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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le jeudi 11 février 1988 - Vol. 29 N° 46

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale concernant le rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de la culture reprend ses travaux, qui consistent à procéder à une consultation générale concernant le rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Nos premiers invités à qui je demande de s'approcher de la table des invités...

M. Doyon: Est-ce que la secrétaire a mentionné que je remplaçais M. le député...

Le Président (M. Trudel): Je m'excuse. Vous avez raison, M. le député de Louis-Hébert. C'est moi qui ai oublié de demander s'il y avait des remplaçants. Vous remplacez M. le député de...

M. Doyon: De Viger.

Le Président (M. Trudel): De Viger. Très bien. C'est inscrit pour le Journal des débats et autres fins, M. le député. J'invite les représentants des Entreprises Equifax à s'approcher. J'ai devant moi deux personnes et j'ai une liste qui en contient trois. Alors, j'ai un M. Pelland, j'ai un M. Chartrand et j'avais un M. Cuilen, procureur. Qui ai-je devant moi ou qui avons-nous?

Entreprises Equifax

M. Chartrand (Jean-Charles): Vous avez M. Chartrand, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): M. Chartrand. Bienvenue.

M. Cullen (Louis-Paul): Bonjour, M. le Président. Mon nom est Louis-Paul Cuilen.

Le Président (M. Trudel): M. Cullen, oui. Si je comprends, vous allez être deux personnes pour présenter votre point de vue. Je vous rappelle ici, rapidement, ainsi qu'à ceux qui sont dans la salle et qui pourraient éventuellement témoigner devant cette commission, les règles du jeu. Il y a 20 minutes pour nos invités qui exposent leur point de vue et 20 minutes plus ou moins par formation politique pour échanger des commentaires avec nos invités. Alors, je rappelle également que tous les mémoires ont été lus par les membres de la commission. Ils ont été résumés par les services de recherche de la commission. On dit souvent qu'on demande aux gens de ne pas nécessairement nous lire la totalité du mémoire, mais d'en faire un résumé.

Moins la présentation est longue, plus cela nous donne du temps pour discuter avec nos Invités. Monsieur...

M. Chartrand: Je vous remercie, M. le Président. Je vous remercie de nous avoir invités à venir partager avec vous et les membres de la commission nos vues sur le sujet qui est l'accès aux documents d'organismes publics et la protection de renseignements personnels. Vous comprendrez que nos commentaires vont surtout être axés sur le deuxième volet de la loi, c'est-à-dire celui qui a trait à la protection des renseignements personnels. Mentionnons au départ que nous partageons l'opinion de la commission d'accès concernant le libre accès à l'information et le droit de la protection de l'information. Vous avez sans doute lu le mémoire et vous connaissez déjà ce que nous sommes, les compagnies Equifax du Canada. Nous sommes formés de deux compagnies qui sont Acrofax et les Services Equifax limitée. Nous sommes également membres de l'Association des bureaux de crédit du Québec et membres de l'Association des bureaux de crédit du Canada.

On pourrait en fait nous définir comme des agents d'information, en ce sens que nous servons d'intermédiaires entre, d'une part, le consommateur et, d'autre part, l'entreprise avec laquelle ce consommateur veut transiger. Il est également important de mentionner qu'en tant qu'agents d'information et en tant qu'intermédiaires entre deux parties, notre rôle se borne à recueillir des informations et à disséminer cette information aux compagnies qui en font la demande, c'est-à-dire que notre rôle n'est pas de prendre des décisions. Notre rôle est simplement de fournir l'information aux entreprises qui en font la demande.

J'aimerais peut-être prendre quelques instants pour vous expliquer un peu le système d'échange d'information dans lequel nous oeuvrons. Nous pensons bien sincèrement que le système actuel fonctionne bien, c'est-à-dire qu'il existe un bon équilibre entre le droit du consommateur à sa vie privée et le besoin de l'entreprise d'évaluer rapidement et équitablement une demande soit de crédit, soit d'assurance ou autres. Encore une fois, notre rôle est d'assurer que cet équilibre est maintenu. Au Canada, les compagnies Equifax, nous recevons quelque 50 000 demandes d'information par jour. Il est bon de mentionner qu'ici au Québec, en tout cas, nous n'avons reçu aucune plainte de la part de l'Office de la protection du consommateur et quand on considère qu'ici, au Québec, on reçoit en moyenne de 3 000 000 à 4 000 000 de demandes par année, le fait de n'avoir aucune plainte de la part de l'Office de la protection du

consommateur est quand même assez révélateur. Le pourcentage de rapports contenant des informations qui pourraient être définitivement inexactes est de moins de 0,5 %.

Permettez-moi également de détailler tes éléments qui permettent de maintenir cet équilibre. Premièrement, que contient un rapport de crédit? On pourrait dire qu'un rapport de crédit est divisé en trois parties distinctes; la première contient les demandes qu'un consommateur fait ou a faites auprès des institutions prêteuses ou auprès des compagnies ou des entreprises. Le deuxième volet contient l'habilité ou la façon de payer du consommateur chez les entreprises avec lesquelles iI fait affaire. Le troisième volet contient les Informations qu'on appelle publiques, les informations légales, les informations légales et judiciaires également.

Dans notre système, nous avons un contrôle assez rigide sur l'admissibilité des entreprises qui veulent devenir clientes chez nous. Nous exigeons, au départ, que l'entreprise ait d'abord un besoin pour obtenir l'information chez nous. Elle doit prouver qu'elle est une entreprise rentable, qu'elle a une situation financière favorable et qu'elle montre hors de tout doute qu'il y a un besoin pour des informations dans le but d'effectuer les transactions qu'elle veut effectuer.

Nous avons également, à l'intérieur du système, toutes sortes de contrôle des transactions qui se font tous les jours. J'ai mentionné, tout à l'heure, qu'on reçoit environ 50 000 demandes d'information par jour. Toutes ces informations sont enregistrées et notées. On peut y référer ou aider les entreprises à retracer toute demande d'enquête qui se fait ou qui s'est faite dans te passé.

Nous exigeons des entreprises qu'elles aient des codes d'accès et des codes de sécurité, ce qui veut dire qu'une entreprise qui ne possède pas ou qui ne connaît pas les codes d'accès ou les codes de sécurité ne peuvent nécessairement pas accéder aux banques d'information que nous possédons.

De plus, nous avons une convention de service que nous exigeons de tous nos clients et qui spécifie bien d'une façon tout à fait précise que les rapports sur les consommateurs ne seront demandés que lorsqu'ils devront servir pour déterminer l'admissibilité d'un consommateur à obtenir ou prolonger un service de crédit, le recouvrement d'un compte, l'assurance, l'émission de permis pour fins d'emploi ou toute autre raison, pourvu qu'il s'agisse d'une transaction d'affaire légitime impliquant le consommateur.

Ces rapports ne seront pas utilisés à d'autres fins. Chaque demande de rapport que nous désirons utiliser pour fins d'emploi sera ainsi spécifiée au moment de la demande dudit rapport. Nous obtiendrons du consommateur tout consentement requis par une loi fédérale ou provinciale avant de vous demander quelque renseignement que ce soit.

On pourrait peut-être parler pendant quelques instants de l'intégrité, de l'exactitude et de la fiabilité du système. Nous avons un système dynamique qui fait que les informations sont mises à jour d'une façon régulière en ce sens que les entreprises oeuvrant dans le domaine du crédit nous fournissent les informations à jour tous les 30 ou 60 jours. Ces informations sont traitées et mises au dossier.

Également, nous avons évidemment un système et respectons la loi provinciale, qui permet à un consommateur de venir nous voir et de réviser son dossier de crédit. On pourrait peut-être mentionner qu'en 1987, dans la province de Québec, 29 586 consommateurs se sont prévalus de leurs droits. De ce nombre, 4376 sont venus nous voir par simple curiosité et 25 192 sont venus nous voir parce qu'on leur avait soit refusé l'accès au crédit ou imposé certaines exigences à la suite de l'information reçue du bureau de crédit ou la source d'information.

Quand on considère que le pourcentage d'erreurs dont j'ai parlé ou le pourcentage de personnes qui viennent nous voir, quand l'on considère que l'on fait en moyenne, dans la province de Québec, entre 3 000 000 et 4 000 000 de transactions par année, le nombre est quand même assez restreint.

Nous avons également des critères de purge, ce qui veut dire que l'information contenue dans nos dossiers est détruite après un certain temps et ces critères ont été préétablis. Même s'ils n'existent pas vraiment ici dans la province de Québec, il reste que ce sont des critères que nous nous sommes donnés, nous inspirant des lois provinciales des autres provinces. Pour vous en donner un exemple, une information concernant un compte en collection sera détruite après une période de quatre ans. Une information concernant une faillite sera détruite après une période de sept ans. Encore une fois, dans la plupart des cas, nous nous sommes inspirés des lois des autres provinces. Le système de purge est informatisé, ce qui veut dire que l'information est détruite sans intervention manuelle.

Nous avons également un code d'éthique qui s'applique à nos activités, aussi bien celles de crédit que les rapports que nous faisons pour les compagnies d'assurances principalement. Notre code d'éthique a été préparé et rédigé par l'Association des bureaux de crédit du Québec et du Canada. Il existe également des codes d'éthique volontaires que l'on respecte, bien sûr, par la force des choses, soit l'industrie de l'assurance, l'industrie des banquiers. Il existe évidemment plusieurs compagnies, entre autres, American Express et d'autres qui ont des codes d'éthique volontaires et que l'on respecte par le fait même.

M. le Président, c'est un peu, en résumé, ce que notre système fait, c'est un peu la façon dont nous oeuvrons. Nous croyons que le secteur privé, les compagnies Equifax Canada en particulier ont agi et agissent d'une façon respon-

sable en protégeant les renseignements personnels concernant le consommateur, tout en lui offrant un service efficace, rapide et lui permettant d'effectuer les transactions qu'il désire.

Rien ne porte à croire qu'il y a eu abus dans le cadre du système actuel comme l'indique le comité permanent de la justice et du Solliciteur général dans son dernier rapport sur l'examen de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur I'accès à l'information au plan fédéral. Cette opinion est confirmée, toujours au niveau fédéral, par le Commissaire de la protection de la vie privée. Ces diverses autorités sont, de toute évidence, d'accord sur les conclusions de la commission d accès à I information de la province de Québec.

Le seul fait que les consommateurs peuvent conclure des transactions commerciales comme ils le font actuellement, c'est-à-dire rapidement, économiquement et équitablement, nous porte à croire que le système fonctionne efficacement et au mieux être des intérêts des consommateurs.

Encore une fois, nous vous remercions de nous avoir offert l'occasion d'exprimer notre opinion et nous sommes prêts, bien sûr, à répondre à vos questions, M le Président.

Le Président (M. Trudel): Je vous remercie. Je n'en aurai quant à moi, qu'une seule. Elle est courte, mais elle peut peut être appeler une réponse un peu plus longue. J'avais lu votre mémoire quand on l'a reçu au Secrétariat de la commission. Je prends bonne note de ce que vous nous avez écrit et de ce que vous nous avez confirmé ce matin à savoir: C'est normal que vous le disiez. Quand j'étais dans l'entreprise privée, j'étais fier de la compagnie que je représentais et pour laquelle je travaillais. Vous nous dites: On ne voit pas trop trop de problèmes. On respecte les lois. Je suis tout à fait prêt à croire cela je n'ai pas de raison qui m'indiquerait le contraire quoique, dans un autre mémoire qu'on a eu l'occasion de discuter hier, il en était question sauf qu'il n'en a pas été question ici. Cela était dans le mémoire de la Ligue des droits et libertés. Ce n'est pas là-dessus que |e veux vous amener cependant. Je veux vous amener sur l'objet principal de cette commission à savoir ce que vous pensez, pas des 33 recommandations, bien sûr, mais, d'une façon générale , du travail de la Commission d'accès à l'information, 2, des grandes lignes, à tout le moins du rapport qu'elle a fait sur ses quelque trois ans d activités.

M. Chartrand: Je pense qu'on a déjà exprimé notre opinion là-dessus. En général, on est d'accord avec les recommandations du rapport de la commission. Bien sûr, nous pensons que, du côté où l'on se place, il pourrait y avoir certains adoucissements. On pense quand même que, dans l'exercice de nos fonctions, où il y a probablement certains organismes publics qui voudraient faire affaire avec nos entreprises et qui, à cause de la complexité de la loi actuelle, ne peuvent le faire ou ne peuvent le faire qu'avec beaucoup de difficulté, il pourrait y avoir précisément certains adoucissements dans les mécanismes en place. Je me réfère d'une façon plus spécifique à l'extrait des registres de conduite des individus où, bien sûr, on travaille pour le compte des compagnies d'assurances à obtenir ces informations. Quand on pense qu'il nous faut une autorisation originale pour obtenir l'information, non pas que nous soyons opposés à ce qu'il y ait une autorisation, mais il me semble que, dans le mécanisme lui-même, il pourrait y avoir un certain adoucissement d'abord, une certaine entente à savoir que l'autorisation serait gardée dans les dossiers, sans qu'on soit obligé de montrer cette autorisation au bureau avant d'obtenir l'information. Encore une fois, on parle beaucoup plus de mécanisme que de changements radicaux. Dans I'ensemble, nous sommes d'accord avec les recommandations de la commission.

Le Président (M Trudel): Vous venez tout juste de parler des autorisations. Je ne suis pas certain d'avoir bien compris. Vous nous dites: On voudrait un adoucissement. Est-ce que vous m'avez bien dit qu'une autorisation serait valable tout le temps et qu on ne serait pas obligé de la montrer? J'avoue ne pas avoir très bien compris ce que vous avez dit.

M Chartrand: J'ai voulu dire, M le Président que, lorsqu'une compagnie d'assurances veut obtenir un extrait du registre de conduite d'un individu, elle doit obtenir une autorisation originale. Pour obtenir cet extrait, cette autorisation originale doit être présentée au départe ment et doit I'être en main propre ou envoyée par la poste. À ce moment-là, on pourrait demander aux compagnies d'assurances d'obtenir l'autorisation, de maintenir cette autorisation dans leur dossier, mais qu'il y ait une entente avec la compagnie d'assurances ou son intermédiaire, qui pourrait êtr.e notre compagnie dans le cas présent, une entente, à savoir que l'autorisation a été obtenue, que (autorisation est gardée dans le dossier. Mais, pour assouplir ce processus et pour rendre le service un peu plus rapide, un peu plus efficace qu'il y ait une entente entre les deux parties selon laquelle l'information va être fournie sans que l'autonsa tion soit montrée en main propre, en fait soumise au gouvernement, et ainsi permettre à un organisme de faire une vérification, que ce soit une fois par année ou deux fois par année, pour bien s'assurer que les compagnies d'assuran ces obtiennent l'autorisation et que leur autorisation soit gardée dans le dossier du consommateur en question. C'est ce que je voulais dire.

Le Président (M. Trudel): Au fond vous me dites qu'un consommateur pourrait donner une autorisation une fois et, comme dirait l'autre, c'est le contraire de "une fois n'est pas coutu-

me". Une fois deviendrait coutume, si je comprends bien.

M. Chartrand: Non, ce n'est pas exactement cela.

Le Président {M. Trudel): Je n'ai pas encore compris. C'est possible.

M. Chartrand: Ce n'est pas exactement ce que j'ai voulu dire, M. le Président. L'autorisation serait en relation avec l'obtention de cette information proprement dite et rien d'autre, mais cette autorisation demeure dans le dossier au lieu de faire partie d'un mécanisme qui me semble un peu lourd et qui retarde effectivement l'obtention de l'information, qui retarde effectivement ta décision qui doit être prise par la compagnie d'assurances. Quand on considère que la compagnie d'assurances doit prendre une décision dans le cas de l'évaluation d'un risque et doit répondre à l'assuré dans un certain délai, il se peut évidemment, et probablement, que ce délai soit dépassé et que la compagnie d'assurances n'ayant pas obtenu l'information, l'extrait du permis de conduire, les violations ou les restrictions, etc., doive prendre la décision en l'absence de l'information. C'est cela que je veux dire. Je n'ai jamais voulu dire que l'autorisation pourrait servir à d'autres fins.

Le Président (M. Trudel): Très bien. C'est moi qui avais mal compris. Merci. M. le député d'Arthabaska.

M. Gardner: Merci, M. le Président. Avant que je lise votre rapport, je ne connaissais pas du tout votre compagnie. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis persuadé que vous n'annoncez pas dans les journaux. Vous ne faites pas de publicité dans les journaux. Je vais vous poser quelques questions une à une. Est-ce qu'il y a d'autres compagnies comme la vôtre au Québec? (10 h 30)

M. Chartrand: Oui. Bien sûr, il existe des compagnies qui oeuvrent peut-être plus principalement dans le secteur commercial. Si on parle de Dun & Bradstreet, c'est une compagnie qui oeuvre, bien sûr, dans ce domaine-là, mais surtout du côté commercial. II existe une compagnie qui s'appelle Créditel. Il existe plusieurs petits bureaux d'enquête de crédit sur le consommateur comme Acrofax. La raison pour laquelle vous ne connaissez peut-être pas la compagnie... Bien sûr, vous connaissez peut-être beaucoup mieux le Bureau de crédit de Montréal ou le Bureau de crédit de Québec ou le Bureau de crédit de Drummondville ou le bureau de crédit de Victoriaville dans votre cas. Il n'y en a pas à Victoriaville, incidemment, mais il y en a un à Drummondville. Alors, en fait, ces bureaux-là sont groupés sous une entité corporative qui s'appelle Acrofax. Alors, c'est peut-être la raison pour laquelle vous ne connaissez pas la compagnie.

C'est bien sûr que tous les bureaux de crédit dans la province, la majorité des bureaux de crédit dans la province, sont groupés sous une association qui s'appelle l'Association des bureaux de crédit du Québec. C'est bien sûr, à ce moment-là, qu'ils font la grande majorité du travail.

M. Gardner: Bien voici. L'Office de protection du consommateur n'a pas eu de plainte. Vous êtes-vous déjà posé la question? Peut-être que les gens ne savent pas que ça existe cette compagnie. Ils savent qu'il y a une compagnie qui évalue le crédit quand vous faites une demande, mais ils ne savent peut-être pas à qui s'adresser pour faire des plaintes. C'est peut-être pour ça que vous ne faites pas d'annonce dans les journaux Non?

M. Chartrand: Non, ce n'est pas la raison pour laquelle on ne fait pas d'annonce. On sait que les entreprises qui oeuvrent dans le domaine du crédit à la consommation ou dans le domaine de l'assurance constituent notre clientèle et ce sont elles qui font affaire avec une maison pouvant leur fournir des renseignements.

M. Gardner: Si j'ai.. Oui?

M. Chartrand: Si vous me permettez de finir la réponse. Je veux vous rappeler qu'il y a 29 000 consommateurs qui sont venus nous voir, l'an passé Ce qui veut dire qu'il y en a au moins 29 000 qui savent qu'ils peuvent s'adresser au bureau de crédit, qu'ils peuvent obtenir des renseignements et qu'ils peuvent réviser leurs dossiers de crédit. La plupart de ces personnes, bien sûr, viennent nous voir à la suite, peut-être d'un déni ou d'un refus en fait, à la demande qu'elles ont faite et il y a plusieurs compagnies effectivement qui les avisent. Et nous ne nous y opposons pas si une compagnie dit: Malheureusement, nous ne pouvons vous accorder un prêt ou une carte de crédit à cause d'informations obtenues du bureau de crédit. Si vous voulez avoir plus de renseignements, adressez-vous à eux.

M. Gardner: Je voulais justement en arriver à ces 29 586 qui ont fait appel à vous. Quelle est la procédure habituelle pour faire appel à vous? Dans les 29 586, est-ce qu'il y en a dont la décision a été changée par suite de cet appel-là?

M. Chartrand: Oui.

M. Gardner: Est-ce qu'il y a une bonne proportion...

M. Chartrand: ...où la décision a été changée? Oui, bien sûr. Quant à savoir la proportion, c'est quand même difficile. Il n'y a pas de statistique dans ce sens. Lorsqu'un

consommateur vient nous voir et met en doute la pertinence de l'information inscrite au dossier, on fait une vérification dans tous les cas. Le consommateur nous demande de le faire et on s'oblige à le faire. Alors, si on s'aperçoit que l'information a été mise au dossier d'une façon incomplète, d'une façon erronée dans certains cas, c'est bien sûr qu'à ce moment-là, non seulement on va corriger l'information, mais on va avertir toutes les compagnies avec qui le consommateur a fait affaire ou a voulu faire affaire et à qui on aurait envoyé une information soit incomplète ou erronée dans le passé.

M. Gardner: Vous avez parlé de révision des dossiers. Vous faites ça à tous les 6 mois?

M. Chartrand: Non, à tous les 30 ou 60 jours. Ce qui arrive, bien sûr, c'est que la deuxième section d'un dossier de crédit est basée sur la façon dont le consommateur s'acquitte de ses obligations. Cette information nous est fournie par l'institution de crédit par voie de bandes magnétiques tous les 30 ou 60 jours. Ce qui veut dire, à ce moment là, que tous les 30 ou 60 jours, on met à date votre façon ou la façon du consommateur de s'acquitter de son obligation avec cette institution de crédit. Alors, cela est fait d une façon, encore une fois, systématique, par voie de bandes magnétiques.

M. Gardner: Mais vous fonctionnez uniquement par ordinateur, je suppose.

M Chartrand: Non, pas tout à fait. Principalement, bien sûr par ordinateur. L'opération des bureaux de crédit, le côté Acrofax, est entièrement informatisée. Du côté des enquêtes pour les fins d emploi, les compagnies d'assurances ce n'est pas principalement informatisé. II y a certaines sections qui le sont, mais c'est beaucoup plus en fait, des fonctions administratives informatisées. Leur procédé d enquête pour fins d'assurances ou fins d'emploi n'est pas informatisé.

M. Gardner: En conclusion, vous ne semblez pas d'accord pour que la loi s'applique à l'entreprise privée. Je comprends que, chez vous, cela peut être parlait, cela peut être excellent, mais est ce que vous ne pensez pas que votre concurrent peut faire des erreurs ou...

M Chartrand: II est certain qu'on pense qu'il ne devrait pas y avoir de loi dans le secteur privé. La raison pour laquelle on dit cela, c'est que, si on le fait, bien sûr, on risque de briser l'équilibre entre le droit du consommateur, qui, lui veut faire une transaction et, bien sûr, le droit de l'entreprise d'obtenir les renseignements avant sa prise de décision. Si je vous demandais aujourd'hui, de me prêter 100 $, vous auriez peut-être certaines hésitations. Vous diriez. Est-ce que cela vous plairait de me donner, au moins, certains détails? Une voix: ...

M. Gardner: À vous je

Le Président (M. Trudel): 100 $, pas de problème.

M. Gardner: Vous le feriez? Bon. M. Chartrand: Je ne savais pas. M. Gardner: J'appellerais Equifax.

M. Chartrand: Je ne savais pas que j'avais une face aussi honnête que cela, mais Je vous remercie. Évidemment, il y a cet équilibre qui existe. On pense, à ce moment-là, que cet équilibre s'ajuste de lui-même, il y a une espèce d'autodiscipline qui se fait. Les entreprises s ajustent pour faire face à la concurrence, bien sûr. Le consommateur, lui aussi s'ajuste en conséquence. Ce que nous voulons faire, c'est: Il existe quand même des critères qui nous sont imposés par les diverses lois, la Loi sur la protection du consommateur, la Loi sur les agents de recouvrement, bien sûr, la loi dont on parle ici. II existe, évidemment, une autoréglementation de notre part. II faut bien penser que nous existons uniquement en fonction d'une seule chose, c'est de recueillir I'information qui va aider le consommateur et qui va aider également I'entreprise à prendre cette décision. En imposant certaines lois, certains critères trop rigides, non seulement on risque de bnser I'équilibre, mais à ce moment là, on créerait possiblement un alourdissement du système. II y aurait des coûts additionnels qui, en fin de compte, devraient être payés par le consommateur.

Si vraiment le consommateur exige une chose comme cela, je pense qu'il y aurait déjà eu certains signes selon lesquels le système ne fonctionne pas bien. Le fait que le consommateur puisse venir prendre connaissance de son dossier, le fait que le consommateur, en général, quand même... Si on regarde, encore une fois, les plaintes ou I'absence de plaintes qui ont été faites à l'Office de la protection du consommateur, il faut quand même en déduire que le système fonctionne relativement bien et qu'il n'y a pas lieu de prendre des mesures législatives dans ce sens.

M. Gardner: Rien qu'un renseignement supplémentaire. Vous dites que vous avez reçu 3 000 000 de demandes, à peu près, chez vous. Est-ce que vous avez une idée du nombre de demandes au Québec dans ce sens?

M. Chartrand: Quand j'ai parlé de 3 000 000, je parle du Québec. Quand je parle du Canada, je parle d'environ 12 000 000 de transactions ou à peu près ou 12 000 000 de deman-

des d'information par année passant par notre système.

M. Gardner: Votre système. Mais, dans tous les systèmes? Vous dites qu'il y en a d'autres. Est-ce que...

M. Chartrand: Des systèmes informatisés, au Canada, il en existe deux. Il y en a, évidemment, le nôtre, qui oeuvre dans presque tout le pays et il en existe un autre à Toronto, exclusivement dans la province de l'Ontario ou une partie de la province de l'Ontario. Ce sont vraiment les deux seuls systèmes informatisés qui font affaire exclusivement dans le domaine du crédit à la consommation. C'est ce dont on parle. Du point de vue des assurances, bien sûr, il existe d'autres compagnies. Ce n'est pas informatisé. Cela veut dire qu'il y en a d'autres qui oeuvrent dans ce domaine. Il y en a une multitude qui oeuvrent dans le domaine de l'assurance, dans le domaine de l'emploi. Il en existe beaucoup ici, au Québec, il en existe également en dehors de la province.

M. Gardner: Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député d'Arthabaska. M. le député de Taillon.

M. Filion: Oui. Merci, M. le Président. Une série de courtes questions. Je comprends que vous occupez peut-être 80 % du marché au Québec, environ. C'est plus que 50 %.

M. Chartrand: Oui, c'est plus que 50 %. Quand on parle du crédit à la consommation.

M. Filion: Oui.

M. Chartrand: Je suis d'accord.

M. Filion: II y a le crédit pour l'industrie.

M. Chartrand: Pardon.

Le Président (M. Trudel): Les renseignements d'ordre nominatif, pas d'accès à l'information pour ce genre d'information.

M. Filion: II y a le crédit industriel et le crédit commercial, c'est un autre type. Si on parle de crédit à la consommation, on peut dire qu'il y a peut-être 3 000 000 de transactions, peut-être un peu plus.

M. Chartrand: Je veux apporter une précision. Je parle en tant que membre de l'Association des bureaux de crédit du Québec. Nous ne sommes pas propriétaires de tous les bureaux de crédit du Québec. Nous en avons quelques-uns, bien sûr, mais il y en a d'autres qui sont des bureaux indépendants, qui font quand même partie du réseau, si on veut, et qui font, bien sûr, partie de l'Association des bureaux de crédit du Québec. Alors, quand vous parlez de 80 %, je ne voudrais quand même pas m'avancer et affirmer que notre compagnie possède 80 % du marché. Si vous parlez de ceux qui sont également affiliés à notre réseau, je pense qu'à 80 %, vous avez probablement raison.

M. Filion: D'accord. Vous avez dit que cela donne, grosso modo, 3 000 000 de transactions au Québec, ce qui, si je fais un calcul rapide, voudrait dire que, à chaque jour ouvrable, environ 10 000 demandes d'information vous sont acheminées ou 10 000 informations ou renseignements sont acheminés à vos corporations clientes.

M. Chartrand: C'est exact.

M. Filion: C'est énorme, finalement. Est-ce que vous pouvez m'expliquer ce chiffre-là? Disons que, même si on parle de banques, etc., cela donne 10 000 par Jour. Est-ce que vous avez une entente avec les compagnies émettrices de canes de crédit comme American Express, Master Card? C'est cela, vous avez des contrats avec les compagnies émettrices de cartes de crédit?

M. Chartrand: Oui, oui. En fait, ce que j'ai lu tout à l'heure, c'était une partie de la convention de service que l'on a avec toutes les entreprises qui font affaire chez-nous. C'est une chose qui est exigée, en fait, que toutes ces compagnies-là signent l'entente de service et puissent se servir de l'information pour des fins très précises.

M. Filion: Vous pouvez transmettre à vos clients des informations même s'il n'y a pas de transaction avec le consommateur, si je comprends bien. Est-ce que c'est exact? Vous informez les clientes, notamment les compagnies émettrices de cartes de crédit, des informations que vous allez chercher concernant les consommateurs, même s'il n'y a pas de transaction. Vous les tenez à jour, un petit peu. Est-ce que Je me trompe?

M. Chartrand: J'ai bien mentionné tout à l'heure que la convention de service signée entre l'entreprise et nous, avant que nous l'acceptions comme membre de notre entreprise - je parle du client dans le cas présent qui signe une convention comme celle-ci - nous obtiendrons du consommateur tout consentement requis par une loi provinciale ou fédérale, avant de demander quelque renseignement que ce soit. Alors nous, évidemment, il faut tenir pour acquis que l'entreprise qui fait affaire chez nous, avant de venir chez nous pour demander un renseignement sur un consommateur, a obtenu une autorisation à cette fin.

M. Filion: Vous le tenez pour acquis.

M. Chartrand: Oui. On le tient pour acquis. On ne pourrait quand même pas exiger, d'une façon informatisée, que le consentement nous parvienne. Il faut, bien sûr, établir que l'entreprise en question a obtenu les autorisations nécessaires.

M. Filion: Mais vous, vous n'avez aucune preuve de cette autorisation lorsque vous divulguez les informations'?

M. Chartrand: On ne nous envoie pas une copie de l'autorisation. Non, vous avez raison.

M. Filion: D'accord. Donc, finalement, est-ce qu'il y a des organismes publics parmi vos clientes?

M. Chartrand: Oui II existe, bien sûr, des organismes publics.

M. Filion: Au Québec ou...

M. Chartrand: ...qui font affaire chez nous. Ces organismes-là, à l'intérieur de la loi qui est le sujet de la discussion aujourd'hui ou de notre rencontre d'aujourd'hui, doivent, bien sûr, respecter les normes de la loi et doivent obtenir les autorisations nécessaires pour venir chez nous obtenir des renseignements ou fournir des renseignements, égalementl En fait, cela va dans les deux sensl Je sais qu'il y a eu, dans le passé, et il en existe encore, d'ailleurs, des négociations entre notre entreprise et certains ministères du gouvernement qui ont besoin d'obtenir des informations Toute la négociation est faite avec la commission qui surveille effectivement dans le milieu, comment cela se passe et s'assure que le tout est fait selon les dispositions de la loi.

M Filion: Qui s'assure que le tout est fait conformément aux dispositions de la loi?

M. Chartrand: La commission d'accès.

M. Filion: La Commission d'accès à l'information.

M. Chartrand: C'est exact. (10 h 45)

M. Filion: Pourrriez-vous donner un exemple des organismes publics qui font affaire avec vous? Vous avez dit qu il y a des ministères. Pourriez-vous être plus précis quant aux organismes publics, aux ministères, qui vous demandent des informations?

M. Chartrand: Bien sûr, ma réponse sera enregistrée et je voudrais faire attention avant de mentionner le ministère du Revenu, mais c'est celui qui me vient à la mémoire.

M. Filion: D'accord. Pour construire votre dossier, vous avez évidemment accès à des informations. Est-ce que vous pourriez nous expliciter un peu à quelle banque d'information vous faites appel, à quel réservoir de renseignements vous faites appel pour meubler vos dossiers sur les consommateurs?

M. Chartrand: C'est une espèce de système coopératif. Les compagnies qui viennent chercher les informations chez nous sont les compagnies qui nous les donnent. Alors, la grande majorité des informations contenues dans un dossier de crédit proviennent des compagnies, des institutions prêteuses, des banques, des institutions financières qui oeuvrent dans le domaine et qui nous fournissent, d une façon systématique ou d une façon manuelle les informations sur leurs clients ou sur les clients, effectivemen.t

J'ai mentionné tout à l'heure que, tous les 30 ou 60 jours les grandes entreprises nous fournissent une bande magnétique de leurs "recevables", si on peut employer cette expression, et cette information est traitée et mise au dossier. Cest de cette façon, effectivement, que l'information est recueillie et entreposée au dossier.

M Filion: Lorsque vous donnez des renseignements finalement à vos clients, vos clients sont en même temps dans bien des cas, des fournisseurs de renseignements.

M. Chartrand: Non seulement dans bien des cas mais dans tous les cas on exige qu'une entreprise accepte de nous fournir des renseignements avant de I'accepter comme cliente, autrement bien sûr, il pourrait se trouver que des entreprises puissent profiter de l'information en ne voulant pas en fournir. Si une entreprise veut obtenir des détails sur un consommateur il faut qu'elle accepte de nous fournir des renseignements d'une façon systématique ou sur demande Cela n'a pas d'importance, mais en fait, encore une fois c'est une exigence. Autrement le système ne pourrait vraiment pas fonctionner d'une façon adéquate.

M. Filion: II y a quelques exceptions qui me viennent à l'esprit rapidement Par exemple, le ministère de la Justice vous fournit les renseignements, mais ne doit pas vous en demander.

M. Chartrand: Le ministère de?M. Filion: De la Justice.

M. Chartrand: Je ne pourrais pas vous dire si le ministère de la Justice fait affaire chez nous et nous fournit des renseignements, je ne le sais pas. II nous fournit des renseignements, bien sûr, sur les dossiers publics et certaines choses qui sont des informations publiques et que l'on pourrait obtenir, je suppose, en achetant les

journaux ou en s'adressant aux personnes appropriées. C'est vrai que le ministère de la Justice nous fournit des renseignements sur bandes magnétiques, J'ai déjà lu, en fait, que vous aviez discuté effectivement du fait que le ministère de la Justice vendait des Informations au bureau de crédit. Il ne vend pas l'information comme telle, il nous charge un coût pour faire le traitement de la bande magnétique qui nous est donnée toutes les semaines ou toutes les deux semaines.

Les frais que nous cueillons au ministère de la Justice sont beaucoup plus, en fait, des frais de traitement que des frais pour l'information proprement dite.

M. Filion: Ce que je voulais dire, M. Chartrand... Vous dites qu'en général... Vous avez dit: Dans tous les cas, ceux qui nous fournissent un renseignement sont ceux qui nous tes demandent. Je disais tout simplement qu'il y a quelques exceptions. Par exemple, le ministère de la Justice ne doit pas être un ministère qui vous demande des renseignements, mais il vous en fournit par l'accès qu'il vous donne à ses bandes informatiques contenant tous les dossiers du palais de Justice.

M. Chartrand: C'est sûrement exact dans le cas présent.

M. Filion: Le ministère du Revenu, cela doit être l'inverse. J'ai l'impression que le ministère du Revenu ne vous donne rien. J'espère qu'il ne vous donne aucun renseignement.

M. Chartrand: Pas que je sache, en tout cas.

M. Filion: II ne faudrait pas, parce que la loi est bien précise dans ce cas-là. Par contre, le ministère du Revenu vous en demande.

M. Chartrand: Vous avez raison.

M. Filion: Avez-vous une entente avec le gouvernement du Québec ou avec chacun des ministères?

M. Chartrand: C'est individuel. En fait, s'il y a un ministère qui veut faire affaire avec le bureau de crédit, qui veut obtenir des renseignements, c'est sa responsabilité de prendre les mesures nécessaires pour ce faire. Ce n'est pas le gouvernement du Québec, c'est chacun des ministères. L'entente que l'on a pour obtenir des informations publiques du ministère de la Justice a été faite par le ministère lui-même et non pas par le gouvernement du Québec.

M. Filion: M. Chartrand, vous avez dit tantôt, vous le décrivez aux pages 4 et 5 de votre mémoire, qu'il y a un code volontaire de normes opérationnelles de l'industrie des bureaux de crédit. Ce que vous appelez ce code volontaire de normes opérationnelles, est-ce que vous l'avez avec vous?

M. Chartrand: Malheureusement, Je ne l'ai pas. Je ne pense pas l'avoir en tout cas. Mais on pourrait facilement s'engager à vous le...

M. Filion: Ce document ne doit pas être très volumineux.

M. Chartrand: Une seule page, effectivement.

M. Filion: Une seule page. M. Chartrand: Oui.

M. Filion: M. le Président, serait-il possible...

Le Président (M. Trudel): Sûrement. Si vous l'envoyez à la commission, aux soins de Mme Tanguay, comme dans le cas du mémoire, nous en prendrons connaissance à l'occasion de l'étude que nous ferons de...

M. Filion: II me reste juste quelques minutes, M. Chartrand. Évidemment, si je comprends bien, les consommateurs achètent partout. Les entreprises veulent savoir quel est te crédit des gens et c'est tout à fait normal. Votre entreprise telle qu'elle existe aujourd'hui est sophistiquée; il y a des ordinateurs; cela circule rapidement, 10 000 demandes d'information par jour que je calcule rapidement, c'est quand même énorme.

Le problème que je vois évidemment - et vous le soulevez dans votre mémoire de façon directe et vous vous y attaquez - ce sont les informations qui sont incomplètes ou inexactes et, dans certains cas, complètement fausses ou trompeuses et qui peuvent venir d'erreurs de bonne foi, comme elles peuvent venir de mauvaises informations qui vous sont envoyées de mauvaise foi, cela peut arriver. Je vais vous donner quelques exemples qui ont été cités hier dans les mémoires de l'Association des consommateurs du Québec et sans celui de la Ligue des droits et libertés. Évidemment, j'ai beaucoup parlé à l'Assemblée nationale du cas du ministère de la Justice, mais je vais prendre ces cas-là.

Le deuxième exemple est celui - je laisserai faire le premier cas, celui des fameuses listes noires de locataires - de la fourniture, par le ministère de la Justice, des enregistrements des plumitifs des tribunaux québécois à Acrofax. Cette entreprise insère ses renseignements sur les dossiers de crédit de millions de Québécois accessibles via 140 bureaux de crédit au Canada et les centaines de bureaux de crédit américains affiliés au réseau Equifax dont Acrofax n'est qu'une filiale. Vous me corrigerez, mais je peux comprendre également que cela semble exact.

Ainsi, des renseignements dont le recueil visait à garantir l'intégrité de la justice - encore une lois, c'est là qu'est le problème - ces renseignements obtenus dans les palais de justice sont colligés pour les fins de l'administration de la justice. Donc, des renseignements dont le recueil visait à garantir l'intégrité de la Justice, notamment en lui assurant son caractère public, servent indifféremment et sans distinction à des décisions relatives à la fourniture de logements, à l'embauche, au crédit, à l'achat à tempérament, à l'obtention d'une hypothèque.

Ici, la justice publique alimente l'existence d'un réseau de justice privé. Nous avons recensé de nombreux cas où ces renseignements fournis par le ministère de la Justice ont entraîné des dommages pour des Québécois et des Québécoises. Citons-en quelques-uns.

Un professionnel s'est vu refuser un prêt parce que son dossier de crédit indiquait qu'un magasin à rayons avait inscrit une poursuite contre lui Le dossier ne mentionnait pas que cette poursuite fut jugée sans aucun fondement par le tribunal.

Le crédit d'un autre homme fut affecté parce que son dossier de crédit mentionnait qu'il fut poursuivi en petites créances par une compagnie de téléphone. Ce que le dossier ne précisait pas, c'est que c'était à titre d'exécuteur testamentaire de son fiis décédé qu'il lui était réclamé le paiement d'une facture impayée par ce dernier.

Un entrepreneur fait faillite à la suite d'une fraude commise par un gérant de caisse populaire, malgré que cette faillite n'ait aucun rapport avec la qualité de sa gestion. Il se voit refuser toute demande de crédit à cause de ce renseignement inscrit dans son dossier de crédit.

Une personne voit inscrit dans son dossier de crédit le fait qu'elle fut accusée de l'incendie criminel de sa maison, malgré le fait qu'elle fut acquittée de toute accusation.

Tous ces renseignements exacts, mais Incomplets ou trompeurs, ont été fournis par le ministère de la Justice à Acrofax. Bref, la Ligue des droits et libertés, l'Association des consommateurs reprend l'argumentation que je développe. L'idée, encore une fois - mais je pense que vous en êtes conscient parce que vous mentionnez vous-même que beaucoup de consommateurs viennent vous voir - c'est que les renseignements que vous avez ne sont pas toujours exacts. J'aime beaucoup l'expression "incomplet". Vous savez, on dit souvent: II faut dire toute la vérité, rien que la vérité, et il n'y a rien de pire qu'une moitié de vérité qui peut couler quelqu'un complètement.

Le cas de l'exécuteur testamentaire est un beau cas C'est vrai qu'il a été poursuivi, c'est un fait, mais ce n'était pas à titre personnel. Cela peut être en qualité de tuteur, de curateur, d'exécuteur testamentaire, etc. Le dossier paraît bien. C'est pour cela que, comme avocat, si je vais au Palais de justice "pitonner" sur les machines du ministère de la Justice, je vais avoir l'histoire au complet. Je vais avoir accès aux documents, je vais avoir accès à la défense qui a été produite, je vais avoir accès au jugement, je vais avoir accès à l'exacte dénomination des parties, alors que lorsqu'on prend juste des bribes d'information cela risque, parce que c'est incomplet, de devenir Inexact et de causer un préjudice très élevé au consommateur.

D'autant plus, M. Chartrand, si vous me permettez, que le consommateur n'est pas toujours au courant que l'entreprise avec laquelle il fait affaire va demander des renseignements sur son compte. C'est cela le problème. Si je vais à la banque, les citoyens qui vont à la banque qui se voient refuser un prêt personnel ne sauront pas pourquoi ce prêt personnel a été refusé dans bien des cas, ou s'ils le savent fis ne sauront pas où l'information a été prise.

Vous l'avez vous-même admis très ouvertement, très candidement tantôt: Nous n'avons pas l'autorisation du consommateur lorsqu'on fournit les renseignements à nos clients.

Je vais donner un autre exemple de cela un peu dans un autre ordre d'idées, mais cela va bien faire comprendre le type de dommages que peuvent causer ces informations incomplètes. À la page 1 de votre mémoire, vous écrivez, au dernier paragraphe, et j'attire l'attention des membres de la commission là-dessus. Acrofax écrit: "Nous partageons également l'avis de la commission en ce qui concerne son intention de ne pas étendre au secteur privé l'application des dispositions de la loi. Le secteur privé, axé sur l'information, est déjà assujetti à une réglementation provinciale particulière, etc." Acrofax nous dit dans son mémoire aujourd'hui qu'elle partage l'avis de la commission sur son intention de ne pas étendre au secteur privé l'application des dispositions de la loi. On a tous eu le rapport sur la mise en oeuvre Ce n'est pas cela que dit le rapport de la Commission d'accès à l'information aux pages 66, 67, 68 et 69.

Si vous regardez la recommandation no 2 de la commission comme telle, c'est écrit: "La commission ne soumet aucune recommandation immédiate à l'égard de l'assujettissement des organismes privés à des règles de protection des renseignements personnels. Elle se borne à souligner le caractère préoccupant de cette question et l'importance d'y réfléchir." Quand on lit les pages 66, 67, 68 et 69, on s'aperçoit que la commission nous a exposé le problème et dépose finalement aux membres de la commission le problème en faisant valoir les deux côtés, mais elle est loin d'affirmer son intention de ne pas étendre au secteur privé l'application des dispositions de la loi.

Je donne cela uniquement comme exemple pour dire que, lorsque vous écrivez cela dans votre mémoire, c'est inexact. C'est donc finalement le type d'information qui pourrait être transmis à vos membres qui, eux, vont croire que la Commission d'accès à l'information recom-

mande de ne pas assujettir. Mais voilà, c'est juste à titre d'exemple, M le Président, que je donne cela, pour montrer que ce type d'erreur s'applique aussi aux consommateurs et l'erreur que vous avez faite Ici est de bonne foi. Vous avez interprété finalement le rapport de mise en oeuvre de la commission comme voulant dire quelque chose qu'il ne dit pas du tout.

C'est la même chose pour les renseignements sur les consommateurs, d'où pour beaucoup la nécessité - on en discutera entre nous - notamment de voir et j'attire votre attention là-dessus, j'ai hâte de voir votre code de déontologie. J'espère qu'il est un peu plus serré que le type d'attitude qui a amené à rédiger le dernier paragraphe de l'introduction de votre mémoire.

Encore une fois, il n'y a pas de mauvaise foi là-dedans. C'est juste une question que, lorsqu'on transmet des renseignements sur des individus, il faut être extrêmement prudent, parce que cela cause des dommages, des préjudices aux individus.

Ma question est un peu longue. En fait, vous aurez compris que c'est un commentaire mais en toute justice, je pense que vous voulez peut-être réagir à l'ensemble de ces propos. Je vous écoute. (11 heures)

M Chartrand: J'aimerais peut être faire un commentaire ou deux. Vous conviendrez que l'information dite judiciaire, si I'on veut, les archives publiques sont quand même importantes quasi nécessaires dans l'évaluation d'un risque ou dans l'évaluation d une demande de crédit ou un prêt ou pour d'autres transactions. Lorsque l'on obtient cette information-là elle est mise au dossier et, dans le cas ou nous ne connaissons pas la disposition de I'action en question, il y a une note qui se fait automatiquement au dossier en disant que la disposition est inconnue.

On le suggère effectivement aux institutions à qui on envoie I'information. Ce qu'elles font normalement, elles s'assoient avec le consommateur en question, en disant: Voici l'information que j'ai reçue, qu'est-ce qui arrive? C'est une information que vous ne m'aviez pas donnée iI y a eu une faillite ou il y a eu un jugement ou il y a eu quelque chose, c'est l'information qui m'est fournie par un bureau de crédit, qu'en pensez vous? J'aimerais penser qu'à la suite d'une conversation dans ce sens, s'il y a eu mésentente, s'il y a eu erreur, que I'information sera corrigée. J'ai mentionné tout à l'heure qu'il y a beaucoup d'institutions prêteuses, beaucoup de compagnies qui, lorsqu'elles prennent une décision négative vis-à-vis d'une demande de crédit ou d'assurance, avisent le consommateur en question que I'information vient d'un bureau de crédit et de la raison pour laquelle le refus est fait. Cela devient quasi pratique courante, une chose comme celle-là.

Encore une fois, l'information est là On pense que l'information a une valeur et qu'elle devrait être mise à la disposition quand même de l'entreprise qui doit prendre la décision. On a voulu rendre le système le plus équitable possible, bien sûr. On s'assure, à ce moment-là, de bien indiquer qu'on ne connaît pas la disposition de I'action en question. Quand vous faisiez référence, tout à l'heure, à nos commentaires dans le mémoire, bien sûr qu'à ce moment-là on prend note de ce que la commission dit. En fait, on dit partager l'opinion de la Commission d'accès à l'information en ce qui concerne te libre accès et la protection des renseignements personnels. On dit également: Que, quand la commission dit que son rôle va être de continuer à suivre l'évolution d'une chose comme cela, elle dit exactement ou implicitement qu'à l'heure actuelle, cela semble bien aller.

II y a peut-être une nuance dans le cas présent en disant que la commission ne dit pas de façon tout à fait explicite qu'il n'y a absolument rien à faire, mais on suppose, bien sûr, que la commission va continuer à jouer son rôle Elle va continuer à suivre le déroulement ou I'évolution de la mise en oeuvre de ta loi comme telle.

M. Filion: J'attire juste votre attention en bas de la page 69 du rapport sur la mise en oeuvre: "Ces quelques questions - quand on parle du secteur privé - devraient sans doute suffire à faire voir la très grande complexité du sujet. Mais elles ne doivent cependant pas en atténuer l'importance ni en retarder l'étude. À l'initiative du ministère de la Justice un groupe de travail interministériel - on en a parlé ici - etc. "

M Chartrand: On est au courant.

M. Filion: La recommandation de la commission n'est pas de dire de ne pas assujettir. La recommandation de la commission c'est de nous exposer le problème, point. II y a une grande différence entre les deux. Écoutez, juste en terminant, j'ai une ou deux questions très courtes. À la question de mon collègue, le député dArthabaska vous avez dit qu'il y a une partie de vos services qui sont informatisés. Grosso modo, est-ce que c'est la partie qui concerne les consommateurs? En somme, oui, c'est ça. Et combien de citoyens du Québec ou de citoyennes du Québec, à peu près, ont un dossier chez vous? Environ.

M. Chartrand: II va falloir que je parle pour l'ensemble du Canada, malheureusement.

M. Filion: D'accord.

M. Chartrand: La banque de données que nous avons contient à peu près 13 000 000 de dossiers. Alors, si vous faites le partage et si vous établissez le ratio de la population du Québec versus la population du Canada, on pourrait, à ce moment, en arriver...

M. Filion: Cela donne pas loin de toute la population active.

M. Chartrand: Probablement, oui.

M. Filion: Bien oui, parce que 13 000 000 sur quelque 20 000 000 j'ai comme l'Impression que c'est toute la population active C'est un ordinateur, évidemment, qui permet au bureau de crédit de Drummondville, pour reprendre l'exemple de tantôt, d'aller chercher des informations sur un citoyen de Hull ou de Sherbrooke.

M. Chartrand: J'aime mieux l'exemple de Sherbrooke.

M. Filion: D'accord.

M. Chartrand: Celui de Hull ne s'applique pas. En fait, Hull est avec l'ordinateur de Toronto. Effectivement, oui, Drummondville vis-à-vis de Sherbrooke. Le bureau de crédit de Drummondville, pour utiliser cet exemple - je ne sais pas pourquoi on se sert toujours de Drummondville - pourrait obtenir des renseignements sur un résident de Sherbrooke et vice versa, bien sûr. Le bureau de crédit de Drummondville est de propriété privée, c'est un bon exemple. Par contre, le bureau de crédit de Drummondville a une entente avec nous et appartient au réseau d Acrofax. Cela veut dire que sa banque de données pour le bureau de crédit de Drummondville, lui appartient en propre, mais que, faisant partie du réseau, il bénéficie des avantages du réseau en ce sens qu'il peut obtenir des renseignements sur un résident qui ne vit pas vraiment à Drummondville. Celui-ci peut vivre ailleurs.

M Filion: Le temps nous manque, M Chartrand. J'aurais beaucoup aimé poursuivre cette discussion avec vous. Simplement peut être pour attirer votre attention, en terminant, si le président me le permet, je ferai un dernier commentaire. Peut-être le ministre veut-Il intervenir, je ne le sais pas. Dans votre ordinateur, vous avez à peu près la totalité de la population active du Québec. Je m'occupe du Québec, mais c'est la même chose pour le Canada. Parlons du Québec, puisque c'est ce qui nous préoccupe. En même temps, vous avez un code de déontologie qui doit ressembler un peu à celui du bureau des assurances du Canada qu'on recevait hier et qui tient dans une feuille. Nous avons une loi avec quelque 100 articles juste pour réglementer, pour essayer de donner des balises, des jalons aux organismes publics. Évidemment, cela ne concerne pas les organismes privés, c'est seulement pour les organismes publics, mais on a cru bon, comme législateurs, de déterminer 182 articles d'une loi qui, maintenant, fait non pas le consensus, mais à peu près l'unanimité. Vous disiez même, en réponse aux questions du président. C'est une bonne chose la loi, et même les recommandations dans le rapport sur la mise en oeuvre sont une bonne chose. Bref, n'y a-t-il pas là matière à haute préoccupation? On a environ 160 articles, une loi au complet, pour les organismes publics. En même temps, vous détenez à peu près la même chose. D'ailleurs, le ministère du Revenu, c'est un de vos clients, mais en même temps un de vos fournisseurs, etc. En tout cas, bref, vous avez de l'information sur tout le monde qui bouge au Québec. Et, pour vous guider là-dedans, malgré les exemples que vous connaissez bien, vous avez un code de déontologie qu'on va nous produire, dans les jours suivants si c'est possible, qui tient sur une feuille. Il doit probablement ressembler à celui du bureau des assurances du Canada ou l'on dit. Dans la mesure du possible ou diligemment - en tout cas, je ne le sais pas, je le lirai. Vous nous dites, en même temps: Surtout, ne touchez pas au secteur privé! Pour nous, cela va bien. Je ne veux pas dire par là qu'il faut nécessairement toucher au secteur privé, mais je veux dire que cela vient juste renforcer ma préoccupation. Comme législateur et comme représentant de la population de mon comté, cela vient juste renforcer ma préoccupation, mon inquiétude à l'égard de ce qui peut se passer.

Ceci dit, je dois vous dire une chose en toute honnêteté, je vous remercie d'être venu aujourd'hui. II aurait été facile pour vous de vous abstenir de venir, de ne pas produire de mémoire. Je pense qu'il y a là une volonté d'exposer le travail que vous faites au lieu de le garder caché. Déjà, de mettre cela en lumière et de répondre aux questions, comme vous le faites aujourdhul, c'est très bien. À mon sens, c'est le signe qu'on pourrait éventuellement trouver des solutions pour empêcher cette société de surveillance, comme je la qualifiais hier, de devenir un petit monstre qui va étouffer les citoyens victimes d une erreur, parce que l'information est incomplète.

Bref, au nom de ma formation politique, je vous remercie d'être venu. J'ai trouvé notre discussion très intéressante .Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, M le député de Taillon. M le ministre.

M. French: M le Président, je pense que les questions soulevées par le député de Taillon sont des questions importantes même si elles outrepassent quelque peu le mandat technique de la commission. Je n'en fais pas une cause, c'est une très bonne chose. II faut quand même mentionner, si j'ai bien compris, qu'il y a, en sus du code de déontologie, dont on n'est pas encore saisi mais qui tient dans une feuille, les articles 35 à 41 du Code civil qui vont venir s'appliquer aux activités d'Equifax et qui si j'ai bien compris sont accueillis positivement par l'entreprise . Je pense que vous avez mentionné cela

dans votre présentation et Je ne dis pas que c'est tout, Je vous dis tout simplement qu'il faudrait évoquer cette réalité juridique qui s'en vient.

J'ai une seule question et je ne suis pas sûr que la question, M. Chartrand, soft pour vous ou pour votre procureur, Me Cullen. La question découle de l'ensemble des préoccupations du député de Taillon et de d'autres témoins devant nous et, plus particulièrement, de la réalité technologique avec laquelle vous travaillez. Il y a le fait, par exemple, que les Québécois de l'ouest du Québec se retrouvent avec des fichiers personnels dans une banque de données qui est située à Toronto. Cela m'amène à me poser la question à savoir dans quelle mesure l'Assemblée nationale du Québec, étant donné les transferts de données "transfrontaliers", a les capacités Juridiques et technologiques de contrôler l'activité des bureaux de crédit à la consommation qui a lieu et qui s'applique aux citoyens et aux résidents du Québec. C'est une question que Je pose sans préjudice, c'est une question qui, néanmoins, me paraît pertinente pour l'ensemble de la considération qu'il faut avoir sur cette question-là et je profite du fait que nous avons des gens qui travaillent là-dedans quotidiennement pour essayer de comprendre davantage la problématique.

M. Chartrand: J'aimerais peut-être au départ apporter un éclaircissement. Quand on a parlé des informations dans l'ouest du Québec et dit que les dossiers sont entreposés dans une banque de données qui est à Toronto, étant simplement pour expliquer la situation un peu technologique qui existe. Cela ne veut pas dire, bien sûr, que tes gens du Québec ou les entreprises du Québec ne peuvent obtenir des renseignements sur les gens de Hull ou les gens de cette région du Québec Le fait est que le bureau de crédit à Ottawa-Hull, qui en fait est celui qui fait les enquêtes sur cette région-là, est affilié au réseau informatisé de Toronto au lieu d'être affilié au réseau informatisé d'Acrofax ou à celui de Montréal, mais il existe quand même des ententes, une relation très étroite avec Toronto, en fait entre le réseau de Toronto et celui d'Acrofax, et les Informations sont échangées d'une façon tout à fait régulière.

M. Cullen: Je me permettrais d'ajouter que, quant à la question juridictionnelle, au-delà de la simple question pratique de la surveillance sans doute fort complexe, vous l'avez compris, il y a déjà au niveau fédéral des mécanismes en place qui visent à un examen continu de ces échanges d'information dans tout le Canada, lesquels mécanismes visent évidemment à atteindre la même protection des intérêts privés des consommateurs, où qu'ils soient au Canada, que ceux qui font l'objet des soucis de cette commission, bien sûr. (11 h 15)

En substance, sur le plan juridictionnel, il y a peut-être un problème de partage de compétences dans lequel je n'ai aucune intention d'entrer II va de soi, et cette province l'a fait, qu'il est toujours loisible de faire des lois ou d'apporter, comme ce sera le cas bientôt, des amendements au Code civil, qui est le droit supplétif en vigueur dans cette province, dans le but de toucher ces secteurs qui relèvent de la compétence particulière constitutionnelle de cette province. Cependant, en matière de législation spécifiquement orientée sur le secteur privé, il y a peut-être là une question qui est non seulement juridique à cause de ce partage juridictionnel mais évidemment une question d'opportunité politique. Quel serait le meilleur forum en définitive pour contrôler cet échange d'informations outre-frontière à l'intérieur du pays? Poser...

M. French: Excusez-moi, Me Cullen, je veux être très clair. Je ne veux pas aborder la question de juridiction ni la question constitutionnelle. Ce qui me préoccupe, ce sont les vraies capacités, non pas tes capacités constitutionnelles mais "pratico-pratiques", de contrôler les flux de données transfrontaliers. Ce n'est pas plus compliqué que ça. J'ai le sentiment un peu et je suis mal à l'aise avec ce sentiment-là ou cette analyse-là, mais J'ai le sentiment que, sans une activité interprovinciale extrêmement étendue et détaillée, c'est une "peanut" pour vous de transférer vos banques de données, et je ne suis pas sûr que ces banques de données, qu'elles soient à Hawkesbury, qu'elles soient à Bathurst, qu'elles soient à Toronto, sont à l'intérieur de l'étendue des pouvoirs réels des cours québécoises poursuivant d'après le Code civil ou un statut québécois. C'est cela que je vous invite à commenter.

M. Cullen: Absolument. Sur le plan de l'exécution possible de toute loi qui pourrait être adoptée en relation avec ces échanges d'informations à travers des frontières, c'est bien évident que le bras de la loi ne peut rejoindre que les confins de la province de Québec et pas au-delà. C'est également bien évident en pratique qu'il suffirait d'effectuer un tel déménagement de banques de données de façon à rendre tout à fait illusoires dans la vie de tous les jours les conséquences d'une loi qui serait présumée tenter de corriger des abus d'échanges d'informations outre-frontière

Autrement dit, concrètement parlant, c'est manifestement impossible d'espérer réglementer au sein d'une seule province un échange d'informations qui, par définition, en affecte plusieurs. Tout ce qu'on pourrait imaginer faire, c'est de bloquer la situation dans la province en question et de reporter, de renvoyer le problème ailleurs. Alors, cela redevient, je pense, M. le ministre, M. le Président, une question d'opportunité politique. Quel est le forum approprié en ce qui

concerne toute législation future qui pourrait éventuellement envisager s'adresser à cette question? Il faudrait manifestement que ce soit dans un ordre - je dois y revenir - juridictionnel où on a la faculté et la possiblité légale de mettre en vigueur les décisions qu'on prend.

M. French: J'aimerais remercier... Vous voulez continuer sur le fond, M. le député.

M. Filion: Oui, juste pour peut-être... M. French: Allez-y!

M. Filion: ...corriger la perception de certaines choses. D'abord, II y a la loi sur...

Une voix:...

M. Filion: ...les bureaux de crédit qui concerne essentiellement le permis, je pense Est-ce cela, la loi sur les bureaux de crédit? Surtout, les formalités qui entourent la délivrance du permis, sauf erreur.

M. Cullen: C'est une des parties importantes de la loi effectivement

M. Filion: D'accord. Deuxièmement, en ce qui concerne l'aspect que mentionnait le ministre tantôt, à savoir les nouvelles dispositions contenues au Code civil, son collègue, le ministre de la Justice, a dit qu'il n'avait pas l'intention de les faire entrer en vigueur sans que ce soit d'un bloc, c'est-à-dire tout le Code civil au complet. Et cela a été une discussion... Peut-être que le ministre était absent à ce moment-là, mais je veux juste lui rappeler que cela n'est pas du tout en vigueur au moment où l'on se parie.

Troisièmement, je considère comme faisant partie importante de notre mandat de déterminer si le secteur privé doit être ou non assujetti à une forme de législation et de réglementation. Je suis convaincu que le ministre, tantôt quand il disait qu'on n'était pas dans la technique... On n'était pas dans la technique, mais on parlait d'un problème qui est soulevé par la recommandation no 2 de la commission et que je considère comme une partie importante, d'autant plus qu'on parle de deux tiers des Québécois qui sont fichés. Alors, c'est presque toute la population active. Je pense que c'est important. Je voulais juste préciser cela.

M. French: Oui, j'apprécie la clarification du député de Taillon. J'avais dit moi-même que c'était important de débattre cette question-là et ici à part cela. On n'a pas de différend là-dessus.

M. Filion: D'accord.

M. French: J'aimerais remercier M. Char-trand et Me Cullen d'avoir apporté leur opinion, leurs éclaircissements, leurs recommandations à la commission. C'est valable. Je pense que, malgré qu'on n'ait pas eu un grand nombre d'intervenants, on a eu une diversité qui nous permet de saisir en peu de temps une bonne partie de la réalité de la loi et des problèmes et des avantages qu'elle comporte. Vous faites partie de cette brochette de témoins qui nous ont permis de bien comprendre la problématique. Je vous remercie beaucoup.

M. Filion: Je voudrais ajouter un mot, d'autant plus que vous ne nous avez pas demandé - cela fait du bien - d'avoir accès à nos rapports de police sans autorisation. Peut-être qu'on ne verra pas passer une journée sans en entendre parler...

M. Chartrand: On n'aurait pas osé.

M. Filion: D'accord. J'ai apprécié, quant à moi, le fait que vous considériez que les recommandations de la commission, la loi actuelle, vous convenait bien en ce qui concerne les organismes publics

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député. À mon tour, M. Chartrand, Me Cullen, je vous remercie au nom de la commission de vous être déplacés pour nous entretenir de vos réactions au rapport de la commission et nous donner des renseignements, des informations fort utiles sur votre industrie Vos réponses ont été franches et directes et on les apprécie, il faut dire que les questions du député étaient également directes, ce qui devrait toujours être le cas en commission parlementaire. Nous attendons donc le document que vous voulez nous déposer. Au plaisir de vous revoir à l'occasion d'une autre commission. Merci beaucoup.

M. Chartrand: Merci, M. le Président. M. Cullen: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): On suspend pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 22)

(Reprise à 11 h 28)

Le Président (M. Trudel): Pendant que les députés prennent place autour de la table, j'inviterais nos prochains invités, M. Paul Morin et Jean Denys d'Auto-Psy, à s'approcher. Je pense, messieurs, que vous étiez déjà des nôtres ce matin quand j'ai rappelé à nos premiers invités les règles du jeu. Alors, vous les connaissez.

Je vous souhaite la bienvenue. Nous avons affaire à des praticiens de la loi sur l'accès à l'information et je trouve cela important et

intéressant. Vous avez une expérience pratique. Donc, nous allons pouvoir nous entrenir avec vous de cette expérience pratique qui m'apparaît importante. Je reviendrai, quant à moi, avec des décisions. Je vous cède la parole, M. Morin ou M. Denys.

Auto-Psy

M. Denys (Jean): Je suis Jean Denys. Je suis membre du conseil d'administration d'Auto-Psy.

Le Président (M. Trudel): Et secrétaire trésorier. D'accord et M Paul Morin est administrateur.

M. Morin (Paul): Je voudrais juste ajouter un détail. Je suis ici en tant qu'agent de développement du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec, une fédération provinciale qui groupe quarante organismes dans I'ensemble du Québec et qui s'est d'ailleurs fait entendre lors de la commission parlementaire sur la santé mentale. M. Jean Denys, d'Auto-Psy, fait aussi partie du conseil d'administration du regroupement. Le regroupement appuie la totalité des principes et des recommandations mises de l'avant par Auto-Psy. C'est le mémoire d'Auto- Psy, mais appuyé par le regroupement.

Le Président (M. Trudel): Merci. Alors, allez-y pour une période de plus ou moins vingt minutes. Et pour répéter ce que je dis toujours, pas mal moins que plus autant que possible. Merci.

M Denys: Alors, on va présenter le mémoire. On ne lira pas tout le mémoire, mais quand même une bonne partie. On trouve important de présenter la totalité du mémoire.

Alors, Auto-Psy, Autonomie-Psychiatrisé(e)s, est un organisme alternatif en santé mentale composé de personnes psychiatrisées et de sympathisants et sympathisantes qui travaillent à la défense des droits des personnes psychiatrisées, c est à-dire des personnes qui sont ou qui ont déjà été sous traitement psychiatrique. Le groupe est présent dans trois régions du Québec la Mauricie, Montréal et Québec.

En tant que groupe de défense des droits, le droit à l'information, en particulier le droit à l'accès aux documents d'organismes publics et le droit à l'accès au dossier médical, est un droit que nous revendiquons depuis le tout début du groupe, en 1980. Au niveau individuel, nous croyons que plus une personne est informée plus elle a la possibilité de prendre des décisions éclairées. Au niveau collectif, une législation sur le droit à l'information est garante de la qualité de la démocratie et du respect des droits fon damentaux.

La pertinence et l'avenir de la loi. Depuis le 1er juillet 1984, nous avons fait plusieurs demandes d'accès à des documents d'organismes publics. Chaque fois, nous avons essuyé un refus de ia part des organismes. Nous sommes donc allés en révision devant la Commission d'accès à l'information. Après beaucoup de temps et beaucoup d'argent, nous avons finalement obtenu des informations intéressantes. Notre expérience nous permet donc d'apprécier la pertinence et la valeur de la loi.

Globalement, nous sommes satisfaits de la loi. C'est pourquoi nous recommandons que la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels sort maintenue et que la surveillance de son application continue d'être assumée par un organisme indépendant.

Néanmoins, nous sommes d'avis qu'il faut apporter des modifications à la loi pour lui permettre d'atteindre ses objectifs et ce, à moindre coût pour toutes les parties impliquées.

En ce qui concerne le Curateur public, en tant que groupe de défense des personnes psychiatnsées, tout ce qui concerne la Curatelle publique nous intéresse au plus haut point. Ainsi, nous avons été étonnés d'apprendre qu'un jugement de la Cour supérieure a renversé une décision de la CAI et statué que le Curateur public, une personne désignée par le gouvernement n'était pas assujetti à la loi. Nous sommes d'accord avec la commission que s'il était dans l'intention du législateur d'assujettir à la loi le lieutenant-gouverneur et l'Assemblée nationale, il devait être aussi dans son intention d'inclure une personne désignée par le gouvernement.

Pourquoi donc ne pas assujettir le Curateur public à la loi sur l'accès, quand on sait que la Curatelle publique a pour mandat de représenter les personnes les plus démunies de la société? Ces personnes ont aussi droit à un traitement équitable. Notons qu'il y a environ 12 000 personnes sous Curatelle publique au Québec.

Nous recommandons donc que des modifications à la loi soient proposées, afin dy assujettir le Curateur public et les centres d'accueil privés conventionnés.

La CAI, tribunal administratif ou commission de surveillance avec pouvoir de recommandation? C'était un des principaux épisodes qui nous ont amenés devant ta Commission d'accès à l'information. C'était une véritable saga. Cela a commencé en 1983, quand le ministre avait commandé un rapport d'enquête sur la Curatelle publique. Déjà, en 1984, on avait demandé de consulter le document. Cela nous a été refusé, mais on n'avait pas de recours concret. Quand la loi d'accès à l'information est entrée en vigueur, là, on avait des recours concrets. On est allés devant la Commission d'accès à l'information et cela a duré deux ans et demi. On est passés en Cour supérieure, en Cour d'appel et finalement, on a mis la main sur le document après deux années de guérilla juridique qui nous auront coûté 3500 $ en frais d'avocat. Finalement, on a mis la main sur le document.

Ce qu'il est important de dire, c'est qu'il faut absolument que la Commission d'accès à l'information garde son pouvoir d'ordonnance et de surveillance parce que, sans la loi, jamais on n'aurait mis ia main sur ce document, c'est certain. Ce qui est intéressant, c'est que cela fait beaucoup de remous, mais on a quand même mis la main sur un document qui a permis finalement d'améliorer la gestion des fonds publics puis de faire un peu... Cela a amené beaucoup de changements qui, finalement, ont été profitables pour tout le monde.

C'est pour cela qu'afin d'assurer la meilleure atteinte des objectifs de la loi et pour des raisons d'accessibilité, d'efficacité, de cohérence et de visibilité, nous recommandons que ta commission conserve son rôle de tribunal administratif et ses pouvoirs de surveillance et d'ordonnance.

M. Morin: Le droit d'appel en Cour provinciale. Notre expérience du droit d'appel en Cour provinciale est tout particulièrement révélatrice de la volonté de certains organismes publics de ne pas respecter l'esprit de la loi d'accès à l'information. La décision d'en appeler d'un organisme a pour but de retarder les procédures, au point de provoquer l'abandon de l'autre partie, faute d'argent pour payer les frais d'un avocat, indispensable à ce niveau.

L'appel en Cour provinciale ne devient alors qu'une tactique dilatoire. Cela vient contrecarrer la volonté du législateur qui a justement créé une loi accessible au citoyen ordinaire. Voici les deux cas vécus qui nous amènent à cette position. Je vous ferai grâce de tous les détails. Au centre hospitalier Robert-Giffard, le 20 août 1984, on a demandé accès aux procès-verbaux. Refus de Robert-Giffard. La Commission d'accès à l'information rend une décision. Auto-Psy y a droit. Évidemment, appel à la Cour provinciale et, finalement, en mai 1985, après neuf mois de procédures et 1100 $ en frais d'avocat, nous obtenons les documents.

La clinique Roy-Rousseau a encore plus de détails judiciaires. Le 20 août 1984, on demande accès aux réunions du conseil d'administration de la clinique Roy-Rousseau, évidemment, refus de la clinique Roy-Rousseau. La Commission d'accès à l'information rend une décision en décembre 1984. Même si la clinique Roy-Rousseau n'est pas dans les délais pour faire une demande d'appel à la Cour provinciale, la Cour provinciale accepte d'entendre le délai. Finalement, le 15 mars 1987, après plus de deux ans et demi de guérilla juridique qui nous aura coûté 2500 $, nous pouvons enfin consulter les documents.

Évidemment, deux années plus tard, les procès-verbaux avaient perdu beaucoup de leur intérêt. Manifestement, les dirigeants de ia clinique n'ont pas respecté l'esprit de la loi. Le droit d'appel en Cour provinciale peut donc être utilisé comme tactique dilatoire pour retarder le plus possible la divulgation des procès-verbaux.

Au départ, confiant et servi par une procédure voulue gratuite et relativement simple, voici le citoyen contraint d'engager des frais et de faire preuve de grande patience sans être assuré de l'utilité réelle de l'information qu'on lui refuse. Dans de telles circonstances, plusieurs citoyens abandonnent la partie ou décident de laisser le dossier suivre son cours sans intervenir.

Il faut donc éliminer le droit d'appel "automatique" comme stratégie dilatoire. C'est pourquoi, nous recommandons qu'à l'instar des organismes similaires, par exemple, la Commission des affaires sociales dont les décisions sont finales et sans appel, le droit d'appel des décision de la CAI auprès de la Cour provinciale soit aboli. Le droit strict d'appel en révocation auprès de la Cour supérieure suffit à mettre les parties à l'abri d'erreurs sérieuses de droit.

Mandat explicite d'informer le public. La loi sur l'accès est, d'abord et avant tout, une loi qui veut rejoindre le citoyen ordinaire. Que ce soit pour l'accès à un document, pour la consultation d'un dossier personnel ou pour une demande de rectification de renseignements personnels, c'est à lui que revient l'initiative. Cette caractéristique de la loi exige donc que le citoyen soit informé de ses droits.

L'enquête du ministère des Communications auprès des organismes publics révèle que la loi d'accès était peu connue (64 %) ou inconnue (24 %) de la population. Un autre sondage nous apprenait que seulement 32 % de la population connaissait l'existence du dossier médical. Imaginez le pourcentage de personnes qui connaissaient l'existence du droit d'accès au dossier médical. Nous recommandons en conséquence qu'un mandat explicite d'informer le public soit confié à la commission tout particulièrement sur ie droit d'accès à son dossier médical, le droit de rectification des renseignements qui y sont contenus.

Changement de mentalité. La loi sur l'accès est certainement une loi avant-gardiste. Elle fournit au citoyen ordinaire des moyens pour exercer un meilleur contrôle sur les décisions que prennent les gestionnaires publics dans un souci de transparence. Ces gestionnaires n'avaient pas cette habitude de rendre des comptes à la population aussi directement. Au moment de l'adoption de la loi, plusieurs craignaient d'être livrés pieds et poings liés à la curiosité populaire. C'est pourquoi il y a, dans certains organismes, beaucoup de résistance à se conformer à cette loi. Deux expériences précises viennent corroborer ces affirmations. Par exemple, lors d'une comparution en Cour provinciale, nous avons remarqué la présence d'un fonctionnaire de la Commission de protection du territoire agricole du Québec qui était venu sur place pour en apprendre plus sur les possibilités de refuser un document. C'est évidemment une situation admissible.

L'autre concerne une demande qu'on a faite

au Conseil régional de la région 03 où l'on voulait savoir qu'elle avait été la procédure pour la nomination de groupes bénévoles au sein du conseil d'administration de Robert-Giffard. Dans un premier temps, le conseil régional a refusé de divulguer les informations. Il y avait eu une audition de prévue à la Commission d'accès à l'information et il a fallu se rendre le matin même pour que le Conseil régional nous donne cette information sans qu'on passe devant la CAI.

Comme on dit, pourquoi toujours attendre à la dernière minute pour se conformer à la loi? Là se situe, à notre avis, un des enjeux fondamentaux de l'avenir de la Loi d'accès à l'information. Voter une loi ne règle pas les problèmes d'accès instantanément. Il faut être conscient que face à une loi avant-gardiste, II y aura des résistances au changement, et tant qu'il n'y aura pas de changement de mentalité et d'attitudes, la loi ne donnera jamais les résultats escomptés.

Les administrateurs des organismes publics ont de vieilles habitudes d'administration en vase clos, en cachette. Tant qu'ils n'auront pas compris qu'ils doivent rendre des comptes à la population qui paie, par ses impôts, toutes les dépenses de l'administration publique, la situation ne s'améliorera pas.

Il y a peut-être deux autres exemples que je pourrais donner vite. C'est que j'ai siégé à des conseils d'administration d'hôpitaux avant et après que la loi d'accès à l'information soit adoptée et je peux vous dire qu'il y a une énorme différence entre les procès-verbaux avant et après l'adoption de la loi d'accès à l'information. C'est que depuis que la Loi sur l'accès à l'information a été adoptée les procès-verbaux des conseils d'administration des hôpitaux sont beaucoup plus épurés qu'ils ne l'étaient avant. Même si vous les demandez, ils sont déjà très épurés tandis qu'avant, c'était beaucoup plus explicite. Aussi, une autre pratique qui tend à se généraliser, c'est lorsqu'on crée... Récemment, j'ai pris contact avec le ministère de la Justice pour avoir un certain document. On m'a dit: C'est un comité de travail qui s'est réuni. Il n'a pas vraiment de mandat officiel. Si vous voulez avoir le document, je ne suis pas certain que la loi d'accès à l'information s'appliquerait. Donc, c'est une certaine autre façon, on crée des comités sans que vraiment ils soient officiels. Cela n'améliore pas la qualité de l'accès à l'information.

Pour terminer, l'information est un pouvoir et ce pouvoir, les gestionnaires devront apprendre à le partager. Nous recommandons qu'un mandat explicite soit donné pour l'information et la sensibilisation aux objectifs de ia loi sur l'accès à l'information des fonctionnaires responsables de l'accès aux documents de chaque organisme public. Merci.

M. Denys: Est-ce qu'il me reste un peu de...

Le Président (M. Trudel): Oui. allez-y, bien oui.

M. Denys: ...temps, oui.

Le Président (M. Trudel): On n'est pas dépendants de l'horloge à ce point.

M. Denys: Pardon?

Le Président (M. Trudel): On n'est pas dépendants de l'horloge a ce point.

M. Denys: Je voudrais Insister sur certaines recommandations que la commission a présentées et qu'on n'a pas vraiment mentionnées dans notre mémoire. La recommandation 2 dit que la commission ne soumet aucune recommandation immédiate à l'égard de l'assujettissement des organismes privés à des règles de protection des renseignements personnels. Elle se borne à souligner que...

Le Président (M. Trudel): Comme je vous l'ai dit, on n'est pas à ce point esclaves de l'horloge. Vu le fait que vous nous exposez de nouveaux commentaires, est-ce que |e peux vous demander de ralentir un peu votre débit? On a du temps. Je vais essayer de vous suivre dans le résumé des recommandations.

M. Denys: Oui, d'accord. La commission souligne le caractère préoccupant de la question de l'assujettissement des organismes privés, à des règles de protection des renseignements personnels. Je pense que le député de l'Opposition, tout à l'heure, a Insisté sur le fait qu'il pouvait y avoir beaucoup de danger dans le cas des dossiers de crédit, quand les banques de renseignement, contiennent des renseignements qui sont inexacts. Je voudrais insister là-dessus, sur les dossiers qui nous concernent le plus, c'est-à-dire, les dossiers médicaux. Souvent, il y a des dossiers médicaux qui sont... Évidemment, dans toutes les entreprises privées il y a des dossiers personnels des gens qui travaillent. Souvent, il y a des informations erronées sur les personnes. Quand on sait tous les préjugés qu'il peut y avoir à l'égard des gens qui ont des problèmes de santé mentale, que ce soft des dépressions ou des moments... On peut parler de "burn out", c'est certain que, quand H y a des informations là-dessus cela peut être très délicat et cela peut vite briser un plan de carrière. Quand il y a des échanges d'informations entre les entreprises et que des informations qui sont inexactes, cela peut aller assez vite sur le marché du travail, quand les gens sont déclarés brûlés; cela peut avoir des conséquences assez sérieuses.

Il n'y a pas de recommandation ferme de la commission, mais nous aussi on trouve cela plutôt préoccupant et on voudrait que la commission établisse des règles de déontologie même

pour les organismes.

M. Morin: J'ai peut-être un exemple là-dessus. Récemment, une personne mentionnait qu'au centre d'emploi fédéral, on savait qu'elle avait un dossier psychiatrique. C'est quand même très curieux que son épisode psychiatrique ait été accessible aux personnes qui passaient par le centre de main-d'œuvre fédéral. C'est quand même très curieux. On parle d'organismes publics, on ne parie même pas d'organismes privés dans ce cas ci.

M. Denys: II y a aussi la recommandation 12 qui dit que la commission invite le législateur à réduire, dans toute la mesure du possible, les délais durant lesquels la communication de certains documents peut être refusée. Elle recommande que les délais permis à l'égard des recommandations d'analyses soient réduits à deux années. Nous on appuie cette recommandation. Même que pour nous, ce serait peut-être réduit à une année. Je pense que c'est important. C'est par rapport à la valeur de l'information. Si on a une information dix ans plus tard, c'est certain que cela peut être, à la limite, inutile.

La recommandation 16 autoriserait la commission à aider une personne à formuler une demande. Je pense que c'est important aussi. C'est une loi qui a été faite pour le citoyen et la citoyenne ordinaires. Je pense que quand vient le temps de chercher un document, ce serait intéressant d'avoir de l'information, une aide de la Commission d accès à l'information, même si la personne ne la demande pa.s Le problème c'est que si la personne ne sait pas que la commission peut I'aider, on dit que cest un recours inutile.

Je pense qu'en gros, ce serait complet pour notre présentation. (11 h 45)

Le Président (M. Trudel): Merci. Je vais me retrouver dans mes papiers parce que j'avais sorti d'autres...

Étant donné I'expérience que vous avez, et je la trouve intéressante, vos recommandations prennent d'autant plus de poids et de valeur. Je constate dans un premier temps, que vous donnez de façon globale une très bonne note à la Commission d'accès à l'information en tant que telle, à sa façon de procéder, d'après ce que je peux comprendre et surtout, que vous appuyez de façon générale encore - je ne veux pas vous faire dire des choses que vous n'avez pas dites, mais c'est ce qui ressort de votre mémoire, c'est ce qui transpire à la lecture de votre mémoire - l'ensemble de ses recommandations. Vous venez d appuyer certaines recommandations sur lesquelles, d ailleurs, je vais revenir.

Je ne vous demanderai pas d'élaborer votre expérience pratique, vous l'avez bien fait dans votre mémoire et vous venez d'ajouter des détails. Peut-être que quelques-uns de mes collègues veulent le faire . Une seule question est-ce que vous n'agissez que dans la région de Québec ou si vous vous étendez...

M. Denys: On est présents dans trois régions du Québec

Le Président (M. Trudel): C'est parce que Je voyais Robert-G'rffard d'un côté et, sans faire de politique trop locale, j'ai dans le comté de Bourget, une institution semblable qui s'appelle Louis-H -Lafontalne. Je vois que cela allume presque un sourire et quelque chose dans vos yeux. Je vous demanderai tantôt l'expérience que vous avez pu avoir, mais je ne voudrais pas trop insister là-dessus parce que je ne voudrais pas empêcher mes collègues de vous poser des questions. Donc, sachez que, quant à moi, votre mémoire est important parce qu'il vient de praticiens.

Sur l'élimination du droit d'appel, là aussi, sans présumer d'aucune façon des conclusions de cette commission parce que vous savez que cette commission dort faire un rapport à l'Assemblée nationale, non seulement un rapport... On ne dira pas seulement à l'Assemblée nationale: Oui, on a reçu telles personnes, voici ce que tel groupe et tel groupe pensent. On va faire des recommandations à l'Assemblée nationale donc également aux ministres, évidemment. Sachez que, quant à moi, je suis très ouvert sur la question du droit d'appel mais étant donné que vous formulez cette question de façon très précise en disant à la page 9 et vous l'avez souligné tantôt, vous l'avez même répété: "II faut donc éliminer le droit d appel "automatique" comme stratégie dilatoire." La première question que je vous poserais - et je ne veux pas faire d'avocasserie, cela fait trop longtemps que je n'ai pas fait de droit, et c'est peut-être pour cela que j'ai évité de pratiquer jusqu'à un certain point - est-ce que tous les appels peuvent être considérés comme étant des mesures dilatoires?' Cela me paraît à la fois gros, et manquer peut être un peu de nuance comme jugement. Encore une fois, je suis plutôt sympathique à la tendance que vous nous suggérez.

M. Morin: Ce que j'en comprends, c'est que le problème, présentement concernant le droit d'appel à la Cour provinciale est utilisé comme une tactique dilatoire. Enfin, c'est l'expérience qu'on en a. Ce que nous disons, c'est que c'est ce qu'il faut éliminer comme la commission le recommande. Ce que nous disons, c'est qu'on peut faire une demande justement lorsqu'on n'a pas respecté la loi au point de vue technique. C'est justement comme cela que cela se passe à la Commission des affaires sociales où c'est sans appel. En vertu de la Loi sur la protection du malade mental, par exemple, dans le cas d'une personne qui est dite dangereuse par deux psychiatres et qui va en appel devant la Commission des affaires sociales, si la commission conclut qu'effectivement la personne est dange-

reuse, la personne n'a pas de droit d'appel en soi. Elle peut en appeler à une cour supérieure si, techniquement, quelque chose n'a pas été respecté par rapport à la loi mais, sur le fond, il n'y a pas d'appel. C'est ce que nous disons. Il pourrait y avoir un droit d'appel sur la forme si la loi n'est pas respectée mais, sur le fond, nous disons que la Cour provinciale est utilisée comme une tactique dilatoire et cela coûte extrêmement cher.

Vous demandiez tantôt pourquoi nous sommes seulement dans la région de Québec. Nous sommes très peu subventionnés et les permanents qui travaillent là sont très peu rémunérés, En plus, il a fallu prendre de l'argent dans le groupe pour... Au total, cela nous a coûté 7000 $ en frais d'avocat plus le temps que les permanents et les permanentes ont dû mettre sur ce dossier-là. C'est évident que nous attendions de voir ce qui se passerait dans la région de Québec avant d'aller dans d'autres régions. On agit avec les moyens financiers qu'on a et ils sont assez limités, merci.

Le Président (M, Trudel): Remarquez que ce n'était pas un reproche que je vous faisais, pas du tout. Sur la question du droit d'appel...

M. Denys: Quand on dit: Le recours du droit d'appel automatique, entre guillemets, c'est que c'est seulement une tactique, c'est l'idée. Si les gens ont des choses à reprocher à un jugement de la Commission d'accès à l'information, ils peuvent aller en Cour supérieure, Ils peuvent toujours y aller, mais nous, nous y sommes allés et là, c'est beaucoup plus sérieux. S'il n'y a pas vraiment des choses importantes, c'est refusé, il n'y a pas de permission d'en appeler, c'est cela l'important. Si c'est seulement une tactique, c'est là que cela va se découvrir. Deuxièmement, on était d'accord.

C'est une question d'expérience aussi et de jurisprudence. Au début, c'était une nouvelle loi et les gens nous disaient: Tout le monde teste la loi. Nous, on est bien placés pour dire que le fait de passer sur le corps avec cela... Mais là, la loi est testée et dans le cas de quelqu'un qui veut avoir accès aux procès-verbaux, il y a une jurisprudence là-dessus. Je ne vois pas pourquoi on repasserait en cour douze fois pour ta même question des procès-verbaux. C'est cela l'idée. Après trois ans, il y a une jurisprudence, alors on se fie là-dessus. S'il y a des gens qui ont d'autres choses, ils peuvent aller en Cour supérieure, mais pour les choses ordinaires, entre guillemets, la Cour provinciale s'est déjà prononcée et cela finit là. C'est cela l'idée.

Le Président (M. Trudel): D'accord.

M. Denys: Au début, la loi était attestée, mais là, elle est testée après trois ans. Les gens savent quelles décisions ont été prises.

Le Président (M. Trudel): Vous m'amenez, en parlant des procès-verbaux, à la troisième question que j'avais, mais je vais vous la poser avant ma deuxième puisque vous en parlez. On parlait tantôt des PV épurés. J'ai eu l'occasion de siéger à un conseil d'administration d'hôpital, mais avant la mise en vigueur de cette loi-là donc, je ne peux pas faire cette comparaison-là. Ce que vous me dites, je suis tout à fait prêt à le croire.

C'est une question qu'on a abordée souvent depuis hier matin parce que différents groupes nous ont dit, notamment, dans les hôpitaux, dans les universités, hier soir, en toute fin de journée: Écoutez, Je pense que oui sur le plan commercial, mais là, on se place sur un plan différent. Les gens de la Société des alcools, d'Hydro-Québec nous avaient dit la même chose ou à peu près, à d'autres niveaux, en tout cas. Il faut faire attention, d'une part, de ne pas empêcher une certaine candeur, une grande ouverture de la part des participants à un certain niveau dans des réunions, que ce soit dans un conseil d'administration d'Hydro-Québec ou de la Société des alcools ou alors des hôpitaux, notamment dans certains comités très spécialisés sur le contrôle de la qualité où là, vraiment, il faut qu'ils disent des choses en toute candeur et en toute ouverture. Si ces gens-là pensent que cela va sortir dans trois semaines, trois mois ou trois ans, si on emploie les mesures dilatoires dont vous parliez tantôt, il y a moins de candeur. Ces gens-là nous ont dit: Faites attention, est-ce qu'on ne pourrait pas exclure jusqu'à un certain niveau ce qu'on appelle les mémoires de délibération; finalement, les PV? Quand on parle de PV, il faut faire attention, pour les Français, PV, ce n'est pas tout à fait la même chose.

Vous, vous nous dites Ils sont épurés, les PV, depuis l'entrée en vigueur de la loi. De deux choses l'une ou on ne fait rien et les chances sont bonnes en tout cas que les PV soient vraiment épurés ou alors, on accède au désir des gens qui nous ont fait des représentations et ont dit. Dans certains cas bien précis... La décision n'est vraiment pas prise, on réfléchit à cette question-là et on réfléchira davantage au cours des prochaines semaines. Ou alors on exclut ces mémoires de délibération dans certains cas encore une fois très précis. Qu'est-ce que vous pensez de cela? Là, on est pris dans une situation De deux choses l'une: ou les PV sont complètement épurés et cela ne veut rien dire au moment où vous les obtenez ou alors la loi dit: Jusqu'à un certain point, on les enlève de l'accès.

M. Denys: Les décisions qui ont été prises jusqu'ici sont divisées en deux. On n'a pas eu droit aux mémoires de délibération. On avait droit seulement aux résolutions du conseil d'administration. Ce sont des décisions qui ont été prises dans nos deux cas.

Le Président (M. Trudel): Concernant, si je me rappelle bien, des procès-verbaux antérieurs à la loi d'accès à l'information, ou s'il y en avait qui couvraient les deux?

M. Denys: Non, même depuis 1984, c'était la décision qui avait été prise, les mémoires de délibération pouvaient être retranchés. Mais quand M. Morin disait tantôt qu'ils ont déjà été épurés, ce qu'il voulait dire, Je pense, c'est que maintenant que la loi d'accès est en vigueur, Ils font attention à la façon dont c'est rédigé, c'est ce qu'il voulait dire. C'est un langage là... Ce sont quasiment des choses qui sont compréhensibles seulement par les gens qui étaient sur place quand la décision a été prise, c'est ce qu'il est important de retenir. Les gens savent, comme vous l'avez dit tantôt, qu'éventuellement, cela va peut-être sortir. Donc, soyons prudents et vigilants, en ce sens qu'on ne peut pas dire n'importe quoi, cela pourrait sortir sur la place publique. Quand on parle de changement de mentalité, c'est cela...

Le Président (M. Trudel): C'est exactement ce que j'allais dire. C'est question de changement de mentalité, quand vous dites que "l'information est un pouvoir et ce pouvoir, les gestionnaires devront apprendre à le partager". C'est comme dans n'importe quelle loi, il y a des gens qui apprennent non pas nécessairement à les contourner, mais à s'en servir à leur avantage, jusqu'à un certain point.

M. Denys: Hier, j'ai assisté à la présentation du conseil des recteurs. Je ne sais pas si j'ai mal entendu, mais le recteur de l'Université Laval... En tout cas, j'ai entendu cela ainsi. Il y a une question de son, je n'étais pas certain si c'était vraiment ce qu'il a dit. il a dit qu'il y avait des réunions du conseil de direction et il a dit carrément, je pense, qu'il n'y aurait plus de procès-verbaux.

M. French: Qu'il n'y avait plus de réunion?

M. Denys: Qu'il n'y avait plus de réunion. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Trudel): Au fond, il a dit que tout ce qui était consigné ou à peu près, sauf pour les choses qui doivent vraiment l'être et qui ne sont pas très..., se fait verbalement. Le téléphone, comme dirait l'autre, cela ne laisse pas de traces.

M. Denys: C'est un peu ce qu'on dit dans le mémoire.

Le Président (M. Trudel): Oui.

M. Denys: II y aura toujours moyen de contourner une loi, c'est certain. C'est un peu ce qu'on veut dire.

Le Président (M. Trudel): Ce sera à nous, comme législateurs, d'essayer de voir comment on peut circonscrire cela.

Une dernière question. Encore une fois, vous venez de me dire: Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris ce que les recteurs ont dit hier. Moi, je ne suis pas certain d'avoir bien compris ce que vous avez dit quant à la recommandation 2, détendre au secteur privé, etc. Vous avez parlé des dossiers médicaux qui contiennent très souvent, dites-vous, des renseignements inexacts. Vous parliez toujours des dossiers médicaux privés. Vous ne parliez pas d'un dossier de bénéficiaire dans une institution publique, que ce soit un hôpital ou un centre d'accueil. Est-ce que vous vous référiez à des dossiers qui appartenaient à des compagnies d'assurances? C'est de ce genre de dossiers dont vous parliez?

M. Denys: Quand je parlais de la recommandation 2, c'est de cela dont je parlais. Il faudrait un peu de réglementation là-dessus, pour ne pas que les informations circulent, surtout s'il y a possibilité de renseignements erronés. Mais, pour tout le dossier de l'accès aux dossiers médicaux dans les centres hospitaliers, on a déjà présenté un mémoire à la Commission d'accès à l'information, il y a exactement deux ans, je pense, jour pour jour. L'Assemblée nationale ne s'est pas encore prononcée là-dessus, à propos du changement de la loi, à savoir qui serait l'instance pour aller en recours quand un médecin refuse l'accès au dossier médical. Maintenant, c'est ta commission des affaires sociales qui a...

Le Président (M. Trudel): C'est-à-dire que l'Assemblée nationale s'est prononcée par la loi 28...

M. French: Oui.

Le Président (M. Trudel): ...qui est entrée en vigueur...

M. French: À la fin de décembre.

Le Président (M. Trudel): ...le 18 décembre, je pense, et qui a été adoptée quelques Jours avant. C'était le fameux rapport de la commission sur les dispositions inconciliables.

M. Denys: C'est cela.

Le Président (M. Trudel): Il y avait eu une tournée. Je me souviens avoir vu votre mémoire. Cette question est réglée. Je ne sais pas à quel article dans le projet de loi 28 et je ne sais même pas quel numéro porte maintenant le projet de loi 28. Nous l'appelons le projet de loi 28.

M. Denys: Non. Ce que je veux vous dire, c'est qu'on est satisfaits du travail de la Corn-

mission d'accès à l'information, à propos de l'accès au dossier médical. On n'en a pas parlé; il n'en est pas vraiment question là-dedans. On est favorables à tout le travail que la commission a fait. On trouve que ce sera plus réglementé. Il n'y a pas de problème.

La recommandation 2, c'est surtout pour les organismes privés.

Le Président (M. Trudel): D'accord, je vous remercie. M. le député de...

M. Filion: Je voulais parler du dossier médical, mais vous avez fait le tour de cet aspect, M. le Président. Je voudrais seulement revenir sur le droit d'appel en Cour provinciale pour signaler ceci, en même temps, au ministre et aux autres membres de la commission. J'aimerais que vous réagissiez. C'est plus un commentaire qu'une question.

Finalement, un rapide inventaire des décisions de la Commission d'accès à l'information portées à la Cour provinciale: II y en a eu 58; 47 de ces appels ont été logés par des organismes et 11 par des individus. Le délai moyen n'est pas calculé parce qu'il y a beaucoup de décisions qui ne sont pas rendues, mais on va prendre les premières décisions, là où il y a des chiffres Par exemple, la Corporation municipale de Saint-Jean-de-Matha, décision de la Commission d'accès à l'information en août 1984, cela a pris seize mois pour avoir un jugement au mérite de la Cour provinciale. En ce qui concerne le ministère du Revenu contre S. Dumont, décision de la Commission d'accès à l'information, novembre 1984, cela fait trois ans qu'on attend la décision de la Cour provinciale de part et d'autre, parce qu'il y a deux parties qui ne savent pas quoi faire. La clinique Roy-Rousseau contre Auto-Psy, vous en avez parlé en détail dans votre mémoire: une attente de 20 mois. La ville de Lachine, une attente de trois ans; l'Office du crédit agricole, une attente de trois ans; Max Youknovski, une attente de deux ans et dix mois, ville de Montréal, une attente de deux ans et dix mois, Suzanne Blais-Grenier - dans ce cas-ci c'est une demanderesse - une attente de quatorze mois, ville de Montréal contre Labelle, un cas qu'on connaît bien, M. le Président.. (12 heures)

Le Président (M. Trudel): Oui, M. le député, vous et moi.

M. Filion: ...une attente de quatorze mois; la Communauté urbaine de Montréal, deux attentes de deux ans et sept mois. Et ça continue.

Par contre, vous dites que ces délais sont dilatoires, que cela prend du temps, etc. C'est vrai. Cependant, le droit pour un individu d'utiliser un recours judiciaire est sacré et prévu dans la charte. Bien sûr, cela peut être une tactique dilatoire, mais c'est difficile de le présumer. Dès qu'un recours existe on a le droit de s'en prévaloir Pour nous, le problème est de décider si le recours va continuer d'exister ou non.

M. French: C'étaient des tactiques dilatoires patentes.

M. Filion: Puis, on lit votre mémoire, j'avoue qu'on en vient à cette conclusion et à celle que le ministre vient d'exposer, que c'était une tactique dilatoire évidente.

M. French: Totale.

M. Filion: Et il semble bien que beaucoup d'intervenants qui sont venus devant nous nous ont exposé le même fait.

Ce que nous pouvons regarder, qui est bien objectif et qui ne demande pas d'Impression, c'est que c'est long à la Cour provinciale. Vous avez raison de le souligner. Cela a été mentionné dans les premières heures de nos travaux il y a déjà trois jours, M. le Président, que le recours en évocation auquel vous faisiez allusion quand vous parliez de la forme, en réalité, c'est tout le contrôle de la légalité du processus de la décision rendue. Par bref d'évocation cela existe toujours et cela existera toujours

Je ne sais pas si vous voulez réagir. Cela va un peu dans le sens de vos préoccupations. Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose.

M. Denys: En tant que groupe de défense des droits, nous trouvons important qu'il y ait des mécanismes d'appel. C'est certain qu'il peut y avoir des situations injustes, mais il reste quand même le recours devant la Cour supérieure où ce sont des questions de droit. Il y a un recours, mais il faut que ce soit sérieux. Il ne faut pas faire dire à la loi ce qu'elle ne dit pas non plus. C'est cela l'idée.

M. Morin: Je reviens encore là-dessus, mais II y a la question des coûts qui sont astronomiques pour un groupe de défense des droits qui est quand même très peu subventionné. Il faut vraiment tenir compte de cette réalité. Je pense que votre comité doit se pencher sur cette question aussi. Je ne veux pas associer l'argent et le pouvoir, mais il y a quand même beaucoup de . Il ne faut pas oublier non plus - je pense que c'est un point Important qu'on n'a pas amené - que l'argent dépensé par les organismes publics c'est notre argent qui est dépensé en pure perte. D'un côté, nous payons un avocat de pratique privée avec des fonds qui nous viennent du gouvernement, d'un autre côté, iI y a un organisme public qui engage un avocat, peut-être payé par le gouvernement, pour... Cela n'a pas d'allure. Il faut arrêter cela, sinon c'est la tour de Babel.

M. Filion: Dans votre cas, vous avez dit que cela avait coûté 7000 $ pour un dossier.

M. Morin: 7000 $ sur ces trois causes.

Une voix: Non, pour les trois.

M. Filion: Trois dossiers.

M. Morin: Pour les trois dossiers.

M. Filion: Pour trois dossiers qui ont été plaidés. Vous attendez...

M. Morin: Ah oui! Tout à fait.

M. Filion: D'accord. En terminant, je voudrais donc remercier au nom de la formation politique que je représente, le groupe Auto-Psy. J'avais déjà été sensibilisé à cause du rapport qui nous avait été acheminé lors de l'étude des dispositions inconciliables. Je tiens à vous souligner en terminant que vous faites un travail remarquable pour défendre une catégorie de citoyens qui sont souvent susceptibles d'être victimes de préjugés, d'inexactitudes, d'erreurs, etc. Évidemment, ce sont des personnes qui ont eu des traitements psychiatriques. À ce titre, le groupe communautaire que constitue Auto-Psy mérite, quant à moi, je vous le dis, l'appui des parlementaires.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Taillon. M. le ministre.

M. French: J'aimerais ajouter ceci, M. le Président, pour ma part. Je me fais l'écho du député de Taillon et je suis convaincu que je parle pour l'ensemble de la commission en remerciant les gens d'Auto-Psy. Nous avons suivi avec beaucoup d'intérêt les vicissitudes de leurs démêlés avec la loi et plus particulièrement avec les cours.

Il y a cinq ans, je disais ce qui s'avère aujourd'hui, soit que l'administrateur public qui ne dépensait pas son propre argent avait toute une incitation de traîner les cas en cour. Je suis d'ailleurs surpris que cela ne se passe pas davantage, mais le cas du ministère des Finances et de la Curatelle publique a été un cas parfait pour illustrer cette tendance. Le législateur n'avait certainement pas l'intention d'exclure la Curatelle publique de l'étendue de la loi il y a cinq ans. La direction du ministère des Finances n'avait évidemment pas l'intention de suivre ce que le législateur avait imaginé qu'il ferait dans la loi il y a cinq ans. Je suis content que tout cela se soit finalement réglé à l'avantage, je crois, des clients de la Curatelle publique, dont nous connaissons tous, sans doute, quelques exemples, par notre travail aux bureaux de comté, ce qui nous amène à penser qu'il y avait de l'amélioration à faire à cette institution.

Je n'irai pas dans les questions, MM. Denys et Morin, non pas parce que je pense que les cas que vous soulevez ou les recommandations que vous faites ne sont pas importantes, mais parce qu'on a déjà vu ces recommandations. Ce qui est important pour mol, en tout cas en tant que ministre, c'est que Auto-Psy vient se faire l'écho d'autres témoins à cet effet. Vous conviendrez avec moi que les différentes questions ont été explorées dans un certain détail. Vous nous avez aidés à comprendre particulièrement l'optique d'un groupe communautaire qui travaillle dans un domaine difficile, qui n'est pas très bien financé et qui utilise la lof, non pas pour harceler, non pas pour agresser, même si c'est la perspective que certains administrateurs publics pourraient avoir, mais plutôt pour défendre les gens qui sont, comme disait le député de Taillon, souvent sans autre défense. Cela nous amène à vous exprimer notre admiration. Je pense que c'est normal que vous dérangiez, que vous créiez des remous de par la nature même de vos activités. Il est peut-être parfois difficile pour vous de savoir où tirer la ligne si vous vous posez la question: Quelle est la meilleure façon d'atteindre l'objectif pour le bien-être des bénéficiaires? Je dirai tout simplement que, si vous avez pu trouver des conseillers juridiques pour plaider ces deux cas-là pour 7000 $, J'aimerais avoir l'adresse et le numéro de téléphone. Merci beaucoup.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Trudel): Merci, messieurs, de vous être présentés devant nous et de nous avoir relaté l'expérience pratique que vous avez de l'application de la loi dans ce qu'elle a de plus et de moins serré. Toute la question du droit d'appel, encore une fois, qui a été soulevée par plusieurs personnes et avec des avis différents, est une question importante qui va faire l'objet d'une attention particulière de la part de la commission. Je partage personnellement l'avis du ministre. Je me demande, quand on pense à l'aspect dilatoire de la loi et à son utilisation de façon rigoureusement, et tellement évidente, dilatoire, si on n'est pas en train, dans la pratique, de dénaturer complètement l'objet de la loi et surtout l'intention du législateur. Il suffit en politique d'aller cinq ans en arrière et cinq ans en avant, c'est l'éternité d'un côté comme de l'autre. Il s'agit de retourner six ans en arrière, en 1982, et de revoir l'intention du législateur. Notamment - je le dis sans partisanerie politique aucune - les Interventions du ministre des Communications de maintenant, qui était le porte-parole de l'Opposition et du ministre des Communications du temps étaient tout à fait d'accord sur ces questions. Cela a fait l'objet de discussions à l'intérieur de la commission parlementaire de l'époque. La commission parlementaire d'aujourd'hui, soyez-en assurés, va réfléchir sérieusement sur cette question. Merci beaucoup.

M. Morin: Merci.

M. Denys: Merci.

Le Président (M. Trudel): On va suspendre pour une minute. Non, M. le député, je pensais... On va suspendre une minute et j'inviterai immédiatement M. Denis L'Anglais à s'approcher de la table des témoins.

(Suspension de la séance à 12 h 5) (Reprise à 12 h 13)

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de la culture reprend ses travaux en accueillant maintenant M. Denis L'Anglais, qui a une expérience pratique et des considérations à nous présenter. M. L'Anglais, au nom à la fois du ministre des Communications et du député de Taillon, je dois vous dire que ces deux messieurs devront nous quitter à 12 h 30, ce qui ne limitera en rien le temps qui vous est imparti.

Vous savez que les règles du jeu, quand il s'agit de personnes ou d'individus qui comparaissent, sont de 45 minutes plutôt que d'une heure. Je vous prierais d'excuser et de comprendre, et cela vaut également pour vous, M. Boucher, que je vois installé en arrière. La commission va néanmoins poursuivre ses travaux et j'aurai le plaisir de vous interroger avec mes collègues. Cela ne réflète en rien... N'y voyez pas un manque d'intérêt évident pour votre mémoire, M. L'Anglais et M. Boucher. Les circonstances font que, à la fois, M. le ministre et M. le député de Taillon doivent quitter. Étant donné que vous êtes les deux derniers témoins et que le temps des parlementaires est quand même précieux - on en manque toujours - nous avons préféré poursuivre les travaux sans ajournement pour l'heure du lunch.

Au nom de la commission, je vous prie d'excuser ce qu'on a fait, comme membres de la commission, M. le ministre et M. le député de Taillon. Là-dessus, M L'Anglais, je vous cède la parole.

M. Denis L'Anglais

M. L'Anglais (Denis): M. le Président, je vous remercie et je ne voudrais surtout pas empiéter sur vos heures de repas étant donné qu'il est important d'avoir l'estomac bien constitué pour être en mesure de réfléchir adéquatement aux grandes questions.

Le Président (M. Trudel): Pas trop, parce qu'on a déjà fait des séances d'après-midi qui étaient pénibles.

M. L'Anglais: J'ai déposé, à l'intention de la secrétaire de la commission, les notes que je me propose de souligner. Je pense qu'en suivant le texte, cela pourra suivre fidèlement les propos que j'entends mettre de l'avant.

D'abord, évidemment, je remercie les membres de la commission et la commission de m'avoir invité à présenter mon mémoire. Une expérience personnelle m'a amené à réfléchir sur une question dont je mésestimais totalement les implications pour les simples citoyens et, en l'occurrence, pour moi-même. Je pense que si vous avez lu le mémoire, ce petit événement personnel m'a permis d'ouvrir sur les problèmes des données personnelles qui transitent outre-frontière et pour lesquelles il n'y a aucun contrôle, à l'heure actuelle, dans tes lois québécoises La puissance de l'informatique et surtout de ses applications, à l'heure actuelle, de même que l'universalité croissante des utilisateurs de cet outil posent de façon dramatique, pour le futur Immédiat, quelques-uns des problèmes suivants.

La protection des renseignements personnels des citoyens aux mains de l'entreprise privée doit-elle faire l'objet de règles corporatives ou d'une intervention de l'État? Est-il réaliste de croire que l'État puisse imposer la protection des données personnelles actuellement aux mains de l'entreprise privée, si ces banques, une fois centralisées à l'intérieur du Québec, sont hors de la portée juridique? La protection des renseignements personnels est-elle, dans ces circonstances, une contrainte supplémentaire, économique ou autre parce qu'elle serait exercée par l'État plutôt que par l'entreprise privée elle-même? La nécessaire rentabilisation des coûts que va imposer aux entreprises québécoises, canadiennes et américaines l'accord de libre-échange Canada-États-Unis, dès l'année prochaine, ne va-t-elle pas accentuer la tendance déjà présente à la concentration, à l'extérieur du Québec, de renseignements personnels gérés pour l'ensemble de l'Amérique par une ou quelques grandes entreprises spécialisées dans la gestion de banques de données? Si oui, est-ce qu'au Québec nous sommes préparés à faire face à cette expatriation de nos intimités personnelle?

Je pense que cela pose la question de l'importance de la protection des renseignements de nature personnelle. Je pense qu'il est du devoir de l'État d'intervenir énergiquement pour imposer à l'entreprise privée un code de déontologie à la rédaction duquel elle pourra être associée, concernant la protection des renseignements de nature personnelle détenus et utilisés ou auxquels ont accès les entreprises québécoises. Cette éthique fondamentale ne doit pas être laissée à la merci des seules lois du libre marché et de ses protagonistes au credo néo-libéral plus ou moins discutable. La Commission d'accès à l'information n'a pas vu ou n'a pas voulu voir, lors de la rédaction de son rapport, l'importance de la saisie et du traitement des données personnelles déjà aux mains de l'entreprise privée.

Déjà, je fais une nuance là-dessus. Le député de Taillon a mentionné en page 69 qu'effectivement ils avaient souligné l'importance

et la complexité du problème. Cependant, un des aspects qui n'a pas été apporté, c'est les données personnelles aux mains de l'entreprise privée et l'ampleur de ce phénomène lors de ta mise en place de l'accord du libre-échange. Qu'on le veuille ou non, cet accord aura des implications certaines sur la vie quotidienne de chacun des citoyens au Québec. Il importe donc, à l'occasion de la tenue de cette commission parlementaire, que le problème soit soulevé afin que s'engage véritablement le débat de l'assujettissement de l'entreprise privée aux obligations de la protection des renseignements personnels. De la nature et de la quantité d'efforts que sera prête à consentir l'entreprise privée ou qu'il faudra lui imposer en matière de protection de renseignements personnels dépend le type de société dont nous entendons nous doter dans le futur.

Je suis de ceux qui, avec le philosophe allemand Fichte, croient que nous n'avons pas le droit de présupposer la bonté et la perfection de l'homme. Pas plus dans ce domaine qu'ailleurs du reste. Pour ouvrir le débat, je propose que, dans un premier temps, le législateur impose aux entreprises privées en périphérie immédiate du public québécois, comme La Mutuelle-Vie des fonctionnaires du Québec ou de la Caisse populaire des fonctionnaires du Québec leur assujettissement aux actuelles dispositions de la Loi sur l'accès à l'information et l'aspect concernant la protection des renseignements personnels. Qu'une interdiction leur soit faite d'expatrier hors du Québec des renseignements personnels touchant des résidents québécois. Ces entreprises dites privées ont des clientèles exclusivement soumises dans leur travail quotidien aux dispositions de la loi sur l'accès à l'information, mais elles-mêmes sont soustraites aux dispositions de cette loi.

Que, dans un deuxième temps, à l'instigation de la Commission d'accès à l'information, le Québec soit le théâtre et l'hôte de conférences canado-américaines ou internationales auxquelles seraient conviées les entreprises privées pour réfléchir sur l'importance sociale de la protection des renseignements personnels et des obligations qui en découleront nécessairement pour l'entreprise privée. Simultanément, la commission devra se doter d'outils juridiques adaptés aux réalités de l'an 2000. L'actuelle modestie de la surface d'intervention de la commission d'accès fera très certainement figure de peau de chagrin lorsque le libre-échange informatique s'étendra à l'ensemble de l'Amérique, si la protection des renseignements personnels devait être laissée aux initiatives seules de l'entreprise privée en situation de concurrence farouche dans ce nouveau contexte.

Il faut donc qu'on donne aux décisions de la commission un caractère judiciaire qui permette aux résidents québécois de faire exécuter une décision qu'ils auraient obtenue, de la faire exécuter à l'extérieur du Québec si le contrevenant a décidé d'élire domicile pour quelque raison que ce soit au Canada ou aux États-Unis.

Il s'agit d'une condition nécessaire pour sortir la commission d'accès du carcan de la territorialité des lois. Dans ce sens, la recommandation de l'homologation de décisions de la commission par la Cour supérieure est donc le prérequis nécessaire pour proposer que la Commission d'accès à l'information soit habilitée à négocier des ententes d'exécution réciproque de ses décisions avec des institutions semblables qui existent dans d'autres provinces du Canada ou dans des États des États-Unis. Ces ententes d'exécution réciproque, à l'image de celles existant déjà en matière de pensions alimentaires, deviennent l'outil minimal si l'on souhaite que la Loi sur l'accès à l'information maintienne et développe un caractère prépondérant que les rédacteurs du rapport semblent lui proposer.

En conclusion, M. le Président, Je pense que de ne pas poser immédiatement ces gestes réduirait les pouvoirs de la commission d'accès à sa partie congrue, c'est-à-dire aux seuls organismes publics qui utilisent déjà les renseignements de nature personnelle des résidents québécois. Ce serait, en même temps, arrêter en cours de route un heureux et bienfaisant processus de démocratisation des moeurs administratives et politiques au Québec, processus qui a été amorcé lors de la première adoption de la loi sur l'accès à l'information. Cet arrêt serait d'autant plus brusque que la situation commandera justement que cette démocratisation soit élargie pour amener les entreprises privées à développer pour elles-mêmes un nouveau civisme corporatif. Si la loi sur la protection des consommateurs et les réformes proposées au Code civil prévoient la possibilité pour un citoyen d'avoir accès au dossier de crédit ou autre le concernant, il n'y a aucune disposition législative qui protège le citoyen contre l'utilisation abusive et contraire au droit à la vie privée des renseignements de nature personnelle.

Je pense que, dans ce contexte, il importe que le législateur assume la responsabilité et qu'il développe pour lui-même l'éthique de la responsabilité, celle du droit nécessaire, du droit de répondre publiquement des conséquences prévisibles de ces actes et de ces omissions. Et je pense que le débat est tout à fait à point pour ce genre de commission.

M. le Président, je vous remercie, je suis à votre disposition.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. L'Anglais. Compte tenu de ce que je vous ai dit, je vais reconnaître immédiatement M. le député de Taillon et, ensuite, M. le ministre des Communications. S'il nous reste d'autres questions, j'irai à mon tour.

Alors, M. le député de Taillon.

M. Filion: Oui, M. L'Anglais, je vous félicite pour votre réflexion qui porte presque exclusivement sur tout le secteur ou la problématique de l'assujettissement des organismes privés

à une certaine loi qui dépasserait ce qui existe maintenant, qui est bien peu. Or c'est une réflexion, je dois vous dire, qui rejoint en termes de diagnostic ce que j'ai véhiculé, en tout cas, dans cette commission depuis trois jours. En ce qui regarde ta solution, je vous trouve timide un peu par exemple. Vous posez bien le problème, vous décrivez bien une perspective d'avenir où les citoyens seront de plus en plus soumis au type de contrôle de données qu'on a vu un petit peu plus tôt, ce matin, lorsqu'on a Interrogé certains bureaux de crédit, où on a appris que les deux tiers des citoyens du Québec, toute la population active à peu près, est fichée, etc. Il y a des raisons pour lesquelles votre recommandation est plutôt timide. Vous dites: Dans un premier temps, on devrait imposer aux entreprises privées qui sont en périphérie immédiate du domaine public québécois... Vous citez le cas de la Mutuelle-Vie des fonctionnaires du Québec ou de la Caisse populaire des fonctionnaires du Québec, qui, à juste titre, vous le mentionnez, sont soumises dans leur travail professionnel quotidien à la loi d'accès à ['information mais, en ce qui concerne l'aspect clientèle de ces compagnies, il n'y a aucune protection valable, sauf, évidemment, le droit de corriger le dossier qui existe déjà.

Vous suggérez également, dans un deuxième temps, que le Québec soit l'hôte de conférences, d'études, etc. Sur ce dernier point, je vous réfère aux excellents mémoires qui ont été déposés ici à cette commission par, notamment, le Groupe de recherche informatique et de droit, le GRID - le mémoire GM - la Ligue des droits et libertés, l'Association des consommateurs et les chercheurs de l'Université du Québec, je pense. Bref, il y a eu des mémoires qui ont assez bien défini ce qui a pu se faire au Québec et qui ont également fait une étude du problème de la circulation transfrontalière des données informatiques.

Je reviens quand même au premier point. Pourquoi cette modestie dans la solution alors qu'au niveau du diagnostic je dois vous dire que votre appréciation m'apparaît, personnellement, très rigoureuse?

M. L'Anglais: Je pense qu'il y a juste apparence de modestie, de la façon suivante: c'est que, dans un premier temps, commençons par assujettir un certain nombre d'entreprises en périphérie immédiate, de façon que le message soit très clair sur l'assujettissement futur de ce secteur de l'entreprise privée. Afin que le message soit plus clairement perçu, organisons un certain nombre de conférences au niveau international, avec l'obligation que l'entreprise se commette dans la rédaction de son propre code de déontologie, surveillée en cela par le législateur; que la démarche soit systématique et qu'elle ait pour aboutissement final l'assujettissement de l'entreprise privée à ces dispositions de la loi mais sans nécessairement tout bous- culer. L'approche est probablement modeste, mais le résultat est tout à fait.. Je suis parfaitement conscient du résultat recherché.

M. Filion: Sur les codes de déontologie, je vous avoue ma déception. On a eu l'occasion, hier avec les assureurs, aujourd'hui avec les bureaux de crédit... Non pas que je ne croie pas à une forme d'autoréglementation, cela va de soi. C'est la conférence des recteurs, en 1972, qui avait émis des principes directeurs bien avant l'adoption de la loi sur l'accès à l'Information. Dans certains cas, cela porte fruits, mais dans d'autres cas, c'est drôlement rachitique comme directives.

En terminant, parce que je veux laisser la parole à M. le ministre des Communications, en terminant, je vous remercie. C'est une réflexion qui est très articulée. Vous faites appel, à deux reprises, à des philosophes allemands, mais votre analyse retient une des qualités des philosophes allemands, c'est-à-dire la rigueur. Et la logique également. Et la cohérence. Je vous en remercie.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Taillon. M. le ministre des Communications.

M. French: Je veux à mon tour remercier M. L'Anglais pour son Intéressante analyse en tant que suite d'une expérience personnelle surprenante, si j'ai bien compris.

Il y a beaucoup de questions que j'aimerais poser, mais je retiens d'abord l'importance, dans l'esprit de M. L'Anglais, d'une collaboration intergouvernementale pour traiter efficacement ce problème; ou, en tout cas, la prémisse selon laquelle l'Assemblée nationale peut légiférer pour le territoire du Québec, mais que, compte tenu de la situation technologique dans laquelle, déjà, les renseignements personnels s'écoulent dans le pays, pour ne pas dire le continent, une loi québécoise risquerait d'être plus un voeu pieux qu'autre chose, à moins d'être accompagnée d'une collaboration extra-territoriale. Est-ce que j'ai bien compris l'essentiel du message? (12 h 30)

M. L'Anglais: Effectivement, M. le ministre, Je pense que cela rejoint, en ce sens, la question que vous avez posée, un peu plus tôt ce matin, à l'entreprise qui a fait des représentations ici. Si on n'a pas la capacité d'harmoniser, dans tout le Canada, les commissions qui existent dans d'autres provinces ou dans d'autres États de façon à élever à un certain niveau l'Importance des travaux de ces commissions, je pense qu'il y a un outil qui peut permettre d'atteindre cela. Ce sont les ententes d'exécution réciproques interprovinciales ou inter-étatiques, qui vont permettre de donner un caractère judiciaire à ces décisions de commission, où qu'elles soient rendues, et qui vont effectivement démontrer le sérieux et la volonté du législateur de donner des droits au citoyen pour la protection de ceux-ci.

M. French: Très rapidement, je vous fais un commentaire auquel vous pouvez répondre ou non. Cela ne s'adresse pas à vous en tant que tel, M. L'Anglais, mais je pense que la courroie de transmission et la négociation Intergouvernementale devraient être faites par les ministres responsables de la protection du consommateur plutôt que par les ministres responsables de l'accès aux documents publics et de la protection , de la vie privée des gens. Il ne faudrait pas imaginer que le seul outil possible pour s'attaquer au problème que vous soulevez ici, à bon droit et de façon intéressante et importante, est nécessairement la commission d'accès aux documents publics et de protection des renseignements privés, même si l'expérience d'un tel organisme pourrait s'avérer valable ailleurs. Il y a un endroit dans votre présentation où ne pas poser un certain geste serait de réduire les pouvoirs de la commission. Écoutez, la commission a été conçue pour les fins pour lesquelles elle fonctionne. Elle n'a pas été conçue d'aucune espèce de manière pour le secteur privé. Donc, il ne s'agit pas de réduire les pouvoirs que personne n'avait imaginé que la commission devait avoir il y a cinq ans. Ceci n'enlève rien à votre argument de fond sur la nécessité de réglementer ou de s'attaquer à un certain problème public dont vous faites état de façon convaincante. C'est simplement pour dire que les outils et les moyens pour le faire, ce n'est pas tout à fait évident que c'est nécessairement la commission. C'est clair qu'à l'intérieur de l'actuel gouvernement du Québec, je n'ai pas ce mandat, soit dit en passant, simplement pour votre information, et pas pour nier ma responsabilité en tant que membre du gouvernement. Personnellement, je ne suis pas le ministre responsable de ce problème. C'est le ministre de la Justice en tant que ministre responsable de la Protection du consommateur.

M. L'Anglais: Si vous me permettez, M. le ministre, une nuance dans le commentaire que j'ai formulé. Il ne s'agirait pas, s'il n'y avait pas de geste posé, d'une réduction des pouvoirs, mais, par phénomène d'accroissement du nombre d'entreprises et par phénomène d'accroissement territorial, il y aurait forcément une diminution relative de la capacité d'intervention de la commission. Ce n'est pas une diminution réelle et juridique ou législative des pouvoirs de la commission. C'est simplement la position relative dans laquelle se trouverait la commission à la suite des accords de libre-échange pour faire en sorte que ce soit une diminution relative de ses pouvoirs.

M. French: Précisément à propos de l'accord de libre-échange, j'ai lu la partie de t'annexe que vous nous offrez en guise d'appui à votre argument selon lequel l'accord aggrave la situation. Les échanges de services, le libre-échange dans le marché des services vous paraît, semble- t-il, augmenter de façon importante les dangers que le citoyen se trouve dans une situation où les renseignements sur lui et les renseignements incomplets ou erronés pourraient être utilisés à son désavantage, à son insu. J'aimerais savoir plus en détail, de façon plus précise, de quelle manière l'entente de libre-échange, si jamais elle est acceptée, créerait ce problème. Il y a déjà le problème des flux de données transfrontalières. En quoi l'accord va-t-it augmenter cela?

M. L'Anglais: La nature du problème que je perçois n'est pas tellement l'augmentation des flux ou l'augmentation des données personnelles qui seraient consignées. La perception que j'ai du problème, c'est qu'on va éloigner le citoyen québécois de la capacité d'intervenir pour qu'il puisse y avoir des corrections ou qu'il puisse exercer des droits parce qu'à ce moment-là le contrevenant ou l'utilisateur de cette banque de données se retrouvera à New York ou à Los Angeles Cela veut dire qu'on ne pourra pas se réclamer de droits auxquels on aura été habitués ici au Québec pour amener une entreprise qui pourrait gérer certaines banques de données québécoises à accepter la philosophie proprement québécoise de cette société distincte que représente le Québec dans cette circonstance.

M. French: M. L'Anglais, je comprends le diagnostic, mais je vous dis que le diagnostic reste encore à un niveau assez général. Qu'est-ce qui empêche, actuellement, les banques de données américaines d'être pertinentes pour la décision d'une entreprise québécoise ou une banque ou un service financier ou un employeur d'utiliser les données d'une banque américaine ou, pour autant dire européenne ou asiatique, au désavantage d'un Québécois?

M. L'Anglais: Je ne peux absolument pas répondre à cette question. Cependant, ce que je peux faire, M. le ministre, c'est que j'ai un malaise évident de savoir que des données médicales me concernant se retrouvent à Boston et peuvent être sollicitées par n'importe quelle entreprise, n'importe quel individu. Mon malaise est là. Il n'est pas dans les applications mauvaises ou de mauvaise foi qui peuvent résulter de cela. Le simple fait de savoir que mes intimités personnelles ont été expatriées et se retrouvent à Boston, il y a quelque chose de malsain.

M. French: Cela, je le comprends, M. L'Anglais, et je pense que c'est très légitime de nous faire part de cette préoccupation. Je suis content que vous l'ayez fait Ce que j'essaie de vous amener à voir, c'est que l'entente ne changerait pas grand-chose dans cette situation de fait.

M. L'Anglais: C'est-à-dire que j'ai soulevé

la question de rentabilité des coûts de gestion des banques de données, il est évident que ceux qui se spécialisent dans ce type de gestion de banques de données peuvent se retrouver aux États-Unis pour question de simple rendement des coûts. En ce sens, il y aurait une augmentation des flux et probablement une concentration des données personnelles à l'intérieur d'une ou de quelques grandes entreprises qui auront développé t'expertise. Cette banque pourrait être à Montréal plutôt qu'à New York, dépendant de la rentabilité des coûts de gestion de cette entreprise. Mais elle offre la possibilité qu'une entreprise comme celle-là s'installe à New York plutôt qu'à Montréal.

M. French: À votre avis, l'entente de libre-échange offre-t-elle une possibilité plus grande qu'il y aurait une rationalisation au niveau continental des banques de données?

M. L'Anglais: C'est un fait déterminant. L'accord de libre-échange va obliger toutes les entreprises à s'aligner sur l'entreprise dont le coût de revient est moindre, pour être en situation de concurrence.

M. French: Ce serait vrai si on produisait des cannettes de "bines", mais cela n'est pas aussi clair, me semble-t-il, dans un marché de consommation qui est définissable comme en Ontario, au Québec et dans les Maritimes ou ailleurs. Si vous vous promenez au niveau continental, vous, à cause de l'entente de libre-échange, vous avez plusieurs résidences, etc., là, il deviendrait intéressant de rationaliser cela au niveau continental. Il n'y a rien dans l'entente qui nous amène à croire qu'il y aura un changement dans les conditions de concurrence entre les compagnies de services en données sur les individus qui rendraient la situation pire qu'elle pourrait l'être aujourd'hui. C'est ce que j'essaie de vous dire. On pourrait en débattre longtemps.

M. L'Anglais: Je suis sensible à ce que vous dites, M. le ministre. Il n'y a rien qui le dit et, inversement, il n'y a rien non plus qui offre cette possibilité.

M. French: Cela m'amène à la deuxième question - je dois partir - que je veux aborder brièvement avec vous. C'est toute cette préoccupation d'extra-territorialité et la possibilité que l'Assemblée nationale puisse dire aux utilisateurs potentiels québécois: L'information, si elle ne vient pas du Québec, vous ne pouvez pas l'utiliser au Québec. Je veux bien dire qu'on peut adopter la loi, est-ce qu'on peut la mettre en vigueur de façon sérieuse? Est-ce qu'on peut prétendre sérieusement être capable de dire au monde: Écoutez, fermez vos oreilles, ne regardez pas la documentation et les informations qui viennent de l'extérieur du Québec? Je ne veux pas dire qu'on ne peut rien faire, ce que je vous dis, c'est que je partage encore avec vous la nécessité d'une action qui va au-delà du Québec.

M. L'Anglais: L'idée n'est pas d'empêcher - et je pense que ce serait contraire à une certaine philosophie ici sur le continent nord-américain - ou d'interdire ce genre de chose. Ce qu'il convient de policer ou de discipliner, ce sont les utilisations qui seraient faites de données provenant de résidents québécois. Dans cela, certains outils juridiques peuvent le permettre, notamment la capacité de demander l'exécution d'une décision de la commission dans une autre province ou dans un autre État, ce n'est pas d'empêcher la circulation, c'est d'en discipliner les effets.

M. French: Je ne suis pas expert en matière juridique, mais de rendre la décision de la commission exécutoire à l'extérieur du Québec m'apparaît un problème juridique assez Intéressant et assez grand.

M. L'Anglais: D'où l'importance de la négociation.

M. French: Oui, mais encore une fois c'est clair, en tout cas pour mol. Si les gouvernements des territoires dans lequel pourrait potentiellement être active la banque de données en question ne sont pas tous d'accord, il me semble clair que, technologiquement, on est complètement impuissant devant cette situation. Je reconnais qu'en disant ça je nous donne collectivement un gros contrat, mais je pense que c'est la seule façon réaliste d'envisager la chose.

Mais encore une fois, je ne parie pas comme ministre responsable pour le gouvernement du Québec, je fais une discussion en commission parlementaire avec un témoin averti. Je n'exprime pas la politique du gouvernement du Québec. J'exprime mes propres réactions face à ce problème qui me semble réel, mais il ne faudrait pas aller modestement aux moyens nécessaires pour le régler. On va cracher du champagne, on va le cracher dans le vent et iI va revenir dans notre visage et on sera plus mouillé que soulagé.

Le Président (M. Trudel): On va en avoir deux fois pour le prix d'une fois.

M. French: Merci beaucoup, M. L'Anglais.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. te ministre. Alors, évidemment nous vous excusons. Nous vous souhaitons une bonne fin de journée.

M. L'Anglais, deux courtes questions. Je vous remercie d'abord de m'avolr aussi retourné à Max Weber que j'ai eu le plaisir d'étudier il y a trop longtemps pour que j'élabore longuement là-dessus. Il y a d'ailleurs plus de 20 ans. Et comme le député de Taillon le disait, concernant

la rigueur du philosophe allemand, je pense que vous avez bien démontré la même dans votre mémoire à la suite d'une expérience personnelle.

Deuxième remarque avant de vous poser une question. Je partage un peu l'idée du ministre, donc un léger désaccord avec vous sur les conséquences du libre-échange, et cela pour deux raisons. La première, c'est que je ne vois pas vraiment en quoi ça change beaucoup de choses par rapport a ce qu'on a et selon toutes les études que j'ai faites. J'ai eu la chance, oui je le dis bien la chance, de faire partie du comité consultatif auprès du ministre MacDonald pendant plus de deux ans. Ce comité consultatif était composé des représentants de plusieurs industries au Québec, dans le commerce, dans les services et il y avait deux députés qui représentaient le caucus des députés libéraux du Québec. On a vraiment étudié avec chacun des groupes et chacun des individus, pas chacun, mais quelques individus bien sûr, les conséquences. Et jamais, peut-être par manque d'intérêt, jamais cette question-là n'est venue sur le tapis à la table de discussion pendant deux ans. En relisant votre annexe, ça m'a rappelé des choses que j'avais déjà vues. Je n'ai pas retrouvé là non plus une différence vraiment fondamentale. Le ministre le disait tantôt, qu'est-ce que c'est la différence?

Vous parliez... Et je vous comprends parfaitement, je n'aime pas mieux ça. Et j'ai certaines expériences, moi aussi, compte tenu des petits accidents de parcours qui me sont arrivés dans ma vie jusqu'à maintenant. Je ne dis pas dans ma carrière politique encore, je parle de ma vie. J'ai eu certaines expériences avec des compagnies d'assurances et je n'aime pas plus que vous l'idée de voir mon dossier médical être accessible relativement facilement, pour ne pas dire très facilement, à à peu près qui que ce soit à I'extérieur du pays. Pour faire une blague qui est peut-être déplacée, j'aurais moins d'objection à avoir accès rapidement à mon dossier à la clinique Mayo à Rochester que, je ne sais pas moi, ailleurs.

Deux questions, la première concerne les codes de déontologie. Pour exactement les raisons citées par le député de Taillon, je n'accorde pas - mais j'aimerais vous entendre là-dessus - la même, est-ce que j'oserais employer le mot, crédibilité, oui, la même importance, la même force aux codes de déontologie privés. On a été appelés, comme le disait le député de Taillon tantôt, à en examiner deux. On a demandé des renseignements qu'on doit nous fournir sur un troisième. Je vous avoue que c'est assez limité. Sans mettre en aucune façon en jeu la bonne foi des groupes et des organismes qui ont fait ces codes de déontologie, je me dis que ça reste limité comme protection. C'est un, j'allais dire un ramassis, le mot est vraiment trop fort, mais je vais le dire quand même, de bonnes intentions et ça s'arrête là.

Donc, première question, pouvez-vous parler un petit peu sur les codes de déontologie? Je vous avertis tout de suite que ma deuxième question portera sur l'imposition aux entreprises privées dans la périphérie immédiate du domaine public québécois d'être assujetties à la loi d'accès à l'information. (12 h 45)

M. L'Anglais: M le Président, concernant le code de déontologie, je pense avoir été suffisamment clair dans mon mémoire et dans mon texte. II ne s'agit pas de laisser cela à l'initiative du secteur privé. L'État doit intervenir énergiquement pour imposer à l'entreprise privée un code de déontologie à la rédaction duquel I'entreprise aura été associée. Je pense que, sous cet aspect, vos préoccupations rejoignent les miennes ou l'inverse et, si on laisse cela à l'entreprise privée, cela va donner les résultats que vous soulignez.

Le Président (M Trudel): D'accord vous citez bien. Étant occupé à prendre la note en disant Re: celui des assureurs, celui d'Equifax de ce matin, effectivement, vous dites bien imposer auquel I'entreprise privée sera évidemment - et c'est tout à fait normal - appelée à participer. Bon, d'accord pour cela. En page 4, là, cela me crée des problèmes, peut-être pas d'ordre existentiel - à cette heure-là, en tout cas, rarement, à 12 h 45 - mais d'ordre juridique et je ne veux pas vous entraîner dans une discussion juridique comme je le dis depuis le début de cette commission. J'ai une formation juridique, mais je n'ai pratiqué que pendant trois mois. Je m'engage donc toujours sur un terrain très très glissant. Je vais lire votre texte pour ensuite vous faire une remarque et attendre vos commentaires sur cette remarque.

Pour ouvrir ce débat, écrivez-vous, je propose que, dans un premier temps, le législateur impose aux entreprises privées en périphérie immédiate du domaine public québécois - vous citez, La Mutuelle, la Caisse populaire des fonctionnaires du Québec - leur assujettissement aux actuelles dispositions de la loi sur I'accès à l'information concernant la protection des renseignements personnels. Première question que je me pose et j'ai un gros point d'interrogation: problème juridique au minimum. Je ne vois pas de quelle façon - si le député de Taillon était ici, il pourrait peut-être m'aider - on pourrait assujettir des organismes privés et les transformer, même pour les fins d une loi, en organismes publics. Pour le moment, tant qu'on parle de la loi actuelle, on ne traite que des organismes publics. Peut-être que, si on ouvrait sur I'entreprise privée, là il y aurait très certainement moyen, et je ne mets jamais en doute la subtilité des avocats pour raccorder toutes les ficelles qui doivent l'être Donc, dans le cadre actuel, je ne vois vraiment pas de solution juridique à la suggestion que vous nous faites

D autre part, dans l'état actuel des lois, on

pourrait dire: II y a deux poids deux mesures. Vous pariez de la Caisse populaire des fonctionnaires du Québec, qui fait partie du réseau Desjardins et tout ça. Vous savez, c'est presque le syndrome "moi, mais pas les autres, les autres, mais pas moi". Pourquoi assujettir juste une caisse? Évidemment, il y a toujours des moyens de pression indirects en disant: Vous faites cela ou bien vous disparaissez et, comme cette caisse a beaucoup de sociétaires et de clients parmi les fonctionnaires, idem pour la Mutuelle-Vie, il y aurait là un moyen de pression jusqu'à un certain point. Sauf qu'encore là, sur le plan juridique, je vois mal comment on peut y arriver. Est-ce que cela ne donnerait pas deux poids deux mesures? C'est intéressant comme ouverture, mais, à première vue, cela semble poser des problèmes importants.

M. L'Anglais: Je note, M. le Président, qu'au moment où j'ai rédigé cela, j'avais aussi beaucoup de réticences. Je voyais la discrimination poindre à l'horizon. Cependant, j'ai fait la réflexion suivante. Du fait que ces entreprises sont étroitement, pour ne pas dire intimement, liées à l'appareil public, il y a certainement, par phénomène d'osmose ou de symbiose, un apparentement évident à la question d'organismes publics. C'était sous ce rapport que j'ai fait ce genre de recommandation. Si une entreprise est inscrite au bottin téléphonique du gouvernement, utilise son réseau de communications, a accès à tous ses bureaux, a accès à tous les services de nature gouvernementale et qu'elle peut bénéficier des avantages de l'entreprise privée sans avoir les inconvénients des organismes publics, c'est sous ce rapport. C'est ténu, effectivement. Je suis sensible à l'aspect discriminatoire de l'approche. Mais des gens ou des entreprises qui font leur chiffre d'affaires à même cette approche extrêmement étroite des organismes publics devraient au moins au minimum donner, pour leur branche d'activité, l'image et prendre l'initiative d'accepter qu'un certain nombre de mesures de nature gouvernementale puissent avoir des effets positifs sur l'ensemble de leur secteur d'activité.

Le Président (M. Trudel): Très bien. Je vous remercie des précisions que vous m'apportez. Je crois comprendre que mes collègues n'ont pas de questions à vous poser. Je vous remercie, M. L'Anglais, d'abord, pour un rapport très bien fait, fort bien écrit, je dois le souligner. Ayant fait une carrière dans l'édition, c'est toujours une chose que j'apprécie. C'est un rapport très bien articulé de même que votre intervention aujourd'hui. On voit que vous vous Intéressez de près à cette question et que, à partir d'une expérience personnelle, vous avez réfléchi. Ce sont des témoignages comme le vôtre dont nous avions besoin en plus, bien sûr, de ceux que j'appelle les praticiens de la loi parce qu'il y en a quelques-uns, tant du côté des organisations que du côté des individus.

Je vous remercie d'avoir présenté un mémoire et de vous être présenté ce matin pour le défendre et l'expliciter. J'espère, quant à moi, avoir l'occasion de rediscuter de ces choses soit en privé ou publiquement à l'occasion d'une autre commission avec vous, un de ces jours. Merci beaucoup.

M. L'Anglais: M. le Président, c'est moi qui vous remercie.

Le Président (M. Trudel): Comme il est 12 h 50, j'inviterais notre dernier Invité à se présenter à la table devant moi. Il s'agit de M. Jean-Claude Boucher qui est carrément un praticien. Quand je dis un praticien, je ne veux pas être mal interprété. Cela n'a aucun sens péjoratif. Je remercie M. Boucher pour sa patience à nous écouter sur son répondeur. M, Boucher a été déplacé à quelques reprises dans notre horaire. Je pense qu'à l'origine, cela devait être mardi; après cela, cela a été remis à mercredi. Cela devait être cet après-midi. Comme il nous fallait terminer un peu plus tôt aujourd'hui... Bref, Mme la secrétaire, Mme Tanguay, me dit qu'on a dû laisser une demi-douzaine de messages sur le répondeur de M. Boucher, sans compter un ou deux télégrammes. En tout cas, M. Boucher savait qu'on avait besoin de lui plus rapidement que prévu.

Alors, M. Boucher, tout en vous souhaitant la bienvenue, je vous remercie de votre patience à nous écouter sur votre répondeur et je vous offre nos excuses si on a été un peu harcelants dans cette entreprise, mais votre témoignage de praticien nous était très important et, comme vous représentiez notre dernier témoin, on s'est dit: II faut absolument qu'on puisse l'interroger à loisir. Tout comme vous, je regrette pour la commission, tout en les comprenant fort bien, l'absence de M. le ministre et de M. le député de Taillon qui auraient, eux aussi, souhaité pouvoir vous interroger, mais des conflits d'horaires, comme pour tout le monde, les en ont empêchés. Je vous prie de les en excuser encore une fois et je vous cède la parole pour nous exposer votre mémoire.

Vous nous aviez envoyé une lettre qui était assez explicite et vous nous déposez ce matin un mémoire. Je vous laisse, à l'intérieur des limites du raisonnable, soit à peu près 15 minutes dans le cas d'un individu, le temps qu'il faut pour nous exposer vos idées et, par la suite, mes collègues du côté ministériel et moi vous poserons des questions.

Cela me rappelle - vous n'étiez pas ici hier et je vais répéter ce que je disais hier - quand il manque une opposition comme cela, cela me rappelle un peu la situation au Nouveau-Brunswick et je me dis que les parlementaires au Nouveau-Brunswlck doivent être un peu mal pris sans opposition. J'ai presque envie de demander au député d'Arthabaska, qui m'a indiqué son

intention de vous poser des questions, d'aller s'asseoir là. Cela équilibrerait les choses, mais il veut rester à sa place. Alors, M. Boucher, allez-y.

M. Jean-Claude Boucher

M. Boucher (Jean-Claude): Je vous remercie, M. le Président. Je remercie également la commission d'accepter de me recevoir en tant que simple citoyen.

Si vous le permettez, d'abord, le mémoire que j'ai déposé est plutôt un aide-mémoire parce que j'ai été avisé des dates de la commission très tardivement et je suis ensuite parti à l'extérieur pour quatre jours. J'ai donc rédigé un très court mémoire. Ce que j'avais l'intention de faire, c'est expliquer un peu les expériences que ]'ai vécues avec la commission d'accès et, de là, si vous voulez poser des questions sur ce qui en ressort, je serais d'accord.

Tout d'abord, j'ai été amené à faire des requêtes pour obtenir des documents de l'Office du crédit agricole, en 1984, parce que notre groupe avait été invité à comparaître devant une commission parlementaire. Cela nous a amenés à faire affaire avec la commission d'accès. Dans un premier temps, on a obtenu des documents de l'Office du crédit agricole. C'étaient des dossiers absolument incomplets, sans ordre, etc. On a, par la suite, fait individuellement appel à la commission d'accès pour tenter d'obtenir le reste des documents. Personnellement, j'ai agi comme représentant dans une quinzaine de dossiers, soit jusqu'à ce que l'Office du crédit agricole fasse une objection formelle en fonction de la Loi sur le Barreau.

Tout cela a amené, je pense, à faire énormément de jurisprudence en ce qui concerne, en tout cas, les choses qui touchaient l'Office du crédit agricole. Quand on lit les rapports de la commission d'accès, je retrouve des tas de dossiers dans lesquels on l'a amenée à prendre des décisions. Personnellement aussi, j'ai fait des demandes d'accès à l'Office du crédit agricole pour avoir des dossiers d'administration. J'ai fait des demandes d'accès au ministère de l'Agriculture pour les mêmes raisons. Donc, j'ai été relativement souvent devant la commission d'accès. A partir de là, je pense que j'ai une expérience pratique de ce qui se passe généralement. J'entendais tantôt les autres intervenants parler des délais administratifs, de toute cette chose-là. C'est le point que je voudrais souligner, qui me paraît le plus important.

Actuellement, il y a évidemment déjà un délai qui me semble être utilisé systématiquement par les organismes, en tout cas, les organismes avec qui j'ai fait affaire, soit le délai de 20 jours, avec un délai additionnel de 10 jours. Mon expérience a démontré que le délai additionnel de 10 jours était utilisé 95 % des fois, même s'il s'agit d'un seul document, d'un feuillet ou de n'importe quoi. On dit - la réponse est d'ailleurs faite avec un traitement de texte: étant donné qu'on travaille tellement fort, on ne peut pas vous rendre vos documents dans 20 jours et on prend 30 jours. Je trouve que 20 jours, déjà - je vais revenir aux raisons pour lesquelles je débats si fort la question des délais - cela me paraît, dans des conditions normales, un délai correct pour trouver un document, le photocopier et le mettre dans le courrier. Je pense que la question du délai de 10 jours devrait être extrêmement restrictive. Il faut avoir une raison particulière pour utiliser le délai de 10 jours supplémentaires. C'est ma suggestion.

Quant aux délais de la commission d'accès, ils sont en général raisonnables quand on n'utilise pas d'avocat. Là, ce n'est évidemment pas la faute de la commission d'accès si les procureurs n'arrivent pas à s'entendre sur une date pour comparaître devant la commission d'accès, ce qui fait que les délais sont beaucoup plus longs. C'est l'expérience que j'ai eue. On arrivait à avoir une audience à la commission d'accès extrêmement rapidement, jusqu'à ce qu'on ait besoin d'utiliser des avocats. A partir de là, les avocats ne s'entendent pas sur les dates, l'après-midi ne va pas, il faudrait que ce soit... En tout cas.

Mais le délai qui est extrêmement grave, c'est le délai d'appel. Quand on fait une demande d'accès pour obtenir des documents, il faut bien comprendre que ces documents-là, en général, vieillissent très vite. C'est-à-dire qu'on veut avoir une information et on la veut maintenant. Obtenir la même information dans trois ans, cela n'a plus aucune valeur dans énormément de cas. On arrive avec le problème de l'appel.

Moi, l'expérience que j'ai eue, c'est que l'Office du crédit agricole a fait systématiquement appel dans tous les dossiers et il y a énormément de dossiers qui sont encore en appel sur des points de droit qui ont déjà été décidés par la Cour provinciale, notamment dans mon dossier personnel. Je vais vous donner une idée des délais d'appel que nous avons supportés. J'ai fait une demande d'accès à l'information en septembre 1984 et le jugement de la Cour d'appel a été rendu en juin 1987. J'ai été le plus rapide du groupe parce que j'ai poussé très fort pour que cela aille très vite. Les autres dossiers des gens qui ont fait des demandes d'accès à peu près en même temps que moi sont encore en attente quelque part, entre ici et nulle part. Donc, on parle d'un délai d'entre 18 mois et deux ans devant la Cour provinciale et ce délai me semble, dans un cas comme une demande d'accès à des documents, très excessif.

J'admets que le droit d'appel est un droit incontestable. Il n'y a pas de discussion. Mais quand ce droit d'appel est fait sur des points qui ont déjà été jugés, pour lesquels il existe déjà une jurisprudence de la Cour d'appel, il devrait y avoir une façon de procéder différente de cela. Ce que je dis dans mon mémoire, c'est que les décisions de la commission pourraient être sans appel, en ce qui a trait à la question de fait.

Parce que, de toute façon, quand on va en Cour d'appel, la Cour d'appel ne peut pas juger des questions de fait. Donc, on s'en va juger des questions de droit. Les questions de droit, après une assez longue existence maintenant, ont en grande partie été décidés par la Cour provinciale. Il resterait simplement, à ce moment-là, des questions de compétence de fa commission qui pourraient être soulevées. Mais ces questions-là pourraient être soulevées par bref d'évocation en Cour supérieure, par exemple, ce qui est beaucoup plus rapide. (13 heures)

L'autre suggestion qui pourrait être faite, admettant qu'on laisse les décisions de la commission d'accès appelables, est qu'on pourrait installer à l'intérieur de la loi statutaire une façon pour que l'appel puisse procéder par requête plutôt que par action ordinaire. Ce qui est sans fin. Cela pourrait être facilement jugé dans une cour de pratique par un seul juge. Je ne vois pas la nécessité d'avoir trois juges de la Cour provinciale pour juger d'une question de droit. C'est extrêmement douloureux comme attente et, comme le soulignaient les autres groupes aussi, c'est extrêmement douloureux financièrement.

Si on revient à l'aspect de la finance, on est face à un problème extrêmement difficile parce qu'à la suite d'une demande d'accès, évidemment, s'il faut faire appel devant la commission d'accès, il faut normalement défrayer le coût d'un avocat pour obtenir peut-être, au bout de tout cela, un document qui n'a absolument aucune valeur, parce que si on connaissait le document, on ne le demanderait pas. On demande un certain nombre de documents, puis on s'aperçoit, au moment où ils sont rendus accessibles, que ce sont des documents qui n'ont pas d'utilité ou qui en ont énormément.

Pour les gens qui ont des revenus minimes, c'est un risque qui peut devenir énorme et, à ce moment-là, je ne le suggère pas mais je me pose la question à savoir si la commission d'accès ne pourrait pas fonctionner en dehors de la Loi sur le Barreau, de façon à laisser la chance à des individus qui ne s'expriment pas très facilement, de pouvoir demander l'aide de quelqu'un de leurs amis et aller devant la commission d'accès, puisque devant cette commission, la charge de la preuve incombe à l'organisme public et non pas au demandeur. Donc, c'est une procédure relativement simple pour le demandeur devant la Commission d'accès à l'information et d'ailleurs, dans le passé, les commissaires qui siègent ont toujours tenté ou réussi à faciliter de beaucoup cette procédure pour le demandeur d'accès.

On pourrait réfléchir sur cette question Je ne sais pas si c'est une chose réalisable. Évidemment, dans mon cas, cela a été réalisable jusqu'à ce que l'office fasse une objection formelle. II y a beaucoup de jurisprudences utilisées actuellement par la commission d'accès qui découlent des représentations que j'ai faites face à l'Office du crédit agricole.

Il y a d'autres petits points qui sont peut-être plus secondaires. On s'est beaucoup enfargé, au cours de toutes ces procédures, sur les avis, les recommandations et les analyses. J'ai vu, dans le rapport de la commission, qu'on mentionnait cette chose et mon impression personnelle, c'est que les avis, les recommandations et les analyses des fonctionnaires, quand ils sont à l'Intérieur d'un dossier personnel, devraient être connus du demandeur. Les fonctionnaires sont relativement bien payés et bien traités à même les fonds publics et je ne vois pas pourquoi ils auraient le privilège de l'incognito face à leurs propres décisions. Finalement, le secteur public ne donne jamais ces privilèges à ses employés. Quand tu travailles dans le secteur publique, tu fais une recommandation, une analyse, tu en es responsable. C'est peut-être une façon qu'on aurait indirectement de donner une certaine fierté à ces employés, qu'ils soient responsables de leur façon de travailler et des décisions qu'ils prennent. Dans ce sens-là, ma recommandation est que les avis, les recommandations et les analyses, pour un dossier personnel soient accessibles. Pour des dossiers publics, c'est autre chose.

Évidemment, il y aurait énormément d'autres petits points dont j'aimerais discuter et qui sont très secondaires, mais...

Le Président (M. Trudel): Je vous remercie, M. Boucher. On voit que votre expérience vous sert bien. Votre mémoire touche un point fondamental dont on a discuté souvent depuis le début des travaux de cette commission mardi matin, c'est, si je peux employer le terme, la dénaturation. Si ce n'est pas un mot, on va l'inventer. Cela en fait un de plus à mettre dans le Larousse. De toute façon, il y en a assez qui nous surprennent qu'un de plus ou de moins C'est le fait de dénaturer l'objectif de la loi. Cette loi-là, le ministre le rappelait au cours des deux derniers jours, le député de Taillon également, elle a été faite non pas pour les organismes, mais pour les citoyens. Cela ne veut pas dire que les organismes n'ont pas de droit, mais la personne visée, la personne qu'on veut aider, c'est très clairement le citoyen, à deux niveaux: dans une première étape, pour lui donner accès à des documents des organismes publics et, deuxièmement, pour protéger ses renseignements personnels, des renseignements qui le concernent.

Cette problématique se retrouve dans les 182 ou 183 articles de la loi. C'est très clair. On assiste au cours des dernières années, enfin, depuis trois ans sûrement maintenant et vous en êtes à la fois un témoin et un acteur, à une tentative de la part de certains organismes. Parce qu'il faut dire, et la commission le reconnaît aussi dans son rapport, qu'il y a beaucoup d'organismes, pour ne pas dire la plupart, qui ont bien accepté cette loi-là et, dans ta mesure de leurs moyens, je veux dire avec plus ou moins de bonheur selon les cas, collaborent correctement

avec la commission et avec le citoyen. Cependant, on est en face aussi d'une série d'organismes qu'on ne mentionnera pas, mais qui sont bien connus - quelques-uns, d'ailleurs, ont été mentionnés ici au cours des deux derniers jours - qui, systématiquement, refusent de collaborer et prennent tous les moyens à leur disposition et ces moyens-là s'avèrent être légaux, ce qui va amener la commission à réfléchir, bien sûr, sur une des recommandations de la commission et de plusieurs groupes, sur la question du droit d'appel. Si on ne l'enlève pas, comment peut-on le baliser? Si on ne le balise pas, comment peut-on aider au moins le justiciable, le citoyen à faire face aux coûts?

Il n'y a pas seulement les coûts, et vous le soulignez à juste titre, iI n'y a pas seulement les coûts financiers, monétaires, pécuniaires. II y a aussi les coûts en termes de temps. Vous nous disiez tantôt fort justement: S'il faut attendre trois ans pour obtenir un document, très souvent, le document n'a plus la même valeur qu'au moment où on l'a réclamé, c'est très juste à mon avis comme remarque. Donc, cette question-là va faire l'objet d'une étude très sérieuse de la commission. Il y a des groupes, comme je vous le disais tantôt, qui nous ont dit: II faut enlever le droit d'appel D'autres nous ont dit: II faut le maintenir avec plus ou moins de balises. D'autres ont dit: II faut le maintenir, point final. Vous avez dit tantôt, et cela se retrouve dans votre mémoire, sur le plan du principe à tout le moins: Le droit d'appel reste important, cela reste une chose nécessaire, mais essayons de le baliser.

Je ne veux pas, encore une fois, entrer dans une discussion d'ordre juridique qui serait complexe et pour vous et pour mol, probablement moins pour vous parce que, même si je suis un avocat qui n'a jamais pratiqué, vous n'êtes pas un avocat mais vous avez presque pratiqué, à un point tel que le Barreau est intervenu jusqu'à un certain point. Je ne veux pas entrer dans une discussion qui nous amènerait à dire: Le droit d'appel, c'est quelque chose de fondamental, le droit d'appel peut être difficilement balisé. Vous parliez tantôt des jugements rendus et qui vous semblent réglés. Je serais tenté de vous dire que, pour le peu qu'il me reste de ma formation juridique - on en sort, du droit, mais le droit sort moins rapidement de soi - on va devant les tribunaux très souvent, même s'il y a une jurisprudence, en se disant: Les faits de la cause sont peut-être un peu différents. Et on essaie de prouver justement au juge que les faits de la cause sont différents de façon qu'il n'applique pas la jurisprudence. Donc, sur cela, je dis: Faisons attention.

Ceci étant dit, je suis le premier à reconnaître que, quant au droit d'appel et à sa remise en question, on devrait étudier cela de façon très approfondie et très sérieuse.

Deuxièmement, comment peut-on obliger les organismes récalcitrants à jouer la partie telle que le législateur de 1982 l'a conçue et telle que le législateur éventuel de 1988 ou de 1989 - souhaitons que ce soft en 1988 - va la concevoir? Il y a différents moyens. Il y a différents articles qu'on peut mettre dans la lof, des clauses pénales, ces genres de choses-là.

Ce qui m'inquiète, c'est qu'au moment où on pense déjà - et cela aussi, c'est une question qui devrait faire l'objet d'une étude approfondie par la commission - à étendre au secteur privé des prescriptions - et je suis assez sympathique à cette idée - je trouve que cela apporte beaucoup de problèmes et qu'il nous faut l'étudier sérieusement. Est-ce que ce sera fait cette année? Je pense qu'il faut vraiment étudier cette question-là. Au moment où on pense déjà à étendre cela, on n'a pas encore réglé le cas de certains organismes publics ou parapublics, des organismes gouvernementaux. Je me dis, comme disait M. André Malraux, "first thing first", commençons donc par régler les problèmes. Cela n'exclut pas l'un, le fait d'étendre. Je pense que s'il faut donner un effort dans une direction, ce sera pour trouver les moyens pour que nos propres organismes gouvernementaux et paragouvernementaux jouent le jeu de façon correcte. Je répète ce que j'ai dit tantôt et je termine là-dessus, dans l'ensemble, cela a été joué correctement. On a à faire face à quelques récalcitrants qui, eux, vont prendre tous les moyens pour rendre la vie du citoyen... Ce sont des questions de "Big brother". Vous avez le simple citoyen qui pense avoir le droit, parce qu'il y a une loi de 182 articles qui dit: Vous avez le droit d'accès, et qui se ramasse devant tout un appareil paragouvernemental. Et, vous l'avez souligné vous-même tantôt, vous étiez le troisième, quatrième ou cinquième à le souligner, ces gens-là vont se défendre avec la dernière énergie à même les fonds publics, alors qu'on oblige le citoyen, beaucoup moins fortuné, à s'engager des avocats, etc

Là-dessus, tout simplement pour vous dire que, dans l'ensemble, ce que vous nous écrivez et ce que vous venez de nous décrire, pour prendre une vieille expression - oui, M. le député, je vais vous céder la parole - sonne une cloche sympathique chez moi et chez la plupart de mes collègues pour ne pas dire l'ensemble de mes collègues. Pour vous le prouver, je vais céder la parole à M. le député d'Arthabaska. Si mes commentaires en appellent d'autres, vous pouvez peut-être en faire...

M. Boucher: Oui, si vous...

Le Président (M. Trudel): Oui, allez-y. Après cela, je céderai la parole au député d'Arthabaska.

M. Boucher: Je pense qu'on devrait bénéficier des organismes publics qui sont récalcitrants pour apprendre comment on peut ploguer le trou avant de débloquer la loi quant à l'entreprise

privée. Les objections ou le travail pour tenter d'empêcher la loi, que font des organismes publics, ce n'est rien à côté de ce que pourrait faire un organisme privé comme, par exemple, une banque ou une grande entreprise, s'il décidait de combattre la loi en cour. Si on a une foi qui a déjà des trous, je ne pense pas qu'on puisse aller combattre une entreprise privée avec cela, une entreprise privée, évidemment, qui décide de ne pas se conformer à l'esprit de la loi. Je pense qu'on devrait maintenant apprendre comment bloquer les trous par où passent les organismes publics maintenant. Entre ces trous-là, c'est justement le dilatoire qu'ils font.

Le Président (M. Trudel): Très bien. M, le député d'Arthabaska.

M. Gardner: Merci, M. le Président. J'avais peur qu'il ne me reste plus de temps.

Le Président (M. Trudel): II vous en reste beaucoup, M. le député.

M. Gardner: Je suis heureux de voir - et c'est malheureux que ce soit le dernier témoin -qu'un agriculteur, car je pense que vous êtes agriculteur vous-même, vient témoigner à cette commission, étant donné que je suis député d'un comté agricole. Je vois, à mes côtés, deux autres députés de régions très agricoles, soit la Beauce et la région de Richelieu.

Le Président (M. Trudel): Dans la région de Richelieu, ce sont surtout les problèmes de bateau qui inquiètent le député.

M. Gardner: Oui, mais il y a aussi... Le Président (M. Trudel): De frégates.

M. Gardner: ...ceux de l'agriculture. Je suis heureux de voir qu'on se préoccupe de ce problème dans le milieu agricole. Je m'aperçois qu'il semblerait que l'Office du crédit agricole soit un organisme public qui ait de la difficulté à s'adapter à cette loi. Est-ce que ce que vous dites...

M. Boucher: C'est le moins qu'on puisse dire.

M. Gardner: C'est le moins qu'on puisse dire. Et on est très poli en le disant.

Après cinq ans, tout de même, j'ai constaté dans votre rapport qu'il y a eu de l'amélioration. Avec ce qui se passait avant, j'ai remarqué, à un endroit à la page 2 de votre rapport, que vous dites, et je vous cite: Sur mes -propres recommandations, des dizaines d'agriculteurs ont demandé à l'office copie de leur dossier personnel pour s'apercevoir, dans de nombreux cas, qu'ils administraient ou tentaient d'administrer une ferme très différente de celle que décrivait l'office. On a beaucoup parlé, depuis deux jours, des possibilités d'erreurs d'ordinateur ou d'erreurs dans ce qui est Inscrit à l'ordinateur, des possibilités de dossiers qui ne sont pas à jour. Est-ce que vous voudriez préciser - il semble bien que vous avez eu un cas personnel avec l'Office du crédit agricole - sans donner trop de détails précis, et nous dire quelles seraient les erreurs qu'on voit assez souvent à l'Office du crédit agricole?

M. Boucher: C'est beaucoup plus qu'une erreur...

M. Gardner: D'ordinateur.

M. Boucher: ...de description ou d'ordinateur qui se passe. En fait, jusqu'à tout à fait récemment, l'agriculteur n'avait aucune connaissance de ce que faisait l'Office du crédit agricole. C'est-à-dire qu'il fait une demande pour un prêt à l'office; iI fournit un budget prévisionnel et il dit: Bon, c'est ce que je veux faire et, pour faire cela, j'ai besoin de x dollars. Trois ou quatre mois plus tard, iI reçoit une réponse qui dit: Oui, tu as ton prêt ou oui, tu as un prêt plus gros que celui que tu as demandé, ou plus petit, ou non, tu n'en as pas. Entre les deux, c'est le désert absolu. L'agriculteur ne sait pas du tout sur quelle base son prêt a été accordé. (13 h 15)

Nous, on fait une demande d'accès à l'information, on obtient le dossier et on s'aperçoit, par exemple, que le nombre d'unités de production prévu par l'agriculteur, ce n'est pas ce qui a été pris en considération par l'office, c'est un autre nombre d'unités de production. Le gars devait cultiver telle ou telle chose, mais l'office a considéré que ce n'était pas correct et a changé le dossier complètement, de son propre chef.

C'est arrivé que la demande de prêt ne devait pas être de 100 000 $, mais de 150 000 $. L'agriculteur obtient un prêt de 150 000 $ et il considère que ce prêt est fait en fonction de ce qu'il a écrit sur sa demande, c'est-à-dire tant d'unités de production et telle sorte de production, et il commence à gérer sa ferme pour s'apercevoir - ou cela va bien, ou cela va mal - éventuellement, que cela va très mal. Mais il ne sait pas pourquoi cela va très mal, puisqu'il a envoyé à l'office une demande accompagnée de son évaluation des choses et que cela a été accepté. Donc, II se dit: L'office a accepté ma proposition, mon programme de production, etc.; cela devrait donc fonctionner. Pourtant, cela ne fonctionne pas. Mais il ne pouvait pas savoir que l'office décidait sur une autre base. En fait, il y a deux gérants sur la même ferme, mais Ils ne gèrent pas la même chose. Je ne dis pas que c'est systématique, mais, à la fin, on s'est aperçu qu'il y avait beaucoup de ces choses-là qui ont résulté en une faillite pour l'agriculteur.

Avant la loi d'accès à l'information, évidemment, on ne pouvait pas savoir pourquoi le bonhomme faisait faillite. On disait: Pourtant, il a fait une demande, son projet était bien fait, il a eu le prêt demandé et il fait faillite, comment cela se fait-il? Nécessairement, c'est un mauvais producteur, sauf qu'il est en production depuis 40 ans. En tout cas, il est soudainement devenu un mauvais producteur. Aujourd'hui, on peut reprendre les données de l'office et dire: Vous avez erré dans votre expertise puisque vous n'avez pas retenu l'exploitation réelle, vous avez inventé une ferme fictive et vous avez fait le prêt. À partir de là, on est arrivés, pour un certain nombre de dossiers, à entreprendre des procédures en dommages contre l'Office du crédit agricole pour incompétence ou pour fraude civile, parce qu'on dit: Ces gens-là savaient que la ferme n'était pas comme cela. Ils savaient qu'avec les données qu'ils avaient, ce gars-là ferait faillite. Pourtant, ils ont autorisé le prêt quand même. II y avait des raisons politiques de le faire. Pour 30 raisons différentes, ils ont fait des prêts qui étaient sans fondement. En fait, on s'est aperçu, dans les dossiers d'accès, qu'il y a des tas d'agriculteurs qui étalent en faillite au moment où ils signaient l'acte de prêt, et c'était juste fini, c'était terminé.

M. Gardner: Est-ce que c'était dû au délai entre la demande et l'acceptation?

M. Boucher: Du prêt?

M. Gardner: Du prêt.

M. Boucher: Non, absolument pas.

M. Gardner: Pas du tout . D'accord Ils étaient déjà en faillite.

M. Boucher: Non Le fait d'accorder un prêt avec la structure que l'office avait décidé de donner à ce prêt faisait que le gars tombait en faillite technique au moment où il obtenait son prêt.

M. Gardner: D'accord.

M. Boucher: Évidemment, ce n'est pas toujours comme cela, heureusement.

M. Gardner: Non, heureusement.

M. Boucher: Je pense que cet ensemble de choses, à partir de la loi d'accès, où on a pu avoir accès au dossier de l'agriculteur et où, malheureusement, on a aussi entrepris des actions en dommages, cela va faire en sorte que, dans l'avenir, l'Office du crédit agricole va devoir aiguiser ses crayons, faire une meilleure expertise et arriver avec une meilleure structure financière, ou ne pas faire le prêt s'il ne peut pas le faire . C'est sûr qu'à court terme, pour les fonds publics, des actions en dommages, c'est douloureux. Cela va faire que les fonctionnaires qui ont pris ces décisions ou qui ont dit: Ce n'est pas grave, on va faire cela vite - des fonctionnaires, il y en a de toutes les sortes, c'est comme les pompiers il y en a qui arrosent le feu et il y en a qui arrosent à côté - ces gens-là sauront que, dans l'avenir, ils devront éventuellement répondre de leur expertise, de leurs actes, parce que ces actes sont devenus publics ou accessibles pour l'agriculteur qui peut dire. Un instant, iI y a des erreurs dans mon dossier, il faut corriger cela.

M. Gardner: Quand vous dites "dans l'avenir", cela veut dire que cela n'existe pas encore à 100 %.

M. Boucher: Qu'est-ce qui n'existe pas encore?

M. Gardner: Que le fonctionnaire ne sait pas, n'applique pas la loi.

M. Boucher: Je ne parle pas de la loi sur l'accès à l'information, mais des fonctionnaires qui font mal leur travail.

M. Gardner: Qui font mal leur travail.

M. Boucher: Dans le passé, ils ne pouvaient jamais être reconnus, en tout cas, pas par le grand public. On ne pouvait pas savoir que le fonctionnaire faisait mal ou bien son travail. Tandis qu'aujourd'hui, je parle en ce qui concerne l'agriculture, on peut obtenir le dossier de l'agriculteur et voir quel fonctionnaire a fait quoi dans ce dossier, qui s'est trompé ou qui a calculé correctement. Les fonctionnaires, il y en a beaucoup qui signent au moins les rapports factuels et on sait que lui a mal évalué telle et telle choses et que lui a bien fait son travail. Maintenant, à l'intérieur de cela, il y a des fonctionnaires qui font aussi des avis et des recommandations. À partir de données justes, il est très possible de faire des recommandations erronées. On n'a pas accès à cela. Donc, ie fonctionnaire qui a fait l'étude factuelle peut être correct et celui qui fart la recommandation, qui n'est pas nécessairement le même, lui, peut être un parfait con. Mais lui, on ne peut pas savoir. Je pense que c'est comme cela, avec l'accessibilité de ces documents, qu'on peut arriver à faire pression, même pas directement, on n'a pas besoin de le faire, ses patrons s'aperçoivent qui est le bon fonctionnaire et qui est le con dans tout cela.

M. Gardner: Quand vous disiez "à l'avenir", donc, cela veut dire actuellement...

M. Boucher: C'est en marche. M. Gardner: . ..c'est en marche.

M. Boucher: Oui

M. Gardner: Une dernière question, M le Président. Vous avez dit que c'était douloureux financièrement, surtout lorsque vous étiez obligés d'engager un avocat. Vous êtes obligés. Dès que vous allez en appel, vous êtes obligés d'y aller avec un avocat.

M. Boucher: En fait, même devant la commission d'accès - et je connais des tas de gens qui ne peuvent pas se lever en public, même devant la commission d'accès, parce qu'ils ne savent même plus leur nom - II faut engager un procureur.

M. Gardner: Vous proposeriez peut-être une situation comme à la Cour des petites créances ou la personne peut se défendre elle-même devant le juge.

M Boucher: Toutes les cours sont comme cela de toute façon Ce n'est pas une invention.

M. Gardner: On peut toujour.s

M. Boucher: On peut toujours aller sans avocat. Dailleurs, |e l'ai fait à maintes reprises Mais je pense que, par exemple, dans le cas du groupe d agriculteurs, moi je les ai toujours représentés devant la commission d'accès bénévolement et gentiment en disant: Je connais ton dossier Je l'ai regardé. Viens avec moi, je vais le faire pour toi. Je me demande si cette façon de procéder ne pourrait pas être laissée à la discrétion de la commission d'accès. Je n'en sais rien. Évidemment, on va à rencontre de la Loi sur le Barreau et c'est au législateur à décider si on passe par-dessus ces gens ou si on ne passe pas.

M. Gardner: Vous avez une longue expérience dans ce dossier Vous avez fait plusieurs representations? Vous n'avez pas mentionné de nombre.

M. Boucher: Une quinzaine.

M. Gardner: Une quinzaine. Avez-vous une idée comment cela coûte pour un citoyen d'aller en appel?

M. Boucher: D'aller en appel?

M. Gardner: Oui Vous en avez fait une quinzaine, en moyenne.

M. Boucher: C'est parce que les gens qui sont allés en appel sont allés avec l'aide juridique et on n'a pas reçu la facture.

M. Gardner: Ah bon. Et cela coûte quelque chose quand même.

M. Boucher: C'est très dispendieux parce qu'il faut d'abord faire une requête. II faut faire le mémoire d'appel. Après cela, il faut comparaître et les avocats travaillent à quoi, à 90 $ l'heure à part leur temps de vacation. Cela va très vite. Faire 2000 $, c'est très rapide.

M. Gardner: Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député d'Arthabaska Est-ce que d'autres collègues ont des questions à poser à M. Boucher? M. le député de Beauce-Nord.

M. Audet: Peut-être seulement sur le droit d'appel Vous parlez du droit d'appel, le président la mentionné tantôt aussil Que penseriez vous d une espèce de droit d'appel un peu comme à la Commission de protection du territoire agricole? Qu'est-ce que cela vous dirait, parce qu'on sait que la commission, après une audition ou après l'analyse d'un dossier, peut répondre Dans le cas dun refus, par exemple, ou d'opposants, elle leur dit: Vous avez tant de jours pour venir en appel devant la commission qui est prête à regarder, à revoir, s'il y a des éléments nouveaux dans votre dossier, la décision que nous avons rendue.

M Boucher: Ce serait sûrement une possibilité qui serait beaucoup plus rapide que l'appel devant la Cour provinciale, c'est sûr.

M. Audet: Et moins onéreuse aussi.

M. Boucher: De toute façon. si je pense comme cela, selon mon expérience personnelle avec la commission d'accès elle-même, je ne veux pas dire que c'est une vérité absolue, je n'ai pas vu, jusqu'à maintenant de jugements qui ont été vraiment renversés et qui étaient vraiment tout croches. Donc, je serais porté à faire confiance à la commission d'accès et à dire: Cest sans appel, en ce qui concerne le factuel. Évidemment, s'ils vont en dehors de leur compétence, on peut toujours faire sauter leur décision. Là, c'est autre chose. Mais en ce qui concerne le factuel, l'accessibilité aux documents, je leur ferais confiance et je dirais qu'il n'y a pas besoin de procédure d'appel. Finalement, on discute si un document est accessible ou non. On ne discute pas du contenu du document. On ne discute pas de ce qu'il vaut, de ce qu'il ne vaut pas. Ce n'est pas une question de vie ou de mort d'avoir accès ou non à un document dans ton dossier personnel.

À partir de là, on ne peut pas appliquer les mêmes principes qu'en drort criminel. Ce n'est pas la même envergure de problème.

M. Audet: D accord, merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, M . le

député de Beauce-Nord. Avez-vous une question M. le député d'Arthabaska? Non? Vous avez terminé.

Au nom de la commission dans son ensemble, M Boucher, il me reste à vous remercier de vous être déplacé pour venir nous parier de votre expérience pratique, à vous souhaiter bonne chance sur ce qui s'en vient, en attendant que le législateur intervienne, si telle est sa décision, pour essayer de rééquilibrer les choses, donc en insistant et en retournant, s'il le faut, à l'esprit de la loi. Si la lettre est là, l'esprit semble avoir été perdu quelque part entre 1982 et 1987. Encore une fois, merci et bon retour chez vous, M Boucher.

M. Boucher: Merci, cela m'a fait plaisir

Le Président (M. Trudel): Je tiens à rappeler aux membres - j'en ai pour une minute -qu il y aura une séance de travail de la commission sur le résumé des audiences publiques, le 1er mars prochain, à 10 heures, et que nous entendrons en audience publique la Commission d'accès à l'information, le 15 mars prochain, également à 10 heures, c'est le mardi qui suit la reprise des travaux parlementaires.

Je remercie tous les participants de l'extérieur, les nombreux organismes et les individus qui ont comparu devant cette commission depuis mardi matin. Je remercie évidemment les membres de la commission des deux côtés. Encore une fois, on a fait la preuve à cette commission que sur certaines questions, on pouvait très bien se passer de partisanerie. Et, en disant cela, je regarde le représentant officiel de I'Opposition qui est le recherchiste de M. le député de Taillon. On pouvait très bien se passer de partisanerie politique de part et d'autre. II y a des questions qui évidemment, dans le cadre de nos activités quotidiennes, appellent la partisanerie ou un degré de partisanerie politique. II y a d'autres questions qui n'en appellent pas et l'accès à l'information est, depuis le début, une question qui n'a pas appelé les considérations partisanes.

Je rappelle ce que je disais dans mes remarques préliminaires. Cette toi a été adoptée à l'unanimité, à la suite d'une commission parlementaire dont on me dit - parce que je n'en faisais pas partie - qu'elle a duré longtemps. Je sais qu'elle a duré longtemps, parce que j'ai lu la transcription du Journal des débats Donc, on insiste, dans cette question-là, au moins sur les grands objectifs - et on verra par la suite, sur les questions de détails, si l'unanimité tiendra, unanimité qui est intéressante.

Je remercie également le personnel de la commission, Mme Tanguay en tête, non pas seulement pour nous avoir assistés pendant deux jours et demi ici, mais pour avoir subi les affres des "deadlines" et de l'arrivée massive des mémoires, à la dernière minute, avec tout ce que cela implique comme organisation de dernière minute et de pression.

Je remercie Mme ou Mlle Hélène Parent, qui est notre nouvelle secrétaire - on dit toujours madame, maintenant, que je suis vieux jeu! Mon épouse me le dit toujours - Mme Hélène Parent, qui est la nouvelle secrétaire de la commission. Je pense que c'était une occasion en or de se lancer à l'eau. Elle a dû trouver l'eau ou bouillante ou froide - c'est selon le cas - au cours des deux dernières semaines, parce que cela n'a pas toujours été facile.

Je remercie aussi Mme Nadeau qui était, qui est toujours et qui sera, pour les prochaines semaines, au service de la commission comme recherchiste. Mme Nadeau est attachée à la bibliothèque de l'Assemblée nationale. Et également, même si M Boucher ne les aime pas tellement - il parlait de 90 $ l'heure tantôt, cela coûte moins que cela à la commission pour avoir un excellent conseiller juridique - je remercie M Karl Delwaidel

M. Gardner: II pratique, luil

Le Président (M Trudel): ..qui pratique lui, dit le député non pas de Kamouraska, mais...

M. Gardner: D Arthabaska.

Le Président (M Trudel): D'Arthabaska. M. Delwalde, merci.

Je remercie les membres et le personnel - pas les membres mais on les a vus à l'occasion - le personnel de la Commission d'accès à I'information pour son attention tout au cours de ces deux jours et demi, pour la qualité de son écoute, je dois dire aussi. On les voit nous écouter patiemment. Alors, je leur donne rendez-vous pour le 15 mars prochain, à 10 heures, alors que nous les entendrons en audience publique. Sur ce j'ajourne tes travaux au mardi 15 mars, à 10 heures de l'avant-midi.

(Fin de la séance à 13 h 30)

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