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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le mercredi 30 novembre 1988 - Vol. 30 N° 19

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi 78 - Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d'art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs


Journal des débats

 

(Dix heures cinq minutes)

La Présidente (Mme Bélanger): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de la culture est réunie ce matin afin de procéder à la consultation particulière dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi 78, Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d'art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui. Il y a Mme Bélanger (Mégantic-Compton) qui remplace M. Vaillancourt (Orford).

La Présidente (Mme Bélanger): Nous recevons ce matin l'Association des éditeurs canadiens. J'aimerais vous faire part du processus: vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et une période de discussion de 40 minutes suivra entre les groupes parlementaires. Je vous demanderais de vous présenter et de présenter les personnes qui vous accompagnent.

Association des éditeurs canadiens

Mme Levert (Carole): Bonjour, Mme la ministre, mesdames et messieurs les députés. Je suis Carole Levert, présidente de l'Association des éditeurs canadiens, fondée en 1943 et qui regroupe l'ensemble des éditeurs de littérature et de littérature générale du Québec. Je suis moi-même éditeur aux éditions Libre Expression. Les gens qui m'accompagnent aujourd'hui sont Me Brunet, Mme Johanne Guay, directrice générale de l'Association des éditeurs canadiens, M. Pierre Tisseyre, vice-président de la Société des éditeurs de manuels scolaires du Québec, Mme Micheline Tremblay, éditeur des éditions Fides, également membre du comité exécutif de l'Association des éditeurs canadiens, et Mme Barbara Creary, des éditions la Courte Échelle.

L'Association des éditeurs canadiens a déposé un mémoire portant sur le projet de loi 78, mémoire qui vous a été distribué et dont, au besoin, nous avons ici des copies supplémentaires, mémoire qui a été rédigé en consultation également avec la Société des éditeurs de manuels scolaires du Québec et l'Association des presses universitaires du Québec. Je m'adresse donc à vous au nom de tous mes collègues qui, plus tard, pourront être disponibles pour répondre à vos questions. Je ne veux pas revenir sur tout le mémoire puisque vous i'avez déjà reçu, mais j'aimerais poursuivre avec vous sa réflexion.

Il n'y a pas de manuscrit sans auteur, le manuscrit étant l'oeuvre de l'auteur. Il n'y a pas de livre sans éditeur, le livre étant l'oeuvre de l'éditeur. Sans éditeur et sans livre, il n'y a pas de littérature. Notre lecture du projet de loi s'est inscrite dans la perspective de cette réalité. La tentative de regroupement qu'est le projet de loi 78 donne lieu à une définition univoque de "diffuseur", ce qui a pour effet, entre autres, d'abolir la spécificité de l'édition, de l'édition de littérature en l'occurrence.

La spécificité de l'édition n'est pas la reproduction systématique de l'oeuvre, à savoir le manuscrit. SI c'était le cas, il n'y aurait que des imprimeurs. L'édition ne se limite pas non plus à la diffusion au sens de la distribution de l'oeuvre auprès du public; sinon, il n'y aurait que des distributeurs. L'édition est la transformation de l'oeuvre, soit le manuscrit, en un objet qui permet et favorise sa commercialisation. Cet objet est le livre. Le livre est le support de l'oeuvre qui est conçue, créée, financée, diffusée et commercialisée par l'éditeur à ses risques et périls, à même ses propres investissements.

On voit donc que le travail d'édition lie intimement l'auteur et l'éditeur, de même que leurs sorts respectifs. C'est pourquoi l'on trouve dans l'édition un type de rapport contractuel de nature individuelle qui reflète justement le type de relations unissant auteur et éditeur, des relations qui ne sont pas et qui n'ont jamais été comparables à celles qui peuvent exister entre un employeur et un employé.

Si nous comprenons le bien-fondé de la démarche qui vise à la protection des créateurs dans le domaine de la littérature, de fait ceux-ci évoluent dans le secteur qui est le plus vulnérable de l'édition, celui qui présente le plus haut risque pour l'auteur et pour l'éditeur, compte tenu du fait que ce type de production ne rejoint pas un secteur de consommation utilitaire. On s'étonne qu'à l'intérieur de cette démarche l'on compromette, et cela de façon explicite et appuyée, la nature et la qualité même des rapports existant entre l'auteur et l'éditeur, qui ont toujours connu des rapports individuels. On s'étonne donc que l'on compromette ces rapports par la mise en place de dispositions de négociations collectives qui sont tout à fait étrangères à l'édition, l'édition n'ayant aucune histoire de relations du travail collectives.

À partir du moment où l'éditeur aura en face de lui un interlocuteur qui ne sera plus un auteur, mais une association qui pourra exercer tout recours "sans avoir à justifier de mandat, ni de cession de créance de l'intéressé", la nature de la relation entre l'auteur et l'éditeur aura profondément changé. Donc, l'édition aussi aura profondément changé. Nous ne pouvons pas laisser croire que cela ira dans le sens de

l'épanouissement de la littérature québécoise et, conséquemment, du statut de ses créateurs.

Nous avons fait de nombreuses recommandations à l'égard de la prescription de contrats individuels. Je ne veux pas toutes les rappeler en ce moment, mais nous souhaiterions attirer votre attention surtout sur la coexistence des articles 28, 41 et 42. Par ses articles 28, 41 et 42, le projet de loi 78 révèle une distorsion de taille. Cette distorsion entre la section I, Contrats individuels, et la section II, Ententes collectives sur des conditions minimales de diffusion, appliquée dans le contexte défini par les dispositions de l'article 28 peut difficilement passer inaperçue. Les articles 28, 41 et 42 du projet de loi dénaturent de façon explicite la pratique de l'édition et Introduisent des pratiques qui lui sont étrangères.

Nous ajoutons que l'édition ne pourrait le supporter sans que des conséquences graves ne se fassent sentir. Comme nous l'avons dit, l'édition a toujours connu une pratique de contrats individuels. Dans ce contexte, on comprend mal une disposition telle que celle contenue à l'article 28 qui se lit comme suit: "L'association reconnue peut exercer pour un artiste qu'elle représente tout recours résultant pour ce dernier de l'application de la présente loi, d'une entente liant l'association avec un diffuseur ou une association de diffuseurs ou d'un contrat liant l'artiste et un diffuseur, sans avoir à justifier de mandat, ni de cession de créance de l'intéressé. ' Cette disposition stiputant "sans avoir à justifier de mandat, ni de cession de créance de l'intéressé", est abusive. Elle compromet la valeur de la cession de droits que l'auteur consent à l'éditeur. Encore, si l'édition évoluait dans un contexte où éditeur et auteur entretenaient des rapports de patron à employé, peut-être pourrions-nous comprendre, mais ce n'est pas le cas.

La dynamique qui existe entre l'auteur et l'éditeur est déjà suffisamment engageante dans toute sa réalité pour qu'on ne vienne pas lui ajouter la pression d'une association qui peut exercer tout recours "sans avoir à justifier de mandat, ni de cession de créance de l'intéressé". Nous sommes certains que l'article 28 est contraire à l'édition et contrevient à son exercice en supprimant la valeur des droits cédés à l'éditeur par ce même contrat.

Par surcroît, l'article 41 transforme le partenariat qu'est l'édition en une entreprise de type patron-employé et, finalement, l'article 43 compromet l'adhésion des éditeurs à une association professionnelle qui les regrouperait.

L'article 41 introduit la négociation collective dans un secteur qui n'a jamais connu d'histoire de relation du travail collectives, dans un secteur où la nature des rapports entre les partenaires est entièrement fondée sur des relations individuelles. Cette disposition met en péril, on ne peut plus directement, l'essence même du travail de l'éditeur avec l'auteur, tel que nous l'avons expliqué précédemment. On laisse Imaginer la nature de l'appareil administratif qui sera mis en place au sein de l'édition, une Industrie composée de petites et moyennes entreprises. Une fois que ces dispositions seraient effectives, nous craignons que ce problème n'ait été sous-évalué. Dans la mesure où une association reconnue pourrait intenter des recours "sans avoir à justifier de mandat, ni de cession de créance de l'intéressé", les parties en cause auront intérêt à s'équiper très adéquatement. Si l'article 28 seul le justifie, la combinaison des articles 28, 41 et 42 le requiert, sans compter que cette situation évoluerait dans le contexte où l'article 43 aurait fait son effet: les éditeurs auraient fui leurs associations.

Nous rappelons que l'Industrie québécoise de l'édition est jeune, qu'elle est en situation de concurrence constante par rapport aux produits Internationaux se trouvant sur son propre marché et qu'elle a encore très peu de crédibilité sur les marchés Internationaux. Imaginez les pressions auxquelles elle sera soumise à partir du moment où des conditions minimales ou des contrats types seront négociables, puis deviendront renégociables au moins tous les trois ans. Imaginez l'insécurité qui régnera dans cette Industrie, une industrie où les risques sont déjà très élevés, quand elle sera guettée par ces dispositions. Imaginez la réaction d'un partenaire étranger intéressé à l'achat de droits qui nous sont cédés lorsqu'il apprendra qu'au Québec il existe des ententes collectives portant sur des conditions minimales de diffusion.

Il vaudrait mieux faire en sorte qu'il n'apprenne jamais que l'association reconnue peut Intenter tout recours "sans avoir à justifier de mandat, ni de cession de créance de l'intéressé". Il vaudrait mieux aussi qu'il ne s'agisse pas en plus d'un livre pour enfants. En ce cas, l'éditeur risque de se trouver face à face avec non seulement l'association reconnue dans le domaine de la littérature, mais aussi peut-être avec celle reconnue dans le domaine des arts visuels. Et s'il s'agissait d'une édition d'art d'un roman Illustré, l'éditeur pourrait avoir affaire à trois associations reconnues simultanément. Un tel système ne peut que nuire à la percée de l'édition québécoise sur les marchés Internationaux.

Par ailleurs, nous pouvons assurer le législateur que les conditions qui prévalent au Québec à l'égard des auteurs correspondent aux normes internationales et que ces conditions, dans un milieu aussi petit que le nôtre, ne sont un secret pour personne. SI l'on Instaure des pratiques de négociations collectives au sein de l'industrie québécoise dans le but d'assurer des conditions minimales de diffusion pour les auteurs de littérature, nous disons que ce geste est vraiment en disproportion des objectifs visés. En effet, les conditions minimales sont déjà ce que donne l'édition. Les effets préjudiciables qu'auront ces dispositions sur l'industrie de l'édition elle-même viendront à l'encontre de ce

qui est recherché (cl, c'est-à-dire la diffusion des oeuvres littéraires à la meilleure satisfaction de toutes les parties qu'elle met en cause.

Enfin, l'article 43 constitue une dissuasion explicite adressée à tout éditeur de faire partie d'une association professionnelle. À toutes fins utiles, l'Association des éditeurs canadiens risque de disparaître dans un très proche avenir, compte tenu du climat qu'Inspirent les articles 28, 41 et 42. Il paraît nécessaire de rappeler que l'adhérence d'un éditeur à une association professionnelle ne repose que sur son choix personnel. il n'y a dans aucune réglementation gouvernementale d'incitatif favorisant l'appartenance à une association.

L'article 43, dans son application et ses conséquences pratiques, constitue à nos yeux une atteinte grave à la profession de l'édition. Par cette disposition, le milieu de l'édition sera privé de nombreux services dont bénéficie actuellement toute la collectivité. On se privera aussi et, entre autres, des effets du rôle de formation conféré à une association professionnelle qui peut exercer, en dehors de toute contrainte, une influence déterminante sur les pratiques qui ont cours au sein de la profession et cela, encore une fois, pour le bénéfice de toutes les parties mises en cause.

Étant donné les remarques émises tout au long de notre analyse, devons-nous nous interroger sur le mérite que nous aurions à dissoudre l'Association des éditeurs canadiens?

Nous comprenons les objectifs visés par le projet de loi 78, mais 11 nous apparaît que le véhicule choisi n'est pas le plus adéquat pour les servir. Les remarques que nous avons formulées dans notre mémoire visent à démarquer l'édition des autres secteurs touchés par ce projet de loi. Nous demandons au législateur de bien vouloir prendre en considération les différents points soulevés dans notre mémoire, même si les travaux parlementaires sont fort avancés. Il en va de l'avenir de l'édition et de sa motivation elle-même.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Levert. Mme la ministre.

Mme Bacon: Mme Levert, mesdames et messieurs, Je voudrais vous remercier du travail que vous avez accompli parce que vous avez démontré beaucoup de rigueur a préparer le mémoire que vous nous présentez aujourd'hui. Je dois vous dire que l'intention que nous avons, tout d'abord, c'est de régler le statut socio-économique des artistes autant que possible, mais le régler aussi en concertation avec tous les milieux concernés. Nous ne croyons pas qu'une loi puisse apporter une réponse globale et une réponse aussi définitive aux problèmes multiples de cette reconnaissance sociale, reconnaissance économique des artistes, reconnaissance de leur statut professionnel. Il y a différentes situations dans l'exercice de leur profession qui ne peuvent pas toujours être réglées par un projet de loi.

Je pense qu'il y a aussi des mentalités à changer. Nous faisons du droit nouveau avec les projets de loi 90 et 78. Même avec le projet de loi 78, j'ai souvent l'impression, en tout cas depuis que nous sommes en commission parlementaire, que nous sommes nettement en avance sur le milieu. Il y a des préjugés à repousser aussi et il va y avoir des programmes à réviser, mais je pense que s'il n'y avait pas eu place à amélioration dans l'intervention que nous voulons faire par ce projet de loi nous n'aurions pas tenu de commission parlementaire. Cette commission parlementaire est faite pour que les gens viennent nous indiquer où Ils ont des problèmes, ce qui leur cause des problèmes, et qu'ils nous disent aussi, par leurs interventions, où il y a des obstacles à la bonne marche de leurs affaires, à la bonne marche aussi des relations entre les artistes et les différents milieux qu'Us côtoient et avec lesquels Ils doivent travailler quotidiennement. La situation des artistes est une chose, la situation de ce milieu, prise globalement, est autre chose.

Vous soulignez quand même à plusieurs reprises dans votre mémoire que la négociation collective - on sent que c'est vraiment cette partie de la loi qui vous dérange - ne correspond, d'après vous, à aucune pratique dans le monde de l'édition. Mis à part les articles qui font référence à cet aspect, est-ce que le reste de la loi vous semble acceptable et de nature à protéger les créateurs, qu'ils soient auteurs ou éditeurs?

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Levert.

Mme Levert: Ce serait difficile d'isoler, je dirais, toutes les lettres de tout un esprit. C'est d'autant plus difficile, l'article 28, par exemple, étant ce qu'il est, même en dehors des articles 41 et 43, de vous dire que l'ensemble de la loi, hormis tel ou tel article, rend service. L'article 28 est là et exerce une pression déjà sans même les autres, soit les articles 41 et 43. J'ai beaucoup de mal à répondre à cette question: Est-ce que vous êtes d'accord avec tout le reste sauf cela? Alors que cela, par l'article 28, est déjà là d'une certaine façon.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la ministre.

Mme Bacon: Oui. Je pense que quelques articles qui vous touchent davantage ne changent pas l'esprit de la loi, au fond. Le but de cette loi était de protéger, de régulariser, d'apporter cet équilibre entre les artistes et les gens de leur milieu, de reconnaître le professionnalisme aussi de nos artistes. Je serais surprise de savoir que vous êtes contre cela. Je comprends que les relations entre éditeurs et artistes, pour vous, sont une chose, mais iI n'y a pas que cela dans la loi, quand même.

Mme Lavert: Ce n'est pas moi qui vais vous dire que vous avez raison, parce que je pense que, de fait, nous l'avons dit, nous l'avons écrit dans le mémoire, c'est une Intention que nous partageons entièrement. Je dirais même que le projet de loi 78, de fait, est novateur ou, en tout cas, il incarne une volonté novatrice à laquelle nous voulons bien participer et à laquelle, d'ailleurs, notre métier nous amène à vouloir participer. Cela n'est pas mis en cause vraiment, sauf que, dès la lecture des premières pages de cette loi, nous arrivons à l'article 28, entre autres, qui, lui, transforme vraiment la nature entre l'éditeur et l'auteur. Cela pose un problème. Mais la volonté de la loi, son Intention, pas du tout.

Mme Bacon: J'aimerais peut-être revenir sur l'article 28 parce qu'on en parle beaucoup ce matin. Vous en parlez aux pages 4, 9, 20, 22 et 26 de votre mémoire. Je crois qu'il y a peut-être lieu de clarifier l'article 28 et de rappeler que cet article s'applique dans les cas de recours, quant au respect du contrat Individuel et non quant à la négociation du contrat. C'est ce que dit l'article 28. Dans cet esprit, est-ce que vous auriez encore des réserves quant à l'esprit de l'article? Cela ne s'applique pas à la négociation de ce contrat.

Mme Levert: C'est exact, cela ne s'applique pas à la négociation du contrat. Cela s'applique à l'exercice du contrat. Une fois le contrat négocié, un contrat existe, un contrat est donc en exercice. Ce contrat porte l'endossement, l'accord, l'entente de deux individus qui sont dans une relation de partenariat. Ils ont convenu et il y a un individu là-dedans, l'auteur, qui, personnellement, a donné une cession à une autre personne. Personne d'autre que lui ne peut donner cette cession à l'éditeur. Par contre, quelqu'un d'autre que lui peut intenter un recours par rapport au contrat qui prévoit principalement la cession de droits par l'auteur à l'éditeur.

L'article, et l'application qu'il signifie donc, nous amène à nous demander quelle sera la valeur du contrat individuel par lequel l'éditeur recevra la cession, sans laquelle iI n'a aucune raison d'être et aucune raison d'éditer quoi que ce soit. Quand il aura, plus tard, à exercer son droit de rétrocéder ces droits à un tiers, par exemple, ce tiers-là aussi, par la chaîne qui s'ensuit, pourra avoir affaire à l'association qui pourra Intenter tout recours, sans avoir à justifier de mandat, ni de cession de créance de l'intéressé. Éventuellement, quand on procédera à une vente de droits, à une cession de droits à un autre tiers, il faudra lui dire, à lui aussi, que c'est un recours possible, que la cession de droits que j'ai pourra être remise en question par quelqu'un d'autre qui me l'aura consentie et que lui, conséquemment, aura à le subir aussi. (10 h 30)

Mme Bacon: Je devrais peut-être vous dire que "recours" veut dire manquement au contrat. On a recours quand quelqu'un a manqué au contrat. L'article 28 prévoit que l'association d'artistes peut exercer des recours pour l'artiste en cas de manquement au contrat qui Iie l'artiste et un diffuseur. Pourquoi craignez-vous autant l'article 28, dans la mesure où vos membres respectent sans doute tous leurs contrats?

Mme Levert: Je dirais qu'il y a, dans la situation actuelle, une question d'Interprétation de ce que dit le contrat, de ce que fait le contrat. Pour qu'il entraîne une action positive, le recours doit porter sur quelque chose qui contrevient. C'est exact. On peut intenter un recours en pensant que quelque chose contrevient, découvrir huit mois plus tard que, peut-être, il ne contrevenait pas, mais pendant ces huit mois on n'aura pas été sûr. C'est la même situation actuellement, sauf qu'il y a quelqu'un d'autre que celui qui m'a cédé les droits qui aura aussi à interpréter ce qui est dans mon contrat. Si celui qui a signé a interprété que c'était ça, mais que l'association le lit et interprète que ce n'est pas ça, l'association peut venir le remettre en question, sans avoir à justifier son mandat. Je signe un contrat avec quelqu'un, et quelqu'un de précis parce que personne d'autre ne peut m'accorder cette cession. Mais l'Interprétation de ce qui se signe, quelqu'un d'autre peut la faire aussi. En ce sens, la valeur de la cession de droits que j'aurai pourra être remise en question. Ce que j'ai de plus précieux comme éditeur, c'est la cession de droits, tout repose sur la valeur de la cession de droits.

Mme Bacon: J'aimerais juste vous dire tout de suite que ça n'affecte pas la cession des droits. Je reviens encore à ma question: Si les gens respectent les contrats, qu'un recours soit pris par un avocat ou qu'il soit pris par une association, est-ce que, pour vous, c'est différent? Disons qu'il y a un manque, puisqu'on dit que "recours" veut dire un manque de respect d'un contrat, un artiste, en ce moment, qui n'a pas cette loi 78 et qui se sent lésé par un contrat ou par un manquement à son contrat peut avoir recours à un avocat, par exemple. Avec la loi, il pourrait demander à son association de lui payer un avocat ou de le représenter. Est ce que ça vous effraie davantage que de voir venir devant vous un avocat qui représente un écrivain?

Mme Levert: Je comprends peut-être mal. Mme Tremblay a quelque chose à dire mais, Juste avant, ce que dit cet article, c'est que l'auteur peut demander à son association de prendre recours pour lui, donc, de faire ce qu'un avocat peut faire aujourd'hui. Là-dessus, c'est normal, les avocats peuvent le faire aujourd'hui. Mais l'article dit aussi que l'association pourrait le faire sans avoir à justifier de mandat, ni de

cession de créance de l'intéressé. Donc, l'association pourrait, même si l'auteur ne le demande pas, sans demander l'avis de l'auteur, ni de l'éditeur, intenter un recours. Nous vivons mal avec ça comme nous vivrions mal avec le fait qu'un avocat pourrait, sans demander l'avis de l'auteur, Intenter un recours pour lui. Je demanderais à Mme Tremblay de faire son commentaire.

Mme Tremblay (Micheline): C'était dans ce sens. Ce qui est inacceptable, à notre point de vue, c'est la dernière partie du texte de 28: "sans avoir à justifier de mandat". Quand je signe un contrat avec un auteur et que l'auteur m'envole son avocat, si je contreviens à une clause du contrat, l'avocat est mandaté par l'auteur pour ce faire. Ce que l'article 28 dit, c'est que l'association peut Intervenir sans mandat. Alors, on intervient sur la nature même du contrat d'édition qui est un contrat par lequel les individus sont, d'une certaine façon, l'objet du contrat: tel auteur avec tel éditeur.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la ministre.

Mme Bacon: Est-ce que vous me permettriez peut-être une question? Si nous ajoutions à l'article 28 qu'un artiste peut renoncer à ce mandat de l'association de le représenter, est-ce que cela vous satisferait? Si nous ajoutions à l'article 28 que l'artiste peut renoncer à mandater son association, est-ce que...

Mme Tremblay: Cela, on y renoncerait comme auteur.

La Présidente (Mme Bélanger): Un instant, Mme Creary.

Mme Bacon: Peut renoncer à ce qu'elle soit...

Mme Creary (Barbara): Ce serait dans un contrat entre l'auteur et l'éditeur que la renonciation se ferait. Je verrais mal un artiste renoncer à ce droit, possiblement. Pourquoi renoncerait-il à des droits que la loi lui accorde? Ce serait difficile. Il y en aurait peut-être et on réussirait peut-être dans certains cas, mais pas nécessairement.

Mme Levert: J'aimerais Juste ajouter ceci. D'abord, Je demanderais du temps pour répondre formellement à la question. Il faudrait que je vois dans quelle mesure cette suggestion obligerait l'association vraiment à justifier son mandat. Une autre chose qui m'est venue à l'esprit et que je me permets de lancer, même si... On prenait l'exemple de l'avocat tout à l'heure. L'avocat n'a pas d'autre objectif que les intérêts du client qui vient le voir. L'association, elle, dans te contexte de l'article 28, pourrait avoir d'autres objectifs que strictement l'Intérêt de son client. Il n'est peut-être pas client, vu que lui peut prendre des recours sans...

Mme Bacon: Avez-vous des exemples, Mme Levert? On peut y revenir tout de même, mais je pense qu'il va falloir, chacun de son côté, regarder le libellé de l'article 28. On prend note de vos recommandations d'aujourd'hui, on va regarder l'article 28 pour essayer de... Je vous l'ai déjà dit, je pense, dans des rencontres que nous avons eues, on ne veut pas compliquer la vie des gens, on veut surtout consolider les différents milieux et non pas leur compliquer la vie. Alors, on va tenter de regarder cela, avec votre mémoire parce que vous insistez beaucoup là-dessus dans votre mémoire, et on va reprendre ce que vous nous recommandez dans le mémoire et le revoir ensemble, dans le cadre des consultations. C'est pour cela que nous avons cette commission parlementaire.

Il y a aussi peut-être l'article 35. Vous dites que cet article met en péril le financement des maisons d'édition. Pourriez-vous expliquer davantage comment l'article 35 pourrait mettre en péril le financement des maisons d'édition?

Mme Levert: Une maison d'édition est comme n'importe quelle autre entreprise commerciale. Elle doit donc, comme n'importe quelle autre entreprise commerciale, pouvoir se financer; c'est aussi bête que cela.

Mme Bacon: Vous pensez que cela vous empêche de le faire?

Mme Levert: On y parle de propositions concordataires, de liquidation, d'insolvabilité et on dit que, dans ces cas-là, le contrat est résilié. Or, l'insolvabilité, la liquidation et la proposition concordataire sont des choses qui surviennent quand l'entreprise est viable et a besoin de recourir aux modes modernes, actuels et contemporains du financement pour être. On a cette contrainte comme n'importe quel entrepreneur. Là, on nous dit que dans ces cas-là, proposition concordataire, liquidation, insolvabilité, le contrat est résilié. Donc, cela met en cause la valeur de la maison d'édition, la valeur de l'entreprise. La valeur de cette maison est constituée de choses que l'on retrouve partout, comme les comptes à recevoir et aussi, dans le cas de la maison d'édition, des droits qu'elle a, qu'on lui a cédés et aussi de son Inventaire, de ses stocks, pour ainsi dire, qui sont là. Tout cela fait partie de sa valeur. Mme Tremblay aurait peut-être...

Mme Bacon: Juste une question pour poursuivre: Que proposeriez-vous en cas de faillite d'un éditeur pour que nous puissions protéger l'écrivain, pour qu'il ait droit à sa part?

Mme Levert: C'est une préoccupation que l'on a depuis un moment et avec vous aussi.

Honnêtement, je n'ai pas encore trouvé la réponse et le temps qu'on a eu pour préparer le mémoire ne nous a pas permis de le préciser comme tel, mais je souhaiterais, au nom de tous mes collègues, que l'on puisse se donner du temps et se consulter, que l'on s'asseoit avec des gens du ministère et que l'on regarde spécifiquement cette question-là pour voir si on pourrait y trouver une solution, parce que c'est un problème. On en est d'autant plus conscients que, dans beaucoup de nos contrats d'édition, on inscrit une clause sur la faillite. On l'a inscrite et, en même temps, on se demande Jusqu'à quel point c'est valable et utile de l'inscrire parce que la faillite, d'autre part, est liée à une loi de la faillite qui est d'instance fédérale.

Il y a un problème. Je souhaiterais sincèrement que l'on puisse avoir des échanges de vues là-dessus pour essayer - il y a sûrement un moyen - de trouver une solution à cela. Par contre, j'ai vraiment un souci de protéger aussi la valeur de la maison d'édition quand elle n'est pas en situation de faillite. Donc, quand elle est en situation de croissance ou, éventuellement, de difficulté - cela arrive à toute entreprise - les autres solutions qui sont là lui sont aussi nécessaires.

Mme Bacon: Je m'excuse parce que le temps file et je dois laisser la parole au député de Saint-Jacques qui est anxieux de l'utiliser. On va revenir à l'article 43 et j'aimerais dire qu'il ne s'applique que dans le cas où il y a une entente collective de négociée et agréée par une association. Je ne comprends pas comment cela pourrait avoir un effet dissuasif dans le cas de l'article 43. Est-ce que l'Association des éditeurs canadiens pourrait être amenée à conclure une entente sans que ses membres soient d'accord?

Mme Levert: II y a beaucoup de difficultés là-dedans. L'association aurait du mal à conclure une entente sans que ses membres ne soient d'accord. C'est aussi vrai que de dire que l'association aurait du mal à conclure une entente qui engagerait tous ses membres individuellement, y compris ceux qui veulent et ceux qui ne veulent pas, parce que, |usqu'à maintenant, l'association ne s'est jamais définie, d'une part, comme obligeant ses membres à faire quelque chose qu'ils ne voudraient pas. D'autre part - je l'ai dit et on l'a écrit - compte tenu de ce qu'inspire la coexistence des articles 28, 41, 42, tout cela mis ensemble fait peser sur l'association une pression que l'on peut dire lourde et les membres peuvent regarder cela en se disant: Que va-t-il arriver? Si, vraiment, l'ensemble des éditeurs craint les effets des articles 28, 41 et 42, s'ils ne font pas partie de l'association, ils savent que l'association ne les entraînera pas, dans un effort de globalité, à quelque chose qu'individuellement Us ne veulent pas. En ce sens-là, cela présente une difficulté et les membres se disent: Au fond, si on n'était pas dedans, on ne prendrait pas le risque qu'un jour on nous embarque dans quelque chose que, mol, comme entrepreneur individuel, |e ne souhaite pas et n'ai pas souhaité. Môme si je quittais l'association, je serais encore lié. (10 h 45)

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme la ministre M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Mme la Présidente, vous me permettrez de souligner l'arrivée de mon collègue, le député de Mercier, ancien ministre de la Culture, à la fois éditeur et auteur. Donc, j'espère que ça va nous éclairer dans le débat. Mme Levert, je pense qu'il y a quand même un certain malaise qui se dégage et ce serait une fuite en avant de tenter de le nier. Vos collègues, autant de l'estampe que de la sculpture, sont venus nous dire hier que ce projet de loi est bon, qu'il y a bonification à souhaiter, mais on le veut, on en a besoin.

Par contre, il y a déjà eu des intervenants du monde littéraire, notamment, vos collègues du Playwright Workshop de Montréal, qui sont des dramaturges, qui, eux, se disaient: On appartient à qui, à quoi? Est-ce qu'on est à 90 ou 78, en termes de projet de loi? Donc, il semble y avoir... On a fait une image... Certains ont fait une image en disant que ce projet de loi était sur mesure. Mais, là, il y en a qui semblent dire que les manches sont trop courtes ou que la jambe de pantalon est peut-être un peu trop longue, si je veux faire une caricature, un portrait en charge, qui est une forme grammaticale connue dans notre langue.

J'aurais trois questions précises à vous poser, parce que vous ne semblez pas effectivement... J'ai un peu l'impression que vous êtes en train de dire: On est bien d'accord avec le projet de loi 78, mais il faudrait peut être un projet de loi 79 pour nous tout seuls, compte tenu vraiment des particularités très vastes et Immenses qui existent dans notre domaine.

Pour ce qui est du contrat individuel artiste-diffuseur, est-ce que vous estimez que ça va assez loin ou si ça va trop loin dans votre cas?

Mme Levert: Pourriez-vous reformuler votre question? Il me semble qu'il y en avait deux. J'ai dû me perdre quelque part, je m'excuse.

M. Boulerice: Pour ce qui est des contrats individuels, c'est à la section I, contrats entre artistes et diffuseurs. Est-ce que vous trouvez que ça va trop loin ou pas assez loin? Vous vous situez comment face au contrat individuel?

Mme Levert: Dans notre mémoire, on fait un certain nombre de recommandations par rapport à des articles qu'on retrouve là. Je pense qu'il est aussi précis qu'on ait pu le faire, compte tenu du temps qui nous a été donné. Mais je pense que les recommandations qu'on fait

répondent à cette question. Maintenant, entre autres recommandations, à l'article 37, par exemple, on dit qu'il faudrait peut-être revoir la formulation vu que l'article 37 parle des perceptions, ce qui voudrait dire... On sent et on croit que la volonté du projet de loi n'est pas cela. Ce que voudrait dire le terme "perception" par rapport aux éditeurs, c'est qu'il faudrait montrer aux auteurs tout le contenu de nos livres comptables. Dans l'édition, il serait plus approprié de parler de redevances dues à l'auteur ou des sommes dues à l'auteur, plutôt que des perceptions, plutôt que ce que l'éditeur perçoit.

Dans le même esprit, on parle aussi du terme "périodicité", à l'article 30, 6°, "selon laquelle le diffuseur rend compte à l'artiste des opérations relatives à toute oeuvre visée par le contrat. " Cette périodicité revient aussi à l'article 37, dans les deux dernières lignes: "II doit, selon une périodicité convenue entre les parties d'au plus un an, rendre compte par écrit à l'artiste de ses perceptions. "

On fait remarquer qu'à ces deux endroits on ne reconnaît pas le droit de rétribuer l'artiste par forfait et on demande que ce droit soit reconnu dans le texte de ces articles. Le reste de nos recommandations, donc, touchent ça et vous pouvez apprécier, à partir de là, l'Interprétation qu'on en a faite.

Mme Creary: Je voudrais juste donner un exemple de paiement forfaitaire en édition. Dans notre cas, à la Courte Échelle, on fait des romans pour les jeunes entre sept et douze ans. Nous engageons les services d'un illustrateur ou d'une illustratrice pour faire une couverture, supposons. Nous ne payons pas nécessairement un droit d'auteur sur les ventes de ce roman, nous payons un montant forfaitaire pour avoir fait l'illustration de la couverture. Cette loi-ci, à l'article 30, ne nous permettrait pas de payer un montant forfaitaire, si je comprends bien, parce qu'on doit rendre compte à l'artiste - l'artiste est un illustrateur aussi - des opérations relatives à toute oeuvre visée par le contrat, et ça serait visé. Ensuite, à la fin de l'article 37, c'est la même chose. En fait, c'est un montant forfaitaire. Vous nous doublez le travail, et ce n'est pas nécessaire, ni pour nous, ni pour l'artiste concerné. Alors, on souhaiterait qu'il y ait une exception quand il y a des montants forfaitaires de payés. Merci.

Mme Levert: Puisqu'on est toujours dans ces articles-là, je voudrais juste... Je sais que le vocabulaire de "redevances" et tout cela n'est pas toujours utilisé dans tous les secteurs. Ce que je voulais bien dire tout à l'heure, c'est que ce n'est pas qu'on ne veuille pas donner accès à nos perceptions, c'est-à-dire à ce qui est Inscrit dans nos livres, aux auteurs. Ils peuvent venir les voir. Ce qu'on dit, c'est que quand on envoie périodiquement ce qui est pour nous le rapport des droits d'auteur on ne veut pas être obligé d'envoyer une copie de tout ce qui est inscrit dans nos livres. Par ailleurs, nos livres sont accessibles à l'auteur. Ce qu'on veut lui envoyer, c'est un rapport périodique de ses redevances ou des sommes qui lui sont dues. C'est probablement juste une ambiguïté de vocabulaire qu'il serait peut-être sage, par contre, d'arranger.

Mme Bacon: Vous permettez. Il y a peut-être une reformulation à faire là-dedans. Je veux juste enlever les craintes parce que je sais que vous allez en entretenir quelques-unes. Alors, pour ce qui est du forfaitaire, je pense qu'on en a pris bonne note. Quant à cette crainte, il y a une reformulation à faire et cela nous a été mentionné.

Mme Levert: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Je préfère formuler que reformuler.

Mme Bacon: Vous n'avez jamais formulé quand vous avez été là.

M. Boulerice: Pauvre vous! Ne soyons pas vinaigre ce matin, soyons dans le domaine de la littérature. Pour ce qui est, Mme Levert, des articles 41 et 42, qu'est-ce que vous souhaitez exactement? Une exclusion pour ce qui est de votre domaine ou bien des amendements très précis qui les rendraient acceptables?

Mme Levert: Dans la logique de ce qu'on a présenté, on veut que la valeur du contrat individuel, que la valeur de la cession de droit qui est faite à l'auteur ne soit pas compromise. Si cette valeur peut être compromise, d'abord, par l'article 28 et, ensuite, par l'entente collective, c'est sûr que cela nous pose un problème. On trouve aussi très déséquilibrée cette intervention-là alors que, par ailleurs, les pratiques sur les conditions minimales qu'on exerce sont convenables et sont déjà ce que donne l'édition. On invoque que c'est mettre une pression indue et disproportionnée sur l'édition que de lui faire porter les articles 41, 42 et 28. Si mes collègues veulent préciser...

Mme Creary: Ce que j'ai entendu par d'autres éditeurs sur la portée de ces articles, c'est qu'ils ne donneraient pas un mandat à notre association de faire une entente collective, de la signer. Si jamais l'association des éditeurs s'en allait dans le sens de signer une entente collective avec laquelle Ils ne sont pas d'accord, ils ne seraient plus membres, tout simplement. Alors, cela a un effet direct sur l'association qui est, pour nous, une association libre jusqu'à maintenant; on peut faire partie de l'association ou non, sans l'obligation d'être tenus à des

ententes collectives. On a déjà fait l'expérience, à l'AEC, l'Association des éditeurs canadiens, d'un contrat de droits d'auteur proposé par l'UNEQ, II y a plusieurs années, et on est tout à fait d'accord avec cela, sauf qu'on n'est pas obligé à cela. C'est ce que j'entends de nos membres; Us disent qu'ils ne feraient plus partie de l'association si on s'en allait vers une entente collective.

M. Boulerice: Finalement, si je vous décode, vous vouiez être exclus des articles 41 et 42. C'est cela?

Des voix: Oui.

M. Boulerice: Vous dites à la page 25 que vous respectez les conditions minimales. Est-ce que vous pourriez expliciter?

Mme Le vert: J'espère qu'on a le temps. Mme Tremblay.

Mme Tremblay: Quand nous disons que nous respectons les conditions minimales d'édition, nous voulons dire que nous avons de la diffusion, nous voulons dire que nous avons des contrats avec les auteurs, que ces contrats précisent quels sont les droits qui sont cédés, qu'est-ce qu'on peut faire avec, quel est le mode de rétribution ou de redevances qu'on donne à l'auteur, quand rend-on des comptes à l'auteur. On a même une clause dont on ne sait pas si elle est conforme à la Loi sur les faillites, mais qui dit ce qui va se passer s'il advient une faillite. Donc, nous les avons déjà, mais nous les avons dans des contrats individuels. Ce dans quoi nous ne voulons pas embarquer, ce sont des mécanismes de négociations collectives.

M. Boulerice: Vous avez tous un contrat minimal?

Mme Tremblay: Pratiquement toutes les maisons ont un contrat d'édition.

M. Boulerice: D'accord.

Mme Levert: La Loi concernant le droit d'auteur exige qu'on ait chacun un contrat.

Mme Tremblay: On n'a peut être pas tous un contrat écrit avec chaque illustrateur qui vient faire chez nous une couverture. On s'entend sur un montant X. C'est une opération qui dure environ une semaine. Il nous redonne son produit. On paie et... Mais les contrats d'édition, donc les contrats qui portent sur l'oeuvre littéraire elle-même, nous y sommes obligés par la Loi concernant le droit d'auteur.

M. Boulerice: D'accord.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Mercier.

M. Godin: Merci, Mme la Présidente. M. Tisseyre, bonjour. C'est un ex-collègue. Bienvenue au Parlement de Québec. Je pense que ce qui m'Importe de savoir, c'est si les contrats de l'UNEQ sont acceptés par tout éditeur comme étant la base d'une négociation personnelle actuellement par les gens de votre association. Est-ce que le contrat type de l'UNEQ est la base de tous les contrats individuels entre éditeur et auteur?

Mme Tremblay: Non.

M. Godin: Pas systématiquement.

Mme Tremblay: Non, pas systématiquement parce que.. À moins qu'il n'ait changé, le contrat de l'UNEQ que j'ai étudié prévoit une limitation dans le temps pour la cession des droits d'auteur et c'est une clause que je ne pratique pas dans mon contrat.

M. Godin: D'accord.

Mme Tremblay: Sauf que ce qui est prévu dans mon contrat, c'est qu'il y a quelque chose relativement au temps. On fait la cession des droits selon la convention de Berne. Lorsque l'auteur le signe, il sait cela. Comme individu, il fait un acte responsable de signer cela.

La Présidente (Mme Bélanger): Cela va, M. le député de Mercier?

M. Godin: Oui.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Cela va Je vous remercie, Mme la présidente.

Mme Bacon: Je voudrais peut-être Juste corriger une chose. Je vais revenir à l'article 41, quand on dit: "Une association reconnue et un diffuseur ou une association de diffuseurs peuvent négocier". Si l'association de diffuseurs ne veut pas négocier, l'association reconnue comme telle peut négocier avec un diffuseur individuellement. Ce n'est pas nécessaire que ce soit une négociation collective. Cela peut être une négociation Individuelle.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme la ministre. Alors, nous remercions l'Association des éditeurs canadiens pour sa participation. Je demanderais à l'Association professionnelle des galeries d'art du Canada de bien vouloir s'approcher à la table.

Une voix: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Nous allons suspendre pour quelques Instants.

(Suspension de la séance à 11 heures)

(Reprise à 11 h 9)

La Présidente (Mme Bélanger): La commission reprend ses travaux. Nous recevons l'Association professionnelle des galeries d'art du Canada. M. Jean-Pierre Valentin, vous avez vingt minutes pour exposer votre mémoire et une discussion entre les groupes parlementaires suivra par la suite. M. Valentin.

Association professionnelle des galeries d'art du Canada

M. Valentin (Jean-Pierre): Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour. Je représente ici l'Association professionnelle des galeries d'art du Canada qui a été créée à Montréal en 1966 et qui regroupe actuellement 58 galeries membres dans tout le Canada, dont 10 au Québec. C'est une association qui a établi, au cours des années, un code de déontologie dont vous avez eu une copie dans le mémoire que nous avons remis aujourd'hui. Elle a développé un programme très rigoureux pour l'adhésion des galeries commerciales membres. Il est actuellement extrêmement difficile de devenir membre de cette association parce qu'elle a un code d'éthique très très serré et elle demande aux galeries qui veulent faire partie de cette association de nombreux critères de sélection.

L'association aimerait, évidemment, féliciter le Québec pour son rôle de leader en reconnaissant l'importance des créateurs individuels, c'est vraiment remarquable. Cependant, nous aimerions, bien entendu, faire quelques commentaires aujourd'hui sur le projet de loi 78.

Les artistes que nous représentons, en tant que distributeurs, sont des individus qui, par définition, par leur travail, sont des créateurs indépendants. Les galeries, également, sont toutes indépendantes les unes des autres. Un artiste ne fait pas forcément partie d'une troupe ou d'un orchestre, d'un syndicat, etc. Le choix de l'artiste de faire partie d'une association est laissé à lui-même, de même que le choix d'une galerie ou d'un distributeur est laissé pour qu'il fasse partie d'une association ou distributeur.

En révisant le projet de loi 78, il y a une clause dérogatoire stipulant que, bien que les artistes soient reconnus comme indépendants, leurs droits et obligations dans les activités professionnelles peuvent être administrés par une association qui travaillera pour le bien collectif de tous les artistes. Nous pensons que l'indépendance de l'artiste individuel peut être compromise par ce projet qui est conçu pour protéger ces droits. il est aussi apparent que les droits Individuels pourraient être abandonnés à l'association.

J'aimerais également commenter le terme de "distributeur". PADAC reconnaît le bien-fondé de l'utilisation de ce mot. Cependant, il existe une connotation péjorative au mot "distributeur*. La profession de marchand d'art est très complexe. Comme Je le disais tout à l'heure, chaque galerie est individuelle. Chaque galerie a une façon de procéder qui est différente de l'autre. Nous croyons qu'il s'agit là d'une philosophie dans un domaine très particulier. Nous craignons qu'un distributeur ne soit - comment pourrais-je dire - classifié. Il y a tellement de façons de distribuer les oeuvres d'art que j'ai l'impression qu'on n'a pas couvert toutes les façons de distribuer ces oeuvres.

Lorsque nous avons fait ce mémoire, nous avons essayé de nous renseigner auprès de nos confrères, auprès des artistes que nous représentons, pour savoir quelle est leur sentiment vis-à-vis de ce projet de loi. Actuellement, il n'existe pratiquement pas de contrat avec les artistes qui sont représentés par les distributeurs. Dans certains cas, le contrat peut exister pour des événements particuliers, mais la plupart des artistes que nous avons interrogés et que nous représentons ne sont pas en faveur d'un contrat, quel qu'il soit. De même, de nombreux artistes ne voudraient jamais faire partie d'une association qui les représenterait et qui pourrait décider à leur place de l'orientation de leur carrière.

Il est très difficile de formuler une définition pour le statut professionnel d'un artiste. Nous avons extrêmement peur que cette définition n'inclue pas tout le monde, que la définition soit trop exclusive pour ne pas être inclusive. Nous avons peur que de jeunes artistes, de nouveaux artistes ou des personnes plus âgées qui se remettent à créer, absents pendant de nombreuses années peut-être du domaine de l'art, soient exclus de cette définition. Nous avons peur que des gens qui travaillent dans des domaines très avant-gardistes soient également exclus de cette définition. Nous nous référons ici à la loi de l'Impôt sur le revenu qui ne définit pas, par exemple, le fermier, mais l'activité de faire un travail à la ferme. Nous croyons que le bulletin d'interprétation 504 de Revenu Canada, dont nous avons joint une copie ici, devrait être la base de référence pour la définition de l'artiste.

Nous aimerions aussi vous rappeler que les contrats passés entre l'artiste et le marchand d'art sont préparés, lorsqu'ils existent, pour faire face à des besoins spécifiques des deux parties. Nous pensons que chaque accord devrait inclure les termes suivants: la durée de l'accord, la représentation exclusive respectant la géographie et le genre de travail, le droit d'auteur, la commission, la publicité, les publications, l'exposition, les comptes, les coûts de transport, l'encadrement, l'assurance, la sécurité, etc.

Puisqu'une association comme la nôtre ne peut que suggérer des modèles de contrat et les

proposer aux distributeurs, nous pensons que l'association, dans un tel cas, peut assister peut-être dans la rédaction de tels contrats. PAOAC a accumulé, au cours des années, une expertise extraordinaire dans tous les domaines concernant l'art. Nous sommes prêts à partager ces expertises et à aider à affirmer le statut professionnel des artistes, mais aussi celui des distributeurs.

Nous pensons que les membres de l'association ont une position unique et qu'ils sont partenaires dans la communauté culturelle car ils ont développé des relations symbiotiques avec les artistes. Ils sont également engagés dans une entreprise privée qui doit être viable. Le succès d'une galerie dépend grandement des sortes d'accords qu'elle a développés avec l'artiste qu'elle représente. Les galeries sont conscientes de l'Importance que les accords ont dans le cours normal des affaires. Nous apprécions l'intention du gouvernement de nous assister pour affirmer le statut professionnel des artistes visuels. Cependant, le désir du gouvernement de ne pas interférer avec la poursuite d'entreprises privées est pour nous un point extrêmement important. Nous devons arriver à un équilibre dans nos accords avec les artistes que nous représentons. Nous suggérons que l'association dirigeante n'ait pas le pouvoir d'imposer les termes des contrats aux individus, mais plutôt de montrer aux deux parties un accord équitable et raisonnable qui permet aux deux parties la liberté d'exercer leurs responsabilités légales, financières, morales et fiduciaires dans l'harmonie et la collaboration.

Nous demandons également une clarification. Nous aimerions savoir à qui la législation s'appliquera-t-eile? Il y a des situations où il apparaît que les intentions du gouvernement ne sont pas clairement manifestées dans la législation actuelle. Est-ce que, par exemple, la législation s'appliquera aux artistes québécois au Québec seulement, ou à tous les artistes engagés dans une activité artistique au Québec? Une telle clarification affecterait le langage du contrat, en particulier pour les artistes de l'extérieur de la province. De quelle façon cette législation s'appliquera-t-elle aux propriétés des artistes? De quelle façon cette législation s'appliquera-t-elle aux artistes qui ne sont pas affiliés à une association particulière? Quelle serait la juridiction du contrat, si les termes du contrat tiennent compte d'une législation fédérale, comme le droit d'auteur?

Je ne veux pas continuer à lire tout le mémoire que je vous ai déposé. J'aimerais surtout que vous me posiez des questions. Je pense que c'est ainsi qu'on pourra plus avancer. Merci

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Mme la ministre.

Mnw Bacon: Merci. M. Valentin. Je dois vous féliciter de votre mémoire et, en même temps, vous dire combien j'ai été impressionnée en lisant le code d'éthique et aussi les conditions d'adhésion à votre association. Je pense que ces conditions et ce code traduisent très bien un grand professionnalisme et cela constitue aussi une garantie du sérieux et de la qualité de vos membres sur le marché de l'art. C'est important, et pour votre association et pour l'art en général.

L'un des buts de votre organisme est le développement de la carrière des artistes. Est-ce que vous croyez que la loi 78 peut vous aider dans le sens de développer une carrière artistique?

M. Valentin: Peut-être que je pourrais vous répondre par un exemple. La plupart des galeries que je connais ont développé un rapport avec les artistes qu'elles représentent qui est un rapport non contractuel, mais d'entente cordiale. Au fur et mesure que la carrière de l'artiste évolue, les conditions changent. Nous essayons d'exposer des artistes, de les distribuer, de les représenter non seulement dans l'endroit où se situe notre galerie, mais également à l'extérieur. Au fur et à mesure que le temps passe, l'artiste devient de plus en plus connu, règle générale. Les conditions de distribution changent, il faut s'adapter à de nouveaux marchés. Il faut s'adapter à de nouvelles difficultés. C'est là où la galerie intervient en tant qu'organisme très souple pour agir en accord avec l'artiste et non pas Imposer à l'artiste une façon de voir. Je crois que, dans presque tous les cas, c'est presque toujours un accord entre les deux parties qui est très simple, parce que, justement, il peut évoluer sans arrêt. Je ne sais pas si je réponds à votre question de cette façon?

Mme Bacon: J'aimerais vous demander: Est-ce que vous sentez que l'artiste est bien protégé par des accords verbaux?

M. Valentin: En termes de loi, je pense que oui. Parce qu'un accord, un contrat oral a autant de valeur qu'un contrat écrit, mais il est évident que certains faits qui existent ne protègent pas l'artiste à l'heure actuelle. Nous avons parlé, ici, de distributeurs, mais on n'Inclut pas forcément tous les distributeurs. C'est ce qui nous inquiète également. Nous parlons de galeries d'art. Nous parions de certaines galeries d'art. Nous ne parions pas forcément, par exemple, de courtiers en art. Nous ne parions pas de restaurants qui font des expositions d'art. Nous ne parions pas de particuliers, peut-être même, qui font de la distribution d'art, et cela existe. Si on inclut un distributeur, on devrait peut-être inclure tous les distributeurs. À ce moment-là, on crée une sorte de travail supplémentaire de tension sur les plus grands distributeurs existants et on ne pense pas aux autres qui représentent pratiquement 70 % du marché. Les distributeurs connus ne représentent qu'environ 30 % du marché. C'est presque incroyable, mais c'est vrai. Alors, c'est un petit peu ta crainte que nous avons, que nous soyons

les seuls distributeurs à avoir la responsabilité de la loi.

Mme Bacon: Vous voyez dans la loi, M. Valentin, à l'article 3 le terme "diffuseur" et l'explication qu'on donne du terme "diffuseur". On dit: "toute personne ou société qui opère, à des fins lucratives ou non, une entreprise en vue de la vente, du prêt, de la location, de l'échange... " Vous parlez du restaurateur, pour donner un exemple, c'est à des fins lucratives aussi. S'il a des peintures, des oeuvres, des sculptures dans son restaurant qui sont à vendre, cela doit sûrement être lucratif pour lui aussi. Il devient un diffuseur, II est compris là-dedans. Alors, le terme "diffuseur" est très large dans le projet de loi et l'éventail est beaucoup plus grand, je pense, que vous ne l'imaginiez. Vous dites, dans votre mémoire, que pour qu'un accord soit considéré comme équitable et raisonnable les obligations et les responsabilités des deux parties doivent être clairement stipulées et respectées. Quelles devraient être, selon vous, ces obligations que la loi devrait préciser pour les artistes?

M. Valentin: Je vais vous donner un autre exemple. Lorsqu'une galerie passe un contrat d'exclusivité avec un artiste qu'elle va représenter pour les années futures, la loi demande à la galerie, au distributeur, de donner à cet artiste un inventaire continuel des oeuvres qui sont en stock dans la galerie, chez le distributeur, et de lui dire, où sont les paiements, quand ils sont dus, qui a acheté quoi et quand l'artiste va être payé. Nous estimons que, dans ce cas-là, il serait peut-être bon aussi que l'artiste nous donne un inventaire de ce qu'il a dans son atelier afin que nous sachions quelles sont les oeuvres qui sont disponibles pour pouvoir les distribuer dans l'avenir. Il faudrait que la loi marche dans les deux sens. Pourquoi serions-nous obligés de garantir certaines choses à un artiste qui est représenté par nous et que l'artiste qui est représenté n'aurait pas les mêmes obligations que nous de fournir cet inventaire, à savoir où il en est dans sa production, où il en est dans les oeuvres qui sont disponibles? C'est relativement important.

Mme Bacon: Est-ce que vous verriez cela seulement dans le cas où la galerie a une exclusivité par rapport à cet artiste?

M. Valentin: Je pense que oui. La notion d'exclusivité dans le domaine des oeuvres d'art est très diverse. Il peut y avoir une exclusivité territoriale limitée à une ville ou à une province. Il peut y avoir une exclusivité limitée à un pays ou il peut y avoir une exclusivité totale. C'est certain que, lorsqu'on parle de distribution, on pense, je crois, en premier lieu à un fait qui existe dans ce domaine qui est la consignation d'oeuvres à un distributeur qui va les revendre, qui n'achète pas l'oeuvre, donc, qui n'en n'est pas propriétaire, à qui un territoire a été donné pour diffuser les oeuvres. À partir du moment où un distributeur achète les oeuvres, il s'agit tout à fait d'une autre chose. À ce moment-là, la notion d'exclusivité de distribution n'est pas la même puisqu'il devient propriétaire de l'oeuvre et peut pratiquement en faire ce qu'il veut, en respectant évidemment les droits d'auteur, par exemple.

Mme Bacon: Vous dites que l'association que vous représentez est prête à collaborer avec une association d'artistes pour établir des contrats types. J'aimerais que vous nous expliquiez comment vous pouvez envisager cette collaboration de votre association avec les artistes, par exemple De quelle façon... (11 h 30)

M. Valentin: Nous avons, dans le passé, eu des contacts avec des associations d'artistes ainsi que le font les artistes canadiens, par exemple. Nous siégons au conseil d'administration de la CCA. Nous avons, par le passé, travaillé énormément à des lois comme la révision de la Loi concernant le droit d'auteur. Nous avons travaillé également à des projets pour la diffusion, sur le marché international, de l'art canadien et ce, à tous les niveaux de gouvernement: municipal, provincial et fédéral. Nous avons vraiment une expertise dans ce domaine qui est très grande. Nous avons également à notre disposition plusieurs personnes qui travaillent à temps plein pour cette association et qui peuvent faire pour nous des recherches dans tous les domaines où nous sommes intéressés et qui peuvent être en contact continuel avec des marchands dans tout le Canada pour avoir un peu une vision d'ensemble de ce qui se passe et non pas se limiter Juste à quelques endroits. Dans ce sens-là, je pense qu'on peut faire quelque chose.

Mme Bacon: Aux pages 3 et 4 de votre mémoire, si on revient à la définition de l'artiste professionnel, par exemple, vous parlez des dangers qui sont inhérents à formuler une définition appropriée de l'artiste professionnel. Est-ce que vous croyez que la définition proposée par la loi est suffisamment souple pour reconnaître les développements nouveaux? Les innovations dans la profession artistique semblent vous préoccuper un peu. Est-ce que vous avez d'autres propositions à faire ou si la définition que nous en faisons dans la loi est suffisante?

M. Valentin: Je pense que la définition que vous en faites est un tout petit peu restrictive. Comme je le disais tout à l'heure, le problème est de déterminer qui est vraiment un artiste professionnel, ce qui est extrêmement difficile parce que de nombreux artistes qui sont des artistes professionnels dans le sens de la création ne le sont pas forcément dans le sens de la rémunération qu'ils ont par leurs oeuvres d'art.

Je m'explique. Il y a beaucoup d'artistes que je connais, qui sont des créateurs extraordinaires, qui ne peuvent pas se permettre de vivre de la vente de leurs oeuvres d'art et qui doivent avoir, à côté de cette activité, une autre activité qui va leur permettre de vivre. Alors, j'ai un tout petit peu peur que certaines personnes, comme je le disais tout à l'heure, qui font, par exemple, des recherches dans des domaines très innovateurs ne soient pas reconnues comme des artistes professionnels même si ce qu'elles font est extrêmement Intéressant pour l'avenir et qu'on ne sait pas encore ce que cela va donner. Je pense, par exemple, à un domaine comme le vidéo d'art. Il y a des gens qui oeuvrent dans ce domaine et qui ne vivent pas forcément de cette activité seulement. C'est surtout cela qui m'inquiète.

Mme Bacon: Est-ce que l'article 7 peut vous satisfaire quand on dit: "L'artiste membre d'une association reconnue en application de l'article 9 est présumé artiste professionnel. " Sil est reconnu par son association, je pense qu'il faut quand même faire confiance aux associations.

M. Valentin: Alors pas du tout. Je dis; Mais alors, vraiment pas du tout parce que je dois dire que, personnellement, je représente une vingtaine d'artistes. Aucun artiste que je représente ne fait partie d'une association professionnelle. Encore hier, ici à Québec, j'ai posé la question à plusieurs artistes que je représente et ils sont absolument opposés à s'associer avec qui que ce soit pour être représentés par qui que ce sort.

Mme Bacon: C'est un Individualisme créateur.

M. Valentin: Oui. Mais ce sont des artistes connus et reconnus. Ce sont vraiment des artistes professionnels qui sont représentés par la plupart de nos musées et qui sont exposés dans les plus grands endroits.

Mme Bacon: Ils sont quand même protégés par l'article 8 qui dit: "L'artiste professionnel a la liberté d'adhérer à une association, de participer à la formation d'une telle association, à ses activités et à son administration "

La loi précise que le diffuseur doit posséder un contrat écrit pour que ce contrat soit valable. Est-ce que cette disposition est de nature à améliorer, selon vous, les relations entre l'artiste et le directeur de la galerie, par exemple?

M. Valentin: Là non plus, je ne le crois pas du tout. Je crois qu'il y a même un risque que certains diffuseurs importants, tout simplement, ne veuillent pas continuer à représenter des artistes vivants et ne se limitent qu'à la vente ou à la revente d'oeuvres déjà créées par le passé par des créateurs, c'est-à-dire à la deuxiè- me vente, parce que la contrainte pourrait être trop fastidieuse. Maintenant, je ne dis pas que c'est une généralité, attention, mais j'ai eu cette réaction de plusieurs membres de notre association.

Là encore, c'est une question de tradition dans ce domaine là, comme je le disais tout à l'heure. Il y a des ententes et des contrats qui existent, c'est certain, mais il semble que l'imposition d'un contrat puisse déchaîner un petit peu les foudres des esprits les plus conservateurs peut être dans ce domaine.

Mme Bacon: II m'apparaît quand même évident que plus un artiste est connu, plus il est un vendeur, plus ses rapports avec un diffuseur ont des chances d'être définis clairement et surtout négociés avec équité. Mais quand on parle des artistes de la relève - il y a des gens qui n'aiment pas ce terme, mais je pense que c'est le terme par lequel on s'assure de bien reconnaître les jeunes, les plus jeunes; cela peut aller jusqu'à 35 ans quand même - est-ce que vous ne convenez pas que le rapport de négociation avec un artiste de la relève aurait des chances d'être plus équitable avec certaines balises légales? Ce n'est pas un vendeur parce qu'il vient de débuter, ce n'est un artiste connu parce qu'il commence.. Est-ce qu'à ce moment là il n'a pas besoin d'avoir des balises légales pour le protéger davantage?

M. Valentin: Dans un certain sens, oui, parce que, malheureusement, comme je l'ai toujours dit, l'artiste est un créateur et ce n'est pas un vendeur C'est le rôle du diffuseur, finalement, de diffuser et c'est le rôle de l'artiste de créer. En fait, je crois qu'une galerie d'art, qu'un diffuseur justifie sa présence par le rôle d'aide qu'il apporte à l'artiste pour diffuser son oeuvre. C'est sûr que la loi peut aider beaucoup à protéger les droits de l'artiste et nous sommes absolument en faveur de cela. Par contre, tout à l'heure, c'est pour cela que je pariais des différentes sortes de distributeurs qu'il peut y avoir partout. Je crois qu'il y a certains aspects de la loi qui devraient permettre la protection d'un artiste qui consigne des oeuvres à un diffuseur. Par exemple, s'il y a une faillite, les oeuvres de cet artiste ne devraient pas être saisies par le propriétaire du bail du diffuseur. Cela serait très important que ce soit Inscrit quelque part dans la loi. Dans ce sens-là, oui.

Mme Bacon: J'aimerais juste apporter une réponse très rapidement, parce que je sais que mon temps doit être épuisé, n'est-ce pas? C'est le député de Saint-Jacques qui a posé ces questions. Cela répond rapidement, encore une fois, à ce que vous disiez tantôt, quitte à y revenir par la suite. Je dois dire que tous les artistes qui sont au Québec, qu'ils viennent d'ailleurs ou qu'ils soient du Québec, sont

considérés sur un même pied, sans discrimination, par cette loi, alors qu'ils soient de l'étranger ou d'ici.

La Présidente (Mme Bélanger): II vous reste encore sept minutes, Mme la ministre.

Mme Bacon: Encore? Je vais continuer. Merci beaucoup.

La préoccupation que vous mentionniez tout à l'heure, vous pouvez peut-être la retrouver à l'article 40 pour la saisie. On dit: Toute oeuvre visée par un contrat de dépôt, de consignation ou tout contrat de même nature liant un artiste et un diffuseur et se trouvant sur les lieux loués par ce dernier est présumée s'y trouver provisoirement. " Cela répond, je pense, aux préoccupations que vous aviez.

Nous allons continuer, si vous le voulez bien. Comme nous voulons tenir une consultation, évidemment, pour entendre les associations, j'aimerais que vous nous indiquiez comment nous pourrions clarifier le chapitre III, puisqu'il nous semble que les intentions que nous avions n'apparaissent pas clairement dans ce chapitre, "Contrats entre artistes et diffuseurs". SI on revenait à cela. Est-ce qu'il y a, selon vous, des articles dans le chapitre III qui font vraiment un empêchement à ces bonnes relations entre les artistes et les diffuseurs?

M. Valentin: La crainte principale que nous avions était de savoir à qui exactement - vous avez répondu en partie à cette question tout à l'heure - s'applique la loi. Là encore, j'ai posé la question à plusieurs diffuseurs à Montréal qui exposent les oeuvres d'artistes venant de tous azimuts, vraiment, des artistes venant du reste du Canada, des États-Unis et d'Europe. La grande question était que la plupart de ces artistes ne veulent pas avoir de contrat, semble-t-il, et pourraient tout simplement annuler des expositions prévues ou des activités prévues si on leur imposait un contrat. C'était vraiment la crainte des diffuseurs.

Mme Bacon: J'aimerais peut-être ajouter ici que l'artiste étranger reste libre de ne pas signer un contrat avec un diffuseur québécois. Il peut le signer, mais II reste libre. Il peut le faire verbalement, s'il le veut. Le diffuseur n'est pas obligé non plus de lui en faire signer un ou de l'imposer, même avec cette loi. Est-ce qu'il y a une pratique en ce moment que des artistes étrangers viennent exposer au Québec vraiment sans contrat écrit, que ce soit un contrat verbal?

M. Valentin: Je dirais que c'est à peu près moitié-moitié. Tout dépend de l'artiste concerné, vraiment.

Mme Bacon: C'est très fréquent qu'ils viennent ici... C'est moitié-moitié? C'est très fréquent qu'un artiste vienne sans accord écrit?

Vous dites que c'est la moitié?

M. Valentin: C'est assez fréquent, oui. C'est assez fréquent. Il y a une entente qui est passée, mais la plupart du temps, ce sont des ententes verbales. Sauf, évidemment, en ce qui concerne... Il y a toujours, je crois, dans 99 % des cas, une liste des oeuvres avec une liste de prix, etc. Cela, c'est évident. Une consignation existe, mais un contrat en soi, je pense que c'est très rare.

Mme Bacon: Dans votre mémoire, si on se réfère à ce moment-ci à l'article 31, vous souhaitez que les parties puissent s'acquitter de leurs obligations avant d'être en possession d'une copie de contrat. Est-ce que vous pourriez expliciter là-dessus?

M. Valentin: Ce que nous pensons, c'est que le contrat, pour être Juste, devrait ne s'appliquer qu'à partir du moment où il est en la possession des deux parties, de façon que ce soit extrêmement clair des deux côtés et que chacun sache où sont ses responsabilités. Tant que le contrat n'est pas signé, tant qu'il n'est pas en la possession des deux parties, à ce moment-là, qu'ilne s'applique pas avant d'être en possession des deux parties.

Mme Bacon: Est-ce que vous croyez que les dispositions qui sont relatives aux contrats individuels, par exemple, pourraient avoir des effets sur le marché de l'art?

M. Valentin: C'est évidemment difficile à dire mais, comme je vous le disais tout à l'heure, plusieurs choses peuvent se passer. Lorsque nous avons posé la question à différents artistes pour savoir quels étaient leur sentiment sur ces contrats et que la réaction a été vraiment très négative dans la plupart des cas, on s'est posé la question à savoir pourquoi, qu'est-ce qui pourrait se passer, effectivement. C'est sûr que, comme vous le disiez tout à l'heure, tout dépend du niveau auquel se situe l'artiste concerné. C'est évident que, s'il en est au tout début de sa carrière, il aura peut-être tendance à faire certaines choses qu'il n'aurait pas tendance à faire s'ilétait déjà beaucoup plus connu. Dans ce sens-là, la loi peut aider à créer un équilibre, c'est certain.

Mme Bacon: Je dois vous dire qu'un des buts d'une loi pareille est de créer cet équilibre, qui est nécessaire. Je ne sais pas à qui vous vous êtes adressé pour savoir s'ils étaient d'accord ou pas, mais c'étaient peut-être des bons vendeurs, des artistes connus.

M. Valentin: Pas forcément.

Mme Bacon: Ce ne sont sûrement pas des artistes de la relève. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Bacon. M. le député de Saint-Jacques. (11 h 45)

M. Boulerice: Mme la Présidente, je pense que je vais reprendre les paroles de Mme la ministre quant au code de votre association. Effectivement, il est très serré, dans le bon sens du terme. Je dois vous avouer que J'ai particulièrement apprécié la définition que vous donnez à marchand d'art. C'est un très long processus. En lisant cela, Je vois Graff, Cultart, Miche) Tétreault, Aubes. Marcel Pelletier, enfin, toutes ces galeries qui embellissent ma circonscription et qui, je pense, répondent bien à cette définition. Sauf que je vais être obligé, M. Valentin, de vous aborder d'une façon peut-être abrupte, mais amicale néanmoins et de regarder le texte que vous nous présentez. Je vois que vous dites à l'article 36: "Nous recommandons que le choix d'un arbitre soit fait selon l'accord des deux parties', alors que le projet de loi parle d'une seule partie. Donc, ma question va être... Puisqu'on a écouté vos commentaires sur le contrat, où vous avez dit non au contrat Individuel, un contrat oral, cela suffit.. Association, ils ne veulent pas être associés. Donc, voici ma question amicalement abrupte: Quels sont les articles du projet de loi avec lesquels vous êtes en accord?

M. Valentin: Nous sommes en accord avec le principe global de la loi. Il n'y a aucun doute que c'est absolument nécessaire qu'il y ait quelque chose qui soit fait. Mais, là encore, comme je l'ai dit, si l'on protège les créateurs, il faut aussi protéger les distributeurs. L'un ne va pratiquement pas sans l'autre.

M. Boulerice: Donc, vous estimez le créateur bien, assez, trop protégé et le diffuseur pas du tout protégé?

M. Valentin: Non, je n'ai pas dit cela Je crois qu'il y a cette vieille histoire du marchand d'art qui va manger l'artiste. L'un ne va pas sans l'autre. Il n'y aurait pas de galerie d'art s'il n'y avait pas d'artiste. Rares sont les artistes qui ont fait une carrière sans galerie d'art. C'est extrêmement rare. D'ailleurs, vous vous êtes peut-être déjà posé la question à savoir comment il se faisait que certaines galeries gardent un contact avec les mêmes artistes pendant des décennies entières sans qu'il y ait le moindre accrochage? C'est tout simplement parce que cela fonctionne très bien.

Mes confrères de l'Association des galeries d'art contemporain de Montréal qui vont vous voir tout à l'heure vous diront pratiquement la même chose que moi. Que l'on soit dans le domaine de l'art très actuel ou dans le domaine de l'art plus historique, le résultat est le même. La galerie a intérêt à protéger les artistes qu'elle représente et les artistes ont intérêt à rester avec la galerie qui les représente. C'est un travail commun de longue haleine.

M. Boulerice: La notion de registre, de comptes distincts...

M. Valentin: Ces registres existent déjà. Dans toutes les galeries que je connais, il y a un registre qui existe dans lequel est entrée la notion de ce qui a été vendu, ce qui est dû et quand cela est dû. Cela existe déjà. Je ne vois pas pourquoi on ferait un registre à part. Il est là, il existe. Il est demandé par la loi. On va nous demander un travail supplémentaire qui n'est pas forcément nécessaire. Nous pensons qu'actuellement l'accès au registre existe également. Je vols mal un artiste arriver dans une galerie à l'improviste pour demander à voir le registre. mais s'il prévient n'Importe quelle galerie sérieuse, les registres sont toujours ouverts C'est là où la loi est Importante, dans le sens que ceux qu'il faut protéger sont justement les distributeurs qui ne sont pas forcément très sérieux. II faut protéger les artistes qui sont avec ces distributeurs qui ne sont pas forcément très sérieux. Je crois que c'est le point principal.

M. Boulerice: Quand vous dites avec un certain humour, pour ce qui est des diffuseurs, donc, du propriétaire de la galerie d'art, que c'est le gros méchant loup, je pense que vous faites là de l'humour. Moi, je n'en al pas encore rencontré. Il se peut qu'il en existe. À l'exemple, je vais sans doute vous dire qu'Antoine Blanchette, quand il avait la galerie treize, était aussi, sinon peut-être plus passionné que certains de ses artistes. Donc, je ne pense pas qu'on puisse dire que c'était un gros méchant loup. Même rendu à la FIAC, d'ailleurs, à Paris, il faut souligner cela. Mais, là, vous dites qu'ils sont mal protégés comparativement à l'artiste comme tel. Quels seraient les points, d'après vous, qui pourraient être ajoutés pour assurer que le diffuseur ait cette protection que vous réclamez?

M. Valentin: Actuellement, ce qui se passe clairement, c'est que la plupart des diffuseurs qui font partie d'associations sérieuses comme la PADAC ou l'AGAM n'ont pas de problème. Ce qui a toujours Inquiété le milieu de l'art ce sont tous les distributeurs qui sont en bordure de la légalité, finalement. Donc, c'est certain que cette loi va permettre d'aider, dans ce sens, les créateurs qui sont représentés par ces gens-là Ce que je dis, c'est. Pourquoi donner à ceux qui sont les meilleurs, en plus, un travail supplémentaire dont ils n'ont peut-être pas besoin? De toute façon, ils font leur travail d'une façon sérieuse. C'est peut-être là où il y a un tout petit peu de difficulté. Comme je le disais aussi tout a l'heure, il faut que cela marche dans les deux sens. Non seulement il faut que cela marche pour les distributeurs, mais il faut que cela marche pour les artistes également.

M. Boulerice: M. Valentin, à l'article 33, vous dites: "Nous recommandons que "cela" - "cela" étant entre guillemets - soit clairement défini. Nous voulons nous assurer que les multiples oeuvres originales, telles que la sculpture et les gravures originales, ne puissent pas être utilisées comme "collatéral" de sécurité sans le consentement de l'artiste, en particulier, lorsque de telles oeuvres sont expédiées. " Est-ce que vous pourriez expliciter ce point-là?

M. Valentin: Oui, je vais essayer. Comme je le dis ici, ce que nous vouions assurer, ce sont les oeuvres multiples, soit que la définition inclue les oeuvres multiples telles que la gravure, l'estampe en général et la sculpture. C'est, à notre avis, très important parce que ce sont des domaines où, le nombre d'exemplaires étant multiple, il faudrait que ces oeuvres soient un peu plus spécifiées, si vous voulez.

M. Boulerice: Et votre spécification à vous serait?

M. Valentin: D'Inclure spécifiquement la notion de multiple dans la loi. La Loi sur le droit d'auteur Inclut ces oeuvres, jusqu'à un certain nombre d'exemplaires. Je pense que c'est important que ce soit couvert.

M. Boulerice: M. Valentin, au moment où vous vous êtes présenté, je ne l'ai malheureusement pas entendu, mais vous avez donné le nombre de galeries québécoises qui sont membres de votre association. Est-ce que vous pourriez répéter le nombre, s'il vous plaît?

M. Valentin: Sur 58 membres au niveau canadien, il y a seulement 10 galeries au Québec.

M. Boulerice: Est-ce vous pourriez me les nommer par coeur? Par simple curiosité.

M. Valentin: Oui. La galerie Walter Klinkhoff, la galerie L'art français, la galerie Dominion, la galerie Bernard Desroches, la galerie Mariai, la galerie Continentale, la galerie Waddington & Gorce, la galerie Lippel, la galerie Elca London et la galerie Kastel.

M. Boulerice: Cela va. Je vous remercie, monsieur.

M. Valentin: Je vous en prie.

La Présidente (Mme Bélanger): Dix sur dix, M. le député de Saint-Jacques?

M. Boulerice: Oui.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la ministre.

Mme Bacon: J'aurais peut-être une autre question pour M. Valentin. Est-ce que les pratiques générales dans vos galeries sont que les oeuvres sont... Est-ce qu'on pratique d'abord la consignation ou l'achat?

M. Valentin: Je pense que le choix est laissé à chacune des galeries membres, bien entendu, selon ses disponibilités financières. Il est évident que, pour la plupart des membres de l'association que je représente ici, du moins les membres au Québec, l'achat d'oeuvres se fait à peu près à 50 % et la consignation à peu près à 50 %. Ce que je vous dis est très général. Comme je l'ai dit, chaque galerie a des façons différentes de travailler. Il y a aussi des accords particuliers qui existent entre certains artistes et leur galerie. Dans certains cas, après une présentation de très longue durée, il peut arriver que des accords soient passés pour l'achat total de la production d'un artiste. Cela existe fréquemment.

Mme Bacon: Est-ce que vous diriez qu'une galerie moyenne a aussi ces 50 % de consignation ou si cela peut varier suivant la taille des galeries?

M. Valentin: Je crois qu'i existe de nombreuses galeries qui ne sont pas forcément des galeries qui ont un chiffre d'affaires très important, mais qui sont Intéressantes, certainement, et qui achètent la plupart des oeuvres qu'elles ont à vendre. Par contre, il est très difficile, dans certains domaines, surtout dans l'art très actuel, de prendre le risque financier d'acheter des oeuvres et de financer l'achat d'oeuvres d'artistes plus jeunes. C'est là où il y a un petit peu d'inégalité, si vous voulez, dans le sens que la galerie ne peut pas se permettre de prendre le risque financier d'acheter des oeuvres sans savoir si elle va pouvoir les vendre rapidement.

Mme Bacon: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Bacon. M. Valentin, les membres de la commission vous remercient de votre participation à cette commission et vous souhaitent un bon retour. La commission ajourne ses travaux sine die.

Une voix: Non, il y a un autre groupe. (12 heures)

La Présidente (Mme Bélanger): II y a un autre groupe? Je m'excuse. J'appelle l'Association des galeries d'art contemporain de Montréal.

À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission reprend ses travaux et nous recevons l'Association des galeries d'art contemporain de Montréal. M. Daniel, vous avez 20 minutes pour soumettre votre mémoire et suivra une discussion de 40 minutes partagées entre les deux groupes parlementaires.

Association des galeries d'art contemporain de Montréal

M. Daniel (John): Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): Pourriez vous présenter les personnes qui vous accompagnent?

M. Daniel: Oui, c'est ce que j'étais pour faire.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci.

M. Daniel: À mes côtés, Mme Lorraine Palardy, est secrétaire de l'Association des galeries d'art contemporain de Montréal et aussi directrice de la galerie Frédéric Palardy.

Mme la ministre, mesdames et messieurs les membres du Parlement, l'Association des galeries d'art contemporain de Montréal a été fondée II y a quatre ans. Il s'agit d'une association de galeries d'art contemporain du Québec à but non lucratif. Nos membres, qui sont des galeries d'art commercial québécois, sont au nombre de quatorze. Le mandat de l'association est la promotion de l'art contemporain ainsi que la protection des intérêts de l'artiste, du marchand et du client. En annexe, nous présentons un code d'éthique auquel chacune des galeries membres doit adhérer.

Par le projet de loi 78, le ministère des Affaires culturelles du Québec donne l'exemple à tous les autres organismes gouvernementaux qui auraient à jouer un rôle similaire au sein de notre société. Les différents programmes qu'il a établis, plus particulièrement ceux qui veillent à favoriser la promotion des artistes québécois de façon nationale et Internationale, sont exemplaires. L'AGAM reconnaît les besoins du projet de loi 78 et apprécie l'occasion qui lui est donnée de le commenter et de pouvoir présenter certains points à éclaircir. Le prochain point que je vais mentionner a surgi quand on a demandé les deux versions, anglaise et française, du projet de loi.

En premier lieu, nous vous Informons que les présentations du projet de loi 78 en anglais et en français ne traitent pas du sujet tout à fait dans les mêmes termes. Certains éléments du document anglais ne sont pas aussi clairement stipulés qu'ils le sont dans la version française. Étant donné que cette loi concerne des artistes provenant de différents lieux du pays, ainsi que du reste du monde et du Québec, nous recommandons qu'un grand soin soit apporté pour qu'il n'y ait pas de malentendu dans la version finale anglaise.

Nous croyons fermement que tout effort pour en arriver à une définition de l'artiste est automatiquement dangereux, s'il exclut plusieurs participants de ce champ qui ne sont pas conformes à votre définition. Par conséquent, nous recommandons qu'un consensus soit défini au moyen de consultations entre un organisme nommé pour représenter les artistes et l'AGAM et que ce consensus soit spécifié dans la loi 78. La définition serait alors suffisamment flexible pour que l'Assemblée nationale n'ait pas à siéger de nouveau poor amender la loi proposée.

En vue de clarifier le statut professionnel de l'artiste, la loi propose que tout membre d'une association d'artistes soit automatiquement présumé professionnel, tandis que ceux qui choisiront de ne pas en faire partie, pour quelque raison que ce soit, auront alors à se déclarer professionnel. Nous pensons qu'il y a là discrimination. Le "membership" au sein d'une association ne devrait pas être le critère majeur pour déterminer le professionnalisme de l'artiste En arrivant à un consensus de définition du professionnalisme, vous éviteriez la discrimination.

Tout comme l'AGAM et la PADAC, qui ont un code d'éthique dictant à chaque galerie membre la manière de fonctionner, nous suggérons que l'association d'artistes choisie ait et publie un code d'éthique d'artistes. Nous serons assurés d'une loi équitable si elle exige qu'un minimum de responsabilités de la part de chaque partie concernée soient appliquées.

À propos des contrats entre l'artiste et le diffuseur, vous imposez à toutes les parties, dans la loi proposée, une négociation par l'entremise d'un contrat. Qu'arrive-t-il si un artiste ne souhaite pas travailler sous la contrainte d'un contrat? Nous recommandons donc que ledit contrat soit préparé d'un commun accord avec l'AGAM, la PADAC, d'autres associations de marchands et d'autres associations d'artistes choisies. En négociant le contrat collectivement, vous serez assurés de résultats plus équitables et, conséquemment, plus facilement applicables pour ceux qui y adhèrent. Nous demandons que cette recommandation soit intégrée à la loi.

Nous espérons que chaque partie comprendra que les contrats les lient et que, par définition, lis présument de la part de l'artiste et du diffuseur une attitude d'affaires et de professionnalisme à laquelle ils seront obligés de se conformer. Une fois le contrat rédigé, il devrait servir de modèle pour tout contrat entre l'artiste nouvellement déclaré professionnel et le diffuseur ainsi décrit dans la loi. Nous faisons exception des éléments suivants. Les articles 21. 1 et 26. 1 entrent en conflit direct avec ce que nous percevons comme étant les responsabilités d'une galerie d'art. Nous travaillerons de bon gré avec ladite association d'artistes afin de chercher et de développer de nouveaux marchés, mais il est clair que ce domaine n'est pas que de leur ressort et que, parce que nous sommes des experts dans le champ de la diffusion de l'art et dans le développement de nouveaux marchés, nous devons être reconnus pour notre expertise dans ces champs.

L'article 28 implique que la nouvelle association puisse Imposer un contrat pour

chaque partie. Nous nous demandons si cela n'interfère pas avec toute loi qui traite de ta liberté d'action.

Le deuxième paragraphe de l'atlcle 31 devrait être ajusté afin que les parties ne soient pas liées tant que les deux parties ne sont pas en possession de la copie de leur contrat. À l'article 33, nous pensons qu'un dixième de toute édition devrait être donné à l'artiste.

Aux articles 37 à 39, la loi stipule que tout diffuseur doit tenir des livres de compte séparés pour chaque artiste et que celui-ci peut y avoir accès en tout temps. Si c'est imposé, vous créerez une comptabilité cauchemardesque pour chaque galerie. La plupart d'entre nous représentons de 20 à 30 artistes. Les galeries d'art professionnelles conservent tout ce qui concerne les activités de leurs artistes, mais afin de bien suivre la loi nous aurions à tenir des livres de compte séparés pour chaque artiste. Nous suggérons que vous amendiez la loi et que vous y indiquiez que le diffuseur doit envoyer, deux fois par an, à la demande de l'artiste, un état de compte sur ses activités et sur son Inventaire. Ainsi, l'artiste aurait accès à l'information qu'il désire connaître sur une base régulière et les diffuseurs n'auraient donc pas à passer tout le temps dans les livres de compte avec un artiste ou à lui faire des rapports.

Afin qu'il y ait équité, nous aimerions suggérer que l'artiste fournisse aussi au diffuseur un inventaire de ses oeuvres qu'il a en sa possession, également deux fois par année. Nous croyons qu'à l'article 36 le recours à l'arbitrage est une excellente façon de résoudre des problèmes. Nous demandons que cet arbitrage convienne à toutes les parties concernées. En référence à l'article 43, nous croyons qu'il faudrait l'élargir afin d'inclure toutes les parties décrites aux sections II et III.

C'est dans le meilleur intérêt de tous que la loi 78 soit équitable et juste. Nous sommes persuadés que l'Assemblée nationale fait autant preuve d'un esprit de responsabilité que les membres de l'Association des galeries d'art contemporain de Montréal. C'est dans cette optique que nous soumettons ce mémoire. Nous accueillerons tout dialogue favorisant la négociation du monde des arts d'un type professionnel et d'affaires. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Daniel. Mme la ministre.

Mme Bacon: M. Daniel, Mme Palardy, je vous remercie d'être venus nous retrouver ici pour discuter avec nous du projet de loi 78. Je vous remercie aussi de la présentation que vous venez de nous faire de votre mémoire.

Je voudrais vous féliciter quant au code de déontologie qui existe chez vous. L'Association des galeries d'art contemporain de Montréal, qui est responsable de ce comité, a vraiment fait un travail de rigueur, et je vous en félicite.

Dans votre mémoire, vous dites que vous reconnaissez le besoin de la loi 78. Je pense que, comme plusieurs, on reconnaît le besoin d'une loi, mais on veut y apporter certaines corrections. Pourriez-vous préciser davantage les aspects intéressants de la loi, d'abord, pour vos membres et pour les artistes que vous représentez?

M. Daniel: Je dirais, d'une part, que l'idée est de protéger l'artiste. Malheureusement, il y a des éléments dans tout genre d'action qui sont plus aimés et d'autres moins aimés, étant donné qu'il y a des courtiers d'art et d'autres gens qui agissent dans le monde des arts. Un homme ou une dame qui décide de devenir décorateur ou décoratrice peut aller dans un studio et prendre tant d'oeuvres de chaque artiste. Après un an, l'artiste n'entend plus parler de cette personne. Je pense que, de ce côté-là, c'est très important que cette loi existe. De cette façon, ça va nous protéger aussi car, malheureusement, on est taché, quand il y a quelque chose qui arrive dans le monde des arts qui n'est pas entièrement correct, c'est nous aussi qui sommes tachés par la même brosse, même si ce ne sont pas des galeries professionnelles qui ont peut-être eu ce problème. Je pense que cette partie nous touche en même temps que cela va protéger l'artiste. (12 h 15)

Mme Bacon: Vous dites, à la page 2 de votre mémoire, qu'une définition de l'artiste professionnel est dangereuse si elle exclut plusieurs participants. Pourriez-vous peut-être nous dire si c'est le cas de l'article 6 qui dit, et je cite: "A le statut d'artiste professionnel, le créateur du domaine des arts visuels, des métiers d'art ou de la littérature qui satisfait aux conditions suivantes: 1° il se déclare artiste professionnel; 2° il crée des oeuvres pour son propre compte; 3° ses oeuvres sont exposées, produites, etc. "

Est-ce que cette formulation que nous faisons de l'artiste qui a un statut professionnel va trop loin ou est-ce que vous voulez nous suggérer une autre formulation à l'article 6, sur la reconnaissance d'un statut professionnel?

M. Daniel: Oui, je pense que les problèmes commencent au moment où on essaie d'écrire quelque chose. On risque toujours d'éliminer certaines personnes qu'on n'a pas la volonté d'éliminer mais, par la force des choses, en écrivant ou en essayant de définir, il y a toujours des oublis.

Pour ma part, le problème qu'on voit à l'intérieur de ça, c'est que s'il n'y a pas assez de souplesse... Il y en a là-dedans, mais en disant qu'un artiste qui est membre d'une association n'a pas besoin de se déclarer professionnel tandis qu'un artiste qui n'est pas membre doit se déclarer professionnel, vous faites un peu de discrimination. Je ne sais pas exactement

comment le formuler, mais je pense qu'il y aurait une façon plus juste de le faire. Ce n'est pas en étant membre d'une association... Je sais que je ne réponds pas directement à votre question. Je pense qu'à l'article 6 les paragraphes 1, 2 et 3 pourraient couvrir presque tout ce qui pourrait arriver devant...

Mme Bacon: Oui, Je pense quand même que la dynamique doit se retrouver dans la vie même des artistes et dans leur milieu. Je ne pense pas qu'on doive s'ingérer davantage que par l'article 6.

M. Daniel: Oui.

Mme Bacon: On ne fait pas obligation d'adhérer. L'artiste garde sa liberté d'adhérer à une association, mais s'il se déclare professionnel, évidemment, les paragraphes 2 et 3...

M. Daniel: Oui, c'est vrai. Mais ce qu'on voit là, c'est que vous dites... C'est la phrase. Vous dites que l'artiste membre d'une association est automatiquement déclaré professionnel. II ne doit pas se déclarer. En devenant membre, il se déclare...

Mme Bacon: II est présumé.

M. Daniel: Oui, exactement. Tandis que les autres ne sont pas présumés professionnels tant qu'ils ne font pas une autre déclaration. Si vous disiez que tout artiste doit se déclarer professionnel, qu'il soit ou qu'il ne soit pas membre d'une association, je pense que nous retirerions notre objection à ça.

Mme Bacon: Mais c'est l'Intention de la loi. M. Daniel: C'est tout simplement en disant...

Mme Bacon: C'était l'intention de notre loi. Peut-être qu'il y a des articles qui nous échappent, mais il a la liberté d'adhérer à une association. Il se reconnaît professionnel. Il crée des oeuvres à son propre compte. Donc, il est aussi professionnel.

M. Daniel: Oui.

Mme Bacon: Je pense que ce n'est pas à l'Etat de s'Ingérer davantage.

M. Daniel: La seule chose qu'on a vue à l'intérieur de ça, c'est qu'un est présumé professionnel, d'une part, et, d'autre part, l'autre doit se déclarer. C'est ça qui fait la différence.

Mme Bacon: Oui, mais il peut être un artiste même s'il n'est pas membre d'une association.

M. Daniel: Exactement.

Mme Bacon: C'est ça.

M. Daniel: Exactement. Là, de la façon que c'est écrit, II se déclare, pour être considéré par cette loi comme professionnel...

Mme Bacon: Ou bien il crée des oeuvres pour son propre compte; à ce moment-là, il est un artiste professionnel.

M. Daniel: Oui, mais...

Mme Bacon: C'est parce qu'il faut...

M. Daniel: si cela Inclut, pourquoi avez- vous mentionné le premier?

Mme Bacon: La déclaration nous vient de l'UNESCO. Je pense qu'à ce moment-là on doit reconnaître...

M. Daniel: Ah!

Mme Bacon:.. cette façon de reconnaître l'artiste professionnel. Il a fallu en tenir compte en écrivant notre loi.

M. Daniel: Mais pourquoi présumer qu'en étant membre d'une association... Je dirais qu'ils devront être traités...

Mme Bacon: Pour faciliter la preuve qu'il est professionnel. On peut faciliter la preuve s'il se déclare membre d'une association, s'il adhère.

M. Daniel: On a toujours ce petit problème. Je pense qu'on joue avec les mots.

Mme Bacon: Oui, la législation n'est jamais facile. II n'y a pas que de l'anglais au français et du français à l'anglais.

M. Daniel: Exactement.

Mme Bacon: Dans la même veine, quel serait l'intérêt des associations d'artistes de représenter des artistes non professionnels, selon vous?

M. Daniel: Je n'ai aucune façon de répondre à cela, car je ne le sais pas. Notre problème n'est pas la question qu'une association représente ou pas un artiste qui n'est pas professionnel, c'est tout simplement que, tant qu'il est membre, il est tout de suite présumé professionnel, tandis qu'en n'étant pas membre de cette association il faut qu'il se déclare ou qu'il fasse quelque chose de séparé, de plus que d'autres qui ont seulement besoin de devenir membres. C'est là qu'on Inscrit notre objection.

Mme Bacon: À la page 3 de votre mémoire, vous recommandez que des contrats soient préparés par des associations de diffuseurs, de concert avec une association d'artistes reconnue

et vous proposez, en somme, que nous rendions la négociation collective de contrats types obligatoire. Est-ce votre Intention ou si on a mal saisi votre recommandation?

M. Daniel: L'Intention que l'on voulait présenter, c'est que la loi soit travaillée avec un consensus de gens impliqués dans cette loi et, là où il y a consensus, que ce soit ajouté à la loi, au lieu qu'une loi soit imposée.

Mme Bacon: À la page 4, vous poursuivez aussi cette même... Vous dites que le contrat Iie les parties et, plus loin, vous souhaitez que le contrat rédigé devienne le modèle. Je ne suis pas certaine de suivre cette pensée. Est-ce que vous faites une distinction entre un contrat Individuel et un contrat type?

M. Daniel: Là aussi, c'est une question de langage. Dans votre toi, vous demandez qu'il y ait un contrat minimal. Ce que l'on voulait présenter, c'est que ce contrat soit un contrat minimal. Après, il y aura sûrement des négociations plus particulières pour des cas particuliers, à cause des parties qui y participent.

Mme Bacon: Alors, vous êtes d'accord avec cela?

M. Daniel: Oui, on est d'accord que le contrat émane d'un consensus entre les membres impliqués, mais un contrat minimal.

Mme Bacon: À la page 4 aussi, vous craignez la complexité pour les galeries d'avoir à tenir des comptes distincts. Est-ce que vous pourriez préciser? À ce moment-ci, ne procédez-vous pas quand même à des mentions spéciales pour chacun de vos artistes dans votre compte?

M. Daniel: Heureusement que je suis informatisé, comme cela, je peux faire des choses, mais avant que ma galerie soit informatisée j'entrais les choses au fur et à mesure qu'elles arrivaient. J'avais un livre de registre, mais ce n'était pas un livre par artiste, c'était un livre pour les oeuvres.

Mme Bacon: Ce n'est pas ce que nous demandons non plus.

M. Daniel: Exactement, mais le problème est que, si l'artiste a le droit de consulter ces livres, il consultera toute l'activité qui est arrivée pendant la période qui s'applique à cet artiste en particulier. Cela veut dire que, dans ce registre, il y a le numéro d'Inventaire de l'oeuvre, la description de l'oeuvre, la date de réception, ce qui est arrivé à l'oeuvre, si elle a été vendue et à qui, à quel prix et à quelles conditions. Or, sur une page, peut-être qu'on a quatre artistes Impliqués, par exemple, et l'artiste qui viendra consulter verra l'activité des autres artistes aussi. C'est pour cela que l'on dit que c'est un peu cauchemardesque. On est entièrement prêt à préparer des rapports pour les artistes. Pour moi, c'est assez facile: J'appuie sur certains boutons et j'ai l'information, mais pour certains autres...

Mme Bacon: il y a aussi à la page 5 de votre mémoire...

M. Daniel: Je m'excuse. Je n'ai pas compris à quelle page.

Mme Bacon: À la page 5. En référence à l'article 43, vous nous suggérez d'étendre l'application de l'entente collective ou du contrat type à tous les artistes et à tous les diffuseurs définis aux articles 2 et 3 et ceci, qu'ils soient membres ou non d'une association. Je ne sais pas si j'ai bien compris. Est-ce que vous voulez m'expllquer comment il serait possible qu'un projet de loi puisse aller aussi loin?

M. Daniel: Laissez-moi le lire.

Mme Bacon: L'article 43. Aux articles 2 et 3, nous donnons les domaines qui sont respectivement des pratiques artistiques. Dans l'article 3, si le contexte n'indique aucun sens différent, c'est ce qu'on entend par "association" et "diffuseur". On explique ce qu'est une association et ce qu'est un diffuseur. À ce moment-là, est-ce que ce serait l'application de l'entente collective ou du contrat type à tous les artistes définis dans nos articles de loi?

M. Daniel: L'intention était que cela ne soit pas applicable uniquement aux galeries, mais que ce soit applicable à toute personne qui fait le commerce ou le troc ou n'importe quoi dans le monde des arts plastiques.

Mme Bacon: Tous les diffuseurs.

M. Daniel: Clairement tous les diffuseurs et tous les artistes aussi, d'autre part. Je pense que, de ce côté-là, c'est la volonté de cette loi car dans la description de...

Mme Bacon: Oui, à part la description à 2 et 3.

Pour dissiper peut-être certaines confusions quant à la version anglaise et à la version française, Je pense qu'il y a souvent des distorsions linguistiques qui peuvent se glisser dans les traductions de textes. On va faire en sorte que ce soit plus précis. Je pense qu'il faudra peut-être revoir le texte, mais il ne faudrait quand même pas y voir des intentions du législateur de jouer sur les deux textes, surtout pas.

M. Daniel: Non, mais c'est tout simplement pour que ce soit clair.

Mme Bacon: On voit cela souvent dans les distributions. Je voudrais quand même souligner que l'esprit de la loi est le même dans l'une et dans l'autre, quelle que soit la version. C'est essentiellement le même esprit de loi que nous avons. Cela va, Mme la Présidente. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Pour ce qui est de la traduction, vous savez comme moi, M. Daniel, ce vieux dicton italien: Traduttore, traditore". Le traducteur est souvent traître. Ha, ha, ha! Je pense qu'effectivement, cela pourrait être arrangé.

Vous avez parlé de comptabilité cauchemardesque pour chaque galerie, exception faite peut-être de celles qui ont l'avantage d'avoir pris le virage technologique comme vous. En contrepartie, vous dites: Afin qu'il y ait équité, nous aimerions suggérer que l'artiste fournisse aussi au diffuseur un inventaire de ses oeuvres qu'il a en sa possession également deux fois par année.

M. Daniel: Votre question à l'intérieur de cela? Je ne comprends pas quelle est votre question à l'intérieur de cela.

M. Boulerice: Est-ce que les artistes font un inventaire comme celui-là?

M. Daniel: La raison d'être est pure et simple. C'est pour être capable d'aider l'artiste aussi. Si on sait ce que l'artiste a dans son inventaire et qu'un client arrive et nous demande une oeuvre de telle ou telle grandeur ou je ne sais quoi, de telle période, de tel artiste et qu'on ne sait pas ce que l'artiste a en main, car cela n'est pas dans la galerie à ce moment là, on risque de perdre quelque chose, ce qui risquerait de ne pas aider l'artiste non plus.

M. Boulerice: D'accord. C'est dans ce sens.

Mme Palardy (Lorraine): Est ce que je peux ajouter juste une chose?

M. Boulerice: Je vous en prie, Mme Palardy. La Présidente (Mme Bélanger): Mme Palardy.

Mme Palardy: À mon avis, par expérience, c'est pour que les artistes prennent aussi conscience de leurs responsabilités face à leur tenue de livres pour eux-mêmes. Par expérience, les artistes étant des artistes, ils sont peut être aussi par définition un peu bohèmes. II nous arrive avec une partie de production en vrac et nous tenons compte, naturellement, de leurs oeuvres. Finalement, j'ai un peu peur qu'avec ce projet on ne devienne des administrateurs des artistes, faisant qu'à tout bout de champ on aurait à donner des comptes-rendus à savoir où on est rendu exactement, qu'est-ce qu'on a au Juste, parce qu'on n'est pas tous informatisés, premièrement.

Deuxièmement, j'ai l'Impression que ce droit qui leur est dû - on a absolument à y répondre, aussi, parce qu'ils sont en droit de savoir ce qu'on fait avec leurs oeuvres - devient un peu trop notre responsabilité. Je pense qu'on devrait Insister pour que ce soit une responsabilité partagée et, quand ils arrivent, que l'inventaire soit fait vraiment ou que les oeuvres soient, les livres soient tenus de part et d'autre, ce qui devrait être fait, normalement.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la ministre.

Mme Bacon: J'aimerais peut-être expliquer, si ça peut enlever les craintes, que la périodicité va être prévue dans le contrat que vous signez avec l'artiste. Donc, vous pourrez vous entendre avec lui sur le nombre de fois que vous voulez lui donner les informations. Cela se fait avec l'artiste, avec le consentement de l'artiste.

Mme Palardy: Est - ce que je peux, à mon tour, vous poser une question, à savoir: Le contrat est il obligatoire si l'artiste dit: Je n'ai jamais signé de contrat de ma vie et je n'en signerai pas?

Mme Bacon: II n'est pas obligatoire.

Mme Palardy: Donc, il n'est pas obligatoire.

il Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Si l'artiste en veut un, par contre, la galerie est obligée d'y aller. Vous dites: Nous croyons qu'à l'article 36, le recours à l'arbitrage est une excellente façon de résoudre des problèmes. Nous demandons que cet arbitrage convienne à toutes les parties concernées. Par arbitrage, il faudrait dissiper tout malentendu. Ce n'est pas un service que va vous rendre le ministre des Affaires culturelles, mais vous devriez vous trouver... Il va y avoir un arbitre aux frais des deux parties. Il ne faut pas l'oublier. Attention! Ce n'est pas la notion de "je prends un avocat et ça ne me coûtera que les frais de cour si je gagne*. Il y aura partage des coûts de l'arbitre.

Mais, dans cette phrase, est-ce que vous demandez l'arbitrage du consentement des deux parties ou bien, selon la formulation de la loi, quand il y a une seule partie qui le demande?

M. Daniel: La façon dont on a prévu ça, c'est que, s'il y a un problème, quel qu'il soit, une partie peut demander un arbitrage et que l'arbitrage soit fait par quelqu'un qui est neutre, qui écoute les deux côtés et qui aide à résoudre

ces problèmes. Il est sûr et certain que les frais pour cet arbitrage devraient être partagés par les parties concernées.

M. Boulerlce: D'accord. Donc, on se comprend bien. Vous êtes d'accord avec la notion d'arbitrage, comme stipulé dans le projet de loi, c'est-à-dire qu'il peut être demandé par une seule des deux parties et non pas obligatoirement par les deux parties?

M. Daniel: Exactement, sauf que nous ne voudrions pas être forcés d'aller devant un arbitre, si nous ne pensons pas qu'on en a besoin. Cela veut dire que, si on s'assoit et que c'est tout simplement... Je reprends ce que je viens de dire.

M. Boulerice: Mais, là, vous n'avez pas le choix. La minute où quelqu'un demandera l'arbitrage, vous devrez aller vous y asseoir.

M. Daniel: Oui, absolument. C'est pour ça que j'ai dit cela.

M. Boulerice: D'accord. À l'article 33, vous dites: Nous pensons qu'un dixième de toute édition devrait être donné à l'artiste Est-ce que vous pourriez être plus explicite?

M. Daniel: Là où on parlait d'un dixième de l'édition, c'est au sujet de la gravure. Certaines parties du projet de loi ne sont pas assez claires pour les différents besoins de la littérature et des arts plastiques. Pour nous, ce qui est normal, c'est que, dans la présentation d'oeuvres en grand nombre... Il y a plusieurs exemplaires comme la gravure, la lithographie, les imprimés... Normalement, la convention internationale veut qu'un dixième de l'édition aille automatiquement à l'artiste, comme des épreuves d'artiste que l'artiste peut diffuser s'il le veut mais qui, normalement, ne sont pas là pour être diffusées.

M. Boulerice: Vous me dites que cette règle fait partie d'une convention internationale?

M. Daniel: Oui, elle est entendue, mais elle n'est pas écrite, comme quoi M y a des ententes partout. Il y a 10 % d'épreuves d'artistes, normalement, dans les tirages et ces 10 % appartiennent à l'artiste. Si l'artiste veut les vendre aux diffuseurs, c'est une décision que l'artiste peut prendre, mais cela lui appartient.

M. Boulerice: Est-ce que la pratique est étendue au Québec ou si elle est...

M. Daniel: Je pense que dans les cas professionnels, oui, d'après ce que je sais. Je suis éditeur aussi et certains...

M. Boulerice: Cela va, Mme la Présidente. Je vous remercie M. Daniel.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Bacon. Est-ce qu'il y a d'autres questions?

Mme Bacon: Merci Mme Palardy et M. Daniel.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Daniel et Mme Palardy, les membres de la commission vous remercient de votre participation et vous souhaitent un bon retour. La commission ajourne ses travaux sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 36)

(Reprise à 16 h 47)

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de la culture reprend sa consultation particulière dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi 78, Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d'art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs. Nous sommes rendus maintenant, si je lis bien l'ordre du jour, je crois, à l'Union des écrivains Québécois.

Alors, j'inviterais ses représentants à s'asseoir à la table en face de moi. S'H n'y a pas de changement à la liste, il s'agit de Mme Denise Boucher, administratrice, M. Bruno Roy, président, M. Yves Légaré, directeur général, M. Bernard Demers, administrateur, et M. André Roy, secrétaire-trésorier.

Je pense que vous connaissez les règles du jeu. Nous avons une heure, au maximum, à passer en votre compagnie. Vous avez 20 minutes pour résumer votre mémoire. Par la suite, il y aura un échange d'idées, d'opinions et de renseignements entre ce côté-ci de la table et le vôtre, entre le parti ministériel et le parti de l'Opposition, chacun 20 minutes. Au moment où vous interviendrez de votre côté. Je vous demanderais de vous identifier non pas parce que vous êtes de parfaits inconnus pour nous, mais pour les fins d'enregistrement du Journal des débats. C'est extrêmement important. Les paroles historiques que vous risquez de prononcer vous seront alors attribuées plutôt qu'à quelqu'un d'autre.

Tout en vous souhaitant, M. le président, la bienvenue à la commission de la culture, je vous cède immédiatement la parole parce qu'on est quand même quelque 30 minutes en retard, je crois. M. le président.

Union des écrivains québécois

M. Roy (Bruno): Mme la ministre, M. le Président, mesdames et messieurs les députés, l'Union des écrivains québécois est un syndicat professionnel fondé en 1977. Elle compte plus de 600 membres: des poètes, des romanciers, des auteurs dramatiques, des essayistes, des auteurs d'ouvrages scientifiques et pratiques. L'Union des

écrivains contribue à la promotion des oeuvres des auteurs québécois par l'organisation de tournées dans les écoles et de lectures publiques, par l'administration de prix littéraires et par la diffusion d'information sur les auteurs

L'Union des écrivains a, de plus, comme objectif la défense des intérêts socio économiques des écrivains. Dans cette optique, elle a négocié avec l'Association des éditeurs un contrat type d'édition en 1981, obtenu des compensations pour la reprographie d'oeuvres protégées dans les maisons d'enseignement du Québec, mis sur pied un régime d'assurance collective pour ses membres travailleurs autonomes et contribué à la création de cours de perfectionnement. L'Union des écrivains québécois est, enfin, le plus Important regroupement d'auteurs du domaine du livre et est donc intéressée au premier chef par le projet de loi 78.

Mme Boucher (Denise): Écrire au Québec semble parfois tenir de la vocation. Un marché exigu, des habitudes de lecture peu développées, une concurrence vive des autres médias et des produits culturels étrangers, des problèmes de diffusion: tout concourt à rendre difficile l'exercice de ce métier, d'où la nécessité de réclamer la reconnaissance de notre existence tant comme individus que comme groupes constitués. Ce dont les créateurs ont besoin, c'est d'obtenir les outils nécessaires pour travailler eux-mêmes à l'amélioration de leur sort.

L'écrivain participe non seulement à l'affirmation culturelle d'un pays, d'une région, d'une ville, il est aussi au coeur même de toute une activité économique où éditeurs, Imprimeurs, libraires et bibliothécaires trouvent leur compte. Mais cet apport de l'écrivain n'est pas encore reconnu. Il ne bénificie pas d'avantages fiscaux particuliers, n'est pas admissible à l'assurance-chômage, ne peut se constituer une rente et a souvent du mal à toucher les minces redevances qui lui sont dues.

Un statut professionnel do l'écrivain ne doit pas avoir pour but de régir la création, mais plutôt de réglementer l'ensemble des conditions économiques et sociales qui entourent la production de l'oeuvre. À tout prendre, moins l'écrivain aura de problèmes économiques, sociaux et fiscaux, plus il pourra se consacrer librement à son oeuvre.

M. Roy: Un statut d'écrivain est donc nécessaire tant pour fournir aux écrivains un cadre juridique qui déterminera leur professionnalisme que pour leur permettre d'assurer le respect de leurs droits et de leur propriété intellectuelle.

Si les écrivains, les artistes et les autres créateurs se rejoignent généralement sur la nécessité d'obtenir un tel statut, tous n'ont pas les mêmes besoins ni les mêmes revendications. Un seul et même texte de loi ne peut couvrir l'éventail des problèmes et des réalités du milieu culturel. À preuve, ce projet de loi 78 qui cherche à circonscrire ce qui avait été omis dans la loi 90.

L'Union des écrivains se réjouit de la volonté du gouvernement de faire progresser ce dossier du statut do l'artiste et du créateur. Si la loi 90 accordait, à juste titre, la reconnaissance aux artistes de la scène, du disque et du cinéma, il convenait, en toute équité, de penser aux créateurs, à ceux qui sont à la base de ce que l'on appelle désormais l'industrie culturelle. Après ce premier pas de 1987, il était essentiel d'en faire un second. Mais ce pas ne va malheureusement, ni assez loin, ni dans la direction souhaitée.

Mme Boucher: Le type de reconnaissance proposé dans le projet de loi 78 nous apparaît passablement différent de celui octroyé par la loi 90 aux artistes de la scène, du disque et du cinéma. En ce sens, le projet de loi 78 nous semble inadéquat.

Contrairement à la loi 90, qui réunissait des artistes ayant de forts points communs, le projet de loi 78 tente de regrouper les créateurs en arts visuels, ceux des métiers d'art et les écrivains dont les oeuvres ne se différencient pas seulement par leur forme d'expression, mais encore par leur production et leur mise en marché.

Un tel regroupement entraîne des aberrations évidentes. Ainsi, le diffuseur qui, dans le domaine du livre, est un Intermédiaire entre le libraire et l'éditeur devient alors, selon l'article 3 du chapitre I, "toute personne ou société qui opère, à des fins lucratives ou non, une entreprise en vue de la vente, du prêt, de la location, de l'échange, du dépôt, de l'exposition, de la présentation en public, de la publication ou d'une autre utilisation des oeuvres des artistes. " Une telle définition nous laisse perplexe puisqu'elle Inclut à la fois le libraire, le bibliothécaire, !o distributeur et l'éditeur et semble exclure les activités comme les lectures publiques, les conférences, les entrevues dans les médias électroniques, etc. Or, s'il est fréquent pour un écrivain de négocier l'utilisation de son oeuvre avec un éditeur ou de ses services avec une Maison de la culture, par exemple, il est hautement improbable qu'il soit appelé un jour à s'entendre directement avec un libraire.

Cet article 3 n'est qu'une «lustration, à l'instar du paragraphe 2 de l'article II, de la difficulté que suscite le regroupement proposé. Ce paragraphe 2 stipule qu'une "association ne peut être reconnue que si ses règlements prescrivent des règles d'éthique Imposant à ses membres des obligations envers le public. "

Il va sans doute de soi pour un peintre de garantir que c'est une oeuvre unique qu'il met en vente et non une production en série, tout

comme le lithographe assure que l'oeuvre qu'il vend a bel et bien été tirée en un nombre restreint d'exemplaires. Quant à l'écrivain, que peut-il bien promettre d'autre que l'originalité de son oeuvre, laquelle est déjà garantie par le respect obligé de la Loi sur le droit d'auteur et stipulée dans tous les contrats d'édition? Détails, nous dira-t-on, qui peuvent facilement être corrigés, nous en convenons.

Plus importants sont toutefois les effets de la définition de la littérature, donnée au paragraphe 3 de l'article 2. De cette définition, en effet, dépendent tant le statut professionnel de l'écrivain que la reconnaissance d'une association. Elle est d'autant plus cruciale que, dans ce dernier cas, le projet de loi prévoit une seule association reconnue par domaine. Or, ce même projet de loi impose des regroupements qui n'existent pas dans la communauté des écrivains québécois et, par là même, ne semble pas tenir compte des pratiques et structures existantes.

M. Roy: Au chapitre I, la littérature est donc définie comme "la création et la traduction d'oeuvres littéraires relevant de l'imaginaire ou ayant une finalité esthétique: le roman, le conte, la nouvelle, l'oeuvre dramatique, l'essai, la bande dessinée et toute autre oeuvre écrite de même nature. "

Qui peut juger de la finalité esthétique d'une oeuvre? Pourquoi seule l'oeuvre relevant de l'imaginaire serait-elle retenue? Les droits d'un auteur cessent-ils d'exister parce qu'il s'intéresse à un fait de société ou à l'évolution scientifique? Doit-on rejeter de notre culture La Flore laurentienne, Les Insolences du frère Untel, ou Patience dans l'azur? Une définition faisant appel à de tels critères subjectifs suscitera de longues querelles lorsqu'il s'agira de déterminer le statut professionnel d'un écrivain et créera artificiellement deux classes d'écrivains parmi ceux qui publient.

La loi 90 avait eu l'habileté de ne pas créer de discrimination basée sur le genre. Un artiste, qu'il soit comédien dans un théâtre expérimental ou personnage principal d'une publicité télévisée, demeure un artiste. Nous demandons simplement qu'un écrivain conserve son statut, qu'il vienne de publier un recueil de poésie ou un ouvrage scientifique. Pour nous, les Marie-Victorin doivent avoir le même statut que les Émile Nelligan, parce qu'ils négocient avec les mômes éditeurs et font partie des mêmes associations professionnelles.

À cet égard, le projet de loi 78 semble confondre aide financière et octroi d'un statut professionnel aux créateurs. Certes, la littérature a sûrement davantage besoin de l'intervention financière de l'État que la publication d'ouvrages pratiques, tout comme le théâtre est subventionné et la publicité, non. Mais l'artiste qui y oeuvre a besoin des mêmes protections. La loi doit couvrir l'éventail des besoins et des activités des créateurs.

Si la définition proposée était adoptée, une association ne pourrait alors négocier que pour une partie de ses membres et, même, ne couvrir qu'une partie des activités d'un même écrivain. Une entente collective s'appliquerait au roman d'un auteur, mais pas à son livre de psychologie. L'écrivain serait écrivain s'il s'en tenait à la poésie, mais perdrait son statut en publiant un guide pratique.

À titre d'exemple, parmi les quelque 600 membres de l'Union des écrivains, 48 % répondent peut-être entièrement à la définition proposée; 5 % sont des auteurs d'ouvrages pratiques et scientifiques; 11 % se consacrent tant à la littérature qu'à la scénarisation; 27 % sont des littéraires qui publient aussi des livres pratiques et scientifiques; 9 % pratiquent tous les genres mentionnés. Lorsqu'une loi veut favoriser le profesionnalisme des écrivains, elle doit tenir compte du fait que plusieurs d'entre eux, pour vivre de leur plume, doivent être polyvalents. (17 heures)

Mme Boucher: Si le projet de loi 78 n'est pas modifié, l'association reconnue héritera donc de problèmes difficiles; tous ses membres n'auront pas le même statut. De plus, l'association sera en mesure de diffuser avec certains diffuseurs comme, par exemple, les éditeurs, mais ne pourra le faire avec d'autres qui retiennent les services de l'écrivain plutôt que son oeuvre, par exemple, à l'occasion de conférences ou de lectures publiques.

Par ailleurs, l'association reconnue héritera aussi, semble-t-il, des membres d'autres secteurs. Ainsi, puisque l'expression littérature ne distingue pas entre la traduction et l'oeuvre originale, l'association reconnue négociera pour ces deux secteurs. De la même manière, puisque le médium de l'oeuvre n'est pas précisé, contrairement à ce qui a été fait dans la loi 90, il y aura confusion entre les textes destinés à être joués, ceux destinés à être chantés, à être filmés ou à être lus. Est-ce que les autres associations existantes, qui reflètent les pratiques et structures actuelles du milieu culturel québécois, accepteront d'être sous la tutelle d'une association unique, reconnue, dite professionnelle par le gouvernement? Il y a lieu, à notre avis, de bonifier la définition proposée dans le respect des structures existantes.

Quant à nous, nous nous contenterons de préciser notre médium privilégié par les deux définitions suivantes: "L'écrivain est une personne physique qui, à son propre compte, écrit des textes originaux destines à être publiés principalement sous forme de livres.

Te texte est un ensemble de mots destinés à la lecture et ce, quel que soit le support utilisé (papier, disquette d'ordinateur, écran cathodique, etc. )"

En l'absence d'une définition tenant compte des réalités culturelles et organisationnelles, une seule association négociera pour le vaste secteur appelé littérature dans le projet de loi 78. Or, là

encore, de nombreux problèmes se poseront.

Ainsi, l'article 11 en son premier paragraphe stipule qu'une association ne peut être reconnue que si ses règlements "prévoient des conditions d'admissibilité fondées sur l'autonomie et sur des exigences professionnelles propres aux artistes du domaine. " Quelle association pourra prévoir des conditions d'admissibilité embrassant une littérature aussi largement définie? Par exemple, l'UNEQ accueille en son sein des auteurs ayant publié un livre ou plus. Les auteurs de chansons ou les illustrateurs de bandes dessinées ne peuvent actuellement devenir membres de notre organisme et la situation est semblable dans les autres associations.

Cela a des répercussions à la lecture des articles 7 et 12. Les artistes non admissibles ne pourront alors se prévaloir de la présomption de professionnalisme que leur confère l'article 7 et les associations risquent, en vertu de l'article 12, d'avoir de la difficulté à obtenir leur reconnaissance puisqu'elles ne pourront prétendre être ouvertes à tous les artistes d'un domaine aussi vastement défini.

M. Roy: La lecture de l'article 13, à la suite de celle des articles 7 et 12, donne l'Impression de favoriser le regroupement des artistes, mais autant l'Union des écrivains souhaite défendre l'ensemble des intérêts professionnels de ses membres, autant le regroupement de créateurs aux intérêts disparates lui semble artificiel.

L'Union des écrivains a, au fil des ans, renforcé son expertise. Elle est apte à négocier pour les auteurs des contrats pour leur publication, des ententes sur les multiples utilisations de leurs oeuvres (droits de reprographie, banques de données, etc. ) ou de leurs services (conférences, tournées). Elle ne peut que refuser de confier la défense de ses membres à un regroupement d'associations.

Des modifications essentielles doivent donc être apportées au projet de loi 78 quant à son champ d'application, mais les dispositions relatives aux ententes collectives, qui figurent à la section II du chapitre III, créent également des problèmes.

Le projet de loi 78 ne contient que trois articles traitant des ententes collectives: les articles 41, 42 et 43 C'est fort peu comparativement à la loi 90 où les articles 27 à 42 viennent encadrer lesdites ententes.

Si l'artiste négocie des conditions d'engagement, l'écrivain négocie la propriété de son oeuvre pour fixer par contrat les termes de son utilisation Mais, hormis cette différence et les nécessaires adaptations qu'elle entraîne, I'écrivain a droit de bénéficier de conditions négociées et d'obtenir une protection minimale.

Ainsi, si le comédien qui joue dans l'adaptation cinématographique d'un roman peut jouir d'une protection minimale, pourquoi n'en serait-il pas de même pour le romancier? Tout ce que le projet de loi 78 Indique, c'est la possibilité pour l'association reconnue de négocier avec les diffuseurs (article 41), l'entente négociée sera alors obligatoire entre les signataires (article 42): aucun autre mécanisme n'est prévu. Contrairement à la loi 90, rien n'oblige ici le producteur à accepter l'association reconnue comme le seul représentant des artistes (article 26 de la loi 90); rien ne vient encadrer les négociations et obliger les parties à discuter avec diligence et bonne foi (articles 28, 29 et 30); aucune médiation n'est prévue (articles 31 et 32) ni aucun arbitrage (article 33). Rien ne vient davantage empêcher un diffuseur de refuser l'engagement d'un artiste membre de l'association (article 42).

Mme Boucher: Sans l'instauration de tels mécanismes, le projet de loi 78 restera lettre morte. Ainsi, un contrat type d'édition existe depuis 1981 entre l'Association des éditeurs canadiens et l'Union des écrivains québécois. Adopté sur une base volontaire par les éditeurs, II est exceptionnellement utilisé. En pratique, l'écrivain négocie seul. La négociation ne repose pas nécessairement sur la qualité de l'oeuvre, mais sur les connaissances de l'auteur en matière de contrat et, sur ses habilités de négociateurs. Nombre d'auteurs signent encore des contrats qui les défavorisent et dont ils peuvent difficilement se départir.

Certes, nombre d'éditeurs respectent leurs auteurs. Le métier d'éditeur tend à être de mieux en mieux exercé, mais les abus sont encore fréquents. Une entente négociée permettrait d'harmoniser les relations auteur-éditeur, d'enrayer les abus dont sont victimes les auteurs et, par contrecoup, les éditeurs sérieux dont la profession est alors entachée. Des faillites comme celles de Leméac ou de Nouvelle Optique font perdre des revenus aux auteurs et de la crédibilité aux éditeurs.

Les éditeurs ne sont pas les seuls en cause. Comment, en l'absence de moyens de pression, les écrivains pourront-ils négocier avec les autres utilisateurs de leurs oeuvres ou de leurs services9 Devra-ton compter sur la bonne volonté de tout un chacun pour que les cachets pour une conférence soient décents, des apparitions à la télévision ou à la radio rémunérées? Des mesures incitatives, voire une formule d'arbitrage obligatoire, sont d'autant plus nécessaires que les écrivains disposent de bien peu de moyens de pression Dans toute l'histoire, on ne retrace qu'une seule grève de manuscrits et elle remonte à Beaumarchais.

L'État, également, à titre de subventionneur principal de l'Industrie du Iivre, doit s'assurer que les créateurs, qui en sont l'essence même, soient équitablement traités.

Enfin, toujours sur le pian des ententes collectives, rien dans le projet de loi 78 n'indique que l'entente négociée s'appliquera à tous les artistes du secteur, contrairement à l'article 40 de la loi 90. Il nous semble, au contraire, que le

contrat type d'édition doit profiter à tous.

Si tout écrivain n'est pas nécessairement un écrivain professionnel, tout écrivain doit au moins pouvoir bénéficier d'une protection minimale. Toute personne qui écrit n'est certes pas écrivain. Écrire ne fait pas l'écrivain; la publication, oui. C'est ce passage du privé au public qu'il faut réglementer. Sinon, de nombreux auteurs qui ne peuvent faire partie d'une association, faute d'avoir publié, ne bénéficieront d'aucune protection lors de la négociation de leur premier contrat.

M. Roy: Bien sûr, les articles 29 à 40 du projet de loi 78 pourraient couvrir les écrivains non regroupés en association. Cette section I du chapitre III est Intéressante et, dans certains cas, constitue un net progrès. Dans l'ensemble, il s'agit cependant de précisions quant à des obligations déjà existantes dans la Loi sur le droit d'auteur. Ces précisions sont pertinentes, mais la teneur véritable des contrats sera, là encore, déterminée par la négociation individuelle.

Le paragraphe 3° de l'article 30 stipule que la durée de la cession ou de la licence doit être déterminée au contrat. Mais cette durée s'étendra-t-elle sur 50 ans après la mort de l'auteur, ce qui est fort fréquent, ou sur 5 ou 10 ans? De même, que le diffuseur soit obligé de tenir un livre de comptes distinct (article 37) sous peine d'amende (article 44) est positif. Il faudrait en outre ajouter aux inscriptions obligatoires prévues à l'article 37 un certificat de tirage. Toutefois, une tenue de livres Impeccable ne signifie pas que les auteurs toucheront nécessairement leurs redevances. Rien n'est prévu à cet égard.

L'article 35 règle sans doute la question de la titularité des droits en cas de faillite, de liquidation ou d'insolvabilité. Un écrivain pourra alors se faire éditer ailleurs, mais devra toujours, faute d'être un créancier privilégié, faire le deuil de ses droits d'auteur Impayés.

Enfin l'article 34 encadre le droit d'exclusivité accordé à un diffuseur, ce que l'on nomme souvent droit de préférence dans l'édition. Plutôt que de l'encadrer, il aurait mieux valu l'interdire. Un écrivain satisfait, ayant reçu ses redevances, ayant fait l'objet d'une bonne promotion, sera fidèle à son éditeur. Dans le cas contraire, pourquoi l'y obliger? Les auteurs, tout comme leurs idées, ne doivent Ils pas circuler librement?

Mme Boucher: Le respect des droits des auteurs ne peut se faire sur une base Individuelle. Le projet de loi 78, qui, nous l'avons dit, témoigne d'une préoccupation fort louable à l'égard des créateurs, doit, s'il veut avoir un impact réel, embrasser un champ d'application assez large et respectueux des pratiques, des structures et des besoins du milieu.

M. Roy: Vous trouverez une série de recommandations dans les pages qui suivent. Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le président. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles pour commencer la discussion avec vous.

Mme Bacon: M. le président, vous nous voyez très heureux de vous voir de retour, sain et sauf, après ce petit accrochage du début de la semaine, et nous vous souhaitons un prompt rétablissement. En fait, même si on vous sent bien à l'aise, on espère qu'il n'y aura pas de séquelles à cet accident qui vous est arrivé.

Madame, messieurs, J'aimerais vous remercier de ce mémoire que vous nous avez fait parvenir et que vous nous avez présenté cet après midi. J'aimerais peut-être apporter un certain nombre de considérations avant de commencer à vous poser des questions et vous dire comment le gouvernement reconnaît comme essentiel le rôle qui est joué par les écrivains dans notre société. Une société moderne et, par surcroît, une société à majorité francophone, se doit de protéger et de promouvoir l'essence même qui constitue le culturel, une écriture parlée et écrite, et sa qualité, sa qualité surtout.

Je profite aussi de l'occasion pour rendre un hommage à ceux et celles qui pratiquent ce métier d'écrivain, cette passion de l'écriture au Québec. C'est dans la perspective d'une meilleure promotion de la qualité de vie des artistes, incluant les écrivains, que le gouvernement a tenu à franchir un pas, un pas important, je pense, et vous le reconnaissez aussi dans votre mémoire. D'abord, nous avons voulu faire adopter la loi 90 et, ensuite nous arrivons aujourd'hui avec le projet de loi 78 pour améliorer la qualité de vie de ceux et celles qui travaillent avec acharnement à cette qualité de vie culturelle que nous avons. Nous avons pensé que ces deux projets de loi seraient des pas en avant.

Bien sûr, c'est du droit nouveau que nous faisons, puisque aucun pays au monde n'a eu cette audace que nous avons de faire adopter de tels projets de loi. C'est peut-être pour cela que c'est encore plus difficile d'arriver à rejoindre les expectatives ou les désirs de l'ensemble du milieu culturel. Mais c'est pour cela que nous avons cette commission parlementaire qui est Importante et qui fait en sorte que la discussion que nous avons avec les différents partenaires du ministère des Affaires culturelles nous amènera sûrement à améliorer ou à faire en sorte que ce projet de loi soit applicable. Quelles que soient les lois que nous voulons adopter, si elles ne peuvent pas se traduire facilement dans la réalité, c'est parce qu'H y a des problèmes. Alors, nous essaierons ensemble de trouver des solutions aux problèmes que peuvent vous causer certains des articles de la loi. (17 h 15)

Je remarque que l'ensemble de vos demandes risque peut-être, si on les prend à la lettre, d'aller au delà du projet de loi 78. Je pense aux articles actuels de la loi 90 que vous aimeriez voir ajouter au présent projet de loi. Est-ce que vous pourriez quand même nous indiquer peut-être une ou deux priorités qui vous tiennent à coeur, mais qui ne dépassent pas tout à fait l'esprit général du projet de loi que nous vous proposons et qui seraient susceptibles, malgré cela, d'améliorer le cadre de vie de ceux et celles que vous représentez aujourd'hui et qui sont membres de votre association, parmi les recommandations que vous nous faites?

M. Demers (Bernard): Bernard Demers. II y a deux points, je pense, qui sont absolument essentiels. C'est toute la section où nous discutons des regroupements. D'une part, avec la définition actuelle de la littérature, on exclut toute une série d'écrivains qui sont déjà membres de l'UNEQ, qui représentent un mouvement culturel Important et qui ont les mômes besoins que les autres écrivains. On a été un peu étonnés de voir qu'il s'établissait ici une discrimination par le genre. On peut peut être prendre une parabole pour faire comprendre cette difficulté. Si on regarde les conditions du mariage édictées par un gouvernement, elles ne discriminent pas en fonction de l'âge des futurs conjoints, de leur revenu ou de leur style de vie. Également, ce contrat de mariage ou ces conditions minimales du mariage s'appliquent à ceux qui ne sont pas encore mariés en vue du jour où ils se marieront. Or, on voit que le projet de loi 78 exclut ceux qui ne sont pas encore écrivains et il ne nous permet pas d'obtenir un contrat qui s'appliquera à eux le jour où Ils le deviendront, c'est-à-dire le jour où ils feront la démarche de publication. Le même projet exclut une classe d'écrivains et c'est là qu'on éprouve cette première difficulté du regroupement. C'est un des aspects.

Le deuxième point qui est pour nous très important, c'est que le regroupement se fait aussi avec d'autres cadres, enfin, d'autres professionnels comme les traducteurs, alors que nos conditions de négociation et les personnes avec lesquelles nous sommes appelés à négocier peuvent être très souvent totalement différentes.

Mme Bacon: Je vais peut-être juste reprendre un peu ce que vous venez de dire. C'est évident qu'au niveau du genre il peut y en avoir certains qui ne sont pas inclus dans la loi parce que, pour nous, un essai scientifique n'est pas, selon la loi, littérature. Dans ce sens-là, je pense que vous dites qu'il y a discrimination là-dessus du fait qu'H n'y a pas inclusion dans le projet de loi. Quant à un écrivain qui en est à sa première oeuvre, il serait inclus, il serait protégé par cette loi.

Le projet de loi 78 vise à accorder, on le redit, un statut professionnel aux créateurs et à les protéger dans leurs contrats avec les diffuseurs. Est-ce que vous croyez que le projet de loi apporte des éléments de réponse quand même aux problèmes des créateurs? Est-ce qu'il y a certains éléments dans le projet de loi que vous acceptez comme des éléments de réponse aux problèmes que vous vivez?

M. Légaré (Yves): Si on s'intéresse à la protection que les écrivains pourraient obtenir par ce projet de loi, il apporte une seule chose nouvelle: une fois l'entente négociée, elle dort être appliquée. Mais, comme il n'y a rien qui Incite à la négociation de telles ententes, il n'y a rien qui nous permet de croire qu'une entente sera véritablement négociée un jour. Présentement, si on pense à l'Union des écrivains, si on parle des possibilités que cela donne aux associations à l'heure actuelle, en tant que syndicat professionnel, nous avons dans nos statuts et selon la Loi sur les syndicats professionnels des pouvoirs qui sont déjà conférés. Mais c'est au niveau de la négociation que ces pouvoirs sont très limités.

Mme Bacon: Vous dites, à la page 7 de votre mémoire, que votre association regroupe près de 600 membres qui écrivent différents types d'ouvrages. Vous nous suggérez donc, à la page 8, d'élargir notre définition de la littérature à toute personne - on revient là-dessus - qui écrit des textes originaux. Pourquoi mentionnez-vous, à la page 9, que votre association aurait de la difficulté à obtenir sa reconnaissance, si on a bien compris ce que vous écrivez à la page 9?

M. Demers: C'est cette question du double regroupement. Le regroupement qui existe actuellement dans le milieu culturel est un regroupement de gens qui font des oeuvres originales destinées aux livres, que ce soit un livre scientifique, que ce soit un livre de poésie, que ce soit un roman. C'est ce qui existe.

Par ailleurs, ce regroupement, cette association est différente des associations de gens qui font des textes destinés à être chantés, des textes destinés à être joués au théâtre. Quand, au début de la page 9, nous parlons d'une définition élargie de la littérature, c'est en regard de ces différents médias utilisés par les gens, chantés, écrits pour être lus par quelqu'un, dans un livre, ou bien encore représentés au théâtre. Donc, ce que nous demandons, c'est le respect des regroupements naturels qui existent, des écrivains, c'est-à-dire des auteurs de livres, quel qu'en soit le genre, et, d'autre part, une protection pour les gens qui sont déjà dans d'autres associations et qui sont des paroliers, ou qui sont des auteurs de scénarios. Négocier un scénario avec un producteur, ce n'est pas la même chose que présenter un manuscrit à un éditeur. On se base sur la réalité des besoins de

négociation de ces regroupements.

Mme Bacon: L'article 2 fixe le champ d'application du projet de loi dans lequel se fera la reconnaissance du statut de l'artiste professionnel, celle de son association professionnelle et qui encadrera les contrats. Vous proposez d'étendre ce champ à tout écrivain - et on revient encore là-dessus - dont les textes sont destinés à être publiés sous forme de livre. Vous excluez par le fait même d'autres pratiques de création. Par ailleurs, vous demandez que l'écrivain soit protégé dans toutes ses activités. J'aimerais que vous m'expliquiez la direction que vous nous indiquez, à ce moment-là.

M. Légaré: On n'exclut pas d'autres pratiques de création, c'est-à-dire qu'on a laissé aux autres créateurs le soin de définir eux-mêmes leur champ. D'une certaine façon, on veut respecter justement ces champs. Si on pense, par exemple, aux illustrateurs de bandes dessinées qui, selon la définition paraissant à l'article 2, seraient inclus, nous, nous ne les représentons pas. Ils ne peuvent même pas être membres chez nous. C'est à eux de définir leur champ d'intervention. Nous voulons, cependant, pour les auteurs qui sont membres chez nous, pouvoir négocier des conditions sur l'ensemble de leurs activités.

Une des raisons, par exemple, qui peuvent faire qu'on voudrait que cela ne s'étende pas seulement à des littéraires, c'est qu'on pourrait en venir à l'aberration suivante. Un contrat est négocié avec les éditeurs pour les littéraires et ce contrat s'applique. Ce contrat implique des tracasseries administratives plus grandes pour les éditeurs. Ils n'ont pas ces tracasseries avec des non-littéraires. Ils pourraient, si l'aberration prévalait, publier davantage de livres non littéraires, puisque c'est plus facile.

Mme Bacon: C'est-à-dire que la législation étrangère - et Je n'inclus pas la législation française que nous avons lue - paraît se limiter au domaine littéraire, dans les différentes lois que nous avons consultées. On vise ici à protéger l'artiste et on ne vise pas à protéger le chercheur scientifique, par exemple, ou le professeur. C'est l'artiste même qu'on cherche à protéger. C'est peut-être ce qui explique les différences, ou les différents points de vue, quant au genre d'application qu'on voudrait y voir dans la loi.

M. Demers: La notion d'artiste peut devenir un peu curieuse. Si on regarde le projet de loi 90, on ne se demande pas si quelqu'un fait un autre métier, à côté du fait qu'il joue dans des commerciaux télévisés ou sur scène. Évidemment, dans la réalité, il n'y a à peu près personne au Québec qui peut vivre de son écriture. Que quelqu'un écrive un livre de poésie ne l'empêche en aucune façon d'être professeur. Que quelqu'un écrive un roman ou un livre scientifique ne l'empêche pas d'avoir un autre métier dans plusieurs cas. Je ne pense pas qu'on puisse distinguer le genre par le niveau de vie. Ce qu'on veut regrouper, finalement, ce sont les gens qui ont les mêmes besoins, face au même type de situation, autrement dit, les gens qui se retrouvent dans les mêmes situations de contrats à négocier.

Mme Bacon: Est-ce que, selon vous, le professeur qui négocie ses notes de cours, par exemple, avec un cégep ou avec ses patrons, est dans la même situation qu'un écrivain qui négocie avec son éditeur?

M. Demers: Absolument pas et, si vous écartez de la définition qu'on suggère... On dit: "L'écrivain est une personne physique à son propre compte... " Évidemment, si quelqu'un, dans le cadre de son travail, produit des documents écrits, on ne l'inclut pas du tout comme écrivain, autrement, je pense que beaucoup de gens de la fonction publique devraient se retrouver membres de l'UNEQ. On parle bien, ici, de gens qui doivent négocier des contrats avec des maisons d'édition.

Mme Bacon: Vous avez fait un parallèle avec la loi 90. Dans la loi 90, l'artiste est couvert quand il rend les services dans le secteur des arts d'interprétation, non pas quand il est professeur, par exemple; dans ce cas, il n'est pas couvert; c'est quand il rend un service comme artiste. Vous mentionnez aussi à plusieurs reprises que la loi devrait encadrer la négociation collective avec les éditeurs. Est-ce que vous croyez que ça correspond à la pratique usuelle, la pratique actuelle? Ici, au Québec, ou ailleurs, c'est à se demander si ça correspond à tout ça. Ce n'est pas ce que nous a dit l'association des éditeurs qui nous a dit que notre projet va trop loin par rapport aux pratiques actuelles.

M. Légaré: Est-ce que cela correspond à la pratique actuelle? Malheureusement pas. C'est-à-dire qu'effectivement on a parlé tout à l'heure d'un contrat type; il n'est pas appliqué. Il reste qu'on ne peut pas, pendant des années, s'en tenir à des relations Individuelles entre un auteur et son éditeur. Ces relations, c'est sûr, existeront toujours, mais, pour reprendre l'exemple du couple de tout à l'heure, un couple a des relations Individuelles et cela n'empêche pas qu'il y ait un contrat de mariage. On peut donc réglementer ce passage du public au privé pour s'assurer qu'il y ait des conditions minimales, des conditions que les éditeurs disent d'ailleurs donner à leurs auteurs. On s'aperçoit, nous, en tant qu'organisme d'auteurs, que les griefs sont nombreux: on est placé dans une situation où l'on gère continuellement des griefs, sans pouvoir négocier d'entente collective. On a les retombées négatives sans avoir les retombées positives, et c'est constant. Je pense que l'État, précisément,

peut se permettre de faire en sorte qu'il y ait une réglementation de ce passage du privé au public.

Mme. Bacon: Je vais reprendre encore ce que nous ont dit les éditeurs canadiens qui étalent ici ce matin. Pour eux, le projet de loi va à rencontre des pratiques de l'édition; ces pratiques s'appuient et je les cite sur un "type de rapport contractuel de nature Individuelle qui reflète le type de relations unissant l'auteur et l'éditeur. " L'association estime que la démarche que nous proposons risque de compromettre - et là, je les cite encore - "la nature et la qualité même des rapports existant entre l'auteur et l'éditeur qui ont toujours connu des rapports individuels. " Comment pouvez-vous concilier ces remarques à celles que vous nous transmettez? Est-ce que vous pensez effectivement que nous allons changer la nature et la qualité de vos rapports avec les éditeurs et dans quel sens cette loi pourrait-elle les changer?

M. Légaré: Je pense qu'à long terme ces relations individuelles ne peuvent que s'améliorer, et les conditions aussi, parce qu'il s'agit Ici de conditions minimales à négocier, qui sont déjà fixées: auteurs et éditeurs n'ont plus à discuter de ce genre de choses et peuvent s'entendre pour bonifier individuellement le contrat d'un auteur. C'est-à-dire que, si un auteur est un auteur à succès, il pourra sans doute obtenir davantage que les conditions minimales déterminées par le contrat. Est-ce que le bail type a fait en sorte que les relations entre locateurs et locataires se sont détériorées? On pourrait en faire une longue analyse, mais je pense que, dans l'ensemble, ce genre de contrat peut permettre de clarifier des choses.

M. Roy: J'ajouterais que la grille salariale, disons, par exemple, des professeurs, n'empêche pas les bonnes relations avec les élèves ou avec... Je pense que je ne peux pas Imaginer que ce soit une condition de détérioration; il me semble que c'est une vue de l'esprit. Autre chose, c'est que, quand on a l'Intention, comme vous l'avez, )e crois, de réglementer les conditions du passage du privé au public, on ne peut pas réglementer pour un individu. Si on réglemente, c'est pour un ensemble, c'est pour une collectivité et, dans ce sens-là, c'est bien évident que notre position s'inscrit différemment de celle des éditeurs.

M. Légaré: Peut-être pour inscrire l'évolution de ce dossier justement dans une lignée historique, on s'est aperçu que le droit d'auteur est très difficile à défendre individuellement. II y a des sociétés de gestion collective qui se créent pour défendre les droits des auteurs, par exemple, pour la photocopie dans les maisons d'enseignement. Il y a même un projet de loi au fédéral qui, justement, oblige les différentes parties à négocier avec les sociétés de gestion collective. Si on pense au reste du monde, c'est justement une tendance, des droits qui, auparavant, étaient défendus Individuellement deviennent de plus en plus défendus collectivement. (17 h 30)

M. Roy: Dans une volonté de professionnaliser le milieu, je ne vois pas comment on peut ramener le débat à la question des Individus.

M. Légaré: C'est le mythe du rapport individuel. Puisque nos éditeurs deviennent de plus en plus sérieux, de plus en plus importants, lorsqu'ils ont 300 ou 400 auteurs, je me demande où se situe le rapport Individuel. Est-ce qu'on peut, chaque jour, appeler son auteur pour lui demander si sa santé est bonne, etc. ? Cela me semble un peu dépassé.

Mme Bacon: La loi 90 - on revient encore là-dessus, parce qu'on fait souvent le parallèle - couvrait quand même une réalité où les artistes étaient déjà regroupés et leur association avait déjà développé une pratique de négociation avec l'employeur.

Dans le cas des artistes qui nous concernent aujourd'hui, la réalité, il me semble, est différente. C'est pourquoi chercher en la loi 78 le calque même de la loi 90, je pense que c'est quand même faire un petit peu fausse route, il me semble. Si on a voulu faire deux lois, c'est qu'il y avait la nécessité de deux lois.

Dans le respect des pratiques, des besoins du milieu, nous avons vouiu assurer des rapports plus équitables. Je pense qu'à partir de ces principes-là, c'est plus équitable entre les créateurs et les diffuseurs. Dans cet esprit, l'essence du projet de loi 78 ne cherche pas à régir des rapports collectifs, mais surtout des rapports individuels. Et ce projet de loi, pour vous, vous semble-t-il un progrès, vous semble-t-il un pas valable vers l'amélioration du statut de l'écrivain?

M. Demers: L'intention derrière le projet de loi nous intéresse énormément. Si le projet de loi passait comme il est là, il pourrait même comporter certains aspects dangereux, par ailleurs.

Lorsqu'on Insiste pour qu'on considère tous les écrivains, c'est qu'en octroyant un statut à une classe d'écrivains en se basant sur un genre, on enlève un statut de fait à tous les autres. Si on regarde, par rapport à la quantité d'éditions au Québec, quel est le pourcentage de livres qui rentre dans la catégorie non littéraire. Que va-t-il devenir de tout ce secteur économique? Que va-t-il devenir de tous ces écrivains? Et pire que ça, quelles seront les pressions que subiront les écrivains littéraires de la part des éditeurs, voyant qu'ils ont, d'un côté, des gens à statut et, d'autre part, des gens sans statut, alors que c'est parfois la même personne? Je vais prendre une comparaison. Si on définit des conditions

minimales de relations, même Individuelles, mais qu'on dit: Voici, avec ces gens-là, vous devez respecter ces conditions minimales; avec les autres, avec lesquels pourtant vous êtes appelés à négocier, vous n'avez pas à les respecter; c'est ça qui peut être extrêmement dangereux. C'est un peu comme déterminer le salaire minimum pour une partie de la population et ne rien préciser pour les autres.

M. Roy: Tout à fait. Et quand on précise pour l'ensemble de la collectivité des écrivains, puisque vous l'avez dit tantôt, votre Intention est de répondre entre autres aux besoins des littéraires, le fait de les associer à d'autres auteurs, c'est un avantage pour les littéraires, c'est un avantage, Ils ne se sentiront pas Isolés, alors que, là, il y a le risque de l'Isolement. Au fond, chacun négocie: qui divise règne.

Mme Bacon: Si on se réfère - et c'est la dernière question, M. le Président, avant que vous me rappeliez à l'ordre - si on se réfère à la commission parlementaire de 1986, ce qui nous a été demandé, c'est de légiférer dans le secteur de la création littéraire. Quand je regarde ici le chapitre III, par exemple, les normes minimales par rapport aux contrats individuels, est-ce que ça vous satisfait, ce chapitre III?

M. Roy: Non.

Mme Bacon: Pas du tout?

M. Roy: Non, parce que la définition Inclut la notion de l'imaginaire et à des fins esthétiques, entre autres. Présumons qu'il y a une oeuvre de contestation; à tout hasard, Les fées ont soif. Est-elle moins écrivaine parce qu'elle conteste?

Mme Bacon: Cela n'a rien à voir.

M. Roy: Cela n'a rien à voir! C'est la conséquence de la définition.

Mme Bacon: À quel article trouvez-vous cela?

M. Roy: Vous le trouvez à...

M. Légaré: Pour ce qui est du chapitre III, qui traite des contrats Individuels, comme on le dit, cela précise certaines obligations qui existent à l'heure actuelle dans la loi sur les droits d'auteur. C'est-à-dire qu'un auteur peut céder une partie ou la totalité de ses droits. Donc, présentement, vous précisez que c'est par contrat mais, effectivement, l'éditeur ne pourrait pas dire qu'il a le droit de traduction d'une oeuvre si l'auteur ne le lui a pas cédé par écrit. Cela précise certaines choses, mais ce n'est pas suffisant parce que cela ne détermine pas la teneur de cette cession. Par exemple, qu'est-ce qui empêche - beaucoup d'éditeurs le font - de demander que l'auteur cède ses droits pour 50 ans après sa mort, ou toute la durée de la propriété littéraire? Ce sont les associations qui peuvent négocier ce genre de chose-là. Justement, en donnant le pouvoir aux associations de négocier, ce n'est pas l'État nécessairement qui détermine les règles, mais il permet qu'elles soient déterminées par la libre négociation. Là, on n'a justement pas cette possibilité de négocier véritablement.

Mme Bacon: Nous n'avons pas voulu établir par la loi un cadre de relations de travail. Ce que nous avons voulu, c'est la misa en marché d'une oeuvre, mais pas un cadre de relations de travail. Merci beaucoup.

Le Président (M. Trudel): Ce que je voudrais bien, Mme la ministre...

Mme Bacon: Oui, j'abuse.

Le Président (M. Trudel):... c'est de passer la parole... Non, vous abusez a peine mais je vais maintenant, tout en vous remerciant, reconnaître le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, M. le Président. Mme Boucher, messieurs, je ne vous cacherai pas le plaisir que j'ai de vous revoir. Je sais que cela agace toujours, mais je ne peux quand même pas oublier où vous siégez: dans le comté de Saint-Jacques.

Le Président (M. Trudel): Évidemment, ceia va de soi.

M. Boulerice: Donc, je veux ajouter, encore une fois, je le répète, la fierté que j'ai d'être député de ce petit coin.

Mme Bacon: Je sais qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui viennent à Laval.

M. Boulerice: Si vous avez votre pont, peut-être.

Votre métier, l'écriture, mais avec une profonde analyse, on le voit au texte que vous nous présentez. Vous travaillez vite et bien, mais je pense que vous êtes, effectivement, allés au fond des choses. Je vous ai entendu dire tantôt: "Attention! Dangerl Je suis, donc, je pourrais nuire", en parlant de la loi. Vous avez cité Beaumarchais. Moi, j'ai peut-être le goût d'aller puiser dans La Fontaine, en se rappelant cette fable qui disait: II vaut mieux un ennemi habile et prudent qu'un ami maladroit. Peut-être en faisant un petit peu le parallèle, vous vous rappellerez cette bonne vieille blague qu'on faisait sur la devise des compagnies de finance. On disait, à l'époque, que leur devise était: Nous voulons votre bien et nous l'aurons. Alors, je ne

voudrais pas qu'en vertu d'une loi qui se veut bien je m'en retourne en disant: Eh bien, J'ai eu leur bien! Il est dans ma poche de gauche ou dans ma poche de droite. Vous, vous avez entendu la notion le droit nouveau. Effectivement, c'est du droit nouveau. Ce n'est sans doute pas facile. Quand même, droit nouveau, je pense qu'on n'érigera pas cela en absolu. On a du Beaujolais nouveau chaque année, mais ce n'est pas certain qu'il est aussi bon l'année qu'on l'a que l'année précédente et l'année qui va suivre. Donc, moi, très brièvement et très candidement, la question que je vais vous poser à vous, l'Union des écrivains, compte tenu du caractère manifestement particulier de votre profession et des usages qui lui sont bien reconnus, des interventions que j'ai écoutées de la part des éditeurs ce matin en pratiquant un quant à moi, parce que je me disais que vous alliez venir en fin d'après-midi, peut-être en début de soirée, c'est: Ne croyez-vous pas qu'il serait peut-être préférable - ce serait à vous de répondre - que vous soyez un chapitre nouveau de la loi 90 ou bien, toujours en fonction de ce que je vous disais tantôt, le caractère manifestement particulier de votre profession, les usages bien reconnus que vous avez, que vous fassiez l'objet d'une loi autonome? Je regarde et vous en êtes à une trentaine de modifications.

M. Roy: II n'y a aucun doute, oui.

M. Boulerice: Ouf, à laquelle des deux, monsieur?

M. Roy: À la deuxième.

M. Boulerice: Oui, à la deuxième.

M. Roy: Même à la première, si cela constitue un progrès par rapport au projet. Mais il est bien sûr qu'idéalement il me semble que cela devrait être ça. Si vraiment on veut rejoindre, réaliser cette volonté de répondre aux besoins d'une communauté comme la nôtre, je pense qu'il n'y a aucun doute là-dessus.

M. Boulerice: Mme la ministre l'a dit elle-même tantôt que vous étiez des gens importants. Je ne pense pas qu'elle l'ait dit par flatterie. Je le répéterai moi aussi parce que j'y crois et nous y croyons. Vous êtes effectivement des gens importants dans le développement culturel du Québec. Si vous n'êtes pas satisfaits, je ne vols pas dans quelle mesure je vais être heureux. S'il est pour y avoir une loi - j'employais l'expression ce matin - qu'on a voulu faire sur mesure, avec beaucoup de bonne volonté sans aucun doute, mais un prêt-à-porter, si vous trouvez les manches trop courtes ou les jambes trop longues et que vous n'êtes pas bien dedans, toujours pour employer une Image, à ce moment là, Je pense que si vous vivez mal avec, je vivrai mal comme législateur de ne pas vous avoir satisfaits

Je pense que vous avez répondu très franchement à la question que je vous ai posée, en émettant toujours la réserve, puisqu'il faut toujours faire attention aux Interprétations, que le fait de vous poser la question a savoir si l'on devrait vous distinguer dans le sens juridique - dans l'autre sens, vous le faites vous-mêmes, vous vous distinguez - n'empêche pas qu'on pourrait satisfaire les Intervenants d'autres secteurs, notamment des arts visuels qui estiment, avec certaines recommandations, il va de soi, que la loi les satisfait. Mais je pense que... Vous avez évoqué Beaumarchais, j'ai cité La Fontaine, on va plutôt laisser quelqu'un de contemporain poursuivre avec les questions. Je pense que mon collègue, le député de Mercier, veut vous adresser des questions.

Le Président (M. Bélanger): Allez-y, M. le député de Mercier.

M. Godin: M. le Président, on a fait état de larges consultations par rapport à cette loi. Est-ce que le président peut me dire si l'union a été consultée ou a vu ou a eu accès à une version de la loi avant que celle-ci soit diffusée?

M. Légaré: On a été consulté effectivement à quelques reprises depuis, entre autres, la loi 82 et la loi 90. On a été amené...

M. Godin: Est-ce qu'on vous a soumis un avant-projet de cette loi pour précisément...

M. Légaré: On nous a demandé notre avis, bien sûr.

M. Godin: Est-ce que les modifications suggérées à l'époque par vous se retrouvent dans ce projet de loi ou si...

M. Légaré: C'est-à-dire que ni le projet ni celui-ci ne convenait. On a les mêmes positions qu'on a toujours eues à cet égard.

M. Godin: C'est une consultation...

M. Roy: C'est que, peu importent les versions, on n'est pas satisfaits.

M. Demers: Pour préciser simplement, nous avons été consultés. Lors des rencontres que nous avons eues, nous avons justement Insisté sur la définition de l'écrivain. Nous avons Insisté sur le respect des regroupements existants. Nous avons déjà Indiqué un peu notre malaise par rapport au regroupement général qui était fait dans la loi 78. Donc, le projet de loi 78 ressemble aux choses qu'on nous a proposées avant la consultation et les recommandations que nous présentons aujourd'hui à partir de la page 15 ont déjà été faites à titre de commentaires lors de la consultation.

M. Godin: D'accord. Maintenant, vous suggérez qu'il y ait une loi spécifique pour les membres de l'union, en quelque sorte?

M. Roy: C'est-à-dire pour les écrivains.

M. Godin: Les écrivains, oui. Est-ce que dans votre union il y a des auteurs de bande dessinée, côté scénario ou genre Gosclnny?

M. Légaré: Des auteurs de textes, oui, II y en a.

M. Godin: Auteurs de scénario...

M. Légaré: Pour les illustrateurs de bande dessinée...

M. Godin: II n'y en a pas. Ce n'est pas chez vous. Donc, la solution serait plutôt vers une loi qui régirait les relations entre vous, les éditeurs et les groupes qui vous engagent pour une prestation d'écrivain sous une forme ou sous une autre.

M. Roy: Tout à fait.

M. Godin: Est-ce que vous croyez que c'est possible...

M. Demers: Peut-être une précision. C'est que...

M, Godin: Oui, excusez-moi. (17 h 45)

M. Demers: On tient cependant à ce qu'on ne parle pas que d'éditeurs. Un des problèmes que vivent les écrivains, c'est qu'un écrivain qui passe à la télévision ou à la radio reçoit, en général, un cachet de zéro dollar parce qu'on lui dit qu'il va faire de la publicité pour son oeuvre ou pour sa carrière. Un artiste de publicité télévisée qui va à la télévision a droit à un cachet minimal, mais pas un écrivain. Donc, on veut pouvoir négocier non seulement avec les éditeurs, mais avec tous ceux qui utilisent l'écrivain, soit son oeuvre, soit ses services. Les cachets pour les conférences sont parfois à peu près nuls; même les frais de déplacements ne sont pas payés. Je pense qu'il doit y avoir possibilité de négocier aussi avec ces diffuseurs.

M. Godin: Est-ce que vous croyez possible que cette loi modifiée, amendée d'une façon ou d'une autre, couvre ce genre de relations? Au fond, on parle maintenant d'encadrer le revenu de l'écrivain, parce que c'est important s'il veut continuer à écrire. Croyez-vous qu'il est possible dans cette loi, avec des modifications éventuelles, de couvrir le champ dont vous pariez?

Mme Boucher: Absolument. C'est pour cela qu'une loi est absolument nécessaire. Pour citer le poète américain Whitman, je dirais: "Je parierai de moi et ce que je dis de moi vaut pour tous car chaque parcelle de moi est aussi bien à vous. " Je suis plutôt une fille brave et courageuse et quelquefois effrontée. SI vous pensez que cela m'a servi pour ramasser mes droits d'auteur, absolument jamais! individuellement, je n'y peux rien. Je le sais d'expérience. On peut être auteur d'un best-seller ou auteur d'une oeuvre peu vendue, rien, jamais, n'est acquis et ne nous aide. C'est pour cela qu'il faut un collectif d'écrivains prêts à établir des normes, des bases minimales protégées par une loi, afin qu'on se débarrasse enfin du mythe de l'écrivain pauvre, logeant dans une petite chambre et ne pouvant se payer l'électricité, etc. C'est nécessaire qu'on ait un projet collectif et que ce projet fasse l'objet d'une loi. C'est pour cela qu'on ne peut pas avoir le même point de vue qu'un éditeur. Mes deux premiers éditeurs ne m'ont jamais payée, ils ont fait faillite.

M. Roy: Moi aussi.

Mme Bacon: Alors, il faut une loi pour vous protéger.

M. Roy: Oui, mais une loi qui nous concernerait.

Mme Bacon: Oui.

M. Godin: Je pense qu'on peut commenter, en terminant, que cela part de bons sentiments de la part du gouvernement, cette loi-là. Le gouvernement a frappé le "jack pot", en bon français, avec la loi 90 et je pense qu'il a souhaité ou espéré, avec les lumières de l'auteur préféré de la ministre qui est Me Brière encore une fois, trouver une réponse à tous les problèmes qui se posent mais le droit nouveau, avant d'être du droit nouveau, à mon avis, n'est pas encore mûr. La commission n'aurait servi qu'à montrer au gouvernement, à la ministre et au législateur les défauts, et les failles de son projet qu'elle n'aurait pas été inutile. Je pense qu'effectivement, dans le domaine de la littérature, c'est tellement différent des arts plastiques ou de toute autre forme d'art, qu'on peut souhaiter que la ministre vous entende et réagisse positivement à votre demande, à laquelle on s'associerait. J'ai terminé, M. le Président, pour l'Instant.

Le Président (M. Trudel): Merci M. le' député.

Une voix: Est-ce qu'il y a un commentaire M. le Président?

Le Président (M. Trudel): Non, je répéterais ce qui a été dit et il me semble que cela a été bien dit. Mme la ministre, avez-vous un commen-

taire additionnel puisqu'il reste deux minutes?

Mme Bacon: Ce ne sera pas long. II me semble qu'il y a un problème d'orientation. L'orientation que nous avons voulu prendre dans le projet de loi n'est pas la même que celle que vous voudriez nous voir prendre. Votre approche c'est beaucoup plus une approche syndicale que vous développez. Je crains que cela ne risque d'être peut-être négatif pour les écrivains compte tenu de la spécificité et peut être de l'unicité de l'auteur et de la relation privilégiée qu'il doit avoir. Je sais, on a entendu les commentaires tantôt sur les relations que vous pouvez avoir avec vos diffuseurs et, je le répète encore une fois, nous ne sommes pas Ici dans un cadre de relations du travail, mais bien de la mise en marché d'une oeuvre, au fond, et pas de relations du travail. Nous prenons acte quand même de ce que vous nous avez dit aujourd'hui, mais j'aurais peut-être une dernière question. Je vais la risquer. Est-ce que vous préféreriez être totalement exclus de cette loi et ne pas avoir de loi, plutôt que d'être protégés sur le plan de votre oeuvre?

M. Deniers: Je suis un peu étonné quand même, quand je vois dans le projet de loi qu'on nous parle de contrat, de reconnaissance d'association, de statut, alors qu'on sait très bien que le statut peut avoir des conséquences sur les règlements avec d'autres ministères, de me faire dire qu'il n'est pas question ici de conditions de travail.

Mme Bacon: Les relations entre employeurs et employés.

M. Demers: Pour moi, un contrat, c'est une relation; la reconnaissance de mon association, c'est une relation et ce projet de loi me donne un cadre qui est évidemment mieux que rien. En ce sens, quand on me demande si je préférerais ne rien avoir, moi, je suis un auteur non littéraire, entre guillemets, et donc, à mon nom et au nom du tiers des membres de l'UNEQ, je vous répondrais évidemment que ce projet de loi, pour moi, il est dangereux et inquiétant. Il est sans doute inquiétant aussi pour le collègue qui est assis à côté de moi qui, lui, est un littéraire pur et dur, parce que je vais peut-être avoir de moins bonnes conditions, mais je vais peut-être me faire éditer plus souvent que lui maintenant. Et c'est ce qui m'inquiète avec le projet de loi 78. Je ne comprends pas qu'on puisse me dire qu'il ne s'agit pas ici d'un projet qui parle de relations du travail; étant donné son contenu, c'est clairement un projet qui parte de relations du travail.

On demande au gouvernement de faire une nouvelle législation du genre de celle qu'il a réussi à faire avec la loi 90 et dont on est, en effet, très envieux. Pour être honnêtes, on en rêve. Et quand je sortirai d'ici, je rêverai simplement d'avoir, comme écrivain, ce que les artistes ont obtenu avec la loi 90 et je regretterai que Marie-Victorin soit moins bien protégé que l'agent Glad.

Le Président (M. Trudel): Merci. Mme la ministre.

M. Boulerice: Un dernier point, M. le Président, pour remercier les gens et pour leur dire que, personnellement, je ne partage pas que l'on parle à votre égard d'approche syndicale puisque, dans le projet de loi 90, face aux recommandations, aux demandes de modifications qu'a présentées l'Union des artistes, jamais on n'a parié d'eux en disant: C'est une approche syndicale. Je pense que vous avez fait connaître votre point de vue, vous l'avez fait de façon digne. Si l'écriture est quelquefois silencieuse, la parole était très forte de votre part et je pense qu'elle va éclairer la commission. Je vous remercie d'avoir été présents ici.

Le Président (M. Trudel): Merci. M. le député de Saint-Jacques. Alors, madame et messieurs, au nom de la commission, merci de vous être présentés cet après-midi et d'avoir défendu une fois de plus votre point de vue. Il est tombé, quant à moi, dans une oreille d'éditeur, éditeur un peu spécial qui fait autre chose pour le moment, mais qui se souviendra de ce que vous lui avez dit aujourd'hui.

Bon retour à Montréal.

M. Boulerice: On écrit, mais le Journal des débats n'est jamais dans la liste des best-sellers, malheureusement pour nous.

Le Président (M. Trudel): Heureusement, dans certains cas, qu'il ne fait pas partie de la liste des best-sellers.

Alors, nous allons suspendre deux minutes, le temps de faire les changements à la table des témoins. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 54)

(Reprise à 17 h 57)

Le Président (M. Trudel): Je pense que les représentants de l'Opposition ont terminé leur conversation d'ordre privé et je vois que deux représentants de la Conférence des conseils régionaux de la culture sont sur place; on en avait annoncé trois, c'est quand même les deux tiers de ce qu'on avait annoncé.

M. Paquet (Pierre): C'est aussi un bon deux tiers.

Le Président (M. Trudel): Ha, ha, ha! Vous m'avez enlevé les mots de la bouche, j'allais dire que la qualité avait remplacé la quantité.

Au nom de la commission, M. le président, je vous souhaite la bienvenue. J'ose espérer que M. le député de Saint-Jacques... C'est peut-être parce que vous n'êtes pas originaire du comté de Saint-Jacques que le député de Saint-Jacques tarde à prendre place autour de...

M. Boulerice:...

Le Président (M. Trudel): M. le président de la Conférence des conseils régionaux de la culture, à moins de me tromper, Je pense que vous n'êtes pas du comté de Saint-Jacques?

M. Paquet: De I'Estrie, du Lac-Mégantic, au bout de la rivière Chaudière.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Qui coule dans le fleuve et le fleuve coule chez moi; alors, on se retrouve.

M. Paquet: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Trudel): M. le président, au nom de la commission de la culture, je vous souhaite la bienvenue. Vous êtes un vieux routier de ces séances et je vous y retrouve avec plaisir. Je vous cède donc Immédiatement la parole, en vous rappelant que vous avez plus ou moins 20 minutes et que nous prendrons le reste du temps pour vous poser des questions. J'en profite Immédiatement, même s'il n'est pas encore 18 heures, pour demander le consentement unanime des membres de la commission pour poursuivre au-delà de 18 heures, puisque l'avis de l'Assemblée nationale court lentement mais court quand même jusqu'à 18 heures. Est-ce que J'ai votre consentement, M. le député de Saint-Jacques?

M. Boulerice: M. le Président, durant la fin de semaine de notre congrès, à l'atelier de culture, il y avait une résolution qui disait que les conseils régionaux de la culture étaient des interlocuteurs privilégiés. Alors, je ne démentirai pas le programme de mon parti.

Le Président (M. Trudel): Si je comprends bien, vous venez de me donner le consentement pour continuer après 18 heures, et je vous en remercie. Évidemment, je présume du consentement de Mme la ministre. M. le président, je vous cède la parole.

Conférence des conseils régionaux de la culture

M. Paquet: Merci. Mme la ministre, M. le Président, Mme la vice-présidente, mesdames et messieurs, au nom des nombreux créateurs dont elle se fait ici le porte-parole, la Conférence nationale des conseils de la culture du Québec salue bien bas une autre grande créatrice, Mme

Lise Bacon, pour ce geste innovateur et capital qu'est le projet de loi 78. Nous formulons le souhait qu'Ottawa saura le reconnaître et lui accorder tous les droits de suite qu'il appelle.

Nous accueillons ce projet comme celui de l'implant d'un nouvel esprit social à l'égard du monde de la création, capable, s'il est bien adapté, de générer une renaissance toute québécoise.

L'importance du geste, tout comme ses répercussions prévisibles, nous amène à le vouloir non seulement conforme à la réalité actuelle des créateurs, mais également ouvert sur leur réalité de demain. Une loi destinée à ces derniers se doit de faire place au développement des pratiques artistiques et de précéder ceux-là mêmes qu'elle tend à protéger.

Dans cet esprit, reportons-nous au chapitre I, Champ d'application et définitions, article 2. À la lecture des trois grands domaines d'application, nous notons d'abord, dans la nomenclature des pratiques, une façon différente de les identifier. Alors qu'en arts visuels on utilise le terme "notamment" pour laisser entendre que d'autres pratiques pourraient s'inscrire dans cette définition, en métiers d'art, tout comme en littérature, on ouvre à d'autres pratiques en ajoutant, d'une part, "ou de toute autre matière" et, d'autre part, "et toute autre oeuvre écrite de même nature". Il est à remarquer que "tout" signifiant "tout à fait" ne s'accorde pas.

Dans le domaine des arts visuels, nous souhaiterions voir apparaître la même ouverture et qu'au lieu de "notamment", on utilise en fin de paragraphe "et toute autre pratique permettant la production d'oeuvres de même nature".

Revenons maintenant au premier domaine, celui des arts visuels. Nous nous interrogeons également dans cette description sur l'interprétation possible de l'expression "d'un nombre limité d'exemplaires". En poussant à l'extrême, nous pouvons conclure que sont exclues de ce domaine toutes les oeuvres soit ayant fait l'objet d'un grand tirage, soit ayant été conçues en fonction d'un grand tirage. Si nous comprenons bien que la reproduction n'est pas l'oeuvre mais une copie de cette oeuvre, nous disons donc que ce qui nous intéresse, c'est l'original et son concept, et c'est à cela que devrait s'attacher la définition, sans tenir compte d'un nombre petit ou grand d'exemplaires. Donnons un exemple très contemporain d'un type de reproduction, celui auquel peut parvenir la photographie au laser. Lorsque celle-ci reproduit une oeuvre en trois dimensions en provenance de la collection d'un musée, s'agit-il d'une copie de l'oeuvre, d'un nouvel exemplaire de l'oeuvre ou d'une nouvelle oeuvre attribuable au photographe? Étant donné la prouesse technique et les factures élevées que cela représente aujourd'hui, l'unicité d'un tel type de reproduction nous porterait à répondre qu'il s'agit de l'oeuvre du photographe, mais qu'en sera-t-il dans cinq ou dix ans? Rappelons que le dernier numéro du National Geographic

présentait, à l'endroit et au dos de sa couverture, deux holographies, le tout tiré à plusieurs milliers d'exemplaires.

Évoquons également les possibilités de l'infographie. Plus souvent qu'autrement, à cause des coûts de production, ces créations sont intégrées à des messages publicitaires et nous apparaissent sur nos écrans télévisés, simultanément et en plusieurs millions d'exemplaires, éphémères, mais peuvent être fixées sur bande vidéo, etc. Rappelons-nous l'exploit que fut la création du personnage Tony de La Peltrie et de l'importante place que prend déjà dans notre Imaginaire ce nouveau procédé de création.

Ici aussi, c'est la création qui nous Importe et non de quelle façon elle sera utilisée par la suite ou récupérée sur le marché. Nous sommes à l'ère des satellites, des grands moyens de production de masse, alors, pourquoi enfermer les créateurs en arts visuels dans une définition qui les confine aux traditions séculaires? Songerait-on à imposer cette restriction au domaine de la littérature? Bien évidemment non. Pourtant, dans l'édition, il existe aussi des tirages limités, numérotés et signés qui donnent une plus grande valeur aux livres. Nous comprenons bien que la diffusion la plus large possible est au bénéfice de l'auteur, qu'elle constitue pour lui une forme de reconnaissance importante de la valeur de son travail. Alors, pourquoi cette même notion ne pourrait-elle pas s'appliquer au domaine des arts visuels?

Nous invoquons cette notion au profit de l'affiche qui est devenue, au sein de notre milieu culturel, un outil privilégié et à laquelle s'adonne nombre d'artisans et ce, de façon brillante. Nous serions bien malvenus de ne pas leur reconnaître un statut d'artiste professionnel. Si Paris consacre un musée à l'affiche, peut-être pourrions-nous lui concéder une petite place au sein de la production artistique québécoise?

En maintenant que les oeuvres originales de recherche ou d'expression ne peuvent exister qu'en nombre limité d'exemplaires, c'est une façon de dire que Gutenberg a eu tort d'inventer l'imprimerie et ses descendants d'en exploiter toutes les ressources parce qu'une oeuvre d'art, pour être originale, ne peut subir les effets d'un grand tirage. Donnons Ici un exemple plus proche de vous. Le ministère invitait dernièrement des artistes en arts visuels à participer à un concours d'affiches pour la mise en valeur du Vieux-Montréal. SI nous faisons une Interprétation stricte de votre définition, le concept primé ne pourra être reconnu comme oeuvre originale non utilitaire. Or, selon les termes d'appel du concours, celui qui signera le concept sera, lui, considéré comme un artiste en arts visuels N'y a-t-il pas là contradiction?

Lorsque Gaz Métropolitain diffuse des oeuvres originales commandées à cette fin sur des panneaux publicitaires Médiacom, ces oeuvres perdent-elles leur caractère d'unicité parce qu'elles se retrouvent sur des supports non conventionnels et utilisés pour des fins de large diffusion?

Nous aimerions donc voir la description du domaine des arts visuels se lire comme suit: La production d'oeuvres originales de recherche ou d'expression, non utilitaires, véhiculées par la peinture, la sculpture, l'estampe, le dessin, la photographie, les arts textiles, l'installation, la performance, la vidéo d'art ou toute autre technique permettant la production d'oeuvres de même nature.

Ceci devrait également s'appliquer au domaine des métiers d'arts et, comme suite logique à ces arguments, l'article 33 du chapitre III, Contrats entre artistes et diffuseurs, section I, devrait être modifié en conséquence et se lire comme suit: "Un diffuseur ne peut, sans le consentement de l'artiste, donner en garantie les droits qu'il obtient de ce dernier ni consentir une sûreté sur l'oeuvre de l'artiste, même si celle-ci fait l'objet d'une publication et d'une diffusion en plusieurs exemplaires. "

Relativement à la définition de ce qui est recevable à titre de pratique artistique en matière de littérature, nous voudrions voir s'ajouter à la création et à la traduction l'adaptation d'oeuvres littéraires. Également, dans la nomenclature qui suit des différentes pratiques artistiques de ce domaine, nous voudrions voir s'ajouter le scénario.

À l'article 3 du même chapitre, paragraphe 3, considérant le fait que peu d'entreprises ont nécessité jusqu'ici une Intervention autre que financière, le verbe "gérer" conviendrait mieux que celui d'opérer".

Portons nous maintenant au chapitre II, article 6. Il nous paraît judicieux, dans la partie que constitue le 2°, d'ajouter, tel que le préconise le comité consultatif canadien, à la suite de "il crée des oeuvres pour son propre compte": "et a réalisé des recettes ou subi des pertes découlant de l'exploitation de ses oeuvres, recettes et pertes correspondant à l'ensemble de sa carrière artistique. "

Dans la partie que constitue le 3°, la reconnaissance par les pairs devrait également s'appliquer au domaine de la littérature et cette reconnaissance, toujours en conformité avec ce que préconise le comité consultatif canadien, devrait se traduire de la façon suivante, à l'intérieur du paragraphe qui se lirait maintenant comme suit: Ses oeuvres sont exposées, produites, publiées, présentées en public ou mises en marché par un diffuseur et sont reconnues comme telles par ses pairs. Cette reconnaissance professionnelle aura pris la forme de témoignages reçus du public ou de ses pairs et se traduira, notamment, par des mentions d'honneur, des récompenses, des bourses ou encore son oeuvre aura fait l'objet d'articles ou de critiques dans les médias.

À la section II, partie 1, article 10, deuxième paragraphe, la notion du plus grand nombre n'assure pas, à notre sens, un rayonnement sur

l'ensemble du territoire québécois. Aussi, voudrions-nous voir ajouter à la fin "et sur l'ensemble du territoire québécois". À ce chapitre, étant donné que plusieurs associations devront se regrouper sous une même bannière pour exercer leurs représentations du domaine des arts visuels, nous suggérons que celles-ci bénéficient d'un support technique gouvernemental pour réussir cette fusion sans trop de difficultés et de délais.

Au chapitre III, section I, article 36, on fait référence à l'intervention possible d'un arbitre en cas de différent. Nous voudrions que la commission mise en place dans le cadre de la loi 90, et qui Intégrera éventuellement la loi 78, puisse exercer dans les cas de litige ce rôle d'arbitre.

Finalement, à l'article 39. nous suggérons la formulation suivante, dont nous jugeons la tournure nettement plus correcte en français: "Le diffuseur doit, dans chacune de ses places d'affaires, tenir à jour un registre complet des oeuvres confiées à sa responsabilité. Sur ce ou ces registres seront inscrits les renseignements suivants: 1° le nom du titulaire du droit de propriété de chaque oeuvre; 2° une Identification de l'oeuvre; 3° la nature du contrat confiant l'oeuvre au diffuseur. Ces inscriptions devront figurer sur le registre du diffuseur pour toute la durée du contrat, lui confiant la responsabilité des oeuvres indiquées au contrat. L'artiste lié par contrat au diffuseur peut consulter ce registre et en tirer copie en tout temps pendant les heures d'ouverture de l'établissement du diffuseur" - et non pas "l'ouverture du diffuseur", entre autres.

Nous remercions la commission d'avoir pris le temps de nous recevoir et également de l'attention qu'elle aura accordée aux diverses remarques que nous lui avons transmises. Mesdames, messieurs, merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le président. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre des Affaires culturelles.

Mme Bacon: Merci, M. le président et madame. Je vous remercie d'avoir voulu participer à cette commission parlementaire. On s'aperçoit qu'il est nécessaire d'entendre les différents groupes qui sont non seulement touchés par la loi que nous présentons, mais aussi qui ont à coeur de faire avancer certains dossiers importants dans la vie culturelle québécoise. Je vous remercie de ce mémoire que vous nous présentez. Vous nous formulez de nombreuses remarques sur les définitions qui sont prévues à la loi et nous en prenons bonne note. Cependant, cette loi a pour objet la reconnaissance du statut du créateur et sa protection dans ses relations contractuelles. Est-ce que vous croyez que les éléments qui sont prévus au projet de loi permettent ainsi de mieux protéger le créateur?

M. Paquet: Dans ce qu'il nous a été donné de voir et sur lequel on a eu une consultation de l'ensemble des conseils, de façon générale, oui. On est, par contre, conscient qu'en ce qui a trait à l'application éventuelle et à l'Interprétation que pourrait en donner la commission de reconnaissance, entre autres, là il y a une certaine vigilance que les conseils et la conférence auront à apporter. On a fait référence, nommément, à la territorialité. Vous savez qu'encore plus que dans le cas des arts d'interprétation les arts visuels, les métiers d'art, comme la littérature - on a Insisté sur le caractère Individuel de la création, dans bien des cas - il y en a énormément sur tout le territoire du Québec.

Les conditions de vie des gens en région, ne serait-ce que la visibilité, qui n'est pas toujours aussi évidente que si on est près d'un grand centre, cela nous crée des problèmes dans nos rapports avec l'ensemble des créateurs, parce que c'est plus coûteux, parce que cela prend plus de temps. On considère, à la conférence des conseils, que la loi est nécessaire pour que, lorsqu'on arrive un peu partout, que ce soft au Revenu à Québec ou que ce soit au Revenu à Ottawa, on fasse des représentations pour que cela puisse s'appliquer, maintenant. Au niveau des associations, il y a le travail que nous ferons pour représenter les artistes en région. Au départ, on a besoin de la loi et on a besoin de savoir exactement ce que cela veut dire.

Pour le moment, nous sommes d'accord avec le principe qui veut que ce soit l'acte créateur qui soit protégé et que ce soit cela d'abord et avant tout. J'espère qu'à la fois lorsque la loi sera interprétée et lorsque le travail de reconnaissance sera fait, on ne limitera pas qu'à l'acte créateur et qu'on acceptera éventuellement que les associations puissent développer d'autres protections, d'autres services et d'autres négociations. Mais l'interprétation que j'en fais, bien que n'étant pas un homme de loi - et je pense que c'est la prudence qu'il faudrait avoir - c'est que la loi ne doit pas être restrictive, dans le sens qu'elle assure ce minimum, qu'elle reconnaisse la protection de l'acte créateur, donc du produit de la création, et qu'elle permette aux associations, après, de développer d'autres rapports avec les diffuseurs.

Mme Bacon: Vous dites que nous reconnaissons l'acte créateur. Est-ce que vous trouvez que même dans la littérature, après tout ce que nous venons d'entendre, nous reconnaissons maintenant l'acte créateur? Est-ce que... (18 h 15)

M. Paquet: Je vous avoue honnêtement que je ne suis pas très familier avec la littérature. J'ai travaillé surtout en théâtre et en diffusion et en arts d'interprétation, donc, je ne suis pas très au fait des particularités de leur action, personnellement. Étant donné que je n'ai pas d'avis de membres de la conférence, à la fois des

conseils et des membres d'un conseil, je ne peux pas m'étendre beaucoup là-dessus. La seule chose, c'est que j'avais cru comprendre, dans les explications qui nous ont été fournies dans les consultations préalables à la commission, que le produit de création de la littérature était respecté. Donc, à ce moment-là, on n'est pas allés plus loin que ça, quant à nous, et on n'a pas eu beaucoup de temps pour se concerter avec les organisations nationales et essayer de comprendre leur point de vue. Alors, |e ne peux pas aller plus loin que ça pour le moment.

Mme Bacon: D'accord. À la page 4 de votre mémoire, vous nous proposez des critères additionnels pour les fins de reconnaissance de l'artiste professionnel. Est-ce que vous pourriez préciser les raisons et, peut-être, en quel sens vous voulez voir se préciser ces critères?

M. Paquet: Si vous me donnez 30 secondes.

Mme Bacon: Oui, oui.

C'est aux trois premiers paragraphes de la page 4.

M. Paquet: Oui, oui.

C'est-à-dire qu'on voulait, nous. Ce qu'on en comprenait, c'est que je pense que la loi, dans le cas des artistes, si ce n'est pas un droit du travail, c'est un droit d'affaires, que ça Inscrit. Donc, on souhaitait que la reconnaissance des pairs soit incluse, la relation d'affaires que ça Implique, pour pouvoir confirmer ce statut professionnel.

D'ailleurs, le problème des artistes, c'est toujours: Quand est-ce qu'on le devient? Et Dieu sait s'il y en a beaucoup qui ont travaillé là-dessus et qui n'ont pas réussi à s'entendre vraiment! C'est celui qui en vit? Cela a l'air simple. Celui qui tente d'en vivre? Oui, mais quand commence-t-il à tenter? Mais c'est d'inscrire quand même cette notion-là qui nous apparaissait Importante, et c'est pourquoi on revendique cette chose-là.

Mme Bacon: D'accord. Où pourriez vous situer les limites du champ d'application pour les métiers d'art? Parce que vous ne souhaitez pas, je pense, maintenir le critère de limite du nombre d'exemplaires?

M. Paquet: C'est en arts visuels, ça.

Mme Bacon: Ce n'est pas en métiers d'art?

M. Paquet: Oui. C'est surtout en arts visuels. C'est-à-dire que...

Mme Bacon: Reprenons pour les arts visuels, dans ce cas-là.

M. Paquet: D'accord.

Mme Bacon: Est-ce que vous souhaitez maintenir des critères de limite?

M. Paquet: Non, on ne souhaite... Dans l'esprit, ce qu'on dit, c'est qu'il ne nous apparaît pas... Cela pourrait être dangereux d'inscrire qu'il puisse y avoir une limite, dans la mesure où ça pourrait être invoqué pour refuser la protection à une oeuvre. Alors que, si on ne l'inscrit pas, on peut très bien comprendre qu'on protège l'oeuvre originale parce qu'elle existe, et le fait de la duplication, à ce moment-là, c'est dans le contrat spécifique que négocieraient les associations d'artistes et leurs diffuseurs. On pense que, si on maintient cette notion-là, on risque de permettre à des tribunaux d'exclure des oeuvres, sous prétexte qu'il y en a un nombre X.

Mme Bacon: Est-ce que vous craignez que des règles trop exigeantes, par exemple, ne risquent de mettre en péril le développement et peut-être l'existence même des diffuseurs régionaux? Parce qu'il faut quand même penser aussi aux régions Je pense entre autres aux petits éditeurs, dans le sens, évidemment, de leur chiffre d'affaires.

Pensez-vous que, si nos règles étalent trop exigeantes, ça risquerait de les mettre en péril, mettre en péril leur développement?

M. Paquet: Oui, sauf que je pense que si c'était trop exigeant, mais dans le contrat.. Là, c'est que je ne vols pas dans la loi où.. Je n'ai pas vu, on n'a pas apprécié de...

Mme Bacon: Parce que c'est ce qu'on a entendu depuis le début. J'essaie en même temps de...

M. Paquet: Ah! d'accord!

Mme Bacon: Je consulte, en même temps.

M. Paquet: D'accord. Je n'y étais pas, là!

Ce que je veux dire par là, c'est qu'il est bien sûr qu'il y a toujours le problème des régions, à un moment donné, et c'est dans tous les arts; même en arts d'interprétation, il y a un problème de volume. C'est-à-dire que c'est le niveau de "flottabilité" qui est problématique. Lorsque tu n'as pas beaucoup de volume et que tu as des exigences trop grandes, tu ne peux pas te permettre de maintenir ton bateau à flot. Cela va dans tous les domaines, sauf que là... Cela, je pense qu'à la fois les conseils, à la fois le ministère et à la fois un certain nombre d'intervenants sont là pour essayer, dans les contrats, de tenir compte de ce facteur. C'est dans ce sens qu'on veut que la territorialité inscrite dans la loi nous permette d'aller aussi loin que possible. Sauf que là, sauf erreur, la loi ne contient pas de normes qui nous permettent de dire qu'on serait exclus. Les conseils régionaux ont eu une action déterminante dans leur secteur

d'activité parce qu'ils ont été regroupés et, même, ils ont été regroupés au-delà des secteurs. Je pense que cela témoigne d'une capacité de différents secteurs de pouvoir à la fois se regrouper et aller chercher des conditions intéressantes.

Mme Bacon: Le projet de loi 78 vise des métiers, des catégories d'oeuvres, peu importe le médium utilisé; qu'il s'agisse d'un 'hologramme ou d'une autre technique, on parle, d'abord de production tridimensionnelle, de photographie. En quoi votre proposition peut-elle ajouter à la définition des arts visuels?

M. Paquet: Le fait, notre...

Mme Bacon: Vous avez dans votre...

M. Paquet: Oui.

Mme Bacon: Vous avez une proposition qui ajoute.

M. Paquet: Oui.

Mme Bacon: Est-ce que cela peut ajouter davantage dans les arts visuels quand on parle de reproduction, de photographie, etc. ?

M. Paquet: C'est-à-dire qu'à partir du moment où, dans vos exemples, on identifiait cet art-là, on a pensé qu'il pouvait être important de le nommer puisqu'il est connu maintenant, en l'ajoutant. La façon dont on vous a demandé de l'inclure dans la loi, cela nous permet de pouvoir couvrir tout ce qui pourrait être créé à partir de maintenant.

Mme Bacon: Cela pourrait couvrir toute la création, au fond.

M. Paquet: Toute la création qui peut s'identifier aux arts visuels.

Mme Bacon: D'accord. Merci beaucoup. M. Paquet: Bienvenue.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Enfin, si vous n'aviez pas été ici, je pense que je me serais inquiété en fonction de ce que je vous ai dit d'emblée à votre arrivée. J'ai écouté attentivement ce que vous avez dit et j'ai regardé votre page 4. Vous dites: "Au chapitre III, section I, article 36, l'on fait référence à l'intervention possible d'un arbitre en cas de différend. Nous voudrions que la commission mise en place dans le cadre de la loi 90 et qui intégrera éventuellement la loi 78 puisse exercer, dans les cas de litige, ce rôle d'arbitrage. " Est-ce que vous pouvez m'expliquer pourquoi vous voulez que ce soit la commission qui fasse cela? Ce sera au bénéfice de M. le Président de la commission aussi qui est ici?

M. Paquet: En fait, à la limite, vous pourriez nommer quelqu'un d'autre, mais ce qui nous apparaît d'abord important, c'est qu'il y ait une personne qui puisse être identifiée, donc qui se sente comme responsable du travail. On ne peut pas juger de sa qualité, à savoir si cela va être absolument formidable, ce que la commission va faire concernant la loi 90, mais tant qu'elle n'a pas fait de faute, je présume que cela va être parfait et, à ce moment-ci, on considère qu'elle devrait le faire de la même façon.

M. Boulerice: Voyez-vous, M. Paquet, je ne sais pas si, comme me le disait M. Ryan cet après midi en Chambre, c'est la nostalgie d'une époque, donc du collège classique, mais j'aime beaucoup faire de la maïeutique. Quand on a introduit cette notion d'arbitrage, tout le monde trouvait cela très intéressant. Je dis: Attention! lorsque vous prenez un avocat... On fera l'autre débat, à savoir: Est-ce que nous avons des avocats spécialisés dans le domaine de la culture au Québec? La question reste à poser mais en tout cas...

M. Paquet: J'en connais qui sont en formation pour le moment.

M. Boulerice: Eh bien, bravo! Ne me dites pas que vous avez cette pépinière-là maintenant. Donc, je disais que, lorsqu'on prend un avocat et que l'on gagne, ce sont les frais de cour, un point, c'est tout, et cela va. Dans le cas d'un arbitrage, il y a le partage des coûts. Vous gagnez, mais vous payez la moitié des coûts d'arbitrage. Et en vous voyant écrire que c'est ta commission qui pourrait jouer ce rôle d'arbitrage, j'y voyais peut-être une façon très habile de votre part de suggérer que, pour pallier ces coûts qui pour les artistes peuvent hypothéquer, ce sera un service gratuit de la commission.

M. Paquet: C'est bien. C'est une bonne idée, une excellente idée.

Le Président (M. Trudel): Pas de problème. M. Boulerice: Beaucoup d'idées.

M. Paquet: Mais les artistes souvent parlent de gens qui travaillent... il y a beaucoup de piratage au niveau de la création, aussi.

C'est peut-être un juste retour.

M. Boulerice: Un juste retour.

A la page 5 - je vais conclure là-dessus - parce qu'il y a eu une Intervention ce matin, je veux tout simplement vous demander si vous y tenez mordicus. Vous dites: "Le diffuseur doit, dans chacune de ses places d'affaires, tenir

à jour un registre complet des oeuvres confiées à sa responsabilité". L'association des musées, ce matin, nous a fait des remarques à ce sujet que j'ai jugées quand même d'une certaine pertinence. Elle donnait l'exemple du Musée du Québec qui expose dans un magnifique petit local sur la rue Champlain et, moi, j'ajoutais celui du musée d'Art contemporain qui fait des expositions dans les couloirs de la Place des arts, dans le hall d'entrée. Pour eux, tenir des registres séparés, en fonction des places d'affaires, cela posait certaines difficultés.

M. Paquet: Je ne le sais pas. Là-dessus, je trouve que ce n'est pas une bonne idée de leur laisser la porte ouverte à cela. Je vous avoue honnêtement que ce serait peut-être préférable de prévoir un programme d'informatisation dans les musées pour qu'Us puissent assez facilement, avec un petit code et une petite touche, avoir la liste de ce qui est ou pour que les artistes puissent voir exactement où sont leurs oeuvres.

Je pense que c'est Important que les diffuseurs... D'ailleurs, ils vont s'y mettre, parce que c'est toujours plus Intéressant d'avoir des bilans et des inventaires à jour et ces moyens permettent de le faire rapidement.

M. Boulerice: Bon, c'est vous, M. Paquet, que le président va accuser de dépenser l'argent des autres, parce qu'il va falloir prévoir des crédits pour l'informatisation des musées. Écoutez, je pense que vous nous avez quand même livré des commentaires extrêmement pertinents et qui ajoutent à la commission. Quant à moi, j'en prends bonne note et les agissements de l'Opposition seront toujours en fonction de ce que vous nous avez dit. Je vous remercie de votre mémoire.

M. Paquet: Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci. M. le député de Saint-Jacques. Mme la ministre.

Mme Bacon: Je voudrais remercier, si vous me le permettez, la Conférence des conseils régionaux de la culture d'avoir apporté une dimension pour ce qui est des régions. On a souvent l'impression que les groupes de Québec et Montréal viennent ici très nombreux, mais cette dimension régionale est très importante au ministère et nous apprécions beaucoup cette dimension que vous avez apportée avec vous. Merci.

M. Paquet: Merci.

Le Président (M. Trudel): M. le président, il me reste à vous remercier à mon tour, au nom de la commission, et à vous faire remarquer que, bien que vous ne veniez pas du comté de Saint-Jacques, M. le député de Saint Jacques a été affable...

M. Boulerice: Partiellement.

Le Président (M. Trudel):... et aimable avec vous. Chaque fois qu'on reçoit des gens des régions, comme Mme la ministre l'a dit, nous en profitons. Alors, merci infiniment et bon retour chez vous.

La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 29)

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