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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de la culture reprend ses travaux, qui consistent à
procéder à une consultation générale concernant le
rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des
organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Nos
premiers invités à qui je demande de s'approcher de la table des
invités...
M. Doyon: Est-ce que la secrétaire a mentionné que
je remplaçais M. le député...
Le Président (M. Trudel): Je m'excuse. Vous avez raison,
M. le député de Louis-Hébert. C'est moi qui ai
oublié de demander s'il y avait des remplaçants. Vous remplacez
M. le député de...
M. Doyon: De Viger.
Le Président (M. Trudel): De Viger. Très bien.
C'est inscrit pour le Journal des débats et autres fins, M. le
député. J'invite les représentants des Entreprises Equifax
à s'approcher. J'ai devant moi deux personnes et j'ai une liste qui en
contient trois. Alors, j'ai un M. Pelland, j'ai un M. Chartrand et j'avais un
M. Cuilen, procureur. Qui ai-je devant moi ou qui avons-nous?
Entreprises Equifax
M. Chartrand (Jean-Charles): Vous avez M. Chartrand, M. le
Président.
Le Président (M. Trudel): M. Chartrand. Bienvenue.
M. Cullen (Louis-Paul): Bonjour, M. le Président. Mon nom
est Louis-Paul Cuilen.
Le Président (M. Trudel): M. Cullen, oui. Si je comprends,
vous allez être deux personnes pour présenter votre point de vue.
Je vous rappelle ici, rapidement, ainsi qu'à ceux qui sont dans la salle
et qui pourraient éventuellement témoigner devant cette
commission, les règles du jeu. Il y a 20 minutes pour nos invités
qui exposent leur point de vue et 20 minutes plus ou moins par formation
politique pour échanger des commentaires avec nos invités. Alors,
je rappelle également que tous les mémoires ont été
lus par les membres de la commission. Ils ont été
résumés par les services de recherche de la commission. On dit
souvent qu'on demande aux gens de ne pas nécessairement nous lire la
totalité du mémoire, mais d'en faire un résumé.
Moins la présentation est longue, plus cela nous donne du temps
pour discuter avec nos Invités. Monsieur...
M. Chartrand: Je vous remercie, M. le Président. Je vous
remercie de nous avoir invités à venir partager avec vous et les
membres de la commission nos vues sur le sujet qui est l'accès aux
documents d'organismes publics et la protection de renseignements personnels.
Vous comprendrez que nos commentaires vont surtout être axés sur
le deuxième volet de la loi, c'est-à-dire celui qui a trait
à la protection des renseignements personnels. Mentionnons au
départ que nous partageons l'opinion de la commission d'accès
concernant le libre accès à l'information et le droit de la
protection de l'information. Vous avez sans doute lu le mémoire et vous
connaissez déjà ce que nous sommes, les compagnies Equifax du
Canada. Nous sommes formés de deux compagnies qui sont Acrofax et les
Services Equifax limitée. Nous sommes également membres de
l'Association des bureaux de crédit du Québec et membres de
l'Association des bureaux de crédit du Canada.
On pourrait en fait nous définir comme des agents d'information,
en ce sens que nous servons d'intermédiaires entre, d'une part, le
consommateur et, d'autre part, l'entreprise avec laquelle ce consommateur veut
transiger. Il est également important de mentionner qu'en tant qu'agents
d'information et en tant qu'intermédiaires entre deux parties, notre
rôle se borne à recueillir des informations et à
disséminer cette information aux compagnies qui en font la demande,
c'est-à-dire que notre rôle n'est pas de prendre des
décisions. Notre rôle est simplement de fournir l'information aux
entreprises qui en font la demande.
J'aimerais peut-être prendre quelques instants pour vous expliquer
un peu le système d'échange d'information dans lequel nous
oeuvrons. Nous pensons bien sincèrement que le système actuel
fonctionne bien, c'est-à-dire qu'il existe un bon équilibre entre
le droit du consommateur à sa vie privée et le besoin de
l'entreprise d'évaluer rapidement et équitablement une demande
soit de crédit, soit d'assurance ou autres. Encore une fois, notre
rôle est d'assurer que cet équilibre est maintenu. Au Canada, les
compagnies Equifax, nous recevons quelque 50 000 demandes d'information par
jour. Il est bon de mentionner qu'ici au Québec, en tout cas, nous
n'avons reçu aucune plainte de la part de l'Office de la protection du
consommateur et quand on considère qu'ici, au Québec, on
reçoit en moyenne de 3 000 000 à 4 000 000 de demandes par
année, le fait de n'avoir aucune plainte de la part de l'Office de la
protection du
consommateur est quand même assez révélateur. Le
pourcentage de rapports contenant des informations qui pourraient être
définitivement inexactes est de moins de 0,5 %.
Permettez-moi également de détailler tes
éléments qui permettent de maintenir cet équilibre.
Premièrement, que contient un rapport de crédit? On pourrait dire
qu'un rapport de crédit est divisé en trois parties distinctes;
la première contient les demandes qu'un consommateur fait ou a faites
auprès des institutions prêteuses ou auprès des compagnies
ou des entreprises. Le deuxième volet contient l'habilité ou la
façon de payer du consommateur chez les entreprises avec lesquelles iI
fait affaire. Le troisième volet contient les Informations qu'on appelle
publiques, les informations légales, les informations légales et
judiciaires également.
Dans notre système, nous avons un contrôle assez rigide sur
l'admissibilité des entreprises qui veulent devenir clientes chez nous.
Nous exigeons, au départ, que l'entreprise ait d'abord un besoin pour
obtenir l'information chez nous. Elle doit prouver qu'elle est une entreprise
rentable, qu'elle a une situation financière favorable et qu'elle montre
hors de tout doute qu'il y a un besoin pour des informations dans le but
d'effectuer les transactions qu'elle veut effectuer.
Nous avons également, à l'intérieur du
système, toutes sortes de contrôle des transactions qui se font
tous les jours. J'ai mentionné, tout à l'heure, qu'on
reçoit environ 50 000 demandes d'information par jour. Toutes ces
informations sont enregistrées et notées. On peut y
référer ou aider les entreprises à retracer toute demande
d'enquête qui se fait ou qui s'est faite dans te passé.
Nous exigeons des entreprises qu'elles aient des codes d'accès et
des codes de sécurité, ce qui veut dire qu'une entreprise qui ne
possède pas ou qui ne connaît pas les codes d'accès ou les
codes de sécurité ne peuvent nécessairement pas
accéder aux banques d'information que nous possédons.
De plus, nous avons une convention de service que nous exigeons de tous
nos clients et qui spécifie bien d'une façon tout à fait
précise que les rapports sur les consommateurs ne seront demandés
que lorsqu'ils devront servir pour déterminer l'admissibilité
d'un consommateur à obtenir ou prolonger un service de crédit, le
recouvrement d'un compte, l'assurance, l'émission de permis pour fins
d'emploi ou toute autre raison, pourvu qu'il s'agisse d'une transaction
d'affaire légitime impliquant le consommateur.
Ces rapports ne seront pas utilisés à d'autres fins.
Chaque demande de rapport que nous désirons utiliser pour fins d'emploi
sera ainsi spécifiée au moment de la demande dudit rapport. Nous
obtiendrons du consommateur tout consentement requis par une loi
fédérale ou provinciale avant de vous demander quelque
renseignement que ce soit.
On pourrait peut-être parler pendant quelques instants de
l'intégrité, de l'exactitude et de la fiabilité du
système. Nous avons un système dynamique qui fait que les
informations sont mises à jour d'une façon
régulière en ce sens que les entreprises oeuvrant dans le domaine
du crédit nous fournissent les informations à jour tous les 30 ou
60 jours. Ces informations sont traitées et mises au dossier.
Également, nous avons évidemment un système et
respectons la loi provinciale, qui permet à un consommateur de venir
nous voir et de réviser son dossier de crédit. On pourrait
peut-être mentionner qu'en 1987, dans la province de Québec, 29
586 consommateurs se sont prévalus de leurs droits. De ce nombre, 4376
sont venus nous voir par simple curiosité et 25 192 sont venus nous voir
parce qu'on leur avait soit refusé l'accès au crédit ou
imposé certaines exigences à la suite de l'information
reçue du bureau de crédit ou la source d'information.
Quand on considère que le pourcentage d'erreurs dont j'ai
parlé ou le pourcentage de personnes qui viennent nous voir, quand l'on
considère que l'on fait en moyenne, dans la province de Québec,
entre 3 000 000 et 4 000 000 de transactions par année, le nombre est
quand même assez restreint.
Nous avons également des critères de purge, ce qui veut
dire que l'information contenue dans nos dossiers est détruite
après un certain temps et ces critères ont été
préétablis. Même s'ils n'existent pas vraiment ici dans la
province de Québec, il reste que ce sont des critères que nous
nous sommes donnés, nous inspirant des lois provinciales des autres
provinces. Pour vous en donner un exemple, une information concernant un compte
en collection sera détruite après une période de quatre
ans. Une information concernant une faillite sera détruite après
une période de sept ans. Encore une fois, dans la plupart des cas, nous
nous sommes inspirés des lois des autres provinces. Le système de
purge est informatisé, ce qui veut dire que l'information est
détruite sans intervention manuelle.
Nous avons également un code d'éthique qui s'applique
à nos activités, aussi bien celles de crédit que les
rapports que nous faisons pour les compagnies d'assurances principalement.
Notre code d'éthique a été préparé et
rédigé par l'Association des bureaux de crédit du
Québec et du Canada. Il existe également des codes
d'éthique volontaires que l'on respecte, bien sûr, par la force
des choses, soit l'industrie de l'assurance, l'industrie des banquiers. Il
existe évidemment plusieurs compagnies, entre autres, American Express
et d'autres qui ont des codes d'éthique volontaires et que l'on respecte
par le fait même.
M. le Président, c'est un peu, en résumé, ce que
notre système fait, c'est un peu la façon dont nous oeuvrons.
Nous croyons que le secteur privé, les compagnies Equifax Canada en
particulier ont agi et agissent d'une façon respon-
sable en protégeant les renseignements personnels concernant le
consommateur, tout en lui offrant un service efficace, rapide et lui permettant
d'effectuer les transactions qu'il désire.
Rien ne porte à croire qu'il y a eu abus dans le cadre du
système actuel comme l'indique le comité permanent de la justice
et du Solliciteur général dans son dernier rapport sur l'examen
de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur
I'accès à l'information au plan fédéral. Cette
opinion est confirmée, toujours au niveau fédéral, par le
Commissaire de la protection de la vie privée. Ces diverses
autorités sont, de toute évidence, d'accord sur les conclusions
de la commission d accès à I information de la province de
Québec.
Le seul fait que les consommateurs peuvent conclure des transactions
commerciales comme ils le font actuellement, c'est-à-dire rapidement,
économiquement et équitablement, nous porte à croire que
le système fonctionne efficacement et au mieux être des
intérêts des consommateurs.
Encore une fois, nous vous remercions de nous avoir offert l'occasion
d'exprimer notre opinion et nous sommes prêts, bien sûr, à
répondre à vos questions, M le Président.
Le Président (M. Trudel): Je vous remercie. Je n'en aurai
quant à moi, qu'une seule. Elle est courte, mais elle peut peut
être appeler une réponse un peu plus longue. J'avais lu votre
mémoire quand on l'a reçu au Secrétariat de la commission.
Je prends bonne note de ce que vous nous avez écrit et de ce que vous
nous avez confirmé ce matin à savoir: C'est normal que vous le
disiez. Quand j'étais dans l'entreprise privée, j'étais
fier de la compagnie que je représentais et pour laquelle je
travaillais. Vous nous dites: On ne voit pas trop trop de problèmes. On
respecte les lois. Je suis tout à fait prêt à croire cela
je n'ai pas de raison qui m'indiquerait le contraire quoique, dans un autre
mémoire qu'on a eu l'occasion de discuter hier, il en était
question sauf qu'il n'en a pas été question ici. Cela
était dans le mémoire de la Ligue des droits et libertés.
Ce n'est pas là-dessus que |e veux vous amener cependant. Je veux vous
amener sur l'objet principal de cette commission à savoir ce que vous
pensez, pas des 33 recommandations, bien sûr, mais, d'une façon
générale , du travail de la Commission d'accès à
l'information, 2, des grandes lignes, à tout le moins du rapport qu'elle
a fait sur ses quelque trois ans d activités.
M. Chartrand: Je pense qu'on a déjà exprimé
notre opinion là-dessus. En général, on est d'accord avec
les recommandations du rapport de la commission. Bien sûr, nous pensons
que, du côté où l'on se place, il pourrait y avoir certains
adoucissements. On pense quand même que, dans l'exercice de nos
fonctions, où il y a probablement certains organismes publics qui
voudraient faire affaire avec nos entreprises et qui, à cause de la
complexité de la loi actuelle, ne peuvent le faire ou ne peuvent le
faire qu'avec beaucoup de difficulté, il pourrait y avoir
précisément certains adoucissements dans les mécanismes en
place. Je me réfère d'une façon plus spécifique
à l'extrait des registres de conduite des individus où, bien
sûr, on travaille pour le compte des compagnies d'assurances à
obtenir ces informations. Quand on pense qu'il nous faut une autorisation
originale pour obtenir l'information, non pas que nous soyons opposés
à ce qu'il y ait une autorisation, mais il me semble que, dans le
mécanisme lui-même, il pourrait y avoir un certain adoucissement
d'abord, une certaine entente à savoir que l'autorisation serait
gardée dans les dossiers, sans qu'on soit obligé de montrer cette
autorisation au bureau avant d'obtenir l'information. Encore une fois, on parle
beaucoup plus de mécanisme que de changements radicaux. Dans I'ensemble,
nous sommes d'accord avec les recommandations de la commission.
Le Président (M Trudel): Vous venez tout juste de parler
des autorisations. Je ne suis pas certain d'avoir bien compris. Vous nous
dites: On voudrait un adoucissement. Est-ce que vous m'avez bien dit qu'une
autorisation serait valable tout le temps et qu on ne serait pas obligé
de la montrer? J'avoue ne pas avoir très bien compris ce que vous avez
dit.
M Chartrand: J'ai voulu dire, M le Président que,
lorsqu'une compagnie d'assurances veut obtenir un extrait du registre de
conduite d'un individu, elle doit obtenir une autorisation originale. Pour
obtenir cet extrait, cette autorisation originale doit être
présentée au départe ment et doit I'être en main
propre ou envoyée par la poste. À ce moment-là, on
pourrait demander aux compagnies d'assurances d'obtenir l'autorisation, de
maintenir cette autorisation dans leur dossier, mais qu'il y ait une entente
avec la compagnie d'assurances ou son intermédiaire, qui pourrait
êtr.e notre compagnie dans le cas présent, une entente, à
savoir que l'autorisation a été obtenue, que (autorisation est
gardée dans le dossier. Mais, pour assouplir ce processus et pour rendre
le service un peu plus rapide, un peu plus efficace qu'il y ait une entente
entre les deux parties selon laquelle l'information va être fournie sans
que l'autonsa tion soit montrée en main propre, en fait soumise au
gouvernement, et ainsi permettre à un organisme de faire une
vérification, que ce soit une fois par année ou deux fois par
année, pour bien s'assurer que les compagnies d'assuran ces obtiennent
l'autorisation et que leur autorisation soit gardée dans le dossier du
consommateur en question. C'est ce que je voulais dire.
Le Président (M. Trudel): Au fond vous me dites qu'un
consommateur pourrait donner une autorisation une fois et, comme dirait
l'autre, c'est le contraire de "une fois n'est pas coutu-
me". Une fois deviendrait coutume, si je comprends bien.
M. Chartrand: Non, ce n'est pas exactement cela.
Le Président {M. Trudel): Je n'ai pas encore compris.
C'est possible.
M. Chartrand: Ce n'est pas exactement ce que j'ai voulu dire, M.
le Président. L'autorisation serait en relation avec l'obtention de
cette information proprement dite et rien d'autre, mais cette autorisation
demeure dans le dossier au lieu de faire partie d'un mécanisme qui me
semble un peu lourd et qui retarde effectivement l'obtention de l'information,
qui retarde effectivement ta décision qui doit être prise par la
compagnie d'assurances. Quand on considère que la compagnie d'assurances
doit prendre une décision dans le cas de l'évaluation d'un risque
et doit répondre à l'assuré dans un certain délai,
il se peut évidemment, et probablement, que ce délai soit
dépassé et que la compagnie d'assurances n'ayant pas obtenu
l'information, l'extrait du permis de conduire, les violations ou les
restrictions, etc., doive prendre la décision en l'absence de
l'information. C'est cela que je veux dire. Je n'ai jamais voulu dire que
l'autorisation pourrait servir à d'autres fins.
Le Président (M. Trudel): Très bien. C'est moi qui
avais mal compris. Merci. M. le député d'Arthabaska.
M. Gardner: Merci, M. le Président. Avant que je lise
votre rapport, je ne connaissais pas du tout votre compagnie. Je ne sais pas
pourquoi, mais je suis persuadé que vous n'annoncez pas dans les
journaux. Vous ne faites pas de publicité dans les journaux. Je vais
vous poser quelques questions une à une. Est-ce qu'il y a d'autres
compagnies comme la vôtre au Québec? (10 h 30)
M. Chartrand: Oui. Bien sûr, il existe des compagnies qui
oeuvrent peut-être plus principalement dans le secteur commercial. Si on
parle de Dun & Bradstreet, c'est une compagnie qui oeuvre, bien sûr,
dans ce domaine-là, mais surtout du côté commercial. II
existe une compagnie qui s'appelle Créditel. Il existe plusieurs petits
bureaux d'enquête de crédit sur le consommateur comme Acrofax. La
raison pour laquelle vous ne connaissez peut-être pas la compagnie...
Bien sûr, vous connaissez peut-être beaucoup mieux le Bureau de
crédit de Montréal ou le Bureau de crédit de Québec
ou le Bureau de crédit de Drummondville ou le bureau de crédit de
Victoriaville dans votre cas. Il n'y en a pas à Victoriaville,
incidemment, mais il y en a un à Drummondville. Alors, en fait, ces
bureaux-là sont groupés sous une entité corporative qui
s'appelle Acrofax. Alors, c'est peut-être la raison pour laquelle vous ne
connaissez pas la compagnie.
C'est bien sûr que tous les bureaux de crédit dans la
province, la majorité des bureaux de crédit dans la province,
sont groupés sous une association qui s'appelle l'Association des
bureaux de crédit du Québec. C'est bien sûr, à ce
moment-là, qu'ils font la grande majorité du travail.
M. Gardner: Bien voici. L'Office de protection du consommateur
n'a pas eu de plainte. Vous êtes-vous déjà posé la
question? Peut-être que les gens ne savent pas que ça existe cette
compagnie. Ils savent qu'il y a une compagnie qui évalue le
crédit quand vous faites une demande, mais ils ne savent peut-être
pas à qui s'adresser pour faire des plaintes. C'est peut-être pour
ça que vous ne faites pas d'annonce dans les journaux Non?
M. Chartrand: Non, ce n'est pas la raison pour laquelle on ne
fait pas d'annonce. On sait que les entreprises qui oeuvrent dans le domaine du
crédit à la consommation ou dans le domaine de l'assurance
constituent notre clientèle et ce sont elles qui font affaire avec une
maison pouvant leur fournir des renseignements.
M. Gardner: Si j'ai.. Oui?
M. Chartrand: Si vous me permettez de finir la réponse. Je
veux vous rappeler qu'il y a 29 000 consommateurs qui sont venus nous voir,
l'an passé Ce qui veut dire qu'il y en a au moins 29 000 qui savent
qu'ils peuvent s'adresser au bureau de crédit, qu'ils peuvent obtenir
des renseignements et qu'ils peuvent réviser leurs dossiers de
crédit. La plupart de ces personnes, bien sûr, viennent nous voir
à la suite, peut-être d'un déni ou d'un refus en fait,
à la demande qu'elles ont faite et il y a plusieurs compagnies
effectivement qui les avisent. Et nous ne nous y opposons pas si une compagnie
dit: Malheureusement, nous ne pouvons vous accorder un prêt ou une carte
de crédit à cause d'informations obtenues du bureau de
crédit. Si vous voulez avoir plus de renseignements, adressez-vous
à eux.
M. Gardner: Je voulais justement en arriver à ces 29 586
qui ont fait appel à vous. Quelle est la procédure habituelle
pour faire appel à vous? Dans les 29 586, est-ce qu'il y en a dont la
décision a été changée par suite de cet
appel-là?
M. Chartrand: Oui.
M. Gardner: Est-ce qu'il y a une bonne proportion...
M. Chartrand: ...où la décision a été
changée? Oui, bien sûr. Quant à savoir la proportion, c'est
quand même difficile. Il n'y a pas de statistique dans ce sens.
Lorsqu'un
consommateur vient nous voir et met en doute la pertinence de
l'information inscrite au dossier, on fait une vérification dans tous
les cas. Le consommateur nous demande de le faire et on s'oblige à le
faire. Alors, si on s'aperçoit que l'information a été
mise au dossier d'une façon incomplète, d'une façon
erronée dans certains cas, c'est bien sûr qu'à ce
moment-là, non seulement on va corriger l'information, mais on va
avertir toutes les compagnies avec qui le consommateur a fait affaire ou a
voulu faire affaire et à qui on aurait envoyé une information
soit incomplète ou erronée dans le passé.
M. Gardner: Vous avez parlé de révision des
dossiers. Vous faites ça à tous les 6 mois?
M. Chartrand: Non, à tous les 30 ou 60 jours. Ce qui
arrive, bien sûr, c'est que la deuxième section d'un dossier de
crédit est basée sur la façon dont le consommateur
s'acquitte de ses obligations. Cette information nous est fournie par
l'institution de crédit par voie de bandes magnétiques tous les
30 ou 60 jours. Ce qui veut dire, à ce moment là, que tous les 30
ou 60 jours, on met à date votre façon ou la façon du
consommateur de s'acquitter de son obligation avec cette institution de
crédit. Alors, cela est fait d une façon, encore une fois,
systématique, par voie de bandes magnétiques.
M. Gardner: Mais vous fonctionnez uniquement par ordinateur, je
suppose.
M Chartrand: Non, pas tout à fait. Principalement, bien
sûr par ordinateur. L'opération des bureaux de crédit, le
côté Acrofax, est entièrement informatisée. Du
côté des enquêtes pour les fins d emploi, les compagnies
d'assurances ce n'est pas principalement informatisé. II y a certaines
sections qui le sont, mais c'est beaucoup plus en fait, des fonctions
administratives informatisées. Leur procédé d
enquête pour fins d'assurances ou fins d'emploi n'est pas
informatisé.
M. Gardner: En conclusion, vous ne semblez pas d'accord pour que
la loi s'applique à l'entreprise privée. Je comprends que, chez
vous, cela peut être parlait, cela peut être excellent, mais est ce
que vous ne pensez pas que votre concurrent peut faire des erreurs ou...
M Chartrand: II est certain qu'on pense qu'il ne devrait pas y
avoir de loi dans le secteur privé. La raison pour laquelle on dit cela,
c'est que, si on le fait, bien sûr, on risque de briser
l'équilibre entre le droit du consommateur, qui, lui veut faire une
transaction et, bien sûr, le droit de l'entreprise d'obtenir les
renseignements avant sa prise de décision. Si je vous demandais
aujourd'hui, de me prêter 100 $, vous auriez peut-être certaines
hésitations. Vous diriez. Est-ce que cela vous plairait de me donner, au
moins, certains détails? Une voix: ...
M. Gardner: À vous je
Le Président (M. Trudel): 100 $, pas de
problème.
M. Gardner: Vous le feriez? Bon. M. Chartrand: Je ne
savais pas. M. Gardner: J'appellerais Equifax.
M. Chartrand: Je ne savais pas que j'avais une face aussi
honnête que cela, mais Je vous remercie. Évidemment, il y a cet
équilibre qui existe. On pense, à ce moment-là, que cet
équilibre s'ajuste de lui-même, il y a une espèce
d'autodiscipline qui se fait. Les entreprises s ajustent pour faire face
à la concurrence, bien sûr. Le consommateur, lui aussi s'ajuste en
conséquence. Ce que nous voulons faire, c'est: Il existe quand
même des critères qui nous sont imposés par les diverses
lois, la Loi sur la protection du consommateur, la Loi sur les agents de
recouvrement, bien sûr, la loi dont on parle ici. II existe,
évidemment, une autoréglementation de notre part. II faut bien
penser que nous existons uniquement en fonction d'une seule chose, c'est de
recueillir I'information qui va aider le consommateur et qui va aider
également I'entreprise à prendre cette décision. En
imposant certaines lois, certains critères trop rigides, non seulement
on risque de bnser I'équilibre, mais à ce moment là, on
créerait possiblement un alourdissement du système. II y aurait
des coûts additionnels qui, en fin de compte, devraient être
payés par le consommateur.
Si vraiment le consommateur exige une chose comme cela, je pense qu'il y
aurait déjà eu certains signes selon lesquels le système
ne fonctionne pas bien. Le fait que le consommateur puisse venir prendre
connaissance de son dossier, le fait que le consommateur, en
général, quand même... Si on regarde, encore une fois, les
plaintes ou I'absence de plaintes qui ont été faites à
l'Office de la protection du consommateur, il faut quand même en
déduire que le système fonctionne relativement bien et qu'il n'y
a pas lieu de prendre des mesures législatives dans ce sens.
M. Gardner: Rien qu'un renseignement supplémentaire. Vous
dites que vous avez reçu 3 000 000 de demandes, à peu
près, chez vous. Est-ce que vous avez une idée du nombre de
demandes au Québec dans ce sens?
M. Chartrand: Quand j'ai parlé de 3 000 000, je parle du
Québec. Quand je parle du Canada, je parle d'environ 12 000 000 de
transactions ou à peu près ou 12 000 000 de deman-
des d'information par année passant par notre système.
M. Gardner: Votre système. Mais, dans tous les
systèmes? Vous dites qu'il y en a d'autres. Est-ce que...
M. Chartrand: Des systèmes informatisés, au Canada,
il en existe deux. Il y en a, évidemment, le nôtre, qui oeuvre
dans presque tout le pays et il en existe un autre à Toronto,
exclusivement dans la province de l'Ontario ou une partie de la province de
l'Ontario. Ce sont vraiment les deux seuls systèmes informatisés
qui font affaire exclusivement dans le domaine du crédit à la
consommation. C'est ce dont on parle. Du point de vue des assurances, bien
sûr, il existe d'autres compagnies. Ce n'est pas informatisé. Cela
veut dire qu'il y en a d'autres qui oeuvrent dans ce domaine. Il y en a une
multitude qui oeuvrent dans le domaine de l'assurance, dans le domaine de
l'emploi. Il en existe beaucoup ici, au Québec, il en existe
également en dehors de la province.
M. Gardner: Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député d'Arthabaska. M. le député de Taillon.
M. Filion: Oui. Merci, M. le Président. Une série
de courtes questions. Je comprends que vous occupez peut-être 80 % du
marché au Québec, environ. C'est plus que 50 %.
M. Chartrand: Oui, c'est plus que 50 %. Quand on parle du
crédit à la consommation.
M. Filion: Oui.
M. Chartrand: Je suis d'accord.
M. Filion: II y a le crédit pour l'industrie.
M. Chartrand: Pardon.
Le Président (M. Trudel): Les renseignements d'ordre
nominatif, pas d'accès à l'information pour ce genre
d'information.
M. Filion: II y a le crédit industriel et le crédit
commercial, c'est un autre type. Si on parle de crédit à la
consommation, on peut dire qu'il y a peut-être 3 000 000 de transactions,
peut-être un peu plus.
M. Chartrand: Je veux apporter une précision. Je parle en
tant que membre de l'Association des bureaux de crédit du Québec.
Nous ne sommes pas propriétaires de tous les bureaux de crédit du
Québec. Nous en avons quelques-uns, bien sûr, mais il y en a
d'autres qui sont des bureaux indépendants, qui font quand même
partie du réseau, si on veut, et qui font, bien sûr, partie de
l'Association des bureaux de crédit du Québec. Alors, quand vous
parlez de 80 %, je ne voudrais quand même pas m'avancer et affirmer que
notre compagnie possède 80 % du marché. Si vous parlez de ceux
qui sont également affiliés à notre réseau, je
pense qu'à 80 %, vous avez probablement raison.
M. Filion: D'accord. Vous avez dit que cela donne, grosso modo, 3
000 000 de transactions au Québec, ce qui, si je fais un calcul rapide,
voudrait dire que, à chaque jour ouvrable, environ 10 000 demandes
d'information vous sont acheminées ou 10 000 informations ou
renseignements sont acheminés à vos corporations clientes.
M. Chartrand: C'est exact.
M. Filion: C'est énorme, finalement. Est-ce que vous
pouvez m'expliquer ce chiffre-là? Disons que, même si on parle de
banques, etc., cela donne 10 000 par Jour. Est-ce que vous avez une entente
avec les compagnies émettrices de canes de crédit comme American
Express, Master Card? C'est cela, vous avez des contrats avec les compagnies
émettrices de cartes de crédit?
M. Chartrand: Oui, oui. En fait, ce que j'ai lu tout à
l'heure, c'était une partie de la convention de service que l'on a avec
toutes les entreprises qui font affaire chez-nous. C'est une chose qui est
exigée, en fait, que toutes ces compagnies-là signent l'entente
de service et puissent se servir de l'information pour des fins très
précises.
M. Filion: Vous pouvez transmettre à vos clients des
informations même s'il n'y a pas de transaction avec le consommateur, si
je comprends bien. Est-ce que c'est exact? Vous informez les clientes,
notamment les compagnies émettrices de cartes de crédit, des
informations que vous allez chercher concernant les consommateurs, même
s'il n'y a pas de transaction. Vous les tenez à jour, un petit peu.
Est-ce que Je me trompe?
M. Chartrand: J'ai bien mentionné tout à l'heure
que la convention de service signée entre l'entreprise et nous, avant
que nous l'acceptions comme membre de notre entreprise - je parle du client
dans le cas présent qui signe une convention comme celle-ci - nous
obtiendrons du consommateur tout consentement requis par une loi provinciale ou
fédérale, avant de demander quelque renseignement que ce soit.
Alors nous, évidemment, il faut tenir pour acquis que l'entreprise qui
fait affaire chez nous, avant de venir chez nous pour demander un renseignement
sur un consommateur, a obtenu une autorisation à cette fin.
M. Filion: Vous le tenez pour acquis.
M. Chartrand: Oui. On le tient pour acquis. On ne pourrait quand
même pas exiger, d'une façon informatisée, que le
consentement nous parvienne. Il faut, bien sûr, établir que
l'entreprise en question a obtenu les autorisations nécessaires.
M. Filion: Mais vous, vous n'avez aucune preuve de cette
autorisation lorsque vous divulguez les informations'?
M. Chartrand: On ne nous envoie pas une copie de l'autorisation.
Non, vous avez raison.
M. Filion: D'accord. Donc, finalement, est-ce qu'il y a des
organismes publics parmi vos clientes?
M. Chartrand: Oui II existe, bien sûr, des organismes
publics.
M. Filion: Au Québec ou...
M. Chartrand: ...qui font affaire chez nous. Ces
organismes-là, à l'intérieur de la loi qui est le sujet de
la discussion aujourd'hui ou de notre rencontre d'aujourd'hui, doivent, bien
sûr, respecter les normes de la loi et doivent obtenir les autorisations
nécessaires pour venir chez nous obtenir des renseignements ou fournir
des renseignements, égalementl En fait, cela va dans les deux sensl Je
sais qu'il y a eu, dans le passé, et il en existe encore, d'ailleurs,
des négociations entre notre entreprise et certains ministères du
gouvernement qui ont besoin d'obtenir des informations Toute la
négociation est faite avec la commission qui surveille effectivement
dans le milieu, comment cela se passe et s'assure que le tout est fait selon
les dispositions de la loi.
M Filion: Qui s'assure que le tout est fait conformément
aux dispositions de la loi?
M. Chartrand: La commission d'accès.
M. Filion: La Commission d'accès à
l'information.
M. Chartrand: C'est exact. (10 h 45)
M. Filion: Pourrriez-vous donner un exemple des organismes
publics qui font affaire avec vous? Vous avez dit qu il y a des
ministères. Pourriez-vous être plus précis quant aux
organismes publics, aux ministères, qui vous demandent des
informations?
M. Chartrand: Bien sûr, ma réponse sera
enregistrée et je voudrais faire attention avant de mentionner le
ministère du Revenu, mais c'est celui qui me vient à la
mémoire.
M. Filion: D'accord. Pour construire votre dossier, vous avez
évidemment accès à des informations. Est-ce que vous
pourriez nous expliciter un peu à quelle banque d'information vous
faites appel, à quel réservoir de renseignements vous faites
appel pour meubler vos dossiers sur les consommateurs?
M. Chartrand: C'est une espèce de système
coopératif. Les compagnies qui viennent chercher les informations chez
nous sont les compagnies qui nous les donnent. Alors, la grande majorité
des informations contenues dans un dossier de crédit proviennent des
compagnies, des institutions prêteuses, des banques, des institutions
financières qui oeuvrent dans le domaine et qui nous fournissent, d une
façon systématique ou d une façon manuelle les
informations sur leurs clients ou sur les clients, effectivemen.t
J'ai mentionné tout à l'heure que, tous les 30 ou 60 jours
les grandes entreprises nous fournissent une bande magnétique de leurs
"recevables", si on peut employer cette expression, et cette information est
traitée et mise au dossier. Cest de cette façon, effectivement,
que l'information est recueillie et entreposée au dossier.
M Filion: Lorsque vous donnez des renseignements finalement
à vos clients, vos clients sont en même temps dans bien des cas,
des fournisseurs de renseignements.
M. Chartrand: Non seulement dans bien des cas mais dans tous les
cas on exige qu'une entreprise accepte de nous fournir des renseignements avant
de I'accepter comme cliente, autrement bien sûr, il pourrait se trouver
que des entreprises puissent profiter de l'information en ne voulant pas en
fournir. Si une entreprise veut obtenir des détails sur un consommateur
il faut qu'elle accepte de nous fournir des renseignements d'une façon
systématique ou sur demande Cela n'a pas d'importance, mais en fait,
encore une fois c'est une exigence. Autrement le système ne pourrait
vraiment pas fonctionner d'une façon adéquate.
M. Filion: II y a quelques exceptions qui me viennent à
l'esprit rapidement Par exemple, le ministère de la Justice vous fournit
les renseignements, mais ne doit pas vous en demander.
M. Chartrand: Le ministère de?M. Filion:
De la Justice.
M. Chartrand: Je ne pourrais pas vous dire si le ministère
de la Justice fait affaire chez nous et nous fournit des renseignements, je ne
le sais pas. II nous fournit des renseignements, bien sûr, sur les
dossiers publics et certaines choses qui sont des informations publiques et que
l'on pourrait obtenir, je suppose, en achetant les
journaux ou en s'adressant aux personnes appropriées. C'est vrai
que le ministère de la Justice nous fournit des renseignements sur
bandes magnétiques, J'ai déjà lu, en fait, que vous aviez
discuté effectivement du fait que le ministère de la Justice
vendait des Informations au bureau de crédit. Il ne vend pas
l'information comme telle, il nous charge un coût pour faire le
traitement de la bande magnétique qui nous est donnée toutes les
semaines ou toutes les deux semaines.
Les frais que nous cueillons au ministère de la Justice sont
beaucoup plus, en fait, des frais de traitement que des frais pour
l'information proprement dite.
M. Filion: Ce que je voulais dire, M. Chartrand... Vous dites
qu'en général... Vous avez dit: Dans tous les cas, ceux qui nous
fournissent un renseignement sont ceux qui nous tes demandent. Je disais tout
simplement qu'il y a quelques exceptions. Par exemple, le ministère de
la Justice ne doit pas être un ministère qui vous demande des
renseignements, mais il vous en fournit par l'accès qu'il vous donne
à ses bandes informatiques contenant tous les dossiers du palais de
Justice.
M. Chartrand: C'est sûrement exact dans le cas
présent.
M. Filion: Le ministère du Revenu, cela doit être
l'inverse. J'ai l'impression que le ministère du Revenu ne vous donne
rien. J'espère qu'il ne vous donne aucun renseignement.
M. Chartrand: Pas que je sache, en tout cas.
M. Filion: II ne faudrait pas, parce que la loi est bien
précise dans ce cas-là. Par contre, le ministère du Revenu
vous en demande.
M. Chartrand: Vous avez raison.
M. Filion: Avez-vous une entente avec le gouvernement du
Québec ou avec chacun des ministères?
M. Chartrand: C'est individuel. En fait, s'il y a un
ministère qui veut faire affaire avec le bureau de crédit, qui
veut obtenir des renseignements, c'est sa responsabilité de prendre les
mesures nécessaires pour ce faire. Ce n'est pas le gouvernement du
Québec, c'est chacun des ministères. L'entente que l'on a pour
obtenir des informations publiques du ministère de la Justice a
été faite par le ministère lui-même et non pas par
le gouvernement du Québec.
M. Filion: M. Chartrand, vous avez dit tantôt, vous le
décrivez aux pages 4 et 5 de votre mémoire, qu'il y a un code
volontaire de normes opérationnelles de l'industrie des bureaux de
crédit. Ce que vous appelez ce code volontaire de normes
opérationnelles, est-ce que vous l'avez avec vous?
M. Chartrand: Malheureusement, Je ne l'ai pas. Je ne pense pas
l'avoir en tout cas. Mais on pourrait facilement s'engager à vous
le...
M. Filion: Ce document ne doit pas être très
volumineux.
M. Chartrand: Une seule page, effectivement.
M. Filion: Une seule page. M. Chartrand: Oui.
M. Filion: M. le Président, serait-il possible...
Le Président (M. Trudel): Sûrement. Si vous
l'envoyez à la commission, aux soins de Mme Tanguay, comme dans le cas
du mémoire, nous en prendrons connaissance à l'occasion de
l'étude que nous ferons de...
M. Filion: II me reste juste quelques minutes, M. Chartrand.
Évidemment, si je comprends bien, les consommateurs achètent
partout. Les entreprises veulent savoir quel est te crédit des gens et
c'est tout à fait normal. Votre entreprise telle qu'elle existe
aujourd'hui est sophistiquée; il y a des ordinateurs; cela circule
rapidement, 10 000 demandes d'information par jour que je calcule rapidement,
c'est quand même énorme.
Le problème que je vois évidemment - et vous le soulevez
dans votre mémoire de façon directe et vous vous y attaquez - ce
sont les informations qui sont incomplètes ou inexactes et, dans
certains cas, complètement fausses ou trompeuses et qui peuvent venir
d'erreurs de bonne foi, comme elles peuvent venir de mauvaises informations qui
vous sont envoyées de mauvaise foi, cela peut arriver. Je vais vous
donner quelques exemples qui ont été cités hier dans les
mémoires de l'Association des consommateurs du Québec et sans
celui de la Ligue des droits et libertés. Évidemment, j'ai
beaucoup parlé à l'Assemblée nationale du cas du
ministère de la Justice, mais je vais prendre ces cas-là.
Le deuxième exemple est celui - je laisserai faire le premier
cas, celui des fameuses listes noires de locataires - de la fourniture, par le
ministère de la Justice, des enregistrements des plumitifs des tribunaux
québécois à Acrofax. Cette entreprise insère ses
renseignements sur les dossiers de crédit de millions de
Québécois accessibles via 140 bureaux de crédit au Canada
et les centaines de bureaux de crédit américains affiliés
au réseau Equifax dont Acrofax n'est qu'une filiale. Vous me corrigerez,
mais je peux comprendre également que cela semble exact.
Ainsi, des renseignements dont le recueil visait à garantir
l'intégrité de la justice - encore une lois, c'est là
qu'est le problème - ces renseignements obtenus dans les palais de
justice sont colligés pour les fins de l'administration de la justice.
Donc, des renseignements dont le recueil visait à garantir
l'intégrité de la Justice, notamment en lui assurant son
caractère public, servent indifféremment et sans distinction
à des décisions relatives à la fourniture de logements,
à l'embauche, au crédit, à l'achat à
tempérament, à l'obtention d'une hypothèque.
Ici, la justice publique alimente l'existence d'un réseau de
justice privé. Nous avons recensé de nombreux cas où ces
renseignements fournis par le ministère de la Justice ont
entraîné des dommages pour des Québécois et des
Québécoises. Citons-en quelques-uns.
Un professionnel s'est vu refuser un prêt parce que son dossier de
crédit indiquait qu'un magasin à rayons avait inscrit une
poursuite contre lui Le dossier ne mentionnait pas que cette poursuite fut
jugée sans aucun fondement par le tribunal.
Le crédit d'un autre homme fut affecté parce que son
dossier de crédit mentionnait qu'il fut poursuivi en petites
créances par une compagnie de téléphone. Ce que le dossier
ne précisait pas, c'est que c'était à titre
d'exécuteur testamentaire de son fiis décédé qu'il
lui était réclamé le paiement d'une facture impayée
par ce dernier.
Un entrepreneur fait faillite à la suite d'une fraude commise par
un gérant de caisse populaire, malgré que cette faillite n'ait
aucun rapport avec la qualité de sa gestion. Il se voit refuser toute
demande de crédit à cause de ce renseignement inscrit dans son
dossier de crédit.
Une personne voit inscrit dans son dossier de crédit le fait
qu'elle fut accusée de l'incendie criminel de sa maison, malgré
le fait qu'elle fut acquittée de toute accusation.
Tous ces renseignements exacts, mais Incomplets ou trompeurs, ont
été fournis par le ministère de la Justice à
Acrofax. Bref, la Ligue des droits et libertés, l'Association des
consommateurs reprend l'argumentation que je développe. L'idée,
encore une fois - mais je pense que vous en êtes conscient parce que vous
mentionnez vous-même que beaucoup de consommateurs viennent vous voir -
c'est que les renseignements que vous avez ne sont pas toujours exacts. J'aime
beaucoup l'expression "incomplet". Vous savez, on dit souvent: II faut dire
toute la vérité, rien que la vérité, et il n'y a
rien de pire qu'une moitié de vérité qui peut couler
quelqu'un complètement.
Le cas de l'exécuteur testamentaire est un beau cas C'est vrai
qu'il a été poursuivi, c'est un fait, mais ce n'était pas
à titre personnel. Cela peut être en qualité de tuteur, de
curateur, d'exécuteur testamentaire, etc. Le dossier paraît bien.
C'est pour cela que, comme avocat, si je vais au Palais de justice "pitonner"
sur les machines du ministère de la Justice, je vais avoir l'histoire au
complet. Je vais avoir accès aux documents, je vais avoir accès
à la défense qui a été produite, je vais avoir
accès au jugement, je vais avoir accès à l'exacte
dénomination des parties, alors que lorsqu'on prend juste des bribes
d'information cela risque, parce que c'est incomplet, de devenir Inexact et de
causer un préjudice très élevé au consommateur.
D'autant plus, M. Chartrand, si vous me permettez, que le consommateur
n'est pas toujours au courant que l'entreprise avec laquelle il fait affaire va
demander des renseignements sur son compte. C'est cela le problème. Si
je vais à la banque, les citoyens qui vont à la banque qui se
voient refuser un prêt personnel ne sauront pas pourquoi ce prêt
personnel a été refusé dans bien des cas, ou s'ils le
savent fis ne sauront pas où l'information a été
prise.
Vous l'avez vous-même admis très ouvertement, très
candidement tantôt: Nous n'avons pas l'autorisation du consommateur
lorsqu'on fournit les renseignements à nos clients.
Je vais donner un autre exemple de cela un peu dans un autre ordre
d'idées, mais cela va bien faire comprendre le type de dommages que
peuvent causer ces informations incomplètes. À la page 1 de votre
mémoire, vous écrivez, au dernier paragraphe, et j'attire
l'attention des membres de la commission là-dessus. Acrofax
écrit: "Nous partageons également l'avis de la commission en ce
qui concerne son intention de ne pas étendre au secteur privé
l'application des dispositions de la loi. Le secteur privé, axé
sur l'information, est déjà assujetti à une
réglementation provinciale particulière, etc." Acrofax nous dit
dans son mémoire aujourd'hui qu'elle partage l'avis de la commission sur
son intention de ne pas étendre au secteur privé l'application
des dispositions de la loi. On a tous eu le rapport sur la mise en oeuvre Ce
n'est pas cela que dit le rapport de la Commission d'accès à
l'information aux pages 66, 67, 68 et 69.
Si vous regardez la recommandation no 2 de la commission comme telle,
c'est écrit: "La commission ne soumet aucune recommandation
immédiate à l'égard de l'assujettissement des organismes
privés à des règles de protection des renseignements
personnels. Elle se borne à souligner le caractère
préoccupant de cette question et l'importance d'y
réfléchir." Quand on lit les pages 66, 67, 68 et 69, on
s'aperçoit que la commission nous a exposé le problème et
dépose finalement aux membres de la commission le problème en
faisant valoir les deux côtés, mais elle est loin d'affirmer son
intention de ne pas étendre au secteur privé l'application des
dispositions de la loi.
Je donne cela uniquement comme exemple pour dire que, lorsque vous
écrivez cela dans votre mémoire, c'est inexact. C'est donc
finalement le type d'information qui pourrait être transmis à vos
membres qui, eux, vont croire que la Commission d'accès à
l'information recom-
mande de ne pas assujettir. Mais voilà, c'est juste à
titre d'exemple, M le Président, que je donne cela, pour montrer que ce
type d'erreur s'applique aussi aux consommateurs et l'erreur que vous avez
faite Ici est de bonne foi. Vous avez interprété finalement le
rapport de mise en oeuvre de la commission comme voulant dire quelque chose
qu'il ne dit pas du tout.
C'est la même chose pour les renseignements sur les consommateurs,
d'où pour beaucoup la nécessité - on en discutera entre
nous - notamment de voir et j'attire votre attention là-dessus, j'ai
hâte de voir votre code de déontologie. J'espère qu'il est
un peu plus serré que le type d'attitude qui a amené à
rédiger le dernier paragraphe de l'introduction de votre
mémoire.
Encore une fois, il n'y a pas de mauvaise foi là-dedans. C'est
juste une question que, lorsqu'on transmet des renseignements sur des
individus, il faut être extrêmement prudent, parce que cela cause
des dommages, des préjudices aux individus.
Ma question est un peu longue. En fait, vous aurez compris que c'est un
commentaire mais en toute justice, je pense que vous voulez peut-être
réagir à l'ensemble de ces propos. Je vous écoute. (11
heures)
M Chartrand: J'aimerais peut être faire un commentaire ou
deux. Vous conviendrez que l'information dite judiciaire, si I'on veut, les
archives publiques sont quand même importantes quasi nécessaires
dans l'évaluation d'un risque ou dans l'évaluation d une demande
de crédit ou un prêt ou pour d'autres transactions. Lorsque l'on
obtient cette information-là elle est mise au dossier et, dans le cas ou
nous ne connaissons pas la disposition de I'action en question, il y a une note
qui se fait automatiquement au dossier en disant que la disposition est
inconnue.
On le suggère effectivement aux institutions à qui on
envoie I'information. Ce qu'elles font normalement, elles s'assoient avec le
consommateur en question, en disant: Voici l'information que j'ai reçue,
qu'est-ce qui arrive? C'est une information que vous ne m'aviez pas
donnée iI y a eu une faillite ou il y a eu un jugement ou il y a eu
quelque chose, c'est l'information qui m'est fournie par un bureau de
crédit, qu'en pensez vous? J'aimerais penser qu'à la suite d'une
conversation dans ce sens, s'il y a eu mésentente, s'il y a eu erreur,
que I'information sera corrigée. J'ai mentionné tout à
l'heure qu'il y a beaucoup d'institutions prêteuses, beaucoup de
compagnies qui, lorsqu'elles prennent une décision négative
vis-à-vis d'une demande de crédit ou d'assurance, avisent le
consommateur en question que I'information vient d'un bureau de crédit
et de la raison pour laquelle le refus est fait. Cela devient quasi pratique
courante, une chose comme celle-là.
Encore une fois, l'information est là On pense que l'information
a une valeur et qu'elle devrait être mise à la disposition quand
même de l'entreprise qui doit prendre la décision. On a voulu
rendre le système le plus équitable possible, bien sûr. On
s'assure, à ce moment-là, de bien indiquer qu'on ne connaît
pas la disposition de I'action en question. Quand vous faisiez
référence, tout à l'heure, à nos commentaires dans
le mémoire, bien sûr qu'à ce moment-là on prend note
de ce que la commission dit. En fait, on dit partager l'opinion de la
Commission d'accès à l'information en ce qui concerne te libre
accès et la protection des renseignements personnels. On dit
également: Que, quand la commission dit que son rôle va être
de continuer à suivre l'évolution d'une chose comme cela, elle
dit exactement ou implicitement qu'à l'heure actuelle, cela semble bien
aller.
II y a peut-être une nuance dans le cas présent en disant
que la commission ne dit pas de façon tout à fait explicite qu'il
n'y a absolument rien à faire, mais on suppose, bien sûr, que la
commission va continuer à jouer son rôle Elle va continuer
à suivre le déroulement ou I'évolution de la mise en
oeuvre de ta loi comme telle.
M. Filion: J'attire juste votre attention en bas de la page 69 du
rapport sur la mise en oeuvre: "Ces quelques questions - quand on parle du
secteur privé - devraient sans doute suffire à faire voir la
très grande complexité du sujet. Mais elles ne doivent cependant
pas en atténuer l'importance ni en retarder l'étude. À
l'initiative du ministère de la Justice un groupe de travail
interministériel - on en a parlé ici - etc. "
M Chartrand: On est au courant.
M. Filion: La recommandation de la commission n'est pas de dire
de ne pas assujettir. La recommandation de la commission c'est de nous exposer
le problème, point. II y a une grande différence entre les deux.
Écoutez, juste en terminant, j'ai une ou deux questions très
courtes. À la question de mon collègue, le député
dArthabaska vous avez dit qu'il y a une partie de vos services qui sont
informatisés. Grosso modo, est-ce que c'est la partie qui concerne les
consommateurs? En somme, oui, c'est ça. Et combien de citoyens du
Québec ou de citoyennes du Québec, à peu près, ont
un dossier chez vous? Environ.
M. Chartrand: II va falloir que je parle pour l'ensemble du
Canada, malheureusement.
M. Filion: D'accord.
M. Chartrand: La banque de données que nous avons contient
à peu près 13 000 000 de dossiers. Alors, si vous faites le
partage et si vous établissez le ratio de la population du Québec
versus la population du Canada, on pourrait, à ce moment, en
arriver...
M. Filion: Cela donne pas loin de toute la population active.
M. Chartrand: Probablement, oui.
M. Filion: Bien oui, parce que 13 000 000 sur quelque 20 000 000
j'ai comme l'Impression que c'est toute la population active C'est un
ordinateur, évidemment, qui permet au bureau de crédit de
Drummondville, pour reprendre l'exemple de tantôt, d'aller chercher des
informations sur un citoyen de Hull ou de Sherbrooke.
M. Chartrand: J'aime mieux l'exemple de Sherbrooke.
M. Filion: D'accord.
M. Chartrand: Celui de Hull ne s'applique pas. En fait, Hull est
avec l'ordinateur de Toronto. Effectivement, oui, Drummondville
vis-à-vis de Sherbrooke. Le bureau de crédit de Drummondville,
pour utiliser cet exemple - je ne sais pas pourquoi on se sert toujours de
Drummondville - pourrait obtenir des renseignements sur un résident de
Sherbrooke et vice versa, bien sûr. Le bureau de crédit de
Drummondville est de propriété privée, c'est un bon
exemple. Par contre, le bureau de crédit de Drummondville a une entente
avec nous et appartient au réseau d Acrofax. Cela veut dire que sa
banque de données pour le bureau de crédit de Drummondville, lui
appartient en propre, mais que, faisant partie du réseau, il
bénéficie des avantages du réseau en ce sens qu'il peut
obtenir des renseignements sur un résident qui ne vit pas vraiment
à Drummondville. Celui-ci peut vivre ailleurs.
M Filion: Le temps nous manque, M Chartrand. J'aurais beaucoup
aimé poursuivre cette discussion avec vous. Simplement peut être
pour attirer votre attention, en terminant, si le président me le
permet, je ferai un dernier commentaire. Peut-être le ministre veut-Il
intervenir, je ne le sais pas. Dans votre ordinateur, vous avez à peu
près la totalité de la population active du Québec. Je
m'occupe du Québec, mais c'est la même chose pour le Canada.
Parlons du Québec, puisque c'est ce qui nous préoccupe. En
même temps, vous avez un code de déontologie qui doit ressembler
un peu à celui du bureau des assurances du Canada qu'on recevait hier et
qui tient dans une feuille. Nous avons une loi avec quelque 100 articles juste
pour réglementer, pour essayer de donner des balises, des jalons aux
organismes publics. Évidemment, cela ne concerne pas les organismes
privés, c'est seulement pour les organismes publics, mais on a cru bon,
comme législateurs, de déterminer 182 articles d'une loi qui,
maintenant, fait non pas le consensus, mais à peu près
l'unanimité. Vous disiez même, en réponse aux questions du
président. C'est une bonne chose la loi, et même les
recommandations dans le rapport sur la mise en oeuvre sont une bonne chose.
Bref, n'y a-t-il pas là matière à haute
préoccupation? On a environ 160 articles, une loi au complet, pour les
organismes publics. En même temps, vous détenez à peu
près la même chose. D'ailleurs, le ministère du Revenu,
c'est un de vos clients, mais en même temps un de vos fournisseurs, etc.
En tout cas, bref, vous avez de l'information sur tout le monde qui bouge au
Québec. Et, pour vous guider là-dedans, malgré les
exemples que vous connaissez bien, vous avez un code de déontologie
qu'on va nous produire, dans les jours suivants si c'est possible, qui tient
sur une feuille. Il doit probablement ressembler à celui du bureau des
assurances du Canada ou l'on dit. Dans la mesure du possible ou diligemment -
en tout cas, je ne le sais pas, je le lirai. Vous nous dites, en même
temps: Surtout, ne touchez pas au secteur privé! Pour nous, cela va
bien. Je ne veux pas dire par là qu'il faut nécessairement
toucher au secteur privé, mais je veux dire que cela vient juste
renforcer ma préoccupation. Comme législateur et comme
représentant de la population de mon comté, cela vient juste
renforcer ma préoccupation, mon inquiétude à
l'égard de ce qui peut se passer.
Ceci dit, je dois vous dire une chose en toute honnêteté,
je vous remercie d'être venu aujourd'hui. II aurait été
facile pour vous de vous abstenir de venir, de ne pas produire de
mémoire. Je pense qu'il y a là une volonté d'exposer le
travail que vous faites au lieu de le garder caché. Déjà,
de mettre cela en lumière et de répondre aux questions, comme
vous le faites aujourdhul, c'est très bien. À mon sens, c'est le
signe qu'on pourrait éventuellement trouver des solutions pour
empêcher cette société de surveillance, comme je la
qualifiais hier, de devenir un petit monstre qui va étouffer les
citoyens victimes d une erreur, parce que l'information est
incomplète.
Bref, au nom de ma formation politique, je vous remercie d'être
venu. J'ai trouvé notre discussion très intéressante
.Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, M le député
de Taillon. M le ministre.
M. French: M le Président, je pense que les questions
soulevées par le député de Taillon sont des questions
importantes même si elles outrepassent quelque peu le mandat technique de
la commission. Je n'en fais pas une cause, c'est une très bonne chose.
II faut quand même mentionner, si j'ai bien compris, qu'il y a, en sus du
code de déontologie, dont on n'est pas encore saisi mais qui tient dans
une feuille, les articles 35 à 41 du Code civil qui vont venir
s'appliquer aux activités d'Equifax et qui si j'ai bien compris sont
accueillis positivement par l'entreprise . Je pense que vous avez
mentionné cela
dans votre présentation et Je ne dis pas que c'est tout, Je vous
dis tout simplement qu'il faudrait évoquer cette réalité
juridique qui s'en vient.
J'ai une seule question et je ne suis pas sûr que la question, M.
Chartrand, soft pour vous ou pour votre procureur, Me Cullen. La question
découle de l'ensemble des préoccupations du député
de Taillon et de d'autres témoins devant nous et, plus
particulièrement, de la réalité technologique avec
laquelle vous travaillez. Il y a le fait, par exemple, que les
Québécois de l'ouest du Québec se retrouvent avec des
fichiers personnels dans une banque de données qui est située
à Toronto. Cela m'amène à me poser la question à
savoir dans quelle mesure l'Assemblée nationale du Québec,
étant donné les transferts de données "transfrontaliers",
a les capacités Juridiques et technologiques de contrôler
l'activité des bureaux de crédit à la consommation qui a
lieu et qui s'applique aux citoyens et aux résidents du Québec.
C'est une question que Je pose sans préjudice, c'est une question qui,
néanmoins, me paraît pertinente pour l'ensemble de la
considération qu'il faut avoir sur cette question-là et je
profite du fait que nous avons des gens qui travaillent là-dedans
quotidiennement pour essayer de comprendre davantage la
problématique.
M. Chartrand: J'aimerais peut-être au départ
apporter un éclaircissement. Quand on a parlé des informations
dans l'ouest du Québec et dit que les dossiers sont entreposés
dans une banque de données qui est à Toronto, étant
simplement pour expliquer la situation un peu technologique qui existe. Cela ne
veut pas dire, bien sûr, que tes gens du Québec ou les entreprises
du Québec ne peuvent obtenir des renseignements sur les gens de Hull ou
les gens de cette région du Québec Le fait est que le bureau de
crédit à Ottawa-Hull, qui en fait est celui qui fait les
enquêtes sur cette région-là, est affilié au
réseau informatisé de Toronto au lieu d'être affilié
au réseau informatisé d'Acrofax ou à celui de
Montréal, mais il existe quand même des ententes, une relation
très étroite avec Toronto, en fait entre le réseau de
Toronto et celui d'Acrofax, et les Informations sont échangées
d'une façon tout à fait régulière.
M. Cullen: Je me permettrais d'ajouter que, quant à la
question juridictionnelle, au-delà de la simple question pratique de la
surveillance sans doute fort complexe, vous l'avez compris, il y a
déjà au niveau fédéral des mécanismes en
place qui visent à un examen continu de ces échanges
d'information dans tout le Canada, lesquels mécanismes visent
évidemment à atteindre la même protection des
intérêts privés des consommateurs, où qu'ils soient
au Canada, que ceux qui font l'objet des soucis de cette commission, bien
sûr. (11 h 15)
En substance, sur le plan juridictionnel, il y a peut-être un
problème de partage de compétences dans lequel je n'ai aucune
intention d'entrer II va de soi, et cette province l'a fait, qu'il est toujours
loisible de faire des lois ou d'apporter, comme ce sera le cas bientôt,
des amendements au Code civil, qui est le droit supplétif en vigueur
dans cette province, dans le but de toucher ces secteurs qui relèvent de
la compétence particulière constitutionnelle de cette province.
Cependant, en matière de législation spécifiquement
orientée sur le secteur privé, il y a peut-être là
une question qui est non seulement juridique à cause de ce partage
juridictionnel mais évidemment une question d'opportunité
politique. Quel serait le meilleur forum en définitive pour
contrôler cet échange d'informations outre-frontière
à l'intérieur du pays? Poser...
M. French: Excusez-moi, Me Cullen, je veux être très
clair. Je ne veux pas aborder la question de juridiction ni la question
constitutionnelle. Ce qui me préoccupe, ce sont les vraies
capacités, non pas tes capacités constitutionnelles mais
"pratico-pratiques", de contrôler les flux de données
transfrontaliers. Ce n'est pas plus compliqué que ça. J'ai le
sentiment un peu et je suis mal à l'aise avec ce sentiment-là ou
cette analyse-là, mais J'ai le sentiment que, sans une activité
interprovinciale extrêmement étendue et détaillée,
c'est une "peanut" pour vous de transférer vos banques de
données, et je ne suis pas sûr que ces banques de données,
qu'elles soient à Hawkesbury, qu'elles soient à Bathurst,
qu'elles soient à Toronto, sont à l'intérieur de
l'étendue des pouvoirs réels des cours québécoises
poursuivant d'après le Code civil ou un statut québécois.
C'est cela que je vous invite à commenter.
M. Cullen: Absolument. Sur le plan de l'exécution possible
de toute loi qui pourrait être adoptée en relation avec ces
échanges d'informations à travers des frontières, c'est
bien évident que le bras de la loi ne peut rejoindre que les confins de
la province de Québec et pas au-delà. C'est également bien
évident en pratique qu'il suffirait d'effectuer un tel
déménagement de banques de données de façon
à rendre tout à fait illusoires dans la vie de tous les jours les
conséquences d'une loi qui serait présumée tenter de
corriger des abus d'échanges d'informations outre-frontière
Autrement dit, concrètement parlant, c'est manifestement
impossible d'espérer réglementer au sein d'une seule province un
échange d'informations qui, par définition, en affecte plusieurs.
Tout ce qu'on pourrait imaginer faire, c'est de bloquer la situation dans la
province en question et de reporter, de renvoyer le problème ailleurs.
Alors, cela redevient, je pense, M. le ministre, M. le Président, une
question d'opportunité politique. Quel est le forum approprié en
ce qui
concerne toute législation future qui pourrait
éventuellement envisager s'adresser à cette question? Il faudrait
manifestement que ce soit dans un ordre - je dois y revenir - juridictionnel
où on a la faculté et la possiblité légale de
mettre en vigueur les décisions qu'on prend.
M. French: J'aimerais remercier... Vous voulez continuer sur le
fond, M. le député.
M. Filion: Oui, juste pour peut-être... M. French:
Allez-y!
M. Filion: ...corriger la perception de certaines choses.
D'abord, II y a la loi sur...
Une voix:...
M. Filion: ...les bureaux de crédit qui concerne
essentiellement le permis, je pense Est-ce cela, la loi sur les bureaux de
crédit? Surtout, les formalités qui entourent la
délivrance du permis, sauf erreur.
M. Cullen: C'est une des parties importantes de la loi
effectivement
M. Filion: D'accord. Deuxièmement, en ce qui concerne
l'aspect que mentionnait le ministre tantôt, à savoir les
nouvelles dispositions contenues au Code civil, son collègue, le
ministre de la Justice, a dit qu'il n'avait pas l'intention de les faire entrer
en vigueur sans que ce soit d'un bloc, c'est-à-dire tout le Code civil
au complet. Et cela a été une discussion... Peut-être que
le ministre était absent à ce moment-là, mais je veux
juste lui rappeler que cela n'est pas du tout en vigueur au moment où
l'on se parie.
Troisièmement, je considère comme faisant partie
importante de notre mandat de déterminer si le secteur privé doit
être ou non assujetti à une forme de législation et de
réglementation. Je suis convaincu que le ministre, tantôt quand il
disait qu'on n'était pas dans la technique... On n'était pas dans
la technique, mais on parlait d'un problème qui est soulevé par
la recommandation no 2 de la commission et que je considère comme une
partie importante, d'autant plus qu'on parle de deux tiers des
Québécois qui sont fichés. Alors, c'est presque toute la
population active. Je pense que c'est important. Je voulais juste
préciser cela.
M. French: Oui, j'apprécie la clarification du
député de Taillon. J'avais dit moi-même que c'était
important de débattre cette question-là et ici à part
cela. On n'a pas de différend là-dessus.
M. Filion: D'accord.
M. French: J'aimerais remercier M. Char-trand et Me Cullen
d'avoir apporté leur opinion, leurs éclaircissements, leurs
recommandations à la commission. C'est valable. Je pense que,
malgré qu'on n'ait pas eu un grand nombre d'intervenants, on a eu une
diversité qui nous permet de saisir en peu de temps une bonne partie de
la réalité de la loi et des problèmes et des avantages
qu'elle comporte. Vous faites partie de cette brochette de témoins qui
nous ont permis de bien comprendre la problématique. Je vous remercie
beaucoup.
M. Filion: Je voudrais ajouter un mot, d'autant plus que vous ne
nous avez pas demandé - cela fait du bien - d'avoir accès
à nos rapports de police sans autorisation. Peut-être qu'on ne
verra pas passer une journée sans en entendre parler...
M. Chartrand: On n'aurait pas osé.
M. Filion: D'accord. J'ai apprécié, quant à
moi, le fait que vous considériez que les recommandations de la
commission, la loi actuelle, vous convenait bien en ce qui concerne les
organismes publics
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député. À mon tour, M. Chartrand, Me Cullen, je vous
remercie au nom de la commission de vous être déplacés pour
nous entretenir de vos réactions au rapport de la commission et nous
donner des renseignements, des informations fort utiles sur votre industrie Vos
réponses ont été franches et directes et on les
apprécie, il faut dire que les questions du député
étaient également directes, ce qui devrait toujours être le
cas en commission parlementaire. Nous attendons donc le document que vous
voulez nous déposer. Au plaisir de vous revoir à l'occasion d'une
autre commission. Merci beaucoup.
M. Chartrand: Merci, M. le Président. M. Cullen:
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): On suspend pour quelques
minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 22)
(Reprise à 11 h 28)
Le Président (M. Trudel): Pendant que les
députés prennent place autour de la table, j'inviterais nos
prochains invités, M. Paul Morin et Jean Denys d'Auto-Psy, à
s'approcher. Je pense, messieurs, que vous étiez déjà des
nôtres ce matin quand j'ai rappelé à nos premiers
invités les règles du jeu. Alors, vous les connaissez.
Je vous souhaite la bienvenue. Nous avons affaire à des
praticiens de la loi sur l'accès à l'information et je trouve
cela important et
intéressant. Vous avez une expérience pratique. Donc, nous
allons pouvoir nous entrenir avec vous de cette expérience pratique qui
m'apparaît importante. Je reviendrai, quant à moi, avec des
décisions. Je vous cède la parole, M. Morin ou M. Denys.
Auto-Psy
M. Denys (Jean): Je suis Jean Denys. Je suis membre du conseil
d'administration d'Auto-Psy.
Le Président (M. Trudel): Et secrétaire
trésorier. D'accord et M Paul Morin est administrateur.
M. Morin (Paul): Je voudrais juste ajouter un détail. Je
suis ici en tant qu'agent de développement du Regroupement des
ressources alternatives en santé mentale du Québec, une
fédération provinciale qui groupe quarante organismes dans
I'ensemble du Québec et qui s'est d'ailleurs fait entendre lors de la
commission parlementaire sur la santé mentale. M. Jean Denys,
d'Auto-Psy, fait aussi partie du conseil d'administration du regroupement. Le
regroupement appuie la totalité des principes et des recommandations
mises de l'avant par Auto-Psy. C'est le mémoire d'Auto- Psy, mais
appuyé par le regroupement.
Le Président (M. Trudel): Merci. Alors, allez-y pour une
période de plus ou moins vingt minutes. Et pour répéter ce
que je dis toujours, pas mal moins que plus autant que possible. Merci.
M Denys: Alors, on va présenter le mémoire. On ne
lira pas tout le mémoire, mais quand même une bonne partie. On
trouve important de présenter la totalité du mémoire.
Alors, Auto-Psy, Autonomie-Psychiatrisé(e)s, est un organisme
alternatif en santé mentale composé de personnes
psychiatrisées et de sympathisants et sympathisantes qui travaillent
à la défense des droits des personnes psychiatrisées, c
est à-dire des personnes qui sont ou qui ont déjà
été sous traitement psychiatrique. Le groupe est présent
dans trois régions du Québec la Mauricie, Montréal et
Québec.
En tant que groupe de défense des droits, le droit à
l'information, en particulier le droit à l'accès aux documents
d'organismes publics et le droit à l'accès au dossier
médical, est un droit que nous revendiquons depuis le tout début
du groupe, en 1980. Au niveau individuel, nous croyons que plus une personne
est informée plus elle a la possibilité de prendre des
décisions éclairées. Au niveau collectif, une
législation sur le droit à l'information est garante de la
qualité de la démocratie et du respect des droits fon
damentaux.
La pertinence et l'avenir de la loi. Depuis le 1er juillet 1984, nous
avons fait plusieurs demandes d'accès à des documents
d'organismes publics. Chaque fois, nous avons essuyé un refus de ia part
des organismes. Nous sommes donc allés en révision devant la
Commission d'accès à l'information. Après beaucoup de
temps et beaucoup d'argent, nous avons finalement obtenu des informations
intéressantes. Notre expérience nous permet donc
d'apprécier la pertinence et la valeur de la loi.
Globalement, nous sommes satisfaits de la loi. C'est pourquoi nous
recommandons que la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics
et sur la protection des renseignements personnels sort maintenue et que la
surveillance de son application continue d'être assumée par un
organisme indépendant.
Néanmoins, nous sommes d'avis qu'il faut apporter des
modifications à la loi pour lui permettre d'atteindre ses objectifs et
ce, à moindre coût pour toutes les parties impliquées.
En ce qui concerne le Curateur public, en tant que groupe de
défense des personnes psychiatnsées, tout ce qui concerne la
Curatelle publique nous intéresse au plus haut point. Ainsi, nous avons
été étonnés d'apprendre qu'un jugement de la Cour
supérieure a renversé une décision de la CAI et
statué que le Curateur public, une personne désignée par
le gouvernement n'était pas assujetti à la loi. Nous sommes
d'accord avec la commission que s'il était dans l'intention du
législateur d'assujettir à la loi le lieutenant-gouverneur et
l'Assemblée nationale, il devait être aussi dans son intention
d'inclure une personne désignée par le gouvernement.
Pourquoi donc ne pas assujettir le Curateur public à la loi sur
l'accès, quand on sait que la Curatelle publique a pour mandat de
représenter les personnes les plus démunies de la
société? Ces personnes ont aussi droit à un traitement
équitable. Notons qu'il y a environ 12 000 personnes sous Curatelle
publique au Québec.
Nous recommandons donc que des modifications à la loi soient
proposées, afin dy assujettir le Curateur public et les centres
d'accueil privés conventionnés.
La CAI, tribunal administratif ou commission de surveillance avec
pouvoir de recommandation? C'était un des principaux épisodes qui
nous ont amenés devant ta Commission d'accès à
l'information. C'était une véritable saga. Cela a commencé
en 1983, quand le ministre avait commandé un rapport d'enquête sur
la Curatelle publique. Déjà, en 1984, on avait demandé de
consulter le document. Cela nous a été refusé, mais on
n'avait pas de recours concret. Quand la loi d'accès à
l'information est entrée en vigueur, là, on avait des recours
concrets. On est allés devant la Commission d'accès à
l'information et cela a duré deux ans et demi. On est passés en
Cour supérieure, en Cour d'appel et finalement, on a mis la main sur le
document après deux années de guérilla juridique qui nous
auront coûté 3500 $ en frais d'avocat. Finalement, on a mis la
main sur le document.
Ce qu'il est important de dire, c'est qu'il faut absolument que la
Commission d'accès à l'information garde son pouvoir d'ordonnance
et de surveillance parce que, sans la loi, jamais on n'aurait mis ia main sur
ce document, c'est certain. Ce qui est intéressant, c'est que cela fait
beaucoup de remous, mais on a quand même mis la main sur un document qui
a permis finalement d'améliorer la gestion des fonds publics puis de
faire un peu... Cela a amené beaucoup de changements qui, finalement,
ont été profitables pour tout le monde.
C'est pour cela qu'afin d'assurer la meilleure atteinte des objectifs de
la loi et pour des raisons d'accessibilité, d'efficacité, de
cohérence et de visibilité, nous recommandons que ta commission
conserve son rôle de tribunal administratif et ses pouvoirs de
surveillance et d'ordonnance.
M. Morin: Le droit d'appel en Cour provinciale. Notre
expérience du droit d'appel en Cour provinciale est tout
particulièrement révélatrice de la volonté de
certains organismes publics de ne pas respecter l'esprit de la loi
d'accès à l'information. La décision d'en appeler d'un
organisme a pour but de retarder les procédures, au point de provoquer
l'abandon de l'autre partie, faute d'argent pour payer les frais d'un avocat,
indispensable à ce niveau.
L'appel en Cour provinciale ne devient alors qu'une tactique dilatoire.
Cela vient contrecarrer la volonté du législateur qui a justement
créé une loi accessible au citoyen ordinaire. Voici les deux cas
vécus qui nous amènent à cette position. Je vous ferai
grâce de tous les détails. Au centre hospitalier Robert-Giffard,
le 20 août 1984, on a demandé accès aux
procès-verbaux. Refus de Robert-Giffard. La Commission d'accès
à l'information rend une décision. Auto-Psy y a droit.
Évidemment, appel à la Cour provinciale et, finalement, en mai
1985, après neuf mois de procédures et 1100 $ en frais d'avocat,
nous obtenons les documents.
La clinique Roy-Rousseau a encore plus de détails judiciaires. Le
20 août 1984, on demande accès aux réunions du conseil
d'administration de la clinique Roy-Rousseau, évidemment, refus de la
clinique Roy-Rousseau. La Commission d'accès à l'information rend
une décision en décembre 1984. Même si la clinique
Roy-Rousseau n'est pas dans les délais pour faire une demande d'appel
à la Cour provinciale, la Cour provinciale accepte d'entendre le
délai. Finalement, le 15 mars 1987, après plus de deux ans et
demi de guérilla juridique qui nous aura coûté 2500 $, nous
pouvons enfin consulter les documents.
Évidemment, deux années plus tard, les
procès-verbaux avaient perdu beaucoup de leur intérêt.
Manifestement, les dirigeants de ia clinique n'ont pas respecté l'esprit
de la loi. Le droit d'appel en Cour provinciale peut donc être
utilisé comme tactique dilatoire pour retarder le plus possible la
divulgation des procès-verbaux.
Au départ, confiant et servi par une procédure voulue
gratuite et relativement simple, voici le citoyen contraint d'engager des frais
et de faire preuve de grande patience sans être assuré de
l'utilité réelle de l'information qu'on lui refuse. Dans de
telles circonstances, plusieurs citoyens abandonnent la partie ou
décident de laisser le dossier suivre son cours sans intervenir.
Il faut donc éliminer le droit d'appel "automatique" comme
stratégie dilatoire. C'est pourquoi, nous recommandons qu'à
l'instar des organismes similaires, par exemple, la Commission des affaires
sociales dont les décisions sont finales et sans appel, le droit d'appel
des décision de la CAI auprès de la Cour provinciale soit aboli.
Le droit strict d'appel en révocation auprès de la Cour
supérieure suffit à mettre les parties à l'abri d'erreurs
sérieuses de droit.
Mandat explicite d'informer le public. La loi sur l'accès est,
d'abord et avant tout, une loi qui veut rejoindre le citoyen ordinaire. Que ce
soit pour l'accès à un document, pour la consultation d'un
dossier personnel ou pour une demande de rectification de renseignements
personnels, c'est à lui que revient l'initiative. Cette
caractéristique de la loi exige donc que le citoyen soit informé
de ses droits.
L'enquête du ministère des Communications auprès des
organismes publics révèle que la loi d'accès était
peu connue (64 %) ou inconnue (24 %) de la population. Un autre sondage nous
apprenait que seulement 32 % de la population connaissait l'existence du
dossier médical. Imaginez le pourcentage de personnes qui connaissaient
l'existence du droit d'accès au dossier médical. Nous
recommandons en conséquence qu'un mandat explicite d'informer le public
soit confié à la commission tout particulièrement sur ie
droit d'accès à son dossier médical, le droit de
rectification des renseignements qui y sont contenus.
Changement de mentalité. La loi sur l'accès est
certainement une loi avant-gardiste. Elle fournit au citoyen ordinaire des
moyens pour exercer un meilleur contrôle sur les décisions que
prennent les gestionnaires publics dans un souci de transparence. Ces
gestionnaires n'avaient pas cette habitude de rendre des comptes à la
population aussi directement. Au moment de l'adoption de la loi, plusieurs
craignaient d'être livrés pieds et poings liés à la
curiosité populaire. C'est pourquoi il y a, dans certains organismes,
beaucoup de résistance à se conformer à cette loi. Deux
expériences précises viennent corroborer ces affirmations. Par
exemple, lors d'une comparution en Cour provinciale, nous avons remarqué
la présence d'un fonctionnaire de la Commission de protection du
territoire agricole du Québec qui était venu sur place pour en
apprendre plus sur les possibilités de refuser un document. C'est
évidemment une situation admissible.
L'autre concerne une demande qu'on a faite
au Conseil régional de la région 03 où l'on voulait
savoir qu'elle avait été la procédure pour la nomination
de groupes bénévoles au sein du conseil d'administration de
Robert-Giffard. Dans un premier temps, le conseil régional a
refusé de divulguer les informations. Il y avait eu une audition de
prévue à la Commission d'accès à l'information et
il a fallu se rendre le matin même pour que le Conseil régional
nous donne cette information sans qu'on passe devant la CAI.
Comme on dit, pourquoi toujours attendre à la dernière
minute pour se conformer à la loi? Là se situe, à notre
avis, un des enjeux fondamentaux de l'avenir de la Loi d'accès à
l'information. Voter une loi ne règle pas les problèmes
d'accès instantanément. Il faut être conscient que face
à une loi avant-gardiste, II y aura des résistances au
changement, et tant qu'il n'y aura pas de changement de mentalité et
d'attitudes, la loi ne donnera jamais les résultats
escomptés.
Les administrateurs des organismes publics ont de vieilles habitudes
d'administration en vase clos, en cachette. Tant qu'ils n'auront pas compris
qu'ils doivent rendre des comptes à la population qui paie, par ses
impôts, toutes les dépenses de l'administration publique, la
situation ne s'améliorera pas.
Il y a peut-être deux autres exemples que je pourrais donner vite.
C'est que j'ai siégé à des conseils d'administration
d'hôpitaux avant et après que la loi d'accès à
l'information soit adoptée et je peux vous dire qu'il y a une
énorme différence entre les procès-verbaux avant et
après l'adoption de la loi d'accès à l'information. C'est
que depuis que la Loi sur l'accès à l'information a
été adoptée les procès-verbaux des conseils
d'administration des hôpitaux sont beaucoup plus épurés
qu'ils ne l'étaient avant. Même si vous les demandez, ils sont
déjà très épurés tandis qu'avant,
c'était beaucoup plus explicite. Aussi, une autre pratique qui tend
à se généraliser, c'est lorsqu'on crée...
Récemment, j'ai pris contact avec le ministère de la Justice pour
avoir un certain document. On m'a dit: C'est un comité de travail qui
s'est réuni. Il n'a pas vraiment de mandat officiel. Si vous voulez
avoir le document, je ne suis pas certain que la loi d'accès à
l'information s'appliquerait. Donc, c'est une certaine autre façon, on
crée des comités sans que vraiment ils soient officiels. Cela
n'améliore pas la qualité de l'accès à
l'information.
Pour terminer, l'information est un pouvoir et ce pouvoir, les
gestionnaires devront apprendre à le partager. Nous recommandons qu'un
mandat explicite soit donné pour l'information et la sensibilisation aux
objectifs de ia loi sur l'accès à l'information des
fonctionnaires responsables de l'accès aux documents de chaque organisme
public. Merci.
M. Denys: Est-ce qu'il me reste un peu de...
Le Président (M. Trudel): Oui. allez-y, bien oui.
M. Denys: ...temps, oui.
Le Président (M. Trudel): On n'est pas dépendants
de l'horloge à ce point.
M. Denys: Pardon?
Le Président (M. Trudel): On n'est pas dépendants
de l'horloge a ce point.
M. Denys: Je voudrais Insister sur certaines recommandations que
la commission a présentées et qu'on n'a pas vraiment
mentionnées dans notre mémoire. La recommandation 2 dit que la
commission ne soumet aucune recommandation immédiate à
l'égard de l'assujettissement des organismes privés à des
règles de protection des renseignements personnels. Elle se borne
à souligner que...
Le Président (M. Trudel): Comme je vous l'ai dit, on n'est
pas à ce point esclaves de l'horloge. Vu le fait que vous nous exposez
de nouveaux commentaires, est-ce que |e peux vous demander de ralentir un peu
votre débit? On a du temps. Je vais essayer de vous suivre dans le
résumé des recommandations.
M. Denys: Oui, d'accord. La commission souligne le
caractère préoccupant de la question de l'assujettissement des
organismes privés, à des règles de protection des
renseignements personnels. Je pense que le député de
l'Opposition, tout à l'heure, a Insisté sur le fait qu'il pouvait
y avoir beaucoup de danger dans le cas des dossiers de crédit, quand les
banques de renseignement, contiennent des renseignements qui sont inexacts. Je
voudrais insister là-dessus, sur les dossiers qui nous concernent le
plus, c'est-à-dire, les dossiers médicaux. Souvent, il y a des
dossiers médicaux qui sont... Évidemment, dans toutes les
entreprises privées il y a des dossiers personnels des gens qui
travaillent. Souvent, il y a des informations erronées sur les
personnes. Quand on sait tous les préjugés qu'il peut y avoir
à l'égard des gens qui ont des problèmes de santé
mentale, que ce soft des dépressions ou des moments... On peut parler de
"burn out", c'est certain que, quand H y a des informations là-dessus
cela peut être très délicat et cela peut vite briser un
plan de carrière. Quand il y a des échanges d'informations entre
les entreprises et que des informations qui sont inexactes, cela peut aller
assez vite sur le marché du travail, quand les gens sont
déclarés brûlés; cela peut avoir des
conséquences assez sérieuses.
Il n'y a pas de recommandation ferme de la commission, mais nous aussi
on trouve cela plutôt préoccupant et on voudrait que la commission
établisse des règles de déontologie même
pour les organismes.
M. Morin: J'ai peut-être un exemple là-dessus.
Récemment, une personne mentionnait qu'au centre d'emploi
fédéral, on savait qu'elle avait un dossier psychiatrique. C'est
quand même très curieux que son épisode psychiatrique ait
été accessible aux personnes qui passaient par le centre de
main-d'uvre fédéral. C'est quand même très
curieux. On parle d'organismes publics, on ne parie même pas d'organismes
privés dans ce cas ci.
M. Denys: II y a aussi la recommandation 12 qui dit que la
commission invite le législateur à réduire, dans toute la
mesure du possible, les délais durant lesquels la communication de
certains documents peut être refusée. Elle recommande que les
délais permis à l'égard des recommandations d'analyses
soient réduits à deux années. Nous on appuie cette
recommandation. Même que pour nous, ce serait peut-être
réduit à une année. Je pense que c'est important. C'est
par rapport à la valeur de l'information. Si on a une information dix
ans plus tard, c'est certain que cela peut être, à la limite,
inutile.
La recommandation 16 autoriserait la commission à aider une
personne à formuler une demande. Je pense que c'est important aussi.
C'est une loi qui a été faite pour le citoyen et la citoyenne
ordinaires. Je pense que quand vient le temps de chercher un document, ce
serait intéressant d'avoir de l'information, une aide de la Commission d
accès à l'information, même si la personne ne la demande
pa.s Le problème c'est que si la personne ne sait pas que la commission
peut I'aider, on dit que cest un recours inutile.
Je pense qu'en gros, ce serait complet pour notre présentation.
(11 h 45)
Le Président (M. Trudel): Merci. Je vais me retrouver dans
mes papiers parce que j'avais sorti d'autres...
Étant donné I'expérience que vous avez, et je la
trouve intéressante, vos recommandations prennent d'autant plus de poids
et de valeur. Je constate dans un premier temps, que vous donnez de
façon globale une très bonne note à la Commission
d'accès à l'information en tant que telle, à sa
façon de procéder, d'après ce que je peux comprendre et
surtout, que vous appuyez de façon générale encore - je ne
veux pas vous faire dire des choses que vous n'avez pas dites, mais c'est ce
qui ressort de votre mémoire, c'est ce qui transpire à la lecture
de votre mémoire - l'ensemble de ses recommandations. Vous venez d
appuyer certaines recommandations sur lesquelles, d ailleurs, je vais
revenir.
Je ne vous demanderai pas d'élaborer votre expérience
pratique, vous l'avez bien fait dans votre mémoire et vous venez
d'ajouter des détails. Peut-être que quelques-uns de mes
collègues veulent le faire . Une seule question est-ce que vous
n'agissez que dans la région de Québec ou si vous vous
étendez...
M. Denys: On est présents dans trois régions du
Québec
Le Président (M. Trudel): C'est parce que Je voyais
Robert-G'rffard d'un côté et, sans faire de politique trop locale,
j'ai dans le comté de Bourget, une institution semblable qui s'appelle
Louis-H -Lafontalne. Je vois que cela allume presque un sourire et quelque
chose dans vos yeux. Je vous demanderai tantôt l'expérience que
vous avez pu avoir, mais je ne voudrais pas trop insister là-dessus
parce que je ne voudrais pas empêcher mes collègues de vous poser
des questions. Donc, sachez que, quant à moi, votre mémoire est
important parce qu'il vient de praticiens.
Sur l'élimination du droit d'appel, là aussi, sans
présumer d'aucune façon des conclusions de cette commission parce
que vous savez que cette commission dort faire un rapport à
l'Assemblée nationale, non seulement un rapport... On ne dira pas
seulement à l'Assemblée nationale: Oui, on a reçu telles
personnes, voici ce que tel groupe et tel groupe pensent. On va faire des
recommandations à l'Assemblée nationale donc également aux
ministres, évidemment. Sachez que, quant à moi, je suis
très ouvert sur la question du droit d'appel mais étant
donné que vous formulez cette question de façon très
précise en disant à la page 9 et vous l'avez souligné
tantôt, vous l'avez même répété: "II faut donc
éliminer le droit d appel "automatique" comme stratégie
dilatoire." La première question que je vous poserais - et je ne veux
pas faire d'avocasserie, cela fait trop longtemps que je n'ai pas fait de
droit, et c'est peut-être pour cela que j'ai évité de
pratiquer jusqu'à un certain point - est-ce que tous les appels peuvent
être considérés comme étant des mesures dilatoires?'
Cela me paraît à la fois gros, et manquer peut être un peu
de nuance comme jugement. Encore une fois, je suis plutôt sympathique
à la tendance que vous nous suggérez.
M. Morin: Ce que j'en comprends, c'est que le problème,
présentement concernant le droit d'appel à la Cour provinciale
est utilisé comme une tactique dilatoire. Enfin, c'est
l'expérience qu'on en a. Ce que nous disons, c'est que c'est ce qu'il
faut éliminer comme la commission le recommande. Ce que nous disons,
c'est qu'on peut faire une demande justement lorsqu'on n'a pas respecté
la loi au point de vue technique. C'est justement comme cela que cela se passe
à la Commission des affaires sociales où c'est sans appel. En
vertu de la Loi sur la protection du malade mental, par exemple, dans le cas
d'une personne qui est dite dangereuse par deux psychiatres et qui va en appel
devant la Commission des affaires sociales, si la commission conclut
qu'effectivement la personne est dange-
reuse, la personne n'a pas de droit d'appel en soi. Elle peut en appeler
à une cour supérieure si, techniquement, quelque chose n'a pas
été respecté par rapport à la loi mais, sur le
fond, il n'y a pas d'appel. C'est ce que nous disons. Il pourrait y avoir un
droit d'appel sur la forme si la loi n'est pas respectée mais, sur le
fond, nous disons que la Cour provinciale est utilisée comme une
tactique dilatoire et cela coûte extrêmement cher.
Vous demandiez tantôt pourquoi nous sommes seulement dans la
région de Québec. Nous sommes très peu
subventionnés et les permanents qui travaillent là sont
très peu rémunérés, En plus, il a fallu prendre de
l'argent dans le groupe pour... Au total, cela nous a coûté 7000 $
en frais d'avocat plus le temps que les permanents et les permanentes ont
dû mettre sur ce dossier-là. C'est évident que nous
attendions de voir ce qui se passerait dans la région de Québec
avant d'aller dans d'autres régions. On agit avec les moyens financiers
qu'on a et ils sont assez limités, merci.
Le Président (M, Trudel): Remarquez que ce n'était
pas un reproche que je vous faisais, pas du tout. Sur la question du droit
d'appel...
M. Denys: Quand on dit: Le recours du droit d'appel automatique,
entre guillemets, c'est que c'est seulement une tactique, c'est l'idée.
Si les gens ont des choses à reprocher à un jugement de la
Commission d'accès à l'information, ils peuvent aller en Cour
supérieure, Ils peuvent toujours y aller, mais nous, nous y sommes
allés et là, c'est beaucoup plus sérieux. S'il n'y a pas
vraiment des choses importantes, c'est refusé, il n'y a pas de
permission d'en appeler, c'est cela l'important. Si c'est seulement une
tactique, c'est là que cela va se découvrir. Deuxièmement,
on était d'accord.
C'est une question d'expérience aussi et de jurisprudence. Au
début, c'était une nouvelle loi et les gens nous disaient: Tout
le monde teste la loi. Nous, on est bien placés pour dire que le fait de
passer sur le corps avec cela... Mais là, la loi est testée et
dans le cas de quelqu'un qui veut avoir accès aux procès-verbaux,
il y a une jurisprudence là-dessus. Je ne vois pas pourquoi on
repasserait en cour douze fois pour ta même question des
procès-verbaux. C'est cela l'idée. Après trois ans, il y a
une jurisprudence, alors on se fie là-dessus. S'il y a des gens qui ont
d'autres choses, ils peuvent aller en Cour supérieure, mais pour les
choses ordinaires, entre guillemets, la Cour provinciale s'est
déjà prononcée et cela finit là. C'est cela
l'idée.
Le Président (M. Trudel): D'accord.
M. Denys: Au début, la loi était attestée,
mais là, elle est testée après trois ans. Les gens savent
quelles décisions ont été prises.
Le Président (M. Trudel): Vous m'amenez, en parlant des
procès-verbaux, à la troisième question que j'avais, mais
je vais vous la poser avant ma deuxième puisque vous en parlez. On
parlait tantôt des PV épurés. J'ai eu l'occasion de
siéger à un conseil d'administration d'hôpital, mais avant
la mise en vigueur de cette loi-là donc, je ne peux pas faire cette
comparaison-là. Ce que vous me dites, je suis tout à fait
prêt à le croire.
C'est une question qu'on a abordée souvent depuis hier matin
parce que différents groupes nous ont dit, notamment, dans les
hôpitaux, dans les universités, hier soir, en toute fin de
journée: Écoutez, Je pense que oui sur le plan commercial, mais
là, on se place sur un plan différent. Les gens de la
Société des alcools, d'Hydro-Québec nous avaient dit la
même chose ou à peu près, à d'autres niveaux, en
tout cas. Il faut faire attention, d'une part, de ne pas empêcher une
certaine candeur, une grande ouverture de la part des participants à un
certain niveau dans des réunions, que ce soit dans un conseil
d'administration d'Hydro-Québec ou de la Société des
alcools ou alors des hôpitaux, notamment dans certains comités
très spécialisés sur le contrôle de la
qualité où là, vraiment, il faut qu'ils disent des choses
en toute candeur et en toute ouverture. Si ces gens-là pensent que cela
va sortir dans trois semaines, trois mois ou trois ans, si on emploie les
mesures dilatoires dont vous parliez tantôt, il y a moins de candeur. Ces
gens-là nous ont dit: Faites attention, est-ce qu'on ne pourrait pas
exclure jusqu'à un certain niveau ce qu'on appelle les mémoires
de délibération; finalement, les PV? Quand on parle de PV, il
faut faire attention, pour les Français, PV, ce n'est pas tout à
fait la même chose.
Vous, vous nous dites Ils sont épurés, les PV, depuis
l'entrée en vigueur de la loi. De deux choses l'une ou on ne fait rien
et les chances sont bonnes en tout cas que les PV soient vraiment
épurés ou alors, on accède au désir des gens qui
nous ont fait des représentations et ont dit. Dans certains cas bien
précis... La décision n'est vraiment pas prise, on
réfléchit à cette question-là et on
réfléchira davantage au cours des prochaines semaines. Ou alors
on exclut ces mémoires de délibération dans certains cas
encore une fois très précis. Qu'est-ce que vous pensez de cela?
Là, on est pris dans une situation De deux choses l'une: ou les PV sont
complètement épurés et cela ne veut rien dire au moment
où vous les obtenez ou alors la loi dit: Jusqu'à un certain
point, on les enlève de l'accès.
M. Denys: Les décisions qui ont été prises
jusqu'ici sont divisées en deux. On n'a pas eu droit aux mémoires
de délibération. On avait droit seulement aux résolutions
du conseil d'administration. Ce sont des décisions qui ont
été prises dans nos deux cas.
Le Président (M. Trudel): Concernant, si je me rappelle
bien, des procès-verbaux antérieurs à la loi
d'accès à l'information, ou s'il y en avait qui couvraient les
deux?
M. Denys: Non, même depuis 1984, c'était la
décision qui avait été prise, les mémoires de
délibération pouvaient être retranchés. Mais quand
M. Morin disait tantôt qu'ils ont déjà été
épurés, ce qu'il voulait dire, Je pense, c'est que maintenant que
la loi d'accès est en vigueur, Ils font attention à la
façon dont c'est rédigé, c'est ce qu'il voulait dire.
C'est un langage là... Ce sont quasiment des choses qui sont
compréhensibles seulement par les gens qui étaient sur place
quand la décision a été prise, c'est ce qu'il est
important de retenir. Les gens savent, comme vous l'avez dit tantôt,
qu'éventuellement, cela va peut-être sortir. Donc, soyons prudents
et vigilants, en ce sens qu'on ne peut pas dire n'importe quoi, cela pourrait
sortir sur la place publique. Quand on parle de changement de mentalité,
c'est cela...
Le Président (M. Trudel): C'est exactement ce que j'allais
dire. C'est question de changement de mentalité, quand vous dites que
"l'information est un pouvoir et ce pouvoir, les gestionnaires devront
apprendre à le partager". C'est comme dans n'importe quelle loi, il y a
des gens qui apprennent non pas nécessairement à les contourner,
mais à s'en servir à leur avantage, jusqu'à un certain
point.
M. Denys: Hier, j'ai assisté à la
présentation du conseil des recteurs. Je ne sais pas si j'ai mal
entendu, mais le recteur de l'Université Laval... En tout cas, j'ai
entendu cela ainsi. Il y a une question de son, je n'étais pas certain
si c'était vraiment ce qu'il a dit. il a dit qu'il y avait des
réunions du conseil de direction et il a dit carrément, je pense,
qu'il n'y aurait plus de procès-verbaux.
M. French: Qu'il n'y avait plus de réunion?
M. Denys: Qu'il n'y avait plus de réunion. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Trudel): Au fond, il a dit que tout ce
qui était consigné ou à peu près, sauf pour les
choses qui doivent vraiment l'être et qui ne sont pas très..., se
fait verbalement. Le téléphone, comme dirait l'autre, cela ne
laisse pas de traces.
M. Denys: C'est un peu ce qu'on dit dans le mémoire.
Le Président (M. Trudel): Oui.
M. Denys: II y aura toujours moyen de contourner une loi, c'est
certain. C'est un peu ce qu'on veut dire.
Le Président (M. Trudel): Ce sera à nous, comme
législateurs, d'essayer de voir comment on peut circonscrire cela.
Une dernière question. Encore une fois, vous venez de me dire: Je
ne suis pas sûr d'avoir bien compris ce que les recteurs ont dit hier.
Moi, je ne suis pas certain d'avoir bien compris ce que vous avez dit quant
à la recommandation 2, détendre au secteur privé, etc.
Vous avez parlé des dossiers médicaux qui contiennent très
souvent, dites-vous, des renseignements inexacts. Vous parliez toujours des
dossiers médicaux privés. Vous ne parliez pas d'un dossier de
bénéficiaire dans une institution publique, que ce soit un
hôpital ou un centre d'accueil. Est-ce que vous vous
référiez à des dossiers qui appartenaient à des
compagnies d'assurances? C'est de ce genre de dossiers dont vous parliez?
M. Denys: Quand je parlais de la recommandation 2, c'est de cela
dont je parlais. Il faudrait un peu de réglementation là-dessus,
pour ne pas que les informations circulent, surtout s'il y a possibilité
de renseignements erronés. Mais, pour tout le dossier de l'accès
aux dossiers médicaux dans les centres hospitaliers, on a
déjà présenté un mémoire à la
Commission d'accès à l'information, il y a exactement deux ans,
je pense, jour pour jour. L'Assemblée nationale ne s'est pas encore
prononcée là-dessus, à propos du changement de la loi,
à savoir qui serait l'instance pour aller en recours quand un
médecin refuse l'accès au dossier médical. Maintenant,
c'est ta commission des affaires sociales qui a...
Le Président (M. Trudel): C'est-à-dire que
l'Assemblée nationale s'est prononcée par la loi 28...
M. French: Oui.
Le Président (M. Trudel): ...qui est entrée en
vigueur...
M. French: À la fin de décembre.
Le Président (M. Trudel): ...le 18 décembre, je
pense, et qui a été adoptée quelques Jours avant.
C'était le fameux rapport de la commission sur les dispositions
inconciliables.
M. Denys: C'est cela.
Le Président (M. Trudel): Il y avait eu une
tournée. Je me souviens avoir vu votre mémoire. Cette question
est réglée. Je ne sais pas à quel article dans le projet
de loi 28 et je ne sais même pas quel numéro porte maintenant le
projet de loi 28. Nous l'appelons le projet de loi 28.
M. Denys: Non. Ce que je veux vous dire, c'est qu'on est
satisfaits du travail de la Corn-
mission d'accès à l'information, à propos de
l'accès au dossier médical. On n'en a pas parlé; il n'en
est pas vraiment question là-dedans. On est favorables à tout le
travail que la commission a fait. On trouve que ce sera plus
réglementé. Il n'y a pas de problème.
La recommandation 2, c'est surtout pour les organismes
privés.
Le Président (M. Trudel): D'accord, je vous remercie. M.
le député de...
M. Filion: Je voulais parler du dossier médical, mais vous
avez fait le tour de cet aspect, M. le Président. Je voudrais seulement
revenir sur le droit d'appel en Cour provinciale pour signaler ceci, en
même temps, au ministre et aux autres membres de la commission.
J'aimerais que vous réagissiez. C'est plus un commentaire qu'une
question.
Finalement, un rapide inventaire des décisions de la Commission
d'accès à l'information portées à la Cour
provinciale: II y en a eu 58; 47 de ces appels ont été
logés par des organismes et 11 par des individus. Le délai moyen
n'est pas calculé parce qu'il y a beaucoup de décisions qui ne
sont pas rendues, mais on va prendre les premières décisions,
là où il y a des chiffres Par exemple, la Corporation municipale
de Saint-Jean-de-Matha, décision de la Commission d'accès
à l'information en août 1984, cela a pris seize mois pour avoir un
jugement au mérite de la Cour provinciale. En ce qui concerne le
ministère du Revenu contre S. Dumont, décision de la Commission
d'accès à l'information, novembre 1984, cela fait trois ans qu'on
attend la décision de la Cour provinciale de part et d'autre, parce
qu'il y a deux parties qui ne savent pas quoi faire. La clinique Roy-Rousseau
contre Auto-Psy, vous en avez parlé en détail dans votre
mémoire: une attente de 20 mois. La ville de Lachine, une attente de
trois ans; l'Office du crédit agricole, une attente de trois ans; Max
Youknovski, une attente de deux ans et dix mois, ville de Montréal, une
attente de deux ans et dix mois, Suzanne Blais-Grenier - dans ce cas-ci c'est
une demanderesse - une attente de quatorze mois, ville de Montréal
contre Labelle, un cas qu'on connaît bien, M. le Président.. (12
heures)
Le Président (M. Trudel): Oui, M. le
député, vous et moi.
M. Filion: ...une attente de quatorze mois; la Communauté
urbaine de Montréal, deux attentes de deux ans et sept mois. Et
ça continue.
Par contre, vous dites que ces délais sont dilatoires, que cela
prend du temps, etc. C'est vrai. Cependant, le droit pour un individu
d'utiliser un recours judiciaire est sacré et prévu dans la
charte. Bien sûr, cela peut être une tactique dilatoire, mais c'est
difficile de le présumer. Dès qu'un recours existe on a le droit
de s'en prévaloir Pour nous, le problème est de décider si
le recours va continuer d'exister ou non.
M. French: C'étaient des tactiques dilatoires
patentes.
M. Filion: Puis, on lit votre mémoire, j'avoue qu'on en
vient à cette conclusion et à celle que le ministre vient
d'exposer, que c'était une tactique dilatoire évidente.
M. French: Totale.
M. Filion: Et il semble bien que beaucoup d'intervenants qui sont
venus devant nous nous ont exposé le même fait.
Ce que nous pouvons regarder, qui est bien objectif et qui ne demande
pas d'Impression, c'est que c'est long à la Cour provinciale. Vous avez
raison de le souligner. Cela a été mentionné dans les
premières heures de nos travaux il y a déjà trois jours,
M. le Président, que le recours en évocation auquel vous faisiez
allusion quand vous parliez de la forme, en réalité, c'est tout
le contrôle de la légalité du processus de la
décision rendue. Par bref d'évocation cela existe toujours et
cela existera toujours
Je ne sais pas si vous voulez réagir. Cela va un peu dans le sens
de vos préoccupations. Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque
chose.
M. Denys: En tant que groupe de défense des droits, nous
trouvons important qu'il y ait des mécanismes d'appel. C'est certain
qu'il peut y avoir des situations injustes, mais il reste quand même le
recours devant la Cour supérieure où ce sont des questions de
droit. Il y a un recours, mais il faut que ce soit sérieux. Il ne faut
pas faire dire à la loi ce qu'elle ne dit pas non plus. C'est cela
l'idée.
M. Morin: Je reviens encore là-dessus, mais II y a la
question des coûts qui sont astronomiques pour un groupe de
défense des droits qui est quand même très peu
subventionné. Il faut vraiment tenir compte de cette
réalité. Je pense que votre comité doit se pencher sur
cette question aussi. Je ne veux pas associer l'argent et le pouvoir, mais il y
a quand même beaucoup de . Il ne faut pas oublier non plus - je pense que
c'est un point Important qu'on n'a pas amené - que l'argent
dépensé par les organismes publics c'est notre argent qui est
dépensé en pure perte. D'un côté, nous payons un
avocat de pratique privée avec des fonds qui nous viennent du
gouvernement, d'un autre côté, iI y a un organisme public qui
engage un avocat, peut-être payé par le gouvernement, pour... Cela
n'a pas d'allure. Il faut arrêter cela, sinon c'est la tour de Babel.
M. Filion: Dans votre cas, vous avez dit que cela avait
coûté 7000 $ pour un dossier.
M. Morin: 7000 $ sur ces trois causes.
Une voix: Non, pour les trois.
M. Filion: Trois dossiers.
M. Morin: Pour les trois dossiers.
M. Filion: Pour trois dossiers qui ont été
plaidés. Vous attendez...
M. Morin: Ah oui! Tout à fait.
M. Filion: D'accord. En terminant, je voudrais donc remercier au
nom de la formation politique que je représente, le groupe Auto-Psy.
J'avais déjà été sensibilisé à cause
du rapport qui nous avait été acheminé lors de
l'étude des dispositions inconciliables. Je tiens à vous
souligner en terminant que vous faites un travail remarquable pour
défendre une catégorie de citoyens qui sont souvent susceptibles
d'être victimes de préjugés, d'inexactitudes, d'erreurs,
etc. Évidemment, ce sont des personnes qui ont eu des traitements
psychiatriques. À ce titre, le groupe communautaire que constitue
Auto-Psy mérite, quant à moi, je vous le dis, l'appui des
parlementaires.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Taillon. M. le ministre.
M. French: J'aimerais ajouter ceci, M. le Président, pour
ma part. Je me fais l'écho du député de Taillon et je suis
convaincu que je parle pour l'ensemble de la commission en remerciant les gens
d'Auto-Psy. Nous avons suivi avec beaucoup d'intérêt les
vicissitudes de leurs démêlés avec la loi et plus
particulièrement avec les cours.
Il y a cinq ans, je disais ce qui s'avère aujourd'hui, soit que
l'administrateur public qui ne dépensait pas son propre argent avait
toute une incitation de traîner les cas en cour. Je suis d'ailleurs
surpris que cela ne se passe pas davantage, mais le cas du ministère des
Finances et de la Curatelle publique a été un cas parfait pour
illustrer cette tendance. Le législateur n'avait certainement pas
l'intention d'exclure la Curatelle publique de l'étendue de la loi il y
a cinq ans. La direction du ministère des Finances n'avait
évidemment pas l'intention de suivre ce que le législateur avait
imaginé qu'il ferait dans la loi il y a cinq ans. Je suis content que
tout cela se soit finalement réglé à l'avantage, je crois,
des clients de la Curatelle publique, dont nous connaissons tous, sans doute,
quelques exemples, par notre travail aux bureaux de comté, ce qui nous
amène à penser qu'il y avait de l'amélioration à
faire à cette institution.
Je n'irai pas dans les questions, MM. Denys et Morin, non pas parce que
je pense que les cas que vous soulevez ou les recommandations que vous faites
ne sont pas importantes, mais parce qu'on a déjà vu ces
recommandations. Ce qui est important pour mol, en tout cas en tant que
ministre, c'est que Auto-Psy vient se faire l'écho d'autres
témoins à cet effet. Vous conviendrez avec moi que les
différentes questions ont été explorées dans un
certain détail. Vous nous avez aidés à comprendre
particulièrement l'optique d'un groupe communautaire qui travaillle dans
un domaine difficile, qui n'est pas très bien financé et qui
utilise la lof, non pas pour harceler, non pas pour agresser, même si
c'est la perspective que certains administrateurs publics pourraient avoir,
mais plutôt pour défendre les gens qui sont, comme disait le
député de Taillon, souvent sans autre défense. Cela nous
amène à vous exprimer notre admiration. Je pense que c'est normal
que vous dérangiez, que vous créiez des remous de par la nature
même de vos activités. Il est peut-être parfois difficile
pour vous de savoir où tirer la ligne si vous vous posez la question:
Quelle est la meilleure façon d'atteindre l'objectif pour le
bien-être des bénéficiaires? Je dirai tout simplement que,
si vous avez pu trouver des conseillers juridiques pour plaider ces deux
cas-là pour 7000 $, J'aimerais avoir l'adresse et le numéro de
téléphone. Merci beaucoup.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Trudel): Merci, messieurs, de vous
être présentés devant nous et de nous avoir relaté
l'expérience pratique que vous avez de l'application de la loi dans ce
qu'elle a de plus et de moins serré. Toute la question du droit d'appel,
encore une fois, qui a été soulevée par plusieurs
personnes et avec des avis différents, est une question importante qui
va faire l'objet d'une attention particulière de la part de la
commission. Je partage personnellement l'avis du ministre. Je me demande, quand
on pense à l'aspect dilatoire de la loi et à son utilisation de
façon rigoureusement, et tellement évidente, dilatoire, si on
n'est pas en train, dans la pratique, de dénaturer complètement
l'objet de la loi et surtout l'intention du législateur. Il suffit en
politique d'aller cinq ans en arrière et cinq ans en avant, c'est
l'éternité d'un côté comme de l'autre. Il s'agit de
retourner six ans en arrière, en 1982, et de revoir l'intention du
législateur. Notamment - je le dis sans partisanerie politique aucune -
les Interventions du ministre des Communications de maintenant, qui
était le porte-parole de l'Opposition et du ministre des Communications
du temps étaient tout à fait d'accord sur ces questions. Cela a
fait l'objet de discussions à l'intérieur de la commission
parlementaire de l'époque. La commission parlementaire d'aujourd'hui,
soyez-en assurés, va réfléchir sérieusement sur
cette question. Merci beaucoup.
M. Morin: Merci.
M. Denys: Merci.
Le Président (M. Trudel): On va suspendre pour une minute.
Non, M. le député, je pensais... On va suspendre une minute et
j'inviterai immédiatement M. Denis L'Anglais à s'approcher de la
table des témoins.
(Suspension de la séance à 12 h 5) (Reprise à 12 h
13)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de la culture reprend ses travaux en accueillant
maintenant M. Denis L'Anglais, qui a une expérience pratique et des
considérations à nous présenter. M. L'Anglais, au nom
à la fois du ministre des Communications et du député de
Taillon, je dois vous dire que ces deux messieurs devront nous quitter à
12 h 30, ce qui ne limitera en rien le temps qui vous est imparti.
Vous savez que les règles du jeu, quand il s'agit de personnes ou
d'individus qui comparaissent, sont de 45 minutes plutôt que d'une heure.
Je vous prierais d'excuser et de comprendre, et cela vaut également pour
vous, M. Boucher, que je vois installé en arrière. La commission
va néanmoins poursuivre ses travaux et j'aurai le plaisir de vous
interroger avec mes collègues. Cela ne réflète en rien...
N'y voyez pas un manque d'intérêt évident pour votre
mémoire, M. L'Anglais et M. Boucher. Les circonstances font que,
à la fois, M. le ministre et M. le député de Taillon
doivent quitter. Étant donné que vous êtes les deux
derniers témoins et que le temps des parlementaires est quand même
précieux - on en manque toujours - nous avons
préféré poursuivre les travaux sans ajournement pour
l'heure du lunch.
Au nom de la commission, je vous prie d'excuser ce qu'on a fait, comme
membres de la commission, M. le ministre et M. le député de
Taillon. Là-dessus, M L'Anglais, je vous cède la parole.
M. Denis L'Anglais
M. L'Anglais (Denis): M. le Président, je vous remercie et
je ne voudrais surtout pas empiéter sur vos heures de repas étant
donné qu'il est important d'avoir l'estomac bien constitué pour
être en mesure de réfléchir adéquatement aux grandes
questions.
Le Président (M. Trudel): Pas trop, parce qu'on a
déjà fait des séances d'après-midi qui
étaient pénibles.
M. L'Anglais: J'ai déposé, à l'intention de
la secrétaire de la commission, les notes que je me propose de
souligner. Je pense qu'en suivant le texte, cela pourra suivre
fidèlement les propos que j'entends mettre de l'avant.
D'abord, évidemment, je remercie les membres de la commission et
la commission de m'avoir invité à présenter mon
mémoire. Une expérience personnelle m'a amené à
réfléchir sur une question dont je mésestimais totalement
les implications pour les simples citoyens et, en l'occurrence, pour
moi-même. Je pense que si vous avez lu le mémoire, ce petit
événement personnel m'a permis d'ouvrir sur les problèmes
des données personnelles qui transitent outre-frontière et pour
lesquelles il n'y a aucun contrôle, à l'heure actuelle, dans tes
lois québécoises La puissance de l'informatique et surtout de ses
applications, à l'heure actuelle, de même que
l'universalité croissante des utilisateurs de cet outil posent de
façon dramatique, pour le futur Immédiat, quelques-uns des
problèmes suivants.
La protection des renseignements personnels des citoyens aux mains de
l'entreprise privée doit-elle faire l'objet de règles
corporatives ou d'une intervention de l'État? Est-il réaliste de
croire que l'État puisse imposer la protection des données
personnelles actuellement aux mains de l'entreprise privée, si ces
banques, une fois centralisées à l'intérieur du
Québec, sont hors de la portée juridique? La protection des
renseignements personnels est-elle, dans ces circonstances, une contrainte
supplémentaire, économique ou autre parce qu'elle serait
exercée par l'État plutôt que par l'entreprise
privée elle-même? La nécessaire rentabilisation des
coûts que va imposer aux entreprises québécoises,
canadiennes et américaines l'accord de libre-échange
Canada-États-Unis, dès l'année prochaine, ne va-t-elle pas
accentuer la tendance déjà présente à la
concentration, à l'extérieur du Québec, de renseignements
personnels gérés pour l'ensemble de l'Amérique par une ou
quelques grandes entreprises spécialisées dans la gestion de
banques de données? Si oui, est-ce qu'au Québec nous sommes
préparés à faire face à cette expatriation de nos
intimités personnelle?
Je pense que cela pose la question de l'importance de la protection des
renseignements de nature personnelle. Je pense qu'il est du devoir de
l'État d'intervenir énergiquement pour imposer à
l'entreprise privée un code de déontologie à la
rédaction duquel elle pourra être associée, concernant la
protection des renseignements de nature personnelle détenus et
utilisés ou auxquels ont accès les entreprises
québécoises. Cette éthique fondamentale ne doit pas
être laissée à la merci des seules lois du libre
marché et de ses protagonistes au credo néo-libéral plus
ou moins discutable. La Commission d'accès à l'information n'a
pas vu ou n'a pas voulu voir, lors de la rédaction de son rapport,
l'importance de la saisie et du traitement des données personnelles
déjà aux mains de l'entreprise privée.
Déjà, je fais une nuance là-dessus. Le
député de Taillon a mentionné en page 69 qu'effectivement
ils avaient souligné l'importance
et la complexité du problème. Cependant, un des aspects
qui n'a pas été apporté, c'est les données
personnelles aux mains de l'entreprise privée et l'ampleur de ce
phénomène lors de ta mise en place de l'accord du
libre-échange. Qu'on le veuille ou non, cet accord aura des implications
certaines sur la vie quotidienne de chacun des citoyens au Québec. Il
importe donc, à l'occasion de la tenue de cette commission
parlementaire, que le problème soit soulevé afin que s'engage
véritablement le débat de l'assujettissement de l'entreprise
privée aux obligations de la protection des renseignements personnels.
De la nature et de la quantité d'efforts que sera prête à
consentir l'entreprise privée ou qu'il faudra lui imposer en
matière de protection de renseignements personnels dépend le type
de société dont nous entendons nous doter dans le futur.
Je suis de ceux qui, avec le philosophe allemand Fichte, croient que
nous n'avons pas le droit de présupposer la bonté et la
perfection de l'homme. Pas plus dans ce domaine qu'ailleurs du reste. Pour
ouvrir le débat, je propose que, dans un premier temps, le
législateur impose aux entreprises privées en
périphérie immédiate du public québécois,
comme La Mutuelle-Vie des fonctionnaires du Québec ou de la Caisse
populaire des fonctionnaires du Québec leur assujettissement aux
actuelles dispositions de la Loi sur l'accès à l'information et
l'aspect concernant la protection des renseignements personnels. Qu'une
interdiction leur soit faite d'expatrier hors du Québec des
renseignements personnels touchant des résidents
québécois. Ces entreprises dites privées ont des
clientèles exclusivement soumises dans leur travail quotidien aux
dispositions de la loi sur l'accès à l'information, mais
elles-mêmes sont soustraites aux dispositions de cette loi.
Que, dans un deuxième temps, à l'instigation de la
Commission d'accès à l'information, le Québec soit le
théâtre et l'hôte de conférences
canado-américaines ou internationales auxquelles seraient
conviées les entreprises privées pour réfléchir sur
l'importance sociale de la protection des renseignements personnels et des
obligations qui en découleront nécessairement pour l'entreprise
privée. Simultanément, la commission devra se doter d'outils
juridiques adaptés aux réalités de l'an 2000. L'actuelle
modestie de la surface d'intervention de la commission d'accès fera
très certainement figure de peau de chagrin lorsque le
libre-échange informatique s'étendra à l'ensemble de
l'Amérique, si la protection des renseignements personnels devait
être laissée aux initiatives seules de l'entreprise privée
en situation de concurrence farouche dans ce nouveau contexte.
Il faut donc qu'on donne aux décisions de la commission un
caractère judiciaire qui permette aux résidents
québécois de faire exécuter une décision qu'ils
auraient obtenue, de la faire exécuter à l'extérieur du
Québec si le contrevenant a décidé d'élire domicile
pour quelque raison que ce soit au Canada ou aux États-Unis.
Il s'agit d'une condition nécessaire pour sortir la commission
d'accès du carcan de la territorialité des lois. Dans ce sens, la
recommandation de l'homologation de décisions de la commission par la
Cour supérieure est donc le prérequis nécessaire pour
proposer que la Commission d'accès à l'information soit
habilitée à négocier des ententes d'exécution
réciproque de ses décisions avec des institutions semblables qui
existent dans d'autres provinces du Canada ou dans des États des
États-Unis. Ces ententes d'exécution réciproque, à
l'image de celles existant déjà en matière de pensions
alimentaires, deviennent l'outil minimal si l'on souhaite que la Loi sur
l'accès à l'information maintienne et développe un
caractère prépondérant que les rédacteurs du
rapport semblent lui proposer.
En conclusion, M. le Président, Je pense que de ne pas poser
immédiatement ces gestes réduirait les pouvoirs de la commission
d'accès à sa partie congrue, c'est-à-dire aux seuls
organismes publics qui utilisent déjà les renseignements de
nature personnelle des résidents québécois. Ce serait, en
même temps, arrêter en cours de route un heureux et bienfaisant
processus de démocratisation des moeurs administratives et politiques au
Québec, processus qui a été amorcé lors de la
première adoption de la loi sur l'accès à l'information.
Cet arrêt serait d'autant plus brusque que la situation commandera
justement que cette démocratisation soit élargie pour amener les
entreprises privées à développer pour elles-mêmes un
nouveau civisme corporatif. Si la loi sur la protection des consommateurs et
les réformes proposées au Code civil prévoient la
possibilité pour un citoyen d'avoir accès au dossier de
crédit ou autre le concernant, il n'y a aucune disposition
législative qui protège le citoyen contre l'utilisation abusive
et contraire au droit à la vie privée des renseignements de
nature personnelle.
Je pense que, dans ce contexte, il importe que le législateur
assume la responsabilité et qu'il développe pour lui-même
l'éthique de la responsabilité, celle du droit nécessaire,
du droit de répondre publiquement des conséquences
prévisibles de ces actes et de ces omissions. Et je pense que le
débat est tout à fait à point pour ce genre de
commission.
M. le Président, je vous remercie, je suis à votre
disposition.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. L'Anglais. Compte tenu
de ce que je vous ai dit, je vais reconnaître immédiatement M. le
député de Taillon et, ensuite, M. le ministre des Communications.
S'il nous reste d'autres questions, j'irai à mon tour.
Alors, M. le député de Taillon.
M. Filion: Oui, M. L'Anglais, je vous félicite pour votre
réflexion qui porte presque exclusivement sur tout le secteur ou la
problématique de l'assujettissement des organismes privés
à une certaine loi qui dépasserait ce qui existe
maintenant, qui est bien peu. Or c'est une réflexion, je dois vous dire,
qui rejoint en termes de diagnostic ce que j'ai véhiculé, en tout
cas, dans cette commission depuis trois jours. En ce qui regarde ta solution,
je vous trouve timide un peu par exemple. Vous posez bien le problème,
vous décrivez bien une perspective d'avenir où les citoyens
seront de plus en plus soumis au type de contrôle de données qu'on
a vu un petit peu plus tôt, ce matin, lorsqu'on a Interrogé
certains bureaux de crédit, où on a appris que les deux tiers des
citoyens du Québec, toute la population active à peu près,
est fichée, etc. Il y a des raisons pour lesquelles votre recommandation
est plutôt timide. Vous dites: Dans un premier temps, on devrait imposer
aux entreprises privées qui sont en périphérie
immédiate du domaine public québécois... Vous citez le cas
de la Mutuelle-Vie des fonctionnaires du Québec ou de la Caisse
populaire des fonctionnaires du Québec, qui, à juste titre, vous
le mentionnez, sont soumises dans leur travail professionnel quotidien à
la loi d'accès à ['information mais, en ce qui concerne l'aspect
clientèle de ces compagnies, il n'y a aucune protection valable, sauf,
évidemment, le droit de corriger le dossier qui existe
déjà.
Vous suggérez également, dans un deuxième temps,
que le Québec soit l'hôte de conférences, d'études,
etc. Sur ce dernier point, je vous réfère aux excellents
mémoires qui ont été déposés ici à
cette commission par, notamment, le Groupe de recherche informatique et de
droit, le GRID - le mémoire GM - la Ligue des droits et libertés,
l'Association des consommateurs et les chercheurs de l'Université du
Québec, je pense. Bref, il y a eu des mémoires qui ont assez bien
défini ce qui a pu se faire au Québec et qui ont également
fait une étude du problème de la circulation
transfrontalière des données informatiques.
Je reviens quand même au premier point. Pourquoi cette modestie
dans la solution alors qu'au niveau du diagnostic je dois vous dire que votre
appréciation m'apparaît, personnellement, très
rigoureuse?
M. L'Anglais: Je pense qu'il y a juste apparence de modestie, de
la façon suivante: c'est que, dans un premier temps, commençons
par assujettir un certain nombre d'entreprises en périphérie
immédiate, de façon que le message soit très clair sur
l'assujettissement futur de ce secteur de l'entreprise privée. Afin que
le message soit plus clairement perçu, organisons un certain nombre de
conférences au niveau international, avec l'obligation que l'entreprise
se commette dans la rédaction de son propre code de déontologie,
surveillée en cela par le législateur; que la démarche
soit systématique et qu'elle ait pour aboutissement final
l'assujettissement de l'entreprise privée à ces dispositions de
la loi mais sans nécessairement tout bous- culer. L'approche est
probablement modeste, mais le résultat est tout à fait.. Je suis
parfaitement conscient du résultat recherché.
M. Filion: Sur les codes de déontologie, je vous avoue ma
déception. On a eu l'occasion, hier avec les assureurs, aujourd'hui avec
les bureaux de crédit... Non pas que je ne croie pas à une forme
d'autoréglementation, cela va de soi. C'est la conférence des
recteurs, en 1972, qui avait émis des principes directeurs bien avant
l'adoption de la loi sur l'accès à l'Information. Dans certains
cas, cela porte fruits, mais dans d'autres cas, c'est drôlement
rachitique comme directives.
En terminant, parce que je veux laisser la parole à M. le
ministre des Communications, en terminant, je vous remercie. C'est une
réflexion qui est très articulée. Vous faites appel,
à deux reprises, à des philosophes allemands, mais votre analyse
retient une des qualités des philosophes allemands, c'est-à-dire
la rigueur. Et la logique également. Et la cohérence. Je vous en
remercie.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Taillon. M. le ministre des Communications.
M. French: Je veux à mon tour remercier M. L'Anglais pour
son Intéressante analyse en tant que suite d'une expérience
personnelle surprenante, si j'ai bien compris.
Il y a beaucoup de questions que j'aimerais poser, mais je retiens
d'abord l'importance, dans l'esprit de M. L'Anglais, d'une collaboration
intergouvernementale pour traiter efficacement ce problème; ou, en tout
cas, la prémisse selon laquelle l'Assemblée nationale peut
légiférer pour le territoire du Québec, mais que, compte
tenu de la situation technologique dans laquelle, déjà, les
renseignements personnels s'écoulent dans le pays, pour ne pas dire le
continent, une loi québécoise risquerait d'être plus un
voeu pieux qu'autre chose, à moins d'être accompagnée d'une
collaboration extra-territoriale. Est-ce que j'ai bien compris l'essentiel du
message? (12 h 30)
M. L'Anglais: Effectivement, M. le ministre, Je pense que cela
rejoint, en ce sens, la question que vous avez posée, un peu plus
tôt ce matin, à l'entreprise qui a fait des représentations
ici. Si on n'a pas la capacité d'harmoniser, dans tout le Canada, les
commissions qui existent dans d'autres provinces ou dans d'autres États
de façon à élever à un certain niveau l'Importance
des travaux de ces commissions, je pense qu'il y a un outil qui peut permettre
d'atteindre cela. Ce sont les ententes d'exécution réciproques
interprovinciales ou inter-étatiques, qui vont permettre de donner un
caractère judiciaire à ces décisions de commission,
où qu'elles soient rendues, et qui vont effectivement démontrer
le sérieux et la volonté du législateur de donner des
droits au citoyen pour la protection de ceux-ci.
M. French: Très rapidement, je vous fais un commentaire
auquel vous pouvez répondre ou non. Cela ne s'adresse pas à vous
en tant que tel, M. L'Anglais, mais je pense que la courroie de transmission et
la négociation Intergouvernementale devraient être faites par les
ministres responsables de la protection du consommateur plutôt que par
les ministres responsables de l'accès aux documents publics et de la
protection , de la vie privée des gens. Il ne faudrait pas imaginer que
le seul outil possible pour s'attaquer au problème que vous soulevez
ici, à bon droit et de façon intéressante et importante,
est nécessairement la commission d'accès aux documents publics et
de protection des renseignements privés, même si
l'expérience d'un tel organisme pourrait s'avérer valable
ailleurs. Il y a un endroit dans votre présentation où ne pas
poser un certain geste serait de réduire les pouvoirs de la commission.
Écoutez, la commission a été conçue pour les fins
pour lesquelles elle fonctionne. Elle n'a pas été conçue
d'aucune espèce de manière pour le secteur privé. Donc, il
ne s'agit pas de réduire les pouvoirs que personne n'avait
imaginé que la commission devait avoir il y a cinq ans. Ceci
n'enlève rien à votre argument de fond sur la
nécessité de réglementer ou de s'attaquer à un
certain problème public dont vous faites état de façon
convaincante. C'est simplement pour dire que les outils et les moyens pour le
faire, ce n'est pas tout à fait évident que c'est
nécessairement la commission. C'est clair qu'à l'intérieur
de l'actuel gouvernement du Québec, je n'ai pas ce mandat, soit dit en
passant, simplement pour votre information, et pas pour nier ma
responsabilité en tant que membre du gouvernement. Personnellement, je
ne suis pas le ministre responsable de ce problème. C'est le ministre de
la Justice en tant que ministre responsable de la Protection du
consommateur.
M. L'Anglais: Si vous me permettez, M. le ministre, une nuance
dans le commentaire que j'ai formulé. Il ne s'agirait pas, s'il n'y
avait pas de geste posé, d'une réduction des pouvoirs, mais, par
phénomène d'accroissement du nombre d'entreprises et par
phénomène d'accroissement territorial, il y aurait
forcément une diminution relative de la capacité d'intervention
de la commission. Ce n'est pas une diminution réelle et juridique ou
législative des pouvoirs de la commission. C'est simplement la position
relative dans laquelle se trouverait la commission à la suite des
accords de libre-échange pour faire en sorte que ce soit une diminution
relative de ses pouvoirs.
M. French: Précisément à propos de l'accord
de libre-échange, j'ai lu la partie de t'annexe que vous nous offrez en
guise d'appui à votre argument selon lequel l'accord aggrave la
situation. Les échanges de services, le libre-échange dans le
marché des services vous paraît, semble- t-il, augmenter de
façon importante les dangers que le citoyen se trouve dans une situation
où les renseignements sur lui et les renseignements incomplets ou
erronés pourraient être utilisés à son
désavantage, à son insu. J'aimerais savoir plus en détail,
de façon plus précise, de quelle manière l'entente de
libre-échange, si jamais elle est acceptée, créerait ce
problème. Il y a déjà le problème des flux de
données transfrontalières. En quoi l'accord va-t-it augmenter
cela?
M. L'Anglais: La nature du problème que je perçois
n'est pas tellement l'augmentation des flux ou l'augmentation des
données personnelles qui seraient consignées. La perception que
j'ai du problème, c'est qu'on va éloigner le citoyen
québécois de la capacité d'intervenir pour qu'il puisse y
avoir des corrections ou qu'il puisse exercer des droits parce qu'à ce
moment-là le contrevenant ou l'utilisateur de cette banque de
données se retrouvera à New York ou à Los Angeles Cela
veut dire qu'on ne pourra pas se réclamer de droits auxquels on aura
été habitués ici au Québec pour amener une
entreprise qui pourrait gérer certaines banques de données
québécoises à accepter la philosophie proprement
québécoise de cette société distincte que
représente le Québec dans cette circonstance.
M. French: M. L'Anglais, je comprends le diagnostic, mais je vous
dis que le diagnostic reste encore à un niveau assez
général. Qu'est-ce qui empêche, actuellement, les banques
de données américaines d'être pertinentes pour la
décision d'une entreprise québécoise ou une banque ou un
service financier ou un employeur d'utiliser les données d'une banque
américaine ou, pour autant dire européenne ou asiatique, au
désavantage d'un Québécois?
M. L'Anglais: Je ne peux absolument pas répondre à
cette question. Cependant, ce que je peux faire, M. le ministre, c'est que j'ai
un malaise évident de savoir que des données médicales me
concernant se retrouvent à Boston et peuvent être
sollicitées par n'importe quelle entreprise, n'importe quel individu.
Mon malaise est là. Il n'est pas dans les applications mauvaises ou de
mauvaise foi qui peuvent résulter de cela. Le simple fait de savoir que
mes intimités personnelles ont été expatriées et se
retrouvent à Boston, il y a quelque chose de malsain.
M. French: Cela, je le comprends, M. L'Anglais, et je pense que
c'est très légitime de nous faire part de cette
préoccupation. Je suis content que vous l'ayez fait Ce que j'essaie de
vous amener à voir, c'est que l'entente ne changerait pas grand-chose
dans cette situation de fait.
M. L'Anglais: C'est-à-dire que j'ai soulevé
la question de rentabilité des coûts de gestion des banques
de données, il est évident que ceux qui se spécialisent
dans ce type de gestion de banques de données peuvent se retrouver aux
États-Unis pour question de simple rendement des coûts. En ce
sens, il y aurait une augmentation des flux et probablement une concentration
des données personnelles à l'intérieur d'une ou de
quelques grandes entreprises qui auront développé t'expertise.
Cette banque pourrait être à Montréal plutôt
qu'à New York, dépendant de la rentabilité des coûts
de gestion de cette entreprise. Mais elle offre la possibilité qu'une
entreprise comme celle-là s'installe à New York plutôt
qu'à Montréal.
M. French: À votre avis, l'entente de libre-échange
offre-t-elle une possibilité plus grande qu'il y aurait une
rationalisation au niveau continental des banques de données?
M. L'Anglais: C'est un fait déterminant. L'accord de
libre-échange va obliger toutes les entreprises à s'aligner sur
l'entreprise dont le coût de revient est moindre, pour être en
situation de concurrence.
M. French: Ce serait vrai si on produisait des cannettes de
"bines", mais cela n'est pas aussi clair, me semble-t-il, dans un marché
de consommation qui est définissable comme en Ontario, au Québec
et dans les Maritimes ou ailleurs. Si vous vous promenez au niveau continental,
vous, à cause de l'entente de libre-échange, vous avez plusieurs
résidences, etc., là, il deviendrait intéressant de
rationaliser cela au niveau continental. Il n'y a rien dans l'entente qui nous
amène à croire qu'il y aura un changement dans les conditions de
concurrence entre les compagnies de services en données sur les
individus qui rendraient la situation pire qu'elle pourrait l'être
aujourd'hui. C'est ce que j'essaie de vous dire. On pourrait en débattre
longtemps.
M. L'Anglais: Je suis sensible à ce que vous dites, M. le
ministre. Il n'y a rien qui le dit et, inversement, il n'y a rien non plus qui
offre cette possibilité.
M. French: Cela m'amène à la deuxième
question - je dois partir - que je veux aborder brièvement avec vous.
C'est toute cette préoccupation d'extra-territorialité et la
possibilité que l'Assemblée nationale puisse dire aux
utilisateurs potentiels québécois: L'information, si elle ne
vient pas du Québec, vous ne pouvez pas l'utiliser au Québec. Je
veux bien dire qu'on peut adopter la loi, est-ce qu'on peut la mettre en
vigueur de façon sérieuse? Est-ce qu'on peut prétendre
sérieusement être capable de dire au monde: Écoutez, fermez
vos oreilles, ne regardez pas la documentation et les informations qui viennent
de l'extérieur du Québec? Je ne veux pas dire qu'on ne peut rien
faire, ce que je vous dis, c'est que je partage encore avec vous la
nécessité d'une action qui va au-delà du
Québec.
M. L'Anglais: L'idée n'est pas d'empêcher - et je
pense que ce serait contraire à une certaine philosophie ici sur le
continent nord-américain - ou d'interdire ce genre de chose. Ce qu'il
convient de policer ou de discipliner, ce sont les utilisations qui seraient
faites de données provenant de résidents québécois.
Dans cela, certains outils juridiques peuvent le permettre, notamment la
capacité de demander l'exécution d'une décision de la
commission dans une autre province ou dans un autre État, ce n'est pas
d'empêcher la circulation, c'est d'en discipliner les effets.
M. French: Je ne suis pas expert en matière juridique,
mais de rendre la décision de la commission exécutoire à
l'extérieur du Québec m'apparaît un problème
juridique assez Intéressant et assez grand.
M. L'Anglais: D'où l'importance de la
négociation.
M. French: Oui, mais encore une fois c'est clair, en tout cas
pour mol. Si les gouvernements des territoires dans lequel pourrait
potentiellement être active la banque de données en question ne
sont pas tous d'accord, il me semble clair que, technologiquement, on est
complètement impuissant devant cette situation. Je reconnais qu'en
disant ça je nous donne collectivement un gros contrat, mais je pense
que c'est la seule façon réaliste d'envisager la chose.
Mais encore une fois, je ne parie pas comme ministre responsable pour le
gouvernement du Québec, je fais une discussion en commission
parlementaire avec un témoin averti. Je n'exprime pas la politique du
gouvernement du Québec. J'exprime mes propres réactions face
à ce problème qui me semble réel, mais il ne faudrait pas
aller modestement aux moyens nécessaires pour le régler. On va
cracher du champagne, on va le cracher dans le vent et iI va revenir dans notre
visage et on sera plus mouillé que soulagé.
Le Président (M. Trudel): On va en avoir deux fois pour le
prix d'une fois.
M. French: Merci beaucoup, M. L'Anglais.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. te ministre. Alors,
évidemment nous vous excusons. Nous vous souhaitons une bonne fin de
journée.
M. L'Anglais, deux courtes questions. Je vous remercie d'abord de
m'avolr aussi retourné à Max Weber que j'ai eu le plaisir
d'étudier il y a trop longtemps pour que j'élabore longuement
là-dessus. Il y a d'ailleurs plus de 20 ans. Et comme le
député de Taillon le disait, concernant
la rigueur du philosophe allemand, je pense que vous avez bien
démontré la même dans votre mémoire à la
suite d'une expérience personnelle.
Deuxième remarque avant de vous poser une question. Je partage un
peu l'idée du ministre, donc un léger désaccord avec vous
sur les conséquences du libre-échange, et cela pour deux raisons.
La première, c'est que je ne vois pas vraiment en quoi ça change
beaucoup de choses par rapport a ce qu'on a et selon toutes les études
que j'ai faites. J'ai eu la chance, oui je le dis bien la chance, de faire
partie du comité consultatif auprès du ministre MacDonald pendant
plus de deux ans. Ce comité consultatif était composé des
représentants de plusieurs industries au Québec, dans le
commerce, dans les services et il y avait deux députés qui
représentaient le caucus des députés libéraux du
Québec. On a vraiment étudié avec chacun des groupes et
chacun des individus, pas chacun, mais quelques individus bien sûr, les
conséquences. Et jamais, peut-être par manque
d'intérêt, jamais cette question-là n'est venue sur le
tapis à la table de discussion pendant deux ans. En relisant votre
annexe, ça m'a rappelé des choses que j'avais déjà
vues. Je n'ai pas retrouvé là non plus une différence
vraiment fondamentale. Le ministre le disait tantôt, qu'est-ce que c'est
la différence?
Vous parliez... Et je vous comprends parfaitement, je n'aime pas mieux
ça. Et j'ai certaines expériences, moi aussi, compte tenu des
petits accidents de parcours qui me sont arrivés dans ma vie
jusqu'à maintenant. Je ne dis pas dans ma carrière politique
encore, je parle de ma vie. J'ai eu certaines expériences avec des
compagnies d'assurances et je n'aime pas plus que vous l'idée de voir
mon dossier médical être accessible relativement facilement, pour
ne pas dire très facilement, à à peu près qui que
ce soit à I'extérieur du pays. Pour faire une blague qui est
peut-être déplacée, j'aurais moins d'objection à
avoir accès rapidement à mon dossier à la clinique Mayo
à Rochester que, je ne sais pas moi, ailleurs.
Deux questions, la première concerne les codes de
déontologie. Pour exactement les raisons citées par le
député de Taillon, je n'accorde pas - mais j'aimerais vous
entendre là-dessus - la même, est-ce que j'oserais employer le
mot, crédibilité, oui, la même importance, la même
force aux codes de déontologie privés. On a été
appelés, comme le disait le député de Taillon
tantôt, à en examiner deux. On a demandé des renseignements
qu'on doit nous fournir sur un troisième. Je vous avoue que c'est assez
limité. Sans mettre en aucune façon en jeu la bonne foi des
groupes et des organismes qui ont fait ces codes de déontologie, je me
dis que ça reste limité comme protection. C'est un, j'allais dire
un ramassis, le mot est vraiment trop fort, mais je vais le dire quand
même, de bonnes intentions et ça s'arrête là.
Donc, première question, pouvez-vous parler un petit peu sur les
codes de déontologie? Je vous avertis tout de suite que ma
deuxième question portera sur l'imposition aux entreprises
privées dans la périphérie immédiate du domaine
public québécois d'être assujetties à la loi
d'accès à l'information. (12 h 45)
M. L'Anglais: M le Président, concernant le code de
déontologie, je pense avoir été suffisamment clair dans
mon mémoire et dans mon texte. II ne s'agit pas de laisser cela à
l'initiative du secteur privé. L'État doit intervenir
énergiquement pour imposer à l'entreprise privée un code
de déontologie à la rédaction duquel I'entreprise aura
été associée. Je pense que, sous cet aspect, vos
préoccupations rejoignent les miennes ou l'inverse et, si on laisse cela
à l'entreprise privée, cela va donner les résultats que
vous soulignez.
Le Président (M Trudel): D'accord vous citez bien.
Étant occupé à prendre la note en disant Re: celui des
assureurs, celui d'Equifax de ce matin, effectivement, vous dites bien imposer
auquel I'entreprise privée sera évidemment - et c'est tout
à fait normal - appelée à participer. Bon, d'accord pour
cela. En page 4, là, cela me crée des problèmes,
peut-être pas d'ordre existentiel - à cette heure-là, en
tout cas, rarement, à 12 h 45 - mais d'ordre juridique et je ne veux pas
vous entraîner dans une discussion juridique comme je le dis depuis le
début de cette commission. J'ai une formation juridique, mais je n'ai
pratiqué que pendant trois mois. Je m'engage donc toujours sur un
terrain très très glissant. Je vais lire votre texte pour ensuite
vous faire une remarque et attendre vos commentaires sur cette remarque.
Pour ouvrir ce débat, écrivez-vous, je propose que, dans
un premier temps, le législateur impose aux entreprises privées
en périphérie immédiate du domaine public
québécois - vous citez, La Mutuelle, la Caisse populaire des
fonctionnaires du Québec - leur assujettissement aux actuelles
dispositions de la loi sur I'accès à l'information concernant la
protection des renseignements personnels. Première question que je me
pose et j'ai un gros point d'interrogation: problème juridique au
minimum. Je ne vois pas de quelle façon - si le député de
Taillon était ici, il pourrait peut-être m'aider - on pourrait
assujettir des organismes privés et les transformer, même pour les
fins d une loi, en organismes publics. Pour le moment, tant qu'on parle de la
loi actuelle, on ne traite que des organismes publics. Peut-être que, si
on ouvrait sur I'entreprise privée, là il y aurait très
certainement moyen, et je ne mets jamais en doute la subtilité des
avocats pour raccorder toutes les ficelles qui doivent l'être Donc, dans
le cadre actuel, je ne vois vraiment pas de solution juridique à la
suggestion que vous nous faites
D autre part, dans l'état actuel des lois, on
pourrait dire: II y a deux poids deux mesures. Vous pariez de la Caisse
populaire des fonctionnaires du Québec, qui fait partie du réseau
Desjardins et tout ça. Vous savez, c'est presque le syndrome "moi, mais
pas les autres, les autres, mais pas moi". Pourquoi assujettir juste une
caisse? Évidemment, il y a toujours des moyens de pression indirects en
disant: Vous faites cela ou bien vous disparaissez et, comme cette caisse a
beaucoup de sociétaires et de clients parmi les fonctionnaires, idem
pour la Mutuelle-Vie, il y aurait là un moyen de pression jusqu'à
un certain point. Sauf qu'encore là, sur le plan juridique, je vois mal
comment on peut y arriver. Est-ce que cela ne donnerait pas deux poids deux
mesures? C'est intéressant comme ouverture, mais, à
première vue, cela semble poser des problèmes importants.
M. L'Anglais: Je note, M. le Président, qu'au moment
où j'ai rédigé cela, j'avais aussi beaucoup de
réticences. Je voyais la discrimination poindre à l'horizon.
Cependant, j'ai fait la réflexion suivante. Du fait que ces entreprises
sont étroitement, pour ne pas dire intimement, liées à
l'appareil public, il y a certainement, par phénomène d'osmose ou
de symbiose, un apparentement évident à la question d'organismes
publics. C'était sous ce rapport que j'ai fait ce genre de
recommandation. Si une entreprise est inscrite au bottin
téléphonique du gouvernement, utilise son réseau de
communications, a accès à tous ses bureaux, a accès
à tous les services de nature gouvernementale et qu'elle peut
bénéficier des avantages de l'entreprise privée sans avoir
les inconvénients des organismes publics, c'est sous ce rapport. C'est
ténu, effectivement. Je suis sensible à l'aspect discriminatoire
de l'approche. Mais des gens ou des entreprises qui font leur chiffre
d'affaires à même cette approche extrêmement étroite
des organismes publics devraient au moins au minimum donner, pour leur branche
d'activité, l'image et prendre l'initiative d'accepter qu'un certain
nombre de mesures de nature gouvernementale puissent avoir des effets positifs
sur l'ensemble de leur secteur d'activité.
Le Président (M. Trudel): Très bien. Je vous
remercie des précisions que vous m'apportez. Je crois comprendre que mes
collègues n'ont pas de questions à vous poser. Je vous remercie,
M. L'Anglais, d'abord, pour un rapport très bien fait, fort bien
écrit, je dois le souligner. Ayant fait une carrière dans
l'édition, c'est toujours une chose que j'apprécie. C'est un
rapport très bien articulé de même que votre intervention
aujourd'hui. On voit que vous vous Intéressez de près à
cette question et que, à partir d'une expérience personnelle,
vous avez réfléchi. Ce sont des témoignages comme le
vôtre dont nous avions besoin en plus, bien sûr, de ceux que
j'appelle les praticiens de la loi parce qu'il y en a quelques-uns, tant du
côté des organisations que du côté des individus.
Je vous remercie d'avoir présenté un mémoire et de
vous être présenté ce matin pour le défendre et
l'expliciter. J'espère, quant à moi, avoir l'occasion de
rediscuter de ces choses soit en privé ou publiquement à
l'occasion d'une autre commission avec vous, un de ces jours. Merci
beaucoup.
M. L'Anglais: M. le Président, c'est moi qui vous
remercie.
Le Président (M. Trudel): Comme il est 12 h 50,
j'inviterais notre dernier Invité à se présenter à
la table devant moi. Il s'agit de M. Jean-Claude Boucher qui est
carrément un praticien. Quand je dis un praticien, je ne veux pas
être mal interprété. Cela n'a aucun sens péjoratif.
Je remercie M. Boucher pour sa patience à nous écouter sur son
répondeur. M, Boucher a été déplacé à
quelques reprises dans notre horaire. Je pense qu'à l'origine, cela
devait être mardi; après cela, cela a été remis
à mercredi. Cela devait être cet après-midi. Comme il nous
fallait terminer un peu plus tôt aujourd'hui... Bref, Mme la
secrétaire, Mme Tanguay, me dit qu'on a dû laisser une
demi-douzaine de messages sur le répondeur de M. Boucher, sans compter
un ou deux télégrammes. En tout cas, M. Boucher savait qu'on
avait besoin de lui plus rapidement que prévu.
Alors, M. Boucher, tout en vous souhaitant la bienvenue, je vous
remercie de votre patience à nous écouter sur votre
répondeur et je vous offre nos excuses si on a été un peu
harcelants dans cette entreprise, mais votre témoignage de praticien
nous était très important et, comme vous représentiez
notre dernier témoin, on s'est dit: II faut absolument qu'on puisse
l'interroger à loisir. Tout comme vous, je regrette pour la commission,
tout en les comprenant fort bien, l'absence de M. le ministre et de M. le
député de Taillon qui auraient, eux aussi, souhaité
pouvoir vous interroger, mais des conflits d'horaires, comme pour tout le
monde, les en ont empêchés. Je vous prie de les en excuser encore
une fois et je vous cède la parole pour nous exposer votre
mémoire.
Vous nous aviez envoyé une lettre qui était assez
explicite et vous nous déposez ce matin un mémoire. Je vous
laisse, à l'intérieur des limites du raisonnable, soit à
peu près 15 minutes dans le cas d'un individu, le temps qu'il faut pour
nous exposer vos idées et, par la suite, mes collègues du
côté ministériel et moi vous poserons des questions.
Cela me rappelle - vous n'étiez pas ici hier et je vais
répéter ce que je disais hier - quand il manque une opposition
comme cela, cela me rappelle un peu la situation au Nouveau-Brunswick et je me
dis que les parlementaires au Nouveau-Brunswlck doivent être un peu mal
pris sans opposition. J'ai presque envie de demander au député
d'Arthabaska, qui m'a indiqué son
intention de vous poser des questions, d'aller s'asseoir là. Cela
équilibrerait les choses, mais il veut rester à sa place. Alors,
M. Boucher, allez-y.
M. Jean-Claude Boucher
M. Boucher (Jean-Claude): Je vous remercie, M. le
Président. Je remercie également la commission d'accepter de me
recevoir en tant que simple citoyen.
Si vous le permettez, d'abord, le mémoire que j'ai
déposé est plutôt un aide-mémoire parce que j'ai
été avisé des dates de la commission très
tardivement et je suis ensuite parti à l'extérieur pour quatre
jours. J'ai donc rédigé un très court mémoire. Ce
que j'avais l'intention de faire, c'est expliquer un peu les expériences
que ]'ai vécues avec la commission d'accès et, de là, si
vous voulez poser des questions sur ce qui en ressort, je serais d'accord.
Tout d'abord, j'ai été amené à faire des
requêtes pour obtenir des documents de l'Office du crédit
agricole, en 1984, parce que notre groupe avait été invité
à comparaître devant une commission parlementaire. Cela nous a
amenés à faire affaire avec la commission d'accès. Dans un
premier temps, on a obtenu des documents de l'Office du crédit agricole.
C'étaient des dossiers absolument incomplets, sans ordre, etc. On a, par
la suite, fait individuellement appel à la commission d'accès
pour tenter d'obtenir le reste des documents. Personnellement, j'ai agi comme
représentant dans une quinzaine de dossiers, soit jusqu'à ce que
l'Office du crédit agricole fasse une objection formelle en fonction de
la Loi sur le Barreau.
Tout cela a amené, je pense, à faire
énormément de jurisprudence en ce qui concerne, en tout cas, les
choses qui touchaient l'Office du crédit agricole. Quand on lit les
rapports de la commission d'accès, je retrouve des tas de dossiers dans
lesquels on l'a amenée à prendre des décisions.
Personnellement aussi, j'ai fait des demandes d'accès à l'Office
du crédit agricole pour avoir des dossiers d'administration. J'ai fait
des demandes d'accès au ministère de l'Agriculture pour les
mêmes raisons. Donc, j'ai été relativement souvent devant
la commission d'accès. A partir de là, je pense que j'ai une
expérience pratique de ce qui se passe généralement.
J'entendais tantôt les autres intervenants parler des délais
administratifs, de toute cette chose-là. C'est le point que je voudrais
souligner, qui me paraît le plus important.
Actuellement, il y a évidemment déjà un
délai qui me semble être utilisé systématiquement
par les organismes, en tout cas, les organismes avec qui j'ai fait affaire,
soit le délai de 20 jours, avec un délai additionnel de 10 jours.
Mon expérience a démontré que le délai additionnel
de 10 jours était utilisé 95 % des fois, même s'il s'agit
d'un seul document, d'un feuillet ou de n'importe quoi. On dit - la
réponse est d'ailleurs faite avec un traitement de texte: étant
donné qu'on travaille tellement fort, on ne peut pas vous rendre vos
documents dans 20 jours et on prend 30 jours. Je trouve que 20 jours,
déjà - je vais revenir aux raisons pour lesquelles je
débats si fort la question des délais - cela me paraît,
dans des conditions normales, un délai correct pour trouver un document,
le photocopier et le mettre dans le courrier. Je pense que la question du
délai de 10 jours devrait être extrêmement restrictive. Il
faut avoir une raison particulière pour utiliser le délai de 10
jours supplémentaires. C'est ma suggestion.
Quant aux délais de la commission d'accès, ils sont en
général raisonnables quand on n'utilise pas d'avocat. Là,
ce n'est évidemment pas la faute de la commission d'accès si les
procureurs n'arrivent pas à s'entendre sur une date pour
comparaître devant la commission d'accès, ce qui fait que les
délais sont beaucoup plus longs. C'est l'expérience que j'ai eue.
On arrivait à avoir une audience à la commission d'accès
extrêmement rapidement, jusqu'à ce qu'on ait besoin d'utiliser des
avocats. A partir de là, les avocats ne s'entendent pas sur les dates,
l'après-midi ne va pas, il faudrait que ce soit... En tout cas.
Mais le délai qui est extrêmement grave, c'est le
délai d'appel. Quand on fait une demande d'accès pour obtenir des
documents, il faut bien comprendre que ces documents-là, en
général, vieillissent très vite. C'est-à-dire qu'on
veut avoir une information et on la veut maintenant. Obtenir la même
information dans trois ans, cela n'a plus aucune valeur dans
énormément de cas. On arrive avec le problème de
l'appel.
Moi, l'expérience que j'ai eue, c'est que l'Office du
crédit agricole a fait systématiquement appel dans tous les
dossiers et il y a énormément de dossiers qui sont encore en
appel sur des points de droit qui ont déjà été
décidés par la Cour provinciale, notamment dans mon dossier
personnel. Je vais vous donner une idée des délais d'appel que
nous avons supportés. J'ai fait une demande d'accès à
l'information en septembre 1984 et le jugement de la Cour d'appel a
été rendu en juin 1987. J'ai été le plus rapide du
groupe parce que j'ai poussé très fort pour que cela aille
très vite. Les autres dossiers des gens qui ont fait des demandes
d'accès à peu près en même temps que moi sont encore
en attente quelque part, entre ici et nulle part. Donc, on parle d'un
délai d'entre 18 mois et deux ans devant la Cour provinciale et ce
délai me semble, dans un cas comme une demande d'accès à
des documents, très excessif.
J'admets que le droit d'appel est un droit incontestable. Il n'y a pas
de discussion. Mais quand ce droit d'appel est fait sur des points qui ont
déjà été jugés, pour lesquels il existe
déjà une jurisprudence de la Cour d'appel, il devrait y avoir une
façon de procéder différente de cela. Ce que je dis dans
mon mémoire, c'est que les décisions de la commission pourraient
être sans appel, en ce qui a trait à la question de fait.
Parce que, de toute façon, quand on va en Cour d'appel, la Cour
d'appel ne peut pas juger des questions de fait. Donc, on s'en va juger des
questions de droit. Les questions de droit, après une assez longue
existence maintenant, ont en grande partie été
décidés par la Cour provinciale. Il resterait simplement,
à ce moment-là, des questions de compétence de fa
commission qui pourraient être soulevées. Mais ces
questions-là pourraient être soulevées par bref
d'évocation en Cour supérieure, par exemple, ce qui est beaucoup
plus rapide. (13 heures)
L'autre suggestion qui pourrait être faite, admettant qu'on laisse
les décisions de la commission d'accès appelables, est qu'on
pourrait installer à l'intérieur de la loi statutaire une
façon pour que l'appel puisse procéder par requête
plutôt que par action ordinaire. Ce qui est sans fin. Cela pourrait
être facilement jugé dans une cour de pratique par un seul juge.
Je ne vois pas la nécessité d'avoir trois juges de la Cour
provinciale pour juger d'une question de droit. C'est extrêmement
douloureux comme attente et, comme le soulignaient les autres groupes aussi,
c'est extrêmement douloureux financièrement.
Si on revient à l'aspect de la finance, on est face à un
problème extrêmement difficile parce qu'à la suite d'une
demande d'accès, évidemment, s'il faut faire appel devant la
commission d'accès, il faut normalement défrayer le coût
d'un avocat pour obtenir peut-être, au bout de tout cela, un document qui
n'a absolument aucune valeur, parce que si on connaissait le document, on ne le
demanderait pas. On demande un certain nombre de documents, puis on
s'aperçoit, au moment où ils sont rendus accessibles, que ce sont
des documents qui n'ont pas d'utilité ou qui en ont
énormément.
Pour les gens qui ont des revenus minimes, c'est un risque qui peut
devenir énorme et, à ce moment-là, je ne le suggère
pas mais je me pose la question à savoir si la commission d'accès
ne pourrait pas fonctionner en dehors de la Loi sur le Barreau, de façon
à laisser la chance à des individus qui ne s'expriment pas
très facilement, de pouvoir demander l'aide de quelqu'un de leurs amis
et aller devant la commission d'accès, puisque devant cette commission,
la charge de la preuve incombe à l'organisme public et non pas au
demandeur. Donc, c'est une procédure relativement simple pour le
demandeur devant la Commission d'accès à l'information et
d'ailleurs, dans le passé, les commissaires qui siègent ont
toujours tenté ou réussi à faciliter de beaucoup cette
procédure pour le demandeur d'accès.
On pourrait réfléchir sur cette question Je ne sais pas si
c'est une chose réalisable. Évidemment, dans mon cas, cela a
été réalisable jusqu'à ce que l'office fasse une
objection formelle. II y a beaucoup de jurisprudences utilisées
actuellement par la commission d'accès qui découlent des
représentations que j'ai faites face à l'Office du crédit
agricole.
Il y a d'autres petits points qui sont peut-être plus secondaires.
On s'est beaucoup enfargé, au cours de toutes ces procédures, sur
les avis, les recommandations et les analyses. J'ai vu, dans le rapport de la
commission, qu'on mentionnait cette chose et mon impression personnelle, c'est
que les avis, les recommandations et les analyses des fonctionnaires, quand ils
sont à l'Intérieur d'un dossier personnel, devraient être
connus du demandeur. Les fonctionnaires sont relativement bien payés et
bien traités à même les fonds publics et je ne vois pas
pourquoi ils auraient le privilège de l'incognito face à leurs
propres décisions. Finalement, le secteur public ne donne jamais ces
privilèges à ses employés. Quand tu travailles dans le
secteur publique, tu fais une recommandation, une analyse, tu en es
responsable. C'est peut-être une façon qu'on aurait indirectement
de donner une certaine fierté à ces employés, qu'ils
soient responsables de leur façon de travailler et des décisions
qu'ils prennent. Dans ce sens-là, ma recommandation est que les avis,
les recommandations et les analyses, pour un dossier personnel soient
accessibles. Pour des dossiers publics, c'est autre chose.
Évidemment, il y aurait énormément d'autres petits
points dont j'aimerais discuter et qui sont très secondaires,
mais...
Le Président (M. Trudel): Je vous remercie, M. Boucher. On
voit que votre expérience vous sert bien. Votre mémoire touche un
point fondamental dont on a discuté souvent depuis le début des
travaux de cette commission mardi matin, c'est, si je peux employer le terme,
la dénaturation. Si ce n'est pas un mot, on va l'inventer. Cela en fait
un de plus à mettre dans le Larousse. De toute façon, il y en a
assez qui nous surprennent qu'un de plus ou de moins C'est le fait de
dénaturer l'objectif de la loi. Cette loi-là, le ministre le
rappelait au cours des deux derniers jours, le député de Taillon
également, elle a été faite non pas pour les organismes,
mais pour les citoyens. Cela ne veut pas dire que les organismes n'ont pas de
droit, mais la personne visée, la personne qu'on veut aider, c'est
très clairement le citoyen, à deux niveaux: dans une
première étape, pour lui donner accès à des
documents des organismes publics et, deuxièmement, pour protéger
ses renseignements personnels, des renseignements qui le concernent.
Cette problématique se retrouve dans les 182 ou 183 articles de
la loi. C'est très clair. On assiste au cours des dernières
années, enfin, depuis trois ans sûrement maintenant et vous en
êtes à la fois un témoin et un acteur, à une
tentative de la part de certains organismes. Parce qu'il faut dire, et la
commission le reconnaît aussi dans son rapport, qu'il y a beaucoup
d'organismes, pour ne pas dire la plupart, qui ont bien accepté cette
loi-là et, dans ta mesure de leurs moyens, je veux dire avec plus ou
moins de bonheur selon les cas, collaborent correctement
avec la commission et avec le citoyen. Cependant, on est en face aussi
d'une série d'organismes qu'on ne mentionnera pas, mais qui sont bien
connus - quelques-uns, d'ailleurs, ont été mentionnés ici
au cours des deux derniers jours - qui, systématiquement, refusent de
collaborer et prennent tous les moyens à leur disposition et ces
moyens-là s'avèrent être légaux, ce qui va amener la
commission à réfléchir, bien sûr, sur une des
recommandations de la commission et de plusieurs groupes, sur la question du
droit d'appel. Si on ne l'enlève pas, comment peut-on le baliser? Si on
ne le balise pas, comment peut-on aider au moins le justiciable, le citoyen
à faire face aux coûts?
Il n'y a pas seulement les coûts, et vous le soulignez à
juste titre, iI n'y a pas seulement les coûts financiers,
monétaires, pécuniaires. II y a aussi les coûts en termes
de temps. Vous nous disiez tantôt fort justement: S'il faut attendre
trois ans pour obtenir un document, très souvent, le document n'a plus
la même valeur qu'au moment où on l'a réclamé, c'est
très juste à mon avis comme remarque. Donc, cette
question-là va faire l'objet d'une étude très
sérieuse de la commission. Il y a des groupes, comme je vous le disais
tantôt, qui nous ont dit: II faut enlever le droit d'appel D'autres nous
ont dit: II faut le maintenir avec plus ou moins de balises. D'autres ont dit:
II faut le maintenir, point final. Vous avez dit tantôt, et cela se
retrouve dans votre mémoire, sur le plan du principe à tout le
moins: Le droit d'appel reste important, cela reste une chose
nécessaire, mais essayons de le baliser.
Je ne veux pas, encore une fois, entrer dans une discussion d'ordre
juridique qui serait complexe et pour vous et pour mol, probablement moins pour
vous parce que, même si je suis un avocat qui n'a jamais pratiqué,
vous n'êtes pas un avocat mais vous avez presque pratiqué,
à un point tel que le Barreau est intervenu jusqu'à un certain
point. Je ne veux pas entrer dans une discussion qui nous amènerait
à dire: Le droit d'appel, c'est quelque chose de fondamental, le droit
d'appel peut être difficilement balisé. Vous parliez tantôt
des jugements rendus et qui vous semblent réglés. Je serais
tenté de vous dire que, pour le peu qu'il me reste de ma formation
juridique - on en sort, du droit, mais le droit sort moins rapidement de soi -
on va devant les tribunaux très souvent, même s'il y a une
jurisprudence, en se disant: Les faits de la cause sont peut-être un peu
différents. Et on essaie de prouver justement au juge que les faits de
la cause sont différents de façon qu'il n'applique pas la
jurisprudence. Donc, sur cela, je dis: Faisons attention.
Ceci étant dit, je suis le premier à reconnaître
que, quant au droit d'appel et à sa remise en question, on devrait
étudier cela de façon très approfondie et très
sérieuse.
Deuxièmement, comment peut-on obliger les organismes
récalcitrants à jouer la partie telle que le législateur
de 1982 l'a conçue et telle que le législateur éventuel de
1988 ou de 1989 - souhaitons que ce soft en 1988 - va la concevoir? Il y a
différents moyens. Il y a différents articles qu'on peut mettre
dans la lof, des clauses pénales, ces genres de choses-là.
Ce qui m'inquiète, c'est qu'au moment où on pense
déjà - et cela aussi, c'est une question qui devrait faire
l'objet d'une étude approfondie par la commission - à
étendre au secteur privé des prescriptions - et je suis assez
sympathique à cette idée - je trouve que cela apporte beaucoup de
problèmes et qu'il nous faut l'étudier sérieusement.
Est-ce que ce sera fait cette année? Je pense qu'il faut vraiment
étudier cette question-là. Au moment où on pense
déjà à étendre cela, on n'a pas encore
réglé le cas de certains organismes publics ou parapublics, des
organismes gouvernementaux. Je me dis, comme disait M. André Malraux,
"first thing first", commençons donc par régler les
problèmes. Cela n'exclut pas l'un, le fait d'étendre. Je pense
que s'il faut donner un effort dans une direction, ce sera pour trouver les
moyens pour que nos propres organismes gouvernementaux et paragouvernementaux
jouent le jeu de façon correcte. Je répète ce que j'ai dit
tantôt et je termine là-dessus, dans l'ensemble, cela a
été joué correctement. On a à faire face à
quelques récalcitrants qui, eux, vont prendre tous les moyens pour
rendre la vie du citoyen... Ce sont des questions de "Big brother". Vous avez
le simple citoyen qui pense avoir le droit, parce qu'il y a une loi de 182
articles qui dit: Vous avez le droit d'accès, et qui se ramasse devant
tout un appareil paragouvernemental. Et, vous l'avez souligné
vous-même tantôt, vous étiez le troisième,
quatrième ou cinquième à le souligner, ces gens-là
vont se défendre avec la dernière énergie à
même les fonds publics, alors qu'on oblige le citoyen, beaucoup moins
fortuné, à s'engager des avocats, etc
Là-dessus, tout simplement pour vous dire que, dans l'ensemble,
ce que vous nous écrivez et ce que vous venez de nous décrire,
pour prendre une vieille expression - oui, M. le député, je vais
vous céder la parole - sonne une cloche sympathique chez moi et chez la
plupart de mes collègues pour ne pas dire l'ensemble de mes
collègues. Pour vous le prouver, je vais céder la parole à
M. le député d'Arthabaska. Si mes commentaires en appellent
d'autres, vous pouvez peut-être en faire...
M. Boucher: Oui, si vous...
Le Président (M. Trudel): Oui, allez-y. Après cela,
je céderai la parole au député d'Arthabaska.
M. Boucher: Je pense qu'on devrait bénéficier des
organismes publics qui sont récalcitrants pour apprendre comment on peut
ploguer le trou avant de débloquer la loi quant à
l'entreprise
privée. Les objections ou le travail pour tenter d'empêcher
la loi, que font des organismes publics, ce n'est rien à
côté de ce que pourrait faire un organisme privé comme, par
exemple, une banque ou une grande entreprise, s'il décidait de combattre
la loi en cour. Si on a une foi qui a déjà des trous, je ne pense
pas qu'on puisse aller combattre une entreprise privée avec cela, une
entreprise privée, évidemment, qui décide de ne pas se
conformer à l'esprit de la loi. Je pense qu'on devrait maintenant
apprendre comment bloquer les trous par où passent les organismes
publics maintenant. Entre ces trous-là, c'est justement le dilatoire
qu'ils font.
Le Président (M. Trudel): Très bien. M, le
député d'Arthabaska.
M. Gardner: Merci, M. le Président. J'avais peur qu'il ne
me reste plus de temps.
Le Président (M. Trudel): II vous en reste beaucoup, M. le
député.
M. Gardner: Je suis heureux de voir - et c'est malheureux que ce
soit le dernier témoin -qu'un agriculteur, car je pense que vous
êtes agriculteur vous-même, vient témoigner à cette
commission, étant donné que je suis député d'un
comté agricole. Je vois, à mes côtés, deux autres
députés de régions très agricoles, soit la Beauce
et la région de Richelieu.
Le Président (M. Trudel): Dans la région de
Richelieu, ce sont surtout les problèmes de bateau qui inquiètent
le député.
M. Gardner: Oui, mais il y a aussi... Le Président (M.
Trudel): De frégates.
M. Gardner: ...ceux de l'agriculture. Je suis heureux de voir
qu'on se préoccupe de ce problème dans le milieu agricole. Je
m'aperçois qu'il semblerait que l'Office du crédit agricole soit
un organisme public qui ait de la difficulté à s'adapter à
cette loi. Est-ce que ce que vous dites...
M. Boucher: C'est le moins qu'on puisse dire.
M. Gardner: C'est le moins qu'on puisse dire. Et on est
très poli en le disant.
Après cinq ans, tout de même, j'ai constaté dans
votre rapport qu'il y a eu de l'amélioration. Avec ce qui se passait
avant, j'ai remarqué, à un endroit à la page 2 de votre
rapport, que vous dites, et je vous cite: Sur mes -propres recommandations, des
dizaines d'agriculteurs ont demandé à l'office copie de leur
dossier personnel pour s'apercevoir, dans de nombreux cas, qu'ils
administraient ou tentaient d'administrer une ferme très
différente de celle que décrivait l'office. On a beaucoup
parlé, depuis deux jours, des possibilités d'erreurs d'ordinateur
ou d'erreurs dans ce qui est Inscrit à l'ordinateur, des
possibilités de dossiers qui ne sont pas à jour. Est-ce que vous
voudriez préciser - il semble bien que vous avez eu un cas personnel
avec l'Office du crédit agricole - sans donner trop de détails
précis, et nous dire quelles seraient les erreurs qu'on voit assez
souvent à l'Office du crédit agricole?
M. Boucher: C'est beaucoup plus qu'une erreur...
M. Gardner: D'ordinateur.
M. Boucher: ...de description ou d'ordinateur qui se passe. En
fait, jusqu'à tout à fait récemment, l'agriculteur n'avait
aucune connaissance de ce que faisait l'Office du crédit agricole.
C'est-à-dire qu'il fait une demande pour un prêt à
l'office; iI fournit un budget prévisionnel et il dit: Bon, c'est ce que
je veux faire et, pour faire cela, j'ai besoin de x dollars. Trois ou quatre
mois plus tard, iI reçoit une réponse qui dit: Oui, tu as ton
prêt ou oui, tu as un prêt plus gros que celui que tu as
demandé, ou plus petit, ou non, tu n'en as pas. Entre les deux, c'est le
désert absolu. L'agriculteur ne sait pas du tout sur quelle base son
prêt a été accordé. (13 h 15)
Nous, on fait une demande d'accès à l'information, on
obtient le dossier et on s'aperçoit, par exemple, que le nombre
d'unités de production prévu par l'agriculteur, ce n'est pas ce
qui a été pris en considération par l'office, c'est un
autre nombre d'unités de production. Le gars devait cultiver telle ou
telle chose, mais l'office a considéré que ce n'était pas
correct et a changé le dossier complètement, de son propre
chef.
C'est arrivé que la demande de prêt ne devait pas
être de 100 000 $, mais de 150 000 $. L'agriculteur obtient un prêt
de 150 000 $ et il considère que ce prêt est fait en fonction de
ce qu'il a écrit sur sa demande, c'est-à-dire tant
d'unités de production et telle sorte de production, et il commence
à gérer sa ferme pour s'apercevoir - ou cela va bien, ou cela va
mal - éventuellement, que cela va très mal. Mais il ne sait pas
pourquoi cela va très mal, puisqu'il a envoyé à l'office
une demande accompagnée de son évaluation des choses et que cela
a été accepté. Donc, II se dit: L'office a accepté
ma proposition, mon programme de production, etc.; cela devrait donc
fonctionner. Pourtant, cela ne fonctionne pas. Mais il ne pouvait pas savoir
que l'office décidait sur une autre base. En fait, il y a deux
gérants sur la même ferme, mais Ils ne gèrent pas la
même chose. Je ne dis pas que c'est systématique, mais, à
la fin, on s'est aperçu qu'il y avait beaucoup de ces choses-là
qui ont résulté en une faillite pour l'agriculteur.
Avant la loi d'accès à l'information, évidemment,
on ne pouvait pas savoir pourquoi le bonhomme faisait faillite. On disait:
Pourtant, il a fait une demande, son projet était bien fait, il a eu le
prêt demandé et il fait faillite, comment cela se fait-il?
Nécessairement, c'est un mauvais producteur, sauf qu'il est en
production depuis 40 ans. En tout cas, il est soudainement devenu un mauvais
producteur. Aujourd'hui, on peut reprendre les données de l'office et
dire: Vous avez erré dans votre expertise puisque vous n'avez pas retenu
l'exploitation réelle, vous avez inventé une ferme fictive et
vous avez fait le prêt. À partir de là, on est
arrivés, pour un certain nombre de dossiers, à entreprendre des
procédures en dommages contre l'Office du crédit agricole pour
incompétence ou pour fraude civile, parce qu'on dit: Ces gens-là
savaient que la ferme n'était pas comme cela. Ils savaient qu'avec les
données qu'ils avaient, ce gars-là ferait faillite. Pourtant, ils
ont autorisé le prêt quand même. II y avait des raisons
politiques de le faire. Pour 30 raisons différentes, ils ont fait des
prêts qui étaient sans fondement. En fait, on s'est aperçu,
dans les dossiers d'accès, qu'il y a des tas d'agriculteurs qui
étalent en faillite au moment où ils signaient l'acte de
prêt, et c'était juste fini, c'était terminé.
M. Gardner: Est-ce que c'était dû au délai
entre la demande et l'acceptation?
M. Boucher: Du prêt?
M. Gardner: Du prêt.
M. Boucher: Non, absolument pas.
M. Gardner: Pas du tout . D'accord Ils étaient
déjà en faillite.
M. Boucher: Non Le fait d'accorder un prêt avec la
structure que l'office avait décidé de donner à ce
prêt faisait que le gars tombait en faillite technique au moment
où il obtenait son prêt.
M. Gardner: D'accord.
M. Boucher: Évidemment, ce n'est pas toujours comme cela,
heureusement.
M. Gardner: Non, heureusement.
M. Boucher: Je pense que cet ensemble de choses, à partir
de la loi d'accès, où on a pu avoir accès au dossier de
l'agriculteur et où, malheureusement, on a aussi entrepris des actions
en dommages, cela va faire en sorte que, dans l'avenir, l'Office du
crédit agricole va devoir aiguiser ses crayons, faire une meilleure
expertise et arriver avec une meilleure structure financière, ou ne pas
faire le prêt s'il ne peut pas le faire . C'est sûr qu'à
court terme, pour les fonds publics, des actions en dommages, c'est douloureux.
Cela va faire que les fonctionnaires qui ont pris ces décisions ou qui
ont dit: Ce n'est pas grave, on va faire cela vite - des fonctionnaires, il y
en a de toutes les sortes, c'est comme les pompiers il y en a qui arrosent le
feu et il y en a qui arrosent à côté - ces gens-là
sauront que, dans l'avenir, ils devront éventuellement répondre
de leur expertise, de leurs actes, parce que ces actes sont devenus publics ou
accessibles pour l'agriculteur qui peut dire. Un instant, iI y a des erreurs
dans mon dossier, il faut corriger cela.
M. Gardner: Quand vous dites "dans l'avenir", cela veut dire que
cela n'existe pas encore à 100 %.
M. Boucher: Qu'est-ce qui n'existe pas encore?
M. Gardner: Que le fonctionnaire ne sait pas, n'applique pas la
loi.
M. Boucher: Je ne parle pas de la loi sur l'accès à
l'information, mais des fonctionnaires qui font mal leur travail.
M. Gardner: Qui font mal leur travail.
M. Boucher: Dans le passé, ils ne pouvaient jamais
être reconnus, en tout cas, pas par le grand public. On ne pouvait pas
savoir que le fonctionnaire faisait mal ou bien son travail. Tandis
qu'aujourd'hui, je parle en ce qui concerne l'agriculture, on peut obtenir le
dossier de l'agriculteur et voir quel fonctionnaire a fait quoi dans ce
dossier, qui s'est trompé ou qui a calculé correctement. Les
fonctionnaires, il y en a beaucoup qui signent au moins les rapports factuels
et on sait que lui a mal évalué telle et telle choses et que lui
a bien fait son travail. Maintenant, à l'intérieur de cela, il y
a des fonctionnaires qui font aussi des avis et des recommandations. À
partir de données justes, il est très possible de faire des
recommandations erronées. On n'a pas accès à cela. Donc,
ie fonctionnaire qui a fait l'étude factuelle peut être correct et
celui qui fart la recommandation, qui n'est pas nécessairement le
même, lui, peut être un parfait con. Mais lui, on ne peut pas
savoir. Je pense que c'est comme cela, avec l'accessibilité de ces
documents, qu'on peut arriver à faire pression, même pas
directement, on n'a pas besoin de le faire, ses patrons s'aperçoivent
qui est le bon fonctionnaire et qui est le con dans tout cela.
M. Gardner: Quand vous disiez "à l'avenir", donc, cela
veut dire actuellement...
M. Boucher: C'est en marche. M. Gardner: . ..c'est en
marche.
M. Boucher: Oui
M. Gardner: Une dernière question, M le Président.
Vous avez dit que c'était douloureux financièrement, surtout
lorsque vous étiez obligés d'engager un avocat. Vous êtes
obligés. Dès que vous allez en appel, vous êtes
obligés d'y aller avec un avocat.
M. Boucher: En fait, même devant la commission
d'accès - et je connais des tas de gens qui ne peuvent pas se lever en
public, même devant la commission d'accès, parce qu'ils ne savent
même plus leur nom - II faut engager un procureur.
M. Gardner: Vous proposeriez peut-être une situation comme
à la Cour des petites créances ou la personne peut se
défendre elle-même devant le juge.
M Boucher: Toutes les cours sont comme cela de toute façon
Ce n'est pas une invention.
M. Gardner: On peut toujour.s
M. Boucher: On peut toujours aller sans avocat. Dailleurs, |e
l'ai fait à maintes reprises Mais je pense que, par exemple, dans le cas
du groupe d agriculteurs, moi je les ai toujours représentés
devant la commission d'accès bénévolement et gentiment en
disant: Je connais ton dossier Je l'ai regardé. Viens avec moi, je vais
le faire pour toi. Je me demande si cette façon de procéder ne
pourrait pas être laissée à la discrétion de la
commission d'accès. Je n'en sais rien. Évidemment, on va à
rencontre de la Loi sur le Barreau et c'est au législateur à
décider si on passe par-dessus ces gens ou si on ne passe pas.
M. Gardner: Vous avez une longue expérience dans ce
dossier Vous avez fait plusieurs representations? Vous n'avez pas
mentionné de nombre.
M. Boucher: Une quinzaine.
M. Gardner: Une quinzaine. Avez-vous une idée comment cela
coûte pour un citoyen d'aller en appel?
M. Boucher: D'aller en appel?
M. Gardner: Oui Vous en avez fait une quinzaine, en moyenne.
M. Boucher: C'est parce que les gens qui sont allés en
appel sont allés avec l'aide juridique et on n'a pas reçu la
facture.
M. Gardner: Ah bon. Et cela coûte quelque chose quand
même.
M. Boucher: C'est très dispendieux parce qu'il faut
d'abord faire une requête. II faut faire le mémoire d'appel.
Après cela, il faut comparaître et les avocats travaillent
à quoi, à 90 $ l'heure à part leur temps de vacation. Cela
va très vite. Faire 2000 $, c'est très rapide.
M. Gardner: Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député d'Arthabaska Est-ce que d'autres collègues ont des
questions à poser à M. Boucher? M. le député de
Beauce-Nord.
M. Audet: Peut-être seulement sur le droit d'appel Vous
parlez du droit d'appel, le président la mentionné tantôt
aussil Que penseriez vous d une espèce de droit d'appel un peu comme
à la Commission de protection du territoire agricole? Qu'est-ce que cela
vous dirait, parce qu'on sait que la commission, après une audition ou
après l'analyse d'un dossier, peut répondre Dans le cas dun
refus, par exemple, ou d'opposants, elle leur dit: Vous avez tant de jours pour
venir en appel devant la commission qui est prête à regarder,
à revoir, s'il y a des éléments nouveaux dans votre
dossier, la décision que nous avons rendue.
M Boucher: Ce serait sûrement une possibilité qui
serait beaucoup plus rapide que l'appel devant la Cour provinciale, c'est
sûr.
M. Audet: Et moins onéreuse aussi.
M. Boucher: De toute façon. si je pense comme cela, selon
mon expérience personnelle avec la commission d'accès
elle-même, je ne veux pas dire que c'est une vérité
absolue, je n'ai pas vu, jusqu'à maintenant de jugements qui ont
été vraiment renversés et qui étaient vraiment tout
croches. Donc, je serais porté à faire confiance à la
commission d'accès et à dire: Cest sans appel, en ce qui concerne
le factuel. Évidemment, s'ils vont en dehors de leur compétence,
on peut toujours faire sauter leur décision. Là, c'est autre
chose. Mais en ce qui concerne le factuel, l'accessibilité aux
documents, je leur ferais confiance et je dirais qu'il n'y a pas besoin de
procédure d'appel. Finalement, on discute si un document est accessible
ou non. On ne discute pas du contenu du document. On ne discute pas de ce qu'il
vaut, de ce qu'il ne vaut pas. Ce n'est pas une question de vie ou de mort
d'avoir accès ou non à un document dans ton dossier
personnel.
À partir de là, on ne peut pas appliquer les mêmes
principes qu'en drort criminel. Ce n'est pas la même envergure de
problème.
M. Audet: D accord, merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, M . le
député de Beauce-Nord. Avez-vous une question M. le
député d'Arthabaska? Non? Vous avez terminé.
Au nom de la commission dans son ensemble, M Boucher, il me reste
à vous remercier de vous être déplacé pour venir
nous parier de votre expérience pratique, à vous souhaiter bonne
chance sur ce qui s'en vient, en attendant que le législateur
intervienne, si telle est sa décision, pour essayer de
rééquilibrer les choses, donc en insistant et en retournant, s'il
le faut, à l'esprit de la loi. Si la lettre est là, l'esprit
semble avoir été perdu quelque part entre 1982 et 1987. Encore
une fois, merci et bon retour chez vous, M Boucher.
M. Boucher: Merci, cela m'a fait plaisir
Le Président (M. Trudel): Je tiens à rappeler aux
membres - j'en ai pour une minute -qu il y aura une séance de travail de
la commission sur le résumé des audiences publiques, le 1er mars
prochain, à 10 heures, et que nous entendrons en audience publique la
Commission d'accès à l'information, le 15 mars prochain,
également à 10 heures, c'est le mardi qui suit la reprise des
travaux parlementaires.
Je remercie tous les participants de l'extérieur, les nombreux
organismes et les individus qui ont comparu devant cette commission depuis
mardi matin. Je remercie évidemment les membres de la commission des
deux côtés. Encore une fois, on a fait la preuve à cette
commission que sur certaines questions, on pouvait très bien se passer
de partisanerie. Et, en disant cela, je regarde le représentant officiel
de I'Opposition qui est le recherchiste de M. le député de
Taillon. On pouvait très bien se passer de partisanerie politique de
part et d'autre. II y a des questions qui évidemment, dans le cadre de
nos activités quotidiennes, appellent la partisanerie ou un degré
de partisanerie politique. II y a d'autres questions qui n'en appellent pas et
l'accès à l'information est, depuis le début, une question
qui n'a pas appelé les considérations partisanes.
Je rappelle ce que je disais dans mes remarques préliminaires.
Cette toi a été adoptée à l'unanimité,
à la suite d'une commission parlementaire dont on me dit - parce que je
n'en faisais pas partie - qu'elle a duré longtemps. Je sais qu'elle a
duré longtemps, parce que j'ai lu la transcription du Journal des
débats Donc, on insiste, dans cette question-là, au moins sur les
grands objectifs - et on verra par la suite, sur les questions de
détails, si l'unanimité tiendra, unanimité qui est
intéressante.
Je remercie également le personnel de la commission, Mme Tanguay
en tête, non pas seulement pour nous avoir assistés pendant deux
jours et demi ici, mais pour avoir subi les affres des "deadlines" et de
l'arrivée massive des mémoires, à la dernière
minute, avec tout ce que cela implique comme organisation de dernière
minute et de pression.
Je remercie Mme ou Mlle Hélène Parent, qui est notre
nouvelle secrétaire - on dit toujours madame, maintenant, que je suis
vieux jeu! Mon épouse me le dit toujours - Mme Hélène
Parent, qui est la nouvelle secrétaire de la commission. Je pense que
c'était une occasion en or de se lancer à l'eau. Elle a dû
trouver l'eau ou bouillante ou froide - c'est selon le cas - au cours des deux
dernières semaines, parce que cela n'a pas toujours été
facile.
Je remercie aussi Mme Nadeau qui était, qui est toujours et qui
sera, pour les prochaines semaines, au service de la commission comme
recherchiste. Mme Nadeau est attachée à la bibliothèque de
l'Assemblée nationale. Et également, même si M Boucher ne
les aime pas tellement - il parlait de 90 $ l'heure tantôt, cela
coûte moins que cela à la commission pour avoir un excellent
conseiller juridique - je remercie M Karl Delwaidel
M. Gardner: II pratique, luil
Le Président (M Trudel): ..qui pratique lui, dit le
député non pas de Kamouraska, mais...
M. Gardner: D Arthabaska.
Le Président (M Trudel): D'Arthabaska. M. Delwalde,
merci.
Je remercie les membres et le personnel - pas les membres mais on les a
vus à l'occasion - le personnel de la Commission d'accès à
I'information pour son attention tout au cours de ces deux jours et demi, pour
la qualité de son écoute, je dois dire aussi. On les voit nous
écouter patiemment. Alors, je leur donne rendez-vous pour le 15 mars
prochain, à 10 heures, alors que nous les entendrons en audience
publique. Sur ce j'ajourne tes travaux au mardi 15 mars, à 10 heures de
l'avant-midi.
(Fin de la séance à 13 h 30)