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(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Est-ce que les conversations privées de deux
députés de la rive sud sont terminées?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Trudel): Merci. La commission de la
culture reprend ses travaux dont le mandat consiste à procéder
à une consultation générale sur le rapport sur la mise en
oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur
la protection des renseignements personnels.
Aujourd'hui, nous accueillerons six groupes à compter de
maintenant jusqu'à ce soir, 18 heures. Nous allons immédiatement
inviter le premier groupe à prendre place à la table des
témoins, en face de moi. Il s'agit de la Table de concertation
"télématique et libertés". Tantôt, j'ai reconnu M.
Péladeau, M. Gilles Tardif et Mme Louise Rozon. Madame, si vous voulez
bien prendre place. Je vous souhaite la bienvenue à cette séance
de la commission de la culture. Le ministre des Communications me prie
d'excuser son absence. Il est au Conseil des ministres ce matin. Il viendra
nous rejoindre dès que la réunion sera terminée. N'allez
pas conclure de la longueur de la séance à l'importance de la
séance. Il n'y a souvent pas beaucoup de lien.
M. Filion: Au contraire.
Le Président (M. Trudel): Au contraire, dit le
député de Taillon.
Madame et messieurs de la Table de concertation
"télématique et libertés", je vous souhaite la bienvenue
à la commission de la culture. Je vous résume encore une fois,
ainsi que pour d'autres intervenants plus tard, les règles du jeu. Nos
Invités ont plus ou moins 20 minutes pour exposer leur mémoire,
pour en faire un résumé. Les mémoires ont tous
été lus par les membres de la commission, ils ont
été résumés non seulement par ceux qui nous les
font tenir, mais également par le personnel de ta commission. Ne vous
sentez pas obligés - je m'adresse directement à nos
invités - de nous relire tout le mémoire, d'autant plus que le
vôtre est impressionnant à la fois par son contenu et son nombre
de pages. Ensuite, chaque formation politique a 20 minutes pour discuter avec
vous.
Sans plus tarder, je vais céder la parole à la personne
d'entre vous qui veut la prendre.
Table de concertation télématique et
libertés
M. Tardif (Gilles): Je voudrais d'abord vous remercier de nous
offrir la chance d'exposer notre mémoire devant cette commission et vous
souligner que mes collègues vont répondre aux questions. Je vais
surtout tenter de résumer le mémoire que nous vous avons
présenté en vous signalant que M. Péladeau agit à
titre de personne-ressource pour la Table de concertation
"télématique et libertés". Dans la mesure où les
gens ne pouvaient pas se déplacer, il est un peu leur porte-parole.
Mme Rozon est permanente à l'ACEF du centre de Montréal et
je suis moi-même Ici au nom de la Ligue des droits et
libertés.
Le mémoire a été préparé par la Table
de concertation "télématique et libertés", une table qui a
été constituée depuis 1983 à l'Initiative de ta
Ligue des droits et libertés à la suite de l'éclatement de
scandales dans les listes noires de locataires.
Depuis, la table de concertation a tenté d'intervenir chaque fois
que les droits et libertés étaient mis en cause par un usage
discutable de renseignements personnels ou des technologies d'information. Elle
s'est penchée sur la réforme du Code civil et tes
législations canadiennes et québécoises en matière
de protection de renseignements personnels, des services de
télématiques câblodistribués, des systèmes de
transfert électronique de fonds, l'usage de détecteurs et des
tests médicaux, le projet de fichier clientèle
d'Hydro-Québec et d'autres sujets.
Les membres actuels de cette table sont l'ACEF, centre de
Montréal, l'Association des consommateurs du Québec, la
Fédération nationale des associations de consommateurs du
Québec, l'ACEF de Laval et celui du sud-ouest de Montréal, le
Groupe de réflexion et d'intervention sur les nouvelles technologies, le
Regroupement des comités de logements et des associations de locataires,
la CSN. la CEQ et la Ligue des droits et libertés.
Lors du dépôt de notre mémoire, trois organismes
avaient signé, soit: La Ligue des droits et libertés,
l'Association des consommateurs du Québec et l'ACEF du centre de
Montréal. Depuis, l'ACEF Laval est devenue cosignataire et les autres
adhérents feront parvenir à la commission leur endossement
dès qu'il sera possible, au fur et à mesure que leurs instances
prendront leurs décisions.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, nous aimerions d'abord souligner
que la question de la protection des renseignements personnels au Québec
est un sujet important, surtout quand il faut indiquer clairement des limites
dans le
contexte actuel au Canada et particulièrement au
Québec.
Le droit canadien prévoit depuis quelques années que tes
renseignements concernant les citoyens et citoyennes du Québec
accumulés par quelque organisme public ou privé que ce soit
peuvent être détournés de leur finalité pour
être utilisés à des fins politiques par des
ministères et des organismes gouvernementaux, canadiens et
québécois.
Concrètement, cela veut dire que la Loi sur le service canadien
du renseignement de sécurité permet ce genre de choses et les
renseignements détenus par n'importe quel organisme pourront être
utilisés à l'encontre de personnes dont le seul tort est
d'exprimer une ou des opinions à l'encontre des intérêts
politiques du gouvernement canadien. Ces mesures de surveillance à
l'endroit d'un nombre important de personnes qui, par ailleurs, ne commettent
aucun crime et ne projettent nullement d'en commettre jettent une
hypothèque bien lourde sur tes lois que la présente commission
parlementaire entend étudier. Nous demandons donc que le gouvernement du
Québec se joigne à nos organisations pour demander à
Ottawa que la Loi sur le service canadien du renseignement de
sécurité soit modifiée pour exclure définitivement
la dissidence politique de son champ d'application et pour assurer un
contrôle adéquat des activités du SCRS.
De façon générale, nous voulons dire que la Loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels doit être maintenue et que la surveillance de
son application doit demeurer sous la responsabilité d'un organisme
indépendant, telle la Commission d'accès à l'information.
Nous croyons fermement que l'on doit maintenir la possibilité de
recourir à un tribunal indépendant et accessible où la
citoyenne ou le citoyen peuvent se présenter sans avocat dans les
délais les plus courts possible de façon à ce qu'un
différend soit tranché entre les parties.
En vertu des mêmes principes, nous sommes d'accord avec la
recommandation de la commission proposant que, en cas d'appel d'une des
décisions, les frais d'avocats engagés par la citoyenne ou le
citoyen soient défrayés par les fonds publics. Plusieurs des
demandes et recommandations de notre mémoire impliquent cependant que
soit modifié le mandat actuel de la commission. Outre le mandat
d'information, il y a notamment celui de susciter la participation large et
démocratique de la population et des organismes intéressés
à la maîtrise sociale des impacts sociojuridiques du
développement des systèmes de traitement des renseignements
personnels.
Dans notre mémoire, nous nous sommes également
déclarés d'accord avec les recommandations de la commission
d'accès en général, surtout quant au volet de protection
des renseignements personnels de la loi Nous avons proposé certains
amendements de détail visant à faciliter l'exercice des droits
des individus. Cependant, quelques-unes des recommandations de la commission
représentent des reculs inacceptables, particulièrement celtes
relatives aux articles 65 et 74 de la loi traitant respectivement des exigences
liées à la collecte de renseignements personnels et des
enregistrements de consultation. Nous avons fait des contre-propositions
susceptibles d'assouplir l'application de ces articles sans reculer sur les
principes qui les sous-tendent.
La loi d'accès et la création de la Commission
d'accès à l'information ont certes permis de faire avancer la
protection et la promotion des droits d'une société un peu plus
démocratique. Cependant, les grandes décisions en matière
de protection des renseignements personnels comme la création de
fichiers, les décisions d'effectuer des couplages ou des communications
de renseignements, affectent les droits de milliers de personnes, voire de
millions d'individus, et ces décisions continuent de se prendre en
catimini dans les officines gouvernementales, à l'insu des personnes
concernées. C'est pourquoi nous exigeons que soit reconnue la
nécessité de consulter les citoyennes et les citoyens
concernés par l'implantation de changements relatifs aux systèmes
d'information et aux services impliquant des renseignements personnels les
concernant, donc de leur transmettre les renseignements pertinents portant sur
la nature des changements et les Impacts possibles sur les services et les
personnes concernés avant l'adoption définitive du projet.
À ce chapitre, les résolutions adoptées
récemment par le congrès général du Rassemblement
des citoyennes et citoyens de Montréal montrent la voie des
développements que devrait connaître la législation
québécoise en matière de protection de renseignements
personnels.
Récemment, une première expérience de participation
a été tentée par un organisme public
québécois. Cependant, cette tentative a avorté avant
même d'être véritablement amorcée. Il s'agit d'un cas
qui constitue encore un litige impliquant plusieurs des organismes membres de
cette table et que nous voulons rappeler à la commission.
En mai 1986, Hydro-Québec décidait de consulter les
associations de consommateurs avant de revoir sa politique à la
clientèle. Il est d'ailleurs tout à l'honneur
d'Hydro-Québec de poser un tel geste. Cependant, sur plusieurs points,
la consultation se poursuit toujours, mais il est un point où les
discussions sont closes, soit la mise sur pied d'un superfichier qui
contiendrait une foule de renseignements personnels sur chacun des nouveaux
abonnés de l'entreprise d'État. Hydro-Québec a
décidé d'aller de l'avant dans cette direction sans même
répondre aux objections et aux questions des associations de
consommateurs. Hydro-Québec avait déclaré, par la voix de
son représentant: On vous répondra une fois la directive
adoptée. Cela oblige
donc à demander publiquement des réponses que nous avons
d'ailleurs faites en novembre dernier.
En fart, qu'est-ce que les associations de consommateurs reprochent ou
ont à redire à ce projet? Il leur manquait tellement de
détails sur ce projet de fichier qu'il devenait très difficile
d'argumenter très sérieusement. Les associations de consommateurs
ont soulevé des objections de principe à sa mise sur pied et ont
invoqué la nécessité de protéger la vie
privée des clients tout en signalant de nombreuses questions qui exigent
des réponses claires avant d'aller plus loin.
Sur le plan des principes, les associations critiquent le fait que tout
ce projet pénalise l'ensemble de la clientèle, alors que l'un des
principaux objectifs d'Hydro-Ouébec est de pouvoir retracer une toute
petite minorité de fraudeurs. Pour pouvoir coincer quelques individus
qui jouent à déménager sans payer leurs comptes, on soumet
tout le monde a un contrôle quasi policier. Par ailleurs, la
possibilité évoquée par Hydro-Québec de remplacer
les renseignements à fournir par un dépôt remboursable
après un an apparaît très discriminatoire. Cela voudrait
presque dire qu'il faudrait ainsi payer le droit d'avoir accès à
sa vie privée.
Les questions que nous nous posons dans ce contexte ont mis
évidemment Hydro-Québec mal à l'aise parce que
généralement elle ne connaissait pas les réponses aux
questions que nous posions. Nous croyons que c'est la rançon de
l'improvisation. Une fois son fichier implanté, Hydro-Québec
devra pourtant répondre à beaucoup de ces questions dans les
déclarations qu'elle devra fournir à la Commission d'accès
à l'information. Pourquoi ne pas y répondre maintenant pour que
la discussion puisse s'engager? Plusieurs de nos questions sont encore
justifiées. Par exemple, sur les mesures de sécurité. Nous
avons appris que des agences de recouvrement, des associations de
propriétaires de logements locatifs et même des agents d'immeubles
ont obtenu et continuent d'obtenir d'employés d'Hydro-Québec des
renseignements confidentiels sur des abonnés. Le mutisme dans lequel
s'est réfugiée la société d'État est loin de
nous rassurer.
Des associations de consommateurs et les organismes signataires du
mémoire réclament donc une reprise du processus de consultation
sur ce fichier. Hydro-Québec devra tout particulièrement
répondre aux questions déjà soulevées et s'engager
à faire une étude sur l'impact social de la création de
son fichier. Dans ces demandes, nous revendiquons un droit de regard des
populations sur les pratiques informationnelles qui les concernent et qui les
affectent. Nous ne voulons plus nous contenter seulement qu'une loi
protège nos vies privées contre l'usage abusif. Nous
désirons avoir notre mot à dire sur l'élaboration des
systèmes qui affecteront notre qualité de vie, notre autonomie,
nos droits et libertés.
Trop de projets Importants sont actuellement en cours
d'élaboration. Par exemple, le carnet de dossiers santé
informatisée, l'expérimentation des cartes de débit,
l'expérimentation de services télématiques à
domicile. Ces projets sont importants. Ils risquent d'affecter les droits de la
qualité des citoyens pour des années, voire des décennies
à venir. C'est pourquoi nous voulons participer à leur
élaboration.
La commission d'accès a soulevé dans son rapport la
question d'opportunité de réglementer le secteur privé
quant à la protection des renseignements personnels. Au Québec,
cette problématique fait l'objet d'un consensus de plus en plus grand.
En 1982, le scandale des listes noires de locataires, véritable
système organisé de discrimination, lançait
définitivement le débat chez nous. Depuis cette date, comme
l'indique le rapport de la commission, cette problématique n'a
cessé de préoccuper des segments de plus en plus importants de la
société. De plus en plus de citoyens contactent nos organismes
pour se plaindre de diverses atteintes à leur vie privée ou de
certaines pratiques douteuses des entreprises privées.
En 1985, les représentants du gouvernement du Québec, des
mondes patronal et syndical, de l'industrie informatique, des
universités et des groupes socio-économiques faisaient consensus
sur le fait que, à l'instar des pays européens les plus
avancés, le Québec se dote, à brève
échéance, d'une loi assurant la protection des renseignements
personnels détenus par les organismes privés et devaient
étudier d'autres modalités susceptibles de renforcer cette
protection. En 1987, l'Assemblée nationale adoptait le projet de loi 20
portant réforme au Code civil du Québec Incluant un chapitre
intitulé "Du respect de la réputation et de la vie
privée." Bref, en quelques années, le débat public sur
cette question est passé rapidement de "doit-on imposer certaines
règles de conduite au secteur privé?" à "comment assurer
et compléter de manière satisfaisante l'application des quelques
principes de base édictés au Code civil?"
L'adoption de ce chapitre du Code civil était attendue depuis
longtemps. Dès 1982, le gouvernement du Québec nous brandissait
ce projet de chapitre comme remède aux fameuses listes noires de
locataires. Depuis cette date, chaque fois que de simples citoyens ou que des
associations ont dénoncé publiquement diverses atteintes, le
projet de loi est désigné comme une solution. Rien, absolument
rien ne saurait justifier le gouvernement de retarder plus longtemps la mise en
vigueur de ce chapitre sur le respect de la réputation et de la vie
privée. La mise en application immédiate du chapitre ne posera
aucun problème de concordance entre l'actuel Code civil et le nouveau
Code civil du Québec. Il s'agit d'un chapitre distinct et autonome du
reste du code.
Nous demandons donc au gouvernement du Québec: 1° de mettre
en vigueur dans les plus
brefs délais le chapitre du Code civil du Québec relatif
au respect de la réputation et de la vie privée; 2° de voir
immédiatement à préciser sectoriellement les conditions et
les modalités d'exercice des droits énoncées à ce
chapitre afin d'éviter aux individus d'avoir à se
présenter devant des tribunaux de droit commun pour ce faire. En effet,
le coût et la lenteur d'un tel recours risquent de décourager le
simple citoyen de faire respecter ses droits légitimes, alors que,
entre-temps, tes dommages découlant d'une décision prise sur la
base de renseignements erronés sont devenus irréparables.
Nous proposons que le secteur d'intervention prioritaire soit celui des
agences d'information sur les consommateurs. Pour le reste, nous identifions en
priorité les secteurs suivants: tes banques et les compagnies
émettrices de cartes de crédit, les compagnies d'assurance-vie et
de régimes de rentes, tes employeurs, les fournisseurs et les
utilisateurs de réseaux de communication et enfin les autres
Intermédiaires et commerçants de données, tels les
fournisseurs de listes d'adresses, les agences de placements, les experts en
sinistre, les enquêteurs privés, etc.
Nous savons qu'un comité interministériel étudie
les quelque 175 recommandations du rapport L'identité piratée et
doit formuler pour le gouvernement une politique d'action
détaillée. Nous comptons réagir de manière
approfondie lors de la publication de cette politique. Cependant, nous
désirons remarquer un accord général avec l'esprit de
l'ensemble des recommandations du rapport, particulièrement quant
à l'urgence et à la nécessité d'une intervention
publique, les droits au débat public et l'objectif d'une maîtrise
sociale de l'informatisation de la société.
Un grand nombre d'employeurs et presque toutes les compagnies
d'assurances de personnes exigent un test médical avant d'embaucher une
personne ou de l'assurer. Certains employeurs auront recours à des
agences privées d'investigation qui, entre autres, recueillent des
renseignements médicaux auprès des tiers et surveillent les
agissements des personnes. Les compagnies d'assurances font souvent de
même dans les cas où il y a eu réclamation de la part d'une
assurée ou d'un assuré. Ces enquêtes s'ajoutent aux tests
médicaux et aux longs questionnaires sur les antécédents
médicaux exigés avant l'embauche ou la conclusion d'un contrat
d'assurance. La Ligue des droits et libertés de la personne en
particulier a reçu plusieurs plaintes à ce sujet. Les gens
percevaient les enquêtes comme une intrusion injustifiée dans la
vie privée, car l'enquêteur posait plusieurs questions ayant trait
au caractère, à la réputation et au style de vie
auprès des voisins, des amis et des parents. De plus, ils y voyaient une
atteinte à la réputation, étant ainsi
considérés comme des personnes de mauvaise foi. (10 h 30)
La psychose du SIDA, le développement de nouveaux tests
permettant de déceler non plus des maladies, mais de simples
prédispositions génétiques incitent les entreprises
privées à recourir de plus en plus à des batteries de
tests dont la pertinence et la fiabilité demeurent douteuses. Le
problème est d'autant accru qu'il existe des réseaux de
communication de tels renseignements, comme, par exemple, le Medical
Information Bureau, sur lequel personne n'a aucun contrôle. C'est
pourquoi nous réclamons que soit balisée l'utilisation de tels
tests afin d'éviter les abus, les atteintes à la vie
privée et aux droits et libertés.
En concluant, nous voudrions souligner que les recommandations que nous
avons soumises dans notre mémoire visent à consolider et à
renforcer la liberté fondamentale des citoyens et citoyennes face aux
pressions dépersonnalisantes des appareils bureaucratiques publics et
privés. La survie du caractère démocratique de notre
société dépend de notre habileté à faire
face à ces pressions, alors que s'érige une économie de
l'information. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le Président
Voilà un mémoire, à mon avis, très fouillé,
fort bien fait, en un mot ou en deux plutôt, très impressionnant,
ce qui devrait nous amener à réfléchir, à la suite
de votre réflexion, à la question de l'élargissement
possible de la loi actuelle au secteur privé. Ce n'est pas une question
facile, vous en conviendrez.
Mes premières questions ne porteront pas sur cet aspect, je suis
convaincu que mes collègues vont le faire, d'un côté ou de
l'autre de cette table. Vous insistez beaucoup - et je vous comprends -
notamment aux pages 27, 32 et 33... Je vous avoue que je vous écoutais
tantôt, j'ai lu votre mémoire deux fois, vous en avez fait un
excellent résumé et on avait un peu de peine à vous suivre
tantôt parce qu'on fouillait à gauche et à droite pour
savoir où vous étiez rendu, et vous avez peu abordé cette
question, me semble-t-il - peut-être en avez-vous parlé pendant
que j'essayais de chercher où vous étiez rendu sur une autre
question - de l'implication de la population, du rôle à jouer dans
la mise en oeuvre de politiques de renseignements. Vous en parlez à la
page 27 et vous en pariez aux pages 32 et 33, aux endroits où vous avez
quelques phrases sur l'émergence d'un droit nouveau. Vous faites
référence à la situation aux États-Unis, ce qui,
à mon avis, est intéressant. Vous semblez suggérer, si
j'ai bien compris, à peu près la même solution pour le
Québec.
Je vous amène, monsieur, à la page 32, à la toute
dernière ligne, pour que vous précisiez, car j'ai mal compris ou
je comprends que cela suit ce que vous avez dit à la page 27: "Nous
demandons donc que la loi d'accès soit modifiée pour inclure
l'obligation pour les organismes d'associer les citoyens et citoyennes à
tout projet de fichier, de couplage, de communication, etc. Ces modifications
devront prévoir des modalités. Nous demandons aussi que cette
même obligation soit
prévue pour le secteur privé." Est-ce que vous pourriez
expliquer quelque peu, me donner une idée, notamment de ce que
pourraient être ces modalités? C'est une question importante qui
m'intéresse au plus haut point.
M. Péladeau (Pierrôt): En fait, les membres de la
table de concertation ont surtout statué sur les principes de la
concertation et de la participation des citoyens. Pour ce qui est des
organismes du secteur public, les modalités restent à
définir. Il y en a certaines qui ont déjà
été définies largement. Les lois américaines
définissent très largement ces modalités dans la mesure
où on dit simplement que les projets doivent être
publicisés et que les organismes doivent donner l'occasion à
toute personne concernée de faire des représentations, de
présenter des mémoires ou des commentaires sur ce projet. Dans la
loi américaine, on laisse finalement aux organismes concernés le
soin de gérer ces modalités de participation des citoyens
à l'élaboration des fichiers ou la consultation
préalable.
Concernant les modalités possibles, en tout cas, il y a celles
qui sont décrites aux pages 43 et 44 relativement aux propositions
adoptées lors du congrès du RCM de novembre 1987 où, d'une
part, une fois que le projet a été suffisamment
élaboré pour être en voie d'adoption, on demande que,
éventuellement, le conseil municipal fasse une consultation publique
avant l'implantation, donc avant l'investissement de fonds dans ce projet, et,
en plus, qu'on fasse une contre-expertise autonome avant cette consultation.
C'est une méthode qui peut être applicable. Le RCM fait
également une suggestion dans les cas où les services affectent
des bénéficiaires ou des groupes d'individus particuliers. C'est
la recommandation 11.6, à la page 44. En fait, on demande d'associer les
bénéficiaires à la création des fichiers.
On en a cité plusieurs exemples, en particulier la mise sur pied
d'une carte de vaccination, à Blois où on a décidé,
dès le départ, d'impliquer les gens. On s'est rendu compte que
cela avait des effets. On a cité aussi l'exemple de la ville d'Igny, un
exemple assez semblable d'ailleurs à ville de Berkeley, en Californie,
où il y a une commission municipale et quand il y a là des
investissements importants dans le domaine informatique ou de nouveaux
fichiers, on consulte les élus, donc, les modalités, on n'a pas
voulu les préciser. En fait, on est en pleine expérimentation
à ce niveau. L'expérience d'Hydro-Québec, c'est une
expérience qui a avorté, mais où il y avait un organisme
qui, volontairement, associait dans les débuts - l'élaboration du
projet de fichier allait durer environ deux ans - les associations de
consommateurs à l'élaboration de ce fichier. On n'a pas voulu
définir les modalités. Elles seraient à définir
selon les fichiers et selon les organismes. Tout cela pour répondre en
un mot.
Le Président (M. Trudel): Je vous remercie. Une autre
question; je vous ramène sur une tout autre chose. C'est un sujet que
vous abordiez au tout début de vos recommandations lesquelles, on le
sent, appuient de façon générale celles de la commission;
je veux parier du droit d'appel.
Vous savez que certains groupes ont remis en question le principe
même de ce droit d'appel. D'autres groupes, au contraire, ont dit: II
faut absolument le conserver. Je suis à la page 3 de votre
résumé, je pourrais retrouver l'original dans votre texte. Vous
dites, dans la liste des recommandations à 3.2, que, en cas d'appel ou
de révision d'une décision de la commission, les frais d'avocats
engagés par la citoyenne ou le citoyen devraient être
défrayés par les fonds publics. C'est aussi une recommandation
qui nous a été faite par quelques groupes. Dois-je comprendre que
vous acceptez, comme organisme représentatif d'autres organismes, comme
table de concertation, que le droit d'appel soit maintenu tel quel, tel qu'il
existe actuellement dans fa loi?
M. Péladeau: Le droit d'appel est évidemment un
couteau à double tranchant. Évidemment, le droit d'appel peut
être avantageux pour les simples citoyens pour faire valoir leurs points
et faire corriger éventuellement les erreurs de droit, en particulier
qui auraient pu être commises par la commission. Dans ce sens-là,
le droit d'appel peut être avantageux. Le désavantage, la
commission l'a évidemment signalé, c'est que les organismes
publics se servent de ce droit d'appel comme un moyen de contrecarrer les
décisions de la commission. Dans ce sens-là, à notre avis,
le principe de l'appel ou de la révision d'une décision de la
commission doit rester. On n'a pas statué sur le fait que ce serait un
appel sur le plan juridique ou une simple révision en droit des
décisions de la commission, mais on considère, pour ce qui est de
la question du principe, qu'on doit pouvoir faire réviser, au minimum en
droit, les décisions de la commission et, dans tous les cas, on demande
que s'il y a appel, dans la mesure où le citoyen ou la citoyenne qui ont
fait appel à la commission s'attendaient à avoir un recours peu
coûteux, dans ce cas-là, on constitue un fonds pour
défrayer les coûts d'avocat encourus par les citoyens. Les
modalités pourraient être déterminées dans la mesure
où les organismes qui seraient peut-être éventuellement
déboutés auraient peut-être à contribuer au fonds;
cela pourrait être un fonds autofinancé, mais nous sommes pour le
maintien du principe d'un recours en appel ou en révision, mais nous ne
nous prononçons ni dans un sens ni dans l'autre de façon
définitive.
Le Président (M. Trudel): Très bien. Toujours dans
vos recommandations, aux recommandations 12.3 et 13.2, on parle finalement un
peu toujours de la même chose, des renseignements
personnels, des profils informatiques. J'aimerais vous entendre
davantage sur ces recommandations. 12.3 se lit: "Que tout projet de fourniture
au secteur privé de renseignements personnels détenus par un
organisme public fasse l'objet par la commission d'une étude
fouillée et d'une consultation publique."
Vous allez peut-être me dire que les mots patient
d'eux-mêmes, mais j'aimerais quand même vous entendre
préciser. Quant à moi, J'aime beaucoup votre recommandation 13.2.
J'ai déjà eu quelques problèmes avec ce genre de profil,
qu'on a convenu d'appeler profil informatique; peut-être pourriez-vous
insister quelque peu sur la notion de profil informatique parce que c'est une
question extrêmement importante et qui n'est pas nécessairement
comprise facilement par tout le monde?
M. Péladeau: D'accord. Pour ce qui est de la
recommandation 12.3, concernant la fourniture au secteur privé de
renseignements personnels détenus par un organisme public,
déjà la commission veut avoir le moyen de suivre ce genre de
fourniture et éventuellement l'autoriser. Nous, ce qu'on ajoute, c'est
dans le sens de la question du principe de consultation publique et de
participation. On ajoute que ce genre de fourniture devrait faire l'objet de
consultation publique. En fait, ce qui motive cela, c'est l'expérience
de plusieurs organismes membres de la table de concertation vis-à-vis...
Notamment, la table de concertation s'était prononcée, si je me
souviens bien, en mars 1983, concernant les renseignements publics
détenus par la Régie du logement qu'elle venait d'informatiser.
Par ce fait même, dans la mesure où ces renseignements
étaient publics, éventuellement n'importe qui, y compris à
l'époque une association de propriétaires qui cherchait justement
à remettre en cause la juridiction de la Régie du logement,
pourrait s'en servir pour construire de façon automatique des listes
noires de locataires ayant utilisé ou eu recours à la
Régie du logement, finalement... d'avoir fait l'exercice des droits
prévus par la loi.
On a eu cette expérience qui nous fait rendre compte que des
renseignements fournis par le secteur public, qui ont été
recueillis pour une fin, peuvent, une fois qu'ils ont franchi la
barrière du secteur public, servir à des fins tout autres que
celles qui avaient été prévues initialement. Ce sont un
peu les effets pervers de la dissémination de renseignements personnels,
ies renseignements recueillis pour une fin peuvent servir à toute autre
fin une fois qu'ils sont disséminés. Donc, il s'agissait de
contrôler ces cas, de pouvoir les prévoir et d'éviter,
éventuellement, des détournements de finalités qui
n'avaient pas été prévus initialement. Le sens de cette
recommandation, c'est que la commission n'ait pas seulement le pouvoir
d'étudier ces fournitures de renseignements, mais que les personnes
concernées puissent éventuellement fournir les informations
à la commission pour qu'elle puisse prendre une décision
éclairée. Souvent, ces fournitures peuvent aussi être
faites en vertu de contrats entre l'organisme public et l'organisme acheteur
d'informations, et on pourrait prévoir certaines modalités qui
pourraient contrôler cette diffusion. C'est pour la recommandation
12.3.
Pour ce qui est de 13.2, l'usage de profils informatiques, les membres
de la table de concertation se sont beaucoup inspirés de
l'expérience française à ce sujet. En fait, ce dont on se
rend compte, notamment dans le domaine de la consommation, dans le domaine des
assurances, dans le domaine des institutions financières, c'est que, de
plus en plus, les décisions qui affectent les personnes sont prises sur
la base de profils statistiques, c'est-à-dire une grille de pointage
qu'on élabore. C'est-à-dire qu'on a élaboré une
cote de risques et en fonction des comportements d'un certain nombre de
personnes, on va établir qu'une personne appartient à une telle
catégorie socio-économique représentant un risque X. Ce ne
sont pas les caractéristiques de la personne individuelle qui servent
à prendre la décision, mais les caractéristiques
sociologiques de ta personne. (10 h 45)
L'usage de profils informatiques est de plus en plus utilisé, que
ce soient des profils sociologiques ou autres, dans la mesure où c'est
de moins en moins sur la base du dossier personnel de la personne qu'on prend
la décision, mais en fonction de son appartenance à un groupe. Je
peux donner des exemples américains là-dessus. II y a eu
l'exemple d'une commission scolaire qui avait recueilli des informations
socio-économiques sur les élèves d'écoles
secondaires et, à partir de ces données, tous les
élèves qui appartenaient à un groupe
socio-économique où on retrouvait en général un
certain pourcentage significatif de délinquants ou de jeunes faisant
l'usage de drogues ont été pointés par le système
informatique, alors qu'il n'y avait aucune prédisposition
signalée, mais comme ces jeunes appartenaient à un groupe
sociologique identifiable dit à risques, on les a identifiés, on
leur a imposé un programme particulier de formation qui "discriminait"
par rapport au reste de la formation que recevaient les jeunes des
écoles secondaires.
On a un exemple de ce genre de pratique dans le secteur public, il y en
a d'autres qui se sont développées un peu partout dans le secteur
privé. Ces exemples montrent que, de plus en plus, la prise de
décision se fait pour des raisons d'efficacité, en fonction de
statistiques plutôt qu'en fonction des personnes qu'on a vraiment devant
nous.
Le Président (M. Trudel): Je me permets de vous
arrêter et de vous demander si, dans la foulée de ce que vous me
dites et des exemples que vous nous donnez, votre recommandation qui
fait partie du chapitre sur les tests médicaux et proposant que
les compagnies d'assurances des personnes tiennent compte de l'état
réel de santé dans leur calcul de risques ne peut pas être
rattachée un peu à ce que vous me dites. Au fond, on parle aussi
de profils...
M. Péladeau: Ce sont des profils, sauf que si on prend le
cas des compagnies d'assurances, des régimes de rentes, il faut se
rappeler que, en vertu de la Charte des droits et libertés de la
personne, la Commission des droits de la personne a le pouvoir en tout temps
d'intervenir, de réglementer et d'interdire l'usage de certains types de
discrimination ou l'usage de certains critères dans
l'établissement des risques. Donc, le cas des assurances de personnes
est déjà couvert par la Charte des droits et libertés de
la personne.
Le Président (M. Trudel): D'accord. Une dernière
question en ce qui me concerne. Tout en prenant acte de l'appui que vous
accordez aux recommandations du GRID, que nous rencontrons immédiatement
après vous et avec lequel nous discuterons sans doute de façon
plus approfondie de ces recommandations, je voudrais aborder finalement, parce
que le temps presse - il ne reste qu'à peu près quatre minutes
à ma formation politique - la question de la protection des
renseignements personnels dans te secteur privé. Je le disais au
début de l'intervention, voilà une question Importante et
délicate. Je pense que l'analyse que vous en faites est bien faite. En
tout cas, elle m'a amené à réfléchir longuement. En
admettant que, pour les fins de la discussion, bien sûr, et pour des fins
d'étude par la suite, la commission retienne votre suggestion et que,
par la suite, le gouvernement retienne la suggestion ou la recommandation de la
commission - nous sommes dans la double hypothèse, et peut-être
peut-on espérer que cela se réalise - comment voye2-vous
l'assujettissement de tout ce secteur à la loi? Quel rôle la
Commission d'accès à l'information pourrait-elle tenir dans
cette...
M. Péladeau: Nous savons que c'est une question que la
table de concertation n'a pas vraiment tranchée dans la mesure où
elle n'a pas pu... En fait, ce que la table de concertation attend pour pouvoir
trancher, pour pouvoir se prononcer dans la mesure où les seules
recommandations que nous avions entre les mains étaient justement celles
de L'identité piratée et qu'on ne savait pas comment cela serait
pris par le gouvernement... Sur ces questions, la table de concertation s'est
réservée la possibilité de commenter plutôt les
recommandations qui seront faites par le comité interministériel,
parce qu'à la lecture des documents, les membres de ladite table de
concertation se sont rendu compte qu'on s'est demandé si la Commission
d'accès à l'information pourrait être l'organisme le plus
adéquat pour régir le secteur privé dans la mesure
où, déjà, l'Office de la protection du consommateur a une
petite Juridiction concernant les agences d'informaiton. Il s'agit d'une
harmonisation à faire des mandats vis-à-vis du secteur public et
du secteur privé et, dans ce sens-là, on n'a pas abordé
spécialement ces questions.
Le Président (M. Trudel): Merci. Avant de céder la
parole au député de Taillon, je voudrais simplement vous
répéter que votre mémoire est l'un des plus
fouillés et des mieux faits, sans jeter le discrédit sur les
autres qu'il nous a été donné de lire. Je retiens, entre
autres, votre demande pressante - vous nous en avez fait part aussi par
conférence de presse il y a trois semaines, un mois ou un peu plus - de
mettre ce chapitre du Code civil en vigueur le plus rapidement possible. Nous
en prenons acte à cette commission de la culture. J'ai l'habitude de
dire, avec mon ami de Saint-Jacques: La culture est dans tout et tout est
culture. C'est une décision quand même qui revient au ministre de
la Justice. Peut-être pourrions-nous demander au ministre, quand il sera
ici aujourd'hui, de faire le message à son collègue. De toute
façon, je suis convaincu que l'Opposition, en particulier le
député de Taillon qui est également critique en
matière de justice, se fera un plaisir de faire le message au
ministre.
Quant à moi, je vous remercie d'abord de nous avoir fait parvenir
un mémoire d'une telle qualité et de vous être
déplacés ce matin pour venir nous rencontrer. Je cède la
parole au député de Taillon.
M. Filion: M. Péladeau ainsi que les gens qui vous
accompagnent, je dois vous dire que j'ai été extrêmement
impressionné par la qualité du travail que vous nous avez
présenté. Le président vient de le mentionner. Il s'agit,
à mon avis, d'un document, d'une étude, d'une recherche et d'une
réflexion qui aurait probablement avantage à être
publiée, d'ailleurs. Je n'aurai pas besoin d'acheter le livre parce que
j'ai déjà une copie du mémoire. Ce n'est pas parce que mon
collègue, le député de Saint-Jacques, un homme
éminemment préoccupé par la question de l'édition
des livres, est avec moi, ce matin, que je le dis. J'ai remarqué,
d'ailleurs, au début de votre mémoire, que vous avez fait appel,
comme de bons professeurs le font, à certaines ressources de l'UQAM,
probablement des étudiants au département des sciences
juridiques. Mais pour tous les secteurs je dois vous dire que j'ai
été très impressionné.
II y a Ici des représentants de la Commission d'accès
à l'information qui suivent nos travaux. Il y a des gens de
différents groupes qui suivent nos travaux, et je suis convaincu que le
mémoire que vous avez déposé leur servira, comme à
moi, de document de référence. Il y a évidemment, et c'est
normal, un parti pris dans votre mémoire, mais il y en a un
également à l'intérieur de la loi. La loi d'accès
à l'informa-
tlon constitue un part! pris. Il y a un "biais" de dégagé
en faveur de la protection des renseignements confidentiels et de
l'accès à l'information. Donc, en ce sens, ce que je qualifierais
de parti pris dans vos prises de position ne modifie ou n'amoindrit pas la
portée de vos commentaires et de votre réflexion. Au contraire,
cela vient tes alimenter, en particulier, toutes les références
que vous faites à ce qui se passe à l'extérieur du Canada
et du Québec. C'est extrêmement intéressant. C'est une
recherche qui a dû demander beaucoup de temps et qui vient nous apporter
l'éclairage d'autres pays, d'autres démocraties occidentales qui
ont fait des choix beaucoup plus poussés que les nôtres.
J'ai été frappé de voir à quet point,
notamment en France, la législation et la réglementation sont
avancées en ce qui concerne la protection des renseignements
judiciaires, ici, au Québec, depuis un an, l'Opposition harcèle
le ministre de la Justice pour qu'il cesse, pour que son ministère cesse
de vendre les données informatiques contenues dans les greffes des
palais de justice à des firmes de crédit qui ne sont aucunement
contrôlées par la loi sur l'accès à
l'information.
En France, non seulement on a dépassé cette étape,
sur le plan de l'éthique, mais on est rendu avec une
réglementation extrêmement sévère qui interdit la
divulgation de dossiers judiciaires, civils ou criminels à des tierces
personnes. Ici, le ministère les vend. Je ne sais pas si on se rend
compte de la disproportion qui peut exister dans les attitudes et les
mentalités. Et, dans ce sens, votre mémoire est extrêmement
précieux parce qu'il nous apporte l'éclairage d'autres
démocraties. Évidemment, au Québec, on a fait un bout de
chemin. Il faut savoir que la loi n'est en vigueur que depuis cinq ans. Elle a
un peu plus de dents depuis trois ans; c'est très peu. Mais II faut
quand même regarder l'avenir.
La première question que pose votre mémoire, et le
président l'a bien soulevé à la toute fin de son
Interrogation... parce qu'en ce qui concerne l'assujettissement des organismes
publics financés par le gouvernement, les 3500 organismes touchés
par la loi, en tout cas le rapport de mise en oeuvre et votre mémoire
contiennent un peu certaines remarques, commentaires - vous me corrigerez si
vous le jugez à propos - mais de façon générale je
pense qu'on est plus à l'étape de la modulation.
Le grand problème de base est évidemment
l'assujettissement du secteur privé. Le rapport de mise en oeuvre de la
commission est timide sur ce sujet. J'emploie le qualificatif que j'ai
employé hier. Il y a un peu de timidité à ce sujet. Votre
mémoire va beaucoup plus loin. L'argumentation est bien
développée aux pages 13, 14 et suivantes de votre mémoire.
Là aussi, j'ai été frappé du fait que, en
Grande-Bretagne, le gouvernement conservateur de Mme Thatcher en 1984 a
adopté une loi, "Data Protection Act", qui vise à assujettir le
secteur privé en ce qui concerne l'accès à l'information
et la protection des renseignements.
Dans votre mémoire, vous dites, et je le cite: 'Le Data
Protection Act de 1984 avait été demandé et soutenu par
l'industrie des services informatiques britanniques." J'apprends quelque chose
encore dans votre mémoire: "La Banque Royale s'est faite le champion de
la signature d'un accord Canada-États-Unis sur la protection de la vie
privée dont elle a traité dans plusieurs publications et
colloques. Ainsi, ce n'est pas seulement au Québec que le débat a
nettement dépassé la question de savoir si, oui ou non,
l'État doit intervenir."
Ensuite, vous justifiez tl fait que le secteur privé, par la
suite dans votre mémoire, doive maintenant être assujetti à
des normes visant à protéger le citoyen et à permettre
également un accès intelligent à l'information. Vous
faites allusion à ce qui existe maintenant: les guichets intelligents
Cela me fascine de voir le développement de l'informatique. Dans combien
de mois ou d'années, avec une carte de crédit, pourra-ton tout
avoir? Cela avance très rapidement.
Si les informations détenues dans les bandes informatiques
centrales sont fausses ou erronées pour te citoyen, on peut imaginer le
genre d'inconvénient, d'ennui qui pourra se développer. Au fond,
tout ce que sous-tend le problème des bandes informatiques, c'est:
Lorsque l'information est exacte ce n'est quand même pas si pire, bien
que cela constitue déjà une forme de société de
surveillance. Mais lorsque l'information est inexacte, c'est: Bonne chance tout
le monde! Aller changer ce qui est contenu dans l'ordinateur et qui vous
empêche de faire en sorte que votre petite carte de crédit
universelle vous donne accès aux biens ou services que vous avez
demandés.
Ma première question porte donc sur cet assujettissement du
secteur privé. Vous demandez également l'application du chapitre
du Code civil traitant de la protection de la réputation, le respect de
la vie privée. J'y reviendrai tantôt.
Ma première question là-dessus, M. Péladeau, et je
sais que vous y avez réfléchi, c'est: À votre avis, est-ce
qu'il serait opportun pour le législateur maintenant, uniquement cinq
ans après l'adoption de cette loi, alors que nous en sommes encore
à une étape de modulation du cadre juridique que nous nous sommes
donné, de procéder maintenant à inclure tout ce pan de mur
qu'est le secteur privé - cela fait allusion aux compagnies de
crédit, aux compagnies d'assurances, aux institutions
financières, etc. - à inclure ces corporations, ces organismes du
secteur privé dans une législation coercitive? Ne risquerait-on
pas de brûler un peu les étapes ou croyez-vous plutôt qu'il
faut agir et maintenant? C'est plutôt le "maintenant" sur lequel porte ma
question. C'est une question d'opportunité dans le temps. (11
heures)
Le Président (M. Trudel): M. Péladeau, si
vous me le permettez et si le député me permet une
interruption très brève, retenez votre réponse à la
très longue question du député de Taillon.
M. Filion: C'était un commentaire, pas une question, M. le
Président.
Le Président (M. Trudel): Oui, un commentaire plutôt
qu'une question, j'en conviens. Je voudrais souligner - on le fait rarement
dans de telles commissions, mais il est rare qu'on ait la visite d'une telle
qualité au Québec - j'aimerais souligner la présence dans
cette salle de M. Jean-Claude Artigny qui est président, comme par
hasard, de la Commission de la culture du Conseil général de la
Martinique. Bienvenue en cette salle! Bienvenue au Québec et heureux
séjour! Le député de Louis-Hébert m'a
demandé, si vous consentez M. le député de Taillon,
d'intervenir une fraction de seconde. M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président, simplement pour
reprendre vos mots, je voudrais souhaiter la bienvenue aux gens de la
Martinique. Il est en train de s'établir des liens d'amitié
particuliers entre le Québec et la Martinique. Nous avons beaucoup de
choses en commun et nous sommes en train de les redécouvrir. Alors, une
mission officielle que j'ai faite en Martinique au mois de décembre a
maintenant des suites avec la présence du président de la
commission de la culture et le vice-président du Conseil
général de la Martinique qui est ici. Je leur souhaite la
bienvenue. Je me permets d'exprimer le souhait que ces relations se continuent,
donnent des fruits qui soient tangibles, concrets, et j'invite les
Québécois à regarder la Martinique d'une façon
très spéciale, parce qu'on y compte beaucoup d'amis
là-bas. J'ai été en mesure de m'en rendre compte.
J'espère que l'accueil que nous vous réservons ici sera à
la hauteur de l'amitié que nous vous portons. Merci beaucoup.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. te
député de Louis-Hébert. M. le député de
Taillon.
M. Filion: Au nom de ma formation politique, je voudrais
également vous souhaiter la bienvenue, ainsi qu'aux personnes qui vous
accompagnent d'une façon aussi splendide, et vous souhaiter le plus
agréable séjour, non seulement dans cette enceinte parlementaire,
qui est la maison du peuple québécois, mais également dans
tout votre séjour ici au Québec.
Le Président (M. Trudel): M. Pétadeau, la
séance reprend. Vous avez eu sûrement le temps de
réfléchir à la question qui vous a été
posée?
M. Péladeau: Oui, c'est cela, quoique la Martinique fasse
rêver. La question du "maintenant". En fait, si on la prend au sens
chrono- logique, il faut se rendre compte qu'on ne s'est pas posé cette
question en Europe. On a agi dans tous les pays simultanément dans le
secteur public et privé, y compris en Grande-Bretagne où
c'était d'ailleurs demandé par l'industrie des services
informatiques. C'est d'ailleurs pourquoi la Banque Royale souhaite un accord
Canada-États-Unis là-dessus. C'est que dans la mesure où
l'on se dirige vers une économie de l'information et que justement II y
a libéralisation des échanges dans le secteur des services, H y a
déjà une certaine libre circulation de l'information. Mais
déjà cela implique que, pour que l'industrie des services puisse
être compétitive, elle puisse, au moins, garantir un même
niveau de protection des renseignements personnels qui sont traités par
ces industries.
Donc, déjà pour ce qui est du "maintenant", il y a le fait
que - c'est peut-être une question qui ne s'est pas posée ailleurs
- dans la mesure où, en Europe, on a légiféré en
même temps, et qu'aux États-Unis aussi on a
légiféré à peu près en même temps,
sauf qu'on a procédé, plutôt que par une loi universelle,
par des lois sectorielles, dans le secteur public et certaines dans le secteur
privé. Il faut se rendre compte que, pour ce qui est de certaines
entreprises, comme par exemple les agences d'information, comme les bureaux de
crédit qui sont au centre du réseau de communication de
renseignements personnels dans le secteur privé, le Québec est
très en retard par rapport au reste du continent. En fait, de tous les
États américains, de toutes les provinces canadiennes, le
Québec fait partie des trois seules juridictions où il ne
s'applique pas de législation de protection de renseignements personnels
concernant les agences d'information, et Indirectement les compagnies
d'assurances, tes institutions financières, les employeurs qui utilisent
ces dossiers.
Pour ce qui est de la question du "maintenant", d'autant plus, dans le
contexte de libéralisation des échanges, c'est le temps ou jamais
de s'ajuster pour permettre à l'industrie de pouvoir connaître les
règles du jeu qui vont s'appliquer dans l'avenir concernant la
protection des renseignements personnels et pour faciliter la libre circulation
de l'information. Quand on va en Martinique, on sort la carte de crédit
et l'information circule. Il y a un marché mondial d'information. Donc,
il faut respecter et jouer les règles du jeu. De toute manière,
le Canada a adhéré en 1984 aux lignes directrices de l'OCDE
concernant la protection des renseignements personnels dans le secteur public
et privé et si on veut jouer les règles du jeu des pays
développés, il faut adopter notre propre législation.
M. Tardif: Je voudrais simplement ajouter deux mots.
Premièrement, je voudrais vous faire remarquer que le
mémoire que nous présentons n'est pas seulement le fruit d'un
rapport d'experts nombreux et qualifiés, mais aussi le fruit
d'appels que les organismes reçoivent, d'une tradition qui date
depuis plusieurs années de pratique, de cas et de dossiers sur lesquels
nous avons à traiter, et je voudrais signaler que la Ligue des droits et
libertés quant à celle était une des premières au
Québec à insister, avec des personnes qui ont travaillé
avec Pierrôt et avec d'autres, pour développer ce dossier et
stimuler d'autres associations dans tout le Canada, les États-Unis ou
l'Europe à s'intéresser au dossier. C'est un rapport plus large
que simplement un rapport d'experts.
Deuxième chose que j'aimerais ajouter à ce qui vient
d'être dit sur la question "pourquoi maintenant"? C'est un peu comme on
l'a vu pour Hydro-Québec, ces développements technologiques et
informatiques ne sont pas le fruit du hasard. Ils sont programmés,
planifiés et ils font l'objet d'un processus d'implantation qui dure
plusieurs années. Si on ne le fait pas maintenant, ce n'est pas
seulement que les données qui sont là vont s'accumuler et
pourraient être erronées, mais c'est aussi le fait qu'il serait
encore plus difficile d'intervenir dans un processus déjà
enclenché C'est maintenant que plusieurs compagnies comme les banques
sont en train de finaliser leur système; donc, on peut encore Intervenir
pour les influencer, avoir une participation des citoyens comme nous le
souhaitons et éviter d'être obligés de forcer tout le monde
à revenir derrière, à refaire leur classe.
Je vous donne comme exemple l'expérience qui a été
vécue à Montréal II y a quelques années avec des
organismes communautaires pour l'implantation du système Télidon,
un système canadien expérimental. Déjà, à
cette époque, la compagnie Bell, pour ne pas la nommer, avait un plan de
recherche opérationnel sur deux ans qu'elle a entièrement
transféré à des entreprises privées et commerciales
qui, elles, vont bientôt, d'ici un an ou deux, commencer à
utiliser, comme on l'a dit dans notre mémoire et comme certains le
savent maintenant dans les journaux, des systèmes de commandes à
domicile et d'achat, etc.
C'est un long travail auprès des entreprises, et j'imagine que
plus on attend, plus il deviendra difficile et extrêmement onéreux
pour les entreprises privées d'accepter des transformations ou des
modifications. C'est donc, je pense, pour une bonne raison le temps de faire
quelque chose maintenant.
J'aimerais ajouter un dernier élément. Je pense que vous
pouvez regarder comme moi la plupart des journaux et chaque fois qu'on a des
révélations sur l'état des banques d'information ou
l'état des données, elles sont en général fausses.
On pense au SCRS, par exemple, où il y a eu certaines
révélations et je rappelle aussi à M. le
député qu'un certain ministère, à une certaine
époque, avait une liste conçue au ministère des Affaires
sociales qui avait choqué plusieurs organismes, mais encore là,
la confection et la cueillette des données suivaient les mêmes
procédures que les compagnies privées peuvent utiliser
maintenant. Donc en général, la plupart de ces données
sont fausses. C'est pourquoi nous insistions à l'époque et nous
Insistons toujours maintenant pour que les citoyens puissent avoir accès
à ce qui est inscrit, à ce à quoi cela va servir pour des
tiers ou d'autres réseaux qui pourraient l'utiliser.
Je pense que cela vient ajouter de l'importance à cette
commission pour faire quelque chose maintenant.
M. Filion: Évidemment, sachez qu'on est au coeur d'une de
nos principales préoccupations quand on parle de cela. Je dois le
souligner, j'ai été également frappé à la
page 27 de votre mémoire et j'attire l'attention de mes collègues
un petit peu là-dessus, sur la loi fédérale
américaine, M. le Président, le "Privacy Act" - et cela
m'amène au cas d'Hydro-Québec - qui oblige les organismes publics
à Informer à l'avance le Congrès américain,
l'Office of Management and Budget ainsi que la population américaine, et
tout cela doit se faire par la publication d'un avis public pour tout projet de
constitution d'un fichier de renseignements personnels ou de la modification
d'un tel fichier.
Là, ce sont nos amis, les Américains, champions de la
liberté, de l'entreprise privée. On ne nous dit pas à
quand remonte le "Privacy Act", peut-être-Une voix: En 1974.
M. Filion: En 1974. C'est à peu près dans le temps
de Lyndon B. Johnson ou...
Une voix: Nixon.
M. Filion: Nixon. Mais quand même ce que je veux dire par
là, c'est que ce n'était pas nécessairement
l'époque la plus...
Le Président (M. Trudel): Il peut y avoir des exceptions
dans une carrière politique.
M. Filion: ...libérale, mais cela donne un bon
exemple.
En ce qui concerne Hydro-Québec, j'ouvre une parenthèse.
On a reçu les représentants d'Hydro-Québec hier. Vous
pourrez prendre connaissance du Journal des débats d'ailleurs
lorsqu'il sera reproduit à la suite de nos travaux. L'accès
à l'information ici circule assez bien. Des fois, cela retarde un peu,
mais de ce temps-ci je crois que la publication du Journal des débats
se fait assez rapidement. Ce que m'ont dit essentiellement les
représentants d'Hydro-Québec hier - vous pourrez le lire verbatim
- ...d'abord, iI faut leur rendre un peu hommage. Au moins, ils ont
consulté un peu avant de bâtir leur fichier de renseignements. En
ce sens-là, au moins - je ne sais pas si je leur al dit hier - il faut
leur donner crédit pour cela. Deuxièmement,
à M. le secrétaire général
d'Hydro-Québec, j'ai posé la question spécifiquement et il
m'a répondu que, quant à lui, les pourparlers n'étalent
pas terminés avec les groupes. J'ai mentionné la Ligue des droits
et libertés, l'Association des consommateurs. Bon, je vous invite
peut-être à... C'est peut-être un coup de
téléphone qui manque pour faire en sorte que le contact se
rétablisse entre vos organismes et Hydro-Québec concernant son
superfichier de renseignements.
C'est là que l'on voit l'opportunité ou l'à-propos
d'une loi comme la "Privacy Act" qui règlerait beaucoup de
problèmes, mais à HydroQuébec - il faut quand même
rendre à César ce qui lui appartient - au moins, il a
consulté un peu avant.
Ma deuxième question porte sur le chapitre du Code civil ayant
trait au respect de la vie privée et de la réputation. C'est
uniquement une partie, vous le dites bien dans votre mémoire. Vous
sous-entendez bien dans votre mémoire, sans le dire clairement, qu'il ne
s'agit là finalement que d'une partie de solution, mais vous en demandez
l'entrée en vigueur immédiate. De ce côté-là,
est-ce que vous avez eu des nouvelles récemment ou est-ce qu'il y a des
développements de votre côté à cette
demande-là au ministère de la Justice? Quant à nous,
évidemment, on l'a demandé. Le ministre de la Justice a
déjà dit qu'il avait l'intention de tout adopter en bloc, mais
qu'il était de plus en plus ouvert à certaines exceptions
à ce principe-là. On va continuer à faire pression de
notre côté, mais de votre côté, je me demandais si
vous aviez des points additionnels que vous voudriez mentionner aux membres de
cette commission pour que le message se rende bien au ministère de la
Justice.
M. Péladeau: Pour l'essentiel du message, on est bien
heureux de savoir que M. Marx réétudie la question, parce qu'il y
a trois semaines ce n'est pas ce qu'on a eu comme réponse. Mais tout ce
que l'on veut signaler, c'est que l'adoption de ce chapitre du Code civil ne
poserait aucun problème de concordance. Il est vraiment tout à
fait autonome dans le code. Ce qui fait que sa mise en vigueur immédiate
ne poserait pas de problème d'harmonisation au sein du code.
Évidemment, il faudrait peut-être en l'adoptant mettre à
jour les dispositions de la loi sur la protection des consommateurs concernant
les agences d'information parce qu'elles seront nettement
dépassées par les dispositions du Code civil. Donc il y aurait
peut-être de l'harmonisation à faire, du rattrapage à
faire, mais pour ces dispositions il n'y a pas à craindre de
problèmes de concordance pour les avocats et les étudiants en
droit.
M. Filion: Une dernière question. Sur les tests
médicaux, votre mémoire apporte plusieurs recommandations
intéressantes et plus particulièrement, à mon modeste
avis, celles portant les numéros 1 et 6 à la page 40 de votre
mémoire où vous dites: "Nous recommandons que la cueillette de
renseignements médicaux auprès des tiers autres que le
médecin personnel ne devrait être permise que lorsqu'il y a
contestation du rapport médical ou lorsqu'un doute raisonnable de bonne
foi existe sur la base de faits." Également, recommandation 6: "Que la
recommandation de la Commission des droits de la personne du Québec soit
appliquée, c'est-à-dire que les tests médicaux ne soient
demandés qu'après une offre conditionnelle
d'embauché."
Évidemment, c'est un peu vague. Avec nos recherchistes on pourra
étudier cela. Il reste que c'est difficile de voir de quelle
façon nous pouvons intégrer concrètement cette partie de
la problématique, à savoir tes tests médicaux,
l'intégrité physique, etc., parce que cela découle de
l'intégrité physique, dans la loi sur l'accès à
l'information à laquelle nous sommes un peu limités dans nos
travaux. Je ne sais pas si vous avez réfléchi un peu à ce
problème d'arrimage, si l'on veut, entre la question des tests
médicaux et la loi actuelle.
M. Péladeau: En fait, il nous semble clair qu'il serait
difficile d'arrimer cela. En fait, on est partis de la problématique
que, pour plusieurs organismes, les associations de consommateurs, la Ligue des
droits et libertés, les syndiqués, notamment la CSN, avec le
problème des tests médicaux, il y a comme une
frénésie. Cela va peut-être passer, mais il y a
présentement, on le constate, une espèce de
frénésie devant l'usage des tests médicaux à
l'embauche ou dans le domaine de l'assurance. Nous, une des possibilités
qu'on voyait, c'était éventuellement dans te cadre d'une loi
sectorielle. Si l'Assemblée nationale ou le gouvernement du
Québec optait pour des réglementations sectorielles, on pourrait
régir l'usage des renseignements médicaux comme cela a
été fait aux États-Unis par le biais de lois qui
touchaient précisément les compagnies d'assurances, les courtiers
et tout l'appareil qui s'ensuit, et les agences d'information de renseignements
médicaux, tel le Medical Information Bureau.
Donc, ce serait plus dans une approche sectorielle, semble-t-il, que
cela pourrait être spécifié. Pour ce qui est du secteur
public, éventuellement, il serait possible, par des directives claires,
de régler les problèmes. C'est un problème, à notre
avis, qui tient un peu de la frénésie, d'aller chercher de
l'information, parce qu'il n'y a pas de justification. Cela va peut-être
être une mode qui va passer. On le souhaite. J'aimerais que ce soit
clairement spécifié parce que les problèmes aujourd'hui,
ils existent, ils sont urgents à régler.
M. Filion: Le président me fait signe à propos du
temps. M. Péladeau, Mme Rozon, M. Tardif, je voudrais vous dire que le
collectif que vous avez présenté ce matin, autant par votre
mémoire écrit que par votre présentation verbale est des
plus réussis. Quant à nous de l'Opposi-
tion, nous vous en remercions.
Le Président (M. Trudel): Merci, madame et messieurs, et
bon retour chez vous. Nous allons suspendre une minute. J'annonce
immédiatement qu'il y a un changement dans l'ordre des groupes ou des
gens que nous allons recevoir. M Sohet que nous devions recevoir à midi
a aimablement accepté de céder - je l'en remercie - son droit de
parole pour cette heure aux représentants du Bureau d'assurance du
Canada qui, eux, sont rappelés à Montréal plus tôt
que prévu. Nous allons terminer notre matinée avec un
léger retard, je pense bien, en recevant immédiatement,
après la suspension de quelques minutes, les gens du Groupe de recherche
informatique et droit. Par la suite, les représentants du BAC.
(Suspension de la séance à 11 h 19)
(Reprise à 11 h 21)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission reprend ses travaux. Étant donné le
léger retard que nous avons pris, je me permets de demander
immédiatement aux représentants du Groupe de recherche
informatique et droit de prendre place à la table des
invités.
Nous revoyons avec plaisir M. Pierrôt Péladeau. Je me
souviens de la commission de la culture sur les discussions publiques
concernant le statut de l'artiste et, un an et demi après, le projet de
loi sur le statut de l'artiste où il y avait des gens qui
représentaient ou qui étaient membres de trois ou quatre groupes
et qui ont passé les deux jours ici en commission avec nous. Alors, M.
Péladeau, vous me faites un peu penser à ces gens-là qu'on
accueille toujours avec beaucoup de plaisir. On vous entendra encore une fois
avec beaucoup de plaisir.
Je salue également le professeur René Laperrière et
lui souhaite la bienvenue au nom de la commission. Puisqu'il est 11 h 27
déjà, je vous cède la parole pour que vous nous
résumiez un autre excellent mémoire. M. Laperrière,
à vous la parole.
Groupe de recherche informatique et droit
M. Laperrière (René): Je vous remercie, M. le
Président. Mmes et MM. les députés, je suis honoré
d'avoir été invité à vous soumettre quelques
commentaires sur le rapport que vous a présenté la Commission
d'accès à l'information, particulièrement en ce qui touche
les remarques et propositions de la commission sur le secteur privé.
Le Groupe de recherche informatique et droit de l'Université du
Québec à Montréal dont je suis un des responsables et dont
M. Péladeau, ici présent, est l'un de nos précieux
collaborateurs effectue des recherches sur l'interface informatique et droit,
et se préoccupe particulièrement d'identifier et de promouvoir
les droits des personnes et les droits et libertés démocratiques.
Ce fut le cas pour la recherche que nous avons menée en 1984-1986 pour
trois ministères du gouvernement du Québec sur la question des
bases de données personnelles dans le secteur privé.
En 1981, la commission Paré avait recommandé de
légiférer pour contrôler ces bases de données dans
le secteur public et ce fut fait un an après, en 1982. On en est
déjà à cinq ans d'existence de la Commission
d'accès à l'information et à presque trois ans
d'application de la loi à 3600 organismes et ministères
québécois. Cependant, rien n'a encore été fait, ou
si peu, pour contrôler spécifiquement les bases de données
dans le secteur privé. Là-dessus, le Québec accuse un
retard considérable sur les législations des autres provinces
canadiennes et des États-Unis, comme cela a été
souligné tout à l'heure, sans parler de l'Europe et des normes
internationales.
Mais pourquoi soulever la question ici? Parce que les organismes publics
échangent de plus en plus de renseignements personnels avec des
entreprises privées. Ces organismes publics confient des traitements de
données aux entreprises privées Les décisions d'organismes
publics peuvent être prises sur la base de ces données et il
importe d'en assurer la fiabilité, la qualité de traitement et la
destination. L'entreprise privée peut utiliser des données en
provenance du secteur public à des fins autres que celles pour
lesquelles elles ont été recueillies ou transmises. En fait,
comme cela a été souligné, on se trouve en présence
d'un double régime. Les personnes perdent leurs droits lorsque les
données qui les concernent passent du public au privé, sauf dans
la mesure où des ententes les préservent spécialement et
dans la mesure où elles peuvent les faire valoir
véritablement.
L'information change de statut aussi. Lorsqu'elles passent du public au
privé, les normes de gestion ne sont plus les mêmes et,
inversement, l'Information privée utilisée dans le secteur public
ne bénéficie pas des mêmes garanties et n'est pas soumise
au même contrôle. Faut-il s'inquiéter de cette situation?
Nous croyons que oui.
Dans les années soixante-dix, on pouvait penser que
l'informatisation et la concentration dans les administrations publiques de
quantités phénoménales de données sur les citoyens
et les citoyennes constituaient la plus grande menace aux droits et
libertés par la mise en place de réseaux de surveillance
élargie et de contrôles sophistiqués non seulement des
actions et déclarations publiques des individus, mais aussi de leurs
habitudes de vie, de leur caractère et de leurs opinions. Agitant le
spectre de l'État totalitaire et voulant conjurer cette menace, on a
négligé de se préoccuper du secteur privé.
Cependant, il faut croire que les problèmes qui
s'y soulèvent sont importants puisque la Commission
d'accès à l'information, dans le rapport que vous étudiez,
y consacre de nombreux développements et, sans formuler de
recommandations qui dépasseraient, selon elle, son mandat, elle exprime
des inquiétudes réelles qu'il faut considérer à
leur mérite.
Le mémoire que nous avons soumis fait suite à une vaste
enquête que nous avons menée en 1985 et à une étude
juridique de droit comparé et international qui ont amené la
rédaction d'un rapport de 1600 pages assorti d'un bilan évaluatif
et de quelque 175 recommandations d'actions législatives,
administratives et programmatives. La Société
québécoise d'information juridique, SOQUIJ, a publié les
résultats de cette étude sous forme d'un ouvrage intitulé,
L'Identité piratée, que vous avez ici, et de trois documents
techniques regroupant les données de l'enquête sur le terrain,
l'analyse juridique du droit en vigueur au Québec, au Canada, aux
États-Unis, en Europe et au niveau international, et constituant une
bibliographie de 2000 titres sur la question.
Essentiellement, notre enquête a révélé que
le secteur privé accumule des masses considérables de
renseignements sur les individus, probablement autant sinon plus que le secteur
public. La collecte de certaines données se fait auprès de la
personne concernée, par exemple dans le cadre de relations
contractuelles, mais souvent les données détenues proviennent
aussi d'intermédiaires ou de tiers dont les sources et la
fiabilité laissent à désirer et auxquelles la personne
concernée n'a aucun accès. Les données circulent souvent
librement d'une entreprise à l'autre ou d'un secteur à l'autre
grâce, en particulier, au développement de réseaux
télématiques de plus en plus sophistiqués et pour des fins
de traitement ou d'échange d'information.
Notre groupe de recherche étudie actuellement la question
délicate des couplages de fichiers informatisés et l'usage des
numéros d'assurance sociale, d'assurance-maladie et de permis de
conduire, pour faciliter ces échanges de renseignements. Ces
renseignements sont ensuite utilisés dans un cadre décisionnel de
plus en plus bureaucratisé et automatisé qui laisse peu de place
à l'intervention humaine et à la responsabilisation des
gestionnaires.
Notre groupe de recherche sollicite actuellement les subventions et
contrats pour analyser à fond ce phénomène
d'automatisation des décisions autant publiques que privées. Les
données sur les personnes peuvent aussi être conservées
plus longtemps que pour l'usage auquel elles sont destinées, au cas
où elles pourraient resservir. Surtout, vu que ces informations
représentent une valeur économique de plus en plus
précieuse, elles peuvent être recyclées à des fins
commerciales de marketing, de sollicitation ou à des fins moins
avouables comme la constitution de listes noires de locataires,
d'employés, de suspects ou de personnes à surveiller.
C'est ainsi que se constitue un marché du renseignement
personnel, à cheval sur les données du secteur public et du
secteur privé, qui peut prendre une ampleur considérable et
représenter une menace très sérieuse à nos
libertés, en constituant l'infrastructure d'une société de
surveillance où nos moindres actions et même nos habitudes,
opinions et attitudes sont consignées et peuvent nous être
opposées notre vie durant.
L'informatique a rendu possible, à des coûts minimes et
avec des possibilités de repérage instantané et de
traitement sophistiqué, une information cumulative de plus en plus
extensive dont la fiabilité et la qualité et la mise en contexte
laissent trop souvent à désirer et dont les usages multiples
à des fins souvent contradictoires sont laissés trop souvent sans
aucun contrôle.
Il faut aussi dire que ces phénomènes et ces
problèmes se manifestent avec plus ou moins d'ampleur et d'acuité
selon les différents secteurs d'activité dans le secteur
privé, autant en raison de l'importance économique relative des
entreprises qu'en raison de leur place spécifique par rapport à
la collecte, au traitement, à la diffusion et à l'usage des
renseignements personnels.
Qu'il suffise de souligner ici que les principaux secteurs à
surveiller sont les institutions financières, banques, prêteurs,
émetteurs de cartes de crédit, les assureurs et les
intermédiaires que sont les bureaux de crédit, les fournisseurs
de listes d'adresses, les agences de placement et les enquêteurs
privés. Il faudrait ajouter à cette liste les commerces où
s'implanteront les systèmes de transfert électronique de fonds et
les services télématiques destinés au grand public.
Évidemment, un effort particulier devrait être consacré
à repérer les réseaux clandestins d'affichage des citoyens
et citoyennes pour la constitution de listes noires dans le logement, l'emploi
ou le crédit.
Qu'ont fait nos députés et nos gouvernements pour parer
à cette situation? Le gouvernement a financé notre recherche sur
les bases de données dans le secteur privé, qui a
coûté presque 100 000 $. A la suite de cette étude, le
gouvernement a constitué et activé, sous l'égide du
ministère de la Justice, un comité interministériel qui
devrait bientôt remettre son rapport L'Assemblée nationale a aussi
adopté le 15 avril dernier le projet de loi 20 dont un chapitre porte
sur le respect de la réputation et de la vie privée. Il consacre
des droits d'accès, de commentaires et de corrections, ouvrant ainsi des
recours judiciaires additionnels. Mais cette loi n'est pas encore en vigueur
comme on l'a souligné tout à l'heure
Quelque louables que soient ces efforts, nous demeurons encore loin
derrière la plupart des autres pays occidentaux, y compris les
États-Unis et la plupart des provinces canadiennes
pour ce qui est du contrôle des bases de données
personnelles dans notre secteur privé.
En effet, si notre loi sur l'accès aux documents administratifs
et de protection des renseignements personnels se défend assez bien pour
le secteur public, le projet de loi 20 n'a pas encore été mis en
vigueur et les quelques articles de la Loi sur la protection du consommateur
ajoutés aux normes générales de responsabilités
contractuelles et déllctuelles du Code civil n'offrent pas de protection
adéquate ni de recours efficace à nos concitoyens et
concitoyennes dans les cas d'erreur, d'usage abusif des données les
concernant. Pire encore, cette absence de dispositions juridiques prive les
pouvoirs publics de tout contrôle sérieux de ce qui se fait dans
le secteur privé avec les renseignements personnels.
Grâce au flux transfrontière de données, des masses
importantes de renseignements sur les Québécoises et les
Québécois sont détenues et traitées
outre-frontières, en Ontario, aux États-Unis ou ailleurs, ce qui
représente un danger certain pour l'exercice de notre
souveraineté nationale, pour ne pas parler de notre identité
nationale, car le contrôle de l'information donne le pouvoir de
définir les situations et d'influencer les actions autant des agents
privés que des pouvoirs publics.
Il nous paraît donc urgent d'intervenir non pas dans la
précipitation, mais en étant bien informés des enjeux et
des possibilités d'action. L'Assemblée nationale n'a pas attendu
indéfiniment avant de donner suite aux recommandations du rapport
Paré. Ce fut fait dans l'année. Il faut croire que
l'Assemblée nationale a eu raison d'agir, comme en témoigne le
rapport de la commission d'accès après cinq ans.
Ce même rapport donne de bons arguments pour intervenir de
façon déterminante dans le secteur privé. Il importe
essentiellement de protéger les citoyens de l'arbitaire en leur
permettant d'obtenir l'information les concernant et des garanties de
confidentialité qui se rapportent à ce qu'on pourrait appeler
leur droit de contrôle, particulièrement des échanges de
renseignements.
Au-delà des recommandations spécifiques de la commission
concernant le resserrement des contrôles de la circulation d'informations
entre le secteur public qui relève de sa juridiction et le secteur
privé, notamment pour les mises en réseaux - c'est la
recommandation 18 - et les mandats administratifs - c'est la recommandation 21
- nous croyons qu'il y a lieu de donner aux citoyens et citoyennes du
Québec au moins les mêmes droits et tes mêmes
possibilités qui leur sont offerts dans le secteur public en ce qui
concerne la protection des renseignements personnels et de prévoir des
normes et contrôles adoptés à la spécificité
et à la diversité du secteur privé, le tout dans
l'harmonie de ce que nous pouvons entendre actuellement.
Nous avons conclu dans notre étude qu'il importe d'adopter des
principes généraux minimaux applicables à tous - le projet
de lot 20 est un pas en avant dans la bonne direction - assortis de normes
spécifiques adaptées à chaque secteur d'activité,
à une autoréglementation des industries et services sous
l'égide d'un organisme public. Cet organisme public de concertation
devrait détenir des pouvoirs de surveillance pour assurer l'application
de la loi et surtout offrir aux intervenants l'expertise requise de part et
d'autre pour évaluer les systèmes d'exploitation des
données, voir venir l'évolution et proposer en temps utile des
ajustements.
Les recommandations que nous avons formulées n'ont pas voulu
analyser les dimensions politiques et organisationnelles de la création
et du fonctionnement de l'organisme, mais nous croyons qu'il s'avère
aussi nécessaire de confier ces responsabilités à un
organisme public que la commission d'accès croit que sa présence
est nécessaire à l'application efficace de la loi d'accès
et de protection des renseignements personnels dans le secteur public.
Enfin, est-il utile de souligner que, quelles que soient les formes
d'intervention retenues, c'est en définitive la volonté politique
de maîtriser le progrès économique et social dans le
respect des droits des Québécois et des Québécoises
qui sera déterminante dans la solution des problèmes que j'ai
évoqués devant vous, et ceci à tous les niveaux
d'intervention, autant législatifs que judiciaires, programmatifs,
administratifs et gestionnaires.
Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de
m'avoir accordé votre attention et je suis disposé à
répondre à vos questions et à vos commentaires avec la
collaboration de M. Péladeau.
Une voix:...
M. Filion: Ah bon! Vous pouvez peut-être y aller.
Le Président (M. Trudel): Je m'excuse, on avait un
problème d'ordre culturel à régler. Allez-y! M. le
député de Taillon.
M. Filion: Je vais vous laisser une chance de respirer. On est
toujours dans la chirurgie cardiaque, dans le coeur d'un problème,
c'est-à-dire dans ce qui se passe dans le secteur privé. À
plusieurs reprises - et vous pourriez peut-être m'informer - d'abord en
ce qui concerne les contenus de ce que pourraient être les normes et
directives auxquelles seraient soumis le secteur privé ou des organismes
du secteur privé qui détiennent des fichiers de renseignements
sur les citoyens, vous faites allusion, comme les groupes
précédents, à ce qui est édicté dans les
conventions et lignes directrices d'organismes internationaux,
particulièrement celles de l'OCDE auxquelles, comme l'a dit tantôt
votre voisin de gauche, le Canada a adhéré en 1984 sans
qu'au-
cune suite concrète n'ait été donnée
à cette adhésion. Est-ce que l'on peut retrouver dans votre
mémoire ou dans les documents qui étaient annexés -
peut-être que cela m'a échappé - un résumé de
ces normes et directives qui ont fait l'objet de l'adhésion du
Canada?
M. Laperrière: En fait, dans les documents que nous avons
publiés, nous avons reproduit les lignes directrices de l'OCDE. On peut
dire que les recommandations que nous avons formulées au gouvernement et
qui sont annexées à notre mémoire ont repris
substantiellement ces principes. Mais il s'agit évidemment de principes
généraux quant à la nécessité de la
collecte, au droit d'information, au droit d'accès que devraient avoir
les personnes concernées, quant aux échanges d'information, etc.
Il est sûr que ces principes généraux devraient recevoir
des applications aussi diversifiées que le sont les juridictions dans
lesquelles ils sont appelés à s'appliquer.
M. Filion: On va sûrement, avec l'aide des recherchistes de
l'Assemblée nationale, mettre la patte là-dessus. Je dois quand
même comprendre, de votre expérience, que ce qui est contenu dans
ces normes est essentiellement ce qu'on retrouve dans la loi sur l'accès
à l'information pour les organismes publics.
M. Laperrière: Oui. On peut dire que la loi sur
l'accès à l'information pour le secteur public s'est
inspirée directement de ces normes. En fait, ces normes se sont
elles-mêmes inspirées de lois européennes en vigueur et qui
ont été proposées à l'ensemble des pays membres de
l'OCDE.
M. Filion: D'accord. Cela m'amène à une autre
question. La Commission d'accès à l'information a
développé une expertise, une connaissance aussi, par la force des
choses, d'abord des principes et, deuxièmement, également de ce
qui se passe dans ie secteur privé, unique au Québec; il n'y a
pas d'autres organismes qui ont pu accumuler autant d'expérience dans ce
secteur. Malgré cela, vous recommandez quand même dans votre
mémoire, si le législateur devait donner le feu vert à
cette réglementation du secteur privé, que ce soit un organisme
différent qui administre la loi ou la réglementation. Est-ce que,
finalement, ce ne serait pas là, d'abord, créer plusieurs
paliers, plusieurs Instances différentes?
On peut songer, d'une part, à ce qui existerait dans le Code
civil sur le plan du respect de la vie privée et de la réputation
qui donne accès à certains types de recours administrés
par les tribunaux.
Deuxièmement, il y aurait la Commission d'accès à
l'information qui, elle, continuerait à gérer, à
administrer la législation découlant de la loi sur l'accès
à l'information pour les organismes publics et, troisièmement, un
organisme qui s'occuperait du secteur privé. Est-ce que ce ne serait pas
là un peu disséminer des efforts qui ont besoin d'être
concentrés à cause du développement des technologies qui
nécessite une souplesse, une capacité de réaction, une
connaissance presque parfaite de tout, en somme?
M. Laperrière: Je comprends votre préoccupation et
je pense que nous avons accordé une réflexion à ces
questions. Notre mandat n'était pas nécessairement d'examiner le
fonctionnement d'organismes administratifs similaires pour voir quelle
était la meilleure formule possible.
Les éléments que nous avons retenus sont à peu
près les suivants. Nous nous sommes rendu compte, je pense, que le
secteur privé appelait quand même des solutions différentes
du secteur public pas au niveau des principes, mais au niveau de leur
application. Le secteur privé, c'est quelque chose de très
disparate. Il y a des secteurs privés. De telle sorte que les
modalités d'action pour l'application de principes
généraux, pour la traduction de ces principes
généraux dans des normes plus particulières
adaptées à chaque secteur nécessitent un genre d'action
relativement souple. Nous croyons que la Commission d'accès à
l'information a été dotée d'un type d'action typique au
secteur public, qui peut rendre de grands services dans le secteur public parce
que tout est centralisé jusqu'à un certain point dans le secteur
public, à savoir par exemple les pouvoirs quasi judiciaires à
savoir des pouvoirs d'enregistrement, de répertoriage, etc. C'est
nécessaire dans le secteur public.
L'approche que nous préconisons pour le secteur privé est
beaucoup plus souple que cela, parce qu'on préconise de
l'autoréglementation, par exemple. On ne préconise pas une
structure administrative lourde avec des pouvoirs quasi judiciaires, mais on
préconise plutôt une structure d'intervention qui ressemblerait
peut-être davantage à l'Office de protection du consommateur
qu'à une commission qui siège en quelque sorte en appel de
décisions administratives. Je sais que, techniquement, cela ne peut pas
s'expliquer comme cela, mais en gros cela revient à cela.
De telle sorte que nous n'avions pas à nous prononcer s'il
fallait que le mandat d'un tel organisme appartienne à la Commission
d'accès à l'Information. C'est une question, jusqu'à un
certain point, d'opportunité. Ce que nous nous demandions, c'est quelle
est idéalement la structure qui pourrait répondre le mieux
à l'application de ces normes dans le secteur privé? C'est
sûr que, peut-être pour des besoins d'économie, on
préférerait élargir le mandat de la Commission
d'accès à l'information, pour les raisons que vous mentionnez,
pour concentrer l'expertise, pour profiter de l'expertise qu'a
déjà accumulée la Commission d'accès à
l'information.
Cependant, lorsqu'on regarde la façon dont les lois sont
appliquées dans les autres pays, particulièrement l'Europe, on
s'aperçoit que les
commissions de contrôle et de surveillance faisant
elles-mêmes partie du secteur public, étant en quelque sorte dans
la famille du secteur public, se préoccupent davantage de ce qui se
passe dans le secteur public que de ce qui se passe dans le secteur
privé. C'est le cas, notamment, en France. J'ai pu aller observer
moi-même auprès de la Commission nationale de l'informatique et
des libertés. On s'y préoccupe beaucoup de contrôler le
secteur public, mais il y a très peu de choses, d'affaires et de
problèmes qui proviennent du secteur privé; l'enregistrement des
traitements du secteur privé est laissé beaucoup plus à
l'abandon, alors qu'on se préoccupe davantage de ce qui se passe dans le
secteur public parce qu'on est plus familier avec le secteur public.
Évidemment, si la Commission d'accès à
l'information pouvait avoir un personnel élargi qui lui permettrait
d'intervenir dans le secteur privé avec des modalités
différentes de ce qui se passe dans le secteur public, cela pourrait
être une solution envisageable. Mais encore ne faudrait-il pas qu'on ne
fasse qu'ajouter au mandat de la Commission d'accès à
l'information, sans lui donner les ressources nécessaires pour qu'elle
s'acquitte de ce mandat, qui n'est pas le même mandat que dans le secteur
public. C'est un peu ce que nous voulions souligner en parlant d'un office
général, sans dire de quelle structure bien concrète il
pourrait s'agir, parce que là on était au niveau des
hypothèses. On n'était pas au niveau des décisions
politiques.
M. Filion: C'est bien. Me Laperrière, le gouvernement a
financé, comme vous l'avez mentionné tantôt, une partie ou
la totalité de votre étude, en somme, peu importe, une bonne
partie de la totalité de votre étude qui a commencé
en...
M. Laperrière: En 1984-1985.
M. Filion: ...1984-1985. Votre rapport a été remis
en...
M. Laperrière: II a été remis en mars
1986.
M. Filion: ...mars 1986. J'allais dire un an environ. Vous y avez
fait allusion, je pense, il y a un comité interministériel qui a
été formé et j'aimerais que vous vous sentiez à
l'aise avec les membres de cette commission qui ne font pas partie du
gouvernement. Quel accueil avez-vous perçu, avez-vous reçu du
gouvernement à la suite du dépôt de votre rapport? (11 h
45)
M. Laperrière: D'abord, notre rapport s'adressait à
trois ministères, le ministère de la Justice, qui est
resté le ministère de la Justice, le ministère de
l'Habitation et de ta Protection du consommateur, qui a été
divisé et dont la partie de la Protection du consommateur est revenue
à la Justice, ainsi que le ministère de la
Science et de la Technologie dont la Science est retournée
à l'Enseignement supérieur et dont la Technologie s'est
retrouvée au Commerce extérieur. Dans un contexte comme
celui-là, évidemment, plusieurs ministères sont
concernés par les conséquences qui pourraient découler
d'une action législative, administrative ou programmative dans ces
domaines, de telle sorte qu'il apparaissait nécessaire qu'une
concertation se fasse pour l'étude de notre rapport, d'autant plus que
les informations que nous apportions dans notre rapport n'étalent pas
des informations internes au gouvernement, comme cela avait été
le cas pour la commission Paré, mais des informations qui concernaient
le secteur privé. On peut comprendre la prudence de la réaction
du gouvernement sur les recommandations que nous formulions Nous avions quand
même poussé la formulation de ces recommandations presque
jusqu'à l'étape d'un avant-projet de loi, à cause du
détail que nous avions pu aller chercher en nous inspirant, à la
fois, de l'état du droit québécois et de la situation dans
les autres juridictions et dans les autres pays.
Notre rapport avait été déposé au
gouvernement. Nous avons été invités par le comité
interministériel à soumettre quelques commentaires, quelques
précisions sur notre rapport. Je pense que notre rapport a
été accueilli très favorablement par le comité
interministériel qui étudie présentement ces questions. Ce
que nous voulions souligner ici ce matin, c'est l'urgence d'agir, non pas pour
essayer de court-circuiter le comité interministériel qui fait
son travail, qui, je pense, d'après ce que j'en sais, siège de
façon périodique, de façon très continue sur la
question et qui a pris très sérieusement les choses en main, mais
pour sensibiliser la députation et les membres du gouvernement à
la nécessité d'agir et, en quelque sorte, d'ouvrir la voie
à la réception du rapport du comité
interministériel. Ayant été impliqués directement
dans la conception et la réalisation de ce rapport pour le gouvernement,
nous sentions qu'il était quand même très utile
d'intervenir sur cette question à ce stade-ci et devant votre
commission.
M. Filion: M. Péladeau, votre collègue, soulevait
tantôt te fait que, finalement, si on prend les États
américains et les provinces canadiennes, il y a uniquement trois
entités qui n'auraient pas encore bougé, législativement
parlant, en ce qui concerne te secteur privé. Est-ce que j'ai bien
entendu cela tantôt?
M. Laperrière: Oui, en ce qui concerne...
M. Filion: Je sais que vous avez étudié la question
sur le plan international également. J'aimerais vous entendre quelques
minutes, d'abord, sur ce qui se fait en Amérique du Nord et,
deuxièmement, sur ce qui se fait au niveau international
M. Laperrière: Pour parler exclusivement des agences
d'information sur tes consommateurs, en particulier des bureaux de
crédit, il y a trois provinces canadiennes qui n'ont pas de loi
particulière qui régisse ces agences, ce sont l'Alberta, le
Nouveau-Brunswick et le Québec. Dans la Loi sur la protection du
consommateur du Québec, il y a bien quatre articles qui s'adressent
directement à ces agences d'Information sur les consommateurs, mais cela
n'a rien à voir avec les lois des autres provinces canadiennes et des
États-Unis, qui sont des lois très détaillées, qui
leur Imposent des obligations de gestion très précises et qui
reconnaissent au citoyen des droits très précis, qui vont
au-delà d'un simple droit de pouvoir avoir une copie de son dossier et
d'y inscrire des commentaires. Dans les autres provinces, on peut faire
corriger des informations qui seraient erronées. On a des recours, en
quelque sorte.
Maintenant, il n'y a pas que les agences d'information sur les
consommateurs, il y a aussi les assureurs. Aux États-Unis, les assureurs
sont réglementés par de très nombreuses lois qui, bien
souvent, se recopient l'une l'autre à cause de leur mode
d'uniformisation des lois. Les câblodis-tributeurs sont aussi
réglementés aux États-Unis, alors qu'ici il n'existe
aucune réglementation. Il y a des lois sur certaines données
comme celles recueillies grâce à des détecteurs de
mensonge. Aux États-Unis, it y a une abondance de lois, non pas dans
tous les États, mais quand même dans une majorité. Au
Canada, il n'y a que l'Ontario qui a légiféré sur les
détecteurs de mensonge, Évidemment, les informations recueillies
par ces méthodes, soit par des employeurs éventuels, soit par
toute espèce d'agence d'enquêtes, peuvent être mises dans
des dossiers, des fichiers informatisés, et cela se répercute
ensuite. Évidemment, c'est une méthode de collecte d'informations
qui laisse beaucoup à désirer, parce qu'elle n'est pas
scientifiquement reconnue comme sans faille. On pourrait parler de l'hypnose et
de bien d'autres méthodes de collecte d'informations qui ne sont pas
réglementées ici au Québec.
On n'a pas au Québec, ni au Canada, ni aux États-Unis, une
loi générale qui couvre l'ensemble du secteur privé, ce
qui existe en Europe. Alors, c'est une autre dimension. Évidemment, on
peut dire qu'aux États-Unis il existe plusieurs lois sectorielles - j'en
ai mentionné quelques-unes - qui s'appliquent dans le domaine. On
pourrait répertorier encore certaines dispositions législatives
au Québec qui peuvent avoir une certaine Incidence. Par exemple la
majorité des lois professionnelles permettent aux organismes
professionnels, les professions, d'adopter des réglementations
concernant des dossiers de leur clientèle et on retrouve de temps
à autre dans ces règlements une permission accordée, par
exemple, aux études de notaires, etc., de tenir des dossiers
informatisés plutôt qu'écrits, mais ce n'est pas une
réglementation qui va au-delà de cette norme
générale de gestion. Cela ne donne pas davantage de droits aux
citoyens que ce qu'ils peuvent trouver dans les lois professionnelles en
question.
Je ne sais pas si cela vous satisfait quant au portrait
général, mais il ne faut pas s'imaginer que le secteur
privé n'est pas réglementé aux États-Unis. C'est le
contraire. Il n'y a pas de loi générale, il y a plusieurs lois
sectorielles qui s'appliquent dans différents États et qui sont
souvent des copies intégrales les unes des autres.
M. Filion: Je vais laisser la parole aux collègues qui ont
le même désir que moi de discuter avec vous. Je vous remercie, Me
Laperrière.
M. Laperrière: Je vous en prie.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Tailion. Pour une fois, comme président de la
commission, je peux parler en premier parce que le ministre n'est pas
là. Habituellement, le président de la commission parle en
troisième. Le ministre grille les premières questions; les
représentants de l'Opposition s'empressent de griller les autres bonnes
questions et le président a les restes.
Essentiellement, les deux questions que j'avais à vous poser ont
été posées fort brièvement et répondues de
la même manière, d'ailleurs. Il s'agissait d'une première
question sur l'organisme que vous recommandez. Ce que j'apprécie dans ce
que vous avez recommandé, en admettant que l'on puisse multiplier ainsi
les organismes publics, même ceux qui doivent couvrir le secteur
privé - c'est sûrement une question à laquelle il faudra
réfléchir - en admettant aussi par hypothèse qu'on accepte
d'aller rapidement dans le secteur privé, ce que j'aime bien dans votre
recommandation, ce sont les questions d'autoréglementation. Je trouve
cette approche intéressante et cela a été couvert en
grande partie par votre réponse.
La deuxième question était plus générale,
mais vous l'avez couverte dans vos réponses. C'est la question de savoir
comment on peut légiférer dans les matières qui vont aussi
rapidement que la télématique et l'informatique. Je pense qu'il
faut légiférer, mais le danger, c'est qu'au moment où on a
une loi par laquelle on pense couvrir l'ensemble du secteur ou d'un secteur,
c'est déjà dépassé, parce que la technologie nous a
non seulement rattrappés, mais nous a dépassés et nous
attend au tournant avec une deuxième ou une troisième
génération. Ce qui ne doit pas nous empêcher, loin de
là, d'essayer de légiférer dans ces domaines. J'aimerais
vous entendre quelques secondes là-dessus et, après, je vais
céder la parole au député d'Arthabaska qui a
demandé de poser quelques questions.
M. Laperrière: Je vous remercie. En ce qui
concerne l'autoréglementation, c'est un principe qui est mis de
l'avant par l'OCDE et ce que nous avons recommandé, ce n'est pas que
chaque entreprise puisse décider pour elle-même et par
elle-même, ce qui serait bon pour le public, pour l'ensemble des citoyens
ou de leur clientèle. C'est plutôt une autoréglementation
par secteur qui ferait qu'au lieu que chaque banque, par exemple, ait son
propre code d'éthique ou code de comportement ou de tenue de dossiers,
etc., que ce soit tout le secteur bancaire qui puisse être invité
justement à définir ce que serait cette
réglementation.
Cela répond un peu en même temps à votre
deuxième question quant à l'adaptation de la législation
parce que, pour ce qui est de la législation, étant donné
la diversité du secteur privé, on ne peut s'en tenir qu'à
des normes relativement générales de responsabilisation, etc.,
définir les droits immédiats que les citoyens et les citoyennes
devraient avoir par rapport à ces bases de données, mais quand il
s'agit d'appliquer tout cela et de définir des normes plus
précises de gestion, à ce moment-là, c'est dans les
secteurs que cela doit se discuter et avec la participation des gens qui sont
impliqués et qui connaissent les dossiers. Actuellement, la connaissance
est concentrée dans le secteur privé chez les entreprises parce
que ce sont elles qui en gèrent les problèmes quotidiens.
Évidemment, s'il y a un organisme public quelconque capable
d'amener ces gens à table et de discuter avec des représentants
du public, les représentants des personnes en quelque sorte, cela
permettrait de faire ressortir les problèmes et d'adapter des solutions
aux différents besoins et problèmes qui s'expriment dans des
milieux très diversifiés.
C'était un peu le sens de nos recommandations. C'est pour cela
que nous disions qu'il fallait qu'il y ait un leadership public quelque part,
qu'il y ait un organisme public qui puisse justement assumer ce rôle
d'amener une autoréglementation, que ce ne soit pas laissé
à la discrétion du secteur privé.
Le Président (M. Trudel): C'est ce que j'avais compris de
votre recommandation pour l'avoir lue. Je ne suis pas très familier avec
les recommandations de l'OCDE, mais je les connais dans les grandes lignes.
Tout en vous remerciant des réponses que vous m'avez
données, je vous remercie aussi des réponses que vous avez
données à mon collègue de Taillon. C'est aussi une
question qui m'intéressait, à savoir l'état des travaux au
comité interministériel, où c'en est rendu, quel est
l'intérêt manifesté par les différents intervenants.
Soyez assurés que, quant à nous, on est intéressés
comme commission. On n'est pas le gouvernement. On est une commission
parlementaire de l'Assemblée nationale. Nous allons faire en sorte que
ce qui doit progresser progresse, enfin pousser sur qui on doit pousser de
façon à ce que, dans un sens ou dans un autre, on ait des
réponses dans des délais... Le député de Taillon a
dit que, de 1986 à 1988, cela faisait un an. Je calcule que de 1986
à... Vous avez bien dit que vous avez déposé votre rapport
en mars 1986?
M. Laperrière: C'est exact.
Le Président (M. Trudel): On est en février
1988.
M. Filion: Plus d'un an.
Le Président (M. Trudel): Oui, près de deux ans,
pour être très précis. Ce sont là des
matières complexes, bien sûr, auxquelles il faut avoir le temps de
réfléchir. Mais deux ans, même pour un comité
interministériel qui, par définition aussi, est quelque chose
d'assez lourd.., j'ai fait partie de ce genre de comité quand
j'étais haut fonctionnaire ici à Québec. Je sais
jusqu'à quel point cela peut être lent. Je pense qu'il va falloir
faire en sorte que les choses aillent rondement. Dans la mesure où on
peut, comme commission, Intervenir, vous pouvez compter sur notre appui.
M. le député d'Arthabaska.
M. Gardner: Merci, M. le Président. Vous êtes
très prolifique ce matin. J'avais peur de ne pas avoir quelques
minutes.
Voici ce qui me préoccupe. J'ai vu tout à l'heure dans un
dossier qui m'a été présenté par le groupe qui vous
a précédé - on n'en a pas parlé, mais
c'était dans nos documents - le groupe présenté par la
CSN-CEQ, Gérard et Georgette, citoyens fichés. J'ai
été surpris de voir toutes les possibilités de
l'ordinateur dans la vie d'une personne, que ce soit un député ou
une personne travaillant dans une usine de mon comté. J'ai
été drôlement surpris des possibilités, que ce soit
au magasin ou à l'ouvrage ou si on veut postuler un emploi quelque part.
Là, je constate qu'il y a aussi d'autres possibilités
d'échange entre tous ces ordinateurs, entre ces banques de
données. Mais ce qui me fait plus peur encore, c'est que nous en sommes
actuellement à une période de rodage des ordinateurs. Je le sais
pour avoir été dans l'enseignement où on a commencé
à utiliser les ordinateurs. Dans une période de rodage, il y a
toujours des erreurs possibles et beaucoup, surtout quand on essaie un
ordinateur pour la première fois et qu'on n'a jamais vu cela de sa vie,
surtout si le patron vous oblige à travailler sur un ordinateur que vous
ne connaissez pas et que vous devez apprivoiser. Je suis surpris de voir qu'il
n'y a pas de règlement qui s'applique en période ordinaire et
encore plus en période de rodage. Est-ce que cela ne vous fait pas peur?
Hier, j'ai entendu l'association des hôpitaux nous dire que cela allait
bien dans les hôpitaux avec les ordinateurs, qu'on n'avait pas peur de
cela du
tout. J'ai mentionné ma préoccupation aux dirigeants, mais
cela n'a pas semblé les impressionner.
Vous êtes des gens qui avez étudié les ordinateurs
et l'implication des ordinateurs dans la vie privée. Pourriez-vous nous
dire si, dans une période de rodage comme celle-là, on doit faire
des règlements encore plus sévères concernant les
relations entre les gens et d'autres gens par l'entremise d'ordinateurs? Ma
question n'est peut-être pas claire, mais je veux simplement vous
demander: Est-ce qu'il doit y avoir des règlements encore plus
sévères dans une période de rodage comme
celle-là?
M. Laperrière: Étant donné que vous avez
cité l'ouvrage, la brochure qui a été produire par
Pierrôt Péladeau et Gaétan Nadeau, si vous me le permettez,
J'inviterai M. Péladeau à répondre à votre
question.
M. Péladeau: Je vais essayer de décomposer votre
question. Dans un premier temps, on peut dire que, s'il n'y a pas de
réglementation actuellement, c'est un peu parce que les rapports entre
les individus et les organismes ont considérablement changé. Il y
a 20 ans, pour beaucoup de décisions qui étaient prises par
exemple au niveau de la banque, vous aviez directement affaire à la
personne qui allait prendre ta décision et les relations étaient
face a face. Le problème c'est que de plus en plus les transactions
entre les individus et les organismes impliquent des échanges de
renseignements personnels, donc, la production d'informations.
Il n'y a plus beaucoup de gestes qu'on pose aujourd'hui qui n'impliquent
pas la production d'informations, et i! y a le fait que, de plus en plus, et
c'est cela qui est le plus grave et c'est là que toute l'utilisation
d'ordinateurs commence à poser des problèmes, ce n'est pas le
fait qu'on recueille beaucoup d'informations, mais que, de plus en plus, les
décisions étant prises, on n'a plus de contact avec la personne
qui va prendre les décisions et même, à la limite, il n'y a
plus personne qui prend des décisions parce que c'est en fonction d'un
double - le double d'une personne sur papier, la fiche qu'on remplit - qu'on va
prendre la décision et non pas en fonction du rapport interindividuel.
C'est ce qui a été décrit comme le processus de
bureaucratisation des rapports entre les individus et les organismes tant
publics que privés.
Et c'est là l'enjeu: même si l'information est exacte, il
se pose des problèmes à mesure que ces décisions sont
prises sur la base du dossier et non pas de ce que vous êtes en
réalité; en plus s'il y a des erreurs et qu'elles sont
disséminées, il y a là aussi des problèmes qui se
posent. Il ne faut pas s'étonner que, présentement, il n'y a rien
qui réglemente cela dans ta mesure où on part d'une situation
où on n'avait pas ces problèmes à régler. Ce n'est
pas par hasard non plus qu'on a d'abord légiféré dans le
secteur public. C'est là que les bureaucraties se sont
développées. Présentement, on constate que c'est du
côté du secteur privé qu'elles se développent.
Pour ce qui est de la période de rodage, effectivement c'est un
moment crucial. En tout cas, la mise sur pied des systèmes, c'est un
moment extrêmement crucial pour deux raisons. D'abord,
précisément parce que c'est du rodage. Donc, il y a des failles
ou des problèmes qui peuvent se poser en cours de route ou qui ne vont
apparaître qu'après que certains problèmes se sont
posés. Je me souviens précisément quand on a rodé
les paiements automatiques pré-autori-sés de Vidéotron.
À un moment donné, il y a eu un problème. L'ordinateur du
Mouvement Desjardins s'était mis à débiter au hasard toute
une série de comptes pour des montants farfelus. À un moment
donné, on voyait notre compte débiter de plusieurs milliers de
dollars ou plusieurs centaines de dollars parce que l'ordinateur avait fait une
erreur.
Il y a effectivement un moment crucial là, mais plus
fondamentalement il y a aussi le fait que, quand on met en place ces
systèmes, ces derniers coûtent très cher. Si on fait une
erreur, elle va coûter cher à long terme, et si on a mis en place
des systèmes, on va être pris pour vivre avec eux par la suite.
Prenons l'exemple du système dans le secteur bancaire. Des
informaticiens ont conçu des systèmes d'information et,
plutôt que de légiférer, on pourrait inclure la
législation sur une puce, sur une carte-mémoire, et tout le
contrôle des informations, ia personne pourrait le faire elle-même
à partir de la technologie. D'une part, la carte-mémoire qui
servirait de carte de débit, par exemple, chez Eaton ou ailleurs,
donnerait très peu d'informations à la banque. Elle
contrôlerait, par contre, la sécurité des transactions et,
en plus, tous les transferts d'informations dont vous parliez tantôt
devraient se faire nécessairement par la carte. Cela veut dire que,
chaque fois qu'il y a un transfert d'informations, la personne en serait
nécessairement informée, même si c'est de l'information
à laquelle elle n'a pas directement accès. Elle serait au moins
informée parce qu'il faudrait passer par la carte de validation pour
autoriser. Il y a des solutions techniques qui sont envisageables. On peut donc
faire un choix.
Présentement, les banques ont le choix entre un système
qui produit énormément d'informations et qui leur donne aussi
beaucoup de pouvoirs, un système qui existe, et toute une série
d'autres technologies, comme les systèmes à carte-mémoire
qui ont été développés par les Hollandais, qui
permettraient de protéger. On n'aurait même pas besoin de
légiférer; l'essentiel des normes serait dans le matériel,
dans le logiciel. Donc, il y a des choix technologiques qui se prennent. Le
problème, c'est que, présentement - prenons le cas de
l'Association des banquiers canadiens - les banques prennent les
décisions entre elles et pratiquent la politique du
fait accompli. Elles ont déjà amorcé des
investissements et, dans dix ans ou quinze ans, on connaîtra
l'aboutissement du système.
Au point de vue du rodage, il serait important qu'on puisse
évaluer, en tout cas qu'on puisse avoir une expertise extérieure
pour pouvoir évaluer et discuter de la valeur de ces systèmes
parce qu'on va être pris, de toute manière... étant
donné l'ampleur des investissements. Un petit système comptable
à la mitaine, cela peut se modifier comme cela, mais un système
d'ordinateurs qui peut valoir des milliards de dollars, comme ce qui va se
développer dans le secteur bancaire, c'est plus difficile à
modifier en cours de route.
Donc, il y a des recommandations dans L'Identité piratée,
justement pour permettre de débattre et contrôler le
développement de ce qu'on a appelé, dans le rapport, la
maîtrise sociale de l'informatisation, c'est-à-dire qu'on se
dirige vers une économie de l'information, une économie où
les services vont être Importants. Donc, maîtrisons ce
développement de façon démocratique. Quel genre de
société démocratique veut-on développer à
l'ère de l'informatique? C'est la question qui se pose.
M. Gardner: Si Je comprends bien, il est grand temps qu'on
maîtrise l'avenir. C'est cela?
M. Péladeau: C'est cela.
M. Gardner: Selon un thème qu'on a bien connu, MM. les
députés de l'Opposition.
J'ai une autre brève question sur la mise à jour des
dossiers. Est-ce que vous pensez que le gouvernement devrait
légiférer sur la mise à jour des dossiers? Je suis
persuadé qu'une personne qui a fait une demande de crédit, il y a
10 ou 15 ans, qui a été refusée, a vu sa situation
financière changer, bien sûr, depuis ce temps-là. Prenons
l'exemple de la personne qui serait devenue député. Cela a
changé énormément, vous savez, surtout
dernièrement. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu qu'on ait une mise
à jour ou un règlement sur ces mises à jour dans les
fichiers?
M. Péladeau: Sur la stricte question de la mise à
jour, l'actuel Code civil qui a été adopté, s'il
était en vigueur, règlerait le problème pour tout le
secteur privé, d'un coup. Le Code civil, tel qu'adopté
présentement, traite de très peu de choses, mais au moins sur les
questions de mises à jour, il est très clair. On peut dire cela.
Il peut s'appliquer, peu importent les circonstances.
Il n'a pas besoin d'adaptation locale. Ce sont vraiment des principes
très généraux. Ils peuvent très facilement
être Interprétés. Donc, à ce niveau, il y a
nécessité d'intervenir et te gouvernement du Québec a
déjà entre les mains les outils pour le faire. Sur la question
des mises à jour, il a tout entre les mains.
M. Gardner: J'aimerais vous entendre un petit peu sur le
marché des renseignements personnels dont vous avez parlé. Est-ce
que c'est vraiment rendu une PME florissante actuellement au Québec?
Pouvez-vous me dire où c'est rendu?
M. Péladeau: C'est plus qu'une PME, je pense, dans
certains cas. Au niveau du marché, on peut Identifier un certain nombre
d'acteurs. Il y a des entreprises ou des organismes qui donnent des
Informations ou qui en vendent. Le gouvernement en donne une bonne partie.
Comme, par exemple, lorsqu'il vend les dossiers du ministère de la
Justice, il fait partie du marché. Comme, par exemple,
Télédirect qui va vendre des informations pour constituer des
listes d'adresses. Il y a donc des fournisseurs d'informations. Il y a des
intermédiaires qui font travailler l'information, pas seulement les
bureaux de crédit, mais des agences de constitution de listes
d'adresses, des agences de marketing. Il y a aussi des compagnies très
lucratives dans le domaine du télémarketing ou du marketing
direct. Dans la mesure où nous avons des marchés de plus en plus
segmentés, il y a nécessité de cibler de plus en plus
précisément notre clientèle. Donc, il y a tout un
marché qui se développe et il y a aussi tous les
utilisateurs.
Dans les utilisateurs, on retrouve toutes sortes de clients dans ce
marché. Évidemment, les entreprises commandent des dossiers de
crédit, des dossiers médicaux ou des listes d'adressage, mais
aussi, éventuellement, toutes sortes d'organismes même sans but
lucratif, et iI y en a beaucoup Par exemple, Amnistie Internationale s'est
constitué au Québec en se procurant des listes d'adresses de
corporations professionnelles, etc. C'est un marché même, les
organismes sans but lucratif. Les partis politiques se servent de cela.
Au Canada, on a eu un exemple récent, le lobby des manufacturiers
de tabac et de cigarettes qui a construit la première manoeuvre de
lobbying électronique par l'achat de listes d'adresses. Cela a
été le premier grand cas où on achetait des listes
d'adresses et envoyait des lettres présignées aux
députés fédéraux. On avait le matériel:
Voici votre nom, le nom de votre député, à qui
écrire, etc. On envoyait un "kit" complet à la personne. Tout ce
qu'elle avait à faire, c'était signer une lettre
personnalisée, la mettre dans l'enveloppe et la renvoyer. Cela a
coûté plusieurs centaines de milliers de dollars pour faire
l'"opérationalisation" de ce genre de technique.
Donc, c'est un marché qui est en pleine croissance, à
cause des besoins propres du marché. D'une part, on a des segments de
marché, on a des cibles de plus en plus précises à
développer, et aussi parce que tout est informatisé, on a de plus
en plus d'informations à rendre disponibles et à commercialiser.
Une anecdote m'a été racontée par un concepteur, une firme
de consultants en informatique, qui me
citait qu'une compagnie avait décidé de mettre sur le
marché par la poste des pinces à enlever les poils de nez. On
annonçait simplement: 5 $, on vous fait parvenir la petite pince
à enlever les poils de nez. En fait, plus de 70 % de ses revenus ne
venaient pas de la vente des pinces en question, ils venaient de la vente de la
liste des noms des personnes qui avaient pris la peine d'écrire et
d'envoyer 5 $ pour avoir une pince à enlever les poils de nez. Cette
liste vaut une fortune. S'il y a des gens qui sont capables d'acheter, par la
poste et par chèques, des pinces à arracher les poils de nez, ces
gens-là, on peut leur vendre sûrement beaucoup d'autres
choses.
M. Gardner: On va vendre des frigidaires au pôle nord.
Merci, je pense que cela me renseigne beaucoup sur les pinces et je pense que,
si on vient qu'à vouloir quitter la politique, on sait dans quoi se
diriger, c'est-à-dire dans l'informatique. Merci.
Le Président (M. Trudel): Oui, M. le député
de... J'allais dire: Néanmoins, je vais vous céder la parole,
mais...
M. Filion: Juste en terminant, je voudrais vous remercier de
nouveau.
En ce qui concerne le comité interministériel qui
étudie le rapport, si j'ai commis un lapsus tantôt en disant que
cela faisait un an, alors que le rapport a été
déposé en mars 1986, c'est peut-être que finalement deux
années civiles correspondent malheureusement peut-être juste
à une année de travail à l'intérieur de certaines
parties du gouvernement, et je dis cela sans faire de politique, on n'en a pas
fait depuis le début. Alors, c'est peut-être la cause de mon
lapsus tantôt.
Cela dit, nous allons quand même être très vigilants
de notre côté à suivre les travaux de ce comité qui
devrait, je pense, accoucher d'ici à quelques semaines ou au maximum
quelques mois. Merci.
Le Président (M. Trudel): Remarquez que peut-être,
si le temps a paru si- court au député de Taillon, c'est qu'une
année est si vite passée avec le gouvernement libéral Au
fond, on a dit qu'on ne ferait pas de politique; alors, messieurs, il me reste
à vous remercier de vous être déplacés pour venir
nous rencontrer. Quant à vous, M. Péladeau, on peut vous donner
votre libération inconditionnelle. Je regardais sur la liste de nos
prochains invités et, d'ici la fin de la journée, vous n'y
apparaissez pas. Alors, au plaisir de vous revoir.
M. Laperrière, merci de votre intervention et de l'excellent
mémoire que vous avez présenté à la commission et
au plaisir de vous revoir.
On suspend pour une minute.
(Suspension de la séance à 12 h 12)
(Reprise à 12 h 15)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Les gens de la Commission d'accès à l'information peuvent
arrêter leur lobbying auprès de nos invités. Merci. Je
suggérerais au député de Taillon de venir prendre place
à ma gauche et j'inviterais... Vous voyez l'autorité d'un
président de commission. Je demande au député de prendre
place et... J'inviterais les représentants du Bureau d'assurance du
Canada et du Groupement des assureurs automobiles à prendre place
à la table des Invités, tout en remerciant encore une fois M.
Hubert Sohet d'avoir aimablement cédé sa place. M. Sohet, ne vous
découragez pas; vous serez notre premier Invité cet
après-midi. Même si on me demandait de vous pousser encore plus
loin dans la journée, je refuserais avant même de vous consulter.
Merci encore une fois.
Nous avons devant nous, s'il n'y a pas de changement, Me
Hélène Gagné, conseillère juridique du SAC et du
GAA, ainsi que M. Normand Beaulieu, directeur général du BAC, et
M. Raymond Medza, directeur général du GAA. Est-ce exact? Madame
et messieurs, bienvenue à la commission de la culture.
Compte tenu de l'heure avancée, même si on est à
l'heure d'hiver, étant donné qu'il est 12 h 25, je vous prierais
de nous résumer assez rapidement le mémoire que vous nous avez
fait parvenir la semaine dernière et dont nous avons pris connaissance
II a également été résumé par les services
de la commission et par vous-mêmes; alors, je pense qu'on peut aller
assez rapidement. Ne vous gênez pas pour prendre quand même le
temps qu'il faut pour nous exposer votre point de vue. Ensuite, nous
entreprendrons une discussion avec vous. Me Gagné, peut-être, ou
M. le directeur général? Je ne sais pas qui... J'ai toujours
l'impression que c'est la personne qui est assise au milieu qui parle, mais...
Bureau d'assurance du Canada et Groupement des
assureurs automobiles
M. Beaulieu (Normand): Si vous me le permettez, M. le
Président...
Le Président (M. Trudel): Allez-y.
M. Beaulieu: ...pour le bénéfice des membres de la
commission, j'aimerais peut-être d'abord décrire un peu ce que
sont nos organismes. Le Bureau d'assurance du Canada, le BAC, est une
association dont font partie la très grande majorité des
compagnies qui pratiquent l'assurance IARD, c'est-à-dire
l'assurance-dommages au Québec, autant pour les particuliers que pour
les entreprises.
La mission du BAC est de faciliter les échanges entre les
compagnies membres et de maintenir le contact direct entre l'industrie de
l'assurance IARD, les consommateurs et le pouvoir public. Le 8AC
opère à partir de Montréal un centre d'information qui
répond aux questions des assurés du Québec et qui, dans ce
sens-là, répond à plus de 40 000 questions par an.
Quant au Groupement des assureurs automobiles, c'est un organisme qui
regroupe tous les assureurs autorisés à pratiquer l'assurance
automobile au Québec. Le GAA est responsable du mécanisme qui
permet à tout propriétaire d'un véhicule routier d'obtenir
le minimum d'assurance-responsabilité. Il a établi une convention
d'indemnisation directe pour les victimes d'accidents d'automobile et un
constat à l'amiable d'accident, et a mis sur pied un réseau de
centres pour l'estimation des dommages éprouvés par les
véhicules. Depuis le 14 août 1979, le GAA agit comme agence
statistique pour le compte de l'inspecteur généra! des
institutions financières en matière d'assurance automobile au
Québec.
Le BAC et le Groupe des assureurs automobiles sont évidemment
heureux de s'unir pour participer à cette commission parlementaire. Les
assureurs qui, dans leurs fonctions, possèdent ou doivent avoir
accès à des renseignements de nature personnelle aimeraient
maintenant commenter devant la commission certains aspects du rapport sur la
mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes
publics et sur la protection des renseignements personnels. Me
Gagné.
Mme Gagné (Hélène): Merci. M. le
Président, la nature de notre intervention aujourd'hui portera surtout
sur l'impact de la loi sur l'accès de 1982 sur l'industrie de
l'assurance générale, en tant qu'utilisateur de renseignements
compilés ou recueillis par le gouvernement ou différents
organismes publics, et l'impact des restrictions qui ont été
imposées par la loi sur l'accès à l'industrie
privée, à ce moment-là, aux organismes privés, sur
leurs activités et sur les obligations qui leur sont imposées par
les autres ministères. C'est surtout dans ce contexte que nous voulons
faire notre intervention aujourd'hui.
Les aspects particuliers, évidemment, qui ont un impact sur les
assureurs privés résultent du fait que tes assureurs exigent la
connaissance de renseignements qui sont recueillis par les organismes publics,
surtout les forces policières et la Régie de l'assurance
automobile du Québec. Nous parlons donc d'un aspect très
particulier de l'assurance, soit par exemple le vol, le vandalisme, l'incendie
criminel et surtout les accidents d'automobile au Québec
L'impact de la loi affecte les deux aspects particuliers de l'assurance,
soit la souscription - ce qu'on appelle la souscription ici, c'est
l'émission des contrats d'assurance - et le règlement des
sinistres. Pourquoi les assureurs s'intéressent-ils à la loi sur
l'accès? Comme je vous l'ai mentionné, c'est surtout parce
qu'elle a un impact direct, qu'on le veuille ou non, sur les renseignements que
doivent recueillir les assureurs privés de leurs assurés et que
ces renseignements, qui, en général, doivent être
vérifiés auprès des organismes publics qui, dans la
majorité des cas, sont les seules sources de renseignements
vérifiables et fiables. Donc, ici nous parlons d'un aspect quasi
juridique, c'est la corroboratlon de renseignements qui nous sont donnés
par les assurés au moment de la souscription, lorsqu'ils demandent des
contrats d'assurance ou au moment du règlement des sinistres.
Au moment de la souscription. Comme vous le savez tous, tous les
Québécois sont des assurés, soit en habitation, soit en
assurance automobile. En habitation, lorsqu'ils veulent obtenir un contrat, ils
appellent leur courtier ou leur agent d'assurances et ils doivent
répondre à toute une série de questions. Ces questions
doivent nous aider, en tant qu'assureurs, à déterminer la nature
du risque, l'étendue de la couverture et surtout le prix, la
fréquence ou le risque que peuvent présenter ces individus par
rapport à l'ensemble de la population. Comme vous le savez, c'est un peu
comme les contribuables qui doivent se répartir le coût de
l'administration gouvernementale, en assurance, tous les assurés se
répartissent le coût des dépenses qui sont
occasionnées par les quelques assurés qui subiront des pertes. En
partant de ce concept du partage et de la responsabilité administrative
et économique qui est imposée à l'assurance, j'aimerais
faire un parallèle avec l'usage de ces mêmes renseignements faits
par les organismes publics.
En assurance-habitation, quels que soient les renseignements qui nous
sont donnés par les individus, nous pouvons facilement les
vérifier. Par exemple, ils vont nous dire le genre d'habitation
où ils demeurent, depuis combien de temps, s'ils sont locataires ou
s'ils sont propriétaires. C'est facilement vérifiable. Il n'est
pas nécessaire de faire une enquête de midi à quatorze
heures, l'agent ou le courtier peut tout simplement se rendre sur place et voir
si les renseignements qui lui sont donnés sont vrais.
Cependant, en assurance automobile, comme certains autres intervenants
l'ont mentionné antérieurement, il y a certains contrôles.
Évidemment, ies contrôles en assurance automobile porteront aussi
aujourd'hui en tarification. Les critères de tarification, soit tes
critères pour déterminer la prime, comprennent, entre autres, le
dossier du conducteur, les points d'inaptitude, les accidents
déjà subis et les infractions au Code de la
sécurité routière. Ce sont donc des points individuels. Ce
sont des points qui ne portent pas sur la valeur morale de l'individu, mais
plutôt sur son comportement. Alors, ce sont réellement des faits
qui devraient être vérifiables.
J'aimerais mettre en relief les contre-courants ou les conflits qui
existent entre les expectatives du ministère des Finances, par le moyen
de l'Inspecteur général des institutions
financières, le public et, finalement, la capacité des
assureurs de répondre aux expectatives au point de vue de
l'individualisation des tarifs. Dans le rapport sur la tarification automobile,
tel que je le mentionne à la page 4 de notre rapport, l'inspecteur
général reconnaît les besoins de ces renseignements et nous
dit: "Les assurés ne doivent pas avoir la possibilité de faire
aisément de fausses déclarations entraînant une
réduction de prime. Les cas douteux doivent être facilement
vérifiables par l'assureur à des coûts minimes et avec la
possibilité d'obtenir des renseignements fiables." Ce sont
réellement les points critiques aujourd'hui.
Le Groupement des assureurs automobiles déposait récemment
auprès du Surintendant des assurances un document visant les mêmes
problèmes dans les plans statistiques du Québec. Je vais me
passer de lire la note que nous avons ici, étant donné que nous
sommes assez serrés dans le temps. Mais le point important à se
rappeler et le point qui nous est plus ou moins rappelé tous les jours
et constamment par l'inspecteur général, c'est que, du
côté de la tarification, le poids relatif du dossier de conduite
est important et qu'il doit être accessible et utilisé par les
assureurs. Comment, en tant qu'assureurs, pouvons-nous obtempérer
à ce désir du gouvernement? C'est Ee premier aspect de la
tarification. J'y reviendrai un plus tard.
Dans le règlement des sinistres, maintenant, comment sommes-nous
affectés? En cas de sinistre, des obligations sont imposées aux
assurés par le Code civil. Ils doivent d'abord déclarer qu'il y a
un sinistre et ensuite donner les détails de la réclamation, ce
qui est juste et équitable. Ils doivent d'abord faire une
déclaration fidèle des faits pertinents au sinistre et aussi
justifier l'indemnité ou les montants qui doivent être
remboursés. L'assureur doit donc évaluer les déclarations
de l'assuré, en vérifier la véracité avant
d'exécuter le paiement. Par exemple, si vous parlez des
réclamations concernant le vol, le vandalisme, la fraude, l'incendie
criminel et les accidents de la route, plusieurs personnes sont
impliquées dans ces dossiers. Vous avez d'abord l'assuré qui vous
déclare certains faits ou sa version des faits. Étant
donné que nous sommes en matière criminelle ou quasi criminelle,
vous avez les forces policières qui devront faire enquête et vous
aurez parfois le commissaire à l'incendie puisqu'il pourra s'agir d'un
Incendie criminel.
Il y a donc plusieurs rapports d'enquêtes ou d'accidents sur un
même sujet. L'assureur doit aussi être capable d'identifier les
parties selon les rapports qu'un peu tout le monde a fait. Alors voilà
l'impact que peut avoir les enquêtes ou les documents qui sont recueillis
par les organismes publics.
L'assureur, par contre, lui, est obligé d'indemniser son
assuré. La loi dit: Au plus tard 60 jours depuis la demande
d'indemnité. Ce qui veut dire qu'il a un délai quand même
assez restreint pour être capable de vérifier tous les faits de
son côté et être capable de vérifier, auprès
des tiers partis, l'exactitude des demandes.
J'aimerais ici, dans ce contexte, faire des commentaires sur le rapport
de la Commission de l'accès à l'information, et ceci dans des
domaines très particuliers. D'abord, les renseignements nominatifs,
ensuite l'aspect consentement des parties, et finalement nous allons dire
quelques mots sur le troisième aspect Introduit par le rapport de la
commission, soit l'élargissement au secteur privé.
En matière de renseignements nominatifs, comme vous allez le
constater évidemment, tous les renseignements que nous voulons
recueillir ou qui nous concernent aujourd'hui sont évidemment des
renseignements nominatifs. Nous ne parlons pas de tarification
générale, nous parlons des renseignements qui ont un impact sur
un individu au point de vue de l'émission des contrats ou au point de
vue du règlement des sinistres.
Dans le rapport de la commission, il est très clairement
indiqué que les objectifs de la loi étaient de reconnaître
le fait que les organismes publics ont besoin de renseignements personnels,
parce qu'ils sont nécessaires pour assurer des services de
qualité, déterminer l'admissibilité aux programmes
particuliers de l'État et garantir un meilleur usage des fonds
publics.
Ce que nous vous signalons aujourd'hui, c'est que les mêmes
critères ou raisons économiques et administratives ont aussi un
impact sur l'assurance en général, mais que, malheureusement, on
ne tient pas compte de cet aspect, échange entre organisme public et
privé, pour reconnaître les besoins que pourraient avoir ces
organismes privés pour obtenir les mêmes renseignements.
Le meilleur exemple ici, ce sont les renseignements recueillis par la
Régie de l'assurance automobile du Québec et l'assurance
automobile. Les mêmes renseignements affectent le comportement des
automobilistes. Alors, tout comme les organismes publics, les assureurs doivent
utiliser des renseignements personnels pour offrir des services de
qualité, pour déterminer l'étendue de la protection
demandée et fixer équitablement les coûts dans le
même sens que les organismes publics. Nous devons donc garantir à
la masse des assurés un meilleur usage des fonds qui leur ont
été confiés par tous les assurés.
Nous l'avons mentionné antérieurement, pour
déterminer une prime équitable pour chaque individu, l'assureur
doit connaître les éléments objectifs pertinents au risque,
dont le dossier de conduite, les points d'inaptitude et le dossier de
réclamations.
Or, ce sont des renseignements recueillis par les organismes publics par
le biais des assureurs, des forces policières et des assurés et
qui sont nominatifs, donc confidentiels. Ils sont conservés par la
régie, car c'est la régie qui a le
contrôle du parc automobile, c'est la régie qui applique le
Code de la sécurité routière et c'est elle donc qui a la
responsabilité d'en voir au contrôle.
Donc, selon les articles 55 et 57 sur la loi sur l'accès
présentement, seule une autre loi ou la loi sur l'accès peut
exempter certains renseignements de la confidentialité en les
déclarant de caractère public. Quels sont tes renseignements qui
nous intéressent et qui sont de caractère public? Il y en a
très peu, et la commission a très peu de discrétion
elle-même pour décider du caractère public ou privé
d'un renseignement. (12 h 30)
Je dois faire remarquer, en particulier, l'aspect, disons,
peut-être négatif qui a été reconnu dans la loi
fédérale de certaines protections accordées aux individus,
l'aspect économique, c'est-à-dire que, si un individu retirait un
certain avantage de la non-divulgation de certains renseignements, au
fédéral, la loi donne une certaine discrétion à la
commission pour divulguer ces renseignements. Il n'y a pas de discrétion
semblable accordée dans la loi sur l'accès.
Ce qui veut dire que, en matière d'assurance automobile,
l'individu qui ne permettrait pas de donner accès à ces
renseignements personnels, soit le dossier de conduite, le dossier d'accident
ou autre, parce qu'il sait très bien qu'il aura une déclaration
ou un mauvais dossier ou un accident qui sera déclaré que
lui-même n'a pas déjà déclaré auparavant - il
pourrait peut-être y avoir fausse représentation dans le genre -
cet Individu reçoit évidemment un avantage économique
puisqu'il paiera moins cher pour ses primes. C'est constant et ce n'est pas la
loi sur l'accès qui a apporté cette chose, c'est tout simplement
la protection des droits qui a amplifié cet aspect de la personne qui,
évidemment, déclare le moins possible pour payer moins cher sa
prime. C'est humain
En 1987, le ministère des Transports et la régie ont
reconnu cet aspect et ils ont introduit dans le Code de la
sécurité routière un allégement, en disant que
certains dossiers seraient de caractère public, donc accessibles.
Ceci nous amène évidemment aux problèmes
causés par le consentement des parties. Tout dossier nominatif est
confidentiel et tout dossier confidentiel est accessible strictement au moyen
du consentement des parties. Lorsque nous parlons de consentement des parties,
nous parlons du consentement de la partie principale, qui est le nom du
dossier, et nous parions aussi de toute personne qui pourrait être
identifiée dans le même dossier. On parie donc de dossier
personnel, de dossier d'enquête, de dossier de conduite, de dossier
d'immatriculation, de dossier d'événements, de dossier
d'accidents. Ce sont toujours des faits qui devraient être
vérifiables.
Ce qui est intéressant dans le rapport de la commission ici,
c'est que l'on traite de dossiers d'événements. C'est la
première fois que je voyais cette référence comme telle,
parce qu'en fin de compte la loi ne fait pas une définition des dossiers
d'événements ou une exemption à ces dossiers. Alors, c'est
quand même une Introduction intéressante. La commission
reconnaît que certains dossiers d'événements sont en fait
une déclaration de faits qui sont plus ou moins publics. Entre-temps,
ils font référence à l'exemption qui a été
accordée au Code de la sécurité routière
relativement au dossier de l'accident de la régie.
Donc, lorsque le gouvernement a fait la modification au Code de la
sécurité routière l'été dernier, il a
accordé un caractère public à ces renseignements, mais
j'aimerais ici faire remarquer à la commission que, malgré ces
renseignements ou malgré ce nouveau caractère au dossier qui est
en vigueur depuis le 30 juin 1987, de nombreuses municipalités, soit par
ignorance ou pour une raison que nous ignorons, refusent encore l'accès
à ces dossiers. Nous avons essayé de savoir pourquoi, mais on n'a
pas eu de réponse et, malgré cette modification dans la loi qui
semblait quand même régler le problème, puisque la loi
s'appliquait non seulement à la régie, mais aussi à tout
corps public de police ou à une municipalité, cela n'a fait
aucune différence au point de vue de l'application pour certaines
municipalités.
La question aujourd'hui, c'est: est-ce que la modification qui a
été apportée et qui est en accord avec les règles
de la commission, puisque ce changement a certainement été fait
avec l'approbation de la commission... est-ce que, d'autre part, l'article 28,
qui est l'aspect de la loi sur l'accès relativement aux dossiers des
forces policières, prime le Code de la sécurité
routière? Nous nous sommes posé la question et nous n'avons pas
encore trouvé de réponse à ce problème.
Dans les dossiers d'événements, les dossiers autres que
celui que nous avons mentionné, qui nous concernent et qui sont
complétés par les forces policières, traitent surtout du
vol à domicile, du dommage malicieux, de l'incendie criminel, comme nous
l'avons mentionné antérieurement Dans ces dossiers, il est
évident qu'il y aura toujours plusieurs parties mentionnées au
dossier. Si vous avez une enquête par une force policière sur un
vol à domicile, vous avez l'identification de l'individu qui est le
propriétaire, soit la victime, et vous aurez les témoins
mentionnés et aussi peut-être possiblement d'autres
interrogations. Il y a toujours plusieurs personnes mentionnées.
L'article 88 de la loi dit que toutes les personnes qui sont
mentionnées ou auxquelles on réfère le dossier doivent
donner un consentement. Alors, vous voyez immédiatement le
casse-tête monumental qu'une restriction semblable peut imposer à
la vérification des déclarations faites par les assurés.
La commission a reconnu ce problème dans une première
étape - ce que
nous reconnaissons aujourd'hui - en recommandant peut-être que les
forces policières envolent un avis écrit à toute personne
impliquée, qui devra exprimer son refus de divulguer les renseignements
dans un délai raisonnable, à défaut duquel il y aura un
consentement.
Malheureusement, nous notons que la commission semble limiter cet
accès seulement à la victime qui songe à exercer ses
droits devant le tribunal. Dans les actes qui nous concernent, dans les actes
assurés, il y a très peu de victimes qui vont aller devant les
tribunaux pour faire reconnaître leurs droits. Alors, ici, il semble que
la commission ait complètement ignoré les délais
interminables qu'une telle intervention va causer, ainsi que tous les
règlements de sinistres hors cour, évidemment, qui doivent
être complétés par les assureurs et, enfin de compte, les
droits de subrogation des assureurs qui vont essayer de récupérer
les biens volés ou, du moins, être capables de poursuivre les
personnes responsables.
C'est pour cette raison qu'à la page 10 nous recommandons que les
assureurs aient accès aux dossiers d'enquête des forces
policières et des autres organismes semblables sans le consentement des
parties concernées, et que les rapports d'événements et
d'accidents d'automobile soient des rapports de faits, soient disponibles aux
parties concernées ou à leurs assureurs sans le consentement des
parties concernées. C'est plus ou moins un prolongement de ce que le
Code de la sécurité routière a déjà
fait.
Le dossier de conduite, c'est un dossier très particulier, ici,
nous avons un aspect assez unique, sur lequel nous voudrions vous entretenir
aujourd'hui. Je laisse la parole à M. Medza puisqu'il s'agit d'un
dossier, à la page 10...
Le Président (M. Trudel): Oui, je m'excuse... Mme
Gagné: ...qui est en suspens.
Le Président (M. Trudel): ...de vous interrompre.
Mme Gagné: Oui.
Le Président (M. Trudel): C'est seulement pour vous
signaler ce que je vous ai dit tantôt, répéter un peu ce
que je vous ai dit: Tout cela a été résumé et lu.
Les 20 minutes qui vous sont accordées sont écoulées; je
vais vous en accorder davantage, ce qui va restreindre quand même les
membres de la commission quant aux questions qu'ils voudront vous poser.
Essayez d'accélérer le plus possible, dans la mesure... Encore
une fois, en me répétant, le mémoire a été
lu, vous l'avez résumé; les services de recherche de la
commission l'ont résumé. On doit dire que les membres de la
commission sont familiers avec son contenu. S'il vous plaît...
Mme Gagné: Est-ce que vous voulez passer aux questions
tout de suite. Sur le secteur privé, nous avons très peu de
recommandations autres que ies faits qui ont déjà
été mentionnés ici. Il y a le Code civil; nous sommes
d'accord, nous n'avons jamais fait d'objection à la loi 20 lorsqu'elle a
été introduite. Alors, il n'y a aucun problème. Nous avons
inclus un document qui a été préparé, justement un
code de déontologie de l'industrie et qui a été
mentionné plus tôt. Alors, c'est tout simplement pour montrer que
nous sommes familiers avec le problème et que nous sommes en accord avec
la commission sur la protection des droits des individus.
Je vais laisser la parole aux membres de la commission, étant
donné que nous sommes assez pressés par le temps.
Le Président (M. Trudel): Merci, Me Gagné. J'ai
quelques questions à vous poser et M. le député de Taillon
également.
Qu'est-ce qui vous empêche actuellement de créer le fichier
général dont vous nous avez parlé? Peut-être que la
réponse que vous allez me donner, c'est justement: Parce qu'on ne peut
pas facilement avoir accès aux renseignements nominatifs, cela ne nous
sert à rien de créer un fichier.
Qu'est-ce qui, juridiquement, vous empêche, au moment où
l'on se parle, de créer ce fichier? Vous êtes de l'entreprise
privée, la loi d'accès ne couvre que le public. C'est ma
première question.
M. Medza (Raymond): Je vais me permettre de répondre
à cette question, M. le Président. Nous pourrions constituer un
fichier à n'importe quel moment, rien ne nous en empêche,
aujourd'hui. Toutefois, la constitution d'un fichier par l'industrie implique
une action volontaire et libre de chacune des parties. Nous avons donc
souhaité l'inclure dans le plan statistique automobile du Québec,
qui est un instrument obligatoire Faire un fichier partiel, cela ne nous
mène nulle part. On va avoir deux individus, on n'aura pas les autres et
l'équité qu'on recherche dans la redistribution du fardeau des
primes parmi tous les assurés selon les risques qu'ils
représentent réellement ne peut être valide que si l'on
obtient tous les renseignements de tous les assurés qui ont
été impliqués dans tes accidents et non pas seulement une
partie de ceux-ci. Pour cela il faut passer par le plan statistique, donc par
l'inspecteur général et ainsi nous croyons que, en passant par
l'inspecteur général, cela devient presque un organisme
parapublic parce que l'agence statistique relève du mandat de
l'inspecteur général, même si elle nous a été
confiée.
Le Président (M. Trudel): Merci. Autre question: On a
abordé le sujet - et vous étiez dans la salle, je pense, à
ce moment-là, avec un des groupes qui vous a
précédés - et on parlait d'une question de santé et
de profil informatique. La Ligue des droits et libertés, dans une de ses
recommandations dont j'ai fait état dans la
discussion que j'ai eue avec ses représentants, disait: On
demande qu'il soit tenu compte de l'état de santé réel. Je
sais bien que je m'adresse à des gens qui s'occupent d'assurance tous
risques - on l'a appelée l'assurance tous risques - et d'assurance
automobile. Mais je sais bien aussi que, quand on demande son permis de
conduire, entre autres, on donne des renseignements nominatifs très
personnels sur son état de santé.
Tantôt, dans votre exposé, Me Gagné, vous aviez
commencé à nous dire de façon générale
comment le calcul des risques est établi. Premièrement, est-ce
qu'on se sert vraiment beaucoup de profils Informatiques et,
deuxièmement, comment arrivez-vous à colliger toutes les
données que vous conservez dans les dossiers de chaque individu,
notamment en matière d'assurance automobile?
Mme Gagné: En matière d'assurance automobile, je
pourrais peut-être laisser M. Medza parler, étant donné
qu'il s'agit des plans de tarification qui leur sont imposés par
l'inspecteur général. II peut vous expliquer quels sont les
renseignements qu'ils doivent obtenir.
M. Medza: Brièvement, M. le Président. Le plan
statistique du Québec comporte des critères de
territorialité, le conducteur lui-même, l'utilisation qu'on fait
du véhicule et le nombre d'années d'usage. L'autre partie
concerne le dossier de conduite et le dossier d'accidents de chacun des
conducteurs. Ces informations sont comprises dans ce qu'on appelle le plan
statistique automobile du Québec, qui est sous l'autorité de
l'Inspecteur général des Institutions financières. Il a
confié à l'industrie le soin de produire ces statistiques, de les
compiler, de les recueillir, de les traiter et de lui faire rapport. Chaque
année, au mois de mai, nous déposons... Dans quelques semaines,
nous déposerons les statistiques globales de 1987 pour l'industrie.
À ce moment-là, les actuaires du ministère feront la
compilation et rédigeront le rapport sur la tarification automobile au
Québec, qui est déposé à l'Assemblée
nationale et dans lequel, normalement, l'inspecteur général et
ses actuaires viennent dire que l'industrie a demandé moins cher qu'elle
aurait dû. Je me permets de dire cela en passant. C'est à partir
de ces données, et ce sont nos données, à nous. C'est
ainsi qu'on les compile.
Le Président (M. Trudel): Donc, on a affaire
à...
M. Medza: On ne touche pas la santé...
Le Président (M. Trudel): Je ne veux pas élargir la
discussion ni trop Insister là-dessus, mais iI reste qu'il y a quand
même une partie... Vous êtes en train de me dire, et je ne suis pas
nécessairement contre cela, qu'on fait largement usage de profils
Informatiques. M. Medza: Oui.
Le Président (M. Trudel): Entre autres, c'est une des
préoccupations de la commission. C'est un sujet Intéressant.
Mais, avec votre réponse, on conclut facilement qu'il n'y a
peut-être pas beaucoup d'autres façons de le faire, me
répondrez-vous.
La question de la santé, j'imagine qu'il doit en être tenu
compte, dans la mesure où on fait certaines déclarations au
moment du renouvellement de son permis de conduire, notamment, Un conducteur
cardiaque représente potentiellement plus de risques que celui qui ne
s'est jamais déclaré cardiaque. Ce sont des renseignements
contenus dans les fichiers - pour prendre cet exemple - de la RAAQ. Donc, vous
n'y avez pas accès, dites-vous, sans consentement. Vous en demandez
l'accès, maintenant, sans consentement.
M. Medza: Peut-être me permettriez-vous de vous dire...
Le Président (M. Trudel): Oui, cela va.
M. Medza: .. M. le Président, que les Informations
auxquelles nous avons accès, auxquelles normalement nous demandons
l'accès, même avec le consentement de la personne, traitent
essentiellement de son numéro de permis de conduire et de ses points
d'inaptitude.
Le Président (M. Trudel): Essentiellement.
M. Medza: Essentiellement. On n'a pas besoin d'autre chose. On
veut connaître le comportement du conducteur. Nous croyons, et certaines
études le démontrent, que le comportement d'un conducteur dans
son aptitude à conduire, à respecter la loi et au niveau des
accidents, c'est un reflet réel de ce que le risque représente,
et il devait être tarifé en conséquence.
Le Président (M. Trudel): Très bien.
Dernière question. Le fichier que vous voulez constituer et dont vous
nous parlez aux pages 11 et 12, surtout à la page 12, si j'ai bien
compris ce que vous dites, vous en garderiez vous-même le contrôle,
possiblement avec l'inspecteur général Vous dites: "Ce fichier
maître établi à la fois par le GAA et l'inspecteur
général serait possiblement soumis à l'article 66 et
l'inspecteur général en fera part à la commission." (12 h
45)
Je peux vous soumettre une autre idée en vous disant à peu
près ceci. En admettant qu'on retienne cette idée et que, d'autre
part, vous puissiez avoir accès sans consentement à des
renseignements nominatifs, est-ce que vous ne voyez pas le rôle de la
Commission d'accès à l'information comme plus important?
Là, vous
nous dites: Possiblement. Est-ce que c'est parce que c'est encore en
discussion ou parce que votre réflexion sur le sujet n'est pas
complétée? On est en face de demandes de plusieurs groupes qui
veulent se constituer des fichiers. On se dit: Est-ce que cela va être
à gauche ou à droite? Hier, pour des raisons complètement
différentes, en fin de journée, les huissiers nous ont
demandé d'avoir, eux aussi, accès sans consentement à un
tas de choses pour constituer leur propre fichier et te contrôler
eux-mêmes. Je retiens de votre recommandation que c'est, à toutes
fins utiles, ce que vous nous demandez, ce que vous nous recommandez au
gouvernement, à tout le moins.
Mme Gagné: L'aspect de l'article 66 qui demande que tout
organisme public fasse une déclaration d'un fichier qu'il recueille,
c'est surtout à cause de l'impact du mandat qui est confié par la
loi au 6AA d'être l'agence statistique. Il n'est pas certain si, selon la
loi, ce mandat particulier fait du GAA un organisme public ou non. Si c'est le
cas, évidemment, la commission dit à certains endroits que tous
les organismes publics devraient non seulement déclarer les fichiers
qu'ils ont, mais les fichiers auxquels ils ont accès. C'est à cet
effet que j'ai fait la mention de l'article 66. Nous n'avons absolument aucune
objection à cela. C'est une simple modalité. Le fait que les
consommateurs sachent qu'il y a un fichier quelque part à cet effet,
nous n'y avons aucune objection non plus. Nous ne cherchons par le secret des
renseignements que nous recueillons, pas du tout.
Le Président (M. Trudel): D'accord En terminant, je pense
que mon collègue de Taillon va aborder cette question. Vous nous
entraînez dans une discussion sur ce qu'on appelle entre guillemets les
rapports de police. Il en sera largement question pour des questions
complètement différentes de celles que vous évoquez
vous-même et que vous invoquez cet après-midi, alors que,
notamment, le journal La Presse va nous en entretenir dans un mémoire
très juridique, mais fort bien fait. Je vous signale simplement mon
ouverture d'esprit de ce côté, tout en étant très
prudent quand même. Je ne sais pas si le député de Taillon
va aborder cette question. S'il ne l'aborde pas, j'y reviendrai tantôt.
Je cède la parole au député de Taillon.
M. Filion: Merci, M. le Président. Je pense que, de ce
côté-ci, nous sommes sensibles à cette préoccupation
des assureurs que traduisent bien votre mémoire et vos interventions, ce
matin, d'obtenir ce que j'appellerais peut-être une répartition
équitable du fardeau financier que constituent les primes et qu'à
cet effet les assureurs cherchent, de façon légitime, à
évaluer les risques de la façon la plus réaliste possible,
en tenant compte de la situation réelle des individus qui sont
assurés. Je pense que c'est un peu la base de l'assurance finalement et,
pour qu'une assurance soit juste, il faut tenir compte de ce qui se passe dans
la réalité et dans la vie de tous les jours. À ce
titre-là, des assureurs veulent, comme vous nous le demandez cet
après-midi, avoir accès au maximum d'informations possible. Et
encore une fois, c'est légitime autant pour votre groupe que cela peut
l'être pour d'autres groupes qui ont des activités dans la
société, qui ont des mandats, dans certains cas, fixés par
la loi, qui les obligent, du moins, en leur âme et conscience, à
aller chercher le maximum d'informations
Le président mentionnait tantôt le cas des huissiers. Il y
en a beaucoup d'autres. Donc, je voudrais que vous sachiez que, de ce
côté-ci, nous sommes sensibles à cette préoccupation
tout à fait légitime de votre part. D'un autre côté,
il y a aussi le type de préoccupation - et j'ai remarqué que vous
étiez dans la salle tantôt - qu'expriment les citoyens et les
citoyennes du Québec comme un peu partout en Occident en voulant
protéger les renseignements de nature confidentielle.
Deuxièmement, et cela m'agace beaucoup, c'est le nombre d'erreurs
que l'on retrouve, qui sont de bonne foi et qui ne sont jamais de mauvaise foi,
le nombre d'erreurs qui sont véhiculées d'une banque à
l'autre, et à une autre à partir d'une information
Incomplète, inexacte. En pratiquant mon métier d'avocat ou de
député, j'ai été directement sensibilisé
à des cas d'injustice énorme. Donc, je connais un petit peu les
deux pôles, si vous me le permettez, qui doivent nous guider dans
l'appréciation de vos recommandations. Ce n'est pas facile parce
qu'encore une fois votre démarche est tout à fait
légitime.
Je vais vous donner un exemple, qui fait un petit peu partie de mes
préoccupations. Il y a quelques mois, à l'occasion de je ne sais
et je ne me souviens pas exactement quelle procédure parlementaire, nous
avons entendu les représentants de la Commission d'accès à
l'information. C'était l'étude du rapport 1986-1987, me souffle
avec précision le président, et à cette occasion, lors de
nos travaux parlementaires - c'est dans le Journal des débats, si vous
voulez le consulter - la Commission d'accès à l'information nous
révélait que la Régie de l'assurance automobile du
Québec délivrait plus de 10 000 informations par mois sur les
dossiers de conduite et qu'une bonne majorité de ces informations
allaient bien sûr aux compagnies d'assurances chargées d'assurer
des conducteurs et des véhicules.
On sait, d'autre part, que, en vertu de la loi actuelle - ma question ne
concerne pas le bien-fondé de la loi, c'est juste la loi actuelle - pour
que vos compagnies d'assurances qui sont membres du 8AC et du groupement
puissent avoir accès à ces informations, cela leur prend un
consentement de la personne désireuse de s'assurer chez vous, et pour
employer l'expression exacte utilisée par les représentants de la
Commission d'accès à l'information, les consen-
tements des assurés étaient arrachés à
l'assuré potentiel. On parlait même de consentement avec un
revolver sur la tempe. Bon! Je vais vous donner un cas concret à partir
de cela, et soyez très à l'aise avec nous aujourd'hui. Encore une
fois, je suis sensible à votre préoccupation. Par exemple, je ne
suis pas assuré dans une de vos compagnies; pour une raison ou pour une
autre, vous ne réussissez pas à obtenir une information; vous me
demandez mon consentement et je ne vous l'accorde pas. Je voudrais savoir ce
qui se passe. Concrètement, vos assureurs, qu'est-ce qu'ils vont faire
avec moi?
Mme Gagné: Actuellement, en pratique depuis le changement
au Code de la sécurité routière, nous devrions pouvoir
obtenir certains renseignements de la régie au moyen du permis de
conduire, étant donné que le Code de la sécurité
routière permet l'accès au dossier, ce qu'on appelle le dossier
d'accidents. Alors, tout ce que cela va nous dire, c'est quel est le dossier
d'accidents. Le dossier d'accidents de la régie contient très peu
de renseignements. Il ne nous dira pas si la personne était responsable
ou non, par exemple. Il ne donnera pas de points de démérite. Il
n'identifiera aucune autre partie. Techniquement parlant, depuis le changement
au Code de la sécurité routière, nous devrions pouvoir
obtenir ce premier renseignement.
Deuxièmement, en pratique comme vous le dites justement, si cet
individu était avec le même assureur depuis longtemps et que tout
simplement, à un moment donné, l'assureur décide de
vérifier le dossier, comme on le fait de temps en temps au hasard, et
que cette personne n'a pas donné son consentement, parce que le dossier
est à l'intérieur de l'organisme privé seulement -
l'assureur peut toujours vérifier ses dossiers et fonctionner de cette
façon - c'est à peu près la marge de manoeuvre qu'il a. Il
y a très peu d'échange entre les assureurs parce qu'ils ne sont
pas organisés pour faire l'échange de renseignements. Il n'y a
pas de banque de données universelle. Chaque assureur a sa banque de
données, a ses dossiers qui sont parfois même difficiles à
trouver parce que les dossiers sont détruits en automobile très
souvent après deux ans. S'il n'y a pas de réclamation, les
dossiers sont détruits, parce qu'il y en a trop.
Alors, c'est plutôt de cette façon qu'ils vont
procéder et ils vont courir le risque jusqu'au moment où cette
personne aura un accident. À ce moment-là, peut-être qu'ils
pourront obtenir d'autres renseignements. Mais c'est vraiment une situation qui
n'est pas facile. Actuellement, l'accès est limité parce que,
franchement, si un individu refuse le consentement de vérifier son
dossier, les seules autres ressources fiables et neutres, si on peut dire,
c'est la régie qui les a. La régie est quand même
liée par la loi sur l'accès, outre les exceptions. À moins
que M. Medza ait d'autres commentaires, à mon avis, c'est ta
façon dont ils procéderont.
M. Medza: La façon de procéder pour l'assureur qui
recevrait une demande peut se situer à deux niveaux, une fois qu'il a
fait toutes les tentatives d'obtenir l'information. On peut décider de
tarifer le client selon le taux de risque le plus élevé parce
qu'on n'a pas de renseignements utiles, pour permettre de lui consentir des
réductions qu'il aurait autrement. Deuxièmement, on peut refuser
tout simplement de l'assurer parce qu'on n'a pas reçu les
déclarations nécessaires. Il faut se rappeler que le Code civil
impose à l'inspecteur général un contrat d'assurance dont
six ou sept des questions - vous m'excuserez si j'ai oublié le nombre -
traitent précisément des déclarations de l'assuré,
qu'il devrait normalement signer et qui peuvent être cause de
nullité du contrat.
Il y a une très grande différence, comme vous le savez,
entre la nullité du contrat et sa terminaison ou sa suspension en cours
de terme. Ou on le refuse parce qu'on n'a pas l'information qui nous permet
d'avoir un contrat et un client satisfait, ou on lui impose une prime qui va
être plus élevée parce qu'on n'a pas l'information.
M. Filion: Le problème, c'est ceci. Le consentement de
l'assuré, c'est prévu dans la loi, ce n'est pas un simple
privilège que le citoyen a de refuser son consentement. Si la loi telle
qu'elle a été adoptée par tes législateurs dit que,
sans le consentement de l'assuré, il n'est pas possible d'obtenir
l'information, cela veut dire que l'assuré est libre de donner son
consentement. Les arguments que vous présentez sont de poids, ils sont
de nature économique. Probablement que le revolver était fait en
signe de piastres: Si tu ne signes pas, on va te donner le risque le plus
élevé et cela va être assez élevé à
part cela, la prime d'assurance. Au fond, là-dedans, il y a une question
d'attitude au-delà de toutes les lois. Je l'ai dit: Vous recherchez la
situation réelle des individus
D'un autre côté, avec les individus, iI y a des limites
parce qu'une fois les renseignements rendus chez vous... Surtout vous demandez
à ta page 11 et 12, comme le mentionnait le président, et c'est
tout à fait justifié... parce que j'ai bien compris que vous avez
une espèce de mandat de plan statistique qui vous est confié par
le Surintendant des assurances. Donc, vous avez une espèce d'obligation
légale. Donc, vous voule2 constituer cette espèce de banque de
données qui pourrait servir à tous vos membres. C'est le type de
situation qui devient préoccupante pour nous. À partir du moment
où justement il existe une banque centrale où les pratiques au
niveau des attitudes deviendraient peut-être un peu plus agressives de ta
part des assureurs qui voudraient mieux déterminer leurs risques, c'est
la protection des renseignements confidentiels qui devient...
On peut supposer que vous faites enquête sur une famille, à
un moment donné, pour
savoir ou pour aider à déterminer un risque. Si je
m'assure chez vous, vous irez voir si mon frère ou ma soeur ont un bon
dossier. Je suis convaincu que, sur le plan statistique, cela pourrait
être une information utile dans deux ans, mais peut-être pas
actuellement, j'en conviens, mais éventuellement parce que les actuaires
qui travaillent pour vous trouveraient de nouveaux éléments sur
lesquels ils pourraient baser leurs études actuarielles justement.
Je ne sais pas si vous saisissez un peu. II n'y a pas de limite à
votre recherche de la situation réelle des individus, et il faut qu'il y
en ait une, à un moment donné. Vos actuaires vont mâcher
toute la viande que vous leur apporterez pour arriver, encore une fois,
à une répartition plus équitable du fardeau des
primes.
Je voudrais vous permettre de réagir devant cette espèce
de double réalité qui se confronte. (13 heures)
M. Medza: M le Président, quand nous avons
déposé la recommandation d'établir un fichier maître
auprès de l'Inspecteur général des institutions
financières en juillet 1987, nous avons tenu compte de ces aspects. Le
temps de la commission étant relativement serré, je me
permettrais si vous le désirez, sans déroger aux règles
qui sont permises, de vous faire tenir une copie du rapport que nous avons
remis à l'inspecteur général et dans lequel vous
constaterez que nous avons déjà prévu que l'accès
doit être limité et très restreint. Un assureur ne peut pas
accéder au fichier n'importe quand, n'importe comment et pour n'importe
qui.
D'abord, entre eux, les assureurs s'y opposeraient pour des questions de
concurrence. Sans cela il serait possible, pour utiliser un terme anglais, de
"scanner" le système et d'aller chercher des informations sur les
meilleurs assurés des autres assureurs. C'est impensable que les
assureurs consentent à une chose semblable entre eux. II serait donc
préférable que l'accès soit limité à un
assureur qui donne un numéro de contrat et un numéro de permis de
conduire qu'il a obtenus et rien d'autre. II ne peut pas obtenir d'autres
informations. II ne peut pas avoir une série de clients. II ne peut pas
donner un nom et avoir une information. II ne peut y aller que par le
numéro de permis de conduire Vous allez me dire: II est toujours
possible de constituer le numéro de permis de conduire de quelqu'un par
son nom. Effectivement, il est possible de le faire. Sauf qu'il faut avoir le
programme et il y a des coûts que cela entraîne. C'est
déjà prévu.
Deuxièmement, nous avons mis un deuxième mécanisme
au cas ou quelqu'un tenterait systématiquement d'accéder au
dossier et de prendre plusieurs informations. Nous avons un rapport
d'accès ou un contrôle d'accès qui sera
déposé et sur lequel nous vérifierons le nombre de fois
qu'un assureur a accédé au fichier, pour qui il a
accédé et quel usage il en a fait. Alors, je pense que ce sont
deux mécanismes de contrôle impor- tants, celui qui est à
l'accès, pour accéder au système, et celui qui est au
niveau du nombre de consultations qui ont été faites.
M. Filion: Si je regarde le code de déontologie, les
principes directeurs en matière de vie privée pour l'industrie et
les assurances IARD que vous nous avez soumis avec votre mémoire, c'est
ce que vous appelez un peu le code de déontologie?
Mme Gagné: Le terme est peut-être un peu fort.
M. Filion: Le terme est un peu fort. D'abord, cela a six
paragraphes. Ce n'est pas le nombre qui compte, vous allez me dire, mais c'est
flou un peu. Au premier paragraphe, vous dites: "Seuls des moyens convenables
et permis peuvent être employés pour l'obtention des
renseignements personnels pertinents et essentiels", etc, "et, dans la mesure
du possible, ces renseignements seront obtenus directement auprès des
personnes concernées." Je ne sais pas si vous vous rendez compte du flou
qui existe dans les expressions suivantes: "Seuls des moyens convenables et
permis." Ensuite, on dit "dans la mesure du possible "
Au paragraphe 4, vous dites: Toutes les mesures, voulues dans les
limites raisonnables, seront prises pour veiller à ce que les
renseignements personnels recueillis, utilisés, conservés ou
diffusés soient exacts, pertinents, à jour et complets. "
"Limites raisonnables", où sont les jalons de I'appréciation de
cela? Bonne chance, tout le monde! Au paragraphe 5: "L'accès aux
informations", vous en parliez, "détenues par la société
ou leur diffusion sera limité a son personnel, ses agents, ses
courtiers", etc, "en ayant un besoin légitime." Comment
s'apprécie la légitimité d un besoin d un assureur?
En deux mots, je suis surpris de voir que cela ne va pas plus loin que
cela, les principes directeurs pour les assureurs. Depuis le temps que le
problème de la protection des renseignements confidentiels et de
l'accès à l'information est discuté dans les
sociétés occidentales! Si vous regardez vos voisins
américains, vous avez entendu les intervenants qui sont venus avant
vous, il existe aux États-Unis une réglementation et des lois qui
protègent un peu mieux les citoyens et les citoyennes qu'au
Québec ici, parce qu'on n'a pas de loi ni de réglementation, vous
nous présentez un code de déontologie qui fait un peu "wishful
thinking". II serait peut-être intéressant, si les assureurs
veulent s'autoréglementer et surtout dire qu'ils
s'autoréglementent vraiment, qu'ils définissent un peu mieux
leurs règles.
Mme Gagné: Comme vous le mentionnez, c'était
justement une première étape sur l'autoréglementation.
C'est un autre point, c'est strictement un principe directeur toujours
assez
difficile à contrôler évidemment aussi. C'est
purement une première étape inspirée de plusieurs
enquêtes qui ont été faites surtout en matière de
rapports médicaux où évidemment il y a eu un resserrement
assez important par rapport aux assureurs, aux enquêteurs, à
t'assurance-vle et à l'assurance-maladie, etc. C'est une étape
suivante qui s'applique à tout genre de contrat d'assurance en
général. Pour ce dont nous parlons ici, la tarification des
dossiers particuliers, les fichiers maîtres, qui sont à
l'étude actuellement non seulement au Québec mais dans toutes les
provinces, le code va être beaucoup plus serré que cela, car,
là, il s'agit d'une centralisation de renseignements. Ici, nous parlons
de l'acte de l'individu comme tel, de l'échange de ces renseignements
avec les personnes avec qui il fait affaire.
Tant qu'il n'y a pas une organisation systématique
d'échanges de renseignements autre que le fichier maître, il faut
quand même reconnaître que les échanges sont assez
limités à l'extérieur de l'assurance. Et comme M. Medza
l'a mentionné, il y a évidemment toutes les restrictions, il y a
très peu d'échanges, il y a quand même un échange
assez limité à cause de la compétition entre assureurs et
surtout à cause de toutes les poursuites judiciaires et des
différentes lois de toutes les provinces qui s'appliquent, les lois de
la preuve. Parfois, vous savez, ici, cela semble peut-être un peu flou,
mais il y a un tas d'autres contrôles qui s'ajoutent en plus de ce code.
Comme vous le dites, peut-être que c'est un peu flou, C'est une
première étape et il y aurait certainement matière
à amélioration en comparaison avec les lois américaines,
par exemple, mais actuellement nous avons quand même assez d'autres
contrôles pour protéger l'individu.
M. Medza: M. le Président, les membres de la commission
pourront prendre connaissance du document que je vous ai remis tout à
l'heure et dans lequel vous verrez qu'il y a plus de dureté dans
l'application que dans le principe directeur. Vous admettrez que
l'émission d'un principe directeur doit être suffisamment large
pour permettre de travailler et, après cela, il est
préférable de s'en tenir au cas par cas, dans les situations
particulières. Les informations que le fichier contiendra sont tellement
limitées et sont exclusivement et essentiellement le résultat de
deux choses: les accidents ou les réclamations, et les points
d'inaptitude, rien d'autre!
M. Filion: Mais en même temps, M. Medza, vous
reconnaîtrez que votre première recommandation dans le
mémoire que vous déposez vise à faire en sorte que les
assureurs aient accès aux dossiers d'enquête des forces
policières. C'est quand même...
M. Medza: ...pour le règlement des sinistres.
M. Filion: Oui, pour le règlement des sinistres. Mais
quand même, c'est le dossier des forces policières pour le
règlement des sinistres, de toutes sortes de sinistres, n'est-ce pas?
J'ai bien compris? Il n'y a pas de limite. Ce n'est pas seulement l'automobile,
c'est l'incendie, etc.
M. Medza: Tous ceux qui nécessitent...
M. Filion: D'accord. Mais c'est quand même un
réservoir absolument délicat et fragile d'informations que les
rapports de police. En même temps, vous nous dites: Donnez-nous
accès aux rapports de police. Mais vous admettez un peu du même
souffle que votre code de déontologie en est, disons, à sa
première expression. Un peu plus de dureté... Je vais prendre
connaissance du document. En tout cas...
Une dernière question, à la page 4 de votre
mémoire, dans le rapport que le Groupement des assureurs automobiles a
déposé auprès du Surintendant des assurances. Je cite ce
que vous dites vous-mêmes dans le rapport: Toutefois, en ce qui concerne
le dossier de conduite, soit une autre variable importante du système de
tarification en assurance automobile, l'information sur ce dossier est devenue
de moins en moins disponible et crédible." Pourriez-vous expliciter
votre pensée sur cette partie de votre mémoire?
M. Medza: M. le Président, il s'agit ici des effets de
l'article qui traite de la convention d'indemnisation directe. Comme vous le
savez sans doute, depuis l'avènement de la réforme en assurance
automobile, le législateur a voulu que les assureurs indemnisent
directement leurs assurés, indépendamment qu'ils soient
responsables. Or, nous avons dû inaugurer la convention d'indemnisation
directe qui établit des normes, des critères, des barèmes
de responsabilité, à partir desquels les assureurs indemniseront
leurs propres assurés dans la mesure où ils ne sont pas
totalement responsables de l'accident. Alors, cette façon de
procéder fait qu'on n'échange plus entre les assureurs, qu'il n'y
a plus de poursuite et qu'on ne connaît pas toujours la partie
responsable de l'accident. La partie responsable est celle normalement qui,
dans la tradition de la tarification québécoise,
nord-américaine et même mondiale, est pénalisée ou
qui subit le contrecoup des accidents.
Dans ce système-ci, nous avons perdu ou nous n'avons pas 40 % des
cas de personnes responsables. On nous tait fort bien l'information de
façon à bénéficier d'un escompte de son taux
d'assurance, si bien que les autres assurés, ceux qui ne sont pas
responsables des accidents et ceux qui n'ent ont pas doivent assumer ce manque
de fonds dant tout le "pool" d'assurance.
Alors, nous croyons que l'information sur les accidents est devenue non
crédible, et cela se manifeste dans le rapport que nous avons remis
à l'inspecteur général sur des statistiques sur tes
automobiles. Dans ce rapport, nous notons que.
l'an dernier, plus de 85 % des assurés n'auraient pas eu de
réclamations dans les cinq dernières années, alors que ce
pourcentage, il y a quelques années, se situait aux environs de 35 %.
Alors, tout d'un coup, il y a 50 % des assurés de la province qui n'ont
plus d'accident depuis cinq ans. Je trouve ça merveilleux, sauf que les
résultats financiers ne démontrent pas ça.
M. Filion: Ce que vous êtes en train de me dire est assez
catastrophique Vous êtes en train de me dire qu'il y a peut-être 40
%...
M. Medza: À peu près.
M. Filion: ...des sinistres dans le domaine de l'automobile qui
ne font pas l'objet d'une détermination de responsabilité par nos
assureurs. Donc, il n'y a même pas d'entente entre les assureurs C'est
ça?
M. Medza: Non
M. Filion: Je croyais que chaque sinistre faisait l'objet. Bon,
alors, ton assuré est responsable à 100 %, le mien à
zéro ou 50-50 Non II y a 40 %...
M. Medza: Ce serait vraiment trop coûteux de faire
ça. Cela coûterait une fortune Sauf que ça crée des
inéquités chez les assurés Cela débalance la
proportion des primes.
M. Filion: C'est clair. M. Medza: Oui.
M. Filion: Mais pourquoi ce désintérêt des
compagnies? Parce que, monétairement parlant, cela ne change pas
grand-chose C'est ça?
M. Medza: Bien, cela change dans le sens que
M. Filion: Mais pourquoi les assureurs ne font-ils pas leur
travail de parler entre eux des circonstances de l'accident et de dire. Voici,
un tel, ton client, ton assuré est responsable à 50 %, le mien,
à 50 % ou 0-100 % C'est secondaire sur le plan.
M. Medza: Certains assureurs peuvent le faire, parce qu'ils ont
la structure et le personnel pour le faire, et cela n'entraîne pas des
coûts additionnels. Mais il faut bien calculer que, si on devait aller en
subrogation dans chacune des quelque 220 000 réclamations qui sont
faites par année, cela voudrait donc dire qu'il y aurait quelque 400 000
dossiers d'ouverts dans les compagnies d'assurances. Imaginez-vous si on prend
seulement dix minutes par dossier, ce qui est peu probable, les coûts que
cela va entraîner et que les assurés vont être
obligés d'assumer. II y a une question de coût. Je pense que les
assureurs, depuis 1981, depuis trois ans après l'entrée en
vigueur du régime, ont tenté toutes sortes de méthodes
pour obtenir des informations. Mais on se bute toujours à des refus
à cause du coût, de la protection de l'information, du respect de
la vie privée Sauf que ce sont les autres assurés qui paient.
Cela devient du domaine public à ce moment-là.
M. Filion: Mais il serait bon d'informer les
Québécois et les Québécoises que leurs primes -
c'est ce que vous êtes en train de me dire - montent à la suite
d'un accident, de toute façon, qu'ils soient responsables ou non.
M. Medza: Je pense que déjà ils sont au courant
D'ailleurs, l'inspecteur général en a fait mention, il y a
quelques semaines, dans une émission, dans une interview, ici, à
Québec. Nous avons discuté avec l'Association des consommateurs
du Québec. Nous avons échangé de ta correspondance avec
eux à ce sujet Ils sont en train de faire une enquête dans le
dossier. Ils vont nous recontacter. Nous sommes au courant de cette situation.
Sauf qu'il n'y a pas de solution miracle, qu'il n'y a pas de solution
magique.
Nous disons qu'une des façons de rétablir un
équilibre dans le dossier de conduite, c'est l'établissement d'un
fichier maître au moins des accidents, de façon à
rééquilibrer.
M. Filion: Pourtant, nos primes montent tout le temps. Les
compagnies d'assurances épargnent du personnel en ne faisant pas
d'enquête sur les accidents et nos primes montent tout le temps.
Là, on va tomber dans les garages, je suppose, et dans le coût de
la ferraille Mais, enfin! Là, le président va
m'arrêter.
Le Président (M. Trudel): On va tomber dans la mauvaise
commission aussi! On pourrait s'adresser à une autre commission, M le
député de Taillon.
M. Medza: II me fera plaisir de répondre, M le
Président, aux questions des membres de la commission en privé,
s'ils le désirent.
M. Filion: Oui? Ha, ha, ha! Je voudrais donc vous remercier de la
qualité de votre mémoire et de vos interventions livrées
très directement et très franchement aux membres de cette
commission
Le Président (M. Trudel): À mon tour, au nom de
tous les membres de la commission, je vous remercie de vous être
déplacés pour venir nous rencontrer ce matin. On va vous
souhaiter un bon retour à Montréal qui est
précipité, m'a-t-on dit un peu plus tôt ce matin.
M. Filion: Attention aux accidents!
Le Président (M. Trudel): Vous m'enlevez les paroles de la
bouche. J'allais dire: Faites attention aux accidents, ce que vient de dire le
député de Taillon. La commission suspend ses travaux
jusqu'à 15 heures cet après-midi.
(Suspension de ta séance à 13 h 15)
(Reprise à 15 h 20)
Le Président (M. Trudel): Je dois vous dire que le
député de Taillon, qui est le porte-parole officiel de
l'Opposition dans ce dossier sur l'accès à l'information, m'avait
dit qu'il serait quelque peu en retard et, s'il n'était pas
arrivé à 15 h 20, de commencer sans lui. J'ai l'impression, si je
ne vois personne de ce côté-ci de la table, qu'on est au
Nouveau-Brunswick. Si un de mes collègues peut y aller, on aurait moins
l'impression d'être au Nouveau-Brunswick ou dans une quelconque
république où il y a une démocratie parlementaire de type
unifié.
Au moment où j'invite M. Sonet, qui attend depuis un bon moment,
de façon à pouvoir les rendre publics dans les meilleurs
délais, je vais déposer cinq mémoires qui nous ont
été remis -j'allais dire par autant d'organismes mais il y a le
mémoire d'un individu dans le lot - pour dépôt seulement,
les groupes ou les gens qui les ont rédigés nous ayant
demandé de ne pas comparaître devant la commission. Au
secrétariat, ce midi, on me disait qu'il y aurait probablement quelques
autres documents qui seraient déposés soit demain, soit à
la prochaine séance de la commission, encore une fois en provenance de
groupes ou d'individus qui n'ont pas l'intention de comparaître ici.
Je fais donc le dépôt officiel des mémoires
suivants, pour les besoins du Journal des débats: Association des
centres de services sociaux du Québec, 20M; Confédération
des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec, 10M;
M. Orner Laforêt, 3M; Ordre des infirmières et infirmiers du
Québec, 8M; le journal The Gazette, 21 M. Ces mémoires
sont maintenant déposés. Les intéressés pourront en
obtenir des copies auprès du secrétariat de la commission.
J'invite maintenant M. Hubert Sohet à prendre place à la
table des invités de la commission et à nous faire part à
la fois de son expérience et de ses préoccupations face à
l'accès à l'information au Québec et face au rapport de la
Commission d'accès à l'information.
Évidemment, en pensant au Nouveau-Brunswick, où il n'y a
pas beaucoup d'opposition, j'ai oublié de déclarer les travaux de
la commission ouverts et de souligner que nous reprenions nos travaux qui
avaient été suspendus à 13 h 20.
M. Sohet, bienvenue à la commission de la culture. Vous devez
commencer à vous sentir à l'aise puisque je vous vois parmi nous
depuis hier matin. Je pense que je n'ai pas à vous rappeler les
règles du jeu. Vous les connaissez bien puisque vous m'avez entendu les
rappeler à la plupart de nos invités, ce que j'éviterai de
faire avec vous. Je vous inviterais donc immédiatement à nous
faire part de vos vues sur le sujet, M. Sohet.
M. Hubert Sohet
M. Sohet: Je vous remercie, M. le Président. Je vous
remercie également pour cette Invitation. Je voudrais dire que je suis
un ancien enseignant et que je voudrais me faire le porte-parole des plus
démunis, particulièrement de ceux qui ont affaire à l'aide
sociale. La nouvelle appellation est la sécurité du revenu.
En 1987, on a vu tes citoyennes et les citoyens faire preuve d'une
grande maturité dans l'exercice de leurs droits, Toutefois, certaines
personnes doivent encore apprendre à avoir confiance en elles pour
être capables d'exiger et d'obtenir le respect et la quiétude.
Pauvreté, surtout économique, n'est pas vice. C'est pour cette
raison que j'affirme que le client de l'aide sociale, je n'aime pas cette
appellation, je préfère dire client de la sécurité
du revenu, ne doit pas être un paria ou un citoyen de seconde zone qui
courbe l'échine, comme s'il supportait te poids des circonstances
socio-économiques dans lesquelles il vit.
Je suis contre le fichage de la pauvreté. Je prends le cas du
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu,
c'est-à-dire l'organisme qui gère actuellement la Loi sur l'aide
sociale. Je reproduis ici un extrait du journal LeMonde des 25
et 26 novembre 1984: "La Commission nationale de l'informatique et des
libertés, par un avis rendu le mardi 13 novembre 1984, a autorisé
la Caisse nationale d'allocations familiales à modifier son
système de traitement Informatique... interdiction de faire entrer dans
les fichiers les informations anonymes recueillies en retour sur l'action
menée et de les conserver plus de deux ans."
Au Québec, au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, on investit dans le système
informatique, et je dirais que c'est au détriment des relations
humaines. Il faut savoir que, dans cette structure, le futur client de la
sécurité du revenu doit essayer de régler son cas dans un
des 135 bureaux locaux du réseau des centres Travail-Québec qui
n'offrent absolument aucun emploi.
Les inconvénients d'un système informatique pourraient
être: 1° une insatiable volonté de savoir, ce qui aboutirait
au fichage des pauvres; 2° un contrôle social excessif
déclenchant un mécanisme que le client ne pourrait
contrôler; 3° de privilégier des commandes administratives;
4° une information-pouvoir ou une information-inquisition; 5° un
révélateur de l'ambiguïté de l'action sociale.
En ce qui concerne les délais, un client de la
sécurité du revenu peut être dans une situation d'urgence
et la personne responsable de
l'application de la loi d'accès à l'Information - ici, au
ministère de la Main-d'Oeuvre, elle possède un doctorat et est
secrétaire du ministère - ne doit pas se prévaloir du
maximum de délai, c'est-à-dire 30 jours. Quels sont les abus
possibles des fonctionnaires dudit ministère?Le bureau
régional, chargé de la révision du dossier du client,
invoquera la non-possibilité d'accès au dossier tant qu'il est
dans les mains du ministre et dépassera les délais légaux
prévus à la Loi sur l'aide sociale.
En ce qui concerne les enquêteurs du ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, communément
appelés boubous macoutes, la cueillette d'informations sous le couvert
de la loi - commission d'enquête - non pertinentes à la suite
d'une mauvaise Interprétation de la loi gérée, peut causer
des préjudices aux personnes concernées.
En ce qui concerne les organismes privés, j'ai ici une note pour
le bureau de crédit et Je vous pose une question. Quand allez-vous
mettre de l'ordre dans ces bureaux qui recueillent de l'information pour les
institutions financières et qui semblent n'avoir de compte à
rendre à personne? Ce fichage semble ne pas être
réglementé et cela a pour conséquence d'empêcher une
personne d'avoir recours aux services des institutions financières parce
que sa cote de crédit n'est pas bonne. Une fois que ses comptes sont
réglés, elle devrait avoir à nouveau un dossier vierge,
d'où la nécessité de limiter la période de stockage
de l'information. Antérieurement, j'ai parlé de deux ans.
Qu'est-ce qu'il y a de meilleur que la loi d'accès à
l'information? Je réponds ici que c'est la Loi sur la Commission des
affaires sociales. En effet, on peut obtenir, lors d'une audition, à
partir de la copie émasculée, une copie originale parce que la
Commission des affaires sociales est maître de sa procédure. Donc,
dans ce cas, la loi sur l'accès à l'information et son secret
sont déjoués.
J'aimerais, si vous le permettez, M. le Président, expliquer
davantage maintenant et |e voudrais commencer avec un organisme privé,
celui qui se dit régi par les lois de la province et du pays, mais qui,
en réalité, lors d'une entrevue, vous avouera qu'il n'y a pas de
loi au Québec. Alors, avant de venir ce matin, je suis passé
à ce bureau de crédit. Je suis allé faire mettre une mise
à jour de mon dossier Je vous ai dit tantôt que j'étais un
ancien enseignant, que j'étais sur laide sociale, selon l'expression
populaire. J'ai de nouveau fait une demande à la Loi sur l'aide sociale
parce que je suis sans travail, mais cela fait six mois qu'on attend.
Au numéro 6 de leur code de déontologie qui est
affiché dans la salle d'attente, iI est écrit qu'ils s'engagent
à garder l'information appropriée. "Nous nous sommes - disent-ils
- engagés à enlever du dossier d'un consommateur l'information
périmée, conformément à la loi applicable " Alors,
|e me pose une question
Laquelle? Au numéro 7: "Nous prenons aussi en
considération l'esprit et l'intention des lois édictées
pour assurer les droits des consommateurs à la protection du
caractère confidentiel à leur information." Voilà ce que
j'ai eu, ce matin.
Ce matin, j'ai eu à patienter une heure pour obtenir
l'information dont j'ai eu besoin. C'est pour vous dire que, si vous êtes
un citoyen ordinaire qui normalement travaillez, vous devez perdre au moins une
heure de travail. Vous allez devoir également payer pour cette heure,
0,50 $, le même tarif qui est appliqué pour obtenir une photocopie
à la ville de Québec, nous a-t-on appris hier, et puis vous allez
obtenir un document de cette sorte où il vous faut, après cela,
si vous étiez seul, une fiche expliquant chaque code, vu que c'est
informatisé. Ces codes sont, on peut dire, inintelligibles en langue
française.
J apprends aussi qu'en ne payant plus mes mensualités sur ma
maison, étant propriétaire depuis décembre - vous savez
que, dans les contrats, il y a une clause de dation en paiement - l'organisme
prêteur ici - j'apprends cela lors de ma visite ce matin - a fait une
demande pour connaître mon état de crédit et, en plus de
mettre cette inscription à mon dossier, on mentionne - ce n'est
certainement pas pour me rendre service - que je suis sans emploi.
Or, voici une information que je ne donne pas de bon coeur, que je ne
donne pas lorsque je m'inscris et qui va être notée au dossier
J'en arrive maintenant à la loi sur l'accès à
l'information, au titre de votre document, Une vie privée mieux
respectée. Je vous dirai que je pars du principe que la vie
privée au Québec, il n'y en a plus avec le système
informatique Je vous dirai également qu'avant de vouloir faire respecter
les renseignements qui sont éventuellement colligés par certains
organismes, je préférerais avoir le droit et l'autorisation de ne
pas les fournir.
Alors, je vais vous donner le cas ici, si vous le permettez, d'un client
qui se présente à l'aide sociale et qui va devoir remplir une
formule. Sur cette formule, il y a trois volets. À la dernière
question, on lui dira: Je déclare au même titre que si
j'étais sous serment que les renseignements qui figurent dans la
présente demande sont exacts et complets et je m'engage à
informer sans délai le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu de toute modification à ces
renseignements et, notamment, de la date de mon retour au travail.
Voici ce qui est plus grave, je trouve. De plus, j'autorise - pour moi,
cela veut dire que le ministre n'a pas le droit de me le demander - le
ministère du Revenu du Québec à fournir au
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
tout renseignement concernant mes revenus.
Au point 9 également, c'est toujours le cas de la personne qui se
présente à l'aide sociale. C'est la personne qui est la plus
défavorisée au
point de vue monétaire momentanément ou d'une façon
permanente. On va également lui demander d'établir tout son
bilan, etc., mais surtout la question des dettes. Je trouve cela affreux.
Je vous al dit tantôt que les centres Travail-Québec, c'est
un beau nom, mais on a des mots qui ne veulent plus rien dire. Je vous ai dit
qu'on n'offrait plus de travail dans ces centres d'emploi depuis quelques mois.
On vous fait remplir en même temps - toujours en 1987 et on pourrait
extrapoler en disant 1988 - une offre de service. À quoi servent ces
renseignements, s'ils n'offrent plus d'emploi? C'est l'article 58 du
règlement de l'aide sociale qui gère la formule: "La demande dont
le ministre prescrit la forme établit notamment" etc. J'attire votre
attention ici sur le fait que, si nous avons une loi, si nous avons un
règlement, la loi et le règlement sont les deux textes officiels
et c'est vous, parlementaires, qui décidez de cela. Après cela,
le ministre responsable d'un ministère va édicter une
formule.
C'est cette formule que je viens de vous citer et je vous al cité
le numéro 10. Il contraint le futur client de l'aide sociale à
fournir ses rapports d'impôt. Maintenant, si le client qui se
présente à l'aide sociale ne fournit pas, par exemple, ses
rapports d'impôt - c'est ce que j'ai fait la dernière fois - on va
vous dire: Signez une déclaration assermentée comme quoi vous
nous autorisez, monsieur. Alors, on met un peu d'eau dans son vin et on le
fait. Mais si on a envie de ne pas vous donner cette aide économique de
dernier ressort, on va invoquer autre chose. Ce sera, à ce
moment-là, l'article 12f de la Loi sur l'aide sociale, qui nous dit:
"L'aide sociale peut être refusée, discontinuée, suspendue
ou réduite dans le cas de tout adulte qui, sans raison suffisante,
refuse ou néglige de fournir les renseignements requis pour
l'étude de sa demande."
En plus de la loi, en plus du règlement, en plus de la formule
qu'on nous demande de remplir, l'agent qui vous reçoit vous mentionnera
encore une autre fiche où tous les renseignements que, lui, juge utiles
seront réclamés et il se placera toujours comme
représentant du ministre. C'est-à-dire qu'il a tous les pouvoirs
vis-à-vis du citoyen ordinaire. Qu'est-ce qu'il fait à ce
moment-là? Si, dans son esprit, le client qui est devant lui est de
mauvaise foi ou ne donne pas les renseignements pertinents, il est
obligé de se rabattre sur un article - c'est l'article 60 - du
règlement qui nous dit ceci: "La demande fait l'objet d'une entrevue
personnelle avec le requérant, ensuite, d'une vérification de
déclaration faite par ce dernier et, s'il y a lieu, des
considérations pertinentes à la mise en oeuvre d'un plan de
redressement. Nous en sommes à cette deuxième étape de la
vérification.
Je résume encore. La loi, le règlement, le formulaire de
demande, le formulaire de l'agent qui vous demande tous les documents requis
et, en plus, il y a bien sûr la jurisprudence et cette jurisprudence a
été annotée et consignée dans un document qui
était public jusqu'en 1981 et qui, depuis 1981, ces dernières
années, a pris cette allure-ci, c'est-à-dire un cahier à
anneaux de cette épaisseur, d'environ cinq centimètres. Pour vous
illustrer cet article 60, comme directives particulières, comme
directives administratives, l'agent va avoir ceci, on va lui dire ceci:
L'entrevue doit se faire non sur la base stricte de formalités à
remplir, mais sur celle d'un droit présumé. Je peux vous dire
que, par expérience, c'est vraiment sur la base stricte de
formalités à remplir que l'on Intervient.
L'article 36 de la loi précise bien, en effet, que le
ministère doit prêter son assistance à celui qui veut
exercer son droit. Présentement, les agents reçoivent des
directives pour exercer certaines coupures, bien sûr, de niveau
économique. "Il faut donc, dit-on, chercher d'abord à
établir l'existence et non pas à la nier." Je prétends
qu'on essaie de nier ce droit à l'aide sociale. "Les formalités
requises ne sont que l'encadrement dans lequel cette recherche doit se faire.
La vérification des déclarations des requérants, par
ailleurs, doit se faire avec discernement et ne saurait être
immédiate à tous égards. Une personne qui se
présente à l'aide sociale est souvent dans une situation
difficile et le nécessaire doit être fait pour alléger
cette situation. Dans la mesure où elle semble raisonnable, où
rien ne vient les contredire et où aucune présomption contraire
ne saurait leur être opposée, les déclarations du
requérant doivent être acceptées à leur
mérite, au moins pour le premier mois. La vérification
immédiate doit se limiter aux éléments les plus
déterminants comme, par exemple, le quantum de revenus."
Dans le cas présent, cette dernière demande que j'ai faite
- depuis mai 1987, j'avais dû vendre un deuxième bien - ...
l'agent qui vérifie la demande peut avoir des doutes; alors, il va de
nouveau se rabattre sur un autre article, l'article 12 de la loi qui dit que le
client doit établir son droit à l'aide sociale; ensuite, s'il a
des doutes, il va se servir de ['article 23 de la Lof sur l'aide sociale.
Le Président (M. Trudel): M. Sohet... M. Sohet:
Oui.
Le Président (M. Trudel): ... je m'excuse d'intervenir
à ce moment-ci. Il y a déjà 20 minutes que vous nous
exposez vos idées et j'aurais dû vous rappeler moi-même
tantôt que, dans le cas des individus et non pas des organismes - nous
vous avons envoyé un télex à ce sujet - la période
était réduite à 45 minutes, dont 15 minutes pour
l'invité et 15 minutes pour les deux partis. J'ai fait preuve de
souplesse jusqu'à miantenant, y compris pour vous. Depuis le
début des auditions hier matin, il y a des groupes qui ont
dépassé 20 minutes. Là, nous
sommes en face d'un individu qui atteint maintenant 20 minutes.
Pourrais-je me permettre de vous demander de conclure rapidement de
façon que nous puissions passer à la période de questions,
s'il vous plait?
M. Sohet: Oui, je voudrais mentionner ceci. Lorsqu'on exerce ses
recours, on les exerce d'abord au bureau régional de révision,
où c'est une révision administrative. Après cela,
éventuellement, iI y a une révision ou un droit d'appel, si vous
voulez, à la Commission des affaires sociales. Rendus à la
Commission des affaires sociales, comme appelants surtout, on est
déçus lorsqu'on apprend que... Et là, dans la Loi sur la
Commission des affaires sociales, l'article 38, cinquième alinéa,
se lit comme suit: "Lors de l'enquête et de l'audition devant la division
de laide et des allocations sociales, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, ou un organisme qui a conclu un accord
conformément à I'article 35 de la Loi sur l'aide sociale, a le
droit de se faire représenter, pour plaider ou agir en son nom, par une
personne de son choix." Cela veut dire que le ministre ou le ministère
peut se faire représenter par un fonctionnaire tandis que le simple
citoyen, lui, peut avoir recours éventuellement à un avocat, mais
ne peut pas avoir recours à une personne de son choix.
Enfin, pour terminer, si vous le permettez, je veux vous dire que je
suis passé à la Commission des affaires sociales et cela, c'est
le but de la loi d accès à I'information Je veux demander cela.
On obtient, avec la loi d accès à l'information une copie,
éventuellement, du plan d enquête de I'inspecteur Macoute, une
copie émas culée. On veut protéger les renseignements
nominatifs.
Si vous passez devant la Commission des affaires sociales, c'est une
autre loi. Elle a ses propres règles de procédure. Vous allez
obtenir le texte intégral. Alors, la question devant cette commission:
À quoi sert la loi d'accès à l'information? Je vous
remercie, M le Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, M Sohet. Un bref
commentaire, peut-être, avant une question ou deux. Sans aucune
arrière pensée, ce que vous soulevez, ce sont des questions de
procédure devant d'autres tribunaux administratifs que la commission.
Vous avez, bien sûr, parlé de façon incidente de la
Commission d accès à I information. Je ne suis pas certain que ce
que vous nous avez dit ou la façon dont vous nous l'avez dit s'adresse
véritablement à cette commission.
Cela dit, nous vous avons écouté et j'ai I'intention de
répondre à une ou deux de vos affirmations. Peut-être que
vous auriez intérêt... Je ne sais trop si vous êtes parmi la
centaine d organismes ou de personnes qui ont déjà fait parvenir
un mémoire à la commission des affaires sociales qui
étudiera à compter de la semaine prochaine ou dans une dizaine de
jours le projet de politique de M le ministre Paradis auquel cas ce serait
peut-être un meilleur endroit qu'ici pour exposer ce que vous nous avez
exposé.
Je retiens deux choses de ce que vous m'avez dit ou de ce que vous nous
avez dit. Vous l'avez dit de façon générale, mais vous
lavez appliqué immédiatement à l'aide sociale. Vous avez
dit ceci: Je réclame ou j'invoque le droit de ne pas donner des
renseignements. À moins que je vous ai mal compris. J'ai pris ça
comme note, parce que cela m'a frappé. Cela m'a frappé pour une
raison assez simple, c'est que vous invoquez ce droit à l'encontre de
demandes qui sont faites dans le cadre d'un programme universel d'aide. Enfin,
on parle de l'aide sociale J'oublie pour le moment - j'y reviendrai
tantôt rapidement - les enquêtes dont vous dites en
répétant une vieille expression que je pensais qu on avait
oubliée.
Sur le premier point, ne pensez-vous pas que dans la mesure ou les
renseignements nominatifs que vous allez donner sont gardés, je dis bien
dans la mesure où ces renseignements seront gardés,
confidentiellement tant que vous n'aurez pas autorisé quelqu'un à
les donner à quelqu'un d'autre ou à les remettre à
quelqu'un d'autre il est un peu normal que, dans le cadre d'un programme comme
celui de I'aide sociale, il y ait un minimum de renseignements qu'on vous
demande et qu'il y ait un minimum de choses dont on s'autorise, notamment - je
ne pense pas qu on prenne personne par surprise - qu'on puisse passer certains
renseignements d'un ministère à I autre?
Quand on parle d'aide sociale, c'est parce qu on a besoin de
I'État pour nous aider à vivre. Tant mieux s'il y a ce genre de
programme. II m'apparaît normal, jusqu'à un certain point, que des
sources de revenus autres que I'essentiel puissent être
déclarées. De toute façon, je pense qu il faut
déclarer toutes ses sources de revenus. Dans un formulaire, le
ministère vous dit tout de suite: Bien, nous, on demandera au
ministère du Revenu. Moi, je trouve un peu étonnant qu'on puisse
requérir le droit de ne pas donner des renseignements alors qu'on
demande l'aide de l'État. (15 h 45)
Vous étiez présent, ce matin, quand les assureurs sont
venus nous parler de leurs problèmes et qu'ils ont notamment
souligné le fait que des personnes donnaient soit de faux renseignements
ou des renseignements incomplets. Les assureurs nous ont dit: À cause de
ces gens-là, l'ensemble des gens qui s'assurent paient plus, parce que
nous devons couvrir nos risques pour ce genre de chose. Voici un programme
privé où on vous dit: Vous voulez avoir de l'assurance?Donnez-nous tel ou tel renseignement. Je vous réplique que cela
devrait être d'autant plus vrai avec un programme public qu'on puisse
vous demander d'avoir accès, dans I'autre sens, à des
renseignements de nature nominative provenant
de votre part mais, encore une fois, j'ajoute qu'on s'engage à
les garder confidentiels tant que celui qui les donne n'a pas autorisé
leur accès à quelqu'un d'autre.
M. Sohet: Je comprends votre question et j'y réponds. De
façon très générale et en sortant du cadre de
l'aide sociale, je peux vous dire que j'ai en poche un permis de conduire et,
sur mon permis de conduire, ne figure pas mon numéro d'assurance
sociale. Je vous mets au défi de sortir votre permis de conduire, M. le
Président, de me montrer, de me dire, de me prouver qu'il n'y a pas de
numéro d'assurance sociale Inscrit dessus. Je suis à peu
près certain que votre numéro d'assurance sociale y est inscrit.
Il y avait sur ce petit document une place pour mettre un numéro
d'assurance sociale. Ce n'est pas parce que vous êtes fonctionnaire et
que vous voyez un document où il y a une place pour mettre tel
renseignement que vous êtes obligé de l'inscrire. C'est une
première réponse.
Au sujet de l'aide sociale, maintenant, je veux sortir du domaine des
procédures et je peux vous dire aussi que, si je suis ici aujourd'hui,
j'en ai profité parce que, lorsque j'ai vu l'annonce, je l'ai vue pour
trois commissions parlementaires différentes. Je peux vous certifier
qu'un document plus étoffé que celui-ci est déposé
pour la commission des affaires sociales. Je revendique le droit, et c'est une
nécessité même... la loi d'accès à
l'information, c'est cela. Ces documents-ci, ces textes de loi, ce sont les
documents officiels. Ces documents officiels, M. le Président, allez
dans n'importe quel ministère si vous êtes un contribuable, un
citoyen ordinaire, vous ne les verrez pas là. Vous allez les voir, bien
sûr, à l'édifice G, chez l'Éditeur officiel. Ce
n'est pas tout le monde qui sait cela, qui connaît les bonnes places,
etc. Je trouve que chaque ministère dans chaque bureau local, etc.,
devrait mettre ces documents à notre disposition. On vous met des
plaquettes de publicité qui ont un caractère officieux, mais ce
n'est pas ce qui est important. C'est une première réponse.
Une deuxième. Je vous ai dit que les directives administratives
venaient après la loi, après le règlement, qui sont les
deux textes officiels. Voici des textes officieux; Ils sont gros comme ceux-ci
maintenant. Tout un cahier à anneaux comme cela. Avant 1980,
c'était une loi annotée; cela porte exactement le titre de
Manuel de l'aide sociale, édition annotée de la Loi sur
l'aide sociale et du règlement d'aide sociale. Les règles du jeu,
c'est de savoir de part et d'autre... Vous m'avez parlé de certains
renseignements au point de vue du revenu. Je vous dirai: Oui, je suis d'accord
qu'il y ait des règles minimales; entre des règles minimales et
des règles maximales, il y a tout un jeu. Alors, c'est le fait que l'on
mette en doute systématiquement la bonne foi, la parole du client qui se
présente à l'aide sociale. Le ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu a comme mandat
de gérer la Loi sur l'aide sociale et non pas celle de l'impôt sur
le revenu. C'est ma réponse.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. Sohet. Une autre
question.
Vous avez parlé, dans la première partie de votre
intervention, des bureaux de crédit en nous relatant votre
expérience toute récente de ce matin qui, probablement,
correspond en gros à l'expérience de beaucoup d'individus au
Québec, de personnes qui ont demandé à un bureau de
crédit quelconque, d'avoir, entre guillemets - je n'aime pas le mot -
leur cote de crédit et qui se sont retrouvées avec un document
presque Incompréhensible. Je dois ajouter que là on est dans le
domaine privé et je présumais que vous plaidiez pour l'extension
de la loi au secteur privé.
M. Sohet: Oui, c'est bien cela. Le Président (M.
Trudel): Mais..
M. Sohet: Je dirais même que cela devrait être votre
prochain cheval de bataille puisque c'est un bilan que l'on fait des cinq
dernières années ici avec cette loi qui a juridiction sur les
organismes publics En tant que citoyen, je me remets chaque fois dans cette
position. Lorsque, pour le citoyen le plus faible, celui qui, malheureusement,
est le plus démuni aussi, cela va mieux, toujours au point de vue
financier, qu'il a payé ses dettes, etc., qu'il a réglé
cela, iI va au bureau de crédit et puis tout cela reste noté.
Pendant combien de temps maintenant? Ahl Eh bien, là, on va vous dire:
Six ans. C'est pour cela que je vous disais que j'étais contre le
fichage de la pauvreté.
Prenons l'exemple de la France pour ce qui est des allocations
familiales, ils maintiennent ces informations, obtenues de part et d'autre,
pour un maximum de deux ans. Le terme de deux ans est ici simplement pris
à titre indicatif, mais c'est vraiment le domaine où vous devriez
aller parce que, lorsque le citoyen veut se refaire une vie au point de vue
financier, il est bloqué par sa cote de crédit.
Présentement, par exemple, je peux vous dire que J'ai payé toutes
mes dettes, etc., et il n'y a pas de carte de crédit disponible pour
moi. Je ne cours pas après cela, mais j'ai fait le test pour voir si
j'étais admissible. Non. Si vous voulez acheter une maison, c'est, pour
ainsi dire, impossible. J'y suis arrivé simplement par
l'intermédiaire d'un avocat, c'est-à-dire une personne qui vous
recommande, qui a contourné ce système, un peu comme la Loi sur
la Commission des affaires sociales contourne le but de la présente loi
que nous sommes en train d'analyser. Pourquoi? Parce qu'on est dans un autre
cadre, un autre mode, d'autres règles de procédure, et on vise un
autre but.
Le Président (M. Trudel): Ma dernière question, M
Sohet. J'aimerais vous entendre précisément sur ce que vous venez
d'entreprendre et qui constitue votre dernier paragraphe, à la page 3:
"C'est la loi de la CAS. En effet, on peut obtenir, lors d'une audition,
à partir de fa copie émasculée (partielle), une copie
originale parce que la CAS est maître de sa procédure donc, la loi
d'accès à l'information (et son secret) est
dé|ouée!" Pouvez-vous expliquer cela?
M. Sohet: Oui La loi sur l'accès à l'information a
pour but, bien sûr, de protéger la vie privée, mais aussi
de faire en sorte que les renseignements nominatifs - j'espère utiliser
la bonne expression - sont protégés. Dans ce cas ci, dans un
premier temps, en ayant recours à la loi sur l'accès à
l'information, tout cela est éliminé et, dans un deuxième
temps, on voulait faire paraître au grand jour.
Le Président (M. Trudel): Très bien. Je serais
tenté de me tourner vers I'Opposition et demander à mon
collègue de Taillon s'il a une question à poser. Je me verrais
assez mal aller répondre à sa placel Je vois dans quelle
situation peut se trouver M McKenna, pour revenir avec I'exemple du Nouveau
Brunswick. Ce doit être assez complexe dans les commissions
parlementaires ou à l'Assemblée législative au
Nouveau-Brunswick.
Est ce qu il y a des collègues ministériels qui ont des
questions à poser à M Sohet?
M Sohet, il me reste à vous remercier de vous être
déplacé pour venir nous expliquer votre point de vue et vous
souhaiter également bonne chance devant les autres commissions
auxquelles vous allez participer.
On s'est fait reprocher assez souvent depuis quelques semaines d avoir
publié un avis dans les journaux, le 23 décembre. J'ai
expliqué pourquoi on l'a publié le 23 décembre. Je suis
ravi de constater que quelqu un a vu les trois avis qui ont été
publiés côte à côte, parce que l'avis des travaux de
cette commission a été publié le 23 décembre de
même que ceux de la commission des affaires sociales et de la commission
de l'éducation. Les deux autres commissions ont reçu des tas de
mémoires et nous, on avait un peu de difficulté à en avoir
jusqu'à la semaine dernière, et c'est arrivé en avalanche,
évidemment, vendredi, entre 15 h 30 et 17 heures. Je suis ravi de
constater que vous I'avez vu Pourquoi la commission a-t-elle choisi de publier
son avis le 23 décembre? Nous voici de nouveau au Québec. Ce que
l'expliquais à M le député de Taillon, c'est qu'en
I'absence de l'Opposition, je me sentais au Nouveau-Brunswick. Je termine avec
M Sohet. Meublant, jusqu'à un certain point, le temps parce qu'on va
passer au prochain invité, j'étais en train d'expliquer au public
ici présent la raison qui a motivé la commission à publier
son avis d audiences le 23 décembre.
Vous savez que ce genre de travail, celui qu'on fait depuis deux jours,
se fait beaucoup mieux à l'intersession. Donc, on était, d'une
certaine façon, limités par cette période qui va se
terminer le 8 mars. D'autre part, le ministre veut quand même se garder
un certain nombre de mois pour réfléchir aux recommandations que
la commission va lui faire. Donc, il fallait travailler durant l'hiver et la
loi nous obligeait à donner un avis de 30 jours. Si on voulait
être capables de travailler ces jours-ci, iI fallait faire en sorte que
les mémoires puissent rentrer vers la fin du mois de janvier. Devant
cette situation, la commission a publié un deuxième avis - je ne
me souviens pas de la date - le 20 janvier, et cela nous a apporté
d'autres mémoires.
Cela dit, M Sohet, encore une fois, merci de vous être
présenté devant nous et bonne chance.
M. Sohet: Je vous remercie M le Président. J'en profite
pour faire un lien avec ce qui a été dit dans les
présentations précédentes. Pour ce qui du droit d'appel
certains vous ont dit qu'ils étaient pour et d'autres étaient
contre. Je vous dirai qu'à mon point de vue, pour les cinq prochaines
années, vous devriez faire en sorte que le droit d appel soit
réservé uniquement aux personnes physiques Merci, M le
Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, monsieur.
Sans plus tarder - il est avec nous depuis hier après-midi, Je
pense - j'inviterais M Falardeau et son collègue à se
présenter devant nous. Tout en saluant M Falardeau, je rappellerai que
j'ai avec lui des souvenirs, attestés d'ailleurs par la couleur de nos
cheveux qui nous ramènent à peu près à 25 ans en
arrière alors que nous faisions tous les deux du journalisme
étudiant. On voit que M Falardeau est resté dans le domaine,
alors que j'en suis sorti après avoir fait un an ou deux de journalisme
semi professionnel pendant mes études. Il me fait donc plaisir de saluer
un ex-collègue journaliste étudiant que j'avais revu à
I'époque ou j'étais engagé ailleurs, mais en politique, au
début des années soixante-dix.
Au nom de la commission, bienvenue, M Falardeau. Vous avez remis un
mémoire bien étoffé, je dois le dire, ce qui me permet de
souligner qu'il me reste encore des notions de droit parce que, malgré
le fait que cela fait 20 ans cette année que je n'ai pas
pratiqué, j'ai réussi à comprendre à peu
près 98 % de votre mémoire. Quant aux autres 2 %, Me Delwaide,
conseiller de la commission, me les a expliqués pendant la suspension de
nos travaux pour Je lunch.
Je vais vous laisser expliquer votre point de vue, M Falardeau. Comme
c'est très juridique, si vous avez besoin que votre avocat intervienne,
ne vous gênez pas, vous êtes tout à fait le bienvenu.
La Presse
M. Falardeau (Louis): C'est cela. Je vous présente Me Paul
Granda qui est notre conseiller juridique et qui Interviendra si vous avez des
questions notamment sur l'annexe au mémoire.
Le Président (M. Trudel): D'accord.
M. Falardeau: D'abord, je veux remercier la commission d'avoir
accepté de nous recevoir même si nous étions, comme
beaucoup d'autres, semble-t-iI, en dehors des délais. Comme les
cordonniers qui sont mal chaussés, les journalistes, semble-t-il, sont
mal informés. C'est en lisant un concurrent, Le Devoir, la semaine
dernière, qu'on s'est rendu compte qu'on était en train d'oublier
qu'il y avait une commission parlementaire cette semaine.
C'est donc un peu en catastrophe que nous avons imprimé notre
mémoire En lisant le court mémoire, je vous signalerai, à
ta troisième page, qu'il manque un paragraphe et une phrase importante
dans le paragraphe suivant qui nous fait dire exactement le contraire de ce
qu'on veut dire.
Depuis plusieurs mois, le service de police de la Communauté
urbaine de Montréal refuse de façon quasi systématique de
dévoiler à la presse l'identité des victimes d'accidents,
d'infractions ou d'actes criminels, de même que celle des personnes
impliquées dans ces événements. Elle invoque, pour ce
faire, la loi sur l'accès à l'Information. Plus
précisément, elle s'autorise d'explications que lui a transmises
la Commission d'accès à l'information sous la plume de son
directeur du service juridique, M. Jean-Marc Ducharme, pour appuyer ses
prétentions.
La Presse ne partage pas cette opinion et fait notamment valoir, dans
une opinion juridique déposée en annexe, qu'une telle disposition
contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés
lorsqu'elle restreint la liberté de la presse. En tout état de
cause, La Presse souhaite que le législateur québécois
profite de l'occasion de la révision de la loi d'accès pour
clarifier ta situation. Nous lui demandons de modifier la loi de telle
façon que l'article 53 ne constitue pas une entrave au droit de la
presse d'avoir accès à toutes les informations qui sont
d'Intérêt public.
La liberté de la presse est reconnue comme un droit fondamental
parce qu'elle est nécessaire au fonctionnement d'une
société démocratique. Sans Information, sans toute
l'information en effet, les citoyens ne sont pas en mesure de porter des
jugements éclairés sur leurs dirigeants. C'est pourquoi La Presse
croit que les journalistes, en tant que mandataires des citoyens, doivent avoir
accès à toutes les Informations d'intérêt public,
c'est-à-dire à toutes celles qui sont susceptibles d'aider les
citoyens dans leur participation à la vie démocratique de leur
société.
Ce principe souffre évidemment des excep- tions, mais si nous
acceptons, par exemple, celles qui apparaissent à l'article 28 de la loi
d'accès à l'information, nous rejetons celle que revendique et
applique le service de police de la CUM.
Nous soutenons que les noms des personnes victimes d'accidents,
d'infractions ou d'actes criminels, de même que ceux des personnes
impliquées dans ces événements, sont
d'Intérêt public et doivent être communiqués à
la presse.
Les journalistes ont un accès privilégié aux
tribunaux et à l'Assemblée nationale parce qu'ils sont les yeux
et les oreilles des millions de citoyens qui veulent savoir si leurs juges et
leurs députés s'acquittent correctement de leur tâche, mais
leur rôle ne s'arrête pas là. S'il leur appartient de
surveiller l'administration de la justice, ils doivent aussi surveiller les
pratiques de ceux - policiers et substituts du Procureur général
notamment - qui participent à la décision de porter des
accusations. (16 heures)
Si un policier harcèle les Noirs ou, alors, s'il les
privilégie systématiquement, si un procureur décide de ne
pas porter d'accusation pour des raisons inavouables, si quelqu'un qui a des
amis bien placés réussit à faire oublier qu'il a atteint
0,18 à l'ivressomètre après un accident mortel, si un
ministre se suicide parce qu'on le fait chanter, la population a le droit de le
savoir et elle ne le saura souvent que par les médias d'information. Or,
elle ne le saura pas si les journalistes n'ont pas d'abord su que c'est le
policier X qui a tué un Noir, que c'est M. Y qui a causé un
accident mortel, que le ministre Z s'est suicidé La Presse ne sera pas
en mesure de bien informer ses lecteurs sur le travail des policiers et des
procureurs de la Couronne si elle ne connaît pas les noms des personnes
impliquées dans les accidents, les Infractions et les actes criminels.
Le paragraphe suivant est le paragraphe oublié.
On nous objectera qu'il faut protéger la vie privée des
citoyens et que le changement que nous souhaitons pourrait donner libre cours
à tous les abus. Nous répondons que les médias savent
faire la part des choses. S'ils veulent l'accès à tous tes noms,
ils n'en publieront néanmoins qu'une infime partie, souvent d'ailleurs
ceux qu'on voudrait leur cacher - C'est là qu'il y a un changement - ils
ne publieront ces noms que lorsqu'ils jugeront que leur publication est
d'intérêt public. Les médias ont fait preuve dans le
passé d'une grande responsabilité à cet égard et si
d'aventure ils abusaient de leurs droits, leurs excès pourraient
être sanctionnés. La Presse souhaite donc que le
législateur québécois, qui a toujours manifesté
beaucoup de respect pour la liberté de la presse, corrige aujourd'hui
une situation qui la menace.
Ayant été présent hier quand la
fédération des journalistes a témoigné,
j'ajouterais une chose au sujet de la police. Je répondrais
peut-être à une question qui a été posée
hier. C'est effectivement depuis août dernier que la police
de la Communauté urbaine de Montréal refuse de donner des
renseignements qu'elle donnait systématiquement auparavant. Et, à
ma connaissance, en tout cas, à Montréal, dans la région
de Montréal, c'est le seul corps policier qui agit ainsi. La
Sûreté du Québec, la Gendarmerie royale, les corps de
police municipaux autres que ceux de la CUM n'agissent pas de la même
façon. Je ne connais pas la situation à Québec, par
exemple, mais Je ne crois pas qu'elle soit la même. Cela se résume
à la CUM.
Je suis prêt à répondre à vos questions.
Le Président (M. Trudel): Merci, M Falar-deau.
Je vais céder immédiatement la parole au
député de Taillon, quitte à revenir de notre
côté un petit peu plus tard. M le député de
Taillon.
M. Filion: On a hautement été sensibilisés
par la Fédération professionnelle des journalistes sur ce
point-là. Je comprends également que vous avez votre
mémoire. Est-ce que vous considérez, quant au reste de votre
mémoire, que celui-ci, en somme, a déjà été
intégré par les membres de la commission? Est-ce pour ça
que vous n'y revenez pas durant votre présentation?
M. Falardeau: C'est-à-dire que J'ai lu notre
mémoire au complet.
M. Filion: Ah! C est l'annexe au mémoire.
M Falardeau: Et il y a une annexe qui est une opinion
juridique...
M. Filion: Ah bon!
M. Falardeau: ...que J'ai résumée en une phrase en
disant que...
M. Filion: D accord.
M. Falardeau: Mais si vous voulez que Me Granda vous en fasse un
résumé...
M. Filion: Non, cela va. Alors c'est signé, Desjardins,
Ducharme à la page 16.
M. Falardeau: C'est ça. C'est l'annexe au
mémoire.
M. Filion: D'accord. Donc, cette pratique existe depuis le mois
d'août. Avant le mois d'août, quelle était la pratique
à la police de Montréal? Est-ce la même qu'à la
Sûreté du Québec...
M. Falardeau: C'était le corps de police qui
décidait quand il donnait les noms et, dans 99 % des cas, il donnait les
noms. Évidemment, et on est tout à fait d'accord avec ça,
quand il s'agissait d'avertir la famille ou avant de donner les noms d'une
victime d'accident ou d'un meurtre, il pouvait y avoir un délai de
quelques heures et même d'une journée dans certains cas.
Mais il donnait généralement tous les noms qu'on pouvait
espérer avoir.
M. Filion: Et maintenant est-ce systématiquement que vos
journalistes à La Presse n'obtiennnet pas des corps policiers les
noms des victimes ou est-ce majoritairement ou est-ce que ce sont certains
postes de police?
M. Falardeau: C'est la politique. D'ailleurs, en annexe à
notre annexe, il y a la lettre du directeur des relations publiques de la
police de Montréal et la lettre du secrétaire de la Commission
d'accès à l'information. C'est systématique que le service
de police refuse de donner les noms. Dans les faits, des policiers,
individuellement, à I encontre des directives de leur corps de police,
des policiers qui connaissent des journalistes, vont donner les noms. Hier,
vous posiez la question, vous ou un autre membre de la commission.
Effectivement on réussit à obtenir tous les noms ou presque tous
les noms. Mais je pourrais vous donner l'exemple du policier Gossett et du
décès d'un jeune Noir de 19 ans, alors que ni le nom de la
victime ni le nom du policier n'ont jamais été
révélés par le service de police. Le nom du policier et
celui de la victime ont été révélés, bien
sûr, dans les heures qui ont suivi, par ses parents qui étaient
évidemment en furie, le nom du policier a été rendu public
le lendemain je pense, par les dirigeants de la Communauté urbaine de
Montréal, c est-à-dire par le groupe dont j'oublie le nom qui
dirige le service policier, mais par les hommes politiques qui eux, ont
décidé de rendre le nom public.
M Filion: Le conseil de sécurité.
M. Falardeau: Le conseil de sécurité, voilà,
par les membres, et ils l'ont rendu public officiellement. Mais le service de
police a refusé et il n'aurait jamais rendu le nom public parce que,
selon sa politique, tant qu'il n'y a pas d accusation, il ne rend pas le nom
public.
M. Filion: À ce moment-là, je vais adresser ma
première question à Me Granda, est-ce exact?
M. Granda (Paul): C'est cela.
M. Filion: Elle concerne le fondement juridique ou plutôt
une interprétation qui est faite de la loi actuelle. On a
évidemment l'article 54 de la loi sur l'accès. J'aimerais vous
entendre sur la base juridique. Est-ce que les textes actuels demandent une
clarification?
M. Granda: II nous apparaît, tel que mentionné dans
notre mémoire, que l'article 54 demande une clarification et l'exige
dans l'intérêt public. On n'a pas suggéré de texte,
mais devant
des situations telles que celle de la CUM, évidemment, l'opinion
Jointe à celle de la presse couvre ce pofnt particulier du cas du
service de police de la CUM.
Dans ce cas particulier, il nous apparaît que l'article 54 devrait
être modifié de façon à prévoir que, dans des
cas où on fait face à des poursuites possibles, qu'elles soient
civiles ou pénales, le nom déjà impliqué soft
dévoilé, pour la simple raison que le public, selon nous, a le
droit de savoir si ses élus et les gens chargés de faire
respecter l'ordre et les lois agissent et font leur travail comme le public
doit s'attendre à ce qu'ils le fassent. Évidemment, le public
n'est plus en mesure de surveiller les agissements quotidiens de ces gens. Les
gens n'iront pas au poste de police pour s'assurer que des plaintes sont
déposées ou qu'on procède à des arrestations ou
à des enquêtes. Le public en général doit maintenant
s'en remettre au travail des journalistes pour surveiller ces états de
fait. En conséquence, l'article 54, l'article précédent et
ceux qui suivent doivent faire état d'un changement en ce sens.
M. Filion: Sentez-vous bien à l'aise de me corriger, M.
Falardeau et Me Granda, mais, lorsqu'on parle de liberté d'information
et de droit du citoyen à l'information, de liberté de la presse
également, on entame un sujet qui, au Québec, n'est pas tellement
développé. On n'a qu'à se souvenir du comité, dont
le nom m'échappe, qui a remis son rapport au ministère de la
Justice sur l'utilisation faite des médias ou des preuves recueillies
par les médias lors de procès. Peut-être son nom vous
vient-il à l'esprit?
M. Falardeau: Je pense que c'était le comité
Ducharme. J'étais personnellement membre de ce comité. Alors, je
le connais assez bien.
M. Filion: Bon! Alors, c'est le comité Ducharme qui a
travaillé assez longtemps et qui a quand même remis son rapport au
ministère de la Justice il y a plus d'un an et sur lequel il n'y a
absolument rien de fait au ministère de la Justice Je ne sais pas si on
parle de la même chose.
M. Falardeau: Je ne le pense pas.
M. Filion: II me semble que ce ne soit pas le comité
Ducharme.
M. Falardeau: Je ne pense pas qu'on parle de la même
chose.
M. Filion: Le comité dont je parle avait évidemment
étudié toute la question des témoignages des journalistes
devant les cours de justice.
M. French: Sauf que votre "timing" n'est pas correct.
M. Falardeau: Le rapport a été remis H y a à
peu près cinq ans. Un premier avant-projet de loi a été
préparé, un deuxième avant-projet de loi est
présentement étudié par...
M. Filion: Peu importe, mais le fait demeure qu'il n'y a toujours
rien de fait à ce niveau au ministère de la Justice et on n'a pas
vu le commencement d'un début de réglementation ou de loi. Il y a
peut-être une partie du problème au niveau du gouvernement
fédéral, mais il y en a une autre partie aussi qui pourrait
être réglée au niveau provincial. Ce que je voulais
soulever par là, et cela n'a rien à voir avec le cas
précis des articles 53 et 54, mais lorsqu'on Invoque, encore une fois,
le statut du journaliste, de celui qui sert de courroie de transmission entre
une partie de ce qui se passe dans la société et la population,
pour l'informer adéquatement, on tombe dans une terre juridique qui
n'est pas très labourée, si l'on veut, où il n'y a pas
beaucoup de jalons qui ont été posés de façon
concrète.
En ce sens, en ce qui concerne par exemple les relations, comme cela va
être le cas entre les services policiers et les médias, je dois
vous dire qu'on a, comme législateurs, peu de choses sur lesquelles on
peut se baser pour arriver à faire avancer un dossier comme
celui-là et à vous aider, en quelque sorte, à vous former
une opinion Le gros bon sens nous aide. Comme je l'ai dit hier à la
Fédération professionnelle des journalistes, les noms des gens,
je les vols dans les journaux et comme les cas que vous donnez dans votre
mémoire sont excellents, la population a le droit de savoir certaines
choses. Comment se fait-il que dans les journaux on a certains noms? D'autres
noms, cela prend quelques jours avant de les obtenir. Vous l'expliquez un peu
vous-mêmes.
Bref, je ne sais pas si vous voulez réagir, en particulier, Me
Granda, sur cet aspect de notre droit qui, encore une fois, est à une
étape pour le moins embryonnaire.
M. Granda: Si vous me le permettez, le droit lui-même de la
liberté de la presse a été touché dans plusieurs
jugements.
M. Filion: Oui.
M. Granda: II n'est peut-être pas encore aussi bien
étoffé qu'il peut l'être aux États-Unis ou encore
plus en Grande-Bretagne où le droit de la liberté de la presse
est sacré. Alors, il y a des choses à faire de ce
côté. Maintenant, je n'y ai pas touché dans mon
mémoire et je pourrais difficilement m'embarquer sur cette galère
à ce stade-ci.
M. Filion: Juste à titre d'exemple, dans les journaux
d'aujourd'hui ou d'hier, je voyais qu'une
ordonnance de non-publication rendue en Cour supérieure
était renversée en Cour d'appel. Ce sont quand même des
choses relativement élémentaires. On est encore rendu à
attendre un Jugement de la Cour d'appel. Je ne me prononce pas au
mérite. Bon! Pour établir des principes aussi fondamentaux vous
soulignez à juste titre, aux États-Unis, cela fait longtemps que
le premier journaliste, je ne me souviens pas quand, il y a une quinzaine
d'années, avait passé un mois en prison parce qu'il refusait de
révéler ses sources. Au Québec, on avance plus lentement
dans ce secteur. Je me demandais si vous aviez peut-être des
références à donner aux membres de la commission sur cet
aspect de notre droit?
M. Granda: II y a peu de références
québécoises. Au Québec, il y a peu de doctrine
là-dessus On cite le livre de Vallières et Sauvageau. Par contre,
ce qu'on demande aujourd'hui, précisément le droit de publier les
noms, aux États-Unis, en Angleterre et même au Canada anglais,
cela apparaîtrait comme une évidence. D ailleurs, j'ai I
impression que c'est un peu un hasard. C'est une mauvaise utilisation d'une
bonne loi qui est faite par le service de la police de la Communauté
urbaine de Montréal. La loi ne visait pas à empêcher la
publication des noms. Je pense que les policiers qui n'ont jamais
été des gens qui aiment beaucoup donner de I information ont
décidé à Montréal de se servir de cette loi ou
peut-être d'une faille dans la loi pour bloquer l'accès. Dans les
faits, on réussit à connaître à peu près tous
les noms.
Peut-être qu'avec le temps, si cette loi reste comme telle et leur
interprétation aussi, peut-être qu'ils vont se mettre à
sanctionner les policiers qui nous auront donné quand même
l'information qu'eux ont décidé de ne pas donner. Peut-être
qu à ce moment-là, avec le temps, la situation va devenir pire
qu'elle ne l'est, et on aura I'air un peu fou d'être à peu
près le seul pays occidental, civilisé, ou l'accès
à ce genre d'information est bloqué. (16 h 15)
M. Filion: Dans le cas précis que vous soulevez et que la
fédération a soulevé hier, c'est le gros bon sens qui nous
aide un peu. On n'a pas besoin de remonter à trop loin. J'ai le
goût de profiter de votre présence - il est rare que les
parlementaires ont l'occasion d'interroger les journalistes - pour vous
demander votre opinion sur les parties qui ont peut-être pu vous
intéresser le plus dans le rapport sur la mise en oeuvre de la
Commission d'accès à l'informationl Est-ce que les journalistes
de La Presse, peut-être vous même ou en somme l'un de vos
collègues, ont utilisé - je le sais - le mécanisme du
recours en révision à la Commission d'accès à
l'information"? Votre témoignage ira-t-il dans le sens de ce qu'on a
entendu de façon générale, à savoir que c'est un
recours pratique, gratuit, où on a constaté une ouverture
d'esprit à la commission, etc? Si vous le désirez,
peut-être pouvez-vous faire part de vos commentaires sur votre
expénence concrète devant la commission et sur les bons points ou
les mauvais points que vous avez pu relever de cette expérience?
M. Falardeau: Là-dessus, d'abord, je ne parlerai pas au
nom de La Presse parce que je ne suis pas mandaté à ce
sujet, mais en tant que journaliste, j'aurais deux ou trois choses à
dire, et des choses que j'ai écrites même il y a cinq ans ou six
ans quand la loi a été adoptée. Il est évident que
cette loi sur l'accès à l'information n'est pas d'abord une loi
pour les journalistes qui font des nouvelles quotidiennes. Cette loi nous
aiderait beaucoup si elle avait changé les mentalités. Mais dans
le mémoire qu'a présenté Réal Barnabé hier,
je pense que c'était la première chose qu'il disait, c'est que
dans les faits, sauf pour quelques personnes - il rendait hommage au ministre
actuel et à l'ancien ministre, mais pour dire peut-être que les
autres ministres n'avaient pas beaucoup d'intérêt pour cela - cela
n'a pas changé les mentalités.
Un journaliste qui demande une information, il veut l'avoir pour
l'écrire le lendemain. Comme il y a des délais de 20 jours et de
30 jours, s'il va devant la commission, cela devient un délai de trois,
quatre ou six mois. Pour un journal quotidien, I'information n'est
peut-être d'aucun intérêt six mois plus tard. Par contre, si
cela avait changé les mentalités, quand on demande une
information les gens nous la donneraient, les gens seraient plus ouverts. II y
a des endroits, il y a des personnes qui sont plus ouvertes qu'elles
étaient probablement. Mais, effectivement, les gens ayant 30 jours ou 20
jours pour refuser vont généralement répondre quand c'est
une information embêtante, et même quand ils vont la donner, quand
ils vont dire oui, ils vont souvent attendre au 19e jour ou au 29e jour. Donc,
ce n'est pas une loi pour les journalistes. C'est une loi pour les journalistes
dans la mesure ou on fait faire des analyses sur ce qui a amené il y a
dix ans l'option de la loi 101 ou dans cinq ans quand on fera une analyse sur
une de vos lois, on pourra regarder parce qu'on aura obtenu tous les documents
pertinents. Ce n'est pas d une utilité énorme.
Cest la raison pour laquelle je voulais dire cela parce que cela va dans
le même sens que ce que la fédération a dit. Si les gens
appliquaient l'esprit de la loi, qui est l'ouverture - la règle c'est
que c'est public, c'est qu'on a accès aux documents - si les gens, qui
ont à donner les documents, qui ont les documents, appliquaient l'esprit
de la loi, cela aiderait aux journalistes, et donc, à l'information des
citoyens. Probablement que, d'ici 10, 15 ou 20 ans, cela va changer quelque
chose parce que, avec la jurisprudence qui va s'établir, peut-être
que les organismes vont être un peu gênés de refuser un
renseignement qu'ils savent très bien devoir donner, parce qu'ils ont eu
un jugement contre eux deux ans auparavant. Mais cela va peut-être
prendre un
certain nombre d'années et un changement de
mentalités.
M. Filion: Comme tous les changements d'attitudes, cela ne peut
pas se faire du jour au lendemain. Il demeure que la commission a fait quand
même ses preuves - est-ce que c'est votre avis? - des preuves suffisantes
depuis sa mise sur pied, depuis en particulier trois ans, de telle sorte que
pour le moins, en tout cas, vous maintenez, c'est-à-dire que vous
favorisez son maintien, peut-être son élargissement au secteur
privé, à des organismes privés. Je serais curieux d'avoir
votre opinion là-dessus.
M. Falardeau: Peut-être comme citoyen. Je n'ai pas
d'opinion sur le secteur privé. D'après ce que j'ai entendu
depuis deux jours sur les bureaux de crédit ou ces choses-là, je
pensais que c'était réglementé. C'est comme citoyen. Comme
journaliste, je n'ai pas d'opinion là-dessus. Comme journaliste, je
pense, en tout cas, que la loi doit rester et que la commission doit rester
dans la forme actuelle.
M. Filion: Je reviendrai peut-être, M. le Président,
encore une fois, sur un point particulier. La seule réserve que j'ai
soulignée à M. Barnabé, hier, c'est l'avis à donner
à la famille, qui me semblait faire partie des règles les plus
élémentaires de civilité et, quant au reste, je ne voyais
pas pourquoi on cherchait à retenir des informations comme
celles-là, à moins de circonstances absolument
extraordinaires.
Donc, je vous remercie. Cela va.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Taillon. Est-ce qu'il y a des collègues qui ont
des... M. le ministre peut-être.
J'aurais une question. Je ne veux pas... Allez-y! Mais j'aurai une
question par la suite. Je ne veux pas embarquer dans un débat juridique
parce que je vais me perdre rapidement. J'ai quand même une question sur
la notion de où commence et "où s'arrête la liberté
de l'un par rapport à la liberté de l'autre?" C'est un vieux
débat, M. Falardeau, que je ne veux pas reprendre.
M. le ministre.
M. French: Sauf que c'est l'essentiel du débat qu'on ne
peut éviter. Je pense que le législateur, lorsqu'il a fait la
loi, n'avait pas l'Impression de changer la pratique des forces
policières en ce qui a trait à la presse quotidienne pour le
reportage des noms des victimes. C'est clair, très clair.
Deuxièmement, il est clair aussi qu'on ne peut pas tolérer
une situation dans laquelle il y a une interprétation qui règne
dans un service de police majeur et que les autres services de police ne
partagent pas et ne pratiquent pas de la même façon sur les
mêmes sujets. Cela, c'est une anomalie. Je ne suis pas un de ceux qui
croient que tout doit être pareil, partout au Québec. D'ailleurs,
je pense que les politiques publiques canadiennes et québécoises
ont été trop uniformes. Cela, c'est une différence
régionale que je ne saurais expliquer. Je pense qu'il est
nécessaire d'avoir une seule politique dans tout le Québec
à cet égard.
Nous n'avons pas entendu de témoignages fondés sur
l'expérience d'être victime ou sur une expertise dans la
victimologie. J'utilise te mot avec une certaine hésitation, mais je
pense qu'il y a des gens qui se spécialisent là-dedans au
ministère de la Justice du Québec, dans certains CLSC et certains
centres de services sociaux. Mais nous n'avons pas entendu parler ces gens.
Peut-être qu'on devrait trouver le moyen de les consulter.
Cela dit, les arguments en faveur d'une interprétation
restrictive quant aux noms des victimes ont été en fonction des
principes de la loi. Mais ces principes, comme je viens de le dire, ont
été développés à des fins plus
générales que cela et sans application précise dans le cas
des victimes. Donc, il est important, je pense, de dire à M Falardeau,
comme je l'ai dit à la fédération, que nous avons
l'intention de trancher et que nous accueillons avec grande sympathie
l'argument de l'information, d'autant plus qu'on sait que, dans 99 % des cas,
les noms sortent de toute façon, si j'ai bien compris. Il s'agit d'une
complication du travail de journaliste sans bénéfice sur le fond,
de toute façon. Cela crée un problème pour le journaliste
sans avoir une valeur de protection très grande pour les victimes,
d'après ce que je constate.
Soit dit en passant, et entre parenthèses, la situation du
secrétaire de la commission est une preuve éloquente du
problème qui découle des rôles multiples que joue la
commission, puisque, dans sa lettre, Me Ducharme dit: Je ne vous donne pas une
interprétation ferme ni une décision de la commission, Je vous
indique mon interprétation juridique basée sur une certaine
expérience et sur un texte de loi Et là il se trouve au centre
d'une controverse dont il n'a pas voulu être l'auteur. Il a voulu faire
bénéficier des organismes de son expertise et je pense qu'il est
important que ça continue, mais c'est une situation difficile à
laquelle je n'apporte pas de solution aujourd'hui, mais qui soulève
encore une fois la responsabilité polyvalente de la commission.
Je veux particulièrement souligner la valeur de l'avis juridique
présenté par La Presse qui était très
étoffé et qui nous permet de faire le tour de la question. C'est
donc la gratitude du gouvernement et de la commission que je veux exprimer
à cet égard. Je veux clarifier un point seulement, à moins
que mes commentaires n'appellent d'autres commentaires de la part d'un de nos
deux témoins, c'est que je n'avais pas compris que c'était un
problème d'avoir le nom d'un policier. Est-ce que vous me dites que le
nom de l'agent de police qui enquête sur un cas
est confidentiel en vertu de la loi? Est-ce que c'est ce que vous dites?
Je m'excuse, je n'ai pas complètement compris.
M. Falardeau: C'est-à-dire que dans le cas de l'agent
Gosset...
M. French: D'accord, parce qu'il a été le... M.
Falardeau: Oui.
M. French: Excusez-moi. Je voulais Juste être certain que
j'ai bien compris. Pour ma part, je pense que nous avons une
présentation extraordinaire du problème et une argumentation
très pertinente et très focalisée sur la
problématique, qui nous permet donc de porter notre attention
là-dessus. On va regarder la chose et on va être obligés de
prendre une décision. On va la prendre avec le projet de loi qu'on va
déposer l'automne prochain.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. J'ai une
remarque, soit dit en passant et sans vouloir, encore une fois, entrer dans
tout le débat. Je l'ai dit tantôt, j'ai beaucoup
apprécié la profondeur, dans le meilleur sens du mot, du rapport,
qui fait vraiment le tour de la question. Moi aussi, Je suis plutôt
ouvert et sympathique au point que vous soulevez, M. Falardeau, et à
l'argumentation que vous nous présentez. Le débat, vous le
résumez vous-même - et ce n'est jamais facile - aux pages 12 et
13, en citant un extrait des auteurs Vallières et Sauvageau. Je cite
votre citation: "Le droit du citoyen à l'intégrité de sa
réputation et de sa vie privée ainsi que son droit à une
justice impartiale doivent être garantis tout autant que la
liberté d'expression du journaliste. En fait, la liberté du
journaliste s'arrête là où commence celle des autres."
C'est fondamentalement, à mon avis, tout le débat. Vous prenez
cette citation correctement, soit dit en passant, pour aller plus loin,
conclure et recommander que la divulgation du nom d'une victime et de l'auteur
- je suis rendu à la page 15 - d'un acte criminel ou d'une infraction
quelconque ne constitue pas la divulgation de renseignements confidentiels aux
termes de la loi. etc. Est-ce qu'on ne pourrait pas - remarquez que je n'ai pas
d'idée arrêtée là-dessus, je vous pose donc la
question pour les fins du débat - n'y aurait-il pas une distinction
à faire, des nuances à apporter, par exemple, entre le nom d'une
victime, la divulgation du nom d'une victime, et l'auteur d'un acte
criminel?
M. Falardeau: Je n'ai pas employé le terme "auteur d'un
acte criminel", parce qu'on va nous dire alors: Qui est l'auteur? C'est
l'auteur présumé. Dans le mémoire, on emploie tes mots
"une personne impliquée dans un acte criminel".
Le Président (M. Trudel): Oui, mais vous avez
employé le terme... Je vous cite à la page...
M. Falardeau: Dans l'opinion juridique? D'accord.
Le Président (M. Trudel): Ce n'est pas la vôtre, je
m'excuse. Je cite l'opinion de... Oui, je m'excuse, M. Falardeau. On va se
comprendre, il commence à être temps. Donc, je suis à la
page 15 de l'opinion juridique et j'essaie de savoir si on ne peut pas faire
une nuance entre les deux. Pour reprendre le cas que vous avez vous-même
cité tantôt, celui de l'agent Gosset et de la famille de la
victime, vous avez dit vous-même: La famille de la victime a choisi, pour
des raisons évidentes, de rendre le nom public. On peut comprendre
très facilement pourquoi. Dans le cas où dans des circonstances
analogues ou à peu près - c'est juste pour donner un exemple, je
fais l'hypothèse suivante - la famille, pour des raisons X, Y, Z, aurait
voulu garder l'anonymat ou aurait pensé que, même compte tenu de
toutes les circonstances, c'est une peine qu'elle doit garder pour
elle-même, etc., que serait-il arrivé? Avec la directive de la
police de la CUM, il est clair que vous n'auriez pas eu le nom de la
victime.
M. Falardeau: On aurait probablement réussi à
l'obtenir. Mais il me semble que, malgré la peine de la victime... Quand
quelqu'un se fait tuer par un policier, à mon avis, c'est
évidemment d'intérêt public. Dans ce cas, par exemple, le
fait qu'il s'agissait d'un Noir, c'était important à savoir. Si
on avait appris que la couronne avait décidé de ne pas porter
d'accusation contre l'agent Gosset en disant qu'il était en état
de légitime défense et si on n'avait pas su qui était le
policier, qui était la victime et qu'il était un Noir, cela
aurait pu passer comme cela. Mais, si les journalistes et le public avaient
appris les circonstances particulières de ce cas, je pense qu'ils se
seraient posé des questions sur le bien-fondé de la
décision de ne pas porter d'accusation. Je pense qu'un débat
public doit pouvoir exister dans des cas comme celui-là et que le
débat public ne peut pas avoir lieu si les faits pertinents ne sont pas
connus. C'est en ce sens que je pense que, même si la famille avait voulu
garder cela secret, on l'aurait publié quand même.
Dans notre mémoire, on parle de la responsabilité des
médias. Il est très rare, par contre, qu'on révèle
dans les journaux les noms de personnes qui se suicident. On l'a fait dans le
cas de Claude Jutra à cause des circonstances particulières qui
ont entouré sa disparition et à cause de sa
notoriété. Je pense qu'on le ferait dans le cas d'un
député ou d'un ministre parce que les raisons du suicide prennent
une importance particulière quand il s'agit d'un homme ou d'une femme
publique, mais c'est quand même très rare. À
Montréal, il y a des suicides quotidiens dont on a connaissance, parce
qu'ils ont
lieu dans le métro ou parce qu'on entend à la radio de la
police que les gens sont appelés sur les lieux. C'est exceptionnel qu'on
en parle, sauf quand ils se produisent en public, et c'est encore plus
exceptionnel qu'on dise les noms. On ne veut pas se mettre à publier des
listes de victimes d'accidents et d'actes criminels, on veut connaître
les noms pour pouvoir les publier quand nous, on juge que c'est
d'intérêt public. Hier, un député a demandé
la définition de l'intérêt public. On en donne une dans
notre mémoire. Je pense que l'intérêt public est
défini par les lois et les tribunaux qui policent cette
définition. Ce n'est pas aux policiers à définir ce qu'est
I'intérêt public. Ce n'est pas aux policiers de décider ce
qu'on peut publier, comme les législateurs, ici, n'ont jamais voulu
décidé eux-mêmes ce que les journalistes publiaient sur
eux.
Le Président (M. Trudel): C'est le...
M. Falardeau: Ils n'ont pas osé. Ce n'est pas qu'ils n'ont
pas voulu, ils n ont pas osé.
Le Président (M. Trudel): Ils n'ont pas osé, oui.
Je vous suis jusque là et peut-être au-delà de cela sauf
que, au fond, c'est ce que vous dites dans votre mémoire à vous.
C'est ce qu'on peut comprendre aussi de l'opinion juridique. Comme les
journalistes appliquent une sorte d'autocensure - je n'aime pas le mot - ou de
responsabilité.
M. Falardeau: Choix responsable.
Le Président (M. Trudel): Cest cela. Voilà,
effectivement, vous choisissez d être responsables et vos organismes
professionnels ont un code d'éthique. Je pense qu'on peut dire que, en
grande partie, la population est protégée contre des
excès. Des excès, il y en aura partout Vous dites
vous-mêmes qu'à l'intérieur de votre profession il y a du
"jaunisme" chez vous, comme il peut il y en avoir ailleurs dans bien d'autres
domaines. Ne voyez pas dans ma question une réticence quelconque. J'ai
déjà fait ce débat comme journaliste, il y a vingt cinq
ans, comme journaliste non professionnel, bien sûr. Rappelez-vous les
débats sur la liberté de la presse qu'on avait à une
époque bien trop lointaine pour qu'il soit utile de le rappeler ici. En
relisant cela hier, cela m'est revenu. Je pensais justement, parce que vous
colliez dans l'opinion juridique encore une fois, soit de la victime ou de
l'auteur. Votre réponse, dans l'ensemble me satisfait, et je vais
arrêter là mon intervention pour remettre la parole à mon
collègue de Taillon, et en vous remerciant d'être parmi nous cet
après-midi.
M le député de Taillon.
M. Filion: De toute façon, on devra se pencher sur cet
aspect de la situation que vous décrivez dans votre mémoire, ne
serait-ce - cela m'a frappé en relisant le mémoire - qu'à
cause de l'exemple que vous donnez et où la personne est
décédée. Donc, il y a une succession. Est-ce qu'on va
demander le consentement de la succession pour faire en sotte que
l'identité d'une victime d'accident, par exemple, soft divulguée?
Poser la question, c'est y répondre, parce que cela n'a aucun sens. Pour
ce qui est de l'opératlonnallsatlon", j'allais dire, des communications
qui doivent être fournies aux médias, je pense qu'il y a
matière à réflexion pour les membres de cette commission
et, avec l'éclairage que vous nous apportez par votre mémoire, on
va sûrement être en mesure, j'espère, de faire un meilleur
travail.
Le Président (M. Trudel): Je pense qu'on peut conclure en
vous remerciant, M Falardeau. De toute façon, il vaut mieux plus de
liberté de presse que pas assez. Au moins là-dessus, on va
s'entendre. En vous remerciant, encore une fois, M Falardeau, et en vous
souhaitant un bon retour à Montréal.
M Falardeau: On vous remercie de votre accueil très
favorable.
Le Président (M Trudel): Nous suspendons pour quelques
minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 34)
(Reprise à 16 h 40)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Est-ce que les membres de la commission peuvent reprendre leur place
autour de la table?
J'inviterais maintenant les membres de la CREPUQ, la Conférence
des recteurs et des principaux des universités du Québec,
à prendre place à la table des invités afin de nous
présenter. Ne vous en faites pas, je vais parler suffisamment longtemps
pour que vos collègues puissent vous rejoindre.
Messieurs, je vous souhaite la bienvenue à la commission. Vous
êtes le dernier groupe que nous avons le plaisir d'entendre aujourd'hui.
J'ai encore perdu mon Opposition avec cela, l'Opposition chambranle
aujourd'hui. Comme je le disais, vous êtes le dernier groupe que nous
entendrons aujourd'hui, et non ie moindre. Je répète les
règles du jeu pour le bénéfice des gens qui
n'étaient pas ici, mais je pense que vous y êtes habitués
puisque vous n'en êtes pas à votre première commission
parlementaire. Les règles du jeu de celle-ci sont la règle du 20,
20, 20, c'est-à-dire plus ou moins 20 minutes et, comme je le dis
toujours, pas moins que plus, autant que possible, pour exposer votre point de
vue. Ne vous sentez pas obligés de lire le mémoire au complet. Il
a été résumé, mais je ne sais pas si vous en avez
fait un résumé. 10 février 1986
Commission permanente
Une voix: Oui.
Le Président (M. Trudel): D'accord, vous en avez fait un
résumé. II a également été
résumé par les services de recherche de la commission et la
plupart des membres de la commission ont pu en prendre connaissance puisqu'il
est arrivé en temps utile vendredi, avant la fin de la journée.
Quant à mol, je l'ai lu le... C'est écrit le 7; je présume
que c'est dimanche dernier. Donc, messieurs, ne vous sentez pas obligés
de le lire au complet. Moins de temps vous prendrez pour nous entretenir de ce
que nous connaissons déjà, plus de temps nous aurons pour
échanger des propos et des idées.
M. le recteur Cloutier, en vous souhaitant la bienvenue,
j'apprécierais, pour tes fins d'enregistrement du Journal des
débats, que vous nous présentiez les gens qui vous
accompagnent.
Conférence des recteurs
M. Cloutier (Gilles): Bien, Je vous remercie, M. le
Président.
Je voudrais d'abord vous présenter, à ma droite, le
recteur de l'Université Laval, Michel Gervais, et, à sa droite,
M. Michel L'Espérance qui est membre du comité des
secrétaires généraux de la Conférence des recteurs
et secrétaire général de l'Université de
Montréal. À ma gauche, Mme Francine Verrier, conseillère
juridique à l'Université du Québec à
Montréal et, à l'extrême gauche, M. Reynald Mercille qui
est également conseiller juridique, mais à l'Université
McGiil.
M. le Président, dans l'esprit des commentaires que vous venez de
faire, nous avons préparé une version abrégée de
notre mémoire qui a été soumis à la commission, et
je pourrai vous la livrer dans une vingtaine de minutes. Je procède donc
à la présentation.
C'est avec empressement que les chefs d'établissements
universitaires ont saisi l'occasion que leur offrait la commission de la
culture de faire le point avec elle, cinq ans après rentrée en
vigueur de la loi. Lors des étapes qui ont précédé
l'adoption de la loi sur l'accès, les universités ont eu
l'occasion d'indiquer qu'elles souscrivaient entièrement aux - objectifs
fondamentaux de cette loi, et cela vaut encore aujourd'hui.
Par ailleurs, les universités ont été à
même de constater, au cours des années qui ont suivi l'adoption de
la loi sur l'accès, que celle-ci n'était pas facilement
applicable à leurs structures complexes et décentralisées.
En présentant ce mémoire, les universités souhaitent que
certaines modifications soient apportées à la loi sur
l'accès afin de mieux assurer l'atteinte des objectifs qu'elle poursuit
et en faciliter l'application. Bien qu'elles souscrivent entièrement aux
objectifs fondamentaux de la loi sur l'accès, les universités
font un bilan peu positif de son application. En effet, les universités
constatent que peu de citoyens se prévalent de la loi. Seulement
quelques demandes d'accès leur ont été
présentées au cours des cinq dernières années,
alors qu'elles n'ont reçu aucune demande de rectification de
renseignements nominatifs et aucune plainte concernant la communication de tels
renseignements.
Pour les universités, ce constat s'explique en grande partie par
le fait que, bien avant l'entrée en vigueur de la loi, elles
s'étaient dotées de règles de conduite propres à
protéger le caractère confidentiel des renseignements nominatifs.
De plus, compte tenu de leur longue tradition de liberté
pédagogique, les universités ont de tout temps facilité
l'accès aux documents qu'elles détiennent. L'entrée en
vigueur de la loi n'a donc pas entraîné pour les
universités de changements radicaux dans leur philosophie ni dans leurs
pratiques.
La commission a un double rôle à jouer en vertu de la loi
sur l'accès. Premièrement, un rôle d'adjudication à
l'exclusion de tout autre tribunal quant aux demandes de révision faites
en vertu de la loi. Deuxièmement, un rôle de surveillance de
l'application de la loi, ce qui inclut des pouvoirs d'enquête
étendus que la commission peut exercer de sa propre Initiative ou
à la suite d'une plainte. La commission est donc à la fois juge
et gendarme. Je voudrais faire référence maintenant à ta
commission dans ce contexte sous deux volets. La commission dans ses fonctions
d'adjudication et la commission et ses pouvoirs d'enquête. Dans le
premier cas, dans l'exercice de ses fonctions, la commission agit à
titre de tribunal administratif appelé à rendre une
décision à la suite d'une procédure contradictoire
Celle-ci se déroule au cours d'une audition qui oppose
généralement deux parties: le demandeur et l'organisme
public.
L'article 138 de ta toi constitue un exemple particulièrement
frappant de la situation de conflit d'intérêts dans lequel la
commission se trouve placée. Cet article impose le devoir à la
commission de prêter assistance aux citoyens pour la rédaction
d'une demande de révision, alors que c'est à la commission qu'il
appartiendra de statuer sur le bien-fondé de cette demande qui aura
préalablement été rédigée par ses propres
membres.
À la page 58 de ce rapport, la commission souligne le conflit
d'intérêts manifeste et permanent dans lequel seraient
plongés les organismes si l'application de la loi était
laissée à leur discrétion. Ce que la commission ne
mentionne pas dans son rapport, c'est qu'elle est elle-même
plongée dans un conflit d'intérêts permanent. D'ailleurs,
à deux reprises au moins dans son rapport, aux pages 64 et 65, la
commission fait elle-même référence à son parti pris
en faveur du citoyen.
Pour démontrer ce parti pris de la part de la commission, les
universités ont retenu, pour les fins du présent mémoire,
le cas des demandes abusives. La commission nous apprend dans son
rapport en page 90 qu'elle a reçu seize demandes de divers
organismes publics, qui sollicitaient l'autorisation de ne pas tenir compte de
demandes considérées comme abusives en vertu de cet article. La
commission affirme n'avoir rencontré aucune difficulté
particulière relativement au traitement de ces demandes. Elle propose
même qu'à l'avenir un seul commissaire au lieu de trois soit
chargé de traiter ces demandes. Lorsque l'on parcourt la jurisprudence
rapportée sur cette question, on constate qu'aucune décision de
la commission n'a fait droit à la demande des organismes.
Devant le caractère systématique des décisions
relatives aux demandes abusives, les universités croient qu'il serait
nécessaire que la loi établisse des critères propres
à assurer une application plus adéquate de l'article 126.
Soulignons qu'actuellement aucun motif n'a à être
dévoilé pour justifier une demande d'accès et aucune
limite dans le temps ne vient circonscrire une telle demande.
Compte tenu de ce qui précède et du rôle
contradictoire dans lequel la commission se trouve en vertu de la loi actuelle,
les universités sont d'avis que la commission est mal placée pour
s'acquitter de fonctions d'adjudication requérant neutralité et
impartialité. En conséquence, les universités croient que
la commission ne devrait plus agir à titre de tribunal administratif,
mais devrait plutôt conserver son seul rôle de surveillance avec
simple pouvoir d'enquête et de recommandation. La Cour provinciale leur
apparaît être le tribunal approprié pour remplacer en
première instance la commission dans ses fonctions d'adjudication.
Les universités croient opportun, si toutefois le pouvoir
d'adjudication de la commission ne devait pas être modifié, de
maintenir un droit d'appel en Cour provinciale des décisions de la
commission et cela, sans que celle-ci puisse y intervenir afin, bien sûr,
d'éviter toute forme de partialité. Nous croyons que, dans
l'hypothèse où la commission conserverait son rôle
d'adjudication, le recours en appel par les organismes et les citoyens à
une instance judiciaire indépendante est essentiel. De plus, les
universités souhaitent que le droit d'appel soit complet, pouvant
s'exercer de plein droit et porter tant sur les questions de droit que sur les
questions de fait.
Le recours en évocation devant la Cour supérieure,
à titre de garantie, que propose la commission dans son rapport, ne peut
valablement remplacer un recours en appel. L'évocation est en effet un
recours extraordinaire, exceptionnel, visant la surveillance de l'exercice de
ta juridiction des tribunaux inférieurs. Ce recours peut être
utilisé dans le cadre de la loi actuelle, même en présence
d'un droit d'appel à Ja Cour provinciale. Mais cette possibilité
d'un recours en évocation se révèle tout à fait
inefficace lorsqu'il s'agit de demander aux tribunaux de réviser au
mérite, pour une question de fond, les décisions d'un organisme
administratif.
Nous formulons donc les trois premières recommandations
suivantes. Recommandation 1: la commission devrait voir son rôle de
surveillance confirmée, assorti de simples pouvoirs d'enquête et
de recommandation, laissant le rôle de tribunal de première
instance à la Cour provinciale. Recommandation 2: Si toutefois le
pouvoir d'adjudication de la commission n'était pas modifié, il
serait primordial que le droit d'appel des décisions de la commission
à la Cour provinciale soit maintenu, et il devrait pouvoir s'exercer de
plein droit tant sur les questions de droit que sur les questions de fait.
Recommandation 3: La loi devrait établir des critères
définissant ce qui constitue une demande abusive.
On passe au deuxième volet de la commission: la commission et ses
pouvoirs d'enquête. L'expérience des universités pour ce
qui touche les enquêtes menées par la commission... Ici, je
voudrais faire référence aux exemples cités dans le
rapport écrit concernant les enquêtes faites à
l'Université Laval et à l'Université du Québec
à Trois-Rivières. Donc, l'expérience des
universités les amène à croire que la mise en place d'un
mécanisme visant à circonscrire l'exercice du pouvoir
d'enquête de la commission est souhaitable. Une telle mesure permettrait
d'éviter la tenue d'enquêtes inutiles ou déraisonnables qui
entraînent des dépenses et qui constituent un fardeau tant pour
les contribuables que pour les membres des organismes publics qui doivent y
apporter leur collaboration. En résumé, les organismes publics
devraient bénéficier de la présomption de bonne foi qui
caractérise notre droit.
Nous formulons donc les deux recommandations suivantes: Recommandation
4: La loi devrait contraindre la commission d'aviser préalablement, par
écrit, l'organisme public qu'il fera l'objet d'une enquête, en
précisant par qui l'enquête sera menée, les fins de cette
enquête et les documents visés. Recommandation 5: L'organisme
public devrait pouvoir se prévaloir d'un recours pour contester l'avis
d'enquête émis par la commission auprès de la Cour
provinciale dans le cas où l'enquête projetée lui semble
abusive ou déraisonnable.
À la suite de l'examen des recommandations contenues dans le
rapport de la commission, l'expérience des cinq dernières
années amène les universités à proposer des
ajustements qui leur paraissent souhaitables. Nous présentons ces
recommandations sur deux volets: d'abord, les ajustements qui concernent les
documents publics et, dans un deuxième temps, les ajustements qui
seraient requis concernant les informations sur les renseignements
personnels.
En ce qui concerne les documents publics, les universités
proposent sept recommandations dont quatre portent d'abord sur l'accès
aux analyses se référant aux articles 32 et 39, aux avis et
recommandations (article 37) ainsi qu'aux opinions juridiques À cet
égard, la commission
reconnaît, en page 117 de son rapport, le droit d'une personne
à ne pas dévoiler sa preuve de façon
prématurée, la reconnaissance de ce droit étant le
fondement de l'article 32. L'article 32 devrait, à notre avis,
s'appliquer non seulement à l'analyse, mais à tout document
risquant d'avoir une incidence sur une procédure judiciaire
éventuelle. Nous formulons donc la recommandation 6: Tout document
risquant vraisemblablement d'avoir un effet sur une procédure judiciaire
éventuelle devrait pouvoir être soustrait au droit
d'accès.
En ce qui concerne de façon plus générale
l'accès aux analyses, aux avis et aux recommandations, les
universités croient que la loi devrait accorder à ces trois types
de documents le même traitement que celui réservé aux avis
et aux recommandations. La possibilité de soustraire les analyses au
droit d'accès devrait donc valoir pour la durée de la protection
s'appliquant aux avis et aux recommandations, soit pour une période de
dix ans à compter de la date de leur production. En ce sens, les
universités s'opposent à la recommandation de la commission en
vue de réduire à deux ans les délais actuels.
Par ailleurs, il y a des raisons particulières aux
universités qui militent très fermement pour le maintien de
l'article 87 de la loi dans ses relations avec l'article 37. Que ce soit, par
exemple, lors de l'admission aux études supérieures, lors de
l'attribution de bourses ou dans des circonstances analogues, il est de
pratique reconnue, non seulement au Québec mais dans la plupart des pays
de tradition universitaire occidentale, que l'on ait recours au jugement des
universitaires pour statuer sur les candidatures. Seule l'assurance que de tels
jugements demeureront confidentiels pendant un laps de temps suffisant permet
à ceux à qui on demande de les formuler de le faire en toute
objectivité et sans crainte de représailles. Aussi les
universités considèrent-elles qu'on les priverait de moyens
reconnus et efficaces de fonctionnement si on donnait suite à la 31e
recommandation de la commission.
Donc, pour conclure, à la recommandation 7, nous recommandons que
l'analyse devrait pouvoir être soustraite au droit d'accès de la
même manière que l'avis et la recommandation de l'article 37, qui
accordent à ce type de document une protection s'échelonnant sur
dix ans à compter de sa production.
De plus, à la recommandation 8, les universités
recommandent qu'on ne donne pas suite à la 31e recommandation de la
commission, visant à rendre inapplicables les articles 37 et 39 si les
analyses, les avis et les recommandations concernent le demandeur.
En ce qui concerne l'accès aux opinions juridiques, les
universités estiment que la restriction actuelle au droit d'accès
s'appliquant à certaines opinions juridiques est insuffisante et qu'elle
est en deçà de ce qui est garanti par la Charte des droits et
libertés de la personne sur cette question.
La plupart des demandes d'accès se situant dans un cadre
litigieux ou susceptible de l'être, il est indispensable que la loi
reconnaisse spécifiquement aux organismes publics le droit au secret
professionnel et ce, autant pour les conseillers juridiques qui sont à
l'emploi de tels organismes que pour ceux qui ne le sont pas. En
conséquence, selon la recommandation 9, la loi devrait garantir aux
organismes publics le droit au secret professionnel, sans égard à
la nature des liens contractuels entre le conseiller juridique et l'organisme
public, et sans restriction quant au contenu et à la nature des
documents.
Les documents du cabinet ou du bureau d'un membre d'un organisme
scolaire peuvent être soustraits au droit d'accès. C'est l'article
34. La commission a interprété cet article de manière
à ne le rendre applicable qu'à la condition que le membre soit
élu. Cette interprétation de la commission a pour effet de rendre
cet article Inapplicable aux universités puisque les administrateurs
universitaires ne sont pas élus. Nous croyons donc que la loi devrait
prévoir une définition du mot "membre" d'un organisme scolaire,
afin que son article 34 soit applicable aux universités.
Nous formulons la recommandation 10: La loi devrait définir le
membre d'un organisme scolaire afin que l'article 34 s'applique aux documents
du cabinet du recteur, principal ou président des
universités.
Les universités sont composées de facultés,
d'écoles de deuxième et troisième cycles, d'écoles
affiliées, de départements, de modules, d'instituts, de centres
de recherche, etc. Ces composantes liées à la vie
pédagogique agissent de façon relativement autonome et
possèdent une juridiction qui leur est propre et qu'elles assument en
commissions, en sénats académiques, en assemblées, en
comités ou en conseils, etc. Le conseil d'administration n'a souvent
qu'une juridiction résiduaire sur les matières confiées
spécialement à de telles instances inférieures. Les
structures universitaires font donc en sorte que le pouvoir de décision
s'exerce à plusieurs niveaux. (17 heures)
Les universités estiment que le processus de décision
n'est pas suffisamment protégé par la loi actuelle puisque
l'article 35 ne s'applique qu'aux mémoires des
délibérations du conseil d'administration. La portée de
cet article devrait s'étendre à toutes les instances
pédagogiques ou administratives. Donc, notre recommandation 11:
L'article 35 devrait être modifiée de manière à le
rendre applicable à toutes les instances pédagogiques ou
administratives.
Les universités s'opposent à la recommandation de la
commission d'ajouter à la loi actuelle une obligation en vertu de
laquelle toute demande d'accès refusée par un représentant
des unités administratives devrait être transmise au responsable
de l'accès de l'université. Dans l'état actuel
du droit, la personne qui veut avoir accès à des documents
de l'université peut procéder de deux façons: de
façon non formelle, c'est-à-dire en dehors des cadres
procéduriers de la loi ou de façon formelle, en s'adressant par
écrit au responsable de l'accès. Il faut respecter ce choix du
citoyen. En conséquence, notre recommandation 12 se lit: L'article 43 ne
devrait pas être modifié.
Maintenant, pour ce qui est de l'aspect qui touche les renseignements
personnels, les universités à ce titre font cette recommandation.
D'abord, en ce qui concerne la cueillette de renseignements nominatifs
déjà colllgés. À défaut d'une loi
réglementant globalement les pratiques des bureaux de crédit, la
loi sur l'accès à l'information devrait permettre clairement aux
organismes publics d'y recourir. SI cette recommandation n'était pas
retenue, les universités souhaiteraient le maintien du statu quo en ce
qui concerne l'article 66, qui permet aux organismes publics d'obtenir des
renseignements nominatifs déjà colligés pour autant que la
commission en soit informée. En obtenant le pouvoir qu'elle sollicite
dans son rapport, soit celui d'autoriser la cueillette de tels renseignements,
la commission s'immiscerait inutilement dans le processus administratif des
organismes publics. En conséquence, nous formulons la recommandation 13:
La loi devrait prévoir une disposition reconnaissant aux organismes
publics le droit de recourir aux services de bureaux de crédit s'ils
possèdent des créances à l'égard de toute personne
ayant manqué à des obligations. De plus, l'article 66 ne devrait
pas être modifié.
En ce qui concerne la communication de certains renseignements
personnels effectués sans le consentement de personnes
concernées, il existe, au sein des communautés universitaires, un
certain nombre d'organismes reconnus par les universités, qui exercent
traditionnellement des activités liées de près ou de loin
à la mission universitaire. Parmi ces organismes, on trouve par exemple
les fondations universitaires, les associations d'étudiants, les
associations de diplômés, etc. Ces organismes ou ces regroupements
de personnes sont souvent constitués en corporations autonomes. Ils
jouent également un rôle essentiel auprès de
l'université dont ils sont en quelque sorte le prolongement.
L'expérience a démontré que ces organismes doivent
parfois avoir recours à certaines données nominatives qui leur
permettent d'atteindre leurs objectifs. Il s'avère donc essentiel que la
loi sur l'accès à l'information reconnaisse cette
réalité qui s'appuie sur de longues traditions et qui n'a jamais
posé de problème pour personne. C'est pourquoi les
universités proposent la recommandation 14. L'article 67.3 devrait
être précédé d'un nouvel article visant à
autoriser, dans le cadre d'une entente, la communication de renseignements
nominatifs nécessaires à l'exercice des attributions des
organismes oeuvrant au sein des communautés universitaires, sans le
consentement des personnes concernées.
La commission recommande que l'application des articles 67 à 67.2
soit assujettie à la condition préalable d'avoir recherché
le consentement des personnes concernées avant d'effectuer la
communication des renseignements. De telles démarches auprès d'un
bassin de personnes dont le nombre est souvent considérable sont la
plupart du temps irréalistes et parfois irréalisables. La
lourdeur des opérations que cela nécessite n'est pas
justifiée par la valeur du consentement qui serait obtenue, puisque, en
cas de refus d'une personne, l'organisme public est quand même dans
l'obligation de transmettre les renseignements nécessaires à
l'application d'une loi, d'une convention collective, etc.
En ce qui concerne la communication de renseignements nécessaires
à l'exercice d'un mandat de gestion administrative, nous croyons
qu'encore là l'opportunité que des personnes consentent à
une telle communication n'a aucun intérêt pratique, puisqu'elle
est effectuée simplement pour le traitement d'une opération
administrative que l'organisme a choisi de confier à un mandataire
plutôt que de l'effectuer lui-même. En conséquence, nous
formulons la recommandation 15: Les articles 67, 67.1 et 67.2 ne devraient pas
être modifiés de manière à imposer aux organismes
publics l'obligation de rechercher le consentement des personnes
concernées.
Le rôle du responsable de l'accès. Une des carences les
plus graves, à notre avis, de ta loi consiste dans le fait qu'elle nie
aux organismes ' ia marge de manoeuvre suffisante pour qu'ils puissent en faire
une application intelligente et responsable, particulièrement en
matière de protection des renseignements personnels Le fait que la
définition que donne la loi à la notion de renseignements
nominatifs s'applique sans nuance à quelque type de renseignements
nominatifs que ce soit et dans quelque circonstance que ce soit conduit
à la situation où l'on n'a guère de choix qu'entre deux
maux: celui de mettre en place des mécanismes coûteux et tatillons
d'obtention de consentements pour tout et pour rien, ou celui de provoquer des
frustrations inutiles en refusant de donner suite à des demandes
légitimes. Qu'on nous comprenne bien. Il ne s'agit pas de
réclamer un chèque en blanc en vertu duquel on pourrait, sans
enfreindre la loi, fournir des renseignements que le sens commun commande de
garder confidentiels en toutes circonstances.
L'article 125 de la loi exige que toute communication de renseignements
nominatifs à des fins d'étude, de recherche ou de statistique
soit autorisée par la commission. Il y a cependant deux exceptions
à cette règle: l'une s'appli-quant aux établissements de
santé et de services sociaux et l'autre dans le cadre de l'application
de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. En page
87 de son rapport, la commission propose le maintien de ces exceptions pour le
motif que l'expérience propre au milieu et le
champ de responsabilité de ces personnes le justifient; les
universités croient qu'il en va de même pour elles.
La recommandation 16 suit: Le deuxième alinéa de l'article
68 devrait donner aux responsables de l'application de la loi le pouvoir de
communiquer, sans le consentement de l'Intéressé, certains
renseignements nominatifs lorsque des circonstances particulières le
justifient, l'exercice de ce pouvoir étant assorti de l'obligation, pour
le responsable, d'informer chaque fois la commission de ses décisions en
les justifiant et ce, dans le cadre d'une entente prenant effet au moment de la
transmission de l'information.
Recommandation 17: La loi devrait être modifiée afin d'y
ajouter un nouvel article soustrayant les universités de l'application
de l'article 125 et accordant au responsable de l'accès le pouvoir
d'autoriser les communications de renseignements nominatifs à des fins
d'étude, de recherche ou de statistique.
La tenue des registres. La commission souligne l'inutilité de
l'obligation d'inscrire dans un registre les consultations des fichiers qui
sont effectuées, sauf pour des cas exceptionnels prévus à
l'article 75 et dont la dispense d'enregistrement doit être
autorisée par la commission Les universités accueillent
très favorablement la recommandation de la commission d'abroger les
articles 74 et 75. De plus, elles accueillent favorablement la recommandation
de la commission d'alléger le fardeau des organismes publics à
l'égard de l'obligation qu'ils ont d'inscrire au registre de l'article
67.3 certaines données relatives aux communications de renseignements
effectuées en vertu des articles 67, 67.1 et 67.2.
Les universités estiment que l'exception devrait s'étendre
aux communications de renseignements relatifs aux étudiants, transmis en
vertu d'une loi, que cela concerne, par exemple, des données relatives
aux étudiants étrangers communiquées au gouvernement
fédérai, ou des données relatives à tous les
étudiants communiquées au ministère de l'Enseignement
supérieur et de la Science. Ces communications répondent aux
critères à l'appui de la recommandation de la commission. Elles
sont en effet usuelles, obligatoires et effectuées par toutes les
universités sans exception. En conséquence, la recommandation 18:
Les universités devraient être exemptées de l'obligation
d'inscrire au registre tes données concernant les communications de
renseignements relatifs aux étudiants et effectuées en vertu
d'une loi, lorsqu'elles sont usuelles et obligatoires et qu'elles doivent
être effectuées par toutes les universités.
Finalement, l'accès aux traitements des membres du personnel de
la direction. La commission a interprété l'article 57,
alinéa 1, de manière à rendre accessibles les salaires de
l'ensemble des cadres, le critère étant la supervision du
personnel par ces personnes. Les universités estiment que cet article
devrait recevoir une interprétation restrictive puisqu'il s'agit d'une
exception à la règle générale concernant le
caractère confidentiel des renseignements nominatifs.
L'interprétation actuelle de la commission a donc pour effet de
rendre publics les salaires de toute une catégorie de personnel - les
cadres - dont plusieurs ne font pas partie du personnel de direction. Selon le
libellé même de l'article 57, paragraphe 1, qui s'applique au
personnel de direction, seuls le recteur, les vice-recteurs et le
secrétaire général font partie du personnel de direction
d'un établissement universitaire.
Donc, nous formulons la recommandation 19: La loi devrait être
modifiée de façon à préciser que les cadres sont
des membres du personnel visés par le paragraphe 2 de l'article 57.
En conclusion, les universités tenaient à sensibiliser les
membres de la commission de la culture à l'ampleur des problèmes
posés par l'application de la loi sur l'accès. Les
recommandations du présent mémoire ont pour but
d'améliorer la situation, notamment en ce qui a trait au rôle de
la commission et à certaines modalités d'application de la loi,
tout en permettant une meilleure adéquation entre les coûts et les
bénéfices qui découlent de cette loi. Elles
témoignent, par ailleurs, de l'engagement des universités
à poursuivre les objectifs visés par la loi.
En terminant, au nom des établissements universitaires, la
Conférence des recteurs vous remercie de lui avoir fourni l'occasion de
faire connaître ses vues sur des questions auxquelles les
établissements universitaires attachent la plus haute importance. Je
vous remercie.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le recteur. Je vais
céder la parole, pour une première intervention, à M. le
ministre des Communications.
M. French: M. le Président, d'abord, j'aimerais dire que
la commission est honorée d'entendre des universitaires aussi
Importants, reconnus et expérimentés que les docteurs Cloutier et
Gervais. On les remercie de leur présence. Cela démontre
l'importance que la CREPUQ et les universités accordent à la loi
et à son bon fonctionnement.
J'essaierai, dans mes questions et commentaires, de situer cette
expérience universitaire par rapport aux recommandations et, plus
particulièrement, vis-à-vis du premier bloc de recommandations
qui touche la commission.
Je commencerai en demandant ceci: Combien de refus d'accès
à des documents ont été appelés par le peu de
demandeurs que les universités ont eu devant la commission et quelle a
été l'expérience, la nature et la quantité de
l'expérience des universités devant la Commission d'accès
à l'information?
M. Cloutier: Je pourrais demander, si vous le permettez, M. le
Président, à mes collègues de répondre à
cette question plus quantitative. Est-ce que Mme Verrier ou M. Mercille... Je
voudrais m'assurer qu'on ait la bonne réponse.
Le Président (M. Trudel): Avec plaisir. Vous pouvez...
M. Mercille (Reynald): À notre connaissance...
Le Président (M. Trudel): Voulez-vous vous identifier,
s'il vous plaît, pour le Journal des débats?
M. Mercille: Reynald Mercille. Il y a deux cas qui ont
été l'objet de décisions de la commission: l'un impliquant
X contre l'Université Laval et l'autre à l'Université de
Montréal, un monsieur Bellerose contre l'Université de
Montréal. Donc, deux...
M. French: Parlons donc des deux cas' X contre
l'Université Laval, c'était la gestion des fichiers de
renseignements personnels ou est-ce que c'était un autre cas? Alors, X,
qu'est-ce que c'est?
M. Gervais (Michel): De mémoire - Michel
Gervais, recteur de l'Université Laval - il s'agissait d'un
individu qui voulait obtenir les comptes rendus des réunions de
l'équipe de direction.
M. French: Quel a été le résultat de cet
appel, M. Gervais?
M. Gervais (Michel): Je crois qu'il a été
déclaré qu'il avait droit de voir ces comptes rendus.
M. French: Et le deuxième cas a été celui de
M. Bellerose à l'Université de Montréal.
M. L'Espérance (Michel): Pour compléter la
première réponse, il s'agit, évidemment, de
l'interprétation d'un article qui porte sur les documents du cabinet
d'un membre d'un organisme. C'est pour cela que nous avons une recommandation
qui vise à définir l'expression "membre d'un organisme public",
puisque, dans le contenu de l'Interprétation et de la décision de
la commission, le cabinet du recteur d'une université n'a pas
été reconnu comme couvert par l'expression "membre d'un organisme
public".
M. French: Alors, il y a eu... M. L'Espérance: Dans
le cas...
M. French: ...deux appels pour l'ensemble des universités
du Québec depuis cinq ans. Dans les deux cas, ta commission a
donné raison aux demandeurs; dans les deux cas, au moins pour le
deuxième cas, les universités prétendaient que les
documents devaient rester confidentiels et ils ont donc été
dévoilés. Est-ce que c'est cela? (17 h 15)
M. Gervais (Michel): Oui. Si vous me le permettez...
M. French: Oui.
M. Gervais (Michel): II ne faudrait quand même pas
minimiser les conséquences de certains de ces cas. En tout cas, dans un
des cas, cela veut dire qu'il ne peut plus y avoir de procès-verbal du
comité de direction à l'Université Laval.
M. French: M. le recteur, }e prends bonne note. Je remarque que
vous avez fait une recommandation très précise à ce sujet
On en reparlera tantôt. Mais je n'en suis pas là. J'en suis
à la commission et aux recommandations que vous nous offrez en guise de
résultat de votre expérience pour le fonctionnement et les
pouvoirs de la Commission d'accès à l'information. Sur la base de
deux cas dont on a parlé, qui font d'ailleurs le sujet des
recommandations très précises plus tard dans votre
mémoire, vous nous suggérez des changements radicaux à la
Commission d'accès à l'information. Sur une base de deux cas.
M. Gervais (Michel): Je pourrais me permettre de répondre
là-dessus que ce n'est pas uniquement sur la base de deux cas concernant
les universités, mais, entre autres choses, de seize cas soumis à
la commission impliquant, selon les demandeurs, des demandes abusives de
renseignements et qui ont toutes été rejetées par la
Commission d'accès à l'information. Nous n'avons pas tenu compte
uniquement des problèmes vécus dans les universités, mais
de l'ensemble.
M. French: C'est-à-dire que la CREPUQ vient partager avec
nous l'expertise juridique sur le plan général de la
décision qu'ont la commission et le gouvernement à prendre sur le
fonctionnement de la commission, indépendamment de l'expérience
des universités directement devant ta Commission d'accès à
l'information.
M. Cloutier: Je pense que c'est un aspect de nos recommandations
où, en fait, on va vers une base plus large que simplement les
universités. Cela ne touche pas toutes les recommandations que nous
faisons ici.
M. French: M. le recteur, vous nous avez donné un
très bel exemple d'une certaine mentalité. Pas vous, mais votre
mémoire dans sa première section est un bel exemple d'une
certaine mentalité juridique face à la commission et son
fonctionnement. Mais je dois vous dire
qu'il me semble surprenant, de la part d'universitaires comme vous, de
nous offrir un diagnostic si facile et si simpliste sur le fonctionnement de la
commission. Si vos conseillers juridiques avaient pris le temps de faire une
certaine recherche, je pense qu'ils auraient compris, ne serait-ce qu'à
partir de l'idée que les législateurs avaient de la commission au
début et de son fonctionnement, je pense qu'on aurait pu - et vous et
nous - épargner un temps considérable. Plus
particulièrement, cela vous aurait permis au moins de prendre la
commission à ses prémisses, d'après ses créateurs,
qui sont toujours ici autour de la table.
À la lumière de ces idées et de cette tentative que
les législateurs ont faite pour briser justement les moules d'une
certaine conception des tribunaux administratifs et nous livrer une analyse qui
passe au-delà d'une défense de la ville de Montréal
vis-à-vis d'un journaliste - la ville de Montréal étant
l'organisme public qui a à peu près le plus abusé et qui a
le moins coopéré et collaboré avec la loi - moi, je vous
dis, de façon très claire, qu'il me semble surprenant, en ne nous
offrant aucune expérience directe, que vous nous demandez de
révolutionner la fonction de la commission. Cela me semble surprenant,
encore une fois, et décevant. Je dis tout cela sans préjudice
à l'ensemble de vos recommandations qui me paraissent, en tant
qu'ex-universitaire, très fondées dans les autres sections. Mais
si on avait voulu avoir l'opinion des conseillers juridiques sur la politique
en général, on aurait été heureux de l'avoir. Cela
me semble un peu contradictoire.
En tout cas, je vous permettrai de répliquer. Peut-être que
j'ai mal compris le sens de votre démarche. Mais condamner la commission
sur une base d'une lecture de quelques cas et quelques traités de droit
administratif, qui ne traitent pas de la commission parce que ce n'est pas un
tribunal administratif au sens de ces traités de droit administratif,
cela me semble passer un peu à côté du problème.
M. Cloutier: J'aimerais dire juste un petit mot. D'abord, M. le
Président, je veux bien souligner que personnellement je ne suis pas
juriste et ce n'est pas t'approche en tant que recteur que je veux prendre en
cela. Il est évident qu'on a besoin de l'avis de conseillers juridiques
pour prendre un certain nombre de décisions et pour agir dans certains
cas. Je veux répéter ici ce qui a peut-être
été dit d'une autre façon. Je peux vous assurer que les
universités du Québec ne sont pas en opposition du tout avec la
loi sur l'accès à l'information. Je pense que ce doit être
très clair. Ce qui se passe, c'est qu'il existe déjà, dans
les universités, des pratiques concernant la divulgation de
l'information, des pratiques déjà en marche depuis... Si vous
regardez dans le mémoire écrit qu'on a remis, en annexe, il y a
une déclaration, qui date de 1972, des recteurs des universités,
qui est justement dans ce sens et qui démontre la bonne volonté
des universités dans ce sens. Il y a eu un certain nombre de cas qui
sont intervenus depuis la promulgation de cette loi et qui ont causé
certains problèmes dans les universités. C'est dans ce sens que
nos interventions se font.
Maintenant, je sais qu'ici, à mes côtés, il y a des
gens qui aimeraient peut-être répondre à vos
commentaires.
M. French: Je veux vous répondre, M. le recteur. Je veux
que ce soit clair dans votre esprit que l'évaluation des recommandations
très précises au deuxième, troisième et
quatrième blocs n'est aucunement compromise par mes commentaires. Cela
nous intéresse au plus haut point parce que c'est justement votre
vécu par rapport à ce qui nous intéresse.
Lorsqu'on présente l'Image d'une commission en conflit
d'intérêts, lorsqu'on évoque un cas avec lequel nous
sommes, de façon manifeste, beaucoup plus familiers que vous ne
l'êtes, le cas Winters c. la ville de Montréal, en nous
présentant cela comme une évidence pour un changement dramatique
d'une commission supposément en conflit d'intérêts, on a de
la misère à vous suivre, honnêtement.
M. L'Espérance: Je laisserais peut-être à Me
Mercille le soin de compléter le début de réponse que je
vais faire. Je pense qu'il est important de savoir que la Conférence des
recteurs par son comité des secrétaires généraux -
je m'identifie, j'ai oublié de le faire tantôt, Michel
L'Espérance, secrétaire général de
l'Université de Montréal et représentant du comité
des secrétaires généraux - dès le début, au
moment de l'adoption de la loi, s'est donné le mandai d'étudier,
pour l'ensemble des universités, la mise en application de la loi
d'accès dans les établissements universitaires. Nous avons
vraiment fait adopter toutes sortes de mesures pour favoriser l'application de
la loi dans les universités: sessions d'information au plan juridique,
que ce soit à McGill, aux HEC, à l'Université de
Montréal ou à l'UQAM. Je pense qu'il y a un souci constant de
vraiment prendre les mesures pour appliquer la loi, d'une part.
Deuxièmement, de façon à respecter les principes de
la loi et les décisions de la commission, nous avons demandé
à nos conseillers juridiques de nous préparer, de façon
régulière, une analyse commentée de ta jurisprudence de la
commission. Ce que je veux dire, c'est que dans cette perspective, comme notre
groupe avait vraiment suivi cette question de la loi 65, de son application et
de la jurisprudence, il nous a semblé que l'expertise qui se
dégageait de cette connaissnce des analyses de la jurisprudence nous
amenait à formuler ces recommandations.
Je laisserais, quant au contenu même de cette recommandation,
à Me Mercille le soin de compléter.
M. Mercille: M. le ministre, vos interventions soulèvent
une question qui, à notre avis, n'a rien à voir avec des
avocasseries, des subtilités ou des points de détail. Cela
concerne plutôt un article fondamental qui est dans la Charte des droits
et libertés de la personne, l'article 23, qui concerne les droits
judiciaires et qui commence par la phrase suivante: Toute personne a droit, en
pleine égalité, à une audition publique et impartiale de
sa cause par un tribunal Indépendant et qui ne soit pas
préjugé." Évidemment, l'expression "personne" au sens de
la charte inclut les organismes publics qui sont des personnes au sens
large.
La problématique qui se pose, c'est celle qui concerne
l'obligation d'impartialité d'un tribunal administratif. C'est une
question, M. le ministre, qu'on peut examiner sous plusieurs angles. Un de
ceux-là, c'est la perception des organismes. C'est un test subjectif qui
n'est peut-être pas toujours juste pour l'organisme qui en est l'objet;
il est subjectif, mais iI est quand même important. En matière
d'impartialité, les apparences sont Importantes.
À la page 11 du rapport IQOP qui avait été
commandé par la Commission d'accès à l'information
elle-même, vous pourrez constater qu'il y avait un commentaire de
l'ensemble des responsables de l'application de la loi à
l'époque, selon lequel la commission d'accès était
perçue comme un tribunal ayant un "biais" favorable pour le demandeur et
défavorable à l'endroit de l'organisme public.
Une décision a déjà fait l'objet d'un cas de
jurisprudence. À un moment donné, le collège Vanier a
demandé ta récusation d'un commissaire, peut-être à
tort ou à raison, on ne le sait pas à la lecture du texte de la
décision, mais cela illustre qu'il y a déjà là un
début de procédure judiciaire par des organismes qui ne
perçoivent pas qu'ils ont devant la commission d'accès droit
à un tribunal impartial.
Un autre angle, M. le ministre, qui peut être l'objet d'examen,
c'est l'insensibilité ou la sensibilité de la commission
elle-même face à son obligation d'impartialité. Dans
plusieurs décisions, la Cour suprême du Canada a
édicté une règle que je vais vous lire. Elle est
très brève: "À moins d'un texte législatif
contraire, un tribunal administratif n'a pas de statut pour comparaître
et plaider en appel, sauf si sa compétence juridictionnelle est mise en
question. Cette règle découle du principe fondamental de
neutralité et d'impartialité que doit avoir tout tribunal
à l'égard des partis devant lui."
Or, il y a deux gestes que la commission a posés et qui nous
amènent à vous faire des commentaires. Le premier, c'est à
l'occasion d'un arrêt de la ville de Montréal contre Labelle
où la commission a demandé d'intervenir - comme partie au litige.
La Cour provinciale a rejeté cette demande en soulignant l'intervention
que la commission recherchait correspondrait à fournir un appui au
demandeur à rencontre de l'or- ganisme public et amenant la commission
à manquer à son obligation d'impartialité et de
neutralité.
Si vous me le permettez, je vais vous citer la conclusion de la Cour
provinciale là-dessus: Toute intervention de la commission en
l'espèce porterait ombrage à son Impartialité et ne
servirait point sa dignité." Or, malgré cette décision,
à la page 95 du rapport remis par la commission, on constate qu'elle
demande d'avoir la possibilité d'être entendue sur les
requêtes pour permission d'appeler.
Pour nous sortir un peu du contexte de la Commission d'accès
à l'information et examiner ce que le législateur
québécois a fait en semblable matière dans le
passé, permettez-moi de vous relater les faits de l'affaire Messier, une
décision de la Cour d'appel du Québec de 1976. M. Messier
était chef de police à la ville de Longueuil. Il y a eu une
enquête de la Commission de police, laquelle enquête contenait une
recommandation, dans le cadre de son mandat de surveillance, de
congédier M. Messier.
Effectivement, la ville a reçu le rapport de la Commission de
police et a congédié M. Messier. En vertu de la Loi de police, M.
Messier avait un recours en appel devant la Commission de police.
Évidemment, M. Messier a souligné par voie judiciaire le
problème d'impartialité qui pouvait se poser et la Cour d'appel,
dans cette décision qui a été prise avant les chartes et
avant l'article que je vous ai cité tout à l'heure, a quand
même souligné qu'il y avait une certaine anomalie. Mais, dans ce
cas, la Cour d'appel a mentionné qu'effectivement, comme les
commissaires qui avaient siégé dans l'analyse et l'enquête
à la ville de Longueuil n'étaient pas les mêmes que ceux
qui avaient entendu son appel, le problème de l'impartialité
n'était pas fatal. Mais le législateur a été
sensible à ce problème et l'article 79 de la Loi de police a
été amendé afin que, dans le cas d'un appel à la
suite d'un congédiement basé sur une recommandation qui
émane de l'organisme de surveillance, ce soit la Cour provinciale qui
entende l'appel.
Simplement à titre d'exemple, M. le ministre, on a
souligné tout à l'heure l'exemple de l'Université Laval
où il y a eu, et on en fait état dans le rapport, une analyse par
la Commission d'accès à l'information dans le cadre de son
pouvoir de surveillance, Un rapport détaillé a été
fait par la commission ainsi qu'une réponse élaborée par
l'Université Laval dans laquelle elle accepte certaines recommandations
et s'oppose à d'autres. (17 h 30)
Si vous examinez ces rapports, il y a certainement une quinzaine, sinon
une vingtaine de problèmes qui pourraient être autant de
problèmes de droit que l'Université Laval ou une autre
université pourrait avoir à débattre devant un tribunal.
À la Commission d'accès à l'information, j'ai fait une
demande d'accès à l'information pour connaître le
coût de ce rapport qui a
été fait à l'Université Laval. La commission
n'a pu nous répondre parce qu'elle n'a pas les données permettant
de quantifier facilement les coûts de telles enquêtes. Mais je vous
souligne que, dans la réponse qu'on m'a donnée, on
énumère les gens qui ont oeuvré dans le dossier, un
dossier donc de surveillance. II y a un certain nombre de secrétaires et
de professionnels, et les trois derniers noms sont Mme Thérèse
Giroux, commissaire, Mme Carole Wallace, commissaire, et M Marcel Pépin,
président.
Le problème qui est posé là, M le ministre, c'est
que le tribunal, dans son ensemble agissant dans le cadre de son pouvoir de
surveillance, a contribué au rapport et l'a rédigé.
L'hypothèse que nous vous faisons - et c'est dans ce sens que je vous
dis qu'on se basse sur la charte et que cela n'a rien à voir avec des
avocasseries et des technicalités - c'est qu'il est impossible pour
l'Université Laval ou pour une université du Québec de
débattre un litige devant ce tribunal et s'imaginer un seul instant
qu'elle aurait droit à une audition impartiale si ce sont effectivement
les commissaires qui ont contribué à la rédaction du
rapport. C'est cela, grosso modo, le problème qu on voulait vous
souligner. Nous croyons que c'est un problème assez important et assez
fondamental.
Le parti pris, M le ministre de la Commission d accès à
l'information, est normal. Effectivement, si vous regardez, par exemple, le
rôle de la Commission des normes du travail, elle a un parti pris
favorable à l'application des normes et le législateur lui permet
d'agir dans ce sens-là pour représenter le citoyen. De la
même façon, en vertu de la Charte des droits et libertés de
la personne on s'attend toujours à ce que la Commission des droits et
libertés ait un parti pris favorable. Par contre, évidemment, ces
commissions n'agissent pas comme tribunal. C'est la différence
fondamentale. L'hypothèse que nous vous faisons, c'est que ta commission
pourrait peut-être encore mieux atteindre son rôle si elle agissait
carrément en faveur des demandeurs, quitte à les
représenter comme le font d'autres commissions.
M. French: Bon! Me Mercille, j'ai deux réponses.
Le deuxième point, c'est-à-dire l'implication des
commissaires dans une activité de surveillance, découle
directement de votre expérience et vous nous faites des recommandations
que nous allons prendre très au sérieux. Cependant, j'aimerais
vous inviter à vous pencher sur un aspect constitutionnel et juridique
de l'existence de la commission qui nous paraît important, à
savoir que la commission n'est pas comparable à la Régie de
l'électricité et du gaz. Elle n'est pas un tribunal administratif
au sens routinier de la loi, elle est un tribunal parlementaire.
Nous avons décidé ici même, en ce Parlement,
d'essayer, peut-être à tort, d'éviter que le citoyen ne se
trouve, d'un côté, à demander l'accès aux documents
et à faire face à un monolithe amplement défendu par les
juristes, défrayé par les fonds publics, un monolithe qui n'a pas
d'intérêt à donner accès ou à
révéler les documents. Pour nous, peut-être à tort,
les organismes n'ont pas de droit, ils n'ont que des responsabilités
parce que ce sont des organismes publics, et il s'agit de documents que
l'argent des contribuables a payés et a contribué à
créer pour des fins publiques.
La Cour suprême va peut-être se pencher sur votre
prétention que, lorsqu'il s'agit d'accès aux renseignements
personnels ou aux documents publics, ou de rectification de documents
personnels, les organismes ont droit à un tribunal Impartial, autant
qu'un citoyen, ils seront peut-être même d'accord pour dire que la
commission n'est pas impartiale. Mais ce que j'essaie de vous dire, c'est que
le législateur a essayé de créer un organisme qui brisait
le moule, précisément parce que, moi comme citoyen qui ne suis
pas juriste, j'aurais de la misère à étoffer une
argumentation aussi étoffée que la vôtre, mais dont
I'essentiel, d'après ce que je peux voir, c'est de protéger les
prérogatives des gestionnaires publics et dont le financement, les
salaires et l'appui proviennent de l'argent des contribuables. Je vous prie de
ne pas prendre mon argumentation de façon personnelle parce qu'elle ne
se veut pas personnelle, mais c'est une tentative de vous faire comprendre que,
si vous partez de la prémisse qu'il s'agit de deux intervenants du
secteur privé ayant, de part et d'autre, les mêmes droits devant
un tribunal impartial, pour ne pas dire en cour, vous partez de la mauvaise
prémisse pour comprendre ce que le législateur a essayé de
faire avec la Commis sion d'accès à I'information. Vous n'avez
rien compris à ce qu'on a essayé de faire.
À partir des expériences précises vécues par
les universités comme dans le cas de la surveillance, vous soulevez un
cas qui nous paraît très important. Mais tant et aussi longtemps
que vous n'avez pas compris ce que nous essayons de faire, et surtout que vous
venez nous offrir une vision assez apocalyptique de la commission sur la base
dune lecture essentiellement de principes de droit qui vous est loisible de
mais il nous paraît malheureux, en tout cas pour ma part, de voir que
vous partez - je ne l'appellerai pas un pré|udice - d'une
prémisse si négative. II me semble évident que ceux que
vous conseillez et qui viennent de nous avouer que pour eux la commission
d'accès c'est plus ou moins près de leurs préoccupations
en ce qui a trait à ses pouvoirs au sens large sont encouragés
à croire que la commission fonctionne manifestement en conflit
d'intérêts de façon injuste. Ils ne font pas de cas de la
tentative que le législateur a faite pour créer un organisme
nouveau d'un fonctionnement multiple, c'est difficile, ça va
peut-être être invalidé en vertu de la Charte des droits et
libertés de la personne. Mais encore une fois, à moins que vous
n'ayez fait une
tentative d'imaginer un autre type d'organisme, aussi longtemps on va
avoir un dialogue de sourds. En tout cas, je ne veux pas continuer
là-dessus.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. Vous
voulez peut-être répondre, M. le recteur, et je céderai la
parole par la suite à M. le député de Taillon.
M. Cloutier: Je voudrais seulement faire un commentaire
général, M. le ministre. Je veux encore une fois souligner le
fait que nous sommes désireux de collaborer pleinement à la loi
d'accès à l'information. Je pense qu'on a vu dans l'occasion qui
nous était présentée que le gouvernement avait
décidé de faire le point sur l'application de cette loi qui a
été mise de l'avant et je pense que nos recommandations ont
été faites dans le sens d'aider à modifier, à
améliorer la loi, et j'espère que c'est dans ce contexte que
c'est reçu ici par la commission parlementaire.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le recteur.
M. le député de Taillon.
M. Filion: Au nom de ma formation politique, je voudrais signaler
également à quel point je suis sensible au fait que la
Conférence des recteurs a pris la peine d'abord de bâtir un
mémoire extrêmement bien fait, extrêmement pointu, et de
prendre la peine également de nous envoyer aujourd'hui ses plus
illustres représentants à qui je souhaite la bienvenue.
D'abord, il y a un problème de droit au départ. Je pense
qu'il a été bien circonscrit dans l'échange, mais je
tiendrais quand même à signaler à Me Mercille que la
Commission des droits de la personne a un pouvoir d'enquête, de
médiation, etc. et a aussi un pouvoir d'adjudication puisqu'elle
déclare s'il y a eu ou non violation de la charte. Et cette
espèce de double mandat est contenue à l'intérieur
même de la Charte des droits et libertés de la personne. Encore
une fois, tout n'est pas toujours blanc ou noir. Et l'exemple que vous donniez
tantôt est donc plus ou moins exact. La Commission des droits de la
personne, encore une fois, a, d'une certaine façon - on
l'étudié présentement à une autre commission
parlementaire, celle des Institutions, que j'ai l'honneur de présider -
...on étudie ce problème de double et triple mandats dans
certains cas qui échoient en vertu de la charte des droits qui est notre
principale législation, une loi prédominante donc qui
échoit à la Commission des droits de la personne.
Alors, tout cela pour dire que, en ce qui concerne la Commission
d'accès à l'information, les législateurs, il y a cinq
ans, ce sont surtout, je pense, attardés à une
réalité où il y avait un rapport de forces. Rapport de
forces, organisme public financé à même des fonds publics
par rapport à des individus. Il n'y a pas de bon ni de méchant
là-dedans. Il y a juste un rapport de forces. Il y a juste des
organismes qui ont des systèmes d'organisation bien organisés,
bien sûr on l'espère, et qui ont des buts tout à fait
légitimes. À l'université, on dispense le haut savoir et
la plupart des gens qui sont de l'autre côté sont passés
par là. Un peu partout dans la société, on en retrouve des
produits. Il en va de même dans plusieurs autres secteurs.
Bref, le législateur, à l'époque, a voulu
s'immiscer dans un rapport de forces, faire modifier certaines attitudes,
certains comportements, et cela a donné la Commission d'accès
à l'information. Ce qui est Important cependant, et là je suis
très sensible à ce que vous dites, c'est que la Commission
d'accès à l'information doit, lorsqu'elle rend justice, le faire
de façon tout à fait impartiale, dans le processus de la justice.
Vous avez vécu deux expériences, selon les discussions qu'il y a
eu tantôt. En plus, vous faites allusion aux 16 demandes, qui ont
été faites également dans le cas de demandes abusives,
etc. Nous avons, quant à nous, parcouru l'ensemble de la jurisprudence.
Ce n'est pas évident, mais je prends note de votre point de vue, selon
lequel, dans ce mécanisme de rendre justice, il y aurait peut-être
eu excès à votre avis, mais ce n'est pas mon avis jusqu'à
maintenant.
Ce qui m'a frappé énormément, par contre, c'est
l'enquête à la page 16, 17 et 18 de votre mémoire. Je crois
comprendre - MM. Cloutier et Gervais, sentez-vous à l'aise de me
répondre - que les enquêtes de la Commission de l'accès
à l'information n'ont pas été vécues sous un ciel
bleu serein, à ['Université Laval et à l'Université
du Québec à Trois-Rivières. Peut-être que le rapport
a semblé un peu sévère aux universités
concernées. D'ailleurs, j'ai eu aussi l'occasion de prendre connaissance
d'un article écrit dans le journal des étudiants de sciences
politiques de l'Université Laval sur les suites au rapport. Ma question
est la suivante: Dans ces enquêtes, dans le processus d'enquête -
bien que ce ne soit pas dit textuellement - est-ce que les universités
ont vécu une situation qu'elles qualifient d'injuste?
M. Gervais (Michel): Je vais essayer de répondre à
votre question, M. le député. Je dirais d'abord que cela a
été vécu... Je n'ai pas participé à cette
enquête et je n'ai pas eu à répondre aux demandes de la
commission, mais j'ai eu le témoignage de ceux et celles qui l'ont
vécue. L'expérience, chez nous, est que tout ceci ne s'est pas
fait dans un climat de confiance, Au contraire il semblait présider
à toute l'opération une sorte de méfiance devant des gros
méchants qui ne veulent pas donner les renseignements ou qui veulent
protéger la confidentialité de tous les documents de
l'université. D'abord, l'enquête s'est faite sans justification
apparente. De fait, les universités, en général, avaient
fait, dès
1972, une déclaration par laquelle elles adhéraient
à des principes qui ont été codifiés dans la loi,
par la suite. L'Université Laval, en particulier, a été
une des premières à appliquer les dispositions de la foi de la
façon la plus scrupuleuse possible.
Voici qu'arrive cette enquête qui a duré tout un mois, qui
a engagé des gens. De mémoire, je cite les services suivants qui
ont été impliqués dans cette enquête: le
secrétariat général, le bureau du registralre, la
bibliothèque, le centre de traitement de l'information, le service des
activités sportives, l'association des anciens de l'Université
Laval, le service de sécurité, santé et prévention.
À notre avis, cela a été extrêmement
coûteux.
Ce qui est sorti de cette opération est un rapport de la
commission, lequel comportait - et pour être honnête, il faut le
dire - un certain nombre de recommandations très positives que nous nous
sommes empressés de mettre en oeuvre, mais aussi un ensemble de
recommandations tout à fait inapplicables et un certain nombre d'autres
recommandations qui méconnaissaient complètement la nature des
activités universitaires et des conditions de son exercice. (17 h
45)
Je vous donne comme exemple l'idée que seulement pouvait avoir
accès aux fichiers des étudiants le personnel du bureau du
registraire. Cela ne tenait pas compte du fait qu'il y a des directeurs de
programmes, des directeurs d'ensemble et autres, le vice-recteur aux
études qui peut avoir, par fonction, l'obligation de consulter ce
fichier. Lorsqu'on faisait l'admission aux études de deuxième et
troisième cycles, il y avait une demande sur la situation
financière des étudiants Ce n'était pas une
curiosité maladive. On voulait savoir quels étaient les
étudiants qui avaient obtenu des bourses. C'est un critère
très important dans le choix des étudiants diplômés
que la capacité pour ces étudiants d'avoir obtenu des bourses de
la part des organismes subventionnaires. Ils obtiennent ces bourses de la part
des organismes subventionnaires. Ils obtiennent ces bourses après des
concours, et cela veut dire bien souvent que c'est le témoignage qu'ils
sont parmi les meilleurs étudiants. Ce n'est donc pas un renseignement
qu'on cherche à avoir par curiosité, mais pour exercer
correctement notre fonction.
L'université est une institution de recherche. Il peut y avoir
des chercheurs dans le domaine des sciences de l'éducation ou dans un
autre domaine qui ont besoin d'avoir accès à des fichiers par
mode d'échantillonnage et autrement, et un excès d'obligation de
déclarer entraîne des conséquences négatives. La
cerise sur le gâteau, c'est qu'à un moment donné on nous a
fait la remarque qu'on ne devrait pas transmettre une donnée
particulière au ministère de l'Enseignement supérieur et
de la Science. Or, il y a une de nos recommandations qui fait
référence à cela. C'est une donnée que toutes les
universités du Québec sont obligées de transmettre au
ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science pour la
constitution du fichier RECU, Recensement des clientèles universitaires,
aux fins du calcul des clientèles étudiantes.
Ce n'est pas tout. Ce rapport ayant été reçu, if a
fallu y répondre. C'était un rapport de 60 pages. Il a fallu
consulter à nouveau tous ces intervenants dont j'ai parlé
tantôt et reconstituer des commentaires pour la commission ne sachant
trop, d'ailleurs, ce qu'elle allait en faire parce qu'elle pouvait tout
slmpelment les laisser de côté et dire: Nous avons le pouvoir
ultime de décision et vous allez faire cela comme ça. Je dirais
qu'on entre vraiment dans des difficultés d'application de la loi
propres aux universités, et c'est un peu pour cela qu'on est ici.
J'ajouterai cependant, en me référant à des commentaires
qui ont été faits précédemment: bien sûr, en
tout cas, j'ai bien compris que l'intention du législateur, il y a cinq
ans, était de rétablir un certain équilibre entre le
citoyen individuel aux prises avec une immense machine. M. French a bien
décrit cette Intention du législateur. On n'en a pas contre cela,
je pense. Il faut tout de même être réaliste et tenir compte
que, derrière certains Individus qui demandent une série de
renseignements à des institutions comme l'université, vous pouvez
avoir des associations étudiantes qui ne manquent pas de revenus, des
syndicats de professeurs ou d'autres employés qui peuvent avoir des
moyens très considérables, et le fait que dans des
décisions antérieures, la commission ait semblé toujours
aller dans le même sens nous inquiète, comme universités,
par rapport à l'avenir. C'est le sens des propos que nous avons tenus
dans la première partie.
M. L'Espérance: Je voudrais peut-être rappeler un
vieux principe que le président de la commission a sûrement retenu
du cours de droit que nous avons fait ensemble il y a quelques années,
à peine... Le Président (M. Trudel): C'est gentil.
M. L'Espérance: ...c'est que non seulement faut-il que
justice soit rendue, mais également qu'il apparaisse que justice soit
rendue. Et je pense, M. le ministre, qu'il suffirait de quelques petits
ajustements dans la conception de la commision elle-même pour justement
donner suite à cette idée d'équilibrer les rapports de
forces. J'en suis et je partage tout à fait cet objectif, mais en
rendant à la commission son rôle d'enquête, d'appui du
citoyen, d'appui de la personne qui, face à une grosse machine, a besoin
de ce qu'il faut pour l'aider dans sa démarche. Et je pense que c'est
excellent comme principe.
Mais si on était capables de trouver une structure qui fasse
qu'il y a une partie de la commission qui soit une partie d'aide aux citoyens
et, dans un deuxième niveau, des commis-
saires qui fassent partie de la commission et qui ne soient pas partie
prenante dans la première partie du travail... Et je pense que c'est
peut-être réalisé justement dans la Charte des droits et
libertés de la personne parce qu'il y a un premier commissaire qui fait
cette analyse et on arrive par la suite à l'ensemble des commissaires
qui, à partir d'un premier travail, se réunissent, et c'est un
tribunal qui est composé de plusieurs autres personnes. Et la solution
qu'on préconise, que ce soit à la Cour provinciale, on le dit, ce
n'est pas forcément cette solution-là qu'il faut adopter, mais
arriver à Imginer une structure qui puisse, aux yeux de la personne qui
s'adresse à la commmision dans son aspect adjudicateur... qu'on fasse
affaire quand même à un tribunal qui n'a pas préparé
ia cause. Je veux dire un juge qui est saisi d'une cause, M. le ministre, et
qui a déjà été partie, se désiste,
déclare son intérêt et donne ia cause à une autre
personne. Alors, c'est cet aspect qu'il faut essayer de réaliser.
M. French: M. L'Espérance, pouvez-vous nous citer le cas
que vous avez vécu ou que l'université québécoise a
vécu où vous faisiez face à un banc qui n'était pas
de façon manifeste impartiale dans une décision qui, au fond,
violait les droits de l'institution aux prises avec le problème.
Je ne parle pas de la question de la surveillance et le fait que
l'Université Laval a vécu une mauvaise expérience, parce
que ce n'est pas de cela dont on parle. Cela, c'est un autre problème et
je comprends bien. Moi-même, j'ai dit à plusieurs reprises
lorsqu'on a étudié le projet de loi que cela faisait
complètement fi des réalités de la vie universitaire, mais
j'ai passé pour un intellectuel peu pratique.
Si vous pouvez le croire - avec raison, dit le président - la
version avec laquelle vous vivez n'est pas très bien, d'après ce
que je peux voir et je comprends pourquoi. Je ne parle pas des pouvoirs de la
commission, des fonctions de surveillance et tout le reste. Ce régime
est déjà beaucoup plus léger que le régime
prévu dans la loi originale et c'était beaucoup sur notre
insistance. Alors, si c'est toujours trop lourd, on va essayer de le changer.
Mais pour ce qui est du côté de l'adjudication, encore une fois,
il faut nous offrir autre chose que le traité de droit administratif,
que tout le monde a étudié en faculté de droit qui a une
vision type d'un organisme que nous n'avons pas voulu utiliser, justement parce
qu'il ne répondait pas aux besoins.
Je vous souligne que vos recommandations ne satisferaient pas votre
conseiller juridique. Il dit beaucoup plus que cela et votre mémoire dit
beaucoup plus que cela.
Le Président (M. Trudel): Avez-vous des commentaires,
messieurs? M. le député de Taillon.
M. Filion: Ce matin, on a reçu le Bureau d'assurance du
Canada. Je comprends un peu votre réaction. Je lis la déclaration
de principe des universités du Québec sur la transmission des
renseignements aux membres des communautés universitaires. Elle a
été adoptée en 1972. Elle va trois fois plus loin que ce
que le Bureau d'assurance du Canada a comme code de déontologie en
1987-1988, Donc, d'une certaine façon, je comprends bien les
universités qui disent: On s'est autoréglementés pas mal
et les problèmes existaient bien avant la venue de la Loi sur
l'accès à l'information, bien avant il y a cinq ans, etc.
Cependant, je me suis amusé en prenant votre mémoire à
classifier les recommandations que vous nous faites. Sur 19 recommandations, il
y en a quatre qui visent à diminuer le rôle et les pouvoirs de la
commission; neuf recommandations visent à restreindre l'accès aux
documents; trois recommandations visent à dispenser les
universités d'obtenir le consentement des personnes concernées
pour la communication des renseignements personnels; deux recommandations
visent à instaurer des assouplissements administratifs en faveur des
universités - je peux vous donner le numéro si vous le voulez -
et une recommandation vise à élargir, à la faveur des
universités, l'accès à certains renseignements personnels.
Cela fait un bilan relativement biaisé, pour employer l'expression de
tantôt, qui penche d'un côté. Encore une fois, je comprends
l'expérience de l'enquête qui a pu avoir lieu, mais il me semble
que votre vue de la commission ne devrait quand même pas être toute
d'une couleur.
M. Gervais (Michel): Là-dessus j'aimerais répondre
Bien sûr, vous avez une présentation qui fait ressortir le
mémoire de la Conférence des recteurs comme bien négatif
par rapport à l'existence de cette loi, de cette commission, mais on
pourrait présenter les choses autrement et dire que les dix
recommandations qui visent à restreindre l'accès ont quand
même comme arrière-fond une volonté très claire qui
existe depuis des années et qui est antérieure à
l'existence de la loi de rendre les documents accessibles. On pourrait dire que
les trois recommandations qui visent à dispenser le consentement sont
trois cas où il y avait des difficultés d'application de la
présente loi, étant donné la réalité
universitaire. Mais cela a comme arrière-fond l'idée qu'on doit
de manière générale avoir le consentement. Vous pourriez
dire que c'est un rapport qui va à ('encontre de la loi, mais je crois
que l'arrière-fond de cela est au contraire un accord fondamental, non
seulement avec les objectifs poursuivis, mais aussi avec une grande partie des
modalités prévues dans la loi. Nous avons essayé de faire
ressortir certaines difficultés d'application propres au milieu
universitaire. Je pense que c'était notre rôle. Je dirais que,
derrière certaines de nos recommandations particulières, il y a
peut-être un aspect fondamental qui est notre objectif de faire en
sorte
que le législateur fasse confiance à la personne
désignée comme responsable de l'accès. Cela ne veut pas
dire lui donner carte blanche, lui faire un chèque en blanc, mais lui
faire confiance et lui permettre d'assurer une application intelligente et
responsable de la loi, quitte à ce que la commission se donne la
possibilité de réprimer les abus et d'entendre les plaintes, bien
sûr.
M. Filion: Encore une fois, j'ai fait tantôt un peu la
chronologie des recommandations, je les al classifiées moi-même,
mais cela ne change pas le fait que plusieurs recommandations que vous faites,
et je veux que vous le sachiez, rejoignent la préoccuaption d'autres
groupes, notamment, si on pense aux articles 34, 35 et 67, si ma mémoire
est bonne, à la recommandation 14, etc. Alors, je ne disais pas cela
dans le sens que vos préoccupations sont issues de mirages ou de
fantasmes. Au contraire, cela rejoignait ce que plusieurs groupes nous ont dit
et, quant à nous, c'est dans ce sens-là qu'on va les examiner
studieusement, une par une.
Quant au problème de droit qu'on signalait au départ, je
pense que cela vaudrait peut-être la peine qu'on s'y remette, mais tout
en sachant qu'on est en train de faire un exercice analogue, en tout cas, quant
à moi, avec la Commission des droits de la personne. Vous savez, le
problème vient du double mandat. Chaque fois qu'on demande à un
organisme de faire plus d'une chose à la fois, cela crée une
certaine confusion. Et c'est vrai des universités à qui on
demande bien des choses en même temps. Les étudiants peuvent se
plaindre à l'occasion de ces mandats, de ces fonctions multiples. C'est
le cas de la Commision des affaires sociales, c'est le cas
d'énormément d'organismes. Mais, à un moment donné,
il faut quand même être capable, je pense, administrativement
parlant, de regrouper dans une même boîte différentes
fonctions; autrement, on divise des Instances, on multiplie des instances,
devrais-je dire, et, en termes de gestion, cela crée une série de
problèmes.
Soyez quand même assurés que de notre côté,
nous allons examiner ces recommandations une à une; plusieurs sont,
à leur face même, des plus intéressantes et nous allons
nous y attarder. Quant à nous, merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Taillon. M. le ministre.
M. French: Merci, M. le Président. Très rapidement,
je retiens qu'il y a un certain nombre de problèmes avec le
fonctionnement de la loi et son application à la vie organisationnelle
de l'université, outre la question de l'évaluation et des
étudiants. Laissons faire cela; c'est de la gestion. Ce que vous avez en
commun très largement avec d'autres organismes, ce sont des
problèmes de gestion comme on le voit dans l'exposé de la CUM ce
matin, ou celui de la STCUM hier, d'Hydro-Québec, de la
Société des alcools, qui ont des problèmes de
procès-verbaux, etc.
Deuxièmement, vous avez vécu, et c'est très
intéressant pour nous, une surveillance qui n'a été le cas
d'aucun témoin. Donc, c'est très valable et on vous remercie des
descriptions extrêmement claires de la problématique. Cela nous
aide et nous éclaire beaucoup. Il va falloir qu'on se penche
là-dessus.
Un dernier point, et c'est unique dans les universités, en
fonction d'évaluation extrêmement importante par rapport à
votre existence et le transfert de ces évaluations et des
renseignements, qui sont dans les normes de la vie académique, d'une
instance à l'autre et entre Instances, vous créent de gros
problèmes, d'après ce qu'on peut voir. Plusieurs recommandations
tournent autour de cette problématique. Nous aurons donc à nous
demander s'il sera possible de faire refléter cette vie
académique davantage dans les exigences de la loi et dans les
prérogatives données aux administrateurs d'organismes
éducatifs.
En tout cas, je vous remercie beaucoup. J'ai trouvé tout cela
très intéressant. Nous apprécions au plus haut point
l'effort que vous avez fait pour nous exposer l'ensemble de vos
problèmes et |e vous assure que nous allons les étudier un par
un. Je n'exclus pas du tout la possibilité qu'on communique avec vous
pour avoir davantage de renseignements.
Le Président (M. Trudel): Merci. M. le ministre. MM. les
recteurs, madame et messieurs, il me reste à mon tour, au nom de la
commission à vous remercier de vous être déplacés
aujourd'hui de Montréal et de Québec - le déplacement de
Québec était sûrement moins long que celui de
Montréal - pour venir nous exposer votre point de vue. Je retiens une
chose et je vous la laisse pour ce qu'elle vaut - M. Michel L'Espérance
le rappelait tantôt - ayant fait à la fois des relations publiques
et du droit, pas nécessairement dans cet ordre, peut-être
auriez-vous eu avantage à faire rédiger par un spécialiste
en relations publiques ce qui avait été préparé par
des avocats. Il me semble qu'on se serait moins attardés au ton de la
première partie de votre mémoire à tout le moins et
beaucoup plus aux recommandations fort pertinentes pour quelques-unes et sur
lesquelles j'aurais aimé faire des commentaires, mais voilà plus
d'une heure et vingt minutes que nous sommes avec vous, et nous sommes à
la fin d'une autre longue journée. J'aurai probablement l'occasion,
notamment avec M. L'Espérance, dans un avenir rapproché de
commenter votre mémoire. Merci de votre présence et bon retour
à Montréal.
M. Cloutier: Merci.
Le Président (M. Trudel): M. le recteur, avez-vous...
M. Cloutier: Merci, M. le Président, si vous le permettez,
je voudrais dire seulement quelques mots pour mettre en perspective un peu la
présentation. Le député de Taillon m'a rappelé tout
à l'heure que, comme recteur, tous les jours, plusieurs personnes
viennent me voir. Lorsqu'elles viennent me voir, c'est qu'elles ont des
problèmes, ce n'est pas parce qu'elles ont des solutions. On est
arrivés devant vous aujourd'hui un peu comme des écoliers ou
comme des professeurs qui vont voir leur recteur et qui leur disent: On a un
tel problème. On a peut-être souligné, sans mettre en
perspective l'importance de cette loi, sa valeur et son implication. Il faut
mettre les choses en perspective.
Je voudrais seulement rappeler trois choses qui, je pense, sont
essentielles dans notre rapport Ce qu'on a voulu vous présenter, c'est
d'abord un désir d'une certaine souplesse dans l'application de cette
loi. Deuxièmement, c'est qu'il y ait peut-être une certaine
adaptation de la loi aux besoins particuliers de la situation universitaire.
Troisièmement, on a soulevé devant vous le problème du
rôle de la commission elle-même qui est un problème plus
fondamental, je l'admets, mais qu'on vous offre, comme un problème qu'on
voit. On a fait des recommandations pour améliorer la situation, mais il
peut y en avoir de meilleures C'est dans cet esprit qu'on vous a fait la
présentation aujourd'hui. Je vous remercie au nom de la
Conférence des recteurs.
Le Président (M. Trudel): Merci. La commission ajourne ses
travaux jusqu'à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 18 h 3)