Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de la culture reprend ses auditions dans le cadre de
la consultation générale sur le rapport sur la mise en oeuvre de
la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur les
renseignements personnels
Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui les membres de la
Commission d'accès à l'information. Mme la présidente par
interim, je vous souhaite la bienvenue, tout en m'excusant du léger
retard des députés causé soit par des mauvaises conditions
routières ou par de mauvaises conditions de la route qui s'appelle la
route aérienne. Ce matin, c'est Air Canada qui est en retard.
Je vais vous donner un bon truc pour savoir si Air Canada est en retard
ou non. Dès que vous avez quelque chose d'important à 10 heures
précises à Québec, soyez sûrs que l'avion de 8 h 55
du mardi est en retard. C'est ce qui nous est arrivé ce matin. Donc, je
suis malheureusement le seul de cette commission... Non, il y a le
député de Viger qui était avec moi, que je ne vois pas
encore.
Mme Hovington: Par Inter Canadien, on n'a pas de problème,
nous, en région.
Le Président (M. Trudel): Je suis heureux de vous entendre
dire que cela va bien dans la région.
Une voix: Nous, non plus, n'en avons pas eu.
Dépôt du mémoire de
Radio-Québec
Le Président (M. Trudel): J'aurais dû prendre Inter
Canadien à 8 heures 30, si je comprends bien. Je pense que le message
est assez clair. Avant de vous souhaiter la bienvenue, madame, je vais faire le
dépôt d'un mémoire qu'on a reçu, qui m'a
été transmis, vendredi ou jeudi de la semaine dernière, et
qui provient de Radio-Québec. Je fais le dépôt du
mémoire 25M: Réflexions de Radio-Québec sur la Loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels présentées à la commission de la
culture. Je pense que tous les membres en ont reçu une copie au cours
des derniers jours. Je ne sais pas si les gens de la commission en ont
reçu une copie. Cela nous fera plaisir, Marie, d'en faire parvenir une
copie aux membres.
Une voix: Oui.
Le Président (M. Trudel): Mme la présidente, sans
plus tarder, je vous cède la parole pour la durée de temps qu'il
vous semblera bon de prendre. Par la suite, nous discuterons avec vous. Je
suggère à mes collègues de façon aussi informelle
que possible que, comme on a plus de temps - on a jusqu'à 12 heures et
demie, à tout le moins - si jamais on finissait avant, on finira avant.
SI on finit après, on verra comment on s'organisera. Toutes les salles
des commissions sont prises pour cet après-midi. Ce que je
suggère notamment, M. le député de Taillon, c'est qu'on
discute sans que cela soit la demi-heure ou l'heure du parti ministériel
et votre temps, puisque l'on a bien machouillié et
remâchouillé le sujet depuis...
M. Filion: La salle se prête bien à des arrangements
informels.
Le Président (M. Trudel): Oui, et la salle se prête
bien à des arrangements informels. Alors, Mme la présidente, je
vais vous donner l'occasion - sentez-vous bien à l'aise de faire ce que
vous vouiez - d'expliquer soit des points de votre mémoire sur lesquels
vous voulez insister ou de réagir aux mémoires et aux
échanges de vues que la commission a eus avec ses invités, les 9,
10 et 11 février sur les sujets qui auraient été
abordés par la commission et que vous n'auriez pas abordés. Je
vous cède la parole avec grand plaisir. Peut-être que, pour les
fins de l'enregistrement du Journal des débats, vous pouvez nous
présenter les membres qui vous accompagnent. On les connaît bien,
mais c'est surtout pour les fins d'enregistrement du Journal des
débats.
Audition de la Commission d'accès à
l'information
Mme Giroux (Thérèse): Avec plaisir, M. le
Président. Je vous présente, à ma gauche, Mme Carole,
Wallace, commissaire, à ma droite, M. Clarence White, directeur de
l'analyse et de l'évaluation, et, à l'extrême gauche, M.
Jean-Marc Ducharme, secrétaire de la commission.
Je voudrais d'abord vous remercier, M. le Président, d'avoir
reporté la date de la rencontre avec la commission. Ce délai que
vous nous avez donné pour pouvoir étudier plus à fond les
mémoires qui ont été présentes par les autres
intervenants a été grandement apprécié par nous. Je
pense que cela a fait en sorte que, ce matin, nous aurons sans doute un
échange plus fructueux.
Je voudrais, avant de commencer, souligner par ailleurs le
caractère vraiment collégial du travail qui a été
fait par la commission dans
toute cette révision de la loi. La commission est
représentée Ici, ce matin, par les quatre intervenants officiels,
mais il y a aussi quelques autres professionnels de la commission. Vraiment,
c'est un travail qui a mis à contribution à peu près tout
le personnel de la commission. Sont ici présentes ce matin des personnes
qui ont été particulièrement actives dans ce dossier et,
entre autres, l'auteur principal de ce rapport, M. Pate-naude. Je pense que
c'est important de signaler la présence et la collaboration de ces
personnes.
Avant de réagir, M. le Président, à certaines
questions que nous avons identifiées à la suite des interventions
des autres intervenants, j'aimerais peut-être, non pas vous dresser un
résumé de notre document, je pense que vous nous avez
signalé que ce n'était pas nécessaire, vous en avez pris
connaissance et vous l'avez probablement lu plus d'une fois, mais j'aimerais
simplement rappeler certaines préoccupations majeures qui sous-tendent
le travail de la commission.
La première, c'est que les droits d'accès et le droit
à la protection de la vie privée sont véritablement pour
nous des droits qui touchent au fondement démocratique de notre
société. Cette préoccupation explique plusieurs des
recommandations que nous avons faites, notamment le fait que nous recommandions
le maintien de l'universalité et même la complétion, parce
qu'on a identifié quelques organismes qui, à notre avis,
devraient être assujettis à ta loi et qui ne le sont pas. Par
exemple, les différentes recommandations qui sont faites au chapitre
trois, au plan d'un droit d'accès à raffermir. Ce sont des
recommandations qui Illustrent le fait que les droits qui sont consacrés
dans la loi touchent véritablement au fondement de notre
démocratie.
Une autre préoccupation qui sous-tend ce document est que la
réforme a probablement, après cinq ans et après trois ans
et demi de vie véritable, porté fruit, mais que les acquis sont
encore extrêmement fragiles et que toute tentation de toucher à
l'économie générale de la loi serait une erreur.
Une autre préoccupation est que le succès de la
réforme dépend à la fois du citoyen, qui doit en arriver
à considérer les droits qui sont consacrés dans la loi
comme partie intrinsèque de leur vécu et des organismes, d'autre
part, qui doivent intégrer, dans leur pratique quotidienne, le respect
de ces droits. A titre d'exemple, une des recommandations du rapport qui
Illustre cette préoccupation est le fait que nous demandons d'avoir un
pouvoir explicite d'Informer le citoyen. Bien sûr, ce n'est pas qu'on
considère, dans le contexte du texte actuel de la loi, qu'on n'a aucun
pouvoir d'informer le citoyen, mais on pense que ce pouvoir pourrait
peut-être être exercé de manière plus libre, si on le
possédait de façon explicite.
Une autre préoccupation est que les développements
technologiques sont une réalité avec laquelle il faut vivre. Il
n'est pas question d'aller à contre-courant, mais plutôt de
discipliner ces progrès pour y intégrer une dimension de respect
de la vie privée.
Enfin, une dernière préoccupation qui mérite
d'être signalée est que la réforme, qui doit
nécessairement comporter certaines embûches administratives,
certaines formalités administratives ou bureaucratiques, à notre
avis, il n'est pas à propos qu'il y ait des procédures
administratives qui n'aient pas comme objet de servir les fins de la
réforme. Alors, cette préoccupation explique, par exemple, que
nous ayons recommandé certains allégements en ce qui concerne les
procédures administratives.
Alors, ces quelques remarques préliminaires étant faites,
si vous voulez, M. le Président, je peux peut-être
développer quelque cinq ou six points que nous avons relevés
à partir des mémoires présentés au mois de
février. Nous sommes évidemment tout à fait
disposés à répondre à des questions sur notre
propre document après mais, si vous voulez, je peux aller tout de suite
avec ces quelques questions plus spécifiques qu'on a identifiées
à partir des dernières séances de la commission
parlementaire. J'en prendrai six.
La première: Les restrictions à l'accès
doivent-elles être limitées ou, au contraire, doit-on en
ajouter?
La deuxième: La loi devrait-elle favoriser une circulation plus
grande des renseignements nominatifs? Les contrôles administratifs
sont-ils trop sévères?
La troisième: L'appel en Cour provinciale doit-il être
aboli?
Quatrièmement: Les noms des victimes d'acte criminel ou de
personnes impliquées dans un accident doivent-ils être
dévoilés aux journalistes?
Cinquièmement: Doit-on réglementer la protection des
renseignements personnels dans le secteur privé?
Enfin: Le double mandat de la commission fait-il problème?
Ce sont là six questions qui nous sont apparues
particulièrement présentes chez les intervenants qui vous ont
rencontrés au mois de février et qui, d'après nous,
méritent une attention particulière.
Alors, la première: Les restrictions doivent-elles être
élargies ou restreintes? Plusieurs organismes ont demandé
l'élargissement de certaines restrictions à l'accès. Il y
a évidemment eu d'autres intervenants qui, eux, ne sont pas des
organismes, mais qui ont demandé plutôt le contraire. Au nombre
des organismes qui ont demandé des élargissements aux
restrictions il y a, entre autres, l'Association des hôpitaux du
Québec, particulièrement l'hôpital Royal Victoria, qui a
demandé, un peu dans la foulée de l'article 35 de la Loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels que les procès-verbaux
du comité de gestion des risques et de l'appréciation de
la qualité des soins dans les hôpitaux bénéficient
de la même protection qu'on a déjà reconnue aux
procès-verbaux du comité des médecins, dentistes et
pharmaciens.
Or, de l'avis de la commission, cette analogie ne vaut pas totalement.
Notre compréhension des choses est que le comité des
médecins, dentistes et pharmaciens s'intéresse
véritablement à des plaintes ou à des dossiers
d'évaluation d'un professionnel de la santé, alors que notre
compréhension des travaux du comité de gestion des risques est
que ce comité a une juridiction plus large qui s'intéresse aux
pratiques qui ont cours dans un hôpital. L'exemple qu'on vous a
donné lors de la commission parlementaire d'un patient qui tombe en bas
de sa civière, nous fait s'interroger; comment se fait-il que ce genre
d'accidents peut arriver? Ce sont des pratiques des organismes que l'on a
à étudier. Donc, le côté de l'évaluation
professionnelle, de gens d'une profession par leurs pairs est très
évident dans le cas du comité des médecins, des dentistes
et des pharmaciens, mais n'est pas aussi évident pour nous dans le cas
du comité de gestion des risques. Alors, nous ne sommes pas du tout
convaincus que l'analogie puisse se faire. Par ailleurs, en ce qui concerne les
renseignements qui peuvent être contenus dans ce genre de document, s'il
se trouve des renseignements nominatifs par exemple - c'est ce que l'on
souligne dans le mémoire - l'article 53 est là pour les
protéger. S'il se trouve là des avis ou des recommandations ou
même des éléments d'analyse alors qu'on est en train de
décider de l'issue ou de la solution à apporter à un
problème, les articles 37 et 39 sont là également. Nous ne
sommes pas du tout convaincus que cette recommandation devrait être
retenue. Je vous réfère aux pages 15 et suivantes du
mémoire de l'association des hôpitaux pour cette question du
comté de gestion des risques. Je m'excuse, je retire cette
dernière phrase. J'ai fait erreur.
Une deuxième demande d'élargissement des restrictions
provient du mémoire, fort intéressant par ailleurs,
d'Hydro-Québec, de la Société des alcools et de la CTCUM.
Dans ce mémoire, on recommande l'élargissement de l'article 35,
toujours, aux délibérations des comités du personnel de
direction autre que le conseil d'administration ou la très haute
direction d'un organisme. L'argumentation qui est faite au sujet de cette
demande peut être assez séduisante et assez convaincante. Par
exemple, on y souligne qu'il n'y a pas seulement la haute instance d'un
organisme qui a des pouvoirs décisionnels et que, très souvent,
il y a des délégations de pouvoirs qui font en sorte que des
comités comme ceux qu'ils voudraient voir protégés ont
également un pouvoir décisionnel. Or, notre opinion, encore
là, est que le législateur en 1982... le libellé de
l'article 35 est tel qu'il a certainement mesuré la portée qu'il
voulait donner à cette disposition sur les mémoires de
délibération. On y parle véritablement du conseil
d'administration et des membres du conseil d'administration. Il a pensé
à la possibilité, par exemple, que des comités restreints
de participants de l'instance suprême et les délibérations
de ces regroupements de personnes puissent être protégés.
Nous ne voyons pas pourquoi il y aurait lieu, après quatre ans, de
revenir sur la portée qu'on a alors voulu donner à cette
restriction. Par ailleurs, la réalité que le mémoire des
trois organismes décrit, à savoir que des instances autres que le
conseil d'administration ou l'instance suprême ont un pouvoir
décisionnel, à notre connaissance, c'est une
réalité qui existait bien en 1982. Ce n'est pas nouveau
aujourd'hui. Alors, encore là, nous ne sommes pas convaincus de
l'à-propos de retenir cette recommandation.
Une autre recommandation, qui provient toujours du même
mémoire, concerne la demande d'étendre explicitement la
portée de la restriction de l'article 28 de la loi qui concerne les
renseignements recueillis par des personnes chargées de prévenir,
de détecter ou de réprimer le crime ou les infractions aux lois,
au service de sécurité interne d'organismes tels que la
Société des alcools, Hydro-Québec et la CTCUM,
c'est-à-dire des organismes qui ont des vocations commerciales ou qui
ont des biens physiques ou importants à protéger. Encore
là, on ne peut pas cacher, je pense, que la commission, comme je l'ai
dit tout à l'heure, pense qu'il n'est pas à propos maintenant de
remettre en question l'économie générale de la loi. La
commission doit certainement reconnaître qu'elle a un
préjugé favorable à ne pas ouvrir les restrictions. Encore
ici, nous ne sommes pas du tout convaincus que les problèmes
appréhendés ou indiqués dans le mémoire justifient
une modification à la loi. D'une part, une grande partie des
renseignements contenus dans des dossiers d'enquêtes, par exemple, si
nous comprenons bien l'explication qui est donnée, peuvent être
protégés par le biais de l'article 29 de la loi sur
l'accès qui protège les procédés servant à
assurer la sécurité. Donc, une bonne partie des renseignements
pourraient être protégés par l'article 29. Par ailleurs,
les intervenants qui ont présenté ce mémoire, à des
questions provenant de la commission parlementaire, au mois de février,
et qui étaient invités à donner des exemples concrets de
difficultés réelles vécues à ce sujet, n'ont pas
été en mesure, à mon souvenir, de donner des exemples de
difficultés véritablement concrètes. Si mon souvenir est
bon, leur expérience réelle de demandes d'accès à
des documents était extrêment limitée; ils en avaient eu
très peu. Alors, nous nous demandons sérieusement si les craintes
qui sont avancées ici correspondent à des difficultés
réelles et si les restrictions qui existent déjà dans la
loi ne sont pas suffisantes pour arriver aux fins auxquelles on veut arriver
ici.
Évidemment, si jamais cette recommandation
était suivie, II nous apparaît très clair qu'il
faudrait au minimum lui donner toute la restriction qui est proposée
à la fin de la recommandation, à savoir que: seuls certains
organismes bien identifiés en vertu d'une autorisation ou d'un pouvoir
réglementaire que le gouvernement utiliserait en vertu de la loi sur
l'accès identifieraient ces organismes qui pourraient
bénéficier d'une telle restriction. (10 h 30)
Une autre recommandation qui nous semble très importante et avec
laquelle nous sommes en total désaccord concerne l'élargissement
de l'article 32. La CREPUQ a demandé un élargissement de
l'article 32 qui protège les analyses dont la divulgation serait
susceptible d'avoir un effet sur une procédure judiciaire. On souhaite
que cet article s'applique non seulement aux analyses, mais à tout
document. La commission, qui recommande d'ailleurs dans son document le
rétrécissement de l'article 32 non pas au sujet de la notion
d'analyse, mais au sujet de la notion d'effet sur une procédure
judiciaire, recommande, qu'il s'agisse d'un effet sur une procédure
judiciaire entreprise et en cours. Donc, la commission recommande de
restreindre cette restriction alors qu'ici, on demande de l'élargir.
La citation qui est rapportée par le mémoire de la
Société des alcools d'une décision de la commission
reflète bien, à mon avis, la lecture que nous faisons de ce que
le législateur a voulu lorsqu'il a adopté l'article 32. Nous
croyons que ce n'est pas par hasard si, dans l'article 32, on a parlé
d'analyse. Le législateur était certainement conscient qu'il
existe dans le Code de procédure civile des règles qui concernent
la divulgation de documents lorsqu'il y a une procédure judiciaire qui
est pendante ou qui est concernée par les documents et, en dépit
de ces règles-là, le législateur a décidé
d'édicter l'article 32 qui fait en sorte que certains documents
seulement sont soustraits à l'accès. Donc, notre opinion, c'est
que le législateur a voulu répoussé un peu, dans le cas
des organismes publics, la frontière au-delà de laquelle ou
à l'intérieur de laquelle on se situe lorsque des
procédures judiciaires sont en cours. Voilà pour un premier
point.
Vouloir protéger tous les documents... Et j'ajoute ici que, en
plus de vouloir élargir l'article 32 au sujet de la notion d'avis pour
couvrir tous les documents, ces intervenants demandent également que ce
ne soit pas seulement pour des procédures judiciaires imminentes mais
finalement que l'article s'ouvre complète ment à toutes
procédures judiciaires éventuelles. Notre perception est que
d'élargir à ce point l'article 32, c'est vraiment une ouverture
qui.. Parce que tout document peut éventuellement, à la limite,
être concerné par une procédure judiciaire. Alors, s'il n'y
a pas de limite dans le temps, cela devient une restriction qui ferait perdre,
à notre avis, un peu tout son sens à la loi.
En terminant, il est peut-être important de souligner que les
citoyens qui sont intervenus devant vous ont eu tendance, eux, à vouloir
à tout le moins préserver les restrictions qui existent
déjà. Certains organismes, et les organismes surtout, ont voulu
un élargissement des restrictions. Certains mémoires, à
cet égard, nous semblent un peu inquiétants. Le mémoire de
l'Association des hôpitaux du Québec, par exemple, et le
mémoire de ta CREPUQ ne sont pas d'accord avec la recommandation de la
commission qui dit, par exemple, que le responsable de l'accès doit
prêter assistance non seulement à la définition d'une
demande pour celui qui en fait la demande, mais qu'il doit toujours
prêter assistance à la précision d'une demande
d'accès. Qu'on puisse être en désaccord avec une telle
recommandation nous laisse assez perplexe, finalement. Il en est de même
pour la recommandation concernant l'obligation qu'on voudrait voir
consacrée non pas au responsable, mais à une personne autre que
le responsable dans un organisme qui traite une demande d'accès et qui a
envie de la refuser, qu'il soit obligé de transférer la demande
au responsable de l'accès, cela nous paraît vraiment une
contrainte minimale; et certains organismes se disent en désaccord avec
une telle recommandation.
Alors voilà pour le premier point. Le deuxième... Je
poursuis, M. le Président, avec mes cinq points?
Le Président (M. Trudel): Allez-y, madame.
Mme Giroux: Le deuxième point: les renseignements
nominatifs. La loi devrait-elle en favoriser une circulation plus grande et les
contrôles administratifs sont-ils trop sévères? Encore ici,
de façon peut-être plus sommaire, la commission n'a plus la
même approche, que pour les restrictions à l'accès.
À l'inverse, la commission ne croit pas qu'il soit à propos de
remettre en question fondamentalement le caractère de protection des
renseignents nominatifs à ce stade-ci.
Une trop grande ouverture viendrait, à notre avis, affecter
considérablement ces droits fondamentaux qui sont dans la loi sur
l'accès à l'information. En faisant référence plus
particulièrement à une demande qui a été faite par
le Bureau d'assurance du Canada, nous croyons que les changements
proposés dans le projet de loi quant aux obligations administratives
pourraient satisfaire à leur demande Je pense plus
particulièrement, pardonnez-moi, aux rapports
d'événements. Nous recommandons dans notre mémoire que,
désormais, le nom de personnes Impliquées dans un rapport
d'événement autre qu'un rapport policier soit accessible à
une autre partie concernée par le même événement.
Nous ne recommandons pas que ce soit le cas pour des témoins ou pour des
plaignants, mais pour l'autre partie concernée par ce même
événement. Or, la préoccupation du Bureau d'assurance du
Canada nous semblerait pouvoir être satisfaite par le
biais de cette recommandation de modification. Au sujet des
renseignements nominatifs toujours, la demande de la CREPUQ, concernant les
autorisations de recherche de l'article 125 de la loi, fait une analogie avec
les établissements de santé où on a déjà
reconnu, à l'occasion des dispositions inconciliables, que le pouvoir
d'accorder l'accès à des renseignements nominatifs à des
fins de recherche dans le domaine des établissements hospitaliers soit
laissé aux DSP des différents établissements. Et la
recommandation de la commission à ce sujet se fondait
véritablement sur le fait que les DSP dans les établissements
hospitaliers ont une tradition de juridiction de ce genre, car ils
exerçaient ce pouvoir avant que la loi d'accès à
l'information existe. À notre connaissance, cela n'est pas le cas dans
les universités. Alors, nous ne comprenons pas l'analogie qui est faite
Ici et la prétention de la CREPUQ ne nous semble pas
démontrée.
Troisième question: l'appel à la Cour provinciale doit-il
être aboli? Ici, vous avez eu plusieurs intervenants qui ont
affectivement demandé l'appel à la Cour provinciale. Plusieurs
intervenants se sont prononcés pour l'abolition de l'appel à la
Cour provinciale et certains organismes se sont prononcés
expressément contre une telle abolition. Là-dessus, la commission
disait qu'elle croyait que le pouvoir de surveillance et de contrôle de
la Cour supérieure pourrait être suffisant et nous maintenons
cette opposition. Il faut bien comprendre que notre préoccupation n'est
pas du tout de nous soustraire au contrôle judiciaire de nos
décisions. C'est très clair que nous croyons qu'il est normal que
les tribunaux judiciaires puissent avoir un droit de regard sur les erreurs de
juridiction que nous pourrions commettre, sauf qu'il nous semble que la
procédure d'appel à la Cour provinciale, qui est très
lourde et qui est faite sur permission devant un banc de trois juges,
entraîne des délais extrêmement longs et peut être
utilisée comme mesure dilatoire.
Nous ne faisons pas du tout un procès d'intention à
l'endroit de tous les organismes qui sont allés en appel de nos
décisions, mais nous croyons que le risque que ce soit utilisé
comme mesure dilatoire est là et certains cas sont
particulièrement inquiétants.
Une autre raison qui nous amène à penser que le droit
d'appel à la Cour provinciale pourrait être remplacé par le
seul pouvoir de surveillance et de contrôle de la Cour supérieure,
c'est que ce sont généralement les organismes qui en appellent
des décisions de la commmission. Il ne faut pas oublier que l'enjeu
pécuniaire d'une demande d'accès ou d'une demande qui est
entendue chez nous est souvent assez limité. C'est beaucoup plus une
question morale ou de principe ou parce que la personne a besoin d'un document
pour défendre d'autres droits, ailleurs. Mais il n'y a pas d'enjeu
pécuniaire direct, donc il n'y a pas un citoyen qui va dépenser
des frais importants d'avocat pour aller en appel d'une décision de la
commission qui ne fait pas son affaire. Généralement, seuls les
organismes vont en appel. Or, il se produit ceci. C'est que, les organismes
n'ont pas intérêt à activer une procédure qui est
pendante devant la Cour provinciale. Après que la permission d'appeler
ait été accordée, le demandeur étant dans la
plupart des cas absolument inactif, comme s'il n'était pas là,
l'organisme n'a aucune incitation à compléter son dossier,
à préparer son factum, à préparer son
mémoire et à aller de l'avant. Si vous voulez avoir des
détails sur cela tout à l'heure, on a des chiffres qui
démontrent que, très souvent, après que la permission
d'appeler ait été accordée, il s'écoule un
énorme délai avant que la cause soit entendue, parce qu'il ne se
passe rien en ce qui concerne le dossier. Le dossier n'est pas complet et
personne ne fait quelque chose pour que la cause soit véritablement
entendue. Cela nous semble être un problème.
Je rappelle en terminant là-dessus, que - comme on l'a dit
d'ailleurs dans notre document - il y a d'autres organismes qui exercent des
fonctions similaires aux nôtres, comme la Commission des affaires
sociales et la Commission d'appel en matière de lésions
professionnelles qui n'ont pas de pouvoir d'appel à la Cour provinciale.
Je rappelle également que le rapport Ouellet, qui vient de
présenter son rapport sur les tribunaux administratifs, recommande
également l'abolition de l'appel à la Cour provinciale des
tribunaux administratifs et cela de façon générale, pour
le remplacer par, soit un appel à la Cour supérieure, soit le
pouvoir de surveillance et de contrôle. Mais, il demande l'abolition du
pouvoir d'appel à la Cour provinciale.
Pour toutes ces raisons, nous croyons que le pouvoir d'appel à la
Cour provinciale pourrait être aboli pour être remplacé par
le seul pouvoir de surveillance. Si par ailleurs vous décidiez de
maintenir cet appel, nous croyons que, compte tenu des explications que je
viens de vous donner, il y aurait sans doute intérêt à ce
que la commission puisse intervenir devant la Cour provinciale. Par ailleurs,
dans notre document, nous recommandons également que, d'une
manière ou d'une autre, on prévoit des ressources juridiques -
des avocats - qui puissent être au service des citoyens qui veulent
contester les décisions de la commisison, pour qu'il y ait quelqu'un qui
défende véritablement les intérêts du citoyen devant
les tribunaux. Il ne faut pas oublier, en plus, que cette loi est nouvelle. Je
pense qu'on vit vraiment là l'expertise et le caractère de
spécialisation d'un tribunal administratif. L'expertise pour
interpréter la loi sur l'accès a surtout été
développée chez nous. Et c'est important, lorsque le débat
se déplace à un autre niveau, qu'il y ait vraiment les tenants
des deux thèses qui se fassent entendre. Actuellement, ce n'est pas
vraiment le cas.
Cela m'amène à la quatrième question: Les
noms des victimes d'acte criminel ou de personnes impliquées dans
un accident doivent-ils être dévoilés aux journalistes?
Comme vous le savez tous, cela a fait l'objet de débats importants, ici,
en commission parlementaire et dans les journaux au moment de vos rencontres du
mois de février. Je ne m'étendrai pas longtemps sur cette
question, pour une raison simple. Nous avons actuellement même un cas qui
est en délibéré sur cette question, en ce qui concerne le
libellé actuel de la loi.
La Fédération des journalistes ou les autres intervenants
qui ont demandé de modifier la protection des renseignements nominatifs
sur cela ils parlent d'intérêt public, de connaissance, et de
tradition. C'est vrai, il y a sans doute des traditions au Québec qui
ont fait qu'on connaissait les noms des victimes. Le lundi matin, on entend des
bilans très nominatifs de ce qui s'est passé. Sauf que nous nous
demandons sérieusement quel est l'intérêt public qui est
derrière cela. Je pense que c'est M. le ministre French qui le disait
lors d'une des séances de la commission parlementaire: Si on
interrogeait les victimes des faits divers qui surviennent tous les week-ends,
est-ce qu'ils seraient d'avis que c'est de l'intérêt public et
qu'il faut donner les noms de ces personnes? Nous ne sommes pas du tout
convaincus qu'il y a là un intérêt public véritable.
(10 h 45)
Cinquième question: Devrait-on réglementer la protection
des renseignements personnels dans le secteur privé? Là-dessus,
vous avez remarqué, sûrement, que notre position, dans le rapport
de la commission était plutôt prudente. Plusieurs en ont
été insatisfaits. Effectivement, avec peut-être le
bénéfice des mémoires qui ont été
présentés devant vous, l'écoulement du temps et des
travaux du comité interministériel qui sont en cours et auxquels
nous participons, la commission a cheminé depuis et elle est prête
maintenant à dire qu'elle considère qu'il est effectivement
urgent que le secteur privé soit également
réglementé.
Nous partageons le point de vue de plusieurs des intervenants, à
savoir que: les menaces à la vie privée sont au moins aussi
grandes, sinon plus grandes, dans le secteur privé que dans le secteur
public, et peut-être dans certains secteurs en particulier. Plusieurs ont
parlé des secteurs des assurances, des banques et du crédit. Nous
croyons au moins que le bill 20 ou le chapitre 20 - je ne me souviens plus - du
Codé civil, qui a été adopté en 1987 devrait
être mis en vigueur le plus rapidement possible. Mais cette loi n'est
sans doute pas suffisante. Le mémoire du GRID, par exemple, qui est
très articulé sur cette question et très
détaillé explique très bien l'ampleur du problème
et les balises qu'il faudrait prendre en considération lorsque nous
légiférerons ou réglementerons sur cette question. Nous
partageons d'emblée le point de vue des intervenants qui signalent
l'impor- tance du problème et l'urgence d'intervenir.
Nous croyons, contrairement au GRID, qu'il n'y a pas
incompatibilité, au contraire, entre le fait que le même organisme
s'occupe de la protection des renseignements nominatifs dans le secteur
privé et dans le secteur public. Nous croyons que c'est la même
expertise qui est en cause. C'est vrai que cela demandera sans doute des
sanctions différentes, des dispositions qui pourront être
distinctes, selon qu'il s'agit du secteur public ou du secteur privé.
Mais nous ne croyons pas qu'il y a là matière à confier
à deux organismes distincts, qui développeraient des expertises
chacun de leur côté et avec des perceptions possiblement
différentes de la notion même de renseignements nominatifs, nous
ne croyons pas, dis-je, que la distinction, enfin, la mise sur pied de deux
organismes soit justifiée.
La dernière question qui a retenu notre attention à la
suite des mémoires c'est: Le double mandat de la commission fait-il
problème? L'association des hôpitaux et peut-être la CREPUQ
ont soulevé le problème. La commission n'a pas le sentiment
d'avoir été mise en situation de conflit d'intérêts,
en raison de son mandat d'adjudication et de son mandat d'organisme de
surveillance depuis le début. Il faut bien comprendre que, finalement,
le champ dans lequel nos interventions comme organisme de surveillance et de
contrôle et nos interventions comme tribunal se rejoignent est assez
limité. C'est vraiment dans la définition de renseignements
nominatifs. Parce que en ce qui concerne la fonction de tribunal des demandes
d'accès, si un document contient des renseignements nominatifs, on ne
peut pas donner accès. Comme organisme de surveillance et de
contrôle, on a à statuer sur des plaintes de violation de la
confidentialité des renseignements nominatifs. Donc, pour ce qui est de
la définition des renseignements nominatifs nos deux volets ou nos deux
fonctions se rejoignent effectivement, et il faut avoir toujours la même
définition. Ainsi parfois, si on a donné une certaine
interprétation à la notion de renseignements nominatifs dans le
cadre d'une enquête, et qu'on se retrouve quelques semaines plus tard
avec une demande d'accès où on soumet que le renseignement ne
devrait pas être accessible et que ce renseignement est un peu de
même nature que celui sur lequel on s'est penché la semaine
précédente comme organisme de surveillance, il faut vraiment
faire attention. Sauf que la commission est toujours très sensible
à l'importance lorsqu'elle délibère sur un dossier
d'être prudente. Il y n'a pas eu, sauf peut-être une exception qui
a fait parler, de difficulté sérieuse avec cette obligation de
bien marier ces deux mandats qui sont les nôtres. Jusqu'à
maintenant, nous n'avons pas eu de difficultés. Cette prétention
voulant que notre double mandat nous mette en conflit d'intérêts
ne nous ébranle pas particulièrement.
Voilà, cela fait à peu près le tour des questions
que nous avons identifiées. Si vous
avez d'autres questions, cela ne fera plaisir, à moi ou à
mes collègues, d'essayer d'y répondre au mieux de nos
connaissances.
Le Président (M. Trudel): Je vous remercie, Mme la
présidente. Je vous suivais à la trace en essayant de prendre le
plus de notes possible sur ce que vous avez dit... Suivant ce que j'avais
préparé mais, M. le ministre, voulez-vous - j'allais dire lancer
la première pierre - lancer le débat.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. French: Je pense d'abord qu'il s'agit avant tout de remercier
Mme Giroux et la commission pour l'admirable limpidité de leurs propos.
C'était valable de se faire rappeler les points principaux du rapport et
de présenter ensuite un exposé très structuré des
réactions de la commission d'accès à la suite des
auditions de la commission parlementaire. L'élément neuf dans ce
qu'elle vient de nous dire est la prise de position de la commission en faveur
de l'extension d'une réglementation des renseignements privés
détenus par les entreprises du secteur privé. Cela amène
évidemment une situation un peu confuse, dans la mesure où
d'abord il y a un groupe de travail interministériel, dont la commission
est membre, qui travaille à l'intérieur du gouvernement pour
conseiller un autre ministre que le ministre responsable de l'organisme et que
le ministre présent à cette commission parlementaire. Mais
malgré ces points obscurs dans la situation, j'aimerais poursuivre
quelque peu sur cette lancée. Non seulement la commission pense-t-elle
qu'il est - et je cite - urgent d'agir dans ce domaine-là, mais elle en
réclame également le rôle, si j'ai bien compris ou, en tout
cas elle est humblement prête à le remplir. Donc, cela
m'amène à poser la question de façon assez précise.
J'ai compris qu'il s'agit non pas de réglementer l'ensemble du secteur
privé mais de réglementer une partie de l'activité de
l'entreprise privée à l'égard des renseignements publics,
soit les services financiers ou les références de crédit
sur les individus. Admettons qu'on ait une législation, un amendement
à votre loi ou une autre législation qui vous donne le rôle
de réglementer ce secteur-là à peu près de la
même façon que vous réglementez actuellement les
renseignements privés dans les organismes publics, cela impliquerait des
incidences financières de quel ordre?
Mme Giroux: M. le ministre, M. le Président, je vais
passer la parole là-dessus à M. White, qui participe comme
représentant de la commission au comité interministériel,
quitte à compléter par la suite.
Une voix: II est bien connu dans plusieurs milieux.
M. White (Clarence): Je participe au comité
interministériel sur la vie privée. Nous n'avons jamais, et
à la commission non plus, fait Une évaluation des coûts de
l'application d'une loi ou d'un organisme devant appliquer une loi. On sait
qu'il y a un rapport qui s'appelle "L'identité piratée" qui a
été produit à la demande du gouvernement par des
chercheurs de l'Université du Québec à Montréal. Le
comité est en train d'étudier les recommandations faites par ce
comité et va faire un rapport au ministre qui lui a donné le
mandat d'étudier le rapport du GRID. La position que la commission a
prise devant ce comité, en ce qui concerne les organismes, a
été de dire: II ne doit pas y avoir deux organismes pour
régir le secteur de la protection des renseignements personnels. Il ne
doit y avoir qu'un organisme, pour une raison d'efficacité et de
cohérence, entre autres. Si le gouvernement décide de
régir le secteur privé et qu'il y a un deuxième organisme
qui s'occupe de la surveillance du secteur privé, nous nous trouverons
fréquemment dans la situation où les entreprises auront des
signaux différents de deux organismes gouvernementaux. Je vous donne un
exemple concret. Un organisme gouvernemental veut avoir accès à
des banques de données du secteur privé. Le ministère du
Revenu veut avoir accès aux banques de données des bureaux de
crédit. La commission d'accès peut dire au ministère du
Revenu: Voici, vous pouvez avoir accès, mais vous aurez accès
à tel ou tel type d'information, selon vos besoins, parce que vous ne
pouvez recueillir que des renseignements qui vous sont nécessaires. Cela
implique que, dans plusieurs cas, comme c'est arrivé dans ce
cas-là, le bureau de crédit Acrofax soit obligé de
modifier sa structure informatique, sa structure d'information, pour pouvoir
répondre à la demande du ministère du Revenu. Si on a un
organisme qui s'occupe du secteur privé et un organisme qui s'occupe du
secteur public, Acrofax ne saura plus où il va. Il ne saura plus si sa
banque est correcte, s'il doit répondre à la demande de
l'organisme qui s'occupe du secteur privé ou s'il doit répondre
à l'autre demande. C'est pour cela qu'on pense, entre autres, qu'il ne
doit y avoir qu'un organisme.
Prenons un autre exemple, celui des enquêtes faites par les 50 000
personnes qui ne sont pas des policiers, mais des agents de
sécurité au Québec. Ces gens-là ont tous des
contacts directs avec des policiers, ils sont la plupart du temps d'anciens
policiers; il ne faut pas se le cacher, ils ont accès à des
banques de données policières. Si on a une plainte, à la
commission d'accès, on va faire un bout, mais on n'est pas capable de
faire l'autre bout ou vice versa. L'organisme du secteur privé ne pourra
pas aller se mettre le nez dans le secteur public, parce qu'il va se faire dire
que ce n'est pas sous sa juridiction, mais sous la juridiction de l'autre
organisme, sans compter qu'il ne faut pas oublier que le citoyen ne saura pas
trop où aller non
plus.
On n'a pas fait d'évaluation de coût, M. le ministre. C'est
très clair, on ne peut pas vous... Je ne peux pas vous dire,
aujourd'hui, que cela va coûter 2 000 000 $ ou 3 000 000 $, ou 4 000 000
$; je ne le sais pas. S'il y a une loi, on pense qu'il ne doit y avoir qu'un
organisme. Vous allez voir dans les recommandations qui seront faites par le
comité que les rôles ne sont pas les mêmes; cela ne se joue
pas de la même façon.
Le Président (M. Trudel): M. White, j'ai une autre
question pour vous. Puisqu'on parle, si vous me permettez, M. le ministre...
Puisqu'on parle du comité interministériel, j'avoue qu'on a eu
ici à la commission, du moins à venir jusqu'à aujourd'hui
à 10 h 58, quelques difficultés à communiquer avec les
membres du comité interministériel ou à obtenir de
l'information. Évidemment, pour le moment, ce n'est pas tout à
fait à l'intérieur de notre mandat, mais c'est une question
à laquelle on s'intéresse et sur laquelle on veut, nous aussi,
approfondir notre réflexion. Où en sont rendus aujourd'hui, au
moment où on se parle, les travaux du comité? Quand peut-on
espérer qu'un rapport soit soumis au ministre?
M. White: Les travaux du comité en sont rendus à
l'étape finale. On a terminé l'étude des recommandations
du GRID. La semaine prochaine, on a une réunion... M. Legendre, le
président du comité, a convoqué une réunion avec
les gens du GRID pour leur montrer le résultat de nos travaux
jusqu'à maintenant, ce qu'on retient des propositions qui ont
été faites dans "L'identité piratée" et ce qu'on
propose de modifier ou de laisser complètement de côté.
À la suite de cela, le rapport devrait être remis incessamment au
ministre de la Justice. Si ma mémoire est bonne, c'est un mandat qui,
normalement, devrait se terminer le 15 avril. C'est un mandat qui se termine le
15 avril. (11 heures)
Le Président (M. Trudel): Dernière question, en ce
qui me concerne, sur cet aspect que vous avez soulevé. Peut-être
que M. le député de Taillon voudra poursuivre. Je reviendrai, moi
aussi, sur la question du secteur privé. Vous avez déjà
parlé de la structure. J'admets que c'est une question importante
à se poser presque dès le début d'une étude: est-ce
qu'on s'en va vers le secteur privé si on décide de couvrir le
secteur privé, etc? Vous avez déjà parlé de la
structure, ce qui est pas mal significatif de... Est-ce que c'est significatif
de l'Importance qu'on attache à la question? Je ne sais pas. Quant
à moi, j'aurais aimé vous entendre. Je vais donc vous poser la
question sur ce sujet, puisque je ne vous ai pas entendu sur... - ou
peut-être Mme la présidente? - sur la philosophie même. Vous
avez fait ce matin un "about turn", comme dirait André Malraux, qui est
quand même important puisque, dans votre rapport, vous étiez
très prudent. On allait vous le dire d'ailleurs ce matin; on se
proposait de vous dire que vous nous paraissiez très prudent. Vous
êtes beaucoup moins prudent maintenant. J'aimerais vous entendre,
puisqu'on parle seulement de structures depuis qu'on a abordé cette
question, sur le fond même de la question. Mme la présidente,
dès que vous nous avez dit: Bon, la commission a fait son lit, a
réfléchi davantage et, compte tenu de ce qu'il a
été dit devant la commission de la culture, on a un peu
changé d'idée, on est prêt maintenant à
procéder, immédiatement vous avez parlé de structure en
disant: II faut que le seul organisme soit le nôtre. Je veux bien. Ce
n'est pas nécessairement cela que je veux discuter, mais j'aimerais vous
entendre au sujet de la philosophie, l'intervention dans l'extension au secteur
privé.
Mme Giroux: M. le Président, écoutez, quand nous
nous exprimons pour le maintien dans un seul organisme de l'intervention dans
ce domaine, c'est là une position qui semblait faire son chemin assez
naturellement au sein du comité interministériel et qui,
également pour nous, semble s'imposer, puisque c'est la même
expertise. Que ce soit nous, ce n'est pas nécessairement ce que nous
demandons, mais puisque nous sommes déjà là, s'il y a
consensus sur l'idée que cela doit être un seul organisme, bon:
deux plus deux font quatre! Cela semble assez évident qu'on soit
l'organisme qui écoperait de ce mandat.
Notre réflexion sur la manière dont toute cette
réglementation pourrait s'articuler n'est pas très
avancée. Je ne suis pas en mesure de vous faire un exposé
très savant sur ce que cela pourrait être. Ce que je peux dire
personnellement, c'est que j'ai remarqué dans le mémoire du GRID
des éléments qui me semblent essentiels dans toute cette
démarche. Par exemple, qu'une réglementation du secteur
privé devra inclure des éléments
d'autoréglementation. Je pense que c'est important. Le GRID aussi, si ma
mémoire est bonne, signale beaucoup le conflit droit individuel - droit
collectif. Dans le secteur privé, probablement que ce sera encore plus
vrai ou aussi vrai que dans le secteur public, je pense vraiment qu'il faut que
ce genre de réglementation contienne des mécanismes qui, à
la fois, incitent les citoyens, les individus à s'occuper de la
protection de leurs droits, donc, à intervenir, à
s'intéresser, à être sensibilisés à
l'importance de ces droits, mais en même temps qu'il y ait des mesures
qui viennent de l'initiative de l'appareil public. Les deux vont vraiment
ensemble. C'est un peu la façon dont, moi, je comprends les propos du
GRID quand il parle de droit individuel, de droit collectif. Ce sont quelques
réflexions que j'ai faites personnellement sur cela.
Maintenant, en ce qui concerne les structures - je reprends un peu la
question de M. le ministre - c'est bien clair, sans qu'on n'ait fait
d'études de coût, que cela impliquerait probablement un
ajout de ressources assez important. Très sincèrement, la
question qui se poserait probablement, c'est peut-être plus le double
volet: accès aux documents contre protection des renseignements
nominatifs. Si on essaie d'imaginer ce que pourrait être la commission
d'accès le jour où on réglementera le secteur
privé, peut-être que le volet de la surveillance, de la protection
des renseignements nominatifs prendra une telle importance quantitative
à l'intérieur de l'organisme que le volet de l'accès aux
documents va devenir un peu le parent pauvre. C'est peut-être cela la
question qui se pose. Je réfléchis un peu tout haut en disant
cela, mais, si on parle de structures, c'est peut-être avec cette
préoccupation-là qu'il faut réfléchir. Je ne sais
pas si l'un ou l'autre de mes collègues aimerait ajouter quelque
chose... Carole.
Mme Wallace (Carole): Je dirai seulement que la
préoccupation de réglementer le secteur privé, je pense
qu'on l'a toujours ressentie à cause des appels
téléphoniques qu'on reçoit au bureau, puisqu'un grand
nombre des appels téléphoniques qu'on reçoit au bureau sur
les questions de la protection de la vie privée visent finalement des
problèmes qui nous viennent du secteur privé. On est Impuissant
à les régler. On ne peut pas non plus diriger la personne vers un
autre organisme pour régler le problème. Je pense donc qu'on est
beaucoup sensibilisé à cette question-là par les citoyens
qui nous appellent.
M. French: Avez-vous des statistiques là-dessus?
Mme Wallace: On doit sûrement en avoir, parce qu'on garde
des statistiques sur les appels téléphoniques. Je pense qu'on ne
les a pas avec nous aujourd'hui, mais il y aurait sûrement moyen de vous
les envoyer.
Le Président (M. Trudel): Pouvez-vous nous envoyez cela
à la commission pour les fins de préparation du rapport?
Mme Wallace: Mais oui, certainement.
M. French: En un mot, pourquoi est-il urgent d'agir, alors que
vous étiez très prudents il y a quelques mois? Je comprends bien
qu'il faudrait que ce soit un organisme. Qu'on accepte ou non la logique, moi
je l'accepte, soit dit en passant. Mais ce n'est pas cela la question
fondamentale. La question fondamentale est: est-ce qu'on y va ou non? Pourquoi
est-il urgent, alors que, à l'automne dernier, c'était à y
regarder à deux fois?
Mme Giroux: M. le Président, M. le ministre,
peut-être que le terme "urgent" n'était pas le plus à
propos par rapport à la teneur de notre rapport. Dans notre rapport,
nous disions que nous n'avions pas l'expertise pour nous prononcer sur
l'importance d'intervenir dans le secteur privé. Je dirais
peut-être que ce qui correspond le plus à notre position, c'est
qu'il est effectivement important d'agir. Si on regarde seulement les revues de
presse depuis les derniers mois, il y a très souvent des incidents qui
ont trait à des violations de renseignements nominatifs qui ne
concernent pas toujours le secteur public, qui, très souvent, concernent
le secteur privé.
M. French: Pouvez-vous nous envoyer une sélection ou un
"sensus" entier de toute la couverture de presse des problèmes? Je ne
parle pas des groupes qui demandent la protection, mais des cas qui nous
permettraient de saisir la réalité humaine derrière cette
demande, qui est importante plutôt qu'urgente.
Mme Giroux: On peut certainement essayer, M. le ministre.
M. French: C'est parce que cela nous aiderait, je pense,
à la commission - en tout cas pour ma part - à comprendre
davantage de quoi il s'agit.
Mme Giroux: Très bien, nous pourrons essayer. Maintenant,
je pense aussi qu'on n'a qu'à vivre les différentes transactions
qu'on a à faire hebdomadairement pour se rendre compte que les
réseaux et les échanges dans le domaine du crédit, par
exemple, vont déjà très loin. Vous allez dans un magasin
et vous voulez payer par chèque: on vous demande simplement votre nom
et, sur un simple coup de téléphone - vous ne savez pas où
on appelle, on ne vous demande pas autre chose que votre nom - on a
l'autorisation d'accepter votre chèque ou non. Il y a là la
preuve qu'il existe des réseaux extrêmement importants. La
commission en était consciente, mais je pense que la lecture des
mémoires nous a certainement fait cheminer également. Je
traduirais notre position pour dire que nous sommes maintenant très
conscients de l'importance d'agir. Maintenant, est-ce qu'il faut agir la
semaine prochaine? Un premier pas serait certainement la mise en vigueur des
nouvelles dispositions du Code civil.
Cela nous fera plaisir, M. le ministre, d'essayer de vous transmettre
toutes les données que nous avons sur cette question.
M. White: Puis-je...
Le Président (M. Trudel): M. White, allez-y.
M. White: Je voudrais seulement ajouter quelque chose sur
l'importance. On a acquis une certaine expérience en travaillant dans le
secteur public et en voyant les échanges ou les transferts ou les
renseignements qu'on peut aller récupérer dans le secteur
privé. C'est pour cela
d'ailleurs qu'on a demandé une modification à l'article
66, pour permettre qu'il y ait une autorisation de la commission quand on va
chercher des renseignements dans le secteur privé, et non pas seulement
une simple information. Pourquoi? Parce que, quand on s'est occupé du
cas Acrofax, entre autres, on est allé chercher des exemples, des
exemples de fiches de crédit. Je peux vous parler allègrement de
la mienne. On a fait sortir ma fiche de crédit. D'abord, on a eu la
surprise de constater que j'avais deux fiches de crédit. La
première chose qu'on a constatée, c'est qu'il y en avait deux.
Pourquoi? Personne n'a été capable de nous l'expliquer. On a
constaté que, contrairement à ce que des gens du bureau de
crédit sont venus affirmer devant la commission parlementaire, les
informations ne sont pas détruites tous les sept ans. Il y a des
informations qui remontent jusqu'en 1974 dans mon dossier. On a constaté
que les renseignements qui sont là ne sont pas vraiment tous les
renseignements, mais une partie des renseignements. Il y a des renseignements
sur les choses que j'ai faites, des emprunts que j'ai pu faire en 1977 qui ne
sont pas là: mon emprunt hypothécaire n'est pas là. C'est
évident, les gens fournissent plus ou moins les informations et s'en
servent probablement quand cela va mal. Mais il y a aussi toute une
série d'informations d'identité. Dans mon cas, ils ne les ont
pas. Je ne sais pas comment cela se fait, je ne sais pas... ils ne sont pas
à jour. Donc, ce que l'on dit, c'est que toute l'information qui est
là... on est loin d'être sûr de l'intégrité...
que la banque de données est vraiment complète.
J'ai demandé au président d'Acrofax de me dire pourquoi ma
carte de crédit principale n'apparaissait pas dans mon dossier. Il a
été grandement surpris, parce que, m'a-t-il dit, cela ne se peut
pas; la banque nous fournit le "tape" tous les mois. Alors, j'ai
répondu: Tu vas m'expliquer pourquoi je ne suis pas là. Deux mois
et demi après, il est venu m'expliquer que, lorsque j'avais fait ma
demande, la banque n'avait pas demandé mon consentement et n'avait pas
exigé de vérification de crédit, et que la banque
respectait cet engagement et qu'il ne fournissait pas mon nom, à sa
grande surprise.
Ce que je m'étais posé comme première question,
c'est, étant donné que j'avais déjà deux fiches,
est-ce que je n'en avais pas une troisième? C'est pour cela, M. le
ministre, qu'on chemine du côté du secteur privé. Il y a
des choses qui ne sont pas...
Je peux vous donner un autre exemple. Quand j'ai dit à un gars
que je connais, qui travaille dans une banque, que j'avais demandé ma
fiche de crédit, il m'a dit: Voyons donc, tu n'as pas fait cela? J'ai
dit: Pourquoi? Il a dit: Maintenant, cela va être inscrit dans ton
dossier. Tout le monde qui va aller vérifier va se demander pourquoi tu
as fait cela, qu'est-ce que tu as à cacher? C'est pour cela qu'on pense
qu'on doit regarder de ce côté-là.
M. Gardner: J'ai une petite question...
Le Président (M. Trudel): Une toute petite, parce que je
voudrais bien que l'Opposition ait son droit de parole aussi.
M. Gardner: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Allez-y, M. le
député d'Arthabaska.
M. Gardner: Je pense que cela va compléter. Vous dites:
aller dans tout le privé. Je pense que vous êtes conscients que
cela coûte cher. Est-ce que vous avez pensé qu'on pourrait aller
dans certains secteurs du privé et, si oui, quels seraient ces secteurs?
Cela coûterait peut-être moins cher et on pourrait atteindre le but
que vous voulez atteindre.
Mme Giroux: M. le Président, sans que nous ayons, à
la commission, réfléchi beaucoup à ce sujet et à la
manière dont cela pourrait se faire, il semble qu'à peu
près tous les mémoires qui s'intéressent à cette
question identifient effectivement des secteurs qui seraient peut-être
plus prioritaires que d'autres. C'est sûrement une approche qui est
envisageable, celle d'y aller de façon graduelle.
Les secteurs qui apparaissent les plus prioritaires pour tous sont le
crédit, les assurances... les banques.
M. Gardner: Les banques de données ou les banques à
charte?
Mme Giroux: Les banques. Évidemment, les banques, c'est de
juridiction fédérale, mais... Donc, effectivement, il semble y
avoir un certain consensus sur certains secteurs particulièrement
névralgiques. L'idée d'y aller progressivement est sûrement
une hypothèse envisageable.
M. Gardner: Et toutes les possibilités de l'informatique,
vous ne pensez pas que ce serait prudent d'y aller? Toutes les nouvelles
banques de données que l'informatique permet maintenant?
Mme Giroux: Vous voulez dire dans tous les secteurs?
M. Gardner: Oui.
Mme Giroux: Parce qu'évidemment, dans les secteurs du
crédit et des assurances, il est question d'informatique
également. Sauf que, dans ces champs particuliers, il semble que le
danger soit plus immédiat.
M. Gardner: Merci.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Taillon. (11 h 15)
M. Filion: À mon tour de souligner, encore une fois, que
l'intervention de la présidente, ce matin, et des membres de la
commission s'inscrit fort bien dans la lignée des interventions de la
commission. Je pense au rapport de mise en oeuvre qui a été
produit. Ce matin, vous avez mis le doigt sur six enjeux principaux.
J'espère que nous aurons l'occasion, M. le Président, d'Ici midi
trente, d'en traiter d'autres.
En ce qui concerne l'assujettissement du secteur privé à
une forme de législation ou de réglementation de contrôle,
il faut constater l'ampleur de la tâche. Je pense que c'est un peu cela
au départ, dans le rapport de mise en oeuvre, qui avait inspiré
une prudence de bon aloi à la commission. Et en même temps, vous
l'avez souligné tantôt en réponse à la question:
Est-ce que c'est urgent ou... ? Bon, vous avez dit: C'est important.
Finalement, je pense que l'urgence, dans ce cas-ci, découle, à la
fois, de l'ampleur du problème de la réalité dans le
secteur privé et du fait de l'empiètement qui en découle
sur la vie privée des citoyens. Alors, il y a une série
d'inconvénients qui, chaque jour, sont vécus par un tas de
citoyens dans le secteur privé, à cause de renseignements
détenus dans le secteur privé. Donc, comme on approche un petit
peu, on se dit: Bon, allons-y. Mais allons-y.. D'abord, vous réglez le
problème de structure. Je vais vous dire que le GRID - je pense que je
l'avais questionné - n'y tenait pas plus que cela. Vous avez
défendu un peu vigoureusement ce matin le fait que la commission devrait
être la maîtresse d'oeuvre d'une réglementation, s'il y en a
une, du secteur privé. Je pense que les gens du GRID n'insistaient pas
là-dessus. Ils l'avaient écrit dans leur mémoire, mais je
les avais questionnés, de mémoire, peut-être pendant ou
après la commission - c'est possible que cela ait été
informel - mais ils n'y tenaient pas plus qu'il faut. Donc, sur le
problème de structure, je pense bien que le bon sens commande de ne pas
chercher à disperser une expérience, une expertise qui existe
déjà. Cela règle le problème de structure.
Le problème de coût va dépendre de ce qui sera fait
réellement. C'est pour cela que, pour moi, la véritable question
qui se pose lorsqu'on parle de l'assujettissement du secteur privé,
c'est le problème du comment? Comment le législateur devrait il
procoder pour contrôler le secteur privé, eu égard aux
principes d'accès à l'information et de protection des
renseignements nominatifs. Comment?
Il y a une partie de la réponse - parce que cela a
été toute la discussion du comité interministériel
- qui réside... où il y a un brassage d'idées au niveau de
l'exécutif. On n'en connaît pas le résultat, mais on le
connaîtra le 15 avril. En dehors de ce brassage, je dois vous dire...
parce que le comment est intimement lié à l'opportunité.
On ne peut pas juste décider et dire: Allons-y! C'est trop vaste comme
problème. Si on parle seulement des banques et des assurances, c'est
vaste comme problème. Et on ne fait que juste spécifier certains
secteurs. Si on y va "at large", dans le secteur privé, bonne chance
tout le monde! Cela n'a pas de sens. Je pense que le comment est relié
à la décision d'opportunité. Il faut aussi décider
comment. Sinon, on va en rester à des discussions un peu
philosophiques.
Vous attirez notre attention sur deux choses: d'abord, la
nécessité d'une forme d'auto-réglementation, qui avait
été mentionnée dans le mémoire du GRID. C'est un
peu la voie qui me sourit, à première vue. On n'en a pas
discuté plus qu'il ne faut. C'est évident qu'on ne pourrait pas
demander à la commission d'accès d'arriver et de débarquer
demain matin dans le secteur privé, comme cela, subitement. Cela
demanderait non seulement des ressources, mais bonne chance tout le monde! Il
faudrait au moins penser à tripler le nombre de personnes chez vous.
À mon avis, si on veut qu'une loi soit appliquée... On peut bien
voter des lois et dire: On va la laisser faire, puis, à un moment
donné, on l'appliquera, dans trois ans. Si on veut qu'elle soit
appliquée, il faut penser à beaucoup de ressources humaines et
financières pour faire fonctionner cela.
En relation avec cela, je vous repose la question du comment? Je suis
convaincu que vous en avez discuté entre vous. Est-ce que vous pensez
à des façons de procéder qui tiendraient compte du fait
qu'on ne peut pas débarquer du jour au lendemain dans tout cela?
À la question du député d'Arthabaska, je pense, vous avez
dit: Oui, on pourrait peut-être cerner certains secteurs. Mais même
en cernant certains secteurs, comment une loi pourrait-elle être
envisageable et raisonnable dans le secteur privé? J'aimerais avoir le
fruit des plus intimes réflexions de la commission sur ce sujet.
Mme Giroux: M. le Président, je voudrais tout d'abord dire
à M. le député de Taillon qu'effectivement le GRID ne
recommandait pas du tout que la structure soit la commission d'accès; au
contraire, il recommandait que ce soit. un autre organisme.
M. Fllllon: C'est ce que je disais.
Mme Giroux: C'est ce que je veux vous dire, que je suis d'accord
avec vous. Effectivement, le GRID...
M. Filion: Le GRID recommandait autre chose.
Mme Giroux: Voilà!
M. Filion: Mais, je pense qu'après la commission...
Mme Giroux: C'est bien cela.
M. Filion:... ce que je disais, ce n'était pas le point
central de son mémoire parce que vous vous êtes défendue
très vigoureusement, ce matin, là-dessus.
Mme Giroux: Maintenant, je vous avoue que je suis un peu mal
à l'aise parce que, contrairement à ce que vous pouvez croire, il
n'y a pas eu beaucoup de réflexions, même intimes, chez nous sur
le comment d'une réglementation dans le secteur privé.
Une voix:...
Mme Giroux: Non, nos ressources ont toutes été
canalisées vers l'application de la loi telle qu'elle existe
actuellement. Comme nous avons M. White qui participe à ce comité
interministériel, vraiment le lieu où probablement la
réflexion la plus poussée sur le comment a été
faite jusqu'à maintenant, c'est au sein de ce comité
interministériel dont, d'ailleurs, je ne connais pas avec exactitude,
personnellement, les orientations, sauf les grandes orientations comme celles
dont on a parlé ce matin.
Donc, très sincèrement, je ne me sens pas
compétente pour être plus précise que je ne l'ai
été, ce matin. Comme vous, quelques pistes dans le rapport, dans
les documents du GRID m'ont séduite, me paraissent intéressantes.
Comme vous tous, je pense qu'on ne peut pas ne pas être conscient que
c'est une tâche d'une ampleur absolument colossale et qu'il faudra
peut-être y aller de manière graduelle, cela paraît
évident. Mais nous n'avons pas vraiment de réflexions plus
substantielles et plus poussées à partager sur cet aspect, sauf
peut-être... J'aimerais passer la parole à M. White, parce que
c'est quand même celui, chez nous, qui est le plus proche des
réflexions là-dessus. Si vous permettez, j'aimerais
peut-être qu'il ajoute... s'il a des choses à ajouter à ce
sujet.
M. White: Écoutez, je ne voudrais pas, à moins que
vous ne me tordiez un bras, commencer à donner les résultats du
comité. Je pense bien que - II y a un président au comité
- s'il y a à dévoiler des choses... Sauf que Mme Giroux a
parlé d'autoréglementation et c'est vers ça que s'en va le
comité interministériel; il retient la proposition du GRID sur
l'autoréglementation au niveau du secteur privé.
Quant au comment... Je n'ai pas assisté à
l'avant-dernière réunion. Je ne sais pas s'il a été
question des secteurs particuliers ou si on a déjà... Est-ce
qu'on doit y aller par étapes? Le GRID recommandait un genre
d'étapes parce qu'il a formé des secteurs d'activité,
quatre ou cinq secteurs, si ma mémoire est bonne, où il proposait
d'y aller par secteurs.
Il est évident que c'est une tâche colossale. Il ne faut
pas penser mettre cela en marche demain matin; cela va prendre un peu plus
de...
M. Filion: Je vous lance une piste en terminant, peut-être
pour vous permettre de réagir si vous le jugez à-propos. On a
adopté des lois à l'Assemblée nationale dans plusieurs
secteurs. Je les résume un petit peu à ma façon.
Évidemment, on ne peut pas envoyer des inspecteurs partout, qui
vérifient partout ce qui se fait. Je me souviens, entre autres, d'un
secteur qui était celui des bureaux de placement syndicaux dans
l'industrie de la construction. La loi qu'on avait adoptée disait: Voici
certaines normes que doivent respecter les bureaux de placement syndicaux. On
les mettait dans la loi. Le gouvernement confiait, à l'époque,
à un office, l'Office de la construction du Québec, le soin
d'aller vérifier l'application de ces normes. Point. Je résume,
grosso modo. En deux mots: fixer certaines normes qui doivent être
contenues dans un règlement qui contrôle un secteur
d'activité. Le gouvernement se donnait le pouvoir d'aller
vérifier. Cela permettait la connaissance de la réalité,
d'abord. La commission d'accès, ou peu importe la structure qui serait
chargée d'appliquer cette nouvelle dimension de la loi, doit savoir
exactement ce qui se passe. Je suis convaincu, d'ailleurs, qu'on ne
connaît que la pointe de l'iceberg dans ce secteur. Cela commence
à sortir un petit peu plus grâce notamment aux recherches qui sont
faites par plusieurs des groupes qui sont venus devant la commission
parlementaire. D'abord, voir ce qu'est l'iceberg au complet.
Deuxièmement, qu'on commence à vérifier l'application de
certaines normes bien choisies, bien triées, parce qu'on ne peut pas
arriver, à mon avis, en tout cas, c'est difficile d'envisager de pouvoir
arriver avec un code aussi précis que celui qui existe pour les
organismes publics. Je ne sais pas si vous voulez réagir à cet...
Je ne fais pas partie du comité interministériel, vous vous en
doutez bien. Peut-être que vous pouvez réagir à cette
avenue de réflexion qui est la mienne.
Mme Giroux: Écoutez. Bien sommairement, l'avenue d'une
réglementation par normes et dont le contrôle serait davantage a
posteriori, si je vous comprends bien, et un peu peut être par
échantillons, c'est probablement une voie Intéressante, ne
serait-ce qu'à cause de l'ampleur du problème. Maintenant,
j'ajouterais que plus on pense précisément à l'ampleur du
problème., je pense qu'il ne faudra vraiment pas perdre de vue qu'au
moment où on interviendra, il faudra que des mesures
réglementaires qui forcent les établissements à se
comporter de telle ou de telle manière s'accompagnent de programmes de
sensibilisation et d'information des citoyens pour être alertes
constamment. C'est indissociable. Est-ce que vous voulez ajouter quelque
chose?
M. Filion: De mon côté, cela va. J'ai l'impression
qu'on pourrait discuter longtemps.
Le Président (M. Trudel): II reste à peine une
heure malheureusement. Est-ce que d'autres députés voudraient
intervenir sur d'autres sujets? Peut-être que M. le député
de Taillon peut intervenir et faire bifurquer la conservation sur l'un des cinq
autres points soulevés par Mme la présidente, et je vous
suivrai.
M. Filion: En ce qui concerne les cinq autres points, je vais
vous dire que je suis satisfait des explications que vous avez fournies. C'est
plutôt d'autres questions que je voudrais vous poser. Une ranide, une
petite vite, comme on dit. J'ai lu le mémoire du Barreau. Est-ce que
vous avez reçu le mémoire du Barreau sur la question des avis
juridiques?
Une voix: Non.
M. Fillion: Non. Il a été déposé
après coup.
Il serait peut-être bon que cela vous soit transmis. En deux mots,
j'aimerais avoir votre réaction... d'ailleurs cela faisait partie d'un
mémoire où on parle du secret des documents qui sont
touchés par le secret professionnel. Rappelez-moi le numéro de
l'article.
Mme Giroux: L'article 31.
M. Filion: L'article 31. Je dois vous dire que je suis
extrêmement sensible à l'argumentation voulant qu'on ne devrait
pas décortiquer les documents qui sont soumis au secret professionnel.
Je comprends le texte actuel qui dit: portant sur l'application du droit un cas
particulier. Mais comme juriste, comme avocat, souvent on peut faire appel
à une situation générale pour bien emmener le pourquoi de
notre avis sur un cas particulier. Alors, est-ce que vous auriez des
réactions? Je pense que vous n'avez pas eu l'occasion de réagir
sur cela. Je vous le demande à brûle-pourpoint. Le mémoire
du Barreau est extrêmement précis sur cela. Il dit essentiellement
que le secret professionnel, je résume, dans la jurisprudence, il
n'existe nulle part cette sorte de distinction entre un cas particulier et un
cas général, ce qui est constitutionnel et ce qui ne l'est pas;
un avis juridique c'est un avis juridique, et il est couvert par le secret
professionnel, point, à moins qu'il n'y ait un acte criminel de commis,
je pense que c'est l'exception de la "common law".
Mme Giroux: Mme Wallace aimerait répondre. J'aimerais
aussi ajouter quelque chose après.
M. Filion: Oui.
Mme Wallace: J'ai le goût de répondre parce que je
ne suis pas une avocate. La première chose que j'ai dû faire quand
je suis arrivée à la commission a été de lire tout
ce que je pouvais lire sur le secret professionnel afin de comprendre, dans te
cadre de mes devoirs d'adjudica- tion, ce qu'était cette chose, et
surtout en ce que ça s'applique aux avocats, et comment est-ce que je
devais appliquer cela. Finalement, j'ai bien compris qu'il existe une chose
qu'on appelle le privilège de l'avocat. Et, effectivement, ce
privilège n'est pas complètement codifié dans notre loi.
Il y a l'article 31, c'est sûr, mais le privilège est beaucoup
plus grand que l'article 31. Ce qui n'a jamais empêché la
commission d'appliquer le privilège, de respecter le privilège et
de respecter la jurisprudence de la Cour suprême en la matière.
Sauf qu'on le dit, on dit: On accepte que tei ou tel argument soit soustrait
à l'accès sur la base du privilège. Parfois, quand un
avocat vient devant nous, au lieu de plaider le privilège, il choisira
plutôt de plaider sur l'article 31. À ce moment-là, on va
dire qu'on accepte que ce soit soustrait à l'accès sur la base de
l'article 31. (11 h 30)
Mais les fois où on a eu à décortiquer quelque
chose, on a été souvent... Je me rappelle, lorsque
c'étaient des genres de formulaires, qu'on avait, par exemple, des
parties de formulaires qui portaient sur le statut juridique du
problème, qui a été rempli par l'avocat. On dirait que
l'article 31 s'applique uniquement à cette partie du document. J'ai eu
l'occasion, à un moment donné, de lire un petit article de la
revue Le Barreau sur la façon dont la commission avait mal
appliqué soi-disant le secret professionnel et j'en suis venue à
la conclusion que la personne qui avait rédigé l'article n'avait
vraiment pas pris connaissance de nos décisions en la matière.
Pour avoir étudié la question, je suis convaincue qu'on
l'applique correctement et en suivant la jurisprudence des tribunaux de droit
commun.
M. Filion: Vous savez que le secret professionnel est
prévu à la charte également. Le secret professionnel, en
somme... Les avocats et les juges prennent un concept et il est défini
surtout dans la "common law" longuement, etc. Il demeure que l'article 31 est
bien en deçà de ce qui existe actuellement en termes de
l'état du droit en ce qui concerne le secret professionnel.
Vous me dites que la commission a toujours appliqué les
conséquences du caractère privilégié des
communications entre une personne ou un organisme et son procureur. C'est bien.
Il n'est pas dans mon intention de revenir sur les décisions que vous
avez rendues, en aucune façon. Il demeure que l'article 31 est bien en
deçà, encore une fois, de ce qui existe en termes de droit. Si je
comprends bien ce que vous me dites, cela ne vous causerait aucun
problème de modifier l'article 31 pour faire en sorte que l'article 31
de la loi sur l'accès à l'information sort conforme à
l'état du droit dans tous les autres secteurs.
Mme Wallace. Mais déjà, nos décisions
vont
dans ce sens-là.
M. Filion: D'accord.
Mme Wallace: Alors, je pense que cela ne ferait aucune
différence sur le plan pratique.
M. Filion: D'accord.
M. Ducharme (Jean-Marc): Je voudrais apporter une
décision.
Une voix: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Me Ducharme.
M. Ducharme: Je n'ai effectivement pas lu le rapport
effectivement produit par le comité du Barreau. Par ailleurs, j'en ai
entendu parler parce qu'on m'a téléphoné à quelques
reprises pour en discuter. Ce que j'en sais, c'est qu'il existerait certains
processus administratifs à l'intérieur d'organismes publics qui
font en sorte que les contentieux donnent des opinions juridiques sur ce qui
semble, à première vue, être un avis sur un cas d'ensemble,
sur une situation générale alors que, en pratique, c'est sur un
cas particulier. On m'explique, par exemple - et c'est le directeur du
contentieux qui m'a expliqué la situation - que, dans un organisme que
je préfère ne pas nommer, on n'est pas intéressé
à connaître le nom des parties impliquées dans une
situation juridique donnée. On veut effectivement... Finalement, on ne
veut pas se laisser influencer par le nom des parties. On veut donner une
opinion - en tout cas, c'est ce qu'on m'a expliqué - qui soit la plus
impartiale possible. Donc, on n'a pas le nom des parties et on donne une
opinion juridique sur une situation donnée, mais sans relier cette
opinion, si vous voulez, avec le cas. À ce moment-là, cela
m'apparaît une opinion juridique quand même sur un cas particulier.
Cela m'apparaît donc une application de l'article 31. Jusqu'à
maintenant en tout cas, à partir des échanges que j'ai eus avec
les gens du Barreau qui ont rédigé ce rapport, c'est le seul
exemple qu'on m'a donné. Il y en a peut-être d'autres;
évidemment, il serait intéressant de lire le mémoire.
Quant à moi, enfin ce que j'en sais, l'article 31 serait
suffisant pour répondre à cette objection.
Le Président (M. Trudel): Mme la présidente.
Mme Giroux: Oui, M. le Président. J'aimerais réagir
à ce que vous dites, M. le député de Taillon. C'est un
fait que, même si l'article 31 est plus restreint que le secret
professionnel de l'avocat, la communication privilégiée
avocat-client, effectivement, on a été obligés, en fait,
à cause de la charte, d'appliquer plus largement le secret
professionnel. Je veux simplement émettre l'avis que, en tout cas,
personnellement, je ne suis pas aussi impressionnée que vous semblez
l'être par une position comme celle du Barreau. Je voudrais vous inviter
à réfléchir au moment où vous aurez à
décider de cette question, à la question suivante: En
dépit du caractère absolument sacré du secret
professionnel de l'avocat - moi aussi, je suis juriste; je sais que cela existe
et c'est important - lorsque le législateur, en 1982, a
décidé d'adopter une loi sur l'accès et d'assujettir les
organismes publics à certaines règles, est-ce qu'il n'a pas voulu
restreindre la protection accordée par le secret professionnel à
des organismes publics?
Je vous rappelle que le secret professionnel, c'est quelque chose qui
est là pour le client et non pour l'avocat. Dans le domaine de la loi
sur l'accès à l'information, les organismes sont des clients.
Personnellement, je vous avoue que je me suis toujours demandé si le
législateur n'avait pas tout simplement voulu faire en sorte que cette
catégorie de clients particuliers que sont les organismes publics
à partir d'aujourd'hui, le secret professionnel, cela se limite à
l'article 31.
Je n'ai pas gagné. Mon interprétation n'a pas
été retenue et nous avons rendu des décisions où
nous avons été obligés d'aller au-delà de l'article
31. Mais je veux simplement vous sensibiliser en ce sens que, est-ce que
là, ce ne serait pas ça aussi une hypothèse
raisonnable?
M. Filion: En terminant là-dessus, je dois quand
même... Vous savez, on est ici pour donner suite au rapport de mise en
oeuvre de la loi sur l'accès à l'information. Ce qui a
été fait en 1982 a été fait en 1982. Vous avez
également mentionné des procès-verbaux d'organismes qui ne
sont pas du conseil d'administration ou qui ne sont pas des CMD. Je pense
qu'ici, la réflexion... D'ailleurs, votre rapport-cadre est ouvert. On
ouvre, si l'on veut, l'ensemble du dossier, et si le législateur en 1982
a cru bon de faire certaines choses, cela ne veut pas dire qu'en 1988, le
même législateur n'aurait pas changé d'idée,
étant donné l'expérience qui a été
faite.
Mme Giroux: Effectivement.
M. Filion: C'est uniquement dans ce sens-là et je ne veux
pas éterniser le débat sur le secret professionnel. Je pense que
j'ai eu réponse à mes questions. J'ai d'autres questions, M. le
Président, mais je vais suivre vos indications si vous voulez que je
continue.
Le Président (M. Trudel): Allez-y. J'en aurai
quelques-unes après les vôtres.
M. Filion: J'ai dit que je ne reviendrais pas sur les six points,
mais c'est une erreur. Il y a la question que la CREPUQ a soulevée. La
CREPUQ a été la seule à soulever la question du possible
double mandat de la Commission d'accès à l'information... N'eut
été de la CREPUQ, on
n'aurait jamais été sensibilisés à cela.
Vous avez mentionné dans vos propos principaux qu'en ce qui concerne la
détermination ou la définition de renseignements nominatifs,
effectivement, vous étiez quelquefois assis sur la clôture, si
l'on veut, mais peut-être à la frontière ou, en tout cas,
dans une zone un peu plus grise. À votre avis, qu'est-ce qui justifie
cette revendication de la CREPUQ, à partir de l'expérience
qu'elle a vécue avec la commission? J'ai cru comprendre personnellement
que c'est une expérience qui avait été assez difficile
pour la CREPUQ. On nous a même mentionné... Je me souviens de
l'avocat qui était assis à la gauche et qui nous avait dit:
Écoutez, les apparences de justice, bon vieil argument du juge
Deschênes qui a été traduit dans toutes les langues. Non
seulement justice doit-elle être rendue, elfe doit paraître avoir
été rendue.
Vous nous dites ce matin: Écoutez, non, on ne voit pas de
problème au sujet de ce double mandat. Dans le rapport Ouellette, sauf
erreur - vous me corrigerez - je ne crois pas qu'il soit question non plus de
ce possible conflit d'intérêts à la commission. Oui? Alors,
vous pourriez peut-être nous entretenir dans ce sens.
Mme Giroux: Pourquoi ces craintes? Sur quoi se fondent-elles?
C'est bien difficile de répondre. Les universités n'ont quand
même pas eu un nombre si considérable de dossiers qui sont venus
à la commission. Je pense que la CREPUQ signalait deux cas dans son
mémoire, un cas de vérification à l'Université
Laval et un cas d'enquête à l'Université du Québec
à Trois-Rivières.
À l'Université Laval, nous avons découvert ce que
nous croyions être un fichier qu'elle considère comme n'en
étant pas un. Dans l'autre cas, ces gens soumettent que nous avons mis
en branle trop d'énergie pour arriver à confirmer l'inexistence
d'un document. Est-ce là la source de leur préoccupation? C'est
possible. Mais c'est peut-être aussi le fait que nous ayons, de
façon absolument systématique depuis le début, à
chaque fois qu'on rend. une décision, rappelé que c'est le
principe de l'accès, que les restrictions sont des exceptions et
qu'elles doivent être interprétées restrictivement. En
cela, on a peut-être donné l'impression à certains
organismes qu'on n'était peut-être pas parfaitement neutres. Il
est bien difficile d'évaluer cela, je pense. Ce que je peux dire, c'est
que nous avons un double mandat. C'est un fait. C'est indéniable. Mais
nous ne sentons pas ce conflit d'intérêts qu'on semble nous
imputer. Je vous dirai au contraire que chez nous, c'est ma
préoccupation personnelle depuis quelques années et je sais que
Marcel la partageait, le plus grand inconvénient à notre double
mandat n'est pas du tout à ce niveau. Le plus grand inconvénient
à notre double mandat est le fait que, comme tribunal, notre
énergie, si on veut, parce qu'on est appelés à intervenir
dans des cas ad hoc, indi- viduellement, à rendre des décisions.
C'est une démarche intellectuelle très particulière.
Comme organisme de surveillance et de contrôle, pour Jouer
vraiment notre rôle - et on a reconnu dans notre document qu'on n'a
peut-être pas mis toute l'énergie là-dessus et qu'il faudra
le faire à partir de maintenant - cela demande un type d'implication de
ressources complètement différent. Sur le plan du pouvoir de
surveillance et de contrôle, il faut voir là plus la forêt
que les arbres. Il faut essayer de voir les problèmes dans leur ensemble
et penser à des interventions qui auraient des portées plus
globales. Tout cela demande plus de travail d'équipe. Cela demande un
type d'utilisation de notre temps qui n'a rien à voir avec le volet
adjudication. Je dirais que c'est peut-être là où on sent
qu'on est le plus déchirés dans notre double mandat.
Quant au conflit d'intérêts, encore une fois il est
très difficile pour nous de comprendre la sortie qu'ont faite l'AHQ et
la CREPUQ. Pour revenir à la question plus spécifique que vous
posiez sur le rapport Ouellette, effectivement, le rapport Ouellette parle
expressément de la commission d'accès. On dit qu'on ouvre la
porte à la possibilité de nous enlever notre volet adjudication
ou notre volet tribunal parce qu'il considère que nous rendons des
décisions extrêmement compliquées, si je me souviens bien,
sur le plan juridique. Il considère que notre juridiction comme tribunal
administratif est probablement une de celles qui ont à trancher les
questions les plus complexes sur le plan juridique. Il ouvre la porte à
la possibilité de nous enlever le volet adjudication et de nous laisser
seulement le volet surveillance et contrôle. C'est ce que dit le rapport
Ouellette. Je n'en ai pas le souvenir précis mais il y a quelques pages
là-dessus, en tout cas, il y a un paragraphe sur la commission de
l'accès.
Le Président (M. Trudel): À moins que vous ayez
autre chose, j'aurais peut-être une question. Vous me dites, M. le
député de Taillon, que vous allez sortir des six points
traités par Mme la présidente.
M. Filion: Oui.
Le Président (M. Trudel): Au point A, Mme la
présidente, quand vous parlez des restrictions à l'accès,
on peut facilement comprendre et vous suivre, pour un grand bout de chemin
à tout le moins, pour comprendre les restrictions et les
réticences de la commission à voir ce que j'ai déjà
dans un premier avant-projet de possible potentiel mémoire traité
comme étant les demandes d'exemption. On s'est aperçu, le
recherchiste et moi, en regardant cela, qu'il y en avait un joyeux paquet,
merci beaucoup, et qu'il fallait prendre position rapidement là-dessus.
Vous retournez à peu près toutes les demandes
d'élargissement et, jusqu'à un certain point, je suis
prêt à vous comprendre.
J'aimerais qu'on revienne, vous et moi, sur la notion relativement
nouvelle qui nous a été présentée à
l'occasion des audiences de la commission sur les comités de gestion des
risques dans les hôpitaux. Vous en avez parlé tantôt. Vous
avez traité un peu ce sujet. Je n'ai pas encore de position
là-dessus. Il y a des matins, quand je commence à penser à
cela - je ne vous dis pas que je pense à cela tous les matins - quand il
m'arrive de penser au mémoire, au rapport qu'on devra faire d'ici
à quelques semaines, c'est une notion d'administration des
hôpitaux qui me plaît pour avoir été, entre autres,
président d'un conseil d'administration d'hôpital pendant
plusieurs années, mais bien avant l'époque de ce genre de choses.
Pour avoir vécu les problèmes que peut vivre un conseil
d'administration d'hôpital tel qu'actuellement constitué, donc une
espèce de forum. Au début, on le voulait, le forum des
Intérêts de tout le monde dans l'hôpital mais maintenant,
c'est devenu l'arène des règlements de comptes des
différents groupes. Mais là, je ne veux pas m'éloigner.
Donc, cette chose-là m'intéresse. J'aimerais vous
réentendre là-dessus parce que je ne suis pas convaincu et, comme
je n'ai pas encore de position arrêtée sur le sujet, vous avez
encore une chance de me convaincre. (11 h 45)
Mme Giroux: Je suis contente que vous reveniez sur cette
question, M. le Président, parce que je comprends que c'est une question
difficile. J'aimerais passer la parole à Mme Wallace qui connaît
bien, elle aussi, le domaine hospitalier de même que ses comités
de gestion des risques. Je pense qu'elle pourrait compléter
avantageusement les propos que j'ai tenus ce matin.
Le Président (M. Trudel): Mme Wallace.
Mme Wallace: Je vous dirai d'abord que, à cause de mes
études en administration des services de la santé, j'ai lu avec
beaucoup d'intérêt le mémoire de l'Association des
hôpitaux. D'autant plus qu'avant de devenir commissaire à
l'accès à l'information, j'avais passé une période
de six mois dans un établissement et je travaillais justement à
la mise sur pied d'un programme d'appréciation de la qualité.
C'est un sujet qui me préoccupe beaucoup, qui me tient à coeur,
donc, j'avais un double intérêt à lire le
mémoire.
Afin de comprendre ce que les recommandations de l'Association des
hôpitaux du Québec-veulent vraiment dire, il faut savoir ce qu'est
un programme d'appréciation de la qualité. Comme j'ai eu à
me poser cette question tous les jours pendant six mois, |e pense que Je serai
en mesure de vous répondre. Si on regarde, par exemple, la
définition donnée par le Conseil canadien de l'agrément
des hôpitaux, qui est une définition reprise par l'Association des
hôpitaux dans le cours sur le sujet, l'appréciation de la
qualité est définie comme suit: Celle-ci consiste à
établir des buts pour l'ensemble de l'hôpital, à
évaluer les procédures nécessaires à la
surveillance continue et à la réalisation de ces buts et, lorsque
ces lacunes sont identifiées, à proposer et à appliquer
les solutions susceptibles de permettre l'atteinte de ces buts.
L'appréciation de la qualité signifie aussi l'organisation des
ressources de l'établissement de façon à atteindre les
objectifs fixés dans l'énoncé de sa mission. Il s'agit
d'un processus par lequel l'organisation examine elle-même son
efficacité, son efficience dans la réalisation des buts
fixés à l'intérieur des contraintes qui lui sont
imposées.
Évidemment, j'ai lu cette définition au début de
mon cheminement et je me suis dit: Cela englobe tout. Et, effectivement, quand
on se met en branle pour mettre sur pied un programme d'appréciation de
la qualité, on englobe tout dans ce programme d'appréciation de
la qualité. Je vous donne seulement une petite liste des choses et,
encore, c'est tiré du texte de l'Association des hôpitaux: il y a
la vérification financière, la vérification
intégrée, l'évaluation des programmes, la gestion des
risques qui est juste une partie, l'évaluation par les pairs, que ce
soit les médecins, les infirmières, les physio-thérapeutes
ou autres, les revues d'utilisation de toutes sortes de services, cela peut
être des laboratoires ou tout ce que vous voulez, le programme de
santé et sécurité au travail, le programme de
prévention des infections, l'évaluation des plaintes,
l'évaluation de la satisfaction des patientes et des clientes avec
toutes sortes de services, l'évaluation des ressources humaines, les
études coûts-bénéfices, les sortes de qualité
et tout le processus d'agrément des hôpitaux.
C'est là une liste partielle. Je sais que lorsque j'ai mis sur
pied les programmes sur lesquels j'ai travaillé, il n'y avait pas une
politique ni une procédure à l'intérieur de cet
hôpital qui n'était pas intégrée au programme
d'appréciation de la qualité.
Quand je regarde la recommandation de l'Association des hôpitaux
du Québec sous cet angle-là, }e me dis que cela revient tout
simplement à exclure les hôpitaux du premier volet de la loi sur
l'accès, c'est aussi simple que cela, puisque l'appréciation de
la qualité est tellement large.
L'un des arguments qu'on nous développe pour dire qu'on devrait
appliquer cette loi-là, nous dit: Cela se fait ailleurs. Mais, là
encore, je suis en mesure de vous dire que cela ne se fait pas ailleurs. Ce qui
se fait ailleurs, aux États-Unis et dans un certain nombre d'autres
provinces, c'est un amendement à la loi sur la preuve qui fait en sorte
que l'évaluation des actes médicaux par les médecins n'est
pas admissible en preuve. Cela équivaut à peu près
à ce qu'on a accordé avec l'article 114 et, en fait, ce qu'on
accorde sous l'article 114 est encore plus large que cela.
Il reste l'argument de l'intérêt public. Je
vous donne ici une opinion très personnelle: je ne trouve pas que
c'est en cachant tout ce qui se passe dans les hôpitaux, derrière
le voile de l'appréciation de la qualité, qu'on sert
l'intérêt public et qu'on va aller vraiment encourager la
confiance du public. Ce sont un peu mes réflexions sur le sujet.
Le Président (M. Trudel): Vous m'en voyez presque
ébranlé. Comme il s'agit de documents publics, est-ce qu'on peut
vous demander, madame, non pas nécessairement la copie que vous avez en
main parce qu'elle a des...
Mme Wallace: Je pense que ce sont des documents publics puisque,
moi, je les détiens.
Le Président (M. Trudel): Voilà!
Mme Wallace: Mais ce sont vraiment les documents de l'Association
des hôpitaux du Québec.
Le Président (M. Trudel): De l'AHQ?
Mme Wallace: Oui.
Le Président (M. Trudel): D'accord.
Mme Wallace: Ou bien que je vous les envoie.
Le Président (M. Trudel): Nous l'apprécierions si
vous pouviez nous...
Mme Wallace: Je vous ferai des photocopies. Le
Président (M. Trudel): Bravo!
Mme Wallace: Ce que vous pouvez aussi faire, c'est demander
à l'Association des hôpitaux du Québec de vous envoyer le
dossier au complet.
Le Président (M. Trudel): D'accord.
Mme Giroux: Nous allons vous envoyer ce que nous avons.
Le Président (M. Trudel): Merci. Reprenant un peu ce que
vous avez dit, vu sous cet angle et présenté de cette
façon, je pense que vous n'aurez pas beaucoup de difficulté
à convaincre les membres de la commission que la demande ou les demandes
qui nous ont été faites en ce sens risquent d'être
abusives. Est-ce qu'il y a possibilité de restreindre cela? Ce que je
comprends de ce que vous me dites et de ce que j'ai lu d'autre part, je me dis:
si on le restreint on le ramène presque aux discussions auxquelles ils
peuvent avoir recours et Mme la présidente, en parlait tantôt,
à l'intérieur du conseil des médecins et dentistes, et des
pharmaciens maintenant, des hôpitaux. Donc, pour moi, cela reste encore
une question ouverte, mais vous avez beaucoup concouru à en fermer une
bonne partie, je vous l'avoue. Je vous remercie pour votre réponse
à cette question.
J'aurais une toute dernière question et, après cela, je
pense que le député de Taillon pourra continuer. Ce que tout le
monde a appelé les rapports de police. Je ne peux pas ouvrir sur une
grande discussion sur la liberté de la presse, où commence la
liberté des uns et où s'arrête la liberté des
autres? On pourrait en avoir pour la journée et ne pas être
satisfaits des réponses qu'on pourrait se donner l'un et l'autre.
Mme la Présidente, cette question pour vous semble
réglée, nous disiez-vous tantôt, c'est-à-dire que
peu importe ce qui nous a été dit à la commission, je ne
veux pas mettre les paroles dans votre bouche, mais disons que vous n'avez pas
semblé impressionnée et vous maintenez la position que vous avez
donnée dans votre rapport d'octobre 1987 en nous disant: Je ne vois pas
l'intérêt finalement du public à ces questions. Si on
arrête la discussion à ce point, je serais un peu d'accord avec
vous sauf que, dans la discussion que nous avons eue avec les journalistes,
notamment avec M. Falardeau du journal La Presse, cela va plus loin. Le
problème est: Qui doit déterminer, en dernier ressort, ce qui est
d'intérêt public ou pas? Là, vraiment, on entre dans la
grande question. Il est clair que les journalistes vont nous le dire. Ils nous
l'ont dit de façon très honnête, très ouverte et
très franche. Bien, nous, on sait quand s'arrêter. C'est
finalement à nous que cela appartient. Il y a des choses qu'on garde
pour nous et il y a des choses qu'on ne garde pas pour nous.
Moi, je vous avoue, peut-être parce que j'ai fait du journalisme
il y a déjà 20 ans - cela m'a aidé à gagner mes
études - que j'ai peut-être une position, sans jeu de mots encore
une fois, plus libérale que la vôtre sur cela. Je ne suis pas
sûr qu'on ne doit pas accueillir avec une certaine ouverture d'esprit la
demande de la Fédération professionnelle des journalistes du
Québec et celle de la presse. Cela dit, cette demande me cause quand
même encore - heureusement qu'on n'est pas à la veille de remettre
notre rapport, M. le ministre - des problèmes de conscience à
prendre position sur certains points qui nous ont été
soulevés. Est-ce qu'on pourrait vous entendre davantage sur cette
question, madame? Surtout que vous avez un ancien journaliste à vos
côtés.
Mme Giroux: Vous dites que nous maintenons maintenant la position
que nous avons soutenue dans notre rapport. Je veux juste vous faire remarquer
que dans notre rapport, nous n'avons pas véritablement abordé
cette question.
Actuellement, la loi définit la notion de renseignement nominatif
de façon très claire et, nous, nous l'appliquons tout simplement.
Il n'y a pas de notion d'intérêt public qui entre en ligne de
compte actuellement; il n'y a pas de discrétion. Il y en a toujours une,
évidemment, parce
que, dans l'Interprétation, il y a toujours un petit
élément de subjectivité mais, au fur et à mesure de
la jurisprudence, on est obligés d'être cohérents et la
discrétion est très limitée.
La fédération des journalistes et les autres intervenants
là-dessus, sous prétexte de l'Intérêt public,
voudraient faire ouvrir la définition de "renseignement nominatif pour
ces cas-là. Ce que je vous ai dit ce matin, c'est que nous nous posons
la question: Quel intérêt public est derrière
ça?
Pour être plus clair encore, je me demande si ce n'est pas,
d'abord et avant tout, l'intérêt de la presse de publier des
choses sensationnelles. C'est une question qu'on pose. Cela dit, je pense que
ce qui est peut-être plus important que la solution précise
à laquelle vous arriverez là-dessus, c'est qu'il y ait une
solution claire à cette question. Ce qui est peut-être grave
actuellement... Si ma mémoire est bonne, ce qu'on a dit, au moment de la
commission parlementaire et dans les journaux, c'est que les différents
corps de police ne traitent pas ça de la même manière.
Cela, je pense que c'est grave. Il faudrait vraiment trouver une
solution, prévoir une exception à la notion de renseignement
nominatif pour ce genre de chose et le dire clairement dans la loi. Nous
n'avons pas d'opposition absolue et fondamentale sur cette question. Nous
reconnaissons qu'il y a une certaine tradition d'ouverture mais, tout
simplement que, dans l'état actuel de la loi, la loi ne permet pas de
faire exception pour ces cas.
Je vous inviterais simplement à être conscients du fait
qu'il est important de solutionner ce problème de façon claire,
quelle que soit la solution. Les arguments de l'Intérêt public ne
nous paraissent pas plus convaincants qu'il ne le faut, mais nous n'avons pas
d'opposition de principe à une certaine ouverture de la loi
là-dessus.
M. White: Pour notre réflexion, je voudrais seulement
ajouter un exemple qu'on a vécu ici, dans la région de
Québec, voilà deux ans, approximativement. Une dame sort d'un
bar, durant la nuit, et se fait tabasser par un homme. Le lendemain matin, dans
les journaux, on retrouve la nouvelle, sans mentionner les noms: Une dame s'est
fait donner une râclée en sortant de tel bar, dans telle
municipalité, dans la nuit.
Le lendemain, il y a un "follow-up" de la part du journaliste et,
là, on a donné le nom des enquêteurs de la police
affectés à cette affaire. On a dit que la personne qui aurait
battu la femme était toujours au large. On n'a pas donné son nom,
mais on a indiqué, par contre, le nom de la victime en disant qu'elle
était toujours dans le coma, à l'Hôtel-Dieu.
Je ne suis pas sûr qu'il s'agit là d'une bonne façon
de traiter ces renseignements. Je n'en suis pas sûr. De toute
façon, on aurait pu penser que la dame a donné son consentement,
mais elle était dans le coma, alors, elle n'a sûrement pas pu
donner son consentement, elle même, à la divulgation. J'ai fait
une couple d'interventions auprès de la police quand il y a eu des
choses, surtout sur des accusés ou sur des gens qui pourraient
être accusés potentiellement, et j'ai toujours essayé de
savoir pourquoi on communiquait ces renseignements et s'ils étaient bien
conscients que la loi était là, parce qu'il y a l'article 28. 1
qui dit que la police doit refuser de confirmer et, après cela, il y a
la partie sur la protection des renseignements personnels.
Il y a un exemple, entre autres, où j'ai demandé pourquoi
on avait donné des renseignements concernant un individu. Il y avait
l'escouade tactique, le SWAT québécois, qui faisait une
intervention et on avait donné des renseignements sur l'individu qui
était dans la bâtisse. On avait donné tout son "pedigree",
les griefs qu'il avait faits contre ses employeurs, qu'il avait perdus, et tout
cela. (12 heures)
On avait donné tous ces renseignements avant de l'arrêter.
Je me suis informé,, par écrit, pour savoir pourquoi on avait
donné ces renseignements. La seule réponse qu'on m'a
donnée, c'est que c'était pour tenir les journalistes à
l'écart de la scène. D'un côté, on leur donne de
l'information; de l'autre, on leur en donne aussi, mais c'est pour les garder
loin. C'est cela. Est-ce là l'intérêt public? Est-ce
là la notion d'intérêt public? Qui jugera de
l'intérêt public? Je suis certain que la madame dont j'ai vu le
nom dans les journaux n'était pas très heureuse, si elle est
revenue de son coma.
M. Gardner: Si elle revenue de son coma, est-ce qu'elle peut
poursuivre le journal?
M. White: Sûrement.
Le Président (M. Trudel): En revenant du coma, elle...
M. White: Je ne sais pas. Je ne suis pas avocat, mais je pense
bien...
M. Gardner: Est-ce qu'elle a eu affaire à vous?
M. White: Ah! Elle aurait pu porter plainte chez nous, oui. On
aurait...
Le Président (M. Trudel): Mme Wallace a quelque chose
à ajouter, je pense, et Me Ducharme par la suite.
Mme Wallace: Oui. Je dois faire très attention à la
façon de m'exprimer parce que, comme le disait ma collègue tout
à l'heure, on a un dossier en adjudication qui touche cette question.
C'est moi qui suis saisie du dossier. Je vous poserai plutôt une
question, pour votre
réflexion, à savoir si nous devons créer des
catégories de citoyens qui n'ont pas de vie privée à cause
de ce qui leur est arrivé. Est-ce qu'on dit de certaines
catégories de citoyens, de quelqu'un qui est victime d'un crime par
exemple, qu'il n'a pas le droit à ce que certaines choses le concernant
soient gardées privées, alors que vous-même, qui avez
peut-être subi une chirurgie quelconque quelque part, je ne sais pas,
auriez peut-être été choqué que cela paraisse dans
les journaux.
Le Président (M. Trudel): Cela a paru, madame, quand cela
m'est arrivé. Malheureusement. M. White se le rappelle d'ailleurs.
Mme Wallace: Vous ou un autre mais, sur le plan de la
rédaction d'un projet de loi, je me pose la question à savoir
comment peut-on créer des catégories de citoyens quand il s'agit
d'un droit fondamental comme la protection de la vie privée?
Le Président (M. Trudel): Merci, madame. M. Ducharme.
M. Ducharme: Je voudrais ajouter un seul autre
élément. Pour avoir discuté avec certains journalistes et
avec certains policiers qui ont des contacts avec des journalistes, je pense
qu'il y a peut-être une autre question à laquelle vous devriez
répondre. Cela vaut-il le coup de maintenir, à supposer que ce
soit le cas juridiquement, l'impossibilité pour la police de
révéler des renseignements nominatifs concernant une victime
alors que, de toute façon, ces mêmes journalistes, peut-être
en l'espace de quinze ou vingt minutes, vont réussir à obtenir
l'information, que ce soit par des voisins ou par des témoins de
l'incident? Je pense que c'est un autre élément que vous devriez
ajouter à votre réflexion. Est-ce qu'il vaut la peine alors de
faire subir cette épreuve à la loi sur l'accès à
l'information, alors que, comme je vous le dis, quinze minutes après,
l'information sera quand même disponible entre les mains du journaliste
qui, lui, a toute la latitude voulue de publier la nouvelle ou les noms, sauf,
évidemment, sa conscience professionnelle peut-être.
Le Président (M. Trudel): Merci, Me Ducharme. Dans un tout
autre ordre d'idée et là, je sors des six points avant de
céder la parole au député de Taillon. Ce sera, quant
à moi, probablement ma dernière intervention ou
l'avant-dernière, disons.
Dans un des premiers mémoires qu'on a lus, d'abord parce qu'il
nous est arrivé tôt et que c'est un des premiers groupes qu'on a
entendus, soit l'Église de Scientologie, il y avait une demande qui m'a
d'abord fait sourire et après, je me suis posé des questions. Je
me suis demandé d'abord: Est-ce que cela existe? C'est la question que
je veux vous poser. Deuxièmement, si cela n'existe pas, est-ce que ce
n'est pas une façon de donner d'autres objectifs à la loi?
L'Église de Scientologie recommande de donner aux organismes
privés le droit de rectifier les renseignements détenus à
leur sujet. J'ai moi-même posé la question aux
représentants de l'Église de Scientologie pour en être bien
sûr. Vous savez qu'il existe des façons détournées.
Vous pouvez toujours savoir ce qu'il y a dans votre dossier si vous passez par
un individu ou si vous le faites au nom d'un de vos membres.
Je me suis bien assuré auprès du représentant de
l'Église de Scientologie, je ne me souviens pas son nom, si l'objet de
sa demande était vraiment de donner aux organismes privés le
même droit qu'on donne aux individus. Sa réponse a
été oui. Il nous a donné un tas d'exemples de ce qu'on
faisait notamment aux États-Unis, etc. J'aimerais avoir votre
commentaire sur cette recommandation ainsi que sur le commentaire que je fais
dans le sens que ce complètement détourner l'objet principal et
primordial de la loi d'accès à l'information.
Mme Giroux: Je partage tout à fait votre point de vue.
Nous n'avons pas jugé utile de relever cette question; nous n'en avons
même pas discuté. En fait, je pense que cette demande va
complètement à l'encontre de toute l'économie de la loi
sur l'accès qui veut que fa protection des renseignements nominatifs
s'intéresse aux personnes physiques. Je pense que cela oublie
complètement la philosophie même qui est à la base de la
loi sur l'accès.
Le Président (M. Trudel): Je vous ai justement posé
la question pour vous donner l'occasion de le dire, de façon tout
à fait précise. Oui, madame.
Mme Wallace: Je voulais ajouter que cela n'empêcherait pas
une personne morale d'avoir accès aux documents qui seraient
détenus à son égard; elle n'aurait pas le droit de
rectification, mais elle pourrait au moins avoir accès à son
dossier, si elle a un dossier d'entreprise ou un dossier quelconque; elle
pourrait quand même faire une demande d'accès concernant ce
dossier.
Le Président (M. Trudel): Alors, là on... Mme
Giroux: Si tu me permets, Carole...
Le Président (M. Trudel):... vient d'entreprendre une
nouvelle voie. C'est un peu la question que je posais, c'est-à-dire...
Une voix: Ce n'est pas pareil. Le Président (M.
Trudel):... est-ce que...
Mme Giroux: Je voudrais seulement rectifier un peu. Je
pense...
Le Président (M. Trudel): Allez-y, Mme la
présidente, oui.
Mme Wallace:... avec ce qui va se passer.
Mme Giroux: C'est-à-dire qu'une personne morale peut
effectivement se prévaloir de la loi sur l'accès, mais pas en
vertu de l'article 83...
Mme Wallace: C'est cela.
Mme Giroux:... c'est-à-dire un droit d'accès
à votre dossier personnel...
Mme Wallace: Oui.
Mme Giroux:... comme détenteur de renseignements
nominatifs. Voilà!
Le Président (M. Trudel): C'est te cas auquel je
référais. Oui, effectivement, on convient...
Mme Giroux: Pas plus une demande d'accès qu'une demande de
rectification comme personne visée par la protection des renseignements
nominatifs.
Le Président (M. Trudel): Très bien. Alors, c'est
dans le sens où je l'entendais. M. le député de
Taillon.
M. Filion: J'aimerais bien comprendre moi aussi. Est-ce qu'il
reste un droit, finalement, à la personne morale?..
Mme Giroux: C'est-à-dire, en vertu de l'article 9 de la
loi sur l'accès, pour avoir accès à des documents; toute
personne a droit d'accès aux documents.
M. Filion: D'accord.
Mme Giroux: Le mot personne dans l'article 9 de la loi n'est pas
restreint aux personnes physiques.
M. Filion: D'accord. L'accès aux documents...
Mme Giroux: Ce qui fait que... M. Filion:... c'est
à tout le monde.
Mme Giroux:... que l'Église de Scientologie s'est
retrouvée devant nous à plusieurs reprises comme demandeur en
vertu de l'article 9.
M. Filion: D'accord.
Mme Giroux: Mais une personne morale ne peut pas se
prévaloir du droit d'accès, ni de l'article 83, ni du droit de
rectification.
M. Filion: D'accord. Un commentaire et trois petites questions
rapides; c'est comme pour les "quiz", vers la fin, il faut aller un petit plus
vite. Un commentaire sur le droit d'appel. Je dois vous dire que le
problème reste entier, vous aviez soumis certaines pistes de
réflexion - toutes des solutions mitoyennes - par exemple: payer les
frais des avocats...
Mme Giroux: Oui.
M. Filion:... qui doivent représenter l'individu en appel.
Je pense qu'on a eu des représentations d'ailleurs à cet effet;
ce serait difficile de concevoir que dans le secteur de l'accès à
l'information, l'État défraierait des coûts des citoyens,
alors que, devant la Commission des affaires sociales ou peu importe, il y a
beaucoup d'autres secteurs d'activité humaine où, à ce
moment-là, l'État exercerait une forme de discrimination un peu
bizarre.
Une première question rapide en ce qui concerne la notion de
responsabilité stricte que vous voudriez voir incluse dans la loi sur
l'accès à l'information. Évidemment, cela ne va
s'appliquer que dans les cas de poursuite pénale. Il n'y a pas eu de
poursuite pénale jusqu'à présent. Est-ce que je dois
comprendre que, pour vous, c'est une modification qui est nécessaire
afin que vous puissiez exercer votre faculté de poursuite pénale
à l'occasion ou si, finalement, c'est un souhait théorique?
Mme Giroux: Vous avez raison de signaler qu'il n'y en a pas eu
jusqu'à maintenant, je pense que la commission... D'ailleurs,
là-dessus, à l'automne, si je me souviens bien, vous avez
loué notre sens remarquable de la patience. La commission jusqu'à
maintenant, a été plus conciliante que répressive, si on
veut, sauf qu'une des raisons qui explique un peu cette attitude - ce n'est pas
la seule - c'est que nous avons très vite compris le fardeau de preuve
extrêmement élevé que comporte l'article actuel qui est le
numéro...
M. Filion: L'article... Mme Giroux:... 150 ou... Une voix:
L'article 158. M. Filion:... 158.
Mme Giroux: L'article 158. Le mot sciemment, qui est contenu
à l'article 158...
M. Filion: D'accord.
Mme Giroux:... comporte un fardeau de preuve extrêmement
élevé et ce n'est pas certain qu'on aurait eu, jusqu'à
mainteneant, des cas où on aurait pu assez facilement aller de l'avant
dans une poursuite pénale avec ce genre de
disposition. Donc, notre désir que la disposition soit
modifiée tient compte un peu de ces craintes et, en même temps,
d'une certaine orientation ou, en tout cas, constatation de la part de la
commission, à savoir qu'on est peut-être rendu à un point
où il faut utiliser ce genre de pouvoir.
M. Filion: Le petit problème, c'est qu'évidemment
vous n'avez pas testé devant les tribunaux le mot sciemment.
Mme Giroux: Effectivement, non. M. Ducharme aimerait rajouter
quelque chose.
M. Filion: Oui.
M. Ducharme: On a quand même des citoyens et des avocats
qui ont fait des demandes pour qu'on procède à des poursuites
pénales. Je vous avoue qu'à l'analyse du dossier, on
n'était pas du tout en mesure de poursuivre avec une certaine
sécurité au plan du succès. À ce moment-là,
on a préféré s'abstenir parce qu'il ne faut pas oublier
l'exception de l'article 163, disant qu'une erreur ou une omission faite de
bonne foi ne constitue pas une infraction au sens de la présente loi.
C'est quand même une loi nouvelle, moins connue, et souvent la personne
qu'on voudrait poursuivre réussit à nous démontrer de
façon assez convaincante que, finalement, elle n'était pas de
mauvaise foi et que, à l'avenir, évidemment, elle sera plus
prudente sur les gestes qu'elle aurai pu poser.
M. Filion: Évidemment, en l'absence d'un bilan
jurisprudentiel, c'est plus difficile à justifier, mais quand même
j'ai bien entendu vos arguments. En ce qui concerne l'information du public:
dans la recommandation 11, je pense, de votre rapport, vous suggériez
d'abord des modifications a l'article 132. Vous suggériez aussi que la
préparation et l'édition du répertoire des responsables
soient à la charge de la commission plutôt qu'à celle du
ministre. Vous suggériez, enfin, qu'un mandat explicite d'informer le
public soit confié à la commission.
La Ligue des droits et libertés, dans son mémoire,
rappelait que dans des domaines comme les droits fondamentaux ou la protection
du consommateur, il était un petit peu important de collaborer avec les
organismes populaires pour faire avancer, faire oeuvre d'éducation
populaire, etc. Même dans son mémoire, la ligue disait qu'il
faudrait prévoir la possibilité de soutenir financièrement
ou autrement les activités d'éducation menées par des
organismes de citoyens.
D'abord, est-ce qu'il y a une liste d'organismes avec laquelle la
commission fait affaires pour distribuer un petit peu son matériel
didactique? Deuxièmement, comment voyez-vous cette recommandation pour
une forme de soutien financier à ces organismes?
Mme Giroux: Je pense que la recommandation visant le soutien
financier dépasse toute réflexion que l'on a pu avoir; cela me
paraît aller très loin. Maintenant, en ce qui concerne nos
réseaux de relation ou d'information, nous avons Mme McKinnon qui est
agent d'information chez nous qui nous signale que nous avons, effectivement,
une liste de 200 groupes avec lesquels nous sommes en contact pour la revue
l'Accès. Ils sont sur notre liste d'envoi de la revue
l'Accès. Voulez-vous repréciser, je ne...
M. Filion: Donc, il y avait la question...
Mme Giroux:... sais plus trop comment enchaîner.
M. Filion:... du soutien financier, je vous demandais quels
étaient les organismes avec lesquels vous collaboriez.
Mme Giroux: Nous avons 200 organismes qui...
M. Filion: Bon!
Mme Giroux:... sont sur notre liste d'envoi.
M. Filion: J'apprécierais peut-être recevoir copie
de cette liste, pour le bénéfice de l'ensemble des membres de la
commission. Toujours dans ces questions rapides, en ce qui concerne la
cueillette de renseignements nominatifs, le mémoire des organismes
patronaux, la STCUM, Hydro-Québec, etc., suggérait une
modification à l'article 65 pour permettre au ministre d'exempter
certains organismes de l'application de la loi relative à la cueillette
de renseignements nominatifs. Évidemment, vous n'avez pas pu
réagir là-dessus parce que vous ne connaissiez pas le contenu du
mémoire. Votre recommandation de l'article 65 sur les dispositions
relatives à l'information, sur l'usage, etc., à l'époque,
faisait en sorte que serait abrogé l'article, c'est-à-dire de
limiter un peu la nomenclature. Les organismes patronaux vont un peu plus loin;
ils suggèrent d'exempter et ils avaient essayé de justifier un
peu leur point de vue. Alors, j'aimerais peut-être vous entendre
là-dessus. (12 h 15)
Mme Giroux: Nous avons pris connaissance de ce mémoire, M.
le député de Taillon. Je reviendrais peut-être à une
remarque que Mme Wallace faisait tout à l'heure en parlant de deux
catégories de citoyens. Je pense que si certains organismes
décidaient de mettre complètement de côté les
obligations d'information du citoyen de l'article 65 qui sont fondamentales -
on rappelle dans notre document, et d'autres l'ont dit, qu'à la base de
cette loi, il y a les fameux principes de "privacy fair information practises"
qui sont fondamentaux dans la loi sur l'accès - la commission, parce
qu'elle considère justement que dans l'article 65 actuel il y a
peut-être des
obligations tatillonnes et inutiles, recommanderait de maintenir
l'essentiel de ce qui est dans l'article 65. Vraiment, si en plus certains
organismes voulaient se voir soustraits aux quelques obligations que nous
décidons de maintenir et qui nous apparaissent les plus fondamentales,
c'est-à-dire informer le citoyen exactement des renseignements, de
l'usage qui en sera fait, je crois, et de son droit d'accès, je ne me
souviens plus, de mémoire, ce qu'on demande de maintenir, mais on
demanderait de maintenir les choses essentielles. Je ne vois pas la
justification pour certains organismes d'aller plus loin.
M. Filion: Une dernière chose, avant de passer la parole
à quelqu'un d'autre. Je dois vous dire que j'ai eu une
révélation ce matin. On dirait que j'ai lu l'article 29 pour la
première fois de ma vie, au deuxième paragraphe.
Mme Giroux: Cela nous arrive encore de faire des
découvertes.
M. Filion: Alors, l'article 29 dit que, un organisme peut refuser
la divulgation d'un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de
réduire l'efficacité d'un dispositif de sécurité
destiné à la protection d'un bien ou d'une personne. La
Société des alcools du Québec nous avait exposé
pendant assez longtemps la nécessité d'une restriction ou d'une
ouverture selon le point de vue où on se place, à leur
égard, à cause justement de ces mesures de sécurité
qui s'apparentent à des enquêtes de nature policière etc.
Est-ce que la Société des alcools du Québec était
comme moi, c'est-à-dire avait peut-être oublié le
deuxième paragraphe de l'article 29?
Mme Giroux: En tout cas, elle affirme qu'il n'y a que l'article
28 qui concerne cette problématique dans son mémoire.
M. Filion: Vous êtes en discussion avec elle, n'est-ce
pas?
Mme Giroux: Non, dans son mémoire.
M. Filion: Dans son mémoire, elle dit que l'article
28...
Mme Giroux: Elle dit qu'il n'y a que l'article 28 qui concerne
ces questions.
M. Filion: Alors que pour vous, l'article 29 s'applique
carrément à ces questions. D'ailleurs, c'est écrit
textuellement. On dirait que je l'ai appris ce matin. Est-ce qu'il y a eu des
problèmes dans le passé à la connaissance des membres de
la commission eu égard des organismes qui, de façon tout à
fait légitime, avaient monté des dispositifs de
sécurité et devaient les rendre publics ou...
Mme Wallace: Je pense qu'on n'a jamais vu en adjudication un tel
dossier. Je pense qu'on peut affirmer cela.
M. Ducharme: II n'y a pas eu de demande d'enquête non plus
concernant ce problème.
Mme Giroux: J'étais là, présente à la
commission parlementaire lors de la présentation de ce mémoire et
toute cette problématique était nouvelle pour nous.
M. Filion: Très bien, M. le Président, je peux
peut-être laisser la parole à quelqu'un d'autre.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Taillon. Est-ce qu'il y a d'autres
députés qui voudraient s'exprimer? J'aurais plutôt un
commentaire en terminant avant de vous laisser le mot final, comme il se doit,
M. le ministre, tout en vous remerciant, bien sûr, de vous être
prêtés de bonne grâce, même avec beaucoup de dynamisme
à nos questions. Rien n'est facile, vous le savez, vous vivez cette loi
et avec cette loi depuis trois ans. Plus on approfondit, plus je pense que s'il
y a une commission parlementaire qui commence à bien vous
connaître, c'est la commission de la culture. On a eu le plaisir de vous
voir à plusieurs reprises depuis deux ans. Je pense que vous n'avez que
des alliés au sein de cette commission. On souhaite que les
recommandations qu'on fera à l'Assemblée nationale et donc au
gouvernement par la suite, et dont on n'a même pas commencé
à discuter entre nous, vous plairont.
Les commentaires que je voudrais vous faire sont simplement pour
signifier que, comme parlementaires, rien n'est simple pour nous; par exemple,
la question des mémoires de délibération que je vous cite.
Je ne vous nommerai pas mes sources d'information, vous en avez sûrement
des meilleures et des plus complètes que les miennes, mais c'est une
question que je me suis plu à poser à plusieurs personnes
responsables. Je ne dis pas des personnes responsables entre guillemets, je dis
des personnes responsables dans les milieux publics et parapublics, que ce soit
dans les hôpitaux ou ailleurs, en leur disant à peu près
ceci: Est-ce que, depuis que la loi d'accès est en vigueur, vous avez
modifié ou, au sein de votre organisme, on a modifié la
façon de discuter ou la façon de rapporter les discussions? Il y
a eu une double réponse à ma question. Non, on n'a pas
modifié notre façon de discuter, mais on a modifié notre
façon de rapporter nos discussions si bien que les
procès-verbaux, dans plusieurs cas, ne valent plus rien dire. L'occasion
m'a été donnée, il n'y a pas longtemps, de tomber sur un
procès-verbal d'un organisme que je connaissais bien - je ne le nommerai
pas, mais certains vont pouvoir le deviner - et diable! que les
procès-verbaux ont changé depuis le temps où j'en faisais
partie.
Tout cela pour dire que, entre l'esprit et la lettre de la loi, il y a
toujours malheureusement beaucoup d'espace, de jeu et que. d'autre part,
peut-être pour commencer à penser, de ce côté-ci de
la table, donc du côté de la commission de la culture, à
rester très réaliste dans les recommandations que nous ferons
parce qu'il est facile... On pourrait se lancer dans toutes les directions et,
dans les faits, dans le quotidien, c'est tout à fait autre chose.
J'imagine que ce commentaire, madame, ne vous est pas étranger, vous
l'avez entendu souvent mais, moi, il m'est venu à la suite, comme je
vous disais tantôt, de questions que j'ai posées sur les rapports
de comités exécutifs, les mémoires de
délibérations et tout cela. Je me pose un problème sans,
encore une fois, avoir trouvé de solution. Vous allez me dire que je
n'en ai pas beaucoup ce matin, non, et c'est pour cela que je voulais vous voir
encore et qu'on va prendre notre temps d'ailleurs pour remettre le rapport
à l'Assemblée nationale. Quant à moi, je vous remercie de
votre présence parmi nous. Si mon commentaire en appelle un de votre
part, madame, ne vous gênez pas et je céderai ensuite la parole
à M. le député de Taillon.
M. Filion: Je n'avais pas terminé.
Le Président (M. Trudel): Ah! Je m'excuse. Je pensais que
vous aviez terminé. Moi, j'ai terminé, mais je ne vous
empêche pas de terminer par la suite. Alors, madame, au nom de la
commission, merci. Je ne veux enlever le droit de parole ni au
député de Taillon ni à M. le ministre. Merci. M. le
député de Taillon, vous n'aviez pas terminé?
M. Filion: Toujours dans le même style que tantôt,
c'est-à-dire assez rapidement, il y avait trois points... Parce qu'on
n'aura pas la chance de se revoir finalement.
Le Président (M. Trudel): C'est cela.
M. Filion: Nous nous en allons en délibération
comme les jurys...
Le Président (M. Trudel): Juste besoin de sortir une fois
de temps en temps.
M. Filion: Oui, mais je ne voudrais pas sortir trop souvent pour
vous demander des renseignements. Alors, trois points rapidement, d'abord,
l'AHQ nous a posé le problème suivant: Un patient est dans un
hôpital ou dans une institution quelle qu'elle soit et on doit le
transférer. Le patient est très heureux; il aime cet
hôpital-là; il aime sa chambre; il a loué sa
télévision couleur pour dix jours; il a payé d'avance et
il ne veut pas s'en aller. Donc, il refuse la communication de son dossier
à l'autre institution, ce qui fait que l'établissement se
retrouve coincé et on doit garder le patient parce que son dossier
contient des renseignements de nature importante pour sa propre santé.
Donc, c'est tout le problème du transfert d'un renseignement nominatif
sans le consentement de la personne intéressée. Il n'y avait pas
de recommandation de la Commission d'accès à l'information
là-dessus; c'est un problème nouveau qui nous a été
soulevé par l'AHQ. Avez-vous des réactions là-dessus?
Mme Giroux: Personnellement, comme cela, a brûle pourpoint,
je m'interroge sérieusement à savoir si un tel transfert sans
autorisation n'est pas permis en vertu de l'article...
M. Ducharme:... l'article 67 de la loi sur l'accès.
M. Filion:... 67?
M. Ducharme: Ce sont des organismes qui ont déjà
des mandats et à qui le législateur a attribué certains
pouvoirs pour transférer les patients justement dans l'institution qui
est la plus en mesure de donner le service. Alors, je pense qu'on peut
appliquer l'article 67. D'ailleurs, on nous avait déjà
posé cette question à un colloque il y a deux ans et l'an
dernier, enfin, c'est ce qu'on avait donné comme possibilité.
M. Filion: Bon. Il y a trois pages dans le mémoire de
l'AHQ à ce sujet-là et c'est un peu pour dénoncer cette
situation. Il serait peut-être bon, si vous avez d'autres communications
avec l'AHQ, d'attirer son attention sur l'article 67.
Mme Giroux: Bon. Parce que la loi...
M. Filion: Évidemment, on dit bien: "Si cette
communication est nécessaire à l'application d'une loi au
Québec... "
Mme Giroux: Oui. La Loi sur les services de santé et les
services sociaux, à cause de l'interdépendance ou enfin des
responsabilités partagées, entraîne...
M. Filion: Je ne suis pas sûr que la Loi sur la
santé et les services sociaux... Je vous soulève le cas et vous
me répondez que, à votre avis, c'est l'article 67. Oui?
M. White: Quand le gouvernement a apporté des
modifications à l'article 65 sur la série d'ententes qui
était prévue, c'était justement entre autres pour essayer
de régler ce problème. Alors, si on ne l'a pas
réglé, c'est peut-être un...
M. Filion: Oui.
M. White:... mais c'était justement, entre autres, pour
empêcher qu'il y ait des ententes entre les établissements...
Parce que là, tout le monde disait: II va falloir des camions pour
transporter les textes d'ententes au Conseil exécutif pour que ce
soit adopté par le gouvernement. Alors, c'était un des buts qu'on
visait essentiellement à cette époque.
M. Filion: Cela va. Deuxième chose. Je m'excuse, je suis
à la fin de mon cahier. Ah bon! le délai de 20 jours. En
commission parlementaire, lorsqu'on a étudié votre rapport
annuel, il y a peut-être un an ou quelque chose de semblable, vous avez
dit que Je délai de 20 jours était interprété comme
cela; c'est le 19e ou le 20e jour qu'on doit agir, pour les organismes publics.
Vous aviez mentionné cela lors de votre comparution en commission
parlementaire. Mais dans votre rapport de mise en oeuvre, vous n'en soufflez
pas mot.
Est-ce que je dois comprendre que, pour vous, la rédaction
actuelle de l'article ne pose aucun problème?
Une voix: L'article 47?
M. Filion: L'article 47. Pour vous rafraîchir la
mémoire, je pense que c'était votre président à
l'époque, M. Pépin, qui disait: Écoutez, on a un
délai de 20 jours, mais de la façon dont l'article 47 est
rédigé, les organismes disent: Nous, c'est le 19e ou le 20e jour
qu'on donne le renseignement.
Mme Wallace: Avec diligence. M. Ducharme: Et au plus
tard.
M. Filion: Oui, d'accord. C'était le problème
soulevé par la commission.
Mme Wallace: Oui, je pense que je me souviens que M. Pépin
a déploré, à plusieurs reprises, le fait que les
organismes semblaient volontairement attendre au 19e jour avant de
répondre. Je ne crois pas qu'il ait tiré quelque conclusion de
cela dans le sens d'amendement à la loi. C'est malheureusement quelque
chose qui est difficile de réglementer. La bonne volonté, cela se
réglemente mal. Le délai de 20 jours, je ne pense pas qu'il nous
pose de problème. On n'a pas de recommandations particulières
à faire à ce sujet.
M. Filion: Cela va. À mon tour, avant le ministre, de vous
remercier de vos éclaircissements, de vos lumières et je suis
convaincu qu'elles vont véritablement servir à nos
délibérations qui sont la phase subséquente de nos
travaux.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Taillon. M. le ministre.
M. French: J'aimerais remercier la commission, encore une fois,
de la clarté de ses interventions et de l'accessibilité de
l'argumentation qui ne s'est jamais glissée dans le genre
d'argumentation qu'on a malheureusement entendue chez certains des intervenants
devant la commission parlementaire, de façon tout à fait
compréhensible, mais néanmoins regrettable.
Vous nous avez présenté la phase 1 en faisant le rapport.
Vous nous aidez à achever la phase 2, qui est la série
d'auditions qu'on termine aujourd'hui; la phase 3, c'est le rapport de la
commission parlementaire; la phase 4, ce sont les consultations à
l'intérieur du gouvernement; la phase 5, c'est un projet de loi qui - je
le dis tout de suite - ne traiterait pas de l'extension possible* vers le
secteur privé, puisqu'il ne s'agit pas de ma responsabilité
ministérielle, bien qu'on va être très attentif aux
recommandations de la Commission d'accès à l'information et
à celles de la commission parlementaire là-dessus.
Il me reste à remercier les députés qui ont
participé et le personnel de la commission. On apprécie beaucoup
leur assiduité et je sais, pour avoir déjà
été là, que, parfois, cela peut sembler long.
Une voix: II y a un bon whip.
M. French: C'est parce qu'il y a un bon whip. Il ne faut jamais
attribuer à une réglementation extérieure ce qui pourrait
venir théoriquement de la volonté intérieure. J'ose croire
que, dans certains cas, c'est même venu de cette source. Merci beaucoup,
M. le Président. Encore une fois, mesdames les commissaires, messieurs
les aviseurs supérieurs et gérants gestionnaires
supérieurs de la commission, on apprécie beaucoup votre
contribution.
Mémoires déposés
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. À
mon tour de vous remercier une nouvelle fois de la part de la commmision. Je
vais le faire tout de suite car je vais l'oublier. Je l'oublie depuis ce matin,
10 h 15. Je dois déposer - c'est pour cela que vous ne les avez pas
reçus - les deux mémoires qui ont été
déposés à la commission entre aujourd'hui et le moment
où on s'est quitté, le 11 février dernier. ' Donc, je vais
faire le dépôt du mémoire du Barreau du Québec
portant le numéro 23M, de même que le mémoire de M. Ramzi
Ferakian portant le numéro 24M. Par le fait même, les deux
mémoires seront rendus publics. Vous pourrez vous en délecter
à loisir.
Mme la présidente, Mme la commissaire, merci. La chaleur, dans le
bon sens du mot, de nos échanges a pu compenser pour l'absence de
chaleur, je dirais même pour le froid qu'il fait dans cette salle ce
matin. Je ne sais pas si vous avez le même problème que moi, mais
le personnel de la commission à mes côtés est
littéralement congelé. Je vois Me Ducharme qui n'a pas l'air
d'être dans un meilleur état.
II n'est pas impossible que nous ayons à nous reparler au moment
où la commission examinera certaines hypothèses. Ce ne sera pas
dans un contexte qui sera nécessairement public. Comme je le dis
toujours quand je vous revois - cela devient une phrase qui est presque un
passe-partout, mais cela reste toujours vrai - je pense encore une fois, Mme la
présidente, qu'au sein de cette commission, vous n'avez que des amis,
même si, entre amis, à l'occasion, il peut y avoir des divergences
de vues. Merci beaucoup et à la prochaine qui sera lors de l'examen de
votre rapport annuel, dans quelques mois, de toute façon. On se verra
sûrement aux crédits. À la prochaine!
La commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 31)