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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mercredi 10 février 1988 - Vol. 29 N° 45

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale concernant le rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plaît!

Est-ce que les conversations privées de deux députés de la rive sud sont terminées?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Trudel): Merci. La commission de la culture reprend ses travaux dont le mandat consiste à procéder à une consultation générale sur le rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Aujourd'hui, nous accueillerons six groupes à compter de maintenant jusqu'à ce soir, 18 heures. Nous allons immédiatement inviter le premier groupe à prendre place à la table des témoins, en face de moi. Il s'agit de la Table de concertation "télématique et libertés". Tantôt, j'ai reconnu M. Péladeau, M. Gilles Tardif et Mme Louise Rozon. Madame, si vous voulez bien prendre place. Je vous souhaite la bienvenue à cette séance de la commission de la culture. Le ministre des Communications me prie d'excuser son absence. Il est au Conseil des ministres ce matin. Il viendra nous rejoindre dès que la réunion sera terminée. N'allez pas conclure de la longueur de la séance à l'importance de la séance. Il n'y a souvent pas beaucoup de lien.

M. Filion: Au contraire.

Le Président (M. Trudel): Au contraire, dit le député de Taillon.

Madame et messieurs de la Table de concertation "télématique et libertés", je vous souhaite la bienvenue à la commission de la culture. Je vous résume encore une fois, ainsi que pour d'autres intervenants plus tard, les règles du jeu. Nos Invités ont plus ou moins 20 minutes pour exposer leur mémoire, pour en faire un résumé. Les mémoires ont tous été lus par les membres de la commission, ils ont été résumés non seulement par ceux qui nous les font tenir, mais également par le personnel de ta commission. Ne vous sentez pas obligés - je m'adresse directement à nos invités - de nous relire tout le mémoire, d'autant plus que le vôtre est impressionnant à la fois par son contenu et son nombre de pages. Ensuite, chaque formation politique a 20 minutes pour discuter avec vous.

Sans plus tarder, je vais céder la parole à la personne d'entre vous qui veut la prendre.

Table de concertation télématique et libertés

M. Tardif (Gilles): Je voudrais d'abord vous remercier de nous offrir la chance d'exposer notre mémoire devant cette commission et vous souligner que mes collègues vont répondre aux questions. Je vais surtout tenter de résumer le mémoire que nous vous avons présenté en vous signalant que M. Péladeau agit à titre de personne-ressource pour la Table de concertation "télématique et libertés". Dans la mesure où les gens ne pouvaient pas se déplacer, il est un peu leur porte-parole.

Mme Rozon est permanente à l'ACEF du centre de Montréal et je suis moi-même Ici au nom de la Ligue des droits et libertés.

Le mémoire a été préparé par la Table de concertation "télématique et libertés", une table qui a été constituée depuis 1983 à l'Initiative de ta Ligue des droits et libertés à la suite de l'éclatement de scandales dans les listes noires de locataires.

Depuis, la table de concertation a tenté d'intervenir chaque fois que les droits et libertés étaient mis en cause par un usage discutable de renseignements personnels ou des technologies d'information. Elle s'est penchée sur la réforme du Code civil et tes législations canadiennes et québécoises en matière de protection de renseignements personnels, des services de télématiques câblodistribués, des systèmes de transfert électronique de fonds, l'usage de détecteurs et des tests médicaux, le projet de fichier clientèle d'Hydro-Québec et d'autres sujets.

Les membres actuels de cette table sont l'ACEF, centre de Montréal, l'Association des consommateurs du Québec, la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec, l'ACEF de Laval et celui du sud-ouest de Montréal, le Groupe de réflexion et d'intervention sur les nouvelles technologies, le Regroupement des comités de logements et des associations de locataires, la CSN. la CEQ et la Ligue des droits et libertés.

Lors du dépôt de notre mémoire, trois organismes avaient signé, soit: La Ligue des droits et libertés, l'Association des consommateurs du Québec et l'ACEF du centre de Montréal. Depuis, l'ACEF Laval est devenue cosignataire et les autres adhérents feront parvenir à la commission leur endossement dès qu'il sera possible, au fur et à mesure que leurs instances prendront leurs décisions.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, nous aimerions d'abord souligner que la question de la protection des renseignements personnels au Québec est un sujet important, surtout quand il faut indiquer clairement des limites dans le

contexte actuel au Canada et particulièrement au Québec.

Le droit canadien prévoit depuis quelques années que tes renseignements concernant les citoyens et citoyennes du Québec accumulés par quelque organisme public ou privé que ce soit peuvent être détournés de leur finalité pour être utilisés à des fins politiques par des ministères et des organismes gouvernementaux, canadiens et québécois.

Concrètement, cela veut dire que la Loi sur le service canadien du renseignement de sécurité permet ce genre de choses et les renseignements détenus par n'importe quel organisme pourront être utilisés à l'encontre de personnes dont le seul tort est d'exprimer une ou des opinions à l'encontre des intérêts politiques du gouvernement canadien. Ces mesures de surveillance à l'endroit d'un nombre important de personnes qui, par ailleurs, ne commettent aucun crime et ne projettent nullement d'en commettre jettent une hypothèque bien lourde sur tes lois que la présente commission parlementaire entend étudier. Nous demandons donc que le gouvernement du Québec se joigne à nos organisations pour demander à Ottawa que la Loi sur le service canadien du renseignement de sécurité soit modifiée pour exclure définitivement la dissidence politique de son champ d'application et pour assurer un contrôle adéquat des activités du SCRS.

De façon générale, nous voulons dire que la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels doit être maintenue et que la surveillance de son application doit demeurer sous la responsabilité d'un organisme indépendant, telle la Commission d'accès à l'information. Nous croyons fermement que l'on doit maintenir la possibilité de recourir à un tribunal indépendant et accessible où la citoyenne ou le citoyen peuvent se présenter sans avocat dans les délais les plus courts possible de façon à ce qu'un différend soit tranché entre les parties.

En vertu des mêmes principes, nous sommes d'accord avec la recommandation de la commission proposant que, en cas d'appel d'une des décisions, les frais d'avocats engagés par la citoyenne ou le citoyen soient défrayés par les fonds publics. Plusieurs des demandes et recommandations de notre mémoire impliquent cependant que soit modifié le mandat actuel de la commission. Outre le mandat d'information, il y a notamment celui de susciter la participation large et démocratique de la population et des organismes intéressés à la maîtrise sociale des impacts sociojuridiques du développement des systèmes de traitement des renseignements personnels.

Dans notre mémoire, nous nous sommes également déclarés d'accord avec les recommandations de la commission d'accès en général, surtout quant au volet de protection des renseignements personnels de la loi Nous avons proposé certains amendements de détail visant à faciliter l'exercice des droits des individus. Cependant, quelques-unes des recommandations de la commission représentent des reculs inacceptables, particulièrement celtes relatives aux articles 65 et 74 de la loi traitant respectivement des exigences liées à la collecte de renseignements personnels et des enregistrements de consultation. Nous avons fait des contre-propositions susceptibles d'assouplir l'application de ces articles sans reculer sur les principes qui les sous-tendent.

La loi d'accès et la création de la Commission d'accès à l'information ont certes permis de faire avancer la protection et la promotion des droits d'une société un peu plus démocratique. Cependant, les grandes décisions en matière de protection des renseignements personnels comme la création de fichiers, les décisions d'effectuer des couplages ou des communications de renseignements, affectent les droits de milliers de personnes, voire de millions d'individus, et ces décisions continuent de se prendre en catimini dans les officines gouvernementales, à l'insu des personnes concernées. C'est pourquoi nous exigeons que soit reconnue la nécessité de consulter les citoyennes et les citoyens concernés par l'implantation de changements relatifs aux systèmes d'information et aux services impliquant des renseignements personnels les concernant, donc de leur transmettre les renseignements pertinents portant sur la nature des changements et les Impacts possibles sur les services et les personnes concernés avant l'adoption définitive du projet.

À ce chapitre, les résolutions adoptées récemment par le congrès général du Rassemblement des citoyennes et citoyens de Montréal montrent la voie des développements que devrait connaître la législation québécoise en matière de protection de renseignements personnels.

Récemment, une première expérience de participation a été tentée par un organisme public québécois. Cependant, cette tentative a avorté avant même d'être véritablement amorcée. Il s'agit d'un cas qui constitue encore un litige impliquant plusieurs des organismes membres de cette table et que nous voulons rappeler à la commission.

En mai 1986, Hydro-Québec décidait de consulter les associations de consommateurs avant de revoir sa politique à la clientèle. Il est d'ailleurs tout à l'honneur d'Hydro-Québec de poser un tel geste. Cependant, sur plusieurs points, la consultation se poursuit toujours, mais il est un point où les discussions sont closes, soit la mise sur pied d'un superfichier qui contiendrait une foule de renseignements personnels sur chacun des nouveaux abonnés de l'entreprise d'État. Hydro-Québec a décidé d'aller de l'avant dans cette direction sans même répondre aux objections et aux questions des associations de consommateurs. Hydro-Québec avait déclaré, par la voix de son représentant: On vous répondra une fois la directive adoptée. Cela oblige

donc à demander publiquement des réponses que nous avons d'ailleurs faites en novembre dernier.

En fart, qu'est-ce que les associations de consommateurs reprochent ou ont à redire à ce projet? Il leur manquait tellement de détails sur ce projet de fichier qu'il devenait très difficile d'argumenter très sérieusement. Les associations de consommateurs ont soulevé des objections de principe à sa mise sur pied et ont invoqué la nécessité de protéger la vie privée des clients tout en signalant de nombreuses questions qui exigent des réponses claires avant d'aller plus loin.

Sur le plan des principes, les associations critiquent le fait que tout ce projet pénalise l'ensemble de la clientèle, alors que l'un des principaux objectifs d'Hydro-Ouébec est de pouvoir retracer une toute petite minorité de fraudeurs. Pour pouvoir coincer quelques individus qui jouent à déménager sans payer leurs comptes, on soumet tout le monde a un contrôle quasi policier. Par ailleurs, la possibilité évoquée par Hydro-Québec de remplacer les renseignements à fournir par un dépôt remboursable après un an apparaît très discriminatoire. Cela voudrait presque dire qu'il faudrait ainsi payer le droit d'avoir accès à sa vie privée.

Les questions que nous nous posons dans ce contexte ont mis évidemment Hydro-Québec mal à l'aise parce que généralement elle ne connaissait pas les réponses aux questions que nous posions. Nous croyons que c'est la rançon de l'improvisation. Une fois son fichier implanté, Hydro-Québec devra pourtant répondre à beaucoup de ces questions dans les déclarations qu'elle devra fournir à la Commission d'accès à l'information. Pourquoi ne pas y répondre maintenant pour que la discussion puisse s'engager? Plusieurs de nos questions sont encore justifiées. Par exemple, sur les mesures de sécurité. Nous avons appris que des agences de recouvrement, des associations de propriétaires de logements locatifs et même des agents d'immeubles ont obtenu et continuent d'obtenir d'employés d'Hydro-Québec des renseignements confidentiels sur des abonnés. Le mutisme dans lequel s'est réfugiée la société d'État est loin de nous rassurer.

Des associations de consommateurs et les organismes signataires du mémoire réclament donc une reprise du processus de consultation sur ce fichier. Hydro-Québec devra tout particulièrement répondre aux questions déjà soulevées et s'engager à faire une étude sur l'impact social de la création de son fichier. Dans ces demandes, nous revendiquons un droit de regard des populations sur les pratiques informationnelles qui les concernent et qui les affectent. Nous ne voulons plus nous contenter seulement qu'une loi protège nos vies privées contre l'usage abusif. Nous désirons avoir notre mot à dire sur l'élaboration des systèmes qui affecteront notre qualité de vie, notre autonomie, nos droits et libertés.

Trop de projets Importants sont actuellement en cours d'élaboration. Par exemple, le carnet de dossiers santé informatisée, l'expérimentation des cartes de débit, l'expérimentation de services télématiques à domicile. Ces projets sont importants. Ils risquent d'affecter les droits de la qualité des citoyens pour des années, voire des décennies à venir. C'est pourquoi nous voulons participer à leur élaboration.

La commission d'accès a soulevé dans son rapport la question d'opportunité de réglementer le secteur privé quant à la protection des renseignements personnels. Au Québec, cette problématique fait l'objet d'un consensus de plus en plus grand. En 1982, le scandale des listes noires de locataires, véritable système organisé de discrimination, lançait définitivement le débat chez nous. Depuis cette date, comme l'indique le rapport de la commission, cette problématique n'a cessé de préoccuper des segments de plus en plus importants de la société. De plus en plus de citoyens contactent nos organismes pour se plaindre de diverses atteintes à leur vie privée ou de certaines pratiques douteuses des entreprises privées.

En 1985, les représentants du gouvernement du Québec, des mondes patronal et syndical, de l'industrie informatique, des universités et des groupes socio-économiques faisaient consensus sur le fait que, à l'instar des pays européens les plus avancés, le Québec se dote, à brève échéance, d'une loi assurant la protection des renseignements personnels détenus par les organismes privés et devaient étudier d'autres modalités susceptibles de renforcer cette protection. En 1987, l'Assemblée nationale adoptait le projet de loi 20 portant réforme au Code civil du Québec Incluant un chapitre intitulé "Du respect de la réputation et de la vie privée." Bref, en quelques années, le débat public sur cette question est passé rapidement de "doit-on imposer certaines règles de conduite au secteur privé?" à "comment assurer et compléter de manière satisfaisante l'application des quelques principes de base édictés au Code civil?"

L'adoption de ce chapitre du Code civil était attendue depuis longtemps. Dès 1982, le gouvernement du Québec nous brandissait ce projet de chapitre comme remède aux fameuses listes noires de locataires. Depuis cette date, chaque fois que de simples citoyens ou que des associations ont dénoncé publiquement diverses atteintes, le projet de loi est désigné comme une solution. Rien, absolument rien ne saurait justifier le gouvernement de retarder plus longtemps la mise en vigueur de ce chapitre sur le respect de la réputation et de la vie privée. La mise en application immédiate du chapitre ne posera aucun problème de concordance entre l'actuel Code civil et le nouveau Code civil du Québec. Il s'agit d'un chapitre distinct et autonome du reste du code.

Nous demandons donc au gouvernement du Québec: 1° de mettre en vigueur dans les plus

brefs délais le chapitre du Code civil du Québec relatif au respect de la réputation et de la vie privée; 2° de voir immédiatement à préciser sectoriellement les conditions et les modalités d'exercice des droits énoncées à ce chapitre afin d'éviter aux individus d'avoir à se présenter devant des tribunaux de droit commun pour ce faire. En effet, le coût et la lenteur d'un tel recours risquent de décourager le simple citoyen de faire respecter ses droits légitimes, alors que, entre-temps, tes dommages découlant d'une décision prise sur la base de renseignements erronés sont devenus irréparables.

Nous proposons que le secteur d'intervention prioritaire soit celui des agences d'information sur les consommateurs. Pour le reste, nous identifions en priorité les secteurs suivants: tes banques et les compagnies émettrices de cartes de crédit, les compagnies d'assurance-vie et de régimes de rentes, tes employeurs, les fournisseurs et les utilisateurs de réseaux de communication et enfin les autres Intermédiaires et commerçants de données, tels les fournisseurs de listes d'adresses, les agences de placements, les experts en sinistre, les enquêteurs privés, etc.

Nous savons qu'un comité interministériel étudie les quelque 175 recommandations du rapport L'identité piratée et doit formuler pour le gouvernement une politique d'action détaillée. Nous comptons réagir de manière approfondie lors de la publication de cette politique. Cependant, nous désirons remarquer un accord général avec l'esprit de l'ensemble des recommandations du rapport, particulièrement quant à l'urgence et à la nécessité d'une intervention publique, les droits au débat public et l'objectif d'une maîtrise sociale de l'informatisation de la société.

Un grand nombre d'employeurs et presque toutes les compagnies d'assurances de personnes exigent un test médical avant d'embaucher une personne ou de l'assurer. Certains employeurs auront recours à des agences privées d'investigation qui, entre autres, recueillent des renseignements médicaux auprès des tiers et surveillent les agissements des personnes. Les compagnies d'assurances font souvent de même dans les cas où il y a eu réclamation de la part d'une assurée ou d'un assuré. Ces enquêtes s'ajoutent aux tests médicaux et aux longs questionnaires sur les antécédents médicaux exigés avant l'embauche ou la conclusion d'un contrat d'assurance. La Ligue des droits et libertés de la personne en particulier a reçu plusieurs plaintes à ce sujet. Les gens percevaient les enquêtes comme une intrusion injustifiée dans la vie privée, car l'enquêteur posait plusieurs questions ayant trait au caractère, à la réputation et au style de vie auprès des voisins, des amis et des parents. De plus, ils y voyaient une atteinte à la réputation, étant ainsi considérés comme des personnes de mauvaise foi. (10 h 30)

La psychose du SIDA, le développement de nouveaux tests permettant de déceler non plus des maladies, mais de simples prédispositions génétiques incitent les entreprises privées à recourir de plus en plus à des batteries de tests dont la pertinence et la fiabilité demeurent douteuses. Le problème est d'autant accru qu'il existe des réseaux de communication de tels renseignements, comme, par exemple, le Medical Information Bureau, sur lequel personne n'a aucun contrôle. C'est pourquoi nous réclamons que soit balisée l'utilisation de tels tests afin d'éviter les abus, les atteintes à la vie privée et aux droits et libertés.

En concluant, nous voudrions souligner que les recommandations que nous avons soumises dans notre mémoire visent à consolider et à renforcer la liberté fondamentale des citoyens et citoyennes face aux pressions dépersonnalisantes des appareils bureaucratiques publics et privés. La survie du caractère démocratique de notre société dépend de notre habileté à faire face à ces pressions, alors que s'érige une économie de l'information. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le Président Voilà un mémoire, à mon avis, très fouillé, fort bien fait, en un mot ou en deux plutôt, très impressionnant, ce qui devrait nous amener à réfléchir, à la suite de votre réflexion, à la question de l'élargissement possible de la loi actuelle au secteur privé. Ce n'est pas une question facile, vous en conviendrez.

Mes premières questions ne porteront pas sur cet aspect, je suis convaincu que mes collègues vont le faire, d'un côté ou de l'autre de cette table. Vous insistez beaucoup - et je vous comprends - notamment aux pages 27, 32 et 33... Je vous avoue que je vous écoutais tantôt, j'ai lu votre mémoire deux fois, vous en avez fait un excellent résumé et on avait un peu de peine à vous suivre tantôt parce qu'on fouillait à gauche et à droite pour savoir où vous étiez rendu, et vous avez peu abordé cette question, me semble-t-il - peut-être en avez-vous parlé pendant que j'essayais de chercher où vous étiez rendu sur une autre question - de l'implication de la population, du rôle à jouer dans la mise en oeuvre de politiques de renseignements. Vous en parlez à la page 27 et vous en pariez aux pages 32 et 33, aux endroits où vous avez quelques phrases sur l'émergence d'un droit nouveau. Vous faites référence à la situation aux États-Unis, ce qui, à mon avis, est intéressant. Vous semblez suggérer, si j'ai bien compris, à peu près la même solution pour le Québec.

Je vous amène, monsieur, à la page 32, à la toute dernière ligne, pour que vous précisiez, car j'ai mal compris ou je comprends que cela suit ce que vous avez dit à la page 27: "Nous demandons donc que la loi d'accès soit modifiée pour inclure l'obligation pour les organismes d'associer les citoyens et citoyennes à tout projet de fichier, de couplage, de communication, etc. Ces modifications devront prévoir des modalités. Nous demandons aussi que cette même obligation soit

prévue pour le secteur privé." Est-ce que vous pourriez expliquer quelque peu, me donner une idée, notamment de ce que pourraient être ces modalités? C'est une question importante qui m'intéresse au plus haut point.

M. Péladeau (Pierrôt): En fait, les membres de la table de concertation ont surtout statué sur les principes de la concertation et de la participation des citoyens. Pour ce qui est des organismes du secteur public, les modalités restent à définir. Il y en a certaines qui ont déjà été définies largement. Les lois américaines définissent très largement ces modalités dans la mesure où on dit simplement que les projets doivent être publicisés et que les organismes doivent donner l'occasion à toute personne concernée de faire des représentations, de présenter des mémoires ou des commentaires sur ce projet. Dans la loi américaine, on laisse finalement aux organismes concernés le soin de gérer ces modalités de participation des citoyens à l'élaboration des fichiers ou la consultation préalable.

Concernant les modalités possibles, en tout cas, il y a celles qui sont décrites aux pages 43 et 44 relativement aux propositions adoptées lors du congrès du RCM de novembre 1987 où, d'une part, une fois que le projet a été suffisamment élaboré pour être en voie d'adoption, on demande que, éventuellement, le conseil municipal fasse une consultation publique avant l'implantation, donc avant l'investissement de fonds dans ce projet, et, en plus, qu'on fasse une contre-expertise autonome avant cette consultation. C'est une méthode qui peut être applicable. Le RCM fait également une suggestion dans les cas où les services affectent des bénéficiaires ou des groupes d'individus particuliers. C'est la recommandation 11.6, à la page 44. En fait, on demande d'associer les bénéficiaires à la création des fichiers.

On en a cité plusieurs exemples, en particulier la mise sur pied d'une carte de vaccination, à Blois où on a décidé, dès le départ, d'impliquer les gens. On s'est rendu compte que cela avait des effets. On a cité aussi l'exemple de la ville d'Igny, un exemple assez semblable d'ailleurs à ville de Berkeley, en Californie, où il y a une commission municipale et quand il y a là des investissements importants dans le domaine informatique ou de nouveaux fichiers, on consulte les élus, donc, les modalités, on n'a pas voulu les préciser. En fait, on est en pleine expérimentation à ce niveau. L'expérience d'Hydro-Québec, c'est une expérience qui a avorté, mais où il y avait un organisme qui, volontairement, associait dans les débuts - l'élaboration du projet de fichier allait durer environ deux ans - les associations de consommateurs à l'élaboration de ce fichier. On n'a pas voulu définir les modalités. Elles seraient à définir selon les fichiers et selon les organismes. Tout cela pour répondre en un mot.

Le Président (M. Trudel): Je vous remercie. Une autre question; je vous ramène sur une tout autre chose. C'est un sujet que vous abordiez au tout début de vos recommandations lesquelles, on le sent, appuient de façon générale celles de la commission; je veux parier du droit d'appel.

Vous savez que certains groupes ont remis en question le principe même de ce droit d'appel. D'autres groupes, au contraire, ont dit: II faut absolument le conserver. Je suis à la page 3 de votre résumé, je pourrais retrouver l'original dans votre texte. Vous dites, dans la liste des recommandations à 3.2, que, en cas d'appel ou de révision d'une décision de la commission, les frais d'avocats engagés par la citoyenne ou le citoyen devraient être défrayés par les fonds publics. C'est aussi une recommandation qui nous a été faite par quelques groupes. Dois-je comprendre que vous acceptez, comme organisme représentatif d'autres organismes, comme table de concertation, que le droit d'appel soit maintenu tel quel, tel qu'il existe actuellement dans fa loi?

M. Péladeau: Le droit d'appel est évidemment un couteau à double tranchant. Évidemment, le droit d'appel peut être avantageux pour les simples citoyens pour faire valoir leurs points et faire corriger éventuellement les erreurs de droit, en particulier qui auraient pu être commises par la commission. Dans ce sens-là, le droit d'appel peut être avantageux. Le désavantage, la commission l'a évidemment signalé, c'est que les organismes publics se servent de ce droit d'appel comme un moyen de contrecarrer les décisions de la commission. Dans ce sens-là, à notre avis, le principe de l'appel ou de la révision d'une décision de la commission doit rester. On n'a pas statué sur le fait que ce serait un appel sur le plan juridique ou une simple révision en droit des décisions de la commission, mais on considère, pour ce qui est de la question du principe, qu'on doit pouvoir faire réviser, au minimum en droit, les décisions de la commission et, dans tous les cas, on demande que s'il y a appel, dans la mesure où le citoyen ou la citoyenne qui ont fait appel à la commission s'attendaient à avoir un recours peu coûteux, dans ce cas-là, on constitue un fonds pour défrayer les coûts d'avocat encourus par les citoyens. Les modalités pourraient être déterminées dans la mesure où les organismes qui seraient peut-être éventuellement déboutés auraient peut-être à contribuer au fonds; cela pourrait être un fonds autofinancé, mais nous sommes pour le maintien du principe d'un recours en appel ou en révision, mais nous ne nous prononçons ni dans un sens ni dans l'autre de façon définitive.

Le Président (M. Trudel): Très bien. Toujours dans vos recommandations, aux recommandations 12.3 et 13.2, on parle finalement un peu toujours de la même chose, des renseignements

personnels, des profils informatiques. J'aimerais vous entendre davantage sur ces recommandations. 12.3 se lit: "Que tout projet de fourniture au secteur privé de renseignements personnels détenus par un organisme public fasse l'objet par la commission d'une étude fouillée et d'une consultation publique."

Vous allez peut-être me dire que les mots patient d'eux-mêmes, mais j'aimerais quand même vous entendre préciser. Quant à moi, J'aime beaucoup votre recommandation 13.2. J'ai déjà eu quelques problèmes avec ce genre de profil, qu'on a convenu d'appeler profil informatique; peut-être pourriez-vous insister quelque peu sur la notion de profil informatique parce que c'est une question extrêmement importante et qui n'est pas nécessairement comprise facilement par tout le monde?

M. Péladeau: D'accord. Pour ce qui est de la recommandation 12.3, concernant la fourniture au secteur privé de renseignements personnels détenus par un organisme public, déjà la commission veut avoir le moyen de suivre ce genre de fourniture et éventuellement l'autoriser. Nous, ce qu'on ajoute, c'est dans le sens de la question du principe de consultation publique et de participation. On ajoute que ce genre de fourniture devrait faire l'objet de consultation publique. En fait, ce qui motive cela, c'est l'expérience de plusieurs organismes membres de la table de concertation vis-à-vis... Notamment, la table de concertation s'était prononcée, si je me souviens bien, en mars 1983, concernant les renseignements publics détenus par la Régie du logement qu'elle venait d'informatiser. Par ce fait même, dans la mesure où ces renseignements étaient publics, éventuellement n'importe qui, y compris à l'époque une association de propriétaires qui cherchait justement à remettre en cause la juridiction de la Régie du logement, pourrait s'en servir pour construire de façon automatique des listes noires de locataires ayant utilisé ou eu recours à la Régie du logement, finalement... d'avoir fait l'exercice des droits prévus par la loi.

On a eu cette expérience qui nous fait rendre compte que des renseignements fournis par le secteur public, qui ont été recueillis pour une fin, peuvent, une fois qu'ils ont franchi la barrière du secteur public, servir à des fins tout autres que celles qui avaient été prévues initialement. Ce sont un peu les effets pervers de la dissémination de renseignements personnels, ies renseignements recueillis pour une fin peuvent servir à toute autre fin une fois qu'ils sont disséminés. Donc, il s'agissait de contrôler ces cas, de pouvoir les prévoir et d'éviter, éventuellement, des détournements de finalités qui n'avaient pas été prévus initialement. Le sens de cette recommandation, c'est que la commission n'ait pas seulement le pouvoir d'étudier ces fournitures de renseignements, mais que les personnes concernées puissent éventuellement fournir les informations à la commission pour qu'elle puisse prendre une décision éclairée. Souvent, ces fournitures peuvent aussi être faites en vertu de contrats entre l'organisme public et l'organisme acheteur d'informations, et on pourrait prévoir certaines modalités qui pourraient contrôler cette diffusion. C'est pour la recommandation 12.3.

Pour ce qui est de 13.2, l'usage de profils informatiques, les membres de la table de concertation se sont beaucoup inspirés de l'expérience française à ce sujet. En fait, ce dont on se rend compte, notamment dans le domaine de la consommation, dans le domaine des assurances, dans le domaine des institutions financières, c'est que, de plus en plus, les décisions qui affectent les personnes sont prises sur la base de profils statistiques, c'est-à-dire une grille de pointage qu'on élabore. C'est-à-dire qu'on a élaboré une cote de risques et en fonction des comportements d'un certain nombre de personnes, on va établir qu'une personne appartient à une telle catégorie socio-économique représentant un risque X. Ce ne sont pas les caractéristiques de la personne individuelle qui servent à prendre la décision, mais les caractéristiques sociologiques de ta personne. (10 h 45)

L'usage de profils informatiques est de plus en plus utilisé, que ce soient des profils sociologiques ou autres, dans la mesure où c'est de moins en moins sur la base du dossier personnel de la personne qu'on prend la décision, mais en fonction de son appartenance à un groupe. Je peux donner des exemples américains là-dessus. II y a eu l'exemple d'une commission scolaire qui avait recueilli des informations socio-économiques sur les élèves d'écoles secondaires et, à partir de ces données, tous les élèves qui appartenaient à un groupe socio-économique où on retrouvait en général un certain pourcentage significatif de délinquants ou de jeunes faisant l'usage de drogues ont été pointés par le système informatique, alors qu'il n'y avait aucune prédisposition signalée, mais comme ces jeunes appartenaient à un groupe sociologique identifiable dit à risques, on les a identifiés, on leur a imposé un programme particulier de formation qui "discriminait" par rapport au reste de la formation que recevaient les jeunes des écoles secondaires.

On a un exemple de ce genre de pratique dans le secteur public, il y en a d'autres qui se sont développées un peu partout dans le secteur privé. Ces exemples montrent que, de plus en plus, la prise de décision se fait pour des raisons d'efficacité, en fonction de statistiques plutôt qu'en fonction des personnes qu'on a vraiment devant nous.

Le Président (M. Trudel): Je me permets de vous arrêter et de vous demander si, dans la foulée de ce que vous me dites et des exemples que vous nous donnez, votre recommandation qui

fait partie du chapitre sur les tests médicaux et proposant que les compagnies d'assurances des personnes tiennent compte de l'état réel de santé dans leur calcul de risques ne peut pas être rattachée un peu à ce que vous me dites. Au fond, on parle aussi de profils...

M. Péladeau: Ce sont des profils, sauf que si on prend le cas des compagnies d'assurances, des régimes de rentes, il faut se rappeler que, en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne, la Commission des droits de la personne a le pouvoir en tout temps d'intervenir, de réglementer et d'interdire l'usage de certains types de discrimination ou l'usage de certains critères dans l'établissement des risques. Donc, le cas des assurances de personnes est déjà couvert par la Charte des droits et libertés de la personne.

Le Président (M. Trudel): D'accord. Une dernière question en ce qui me concerne. Tout en prenant acte de l'appui que vous accordez aux recommandations du GRID, que nous rencontrons immédiatement après vous et avec lequel nous discuterons sans doute de façon plus approfondie de ces recommandations, je voudrais aborder finalement, parce que le temps presse - il ne reste qu'à peu près quatre minutes à ma formation politique - la question de la protection des renseignements personnels dans te secteur privé. Je le disais au début de l'intervention, voilà une question Importante et délicate. Je pense que l'analyse que vous en faites est bien faite. En tout cas, elle m'a amené à réfléchir longuement. En admettant que, pour les fins de la discussion, bien sûr, et pour des fins d'étude par la suite, la commission retienne votre suggestion et que, par la suite, le gouvernement retienne la suggestion ou la recommandation de la commission - nous sommes dans la double hypothèse, et peut-être peut-on espérer que cela se réalise - comment voye2-vous l'assujettissement de tout ce secteur à la loi? Quel rôle la Commission d'accès à l'information pourrait-elle tenir dans cette...

M. Péladeau: Nous savons que c'est une question que la table de concertation n'a pas vraiment tranchée dans la mesure où elle n'a pas pu... En fait, ce que la table de concertation attend pour pouvoir trancher, pour pouvoir se prononcer dans la mesure où les seules recommandations que nous avions entre les mains étaient justement celles de L'identité piratée et qu'on ne savait pas comment cela serait pris par le gouvernement... Sur ces questions, la table de concertation s'est réservée la possibilité de commenter plutôt les recommandations qui seront faites par le comité interministériel, parce qu'à la lecture des documents, les membres de ladite table de concertation se sont rendu compte qu'on s'est demandé si la Commission d'accès à l'information pourrait être l'organisme le plus adéquat pour régir le secteur privé dans la mesure où, déjà, l'Office de la protection du consommateur a une petite Juridiction concernant les agences d'informaiton. Il s'agit d'une harmonisation à faire des mandats vis-à-vis du secteur public et du secteur privé et, dans ce sens-là, on n'a pas abordé spécialement ces questions.

Le Président (M. Trudel): Merci. Avant de céder la parole au député de Taillon, je voudrais simplement vous répéter que votre mémoire est l'un des plus fouillés et des mieux faits, sans jeter le discrédit sur les autres qu'il nous a été donné de lire. Je retiens, entre autres, votre demande pressante - vous nous en avez fait part aussi par conférence de presse il y a trois semaines, un mois ou un peu plus - de mettre ce chapitre du Code civil en vigueur le plus rapidement possible. Nous en prenons acte à cette commission de la culture. J'ai l'habitude de dire, avec mon ami de Saint-Jacques: La culture est dans tout et tout est culture. C'est une décision quand même qui revient au ministre de la Justice. Peut-être pourrions-nous demander au ministre, quand il sera ici aujourd'hui, de faire le message à son collègue. De toute façon, je suis convaincu que l'Opposition, en particulier le député de Taillon qui est également critique en matière de justice, se fera un plaisir de faire le message au ministre.

Quant à moi, je vous remercie d'abord de nous avoir fait parvenir un mémoire d'une telle qualité et de vous être déplacés ce matin pour venir nous rencontrer. Je cède la parole au député de Taillon.

M. Filion: M. Péladeau ainsi que les gens qui vous accompagnent, je dois vous dire que j'ai été extrêmement impressionné par la qualité du travail que vous nous avez présenté. Le président vient de le mentionner. Il s'agit, à mon avis, d'un document, d'une étude, d'une recherche et d'une réflexion qui aurait probablement avantage à être publiée, d'ailleurs. Je n'aurai pas besoin d'acheter le livre parce que j'ai déjà une copie du mémoire. Ce n'est pas parce que mon collègue, le député de Saint-Jacques, un homme éminemment préoccupé par la question de l'édition des livres, est avec moi, ce matin, que je le dis. J'ai remarqué, d'ailleurs, au début de votre mémoire, que vous avez fait appel, comme de bons professeurs le font, à certaines ressources de l'UQAM, probablement des étudiants au département des sciences juridiques. Mais pour tous les secteurs je dois vous dire que j'ai été très impressionné.

II y a Ici des représentants de la Commission d'accès à l'information qui suivent nos travaux. Il y a des gens de différents groupes qui suivent nos travaux, et je suis convaincu que le mémoire que vous avez déposé leur servira, comme à moi, de document de référence. Il y a évidemment, et c'est normal, un parti pris dans votre mémoire, mais il y en a un également à l'intérieur de la loi. La loi d'accès à l'informa-

tlon constitue un part! pris. Il y a un "biais" de dégagé en faveur de la protection des renseignements confidentiels et de l'accès à l'information. Donc, en ce sens, ce que je qualifierais de parti pris dans vos prises de position ne modifie ou n'amoindrit pas la portée de vos commentaires et de votre réflexion. Au contraire, cela vient tes alimenter, en particulier, toutes les références que vous faites à ce qui se passe à l'extérieur du Canada et du Québec. C'est extrêmement intéressant. C'est une recherche qui a dû demander beaucoup de temps et qui vient nous apporter l'éclairage d'autres pays, d'autres démocraties occidentales qui ont fait des choix beaucoup plus poussés que les nôtres.

J'ai été frappé de voir à quet point, notamment en France, la législation et la réglementation sont avancées en ce qui concerne la protection des renseignements judiciaires, ici, au Québec, depuis un an, l'Opposition harcèle le ministre de la Justice pour qu'il cesse, pour que son ministère cesse de vendre les données informatiques contenues dans les greffes des palais de justice à des firmes de crédit qui ne sont aucunement contrôlées par la loi sur l'accès à l'information.

En France, non seulement on a dépassé cette étape, sur le plan de l'éthique, mais on est rendu avec une réglementation extrêmement sévère qui interdit la divulgation de dossiers judiciaires, civils ou criminels à des tierces personnes. Ici, le ministère les vend. Je ne sais pas si on se rend compte de la disproportion qui peut exister dans les attitudes et les mentalités. Et, dans ce sens, votre mémoire est extrêmement précieux parce qu'il nous apporte l'éclairage d'autres démocraties. Évidemment, au Québec, on a fait un bout de chemin. Il faut savoir que la loi n'est en vigueur que depuis cinq ans. Elle a un peu plus de dents depuis trois ans; c'est très peu. Mais II faut quand même regarder l'avenir.

La première question que pose votre mémoire, et le président l'a bien soulevé à la toute fin de son Interrogation... parce qu'en ce qui concerne l'assujettissement des organismes publics financés par le gouvernement, les 3500 organismes touchés par la loi, en tout cas le rapport de mise en oeuvre et votre mémoire contiennent un peu certaines remarques, commentaires - vous me corrigerez si vous le jugez à propos - mais de façon générale je pense qu'on est plus à l'étape de la modulation.

Le grand problème de base est évidemment l'assujettissement du secteur privé. Le rapport de mise en oeuvre de la commission est timide sur ce sujet. J'emploie le qualificatif que j'ai employé hier. Il y a un peu de timidité à ce sujet. Votre mémoire va beaucoup plus loin. L'argumentation est bien développée aux pages 13, 14 et suivantes de votre mémoire. Là aussi, j'ai été frappé du fait que, en Grande-Bretagne, le gouvernement conservateur de Mme Thatcher en 1984 a adopté une loi, "Data Protection Act", qui vise à assujettir le secteur privé en ce qui concerne l'accès à l'information et la protection des renseignements.

Dans votre mémoire, vous dites, et je le cite: 'Le Data Protection Act de 1984 avait été demandé et soutenu par l'industrie des services informatiques britanniques." J'apprends quelque chose encore dans votre mémoire: "La Banque Royale s'est faite le champion de la signature d'un accord Canada-États-Unis sur la protection de la vie privée dont elle a traité dans plusieurs publications et colloques. Ainsi, ce n'est pas seulement au Québec que le débat a nettement dépassé la question de savoir si, oui ou non, l'État doit intervenir."

Ensuite, vous justifiez tl fait que le secteur privé, par la suite dans votre mémoire, doive maintenant être assujetti à des normes visant à protéger le citoyen et à permettre également un accès intelligent à l'information. Vous faites allusion à ce qui existe maintenant: les guichets intelligents Cela me fascine de voir le développement de l'informatique. Dans combien de mois ou d'années, avec une carte de crédit, pourra-ton tout avoir? Cela avance très rapidement.

Si les informations détenues dans les bandes informatiques centrales sont fausses ou erronées pour te citoyen, on peut imaginer le genre d'inconvénient, d'ennui qui pourra se développer. Au fond, tout ce que sous-tend le problème des bandes informatiques, c'est: Lorsque l'information est exacte ce n'est quand même pas si pire, bien que cela constitue déjà une forme de société de surveillance. Mais lorsque l'information est inexacte, c'est: Bonne chance tout le monde! Aller changer ce qui est contenu dans l'ordinateur et qui vous empêche de faire en sorte que votre petite carte de crédit universelle vous donne accès aux biens ou services que vous avez demandés.

Ma première question porte donc sur cet assujettissement du secteur privé. Vous demandez également l'application du chapitre du Code civil traitant de la protection de la réputation, le respect de la vie privée. J'y reviendrai tantôt.

Ma première question là-dessus, M. Péladeau, et je sais que vous y avez réfléchi, c'est: À votre avis, est-ce qu'il serait opportun pour le législateur maintenant, uniquement cinq ans après l'adoption de cette loi, alors que nous en sommes encore à une étape de modulation du cadre juridique que nous nous sommes donné, de procéder maintenant à inclure tout ce pan de mur qu'est le secteur privé - cela fait allusion aux compagnies de crédit, aux compagnies d'assurances, aux institutions financières, etc. - à inclure ces corporations, ces organismes du secteur privé dans une législation coercitive? Ne risquerait-on pas de brûler un peu les étapes ou croyez-vous plutôt qu'il faut agir et maintenant? C'est plutôt le "maintenant" sur lequel porte ma question. C'est une question d'opportunité dans le temps. (11 heures)

Le Président (M. Trudel): M. Péladeau, si

vous me le permettez et si le député me permet une interruption très brève, retenez votre réponse à la très longue question du député de Taillon.

M. Filion: C'était un commentaire, pas une question, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Oui, un commentaire plutôt qu'une question, j'en conviens. Je voudrais souligner - on le fait rarement dans de telles commissions, mais il est rare qu'on ait la visite d'une telle qualité au Québec - j'aimerais souligner la présence dans cette salle de M. Jean-Claude Artigny qui est président, comme par hasard, de la Commission de la culture du Conseil général de la Martinique. Bienvenue en cette salle! Bienvenue au Québec et heureux séjour! Le député de Louis-Hébert m'a demandé, si vous consentez M. le député de Taillon, d'intervenir une fraction de seconde. M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président, simplement pour reprendre vos mots, je voudrais souhaiter la bienvenue aux gens de la Martinique. Il est en train de s'établir des liens d'amitié particuliers entre le Québec et la Martinique. Nous avons beaucoup de choses en commun et nous sommes en train de les redécouvrir. Alors, une mission officielle que j'ai faite en Martinique au mois de décembre a maintenant des suites avec la présence du président de la commission de la culture et le vice-président du Conseil général de la Martinique qui est ici. Je leur souhaite la bienvenue. Je me permets d'exprimer le souhait que ces relations se continuent, donnent des fruits qui soient tangibles, concrets, et j'invite les Québécois à regarder la Martinique d'une façon très spéciale, parce qu'on y compte beaucoup d'amis là-bas. J'ai été en mesure de m'en rendre compte. J'espère que l'accueil que nous vous réservons ici sera à la hauteur de l'amitié que nous vous portons. Merci beaucoup.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. te député de Louis-Hébert. M. le député de Taillon.

M. Filion: Au nom de ma formation politique, je voudrais également vous souhaiter la bienvenue, ainsi qu'aux personnes qui vous accompagnent d'une façon aussi splendide, et vous souhaiter le plus agréable séjour, non seulement dans cette enceinte parlementaire, qui est la maison du peuple québécois, mais également dans tout votre séjour ici au Québec.

Le Président (M. Trudel): M. Pétadeau, la séance reprend. Vous avez eu sûrement le temps de réfléchir à la question qui vous a été posée?

M. Péladeau: Oui, c'est cela, quoique la Martinique fasse rêver. La question du "maintenant". En fait, si on la prend au sens chrono- logique, il faut se rendre compte qu'on ne s'est pas posé cette question en Europe. On a agi dans tous les pays simultanément dans le secteur public et privé, y compris en Grande-Bretagne où c'était d'ailleurs demandé par l'industrie des services informatiques. C'est d'ailleurs pourquoi la Banque Royale souhaite un accord Canada-États-Unis là-dessus. C'est que dans la mesure où l'on se dirige vers une économie de l'information et que justement II y a libéralisation des échanges dans le secteur des services, H y a déjà une certaine libre circulation de l'information. Mais déjà cela implique que, pour que l'industrie des services puisse être compétitive, elle puisse, au moins, garantir un même niveau de protection des renseignements personnels qui sont traités par ces industries.

Donc, déjà pour ce qui est du "maintenant", il y a le fait que - c'est peut-être une question qui ne s'est pas posée ailleurs - dans la mesure où, en Europe, on a légiféré en même temps, et qu'aux États-Unis aussi on a légiféré à peu près en même temps, sauf qu'on a procédé, plutôt que par une loi universelle, par des lois sectorielles, dans le secteur public et certaines dans le secteur privé. Il faut se rendre compte que, pour ce qui est de certaines entreprises, comme par exemple les agences d'information, comme les bureaux de crédit qui sont au centre du réseau de communication de renseignements personnels dans le secteur privé, le Québec est très en retard par rapport au reste du continent. En fait, de tous les États américains, de toutes les provinces canadiennes, le Québec fait partie des trois seules juridictions où il ne s'applique pas de législation de protection de renseignements personnels concernant les agences d'information, et Indirectement les compagnies d'assurances, tes institutions financières, les employeurs qui utilisent ces dossiers.

Pour ce qui est de la question du "maintenant", d'autant plus, dans le contexte de libéralisation des échanges, c'est le temps ou jamais de s'ajuster pour permettre à l'industrie de pouvoir connaître les règles du jeu qui vont s'appliquer dans l'avenir concernant la protection des renseignements personnels et pour faciliter la libre circulation de l'information. Quand on va en Martinique, on sort la carte de crédit et l'information circule. Il y a un marché mondial d'information. Donc, il faut respecter et jouer les règles du jeu. De toute manière, le Canada a adhéré en 1984 aux lignes directrices de l'OCDE concernant la protection des renseignements personnels dans le secteur public et privé et si on veut jouer les règles du jeu des pays développés, il faut adopter notre propre législation.

M. Tardif: Je voudrais simplement ajouter deux mots.

Premièrement, je voudrais vous faire remarquer que le mémoire que nous présentons n'est pas seulement le fruit d'un rapport d'experts nombreux et qualifiés, mais aussi le fruit

d'appels que les organismes reçoivent, d'une tradition qui date depuis plusieurs années de pratique, de cas et de dossiers sur lesquels nous avons à traiter, et je voudrais signaler que la Ligue des droits et libertés quant à celle était une des premières au Québec à insister, avec des personnes qui ont travaillé avec Pierrôt et avec d'autres, pour développer ce dossier et stimuler d'autres associations dans tout le Canada, les États-Unis ou l'Europe à s'intéresser au dossier. C'est un rapport plus large que simplement un rapport d'experts.

Deuxième chose que j'aimerais ajouter à ce qui vient d'être dit sur la question "pourquoi maintenant"? C'est un peu comme on l'a vu pour Hydro-Québec, ces développements technologiques et informatiques ne sont pas le fruit du hasard. Ils sont programmés, planifiés et ils font l'objet d'un processus d'implantation qui dure plusieurs années. Si on ne le fait pas maintenant, ce n'est pas seulement que les données qui sont là vont s'accumuler et pourraient être erronées, mais c'est aussi le fait qu'il serait encore plus difficile d'intervenir dans un processus déjà enclenché C'est maintenant que plusieurs compagnies comme les banques sont en train de finaliser leur système; donc, on peut encore Intervenir pour les influencer, avoir une participation des citoyens comme nous le souhaitons et éviter d'être obligés de forcer tout le monde à revenir derrière, à refaire leur classe.

Je vous donne comme exemple l'expérience qui a été vécue à Montréal II y a quelques années avec des organismes communautaires pour l'implantation du système Télidon, un système canadien expérimental. Déjà, à cette époque, la compagnie Bell, pour ne pas la nommer, avait un plan de recherche opérationnel sur deux ans qu'elle a entièrement transféré à des entreprises privées et commerciales qui, elles, vont bientôt, d'ici un an ou deux, commencer à utiliser, comme on l'a dit dans notre mémoire et comme certains le savent maintenant dans les journaux, des systèmes de commandes à domicile et d'achat, etc.

C'est un long travail auprès des entreprises, et j'imagine que plus on attend, plus il deviendra difficile et extrêmement onéreux pour les entreprises privées d'accepter des transformations ou des modifications. C'est donc, je pense, pour une bonne raison le temps de faire quelque chose maintenant.

J'aimerais ajouter un dernier élément. Je pense que vous pouvez regarder comme moi la plupart des journaux et chaque fois qu'on a des révélations sur l'état des banques d'information ou l'état des données, elles sont en général fausses. On pense au SCRS, par exemple, où il y a eu certaines révélations et je rappelle aussi à M. le député qu'un certain ministère, à une certaine époque, avait une liste conçue au ministère des Affaires sociales qui avait choqué plusieurs organismes, mais encore là, la confection et la cueillette des données suivaient les mêmes procédures que les compagnies privées peuvent utiliser maintenant. Donc en général, la plupart de ces données sont fausses. C'est pourquoi nous insistions à l'époque et nous Insistons toujours maintenant pour que les citoyens puissent avoir accès à ce qui est inscrit, à ce à quoi cela va servir pour des tiers ou d'autres réseaux qui pourraient l'utiliser.

Je pense que cela vient ajouter de l'importance à cette commission pour faire quelque chose maintenant.

M. Filion: Évidemment, sachez qu'on est au coeur d'une de nos principales préoccupations quand on parle de cela. Je dois le souligner, j'ai été également frappé à la page 27 de votre mémoire et j'attire l'attention de mes collègues un petit peu là-dessus, sur la loi fédérale américaine, M. le Président, le "Privacy Act" - et cela m'amène au cas d'Hydro-Québec - qui oblige les organismes publics à Informer à l'avance le Congrès américain, l'Office of Management and Budget ainsi que la population américaine, et tout cela doit se faire par la publication d'un avis public pour tout projet de constitution d'un fichier de renseignements personnels ou de la modification d'un tel fichier.

Là, ce sont nos amis, les Américains, champions de la liberté, de l'entreprise privée. On ne nous dit pas à quand remonte le "Privacy Act", peut-être-Une voix: En 1974.

M. Filion: En 1974. C'est à peu près dans le temps de Lyndon B. Johnson ou...

Une voix: Nixon.

M. Filion: Nixon. Mais quand même ce que je veux dire par là, c'est que ce n'était pas nécessairement l'époque la plus...

Le Président (M. Trudel): Il peut y avoir des exceptions dans une carrière politique.

M. Filion: ...libérale, mais cela donne un bon exemple.

En ce qui concerne Hydro-Québec, j'ouvre une parenthèse. On a reçu les représentants d'Hydro-Québec hier. Vous pourrez prendre connaissance du Journal des débats d'ailleurs lorsqu'il sera reproduit à la suite de nos travaux. L'accès à l'information ici circule assez bien. Des fois, cela retarde un peu, mais de ce temps-ci je crois que la publication du Journal des débats se fait assez rapidement. Ce que m'ont dit essentiellement les représentants d'Hydro-Québec hier - vous pourrez le lire verbatim - ...d'abord, iI faut leur rendre un peu hommage. Au moins, ils ont consulté un peu avant de bâtir leur fichier de renseignements. En ce sens-là, au moins - je ne sais pas si je leur al dit hier - il faut leur donner crédit pour cela. Deuxièmement,

à M. le secrétaire général d'Hydro-Québec, j'ai posé la question spécifiquement et il m'a répondu que, quant à lui, les pourparlers n'étalent pas terminés avec les groupes. J'ai mentionné la Ligue des droits et libertés, l'Association des consommateurs. Bon, je vous invite peut-être à... C'est peut-être un coup de téléphone qui manque pour faire en sorte que le contact se rétablisse entre vos organismes et Hydro-Québec concernant son superfichier de renseignements.

C'est là que l'on voit l'opportunité ou l'à-propos d'une loi comme la "Privacy Act" qui règlerait beaucoup de problèmes, mais à HydroQuébec - il faut quand même rendre à César ce qui lui appartient - au moins, il a consulté un peu avant.

Ma deuxième question porte sur le chapitre du Code civil ayant trait au respect de la vie privée et de la réputation. C'est uniquement une partie, vous le dites bien dans votre mémoire. Vous sous-entendez bien dans votre mémoire, sans le dire clairement, qu'il ne s'agit là finalement que d'une partie de solution, mais vous en demandez l'entrée en vigueur immédiate. De ce côté-là, est-ce que vous avez eu des nouvelles récemment ou est-ce qu'il y a des développements de votre côté à cette demande-là au ministère de la Justice? Quant à nous, évidemment, on l'a demandé. Le ministre de la Justice a déjà dit qu'il avait l'intention de tout adopter en bloc, mais qu'il était de plus en plus ouvert à certaines exceptions à ce principe-là. On va continuer à faire pression de notre côté, mais de votre côté, je me demandais si vous aviez des points additionnels que vous voudriez mentionner aux membres de cette commission pour que le message se rende bien au ministère de la Justice.

M. Péladeau: Pour l'essentiel du message, on est bien heureux de savoir que M. Marx réétudie la question, parce qu'il y a trois semaines ce n'est pas ce qu'on a eu comme réponse. Mais tout ce que l'on veut signaler, c'est que l'adoption de ce chapitre du Code civil ne poserait aucun problème de concordance. Il est vraiment tout à fait autonome dans le code. Ce qui fait que sa mise en vigueur immédiate ne poserait pas de problème d'harmonisation au sein du code. Évidemment, il faudrait peut-être en l'adoptant mettre à jour les dispositions de la loi sur la protection des consommateurs concernant les agences d'information parce qu'elles seront nettement dépassées par les dispositions du Code civil. Donc il y aurait peut-être de l'harmonisation à faire, du rattrapage à faire, mais pour ces dispositions il n'y a pas à craindre de problèmes de concordance pour les avocats et les étudiants en droit.

M. Filion: Une dernière question. Sur les tests médicaux, votre mémoire apporte plusieurs recommandations intéressantes et plus particulièrement, à mon modeste avis, celles portant les numéros 1 et 6 à la page 40 de votre mémoire où vous dites: "Nous recommandons que la cueillette de renseignements médicaux auprès des tiers autres que le médecin personnel ne devrait être permise que lorsqu'il y a contestation du rapport médical ou lorsqu'un doute raisonnable de bonne foi existe sur la base de faits." Également, recommandation 6: "Que la recommandation de la Commission des droits de la personne du Québec soit appliquée, c'est-à-dire que les tests médicaux ne soient demandés qu'après une offre conditionnelle d'embauché."

Évidemment, c'est un peu vague. Avec nos recherchistes on pourra étudier cela. Il reste que c'est difficile de voir de quelle façon nous pouvons intégrer concrètement cette partie de la problématique, à savoir tes tests médicaux, l'intégrité physique, etc., parce que cela découle de l'intégrité physique, dans la loi sur l'accès à l'information à laquelle nous sommes un peu limités dans nos travaux. Je ne sais pas si vous avez réfléchi un peu à ce problème d'arrimage, si l'on veut, entre la question des tests médicaux et la loi actuelle.

M. Péladeau: En fait, il nous semble clair qu'il serait difficile d'arrimer cela. En fait, on est partis de la problématique que, pour plusieurs organismes, les associations de consommateurs, la Ligue des droits et libertés, les syndiqués, notamment la CSN, avec le problème des tests médicaux, il y a comme une frénésie. Cela va peut-être passer, mais il y a présentement, on le constate, une espèce de frénésie devant l'usage des tests médicaux à l'embauche ou dans le domaine de l'assurance. Nous, une des possibilités qu'on voyait, c'était éventuellement dans te cadre d'une loi sectorielle. Si l'Assemblée nationale ou le gouvernement du Québec optait pour des réglementations sectorielles, on pourrait régir l'usage des renseignements médicaux comme cela a été fait aux États-Unis par le biais de lois qui touchaient précisément les compagnies d'assurances, les courtiers et tout l'appareil qui s'ensuit, et les agences d'information de renseignements médicaux, tel le Medical Information Bureau.

Donc, ce serait plus dans une approche sectorielle, semble-t-il, que cela pourrait être spécifié. Pour ce qui est du secteur public, éventuellement, il serait possible, par des directives claires, de régler les problèmes. C'est un problème, à notre avis, qui tient un peu de la frénésie, d'aller chercher de l'information, parce qu'il n'y a pas de justification. Cela va peut-être être une mode qui va passer. On le souhaite. J'aimerais que ce soit clairement spécifié parce que les problèmes aujourd'hui, ils existent, ils sont urgents à régler.

M. Filion: Le président me fait signe à propos du temps. M. Péladeau, Mme Rozon, M. Tardif, je voudrais vous dire que le collectif que vous avez présenté ce matin, autant par votre mémoire écrit que par votre présentation verbale est des plus réussis. Quant à nous de l'Opposi-

tion, nous vous en remercions.

Le Président (M. Trudel): Merci, madame et messieurs, et bon retour chez vous. Nous allons suspendre une minute. J'annonce immédiatement qu'il y a un changement dans l'ordre des groupes ou des gens que nous allons recevoir. M Sohet que nous devions recevoir à midi a aimablement accepté de céder - je l'en remercie - son droit de parole pour cette heure aux représentants du Bureau d'assurance du Canada qui, eux, sont rappelés à Montréal plus tôt que prévu. Nous allons terminer notre matinée avec un léger retard, je pense bien, en recevant immédiatement, après la suspension de quelques minutes, les gens du Groupe de recherche informatique et droit. Par la suite, les représentants du BAC.

(Suspension de la séance à 11 h 19)

(Reprise à 11 h 21)

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission reprend ses travaux. Étant donné le léger retard que nous avons pris, je me permets de demander immédiatement aux représentants du Groupe de recherche informatique et droit de prendre place à la table des invités.

Nous revoyons avec plaisir M. Pierrôt Péladeau. Je me souviens de la commission de la culture sur les discussions publiques concernant le statut de l'artiste et, un an et demi après, le projet de loi sur le statut de l'artiste où il y avait des gens qui représentaient ou qui étaient membres de trois ou quatre groupes et qui ont passé les deux jours ici en commission avec nous. Alors, M. Péladeau, vous me faites un peu penser à ces gens-là qu'on accueille toujours avec beaucoup de plaisir. On vous entendra encore une fois avec beaucoup de plaisir.

Je salue également le professeur René Laperrière et lui souhaite la bienvenue au nom de la commission. Puisqu'il est 11 h 27 déjà, je vous cède la parole pour que vous nous résumiez un autre excellent mémoire. M. Laperrière, à vous la parole.

Groupe de recherche informatique et droit

M. Laperrière (René): Je vous remercie, M. le Président. Mmes et MM. les députés, je suis honoré d'avoir été invité à vous soumettre quelques commentaires sur le rapport que vous a présenté la Commission d'accès à l'information, particulièrement en ce qui touche les remarques et propositions de la commission sur le secteur privé.

Le Groupe de recherche informatique et droit de l'Université du Québec à Montréal dont je suis un des responsables et dont M. Péladeau, ici présent, est l'un de nos précieux collaborateurs effectue des recherches sur l'interface informatique et droit, et se préoccupe particulièrement d'identifier et de promouvoir les droits des personnes et les droits et libertés démocratiques. Ce fut le cas pour la recherche que nous avons menée en 1984-1986 pour trois ministères du gouvernement du Québec sur la question des bases de données personnelles dans le secteur privé.

En 1981, la commission Paré avait recommandé de légiférer pour contrôler ces bases de données dans le secteur public et ce fut fait un an après, en 1982. On en est déjà à cinq ans d'existence de la Commission d'accès à l'information et à presque trois ans d'application de la loi à 3600 organismes et ministères québécois. Cependant, rien n'a encore été fait, ou si peu, pour contrôler spécifiquement les bases de données dans le secteur privé. Là-dessus, le Québec accuse un retard considérable sur les législations des autres provinces canadiennes et des États-Unis, comme cela a été souligné tout à l'heure, sans parler de l'Europe et des normes internationales.

Mais pourquoi soulever la question ici? Parce que les organismes publics échangent de plus en plus de renseignements personnels avec des entreprises privées. Ces organismes publics confient des traitements de données aux entreprises privées Les décisions d'organismes publics peuvent être prises sur la base de ces données et il importe d'en assurer la fiabilité, la qualité de traitement et la destination. L'entreprise privée peut utiliser des données en provenance du secteur public à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été recueillies ou transmises. En fait, comme cela a été souligné, on se trouve en présence d'un double régime. Les personnes perdent leurs droits lorsque les données qui les concernent passent du public au privé, sauf dans la mesure où des ententes les préservent spécialement et dans la mesure où elles peuvent les faire valoir véritablement.

L'information change de statut aussi. Lorsqu'elles passent du public au privé, les normes de gestion ne sont plus les mêmes et, inversement, l'Information privée utilisée dans le secteur public ne bénéficie pas des mêmes garanties et n'est pas soumise au même contrôle. Faut-il s'inquiéter de cette situation? Nous croyons que oui.

Dans les années soixante-dix, on pouvait penser que l'informatisation et la concentration dans les administrations publiques de quantités phénoménales de données sur les citoyens et les citoyennes constituaient la plus grande menace aux droits et libertés par la mise en place de réseaux de surveillance élargie et de contrôles sophistiqués non seulement des actions et déclarations publiques des individus, mais aussi de leurs habitudes de vie, de leur caractère et de leurs opinions. Agitant le spectre de l'État totalitaire et voulant conjurer cette menace, on a négligé de se préoccuper du secteur privé. Cependant, il faut croire que les problèmes qui

s'y soulèvent sont importants puisque la Commission d'accès à l'information, dans le rapport que vous étudiez, y consacre de nombreux développements et, sans formuler de recommandations qui dépasseraient, selon elle, son mandat, elle exprime des inquiétudes réelles qu'il faut considérer à leur mérite.

Le mémoire que nous avons soumis fait suite à une vaste enquête que nous avons menée en 1985 et à une étude juridique de droit comparé et international qui ont amené la rédaction d'un rapport de 1600 pages assorti d'un bilan évaluatif et de quelque 175 recommandations d'actions législatives, administratives et programmatives. La Société québécoise d'information juridique, SOQUIJ, a publié les résultats de cette étude sous forme d'un ouvrage intitulé, L'Identité piratée, que vous avez ici, et de trois documents techniques regroupant les données de l'enquête sur le terrain, l'analyse juridique du droit en vigueur au Québec, au Canada, aux États-Unis, en Europe et au niveau international, et constituant une bibliographie de 2000 titres sur la question.

Essentiellement, notre enquête a révélé que le secteur privé accumule des masses considérables de renseignements sur les individus, probablement autant sinon plus que le secteur public. La collecte de certaines données se fait auprès de la personne concernée, par exemple dans le cadre de relations contractuelles, mais souvent les données détenues proviennent aussi d'intermédiaires ou de tiers dont les sources et la fiabilité laissent à désirer et auxquelles la personne concernée n'a aucun accès. Les données circulent souvent librement d'une entreprise à l'autre ou d'un secteur à l'autre grâce, en particulier, au développement de réseaux télématiques de plus en plus sophistiqués et pour des fins de traitement ou d'échange d'information.

Notre groupe de recherche étudie actuellement la question délicate des couplages de fichiers informatisés et l'usage des numéros d'assurance sociale, d'assurance-maladie et de permis de conduire, pour faciliter ces échanges de renseignements. Ces renseignements sont ensuite utilisés dans un cadre décisionnel de plus en plus bureaucratisé et automatisé qui laisse peu de place à l'intervention humaine et à la responsabilisation des gestionnaires.

Notre groupe de recherche sollicite actuellement les subventions et contrats pour analyser à fond ce phénomène d'automatisation des décisions autant publiques que privées. Les données sur les personnes peuvent aussi être conservées plus longtemps que pour l'usage auquel elles sont destinées, au cas où elles pourraient resservir. Surtout, vu que ces informations représentent une valeur économique de plus en plus précieuse, elles peuvent être recyclées à des fins commerciales de marketing, de sollicitation ou à des fins moins avouables comme la constitution de listes noires de locataires, d'employés, de suspects ou de personnes à surveiller.

C'est ainsi que se constitue un marché du renseignement personnel, à cheval sur les données du secteur public et du secteur privé, qui peut prendre une ampleur considérable et représenter une menace très sérieuse à nos libertés, en constituant l'infrastructure d'une société de surveillance où nos moindres actions et même nos habitudes, opinions et attitudes sont consignées et peuvent nous être opposées notre vie durant.

L'informatique a rendu possible, à des coûts minimes et avec des possibilités de repérage instantané et de traitement sophistiqué, une information cumulative de plus en plus extensive dont la fiabilité et la qualité et la mise en contexte laissent trop souvent à désirer et dont les usages multiples à des fins souvent contradictoires sont laissés trop souvent sans aucun contrôle.

Il faut aussi dire que ces phénomènes et ces problèmes se manifestent avec plus ou moins d'ampleur et d'acuité selon les différents secteurs d'activité dans le secteur privé, autant en raison de l'importance économique relative des entreprises qu'en raison de leur place spécifique par rapport à la collecte, au traitement, à la diffusion et à l'usage des renseignements personnels.

Qu'il suffise de souligner ici que les principaux secteurs à surveiller sont les institutions financières, banques, prêteurs, émetteurs de cartes de crédit, les assureurs et les intermédiaires que sont les bureaux de crédit, les fournisseurs de listes d'adresses, les agences de placement et les enquêteurs privés. Il faudrait ajouter à cette liste les commerces où s'implanteront les systèmes de transfert électronique de fonds et les services télématiques destinés au grand public. Évidemment, un effort particulier devrait être consacré à repérer les réseaux clandestins d'affichage des citoyens et citoyennes pour la constitution de listes noires dans le logement, l'emploi ou le crédit.

Qu'ont fait nos députés et nos gouvernements pour parer à cette situation? Le gouvernement a financé notre recherche sur les bases de données dans le secteur privé, qui a coûté presque 100 000 $. A la suite de cette étude, le gouvernement a constitué et activé, sous l'égide du ministère de la Justice, un comité interministériel qui devrait bientôt remettre son rapport L'Assemblée nationale a aussi adopté le 15 avril dernier le projet de loi 20 dont un chapitre porte sur le respect de la réputation et de la vie privée. Il consacre des droits d'accès, de commentaires et de corrections, ouvrant ainsi des recours judiciaires additionnels. Mais cette loi n'est pas encore en vigueur comme on l'a souligné tout à l'heure

Quelque louables que soient ces efforts, nous demeurons encore loin derrière la plupart des autres pays occidentaux, y compris les États-Unis et la plupart des provinces canadiennes

pour ce qui est du contrôle des bases de données personnelles dans notre secteur privé.

En effet, si notre loi sur l'accès aux documents administratifs et de protection des renseignements personnels se défend assez bien pour le secteur public, le projet de loi 20 n'a pas encore été mis en vigueur et les quelques articles de la Loi sur la protection du consommateur ajoutés aux normes générales de responsabilités contractuelles et déllctuelles du Code civil n'offrent pas de protection adéquate ni de recours efficace à nos concitoyens et concitoyennes dans les cas d'erreur, d'usage abusif des données les concernant. Pire encore, cette absence de dispositions juridiques prive les pouvoirs publics de tout contrôle sérieux de ce qui se fait dans le secteur privé avec les renseignements personnels.

Grâce au flux transfrontière de données, des masses importantes de renseignements sur les Québécoises et les Québécois sont détenues et traitées outre-frontières, en Ontario, aux États-Unis ou ailleurs, ce qui représente un danger certain pour l'exercice de notre souveraineté nationale, pour ne pas parler de notre identité nationale, car le contrôle de l'information donne le pouvoir de définir les situations et d'influencer les actions autant des agents privés que des pouvoirs publics.

Il nous paraît donc urgent d'intervenir non pas dans la précipitation, mais en étant bien informés des enjeux et des possibilités d'action. L'Assemblée nationale n'a pas attendu indéfiniment avant de donner suite aux recommandations du rapport Paré. Ce fut fait dans l'année. Il faut croire que l'Assemblée nationale a eu raison d'agir, comme en témoigne le rapport de la commission d'accès après cinq ans.

Ce même rapport donne de bons arguments pour intervenir de façon déterminante dans le secteur privé. Il importe essentiellement de protéger les citoyens de l'arbitaire en leur permettant d'obtenir l'information les concernant et des garanties de confidentialité qui se rapportent à ce qu'on pourrait appeler leur droit de contrôle, particulièrement des échanges de renseignements.

Au-delà des recommandations spécifiques de la commission concernant le resserrement des contrôles de la circulation d'informations entre le secteur public qui relève de sa juridiction et le secteur privé, notamment pour les mises en réseaux - c'est la recommandation 18 - et les mandats administratifs - c'est la recommandation 21 - nous croyons qu'il y a lieu de donner aux citoyens et citoyennes du Québec au moins les mêmes droits et tes mêmes possibilités qui leur sont offerts dans le secteur public en ce qui concerne la protection des renseignements personnels et de prévoir des normes et contrôles adoptés à la spécificité et à la diversité du secteur privé, le tout dans l'harmonie de ce que nous pouvons entendre actuellement.

Nous avons conclu dans notre étude qu'il importe d'adopter des principes généraux minimaux applicables à tous - le projet de lot 20 est un pas en avant dans la bonne direction - assortis de normes spécifiques adaptées à chaque secteur d'activité, à une autoréglementation des industries et services sous l'égide d'un organisme public. Cet organisme public de concertation devrait détenir des pouvoirs de surveillance pour assurer l'application de la loi et surtout offrir aux intervenants l'expertise requise de part et d'autre pour évaluer les systèmes d'exploitation des données, voir venir l'évolution et proposer en temps utile des ajustements.

Les recommandations que nous avons formulées n'ont pas voulu analyser les dimensions politiques et organisationnelles de la création et du fonctionnement de l'organisme, mais nous croyons qu'il s'avère aussi nécessaire de confier ces responsabilités à un organisme public que la commission d'accès croit que sa présence est nécessaire à l'application efficace de la loi d'accès et de protection des renseignements personnels dans le secteur public.

Enfin, est-il utile de souligner que, quelles que soient les formes d'intervention retenues, c'est en définitive la volonté politique de maîtriser le progrès économique et social dans le respect des droits des Québécois et des Québécoises qui sera déterminante dans la solution des problèmes que j'ai évoqués devant vous, et ceci à tous les niveaux d'intervention, autant législatifs que judiciaires, programmatifs, administratifs et gestionnaires.

Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m'avoir accordé votre attention et je suis disposé à répondre à vos questions et à vos commentaires avec la collaboration de M. Péladeau.

Une voix:...

M. Filion: Ah bon! Vous pouvez peut-être y aller.

Le Président (M. Trudel): Je m'excuse, on avait un problème d'ordre culturel à régler. Allez-y! M. le député de Taillon.

M. Filion: Je vais vous laisser une chance de respirer. On est toujours dans la chirurgie cardiaque, dans le coeur d'un problème, c'est-à-dire dans ce qui se passe dans le secteur privé. À plusieurs reprises - et vous pourriez peut-être m'informer - d'abord en ce qui concerne les contenus de ce que pourraient être les normes et directives auxquelles seraient soumis le secteur privé ou des organismes du secteur privé qui détiennent des fichiers de renseignements sur les citoyens, vous faites allusion, comme les groupes précédents, à ce qui est édicté dans les conventions et lignes directrices d'organismes internationaux, particulièrement celles de l'OCDE auxquelles, comme l'a dit tantôt votre voisin de gauche, le Canada a adhéré en 1984 sans qu'au-

cune suite concrète n'ait été donnée à cette adhésion. Est-ce que l'on peut retrouver dans votre mémoire ou dans les documents qui étaient annexés - peut-être que cela m'a échappé - un résumé de ces normes et directives qui ont fait l'objet de l'adhésion du Canada?

M. Laperrière: En fait, dans les documents que nous avons publiés, nous avons reproduit les lignes directrices de l'OCDE. On peut dire que les recommandations que nous avons formulées au gouvernement et qui sont annexées à notre mémoire ont repris substantiellement ces principes. Mais il s'agit évidemment de principes généraux quant à la nécessité de la collecte, au droit d'information, au droit d'accès que devraient avoir les personnes concernées, quant aux échanges d'information, etc. Il est sûr que ces principes généraux devraient recevoir des applications aussi diversifiées que le sont les juridictions dans lesquelles ils sont appelés à s'appliquer.

M. Filion: On va sûrement, avec l'aide des recherchistes de l'Assemblée nationale, mettre la patte là-dessus. Je dois quand même comprendre, de votre expérience, que ce qui est contenu dans ces normes est essentiellement ce qu'on retrouve dans la loi sur l'accès à l'information pour les organismes publics.

M. Laperrière: Oui. On peut dire que la loi sur l'accès à l'information pour le secteur public s'est inspirée directement de ces normes. En fait, ces normes se sont elles-mêmes inspirées de lois européennes en vigueur et qui ont été proposées à l'ensemble des pays membres de l'OCDE.

M. Filion: D'accord. Cela m'amène à une autre question. La Commission d'accès à l'information a développé une expertise, une connaissance aussi, par la force des choses, d'abord des principes et, deuxièmement, également de ce qui se passe dans ie secteur privé, unique au Québec; il n'y a pas d'autres organismes qui ont pu accumuler autant d'expérience dans ce secteur. Malgré cela, vous recommandez quand même dans votre mémoire, si le législateur devait donner le feu vert à cette réglementation du secteur privé, que ce soit un organisme différent qui administre la loi ou la réglementation. Est-ce que, finalement, ce ne serait pas là, d'abord, créer plusieurs paliers, plusieurs Instances différentes?

On peut songer, d'une part, à ce qui existerait dans le Code civil sur le plan du respect de la vie privée et de la réputation qui donne accès à certains types de recours administrés par les tribunaux.

Deuxièmement, il y aurait la Commission d'accès à l'information qui, elle, continuerait à gérer, à administrer la législation découlant de la loi sur l'accès à l'information pour les organismes publics et, troisièmement, un organisme qui s'occuperait du secteur privé. Est-ce que ce ne serait pas là un peu disséminer des efforts qui ont besoin d'être concentrés à cause du développement des technologies qui nécessite une souplesse, une capacité de réaction, une connaissance presque parfaite de tout, en somme?

M. Laperrière: Je comprends votre préoccupation et je pense que nous avons accordé une réflexion à ces questions. Notre mandat n'était pas nécessairement d'examiner le fonctionnement d'organismes administratifs similaires pour voir quelle était la meilleure formule possible.

Les éléments que nous avons retenus sont à peu près les suivants. Nous nous sommes rendu compte, je pense, que le secteur privé appelait quand même des solutions différentes du secteur public pas au niveau des principes, mais au niveau de leur application. Le secteur privé, c'est quelque chose de très disparate. Il y a des secteurs privés. De telle sorte que les modalités d'action pour l'application de principes généraux, pour la traduction de ces principes généraux dans des normes plus particulières adaptées à chaque secteur nécessitent un genre d'action relativement souple. Nous croyons que la Commission d'accès à l'information a été dotée d'un type d'action typique au secteur public, qui peut rendre de grands services dans le secteur public parce que tout est centralisé jusqu'à un certain point dans le secteur public, à savoir par exemple les pouvoirs quasi judiciaires à savoir des pouvoirs d'enregistrement, de répertoriage, etc. C'est nécessaire dans le secteur public.

L'approche que nous préconisons pour le secteur privé est beaucoup plus souple que cela, parce qu'on préconise de l'autoréglementation, par exemple. On ne préconise pas une structure administrative lourde avec des pouvoirs quasi judiciaires, mais on préconise plutôt une structure d'intervention qui ressemblerait peut-être davantage à l'Office de protection du consommateur qu'à une commission qui siège en quelque sorte en appel de décisions administratives. Je sais que, techniquement, cela ne peut pas s'expliquer comme cela, mais en gros cela revient à cela.

De telle sorte que nous n'avions pas à nous prononcer s'il fallait que le mandat d'un tel organisme appartienne à la Commission d'accès à l'Information. C'est une question, jusqu'à un certain point, d'opportunité. Ce que nous nous demandions, c'est quelle est idéalement la structure qui pourrait répondre le mieux à l'application de ces normes dans le secteur privé? C'est sûr que, peut-être pour des besoins d'économie, on préférerait élargir le mandat de la Commission d'accès à l'information, pour les raisons que vous mentionnez, pour concentrer l'expertise, pour profiter de l'expertise qu'a déjà accumulée la Commission d'accès à l'information.

Cependant, lorsqu'on regarde la façon dont les lois sont appliquées dans les autres pays, particulièrement l'Europe, on s'aperçoit que les

commissions de contrôle et de surveillance faisant elles-mêmes partie du secteur public, étant en quelque sorte dans la famille du secteur public, se préoccupent davantage de ce qui se passe dans le secteur public que de ce qui se passe dans le secteur privé. C'est le cas, notamment, en France. J'ai pu aller observer moi-même auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. On s'y préoccupe beaucoup de contrôler le secteur public, mais il y a très peu de choses, d'affaires et de problèmes qui proviennent du secteur privé; l'enregistrement des traitements du secteur privé est laissé beaucoup plus à l'abandon, alors qu'on se préoccupe davantage de ce qui se passe dans le secteur public parce qu'on est plus familier avec le secteur public.

Évidemment, si la Commission d'accès à l'information pouvait avoir un personnel élargi qui lui permettrait d'intervenir dans le secteur privé avec des modalités différentes de ce qui se passe dans le secteur public, cela pourrait être une solution envisageable. Mais encore ne faudrait-il pas qu'on ne fasse qu'ajouter au mandat de la Commission d'accès à l'information, sans lui donner les ressources nécessaires pour qu'elle s'acquitte de ce mandat, qui n'est pas le même mandat que dans le secteur public. C'est un peu ce que nous voulions souligner en parlant d'un office général, sans dire de quelle structure bien concrète il pourrait s'agir, parce que là on était au niveau des hypothèses. On n'était pas au niveau des décisions politiques.

M. Filion: C'est bien. Me Laperrière, le gouvernement a financé, comme vous l'avez mentionné tantôt, une partie ou la totalité de votre étude, en somme, peu importe, une bonne partie de la totalité de votre étude qui a commencé en...

M. Laperrière: En 1984-1985.

M. Filion: ...1984-1985. Votre rapport a été remis en...

M. Laperrière: II a été remis en mars 1986.

M. Filion: ...mars 1986. J'allais dire un an environ. Vous y avez fait allusion, je pense, il y a un comité interministériel qui a été formé et j'aimerais que vous vous sentiez à l'aise avec les membres de cette commission qui ne font pas partie du gouvernement. Quel accueil avez-vous perçu, avez-vous reçu du gouvernement à la suite du dépôt de votre rapport? (11 h 45)

M. Laperrière: D'abord, notre rapport s'adressait à trois ministères, le ministère de la Justice, qui est resté le ministère de la Justice, le ministère de l'Habitation et de ta Protection du consommateur, qui a été divisé et dont la partie de la Protection du consommateur est revenue à la Justice, ainsi que le ministère de la

Science et de la Technologie dont la Science est retournée à l'Enseignement supérieur et dont la Technologie s'est retrouvée au Commerce extérieur. Dans un contexte comme celui-là, évidemment, plusieurs ministères sont concernés par les conséquences qui pourraient découler d'une action législative, administrative ou programmative dans ces domaines, de telle sorte qu'il apparaissait nécessaire qu'une concertation se fasse pour l'étude de notre rapport, d'autant plus que les informations que nous apportions dans notre rapport n'étalent pas des informations internes au gouvernement, comme cela avait été le cas pour la commission Paré, mais des informations qui concernaient le secteur privé. On peut comprendre la prudence de la réaction du gouvernement sur les recommandations que nous formulions Nous avions quand même poussé la formulation de ces recommandations presque jusqu'à l'étape d'un avant-projet de loi, à cause du détail que nous avions pu aller chercher en nous inspirant, à la fois, de l'état du droit québécois et de la situation dans les autres juridictions et dans les autres pays.

Notre rapport avait été déposé au gouvernement. Nous avons été invités par le comité interministériel à soumettre quelques commentaires, quelques précisions sur notre rapport. Je pense que notre rapport a été accueilli très favorablement par le comité interministériel qui étudie présentement ces questions. Ce que nous voulions souligner ici ce matin, c'est l'urgence d'agir, non pas pour essayer de court-circuiter le comité interministériel qui fait son travail, qui, je pense, d'après ce que j'en sais, siège de façon périodique, de façon très continue sur la question et qui a pris très sérieusement les choses en main, mais pour sensibiliser la députation et les membres du gouvernement à la nécessité d'agir et, en quelque sorte, d'ouvrir la voie à la réception du rapport du comité interministériel. Ayant été impliqués directement dans la conception et la réalisation de ce rapport pour le gouvernement, nous sentions qu'il était quand même très utile d'intervenir sur cette question à ce stade-ci et devant votre commission.

M. Filion: M. Péladeau, votre collègue, soulevait tantôt te fait que, finalement, si on prend les États américains et les provinces canadiennes, il y a uniquement trois entités qui n'auraient pas encore bougé, législativement parlant, en ce qui concerne te secteur privé. Est-ce que j'ai bien entendu cela tantôt?

M. Laperrière: Oui, en ce qui concerne...

M. Filion: Je sais que vous avez étudié la question sur le plan international également. J'aimerais vous entendre quelques minutes, d'abord, sur ce qui se fait en Amérique du Nord et, deuxièmement, sur ce qui se fait au niveau international

M. Laperrière: Pour parler exclusivement des agences d'information sur tes consommateurs, en particulier des bureaux de crédit, il y a trois provinces canadiennes qui n'ont pas de loi particulière qui régisse ces agences, ce sont l'Alberta, le Nouveau-Brunswick et le Québec. Dans la Loi sur la protection du consommateur du Québec, il y a bien quatre articles qui s'adressent directement à ces agences d'Information sur les consommateurs, mais cela n'a rien à voir avec les lois des autres provinces canadiennes et des États-Unis, qui sont des lois très détaillées, qui leur Imposent des obligations de gestion très précises et qui reconnaissent au citoyen des droits très précis, qui vont au-delà d'un simple droit de pouvoir avoir une copie de son dossier et d'y inscrire des commentaires. Dans les autres provinces, on peut faire corriger des informations qui seraient erronées. On a des recours, en quelque sorte.

Maintenant, il n'y a pas que les agences d'information sur les consommateurs, il y a aussi les assureurs. Aux États-Unis, les assureurs sont réglementés par de très nombreuses lois qui, bien souvent, se recopient l'une l'autre à cause de leur mode d'uniformisation des lois. Les câblodis-tributeurs sont aussi réglementés aux États-Unis, alors qu'ici il n'existe aucune réglementation. Il y a des lois sur certaines données comme celles recueillies grâce à des détecteurs de mensonge. Aux États-Unis, it y a une abondance de lois, non pas dans tous les États, mais quand même dans une majorité. Au Canada, il n'y a que l'Ontario qui a légiféré sur les détecteurs de mensonge, Évidemment, les informations recueillies par ces méthodes, soit par des employeurs éventuels, soit par toute espèce d'agence d'enquêtes, peuvent être mises dans des dossiers, des fichiers informatisés, et cela se répercute ensuite. Évidemment, c'est une méthode de collecte d'informations qui laisse beaucoup à désirer, parce qu'elle n'est pas scientifiquement reconnue comme sans faille. On pourrait parler de l'hypnose et de bien d'autres méthodes de collecte d'informations qui ne sont pas réglementées ici au Québec.

On n'a pas au Québec, ni au Canada, ni aux États-Unis, une loi générale qui couvre l'ensemble du secteur privé, ce qui existe en Europe. Alors, c'est une autre dimension. Évidemment, on peut dire qu'aux États-Unis il existe plusieurs lois sectorielles - j'en ai mentionné quelques-unes - qui s'appliquent dans le domaine. On pourrait répertorier encore certaines dispositions législatives au Québec qui peuvent avoir une certaine Incidence. Par exemple la majorité des lois professionnelles permettent aux organismes professionnels, les professions, d'adopter des réglementations concernant des dossiers de leur clientèle et on retrouve de temps à autre dans ces règlements une permission accordée, par exemple, aux études de notaires, etc., de tenir des dossiers informatisés plutôt qu'écrits, mais ce n'est pas une réglementation qui va au-delà de cette norme générale de gestion. Cela ne donne pas davantage de droits aux citoyens que ce qu'ils peuvent trouver dans les lois professionnelles en question.

Je ne sais pas si cela vous satisfait quant au portrait général, mais il ne faut pas s'imaginer que le secteur privé n'est pas réglementé aux États-Unis. C'est le contraire. Il n'y a pas de loi générale, il y a plusieurs lois sectorielles qui s'appliquent dans différents États et qui sont souvent des copies intégrales les unes des autres.

M. Filion: Je vais laisser la parole aux collègues qui ont le même désir que moi de discuter avec vous. Je vous remercie, Me Laperrière.

M. Laperrière: Je vous en prie.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Tailion. Pour une fois, comme président de la commission, je peux parler en premier parce que le ministre n'est pas là. Habituellement, le président de la commission parle en troisième. Le ministre grille les premières questions; les représentants de l'Opposition s'empressent de griller les autres bonnes questions et le président a les restes.

Essentiellement, les deux questions que j'avais à vous poser ont été posées fort brièvement et répondues de la même manière, d'ailleurs. Il s'agissait d'une première question sur l'organisme que vous recommandez. Ce que j'apprécie dans ce que vous avez recommandé, en admettant que l'on puisse multiplier ainsi les organismes publics, même ceux qui doivent couvrir le secteur privé - c'est sûrement une question à laquelle il faudra réfléchir - en admettant aussi par hypothèse qu'on accepte d'aller rapidement dans le secteur privé, ce que j'aime bien dans votre recommandation, ce sont les questions d'autoréglementation. Je trouve cette approche intéressante et cela a été couvert en grande partie par votre réponse.

La deuxième question était plus générale, mais vous l'avez couverte dans vos réponses. C'est la question de savoir comment on peut légiférer dans les matières qui vont aussi rapidement que la télématique et l'informatique. Je pense qu'il faut légiférer, mais le danger, c'est qu'au moment où on a une loi par laquelle on pense couvrir l'ensemble du secteur ou d'un secteur, c'est déjà dépassé, parce que la technologie nous a non seulement rattrappés, mais nous a dépassés et nous attend au tournant avec une deuxième ou une troisième génération. Ce qui ne doit pas nous empêcher, loin de là, d'essayer de légiférer dans ces domaines. J'aimerais vous entendre quelques secondes là-dessus et, après, je vais céder la parole au député d'Arthabaska qui a demandé de poser quelques questions.

M. Laperrière: Je vous remercie. En ce qui

concerne l'autoréglementation, c'est un principe qui est mis de l'avant par l'OCDE et ce que nous avons recommandé, ce n'est pas que chaque entreprise puisse décider pour elle-même et par elle-même, ce qui serait bon pour le public, pour l'ensemble des citoyens ou de leur clientèle. C'est plutôt une autoréglementation par secteur qui ferait qu'au lieu que chaque banque, par exemple, ait son propre code d'éthique ou code de comportement ou de tenue de dossiers, etc., que ce soit tout le secteur bancaire qui puisse être invité justement à définir ce que serait cette réglementation.

Cela répond un peu en même temps à votre deuxième question quant à l'adaptation de la législation parce que, pour ce qui est de la législation, étant donné la diversité du secteur privé, on ne peut s'en tenir qu'à des normes relativement générales de responsabilisation, etc., définir les droits immédiats que les citoyens et les citoyennes devraient avoir par rapport à ces bases de données, mais quand il s'agit d'appliquer tout cela et de définir des normes plus précises de gestion, à ce moment-là, c'est dans les secteurs que cela doit se discuter et avec la participation des gens qui sont impliqués et qui connaissent les dossiers. Actuellement, la connaissance est concentrée dans le secteur privé chez les entreprises parce que ce sont elles qui en gèrent les problèmes quotidiens.

Évidemment, s'il y a un organisme public quelconque capable d'amener ces gens à table et de discuter avec des représentants du public, les représentants des personnes en quelque sorte, cela permettrait de faire ressortir les problèmes et d'adapter des solutions aux différents besoins et problèmes qui s'expriment dans des milieux très diversifiés.

C'était un peu le sens de nos recommandations. C'est pour cela que nous disions qu'il fallait qu'il y ait un leadership public quelque part, qu'il y ait un organisme public qui puisse justement assumer ce rôle d'amener une autoréglementation, que ce ne soit pas laissé à la discrétion du secteur privé.

Le Président (M. Trudel): C'est ce que j'avais compris de votre recommandation pour l'avoir lue. Je ne suis pas très familier avec les recommandations de l'OCDE, mais je les connais dans les grandes lignes.

Tout en vous remerciant des réponses que vous m'avez données, je vous remercie aussi des réponses que vous avez données à mon collègue de Taillon. C'est aussi une question qui m'intéressait, à savoir l'état des travaux au comité interministériel, où c'en est rendu, quel est l'intérêt manifesté par les différents intervenants. Soyez assurés que, quant à nous, on est intéressés comme commission. On n'est pas le gouvernement. On est une commission parlementaire de l'Assemblée nationale. Nous allons faire en sorte que ce qui doit progresser progresse, enfin pousser sur qui on doit pousser de façon à ce que, dans un sens ou dans un autre, on ait des réponses dans des délais... Le député de Taillon a dit que, de 1986 à 1988, cela faisait un an. Je calcule que de 1986 à... Vous avez bien dit que vous avez déposé votre rapport en mars 1986?

M. Laperrière: C'est exact.

Le Président (M. Trudel): On est en février 1988.

M. Filion: Plus d'un an.

Le Président (M. Trudel): Oui, près de deux ans, pour être très précis. Ce sont là des matières complexes, bien sûr, auxquelles il faut avoir le temps de réfléchir. Mais deux ans, même pour un comité interministériel qui, par définition aussi, est quelque chose d'assez lourd.., j'ai fait partie de ce genre de comité quand j'étais haut fonctionnaire ici à Québec. Je sais jusqu'à quel point cela peut être lent. Je pense qu'il va falloir faire en sorte que les choses aillent rondement. Dans la mesure où on peut, comme commission, Intervenir, vous pouvez compter sur notre appui.

M. le député d'Arthabaska.

M. Gardner: Merci, M. le Président. Vous êtes très prolifique ce matin. J'avais peur de ne pas avoir quelques minutes.

Voici ce qui me préoccupe. J'ai vu tout à l'heure dans un dossier qui m'a été présenté par le groupe qui vous a précédé - on n'en a pas parlé, mais c'était dans nos documents - le groupe présenté par la CSN-CEQ, Gérard et Georgette, citoyens fichés. J'ai été surpris de voir toutes les possibilités de l'ordinateur dans la vie d'une personne, que ce soit un député ou une personne travaillant dans une usine de mon comté. J'ai été drôlement surpris des possibilités, que ce soit au magasin ou à l'ouvrage ou si on veut postuler un emploi quelque part. Là, je constate qu'il y a aussi d'autres possibilités d'échange entre tous ces ordinateurs, entre ces banques de données. Mais ce qui me fait plus peur encore, c'est que nous en sommes actuellement à une période de rodage des ordinateurs. Je le sais pour avoir été dans l'enseignement où on a commencé à utiliser les ordinateurs. Dans une période de rodage, il y a toujours des erreurs possibles et beaucoup, surtout quand on essaie un ordinateur pour la première fois et qu'on n'a jamais vu cela de sa vie, surtout si le patron vous oblige à travailler sur un ordinateur que vous ne connaissez pas et que vous devez apprivoiser. Je suis surpris de voir qu'il n'y a pas de règlement qui s'applique en période ordinaire et encore plus en période de rodage. Est-ce que cela ne vous fait pas peur? Hier, j'ai entendu l'association des hôpitaux nous dire que cela allait bien dans les hôpitaux avec les ordinateurs, qu'on n'avait pas peur de cela du

tout. J'ai mentionné ma préoccupation aux dirigeants, mais cela n'a pas semblé les impressionner.

Vous êtes des gens qui avez étudié les ordinateurs et l'implication des ordinateurs dans la vie privée. Pourriez-vous nous dire si, dans une période de rodage comme celle-là, on doit faire des règlements encore plus sévères concernant les relations entre les gens et d'autres gens par l'entremise d'ordinateurs? Ma question n'est peut-être pas claire, mais je veux simplement vous demander: Est-ce qu'il doit y avoir des règlements encore plus sévères dans une période de rodage comme celle-là?

M. Laperrière: Étant donné que vous avez cité l'ouvrage, la brochure qui a été produire par Pierrôt Péladeau et Gaétan Nadeau, si vous me le permettez, J'inviterai M. Péladeau à répondre à votre question.

M. Péladeau: Je vais essayer de décomposer votre question. Dans un premier temps, on peut dire que, s'il n'y a pas de réglementation actuellement, c'est un peu parce que les rapports entre les individus et les organismes ont considérablement changé. Il y a 20 ans, pour beaucoup de décisions qui étaient prises par exemple au niveau de la banque, vous aviez directement affaire à la personne qui allait prendre ta décision et les relations étaient face a face. Le problème c'est que de plus en plus les transactions entre les individus et les organismes impliquent des échanges de renseignements personnels, donc, la production d'informations.

Il n'y a plus beaucoup de gestes qu'on pose aujourd'hui qui n'impliquent pas la production d'informations, et i! y a le fait que, de plus en plus, et c'est cela qui est le plus grave et c'est là que toute l'utilisation d'ordinateurs commence à poser des problèmes, ce n'est pas le fait qu'on recueille beaucoup d'informations, mais que, de plus en plus, les décisions étant prises, on n'a plus de contact avec la personne qui va prendre les décisions et même, à la limite, il n'y a plus personne qui prend des décisions parce que c'est en fonction d'un double - le double d'une personne sur papier, la fiche qu'on remplit - qu'on va prendre la décision et non pas en fonction du rapport interindividuel. C'est ce qui a été décrit comme le processus de bureaucratisation des rapports entre les individus et les organismes tant publics que privés.

Et c'est là l'enjeu: même si l'information est exacte, il se pose des problèmes à mesure que ces décisions sont prises sur la base du dossier et non pas de ce que vous êtes en réalité; en plus s'il y a des erreurs et qu'elles sont disséminées, il y a là aussi des problèmes qui se posent. Il ne faut pas s'étonner que, présentement, il n'y a rien qui réglemente cela dans ta mesure où on part d'une situation où on n'avait pas ces problèmes à régler. Ce n'est pas par hasard non plus qu'on a d'abord légiféré dans le secteur public. C'est là que les bureaucraties se sont développées. Présentement, on constate que c'est du côté du secteur privé qu'elles se développent.

Pour ce qui est de la période de rodage, effectivement c'est un moment crucial. En tout cas, la mise sur pied des systèmes, c'est un moment extrêmement crucial pour deux raisons. D'abord, précisément parce que c'est du rodage. Donc, il y a des failles ou des problèmes qui peuvent se poser en cours de route ou qui ne vont apparaître qu'après que certains problèmes se sont posés. Je me souviens précisément quand on a rodé les paiements automatiques pré-autori-sés de Vidéotron. À un moment donné, il y a eu un problème. L'ordinateur du Mouvement Desjardins s'était mis à débiter au hasard toute une série de comptes pour des montants farfelus. À un moment donné, on voyait notre compte débiter de plusieurs milliers de dollars ou plusieurs centaines de dollars parce que l'ordinateur avait fait une erreur.

Il y a effectivement un moment crucial là, mais plus fondamentalement il y a aussi le fait que, quand on met en place ces systèmes, ces derniers coûtent très cher. Si on fait une erreur, elle va coûter cher à long terme, et si on a mis en place des systèmes, on va être pris pour vivre avec eux par la suite. Prenons l'exemple du système dans le secteur bancaire. Des informaticiens ont conçu des systèmes d'information et, plutôt que de légiférer, on pourrait inclure la législation sur une puce, sur une carte-mémoire, et tout le contrôle des informations, ia personne pourrait le faire elle-même à partir de la technologie. D'une part, la carte-mémoire qui servirait de carte de débit, par exemple, chez Eaton ou ailleurs, donnerait très peu d'informations à la banque. Elle contrôlerait, par contre, la sécurité des transactions et, en plus, tous les transferts d'informations dont vous parliez tantôt devraient se faire nécessairement par la carte. Cela veut dire que, chaque fois qu'il y a un transfert d'informations, la personne en serait nécessairement informée, même si c'est de l'information à laquelle elle n'a pas directement accès. Elle serait au moins informée parce qu'il faudrait passer par la carte de validation pour autoriser. Il y a des solutions techniques qui sont envisageables. On peut donc faire un choix.

Présentement, les banques ont le choix entre un système qui produit énormément d'informations et qui leur donne aussi beaucoup de pouvoirs, un système qui existe, et toute une série d'autres technologies, comme les systèmes à carte-mémoire qui ont été développés par les Hollandais, qui permettraient de protéger. On n'aurait même pas besoin de légiférer; l'essentiel des normes serait dans le matériel, dans le logiciel. Donc, il y a des choix technologiques qui se prennent. Le problème, c'est que, présentement - prenons le cas de l'Association des banquiers canadiens - les banques prennent les décisions entre elles et pratiquent la politique du

fait accompli. Elles ont déjà amorcé des investissements et, dans dix ans ou quinze ans, on connaîtra l'aboutissement du système.

Au point de vue du rodage, il serait important qu'on puisse évaluer, en tout cas qu'on puisse avoir une expertise extérieure pour pouvoir évaluer et discuter de la valeur de ces systèmes parce qu'on va être pris, de toute manière... étant donné l'ampleur des investissements. Un petit système comptable à la mitaine, cela peut se modifier comme cela, mais un système d'ordinateurs qui peut valoir des milliards de dollars, comme ce qui va se développer dans le secteur bancaire, c'est plus difficile à modifier en cours de route.

Donc, il y a des recommandations dans L'Identité piratée, justement pour permettre de débattre et contrôler le développement de ce qu'on a appelé, dans le rapport, la maîtrise sociale de l'informatisation, c'est-à-dire qu'on se dirige vers une économie de l'information, une économie où les services vont être Importants. Donc, maîtrisons ce développement de façon démocratique. Quel genre de société démocratique veut-on développer à l'ère de l'informatique? C'est la question qui se pose.

M. Gardner: Si Je comprends bien, il est grand temps qu'on maîtrise l'avenir. C'est cela?

M. Péladeau: C'est cela.

M. Gardner: Selon un thème qu'on a bien connu, MM. les députés de l'Opposition.

J'ai une autre brève question sur la mise à jour des dossiers. Est-ce que vous pensez que le gouvernement devrait légiférer sur la mise à jour des dossiers? Je suis persuadé qu'une personne qui a fait une demande de crédit, il y a 10 ou 15 ans, qui a été refusée, a vu sa situation financière changer, bien sûr, depuis ce temps-là. Prenons l'exemple de la personne qui serait devenue député. Cela a changé énormément, vous savez, surtout dernièrement. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu qu'on ait une mise à jour ou un règlement sur ces mises à jour dans les fichiers?

M. Péladeau: Sur la stricte question de la mise à jour, l'actuel Code civil qui a été adopté, s'il était en vigueur, règlerait le problème pour tout le secteur privé, d'un coup. Le Code civil, tel qu'adopté présentement, traite de très peu de choses, mais au moins sur les questions de mises à jour, il est très clair. On peut dire cela. Il peut s'appliquer, peu importent les circonstances.

Il n'a pas besoin d'adaptation locale. Ce sont vraiment des principes très généraux. Ils peuvent très facilement être Interprétés. Donc, à ce niveau, il y a nécessité d'intervenir et te gouvernement du Québec a déjà entre les mains les outils pour le faire. Sur la question des mises à jour, il a tout entre les mains.

M. Gardner: J'aimerais vous entendre un petit peu sur le marché des renseignements personnels dont vous avez parlé. Est-ce que c'est vraiment rendu une PME florissante actuellement au Québec? Pouvez-vous me dire où c'est rendu?

M. Péladeau: C'est plus qu'une PME, je pense, dans certains cas. Au niveau du marché, on peut Identifier un certain nombre d'acteurs. Il y a des entreprises ou des organismes qui donnent des Informations ou qui en vendent. Le gouvernement en donne une bonne partie. Comme, par exemple, lorsqu'il vend les dossiers du ministère de la Justice, il fait partie du marché. Comme, par exemple, Télédirect qui va vendre des informations pour constituer des listes d'adresses. Il y a donc des fournisseurs d'informations. Il y a des intermédiaires qui font travailler l'information, pas seulement les bureaux de crédit, mais des agences de constitution de listes d'adresses, des agences de marketing. Il y a aussi des compagnies très lucratives dans le domaine du télémarketing ou du marketing direct. Dans la mesure où nous avons des marchés de plus en plus segmentés, il y a nécessité de cibler de plus en plus précisément notre clientèle. Donc, il y a tout un marché qui se développe et il y a aussi tous les utilisateurs.

Dans les utilisateurs, on retrouve toutes sortes de clients dans ce marché. Évidemment, les entreprises commandent des dossiers de crédit, des dossiers médicaux ou des listes d'adressage, mais aussi, éventuellement, toutes sortes d'organismes même sans but lucratif, et iI y en a beaucoup Par exemple, Amnistie Internationale s'est constitué au Québec en se procurant des listes d'adresses de corporations professionnelles, etc. C'est un marché même, les organismes sans but lucratif. Les partis politiques se servent de cela.

Au Canada, on a eu un exemple récent, le lobby des manufacturiers de tabac et de cigarettes qui a construit la première manoeuvre de lobbying électronique par l'achat de listes d'adresses. Cela a été le premier grand cas où on achetait des listes d'adresses et envoyait des lettres présignées aux députés fédéraux. On avait le matériel: Voici votre nom, le nom de votre député, à qui écrire, etc. On envoyait un "kit" complet à la personne. Tout ce qu'elle avait à faire, c'était signer une lettre personnalisée, la mettre dans l'enveloppe et la renvoyer. Cela a coûté plusieurs centaines de milliers de dollars pour faire l'"opérationalisation" de ce genre de technique.

Donc, c'est un marché qui est en pleine croissance, à cause des besoins propres du marché. D'une part, on a des segments de marché, on a des cibles de plus en plus précises à développer, et aussi parce que tout est informatisé, on a de plus en plus d'informations à rendre disponibles et à commercialiser. Une anecdote m'a été racontée par un concepteur, une firme de consultants en informatique, qui me

citait qu'une compagnie avait décidé de mettre sur le marché par la poste des pinces à enlever les poils de nez. On annonçait simplement: 5 $, on vous fait parvenir la petite pince à enlever les poils de nez. En fait, plus de 70 % de ses revenus ne venaient pas de la vente des pinces en question, ils venaient de la vente de la liste des noms des personnes qui avaient pris la peine d'écrire et d'envoyer 5 $ pour avoir une pince à enlever les poils de nez. Cette liste vaut une fortune. S'il y a des gens qui sont capables d'acheter, par la poste et par chèques, des pinces à arracher les poils de nez, ces gens-là, on peut leur vendre sûrement beaucoup d'autres choses.

M. Gardner: On va vendre des frigidaires au pôle nord. Merci, je pense que cela me renseigne beaucoup sur les pinces et je pense que, si on vient qu'à vouloir quitter la politique, on sait dans quoi se diriger, c'est-à-dire dans l'informatique. Merci.

Le Président (M. Trudel): Oui, M. le député de... J'allais dire: Néanmoins, je vais vous céder la parole, mais...

M. Filion: Juste en terminant, je voudrais vous remercier de nouveau.

En ce qui concerne le comité interministériel qui étudie le rapport, si j'ai commis un lapsus tantôt en disant que cela faisait un an, alors que le rapport a été déposé en mars 1986, c'est peut-être que finalement deux années civiles correspondent malheureusement peut-être juste à une année de travail à l'intérieur de certaines parties du gouvernement, et je dis cela sans faire de politique, on n'en a pas fait depuis le début. Alors, c'est peut-être la cause de mon lapsus tantôt.

Cela dit, nous allons quand même être très vigilants de notre côté à suivre les travaux de ce comité qui devrait, je pense, accoucher d'ici à quelques semaines ou au maximum quelques mois. Merci.

Le Président (M. Trudel): Remarquez que peut-être, si le temps a paru si- court au député de Taillon, c'est qu'une année est si vite passée avec le gouvernement libéral Au fond, on a dit qu'on ne ferait pas de politique; alors, messieurs, il me reste à vous remercier de vous être déplacés pour venir nous rencontrer. Quant à vous, M. Péladeau, on peut vous donner votre libération inconditionnelle. Je regardais sur la liste de nos prochains invités et, d'ici la fin de la journée, vous n'y apparaissez pas. Alors, au plaisir de vous revoir.

M. Laperrière, merci de votre intervention et de l'excellent mémoire que vous avez présenté à la commission et au plaisir de vous revoir.

On suspend pour une minute.

(Suspension de la séance à 12 h 12)

(Reprise à 12 h 15)

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plaît!

Les gens de la Commission d'accès à l'information peuvent arrêter leur lobbying auprès de nos invités. Merci. Je suggérerais au député de Taillon de venir prendre place à ma gauche et j'inviterais... Vous voyez l'autorité d'un président de commission. Je demande au député de prendre place et... J'inviterais les représentants du Bureau d'assurance du Canada et du Groupement des assureurs automobiles à prendre place à la table des Invités, tout en remerciant encore une fois M. Hubert Sohet d'avoir aimablement cédé sa place. M. Sohet, ne vous découragez pas; vous serez notre premier Invité cet après-midi. Même si on me demandait de vous pousser encore plus loin dans la journée, je refuserais avant même de vous consulter. Merci encore une fois.

Nous avons devant nous, s'il n'y a pas de changement, Me Hélène Gagné, conseillère juridique du SAC et du GAA, ainsi que M. Normand Beaulieu, directeur général du BAC, et M. Raymond Medza, directeur général du GAA. Est-ce exact? Madame et messieurs, bienvenue à la commission de la culture.

Compte tenu de l'heure avancée, même si on est à l'heure d'hiver, étant donné qu'il est 12 h 25, je vous prierais de nous résumer assez rapidement le mémoire que vous nous avez fait parvenir la semaine dernière et dont nous avons pris connaissance II a également été résumé par les services de la commission et par vous-mêmes; alors, je pense qu'on peut aller assez rapidement. Ne vous gênez pas pour prendre quand même le temps qu'il faut pour nous exposer votre point de vue. Ensuite, nous entreprendrons une discussion avec vous. Me Gagné, peut-être, ou M. le directeur général? Je ne sais pas qui... J'ai toujours l'impression que c'est la personne qui est assise au milieu qui parle, mais...

Bureau d'assurance du Canada et Groupement des assureurs automobiles

M. Beaulieu (Normand): Si vous me le permettez, M. le Président...

Le Président (M. Trudel): Allez-y.

M. Beaulieu: ...pour le bénéfice des membres de la commission, j'aimerais peut-être d'abord décrire un peu ce que sont nos organismes. Le Bureau d'assurance du Canada, le BAC, est une association dont font partie la très grande majorité des compagnies qui pratiquent l'assurance IARD, c'est-à-dire l'assurance-dommages au Québec, autant pour les particuliers que pour les entreprises.

La mission du BAC est de faciliter les échanges entre les compagnies membres et de maintenir le contact direct entre l'industrie de

l'assurance IARD, les consommateurs et le pouvoir public. Le 8AC opère à partir de Montréal un centre d'information qui répond aux questions des assurés du Québec et qui, dans ce sens-là, répond à plus de 40 000 questions par an.

Quant au Groupement des assureurs automobiles, c'est un organisme qui regroupe tous les assureurs autorisés à pratiquer l'assurance automobile au Québec. Le GAA est responsable du mécanisme qui permet à tout propriétaire d'un véhicule routier d'obtenir le minimum d'assurance-responsabilité. Il a établi une convention d'indemnisation directe pour les victimes d'accidents d'automobile et un constat à l'amiable d'accident, et a mis sur pied un réseau de centres pour l'estimation des dommages éprouvés par les véhicules. Depuis le 14 août 1979, le GAA agit comme agence statistique pour le compte de l'inspecteur généra! des institutions financières en matière d'assurance automobile au Québec.

Le BAC et le Groupe des assureurs automobiles sont évidemment heureux de s'unir pour participer à cette commission parlementaire. Les assureurs qui, dans leurs fonctions, possèdent ou doivent avoir accès à des renseignements de nature personnelle aimeraient maintenant commenter devant la commission certains aspects du rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Me Gagné.

Mme Gagné (Hélène): Merci. M. le Président, la nature de notre intervention aujourd'hui portera surtout sur l'impact de la loi sur l'accès de 1982 sur l'industrie de l'assurance générale, en tant qu'utilisateur de renseignements compilés ou recueillis par le gouvernement ou différents organismes publics, et l'impact des restrictions qui ont été imposées par la loi sur l'accès à l'industrie privée, à ce moment-là, aux organismes privés, sur leurs activités et sur les obligations qui leur sont imposées par les autres ministères. C'est surtout dans ce contexte que nous voulons faire notre intervention aujourd'hui.

Les aspects particuliers, évidemment, qui ont un impact sur les assureurs privés résultent du fait que tes assureurs exigent la connaissance de renseignements qui sont recueillis par les organismes publics, surtout les forces policières et la Régie de l'assurance automobile du Québec. Nous parlons donc d'un aspect très particulier de l'assurance, soit par exemple le vol, le vandalisme, l'incendie criminel et surtout les accidents d'automobile au Québec

L'impact de la loi affecte les deux aspects particuliers de l'assurance, soit la souscription - ce qu'on appelle la souscription ici, c'est l'émission des contrats d'assurance - et le règlement des sinistres. Pourquoi les assureurs s'intéressent-ils à la loi sur l'accès? Comme je vous l'ai mentionné, c'est surtout parce qu'elle a un impact direct, qu'on le veuille ou non, sur les renseignements que doivent recueillir les assureurs privés de leurs assurés et que ces renseignements, qui, en général, doivent être vérifiés auprès des organismes publics qui, dans la majorité des cas, sont les seules sources de renseignements vérifiables et fiables. Donc, ici nous parlons d'un aspect quasi juridique, c'est la corroboratlon de renseignements qui nous sont donnés par les assurés au moment de la souscription, lorsqu'ils demandent des contrats d'assurance ou au moment du règlement des sinistres.

Au moment de la souscription. Comme vous le savez tous, tous les Québécois sont des assurés, soit en habitation, soit en assurance automobile. En habitation, lorsqu'ils veulent obtenir un contrat, ils appellent leur courtier ou leur agent d'assurances et ils doivent répondre à toute une série de questions. Ces questions doivent nous aider, en tant qu'assureurs, à déterminer la nature du risque, l'étendue de la couverture et surtout le prix, la fréquence ou le risque que peuvent présenter ces individus par rapport à l'ensemble de la population. Comme vous le savez, c'est un peu comme les contribuables qui doivent se répartir le coût de l'administration gouvernementale, en assurance, tous les assurés se répartissent le coût des dépenses qui sont occasionnées par les quelques assurés qui subiront des pertes. En partant de ce concept du partage et de la responsabilité administrative et économique qui est imposée à l'assurance, j'aimerais faire un parallèle avec l'usage de ces mêmes renseignements faits par les organismes publics.

En assurance-habitation, quels que soient les renseignements qui nous sont donnés par les individus, nous pouvons facilement les vérifier. Par exemple, ils vont nous dire le genre d'habitation où ils demeurent, depuis combien de temps, s'ils sont locataires ou s'ils sont propriétaires. C'est facilement vérifiable. Il n'est pas nécessaire de faire une enquête de midi à quatorze heures, l'agent ou le courtier peut tout simplement se rendre sur place et voir si les renseignements qui lui sont donnés sont vrais.

Cependant, en assurance automobile, comme certains autres intervenants l'ont mentionné antérieurement, il y a certains contrôles. Évidemment, ies contrôles en assurance automobile porteront aussi aujourd'hui en tarification. Les critères de tarification, soit tes critères pour déterminer la prime, comprennent, entre autres, le dossier du conducteur, les points d'inaptitude, les accidents déjà subis et les infractions au Code de la sécurité routière. Ce sont donc des points individuels. Ce sont des points qui ne portent pas sur la valeur morale de l'individu, mais plutôt sur son comportement. Alors, ce sont réellement des faits qui devraient être vérifiables.

J'aimerais mettre en relief les contre-courants ou les conflits qui existent entre les expectatives du ministère des Finances, par le moyen de l'Inspecteur général des institutions

financières, le public et, finalement, la capacité des assureurs de répondre aux expectatives au point de vue de l'individualisation des tarifs. Dans le rapport sur la tarification automobile, tel que je le mentionne à la page 4 de notre rapport, l'inspecteur général reconnaît les besoins de ces renseignements et nous dit: "Les assurés ne doivent pas avoir la possibilité de faire aisément de fausses déclarations entraînant une réduction de prime. Les cas douteux doivent être facilement vérifiables par l'assureur à des coûts minimes et avec la possibilité d'obtenir des renseignements fiables." Ce sont réellement les points critiques aujourd'hui.

Le Groupement des assureurs automobiles déposait récemment auprès du Surintendant des assurances un document visant les mêmes problèmes dans les plans statistiques du Québec. Je vais me passer de lire la note que nous avons ici, étant donné que nous sommes assez serrés dans le temps. Mais le point important à se rappeler et le point qui nous est plus ou moins rappelé tous les jours et constamment par l'inspecteur général, c'est que, du côté de la tarification, le poids relatif du dossier de conduite est important et qu'il doit être accessible et utilisé par les assureurs. Comment, en tant qu'assureurs, pouvons-nous obtempérer à ce désir du gouvernement? C'est Ee premier aspect de la tarification. J'y reviendrai un plus tard.

Dans le règlement des sinistres, maintenant, comment sommes-nous affectés? En cas de sinistre, des obligations sont imposées aux assurés par le Code civil. Ils doivent d'abord déclarer qu'il y a un sinistre et ensuite donner les détails de la réclamation, ce qui est juste et équitable. Ils doivent d'abord faire une déclaration fidèle des faits pertinents au sinistre et aussi justifier l'indemnité ou les montants qui doivent être remboursés. L'assureur doit donc évaluer les déclarations de l'assuré, en vérifier la véracité avant d'exécuter le paiement. Par exemple, si vous parlez des réclamations concernant le vol, le vandalisme, la fraude, l'incendie criminel et les accidents de la route, plusieurs personnes sont impliquées dans ces dossiers. Vous avez d'abord l'assuré qui vous déclare certains faits ou sa version des faits. Étant donné que nous sommes en matière criminelle ou quasi criminelle, vous avez les forces policières qui devront faire enquête et vous aurez parfois le commissaire à l'incendie puisqu'il pourra s'agir d'un Incendie criminel.

Il y a donc plusieurs rapports d'enquêtes ou d'accidents sur un même sujet. L'assureur doit aussi être capable d'identifier les parties selon les rapports qu'un peu tout le monde a fait. Alors voilà l'impact que peut avoir les enquêtes ou les documents qui sont recueillis par les organismes publics.

L'assureur, par contre, lui, est obligé d'indemniser son assuré. La loi dit: Au plus tard 60 jours depuis la demande d'indemnité. Ce qui veut dire qu'il a un délai quand même assez restreint pour être capable de vérifier tous les faits de son côté et être capable de vérifier, auprès des tiers partis, l'exactitude des demandes.

J'aimerais ici, dans ce contexte, faire des commentaires sur le rapport de la Commission de l'accès à l'information, et ceci dans des domaines très particuliers. D'abord, les renseignements nominatifs, ensuite l'aspect consentement des parties, et finalement nous allons dire quelques mots sur le troisième aspect Introduit par le rapport de la commission, soit l'élargissement au secteur privé.

En matière de renseignements nominatifs, comme vous allez le constater évidemment, tous les renseignements que nous voulons recueillir ou qui nous concernent aujourd'hui sont évidemment des renseignements nominatifs. Nous ne parlons pas de tarification générale, nous parlons des renseignements qui ont un impact sur un individu au point de vue de l'émission des contrats ou au point de vue du règlement des sinistres.

Dans le rapport de la commission, il est très clairement indiqué que les objectifs de la loi étaient de reconnaître le fait que les organismes publics ont besoin de renseignements personnels, parce qu'ils sont nécessaires pour assurer des services de qualité, déterminer l'admissibilité aux programmes particuliers de l'État et garantir un meilleur usage des fonds publics.

Ce que nous vous signalons aujourd'hui, c'est que les mêmes critères ou raisons économiques et administratives ont aussi un impact sur l'assurance en général, mais que, malheureusement, on ne tient pas compte de cet aspect, échange entre organisme public et privé, pour reconnaître les besoins que pourraient avoir ces organismes privés pour obtenir les mêmes renseignements.

Le meilleur exemple ici, ce sont les renseignements recueillis par la Régie de l'assurance automobile du Québec et l'assurance automobile. Les mêmes renseignements affectent le comportement des automobilistes. Alors, tout comme les organismes publics, les assureurs doivent utiliser des renseignements personnels pour offrir des services de qualité, pour déterminer l'étendue de la protection demandée et fixer équitablement les coûts dans le même sens que les organismes publics. Nous devons donc garantir à la masse des assurés un meilleur usage des fonds qui leur ont été confiés par tous les assurés.

Nous l'avons mentionné antérieurement, pour déterminer une prime équitable pour chaque individu, l'assureur doit connaître les éléments objectifs pertinents au risque, dont le dossier de conduite, les points d'inaptitude et le dossier de réclamations.

Or, ce sont des renseignements recueillis par les organismes publics par le biais des assureurs, des forces policières et des assurés et qui sont nominatifs, donc confidentiels. Ils sont conservés par la régie, car c'est la régie qui a le

contrôle du parc automobile, c'est la régie qui applique le Code de la sécurité routière et c'est elle donc qui a la responsabilité d'en voir au contrôle.

Donc, selon les articles 55 et 57 sur la loi sur l'accès présentement, seule une autre loi ou la loi sur l'accès peut exempter certains renseignements de la confidentialité en les déclarant de caractère public. Quels sont tes renseignements qui nous intéressent et qui sont de caractère public? Il y en a très peu, et la commission a très peu de discrétion elle-même pour décider du caractère public ou privé d'un renseignement. (12 h 30)

Je dois faire remarquer, en particulier, l'aspect, disons, peut-être négatif qui a été reconnu dans la loi fédérale de certaines protections accordées aux individus, l'aspect économique, c'est-à-dire que, si un individu retirait un certain avantage de la non-divulgation de certains renseignements, au fédéral, la loi donne une certaine discrétion à la commission pour divulguer ces renseignements. Il n'y a pas de discrétion semblable accordée dans la loi sur l'accès.

Ce qui veut dire que, en matière d'assurance automobile, l'individu qui ne permettrait pas de donner accès à ces renseignements personnels, soit le dossier de conduite, le dossier d'accident ou autre, parce qu'il sait très bien qu'il aura une déclaration ou un mauvais dossier ou un accident qui sera déclaré que lui-même n'a pas déjà déclaré auparavant - il pourrait peut-être y avoir fausse représentation dans le genre - cet Individu reçoit évidemment un avantage économique puisqu'il paiera moins cher pour ses primes. C'est constant et ce n'est pas la loi sur l'accès qui a apporté cette chose, c'est tout simplement la protection des droits qui a amplifié cet aspect de la personne qui, évidemment, déclare le moins possible pour payer moins cher sa prime. C'est humain

En 1987, le ministère des Transports et la régie ont reconnu cet aspect et ils ont introduit dans le Code de la sécurité routière un allégement, en disant que certains dossiers seraient de caractère public, donc accessibles.

Ceci nous amène évidemment aux problèmes causés par le consentement des parties. Tout dossier nominatif est confidentiel et tout dossier confidentiel est accessible strictement au moyen du consentement des parties. Lorsque nous parlons de consentement des parties, nous parlons du consentement de la partie principale, qui est le nom du dossier, et nous parions aussi de toute personne qui pourrait être identifiée dans le même dossier. On parie donc de dossier personnel, de dossier d'enquête, de dossier de conduite, de dossier d'immatriculation, de dossier d'événements, de dossier d'accidents. Ce sont toujours des faits qui devraient être vérifiables.

Ce qui est intéressant dans le rapport de la commission ici, c'est que l'on traite de dossiers d'événements. C'est la première fois que je voyais cette référence comme telle, parce qu'en fin de compte la loi ne fait pas une définition des dossiers d'événements ou une exemption à ces dossiers. Alors, c'est quand même une Introduction intéressante. La commission reconnaît que certains dossiers d'événements sont en fait une déclaration de faits qui sont plus ou moins publics. Entre-temps, ils font référence à l'exemption qui a été accordée au Code de la sécurité routière relativement au dossier de l'accident de la régie.

Donc, lorsque le gouvernement a fait la modification au Code de la sécurité routière l'été dernier, il a accordé un caractère public à ces renseignements, mais j'aimerais ici faire remarquer à la commission que, malgré ces renseignements ou malgré ce nouveau caractère au dossier qui est en vigueur depuis le 30 juin 1987, de nombreuses municipalités, soit par ignorance ou pour une raison que nous ignorons, refusent encore l'accès à ces dossiers. Nous avons essayé de savoir pourquoi, mais on n'a pas eu de réponse et, malgré cette modification dans la loi qui semblait quand même régler le problème, puisque la loi s'appliquait non seulement à la régie, mais aussi à tout corps public de police ou à une municipalité, cela n'a fait aucune différence au point de vue de l'application pour certaines municipalités.

La question aujourd'hui, c'est: est-ce que la modification qui a été apportée et qui est en accord avec les règles de la commission, puisque ce changement a certainement été fait avec l'approbation de la commission... est-ce que, d'autre part, l'article 28, qui est l'aspect de la loi sur l'accès relativement aux dossiers des forces policières, prime le Code de la sécurité routière? Nous nous sommes posé la question et nous n'avons pas encore trouvé de réponse à ce problème.

Dans les dossiers d'événements, les dossiers autres que celui que nous avons mentionné, qui nous concernent et qui sont complétés par les forces policières, traitent surtout du vol à domicile, du dommage malicieux, de l'incendie criminel, comme nous l'avons mentionné antérieurement Dans ces dossiers, il est évident qu'il y aura toujours plusieurs parties mentionnées au dossier. Si vous avez une enquête par une force policière sur un vol à domicile, vous avez l'identification de l'individu qui est le propriétaire, soit la victime, et vous aurez les témoins mentionnés et aussi peut-être possiblement d'autres interrogations. Il y a toujours plusieurs personnes mentionnées.

L'article 88 de la loi dit que toutes les personnes qui sont mentionnées ou auxquelles on réfère le dossier doivent donner un consentement. Alors, vous voyez immédiatement le casse-tête monumental qu'une restriction semblable peut imposer à la vérification des déclarations faites par les assurés. La commission a reconnu ce problème dans une première étape - ce que

nous reconnaissons aujourd'hui - en recommandant peut-être que les forces policières envolent un avis écrit à toute personne impliquée, qui devra exprimer son refus de divulguer les renseignements dans un délai raisonnable, à défaut duquel il y aura un consentement.

Malheureusement, nous notons que la commission semble limiter cet accès seulement à la victime qui songe à exercer ses droits devant le tribunal. Dans les actes qui nous concernent, dans les actes assurés, il y a très peu de victimes qui vont aller devant les tribunaux pour faire reconnaître leurs droits. Alors, ici, il semble que la commission ait complètement ignoré les délais interminables qu'une telle intervention va causer, ainsi que tous les règlements de sinistres hors cour, évidemment, qui doivent être complétés par les assureurs et, enfin de compte, les droits de subrogation des assureurs qui vont essayer de récupérer les biens volés ou, du moins, être capables de poursuivre les personnes responsables.

C'est pour cette raison qu'à la page 10 nous recommandons que les assureurs aient accès aux dossiers d'enquête des forces policières et des autres organismes semblables sans le consentement des parties concernées, et que les rapports d'événements et d'accidents d'automobile soient des rapports de faits, soient disponibles aux parties concernées ou à leurs assureurs sans le consentement des parties concernées. C'est plus ou moins un prolongement de ce que le Code de la sécurité routière a déjà fait.

Le dossier de conduite, c'est un dossier très particulier, ici, nous avons un aspect assez unique, sur lequel nous voudrions vous entretenir aujourd'hui. Je laisse la parole à M. Medza puisqu'il s'agit d'un dossier, à la page 10...

Le Président (M. Trudel): Oui, je m'excuse... Mme Gagné: ...qui est en suspens.

Le Président (M. Trudel): ...de vous interrompre.

Mme Gagné: Oui.

Le Président (M. Trudel): C'est seulement pour vous signaler ce que je vous ai dit tantôt, répéter un peu ce que je vous ai dit: Tout cela a été résumé et lu. Les 20 minutes qui vous sont accordées sont écoulées; je vais vous en accorder davantage, ce qui va restreindre quand même les membres de la commission quant aux questions qu'ils voudront vous poser. Essayez d'accélérer le plus possible, dans la mesure... Encore une fois, en me répétant, le mémoire a été lu, vous l'avez résumé; les services de recherche de la commission l'ont résumé. On doit dire que les membres de la commission sont familiers avec son contenu. S'il vous plaît...

Mme Gagné: Est-ce que vous voulez passer aux questions tout de suite. Sur le secteur privé, nous avons très peu de recommandations autres que ies faits qui ont déjà été mentionnés ici. Il y a le Code civil; nous sommes d'accord, nous n'avons jamais fait d'objection à la loi 20 lorsqu'elle a été introduite. Alors, il n'y a aucun problème. Nous avons inclus un document qui a été préparé, justement un code de déontologie de l'industrie et qui a été mentionné plus tôt. Alors, c'est tout simplement pour montrer que nous sommes familiers avec le problème et que nous sommes en accord avec la commission sur la protection des droits des individus.

Je vais laisser la parole aux membres de la commission, étant donné que nous sommes assez pressés par le temps.

Le Président (M. Trudel): Merci, Me Gagné. J'ai quelques questions à vous poser et M. le député de Taillon également.

Qu'est-ce qui vous empêche actuellement de créer le fichier général dont vous nous avez parlé? Peut-être que la réponse que vous allez me donner, c'est justement: Parce qu'on ne peut pas facilement avoir accès aux renseignements nominatifs, cela ne nous sert à rien de créer un fichier.

Qu'est-ce qui, juridiquement, vous empêche, au moment où l'on se parle, de créer ce fichier? Vous êtes de l'entreprise privée, la loi d'accès ne couvre que le public. C'est ma première question.

M. Medza (Raymond): Je vais me permettre de répondre à cette question, M. le Président. Nous pourrions constituer un fichier à n'importe quel moment, rien ne nous en empêche, aujourd'hui. Toutefois, la constitution d'un fichier par l'industrie implique une action volontaire et libre de chacune des parties. Nous avons donc souhaité l'inclure dans le plan statistique automobile du Québec, qui est un instrument obligatoire Faire un fichier partiel, cela ne nous mène nulle part. On va avoir deux individus, on n'aura pas les autres et l'équité qu'on recherche dans la redistribution du fardeau des primes parmi tous les assurés selon les risques qu'ils représentent réellement ne peut être valide que si l'on obtient tous les renseignements de tous les assurés qui ont été impliqués dans tes accidents et non pas seulement une partie de ceux-ci. Pour cela il faut passer par le plan statistique, donc par l'inspecteur général et ainsi nous croyons que, en passant par l'inspecteur général, cela devient presque un organisme parapublic parce que l'agence statistique relève du mandat de l'inspecteur général, même si elle nous a été confiée.

Le Président (M. Trudel): Merci. Autre question: On a abordé le sujet - et vous étiez dans la salle, je pense, à ce moment-là, avec un des groupes qui vous a précédés - et on parlait d'une question de santé et de profil informatique. La Ligue des droits et libertés, dans une de ses recommandations dont j'ai fait état dans la

discussion que j'ai eue avec ses représentants, disait: On demande qu'il soit tenu compte de l'état de santé réel. Je sais bien que je m'adresse à des gens qui s'occupent d'assurance tous risques - on l'a appelée l'assurance tous risques - et d'assurance automobile. Mais je sais bien aussi que, quand on demande son permis de conduire, entre autres, on donne des renseignements nominatifs très personnels sur son état de santé.

Tantôt, dans votre exposé, Me Gagné, vous aviez commencé à nous dire de façon générale comment le calcul des risques est établi. Premièrement, est-ce qu'on se sert vraiment beaucoup de profils Informatiques et, deuxièmement, comment arrivez-vous à colliger toutes les données que vous conservez dans les dossiers de chaque individu, notamment en matière d'assurance automobile?

Mme Gagné: En matière d'assurance automobile, je pourrais peut-être laisser M. Medza parler, étant donné qu'il s'agit des plans de tarification qui leur sont imposés par l'inspecteur général. II peut vous expliquer quels sont les renseignements qu'ils doivent obtenir.

M. Medza: Brièvement, M. le Président. Le plan statistique du Québec comporte des critères de territorialité, le conducteur lui-même, l'utilisation qu'on fait du véhicule et le nombre d'années d'usage. L'autre partie concerne le dossier de conduite et le dossier d'accidents de chacun des conducteurs. Ces informations sont comprises dans ce qu'on appelle le plan statistique automobile du Québec, qui est sous l'autorité de l'Inspecteur général des Institutions financières. Il a confié à l'industrie le soin de produire ces statistiques, de les compiler, de les recueillir, de les traiter et de lui faire rapport. Chaque année, au mois de mai, nous déposons... Dans quelques semaines, nous déposerons les statistiques globales de 1987 pour l'industrie. À ce moment-là, les actuaires du ministère feront la compilation et rédigeront le rapport sur la tarification automobile au Québec, qui est déposé à l'Assemblée nationale et dans lequel, normalement, l'inspecteur général et ses actuaires viennent dire que l'industrie a demandé moins cher qu'elle aurait dû. Je me permets de dire cela en passant. C'est à partir de ces données, et ce sont nos données, à nous. C'est ainsi qu'on les compile.

Le Président (M. Trudel): Donc, on a affaire à...

M. Medza: On ne touche pas la santé...

Le Président (M. Trudel): Je ne veux pas élargir la discussion ni trop Insister là-dessus, mais iI reste qu'il y a quand même une partie... Vous êtes en train de me dire, et je ne suis pas nécessairement contre cela, qu'on fait largement usage de profils Informatiques. M. Medza: Oui.

Le Président (M. Trudel): Entre autres, c'est une des préoccupations de la commission. C'est un sujet Intéressant. Mais, avec votre réponse, on conclut facilement qu'il n'y a peut-être pas beaucoup d'autres façons de le faire, me répondrez-vous.

La question de la santé, j'imagine qu'il doit en être tenu compte, dans la mesure où on fait certaines déclarations au moment du renouvellement de son permis de conduire, notamment, Un conducteur cardiaque représente potentiellement plus de risques que celui qui ne s'est jamais déclaré cardiaque. Ce sont des renseignements contenus dans les fichiers - pour prendre cet exemple - de la RAAQ. Donc, vous n'y avez pas accès, dites-vous, sans consentement. Vous en demandez l'accès, maintenant, sans consentement.

M. Medza: Peut-être me permettriez-vous de vous dire...

Le Président (M. Trudel): Oui, cela va.

M. Medza: .. M. le Président, que les Informations auxquelles nous avons accès, auxquelles normalement nous demandons l'accès, même avec le consentement de la personne, traitent essentiellement de son numéro de permis de conduire et de ses points d'inaptitude.

Le Président (M. Trudel): Essentiellement.

M. Medza: Essentiellement. On n'a pas besoin d'autre chose. On veut connaître le comportement du conducteur. Nous croyons, et certaines études le démontrent, que le comportement d'un conducteur dans son aptitude à conduire, à respecter la loi et au niveau des accidents, c'est un reflet réel de ce que le risque représente, et il devait être tarifé en conséquence.

Le Président (M. Trudel): Très bien. Dernière question. Le fichier que vous voulez constituer et dont vous nous parlez aux pages 11 et 12, surtout à la page 12, si j'ai bien compris ce que vous dites, vous en garderiez vous-même le contrôle, possiblement avec l'inspecteur général Vous dites: "Ce fichier maître établi à la fois par le GAA et l'inspecteur général serait possiblement soumis à l'article 66 et l'inspecteur général en fera part à la commission." (12 h 45)

Je peux vous soumettre une autre idée en vous disant à peu près ceci. En admettant qu'on retienne cette idée et que, d'autre part, vous puissiez avoir accès sans consentement à des renseignements nominatifs, est-ce que vous ne voyez pas le rôle de la Commission d'accès à l'information comme plus important? Là, vous

nous dites: Possiblement. Est-ce que c'est parce que c'est encore en discussion ou parce que votre réflexion sur le sujet n'est pas complétée? On est en face de demandes de plusieurs groupes qui veulent se constituer des fichiers. On se dit: Est-ce que cela va être à gauche ou à droite? Hier, pour des raisons complètement différentes, en fin de journée, les huissiers nous ont demandé d'avoir, eux aussi, accès sans consentement à un tas de choses pour constituer leur propre fichier et te contrôler eux-mêmes. Je retiens de votre recommandation que c'est, à toutes fins utiles, ce que vous nous demandez, ce que vous nous recommandez au gouvernement, à tout le moins.

Mme Gagné: L'aspect de l'article 66 qui demande que tout organisme public fasse une déclaration d'un fichier qu'il recueille, c'est surtout à cause de l'impact du mandat qui est confié par la loi au 6AA d'être l'agence statistique. Il n'est pas certain si, selon la loi, ce mandat particulier fait du GAA un organisme public ou non. Si c'est le cas, évidemment, la commission dit à certains endroits que tous les organismes publics devraient non seulement déclarer les fichiers qu'ils ont, mais les fichiers auxquels ils ont accès. C'est à cet effet que j'ai fait la mention de l'article 66. Nous n'avons absolument aucune objection à cela. C'est une simple modalité. Le fait que les consommateurs sachent qu'il y a un fichier quelque part à cet effet, nous n'y avons aucune objection non plus. Nous ne cherchons par le secret des renseignements que nous recueillons, pas du tout.

Le Président (M. Trudel): D'accord En terminant, je pense que mon collègue de Taillon va aborder cette question. Vous nous entraînez dans une discussion sur ce qu'on appelle entre guillemets les rapports de police. Il en sera largement question pour des questions complètement différentes de celles que vous évoquez vous-même et que vous invoquez cet après-midi, alors que, notamment, le journal La Presse va nous en entretenir dans un mémoire très juridique, mais fort bien fait. Je vous signale simplement mon ouverture d'esprit de ce côté, tout en étant très prudent quand même. Je ne sais pas si le député de Taillon va aborder cette question. S'il ne l'aborde pas, j'y reviendrai tantôt. Je cède la parole au député de Taillon.

M. Filion: Merci, M. le Président. Je pense que, de ce côté-ci, nous sommes sensibles à cette préoccupation des assureurs que traduisent bien votre mémoire et vos interventions, ce matin, d'obtenir ce que j'appellerais peut-être une répartition équitable du fardeau financier que constituent les primes et qu'à cet effet les assureurs cherchent, de façon légitime, à évaluer les risques de la façon la plus réaliste possible, en tenant compte de la situation réelle des individus qui sont assurés. Je pense que c'est un peu la base de l'assurance finalement et, pour qu'une assurance soit juste, il faut tenir compte de ce qui se passe dans la réalité et dans la vie de tous les jours. À ce titre-là, des assureurs veulent, comme vous nous le demandez cet après-midi, avoir accès au maximum d'informations possible. Et encore une fois, c'est légitime autant pour votre groupe que cela peut l'être pour d'autres groupes qui ont des activités dans la société, qui ont des mandats, dans certains cas, fixés par la loi, qui les obligent, du moins, en leur âme et conscience, à aller chercher le maximum d'informations

Le président mentionnait tantôt le cas des huissiers. Il y en a beaucoup d'autres. Donc, je voudrais que vous sachiez que, de ce côté-ci, nous sommes sensibles à cette préoccupation tout à fait légitime de votre part. D'un autre côté, il y a aussi le type de préoccupation - et j'ai remarqué que vous étiez dans la salle tantôt - qu'expriment les citoyens et les citoyennes du Québec comme un peu partout en Occident en voulant protéger les renseignements de nature confidentielle.

Deuxièmement, et cela m'agace beaucoup, c'est le nombre d'erreurs que l'on retrouve, qui sont de bonne foi et qui ne sont jamais de mauvaise foi, le nombre d'erreurs qui sont véhiculées d'une banque à l'autre, et à une autre à partir d'une information Incomplète, inexacte. En pratiquant mon métier d'avocat ou de député, j'ai été directement sensibilisé à des cas d'injustice énorme. Donc, je connais un petit peu les deux pôles, si vous me le permettez, qui doivent nous guider dans l'appréciation de vos recommandations. Ce n'est pas facile parce qu'encore une fois votre démarche est tout à fait légitime.

Je vais vous donner un exemple, qui fait un petit peu partie de mes préoccupations. Il y a quelques mois, à l'occasion de je ne sais et je ne me souviens pas exactement quelle procédure parlementaire, nous avons entendu les représentants de la Commission d'accès à l'information. C'était l'étude du rapport 1986-1987, me souffle avec précision le président, et à cette occasion, lors de nos travaux parlementaires - c'est dans le Journal des débats, si vous voulez le consulter - la Commission d'accès à l'information nous révélait que la Régie de l'assurance automobile du Québec délivrait plus de 10 000 informations par mois sur les dossiers de conduite et qu'une bonne majorité de ces informations allaient bien sûr aux compagnies d'assurances chargées d'assurer des conducteurs et des véhicules.

On sait, d'autre part, que, en vertu de la loi actuelle - ma question ne concerne pas le bien-fondé de la loi, c'est juste la loi actuelle - pour que vos compagnies d'assurances qui sont membres du 8AC et du groupement puissent avoir accès à ces informations, cela leur prend un consentement de la personne désireuse de s'assurer chez vous, et pour employer l'expression exacte utilisée par les représentants de la Commission d'accès à l'information, les consen-

tements des assurés étaient arrachés à l'assuré potentiel. On parlait même de consentement avec un revolver sur la tempe. Bon! Je vais vous donner un cas concret à partir de cela, et soyez très à l'aise avec nous aujourd'hui. Encore une fois, je suis sensible à votre préoccupation. Par exemple, je ne suis pas assuré dans une de vos compagnies; pour une raison ou pour une autre, vous ne réussissez pas à obtenir une information; vous me demandez mon consentement et je ne vous l'accorde pas. Je voudrais savoir ce qui se passe. Concrètement, vos assureurs, qu'est-ce qu'ils vont faire avec moi?

Mme Gagné: Actuellement, en pratique depuis le changement au Code de la sécurité routière, nous devrions pouvoir obtenir certains renseignements de la régie au moyen du permis de conduire, étant donné que le Code de la sécurité routière permet l'accès au dossier, ce qu'on appelle le dossier d'accidents. Alors, tout ce que cela va nous dire, c'est quel est le dossier d'accidents. Le dossier d'accidents de la régie contient très peu de renseignements. Il ne nous dira pas si la personne était responsable ou non, par exemple. Il ne donnera pas de points de démérite. Il n'identifiera aucune autre partie. Techniquement parlant, depuis le changement au Code de la sécurité routière, nous devrions pouvoir obtenir ce premier renseignement.

Deuxièmement, en pratique comme vous le dites justement, si cet individu était avec le même assureur depuis longtemps et que tout simplement, à un moment donné, l'assureur décide de vérifier le dossier, comme on le fait de temps en temps au hasard, et que cette personne n'a pas donné son consentement, parce que le dossier est à l'intérieur de l'organisme privé seulement - l'assureur peut toujours vérifier ses dossiers et fonctionner de cette façon - c'est à peu près la marge de manoeuvre qu'il a. Il y a très peu d'échange entre les assureurs parce qu'ils ne sont pas organisés pour faire l'échange de renseignements. Il n'y a pas de banque de données universelle. Chaque assureur a sa banque de données, a ses dossiers qui sont parfois même difficiles à trouver parce que les dossiers sont détruits en automobile très souvent après deux ans. S'il n'y a pas de réclamation, les dossiers sont détruits, parce qu'il y en a trop.

Alors, c'est plutôt de cette façon qu'ils vont procéder et ils vont courir le risque jusqu'au moment où cette personne aura un accident. À ce moment-là, peut-être qu'ils pourront obtenir d'autres renseignements. Mais c'est vraiment une situation qui n'est pas facile. Actuellement, l'accès est limité parce que, franchement, si un individu refuse le consentement de vérifier son dossier, les seules autres ressources fiables et neutres, si on peut dire, c'est la régie qui les a. La régie est quand même liée par la loi sur l'accès, outre les exceptions. À moins que M. Medza ait d'autres commentaires, à mon avis, c'est ta façon dont ils procéderont.

M. Medza: La façon de procéder pour l'assureur qui recevrait une demande peut se situer à deux niveaux, une fois qu'il a fait toutes les tentatives d'obtenir l'information. On peut décider de tarifer le client selon le taux de risque le plus élevé parce qu'on n'a pas de renseignements utiles, pour permettre de lui consentir des réductions qu'il aurait autrement. Deuxièmement, on peut refuser tout simplement de l'assurer parce qu'on n'a pas reçu les déclarations nécessaires. Il faut se rappeler que le Code civil impose à l'inspecteur général un contrat d'assurance dont six ou sept des questions - vous m'excuserez si j'ai oublié le nombre - traitent précisément des déclarations de l'assuré, qu'il devrait normalement signer et qui peuvent être cause de nullité du contrat.

Il y a une très grande différence, comme vous le savez, entre la nullité du contrat et sa terminaison ou sa suspension en cours de terme. Ou on le refuse parce qu'on n'a pas l'information qui nous permet d'avoir un contrat et un client satisfait, ou on lui impose une prime qui va être plus élevée parce qu'on n'a pas l'information.

M. Filion: Le problème, c'est ceci. Le consentement de l'assuré, c'est prévu dans la loi, ce n'est pas un simple privilège que le citoyen a de refuser son consentement. Si la loi telle qu'elle a été adoptée par tes législateurs dit que, sans le consentement de l'assuré, il n'est pas possible d'obtenir l'information, cela veut dire que l'assuré est libre de donner son consentement. Les arguments que vous présentez sont de poids, ils sont de nature économique. Probablement que le revolver était fait en signe de piastres: Si tu ne signes pas, on va te donner le risque le plus élevé et cela va être assez élevé à part cela, la prime d'assurance. Au fond, là-dedans, il y a une question d'attitude au-delà de toutes les lois. Je l'ai dit: Vous recherchez la situation réelle des individus

D'un autre côté, avec les individus, iI y a des limites parce qu'une fois les renseignements rendus chez vous... Surtout vous demandez à ta page 11 et 12, comme le mentionnait le président, et c'est tout à fait justifié... parce que j'ai bien compris que vous avez une espèce de mandat de plan statistique qui vous est confié par le Surintendant des assurances. Donc, vous avez une espèce d'obligation légale. Donc, vous voule2 constituer cette espèce de banque de données qui pourrait servir à tous vos membres. C'est le type de situation qui devient préoccupante pour nous. À partir du moment où justement il existe une banque centrale où les pratiques au niveau des attitudes deviendraient peut-être un peu plus agressives de ta part des assureurs qui voudraient mieux déterminer leurs risques, c'est la protection des renseignements confidentiels qui devient...

On peut supposer que vous faites enquête sur une famille, à un moment donné, pour

savoir ou pour aider à déterminer un risque. Si je m'assure chez vous, vous irez voir si mon frère ou ma soeur ont un bon dossier. Je suis convaincu que, sur le plan statistique, cela pourrait être une information utile dans deux ans, mais peut-être pas actuellement, j'en conviens, mais éventuellement parce que les actuaires qui travaillent pour vous trouveraient de nouveaux éléments sur lesquels ils pourraient baser leurs études actuarielles justement.

Je ne sais pas si vous saisissez un peu. II n'y a pas de limite à votre recherche de la situation réelle des individus, et il faut qu'il y en ait une, à un moment donné. Vos actuaires vont mâcher toute la viande que vous leur apporterez pour arriver, encore une fois, à une répartition plus équitable du fardeau des primes.

Je voudrais vous permettre de réagir devant cette espèce de double réalité qui se confronte. (13 heures)

M. Medza: M le Président, quand nous avons déposé la recommandation d'établir un fichier maître auprès de l'Inspecteur général des institutions financières en juillet 1987, nous avons tenu compte de ces aspects. Le temps de la commission étant relativement serré, je me permettrais si vous le désirez, sans déroger aux règles qui sont permises, de vous faire tenir une copie du rapport que nous avons remis à l'inspecteur général et dans lequel vous constaterez que nous avons déjà prévu que l'accès doit être limité et très restreint. Un assureur ne peut pas accéder au fichier n'importe quand, n'importe comment et pour n'importe qui.

D'abord, entre eux, les assureurs s'y opposeraient pour des questions de concurrence. Sans cela il serait possible, pour utiliser un terme anglais, de "scanner" le système et d'aller chercher des informations sur les meilleurs assurés des autres assureurs. C'est impensable que les assureurs consentent à une chose semblable entre eux. II serait donc préférable que l'accès soit limité à un assureur qui donne un numéro de contrat et un numéro de permis de conduire qu'il a obtenus et rien d'autre. II ne peut pas obtenir d'autres informations. II ne peut pas avoir une série de clients. II ne peut pas donner un nom et avoir une information. II ne peut y aller que par le numéro de permis de conduire Vous allez me dire: II est toujours possible de constituer le numéro de permis de conduire de quelqu'un par son nom. Effectivement, il est possible de le faire. Sauf qu'il faut avoir le programme et il y a des coûts que cela entraîne. C'est déjà prévu.

Deuxièmement, nous avons mis un deuxième mécanisme au cas ou quelqu'un tenterait systématiquement d'accéder au dossier et de prendre plusieurs informations. Nous avons un rapport d'accès ou un contrôle d'accès qui sera déposé et sur lequel nous vérifierons le nombre de fois qu'un assureur a accédé au fichier, pour qui il a accédé et quel usage il en a fait. Alors, je pense que ce sont deux mécanismes de contrôle impor- tants, celui qui est à l'accès, pour accéder au système, et celui qui est au niveau du nombre de consultations qui ont été faites.

M. Filion: Si je regarde le code de déontologie, les principes directeurs en matière de vie privée pour l'industrie et les assurances IARD que vous nous avez soumis avec votre mémoire, c'est ce que vous appelez un peu le code de déontologie?

Mme Gagné: Le terme est peut-être un peu fort.

M. Filion: Le terme est un peu fort. D'abord, cela a six paragraphes. Ce n'est pas le nombre qui compte, vous allez me dire, mais c'est flou un peu. Au premier paragraphe, vous dites: "Seuls des moyens convenables et permis peuvent être employés pour l'obtention des renseignements personnels pertinents et essentiels", etc, "et, dans la mesure du possible, ces renseignements seront obtenus directement auprès des personnes concernées." Je ne sais pas si vous vous rendez compte du flou qui existe dans les expressions suivantes: "Seuls des moyens convenables et permis." Ensuite, on dit "dans la mesure du possible "

Au paragraphe 4, vous dites: Toutes les mesures, voulues dans les limites raisonnables, seront prises pour veiller à ce que les renseignements personnels recueillis, utilisés, conservés ou diffusés soient exacts, pertinents, à jour et complets. " "Limites raisonnables", où sont les jalons de I'appréciation de cela? Bonne chance, tout le monde! Au paragraphe 5: "L'accès aux informations", vous en parliez, "détenues par la société ou leur diffusion sera limité a son personnel, ses agents, ses courtiers", etc, "en ayant un besoin légitime." Comment s'apprécie la légitimité d un besoin d un assureur?

En deux mots, je suis surpris de voir que cela ne va pas plus loin que cela, les principes directeurs pour les assureurs. Depuis le temps que le problème de la protection des renseignements confidentiels et de l'accès à l'information est discuté dans les sociétés occidentales! Si vous regardez vos voisins américains, vous avez entendu les intervenants qui sont venus avant vous, il existe aux États-Unis une réglementation et des lois qui protègent un peu mieux les citoyens et les citoyennes qu'au Québec ici, parce qu'on n'a pas de loi ni de réglementation, vous nous présentez un code de déontologie qui fait un peu "wishful thinking". II serait peut-être intéressant, si les assureurs veulent s'autoréglementer et surtout dire qu'ils s'autoréglementent vraiment, qu'ils définissent un peu mieux leurs règles.

Mme Gagné: Comme vous le mentionnez, c'était justement une première étape sur l'autoréglementation. C'est un autre point, c'est strictement un principe directeur toujours assez

difficile à contrôler évidemment aussi. C'est purement une première étape inspirée de plusieurs enquêtes qui ont été faites surtout en matière de rapports médicaux où évidemment il y a eu un resserrement assez important par rapport aux assureurs, aux enquêteurs, à t'assurance-vle et à l'assurance-maladie, etc. C'est une étape suivante qui s'applique à tout genre de contrat d'assurance en général. Pour ce dont nous parlons ici, la tarification des dossiers particuliers, les fichiers maîtres, qui sont à l'étude actuellement non seulement au Québec mais dans toutes les provinces, le code va être beaucoup plus serré que cela, car, là, il s'agit d'une centralisation de renseignements. Ici, nous parlons de l'acte de l'individu comme tel, de l'échange de ces renseignements avec les personnes avec qui il fait affaire.

Tant qu'il n'y a pas une organisation systématique d'échanges de renseignements autre que le fichier maître, il faut quand même reconnaître que les échanges sont assez limités à l'extérieur de l'assurance. Et comme M. Medza l'a mentionné, il y a évidemment toutes les restrictions, il y a très peu d'échanges, il y a quand même un échange assez limité à cause de la compétition entre assureurs et surtout à cause de toutes les poursuites judiciaires et des différentes lois de toutes les provinces qui s'appliquent, les lois de la preuve. Parfois, vous savez, ici, cela semble peut-être un peu flou, mais il y a un tas d'autres contrôles qui s'ajoutent en plus de ce code. Comme vous le dites, peut-être que c'est un peu flou, C'est une première étape et il y aurait certainement matière à amélioration en comparaison avec les lois américaines, par exemple, mais actuellement nous avons quand même assez d'autres contrôles pour protéger l'individu.

M. Medza: M. le Président, les membres de la commission pourront prendre connaissance du document que je vous ai remis tout à l'heure et dans lequel vous verrez qu'il y a plus de dureté dans l'application que dans le principe directeur. Vous admettrez que l'émission d'un principe directeur doit être suffisamment large pour permettre de travailler et, après cela, il est préférable de s'en tenir au cas par cas, dans les situations particulières. Les informations que le fichier contiendra sont tellement limitées et sont exclusivement et essentiellement le résultat de deux choses: les accidents ou les réclamations, et les points d'inaptitude, rien d'autre!

M. Filion: Mais en même temps, M. Medza, vous reconnaîtrez que votre première recommandation dans le mémoire que vous déposez vise à faire en sorte que les assureurs aient accès aux dossiers d'enquête des forces policières. C'est quand même...

M. Medza: ...pour le règlement des sinistres.

M. Filion: Oui, pour le règlement des sinistres. Mais quand même, c'est le dossier des forces policières pour le règlement des sinistres, de toutes sortes de sinistres, n'est-ce pas? J'ai bien compris? Il n'y a pas de limite. Ce n'est pas seulement l'automobile, c'est l'incendie, etc.

M. Medza: Tous ceux qui nécessitent...

M. Filion: D'accord. Mais c'est quand même un réservoir absolument délicat et fragile d'informations que les rapports de police. En même temps, vous nous dites: Donnez-nous accès aux rapports de police. Mais vous admettez un peu du même souffle que votre code de déontologie en est, disons, à sa première expression. Un peu plus de dureté... Je vais prendre connaissance du document. En tout cas...

Une dernière question, à la page 4 de votre mémoire, dans le rapport que le Groupement des assureurs automobiles a déposé auprès du Surintendant des assurances. Je cite ce que vous dites vous-mêmes dans le rapport: Toutefois, en ce qui concerne le dossier de conduite, soit une autre variable importante du système de tarification en assurance automobile, l'information sur ce dossier est devenue de moins en moins disponible et crédible." Pourriez-vous expliciter votre pensée sur cette partie de votre mémoire?

M. Medza: M. le Président, il s'agit ici des effets de l'article qui traite de la convention d'indemnisation directe. Comme vous le savez sans doute, depuis l'avènement de la réforme en assurance automobile, le législateur a voulu que les assureurs indemnisent directement leurs assurés, indépendamment qu'ils soient responsables. Or, nous avons dû inaugurer la convention d'indemnisation directe qui établit des normes, des critères, des barèmes de responsabilité, à partir desquels les assureurs indemniseront leurs propres assurés dans la mesure où ils ne sont pas totalement responsables de l'accident. Alors, cette façon de procéder fait qu'on n'échange plus entre les assureurs, qu'il n'y a plus de poursuite et qu'on ne connaît pas toujours la partie responsable de l'accident. La partie responsable est celle normalement qui, dans la tradition de la tarification québécoise, nord-américaine et même mondiale, est pénalisée ou qui subit le contrecoup des accidents.

Dans ce système-ci, nous avons perdu ou nous n'avons pas 40 % des cas de personnes responsables. On nous tait fort bien l'information de façon à bénéficier d'un escompte de son taux d'assurance, si bien que les autres assurés, ceux qui ne sont pas responsables des accidents et ceux qui n'ent ont pas doivent assumer ce manque de fonds dant tout le "pool" d'assurance.

Alors, nous croyons que l'information sur les accidents est devenue non crédible, et cela se manifeste dans le rapport que nous avons remis à l'inspecteur général sur des statistiques sur tes automobiles. Dans ce rapport, nous notons que.

l'an dernier, plus de 85 % des assurés n'auraient pas eu de réclamations dans les cinq dernières années, alors que ce pourcentage, il y a quelques années, se situait aux environs de 35 %. Alors, tout d'un coup, il y a 50 % des assurés de la province qui n'ont plus d'accident depuis cinq ans. Je trouve ça merveilleux, sauf que les résultats financiers ne démontrent pas ça.

M. Filion: Ce que vous êtes en train de me dire est assez catastrophique Vous êtes en train de me dire qu'il y a peut-être 40 %...

M. Medza: À peu près.

M. Filion: ...des sinistres dans le domaine de l'automobile qui ne font pas l'objet d'une détermination de responsabilité par nos assureurs. Donc, il n'y a même pas d'entente entre les assureurs C'est ça?

M. Medza: Non

M. Filion: Je croyais que chaque sinistre faisait l'objet. Bon, alors, ton assuré est responsable à 100 %, le mien à zéro ou 50-50 Non II y a 40 %...

M. Medza: Ce serait vraiment trop coûteux de faire ça. Cela coûterait une fortune Sauf que ça crée des inéquités chez les assurés Cela débalance la proportion des primes.

M. Filion: C'est clair. M. Medza: Oui.

M. Filion: Mais pourquoi ce désintérêt des compagnies? Parce que, monétairement parlant, cela ne change pas grand-chose C'est ça?

M. Medza: Bien, cela change dans le sens que

M. Filion: Mais pourquoi les assureurs ne font-ils pas leur travail de parler entre eux des circonstances de l'accident et de dire. Voici, un tel, ton client, ton assuré est responsable à 50 %, le mien, à 50 % ou 0-100 % C'est secondaire sur le plan.

M. Medza: Certains assureurs peuvent le faire, parce qu'ils ont la structure et le personnel pour le faire, et cela n'entraîne pas des coûts additionnels. Mais il faut bien calculer que, si on devait aller en subrogation dans chacune des quelque 220 000 réclamations qui sont faites par année, cela voudrait donc dire qu'il y aurait quelque 400 000 dossiers d'ouverts dans les compagnies d'assurances. Imaginez-vous si on prend seulement dix minutes par dossier, ce qui est peu probable, les coûts que cela va entraîner et que les assurés vont être obligés d'assumer. II y a une question de coût. Je pense que les assureurs, depuis 1981, depuis trois ans après l'entrée en vigueur du régime, ont tenté toutes sortes de méthodes pour obtenir des informations. Mais on se bute toujours à des refus à cause du coût, de la protection de l'information, du respect de la vie privée Sauf que ce sont les autres assurés qui paient. Cela devient du domaine public à ce moment-là.

M. Filion: Mais il serait bon d'informer les Québécois et les Québécoises que leurs primes - c'est ce que vous êtes en train de me dire - montent à la suite d'un accident, de toute façon, qu'ils soient responsables ou non.

M. Medza: Je pense que déjà ils sont au courant D'ailleurs, l'inspecteur général en a fait mention, il y a quelques semaines, dans une émission, dans une interview, ici, à Québec. Nous avons discuté avec l'Association des consommateurs du Québec. Nous avons échangé de ta correspondance avec eux à ce sujet Ils sont en train de faire une enquête dans le dossier. Ils vont nous recontacter. Nous sommes au courant de cette situation. Sauf qu'il n'y a pas de solution miracle, qu'il n'y a pas de solution magique.

Nous disons qu'une des façons de rétablir un équilibre dans le dossier de conduite, c'est l'établissement d'un fichier maître au moins des accidents, de façon à rééquilibrer.

M. Filion: Pourtant, nos primes montent tout le temps. Les compagnies d'assurances épargnent du personnel en ne faisant pas d'enquête sur les accidents et nos primes montent tout le temps. Là, on va tomber dans les garages, je suppose, et dans le coût de la ferraille Mais, enfin! Là, le président va m'arrêter.

Le Président (M. Trudel): On va tomber dans la mauvaise commission aussi! On pourrait s'adresser à une autre commission, M le député de Taillon.

M. Medza: II me fera plaisir de répondre, M le Président, aux questions des membres de la commission en privé, s'ils le désirent.

M. Filion: Oui? Ha, ha, ha! Je voudrais donc vous remercier de la qualité de votre mémoire et de vos interventions livrées très directement et très franchement aux membres de cette commission

Le Président (M. Trudel): À mon tour, au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie de vous être déplacés pour venir nous rencontrer ce matin. On va vous souhaiter un bon retour à Montréal qui est précipité, m'a-t-on dit un peu plus tôt ce matin.

M. Filion: Attention aux accidents!

Le Président (M. Trudel): Vous m'enlevez les paroles de la bouche. J'allais dire: Faites attention aux accidents, ce que vient de dire le député de Taillon. La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de ta séance à 13 h 15)

(Reprise à 15 h 20)

Le Président (M. Trudel): Je dois vous dire que le député de Taillon, qui est le porte-parole officiel de l'Opposition dans ce dossier sur l'accès à l'information, m'avait dit qu'il serait quelque peu en retard et, s'il n'était pas arrivé à 15 h 20, de commencer sans lui. J'ai l'impression, si je ne vois personne de ce côté-ci de la table, qu'on est au Nouveau-Brunswick. Si un de mes collègues peut y aller, on aurait moins l'impression d'être au Nouveau-Brunswick ou dans une quelconque république où il y a une démocratie parlementaire de type unifié.

Au moment où j'invite M. Sonet, qui attend depuis un bon moment, de façon à pouvoir les rendre publics dans les meilleurs délais, je vais déposer cinq mémoires qui nous ont été remis -j'allais dire par autant d'organismes mais il y a le mémoire d'un individu dans le lot - pour dépôt seulement, les groupes ou les gens qui les ont rédigés nous ayant demandé de ne pas comparaître devant la commission. Au secrétariat, ce midi, on me disait qu'il y aurait probablement quelques autres documents qui seraient déposés soit demain, soit à la prochaine séance de la commission, encore une fois en provenance de groupes ou d'individus qui n'ont pas l'intention de comparaître ici.

Je fais donc le dépôt officiel des mémoires suivants, pour les besoins du Journal des débats: Association des centres de services sociaux du Québec, 20M; Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec, 10M; M. Orner Laforêt, 3M; Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, 8M; le journal The Gazette, 21 M. Ces mémoires sont maintenant déposés. Les intéressés pourront en obtenir des copies auprès du secrétariat de la commission.

J'invite maintenant M. Hubert Sohet à prendre place à la table des invités de la commission et à nous faire part à la fois de son expérience et de ses préoccupations face à l'accès à l'information au Québec et face au rapport de la Commission d'accès à l'information.

Évidemment, en pensant au Nouveau-Brunswick, où il n'y a pas beaucoup d'opposition, j'ai oublié de déclarer les travaux de la commission ouverts et de souligner que nous reprenions nos travaux qui avaient été suspendus à 13 h 20.

M. Sohet, bienvenue à la commission de la culture. Vous devez commencer à vous sentir à l'aise puisque je vous vois parmi nous depuis hier matin. Je pense que je n'ai pas à vous rappeler les règles du jeu. Vous les connaissez bien puisque vous m'avez entendu les rappeler à la plupart de nos invités, ce que j'éviterai de faire avec vous. Je vous inviterais donc immédiatement à nous faire part de vos vues sur le sujet, M. Sohet.

M. Hubert Sohet

M. Sohet: Je vous remercie, M. le Président. Je vous remercie également pour cette Invitation. Je voudrais dire que je suis un ancien enseignant et que je voudrais me faire le porte-parole des plus démunis, particulièrement de ceux qui ont affaire à l'aide sociale. La nouvelle appellation est la sécurité du revenu.

En 1987, on a vu tes citoyennes et les citoyens faire preuve d'une grande maturité dans l'exercice de leurs droits, Toutefois, certaines personnes doivent encore apprendre à avoir confiance en elles pour être capables d'exiger et d'obtenir le respect et la quiétude. Pauvreté, surtout économique, n'est pas vice. C'est pour cette raison que j'affirme que le client de l'aide sociale, je n'aime pas cette appellation, je préfère dire client de la sécurité du revenu, ne doit pas être un paria ou un citoyen de seconde zone qui courbe l'échine, comme s'il supportait te poids des circonstances socio-économiques dans lesquelles il vit.

Je suis contre le fichage de la pauvreté. Je prends le cas du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, c'est-à-dire l'organisme qui gère actuellement la Loi sur l'aide sociale. Je reproduis ici un extrait du journal LeMonde des 25 et 26 novembre 1984: "La Commission nationale de l'informatique et des libertés, par un avis rendu le mardi 13 novembre 1984, a autorisé la Caisse nationale d'allocations familiales à modifier son système de traitement Informatique... interdiction de faire entrer dans les fichiers les informations anonymes recueillies en retour sur l'action menée et de les conserver plus de deux ans."

Au Québec, au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, on investit dans le système informatique, et je dirais que c'est au détriment des relations humaines. Il faut savoir que, dans cette structure, le futur client de la sécurité du revenu doit essayer de régler son cas dans un des 135 bureaux locaux du réseau des centres Travail-Québec qui n'offrent absolument aucun emploi.

Les inconvénients d'un système informatique pourraient être: 1° une insatiable volonté de savoir, ce qui aboutirait au fichage des pauvres; 2° un contrôle social excessif déclenchant un mécanisme que le client ne pourrait contrôler; 3° de privilégier des commandes administratives; 4° une information-pouvoir ou une information-inquisition; 5° un révélateur de l'ambiguïté de l'action sociale.

En ce qui concerne les délais, un client de la sécurité du revenu peut être dans une situation d'urgence et la personne responsable de

l'application de la loi d'accès à l'Information - ici, au ministère de la Main-d'Oeuvre, elle possède un doctorat et est secrétaire du ministère - ne doit pas se prévaloir du maximum de délai, c'est-à-dire 30 jours. Quels sont les abus possibles des fonctionnaires dudit ministère?Le bureau régional, chargé de la révision du dossier du client, invoquera la non-possibilité d'accès au dossier tant qu'il est dans les mains du ministre et dépassera les délais légaux prévus à la Loi sur l'aide sociale.

En ce qui concerne les enquêteurs du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, communément appelés boubous macoutes, la cueillette d'informations sous le couvert de la loi - commission d'enquête - non pertinentes à la suite d'une mauvaise Interprétation de la loi gérée, peut causer des préjudices aux personnes concernées.

En ce qui concerne les organismes privés, j'ai ici une note pour le bureau de crédit et Je vous pose une question. Quand allez-vous mettre de l'ordre dans ces bureaux qui recueillent de l'information pour les institutions financières et qui semblent n'avoir de compte à rendre à personne? Ce fichage semble ne pas être réglementé et cela a pour conséquence d'empêcher une personne d'avoir recours aux services des institutions financières parce que sa cote de crédit n'est pas bonne. Une fois que ses comptes sont réglés, elle devrait avoir à nouveau un dossier vierge, d'où la nécessité de limiter la période de stockage de l'information. Antérieurement, j'ai parlé de deux ans.

Qu'est-ce qu'il y a de meilleur que la loi d'accès à l'information? Je réponds ici que c'est la Loi sur la Commission des affaires sociales. En effet, on peut obtenir, lors d'une audition, à partir de la copie émasculée, une copie originale parce que la Commission des affaires sociales est maître de sa procédure. Donc, dans ce cas, la loi sur l'accès à l'information et son secret sont déjoués.

J'aimerais, si vous le permettez, M. le Président, expliquer davantage maintenant et |e voudrais commencer avec un organisme privé, celui qui se dit régi par les lois de la province et du pays, mais qui, en réalité, lors d'une entrevue, vous avouera qu'il n'y a pas de loi au Québec. Alors, avant de venir ce matin, je suis passé à ce bureau de crédit. Je suis allé faire mettre une mise à jour de mon dossier Je vous ai dit tantôt que j'étais un ancien enseignant, que j'étais sur laide sociale, selon l'expression populaire. J'ai de nouveau fait une demande à la Loi sur l'aide sociale parce que je suis sans travail, mais cela fait six mois qu'on attend.

Au numéro 6 de leur code de déontologie qui est affiché dans la salle d'attente, iI est écrit qu'ils s'engagent à garder l'information appropriée. "Nous nous sommes - disent-ils - engagés à enlever du dossier d'un consommateur l'information périmée, conformément à la loi applicable " Alors, |e me pose une question

Laquelle? Au numéro 7: "Nous prenons aussi en considération l'esprit et l'intention des lois édictées pour assurer les droits des consommateurs à la protection du caractère confidentiel à leur information." Voilà ce que j'ai eu, ce matin.

Ce matin, j'ai eu à patienter une heure pour obtenir l'information dont j'ai eu besoin. C'est pour vous dire que, si vous êtes un citoyen ordinaire qui normalement travaillez, vous devez perdre au moins une heure de travail. Vous allez devoir également payer pour cette heure, 0,50 $, le même tarif qui est appliqué pour obtenir une photocopie à la ville de Québec, nous a-t-on appris hier, et puis vous allez obtenir un document de cette sorte où il vous faut, après cela, si vous étiez seul, une fiche expliquant chaque code, vu que c'est informatisé. Ces codes sont, on peut dire, inintelligibles en langue française.

J apprends aussi qu'en ne payant plus mes mensualités sur ma maison, étant propriétaire depuis décembre - vous savez que, dans les contrats, il y a une clause de dation en paiement - l'organisme prêteur ici - j'apprends cela lors de ma visite ce matin - a fait une demande pour connaître mon état de crédit et, en plus de mettre cette inscription à mon dossier, on mentionne - ce n'est certainement pas pour me rendre service - que je suis sans emploi.

Or, voici une information que je ne donne pas de bon coeur, que je ne donne pas lorsque je m'inscris et qui va être notée au dossier J'en arrive maintenant à la loi sur l'accès à l'information, au titre de votre document, Une vie privée mieux respectée. Je vous dirai que je pars du principe que la vie privée au Québec, il n'y en a plus avec le système informatique Je vous dirai également qu'avant de vouloir faire respecter les renseignements qui sont éventuellement colligés par certains organismes, je préférerais avoir le droit et l'autorisation de ne pas les fournir.

Alors, je vais vous donner le cas ici, si vous le permettez, d'un client qui se présente à l'aide sociale et qui va devoir remplir une formule. Sur cette formule, il y a trois volets. À la dernière question, on lui dira: Je déclare au même titre que si j'étais sous serment que les renseignements qui figurent dans la présente demande sont exacts et complets et je m'engage à informer sans délai le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu de toute modification à ces renseignements et, notamment, de la date de mon retour au travail.

Voici ce qui est plus grave, je trouve. De plus, j'autorise - pour moi, cela veut dire que le ministre n'a pas le droit de me le demander - le ministère du Revenu du Québec à fournir au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu tout renseignement concernant mes revenus.

Au point 9 également, c'est toujours le cas de la personne qui se présente à l'aide sociale. C'est la personne qui est la plus défavorisée au

point de vue monétaire momentanément ou d'une façon permanente. On va également lui demander d'établir tout son bilan, etc., mais surtout la question des dettes. Je trouve cela affreux.

Je vous al dit tantôt que les centres Travail-Québec, c'est un beau nom, mais on a des mots qui ne veulent plus rien dire. Je vous ai dit qu'on n'offrait plus de travail dans ces centres d'emploi depuis quelques mois. On vous fait remplir en même temps - toujours en 1987 et on pourrait extrapoler en disant 1988 - une offre de service. À quoi servent ces renseignements, s'ils n'offrent plus d'emploi? C'est l'article 58 du règlement de l'aide sociale qui gère la formule: "La demande dont le ministre prescrit la forme établit notamment" etc. J'attire votre attention ici sur le fait que, si nous avons une loi, si nous avons un règlement, la loi et le règlement sont les deux textes officiels et c'est vous, parlementaires, qui décidez de cela. Après cela, le ministre responsable d'un ministère va édicter une formule.

C'est cette formule que je viens de vous citer et je vous al cité le numéro 10. Il contraint le futur client de l'aide sociale à fournir ses rapports d'impôt. Maintenant, si le client qui se présente à l'aide sociale ne fournit pas, par exemple, ses rapports d'impôt - c'est ce que j'ai fait la dernière fois - on va vous dire: Signez une déclaration assermentée comme quoi vous nous autorisez, monsieur. Alors, on met un peu d'eau dans son vin et on le fait. Mais si on a envie de ne pas vous donner cette aide économique de dernier ressort, on va invoquer autre chose. Ce sera, à ce moment-là, l'article 12f de la Loi sur l'aide sociale, qui nous dit: "L'aide sociale peut être refusée, discontinuée, suspendue ou réduite dans le cas de tout adulte qui, sans raison suffisante, refuse ou néglige de fournir les renseignements requis pour l'étude de sa demande."

En plus de la loi, en plus du règlement, en plus de la formule qu'on nous demande de remplir, l'agent qui vous reçoit vous mentionnera encore une autre fiche où tous les renseignements que, lui, juge utiles seront réclamés et il se placera toujours comme représentant du ministre. C'est-à-dire qu'il a tous les pouvoirs vis-à-vis du citoyen ordinaire. Qu'est-ce qu'il fait à ce moment-là? Si, dans son esprit, le client qui est devant lui est de mauvaise foi ou ne donne pas les renseignements pertinents, il est obligé de se rabattre sur un article - c'est l'article 60 - du règlement qui nous dit ceci: "La demande fait l'objet d'une entrevue personnelle avec le requérant, ensuite, d'une vérification de déclaration faite par ce dernier et, s'il y a lieu, des considérations pertinentes à la mise en oeuvre d'un plan de redressement. Nous en sommes à cette deuxième étape de la vérification.

Je résume encore. La loi, le règlement, le formulaire de demande, le formulaire de l'agent qui vous demande tous les documents requis et, en plus, il y a bien sûr la jurisprudence et cette jurisprudence a été annotée et consignée dans un document qui était public jusqu'en 1981 et qui, depuis 1981, ces dernières années, a pris cette allure-ci, c'est-à-dire un cahier à anneaux de cette épaisseur, d'environ cinq centimètres. Pour vous illustrer cet article 60, comme directives particulières, comme directives administratives, l'agent va avoir ceci, on va lui dire ceci: L'entrevue doit se faire non sur la base stricte de formalités à remplir, mais sur celle d'un droit présumé. Je peux vous dire que, par expérience, c'est vraiment sur la base stricte de formalités à remplir que l'on Intervient.

L'article 36 de la loi précise bien, en effet, que le ministère doit prêter son assistance à celui qui veut exercer son droit. Présentement, les agents reçoivent des directives pour exercer certaines coupures, bien sûr, de niveau économique. "Il faut donc, dit-on, chercher d'abord à établir l'existence et non pas à la nier." Je prétends qu'on essaie de nier ce droit à l'aide sociale. "Les formalités requises ne sont que l'encadrement dans lequel cette recherche doit se faire. La vérification des déclarations des requérants, par ailleurs, doit se faire avec discernement et ne saurait être immédiate à tous égards. Une personne qui se présente à l'aide sociale est souvent dans une situation difficile et le nécessaire doit être fait pour alléger cette situation. Dans la mesure où elle semble raisonnable, où rien ne vient les contredire et où aucune présomption contraire ne saurait leur être opposée, les déclarations du requérant doivent être acceptées à leur mérite, au moins pour le premier mois. La vérification immédiate doit se limiter aux éléments les plus déterminants comme, par exemple, le quantum de revenus."

Dans le cas présent, cette dernière demande que j'ai faite - depuis mai 1987, j'avais dû vendre un deuxième bien - ... l'agent qui vérifie la demande peut avoir des doutes; alors, il va de nouveau se rabattre sur un autre article, l'article 12 de la loi qui dit que le client doit établir son droit à l'aide sociale; ensuite, s'il a des doutes, il va se servir de ['article 23 de la Lof sur l'aide sociale.

Le Président (M. Trudel): M. Sohet... M. Sohet: Oui.

Le Président (M. Trudel): ... je m'excuse d'intervenir à ce moment-ci. Il y a déjà 20 minutes que vous nous exposez vos idées et j'aurais dû vous rappeler moi-même tantôt que, dans le cas des individus et non pas des organismes - nous vous avons envoyé un télex à ce sujet - la période était réduite à 45 minutes, dont 15 minutes pour l'invité et 15 minutes pour les deux partis. J'ai fait preuve de souplesse jusqu'à miantenant, y compris pour vous. Depuis le début des auditions hier matin, il y a des groupes qui ont dépassé 20 minutes. Là, nous

sommes en face d'un individu qui atteint maintenant 20 minutes. Pourrais-je me permettre de vous demander de conclure rapidement de façon que nous puissions passer à la période de questions, s'il vous plait?

M. Sohet: Oui, je voudrais mentionner ceci. Lorsqu'on exerce ses recours, on les exerce d'abord au bureau régional de révision, où c'est une révision administrative. Après cela, éventuellement, iI y a une révision ou un droit d'appel, si vous voulez, à la Commission des affaires sociales. Rendus à la Commission des affaires sociales, comme appelants surtout, on est déçus lorsqu'on apprend que... Et là, dans la Loi sur la Commission des affaires sociales, l'article 38, cinquième alinéa, se lit comme suit: "Lors de l'enquête et de l'audition devant la division de laide et des allocations sociales, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, ou un organisme qui a conclu un accord conformément à I'article 35 de la Loi sur l'aide sociale, a le droit de se faire représenter, pour plaider ou agir en son nom, par une personne de son choix." Cela veut dire que le ministre ou le ministère peut se faire représenter par un fonctionnaire tandis que le simple citoyen, lui, peut avoir recours éventuellement à un avocat, mais ne peut pas avoir recours à une personne de son choix.

Enfin, pour terminer, si vous le permettez, je veux vous dire que je suis passé à la Commission des affaires sociales et cela, c'est le but de la loi d accès à I'information Je veux demander cela. On obtient, avec la loi d accès à l'information une copie, éventuellement, du plan d enquête de I'inspecteur Macoute, une copie émas culée. On veut protéger les renseignements nominatifs.

Si vous passez devant la Commission des affaires sociales, c'est une autre loi. Elle a ses propres règles de procédure. Vous allez obtenir le texte intégral. Alors, la question devant cette commission: À quoi sert la loi d'accès à l'information? Je vous remercie, M le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, M Sohet. Un bref commentaire, peut-être, avant une question ou deux. Sans aucune arrière pensée, ce que vous soulevez, ce sont des questions de procédure devant d'autres tribunaux administratifs que la commission. Vous avez, bien sûr, parlé de façon incidente de la Commission d accès à I information. Je ne suis pas certain que ce que vous nous avez dit ou la façon dont vous nous l'avez dit s'adresse véritablement à cette commission.

Cela dit, nous vous avons écouté et j'ai I'intention de répondre à une ou deux de vos affirmations. Peut-être que vous auriez intérêt... Je ne sais trop si vous êtes parmi la centaine d organismes ou de personnes qui ont déjà fait parvenir un mémoire à la commission des affaires sociales qui étudiera à compter de la semaine prochaine ou dans une dizaine de jours le projet de politique de M le ministre Paradis auquel cas ce serait peut-être un meilleur endroit qu'ici pour exposer ce que vous nous avez exposé.

Je retiens deux choses de ce que vous m'avez dit ou de ce que vous nous avez dit. Vous l'avez dit de façon générale, mais vous lavez appliqué immédiatement à l'aide sociale. Vous avez dit ceci: Je réclame ou j'invoque le droit de ne pas donner des renseignements. À moins que je vous ai mal compris. J'ai pris ça comme note, parce que cela m'a frappé. Cela m'a frappé pour une raison assez simple, c'est que vous invoquez ce droit à l'encontre de demandes qui sont faites dans le cadre d'un programme universel d'aide. Enfin, on parle de l'aide sociale J'oublie pour le moment - j'y reviendrai tantôt rapidement - les enquêtes dont vous dites en répétant une vieille expression que je pensais qu on avait oubliée.

Sur le premier point, ne pensez-vous pas que dans la mesure ou les renseignements nominatifs que vous allez donner sont gardés, je dis bien dans la mesure où ces renseignements seront gardés, confidentiellement tant que vous n'aurez pas autorisé quelqu'un à les donner à quelqu'un d'autre ou à les remettre à quelqu'un d'autre il est un peu normal que, dans le cadre d'un programme comme celui de I'aide sociale, il y ait un minimum de renseignements qu'on vous demande et qu'il y ait un minimum de choses dont on s'autorise, notamment - je ne pense pas qu on prenne personne par surprise - qu'on puisse passer certains renseignements d'un ministère à I autre?

Quand on parle d'aide sociale, c'est parce qu on a besoin de I'État pour nous aider à vivre. Tant mieux s'il y a ce genre de programme. II m'apparaît normal, jusqu'à un certain point, que des sources de revenus autres que I'essentiel puissent être déclarées. De toute façon, je pense qu il faut déclarer toutes ses sources de revenus. Dans un formulaire, le ministère vous dit tout de suite: Bien, nous, on demandera au ministère du Revenu. Moi, je trouve un peu étonnant qu'on puisse requérir le droit de ne pas donner des renseignements alors qu'on demande l'aide de l'État. (15 h 45)

Vous étiez présent, ce matin, quand les assureurs sont venus nous parler de leurs problèmes et qu'ils ont notamment souligné le fait que des personnes donnaient soit de faux renseignements ou des renseignements incomplets. Les assureurs nous ont dit: À cause de ces gens-là, l'ensemble des gens qui s'assurent paient plus, parce que nous devons couvrir nos risques pour ce genre de chose. Voici un programme privé où on vous dit: Vous voulez avoir de l'assurance?Donnez-nous tel ou tel renseignement. Je vous réplique que cela devrait être d'autant plus vrai avec un programme public qu'on puisse vous demander d'avoir accès, dans I'autre sens, à des renseignements de nature nominative provenant

de votre part mais, encore une fois, j'ajoute qu'on s'engage à les garder confidentiels tant que celui qui les donne n'a pas autorisé leur accès à quelqu'un d'autre.

M. Sohet: Je comprends votre question et j'y réponds. De façon très générale et en sortant du cadre de l'aide sociale, je peux vous dire que j'ai en poche un permis de conduire et, sur mon permis de conduire, ne figure pas mon numéro d'assurance sociale. Je vous mets au défi de sortir votre permis de conduire, M. le Président, de me montrer, de me dire, de me prouver qu'il n'y a pas de numéro d'assurance sociale Inscrit dessus. Je suis à peu près certain que votre numéro d'assurance sociale y est inscrit. Il y avait sur ce petit document une place pour mettre un numéro d'assurance sociale. Ce n'est pas parce que vous êtes fonctionnaire et que vous voyez un document où il y a une place pour mettre tel renseignement que vous êtes obligé de l'inscrire. C'est une première réponse.

Au sujet de l'aide sociale, maintenant, je veux sortir du domaine des procédures et je peux vous dire aussi que, si je suis ici aujourd'hui, j'en ai profité parce que, lorsque j'ai vu l'annonce, je l'ai vue pour trois commissions parlementaires différentes. Je peux vous certifier qu'un document plus étoffé que celui-ci est déposé pour la commission des affaires sociales. Je revendique le droit, et c'est une nécessité même... la loi d'accès à l'information, c'est cela. Ces documents-ci, ces textes de loi, ce sont les documents officiels. Ces documents officiels, M. le Président, allez dans n'importe quel ministère si vous êtes un contribuable, un citoyen ordinaire, vous ne les verrez pas là. Vous allez les voir, bien sûr, à l'édifice G, chez l'Éditeur officiel. Ce n'est pas tout le monde qui sait cela, qui connaît les bonnes places, etc. Je trouve que chaque ministère dans chaque bureau local, etc., devrait mettre ces documents à notre disposition. On vous met des plaquettes de publicité qui ont un caractère officieux, mais ce n'est pas ce qui est important. C'est une première réponse.

Une deuxième. Je vous ai dit que les directives administratives venaient après la loi, après le règlement, qui sont les deux textes officiels. Voici des textes officieux; Ils sont gros comme ceux-ci maintenant. Tout un cahier à anneaux comme cela. Avant 1980, c'était une loi annotée; cela porte exactement le titre de Manuel de l'aide sociale, édition annotée de la Loi sur l'aide sociale et du règlement d'aide sociale. Les règles du jeu, c'est de savoir de part et d'autre... Vous m'avez parlé de certains renseignements au point de vue du revenu. Je vous dirai: Oui, je suis d'accord qu'il y ait des règles minimales; entre des règles minimales et des règles maximales, il y a tout un jeu. Alors, c'est le fait que l'on mette en doute systématiquement la bonne foi, la parole du client qui se présente à l'aide sociale. Le ministère de la

Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu a comme mandat de gérer la Loi sur l'aide sociale et non pas celle de l'impôt sur le revenu. C'est ma réponse.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. Sohet. Une autre question.

Vous avez parlé, dans la première partie de votre intervention, des bureaux de crédit en nous relatant votre expérience toute récente de ce matin qui, probablement, correspond en gros à l'expérience de beaucoup d'individus au Québec, de personnes qui ont demandé à un bureau de crédit quelconque, d'avoir, entre guillemets - je n'aime pas le mot - leur cote de crédit et qui se sont retrouvées avec un document presque Incompréhensible. Je dois ajouter que là on est dans le domaine privé et je présumais que vous plaidiez pour l'extension de la loi au secteur privé.

M. Sohet: Oui, c'est bien cela. Le Président (M. Trudel): Mais..

M. Sohet: Je dirais même que cela devrait être votre prochain cheval de bataille puisque c'est un bilan que l'on fait des cinq dernières années ici avec cette loi qui a juridiction sur les organismes publics En tant que citoyen, je me remets chaque fois dans cette position. Lorsque, pour le citoyen le plus faible, celui qui, malheureusement, est le plus démuni aussi, cela va mieux, toujours au point de vue financier, qu'il a payé ses dettes, etc., qu'il a réglé cela, iI va au bureau de crédit et puis tout cela reste noté. Pendant combien de temps maintenant? Ahl Eh bien, là, on va vous dire: Six ans. C'est pour cela que je vous disais que j'étais contre le fichage de la pauvreté.

Prenons l'exemple de la France pour ce qui est des allocations familiales, ils maintiennent ces informations, obtenues de part et d'autre, pour un maximum de deux ans. Le terme de deux ans est ici simplement pris à titre indicatif, mais c'est vraiment le domaine où vous devriez aller parce que, lorsque le citoyen veut se refaire une vie au point de vue financier, il est bloqué par sa cote de crédit. Présentement, par exemple, je peux vous dire que J'ai payé toutes mes dettes, etc., et il n'y a pas de carte de crédit disponible pour moi. Je ne cours pas après cela, mais j'ai fait le test pour voir si j'étais admissible. Non. Si vous voulez acheter une maison, c'est, pour ainsi dire, impossible. J'y suis arrivé simplement par l'intermédiaire d'un avocat, c'est-à-dire une personne qui vous recommande, qui a contourné ce système, un peu comme la Loi sur la Commission des affaires sociales contourne le but de la présente loi que nous sommes en train d'analyser. Pourquoi? Parce qu'on est dans un autre cadre, un autre mode, d'autres règles de procédure, et on vise un autre but.

Le Président (M. Trudel): Ma dernière question, M Sohet. J'aimerais vous entendre précisément sur ce que vous venez d'entreprendre et qui constitue votre dernier paragraphe, à la page 3: "C'est la loi de la CAS. En effet, on peut obtenir, lors d'une audition, à partir de fa copie émasculée (partielle), une copie originale parce que la CAS est maître de sa procédure donc, la loi d'accès à l'information (et son secret) est dé|ouée!" Pouvez-vous expliquer cela?

M. Sohet: Oui La loi sur l'accès à l'information a pour but, bien sûr, de protéger la vie privée, mais aussi de faire en sorte que les renseignements nominatifs - j'espère utiliser la bonne expression - sont protégés. Dans ce cas ci, dans un premier temps, en ayant recours à la loi sur l'accès à l'information, tout cela est éliminé et, dans un deuxième temps, on voulait faire paraître au grand jour.

Le Président (M. Trudel): Très bien. Je serais tenté de me tourner vers I'Opposition et demander à mon collègue de Taillon s'il a une question à poser. Je me verrais assez mal aller répondre à sa placel Je vois dans quelle situation peut se trouver M McKenna, pour revenir avec I'exemple du Nouveau Brunswick. Ce doit être assez complexe dans les commissions parlementaires ou à l'Assemblée législative au Nouveau-Brunswick.

Est ce qu il y a des collègues ministériels qui ont des questions à poser à M Sohet?

M Sohet, il me reste à vous remercier de vous être déplacé pour venir nous expliquer votre point de vue et vous souhaiter également bonne chance devant les autres commissions auxquelles vous allez participer.

On s'est fait reprocher assez souvent depuis quelques semaines d avoir publié un avis dans les journaux, le 23 décembre. J'ai expliqué pourquoi on l'a publié le 23 décembre. Je suis ravi de constater que quelqu un a vu les trois avis qui ont été publiés côte à côte, parce que l'avis des travaux de cette commission a été publié le 23 décembre de même que ceux de la commission des affaires sociales et de la commission de l'éducation. Les deux autres commissions ont reçu des tas de mémoires et nous, on avait un peu de difficulté à en avoir jusqu'à la semaine dernière, et c'est arrivé en avalanche, évidemment, vendredi, entre 15 h 30 et 17 heures. Je suis ravi de constater que vous I'avez vu Pourquoi la commission a-t-elle choisi de publier son avis le 23 décembre? Nous voici de nouveau au Québec. Ce que l'expliquais à M le député de Taillon, c'est qu'en I'absence de l'Opposition, je me sentais au Nouveau-Brunswick. Je termine avec M Sohet. Meublant, jusqu'à un certain point, le temps parce qu'on va passer au prochain invité, j'étais en train d'expliquer au public ici présent la raison qui a motivé la commission à publier son avis d audiences le 23 décembre.

Vous savez que ce genre de travail, celui qu'on fait depuis deux jours, se fait beaucoup mieux à l'intersession. Donc, on était, d'une certaine façon, limités par cette période qui va se terminer le 8 mars. D'autre part, le ministre veut quand même se garder un certain nombre de mois pour réfléchir aux recommandations que la commission va lui faire. Donc, il fallait travailler durant l'hiver et la loi nous obligeait à donner un avis de 30 jours. Si on voulait être capables de travailler ces jours-ci, iI fallait faire en sorte que les mémoires puissent rentrer vers la fin du mois de janvier. Devant cette situation, la commission a publié un deuxième avis - je ne me souviens pas de la date - le 20 janvier, et cela nous a apporté d'autres mémoires.

Cela dit, M Sohet, encore une fois, merci de vous être présenté devant nous et bonne chance.

M. Sohet: Je vous remercie M le Président. J'en profite pour faire un lien avec ce qui a été dit dans les présentations précédentes. Pour ce qui du droit d'appel certains vous ont dit qu'ils étaient pour et d'autres étaient contre. Je vous dirai qu'à mon point de vue, pour les cinq prochaines années, vous devriez faire en sorte que le droit d appel soit réservé uniquement aux personnes physiques Merci, M le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, monsieur.

Sans plus tarder - il est avec nous depuis hier après-midi, Je pense - j'inviterais M Falardeau et son collègue à se présenter devant nous. Tout en saluant M Falardeau, je rappellerai que j'ai avec lui des souvenirs, attestés d'ailleurs par la couleur de nos cheveux qui nous ramènent à peu près à 25 ans en arrière alors que nous faisions tous les deux du journalisme étudiant. On voit que M Falardeau est resté dans le domaine, alors que j'en suis sorti après avoir fait un an ou deux de journalisme semi professionnel pendant mes études. Il me fait donc plaisir de saluer un ex-collègue journaliste étudiant que j'avais revu à I'époque ou j'étais engagé ailleurs, mais en politique, au début des années soixante-dix.

Au nom de la commission, bienvenue, M Falardeau. Vous avez remis un mémoire bien étoffé, je dois le dire, ce qui me permet de souligner qu'il me reste encore des notions de droit parce que, malgré le fait que cela fait 20 ans cette année que je n'ai pas pratiqué, j'ai réussi à comprendre à peu près 98 % de votre mémoire. Quant aux autres 2 %, Me Delwaide, conseiller de la commission, me les a expliqués pendant la suspension de nos travaux pour Je lunch.

Je vais vous laisser expliquer votre point de vue, M Falardeau. Comme c'est très juridique, si vous avez besoin que votre avocat intervienne, ne vous gênez pas, vous êtes tout à fait le bienvenu.

La Presse

M. Falardeau (Louis): C'est cela. Je vous présente Me Paul Granda qui est notre conseiller juridique et qui Interviendra si vous avez des questions notamment sur l'annexe au mémoire.

Le Président (M. Trudel): D'accord.

M. Falardeau: D'abord, je veux remercier la commission d'avoir accepté de nous recevoir même si nous étions, comme beaucoup d'autres, semble-t-iI, en dehors des délais. Comme les cordonniers qui sont mal chaussés, les journalistes, semble-t-il, sont mal informés. C'est en lisant un concurrent, Le Devoir, la semaine dernière, qu'on s'est rendu compte qu'on était en train d'oublier qu'il y avait une commission parlementaire cette semaine.

C'est donc un peu en catastrophe que nous avons imprimé notre mémoire En lisant le court mémoire, je vous signalerai, à ta troisième page, qu'il manque un paragraphe et une phrase importante dans le paragraphe suivant qui nous fait dire exactement le contraire de ce qu'on veut dire.

Depuis plusieurs mois, le service de police de la Communauté urbaine de Montréal refuse de façon quasi systématique de dévoiler à la presse l'identité des victimes d'accidents, d'infractions ou d'actes criminels, de même que celle des personnes impliquées dans ces événements. Elle invoque, pour ce faire, la loi sur l'accès à l'Information. Plus précisément, elle s'autorise d'explications que lui a transmises la Commission d'accès à l'information sous la plume de son directeur du service juridique, M. Jean-Marc Ducharme, pour appuyer ses prétentions.

La Presse ne partage pas cette opinion et fait notamment valoir, dans une opinion juridique déposée en annexe, qu'une telle disposition contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés lorsqu'elle restreint la liberté de la presse. En tout état de cause, La Presse souhaite que le législateur québécois profite de l'occasion de la révision de la loi d'accès pour clarifier ta situation. Nous lui demandons de modifier la loi de telle façon que l'article 53 ne constitue pas une entrave au droit de la presse d'avoir accès à toutes les informations qui sont d'Intérêt public.

La liberté de la presse est reconnue comme un droit fondamental parce qu'elle est nécessaire au fonctionnement d'une société démocratique. Sans Information, sans toute l'information en effet, les citoyens ne sont pas en mesure de porter des jugements éclairés sur leurs dirigeants. C'est pourquoi La Presse croit que les journalistes, en tant que mandataires des citoyens, doivent avoir accès à toutes les Informations d'intérêt public, c'est-à-dire à toutes celles qui sont susceptibles d'aider les citoyens dans leur participation à la vie démocratique de leur société.

Ce principe souffre évidemment des excep- tions, mais si nous acceptons, par exemple, celles qui apparaissent à l'article 28 de la loi d'accès à l'information, nous rejetons celle que revendique et applique le service de police de la CUM.

Nous soutenons que les noms des personnes victimes d'accidents, d'infractions ou d'actes criminels, de même que ceux des personnes impliquées dans ces événements, sont d'Intérêt public et doivent être communiqués à la presse.

Les journalistes ont un accès privilégié aux tribunaux et à l'Assemblée nationale parce qu'ils sont les yeux et les oreilles des millions de citoyens qui veulent savoir si leurs juges et leurs députés s'acquittent correctement de leur tâche, mais leur rôle ne s'arrête pas là. S'il leur appartient de surveiller l'administration de la justice, ils doivent aussi surveiller les pratiques de ceux - policiers et substituts du Procureur général notamment - qui participent à la décision de porter des accusations. (16 heures)

Si un policier harcèle les Noirs ou, alors, s'il les privilégie systématiquement, si un procureur décide de ne pas porter d'accusation pour des raisons inavouables, si quelqu'un qui a des amis bien placés réussit à faire oublier qu'il a atteint 0,18 à l'ivressomètre après un accident mortel, si un ministre se suicide parce qu'on le fait chanter, la population a le droit de le savoir et elle ne le saura souvent que par les médias d'information. Or, elle ne le saura pas si les journalistes n'ont pas d'abord su que c'est le policier X qui a tué un Noir, que c'est M. Y qui a causé un accident mortel, que le ministre Z s'est suicidé La Presse ne sera pas en mesure de bien informer ses lecteurs sur le travail des policiers et des procureurs de la Couronne si elle ne connaît pas les noms des personnes impliquées dans les accidents, les Infractions et les actes criminels. Le paragraphe suivant est le paragraphe oublié.

On nous objectera qu'il faut protéger la vie privée des citoyens et que le changement que nous souhaitons pourrait donner libre cours à tous les abus. Nous répondons que les médias savent faire la part des choses. S'ils veulent l'accès à tous tes noms, ils n'en publieront néanmoins qu'une infime partie, souvent d'ailleurs ceux qu'on voudrait leur cacher - C'est là qu'il y a un changement - ils ne publieront ces noms que lorsqu'ils jugeront que leur publication est d'intérêt public. Les médias ont fait preuve dans le passé d'une grande responsabilité à cet égard et si d'aventure ils abusaient de leurs droits, leurs excès pourraient être sanctionnés. La Presse souhaite donc que le législateur québécois, qui a toujours manifesté beaucoup de respect pour la liberté de la presse, corrige aujourd'hui une situation qui la menace.

Ayant été présent hier quand la fédération des journalistes a témoigné, j'ajouterais une chose au sujet de la police. Je répondrais peut-être à une question qui a été posée hier. C'est effectivement depuis août dernier que la police

de la Communauté urbaine de Montréal refuse de donner des renseignements qu'elle donnait systématiquement auparavant. Et, à ma connaissance, en tout cas, à Montréal, dans la région de Montréal, c'est le seul corps policier qui agit ainsi. La Sûreté du Québec, la Gendarmerie royale, les corps de police municipaux autres que ceux de la CUM n'agissent pas de la même façon. Je ne connais pas la situation à Québec, par exemple, mais Je ne crois pas qu'elle soit la même. Cela se résume à la CUM.

Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le Président (M. Trudel): Merci, M Falar-deau.

Je vais céder immédiatement la parole au député de Taillon, quitte à revenir de notre côté un petit peu plus tard. M le député de Taillon.

M. Filion: On a hautement été sensibilisés par la Fédération professionnelle des journalistes sur ce point-là. Je comprends également que vous avez votre mémoire. Est-ce que vous considérez, quant au reste de votre mémoire, que celui-ci, en somme, a déjà été intégré par les membres de la commission? Est-ce pour ça que vous n'y revenez pas durant votre présentation?

M. Falardeau: C'est-à-dire que J'ai lu notre mémoire au complet.

M. Filion: Ah! C est l'annexe au mémoire.

M Falardeau: Et il y a une annexe qui est une opinion juridique...

M. Filion: Ah bon!

M. Falardeau: ...que J'ai résumée en une phrase en disant que...

M. Filion: D accord.

M. Falardeau: Mais si vous voulez que Me Granda vous en fasse un résumé...

M. Filion: Non, cela va. Alors c'est signé, Desjardins, Ducharme à la page 16.

M. Falardeau: C'est ça. C'est l'annexe au mémoire.

M. Filion: D'accord. Donc, cette pratique existe depuis le mois d'août. Avant le mois d'août, quelle était la pratique à la police de Montréal? Est-ce la même qu'à la Sûreté du Québec...

M. Falardeau: C'était le corps de police qui décidait quand il donnait les noms et, dans 99 % des cas, il donnait les noms. Évidemment, et on est tout à fait d'accord avec ça, quand il s'agissait d'avertir la famille ou avant de donner les noms d'une victime d'accident ou d'un meurtre, il pouvait y avoir un délai de quelques heures et même d'une journée dans certains cas.

Mais il donnait généralement tous les noms qu'on pouvait espérer avoir.

M. Filion: Et maintenant est-ce systématiquement que vos journalistes à La Presse n'obtiennnet pas des corps policiers les noms des victimes ou est-ce majoritairement ou est-ce que ce sont certains postes de police?

M. Falardeau: C'est la politique. D'ailleurs, en annexe à notre annexe, il y a la lettre du directeur des relations publiques de la police de Montréal et la lettre du secrétaire de la Commission d'accès à l'information. C'est systématique que le service de police refuse de donner les noms. Dans les faits, des policiers, individuellement, à I encontre des directives de leur corps de police, des policiers qui connaissent des journalistes, vont donner les noms. Hier, vous posiez la question, vous ou un autre membre de la commission. Effectivement on réussit à obtenir tous les noms ou presque tous les noms. Mais je pourrais vous donner l'exemple du policier Gossett et du décès d'un jeune Noir de 19 ans, alors que ni le nom de la victime ni le nom du policier n'ont jamais été révélés par le service de police. Le nom du policier et celui de la victime ont été révélés, bien sûr, dans les heures qui ont suivi, par ses parents qui étaient évidemment en furie, le nom du policier a été rendu public le lendemain je pense, par les dirigeants de la Communauté urbaine de Montréal, c est-à-dire par le groupe dont j'oublie le nom qui dirige le service policier, mais par les hommes politiques qui eux, ont décidé de rendre le nom public.

M Filion: Le conseil de sécurité.

M. Falardeau: Le conseil de sécurité, voilà, par les membres, et ils l'ont rendu public officiellement. Mais le service de police a refusé et il n'aurait jamais rendu le nom public parce que, selon sa politique, tant qu'il n'y a pas d accusation, il ne rend pas le nom public.

M. Filion: À ce moment-là, je vais adresser ma première question à Me Granda, est-ce exact?

M. Granda (Paul): C'est cela.

M. Filion: Elle concerne le fondement juridique ou plutôt une interprétation qui est faite de la loi actuelle. On a évidemment l'article 54 de la loi sur l'accès. J'aimerais vous entendre sur la base juridique. Est-ce que les textes actuels demandent une clarification?

M. Granda: II nous apparaît, tel que mentionné dans notre mémoire, que l'article 54 demande une clarification et l'exige dans l'intérêt public. On n'a pas suggéré de texte, mais devant

des situations telles que celle de la CUM, évidemment, l'opinion Jointe à celle de la presse couvre ce pofnt particulier du cas du service de police de la CUM.

Dans ce cas particulier, il nous apparaît que l'article 54 devrait être modifié de façon à prévoir que, dans des cas où on fait face à des poursuites possibles, qu'elles soient civiles ou pénales, le nom déjà impliqué soft dévoilé, pour la simple raison que le public, selon nous, a le droit de savoir si ses élus et les gens chargés de faire respecter l'ordre et les lois agissent et font leur travail comme le public doit s'attendre à ce qu'ils le fassent. Évidemment, le public n'est plus en mesure de surveiller les agissements quotidiens de ces gens. Les gens n'iront pas au poste de police pour s'assurer que des plaintes sont déposées ou qu'on procède à des arrestations ou à des enquêtes. Le public en général doit maintenant s'en remettre au travail des journalistes pour surveiller ces états de fait. En conséquence, l'article 54, l'article précédent et ceux qui suivent doivent faire état d'un changement en ce sens.

M. Filion: Sentez-vous bien à l'aise de me corriger, M. Falardeau et Me Granda, mais, lorsqu'on parle de liberté d'information et de droit du citoyen à l'information, de liberté de la presse également, on entame un sujet qui, au Québec, n'est pas tellement développé. On n'a qu'à se souvenir du comité, dont le nom m'échappe, qui a remis son rapport au ministère de la Justice sur l'utilisation faite des médias ou des preuves recueillies par les médias lors de procès. Peut-être son nom vous vient-il à l'esprit?

M. Falardeau: Je pense que c'était le comité Ducharme. J'étais personnellement membre de ce comité. Alors, je le connais assez bien.

M. Filion: Bon! Alors, c'est le comité Ducharme qui a travaillé assez longtemps et qui a quand même remis son rapport au ministère de la Justice il y a plus d'un an et sur lequel il n'y a absolument rien de fait au ministère de la Justice Je ne sais pas si on parle de la même chose.

M. Falardeau: Je ne le pense pas.

M. Filion: II me semble que ce ne soit pas le comité Ducharme.

M. Falardeau: Je ne pense pas qu'on parle de la même chose.

M. Filion: Le comité dont je parle avait évidemment étudié toute la question des témoignages des journalistes devant les cours de justice.

M. French: Sauf que votre "timing" n'est pas correct.

M. Falardeau: Le rapport a été remis H y a à peu près cinq ans. Un premier avant-projet de loi a été préparé, un deuxième avant-projet de loi est présentement étudié par...

M. Filion: Peu importe, mais le fait demeure qu'il n'y a toujours rien de fait à ce niveau au ministère de la Justice et on n'a pas vu le commencement d'un début de réglementation ou de loi. Il y a peut-être une partie du problème au niveau du gouvernement fédéral, mais il y en a une autre partie aussi qui pourrait être réglée au niveau provincial. Ce que je voulais soulever par là, et cela n'a rien à voir avec le cas précis des articles 53 et 54, mais lorsqu'on Invoque, encore une fois, le statut du journaliste, de celui qui sert de courroie de transmission entre une partie de ce qui se passe dans la société et la population, pour l'informer adéquatement, on tombe dans une terre juridique qui n'est pas très labourée, si l'on veut, où il n'y a pas beaucoup de jalons qui ont été posés de façon concrète.

En ce sens, en ce qui concerne par exemple les relations, comme cela va être le cas entre les services policiers et les médias, je dois vous dire qu'on a, comme législateurs, peu de choses sur lesquelles on peut se baser pour arriver à faire avancer un dossier comme celui-là et à vous aider, en quelque sorte, à vous former une opinion Le gros bon sens nous aide. Comme je l'ai dit hier à la Fédération professionnelle des journalistes, les noms des gens, je les vols dans les journaux et comme les cas que vous donnez dans votre mémoire sont excellents, la population a le droit de savoir certaines choses. Comment se fait-il que dans les journaux on a certains noms? D'autres noms, cela prend quelques jours avant de les obtenir. Vous l'expliquez un peu vous-mêmes.

Bref, je ne sais pas si vous voulez réagir, en particulier, Me Granda, sur cet aspect de notre droit qui, encore une fois, est à une étape pour le moins embryonnaire.

M. Granda: Si vous me le permettez, le droit lui-même de la liberté de la presse a été touché dans plusieurs jugements.

M. Filion: Oui.

M. Granda: II n'est peut-être pas encore aussi bien étoffé qu'il peut l'être aux États-Unis ou encore plus en Grande-Bretagne où le droit de la liberté de la presse est sacré. Alors, il y a des choses à faire de ce côté. Maintenant, je n'y ai pas touché dans mon mémoire et je pourrais difficilement m'embarquer sur cette galère à ce stade-ci.

M. Filion: Juste à titre d'exemple, dans les journaux d'aujourd'hui ou d'hier, je voyais qu'une

ordonnance de non-publication rendue en Cour supérieure était renversée en Cour d'appel. Ce sont quand même des choses relativement élémentaires. On est encore rendu à attendre un Jugement de la Cour d'appel. Je ne me prononce pas au mérite. Bon! Pour établir des principes aussi fondamentaux vous soulignez à juste titre, aux États-Unis, cela fait longtemps que le premier journaliste, je ne me souviens pas quand, il y a une quinzaine d'années, avait passé un mois en prison parce qu'il refusait de révéler ses sources. Au Québec, on avance plus lentement dans ce secteur. Je me demandais si vous aviez peut-être des références à donner aux membres de la commission sur cet aspect de notre droit?

M. Granda: II y a peu de références québécoises. Au Québec, il y a peu de doctrine là-dessus On cite le livre de Vallières et Sauvageau. Par contre, ce qu'on demande aujourd'hui, précisément le droit de publier les noms, aux États-Unis, en Angleterre et même au Canada anglais, cela apparaîtrait comme une évidence. D ailleurs, j'ai I impression que c'est un peu un hasard. C'est une mauvaise utilisation d'une bonne loi qui est faite par le service de la police de la Communauté urbaine de Montréal. La loi ne visait pas à empêcher la publication des noms. Je pense que les policiers qui n'ont jamais été des gens qui aiment beaucoup donner de I information ont décidé à Montréal de se servir de cette loi ou peut-être d'une faille dans la loi pour bloquer l'accès. Dans les faits, on réussit à connaître à peu près tous les noms.

Peut-être qu'avec le temps, si cette loi reste comme telle et leur interprétation aussi, peut-être qu'ils vont se mettre à sanctionner les policiers qui nous auront donné quand même l'information qu'eux ont décidé de ne pas donner. Peut-être qu à ce moment-là, avec le temps, la situation va devenir pire qu'elle ne l'est, et on aura I'air un peu fou d'être à peu près le seul pays occidental, civilisé, ou l'accès à ce genre d'information est bloqué. (16 h 15)

M. Filion: Dans le cas précis que vous soulevez et que la fédération a soulevé hier, c'est le gros bon sens qui nous aide un peu. On n'a pas besoin de remonter à trop loin. J'ai le goût de profiter de votre présence - il est rare que les parlementaires ont l'occasion d'interroger les journalistes - pour vous demander votre opinion sur les parties qui ont peut-être pu vous intéresser le plus dans le rapport sur la mise en oeuvre de la Commission d'accès à l'informationl Est-ce que les journalistes de La Presse, peut-être vous même ou en somme l'un de vos collègues, ont utilisé - je le sais - le mécanisme du recours en révision à la Commission d'accès à l'information"? Votre témoignage ira-t-il dans le sens de ce qu'on a entendu de façon générale, à savoir que c'est un recours pratique, gratuit, où on a constaté une ouverture d'esprit à la commission, etc? Si vous le désirez, peut-être pouvez-vous faire part de vos commentaires sur votre expénence concrète devant la commission et sur les bons points ou les mauvais points que vous avez pu relever de cette expérience?

M. Falardeau: Là-dessus, d'abord, je ne parlerai pas au nom de La Presse parce que je ne suis pas mandaté à ce sujet, mais en tant que journaliste, j'aurais deux ou trois choses à dire, et des choses que j'ai écrites même il y a cinq ans ou six ans quand la loi a été adoptée. Il est évident que cette loi sur l'accès à l'information n'est pas d'abord une loi pour les journalistes qui font des nouvelles quotidiennes. Cette loi nous aiderait beaucoup si elle avait changé les mentalités. Mais dans le mémoire qu'a présenté Réal Barnabé hier, je pense que c'était la première chose qu'il disait, c'est que dans les faits, sauf pour quelques personnes - il rendait hommage au ministre actuel et à l'ancien ministre, mais pour dire peut-être que les autres ministres n'avaient pas beaucoup d'intérêt pour cela - cela n'a pas changé les mentalités.

Un journaliste qui demande une information, il veut l'avoir pour l'écrire le lendemain. Comme il y a des délais de 20 jours et de 30 jours, s'il va devant la commission, cela devient un délai de trois, quatre ou six mois. Pour un journal quotidien, I'information n'est peut-être d'aucun intérêt six mois plus tard. Par contre, si cela avait changé les mentalités, quand on demande une information les gens nous la donneraient, les gens seraient plus ouverts. II y a des endroits, il y a des personnes qui sont plus ouvertes qu'elles étaient probablement. Mais, effectivement, les gens ayant 30 jours ou 20 jours pour refuser vont généralement répondre quand c'est une information embêtante, et même quand ils vont la donner, quand ils vont dire oui, ils vont souvent attendre au 19e jour ou au 29e jour. Donc, ce n'est pas une loi pour les journalistes. C'est une loi pour les journalistes dans la mesure ou on fait faire des analyses sur ce qui a amené il y a dix ans l'option de la loi 101 ou dans cinq ans quand on fera une analyse sur une de vos lois, on pourra regarder parce qu'on aura obtenu tous les documents pertinents. Ce n'est pas d une utilité énorme.

Cest la raison pour laquelle je voulais dire cela parce que cela va dans le même sens que ce que la fédération a dit. Si les gens appliquaient l'esprit de la loi, qui est l'ouverture - la règle c'est que c'est public, c'est qu'on a accès aux documents - si les gens, qui ont à donner les documents, qui ont les documents, appliquaient l'esprit de la loi, cela aiderait aux journalistes, et donc, à l'information des citoyens. Probablement que, d'ici 10, 15 ou 20 ans, cela va changer quelque chose parce que, avec la jurisprudence qui va s'établir, peut-être que les organismes vont être un peu gênés de refuser un renseignement qu'ils savent très bien devoir donner, parce qu'ils ont eu un jugement contre eux deux ans auparavant. Mais cela va peut-être prendre un

certain nombre d'années et un changement de mentalités.

M. Filion: Comme tous les changements d'attitudes, cela ne peut pas se faire du jour au lendemain. Il demeure que la commission a fait quand même ses preuves - est-ce que c'est votre avis? - des preuves suffisantes depuis sa mise sur pied, depuis en particulier trois ans, de telle sorte que pour le moins, en tout cas, vous maintenez, c'est-à-dire que vous favorisez son maintien, peut-être son élargissement au secteur privé, à des organismes privés. Je serais curieux d'avoir votre opinion là-dessus.

M. Falardeau: Peut-être comme citoyen. Je n'ai pas d'opinion sur le secteur privé. D'après ce que j'ai entendu depuis deux jours sur les bureaux de crédit ou ces choses-là, je pensais que c'était réglementé. C'est comme citoyen. Comme journaliste, je n'ai pas d'opinion là-dessus. Comme journaliste, je pense, en tout cas, que la loi doit rester et que la commission doit rester dans la forme actuelle.

M. Filion: Je reviendrai peut-être, M. le Président, encore une fois, sur un point particulier. La seule réserve que j'ai soulignée à M. Barnabé, hier, c'est l'avis à donner à la famille, qui me semblait faire partie des règles les plus élémentaires de civilité et, quant au reste, je ne voyais pas pourquoi on cherchait à retenir des informations comme celles-là, à moins de circonstances absolument extraordinaires.

Donc, je vous remercie. Cela va.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Taillon. Est-ce qu'il y a des collègues qui ont des... M. le ministre peut-être.

J'aurais une question. Je ne veux pas... Allez-y! Mais j'aurai une question par la suite. Je ne veux pas embarquer dans un débat juridique parce que je vais me perdre rapidement. J'ai quand même une question sur la notion de où commence et "où s'arrête la liberté de l'un par rapport à la liberté de l'autre?" C'est un vieux débat, M. Falardeau, que je ne veux pas reprendre.

M. le ministre.

M. French: Sauf que c'est l'essentiel du débat qu'on ne peut éviter. Je pense que le législateur, lorsqu'il a fait la loi, n'avait pas l'Impression de changer la pratique des forces policières en ce qui a trait à la presse quotidienne pour le reportage des noms des victimes. C'est clair, très clair.

Deuxièmement, il est clair aussi qu'on ne peut pas tolérer une situation dans laquelle il y a une interprétation qui règne dans un service de police majeur et que les autres services de police ne partagent pas et ne pratiquent pas de la même façon sur les mêmes sujets. Cela, c'est une anomalie. Je ne suis pas un de ceux qui croient que tout doit être pareil, partout au Québec. D'ailleurs, je pense que les politiques publiques canadiennes et québécoises ont été trop uniformes. Cela, c'est une différence régionale que je ne saurais expliquer. Je pense qu'il est nécessaire d'avoir une seule politique dans tout le Québec à cet égard.

Nous n'avons pas entendu de témoignages fondés sur l'expérience d'être victime ou sur une expertise dans la victimologie. J'utilise te mot avec une certaine hésitation, mais je pense qu'il y a des gens qui se spécialisent là-dedans au ministère de la Justice du Québec, dans certains CLSC et certains centres de services sociaux. Mais nous n'avons pas entendu parler ces gens. Peut-être qu'on devrait trouver le moyen de les consulter.

Cela dit, les arguments en faveur d'une interprétation restrictive quant aux noms des victimes ont été en fonction des principes de la loi. Mais ces principes, comme je viens de le dire, ont été développés à des fins plus générales que cela et sans application précise dans le cas des victimes. Donc, il est important, je pense, de dire à M Falardeau, comme je l'ai dit à la fédération, que nous avons l'intention de trancher et que nous accueillons avec grande sympathie l'argument de l'information, d'autant plus qu'on sait que, dans 99 % des cas, les noms sortent de toute façon, si j'ai bien compris. Il s'agit d'une complication du travail de journaliste sans bénéfice sur le fond, de toute façon. Cela crée un problème pour le journaliste sans avoir une valeur de protection très grande pour les victimes, d'après ce que je constate.

Soit dit en passant, et entre parenthèses, la situation du secrétaire de la commission est une preuve éloquente du problème qui découle des rôles multiples que joue la commission, puisque, dans sa lettre, Me Ducharme dit: Je ne vous donne pas une interprétation ferme ni une décision de la commission, Je vous indique mon interprétation juridique basée sur une certaine expérience et sur un texte de loi Et là il se trouve au centre d'une controverse dont il n'a pas voulu être l'auteur. Il a voulu faire bénéficier des organismes de son expertise et je pense qu'il est important que ça continue, mais c'est une situation difficile à laquelle je n'apporte pas de solution aujourd'hui, mais qui soulève encore une fois la responsabilité polyvalente de la commission.

Je veux particulièrement souligner la valeur de l'avis juridique présenté par La Presse qui était très étoffé et qui nous permet de faire le tour de la question. C'est donc la gratitude du gouvernement et de la commission que je veux exprimer à cet égard. Je veux clarifier un point seulement, à moins que mes commentaires n'appellent d'autres commentaires de la part d'un de nos deux témoins, c'est que je n'avais pas compris que c'était un problème d'avoir le nom d'un policier. Est-ce que vous me dites que le nom de l'agent de police qui enquête sur un cas

est confidentiel en vertu de la loi? Est-ce que c'est ce que vous dites? Je m'excuse, je n'ai pas complètement compris.

M. Falardeau: C'est-à-dire que dans le cas de l'agent Gosset...

M. French: D'accord, parce qu'il a été le... M. Falardeau: Oui.

M. French: Excusez-moi. Je voulais Juste être certain que j'ai bien compris. Pour ma part, je pense que nous avons une présentation extraordinaire du problème et une argumentation très pertinente et très focalisée sur la problématique, qui nous permet donc de porter notre attention là-dessus. On va regarder la chose et on va être obligés de prendre une décision. On va la prendre avec le projet de loi qu'on va déposer l'automne prochain.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. J'ai une remarque, soit dit en passant et sans vouloir, encore une fois, entrer dans tout le débat. Je l'ai dit tantôt, j'ai beaucoup apprécié la profondeur, dans le meilleur sens du mot, du rapport, qui fait vraiment le tour de la question. Moi aussi, Je suis plutôt ouvert et sympathique au point que vous soulevez, M. Falardeau, et à l'argumentation que vous nous présentez. Le débat, vous le résumez vous-même - et ce n'est jamais facile - aux pages 12 et 13, en citant un extrait des auteurs Vallières et Sauvageau. Je cite votre citation: "Le droit du citoyen à l'intégrité de sa réputation et de sa vie privée ainsi que son droit à une justice impartiale doivent être garantis tout autant que la liberté d'expression du journaliste. En fait, la liberté du journaliste s'arrête là où commence celle des autres." C'est fondamentalement, à mon avis, tout le débat. Vous prenez cette citation correctement, soit dit en passant, pour aller plus loin, conclure et recommander que la divulgation du nom d'une victime et de l'auteur - je suis rendu à la page 15 - d'un acte criminel ou d'une infraction quelconque ne constitue pas la divulgation de renseignements confidentiels aux termes de la loi. etc. Est-ce qu'on ne pourrait pas - remarquez que je n'ai pas d'idée arrêtée là-dessus, je vous pose donc la question pour les fins du débat - n'y aurait-il pas une distinction à faire, des nuances à apporter, par exemple, entre le nom d'une victime, la divulgation du nom d'une victime, et l'auteur d'un acte criminel?

M. Falardeau: Je n'ai pas employé le terme "auteur d'un acte criminel", parce qu'on va nous dire alors: Qui est l'auteur? C'est l'auteur présumé. Dans le mémoire, on emploie tes mots "une personne impliquée dans un acte criminel".

Le Président (M. Trudel): Oui, mais vous avez employé le terme... Je vous cite à la page...

M. Falardeau: Dans l'opinion juridique? D'accord.

Le Président (M. Trudel): Ce n'est pas la vôtre, je m'excuse. Je cite l'opinion de... Oui, je m'excuse, M. Falardeau. On va se comprendre, il commence à être temps. Donc, je suis à la page 15 de l'opinion juridique et j'essaie de savoir si on ne peut pas faire une nuance entre les deux. Pour reprendre le cas que vous avez vous-même cité tantôt, celui de l'agent Gosset et de la famille de la victime, vous avez dit vous-même: La famille de la victime a choisi, pour des raisons évidentes, de rendre le nom public. On peut comprendre très facilement pourquoi. Dans le cas où dans des circonstances analogues ou à peu près - c'est juste pour donner un exemple, je fais l'hypothèse suivante - la famille, pour des raisons X, Y, Z, aurait voulu garder l'anonymat ou aurait pensé que, même compte tenu de toutes les circonstances, c'est une peine qu'elle doit garder pour elle-même, etc., que serait-il arrivé? Avec la directive de la police de la CUM, il est clair que vous n'auriez pas eu le nom de la victime.

M. Falardeau: On aurait probablement réussi à l'obtenir. Mais il me semble que, malgré la peine de la victime... Quand quelqu'un se fait tuer par un policier, à mon avis, c'est évidemment d'intérêt public. Dans ce cas, par exemple, le fait qu'il s'agissait d'un Noir, c'était important à savoir. Si on avait appris que la couronne avait décidé de ne pas porter d'accusation contre l'agent Gosset en disant qu'il était en état de légitime défense et si on n'avait pas su qui était le policier, qui était la victime et qu'il était un Noir, cela aurait pu passer comme cela. Mais, si les journalistes et le public avaient appris les circonstances particulières de ce cas, je pense qu'ils se seraient posé des questions sur le bien-fondé de la décision de ne pas porter d'accusation. Je pense qu'un débat public doit pouvoir exister dans des cas comme celui-là et que le débat public ne peut pas avoir lieu si les faits pertinents ne sont pas connus. C'est en ce sens que je pense que, même si la famille avait voulu garder cela secret, on l'aurait publié quand même.

Dans notre mémoire, on parle de la responsabilité des médias. Il est très rare, par contre, qu'on révèle dans les journaux les noms de personnes qui se suicident. On l'a fait dans le cas de Claude Jutra à cause des circonstances particulières qui ont entouré sa disparition et à cause de sa notoriété. Je pense qu'on le ferait dans le cas d'un député ou d'un ministre parce que les raisons du suicide prennent une importance particulière quand il s'agit d'un homme ou d'une femme publique, mais c'est quand même très rare. À Montréal, il y a des suicides quotidiens dont on a connaissance, parce qu'ils ont

lieu dans le métro ou parce qu'on entend à la radio de la police que les gens sont appelés sur les lieux. C'est exceptionnel qu'on en parle, sauf quand ils se produisent en public, et c'est encore plus exceptionnel qu'on dise les noms. On ne veut pas se mettre à publier des listes de victimes d'accidents et d'actes criminels, on veut connaître les noms pour pouvoir les publier quand nous, on juge que c'est d'intérêt public. Hier, un député a demandé la définition de l'intérêt public. On en donne une dans notre mémoire. Je pense que l'intérêt public est défini par les lois et les tribunaux qui policent cette définition. Ce n'est pas aux policiers à définir ce qu'est I'intérêt public. Ce n'est pas aux policiers de décider ce qu'on peut publier, comme les législateurs, ici, n'ont jamais voulu décidé eux-mêmes ce que les journalistes publiaient sur eux.

Le Président (M. Trudel): C'est le...

M. Falardeau: Ils n'ont pas osé. Ce n'est pas qu'ils n'ont pas voulu, ils n ont pas osé.

Le Président (M. Trudel): Ils n'ont pas osé, oui. Je vous suis jusque là et peut-être au-delà de cela sauf que, au fond, c'est ce que vous dites dans votre mémoire à vous. C'est ce qu'on peut comprendre aussi de l'opinion juridique. Comme les journalistes appliquent une sorte d'autocensure - je n'aime pas le mot - ou de responsabilité.

M. Falardeau: Choix responsable.

Le Président (M. Trudel): Cest cela. Voilà, effectivement, vous choisissez d être responsables et vos organismes professionnels ont un code d'éthique. Je pense qu'on peut dire que, en grande partie, la population est protégée contre des excès. Des excès, il y en aura partout Vous dites vous-mêmes qu'à l'intérieur de votre profession il y a du "jaunisme" chez vous, comme il peut il y en avoir ailleurs dans bien d'autres domaines. Ne voyez pas dans ma question une réticence quelconque. J'ai déjà fait ce débat comme journaliste, il y a vingt cinq ans, comme journaliste non professionnel, bien sûr. Rappelez-vous les débats sur la liberté de la presse qu'on avait à une époque bien trop lointaine pour qu'il soit utile de le rappeler ici. En relisant cela hier, cela m'est revenu. Je pensais justement, parce que vous colliez dans l'opinion juridique encore une fois, soit de la victime ou de l'auteur. Votre réponse, dans l'ensemble me satisfait, et je vais arrêter là mon intervention pour remettre la parole à mon collègue de Taillon, et en vous remerciant d'être parmi nous cet après-midi.

M le député de Taillon.

M. Filion: De toute façon, on devra se pencher sur cet aspect de la situation que vous décrivez dans votre mémoire, ne serait-ce - cela m'a frappé en relisant le mémoire - qu'à cause de l'exemple que vous donnez et où la personne est décédée. Donc, il y a une succession. Est-ce qu'on va demander le consentement de la succession pour faire en sotte que l'identité d'une victime d'accident, par exemple, soft divulguée? Poser la question, c'est y répondre, parce que cela n'a aucun sens. Pour ce qui est de l'opératlonnallsatlon", j'allais dire, des communications qui doivent être fournies aux médias, je pense qu'il y a matière à réflexion pour les membres de cette commission et, avec l'éclairage que vous nous apportez par votre mémoire, on va sûrement être en mesure, j'espère, de faire un meilleur travail.

Le Président (M. Trudel): Je pense qu'on peut conclure en vous remerciant, M Falardeau. De toute façon, il vaut mieux plus de liberté de presse que pas assez. Au moins là-dessus, on va s'entendre. En vous remerciant, encore une fois, M Falardeau, et en vous souhaitant un bon retour à Montréal.

M Falardeau: On vous remercie de votre accueil très favorable.

Le Président (M Trudel): Nous suspendons pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 34)

(Reprise à 16 h 40)

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plaît!

Est-ce que les membres de la commission peuvent reprendre leur place autour de la table?

J'inviterais maintenant les membres de la CREPUQ, la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, à prendre place à la table des invités afin de nous présenter. Ne vous en faites pas, je vais parler suffisamment longtemps pour que vos collègues puissent vous rejoindre.

Messieurs, je vous souhaite la bienvenue à la commission. Vous êtes le dernier groupe que nous avons le plaisir d'entendre aujourd'hui. J'ai encore perdu mon Opposition avec cela, l'Opposition chambranle aujourd'hui. Comme je le disais, vous êtes le dernier groupe que nous entendrons aujourd'hui, et non ie moindre. Je répète les règles du jeu pour le bénéfice des gens qui n'étaient pas ici, mais je pense que vous y êtes habitués puisque vous n'en êtes pas à votre première commission parlementaire. Les règles du jeu de celle-ci sont la règle du 20, 20, 20, c'est-à-dire plus ou moins 20 minutes et, comme je le dis toujours, pas moins que plus, autant que possible, pour exposer votre point de vue. Ne vous sentez pas obligés de lire le mémoire au complet. Il a été résumé, mais je ne sais pas si vous en avez fait un résumé. 10 février 1986

Commission permanente

Une voix: Oui.

Le Président (M. Trudel): D'accord, vous en avez fait un résumé. II a également été résumé par les services de recherche de la commission et la plupart des membres de la commission ont pu en prendre connaissance puisqu'il est arrivé en temps utile vendredi, avant la fin de la journée. Quant à mol, je l'ai lu le... C'est écrit le 7; je présume que c'est dimanche dernier. Donc, messieurs, ne vous sentez pas obligés de le lire au complet. Moins de temps vous prendrez pour nous entretenir de ce que nous connaissons déjà, plus de temps nous aurons pour échanger des propos et des idées.

M. le recteur Cloutier, en vous souhaitant la bienvenue, j'apprécierais, pour tes fins d'enregistrement du Journal des débats, que vous nous présentiez les gens qui vous accompagnent.

Conférence des recteurs

M. Cloutier (Gilles): Bien, Je vous remercie, M. le Président.

Je voudrais d'abord vous présenter, à ma droite, le recteur de l'Université Laval, Michel Gervais, et, à sa droite, M. Michel L'Espérance qui est membre du comité des secrétaires généraux de la Conférence des recteurs et secrétaire général de l'Université de Montréal. À ma gauche, Mme Francine Verrier, conseillère juridique à l'Université du Québec à Montréal et, à l'extrême gauche, M. Reynald Mercille qui est également conseiller juridique, mais à l'Université McGiil.

M. le Président, dans l'esprit des commentaires que vous venez de faire, nous avons préparé une version abrégée de notre mémoire qui a été soumis à la commission, et je pourrai vous la livrer dans une vingtaine de minutes. Je procède donc à la présentation.

C'est avec empressement que les chefs d'établissements universitaires ont saisi l'occasion que leur offrait la commission de la culture de faire le point avec elle, cinq ans après rentrée en vigueur de la loi. Lors des étapes qui ont précédé l'adoption de la loi sur l'accès, les universités ont eu l'occasion d'indiquer qu'elles souscrivaient entièrement aux - objectifs fondamentaux de cette loi, et cela vaut encore aujourd'hui.

Par ailleurs, les universités ont été à même de constater, au cours des années qui ont suivi l'adoption de la loi sur l'accès, que celle-ci n'était pas facilement applicable à leurs structures complexes et décentralisées. En présentant ce mémoire, les universités souhaitent que certaines modifications soient apportées à la loi sur l'accès afin de mieux assurer l'atteinte des objectifs qu'elle poursuit et en faciliter l'application. Bien qu'elles souscrivent entièrement aux objectifs fondamentaux de la loi sur l'accès, les universités font un bilan peu positif de son application. En effet, les universités constatent que peu de citoyens se prévalent de la loi. Seulement quelques demandes d'accès leur ont été présentées au cours des cinq dernières années, alors qu'elles n'ont reçu aucune demande de rectification de renseignements nominatifs et aucune plainte concernant la communication de tels renseignements.

Pour les universités, ce constat s'explique en grande partie par le fait que, bien avant l'entrée en vigueur de la loi, elles s'étaient dotées de règles de conduite propres à protéger le caractère confidentiel des renseignements nominatifs. De plus, compte tenu de leur longue tradition de liberté pédagogique, les universités ont de tout temps facilité l'accès aux documents qu'elles détiennent. L'entrée en vigueur de la loi n'a donc pas entraîné pour les universités de changements radicaux dans leur philosophie ni dans leurs pratiques.

La commission a un double rôle à jouer en vertu de la loi sur l'accès. Premièrement, un rôle d'adjudication à l'exclusion de tout autre tribunal quant aux demandes de révision faites en vertu de la loi. Deuxièmement, un rôle de surveillance de l'application de la loi, ce qui inclut des pouvoirs d'enquête étendus que la commission peut exercer de sa propre Initiative ou à la suite d'une plainte. La commission est donc à la fois juge et gendarme. Je voudrais faire référence maintenant à ta commission dans ce contexte sous deux volets. La commission dans ses fonctions d'adjudication et la commission et ses pouvoirs d'enquête. Dans le premier cas, dans l'exercice de ses fonctions, la commission agit à titre de tribunal administratif appelé à rendre une décision à la suite d'une procédure contradictoire Celle-ci se déroule au cours d'une audition qui oppose généralement deux parties: le demandeur et l'organisme public.

L'article 138 de ta toi constitue un exemple particulièrement frappant de la situation de conflit d'intérêts dans lequel la commission se trouve placée. Cet article impose le devoir à la commission de prêter assistance aux citoyens pour la rédaction d'une demande de révision, alors que c'est à la commission qu'il appartiendra de statuer sur le bien-fondé de cette demande qui aura préalablement été rédigée par ses propres membres.

À la page 58 de ce rapport, la commission souligne le conflit d'intérêts manifeste et permanent dans lequel seraient plongés les organismes si l'application de la loi était laissée à leur discrétion. Ce que la commission ne mentionne pas dans son rapport, c'est qu'elle est elle-même plongée dans un conflit d'intérêts permanent. D'ailleurs, à deux reprises au moins dans son rapport, aux pages 64 et 65, la commission fait elle-même référence à son parti pris en faveur du citoyen.

Pour démontrer ce parti pris de la part de la commission, les universités ont retenu, pour les fins du présent mémoire, le cas des demandes abusives. La commission nous apprend dans son

rapport en page 90 qu'elle a reçu seize demandes de divers organismes publics, qui sollicitaient l'autorisation de ne pas tenir compte de demandes considérées comme abusives en vertu de cet article. La commission affirme n'avoir rencontré aucune difficulté particulière relativement au traitement de ces demandes. Elle propose même qu'à l'avenir un seul commissaire au lieu de trois soit chargé de traiter ces demandes. Lorsque l'on parcourt la jurisprudence rapportée sur cette question, on constate qu'aucune décision de la commission n'a fait droit à la demande des organismes.

Devant le caractère systématique des décisions relatives aux demandes abusives, les universités croient qu'il serait nécessaire que la loi établisse des critères propres à assurer une application plus adéquate de l'article 126. Soulignons qu'actuellement aucun motif n'a à être dévoilé pour justifier une demande d'accès et aucune limite dans le temps ne vient circonscrire une telle demande.

Compte tenu de ce qui précède et du rôle contradictoire dans lequel la commission se trouve en vertu de la loi actuelle, les universités sont d'avis que la commission est mal placée pour s'acquitter de fonctions d'adjudication requérant neutralité et impartialité. En conséquence, les universités croient que la commission ne devrait plus agir à titre de tribunal administratif, mais devrait plutôt conserver son seul rôle de surveillance avec simple pouvoir d'enquête et de recommandation. La Cour provinciale leur apparaît être le tribunal approprié pour remplacer en première instance la commission dans ses fonctions d'adjudication.

Les universités croient opportun, si toutefois le pouvoir d'adjudication de la commission ne devait pas être modifié, de maintenir un droit d'appel en Cour provinciale des décisions de la commission et cela, sans que celle-ci puisse y intervenir afin, bien sûr, d'éviter toute forme de partialité. Nous croyons que, dans l'hypothèse où la commission conserverait son rôle d'adjudication, le recours en appel par les organismes et les citoyens à une instance judiciaire indépendante est essentiel. De plus, les universités souhaitent que le droit d'appel soit complet, pouvant s'exercer de plein droit et porter tant sur les questions de droit que sur les questions de fait.

Le recours en évocation devant la Cour supérieure, à titre de garantie, que propose la commission dans son rapport, ne peut valablement remplacer un recours en appel. L'évocation est en effet un recours extraordinaire, exceptionnel, visant la surveillance de l'exercice de ta juridiction des tribunaux inférieurs. Ce recours peut être utilisé dans le cadre de la loi actuelle, même en présence d'un droit d'appel à Ja Cour provinciale. Mais cette possibilité d'un recours en évocation se révèle tout à fait inefficace lorsqu'il s'agit de demander aux tribunaux de réviser au mérite, pour une question de fond, les décisions d'un organisme administratif.

Nous formulons donc les trois premières recommandations suivantes. Recommandation 1: la commission devrait voir son rôle de surveillance confirmée, assorti de simples pouvoirs d'enquête et de recommandation, laissant le rôle de tribunal de première instance à la Cour provinciale. Recommandation 2: Si toutefois le pouvoir d'adjudication de la commission n'était pas modifié, il serait primordial que le droit d'appel des décisions de la commission à la Cour provinciale soit maintenu, et il devrait pouvoir s'exercer de plein droit tant sur les questions de droit que sur les questions de fait. Recommandation 3: La loi devrait établir des critères définissant ce qui constitue une demande abusive.

On passe au deuxième volet de la commission: la commission et ses pouvoirs d'enquête. L'expérience des universités pour ce qui touche les enquêtes menées par la commission... Ici, je voudrais faire référence aux exemples cités dans le rapport écrit concernant les enquêtes faites à l'Université Laval et à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Donc, l'expérience des universités les amène à croire que la mise en place d'un mécanisme visant à circonscrire l'exercice du pouvoir d'enquête de la commission est souhaitable. Une telle mesure permettrait d'éviter la tenue d'enquêtes inutiles ou déraisonnables qui entraînent des dépenses et qui constituent un fardeau tant pour les contribuables que pour les membres des organismes publics qui doivent y apporter leur collaboration. En résumé, les organismes publics devraient bénéficier de la présomption de bonne foi qui caractérise notre droit.

Nous formulons donc les deux recommandations suivantes: Recommandation 4: La loi devrait contraindre la commission d'aviser préalablement, par écrit, l'organisme public qu'il fera l'objet d'une enquête, en précisant par qui l'enquête sera menée, les fins de cette enquête et les documents visés. Recommandation 5: L'organisme public devrait pouvoir se prévaloir d'un recours pour contester l'avis d'enquête émis par la commission auprès de la Cour provinciale dans le cas où l'enquête projetée lui semble abusive ou déraisonnable.

À la suite de l'examen des recommandations contenues dans le rapport de la commission, l'expérience des cinq dernières années amène les universités à proposer des ajustements qui leur paraissent souhaitables. Nous présentons ces recommandations sur deux volets: d'abord, les ajustements qui concernent les documents publics et, dans un deuxième temps, les ajustements qui seraient requis concernant les informations sur les renseignements personnels.

En ce qui concerne les documents publics, les universités proposent sept recommandations dont quatre portent d'abord sur l'accès aux analyses se référant aux articles 32 et 39, aux avis et recommandations (article 37) ainsi qu'aux opinions juridiques À cet égard, la commission

reconnaît, en page 117 de son rapport, le droit d'une personne à ne pas dévoiler sa preuve de façon prématurée, la reconnaissance de ce droit étant le fondement de l'article 32. L'article 32 devrait, à notre avis, s'appliquer non seulement à l'analyse, mais à tout document risquant d'avoir une incidence sur une procédure judiciaire éventuelle. Nous formulons donc la recommandation 6: Tout document risquant vraisemblablement d'avoir un effet sur une procédure judiciaire éventuelle devrait pouvoir être soustrait au droit d'accès.

En ce qui concerne de façon plus générale l'accès aux analyses, aux avis et aux recommandations, les universités croient que la loi devrait accorder à ces trois types de documents le même traitement que celui réservé aux avis et aux recommandations. La possibilité de soustraire les analyses au droit d'accès devrait donc valoir pour la durée de la protection s'appliquant aux avis et aux recommandations, soit pour une période de dix ans à compter de la date de leur production. En ce sens, les universités s'opposent à la recommandation de la commission en vue de réduire à deux ans les délais actuels.

Par ailleurs, il y a des raisons particulières aux universités qui militent très fermement pour le maintien de l'article 87 de la loi dans ses relations avec l'article 37. Que ce soit, par exemple, lors de l'admission aux études supérieures, lors de l'attribution de bourses ou dans des circonstances analogues, il est de pratique reconnue, non seulement au Québec mais dans la plupart des pays de tradition universitaire occidentale, que l'on ait recours au jugement des universitaires pour statuer sur les candidatures. Seule l'assurance que de tels jugements demeureront confidentiels pendant un laps de temps suffisant permet à ceux à qui on demande de les formuler de le faire en toute objectivité et sans crainte de représailles. Aussi les universités considèrent-elles qu'on les priverait de moyens reconnus et efficaces de fonctionnement si on donnait suite à la 31e recommandation de la commission.

Donc, pour conclure, à la recommandation 7, nous recommandons que l'analyse devrait pouvoir être soustraite au droit d'accès de la même manière que l'avis et la recommandation de l'article 37, qui accordent à ce type de document une protection s'échelonnant sur dix ans à compter de sa production.

De plus, à la recommandation 8, les universités recommandent qu'on ne donne pas suite à la 31e recommandation de la commission, visant à rendre inapplicables les articles 37 et 39 si les analyses, les avis et les recommandations concernent le demandeur.

En ce qui concerne l'accès aux opinions juridiques, les universités estiment que la restriction actuelle au droit d'accès s'appliquant à certaines opinions juridiques est insuffisante et qu'elle est en deçà de ce qui est garanti par la Charte des droits et libertés de la personne sur cette question.

La plupart des demandes d'accès se situant dans un cadre litigieux ou susceptible de l'être, il est indispensable que la loi reconnaisse spécifiquement aux organismes publics le droit au secret professionnel et ce, autant pour les conseillers juridiques qui sont à l'emploi de tels organismes que pour ceux qui ne le sont pas. En conséquence, selon la recommandation 9, la loi devrait garantir aux organismes publics le droit au secret professionnel, sans égard à la nature des liens contractuels entre le conseiller juridique et l'organisme public, et sans restriction quant au contenu et à la nature des documents.

Les documents du cabinet ou du bureau d'un membre d'un organisme scolaire peuvent être soustraits au droit d'accès. C'est l'article 34. La commission a interprété cet article de manière à ne le rendre applicable qu'à la condition que le membre soit élu. Cette interprétation de la commission a pour effet de rendre cet article Inapplicable aux universités puisque les administrateurs universitaires ne sont pas élus. Nous croyons donc que la loi devrait prévoir une définition du mot "membre" d'un organisme scolaire, afin que son article 34 soit applicable aux universités.

Nous formulons la recommandation 10: La loi devrait définir le membre d'un organisme scolaire afin que l'article 34 s'applique aux documents du cabinet du recteur, principal ou président des universités.

Les universités sont composées de facultés, d'écoles de deuxième et troisième cycles, d'écoles affiliées, de départements, de modules, d'instituts, de centres de recherche, etc. Ces composantes liées à la vie pédagogique agissent de façon relativement autonome et possèdent une juridiction qui leur est propre et qu'elles assument en commissions, en sénats académiques, en assemblées, en comités ou en conseils, etc. Le conseil d'administration n'a souvent qu'une juridiction résiduaire sur les matières confiées spécialement à de telles instances inférieures. Les structures universitaires font donc en sorte que le pouvoir de décision s'exerce à plusieurs niveaux. (17 heures)

Les universités estiment que le processus de décision n'est pas suffisamment protégé par la loi actuelle puisque l'article 35 ne s'applique qu'aux mémoires des délibérations du conseil d'administration. La portée de cet article devrait s'étendre à toutes les instances pédagogiques ou administratives. Donc, notre recommandation 11: L'article 35 devrait être modifiée de manière à le rendre applicable à toutes les instances pédagogiques ou administratives.

Les universités s'opposent à la recommandation de la commission d'ajouter à la loi actuelle une obligation en vertu de laquelle toute demande d'accès refusée par un représentant des unités administratives devrait être transmise au responsable de l'accès de l'université. Dans l'état actuel

du droit, la personne qui veut avoir accès à des documents de l'université peut procéder de deux façons: de façon non formelle, c'est-à-dire en dehors des cadres procéduriers de la loi ou de façon formelle, en s'adressant par écrit au responsable de l'accès. Il faut respecter ce choix du citoyen. En conséquence, notre recommandation 12 se lit: L'article 43 ne devrait pas être modifié.

Maintenant, pour ce qui est de l'aspect qui touche les renseignements personnels, les universités à ce titre font cette recommandation. D'abord, en ce qui concerne la cueillette de renseignements nominatifs déjà colllgés. À défaut d'une loi réglementant globalement les pratiques des bureaux de crédit, la loi sur l'accès à l'information devrait permettre clairement aux organismes publics d'y recourir. SI cette recommandation n'était pas retenue, les universités souhaiteraient le maintien du statu quo en ce qui concerne l'article 66, qui permet aux organismes publics d'obtenir des renseignements nominatifs déjà colligés pour autant que la commission en soit informée. En obtenant le pouvoir qu'elle sollicite dans son rapport, soit celui d'autoriser la cueillette de tels renseignements, la commission s'immiscerait inutilement dans le processus administratif des organismes publics. En conséquence, nous formulons la recommandation 13: La loi devrait prévoir une disposition reconnaissant aux organismes publics le droit de recourir aux services de bureaux de crédit s'ils possèdent des créances à l'égard de toute personne ayant manqué à des obligations. De plus, l'article 66 ne devrait pas être modifié.

En ce qui concerne la communication de certains renseignements personnels effectués sans le consentement de personnes concernées, il existe, au sein des communautés universitaires, un certain nombre d'organismes reconnus par les universités, qui exercent traditionnellement des activités liées de près ou de loin à la mission universitaire. Parmi ces organismes, on trouve par exemple les fondations universitaires, les associations d'étudiants, les associations de diplômés, etc. Ces organismes ou ces regroupements de personnes sont souvent constitués en corporations autonomes. Ils jouent également un rôle essentiel auprès de l'université dont ils sont en quelque sorte le prolongement.

L'expérience a démontré que ces organismes doivent parfois avoir recours à certaines données nominatives qui leur permettent d'atteindre leurs objectifs. Il s'avère donc essentiel que la loi sur l'accès à l'information reconnaisse cette réalité qui s'appuie sur de longues traditions et qui n'a jamais posé de problème pour personne. C'est pourquoi les universités proposent la recommandation 14. L'article 67.3 devrait être précédé d'un nouvel article visant à autoriser, dans le cadre d'une entente, la communication de renseignements nominatifs nécessaires à l'exercice des attributions des organismes oeuvrant au sein des communautés universitaires, sans le consentement des personnes concernées.

La commission recommande que l'application des articles 67 à 67.2 soit assujettie à la condition préalable d'avoir recherché le consentement des personnes concernées avant d'effectuer la communication des renseignements. De telles démarches auprès d'un bassin de personnes dont le nombre est souvent considérable sont la plupart du temps irréalistes et parfois irréalisables. La lourdeur des opérations que cela nécessite n'est pas justifiée par la valeur du consentement qui serait obtenue, puisque, en cas de refus d'une personne, l'organisme public est quand même dans l'obligation de transmettre les renseignements nécessaires à l'application d'une loi, d'une convention collective, etc.

En ce qui concerne la communication de renseignements nécessaires à l'exercice d'un mandat de gestion administrative, nous croyons qu'encore là l'opportunité que des personnes consentent à une telle communication n'a aucun intérêt pratique, puisqu'elle est effectuée simplement pour le traitement d'une opération administrative que l'organisme a choisi de confier à un mandataire plutôt que de l'effectuer lui-même. En conséquence, nous formulons la recommandation 15: Les articles 67, 67.1 et 67.2 ne devraient pas être modifiés de manière à imposer aux organismes publics l'obligation de rechercher le consentement des personnes concernées.

Le rôle du responsable de l'accès. Une des carences les plus graves, à notre avis, de ta loi consiste dans le fait qu'elle nie aux organismes ' ia marge de manoeuvre suffisante pour qu'ils puissent en faire une application intelligente et responsable, particulièrement en matière de protection des renseignements personnels Le fait que la définition que donne la loi à la notion de renseignements nominatifs s'applique sans nuance à quelque type de renseignements nominatifs que ce soit et dans quelque circonstance que ce soit conduit à la situation où l'on n'a guère de choix qu'entre deux maux: celui de mettre en place des mécanismes coûteux et tatillons d'obtention de consentements pour tout et pour rien, ou celui de provoquer des frustrations inutiles en refusant de donner suite à des demandes légitimes. Qu'on nous comprenne bien. Il ne s'agit pas de réclamer un chèque en blanc en vertu duquel on pourrait, sans enfreindre la loi, fournir des renseignements que le sens commun commande de garder confidentiels en toutes circonstances.

L'article 125 de la loi exige que toute communication de renseignements nominatifs à des fins d'étude, de recherche ou de statistique soit autorisée par la commission. Il y a cependant deux exceptions à cette règle: l'une s'appli-quant aux établissements de santé et de services sociaux et l'autre dans le cadre de l'application de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. En page 87 de son rapport, la commission propose le maintien de ces exceptions pour le motif que l'expérience propre au milieu et le

champ de responsabilité de ces personnes le justifient; les universités croient qu'il en va de même pour elles.

La recommandation 16 suit: Le deuxième alinéa de l'article 68 devrait donner aux responsables de l'application de la loi le pouvoir de communiquer, sans le consentement de l'Intéressé, certains renseignements nominatifs lorsque des circonstances particulières le justifient, l'exercice de ce pouvoir étant assorti de l'obligation, pour le responsable, d'informer chaque fois la commission de ses décisions en les justifiant et ce, dans le cadre d'une entente prenant effet au moment de la transmission de l'information.

Recommandation 17: La loi devrait être modifiée afin d'y ajouter un nouvel article soustrayant les universités de l'application de l'article 125 et accordant au responsable de l'accès le pouvoir d'autoriser les communications de renseignements nominatifs à des fins d'étude, de recherche ou de statistique.

La tenue des registres. La commission souligne l'inutilité de l'obligation d'inscrire dans un registre les consultations des fichiers qui sont effectuées, sauf pour des cas exceptionnels prévus à l'article 75 et dont la dispense d'enregistrement doit être autorisée par la commission Les universités accueillent très favorablement la recommandation de la commission d'abroger les articles 74 et 75. De plus, elles accueillent favorablement la recommandation de la commission d'alléger le fardeau des organismes publics à l'égard de l'obligation qu'ils ont d'inscrire au registre de l'article 67.3 certaines données relatives aux communications de renseignements effectuées en vertu des articles 67, 67.1 et 67.2.

Les universités estiment que l'exception devrait s'étendre aux communications de renseignements relatifs aux étudiants, transmis en vertu d'une loi, que cela concerne, par exemple, des données relatives aux étudiants étrangers communiquées au gouvernement fédérai, ou des données relatives à tous les étudiants communiquées au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science. Ces communications répondent aux critères à l'appui de la recommandation de la commission. Elles sont en effet usuelles, obligatoires et effectuées par toutes les universités sans exception. En conséquence, la recommandation 18: Les universités devraient être exemptées de l'obligation d'inscrire au registre tes données concernant les communications de renseignements relatifs aux étudiants et effectuées en vertu d'une loi, lorsqu'elles sont usuelles et obligatoires et qu'elles doivent être effectuées par toutes les universités.

Finalement, l'accès aux traitements des membres du personnel de la direction. La commission a interprété l'article 57, alinéa 1, de manière à rendre accessibles les salaires de l'ensemble des cadres, le critère étant la supervision du personnel par ces personnes. Les universités estiment que cet article devrait recevoir une interprétation restrictive puisqu'il s'agit d'une exception à la règle générale concernant le caractère confidentiel des renseignements nominatifs.

L'interprétation actuelle de la commission a donc pour effet de rendre publics les salaires de toute une catégorie de personnel - les cadres - dont plusieurs ne font pas partie du personnel de direction. Selon le libellé même de l'article 57, paragraphe 1, qui s'applique au personnel de direction, seuls le recteur, les vice-recteurs et le secrétaire général font partie du personnel de direction d'un établissement universitaire.

Donc, nous formulons la recommandation 19: La loi devrait être modifiée de façon à préciser que les cadres sont des membres du personnel visés par le paragraphe 2 de l'article 57.

En conclusion, les universités tenaient à sensibiliser les membres de la commission de la culture à l'ampleur des problèmes posés par l'application de la loi sur l'accès. Les recommandations du présent mémoire ont pour but d'améliorer la situation, notamment en ce qui a trait au rôle de la commission et à certaines modalités d'application de la loi, tout en permettant une meilleure adéquation entre les coûts et les bénéfices qui découlent de cette loi. Elles témoignent, par ailleurs, de l'engagement des universités à poursuivre les objectifs visés par la loi.

En terminant, au nom des établissements universitaires, la Conférence des recteurs vous remercie de lui avoir fourni l'occasion de faire connaître ses vues sur des questions auxquelles les établissements universitaires attachent la plus haute importance. Je vous remercie.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le recteur. Je vais céder la parole, pour une première intervention, à M. le ministre des Communications.

M. French: M. le Président, d'abord, j'aimerais dire que la commission est honorée d'entendre des universitaires aussi Importants, reconnus et expérimentés que les docteurs Cloutier et Gervais. On les remercie de leur présence. Cela démontre l'importance que la CREPUQ et les universités accordent à la loi et à son bon fonctionnement.

J'essaierai, dans mes questions et commentaires, de situer cette expérience universitaire par rapport aux recommandations et, plus particulièrement, vis-à-vis du premier bloc de recommandations qui touche la commission.

Je commencerai en demandant ceci: Combien de refus d'accès à des documents ont été appelés par le peu de demandeurs que les universités ont eu devant la commission et quelle a été l'expérience, la nature et la quantité de l'expérience des universités devant la Commission d'accès à l'information?

M. Cloutier: Je pourrais demander, si vous le permettez, M. le Président, à mes collègues de répondre à cette question plus quantitative. Est-ce que Mme Verrier ou M. Mercille... Je voudrais m'assurer qu'on ait la bonne réponse.

Le Président (M. Trudel): Avec plaisir. Vous pouvez...

M. Mercille (Reynald): À notre connaissance...

Le Président (M. Trudel): Voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît, pour le Journal des débats?

M. Mercille: Reynald Mercille. Il y a deux cas qui ont été l'objet de décisions de la commission: l'un impliquant X contre l'Université Laval et l'autre à l'Université de Montréal, un monsieur Bellerose contre l'Université de Montréal. Donc, deux...

M. French: Parlons donc des deux cas' X contre l'Université Laval, c'était la gestion des fichiers de renseignements personnels ou est-ce que c'était un autre cas? Alors, X, qu'est-ce que c'est?

M. Gervais (Michel): De mémoire - Michel

Gervais, recteur de l'Université Laval - il s'agissait d'un individu qui voulait obtenir les comptes rendus des réunions de l'équipe de direction.

M. French: Quel a été le résultat de cet appel, M. Gervais?

M. Gervais (Michel): Je crois qu'il a été déclaré qu'il avait droit de voir ces comptes rendus.

M. French: Et le deuxième cas a été celui de M. Bellerose à l'Université de Montréal.

M. L'Espérance (Michel): Pour compléter la première réponse, il s'agit, évidemment, de l'interprétation d'un article qui porte sur les documents du cabinet d'un membre d'un organisme. C'est pour cela que nous avons une recommandation qui vise à définir l'expression "membre d'un organisme public", puisque, dans le contenu de l'Interprétation et de la décision de la commission, le cabinet du recteur d'une université n'a pas été reconnu comme couvert par l'expression "membre d'un organisme public".

M. French: Alors, il y a eu... M. L'Espérance: Dans le cas...

M. French: ...deux appels pour l'ensemble des universités du Québec depuis cinq ans. Dans les deux cas, ta commission a donné raison aux demandeurs; dans les deux cas, au moins pour le deuxième cas, les universités prétendaient que les documents devaient rester confidentiels et ils ont donc été dévoilés. Est-ce que c'est cela? (17 h 15)

M. Gervais (Michel): Oui. Si vous me le permettez...

M. French: Oui.

M. Gervais (Michel): II ne faudrait quand même pas minimiser les conséquences de certains de ces cas. En tout cas, dans un des cas, cela veut dire qu'il ne peut plus y avoir de procès-verbal du comité de direction à l'Université Laval.

M. French: M. le recteur, }e prends bonne note. Je remarque que vous avez fait une recommandation très précise à ce sujet On en reparlera tantôt. Mais je n'en suis pas là. J'en suis à la commission et aux recommandations que vous nous offrez en guise de résultat de votre expérience pour le fonctionnement et les pouvoirs de la Commission d'accès à l'information. Sur la base de deux cas dont on a parlé, qui font d'ailleurs le sujet des recommandations très précises plus tard dans votre mémoire, vous nous suggérez des changements radicaux à la Commission d'accès à l'information. Sur une base de deux cas.

M. Gervais (Michel): Je pourrais me permettre de répondre là-dessus que ce n'est pas uniquement sur la base de deux cas concernant les universités, mais, entre autres choses, de seize cas soumis à la commission impliquant, selon les demandeurs, des demandes abusives de renseignements et qui ont toutes été rejetées par la Commission d'accès à l'information. Nous n'avons pas tenu compte uniquement des problèmes vécus dans les universités, mais de l'ensemble.

M. French: C'est-à-dire que la CREPUQ vient partager avec nous l'expertise juridique sur le plan général de la décision qu'ont la commission et le gouvernement à prendre sur le fonctionnement de la commission, indépendamment de l'expérience des universités directement devant ta Commission d'accès à l'information.

M. Cloutier: Je pense que c'est un aspect de nos recommandations où, en fait, on va vers une base plus large que simplement les universités. Cela ne touche pas toutes les recommandations que nous faisons ici.

M. French: M. le recteur, vous nous avez donné un très bel exemple d'une certaine mentalité. Pas vous, mais votre mémoire dans sa première section est un bel exemple d'une certaine mentalité juridique face à la commission et son fonctionnement. Mais je dois vous dire

qu'il me semble surprenant, de la part d'universitaires comme vous, de nous offrir un diagnostic si facile et si simpliste sur le fonctionnement de la commission. Si vos conseillers juridiques avaient pris le temps de faire une certaine recherche, je pense qu'ils auraient compris, ne serait-ce qu'à partir de l'idée que les législateurs avaient de la commission au début et de son fonctionnement, je pense qu'on aurait pu - et vous et nous - épargner un temps considérable. Plus particulièrement, cela vous aurait permis au moins de prendre la commission à ses prémisses, d'après ses créateurs, qui sont toujours ici autour de la table.

À la lumière de ces idées et de cette tentative que les législateurs ont faite pour briser justement les moules d'une certaine conception des tribunaux administratifs et nous livrer une analyse qui passe au-delà d'une défense de la ville de Montréal vis-à-vis d'un journaliste - la ville de Montréal étant l'organisme public qui a à peu près le plus abusé et qui a le moins coopéré et collaboré avec la loi - moi, je vous dis, de façon très claire, qu'il me semble surprenant, en ne nous offrant aucune expérience directe, que vous nous demandez de révolutionner la fonction de la commission. Cela me semble surprenant, encore une fois, et décevant. Je dis tout cela sans préjudice à l'ensemble de vos recommandations qui me paraissent, en tant qu'ex-universitaire, très fondées dans les autres sections. Mais si on avait voulu avoir l'opinion des conseillers juridiques sur la politique en général, on aurait été heureux de l'avoir. Cela me semble un peu contradictoire.

En tout cas, je vous permettrai de répliquer. Peut-être que j'ai mal compris le sens de votre démarche. Mais condamner la commission sur une base d'une lecture de quelques cas et quelques traités de droit administratif, qui ne traitent pas de la commission parce que ce n'est pas un tribunal administratif au sens de ces traités de droit administratif, cela me semble passer un peu à côté du problème.

M. Cloutier: J'aimerais dire juste un petit mot. D'abord, M. le Président, je veux bien souligner que personnellement je ne suis pas juriste et ce n'est pas t'approche en tant que recteur que je veux prendre en cela. Il est évident qu'on a besoin de l'avis de conseillers juridiques pour prendre un certain nombre de décisions et pour agir dans certains cas. Je veux répéter ici ce qui a peut-être été dit d'une autre façon. Je peux vous assurer que les universités du Québec ne sont pas en opposition du tout avec la loi sur l'accès à l'information. Je pense que ce doit être très clair. Ce qui se passe, c'est qu'il existe déjà, dans les universités, des pratiques concernant la divulgation de l'information, des pratiques déjà en marche depuis... Si vous regardez dans le mémoire écrit qu'on a remis, en annexe, il y a une déclaration, qui date de 1972, des recteurs des universités, qui est justement dans ce sens et qui démontre la bonne volonté des universités dans ce sens. Il y a eu un certain nombre de cas qui sont intervenus depuis la promulgation de cette loi et qui ont causé certains problèmes dans les universités. C'est dans ce sens que nos interventions se font.

Maintenant, je sais qu'ici, à mes côtés, il y a des gens qui aimeraient peut-être répondre à vos commentaires.

M. French: Je veux vous répondre, M. le recteur. Je veux que ce soit clair dans votre esprit que l'évaluation des recommandations très précises au deuxième, troisième et quatrième blocs n'est aucunement compromise par mes commentaires. Cela nous intéresse au plus haut point parce que c'est justement votre vécu par rapport à ce qui nous intéresse.

Lorsqu'on présente l'Image d'une commission en conflit d'intérêts, lorsqu'on évoque un cas avec lequel nous sommes, de façon manifeste, beaucoup plus familiers que vous ne l'êtes, le cas Winters c. la ville de Montréal, en nous présentant cela comme une évidence pour un changement dramatique d'une commission supposément en conflit d'intérêts, on a de la misère à vous suivre, honnêtement.

M. L'Espérance: Je laisserais peut-être à Me Mercille le soin de compléter le début de réponse que je vais faire. Je pense qu'il est important de savoir que la Conférence des recteurs par son comité des secrétaires généraux - je m'identifie, j'ai oublié de le faire tantôt, Michel L'Espérance, secrétaire général de l'Université de Montréal et représentant du comité des secrétaires généraux - dès le début, au moment de l'adoption de la loi, s'est donné le mandai d'étudier, pour l'ensemble des universités, la mise en application de la loi d'accès dans les établissements universitaires. Nous avons vraiment fait adopter toutes sortes de mesures pour favoriser l'application de la loi dans les universités: sessions d'information au plan juridique, que ce soit à McGill, aux HEC, à l'Université de Montréal ou à l'UQAM. Je pense qu'il y a un souci constant de vraiment prendre les mesures pour appliquer la loi, d'une part.

Deuxièmement, de façon à respecter les principes de la loi et les décisions de la commission, nous avons demandé à nos conseillers juridiques de nous préparer, de façon régulière, une analyse commentée de ta jurisprudence de la commission. Ce que je veux dire, c'est que dans cette perspective, comme notre groupe avait vraiment suivi cette question de la loi 65, de son application et de la jurisprudence, il nous a semblé que l'expertise qui se dégageait de cette connaissnce des analyses de la jurisprudence nous amenait à formuler ces recommandations.

Je laisserais, quant au contenu même de cette recommandation, à Me Mercille le soin de compléter.

M. Mercille: M. le ministre, vos interventions soulèvent une question qui, à notre avis, n'a rien à voir avec des avocasseries, des subtilités ou des points de détail. Cela concerne plutôt un article fondamental qui est dans la Charte des droits et libertés de la personne, l'article 23, qui concerne les droits judiciaires et qui commence par la phrase suivante: Toute personne a droit, en pleine égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal Indépendant et qui ne soit pas préjugé." Évidemment, l'expression "personne" au sens de la charte inclut les organismes publics qui sont des personnes au sens large.

La problématique qui se pose, c'est celle qui concerne l'obligation d'impartialité d'un tribunal administratif. C'est une question, M. le ministre, qu'on peut examiner sous plusieurs angles. Un de ceux-là, c'est la perception des organismes. C'est un test subjectif qui n'est peut-être pas toujours juste pour l'organisme qui en est l'objet; il est subjectif, mais iI est quand même important. En matière d'impartialité, les apparences sont Importantes.

À la page 11 du rapport IQOP qui avait été commandé par la Commission d'accès à l'information elle-même, vous pourrez constater qu'il y avait un commentaire de l'ensemble des responsables de l'application de la loi à l'époque, selon lequel la commission d'accès était perçue comme un tribunal ayant un "biais" favorable pour le demandeur et défavorable à l'endroit de l'organisme public.

Une décision a déjà fait l'objet d'un cas de jurisprudence. À un moment donné, le collège Vanier a demandé ta récusation d'un commissaire, peut-être à tort ou à raison, on ne le sait pas à la lecture du texte de la décision, mais cela illustre qu'il y a déjà là un début de procédure judiciaire par des organismes qui ne perçoivent pas qu'ils ont devant la commission d'accès droit à un tribunal impartial.

Un autre angle, M. le ministre, qui peut être l'objet d'examen, c'est l'insensibilité ou la sensibilité de la commission elle-même face à son obligation d'impartialité. Dans plusieurs décisions, la Cour suprême du Canada a édicté une règle que je vais vous lire. Elle est très brève: "À moins d'un texte législatif contraire, un tribunal administratif n'a pas de statut pour comparaître et plaider en appel, sauf si sa compétence juridictionnelle est mise en question. Cette règle découle du principe fondamental de neutralité et d'impartialité que doit avoir tout tribunal à l'égard des partis devant lui."

Or, il y a deux gestes que la commission a posés et qui nous amènent à vous faire des commentaires. Le premier, c'est à l'occasion d'un arrêt de la ville de Montréal contre Labelle où la commission a demandé d'intervenir - comme partie au litige. La Cour provinciale a rejeté cette demande en soulignant l'intervention que la commission recherchait correspondrait à fournir un appui au demandeur à rencontre de l'or- ganisme public et amenant la commission à manquer à son obligation d'impartialité et de neutralité.

Si vous me le permettez, je vais vous citer la conclusion de la Cour provinciale là-dessus: Toute intervention de la commission en l'espèce porterait ombrage à son Impartialité et ne servirait point sa dignité." Or, malgré cette décision, à la page 95 du rapport remis par la commission, on constate qu'elle demande d'avoir la possibilité d'être entendue sur les requêtes pour permission d'appeler.

Pour nous sortir un peu du contexte de la Commission d'accès à l'information et examiner ce que le législateur québécois a fait en semblable matière dans le passé, permettez-moi de vous relater les faits de l'affaire Messier, une décision de la Cour d'appel du Québec de 1976. M. Messier était chef de police à la ville de Longueuil. Il y a eu une enquête de la Commission de police, laquelle enquête contenait une recommandation, dans le cadre de son mandat de surveillance, de congédier M. Messier.

Effectivement, la ville a reçu le rapport de la Commission de police et a congédié M. Messier. En vertu de la Loi de police, M. Messier avait un recours en appel devant la Commission de police. Évidemment, M. Messier a souligné par voie judiciaire le problème d'impartialité qui pouvait se poser et la Cour d'appel, dans cette décision qui a été prise avant les chartes et avant l'article que je vous ai cité tout à l'heure, a quand même souligné qu'il y avait une certaine anomalie. Mais, dans ce cas, la Cour d'appel a mentionné qu'effectivement, comme les commissaires qui avaient siégé dans l'analyse et l'enquête à la ville de Longueuil n'étaient pas les mêmes que ceux qui avaient entendu son appel, le problème de l'impartialité n'était pas fatal. Mais le législateur a été sensible à ce problème et l'article 79 de la Loi de police a été amendé afin que, dans le cas d'un appel à la suite d'un congédiement basé sur une recommandation qui émane de l'organisme de surveillance, ce soit la Cour provinciale qui entende l'appel.

Simplement à titre d'exemple, M. le ministre, on a souligné tout à l'heure l'exemple de l'Université Laval où il y a eu, et on en fait état dans le rapport, une analyse par la Commission d'accès à l'information dans le cadre de son pouvoir de surveillance, Un rapport détaillé a été fait par la commission ainsi qu'une réponse élaborée par l'Université Laval dans laquelle elle accepte certaines recommandations et s'oppose à d'autres. (17 h 30)

Si vous examinez ces rapports, il y a certainement une quinzaine, sinon une vingtaine de problèmes qui pourraient être autant de problèmes de droit que l'Université Laval ou une autre université pourrait avoir à débattre devant un tribunal. À la Commission d'accès à l'information, j'ai fait une demande d'accès à l'information pour connaître le coût de ce rapport qui a

été fait à l'Université Laval. La commission n'a pu nous répondre parce qu'elle n'a pas les données permettant de quantifier facilement les coûts de telles enquêtes. Mais je vous souligne que, dans la réponse qu'on m'a donnée, on énumère les gens qui ont oeuvré dans le dossier, un dossier donc de surveillance. II y a un certain nombre de secrétaires et de professionnels, et les trois derniers noms sont Mme Thérèse Giroux, commissaire, Mme Carole Wallace, commissaire, et M Marcel Pépin, président.

Le problème qui est posé là, M le ministre, c'est que le tribunal, dans son ensemble agissant dans le cadre de son pouvoir de surveillance, a contribué au rapport et l'a rédigé. L'hypothèse que nous vous faisons - et c'est dans ce sens que je vous dis qu'on se basse sur la charte et que cela n'a rien à voir avec des avocasseries et des technicalités - c'est qu'il est impossible pour l'Université Laval ou pour une université du Québec de débattre un litige devant ce tribunal et s'imaginer un seul instant qu'elle aurait droit à une audition impartiale si ce sont effectivement les commissaires qui ont contribué à la rédaction du rapport. C'est cela, grosso modo, le problème qu on voulait vous souligner. Nous croyons que c'est un problème assez important et assez fondamental.

Le parti pris, M le ministre de la Commission d accès à l'information, est normal. Effectivement, si vous regardez, par exemple, le rôle de la Commission des normes du travail, elle a un parti pris favorable à l'application des normes et le législateur lui permet d'agir dans ce sens-là pour représenter le citoyen. De la même façon, en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne on s'attend toujours à ce que la Commission des droits et libertés ait un parti pris favorable. Par contre, évidemment, ces commissions n'agissent pas comme tribunal. C'est la différence fondamentale. L'hypothèse que nous vous faisons, c'est que ta commission pourrait peut-être encore mieux atteindre son rôle si elle agissait carrément en faveur des demandeurs, quitte à les représenter comme le font d'autres commissions.

M. French: Bon! Me Mercille, j'ai deux réponses.

Le deuxième point, c'est-à-dire l'implication des commissaires dans une activité de surveillance, découle directement de votre expérience et vous nous faites des recommandations que nous allons prendre très au sérieux. Cependant, j'aimerais vous inviter à vous pencher sur un aspect constitutionnel et juridique de l'existence de la commission qui nous paraît important, à savoir que la commission n'est pas comparable à la Régie de l'électricité et du gaz. Elle n'est pas un tribunal administratif au sens routinier de la loi, elle est un tribunal parlementaire.

Nous avons décidé ici même, en ce Parlement, d'essayer, peut-être à tort, d'éviter que le citoyen ne se trouve, d'un côté, à demander l'accès aux documents et à faire face à un monolithe amplement défendu par les juristes, défrayé par les fonds publics, un monolithe qui n'a pas d'intérêt à donner accès ou à révéler les documents. Pour nous, peut-être à tort, les organismes n'ont pas de droit, ils n'ont que des responsabilités parce que ce sont des organismes publics, et il s'agit de documents que l'argent des contribuables a payés et a contribué à créer pour des fins publiques.

La Cour suprême va peut-être se pencher sur votre prétention que, lorsqu'il s'agit d'accès aux renseignements personnels ou aux documents publics, ou de rectification de documents personnels, les organismes ont droit à un tribunal Impartial, autant qu'un citoyen, ils seront peut-être même d'accord pour dire que la commission n'est pas impartiale. Mais ce que j'essaie de vous dire, c'est que le législateur a essayé de créer un organisme qui brisait le moule, précisément parce que, moi comme citoyen qui ne suis pas juriste, j'aurais de la misère à étoffer une argumentation aussi étoffée que la vôtre, mais dont I'essentiel, d'après ce que je peux voir, c'est de protéger les prérogatives des gestionnaires publics et dont le financement, les salaires et l'appui proviennent de l'argent des contribuables. Je vous prie de ne pas prendre mon argumentation de façon personnelle parce qu'elle ne se veut pas personnelle, mais c'est une tentative de vous faire comprendre que, si vous partez de la prémisse qu'il s'agit de deux intervenants du secteur privé ayant, de part et d'autre, les mêmes droits devant un tribunal impartial, pour ne pas dire en cour, vous partez de la mauvaise prémisse pour comprendre ce que le législateur a essayé de faire avec la Commis sion d'accès à I'information. Vous n'avez rien compris à ce qu'on a essayé de faire.

À partir des expériences précises vécues par les universités comme dans le cas de la surveillance, vous soulevez un cas qui nous paraît très important. Mais tant et aussi longtemps que vous n'avez pas compris ce que nous essayons de faire, et surtout que vous venez nous offrir une vision assez apocalyptique de la commission sur la base dune lecture essentiellement de principes de droit qui vous est loisible de mais il nous paraît malheureux, en tout cas pour ma part, de voir que vous partez - je ne l'appellerai pas un pré|udice - d'une prémisse si négative. II me semble évident que ceux que vous conseillez et qui viennent de nous avouer que pour eux la commission d'accès c'est plus ou moins près de leurs préoccupations en ce qui a trait à ses pouvoirs au sens large sont encouragés à croire que la commission fonctionne manifestement en conflit d'intérêts de façon injuste. Ils ne font pas de cas de la tentative que le législateur a faite pour créer un organisme nouveau d'un fonctionnement multiple, c'est difficile, ça va peut-être être invalidé en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne. Mais encore une fois, à moins que vous n'ayez fait une

tentative d'imaginer un autre type d'organisme, aussi longtemps on va avoir un dialogue de sourds. En tout cas, je ne veux pas continuer là-dessus.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. Vous voulez peut-être répondre, M. le recteur, et je céderai la parole par la suite à M. le député de Taillon.

M. Cloutier: Je voudrais seulement faire un commentaire général, M. le ministre. Je veux encore une fois souligner le fait que nous sommes désireux de collaborer pleinement à la loi d'accès à l'information. Je pense qu'on a vu dans l'occasion qui nous était présentée que le gouvernement avait décidé de faire le point sur l'application de cette loi qui a été mise de l'avant et je pense que nos recommandations ont été faites dans le sens d'aider à modifier, à améliorer la loi, et j'espère que c'est dans ce contexte que c'est reçu ici par la commission parlementaire.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le recteur.

M. le député de Taillon.

M. Filion: Au nom de ma formation politique, je voudrais signaler également à quel point je suis sensible au fait que la Conférence des recteurs a pris la peine d'abord de bâtir un mémoire extrêmement bien fait, extrêmement pointu, et de prendre la peine également de nous envoyer aujourd'hui ses plus illustres représentants à qui je souhaite la bienvenue.

D'abord, il y a un problème de droit au départ. Je pense qu'il a été bien circonscrit dans l'échange, mais je tiendrais quand même à signaler à Me Mercille que la Commission des droits de la personne a un pouvoir d'enquête, de médiation, etc. et a aussi un pouvoir d'adjudication puisqu'elle déclare s'il y a eu ou non violation de la charte. Et cette espèce de double mandat est contenue à l'intérieur même de la Charte des droits et libertés de la personne. Encore une fois, tout n'est pas toujours blanc ou noir. Et l'exemple que vous donniez tantôt est donc plus ou moins exact. La Commission des droits de la personne, encore une fois, a, d'une certaine façon - on l'étudié présentement à une autre commission parlementaire, celle des Institutions, que j'ai l'honneur de présider - ...on étudie ce problème de double et triple mandats dans certains cas qui échoient en vertu de la charte des droits qui est notre principale législation, une loi prédominante donc qui échoit à la Commission des droits de la personne.

Alors, tout cela pour dire que, en ce qui concerne la Commission d'accès à l'information, les législateurs, il y a cinq ans, ce sont surtout, je pense, attardés à une réalité où il y avait un rapport de forces. Rapport de forces, organisme public financé à même des fonds publics par rapport à des individus. Il n'y a pas de bon ni de méchant là-dedans. Il y a juste un rapport de forces. Il y a juste des organismes qui ont des systèmes d'organisation bien organisés, bien sûr on l'espère, et qui ont des buts tout à fait légitimes. À l'université, on dispense le haut savoir et la plupart des gens qui sont de l'autre côté sont passés par là. Un peu partout dans la société, on en retrouve des produits. Il en va de même dans plusieurs autres secteurs.

Bref, le législateur, à l'époque, a voulu s'immiscer dans un rapport de forces, faire modifier certaines attitudes, certains comportements, et cela a donné la Commission d'accès à l'information. Ce qui est Important cependant, et là je suis très sensible à ce que vous dites, c'est que la Commission d'accès à l'information doit, lorsqu'elle rend justice, le faire de façon tout à fait impartiale, dans le processus de la justice. Vous avez vécu deux expériences, selon les discussions qu'il y a eu tantôt. En plus, vous faites allusion aux 16 demandes, qui ont été faites également dans le cas de demandes abusives, etc. Nous avons, quant à nous, parcouru l'ensemble de la jurisprudence. Ce n'est pas évident, mais je prends note de votre point de vue, selon lequel, dans ce mécanisme de rendre justice, il y aurait peut-être eu excès à votre avis, mais ce n'est pas mon avis jusqu'à maintenant.

Ce qui m'a frappé énormément, par contre, c'est l'enquête à la page 16, 17 et 18 de votre mémoire. Je crois comprendre - MM. Cloutier et Gervais, sentez-vous à l'aise de me répondre - que les enquêtes de la Commission de l'accès à l'information n'ont pas été vécues sous un ciel bleu serein, à ['Université Laval et à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Peut-être que le rapport a semblé un peu sévère aux universités concernées. D'ailleurs, j'ai eu aussi l'occasion de prendre connaissance d'un article écrit dans le journal des étudiants de sciences politiques de l'Université Laval sur les suites au rapport. Ma question est la suivante: Dans ces enquêtes, dans le processus d'enquête - bien que ce ne soit pas dit textuellement - est-ce que les universités ont vécu une situation qu'elles qualifient d'injuste?

M. Gervais (Michel): Je vais essayer de répondre à votre question, M. le député. Je dirais d'abord que cela a été vécu... Je n'ai pas participé à cette enquête et je n'ai pas eu à répondre aux demandes de la commission, mais j'ai eu le témoignage de ceux et celles qui l'ont vécue. L'expérience, chez nous, est que tout ceci ne s'est pas fait dans un climat de confiance, Au contraire il semblait présider à toute l'opération une sorte de méfiance devant des gros méchants qui ne veulent pas donner les renseignements ou qui veulent protéger la confidentialité de tous les documents de l'université. D'abord, l'enquête s'est faite sans justification apparente. De fait, les universités, en général, avaient fait, dès

1972, une déclaration par laquelle elles adhéraient à des principes qui ont été codifiés dans la loi, par la suite. L'Université Laval, en particulier, a été une des premières à appliquer les dispositions de la foi de la façon la plus scrupuleuse possible.

Voici qu'arrive cette enquête qui a duré tout un mois, qui a engagé des gens. De mémoire, je cite les services suivants qui ont été impliqués dans cette enquête: le secrétariat général, le bureau du registralre, la bibliothèque, le centre de traitement de l'information, le service des activités sportives, l'association des anciens de l'Université Laval, le service de sécurité, santé et prévention. À notre avis, cela a été extrêmement coûteux.

Ce qui est sorti de cette opération est un rapport de la commission, lequel comportait - et pour être honnête, il faut le dire - un certain nombre de recommandations très positives que nous nous sommes empressés de mettre en oeuvre, mais aussi un ensemble de recommandations tout à fait inapplicables et un certain nombre d'autres recommandations qui méconnaissaient complètement la nature des activités universitaires et des conditions de son exercice. (17 h 45)

Je vous donne comme exemple l'idée que seulement pouvait avoir accès aux fichiers des étudiants le personnel du bureau du registraire. Cela ne tenait pas compte du fait qu'il y a des directeurs de programmes, des directeurs d'ensemble et autres, le vice-recteur aux études qui peut avoir, par fonction, l'obligation de consulter ce fichier. Lorsqu'on faisait l'admission aux études de deuxième et troisième cycles, il y avait une demande sur la situation financière des étudiants Ce n'était pas une curiosité maladive. On voulait savoir quels étaient les étudiants qui avaient obtenu des bourses. C'est un critère très important dans le choix des étudiants diplômés que la capacité pour ces étudiants d'avoir obtenu des bourses de la part des organismes subventionnaires. Ils obtiennent ces bourses de la part des organismes subventionnaires. Ils obtiennent ces bourses après des concours, et cela veut dire bien souvent que c'est le témoignage qu'ils sont parmi les meilleurs étudiants. Ce n'est donc pas un renseignement qu'on cherche à avoir par curiosité, mais pour exercer correctement notre fonction.

L'université est une institution de recherche. Il peut y avoir des chercheurs dans le domaine des sciences de l'éducation ou dans un autre domaine qui ont besoin d'avoir accès à des fichiers par mode d'échantillonnage et autrement, et un excès d'obligation de déclarer entraîne des conséquences négatives. La cerise sur le gâteau, c'est qu'à un moment donné on nous a fait la remarque qu'on ne devrait pas transmettre une donnée particulière au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science. Or, il y a une de nos recommandations qui fait référence à cela. C'est une donnée que toutes les universités du Québec sont obligées de transmettre au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science pour la constitution du fichier RECU, Recensement des clientèles universitaires, aux fins du calcul des clientèles étudiantes.

Ce n'est pas tout. Ce rapport ayant été reçu, if a fallu y répondre. C'était un rapport de 60 pages. Il a fallu consulter à nouveau tous ces intervenants dont j'ai parlé tantôt et reconstituer des commentaires pour la commission ne sachant trop, d'ailleurs, ce qu'elle allait en faire parce qu'elle pouvait tout slmpelment les laisser de côté et dire: Nous avons le pouvoir ultime de décision et vous allez faire cela comme ça. Je dirais qu'on entre vraiment dans des difficultés d'application de la loi propres aux universités, et c'est un peu pour cela qu'on est ici. J'ajouterai cependant, en me référant à des commentaires qui ont été faits précédemment: bien sûr, en tout cas, j'ai bien compris que l'intention du législateur, il y a cinq ans, était de rétablir un certain équilibre entre le citoyen individuel aux prises avec une immense machine. M. French a bien décrit cette Intention du législateur. On n'en a pas contre cela, je pense. Il faut tout de même être réaliste et tenir compte que, derrière certains Individus qui demandent une série de renseignements à des institutions comme l'université, vous pouvez avoir des associations étudiantes qui ne manquent pas de revenus, des syndicats de professeurs ou d'autres employés qui peuvent avoir des moyens très considérables, et le fait que dans des décisions antérieures, la commission ait semblé toujours aller dans le même sens nous inquiète, comme universités, par rapport à l'avenir. C'est le sens des propos que nous avons tenus dans la première partie.

M. L'Espérance: Je voudrais peut-être rappeler un vieux principe que le président de la commission a sûrement retenu du cours de droit que nous avons fait ensemble il y a quelques années, à peine... Le Président (M. Trudel): C'est gentil.

M. L'Espérance: ...c'est que non seulement faut-il que justice soit rendue, mais également qu'il apparaisse que justice soit rendue. Et je pense, M. le ministre, qu'il suffirait de quelques petits ajustements dans la conception de la commision elle-même pour justement donner suite à cette idée d'équilibrer les rapports de forces. J'en suis et je partage tout à fait cet objectif, mais en rendant à la commission son rôle d'enquête, d'appui du citoyen, d'appui de la personne qui, face à une grosse machine, a besoin de ce qu'il faut pour l'aider dans sa démarche. Et je pense que c'est excellent comme principe.

Mais si on était capables de trouver une structure qui fasse qu'il y a une partie de la commission qui soit une partie d'aide aux citoyens et, dans un deuxième niveau, des commis-

saires qui fassent partie de la commission et qui ne soient pas partie prenante dans la première partie du travail... Et je pense que c'est peut-être réalisé justement dans la Charte des droits et libertés de la personne parce qu'il y a un premier commissaire qui fait cette analyse et on arrive par la suite à l'ensemble des commissaires qui, à partir d'un premier travail, se réunissent, et c'est un tribunal qui est composé de plusieurs autres personnes. Et la solution qu'on préconise, que ce soit à la Cour provinciale, on le dit, ce n'est pas forcément cette solution-là qu'il faut adopter, mais arriver à Imginer une structure qui puisse, aux yeux de la personne qui s'adresse à la commmision dans son aspect adjudicateur... qu'on fasse affaire quand même à un tribunal qui n'a pas préparé ia cause. Je veux dire un juge qui est saisi d'une cause, M. le ministre, et qui a déjà été partie, se désiste, déclare son intérêt et donne ia cause à une autre personne. Alors, c'est cet aspect qu'il faut essayer de réaliser.

M. French: M. L'Espérance, pouvez-vous nous citer le cas que vous avez vécu ou que l'université québécoise a vécu où vous faisiez face à un banc qui n'était pas de façon manifeste impartiale dans une décision qui, au fond, violait les droits de l'institution aux prises avec le problème.

Je ne parle pas de la question de la surveillance et le fait que l'Université Laval a vécu une mauvaise expérience, parce que ce n'est pas de cela dont on parle. Cela, c'est un autre problème et je comprends bien. Moi-même, j'ai dit à plusieurs reprises lorsqu'on a étudié le projet de loi que cela faisait complètement fi des réalités de la vie universitaire, mais j'ai passé pour un intellectuel peu pratique.

Si vous pouvez le croire - avec raison, dit le président - la version avec laquelle vous vivez n'est pas très bien, d'après ce que je peux voir et je comprends pourquoi. Je ne parle pas des pouvoirs de la commission, des fonctions de surveillance et tout le reste. Ce régime est déjà beaucoup plus léger que le régime prévu dans la loi originale et c'était beaucoup sur notre insistance. Alors, si c'est toujours trop lourd, on va essayer de le changer. Mais pour ce qui est du côté de l'adjudication, encore une fois, il faut nous offrir autre chose que le traité de droit administratif, que tout le monde a étudié en faculté de droit qui a une vision type d'un organisme que nous n'avons pas voulu utiliser, justement parce qu'il ne répondait pas aux besoins.

Je vous souligne que vos recommandations ne satisferaient pas votre conseiller juridique. Il dit beaucoup plus que cela et votre mémoire dit beaucoup plus que cela.

Le Président (M. Trudel): Avez-vous des commentaires, messieurs? M. le député de Taillon.

M. Filion: Ce matin, on a reçu le Bureau d'assurance du Canada. Je comprends un peu votre réaction. Je lis la déclaration de principe des universités du Québec sur la transmission des renseignements aux membres des communautés universitaires. Elle a été adoptée en 1972. Elle va trois fois plus loin que ce que le Bureau d'assurance du Canada a comme code de déontologie en 1987-1988, Donc, d'une certaine façon, je comprends bien les universités qui disent: On s'est autoréglementés pas mal et les problèmes existaient bien avant la venue de la Loi sur l'accès à l'information, bien avant il y a cinq ans, etc. Cependant, je me suis amusé en prenant votre mémoire à classifier les recommandations que vous nous faites. Sur 19 recommandations, il y en a quatre qui visent à diminuer le rôle et les pouvoirs de la commission; neuf recommandations visent à restreindre l'accès aux documents; trois recommandations visent à dispenser les universités d'obtenir le consentement des personnes concernées pour la communication des renseignements personnels; deux recommandations visent à instaurer des assouplissements administratifs en faveur des universités - je peux vous donner le numéro si vous le voulez - et une recommandation vise à élargir, à la faveur des universités, l'accès à certains renseignements personnels. Cela fait un bilan relativement biaisé, pour employer l'expression de tantôt, qui penche d'un côté. Encore une fois, je comprends l'expérience de l'enquête qui a pu avoir lieu, mais il me semble que votre vue de la commission ne devrait quand même pas être toute d'une couleur.

M. Gervais (Michel): Là-dessus j'aimerais répondre Bien sûr, vous avez une présentation qui fait ressortir le mémoire de la Conférence des recteurs comme bien négatif par rapport à l'existence de cette loi, de cette commission, mais on pourrait présenter les choses autrement et dire que les dix recommandations qui visent à restreindre l'accès ont quand même comme arrière-fond une volonté très claire qui existe depuis des années et qui est antérieure à l'existence de la loi de rendre les documents accessibles. On pourrait dire que les trois recommandations qui visent à dispenser le consentement sont trois cas où il y avait des difficultés d'application de la présente loi, étant donné la réalité universitaire. Mais cela a comme arrière-fond l'idée qu'on doit de manière générale avoir le consentement. Vous pourriez dire que c'est un rapport qui va à ('encontre de la loi, mais je crois que l'arrière-fond de cela est au contraire un accord fondamental, non seulement avec les objectifs poursuivis, mais aussi avec une grande partie des modalités prévues dans la loi. Nous avons essayé de faire ressortir certaines difficultés d'application propres au milieu universitaire. Je pense que c'était notre rôle. Je dirais que, derrière certaines de nos recommandations particulières, il y a peut-être un aspect fondamental qui est notre objectif de faire en sorte

que le législateur fasse confiance à la personne désignée comme responsable de l'accès. Cela ne veut pas dire lui donner carte blanche, lui faire un chèque en blanc, mais lui faire confiance et lui permettre d'assurer une application intelligente et responsable de la loi, quitte à ce que la commission se donne la possibilité de réprimer les abus et d'entendre les plaintes, bien sûr.

M. Filion: Encore une fois, j'ai fait tantôt un peu la chronologie des recommandations, je les al classifiées moi-même, mais cela ne change pas le fait que plusieurs recommandations que vous faites, et je veux que vous le sachiez, rejoignent la préoccuaption d'autres groupes, notamment, si on pense aux articles 34, 35 et 67, si ma mémoire est bonne, à la recommandation 14, etc. Alors, je ne disais pas cela dans le sens que vos préoccupations sont issues de mirages ou de fantasmes. Au contraire, cela rejoignait ce que plusieurs groupes nous ont dit et, quant à nous, c'est dans ce sens-là qu'on va les examiner studieusement, une par une.

Quant au problème de droit qu'on signalait au départ, je pense que cela vaudrait peut-être la peine qu'on s'y remette, mais tout en sachant qu'on est en train de faire un exercice analogue, en tout cas, quant à moi, avec la Commission des droits de la personne. Vous savez, le problème vient du double mandat. Chaque fois qu'on demande à un organisme de faire plus d'une chose à la fois, cela crée une certaine confusion. Et c'est vrai des universités à qui on demande bien des choses en même temps. Les étudiants peuvent se plaindre à l'occasion de ces mandats, de ces fonctions multiples. C'est le cas de la Commision des affaires sociales, c'est le cas d'énormément d'organismes. Mais, à un moment donné, il faut quand même être capable, je pense, administrativement parlant, de regrouper dans une même boîte différentes fonctions; autrement, on divise des Instances, on multiplie des instances, devrais-je dire, et, en termes de gestion, cela crée une série de problèmes.

Soyez quand même assurés que de notre côté, nous allons examiner ces recommandations une à une; plusieurs sont, à leur face même, des plus intéressantes et nous allons nous y attarder. Quant à nous, merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Taillon. M. le ministre.

M. French: Merci, M. le Président. Très rapidement, je retiens qu'il y a un certain nombre de problèmes avec le fonctionnement de la loi et son application à la vie organisationnelle de l'université, outre la question de l'évaluation et des étudiants. Laissons faire cela; c'est de la gestion. Ce que vous avez en commun très largement avec d'autres organismes, ce sont des problèmes de gestion comme on le voit dans l'exposé de la CUM ce matin, ou celui de la STCUM hier, d'Hydro-Québec, de la Société des alcools, qui ont des problèmes de procès-verbaux, etc.

Deuxièmement, vous avez vécu, et c'est très intéressant pour nous, une surveillance qui n'a été le cas d'aucun témoin. Donc, c'est très valable et on vous remercie des descriptions extrêmement claires de la problématique. Cela nous aide et nous éclaire beaucoup. Il va falloir qu'on se penche là-dessus.

Un dernier point, et c'est unique dans les universités, en fonction d'évaluation extrêmement importante par rapport à votre existence et le transfert de ces évaluations et des renseignements, qui sont dans les normes de la vie académique, d'une instance à l'autre et entre Instances, vous créent de gros problèmes, d'après ce qu'on peut voir. Plusieurs recommandations tournent autour de cette problématique. Nous aurons donc à nous demander s'il sera possible de faire refléter cette vie académique davantage dans les exigences de la loi et dans les prérogatives données aux administrateurs d'organismes éducatifs.

En tout cas, je vous remercie beaucoup. J'ai trouvé tout cela très intéressant. Nous apprécions au plus haut point l'effort que vous avez fait pour nous exposer l'ensemble de vos problèmes et |e vous assure que nous allons les étudier un par un. Je n'exclus pas du tout la possibilité qu'on communique avec vous pour avoir davantage de renseignements.

Le Président (M. Trudel): Merci. M. le ministre. MM. les recteurs, madame et messieurs, il me reste à mon tour, au nom de la commission à vous remercier de vous être déplacés aujourd'hui de Montréal et de Québec - le déplacement de Québec était sûrement moins long que celui de Montréal - pour venir nous exposer votre point de vue. Je retiens une chose et je vous la laisse pour ce qu'elle vaut - M. Michel L'Espérance le rappelait tantôt - ayant fait à la fois des relations publiques et du droit, pas nécessairement dans cet ordre, peut-être auriez-vous eu avantage à faire rédiger par un spécialiste en relations publiques ce qui avait été préparé par des avocats. Il me semble qu'on se serait moins attardés au ton de la première partie de votre mémoire à tout le moins et beaucoup plus aux recommandations fort pertinentes pour quelques-unes et sur lesquelles j'aurais aimé faire des commentaires, mais voilà plus d'une heure et vingt minutes que nous sommes avec vous, et nous sommes à la fin d'une autre longue journée. J'aurai probablement l'occasion, notamment avec M. L'Espérance, dans un avenir rapproché de commenter votre mémoire. Merci de votre présence et bon retour à Montréal.

M. Cloutier: Merci.

Le Président (M. Trudel): M. le recteur, avez-vous...

M. Cloutier: Merci, M. le Président, si vous le permettez, je voudrais dire seulement quelques mots pour mettre en perspective un peu la présentation. Le député de Taillon m'a rappelé tout à l'heure que, comme recteur, tous les jours, plusieurs personnes viennent me voir. Lorsqu'elles viennent me voir, c'est qu'elles ont des problèmes, ce n'est pas parce qu'elles ont des solutions. On est arrivés devant vous aujourd'hui un peu comme des écoliers ou comme des professeurs qui vont voir leur recteur et qui leur disent: On a un tel problème. On a peut-être souligné, sans mettre en perspective l'importance de cette loi, sa valeur et son implication. Il faut mettre les choses en perspective.

Je voudrais seulement rappeler trois choses qui, je pense, sont essentielles dans notre rapport Ce qu'on a voulu vous présenter, c'est d'abord un désir d'une certaine souplesse dans l'application de cette loi. Deuxièmement, c'est qu'il y ait peut-être une certaine adaptation de la loi aux besoins particuliers de la situation universitaire. Troisièmement, on a soulevé devant vous le problème du rôle de la commission elle-même qui est un problème plus fondamental, je l'admets, mais qu'on vous offre, comme un problème qu'on voit. On a fait des recommandations pour améliorer la situation, mais il peut y en avoir de meilleures C'est dans cet esprit qu'on vous a fait la présentation aujourd'hui. Je vous remercie au nom de la Conférence des recteurs.

Le Président (M. Trudel): Merci. La commission ajourne ses travaux jusqu'à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 3)

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