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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le vendredi 29 avril 1988 - Vol. 30 N° 8

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Interpellation: La situation précaire du français au Québec


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de la culture se réunit pour procéder à l'interpellation du député de Taillon au ministre délégué aux Affaires culturelles sur le sujet suivant: La situation précaire du français au Québec.

Est-ce que nous avons des remplacements Mme la secrétaire?

La Secrétaire: M. Blais (Terrebonne) est remplacé par M. Brassard (Lac-Saint-Jean) et M. Boulerice (Saint-Jacques) est remplacé par M. Filion (Taillon).

Le Président (M. Trudel): Merci. Je pense que tout le monde, de chaque côté de la Chambre, connaît les règles du jeu. Le député de Taillon aura dix minutes pour faire sa déclaration d'ouverture; le ministre aura dix minutes et, par la suite, pendant 80 minutes, il y aura alternance entre les membres pour une période de cinq minutes chacun. Les enveloppes ne sont pas interchangeables, c'est-à-dire que, si vous prenez moins de cinq minutes, vous perdez la différence. Vingt minutes avant la fin de l'interpellation, je signalerai, non pas la fin de la récréation, mais la fin de la période de discussions, et le ministre aura dix minutes; le député de Taillon aura également dix minutes pour des remarques finales.

M. le député de Taillon, je. vous invite à faire vos remarques d'ouverture pour une période de dix minutes.

Exposé du sujet M. Claude Filion

M. Filion: Merci, M. le Président. D'abord,, je voudrais souhaiter la plus cordiale des bienvenues, à l'accasion de cette interpellation, de cette procédure parlementaire, au nouveau ministre responsable de la Charte de la langue française et donc de la question linguistique. Bien sûr, le ministre a été particulièrement avare dans l'utilisation de sa langue dans le dossier linguistique. J'ose espérer que l'occasion que nous lui fournissons ce matin lui permettra de nous faire connaître un peu plus le plan d'action qu'il a dû commencer à préparer un mois après sa nomination et qu'il a l'intention de mettre en branle pour faire en sorte que la situation du français au Québec progresse au lieu de reculer, comme c'est le cas depuis le 2 décembre 1985.

Le ministre a été très chiche de ses paroles, mais on pourrait quand même retracer deux axes principaux ou deux éléments - des axes, c'est un peu trop - dans ce qu'il a rendu public. D'abord, sur le plan de l'attitude, le ministre a énormément parlé de la nécessité de jeter des ponts, d'avoir une attitude de concertation, une attitude de rassembleur. Tout cela est fort bien dans plusieurs dossiers. Cependant, le ministre doit savoir, au moment où je lui parle, que cette attitude devrait peut-être subir une petite modification. Bien sûr, de mon côté, je crois qu'il faut faire appel au respect et à la tolérance de chacune des communautés au Québec en matière linguistique: respect, compréhension, communication, tolérance.

Lorsqu'on parle de rassembler à l'intérieur de problèmes, je dois vous dire que cette attitude de rassembleur m'inquiète un peu, d'autant plus que, si on prend un dossier, juste un dossier, mais un dossier qui est quand même d'actualité, qui a une valeur intrinsèque, mais aussi symbolique, celui de l'affichage, une valeur intrinsèque parce que en soi le dossier de l'affichage comporte un contenu extrêmement important pour l'avenir du Québec et une valeur symbolique parce qu'à cause des événements ce dossier a pris une dimension symbolique qui dépasse sa valeur intrinsèque.

Or, si on prend ce dossier de l'affichage, par exemple, le ministre nous entretient de son attitude de rassembleur, alors que le premier ministre lui-même, et pas plus tard que cette semaine, encore une fois, nous a dit qu'il a trouvé la solution. Le ministre était présent à Fatima lorsque la solution a été dévoilée au premier ministre et, manifestement, le nouveau ministre responsable de la Charte de la langue française ne connaît pas le secret de Fatima. Or, son chef, le premier ministre, lui, nous le redit. Encore cette semaine en conférence de presse, le premier ministre répondait à un journaliste qui lui demandait si sa décision était prise: Non, non, c'est faux que ma décision soit en péril. Non, non, ma décision est prise. J'attends le jugement de la Cour suprême. Je verrai ma marge de manoeuvre à ce moment-là, mais j'attends le jugement de la Cour suprême pour voir la façon dont elle sera appliquée, mais ma décision est prise.

Bref, on a un nouveau ministre responsable de la Charte de la langue française, il y a un dossier qui est particulièrement d'actualité - ce n'est pas le seul - qui a fait en sorte d'ailleurs que 25 000 Québécois et Québécoises se sont réunis dans la rue, pas plus tard qu'il y a une quinzaine de jours et le nouveau ministre responsable de la loi 101 dit là-dessus: On va essayer de rassembler, mais son premier ministre a trouvé une solution. Déjà, c'est peut-être le premier élément qui était ressorti depuis la nomination du ministre, cette attitude de rassembleur, alors que nous aurions peut-être préféré un appel au respect, à la tolérance, à la communication. Rassembler sur un dossier où il

existe déjà un débat énorme au sein de la communauté québécoise et où le premier ministre a trouvé une solution... eh bien! vous me permettrez, M. le Président, de poser ma première question au ministre responsable de la loi 101: Quel est le secret de Fatima et peut-il nous le dévoiler? Je pense qu'il est d'intérêt public que cette révélation soit faite et soit connue au grand jour.

Le deuxième élément connu de ce que le ministre a déclaré depuis son assermentation portait sur une déclaration qu'il a faite aux journaux en fin de semaine dernière: "Le ministre Guy Rivard n'est pas prêt à étendre la francisation aux firmes de moins de 50 employés". Alors, je rappellerai au ministre que la personne qui l'a précédé aux fonctions qu'il occupe maintenant, la vice-première ministre et ministre des Affaires culturelles, avait bel et bien ouvert une porte importante en ce qui concerne la francisation des entreprises de moins de 50 employés.

Il faut savoir, M. le Président, dans ce dossier qu'il y a 50 % uniquement des entreprises qui ont plus de 50 employés qui ont, au moment où l'on se parle, leur certificat de francisation. Donc, il y a un travail énorme à faire de ce côté, mais il y a aussi un travail énorme à faire pour toutes ces entreprises de moins de 50 employés qui ne sont pas soumises à l'obtention du certificat de francisation. Mais le ministre, en 30 jours, n'a pas eu le temps de se rendre bien loin dans la lecture des articles de la Charte de la langue française, il est rendu à peine à l'article 23, mais déjà on sait que le ministre ferme la porte à cette nécessaire opération de francisation des entreprises de moins de 50 employés.

Je l'ai dit à plusieurs reprises. Je le répète aujourd'hui. C'est ma profonde conviction que le français au travail et l'amélioration de la place du français au travail constituent la clé de voûte, à mon modeste avis, ou l'une des clés de voûte, si l'on veut être moins général, importante de la progression et du maintien de la promotion du français au Québec. Or, première nouvelle en-dedans de 30 jours, le ministre ferme la porte à cette francisation et bien plus contredit ainsi la personne qui Va précédé ainsi que le premier ministre lui-même, le député de Saint-Laurent qui avait, on le sait, en conférence de presse et c'était un peu traduit dans le discours d'ouverture, ouvert la porte à des actions énergiques concernant le français au travail.

Donc, M. le Président, un ministre qui a ouvert la bouche que très peu, mais malheureusement à ces deux reprises nous n'avons pas décelé le type d'énergie, de dynamisme, de rigueur qu'il faudrait retrouver actuellement chez le titulaire du poste de ministre responsable de la langue française parce que nous sommes en face d'une situation qui est largement détériorée. Je voudrais profiter des quelques minutes qui me restent pour en faire état.

D'abord, que le français recule sur tous les fronts, on n'a pas besoin d'avoir un diplôme d'université pour s'en rendre compte; il suffit d'avoir la perception du citoyen et de la citoyenne ordinaires qui vivent à Montréal, dans l'Outaouais ou dans l'Estrie et même dans d'autres régions pour se rendre compte que le français recule sur tous les fronts, que ce soit dans la langue des services, dans la langue du travail ou dans la langue de communication gouvernementale. Bref, sur tous les fronts, le français recule au Québec. D'où la nécessité d'une énergie et d'un dynamisme accrus. C'est ce qui explique, d'ailleurs, l'interpellation de ce matin qui est rendue nécessaire à cause de la dégradation, dans les faits, du français et également compte tenu de la dégradation du climat social.

Sur le bilan de la situation, je pense que je n'ai pas besoin d'insister longuement. Bien sûr, il y a des statistiques, et je vais en donner - les statistiques sont un élément - quelques-unes au ministre à partir des documents qui nous ont été remis pour l'étude des crédits. Donc, les statistiques illustrant la dégradation de la situation sont fort éloquentes. Ainsi, alors que sous les trois dernières années du régime du Parti québécois, le nombre moyen de dossiers ouverts - je parle ici de dossiers ouverts, je ne parle pas de dossiers de demandes d'enquête - est de 1578. Sous un gouvernement du Parti libéral, cette moyenne annuelle se situe à 3492, ce qui représente, croyez-le ou non, une augmentation de 120 %. Ce sont les chiffres qui nous ont été fournis pour l'étude des crédits que nous pourrons explorer un peu plus à fond mardi. Il y aurait eu, si on prend uniquement l'année 1987-1988, 3700 dossiers ouverts, soit une augmentation de 13 %...

Le Président (M. Trudel): M. le député de Taillon...

M. Filion:... sur l'année précédente. Je vous remercie, M. le Président, je reviendrai donc là-dessus à l'occasion d'une période additionnelle de cinq minutes que j'aurai tantôt. Je vous remercie.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Taillon. M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, votre première période de dix minutes.

Réponse du ministre M. Guy Rivard

M. Rivard: M. le Président, c'est avec plaisir que je prends note du ton que prend le député de Taillon pour discuter de cette question fort importante pour notre société, qui est la question de la langue française. Je ne ferai pas de commentaires, pour l'instant, sur ses déclarations ou je n'apporterai pas de réponses à ses questions, on aura le temps, par la suite, de le faire.

Je voudrais profiter de ce moment parlementaire pour intervenir de façon plus globale dans ce débat de société. Langue distinctive d'un peuple majoritairement francophone, la langue française permet au peuple québécois d'exprimer son identité. C'est par cette phrase simple, mais fondamentale que débute le préambule de la Charte de la langue française, préambule auquel notre gouvernement souscrit d'emblée. Cette société distincte qu'abrite le Québec constitue un phénomène unique sur ce continent. Ses citoyens sont à majorité d'expression française, ils ont leur propre identité socioculturelle et, depuis près de 400 ans, ils bâtissent un pays en terre d'Amérique. Le Québec compte aussi en son sein une communauté anglophone d'importance enracinée chez nous depuis plus de 200 ans. Cette double réalité consacre notre caractère de société distincte. Les communautés culturelles que l'on retrouve chez nous en nombre croissant enrichissent ce caractère particulier et contribuent à faire de ce coin de pays un lieu de plus en plus multicultural et multiethnique.

Distincte des autres, la société québécoise a toujours eu la volonté d'exprimer clairement son identité et de s'épanouir, non pas malgré, mais grâce à tout ce qui la distingue de ses voisins. Cet épanouissement passe forcément par l'affirmation du caractère français de notre société. Cette volonté de favoriser l'épanouissement du français est un engagement de société qui se manifeste dans toutes nos institutions autant publiques que privées. C'est cette même volonté qui amène l'actuel gouvernement du Québec à réaffirmer publiquement et de façon solennelle cet engagement. Quatre principes guident le gouvernement à cet égard. Premièrement, au Québec, le français est la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires. Deuxièmement, le territoire québécois doit conserver un visage français. Troisièmement, révolution démographique du Québec et, en particulier, les équilibres démographiques entre les groupes linguistiques doivent être assurés par des politiques d'immigration et d'intégration appropriées. Quatrièmement, la société québécoise reconnaît les droits et les institutions de sa minorité linguistique, la communauté anglophone.

Dans une société en évolution continue, l'application de ces quatre principes demande des ajustements périodiques aux cadres législatif et institutionnel. Il faut reconnaître, cependant, que tout ajustement peut être un exercice parfois délicat. De tels ajustements doivent se faire démocratiquement dans le respect des opinions et des droits de chacun, et en tenant compte du fait que la société est en constante évolution. Dans un domaine aussi fondamental que la langue, il apparaît important, voire primordial que toute discussion se déroule dans l'harmonie.

Notre société doit apprendre à discuter des questions linguistiques de façon sereine. La dualité socioiinguistique du Québec est per- manente. Il nous faut en arriver rapidement à vivre cette réalité sans affrontement. Il faut donc sonner le glas des querelles linguistiques. Non seulement ne mènent-elles nulle part, mais encore risquent-elles de troubler la confiance en eux-mêmes que les Québécois ont acquis au fil des ans, une confiance dont l'un des fleurons est la prospérité économique que le Québec connaît présentement. Bref, un climat de confiance et de respect mutuel doit, à tout prix, présider aux relations entre les deux groupes linguistiques.

C'est pour cette raison que je conçois le rôle du ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française comme celui d'un rassembleur, celui d'un interprète, auprès des uns, des sentiments et des volontés des autres.

Aux Québécois d'expression française, je tiens à souligner que la langue française est vivante au Québec, bien vivante. À l'usine, au bureau, à l'école, à la maison, dans la rue, partout et plus que jamais au Québec, nous vivons en français. La confiance que nous avons en nos moyens nous permet de mettre désormais l'accent sur la qualité de notre langue, celle que l'on parle, que l'on écrit, que l'on affiche et que l'on enseigne. Par ailleurs, le visage français du Québec doit continuer de s'affirmer, il n'est pas question d'accepter un recul sur ce plan.

Il n'est pas question non plus de remettre en cause la Charte de la langue française, dont le préambule et l'affirmation des droits linguistiques fondamentaux constituent un pacte conclu entre l'Assemblée nationale et la société québécoise. Ce pacte doit être respecté.

Mais il convient néanmoins de garder à l'esprit que le français, au Québec, n'est pas, n'a jamais été et ne sera jamais l'affaire d'une seule loi. La langue est le mode d'expression d'une collectivité, une manifestation de sa façon de vivre et de sa culture présente dans tous les aspects de la vie et, comme la vie, changeante et en constante évolution. La langue ne saurait se laisser emprisonner dans une seule loi. Les principes que j'évoquais plus haut dépassent largement le cadre de la législation linguistique.

À mes concitoyens d'expression anglaise je tiens à dire: Les francophones du Québec sont convaincus d'avoir toujours respecté les institutions de votre communauté. La vitalité même de ses institutions en témoigne. Si, de temps à autre, des incidents ont pu soulever des inquiétudes chez certains, on ne peut imaginer que la société québécoise pourrait soudainement renier 200 ans de tradition et abandonner cet esprit de justice et d'ouverture qui caractérise l'ensemble de ses institutions.

Vous êtes des citoyens à part entière. Vous êtes enracinés au Québec. Vous avez choisi de vivre harmonieusement dans un Québec francophone et au visage français, en reconnaissant le droit légitime de la société québécoise de promouvoir son caractère français.

Notre défi collectif est d'harmoniser les

impératifs de la promotion de ce caractère français avec l'exercice des libertés individuelles de tous les Québécois. À ces Québécois issus des diverses communautés culturelles, je dis: Vous avez été, jusqu'à maintenant, pratiquement absents du débat et je le déplore. De tout temps, vous êtes venus chez nous, parce qu'il fait bon y vivre et vous y avez trouvé votre place. Vous avez un rôle à jouer et aussi un mot à dire pour promouvoir le caractère français du Québec.

À ce sujet, je fais miennes les paroles de mon collègue, le député de Laurier, qui écrivait récemment ceci et je le cite: "Je convie donc les centaines de milliers de Québécois, membres des communautés culturelles, qui ont choisi le Québec, à participer au véritable débat qui est plus vaste que celui de l'affichage. C'est le débat concernant l'avenir démographique et la dynamique sociale qui doit surtout nous préoccuper. Ce n'est pas vers le règlement de querelles passées que nous devons nous tourner, mais plutôt vers la définition d'un futur commun. "

C'est dans cet esprit d'ouverture vers l'avenir que je souhaite conclure mes propos. Lorsque je rencontre un Québécois ou une Québécoise, ce qui m'intéresse, ce n'est pas de lui demander: D'où viens-tu? Mais bien plutôt: Où allons-nous ensemble? Nos richesses culturelles sont inestimables. Notre défi de société est d'en vivre pleinement et harmonieusement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. M. le député de Taillon, pour une période de cinq minutes.

Argumentation M. Claude Filion

M. Filion: Merci, M. le Président. Je remercie le nouveau ministre pour ses bonnes paroles. Il y a des petits problèmes, cependant, que je vous soulève. Il nous dit: Écoutez, il faut mettre fin aux tensions linguistiques. Nous en sommes et, vous savez, le Québec a rarement connu une période de sérénité sur le plan linguistique, telle que nous avons pu vivre entre 1978 et 1985, par exemple. (10 h 30)

II existe actuellement au Québec des tensions linguistiques. Pourquoi? Créées par qui? Engendrées par quelle attitude? Sinon l'attitude laxiste qui ne relève peut-être pas du ministre lui-même, mais de ses prédécesseurs et du Conseil des ministres auquel il ne faisait pas partie. Par exemple, dans les chiffres que nous allons étudier ensemble mardi, M. le ministre, on a une augmentation de 45 % des plaintes en vertu de l'article 58 portant sur l'affichage, on a une augmentation de 55 % des plaintes portées en raison de dérogations à l'article 69 et, comme par hasard, ce sont ces deux mêmes articles qui sont actuellement examinés par la Cour suprême du Canada, donc une augmentation moyenne de 47 % dans ces deux articles, dans le dernier relevé des documents de la Commission de protection de la langue française pour l'année 1987-1988.

Si, en plus de cette dégradation factuelle du dossier on regarde, par exemple, ce qu'a fait l'appareil gouvernemental lui-même... je ne veux pas reprendre tous les exemples que j'ai eu l'occasion de citer publiquement, mais on a dénoncé de multiples cas, on a même demandé une enquête à Mme la vice-première ministre sur la détérioration de la préoccupation des communications françaises par le gouvernement du Québec. Vous vous souvenez du cas de l'IREQ, du cas de la CARRA, du cas du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, du cas de la Régie des rentes, du cas de la Régie de l'assurance automobile du Québec, etc. Qui a engendré ces tensions linguistiques?

M. le ministre, n'y a-t-il pas quelque chose de plus fondamental dans une société que d'appliquer une loi démocratiquement votée par l'Assemblée nationale? Est-ce qu'il n'y a pas de plus mauvais exemple à donner pour un gouvernement que de ne pas faire respecter une loi qui, encore une fois, a été votée par les élus du peuple, même si cette loi est étudiée en partie par les tribunaux, et ce, tant et aussi longtemps qu'un jugement final n'est pas rendu? Si, durant l'année 1986, le Procureur général n'a pas fait respecter la loi 101, cette attitude a causé énormément de dommages.

Le ministre veut construire des ponts. J'en suis. Mais encore faut-il connaître la route que ce gouvernement a suivie depuis deux ans. Il doit prendre conscience de la route qui nous a menés à cette rivière où l'on trouve une certaine tension entre deux communautés, la communauté francophone majoritaire et la communauté anglophone qui est, encore une fois, une communauté minoritaire mais la plus importante. Il faut connaître ce bout de route que nous avons fait depuis le 2 décembre 1985 pour être en mesure d'apprécier !e degré de tension et de frustration qui a été créé à la suite d'expectatives légitimes de la part de la communauté anglophone qui a été déçue et de la part de la communauté francophone qui est également déçue.

Cette détérioration se manifeste également dans la langue de services. En ce sens, je voudrais poser une autre question au ministre. On sait que les indices d'appréciation de la langue de services ne sont pas faciles. Il n'existe pas, comme je le dis souvent, d'indice Dow Jones en matière de recul ou de progression du français au Québec. Le Conseil de la langue française avait amorcé une démarche visant à faire le point sur la langue de services. Est-ce que le ministre peut nous dire s'il est d'accord que cette enquête se poursuive, afin que l'on puisse avoir encore une fois des données objectives, des données factuelles? De même souffle, est-ce que

le ministre pourrait nous indiquer si le conseil a identifié les auteurs de la fuite qui, malheureusement, a mis en péril le démarrage de cette enquête portant sur la langue de services?

Bref, nous avons un bilan de situation dégradée. Le ministre nous dit aussi: Écoutez, on ne peut pas emprisonner la langue dans une loi. Je termine là-dessus, M. le Président. Je suis d'accord, mais comme le Conseil de la langue française vous l'a dit: il faut aussi des lois justes et vigoureuses. Pour moi, une loi vigoureuse, cela veut dire une loi qui est appliquée. On ne peut pas arriver à une solution qui ne passerait pas par une loi juste, vigoureuse et appliquée dans les faits. Excusez-moi d'avoir pris quelques secondes de trop, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Taillon. M. le ministre.

M. Guy Rivard

M. Rivard: M. le député de Taillon, vous êtes tout excusé d'avoir pris ces quelques secondes de plus. Encore une fois, je suis très heureux de voir avec quelle civilité nous pouvons, vous et moi, discuter d'un dossier si important pour la société québécoise.

Je voudrais revenir sur cette déclaration que vous faites, à savoir que le français recule sur tous les fronts. Vous avez employé ces termes. C'est une perception qui, au fond, résulte actuellement d'une espèce d'attention sélective de la part de la population, et pas seulement des militants, probablement, à l'égard de ce dossier particulièrement visible qui est celui de l'affichage commercial. Le fait que le nombre de plaintes augmente ou le fait que le nombre de dossiers ouverts augmente ne signifie pas nécessairement qu'il y a dégradation de la situation. Je suis très intéressé par cette espèce de description que l'on fait actuellement de la façon dont les incidents ou les événements sont exploités, de façon générale, par toutes sortes d'éléments dans notre société.

Cela se passe de la façon suivante. Que ce soit une marche, un événement heureux, un événement d'importance, que ce soit une déclaration à l'emporte-pièce dans un certain journal, que ce soit n'importe quel événement ou incident, il est certain que, actuellement, c'est repris par certains militants situés aux deux extrémités d'un certain spectre d'opinions. Ces militants incluent cet événement ou ces incidents dans leur discours. C'est repris par les médias qui tantôt amplifient les incidents, tantôt s'assurent tout simplement que les incidents ne meurent pas au feuilleton. Cela contribue à augmenter la tention sociale. La tension sociale rend les gens nerveux et inconfortables, et il s'établit une sorte de cercle vicieux dont, de toute évidence, nous avons énormément de difficultés à nous sortir à l'heure actuelle. J'aurais pu mentionner qu'un incident, cela peut être aussi l'envoi d'un formulaire, comme vous l'avez mentionné vous-même.

J'aimerais revenir sur le ton qu'il faut employer dans ce discours parce que vous et moi sommes entièrement d'accord, je pense, sur la nécessité, au moment où nous nous parlons, de diminuer la pression, de baisser le ton pour exprimer ce que nous avons à dire. Je vais citer un article de La Presse de ce matin et une déclaration de M. David Culver, président et chef de la direction d'Alcan, cette compagnie qui est un chef de file industriel et économique: 67 000 employés dans le monde, 10 000 au Québec, douze usines. C'est très important d'entendre ce que dit M. Culver: 'Tout ce que je veux dire à propos de la loi 101 - apparemment, c'est une citation qui a été faite telle quelle par le journaliste - et de l'affichage est que j'implore les militants de chaque côté de rester calmes. Nous, les Québécois, bénéficions actuellement d'une bonne réputation dans le monde. Ce n'est pas le temps de mettre le feu aux poudres. "

Moi, je suis, encore une fois, tout heureux de constater que le critique officiel de l'Opposition en matière linguistique contribue, ce matin, par son attitude, par son ton, à faire en sorte que, ici à l'Assemblée nationale et ailleurs dans tout le Québec, nous nous mettions à discuter de la question linguistique de façon civilisée. Nous aurons, vous en conviendrez, M. le Président, et sans aucun doute le député de Taillon aussi, énormément de temps à notre disposition lors de la défense des crédits la semaine prochaine pour discuter dans le détail de toutes sortes de statistiques. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. M. le député de Sherbrooke.

M. André J. Hamel

M. Hamel: Merci, M. le Président. Depuis son arrivée au pouvoir, notre gouvernement a toujours fait état de deux impératifs à concilier, soit le renforcement du fait français au Québec et le respect des droits de sa minorité. À cet égard, cette volonté de concilier ces deux aspects propres à la dynamique de notre société a fait l'objet de la constante préoccupation de chacun des gouvernements qui se sont succédé à la tête du Québec, de Jean Lesage à l'actuel premier ministre, M. Robert Bourassa, en passant par René Lévesque qui s'est toujours opposé à la tentation de radicalisation d'une certaine faction au sein de son parti.

Pour réconcilier ces impératifs, notre gouvernement croit qu'il faut d'abord dégager de chacun d'eux les éléments conciliables, car c'est sur cette seule base que nous saurons rétablir les ponts nécessaires à l'éclosion d'un dialogue constructif entre les deux principales communautés linguistiques du Québec et à l'apaisement des passions.

C'est dans cette perspective que le gouvernement étudie de nombreuses hypothèses dont la réponse n'est pas simple. Doit-on permettre l'affichage bilingue partout au Québec en présumant que c'est ce que commandent les droits de la minorité? Ou bien doit-on le restreindre à sa plus simple expression en présumant que c'est ce que commandent les droits de la majorité? En fait, peu importe la solution retenue, il est clair que cette dernière devra émerger d'un consensus.

L'harmonie relative qui règne dans de nombreuses régions du Québec entre francophones et anglophones démontre qu'un tel consensus est possible et j'en veux seulement pour exemple la situation dans la grande région de Sherbrooke où les deux communautés, sur la base de leurs intérêts communs, ont su mettre ensemble l'épaule à la roue pour faire progresser notre région sur les plans commercial, économique et culturel dans le respect des différences de chacune. Sherbrooke vit depuis longtemps à l'heure de la coexistence pacifique et à l'heure du libre-échange, car nos leaders, nos industriels, nos entrepreneurs et nos travailleurs ont compris que c'est dans !a tolérance, la générosité, l'ouverture d'esprit, le dynamisme et le travail que l'on bâtit l'avenir du Québec.

Une telle harmonie ne peut naître que d'un dialogue rationnel entre les deux communautés qui, historiquement, ont contribué à bâtir le Québec et elle seule peut garantir aux Québécois une paix sociale pour assurer le progrès et la survie de notre société. Malheureusement, il y aura toujours des extrémistes des deux côtés. Comme le soulignait le premier ministre, mardi dernier, ce n'est pas rendre service aux Québécois que de fournir des armes à ceux qui, pour une raison ou une autre, cherchent à provoquer et à exploiter dans le reste du Canada ou à l'étranger un sentiment anti-Québec.

Nos entrepreneurs, nos travailleurs, nos agriculteurs ont à faire face aussi au phénomène mondial du décloisonnement des économies et pour que notre économie puisse poursuivre sa croissance, il est primordial de donner à ces entrepreneurs, travailleurs et agriculteurs toutes les chances possibles d'écouler leurs productions sur de nouveaux marchés tout comme il est primordial que ie Québec puisse continuer à attirer de nouveaux investissements si nous voulons générer pour nos jeunes davantage d'emplois valorisants et porteurs d'avenir. (10 h 45)

C'est à ce prix seulement que sera assurée la position du Québec comme pôle de rayonnement et lieu d'épanouissement de la francophonie en Amérique. En faisant fi de cette réalité fondamentale et en s'entêtant à vouloir traiter francophones et anglophones comme des ennemis irréductibles, l'Opposition et tous ceux qui contribuent à cette intolérance ne se rendent pas compte des torts irréparables qu'ils sont en train de causer au Québec.

La majorité francophone au Québec a manifesté à maintes occasions son extrême ouverture à l'endroit de la minorité anglophone. La tolérance et la générosité ont toujours été les caractéristiques fondamentales du peuple québécois et ce sont ces traits caractéristiques fondamentaux des Québécois qui nous permettent de croire en la possibilité d'harmonie entre les deux communautés. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Sherbrooke. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: Dans un dossier comme celui-là, il est très important de ne pas se présenter sous de fausses représentations. C'est ce que le gouvernement fait en matière linguistique. Hier, avant-hier, deux ministres de ce gouvernement ont claironné, proclamé qu'ils étaient attachés de façon indéfectible à la compétence exclusive du Québec en matière linguistique. C'est cela de la fausse représentation parce que ce n'est pas exact, parce que ce n'est pas vrai, parce que c'est faux. Le Québec n'a plus de compétence exclusive en matière linguistique. Sa compétence en matière linguistique est soumise à toutes sortes de contraintes, depuis plusieurs années, à toutes sortes d'entraves, d'obstacles majeurs. On ne peut plus parler de compétence exclusive. Le faire, c'est tromper et c'est berner la population.

En particulier, je signale que l'article 133 de la constitution est une contrainte majeure. C'est pour cette raison que le Québec a été forcé de redevenir un État bilingue et qu'on est obligé depuis 1979 par une décision de la Cour suprême de déposer, d'adopter dans les deux langues nos lois et nos règlements. La Saskatchewan peut et est devenue officiellement unilingue anglaise en abolissant les droits historiques des francophones de la Saskatchewan. Le Québec, lui, ne le peut pas à cause de l'article 133. Puis ce fut la Loi constitutionnelle de 1982 qui comportait bien des entraves et bien des contraintes. Ce n'est pas pour rien qu'on s'y est opposés au moment où nous étions, nous, au gouvernement à cette Loi constitutionnelle de 1982.

Dans cette loi, il y a l'article 23, en matière de langue d'enseignement qui nous a obligés et qui nous oblige à adopter et à appliquer ce qu'on appelle la clause Canada, alors que la Charte de la langue française avait comme disposition la clause Québec. Dans cette Loi constitutionnelle de 1982, il y a également la charte des droits. C'est en vertu des dispositions de la charte des droits que les tribunaux, à plusieurs reprises, ont carrément rendu invalides des chapitres entiers de la Charte de la langue française. Pour ce qui est de l'affichage présentement, c'est en vertu de l'article 3 sur la liberté d'expression de la charte des droits qu'on

conteste l'affichage unilingue français et que des tribunaux inférieurs, la Cour suprême ne s'étant pas encore prononcée, ont décrété que cette disposition était invalide, inconstitutionnelle à cause de l'article 3 de la charte des droits.

Il y a également l'article 93 de l'Acte constitutionnel de 1867 qui oblige le Québec d'avoir des commissions scolaires confessionnelles et qui nous empêche actuellement de mettre en place des commissions scolaires linguistiques. La loi 101 a donc été petit à petit démantelée, battue en brèche parce qu'on s'est appuyé, fondé sur des dispositions constitutionnelles, en particulier, issues de la Loi constitutionnelle de 1982. M. le Président, par conséquent, c'est donc faux de prétendre et d'affirmer, comme le font présentement plusieu. s ministres du gouvernement libéral, y compris celui chargé d'appliquer la loi 101, que le Québec détient présentement, actuellement, une compétence exclusive en matière linguistique. Ce n'est pas vrai, c'est faux et le ministre responsable des relations fédérales-provinciales a beau plastronner en claironnant que c'est le cas. Ce n'est pas le cas. Toute une série des contraintes empêche, a battu en brèche, a réduit à néant cette prétendue exclusivité.

Or, il aurait été essentiel que, durant les négociations constitutionnelles qui ont conduit au compromis du lac Meech, l'on puisse réclamer un rapatriement complet des pouvoirs en matière linguistique. C'est ce que nous demandions, nous, de l'Opposition; nous réclamions que le gouvernement profite de ces négociations constitutionnelles pour rapatrier, de façon complète et totale, les pouvoirs en matière linguistique. Il s'est refusé a le faire. Cela a abouti à ce que l'on sait, à ce que l'on connaît, le contenu de l'accord du lac Meech.

L'Assemblée nationale devrait, nous sommes pleinement d'accord, détenir une pleine et exclusive compétence en matière linguistique, mais les ministres du gouvernement libéral n'ont pas le droit présentement de prétendre que c'est le cas.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. M. le ministre.

M. Guy Rivard

M. Rivard: M. le Président, le député de Lac-Saint-Jean m'excusera si je ne tourne pas mon attention pour l'instant sur les commentaires qu'il a faits. Évidemment, au cours d'une procédure telle que celle de l'interpellation, qui parfois, à la limite, peut apparaître comme une sorte de dialogue de sourds, il y a tellement de questions qui sont habituellement déposées sur la table que, forcément, le ministre interpellé doit faire un certain tri, doit effectuer un certain choix.

Brièvement, en rapport avec les commentaires de mon collègue, le député de Sherbrooke, je dirai que ce que je ressors de ses commen- taires, c'est que, parmi les éléments qui font que la région qu'il représente à l'Assemblée nationale est prospère sur le plan économique, on trouve, d'une façon visible ou d'une façon vécue par le député, la paix, l'harmonie sur le plan linguistique et sur tous les plans entre les deux communautés principales qui vivent au Québec.

Je voudrais revenir à cette préoccupation qu'a le député de Taillon au sujet des petites et moyennes entreprises de moins de 50 employés. D'abord, je vous dirai, et ce ne devrait pas être à moi de faire ce genre de leçon au député de Taillon, étant donné que son expérience parlementaire est quand même fort vaste, j'attirerai son attention sur la différence entre le titre de l'article et les propos que l'on m'attribue dans l'article. Ce n'est pas la première fois, n'est-ce pas, que l'on a à vivre, nous, hommes et femmes politiques, ce genre de discordance.

Ce gouvernement, soyez rassuré, M. le député de Taillon, comme le précédent, n'exclut aucune entreprise, quelle que soit sa dimension, de ses préoccupations en matière de francisation. Le gouvernement précédent, à bon droit, a fait un choix. D'abord, il a décidé de travailler sur les grandes entreprises, environ 4000 d'entre elles. Il a décidé de mettre en place des programmes de francisation qu'évidemment nous avons continués, en particulier grâce aux excellents travaux de l'Office de la langue française.

Le gouvernement précédent s'était dit: Si nous faisons cela, si nous réussissons au sein des grandes entreprises - nous avons été aidés, d'ailleurs, là-dedans par les syndicats - au sein des entreprises de grande dimension, cela aurait un effet d'entraînement sur les plus petites. De toute évidence, cela ne s'est pas produit. Il a fallu que l'Office de la langue française se pose la question suivante: Qu'est-ce que nous faisons pour aider les petites entreprises, les entreprises de moins de 50 employés, à se franciser? Leur nombre pose un défi, vous en conviendrez; on me dit que pour les entreprises de 10 à 49 employés, il s'agit de. 20 000 entreprises; voilà un grand nombre d'établissements dans lesquels il faut planifier un programme de francisation.

La nature même des entreprises pose une difficulté aussi; beaucoup sont des entreprises de technologie, certaines sont des entreprises à caractère plus ou moins familial. De toute évidence, il faut une approche différente. Donc, l'Office de la langue française s'est non seulement préoccupé de ce problème mais il a mis en place des programmes de francisation et des programmes d'animation terminologique. On pourra voir l'étendue et les détails de ces programmes lors de la défense des crédits. Il s'agit d'un programme expérimental qui, cette année, de mémoire je pense, touche au-delà de 2000 entreprises. C'est à partir de cette expérience que l'Office de la langue française étudie des scénarios de francisation des PME de 50 employés et moins et, me dit-on, c'est au mois de juin qu'on me fera connaître des scéna-

rios. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Vachon.

Mme Christiane Pelchat

Mme Pelchat: Merci, M. le Président. À mon tour, vous me voyez ravie du ton qu'utilisent les membres de l'Opposition ce matin. Depuis quelques semaines, j'ai eu un peu peur de ce ton. J'ai eu l'impression, comme plusieurs de mes collègues et plusieurs citoyens et citoyennes du Québec, j'en suis persuadée, que l'on assistait à l'ancien discours des péquistes de 1976. Cela me déplaisait. C'est-à-dire un discours qui visait à diviser la population du Québec en deux: les bons et les méchants. Quant à moi, je ne voudrais pas que l'on revive des tensions sociales qui sont souvent alimentées par des propos émotifs emportés et souvent fondés sur des préoccupations purement émotives.

M. le Président, quand l'Opposition affirme que le français subit un recul sur tous les fronts au Québec, je pense qu'elle fait preuve de démagogie et malheureusement elle n'appuie cette déclaration sur aucun fondement sérieux. Je vais vous donner un exemple d'un domaine où il n'y a effectivement aucun recul, mais une nette progression du français au Québec. De tout temps, le Québec, terre accueillante, tolérante et généreuse, a été choisi comme terre d'adoption par des gens, des familles venues de tous les coins de cette planète. Il y a donc dans notre société québécoise une partie de la population qui n'est pas née ici et dont les origines ne sont ni françaises ni anglaises. Ces Néo-Québécois de diverses origines ne demandent pas mieux que de s'intégrer à la majorité francophone pour autant, bien sûr, qu'ils se sentent bien accueillis.

Le phénomène de l'immigration s'accentue et le gouvernement est très sensible à l'intégration des Néo-Québécois à la majorité francophone. Cette intégration se fait, de plus en plus sûrement et rapidement. Un bon exemple pour illustrer l'intégration harmonieuse des Néo-Québécois est sans aucun doute l'augmentation de la fréquentation de nos institutions scolaires françaises. Par exemple, selon les données du ministère de l'Éducation pour l'année 1986-1987, il semble que cette année a été une année record. La proportion des élèves inscrits à l'école primaire à l'enseignement du français a atteint plus de 89 % de la population totale fréquentant l'école primaire. M. le Président, je ne pense pas qu'à la lumière de ces chiffres on puisse parler de recul du français. Je pense que, contrairement à l'Opposition, on peut affirmer qu'il y a nette progression.

Élément plus important encore, nous avons noté une augmentation de l'enseignement en français chez les jeunes allophones. Selon le Conseil de la langue française, en 1986-1987, 64 % des enfants allophones étaient inscrits au secteur français comparativement à quelque 20 % il y a près de dix ans. Alors, encore une fois, je pense qu'on peut conclure, de ce côté, à une nette progression du français.

Je dois ajouter que le Conseil de la langue française a constaté que plus de 17 000 anglophones étaient inscrits aux classes en français, alors que 9500 francophones étaient inscrits dans des classes en anglais. Je cite le Conseil de la langue française qui terminait en disant. "II ne fait donc aucun doute que la connaissance du français progresse chez les jeunes". (11 heures)

M. le Président, j'ai cru, moi aussi, qu'il était important de citer ces statistiques qui confirment, comme d'autres, que le français connaît un net progrès au Québec. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes. Il faut cesser d'être émotifs dans l'ensemble du dossier linguistique. Je pense essentiel de ramener le débat à un niveau un peu plus rationnel en l'appuyant sur des données scientifiques. Malheureusement, M. le Président, trop souvent les opinions et les réactions de plusieurs sont basées sur des affirmations purement émotives, difficilement vérifiables et concentrées sur un seul sujet, celui de l'affichage. Le progès du français au Québec va au-delà de l'affichage. Les jeunes allophones en savent quelque chose. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la députée de Vachon. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, il est vrai qu'il faut aller au-delà de l'affichage. Je reprends la dernière phrase de Mme la députée. Mais c'est bien d'autres choses également, le dossier linguistique. Cela me permet justement d'aborder le cas du projet de loi fédéral C-72. Le Conseil de la langue française rendait public récemment un avis fort judicieux, qui était loin d'être émotif, qui était très rationnel, une analyse très serrée de ce projet de loi et qui en arrivait à la conclusion qu'il y avait incompatibilité des objectifs entre le projet de loi fédéral et la loi 101 et que, par le projet de loi C-72, le gouvernement fédéral s'attribuait ou se donnait le droit d'intervenir dans des domaines de juridiction québécoise pour promouvoir l'anglais au Québec.

Or, l'attitude du gouvernement face à cet avis du Conseil de la langue française m'étonne et me déçoit beaucoup. Il faut d'abord faire état, je pense, en partant, du peu d'égards que le gouvernement libéral a eus dans le passé pour les avis du Conseil de la langue française. On se souviendra en particulier de l'avis qui recommandait au gouvernement - c'était en 1986 - de préciser sa position linguistique. Cet avis fut, à l'époque, balayer du revers de la main puisqu'on

ne connaît pas encore la position linguistique du gouvernement depuis ce temps. Pourtant, c'était un sage conseil du Conseil de la langue française lorsqu'on constate l'état de la situation linguistique aujourd'hui.

Encore une fois, le gouvernement fait bien peu de cas de l'avis qui vient d'être rendu, le tout est renvoyé au ministère de la Justice pour étude complémentaire sur le plan juridique et, pourtant, l'avis fut adopté à l'unanimité par douze individus, douze membres qui ont des compétences particulières dans le domaine linguistique. Il ne faut pas oublier que le conseil, lorsqu'il rend un avis, est appuyé par toute une batterie d'experts, y compris des avocats et des juristes. De plus, l'interprétation de l'article 42 du projet de loi C-72 ne relève pas, je dirais, d'angoisses juridiques profondes que pourraient avoir certains experts constitutionnels. Le texte est clair, le texte est simple. Ottawa, par cet article, se donne le pouvoir d'intervenir dans l'aménagement linguistique du Québec par le biais de son pouvoir général de dépenser.

De longues et de coûteuses études juridiques apparaissent à ce stade-ci, surtout avec l'attitude qui a caractérisé le Parti libéral dans le dossier linguistique, comme un simple moyen, je pense - en tout cas, c'est mon opinion - de gagner du temps, de retarder le moment où le gouvernement aura à prendre une position sur le projet de loi C-72.

Aussi bien prévenir le gouvernement immédiatement qu'il faudra plus, quant à nous, qu'un simple avis juridique particulièrement s'il provient des rares juristes qui ont appuyé l'accord du lac Meech, pour nous convaincre que l'avis du Conseil de la langue française est mal fondé. Aussi bien dire qu'il devra y avoir démonstration hors de tout doute en ce qui nous concerne. Faute de quoi, le gouvernement peut être assuré que nous le talonnerons à tous les instants afin que le projet de loi fédéral soit modifié à la Chambre des Communes et respecte les compétences linguistiques du Québec. Il devra être clair, quant à nous, que le gouvernement du Québec s'opposera avec toutes ses énergies au projet de loi C-72 et ce, même si cela doit compromettre l'accord du lac Meech. Pour nous, aucun accord constitutionnel ne saurait être troqué contre une ingérence du gouvernement fédéral dans les compétences linguistiques du Québec.

Il était pourtant clair en commission parlementaire sur l'accord du lac Meech - j'y ai participé du début jusqu'à la fin - que cet accord n'offrait pas les garanties nécessaires sur le plan linguistique. Nous l'avons maintes fois affirmé, démontré et plusieurs des experts qui ont défilé devant la commission parlementaire l'ont signalé. Sur le plan linguistique, l'accord du lac Meech ne nous redonne pas les compétences et les pouvoirs que nous avons perdus au fil des années.

Le gouvernement avait alors choisi, malgré tout, de suivre l'opinion minoritaire de certains constitutionnalistes, malgré les multiples mises en garde de la majorité d'entre eux. Je pense qu'il est impérieux, dans les circonstances que, très rapidement, le gouvernement et en particulier le ministre adoptent une position claire, précise, vigoureuse concernant le projet de loi C-72 et assurent une défense soutenue, dynamique, efficace des compétences du Québec en matière linguistique, sinon une autre brèche va s'ouvrir, un autre secteur va être de nouveau occupé par le gouvernement fédéral.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. M. le ministre.

M. Guy Rivard

M. Rivard: Merci, M. le Président. J'espère que le député de Lac-Saint-Jean est convaincu, étant donné la déclaration que j'ai faite ce matin, que je suis vraiment préoccupé à la fois par le projet de loi et par certains des éléments qui sont contenus dans l'avis. Je ne veux pas vraiment en dire davantage sur quelque autre élément de réponse que ce soit. Je pense qu'il a été abondamment démontré, lors de nos discussions aux périodes de questions, que nous sommes à travailler actuellement avec la plus grande célérité voulue à l'établissement, à l'élaboration d'une position de gouvernement.

Je voudrais revenir un tant soit peu sur les déclarations, sur la présentation qui a été faite par ma collègue, la députée de Vachon qui, une fois de plus, dans un autre dossier, a été en mesure d'affirmer que, à tout le moins sur le plan scolaire, la situation du français au Québec ne subissait pas actuellement de recul. Elle a aussi brossé brièvement le tableau de ce que nous faisons pour accueillir au Québec en français les nouveaux arrivés que sont les immigrants.

Là, je vais me permettre de citer le député de Taillon qui, récemment, donnait une entrevue au journal The Gazette. L'entrevue a été rapportée dans l'édition du 21 avril dernier. Évidemment, l'article est en anglais, mais je me permettrai de traduire certaines des paroles du député de Taillon. Le député de Taillon dit, par exemple, que la clé de voûte en ce qui concerne la promotion du français dans les années à venir, c'est le français, langue de travail. On est d'accord et, en plus de cela, lorsque le député de Taillon introduit les mots "dans les années à venir", il introduit dans le dossier linguistique un élément de temps.

Tout ne peut être fait au même moment partout au Québec, de la même façon, à la même heure. Le député de Taillon poursuit, tel que rapporté, dans cet article du journal The Gazette: Une fois que les immigrants parleront français sur leur lieu de travail, que ce soit à la manufacture, que ce soit dans un bureau, à ce moment-là, ils commenceront à parler français à

la maison et tout spécialement si leurs enfants parlent français à la maison.

Ce que dit la députée de Vachon, c'est que nous avons des programmes. Nous amplifions et nous accentuons nos programmes de francisation des immigrants. Plus que cela, non seulement notre gouvernement continue-t-il, augmente-t-il les programmes de francisation pour les enfants des immigrants à l'école, mais voilà qu'il rejoint même les mères à la maison, ces mères qui ne sont pas en mesure - puisqu'elles élèvent leur famille - d'apprendre le français dans un milieu de travail. Que voilà une initiative tout à fait heureuse de notre gouvernement et complètement en contradiction avec l'affirmation du député de Taillon qui dit que le français subit un recul au Québec!

Très brièvement, puisqu'il ne me reste qu'une minute, vous avez, M. le député de Taillon, fait allusion à tous ces incidents, ces envois de formulaires, etc., qui ont été repris par les médias et qui ont été perçus par certains comme des événements catastrophiques, sinon cataclysmiques. J'ai ici une correction apportée à ce genre de phénomène par Hydro-Québec. Je me permets de citer un extrait de ce petit dépliant envoyé à ses clients. "Hydro-Québec communique avec vous en français. Si vous désirez recevoir les versions anglaises de nos publications, vous devez remplir et signer la carte-réponse, etc. Cette mise à jour de nos dossiers nous permettra de fournir à notre clientèle un service personnalisé, plus attentif et en français. " Merci, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. M. le député de Sherbrooke.

M. André J. Hamel

M. Hamel: Merci, M. le Président. J'aimerais utiliser cette deuxième partie du temps qui m'est allouée pour rappeler que le français est aussi langue de développement technologique.

En effet, récemment, l'Office de la langue française mentionnait que plus de 50 % des grandes entreprises possèdent aujourd'hui leur certificat de francisation de même que 60 % des petites et moyennes entreprises. Mais la francisation du Québec déborde largement le processus administratif de la certification. Le Québec devra toujours se préoccuper de francisation, même quand il aura terminé la certification des entreprises. Le Québec, en effet, aura toujours besoin de terminologie française pour s'approprier les nouvelles technologies dans tous les secteurs de l'activité économique.

Je rappelle que notre gouvernement a toujours et fermement l'intention d'agir de façon équilibrée dans le dossier linguistique. Jusqu'à maintenant, l'aspect le plus visible du dossier de la langue a été celui des irritants en matière d'affichage commercial. Cet aspect du dossier est certes important, mais ii est vraiment loin d'être le seul élément porteur du dossier linguistique. Nous considérons essentiel comme gouvernement de travailler à renforcer le français comme langue d'éducation, langue d'apprentissage, langue de travail et aussi comme langue de développement économique.

Mais pourquoi le français, étant donné que notre commerce extérieur dépend beaucoup des États-Unis? En effet, 75 % de nos échanges commerciaux internationaux sont à l'extérieur du Canada. Certains considèrent dangereux de mettre trop de nos oeufs dans le même panier et nous rendre ainsi trop dépendants de ce marché. Il faut donc chercher d'autres marchés et l'ensemble des pays de la francophonie, dont environ 110 000 000 d'habitants, constitue aussi un marché intéressant pour nous. Notre développement technologique et le développement des industries de la culture doivent tirer partie de cette situation privilégiée de francophones dans un monde anglophone. Nous sommes de plus en plus conscients de ce phénomène. J'aimerais vous citer quelques faits qui sont tirés d'événements d'actualité.

Il y a quelques mois, la Fédération d'informatique du Québec et l'Office de la langue française ont organisé un colloque intitulé "Réussir l'informatique en français". L'essentiel de ce colloque a été rapporté en décembre 1986 dans la publication de l'Office de la langue française "La francisation en marche". Le titre de ce numéro de décembre 1986 est évocateur: "L'informatique en français, un atout pour la conquête du marché mondial. " On y trouve là des commentaires fort pertinents. Un premier: L'informatique en français est non seulement viable et vivante, mais aussi apte, de par l'originalité des produits québécois, à s'imposer au sein de la francophonie. "

Voici un autre commentaire de M. Gil Tocco, directeur de la revue Informatique et bureautique. "Le marché mondial est de plus en plus ouvert aux logiciels québécois. Le marché québécois est en expansion. " M. Tocco souligne aussi que l'étroitesse du marché québécois nous conduit à une obligation fondamentale et qu'il faut apprendre à exporter pour survivre. (11 h 15)

Un autre événement récent: Le dépôt par Mme Flora MacDonald et M. Richard French du rapport du comité Canada-Québec sur le logiciel d'expression française. Ce comité a été mis en place à la suite du premier Sommet francophone. On trouve dans ce rapport 26 recommandations qui reprennent le même thème: Nécessité d'exploiter au maximum le caractère français des logiciels québécois et intérêt à développer des produits dont la structure interne facilite la traduction entre une et plusieurs langues. Dans la foulée de ce rapport, les deux ministres ont annoncé la création, à l'Université Laval, à Québec, du Centre francophone de recherche en informatisation des organisations. On a dit au premier sommet que la solidarité francophone

devait passer par la technologie et qu'il fallait développer un espace télématique et informatique commun dans la francophonie.

M. le Président, le Canada s'est vu confier ce mandat d'examiner la possibilité de relier les banques de données francophones par un réseau auquel auraient accès les pays membres de la francophonie. Nous avons, somme toute, à relever un défi à la fois culturel et économique. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Sherbrooke. M. le député de Taillon.

M. Claude Filion

M. Filion: Je vous remercie, M. le Président. Dans l'enveloppe de cinq minutes qui m'est allouée maintenant, je voudrais profiter de l'occasion pour marquer, à l'égard du nouveau ministre responsable de la langue française, l'importance de relancer les programmes de francisation des entreprises. Qu'il partage, en partie ou totalement, mon point de vue que le français au travail est une des dimensions les plus importantes de la situation actuelle et de l'avenir, soit, mais il faudrait aussi que le ministre prenne conscience que la francisation des entreprises stagne actuellement et que, depuis quelques années et en particulier depuis le moment où le Parti libéral a pris le pouvoir et ce, à cause des messages diffus et contradictoires du Parti libéral, l'opération de francisation des entreprises a été considérablement ralentie.

Pour le bénéfice du ministre, je cite quelqu'un qu'il connaît fort bien, M. Michel Guillotte, directeur du Centre de linguistique de l'entreprise et qui est aussi, sauf erreur, membre du Conseil de la langue française. Le Centre de linguistique de l'entreprise est un organisme patronal qui offre des services de francisation à au moins une centaine des plus grosses entreprises au Québec. Je cite M. Guillotte: "Le gouvernement libéral n'a annoncé aucune intention de modifier la charte au chapitre de la langue du travail, mais psychologiquement et sociologiquement - je pense que le ministre est apte à apprécier l'analyse psychologique de M. Guillotte - plusieurs milieux ont des attentes à cet égard. " Un peu plus loin: "II est vrai - c'est M. Guiilotte qui parle - que le climat actuel incite les cadres et les employés à renvoyer au second plan les préoccupations linguistiques. "

C'est une donnée factuelle et non quantifiable que le ministre ne peut pas tout simplement écarter. Le nouveau président du Conseil de la langue française, M. Martel, dans un article paru dans Le Soleil du 9 janvier 1988, mentionnait l'importance de miser d'abord sur le français au travail. Le ministre me citait tantôt, il est très aimable. Quant à moi, l'intégration des immigrants passe aussi par le français au travail. Si l'immigrant peut parler français à l'usine, au bureau, à son endroit de travail et si, de retour à la maison, son enfant apporte des livres français, il est inévitable que cette famille d'immigrants s'abreuvera aux sources culturelles francophones.

De la même façon, d'ailleurs, le président du Conseil de la langue française, sur le plan de l'intégration de l'immigrant à la communauté francophone, parle également de l'importance de l'affichage également comme moyen d'incitation et d'intégration de l'immigrant quant au français. Le président du Conseil de la langue française disait: "II est fondamental que Montréal garde son visage français. " Quand Montréal aura un visage français, l'immigrant qui verra ce visage aura tendance à s'intégrer à ce visage. Il disait donc. "Il est fondamental que Montréal garde son visage français. C'est dans cette ville que se joue principalement la bataille du français. Si la métropole perd son caractère français, ce ne sera qu'une question de décennies pour que tout le reste du Québec tombe, etc. "

Donc, il est extrêmement impérieux que le nouveau ministre responsable de la Charte de la langue française nous éclaire aujourd'hui quant à ses intentions et quant aux intentions du gouvernement en matière de francisation au travail, étant donné que le ministre ne peut ignorer que cela faisait partie du discours d'ouverture. Il ne peut ignorer l'importance de poser des gestes concrets et de prendre des décisions immédiates pour relancer le processus de francisation des entreprises.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Taillon. M. le ministre.

M. Guy Rivard

M. Rivard: M. le Président, je pense que les remarques que M. le député de Taillon fait au sujet de la francisation des entreprises sont des remarques auxquelles nous essaierons de répondre de la façon la plus élaborée possible à l'intérieur de la défense des crédits. Je souligne en passant à M. le député de Taillon, lorsqu'il a rapproché certains discours ou évaluations à saveur psychologique de ma carrière antérieure de médecin, que ma spécialité était la pédiatrie et que c'est le père de la loi 101, un autre médecin, qui lui était plus adonné aux choses psychologiques.

M. le Président, dans le dossier de la francisation des entreprises, je pense que vous en conviendrez avec moi - et c'était normal de le faire - on a certainement commencé par la francisation des entreprises les plus faciles à franciser. Vous conviendrez avec moi, M. le Président, qu'il est plus facile de franciser un milieu de travail tel que celui du journal La Presse que celui du journal The Gazette.

Ce que nous dit l'Office de la langue française qui, encore une fois, fait un excellent travail, c'est que nous sommes rendus à une sorte de seuil critique à l'intérieur de ce processus. Non pas que nous rencontrions de la résis-

tance chez les entreprises, mais une complexité accrue. Le député de Sherbrooke pariait tout à l'heure de cette incidence de la langue française sur le développement technologique, et je pourrais dire l'incidence du développement technologique sur la langue française. Le développement technologique, en particulier dans la haute technologie, s'accomplit à une vitesse folle et je dois reconnaître que, pour essayer de suivre le développement technologique, la Banque de terminologie du Québec, cette unité opérationnelle pratique de l'Office de la langue française, non seulement accomplit actuellement un travail absolument extraordinaire, mais est d'une expertise et d'une qualité telles qu'elle jouit de la meilleure des réputations sur le plan international.

Je voudrais peut-être revenir sur la question de la langue des services parce que c'est une question très importante. Je vois le député de Taillon, un jour, s'amenant dans un grand magasin à rayons de la rue Sainte-Catherine à Montréal et voulant s'acheter une cravate, peut-être préférablement de couleur bleue et non de couleur rouge, malgré qu'il peut avoir ce genre de goût. Il veut se faire servir en français. Je lui dis, M. le Président: C'est sa responsabilité individuelle, comme citoyen québécois, face à un vendeur qui semble s'obstiner ou refuser de lui répondre en français, c'est la responsabilité individuelle du député de Taillon de demander poliment, mais certainement fermement, à ce vendeur d'être servi en français.

Je vais aller plus loin. Je vais me tourner maintenant vers le vendeur ou la vendeuse. Je dis à ce vendeur ou à cette vendeuse. Il est de votre responsabilité de réaiiser que, si vous vous obstinez à répondre en anglais à ce citoyen québécois qui s'attend à être servi en français, et là je vais employer les termes utilisés par Don MacPherson dans le journal The Gazette, il y a quelques semaines. Il dit, lui, ce journaliste anglophone à ce vendeur qui s'obstine: "It is bad business", ce n'est pas la façon de faire des affaires; "and it is impolite", c'est impoli. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. Vous prenez toujours un peu moins de temps que celui auquel vous avez droit, ce qui est une façon polie de faire les choses. M. le député de Beauce-Nord.

M. Jean Audet

M. Audet: Merci. Le député de Taillon, lors de son ouverture, mentionnait que notre premier ministre avait eu l'apparition de Fatima. Je regarde ce qui s'est dit sur le débat linguistique depuis déjà plusieurs mois. À la suite de ce que l'Opposition tente de faire croire ou sur le fond du débat de l'Opposition, je dois vous dire que, lors de la Pentecôte, le député de Taillon était probablement absent. M. le Président, la qualité d'une langue dépend d'abord de la façon dont elle est parlée dans la famille, à la table, entre amis, et de la façon dont elle est enseignée dans les écoles primaires et secondaires, de la façon dont elle est utilisée aussi dans les milieux de travail et les entreprises.

Je pense que notre gouvernement aborde les questions linguistiques avec optimisme et réalisme à la fois, avec un esprit ouvert, généreux, et cependant avec beaucoup de vigilance. Notre langue et notre culture peuvent et doivent devenir des valeurs sûres à tous les points de vue, y compris au point de vue économique parce qu'une société linguistiquement et culturellement épanouie, fière de sa différence linguistique et culturelle, est en somme une société plus forte et plus généreuse. Lorsqu'on parle d'économie, on pense à nos entreprises, on pense à nos PME. En tant que député de la Beauce et aussi dans le cadre de la Semaine de l'entreprise qui débute aujourd'hui, j'aimerais aborder un aspect important de la qualité de la langue, soit la langue en milieu de travail.

La langue de travail a connu une importante mutation les dernières années et de nombreuses études ont démontré la croissance rapide du français comme principale langue de travail et ce, à tous les niveaux de l'activité économique. Ainsi, par exemple, de récents sondages ont démontré que le français était identifié comme principale langue de travail par plus de 80 % des Québécois d'expression française. C'est bien et il faut continuer. C'est ainsi que l'office annonçait récemment une décision qui a pour effet d'alléger les procédures administratives avec les entreprises et les organismes de l'administration. Et ce, à la suite d'une recommandation du rapport Lalande, rapport qui avait été demandé par l'ex-ministre responsable de la langue, Mme Lise Bacon.

Ainsi, l'office a réussi à réduire de sept à quatre le nombre d'attestations et de certificats de francisation. On parle d'allégement du fardeau administratif. Je pense que cela en est un exemple. C'est le rapport Lalande qui mettait en lumière la longueur, la diversité et le grand nombre de certificats, ce qui rendait difficile à plusieurs égards la francisation des entreprises. De plus, l'office procède actuellement à une opération de reprise de contact avec les entreprises de l'administration. Baptisée opération contact, celle-ci vise à rencontrer 300 entreprises et organismes de l'administration et ce, dans un but d'offre de service, d'assistance linguistique et de promotion du français.

Cette opération dont les résultats seront connus dans quelques mois permettra de mieux connaître les besoins de ses clients, et c'est important, et leur offrir des produits qui répondent mieux à leurs nouvelles attentes. Il s'agit d'une opération de relance et de promotion du français pour définir les nouveaux besoins linguistiques chez ses clients et si le français perd du terrain ou s'il a du recul, je me deman-

de comment ce sera lorsqu'on avancera, parce que je pense que c'est une volonté concrète d'aller de l'avant là-dedans. Il faut que cela continue. (11 h 30)

Le débat de l'Opposition a surtout porté sur l'affichage. Le ministre l'a mentionné, l'ancienne ministre, Mme Bacon, l'a mentionné, le problème linguistique va plus loin que l'affichage. On a toujours tenté de dramatiser avec les panneaux.

Chez nous, en Beauce, si le français avait eu à prendre du recul, nous sommes voisins du Maine, à certains égards, je dirais que nous sommes cousins pour beaucoup d'entre nous, et si nous avions eu la crainte d'un recul, d'une assimilation, aujourd'hui, je pense que ce serait probablement réel, mais ce n'est pas le cas. Chez nous, on parle français; c'est clair, c'est légitime chez nous et c'est reconnu. Il y a longtemps, chez nous, qu'on indique le chemin aux Américains lorsqu'ils viennent à Québec. Pour leur indiquer le chemin, il fallait, je pense, être capables de s'exprimer avec eux.

Chez nous, quand on parle d'affichage, je ne vous dis pas que ce n'est pas une préoccupation, ce n'est pas cela, sauf qu'il y a longtemps qu'on a compris qu'il fallait s'ouvrir sur le monde si on voulait être capables de les accueillir, etc. Je pense qu'il ne faut pas dramatiser dans ce débat. Il y a du travail de fait; il y a du travail qui se fait présentement à plusieurs paliers. On parle de l'éducation, du travail, d'organismes, etc. C'est pourquoi j'estime qu'il est possible et souhaitable d'aborder ces questions sans dramatiser inutilement, comme tente de le faire croire, à plusieurs égards, l'Opposition. Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Beauce-Nord. M. le député de Taillon.

M. Claude Filion

M. Filion: C'est quand même fantastique, M. le Président, de voir a nu la stratégie du côté libéral et de dire que nous parlons de la question de l'affichage, alors que nous n'avons pas consacré, depuis le début, plus d'une minute à ce sujet. Mais puisqu'il faut en parler, c'est un sujet qu'on ne peut ignorer. Je sais qu'il y a des personnes, le premier ministre notamment qui dit: Je sens que je suis mauditement embêté avec toute la question linguistique et la question de l'affichage, etc., ce qui contredit - d'ailleurs, je ne pourrai pas relever toutes les contradictions - ce que vient de dire mon collègue, il y a quelques minutes, à savoir qu'on aborde avec optimisme la question linguistique et la question de l'affichage. Bien, je le référerais peut-être au cabinet du premier ministre qui, à la fin d'un interview téléphonique, avait fort bien dévoilé ses états d'âme.

Parlons-en donc un peu avec nos invités, ce matin, de la question de l'affichage. Je l'ai dit, il y a une valeur intrinsèque et il y a une valeur symbolique. Il y a un message extrêmement important contenu dans l'affichage. Je vais le résumer un petit peu dans mes mots qui ne seront pas universitaires, mais qui seront très simples. Il y a beaucoup de gens qui nous disent: Bien, un petit peu d'anglais sur une affiche, est-ce que cela vous dérange? Vous savez, cela ne me dérange pas, je parle trois langues. J'ai essayé d'en apprendre une quatrième, c'était un peu difficile et la politique occupe beaucoup de temps.

Qu'est-ce qu'une affiche bilingue? Cela peut avoir l'air un peu insignifiant, une affiche bilingue. On peut prendre un exemple, je ne sais pas: Serveuse demandée, Waitress wanted. Quel est le message qu'on envoie aux immigrants, d'abord, quand on dit: Serveuse demandée, Waitress wanted? Le message qu'on envoie, c'est: Nous, au Québec, on a deux langues, et vous choisissez l'une ou l'autre. L'immigrant, quand il regarde cette affiche bilingue, qu'est-ce qu'il retient comme message? C'est simple; il retiendrait ce que vous et moi retiendrions si nous allions ailleurs et si nous voyions la même chose. Il va choisir la langue qui va lui donner le plus de mobilité à l'intérieur du continent, la langue qui va lui permettre de gagner sa vie, non seulement ici au Québec, où on est en majorité francophone, mais aussi partout sur le continent. La première préoccupation de l'immigrant, M. le Président, c'est de gagner sa vie et d'apporter du pain et du beurre sur la table de sa famille. Un message bilingue qui a l'air insignifiant, qu'on va chercher probablement à réduire à une simple polémique juridique, contient pourtant donc un message important pour l'immigrant.

Deuxièmement, pour l'anglophone, quel est le message de cette même affiche? C'est: Pourquoi, vous, anglophones, est-ce que vous vous forceriez à apprendre la langue de la majorité, puisque, de toute façon, vous savez que, dans cette expression de communication collective que constitue l'affichage, on va inscrire l'anglais, donc votre langue maternelle? Donc, pourquoi passer par les étapes d'apprentissage de la langue de la majorité. Ce qui fait en sorte qu'il existe, et oui, encore des gens au Québec qui ne peuvent pas communiquer en français dans certains coins du Québec.

Le message pour les francophones, dont nous sommes évidemment majoritaires au Québec, mais tolérants, respectueux, mais majoritaires tout de même, c'est quoi? C'est: Oui, j'inscris ta langue sur l'affiche, mais j'inscris aussi l'autre, la vraie, celle qui est parlée par les 250 000 000. C'est cela, le message, M. le Président, d'une affiche bilingue. On va chercher à en réduire la portée, on va chercher à dire: Bien, écoutez, pour l'immigrant, il n'y a pas grand-chose là; pour l'anglophone, il n'y a pas grand-chose là.

Pour les francophones, notre dignité demande que nous exprimions notre culture

française, mais que nous l'exprimions ouvertement de façon enthousiaste et respectueuse mais gaie. Quand même, c'est notre visage! C'est le seul endroit en Amérique du Nord où nous sommes un territoire à majorité française, et on voudrait le cacher un peu! Non.

M. le Président, la question de l'affichage est une question. Ce n'est pas la seule, mais c'est une question qui a, encore une fois, une valeur intrinsèque et une valeur symbolique, et que la conjoncture actuelle a référée dans l'actualité à un degré de problématique que l'on ne peut pas ignorer. Vous m'indiquez que mon temps est terminé. Je vous en remercie, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Taillon. M. le ministre.

M. Guy Rivard

M. Rivard: M. le Président, je constate encore avec plaisir... non pas avec étonnement parce que j'entretenais à l'égard du changement d'attitude ou de l'attitude plutôt du député de Taillon le plus grand des optimismes. Le débat linguistique est trop important pour que nous le faisions en criant. Exactement lorsqu'il parle de l'affichage commercial, le député de Taillon, emploie des termes mesurés, et je l'en remercie.

Je voudrais citer au député de Taillon juste un bout de phrase qui était contenu et qui est toujours contenu dans Sa déclaration que j'ai faite ce matin. "Le visage français du Québec doit continuer de s'affirmer; il n'est pas question d'accepter un recul sur ce plan. " Ce qui vient, c'est ce qu'on pourrait appeler un plan d'action, c'est ce qu'on pourrait appeler des scénarios, en réponse à toutes sortes d'incidents ou d'événements qui pourraient survenir, mais croyez-moi, M. le Président, tout en disant que l'affichage commerciai n'est pas le seul problème ou n'est pas la seule question importante dans le débat linguistique, il est évident qu'il faut s'en préoccuper.

J'ai pris connaissance récemment des résultats d'une petite étude qui vient de la Commission de protection de la langue française. C'est une étude fort intéressante, et il m'apparaissait intéressant aujourd'hui d'en dévoiler les résultats, étant donné la façon dont l'Opposition a choisi d'aborder la question linguistique au cours de cette interpellation en disant que la situation du français au Québec est précaire. Cette petite étude concerne l'affichage commercial sur la rue Sainte-Catherine entre les rues Atwater et Papineau. Pour les gens qui ne fréquentent pas très souvent la rue Sainte-Catherine à Montréal, je dirai tout simplement qu'il s'agit là d'à peu près toute la rue Sainte-Catherine dans sa portion la plus à l'ouest, mais aussi d'une bonne partie de la portion à l'est de la rue Saint-Laurent qui sépare, comme vous le savez, la ville de Montréal entre est et ouest.

La Commission de protection de la langue française s'est demandé s'il était possible pour elle de mesurer ce phénomène, parce qu'on parlait de dégradation de l'affichage commercial sur la rue Sainte-Catherine. Elle avait une étude qui avait déjà été faite en janvier 1986 et elle a utilisé la même méthodologie au cours de son étude d'avril 1988, donc à presque deux ans d'intervalle, et janvier 1986 se situe à peine quelques semaines après l'arrivée au pouvoir du gouvernement libéral.

Je suis heureux de vous apprendre qu'il y a, de fait, en ce qui concerne, par exemple, l'affichage unilingue commercial sur la rue Sainte-Catherine, une amélioration de la situation. Certes, en janvier 1986, environ 11 % des commerces dérogeaient à la loi. La situation en 1988 est rendue à 9 %. Il y a eu une légère amélioration, mais amélioration quand même. On parle d'environ 700 commerces sur l'ensemble de ce tronçon de la rue Sainte-Catherine.

En ce qui concerne les enseignes identifiables, le commerce, le taux de "compliance", le taux d'absence de dérogations se situe à 95 %. Que voilà une bonne nouvelle et qui est complètement à l'envers de cette prétention de l'Opposition qu'il y a dégradation de la langue française et de l'affichage au Québec!

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Vachon.

Mme Christiane Pelchat

Mme Pelchat: Merci. Vous me voyez heureuse de ces bonnes nouvelles, M. le Président. Je pense que tout le monde pourra s'en réjouir et même le député de Taillon, surtout le député de Taillon, devrais-je dire.

Quant à moi, M. le Président, vous savez qu'il me fait toujours plaisir de parler... Je me sens toujours très à l'aise, dis-je, de parler de l'intégration des membres des communautés culturelles à la majorité francophone. Je l'ai déjà dit, et il me fait plaisir de le répéter, je suis d'origine italienne et mes grands-parents se sont intégrés - j'en suis la preuve - à la majorité francophone. Alors, je me sens très à l'aise de parler de l'intégration des allophones au Québec. Le présent gouvernement se sent aussi très à l'aise de parler de l'intégration harmonieuse des communautés culturelles et il est conscient que le Québec français de demain sera multi-ethnique. Je pense qu'il est très important de le rappeler.

Le succès observé dans l'intégration des jeunes allophones au système scolaire francophone ne constitue qu'une partie du processus d'intégration des membres des communautés culturelles à la majorité française. Mais il faut penser aussi aux adultes, aux parents de ces enfants. J'aimerais, à ce sujet, M. le Président, rappeler, un peu comme l'a fait le ministre responsable de l'application de la loi 101, l'annonce faite par la ministre, Mme Louise Robic,

ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, quant aux nouveaux programmes que le gouvernement a choisi de subventionner afin d'augmenter et de faciliter l'apprentissage du français aux allophones. Pour toutes sortes de considérations, cette annonce n'a malheureusement pas pris toute la place que son importance aurait dû normalement lui conférer dans nos médias et c'est peut-être pour cela que j'aimerais m'y attarder quelque peu. (11 h 45)

La ministre a annoncé la mise sur pied d'un nouveau programme de cours de français à temps plein pour les personnes qui ne sont pas admissibles aux autres programmes. Mais la particularité de ce programme réside dans sa clientèle visée, c'est-à-dire principalement les femmes au foyer qui ne se destinaient pas au marché du travail. Le gouvernement compte ainsi corriger une grave lacune à la francisation de nos allophones. Ainsi, une mère de famille allophone, dont les enfants sont inscrits à l'école française, dont le conjoint est sur le marché du travail où il a la chance de se familiariser avec la langue française, est souvent la seule personne dans cette famille à ne pouvoir maîtriser ou, à tout le moins, se familiariser avec la langue française.

Avec ce nouveau programme, les femmes inscrites pourront ainsi partager un peu plus du quotidien de leur famille en français. Plus encore, ces cours seront assortis d'allocations pour couvrir des frais de garderie et de transport. En plus de favoriser la participation de ces femmes à la vie socio-économique du Québec, les mères pourront prendre une part active à la vie scolaire de leurs enfants et ainsi elles pourront mieux les soutenir dans leur apprentissage scolaire.

Il s'agit d'un pas de plus dans la marche vers la francisation de nos immigrants. Vous me permettrez de citer M. Gilles Lesage du Devoir de mercredi. Je partage ses propos. Il disait: "En ce sens, toute mesure, si partielle soit-elle, doit être soulignée d'une pierre blanche. C'est le cas du budget additionnel de 6 000 000 $ qui a été alloué au ministère des Communautés culturelles et dont près de la moitié est consacrée à la francisation des immigrants".

M. le Président, les membres des communautés culturelles ne demandent qu'à s'intégrer à la majorité francophone. Notre attitude à nous doit être celle de la tolérance face à leur démarche et surtout l'acceptation des difficultés qu'ils vivent pour y parvenir.

J'ai voulu aujourd'hui contribuer positivement au débat sur la progression de la langue française au Québec, en parlant de l'intégration des communautés culturelles, en incluant dans mes préoccupations notre façon d'accueillir en français au Québec ces nouveaux citoyens dont la seule présence enrichit notre société et nous rend certainement plus optimistes. Je vous remercie.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la députée de Vachon. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, je vais poursuivre le dialogue de sourds, puisque le ministre n'a pas daigné aborder ce que je disais sur la prétendue exclusivité de la compétence linguistique du Québec de même que sur les dangers réels du projet de loi fédéral C-72 en abordant la question de l'accord du lac Meech.

En mai 1987 - cela va faire maintenant presque un an - lors de l'étude des crédits de la Charte de la langue française, l'ex-ministre responsable de la Charte de la langue française indiquait qu'elle avait demandé un avis au Conseil de la langue française concernant l'impact de l'accord du lac Meech. À plusieurs reprises au cours des mois qui ont suivi, nous avons posé la question à l'ex-ministre. Les réponses se sont avérées nettement insatisfaisantes. Elle a parlé de modification dans le mandat et a dit qu'il semblerait que l'avis sur le lac Meech ne serait rendu public qu'à la fin de juin, peut-être en juillet, au moment où tout le monde serait en vacances.

Quant à nous, je trouve qu'il est difficile d'expliquer ce retard, étant donné que depuis juin 1987, c'est-à-dire depuis l'accord du lac Meech, de multiples articles, documents, rapports, monographies ont été publiés et font l'analyse de l'accord du lac Meech, en provenance aussi bien d'Ottawa que du Québec. Encore récemment, j'interrogeais le ministre responsable des relations fédérales-provinciales sur sept ou huit avis juridiques qu'il avait commandés à des consultants externes. C'était dans les informations concernant ses crédits. Il a refusé évidemment de les rendre publics, mais le retard à rendre public l'avis du Conseil de la langue française sur l'accord du lac Meech nous inquiète et nous avons de la difficulté à lui trouver des explications rationnelles.

L'Opposition, en effet, est inquiète du contenu de l'avis qui viendra. Si l'on se réfère à l'avis maintenant connu du Conseil de la langue française sur le projet de loi C-72, nous sommes en mesure d'entrevoir les craintes du conseil et les nôtres face au concept de la dualité linguistique tel qu'il est consacré comme caractéristique fondamentale de la société canadienne dans l'accord du lac Meech. Dans l'avis sur le projet de loi C-72, on sait que le conseil indique que, selon lui, le projet de loi fédéral C-72 s'inspire, s'appuie et se fonde sur le concept de la dualité linguistique tel qu'on le retrouve dans l'accord du lac Meech. Il en arrive également à la conclusion que le concept de société distincte n'est pas retenu, que cela constitue une négation pure et simple du concept de la société distincte. C'est inquiétant parce qu'on l'avait signalé en commission parlementaire.

Lorsqu'il y aura conflit entre la dualité linguistique comme caractéristique fondamentale de la société canadienne et le concept de la société distincte, quel concept va primer? Lequel va prédominer? Lequel aura le dessus? La dualité linguistique ou le concept de société distincte? D'après ce que nous dit le Conseil de la langue française concernant le projet de loi C-72, c'est le concept de la dualité linguistique qui va primer. C'est inquiétant. C'est pourquoi d'ailleurs et c'est dans cette perpective que l'Opposition a réclamé que le gouvernement ait la volonté et le courage politiques de demander un avis à la Cour d'appel sur la portée du concept de la société distincte eu égard à une question bien précise qui pourrait lui être posée sur l'article 58 concernant l'affichage unilingue.

Même si la Cour suprême décrétait que l'affichage unilingue français est inconstitutionnel eu égard à la Charte des droits, il serait intéressant de savoir si le concept de société distincte contenu dans l'accord du lac Meech l'emporterait et permettrait au Québec de maintenir l'affichage unilingue français. Il serait intéressant de faire cela. Je pense donc qu'il est absolument essentiel que le gouvernement demande, presse le Conseil de la langue française de rendre public le plus rapidement possible son avis sur l'accord du lac Meech. Cet avis permettrait à la population québécoise, je pense, de bien cerner la portée réelle du concept de société distincte, la portée réelle de l'accord du lac Meech, particulièrement dans le domaine linguistique.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. M. le ministre, pour une dernière intervention d'une durée de dix minutes.

Conclusions M. Guy Rivard

M. Rivard: Merci, M. le Président. Dix minutes, c'est bien peu pour clore un débat sur une question aussi importante. J'ai devant moi une pensée de Einstein qui estimait qu'il est plus important de se servir de son cerveau pour penser que d'en faire un réservoir de détails. Voilà une pensée importante, et c'est ce que nous avons fait ce matin. De mon côté, j'ai essayé de réfléchir tout haut sur la question linguistique, pas surtout la question de l'affichage commercial, mais l'ensemble de la question. J'espère que les gens qui écrivent des choses dans les journaux constateront que j'ai, ce matin, retrouvé ma langue.

Je voudrais dire aux téléspectateurs que la Charte de la langue française est un texte de loi. Voici la version à jour au 15 juillet 1986. Je voudrais lire deux paragraphes du préambule de la charte ainsi que les articles qui concernent les droits linguistiques fondamentaux, afin que les gens du Québec comprennent bien de quoi nous parlons lorsque nous parlons de l'essentiel, lorsque nous parlons de ce pacte conclu entre l'Assemblée nationale et la société québécoise.

Le préambule: "Langue distinctive d'un peuple majoritairement francophone, la langue française permet au peuple québécois d'exprimer son identité. "L'Assemblée nationale reconnaît la volonté des Québécois d'assurer la qualité et le rayonnement de la langue française. Elle est donc résolue à faire du français la langue de l'État et de la loi aussi bien que la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires. "

L'article 1 dit: "Le français est la langue officielle du Québec. " L'article 2: 'Toute personne a le droit que communiquent en français avec elle l'administration, les services de santé et les services sociaux, les entreprises d'utilité publique, les ordres professionnels, les associations de salariés et les diverses entreprises exerçant au Québec. " L'article 3: "En assemblée délibérante, toute personne a le droit de s'exprimer en français", où que ce soit au Québec. L'article 4: "Les travailleurs ont le droit d'exercer leurs activités en français. " L'article 5: "Les consommateurs de biens ou de services ont le droit d'être informés et servis en français. " L'article 6: 'Toute personne admissible à l'enseignement au Québec a droit de recevoir cet enseignement en français. "

Et je voudrais rappeler ces quatre principes que j'ai inclus dans ma déclaration d'ouverture et qui sous-tendent cet engagement, encore une fois public et solennel, que prend le gouvernement du Québec quant à l'épanouissement du français en terre québécoise.

Premièrement, au Québec, le français est la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires, et on reconnaîtra là les termes mêmes du préambule de la charte. Deuxièmement, le territoire québécois doit conserver un visage français. Troisièmement, l'évolution démographique du Québec et en particulier les équilibres démographiques entre les groupes linguistiques doivent être assurés par des politiques d'immigration et d'intégration appropriées. Quatrièmement, la société québécoise reconnaît les droits et les institutions de sa minorité linguistique, la communauté anglophone.

On a forcément parlé beaucoup du français ce matin, M. le Président, mais j'aimerais dire ceci aux Québécois d'expression anglaise. Votre langue est riche et belle; elle est la langue que vous parlez dans vos familles et lorsque je la parle - et je constate avec énormément de plaisir que le député de Taillon parle, lui, trois langues - lorsque je parle l'anglais, cette langue m'enrichit parce qu'elle est belle. Et, comme la langue française, elle me donne la possibilité de m'ouvrir sur un vaste monde. Elle me fournit un outil additionnel pour communiquer avec des gens

de plusieurs pays.

M. le Président, je m'en voudrais de clore mes propos sans vous remercier personnellement de votre patience et de la façon habile dont vous avez géré ce débat et sans remercier tous les membres de cette assemblée qui, d'un côté ou de l'autre de la Chambre, ont participé à la présente interpellation.

Le sujet abordé est d'une importance essentielle. Les préoccupations sont réelles et méritent d'être comprises de part et d'autre. Il faut, cependant, que les divers points de vue soient placés dans une perspective plus grande et je crois que le député de Taillon en convient. L'aspiration des gens du Québec à vivre distinctement, résolument en paix et en harmonie, ouverts sur le monde, ouverts au monde, dans la recherche de la prospérité et du bonheur, s'est toujours manifestée tout au long de notre histoire avec patience, détermination et un sens inné de la justice.

Notre société québécoise a des racines diverses et profondes, des valeurs riches et essentielles, une volonté ferme, de plus en plus majoritairement partagée de bien vivre ici au Québec en français. La population veut un Québec fort, un Québec compétent, un Québec efficace. La population veut vivre ici, s'exprimer, grandir, travailler, faire des affaires avec un minimum de contraintes. Les gens du Québec forment une société mûre, consciente de l'équilibre toujours imparfait et fragile entre les besoins de l'ensemble et la liberté de chacun. Voilà ce qui est en jeu ici et rien de moins, M. le Président, l'équilibre et l'harmonie dont la recherche impose parfois des choix de société. Notre défi est de faire en sorte que de tels choix résultent d'un dialogue riche, ouvert, serein, au coeur d'un processus légitime et démocratique.

Les membres de cette Assemblée peuvent sortir satisfaits du présent exercice. Ce gouvernement libéral est conscient de sa lourde responsabilité. C'est avec ardeur et sérénité qu'il s'est mis à la tâche pour le mieux-être de tous les Québécois et de toutes les Québécoises. Merci, M. le Président. (12 heures)

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. M. le député de Taillon, vous avez dix minutes pour mettre fin au débat de ce matin.

M. Claude Filion

M. Filion: Merci, M. le Président. Des mots, des mots, beaucoup de mots. Nous sommes un peu déçus, ce matin. Nous aurions aimé voir au moins le premier commencement du début d'une ombre de moyens d'action, de plan d'action, de choses concrètes, de gestes concrets. Beaucoup de mots. De l'autre côté, on a applaudi au préambule de la Charte de la langue française que le nouveau ministre, à son tour, sent le besoin de citer. Sa collègue, la vice-première ministre, avait fait la même chose lors de la dernière interpellation. Elle avait cité de nouveau le préambule qui avait été écrit, évidemment, à l'adoption de la loi 101, en 1977, à ce moment au sujet duquel votre collègue de droite, Mme la députée de Vachon, disait, il y a quelques instants: J'espère que les péquistes ne retourneront pas aux discours de 1976, aux discours de 1977. Pourtant, je dois vous dire que notre discours était exactement celui qui a conduit à la rédaction du préambule dont vous venez de nous faire part.

Deuxième mise au point. Je pense que la stratégie de l'autre côté - je ne pense pas que le ministre y participe - est un peu claire, c'est de vouloir mettre les francophones et le Parti québécois d'un côté et Alliance Québec de l'autre côté. Ce n'est pas le type d'attitude qui nous gouverne, de notre côté. Je répète au ministre que, si la situation linguistique et sociale au Québec a été si sereine, si efficace et si productive entre 1977 et 1985, c'est qu'il y avait une raison, entre autres. Cette raison était que le message était clair et que la volonté politique était ferme. Oui, il faut des lois justes et vigoureuses, mais il faut également, de la part du gouvernement et du ministre, des expressions de volonté extrêmement claires. Il faut, de la part du ministre et du gouvernement, des actions claires, concrètes, pour faire en sorte que le français ne se protège pas tout seul, par le simple fait de la francophonie créatrice. Je suis heureux de voir, ce matin, que le ministre ne reprend pas ce scénario naif de la vice-première ministre, à savoir qu'il faut se fier aux forces naturelles de la francophonie dont la situation géodémographique est telle - nous la connaissons tous - que le français au Québec doit être l'objet de promotion s'il doit survivre.

C'est donc sur ce plan que notre déception s'exprime. Nous aurions aimé voir des gestes concrets, un plan d'action concret. Je me sens un peu obligé de faire un très court historique au ministre des gestes concrets qui ont été posés. Comme vous le savez, des mots, on peut en prononcer beaucoup, mais ce qui compte pour la population, ce sont les actions et les gestes concrets. Or, qu'a fait le gouvernement dont fait partie le nouveau ministre? L'amnistie des élèves illégaux, l'article 85. 1 en vertu duquel le ministre de l'Éducation s'est octroyé un pouvoir discrétionnaire lui permettant certaines dérogations visant l'accessibilité à l'école anglaise, la tentative d'amoindrir le pouvoir des organismes chargés de défendre et de promouvoir la langue française - je fais référence, bien sûr, au projet de loi 140 - le projet de loi 142 qui assurait des services de santé à toute personne d'expression anglophone, minant ainsi une partie des efforts de francisation et assimilant les autres minorités culturelles à la minorité anglophone.

En 1987-1988, ce même gouvernement a sabré de 3 % les budgets et de 10 % l'effectif de la Commission de protection de la langue française. Ce sont là des faits concrets. Le fait

d'entériner l'accord du lac Meech, comme l'a si bien détaillé le député de Lac-Saint-Jean, sans que cet accord, de l'avis de la majorité des experts, n'offre une véritable protection pour la langue française et, plus récemment, depuis la nomination du ministre, le projet de loi C-72 qui constitue aux yeux du Conseil de la langue française et aux yeux des observateurs une attaque directe aux objectifs du projet de loi 101 et au français au Québec sur lequel, depuis un mois malheureusement, nous n'avons aucune réponse. Et s'ajoute évidemment à cette liste l'incroyable épisode du paiement des honoraires et des déboursés des avocats d'Alliance Québec qui sont payés pour contester la loi 101 en Cour suprême. D'ailleurs, nous aurions aimé l'opinion du ministre sur ce sujet.

Je reviens quelques instants sur le projet de loi C-72. Le ministre est en poste. Il ne peut s'en remettre à ses prédécesseurs. Le projet de loi C-72 est actuellement, M. le ministre, en voie d'être adopté. Selon mes informations, il a même franchi l'étape de la deuxième lecture ou est sur le point de la franchir et est l'objet d'étude en commission parlementaire. Il est donc urgent pour le gouvernement et le ministre d'agir dans ce dossier.

Donc, ce sont là des gestes concrets, M. le Président, qui, au-delà des mots, des simples expressions, au-delà des lectures du préambule de la charte qu'un gouvernement du Parti québécois a écrit et qui a fait l'objet d'ailleurs... Je le répète au ministre, la loi 101 est pour moi la loi la plus socialement acceptée, la plus socialement acceptable au Québec, mais de là l'importance, M. le ministre, de la faire respecter dans les faits. Importance d'abord sur le plan démocratique et importance également sur le plan social.

Le ministre doit donc passer à l'action. Le ministre doit restaurer la loi 101 dans son application. Le ministre doit procéder à faire en sorte que l'opération français au travail puisse être relancée avec force. On a déjà perdu deux ans et demi au cours desquels l'opération de francisation des entreprises a été stagnante au dire même - je vois le ministre qui fronce les sourcils - de la vice-première ministre lors d'une interpellation précédente qui avait fait part de chiffres qui démontraient que l'opération de francisation des entreprises était malheureusement tout à fait stagnante.

Donc, M. le Président, des gestes qui ont été posés par le gouvernement libéral, des déclarations contradictoires qui doivent cesser. J'en ai cité deux au ministre ou disons une au ministre au début en ce qui concerne !a francisation des entreprises. L'autre est peut-être une question d'interprétation. Le ministre, d'ailleurs, me dit là-dessus qu'il a été mal cité. C'est le lot des hommes et des femmes politiques de dire qu'ils ont été mal cités. Je dois vous dire que je n'ai pas eu encore une fois l'occasion de le faire.

Je voudrais terminer, puisqu'il me reste peu de temps, en reprenant peut-être un élément que l'on retrouve en filigrane en particulier dans les déclarations des gens qui sont autour du ministre, mais du ministre lui-même lorsqu'ils parlent de l'émotivité de la question linguistique. À notre sens, M. le Président, l'émotivité fait partie de la question linguistique.

Vous savez ce que disait Mme la vice-première ministre lorsqu'elle occupait vos fonctions: Moi, je fais l'amour avec la langue française. Je lui avais répondu à ce moment-là: Oui, mais Mme la ministre, la langue française ne s'en aperçoit pas; peut-être que vous lui faites l'amour à l'anglaise. Alors, pour dire ceci: je suis convaincu également que le ministre fait l'amour avec la langue française; nous aussi, nous faisons l'amour à la langue française. Mais quand nous faisons l'amour avec une langue, il y a de l'émotivité, cela va de soi. Cela ne doit pas empêcher un jugement serein, un jugement raisonnable, mais sur des actions concrètes, sur des gestes concrets qui ont beaucoup trop tardé et qui ont contribué à la situation détériorée que vous avez à prendre en main depuis 30 jours.

M. le Président, je vous remercie de m'indiquer qu'il me reste dix secondes. C'est le temps que je prends pour vous remercier d'avoir présidé nos travaux et pour remercier également les gens qui y ont participé.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Taillon. Merci également M. le ministre pour le ton serein avec lequel cette interpellation s'est déroulée. La commission, ayant évidemment fort bien accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 11 )

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