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(Seize heures vingt-neuf minutes)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de la culture reprend ses travaux pour l'étude
article par article du projet de loi 110, Loi sur la Régie des
télécommunications. M. le secrétaire, est-ce qu'on a des
remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Audet
(Beauce-Nord) est remplacé par M. Leclerc (Taschereau); Mme Cardinal
(Châteauguay) par Mme Hovington (Matane) et Mme Pelchat (Va-chon) par M.
Cusano (Viau).
Le Président (M. Trudel): Merci. Je vois que tout ce beau
monde est, évidemment, présent. L'important est que nous ayons
quorum.
Au moment où nous nous sommes quittés la semaine
dernière, j'avais une décision à rendre sur un appel au
règlement de la part du député de Terrebonne et il
manquait de temps puisque nous étions à 17 h 59. Au moment
où le député de Terrebonne m'a demandé mon opinion,
je n'avais pas tous les éléments pour rendre une décision
juste, équitable et salutaire pour moi, M. le député de
Terrebonne. Je suis maintenant prêt à rendre la décision
sur laquelle, ainsi que je vous l'ai fait savoir, M. le député de
Terrebonne, j'ai cogité pendant quelques heures. Je dois remercier
immédiatement le personnel de la direction du Conseil en droit
parlementaire de son aide inestimable et je pense avoir une bonne
décision à rendre.
Oui, M. le député de Terrebonne?
M. Blais: Vous avez un texte écrit de votre
décision?
Le Président (M. Trudel): J'ai un texte écrit.
M. Blais: Est-ce qu'on pourrait en avoir une copie, s'il vous
plaît?
Le Président (M. Trudel): Est-ce qu'on en a fait des
copies? J'imagine qu'on doit avoir cela. Le contraire m'eût
étonné.
M. Blais: Moi aussi. M'eût, m-e-û-t.
Décision du président sur la
recevabilité des amendements du ministre
Le Président (M. Trudel): Voilà, oui. Alors, ma
décision est la suivante. Au cours de notre dernière
séance, mercredi de la semaine dernière, le député
de Terrebonne a soulevé l'irrecevabilité de deux amendements
proposés par le ministre des Communications. Ces deux amendements
modifient les articles 82 et 93 du projet de loi 110, Loi sur la Régie
des télécommunications.
L'article 82 du projet de loi vise, entre autres, à modifier le
paragraphe 6 de l'article 557 du Code municipal du Québec afin de
transférer de la Régie des services publics à la nouvelle
Régie des télécommunications le pouvoir d'ordonner la
prolongation ou le renouvellement d'un contrat conclu entre une
municipalité et une compagnie d'utilité publique concernant
l'électricité fournie pour l'éclairage, la chaleur et la
force motrice. L'amendement proposé par le ministre à l'article
82 vise simplement à faire en sorte que ce pouvoir soit dévolu
à la Commission municipale du Québec plutôt qu'à la
Régie des télécommunications.
Quant à l'article 93 du projet de loi 110, il vise
également à transférer à la nouvelle Régie
des télécommunications un pouvoir exercé jusque-là
par la Régie des services publics. Ainsi, l'article 64 de la Loi sur la
qualité de l'environnement serait modifié de façon
à ce que la Régie des télécommunications puisse
déterminer le montant d'une indemnité à être
versée à une personne à qui le sous-ministre de
l'Environnement a refusé de renouveler un permis de système de
gestion des déchets. Par l'amendement qu'il propose, le ministre des
Communications désire que ce pouvoir revienne plutôt à la
Chambre de l'expropriation de la Cour provinciale.
Soulignons que tant les articles 82 et 93 que les amendements qui s'y
rapportent ne visent qu'à transférer un pouvoir exercé
jusque-là par la Régie des services publics à un autre
organisme. Ces dispositions n'ont aucunement pour effet de modifier les
pouvoirs qui font l'objet d'un transfert.
Le député de Terrebonne soumet que les amendements
proposés aux articles 82 et 93 sont irrecevables puisqu'ils vont
à l'encontre du principe du projet de loi 110. Pour le
député de Terrebonne, le titre du projet de loi et les notes
explicatives font clairement ressortir le principe qui serait: "de créer
une nouvelle entité appelée Régie des
télécommunications et de lui attribuer un cadre juridique de
fonctionnement tant pour elle que pour Ses différents intervenants dans
le secteur des télécommunications. " Ainsi, toujours selon le
député de Terrebonne, les amendements ne peuvent avoir pour effet
d'octroyer de nouveaux pouvoirs à la Commission municipale du
Québec et à ia Chambre de l'expropriation de la Cour
provinciale.
La question de règlement soulevée par le
député de Terrebonne nous amène donc à
déterminer quel est le principe du projet de loi 110. Une fois cette
étape franchie, il sera alors possible de décider si les
amendements respectent ce principe. L'article 244 du règlement de
l'Assemblée nationale prévoit, en effet, que les
amendements proposés à un projet de loi "doivent se
rapporter à son objet et être conformes à son esprit et
à la fin qu'il vise".
La détermination du principe d'un projet de loi est un exercice
fort complexe et, malheureusement, aucune recette magique ne permet d'y
arriver. Chaque projet de loi exprime un principe différent et tous les
auteurs parlementaires que nous avons consultés évitent de
s'attarder à une définition précise et
détaillée de ce qu'est un principe d'un projet de loi.
Tout au plus pouvons-nous constater que le mot "principe" possède
plusieurs synonymes, soit: objet, objectif, sujet, but, fin, finalité et
intention du législateur. De plus, tant la doctrine que la jurisprudence
reconnaissent que le titre du projet de loi et les notes explicatives qui le
précèdent sont d'un secours fort limité pour permettre
l'identification du principe d'un projet de loi. Ainsi, à la page 36 de
leur livre intitulé "Rédaction des lois: rendez-vous du droit et
de la culture", Michael Sparer et Wallace Schwab affirment que l'on confie
souvent au titre du projet de loi une mission au-dessus de ses capacités
et qu'il ne faut pas confondre identification et objet. Quant aux notes
explicatives, elles n'ont aucune valeur juridique en soi et ne permettent pas
de déterminer le principe. Tel est, du moins, le sens de deux
décisions rendues en Chambre par le président Richard Guay le 12
juin 1985 et par la vice-présidente actuelle, Mme Louise Bégin,
le 21 mai 1986. Ces deux décisions précisent également la
distinction qu'il faut faire entre modalités et principe d'un projet de
loi.
Ainsi, à mon avis, le principe du projet de loi 110 est de mettre
en place une Régie des télécommunications, comme !'a
mentionné ie député de Terrebonne, et de lui confier
certains pouvoirs spécifiques. Mais, au-delà de la
création d'une régie et de l'octroi à cette
dernière de pouvoirs précis, le principe ou l'effet
recherché par le législateur est également de
déterminer les compétences et le rôle qu'auront
respectivement à jouer le gouvernement et la régie en
matière de télécommunications.
À ce principe du projet de loi 110 se rattachent diverses
modalités. Parmi ces modalités, nous retrouvons les dispositions
transitoires et finales prévues aux articles 71 à 100. Ces
dispositions législatives constituent davantage des modalités
qu'un principe et elles visent, d'abord et avant tout, à assurer la
transition entre l'ancienne Régie des services publics qu'abolit le
projet de loi et la nouvelle Régie des télécommunications.
De plus, ces mesures transitoires permettent d'harmoniser la terminologie de
plusieurs lois.
L'ancienne Régie des services publics possédait des
pouvoirs relatifs à la gestion des déchets et à
l'électricité fournie à une municipalité. Les
mesures transitoires du projet de loi prévoient donc ie transfert de ces
pouvoirs à la nouvelle Régie des
télécommunications. Or, par le biais d'amendements, le ministre
des Communica- tions voudrait plutôt que ces pouvoirs soient
transférés à d'autres organismes, soit la Commission
municipale du Québec et la Chambre de l'expropriation de la Cour
provinciale. De tels amendements peuvent aisément se comprendre dans la
mesure où les pouvoirs qui sont prévus aux articles 82 et 93
n'ont aucun rapport avec les télécommunications.
Mais, même si nous trouvons une certaine logique à la
présence de ces amendements, il faut, tout de même, qu'ils
respectent le principe du projet de loi. Ainsi, en octroyant de nouveaux
pouvoirs à la Commission municipale et à la Chambre de
l'expropriation, est-ce que les amendements ont pour effet de créer des
principes nouveaux? Je ne le crois pas. Les amendements n'altèrent en
rien le principe actuel du projet de loi et n'ont pas pour effet d'en ajouter
d'autres, non plus.
Cela ne signifie pas, pour autant, qu'il soit possible d'apporter
n'importe quel amendement aux mesures transitoires. Si, par le biais d'un
amendement, le ministre tentait d'octroyer de nouveaux pouvoirs à la
Commission municipale et à la Chambre de l'expropriation, pouvoirs que
n'aurait pas possédés l'ancienne Régie des services
publics, il aurait alors introduit un nouveau sujet au projet de loi et cela
aurait été irrecevable. Ainsi, dans une décision rendue le
13 mai 1986, le président de la commission de l'éducation a
jugé irrecevable un amendement visant à ajouter un article
concernant le statut professionnel et les conditions de travail des
professionnels non enseignants, puisque le projet de loi ne faisait aucunement
mention de ce sujet.
Mais, dans le cas qui nous intéresse, les amendements n'ont pas
pour but d'introduire un nouveau sujet au projet de loi. ils ne visent
qu'à changer le titulaire d'un pouvoir et non pas à créer
de nouveaux pouvoirs.
Je ne peux voir que des mesures de concordance dans ces amendements et
il me semblerait surprenant que la procédure parlementaire ait pour
effet de forcer le ministre à présenter un projet de loi distinct
pour conférer des pouvoirs anciennement détenus par la
Régie des services publics à des organismes autres que la
Régie des télécommunications.
Voilà, M. le député de Terrebonne, qui dispose de
votre appel au règlement.
M. Blais: M. !e Président...
Le Président (M. Trudel): Je pourrais vous entendre, mais
vous savez qu'une décision de la présidence est sans appel.
M. Blais: M. le Président, je tiens à vous dire une
chose, c'est que je suis un type qui respecte beaucoup l'institution qu'est le
Parlement et je sais qu'une décision de la présidence ne peut
être mise en cause. Je me plie tout de go à votre
décision.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Terrebonne.
M. Blais: Je ne dis pas que je suis fier. Je me plie tout de go
à votre décision. Il y a une nuance.
Le Président (M. Trudel): Nuance que je comprends, M. le
député de Terrebonne. Je suggère que nous abordions
maintenant l'étude de l'amendement proposé par M. le ministre
à l'article 82. Il nous restait...
M. Blais: À finaliser.
Le Président (M. Trudel): II nous restait essentiellement
les trois amendements proposés par M. le ministre aux articles...
M. Blais: 82, 93 et...
Le Président (M. Trudel): 82, 93 et 94.
M. Blais:... 94. Alors, on y va, M. le ministre.
Le Président (M. Trudel): Les amendements et les articles,
bien sûr. M. le ministre.
Modifications au Code municipal (suite)
M. French: Je pense que le député de Terrebonne et
la commission sont au courant de l'objectif essentiel qui est de
transférer une responsabilité qui touche les contrats
d'électricité des municipalités à un organisme plus
approprié qui est la nouvelle Régie des
télécommunications pour s'occuper de telles questions. Il s'agit
donc de faire un amendement qui se lit comme suit: "L'article 82 du projet de
loi est modifié par le remplacement du paragraphe 1° par le suivant:
1° par ie remplacement, dans la cinquième ligne du quatrième
alinéa du paragraphe 6°, des mots "Régie des services
publics" par les mots "Commission municipale du Québec".
Le Président (M. Trudel): Vous n'avez rien à
dire?
M. French: Adopté.
Le Président (M. Trudel): L'amendement est adopté.
Est-ce que l'article 82, tel qu'amendé, est adopté?
M. French: Adopté.
Le Président (M. Trudel): Adopté. Nous passons
maintenant à l'article 93. M. ie ministre, vous avez un papillon, comme
on dit...
M. French: Oui.
Le Président (M. Trudel):... en langage léger.
Modification à la Loi sur la qualité de
l'environnement
M. French: Le papillon se lit comme suit: "L'article 93 du projet
de loi est remplacé par le suivant: 93. L'article 64 de la Loi sur la
qualité de l'environnement (L. R. Q., chapitre Q-2) est modifié
par le remplacement, dans la deuxième ligne du deuxième
alinéa, des mots "Régie des services publics" par les mots
"Chambre de l'expropriation de la Cour provinciale". Même genre de
transfert de responsabilités, M. le Président,
responsabilités qui, à ce que je sache, n'ont jamais
été exercées, soit dit en passant, par la Régie des
services publics.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. M. le
député de Terrebonne, toujours silencieux, est-ce que
l'amendement de M. le ministre est adopté?
M. French: Adopté.
Le Président (M. Trudel): Adopté. Est-ce que
l'article 93, tel qu'amendé, est adopté?
M. French: Adopté.
Le Président (M. Trudel): Adopté. Nous sommes
maintenant à l'article 94. M. le ministre, vous avez un amendement.
M. French: On supprime l'article 94 parce qu'il fait
référence à un article d'une autre loi qui n'existe plus,
à la suite d'un amendement de ladite autre loi.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Terrebonne.
M. Blais: La décision qui a été prise par la
présidence, je l'accepte, mais on voit bien ici que cela pose des
problèmes. Une autre loi est venue faire cet amendement que vous vouliez
faire, parce que c'est permis, c'est recevable de passer n'importe quel
amendement, dans n'importe quelle loi ou à peu près.
Vous-mêmes, aux Communications, vous avez voulu corriger une chose parce
que vpus sentiez que c'était sous votre responsabilité, mais
quelqu'un l'avait déjà fait avant vous. On voit que cela cause
des tracas au législateur et aux parlementaires, parce qu'on peut se
permettre de modifier à peu près n'importe quelle autre loi
lorsqu'on fait une loi. C'est pour cela que je trouvais que les autres
étaient irrecevables. Je les trouve recevables maintenant parce que la
présidence me l'a dit, mais, pour le travail, c'est malheureux qu'il en
soit ainsi. Adopté, M. le Président.
M. French: Juste pour les fins de l'enregistrement de nos
débats, je pense qu'il faudrait mentionner, quand même, pour
l'information du député de Terrebonne, que la modification de
l'autre loi, la Loi sur la qualité de l'environnement, faite sans doute
sous l'égide, en tant que critique de l'Opposition, du
député de Terrebonne lui-même, d'ailleurs, a
été faite en fonction des objectifs environnementaux. Donc,
l'objectif visé dans l'amendement proposé dans le projet de loi
actuel est tout à fait indépendant, bien que parallèle aux
objectifs du projet de loi 19 de 1987, Loi modifiant la Loi sur la
qualité de l'environnement. Ce n'est pas du tout la même
démarche, ni intellectuellement, ni législativement. Cela a
donné que le produit de ces deux exercices parallèles est que
deux fois on a voulu supprimer le même article, mais c'était pour
des raisons différentes. Étant donné que, pour des fins
environnementales, l'article a déjà été
supprimé, eh bien, l'article du projet de loi 110 devient caduc.
Je pense que l'argument du député est bon, mais pas pour
le cas présent.
M. Blais: S'il n'est pas bon pour le cas présent, il n'est
pas bon, M. le ministre. C'est du cas présent que nous parlons. C'est,
en termes polis, dire que ce n'était pas nécessaire de faire une
remarque. Adopté.
Le Président (M. Trudel): À l'article 94,
l'amendement de M. le ministre est adopté. Je vais appeler
l'étude des titres, livres, chapitres, sections et sous-sections. Il n'y
a pas de sous-section dans votre projet de loi. Oui, pour votre motion de
renumérotation, un petit peu plus tard, M. le ministre.
M. French: Oui.
Le Président (M. Trudel): Est-ce que les titres, livres et
chapitres sont adoptés?
M. Blais: Adopté.
Le Président (M. Trudel): Adopté. J'appelle
l'étude du titre du projet de loi.
M. Blais: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Le titre du projet de loi est
adopté. Est-ce que l'ensemble du projet de loi, tel qu'amendé,
est adopté?
M. Blais: Adopté.
Le Président (M. Trudel): Adopté. M. le ministre,
avez-vous une motion de renumérotation à faire? J'ai
manqué une partie des travaux de la commission. Je ne sais pas si on est
en présence de...
M. French: Oui, on aimerait...
Le Préskient (M. Trudel): De toute façon, pour
être, comme le dirait Malraux, "on the safe side".
M. French: Oui. J'aimerais faire une motion pour la
renumérotation du projet de loi, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Est-ce que cette motion est
adoptée?
M. Blais: Adopté.
Le Président (M. Trudel): Adopté. M. le ministre,
un mot.
M. French: J'aimerais remercier le député de
Terrebonne de la rapidité avec laquelle il a permis à la
commission de disposer du projet de loi et l'assurer que nous allons continuer
à l'avenir à manifester la collaboration qu'on a pu manifester
avec ses collègues et lui, puisqu'il est évident que cela nous
permet de disposer plus rapidement et avec plus d'efficacité des projets
de loi. C'est apprécié.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. M. le
député.
M. Blais: Merci beaucoup.
Le Président (M. Trudel): Je remercie les membres de la
commission, notamment M. le député de Terrebonne, de m'avoir
donné l'occasion de rendre une décision qui m'a permis une
recherche tout à fait intéressante, parce que c'est rare que cela
arrive aux commissions qu'on ait des décisions délicates à
rendre. M. le député de Terrebonne, merci.
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): La commission ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de séance à 16 h 46)