nous
accueillons notre dernier groupe ce soir. C'est tellement tentant... Je dis
souvent aux commissions ou à l'Assemblée nationale qu'un de mes
défauts est de rarement résister aux tentations. C'est tentant de
vous dire qu'on a été saisi par votre mémoire, mais je ne
vous le dirai pas. C'est vraiment trop facile.
Chambre des huissiers du Québec
Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Je vais vous demander ce que
j'ai demandé à tous les groupes dont les représentants
étaient nombreux, ce qui est votre cas, d'abord, de bien vouloir vous
identifier aux fins de l'enregistrement du Journal des débats. Je
vous souhaite la bienvenue parmi nous ce soir. Vous allez nous aider à
terminer une journée fort bien remplie puisque nous l'avons
commencée à 10 heures et qu'au-delà des remarques
préliminaires que les politiciens sont incapables d'éviter en
début de séance, vous êtes le huitième groupe ou
individu avec lequel nous aurons discuté aujourd'hui. Nous allons
terminer avec vous.
M. le secrétaire général, je pense?
M. Dubé (Ronald): Oui, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): M. Dubé, bienvenue, au
nom de la commission. Si vous voulez bien nous présenter les
collègues qui vous accompagnent et exposer votre mémoire dans ses
grandes lignes puisque vous avez plus ou moins 20 minutes, et autant que
possible moins que plus, de façon que nous ayons plus de temps pour
discuter avec vous. Je vous cède la parole, M. Dubé, en vous
souhaitant une nouvelle fois la bienvenue parmi nous.
M. Dubé: Merci, M. le Président. Nous allons tenter
de nous limiter au temps assigné. Je me présente, mon nom est
Ronald Dubé. Je suis secrétaire général de la
chambre. À ma gauche, le président, Alain Coulombe, de
Québec; M. Jean-Jacques Decoste, de Montréal, qui est notre
trésorier; M. Jean-Pierre Millaire, de Montréal, qui est membre
du conseil d'administration. À ma droite, M. Victorien Bourdages. de
Montréal, qui est professeur pour le compte du ministère de la
Justice en matière de saisie, exécution et autres lois, ainsi que
M. Jean-Marc Paquet, vice-président de la Chambre des huissiers du
Québec. M. Paquet est de Montréal.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. Dubé.
Vous pouvez procéder au résumé de votre
mémoire.
M. Dubé: Merci, M. le Président. Au nom de mes
collègues et au nom de tous les huissiers du Québec, je tiens
à remercier la commission de la culture de nous accorder cette audience
concernant l'étude du rapport sur la mise en oeuvre de la loi sur
l'accès à l'information. Sans fausse humilité, la
présence de l'huissier devant vous, hors du cadre normal de ses
activités, apportera, je pense, un éclairage particulier de
personnes qui agissent d'une façon ou d'une autre dans l'application de
77 lois et règlements au Québec. Ces lois et règlements
sont sanctionnés aussi bien par l'Assemblée nationale du
Québec que par le Parlement du Canada. L'huissier ouvre et ferme le
processus judiciaire, dit-on, et ce soir il fermera cette commission.
De l'avis des autorités du ministère de la Justice, nous
nous dirigeons vers une responsabilisation accrue de l'huissier ainsi que de la
chambre dans l'administration de la justice au Québec. Dans notre
esprit, cette évolution doit se faire et se fait en respectant la
personne, aussi bien celle qui subit notre Intervention que celle qui la
commande. L'huissier a l'habitude et la formation requise pour garder la
distance égale entre les parties. Le chapitre I de notre mémoire
précise les obligations que les lois nous imposent; par exemple, la Loi
sur les huissiers, les règlements d'application et certains articles du
Code de procédure civile. Nous y faisons aussi un bref historique de la
Chambre des huissiers du Québec dont la création remonte à
1975 et dont l'un des objectifs confirmé par la Cour d'appel est de
défendre les intérêts collectifs de tous les huissiers du
Québec.
De diverses façons, nous nous sommes impliqués dans le
contrôle de la profession et dans la protection du public et ce,
même si notre organisme n'est pas une corporation professionnelle au sens
de la loi. Autrement dit, nous n'avons pas attendu d'avoir le statut
légal de professionnels pour prendre nos responsabilités et agir
en professionnels. En collaboration avec le ministère de la Justice, la
chambre révise actuellement notre rôle et notre mission dans le
système judiciaire. Voilà pourquoi le rapport du
dépôt sur la mise en oeuvre de la loi sur l'accès et son
étude ici ne pouvaient mieux coïncider avec nos travaux. Nous
précisons un peu plus le sens de la Loi sur les huissiers, les
définitions, et nous disons à la page 20 de notre mémoire
que l'huissier doit être vu comme un officier public autonome,
c'est-à-dire qu'il n'est pas rattaché au groupe des serviteurs de
l'État ou des employés gouvernementaux. D'ailleurs, l'huissier
est le seul officier de justice qui ne soit pas fonctionnaire. Nous souhaitons
qu'il conserve ce statut. Avec tout le respect que Je dois aux fonctionnaires
de l'État, je voudrais qu'il conserve aussi ce privilège. (21 h
30)
Le rapport de la commission d'étude sur le statut de l'huissier
de justice dans le cadre international, qui a été publié
en 1970 à Bruxelles, indique que la signification des actes par
ministère d'huissier est minutieusement réglementée et le
texte traduit le souci d'assurer le respect des droits des justiciables. De
même, il est dit, en ce qui concerne l'exécution d'une
décision de justice, que cette dernière ne doit pas
dépendre que de la bonne volonté du débiteur de
l'obligation de donner, de faire ou de ne pas faire; que la justice peut
être tenue en échec par ceux qui entendraient se placer en marge
des lois. On ajoute que les débiteurs de bonne foi et démunis
doivent être protégés, que l'exécution doit
être personnalisée en fonction des situations. Enfin, on ajoute
que l'huissier seul peut faire face à des situations Imprévues,
assez fréquentes dans la pratique, comme les changements d'adresse ou
les erreurs d'adresse et de prénom, les noms mutilés et les cas
d'homonymie.
Notre expérience. Ici, au Québec, n'est pas
différente de celle de la France ou de la Belgique. Nous aussi nous
avons à faire face aux mêmes problèmes, sauf que nous
n'avons pas les mêmes moyens d'y remédier. En bout de ligne, une
partie doit supporter les frais de recherches, de routes additionnelles, etc.
Or, il existe au Québec une foule de renseignements nominatifs
détenus par des organismes publics dans l'exercice de leurs fonctions,
par exemple, la Régie de l'assurance automobile du Québec et
Hydro-Québec, pour ne nommer que ces deux-là.
La Chambre des huissiers n'est pas un organisme visé par
l'article 3 de la loi, ni un organisme gouvernemental au sens de l'article 4.
Pourtant, les huissiers sont des personnes nommées par le ministre de la
Justice pour exercer une fonction essentielle et nécessaire au respect
ultime des lois. La chambre n'est pas un corps de police au sens de l'article
61 et, pourtant, les huissiers, lorsque cela est requis, participent à
la préservation et au maintien de la paix publique ou à la
signification ou à l'exécution des actes judiciaires au civil.
Bien que ia nomination du premier huissier au Québec remonte au mois de
janvier de l'an 1648, pourquoi faut-Il, 340 ans plus tard, revendiquer
l'occupation d'un créneau dans notre système judiciaire et dans
nos lois?
Est-il nécessaire de démontrer que l'huissier a
qualité pour recevoir les renseignements nominatifs, sans le
consentement de la personne concernée, puisqu'il appartient à une
catégorie de personnes qui, normalement, devraient avoir accès
à certains fichiers dans l'exercice quotidien de leurs fonctions?
Est-il nécessaire de rappeler que l'huissier est essentiellement
un agent de communication entre les parties, en plus d'être un agent
d'exécution des décisions judiciaires? Il a donc l'obligation de
prendre tous les moyens pour
assurer la réalisation de son mandat.
L'huissier doit performer, II doit avoir des résultats, II doit
être efficace. Il doit trouver. Le nombre Important de tribunaux
administratifs, les coûts énormes commandent qu'il ne soit pas
retardé du seul fait qu'un témoin important, par exemple, ne peut
être assigné en temps utile.
C'est un exemple que je vous ai donné et cela démontre que
certains renseignements peuvent et devraient être divulgués
lorsqu'un jugement est devenu exécutoire. En Belgique, par exemple, il y
a une méthode. Il existe là-bas le registre central des
populations. En France, il y a eu une récente modification, qui est
très moderne. Elle permet, au bénéfice de la seule
profession d'huissier de justice, la levée du secret des administrations
fiscales, bancaires et autres, si l'huissier est porteur d'un titre
exécutoire. C'est là, je pense, qu'existe le contrôle. Si
l'huissier est porteur d'un titre exécutoire, il devrait, normalement,
avoir accès à certains renseignements nominatifs.
Nous croyons qu'il faut donner à l'huissier, non seulement le
pouvoir d'agir qu'il possède déjà, mais aussi les moyens
d'agir légalement, d'une manière efficace. Les moyens mis
à sa disposition influent directement sur le résultat final des
activités. Dans ce contexte, le rapport sur la mise en oeuvre de la Loi
sur l'accès aux documents des organlmes publics et sur la protection des
renseignements personnels publié par la Commission d'accès
à l'information en octobre 1987 souligne quelques notions
évolutives importantes. Nous en avons noté quelques-unes. Par
exemple, nous dénotons une ouverture en ce qui concerne les
modifications apportées aux articles 28 et 32. Je ne les commenterai pas
plus que cela, mais on note là une ouverture.
Donc, l'huissier Intervient au Québec, toujours en matière
pénale et en matière civile, avec les adaptations dans le dernier
cas, lorsque la procédure a atteint un caractère public,
c'est-à-dire lorsque l'action est Introduite, lorsque la décision
finale est rendue. En conséquence, l'huissier devrait avoir accès
aux renseignements nominatifs sans le consentement de la personne
concernée, puisque la connaissance de ces renseignements est
nécessaire à. l'application de lois du Québec. Il est
temps' qu'on cesse de penser à l'huissier seulement lorsqu'il n'y a pas
moyen de faire autrement. Par exemple, on se demande si le fait... On dit ici
que la Charte québécoise des droits et libertés et la loi
sur l'accès à l'information, inspirées du principe
américain de "fair information practice", qu'on détaille dans
votre rapport à la page 124, protègent la vie privée des
citoyens mais que, dès qu'une instance est Introduite,
l'Intérêt public commande que le voile soit levé au
bénéfice des seules personnes chargées de l'administration
de la justice. Dans l'intérêt de la justice et des personnes, la
levée de ce voile doit être discrète, mais
contrôlée. En ce qui concerne l'huissier, je me demande si on ne
pourrait pas faire un parallèle avec l'article 67.2. On y parle des
mandats de gestion administrative. En vertu de ce concept, un organisme peut
transmettre à un tiers des renseignements personnels dans le cadre d'un
tel mandat, sans l'obtention obligatoire du consentement des personnes
concernées et sans l'autorisation préalable d'un projet d'entente
par le gouvernement.
Donc, en pratique, le mandat de signifier un acte de procédure ou
de mettre à exécution une décision de justice, en
conformité avec les articles 120 et 554 du Code de procédure
civile, pourrait être confié à un shérif. Pour des
raisons évidentes d'efficacité, on confie cela à un
huissier. Si on applique à la lettre la loi, on dit que le shérif
aurait le droit de se voir communiquer ces renseignements-là, parce
qu'il appartient déjà à un organisme reconnu au sens de
l'article 3, c'est-à-dire le ministère de la Justice. Tandis que
l'huissier, parce qu'il n'est pas reconnu comme tel, n'aurait pas accès
à ces renseignements-là. Le document Une vie privée mieux
respectée, un citoyen mieux informé constitue, à notre
avis, un effort de réflexion Intéressant. Les nombreuses
garanties de protection contenues dans la loi sur l'accès ne doivent pas
être mises de côté mais adaptées au rôle
particulier que jouent la Chambre des huissiers du Québec et les
huissiers dans le système judiciaire. C'est pourquoi nous avons
formulé quatre recommandations: premièrement, que la Chambre des
huissiers du Québec soit reconnue comme un organisme
d'Intérêt public; deuxièmement, que les renseignements
personnels soient communiqués aux huissiers porteurs d'un bref
émis par un tribunal; troisièmement, que la Chambre des huissiers
du Québec soit chargée de contrôler les demandes
d'accès aux renseignements personnels faites par les huissiers;
quatrièmement, que la Loi sur l'accès aux documents des
organismes publics et sur la protection des renseignements personnels soit
modifiée en conséquence. Je vous remercie et nous sommes
prêts à entendre vos questions, mes collègues et moi.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le secrétaire
général, de nous avoir résumé - je suivais au
texte, à travers le texte - de façon fort habile et judicieuse
votre mémoire. J'aurais deux questions qui peuvent nous entraîner
loin et tard. On va essayer de ne pas aller trop loin et pas trop tard, parce
que de toute façon je ne suis pas le seul à poser des questions.
Il y a sûrement de mes collègues qui voudront le faire. Vous venez
de terminer là-dessus, vous faites quatre recommandations qui vont quand
même très loin. Dans un premier temps, vous demandez au
législateur d'être reconnus comme un organisme
d'intérêt public. Je vous avoue que - je l'ai dit souvent
aujourd'hui, on a tendance à se répéter à 20 h 40 -
j'ai une formation juridique et que je n'ai pas pratiqué au-delà
de trois mois, il y a de cela 20 ans cette
année. Je ne peux donc pas me considérer comme un expert
en procédure. J'avoue que, quand je regarde le Code civil, il y a de
grands bouts qui me disent moins qu'ils m'en disaient il y a 20 ans. Je ne
voudrais donc pas entrer dans un débat juridique trop profond avec vous.
Peut-être que c'est mol qui comprend mal, mais quand vous me parlez
d'organisme d'intérêt public, est-ce que vous voulez dire un
organisme public au sens de la loi?
M. Dubé: Oui, M. le Président. Le
Président (M. Trudel): Bon. M. Dubé: C'est ce qu'on
voudrait.
Le Président (M. Trudel): Je vous pose une autre question.
Avec toutes les responsabilités qui incombent à un organisme
public - évidemment, parce que si vous voulez être un organisme
public au sens de la loi, cela a des conséquences - est-ce que je peux
me permettre de vous demander, avec l'inexpérience juridique que j'ai,
si je me trompe en disant que compte tenu des responsabilités que vous
avez dans le système judiciaire, compte tenu justement du travail que
vous devez accomplir et des moyens que vous voulez obtenir pour accomplir ce
travail dans les meilleures conditions, ce que vous visez en vous faisant
reconnaître comme organisme public, c'est d'obtenir des renseignements
sans consentement, tel que le stipule l'article 68 de la loi?
M. Dubé: Ce qu'on vise...
Le Président (M. Trudel): Vous le dites quand même
dans un...
M. Dubé: ...essentiellement, ce sont les renseignements
nominatifs qui sont déjà contenus à l'heure actuelle,
à l'intérieur de certains organismes. J'en ai nommé deux
et ce sont ces renseignements nominatifs que nous aimerions avoir: le nom,
l'adresse et les derniers renseignements qui y sont contenus, lorsque nous
sommes porteurs d'un bref. Lorsque je dis un organisme public, nous n'avons pas
la prétention de nous mettre au niveau d'un gouvernement ou d'un
ministère, ou quoi que ce soit. C'est pour cela que les mots
"d'intérêt public" nuancent un peu...
Le Président (M. Trudel): D'accord. C'est la question que
je vous posais. Votre réponse m'a surpris. C'est pour cela que je vous
al dit...
M. Dubé: C'est cela. Je me suis repris par la suite.
Le Président (M. Trudel): Vous parlez d'un organisme
d'intérêt public. À ce moment-là, ma question est:
Pouvez-vous mieux me décrire - je me permets de vous poser cette
question- là - ce que vous entendez par organisme d'intérêt
public, puisque vous venez de nous dire que ce n'est pas dans le sens d'un
organisme public tel que reconnu au sens de la loi? Donc, l'organisme
d'intérêt public, c'est quoi alors?
M. Dubé: À notre avis, ce serait un peu le
même statut, par exemple, qu'un corps policier. Un corps policier a
accès à des renseignements sur la Régie de l'assurance
automobile du Québec. C'est un exemple que Je donne. À ce
moment-là, pourquoi l'huissier, qui essentiellement met à
exécution certaines décisions de justice ou signifie des
procédures, n'aurait-il pas la même facilité et les
mêmes moyens qu'un policier pour avoir ces renseignements? Qu'on
l'appelle comme on voudra, tout ce que nous aimerions, c'est qu'on trouve dans
la loi un créneau quelque part qui dise: Les huissiers ont accès
à certains renseignements lorsque c'est nécessaire.
Peut-être que le statut restera créé, M. le
Président.
Le Président (M. Trudel): Je suis d'accord pour
arrêter là la discussion sur le terme. L'important, c'est
l'objectif recherché et je me permets de vous poser une deuxième
question, compte tenu de l'objectif que vous recherchez, Vous nous dites...
C'est votre deuxième recommandation et j'arrêterai là,
parce que je vais laisser à mon collègue de Taillon l'occasion de
poser d'autres questions. Quand vous dites: Que les renseignements personnels
soient communiqués à l'huissier porteur d'un bref émis par
un tribunal, cela vous permettrait, si je comprends bien, d'aller chercher ces
renseignements auprès de n'importe quel organisme public qui ferait
votre affaire, Au fond, c'est ce que vous demandez Vous avez limité le
genre de renseignement nominatif dont vous aviez besoin, dites-vous, pour
accomplir votre travail. On pourrait revenir là-dessus parce que ce sont
des choses quand même importantes dans ce que vous demandez. Si je vous
comprends bien, ce que vous demandez par votre deuxième recommandation,
c'est que, dès que vous êtes porteurs d'un bref émis par le
tribunal, ce qui est votre rôle, vous puissiez avoir accès aux
renseignements dans n'importe quel organisme public. Est-ce que je vous
comprends bien? Est-ce que je vous Interprète bien en disant cela?
M. Dubé: Non. Ce texte-là peut vouloir dire
ça, mais ce seront ceux auxquels la loi voudra bien nous donner
accès. Par exemple, si on dit que les renseignements nominatifs qui
peuvent être communiqués à l'huissier... On sait quel genre
de renseignements on aimerait recevoir. Naturellement, on nous
référera ou on nous permettra d'accéder à certains
organismes qui ont tes renseignements spécifiques quant au nom et
à l'adresse - parce qu'en réalité c'est ce dont on a
besoin, pas autre chose - et ce sera la commission qui décidera à
quels organismes nous
pourrions avoir accès. (21 h 45)
Le Président (M. Trudel): Là-dessus, je
céderai la parole au prochain intervenant, mais je serais tenté
de vous poser une troisième et dernière question. Encore une
fois, je résiste rarement aux tentations. Je vais donc vous la poser.
Vous venez de me dire - peut-être que j'ai mal compris - que ce sera
à la commission de décider. Donc, vous concédez encore un
rôle à la Commission d'accès à l'information. Est-ce
que ce n'est pas une contradiction avec votre troisième recommandation
qui est que la Chambre des huissiers du Québec soit chargée de
contrôler les demandes d'accès? Cela me semble aller plus loin que
tout ce que vous demandez.
M. Dubé: Bien, ce que je comprends, à la lecture de
la loi et du rapport, c'est qu'il ne faut pas que n'importe qui puisse demander
un renseignement. Alors, l'organisme qui pourrait être chargé de
vérifier si les demandes de renseignement sont en conformité avec
toutes les prescriptions de la loi, ça pourrait être la Chambre
des huissiers. C'est simplement cela qu'on veut dire par là.
Le Président (M. Trudel): Donc, ce ne serait pas la
Commission d'accès à l'information. C'était simple
à comprendre, votre recommandation est en effet très claire. Cela
me semble aller - je me permets ce commentaire avant de céder la parole
au député de Taillon - très très loin. En admettant
que le législateur vous accorde le statut d'organisme
d'intérêt public, quelle qu'en soit la définition - on a
arrêté la discussion là-dessus - en admettant que des
renseignements personnels puissent vous être communiqués sans le
consentement dès lors que vous êtes porteurs d'un bref émis
par un tribunal, le troisième rempart, qui pourrait être encore la
Commission d'accès à l'information, tombe vraiment, dans la
mesure où vous nous faites, au-delà de ces deux premières
demandes, une troisième demande qui est d'être vous-mêmes le
juge de ce que sera une demande d'accès acceptable et une demande
d'accès inacceptable. Est-ce que c'est ce que vous demandez?
M. Dubé: C'est simplement pour contrôler les
demandes, pour qu'il n'y ait pas de demandes qui proviennent de personnes qui
n'auraient pas à obtenir ces renseignements.
Le Président (M. Trudel): Et vous ne croyez pas que ce
rôle pourrait, même si on acceptait vos deux premières
recommandations, que ce rôle d'arbitre, jusqu'à un certain point
final, pourrait être laissé à la Commission d'accès
à l'information?
M. Dubé: Si la commission décide qu'il en sera
ainsi, nous n'aurons qu'à nous y soumettre. Tout ce qu'on voulait,
c'était un moyen pour que la commission soit sûre qu'aucun
renseignement ne sera communiqué à une personne qui n'a pas
à en avoir. Qu'on lui donne la forme qu'on voudra...
M. Coulombe (Alain): M. le Président, mon nom est Alain
Coulombe.
Le Président (M. Trudel): Allez-y!
M. Coulombe: Concernant fa position des huissiers, il y a une
chose, je pense, qu'il faut comprendre. D'abord, l'huissier comme officier de
justice, c'est l'officier qui s'intègre le plus de fois dans la vie
personnelle des gens dans une journée. Il n'y a pas un policier qui fait
le travail de fouiller dans une maison comme on peut le faire pendant toute une
journée, donc de s'immiscer dans la vie privée des gens. C'est
cela le travail de l'huissier. Si on a fait confiance à l'huissier
depuis un siècle en lui donnant le contrat d'aller fouiller dans la vie
privée des gens, c'est qu'on lui fait confiance d'une façon
spéciale, ce qu'on n'accorde même pas encore au policier Nous
travaillons avec le public. Nous justifions le fait d'être un organisme
public par le fait que nous communiquons constamment avec le public. Nous avons
à défendre, souvent même, te public face à des
situations, à lui expliquer les lois, etc. Nous faisons vraiment un
travail d'ordre public et d'Intérêt public.
Concernant l'application des lois, au même titre que le policier a
accès directement au CRPQ ou à toute autre donnée, nous
avons sûrement plus besoin encore que le policier de cet accès
pour rendre une justice saine et la moins coûteuse possible. On parlait
tantôt d'Hydro-Québec qui a des créances de 20 000 000 $
par année Ce sont souvent les huissiers qui ont à travailler dans
ce domaine Dès que le dossier est rendu en cour, nous avons besoin
d'instruments II s'agit de savoir si ces instruments sont justifiés, et
qu'il nous soit permis aussi de les utiliser afin de rendre une meilleure
justice de façon générale.
Le Président (M. Trudel): Merci. M. le ministre ou M. le
député de Taillon.
M. French: Merci, M. le député de Taillon. Je pense
qu'instinctivement tout le monde comprend le problème qui nous est
présenté par la Chambre des huissiers. C'est au niveau des moyens
que cela bloque un peu et on va essayer de voir où est le
problème. L'économie générale de la loi, c'est
qu'il y a 3600 organismes publics financés par l'État et
assujettis à un certain nombre de normes qui découlent de ce
financement public, dont la loi sur l'accès à l'information. Il y
a une infinité de demandeurs potentiels qui sont des Individus, des
sociétés, des huissiers, des chercheurs, toutes sortes de gens,
qui font des demandes aux organismes publics. La
responsabilité de l'organisme public est bien définie dans
la loi. C'est de protéger les renseignements personnels et de donner
accès aux documents publics, sauf certaines exceptions. La Chambre des
huissiers et l'huissier ne sont pas des organismes publics. Ils ne sont pas
financés par l'État et ils ne sont pas engagés
d'après les normes appliquées à la plupart des organismes
publics. Ce ne sont pas des élus. Bref, ce n'est pas une entité
publique. La Chambre des huissiers et l'huissier sont des demandeurs. Ils nous
demandent donc de leur donner un statut particulier pour obtenir les
renseignements personnels dont ils ont besoin dans leurs fonctions
professionnelles. Le problème, du point de vue de la loi sur
l'accès à l'information - je ne parle pas du point de vue de
l'intérêt public et du bien-être de la
société, je parle du point de vue de la loi sur l'accès
à l'information - c'est qu'elle a comme principe fondamental de ne pas
distinguer parmi les demandeurs. Tout demandeur est égal. Tout demandeur
est identique. La commission ne peut pas donner à une
société un droit qu'elle ne serait pas prête à
donner à un huissier ou qu'elle ne serait pas prête à
donner à un chercheur. Ils ont tous les mêmes droits devant la
commission et devant la loi en tant que demandeurs. Le problème de la
chambre est donc un problème de statut en tant que demandeur et il
découle, d'abord et avant tout, non pas de la loi sur l'accès et
la protection de la vie privée, mais surtout du ministère de la
Justice qui est responsable de l'administration de la justice au Québec
et dont vous êtes un rouage Important.
II m'apparait clair que le seul moyen de régler votre
problème est de mener à terme votre réflexion sur votre
statut et votre fonctionnement et d'insérer la problématique de
l'accès aux renseignements personnels à l'intérieur
même de l'ensemble de l'exercice que vous menez actuellement, et non
d'essayer de régler le problème de votre statut - qui est
peut-être un problème beaucoup plus grave que l'accès
à I'information ou, en tout cas, qui a une étendue beaucoup plus
grande - en vous rattachant à une loi qui n'est pas faite pour
régler les problèmes professionnels mais qui est faite pour
régler les problèmes d accès aux documents.
Je vous prie de croire que je ne veux pas vous heurter ou vous
offusquer, ce n'est pas cela J'essaie de clarifier la situation et de voir
quelle serait la meilleure façon de s'attaquer au problème que
vous avez, non seulement quant à l'accès à l'information,
mais quant à d'autres fonctions professionnelles.
M. Paquet (Jean-Marc): M le Président, Jean-Marc
Paquet.
Le Président (M. Trudel): Allez-y, M Paquet!
M. Paquet: Est-ce que nous devons vraiment être
assimilés à des demandeurs? Ne doit-on pas plutôt donner un
appui plus fort au titre d'officier de justice? Je pense que c'est là la
question. La loi nous donne des obligations, nous demande d'exécuter,
mais elle ne nous donne pas les moyens. Est-ce que clarifier notre statut
d'huissier par l'entremise du ministère de la Justice va clarifier aussi
notre statut de demandeur ou d'officier de justice? Les officiers de justice
sont aussi des agents de la paix. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, à ce
momen-là, de regarder notre statut d'officier de justice ou d'agent de
la paix et de nous donner accès pour que nos moyens d'exécution
soient moins longs et plus rapides chez nos commettants que sont les
différentes cours de justice du Québec? Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, M Paquet M le
député de Taillon.
M. Filion: On va prendre la page 33 de votre mémoire. J'ai
déjà eu l'occasion de vous rencontrer à peu près
tous individuellement dans d'autres dossiers. On va prendre la page 33 de votre
mémoire qui résume un peu l'essentiel de ce que vous soumettez
à cette commission. D'abord, que la Chambre des huissiers du
Québec soit reconnue comme un organisme d'intérêt public.
Dans le sens de la loi sur l'accès à l'information, c'est clair
qu'on ne veut pas et que vous ne voulez pas non plus que la Chambre des
huissiers sort assujettie aux obligations des organismes publics tels que
définis dans la loi. Je pense que cela ressort de l'échange que
vous avez eu avec M. le président. Pour nous, un organisme public est un
organisme qui détient des informations sur les citoyens du
Québec. Ce n'est pas votre cas. Vous cherchez de l'information pour
exécuter des mandats qui viennent de l'administration de la justice.
M. Paquet: Nous cherchons des moyens.
M. Filion: Pardon?
M. Paquet: Nous cherchons des moyens.
M. Filion: D'accord. Je vais vous aider là-dessus à
la fin. On est sur la bonne piste.
La deuxième recommandation, c'est le coeur du problème que
les renseignements personnels soient communiqués aux huissiers porteurs
d'un bref émis par un tribunal. C'est cela essentiellement. Vous recevez
un ordre d'un tribunal. Cela peut être un ordre d'assigner, cela peut
être un ordre d'aller chercher, cela peut être un ordre d'aller
saisir, cela peut être un ordre d'aller. Bref, toutes les étapes
des procédures judiciaires. Mais c'est surtout, essentiellement, de
signifier les procédures, d'aller chercher un individu, sous une forme
ou sous une autre, ou d'aller exécuter une créance en saisissant
tes biens requis C'est le coeur, la deuxième recommandation. J'y
reviendrai plus tard.
Troisièmement, vous dites que fa Chambre des huissiers du
Québec sott chargée de contrôler les demandes
d'accès aux renseignements personnels faites par les huissiers. Il y a
là toute une problématique qui découle de cela, juste
à voir les problèmes que cela pourrait causer que la Chambre des
huissiers devienne l'arbitre du canal de communication des demandes
adressées aux organismes publics. C'est précisément
là-dessus que... C'est que la Chambre des huissiers ne pourrait pas,
cela n'existe pas dans notre loi... Allez-y!
M. Paquet: Non. Ce n'est pas cela. Ce qu'on veut, c'est que la
Chambre des huissiers soit le moyen d'identifier les gens qui vont demander de
l'information et qu'elle devienne la garantie que, par exemple, Jean-Marc
Paquet, huissier, est vraiment huissier et porteur d'un acte, et qu'il peut
demander l'information.
M. Filion: D'accord. Donc, c'est un peu relié à la
deuxième recommandation qui dit: Cela nous prend des moyens pour
exécuter vos mandats. Un des moyens que vous avez proposé, c'est
de faire de la Chambre des huissiers le canal par où devraient
légitimement passer les demandes. Alors, à ce moment, c'est
relié à la deuxième recommandation. Quatrièmement,
vous demandez que la loi soit modifiée en conséquence.
Revenons donc à ce qui nous reste comme problème. Vous,
vous êtes huissier. Vos membres sont des huissiers. Il y a un paquet
d'avocats, il y en a de plus en plus au Québec. Vous êtes pris
avec de plus en plus de procédures judiciaires. Tout le monde poursuit
tout le monde au Québec. On est un peuple assez chicanier, merci. Vous
ne manquez pas d'ouvrage, bien que je connaisse le type de problèmes qui
découlent de l'exercice de votre métier.
C'est malheureux qu'on n'ait pas eu la chance de converser ensemble avec
certaines personnes. J'aurais pu l'indiquer avant, iI est clair, comme
l'indiquait si bien le ministre des Communications, que la solution à
votre problème ne passe pas par la loi d'accès à
l'Information. La solution à votre problème passe par une
reconnaissance de votre statut d'huissier. En ce sens, étant
porte-parole de l'Opposition en matière de justice et, également,
en matière d'accès à l'information, on va le prendre en
considération, on va réétudier très
sérieusement votre mémoire, mais il semble bien qu'il faille
vraiment s'acharner à poursuivre les négociations auprès
du ministre de la Justice pour obtenir à l'intérieur des lois qui
font l'administration de la justice votre créneau, comme le disait si
bien tantôt votre président. (22 heures)
La niche au soleil, il faut d'abord l'obtenir à
l'intérieur - Je vais vous donner un exemple - du Code de
procédure civile, possiblement du Code civil et sûrement du Code
de procédure pénale dans certaines matières. Mais c'est
dans l'administration de la justice que vous allez pouvoir trouver une amorce
de solution aux problèmes que vous soulevez, et vous avez raison de les
soulever. Les huissiers sont là avec des procédures judiciaires.
Ils n'ont pas plus de renseignements que le commun des mortels et il faut
qu'ils courent après la moitié du Québec qui passe son
temps à déménager. Pendant ce temps, les créanciers
ne sont pas payés, et je le saisis fort bien.
En ce sens, donc, en terminant - je vais vous laisser une chance de
réagir - il m'apparaît vraiment à propos... Les droits
d'accès à l'information pourraient être inscrits à
l'intérieur également d'une loi sectorielle comme le Code de
procédure civile. Il contient déjà, on a
étudié le Code de procédure civile ensemble. À ce
moment, on inscrit une clause nonobstant dans une loi sectorielle qui permet de
déroger à la loi sur l'accès à l'information et
donner, s'il y a lieu, le cas échéant, accès à
certaines Informations dans, par exemple, le Code de procédure civile ou
le Code de procédure pénale.
M. Coulombe: M. le Président, M. le député
de Taillon, pour reprendre les termes de M. le ministre tantôt, c'est
vrai que les huissiers ont un statut particulier. C'est vrai aussi que notre
statut n'est pas tout à fait défini et qu'il va l'être au
cours des prochains mois. Malgré tout cela, dans toutes les
démarches qu'on a pu faire, on nous réfère toujours
à la Commission d'accès à l'information concernant la
possibilité d'avoir un écran pour que les huissiers du
Québec puissent obtenir des renseignements, information que nous avons,
de toute façon, de 56 000 façons. C'est qu'aujourd'hui il est
illogique, de toute façon... Enfin, on l'a au niveau des cours
municipales, on l'a pour les clients lorsqu'on en a besoin. C'est sûr
que, des fois, c'est plus long, c'est plus de taponnage. On veut être
efficace et avoir cette information-là rapidement, et on nous
réfère toujours chez vous.
À savoir si nous sommes un organisme public selon la
définition qui dit qu'un organisme public détient une Information
sur les gens en général, les gens d'Hydro-Québec, eux,
vont savoir que tel gars n'a pas payé son compte
d'électricité, mais, mol, je peux vous dire qu'en plus il n'a pas
payé son compte de Sears et qu'il n'a pas payé son impôt.
J'en détiens de l'information confidentielle sur les gens; c'est
l'essence même de mon travail à longueur de journée. Nous
détenons cette information parce que c'est la consistance de notre
travail. Présentement, nous avons de l'information dans le cadre de
notre travail, mais nous voulons l'obtenir officiellement par la bonne porte
d'entrée et nous faire reconnaître à cet effet. Je ne pense
pas que nous puissions nous faire reconnaître présentement au
ministère de la Justice, car on nous réfère à la
Commission d'accès à l'information, ou que ce soit inscrit dans
la loi sur l'accès à l'informa-
tion. À l'article 61, je pense, cela concerne les policiers et on
pourrait y Inscrire les huissiers, si ce n'est pas par le biais de l'article 3
où on parle d'organismes publics. C'est l'autre solution, de l'entrer
directement dans la loi, que ce soit prévu au même titre que pour
les policiers. Comme je vous le disais tantôt, les policiers ont besoin
d'information, mais nous en avons besoin dix fois plus qu'eux autres. Ce sont
les renseignements nominatifs dont on a besoin, dans notre travail; le reste,
à savoir si le gars s'est fait arrêter, on n'en a pas besoin.
M. Filion: En terminant, en ce qui me concerne, les membres de
cette commission vont se pencher là-dessus. En tout cas, j'ai
exprimé un peu ma première réaction. Il existe encore -
vous me corrigerez - ce comité d'étude Justice et Chambre des
huissiers, qui se réunit...
M. Coulombe: Oui. Notre comité bipartite existe toujours.
Nous avons d'ailleurs une réunion le 4 mars. Le statut de la Chambre des
huissiers sera établi, il n'y a pas de problème. Mais ce n'est
pas le ministère de la Justice qui va nous reconnaître, qui va
nous permettre d'avoir accès à l'information. C'est la Commission
d'accès à l'information qui va nous reconnaître à
l'intérieur de sa loi, comme je le disais, soit...
M. Filion: Écoutez...
M. Coulombe:...qu'elle nous reconnaisse comme organisme public ou
que ce soit prévu explicitement à l'intérieur de la loi
que les huissiers, au même titre que les policiers, auront le droit
à cette information-là.
M. Filion: Moi, personnellement, je le dis publiquement, une fois
que le statut de la Chambre des huissiers est reconnu, je n'ai aucune objection
à étudier certains moyens pour que le travail des huissiers
puisse être facilité en ce qui concerne leur devoir, mais il
m'apparaît que ces moyens-là doivent s'étudier dans le
cadre de l'administration de la justice. En ce sens-là, je sais que vous
avez des contacts avec les sous-ministres au ministère de la Justice.
Si, eux, nous renvoient la balle, tenez-nous au courant et on va arrêter
la balle quelque part. Mais une chose est certaine, il faut d'abord commencer
par une reconnaissance du statut. Je sais que c'est un travail qui se fait...
C'est-à-dire une nouvelle reconnaissance du statut, et c'est un travail
qui se fait à travers les réunions du comité. De toute
façon, écoutez, c'est une opinion tout à fait personnelle,
mais, quand même, je ne pense pas me tromper.
M. Paquet: L'huissier est reconnu.
M. Filion: Oui, oui.
M. Paquet: II est dans la loi.
M. Filion: Une révision de son statut.
M. Paquet: Là, c'est son organisme, mais ce n'est pas cela
qui va donner l'accès. Ce qu'on demande, c'est l'accès par
l'huissier. L'huissier est dans la loi. Mettez le nom de l'huissier dans la
loi, à côté du policier, pour lui donner accès
à une information. L'huissier est là, il existe. Il est dans le
code de procédure, il est dans le Code civil, il est dans toutes les
fois. On vous demande de lui donner les moyens de travailler. La chambre, c'est
autre chose. L'officialisation de l'organisme qui va regrouper un ensemble
d'individus, c'est autre chose. L'huissier du Québec existe, c'est un
officier de justice, il a une fonction très précise, il est dans
toutes les lois. Donnez-lui les moyens de travailler. C'est ce qu'on
demande
M. Filion: Mais dans le cadre des travaux que vous avez avec le
ministère de la Justice...
M. Paquet: il nous renvoie chez vous. M. Filion:
Pardon?
M. Paquet: II nous renvoie chez vous. M. Filion: II vous
renvoie chez nous. M. Paquet: Eh bien, oui.
M. Filion: En ce qui concerne ces moyens-là?
M. Paquet: On a même rencontré les gens de la
Régie de l'assurance automobile, la RAAQ, et ils nous disent: On va vous
les donner, mais, avant, iI faut que vous soyez reconnus par eux.
M. Filion: C'est quoi le deuxième organisme que vous aviez
à l'esprit tantôt? Vous disiez: II y a deux organismes, il y a ia
RAAQ: Et l'autre?
M. Paquet: La RAAQ, Hydro-Québec...
M. Filion: Je vais laisser le dernier mot au ministre des
Communications.
M. French: Moi, je pense qu'on devra se donner rendez-vous une
fois que l'ensemble de votre problème aura été
étudié par le ministère de la Justice. Le motif que vous
Invoquez lorsque vous venez nous voir, c'est que vous faites partie de
l'administration de la justice au Québec. Je ne pourrai pas, en tant que
ministre des Communications...Et ce n'est sûrement pas à la
commission de la culture de régler votre problème d'accès
aux renseignements personnels, à moins que n'ait été
réglé auparavant l'ensemble de la problématique de votre
statut.
Ceci dit, je suis nullement rébarbatif, une fois que l'ensemble
de ce problème aura été exploré et
réglé avec le ministre de la Justice, à
recevoir une lettre du ministre de la Justice qui dise: Je vous dis,
parce que je suis responsable de l'administration de la justice, que les
huissiers ont un problème. Seul lui peut faire ce jugement. Je veux bien
vous croire et je vous crois, mais je suis ministre des Communications et je
n'ai pas le droit de prendre des dispositions en vertu d'une
problématique de fonctionnement de l'administration de la justice. Je ne
suis pas qualifié pour le faire. Je serais bien prêt à le
faire cependant à la suite d'une lettre du ministre de la Justice
disant: Voici ma recommandation - il a assez de conseillers juridiques et Dieu
sait qu'il connaît assez bien la loi pour me dire comment l'amender -
voici ma recommandation, il y a plusieurs créneaux possibles. Mais il
est clair que la loi sur l'accès ne pourra pas donner la réponse
suivante chaque fois qu'un groupe viendra avec un problème
d'accès à des fins professionnelles: Oui, vous êtes fins
Oui, on vous aime. Oui, votre profession est Importante. Donc, on vous donne un
statut particulier dans notre loi. Parce que les prochaines personnes qui vont
venir après vous, ce seront les démographes du Québec, ce
seront les historiens du Québec. Toute une série de gens peuvent
légitimement nous dire: On a un besoin spécial et on est fins, on
n'abusera pas. Donnez-nous un statut particulier d'accès. Ce sont des
objectifs tout à fait dignes et légitimes, mais on ne peut pas
commencer par la porte d'à côté ou d'en arrière
qu'est la loi sur l'accès, à régler les problèmes
de fonctionnement professionnel de différents groupes.
Je répète: Je ne dis pas non à un statut une fois
que le ministre de la Justice aura dit, de par sa connaissance de l'ensemble de
l'administration de la justice au Québec: II y a un problème,
voici ma recommandation pour le régler. Je ne pense pas que ce soir ou
aujourd'hui, à la suite de votre mémoire, on soit en mesure de
vous dire: Oui, on va régler votre problème dans la prochaine
cuvée législative pour ce qui est de la loi sur l'accès.
On aura un projet de loi l'automne prochain probablement. D'ici là, vous
aurez sûrement le temps de discuter cela, mais je n'accepterai jamais de
votre part, à votre place, l'argument du ministère de la Justice
qui ne connaît pas le problème. Voyons donc! L'administration de
la justice, que vous ne cessez de dire, est de votre responsabilité et
de leur responsabilité, ce n'est pas la nôtre et ce n'est pas la
responsabilité de ta commission de la culture. D'accord? Citez-moi donc
et, s'il y a un problème, citez-moi deux ou trois fois et écrivez
au ministre.
M. Paquet: C'est ce qu'on va faire sûrement.
M. Fillon: On est comme les tribunaux, on a la transcription des
débats. Je pense que ce qui vient d'être dit de part et d'autre
peut très bien être acheminé au ministère de ta
Justice parce qu'il y a une responsabilité là.
Au nom de ma formation politique, MM. Dubé, Coulombe et Paquet,
MM. Millaire et Bourdages, M. Decoste, également, je pense, je voudrais
vous remercier. Ce n'est pas peine perdue, loin de là, de nous avoir
sensibilisés à cette partie de votre travail. Quant à mol,
je remarque depuis quelques années que la Chambre des huissiers nous
tient...
M. Coulombe: On est présents.
M. Filion: ...bien informés de ses activités et de
ses préoccupations, et c'est très bien.
M. Coulombe: On n'est pas des lâcheux. M. le
Président, M. le ministre, M. Taillon, on vous remercie infiniment de
nous avoir lus et écoutés. On va suivre vos conseils. C'est
d'ailleurs la seule façon d'arriver à un cheminement. Quand on
sait par où passer, on ne peut faire autrement que d'y arriver. Alors,
on se reverra à l'arrivée. Je vous remercie.
Le Président (M. Trudel): Merci, messieurs Bon retour
à Montréal!
Présumant du consentement des membres de la commission pour avoir
dépassé 22 heures, j'ajourne les travaux de la commission demain
matin, dix heures.
(Fin de la séance à 22 h 12)