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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de la culture se réunit pour
procéder à l'interpellation du député de Taillon au
ministre délégué aux Affaires culturelles sur le sujet
suivant: La situation précaire du français au Québec.
Est-ce que nous avons des remplacements Mme la secrétaire?
La Secrétaire: M. Blais (Terrebonne) est remplacé
par M. Brassard (Lac-Saint-Jean) et M. Boulerice (Saint-Jacques) est
remplacé par M. Filion (Taillon).
Le Président (M. Trudel): Merci. Je pense que tout le
monde, de chaque côté de la Chambre, connaît les
règles du jeu. Le député de Taillon aura dix minutes pour
faire sa déclaration d'ouverture; le ministre aura dix minutes et, par
la suite, pendant 80 minutes, il y aura alternance entre les membres pour une
période de cinq minutes chacun. Les enveloppes ne sont pas
interchangeables, c'est-à-dire que, si vous prenez moins de cinq
minutes, vous perdez la différence. Vingt minutes avant la fin de
l'interpellation, je signalerai, non pas la fin de la récréation,
mais la fin de la période de discussions, et le ministre aura dix
minutes; le député de Taillon aura également dix minutes
pour des remarques finales.
M. le député de Taillon, je. vous invite à faire
vos remarques d'ouverture pour une période de dix minutes.
Exposé du sujet M. Claude Filion
M. Filion: Merci, M. le Président. D'abord,, je voudrais
souhaiter la plus cordiale des bienvenues, à l'accasion de cette
interpellation, de cette procédure parlementaire, au nouveau ministre
responsable de la Charte de la langue française et donc de la question
linguistique. Bien sûr, le ministre a été
particulièrement avare dans l'utilisation de sa langue dans le dossier
linguistique. J'ose espérer que l'occasion que nous lui fournissons ce
matin lui permettra de nous faire connaître un peu plus le plan d'action
qu'il a dû commencer à préparer un mois après sa
nomination et qu'il a l'intention de mettre en branle pour faire en sorte que
la situation du français au Québec progresse au lieu de reculer,
comme c'est le cas depuis le 2 décembre 1985.
Le ministre a été très chiche de ses paroles, mais
on pourrait quand même retracer deux axes principaux ou deux
éléments - des axes, c'est un peu trop - dans ce qu'il a rendu
public. D'abord, sur le plan de l'attitude, le ministre a
énormément parlé de la nécessité de jeter
des ponts, d'avoir une attitude de concertation, une attitude de rassembleur.
Tout cela est fort bien dans plusieurs dossiers. Cependant, le ministre doit
savoir, au moment où je lui parle, que cette attitude devrait
peut-être subir une petite modification. Bien sûr, de mon
côté, je crois qu'il faut faire appel au respect et à la
tolérance de chacune des communautés au Québec en
matière linguistique: respect, compréhension, communication,
tolérance.
Lorsqu'on parle de rassembler à l'intérieur de
problèmes, je dois vous dire que cette attitude de rassembleur
m'inquiète un peu, d'autant plus que, si on prend un dossier, juste un
dossier, mais un dossier qui est quand même d'actualité, qui a une
valeur intrinsèque, mais aussi symbolique, celui de l'affichage, une
valeur intrinsèque parce que en soi le dossier de l'affichage comporte
un contenu extrêmement important pour l'avenir du Québec et une
valeur symbolique parce qu'à cause des événements ce
dossier a pris une dimension symbolique qui dépasse sa valeur
intrinsèque.
Or, si on prend ce dossier de l'affichage, par exemple, le ministre nous
entretient de son attitude de rassembleur, alors que le premier ministre
lui-même, et pas plus tard que cette semaine, encore une fois, nous a dit
qu'il a trouvé la solution. Le ministre était présent
à Fatima lorsque la solution a été dévoilée
au premier ministre et, manifestement, le nouveau ministre responsable de la
Charte de la langue française ne connaît pas le secret de Fatima.
Or, son chef, le premier ministre, lui, nous le redit. Encore cette semaine en
conférence de presse, le premier ministre répondait à un
journaliste qui lui demandait si sa décision était prise: Non,
non, c'est faux que ma décision soit en péril. Non, non, ma
décision est prise. J'attends le jugement de la Cour suprême. Je
verrai ma marge de manoeuvre à ce moment-là, mais j'attends le
jugement de la Cour suprême pour voir la façon dont elle sera
appliquée, mais ma décision est prise.
Bref, on a un nouveau ministre responsable de la Charte de la langue
française, il y a un dossier qui est particulièrement
d'actualité - ce n'est pas le seul - qui a fait en sorte d'ailleurs que
25 000 Québécois et Québécoises se sont
réunis dans la rue, pas plus tard qu'il y a une quinzaine de jours et le
nouveau ministre responsable de la loi 101 dit là-dessus: On va essayer
de rassembler, mais son premier ministre a trouvé une solution.
Déjà, c'est peut-être le premier élément qui
était ressorti depuis la nomination du ministre, cette attitude de
rassembleur, alors que nous aurions peut-être
préféré un appel au respect, à la tolérance,
à la communication. Rassembler sur un dossier où il
existe déjà un débat énorme au sein de la
communauté québécoise et où le premier ministre a
trouvé une solution... eh bien! vous me permettrez, M. le
Président, de poser ma première question au ministre responsable
de la loi 101: Quel est le secret de Fatima et peut-il nous le dévoiler?
Je pense qu'il est d'intérêt public que cette
révélation soit faite et soit connue au grand jour.
Le deuxième élément connu de ce que le ministre a
déclaré depuis son assermentation portait sur une
déclaration qu'il a faite aux journaux en fin de semaine
dernière: "Le ministre Guy Rivard n'est pas prêt à
étendre la francisation aux firmes de moins de 50 employés".
Alors, je rappellerai au ministre que la personne qui l'a
précédé aux fonctions qu'il occupe maintenant, la
vice-première ministre et ministre des Affaires culturelles, avait bel
et bien ouvert une porte importante en ce qui concerne la francisation des
entreprises de moins de 50 employés.
Il faut savoir, M. le Président, dans ce dossier qu'il y a 50 %
uniquement des entreprises qui ont plus de 50 employés qui ont, au
moment où l'on se parle, leur certificat de francisation. Donc, il y a
un travail énorme à faire de ce côté, mais il y a
aussi un travail énorme à faire pour toutes ces entreprises de
moins de 50 employés qui ne sont pas soumises à l'obtention du
certificat de francisation. Mais le ministre, en 30 jours, n'a pas eu le temps
de se rendre bien loin dans la lecture des articles de la Charte de la langue
française, il est rendu à peine à l'article 23, mais
déjà on sait que le ministre ferme la porte à cette
nécessaire opération de francisation des entreprises de moins de
50 employés.
Je l'ai dit à plusieurs reprises. Je le répète
aujourd'hui. C'est ma profonde conviction que le français au travail et
l'amélioration de la place du français au travail constituent la
clé de voûte, à mon modeste avis, ou l'une des clés
de voûte, si l'on veut être moins général, importante
de la progression et du maintien de la promotion du français au
Québec. Or, première nouvelle en-dedans de 30 jours, le ministre
ferme la porte à cette francisation et bien plus contredit ainsi la
personne qui Va précédé ainsi que le premier ministre
lui-même, le député de Saint-Laurent qui avait, on le sait,
en conférence de presse et c'était un peu traduit dans le
discours d'ouverture, ouvert la porte à des actions énergiques
concernant le français au travail.
Donc, M. le Président, un ministre qui a ouvert la bouche que
très peu, mais malheureusement à ces deux reprises nous n'avons
pas décelé le type d'énergie, de dynamisme, de rigueur
qu'il faudrait retrouver actuellement chez le titulaire du poste de ministre
responsable de la langue française parce que nous sommes en face d'une
situation qui est largement détériorée. Je voudrais
profiter des quelques minutes qui me restent pour en faire état.
D'abord, que le français recule sur tous les fronts, on n'a pas
besoin d'avoir un diplôme d'université pour s'en rendre compte; il
suffit d'avoir la perception du citoyen et de la citoyenne ordinaires qui
vivent à Montréal, dans l'Outaouais ou dans l'Estrie et
même dans d'autres régions pour se rendre compte que le
français recule sur tous les fronts, que ce soit dans la langue des
services, dans la langue du travail ou dans la langue de communication
gouvernementale. Bref, sur tous les fronts, le français recule au
Québec. D'où la nécessité d'une énergie et
d'un dynamisme accrus. C'est ce qui explique, d'ailleurs, l'interpellation de
ce matin qui est rendue nécessaire à cause de la
dégradation, dans les faits, du français et également
compte tenu de la dégradation du climat social.
Sur le bilan de la situation, je pense que je n'ai pas besoin d'insister
longuement. Bien sûr, il y a des statistiques, et je vais en donner - les
statistiques sont un élément - quelques-unes au ministre à
partir des documents qui nous ont été remis pour l'étude
des crédits. Donc, les statistiques illustrant la dégradation de
la situation sont fort éloquentes. Ainsi, alors que sous les trois
dernières années du régime du Parti
québécois, le nombre moyen de dossiers ouverts - je parle ici de
dossiers ouverts, je ne parle pas de dossiers de demandes d'enquête - est
de 1578. Sous un gouvernement du Parti libéral, cette moyenne annuelle
se situe à 3492, ce qui représente, croyez-le ou non, une
augmentation de 120 %. Ce sont les chiffres qui nous ont été
fournis pour l'étude des crédits que nous pourrons explorer un
peu plus à fond mardi. Il y aurait eu, si on prend uniquement
l'année 1987-1988, 3700 dossiers ouverts, soit une augmentation de 13
%...
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Taillon...
M. Filion:... sur l'année précédente. Je
vous remercie, M. le Président, je reviendrai donc là-dessus
à l'occasion d'une période additionnelle de cinq minutes que
j'aurai tantôt. Je vous remercie.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Taillon. M. le ministre responsable de l'application de
la Charte de la langue française, votre première période
de dix minutes.
Réponse du ministre M. Guy Rivard
M. Rivard: M. le Président, c'est avec plaisir que je
prends note du ton que prend le député de Taillon pour discuter
de cette question fort importante pour notre société, qui est la
question de la langue française. Je ne ferai pas de commentaires, pour
l'instant, sur ses déclarations ou je n'apporterai pas de
réponses à ses questions, on aura le temps, par la suite, de le
faire.
Je voudrais profiter de ce moment parlementaire pour intervenir de
façon plus globale dans ce débat de société. Langue
distinctive d'un peuple majoritairement francophone, la langue française
permet au peuple québécois d'exprimer son identité. C'est
par cette phrase simple, mais fondamentale que débute le
préambule de la Charte de la langue française, préambule
auquel notre gouvernement souscrit d'emblée. Cette société
distincte qu'abrite le Québec constitue un phénomène
unique sur ce continent. Ses citoyens sont à majorité
d'expression française, ils ont leur propre identité
socioculturelle et, depuis près de 400 ans, ils bâtissent un pays
en terre d'Amérique. Le Québec compte aussi en son sein une
communauté anglophone d'importance enracinée chez nous depuis
plus de 200 ans. Cette double réalité consacre notre
caractère de société distincte. Les communautés
culturelles que l'on retrouve chez nous en nombre croissant enrichissent ce
caractère particulier et contribuent à faire de ce coin de pays
un lieu de plus en plus multicultural et multiethnique.
Distincte des autres, la société québécoise
a toujours eu la volonté d'exprimer clairement son identité et de
s'épanouir, non pas malgré, mais grâce à tout ce qui
la distingue de ses voisins. Cet épanouissement passe forcément
par l'affirmation du caractère français de notre
société. Cette volonté de favoriser
l'épanouissement du français est un engagement de
société qui se manifeste dans toutes nos institutions autant
publiques que privées. C'est cette même volonté qui
amène l'actuel gouvernement du Québec à réaffirmer
publiquement et de façon solennelle cet engagement. Quatre principes
guident le gouvernement à cet égard. Premièrement, au
Québec, le français est la langue normale et habituelle du
travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires.
Deuxièmement, le territoire québécois doit conserver un
visage français. Troisièmement, révolution
démographique du Québec et, en particulier, les équilibres
démographiques entre les groupes linguistiques doivent être
assurés par des politiques d'immigration et d'intégration
appropriées. Quatrièmement, la société
québécoise reconnaît les droits et les institutions de sa
minorité linguistique, la communauté anglophone.
Dans une société en évolution continue,
l'application de ces quatre principes demande des ajustements
périodiques aux cadres législatif et institutionnel. Il faut
reconnaître, cependant, que tout ajustement peut être un exercice
parfois délicat. De tels ajustements doivent se faire
démocratiquement dans le respect des opinions et des droits de chacun,
et en tenant compte du fait que la société est en constante
évolution. Dans un domaine aussi fondamental que la langue, il
apparaît important, voire primordial que toute discussion se
déroule dans l'harmonie.
Notre société doit apprendre à discuter des
questions linguistiques de façon sereine. La dualité
socioiinguistique du Québec est per- manente. Il nous faut en arriver
rapidement à vivre cette réalité sans affrontement. Il
faut donc sonner le glas des querelles linguistiques. Non seulement ne
mènent-elles nulle part, mais encore risquent-elles de troubler la
confiance en eux-mêmes que les Québécois ont acquis au fil
des ans, une confiance dont l'un des fleurons est la prospérité
économique que le Québec connaît présentement. Bref,
un climat de confiance et de respect mutuel doit, à tout prix,
présider aux relations entre les deux groupes linguistiques.
C'est pour cette raison que je conçois le rôle du ministre
responsable de l'application de la Charte de la langue française comme
celui d'un rassembleur, celui d'un interprète, auprès des uns,
des sentiments et des volontés des autres.
Aux Québécois d'expression française, je tiens
à souligner que la langue française est vivante au Québec,
bien vivante. À l'usine, au bureau, à l'école, à la
maison, dans la rue, partout et plus que jamais au Québec, nous vivons
en français. La confiance que nous avons en nos moyens nous permet de
mettre désormais l'accent sur la qualité de notre langue, celle
que l'on parle, que l'on écrit, que l'on affiche et que l'on enseigne.
Par ailleurs, le visage français du Québec doit continuer de
s'affirmer, il n'est pas question d'accepter un recul sur ce plan.
Il n'est pas question non plus de remettre en cause la Charte de la
langue française, dont le préambule et l'affirmation des droits
linguistiques fondamentaux constituent un pacte conclu entre l'Assemblée
nationale et la société québécoise. Ce pacte doit
être respecté.
Mais il convient néanmoins de garder à l'esprit que le
français, au Québec, n'est pas, n'a jamais été et
ne sera jamais l'affaire d'une seule loi. La langue est le mode d'expression
d'une collectivité, une manifestation de sa façon de vivre et de
sa culture présente dans tous les aspects de la vie et, comme la vie,
changeante et en constante évolution. La langue ne saurait se laisser
emprisonner dans une seule loi. Les principes que j'évoquais plus haut
dépassent largement le cadre de la législation linguistique.
À mes concitoyens d'expression anglaise je tiens à dire:
Les francophones du Québec sont convaincus d'avoir toujours
respecté les institutions de votre communauté. La vitalité
même de ses institutions en témoigne. Si, de temps à autre,
des incidents ont pu soulever des inquiétudes chez certains, on ne peut
imaginer que la société québécoise pourrait
soudainement renier 200 ans de tradition et abandonner cet esprit de justice et
d'ouverture qui caractérise l'ensemble de ses institutions.
Vous êtes des citoyens à part entière. Vous
êtes enracinés au Québec. Vous avez choisi de vivre
harmonieusement dans un Québec francophone et au visage français,
en reconnaissant le droit légitime de la société
québécoise de promouvoir son caractère
français.
Notre défi collectif est d'harmoniser les
impératifs de la promotion de ce caractère français
avec l'exercice des libertés individuelles de tous les
Québécois. À ces Québécois issus des
diverses communautés culturelles, je dis: Vous avez été,
jusqu'à maintenant, pratiquement absents du débat et je le
déplore. De tout temps, vous êtes venus chez nous, parce qu'il
fait bon y vivre et vous y avez trouvé votre place. Vous avez un
rôle à jouer et aussi un mot à dire pour promouvoir le
caractère français du Québec.
À ce sujet, je fais miennes les paroles de mon collègue,
le député de Laurier, qui écrivait récemment ceci
et je le cite: "Je convie donc les centaines de milliers de
Québécois, membres des communautés culturelles, qui ont
choisi le Québec, à participer au véritable débat
qui est plus vaste que celui de l'affichage. C'est le débat concernant
l'avenir démographique et la dynamique sociale qui doit surtout nous
préoccuper. Ce n'est pas vers le règlement de querelles
passées que nous devons nous tourner, mais plutôt vers la
définition d'un futur commun. "
C'est dans cet esprit d'ouverture vers l'avenir que je souhaite conclure
mes propos. Lorsque je rencontre un Québécois ou une
Québécoise, ce qui m'intéresse, ce n'est pas de lui
demander: D'où viens-tu? Mais bien plutôt: Où allons-nous
ensemble? Nos richesses culturelles sont inestimables. Notre défi de
société est d'en vivre pleinement et harmonieusement. Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. M. le
député de Taillon, pour une période de cinq minutes.
Argumentation M. Claude Filion
M. Filion: Merci, M. le Président. Je remercie le nouveau
ministre pour ses bonnes paroles. Il y a des petits problèmes,
cependant, que je vous soulève. Il nous dit: Écoutez, il faut
mettre fin aux tensions linguistiques. Nous en sommes et, vous savez, le
Québec a rarement connu une période de
sérénité sur le plan linguistique, telle que nous avons pu
vivre entre 1978 et 1985, par exemple. (10 h 30)
II existe actuellement au Québec des tensions linguistiques.
Pourquoi? Créées par qui? Engendrées par quelle attitude?
Sinon l'attitude laxiste qui ne relève peut-être pas du ministre
lui-même, mais de ses prédécesseurs et du Conseil des
ministres auquel il ne faisait pas partie. Par exemple, dans les chiffres que
nous allons étudier ensemble mardi, M. le ministre, on a une
augmentation de 45 % des plaintes en vertu de l'article 58 portant sur
l'affichage, on a une augmentation de 55 % des plaintes portées en
raison de dérogations à l'article 69 et, comme par hasard, ce
sont ces deux mêmes articles qui sont actuellement examinés par la
Cour suprême du Canada, donc une augmentation moyenne de 47 % dans ces
deux articles, dans le dernier relevé des documents de la Commission de
protection de la langue française pour l'année 1987-1988.
Si, en plus de cette dégradation factuelle du dossier on regarde,
par exemple, ce qu'a fait l'appareil gouvernemental lui-même... je ne
veux pas reprendre tous les exemples que j'ai eu l'occasion de citer
publiquement, mais on a dénoncé de multiples cas, on a même
demandé une enquête à Mme la vice-première ministre
sur la détérioration de la préoccupation des
communications françaises par le gouvernement du Québec. Vous
vous souvenez du cas de l'IREQ, du cas de la CARRA, du cas du ministère
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, du cas de la
Régie des rentes, du cas de la Régie de l'assurance automobile du
Québec, etc. Qui a engendré ces tensions linguistiques?
M. le ministre, n'y a-t-il pas quelque chose de plus fondamental dans
une société que d'appliquer une loi démocratiquement
votée par l'Assemblée nationale? Est-ce qu'il n'y a pas de plus
mauvais exemple à donner pour un gouvernement que de ne pas faire
respecter une loi qui, encore une fois, a été votée par
les élus du peuple, même si cette loi est étudiée en
partie par les tribunaux, et ce, tant et aussi longtemps qu'un jugement final
n'est pas rendu? Si, durant l'année 1986, le Procureur
général n'a pas fait respecter la loi 101, cette attitude a
causé énormément de dommages.
Le ministre veut construire des ponts. J'en suis. Mais encore faut-il
connaître la route que ce gouvernement a suivie depuis deux ans. Il doit
prendre conscience de la route qui nous a menés à cette
rivière où l'on trouve une certaine tension entre deux
communautés, la communauté francophone majoritaire et la
communauté anglophone qui est, encore une fois, une communauté
minoritaire mais la plus importante. Il faut connaître ce bout de route
que nous avons fait depuis le 2 décembre 1985 pour être en mesure
d'apprécier !e degré de tension et de frustration qui a
été créé à la suite d'expectatives
légitimes de la part de la communauté anglophone qui a
été déçue et de la part de la communauté
francophone qui est également déçue.
Cette détérioration se manifeste également dans la
langue de services. En ce sens, je voudrais poser une autre question au
ministre. On sait que les indices d'appréciation de la langue de
services ne sont pas faciles. Il n'existe pas, comme je le dis souvent,
d'indice Dow Jones en matière de recul ou de progression du
français au Québec. Le Conseil de la langue française
avait amorcé une démarche visant à faire le point sur la
langue de services. Est-ce que le ministre peut nous dire s'il est d'accord que
cette enquête se poursuive, afin que l'on puisse avoir encore une fois
des données objectives, des données factuelles? De même
souffle, est-ce que
le ministre pourrait nous indiquer si le conseil a identifié les
auteurs de la fuite qui, malheureusement, a mis en péril le
démarrage de cette enquête portant sur la langue de services?
Bref, nous avons un bilan de situation dégradée. Le
ministre nous dit aussi: Écoutez, on ne peut pas emprisonner la langue
dans une loi. Je termine là-dessus, M. le Président. Je suis
d'accord, mais comme le Conseil de la langue française vous l'a dit: il
faut aussi des lois justes et vigoureuses. Pour moi, une loi vigoureuse, cela
veut dire une loi qui est appliquée. On ne peut pas arriver à une
solution qui ne passerait pas par une loi juste, vigoureuse et appliquée
dans les faits. Excusez-moi d'avoir pris quelques secondes de trop, M. le
Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Taillon. M. le ministre.
M. Guy Rivard
M. Rivard: M. le député de Taillon, vous êtes
tout excusé d'avoir pris ces quelques secondes de plus. Encore une fois,
je suis très heureux de voir avec quelle civilité nous pouvons,
vous et moi, discuter d'un dossier si important pour la société
québécoise.
Je voudrais revenir sur cette déclaration que vous faites,
à savoir que le français recule sur tous les fronts. Vous avez
employé ces termes. C'est une perception qui, au fond, résulte
actuellement d'une espèce d'attention sélective de la part de la
population, et pas seulement des militants, probablement, à
l'égard de ce dossier particulièrement visible qui est celui de
l'affichage commercial. Le fait que le nombre de plaintes augmente ou le fait
que le nombre de dossiers ouverts augmente ne signifie pas
nécessairement qu'il y a dégradation de la situation. Je suis
très intéressé par cette espèce de description que
l'on fait actuellement de la façon dont les incidents ou les
événements sont exploités, de façon
générale, par toutes sortes d'éléments dans notre
société.
Cela se passe de la façon suivante. Que ce soit une marche, un
événement heureux, un événement d'importance, que
ce soit une déclaration à l'emporte-pièce dans un certain
journal, que ce soit n'importe quel événement ou incident, il est
certain que, actuellement, c'est repris par certains militants situés
aux deux extrémités d'un certain spectre d'opinions. Ces
militants incluent cet événement ou ces incidents dans leur
discours. C'est repris par les médias qui tantôt amplifient les
incidents, tantôt s'assurent tout simplement que les incidents ne meurent
pas au feuilleton. Cela contribue à augmenter la tention sociale. La
tension sociale rend les gens nerveux et inconfortables, et il s'établit
une sorte de cercle vicieux dont, de toute évidence, nous avons
énormément de difficultés à nous sortir à
l'heure actuelle. J'aurais pu mentionner qu'un incident, cela peut être
aussi l'envoi d'un formulaire, comme vous l'avez mentionné
vous-même.
J'aimerais revenir sur le ton qu'il faut employer dans ce discours parce
que vous et moi sommes entièrement d'accord, je pense, sur la
nécessité, au moment où nous nous parlons, de diminuer la
pression, de baisser le ton pour exprimer ce que nous avons à dire. Je
vais citer un article de La Presse de ce matin et une déclaration
de M. David Culver, président et chef de la direction d'Alcan, cette
compagnie qui est un chef de file industriel et économique: 67 000
employés dans le monde, 10 000 au Québec, douze usines. C'est
très important d'entendre ce que dit M. Culver: 'Tout ce que je veux
dire à propos de la loi 101 - apparemment, c'est une citation qui a
été faite telle quelle par le journaliste - et de l'affichage est
que j'implore les militants de chaque côté de rester calmes. Nous,
les Québécois, bénéficions actuellement d'une bonne
réputation dans le monde. Ce n'est pas le temps de mettre le feu aux
poudres. "
Moi, je suis, encore une fois, tout heureux de constater que le critique
officiel de l'Opposition en matière linguistique contribue, ce matin,
par son attitude, par son ton, à faire en sorte que, ici à
l'Assemblée nationale et ailleurs dans tout le Québec, nous nous
mettions à discuter de la question linguistique de façon
civilisée. Nous aurons, vous en conviendrez, M. le Président, et
sans aucun doute le député de Taillon aussi,
énormément de temps à notre disposition lors de la
défense des crédits la semaine prochaine pour discuter dans le
détail de toutes sortes de statistiques. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. M. le
député de Sherbrooke.
M. André J. Hamel
M. Hamel: Merci, M. le Président. Depuis son
arrivée au pouvoir, notre gouvernement a toujours fait état de
deux impératifs à concilier, soit le renforcement du fait
français au Québec et le respect des droits de sa
minorité. À cet égard, cette volonté de concilier
ces deux aspects propres à la dynamique de notre société a
fait l'objet de la constante préoccupation de chacun des gouvernements
qui se sont succédé à la tête du Québec, de
Jean Lesage à l'actuel premier ministre, M. Robert Bourassa, en passant
par René Lévesque qui s'est toujours opposé à la
tentation de radicalisation d'une certaine faction au sein de son parti.
Pour réconcilier ces impératifs, notre gouvernement croit
qu'il faut d'abord dégager de chacun d'eux les éléments
conciliables, car c'est sur cette seule base que nous saurons rétablir
les ponts nécessaires à l'éclosion d'un dialogue
constructif entre les deux principales communautés linguistiques du
Québec et à l'apaisement des passions.
C'est dans cette perspective que le gouvernement étudie de
nombreuses hypothèses dont la réponse n'est pas simple. Doit-on
permettre l'affichage bilingue partout au Québec en présumant que
c'est ce que commandent les droits de la minorité? Ou bien doit-on le
restreindre à sa plus simple expression en présumant que c'est ce
que commandent les droits de la majorité? En fait, peu importe la
solution retenue, il est clair que cette dernière devra émerger
d'un consensus.
L'harmonie relative qui règne dans de nombreuses régions
du Québec entre francophones et anglophones démontre qu'un tel
consensus est possible et j'en veux seulement pour exemple la situation dans la
grande région de Sherbrooke où les deux communautés, sur
la base de leurs intérêts communs, ont su mettre ensemble
l'épaule à la roue pour faire progresser notre région sur
les plans commercial, économique et culturel dans le respect des
différences de chacune. Sherbrooke vit depuis longtemps à l'heure
de la coexistence pacifique et à l'heure du libre-échange, car
nos leaders, nos industriels, nos entrepreneurs et nos travailleurs ont compris
que c'est dans !a tolérance, la générosité,
l'ouverture d'esprit, le dynamisme et le travail que l'on bâtit l'avenir
du Québec.
Une telle harmonie ne peut naître que d'un dialogue rationnel
entre les deux communautés qui, historiquement, ont contribué
à bâtir le Québec et elle seule peut garantir aux
Québécois une paix sociale pour assurer le progrès et la
survie de notre société. Malheureusement, il y aura toujours des
extrémistes des deux côtés. Comme le soulignait le premier
ministre, mardi dernier, ce n'est pas rendre service aux
Québécois que de fournir des armes à ceux qui, pour une
raison ou une autre, cherchent à provoquer et à exploiter dans le
reste du Canada ou à l'étranger un sentiment
anti-Québec.
Nos entrepreneurs, nos travailleurs, nos agriculteurs ont à faire
face aussi au phénomène mondial du décloisonnement des
économies et pour que notre économie puisse poursuivre sa
croissance, il est primordial de donner à ces entrepreneurs,
travailleurs et agriculteurs toutes les chances possibles d'écouler
leurs productions sur de nouveaux marchés tout comme il est primordial
que ie Québec puisse continuer à attirer de nouveaux
investissements si nous voulons générer pour nos jeunes davantage
d'emplois valorisants et porteurs d'avenir. (10 h 45)
C'est à ce prix seulement que sera assurée la position du
Québec comme pôle de rayonnement et lieu d'épanouissement
de la francophonie en Amérique. En faisant fi de cette
réalité fondamentale et en s'entêtant à vouloir
traiter francophones et anglophones comme des ennemis irréductibles,
l'Opposition et tous ceux qui contribuent à cette intolérance ne
se rendent pas compte des torts irréparables qu'ils sont en train de
causer au Québec.
La majorité francophone au Québec a manifesté
à maintes occasions son extrême ouverture à l'endroit de la
minorité anglophone. La tolérance et la
générosité ont toujours été les
caractéristiques fondamentales du peuple québécois et ce
sont ces traits caractéristiques fondamentaux des
Québécois qui nous permettent de croire en la possibilité
d'harmonie entre les deux communautés. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Sherbrooke. M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Dans un dossier comme celui-là, il est
très important de ne pas se présenter sous de fausses
représentations. C'est ce que le gouvernement fait en matière
linguistique. Hier, avant-hier, deux ministres de ce gouvernement ont
claironné, proclamé qu'ils étaient attachés de
façon indéfectible à la compétence exclusive du
Québec en matière linguistique. C'est cela de la fausse
représentation parce que ce n'est pas exact, parce que ce n'est pas
vrai, parce que c'est faux. Le Québec n'a plus de compétence
exclusive en matière linguistique. Sa compétence en
matière linguistique est soumise à toutes sortes de contraintes,
depuis plusieurs années, à toutes sortes d'entraves, d'obstacles
majeurs. On ne peut plus parler de compétence exclusive. Le faire, c'est
tromper et c'est berner la population.
En particulier, je signale que l'article 133 de la constitution est une
contrainte majeure. C'est pour cette raison que le Québec a
été forcé de redevenir un État bilingue et qu'on
est obligé depuis 1979 par une décision de la Cour suprême
de déposer, d'adopter dans les deux langues nos lois et nos
règlements. La Saskatchewan peut et est devenue officiellement unilingue
anglaise en abolissant les droits historiques des francophones de la
Saskatchewan. Le Québec, lui, ne le peut pas à cause de l'article
133. Puis ce fut la Loi constitutionnelle de 1982 qui comportait bien des
entraves et bien des contraintes. Ce n'est pas pour rien qu'on s'y est
opposés au moment où nous étions, nous, au gouvernement
à cette Loi constitutionnelle de 1982.
Dans cette loi, il y a l'article 23, en matière de langue
d'enseignement qui nous a obligés et qui nous oblige à adopter et
à appliquer ce qu'on appelle la clause Canada, alors que la Charte de la
langue française avait comme disposition la clause Québec. Dans
cette Loi constitutionnelle de 1982, il y a également la charte des
droits. C'est en vertu des dispositions de la charte des droits que les
tribunaux, à plusieurs reprises, ont carrément rendu invalides
des chapitres entiers de la Charte de la langue française. Pour ce qui
est de l'affichage présentement, c'est en vertu de l'article 3 sur la
liberté d'expression de la charte des droits qu'on
conteste l'affichage unilingue français et que des tribunaux
inférieurs, la Cour suprême ne s'étant pas encore
prononcée, ont décrété que cette disposition
était invalide, inconstitutionnelle à cause de l'article 3 de la
charte des droits.
Il y a également l'article 93 de l'Acte constitutionnel de 1867
qui oblige le Québec d'avoir des commissions scolaires confessionnelles
et qui nous empêche actuellement de mettre en place des commissions
scolaires linguistiques. La loi 101 a donc été petit à
petit démantelée, battue en brèche parce qu'on s'est
appuyé, fondé sur des dispositions constitutionnelles, en
particulier, issues de la Loi constitutionnelle de 1982. M. le
Président, par conséquent, c'est donc faux de prétendre et
d'affirmer, comme le font présentement plusieu. s ministres du
gouvernement libéral, y compris celui chargé d'appliquer la loi
101, que le Québec détient présentement, actuellement, une
compétence exclusive en matière linguistique. Ce n'est pas vrai,
c'est faux et le ministre responsable des relations
fédérales-provinciales a beau plastronner en claironnant que
c'est le cas. Ce n'est pas le cas. Toute une série des contraintes
empêche, a battu en brèche, a réduit à néant
cette prétendue exclusivité.
Or, il aurait été essentiel que, durant les
négociations constitutionnelles qui ont conduit au compromis du lac
Meech, l'on puisse réclamer un rapatriement complet des pouvoirs en
matière linguistique. C'est ce que nous demandions, nous, de
l'Opposition; nous réclamions que le gouvernement profite de ces
négociations constitutionnelles pour rapatrier, de façon
complète et totale, les pouvoirs en matière linguistique. Il
s'est refusé a le faire. Cela a abouti à ce que l'on sait,
à ce que l'on connaît, le contenu de l'accord du lac Meech.
L'Assemblée nationale devrait, nous sommes pleinement d'accord,
détenir une pleine et exclusive compétence en matière
linguistique, mais les ministres du gouvernement libéral n'ont pas le
droit présentement de prétendre que c'est le cas.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Lac-Saint-Jean. M. le ministre.
M. Guy Rivard
M. Rivard: M. le Président, le député de
Lac-Saint-Jean m'excusera si je ne tourne pas mon attention pour l'instant sur
les commentaires qu'il a faits. Évidemment, au cours d'une
procédure telle que celle de l'interpellation, qui parfois, à la
limite, peut apparaître comme une sorte de dialogue de sourds, il y a
tellement de questions qui sont habituellement déposées sur la
table que, forcément, le ministre interpellé doit faire un
certain tri, doit effectuer un certain choix.
Brièvement, en rapport avec les commentaires de mon
collègue, le député de Sherbrooke, je dirai que ce que je
ressors de ses commen- taires, c'est que, parmi les éléments qui
font que la région qu'il représente à l'Assemblée
nationale est prospère sur le plan économique, on trouve, d'une
façon visible ou d'une façon vécue par le
député, la paix, l'harmonie sur le plan linguistique et sur tous
les plans entre les deux communautés principales qui vivent au
Québec.
Je voudrais revenir à cette préoccupation qu'a le
député de Taillon au sujet des petites et moyennes entreprises de
moins de 50 employés. D'abord, je vous dirai, et ce ne devrait pas
être à moi de faire ce genre de leçon au
député de Taillon, étant donné que son
expérience parlementaire est quand même fort vaste, j'attirerai
son attention sur la différence entre le titre de l'article et les
propos que l'on m'attribue dans l'article. Ce n'est pas la première
fois, n'est-ce pas, que l'on a à vivre, nous, hommes et femmes
politiques, ce genre de discordance.
Ce gouvernement, soyez rassuré, M. le député de
Taillon, comme le précédent, n'exclut aucune entreprise, quelle
que soit sa dimension, de ses préoccupations en matière de
francisation. Le gouvernement précédent, à bon droit, a
fait un choix. D'abord, il a décidé de travailler sur les grandes
entreprises, environ 4000 d'entre elles. Il a décidé de mettre en
place des programmes de francisation qu'évidemment nous avons
continués, en particulier grâce aux excellents travaux de l'Office
de la langue française.
Le gouvernement précédent s'était dit: Si nous
faisons cela, si nous réussissons au sein des grandes entreprises - nous
avons été aidés, d'ailleurs, là-dedans par les
syndicats - au sein des entreprises de grande dimension, cela aurait un effet
d'entraînement sur les plus petites. De toute évidence, cela ne
s'est pas produit. Il a fallu que l'Office de la langue française se
pose la question suivante: Qu'est-ce que nous faisons pour aider les petites
entreprises, les entreprises de moins de 50 employés, à se
franciser? Leur nombre pose un défi, vous en conviendrez; on me dit que
pour les entreprises de 10 à 49 employés, il s'agit de. 20 000
entreprises; voilà un grand nombre d'établissements dans lesquels
il faut planifier un programme de francisation.
La nature même des entreprises pose une difficulté aussi;
beaucoup sont des entreprises de technologie, certaines sont des entreprises
à caractère plus ou moins familial. De toute évidence, il
faut une approche différente. Donc, l'Office de la langue
française s'est non seulement préoccupé de ce
problème mais il a mis en place des programmes de francisation et des
programmes d'animation terminologique. On pourra voir l'étendue et les
détails de ces programmes lors de la défense des crédits.
Il s'agit d'un programme expérimental qui, cette année, de
mémoire je pense, touche au-delà de 2000 entreprises. C'est
à partir de cette expérience que l'Office de la langue
française étudie des scénarios de francisation des PME de
50 employés et moins et, me dit-on, c'est au mois de juin qu'on me fera
connaître des scéna-
rios. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Vachon.
Mme Christiane Pelchat
Mme Pelchat: Merci, M. le Président. À mon tour,
vous me voyez ravie du ton qu'utilisent les membres de l'Opposition ce matin.
Depuis quelques semaines, j'ai eu un peu peur de ce ton. J'ai eu l'impression,
comme plusieurs de mes collègues et plusieurs citoyens et citoyennes du
Québec, j'en suis persuadée, que l'on assistait à l'ancien
discours des péquistes de 1976. Cela me déplaisait.
C'est-à-dire un discours qui visait à diviser la population du
Québec en deux: les bons et les méchants. Quant à moi, je
ne voudrais pas que l'on revive des tensions sociales qui sont souvent
alimentées par des propos émotifs emportés et souvent
fondés sur des préoccupations purement émotives.
M. le Président, quand l'Opposition affirme que le
français subit un recul sur tous les fronts au Québec, je pense
qu'elle fait preuve de démagogie et malheureusement elle n'appuie cette
déclaration sur aucun fondement sérieux. Je vais vous donner un
exemple d'un domaine où il n'y a effectivement aucun recul, mais une
nette progression du français au Québec. De tout temps, le
Québec, terre accueillante, tolérante et généreuse,
a été choisi comme terre d'adoption par des gens, des familles
venues de tous les coins de cette planète. Il y a donc dans notre
société québécoise une partie de la population qui
n'est pas née ici et dont les origines ne sont ni françaises ni
anglaises. Ces Néo-Québécois de diverses origines ne
demandent pas mieux que de s'intégrer à la majorité
francophone pour autant, bien sûr, qu'ils se sentent bien accueillis.
Le phénomène de l'immigration s'accentue et le
gouvernement est très sensible à l'intégration des
Néo-Québécois à la majorité francophone.
Cette intégration se fait, de plus en plus sûrement et rapidement.
Un bon exemple pour illustrer l'intégration harmonieuse des
Néo-Québécois est sans aucun doute l'augmentation de la
fréquentation de nos institutions scolaires françaises. Par
exemple, selon les données du ministère de l'Éducation
pour l'année 1986-1987, il semble que cette année a
été une année record. La proportion des
élèves inscrits à l'école primaire à
l'enseignement du français a atteint plus de 89 % de la population
totale fréquentant l'école primaire. M. le Président, je
ne pense pas qu'à la lumière de ces chiffres on puisse parler de
recul du français. Je pense que, contrairement à l'Opposition, on
peut affirmer qu'il y a nette progression.
Élément plus important encore, nous avons noté une
augmentation de l'enseignement en français chez les jeunes allophones.
Selon le Conseil de la langue française, en 1986-1987, 64 % des enfants
allophones étaient inscrits au secteur français comparativement
à quelque 20 % il y a près de dix ans. Alors, encore une fois, je
pense qu'on peut conclure, de ce côté, à une nette
progression du français.
Je dois ajouter que le Conseil de la langue française a
constaté que plus de 17 000 anglophones étaient inscrits aux
classes en français, alors que 9500 francophones étaient inscrits
dans des classes en anglais. Je cite le Conseil de la langue française
qui terminait en disant. "II ne fait donc aucun doute que la connaissance du
français progresse chez les jeunes". (11 heures)
M. le Président, j'ai cru, moi aussi, qu'il était
important de citer ces statistiques qui confirment, comme d'autres, que le
français connaît un net progrès au Québec. Ces
chiffres parlent d'eux-mêmes. Il faut cesser d'être émotifs
dans l'ensemble du dossier linguistique. Je pense essentiel de ramener le
débat à un niveau un peu plus rationnel en l'appuyant sur des
données scientifiques. Malheureusement, M. le Président, trop
souvent les opinions et les réactions de plusieurs sont basées
sur des affirmations purement émotives, difficilement vérifiables
et concentrées sur un seul sujet, celui de l'affichage. Le progès
du français au Québec va au-delà de l'affichage. Les
jeunes allophones en savent quelque chose. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la
députée de Vachon. M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, il est vrai qu'il faut aller
au-delà de l'affichage. Je reprends la dernière phrase de Mme la
députée. Mais c'est bien d'autres choses également, le
dossier linguistique. Cela me permet justement d'aborder le cas du projet de
loi fédéral C-72. Le Conseil de la langue française
rendait public récemment un avis fort judicieux, qui était loin
d'être émotif, qui était très rationnel, une analyse
très serrée de ce projet de loi et qui en arrivait à la
conclusion qu'il y avait incompatibilité des objectifs entre le projet
de loi fédéral et la loi 101 et que, par le projet de loi C-72,
le gouvernement fédéral s'attribuait ou se donnait le droit
d'intervenir dans des domaines de juridiction québécoise pour
promouvoir l'anglais au Québec.
Or, l'attitude du gouvernement face à cet avis du Conseil de la
langue française m'étonne et me déçoit beaucoup. Il
faut d'abord faire état, je pense, en partant, du peu d'égards
que le gouvernement libéral a eus dans le passé pour les avis du
Conseil de la langue française. On se souviendra en particulier de
l'avis qui recommandait au gouvernement - c'était en 1986 - de
préciser sa position linguistique. Cet avis fut, à
l'époque, balayer du revers de la main puisqu'on
ne connaît pas encore la position linguistique du gouvernement
depuis ce temps. Pourtant, c'était un sage conseil du Conseil de la
langue française lorsqu'on constate l'état de la situation
linguistique aujourd'hui.
Encore une fois, le gouvernement fait bien peu de cas de l'avis qui
vient d'être rendu, le tout est renvoyé au ministère de la
Justice pour étude complémentaire sur le plan juridique et,
pourtant, l'avis fut adopté à l'unanimité par douze
individus, douze membres qui ont des compétences particulières
dans le domaine linguistique. Il ne faut pas oublier que le conseil, lorsqu'il
rend un avis, est appuyé par toute une batterie d'experts, y compris des
avocats et des juristes. De plus, l'interprétation de l'article 42 du
projet de loi C-72 ne relève pas, je dirais, d'angoisses juridiques
profondes que pourraient avoir certains experts constitutionnels. Le texte est
clair, le texte est simple. Ottawa, par cet article, se donne le pouvoir
d'intervenir dans l'aménagement linguistique du Québec par le
biais de son pouvoir général de dépenser.
De longues et de coûteuses études juridiques apparaissent
à ce stade-ci, surtout avec l'attitude qui a caractérisé
le Parti libéral dans le dossier linguistique, comme un simple moyen, je
pense - en tout cas, c'est mon opinion - de gagner du temps, de retarder le
moment où le gouvernement aura à prendre une position sur le
projet de loi C-72.
Aussi bien prévenir le gouvernement immédiatement qu'il
faudra plus, quant à nous, qu'un simple avis juridique
particulièrement s'il provient des rares juristes qui ont appuyé
l'accord du lac Meech, pour nous convaincre que l'avis du Conseil de la langue
française est mal fondé. Aussi bien dire qu'il devra y avoir
démonstration hors de tout doute en ce qui nous concerne. Faute de quoi,
le gouvernement peut être assuré que nous le talonnerons à
tous les instants afin que le projet de loi fédéral soit
modifié à la Chambre des Communes et respecte les
compétences linguistiques du Québec. Il devra être clair,
quant à nous, que le gouvernement du Québec s'opposera avec
toutes ses énergies au projet de loi C-72 et ce, même si cela doit
compromettre l'accord du lac Meech. Pour nous, aucun accord constitutionnel ne
saurait être troqué contre une ingérence du gouvernement
fédéral dans les compétences linguistiques du
Québec.
Il était pourtant clair en commission parlementaire sur l'accord
du lac Meech - j'y ai participé du début jusqu'à la fin -
que cet accord n'offrait pas les garanties nécessaires sur le plan
linguistique. Nous l'avons maintes fois affirmé, démontré
et plusieurs des experts qui ont défilé devant la commission
parlementaire l'ont signalé. Sur le plan linguistique, l'accord du lac
Meech ne nous redonne pas les compétences et les pouvoirs que nous avons
perdus au fil des années.
Le gouvernement avait alors choisi, malgré tout, de suivre
l'opinion minoritaire de certains constitutionnalistes, malgré les
multiples mises en garde de la majorité d'entre eux. Je pense qu'il est
impérieux, dans les circonstances que, très rapidement, le
gouvernement et en particulier le ministre adoptent une position claire,
précise, vigoureuse concernant le projet de loi C-72 et assurent une
défense soutenue, dynamique, efficace des compétences du
Québec en matière linguistique, sinon une autre brèche va
s'ouvrir, un autre secteur va être de nouveau occupé par le
gouvernement fédéral.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Lac-Saint-Jean. M. le ministre.
M. Guy Rivard
M. Rivard: Merci, M. le Président. J'espère que le
député de Lac-Saint-Jean est convaincu, étant donné
la déclaration que j'ai faite ce matin, que je suis vraiment
préoccupé à la fois par le projet de loi et par certains
des éléments qui sont contenus dans l'avis. Je ne veux pas
vraiment en dire davantage sur quelque autre élément de
réponse que ce soit. Je pense qu'il a été abondamment
démontré, lors de nos discussions aux périodes de
questions, que nous sommes à travailler actuellement avec la plus grande
célérité voulue à l'établissement, à
l'élaboration d'une position de gouvernement.
Je voudrais revenir un tant soit peu sur les déclarations, sur la
présentation qui a été faite par ma collègue, la
députée de Vachon qui, une fois de plus, dans un autre dossier, a
été en mesure d'affirmer que, à tout le moins sur le plan
scolaire, la situation du français au Québec ne subissait pas
actuellement de recul. Elle a aussi brossé brièvement le tableau
de ce que nous faisons pour accueillir au Québec en français les
nouveaux arrivés que sont les immigrants.
Là, je vais me permettre de citer le député de
Taillon qui, récemment, donnait une entrevue au journal The Gazette.
L'entrevue a été rapportée dans l'édition du 21
avril dernier. Évidemment, l'article est en anglais, mais je me
permettrai de traduire certaines des paroles du député de
Taillon. Le député de Taillon dit, par exemple, que la clé
de voûte en ce qui concerne la promotion du français dans les
années à venir, c'est le français, langue de travail. On
est d'accord et, en plus de cela, lorsque le député de Taillon
introduit les mots "dans les années à venir", il introduit dans
le dossier linguistique un élément de temps.
Tout ne peut être fait au même moment partout au
Québec, de la même façon, à la même heure. Le
député de Taillon poursuit, tel que rapporté, dans cet
article du journal The Gazette: Une fois que les immigrants parleront
français sur leur lieu de travail, que ce soit à la manufacture,
que ce soit dans un bureau, à ce moment-là, ils commenceront
à parler français à
la maison et tout spécialement si leurs enfants parlent
français à la maison.
Ce que dit la députée de Vachon, c'est que nous avons des
programmes. Nous amplifions et nous accentuons nos programmes de francisation
des immigrants. Plus que cela, non seulement notre gouvernement continue-t-il,
augmente-t-il les programmes de francisation pour les enfants des immigrants
à l'école, mais voilà qu'il rejoint même les
mères à la maison, ces mères qui ne sont pas en mesure -
puisqu'elles élèvent leur famille - d'apprendre le
français dans un milieu de travail. Que voilà une initiative tout
à fait heureuse de notre gouvernement et complètement en
contradiction avec l'affirmation du député de Taillon qui dit que
le français subit un recul au Québec!
Très brièvement, puisqu'il ne me reste qu'une minute, vous
avez, M. le député de Taillon, fait allusion à tous ces
incidents, ces envois de formulaires, etc., qui ont été repris
par les médias et qui ont été perçus par certains
comme des événements catastrophiques, sinon cataclysmiques. J'ai
ici une correction apportée à ce genre de phénomène
par Hydro-Québec. Je me permets de citer un extrait de ce petit
dépliant envoyé à ses clients. "Hydro-Québec
communique avec vous en français. Si vous désirez recevoir les
versions anglaises de nos publications, vous devez remplir et signer la
carte-réponse, etc. Cette mise à jour de nos dossiers nous
permettra de fournir à notre clientèle un service
personnalisé, plus attentif et en français. " Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. M. le
député de Sherbrooke.
M. André J. Hamel
M. Hamel: Merci, M. le Président. J'aimerais utiliser
cette deuxième partie du temps qui m'est allouée pour rappeler
que le français est aussi langue de développement
technologique.
En effet, récemment, l'Office de la langue française
mentionnait que plus de 50 % des grandes entreprises possèdent
aujourd'hui leur certificat de francisation de même que 60 % des petites
et moyennes entreprises. Mais la francisation du Québec déborde
largement le processus administratif de la certification. Le Québec
devra toujours se préoccuper de francisation, même quand il aura
terminé la certification des entreprises. Le Québec, en effet,
aura toujours besoin de terminologie française pour s'approprier les
nouvelles technologies dans tous les secteurs de l'activité
économique.
Je rappelle que notre gouvernement a toujours et fermement l'intention
d'agir de façon équilibrée dans le dossier linguistique.
Jusqu'à maintenant, l'aspect le plus visible du dossier de la langue a
été celui des irritants en matière d'affichage commercial.
Cet aspect du dossier est certes important, mais ii est vraiment loin
d'être le seul élément porteur du dossier linguistique.
Nous considérons essentiel comme gouvernement de travailler à
renforcer le français comme langue d'éducation, langue
d'apprentissage, langue de travail et aussi comme langue de
développement économique.
Mais pourquoi le français, étant donné que notre
commerce extérieur dépend beaucoup des États-Unis? En
effet, 75 % de nos échanges commerciaux internationaux sont à
l'extérieur du Canada. Certains considèrent dangereux de mettre
trop de nos oeufs dans le même panier et nous rendre ainsi trop
dépendants de ce marché. Il faut donc chercher d'autres
marchés et l'ensemble des pays de la francophonie, dont environ 110 000
000 d'habitants, constitue aussi un marché intéressant pour nous.
Notre développement technologique et le développement des
industries de la culture doivent tirer partie de cette situation
privilégiée de francophones dans un monde anglophone. Nous sommes
de plus en plus conscients de ce phénomène. J'aimerais vous citer
quelques faits qui sont tirés d'événements
d'actualité.
Il y a quelques mois, la Fédération d'informatique du
Québec et l'Office de la langue française ont organisé un
colloque intitulé "Réussir l'informatique en français".
L'essentiel de ce colloque a été rapporté en
décembre 1986 dans la publication de l'Office de la langue
française "La francisation en marche". Le titre de ce numéro de
décembre 1986 est évocateur: "L'informatique en français,
un atout pour la conquête du marché mondial. " On y trouve
là des commentaires fort pertinents. Un premier: L'informatique en
français est non seulement viable et vivante, mais aussi apte, de par
l'originalité des produits québécois, à s'imposer
au sein de la francophonie. "
Voici un autre commentaire de M. Gil Tocco, directeur de la revue
Informatique et bureautique. "Le marché mondial est de plus en
plus ouvert aux logiciels québécois. Le marché
québécois est en expansion. " M. Tocco souligne aussi que
l'étroitesse du marché québécois nous conduit
à une obligation fondamentale et qu'il faut apprendre à exporter
pour survivre. (11 h 15)
Un autre événement récent: Le dépôt
par Mme Flora MacDonald et M. Richard French du rapport du comité
Canada-Québec sur le logiciel d'expression française. Ce
comité a été mis en place à la suite du premier
Sommet francophone. On trouve dans ce rapport 26 recommandations qui reprennent
le même thème: Nécessité d'exploiter au maximum le
caractère français des logiciels québécois et
intérêt à développer des produits dont la structure
interne facilite la traduction entre une et plusieurs langues. Dans la
foulée de ce rapport, les deux ministres ont annoncé la
création, à l'Université Laval, à Québec, du
Centre francophone de recherche en informatisation des organisations. On a dit
au premier sommet que la solidarité francophone
devait passer par la technologie et qu'il fallait développer un
espace télématique et informatique commun dans la
francophonie.
M. le Président, le Canada s'est vu confier ce mandat d'examiner
la possibilité de relier les banques de données francophones par
un réseau auquel auraient accès les pays membres de la
francophonie. Nous avons, somme toute, à relever un défi à
la fois culturel et économique. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Sherbrooke. M. le député de Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: Je vous remercie, M. le Président. Dans
l'enveloppe de cinq minutes qui m'est allouée maintenant, je voudrais
profiter de l'occasion pour marquer, à l'égard du nouveau
ministre responsable de la langue française, l'importance de relancer
les programmes de francisation des entreprises. Qu'il partage, en partie ou
totalement, mon point de vue que le français au travail est une des
dimensions les plus importantes de la situation actuelle et de l'avenir, soit,
mais il faudrait aussi que le ministre prenne conscience que la francisation
des entreprises stagne actuellement et que, depuis quelques années et en
particulier depuis le moment où le Parti libéral a pris le
pouvoir et ce, à cause des messages diffus et contradictoires du Parti
libéral, l'opération de francisation des entreprises a
été considérablement ralentie.
Pour le bénéfice du ministre, je cite quelqu'un qu'il
connaît fort bien, M. Michel Guillotte, directeur du Centre de
linguistique de l'entreprise et qui est aussi, sauf erreur, membre du Conseil
de la langue française. Le Centre de linguistique de l'entreprise est un
organisme patronal qui offre des services de francisation à au moins une
centaine des plus grosses entreprises au Québec. Je cite M. Guillotte:
"Le gouvernement libéral n'a annoncé aucune intention de modifier
la charte au chapitre de la langue du travail, mais psychologiquement et
sociologiquement - je pense que le ministre est apte à apprécier
l'analyse psychologique de M. Guillotte - plusieurs milieux ont des attentes
à cet égard. " Un peu plus loin: "II est vrai - c'est M.
Guiilotte qui parle - que le climat actuel incite les cadres et les
employés à renvoyer au second plan les préoccupations
linguistiques. "
C'est une donnée factuelle et non quantifiable que le ministre ne
peut pas tout simplement écarter. Le nouveau président du Conseil
de la langue française, M. Martel, dans un article paru dans Le
Soleil du 9 janvier 1988, mentionnait l'importance de miser d'abord sur le
français au travail. Le ministre me citait tantôt, il est
très aimable. Quant à moi, l'intégration des immigrants
passe aussi par le français au travail. Si l'immigrant peut parler
français à l'usine, au bureau, à son endroit de travail et
si, de retour à la maison, son enfant apporte des livres
français, il est inévitable que cette famille d'immigrants
s'abreuvera aux sources culturelles francophones.
De la même façon, d'ailleurs, le président du
Conseil de la langue française, sur le plan de l'intégration de
l'immigrant à la communauté francophone, parle également
de l'importance de l'affichage également comme moyen d'incitation et
d'intégration de l'immigrant quant au français. Le
président du Conseil de la langue française disait: "II est
fondamental que Montréal garde son visage français. " Quand
Montréal aura un visage français, l'immigrant qui verra ce visage
aura tendance à s'intégrer à ce visage. Il disait donc.
"Il est fondamental que Montréal garde son visage français. C'est
dans cette ville que se joue principalement la bataille du français. Si
la métropole perd son caractère français, ce ne sera
qu'une question de décennies pour que tout le reste du Québec
tombe, etc. "
Donc, il est extrêmement impérieux que le nouveau ministre
responsable de la Charte de la langue française nous éclaire
aujourd'hui quant à ses intentions et quant aux intentions du
gouvernement en matière de francisation au travail, étant
donné que le ministre ne peut ignorer que cela faisait partie du
discours d'ouverture. Il ne peut ignorer l'importance de poser des gestes
concrets et de prendre des décisions immédiates pour relancer le
processus de francisation des entreprises.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Taillon. M. le ministre.
M. Guy Rivard
M. Rivard: M. le Président, je pense que les remarques que
M. le député de Taillon fait au sujet de la francisation des
entreprises sont des remarques auxquelles nous essaierons de répondre de
la façon la plus élaborée possible à
l'intérieur de la défense des crédits. Je souligne en
passant à M. le député de Taillon, lorsqu'il a
rapproché certains discours ou évaluations à saveur
psychologique de ma carrière antérieure de médecin, que ma
spécialité était la pédiatrie et que c'est le
père de la loi 101, un autre médecin, qui lui était plus
adonné aux choses psychologiques.
M. le Président, dans le dossier de la francisation des
entreprises, je pense que vous en conviendrez avec moi - et c'était
normal de le faire - on a certainement commencé par la francisation des
entreprises les plus faciles à franciser. Vous conviendrez avec moi, M.
le Président, qu'il est plus facile de franciser un milieu de travail
tel que celui du journal La Presse que celui du journal The Gazette.
Ce que nous dit l'Office de la langue française qui, encore une
fois, fait un excellent travail, c'est que nous sommes rendus à une
sorte de seuil critique à l'intérieur de ce processus. Non pas
que nous rencontrions de la résis-
tance chez les entreprises, mais une complexité accrue. Le
député de Sherbrooke pariait tout à l'heure de cette
incidence de la langue française sur le développement
technologique, et je pourrais dire l'incidence du développement
technologique sur la langue française. Le développement
technologique, en particulier dans la haute technologie, s'accomplit à
une vitesse folle et je dois reconnaître que, pour essayer de suivre le
développement technologique, la Banque de terminologie du Québec,
cette unité opérationnelle pratique de l'Office de la langue
française, non seulement accomplit actuellement un travail absolument
extraordinaire, mais est d'une expertise et d'une qualité telles qu'elle
jouit de la meilleure des réputations sur le plan international.
Je voudrais peut-être revenir sur la question de la langue des
services parce que c'est une question très importante. Je vois le
député de Taillon, un jour, s'amenant dans un grand magasin
à rayons de la rue Sainte-Catherine à Montréal et voulant
s'acheter une cravate, peut-être préférablement de couleur
bleue et non de couleur rouge, malgré qu'il peut avoir ce genre de
goût. Il veut se faire servir en français. Je lui dis, M. le
Président: C'est sa responsabilité individuelle, comme citoyen
québécois, face à un vendeur qui semble s'obstiner ou
refuser de lui répondre en français, c'est la
responsabilité individuelle du député de Taillon de
demander poliment, mais certainement fermement, à ce vendeur
d'être servi en français.
Je vais aller plus loin. Je vais me tourner maintenant vers le vendeur
ou la vendeuse. Je dis à ce vendeur ou à cette vendeuse. Il est
de votre responsabilité de réaiiser que, si vous vous obstinez
à répondre en anglais à ce citoyen québécois
qui s'attend à être servi en français, et là je vais
employer les termes utilisés par Don MacPherson dans le journal The
Gazette, il y a quelques semaines. Il dit, lui, ce journaliste
anglophone à ce vendeur qui s'obstine: "It is bad business", ce n'est
pas la façon de faire des affaires; "and it is impolite", c'est impoli.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. Vous
prenez toujours un peu moins de temps que celui auquel vous avez droit, ce qui
est une façon polie de faire les choses. M. le député de
Beauce-Nord.
M. Jean Audet
M. Audet: Merci. Le député de Taillon, lors de son
ouverture, mentionnait que notre premier ministre avait eu l'apparition de
Fatima. Je regarde ce qui s'est dit sur le débat linguistique depuis
déjà plusieurs mois. À la suite de ce que l'Opposition
tente de faire croire ou sur le fond du débat de l'Opposition, je dois
vous dire que, lors de la Pentecôte, le député de Taillon
était probablement absent. M. le Président, la qualité
d'une langue dépend d'abord de la façon dont elle est
parlée dans la famille, à la table, entre amis, et de la
façon dont elle est enseignée dans les écoles primaires et
secondaires, de la façon dont elle est utilisée aussi dans les
milieux de travail et les entreprises.
Je pense que notre gouvernement aborde les questions linguistiques avec
optimisme et réalisme à la fois, avec un esprit ouvert,
généreux, et cependant avec beaucoup de vigilance. Notre langue
et notre culture peuvent et doivent devenir des valeurs sûres à
tous les points de vue, y compris au point de vue économique parce
qu'une société linguistiquement et culturellement
épanouie, fière de sa différence linguistique et
culturelle, est en somme une société plus forte et plus
généreuse. Lorsqu'on parle d'économie, on pense à
nos entreprises, on pense à nos PME. En tant que député de
la Beauce et aussi dans le cadre de la Semaine de l'entreprise qui
débute aujourd'hui, j'aimerais aborder un aspect important de la
qualité de la langue, soit la langue en milieu de travail.
La langue de travail a connu une importante mutation les
dernières années et de nombreuses études ont
démontré la croissance rapide du français comme principale
langue de travail et ce, à tous les niveaux de l'activité
économique. Ainsi, par exemple, de récents sondages ont
démontré que le français était identifié
comme principale langue de travail par plus de 80 % des Québécois
d'expression française. C'est bien et il faut continuer. C'est ainsi que
l'office annonçait récemment une décision qui a pour effet
d'alléger les procédures administratives avec les entreprises et
les organismes de l'administration. Et ce, à la suite d'une
recommandation du rapport Lalande, rapport qui avait été
demandé par l'ex-ministre responsable de la langue, Mme Lise Bacon.
Ainsi, l'office a réussi à réduire de sept à
quatre le nombre d'attestations et de certificats de francisation. On parle
d'allégement du fardeau administratif. Je pense que cela en est un
exemple. C'est le rapport Lalande qui mettait en lumière la longueur, la
diversité et le grand nombre de certificats, ce qui rendait difficile
à plusieurs égards la francisation des entreprises. De plus,
l'office procède actuellement à une opération de reprise
de contact avec les entreprises de l'administration. Baptisée
opération contact, celle-ci vise à rencontrer 300 entreprises et
organismes de l'administration et ce, dans un but d'offre de service,
d'assistance linguistique et de promotion du français.
Cette opération dont les résultats seront connus dans
quelques mois permettra de mieux connaître les besoins de ses clients, et
c'est important, et leur offrir des produits qui répondent mieux
à leurs nouvelles attentes. Il s'agit d'une opération de relance
et de promotion du français pour définir les nouveaux besoins
linguistiques chez ses clients et si le français perd du terrain ou s'il
a du recul, je me deman-
de comment ce sera lorsqu'on avancera, parce que je pense que c'est une
volonté concrète d'aller de l'avant là-dedans. Il faut que
cela continue. (11 h 30)
Le débat de l'Opposition a surtout porté sur l'affichage.
Le ministre l'a mentionné, l'ancienne ministre, Mme Bacon, l'a
mentionné, le problème linguistique va plus loin que l'affichage.
On a toujours tenté de dramatiser avec les panneaux.
Chez nous, en Beauce, si le français avait eu à prendre du
recul, nous sommes voisins du Maine, à certains égards, je dirais
que nous sommes cousins pour beaucoup d'entre nous, et si nous avions eu la
crainte d'un recul, d'une assimilation, aujourd'hui, je pense que ce serait
probablement réel, mais ce n'est pas le cas. Chez nous, on parle
français; c'est clair, c'est légitime chez nous et c'est reconnu.
Il y a longtemps, chez nous, qu'on indique le chemin aux Américains
lorsqu'ils viennent à Québec. Pour leur indiquer le chemin, il
fallait, je pense, être capables de s'exprimer avec eux.
Chez nous, quand on parle d'affichage, je ne vous dis pas que ce n'est
pas une préoccupation, ce n'est pas cela, sauf qu'il y a longtemps qu'on
a compris qu'il fallait s'ouvrir sur le monde si on voulait être capables
de les accueillir, etc. Je pense qu'il ne faut pas dramatiser dans ce
débat. Il y a du travail de fait; il y a du travail qui se fait
présentement à plusieurs paliers. On parle de l'éducation,
du travail, d'organismes, etc. C'est pourquoi j'estime qu'il est possible et
souhaitable d'aborder ces questions sans dramatiser inutilement, comme tente de
le faire croire, à plusieurs égards, l'Opposition. Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Beauce-Nord. M. le député de Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: C'est quand même fantastique, M. le
Président, de voir a nu la stratégie du côté
libéral et de dire que nous parlons de la question de l'affichage, alors
que nous n'avons pas consacré, depuis le début, plus d'une minute
à ce sujet. Mais puisqu'il faut en parler, c'est un sujet qu'on ne peut
ignorer. Je sais qu'il y a des personnes, le premier ministre notamment qui
dit: Je sens que je suis mauditement embêté avec toute la question
linguistique et la question de l'affichage, etc., ce qui contredit -
d'ailleurs, je ne pourrai pas relever toutes les contradictions - ce que vient
de dire mon collègue, il y a quelques minutes, à savoir qu'on
aborde avec optimisme la question linguistique et la question de l'affichage.
Bien, je le référerais peut-être au cabinet du premier
ministre qui, à la fin d'un interview téléphonique, avait
fort bien dévoilé ses états d'âme.
Parlons-en donc un peu avec nos invités, ce matin, de la question
de l'affichage. Je l'ai dit, il y a une valeur intrinsèque et il y a une
valeur symbolique. Il y a un message extrêmement important contenu dans
l'affichage. Je vais le résumer un petit peu dans mes mots qui ne seront
pas universitaires, mais qui seront très simples. Il y a beaucoup de
gens qui nous disent: Bien, un petit peu d'anglais sur une affiche, est-ce que
cela vous dérange? Vous savez, cela ne me dérange pas, je parle
trois langues. J'ai essayé d'en apprendre une quatrième,
c'était un peu difficile et la politique occupe beaucoup de temps.
Qu'est-ce qu'une affiche bilingue? Cela peut avoir l'air un peu
insignifiant, une affiche bilingue. On peut prendre un exemple, je ne sais pas:
Serveuse demandée, Waitress wanted. Quel est le message qu'on envoie aux
immigrants, d'abord, quand on dit: Serveuse demandée, Waitress wanted?
Le message qu'on envoie, c'est: Nous, au Québec, on a deux langues, et
vous choisissez l'une ou l'autre. L'immigrant, quand il regarde cette affiche
bilingue, qu'est-ce qu'il retient comme message? C'est simple; il retiendrait
ce que vous et moi retiendrions si nous allions ailleurs et si nous voyions la
même chose. Il va choisir la langue qui va lui donner le plus de
mobilité à l'intérieur du continent, la langue qui va lui
permettre de gagner sa vie, non seulement ici au Québec, où on
est en majorité francophone, mais aussi partout sur le continent. La
première préoccupation de l'immigrant, M. le Président,
c'est de gagner sa vie et d'apporter du pain et du beurre sur la table de sa
famille. Un message bilingue qui a l'air insignifiant, qu'on va chercher
probablement à réduire à une simple polémique
juridique, contient pourtant donc un message important pour l'immigrant.
Deuxièmement, pour l'anglophone, quel est le message de cette
même affiche? C'est: Pourquoi, vous, anglophones, est-ce que vous vous
forceriez à apprendre la langue de la majorité, puisque, de toute
façon, vous savez que, dans cette expression de communication collective
que constitue l'affichage, on va inscrire l'anglais, donc votre langue
maternelle? Donc, pourquoi passer par les étapes d'apprentissage de la
langue de la majorité. Ce qui fait en sorte qu'il existe, et oui, encore
des gens au Québec qui ne peuvent pas communiquer en français
dans certains coins du Québec.
Le message pour les francophones, dont nous sommes évidemment
majoritaires au Québec, mais tolérants, respectueux, mais
majoritaires tout de même, c'est quoi? C'est: Oui, j'inscris ta langue
sur l'affiche, mais j'inscris aussi l'autre, la vraie, celle qui est
parlée par les 250 000 000. C'est cela, le message, M. le
Président, d'une affiche bilingue. On va chercher à en
réduire la portée, on va chercher à dire: Bien,
écoutez, pour l'immigrant, il n'y a pas grand-chose là; pour
l'anglophone, il n'y a pas grand-chose là.
Pour les francophones, notre dignité demande que nous exprimions
notre culture
française, mais que nous l'exprimions ouvertement de façon
enthousiaste et respectueuse mais gaie. Quand même, c'est notre visage!
C'est le seul endroit en Amérique du Nord où nous sommes un
territoire à majorité française, et on voudrait le cacher
un peu! Non.
M. le Président, la question de l'affichage est une question. Ce
n'est pas la seule, mais c'est une question qui a, encore une fois, une valeur
intrinsèque et une valeur symbolique, et que la conjoncture actuelle a
référée dans l'actualité à un degré
de problématique que l'on ne peut pas ignorer. Vous m'indiquez que mon
temps est terminé. Je vous en remercie, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Taillon. M. le ministre.
M. Guy Rivard
M. Rivard: M. le Président, je constate encore avec
plaisir... non pas avec étonnement parce que j'entretenais à
l'égard du changement d'attitude ou de l'attitude plutôt du
député de Taillon le plus grand des optimismes. Le débat
linguistique est trop important pour que nous le faisions en criant. Exactement
lorsqu'il parle de l'affichage commercial, le député de Taillon,
emploie des termes mesurés, et je l'en remercie.
Je voudrais citer au député de Taillon juste un bout de
phrase qui était contenu et qui est toujours contenu dans Sa
déclaration que j'ai faite ce matin. "Le visage français du
Québec doit continuer de s'affirmer; il n'est pas question d'accepter un
recul sur ce plan. " Ce qui vient, c'est ce qu'on pourrait appeler un plan
d'action, c'est ce qu'on pourrait appeler des scénarios, en
réponse à toutes sortes d'incidents ou d'événements
qui pourraient survenir, mais croyez-moi, M. le Président, tout en
disant que l'affichage commerciai n'est pas le seul problème ou n'est
pas la seule question importante dans le débat linguistique, il est
évident qu'il faut s'en préoccuper.
J'ai pris connaissance récemment des résultats d'une
petite étude qui vient de la Commission de protection de la langue
française. C'est une étude fort intéressante, et il
m'apparaissait intéressant aujourd'hui d'en dévoiler les
résultats, étant donné la façon dont l'Opposition a
choisi d'aborder la question linguistique au cours de cette interpellation en
disant que la situation du français au Québec est
précaire. Cette petite étude concerne l'affichage commercial sur
la rue Sainte-Catherine entre les rues Atwater et Papineau. Pour les gens qui
ne fréquentent pas très souvent la rue Sainte-Catherine à
Montréal, je dirai tout simplement qu'il s'agit là d'à peu
près toute la rue Sainte-Catherine dans sa portion la plus à
l'ouest, mais aussi d'une bonne partie de la portion à l'est de la rue
Saint-Laurent qui sépare, comme vous le savez, la ville de
Montréal entre est et ouest.
La Commission de protection de la langue française s'est
demandé s'il était possible pour elle de mesurer ce
phénomène, parce qu'on parlait de dégradation de
l'affichage commercial sur la rue Sainte-Catherine. Elle avait une étude
qui avait déjà été faite en janvier 1986 et elle a
utilisé la même méthodologie au cours de son étude
d'avril 1988, donc à presque deux ans d'intervalle, et janvier 1986 se
situe à peine quelques semaines après l'arrivée au pouvoir
du gouvernement libéral.
Je suis heureux de vous apprendre qu'il y a, de fait, en ce qui
concerne, par exemple, l'affichage unilingue commercial sur la rue
Sainte-Catherine, une amélioration de la situation. Certes, en janvier
1986, environ 11 % des commerces dérogeaient à la loi. La
situation en 1988 est rendue à 9 %. Il y a eu une légère
amélioration, mais amélioration quand même. On parle
d'environ 700 commerces sur l'ensemble de ce tronçon de la rue
Sainte-Catherine.
En ce qui concerne les enseignes identifiables, le commerce, le taux de
"compliance", le taux d'absence de dérogations se situe à 95 %.
Que voilà une bonne nouvelle et qui est complètement à
l'envers de cette prétention de l'Opposition qu'il y a
dégradation de la langue française et de l'affichage au
Québec!
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Vachon.
Mme Christiane Pelchat
Mme Pelchat: Merci. Vous me voyez heureuse de ces bonnes
nouvelles, M. le Président. Je pense que tout le monde pourra s'en
réjouir et même le député de Taillon, surtout le
député de Taillon, devrais-je dire.
Quant à moi, M. le Président, vous savez qu'il me fait
toujours plaisir de parler... Je me sens toujours très à l'aise,
dis-je, de parler de l'intégration des membres des communautés
culturelles à la majorité francophone. Je l'ai déjà
dit, et il me fait plaisir de le répéter, je suis d'origine
italienne et mes grands-parents se sont intégrés - j'en suis la
preuve - à la majorité francophone. Alors, je me sens très
à l'aise de parler de l'intégration des allophones au
Québec. Le présent gouvernement se sent aussi très
à l'aise de parler de l'intégration harmonieuse des
communautés culturelles et il est conscient que le Québec
français de demain sera multi-ethnique. Je pense qu'il est très
important de le rappeler.
Le succès observé dans l'intégration des jeunes
allophones au système scolaire francophone ne constitue qu'une partie du
processus d'intégration des membres des communautés culturelles
à la majorité française. Mais il faut penser aussi aux
adultes, aux parents de ces enfants. J'aimerais, à ce sujet, M. le
Président, rappeler, un peu comme l'a fait le ministre responsable de
l'application de la loi 101, l'annonce faite par la ministre, Mme Louise
Robic,
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, quant
aux nouveaux programmes que le gouvernement a choisi de subventionner afin
d'augmenter et de faciliter l'apprentissage du français aux allophones.
Pour toutes sortes de considérations, cette annonce n'a malheureusement
pas pris toute la place que son importance aurait dû normalement lui
conférer dans nos médias et c'est peut-être pour cela que
j'aimerais m'y attarder quelque peu. (11 h 45)
La ministre a annoncé la mise sur pied d'un nouveau programme de
cours de français à temps plein pour les personnes qui ne sont
pas admissibles aux autres programmes. Mais la particularité de ce
programme réside dans sa clientèle visée,
c'est-à-dire principalement les femmes au foyer qui ne se destinaient
pas au marché du travail. Le gouvernement compte ainsi corriger une
grave lacune à la francisation de nos allophones. Ainsi, une mère
de famille allophone, dont les enfants sont inscrits à l'école
française, dont le conjoint est sur le marché du travail
où il a la chance de se familiariser avec la langue française,
est souvent la seule personne dans cette famille à ne pouvoir
maîtriser ou, à tout le moins, se familiariser avec la langue
française.
Avec ce nouveau programme, les femmes inscrites pourront ainsi partager
un peu plus du quotidien de leur famille en français. Plus encore, ces
cours seront assortis d'allocations pour couvrir des frais de garderie et de
transport. En plus de favoriser la participation de ces femmes à la vie
socio-économique du Québec, les mères pourront prendre une
part active à la vie scolaire de leurs enfants et ainsi elles pourront
mieux les soutenir dans leur apprentissage scolaire.
Il s'agit d'un pas de plus dans la marche vers la francisation de nos
immigrants. Vous me permettrez de citer M. Gilles Lesage du Devoir de mercredi.
Je partage ses propos. Il disait: "En ce sens, toute mesure, si partielle
soit-elle, doit être soulignée d'une pierre blanche. C'est le cas
du budget additionnel de 6 000 000 $ qui a été alloué au
ministère des Communautés culturelles et dont près de la
moitié est consacrée à la francisation des
immigrants".
M. le Président, les membres des communautés culturelles
ne demandent qu'à s'intégrer à la majorité
francophone. Notre attitude à nous doit être celle de la
tolérance face à leur démarche et surtout l'acceptation
des difficultés qu'ils vivent pour y parvenir.
J'ai voulu aujourd'hui contribuer positivement au débat sur la
progression de la langue française au Québec, en parlant de
l'intégration des communautés culturelles, en incluant dans mes
préoccupations notre façon d'accueillir en français au
Québec ces nouveaux citoyens dont la seule présence enrichit
notre société et nous rend certainement plus optimistes. Je vous
remercie.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la
députée de Vachon. M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, je vais poursuivre le
dialogue de sourds, puisque le ministre n'a pas daigné aborder ce que je
disais sur la prétendue exclusivité de la compétence
linguistique du Québec de même que sur les dangers réels du
projet de loi fédéral C-72 en abordant la question de l'accord du
lac Meech.
En mai 1987 - cela va faire maintenant presque un an - lors de
l'étude des crédits de la Charte de la langue française,
l'ex-ministre responsable de la Charte de la langue française indiquait
qu'elle avait demandé un avis au Conseil de la langue française
concernant l'impact de l'accord du lac Meech. À plusieurs reprises au
cours des mois qui ont suivi, nous avons posé la question à
l'ex-ministre. Les réponses se sont avérées nettement
insatisfaisantes. Elle a parlé de modification dans le mandat et a dit
qu'il semblerait que l'avis sur le lac Meech ne serait rendu public qu'à
la fin de juin, peut-être en juillet, au moment où tout le monde
serait en vacances.
Quant à nous, je trouve qu'il est difficile d'expliquer ce
retard, étant donné que depuis juin 1987, c'est-à-dire
depuis l'accord du lac Meech, de multiples articles, documents, rapports,
monographies ont été publiés et font l'analyse de l'accord
du lac Meech, en provenance aussi bien d'Ottawa que du Québec. Encore
récemment, j'interrogeais le ministre responsable des relations
fédérales-provinciales sur sept ou huit avis juridiques qu'il
avait commandés à des consultants externes. C'était dans
les informations concernant ses crédits. Il a refusé
évidemment de les rendre publics, mais le retard à rendre public
l'avis du Conseil de la langue française sur l'accord du lac Meech nous
inquiète et nous avons de la difficulté à lui trouver des
explications rationnelles.
L'Opposition, en effet, est inquiète du contenu de l'avis qui
viendra. Si l'on se réfère à l'avis maintenant connu du
Conseil de la langue française sur le projet de loi C-72, nous sommes en
mesure d'entrevoir les craintes du conseil et les nôtres face au concept
de la dualité linguistique tel qu'il est consacré comme
caractéristique fondamentale de la société canadienne dans
l'accord du lac Meech. Dans l'avis sur le projet de loi C-72, on sait que le
conseil indique que, selon lui, le projet de loi fédéral C-72
s'inspire, s'appuie et se fonde sur le concept de la dualité
linguistique tel qu'on le retrouve dans l'accord du lac Meech. Il en arrive
également à la conclusion que le concept de société
distincte n'est pas retenu, que cela constitue une négation pure et
simple du concept de la société distincte. C'est
inquiétant parce qu'on l'avait signalé en commission
parlementaire.
Lorsqu'il y aura conflit entre la dualité linguistique comme
caractéristique fondamentale de la société canadienne et
le concept de la société distincte, quel concept va primer?
Lequel va prédominer? Lequel aura le dessus? La dualité
linguistique ou le concept de société distincte? D'après
ce que nous dit le Conseil de la langue française concernant le projet
de loi C-72, c'est le concept de la dualité linguistique qui va primer.
C'est inquiétant. C'est pourquoi d'ailleurs et c'est dans cette
perpective que l'Opposition a réclamé que le gouvernement ait la
volonté et le courage politiques de demander un avis à la Cour
d'appel sur la portée du concept de la société distincte
eu égard à une question bien précise qui pourrait lui
être posée sur l'article 58 concernant l'affichage unilingue.
Même si la Cour suprême décrétait que
l'affichage unilingue français est inconstitutionnel eu égard
à la Charte des droits, il serait intéressant de savoir si le
concept de société distincte contenu dans l'accord du lac Meech
l'emporterait et permettrait au Québec de maintenir l'affichage
unilingue français. Il serait intéressant de faire cela. Je pense
donc qu'il est absolument essentiel que le gouvernement demande, presse le
Conseil de la langue française de rendre public le plus rapidement
possible son avis sur l'accord du lac Meech. Cet avis permettrait à la
population québécoise, je pense, de bien cerner la portée
réelle du concept de société distincte, la portée
réelle de l'accord du lac Meech, particulièrement dans le domaine
linguistique.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Lac-Saint-Jean. M. le ministre, pour une
dernière intervention d'une durée de dix minutes.
Conclusions M. Guy Rivard
M. Rivard: Merci, M. le Président. Dix minutes, c'est bien
peu pour clore un débat sur une question aussi importante. J'ai devant
moi une pensée de Einstein qui estimait qu'il est plus important de se
servir de son cerveau pour penser que d'en faire un réservoir de
détails. Voilà une pensée importante, et c'est ce que nous
avons fait ce matin. De mon côté, j'ai essayé de
réfléchir tout haut sur la question linguistique, pas surtout la
question de l'affichage commercial, mais l'ensemble de la question.
J'espère que les gens qui écrivent des choses dans les journaux
constateront que j'ai, ce matin, retrouvé ma langue.
Je voudrais dire aux téléspectateurs que la Charte de la
langue française est un texte de loi. Voici la version à jour au
15 juillet 1986. Je voudrais lire deux paragraphes du préambule de la
charte ainsi que les articles qui concernent les droits linguistiques
fondamentaux, afin que les gens du Québec comprennent bien de quoi nous
parlons lorsque nous parlons de l'essentiel, lorsque nous parlons de ce pacte
conclu entre l'Assemblée nationale et la société
québécoise.
Le préambule: "Langue distinctive d'un peuple majoritairement
francophone, la langue française permet au peuple
québécois d'exprimer son identité. "L'Assemblée
nationale reconnaît la volonté des Québécois
d'assurer la qualité et le rayonnement de la langue française.
Elle est donc résolue à faire du français la langue de
l'État et de la loi aussi bien que la langue normale et habituelle du
travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires.
"
L'article 1 dit: "Le français est la langue officielle du
Québec. " L'article 2: 'Toute personne a le droit que communiquent en
français avec elle l'administration, les services de santé et les
services sociaux, les entreprises d'utilité publique, les ordres
professionnels, les associations de salariés et les diverses entreprises
exerçant au Québec. " L'article 3: "En assemblée
délibérante, toute personne a le droit de s'exprimer en
français", où que ce soit au Québec. L'article 4: "Les
travailleurs ont le droit d'exercer leurs activités en français.
" L'article 5: "Les consommateurs de biens ou de services ont le droit
d'être informés et servis en français. " L'article 6:
'Toute personne admissible à l'enseignement au Québec a droit de
recevoir cet enseignement en français. "
Et je voudrais rappeler ces quatre principes que j'ai inclus dans ma
déclaration d'ouverture et qui sous-tendent cet engagement, encore une
fois public et solennel, que prend le gouvernement du Québec quant
à l'épanouissement du français en terre
québécoise.
Premièrement, au Québec, le français est la langue
normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications, du
commerce et des affaires, et on reconnaîtra là les termes
mêmes du préambule de la charte. Deuxièmement, le
territoire québécois doit conserver un visage français.
Troisièmement, l'évolution démographique du Québec
et en particulier les équilibres démographiques entre les groupes
linguistiques doivent être assurés par des politiques
d'immigration et d'intégration appropriées. Quatrièmement,
la société québécoise reconnaît les droits et
les institutions de sa minorité linguistique, la communauté
anglophone.
On a forcément parlé beaucoup du français ce matin,
M. le Président, mais j'aimerais dire ceci aux Québécois
d'expression anglaise. Votre langue est riche et belle; elle est la langue que
vous parlez dans vos familles et lorsque je la parle - et je constate avec
énormément de plaisir que le député de Taillon
parle, lui, trois langues - lorsque je parle l'anglais, cette langue m'enrichit
parce qu'elle est belle. Et, comme la langue française, elle me donne la
possibilité de m'ouvrir sur un vaste monde. Elle me fournit un outil
additionnel pour communiquer avec des gens
de plusieurs pays.
M. le Président, je m'en voudrais de clore mes propos sans vous
remercier personnellement de votre patience et de la façon habile dont
vous avez géré ce débat et sans remercier tous les membres
de cette assemblée qui, d'un côté ou de l'autre de la
Chambre, ont participé à la présente interpellation.
Le sujet abordé est d'une importance essentielle. Les
préoccupations sont réelles et méritent d'être
comprises de part et d'autre. Il faut, cependant, que les divers points de vue
soient placés dans une perspective plus grande et je crois que le
député de Taillon en convient. L'aspiration des gens du
Québec à vivre distinctement, résolument en paix et en
harmonie, ouverts sur le monde, ouverts au monde, dans la recherche de la
prospérité et du bonheur, s'est toujours manifestée tout
au long de notre histoire avec patience, détermination et un sens
inné de la justice.
Notre société québécoise a des racines
diverses et profondes, des valeurs riches et essentielles, une volonté
ferme, de plus en plus majoritairement partagée de bien vivre ici au
Québec en français. La population veut un Québec fort, un
Québec compétent, un Québec efficace. La population veut
vivre ici, s'exprimer, grandir, travailler, faire des affaires avec un minimum
de contraintes. Les gens du Québec forment une société
mûre, consciente de l'équilibre toujours imparfait et fragile
entre les besoins de l'ensemble et la liberté de chacun. Voilà ce
qui est en jeu ici et rien de moins, M. le Président, l'équilibre
et l'harmonie dont la recherche impose parfois des choix de
société. Notre défi est de faire en sorte que de tels
choix résultent d'un dialogue riche, ouvert, serein, au coeur d'un
processus légitime et démocratique.
Les membres de cette Assemblée peuvent sortir satisfaits du
présent exercice. Ce gouvernement libéral est conscient de sa
lourde responsabilité. C'est avec ardeur et
sérénité qu'il s'est mis à la tâche pour le
mieux-être de tous les Québécois et de toutes les
Québécoises. Merci, M. le Président. (12 heures)
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. M. le
député de Taillon, vous avez dix minutes pour mettre fin au
débat de ce matin.
M. Claude Filion
M. Filion: Merci, M. le Président. Des mots, des mots,
beaucoup de mots. Nous sommes un peu déçus, ce matin. Nous
aurions aimé voir au moins le premier commencement du début d'une
ombre de moyens d'action, de plan d'action, de choses concrètes, de
gestes concrets. Beaucoup de mots. De l'autre côté, on a applaudi
au préambule de la Charte de la langue française que le nouveau
ministre, à son tour, sent le besoin de citer. Sa collègue, la
vice-première ministre, avait fait la même chose lors de la
dernière interpellation. Elle avait cité de nouveau le
préambule qui avait été écrit, évidemment,
à l'adoption de la loi 101, en 1977, à ce moment au sujet duquel
votre collègue de droite, Mme la députée de Vachon,
disait, il y a quelques instants: J'espère que les péquistes ne
retourneront pas aux discours de 1976, aux discours de 1977. Pourtant, je dois
vous dire que notre discours était exactement celui qui a conduit
à la rédaction du préambule dont vous venez de nous faire
part.
Deuxième mise au point. Je pense que la stratégie de
l'autre côté - je ne pense pas que le ministre y participe - est
un peu claire, c'est de vouloir mettre les francophones et le Parti
québécois d'un côté et Alliance Québec de
l'autre côté. Ce n'est pas le type d'attitude qui nous gouverne,
de notre côté. Je répète au ministre que, si la
situation linguistique et sociale au Québec a été si
sereine, si efficace et si productive entre 1977 et 1985, c'est qu'il y avait
une raison, entre autres. Cette raison était que le message était
clair et que la volonté politique était ferme. Oui, il faut des
lois justes et vigoureuses, mais il faut également, de la part du
gouvernement et du ministre, des expressions de volonté
extrêmement claires. Il faut, de la part du ministre et du gouvernement,
des actions claires, concrètes, pour faire en sorte que le
français ne se protège pas tout seul, par le simple fait de la
francophonie créatrice. Je suis heureux de voir, ce matin, que le
ministre ne reprend pas ce scénario naif de la vice-première
ministre, à savoir qu'il faut se fier aux forces naturelles de la
francophonie dont la situation géodémographique est telle - nous
la connaissons tous - que le français au Québec doit être
l'objet de promotion s'il doit survivre.
C'est donc sur ce plan que notre déception s'exprime. Nous
aurions aimé voir des gestes concrets, un plan d'action concret. Je me
sens un peu obligé de faire un très court historique au ministre
des gestes concrets qui ont été posés. Comme vous le
savez, des mots, on peut en prononcer beaucoup, mais ce qui compte pour la
population, ce sont les actions et les gestes concrets. Or, qu'a fait le
gouvernement dont fait partie le nouveau ministre? L'amnistie des
élèves illégaux, l'article 85. 1 en vertu duquel le
ministre de l'Éducation s'est octroyé un pouvoir
discrétionnaire lui permettant certaines dérogations visant
l'accessibilité à l'école anglaise, la tentative
d'amoindrir le pouvoir des organismes chargés de défendre et de
promouvoir la langue française - je fais référence, bien
sûr, au projet de loi 140 - le projet de loi 142 qui assurait des
services de santé à toute personne d'expression anglophone,
minant ainsi une partie des efforts de francisation et assimilant les autres
minorités culturelles à la minorité anglophone.
En 1987-1988, ce même gouvernement a sabré de 3 % les
budgets et de 10 % l'effectif de la Commission de protection de la langue
française. Ce sont là des faits concrets. Le fait
d'entériner l'accord du lac Meech, comme l'a si bien
détaillé le député de Lac-Saint-Jean, sans que cet
accord, de l'avis de la majorité des experts, n'offre une
véritable protection pour la langue française et, plus
récemment, depuis la nomination du ministre, le projet de loi C-72 qui
constitue aux yeux du Conseil de la langue française et aux yeux des
observateurs une attaque directe aux objectifs du projet de loi 101 et au
français au Québec sur lequel, depuis un mois malheureusement,
nous n'avons aucune réponse. Et s'ajoute évidemment à
cette liste l'incroyable épisode du paiement des honoraires et des
déboursés des avocats d'Alliance Québec qui sont
payés pour contester la loi 101 en Cour suprême. D'ailleurs, nous
aurions aimé l'opinion du ministre sur ce sujet.
Je reviens quelques instants sur le projet de loi C-72. Le ministre est
en poste. Il ne peut s'en remettre à ses prédécesseurs. Le
projet de loi C-72 est actuellement, M. le ministre, en voie d'être
adopté. Selon mes informations, il a même franchi l'étape
de la deuxième lecture ou est sur le point de la franchir et est l'objet
d'étude en commission parlementaire. Il est donc urgent pour le
gouvernement et le ministre d'agir dans ce dossier.
Donc, ce sont là des gestes concrets, M. le Président,
qui, au-delà des mots, des simples expressions, au-delà des
lectures du préambule de la charte qu'un gouvernement du Parti
québécois a écrit et qui a fait l'objet d'ailleurs... Je
le répète au ministre, la loi 101 est pour moi la loi la plus
socialement acceptée, la plus socialement acceptable au Québec,
mais de là l'importance, M. le ministre, de la faire respecter dans les
faits. Importance d'abord sur le plan démocratique et importance
également sur le plan social.
Le ministre doit donc passer à l'action. Le ministre doit
restaurer la loi 101 dans son application. Le ministre doit procéder
à faire en sorte que l'opération français au travail
puisse être relancée avec force. On a déjà perdu
deux ans et demi au cours desquels l'opération de francisation des
entreprises a été stagnante au dire même - je vois le
ministre qui fronce les sourcils - de la vice-première ministre lors
d'une interpellation précédente qui avait fait part de chiffres
qui démontraient que l'opération de francisation des entreprises
était malheureusement tout à fait stagnante.
Donc, M. le Président, des gestes qui ont été
posés par le gouvernement libéral, des déclarations
contradictoires qui doivent cesser. J'en ai cité deux au ministre ou
disons une au ministre au début en ce qui concerne !a francisation des
entreprises. L'autre est peut-être une question d'interprétation.
Le ministre, d'ailleurs, me dit là-dessus qu'il a été mal
cité. C'est le lot des hommes et des femmes politiques de dire qu'ils
ont été mal cités. Je dois vous dire que je n'ai pas eu
encore une fois l'occasion de le faire.
Je voudrais terminer, puisqu'il me reste peu de temps, en reprenant
peut-être un élément que l'on retrouve en filigrane en
particulier dans les déclarations des gens qui sont autour du ministre,
mais du ministre lui-même lorsqu'ils parlent de l'émotivité
de la question linguistique. À notre sens, M. le Président,
l'émotivité fait partie de la question linguistique.
Vous savez ce que disait Mme la vice-première ministre
lorsqu'elle occupait vos fonctions: Moi, je fais l'amour avec la langue
française. Je lui avais répondu à ce moment-là:
Oui, mais Mme la ministre, la langue française ne s'en aperçoit
pas; peut-être que vous lui faites l'amour à l'anglaise. Alors,
pour dire ceci: je suis convaincu également que le ministre fait l'amour
avec la langue française; nous aussi, nous faisons l'amour à la
langue française. Mais quand nous faisons l'amour avec une langue, il y
a de l'émotivité, cela va de soi. Cela ne doit pas empêcher
un jugement serein, un jugement raisonnable, mais sur des actions
concrètes, sur des gestes concrets qui ont beaucoup trop tardé et
qui ont contribué à la situation détériorée
que vous avez à prendre en main depuis 30 jours.
M. le Président, je vous remercie de m'indiquer qu'il me reste
dix secondes. C'est le temps que je prends pour vous remercier d'avoir
présidé nos travaux et pour remercier également les gens
qui y ont participé.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Taillon. Merci également M. le ministre pour le
ton serein avec lequel cette interpellation s'est déroulée. La
commission, ayant évidemment fort bien accompli son mandat, ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 11 )