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(Dix heures cinq minutes)
La Présidente (Mme Bélanger): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de la culture est réunie ce matin afin de
procéder à la consultation particulière dans le cadre de
l'étude détaillée du projet de loi 78, Loi sur le statut
professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d'art et de la
littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui. Il y a Mme Bélanger
(Mégantic-Compton) qui remplace M. Vaillancourt (Orford).
La Présidente (Mme Bélanger): Nous recevons ce
matin l'Association des éditeurs canadiens. J'aimerais vous faire part
du processus: vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire
et une période de discussion de 40 minutes suivra entre les groupes
parlementaires. Je vous demanderais de vous présenter et de
présenter les personnes qui vous accompagnent.
Association des éditeurs canadiens
Mme Levert (Carole): Bonjour, Mme la ministre, mesdames et
messieurs les députés. Je suis Carole Levert, présidente
de l'Association des éditeurs canadiens, fondée en 1943 et qui
regroupe l'ensemble des éditeurs de littérature et de
littérature générale du Québec. Je suis
moi-même éditeur aux éditions Libre Expression. Les gens
qui m'accompagnent aujourd'hui sont Me Brunet, Mme Johanne Guay, directrice
générale de l'Association des éditeurs canadiens, M.
Pierre Tisseyre, vice-président de la Société des
éditeurs de manuels scolaires du Québec, Mme Micheline Tremblay,
éditeur des éditions Fides, également membre du
comité exécutif de l'Association des éditeurs canadiens,
et Mme Barbara Creary, des éditions la Courte Échelle.
L'Association des éditeurs canadiens a déposé un
mémoire portant sur le projet de loi 78, mémoire qui vous a
été distribué et dont, au besoin, nous avons ici des
copies supplémentaires, mémoire qui a été
rédigé en consultation également avec la
Société des éditeurs de manuels scolaires du Québec
et l'Association des presses universitaires du Québec. Je m'adresse donc
à vous au nom de tous mes collègues qui, plus tard, pourront
être disponibles pour répondre à vos questions. Je ne veux
pas revenir sur tout le mémoire puisque vous i'avez déjà
reçu, mais j'aimerais poursuivre avec vous sa réflexion.
Il n'y a pas de manuscrit sans auteur, le manuscrit étant
l'oeuvre de l'auteur. Il n'y a pas de livre sans éditeur, le livre
étant l'oeuvre de l'éditeur. Sans éditeur et sans livre,
il n'y a pas de littérature. Notre lecture du projet de loi s'est
inscrite dans la perspective de cette réalité. La tentative de
regroupement qu'est le projet de loi 78 donne lieu à une
définition univoque de "diffuseur", ce qui a pour effet, entre autres,
d'abolir la spécificité de l'édition, de l'édition
de littérature en l'occurrence.
La spécificité de l'édition n'est pas la
reproduction systématique de l'oeuvre, à savoir le manuscrit. SI
c'était le cas, il n'y aurait que des imprimeurs. L'édition ne se
limite pas non plus à la diffusion au sens de la distribution de
l'oeuvre auprès du public; sinon, il n'y aurait que des distributeurs.
L'édition est la transformation de l'oeuvre, soit le manuscrit, en un
objet qui permet et favorise sa commercialisation. Cet objet est le livre. Le
livre est le support de l'oeuvre qui est conçue, créée,
financée, diffusée et commercialisée par l'éditeur
à ses risques et périls, à même ses propres
investissements.
On voit donc que le travail d'édition lie intimement l'auteur et
l'éditeur, de même que leurs sorts respectifs. C'est pourquoi l'on
trouve dans l'édition un type de rapport contractuel de nature
individuelle qui reflète justement le type de relations unissant auteur
et éditeur, des relations qui ne sont pas et qui n'ont jamais
été comparables à celles qui peuvent exister entre un
employeur et un employé.
Si nous comprenons le bien-fondé de la démarche qui vise
à la protection des créateurs dans le domaine de la
littérature, de fait ceux-ci évoluent dans le secteur qui est le
plus vulnérable de l'édition, celui qui présente le plus
haut risque pour l'auteur et pour l'éditeur, compte tenu du fait que ce
type de production ne rejoint pas un secteur de consommation utilitaire. On
s'étonne qu'à l'intérieur de cette démarche l'on
compromette, et cela de façon explicite et appuyée, la nature et
la qualité même des rapports existant entre l'auteur et
l'éditeur, qui ont toujours connu des rapports individuels. On
s'étonne donc que l'on compromette ces rapports par la mise en place de
dispositions de négociations collectives qui sont tout à fait
étrangères à l'édition, l'édition n'ayant
aucune histoire de relations du travail collectives.
À partir du moment où l'éditeur aura en face de lui
un interlocuteur qui ne sera plus un auteur, mais une association qui pourra
exercer tout recours "sans avoir à justifier de mandat, ni de cession de
créance de l'intéressé", la nature de la relation entre
l'auteur et l'éditeur aura profondément changé. Donc,
l'édition aussi aura profondément changé. Nous ne pouvons
pas laisser croire que cela ira dans le sens de
l'épanouissement de la littérature
québécoise et, conséquemment, du statut de ses
créateurs.
Nous avons fait de nombreuses recommandations à l'égard de
la prescription de contrats individuels. Je ne veux pas toutes les rappeler en
ce moment, mais nous souhaiterions attirer votre attention surtout sur la
coexistence des articles 28, 41 et 42. Par ses articles 28, 41 et 42, le projet
de loi 78 révèle une distorsion de taille. Cette distorsion entre
la section I, Contrats individuels, et la section II, Ententes collectives sur
des conditions minimales de diffusion, appliquée dans le contexte
défini par les dispositions de l'article 28 peut difficilement passer
inaperçue. Les articles 28, 41 et 42 du projet de loi dénaturent
de façon explicite la pratique de l'édition et Introduisent des
pratiques qui lui sont étrangères.
Nous ajoutons que l'édition ne pourrait le supporter sans que des
conséquences graves ne se fassent sentir. Comme nous l'avons dit,
l'édition a toujours connu une pratique de contrats individuels. Dans ce
contexte, on comprend mal une disposition telle que celle contenue à
l'article 28 qui se lit comme suit: "L'association reconnue peut exercer pour
un artiste qu'elle représente tout recours résultant pour ce
dernier de l'application de la présente loi, d'une entente liant
l'association avec un diffuseur ou une association de diffuseurs ou d'un
contrat liant l'artiste et un diffuseur, sans avoir à justifier de
mandat, ni de cession de créance de l'intéressé. ' Cette
disposition stiputant "sans avoir à justifier de mandat, ni de cession
de créance de l'intéressé", est abusive. Elle compromet la
valeur de la cession de droits que l'auteur consent à l'éditeur.
Encore, si l'édition évoluait dans un contexte où
éditeur et auteur entretenaient des rapports de patron à
employé, peut-être pourrions-nous comprendre, mais ce n'est pas le
cas.
La dynamique qui existe entre l'auteur et l'éditeur est
déjà suffisamment engageante dans toute sa réalité
pour qu'on ne vienne pas lui ajouter la pression d'une association qui peut
exercer tout recours "sans avoir à justifier de mandat, ni de cession de
créance de l'intéressé". Nous sommes certains que
l'article 28 est contraire à l'édition et contrevient à
son exercice en supprimant la valeur des droits cédés à
l'éditeur par ce même contrat.
Par surcroît, l'article 41 transforme le partenariat qu'est
l'édition en une entreprise de type patron-employé et,
finalement, l'article 43 compromet l'adhésion des éditeurs
à une association professionnelle qui les regrouperait.
L'article 41 introduit la négociation collective dans un secteur
qui n'a jamais connu d'histoire de relation du travail collectives, dans un
secteur où la nature des rapports entre les partenaires est
entièrement fondée sur des relations individuelles. Cette
disposition met en péril, on ne peut plus directement, l'essence
même du travail de l'éditeur avec l'auteur, tel que nous l'avons
expliqué précédemment. On laisse Imaginer la nature de
l'appareil administratif qui sera mis en place au sein de l'édition, une
Industrie composée de petites et moyennes entreprises. Une fois que ces
dispositions seraient effectives, nous craignons que ce problème n'ait
été sous-évalué. Dans la mesure où une
association reconnue pourrait intenter des recours "sans avoir à
justifier de mandat, ni de cession de créance de
l'intéressé", les parties en cause auront intérêt
à s'équiper très adéquatement. Si l'article 28 seul
le justifie, la combinaison des articles 28, 41 et 42 le requiert, sans compter
que cette situation évoluerait dans le contexte où l'article 43
aurait fait son effet: les éditeurs auraient fui leurs associations.
Nous rappelons que l'Industrie québécoise de
l'édition est jeune, qu'elle est en situation de concurrence constante
par rapport aux produits Internationaux se trouvant sur son propre
marché et qu'elle a encore très peu de crédibilité
sur les marchés Internationaux. Imaginez les pressions auxquelles elle
sera soumise à partir du moment où des conditions minimales ou
des contrats types seront négociables, puis deviendront
renégociables au moins tous les trois ans. Imaginez
l'insécurité qui régnera dans cette Industrie, une
industrie où les risques sont déjà très
élevés, quand elle sera guettée par ces dispositions.
Imaginez la réaction d'un partenaire étranger
intéressé à l'achat de droits qui nous sont
cédés lorsqu'il apprendra qu'au Québec il existe des
ententes collectives portant sur des conditions minimales de diffusion.
Il vaudrait mieux faire en sorte qu'il n'apprenne jamais que
l'association reconnue peut Intenter tout recours "sans avoir à
justifier de mandat, ni de cession de créance de
l'intéressé". Il vaudrait mieux aussi qu'il ne s'agisse pas en
plus d'un livre pour enfants. En ce cas, l'éditeur risque de se trouver
face à face avec non seulement l'association reconnue dans le domaine de
la littérature, mais aussi peut-être avec celle reconnue dans le
domaine des arts visuels. Et s'il s'agissait d'une édition d'art d'un
roman Illustré, l'éditeur pourrait avoir affaire à trois
associations reconnues simultanément. Un tel système ne peut que
nuire à la percée de l'édition québécoise
sur les marchés Internationaux.
Par ailleurs, nous pouvons assurer le législateur que les
conditions qui prévalent au Québec à l'égard des
auteurs correspondent aux normes internationales et que ces conditions, dans un
milieu aussi petit que le nôtre, ne sont un secret pour personne. SI l'on
Instaure des pratiques de négociations collectives au sein de
l'industrie québécoise dans le but d'assurer des conditions
minimales de diffusion pour les auteurs de littérature, nous disons que
ce geste est vraiment en disproportion des objectifs visés. En effet,
les conditions minimales sont déjà ce que donne l'édition.
Les effets préjudiciables qu'auront ces dispositions sur l'industrie de
l'édition elle-même viendront à l'encontre de ce
qui est recherché (cl, c'est-à-dire la diffusion des
oeuvres littéraires à la meilleure satisfaction de toutes les
parties qu'elle met en cause.
Enfin, l'article 43 constitue une dissuasion explicite adressée
à tout éditeur de faire partie d'une association professionnelle.
À toutes fins utiles, l'Association des éditeurs canadiens risque
de disparaître dans un très proche avenir, compte tenu du climat
qu'Inspirent les articles 28, 41 et 42. Il paraît nécessaire de
rappeler que l'adhérence d'un éditeur à une association
professionnelle ne repose que sur son choix personnel. il n'y a dans aucune
réglementation gouvernementale d'incitatif favorisant l'appartenance
à une association.
L'article 43, dans son application et ses conséquences pratiques,
constitue à nos yeux une atteinte grave à la profession de
l'édition. Par cette disposition, le milieu de l'édition sera
privé de nombreux services dont bénéficie actuellement
toute la collectivité. On se privera aussi et, entre autres, des effets
du rôle de formation conféré à une association
professionnelle qui peut exercer, en dehors de toute contrainte, une influence
déterminante sur les pratiques qui ont cours au sein de la profession et
cela, encore une fois, pour le bénéfice de toutes les parties
mises en cause.
Étant donné les remarques émises tout au long de
notre analyse, devons-nous nous interroger sur le mérite que nous
aurions à dissoudre l'Association des éditeurs canadiens?
Nous comprenons les objectifs visés par le projet de loi 78, mais
11 nous apparaît que le véhicule choisi n'est pas le plus
adéquat pour les servir. Les remarques que nous avons formulées
dans notre mémoire visent à démarquer l'édition des
autres secteurs touchés par ce projet de loi. Nous demandons au
législateur de bien vouloir prendre en considération les
différents points soulevés dans notre mémoire, même
si les travaux parlementaires sont fort avancés. Il en va de l'avenir de
l'édition et de sa motivation elle-même.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Levert. Mme la
ministre.
Mme Bacon: Mme Levert, mesdames et messieurs, Je voudrais vous
remercier du travail que vous avez accompli parce que vous avez
démontré beaucoup de rigueur a préparer le mémoire
que vous nous présentez aujourd'hui. Je dois vous dire que l'intention
que nous avons, tout d'abord, c'est de régler le statut
socio-économique des artistes autant que possible, mais le régler
aussi en concertation avec tous les milieux concernés. Nous ne croyons
pas qu'une loi puisse apporter une réponse globale et une réponse
aussi définitive aux problèmes multiples de cette reconnaissance
sociale, reconnaissance économique des artistes, reconnaissance de leur
statut professionnel. Il y a différentes situations dans l'exercice de
leur profession qui ne peuvent pas toujours être réglées
par un projet de loi.
Je pense qu'il y a aussi des mentalités à changer. Nous
faisons du droit nouveau avec les projets de loi 90 et 78. Même avec le
projet de loi 78, j'ai souvent l'impression, en tout cas depuis que nous sommes
en commission parlementaire, que nous sommes nettement en avance sur le milieu.
Il y a des préjugés à repousser aussi et il va y avoir des
programmes à réviser, mais je pense que s'il n'y avait pas eu
place à amélioration dans l'intervention que nous voulons faire
par ce projet de loi nous n'aurions pas tenu de commission parlementaire. Cette
commission parlementaire est faite pour que les gens viennent nous indiquer
où Ils ont des problèmes, ce qui leur cause des problèmes,
et qu'ils nous disent aussi, par leurs interventions, où il y a des
obstacles à la bonne marche de leurs affaires, à la bonne marche
aussi des relations entre les artistes et les différents milieux qu'Us
côtoient et avec lesquels Ils doivent travailler quotidiennement. La
situation des artistes est une chose, la situation de ce milieu, prise
globalement, est autre chose.
Vous soulignez quand même à plusieurs reprises dans votre
mémoire que la négociation collective - on sent que c'est
vraiment cette partie de la loi qui vous dérange - ne correspond,
d'après vous, à aucune pratique dans le monde de
l'édition. Mis à part les articles qui font
référence à cet aspect, est-ce que le reste de la loi vous
semble acceptable et de nature à protéger les créateurs,
qu'ils soient auteurs ou éditeurs?
La Présidente (Mme Bélanger): Mme Levert.
Mme Levert: Ce serait difficile d'isoler, je dirais, toutes les
lettres de tout un esprit. C'est d'autant plus difficile, l'article 28, par
exemple, étant ce qu'il est, même en dehors des articles 41 et 43,
de vous dire que l'ensemble de la loi, hormis tel ou tel article, rend service.
L'article 28 est là et exerce une pression déjà sans
même les autres, soit les articles 41 et 43. J'ai beaucoup de mal
à répondre à cette question: Est-ce que vous êtes
d'accord avec tout le reste sauf cela? Alors que cela, par l'article 28, est
déjà là d'une certaine façon.
La Présidente (Mme Bélanger): Mme la ministre.
Mme Bacon: Oui. Je pense que quelques articles qui vous touchent
davantage ne changent pas l'esprit de la loi, au fond. Le but de cette loi
était de protéger, de régulariser, d'apporter cet
équilibre entre les artistes et les gens de leur milieu, de
reconnaître le professionnalisme aussi de nos artistes. Je serais
surprise de savoir que vous êtes contre cela. Je comprends que les
relations entre éditeurs et artistes, pour vous, sont une chose, mais iI
n'y a pas que cela dans la loi, quand même.
Mme Lavert: Ce n'est pas moi qui vais vous dire que vous avez
raison, parce que je pense que, de fait, nous l'avons dit, nous l'avons
écrit dans le mémoire, c'est une Intention que nous partageons
entièrement. Je dirais même que le projet de loi 78, de fait, est
novateur ou, en tout cas, il incarne une volonté novatrice à
laquelle nous voulons bien participer et à laquelle, d'ailleurs, notre
métier nous amène à vouloir participer. Cela n'est pas mis
en cause vraiment, sauf que, dès la lecture des premières pages
de cette loi, nous arrivons à l'article 28, entre autres, qui, lui,
transforme vraiment la nature entre l'éditeur et l'auteur. Cela pose un
problème. Mais la volonté de la loi, son Intention, pas du
tout.
Mme Bacon: J'aimerais peut-être revenir sur l'article 28
parce qu'on en parle beaucoup ce matin. Vous en parlez aux pages 4, 9, 20, 22
et 26 de votre mémoire. Je crois qu'il y a peut-être lieu de
clarifier l'article 28 et de rappeler que cet article s'applique dans les cas
de recours, quant au respect du contrat Individuel et non quant à la
négociation du contrat. C'est ce que dit l'article 28. Dans cet esprit,
est-ce que vous auriez encore des réserves quant à l'esprit de
l'article? Cela ne s'applique pas à la négociation de ce
contrat.
Mme Levert: C'est exact, cela ne s'applique pas à la
négociation du contrat. Cela s'applique à l'exercice du contrat.
Une fois le contrat négocié, un contrat existe, un contrat est
donc en exercice. Ce contrat porte l'endossement, l'accord, l'entente de deux
individus qui sont dans une relation de partenariat. Ils ont convenu et il y a
un individu là-dedans, l'auteur, qui, personnellement, a donné
une cession à une autre personne. Personne d'autre que lui ne peut
donner cette cession à l'éditeur. Par contre, quelqu'un d'autre
que lui peut intenter un recours par rapport au contrat qui prévoit
principalement la cession de droits par l'auteur à l'éditeur.
L'article, et l'application qu'il signifie donc, nous amène
à nous demander quelle sera la valeur du contrat individuel par lequel
l'éditeur recevra la cession, sans laquelle iI n'a aucune raison
d'être et aucune raison d'éditer quoi que ce soit. Quand il aura,
plus tard, à exercer son droit de rétrocéder ces droits
à un tiers, par exemple, ce tiers-là aussi, par la chaîne
qui s'ensuit, pourra avoir affaire à l'association qui pourra Intenter
tout recours, sans avoir à justifier de mandat, ni de cession de
créance de l'intéressé. Éventuellement, quand on
procédera à une vente de droits, à une cession de droits
à un autre tiers, il faudra lui dire, à lui aussi, que c'est un
recours possible, que la cession de droits que j'ai pourra être remise en
question par quelqu'un d'autre qui me l'aura consentie et que lui,
conséquemment, aura à le subir aussi. (10 h 30)
Mme Bacon: Je devrais peut-être vous dire que "recours"
veut dire manquement au contrat. On a recours quand quelqu'un a manqué
au contrat. L'article 28 prévoit que l'association d'artistes peut
exercer des recours pour l'artiste en cas de manquement au contrat qui Iie
l'artiste et un diffuseur. Pourquoi craignez-vous autant l'article 28, dans la
mesure où vos membres respectent sans doute tous leurs contrats?
Mme Levert: Je dirais qu'il y a, dans la situation actuelle, une
question d'Interprétation de ce que dit le contrat, de ce que fait le
contrat. Pour qu'il entraîne une action positive, le recours doit porter
sur quelque chose qui contrevient. C'est exact. On peut intenter un recours en
pensant que quelque chose contrevient, découvrir huit mois plus tard
que, peut-être, il ne contrevenait pas, mais pendant ces huit mois on
n'aura pas été sûr. C'est la même situation
actuellement, sauf qu'il y a quelqu'un d'autre que celui qui m'a
cédé les droits qui aura aussi à interpréter ce qui
est dans mon contrat. Si celui qui a signé a interprété
que c'était ça, mais que l'association le lit et
interprète que ce n'est pas ça, l'association peut venir le
remettre en question, sans avoir à justifier son mandat. Je signe un
contrat avec quelqu'un, et quelqu'un de précis parce que personne
d'autre ne peut m'accorder cette cession. Mais l'Interprétation de ce
qui se signe, quelqu'un d'autre peut la faire aussi. En ce sens, la valeur de
la cession de droits que j'aurai pourra être remise en question. Ce que
j'ai de plus précieux comme éditeur, c'est la cession de droits,
tout repose sur la valeur de la cession de droits.
Mme Bacon: J'aimerais juste vous dire tout de suite que ça
n'affecte pas la cession des droits. Je reviens encore à ma question: Si
les gens respectent les contrats, qu'un recours soit pris par un avocat ou
qu'il soit pris par une association, est-ce que, pour vous, c'est
différent? Disons qu'il y a un manque, puisqu'on dit que "recours" veut
dire un manque de respect d'un contrat, un artiste, en ce moment, qui n'a pas
cette loi 78 et qui se sent lésé par un contrat ou par un
manquement à son contrat peut avoir recours à un avocat, par
exemple. Avec la loi, il pourrait demander à son association de lui
payer un avocat ou de le représenter. Est ce que ça vous effraie
davantage que de voir venir devant vous un avocat qui représente un
écrivain?
Mme Levert: Je comprends peut-être mal. Mme Tremblay a
quelque chose à dire mais, Juste avant, ce que dit cet article, c'est
que l'auteur peut demander à son association de prendre recours pour
lui, donc, de faire ce qu'un avocat peut faire aujourd'hui. Là-dessus,
c'est normal, les avocats peuvent le faire aujourd'hui. Mais l'article dit
aussi que l'association pourrait le faire sans avoir à justifier de
mandat, ni de
cession de créance de l'intéressé. Donc,
l'association pourrait, même si l'auteur ne le demande pas, sans demander
l'avis de l'auteur, ni de l'éditeur, intenter un recours. Nous vivons
mal avec ça comme nous vivrions mal avec le fait qu'un avocat pourrait,
sans demander l'avis de l'auteur, Intenter un recours pour lui. Je demanderais
à Mme Tremblay de faire son commentaire.
Mme Tremblay (Micheline): C'était dans ce sens. Ce qui est
inacceptable, à notre point de vue, c'est la dernière partie du
texte de 28: "sans avoir à justifier de mandat". Quand je signe un
contrat avec un auteur et que l'auteur m'envole son avocat, si je contreviens
à une clause du contrat, l'avocat est mandaté par l'auteur pour
ce faire. Ce que l'article 28 dit, c'est que l'association peut Intervenir sans
mandat. Alors, on intervient sur la nature même du contrat
d'édition qui est un contrat par lequel les individus sont, d'une
certaine façon, l'objet du contrat: tel auteur avec tel
éditeur.
La Présidente (Mme Bélanger): Mme la ministre.
Mme Bacon: Est-ce que vous me permettriez peut-être une
question? Si nous ajoutions à l'article 28 qu'un artiste peut renoncer
à ce mandat de l'association de le représenter, est-ce que cela
vous satisferait? Si nous ajoutions à l'article 28 que l'artiste peut
renoncer à mandater son association, est-ce que...
Mme Tremblay: Cela, on y renoncerait comme auteur.
La Présidente (Mme Bélanger): Un instant, Mme
Creary.
Mme Bacon: Peut renoncer à ce qu'elle soit...
Mme Creary (Barbara): Ce serait dans un contrat entre l'auteur et
l'éditeur que la renonciation se ferait. Je verrais mal un artiste
renoncer à ce droit, possiblement. Pourquoi renoncerait-il à des
droits que la loi lui accorde? Ce serait difficile. Il y en aurait
peut-être et on réussirait peut-être dans certains cas, mais
pas nécessairement.
Mme Levert: J'aimerais Juste ajouter ceci. D'abord, Je
demanderais du temps pour répondre formellement à la question. Il
faudrait que je vois dans quelle mesure cette suggestion obligerait
l'association vraiment à justifier son mandat. Une autre chose qui m'est
venue à l'esprit et que je me permets de lancer, même si... On
prenait l'exemple de l'avocat tout à l'heure. L'avocat n'a pas d'autre
objectif que les intérêts du client qui vient le voir.
L'association, elle, dans te contexte de l'article 28, pourrait avoir d'autres
objectifs que strictement l'Intérêt de son client. Il n'est
peut-être pas client, vu que lui peut prendre des recours sans...
Mme Bacon: Avez-vous des exemples, Mme Levert? On peut y
revenir tout de même, mais je pense qu'il va falloir, chacun de son
côté, regarder le libellé de l'article 28. On prend note de
vos recommandations d'aujourd'hui, on va regarder l'article 28 pour essayer
de... Je vous l'ai déjà dit, je pense, dans des rencontres que
nous avons eues, on ne veut pas compliquer la vie des gens, on veut surtout
consolider les différents milieux et non pas leur compliquer la vie.
Alors, on va tenter de regarder cela, avec votre mémoire parce que vous
insistez beaucoup là-dessus dans votre mémoire, et on va
reprendre ce que vous nous recommandez dans le mémoire et le revoir
ensemble, dans le cadre des consultations. C'est pour cela que nous avons cette
commission parlementaire.
Il y a aussi peut-être l'article 35. Vous dites que cet article
met en péril le financement des maisons d'édition. Pourriez-vous
expliquer davantage comment l'article 35 pourrait mettre en péril le
financement des maisons d'édition?
Mme Levert: Une maison d'édition est comme n'importe
quelle autre entreprise commerciale. Elle doit donc, comme n'importe quelle
autre entreprise commerciale, pouvoir se financer; c'est aussi bête que
cela.
Mme Bacon: Vous pensez que cela vous empêche de le
faire?
Mme Levert: On y parle de propositions concordataires, de
liquidation, d'insolvabilité et on dit que, dans ces cas-là, le
contrat est résilié. Or, l'insolvabilité, la liquidation
et la proposition concordataire sont des choses qui surviennent quand
l'entreprise est viable et a besoin de recourir aux modes modernes, actuels et
contemporains du financement pour être. On a cette contrainte comme
n'importe quel entrepreneur. Là, on nous dit que dans ces cas-là,
proposition concordataire, liquidation, insolvabilité, le contrat est
résilié. Donc, cela met en cause la valeur de la maison
d'édition, la valeur de l'entreprise. La valeur de cette maison est
constituée de choses que l'on retrouve partout, comme les comptes
à recevoir et aussi, dans le cas de la maison d'édition, des
droits qu'elle a, qu'on lui a cédés et aussi de son Inventaire,
de ses stocks, pour ainsi dire, qui sont là. Tout cela fait partie de sa
valeur. Mme Tremblay aurait peut-être...
Mme Bacon: Juste une question pour poursuivre: Que
proposeriez-vous en cas de faillite d'un éditeur pour que nous puissions
protéger l'écrivain, pour qu'il ait droit à sa part?
Mme Levert: C'est une préoccupation que l'on a depuis un
moment et avec vous aussi.
Honnêtement, je n'ai pas encore trouvé la réponse et
le temps qu'on a eu pour préparer le mémoire ne nous a pas permis
de le préciser comme tel, mais je souhaiterais, au nom de tous mes
collègues, que l'on puisse se donner du temps et se consulter, que l'on
s'asseoit avec des gens du ministère et que l'on regarde
spécifiquement cette question-là pour voir si on pourrait y
trouver une solution, parce que c'est un problème. On en est d'autant
plus conscients que, dans beaucoup de nos contrats d'édition, on inscrit
une clause sur la faillite. On l'a inscrite et, en même temps, on se
demande Jusqu'à quel point c'est valable et utile de l'inscrire parce
que la faillite, d'autre part, est liée à une loi de la faillite
qui est d'instance fédérale.
Il y a un problème. Je souhaiterais sincèrement que l'on
puisse avoir des échanges de vues là-dessus pour essayer - il y a
sûrement un moyen - de trouver une solution à cela. Par contre,
j'ai vraiment un souci de protéger aussi la valeur de la maison
d'édition quand elle n'est pas en situation de faillite. Donc, quand
elle est en situation de croissance ou, éventuellement, de
difficulté - cela arrive à toute entreprise - les autres
solutions qui sont là lui sont aussi nécessaires.
Mme Bacon: Je m'excuse parce que le temps file et je dois laisser
la parole au député de Saint-Jacques qui est anxieux de
l'utiliser. On va revenir à l'article 43 et j'aimerais dire qu'il ne
s'applique que dans le cas où il y a une entente collective de
négociée et agréée par une association. Je ne
comprends pas comment cela pourrait avoir un effet dissuasif dans le cas de
l'article 43. Est-ce que l'Association des éditeurs canadiens pourrait
être amenée à conclure une entente sans que ses membres
soient d'accord?
Mme Levert: II y a beaucoup de difficultés
là-dedans. L'association aurait du mal à conclure une entente
sans que ses membres ne soient d'accord. C'est aussi vrai que de dire que
l'association aurait du mal à conclure une entente qui engagerait tous
ses membres individuellement, y compris ceux qui veulent et ceux qui ne veulent
pas, parce que, |usqu'à maintenant, l'association ne s'est jamais
définie, d'une part, comme obligeant ses membres à faire quelque
chose qu'ils ne voudraient pas. D'autre part - je l'ai dit et on l'a
écrit - compte tenu de ce qu'inspire la coexistence des articles 28, 41,
42, tout cela mis ensemble fait peser sur l'association une pression que l'on
peut dire lourde et les membres peuvent regarder cela en se disant: Que va-t-il
arriver? Si, vraiment, l'ensemble des éditeurs craint les effets des
articles 28, 41 et 42, s'ils ne font pas partie de l'association, ils savent
que l'association ne les entraînera pas, dans un effort de
globalité, à quelque chose qu'individuellement Us ne veulent pas.
En ce sens-là, cela présente une difficulté et les membres
se disent: Au fond, si on n'était pas dedans, on ne prendrait pas le
risque qu'un jour on nous embarque dans quelque chose que, mol, comme
entrepreneur individuel, |e ne souhaite pas et n'ai pas souhaité.
Môme si je quittais l'association, je serais encore lié. (10 h
45)
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme la
ministre M. le député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Mme la Présidente, vous me permettrez de
souligner l'arrivée de mon collègue, le député de
Mercier, ancien ministre de la Culture, à la fois éditeur et
auteur. Donc, j'espère que ça va nous éclairer dans le
débat. Mme Levert, je pense qu'il y a quand même un certain
malaise qui se dégage et ce serait une fuite en avant de tenter de le
nier. Vos collègues, autant de l'estampe que de la sculpture, sont venus
nous dire hier que ce projet de loi est bon, qu'il y a bonification à
souhaiter, mais on le veut, on en a besoin.
Par contre, il y a déjà eu des intervenants du monde
littéraire, notamment, vos collègues du Playwright Workshop de
Montréal, qui sont des dramaturges, qui, eux, se disaient: On appartient
à qui, à quoi? Est-ce qu'on est à 90 ou 78, en termes de
projet de loi? Donc, il semble y avoir... On a fait une image... Certains ont
fait une image en disant que ce projet de loi était sur mesure. Mais,
là, il y en a qui semblent dire que les manches sont trop courtes ou que
la jambe de pantalon est peut-être un peu trop longue, si je veux faire
une caricature, un portrait en charge, qui est une forme grammaticale connue
dans notre langue.
J'aurais trois questions précises à vous poser, parce que
vous ne semblez pas effectivement... J'ai un peu l'impression que vous
êtes en train de dire: On est bien d'accord avec le projet de loi 78,
mais il faudrait peut être un projet de loi 79 pour nous tout seuls,
compte tenu vraiment des particularités très vastes et Immenses
qui existent dans notre domaine.
Pour ce qui est du contrat individuel artiste-diffuseur, est-ce que vous
estimez que ça va assez loin ou si ça va trop loin dans votre
cas?
Mme Levert: Pourriez-vous reformuler votre question? Il me semble
qu'il y en avait deux. J'ai dû me perdre quelque part, je m'excuse.
M. Boulerice: Pour ce qui est des contrats individuels, c'est
à la section I, contrats entre artistes et diffuseurs. Est-ce que vous
trouvez que ça va trop loin ou pas assez loin? Vous vous situez comment
face au contrat individuel?
Mme Levert: Dans notre mémoire, on fait un certain nombre
de recommandations par rapport à des articles qu'on retrouve là.
Je pense qu'il est aussi précis qu'on ait pu le faire, compte tenu du
temps qui nous a été donné. Mais je pense que les
recommandations qu'on fait
répondent à cette question. Maintenant, entre autres
recommandations, à l'article 37, par exemple, on dit qu'il faudrait
peut-être revoir la formulation vu que l'article 37 parle des
perceptions, ce qui voudrait dire... On sent et on croit que la volonté
du projet de loi n'est pas cela. Ce que voudrait dire le terme "perception" par
rapport aux éditeurs, c'est qu'il faudrait montrer aux auteurs tout le
contenu de nos livres comptables. Dans l'édition, il serait plus
approprié de parler de redevances dues à l'auteur ou des sommes
dues à l'auteur, plutôt que des perceptions, plutôt que ce
que l'éditeur perçoit.
Dans le même esprit, on parle aussi du terme
"périodicité", à l'article 30, 6°, "selon laquelle le
diffuseur rend compte à l'artiste des opérations relatives
à toute oeuvre visée par le contrat. " Cette
périodicité revient aussi à l'article 37, dans les deux
dernières lignes: "II doit, selon une périodicité convenue
entre les parties d'au plus un an, rendre compte par écrit à
l'artiste de ses perceptions. "
On fait remarquer qu'à ces deux endroits on ne reconnaît
pas le droit de rétribuer l'artiste par forfait et on demande que ce
droit soit reconnu dans le texte de ces articles. Le reste de nos
recommandations, donc, touchent ça et vous pouvez apprécier,
à partir de là, l'Interprétation qu'on en a faite.
Mme Creary: Je voudrais juste donner un exemple de paiement
forfaitaire en édition. Dans notre cas, à la Courte
Échelle, on fait des romans pour les jeunes entre sept et douze ans.
Nous engageons les services d'un illustrateur ou d'une illustratrice pour faire
une couverture, supposons. Nous ne payons pas nécessairement un droit
d'auteur sur les ventes de ce roman, nous payons un montant forfaitaire pour
avoir fait l'illustration de la couverture. Cette loi-ci, à l'article
30, ne nous permettrait pas de payer un montant forfaitaire, si je comprends
bien, parce qu'on doit rendre compte à l'artiste - l'artiste est un
illustrateur aussi - des opérations relatives à toute oeuvre
visée par le contrat, et ça serait visé. Ensuite, à
la fin de l'article 37, c'est la même chose. En fait, c'est un montant
forfaitaire. Vous nous doublez le travail, et ce n'est pas nécessaire,
ni pour nous, ni pour l'artiste concerné. Alors, on souhaiterait qu'il y
ait une exception quand il y a des montants forfaitaires de payés.
Merci.
Mme Levert: Puisqu'on est toujours dans ces articles-là,
je voudrais juste... Je sais que le vocabulaire de "redevances" et tout cela
n'est pas toujours utilisé dans tous les secteurs. Ce que je voulais
bien dire tout à l'heure, c'est que ce n'est pas qu'on ne veuille pas
donner accès à nos perceptions, c'est-à-dire à ce
qui est Inscrit dans nos livres, aux auteurs. Ils peuvent venir les voir. Ce
qu'on dit, c'est que quand on envoie périodiquement ce qui est pour nous
le rapport des droits d'auteur on ne veut pas être obligé
d'envoyer une copie de tout ce qui est inscrit dans nos livres. Par ailleurs,
nos livres sont accessibles à l'auteur. Ce qu'on veut lui envoyer, c'est
un rapport périodique de ses redevances ou des sommes qui lui sont dues.
C'est probablement juste une ambiguïté de vocabulaire qu'il serait
peut-être sage, par contre, d'arranger.
Mme Bacon: Vous permettez. Il y a peut-être une
reformulation à faire là-dedans. Je veux juste enlever les
craintes parce que je sais que vous allez en entretenir quelques-unes. Alors,
pour ce qui est du forfaitaire, je pense qu'on en a pris bonne note. Quant
à cette crainte, il y a une reformulation à faire et cela nous a
été mentionné.
Mme Levert: Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Je préfère formuler que
reformuler.
Mme Bacon: Vous n'avez jamais formulé quand vous avez
été là.
M. Boulerice: Pauvre vous! Ne soyons pas vinaigre ce matin,
soyons dans le domaine de la littérature. Pour ce qui est, Mme Levert,
des articles 41 et 42, qu'est-ce que vous souhaitez exactement? Une exclusion
pour ce qui est de votre domaine ou bien des amendements très
précis qui les rendraient acceptables?
Mme Levert: Dans la logique de ce qu'on a présenté,
on veut que la valeur du contrat individuel, que la valeur de la cession de
droit qui est faite à l'auteur ne soit pas compromise. Si cette valeur
peut être compromise, d'abord, par l'article 28 et, ensuite, par
l'entente collective, c'est sûr que cela nous pose un problème. On
trouve aussi très déséquilibrée cette
intervention-là alors que, par ailleurs, les pratiques sur les
conditions minimales qu'on exerce sont convenables et sont déjà
ce que donne l'édition. On invoque que c'est mettre une pression indue
et disproportionnée sur l'édition que de lui faire porter les
articles 41, 42 et 28. Si mes collègues veulent préciser...
Mme Creary: Ce que j'ai entendu par d'autres éditeurs sur
la portée de ces articles, c'est qu'ils ne donneraient pas un mandat
à notre association de faire une entente collective, de la signer. Si
jamais l'association des éditeurs s'en allait dans le sens de signer une
entente collective avec laquelle Ils ne sont pas d'accord, ils ne seraient plus
membres, tout simplement. Alors, cela a un effet direct sur l'association qui
est, pour nous, une association libre jusqu'à maintenant; on peut faire
partie de l'association ou non, sans l'obligation d'être tenus à
des
ententes collectives. On a déjà fait l'expérience,
à l'AEC, l'Association des éditeurs canadiens, d'un contrat de
droits d'auteur proposé par l'UNEQ, II y a plusieurs années, et
on est tout à fait d'accord avec cela, sauf qu'on n'est pas
obligé à cela. C'est ce que j'entends de nos membres; Us disent
qu'ils ne feraient plus partie de l'association si on s'en allait vers une
entente collective.
M. Boulerice: Finalement, si je vous décode, vous vouiez
être exclus des articles 41 et 42. C'est cela?
Des voix: Oui.
M. Boulerice: Vous dites à la page 25 que vous respectez
les conditions minimales. Est-ce que vous pourriez expliciter?
Mme Le vert: J'espère qu'on a le temps. Mme Tremblay.
Mme Tremblay: Quand nous disons que nous respectons les
conditions minimales d'édition, nous voulons dire que nous avons de la
diffusion, nous voulons dire que nous avons des contrats avec les auteurs, que
ces contrats précisent quels sont les droits qui sont
cédés, qu'est-ce qu'on peut faire avec, quel est le mode de
rétribution ou de redevances qu'on donne à l'auteur, quand
rend-on des comptes à l'auteur. On a même une clause dont on ne
sait pas si elle est conforme à la Loi sur les faillites, mais qui dit
ce qui va se passer s'il advient une faillite. Donc, nous les avons
déjà, mais nous les avons dans des contrats individuels. Ce dans
quoi nous ne voulons pas embarquer, ce sont des mécanismes de
négociations collectives.
M. Boulerice: Vous avez tous un contrat minimal?
Mme Tremblay: Pratiquement toutes les maisons ont un contrat
d'édition.
M. Boulerice: D'accord.
Mme Levert: La Loi concernant le droit d'auteur exige qu'on ait
chacun un contrat.
Mme Tremblay: On n'a peut être pas tous un contrat
écrit avec chaque illustrateur qui vient faire chez nous une couverture.
On s'entend sur un montant X. C'est une opération qui dure environ une
semaine. Il nous redonne son produit. On paie et... Mais les contrats
d'édition, donc les contrats qui portent sur l'oeuvre littéraire
elle-même, nous y sommes obligés par la Loi concernant le droit
d'auteur.
M. Boulerice: D'accord.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Mercier.
M. Godin: Merci, Mme la Présidente. M. Tisseyre, bonjour.
C'est un ex-collègue. Bienvenue au Parlement de Québec. Je pense
que ce qui m'Importe de savoir, c'est si les contrats de l'UNEQ sont
acceptés par tout éditeur comme étant la base d'une
négociation personnelle actuellement par les gens de votre association.
Est-ce que le contrat type de l'UNEQ est la base de tous les contrats
individuels entre éditeur et auteur?
Mme Tremblay: Non.
M. Godin: Pas systématiquement.
Mme Tremblay: Non, pas systématiquement parce que..
À moins qu'il n'ait changé, le contrat de l'UNEQ que j'ai
étudié prévoit une limitation dans le temps pour la
cession des droits d'auteur et c'est une clause que je ne pratique pas dans mon
contrat.
M. Godin: D'accord.
Mme Tremblay: Sauf que ce qui est prévu dans mon contrat,
c'est qu'il y a quelque chose relativement au temps. On fait la cession des
droits selon la convention de Berne. Lorsque l'auteur le signe, il sait cela.
Comme individu, il fait un acte responsable de signer cela.
La Présidente (Mme Bélanger): Cela va, M. le
député de Mercier?
M. Godin: Oui.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Cela va Je vous remercie, Mme la
présidente.
Mme Bacon: Je voudrais peut-être Juste corriger une chose.
Je vais revenir à l'article 41, quand on dit: "Une association reconnue
et un diffuseur ou une association de diffuseurs peuvent négocier". Si
l'association de diffuseurs ne veut pas négocier, l'association reconnue
comme telle peut négocier avec un diffuseur individuellement. Ce n'est
pas nécessaire que ce soit une négociation collective. Cela peut
être une négociation Individuelle.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme la
ministre. Alors, nous remercions l'Association des éditeurs canadiens
pour sa participation. Je demanderais à l'Association professionnelle
des galeries d'art du Canada de bien vouloir s'approcher à la table.
Une voix: Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): Nous allons suspendre
pour quelques Instants.
(Suspension de la séance à 11 heures)
(Reprise à 11 h 9)
La Présidente (Mme Bélanger): La commission reprend
ses travaux. Nous recevons l'Association professionnelle des galeries d'art du
Canada. M. Jean-Pierre Valentin, vous avez vingt minutes pour exposer votre
mémoire et une discussion entre les groupes parlementaires suivra par la
suite. M. Valentin.
Association professionnelle des galeries d'art du
Canada
M. Valentin (Jean-Pierre): Mme la ministre, Mmes et MM. les
députés, bonjour. Je représente ici l'Association
professionnelle des galeries d'art du Canada qui a été
créée à Montréal en 1966 et qui regroupe
actuellement 58 galeries membres dans tout le Canada, dont 10 au Québec.
C'est une association qui a établi, au cours des années, un code
de déontologie dont vous avez eu une copie dans le mémoire que
nous avons remis aujourd'hui. Elle a développé un programme
très rigoureux pour l'adhésion des galeries commerciales membres.
Il est actuellement extrêmement difficile de devenir membre de cette
association parce qu'elle a un code d'éthique très très
serré et elle demande aux galeries qui veulent faire partie de cette
association de nombreux critères de sélection.
L'association aimerait, évidemment, féliciter le
Québec pour son rôle de leader en reconnaissant l'importance des
créateurs individuels, c'est vraiment remarquable. Cependant, nous
aimerions, bien entendu, faire quelques commentaires aujourd'hui sur le projet
de loi 78.
Les artistes que nous représentons, en tant que distributeurs,
sont des individus qui, par définition, par leur travail, sont des
créateurs indépendants. Les galeries, également, sont
toutes indépendantes les unes des autres. Un artiste ne fait pas
forcément partie d'une troupe ou d'un orchestre, d'un syndicat, etc. Le
choix de l'artiste de faire partie d'une association est laissé à
lui-même, de même que le choix d'une galerie ou d'un distributeur
est laissé pour qu'il fasse partie d'une association ou
distributeur.
En révisant le projet de loi 78, il y a une clause
dérogatoire stipulant que, bien que les artistes soient reconnus comme
indépendants, leurs droits et obligations dans les activités
professionnelles peuvent être administrés par une association qui
travaillera pour le bien collectif de tous les artistes. Nous pensons que
l'indépendance de l'artiste individuel peut être compromise par ce
projet qui est conçu pour protéger ces droits. il est aussi
apparent que les droits Individuels pourraient être abandonnés
à l'association.
J'aimerais également commenter le terme de "distributeur". PADAC
reconnaît le bien-fondé de l'utilisation de ce mot. Cependant, il
existe une connotation péjorative au mot "distributeur*. La profession
de marchand d'art est très complexe. Comme Je le disais tout à
l'heure, chaque galerie est individuelle. Chaque galerie a une façon de
procéder qui est différente de l'autre. Nous croyons qu'il s'agit
là d'une philosophie dans un domaine très particulier. Nous
craignons qu'un distributeur ne soit - comment pourrais-je dire -
classifié. Il y a tellement de façons de distribuer les oeuvres
d'art que j'ai l'impression qu'on n'a pas couvert toutes les façons de
distribuer ces oeuvres.
Lorsque nous avons fait ce mémoire, nous avons essayé de
nous renseigner auprès de nos confrères, auprès des
artistes que nous représentons, pour savoir quelle est leur sentiment
vis-à-vis de ce projet de loi. Actuellement, il n'existe pratiquement
pas de contrat avec les artistes qui sont représentés par les
distributeurs. Dans certains cas, le contrat peut exister pour des
événements particuliers, mais la plupart des artistes que nous
avons interrogés et que nous représentons ne sont pas en faveur
d'un contrat, quel qu'il soit. De même, de nombreux artistes ne
voudraient jamais faire partie d'une association qui les représenterait
et qui pourrait décider à leur place de l'orientation de leur
carrière.
Il est très difficile de formuler une définition pour le
statut professionnel d'un artiste. Nous avons extrêmement peur que cette
définition n'inclue pas tout le monde, que la définition soit
trop exclusive pour ne pas être inclusive. Nous avons peur que de jeunes
artistes, de nouveaux artistes ou des personnes plus âgées qui se
remettent à créer, absents pendant de nombreuses années
peut-être du domaine de l'art, soient exclus de cette définition.
Nous avons peur que des gens qui travaillent dans des domaines très
avant-gardistes soient également exclus de cette définition. Nous
nous référons ici à la loi de l'Impôt sur le revenu
qui ne définit pas, par exemple, le fermier, mais l'activité de
faire un travail à la ferme. Nous croyons que le bulletin
d'interprétation 504 de Revenu Canada, dont nous avons joint une copie
ici, devrait être la base de référence pour la
définition de l'artiste.
Nous aimerions aussi vous rappeler que les contrats passés entre
l'artiste et le marchand d'art sont préparés, lorsqu'ils
existent, pour faire face à des besoins spécifiques des deux
parties. Nous pensons que chaque accord devrait inclure les termes suivants: la
durée de l'accord, la représentation exclusive respectant la
géographie et le genre de travail, le droit d'auteur, la commission, la
publicité, les publications, l'exposition, les comptes, les coûts
de transport, l'encadrement, l'assurance, la sécurité, etc.
Puisqu'une association comme la nôtre ne peut que suggérer
des modèles de contrat et les
proposer aux distributeurs, nous pensons que l'association, dans un tel
cas, peut assister peut-être dans la rédaction de tels contrats.
PAOAC a accumulé, au cours des années, une expertise
extraordinaire dans tous les domaines concernant l'art. Nous sommes prêts
à partager ces expertises et à aider à affirmer le statut
professionnel des artistes, mais aussi celui des distributeurs.
Nous pensons que les membres de l'association ont une position unique et
qu'ils sont partenaires dans la communauté culturelle car ils ont
développé des relations symbiotiques avec les artistes. Ils sont
également engagés dans une entreprise privée qui doit
être viable. Le succès d'une galerie dépend grandement des
sortes d'accords qu'elle a développés avec l'artiste qu'elle
représente. Les galeries sont conscientes de l'Importance que les
accords ont dans le cours normal des affaires. Nous apprécions
l'intention du gouvernement de nous assister pour affirmer le statut
professionnel des artistes visuels. Cependant, le désir du gouvernement
de ne pas interférer avec la poursuite d'entreprises privées est
pour nous un point extrêmement important. Nous devons arriver à un
équilibre dans nos accords avec les artistes que nous
représentons. Nous suggérons que l'association dirigeante n'ait
pas le pouvoir d'imposer les termes des contrats aux individus, mais
plutôt de montrer aux deux parties un accord équitable et
raisonnable qui permet aux deux parties la liberté d'exercer leurs
responsabilités légales, financières, morales et
fiduciaires dans l'harmonie et la collaboration.
Nous demandons également une clarification. Nous aimerions savoir
à qui la législation s'appliquera-t-eile? Il y a des situations
où il apparaît que les intentions du gouvernement ne sont pas
clairement manifestées dans la législation actuelle. Est-ce que,
par exemple, la législation s'appliquera aux artistes
québécois au Québec seulement, ou à tous les
artistes engagés dans une activité artistique au Québec?
Une telle clarification affecterait le langage du contrat, en particulier pour
les artistes de l'extérieur de la province. De quelle façon cette
législation s'appliquera-t-elle aux propriétés des
artistes? De quelle façon cette législation s'appliquera-t-elle
aux artistes qui ne sont pas affiliés à une association
particulière? Quelle serait la juridiction du contrat, si les termes du
contrat tiennent compte d'une législation fédérale, comme
le droit d'auteur?
Je ne veux pas continuer à lire tout le mémoire que je
vous ai déposé. J'aimerais surtout que vous me posiez des
questions. Je pense que c'est ainsi qu'on pourra plus avancer. Merci
La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Mme la
ministre.
Mnw Bacon: Merci. M. Valentin. Je dois vous féliciter de
votre mémoire et, en même temps, vous dire combien j'ai
été impressionnée en lisant le code d'éthique
et aussi les conditions d'adhésion à votre association. Je pense
que ces conditions et ce code traduisent très bien un grand
professionnalisme et cela constitue aussi une garantie du sérieux et de
la qualité de vos membres sur le marché de l'art. C'est
important, et pour votre association et pour l'art en
général.
L'un des buts de votre organisme est le développement de la
carrière des artistes. Est-ce que vous croyez que la loi 78 peut
vous aider dans le sens de développer une carrière
artistique?
M. Valentin: Peut-être que je pourrais vous répondre
par un exemple. La plupart des galeries que je connais ont
développé un rapport avec les artistes qu'elles
représentent qui est un rapport non contractuel, mais d'entente
cordiale. Au fur et mesure que la carrière de l'artiste évolue,
les conditions changent. Nous essayons d'exposer des artistes, de les
distribuer, de les représenter non seulement dans l'endroit où se
situe notre galerie, mais également à l'extérieur. Au fur
et à mesure que le temps passe, l'artiste devient de plus en plus connu,
règle générale. Les conditions de distribution changent,
il faut s'adapter à de nouveaux marchés. Il faut s'adapter
à de nouvelles difficultés. C'est là où la galerie
intervient en tant qu'organisme très souple pour agir en accord avec
l'artiste et non pas Imposer à l'artiste une façon de voir. Je
crois que, dans presque tous les cas, c'est presque toujours un accord entre
les deux parties qui est très simple, parce que, justement, il peut
évoluer sans arrêt. Je ne sais pas si je réponds à
votre question de cette façon?
Mme Bacon: J'aimerais vous demander: Est-ce que vous sentez que
l'artiste est bien protégé par des accords verbaux?
M. Valentin: En termes de loi, je pense que oui. Parce qu'un
accord, un contrat oral a autant de valeur qu'un contrat écrit, mais il
est évident que certains faits qui existent ne protègent pas
l'artiste à l'heure actuelle. Nous avons parlé, ici, de
distributeurs, mais on n'Inclut pas forcément tous les distributeurs.
C'est ce qui nous inquiète également. Nous parlons de galeries
d'art. Nous parions de certaines galeries d'art. Nous ne parions pas
forcément, par exemple, de courtiers en art. Nous ne parions pas de
restaurants qui font des expositions d'art. Nous ne parions pas de
particuliers, peut-être même, qui font de la distribution d'art, et
cela existe. Si on inclut un distributeur, on devrait peut-être inclure
tous les distributeurs. À ce moment-là, on crée une sorte
de travail supplémentaire de tension sur les plus grands distributeurs
existants et on ne pense pas aux autres qui représentent pratiquement 70
% du marché. Les distributeurs connus ne représentent qu'environ
30 % du marché. C'est presque incroyable, mais c'est vrai. Alors, c'est
un petit peu ta crainte que nous avons, que nous soyons
les seuls distributeurs à avoir la responsabilité de la
loi.
Mme Bacon: Vous voyez dans la loi, M. Valentin, à
l'article 3 le terme "diffuseur" et l'explication qu'on donne du terme
"diffuseur". On dit: "toute personne ou société qui opère,
à des fins lucratives ou non, une entreprise en vue de la vente, du
prêt, de la location, de l'échange... " Vous parlez du
restaurateur, pour donner un exemple, c'est à des fins lucratives aussi.
S'il a des peintures, des oeuvres, des sculptures dans son restaurant qui sont
à vendre, cela doit sûrement être lucratif pour lui aussi.
Il devient un diffuseur, II est compris là-dedans. Alors, le terme
"diffuseur" est très large dans le projet de loi et l'éventail
est beaucoup plus grand, je pense, que vous ne l'imaginiez. Vous dites, dans
votre mémoire, que pour qu'un accord soit considéré comme
équitable et raisonnable les obligations et les responsabilités
des deux parties doivent être clairement stipulées et
respectées. Quelles devraient être, selon vous, ces obligations
que la loi devrait préciser pour les artistes?
M. Valentin: Je vais vous donner un autre exemple. Lorsqu'une
galerie passe un contrat d'exclusivité avec un artiste qu'elle va
représenter pour les années futures, la loi demande à la
galerie, au distributeur, de donner à cet artiste un inventaire
continuel des oeuvres qui sont en stock dans la galerie, chez le distributeur,
et de lui dire, où sont les paiements, quand ils sont dus, qui a
acheté quoi et quand l'artiste va être payé. Nous estimons
que, dans ce cas-là, il serait peut-être bon aussi que l'artiste
nous donne un inventaire de ce qu'il a dans son atelier afin que nous sachions
quelles sont les oeuvres qui sont disponibles pour pouvoir les distribuer dans
l'avenir. Il faudrait que la loi marche dans les deux sens. Pourquoi
serions-nous obligés de garantir certaines choses à un artiste
qui est représenté par nous et que l'artiste qui est
représenté n'aurait pas les mêmes obligations que nous de
fournir cet inventaire, à savoir où il en est dans sa production,
où il en est dans les oeuvres qui sont disponibles? C'est relativement
important.
Mme Bacon: Est-ce que vous verriez cela seulement dans le cas
où la galerie a une exclusivité par rapport à cet
artiste?
M. Valentin: Je pense que oui. La notion d'exclusivité
dans le domaine des oeuvres d'art est très diverse. Il peut y avoir une
exclusivité territoriale limitée à une ville ou à
une province. Il peut y avoir une exclusivité limitée à un
pays ou il peut y avoir une exclusivité totale. C'est certain que,
lorsqu'on parle de distribution, on pense, je crois, en premier lieu à
un fait qui existe dans ce domaine qui est la consignation d'oeuvres à
un distributeur qui va les revendre, qui n'achète pas l'oeuvre, donc,
qui n'en n'est pas propriétaire, à qui un territoire a
été donné pour diffuser les oeuvres. À partir du
moment où un distributeur achète les oeuvres, il s'agit tout
à fait d'une autre chose. À ce moment-là, la notion
d'exclusivité de distribution n'est pas la même puisqu'il devient
propriétaire de l'oeuvre et peut pratiquement en faire ce qu'il veut, en
respectant évidemment les droits d'auteur, par exemple.
Mme Bacon: Vous dites que l'association que vous
représentez est prête à collaborer avec une association
d'artistes pour établir des contrats types. J'aimerais que vous nous
expliquiez comment vous pouvez envisager cette collaboration de votre
association avec les artistes, par exemple De quelle façon... (11 h
30)
M. Valentin: Nous avons, dans le passé, eu des contacts
avec des associations d'artistes ainsi que le font les artistes canadiens, par
exemple. Nous siégons au conseil d'administration de la CCA. Nous avons,
par le passé, travaillé énormément à des
lois comme la révision de la Loi concernant le droit d'auteur. Nous
avons travaillé également à des projets pour la diffusion,
sur le marché international, de l'art canadien et ce, à tous les
niveaux de gouvernement: municipal, provincial et fédéral. Nous
avons vraiment une expertise dans ce domaine qui est très grande. Nous
avons également à notre disposition plusieurs personnes qui
travaillent à temps plein pour cette association et qui peuvent faire
pour nous des recherches dans tous les domaines où nous sommes
intéressés et qui peuvent être en contact continuel avec
des marchands dans tout le Canada pour avoir un peu une vision d'ensemble de ce
qui se passe et non pas se limiter Juste à quelques endroits. Dans ce
sens-là, je pense qu'on peut faire quelque chose.
Mme Bacon: Aux pages 3 et 4 de votre mémoire, si on
revient à la définition de l'artiste professionnel, par exemple,
vous parlez des dangers qui sont inhérents à formuler une
définition appropriée de l'artiste professionnel. Est-ce que vous
croyez que la définition proposée par la loi est suffisamment
souple pour reconnaître les développements nouveaux? Les
innovations dans la profession artistique semblent vous préoccuper un
peu. Est-ce que vous avez d'autres propositions à faire ou si la
définition que nous en faisons dans la loi est suffisante?
M. Valentin: Je pense que la définition que vous en faites
est un tout petit peu restrictive. Comme je le disais tout à l'heure, le
problème est de déterminer qui est vraiment un artiste
professionnel, ce qui est extrêmement difficile parce que de nombreux
artistes qui sont des artistes professionnels dans le sens de la
création ne le sont pas forcément dans le sens de la
rémunération qu'ils ont par leurs oeuvres d'art.
Je m'explique. Il y a beaucoup d'artistes que je connais, qui sont des
créateurs extraordinaires, qui ne peuvent pas se permettre de vivre de
la vente de leurs oeuvres d'art et qui doivent avoir, à
côté de cette activité, une autre activité qui va
leur permettre de vivre. Alors, j'ai un tout petit peu peur que certaines
personnes, comme je le disais tout à l'heure, qui font, par exemple, des
recherches dans des domaines très innovateurs ne soient pas reconnues
comme des artistes professionnels même si ce qu'elles font est
extrêmement Intéressant pour l'avenir et qu'on ne sait pas encore
ce que cela va donner. Je pense, par exemple, à un domaine comme le
vidéo d'art. Il y a des gens qui oeuvrent dans ce domaine et qui ne
vivent pas forcément de cette activité seulement. C'est surtout
cela qui m'inquiète.
Mme Bacon: Est-ce que l'article 7 peut vous satisfaire quand on
dit: "L'artiste membre d'une association reconnue en application de l'article 9
est présumé artiste professionnel. " Sil est reconnu par son
association, je pense qu'il faut quand même faire confiance aux
associations.
M. Valentin: Alors pas du tout. Je dis; Mais alors, vraiment pas
du tout parce que je dois dire que, personnellement, je représente une
vingtaine d'artistes. Aucun artiste que je représente ne fait partie
d'une association professionnelle. Encore hier, ici à Québec,
j'ai posé la question à plusieurs artistes que je
représente et ils sont absolument opposés à s'associer
avec qui que ce soit pour être représentés par qui que ce
sort.
Mme Bacon: C'est un Individualisme créateur.
M. Valentin: Oui. Mais ce sont des artistes connus et reconnus.
Ce sont vraiment des artistes professionnels qui sont représentés
par la plupart de nos musées et qui sont exposés dans les plus
grands endroits.
Mme Bacon: Ils sont quand même protégés par
l'article 8 qui dit: "L'artiste professionnel a la liberté
d'adhérer à une association, de participer à la formation
d'une telle association, à ses activités et à son
administration "
La loi précise que le diffuseur doit posséder un contrat
écrit pour que ce contrat soit valable. Est-ce que cette disposition est
de nature à améliorer, selon vous, les relations entre l'artiste
et le directeur de la galerie, par exemple?
M. Valentin: Là non plus, je ne le crois pas du tout. Je
crois qu'il y a même un risque que certains diffuseurs importants, tout
simplement, ne veuillent pas continuer à représenter des artistes
vivants et ne se limitent qu'à la vente ou à la revente d'oeuvres
déjà créées par le passé par des
créateurs, c'est-à-dire à la deuxiè- me vente,
parce que la contrainte pourrait être trop fastidieuse. Maintenant, je ne
dis pas que c'est une généralité, attention, mais j'ai eu
cette réaction de plusieurs membres de notre association.
Là encore, c'est une question de tradition dans ce domaine
là, comme je le disais tout à l'heure. Il y a des ententes et des
contrats qui existent, c'est certain, mais il semble que l'imposition d'un
contrat puisse déchaîner un petit peu les foudres des esprits les
plus conservateurs peut être dans ce domaine.
Mme Bacon: II m'apparaît quand même évident
que plus un artiste est connu, plus il est un vendeur, plus ses rapports avec
un diffuseur ont des chances d'être définis clairement et surtout
négociés avec équité. Mais quand on parle des
artistes de la relève - il y a des gens qui n'aiment pas ce terme, mais
je pense que c'est le terme par lequel on s'assure de bien reconnaître
les jeunes, les plus jeunes; cela peut aller jusqu'à 35 ans quand
même - est-ce que vous ne convenez pas que le rapport de
négociation avec un artiste de la relève aurait des chances
d'être plus équitable avec certaines balises légales? Ce
n'est pas un vendeur parce qu'il vient de débuter, ce n'est un artiste
connu parce qu'il commence.. Est-ce qu'à ce moment là il n'a pas
besoin d'avoir des balises légales pour le protéger
davantage?
M. Valentin: Dans un certain sens, oui, parce que,
malheureusement, comme je l'ai toujours dit, l'artiste est un créateur
et ce n'est pas un vendeur C'est le rôle du diffuseur, finalement, de
diffuser et c'est le rôle de l'artiste de créer. En fait, je crois
qu'une galerie d'art, qu'un diffuseur justifie sa présence par le
rôle d'aide qu'il apporte à l'artiste pour diffuser son oeuvre.
C'est sûr que la loi peut aider beaucoup à protéger les
droits de l'artiste et nous sommes absolument en faveur de cela. Par contre,
tout à l'heure, c'est pour cela que je pariais des différentes
sortes de distributeurs qu'il peut y avoir partout. Je crois qu'il y a
certains aspects de la loi qui devraient permettre la protection d'un artiste
qui consigne des oeuvres à un diffuseur. Par exemple, s'il y a une
faillite, les oeuvres de cet artiste ne devraient pas être saisies par le
propriétaire du bail du diffuseur. Cela serait très important que
ce soit Inscrit quelque part dans la loi. Dans ce sens-là, oui.
Mme Bacon: J'aimerais juste apporter une réponse
très rapidement, parce que je sais que mon temps doit être
épuisé, n'est-ce pas? C'est le député de
Saint-Jacques qui a posé ces questions. Cela répond rapidement,
encore une fois, à ce que vous disiez tantôt, quitte à y
revenir par la suite. Je dois dire que tous les artistes qui sont au
Québec, qu'ils viennent d'ailleurs ou qu'ils soient du Québec,
sont
considérés sur un même pied, sans discrimination,
par cette loi, alors qu'ils soient de l'étranger ou d'ici.
La Présidente (Mme Bélanger): II vous reste encore sept
minutes, Mme la ministre.
Mme Bacon: Encore? Je vais continuer. Merci beaucoup.
La préoccupation que vous mentionniez tout à l'heure, vous
pouvez peut-être la retrouver à l'article 40 pour la saisie. On
dit: Toute oeuvre visée par un contrat de dépôt, de
consignation ou tout contrat de même nature liant un artiste et un
diffuseur et se trouvant sur les lieux loués par ce dernier est
présumée s'y trouver provisoirement. " Cela répond, je
pense, aux préoccupations que vous aviez.
Nous allons continuer, si vous le voulez bien. Comme nous voulons tenir
une consultation, évidemment, pour entendre les associations, j'aimerais
que vous nous indiquiez comment nous pourrions clarifier le chapitre III,
puisqu'il nous semble que les intentions que nous avions n'apparaissent pas
clairement dans ce chapitre, "Contrats entre artistes et diffuseurs". SI on
revenait à cela. Est-ce qu'il y a, selon vous, des articles dans le
chapitre III qui font vraiment un empêchement à ces bonnes
relations entre les artistes et les diffuseurs?
M. Valentin: La crainte principale que nous avions était
de savoir à qui exactement - vous avez répondu en partie à
cette question tout à l'heure - s'applique la loi. Là encore,
j'ai posé la question à plusieurs diffuseurs à
Montréal qui exposent les oeuvres d'artistes venant de tous azimuts,
vraiment, des artistes venant du reste du Canada, des États-Unis et
d'Europe. La grande question était que la plupart de ces artistes ne
veulent pas avoir de contrat, semble-t-il, et pourraient tout simplement
annuler des expositions prévues ou des activités prévues
si on leur imposait un contrat. C'était vraiment la crainte des
diffuseurs.
Mme Bacon: J'aimerais peut-être ajouter ici que l'artiste
étranger reste libre de ne pas signer un contrat avec un diffuseur
québécois. Il peut le signer, mais II reste libre. Il peut le
faire verbalement, s'il le veut. Le diffuseur n'est pas obligé non plus
de lui en faire signer un ou de l'imposer, même avec cette loi. Est-ce
qu'il y a une pratique en ce moment que des artistes étrangers viennent
exposer au Québec vraiment sans contrat écrit, que ce soit un
contrat verbal?
M. Valentin: Je dirais que c'est à peu près
moitié-moitié. Tout dépend de l'artiste concerné,
vraiment.
Mme Bacon: C'est très fréquent qu'ils viennent
ici... C'est moitié-moitié? C'est très fréquent
qu'un artiste vienne sans accord écrit?
Vous dites que c'est la moitié?
M. Valentin: C'est assez fréquent, oui. C'est assez
fréquent. Il y a une entente qui est passée, mais la plupart du
temps, ce sont des ententes verbales. Sauf, évidemment, en ce qui
concerne... Il y a toujours, je crois, dans 99 % des cas, une liste des oeuvres
avec une liste de prix, etc. Cela, c'est évident. Une consignation
existe, mais un contrat en soi, je pense que c'est très rare.
Mme Bacon: Dans votre mémoire, si on se
réfère à ce moment-ci à l'article 31, vous
souhaitez que les parties puissent s'acquitter de leurs obligations avant
d'être en possession d'une copie de contrat. Est-ce que vous pourriez
expliciter là-dessus?
M. Valentin: Ce que nous pensons, c'est que le contrat, pour
être Juste, devrait ne s'appliquer qu'à partir du moment où
il est en la possession des deux parties, de façon que ce soit
extrêmement clair des deux côtés et que chacun sache
où sont ses responsabilités. Tant que le contrat n'est pas
signé, tant qu'il n'est pas en la possession des deux parties, à
ce moment-là, qu'ilne s'applique pas avant d'être en possession
des deux parties.
Mme Bacon: Est-ce que vous croyez que les dispositions qui sont
relatives aux contrats individuels, par exemple, pourraient avoir des effets
sur le marché de l'art?
M. Valentin: C'est évidemment difficile à dire
mais, comme je vous le disais tout à l'heure, plusieurs choses peuvent
se passer. Lorsque nous avons posé la question à
différents artistes pour savoir quels étaient leur sentiment sur
ces contrats et que la réaction a été vraiment très
négative dans la plupart des cas, on s'est posé la question
à savoir pourquoi, qu'est-ce qui pourrait se passer, effectivement.
C'est sûr que, comme vous le disiez tout à l'heure, tout
dépend du niveau auquel se situe l'artiste concerné. C'est
évident que, s'il en est au tout début de sa carrière, il
aura peut-être tendance à faire certaines choses qu'il n'aurait
pas tendance à faire s'ilétait déjà beaucoup plus
connu. Dans ce sens-là, la loi peut aider à créer un
équilibre, c'est certain.
Mme Bacon: Je dois vous dire qu'un des buts d'une loi pareille
est de créer cet équilibre, qui est nécessaire. Je ne sais
pas à qui vous vous êtes adressé pour savoir s'ils
étaient d'accord ou pas, mais c'étaient peut-être des bons
vendeurs, des artistes connus.
M. Valentin: Pas forcément.
Mme Bacon: Ce ne sont sûrement pas des artistes de la
relève. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Bacon. M.
le député de Saint-Jacques. (11 h 45)
M. Boulerice: Mme la Présidente, je pense que je vais
reprendre les paroles de Mme la ministre quant au code de votre association.
Effectivement, il est très serré, dans le bon sens du terme. Je
dois vous avouer que J'ai particulièrement apprécié la
définition que vous donnez à marchand d'art. C'est un très
long processus. En lisant cela, Je vois Graff, Cultart, Miche)
Tétreault, Aubes. Marcel Pelletier, enfin, toutes ces galeries qui
embellissent ma circonscription et qui, je pense, répondent bien
à cette définition. Sauf que je vais être obligé, M.
Valentin, de vous aborder d'une façon peut-être abrupte, mais
amicale néanmoins et de regarder le texte que vous nous
présentez. Je vois que vous dites à l'article 36: "Nous
recommandons que le choix d'un arbitre soit fait selon l'accord des deux
parties', alors que le projet de loi parle d'une seule partie. Donc, ma
question va être... Puisqu'on a écouté vos commentaires sur
le contrat, où vous avez dit non au contrat Individuel, un contrat oral,
cela suffit.. Association, ils ne veulent pas être associés. Donc,
voici ma question amicalement abrupte: Quels sont les articles du projet de loi
avec lesquels vous êtes en accord?
M. Valentin: Nous sommes en accord avec le principe global de la
loi. Il n'y a aucun doute que c'est absolument nécessaire qu'il y ait
quelque chose qui soit fait. Mais, là encore, comme je l'ai dit, si l'on
protège les créateurs, il faut aussi protéger les
distributeurs. L'un ne va pratiquement pas sans l'autre.
M. Boulerice: Donc, vous estimez le créateur bien, assez,
trop protégé et le diffuseur pas du tout
protégé?
M. Valentin: Non, je n'ai pas dit cela Je crois qu'il y a cette
vieille histoire du marchand d'art qui va manger l'artiste. L'un ne va pas sans
l'autre. Il n'y aurait pas de galerie d'art s'il n'y avait pas d'artiste. Rares
sont les artistes qui ont fait une carrière sans galerie d'art. C'est
extrêmement rare. D'ailleurs, vous vous êtes peut-être
déjà posé la question à savoir comment il se
faisait que certaines galeries gardent un contact avec les mêmes artistes
pendant des décennies entières sans qu'il y ait le moindre
accrochage? C'est tout simplement parce que cela fonctionne très
bien.
Mes confrères de l'Association des galeries d'art contemporain de
Montréal qui vont vous voir tout à l'heure vous diront
pratiquement la même chose que moi. Que l'on soit dans le domaine de
l'art très actuel ou dans le domaine de l'art plus historique, le
résultat est le même. La galerie a intérêt à
protéger les artistes qu'elle représente et les artistes ont
intérêt à rester avec la galerie qui les représente.
C'est un travail commun de longue haleine.
M. Boulerice: La notion de registre, de comptes distincts...
M. Valentin: Ces registres existent déjà. Dans
toutes les galeries que je connais, il y a un registre qui existe dans lequel
est entrée la notion de ce qui a été vendu, ce qui est
dû et quand cela est dû. Cela existe déjà. Je ne vois
pas pourquoi on ferait un registre à part. Il est là, il existe.
Il est demandé par la loi. On va nous demander un travail
supplémentaire qui n'est pas forcément nécessaire. Nous
pensons qu'actuellement l'accès au registre existe également. Je
vols mal un artiste arriver dans une galerie à l'improviste pour
demander à voir le registre. mais s'il prévient n'Importe quelle
galerie sérieuse, les registres sont toujours ouverts C'est là
où la loi est Importante, dans le sens que ceux qu'il faut
protéger sont justement les distributeurs qui ne sont pas
forcément très sérieux. II faut protéger les
artistes qui sont avec ces distributeurs qui ne sont pas forcément
très sérieux. Je crois que c'est le point principal.
M. Boulerice: Quand vous dites avec un certain humour, pour ce
qui est des diffuseurs, donc, du propriétaire de la galerie d'art, que
c'est le gros méchant loup, je pense que vous faites là de
l'humour. Moi, je n'en al pas encore rencontré. Il se peut qu'il en
existe. À l'exemple, je vais sans doute vous dire qu'Antoine Blanchette,
quand il avait la galerie treize, était aussi, sinon peut-être
plus passionné que certains de ses artistes. Donc, je ne pense pas qu'on
puisse dire que c'était un gros méchant loup. Même rendu
à la FIAC, d'ailleurs, à Paris, il faut souligner cela. Mais,
là, vous dites qu'ils sont mal protégés comparativement
à l'artiste comme tel. Quels seraient les points, d'après vous,
qui pourraient être ajoutés pour assurer que le diffuseur ait
cette protection que vous réclamez?
M. Valentin: Actuellement, ce qui se passe clairement, c'est que la
plupart des diffuseurs qui font partie d'associations sérieuses comme la
PADAC ou l'AGAM n'ont pas de problème. Ce qui a toujours
Inquiété le milieu de l'art ce sont tous les distributeurs qui
sont en bordure de la légalité, finalement. Donc, c'est certain
que cette loi va permettre d'aider, dans ce sens, les créateurs qui sont
représentés par ces gens-là Ce que je dis, c'est.
Pourquoi donner à ceux qui sont les meilleurs, en plus, un travail
supplémentaire dont ils n'ont peut-être pas besoin? De toute
façon, ils font leur travail d'une façon sérieuse. C'est
peut-être là où il y a un tout petit peu de
difficulté. Comme je le disais aussi tout a l'heure, il faut que cela
marche dans les deux sens. Non seulement il faut que cela marche pour les
distributeurs, mais il faut que cela marche pour les artistes
également.
M. Boulerice: M. Valentin, à l'article 33, vous dites:
"Nous recommandons que "cela" - "cela" étant entre guillemets - soit
clairement défini. Nous voulons nous assurer que les multiples oeuvres
originales, telles que la sculpture et les gravures originales, ne puissent pas
être utilisées comme "collatéral" de sécurité
sans le consentement de l'artiste, en particulier, lorsque de telles oeuvres
sont expédiées. " Est-ce que vous pourriez expliciter ce
point-là?
M. Valentin: Oui, je vais essayer. Comme je le dis ici, ce que
nous vouions assurer, ce sont les oeuvres multiples, soit que la
définition inclue les oeuvres multiples telles que la gravure, l'estampe
en général et la sculpture. C'est, à notre avis,
très important parce que ce sont des domaines où, le nombre
d'exemplaires étant multiple, il faudrait que ces oeuvres soient un peu
plus spécifiées, si vous voulez.
M. Boulerice: Et votre spécification à vous
serait?
M. Valentin: D'Inclure spécifiquement la notion de
multiple dans la loi. La Loi sur le droit d'auteur Inclut ces oeuvres,
jusqu'à un certain nombre d'exemplaires. Je pense que c'est important
que ce soit couvert.
M. Boulerice: M. Valentin, au moment où vous vous
êtes présenté, je ne l'ai malheureusement pas entendu, mais
vous avez donné le nombre de galeries québécoises qui sont
membres de votre association. Est-ce que vous pourriez répéter le
nombre, s'il vous plaît?
M. Valentin: Sur 58 membres au niveau canadien, il y a seulement
10 galeries au Québec.
M. Boulerice: Est-ce vous pourriez me les nommer par coeur? Par
simple curiosité.
M. Valentin: Oui. La galerie Walter Klinkhoff, la galerie L'art
français, la galerie Dominion, la galerie Bernard Desroches, la galerie
Mariai, la galerie Continentale, la galerie Waddington & Gorce, la galerie
Lippel, la galerie Elca London et la galerie Kastel.
M. Boulerice: Cela va. Je vous remercie, monsieur.
M. Valentin: Je vous en prie.
La Présidente (Mme Bélanger): Dix sur dix, M. le
député de Saint-Jacques?
M. Boulerice: Oui.
La Présidente (Mme Bélanger): Mme la ministre.
Mme Bacon: J'aurais peut-être une autre question pour M.
Valentin. Est-ce que les pratiques générales dans vos galeries
sont que les oeuvres sont... Est-ce qu'on pratique d'abord la consignation ou
l'achat?
M. Valentin: Je pense que le choix est laissé à
chacune des galeries membres, bien entendu, selon ses disponibilités
financières. Il est évident que, pour la plupart des membres de
l'association que je représente ici, du moins les membres au
Québec, l'achat d'oeuvres se fait à peu près à 50 %
et la consignation à peu près à 50 %. Ce que je vous dis
est très général. Comme je l'ai dit, chaque galerie a des
façons différentes de travailler. Il y a aussi des accords
particuliers qui existent entre certains artistes et leur galerie. Dans
certains cas, après une présentation de très longue
durée, il peut arriver que des accords soient passés pour l'achat
total de la production d'un artiste. Cela existe fréquemment.
Mme Bacon: Est-ce que vous diriez qu'une galerie moyenne a aussi
ces 50 % de consignation ou si cela peut varier suivant la taille des
galeries?
M. Valentin: Je crois qu'i existe de nombreuses galeries qui ne
sont pas forcément des galeries qui ont un chiffre d'affaires
très important, mais qui sont Intéressantes, certainement, et qui
achètent la plupart des oeuvres qu'elles ont à vendre. Par
contre, il est très difficile, dans certains domaines, surtout dans
l'art très actuel, de prendre le risque financier d'acheter des oeuvres
et de financer l'achat d'oeuvres d'artistes plus jeunes. C'est là
où il y a un petit peu d'inégalité, si vous voulez, dans
le sens que la galerie ne peut pas se permettre de prendre le risque financier
d'acheter des oeuvres sans savoir si elle va pouvoir les vendre rapidement.
Mme Bacon: Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Bacon. M.
Valentin, les membres de la commission vous remercient de votre participation
à cette commission et vous souhaitent un bon retour. La commission
ajourne ses travaux sine die.
Une voix: Non, il y a un autre groupe. (12 heures)
La Présidente (Mme Bélanger): II y a un autre
groupe? Je m'excuse. J'appelle l'Association des galeries d'art contemporain de
Montréal.
À l'ordre, s'il vous plaît!
La commission reprend ses travaux et nous recevons l'Association des
galeries d'art contemporain de Montréal. M. Daniel, vous avez 20 minutes
pour soumettre votre mémoire et suivra une discussion de 40 minutes
partagées entre les deux groupes parlementaires.
Association des galeries d'art contemporain de
Montréal
M. Daniel (John): Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Bélanger): Pourriez vous
présenter les personnes qui vous accompagnent?
M. Daniel: Oui, c'est ce que j'étais pour faire.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci.
M. Daniel: À mes côtés, Mme Lorraine Palardy,
est secrétaire de l'Association des galeries d'art contemporain de
Montréal et aussi directrice de la galerie Frédéric
Palardy.
Mme la ministre, mesdames et messieurs les membres du Parlement,
l'Association des galeries d'art contemporain de Montréal a
été fondée II y a quatre ans. Il s'agit d'une association
de galeries d'art contemporain du Québec à but non lucratif. Nos
membres, qui sont des galeries d'art commercial québécois, sont
au nombre de quatorze. Le mandat de l'association est la promotion de l'art
contemporain ainsi que la protection des intérêts de l'artiste, du
marchand et du client. En annexe, nous présentons un code
d'éthique auquel chacune des galeries membres doit adhérer.
Par le projet de loi 78, le ministère des Affaires culturelles du
Québec donne l'exemple à tous les autres organismes
gouvernementaux qui auraient à jouer un rôle similaire au sein de
notre société. Les différents programmes qu'il a
établis, plus particulièrement ceux qui veillent à
favoriser la promotion des artistes québécois de façon
nationale et Internationale, sont exemplaires. L'AGAM reconnaît les
besoins du projet de loi 78 et apprécie l'occasion qui lui est
donnée de le commenter et de pouvoir présenter certains points
à éclaircir. Le prochain point que je vais mentionner a surgi
quand on a demandé les deux versions, anglaise et française, du
projet de loi.
En premier lieu, nous vous Informons que les présentations du
projet de loi 78 en anglais et en français ne traitent pas du sujet tout
à fait dans les mêmes termes. Certains éléments du
document anglais ne sont pas aussi clairement stipulés qu'ils le sont
dans la version française. Étant donné que cette loi
concerne des artistes provenant de différents lieux du pays, ainsi que
du reste du monde et du Québec, nous recommandons qu'un grand soin soit
apporté pour qu'il n'y ait pas de malentendu dans la version finale
anglaise.
Nous croyons fermement que tout effort pour en arriver à une
définition de l'artiste est automatiquement dangereux, s'il exclut
plusieurs participants de ce champ qui ne sont pas conformes à votre
définition. Par conséquent, nous recommandons qu'un consensus
soit défini au moyen de consultations entre un organisme nommé
pour représenter les artistes et l'AGAM et que ce consensus soit
spécifié dans la loi 78. La définition serait alors
suffisamment flexible pour que l'Assemblée nationale n'ait pas à
siéger de nouveau poor amender la loi proposée.
En vue de clarifier le statut professionnel de l'artiste, la loi propose
que tout membre d'une association d'artistes soit automatiquement
présumé professionnel, tandis que ceux qui choisiront de ne pas
en faire partie, pour quelque raison que ce soit, auront alors à se
déclarer professionnel. Nous pensons qu'il y a là discrimination.
Le "membership" au sein d'une association ne devrait pas être le
critère majeur pour déterminer le professionnalisme de l'artiste
En arrivant à un consensus de définition du professionnalisme,
vous éviteriez la discrimination.
Tout comme l'AGAM et la PADAC, qui ont un code d'éthique dictant
à chaque galerie membre la manière de fonctionner, nous
suggérons que l'association d'artistes choisie ait et publie un code
d'éthique d'artistes. Nous serons assurés d'une loi
équitable si elle exige qu'un minimum de responsabilités de la
part de chaque partie concernée soient appliquées.
À propos des contrats entre l'artiste et le diffuseur, vous
imposez à toutes les parties, dans la loi proposée, une
négociation par l'entremise d'un contrat. Qu'arrive-t-il si un artiste
ne souhaite pas travailler sous la contrainte d'un contrat? Nous recommandons
donc que ledit contrat soit préparé d'un commun accord avec
l'AGAM, la PADAC, d'autres associations de marchands et d'autres associations
d'artistes choisies. En négociant le contrat collectivement, vous serez
assurés de résultats plus équitables et,
conséquemment, plus facilement applicables pour ceux qui y
adhèrent. Nous demandons que cette recommandation soit
intégrée à la loi.
Nous espérons que chaque partie comprendra que les contrats les
lient et que, par définition, lis présument de la part de
l'artiste et du diffuseur une attitude d'affaires et de professionnalisme
à laquelle ils seront obligés de se conformer. Une fois le
contrat rédigé, il devrait servir de modèle pour tout
contrat entre l'artiste nouvellement déclaré professionnel et le
diffuseur ainsi décrit dans la loi. Nous faisons exception des
éléments suivants. Les articles 21. 1 et 26. 1 entrent en conflit
direct avec ce que nous percevons comme étant les responsabilités
d'une galerie d'art. Nous travaillerons de bon gré avec ladite
association d'artistes afin de chercher et de développer de nouveaux
marchés, mais il est clair que ce domaine n'est pas que de leur ressort
et que, parce que nous sommes des experts dans le champ de la diffusion de
l'art et dans le développement de nouveaux marchés, nous devons
être reconnus pour notre expertise dans ces champs.
L'article 28 implique que la nouvelle association puisse Imposer un
contrat pour
chaque partie. Nous nous demandons si cela n'interfère pas avec
toute loi qui traite de ta liberté d'action.
Le deuxième paragraphe de l'atlcle 31 devrait être
ajusté afin que les parties ne soient pas liées tant que les deux
parties ne sont pas en possession de la copie de leur contrat. À
l'article 33, nous pensons qu'un dixième de toute édition devrait
être donné à l'artiste.
Aux articles 37 à 39, la loi stipule que tout diffuseur doit
tenir des livres de compte séparés pour chaque artiste et que
celui-ci peut y avoir accès en tout temps. Si c'est imposé, vous
créerez une comptabilité cauchemardesque pour chaque galerie. La
plupart d'entre nous représentons de 20 à 30 artistes. Les
galeries d'art professionnelles conservent tout ce qui concerne les
activités de leurs artistes, mais afin de bien suivre la loi nous
aurions à tenir des livres de compte séparés pour chaque
artiste. Nous suggérons que vous amendiez la loi et que vous y indiquiez
que le diffuseur doit envoyer, deux fois par an, à la demande de
l'artiste, un état de compte sur ses activités et sur son
Inventaire. Ainsi, l'artiste aurait accès à l'information qu'il
désire connaître sur une base régulière et les
diffuseurs n'auraient donc pas à passer tout le temps dans les livres de
compte avec un artiste ou à lui faire des rapports.
Afin qu'il y ait équité, nous aimerions suggérer
que l'artiste fournisse aussi au diffuseur un inventaire de ses oeuvres qu'il a
en sa possession, également deux fois par année. Nous croyons
qu'à l'article 36 le recours à l'arbitrage est une excellente
façon de résoudre des problèmes. Nous demandons que cet
arbitrage convienne à toutes les parties concernées. En
référence à l'article 43, nous croyons qu'il faudrait
l'élargir afin d'inclure toutes les parties décrites aux sections
II et III.
C'est dans le meilleur intérêt de tous que la loi 78 soit
équitable et juste. Nous sommes persuadés que l'Assemblée
nationale fait autant preuve d'un esprit de responsabilité que les
membres de l'Association des galeries d'art contemporain de Montréal.
C'est dans cette optique que nous soumettons ce mémoire. Nous
accueillerons tout dialogue favorisant la négociation du monde des arts
d'un type professionnel et d'affaires. Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Daniel. Mme la
ministre.
Mme Bacon: M. Daniel, Mme Palardy, je vous remercie d'être
venus nous retrouver ici pour discuter avec nous du projet de loi 78. Je vous
remercie aussi de la présentation que vous venez de nous faire de votre
mémoire.
Je voudrais vous féliciter quant au code de déontologie
qui existe chez vous. L'Association des galeries d'art contemporain de
Montréal, qui est responsable de ce comité, a vraiment fait un
travail de rigueur, et je vous en félicite.
Dans votre mémoire, vous dites que vous reconnaissez le besoin de
la loi 78. Je pense que, comme plusieurs, on reconnaît le besoin d'une
loi, mais on veut y apporter certaines corrections. Pourriez-vous
préciser davantage les aspects intéressants de la loi, d'abord,
pour vos membres et pour les artistes que vous représentez?
M. Daniel: Je dirais, d'une part, que l'idée est de
protéger l'artiste. Malheureusement, il y a des éléments
dans tout genre d'action qui sont plus aimés et d'autres moins
aimés, étant donné qu'il y a des courtiers d'art et
d'autres gens qui agissent dans le monde des arts. Un homme ou une dame qui
décide de devenir décorateur ou décoratrice peut aller
dans un studio et prendre tant d'oeuvres de chaque artiste. Après un an,
l'artiste n'entend plus parler de cette personne. Je pense que, de ce
côté-là, c'est très important que cette loi existe.
De cette façon, ça va nous protéger aussi car,
malheureusement, on est taché, quand il y a quelque chose qui arrive
dans le monde des arts qui n'est pas entièrement correct, c'est nous
aussi qui sommes tachés par la même brosse, même si ce ne
sont pas des galeries professionnelles qui ont peut-être eu ce
problème. Je pense que cette partie nous touche en même temps que
cela va protéger l'artiste. (12 h 15)
Mme Bacon: Vous dites, à la page 2 de votre
mémoire, qu'une définition de l'artiste professionnel est
dangereuse si elle exclut plusieurs participants. Pourriez-vous peut-être
nous dire si c'est le cas de l'article 6 qui dit, et je cite: "A le statut
d'artiste professionnel, le créateur du domaine des arts visuels, des
métiers d'art ou de la littérature qui satisfait aux conditions
suivantes: 1° il se déclare artiste professionnel; 2° il
crée des oeuvres pour son propre compte; 3° ses oeuvres sont
exposées, produites, etc. "
Est-ce que cette formulation que nous faisons de l'artiste qui a un
statut professionnel va trop loin ou est-ce que vous voulez nous
suggérer une autre formulation à l'article 6, sur la
reconnaissance d'un statut professionnel?
M. Daniel: Oui, je pense que les problèmes commencent au
moment où on essaie d'écrire quelque chose. On risque toujours
d'éliminer certaines personnes qu'on n'a pas la volonté
d'éliminer mais, par la force des choses, en écrivant ou en
essayant de définir, il y a toujours des oublis.
Pour ma part, le problème qu'on voit à l'intérieur
de ça, c'est que s'il n'y a pas assez de souplesse... Il y en a
là-dedans, mais en disant qu'un artiste qui est membre d'une association
n'a pas besoin de se déclarer professionnel tandis qu'un artiste qui
n'est pas membre doit se déclarer professionnel, vous faites un peu de
discrimination. Je ne sais pas exactement
comment le formuler, mais je pense qu'il y aurait une façon plus
juste de le faire. Ce n'est pas en étant membre d'une association... Je
sais que je ne réponds pas directement à votre question. Je pense
qu'à l'article 6 les paragraphes 1, 2 et 3 pourraient couvrir presque
tout ce qui pourrait arriver devant...
Mme Bacon: Oui, Je pense quand même que la dynamique doit
se retrouver dans la vie même des artistes et dans leur milieu. Je ne
pense pas qu'on doive s'ingérer davantage que par l'article 6.
M. Daniel: Oui.
Mme Bacon: On ne fait pas obligation d'adhérer. L'artiste
garde sa liberté d'adhérer à une association, mais s'il se
déclare professionnel, évidemment, les paragraphes 2 et 3...
M. Daniel: Oui, c'est vrai. Mais ce qu'on voit là, c'est
que vous dites... C'est la phrase. Vous dites que l'artiste membre d'une
association est automatiquement déclaré professionnel. II ne doit
pas se déclarer. En devenant membre, il se déclare...
Mme Bacon: II est présumé.
M. Daniel: Oui, exactement. Tandis que les autres ne sont
pas présumés professionnels tant qu'ils ne font pas une autre
déclaration. Si vous disiez que tout artiste doit se déclarer
professionnel, qu'il soit ou qu'il ne soit pas membre d'une association, je
pense que nous retirerions notre objection à ça.
Mme Bacon: Mais c'est l'Intention de la loi. M. Daniel:
C'est tout simplement en disant...
Mme Bacon: C'était l'intention de notre loi.
Peut-être qu'il y a des articles qui nous échappent, mais il a la
liberté d'adhérer à une association. Il se reconnaît
professionnel. Il crée des oeuvres à son propre compte. Donc, il
est aussi professionnel.
M. Daniel: Oui.
Mme Bacon: Je pense que ce n'est pas à l'Etat de
s'Ingérer davantage.
M. Daniel: La seule chose qu'on a vue à l'intérieur
de ça, c'est qu'un est présumé professionnel, d'une part,
et, d'autre part, l'autre doit se déclarer. C'est ça qui fait la
différence.
Mme Bacon: Oui, mais il peut être un artiste même
s'il n'est pas membre d'une association.
M. Daniel: Exactement.
Mme Bacon: C'est ça.
M. Daniel: Exactement. Là, de la façon que c'est
écrit, II se déclare, pour être considéré par
cette loi comme professionnel...
Mme Bacon: Ou bien il crée des oeuvres pour son propre
compte; à ce moment-là, il est un artiste professionnel.
M. Daniel: Oui, mais...
Mme Bacon: C'est parce qu'il faut...
M. Daniel: si cela Inclut, pourquoi avez- vous mentionné
le premier?
Mme Bacon: La déclaration nous vient de l'UNESCO. Je pense
qu'à ce moment-là on doit reconnaître...
M. Daniel: Ah!
Mme Bacon:.. cette façon de reconnaître l'artiste
professionnel. Il a fallu en tenir compte en écrivant notre loi.
M. Daniel: Mais pourquoi présumer qu'en étant
membre d'une association... Je dirais qu'ils devront être
traités...
Mme Bacon: Pour faciliter la preuve qu'il est professionnel. On
peut faciliter la preuve s'il se déclare membre d'une association, s'il
adhère.
M. Daniel: On a toujours ce petit problème. Je pense qu'on
joue avec les mots.
Mme Bacon: Oui, la législation n'est jamais facile. II n'y
a pas que de l'anglais au français et du français à
l'anglais.
M. Daniel: Exactement.
Mme Bacon: Dans la même veine, quel serait
l'intérêt des associations d'artistes de représenter des
artistes non professionnels, selon vous?
M. Daniel: Je n'ai aucune façon de répondre
à cela, car je ne le sais pas. Notre problème n'est pas la
question qu'une association représente ou pas un artiste qui n'est pas
professionnel, c'est tout simplement que, tant qu'il est membre, il est tout de
suite présumé professionnel, tandis qu'en n'étant pas
membre de cette association il faut qu'il se déclare ou qu'il fasse
quelque chose de séparé, de plus que d'autres qui ont seulement
besoin de devenir membres. C'est là qu'on Inscrit notre objection.
Mme Bacon: À la page 3 de votre mémoire, vous
recommandez que des contrats soient préparés par des associations
de diffuseurs, de concert avec une association d'artistes reconnue
et vous proposez, en somme, que nous rendions la négociation
collective de contrats types obligatoire. Est-ce votre Intention ou si on a mal
saisi votre recommandation?
M. Daniel: L'Intention que l'on voulait présenter, c'est
que la loi soit travaillée avec un consensus de gens impliqués
dans cette loi et, là où il y a consensus, que ce soit
ajouté à la loi, au lieu qu'une loi soit imposée.
Mme Bacon: À la page 4, vous poursuivez aussi cette
même... Vous dites que le contrat Iie les parties et, plus loin, vous
souhaitez que le contrat rédigé devienne le modèle. Je ne
suis pas certaine de suivre cette pensée. Est-ce que vous faites une
distinction entre un contrat Individuel et un contrat type?
M. Daniel: Là aussi, c'est une question de langage. Dans
votre toi, vous demandez qu'il y ait un contrat minimal. Ce que l'on voulait
présenter, c'est que ce contrat soit un contrat minimal. Après,
il y aura sûrement des négociations plus particulières pour
des cas particuliers, à cause des parties qui y participent.
Mme Bacon: Alors, vous êtes d'accord avec cela?
M. Daniel: Oui, on est d'accord que le contrat émane d'un
consensus entre les membres impliqués, mais un contrat minimal.
Mme Bacon: À la page 4 aussi, vous craignez la
complexité pour les galeries d'avoir à tenir des comptes
distincts. Est-ce que vous pourriez préciser? À ce moment-ci, ne
procédez-vous pas quand même à des mentions
spéciales pour chacun de vos artistes dans votre compte?
M. Daniel: Heureusement que je suis informatisé, comme
cela, je peux faire des choses, mais avant que ma galerie soit
informatisée j'entrais les choses au fur et à mesure qu'elles
arrivaient. J'avais un livre de registre, mais ce n'était pas un livre
par artiste, c'était un livre pour les oeuvres.
Mme Bacon: Ce n'est pas ce que nous demandons non plus.
M. Daniel: Exactement, mais le problème est que, si
l'artiste a le droit de consulter ces livres, il consultera toute
l'activité qui est arrivée pendant la période qui
s'applique à cet artiste en particulier. Cela veut dire que, dans ce
registre, il y a le numéro d'Inventaire de l'oeuvre, la description de
l'oeuvre, la date de réception, ce qui est arrivé à
l'oeuvre, si elle a été vendue et à qui, à quel
prix et à quelles conditions. Or, sur une page, peut-être qu'on a
quatre artistes Impliqués, par exemple, et l'artiste qui viendra
consulter verra l'activité des autres artistes aussi. C'est pour cela
que l'on dit que c'est un peu cauchemardesque. On est entièrement
prêt à préparer des rapports pour les artistes. Pour moi,
c'est assez facile: J'appuie sur certains boutons et j'ai l'information, mais
pour certains autres...
Mme Bacon: il y a aussi à la page 5 de votre
mémoire...
M. Daniel: Je m'excuse. Je n'ai pas compris à quelle
page.
Mme Bacon: À la page 5. En référence
à l'article 43, vous nous suggérez d'étendre l'application
de l'entente collective ou du contrat type à tous les artistes et
à tous les diffuseurs définis aux articles 2 et 3 et ceci, qu'ils
soient membres ou non d'une association. Je ne sais pas si j'ai bien compris.
Est-ce que vous voulez m'expllquer comment il serait possible qu'un projet de
loi puisse aller aussi loin?
M. Daniel: Laissez-moi le lire.
Mme Bacon: L'article 43. Aux articles 2 et 3, nous donnons les
domaines qui sont respectivement des pratiques artistiques. Dans l'article 3,
si le contexte n'indique aucun sens différent, c'est ce qu'on entend par
"association" et "diffuseur". On explique ce qu'est une association et ce
qu'est un diffuseur. À ce moment-là, est-ce que ce serait
l'application de l'entente collective ou du contrat type à tous les
artistes définis dans nos articles de loi?
M. Daniel: L'intention était que cela ne soit pas
applicable uniquement aux galeries, mais que ce soit applicable à toute
personne qui fait le commerce ou le troc ou n'importe quoi dans le monde des
arts plastiques.
Mme Bacon: Tous les diffuseurs.
M. Daniel: Clairement tous les diffuseurs et tous les artistes
aussi, d'autre part. Je pense que, de ce côté-là, c'est la
volonté de cette loi car dans la description de...
Mme Bacon: Oui, à part la description à 2 et 3.
Pour dissiper peut-être certaines confusions quant à la
version anglaise et à la version française, Je pense qu'il y a
souvent des distorsions linguistiques qui peuvent se glisser dans les
traductions de textes. On va faire en sorte que ce soit plus précis. Je
pense qu'il faudra peut-être revoir le texte, mais il ne faudrait quand
même pas y voir des intentions du législateur de jouer sur les
deux textes, surtout pas.
M. Daniel: Non, mais c'est tout simplement pour que ce soit
clair.
Mme Bacon: On voit cela souvent dans les distributions. Je
voudrais quand même souligner que l'esprit de la loi est le même
dans l'une et dans l'autre, quelle que soit la version. C'est essentiellement
le même esprit de loi que nous avons. Cela va, Mme la Présidente.
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme la
ministre. M. le député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Pour ce qui est de la traduction, vous savez comme
moi, M. Daniel, ce vieux dicton italien: Traduttore, traditore". Le traducteur
est souvent traître. Ha, ha, ha! Je pense qu'effectivement, cela pourrait
être arrangé.
Vous avez parlé de comptabilité cauchemardesque pour
chaque galerie, exception faite peut-être de celles qui ont l'avantage
d'avoir pris le virage technologique comme vous. En contrepartie, vous dites:
Afin qu'il y ait équité, nous aimerions suggérer que
l'artiste fournisse aussi au diffuseur un inventaire de ses oeuvres qu'il a en
sa possession également deux fois par année.
M. Daniel: Votre question à l'intérieur de cela? Je
ne comprends pas quelle est votre question à l'intérieur de
cela.
M. Boulerice: Est-ce que les artistes font un inventaire comme
celui-là?
M. Daniel: La raison d'être est pure et simple. C'est pour
être capable d'aider l'artiste aussi. Si on sait ce que l'artiste a dans
son inventaire et qu'un client arrive et nous demande une oeuvre de telle ou
telle grandeur ou je ne sais quoi, de telle période, de tel artiste et
qu'on ne sait pas ce que l'artiste a en main, car cela n'est pas dans la
galerie à ce moment là, on risque de perdre quelque chose, ce qui
risquerait de ne pas aider l'artiste non plus.
M. Boulerice: D'accord. C'est dans ce sens.
Mme Palardy (Lorraine): Est ce que je peux ajouter juste une
chose?
M. Boulerice: Je vous en prie, Mme Palardy. La
Présidente (Mme Bélanger): Mme Palardy.
Mme Palardy: À mon avis, par expérience, c'est pour
que les artistes prennent aussi conscience de leurs responsabilités face
à leur tenue de livres pour eux-mêmes. Par expérience, les
artistes étant des artistes, ils sont peut être aussi par
définition un peu bohèmes. II nous arrive avec une partie de
production en vrac et nous tenons compte, naturellement, de leurs oeuvres.
Finalement, j'ai un peu peur qu'avec ce projet on ne devienne des
administrateurs des artistes, faisant qu'à tout bout de champ on aurait
à donner des comptes-rendus à savoir où on est rendu
exactement, qu'est-ce qu'on a au Juste, parce qu'on n'est pas tous
informatisés, premièrement.
Deuxièmement, j'ai l'Impression que ce droit qui leur est
dû - on a absolument à y répondre, aussi, parce qu'ils sont
en droit de savoir ce qu'on fait avec leurs oeuvres - devient un peu trop notre
responsabilité. Je pense qu'on devrait Insister pour que ce soit une
responsabilité partagée et, quand ils arrivent, que l'inventaire
soit fait vraiment ou que les oeuvres soient, les livres soient tenus de part
et d'autre, ce qui devrait être fait, normalement.
La Présidente (Mme Bélanger): Mme la ministre.
Mme Bacon: J'aimerais peut-être expliquer, si ça
peut enlever les craintes, que la périodicité va être
prévue dans le contrat que vous signez avec l'artiste. Donc, vous
pourrez vous entendre avec lui sur le nombre de fois que vous voulez lui donner
les informations. Cela se fait avec l'artiste, avec le consentement de
l'artiste.
Mme Palardy: Est - ce que je peux, à mon tour, vous poser
une question, à savoir: Le contrat est il obligatoire si
l'artiste dit: Je n'ai jamais signé de contrat de ma vie et je n'en
signerai pas?
Mme Bacon: II n'est pas obligatoire.
Mme Palardy: Donc, il n'est pas obligatoire.
il Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Si l'artiste en veut un, par contre, la galerie est
obligée d'y aller. Vous dites: Nous croyons qu'à l'article 36, le
recours à l'arbitrage est une excellente façon de résoudre
des problèmes. Nous demandons que cet arbitrage convienne à
toutes les parties concernées. Par arbitrage, il faudrait dissiper tout
malentendu. Ce n'est pas un service que va vous rendre le ministre des Affaires
culturelles, mais vous devriez vous trouver... Il va y avoir un arbitre aux
frais des deux parties. Il ne faut pas l'oublier. Attention! Ce n'est pas la
notion de "je prends un avocat et ça ne me coûtera que les frais
de cour si je gagne*. Il y aura partage des coûts de l'arbitre.
Mais, dans cette phrase, est-ce que vous demandez l'arbitrage du
consentement des deux parties ou bien, selon la formulation de la loi, quand il
y a une seule partie qui le demande?
M. Daniel: La façon dont on a prévu ça,
c'est que, s'il y a un problème, quel qu'il soit, une partie peut
demander un arbitrage et que l'arbitrage soit fait par quelqu'un qui est
neutre, qui écoute les deux côtés et qui aide à
résoudre
ces problèmes. Il est sûr et certain que les frais pour cet
arbitrage devraient être partagés par les parties
concernées.
M. Boulerlce: D'accord. Donc, on se comprend bien. Vous
êtes d'accord avec la notion d'arbitrage, comme stipulé dans le
projet de loi, c'est-à-dire qu'il peut être demandé par une
seule des deux parties et non pas obligatoirement par les deux parties?
M. Daniel: Exactement, sauf que nous ne voudrions pas être
forcés d'aller devant un arbitre, si nous ne pensons pas qu'on en a
besoin. Cela veut dire que, si on s'assoit et que c'est tout simplement... Je
reprends ce que je viens de dire.
M. Boulerice: Mais, là, vous n'avez pas le choix. La
minute où quelqu'un demandera l'arbitrage, vous devrez aller vous y
asseoir.
M. Daniel: Oui, absolument. C'est pour ça que j'ai dit
cela.
M. Boulerice: D'accord. À l'article 33, vous dites: Nous
pensons qu'un dixième de toute édition devrait être
donné à l'artiste Est-ce que vous pourriez être plus
explicite?
M. Daniel: Là où on parlait d'un dixième de
l'édition, c'est au sujet de la gravure. Certaines parties du projet de
loi ne sont pas assez claires pour les différents besoins de la
littérature et des arts plastiques. Pour nous, ce qui est normal, c'est
que, dans la présentation d'oeuvres en grand nombre... Il y a plusieurs
exemplaires comme la gravure, la lithographie, les imprimés...
Normalement, la convention internationale veut qu'un dixième de
l'édition aille automatiquement à l'artiste, comme des
épreuves d'artiste que l'artiste peut diffuser s'il le veut mais qui,
normalement, ne sont pas là pour être diffusées.
M. Boulerice: Vous me dites que cette règle fait partie
d'une convention internationale?
M. Daniel: Oui, elle est entendue, mais elle n'est pas
écrite, comme quoi M y a des ententes partout. Il y a 10 %
d'épreuves d'artistes, normalement, dans les tirages et ces 10 %
appartiennent à l'artiste. Si l'artiste veut les vendre aux diffuseurs,
c'est une décision que l'artiste peut prendre, mais cela lui
appartient.
M. Boulerice: Est-ce que la pratique est étendue au
Québec ou si elle est...
M. Daniel: Je pense que dans les cas professionnels, oui,
d'après ce que je sais. Je suis éditeur aussi et certains...
M. Boulerice: Cela va, Mme la Présidente. Je vous remercie
M. Daniel.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Bacon.
Est-ce qu'il y a d'autres questions?
Mme Bacon: Merci Mme Palardy et M. Daniel.
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Daniel et
Mme Palardy, les membres de la commission vous remercient de votre
participation et vous souhaitent un bon retour. La commission ajourne ses
travaux sine die.
(Suspension de la séance à 12 h 36)
(Reprise à 16 h 47)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de la culture reprend sa consultation particulière
dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi 78,
Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des
métiers d'art et de la littérature et sur leurs contrats avec les
diffuseurs. Nous sommes rendus maintenant, si je lis bien l'ordre du jour, je
crois, à l'Union des écrivains Québécois.
Alors, j'inviterais ses représentants à s'asseoir à
la table en face de moi. S'H n'y a pas de changement à la liste, il
s'agit de Mme Denise Boucher, administratrice, M. Bruno Roy, président,
M. Yves Légaré, directeur général, M. Bernard
Demers, administrateur, et M. André Roy,
secrétaire-trésorier.
Je pense que vous connaissez les règles du jeu. Nous avons une
heure, au maximum, à passer en votre compagnie. Vous avez 20 minutes
pour résumer votre mémoire. Par la suite, il y aura un
échange d'idées, d'opinions et de renseignements entre ce
côté-ci de la table et le vôtre, entre le parti
ministériel et le parti de l'Opposition, chacun 20 minutes. Au moment
où vous interviendrez de votre côté. Je vous demanderais de
vous identifier non pas parce que vous êtes de parfaits inconnus pour
nous, mais pour les fins d'enregistrement du Journal des débats.
C'est extrêmement important. Les paroles historiques que vous risquez
de prononcer vous seront alors attribuées plutôt qu'à
quelqu'un d'autre.
Tout en vous souhaitant, M. le président, la bienvenue à
la commission de la culture, je vous cède immédiatement la parole
parce qu'on est quand même quelque 30 minutes en retard, je crois. M. le
président.
Union des écrivains
québécois
M. Roy (Bruno): Mme la ministre, M. le Président, mesdames
et messieurs les députés, l'Union des écrivains
québécois est un syndicat professionnel fondé en 1977.
Elle compte plus de 600 membres: des poètes, des romanciers, des auteurs
dramatiques, des essayistes, des auteurs d'ouvrages scientifiques et pratiques.
L'Union des
écrivains contribue à la promotion des oeuvres des auteurs
québécois par l'organisation de tournées dans les
écoles et de lectures publiques, par l'administration de prix
littéraires et par la diffusion d'information sur les auteurs
L'Union des écrivains a, de plus, comme objectif la
défense des intérêts socio économiques des
écrivains. Dans cette optique, elle a négocié avec
l'Association des éditeurs un contrat type d'édition en 1981,
obtenu des compensations pour la reprographie d'oeuvres protégées
dans les maisons d'enseignement du Québec, mis sur pied un régime
d'assurance collective pour ses membres travailleurs autonomes et
contribué à la création de cours de perfectionnement.
L'Union des écrivains québécois est, enfin, le plus
Important regroupement d'auteurs du domaine du livre et est donc
intéressée au premier chef par le projet de loi 78.
Mme Boucher (Denise): Écrire au Québec semble
parfois tenir de la vocation. Un marché exigu, des habitudes de lecture
peu développées, une concurrence vive des autres médias et
des produits culturels étrangers, des problèmes de diffusion:
tout concourt à rendre difficile l'exercice de ce métier,
d'où la nécessité de réclamer la reconnaissance de
notre existence tant comme individus que comme groupes constitués. Ce
dont les créateurs ont besoin, c'est d'obtenir les outils
nécessaires pour travailler eux-mêmes à
l'amélioration de leur sort.
L'écrivain participe non seulement à l'affirmation
culturelle d'un pays, d'une région, d'une ville, il est aussi au coeur
même de toute une activité économique où
éditeurs, Imprimeurs, libraires et bibliothécaires trouvent leur
compte. Mais cet apport de l'écrivain n'est pas encore reconnu. Il ne
bénificie pas d'avantages fiscaux particuliers, n'est pas admissible
à l'assurance-chômage, ne peut se constituer une rente et a
souvent du mal à toucher les minces redevances qui lui sont dues.
Un statut professionnel do l'écrivain ne doit pas avoir pour but
de régir la création, mais plutôt de réglementer
l'ensemble des conditions économiques et sociales qui entourent la
production de l'oeuvre. À tout prendre, moins l'écrivain aura de
problèmes économiques, sociaux et fiscaux, plus il pourra se
consacrer librement à son oeuvre.
M. Roy: Un statut d'écrivain est donc nécessaire
tant pour fournir aux écrivains un cadre juridique qui
déterminera leur professionnalisme que pour leur permettre d'assurer le
respect de leurs droits et de leur propriété intellectuelle.
Si les écrivains, les artistes et les autres créateurs se
rejoignent généralement sur la nécessité d'obtenir
un tel statut, tous n'ont pas les mêmes besoins ni les mêmes
revendications. Un seul et même texte de loi ne peut couvrir
l'éventail des problèmes et des réalités du milieu
culturel. À preuve, ce projet de loi 78 qui cherche à
circonscrire ce qui avait été omis dans la loi 90.
L'Union des écrivains se réjouit de la volonté du
gouvernement de faire progresser ce dossier du statut do l'artiste et du
créateur. Si la loi 90 accordait, à juste titre, la
reconnaissance aux artistes de la scène, du disque et du cinéma,
il convenait, en toute équité, de penser aux créateurs,
à ceux qui sont à la base de ce que l'on appelle désormais
l'industrie culturelle. Après ce premier pas de 1987, il était
essentiel d'en faire un second. Mais ce pas ne va malheureusement, ni assez
loin, ni dans la direction souhaitée.
Mme Boucher: Le type de reconnaissance proposé dans le
projet de loi 78 nous apparaît passablement différent de celui
octroyé par la loi 90 aux artistes de la scène, du disque et du
cinéma. En ce sens, le projet de loi 78 nous semble
inadéquat.
Contrairement à la loi 90, qui réunissait des artistes
ayant de forts points communs, le projet de loi 78 tente de regrouper les
créateurs en arts visuels, ceux des métiers d'art et les
écrivains dont les oeuvres ne se différencient pas seulement par
leur forme d'expression, mais encore par leur production et leur mise en
marché.
Un tel regroupement entraîne des aberrations évidentes.
Ainsi, le diffuseur qui, dans le domaine du livre, est un Intermédiaire
entre le libraire et l'éditeur devient alors, selon l'article 3 du
chapitre I, "toute personne ou société qui opère, à
des fins lucratives ou non, une entreprise en vue de la vente, du prêt,
de la location, de l'échange, du dépôt, de l'exposition, de
la présentation en public, de la publication ou d'une autre utilisation
des oeuvres des artistes. " Une telle définition nous laisse perplexe
puisqu'elle Inclut à la fois le libraire, le bibliothécaire, !o
distributeur et l'éditeur et semble exclure les activités comme
les lectures publiques, les conférences, les entrevues dans les
médias électroniques, etc. Or, s'il est fréquent pour un
écrivain de négocier l'utilisation de son oeuvre avec un
éditeur ou de ses services avec une Maison de la culture, par exemple,
il est hautement improbable qu'il soit appelé un jour à
s'entendre directement avec un libraire.
Cet article 3 n'est qu'une «lustration, à l'instar du
paragraphe 2 de l'article II, de la difficulté que suscite le
regroupement proposé. Ce paragraphe 2 stipule qu'une "association ne
peut être reconnue que si ses règlements prescrivent des
règles d'éthique Imposant à ses membres des obligations
envers le public. "
Il va sans doute de soi pour un peintre de garantir que c'est une oeuvre
unique qu'il met en vente et non une production en série, tout
comme le lithographe assure que l'oeuvre qu'il vend a bel et bien
été tirée en un nombre restreint d'exemplaires. Quant
à l'écrivain, que peut-il bien promettre d'autre que
l'originalité de son oeuvre, laquelle est déjà garantie
par le respect obligé de la Loi sur le droit d'auteur et stipulée
dans tous les contrats d'édition? Détails, nous dira-t-on, qui
peuvent facilement être corrigés, nous en convenons.
Plus importants sont toutefois les effets de la définition de la
littérature, donnée au paragraphe 3 de l'article 2. De cette
définition, en effet, dépendent tant le statut professionnel de
l'écrivain que la reconnaissance d'une association. Elle est d'autant
plus cruciale que, dans ce dernier cas, le projet de loi prévoit une
seule association reconnue par domaine. Or, ce même projet de loi impose
des regroupements qui n'existent pas dans la communauté des
écrivains québécois et, par là même, ne
semble pas tenir compte des pratiques et structures existantes.
M. Roy: Au chapitre I, la littérature est donc
définie comme "la création et la traduction d'oeuvres
littéraires relevant de l'imaginaire ou ayant une finalité
esthétique: le roman, le conte, la nouvelle, l'oeuvre dramatique,
l'essai, la bande dessinée et toute autre oeuvre écrite de
même nature. "
Qui peut juger de la finalité esthétique d'une oeuvre?
Pourquoi seule l'oeuvre relevant de l'imaginaire serait-elle retenue? Les
droits d'un auteur cessent-ils d'exister parce qu'il s'intéresse
à un fait de société ou à l'évolution
scientifique? Doit-on rejeter de notre culture La Flore laurentienne, Les
Insolences du frère Untel, ou Patience dans l'azur? Une
définition faisant appel à de tels critères subjectifs
suscitera de longues querelles lorsqu'il s'agira de déterminer le statut
professionnel d'un écrivain et créera artificiellement deux
classes d'écrivains parmi ceux qui publient.
La loi 90 avait eu l'habileté de ne pas créer de
discrimination basée sur le genre. Un artiste, qu'il soit
comédien dans un théâtre expérimental ou personnage
principal d'une publicité télévisée, demeure un
artiste. Nous demandons simplement qu'un écrivain conserve son statut,
qu'il vienne de publier un recueil de poésie ou un ouvrage scientifique.
Pour nous, les Marie-Victorin doivent avoir le même statut que les
Émile Nelligan, parce qu'ils négocient avec les mômes
éditeurs et font partie des mêmes associations
professionnelles.
À cet égard, le projet de loi 78 semble confondre aide
financière et octroi d'un statut professionnel aux créateurs.
Certes, la littérature a sûrement davantage besoin de
l'intervention financière de l'État que la publication d'ouvrages
pratiques, tout comme le théâtre est subventionné et la
publicité, non. Mais l'artiste qui y oeuvre a besoin des mêmes
protections. La loi doit couvrir l'éventail des besoins et des
activités des créateurs.
Si la définition proposée était adoptée, une
association ne pourrait alors négocier que pour une partie de ses
membres et, même, ne couvrir qu'une partie des activités d'un
même écrivain. Une entente collective s'appliquerait au roman d'un
auteur, mais pas à son livre de psychologie. L'écrivain serait
écrivain s'il s'en tenait à la poésie, mais perdrait son
statut en publiant un guide pratique.
À titre d'exemple, parmi les quelque 600 membres de l'Union des
écrivains, 48 % répondent peut-être entièrement
à la définition proposée; 5 % sont des auteurs d'ouvrages
pratiques et scientifiques; 11 % se consacrent tant à la
littérature qu'à la scénarisation; 27 % sont des
littéraires qui publient aussi des livres pratiques et scientifiques; 9
% pratiquent tous les genres mentionnés. Lorsqu'une loi veut favoriser
le profesionnalisme des écrivains, elle doit tenir compte du fait que
plusieurs d'entre eux, pour vivre de leur plume, doivent être
polyvalents. (17 heures)
Mme Boucher: Si le projet de loi 78 n'est pas modifié,
l'association reconnue héritera donc de problèmes difficiles;
tous ses membres n'auront pas le même statut. De plus, l'association sera
en mesure de diffuser avec certains diffuseurs comme, par exemple, les
éditeurs, mais ne pourra le faire avec d'autres qui retiennent les
services de l'écrivain plutôt que son oeuvre, par exemple,
à l'occasion de conférences ou de lectures publiques.
Par ailleurs, l'association reconnue héritera aussi, semble-t-il,
des membres d'autres secteurs. Ainsi, puisque l'expression littérature
ne distingue pas entre la traduction et l'oeuvre originale, l'association
reconnue négociera pour ces deux secteurs. De la même
manière, puisque le médium de l'oeuvre n'est pas
précisé, contrairement à ce qui a été fait
dans la loi 90, il y aura confusion entre les textes destinés à
être joués, ceux destinés à être
chantés, à être filmés ou à être lus.
Est-ce que les autres associations existantes, qui reflètent les
pratiques et structures actuelles du milieu culturel québécois,
accepteront d'être sous la tutelle d'une association unique, reconnue,
dite professionnelle par le gouvernement? Il y a lieu, à notre avis, de
bonifier la définition proposée dans le respect des structures
existantes.
Quant à nous, nous nous contenterons de préciser notre
médium privilégié par les deux définitions
suivantes: "L'écrivain est une personne physique qui, à son
propre compte, écrit des textes originaux destines à être
publiés principalement sous forme de livres.
Te texte est un ensemble de mots destinés à la lecture et
ce, quel que soit le support utilisé (papier, disquette d'ordinateur,
écran cathodique, etc. )"
En l'absence d'une définition tenant compte des
réalités culturelles et organisationnelles, une seule association
négociera pour le vaste secteur appelé littérature dans le
projet de loi 78. Or, là
encore, de nombreux problèmes se poseront.
Ainsi, l'article 11 en son premier paragraphe stipule qu'une association
ne peut être reconnue que si ses règlements "prévoient des
conditions d'admissibilité fondées sur l'autonomie et sur des
exigences professionnelles propres aux artistes du domaine. " Quelle
association pourra prévoir des conditions d'admissibilité
embrassant une littérature aussi largement définie? Par exemple,
l'UNEQ accueille en son sein des auteurs ayant publié un livre ou plus.
Les auteurs de chansons ou les illustrateurs de bandes dessinées ne
peuvent actuellement devenir membres de notre organisme et la situation est
semblable dans les autres associations.
Cela a des répercussions à la lecture des articles 7 et
12. Les artistes non admissibles ne pourront alors se prévaloir de la
présomption de professionnalisme que leur confère l'article 7 et
les associations risquent, en vertu de l'article 12, d'avoir de la
difficulté à obtenir leur reconnaissance puisqu'elles ne pourront
prétendre être ouvertes à tous les artistes d'un domaine
aussi vastement défini.
M. Roy: La lecture de l'article 13, à la suite de celle
des articles 7 et 12, donne l'Impression de favoriser le regroupement des
artistes, mais autant l'Union des écrivains souhaite défendre
l'ensemble des intérêts professionnels de ses membres, autant le
regroupement de créateurs aux intérêts disparates lui
semble artificiel.
L'Union des écrivains a, au fil des ans, renforcé son
expertise. Elle est apte à négocier pour les auteurs des contrats
pour leur publication, des ententes sur les multiples utilisations de leurs
oeuvres (droits de reprographie, banques de données, etc. ) ou de leurs
services (conférences, tournées). Elle ne peut que refuser de
confier la défense de ses membres à un regroupement
d'associations.
Des modifications essentielles doivent donc être apportées
au projet de loi 78 quant à son champ d'application, mais les
dispositions relatives aux ententes collectives, qui figurent à la
section II du chapitre III, créent également des
problèmes.
Le projet de loi 78 ne contient que trois articles traitant des ententes
collectives: les articles 41, 42 et 43 C'est fort peu comparativement à
la loi 90 où les articles 27 à 42 viennent encadrer lesdites
ententes.
Si l'artiste négocie des conditions d'engagement,
l'écrivain négocie la propriété de son oeuvre pour
fixer par contrat les termes de son utilisation Mais, hormis cette
différence et les nécessaires adaptations qu'elle entraîne,
I'écrivain a droit de bénéficier de conditions
négociées et d'obtenir une protection minimale.
Ainsi, si le comédien qui joue dans l'adaptation
cinématographique d'un roman peut jouir d'une protection minimale,
pourquoi n'en serait-il pas de même pour le romancier? Tout ce que le
projet de loi 78 Indique, c'est la possibilité pour l'association
reconnue de négocier avec les diffuseurs (article 41), l'entente
négociée sera alors obligatoire entre les signataires (article
42): aucun autre mécanisme n'est prévu. Contrairement à la
loi 90, rien n'oblige ici le producteur à accepter l'association
reconnue comme le seul représentant des artistes (article 26 de la loi
90); rien ne vient encadrer les négociations et obliger les parties
à discuter avec diligence et bonne foi (articles 28, 29 et 30); aucune
médiation n'est prévue (articles 31 et 32) ni aucun arbitrage
(article 33). Rien ne vient davantage empêcher un diffuseur de refuser
l'engagement d'un artiste membre de l'association (article 42).
Mme Boucher: Sans l'instauration de tels mécanismes, le
projet de loi 78 restera lettre morte. Ainsi, un contrat type d'édition
existe depuis 1981 entre l'Association des éditeurs canadiens et l'Union
des écrivains québécois. Adopté sur une base
volontaire par les éditeurs, II est exceptionnellement utilisé.
En pratique, l'écrivain négocie seul. La négociation ne
repose pas nécessairement sur la qualité de l'oeuvre, mais sur
les connaissances de l'auteur en matière de contrat et, sur ses
habilités de négociateurs. Nombre d'auteurs signent encore des
contrats qui les défavorisent et dont ils peuvent difficilement se
départir.
Certes, nombre d'éditeurs respectent leurs auteurs. Le
métier d'éditeur tend à être de mieux en mieux
exercé, mais les abus sont encore fréquents. Une entente
négociée permettrait d'harmoniser les relations
auteur-éditeur, d'enrayer les abus dont sont victimes les auteurs et,
par contrecoup, les éditeurs sérieux dont la profession est alors
entachée. Des faillites comme celles de Leméac ou de Nouvelle
Optique font perdre des revenus aux auteurs et de la crédibilité
aux éditeurs.
Les éditeurs ne sont pas les seuls en cause. Comment, en
l'absence de moyens de pression, les écrivains pourront-ils
négocier avec les autres utilisateurs de leurs oeuvres ou de leurs
services9 Devra-ton compter sur la bonne volonté de tout un
chacun pour que les cachets pour une conférence soient décents,
des apparitions à la télévision ou à la radio
rémunérées? Des mesures incitatives, voire une formule
d'arbitrage obligatoire, sont d'autant plus nécessaires que les
écrivains disposent de bien peu de moyens de pression Dans toute
l'histoire, on ne retrace qu'une seule grève de manuscrits et elle
remonte à Beaumarchais.
L'État, également, à titre de subventionneur
principal de l'Industrie du Iivre, doit s'assurer que les créateurs, qui
en sont l'essence même, soient équitablement traités.
Enfin, toujours sur le pian des ententes collectives, rien dans le
projet de loi 78 n'indique que l'entente négociée s'appliquera
à tous les artistes du secteur, contrairement à l'article 40 de
la loi 90. Il nous semble, au contraire, que le
contrat type d'édition doit profiter à tous.
Si tout écrivain n'est pas nécessairement un
écrivain professionnel, tout écrivain doit au moins pouvoir
bénéficier d'une protection minimale. Toute personne qui
écrit n'est certes pas écrivain. Écrire ne fait pas
l'écrivain; la publication, oui. C'est ce passage du privé au
public qu'il faut réglementer. Sinon, de nombreux auteurs qui ne peuvent
faire partie d'une association, faute d'avoir publié, ne
bénéficieront d'aucune protection lors de la négociation
de leur premier contrat.
M. Roy: Bien sûr, les articles 29 à 40 du projet de
loi 78 pourraient couvrir les écrivains non regroupés en
association. Cette section I du chapitre III est Intéressante et, dans
certains cas, constitue un net progrès. Dans l'ensemble, il s'agit
cependant de précisions quant à des obligations
déjà existantes dans la Loi sur le droit d'auteur. Ces
précisions sont pertinentes, mais la teneur véritable des
contrats sera, là encore, déterminée par la
négociation individuelle.
Le paragraphe 3° de l'article 30 stipule que la durée de la
cession ou de la licence doit être déterminée au contrat.
Mais cette durée s'étendra-t-elle sur 50 ans après la mort
de l'auteur, ce qui est fort fréquent, ou sur 5 ou 10 ans? De
même, que le diffuseur soit obligé de tenir un livre de comptes
distinct (article 37) sous peine d'amende (article 44) est positif. Il faudrait
en outre ajouter aux inscriptions obligatoires prévues à
l'article 37 un certificat de tirage. Toutefois, une tenue de livres Impeccable
ne signifie pas que les auteurs toucheront nécessairement leurs
redevances. Rien n'est prévu à cet égard.
L'article 35 règle sans doute la question de la titularité
des droits en cas de faillite, de liquidation ou d'insolvabilité. Un
écrivain pourra alors se faire éditer ailleurs, mais devra
toujours, faute d'être un créancier privilégié,
faire le deuil de ses droits d'auteur Impayés.
Enfin l'article 34 encadre le droit d'exclusivité accordé
à un diffuseur, ce que l'on nomme souvent droit de
préférence dans l'édition. Plutôt que de l'encadrer,
il aurait mieux valu l'interdire. Un écrivain satisfait, ayant
reçu ses redevances, ayant fait l'objet d'une bonne promotion, sera
fidèle à son éditeur. Dans le cas contraire, pourquoi l'y
obliger? Les auteurs, tout comme leurs idées, ne doivent Ils pas
circuler librement?
Mme Boucher: Le respect des droits des auteurs ne peut se faire
sur une base Individuelle. Le projet de loi 78, qui, nous l'avons dit,
témoigne d'une préoccupation fort louable à l'égard
des créateurs, doit, s'il veut avoir un impact réel, embrasser un
champ d'application assez large et respectueux des pratiques, des structures et
des besoins du milieu.
M. Roy: Vous trouverez une série de recommandations dans
les pages qui suivent. Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le président.
Je cède maintenant la parole à Mme la ministre des Affaires
culturelles pour commencer la discussion avec vous.
Mme Bacon: M. le président, vous nous voyez très
heureux de vous voir de retour, sain et sauf, après ce petit accrochage
du début de la semaine, et nous vous souhaitons un prompt
rétablissement. En fait, même si on vous sent bien à
l'aise, on espère qu'il n'y aura pas de séquelles à cet
accident qui vous est arrivé.
Madame, messieurs, J'aimerais vous remercier de ce mémoire que
vous nous avez fait parvenir et que vous nous avez présenté cet
après midi. J'aimerais peut-être apporter un certain nombre de
considérations avant de commencer à vous poser des questions et
vous dire comment le gouvernement reconnaît comme essentiel le rôle
qui est joué par les écrivains dans notre société.
Une société moderne et, par surcroît, une
société à majorité francophone, se doit de
protéger et de promouvoir l'essence même qui constitue le
culturel, une écriture parlée et écrite, et sa
qualité, sa qualité surtout.
Je profite aussi de l'occasion pour rendre un hommage à ceux et
celles qui pratiquent ce métier d'écrivain, cette passion de
l'écriture au Québec. C'est dans la perspective d'une meilleure
promotion de la qualité de vie des artistes, incluant les
écrivains, que le gouvernement a tenu à franchir un pas, un pas
important, je pense, et vous le reconnaissez aussi dans votre mémoire.
D'abord, nous avons voulu faire adopter la loi 90 et, ensuite nous arrivons
aujourd'hui avec le projet de loi 78 pour améliorer la qualité de
vie de ceux et celles qui travaillent avec acharnement à cette
qualité de vie culturelle que nous avons. Nous avons pensé que
ces deux projets de loi seraient des pas en avant.
Bien sûr, c'est du droit nouveau que nous faisons, puisque aucun
pays au monde n'a eu cette audace que nous avons de faire adopter de tels
projets de loi. C'est peut-être pour cela que c'est encore plus difficile
d'arriver à rejoindre les expectatives ou les désirs de
l'ensemble du milieu culturel. Mais c'est pour cela que nous avons cette
commission parlementaire qui est Importante et qui fait en sorte que la
discussion que nous avons avec les différents partenaires du
ministère des Affaires culturelles nous amènera sûrement
à améliorer ou à faire en sorte que ce projet de loi soit
applicable. Quelles que soient les lois que nous voulons adopter, si elles ne
peuvent pas se traduire facilement dans la réalité, c'est parce
qu'H y a des problèmes. Alors, nous essaierons ensemble de trouver des
solutions aux problèmes que peuvent vous causer certains des articles de
la loi. (17 h 15)
Je remarque que l'ensemble de vos demandes risque peut-être, si on
les prend à la lettre, d'aller au delà du projet de loi 78. Je
pense aux articles actuels de la loi 90 que vous aimeriez voir ajouter au
présent projet de loi. Est-ce que vous pourriez quand même nous
indiquer peut-être une ou deux priorités qui vous tiennent
à coeur, mais qui ne dépassent pas tout à fait l'esprit
général du projet de loi que nous vous proposons et qui seraient
susceptibles, malgré cela, d'améliorer le cadre de vie de ceux et
celles que vous représentez aujourd'hui et qui sont membres de votre
association, parmi les recommandations que vous nous faites?
M. Demers (Bernard): Bernard Demers. II y a deux points, je
pense, qui sont absolument essentiels. C'est toute la section où nous
discutons des regroupements. D'une part, avec la définition actuelle de
la littérature, on exclut toute une série d'écrivains qui
sont déjà membres de l'UNEQ, qui représentent un mouvement
culturel Important et qui ont les mômes besoins que les autres
écrivains. On a été un peu étonnés de voir
qu'il s'établissait ici une discrimination par le genre. On peut peut
être prendre une parabole pour faire comprendre cette difficulté.
Si on regarde les conditions du mariage édictées par un
gouvernement, elles ne discriminent pas en fonction de l'âge des futurs
conjoints, de leur revenu ou de leur style de vie. Également, ce contrat
de mariage ou ces conditions minimales du mariage s'appliquent à ceux
qui ne sont pas encore mariés en vue du jour où ils se marieront.
Or, on voit que le projet de loi 78 exclut ceux qui ne sont pas encore
écrivains et il ne nous permet pas d'obtenir un contrat qui s'appliquera
à eux le jour où Ils le deviendront, c'est-à-dire le jour
où ils feront la démarche de publication. Le même projet
exclut une classe d'écrivains et c'est là qu'on éprouve
cette première difficulté du regroupement. C'est un des
aspects.
Le deuxième point qui est pour nous très important, c'est
que le regroupement se fait aussi avec d'autres cadres, enfin, d'autres
professionnels comme les traducteurs, alors que nos conditions de
négociation et les personnes avec lesquelles nous sommes appelés
à négocier peuvent être très souvent totalement
différentes.
Mme Bacon: Je vais peut-être juste reprendre un peu ce que
vous venez de dire. C'est évident qu'au niveau du genre il peut y en
avoir certains qui ne sont pas inclus dans la loi parce que, pour nous, un
essai scientifique n'est pas, selon la loi, littérature. Dans ce
sens-là, je pense que vous dites qu'il y a discrimination
là-dessus du fait qu'H n'y a pas inclusion dans le projet de loi. Quant
à un écrivain qui en est à sa première oeuvre, il
serait inclus, il serait protégé par cette loi.
Le projet de loi 78 vise à accorder, on le redit, un statut
professionnel aux créateurs et à les protéger dans leurs
contrats avec les diffuseurs. Est-ce que vous croyez que le projet de loi
apporte des éléments de réponse quand même aux
problèmes des créateurs? Est-ce qu'il y a certains
éléments dans le projet de loi que vous acceptez comme des
éléments de réponse aux problèmes que vous
vivez?
M. Légaré (Yves): Si on s'intéresse à
la protection que les écrivains pourraient obtenir par ce projet de loi,
il apporte une seule chose nouvelle: une fois l'entente négociée,
elle dort être appliquée. Mais, comme il n'y a rien qui Incite
à la négociation de telles ententes, il n'y a rien qui nous
permet de croire qu'une entente sera véritablement
négociée un jour. Présentement, si on pense à
l'Union des écrivains, si on parle des possibilités que cela
donne aux associations à l'heure actuelle, en tant que syndicat
professionnel, nous avons dans nos statuts et selon la Loi sur les syndicats
professionnels des pouvoirs qui sont déjà conférés.
Mais c'est au niveau de la négociation que ces pouvoirs sont très
limités.
Mme Bacon: Vous dites, à la page 7 de votre
mémoire, que votre association regroupe près de 600 membres qui
écrivent différents types d'ouvrages. Vous nous suggérez
donc, à la page 8, d'élargir notre définition de la
littérature à toute personne - on revient là-dessus - qui
écrit des textes originaux. Pourquoi mentionnez-vous, à la page
9, que votre association aurait de la difficulté à obtenir sa
reconnaissance, si on a bien compris ce que vous écrivez à la
page 9?
M. Demers: C'est cette question du double regroupement. Le
regroupement qui existe actuellement dans le milieu culturel est un
regroupement de gens qui font des oeuvres originales destinées aux
livres, que ce soit un livre scientifique, que ce soit un livre de
poésie, que ce soit un roman. C'est ce qui existe.
Par ailleurs, ce regroupement, cette association est différente
des associations de gens qui font des textes destinés à
être chantés, des textes destinés à être
joués au théâtre. Quand, au début de la page 9, nous
parlons d'une définition élargie de la littérature, c'est
en regard de ces différents médias utilisés par les gens,
chantés, écrits pour être lus par quelqu'un, dans un livre,
ou bien encore représentés au théâtre. Donc, ce que
nous demandons, c'est le respect des regroupements naturels qui existent, des
écrivains, c'est-à-dire des auteurs de livres, quel qu'en soit le
genre, et, d'autre part, une protection pour les gens qui sont
déjà dans d'autres associations et qui sont des paroliers, ou qui
sont des auteurs de scénarios. Négocier un scénario avec
un producteur, ce n'est pas la même chose que présenter un
manuscrit à un éditeur. On se base sur la réalité
des besoins de
négociation de ces regroupements.
Mme Bacon: L'article 2 fixe le champ d'application du projet de
loi dans lequel se fera la reconnaissance du statut de l'artiste professionnel,
celle de son association professionnelle et qui encadrera les contrats. Vous
proposez d'étendre ce champ à tout écrivain - et on
revient encore là-dessus - dont les textes sont destinés à
être publiés sous forme de livre. Vous excluez par le fait
même d'autres pratiques de création. Par ailleurs, vous demandez
que l'écrivain soit protégé dans toutes ses
activités. J'aimerais que vous m'expliquiez la direction que vous nous
indiquez, à ce moment-là.
M. Légaré: On n'exclut pas d'autres pratiques de
création, c'est-à-dire qu'on a laissé aux autres
créateurs le soin de définir eux-mêmes leur champ. D'une
certaine façon, on veut respecter justement ces champs. Si on pense, par
exemple, aux illustrateurs de bandes dessinées qui, selon la
définition paraissant à l'article 2, seraient inclus, nous, nous
ne les représentons pas. Ils ne peuvent même pas être
membres chez nous. C'est à eux de définir leur champ
d'intervention. Nous voulons, cependant, pour les auteurs qui sont membres chez
nous, pouvoir négocier des conditions sur l'ensemble de leurs
activités.
Une des raisons, par exemple, qui peuvent faire qu'on voudrait que cela
ne s'étende pas seulement à des littéraires, c'est qu'on
pourrait en venir à l'aberration suivante. Un contrat est
négocié avec les éditeurs pour les littéraires et
ce contrat s'applique. Ce contrat implique des tracasseries administratives
plus grandes pour les éditeurs. Ils n'ont pas ces tracasseries avec des
non-littéraires. Ils pourraient, si l'aberration prévalait,
publier davantage de livres non littéraires, puisque c'est plus
facile.
Mme Bacon: C'est-à-dire que la législation
étrangère - et Je n'inclus pas la législation
française que nous avons lue - paraît se limiter au domaine
littéraire, dans les différentes lois que nous avons
consultées. On vise ici à protéger l'artiste et on ne vise
pas à protéger le chercheur scientifique, par exemple, ou le
professeur. C'est l'artiste même qu'on cherche à protéger.
C'est peut-être ce qui explique les différences, ou les
différents points de vue, quant au genre d'application qu'on voudrait y
voir dans la loi.
M. Demers: La notion d'artiste peut devenir un peu curieuse. Si
on regarde le projet de loi 90, on ne se demande pas si quelqu'un fait un autre
métier, à côté du fait qu'il joue dans des
commerciaux télévisés ou sur scène.
Évidemment, dans la réalité, il n'y a à peu
près personne au Québec qui peut vivre de son écriture.
Que quelqu'un écrive un livre de poésie ne l'empêche en
aucune façon d'être professeur. Que quelqu'un écrive un
roman ou un livre scientifique ne l'empêche pas d'avoir un autre
métier dans plusieurs cas. Je ne pense pas qu'on puisse distinguer le
genre par le niveau de vie. Ce qu'on veut regrouper, finalement, ce sont les
gens qui ont les mêmes besoins, face au même type de situation,
autrement dit, les gens qui se retrouvent dans les mêmes situations de
contrats à négocier.
Mme Bacon: Est-ce que, selon vous, le professeur qui
négocie ses notes de cours, par exemple, avec un cégep ou avec
ses patrons, est dans la même situation qu'un écrivain qui
négocie avec son éditeur?
M. Demers: Absolument pas et, si vous écartez de la
définition qu'on suggère... On dit: "L'écrivain est une
personne physique à son propre compte... " Évidemment, si
quelqu'un, dans le cadre de son travail, produit des documents écrits,
on ne l'inclut pas du tout comme écrivain, autrement, je pense que
beaucoup de gens de la fonction publique devraient se retrouver membres de
l'UNEQ. On parle bien, ici, de gens qui doivent négocier des contrats
avec des maisons d'édition.
Mme Bacon: Vous avez fait un parallèle avec la loi 90.
Dans la loi 90, l'artiste est couvert quand il rend les services dans le
secteur des arts d'interprétation, non pas quand il est professeur, par
exemple; dans ce cas, il n'est pas couvert; c'est quand il rend un service
comme artiste. Vous mentionnez aussi à plusieurs reprises que la loi
devrait encadrer la négociation collective avec les éditeurs.
Est-ce que vous croyez que ça correspond à la pratique usuelle,
la pratique actuelle? Ici, au Québec, ou ailleurs, c'est à se
demander si ça correspond à tout ça. Ce n'est pas ce que
nous a dit l'association des éditeurs qui nous a dit que notre projet va
trop loin par rapport aux pratiques actuelles.
M. Légaré: Est-ce que cela correspond à la
pratique actuelle? Malheureusement pas. C'est-à-dire qu'effectivement on
a parlé tout à l'heure d'un contrat type; il n'est pas
appliqué. Il reste qu'on ne peut pas, pendant des années, s'en
tenir à des relations Individuelles entre un auteur et son
éditeur. Ces relations, c'est sûr, existeront toujours, mais, pour
reprendre l'exemple du couple de tout à l'heure, un couple a des
relations Individuelles et cela n'empêche pas qu'il y ait un contrat de
mariage. On peut donc réglementer ce passage du public au privé
pour s'assurer qu'il y ait des conditions minimales, des conditions que les
éditeurs disent d'ailleurs donner à leurs auteurs. On
s'aperçoit, nous, en tant qu'organisme d'auteurs, que les griefs sont
nombreux: on est placé dans une situation où l'on gère
continuellement des griefs, sans pouvoir négocier d'entente collective.
On a les retombées négatives sans avoir les retombées
positives, et c'est constant. Je pense que l'État,
précisément,
peut se permettre de faire en sorte qu'il y ait une
réglementation de ce passage du privé au public.
Mme. Bacon: Je vais reprendre encore ce que nous ont dit les
éditeurs canadiens qui étalent ici ce matin. Pour eux, le projet
de loi va à rencontre des pratiques de l'édition; ces pratiques
s'appuient et je les cite sur un "type de rapport contractuel de nature
Individuelle qui reflète le type de relations unissant l'auteur et
l'éditeur. " L'association estime que la démarche que nous
proposons risque de compromettre - et là, je les cite encore - "la
nature et la qualité même des rapports existant entre l'auteur et
l'éditeur qui ont toujours connu des rapports individuels. " Comment
pouvez-vous concilier ces remarques à celles que vous nous transmettez?
Est-ce que vous pensez effectivement que nous allons changer la nature et la
qualité de vos rapports avec les éditeurs et dans quel sens cette
loi pourrait-elle les changer?
M. Légaré: Je pense qu'à long terme ces
relations individuelles ne peuvent que s'améliorer, et les conditions
aussi, parce qu'il s'agit Ici de conditions minimales à négocier,
qui sont déjà fixées: auteurs et éditeurs n'ont
plus à discuter de ce genre de choses et peuvent s'entendre pour
bonifier individuellement le contrat d'un auteur. C'est-à-dire que, si
un auteur est un auteur à succès, il pourra sans doute obtenir
davantage que les conditions minimales déterminées par le
contrat. Est-ce que le bail type a fait en sorte que les relations entre
locateurs et locataires se sont détériorées? On pourrait
en faire une longue analyse, mais je pense que, dans l'ensemble, ce genre de
contrat peut permettre de clarifier des choses.
M. Roy: J'ajouterais que la grille salariale, disons, par
exemple, des professeurs, n'empêche pas les bonnes relations avec les
élèves ou avec... Je pense que je ne peux pas Imaginer que ce
soit une condition de détérioration; il me semble que c'est une
vue de l'esprit. Autre chose, c'est que, quand on a l'Intention, comme vous
l'avez, )e crois, de réglementer les conditions du passage du
privé au public, on ne peut pas réglementer pour un individu. Si
on réglemente, c'est pour un ensemble, c'est pour une
collectivité et, dans ce sens-là, c'est bien évident que
notre position s'inscrit différemment de celle des éditeurs.
M. Légaré: Peut-être pour inscrire
l'évolution de ce dossier justement dans une lignée historique,
on s'est aperçu que le droit d'auteur est très difficile à
défendre individuellement. II y a des sociétés de gestion
collective qui se créent pour défendre les droits des auteurs,
par exemple, pour la photocopie dans les maisons d'enseignement. Il y a
même un projet de loi au fédéral qui, justement, oblige les
différentes parties à négocier avec les
sociétés de gestion collective. Si on pense au reste du monde,
c'est justement une tendance, des droits qui, auparavant, étaient
défendus Individuellement deviennent de plus en plus défendus
collectivement. (17 h 30)
M. Roy: Dans une volonté de professionnaliser le milieu,
je ne vois pas comment on peut ramener le débat à la question des
Individus.
M. Légaré: C'est le mythe du rapport individuel.
Puisque nos éditeurs deviennent de plus en plus sérieux, de plus
en plus importants, lorsqu'ils ont 300 ou 400 auteurs, je me demande où
se situe le rapport Individuel. Est-ce qu'on peut, chaque jour, appeler son
auteur pour lui demander si sa santé est bonne, etc. ? Cela me semble un
peu dépassé.
Mme Bacon: La loi 90 - on revient encore là-dessus, parce
qu'on fait souvent le parallèle - couvrait quand même une
réalité où les artistes étaient déjà
regroupés et leur association avait déjà
développé une pratique de négociation avec
l'employeur.
Dans le cas des artistes qui nous concernent aujourd'hui, la
réalité, il me semble, est différente. C'est pourquoi
chercher en la loi 78 le calque même de la loi 90, je pense que c'est
quand même faire un petit peu fausse route, il me semble. Si on a voulu
faire deux lois, c'est qu'il y avait la nécessité de deux
lois.
Dans le respect des pratiques, des besoins du milieu, nous avons vouiu
assurer des rapports plus équitables. Je pense qu'à partir de ces
principes-là, c'est plus équitable entre les créateurs et
les diffuseurs. Dans cet esprit, l'essence du projet de loi 78 ne cherche pas
à régir des rapports collectifs, mais surtout des rapports
individuels. Et ce projet de loi, pour vous, vous semble-t-il un
progrès, vous semble-t-il un pas valable vers l'amélioration du
statut de l'écrivain?
M. Demers: L'intention derrière le projet de loi nous
intéresse énormément. Si le projet de loi passait comme il
est là, il pourrait même comporter certains aspects dangereux, par
ailleurs.
Lorsqu'on Insiste pour qu'on considère tous les écrivains,
c'est qu'en octroyant un statut à une classe d'écrivains en se
basant sur un genre, on enlève un statut de fait à tous les
autres. Si on regarde, par rapport à la quantité
d'éditions au Québec, quel est le pourcentage de livres qui
rentre dans la catégorie non littéraire. Que va-t-il devenir de
tout ce secteur économique? Que va-t-il devenir de tous ces
écrivains? Et pire que ça, quelles seront les pressions que
subiront les écrivains littéraires de la part des
éditeurs, voyant qu'ils ont, d'un côté, des gens à
statut et, d'autre part, des gens sans statut, alors que c'est parfois la
même personne? Je vais prendre une comparaison. Si on définit des
conditions
minimales de relations, même Individuelles, mais qu'on dit: Voici,
avec ces gens-là, vous devez respecter ces conditions minimales; avec
les autres, avec lesquels pourtant vous êtes appelés à
négocier, vous n'avez pas à les respecter; c'est ça qui
peut être extrêmement dangereux. C'est un peu comme
déterminer le salaire minimum pour une partie de la population et ne
rien préciser pour les autres.
M. Roy: Tout à fait. Et quand on précise pour l'ensemble
de la collectivité des écrivains, puisque vous l'avez dit
tantôt, votre Intention est de répondre entre autres aux besoins
des littéraires, le fait de les associer à d'autres auteurs,
c'est un avantage pour les littéraires, c'est un avantage, Ils ne se
sentiront pas Isolés, alors que, là, il y a le risque de
l'Isolement. Au fond, chacun négocie: qui divise règne.
Mme Bacon: Si on se réfère - et c'est la
dernière question, M. le Président, avant que vous me rappeliez
à l'ordre - si on se réfère à la commission
parlementaire de 1986, ce qui nous a été demandé, c'est de
légiférer dans le secteur de la création
littéraire. Quand je regarde ici le chapitre III, par exemple, les
normes minimales par rapport aux contrats individuels, est-ce que ça
vous satisfait, ce chapitre III?
M. Roy: Non.
Mme Bacon: Pas du tout?
M. Roy: Non, parce que la définition Inclut la notion de
l'imaginaire et à des fins esthétiques, entre autres.
Présumons qu'il y a une oeuvre de contestation; à tout hasard,
Les fées ont soif. Est-elle moins écrivaine parce qu'elle
conteste?
Mme Bacon: Cela n'a rien à voir.
M. Roy: Cela n'a rien à voir! C'est la conséquence
de la définition.
Mme Bacon: À quel article trouvez-vous cela?
M. Roy: Vous le trouvez à...
M. Légaré: Pour ce qui est du chapitre III, qui
traite des contrats Individuels, comme on le dit, cela précise certaines
obligations qui existent à l'heure actuelle dans la loi sur les droits
d'auteur. C'est-à-dire qu'un auteur peut céder une partie ou la
totalité de ses droits. Donc, présentement, vous précisez
que c'est par contrat mais, effectivement, l'éditeur ne pourrait pas
dire qu'il a le droit de traduction d'une oeuvre si l'auteur ne le lui a pas
cédé par écrit. Cela précise certaines choses, mais
ce n'est pas suffisant parce que cela ne détermine pas la teneur de
cette cession. Par exemple, qu'est-ce qui empêche - beaucoup
d'éditeurs le font - de demander que l'auteur cède ses droits
pour 50 ans après sa mort, ou toute la durée de la
propriété littéraire? Ce sont les associations qui peuvent
négocier ce genre de chose-là. Justement, en donnant le pouvoir
aux associations de négocier, ce n'est pas l'État
nécessairement qui détermine les règles, mais il permet
qu'elles soient déterminées par la libre négociation.
Là, on n'a justement pas cette possibilité de négocier
véritablement.
Mme Bacon: Nous n'avons pas voulu établir par la loi un
cadre de relations de travail. Ce que nous avons voulu, c'est la misa en
marché d'une oeuvre, mais pas un cadre de relations de travail. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Trudel): Ce que je voudrais bien, Mme la
ministre...
Mme Bacon: Oui, j'abuse.
Le Président (M. Trudel):... c'est de passer la parole...
Non, vous abusez a peine mais je vais maintenant, tout en vous remerciant,
reconnaître le député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, M. le Président. Mme Boucher,
messieurs, je ne vous cacherai pas le plaisir que j'ai de vous revoir. Je sais
que cela agace toujours, mais je ne peux quand même pas oublier où
vous siégez: dans le comté de Saint-Jacques.
Le Président (M. Trudel): Évidemment, ceia va de
soi.
M. Boulerice: Donc, je veux ajouter, encore une fois, je le
répète, la fierté que j'ai d'être
député de ce petit coin.
Mme Bacon: Je sais qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui viennent
à Laval.
M. Boulerice: Si vous avez votre pont, peut-être.
Votre métier, l'écriture, mais avec une profonde analyse,
on le voit au texte que vous nous présentez. Vous travaillez vite et
bien, mais je pense que vous êtes, effectivement, allés au fond
des choses. Je vous ai entendu dire tantôt: "Attention! Dangerl Je suis,
donc, je pourrais nuire", en parlant de la loi. Vous avez cité
Beaumarchais. Moi, j'ai peut-être le goût d'aller puiser dans La
Fontaine, en se rappelant cette fable qui disait: II vaut mieux un ennemi
habile et prudent qu'un ami maladroit. Peut-être en faisant un
petit peu le parallèle, vous vous rappellerez cette bonne vieille blague
qu'on faisait sur la devise des compagnies de finance. On disait, à
l'époque, que leur devise était: Nous voulons votre bien et nous
l'aurons. Alors, je ne
voudrais pas qu'en vertu d'une loi qui se veut bien je m'en retourne en
disant: Eh bien, J'ai eu leur bien! Il est dans ma poche de gauche ou dans ma
poche de droite. Vous, vous avez entendu la notion le droit nouveau.
Effectivement, c'est du droit nouveau. Ce n'est sans doute pas facile. Quand
même, droit nouveau, je pense qu'on n'érigera pas cela en absolu.
On a du Beaujolais nouveau chaque année, mais ce n'est pas certain qu'il
est aussi bon l'année qu'on l'a que l'année
précédente et l'année qui va suivre. Donc, moi,
très brièvement et très candidement, la question que je
vais vous poser à vous, l'Union des écrivains, compte tenu du
caractère manifestement particulier de votre profession et des usages
qui lui sont bien reconnus, des interventions que j'ai écoutées
de la part des éditeurs ce matin en pratiquant un quant à moi,
parce que je me disais que vous alliez venir en fin d'après-midi,
peut-être en début de soirée, c'est: Ne croyez-vous pas
qu'il serait peut-être préférable - ce serait à vous
de répondre - que vous soyez un chapitre nouveau de la loi 90 ou bien,
toujours en fonction de ce que je vous disais tantôt, le caractère
manifestement particulier de votre profession, les usages bien reconnus que
vous avez, que vous fassiez l'objet d'une loi autonome? Je regarde et vous en
êtes à une trentaine de modifications.
M. Roy: II n'y a aucun doute, oui.
M. Boulerice: Ouf, à laquelle des deux, monsieur?
M. Roy: À la deuxième.
M. Boulerice: Oui, à la deuxième.
M. Roy: Même à la première, si cela constitue
un progrès par rapport au projet. Mais il est bien sûr
qu'idéalement il me semble que cela devrait être ça. Si
vraiment on veut rejoindre, réaliser cette volonté de
répondre aux besoins d'une communauté comme la nôtre, je
pense qu'il n'y a aucun doute là-dessus.
M. Boulerice: Mme la ministre l'a dit elle-même
tantôt que vous étiez des gens importants. Je ne pense pas qu'elle
l'ait dit par flatterie. Je le répéterai moi aussi parce que j'y
crois et nous y croyons. Vous êtes effectivement des gens importants dans
le développement culturel du Québec. Si vous n'êtes pas
satisfaits, je ne vols pas dans quelle mesure je vais être heureux. S'il
est pour y avoir une loi - j'employais l'expression ce matin - qu'on a voulu
faire sur mesure, avec beaucoup de bonne volonté sans aucun doute, mais
un prêt-à-porter, si vous trouvez les manches trop courtes ou les
jambes trop longues et que vous n'êtes pas bien dedans, toujours pour
employer une Image, à ce moment là, Je pense que si vous vivez
mal avec, je vivrai mal comme législateur de ne pas vous avoir
satisfaits
Je pense que vous avez répondu très franchement à
la question que je vous ai posée, en émettant toujours la
réserve, puisqu'il faut toujours faire attention aux
Interprétations, que le fait de vous poser la question a savoir si l'on
devrait vous distinguer dans le sens juridique - dans l'autre sens, vous le
faites vous-mêmes, vous vous distinguez - n'empêche pas qu'on
pourrait satisfaire les Intervenants d'autres secteurs, notamment des arts
visuels qui estiment, avec certaines recommandations, il va de soi, que la loi
les satisfait. Mais je pense que... Vous avez évoqué
Beaumarchais, j'ai cité La Fontaine, on va plutôt laisser
quelqu'un de contemporain poursuivre avec les questions. Je pense que mon
collègue, le député de Mercier, veut vous adresser des
questions.
Le Président (M. Bélanger): Allez-y, M. le
député de Mercier.
M. Godin: M. le Président, on a fait état de larges
consultations par rapport à cette loi. Est-ce que le président
peut me dire si l'union a été consultée ou a vu ou a eu
accès à une version de la loi avant que celle-ci soit
diffusée?
M. Légaré: On a été consulté
effectivement à quelques reprises depuis, entre autres, la loi 82 et la
loi 90. On a été amené...
M. Godin: Est-ce qu'on vous a soumis un avant-projet de cette loi
pour précisément...
M. Légaré: On nous a demandé notre avis,
bien sûr.
M. Godin: Est-ce que les modifications suggérées
à l'époque par vous se retrouvent dans ce projet de loi ou
si...
M. Légaré: C'est-à-dire que ni le projet ni
celui-ci ne convenait. On a les mêmes positions qu'on a toujours eues
à cet égard.
M. Godin: C'est une consultation...
M. Roy: C'est que, peu importent les versions, on n'est pas
satisfaits.
M. Demers: Pour préciser simplement, nous avons
été consultés. Lors des rencontres que nous avons eues,
nous avons justement Insisté sur la définition de
l'écrivain. Nous avons Insisté sur le respect des regroupements
existants. Nous avons déjà Indiqué un peu notre malaise
par rapport au regroupement général qui était fait dans la
loi 78. Donc, le projet de loi 78 ressemble aux choses qu'on nous a
proposées avant la consultation et les recommandations que nous
présentons aujourd'hui à partir de la page 15 ont
déjà été faites à titre de commentaires lors
de la consultation.
M. Godin: D'accord. Maintenant, vous suggérez qu'il y ait
une loi spécifique pour les membres de l'union, en quelque sorte?
M. Roy: C'est-à-dire pour les écrivains.
M. Godin: Les écrivains, oui. Est-ce que dans votre union
il y a des auteurs de bande dessinée, côté scénario
ou genre Gosclnny?
M. Légaré: Des auteurs de textes, oui, II y en
a.
M. Godin: Auteurs de scénario...
M. Légaré: Pour les illustrateurs de bande
dessinée...
M. Godin: II n'y en a pas. Ce n'est pas chez vous. Donc, la
solution serait plutôt vers une loi qui régirait les relations
entre vous, les éditeurs et les groupes qui vous engagent pour une
prestation d'écrivain sous une forme ou sous une autre.
M. Roy: Tout à fait.
M. Godin: Est-ce que vous croyez que c'est possible...
M. Demers: Peut-être une précision. C'est que...
M, Godin: Oui, excusez-moi. (17 h 45)
M. Demers: On tient cependant à ce qu'on ne parle pas que
d'éditeurs. Un des problèmes que vivent les écrivains,
c'est qu'un écrivain qui passe à la télévision ou
à la radio reçoit, en général, un cachet de
zéro dollar parce qu'on lui dit qu'il va faire de la publicité
pour son oeuvre ou pour sa carrière. Un artiste de publicité
télévisée qui va à la télévision a
droit à un cachet minimal, mais pas un écrivain. Donc, on veut
pouvoir négocier non seulement avec les éditeurs, mais avec tous
ceux qui utilisent l'écrivain, soit son oeuvre, soit ses services. Les
cachets pour les conférences sont parfois à peu près nuls;
même les frais de déplacements ne sont pas payés. Je pense
qu'il doit y avoir possibilité de négocier aussi avec ces
diffuseurs.
M. Godin: Est-ce que vous croyez possible que cette loi
modifiée, amendée d'une façon ou d'une autre, couvre ce
genre de relations? Au fond, on parle maintenant d'encadrer le revenu de
l'écrivain, parce que c'est important s'il veut continuer à
écrire. Croyez-vous qu'il est possible dans cette loi, avec des
modifications éventuelles, de couvrir le champ dont vous pariez?
Mme Boucher: Absolument. C'est pour cela qu'une loi est
absolument nécessaire. Pour citer le poète américain
Whitman, je dirais: "Je parierai de moi et ce que je dis de moi vaut pour tous
car chaque parcelle de moi est aussi bien à vous. " Je suis plutôt
une fille brave et courageuse et quelquefois effrontée. SI vous pensez
que cela m'a servi pour ramasser mes droits d'auteur, absolument jamais!
individuellement, je n'y peux rien. Je le sais d'expérience. On peut
être auteur d'un best-seller ou auteur d'une oeuvre peu vendue, rien,
jamais, n'est acquis et ne nous aide. C'est pour cela qu'il faut un collectif
d'écrivains prêts à établir des normes, des bases
minimales protégées par une loi, afin qu'on se débarrasse
enfin du mythe de l'écrivain pauvre, logeant dans une petite chambre et
ne pouvant se payer l'électricité, etc. C'est nécessaire
qu'on ait un projet collectif et que ce projet fasse l'objet d'une loi. C'est
pour cela qu'on ne peut pas avoir le même point de vue qu'un
éditeur. Mes deux premiers éditeurs ne m'ont jamais payée,
ils ont fait faillite.
M. Roy: Moi aussi.
Mme Bacon: Alors, il faut une loi pour vous protéger.
M. Roy: Oui, mais une loi qui nous concernerait.
Mme Bacon: Oui.
M. Godin: Je pense qu'on peut commenter, en terminant, que cela
part de bons sentiments de la part du gouvernement, cette loi-là. Le
gouvernement a frappé le "jack pot", en bon français, avec la loi
90 et je pense qu'il a souhaité ou espéré, avec les
lumières de l'auteur préféré de la ministre qui est
Me Brière encore une fois, trouver une réponse à tous les
problèmes qui se posent mais le droit nouveau, avant d'être du
droit nouveau, à mon avis, n'est pas encore mûr. La commission
n'aurait servi qu'à montrer au gouvernement, à la ministre et au
législateur les défauts, et les failles de son projet qu'elle
n'aurait pas été inutile. Je pense qu'effectivement, dans le
domaine de la littérature, c'est tellement différent des arts
plastiques ou de toute autre forme d'art, qu'on peut souhaiter que la ministre
vous entende et réagisse positivement à votre demande, à
laquelle on s'associerait. J'ai terminé, M. le Président, pour
l'Instant.
Le Président (M. Trudel): Merci M. le'
député.
Une voix: Est-ce qu'il y a un commentaire M. le
Président?
Le Président (M. Trudel): Non, je répéterais
ce qui a été dit et il me semble que cela a été
bien dit. Mme la ministre, avez-vous un commen-
taire additionnel puisqu'il reste deux minutes?
Mme Bacon: Ce ne sera pas long. II me semble qu'il y a un
problème d'orientation. L'orientation que nous avons voulu prendre dans
le projet de loi n'est pas la même que celle que vous voudriez nous voir
prendre. Votre approche c'est beaucoup plus une approche syndicale que vous
développez. Je crains que cela ne risque d'être peut-être
négatif pour les écrivains compte tenu de la
spécificité et peut être de l'unicité de l'auteur et
de la relation privilégiée qu'il doit avoir. Je sais, on a
entendu les commentaires tantôt sur les relations que vous pouvez avoir
avec vos diffuseurs et, je le répète encore une fois, nous ne
sommes pas Ici dans un cadre de relations du travail, mais bien de la mise en
marché d'une oeuvre, au fond, et pas de relations du travail. Nous
prenons acte quand même de ce que vous nous avez dit aujourd'hui, mais
j'aurais peut-être une dernière question. Je vais la risquer.
Est-ce que vous préféreriez être totalement exclus de cette
loi et ne pas avoir de loi, plutôt que d'être
protégés sur le plan de votre oeuvre?
M. Deniers: Je suis un peu étonné quand même,
quand je vois dans le projet de loi qu'on nous parle de contrat, de
reconnaissance d'association, de statut, alors qu'on sait très bien que
le statut peut avoir des conséquences sur les règlements avec
d'autres ministères, de me faire dire qu'il n'est pas question ici de
conditions de travail.
Mme Bacon: Les relations entre employeurs et employés.
M. Demers: Pour moi, un contrat, c'est une relation; la
reconnaissance de mon association, c'est une relation et ce projet de loi me
donne un cadre qui est évidemment mieux que rien. En ce sens, quand on
me demande si je préférerais ne rien avoir, moi, je suis un
auteur non littéraire, entre guillemets, et donc, à mon nom et au
nom du tiers des membres de l'UNEQ, je vous répondrais évidemment
que ce projet de loi, pour moi, il est dangereux et inquiétant. Il est
sans doute inquiétant aussi pour le collègue qui est assis
à côté de moi qui, lui, est un littéraire pur et
dur, parce que je vais peut-être avoir de moins bonnes conditions, mais
je vais peut-être me faire éditer plus souvent que lui maintenant.
Et c'est ce qui m'inquiète avec le projet de loi 78. Je ne comprends pas
qu'on puisse me dire qu'il ne s'agit pas ici d'un projet qui parle de relations
du travail; étant donné son contenu, c'est clairement un projet
qui parte de relations du travail.
On demande au gouvernement de faire une nouvelle législation du
genre de celle qu'il a réussi à faire avec la loi 90 et dont on
est, en effet, très envieux. Pour être honnêtes, on en
rêve. Et quand je sortirai d'ici, je rêverai simplement d'avoir,
comme écrivain, ce que les artistes ont obtenu avec la loi 90 et je
regretterai que Marie-Victorin soit moins bien protégé que
l'agent Glad.
Le Président (M. Trudel): Merci. Mme la ministre.
M. Boulerice: Un dernier point, M. le Président, pour
remercier les gens et pour leur dire que, personnellement, je ne partage pas
que l'on parle à votre égard d'approche syndicale puisque, dans
le projet de loi 90, face aux recommandations, aux demandes de modifications
qu'a présentées l'Union des artistes, jamais on n'a parié
d'eux en disant: C'est une approche syndicale. Je pense que vous avez fait
connaître votre point de vue, vous l'avez fait de façon digne. Si
l'écriture est quelquefois silencieuse, la parole était
très forte de votre part et je pense qu'elle va éclairer la
commission. Je vous remercie d'avoir été présents ici.
Le Président (M. Trudel): Merci. M. le
député de Saint-Jacques. Alors, madame et messieurs, au nom de la
commission, merci de vous être présentés cet
après-midi et d'avoir défendu une fois de plus votre point de
vue. Il est tombé, quant à moi, dans une oreille
d'éditeur, éditeur un peu spécial qui fait autre chose
pour le moment, mais qui se souviendra de ce que vous lui avez dit
aujourd'hui.
Bon retour à Montréal.
M. Boulerice: On écrit, mais le Journal des
débats n'est jamais dans la liste des best-sellers, malheureusement
pour nous.
Le Président (M. Trudel): Heureusement, dans certains cas,
qu'il ne fait pas partie de la liste des best-sellers.
Alors, nous allons suspendre deux minutes, le temps de faire les
changements à la table des témoins. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 54)
(Reprise à 17 h 57)
Le Président (M. Trudel): Je pense que les
représentants de l'Opposition ont terminé leur conversation
d'ordre privé et je vois que deux représentants de la
Conférence des conseils régionaux de la culture sont sur place;
on en avait annoncé trois, c'est quand même les deux tiers de ce
qu'on avait annoncé.
M. Paquet (Pierre): C'est aussi un bon deux tiers.
Le Président (M. Trudel): Ha, ha, ha! Vous m'avez
enlevé les mots de la bouche, j'allais dire que la qualité avait
remplacé la quantité.
Au nom de la commission, M. le président, je vous souhaite la
bienvenue. J'ose espérer que M. le député de
Saint-Jacques... C'est peut-être parce que vous n'êtes pas
originaire du comté de Saint-Jacques que le député de
Saint-Jacques tarde à prendre place autour de...
M. Boulerice:...
Le Président (M. Trudel): M. le président de la
Conférence des conseils régionaux de la culture, à moins
de me tromper, Je pense que vous n'êtes pas du comté de
Saint-Jacques?
M. Paquet: De I'Estrie, du Lac-Mégantic, au bout de la
rivière Chaudière.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Qui coule dans le fleuve et le fleuve coule chez
moi; alors, on se retrouve.
M. Paquet: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Trudel): M. le président, au nom
de la commission de la culture, je vous souhaite la bienvenue. Vous êtes
un vieux routier de ces séances et je vous y retrouve avec plaisir. Je
vous cède donc Immédiatement la parole, en vous rappelant que
vous avez plus ou moins 20 minutes et que nous prendrons le reste du temps pour
vous poser des questions. J'en profite Immédiatement, même s'il
n'est pas encore 18 heures, pour demander le consentement unanime des membres
de la commission pour poursuivre au-delà de 18 heures, puisque l'avis de
l'Assemblée nationale court lentement mais court quand même
jusqu'à 18 heures. Est-ce que J'ai votre consentement, M. le
député de Saint-Jacques?
M. Boulerice: M. le Président, durant la fin de semaine de
notre congrès, à l'atelier de culture, il y avait une
résolution qui disait que les conseils régionaux de la culture
étaient des interlocuteurs privilégiés. Alors, je ne
démentirai pas le programme de mon parti.
Le Président (M. Trudel): Si je comprends bien, vous venez
de me donner le consentement pour continuer après 18 heures, et je vous
en remercie. Évidemment, je présume du consentement de Mme la
ministre. M. le président, je vous cède la parole.
Conférence des conseils régionaux de la
culture
M. Paquet: Merci. Mme la ministre, M. le Président, Mme la
vice-présidente, mesdames et messieurs, au nom des nombreux
créateurs dont elle se fait ici le porte-parole, la Conférence
nationale des conseils de la culture du Québec salue bien bas une autre
grande créatrice, Mme
Lise Bacon, pour ce geste innovateur et capital qu'est le projet de loi
78. Nous formulons le souhait qu'Ottawa saura le reconnaître et lui
accorder tous les droits de suite qu'il appelle.
Nous accueillons ce projet comme celui de l'implant d'un nouvel esprit
social à l'égard du monde de la création, capable, s'il
est bien adapté, de générer une renaissance toute
québécoise.
L'importance du geste, tout comme ses répercussions
prévisibles, nous amène à le vouloir non seulement
conforme à la réalité actuelle des créateurs, mais
également ouvert sur leur réalité de demain. Une loi
destinée à ces derniers se doit de faire place au
développement des pratiques artistiques et de précéder
ceux-là mêmes qu'elle tend à protéger.
Dans cet esprit, reportons-nous au chapitre I, Champ d'application et
définitions, article 2. À la lecture des trois grands domaines
d'application, nous notons d'abord, dans la nomenclature des pratiques, une
façon différente de les identifier. Alors qu'en arts visuels on
utilise le terme "notamment" pour laisser entendre que d'autres pratiques
pourraient s'inscrire dans cette définition, en métiers d'art,
tout comme en littérature, on ouvre à d'autres pratiques en
ajoutant, d'une part, "ou de toute autre matière" et, d'autre part, "et
toute autre oeuvre écrite de même nature". Il est à
remarquer que "tout" signifiant "tout à fait" ne s'accorde pas.
Dans le domaine des arts visuels, nous souhaiterions voir
apparaître la même ouverture et qu'au lieu de "notamment", on
utilise en fin de paragraphe "et toute autre pratique permettant la production
d'oeuvres de même nature".
Revenons maintenant au premier domaine, celui des arts visuels. Nous
nous interrogeons également dans cette description sur
l'interprétation possible de l'expression "d'un nombre limité
d'exemplaires". En poussant à l'extrême, nous pouvons conclure que
sont exclues de ce domaine toutes les oeuvres soit ayant fait l'objet d'un
grand tirage, soit ayant été conçues en fonction d'un
grand tirage. Si nous comprenons bien que la reproduction n'est pas l'oeuvre
mais une copie de cette oeuvre, nous disons donc que ce qui nous
intéresse, c'est l'original et son concept, et c'est à cela que
devrait s'attacher la définition, sans tenir compte d'un nombre petit ou
grand d'exemplaires. Donnons un exemple très contemporain d'un type de
reproduction, celui auquel peut parvenir la photographie au laser. Lorsque
celle-ci reproduit une oeuvre en trois dimensions en provenance de la
collection d'un musée, s'agit-il d'une copie de l'oeuvre, d'un nouvel
exemplaire de l'oeuvre ou d'une nouvelle oeuvre attribuable au photographe?
Étant donné la prouesse technique et les factures
élevées que cela représente aujourd'hui, l'unicité
d'un tel type de reproduction nous porterait à répondre qu'il
s'agit de l'oeuvre du photographe, mais qu'en sera-t-il dans cinq ou dix ans?
Rappelons que le dernier numéro du National Geographic
présentait, à l'endroit et au dos de sa couverture, deux
holographies, le tout tiré à plusieurs milliers
d'exemplaires.
Évoquons également les possibilités de
l'infographie. Plus souvent qu'autrement, à cause des coûts de
production, ces créations sont intégrées à des
messages publicitaires et nous apparaissent sur nos écrans
télévisés, simultanément et en plusieurs millions
d'exemplaires, éphémères, mais peuvent être
fixées sur bande vidéo, etc. Rappelons-nous l'exploit que fut la
création du personnage Tony de La Peltrie et de l'importante place que
prend déjà dans notre Imaginaire ce nouveau procédé
de création.
Ici aussi, c'est la création qui nous Importe et non de quelle
façon elle sera utilisée par la suite ou
récupérée sur le marché. Nous sommes à
l'ère des satellites, des grands moyens de production de masse, alors,
pourquoi enfermer les créateurs en arts visuels dans une
définition qui les confine aux traditions séculaires?
Songerait-on à imposer cette restriction au domaine de la
littérature? Bien évidemment non. Pourtant, dans
l'édition, il existe aussi des tirages limités,
numérotés et signés qui donnent une plus grande valeur aux
livres. Nous comprenons bien que la diffusion la plus large possible est au
bénéfice de l'auteur, qu'elle constitue pour lui une forme de
reconnaissance importante de la valeur de son travail. Alors, pourquoi cette
même notion ne pourrait-elle pas s'appliquer au domaine des arts
visuels?
Nous invoquons cette notion au profit de l'affiche qui est devenue, au
sein de notre milieu culturel, un outil privilégié et à
laquelle s'adonne nombre d'artisans et ce, de façon brillante. Nous
serions bien malvenus de ne pas leur reconnaître un statut d'artiste
professionnel. Si Paris consacre un musée à l'affiche,
peut-être pourrions-nous lui concéder une petite place au sein de
la production artistique québécoise?
En maintenant que les oeuvres originales de recherche ou d'expression ne
peuvent exister qu'en nombre limité d'exemplaires, c'est une
façon de dire que Gutenberg a eu tort d'inventer l'imprimerie et ses
descendants d'en exploiter toutes les ressources parce qu'une oeuvre d'art,
pour être originale, ne peut subir les effets d'un grand tirage. Donnons
Ici un exemple plus proche de vous. Le ministère invitait
dernièrement des artistes en arts visuels à participer à
un concours d'affiches pour la mise en valeur du Vieux-Montréal. SI nous
faisons une Interprétation stricte de votre définition, le
concept primé ne pourra être reconnu comme oeuvre originale non
utilitaire. Or, selon les termes d'appel du concours, celui qui signera le
concept sera, lui, considéré comme un artiste en arts visuels N'y
a-t-il pas là contradiction?
Lorsque Gaz Métropolitain diffuse des oeuvres originales
commandées à cette fin sur des panneaux publicitaires
Médiacom, ces oeuvres perdent-elles leur caractère
d'unicité parce qu'elles se retrouvent sur des supports non
conventionnels et utilisés pour des fins de large diffusion?
Nous aimerions donc voir la description du domaine des arts visuels se
lire comme suit: La production d'oeuvres originales de recherche ou
d'expression, non utilitaires, véhiculées par la peinture, la
sculpture, l'estampe, le dessin, la photographie, les arts textiles,
l'installation, la performance, la vidéo d'art ou toute autre technique
permettant la production d'oeuvres de même nature.
Ceci devrait également s'appliquer au domaine des métiers
d'arts et, comme suite logique à ces arguments, l'article 33 du chapitre
III, Contrats entre artistes et diffuseurs, section I, devrait être
modifié en conséquence et se lire comme suit: "Un diffuseur ne
peut, sans le consentement de l'artiste, donner en garantie les droits qu'il
obtient de ce dernier ni consentir une sûreté sur l'oeuvre de
l'artiste, même si celle-ci fait l'objet d'une publication et d'une
diffusion en plusieurs exemplaires. "
Relativement à la définition de ce qui est recevable
à titre de pratique artistique en matière de littérature,
nous voudrions voir s'ajouter à la création et à la
traduction l'adaptation d'oeuvres littéraires. Également, dans la
nomenclature qui suit des différentes pratiques artistiques de ce
domaine, nous voudrions voir s'ajouter le scénario.
À l'article 3 du même chapitre, paragraphe 3,
considérant le fait que peu d'entreprises ont nécessité
jusqu'ici une Intervention autre que financière, le verbe "gérer"
conviendrait mieux que celui d'opérer".
Portons nous maintenant au chapitre II, article 6. Il nous paraît
judicieux, dans la partie que constitue le 2°, d'ajouter, tel que le
préconise le comité consultatif canadien, à la suite de
"il crée des oeuvres pour son propre compte": "et a
réalisé des recettes ou subi des pertes découlant de
l'exploitation de ses oeuvres, recettes et pertes correspondant à
l'ensemble de sa carrière artistique. "
Dans la partie que constitue le 3°, la reconnaissance par les pairs
devrait également s'appliquer au domaine de la littérature et
cette reconnaissance, toujours en conformité avec ce que
préconise le comité consultatif canadien, devrait se traduire de
la façon suivante, à l'intérieur du paragraphe qui se
lirait maintenant comme suit: Ses oeuvres sont exposées, produites,
publiées, présentées en public ou mises en marché
par un diffuseur et sont reconnues comme telles par ses pairs. Cette
reconnaissance professionnelle aura pris la forme de témoignages
reçus du public ou de ses pairs et se traduira, notamment, par des
mentions d'honneur, des récompenses, des bourses ou encore son oeuvre
aura fait l'objet d'articles ou de critiques dans les médias.
À la section II, partie 1, article 10, deuxième
paragraphe, la notion du plus grand nombre n'assure pas, à notre sens,
un rayonnement sur
l'ensemble du territoire québécois. Aussi, voudrions-nous
voir ajouter à la fin "et sur l'ensemble du territoire
québécois". À ce chapitre, étant donné que
plusieurs associations devront se regrouper sous une même bannière
pour exercer leurs représentations du domaine des arts visuels, nous
suggérons que celles-ci bénéficient d'un support technique
gouvernemental pour réussir cette fusion sans trop de difficultés
et de délais.
Au chapitre III, section I, article 36, on fait référence
à l'intervention possible d'un arbitre en cas de différent. Nous
voudrions que la commission mise en place dans le cadre de la loi 90, et qui
Intégrera éventuellement la loi 78, puisse exercer dans les cas
de litige ce rôle d'arbitre.
Finalement, à l'article 39. nous suggérons la formulation
suivante, dont nous jugeons la tournure nettement plus correcte en
français: "Le diffuseur doit, dans chacune de ses places d'affaires,
tenir à jour un registre complet des oeuvres confiées à sa
responsabilité. Sur ce ou ces registres seront inscrits les
renseignements suivants: 1° le nom du titulaire du droit de
propriété de chaque oeuvre; 2° une Identification de
l'oeuvre; 3° la nature du contrat confiant l'oeuvre au diffuseur. Ces
inscriptions devront figurer sur le registre du diffuseur pour toute la
durée du contrat, lui confiant la responsabilité des oeuvres
indiquées au contrat. L'artiste lié par contrat au diffuseur peut
consulter ce registre et en tirer copie en tout temps pendant les heures
d'ouverture de l'établissement du diffuseur" - et non pas "l'ouverture
du diffuseur", entre autres.
Nous remercions la commission d'avoir pris le temps de nous recevoir et
également de l'attention qu'elle aura accordée aux diverses
remarques que nous lui avons transmises. Mesdames, messieurs, merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le président.
Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre des Affaires
culturelles.
Mme Bacon: Merci, M. le président et madame. Je vous
remercie d'avoir voulu participer à cette commission parlementaire. On
s'aperçoit qu'il est nécessaire d'entendre les différents
groupes qui sont non seulement touchés par la loi que nous
présentons, mais aussi qui ont à coeur de faire avancer certains
dossiers importants dans la vie culturelle québécoise. Je vous
remercie de ce mémoire que vous nous présentez. Vous nous
formulez de nombreuses remarques sur les définitions qui sont
prévues à la loi et nous en prenons bonne note. Cependant, cette
loi a pour objet la reconnaissance du statut du créateur et sa
protection dans ses relations contractuelles. Est-ce que vous croyez que les
éléments qui sont prévus au projet de loi permettent ainsi
de mieux protéger le créateur?
M. Paquet: Dans ce qu'il nous a été donné de
voir et sur lequel on a eu une consultation de l'ensemble des conseils, de
façon générale, oui. On est, par contre, conscient qu'en
ce qui a trait à l'application éventuelle et à
l'Interprétation que pourrait en donner la commission de reconnaissance,
entre autres, là il y a une certaine vigilance que les conseils et la
conférence auront à apporter. On a fait référence,
nommément, à la territorialité. Vous savez qu'encore plus
que dans le cas des arts d'interprétation les arts visuels, les
métiers d'art, comme la littérature - on a Insisté sur le
caractère Individuel de la création, dans bien des cas - il y en
a énormément sur tout le territoire du Québec.
Les conditions de vie des gens en région, ne serait-ce que la
visibilité, qui n'est pas toujours aussi évidente que si on est
près d'un grand centre, cela nous crée des problèmes dans
nos rapports avec l'ensemble des créateurs, parce que c'est plus
coûteux, parce que cela prend plus de temps. On considère,
à la conférence des conseils, que la loi est nécessaire
pour que, lorsqu'on arrive un peu partout, que ce soft au Revenu à
Québec ou que ce soit au Revenu à Ottawa, on fasse des
représentations pour que cela puisse s'appliquer, maintenant. Au niveau
des associations, il y a le travail que nous ferons pour représenter les
artistes en région. Au départ, on a besoin de la loi et on a
besoin de savoir exactement ce que cela veut dire.
Pour le moment, nous sommes d'accord avec le principe qui veut que ce
soit l'acte créateur qui soit protégé et que ce soit cela
d'abord et avant tout. J'espère qu'à la fois lorsque la loi sera
interprétée et lorsque le travail de reconnaissance sera fait, on
ne limitera pas qu'à l'acte créateur et qu'on acceptera
éventuellement que les associations puissent développer d'autres
protections, d'autres services et d'autres négociations. Mais
l'interprétation que j'en fais, bien que n'étant pas un homme de
loi - et je pense que c'est la prudence qu'il faudrait avoir - c'est que la loi
ne doit pas être restrictive, dans le sens qu'elle assure ce minimum,
qu'elle reconnaisse la protection de l'acte créateur, donc du produit de
la création, et qu'elle permette aux associations, après, de
développer d'autres rapports avec les diffuseurs.
Mme Bacon: Vous dites que nous reconnaissons l'acte
créateur. Est-ce que vous trouvez que même dans la
littérature, après tout ce que nous venons d'entendre, nous
reconnaissons maintenant l'acte créateur? Est-ce que... (18 h 15)
M. Paquet: Je vous avoue honnêtement que je ne suis pas
très familier avec la littérature. J'ai travaillé surtout
en théâtre et en diffusion et en arts d'interprétation,
donc, je ne suis pas très au fait des particularités de leur
action, personnellement. Étant donné que je n'ai pas d'avis de
membres de la conférence, à la fois des
conseils et des membres d'un conseil, je ne peux pas m'étendre
beaucoup là-dessus. La seule chose, c'est que j'avais cru comprendre,
dans les explications qui nous ont été fournies dans les
consultations préalables à la commission, que le produit de
création de la littérature était respecté. Donc,
à ce moment-là, on n'est pas allés plus loin que
ça, quant à nous, et on n'a pas eu beaucoup de temps pour se
concerter avec les organisations nationales et essayer de comprendre leur point
de vue. Alors, |e ne peux pas aller plus loin que ça pour le moment.
Mme Bacon: D'accord. À la page 4 de votre mémoire,
vous nous proposez des critères additionnels pour les fins de
reconnaissance de l'artiste professionnel. Est-ce que vous pourriez
préciser les raisons et, peut-être, en quel sens vous voulez voir
se préciser ces critères?
M. Paquet: Si vous me donnez 30 secondes.
Mme Bacon: Oui, oui.
C'est aux trois premiers paragraphes de la page 4.
M. Paquet: Oui, oui.
C'est-à-dire qu'on voulait, nous. Ce qu'on en comprenait, c'est
que je pense que la loi, dans le cas des artistes, si ce n'est pas un droit du
travail, c'est un droit d'affaires, que ça Inscrit. Donc, on souhaitait
que la reconnaissance des pairs soit incluse, la relation d'affaires que
ça Implique, pour pouvoir confirmer ce statut professionnel.
D'ailleurs, le problème des artistes, c'est toujours: Quand
est-ce qu'on le devient? Et Dieu sait s'il y en a beaucoup qui ont
travaillé là-dessus et qui n'ont pas réussi à
s'entendre vraiment! C'est celui qui en vit? Cela a l'air simple. Celui qui
tente d'en vivre? Oui, mais quand commence-t-il à tenter? Mais c'est
d'inscrire quand même cette notion-là qui nous apparaissait
Importante, et c'est pourquoi on revendique cette chose-là.
Mme Bacon: D'accord. Où pourriez vous situer les limites
du champ d'application pour les métiers d'art? Parce que vous ne
souhaitez pas, je pense, maintenir le critère de limite du nombre
d'exemplaires?
M. Paquet: C'est en arts visuels, ça.
Mme Bacon: Ce n'est pas en métiers d'art?
M. Paquet: Oui. C'est surtout en arts visuels.
C'est-à-dire que...
Mme Bacon: Reprenons pour les arts visuels, dans ce
cas-là.
M. Paquet: D'accord.
Mme Bacon: Est-ce que vous souhaitez maintenir des
critères de limite?
M. Paquet: Non, on ne souhaite... Dans l'esprit, ce qu'on dit,
c'est qu'il ne nous apparaît pas... Cela pourrait être dangereux
d'inscrire qu'il puisse y avoir une limite, dans la mesure où ça
pourrait être invoqué pour refuser la protection à une
oeuvre. Alors que, si on ne l'inscrit pas, on peut très bien comprendre
qu'on protège l'oeuvre originale parce qu'elle existe, et le fait de la
duplication, à ce moment-là, c'est dans le contrat
spécifique que négocieraient les associations d'artistes et leurs
diffuseurs. On pense que, si on maintient cette notion-là, on risque de
permettre à des tribunaux d'exclure des oeuvres, sous prétexte
qu'il y en a un nombre X.
Mme Bacon: Est-ce que vous craignez que des règles trop
exigeantes, par exemple, ne risquent de mettre en péril le
développement et peut-être l'existence même des diffuseurs
régionaux? Parce qu'il faut quand même penser aussi aux
régions Je pense entre autres aux petits éditeurs, dans le sens,
évidemment, de leur chiffre d'affaires.
Pensez-vous que, si nos règles étalent trop exigeantes,
ça risquerait de les mettre en péril, mettre en péril leur
développement?
M. Paquet: Oui, sauf que je pense que si c'était trop
exigeant, mais dans le contrat.. Là, c'est que je ne vols pas dans la
loi où.. Je n'ai pas vu, on n'a pas apprécié de...
Mme Bacon: Parce que c'est ce qu'on a entendu depuis le
début. J'essaie en même temps de...
M. Paquet: Ah! d'accord!
Mme Bacon: Je consulte, en même temps.
M. Paquet: D'accord. Je n'y étais pas, là!
Ce que je veux dire par là, c'est qu'il est bien sûr qu'il
y a toujours le problème des régions, à un moment
donné, et c'est dans tous les arts; même en arts
d'interprétation, il y a un problème de volume.
C'est-à-dire que c'est le niveau de "flottabilité" qui est
problématique. Lorsque tu n'as pas beaucoup de volume et que tu as des
exigences trop grandes, tu ne peux pas te permettre de maintenir ton bateau
à flot. Cela va dans tous les domaines, sauf que là... Cela, je
pense qu'à la fois les conseils, à la fois le ministère et
à la fois un certain nombre d'intervenants sont là pour essayer,
dans les contrats, de tenir compte de ce facteur. C'est dans ce sens qu'on veut
que la territorialité inscrite dans la loi nous permette d'aller aussi
loin que possible. Sauf que là, sauf erreur, la loi ne contient pas de
normes qui nous permettent de dire qu'on serait exclus. Les conseils
régionaux ont eu une action déterminante dans leur secteur
d'activité parce qu'ils ont été regroupés
et, même, ils ont été regroupés au-delà des
secteurs. Je pense que cela témoigne d'une capacité de
différents secteurs de pouvoir à la fois se regrouper et aller
chercher des conditions intéressantes.
Mme Bacon: Le projet de loi 78 vise des métiers, des
catégories d'oeuvres, peu importe le médium utilisé; qu'il
s'agisse d'un 'hologramme ou d'une autre technique, on parle, d'abord de
production tridimensionnelle, de photographie. En quoi votre proposition
peut-elle ajouter à la définition des arts visuels?
M. Paquet: Le fait, notre...
Mme Bacon: Vous avez dans votre...
M. Paquet: Oui.
Mme Bacon: Vous avez une proposition qui ajoute.
M. Paquet: Oui.
Mme Bacon: Est-ce que cela peut ajouter davantage dans les arts
visuels quand on parle de reproduction, de photographie, etc. ?
M. Paquet: C'est-à-dire qu'à partir du moment
où, dans vos exemples, on identifiait cet art-là, on a
pensé qu'il pouvait être important de le nommer puisqu'il est
connu maintenant, en l'ajoutant. La façon dont on vous a demandé
de l'inclure dans la loi, cela nous permet de pouvoir couvrir tout ce qui
pourrait être créé à partir de maintenant.
Mme Bacon: Cela pourrait couvrir toute la création, au
fond.
M. Paquet: Toute la création qui peut s'identifier aux
arts visuels.
Mme Bacon: D'accord. Merci beaucoup. M. Paquet:
Bienvenue.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: Enfin, si vous n'aviez pas été ici,
je pense que je me serais inquiété en fonction de ce que je vous
ai dit d'emblée à votre arrivée. J'ai écouté
attentivement ce que vous avez dit et j'ai regardé votre page 4. Vous
dites: "Au chapitre III, section I, article 36, l'on fait
référence à l'intervention possible d'un arbitre en cas de
différend. Nous voudrions que la commission mise en place dans le cadre
de la loi 90 et qui intégrera éventuellement la loi 78 puisse
exercer, dans les cas de litige, ce rôle d'arbitrage. " Est-ce que vous
pouvez m'expliquer pourquoi vous voulez que ce soit la commission qui fasse
cela? Ce sera au bénéfice de M. le Président de la
commission aussi qui est ici?
M. Paquet: En fait, à la limite, vous pourriez nommer
quelqu'un d'autre, mais ce qui nous apparaît d'abord important, c'est
qu'il y ait une personne qui puisse être identifiée, donc qui se
sente comme responsable du travail. On ne peut pas juger de sa qualité,
à savoir si cela va être absolument formidable, ce que la
commission va faire concernant la loi 90, mais tant qu'elle n'a pas fait de
faute, je présume que cela va être parfait et, à ce
moment-ci, on considère qu'elle devrait le faire de la même
façon.
M. Boulerice: Voyez-vous, M. Paquet, je ne sais pas si, comme me
le disait M. Ryan cet après midi en Chambre, c'est la nostalgie d'une
époque, donc du collège classique, mais j'aime beaucoup faire de
la maïeutique. Quand on a introduit cette notion d'arbitrage, tout le
monde trouvait cela très intéressant. Je dis: Attention! lorsque
vous prenez un avocat... On fera l'autre débat, à savoir: Est-ce
que nous avons des avocats spécialisés dans le domaine de la
culture au Québec? La question reste à poser mais en tout
cas...
M. Paquet: J'en connais qui sont en formation pour le moment.
M. Boulerice: Eh bien, bravo! Ne me dites pas que vous avez cette
pépinière-là maintenant. Donc, je disais que, lorsqu'on
prend un avocat et que l'on gagne, ce sont les frais de cour, un point, c'est
tout, et cela va. Dans le cas d'un arbitrage, il y a le partage des
coûts. Vous gagnez, mais vous payez la moitié des coûts
d'arbitrage. Et en vous voyant écrire que c'est ta commission qui
pourrait jouer ce rôle d'arbitrage, j'y voyais peut-être une
façon très habile de votre part de suggérer que, pour
pallier ces coûts qui pour les artistes peuvent hypothéquer, ce
sera un service gratuit de la commission.
M. Paquet: C'est bien. C'est une bonne idée, une
excellente idée.
Le Président (M. Trudel): Pas de problème. M.
Boulerice: Beaucoup d'idées.
M. Paquet: Mais les artistes souvent parlent de gens qui
travaillent... il y a beaucoup de piratage au niveau de la création,
aussi.
C'est peut-être un juste retour.
M. Boulerice: Un juste retour.
A la page 5 - je vais conclure là-dessus - parce qu'il y a eu une
Intervention ce matin, je veux tout simplement vous demander si vous y tenez
mordicus. Vous dites: "Le diffuseur doit, dans chacune de ses places
d'affaires, tenir
à jour un registre complet des oeuvres confiées à
sa responsabilité". L'association des musées, ce matin, nous a
fait des remarques à ce sujet que j'ai jugées quand même
d'une certaine pertinence. Elle donnait l'exemple du Musée du
Québec qui expose dans un magnifique petit local sur la rue Champlain
et, moi, j'ajoutais celui du musée d'Art contemporain qui fait des
expositions dans les couloirs de la Place des arts, dans le hall
d'entrée. Pour eux, tenir des registres séparés, en
fonction des places d'affaires, cela posait certaines difficultés.
M. Paquet: Je ne le sais pas. Là-dessus, je trouve que ce
n'est pas une bonne idée de leur laisser la porte ouverte à cela.
Je vous avoue honnêtement que ce serait peut-être
préférable de prévoir un programme d'informatisation dans
les musées pour qu'Us puissent assez facilement, avec un petit code et
une petite touche, avoir la liste de ce qui est ou pour que les artistes
puissent voir exactement où sont leurs oeuvres.
Je pense que c'est Important que les diffuseurs... D'ailleurs, ils vont
s'y mettre, parce que c'est toujours plus Intéressant d'avoir des bilans
et des inventaires à jour et ces moyens permettent de le faire
rapidement.
M. Boulerice: Bon, c'est vous, M. Paquet, que le président
va accuser de dépenser l'argent des autres, parce qu'il va falloir
prévoir des crédits pour l'informatisation des musées.
Écoutez, je pense que vous nous avez quand même livré des
commentaires extrêmement pertinents et qui ajoutent à la
commission. Quant à moi, j'en prends bonne note et les agissements de
l'Opposition seront toujours en fonction de ce que vous nous avez dit. Je vous
remercie de votre mémoire.
M. Paquet: Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci. M. le
député de Saint-Jacques. Mme la ministre.
Mme Bacon: Je voudrais remercier, si vous me le permettez, la
Conférence des conseils régionaux de la culture d'avoir
apporté une dimension pour ce qui est des régions. On a souvent
l'impression que les groupes de Québec et Montréal viennent ici
très nombreux, mais cette dimension régionale est très
importante au ministère et nous apprécions beaucoup cette
dimension que vous avez apportée avec vous. Merci.
M. Paquet: Merci.
Le Président (M. Trudel): M. le président, il me
reste à vous remercier à mon tour, au nom de la commission, et
à vous faire remarquer que, bien que vous ne veniez pas du comté
de Saint-Jacques, M. le député de Saint Jacques a
été affable...
M. Boulerice: Partiellement.
Le Président (M. Trudel):... et aimable avec vous. Chaque
fois qu'on reçoit des gens des régions, comme Mme la ministre l'a
dit, nous en profitons. Alors, merci infiniment et bon retour chez vous.
La commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 29)