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(Dix heures quinze minutes)
La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre,
s'il vous plaît!
La commission de la culture débute ses travaux et
procédera à une consultation particulière dans le cadre de
l'étude détaillée du projet de loi 78, Loi sur le statut
professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d'art et de la
littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs. Mme la
secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire: II y a un remplacement. Mme Bélanger
(Mégantic-Compton) remplace M. Trudel (Bourget).
La Présidente (Mme Bélanger): J'aimerais vous
donner l'ordre du jour. À 10 heures, il y aura les déclarations
d'ouverture par Mme la ministre et M. le député de Saint-Jacques.
À 10 h 30, le Conseil des artistes peintres du Québec. À
11 h 30, le Conseil québécois de l'estampe. À 15 heures,
l'Atelier de dramaturgie de Montréal. À 16 heures, l'Association
des illustrateurs et illustratrices du Québec. À 17 heures,
l'Association des traducteurs littéraires. À 20 heures, la
Société des musées québécois. À 21
heures, le Conseil de la sculpture du Québec. À 22 heures, le
Conseil des arts textiles du Québec. Mme la ministre, voulez-vous faire
vos commentaires?
Remarques préliminaires
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: Oui, Mme la Présidente, j'aimerais faire une
déclaration d'ouverture. Avant d'entreprendre l'étude
détaillée, article par article, du projet de loi 78 sur le statut
professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d'art et de la
littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs, nous avons
convenu d'entendre les représentants d'associations ou de groupes
intéressés par le projet de loi invités à cet
effet.
Avant d'entendre leurs commentaires et suggestions, il m'apparaît
opportun de rappeler brièvement la perspective de cette initiative
gouvernementale qui s'inscrit dans une démarche plus large, plus vaste
de la reconnaissance par l'État du rôle essentiel joué par
ses artistes et créateurs dans la société.
Ces femmes, ces hommes qui consacrent l'essentiel de leurs
énergies à donner à leurs concitoyens une
représentation de leur vision du monde et de la vie sont, en quelque
sorte, des définisseurs de l'imaginaire collectif d'un peuple, cet
imaginaire qui est à ce point particulier qu'il constitue l'une des
pierres d'assise de ce que nous convenons d'appeler la société
distincte du Québec.
Parce que certains de ces artistes et créateurs jouissent d'une
grande notoriété - souvent éphémère - on a
l'impression que leur vie vogue de succès en succès, dans une
apparence de bonheur et de richesse qui font l'envie de ceux qui suivent leurs
carrières depuis le seul reflet qu'en font les médias. La
réalité est souvent bien différente. Et les
témoignages entendus en cette commission au printemps 1986 ont
révélé, si vous me permettez l'expression, l'envers du
décor. Parce que les artistes et créateurs, spécifiquement
des secteurs dont traite le projet de loi 78, ne sont pas ou peu
regroupés et organisés collectivement, ils n'ont pu
historiquement faire valoir suffisamment leurs besoins et leurs droits
auprès des pouvoirs publics, contrairement à d'autres
catégories de citoyens. Ce constat était connu de tous, mais il a
fallu qu'un gouvernement décide d'en faire une priorité pour que
l'on intervienne enfin dans ce secteur.
Après avoir légiféré dans le domaine des
arts d'interprétation, l'an passé, nous traitons maintenant des
domaines des arts visuels, des métiers d'art et de la
littérature.
Je peux déjà assurer les représentants de ces
domaines que nous sommes disposés à recevoir tout commentaire ou
toute suggestion qu'ils jugent important de faire valoir et qui concernent
l'une ou l'autre disposition du projet de loi. Nous en tiendrons compte dans
toute la mesure du possible en préservant, cependant, l'essentiel de ce
que nous avons voulu reconnaître et protéger, à savoir
l'artiste et son oeuvre.
Le champ d'application de ce projet de loi est très large et
recouvre des pratiques artistiques diversifiées dans les trois domaines
qui y sont mentionnés. Nous croyons que la communauté
d'intérêts des créateurs et aussi la similitude des
problèmes qu'ils rencontrent sur le plan professionnel Justifient une
même approche. Entendons-nous bien: nous ne présentons pas un
projet de loi sur la création, ni sur les disciplines, mais un projet de
loi sur le statut professionnel des artistes dans les domaines des arts
visuels, des métiers d'art et de la littérature et sur leurs
contrats avec les diffuseurs.
Les définitions que nous avons établies n'ont d'autre but
que de délimiter ce que couvrira la loi. Je pense que certains groupes
voudront proposer des modifications et nous sommes disposés à
écouter leurs suggestions. Il faut toutefois préciser que ces
définitions devraient être suffisamment souples et larges pour ne
pas exclure indûment des pratiques artistiques qui pourraient
correspondre à un
champ donné. En même temps, elles devraient être
assez explicites pour exclure celles qui ne relèvent pas du domaine des
arts. Le projet de loi vise, en effet, les créateurs d'oeuvres d'art,
d'oeuvres de métiers d'art et d'oeuvres littéraires: ce sont eux
que nous voulons protéger.
Nous sommes bien conscients que nous abordons une problématique
délicate et complexe. C'est pourquoi l'État ne saurait
légiférer dans ce domaine, dans le domaine des arts, qu'avec une
extrême prudence. Il faut éviter à tout prix son
ingérence dans la création en tant que telle. D'ailleurs, je suis
convaincue que ce n'est pas ce que souhaitent les artistes.
À l'occasion des audiences de la commission parlementaire tenue
en mai 1986 sur le statut de l'artiste et au cours des consultations
ultérieures faites en vue de la préparation du projet de loi, le
message livré par les artistes est clair: ce qu'ils souhaitent avant
tout, c'est de se faire reconnaître en tant qu'artistes professionnels
et, à ce titre, de disposer d'un cadre juridique spécifique. Nous
répondons donc à une demande répétée de ces
artistes de pouvoir bénéficier d'une loi qui leur assure les
moyens d'être reconnus.
Le projet de loi contient des dispositions à cet effet, tout en
présentant la liberté de l'artiste d'adhérer ou non
à une association professionnelle. Il définit également un
cadre de reconnaissance pour une association ou un groupement d'associations
d'artistes dans chacun des trois domaines spécifiés dans le
projet de loi. Les modalités et la procédure de reconnaissance
sont similaires à celles prévues dans la loi 90 sur le statut
professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène,
du disque et du cinéma. D'ailleurs, nous proposons d'élargir en
conséquence le mandat de la commission de reconnaissance
créé en vertu de cette loi. Je voudrais souligner que nous
devrons apporter, à cet effet, certains ajustements techniques au projet
déposé.
Il faut bien comprendre que la portée de ce projet de loi ne sera
intéressante pour les créateurs des arts visuels, des
métiers d'art et de la littérature que dans la mesure où
elle permet de distinguer le plus clairement et le plus objectivement possible
ceux qui sont visés de ceux qui ne le sont pas. Le but recherché
ne pourrait être atteint si les dispositions du projet
n'établissaient pas de frontières relativement étanches
entre l'artiste professionnel et toute autre personne qui voudrait
prétendre à un tel statut sans répondre aux exigences
fondamentales requises, ou encore, sans être admise comme membre d'une
association professionnelle reconnue. Il revient donc aux milieux
concernés, à vous, de nous Indiquer si nos propositions y
parviennent.
Dans tout domaine d'activité, les regroupements professionnels
Jouent un rôle Important et, dans certains cas, un rôle exclusif
sur le plan de la définition des exigences de la pratique, de
l'éthique, de la défense des intérêts de leurs
membres et des services mis à leur disposition. Ainsi, le projet de loi
78 offre un cadre juridique adapté et permet une prise en charge du
milieu professionnel par les intéressés.
Il propose qu'une seule association pour chaque domaine puisse
être reconnue compétente. Cette disposition permet d'éviter
le morcellement des forces et devrait permettre la mise en place ou la
consolidation des structures de représentation des artistes
professionnels. Cependant, il est prévu qu'un regroupement
d'associations existantes puisse demander la reconnaissance, ' s'il remplit
certaines exigences sur le plan de l'organisation de ses statuts et
règlements et aussi de ceux de ses composantes.
Ainsi donc, le projet établit un cadre juridique sur lequel les
associations d'artistes professionnels pourront dorénavant s'appuyer.
Elles auront, entre autres, un rôle Important à jouer dans la
détermination des exigences professionnelles requises pour qu'un artiste
puisse être admis comme membre et dans Sa définition des
règles de déontologie. Elles seront, en outre, habilitées
à établir et à administrer des caisses de retraite,
à offrir des services d'assistances techniques, à préparer
des contrats types pour le bénéfice de leurs membres et à
les négocier avec un diffuseur ou une association de diffuseurs, sur une
base volontaire. Le projet prévoit également qu'elles puissent
recevoir des mandats en matière de perception des droits et de recours
au nom des artistes qu'elles représentent.
Le projet de loi porte aussi sur des problèmes d'un autre ordre,
soulevés par les artistes des domaines dont il est question. Ce sont des
problèmes réels qui découlent de la position
désavantageuse des créateurs dans la discussion et l'application
des contrats relatifs à la diffusion de leurs oeuvres. À cet
égard, le projet prévoit des dispositions importantes
destinées à mieux équilibrer les relations entre les
artistes et les diffuseurs et à donner une certaine protection aux
artistes qui leur assure une part des bénéfices liés
à la diffusion de leurs oeuvres.
Notre intention consiste essentiellement à formaliser les
pratiques actuelles de manière à les rendre plus transparentes et
qu'il soit enfin possible d'offrir un cadre juridique adapté. Une grande
partie des difficultés rencontrées par les artistes et aussi par
les diffuseurs proviendrait du fait que, souvent, leurs ententes sont verbales,
peu explicites sur les engagements réciproques et sur leurs limites.
Dans de telles circonstances, il y a peu de recours possibles en cas de
mésentente ou de non-respect des engagements.
Le projet de loi propose, par conséquent, d'obliger l'artiste et
le diffuseur à signer l'entente qu'ils auront négociée,
conclue et, aussi, à respecter les éléments obligatoires
qu'il prévoit. De plus, il contient des dispositions qui permettraient
aux artistes de pouvoir suivre de plus
près les transactions ou les activités liées aux
oeuvres confiées à un diffuseur. Les oeuvres d'art et de
métiers d'art mises en dépôt ou en consignation seraient
également protégées contre la saisie ou la vente en cas de
difficultés financières du diffuseur. Le projet propose aussi de
limiter dans le temps les droits d'exclusivité sur les oeuvres futures
d'un artiste que détiendrait un diffuseur et, aussi, de les assujettir
à certaines conditions. Enfin, des amendes sont prévues pour le
contrevenant aux mesures relatives à la tenue de comptes distincts pour
chaque contrat et à la tenue d'un registre des oeuvres de l'artiste avec
lequel le diffuseur fait affaire.
En conclusion, je rappellerai simplement que ce projet de loi est de
nature à marquer une nette évolution des pratiques de diffusion
des oeuvres artistiques en assurant un plus grand respect des droits de ceux et
celles qui ies créent. Il accorde aussi le cadre juridique
réclamé pour reconnaître le statut des artistes
professionnels et de leurs associations professionnelles. Nous sommes
prêts à considérer toute modification qu'on voudra bien
nous proposer, si elle respecte ces mêmes objectifs et peut
améliorer le projet de loi.
J'aimerais remercier tous les représentants d'associations et de
groupes d'avoir accepté notre invitation de venir ici nous
présenter des mémoires, nous présenter leur point de vue.
J'aimerais les assurer que tous les commentaires qu'ils voudront bien nous
faire sur le projet de loi seront écoutés avec la plus grande,
attention et le plus grand respect.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme la
ministre. M. le député de Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Mme la Présidente, vous me permettrez, au
tout début... Nous savons tous ies raisons qui empêchent le
président de la commission et député de Bourget de
présider cette commission. J'ose espérer que ies séquelles
de l'accident de voiture qu'il a eu durant la fin de semaine ne seront pas
permanentes. Je pense être le porte-parole de tous mes collègues
de la commission en lui exprimant nos meilleurs voeux de prompt
rétablissement.
Sur un ton peut-être un peu badin, je pourrai dire aux gens du
Conseil des artistes-peintres du Québec que j'ai beaucoup pensé
à eux durant cette fin de semaine, notamment dimanche soir, dans ma
résidence de Montréal, et hier soir, dans l'appartement de
Québec, où Me Michèle Assad, Me Jean-Pierre Gagnon, Me
Louis Pelletier et Me Betty Goodwin avaient une pente descendante
inquiétante à la suite du séisme de vendredi. Et Dieu seul
sait que l'accrochage est important!
Pour ce qui est du projet de loi 78, dont Mme la ministre vient de vous
donner les grandes lignes, l'Opposition officielle, par la voix de son
porte-parole aux affaires culturelles que je suis, a immédiatement
donné son accord de principe à ce projet de loi. Cependant, nous
nous sommes posé certaines questions. Ces questions se traduiront par un
autre questionnement que nous ferons à la suite de vos
interventions.
Les commentaires que nous donnions lors de l'adoption de principe, la
semaine dernière, concernaient d'abord les dispositions relatives
à la reconnaissance des associations professionnelles. On constate
qu'elles sont largement semblables, bien entendu, moyennant quelques variantes,
à celles de la loi 90 qui a précédé et qui a
été votée l'an dernier. C'est notamment le cas des
articles relatifs aux modalités de demande et d'annulation de la
reconnaissance. Mais, au chapitre du droit à la reconnaissance, ie
projet de loi le relie à un critère de
représentativité selon lequel la reconnaissance sera
accordée à l'association qui - et là, je cite le texte de
la loi - "groupe le plus grande nombre d'artistes professionneis du domaine
visé et dont les membres sont le mieux répartis parmi ie plus
grand nombre de pratiques artistiques. Alors que la loi 90, souvenez-vous-en,
établit une exigence de majorité. Il s'agit ici plutôt de
pluralité comme telle. (10 h 30)
Qu'est-ce qui justifie ce traitement différent entre les
différents groupes d'artistes? La question vous sera posée.
Est-ce que la tradition d'association sera moins forte dans ies secteurs des
arts visuels et métiers d'art que dans les arts d'interprétation
ou parce qu'il y a davantage un morcellement des artistes en plusieurs
associations? Ce sont des exemples d'interrogations.
Comme nous voulons connaître les justifications de la ministre
à ce sujet, de même que... Nous allons effectivement
vérifier auprès de vous et auprès des associations qui
vont se présenter devant cette commission ce critère de
représentativité et vous demander s'il vous convient. Ce projet
introduit aussi la possibilité d'accorder la reconnaissance à une
association formée d'associations d'artistes. Ceci me semble
répondre à la réalité du milieu, je crois bien. Par
exemple, dans le domaine des arts visuels, on retrouve le Conseil de la
sculpture, ie Conseil des artistes-peintres, le Conseil des arts textiles du
Québec, ie Conseil québécois de l'estampe, l'Association
des photographes. Tous ces organismes pourront donc se regrouper en association
aux fins de reconnaissance. Est-ce souhaitable? La réponse vous
appartient. Est-ce utile, compte tenu des pratiques artistiques très
variées concernées par une telle éventualité? Je
pense que, de nouveau, les premiers intéressés que vous
êtes seront à même de nous le dire.
En ce qui concerne la question des contrats individuels, dont la
signature est rendue obligatoire par le projet de loi, deux dispositions
méritent une attention particulière. Il y a
d'abord l'article 36 qui établit un mécanisme d'arbitrage
obligatoire en cas de différend sur l'interprétation d'un contrat
intervenu entre l'artiste et le diffuseur. Les parties doivent en effet
désigner un arbitre et se soumettre à la procédure
d'arbitrage établie au Code de procédure civile. Sans vouloir
prétendre avec certitude qu'il s'agit d'une première, il
apparaît tout de même que cette notion d'arbitrage obligatoire est
à peu près étrangère à nos traditions
juridiques dans le domaine commercial. Généralement, lorsqu'un
arbitrage est prévu, II est facultatif et sujet à la demande des
deux parties. D'ailleurs, c'est la règle qui a été retenue
dans la loi 90. Les parties peuvent soumettre conjointement leur
différend à la commission - celle de reconnaissance des
associations d'artistes - pour arbitrage.
Est-ce que cette formule est préférable à la
possibilité de l'une ou l'autre partie d'utiliser des recours
judiciaires pour faire valoir ses droits? C'est encore là une question
qui se pose. Est-ce qu'elle convient aux besoins, aux particularités du
domaine des arts visuels, des métiers d'art et de la littérature
en matière de contrats? C'est encore le point d'interrogation qui
subsiste en fin de phrase. Donc, il nous faudra le vérifier avec
vous.
De même, l'article 33 - c'est là-dessus que je conclurai,
Mme la Présidente - selon lequel - et je reviens toujours au
libellé du projet de loi - "Un diffuseur ne peut sans ie consentement de
l'artiste, donner en garantie les droits qu'il obtient de ce dernier ni
consentir une sûreté sur l'oeuvre de l'artiste à moins
qu'elle ne fasse l'objet d'une publication et d'une diffusion en plusieurs
exemplaires, auquel cas, un exemplaire doit être réservé
à l'artiste. " Donc, il sera effectivement très
intéressant d'entendre les artistes, tout comme les propriétaires
de galeries d'art, à ce sujet-là.
Voilà essentiellement, Mme la Présidente, les remarques
que nous avions posées lors de l'adoption du principe du projet de loi
et je pense qu'on devrait immédiatement commencer à entendre les
interventions des groupes qui nous font à la fois l'honneur et le
plaisir dêtre ici aujourd'hui dont, en premier lieu, le Conseil des
artistes-peintres du Québec. Je vous remercie, Mme la
Présidente.
Auditions
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de Saint-Jacques. Je demanderais aux représentants
du Conseil des artistes peintres du Québec de bien vouloir s'approcher
à la table.
J'aimerais vous faire remarquer que vous avez 20 minutes pour
présenter votre mémoire et qu'une discussion de 40 minutes avec
les deux groupes parlementaires suivra. Je demanderais au porte-parole de
s'Identifier et de bien vouloir présenter les personnes qui
l'accompagnent.
Conseil des artistes peintres du Québec
M. Michel (André): Mon nom est André
Michel. Je suis président du Conseil des artistes peintres du
Québec. Je suis accompagné, à ma gauche, de M.
Jacques-Pierre Amée et, à ma droite, de M. Jacques Lafontaine.
Tous les deux siègent à l'exécutif du Conseil des artistes
peintres du Québec.
La Présidente (Mme Bélanger): Vous pouvez
débuter, monsieur.
M. Michel: Merci, madame. Mme la Présidente, Mme la
ministre, mesdames, messieurs. Je tiens, en premier lieu, à remercier le
gouvernement du Québec et Mme Lise Bacon, ministre des Affaires
culturelles, de vouloir donner aux artistes en arts visuels un statut
équivalent à celui accordé à certains autres
artistes plus proches de médias et dont l'élocution en public est
facilitée par le métier qu'ils réalisent. Nous, les
artistes en arts visuels, travaillons presque toujours en solitaire dans des
ateliers qui ne sont jamais à notre mesure, avec des moyens au-dessous
du seuil de la pauvreté, et dont la seule gloire est de dire: Un jour,
quand je serai mort, on reconnaîtra mon oeuvre. Oui, triste fête
que la vie d'artiste! Cependant l'art est une fête, mais nous l'oublions
bien souvent. Non seulement une fête pour les yeux et les sens, mais pour
l'esprit dont il suscite l'imaginaire et les pouvoirs, et pour le coeur dont il
proclame les lois d'amour. C'est une fête aussi pour les artistes
puisqu'ils affirment la réalité des lois plastiques contre un
monde qui se veut d'abord rationaliste et technocratique, et que chaque oeuvre
d'art incarne une nouveauté et une rigueur et introduit un ferment dans
un pain qui ne l'avait pas prévu.
L'art est la grande fête de la personne humaine. Si les oeuvres
disparaissaient de l'histoire, tombaient en poussière, il ne
subsisterait que l'ennui terrible des dates et des faits et un univers de
pierres tombales. L'art est la seule haute réponse à la mort dans
l'espace et le temps et chaque époque a conçu ses horloges - qui
sont les oeuvres d'art - pour continuer à donner l'heure à la
postérité et rappeler qu'une certaine génération a
vécu qui colorait la planète de son regard sensible.
Que laissera la nôtre, cacophonique, équivoque et si
complexe? Nous pouvons toutefois avoir une certitude, c'est que ce sont les
artistes qui témoigneront.
Tout ce long préambule, avec ce semblant d'envolée
lyrique, n'avait qu'un but, Mmes et MM. de la commission parlementaire, c'est
de souligner l'impertinence de deux mots dans une loi qui, pourtant, nous
semble taillée sur mesure... ou presque. Quel sans-gêne, quel
affront de lire, à l'article 2, que les arts visuels sont la production
d'oeuvres originales de recherche ou d'expression, non utilitaires! Voyez-vous,
Mme
Bacon, avec votre permission et en continuant dans la même ligne
de pensée, votre ministère s'occupe de choses non utilitaires. Je
trouve ce raisonnement très intéressant!
Pour continuer, nous pensons sincèrement qu'il faudrait rayer les
mots "non utilitaires" à l'article 2. 1°, car si "arts visuels" et
"métiers d'art" ont besoin aujourd'hui d'être
différenciés par une telle appellation (non
contrôlée, soit dit en passant) c'est que quelque part artistes et
artisans se sont croisés sans jamais se rencontrer sur les chemins de la
création... et cela, nous en doutons. Nous demandons que "non
utilitaires" soit rayé de l'article 2. 1.
Article 2. 3. Pour nous, la bande dessinée ne désigne
aucun mode d'expression littéraire, mais plutôt un produit et un
support. De plus, Sa bande dessinée se rattache davantage aux arts
visuels puisque composée à plus de 70 % de dessins, ce qui
implique l'utilisation d'un contrat différent pour une exploitation
différente. La publication d'une bande dessinée peut
entraîner la production de produits dérivés tels: livre
à colorier, casse-tête, jouets, etc. De plus, la bande
dessinée est une oeuvre composite dont la plus grande partie est
déjà identifiée dans la définition de arts visuels,
sous le nom de dessin. Nous demandons que les mots "bande dessinée"
soient rayés puisque déjà compris dans la
définition de "arts visuels".
À l'article 3. 3, où l'on définit le mot
"diffuseur", II serait nécessaire de dire "représentation en
public" plutôt que simplement "présentation en public" afin de
faire une différence avec le mot "exposition". L'ajout de ce "re"
permettrait de couvrir l'utilisation publique faite d'une oeuvre par le
cinéma, la télévision ou tout autre représentation.
Cela éviterait une redondance avec le mot "exposition". Toujours dans ce
même article où il est dit "d'une autre utilisation des oeuvres
des artistes", nous trouverions avantage à voir écrite
l'expression "de toute autre utilisation des oeuvres" qui comprendrait ainsi
toute utilisation nouvelle puisque le projet de loi doit prévoir toute
nouvelle utilisation pouvant résulter du développement futur de
la consommation et des consommateurs.
Nous aimerions que "présentation en public" soit remplacé
par "représentation en public". Nous aimerions aussi, dans ce même
article, que "une autre utilisation des oeuvres" soit remplacé par
"toute autre utilisation des oeuvres".
L'article 6, qui donne les conditions d'admissibilité du
créateur au statut d'artiste professionnel, nous semble ne
présenter que des conditions minimales qui ramènent à la
baisse les critères d'admissibilité de notre association
provinciale. Allons-nous être obligés de réviser nos
critères pour être l'association représentative du milieu?
Est-ce un nivellement par le bas qui est souhaité?
De même, à l'intérieur de l'article 11, il est
prévu qu'une association ne peut être reconnue que si elle
prévoit des conditions d'admissibilité fondées sur des
exigences professionnelles, si elle prescrit des règles
d'éthique, etc. Plus loin, l'article 14 dit que, pour l'application de
l'article 11, les règlements des associations d'artistes deviennent les
règlements de l'association reconnue.
Nous voyons là un conflit possible puisqu'il s'agit ici de
différentes associations qui peuvent avoir des contradictions entre
leurs règlements. Les exigences contenues dans la loi en ce qui a trait
au droit à la reconnaissance n'établissent pas clairement les
relations et le partage de ces obligations entre les associations qui devraient
être normalement les demanderesses.
Nous pourrions élaborer plus longuement sur la
problématique d'avoir du jour au lendemain une seule association
nationale. Nous pensons que ie gouvernement devrait plutôt
reconnaître les associations disciplinaires existantes dont certaines ont
plus de 20 ans d'existence plutôt que de nous proposer un chapeau tout
neuf qui ne semble pas faire à tout ie monde dans l'immédiat.
Article 33. Dans le domaine des arts visuels, l'oeuvre publiée
peut être, dans certains cas, indissociable de l'oeuvre originale. Je
vous ai mis entre parenthèses: exemple: lithographie. Permettre ainsi
à un diffuseur de donner en garantie une oeuvre faisant l'objet d'une
publication va à l'encontre de l'esprit du projet de loi qui
prétend accorder aux oeuvres énumérées à
l'article 2. 1 une certaine protection. Cet article ne devrait pas s'appliquer
aux arts visuels à moins que nous ne l'ayons mai compris. Alors, nous
suggérons que l'article 33 ne s'applique pas aux arts visuels.
L'article 35 dit que: "Le contrat est résilié si le
diffuseur devient insolvable ou en liquidation. Il en est de même s'il
est en état de faillilte... " Dans ce cas extrême, nous aurions
aimé voir une clause spéciale "faillite" qui mentionnerait que
l'artiste est considéré comme créancier. En effet, si le
diffuseur fait faillite sans avoir acquitté les droits sur les oeuvres
vendues, quels seront les recours de l'artiste? Croyez-nous, ces cas se
produisent malheureusement assez régulièrement.
Nous pensons que l'article 44 devrait s'appliquer entièrement
à l'article 37 et non seulement au premier alinéa. En effet, s'il
est une chose qui Importe pour un artiste, c'est le respect de "la
périodicité convenue entre les parties" pour un compte-rendu par
écrit sur les perceptions. Trop de diffuseurs remettent aux calendes
grecques les paiements des oeuvres vendues. Nous suggérons que "omet une
inscription prévue au premier alinéa de l'article 37" soit
remplacé par "contrevient à l'article 37".
En conclusion de ce grand débat qu'est le projet de loi 78, nous
vous disons, Mme la ministre, et à vous, membres de la commission, que
le vrai problème pour un artiste est de faire reconnaître son
oeuvre. Un autre d'une importance équivalente est, bien entendu,
d'assurer sa survivance, mais le second dépend du premier.
Vous êtes-vous déjà posé les questions
suivantes? Quelle est donc la condition de l'artiste peintre en 1988? Comment
situer la réalité des faits à leur vrai niveau?
La vérité obligerait à dire qu'une étude
dans ce domaine mettrait en évidence l'aléatoire du
système commercial, qui n'entrouvre la porte d'entrée du
marché qu'aux artistes disposant déjà des moyens
d'exposer, et elle dénie toute chance aux "inconnus" - entre guillemets
- qui ne veulent pas jouer le jeu des diffuseurs. (10 h 45)
Vos politiques, Mme la ministre, ne pouvaient se contenter de jeux de
mots ou de promesses bâclées dans ce domaine, les faits sont plus
forts que la démagogie électorale; les solutions devaient passer
par une réforme profonde, une conscience nette des faits, une
connaissance des problèmes. La rédaction de ce projet de loi est
tout à votre honneur, Mme la ministre, et aidera, je le souhaite,
à protéger l'artiste contre lui-même, mais bien entendu
contre certains diffuseurs. La part faite à nos associations d'artistes
provinciales nous permettra d'affiner certains articles de la loi pour les
rendre plus incisifs et protéger les droits de nos membres. Nous vous
remercions sincèrement.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Michel. Mme
la ministre.
Mme Bacon: J'aimerais remercier le Conseil des artistes peintres
du Québec et M. Michel de venir ici avec ses collègues nous
présenter ce mémoire.
Nous devons quand même rectifier certaines choses qui sont dites.
On s'aperçoit souvent que les meilleures intentions sont dans une loi,
mais que nous n'avons peut-être pas su expliquer suffisamment cette loi,
ce qui nous permet, je pense... Nous sommes justement en commission
parlementaire pour donner davantage d'explications ou d'informations sur chacun
des articles de ce projet de loi; je pense que vous en avez mentionné
plusieurs et il y a des informations que nous pourrons donner en cours de route
qui vont peut-être éclairer davantage les gens et le milieu sur
les Intentions que nous avions en préparant ce projet de loi.
Vous souhaitez que les mots "non utilitaires" - on va commencer par le
début de votre exposé - dans la définition des arts
visuels soient supprimés. Pourriez-vous nous expliquer davantage
pourquoi ces mots ne s'appliqueraient pas aux arts visuels?
M. Michel: Est-ce que je peux vous répondre par une autre
question? Pourquoi s'appliqueraient-ils aux arts visuels?
Mme Bacon: Mais j'aimerais avoir votre réponse avant, je
vous dirai pourquoi.
M. Michel: Je pense que, dans mon préam- bule, j'essaie,
Mme la ministre, de vous décrire que, pour nous, les arts visuels sont
quelque chose d'utilitaire, puisqu'ils sont décoratifs et
utilisés à différents escients. Si c'est marqué
"non utilitaires" simplement pour les différencier des métiers
d'art, je pense que la suppression des termes "non utilitaires" ne serait pas
tellement dommageable à la loi, mais elle serait moins dégradante
pour les arts visuels. Autre chose: Quelle différence... Je pense que,
dans mon petit document, à un endroit, c'est marqué: Picasso
à Vallauris. C'est parce que, tout de suite, il m'est venu à la
tête un bonhomme comme Picasso qui a travaillé à Vallauris,
qui a fait des services de table, des assiettes et qui les a
décorés de sa main, comment considérez-vous ces oeuvres?
Est-ce que ce sont des oeuvres en arts visuels ou des oeuvres...
Mme Bacon: De métiers d'art.
M. Michel: ... qui correspondent aux métiers d'art? Je
veux dire: Quelle est la différence entre les deux? Ce sont des
assiettes, elles sont utilitaires, mais décorées d'une
manière non utilitaire.
La Présidente (Mme Bélanger): Mme la ministre.
Mme Bacon: Ce que nous avions pensé... J'essaie de me
rappeler, quand on a préparé cet article, ce que nous avions
pensé. Justement, ce sont des oeuvres qui ne servent pas à la vie
de tous les jours, qui ne sont pas utilisées chaque jour. Ce sont des
oeuvres plutôt décoratives, des oeuvres d'art qui sont là
pour améliorer la qualité de vie des citoyens, mais ce ne sont
pas des oeuvres qui servent, comme vous, vous faites la différence entre
un métier d'art et les arts visuels. C'est un peu ce que nous avions
à l'esprit. Peut-être qu'on pourrait y aller moins directement ou
d'une façon moins stricte que ce que nous avons fait là-dedans.
Il faudrait quand même regarder la possibilité d'utiliser autre
chose à la place des termes "non utilitaires". Je prends quand
même bonne note de votre... Ce n'était vraiment pas pour faire
affront aux arts visuels, pas du tout.
M. Michel: Merci, madame.
Mme Bacon: Au contraire, parce qu'on ne serait pas là.
En ce qui concerne l'article 6, vous nous dites que ça ne
représente que les conditions minimales qui ramènent à la
baisse les critères d'admissibilité de votre association.
Pourriez-vous expliciter les critères que vous souhaiteriez voir
apparaître? Est-ce qu'il y a d'autres critères que vous aimeriez
voir apparaître?
M. Michel: Je vais laisser répondre M. Lafontaine.
M. Lafontaine (Jacques): Nous, dans notre association, ce sont
surtout des critères de l'Unesco, des critères de
professionnalisme. On entend, par professionnalisme, si on vit de son art. On
reconnaît aussi dans notre association ies gens qui sont dans
renseignement. On reconnaît principalement un artiste professionnel, mais
qui a une démarche soutenue, une préoccupation plus que
décorative, qui a vraiment une démarche, une recherche soutenue,
une continuité dans son oeuvre.
Alors, l'aspect recherche est pour nous très important. En
substance, ce sont les critères.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Lafontaine.
Mme la ministre.
Mme Bacon: Quant à l'article 33, il avait pour objet
d'assujettir à certaines conditions ia cession des contrats d'auteurs
par un diffuseur pour fournir à ses créanciers des garanties.
Cette disposition permet d'éviter l'exploitation d'une oeuvre par une
entreprise, par exemple, avec laquelle l'artiste n'a pas de lien. L'artiste
sera donc avisé de la personne qui détient les droits sur
l'uvre et qui est susceptible de les exploiter éventuellement,
à la suite d'un défaut de diffuseur envers ses créanciers.
Alors, les garanties devront être autorisées au préalable
par l'artiste pour toutes les cessions et toutes ies licences. Quant à
l'oeuvre unique ou non publiée, elle ne pourra être l'objet d'un
gage ou d'une sûreté sans l'autorisation expresse de l'artiste.
C'est ce que nous voulions dire avec l'article 33. Je ne sais pas si cela
apporte des informations supplémentaires aux questions que vous vous
posez là-dessus.
Évidemment, c'est la première fois que nous prenons
connaissance de votre mémoire. Il y a encore plusieurs autres articles
qui vous font problème.
M. Michel: L'article 33, enfin, nous ne sommes pas des
légalistes ou des législateurs, mais il ne nous paraît pas
clair dans ce sens-là. On le voyait dans un sens où, par exemple,
il est dit: "ni consentir une sûreté sur l'oeuvre de l'artiste
à moins qu'elle ne fasse l'objet d'une publication ou d'une diffusion
à plusieurs exemplaires". À partir du moment où une oeuvre
est utilisée à des fins lithographiques, parce qu'à partir
d'une oeuvre originale, on peut faire une lithogravure, on voudrait que ces
oeuvres-ià soient protégées, au même titre que
l'oeuvre originale, parce qu'elles sont indissociables. C'est dans cet
esprit-là.
Mme Bacon: Ah bon! Dans votre mémoire, aussi, vous avez
mentionné qu'il serait peut-être préjudiciable qu'il y ait
une seule association - j'essaie de le retrouver, il me semble que vous l'avez
mentionné dans votre mémoire -...
M. Michel: Oui, c'est à la page
précédente.
Mme Bacon:... qui soit reconnue dans le domaine des arts visuels.
Pouvez-vous expliciter votre pensée là-dessus?
M. Michel: C'est-à-dire que, sur la proposition de ia loi,
nous sommes pour, mais nous trouvons que cela va peut-être un peu vite,
dans le sens où S exista actuellement cinq associations fortes qui
fonctionnent très bien dans cinq disciplines différentes et qui
représentent, d'après nous, très bien les arts visuels au
Québec. Ce que l'on aimerait, c'est qu'on nous laisse le temps de faire
ce chapeau et non pas créer un chapeau à la vapeur. Comme on ie
soulevait, nos règlements sont différents, quand même, des
uns aux autres. Nos critères d'admissibilité aussi et dans la loi
il est dit qu'au chapeau s'appliqueront ies règlements des
différentes associations. Comme on a des associations
différentes, avec des règlements quand même
différents et des critères d'admissibilité
différents et aussi parce qu'on n'a pas le même vécu, le
même âge dans la société québécoise, on
se retrouvera avec des problèmes. Donc, ii faudrait laisser le temps de
mûrir cela avant de créer un chapeau, parce qu'on a longtemps
pensé à cela. Déjà, on fait un travail dans cet
esprit puisqu'on essaie d'avoir un bâtiment commun dans lequel les cinq
associations seraient regroupées. Donc, on s'en va vers l'esprit du
projet de loi, mais, pour ie moment, cela nous semble un peu rapide.
Mme Bacon: Quel serait le temps nécessaire à ce
regroupement?
M. Michel: Au moins deux années. Mme Bacon: Cela va.
La Présidente (Mme Bélanger): Cela va, Mme la
ministre. M. le député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Vous avez effectivement porté des remarques
assez pertinentes et, même si ceia peut sembler le détail, "non
utilitaires" m'accroche. Je ne voudrais pas de débat entre la laveuse
à vaisselle et le tableau d'art, lequel est utilitaire, à mon
point de vue. On pourrait peut-être partager ia même opinion. Je
préférerais peut-être ie tableau, mais il y a deux points
particuliers où vous faites des références, M. Michel, et
qui m'intéressent, c'est l'article 35 qui dit: "Le contrat est
résilié si le diffuseur devient insolvable ou en liquidation. il
en est de même s'il est en état de faillite... Dans ce cas
extrême, nous aurions aimé voir une clause spéciale
"faillite" mentionnant que l'artiste est considéré comme
créancier.
Je pense bien connaître le fondement de ce que vous demandez, mais
peut-être pour sensibiliser un peu mieux les membres de la commis-
sion, est-ce que vous avez avec vous - je ne vous demande pas de faire
une énorme série de statistiques, je sais que vous n'avez pas
l'équipement pour cela - un semblant d'aperçu de l'ampleur du
problème, effectivement, que les artistes vivent lorsqu'il s'agit d'une
faillite de galeries d'art comme telles et les conséquences
désastreuses qui s'en trouvent pour votre milieu?
M. Michel: Je ne vous étalera! pas de statistiques, mais
je peux vous dire, et vous le constatez vous-mêmes en lisant les
journaux, qu'il y a régulièrement de nouvelles galeries chaque
année et, régulièrement, il y en a qui ferment et elles ne
ferment pas toutes dans des conditions qui sont décentes pour les
artistes. C'est de ce point de vue-la qu'on aimerait peut-être que la loi
soit plus incisive et protège l'artiste comme créancier. Je ne
sais pas si c'est le premier ou deuxième créancier, parce qu'on
trouvera certainement des créanciers plus importants que nous alors
qu'à nos yeux les éléments les plus importants dans une
galerie sont les oeuvres d'art; donc, on devrait être les premiers
créanciers. Dans la loi, on ne parle pas de ce point-là, je veux
dire, quand cela se produit; a nos yeux, c'est évasif. Il y a une
protection, mais elle n'est pas directement vis-à-vis de l'artiste.
M. Boulerice: Pour employer peut-être le vocabulaire qu'on
a utilisé dans un autre projet de loi, vous n'avez pas de blindage
à ce sujet-là. Vous êtes les premiers transpercés
lorsqu'il s'agit d'une faillite de galerie d'art.
M. Michel: C'est cela. En fait, ce serait une continuité
de ce qui existe déjà, même si la loi voudrait nous aider
et nous protéger dans cet esprit.
M. Boulerice: Maintenant, pour ce qui est de l'arbitrage
obligatoire, pourrais-je connaître...
Vous avez vu que nous avions une Interrogation comme celle-là,
nous, de l'Opposition. Est-ce que je pourrais connaître le point de vue
de votre conseil à ce sujet-là? C'est l'article 36, M. le
président.
M. Michel: Oui. Je voudrais avoir une précision de votre
part: au sujet de l'arbitrage, c'est-à-dire... Vous voulez dire qu'en
cas de faillite il pourrait y avoir un arbitre qui déciderait qui est
premier et deuxième créancier ou simplement en cas de
différend entre les diffuseurs et les artistes.
M. Boulerice: Non. C'est en cas de différend, M.
Michel...
M. Michel: Sur l'Interprétation du contrat?
M. Boulerice: C'est cela, oui. On dit bien: "Sauf renonciation
expresse, tout différend sur l'interprétation du contrat est
soumis, à la demande d'une partie, à un arbitre. " "Lorsque le
différend survient - c'est le deuxième paragraphe de l'article -
les parties doivent passer compromis et désigner un arbitre. Les
articles 940 à 951 du Code de procédure civile - et cela, je
passe là-dessus parce que c'est épais de même -
s'appliquent à cet arbitrage, compte tenu des adaptations
nécessaires. " Il suffit qu'un le demande.
Mme Bacon: Me permettez-vous...
La Présidente (Mme Bélanger): Mme la ministre.
Mme Bacon:... de donner une information sur l'article 36, ce que
je n'ai pas fait tantôt?
M. Boulerice: Oui, je vous en prie.
Mme Bacon: Cela vise à inclure dans les contrats un
mécanisme de règlement. Un règlement à l'amiable
des différends qui sont relatifs aux contrats de diffusion. À cet
effet, !e Code de procédure civile s'applique. C'est un mécanisme
qui permet de protéger la relation privilégiée. On ne veut
quand même pas qu'il y ait des relations tendues entre un artiste et son
diffuseur; ce que nous voulons, c'est qu'on puisse avoir cette relation
privilégiée entre l'artiste et le diffuseur et éviter
aussi les délais et les coûts de l'appareil judiciaire, qui est un
appareil auquel l'une ou l'autre des parties ne désire par toujours
recourir faute de ressources, souvent, et cela ne manque pas. Toutefois, rien
n'exclut le recours aux tribunaux par l'une ou l'autre des parties, ni la prise
des mesures conservatrices; l'arbitrage est la règle, mais les parties
peuvent convenir, via la renonciation expresse, d'en baliser le champ
d'application. C'est ce que nous avons voulu dans l'article 36 sur le
règlement des différends.
M. Boulerice: À la lumière de...
La Présidente (Mme Bélanger): M. Michel.
Mme Bacon: Avez-vous encore d'autres...
La Présidente (Mme Bélanger): Avez-vous d'autres
commentaires?
M. Michel: Non. Ce sont peut-être les coûts qui
seraient occasionnés par cet arbitrage qui, quelquefois, nous feraient
nous poser des questions.
M. Boulerice: Cela va, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): Cela va, Mme la
ministre?
Mme Bacon: Cela va.
La Présidente (Mme Bélanger): Cela va. Mme
Bacon: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Bélanger): Nous vous remercions
de votre présentation et nous vous souhaitons un bon retour.
M. Michel: Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): Je demanderais au
Conseil québécois de l'estampe de se présenter à Sa
table. Nous allons suspendre nos travaux quelques secondes.
(Suspension de la séance à 11 h 2)
(Reprise à 11 h 3)
La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre,
s'il vous plaît!
Je tiens à vous rappeler que vous avez 20 minutes pour
présenter votre mémoire, qui sera suivi d'une discussion avec les
deux groupes parlementaires pendant 40 minutes. Je vous donne la parole. C'est
M. !e président qui va lire Se mémoire, je suppose? M.
Desjardins, vous avez la parole.
Conseil québécois de l'estampe
M. Desjardins (Benoît): Merci beaucoup. Mme la
Présidente, Mme la ministre, mesdames et messieurs de la commission de
la culture, j'ai le plaisir, à titre de président du conseil
d'administration, de vous présenter le mémoire
rédigé par le Conseil québécois de l'estampe.
Permettez-moi d'abord de vous présenter brièvement
l'organisme que je représente. Depuis 17 ans, le Conseil
québécois de l'estampe a pour mandat la promotion et la
défense des intérêts et des droits des artistes estampiers
sur les plans professionnel, économique, social et moral. Ses 250
membres sont présents et actifs dans toutes les régions du
Québec. Plusieurs de ces artistes sont associés à l'un ou
l'autre des douze ateliers collectifs d'estampe du territoire
québécois. Certains de ces ateliers, qui sont tous membres du
Conseil québécois de l'estampe, ont plus de 20 ans d'existence.
Le conseil d'administration bénévole se compose de sept membres
élus par l'assemblée générale. Deux coordonnateurs
engagés par le conseil d'administration assurent la permanence au bureau
de Montréal.
Au chapitre de ses réalisations, en plus des services
réguliers offerts à ses membres, le Conseil
québécois de l'estampe a monté plusieurs expositions
nationales et internationales. Notamment, la Semaine de la gravure, en mai
1980, organisée en collaboration avec le Musée d'art
contemporain, présentait un éventail de 200 estampes
québécoises, en plus d'ouvrir les ateliers collectifs au public
et à des artistes étrangers invités à y produire
une édition. En 1982, le Conseil québécois de S'estampe
présentait une sélection d'oeuvres de ses membres à Hong
Kong. Deux ans plus tard, il participait au Festival de la francophonie en
Louisiane avec une autre exposition d'estampes québécoises.
Entre 1985 et 1987, l'exposition Action-impression, organisée
avec ie Print and Drawing Council du Canada, présentait plus de 90
oeuvres d'artistes québécois et ontariens dans une douzaine de
lieux d'exposition au Québec et en Ontario.
Un autre échange, cette fois-ci avec les Français, devait
conduire à la présentation d'une exposition conjointe tenue, en
1986, au Grand Palais à Paris et au Musée du Québec,
à Québec, en 1987. Le Conseil québécois de
l'estampe retournait à Paris en 1988 pour participer au Saion des arts
graphiques actuels, ie SAGA. Sur le territoire québécois, depuis
1987, une exposition annuelle itinérante, sélectionnée par
un jury, couvre tout ie Québec, permettant à un vaste public de
connaître et d'apprécier l'estampe originale
québécoise.
Afin de réaliser son mandat de promotion et de défense de
l'estampe, le Conseil québécois de l'estampe a en outre
publié plusieurs documents destinés au grand public, aux
collectionneurs et aux artistes. À part les catalogues de ses
expositions et sa revue annuelle De l'estampe, ie Conseil
québécois de l'estampe publiait, en 1982, un Code
d'éthique de l'estampe originale, document qui est inclus dans ie
mémoire, ainsi que la revue annuelle, et qui fut
réédité en 1987 dans une nouvelle version revue et
corrigée. La réédition a été lancée
au Salon du livre de Montréal. Ce code d'éthique unique dans ie
monde francophone est conçu pour aider les artistes, ies amateurs et les
marchands d'estampes à se protéger des contrefaçons qui
envahissent le marché de l'art il fournit une définition de
l'estampe originale et en explique ies techniques fondamentales. Le Code
d'éthique de l'estampe originale est diffusé en Europe depuis un
an et une édition en langue anglaise est prévue pour ie
début de l'année 1989.
Parallèlement à toutes ces activités, ie Conseil
québécois de l'estampe est également présent aux
différentes consultations touchant Se dépôt légal,
ie droit d'auteur, la fiscalité, la coalition du 1 % et ie statut de
l'artiste. Plusieurs mémoires ont déjà été
présentés aux divers intervenants.
Pour la lecture de la seconde partie du présent mémoire,
je laisse la parole à M. Denis Charland, membre du Conseil
québécois de l'estampe, mandaté par le conseil
d'administration pour analyser avec moi Se projet de loi et vous soumettre
quelques suggestions de modifications.
M. Charland (Denis): Mme la ministre, M. le député
de Saint-Jacques, mesdames et messieurs de la commission, nous attendions avec
impatien-
ce cette loi sur le statut professionnel de l'artiste. Les artistes
québécois, par le biais de leur association, la réclament
depuis plusieurs années. À la suite de l'adoption, en 1987, de la
Loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de
la scène, du disque et du cinéma, il devenait impératif,
pour les artistes du domaine des arts visuels, de la littérature et des
métiers d'art, de voir, à leur tour, leur professionnalisme
reconnu et leurs associations accréditées.
Une loi naît souvent de la nécessité de
préciser et d'appuyer des réalités déjà
présentes dans une société, et d'en étendre la
portée au plus grand nombre. Le projet de loi 78, dans ses objectifs,
entend confirmer l'apport des artistes à notre société en
reconnaissant le statut professionnel de l'exercice de leur profession, ce que
nous comprenons comme étant une dimension individuelle. Il entend aussi
reconnaître la légitimité et la nécessité
pour ceux-ci de s'associer à un groupement apte à défendre
leurs intérêts et les intérêts de la discipline. Ceci
étant la dimension collective. Et il entend aussi proposer des
règles à suivre dans les rapports entre les artistes et les
utilisateurs publics de leurs oeuvres. Ce qu'on appelle dimension civile. Ces
trois principaux aspects du projet de loi sont fort importants et nous
entendons les évaluer en fonction de notre discipline propre, l'estampe,
à la lumière de l'expérience acquise par notre association
au cours de ses 17 années d'existence.
Chapitre I, article 1. L'article 1 mentionne le caractère
autonome de la pratique artistique. Nous croyons que cela traduit bien la
réalité de tout artiste, que tout artiste vit de sa production,
en tant que travailleur non salarié, non syndiqué, ne profitant
pas à ce jour des divers services auxquels la majorité des
travailleurs québécois ont droit, à savoir les
régimes collectifs de retraite, les assurances collectives, les
différentes protections en regard des accidents du travail, de
l'assurance-chômage, etc.
L'article 1 utilise aussi le mot "domaine" en parlant des arts visuels,
de la littérature et des métiers d'art. Ce terme décrit
l'étendue et la complexité de l'ensemble des activités
propres à chaque discipline artistique ou, si l'on veut, propres
à chaque art.
Dans le cas tout particulier du domaine des arts visuels décrit
au paragraphe 1° de l'article 2, nous retrouvons une énumeration des
différentes disciplines, à savoir la peinture et non pas les
peintres, la sculpture et non pas les sculpteurs, l'estampe et non pas les
estampiers, etc. Cette énumeration est devenue nécessaire
à cause de la complexité de ce grand domaine des arts visuels.
Nous y comprenons et nous devons être conscients de la
spécificité de chacune de ces disciplines afin que leurs besoins
soient équitablement comblés. Ne perdons pas de vue que la
pratique de la sculpture est aussi éloignée de la pratique de la
photographie d'art que de la pratique de la poésie. Chacune de ces
disciplines répond à des contraintes particulières et
s'inscrit dans un réseau de production et de distribution qui lui est
propre.
Les artistes pratiquant l'art de l'estampe oeuvrent souvent dans des
ateliers communautaires, nous en avons parlé tantôt, partagent des
équipements lourds et trop onéreux pour un atelier privé.
Ils participent aux activités internationales de cette discipline par le
biais d'un réseau d'expositions annuelles, de biennales et de
collectionneurs propres au domaine de l'estampe. Ainsi, la défense des
intérêts professionnels de cette discipline doit être
assumée par les estampiers, celle de la sculpture par !es sculpteurs et
ainsi de suite. C'est pourquoi d'ailleurs nous avons vu apparaître au
Québec, au cours des 25 dernières années, des associations
d'artistes disciplinaires. Mentionnons, pour le domaine des arts visuels, le
Conseil des arts textiles du Québec, le Conseil de la sculpture du
Québec, le Conseil des artistes peintres du Québec, l'Association
des illustrateurs et illustratrices du Québec et le Conseil
québécois de l'estampe. Nous suggérons donc que soient
apportées au projet de loi 78 les modifications suivantes. Dans ie
texte, nous avons souligné les ajouts et les changements.
Article 2. Pour l'application de la présente loi, les domaines
comprennent respectivement les pratiques artistiques suivantes: 1° "arts
visuels": ia production d'oeuvres originales de recherche ou d'expression -
entre parenthèses ici, les mots "non utilitaires" devraient, selon nous,
être retranchés, car il ne s'agit pas là d'une
qualité de l'oeuvre d'art - uniques ou d'un nombre limité
d'exemplaires, exprimées notamment par les disciplines de la peinture,
de la sculpture, de l'estampe, du dessin, de l'illustration, de la
photographie, des arts textiles, de l'Installation, de la performance et de la
vidéo d'art.
Nous croyons que la discipline de la bande dessinée peut
être rattachée au domaine de la littérature, car elle est
diffusée de la même manière, et elle peut aussi être
rattachée au domaine des arts visuels car elle est plus visuelle dans
son langage. Cette distinction n'est peut-être pas si critique, car nous
croyons que chaque discipline doit être reconnue par
l'accréditation de l'association d'artistes la plus
représentative de chacune d'elles. 3. Dans ia présente loi,
à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend
par "association" un groupement d'artistes d'une même discipline ou d'un
même domaine - alors, on aimerait que soient ajoutés les mots
"d'une même discipline" - ou d'associations groupant de tels artistes,
constitué en personne morale à des fins non lucratives et ayant
pour objet la défense des Intérêts professionnels et
socio-économique de ses membres. À la définition de
"diffuseur", toute personne ou société qui opère, à
des fins lucratives ou non, une entreprise en vue de la vente, du prêt,
de la location, de
l'échange, du dépôt, de l'exposition, de
l'édition, de la représentation publique - nous faisons la
même demande que les peintres qui nous ont précédés
- de la publication ou de toute autre utilisation publique - nous ajoutons
"publique" ici - des oeuvres des artistes.
Au chapitre I! concernant la reconnaissance des artistes professionnels,
nous sommes à ia section I traitant du statut de l'artiste
professionnel. De notre côté, nous sommes d'accord avec ia
description de l'artiste professionnel des articles 6, 7 et 8; nous en
apprécions le caractère édectïque qu'on retrouve a
l'article 6 ainsi que ie premier effet concret de ia reconnaissance des
associations à l'article 7.
Quant à la reconnaissance des associations professionnelles, nous
émettons de très sérieuses réserves sur l'article
S. Cet article donne à la Commission de reconnaissance des associations
d'artistes instituée par l'article 43 de la Loi sur le statut
professionnel et les conditions d'engagement des artistes de ia scène,
du disque et du cinéma à reconnaître une seule association
d'artistes par domaine. Nous croyons qu'enlever aux associations disciplinaires
la possibilité d'être accréditées par la commission
constitue une négation de tout ie vécu des artistes
québécois sur ie plan de leurs associations. (11 h 15)
C'est également ignorer précisément une demande
formulée par chacune des associations en arts visuels lors de la tenue
de la commission de ia culture de mai 1986. J'y ai assisté. Sanctionner
cette mesure serait contraire aux intérêts de nos membres et
à ceux de notre discipline. Nous croyons aussi que cette façon de
voir ne s'appuie vraiment sur aucune réalité et qu'elle passe
à côté des objectifs primordiaux de ia loi.
Actuellement, aucune association ne peut prétendre être en
mesure de représenter adéquatement tous les artistes du champ
visuei dans la défense et la promotion de leurs intérêts
économiques, sociaux, moraux et professionnels. Nous n'avons aucune
raison de croire qu'il pourrait en être autrement dans six mois ou dans
un an. De fait, ie domaine des arts visuels est si vaste que de confier un tel
mandat à une seule association sans acquis historique annihilerait ie
cheminement disciplinaire poursuivi depuis plusieurs années pour la
défense et la promotion de i'estampe, des arts textiles, de la peinture,
de la sculpture, etc.
Nous avons vu, Mme la ministre et MM. les membres de la commission, dans
le passé, des tentatives de regroupement ou de fédération
des associations d'artistes en arts visuels. Elles ont toutes
échoué. Cet échec est principalement imputable à
l'étendue des disparités existant entre chacune des associations
disciplinaires. Nous croyons possible, pour des objectifs bien
spécifiques, la réunion ou la concertation de ces associations.
Entre autres, dans le contexte de la refonte de la loi canadienne du droit
d'auteur, i! a été possible d'asseoir à une même
table les représentants des différentes associations, il pourrait
en être de même pour la mise en commun de services de
fonctionnement ou encore pour une coalition de nature politique ou
idéologique.
Cependant, à notre avis, pour la réalisation des objectifs
prévus aux paragraphes 1° à 4° de l'article 25, nous
estimons qu'il serait préjudiciable, pour ia qualité et
l'équité de ia représentation de notre discipline
artistique, de même que pour ies autres disciplines, que soit reconnue
une seule association dans le domaine des arts visueis. De plus, nous croyons
qu'un tel regroupement se ferait au détriment des associations ies moins
bien représentées, ou encore des disciplines moins spectaculaires
quant au nombre d'artistes qu'elles représentent. Ainsi, croyons-nous
que, pour !a réalisation de certains mandats à caractère
socio-économique comme l'administration de caisses de retraite, la
gestion et la perception de droits d'auteur et la représentation
auprès de certains utilisateurs publics ou diffuseurs, i! serait
nécessaire et urgent de créer une société
distincte, financée au départ peut-être par l'État,
administrée par des personnes compétentes eî
affiliée aux associations reconnues ou accréditées par la
loi 78.
En conséquence, nous suggérons ies amendements suivants.
À l'article 9, nous suggérons que ia reconnaissance est
accordée par la Commission de reconnaissance des associations d'artistes
instituée par la loi 43 de la Loi sur le statut professionel et ies
conditions d'engagement des artistes de ia scène, du disque et du
cinéma, (1987, chapitre 72), à une seule association d'artistes
professionnels dans chacune des disciplines de chacun des domaines suivants:
1-Les arts visuels. 2- Les métiers d'art. 3- La littérature. Nous
demandons aussi qu'à l'article 10 on puisse lire: La commission accorde
la reconnaissance à l'association qui est la plus représentative
de l'ensemble des artistes professionnels oeuvrant dans une discipline ou dans
un domaine.
L'association la plus représentative est celle qui, de i'avis de
la commission, groupe ie plus grand nombre d'artistes professionnels de ia
discipline ou du domaine visé eî dont les membres sont ies mieux
répartis parmi le plus grand nombre de pratiques artistiques. Une
association - à l'article 11 - ne peut être reconnue que si ses
règlements prévoient des conditions d'admissibilité
fondées sur l'autonomie eî sur des exigences professionnelles
propres aux artistes de la discipline ou du domaine visés. Alors, comme
on peut voir, il s'agit tout simplement d'ajouter cette possibilité
à la commission de reconnaître une association par discipline.
Cela ne change pas ia loi. Cela ia change sur ie plan de permettre à
toutes les disciplines d'être représentées, mais ça
ne ia change pas au sens des objectifs visés par cette ioi.
À l'article 12, on verra tantôt... Nous aimerions avec des
explications sur le sens de
"empêchent injustement un artiste oeuvrant dans le domaine en
cause de faire partie de l'association*. Alors, on vous posera une question
tantôt.
À la sous-section 2 qui concerne les demandes de reconnaissance,
l'article 17: "La reconnaissance peut être demandée en tout temps
à l'égard d'une discipline ou d'un domaine où aucune
association n'est reconnue. " À l'article 19: "Lors d'une demande de
reconnaissance, seuls les artistes et les associations d'artistes de la
discipline ou du domaine visé peuvent intervenir sur le caractère
représentatif de l'association requérante. "
Sous-section 3, Annulation de la reconnaissance. "Sur demande d'un
nombre d'artistes professionnels de la discipline ou du domaine dans lesquels
une association a été reconnue", le reste du texte ne change pas.
Ainsi que: "La commission annule la reconnaissance d'une association si elle
estime que celle-ci n'est plus représentative des artistes
professionnels de la discipline ou du domaine". À l'article 22: "La
reconnaissance d'une association d'artistes professionnels annule la
reconnaissance de toute autre association dans la discipline ou le domaine
visés. "
Effets de la reconnaissance, on passe à la sous-section 4.
À l'article 25: "Dans la discipline ou le domaine visés,
l'association reconnue exerce les fonctions suivantes: ", etc. À
l'article 26: "Pour l'exercice de ses fonctions, l'association reconnue peut
notamment - voilà un ajout important qu'on croit indispensable au projet
de loi 78 et qu'on aimerait faire, on demande une association d'associations,
telle que décrite à l'article 13, puisse créer une
société indépendante pour remplir les fonctions 2°,
4°, 5° et 8°de l'article 26. Les fonctions 2°,
4°, 5° et 8° de l'article 26 sont: "2° représenter ses
membres aux fins de la négociation et de l'exécution de leurs
contrats avec les diffuseurs; 4° percevoir, à la demande d'un
artiste qu'elle représente, les sommes qui sont dues à ce dernier
et lui en faire remise; 5° établir et administrer des caisses
spéciales de retraite; 8° élaborer des contrats types quant
aux conditions de diffusion des oeuvres des artistes professionnels et en
proposer l'utilisation aux diffuseurs. "
Nous faisons une distinction entre ces quatre paragraphes de l'article
26. On trouve qu'ils se distinguent très nettement du paragraphe 1°,
qui est de "faire des recherches et des études sur le
développement de nouveaux marchés", et du paragraphe 3°,
"imposer et percevoir des cotisations. " Nous croyons qu'une
société distincte de nature pécuniaire, si on veut, parce
que ce sont plus des considérations souvent juridiques ou
financières, doit être bien différenciée d'une
approche idéologique et de défense des intérêts
disciplinaires.
On passe à un autre chapitre très important dans la loi,
le chapitre III, les contrats entre artistes et diffuseurs. Nous trouvons que
ce chapitre offre aux artistes professionnels des protections très
importantes, notamment celles concernant les faillites des diffuseurs, la
connaissance des opérations reliées à l'utilisation des
oeuvres et les normes minimales inscrites aux contrats liant le diffuseur
à l'artiste.
Nous émettons une réserve sur l'article 33, article qui a
été discuté tantôt, où on dit qu'un diffiseur
ne peut, sans le consentement de l'artiste, donner en garantie les droits qu'il
obtient de ce dernier, ni consentir une sûreté sur l'oeuvre de
l'artiste, à moins qu'il ne fasse l'objet d'une publication et d'une
diffusion en plusieurs exemplaires, auquel cas un exemplaire doit être
réservé à l'artiste. Notre objection est différente
de celle des peintres et nous sommes d'accord avec celle des peintres aussi. La
nôtre va dans le sens que notre discipline artistique implique la
production d'une oeuvre unique, originale à plusieurs exemplaires, si on
veut. C'est une distinction qui est très importante. M. Boulerice, qui
connaît le domaine de l'estampe, et vous, Mme la ministre, qui avez
souvent visité des ateliers de gravure, sûrement que vous
comprenez cette distinction. Alors, pour nous, l'article 33 devrait tout
simplement être retranché ou ne pas s'appliquer aux arts
visuels.
J'irai maintenant à la conclusion. Mme la ministre, M. le
député de Saint-Jacques, MM. et Mmes les commissaires, nous
croyons qu'il est nécessaire d'apporter au projet de loi 78 plusieurs
modifications, afin de permettre aux artistes professionnels de toutes les
disciplines artistiques concernées de voir leurs associations reconnues
dans le respect des droits acquis. Selon nous, ces modifications apporteraient
une plus grande assurance quant à la faisabilité de la loi.
Nous tenons à ce que cette loi soit adoptée.
L'État, les artistes et les diffuseurs semblent enfin partager la
même préoccupation d'équité et de justice sociale.
La loi 78 conduira, selon nous, à une nouvelle prise en charge, par les
artistes eux-mêmes, par l'État et par tout le milieu des arts
visuels, des responsabilités reliées au développement des
arts, au mieux-être des créateurs et à
l'épanouissement de notre culture. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Charland.
Mme la ministre.
Mme Bacon: M. Charland et M. Desjardins, je veux vous remercier
de cette présentation, à la suite du projet de loi 78, et aussi
de nous faire part de vos préoccupations et de dire à cette
commission les problèmes vécus par votre milieu. C'est difficile
pour nous de refaire chacun des articles mentionnées, mais, comme je le
disais au départ, nous allons considérer avec beaucoup
d'attention et de respect les différentes recommandations qui nous sont
faites par les groupes qui viendront témoigner à cette
commission.
Il ressort quand même de votre mémoire
une crainte de regroupement d'associations et, à plusieurs pages,
on retrouve cette crainte. Notre intention n'est pas de renier les associations
par discipline; au contraire, on veut favoriser une regroupement d'associations
qui pourraient se donner des services parce que plus forts, plus nombreux.
Est-ce que vous seriez d'accord avec le Conseil des artistes peintres sur
l'utilité d'une telle association? Si j'ai bien compris ce qu'ils nous
ont dit, ils semblent reconnaître l'utilité d'un regroupement en
nous disant toutefois qu'il y a un délai de deux ans pour regrouper tout
le milieu. Rejetez-vous cette proposition de dire: Nous allons nous donner deux
ans, si cela prend deux ans, et ce serait viable ce regroupement, ou si vous
rejetez complètement tout regroupement?
M. Charland: Notre association ne rejette pas tout regroupement.
Dans le fond, peut-être que le mémoire a beaucoup insisté
sur cette crainte visible, mais il veut au départ que les associations
existantes ou représentatives à tout le moins des
différentes disciplines soient reconnues, de sorte que
l'avènement d'une association des associations ne mette rien en
péril en ce qui concerne les acquis. Nous croyons aussi qu'une
association regroupant tout le domaine des arts visuels pourrait très
difficilement remplir les fonctions de l'article 25, si on veut regarder:
"1° veiller au maintien de l'honneur de la profession artistique et
à la liberté de son exercice; 2° promouvoir ia
réalisation de conditions favorisant la création et la diffusion
des oeuvres; 3° défendre et promouvoir les intérêts
économiques, sociaux, moraux et professionnels des artistes
professionnels; 4° représenter les artistes professionnels chaque
fois qu'il est d'intérêt général de le faire. "
Pour le domaine de l'estampe, ce mandat est très différent
de celui pour la sculpture. Ce projet de loi vise à donner à
l'association des associations un tel mandat, alors que, selon nous, ce mandat
concerne spécifiquement les poètes, si jamais il y a une
association de poètes. Il concerne les estampiers et les sculpteurs,
parce que regrouper à une même table un représentant de ia
sculpture, un représentant de l'estampe, un repésentant de ia
photographie, etc., et décider des moyens pour atteindre la promotion et
ia réalisation de conditions favorisant ia diffusion des oeuvres du
domaine de l'estampe, c'est impossible. I! faut que ce mandat soit rempli dans
chacune des disciplines.
Or, l'association des associations, pour revenir à votre
question, je suis d'accord dans ia mesure où les mandats qui lui
seraient conférés seraient d'ordre plus générai,
moins disciplinaire, comme ceux énumérés à
l'article 25, en 2°, 4°, 5° et 8° et que j'ai mentionnés
dans le mémoire. (11 h 30)
Mme Bacon: J'aimerais peut-être vous retourner à
l'article 13, paragraphe 3°, où on dit: Dans un domaine, la
reconnaissance peut être accordée à une association
formée d'associa- tions d'artistes si "elle a adopté un
règlement déterminant, pour l'application de !a présente
loi, les fonctions assumées par ses instances et celles assumées
par ies Instances des associations qui en sont membres. " Peut-être que
vous trouvez là une réponse à certaines des remarques que
vous venez de faire ou dans les commentaires que vous nous faites dans votre
mémoire. Cela ne régie peut-être pas tous vos
problèmes, mais c'est peut-être une réponse que vous
pourriez trouvera l'article 13. 3°.
M. Charland: Je crois, Mme la ministre, que ce projet de ioi et
cette façon de voir n'est pas... Je ne crois pas que ce soit
inintelligent, je crois que cela a un certain sens, sauf que, dans ia
réalité, selon moi, son application est extrêmement
complexe. Je pense que cela demeure un peu théorique. Pour moi, dans la
pratique, il vaudrait mieux, à la fois, reconnaître ies
associations par discipline. Je ne vois absolument pas quel est l'obstacle
à cette reconnaissance. Et aussi reconnaître cette
possibilité d'accréditer une association qui
représenterait chacun des domaines ou les associations de chacun de ces
domaines.
Juste une autre remarque aussi que je n'ai pas signalée dans le
rapport. Si le projet de loi favorise la création d'une nouvelle
association disciplinaire, je trouve que la loi atteindrait un objectif social
important. Par contre, si la loi crée un obstacle, une espèce
d'obstacle flottant à ia création d'une nouvelle association
disciplinaire, je pense qu'elle passe à côté de ce à
quoi on peut s'attendre dans le développement de la culture au
Québec, dans les prochaines années. S'il n'y a qu'une seule
association, et pour toujours, qui est reconnue, cela ne m'apparait pas
incitatif pour de nouveaux regroupements disciplinaires bien
représentatifs de ce qui se passe dans ies domaines.
Mme Bacon: Dans la définition du diffuseur, vous
souhaiteriez, je pense, qu'on remplace "une autre utilisation des oeuvres" par
"toute autre utilisation des uvres". En quoi cette formulation est-eiie
préférable pour ies membres de votre association? Est-ce que cela
amène des changements? Est-ce que c'est un avantage pour les membres de
votre association? C'est pour ceia que vous le souhaiteriez?
M. Charland: D'abord, on a dit "de toute autre utilisation
publique". On se demande pourquoi le mot "publique", d'une part,
n'apparaît pas là parce qu'on voudrait ia distinguer d'utilisation
privée. On peut déjà posséder chez soi une oeuvre,
c'est une forme d'utilisation privée. On voudrait que ce soit
"utilisation publique". Et, aussi, "de toute autre", c'est que, dans le futur,
peut-être que nous retrouverons des utilisations de ia production des
artistes des différentes disciplines des arts visuels qu'on ne
connaît pas encore. Alors, on veut tout simplement que la loi
ait cette portée, offre cette possibilité de toucher
cela.
Mme Bacon: On va revenir à "non utilitaire", j'ai
l'impression qu'on va en parler beaucoup pendant cette commission
parlementaire. J'aimerais quand même vous renvoyer à un objectif
qui a été élaboré dans la Loi sur le droit d'auteur
afin de partager l'oeuvre d'art, l'oeuvre artisanale, sans la qualifier. Le
caractère artistique de l'oeuvre est Important et la fonction utilitaire
qui renvoie à un objet sans apparence esthétique ou au produit de
manière industrielle... C'est pour cela qu'on disait "non utilitaire" et
"utilitaire".
M. Charland: Oui.
Mme Bacon: Mais il faudrait peut-être le regarder de plus
près parce que je sens que cela dérange.
M. Charland: Disons que ce n'est pas que je me sentais tellement
méprisé par l'utilisation de ce terme-là, pas du tout.
Mme Bacon: J'espère que vous êtes certain qu'on n'a
pas voulu faire cela.
M. Charland: Non, je suis convaincu de cela aussi parce que vous
n'auriez pas déposé cette loi, n'est-ce pas...
Mme Bacon: Non.
M. Charland:... s'il en avait été ainsi. J'ai
pensé pourquoi pas non comestible aussi, pourquoi pas...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Charland: C'est pour cela que je n'ai pas trop saisi le... Du
fait qu'on le retrouve dans la définition de "métiers d'art",
peut-être que, justement, on n'a pas besoin de le signifier si on regarde
cela du côté du jugement qu'on pourrait porter sur la loi
après coup. S'il n'a pas été écrit, c'est donc
qu'il n'est pas là. Alors, pourquoi le mettre?
Mme Bacon: Je prends bonne note de ce que j'entends ce matin. Je
dois vous dire que cela ne m'avait pas frappée de cette façon. Je
vous remercie beaucoup de votre exposé.
M. Charland: Je vous avals posé une question, madame.
Mme Bacon: Oui, sur...
M. Charland: Un éclaircissement. Je ne me souviens plus,
je crois que c'est à l'article 12. Je profite de l'occasion pour vous
demander...
Mme Bacon: Oui.
M. Charland: "Une association ne peut être reconnue si ses
règlements empêchent injustement un artiste oeuvrant dans le
domaine en cause de faire partie de l'association. " Pourquoi la
présence d'un tel article? Est-ce que c'est en référence
à la charte des droits de l'homme?
Mme Bacon: Cela confirme certains éléments de la
charte des droits. "Injustement" renvoie à la discrimination abusive qui
peut exister.
M. Charland: D'accord. Merci beaucoup.
Mme Bacon: Je vous remercie beaucoup. Oui, M. Desjardins.
M. Desjardins: Oui, juste un dernier mot. J'aurais dû le
dire tantôt, mais... Un regroupement, on y croit. Et, à la limite,
je dirais que, depuis quelques années, on se consulte
régulièrement. On le fait en ce moment. Étant donné
qu'on est déjà bénévoles aux conseils
d'administration, refaire un regroupement, cela créerait une
deuxième charge de bénévolat - parce qu'elle serait
assumée par les présidents, j'imagine - en plus de nos emplois.
On le fait déjà de façon informelle. Je vous donne un
exemple très concret. L'année passée, tous les quatre,
nous avons proposé un artiste pour le prix Paul-Émile Borduas. On
a eu les quatre signataires. Cela va sûrement revenir très souvent
même pour d'autres positions. Pour l'instant - je dis bien pour l'instant
- cela nous paraît très bien ainsi. Si le regroupement vient, il
viendra d'une nécessité de la part des artistes, et
peut-être pas imposé par une loi, je dirais. Cela prendra
peut-être six mois, un an ou deux ans, seul l'avenir nous le dira. Il y a
quand même des efforts qui sont faits. On n'a pas le goût de se
faire bousculer et de se faire dire: Ecoutez, faites cela vite, vous avez un
an, deux ans.
Mme Bacon: Je comprends le message.
M. Desjardins: Merci.
Mme Bacon: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme la
ministre. M. le député de Saint Jacques.
M. Boulerice: Je suis très heureux de vous revoir, M.
Desjardins et M. Charland. C'est un mémoire de très grande
qualité. Je dois vous dire avec toute modestie que je n'en attendais pas
moins de gens qui ont feu et lieu dans la circonscription de Saint-Jacques. Ha,
ha, ha!
Mme Bacon: On a entendu et on va entendre cela souvent!
M. Boulerice: Cela agace toujours ma
collègue...
Mme Bacon: C'est dommage qu'il ne soit pas de Chomedey.
M. Boulerice:... puisque je dis toujours: pivot cosmique et
centre de l'univers culturel montréalais! cette circonscription. Cela
ajoute à ma fierté d'être député de ce
magnifique petit coin de pays.
Vous avez eu la gentillesse de m'offrir une deuxième copie de
votre code d'éthique. Je ne serai pas égoïste cette fois. Je
vais travailler pour moi, je vais la donner à mon directeur de banque
qui va sans doute être plus compréhensif dans mes achats,
puisqu'il y verra Francine Simonin et Lorraine Bénie, ce qui m'aidera
peut-être à avoir plus de sous.
Cela dit, deux questions. Vous dites que vous n'êtes pas contre
les regroupements. Mais, aux propos de M. Charland, on sent un peu une crainte
de tomber dans la fontaine du diable. Ha, ha, ha!
M. Charland: Oui, on craint que, d'une façon
précipitée... En réalité, M. Boulerice, pour les
associations qui oeuvrent, pour les scuipteurs, depuis 25 ans, et pour le
Conseil québécois de l'estampe, jadis le Conseil de la gravure,
17 ans maintenant, avec tous les pouvoirs que semble concéder la loi 78
à une autre association, on craint que la qualité de la
représentation de chaque discipline puisse être impossible
à atteindre autour d'une table aussi vaste. On pense que les
associations se doivent d'être accréditées sur le plan
disciplinaire et qu'un éventuel regroupement puisse avoir comme mandat
de s'interroger ou d'agir sur des sujets ou des interrogations communes. On ne
voit pas pourquoi tout donner au regroupement central.
M. Desjardins: Tantôt, Mme la ministre disait qu'elle
proposait un regroupement parce qu'elle avait peur d'un morcellement des forces
à la limite, et on opposerait le contraire. On dirait: Effectivement,
peut-être qu'aujourd'hui cinq mémoires ont plus de force, une plus
grande étendue qu'un seul mémoire qui aurait été
présenté par un groupement. Il y a des opinions qui vont dans le
même sens, il y en a d'autres qui sont légèrement
différentes. On croit que dans certains projets, effectivement, on va se
regrouper et, dans certains autres, on présentera peut-être quatre
documents différents.
Je reviens encore à mon exemple de tantôt, on a cru que,
pour la présentation d'un artiste dans le volet du prix
Paul-Émile-Borduas, un mémoire signé par quatre avait plus
de force, alors que, dans d'autres cas, ça pourrait être le
contraire. Donc, on veut garder les deux. Dans le fond, il y a des fois
où ça s'applique mieux avec quatre.
M. Boulerice: Vous ne croyez pas qu'un regroupement pourrait
peut-être avoir comme conséquence, quoique ce n'est sans doute pas
ce qui est souhaité dans le texte de ia loi, de geler ia création
d'autres associations professionnelles, à un moment donné?
M. Charfand: Oui, effectivement, nous croyons que cette
restriction, ou l'accréditation - c'est le terme que j'utilise, je ne
sais pas si c'est à raison - d'une seule association fait en sorte que
de nouveaux regroupements vont avoir beaucoup de peine à naître
car ils vont avoir de la misère à rassembler plusieurs membres,
étant donné que la loi n'en reconnaîtrait qu'un seul.
Même si, dans ies faits - c'est ce qu'on nous répond, c'est ce que
je comprenais tantôt - il y aurait reconnaissance d'une seule
association, les autres continueraient à exister. Quand je regarde ia
loi, je me dis: Oui, les autres continuent à exister, mais rien dans la
loi ne me dit que, dans dix ans, cinq ans ou peu importe, l'État ne
décidera pas de ne plus aider financièrement ies associations qui
existent depuis longtemps, en prétextant qu'il n'y a qu'une seule
association reconnue, et c'est l'association X, et que c'est elle,
dorénavant, qui remplira les mandats des articles 25 et 26. La loi ne
protège pas mon association, voilà ia crainte.
M. Desjardins: À la limite, on dira... En ce moment, les
quatre conseils ont peut-être, je ne dirais pas une ligne rouge, mais on
peut appeler assez facilement au ministère. Est-ce que, à partir
du moment où il va y avoir un regroupement, on dira: Écoutez, on
veut parler seulement à votre regroupement? On vient de se couper, au
lieu d'avoir quatre lignes, on n'en aura qu'une. Là, d'une certaine
façon, on diminue un peu l'accès au ministère des Affaires
culturelles ou à différentes instances.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui... Pardon?
Mme Bacon: Est-ce que je pourrais répondre à
ça?
M. Boulerice: Allez, madame, je vous en prie, c'est le temps
d'une paix, je vous le répète.
Mme Bacon: Oui, c'est ça, on va en profiter.
La Présidente (Mme Bélanger): Mme la ministre.
Mme Bacon: J'ai pensé tantôt que c'était
ça la crainte, et j'aimerais peut-être dire tout de suite que ce
n'est pas parce que ie ministère veut retirer l'aide qu'il doit donner
à chacune des disciplines. Au contraire, on doit garder cette ligne
directe avec le ministère, comme
vous le disiez tantôt. Cela n'empêcherait pas les
subventions à chacune des disciplines parce qu'un tel regroupement de
disciplines culturelles qui sont différentes les unes des autres, au
fond, n'amènerait pas une seule subvention au regroupement. On
continuerait quand même à regarder les disciplines une à
une. Si c'est ça la crainte, il ne faut pas que ça existe, parce
qu'il faudra que le ministère continue à garder cette ligne
directe avec chacune des disciplines.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: De toute façon, vous savez fort bien que
j'exercerai toujours mon rôle de cerbère.
Une dernière et brève question à M. Desjardins et
M. Charland. Je ne veux pas vous mettre en opposition avec vos
collègues, les artistes peintres, je vous aime d'un amour égal.
Tantôt, à ma question, eux s'estimaient moins
protégés face aux faillites, et vous, dans votre texte, vous
dites que vous êtes bien protégés. Je ne veux pas
être dans le rôle ingrat de dire: Qui dit vrai? Il y a
peut-être un vécu différent, et j'aimerais que vous me le
précisiez, de façon, peut-être, qu'on puisse
améliorer le texte.
M. Charland: Le projet de loi 78, concrètement, là
où il apporte les choses concrètes qui vont se produire, les
changements les plus immédiats, c'est dans le chapitre III, chapitre
où il traite des rapports entre les artistes et les diffuseurs. Je crois
que vous aurez des réactions assez directes des diffuseurs concernant le
chapitre III. J'ai été agréablement étonné
qu'on veuille, comme ça, réglementer les rapports entre les
diffuseurs et les artistes. Les articles semblent être dans l'ensemble
favorables aux artistes. On a noté tantôt à l'article 35 -
et nous partageons cette opinion-là - que l'artiste devrait être
considéré comme créancier en cas de faillite. C'est la
première fois, je crois.... Cela n'est pas inscrit, mais ça
pourrait être bien intéressant que ça le soit. Mais c'est
la première fois que la loi dit que les oeuvres qui vont être
présentes dans le lieu ou chez le galeriste ou le diffuseur
appartiennent à l'artiste et sont présumées appartenir
à l'artiste et non pas au gaieriste et, donc, pourraient ne pas
être saisies. Cela est une position nouvelle.
Je vois aussi qu'il y a obligation pour le diffuseur à avoir de
l'ordre, c'est-à-dire tenir un registre des oeuvres qu'il a en
consignation. J'ai fait affaire avec quelques galeries et je trouve que c'est
une bonne chose. Je ne sais pas comment ils pourraient présenter des
arguments contraires à ça, mais ils ne le sont pas tous, et c'est
bien que la loi l'exige. Je vois qu'il y a des pénalités. Cela
m'effraie toujours quand je vois des 5000 $ ou des 10 000 $. Je suis quand
même conscient que certaines galeries ont de la difficulté
à joindre les deux bouts aussi. Mais, au-delà de cet aspect
peut-être obligatoire dans une loi, je trouve que dans l'ensemble ces
articles-là sont assez conformes aux bons rapports qu'un artiste doit
avoir avec un gaieriste.
M. Boulerlce: Je vous remercie, messieurs, et surtout à
très bientôt.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de Saint-Jacques. Mme la ministre.
Mme Bacon: Merci à nouveau de votre collaboration et
surtout de votre présence ici à cette commission. Je pense que
ça ajoute à la qualité de ce que nous voudrions voir comme
texte législatif puisque souvent c'est l'application de la loi qui n'est
pas facile à faire. Elle part toujours d'une bonne intention et de
l'idée de rassembler les choses et de les perfectionner, mais je pense
que l'idée même d'avoir cette commission parlementaire c'est de
bonifier ce projet de loi et de l'améliorer autant que possible pour
qu'il puisse faire face à la réalité quotidienne. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Desjardins et M.
Charland, nous vous remercions et la commission ajourne ses travaux sine
die.
(Suspension de la séance à 11 h 48)
(Reprise à 15 h 25)
La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre,
s'il vous plaît! La commission de la culture reprend ses travaux afin de
procéder à des consultations particulières dans le cadre
de l'étude détaillée du projet de loi 78, Loi sur !e
statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d'art et
de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs.
Je demanderais à l'Association des illustrateurs et
illustratrices du Québec de bien vouloir s'approcher à la table.
J'aimerais vous rappeler la procédure. Vous avez 20 minutes pour
soumettre votre mémoire; y fera suite un dialogue avec les deux groupes
parlementaires. Si le porte-parole veut bien se présenter et
présenter la personne qui l'accompagne.
Association des illustrateurs et illustratrices du
Québec
M. Normandin (Luc): Je me présente, Luc Normandin,
président de l'Association des illustrateurs et illustratrices du
Québec, accompagné de Thierry Sauer.
M. Boulerice: Oui?
La Présidente (Mme Bélanger): M. John Stewart.
M. Normandin: Pardon?
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Saint-Jacques a demandé le nom de la personne
qui vous accompagne.
M. Normandin: Thierry Sauer.
La Secrétaire: Ah, ce n'est pas lui! C'est Thierry Sauer.
Ce n'est pas le même nom.
La Présidente (Mme Bélanger): Si vous voulez bien
débuter, M. Normandin.
M. Normandin: Oui. En tant que président de l'Association
des illustrateurs et illustratrices du Québec, je me permets de
féliciter Mme ia vice-première ministre d'avoir
procédé si rapidement par rapport à ce projet de loi. En
généra!, on trouve que c'est très satisfaisant. Par
contre, on aurait quand même certaines recommandations à faire. La
première: nous recommandons que ie projet de loi énonce
clairement que l'exploitation des oeuvres en publicité sort inscrite
à l'alinéa 2 de l'article 3, dans la mesure où l'artiste
travaille de façon autonome pour son propre compte. Lors de rencontres
avec des employés du ministère, on a cru comprendre que les
artistes, que ce sort des illustrateurs, des peintres ou d'autres, dont les
oeuvres étaient exploitées en publicité ne seraient pas
protégés par le projet de loi 78. J'espère que c'est une
question d'interprétation. En effet, si on pense au pendant de la loi
72, si un comédien est protégé, par exemple, pour une
pièce de Molière, mais qu'il ne l'est pas pour une annonce de
bière ou si un artiste peut être protégé pour un
tableau qu'il a en galerie, mais, par contre, que pour une pièce qui
serait utilisée en publicité il ne ie serait pas, disons que
j'aurais des réserves par rapport à cela.
On vous a passé un répertoire de nos membres et il y
aurait quelques exemples que j'aimerais vous présenter. Par exemple,
à la page 103, on a le cas de Mme Duranceau qui fait du conte pour
enfants. Normalement, comme à l'exemple de la page 102, elle serait
protégée par ia loi en question et, du côté droit,
qui est une annonce publicitaire, elle ne le serait pas, si tel est le cas. On
a d'autres exemples. Par exemple, aux pages 248 et 249, il y a J. W. Stewart
qui est représenté par une...
M. Boulerice: C'est un de mes concitoyens.
M. Normandin:... très éminente galerie de la rue
Sherbrooke et qui faut aussi de la publicité comme l'exemple de la page
249. À ce moment-là, il serait protégé dans un cas
et pas dans l'autre. Enfin, comme je le dis, j'espère que c'est juste
une question d'interprétation, parce que je ne comprendrais vraiment pas
que les choses se passent de cette façon, que ce soit dans la loi.
Finalement, comme les illustrateurs sont probablement les artistes les
p!us publiés, c'est probablement nous qui avons ie pius besoin qu'il y
ait un contrat obligatoire entre les diffuseurs et nous. Finalement, par
rapport à la définition des diffuseurs, je ne vois pas qu'elle
est la différence entre, mettons, une agence de publicité ou tout
autre diffuseur, que ce soit un éditeur ou quoi que ce soit. De toute
façon, il y a énormément d'oeuvres dans ce
répertoire qui sont utilisées en publicité et qui ne sont
pas de moindre qualité pour cette raison. Enfin, ce serait ouvrir ia
ports à ce que j'appellerais de la discrimination.
C'est à peu près ce que je pense et ce qu'on pense a mon
association de ce bout-là. Alors, j'espère, comme je l'ai dit,
que ce n'est qu'une question d'interprétation.
M. Sauer (Thierry): Nous aimerions que l'exclusion
éventuelle des dessinateurs en publicité ne sort qu'une
rumeur.
Alors, je voudrais continuer sur quelque chose d'un peu transitoire qui
est la bande dessinée. Nous recommandons que la bande dessinée ne
figure pas dans Sa définition de littérature" pour une raison
très simple. C'est que la bande dessinée est un art mixte. C'est
un mode d'expression qui peut être à la fois littéraire et
relever du domaine des arts visuels. Aiors, nous aimerions que cela ne figure
pas tout simplement parce que les deux sont déjà contenus, d'une
part, dans les oeuvres littéraires puisque ia partie texte de ia bande
dessinée est un scénario et, ensuite, puisque la bande
dessinée, en tant qu'oeuvre dessinée, est déjà
contenue dans les définitions d'oeuvres de dessin et de peinture
éventuellement. Ensuite, c'est un souhait qui est exprimé par les
dessinateurs en bande dessinée eux-mêmes qui s'identifient
beaucoup plus aux arts visuels qu'au littéraire. Il est évident
que tout le monde est d'accord sur le fait de protéger le texte au
même titre que ie dessin. D'où ia recommandation complète:
"que la bande dessinée ne figure pas dans la définition de
"littérature" puisque ses deux composantes, c'est-à-dire le
dessin et le scénario, sont déjà incluses dans les
définitions des "arts visuels" et de ia "littérature".
Il y a autre chose. Nous avons sélectionné dans l'ensemble
du mémoire trois ou quatre choses qui nous paraissent
particulièrement importantes et que nous aimerions défendre
maintenant, notamment concernant l'obligation des contrats. Alors, nous avons
été très heureux lorsque Mme la ministre, dans son
allocution, a émis l'intention de rendre les contrats obligatoires. Je
ne vais pas relire l'allocution, mais je préfère l'avoir devant
les yeux. En ce qui nous concerne, je crois qu'il y a un gros problème.
C'est que, pour être opposable à l'artiste, le contrat doit avoir
certaines composantes. Sur ce point, nous sommes entièrement d'accord.
Mais nous avons cherché ie caractère obligatoire du
contrat lui-même. Nous ne l'avons pas trouvé. Ce que nous
avons trouvé dans la loi, c'est ce que doit contenir un contrat. Sur ce
point, nous sommes, bien évidemment, d'accord.
Mais il nous manque par rapport aux intentions exprimées par Mme
la ministre le caractère obligatoire du contrat à
l'intérieur de la loi même. Que l'artiste signe ou ne signe pas un
contrat, II n'est pas obligé de le signer, mais je pense qu'un
diffuseur, quel qu'il soit, n'aura pas de mal à faire pression sur un
artiste pour lui conseiller un accord verbal. Étant donné que le
caractère obligatoire n'est absolument pas clair et encore moins
évident, je pense que nous allons aboutir à une situation qui, de
fait, va être équivalente à la situation actuelle,
c'est-à-dire que ce qu'il y a dans la loi ne servira peut-être
qu'à titre d'indication pour un contrat. S'il y a contrat de fait, le
diffuseur risque gros. Il n'aura rien à perdre de convaincre l'artiste
d'avoir un accord verbal et non un contrat écrit où, là,
il ne risquera plus rien compte tenu de la non-obligation du contrat.
C'est quelque chose sur lequel on a pas mal discuté. Nous
aimerions beaucoup que le contrat dans la loi soit obligatoire et que les
sanctions s'appliquent dans le cas où II y a absence de contrat. Je
crois que, si nous voulons poursuivre au bout une certaine logique, on pourrait
essayer d'aller dans ce sens. Le caractère obligatoire du contrat est
quelque chose qui m'apparaît assez fondamental compte tenu et ça,
c'est en transition, des faits suivants. Je vais développer, dans une
minute, les problèmes posés par l'article 14 et le
problème de la reconnaissance des associations. Mais il y a quatre
phénomènes majeurs qui poussent à l'obligation des
contrats. Il y a les problèmes soulevés par l'article 14 qui est
une source de conflits autour du groupement des artistes en
association-chapeau. J'appelle association-chapeau une association
formée du groupement de plusieurs associations; donc, une association
qui groupe plusieurs associations, on l'appellera pour plus de commodité
l'association-chapeau. Ensuite, il y a un manque de clarté à
l'article 15 concernant la reconnaissance de cette même association. Il y
a ensuite les faiblesses des articles 25 et 26 sur les droits et pouvoirs
qu'entraîne la reconnaissance. À partir de là, si la loi
aboutit à ce que les artistes deviennent faibles, l'obligation des
contrats étant inexistante dans !a loi, on va revenir très
exactement à la même situation que maintenant. C'est pour
ça que j'insiste encore particulièrement.
Alors, je fais une petite digression en ce qui concerne l'article 14
où nous recommandons que le législateur accorde son
entière confiance aux associations d'artistes pour l'application et le
respect de la loi et qu'il n'aboutisse pas par des mesures
détournées à Imposer sa volonté aux artistes et aux
associations du domaine. Alors, c'est un point particulièrement
délicat et complexe. Je pense que mes collègues des autres
associations en parleront aussi parce que c'est un sujet qui nous touche de
très près.
Alors, je vais survoler l'article 14 et ses implications. Est-ce que je
vais trop vite là? Donc, l'article 14 fait référence
à l'article 11, à l'article 23, etc., mais j'ai
préféré en faire un résumé. L'article 14 et
son interprétation aboutissent à un trop-plein de
règlements au sein de l'association formée d'associations
d'artistes et surtout à une trop grande dépendance de cette
même association à l'égard de la moindre partie d'un
règlement d'une association d'artistes qui ne serait pas conforme
à la loi. De p!us, cela oblige Ses associations à ajuster leurs
règlements dans un même moule quelles que soient les
spécificités de chaque association. Alors, je développe
à partir de là.
Si nous prenons la première partie de cet exposé, il
suffit que le règlement d'une association ne soit pas conforme à
la loi pour que cela se répercute sur les règlements de
l'association-chapeau et qu'ainsi cette dernière, n'étant
elle-même plus conforme à la loi, perde sa reconnaissance.
Voilà une des implications. Il serait alors facile de rendre
l'association reconnue dérisoire, car toute association en rendant ses
règlements ou une partie de ses règlements caducs porterait
immédiatement atteinte à l'existence même de l'association
reconnue, de l'association-chapeau. Il s'agit là d'une source de
discorde majeure. C'est une Implication. Mais, alors, II y a une autre
conséquence à partir de là. Pour éviter cette
situation, l'association-chapeau serait alors amenée à jouer un
rôle quasi policier et voire, certainement, de censeur auprès des
associations d'artistes. C'est une conséquence logique. Nous assiterons
alors à l'exercice d'un contrôle du haut vers le bas et non plus
à celui d'un choix et d'un contrôle venant de la base,
c'est-à-dire des associations des artistes eux-mêmes. En allant
plus loin sur ce terrain de la censure, nous aboutissons à un organisme
d'État, pour ainsi dire, qui exercerait un contrôle étroit
des artistes et de leur manière d'être.
Nous pensons qu'il est nécessaire que le règlement de
chaque association conserve une certaine flexibilité inhérente
à des problèmes spécifiques et à des politiques
nuancées au sein de chacune. Tout en travaillant de concert à la
formation d'une association-chapeau qui serait conforme à la loi et
reconnue, elle aurait un pouvoir véritablement indépendant des
diffuseurs tant privés que du gouvernement.
Nous pensons que les artistes ne veulent pas être passés
par le chas d'une aiguille. Ils veulent créer une force de
négociation qui respecte leur pluralité, tout en étant
reconnus dans leurs problèmes communs. Ils considèrent de leur
Intérêt - j'insiste sur ce point - fondamental de se conformer
à une loi sur laquelle ils pourront s'appuyer et non à une loi
qui, malgré les meilleures intentions du monde, aboutirait à un
diktat ou à une représentation dérisoire des
intérêts des artistes.
Voilà, en gros, quelles sont les implications
pour nous de l'article 14. Il est évident que beaucoup de choses
découlent de cela. Notamment, à propos de l'obligation des
contrats, vous voyez que, si jamais l'organisation-chapeau,
l'association-chapeau n'avait pas de pouvoir réel ou n'avait que le
pouvoir qu'un gouvernement ou une loi voudraient bien lui donner, sans qu'elle
ait été choisie par les associations; si, deuxièmement, en
ce qui concerne l'article 15 sur la reconnaissance de l'association, ce
n'était pas clair, donc que cette association, finalement, sur le plan
même de la loi, aurait du mal à être reconnue;
troisièmement, en ce qui concerne les droits et pouvoirs
qu'entraîne la reconnaissance... Sur ce plan. Je voudrais faire une
petite digression. Nous ne voyons pas pourquoi il y a cette différence
entre les termes utilisés dans la loi sur les artistes de la
scène où, à un moment donné, la loi confère
droits et pouvoirs, alors qu'en ce qui nous concerne il s'agit de "on peut
notamment". Il y a quelque chose de fort d'un côté et de faible de
l'autre, de fort en ce qui concerne les artistes de la scène, et d'assez
faible en ce qui nous concerne.
Donc, si une loi est faite, ce que nous aimerions, c'est qu'elle aille
jusqu'au bout de ses Intentions, jusqu'au bout de ses Idées. C'est tout
ce que nous souhaitons. Ce que nous souhaitons, c'est de créer une force
de négociation et non pas forcément un rapport de forces. Alors,
à partir de là, nos recommandations majeures, qui sont
déjà contenues dans le mémoire, et notre désir,
c'est véritablement que, surtout en ce qui concerne l'article 14, le
législateur puisse, dans l'esprit même de la loi et dans les
intentions du gouvernement, réviser ce point de façon qu'il soit
bien clair que les artistes auront un réel pouvoir.
La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce que c'est
terminé? Oui? Alors, Mme la ministre.
Mme Bacon: Messieurs, j'aimerais vous remercier de vous
être penchés sur le projet de loi 78 et d'avoir eu cette rigueur
intellectuelle de nous amener des recommandations importantes aujourd'hui.
Permettez-moi de vous dire que je vous trouve un peu moroses quant aux
intentions du législateur et même un peu soupçonneux sur
les bords. Cela me dérange un peu. Vous comprendrez bien que, quand on
fait une lof pour reconnaître un statut aux artistes et pour leur
apporter davantage d'autonomie et de possibilités de reconnaissance par
rapport à d'autres dans la société, nous n'avons pas
d'intentions malveillantes. Au contraire, je pense que les intentions que nous
avons sont les meilleures possible. Il peut y avoir des failles dans la
rédaction d'un projet de loi, mais je vous sens un peu trop moroses sur
les intentions que nous avions au préalable.
Je ne peux pas reprendre toutes les recommandations que vous nous faites
aujourd'hui, mais il y en a certaines que nous regardons davantage. La loi
propose une définition du diffuseur. On parle beaucoup de ce qu'est le
diffuseur et de ce qu'est l'artiste. Cette définition du diffuseur ne
couvre pas, évidemment, la publicité. Certaines obligations qui
sont faites au diffuseur s'appliqueraient mal à la publicité. Il
y a peut-être des aspects de la loi que vous souhaitez voir
étendre davantage à la publicité. Vous en avez
nommé quelques-uns. Est-ce que vous pourriez revenir
là-dessus?
M. Sauer: Désolé, Mme Is ministre. Vous faites une
spécifité de la publicité par rapport au diffuseur, je
pense. Est-ce que vous pourriez nous dire en quoi? Pour continuer, j'aimerais
bien comprendre en quoi la publicité est spécifique au
diffuseur.
Mme Bacon: En fait, il y a des aspects que vous voulez voir
étendre à la publicité. (15 h 45)
M. Sauer: Ce n'est pas tant que nous aimerions voir
étendre des aspects à la publicité que voir la
publicité comprise dans la définition du "diffuseur", au
même titre qu'un éditeur de livres, au même titre qu'un
éditeur de livres pour enfants, parce que, s'il y a un domaine de
diffusion, c'est bien la publicité.
Mme Bacon: En fait, quand on regarde la loi, c'est
peut-être, à ce moment-là, un changement total de la loi
que vous proposez.
M. Sauer: Pas du tout. Non, non. Un changement total, non.
Mme Bacon: SI on veut Impliquer la publicité dans les
diffuseurs, c'est très différent. Quand on pense, par exemple,
à la tenue des registres, comment pouvez-vous tenir les registres d'un
artiste qui vient chez vous en publicité? Est-ce que vous tenez un
registre de son oeuvre?
M. Sauer: On le peut, oui. Une société d'auteurs
peut le faire et une maison de publicité peut le faire. Si, par exemple,
dans un contrat, il est prévu de tenir le registre, de tenir des
comptes, il n'y a pas de problème, ils peuvent parfaitement le faire.
Lorsque, en publicité, ils font l'utilisation d'oeuvres en particulier
pour telle ou telle fin, ils savent très bien quelle utilisation ils
vont faire de l'oeuvre. Je pense qu'il n'est pas inutile de considérer
qu'en publicité peut-être plus que dans d'autres domaines - si on
veut vraiment faire une spécificité, je pense que c'est l'une des
seules - la publicité va utiliser l'oeuvre pour une campagne
publicitaire sur des supports très différents, pas seulement sur
le livre ou sur une affiche. Eh bien, tout simplement, en publicité, ils
indiquent le nombre et le genre de supports sur lesquels l'oeuvre va figurer,
que ce soit un temps d'antenne à la télévision, que ce
soit un panneau publicitaire dans la rue, une page de
couverture de magazine ou une annonce-presse. Celà ne pose pas de
problème parce que tous ces domaines sont parfaitement
différenciés et peuvent très bien figurer dans un contrat
ou dans un registre quelconque.
Mme Bacon: La loi protège les artistes qui créent
à leur propre compte.
M. Sauer: Oui.
Mme Bacon: Cette définition pourrait-elle s'appliquer
à vos membres, par exemple?
M. Sauer: Vous posez là une question qui nous
préoccupe beaucoup. Est-ce que, dans l'expression "à votre propre
compte", vous pourriez sous-entendre qu'un Illustrateur ayant un contrat de
commande ne travaille pas à son propre compte, mais aurait plutôt
un statut d'employé?
Mme Bacon: C'est ce que je vous demande. Est-ce que vous...
M. Sauer: Non.
Mme Bacon: ...considérez qu'il est un employé,
à ce moment-là, ou qu'il est à son propre compte?
M. Sauer: En aucun cas. Il est à son propre compte,
complètement.
M. Normandin; Tous les gens qui sont dans le répertoire sont
à leur compte.
M. Sauer: Oui.
M. Normandin: Ce sont tous des pigistes qui travaillent à
leur propre compte.
Mme Bacon: À leur propre compte. M. Normandin: Oui,
tous.
M. Sauer: Nous considérons comme employé quelqu'un
qui - d'ailleurs, je pense qu'au regard des lois du travail c'est la même
chose - serait employé dans une société, que ce soit
à temps plein ou partiel, avec les avantages sociaux requis et un
salaire, quelqu'un qui serait donc lié par un contrat d'employé.
À partir du moment où l'illustrateur ou l'illustratrice travaille
chez lui ou chez elle, ou dans un studio, et qu'on lui fait une commande, c'est
un travail à son propre compte, bien entendu!
M. Normandin: Puis, la plupart des illustrateurs qui travaillent
en publicité travaillent à leur propre compte. C'est là
que je trouve que ce serait très important que ce soit de le
spécifiquement dans la loi. Si je pense aux artistes de la scène
et tout ça, le comédien qui fait une annonce de bière est
protégé par cette loi de la même façon que s'il
décidait d'aller jouer une pièce de Molière. Je ne vols
pas pourquoi ça serait différent dans ce cas-ci, pourquoi,
à un moment donné, ça marche pour eux, tandis que
ça ne marche pas pour nous.
M. Sauer: Je crois qu'il y a ici un problème de fond,
peut-être au sujet de la perception que les gens peuvent avoir de
l'illustrateur en tant que créateur. Je ne sais pas, Je pense qu'il y a
peut-être des difficultés. Une chose est certaine, c'est que les
illustrateurs ne font absolument pas la différence de travail et de
création entre une couverture de livre, de magazine, entre n'importe
quelle commande qu'on peut leur donner et la publicité. La
publicité n'a que des spécificités simplement techniques
sur le plan de l'utilisation de l'oeuvre. Il n'y a rien de différent
concernant la création même, le travail à son propre compte
et tout ce qui inclut l'oeuvre elle-même et ce qu'elle est. Cela peut
être une oeuvre de dessin, même de sculpture photographiée,
cela peut être tout ce qu'on veut. Donc, il me semble que si on n'inclut
pas la publicité dans les diffuseurs, on risque d'amener une
discrimination, au sein même des artistes, quant aux artistes en
publicité.
Mme Bacon: Est-ce que vous faites la différence pour ce
qui est de la diffusion entre une oeuvre unique et une oeuvre sur commande, par
exemple?
M. Sauer: Une oeuvre unique?
Mme Bacon: Une oeuvre unique qui est créée par un
créateur et une oeuvre qui est commandée. Est-ce que vous faites
la différence entre cela?
M. Sauer: Non, il n'y a pas de réelle différence
pour une raison très simple. Que l'oeuvre ait été
commandée par l'artiste lui-même ou par quelqu'un d'autre,
finalement, l'oeuvre est utilisable dans tous les supports que vous
voudrez.
Mme Bacon: Pour vous, c'est une création.
M. Sauer: C'est, forcément, une création parce que
cette oeuvre peut être utilisée dans d'autres contextes. Si vous
prenez une oeuvre qui a été utilisée même dans le
domaine de la publicité et que vous la mettez dans un autre contexte,
elle appellera très certainement d'autres concepts pour les gens. Donc,
on ne peut pas faire une discrimination, vous voyez, entre les deux sur le plan
de la diffusion.
Mme Bacon: C'est pour cela que j'aimais vous l'entendre dire.
M. Normandin: II y aurait un point que j'aimerais soulever. Par
rapport à la commande,
ce n'est pas d'hier que !es artistes travaillent sur commande, à
ce que je sache, et je ne vois pas pourquoi ce terme-là semble toujours
prendre un petit côté péjoratif.
Mme Bacon: I! n'y a pas d'arrière-pensée, Je veux
juste avoir votre définition.
M. Normandin: D'accord.
Mme Bacon: C'est votre état d'esprit morose encore qui
vous fait toujours douter.
M. Sauer: Nous avons la morosité souriante ce soir.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Bacon: Vous dites que vous avez remarqué une certaine
faiblesse dans le libellé des articles 25 et 26, par exemple - c'est
à la page 5 de votre mémoire - "quant aux droits et pouvoirs
qu'entraîne la reconnaissance" et vous suggérez que ces droits et
pouvoirs soient ceux énoncés dans la loi 90.
M. Sauer: Oui, soient plus affirmés.
Mme Bacon: Vous pensez, à ce moment-là, à la
négociation collective, si je comprends bien votre énoncé.
Est-ce que vous avez déjà, dans ces matières, des
pratiques communes qui sont régulières, qui se voient
régulièrement?
M. Sauer: Oui, nous avons remarqué et l'expérience
a montré que, à partir du moment où les artistes
arrivaient à se grouper au sein d'un organisme qui puisse former une
puissance de négociation, cela avait une force considérable et
que cela peut contribuer à un équilibre. Mme la
vice-première ministre, je crois qu'il y a une chose qu'il faut
absolument dire, surtout dans le cas d'une loi concernant les artistes, c'est
qu'il y a, de toute façon, un déséquilibre - et je pense
qu'il est ià encore pour longtemps - total, profond entre l'artiste
lui-même et les gens avec lesquels il négocie. Si l'artiste est
laissé à lui-même, sans droit, pas sans droit, mais, enfin,
disons sans pouvoir, sans puissance, il n'ira pas loin, on le sait. Il n'a pas
que cela à faire. Il ne peut pas penser à tout concernant un
contrat, savoir: est-ce que je vais demander un contrat, est-ce que je ne vais
pas demander un contrat? C'est normal, on subit des pressions de toute
nature.
Je pense que l'esprit même - et je crois que c'est assez
fondamental - d'une loi, si c'était possible, c'est de rétablir
cet équilibre en donnant véritablement un pouvoir réel,
une possibilité de pouvoir réei aux artistes de façon
à contrebalancer le pouvoir des utilisateurs qui, lui, est, de toute
façon, beaucoup plus grand que celui des artistes eux-mêmes.
C'est dans ce sens que tout ce qui peut, comme ce à quoi vous
faites allusion... J'avais l'exemple, mais je préfère parler
plutôt que lire, que voulez-vous? Je ne me retrouve plus sur les
feuilles.
Mme Bacon: Les articles 25 et 26, à la page 5.
M. Sauer: "Aux articles 25 et 26, une certaine faiblesse dans le
libellé de ces articles. " Oui, c'est la différence dont je vous
pariais à propos des pouvoirs. Voilà. "Dans ie domaine
visé, l'association reconnue exerce les fonctions suivantes. " Exerce
est impératif, mais il est un peu faible par rapport à celui
qu'on a repéré dans ia loi des artistes de la scène -
qu'on va me trouver tout de suite, mais je l'avais noté de toute
façon - qui confère... Voilà! "Dans ie secteur de
négociation qui y est défini, la reconnaissance confère
à l'association d'artistes les droits et pouvoirs suivants. " Mme la
ministre, je ne peux dire qu'une seule chose: Voilà ce qu'on aimerait
voir.
Mme Bacon: Un article de ia loi 90 applicable à la loi 78,
si je comprends bien?
M. Sauer: Nous aimerions vous le voir affirmer de la même
façon. C'est simplement l'affirmer de la même façon. Entre
"exerce des pouvoirs" et "pouvoir notamment" et cette magnifique phrase
"confère à l'association d'artistes ies droits et pouvoirs
suivants", vous admettrez que, tout de même, il y a une intensité
et une force que nous aimerions voir.
Mme Bacon: Cela ajoute à votre morosité. M. Sauer:
Toujours souriante.
Mme Bacon: Croyez-vous qu'un regroupement d'associations soit
souhaitable dans le domaine des arts visuels? On revient là-dessus
encore.
M. Sauer: Oui, plus que souhaitable, c'est le voeu des
associations.
Mme Bacon: Est-ce que vous croyez que c'est possible
rapidement...
M. Sauer: Absolument.
Mme Bacon:... ou si vous sentez qu'il y a un besoin de temps pour
remplir des mandats, pour offrir certains services par la suite?
M. Sauer: C'est un besoin, c'est possible rapidement et cela
existe déjà. Il y a déjà une association qui est
formée, qui ne demande qu'à avoir des membres qui, d'ailleurs,
arrivent progressivement. Les statuts sont en train de se monter. Nous
attendions précisément de voir tout ce qu'il était
possible de faire selon la loi. Cette
association existe déjà. C'est un voeu des associations de
pouvoir se regrouper de façon à mettre tous les
intérêts et les problèmes en commun et à pouvoir les
résoudre, que ce soit au niveau des contrats, de la défense des
droits, etc. C'est un besoin absolu, oui, mais dans le champ d'action que je
vous ai défini au départ, avec les réserves émises
à l'article 14, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas possibilité
que cette association devienne comme un diktat sur les autres associations. De
toute façon, on est tous bien d'accord là-dessus.
Mme Bacon: Je pense que, ce matin, nous avons été
très clairs là-dessus. Si on se réfère à
l'article 13, on dit: "Dans un domaine, la reconnaissance peut être
accordée à une association formée d'associations
d'artistes professionnels, si cette association satisfait aux exigences
suivantes: 3° elle a adopté un règlement déterminant,
pour l'application de la présente loi, les fonctions assumées par
ses instances et celles assumées par les instances des associations qui
en sont membres. " Cela enlève une certaine ambiguïté.
M. Sauer: C'est très clair. Dans les intentions, c'est
très clair. C'est pour cela qu'en aucun cas je ne me permettrais de vous
condamner dans vos intentions, Mme la ministre.
Mme Bacon: On n'a pas envie, non plus, par des mesures
détournées, d'imposer une volonté aux artistes et aux
associations.
M. Sauer: Le problème, c'est que, malgré vos
intentions, le problème du législateur est quelquefois que -
comment dirai-je? - son vocabulaire aboutit à des mesures que nous
n'avions pas prévues. Le problème de l'article 14 et du
regroupement des associations amène précisément les
réserves que je vous ai faites tout à l'heure. Là, il y a
simplement besoin d'une révision pour que cela colle encore mieux aux
Intentions, et, la, nous ne parlerons plus de morosité, mais
d'espoir.
Mme Bacon: Sur cette note positive et pleine d'espoir, on vous
remercie beaucoup de cette collaboration et de cette contribution aux travaux
de la commission.
M. Sauer: C'est nous qui vous remercions.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme la
ministre. M. le député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: En premier lieu, je vais vous remercier de nous
avoir offert ce répertoire. Remarquez que le mot "répertoire"...
Oui, c'est un répertoire, mais je vais plutôt le considérer
comme un livre d'art. Il est magnifique, il est superbe. Forcément,
c'est une manie chez moi de regarder l'oeuvre, de regarder le nom et l'adres-
se. Je m'aperçois encore que je suis bien servi. D'ailleurs, M. Sauer -
je pense que c'est pour cela que j'ai sursauté, lorsqu'on a dit Sauer -
je crois que vous habitez sur de Lorlmier?
M. Sauer: Oui, c'est exact.
M. Boulerice: Voilà, en haut de Mont-Royal.
M. Sauer: Dans le comté de mon collègue Godin. (16
heures)
M. Boulerice: Je pense que vous avez soulevé
énormément d'Interrogations. Ces interrogations rejoignent celles
que j'ai énoncées avec mon collègue, le
député de Taillon, Me Filion qui était... Nos
légistes ne sont pas des artistes. On l'illustrait aussi quand on
demandait à Mme la ministre, en parlant, à un moment
donné, d'arbitrage: Avons-nous au Québec des arbitres qui peuvent
arbitrer dans le domaine de l'art? C'est une grande question que l'on se
posait: Y a-t-il même des juges... Vous savez, il y a des juges
spécialistes en constitution et on ne sait plus quoi en faire tellement
on en a. On en a en matière de droit commercial et tout cela, mais on se
disait: Dans le domaine de l'art, comment allons-nous faire? Donc, il se peut
que le légiste ait écrit des choses, mais, forcément, il
n'a pas pu voir avec l'oeil d'artiste que vous avez; d'où la
légitimité de vos interrogations.
Comme je vous le disais, vous avez soulevé tellement de choses
que vous bousculez le questionnement peut-être un peu rituel que j'avais
prévu et je suis en train de me demander par quel bout je vais prendre
vos interventions. Je pourrais peut-être regarder les recommandations
comme telles.
Je suis d'accord avec votre première revendication: que la loi
énonce clairement que l'exploitation des oeuvres en publicité
soit inscrite, etc., à partir d'une pratique que j'ai instaurée
au moment où je suis devenu député, puisque j'ai eu
à faire affaire avec des gens de votre milieu. Donc, je pense que cela
devrait y être. Votre deuxième: l'expression "non utilitaires", je
pense que tout le monde s'entend là-dessus. "Représentation en
public" au lieu de "présentation en public", cela va. Toute autre
utilisation" à la place d'"une autre", cela va aussi.
J'aime bien quand vous dites: "Que le législateur accorde son
entière confiance aux associations d'artistes pour l'application et le
respect de la loi et qu'il n'aboutisse pas par des mesures
détournées à imposer sa volonté aux artistes et aux
associations du domaine. " Mme la ministre dit: Je n'ai jamais voulu être
dirigiste. Je lui fais l'honneur de la croire, sauf qu'effectivement, le
légiste n'étant pas artiste, on peut peut-être arriver
à cette fin-là. C'étaient, d'ailleurs, les remarques que
je faisais en disant que, contrairement à la loi 90, il faut cependant
remarquer que la protection qui est offerte Ici
passe beaucoup plus par un encadrement strict des relations que par
l'instauration d'un régime de négociations collectives. il y a
peut-être une question que j'aimerais vous poser après ce
très long préambule habituel auquel nous nous excerçons
quotidiennement en Chambre. Mon collègue, ie député de
Taillon, avait une crainte quant au contrat, il avait la crainte qu'il ne
devienne un contrat d'adhésion, c'est-à-dire qu'on ne donne pas
le choix à l'artiste d'en négocier Ses conditions comme telles.
Et vous avez clairement expliqué tantôt que chacun de vos membres
était, en définitive, une unité en elle-même.
J'aimerais avoir vos commentaires sur la notion de contrat telle qu'elle est
stipulée dans la loi.
M. Sauer: D'abord, je pense qu'il y a une question de
terminologie sur laquelle on pourrait s'entendre facilement. C'est qu'en fait
nous ne sommes absolument pas contre le fait que la loi puisse établir
les conditions générales d'un contrat, déjà pour
commencer. Mais ce que, je pense, j'ai omis de dire tout à l'heure,
c'est que, pour être opposable à l'artiste, tout revient un petit
peu à penser que c'est ie diffuseur, forcément, qui doit
établir un contrat et le proposer à l'artiste. Sur ce point, nous
ne sommes pas d'accord, mais je pense que ce pourrait n'être qu'une
question de terminologie. Le contenu même du contrat est très
intéressant, puisque c'est précisément le genre de contenu
des contrats que certains d'entre nous, artistes, utilisent sur les conseils de
leur société d'auteurs ou de leur agent. Donc, nous n'avons pas
de surprise du côté du contenu du contrat. Qu'il soit donné
au diffuseur de ie faire, non. Pourquoi? Si le contrat doit être
obligatoire, qu'il soit obligatoire pour les deux parties et, s'il y a des
problèmes de respect de contrat, que ies sanctions se fassent des deux
côtés.
Mais, encore une fois, l'obligation de faire ce contrat est
nécessaire, dans le sens où il rétablit un
équilibre. Maintenant, que le contrat soit fait par l'artiste ou que le
contrat soit proposé par le diffuseur, finalement, il existe dans ce
contrat des règles standard, valables pour énormément de
contrats, qui sont très bien, mais qui peuvent être effectivement
négociées autant par l'artiste que par le diffuseur.
L'essen-tiei, c'est que, bien entendu, les clauses y soient respectées
et que la loi puisse aboutir aux sanctions, et élargir les sanctions,
d'ailleurs, à propos d'autres dispositions du contrat qui n'auraient pas
été respectées. Pas seulement !es sanctions concernant
"les infractions passibles d'amendes", c'est cela.
Nous disions dans les dispositions diverses: Nous recommandons à
la commission "qu'elle aille jusqu'au bout de ses intentions et qu'elle
inscrive dans le projet de loi toutes les infractions portant préjudice
aux artistes. " Vous allez me dire qu'il faudrait inscrire aussi toutes Ses
infractions portant préjudice aux diffuseurs. Dans ce sens, il faudra
peut-être êîre un peu plus général. En effet,
pour être opposable à l'artiste, le diffuseur doit faire tel
contrat, c'est une formulation qui peut être largement supprimée.
Un contrat, pour être valable, oui, doit contenir telle disposition et
aussi bien l'artiste que Se diffiseur Se savent, peuvent êîre au
courant. Mais le contrat doit êîre obligatoire.
M. Boulerice: Ah, boni C'est là où je voulais vous
amener, parce que, dans le résumé de vos recommandations, je ne
voyais aucune mention spécifique à l'article 41 qui dit: "Une
association reconnue et un diffuseur ou une association de diffuseurs peuvent
négocier eî agréer une entente fixant ies conditions
minimales de diffusion des oeuvres des artistes représentés par
l'association reconnue. " Donc, est-ce que vous exigez une négociation
obligatoire?
M. Sauer: La présence obligatoire d'un contrat.
M. Boulerice: D'un contrat, portant ies conditions minimales.
M. Sauer: Minimales, énoncées par ia loi.
M. Boulerice: D'accord. Également - et cela, on en a
discuté avec vos collègues qui sont intervenus ce matin - dans ie
cas de faillite, je vois, à l'article 35: "Nous recommandons que
i'artiste soit informé, au même titre que tout autre
créancier, de la faillite du diffuseur; que ies artistes soient inclus
dans ia liste des créanciers privilégiés en ce qui
concerne les sommes résultant de ia vente ou de toute autre utilisation
des oeuvres. " Est-ce que vous allez jusqu'à demander également,
dans le cas des oeuvres qui n'ont pas été vendues, mais qui se
trouvent encore là, la saisie immédiate au bénéfice
de l'artiste?
M. Sauer: Oui. Surtout, nous recommandons que les artistes soient
inclus dans ia liste des créanciers privilégiés. Oui, bien
sûr, parce qu'il est très fréquent que ies artistes ne
revoient jamais leurs oeuvres à la suite d'une faillite, aiors qu'ils ne
les ont pas vendues, qu'ils les ont simplement laissées en consignation.
D'ailleurs, il y a un article beaucoup plus grave à ce sujet, dont nous
n'avons pas parlé tout à l'heure mais qui concerne ia
consignation d'oeuvres en cas de faillite. Cela correspond à ia
recommandation - il faut absolument la îrouver - où nous demandons
que ies arts visuels soient exclus de cet article. L'avez-vous?
M. Boulerice: Oui, d'accord, l'article 33.
M. Sauer: Article 33? C'est cela. Je pense que c'est l'article
33. "Un diffuseur ne peut sans ie consentement de l'artiste donner en
garantie
les droits qu'il obtient de ce dernier, ni consentir une
sûreté sur l'oeuvre de l'artiste à moins qu'elle ne fasse
l'objet d'une publication et d'une diffusion en plusieurs exemplaires, auquel
cas l'exemplaire doit être réservé à l'artiste. "
C'est très bien dans le domaine littéraire, vu qu'il n'y a pas
d'original dans le domaine littéraire.
M. Boulerice: Oui, mais dans...
M. Sauer: Par contre, c'est une autre affaire dans le domaine des
arts visuels. Vous avez un tableau, vous avez une lithographie. Celle-là
disparaît. Donc, il est tout à fait normal d'exclure les arts
visuels de cet article 33.
M. Boulerice: Sans opposer - je vais faire un trait d'humour - la
rue de Lorimier à la rue Rachel, vous parlez d'exclure les gens de la
bande dessinée.
M. Sauer: On ne les exclut pas, ils sont déjà
compris. Ils ne sont pas exclus. Ils sont déjà compris. La bande
dessinée est déjà comprise dans les oeuvres
littéraires, parce que, dans la bande dessinée, II y a un
scénario qui est déjà inclus, d'ailleurs, dans la
terminologie juridique: contes, nouvelles et autres écrits. C'est un
scénario dans la bande dessinée. Donc, c'est déjà
inclus.
M. Boulerice: Alors, à ce moment-là, j'ai mal
compris, mal lu et mal interprété.
M. Sauer: Ah, non, on ne parle pas d'exclure.
M. Boulerice: Je m'en excuse.
M. Sauer: C'est déjà inclus. Le terme simplement
est inutile.
M. Boulerice: D'accord.
M. Normandin: On pense que la bande dessinée a beaucoup
plus d'incidence par rapport aux arts visuels, mettons, le dessin, la peinture,
etc., que par rapport à la littérature. C'est dans ce
sens-là qu'on aimerait mieux que ce ne soit, tout simplement, pas
là parce que, de toute façon, la bande dessinée, c'est du
dessin, surtout. Un texte de bande dessinée tout seul pourrait faire un
peu plat, mettons, tandis qu'on peut prendre facilement des extraits d'une
bande dessinée, en faire des "t-shirts", n'importe quoi. Là
où cela se corse, c'est souvent dans les produits dérivés
de la bande dessinée par rapport aux droits d'auteur, etc. C'est du
côté des arts visuels que cela se passe, finalement. Alors, on
pense que ce n'est pas vraiment nécessaire que ce soit là, que ce
soit écrit comme tel. De la même façon qu'on pense que ce
ne serait pas nécessaire, non plus, que l'illustration soit dans les
arts visuels, puisque c'est du dessin, de la peinture ou du collage.
ML Sauer: Cela pourrait créer une sorte de confusion, si
vous voulez, le fait que la bande dessinée serait stigmatisée
dans le genre littéraire. On n'en aurait plus fini avec l'Union des
écrivains. Dans ce cas, il n'y a pas de problème. C'est
protégé au même titre.
M. Boulerice: D'accord. On a fait, ce matin, la remarque que fa
création de regroupements pourrait potentiellement freiner la
constitution, enfin, l'établissement, la création de certains
groupes très spécifiques. Même si on vous a dit moroses
tantôt, vous semblez être très roses pour ce qui est, en
tout cas, de cette crainte qu'exprimaient certains de vos collègues.
Est-ce que vous pourriez nous dire si vous partagez si vous ne partagez pas
cette crainte-là? Vous vous appuyez sur quoi?
M. Sauer: Est-ce que cela correspond à peu près
à la question de Mme la ministre tout à l'heure, à savoir
si nous estimons nécessaire la formation d'un groupe?
M. Boulerice: Certains semblent s'opposer très fermement
à la constitution de groupes et émettaient l'hypothèse que
cela pourrait contribuer à freiner l'éclosion d'associations
comme telles.
M. Sauer: Ce que nous nous demandons, c'est en quoi cela pourrait
freiner l'éclosion d'associations puisqu'une association-chapeau qui,
elle, s'occuperait des problèmes communs à tous les artistes des
arts visuels, on s'entend, qu'ils soient sculpteurs, illustrateurs, des arts
textiles, qu'ils soient tout ce qu'on voudra, n'aurait pas, bien entendu
juridiction - c'est dans ce sens que nous avions des objections, d'ailleurs,
à ce à quoi la loi pourrait aboutir - ne toucherait absolument
pas aux associations, à leurs règlements internes, à leurs
initiatives. Le répertoire que vous avez ici entre les mains, aucune
association-chapeau ne va s'occuper d'Interférer ni dans la fabrication,
ni dans la promotion, ni dans la vente, ni dans ce qu'il contient. Aucune
association-chapeau ne va s'occuper de régir les conditions mêmes
d'exposition. Si les sculpteurs veulent faire une exposition, c'est leur
affaire. Cela ne se place absolument pas dans ces termes. Donc, il n'y a, de
toute façon, aucun danger à un regroupement. Le seul avantage
qu'il y a dans le regroupement, c'est que précisément, face aux
diffuseurs qui, eux, sont regroupés, II y aurait une possibilité
et un rapport d'équilibre qui se créerait.
M. Boulerice: Donc, vous estimez que le paragraphe 3° de
l'article 13, si je peux employer l'expression, vous blinde?
M. Sauer: Le paragraphe 3° de l'article 13.
M. Boulerice: "Elle a adopté un règlement
déterminant, pour Pappiication de ia présente loi, les fonctions
assumées par ses instances et celles assumées par les instances
des associations qui en sont membres. " (16 h 15)
M. Sauer: Oui, c'est cela. Donc, ie problème de l'article
13... Ce n'est pas ie problème du regroupement auquei nous faisons
allusion. C'est ia façon avec iaquelie ia loi va mettre des
règlements sur des règlements, sur des règlements. C'est
évident. Il n'est pas question que, d'une part,
l'associaîion-chapeau ait une kyrielle de règlements quand elle ne
saura pas quoi faire et sur lesquels il va falloir que, plus ou moins, elle
légifère, c'est-à-dire que, si une des associations n'a
pas un règlement conforme à la loi, eile rend l'ensemble caduc,
ce qui est grave. Deuxièmement, ce que nous ne voulons surtout pas,
c'est que par là même l'association chapeau serve de censeur, de
police, de tout ce que vous voudrez, sauf aux artistes, car cette association,
c'est eux, les artistes, qui l'auront formée, et ce n'est pas par une
loi que cette association va imposer sa volonté, de par ses
implications, Mme la ministre, de par les implications éventuelles d'une
loi qu'elle va imposer son diktat aux artistes. Voilà le mobile
principal de l'existence de la recommandation sur la confiance aux
associations.
La Présidente (Mme Béianger): Une courte question,
M. le député de Saint-Jacques? Le temps est terminé.
M. Boulerice: L'appréhension d'une situation peut
éviter qu'elle se produise. Donc, je pense que vos propos étaient
recevables, MM. Sauer et Lamontagne. Je vous remercie de votre participation et
de votre présence. Je vous avoue que c'est une commission fort
intéressante. Je ne sais pas ce que l'Association des galeries d'art va
nous offrir tantôt. Les gens du Conseil, de i'estampe ont
été aussi très généreux. Je suis presque
tenté de souhaiter que cette commission soit permanente. Je vous
remercie encore une fois.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, messieurs. Je
demanderais à l'Atelier de dramaturgie de Montréal de bien
vouloir s'approcher, s'il vous plaît! Alors, M. Rogers et Mme Pelletier,
on vous souhaite la bienvenue. J'aimerais vous faire part des règles du
jeu. Vous avez vingt minutes pour présenter votre mémoire et, par
la suite, un échange entre les deux groupes parlementaires et
vous-mêmes se fera pendant 40 minutes. Alors, si vous voulez bien vous
identifier, présenter la personne qui vous accompagne et commencer
à nous exposer votre mémoire.
Atelier de dramaturgie de Montréal M. Rogers (Guy): Je suis Guy
Rogers. À mes côtés, Maryse Pelletier, de l'Atelier de
dramaturgie de Montréal, ou Playwrights' Workshop. Notre association est
une association de dramaturges pour le théâtre. Si faut admettre
que, dans ce cas-ci, on est pas mal mêlé. On va avoir plus de
questions que de recommandations, ]e pense, mais peut-être qu'à
travers nos questions on va fairs des recommandations.
Nous avons principalement quatre genres de droits qu'on veut voir
protégés et couverts par ia ioi. Ce sont d'abord nos droits de
représentation dans ie théâtre. Jusqu'à
dernièrement, on a cru que c'était couvert par la loi 90. On a
cru comprendre que les droits de représentation étaient couverts
par la loi 90 et ensuite les droits d'arrivée et d'adaptation pour le
film, la télévision et la radio. On a eu une autre opinion
dernièrement disant qu'on était couvert par la loi 78 pour les
trois droits que je viens de mentionner, plus ia reproduction. Mais la semaine
passée, on a eu une autre opinion disant qu'on était couvert par
ia loi 90 pour les droits de représentation, les droits
d'arrivée, Ses droits d'adaptation et que ia ioi 78 couvrait juste les
droits de reproduction, les droits de publication. Donc, c'est de ce
point-ià qu'on part. Avant de procéder plus avant, est-ce que
vous pourriez nous indiquer, pour notre compréhension, quels droits sont
couverts par quelles lois?
La Présidente (Mme Bélanger): Mme la ministre.
Mme Bacon: Au niveau de ia ioi 90, il y a peut-être une
reconnaissance qui pourrait être accordée quant à la
négociation collective des artistes de la scène. Je pense que
cela pourrait être couvert par la ioi 90, sauf qu'il y a peut-être
d'autres étapes qui ne sont pas couvertes à ce moment-là,
si on ne se réfère qu'à ia loi 90 pour cela. Le projet de
ioi 78, c'est au niveau de la commande d'oeuvres, par exemple, qui peuvent
être jouées par vos artistes. De par la loi 90, on pourrait ie
faire au niveau de ia négociation collective, mais pas autrement, il n'y
a pas d'autre couverture qui y est donnée.
Mme Pglietier (Maryse): Juste une question. Si les dramaturges
décidaient de se regrouper et de demander la reconnaissance pour
négocier les droits de représentation collectivement, c'est en
vertu de la ioi 90 qu'iis devraient le faire plus qu'en vertu de 78?
Mme Bacon: Oui, le projet de ioi 78, c'est surtout au niveau de
la vente, au niveau de l'édition, par exemple, de la commande d'oeuvres
qui est donnée. C'est davantage le projet de loi 78. La loi 90 pourrait
couvrir la reconnaissance de votre association pour une négociation
collective.
Mme Pelletier: Est-ce qu'on pourrait à ce moment-là
imaginer que l'association qui aurait
la reconnaissance en vertu de la loi 90 pourrait aussi prendre à
sa charge la négociation de ce qu'on pourrait appeler les droits
dérivés et les droits d'adaptation, qui ne sont pas
précisément les droits de représentation mais qui nous
appartiennent en vertu de la Loi sur le droit d'auteur?
Mme Bacon: Oui.
Mme Pelletier: D'accord. Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce que vous avez
fini de présenter votre mémoire? Est-ce que vous voulez passer
à la discussion?
Mme Pelletier: Non.
M. Rogers: C'est parce qu'on pensait que les quatre droits
étaient couverts par le projet de loi 78. Cela change donc plus ou moins
notre façon de procéder. La loi 90 parle de services et le projet
de loi 78 parle d'oeuvres.
Mme Bacon: La loi 90 couvrait les artistes qui offraient des
services. Le projet de loi 78, ce sont les oeuvres.
M. Rogers: On pensait que c'étaient les droits sur les
textes plutôt que les services personnels qui étaient
Impliqués.
Mme Bacon: Dans le projet de loi 78? Non?
M. Rogers:... que c'était le projet de loi 78 qui couvrait
les textes.
Mme Pelletier: Alors, il y a une sorte de confusion quand on
parle de la Loi sur le droit d'auteur et d'offrir ses services.
Mme Bacon: En fait, il faut expliquer qu'on fait du droit
nouveau. C'est pour cela que c'est beaucoup plus compliqué.
Mme Pelletier: Oui, c'est cela. Il n'y a pas de jurisprudence
encore, j'imagine.
Mme Bacon: On peut dire que les dramaturges se trouveraient dans
les deux situations, au fond, dans les deux lois.
M. Rogers: Alors, le projet de loi 78 couvre les droits de
reproduction, de publication, etc. ?
Mme Bacon: Oui. M. Rogers: Oui?
Mme Bacon: Oui. Les contrats qui sont reliés à tout
cela.
M. Rogers: D'accord.
Mme Pelletier: Ce qu'on pourrait appeler plus
spécifiquement la littérature.
M. Rogers: La littérature. Mme Bacon: Oui.
M. Rogers: D'accord. Maintenant, on a des problèmes avec
la forme d'association. Dans les articles 25 et 26, on essaie de comprendre
quel genre d'association devrait s'occuper des points qui sont listés
ici. Il nous semble qu'on parie des fonctions de lobbying, surtout dans les
quatre premiers paragraphes, qu'on parle des fonctions syndicales et qu'on
parle des fonctions d'associations d'artistes, et on a beaucoup de
difficulté à comprendre ou à voir quel genre d'association
serait capable de réunir toutes ces fonctions.
Présentement, il y a des associations d'artistes, il y a des
associations qui représentent les dramaturges, les traducteurs, les
poètes, etc., qui font certaines des fonctions données ici, mais
pas toutes. Ce n'est pas évident qu'il y a un groupe qui existe, qui est
capable de faire toutes les fonctions données ici. On a peur, vu qu'il
n'y a pas beaucoup de dramaturges, que, s'il y a un regroupement qui
réunit tous les poètes, tous les romanciers, etc., on soit
tellement minoritaires qu'on ne soit pas représentés.
Mme Pelletier: Voyez-vous, si on fait la distinction entre
relation contractuelle et association de type syndical ou association
professionnelle, association vouée aux intérêts
généraux supérieurs des membres, il y a de très
grandes différences de nature dans les associations. Les dramaturges,
à cause de la nature de leur travail, à cause du fait qu'ils ont
besoin de représentation en ce qui concerne les droits de
représentation, se voient difficilement à l'intérieur
d'une association qui ne s'occuperait que de littérature "at large".
À moins que cette association ne soit de nature qu'on pourrait appeler
politique et sociale au sens large, chargée de faire des
représentations au gouvernement pour, je ne sais pas, le statut
général des artistes, mais, pour ce qui est des relations
contractuelles, de l'assemblée générale et de tout ce qui
concerne la spécificité de notre travail, on a l'impression qu'on
serait complètement écrasés sous le nombre et que les
connaissances qu'il faut pour administrer l'association que nous formerions ou
à laquelle nous adhérerions sont très
particulières. Nous avons peur, dans une association regroupant autant
de personnes et d'activités de natures aussi diverses, d'être
complètement envahis, minorlsés.
Mme Bacon: Est-ce que c'est à cause du nombre des autres
ou...
Mme Pelletier: D'une part, et à cause de la
spécificité des droits impliqués. On pariait
tantôt de droits de représentation, de droits
dérivés. La littérature, de façon
générale, n'a pas besoin de cela. La littérature s'occupe
des droits de reproduction, de la compensation pour ia reprographie et ainsi de
suite. Mais, nous, nous avons journellement des reiations contractuelles avec
des producteurs et elles peuvent être de tous ordres. Nous devons
négocier des adaptations de nos oeuvres, des commercialisations des
produits dérivés de nos oeuvres, des traductions, et ainsi de
suite. Je ne parie ià que des relations contractuelles, je ne parle
même pas de ia promotion d'un coin du pays à l'autre ou d'un pays
à l'autre, de promotion nord-sud ou de diffusion, et ainsi de suite.
Alors, il nous semble qu'une association regroupant tout le monde, si
elle avait tous les pouvoirs qu'il y a ici, c'est-à-dire pouvoir de type
syndical, pouvoir de négocier des conventions collectives, pouvoir de
faire respecter des contrats, pouvoir de nous représenter politiquement
et socialement, elle aurait beaucoup trop de pouvoirs pour servir efficacement
ses membres et dans des domaines qui n'ont pas grand-chose à voir les
uns avec les autres. Quand on parle de droits d'auteur, par exemple, on ne
parie pas de promotion, c'est complètement contradictoire. Une
association syndicale ne peut pas se permettre de faire un choix parmi ses
membres, elle doit faire respecter le contrat de chacun de ses membres
vis-à-vis de tous les diffuseurs, et ainsi de suite. La nature de cette
association, dans la Soi, ne nous paraît pas très claire; pour
nous, en tout cas, c'est très bizarre, mal ajusté.
Mme Bacon: Peut-être à cause de la diversité
des différentes disciplines. Une association-chapeau, pour vous, ne
représente pas cette garantie de protection. Si je comprends bien, c'est
cela.
Mme Pelletier: Exactement. (16 h 30)
M. Rogers: On aimerait plutôt une fédération
d'associations, mais, même comme cela, ce n'est pas clair comment les
associations qui existent pourraient s'occuper de toutes les fonctions
listées ici. On voit mal comment ça pourrait marcher.
Mme Bacon: Est-ce que vous voulez qu'on en regarde d'autres et
qu'on revienne là-dessus par la suite?
M. Rogers: Bien...
Mme Bacon: Est-ce que c'est surtout le regroupement des
associations qui vous dérange, au fond, qui dérange votre
association comme telle, la vôtre?
M. Rogers: Oui.
Mme Bacon: Cette association-chapeau,... M. Rogers: C'est
cela.
Mme Bacon:... il me semble que vous ia craignez. C'est cela?
M. Rogers: Bien, on ia comprend mai et on la craint, c'est
ça.
Mme Bacon: Est-ce qu'on doit comprendre, par rapport à ce
regroupement d'associations, que vous vous opposez à la reconnaissance
d'un regroupement en littérature, par exemple?
M. Rogers: C'est plutôt la loi 90 qui reconnaît les
associations traditionnelles. D'accord?
Mme Bacon: Oui.
M. Rogers: On aimerait mieux que ça marche de cette
façon, sauf que les associations traditionnelles ne s'occupent pas de
toutes les fonctions listées ici. Donc, il faut qu'elles augmentent
leurs fonctions, leurs pouvoirs et comment elles vont le faire, ce n'est pas
évident.
Mme Pelletier: On comprend bien, je pense, l'esprit de la loi -
et on l'aime beaucoup - qui est celui de protéger ie plus possible
l'artiste et son oeuvre, et d'obliger les diffuseurs à s'asseoir
à la table et à négocier ou à reconnaître des
associations d'artistes pour réglementer les contrats. Il n'y a pas de
question, on est tout à fait en faveur de cet esprit et on a confiance
en cet esprit. Simplement, II nous semble que, en ce qui nous concerne, la
diversité des champs couverts par l'association qui est
recommandée ici est trop grande et ne nous servirait pas du tout.
La Présidente (Mme Bélanger): Mme ia ministre.
Mme Sacon: Je vous ramène encore - je pense qu'on doit ie
faire de temps à autre - à 13. 3°; il semble que cela ait
échappé à plusieurs groupes. On dit: "elle a adopté
un règlement déterminant, pour l'application de !a
présente loi, les fonctions assumées par ses instances et celles
assumées par les instances des associations qui en sont membres". Cela
n'empêche pas la négociation - j'espère que je ne fais pas
d'hérésie - des contrats de votre association, le fait
d'appartenir à cette association chapeau, parce que vous faites votre
propre règlement, vous faites...
Mme Pelletier: Pardon? Le problème qui, je crois, existe
à l'Atelier de dramaturgie de Montréal, c'est que nous nous
occupons du contenu et pas du tout de contrats. Il n'y a pas,
en ce moment, d'association qui s'occupe des contrats des dramaturges.
Nulle part. Les dramaturges le font à travers leur argent ou
personnellement. Il y avait, il y a quatre ans, une société de
perception - qui a été dissoute - qui le faisait, mais depuis il
n'y a rien.
Mme Bacon: II me semble qu'il y a quand même des
associations disciplinaires qui pourraient être à l'origine de la
demande de reconnaissance de l'association chapeau, parce qu'il y a
différentes disciplines, et II me semble qu'il va appartenir au
préalable - c'est pourquoi je vous réfère toujours
à 13. 3° depuis ce matin - aux associations de déterminer
leurs champs d'Intervention avec celui ou ceux de l'association qui va
représenter leur domaine, par exemple, en vertu de l'article 13. 3°.
Les fonctions qui sont prévues au chapitre des pouvoirs et devoirs de
l'association - on revient à l'article 25, à l'article 26 -
pourraient être assumées, à ce moment-là, par divers
organismes, selon le partage des compétences qu'ils auront
négocié. Cela n'empêche pas les associations dans leur
discipline d'être a l'origine de la demande de reconnaissance d'une
association chapeau. Cela ne peut pas les empêcher de travailler au
niveau de leur propre discipline et de déterminer des champs
d'Intervention - par exemple, votre propre association. On semble penser que,
parce qu'il y a une association chapeau - je simplifie - mais on semble penser
que, parce qu'il y a une association chapeau, les différentes
associations disciplinaires vont disparaître ou vont cesser d'avoir leurs
propres règlements et de déterminer leurs champs d'intervention.
Cela n'empêche pas les associations disciplinaires de déterminer
leurs champs d'intervention, mais cette association chapeau donne plus de force
à l'ensemble des associations en ce qui concerne la négociation.
C'est un peu l'idée que nous avons en voulant favoriser ce regroupement,
mais on n'empêche pas les associations... Par exemple, on parlait ce
matin de crainte de ne plus avoir ce lien avec le ministère pour chaque
discipline. Cela n'empêchera pas ce lien avec le ministère. Cela
n'empêchera pas les subventions pour les disciplines. On ne veut pas
faire disparaître les associations disciplinaires, par exemple. Mais on
veut que ce regroupement donne une deuxième force aux associations.
M. Rogers: Je pense que le problème ici est plutôt
pratique. On a déjà une association qui ne s'occupe pas de
négocier des contrats, de percevoir des cotisations. Si elles vont faire
cela, cela va prendre plus de personnel, cela va prendre plus d'argent.
Où vont-elles prendre l'argent? Des cotisations? Il y a juste certains
membres qui vont payer des cotisations et tous les autres seront couverts par
le travail de l'association? En pratique, on ne volt pas comment cela va
marcher, comment cela peut marcher.
Mme Bacon: Je vous donne comme exemple l'UDA qui négocie -
l'UDA peut être représentée par l'association chapeau, par
exemple - pour les différentes disciplines en art
d'interprétation, mais cela n'empêche pas les disciplines
d'exister, par exemple, et de faire leurs propres lois, leurs propres
règlements. Mais il faut une association chapeau qui donne plus de force
aux négociations. C'est peut-être un peu cela que les gens
craignent, au fond, de disparaître au profit de l'association chapeau,
mais Ils ne le feront pas.
Mme Pelletier: Vous parlez d'une organisation de type syndical et
sectorisé. Si on prend comme exemple l'UDA...
Mme Bacon: J'essaie d'expliquer ce genre de regroupement. Les
comparaisons sont toujours un peu différentes, mais j'essaie de faire
une comparaison avec une UDA qui négocie pour ses différentes
disciplines en art d'interprétation. Ce serait la même chose avec
l'association chapeau qui pourrait négocier avec ce regroupement que
vous avez des différents groupes disciplinaires, ce qui n'empêche
pas ces associations disciplinaires d'avoir leurs propres règlements,
leurs propres instances et de continuer à exister.
Mme Pelletier: En tout cas, cela nous apparaît très
complexe à faire, extrêmement complexe à cause de la
présence de la Loi sur le droit d'auteur, d'une part, et à cause
de...
Mme Bacon: Peut-être. Il faudrait peut-être regarder
davantage.
Mme Pelletier: C'est extrêmement complexe parce que,
voyez-vous, lorsqu'on est confronté au droit d'auteur, on a toujours la
possibilité de faire une association de type syndical pour
négocier des conventions collectives avec des tarifs et des conditions
de travail ou des contrats de type société de perception. La
société possède le droit en lieu et place des auteurs.
C'est encore cette discussion qui revient: Qu'est-ce que cette association
chapeau aurait comme droits? Qu'est-ce qu'on lui accorderait? Quelle serait
notre place à l'intérieur de cela? C'est une discussion qui doit
avoir lieu et qui nous est présentée à nous, à
l'atelier de dramaturgie, et dont on sait qu'elle est difficile.
Mme Bacon: D'accord.
Mme Pelletier: C'est ce que nous disons.
Mme Bacon: Si on revient à votre document, à la
page 2, en ce qui concerne l'article 11, vous demandez que l'article 11,
deuxièmement, comporte une définition claire des règles
d'éthique qui y sont mentionnées pour écarter tout risque
de censure, par exemple, de l'expression artistique. Est-ce que vous pourriez
élaborer
un peu là-dessus?
M. Rogers: il faut expliquer d'abord que ce document a
été rédigé à la suite des discussions d'un
comité. Quelques personnes ont craint... Personneilement, je n'ai pas
compris leurs craintes. Il y avait un exemple, le cas à Toronto,
dernièrement, d'un groupe minoritaire qui ne pensait pas qu'un autre
groupe avait !e droit de parier ou d'écrire à propos de son
problème minoritaire. Donc, cela devient une forme de censure si on
contrôle... Pour moi, ce n'était pas un vrai problème.
C'est très théorique.
Mme Bacon: D'accord. Quant à l'article 35, à la
page 3, vous nous dites que les normes actuelles des contrats entre
écrivains et diffuseurs prévoient le paiement automatique des
sommes dues à l'artiste dès que le diffuseur devient insolvable.
Quand vous parlez de normes, à quoi vous référez-vous?
Est-ce que c'est à celles qui sont incluses dans les contrats
individuels ou dans des contrats types?
M. Rogers: On parle ici d'un contrat type; ce sont des
normes.
Mme Bacon: Est-ce qu'on a déjà testé, par
exemple, ces normes pour ce qui est de l'application?
M. Rogers: Je ne connais pas personnellement de diffuseur qui ait
fait faillite. Donc, non.
Mme Bacon: On n'a pas d'exemple à donner. M. Rogers:
Non.
Mme Bacon: D'accord. À l'article 38, à ia page 3 de
votre mémoire, vous parlez aussi d'une norme actuelle qui fait le
service d'examen, par exemple, par un expert de données comptables qui
est à la charge du diffuseur. Est-ce que, encore là, il y a des
normes auxquelles vous pouvez vous référer?
M. Rogers: C'est encore le contrat type. Mme Bacon: Toujours?
M. Rogers: Toujours, oui.
Mme Bacon: D'accord. Je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme la
ministre. M. le député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: J'ai l'impression que c'est aussi difficile pour
moi que cela l'est pour vous de trouver les mots pour l'exprimer. J'ai
l'impression que vous avez le sentiment d'être dans un no man's land et
que vous cherchez ce à quoi vous appartenez, à 90 ou à 78.
Vous écrivez, mais c'est pour Se théâtre. Par contre, on
vous met dans la littérature eî je comprends vos
appréhensions parce que, quand on regarde, l'article 10, ii dit: "La
commission accorde la reconnaissance à l'association qui est Sa pius
représentative de l'ensemble des artistes professionnels oeuvrant dans
un domaine. " Vous n'êtes pas nombreux, effectivement. Est-ce que vous
allez être avec l'Union des écrivains? Je pense que c'est ia
question que vous vous posez parce que, si on regarde ie libellé comme
tel, cela pourrait être ie cas, que la commission de reconnaissance dise:
C'est l'Union des écrivains puisqu'elle représente... Un
écrivain écrit un livre. Un dramaturge écrit aussi un
livre, mais c'est un livre qui va être joué à un moment
donné sur une scène de théâtre. Vous avez une
parenté, mais disons qu'à un moment donné la notion de
famille s'arrête.
Je comprends un petit peu votre interrogation. De là à
vous dire que j'ai la réponse, je suis obligé de donner raison
à ma collègue, c'est du droit nouveau qu'on fait. On souhaite
bien aller en atteignant tout le monde, dans ie bon sens du terme. Je ne
voudrais surtout pas qu'on aille se casser la tête sur un mur de briques,
mais j'ai un petit peu l'impression qu'on va être obligés de jouer
avec, comme on dit en bon québécois, durant un petit bout de
temps et peut-être de voir à l'essai ce que cela va donner. Il y a
des secteurs très particuliers, vous en êtes un. Effectivement,
l'interrogation subsista comme telle. Je vous avoue que j'ai beaucoup plus de
questions après votre intervention que je n'ai de réponses. Vous
perturbez notre confort Intellectuel de commission, ce qui n'est pas
nécessairement mauvais, mais... Moi aussi, j'essaie de retourner ceia
sur tous les bords pour... (16 h 45)
Mme Pelletier: II y a une chose qui pourrait être faite que
je vois. Si on était regroupés en vertu de ia loi 90 eî que
nous négociions, par exemple, les dramaturges, des ententes collectives
en vertu de la ioi 90, nous pourrions adhérer à une association
chapeau pour ce qui est des aspects socio-politiques et non pour des aspects
contractuels, mais ces choses ne sont pas faites encore. Je dis ceia à
tout hasard, parce que nous venons d'étudier ie projet de loi 78. Nous
allons voir un peu partout ce qui se passe et comment les choses peuvent
être faites.
Mme Bacon:... filon.
M. Bouîerice: Un bon filon, une mixité; le vase
communicant de 90 à 78 dans un cas.
Mme Bacon: D'ailleurs, c'est la. même commission de
reconnaissance qui va reconnaître et sous la loi 90 et sous la loi
78.
Mme Pelletier. Ah! C'est la même commission?
Mme Bacon: C'est la même commission de reconnaissance. On
va ajouter à ses tâches.
Mme Pelletier: Parfait!
M. Boulerice: Donc, on pourrait dire, non pas qu'on vous laisse
tomber, je ne pense pas que ce soit l'esprit de part et d'autre...
Mme Bacon: Non, mais je pense que ce que vous venez d'expliquer,
c'est un très bon filon.
Mme Pelletier: Mais nous aurions besoin cependant d'une
confirmation, parce que, vous savez, ce que M. Rogers expliquait tantôt,
c'est que nous avons téléphoné au ministère et
à des avocats qui nous ont donné des avis contradictoires. Alors,
vous nous avez donné avis aujourd'hui que nous pouvions nous regrouper
pour les aspects contractuels en vertu de la loi 90, je suis heureuse de
l'entendre, mais nous avons reçu des avis des avocats qui...
Mme Bacon: II faudra sûrement clarifier. D'ailleurs, c'est
pour cela que nous avons une commission, pour voir et tester davantage notre
projet de loi et, ensuite, faire le point avec ce que nous aurons entendu. Les
interrogations que vous avez, nous les avons souvent nous aussi. Mais ce filon
que vous avez du côté des dramaturges - il faudra faire la part
des choses, je pense, entre les deux - c'est une partie très importante
qu'il faudra explorer davantage.
M. Boulerice: À moins que je ne me trompe, la commission
de reconnaissance permet un appel de sa décision. Donc, une fois qu'elle
aura étudié le dossier et votre cas très particulier,
parce qu'il faut l'avouer, votre cas est particulier, et ce n'est pas un
déshonneur de l'être, tout au contraire... J'ai le goût de
faire la blague à M. Rogers, vous souhaiter un statut particulier.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Ceci dit en toute amitié. Donc, je pense
qu'à partir de ce que la commission pourra donner, II y a toujours appel
si vous n'êtes pas satisfaits. En tout cas, je peux tout de suite, pour
ce qui est de l'Opposition, vous dire qu'au moment où la commission aura
donné son jugement, entre guillemets, s'il n'y a pas satisfaction, je
m'offre à collaborer avec vous pour qu'on puisse Intervenir. Je pense
que je n'ai même pas besoin de le demander à ma collègue,
Mme la ministre des Affaires culturelles, on veut plutôt régler ce
dossier que le compliquer.
Mme Bacon: J'aimerais corriger ce que vient de dire le
député de Saint-Jacques, c'est que les décisions de la
commission de reconnaissance sont finales et sans appel.
M. Boulerice: D'où le drame alors. Ne quittez pas, on va
rester encore plus longtemps.
Je pense que la seule voie serait de mandater très
spécifiquement... Est-ce que de mémoire la loi 90 nous permet de
mandater la commission de regarder de façon très
spécifique le cas qui nous est soumis et de nous le présenter
avant de rendre sa décision?
Mme Bacon: Je pense que, si nous avons des auditions, c'est pour
entendre les gens qui viennent nous dire si le projet de loi est applicable
pour eux ou pas, et on s'aperçoit que cela complique la vie de certaines
personnes. Il faudra regarder le plus rapidement possible, avant l'adoption
article par article, cette partie de la loi qui vous touche avec la loi 90,
faire le lien entre les deux si possible et vous en informer. On pourra
discuter, au moment de l'adoption article par article, je pense, à qui
s'applique cette loi.
M. Boulerice: Ce que je pourrais vous suggérer... Ce
parlement, à l'exception peut-être d'un groupe il y a quelques
jours, malheureusement, ce parlement est ouvert à tous. Donc, au moment
de l'étude article par article, si vous pouvez de nouveau vous
déplacer et venir à Québec pour être sur place,
comme on l'a fait au moment de la loi 90... Bien des associations
étaient présentes et on a apporté des amendements parce
qu'ils étaient effectivement sur place. On a pu corriger certains oublis
de la loi.
Alors, disons qu'il y a une première prise aujourd'hui. Vous nous
faites part de vos commentaires. Il y aura la deuxième à partir
du 13 décembre quand il y aura l'étude article par article.
Là, je pense que les légistes qui auront pris connaissance des
commentaires faits par tous les artistes vont apporter des amendements. Si les
amendements ne satisfont pas, on pourra regarder sur place dans quelle mesure
on peut les Inclure. Je pense que c'est actuellement la seule voie, le seul
moyen pour arriver à répondre aux interrogations tout à
fait légitimes que vous avez.
La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce que cela va?
Nous vous remercions.
M. Rogers: Quand aurons-nous des nouvelles à donner
à nos membres à propos de ce qu'on a parlé
aujourd'hui?
Mme Bacon: Je pense que d'ici au 13 décembre on va
s'assurer que le ministère va se pencher sur les différents
mémoires qui nous ont été soumis ou sur toutes les
délibérations de cette commission parlementaire pour tenter de
trouver des solutions au projet de loi qui vont satisfaire les
différents groupes. A ce moment-là, on va communiquer avec
vous.
M. Rogers: Ce serait bon si on pouvait avoir cela avant le 13
décembre.
Mme Bacon: Cela vous permettra de savoir avant le 13
décembre ce que nous avons l'intention d'amender ou pas dans le projet
de loi 78 et où vous pouvez vous situer, mais je pense que d'ici ce
temps-là on sera capable de le trouver.
M. Rogers: D'accord.
Mme Bacon: On va essayer de clarifier la situation.
M. Rogers: Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): Nous vous remercions
et vous souhaitons un bon retour.
Mme Bacon: Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): J'appellerais
maintenant les représentantes de l'Association des traducteurs
littéraires; si elles veulent bien prendre place à la table.
Les membres de cette commission vous souhaitent la bienvenue. Je vous
rappellerai que le temps alloué pour présenter votre
mémoire est de 20 minutes. Par la suite, il y aura une discussion de 40
minutes entre les deux groupes parlementaires et vous-mêmes. Alors, si
vous voulez bien vous présenter et présenter la personne qui fera
l'exposé du mémoire.
Association des traducteurs littéraires
Mme Simon (Sherry): Je m'appelle Sherry Simon. Je suis
coprésidente de l'Association des traducteurs littéraires.
Patricia Claxton est la responsable du comité qui s'occupe des contrats
et du droit d'auteur. C'est Patricia Claxton qui va présenter notre
mémoire.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Allez-y, Mme
Claxton.
Mme Claxton (Patricia): Merci. Mme la Présidente, le
gouvernement du Québec, à l'intérieur de sa juridiction, a
déjà à maintes reprises fait preuve d'une volonté
ferme de défendre les créateurs en favorisant une
amélioration de leur statut social et économique. Les exemples du
fruit de ses efforts sont nombreux, notamment, la création du
Secrétariat à la propriété intellectuelle du
ministère des Affaires culturelles, des ententes relatives à
l'utilisation des oeuvres audiovisuelles et de la reprographie par les maisons
d'enseignement du Québec ainsi que la loi 90 sur le statut professionnel
et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du
cinéma.
L'Association des traducteurs littéraires tient à
féliciter le gouvernement de ces initiatives ainsi que de plusieurs
autres moins remarquées, mais importantes. Nous avons
étudié le projet de loi 78 élaboré à la
suite de l'adoption de la loi 90. Tout en reconnaissant l'effort soutenu du
gouvernement en faveur des artistes, ainsi qu'ils sont désignés
dans te projet de ioi, nous avons certaines réserves importantes quant
aux dispositions énoncées.
En premier lieu, premier lieu en importance d'ailleurs, nous regrettons
vivement la vision qui veut ranger tout ce qui touche fa littérature en
un seul organisme monolithique. Nous constatons que la définition de la
littérature se tient à ia notion traditionnelle de la
littérature et ne tient pas compte des oeuvres scientifiques, pratiques,
journalistiques et ainsi de suite. Même après modification de la
définition du terme "littérature", vouloir faire
représenter par un seul organisme le monde vaste et
hétéroclite qu'est celui de la littérature, même si
cet organisme comprenait des sous-secteurs, n'est tout simplement pas
réaliste. La création d'une association composée
d'associations, loin d'unifier un milieu disparate conformément à
l'espoir du gouvernement, ne ferait qu'imposer une superstructure non seulement
lourde et coûteuse en énergies et frais administratifs, mais aussi
d'une rigidité des plus dangereuses. Les associations devraient avoir la
possibilité de se lier selon le besoin au lieu d'y être
obligées pour obéir à une vision artificielle
d'unification.
Si on voulait créer des sous-secteurs dans le domaine de ia
littérature, ce serait valable dans les catégories qui
correspondent à la réalité: oeuvres publiées sous
forme de livres; créations théâtrales; paroles de chansons;
traductions. Toute autre division des genres serait artificielle, vouée
par ce fait même à l'échec.
Le projet de ioi ne prévoit aucun mécanisme permettant de
modifier les structures prescrites. Les artistes en littérature
risqueraient, en conséquence, d'être pris dans une
hiérarchie permanente où les artistes membres de ce secteur, peu
nombreux, n'auraient jamais le poids numérique nécessaire pour se
faire entendre. La possibilité d'autres structures n'est apparemment pas
envisagée. Dans ces conditions, la perspective d'avenir sera, pour les
artistes de la littérature, d'une rigidité étouffante.
Selon l'article 8, par ailleurs, l'artiste professionnel aurait la
liberté d'adhérer à une association, etc., et n'y est donc
pas obligé. Mais, tout au long du projet de loi 78, on comprend que
seuls les artistes intégrés aux structures prescrites auraient
droit aux avantages prévus. On suppose également que, selon la
même logique, seuls ces artistes auraient droit à la
reconnaissance du ministère des Affaires culturelles. Cette perspective
d'exclusion nous semble contraire à l'esprit d'ouverture qui
caractérise les relations développées et maintenues entre
le ministère et les artistes de toutes les catégories depuis le
début des années quatre-vingt.
On comprend que l'idéal, du point de vue de l'administration,
serait que toute communication entre le gouvernement et les artistes
concernés passe par les trois tuyaux des domai-
nés de reconnaissance prévus par le projet de loi. On
comprend également qu'il s'agit aussi d'une façon d'assurer que
les artistes favorisés soient de vrais artistes et non pas des amateurs.
On sait cependant que le fait même de légiférer n'a rien de
magique. En ce qui concerne le troisième tuyau de la littérature,
nous sommes persuadés qu'il faudrait bien de la magie pour que cet
idéal d'une seule association reconnue se réalise et fonctionne
de façon adéquate.
Pour toutes les raisons énumérées ci-dessus, nous
recommandons ce qui suit: Pour le domaine de la littérature, que soit
abandonnée la notion d'une seule association d'artistes professionnels
à laquelle la reconnaissance serait accordée en
exclusivité, qu'une formule plus flexible lui soit substituée
après consultation avec les artistes de la littérature
intéressés.
Au chapitre III, la section I sur les contrats individuels reprend
largement les dispositions de la Loi sur le droit d'auteur. Elle assure donc
que les notions de droit civil, tels l'entente verbale et le consentement
tacite, n'entreraient pas en ligne de compte dans des jugements. Cependant, une
lacune nous saute aux yeux: le diffuseur doit garder des registres et rendre
compte à l'artiste de ses perceptions, mais rien n'est dit au sujet des
paiements qu'il doit verser à l'artiste. (17 heures)
De même, au chapitre IV, les articles 44 et 45 prévoient
des amendes au diffuseur qui fausse ses registres. Encore une fois, rien n'est
dit au sujet de l'omission des paiements dus à l'artiste par le
diffuseur.
Nous nous rendons compte que les relations contractuelles, en
l'occurrence les paiements dus à l'artiste, sont assujetties aux
règles générales du Code civil relatives aux contrats et
que, par conséquent, l'artiste peut recourir aux remèdes
prévus par le Code civil. Néanmoins, compte tenu des lourdeurs et
des longueurs de la procédure civile et de la condition relativement
démunie de l'artiste dans presque tous les cas de litige, nous
recommandons ce qui suit: que des recours sommaires soient créés
afin d'assurer à l'artiste la récupération rapide des
sommes qui lui sont dues par le diffuseur.
Dans le même ordre d'idées, l'article 35 stipule la
résiliation du contrat en cas de faillite, d'Insolvabilité, etc.
L'artiste récupérerait donc ses droits mais, par la force des
choses, il serait mal placé par rapport aux banques et aux pourvoyeurs
pour ce qui est des créances. Premier propriétaire de son oeuvre,
II devrait avoir, parmi les créanciers, un statut
privilégié. À ce chapitre, nous recommandons ce qui suit:
que l'artiste ait le statut de premier créancier
privilégié si le diffuseur devient Insolvable, tombe en
état de faillite ou se trouve dans l'une ou l'autre des situations
énumérées dans l'article 35.
Nous nous permettons respectueusement de faire remarquer à la
commission la brièveté du délai qui nous a
été accordé pour l'étude de ce projet de loi. Nous
avons l'impression de n'en avoir entamé que les aspects fondamentaux;
nous n'avons pas eu le temps nécessaire pour approfondir nos
réflexions et nos consultations. Nos interlocuteurs du gouvernement
oublient sans doute que les impératifs quotidiens de nos vies
professionnelles, ainsi que ceux de l'administration de notre association, ne
cessent pas dès l'instant que le gouvernement choisit de nous
convoquer.
En conclusion, nous voulons exprimer notre vive reconnaissance pour
l'attention que le gouvernement du Québec porte aux problèmes des
artistes et ce, depuis plusieurs années. Nous croyons cependant qu'en
voulant mettre tout en ordre en procédant avec le projet de loi 78 de la
façon prévue, avec la création de trois domaines
d'artistes professionnels dont l'un englobe un éventail disparate
d'activités littéraires, et avec l'imposition d'une seule
association reconnue dans chacun des trois domaines, on risque de créer
un monstre à trois têtes, incapable de répondre aux besoins
réels des artistes et qui n'aurait même pas la vertu d'être
mortel.
Tout en remerciant la commission d'avoir bien voulu nous écouter,
nous reprenons ci-dessous nos recommandations formulées plus haut:
Premièrement, pour le domaine de la littérature, que soit
abandonnée la notion d'une seule association d'artistes professionnels
à laquelle la reconnaissance serait accordée en
exclusivité; qu'une formule plus flexible lui soit substituée
après consultation avec les artistes de la littérature
intéressés.
Deuxièmement, que des recours sommaires soient
créés afin d'assurer à l'artiste la
récupération rapide des sommes qui lui sont dues par le
diffuseur.
Troisièmement, que l'artiste ait le statut de premier
créancier privilégié si le diffuseur devient insolvable,
tombe en état de faillite ou se trouve dans l'une ou l'autre des
situations énumérées dans l'article 35.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Ciaxton.
Mme la ministre?
Mme Bacon: Alors, Mme Claxton, j'aimerais vous remercier de votre
présence à notre commission, vous remercier aussi du travail que
vous vous êtes imposé pour préparer ce mémoire. Je
comprends que le temps était très court et que nous avons
dû, chacun de part et d'autre, essayer de faire rapidement. Je sais
très bien que, quand on est entre les quatre murs de ce parlement, il y
a certains impératifs quotidiens qui nous échappent par moments.
Mais je dois vous dire que nous étions conscients du temps très
court qui vous était alloué. C'est pour cela que nous n'avions
pas obligé les gens à nous faire parvenir leur mémoire
à l'avance et, sans même les obliger à préparer un
mémoire, nous
les avons invités à venir discuter avec nous au cours de
ces auditions particulières. Je dois vous remercier de ce travail que
vous vous êtes imposé, de cette rigueur avec laquelle vous avez
travaillé au cours de ces derniers Jours.
Vous recommandez, dans votre mémoire, pour le domaine de la
littérature, que la notion d'une seule association - c'est votre
première recommandation - soit abandonnée, qu'il y ait une
formule plus flexible. Si vous aviez à trouver aujourd'hui avec nous une
formule plus flexible, est-ce que vous auriez des recommandations à nous
faire?
Mme Claxton: II faut avouer que non, mais il nous semble qu'il
existe ces quatre domaines que nous avons énumérés qui
sont des domaines, des secteurs, des sous-secteurs naturels. Peut-être
qu'on pourrait reconnaître ces domaines dans le projet de loi.
Mme Bacon: Vous soulignez aussi que la définition de
littérature du projet de loi exclut ies oeuvres scientifiques,
pratiques, journalistiques. Est-ce que vous pensez que nous devrions ouvrir le
champ d'application d'une loi sur le statut de l'artiste professionnel aux
auteurs des secteurs que vous mentionnez?
Mme Claxton: II s'agit surtout du fait que la plupart des
écrivains et des traducteurs doivent recourir à d'autres
espèces d'écritures pour se faire vivre. Aussi, un peu,
d'après la Loi sur le droit d'auteur, la loi ne différencie pas
la "vraie littérature" - entre guillemets - et tout ce qui est
écrit. Donc, il est difficile, vraiment difficile, de cerner exactement
ce qui est littérature et ce qui ne l'est pas.
Mme Bacon: À la page 3 de votre mémoire, je suis un
petit peu en désaccord avec vous quand vous nous dites que seuls les
artistes intégrés aux structures prescrites auraient droit aux
avantages prévus. Vous dites que vous supposez que seuls ces artistes
auraient droit à ia reconnaissance du ministère des Affaires
culturelles. Je voudrais savoir sur quelle base vous vous appuyez pour dire
cela. Est-ce que le projet de loi vous porte à croire que nous avons une
orientation telle que vous la décrivez? Est-ce que c'est l'impression
que cela vous laisse quand vous regardez le projet de loi? Vous pourriez
peut-être nous dire où nous devrions corriger, parce que je ne
suis pas tout à fait en accord avec vous.
Mme Claxton: II s'agit surtout de cela, si on n'est pas dedans,
on n'existe pas. C'est surtout cela.
Mme Bacon: Vous pensez que nous nions l'existence des
associations qui ne seraient pas incluses là-dedans?
Mme Claxton: Excusez-moi?
Mme Bacon: Vous croyez que c'est une négation de
l'existence des associations qui ne sont pas décrites? C'est cela?
Mme Claxton: Oui.
Mme Bacon: Ce n'est sûrement pas notre façon de
faire.
Mme Claxton: Ce n'était sans doute pas l'intention, mais
à lire...
Mme Bacon: C'est une crainte.
Mme Claxton:... le projet de loi, il n'y a rien pour indiquer le
contraire.
Mme Bacon: J'aimerais peut-être vous référer
à l'article 6, où on dit: "A le statut d'artiste professionnel,
le créateur du domaine des arts visuels, des métiers d'art ou de
ia littérature qui satisfait aux conditions suivantes: 1° ii se
déciare un artiste professionnel; 2° il crée des oeuvres pour
son propre compte; 3° ses oeuvres sont exposées, produites,
publiées... " Rien n'oblige l'artiste professionnel à être
attaché à une association comme telle.
Mme Ciaxton: Non; je crois que nos craintes s'orientent dans ie
sens que les artistes qui ne sont pas membres d'une association reconnue, de ia
seule association reconnue, ils sont là, mais ils n'auront sans doute
pas ies qualités de dialoguer avec ie gouvernement. Disons que...
Mme Bacon: Mais non. Un artiste professionnel est celui qui se
déclare professionnel et ils sont couverts par l'article 6. C'est pour
cela qu'on prévoit ces deux possibilités: ou vous faites partie
d'une association...
Mme Claxton: Oui.
Mme Bacon:... ou, si vous n'en faites pas partie, le fait de vous
déclarer artiste professionnel, de créer des oeuvres pour votre
propre compte, d'exposer des oeuvres, de les produire, de les publier fait de
vous un artiste professionnel, donc, qui est reconnu par le
ministère.
Mme Simon: Si je peux continuer. Je pense qu'on reprend
peut-être les craintes qui ont été exprimées par les
dramaturges qui nous ont précédées, c'est-à-dire la
minorisation de certaines associations à l'intérieur de plus
grandes associations. Je pense qu'il s'agit essentiellement de cela. Nous ne
savons pas quel serait le rôle de cette grande organisation par rapport
aux éléments minoritaires qui en feraient partie. Nous sommes une
organisation très petite. Nous n'avons jamais été un
organisme qui s'est bureaucratisé beaucoup. Nous n'avons vraiment
pas beaucoup de moyens matériels et donc, noyés à
l'intérieur d'une grande organisation, on ne sait pas exactement le sort
qui nous sera réservé. Les mécanismes ne sont pas du tout
décrits encore.
Mme Bacon: En fait, je comprends la crainte de certaines
associations. Il n'y a pas d'habitude de regroupement sous une association
chapeau. Il n'y a pas une habitude et il y a des années qu'on discute de
ce regroupement et cela ne s'est jamais fait. Je pense qu'il est souhaitable
que cela se fasse, sauf que je comprends aussi que certaines associations dont
le membership est moins nombreux par rapport à d'autres où cela
est plus structuré, comme, par exemple, si on compare 50 membres
à 250, aient des craintes, comme celle où il n'y a que 50 membres
par rapport à celles où il y en a 250 ou 300. Je pense que c'est
très compréhensible. C'est pour cela que, ce matin, il y en a qui
nous disaient: Une association chapeau ou un regroupement peut se faire. Il
faudra donner du temps. Je pense qu'on est très sensible à ce qui
nous a été dit depuis ce matin là-dessus.
Mme Simon: II y a peut-être un élément
additionnel par rapport aux traducteurs. Nous sommes surtout dans le domaine du
livre, mais pas exclusivement. C'est-à-dire que, dans la traduction,
vous avez aussi la traduction théâtrale, la traduction de films.
Donc, nous aussi, une proportion de nos membres, une proportion assez petite
quand même, tombe entre les lois et tombe entre les organisations. Du
moment qu'un regroupement se ferait sur le critère du livre, par
exemple, cela nous engloberait à 80 % environ, mais pas totalement non
plus.
Mme Bacon: II y aurait les 20 % qui appartiennent à
d'autres catégories.
Mme Simon: Exactement. Traduction théâtrale,
traduction de chansons, tous les domaines qui ont été
mentionnés aussi. Donc, c'est un problème de mécanismes
contractuels qui seraient tout à fait différents dans ces
cas-là.
Mme Bacon: Comme on le disait tout à l'heure, c'est du
droit nouveau et il faut clarifier davantage pour ne pas compliquer la vie des
gens. Ce n'est pas notre intention, au contraire. On veut essayer
d'améliorer les choses et de faire en sorte qu'on clarifie avant
l'adoption article par article. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme la
ministre. M. le député de Saint-Jacques. (17 h 15)
M. Boulerice: Mme la Présidente. Mme Claxton, je regarde
les trois recommandations que vous formulez. Je vais commencer par la
deuxième et la troisième. Vous dites: "que le recours sommaire
soit créé afin d'assurer à l'artiste la
récupération rapide des sommes qui lui sont dues par le
diffuseur" et la troisième: "que l'artiste ait le statut de premier
créancier privilégié si le diffuseur devient insolvable,
tombe en état de faillite ou se trouve dans l'une ou l'autre des
situations énumérées dans l'article 35. " Je dois vous
dire que, naturellement, très spontanément, c'est sympathique,
une formulation comme celle-là, sachant fort bien que le milieu de la
culture n'est pas le milieu le plus prospère et que, dans ce milieu, la
perte d'une oeuvre, contrairement peut-être à d'autres - je ne me
livrerai pas à une simple guerre, une lutte de classes -
représente beaucoup plus, peut-être, que la perte, je ne sais pas,
moi, prenons l'exemple d'une puissante multinationale, une banque, qui se
serait trompée dans un prêt hypothécaire ou dans une
rangée de bungalows, pour faire image.
Vous dites, dans votre première recommandation pour le domaine de
la littérature: "Que soit abandonnée la notion d'une seule
association d'artistes professionnels à laquelle la reconnaissance
serait accordée en exclusivité; qu'une formule plus flexible lui
soit substituée après consultation avec les artistes de la
littérature intéressés. " Au fur et à mesure que se
déroule la discussion - on a entendu tantôt des gens du domaine
des arts visuels - nous en sommes maintenant à une deuxième
intervention des gens de la littérature comme telle, on n'a pas à
hésiter à légiférer de façon très
spécifique pour la littérature, dans un sens, en ayant une loi,
une politique du livre au Québec. On fait du droit nouveau, je suis
d'accord, et, comme je le dis, on souhaite bien réussir. Il y a
peut-être des secteurs où nous serons obligés de vivre
avec, comme je l'ai expliqué tantôt, en disant qu'il y aurait
peut-être des correctifs, sauf que là, je commence à voir
que la pile des griefs commence à monter tranquillement, ce qui fait
que, peut-être à la fin de la commission, je ne verrai plus les
interlocuteurs qui sont devant nous. La question que je vais vous poser
très abruptement et pour laquelle je vais vous demander une
réponse, c'est: Est-ce que vous croyez, compte tenu de cette
complexité - parce que vous avez quand même entendu vos
collègues tantôt et vous allez en entendre d'autres à
venir, qui sont du domaine de la littérature - que la loi 78 devrait
être une loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels et
des métiers d'art, qu'il y ait trois lois pour encadrer cela: la loi 90,
la loi 78 qui toucherait le statut professionnel des artistes des arts visuels
et des métiers d'art, et une troisième loi pour la
littérature, compte tenu des objets très spécifiques que
vous nous mentionnez, l'éventail considérable? Est-ce que, dans
votre pensée, il y avait un peu cet élément?
Une voix: Est-ce que vous pouvez résumer un peu la
question?
M. Boulerice: Je vous demande si... Mme Bacon:...
M. Boulerice: il ne faut pas "faire simple", par contre, Mme ia
ministre. Originaire de Chicoutimi, vous connaissez bien l'expression. Enfin,
ayant vécu à Chicoutimi.
Mme Bacon: Ha, ha, ha!
Mme Simon: La question, c'est précisément ia
spécificité du domaine de la littérature, parce que le
domaine de la littérature, normalement... Il me semble que les groupes
qui ont été ciblés pour travailler ensemble dans cette loi
ne sont pas des groupes habituellement associés. Par exemple, nous, les
traducteurs, sommes associés depuis longtemps avec l'UNEQ: nous avons
des rapports, nous connaissons le domaine du livre. Je ne sais pas si les gens
des autres domaines, celui du théâtre, de la chanson, l'UNEQ, les
traducteurs, ces gens-là tous ensemble... On n'a pas tellement
l'habitude d'avoir affaire aux mêmes types de problèmes. Je pense
que la notion de littérature en elle-même appliquée
à ces groupes semble poser un problème. J'assistais à une
première rencontre d'information, il y a quelque temps, sur la question,
et je pense que les groupes convoqués étaient assez
étonnés de se trouver ensemble sous la rubrique
"littérature". Disons que ce n'est pas un mécanisme
conventionnel, je pense.
M. Boulerice: Est-ce que vous voulez préciser?
Mme Ciaxton: Non, je crois que ceia résume pas mal la
chose, il y a aussi la question de visualiser un peu les personnes qui
rempliraient les hautes fonctions de cette association chapeau qui,
forcément, serait tributaire de l'un ou l'autre des sous-secteurs et qui
ne serait pas tout à fait au courant de toutes les questions touchant
les autres secteurs. Peut-être qu'un jour, avec le temps, comme on l'a
déjà dit, cela pourra se faire, mais je ne crois pas que nous
soyons prêts à ce moment-ci.
M. Boulerice: II y a trois éléments qui sont
contenus dans la loi: la notion d'arbitrage obligatoire, la notion de contrat
comme tel... Quels sont vos commentaires sur ces éléments?
Mme Ciaxton: Nos commentaires sur la notion du contrat?
M. Boulerice: Le contrat et l'arbitrage obligatoire.
Mme Ciaxton: La section sur les contrats est bien car, comme nous
l'avons remarqué, cela reprend les éléments de la Loi sur
le droit d'auteur et les met dans un contexte québécois.
Toutes les dispositions touchant ie contrat nous semblent très
bien, mais ii n'y a rien de très nouveau là-dedans, il me
semble.
En ce qui concerne les ententes collectives, nous sommes loin
d'être au point de pouvoir entrer dans ce genre de négociation. Le
monde de l'édition se prêts mal à ce genre de choses,
surtout que les négociations ne sont pas obligatoires puisque c'est
facultatif, il n'y a rien qui empêcherait tes éditeurs de dire:
Allez-vous-en, vous nous faites perdre notre temps, nous allons embaucher des
traducteurs d'ailleurs, nous aiions aller en France, par exemple, en embaucher.
Ce qui se fait déjà. Mais essayer de les faire entrer en
négociation pour ensuite être vraiment obligé de respecter
l'entente statuée, !! est peu probable qu'ils acceptent cela. Même
s'ils acceptent cela, y a-t-il quoi que ce soit pour ies empêcher de
faire un marché noir à côté, de traiter avec
d'autres écrivains et d'autres traducteurs qui ne font pas partie de
l'association chapeau?
M. Boulerice: Le contrat, vous dites qu'il est
intéressant, mais - est-ce que Je vous comprends bien? - vous souhaitez
que la notion de contrat soit obligatoire.
Mme Claxton: Non, je n'ai pas dit que nous souhaitons que ce soit
obligatoire. J'ai dit que, du côté des négociations
collectives qui sont facultatives, on peut entrer en négociation. Il
nous semble que cela ne ferait pas gagner grand-chose. Je crois que c'est tout
ce que je voulais dire.
M. Bouîerice: D'accord. Vous me permettrez juste un
commentaire. Le temps de consultation est, effectivement, très bref.
Croyez-moi, je n'y suis, malheureusement, pour rien. Le projet de loi a
été déposé à ia limita que nous permettent
les règles de procédure du Parlement. Mme la ministre veut ia loi
pour Noël, je suis bien d'accord, moi aussi, on aime tous être
"Santa Claus". Je souhaite bien qu'elle soit ià pour Noël, sauf
que, si elle n'est pas ià à ia satisfaction des gens, je pense
qu'à ce moment-là il faudra peut-être revoir nos choses.
Mais je partage avec vous un petit peu, je sais que votre quotidien vous prend
et que venir en commission parlementaire vous oblige à une surcharge de
travail qui n'est pas facile dans une voie, effectivement, qui est complexe,
qui est nouvelle, sauf que vous en avez quand même fait i'effort avec un
questionnement serré et je vous en remercie. Alors, je pense que ce que
vous nous avez apporté va faire partis des réflexions, et disons
qu'on va aussi vous donner rendez-vous le 13 pour l'étude article par
article, en souhaitant que la formulation de la loi puisse vous satisfaire;
à défaut, bien, je prendrai de nouveau avis de vos commentaires
quant à l'adoption de cette loi.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de Saint-Jacques. Mme la ministre.
Mme Bacon: Mme la Présidente, une petite remarque, qui
touche plutôt le député de Saint-Jacques que les gens qui
viennent témoigner cet après-midi. Je préfère un
gouvernement qui attend vers la fin de la session pour déposer - ce
n'était vraiment pas la date limite, puisque nous avons
déposé notre projet de loi avant la date limite, donc, pas ce que
vient de dire le député de Saint-Jacques - je
préfère encore cela à un gouvernement qui ne l'a jamais
fait.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme la
ministre. Nous vous remercions, mesdames, et nous vous souhaitons un bon
retour.
Une voix: Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): La commission suspend
ses travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 27)
(Reprise à 20 h 4)
La Présidente (Mme Bélanger): A l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de la culture reprend ses travaux afin de
procéder à une consultation particulière dans le cadre de
l'étude détaillée du projet de loi 78, Loi sur le statut
professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d'art et de la
littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs. Nous recevons ce
soir la Société des musées québécois.
Je vais vous dire les règles du jeu. Vous avez 20 minutes pour
présenter votre mémoire et, par la suite, il y aura une
discussion entre les deux groupes parlementaires pendant 40 minutes. Si vous
voulez bien vous présenter et présenter la personne qui vous
accompagne.
Société des musées
québécois
M. Côté (Michel): Je me présente, Michel
Côté, président de la Société des
musées québécois, et je suis accompagné de Mme
Ariette Blanchette, qui est la directrice générale de la
Société des musées québécois.
Voici un bref rappel de la société tout de même. La
société regroupe 112 membres institutionnels et environ 550
membres individuels. Nos membres se retrouvent sur l'ensemble du territoire du
Québec, dans toutes les régions administratives, et couvrent
à la fois des centres d'exposition et des musées.
SI vous le voulez bien, nous allons aborder notre mémoire
à deux, pour briser un peu la monotonie de la présentation.
La Présidente (Mme Bélanger): Cela va, M.
Côté.
M. Côté (Michel): Disons d'abord que la
Société des musées québécois se
réjouit du projet de loi. Il y avait déjà eu un premier
pas qui avait été fait reconnaissant un statut professionnel pour
les artistes, mais il restait le pas des arts visuels et de la
littérature et la société applaudit la reconnaissance
officielle par l'État de toute la communauté artistique telle que
proposée par le projet de loi 78.
S'il y a un accord de principe fondamental avec le projet de loi, on va
s'attarder davantage, nous, à la question des contrats entre les
artistes et les diffuseurs et on va en profiter pour souligner certains points
qui, on le pense, sur un plan pratique, méritent des
éclaircissements ou qui devraient être changés pour
améliorer la gestion de la loi. Nous ne sommes, évidemment, ni
linguistes, ni juristes, mais attentifs et préoccupés par le
rendu de la loi le plus possible.
La première chose qu'on voudrait soulever, c'est, à
l'article 2 du projet de loi, la définition d'arts visuels, où on
lit: "la production d'oeuvres originales de recherche ou d'expression, non
utilitaires, uniques ou d'un nombre limité d'exemplaires,
exprimées notamment par la peinture, la sculpture, l'estampe, le dessin,
la photographie, les arts textiles, l'installation, la performance et la
vidéo d'art; " II nous semblerait plus adéquat d'enlever
l'expression "non utilitaires", non pas parce que les arts visuels le sont en
général, mais parce qu'à l'occasion des oeuvres d'art sont
utilitaires tout en restant quand même dans le domaine des arts visuels.
On donne l'exemple d'un photographe contemporain qui présenterait des
négatifs pour illustrer des articles de journaux, négatifs qui,
deux ans plus tard, pourraient se retrouver dans un musée, comme le
Musée d'art moderne de New York. Donc, la photo était d'abord
utilitaire, toujours à propos de l'artiste, et, en deuxième lieu,
il s'agit d'une pure création.
Toujours à l'article 2, dans la même définition, la
Société des musées québécois trouverait plus
pertinent d'ajouter, après "notamment", les mots "et entre autres". Il y
a probablement un problème de langue, et je ne connais pas assez le
jargon des juristes, mais "notamment" pourrait signifier un aspect restrictif.
Alors, pour être sûrs que c'est très ouvert, on a
ajouté "et entre autres". Cela permettrait de reconnaître toute
autre forme d'art inventée après l'apparition de la loi et
acceptée comme telle par les pairs. L'installation, la performance et la
vidéo d'art n'ont été reconnues qu'au début des
années quatre-vingt par le ministère, mais ces formes d'art
existaient déjà dans les années soixante. À cette
époque, les artistes en Installation, performance, happening, action ou
vidéo d'art faisaient bien de l'art, même si leur création
n'était pas officiellement acceptée, quoique leurs pairs, eux,
les reconnaissaient.
Toujours dans la continuité de l'article 2, la définition
des métiers d'art: "la production d'oeuvres originales, uniques ou d'un
nombre limité d'exemplaires, destinées à une fonction
utilitaire, décorative ou d'expression et exprimées par
l'exercice d'un métier relié à la transformation du bois,
du cuir" etc., nous semble plus ouverte car le terme "ou" permet que ce soit
des oeuvres utilitaires ou non. Donc, on voudrait que, pour les arts visuels,
ia même chance se présente. Arlette.
Mme Blanchette (Arlette): De plus, à i'articie 5, on peut
lire: "La présente loi s'applique au gouvernement et à ses
ministères, organismes et autres mandataires lorsqu'ils contractent avec
des artistes relativement à leurs oeuvres. " Revenons à i'article
2 car, à ia lumière de l'article 5, le terme "non utilitaires"
pourrait faire problème. Ainsi, dans la loi qui oblige tous les
ministères à intégrer des oeuvres à l'architecture,
loi parfois nommée "loi du 1 %", certaines oeuvres d'artistes en art
visuel sont utilitaires parce que commandées ainsi et approuvées
par le jury et l'artiste. Par exemple, au Musée du Bas-Saint-Laurent,
à Rivière-du-Loup, on a demandé à l'artiste Michel
Lagacé que son oeuvre d'intégration serve à mieux
identifier et reconnaître le musée. On lui donnait presque une
fonction de signalisation tout en lui laissant une totale liberté de
création.
À l'article 26, 8°: "élaborer des contrats types quant
aux conditions de diffusion des oeuvres des artistes professionnels et en
proposer l'utilisation aux diffuseurs. " La grande majorité des
institutions représentées par la Société des
musées québécois fonctionne déjà avec des
contrats. Le droit d'être protégés par une entente
écrite est, selon nous, très important pour les deux parties.
À la satisfaction de plusieurs et, entre autres, de la
société, les droits des artistes en art visuel sont de plus en
plus reconnus. Cependant, la nature des contrats peut être
différente selon les types d'oeuvre et selon ies autres droits dont on
doit tenir compte dans le contrat, comme, par exemple, la Loi sur le droit
d'auteur. Cette complexificaîion est amplifiée aussi par la nature
du lieu où se passe l'événement. Nous croyons donc qu'il
peut eî doit y avoir des contrats types quant aux conditions de diffusion
mais nous suggérons que ces derniers soient établis en
étroite collaboration avec des diffuseurs. Pour illustrer mes propos, je
dirais qu'un diffuseur, te) un musée, un centre d'exposition va parfois
regarder des éléments qui ne concernent pas directement des
artistes. Par exemple, pour la sécurité dans un musée, une
oeuvre doit être exposée de telle ou telle manière. De
plus, elle ne peut se situer devant une porte de secours ou nuire à
l'évacuation. En ce sens, le diffuseur peut exiger d'avoir un droit de
regard final non pas sur l'oeuvre, mais sur la manière d'exposer.
M. Côté (Michel): L'article 36: "Sauf renonciation
expresse, tout différend sur l'interprétation du contrat est
soumis, à ia demande d'une partie, à un arbitre. Lorsque le
différend survient, ies parties doivent passer compromis et
désigner un arbitre. Les articles 940 à 951 du Code de
procédure civile s'appliquent à cet arbitrage, compte tenu des
adaptations nécessaires. " Cela peut s'avérer complexe et lourd,
quoique tout à fait légitime pour ies deux parties. L'arbitrage,
tel que prévu au Code de procédure civile, peut être iong
et onéreux. Avec le budget qui leur est consenti présentement par
ie ministère, ia grande majorité des institutions que nous
présentons ne pourraient pas, sans des sommes d'argent additionnelles,
répondre à cette demande puisqu'il y aurait des frais, nous
pensons, juridiques, qui s'ajouteraient.
L'arîicSe 39 pose carrément problème, lorsqu'il est
mentionné: "Le diffuseur doit tenir à jour à chacune de
ses places d'affaires un registre relatif aux oeuvres des artistes des domaines
des métiers d'art et des arts visuels qu'il a en sa possession et dont
il n'est pas propriétaire. Ce registre doit comporter ie nom du
titulaire du droit de propriété de chaque oeuvre; une mention
permettant d'identifier l'oeuvre; la nature du contrat en vertu duquel le
diffuseur en a la possession. Ces inscriptions doivent être
conservées dans le registre du diffuseur tant qu'ii assume Sa
responsabilité des oeuvres en application d'un contrat. L'artiste
lié par contrat avec le diffuseur peut consulter ce registre eî en
prendre copie en tout temps pendant les heures d'affaires du diffuseur. "
L'expression "à chacune de ses places d'affaires" peut être
exagérée pour ies Institutions muséales sans but lucratif
que nous représentons. Le Musée du Québec, par exemple,
tient des expositions à ia Galerie du Musée, située sur le
boulevard Champlain, et ie registre peut se retrouver au Musée du
Québec. Cela, je crois, ne nuit en rien aux artistes. Il y aurait
peut-être lieu de préciser que le registre doit être
disponible au siège social de l'organisme.
Toujours à l'article 39, troisième alinéa,
l'expression "heures d'affaires du diffuseur" peut être confondante pour
Ses institutions muséales ouvert du mardi au dimanche pour le public.
Par contre, il est impossible pour un artiste d'y consulter les registres les
fins de semaines, ies bureaux étant fermés. Peut-être
devrions-nous établir une distinction entre ies heures d'ouverture
eî ies heures d'affaires, surtout qu'à i'articie 45 on impose des
amendes si l'artiste ne peut consulter ie registre. De plus, il est à
noter dans ia phrase "L'artiste lié par contrat avec le diffuseur peut
consulter ce registre et en prendre copie en tout temps pendant les heures
d'affaires du diffuseur" qu'il sera impossible pour les institutions
muséales de répondre en tout temps à la demande d'un
artiste.
Nous demandons qu'on change l'expression pour "L'artiste lié par
contrat avec le diffuseur
peut consulter ce registre et en prendre copie dans les dix jours
suivant une demande et ce, pendant les heures d'affaires du diffuseur. "
Mme Blanchette: À l'article 41, "Une association reconnue
et un diffuseur ou une association de diffuseurs peuvent négocier et
agréer une entente fixant les conditions minimales de diffusion des
oeuvres des artistes représentés par l'association reconnue. " Il
ne mentionne pas que, pour les cas des arts visuels, il y a une tierce partie,
soit le ministère des Affaires culturelles, qui décide des sommes
allouées comme mesure compensatoire aux artistes. La
Société des musées québécois est donc dans
l'impossibilité pour le moment d'être d'accord avec cet article.
Le diffuseur n'est qu'un entremetteur entre l'artiste et le gouvernement,
c'est-à-dire qu'il remet au créateur la somme fixée et
allouée par le ministère des Affaires culturelles.
À l'article 46, "La Commission de reconnaissance des associations
d'artistes exerce, pour l'application du chapitre II, les pouvoirs que lui
confère la Loi sur le statut professionnel et les conditions
d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma
(1987, chapitre 72). " La Société des musées
québécois demande que la Commission de reconnaissance des
associations d'artistes soit vraiment représentative de tous les milieux
concernés par le projet de loi 78.
M. Côté (Michel): Donc, dans l'ensemble et pour
conclure, nous réitérons notre appui à ce projet juste et
raisonnable. Nous nous devons cependant de rappeler que l'application de cette
loi nécessitera des déboursés supplémentaires de la
part des institutions que nous représentons, déboursés
d'autant plus grands pour les petits musées ou centres d'exposition qui
ne possèdent pas de secrétariat ou d'archives, n'ayant bien
souvent à leur tête qu'un homme ou une femme orchestre qui se
préoccupe davantage d'exposer les oeuvres pour les montrer au public que
de satisfaire les exigences bureaucratiques normales et nécessaires,
mais impossibles. Si le gouvernement consent des sommes nouvelles pour
l'application de cette loi, la Société des musées
québécois le félicite de cette heureuse initiative et lui
donne sans réserve son appui. (20 h 15)
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M.
Côté et Mme Blanchette. Mme la ministre?
Mme Bacon: Alors, je ne pourrais pas vous cacher, M.
Côté et Mme Blanchette, tout le plaisir que j'ai de vous entendre,
ce soir. On avait l'Impression, aujourd'hui, qu'on s'était totalement
trompé de route en faisant le projet de loi. Mais je pense qu'en tout
cas cela nous ramène un peu dans un contexte plus global de cette loi,
qui est quand même une loi qui a été faite pour aider les
artistes et pour établir cet équilibre entre les diffuseurs et
les artistes.
Je me suis arrêtée tout de suite à la page 2
où vous applaudissiez à la reconnaissance, par l'État, de
toute la communauté artistique et j'aimerais que vous élaboriez
davantage sur ce qui vous paraît intéressant pour vos membres,
dans cette loi. Est-ce qu'il y a des choses que vos membres vont retirer de
cette loi, qu'ils n'avaient pas auparavant?
M. Côté (Michel): Cela va certainement faciliter la
négociation entre Ses créateurs et les diffuseurs puisque,
maintenant, il va y avoir des régies plus établies, des contrats
types. Il va y avoir aussi une association qui va représenter l'ensemble
des créateurs. Donc, cela va faciliter, là aussi, la
négociation.
Donc, en clarifiant nos rôles, cela va également faciliter
le dialogue entre les diffuseurs puisqu'il y a une reconnaissance des
créateurs, de leur association. On va pouvoir se mettre à table
ensemble et négocier les choses plus clairement. Donc, pour nous, c'est
positif parce que les règles du jeu sont plus claires et plus
formelles.
Mme Bacon: À la page 3, vous avez indiqué qu'il
vous semblerait plus adéquat d'enlever l'expression "non utilitaires".
Je pense que cela n'est pas la première fois qu'on entend cela
aujourd'hui. On s'aperçoit que cela serait préférable
qu'il soit enlevé de là, et certaines personnes prenaient cela
d'une façon plus négative. S'il faut expliquer davantage un
article de loi, c'est parce qu'il y a peut-être des changements à
y apporter pour qu'il soit encore plus clair et plus véridique quant
à la situation actuelle.
En page 5 de votre mémoire, vous nous soulignez - et là,
je vous cite - "Nous croyons donc qu'il peut et doit y avoir des contrats types
quant aux conditions de diffusion mais nous suggérons que ces derniers
soient établis en étroite collaboration avec des diffuseurs. "
Est-ce que vous iriez jusqu'à vouloir que des contrats types soient
négociés avec la société que vous
représentez et que cette négociation soit obligatoire?
M. Côté (Michel): Obligatoire est un grand mot.
L'important, c'est le résultat final. Je pense que, de toute
façon, si on veut qu'un contrat type soit appliqué chez les
diffuseurs, II faut qu'il soit un peu agréé, il faut que les
diffuseurs en fassent un peu leur contrat type également. Et, pour ce
faire, il faut nécessairement qu'il y ait des échanges
obligatoires. D'autant plus qu'on pense qu'un contrat type doit couvrir un
certain nombre de réalités que seuls les diffuseurs connaissent
ou que les diffuseurs connaissent un peu mieux. Il y a bien sûr l'oeuvre
d'art, mais i! y a aussi la façon d'exposer cette oeuvre d'art et cela,
ce sont les diffuseurs qui en ont la responsabilité. Donc, on pense
qu'un contrat type qui ne serait fait que par des créateurs risque-
rait d'avoir des clauses un peu boiteuses et qu'il faut
nécessairement ie faire avec des diffuseurs pour qu'on s'entende. De
toute façon, si on veut que ie contrat type soit appliqué et que
Ses diffuseurs en fassent leur contrat type, je pense qu'il faut qu'ils
collaborent.
Maintenant, est-ce que cela doit être une obligation envers la
société ou envers d'autres groupes? Honnêtement, on n'a pas
décidé que ce soit nécessairement une obligation. Disons
qu'il devrait plutôt y avoir une volonté de le faire plus qu'une
obligation, pour le moment.
Mme Blanchette: Si je peux me permettre d'ajouter...
La Présidente (Mme Bélanger): Oui, allez.
Mme Blanchette: C'est d'autant plus que la Société
des musées québécois compte 114 institutions
muséales, enfin, il s'en ajoute tous les jours, on en a toujours un peu
pius. Ce ne sont pas toutes les institutions qui ont à travailler avec
les artistes en art contemporain. Alors, c'est pour cela qu'à la
pièce... On pense que les diffuseurs ont des choses à
décider qui doivent se décider entre le diffuseur et l'artiste,
selon le type d'oeuvre et le lieu où l'oeuvre a été
présentée, même si on privilégie un contrat type;
mais "contrat type" dit bien que c'est un modèle.
Mme Bacon: Ne trouvez-vous pas que nous devrions quand même
tenter l'expérience et voir comment ça peut se faire?
M. Côté (Michel): II faudrait d'ailleurs qu'il y ait
plusieurs groupes de diffuseurs, à ce moment-là; on n'a pas
l'impression de représenter l'ensemble des diffuseurs, on
représente les diffuseurs, dans le fond, à but non lucratif,
puisqu'il y aurait aussi des diffuseurs des galeries commerciales et des choses
de ce type-là. Mais, nous, on serait certainement prêts à
se mettre autour d'une table, avec les associations d'artistes en arts visuels,
pour faire un contrat type, pour collaborer à un contrat type qui
pourrait s'appliquer à l'ensemble de nos membres. On est certainement
prêt à négocier ce contrat type. On est ouvert à
ça.
Mme Bacon: Qui serait acceptable à l'ensemble des
membres?
M. Côté (Michel): Qui serait acceptable à
l'ensemble.
Mme Bacon: A la page 6 de votre mémoire... Attendez un
petit peu...
Je reviens encore à ce que vous nous dites à la page 6 de
votre mémoire. On dit: Sans procédure d'arbitrage et les recours
seraient les tribunaux. Est-ce qu'on peut expliquer davantage
là-dessus?
M. Côté (Michel): Nous ne sommes pas des
spécialistes en arbitrage st en procédure civile non pius, mais
on a tout de même iu !e Code de procédure civile, les articles 940
à 951, et ça nous a paru très complexe pour les
institutions que nous représentons.
Bien sûr, nous avons des institutions qui sont des institutions
assez équipées, en termes d'appui administratif, puisqu'il y a
des conseillers juridiques dans certaines institutions muséologi- ques,
mais nous représentons également des institutions qui sont de
petites institutions avec des budgets minimes, où les employés,
c'est souvent une seule personne, puisque le directeur d'un petit musée
est à Sa fois le conservateur, le spécialiste en science de
l'éducation, le technicien en biologie, le technicien en technologie, ie
responsable de l'entretien, et il fait parfois le gazon.
Donc, on pense qu'avec une telle procédure, lorsqu'il y aura un
litige avec une petite institution, il risque d'y avoir des problèmes,
et nos institutions risquent un peu d'être dépassées par
cette réalité-là. D'autant plus que beaucoup de ces
institutions, qui sont parfois des centres d'exposition, présentent
beaucoup d'oeuvres de créateurs, puisqu'il y a un volume extraordinaire
d'expositions qui se présentent dans certains centres d'exposition et
dans certains musées... On change souvent d'exposition aux trois
semaines et souvent ça représente plus d'un artiste, une dizaine
d'artistes. Alors, vous imaginez très bien le volume que ceia peut
comporter et on pense que nos petites institutions auraient de la
difficulté à vivre avec ça. Ce qu'elles feraient,
probablement, c'est qu'eiles se retourneraient vers la société et
nous demanderaient de ies appuyer dans ia défense; et là, on
pourrait avoir un comportement un peu plus bureaucratique.
Alors, on aimerait mieux qu'on cherche une solution d'arbitrage un peu
plus légère. Il y a plusieurs hypothèses qui peuvent
être envisagées. Est-ce qu'on doit laisser à la commission
même un pouvoir d'arbitrage? Dans certains cas, ce serait peut-être
préférable, et, s'il n'y a pas entente après,
prévoir d'autres mécanismes. Mais tout de suite tomber selon le
Code de procédure civile, ça nous paraissait un peu excessif.
D'autant plus que c'est juste sur demande. On a peur de la bureaucratisation
rapide.
Mme Bacon: Cela se fait toujours rapidement.
J'ai pris bonne note aussi de votre remarque concernant les... Je vais
retrouver ma page: la place d'affaires. Page 6, je pense. C'est ça.
"Chacune de ses places d'affaires", expression que vous voulez changer par "au
siège social de l'organisme"; je pense que c'est raisonnable.
M. Côté (Michel): Oui. Je vous donne juste un autre
exemple. Sur ia Côte-Nord, le musée de Sept-îles a trois
endroits différents; donc, pour
lui, ce serait assez compliqué d'avoir trois... Mme Bacon:
Oui.
M. Côté (Michel): II faudrait qu'il tienne trois
registres, donc avoir des registres toujours... On pense qu'un seul registre au
siège social serait suffisant.
Mme Bacon: C'est cela. Cela nous semble raisonnable.
Vous indiquez, à ia page 8: "La Société des
musées québécois demande que la Commission de
reconnaissance des associations d'artistes soit vraiment représentative
de tous les milieux concernés par le projet de loi 78. " Qu'est-ce que
vous suggérez?
M. Côté (Michel): Que des gens du milieu des arts
visuels, des diffuseurs et des métiers d'art...
Mme Bacon: S'ajoutent.
M. Côté (Michel):... s'ajoutent à !a
commission puisque maintenant on a de nouveaux volets, tout simplement.
Mme Bacon: Je pense que cela va de soi, avec la
représentativité.
M. Côté (Michel): Oui. Vous y avez probablement
déjà pensé.
Mme Bacon: Oui.
M. Côté (Michel): Mais on s'est dit: On ne sait
jamais...
Mme Bacon: C'est bien de nous le redire. Combien devraient
être ajoutés? Un par domaine?
Mme Blanchette: Équitable.
M. Côté (Michel): Probablement que les gens des
associations... On ne veut pas parler pour les associations de
créateurs. C'est selon leur volonté de se regrouper ou non. S'ils
se regroupent, peut-être qu'un serait suffisant; s'ils veulent rester
avec une association-parapluie, mais garder leur entité, il faudrait
peut-être le respecter aussi. Ce n'est pas tout à fait de notre
domaine, mais on pense que, du côté des diffuseurs, il pourrait
peut-être y avoir quelqu'un aussi.
Mme Bacon: Je vous remercie beaucoup pour votre mémoire.
Il a été préparé avec beaucoup de rigueur. Vous
nous donnez quand même ce soir... Vous relevez un peu notre moral, ce
soir. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme la
ministre. M. le député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Mme la Présidente, j'aurais aimé le
recevoir en même temps que la ministre puisque j'ai été
obligé d'en faire une lecture par-devant moi.
Mme Bacon:... de l'avoir.
M. Boulerice: Je pense que vous avez fait un cours de lecture
rapide pour assimiler si rapidement autant de pages avec autant de
précision. Ceci dit, ce n'est pas l'essentiel de mon propos, je veux
vous dire que, lorsque vous mentionnez à l'article 2 "et entres autres",
je pense que c'est effectivement très pertinent et l'exemple que vous
amenez, là encore, est très probant. Effectivement, les formes
d'art ont évolué. Vous parlez de performance, happening, action
ou vidéo d'art. Cela ne faisait effectivement pas partie autrefois de
l'expression contemporaine de l'art. Maintenant, cela l'est. Donc, cette
espèce de voie "futuriste" que vous avez, je pense qu'elle mérite
l'attention.
La deuxième chose, je pense que vous aviez raison quant au
siège social plutôt que les principales places d'affaires. Vous
avez donné l'exemple de certains musées. Je pourrais aussi vous
en donner d'autres, comme celui du Musée d'art contemporain, qui expose
actuellement dans les halls d'entrée de la Place des arts et qui expose
également ailleurs. Je pense qu'à ce niveau-là aussi c'est
une remarque fort pertinente qu'il faudrait retenir. Vous avez aussi fait
mention que vous êtes d'accord avec un contrat type qui tracerait
certaines balises. Je pense que là aussi vous avez entièrement
raison, à savoir qu'il faudrait quand même laisser une certaine
latitude, compte tenu effectivement de ia géographie des lieux, des
formes souvent, comment pourrais-je dire, exceptionnelles que peut prendre
l'art contemporain. Si on regarde l'exposition "British Now", si l'automobile
avait été en plein devant la porte de secours, comme vous
l'identifiez, cela aurait pu causer certains problèmes.
Il y a une question que j'aimerais vous poser. Vous représentez
la Société des musées. Quant à ce mémoire,
quel lien avez-vous eu avec l'association des directeurs de musée?
M. Côté (Michel): Vous parlez probablement de
l'association des directeurs de musée de Montréal.
M. Boulerice: Oui.
Mme Blanchette: Le Regroupement des directeurs de musée de
Montréal?
M. Boulerice: Oui.
Mme Blanchette: Les liens que nous avons, c'est que j'assiste
à toutes les réunions du
Regroupement des directeurs de musée de
Montréal. Alors, ce sont des liens extrêmement
privilégiés puisque le siège social du Regroupement
des directeurs de musée de Montréal est à la
Société des musées québécois.
M. Boulerice: D'accord. Le mémoire que vous
présentez, sans avoir fait l'objet d'une présentation comme
telle, répond peut-être à une préoccupation
qu'eux-mêmes ont exprimée face au projet de loi 78.
Mme Blanchette: En dix jours, monsieur, nous avons fait
l'impossible pour rejoindre la grande majorité de notre
clientèle. Nous avons rejoint des gens de Montréal et de partout
dans ia province, que nous avons appelés par téléphone
pour avoir leur opinion sur ie projet de loi 78. Ils étaient
déjà au courant que cela s'en venait, alors cela facilitait la
tâche. En général, cette loi était comme
approuvée parce que, dans les musées, il y avait
déjà un sens de l'éthique, quant aux contrats, qui
était là. Alors, je ne crois pas que, pour ce qui est de la base,
cela pose un problème, mais c'est concernant les petits détails.
(20 h 30)
M. Côté (Michel): L'association des directeurs de la
région de Montréal représente, effectivement, les
directeurs de la région de Montréal. La Société des
musées québécois représente l'ensemble des
régions et les directeurs de la région de Montréal font
aussi partie de la Société des musées
québécois. Au conseil d'administration de la
Société des musées québécois, nous avons des
représentants de toutes les régions administratives et tous les
membres du conseil d'administration de la Société des
musées québécois ont été consultés.
Donc, on a le reflet de l'ensemble des régions du Québec.
M. Boulerice: Donc, vous répondez bien au vieux dicton qui
dit: Impossible n'est pas français.
En commençant à la page 7 et se poursuivant à la
page 8, vous mentionnez l'article 41 et vous dites: "II ne mentionne pas que
pour les cas des arts visuels il y a une tierce partie, soit le
ministère des Affaires culturelles, qui décide des sommes
allouées comme mesure compensatoire aux artistes. " La
Société des musées québécois est donc dans
l'impossibilité pour ie moment d'être d'accord avec cet article.
Le diffuseur n'est qu'un entremetteur - c'est le mot que vous avez
trouvé - entre l'artiste et le gouvernement, c'est-à-dire qu'il
remet au créateur la somme fixée et allouée par le
ministère des Affaires culturelles. Donc, vous avez, effectivement, fait
état de l'augmentation des coûts que cela pourrait entraîner
pour les musées. Est-ce que vous avez... Je pense que cela doit
être extrêmement difficile d'avoir une évaluation de ces
coûts, mais vous semblent-ils très importants ou bien non?
M. Côté (Michel): Comprenons-nous bien.
L'article 41 fait référence à une association et un
diffuseur ou une association de diffuseurs qui peuvent négocier et
agréer une entente fixant les conditions minimaies de diffusion des
oeuvres des artistes représentés par l'association reconnue. Dans
les conditions minimales, théoriquement, devraient se retrouver les
tarifs de compensation pour les artistes exposants. Or, ce ne sont pas les
diffuseurs qui fixent ies tarifs de compensation pour les artistes exposants
dans les musées, dans ies centres d'exposition puisque ies
créateurs reçoivent directement, pas directement puisque c'est
par l'intermédiaire des musées et des centres d'exposition, mais
c'est ie ministère qui verse aux artistes. Nous ne prenons rien,
d'ailleurs, on remet directement l'argent aux créateurs. On pense que
c'est une mesure importante. On est tout à fait d'accord avec la mesure
de compensation pour les artistes en arts visuels que ie ministère verse
mais, pour nous, c'est impossible de négocier cette condition minimale
puisque c'est le ministère qui fixe le montant. On n'a pas ie pouvoir de
négocier et on pense qu'il y a là, effectivement, une
difficulté. Je serais prêt à négocier si j'avais le
pouvoir de fixer ie taux, mais aucun diffuseur n'a le pouvoir de fixer le taux
de compensation pour les artistes en arts visuels. On est d'accord avec le
principe de la compensation, on est d'accord pour participer à remettre
directement l'argent, mais on ne peut pas la négocier. Il y a comme un
problème entre l'article et ia réalité.
M. Boulerice: Vous nous dites: La Société des
musées québécois demande que la Commission de
reconnaissance des associations d'artistes soit vraiment représentative
de tous les milieux concernés par le projet de ioi 78. Je ne sais pas si
vous étiez présents cet après-midi, mais il y a eu
certaines interventions des gens, parcs que ie projet de ioi touche trois
"catégories". Les gens du domaine de la littérature ont
émis certaines réserves. Je ne sais pas, est-ce que vous
étiez ici cet après-midi?
M. Côté (Michel): Pas moi, mais je connais la
position de...
M. Boulerice: Parce que dans ies musées tout ie monde sait
qu'il y a un travail littéraire aussi qui se fait, de support aux
oeuvres, qu'on retrouve soit dans ies catalogues, publications, etc. Mais vous
n'étiez pas là pour entendre leurs propos, donc, il faudrait
refaire le débat avec vous et je ne sais malheureusement pas si le temps
nous le permet, il serait peut-être intéressant que vous preniez
connaissance de ce que vont dire les gens du milieu de la littérature et
que, peut-être, vous nous fassiez part de vos commentaires puisque vous
avez affaire aussi, dans un certain sens, à des écrivains quand
il s'agit de muséologie. Très souvent, un conservateur ou une
conservatrice devient aussi écrivain.
Mme Blanchette: Des gens de théâtre aussi, si je
peux me permettre, des gens de danse, des gens de tous les domaines. À
ce moment-là, on a autant affaire au projet de loi pour !a scène,
le disque et le cinéma qu'à ce projet de loi.
M. Boulerice: Pour vous dire que...
Mme Blanchette: Si on veut étendre le propos, il va
jusque-là.
M. Boulerice: Donc, j'apprécie, parce qu'il semble qu'un
milieu connaît certaines réticences, mais qui vont sans doute
s'atténuer, sauf que pour le faire il faudrait peut-être avoir
votre avis. Donc, on va laisser filer la discussion pour ce qui est de ce
secteur de l'activité culturelle. Il serait peut-être
intéressant d'avoir vos commentaires au moment où on
procédera à l'étude de la loi, article par article.
Je vais terminer là-dessus, en vous remerciant d'avoir
participé, en vous Incitant à continuer. Je pense que vous
êtes une institution, il faut le dire, maintenant dans le domaine
muséologique au Québec, qui est fort appréciée, du
moins pour ma part, en tout cas. Je vous remercie, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de Saint-Jacques. Nous remercions M. Côté et
Mme Blanchette et nous leur souhaitons un bon retour.
Je demanderais au Conseil de la sculpture du Québec de bien
vouloir s'approcher à la table. Mme Page, je n'ai pas à vous
répéter les règles du jeu, je crois que vous êtes
ici depuis ce matin. Je vous demanderais de bien vouloir présenter votre
mémoire.
Conseil de la sculpture du Québec
Mme Page (Louise): Merci. Tout d'abord, bonsoir, Mme la
vice-première ministre et ministre des Affaires culturelles, Mme la
Présidente, MM. et Mmes les députés et le personnel du
ministère des Affaires culturelles. Je voudrais remercier la ministre
pour la célérité avec laquelle elle a
présenté ce projet de !oi. On l'attendait et on est très
heureux de le voir déposé pour cette étude.
Les recommandations que nous allons faire veulent principalement
bonifier ce projet de loi. J'aimerais que l'interprétation que les gens
feront soit assez claire pour comprendre que c'est un projet de loi qui est
très intéressant, qui apporte beaucoup à notre milieu, et
que cela soit pris ainsi et que les quelques recommandations ne soient pas
interprétées négativement.
Je vais passer très rapidement sur le "non utilitaires" de
l'article 2. 1°. Je suis moi-même un peu fatiguée d'en
entendre parler. Il y a des points que je vais sauter au cours de mon
allocution, parce que je me rends bien compte qu'ils ont été
très bien saisis et qu'ils semblent évidents pour tout le
monde.
Je vais passer tout de suite à l'article 3, au deuxième
paragraphe, où on utilise les termes "la présentation en public";
nous suggérerions "représentation en public". Les termes
"présentation en public", c'est déjà
Interprété au sens de la Loi sur le droit d'auteur et c'est
synonyme d'exposition dans l'énumération antérieure. La
recommandation était d'utiliser plutôt les termes
"représentation en public".
Au même article, quant à "une autre utilisation des
oeuvres" - un de mes confrères en faisait part cet après-midi -
cela semblait signifier une utilisation de même type au sens de la loi.
On préférerait les termes "toute autre utilisation", ce qui
ouvrirait la porte à de nouvelles formes d'art qui ne sont pas
nécessairement Incluses dans cette description.
L'article 14, c'est un article autour duquel on a fait beaucoup de
blabla et je me demande s'il n'y a pas un consensus, dans le fond, un peu
inconscient. Le problème qu'a relevé le Conseil de la sculpture
à l'intérieur de cela, c'est peut-être !a quantité
de règlements qu'aurait cette association reconnue dans ce
sens-là. Si on pense aux associations qui ont été
invitées à participer à la commission parlementaire - II y
en a un certain nombre, pas mal de monde déjà - elles ont toutes
pas mal de règlements. Nous, au conseil, on a facilement de 40 à
50 règlements. Je pense que chaque association professionnelle a
à peu près la même chose. Si on pense qu'il y aura une
association reconnue et que les autres associations en arts visuels devront se
joindre à cette association, cela va faire une quantité
phénoménale de règlements qui vont compliquer la
tâche, d'une part, pour l'observation de la loi parce que cet organisme
reconnu aura à tenir compte de tous les chapitres de la loi où on
fait mention de ce qu'est un artiste professionnel et des règlements de
l'association dont elle devra tenir compte en regard de ce projet de loi.
Notre position à l'intérieur de cela, c'est que
l'idéal serait qu'on laisse aux associations le soin de former une
association reconnue pour les arts visuels et, d'autre part, de s'attribuer les
règlements, les charges ou le travail selon la façon dont elles
se sentent par rapport à chacune des disciplines, et non de demander aux
associations d'avoir tous les règlements. Que chacun garde ses
règlements nous semblait beaucoup plus clair.
Je m'excuse, mais je lis en même temps pour sauter des bouts.
L'autre chose litigieuse, c'est un peu plus loin, cela allait à
l'article 23 parce que, à l'article 23, la commission peut annuler la
reconnaissance si elle établit que les règlements de
l'association ne sont pas conformes aux exigences de la loi. Toujours en regard
de l'article 14, avec la quantité de règlements dont je vous
parlais, on finirait par se demander de quel règlement il s'agit quand
on dirait que ce n'est pas conforme aux règlements. On pourrait
se poser de sérieuses questions: Est-ce que c'est le
règlement des peintres, des sculpteurs ou de l'ensemble? On aimerait
aussi, après avoir révisé ce phénomène de la
multitude des règlements, que cela puisse se répercuter, entre
autres, sur la demande de reconnaissance, qu'elle soit faite, non par des
individus ou par une discipline comme telle, mais pas un ensemble
d'associations. Il n'y a pas de mesure qui prévoit cela à
l'intérieur du projet de loi, ii n'y a pas de mécanique, si on
peut dire, pour faire cette demande de reconnaissance. On pense qu'une
association en arts visuels au Québec pourrait faire elle-même la
demande. Je pense que la demande devrait venir de l'extérieur pour que
cet organisme soit reconnu. Quand je dis de l'extérieur, je parie des
associations en arts visuels.
Je vais aller maintenant à l'article 15. Ce sont plutôt les
articles 25 et 26. En ce qui concerne les articles 25 et 26 - je m'excuse, mais
je venais de parier de l'article 15 et je l'avais en tête - quand on
parle de fermeté... À l'article 26, on dit: "Pour l'exercice de
ses fonctions, l'association reconnue peut notamment". Le "peut notamment" nous
semblait faible par rapport au projet de loi 90 qui énonçait
beaucoup plus clairement ies pouvoirs de cette association reconnue. Alors,
notre recommandation va dans le sens que les pouvoirs aient la même
force, peu importe qu'ils soient exercés de façon directe ou
indirecte. Direct et indirect veut dire par l'association reconnue ou par ies
associations en faisant partie de par leurs statuts et règlements
internes. (20 h 45)
L'article 33 maintenant. Nous demandions que cet article ne soit pas
applicable aux arts visuels. Il nous a semblé que cet article avait
été rédigé plutôt pour la littérature
que pour ies arts visuels. En arts visuels, quand on expose dans une galerie,
par exemple, un certain nombre d'oeuvres sans le consentement de l'artiste et
que cela apporte des litiges, c'est: "à moins qu'elle ne fasse l'objet
d'une publication et d'une diffusion en plusieurs exemplaires". C'est le cas,
entre autres, pour les sculpteurs qui ont une oeuvre que le diffuseur peut
mettre en multiples et décider d'en faire une dizaine de copies. Pour
les mettre en garantie, ce n'est pas le même problème qu'en
littérature. Alors, on demande qu'il ne soit pas appliqué aux
arts visuels.
L'article 35 traitant de la faillite, cela est un sujet qu'on a souvent
traité. On l'a traité d'ailleurs quand des amendements au Code
civil ont été faits sur le sectoriel; on avait demandé
à peu près la même chose. On le réitère ici
dans un projet de loi qui est fait pour nous, qui est fait sur mesure. La
majorité du temps, quand une galerie ferme ou qu'un diffuseur fait
faillite, l'artiste n'est même pas informé. Ce n'est pas
évident, quand une galerie a de nos oeuvres, qu'on va passer là
tous les jours ou toutes les semaines. Il y a des oeuvres en consignation. Cela
veut dire que tu peux aller voir aux six mois, il a le temps de faire faillite
et on n'est même pas informé, on ne le sait même pas. On
arrive là et ies portes sont barrées, tout est parti. Alors, je
pensa que c'est très légitime de demander d'être
informés et d'être inclus dans la liste des créanciers
privilégiés puisque c'est la meilleure façon d'en
être informés. Ce qui veut dire récupérer, d'une
part, nos oeuvres si elles sont en consignation et, d'autre part, ies sommes
qui nous sont dues après vente de nos oeuvres.
À l'article 37 maintenant, il y a un petit ajout qu'on voulait
faire. On aimerait qu'il y ait l'obligation de respecter les délais et
ies moda-iités de paiement. Le fait de rendre compte et d'inscrire des
transactions dans un livre, ce n'est pas vraiment ce qui constitue la majeure
partie des relations contractuelles entre Ses artistes et les diffuseurs. Pour
nous, si était ajouté à l'article 37 le respect des
délais et des modalités de paiement, cela nous semblerait un
article beaucoup plus compiet.
Enfin, les dispositions diverses, à partir de l'article 44. Nous
apprécierions qu'il n'y ait pas de pénalité prévue
seulement au premier alinéa de l'article 37 mais bien à
l'ensemble de l'article 37, et de la même façon à l'article
45. En fait, la demande pourrait s'étendre à l'ensemble du projet
de loi. Que des pénalités soient prévues, sauf,
évidemment, lorsqu'il y a des contrats qu'on légifère dans
cela. À différents endroits dans le projet de loi, quand c'est
nécessaire pour faire respecter cette loi, que soient mis les articles;
par exemple, l'article 33 pourrait en faire partie. Je vous remercie.
Mme Bacon: Mme Page, vous avez eu toute une expérience
aujourd'hui en entendant chacun et je vous remercie beaucoup d'avoir
participé à cette commission parlementaire qui est importante
pour apporter les ajustements nécessaires à ia loi. Souvent,
quand on travaille une loi, on a l'habitude de chacun des articles et, pour
nous, tout nous semble clair. On s'aperçoit avec des auditions, comme
celles que nous faisons, qu'il y a certaines expressions qui sont
utilisées qui ne plaisent pas, que d'autres doivent être
ajoutées et qu'il y a des corrections à apporter. C'est pour cela
que nous avons voulu absolument tenir cette commission parlementaire pour que,
lorsque nous arriverons à l'acceptation ou à l'adoption de ce
projet de loi article par article, nous soyons capables d'arriver avec des
articles qui soient vraiment l'expression du milieu, qui rejoignent les besoins
du milieu. Vous vous rappellerez que, lors de la commission parlementaire sur
le statut de l'artiste que nous avons tenue en mai 1986, les gens du milieu
demandaient d'avoir une loi spéciale pour eux et non d'être
intégrés à la loi 90. Cette loi que nous avons devant nous
nous semble une réponse à cette demande.
Est-ce que vous pourriez expliquer certains aspects qui sont couverts
par la loi et qui seraient susceptibles de solutionner les problèmes
qui avaient été évoqués à cette
époque? Est-ce que, vous, cela vous semble suffisant pour solutionner
les problèmes qui ont été évoqués au moment
de la commission parlementaire de mai 1986 ou s'il manque encore des
éléments importants?
Mme Page: Je pense que l'ensemble du projet couvre effectivement
une grande partie. Il y a des moyens de bonifier, c'est sûr, mais juste
le fait d'établir un peu les règles du jeu entre les diffuseurs
et les artistes, de proposer certaines règles du jeu, je pense que cela
va clarifier beaucoup les choses. Ce n'est pas évident que ça va
être utilisé, on le sait; c'est comme tout projet de loi, c'est
comme toute loi, de toute façon. Je donne en exemple à des gens
la loi sur le consommateur. On est tous concernés, on s'achète
tous des bas et des souliers et, pourtant, personne ne connaît la loi.
Peut-être pas vous, je parle à des spécialistes. La loi, on
la prend, elle est belle, elle est passée, puis, finalement, peu de
monde la connaît et s'en sert. Je pense qu'elle est quand même
là pour servir aux présidents d'association, peut-être
aussi aux juristes pour défendre les gens, sauf qu'on sait que les
artistes utilisent très rarement les juristes, mais je pense qu'elle
nous donne un bon cadre. Je pense qu'on ne peut pas aller en bas de ça;
c'est un seuil très acceptable. C'est sûr qu'on fait des
recommandations et qu'on souhaite bonifier par de petits mots, par des choses
qui, pour nous, seraient plus claires. C'est sûr qu'il y a toujours place
à améliorer les projets de !oi, mais je pense qu'il ne faudrait
pas accepter d'aller plus bas que ce qui est contenu là-dedans. Je pense
que c'est déjà très acceptable tel quel.
Mme Bacon: Vous dites, à la page 2, aux articles 2 et 3
sur la bande dessinée, que c'est associé à deux domaines,
l'un par le scénario et l'autre par le dessin, et vous recommandez de
l'exclure de la définition de la littérature. Est-ce qu'on doit
comprendre que vous ne souhaitez pas voir apparaître la bande
dessinée en tant que pratique artistique spécifique? Est-ce que
c'est ce que vous avez voulu nous dire?
Mme Page: Non. Je n'en al pas parlé, parce que je pense
que plusieurs en avaient parlé.
Mme Bacon: Oui.
Mme Page: En fait, nous, cela nous semble un contenant
plutôt qu'un contenu: la bande dessinée est comprise dans le
dessin et le scénario est compris dans la littérature. SI on le
mettait dans la littérature, le problème se poserait au point de
vue des produits dérivés. On peut en prendre un
célèbre, un Tintin ou un Marsupilami - en tout cas, une bibite
comme ça - qui est parti d'une bande dessinée et qui est rendu en
trois dimensions. Je ne pense pas que la littérature puisse
prévoir des contrats adéquats pour l'artiste qui la produit, pour
les gens en arts visuels. Je pense que le contrat type qu'ils ont et les
ententes de négociation se font plutôt pour des choses
destinées à être lues et non pour des choses en trois
dimensions. Je ne sais pas ce qu'on ferait avec un artiste en arts visuels qui
aurait, par exemple, un personnage Issu de ça. C'est pour ça
qu'on appuyait, en l'intégrant dans notre mémoire, cette position
de mettre la bande... Finalement, vu qu'elle est incluse dans les deux de par
son scénario et son dessin, on propose de ne pas la nommer comme
telle.
Mme Bacon: D'accord. Vous avez souhaité aussi que
l'association reconnue exerce les mêmes pouvoirs que ceux qui sont
énoncés dans la loi 90. Est-ce que vous croyez que ça
correspond à une pratique courante en arts visuels, par exemple? Est-ce
que vous souhaiteriez que ces pouvoirs soient exercés par les
différentes associations disciplinaires?
Mme Page: En fait, ce que j'ai voulu dire tantôt, ce n'est
peut-être pas qu'on ait les mêmes devoirs et obligations, c'est
plutôt qu'on nous l'affirme de façon plus claire. Le fait de faire
des recherches, cela, on peut se le répartir à l'intérieur
de chacune des disciplines. De "représenter ses membres aux fins de la
négociation et de l'exécution de leurs contrats", cela serait
notre organisme chapeau, mais non que l'association reconnue puisse le faire,
car cela voudrait dire qu'elle peut bien ne pas le faire. Si on a une
association reconnue en arts visuels, bien, qu'elle ait le pouvoir qui soit
concret dans le projet de loi, qu'elle puisse le faire, qu'elle doive le faire.
Sinon, on peut le faire et laisser faire aussi. On aimerait que ça soit
plus ferme à ce niveau.
Mme Bacon: D'accord. Au niveau de la reconnaissance des
associations, si je tiens compte de votre recommandation qui dit que le
législateur accorde son entière confiance aux associations
d'artistes pour l'application et le respect de la loi et qu'on ne tente pas par
des mesures détournées d'imposer une volonté aux artistes,
je vais reprendre mes remarques que nous avons faites cet après-midi: II
n'était nullement de notre intention d'imposer, encore moins par des
moyens détournés - j'espère qu'on nous fait suffisamment
confiance - d'imposer une volonté. Ce que nous avons voulu, et je pense
que vous l'avez perçu aussi, c'est répondre aux besoins, aux
attentes des associations tels qu'ils nous avaient été
exprimés en mai 1986. Le processus a été lent et long,
mais je pense que cela rejoint quand même certaines attentes, certains
espoirs qui avaient été indiqués à ce
moment-là. Quand on pense, par exemple, à l'article 26, on
n'envisage pas qu'un regroupement d'associations... Je pense aux caisses
spéciales de retraite, à d'autres services corn-
muns. C'est important qu'il y ait cette volonté des artistes et
non que la volonté du législateur soit imposée aux
artistes. Je pense que cela doit venir des différentes associations
d'artistes. Quand on pense aux fonctions qui sont
énumérées à l'article 26 de notre projet de loi:
faire des recherches, des études, représenter ses membres aux
fins de la négociation, imposer et percevoir les cotisations, ça
devient une responsabilité des associations et ce n'est pas à
nous d'imposer davantage parce que ça se fait automatiquement.
Mme Page: C'est juste que, dans le projet de loi 90, on
déterminait ces pouvoirs, on en donnait. Parfois, en donner, ça
donne plus de force à cet ensemble d'associations parce que je vois plus
cette association reconnue comme un ensemble d'associations. Je pense que, si
on veut vraiment leur donner des droits et des pouvoirs, il faut que ça
soit affirmé de façon plus claire, même si elle a ses
devoirs à faire, même si elle a à former une caisse de
retraite pour y attirer ses membres.
Mme Bacon: Parce que vous le voyez davantage dans ce regroupement
d'associations que dans une association donnée. C'est cela?
Mme Page: Oui, et je pense sincèrement que ce sont les
associations qui devraient en faire ia demande pour ne pas que l'association
dise qu'elle aimerait être reconnue. Je pense que ce n'est pas comme cela
que ça se passe. Il faut que les associations fassent la demande pour
qu'elles soient bien représentatives de l'ensemble des disciplines. Le
problème que vous releviez à l'article 14, c'est que le
libellé: "pour l'application des articles 11, 12, 23, 27", cela fait
bien des bagages, cela donne pas mal de règlements. C'était
vraiment de laisser les artistes à qui vont donner le mandat de
reconnaître cette association chapeau, comme elle a été
appelée, le soin de se répartir ces règlements à
l'intérieur de cela.
Mme Bacon: Dans la mesure où la formulation de l'article
33 tient compte de la situation des arts visuels où l'oeuvre
publiée constitue aussi un original, est-ce que vous trouveriez
intéressant que l'article 33 s'applique aussi aux arts visuels? (21
heures)
Mme Page: L'article 33 porte sur les garanties. En fait, quand on
sait ce que représente la garantie pour une galerie d'art, parce qu'il y
en a qui ouvrent et qui ferment - leur vie n'est pas nécessairement
assurée - je pense que prendre des oeuvres d'art, pas en otage mais en
garantie sur la survie... On peut penser à un artiste relativement
célèbre, ou même célèbre, et qui a ses
oeuvres prises en garantie sans son consentement, parce que c'est dans la
deuxième partie qu'il devient litigieux cet article: sauf quand il y a
publication et diffusion en plusieurs exemplaires. C'est là qu'il
devient litigieux pour les arts visuels. Parce qu'avant il doit l'avoir, mais,
s'il fait l'objet d'une publication... Et c'est un peu la coutume dans ies
galeries que le "galériste" dise: Cela, ça marche, tout le monde
en voulait, je vais en faire faire une série en bronze. Mais, s'il les
donne en garantie, cela veut dire que quand la faillite... On suppose qu'il
pourrait faire faillite, mais, normalement, s'il en vend, il ne devrait pas
faire faillite. S'il fait faillite, cela veut dire que les oeuvres sont
saisies, mais l'artiste, à ce moment-là, n'en est pas
informé et va en avoir conservé seulement un exemplaire.
Je vous pose même la question: Cela n'a pas été
rédigé pour la littérature, cela? Je ne comprends pas que
les arts visuels aient été inclus là-dedans et qu'on
puisse penser prendre les oeuvres de ia galerie qui sont en consignation pour
les donner en garantie à la banque. Je ne comprends pas. C'est
normal?
Mme Bacon: C'est pour cela que je vous demande si vous trouvez
que cela peut s'appliquer aux arts visuels.
Mme Page: Non, non. Je trouve...
Mme Bacon: C'est cela. Cela ne pourrait pas s'appliquer aux arts
visuels.
Mme Page: Non.
Mme Bacon: Parce que l'oeuvre, c'est un original
habituellement.
Mme Page: C'est cela.
Mme Bacon: Ce n'est pas en plusieurs copies.
Mme Page: Et, quand il y a des multiples, c'est selon un code
d'éthique très précis.
Mme Bacon: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Béianger): Merci, Mme ia
ministre. M. le député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, Mme la Présidente. Je pense que la
commission, ce n'est pas un "placoting club". Mme Page et moi avons eu une
longue discussion tantôt; je pense qu'elle a fait un exposé
très concis, qui va droit au but. Je pense qu'elle a bien répondu
aux questions que lui a posées ma collègue, alors, je me
permettrai tout simplement de lui demander deux choses pour être bien
certain de ma perception. Est-ce que je vous décode bien en disant que,
pour ce qui est des associations d'artistes comme la vôtre, vous dites
clairement: Écoutez, pour ce qui est de nos règlements, de votre
code d'éthique, etc., on est de grands garçons, on est de grandes
filles, on
est capables de s'arranger entre nous, à l'exemple qu'on donnait
tantôt, celui de nos collègues du Conseil québécois
de l'estampe qui se promènent quand même avec un code qui est
reconnu au-delà de nos frontières. Est-ce que je vous
décode bien si je vous dis que c'est ce que vous dites?
Mme Page: Exactement. Le Conseil de la sculpture existe depuis 27
ans; les autres conseils, 25 ans, 20 ans, et on a toujours observé la
loi. Je pense qu'on va continuer à l'observer et qu'on est capable de se
doter d'un code d'éthique, en tout cas, de ce qu'il faut pour observer
la loi. C'est évident qu'on ne voudrait pas que cet organisme finisse
par être notre censeur et, de toute façon, cet article est
difficile à appliquer seulement de par ses articles à l'interne,
seulement du fait de dire: Un artiste professionnel, c'est cela. C'est
tellement minimal par rapport à nos critères
d'admissibilité, dans nos propres associations, qu'à un moment
donné je ne sais pas comment cela pourrait être même
applicable, mais je pense que vous m'avez très bien saisie.
M. Boulerice: Vous permettez? De toute façon, si jamais il
y avait objet de censure, on peut se le dire entre nous, notre ami
Vaillan-court serait un des premiers à se lever et à monter sur
les barricades, et de façon percutante.
Vous faites référence à l'article 37. Vous dites:
Nous recommandons que soit ajoutée au dernier paragraphe de l'article 37
l'obligation pour le diffuseur de respecter les délais et
modalités de paiement de toutes sortes des montants reçus d'un
tiers et dus à l'artiste. Est-ce qu'il y a un problème
très profond dans ce domaine?
Mme Page: En fait, oui. Je pense que le principal problème
qu'il y a à l'intérieur des contrats, ce sont justement les
délais et les modalités de paiement, comment on va se payer et
quand surtout. Je pense que si c'était ajouté, cela clarifierait,
cela ferait une teneur plus rigoureuse. On le retrouve ailleurs, mais pas
inscrit de cette façon, pas inscrit aux livres. Alors, je pense que si
c'était inscrit de façon pertinente, puisqu'il y a des
pénalités qui sont prévues pour ça, on en
conviendrait et on les observerait, et je pense que c'est fréquent.
M. Boulerice: Malheureusement trop fréquent, c'est
ça?
Mme Page: Oui, oui. C'est pour ça qu'on demandait
d'inscrire à l'article 37 la périodicité et les
modalités de paiement.
M. Boulerice: Et pour ce qui est de la périodicité
- qui n'est jamais un mot facile à prononcer, mais qui devrait
l'être pour ce qui est de la remise - est-ce que vous avez songé
à un mode type...
Mme Page: Je pense que...
M. Boulerice:... que vous pourriez nous suggérer?
Mme Page:... dans la préparation de contrats types, ces
choses-là seront prévues. Il y a déjà certains
contrats types qui existent et qui prévoient des redevances, pour
certains diffuseurs, à des périodes très précises,
tous les trois mois ou tous les six mois; II y en a aussi où c'est tous
les ans. Je pense qu'à l'intérieur de ces contrats types on peut
les prévoir. Mais, quand l'Individu les utilise, il peut quand
même se baser sur les contrats types de chacune des associations
professionnelles. Il peut s'en prévaloir, il peut les utiliser.
M. Boulerice: Mme Page, vous avez mentionné votre
intervention à la commission des institutions qui est responsable de la
réforme du Code civil. Comment ont été reçus vos
observations et vos commentaires?
Mme Page: Je peux dire que la compréhension n'était
pas évidente. Notre propos était d'expliquer ce qu'était
la propriété intellectuelle et je pense que ce n'était pas
évident pour les députés. Alors, on a expliqué
ça en long et en large pour leur faire comprendre que, quand il y avait
une faillite... J'étais ici au titre de l'exécutif de la CACCQ,
qui est un chapeau un peu plus grand, où je représente les arts
visuels; à cette même association, il y a entre autres la
littérature, la danse, en fait, toutes les disciplines culturelles.
Alors, on a tenté d'expliquer ce qu'était la
propriété intellectuelle. On a expliqué que, quand il y
avait des faillites, le matériel Intellectuel, en fait, que la
création, que la matière première de ces
industries-là, ce sont les artistes. Il n'y a pas d'industrie du disque
s'il n'y a pas de chanteurs et s'il n'y a pas de compositeurs. C'est à
cet effet qu'on demandait d'être reconnus comme créanciers
privilégiés.
Je ne pense pas que ça ait été très bien
compris, parce que le contexte ne s'y prêtait peut-être pas. Aussi,
c'étaient des arpenteurs, c'étaient des géomètres
qui se pointaient à cette commission parlementaire sur le Code civil. On
se disait qu'ici ce serait beaucoup plus clair, puisqu'il y a beaucoup
d'intervenants culturels informés; on sait qu'il y en a qui ont
même pratiqué certaines disciplines artistiques. Donc, on pense
que ce sera mieux reçu et que ce sera peut-être le moment de faire
valoir le fait d'être un créancier priviIigié au sens de la
loi et reconnu, du moins dans la loi qui nous concerne.
M. Boulerice: Mme Page, je vais vous remercier très
sincèrement d'être venue nous
donner votre témoignage. Je pense que la commission va
drôlement en bénéficier, comme on dit. Merci.
Mme Bacon: Avant que vous quittiez, Mme Page - si vous me
permettez, M. le Président - j'aurais peut-être une question
à vous poser sur l'article 6. Vous disiez tantôt: Ce que nous
stipulons à i'articie 6 est le minimum. Est-ce que vous voulez qu'on
exige davantage? Dans l'article 6.
Mme Page: En fait...
Mme Bacon: Vous ne nous trouvez pas suffisamment exigeants?
Mme Page: C'est que chacune des disciplines artistiques... Je ne
vous trouve pas assez exigeants pour un artiste professionnel. Pour !a
commission de reconnaissance, je trouve que dans le fond c'est peut-être
correct que ces critères soient d'une certaine souplesse, parce que les
associations... Le Conseil de la sculpture du Québec, les sculpteurs
professionnels, on a différents types de membres; on a des membres
sélectionnés, des membres non sélectionnés - des
membres tout court, autrement dit - et on fait une distinction, nous autres.
Non, je pense que c'est correct pour que... On sait que certains artistes ne
pourront jamais faire partie de nos associations professionnelles pour se faire
reconnaître... Parce que ça peut être très vrai
qu'ils vivent de leur art, ça peut être des professionnels
à leur sens, mais ils n'ont pas nécessairement de ia place dans
nos rangs. Alors, je pense que c'est correct qu'ils soient là, mais
qu'ils aient les critères de notre association reconnue et qu'ils
viennent se mêler aux nôtres, c'est là que ça
dérange. En fait, l'article 6 en soi est correct.
Mme Bacon: Je pense que vous faites bien la distinction entre la
commission de reconnaissance et vos associations.
Mme Page: Oui, oui.
Mme Bacon: Merci beaucoup, Mme Page.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme la
ministre, merci, Mme Page.
Mme Page: Merci.
Conseil des arts textiles du Québec
La Présidente (Mme Bélanger): Je demanderais au
Conseil des arts textiles du Québec de bien vouloir s'approcher. Mme
Nantel, on vous souhaite la bienvenue.
Mme Nantel (Lise): Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): Je pense que je n'ai
pas à vous expliquer les règles du jeu. Vous avez passé la
journée avec nous. Je vous demanderais de présenter votre
mémoire.
Mme Nantel: Mme ia Présidente, Mme la ministre, M. le
député, mesdames, messieurs, j'ai l'impression d'arriver
après une très longue conversation où on a
répété un peu les mêmes choses à plusieurs
reprises, mais les argumentations deviennent de plus en plus subtiles - on
l'espère, en tout cas - quand la conversation est intéressante
comme cela a pu l'être aujourd'hui. Forcément, le mémoire
rédigé que vous avez reçu ce matin, je ne le
présenterai pas dans la même forme parce que les arguments de mes
collègues et ies questions auxquelles on a apporté des
réponses font qu'il y a peut-être des clarifications.
Je vais essayer de passer quand même assez rapidement. La
présentation du Conseil des arts textiles, je crois que ce n'est pas
nécessaire. La seule chose que je voudrais souligner, c'est qu'on s'est
donné comme rôle très particulier de... On a l'impression
qu'on est une discipline avec une problématique particulière.
Cela justifiera peut-être, par la suite, certaines inquiétudes
qu'on va manifester, ce pourquoi on tient tellement à la discipline et
au besoin... vis-à-vis des centres.
Je vais passer tout de suite aux articles. Nous trouvons très
important tout de même de présenter un mémoire à
cette commission parlementaire, parce que nous sommes solidaires depuis
longtemps des autres associations pour réclamer cette loi. C'est
essentiel de reconnaître le professionnalisme des artistes et, à
la suite de l'adoption de ia loi 90, c'est encore plus marquant.
Nous appuyons ce projet de loi et ses grands objectifs. C'est un point
important pour la reconnaissance des artistes et de l'art comme valeur
importante dans notre société. Ce projet nous tient vraiment
à coeur et nous tenons à en reconnaître la pertinence et
à reconnaître ia qualité du travail qui a
déjà été fait. À cause de l'importance que
nous accordons justement à ce dossier, nous devons malheureusement
regretter que le temps alloué à l'étude des documents et
à ia rédaction des mémoires soit si court. C'est
probablement une des raisons qui font qu'on n'a pas pris la peine de toujours
souligner les points positifs eî que nos critiques vont vraiment au plus
pressé. On souligne vraiment quelques grands éléments,
mais cela n'a pas toujours la subtilité et la force qu'on voudrait bien
y voir. C'est pourquoi nous soumettons quand même des recommandations,
mais c'est vraiment pour que le projet de loi corresponde encore plus aux
besoins de tous les groupes.
Je ne reviendrai pas sur tous les articles. Je vais attendre que cela
soit vraiment important. À l'article 2, cela a déjà
été dit à plusieurs reprises; nous appuyons exactement la
même position. Pour l'article 3, je prendrai quand même
la peine de vous relire ce que nous avions préparé. Les
disciplines reconnues en arts visuels sont multiples. Chacune répond
à des contraintes particulières et s'incrit dans un réseau
de production et de distribution qui lui est propre. C'est pour que les besoins
spécifiques de chacune des disciplines soient équitablement
comblés que les artistes ont senti le besoin de créer des
associations disciplinaires. C'est pourquoi on trouve important encore de
reconnaître cette réalité. C'est pourquoi, par la suite,
nous proposons, comme le Conseil de l'estampe, d'ajouter, à plusieurs
points, dans plusieurs articles: du domaine ou de la discipline. On pourra
revenir sur le contenu réel que cela sous-tend par la suite. L'autre
changement qu'on propose au point 3 a déjà été
soulevé par Louise Page, du Conseil de la sculpture, mais cela a aussi
été soulevé ce matin, c'est-à-dire la
représentation publique et toute autre utilisation publique. (21 h
15)
À l'article 6, nous aussi avons remarqué que ce sont des
conditions minimales de reconnaissance qui pourront poser des questions, quand
il s'agira de les appliquer, à cause du fait que dans chacun de nos
conseils déjà reconnus les conditions sont plus exigeantes. Pour
l'article 7, nous apprécions quand même la reconnaissance
très concrète ainsi accordée aux associations et nous le
voyons même comme une mesure pouvant inciter les artistes à en
faire partie.
C'est à la section II du chapitre I! que nous avions les
réserves les plus importantes. Je vais essayer de les condenser le plus
possible sans me fier à mon texte. Bien sûr, elles recoupent les
remarques déjà faites autant par le Conseil des artistes-peintres
du Québec que par le Conseil québécois de l'estampe. A la
fin de cette journée, je crois que Louise Page avait raison de dire
qu'il y a probablement un consensus inconscient, c'est-à-dire que,
finalement, chacun des conseils, en exprimant des réticences devant une
association qui regrouperait Immédiatement les associations
déjà existantes, a surtout marqué l'inquiétude que
cette association ne réponde pas à des besoins réels,
qu'elle chapeaute et qu'elle vienne trop vite, qu'elle nous force à
réaliser d'urgence quelque chose qu'on n'a pas encore
évalué totalement. Alors, c'est vraiment sur la hâte qu'on
s'inquiétait parce qu'on trouve quand même important de
reconnaître les conseils existants. Attendez, je vais reprendre un petit
peu pour être sûre de ne rien oublier.
Nous sommes conscients quand même des difficultés
déjà rencontrées dans le passé par les artistes en
arts visuels pour créer des regroupements. Bien sûr, on sait que
cela peut tenir aux conditions d'exercice de la profession. André Michel
l'a bien dit, notre travail est solitaire essentiellement. Je pense que c'est
quand même une donnée importante, mais c'est aussi que notre
travail est très varié, très diversifié.
Actuellement donc, nous croyons qu'il n'y a pas d'association qui soit en
mesure de nous représenter adéquatement. Si nous insistons pour
obtenir la reconnaissance à cette étape-ci des associations
disciplinaires, ce n'est pas parce qu'on envisage de ne jamais nous regrouper,
c'est plutôt parce qu'on voudrait vraiment définir entre nous,
dans le respect de chacun des groupes, les champs d'intervention qui seront
touchés par l'association regroupée et les différentes
associations. C'est plutôt aussi pour ne pas laisser de vide parce qu'on
souhaite quand même que le projet de loi soit adopté très
rapidement, car dans l'ensemble il nous convient très bien. On
reconnaît qu'il est une défense de nos intérêts et on
veut vraiment l'appuyer, mais c'est juste pour qu'il n'y ait pas de trou entre
l'acceptation ou la réalisation du projet de loi et la
réalité concrète d'un regroupement des associations
d'artistes. C'est peut-être là l'essence de notre recommandation.
Je crois que je n'en oublie pas. Dans le fond, déjà - je veux
quand même le souligner - on comprend l'importance de se donner plus de
pouvoirs face aux diffuseurs et on a quand même à plusieurs
reprises fait des concertations. Vous l'avez remarqué aujourd'hui, on a
souligné à plusieurs reprises les mêmes points et ce n'est
pas un accident, c'est parce qu'on se parle, qu'on veut partager des locaux,
mais aussi parce qu'on se retrouve sur plusieurs dossiers.
La recommandation que nous faisions d'ajouter à chacune des
disciplines ou à chacun des domaines suivants, on peut la retrouver aux
articles 9, 10 et 11. À l'article 12, par ailleurs, c'est le terme
"injustement" qu'il nous semblait nécessaire de préciser un peu
à cause des remarques faites sur les conditions minimales de
reconnaissance. À l'article 13. 3°, encore une fois, cela recoupe
les positions présentées par Louise Page et par les autres
conseils. Si on va aux articles 17, 19, 21, 22, 25, c'est encore une fois la
discipline ou le domaine visé que nous proposions à ce
moment-là. À l'article 26, on essayait de voir comment on
pourrait proposer quelque chose au lieu de dire qu'on n'était pas
d'accord avec la façon dont c'était formulé. Il nous
semblait possible de dire qu'il y avait déjà des
possibilités d'Imaginer des associations qui s'occuperaient plus
particulièrement de certains points comme la gestion, comme la
perception auprès des diffuseurs, comme les caisses de retraite. C'est
pourquoi nous l'avons présenté comme cela.
Je passe tout de suite au chapitre III qui offre quand même des
protections très importantes, notamment celles concernant les faillites
des diffuseurs. La connaissance des opérations liées à
l'utilisation des oeuvres nous a paru importante et les normes minimales
inscrites au contrat liant le diffuseur à l'artiste. À l'article
30, nous souhaitions une clarification, mais j'aurais de la difficulté,
parce que, pour moi, c'est un langage différent, à savoir
exactement pourquoi on ne parvenait pas à comprendre
clairement quelle était l'intention dans cet article. À
l'article 33, je pense que je ne ie répéterai pas, cela a
été redit par tous mes coilègues.
À l'article 37. 1°, nous soulignons comme un fait
intéressant le fait que le législateur reconnaît
l'importance pour les artistes de faire le suivi de leurs oeuvres, donc, leur
droit de connaître les acheteurs parce que c'est déjà
arrivé qu'un diffuseur ne transmette pas à l'artiste ie nom des
gens à qui il vend parce qu'il garde son réseau, alors que pour
un artiste c'est quand même important.
En conclusion, nous dirions que, malgré les modifications
proposées, le projet de loi 78 nous tient vraiment à coeur et
nous tenons à ce que cette loi soit adoptée rapidement. Si nous
manifestons des réserves, c'est dans l'espoir que cette loi soit
appliquée rapidement, mais sans menacer les acquis importants obtenus
par un long travail et, surtout, pour que cette loi elle-même ne soit pas
rendue fragile dans son application par un consensus qui ne serait pas
cautionné par le milieu artistique directement touché. C'est
pourquoi nous insistons sur les principaux points qui nous inquiètent,
c'est-à-dire la représentativité des disciplines
artistiques dans la reconnaissance d'une association, ie besoin que
l'association reconnue soit administrée par des artistes élus par
leurs pairs et le danger de hâter un regroupement qui ne correspondrait
pas aux besoins réels. Alors voilà!
Mme Bacon: Alors, madame...
La Présidente (Mme Bélanger): Mme la ministre.
Mme Bacon: Mme Nantel, je voudrais vous remercier de votre
mémoire. Cela répond bien aux attentes que nous avions à
cette commission parlementaire de connaître vraiment les réactions
du milieu par rapport aux différents articles de la loi. J'observe quand
même que vous partagez avec nous cet objectif global que nous nous
étions fixé dans le projet de loi, et vos demandes m'apparaissent
d'ordre opérationnel. Si vous aviez à prioriser vos
représentations par rapport à ce projet de loi, quelle serait la
principale représentation que vous aimeriez faire et que vous aimeriez
vraiment voir retenue? Je comprends que l'ensemble est important, mais est-ce
qu'il y en a une qui transcende les autres? Est-ce qu'il y en a une qui est
plus importante que les autres dans ce projet de loi?
Mme Nantel: Je trouve cela très difficile de les
départager parce que, dans le fond, si on reconnaît aux artistes
un statut professionnel, forcément, il y a un engagement de la part des
artistes de respecter les avis. Donc, c'est bien certain que dans notre
mémoire on a plus insisté sur une crainte parce qu'on voulait
préserver des acquis. On croit que ce projet de loi nous amène
plus loin, mais on voulait qu'il nous amène plus loin en gardant ce
qu'on avait quand même gagné avec du travail et avec des appuis.
C'est donc là-dessus qu'on a insisté. Par ailleurs, prioriser
à l'intérieur... Nous n'avons pas beaucoup parlé de tout
le rapport avec les diffuseurs, parce que }e savais que mes collègues le
feraient. Dans l'ensemble, on était d'accord, mais cela nous
paraît quand même important. C'est le lieu d'échanges
concrets de notre travail. Non, malheureusement, je ne peux pas vraiment
répondre à votre question par une seule réponse.
Mme Bacon: II y en a plusieurs.
Mme Nantel: Oui, je trouve. C'est pour cela que la loi est
intéressante.
Mme Bacon: C'est pour vous un pas en avant, quand même, sur
ce qui existe déjà.
Mme Nantel: Oui, tout à fait. Je crois qu'on l'a dit et
redit.
Mme Bacon: Est-ce que vous estimez utile l'existence d'un
regroupement des associations disciplinaires pour certains mandats, par
exemple? Vous craignez cependant qu'un regroupement ne se fasse - il m'a
semblé percevoir cela - au détriment des associations qui sont
moins bien représentées. Est-ce qu'il y a des garanties que vous
aimeriez voir inscrites dans la loi pour protéger ces associations qui
sont moins bien représentées, pour éviter ce
problème?
Mme Nantef: Je crois que j'ai passé pardessus pour aller
plus vite, mais tout de même j'ai souligné dans le mémoire
qu'on comprend très bien l'importance que les artistes se donnent un
interlocuteur face aux diffuseurs et même face à toutes les
institutions. C'est tout simplement que pour le moment c'était un
problème d'application, en fait, et de réalisation, mais un
problème qui peut prendre un certain temps avant qu'un même
regroupement n'exerce autant les fonctions reconnues dans l'article 25 que
toutes les fonctions de l'article 26. Il nous semblerait dommage qu'on se
dépêche de se doter d'une association qui serait capabie, par
exemple, de représenter ses membres aux fins de la négociation
eî que ce soit le seul objet de notre regroupement. On pense qu'on peut
aller beaucoup plus loin que cela mais qu'il faut voir dans quelle mesure les
fonctions sont rattachées à une discipline, à des besoins
politiques ou à des négociations fiscales, de gestion ou d'autres
types. C'est pourquoi on a manifesté tant d'inquiétude. Quand on
proposait de toujours inscrire les associations, c'était une
façon pour nous de reconnaître... Je ne sais pas si c'est une
façon d'inscrire dans un projet de loi. C'était une tentative de
le manifester tant que nous n'aurions pas cette association. Il y a certains
aspects qui vont être très rapides, qu'on fait
déjà; d'autres peuvent prendre un peu plus de temps.
Mme Bacon: Ce matin, des gens nous demandaient un délai de
deux ans. Vous craignez un vide. Je crois que ce sont les termes que vous avez
utilisés tantôt. Est-ce que deux ans semble trop long pour vous,
pour arriver à ce regroupement?
Mme Nantel: S! cette loi est en exercice et qu'il n'y a pas
d'association reconnue, il me semble qu'il y a un trou. Il est certain...
Mme Bacon: C'est dans les mesures transitoires.
Mme Nantel: Je ne pense pas que le délai de deux ans dont
a parié André Michel soit si long dans la réalité
pour réaliser ce qu'on veut faire, mais il est très long pour le
laisser ouvert. C'est pourquoi on demandait...
Mme Bacon: II faudrait penser à d'autres mesures.
Mme Nantel: C'est cela, demander d'autres mesures.
Mme Bacon: Vous dites que l'article 30 devrait être
reformulé pour énoncer clairement les intentions du
législateur. Comment verriez-vous cet article? On dit: "Pour être
opposable à l'artiste, le contrat doit être constaté... "
(21 h 30)
Mme Nantel: Non. Cela fait suite à des discussions qu'on a
eues mais qu'on n'a pas complétées, je m'en aperçois,
finalement. On se demandait s'il n'y aurait pas lieu, à cet article: "le
contrat doit être constaté par un écrit
rédigé en double exemplaire et identifiant clairement"... Lors de
la discussion, Je crois que c'était "et incluant tous les paragraphes
suivants". Je crois qu'on ne l'a pas poussé, mais c'était
déjà dans notre mémoire et ça m'a
échappé. Je suis désolée, mais je pense quand
même... Non, cela va. Il faut dire aussi qu'après la
journée ces termes deviennent un petit peu plus courants. On commence
à comprendre plus.
Mme Bacon: Dernière question. À l'article 26, vous
suggérez d'ajouter qu'une association d'associations puisse créer
une société indépendante pour remplir les fonctions
énoncées à l'article 26, 2°, 4°, 5° et 8°.
Le paragraphe 2°, c'est représenter ses membres, 4° percevoir,
à la demande, 5° établir et administrer des caisses
spéciales de retraite et 8° élaborer des contrats types.
Est-ce que vous ne craignez pas que cette association échappe aux
artistes et aux associations disciplinaires qui les représente
actuellement? Est-ce que vous avez une crainte là-dessus?
Mme Nantel: Non, si cette association est parrainée ou
initiée par les associations. Elle est indépendante par rapport
à un fonctionnement, mais son membership et sa réalité
sont en lien avec les associations.
Mme Bacon: À la dernière page de votre
mémoire, vous identifiez trois points qui vous inquiètent: la
représentativité des disciplines artistiques, le besoin que
l'association reconnue soit administrée par des artistes élus par
leurs pairs et le danger de hâter un regroupement qui ne corresponde pas
aux besoins réels. Ne trouvez-vous pas que l'ensemble des secteurs en
arts visuels regroupé autour de mandats bien spécifiques
risquerait d'avoir plus d'impact que plusieurs associations de grosseurs ou de
forces différentes? Est-ce que, si c'est morcelé, c'est plus
fort?
Mme Nantel: Peut-être par rapport aux lois de la
négociation dans certains secteurs, par exemple, face aux diffuseurs,
mais c'est à l'interne. Bien sûr que ce regroupement aurait plus
de pouvoirs par rapport aux associations qui en font partie et, en tant que
représentante d'un conseil relativement petit, je ne peux
m'empêcher d'être toujours consciente que, plus on est petit, plus
on veut être autonome et plus on veut avoir le droit de garder son
territoire. Il ne s'agit pas de le défendre au détriment
d'avantages réels. En fait, je répète un peu ce qui s'est
dit, et je me répète aussi, c'est toujours le même
problème. C'est que ce sont des secteurs très variés,
très différents. Il y a en ce moment des regroupements dans ce
secteur qui sont d'ordre disciplinaire. Il y a des choses à
défendre à ce niveau-là qu'on ne peut pas chapeauter par
un regroupement qui pourrait redistribuer ou dire qu'on va faire un consensus
sur certains de ces aspects-là; il y a tout un autre ordre de
problèmes qui peut très bien se faire à ce niveau. Je
pense que c'est entre ces deux pôles-là qu'on se promène et
c'est pourquoi on a tant de difficulté à l'identifier à un
endroit, parce que c'est vraiment très large.
Mme Bacon: Est-ce que la législation ne devance pas un peu
le goût des gens de s'unir pour faire une force? Est-ce qu'on ne va pas
trop vite par rapport au désir de regroupement? C'est un peu ce que je
discutais cet après-midi.
Mme Nantel: J'imagine que vous ne vous sentez pas très
portée par le désir des intervenants en arts visuels.
Mme Bacon: Parce qu'on nous a dit qu'il y a 20 ans, dans les
années 1960, on voulait regrouper et que cela n'a jamais marché.
On est rendu en 1988, on veut regrouper et il y a encore des
réticences.
Mme Nantel: Non, mais notre prudence
vient peut-être justement de ces années-là. On a
quand même un peu de mémoire et on se rappelle que ces
regroupements ont fait des feux d'artifice extraordinaires à un certain
moment, mais je crois que ce n'est pas pour rien que chacun des conseils a
évolué beaucoup depuis sa fondation et a même souvent
résisté, ils n'ont pas juste évolué de façon
facile, mais très souvent ils ont été obligés de se
battre et de recommencer. Donc, c'est tout petit et tu as l'impression qu'il y
a moins de gens à traîner, à convaincre ou à mettre
ensemble. Je pense que c'est pour cela qu'on a cette méfiance. On ne
veut pas l'imposer et on ne croit pas que les artistes en arts visuels y
tiendraient, mais en même temps on continue quand même à
fonctionner et à faire des regroupements. On les fait, on existe, on
travaille dedans. Cela regroupe quand même quelques milliers d'artistes,
si on additionne l'ensemble des membres des conseils, et ce n'est pas rien.
Peut-être que cela ne vous paraît pas un mouvement de foule, mais
j'ai déjà expliqué un peu pourquoi je pense que cela peut
être comme cela. Cela peut se transformer et, déjà, la
conscience de la reconnaissance du statut de l'artiste professionnel fait que
beaucoup d'artistes sont prêts à se regrouper sur ce plan,
même des artistes qui n'étaient pas prêts à se
regrouper sur un plan disciplinaire.
Mme Bacon: Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme la
ministre. M. le député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Si je vous comprends bien et sans faire de jeu de
mots, en réponse à la ministre, vous lui avez dit que vous
n'étiez pas fermés à toute association, mais que vous
vouliez quand même conserver votre souveraineté.
Mme Nantel: Voilà, tout à fait.
M. Boulerice: Parfait! On s'entend là-dessus.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Bacon: L'union fait la force.
M. Boulerice: Ah! Vous savez, madame, j'étais favorable au
libre-échange contrairement à vous et on est d'accord pour
préconiser des échanges, mais des échanges libres et non
pas forcés. Encore là, on se rejoint une deuxième fois,
madame.
Mme Nantel: Vous ne me ferez pas dire celle-là, par
exemple. Ha, ha, ha!
M. Boulerice: On n'ira pas plus loin dans ce
débat-là. Je l'ai vécu cette fin de semaine-ci, entre
parenthèses. Je vais en profiter pour faire un petit aparté. Vous
avez souligné le 1 % d'oeuvres d'art incluses au bâtiment. J'ai le
plaisir de vous annoncer que notre atelier sur la culture a adopté un
autre 1 % qui regarde ie secteur privé, avec des mesures incitatives, de
façon que cela devienne une réalité de plus en plus... que
cela soit vraiment utilitaire dans le vrai sens du terme, même si on veut
l'enlever à ce moment-ci, mais on en comprend le bien-fondé.
J'ai remarqué beaucoup d'insistance de votre part quand vous
dites: professionnels de ia discipline ou du domaine visé, ce qui est un
changement de vocabulaire qui a, à mon point de vue, une portée
très forte comparativement à ce qu'on retrouve dans ie texte.
J'aimerais que vous expliquiez cela encore un petit peu plus.
Mme Nantel: Pour moi, c'est tout simplement la reconnaissance de
quelque chose qui existe déjà, de quelque chose qui a fait ses
preuves. Des associations qui ont travaillé pendant, disons, 25 ans,
dans certains cas - 8 ans dans notre cas, on est la plus récente - mais
il reste que ce sont des associations qui ont travaillé sur plusieurs
plans pour défendre ou promouvoir les droits des artistes. C'est
vraiment pour ne pas perdre ces acquis. Ce n'est pas pour dire que c'est la
seule formule ou la seule façon, mais c'est aussi pour souligner qu'il y
a certains mandats qui ne pourraient être confiés qu'à ces
associations disciplinaires et d'autres non. D'autres pourraient être
confiés à un regroupement ou à un type de regroupement. Je
ne sais pas, j'ai l'impression de... Peut-être que je me fais mal
comprendre, mais...
M. Boulerice: Non, cela va. Donc, vous reprenez vous aussi ia
question que je posais tantôt à Mme Page quand je lui disais:
Est-ce que je vous décode bien? Vous dites vous aussi: On est de grandes
filles, on est de grands garçons, on est capables de s'occuper de notre
gestion, de nos codes, de notre discipline. Cela, vous nous laissez cela. On
est d'accord avec le regroupement, mais à d'autres niveaux. Vous
partagez cette opinion-là?
Mme Nantel: Oui.
M. Boulerice: D'accord. Vous dites, en conclusion: Malgré
les modifications proposées - il faut bien faire attention au
libellé que vous avez employé - ie projet de !oi 78 nous tient
à coeur et nous tenons à ce que cette loi soit adoptée. Je
vous répondrai que ie projet de loi 78 me tient à coeur et que je
souhaite bien qu'il soit adopté. Par contre, vous avez bien dit
modifications et vous ajoutez: Nous manifestons des réserves. Vous
insistez sur la représentativité des disciplines artistiques dans
la reconnaissance d'une association d'artistes professionnels dans le domaine
des arts visuels, le besoin que l'association reconnue soit administrée
par des artistes élus par leurs pairs - je pense que rien n'est plus
légitime que cette recommandation-là - et
le danger de hâter un regroupement qui ne correspondrait pas aux
besoins réels des artistes. Pour vous, ce sont vraiment des sine qua
non. Est-ce que je me trompe?
Mme Nantel: Vraiment, je m'excuse. Je commence à trouver
que c'est long aujourd'hui. Je pense que j'ai reviré votre question de
côté. Pourriez-vous me la répéter, s'il vous
plaît? Je n'arrive plus à retrouver cela.
M. Boulerice: Vous avez insisté sur trois points à
la fin. Une loi qui ne répondrait pas à ces trois
points-là, pour vous, ne serait pas une loi acceptable, ce ne serait pas
la loi que vous souhaitez.
Mme Nantel: J'insiste pour dire que c'est important et que toutes
ces demandes, toutes ces réserves font référence à
des craintes qu'on a déjà manifestées lors de
consultations. Si on ne souhaitait pas que la loi soit adoptée
rapidement, on débattrait en disant: On ne veut pas que la loi soit
adoptée, ceci est très important et on ne veut pas broncher. Ce
qu'on dit, en fait, c'est que ceci est très important et que, pour que
la loi soit adoptée et respecte nos demandes, on demande d'inclure la
mention "les associations disciplinaires", les associations. Alors, c'est comme
cela qu'on le présente. Peut-être y a-t-il des formulations plus
adéquates, mais c'est vraiment parce que... Ce n'est pas pour
ménager la chèvre et le chou, mais c'est que, effectivement, on
trouve que c'est un acquis, mais c'est un acquis à la condition qu'on
n'y perde pas les acquis déjà là.
M. Boulerice: J'essaie de faire un parallèle et, entre
parenthèses, ne soyez pas gênée de dire que vous êtes
fatiguée, je pense qu'on a tous vécu cela. Ne soyez pas
gênée de le dire. Mais j'essaie de faire un parallèle avec
la loi 90 que nous avons votée. Je ne sais pas si vous étiez
présente, mais je me rappelle fort bien que, quand on l'a votée,
les intervenants étaient là et que leur position était
tranchée. L'Union des artistes disait fort bien: Nous voulons, à
tel article, tel amendement; pour nous, la loi est inconcevable si tel article
n'est pas amendé de telle façon. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu
des modifications. On demandait 60, une partie voulait 30, l'autre 90. En tout
cas, cela a fini par s'arranger. Ce que je ne sens pas comme tel, et j'ai
employé l'expression tantôt, c'est qu'il ne semble pas y avoir de
sine qua non. Vous semblez dire: Bon, elle sera peut-être imparfaite,
mais j'aime autant l'avoir tout de suite que d'attendre un peu et qu'elle
réponde entièrement aux besoins que j'exprime.
Mme Nantel: En fait, ce qu'on demande, c'est une garantie de
reconnaissance des associations déjà existantes. Je ne pourrais
pas le dire comme un sine qua non, mais on le demande expressément. Je
pense que c'est très Important, même pour que la loi soit
applicable par la suite. (21 h 45)
M. Boulerice: Applicable. Les garanties, vous savez comme moi que
c'est toujours écrit.
Mme Nantel: Oui.
M. Boulerice: Malheureusement, on n'est plus au siècle
où on se serrait la main en disant: Voilà ma parole. Donc, c'est
écrit. Il s'agira de voir quels sont les amendements qui peuvent
être apportés pour rendre la Soi conforme à ce vous
souhaitez.
Mme Nantel: Excusez-moi de vous interrompre.
M. Boulerice: Oui.
Mme Nantel: C'est vraiment pour nous permettre de
réaliser. On est d'accord avec l'idée d'en venir à des
regroupements, mais c'est vraiment pour nous permettre de le réaliser.
C'est pour cela que je ne peux pas le mettre comme un sine qua non parce que ce
n'est pas: C'est cela ou cela. C'est cela, mais cela serait beaucoup mieux
si... Sinon, on va être obligé de se battre et on ne le veut pas.
Ce n'est pas un rapport de pouvoirs qu'on est en train d'essayer
d'établir. On est en train d'essayer de faire que tous les dossiers
avancent le plus possible. C'est cela qu'on essaie de voir. Je ne le sais pas,
il faudra que je reparle à mes collègues aussi. J'essaie de
respecter la position de mon conseil et de la respecter avec tous les arguments
que j'ai pu entendre aujourd'hui. Alors voilà!
M. Boulerice: Je vais tenter une autre avenue pour être
bien certain d'avoir décodé le message que vous nous apportez au
nom du Conseil des arts textiles du Québec. En définitive, votre
préoccupation majeure, compte tenu du groupe que vous êtes, de son
nombre, etc., vous avez parlé de relation de pouvoir tantôt. Votre
principale inquiétude est une hâte trop rapide de regroupement,
une hâte trop rapide pour ce qui est d'un regroupement et la
possibilité d'un regroupement, comme vous le dites, qui ne
correspondrait pas aux besoins réels des artistes, comme l'ont
exprimé les gens de la littérature à un certain moment de
la journée.
Mme Nantel: Je vous avoue que j'ai manqué...
M. Boulerice: Vous avez manqué ce bout-là?
Mme Nantel:... ce petit bout-là, en tout cas, le moment
où ils ont présenté les difficultés
particulières à leur secteur. Je n'étais pas là.
J'ai entendu la fin des questions, mais je n'ai pas pu dégager de
conclusion de cela. Non, je ne pourrais pas vous répondre
là-dessus.
M. Boulerice: En tout cas, moi, à mon point de vue, je
trouve que vous avez mis les accents ià où ils devaient
être mis. Je pense que vous avez bien ciblé. Maintenant, il me
reste à vérifier si je vous ai bien comprise. J'ai l'impression
que oui.
Mme Nantel: Je i'espère. Je suis désolée
sinon.
M. Boulerice: Je vous le répète, dans la mesure
où le projet de loi, puisque c'est un projet, il n'a pas encore
été voté, dans la mesure où cela donnera
satisfaction aux Intervenants qui seront venus ici, pour les demandes qui
tiennent toujours du domaine du possible, il faut s'entendre, la
politique-fiction n'existe pas, je vais faire avec vous le souhait, et je vais
même y concourir, que la loi soit adoptée le plus rapidement
possible de façon que vous ne soyez pas pénalisés et que
vous poursuiviez cet effort de création qui est tellement évident
au Québec et qui est lié à notre identité nationale
d'ailleurs. Je vais vous remercier ià-dessus en vous disant: Maintenez
vos réserves, mais atténuez peut-être certaines de vos
Inquiétudes.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de Saint-Jacques. Mme la ministre.
Mme Bacon: Je ne continuerai pas la torture mentale du
député de Saint-Jacques, Mme Nantel. Il y a
peut-être...
M. Boulerice: Madame, je ne vous ai jamais traitée comme
cela. J'ai trop d'affection pour vous. Cela est su.
Mme Bacon: Je comprends que la loi dans certains de ses articles
n'est pas aussi limpide qu'on aurait voulu l'avoir. C'est peut-être parce
qu'on a voulu protéger justement les associations disciplinaires
existantes quand on parle d'un regroupement. On ne veut pas aboiir ou briser
les associations ou ce qui existe déjà. S'il faut davantage
clarifier la situation, on pourra revoir certains articles qui touchent au
regroupement pour clarifier davantage, pour que ce soit moins ambigu et bien
démontrer que notre but, ce n'était pas de diminuer et de
complètement nier l'existence des associations disciplinaires, au
contraire. Je pense que des associations disciplinaires fortes feront un
regroupement fort aussi. S'il faut le clarifier davantage, on va le faire.
C'est peut-être ce qui rend ambiguë cette loi parce qu'on a voulu
garder les associations disciplinaires tout en pensant regroupement. C'est
peut-être ce qui cause l'ambiguïté, mais je ne vous poserai
pas de question pour vous rendre malheureuse.
Mme Nante!: Non, j'espère répondre à vos
questions, c'est vraiment qu'à un moment donné j'ai l'impression
de m'enfarger.
Mme Bacon: Très bien.
M. Boulerice: Je dormirais très mal ce soir si je quittais
avec l'impression - comme l'a insinué Mme la ministre...
Mme Bacon: Ha, ha, ha!
M. Boulerice:... que je vous ai torturée...
Mme Bacon: Vous l'avez fait subtilement, M. le
député de Saint-Jacques.
Mme Nantel: Vous êtes mon député, alors vous
êtes mieux de faire attention.
M. Boulerice: Vous savez que je ne torture pas mes concitoyennes,
au contraire, je les aime d'amour tendre, et elles me le rendent bien
d'ailleurs.
Des voix: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Bélanger): Mme Nantel, les
membres de la commission vous remercient de votre participation et vous
souhaitent un bon retour dans le beau comté de Saint-Jacques.
La commission ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 51)