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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le mardi 25 avril 1989 - Vol. 30 N° 27

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française


Journal des débats

 

(Dix heures vingt et une minutes)

Le Président (M. Trudel): Je constate qu'il est 10 h 20 et que nous devons entreprendre l'étude des crédits budgétaires des organismes relevant du ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française pour l'année financière 1989-1990. Je rappelle que l'ordre de la Chambre stipule que nous devions siéger, ce matin, à compter de 10 heures jusqu'à 12 h 30 et de 15 h 30 à 18 heures, pour une durée totale prévue de cinq heures. Mme la Secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Mme Harel (Maisonneuve) est remplacée par M. Filion (Taillon).

Le Président (M. Trudel): Alors, M. Filion (Taillon) remplace Mme Harel (Maisonneuve). M. le ministre, tout en vous souhaitant la bienvenue ainsi qu'au personnel qui vous entoure, je vous rappelle rapidement les règles du jeu. Vous avez des remarques préliminaires à faire que nous entendrons le temps qu'il le faudra. Je pense d'ailleurs que le texte vient d'être distribué aux membres de la commission. Suivront des remarques préliminaires de la part du député de Taillon, responsable de cette question du côté de l'Opposition. Si vous jugez bon de le faire, avant que nous nous engagions dans l'étude de vos crédits, élément de programme par élément de programme, vous pouvez faire une réplique si vous le jugez nécessaire.

M. le ministre, je vous cède immédiatement la parole pour une période réglementaire plutôt élastique.

Remarques préliminaires M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, j'aurais souhaité qu'une période de temps plus longue me soit accordée entre le moment de ma nomination comme ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française et celui de la défense, devant cette commission, des crédits réservés à l'application de la politique linguistique du gouvernement. Une période de rodage plus longue m'eût permis de me familiariser davantage avec les mécanismes nombreux et complexes qui règlent l'application quotidienne de la charte. Elle m'eût permis d'aborder avec plus d'aisance les questions que ne manqueront pas de m'adresser les membres de la commission. Comme nous pourrons par ailleurs compter sur la présence à mes côtés des dirigeants des principaux organismes chargés de l'application de la charte, nous aurons sans doute des échanges de vues substantiels et constructifs. J'assure, pour ma part, les membres de la commission de mon entière collaboration et de celle des personnes qui m'accompagnent. Je porterai une attention active aux suggestions que les députés voudront adresser au gouvernement par mon entremise.

Ayant déjà eu l'occasion, lors d'un débat qui a eu lieu en Chambre à la mi-mars, de préciser les grandes orientations de la politique linguistique du gouvernement pour les mois à venir, je n'entends pas reprendre en détail les propos que je tenais alors. Je me bornerai à rappeler brièvement deux orientations qui me semblent plus directement reliées à l'exercice de l'étude annuelle des crédits.

Tout d'abord, la langue française, de tous les biens qui sont communs à tous les Québécois, est sans doute, avec le territoire magnifique dont la nature nous a dotés, l'un des plus précieux, sinon le plus précieux. Il en va de même de la loi que nous nous sommes donnée pour assurer le respect et l'épanouissement de notre langue. Ainsi que je le déclarais le 15 mars, la loi 101 fait désormais partie de notre héritage commun, de cette substance collective que nous voulons posséder, cultiver et promouvoir ensemble. Je réitère, en conséquence, l'engagement que je prenais alors de faire en sorte que la loi 101 soit appliquée consciencieusement et activement, d'une manière à la fois efficace, intelligente, judicieuse et humaine.

Étant donné la nature même de l'objet sur lequel porte la loi 101, les tâches d'éducation en profondeur, de formation de l'opinion et de développement des attitudes auront toujours la priorité dans mon esprit sur les tâches de nature coercitive ou organisationnelle. Mais il faudra aussi veiller à ce que la volonté du législateur se réalise concrètement. Le gouvernement entend s'acquitter de sa responsabilité à cet égard. Plus on analyse la loi 101, plus on découvre l'importance du rôle que le législateur a voulu confier à des organismes spécialement constitués à cette fin. À entendre les questions et les reproches que l'on adresse parfois au gouvernement, on serait tentés de croire que la responsabilité de tous les actes faits au nom du gouvernement en matière linguistique doit être imputée directement et formellement au seul ministre responsable de l'application de la charte.

Cette façon de voir ne me semble pas conforme à la volonté que le législateur a voulu exprimer dans la loi 101. Le ministre est certes responsable, au nom du gouvernement et devant l'Assemblée nationale, de l'application efficace et fidèle de la loi. Mais, sur la plupart des aspects visés par le législateur, l'application quotidienne de la loi a été confiée à des organismes munis à cette fin d'une existence propre, de structures, d'attributions et de pouvoirs précis ainsi que d'une marge substantielle d'autonomie. Ce partage

de responsabilités pourra requérir éventuellement des ajustements particuliers quant aux attributions et aux modes de fonctionnement de chaque organisme. Il me paraît toutefois sain dans son économie générale. Par la nette distinction qu'il établit entre la direction politique du dossier linguistique et la direction administrative d'un certain nombre de fonctions définies par le législateur, ce partage constitue un frein contre le danger de la politisation excessive du dossier. Il est un gage d'objectivité et de continuité dans le traitement des dossiers.

Sans fermer la porte à d'éventuels ajustements, je souscris, en conséquence, au principe fondamental du partage des tâches suivant les lignes générales que définit la loi 101. Il m'est d'autant plus agréable de le faire qu'ayant eu l'occasion depuis quelques semaines de rencontrer à diverses reprises les dirigeants de l'Office de la langue française, de la Commission de protection de la langue française, du Conseil de la langue française et de la Commission de toponymie du Québec, j'ai trouvé chez tous une attitude de véritable engagement au service des objectifs de la charte et une volonté sincère de collaboration avec le gouvernement. Je veux de nouveau assurer chacun de ces organismes de mon respect et de ma collaboration. J'exigerai de chacun qu'il s'acquitte avec efficacité et compétence des tâches que lui a confiées le législateur. J'exigerai que chacun agisse en conformité avec les orientations définies par le législateur et le gouvernement. Je veillerai cependant à ce que chaque organisme dispose de la marge raisonnable de latitude et d'initiative que requiert le service de son mandat. Je verrai aussi à assurer des communications faciles et fréquentes entre chaque organisme et le gouvernement.

A l'occasion de cet exercice, je serai accompagné, pour l'examen des crédits relatifs à chaque programme, par les dirigeants des organismes concernés. Les députés pourront ainsi, à l'occasion de chaque programme, obtenir les précisions qu'ils jugeront nécessaires concernant les projets ou le plan d'action de chaque organisme. Conscient de l'éclairage que pourront procurer ces échanges, je me bornerai, dans les remarques qui suivent, à indiquer les grandes orientations que le gouvernement entend donner au dossier linguistique au cours de l'année 1989-1990. Ces orientations porteront sur l'application des dispositions relatives à l'affichage, à la francisation des entreprises et aux services destinés aux communautés culturelles.

Étant donné les innombrables débats auxquels elle a donné lieu au cours des derniers mois, l'application des dispositions relatives à l'affichage commercial sera l'objet d'une attention spéciale au cours des mois à venir. En ce qui touche l'affichage extérieur, un bref rappel suffira. L'affichage extérieur se fera uniquement et exclusivement en français dans toutes les entreprises, partout au Québec. Partout donc, sauf dans certains cas précis que définissent d'autres articles de la charte, l'affichage extérieur sera obligatoirement et exclusivement en français.

En ce qui touche l'affichage intérieur, la règle de l'affichage rédigé exclusivement en français continuera de s'appliquer pour tous les commerces visés par l'article 58 de la charte, c'est-à-dire pour les centres commerciaux et leurs accès; pour les moyens de transport public et leurs accès; pour les établissements comptant plus de 50 employés; pour les entreprises comptant plus de 5 employés lorsqu'elles partagent avec d'autres entreprises l'usage d'une marque de commerce, d'une raison sociale ou d'une dénomination servant à les identifier auprès du public.

Pour les entreprises comptant moins de 50 employés, l'affichage intérieur devra toujours et partout être fait en français. En vertu de la loi 178, l'affichage intérieur pourra toutefois être fait aussi dans une autre langue, à condition que le français figure toujours de manière nettement prédominante. La disposition clé est ici celle qui oblige à la nette prédominance partout où est permis l'affichage dans une autre langue.

Vu l'importance de cette disposition, il faut qu'il n'existe à ce sujet aucune ambiguïté, aucune confusion, aucun flottement, il importe tout autant d'éviter les prescriptions tatillonnes qui risqueraient de tourner en ridicule la volonté du législateur que de laisser flotter une atmosphère de vague qui conduirait rapidement à la confusion. Après avoir examiné tous les aspects du problème, le gouvernement a conclu, ces jours derniers, qu'il sera très utile d'édicter à cette fin un règlement souple, concret et simple d'application. Un règlement indiquera de manière plus nette, plus ferme et plus stable la volonté du gouvernement d'assurer la mise en oeuvre efficace et ordonnée de la décision du législateur. Il comportera des normes publiques, lesquelles auront donné lieu, avant leur application, à un tamisage public d'une durée de 60 jours. Il aura une force contraignante incontestable, ce qui ne serait pas le cas d'une simple directive. Il contribuera à baliser l'interprétation que les tribunaux pourraient être, éventuellement, appelés à donner du concept de nette prédominance. Pour les responsables d'établissements tout autant que pour les organismes chargés Immédiatement de l'application de la charte, II constituera un guide pratique émanant de l'autorité politique, et non pas des seuls techniciens de l'administration, et son poids sera plus grand, en conséquence, que s'il s'agissait d'une simple directive. Le règlement approuvé ces jours derniers par le gouvernement sera publié très prochainement dans la Gazette officielle. Après quoi, conformément à la loi 101, une période de 60 jours devra Intervenir avant l'entrée en vigueur du règlement.

Au plan concret, la loi 178 est déjà en vigueur. Tous ceux qui auront déjà voulu s'y conformer de bonne foi n'éprouveront aucune peine particulière à se conformer également au

nouveau règlement qui ne fera qu'expliciter ce que disait déjà la loi en termes plus généraux. Afin de faciliter la mise en oeuvre efficace et judicieuse de l'article 58. 1 de la charte, j'adresse à tous les propriétaires et responsables d'établissements commerciaux la double invitation que voici: tout d'abord, j'invite les propriétaires et responsables d'établissements à appliquer dès maintenant, dans les établissements dont ils ont la responsabilité, les dispositions de la loi 178 relatives à l'affichage. En second lieu, j'invite les dirigeants et responsables d'établissements commerciaux à me faire part de tout commentaire, de tout avis, de toute suggestion qu'ils voudront me communiquer concernant le projet de règlement qui sera publié bientôt. La responsabilité de veiller à la loi et aux règlements relatifs à l'affichage incombe, au premier chef, à la Commission de protection de la langue française. J'invite la commission à agir avec efficacité, clarté, tact et fermeté. Je l'assure de mon appui et de ma collaboration.

Un deuxième chantier prioritaire sera, pour le gouvernement, la francisation des milieux de travail. Depuis mon entrée en fonction comme ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, j'ai eu de multiples contacts avec ta direction de l'Office de la langue française et de la Commission de protection de la langue française. J'ai rencontré le président du Conseil de la langue française et ses principaux collaborateurs, le président de la Commission de toponymie du Québec et j'ai eu, ces jours derniers, des contacts fructueux avec des dirigeants de la FTQ et de la CSN. J'ai également causé avec de nombreuses personnes oeuvrant dans les milieux patronaux. J'ai enfin pu prendre connaissance du rapport substantiel et très constructif d'un groupe de travail sur le français langue du travail, qu'avait opportunément créé mon prédécesseur, M. Guy Rivard, sous la présidence de M. Pierre-Etienne Laporte, président de l'Office de la langue française. À la lumière de ces premières discussions, je n'ai aucune hésitation à conclure que la francisation des milieux de travail doit être une priorité majeure du gouvernement au cours des mois à venir.

En se fondant sur les résultats obtenus depuis l'entrée en vigueur de la charte, le groupe de travail présidé par M. Laporte estime que la plupart des entreprises de 50 employés et plus auront normalement acquis un certificat de francisation d'Ici à 1993. Mais il ne suffit pas, ajoute à juste titre le groupe de travail, qu'une entreprise détienne un certificat de francisation. Il faut surtout qu'elle fonctionne et vive en français après avoir obtenu le certificat de francisation. Il faut que la francisation y devienne habituelle et durable, c'est-à-dire permanente. Dans cette perspective, l'obtention du certificat de francisation n'est qu'une première étape. Assurer la profondeur, la qualité et la durée du processus de francisation, telle doit âtre la priorité des années à venir. J'ai demandé à l'Office de la langue française de mettre de plus en plus l'accent sur cette dimension de sa mission dans son travail auprès des entreprises.

J'accueille avec non moins d'intérêt une autre proposition du groupe de travail, voulant que le concept d'imputabilité et les mesures qui doivent logiquement en découler président de plus en plus à la démarche de francisation des entreprises. Il faut que l'objectif de la francisation soit de plus en plus intégré à la vie normale de l'entreprise. Ce projet se réalisera dans la mesure où, chaque année, le programme de francisation se verra fixer des objectifs précis et attribuer des moyens concrets d'action, tout comme les autres secteurs de l'entreprise, et dans la mesure où l'on procédera périodiquement à une vérification rigoureuse du travail accompli et des résultats obtenus.

Une dimension importante du processus de francisation des milieux de travail réside dans la participation des travailleurs. La francisation n'est pas uniquement le fait des employeurs; elle concerne tout autant les salariés. Le rapport Laporte constate que les travailleurs ont été jusqu'à ce jour trop peu associés au processus de francisation. Souvent, Us ont été tenus à l'écart du processus; non moins souvent, ils n'ont été informés qu'à moitié de ce qui se passait. Afin de remédier à cette situation, l'Office de la langue française sera invité à accorder une attention particulière au rôle des comités de francisation dans les entreprises et à la participation des travailleurs au sein de ces entreprises.

Les trois centrales syndicales ont témoigné de diverses façons, ces dernières années, d'un vif intérêt pour le dossier linguistique. Il me fait plaisir d'informer la commission parlementaire que les subventions que le gouvernement accorde à cette fin aux centrales syndicales connaîtront, en 1989-1990, une augmentation substantielle. Elles passeront de 150 000 $ à 250 000 $. J'ai en outre prévenu les centrales que des crédits additionnels seront réservés pour l'appui financier du gouvernement à des projets précis qu'elles voudront soumettre dans le but de promouvoir une participation plus active des travailleurs au processus de francisation. Cet appui pourra également être disponible pour des projets en provenance d'autres sources.

Le travail des mois à venir autour de la francisation dans le milieu de travail s'engage sous des auspices encourageants. Il pourra, en effet, s'appuyer sur un document, soit le rapport Laporte, qui a donné lieu à un accord presque unanime entre les organismes syndicaux, patronaux et gouvernementaux qui formaient, à représentation égale, le groupe de travail présidé par M. Laporte. J'ai pu me rendre compte, à l'occasion de mes conversations récentes avec les dirigeants de la FTQ et de la CSN, qu'ils donnent la même interprétation que moi des conclusions du rapport et qu'ils sont prêts à tra-

vailler à leur application dans le même esprit.

En plus des crédits accrus dont bénéficieront, en 1989-1990, les organismes institués par la charte et dont il sera question plus loin, le gouvernement a prévu que des crédits additionnels de 17 500 000 $ seront réservés à des programmes directement reliés à la promotion du français dans divers secteurs de l'activité collective. Déjà, une somme de 7 500 000 $ a été attribuée à la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles pour des programmes de francisation auprès des immigrants.

À même les crédits de 10 000 000 $ dont la gestion m'a été directement confiée, j'emploierai une partie importante des sommes disponibles à des fins directement reliées à l'éducation. L'intégration des nouveaux venus à la culture québécoise ne saurait être un processus bref et artificiel. Elle implique, au contraire - toutes les études faites sur le sujet l'établissent abondamment, autant aux États-Unis qu'au Canada - un cheminement long qui s'étend au moins sur deux générations. Dans ce cheminement, le rôle intégrateur dévolu au système d'enseignement est capital. Au cours des prochaines années, le rôle des écoles sera de plus en plus important à cet égard, vu qu'une proportion sans cesse plus importante de la clientèle scolaire provient déjà des communautés culturelles, et continuera ainsi dans l'avenir.

En 1989-1990, des crédits additionnels de 4 500 000 $ seront attribués au ministère de l'Éducation afin de seconder l'action des commissions scolaires qui comptent parmi leur clientèle une proportion significative d'élèves en provenance des communautés culturelles. L'aide offerte aux commissions scolaires visera à favoriser un meilleur soutien pédagogique à l'intention des élèves qui passent des classes d'accueil et de francisation à des classes régulières. Environ la moitié des quelque 10 000 élèves inscrits dans des classes d'accueil et de francisation auront ainsi besoin de soutien et d'accompagnement au stade de l'intégration en classes régulières. Cette aide visera aussi à fournir un soutien pédagogique et des moyens de perfectionnement au personnel enseignant appelé à desservir une clientèle de plus en plus multiculturelle et, enfin, à promouvoir le français auprès des parents allophones et à établir de meilleurs rapports entre ces parents et l'école. Cette dernière proposition m'est venue d'un colloque tenu sous les auspices de la Commission des écoles catholiques de Montréal il y a quelques semaines, auquel j'avais le plaisir de participer.

À l'intention de la population anglophone, les commissions scolaires offrent déjà de nombreux services visant à faciliter l'apprentissage du français, autant dans le secteur régulier que dans celui de l'éducation des adultes. Le gouvernement apprécie vivement ce travail des commissions scolaires et veut l'épauler davantage. Le ministère de l'Éducation se voit attribuer des crédits de 500 000 $ pour la production de matériel pédagogique à l'intention des commissions scolaires qui offrent des cours d'immersion en français. Le ministère de l'Éducation disposera d'un autre montant de 350 000 $ pour l'amélioration de l'offre de cours gratuits en français langue seconde à l'intention de la population adulte de langue anglaise.

À même les crédits du ministère de l'Éducation, le gouvernement renouvellera, en 1989-1990, son appui financier au plan d'action visant au renforcement du français langue maternelle dans les écoles publiques de niveaux primaire et secondaire. On se souviendra qu'il s'agit d'un plan d'action de trois ans pour lequel des crédits récurrents ont été prévus chaque année, et ces crédits ont été mentionnés lors de l'étude des crédits du ministère de l'Éducation. Mais, aux crédits déjà prévus à cette fin dans le budget régulier du ministère de l'Éducation, viendront s'ajouter, en 1989-1990, des crédits additionnels de 350 000 $ à l'intention des établissements privés, lesquels avaient été tenus à l'écart des avantages financiers offerts aux commissions scolaires par le plan d'action.

Le secteur collégial se voit attribuer, pour sa part, des crédits additionnels de 1 500 000 $ pour l'appui aux mesures de soutien pédagogique instituées par des collèges de plus en plus nombreux à l'Intention des étudiants qui éprouvent des difficultés en français.

Le solde du budget de 10 000 000 $ confié au ministre responsable de l'application de la charte sera consacré à la réalisation de projets ou de programmes émanant tantôt d'autres secteurs de l'administration, par exemple, pour la promotion de la qualité du français dans les ministères et autres organismes, l'accessibilité des services à l'intention des clientèles des communautés culturelles, la production de matériel et d'outils de communication destinés à favoriser la présence du français dans les secteurs de pointe, etc., mais ces projets pourront également émaner d'organismes immédiatement chargés de l'application de la charte. Cela comprend les quatre organismes qui sont avec mol. Nous pourrons examiner des projets spéciaux qu'ils pourraient être amenés à nous soumettre au cours de l'année, en plus des crédits qui leur ont déjà été attribués. (10 h 45)

J'en viens maintenant aux quatre organismes responsables de l'application de la charte. Ces organismes, dont relève en grande partie l'application de la charte, se sont vu attribuer ensemble des crédits de 23 243 000 $ pour 1989-1990. Ce montant signifie une augmentation de 6, 6 % par rapport aux crédits de 1988-1989 et une augmentation de 6 % par rapport aux dépenses probables de 1988-1989. L'accroissement des ressources accordées aux quatre organismes chargés de l'application de la charte est sensiblement plus élevé que le niveau moyen d'augmentation des dépenses gouvernementales pour la prochaine année. Ce fait en dit plus long que

bien des discours sur les intentions du gouvernement.

À titre d'artisan principal de l'application de la charte, l'Office de la langue française se voit attribuer des crédits de 17 341 000 $, soit 7 % de plus qu'en 1988-1989. À l'aide de ces ressources accrues, l'office pourra mieux s'acquitter de sa mission aux volets multiples, laquelle comporte, entre autres, la promotion du statut et de la qualité du français dans les entreprises, dans l'administration et dans la société québécoise en générai. Ainsi que je l'ai déjà souligné, l'Office de la langue française sera invité à porter une attention particulièrement active à la francisation des entreprises.

La Commission de protection de la langue française se volt attribuer, pour sa part, des crédits de 1 904 000 $ pour 1989-1990, soit une augmentation de 6, 48 % par rapport aux crédits de 1988-1989. Par suite des clarifications apportées par le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Brown, puis par l'Assemblée nationale avec la loi 178, la Commission de protection de la langue française a été appelée à faire maison nette dans la plupart de ses dossiers accumulés des années antérieures. Elle aura la redoutable tâche de veiller à ce que la loi 101 soit appliquée conformément à la volonté du législateur. Nous comptons doter la commission d'un système informatisé de traitement des plaintes, de manière à raccourcir les délais qui surviennent entre la réception d'une plainte et le traitement du dossier par la commission.

Le Conseil de la langue française se voit attribuer des crédits de 2 448 000 $ en 1989-1990, soit une augmentation de 5, 02 % par rapport à 1988-1989. Le gouvernement entend faire en sorte que le conseil dispose de toute la liberté nécessaire pour faire part au gouvernement de ses avis sur les termes reliés à son mandat. Le conseil aura avantage, par contre, à cibler de manière mieux concertée ses projets de recherche. La loi prévoit, à ce sujet, des consultations entre le conseil et le ministre. Ces consultations ont déjà commencé. Elles se poursuivront au cours des mois à venir. Je compte également solliciter assez fréquemment l'avis du conseil sur des sujets jugés importants par le gouvernement.

Des quatre principaux organismes créés en vertu de la Charte de la langue française, la Commission de toponymie du Québec est peut-être le moins connu. Elle n'en accomplit pas moins un travail très significatif pour la beauté et l'harmonie culturelle du paysage québécois. La commission a déjà terminé l'inventaire et l'officialisation de plus de 60 % des toponymes existant dans les régions habitées du Québec. Elle franchira de nouveaux pas vers la réalisation complète de ce programme en 1989-1990. La commission terminera aussi, au cours de cette année, l'opération d'inventaire et de normalisation en vue de l'officialisation des noms des voies de communication des municipalités du

Québec. La commission prépare également un dictionnaire des noms de lieux du Québec. La commission s'est vu attribuer des crédits de 1 538 000 $ pour 1989-1990, soit une hausse de 5, 8 % par rapport aux crédits de 1988-1989.

Un nouvel organisme est venu se greffer, au cours de la dernière année, à la panoplie des organismes directement chargés de l'application de la Charte de la langue française. L'application de la charte est confiée en dernière analyse, comme il se doit, à un ministre mais celui-ci, jusqu'à l'an dernier, ne disposait d'aucun équipement technique, d'aucun soutien administratif pour l'accomplissement de son mandat, il devait dépendre d'un autre ministère. Mon prédécesseur, M. Guy Rivard, a heureusement veillé à combler cette carence en obtenant du gouvernement la création d'un Secrétariat à la politique linguistique. Créé en 1988, le Secrétariat a pour fonction de soutenir administrativement le ministre dans son rôle visant à l'application de la charte, d'assurer la coordination interministérielle et le suivi de l'action gouvernementale dans le dossier linguistique et aussi d'assister les organismes de la langue dans leurs rapports avec les ministères et les organismes du gouvernement.

Le Secrétariat s'est vu attribuer pour 1989-1990 des crédits de 2 073 000 $. Je remercie M. Jean-Claude Rondeau, qui était, jusqu'à ces derniers temps, sous-ministre adjoint à la Direction des réseaux au ministère de l'Éducation et qui accomplissait dans cette fonction un excellent travail, d'avoir accepté la direction du Secrétariat. En acceptant cette fonction, M. Rondeau, en plus de faire montre d'un désintéressement qu'a vivement apprécié le gouvernement, a rendu un très grand service à la cause que nous voulons promouvoir ensemble. Le Secrétariat veillera à seconder le ministre, à assurer sa présence efficace dans le dossier de la langue, à favoriser un lien harmonieux entre les ministères et les organismes chargés de l'application de la charte. Il n'est aucunement question de faire du Secrétariat une institution parallèle qui viendrait concurrencer ou doubler l'action des organismes Institués en vertu de la loi 101. Le Secrétariat veillera, au contraire, à s'assurer que l'action gouvernementale, y compris, cela va de soi, celle des organismes chargés de l'application de la charte, se poursuive dans l'harmonie, la complémentarité, l'efficacité, la collaboration et l'unité.

En guise de conclusion, je veux réitérer avec force la volonté et l'engagement du gouvernement dans le dossier de la langue. Le gouvernement veut que les objectifs définis dans la loi 101 se réalisent. Il veut que le français devienne la langue normale et habituelle de la vie commune au Québec. Parce qu'il croit aux objectifs définis dans la loi et veut en promouvoir la réalisation, le gouvernement consacrera cette année, à la mise en oeuvre de ses objectifs, des sommes supérieures de près de 100 % à celles qui

étalent disponibles l'an dernier. Ces ressources accrues serviront surtout à promouvoir la francisation dans des secteurs particulièrement névralgiques, notamment l'accueil et les services éducatifs auprès des immigrants et la francisation des milieux de travail. Mais l'action doit se poursuivre sur tous les fronts, dans tous les champs d'activité. À tous ceux et à toutes celles qui se consacrent à cette action, autant à titre professionnel qu'à titre bénévole, surtout à celles et à ceux qui oeuvrent dans le secteur particulièrement important de l'entreprise, le gouvernement exprime sa solidarité et son appui. Aux yeux du gouvernement, il n'est pas de meilleure manière de servir le Québec aujourd'hui que de consacrer son énergie au renforcement de la langue commune des Québécois, le français.

Le gouvernement invite cependant les Québécois et les Québécoises à se souvenir aussi que le français sera fort au Québec dans la mesure où le Québec tout entier sera fort et, en particulier, dans la mesure où la santé économique du Québec et la santé générale de nos institutions pourront permettre de dégager les ressources dont nous aurons longtemps besoin afin d'assurer la force et le rayonnement du français dans tous les secteurs de l'activité personnelle et collective.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à M. le député de Taillon.

M. Claude Filion

M. Filion: Merci, M. le Président. Je voudrais, bien sûr, tout d'abord souhaiter la bienvenue au député d'Argenteuil, titulaire, on le sait, de plusieurs ministères, qui a plusieurs chapeaux à porter et qui est, entre autres, ministre de l'Éducation et responsable de l'application de la Charte de la langue française. Je voudrais également étendre cette bienvenue à Mme la présidente et aux présidents d'organisme qui accompagnent le ministre ainsi qu'à toute l'équipe qui entoure le ministre de l'Éducation.

Vous me permettrez, M. le Président, de faire tout d'abord certains commentaires relativement aux chiffres rendus publics ce matin par le ministre par voie de communiqué de presse. D'abord, en ce qui concerne les crédits eux-mêmes, il est Important de signaler qu'en dollars constants le budget dévolu aux organismes chargés de défendre et de promouvoir la langue française, de 1985 à 1989 - en dollars constants parce qu'il serait farfelu de ne pas tenir compte du coût de la vie - est diminué, malgré les belles paroles du ministre, de 5, 6 %. Là-dessus, on retrouve une diminution, en ce qui concerne l'Office de la langue française, de 5, 5 %. La diminution en ce qui concerne le Conseil de la langue française est de 13 %. C'est là la réalité des chiffres.

Deuxièmement, le ministre nous annonce dans son discours et dans le communiqué de presse de ce matin... D'abord, il parie de 17 500 000 $ pour la promotion du français, nous dit-Il, dans son discours d'ouverture. Il est important de faire le point sur ce montant de 17 500 000 $. D'abord, 7 500 000 $ servent au budget du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, montant qui a été annoncé à peu près à huit reprises - je vois le ministre sourire, mais c'est à peu près exact, me dit mon recherchiste - dont une fois par le premier ministre lui-même qui reprochait aux journalistes de ne pas en parler.

Ce matin, je vois que le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française a bien écouté le message du premier ministre, de sorte qu'il nous ressert un montant de 7 500 000 $ qui ira pour les communautés culturelles. Là-dessus, je dois signaler que, si l'on étudie les dépenses par immigrant au Québec en dollars constants encore une fois, parce que c'est extrêmement important, en ce qui concerne l'immigration totale, incluant francophones et non-francophones, on en arrive, en 1985, à une dépense de 632 $ par immigrant et, en 1989-1990, à une dépense de 564 $, donc une diminution d'environ, à l'oeil, 15 %. Cela Inclut le montant de 7 500 000 $ dont nous parle le gouvernement à plusieurs reprises.

Toujours au chapitre de l'Immigration, si l'on étudie les dépenses par immigrant non francophone, parce que ce sont surtout eux qui sont visés par les programmes d'accueil et de formation en français, etc., en 1985-1986, les dépenses étaient de 1019 $ par immigrant non francophone qui arrive ici au Québec et qui a besoin, bien sûr, de services de formation pour s'intégrer à la communauté francophone; 1019 $ en 1985-1986. En 1989-1990, incluant le montant de 7 500 000 $, on en arrive au montant de 830 $; là encore, une diminution, à l'oeil, de probablement 15 % ou 20 %.

Deuxièmement, allons-y sur les 10 000 000 $ dont nous parle le ministre ce matin. Si j'ai bien saisi les chiffres - on me corrigera sur les chiffres - je pense que 7 200 000 $ vont au chapitre de l'éducation. Sauf erreur, le budget du ministre de l'Éducation est de 5 000 000 000 $; le budget du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science est autour de 3 000 000 000 $, ce qui fait 8 000 000 000 $ qui sont consacrés - on le sait, c'est une partie très importante du budget du gouvernement du Québec - à l'éducation.

Et on nous annonce, comme si le ministre n'avait pas pu, à même ses budgets de 8 000 000 000 $, aller chercher 7 000 000 $ pour faire en sorte... Parce que l'enseignement du français existait bien avant la Charte de la langue française. L'enseignement du français existera, peu Importe la loi linguistique qui s'appliquera au Québec. Je l'espère. Alors, Je n'arrive pas à comprendre que le ministre consacre à peu près trois quarts de page de son

discours ou même plus, trois ou quatre pages devrais-je dire, à ce montant de 7 200 000 $, alors qu'il dispose par ailleurs, comme ministre de l'Éducation, d'une somme de 8 000 000 000 $. Je pense que le ministre de l'Éducation avait toute la facilité au monde, bien avant d'être ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, d'aller chercher, au Conseil du trésor ou même à l'Intérieur de ses budgets, les sommes nécessaires pour concrétiser ces beaux discours qu'il nous tient à l'intérieur de ce qu'on a entendu ce matin. (11 heures)

II est aussi remarquable de constater que le ministre fait état - et il connaît notre préoccupation envers le français, langue de travail; il connaît notre préoccupation envers la participation des travailleurs - de cette nécessaire opération de francisation. En 1985, les centrales syndicales recevaient 250 000 $ - on le sait, les centrales syndicales ont des dépenses, ont des salaires à payer, etc. - pour les aider à payer du matériel, dans certains cas, à payer des salaires pour faire en sorte d'animer les comités de francisation qui existent dans les entreprises. Les centrales syndicales recevaient 250 000 $ en 1985. Devinez ce que le ministre nous annonce en grande pompe, ce matin! Il nous annonce que les centrales syndicales vont recevoir 250 000 $.

Il faut le faire! Vous comprendrez, M. le Président, que j'ai voulu dès le début de mon intervention faire cette mise au point - nous y reviendrons au cours des discussions sur l'étude des crédits - sur les chiffres que nous lance le ministre de l'Éducation, ce matin. Permettez-moi, peut-être, de revenir à mon propos principal.

À l'occasion d'une récente motion présentée par l'Opposition officielle sur la question linguistique, le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française présentait en Chambre, de l'autre côté, une intervention intitulée "La loi 178 et la politique linguistique: bilan et perspectives*. Cette quatrième et probablement dernière étude des crédits avant les prochaines élections offre à l'Opposition officielle l'occasion de faire l'évaluation des conséquences sur le dossier linguistique de quatre années de gouvernement libéral et aussi, dans la foulée du discours du ministre, de s'étendre quelque peu sur les perspectives d'avenir.

Il n'est pas dans mon intention de reprendre en longueur les critiques déjà formulées à l'encontre des gestes posés par les membres du gouvernement libéral ou de dénoncer leur absence totale de politique linguistique, tout cela étant déjà bien connu des parlementaires et de la population. Je voudrais plutôt faire une appréciation la plus objective possible de l'état de la situation et de l'avenir prévisible. Un effort de synthèse nous permet de regrouper les conséquences de la gestion libérale sous deux grands thèmes: d'abord, l'érosion de la légitimité de la loi 101 et, ensuite, une prise de conscience généralisée face à la position précaire du français en Amérique du Nord. Le premier est éminemment négatif. Le second, quoique négatif a priori, peut, si les énergies sont bien canalisées, révéler un caractère positif.

L'érosion de la légitimité de la loi 101 découle directement des actions du Parti libéral et ses conséquences en sont difficilement mesurables. Évidemment, tout a commencé avec les déclarations du premier ministre qui a soutenu, en campagne électorale, que le gouvernement du Parti québécois avait, au cours de ses deux mandats, persécuté les anglophones du Québec. Il s'ensuivit la promesse électorale de permettre l'affichage commercial bilingue et ce, au nom de la sacro-sainte liberté d'expression. En fait, sauf erreur, jamais du côté du Parti libéral, avant ou après les élections, n'a-t-on fait état des exceptions à l'affichage que prévoit déjà la loi 101 eu égard aux discours politiques, religieux ou artistiques. Devant le tollé de protestations que soulevait la réalisation de cette promesse, le gouvernement et le premier ministre, en particulier, ont tergiversé et ont multiplié les déclarations contradictoires avec comme résultat immédiat que les intéressés ne savaient plus à quel saint se vouer.

En refusant de donner un message clair en faveur de l'affichage unilingue français, le gouvernement a provoqué un mouvement de désobéissance civile à l'article 58. Si bien que, dans plusieurs quartiers de Montréal, l'affichage est dérogatoire à plus de 50 %. Nous reviendrons là-dessus un peu plus tard, lors de l'étude des crédits, mais je réfère les parlementaires à l'étude du Conseil de la langue française sur la langue de service, publiée en janvier 1989. La décision de l'ex-ministre de la Justice d'abandonner les poursuites contre les contrevenants et contrevenantes à la loi 101 est venue indéniablement accentuer ce sentiment d'illégitimité de la loi, tout comme d'ailleurs la décision de financer les avocats d'Alliance Québec qui en contestaient la validité. C'est un peu comme si le gouvernement avait voulu s'excuser d'une loi pourtant démocratiquement votée par l'Assemblée nationale, en ne poursuivant pas les contrevenants et contrevenantes et en finançant un organisme pourtant déjà riche des subventions accordées par ie gouvernement fédéral.

Bien entendu, il est évident qu'après une telle conduite il est encore aujourd'hui impossible pour le gouvernement de convaincre la communauté anglophone de la nécessité de maintenir l'affichage unilingue français. Avec la loi 178 et malgré l'utilisation de la clause dérogatoire, le gouvernement a, une fois de plus, miné les arguments militant en faveur de l'affichage unilingue français. Maintenir le visage français pour le visage français n'a aucun sens, si on ne l'explique pas par l'exigence d'envoyer un message clair aux immigrants et immigrantes, par l'impact sur la langue de service et sur la langue de travail, par les dangers de la con-

tamination lexicale, et ainsi de suite.

Or, le fait de permettre l'affichage bilingue à l'intérieur, sur une grande échelle, vient automatiquement contrecarrer les arguments avancés pour le maintien de l'affichage unilingue à l'extérieur. J'ajouterais, d'ailleurs, qu'à mon avis la nécessité de la nette prédominance ne repose sur aucun argument rationnel et constitue beaucoup plus une insulte à la communauté francophone et à la communauté anglophone que la règle de l'unilinguisme. Au surplus, dès l'instant où la langue anglaise est présente sur une affiche, que ce soit en proportion moindre de deux ou trois fois, le message envoyé aux allophones n'est plus qu'ils devront apprendre le français mais plutôt qu'ils devront avoir une bonne vue.

Il en va de même pour cette distinction artificielle intérieure-extérieure maintenant érigée en principe, ainsi que pour la supercatégorisation créée par ta loi 178: commerces de moins de 5 employés, de plus de 5 employés mais de moins de 50, en excluant les commerces franchisés et, enfin, les plus de 50, incluant les franchisés. Nette prédominance extérieure-intérieure, supercatégorisation, tout cela est confus, ambigu et farfelu, d'où la stupéfaction à l'extérieur du Québec, mais aussi le profond sentiment d'insatisfaction et d'insécurité à l'intérieur du Québec.

J'ajouterais, toujours au chapitre de la légitimité, qu'ayant relu attentivement tous les discours du ministre responsable la seule explication qu'il fournit pour le maintien de l'unilinguisme est sa valeur de symbole et l'attachement de la collectivité francophone à cette règle. Jamais le ministre n'a motivé la position du gouvernement en fonction des arguments de fond qui justifiaient le maintien de l'unilinguisme.

La légitimité de la loi 101 fut aussi mise en cause par le projet de loi 57 qui amnistiait les élèves Illégaux. Non seulement donnait-on l'absolution à ceux qui avaient enfreint la loi mais, en plus, en accordant le droit aux descendants et descendantes, aux frères et soeurs de fréquenter l'école anglaise, on frustrait tous ceux et celles qui avaient décidé de se plier aux exigences de la loi 101.

La loi 142, en associant les communautés culturelles aux anglophones de souche, a également battu en brèche l'un des objectifs fondamentaux de la loi 101, à savoir l'intégration des nouveaux immigrants, des nouveaux arrivés à la communauté francophone.

Les nouvelles déclarations du premier ministre concernant de possibles aménagements à la clause dérogatoire sont un exemple plus récent du type de discours louvoyant et culpabilisant qui discrédite les efforts que fait la communauté francophone pour assurer la défense et la promotion de sa culture. Cette attitude du gouvernement face à la loi 101 a eu comme conséquence immédiate la prolifération des infractions, mais a aussi provoqué un ralentisse- ment au chapitre de la francisation des entreprises. Bref, malgré les discours trop peu nombreux prononcés trop tard par le gouvernement relativement à son attachement à la loi 101, ses multiples déclarations contradictoires et ses actions concrètes ont été de nature à jeter le discrédit sur la Charte de la langue française.

Ceci m'amène à la deuxième grande conséquence de l'action libérale dans le dossier linguistique, qui est celle d'une prise de conscience de la fragilité de la situation du français au Québec et en Amérique du Nord. Nous avons pu constater qu'un simple effritement de la volonté politique d'assurer la survie du français avait comme impact direct et immédiat le recul du fait français. Il aura suffi d'une promesse de modifier la loi et de l'absence de gestes concrets et de discours allant dans le sens des objectifs que le législateur s'était fixés en 1978 pour compromettre, sur une période de trois années, les acquis des dix dernières années. La résurgence du débat linguistique a aussi mis en lumière un nouveau contexte socio-politico-économique pour lequel la loi 101 est mal adaptée. Que l'on songe à l'Accord du libre-échange, au développement extraordinaire de l'informatique, aux communications qui ne connaissent plus de frontières et l'on admettra aisément que la Charte de la langue française n'est pas l'aboutissement de l'intervention linguistique de l'État, mais bien plutôt une base solide qui devra être actualisée à court terme. C'est là, à mon avis, le seul impact positif, sur le plan linguistique, du passage du Parti libéral au pouvoir.

Reste à savoir maintenant si cette prise de conscience, si cette énergie nouvelle sera canalisée de la bonne façon. À cet égard, les événements des derniers mois me laissent songeur, pour ne pas dire préoccupé, car le débat sur l'affichage a aussi ses effets pervers. Bien qu'il ait réussi à provoquer chez nos jeunes une réflexion, il a cristallisé la question linguistique autour d'une seule et même question, évacuant ainsi de la discussion d'autres aspects aussi fondamentaux, sinon plus, que celui de l'affichage. Avec son mode d'emploi stratégique pour se sortir d'une crise - on parle de la loi 178 - le gouvernement, en l'absence d'une politique linguistique, cherche à baisser la tension. A-t-il réussi ou bien l'accalmie n'est-elle que passagère? En fait, seul l'avenir le dira. Mais le grand malheur, c'est que cette question n'a sa place que dans un contexte strictement partisan et que l'avenir du français n'en a que faire. C'est à ce chapitre que les Inquiétudes de tous et de toutes doivent être vives. Tout apaisement de la pression populaire entraînera inévitablement un laisser-aller du gouvernement. Sans une pression comparable à celle qui s'est exercée autour de la question de l'affichage, jamais le gouvernement ne procédera à la nécessaire reconstruction et actualisation de la loi 101.

Dans le discours du ministre, "La loi 178 et la politique linguistique: bilan et perspectives", on est à même de constater que le gouvernement n'a aucune politique linguistique à court ou à moyen terme, sinon que de saupoudrer quelques millions Ici et là - ce qu'on a vu ce matin. Je l'ai déjà mentionné, l'argent, c'est utile, mais ce sont des modifications législatives qui sont prioritaires. Malheureusement, on ne peut s'attendre à des miracles de la part d'un gouvernement qui ne rêve que d'étouffer le débat et de passer à autre chose. D'ailleurs, l'attitude du ministre qui, en matière de francisation des entreprises, écarte tout recours à la coercition, est révélatrice des perspectives peu reluisantes qui guettent l'avenir du français. Et pourtant, tous les experts sont d'accord sur un point: la seule incitation a fait maintes fois la preuve de son inefficacité.

Toujours dans ce même discours, II y a une phrase du ministre qui m'a frappé plus que les autres. Celui-ci écrivait, et je cite: "II y a en effet peu de chances pour que nous puissions en venir à court terme à des vues convergentes sur la question de la langue. " En toute franchise, cette attitude m'apparaît désolante. Certes, sur la question de l'affichage commercial, les points de vue sont diamétralement opposés et irréconciliables, mais en ce qui concerne les autres mesures qui s'imposent pour assurer la survie et le développement du français - Je fais référence plus particulièrement ici au projet de loi 191 - il me semble que le gouvernement pourrait facilement faire siennes certaines des idées avancées par l'Opposition officielle. (11 h 15)

Le projet de loi 191 comporte plusieurs objectifs dont le principal est la relance du français comme langue de travail. Notamment, le projet de loi oblige le gouvernement à ne transiger qu'avec les entreprises en règle avec l'Office de la langue française en ce qui a trait au certificat de francisation, fixe des échéances maximales pour la réalisation des programmes de francisation, l'objectif étant de relancer et de terminer la francisation des grandes entreprises de plus de 50 employés, alors que le processus de francisation stagne, depuis quelques années, avec à peine 60 % de ces entreprises qui ont obtenu leur certificat de francisation. Le projet de loi étend également l'obligation des certificats de francisation aux entreprises de 10 employés et plus, ce qui pourrait être fait avec des modalités, avec des échéances dans le temps qui sont raisonnables. Il introduit plusieurs dispositions afin de mieux protéger les droits linguistiques des travailleurs et des travailleuses. Il s'agit, en fait, d'améliorer les recours qui existent déjà dans la Charte de la langue française. Le projet de loi s'attaque aux problèmes du français dans la haute technologie et l'informatique. À ce sujet, le développement phénoménal de la technologie, en particulier de l'informatique, depuis quelques années, a modifié radicalement la situation qui prévalait au moment de l'adoption de la Charte de la langue française en 1977. "Le français sur la touche", une étude commandée par le Conseil de la langue française, révèle des tendances inquiétantes quant à la langue de l'informatique. L'entrée en scène de la micro-informatique entraîne le déclin de l'usage du français au Québec. De 30 % à 40 % des usagers francophones subissent une forte exposition à l'anglais dans leur activité en informatique. Deux amateurs de jeux vidéo sur trois ne disposent d'aucun Jeu en français. Près de la moitié - 45 % - des usagers francophones d'un micro-ordinateur à domicile n'ont pas de logiciel en français, ce taux montant à 54 % dans la région de Montréal. Quant à ceux qui se servent d'un micro-ordinateur pour leur travail, 44 % d'entre eux ne possèdent pas de manuel en français pour le logiciel qu'ils utilisent le plus, 57 % n'ont pas de clavier en français, 33 % ne disposent d'aucun logiciel en français et 25 % ne peuvent même pas, M. le ministre de l'Éducation, produire les accents français.

Le projet de loi, également, assure à tous des services en français dans les organismes de santé non francophones. La communauté anglophone dispose déjà d'un droit à des services dans sa langue en vertu de la loi 142. En plus de disposer d'un droit à des services dans sa langue, on me rappelle que la communauté anglophone dispose, quant à la loi 142, d'un ministre également, dont la seule fonction est d'être ministre délégué à l'application de la loi 142. Il faut le faire! Dans ce sens, le projet de loi 191 prévoit et assure bien simplement aux citoyens francophones des services en français dans des organismes de santé non francophones. Est-ce qu'il n'est pas possible d'arriver à créer des vues convergentes sur ces matières?

Je continue. Le projet de loi 191 prévoit que les jugements rendus en anglais par des tribunaux québécois seront traduits en français; ceci évitera les situations absurdes et choquantes vécues par plusieurs francophones et cela ne coûterait pas 10 000 000 $. Il s'agirait, tout simplement, d'engager certains traducteurs au ministère de la Justice qui veilleraient à ce que les citoyens francophones, qui reçoivent des jugements en anglais, puissent comprendre la nature et la portée du jugement qu'ils reçoivent devant des cours de justice pour, notamment, décider s'ils doivent en appeler ou pas. Est-ce là trop demander? Est-ce qu'il n'y a pas possibilité, au Québec, de créer des vues convergentes pour l'adoption de mesures comme celle-là? Je pense que poser la question, c'est y répondre.

Le projet de loi 191 contrecarre les dispositions de la loi fédérale C-72 qui vise à subventionner le bilinguisme au sein des entreprises, des organismes bénévoles, des syndicats, des municipalités en rendant inconciliable l'octroi d'une subvention fédérale au bilinguisme et l'obtention d'un certificat de francisation.

Et enfin, le projet de loi 191 - Je le men-

tionne sans ambages devant les présidents d'organisme qui sont ici. - assure l'Indépendance du Conseil de la langue française, de la Commission de protection de la langue française ainsi que de l'Office de la langue française. Et le ministre, tantôt, dans son discours faisait état du respect qu'il voue aux organismes dont les présidents et la présidente sont assemblés autour de lui. Je pense qu'il s'agirait là d'une façon de traduire l'importance qu'a décelée le ministre dans la loi 101, l'importance que le législateur a voulu donner à des organismes neutres, des organismes qui ont une certaine pérennité, au-delà du flot partisan et électoral - parce que ça existe, en politique, la partisanerie et l'électoralisme, il ne faut pas se le cacher, même si je ne fais pas de la politique depuis très longtemps. Donc, au-delà des flots partisans et politiques, cette indépendance des organismes assurerait la pérennité à une préoccupation de survie et de développement du français.

Bref, il s'agit là, M. le Président, de quelques éléments que contenait le projet de loi 191 et auxquels nous aurions aimé que le ministre nous annonce ce matin son intention de donner suite. Certaines de ces mesures coûtent bien moins que 10 000 000 $, mais il s'agit plutôt d'affirmer clairement et nettement une volonté d'affirmer le fait français au Québec.

Il est remarquable, M. le Président, que le gouvernement n'ait pu critiquer en aucun cas ce projet de loi depuis qu'il est déposé Tout au plus, le premier ministre nous a-t-il taquinés parce que l'abrogation de la loi 142 ne faisait pas partie du projet de loi 191. Pourtant, le risque qu'a pris l'Opposition officielle était grand. Le projet de loi aurait pu fournir une arme de taille au gouvernement si l'une de ses dispositions avait été jugée extrémiste, inconstitutionnelle ou irréaliste. En même temps, l'Opposition officielle prêtait le flanc à la critique de ceux qui jugent qu'en matière linguistique le gouvernement ne va jamais assez loin. L'Opposition officielle savait pertinemment que son projet de loi ne serait jamais adopté. Aisément, elle aurait pu se contenter d'une critique quotidienne des actions libérales, le gouvernement n'ayant de cesse de lui fournir matière à dénonciation, c'est le moins qu'on puisse dire. Elle a plutôt voulu illustrer au gouvernement l'étendue du chemin qu'il reste à parcourir et la possibilité de mettre de l'avant une politique linguistique en actualisant la loi 101. Le projet de loi 191 n'est certes pas parfait. Il n'a pas la prétention de l'être. Mais M me semble cependant qu'il constitue une base de travail sur laquelle pourraient converger les vues de l'Opposition et du gouvernement et, en même temps, de la plupart des intervenants. D'ailleurs, les échos entendus de ces intervenants et intervenantes et ceux des commentateurs furent tous très favorables. Ce projet de loi n'enlève strictement rien aux communautés minoritaires et à la plus importante de ces minorités qu'est la communauté anglophone. Il représente un seuil minimal de rénovation de la loi afin d'affirmer le fait français de façon concrète.

Toutes les mesures qu'il contient sont positives et la seule coercition qu'on pourrait, à la rigueur, lui reprocher se situe au chapitre de la francisation des entreprises. Mais franchement, dans cette matière, si l'on avait préservé l'autonomie des entreprises en 1977, M. le ministre, serions-nous où nous en sommes aujourd'hui? La stagnation du processus de francisation nécessite un coup de pouce supplémentaire et c'est ce que propose, entre autres, le projet de loi 191. Il est remarquable, à ce sujet, de constater que l'obligation contractuelle linguistique, c'est-à-dire l'obligation pour une entreprise qui fait affaire avec le gouvernement d'être en règle avec son certificat de francisation, d'être en règle avec l'Office de la langue française, faisait partie de la loi 22 adoptée par le gouvernement du député de Saint-Laurent, première version. Ici, c'est le député de Saint-Laurent, première version, et non pas la loi 22.

En terminant, soulignons que la loi 178 constitue un recul important par rapport à la promesse initiale contenue au programme du Parti libéral, à savoir de ramener l'affichage bilingue, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, pour tous les commerces. Nous n'acceptons pas pour autant cette loi parce qu'elle affaiblit le fait français, tant sur le plan des principes que dans la réalité et aussi parce que cette loi est carrément inapplicable, comme le démontre très bien la suite des événements. Le ministre, tantôt, nous faisait part qu'il invitait les commerçants à lui faire parvenir leurs commentaires sur le projet de règlement qui était censé venir en janvier. Nous sommes rendus en avril. Le ministre nous disait tantôt qu'il Invitait les commerçants à lui faire parvenir leurs commentaires sur un projet de règlement qui, déjà, tarde depuis quatre mois, alors que la loi 178 n'est pas appliquée, alors qu'il n'y a pas eu, à notre connaissance, une seule poursuite d'intentée depuis quatre mois en vertu de la loi 178 ou en vertu des articles contenus dans la loi 178. Au bout de quatre mois, on en est à l'étape où le ministre nous dit ce matin: Si les commerçants ont des commentaires, qu'ils nous les fassent parvenir.

C'est de l'angélisme, M. le Président, que de penser que la responsabilité n'incombe pas au gouvernement d'agir et de prendre des décisions et, si le gouvernement a de la difficulté à concrétiser son règlement - semble-t-il que la décision est prise de procéder par règlement - si le gouvernement a de la difficulté à écrire son règlement, il n'a qu'à constater que c'est parce que la loi 178, qui est la base du pouvoir réglementaire en cette matière, ne tient pas debout tout simplement. À ce moment-là, j'invite le gouvernement à refaire ses devoirs en ce qui concerne la loi 178. Il n'y a rien de mal à reconnaître ses erreurs. Il me semble avoir déjà entendu le ministre de l'Éducation tenir sembla-

blés propos alors qu'il était chef de l'Opposition, de l'autre côté.

Donc, nous n'acceptons pas, bien sûr, cette loi 178 parce qu'elle affaiblit le fait français, même si c'est un recul par rapport au programme du Parti libéral tant sur le plan des principes que dans la réalité, et aussi parce que cette loi est carrément inapplicable, comme le démontrent les événements que nous connaissons. Ce recul du gouvernement mérite tout de même d'être relevé. L'Opposition officielle, à cet égard, mérite une part du crédit. Membres d'un parti ayant voté contre la loi 101, à l'Assemblée nationale, et contre les adoucissements de 1983 parce qu'ils n'allaient pas assez loin, les libéraux prononcent maintenant des discours sur les bienfaits de la loi 101. Et dire que ces mêmes gens nous annonçaient l'Apocalypse advenant son adoption!

Le discours est-il sincère? Le bilan des actions du gouvernement depuis trois ans permet d'en douter mais, au moins, ces paroles prononcées sur la loi 101 nous permettent de mesurer l'importance du rôle qu'ont joué l'Opposition officielle et toute la population dans ce dossier. L'Opposition ne sera toujours que l'Opposition. La responsabilité de passer à l'action positive pour la langue française appartient toujours au gouvernement. Compte tenu de l'érosion, de la légitimité de la Charte de la langue française ainsi que de la prise de conscience généralisée de la fragilité de notre langue, il y a urgence d'agir. Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Taillon. Peut-être, M. le ministre, auriez-vous quelques remarques en réplique, des remarques assez brèves tout de même, compte tenu du temps que vous avez pris de part et d'autre. M. le ministre. (11 h 30)

M. Claude Ryan (réplique)

M. Ryan: Je voudrais peut-être commenter un point ou deux de l'intervention du député de Taillon. Je le ferai brièvement. Il a parlé du projet de loi qu'il a déposé concernant des améliorations possibles à la Charte de la langue française. J'ai pris connaissance, évidemment, de ce projet avec attention, mais je constate, en l'examinant, qu'il viserait à augmenter lourdement les contraintes que crée déjà l'appareil législatif dont nous disposons. Quand je compare les dispositions que je retrouve dans le projet de loi du député de Taillon aux orientations que propose le groupe de travail dont j'ai parlé tantôt concernant la francisation des milieux de travail, je suis davantage porté à épouser les perspectives que préconise le groupe de travail, je le dis franchement. Je pense qu'il y a peut-être une confiance excessive dans l'aptitude de la loi à résoudre tous les problèmes. Je suis d'accord sur la nécessité d'interventions législatives, mais elles doivent être mesurées.

Je vois, par exemple, une disposition qui traite du Conseil de la langue française - je m'excuse auprès de M. le président - où il est dit: "Le Conseil peut saisir l'Assemblée nationale de toute question qu'il juge à propos concernant la situation de la langue française". Je ne suis pas de ceux qui veulent solenniser des choses pour le plaisir de le faire. Le Conseil a déjà le mandat d'aviser le ministre et le gouvernement, et les avis qu'il donne au ministre sont rendus publics. Il me semble que c'est suffisant. La plus grande forme de solennisation qu'on puisse donner à une action, c'est de la publier. On peut multiplier à plaisir les contraintes de toutes sortes, mais je pense qu'on crée des obligations artificielles qui n'ont pas, à mon point de vue, de justification sérieuse. Cela parait bien lorsqu'on discute entre partisans d'une même formation, mais, quand on soumet ça au test de l'opinion, c'est beaucoup plus difficile à justifier.

Il y a des changements dans les méthodes concernant les procédures judiciaires. On voudrait donner à la Commission de protection la possibilité d'intenter directement des poursuites. Je ne sais pas si c'est une bonne chose. J'ai des doutes sérieux, mais je serais prêt à l'examiner. Il y a bien des propositions dans le projet de loi du député de Taillon que je serais prêt à examiner. Il faudrait qu'il revienne sur sa décision et qu'il prenne part à la prochaine élection pour que nous puissions examiner toutes ces choses. Il y a bien d'autres ajustements que j'aimerais examiner dans la loi 101. Je pense qu'on pourrait faire un travail éminemment constructif dans l'esprit de recherche consensuel dont nous avons parlé.

Malheureusement, le député de Taillon, après le baroud d'honneur qu'il vient de nous servir, ne peut pas nous faire oublier qu'il nous a annoncé, il y a quelque temps, la pénible nouvelle de son désistement prochain. Je le regrette personnellement, mais il conviendra avec moi que ce n'est pas un exercice qu'on doit entreprendre avant une élection. Après l'élection, on verra; il y a bien des choses qui peuvent s'examiner, toujours dans un climat qui évitera de créer une atmosphère de bouleversement ou de crise, dans la mesure où cela peut se faire. J'ai écrit à côté de plusieurs dispositions "négociable". Quand on dit ça, cela veut dire qu'il y a du bon, je suis prêt à vous le concéder volontiers. Le reste, on pourra en parier. Lors de l'examen qu'on fera de chaque organisme, je pense qu'on pourra revenir sur bien des points mais, comme vous l'avez judicieusement dit, M. le Président, nous avons pris pas mal de temps pour les propos introductifs et je suis prêt à suivre vos directives à partir de maintenant.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. M. le député de Taillon, une très courte remarque.

M. Filion: Oui, voilà. J'invite le ministre, parce que, dans le fond, on est en train d'étudier les crédits, à réagir à deux très courtes remarques. Premièrement, le groupe de travail dont on fait grand état avait cependant, M. le ministre, vous le savez sûrement, comme règle de jeu au départ qu'il n'y aurait pas de modifications législatives. Cela a été écrit de façon très claire dans les médias. Les contacts que j'ai eus me confirment également que le groupe de travail sur la francisation des entreprises devait fonctionner avec la contrainte que le dossier devait être examiné sans modifications législatives. Bien sûr qu'il est arrivé avec des mesures incitatives; il ne faut quand même pas arriver avec des mesures coercitives si on ne modifie pas la loi, je pense que vous en conviendrez. C'est une première remarque.

La deuxième remarque, M. le ministre, je prends note de vos propos, à savoir que plusieurs éléments contenus dans le projet de loi 191 sont Intéressants et négociables, dites-vous. Négociable, dans votre esprit, veut dire que cela mérite de s'y attarder. Dans ce sens-là, soyez assuré que le projet de loi 191 - ce n'est pas par mes soins - sera néanmoins redéposé à l'Assemblée nationale. Je comprends que vous n'êtes pas là depuis longtemps. Je pense que ça fait trois mois que vous occupez cette fonction. Deux mois? Deux mois, ce n'est pas beaucoup, mais, étant donné que ça fart longtemps que vous êtes dans le décor de la réflexion au Québec, j'ai l'impression que ça fait plus longtemps que ça.

Je dois vous signaler que ça fait quatre ans que l'Opposition dit au gouvernement quoi faire. On est rendus à la veille d'une élection possible, malgré que rien ne nous dise que ça n'aura pas lieu au printemps prochain. Je suis prêt à étudier le projet de loi 191 cet été si vous le désirez, à n'importe quel moment, même dans les semaines qui viennent. On sait que l'étude des crédits est terminée. Bref, pour ne pas prendre trop de temps, nous sommes prêts. Cela fait quatre ans que nous le disons. Alors, nous sommes prêts à tout moment.

C'étaient deux remarques rapides. Je suis prêt à poser une question Immédiatement au ministre pour entamer l'étude proprement dite de certains passages des crédits.

La Président (M. Trudel): M. le ministre, acceptez-vous qu'on procède élément par élément, puisqu'il y a un seul programme?

M. Filion: Écoutez, le ministre et moi, nous nous sommes toujours bien entendus, en règle générale.

Le Président (M. Trudel): Je n'ai pas d'objection, sauf qu'il va falloir que vous vous entendiez ensemble.

M. Filion: Je voudrais commencer par la Commission de protection; ensuite, l'Office de la langue française, puis le Conseil de la langue française. Je sais que les gens de la Commission de toponymie espèrent également qu'il nous reste du temps pour eux. Cela fait plusieurs fois qu'on étudie les crédits de la Commission de toponymie à la fin. Je m'en excuse.

Le Président (M. Trudel): Est-ce que ça vous va, M. le ministre?

M. Ryan: Je voudrais juste vérifier. Il me semblait qu'une convention avait été établie entre nos porte-parole, hier, quant à l'ordre dans lequel nous aborderions les organismes. Vous n'en avez pas souvenance?

M. Filion: Malheureusement pas, M. le ministre.

M. Ryan: Si mes renseignements sont exacts, il avait été convenu que nous aborderions les éléments dans l'ordre où Ils sont présentés au livre des crédits.

M. Filion: Écoutez, c'est parce que..

M. Ryan: Le leader de l'Opposition a communiqué avec le bureau du député de Taillon, hier, pour établir cette entente et la réponse fut favorable.

M. Filion: Non. Je n'ai jamais...

M. Ryan: Je sais que les communications laissent parfois à désirer au sein de l'Opposition mais, question de vérification...

M. Filion: Cela peut être de l'autre côté, M. le ministre.

M. Ryan: Non, ici, ça va très bien.

M. Filion: C'est peut-être ma vingtième étude de crédits depuis quatre ans. Je dois vous dire que je m'entend généralement bien avec vos collègues.

M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Oui, M. le ministre.

M. Ryan: Ce que nous pouvons faire pour accommoder l'Opposition, nous le ferons volontiers dans toute la mesure où ça demeure raisonnable.

Commission de protection de la langue française

M. Filion: D'accord, sûrement. Alors, comme je l'ai indiqué, grosso modo, M. le ministre, vous allez m'éclairer un peu. Dans les mois qui ont précédé ou qui ont entouré le jugement de la

Cour suprême et la loi 178, votre prédécesseur, à ce moment le député de Rosemont, a retenu les services professionnels de six avocats à l'extérieur du gouvernement pour l'éclairer et éclairer le gouvernement. Nous avons déjà comme renseignement que les personnes suivantes ont été engagées en quelque sorte par le gouvernement. D'abord, M. le sénateur Gérald Beaudoin. On a établi ses honoraires à 750 $; Me Michel Décary, ancien sous-ministre de ta Justice, à 13 127 $. Il y a quatre autres avocats qui ont été engagés par le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française: Me Philippe de Grandpré, Me Jules Deschênes, ancien juge en chef de la Cour supérieure et toujours juge, Me René Dussault, juriste bien connu, et Me Yves Pratte, ancien juge de la Cour suprême.

Je tiens à le signaler immédiatement, je l'ai dit à la commission parlementaire lors de l'étude des crédits du ministère de la Justice, il s'agit là sûrement d'une des plus belles brochettes de cerveaux juridiques qui ont été réunis pour conseiller le gouvernement qui, malheureusement, a fait un peu un gâchis. Ce n'est sûrement pas parce qu'il était mal entouré sur le plan juridique, mais le gouvernement a pondu la loi 178.

Ma question est la suivante: Combien ont reçu au total Me Philippe de Grandpré, Me Jules Deschênes, Me René Dussault et Me Yves Pratte d'honoraires? Me Beaudoin, lui, a déjà reçu 750 $ et Me Michel Décary, 13 127 $. Dans tous les cas, l'engagement dit bien: Conseiller le ministre en matière linguistique - je peux peut-être vous le donner, si vous en avez besoin - et préparer un avis juridique. Je vais vous lire le texte qui se ressemble dans tous les cas. "Préparer l'avis juridique requis en matière de langue d'affichage public et de publicité commerciale par le ministre délégué aux Affaires culturelles et responsable de l'application de la Charte de la langue française".

Le Président (M. Trudel): À quelle page du cahier? Oui, c'est vrai, cela a été payé par la Justice. Excusez-moi.

M. Filion: Non, cela n'a pas été payé par la Justice.

Le Président (M. Trudel): Ils ont été engagés?

M. Filion: C'est ça qui est curieux parce que votre collègue, le ministre de la Justice, n'a pas été capable de me répondre la semaine dernière. Il m'a dit: C'est le ministère sectoriel qui a les chiffres. Vous allez répondre? Ça va. D'accord.

M. Ryan: Oui. On attend que vous nous donniez la chance de vous les fournir.

M. Filion: M. le Président soulignait le fait qu'ils avaient peut-être été payés par la Justice; je lui disais non.

M. Ryan: J'ai deux chiffres ici dans les données qu'on m'a soumises. La firme Lafleur, Brown, de Grandpré, il est écrit entre parenthèses Louis-Philippe de Grandpré, ancien juge de la Cour suprême - comme nous le savons tous, un juriste eminent, un des plus grands juristes du Québec - préparation d'avis juridiques en matière d'affichage public et de publicité commerciale. Date du CT: le 13 juillet 1988. Coût, 6203, 19 $. Ensuite, la firme Clarkson, Tétreault et Drouin, entre parenthèses, Yves Pratte, préparation d'avis juridiques en matière d'affichage public et de publicité commerciale, même date. Montant, 22 566, 11 $. Ça va?

M. Filion: II en reste deux.

M. Ryan: J'ai le nom de M. Beaudoin sur une liste, mais je n'ai pas le montant. J'ai vu un montant ces jours-ci. Il y a une montagne de papier. Je crois que c'est autour de 750 $ pour M. Beaudoin.

M. Filion: C'est ça. Je l'ai signalé tantôt. Pour Me Beaudoin, j'ai le chiffre. Il reste Me Deschênes et Me Dussault.

M. Ryan: Dans ces deux cas, je n'ai que les honoraires horaires de ces messieurs. Dans le cas de M. Dussault, c'est quotidien, parce qu'il est attaché à l'École nationale d'administration publique comme nous le savons. Dans le cas des professeurs d'université, il y a un tarif spécial pour services professionnels rendus au gouvernement qui est d'environ, si mes souvenirs sont bons, 400 $ par jour.

M. Filion: Pour M. Dussault, c'est 400 $ par jour?

M. Ryan: Oui. Pour M. Beaudoin, c'était 75 $ l'heure. Un sénateur, c'est un peu moins cher.

M. Filion: Bon. M. le juge Deschênes.

M. Ryan: Montant approuvé et payé, 750 $. Ensuite, si j'ai le montant pour M. Deschênes, je vous le fournirai avec grand plaisir. Je ne l'ai malheureusement pas ici. Attendez un peu. Me Jules Deschênes, préparation d'opinion sur les aspects juridiques d'hypothèses de solution en matière d'affichage public, 4687, 50 $.

M. Filion: Bon. Donc, c'est le montant total. Il reste juste un chiffre d'inconnu. Est-ce que c'est possible de vérifier, parce qu'il a dû y avoir un compte qui a été payé à un moment donné? Il reste juste Me Dussault.

M. Ryan: On va vérifier. On va demander que nos services le vérifient. Nous essaierons de vous fournir ce renseignement dès aujourd'hui.

M. Filion: Si possible. Je vous en sais gré, M. le ministre.

M. Ryan: Vous contribuez à ma propre information. Je vous en remercie.

M. Filion: Oui. Finalement, je fais le point en ce qui concerne le sénateur Beaudoin, 750 $, Me Michel Décary, 13 127 $, Me Philippe de Grandpré, 6203 $ - laissons faire les sous - M. le juge Deschênes, 4687 $, Me Pratte, 22 566. 11 $. Il reste en suspens Me Dussault pour terminer. Comme je l'ai signalé, ma question ne vise pas et ne doit être interprétée ni directement, ni indirectement comme mettant en cause la crédibilité colossale et tout à fait exceptionnelle de ces procureurs qui ont tous été réunis dans un même dossier. C'est quand même assez unique, je pense, d'avoir réussi à rassembler cet aréopage de conseillers juridiques compétents. (11 h 45)

M. Ryan: Juste un commentaire, si vous me le permettez. Il faut bien se situer dans le contexte où la question se posait en juillet dernier. Une décision très importante de la Cour suprême se dessinait à l'horizon. Il incombait au gouvernement de se préparer et d'étudier soigneusement toutes les hypothèses de réactions possibles à un éventuel jugement de la Cour suprême. Que le gouvernement, à l'époque, ait décidé de recourir distinctement à l'avis de quatre ou cinq juristes parmi les plus distingués que nous ayons au Québec, dont les titres de créance professionnels sont au-dessus de toute discussion, je pense que c'est à son honneur. Je me souviens, j'ai dirigé un journal autrefois et, quand j'avais une question délicate, je téléphonais à sept ou huit avocats. J'ai un frère qui était dans le lot et quand j'arrivais à lui, il me disait: Combien en as-tu appelé avant moi? Je lui disais: Je veux en appeler plusieurs pour avoir un éclairage judicieux, pour pouvoir faire ce que je veux tout en étant assuré que tous les aspects juridiques auront été soigneusement tamisés avant l'action. Je pense que c'est ce que le gouvernement fait. C'est une démarche raisonnable. Cela a été fait à ce moment. On vous donne tous les renseignements.

M. Filion: Ce que je notais de mon côté, vous l'avez compris, ce n'est pas le fait de s'entourer d'une façon aussi solide, c'est plutôt la ponte gouvernementale qui en a résulté, qui était...

Des voix: Ha. ha, ha!

M. Filion:... d'une faiblesse disproportionnée par rapport aux conseils juridiques reçus. Enfin! Les conseillers juridiques, il est bon de le souligner, ne sont pas là pour prendre des décisions politiques. Ils sont là pour conseiller sur le plan juridique. On se comprend. Cela va.

Je suis satisfait, M. le Président.

La Président (M. Trudel): Je suis très heureux de vous savoir satisfait, M. le député.

M. Filion: Oui, sous réserve, encore une fois, du chiffre manquant.

Je voudrais poser une deuxième question à M. le ministre. Je lui avais annoncé mon intention de l'interroger sur un dépliant explicatif qui, je pense, a été imprimé pour fins de distribution auprès de commerçants. Le ministre a été suffisamment aimable pour me confirmer en Chambre, premièrement, qu'il est exact que cela avait été imprimé; deuxièmement, que le coût total était autour de 6000 $.

M. Ryan: Autour de 7000 $.

M. Filion: Autour de 7000 $. Je voudrais savoir du ministre combien d'exemplaires ont été imprimés. Je voudrais également demander au ministre s'il serait assez aimable, comme il me l'a offert en Chambre, de déposer un exemplaire de ce dépliant explicatif qui a été payé par l'argent des contribuables.

M. Ryan: Le nombre de dépliants imprimés est de 5000.

M. Filion: 5000?

M. Ryan: 5000. J'aurais bien souhaité pouvoir remettre un exemplaire du dépliant au député de Taillon aujourd'hui, mais je devrai attendre un petit peu. Je vais lui expliquer pourquoi. Je pense qu'il va comprendre ma bonne foi. Le gouvernement a approuvé, ces jours derniers, un projet de règlement qui sera publié dans la Gazette officielle dans les meilleurs délais et je souhaite vivement que ce soit le 3 mal prochain, c'est-à-dire dès la prochaine parution. Je ne voudrais pas que le dépliant soit publié avant le règlement de manière que cela jette de la confusion sur les intentions gouvernementales dans l'opinion publique parce qu'il y en a qui vont partir des discussions telles que: Ah! bien là, ils veulent ceci, ils veulent cela! Dès après la parution du projet de règlement dans la Gazette officielle du Québec, je n'aurai aucune objection à remettre aux députés, pour leur information un exemplaire du dépliant qui a été imprimé, mais je ne veux pas le faire avant pour ne pas mêler à plaisir l'opinion publique.

M. Filion: M. le ministre, comment se fait-il que ce dépliant ait été imprimé, puisque vous nous dites aujourd'hui... D'abord, qui a pris la décision et à quel moment a-t-il été Imprimé?

M. Ryan: C'est au mois de janvier que le contrat fut attribué par le Secrétariat à la politique linguistique Le contrat dont j'ai pris connaissance portait la signature du directeur du

secrétariat, à l'époque, M. Robert Trempe.

M. Filion: Évidemment, on le sait, le secrétariat n'est pas une grosse machine. À ce moment-là, votre prédécesseur a sûrement été consulté pour cette dépense.

M. Ryan: À ce moment-là, le ministre avait demandé la collaboration de la Commission de protection de la langue française. Il lui a demandé son avis, son assistance technique. Mais c'est le Secrétariat à la politique linguistique qui a donné la commande concernant l'impression de ce dépliant. Si la publication fut différée, c'est parce que des discussions se poursuivirent au sein du gouvernement quant à la forme précise qu'il conviendrait de donner à l'information relative à l'application de la loi 178, c'est clair.

M. Filion: M. le ministre, est-ce que le dépliant explicatif traitait d'un règlement à venir pour les commerces de 50 employés et plus?

M. Ryan: Non. Il n'est pas question de règlement dans ce texte.

M. Filion: Est-ce qu'il était question de nette prédominance?

M. Ryan: Bien ouil C'était le sens même du dépliant d'expliquer...

M. Filion: Essayer d'expliquer la nette prédominance.

M. Ryan: Bien oui!

M. Filion: Mais, M. le ministre, j'ai de la difficulté à comprendre. Vous avez une longue expérience, vous allez m'éclairer. J'ai de la difficulté à comprendre qu'on puisse engager 6000 $ ou 7000 $ pour Imprimer... Il ne s'agit pas juste d'étudier la possibilité de ce qu'aurait l'air un dépliant explicatif qui tenterait d'amorcer un début d'explication sur la nette prédominance. Il s'agit de l'imprimer, donc de passer une commande. J'ai de la difficulté à comprendre qu'on ait pu passer une commande, alors que vous me dites que les décisions n'étaient pas arrêtées. Est-ce que les décisions étaient arrêtées à ce moment-là? Sinon, on n'aurait pas passé de commande. C'est ça que je ne comprends pas. On est rendus quatre mois plus tard, ces dépliants ne sont toujours pas distribués et vous ne voulez pas les rendre publics parce que, soi-disant, vous attendez la publication, dans la Gazette officielle, du projet de règlement. Je ne comprends pas qu'on puisse engager l'argent des contribuables de cette façon.

M. Ryan: II est évident qu'il y a une décision contestable qui a été prise à ce moment-là. La preuve en est dans le fait que nous constatons tous que le dépliant est encore dans les armoires.

M. Filion: Pardon?

M. Ryan: Le dépliant est encore dans les armoires. Il est évident qu'il y a une décision contestable qui a été prise; on ne peut pas le nier. Dans l'ensemble de la machine gouvernementale, il y en a de plus grosses que celle-là, je peux vous le dire.

M. Filion: Le dépliant traitait principalement de la nette prédominance?

M. Ryan: Oui. Il expliquait la loi 178 dans son ensemble et, de manière plus particulière, le concept de nette prédominance.

M. Filion: M. le ministre, la nette prédominance, est-ce si compliqué? Est-ce si compliqué que, finalement, les décisions qui ont été prises à ce moment-là ne sont plus valables trois mois plus tard? De plus, on a engagé 6000 $. La nette prédominance, c'était bon en janvier 1989. On fait imprimer un dépliant et on dit: On va aller l'expliquer aux commerçants. Est-ce si compliqué, M. le ministre, la nette prédominance?

M. Ryan: M. le Président, comme les députés pourront s'en rendre compte lorsqu'ils prendront connaissance du projet de règlement qui sera publié bientôt dans la Gazette officielle, c'est un concept très simple et nous entendons le garder très simple. Nous nous entendons très bien avec le député de Taillon là-dessus. Maintenant, le petit fait dont nous parlons plaide en faveur d'un règlement qui soit clair et explicite. Ha, ha, ha!

M. Filion: Donc, c'est compliqué, c'est cela. Est-ce que l'impact visuel fait partie de la nette prédominance dans le projet de règlement qui vient? Si je vous pose des questions sur le projet de règlement, allez-vous me répondre en deux mots? Est-ce que l'impact visuel fait partie du projet de règlement? Est-ce que le deux pour un, comme je l'ai déjà dit, qui a probablement été décidé entre cinq et sept, fait partie du projet de règlement? Est-ce que l'impact visuel fait partie du projet de règlement? Est-ce qu'on est en train de dire que la nette prédominance, c'est la nette prédominance et on va demander aux juges de la Cour suprême de nous dire ce que ça veut dire dans six ans? Est-ce que vous voulez me répondre? Peut-être que vous ne voulez pas répondre à ces questions.

M. Ryan: La réponse sera apportée, d'abord, par la publication du projet de règlement...

M. Filion: Quand?

M. Ryan:... et, ensuite, par les explications qu'on voudra bien requérir du ministre respon-

sable. Mais je ne veux pas donner les explications avant que l'on ait eu le texte parce que, pédagogiquement, c'est une procédure très dangereuse. J'aime mieux qu'on donne le texte d'abord, je fais confiance aux hommes et aux femmes de métier dans les médias pour s'en saisir et le présenter à leur public, avec leurs moyens à eux. Je suis à leur disposition pour l'expliquer, mais je ne veux pas conditionner les esprits en disant: Voici, on s'en vient avec ceci et on vous le distille à petites gouttes. Non! La semaine prochaine, la lumière se fera.

M. Filion: Bon! M. le ministre, je vais vous poser une question très naïve. Ce n'est pas mon habitude, mais, de temps en temps, ce n'est pas mauvais, un peu de naïveté. Comment les commerçants qui doivent prendre des décisions relativement à leur affichage, les citoyens qui sont préoccupés de l'application de la Charte de la langue française en matière d'affichage, les consommateurs, en général, peuvent-ils, depuis l'adoption de la loi 178, s'y retrouver intelligemment et raisonnablement, compte tenu du fait que le devoir du législateur et des gouvernants est de créer des obligations claires pour les gens? Pendant quatre mois, on laisse les consommateurs, les commerçants, les citoyens préoccupés de l'application de la Charte de la langue française dans le cirage. Le projet de règlement ne sera pas adopté avant X mois, je pense que le délai de prépublication est de 60 jours... Avec ce que le ministre nous annonce, cela veut dire qu'on n'aura pas de règlement avant l'automne.

M. Ryan: L'été.

M. Filion: L'été, bon! Cela veut dire qu'on laisse les gens dans le cirage au sujet de l'application d'une loi pendant six ou huit mois. Est-ce que le ministre se rend compte qu'en matière linguistique surtout, où les messages doivent être clairs sinon on ne s'y retrouve pas, personne ne s'y retrouve, cela n'a pas de sens? Est-ce qu'il ne devrait pas sonner la fin de la récréation? Comme je l'ai mentionné tantôt dans mon discours, M. le ministre, et vous le savez, on fait rire de nous à l'extérieur du Québec. Oui! Je vous dis qu'il y a des articles partout dans la presse internationale. Les gens ne comprennent pas comment on a pu arriver à permettre l'affichage unilingue français à l'intérieur, à l'extérieur et tout ce qui s'en vient. Les gens ne comprennent pas ça. Il y a un membre de votre gouvernement qui a rencontré, comme moi, un membre d'une agence de presse soviétique. J'ai essayé de lui expliquer...

Une voix: Bonne chance.

M. Filion:... la nette prépondérance, et les catégories etc. Ils sont pourtant habitués à des règlements bien tarabiscotés en Union soviétique, j'en suis convaincu.

M. Ryan: Les contraintes à la liberté d'affichage ne devaient pas être étrangères...

M. Filion: Oui, mais c'est la solution... M. Ryan:. à votre interlocuteur. M. Filion:... qu'on a trouvée.

M. Ryan: J'aime autant les nôtres que les leurs.

M. Filion: Et vous annoncez que ça va durer encore trois mois.

M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. Trudel): M. le ministre.

M. Ryan: Je ne sais pas si c'est une question que le député de Taillon m'adresse. Je serais heureux d'y répondre, J'ai cru comprendre que c'était une question. Nous ne sommes pas mécontents...

Le Président (M. Trudel): Est-ce une question que vous posez?

M. Filion: Oui, oui, il n'y a pas de problème, on échange des propos ensemble, M. le Président, alors il n'y a pas de problème. Je suis tout ouïe pour toutes les paroles... (12 heures)

M. Ryan: Tout d'abord, je pense que nous nous souvenons tous qu'il existe une disposition dans la loi 178 qui concerne la période accordée aux établissements pour se conformer à la loi. L'article 8, le texte révisé de la loi 101... Nous avons une édition - je ne sais pas si le député l'a eue, on vous en fera distribuer ces jours-ci - intégrant la loi 178 dans le texte de la loi 101. En tout cas, il y a un article qui dit que les personnes, les établissements dont les affichages n'étaient pas conformes à la loi par suite des changements apportés par la loi 178 auront jusqu'au 22 décembre 1990 pour s'y conformer. On leur donne une période raisonnable. On sait très bien qu'on ne peut pas changer ces choses-là du jour au lendemain seulement pour faire plaisir à une personne qui a voté à Québec ou à un inspecteur du gouvernement. On leur donne une période raisonnable de deux ans pour se conformer à la loi. Ils ont commencé par l'expérience quotidienne. Mme la présidente de la Commission de protection de la langue française que vous pourrez Interroger là-dessus tantôt, si vous le voulez, m'informe que les inspecteurs sont sur le terrain et procèdent déjà, depuis le début de l'année, à l'explication de la loi. Depuis un certain temps, comme j'ai consulté étroitement la présidente de la Commission de protection de même que le président de l'Office avant

de mettre au point le projet de règlement que j'ai soumis au gouvernement, Us ont pu le tester avec leurs collaborateurs. Leurs collaborateurs le testent officieusement sur le terrain et on me dit que ça va très bien. J'en suis extrêmement heureux.

Alors il n'y a pas péril en la demeure ici. Je pense qu'on a une pédagogie éducative, une pédagogie de persuasion non pas de contraintes bureaucratiques étroites. Je pense que la voie que nous avons choisie est une bonne voie. Si cela avait été possible que le règlement fût disponible deux mois plus vite, j'en serais très heureux. Mais il y a un cheminement que le gouvernement, dans son ensemble, a suivi et nous avons progressé étape par étape. Ce n'est peut-être pas si mauvais en ces choses que d'avoir toute la vérité en partant.

M. Filion: M. le Président, est-ce que vous me permettriez de faire remarquer au ministre de l'Éducation que le délai de transition de deux ans ne s'applique pas aux commerces qui ont entre 5 et 50 employés? Pour ces commerces-là, l'affichage bilingue à l'intérieur est Immédiat. Le délai de transition s'applique, sauf erreur, aux entreprises de 5 employés et moins. Je voudrais juste être clair. Je ne voudrais pas que le ministre pense que le délai n'a pas de conséquence. Il y a une conséquence pour toutes les entreprises qui ont entre 5 et 50 employés. Celles qui ont moins de 5 employés, les commerces que nous qualifiions à l'époque d'entreprises familiales, ont un certain délai dans la loi 178 pour se conformer, bien sûr, au contenu. Je voudrais juste faire cette mise au point au ministre parce que je ne veux pas qu'il pense qu'avec la loi 178 tout est suspendu pendant deux ans. Non, il y a une catégorie d'entreprises pour lesquelles cela est entré en vigueur le 22 décembre 1988. Ces entreprises doivent vivre, aujourd'hui, avec une nette prédondérance qui n'est pas définie, et il n'y a pas de délai qui s'applique à elles, etc.

Deuxième question, M. le ministre: Combien y a-t-il eu de dossiers acheminés par la Commission de protection de la langue française au Procureur général pour des poursuites concernant la loi 101 depuis le 22 décembre 1988? Et j'ai une sous-question: Combien de ces poursuites traitaient d'infractions possibles à l'affichage?

M. Ryan: Je vois que le président est momentanément absent. Est-ce que le président aurait objection à ce que la présidente de la Commission de protection réponde à cette question vu que ce sont des actes qui relèvent directement de sa compétence...

Le Président (M. Trudel): Aucunement, allez-y.

M. Ryan:... pour qu'elle fournisse les renseignements directement?

M. Filion: Je voudrais en profiter pour saluer Mme la présidente, Mme de Fougerolles.

Mme de Fougerolles (Ludmila): II me fait plaisir de vous rencontrer. La Justice vous a sans doute dit, à la défense des crédits, qu'ils avaient reçu trois dossiers de chez nous...

M. Filion: Voilà.

Mme de Fougerolles:... un en janvier, un en février et un au mois de mars.

M. Filion: C'est ça.

Mme de Fougerolles: Effectivement, cela est vrai. Il y en a eu un au mois d'avril qui n'est pas inclus; cela en fait quatre. Et, dans l'envoi du mois de février, la Justice a considéré cinq dossiers qui portaient sur l'affichage de l'administration...

M. Filion: D'accord.

Mme de Fougerolles:... article 14, comme un seul dossier. Alors, c'est pour ça qu'ils disent en avoir reçu trois et que nous disons en avoir envoyé neuf.

M. Filion: D'accord.

Mme de Fougerolles: En fait, il y a six dossiers qui ont été envoyés en février, un en janvier, un au mois de mars et un au mois d'avril.

M. Filion: D'accord.

Mme de Fougerolles: Aucun sur l'article 58.

M. Filion: Voilà, c'est cela ma question. Depuis le 22 décembre 1988, la Commission de protection de la langue française n'a fait parvenir au Procureur général aucun dossier...

Mme de Fougerolles: Non.

M. Filion:... relativement à l'affichage commercial autre que public?

Mme de Fougerolles: Et je peux vous expliquer pourquoi. Voulez-vous que je vous explique pourquoi?

M. Filion: Oui.

Mme de Fougerolles: C'est tout simplement très facile administrativement. La Cour suprême a rendu sa décision le 15 décembre. Donc, nous avons suspendu les opérations en ce qui concernait l'affichage commercial. On a arrêté. On a continué les autres dossiers concernant les articles 51, 52, etc. Ensuite de cela, le projet de loi 178 a été voté. Tout le monde est parti pour

les vacances de Noël. On est arrivés au mois de janvier et, à la suite d'un avis des gens du ministère de la Justice disant qu'eux ne pouvaient pas poursuivre les causes que nous leur avions envoyées concernant les articles 58 et 69 étant donné que ceux-ci ont été déclarés inopérants, j'ai consulté à la Justice et on m'a dit: Concernant les dossiers que vous avez présentement sous enquête, c'est le même sort qui leur est réservé étant donné que les articles ont été déclarés Inopérants, donc comme n'ayant pas existé. D'accord? Étant donné que toute notre preuve était recueillie pendant une période pour laquelle les articles ont été déclarés inopérants, on ne pouvait pas poursuivre. Donc, nous avons entrepris de fermer administrativement tous les dossiers à la commission qui étaient sous enquête en ce qui concerne les articles 58 et 69.

Parallèlement à la fermeture - je vais vous dire, on en a fermé 2194 qui étaient en traitement; chaque commissaire-enquêteur a fermé ses propres dossiers - on a rouvert ceux où on avait des raisons de croire que la loi n'était pas respectée, c'est-à-dire selon les nouvelles dispositions de la loi concernant l'affichage. Donc, on les a fermés administrativement mais on les a rouverts de notre propre chef, c'est-à-dire que c'est la commission qui a rouvert les dossiers. C'est un long processus administratif. Cela nous a pris tout le mois de janvier jusqu'au début de février pour les fermer et on est en train de les rouvrir. On en a déjà rouvert plus que la moitié. On recommence à neuf, on recommence à zéro. Avant qu'on puisse transmettre un dossier au procureur, cela prend entre trois et six mois parce qu'il y a certaines étapes à faire avant qu'on puisse le transmettre. C'est clair.

M. Filion: Une question que j'adresse au ministre mais qu'il pourra diriger à Mme la présidente de la Commission de protection de la langue française sans aucune forme d'objection de notre part: L'affichage extérieur unilingue français existait dans nos dispositions légales jusqu'au moment du jugement de la Cour suprême. La Cour suprême - je suis tout ce raisonnement du ministère de la Justice rond l'article inopérant, ce qui fait en sorte que les poursuites judiciaires ayant été déposées avant le jugement de la Cour suprême et déclarant la disposition inopérante, elles doivent tomber et cela m'apparaît être le bon sens sur le plan juridique.

Sur le plan administratif, vous savez que la loi 178 introduit une clause dite dérogatoire à l'affichage unilingue français extérieur, de sorte qu'on se retrouve dans la même situation pratico-pratique qu'avant le jugement de la Cour suprême. En deux mots, là où vos inspecteurs se sont promenés, ils ont vu que l'affichage extérieur contrevenait aux dispositions de la loi 101 avant le jugement de la Cour suprême. Le même constat est tout à fait valable, bien sûr - peut-être faut-il faire une nouvelle visite, j'en suis - pour faire en sorte que la loi 101 soit appliquée dans les faits. J'aimerais que vous m'expliquiez, si vous me permettez, M. le ministre, j'aimerais comprendre. Comment se fait-il que d'ouvrir un dossier et de le refermer puisse prendre quatre mois sans qu'il y ait de poursuites? Dans le fond, c'est le même dossier, c'est le même commerce, c'est la même affiche, c'est la même contravention, c'est la même illégalité. Vous dites: On a fermé les dossiers, on les a rouverts. Mol aussi, je ferme mes dossiers et je les rouvre assez souvent. Ce que je veux dire, c'est que je ne comprends pas.

M. Ryan: C'était simple mais cela demandait à la présidente de la Commission de protection de la langue française de vous expliquer les exigences techniques que comporte le recommencement de ces dossiers, étant donné les conséquences du jugement de la Cour suprême. Vous reconnaissez - je pense qu'il n'y a pas de débat entre nous là-dessus - que...

M. Filion: Sur la mise en demeure et tout ça?

M. Ryan:... le jugement de la Cour suprême créait un vide par rapport aux dossiers institués auparavant. Il faut par conséquent, à tout le moins, si on veut rouvrir le dossier, constituer une nouvelle preuve parce que celles recueillies avant n'ont plus de validité pour...

M. Filion: Est-ce qu'il y a eu d'autres mises en demeure à ce moment-là? Peut-être que...

M. Ryan: Sur le terrain des opérations concrètes, je vais maintenant laisser la présidente de la Commission de protection compléter ma réponse, toujours avec votre permission.

Mme de Fougerolles: C'est finalement très simple. Les preuves recueillies et les mises en demeure signifiées, parce qu'il faut toujours signifier une mise en demeure avant de transmettre au Procureur général... Vous êtes d'accord avec ça? À la suite de la mise en demeure, il faut toujours qu'il y ait un nouveau constat pour bien vérifier que la contravention subsiste toujours. Donc, mise en demeure, constat et, ensuite, si ce n'est pas corrigé, on transmet.

Étant donné que le constat et la mise en demeure ont été effectués durant une période où, techniquement, les articles 58 et 69 ont été déclarés inopérants... Il n'y a pas de rétroactivité dans la loi 178. On dit: "Pas". Donc, on ne pouvait plus. Dans toute la preuve et les mises en demeure qu'on a signifiées et dans lesquelles on a cité des articles de loi, on citait l'ancien article 58. C'est peut-être techniquement ridicule, mais juridiquement, cela n'avait aucune validité, nos preuves n'étaient donc pas bonnes et la mise en demeure non plus. Dans les interventions qu'on avait faites avant, dans les lettres qu'on

envoyait, c'étaient les anciens articles qui étaient cités. Donc, juridiquement, cela n'a plus aucune valeur. Je suis d'accord avec vous qu'on aurait pu continuer les enquêtes et, si le contrevenant avait corrigé, il n'y aurait pas eu de problème; il aurait corrigé. Mais, advenant le cas où il n'aurait pas corrigé, on aurait été obligés de recommencer parce que le ministère de la Justice n'aurait pas accepté étant donné que toutes nos preuves auraient été recueillies et nos mises en demeure auraient été envoyées durant une période où les articles étaient inopérants. Donc on a fait un ménage; on a fermé et on a recommencé en se penchant sur chacun des dossiers et en les rouvrant. Cela vous semble peut-être ridicule, mais on n'avait pas le choix.

M. Filion: Cela fait quatre mois. Je dois comprendre qu'on...

Mme de Fougerolles: Oui, oui Ils sont en traitement. Mais, vous savez, on a 42 personnes qui travaillent à la commission et fermer 2194 dossiers a été une opération qui a duré un mois et demi.

M. Filion: Avec quoi travaillent actuellement les inspecteurs de la commission qui, tous les jours, rencontrent les commerçants? Avec quels documents travaillent-ils au sujet de la nette prédominance?

M. Ryan: Je ne les suis pas sur le terrain. Je laisse répondre la présidente.

Mme de Fougerolles: Vous avez, M. Filion...

M. Filion: Je ne vous blâme pas, M. le ministre. Ça ne doit pas être très "jojo".

M. Ryan: Pardon?

M. Filion: Je dis que je ne vous blâme pas de ne pas les suivre sur le terrain parce que ça ne doit pas toujours être très "jojo" comme travail.

Mme de Fougerolles: Je vais vous dire, je les ai accompagnés à plusieurs reprises sur le terrain. En fait, c'est l'une des premières choses que j'ai faites lorsque j'ai accepté la présidence de la commission. Je voulais savoir comment se comportaient les inspecteurs parce que, effectivement, ce sont eux qui ont le rôle le plus difficile à la commission. À la suite du jugement et de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, nous avons, comme vous le savez bien, M. Filion, émis une directive interne qu'on a préparée conjointement avec l'Office de la langue française et qui était destinée à nos fonctionnaires. On a eu plusieurs réunions avec eux pour leur expliquer la loi 178 et pour s'assurer que nos neuf inspecteurs et nos neuf commissaires-enquêteurs l'appliquent de la même façon. Nos inspecteurs et nos commissaires ont une directive interne qui explique la notion intérieur-extérieur et celle de la nette prédominance comme on a commencé à l'appliquer avant que les règlements soient déposés.

Donc, les inspecteurs expliquent la loi 178 aux commerçants.

M. Filion: Est-ce que cette directive, madame - M. le ministre, pardon, parce que je pense que je dois adresser mes questions à M. le ministre. D'abord, de quand est datée cette directive?

Mme de Fougerolles: La directive n'est pas signée. Elle est distribuée officieusement mais elle n'est pas encore rendue officielle, étant donné que justement on attend de la fignoler lorsque les règlements seront déposés.

M. Filion: Peut-être n'êtes-vous pas au courant, peut-être que vous le savez ou non. Est-ce que c'est le document que j'ai rendu public, M. le ministre?

Mme de Fougerolles: II y a eu une autre version. (12 h 15)

M. Filion: Une autre version?

Mme de Fougerolles: Oui.

M. Filion: Est-ce qu'on peut avoir cette autre version?

Mme de Fougerolles: Ah oui! Mais elle n'est pas officielle. Je peux vous la donner mais elle n'est pas officielle.

M. Filion: Ah non! Mais écoutez, je veux savoir avec quoi les inspecteurs font leur travail.

Mme de Fougerolles: Absolument. Oui. On pourra la déposer...

M. Ryan: Maintenant si vous le voulez.

Mme de Fougerolles:... maintenant si vous le voulez.

M. Filion: Oui.

M. Ryan: Si vous l'avez, il n'y a pas de problème.

Mme de Fougerolles: Elle est dans ma serviette. Voulez-vous que j'aille la chercher?

M. Filion: S'il vous plaît. Oui. Je pense que c'est carrément d'intérêt public.

Le Président (M. Trudel): Mme la présidente, vous pouvez la déposer. Je ferai faire les photocopies nécessaires pour les membres de la

commission.

M. Filion: En attendant, j'aurais une question à poser au ministre, toujours au sujet... Pardon?

M. Ryan: Je pense que nous avons fait parvenir au député, en vue du travail de la commission, le texte de plusieurs directives émises par la Commission de protection, n'est-ce pas?

M. Filion: C'est ça. Je veux avoir la bonne. M. Ryan: Pardon?

M. Filion: C'est une notion qui évolue. Alors, je veux avoir la bonne dernière.

M. Ryan: C'est normal que l'esprit de la présidente évolue de semaine en semaine. J'en suis très heureux. Il n'y a pas de scandale là. Continuez, madame.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme de Fougerolles: C'est qu'on la bonifie chaque fois qu'on se penche dessus. On la rend plus claire.

M. Ryan: C'est sûr qu'avec le règlement ça faciliterait énormément les choses.

M. Filion: Oui. Vous savez, M. le ministre, c'est rare que l'application d'une loi relève d'un processus évolutif.

M. Ryan: Pardon?

M. Filion: II est rare - je pense que c'est le premier cas à ma connaissance - que l'application d'une loi relève d'un processus évolutif comme celui-là dans les mains de ceux qui sont chargés de faire respecter la loi.

M. Ryan: Je regrette mais vous parlez au mauvais interlocuteur.

M. Filion: Écoutez, un processus évolutif...

M. Ryan: Je m'efforce de donner une interprétation évolutive dans bien des cas.

M. Filion: Oui, au fil des années.

M. Ryan: Comme administrateur. Des situations sans cesse nouvelles sont portées à mon attention et je ne veux pas qu'on sorte la règle de catéchisme numéro 877 pour dire qu'on ne peut pas toucher au problème à cause de ça. Comme administrateur public, je dis toujours que j'ai un intérêt si ça regarde le secteur qui m'a été confié. Si le règlement ne s'y prête pas, j'essaie de trouver une autre façon d'être utile aux citoyens. Je l'ai dit à maintes reprises en commission parlementaire et à la Chambre, et j'en suis fier.

M. Filion: En attendant le document, à la Commission de protection de la langue française, quand on reçoit une demande d'enquête, d'abord, il s'agit de décider si cette demande d'enquête est recevable ou non recevable. Sauf erreur, vous me corrigerez, il me semble que lors de l'étude précédente des crédits, on avait établi qu'il y avait un comité qui étudiait les demandes qui entraient à la Commission de protection de la langue française et qui en faisait en quelque sorte un tri. Je voudrais savoir du ministre comment est composé ce comité de tri et s'il est exact qu'il y a eu des modifications à la composition de ce comité qui agit, en quelque sorte, comme première ligne à la demande des citoyens qui veulent faire faire des enquêtes, qui veulent faire vérifier une situation qui pour eux est illégale et contraire à la loi 101.

M. Ryan: M. le Président, les plaintes qui arrivent à la Commission peuvent être reçues par plusieurs personnes. J'imagine que ça peut être un commissaire-enquêteur, ça peut être la présidente, ça peut être le directeur des services à la population. Il y a une foule de canaux par lesquels ça doit entrer. Maintenant, ily a un comité de tamisage qui existe, qui est constitué présentement de deux personnes, la présidente et le directeur des services à la clientèle, lesquels sont tous deux commissaires-enquêteurs en titre d'après la loi. Ils font le premier tamisage. Ils vont décider, en particulier, si une plainte est frivole, si elle est recevable. Si elle est jugée recevable, elle entre ensuite dans l'entonnoir des commissaires-enquêteurs. Elle est référée à un commissaire-enquêteur, lequel s'appuiera sur un inspecteur pour faire effectuer les vérifications sur les lieux.

M. Filion: Depuis quand cette situation existe-t-elle?

M. Ryan: Depuis le mois de décembre, d'après ce que j'ai cru comprendre. Autrefois, la composition du comité était quelque peu différente. Là, je pense que ça relève... La directive porte la date du 20 mars 1989.

M. Filion: Quelle était la composition de ce comité avant le 20 mars 1989?

M. Ryan: Mme la présidente va vous le dire...

Mme de Fougerolles: II était composé d'un commissaire-enquêteur, qui était le directeur des services à la clientèle, du chef de service de l'inspection et d'un avocat. Lorsqu'il n'y avait pas consensus, c'était le directeur des services à la clientèle qui avait le droit de trancher. Donc,

le comité n'était pas formé exclusivement de commissaires-enquêteurs. Vous avez raison. C'est pour ça que je l'ai modifié.

M. Filion: Vous t'avez modifié dans quelle optique?

Mme de Fougerolles: Premièrement, c'est parce qu'il y a eu un changement administratif à l'intérieur, il y a des personnes qui sont parties. Comme le dit monsieur, on a changé un peu notre façon de procéder pour devenir plus efficaces, pour traiter plus rapidement la procédure des plaintes. On a rendu le comité beaucoup plus petit. J'ai décidé de m'en charger personnellement parce que je veux savoir ce qui entre. Je veux me garder un contrôle.

M. Filion: D'accord. Je pose la question au ministre. Quand même, c'est le comité des plaintes qui reçoit les plaintes. C'est assez important comme processus parce que c'est le début. M. le ministre, est-il normal et raisonnable qu'on ait changé la composition du comité pour y faire siéger la présidente, si je comprends bien, et c'est son droit à elle? Elle aime savoir ce qui se passe dans sa boîte. Si elle décide de siéger à tel comité ou à tel autre, il n'y a pas de problème sur la présence de la présidente, qu'on se comprenne bien, mais accompagnée du directeur des relations publiques...

Mme de Fougerolles: Non, des enquêtes. M. Filion: Pardon?

Mme de Fougerolles: Le directeur des enquêtes; c'est lui qui est le patron des commissaires-enquêteurs, le directeur des services à la clientèle. C'est le supérieur.

M. Filion: Tantôt, vous m'avez dit: le directeur du service à la clientèle.

M. Ryan: Service à la clientèle. Mme de Fougerolles: C'est son titre. M. Ryan: C'est son titre.

Mme de Fougerolles: Mais c'est le directeur des enquêtes, en fait. Il a la responsabilité des commissaires-enquêteurs et des inspecteurs.

M. Ryan: Méprise sur le titre.

M. Filion: Est-ce que ce ne serait pas bon qu'il y ait un commissaire-enquêteur qui oeuvre quotidiennement...

Mme de Fougerolles: Nous sommes...

M. Filion:... je sais que vous êtes d'accord en théorie, mais qui fasse quotidiennement le travail d'un commissaire-enquêteur qui siège à ce sujet, sinon...

Mme de Fougerolles: Je vais vous dire la raison pour laquelle les commissaires-enquêteurs ne seront pas là. C'est parce qu'on essaie de traiter le plus de dossiers possible. On nous accuse que les délais sont trop longs, qu'on ne traite pas suffisamment de dossiers. Les commissaires-enquêteurs ont chacun leur charge de travail. On essaie, justement, de pouvoir accélérer le processus, et les faire siéger à des comités les empêche d'enquêter. C'est pour cette raison.

M. Ryan: M. le Président, avec votre permission, je voudrais vous signaler qu'il y a dans la loi un élément qui m'a embarrassé quelque peu. On a la Commission de protection de la langue française. J'ai cherché longtemps en lisant le texte de la loi et c'est seulement il y a quelque temps que j'ai compris que c'étaient les commissaires qui formaient cette commission. C'est un concept sur lequel on aura l'occasion de rediscuter. Je ne le trouve pas complètement satisfaisant comme il est là. La présidente a été obligée de se doter d'un comité de tamisage qui n'est pas prévu par la loi. C'est une procédure purement administrative et on peut discuter s'il devrait comporter deux, trois ou quatre membres, s'il devrait comporter M. Untel ou Mme Unetelle. Cela fait partie de ses attributions, quoi qu'il en soit Je pense qu'il lui incombe, à titre de chef d'un service public ayant les pouvoirs d'un directeur de service, d'exercer toutes les responsabilités qu'elle juge opportunes. Mais je ne suis pas complètement satisfait de la définition des responsabilités qu'il y a dans cette partie de la loi et je vous le dis en toute simplicité, pour référence future.

M. Filion: Je voudrais demander ceci au ministre: Dans l'étude du Conseil de la langue française - nous sommes toujours en matière d'affichage - sur le taux approximatif de respect ou de non-respect, selon le point de vue où on se place par rapport aux chiffres, donc concernant le taux approximatif de respect de la règle de l'unilinguisme dans l'affichage extérieur, j'ai retracé les chiffres suivants: taux de respect - encore une fois, peut-être que je devrais dire "taux de non-respect", me faisant l'avocat du diable, ce qu'on ne devrait pas toujours faire parce qu'il est suffisamment bien représenté dans notre société, mais enfin - taux approximatif de non-respect de la règle de l'unilinguisme dans l'affichage extérieur... Je cite des chiffres qui nous viennent du Conseil de la langue française, une étude publique. Je prends le commerce sur les rues et non pas dans les centres commerciaux. On a pris une zone témoin francophone non identifiée, en tout cas que je n'ai pas, où le taux de non-respect est de 17 %. À Saint-Léonard, le taux de non-respect est de 14 %; à

LaSalle, de 43 %; au centre-ville ouest de Montréal, de 42 %; à Mont-Royal, de 40 %; à Côte-des-Neiges et à Snowdon, de 47 %; à Saint-Laurent, dans le comté de M. le premier ministre, de 37 %; à Dorval et à Pointe-Claire, de 57 %; et à Côte-Saint-Luc, de 65 %.

J'aimerais savoir comment le ministre réagit à ces taux de non-respect qui sont absolument faramineux. Est-ce qu'il entend demander à la Commission de protection de la langue française d'appliquer la loi sans attendre les plaintes des citoyens? Ce sont quand même des chiffres très élevés. Je pense que le ministre conviendra avec moi qu'il faut combattre ce phénomène de désobéissance absolument énorme. Donc, je demanderais au ministre de quelle façon il entend agir, peut-être en collaboration avec la Commission de protection de la langue française, pour mettre fin à cette situation de non-respect qui prend des allures de système.

M. Ryan: M. le Président, vu que la question du député de Taillon se fonde sur des faits soi-disant contenus dans un rapport d'une enquête qui a été faite sous la responsabilité du Conseil de la langue française, il serait opportun, je crois, qu'on demande d'abord au président du conseil de préciser la portée de cette enquête et la signification des données sur lesquelles se fonde la question du député de Taillon, après quoi je serai heureux d'assumer la partie de la réponse qui m'incombe plus proprement sur le plan politique.

M. Filion: Parfait!

M. Ryan: M. Martel est président du Conseil de la langue française depuis deux ans maintenant.

M. Martel (Pierre): Depuis janvier 1988.

Le Président (M. Trudel): Allez-y, M. le président.

M. Martel: Bien, l'objectif de notre enquête sur la langue d'accueil et la langue de service n'avait pas pour but ou comme objectif de mesurer la conformité avec la loi, pas du tout; c'était un objectif tout autre. Il s'agissait de tracer un portrait, donc, de l'utilisation de l'unilinguisme ou pas. À ce titre, la méthodologie que nous avons retenue ne nous le permettait pas non plus, c'est-à-dire... Je ne vous donnerai que deux exemples. On a recueilli systématiquement, lorsque c'était dans le périmètre choisi, par exemple, les menus qui sont bilingues dans certains cas et qui ne le sont pas dans d'autres, mais les menus, même quand ils sont bilingues, sont parfaitement conformes à la loi 101.

D'autre part, on a mesuré, par exemple, l'affichage dans les petits commerces qui font exception à la loi 101, comme les librairies, etc. Donc, selon notre objectif et à partir des données de l'enquête, on ne peut pas mesurer le respect ou le non-respect de la loi 101 à ce chapitre.

M. Filion: Mais concernant l'affichage extérieur, M. le président Martel, que je voudrais évidemment, bien sûr, saluer, est-ce que ces chiffres ne sont quand même pas concluants?

M. Martel: C'est ce que je viens de vous dire. Par exemple, dans l'affichage extérieur, on recueillait souvent les menus bilingues dans le secteur de la restauration et c'est tout à fait conforme à la loi.

M. Filion: Donc, si je comprends bien, ces chiffres ont été établis de façon générale, ils sont quand même indicatifs. On ne peut pas... Alors, je retourne au ministre, bien sûr, cette mise au point s'imposait, mais ils sont quand même indicatifs, même s'ils comprenaient quelques menus ou...

M. Ryan: Cela montre quand même qu'avant de Jouer avec des pourcentages H faut toujours faire de petites vérifications, c'est toujours très utile. On entend toutes sortes de choses à propos de ces sujets, je pense qu'il faut en traiter avec la prudence nécessaire. Maintenant, il y a un point sur lequel...

M. Filion: Je disais un taux -approximatif, M. le Président.

M. Ryan: Oui. On est habitué à l'approximation dans ces choses, malheureusement.

M. Filion: On n'a pas beaucoup d'indicateur fixe.

M. Ryan: Maintenant, justement, j'en venais à ça, si on veut me laisser terminer. Je m'excuse, j'aime bien les Interruptions aimables et je ne m'en plains pas, au contraire. Je causais justement avec la présidente de la Commission de protection, il y a quelque temps, et je lui disais que c'est bien beau d'avoir le nombre de plaintes et tout ça, ça donne une partie de la réalité; cela peut être soufflé aussi, et on l'a vu au cours des deux dernières années que, souvent, ça l'a été, pour des motifs qui peuvent être honorables, mais quand on a 15 000 plaintes et que ça regarde 2000 établissements, ça ne fait pas 15 000 établissements. Je pense qu'on est tous capables de comprendre ça. C'est de l'arithmétique élémentaire Ce que je disais à la présidente: Quand même H y aurait 15 000 ou 5000 plaintes, ça ne me renseigne pas nécessairement sur l'état exact de l'application de la loi en ce qui touche l'affichage extérieur. J'ai demandé à la présidente d'essayer de mettre au point un dispositif qui nous permettrait de me fournir périodiquement des rapports. Par exemple, à supposer qu'on choisirait des quartiers témoins à Montréal, que

l'Office s'arrange pour aller faire des vérifications, disons à tous les six mois, et dise: Voici, il y a six mois, on avait un taux d'observance de la loi qui était à tant; six mois plus tard, le taux a évolué de telle manière. Si nous constatons qu'il y a une évolution sensible, cela peut être intéressant, cela nous aide quant au genre de directives qu'on va donner et quant on genre d'action qu'on requerra de notre personnel sur le terrain.

Actuellement, nous manquons de ces tableaux de la situation qui nous permettraient à nous, du personnel politique, de dire: Ils font leur travail ou ils ne le font pas; ils avancent ou ils n'avancent pas. C'est pour ça que j'ai demandé à la présidente, il y a quelque temps, de travailler quelque chose dans ce sens de manière que, quand nous discuterons, nous pourrons dire, par exemple: Pour la partie ouest de Montréal, des vérifications ont été faites dans un ou deux endroits significatifs à quelques reprises et voici ce qui en est.

M. Filion: Je passe maintenant...

M. Ryan: Mme la présidente m'informe que, justement, à la suite de cette demande que je lui soumettais il y a déjà à peu près trois semaines, elle m'enverrait à la fin de la semaine un premier rapport sur une vérification qui a été faite dans quatre secteurs différents. Je la remercie beaucoup.

M. Filion: Juste une question...

Le Président (M. Trudel): II faut que ce soit très court et que la réponse soit de la même longueur, c'est-à-dire très courte. On a déjà dépassé...

M. Filion: Oui. Reprenons cet après-midi.

Le Président (M. Trudel): Vous préférez revenir cet après-midi. La commission ajourne ses travaux jusque vers 15 h 30, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 33)

(Reprise 15 h 34)

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de la culture reprend ses travaux qui consistent à étudier les crédits budgétaires des organismes relevant du ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, pour l'année financière 1989-1990. Au moment où nous nous sommes quittés pour le déjeuner, il a été convenu, entre M. le ministre et M. le député de Taillon qui doit nous rejoindre dans huit secondes et quart, de ne pas nécessairement suivre l'ordre indiqué dans le livre des crédits, mais de commencer par l'élé- ment 2. Pour autant que je me souvienne, M. le député de Taillon, nous étions à l'élément 2 du programme. Est-ce que vous avez terminé?

M. Filion: Oui. Vous aviez une question, de l'autre côté.

Le Président (M. Trudel): Théorique. Le député n'étant pas là, si vous êtes prêt à passer à autre chose...

Office de la langue française

M. Filion: Oui, je suis prêt. À chaque étude des crédits, c'est un peu la même chose, on manque de temps. Je suis convaincu que la présidente de la Commission de protection de la langue française demeure avec nous, il y a d'autres sujets que je voudrais aborder en ce qui concerne l'élément 1, l'Office de la langue française. Ma première question porte sur la langue de l'administration. Rapidement, on sait que, depuis environ deux ans, de ce côté-ci, nous avons dénoncé la détérioration du fait français dans l'appareil gouvernemental. On se souviendra qu'à la suite de certaines situations de fait que j'avais portées à la connaissance du gouvernement le prédécesseur du député d'Argenteuil avait confié à l'Assemblée nationale, en Chambre, au mois de juin 1988, que l'Office de la langue française ferait son enquête afin d'éviter la répétition d'incidents mettant en cause la langue de l'administration. Pour être plus précis, il s'agissait de cas où un organisme ou un ministère correspondait ou discutait avec des citoyens et des citoyennes francophones du Québec dans la langue de Shakespeare. Le ministre avait donc annoncé cette enquête. Il nous avait même promis l'usage d'un français impeccable dans l'administration...

M. Ryan: Ce n'est pas moi parce que je sais que c'est impossible.

M. Filion: Non, non. Alors, le prédécesseur nous avait promis... Je rappellerai au ministre qu'il poursuit l'entité institutionnelle de son prédécesseur et qu'il répond aujourd'hui en sa qualité de ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française au même titre que son prédécesseur.

Alors, grosso modo, pendant ces neuf mois, j'ai laissé le dossier évoluer, espérant que cette enquête serait amorcée, complétée et que des mesures concrètes seraient prises par le gouvernement pour mettre fin à ces situations qui sont choquantes, il faut l'admettre. Quand un citoyen reçoit, comme cela m'est arrivé d'ailleurs, une lettre d'Hydro-Québec adressée en anglais, ce n'est pas drôle, surtout quand cela implique des milliers de citoyens qui paient leurs taxes et qui ont droit de recevoir une communication gouvernementale dans leur langue.

Je voudrais savoir du ministre si cette

enquête est terminée. Quelle forme a-t-elle prise? Quelles sont les recommandations qui ont été retenues? Quelles actions concrètes ont été entreprises?

M. Ryan: Est-ce qu'il s'agit d'une enquête qui aurait été confiée à la Commission de protection de la langue française?

M. Filion: Non, non.

M. Ryan: Qui aurait été instituée par le ministre?

M. Filion: Écoutez, je me réfère... M. Ryan: Oui.

M. Filion:... à mes dossiers de l'époque. Il s'agissait d'une enquête qui a été demandée à l'Office de la langue française et qui nous a été annoncée, en Chambre, au mois de juin 1988. Les coupures de presse que j'ai devant mol confirment un peu mon souvenir des événements. Peut-être pour stimuler la mémoire du ministre, selon son prédécesseur, tout cela était dû au fait que l'article 15 de la loi 101 posait certains problèmes, mais il s'était engagé à entreprendre cette enquête.

M. Ryan: Est-ce que cela complète la question ou si elle continue toujours, interminable?

M. Filion: C'est parce que vous me disiez que vous étiez préoccupé, cela se lisait sur votre visage, alors je voulais vous instruire davantage sur cette enquête dont vous n'aviez aucun souvenir.

M. Ryan: Je veux tout d'abord vous dire une chose. Je ne vous dirais jamais que je prends l'engagement de faire en sorte que dans un an la tangue de l'administration sera parfaite et irréprochable. Je connais trop l'état de la langue dans l'administration pour vous dire une chose comme celle-là.

Je pense que nous avons hérité d'une situation - le gouvernement précédent également - qui est tributaire de la situation générale de la langue au Québec. On ne peut pas s'imaginer qu'on va percher l'administration sur un isoloir où elle pourra atteindre la perfection pendant que la plèbe continuera à se débattre avec ses problèmes de langue. En réalité ce n'est pas comme ça que ça se passe. Je me souviens de mes premiers mois comme membre du gouvernement. Des fois, j'avais le choix entre rejeter un texte ou le réécrire moi-même. Et j'en ai retourné un grand nombre. Mais il y a des gens, s'ils n'ont pas appris à écrire, à qui je n'apprendrai pas ça avec un cours de Berlitz. Cela prend beaucoup plus de temps que ça, apprendre à écrire. C'est l'oeuvre d'une vie. Il faut que ces gens-là gagnent leur vie quand même. Ce sont d'honnêtes collaborateurs et collaboratrices de l'État. Cela fait qu'il faut mettre un peu de sens pratique dans ces choses-là, M. le Président. C'est ce que je veux vous dire. L'enquête, je n'en ai pas connaissance, pour être franc avec vous. Je sais que mon prédécesseur a écrit à chacun de ses collègues ministres pour leur demander: Dites-moi ce que vous faites de manière qu'on puisse voir en quoi nous pourrions vous être utiles.

J'ai ici - et je vais demander la permission de le communiquer à tous les membres - un exemplaire des réponses qu'il a reçues d'un ministère, le ministère du Revenu. Et je prends cet exemple-là comme modèle. Je me dis que, si chaque ministère décidait d'agir comme ce dernier l'a fait pour rechercher l'amélioration de sa langue de communication, on ferait énormément de progrès. Mais on ne peut pas décréter du jour au lendemain que ça va être parfait, que ça va être comme ceci, que ça va être comme cela. Même dans mes lettres vous trouverez des fautes. Parce que, des fois, je les signe par centaines dans une soirée. Je n'ai pas le temps de tout vérifier et il peut arriver que j'en fasse moi-même, même si j'ai été Journaliste longtemps. Ce n'est pas du tout une garantie d'infaillibilité.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan: Alors, je suis prêt à déposer ceci. C'est très Intéressant. J'en donnerais lecture mais je ne veux pas abuser du temps de la commission. Mais Je vais vous dire ceci, M. le Président. Je parlais avec M. Rondeau l'autre jour. C'est un des volets de la fonction du secrétariat - je l'ai mentionné ce matin - d'assurer la cohérence et la continuité de l'action gouvernementale dans les différents ministères. Et il disait qu'un de ses soucis principaux était de faire un travail de promotion de la qualité de la langue dans l'administration et je lui ai dit: Cela répond tout à fait à mes attentes, mais nous ne le ferons pas à la manière de directives. Nous ne le ferons pas par l'envoi de circulaires. Et je lui ai donné le mandat d'aller dans chaque ministère rencontrer les sous-ministres, causer avec eux, faire l'état de la situation avec chacun, voir quels sont les besoins. S'il arrivait, par exemple - je vous donne un exemple: j'ai gardé une partie du budget de 10 000 000 $, qui a été mis à ma disposition, pour des projets spéciaux - que de ces contacts découlent des initiatives visant à l'amélioration de la langue chez les fonctionnaires, on va avoir des ressources pour le faire. Je pense que c'est comme cela qu'on va faire avancer la qualité de la langue. Ce n'est pas en lançant des oukases et des directives à gauche et à droite. Est-ce clair?

M. Filion: Oui, votre réponse est claire, mais cela ne répond pas à ma question. L'enquête

dont on parle, M. le ministre, ce n'est pas une enquête sur la qualité du français dans l'administration. C'est une enquête sur la conformité et l'usage de la langue française eu égard aux obligations que crée la Charte de la langue française à l'administration, avec un grand "A", de communiquer, comme j'ai mentionné tantôt, avec les contribuables en français. J'ai bien écouté ce que vous avez dit, M. le ministre, j'en suis fort heureux, mais, encore une fois, il s'agissait ici d'une enquête portant sur les communications du gouvernement avec les citoyens et les citoyennes, et ces communications qui, souvent, se font en langue anglaise. Je vais vous donner quelques exemples, parce que j'en reçois à la tonne, M. le ministre, peut-être pour vous mettre sur la bonne piste parce qu'il semble que l'enquête n'ait pas eu lieu. D'abord, un citoyen de Saint-Jean-Chrysostome - je pense que c'est sur la rive sud de Québec, - Richard Blouin - c'est récent; apparemment, il y a plusieurs centaines de citoyens qui sont dans la même position que ce dernier - a reçu son chèque d'allocation familiale avec une publication gouvernementale, comme cela arrive souvent, c'est-à-dire un dépliant gouvernemental. Dans ce cas-ci, c'était Protect Yourself, la revue de l'Office de la protection du consommateur qui est publiée dans les deux langues. C'est une excellente revue, soit dit en passant, que le député de Verdun, dans un de ses comités, voulait abolir à l'époque. Toute la publication est en anglais. Alors, M. Blouin, qui a reçu cela, n'est pas de bonne humeur. Ce n'est pas la qualité du français, c'est l'absence du français parce que tout est en anglais. Je ne sais pas combien de citoyens ont reçu la même chose, mais on m'informe qu'il y en a plusieurs centaines, et je pourrais en citer beaucoup.

Deuxièmement, il me semble que c'est une personne de la rive sud de Montréal - je me demande si ce n'est pas dans mon comté - qui écrivait au ministère de la Justice pour, on le sait, recevoir son certificat de naissance, une espèce d'extrait des registres de l'état civil; M. Daniel Hétu, la mère est Louise Bérubé, et ils ont des enfants, Marie-Ève, etc. Ces personnes ont reçu du ministère de la Justice leur certificat de naissance en anglais, tout est en anglais, alors que la demande a bel et bien été faite en français au ministère de la Justice. Je pourrais continuer longtemps. Il y a aussi le cas - tiens, ça, c'est Intéressant - d'un citoyen de Laval, M. Gaudet, qui a fait sa demande de permis de conduire à la Régie de l'assurance automobile du Québec, un délinquant majeur en termes d'utilisation de la langue française, et qui a reçu son permis de conduire, comme beaucoup d'autres d'ailleurs, où tout est imprimé en français, sauf pour "organ donation" qui est en anglais. Comme si on ne pouvait donner nos organes qu'en anglais. C'est le cas de M. Gaudet.

Il y a également la situation vécue par une dame, Mme Benoit - je pense que cela vaut la peine - qui a reçu une enveloppe de la Société d'habitation du Québec avec des pamphlets explicatifs en anglais seulement et, encore là, c'était assez généralisé dans son coin. Je vais vous lire la lettre qu'elle m'adresse parce qu'on n'a pas besoin d'ajouter à ça.

Une voix: Un dépliant.

M. Filion: Oui, un dépliant explicatif. Je vais vous lire la lettre. "Cher M. Filion, voici une enveloppe qui m'a été adressée contenant des dépliants et un formulaire, tous en anglais. Pourtant, lorsque j'en ai fait la demande, je me suis bel et bien adressée à la fonctionnaire en français" Les gens sont en furie quand ils communiquent avec nous. "J'ai été tellement insultée que j'ai jeté le formulaire à la poubelle et je n'ai pas lu une ligne des dépliants. On sent où on s'en va dans cette province; on ne peut plus se faire servir dans notre langue par notre propre gouvernement. C'est de ça qu'il s'agit, la langue des services gouvernementaux. " Elle m'écrit: "J'ai honte. J'espère que cette plainte pourra vous servir d'exemple parmi tant d'autres. " Là, elle fait une petite blague: "Peut-être a-t-on voulu mettre en application la loi 178, l'anglais à l'intérieur de l'enveloppe. Aussi, j'ai téléphoné à la Société d'habitation du Québec", et c'est ça qui est important, M. le ministre, "pour me plaindre et on m'a répondu qu'il n'y avait plus de formulaires en français. " C'est ça qui est la clé. Pourquoi tant de gens reçoivent-Ils des formulaires gouvernementaux, des communications gouvernementales en anglais alors qu'ils sont de langue française?

La théorie de votre deuxième prédécesseur, la députée de Chomedey, c'est qu'il y a des fonctionnaires qui faisaient exprès. Je vais vous dire: Non, je ne crois pas ça. C'était quand même la théorie de votre prédécesseur, de votre collègue. Je crois cependant que, dans la fonction publique, il y a des hauts fonctionnaires, des directeurs de service, etc., et qu'à un moment donné on dit: II ne nous reste plus de formulaires en français. Qu'est-ce qu'on fait à ce moment? Les fonctionnaires ne vivent pas isolés; ils vivent au Québec, ils ont vu l'effritement de la volonté politique du gouvernement. Puis, ils se disent. Coudon! il nous en reste une boîte en anglais, on va envoyer la boîte en anglais; ce n'est pas grave. Mais les citoyens reçoivent ça, ils ne comprennent pas ou ils les mettent à la poubelle et ils sont insultés, à juste titre.

Les erreurs sont toujours possibles, mais pourquoi ce type d'erreurs généralisées ne se passait-il pas avant? Il ne se passait pas sous le gouvernement du Parti québécois parce que les volontés étaient claires. La volonté était exprimée clairement. Il peut y avoir des erreurs à l'occasion mais, écoutez, il y a eu des dizaines de milliers de formulaires de la Régie des rentes qui ont été envoyés à des bénéficiaires de la Régie des rentes. Je pourrais vous en citer tout

l'après-midi, M. le ministre. Vous vous en souviendrez peut-être vaguement, l'an passé et il y a deux ans, j'en ai cité plusieurs cas. A un moment donné, il y a des fonctionnaires qui disent: On n'en a plus en français, on en envoie en anglais et, cela dit, ce n'est pas tellement grave parce que... Ils regardent les choses aller et ils lisent les journaux également, eux et elles. Ils envoient ça.

Ma question au ministre de l'Éducation est claire. Votre prédécesseur nous avait répondu en Chambre, et je prends la parole des gens qui me parlent: L'Office fera son enquête. Est-ce qu'on a les résultats de cette enquête? Est-ce que le ministre peut les rendre publics et nous faire part des recommandations qui ont été appliquées pour empêcher ce type d'erreurs dont, je veux bien qu'il le sache, je pourrais lui fournir des exemples à tous les jours? Je veux qu'il saisisse ici l'importance de la chose puisque l'administration, au premier chef, doit donner l'exemple. Si l'administration écrit en anglais aux citoyens et considère que ce n'est pas grave, imaginez-vous quand American Express nous envoie sa camelote, quand Zellers nous demande de faire partie du Club Z ou quand n'importe quelle autre entreprise nous écrit, si le gouvernement, au premier chef, ne donne pas l'exemple d'une préoccupation constante quant aux communications qui ont lieu avec les citoyens. Bref, c'est ça ma question. Qu'en est-il de cette enquête, M. le ministre?

M. Ryan: Sur l'enquête elle-même, je ne suis pas en mesure de donner une réponse précise et complète au député. J'ai retracé des éléments d'une communication qui avait été faite au ministère du Québec afin de leur demander de faire le point avec le ministre responsable sur les mesures prises dans chaque ministère et organisme pour assurer le respect de la charte dans l'administration. Je vous donnais tantôt un exemple. Si vous voulez que je vous communique un exemple de réponse, j'en a) un ici qui va faire voir au député... Je demande même la permission de le communiquer aux députés, M. le Président, parce qu'on va voir, par un cas concret, combien il se fait de travail à l'intérieur des ministères qui, malheureusement, est inconnu de la part non seulement de nos concitoyens, mais même des députés. C'est un échange de correspondance que j'ai eu moi-même avec le ministre du Revenu, M. Yves Séguin, et, avec votre permission, M. le Président, j'aimerais que nous en communiquions des copies aux membres de la commission, à condition que mon original me revienne.

Le Président (M. Trudel): Oui, sûrement. Si on peut l'avoir, on va faire faire les photocopies nécessaires.

M. Ryan: C'est pour ça. Maintenant, je voudrais peut-être répondre un peu plus largement, si le député me le permet, pour lui dire la manière dont je vois ces choses. Je pense que dans une administration qui fait des millions de communications chaque année, qui fait des communications de plus en plus soumises à toutes les contraintes et aléas de l'ordinateur, il faut s'attendre que des erreurs se produisent parce que la réalité de notre société demeure multiculturelle. Il y a un certain nombre, quelques milliers, plusieurs milliers de citoyens qui demandent d'être servis dans l'autre langue et ça crée des possibilités d'interface ou de confusion dans le fonctionnement des mécanismes automatisés.

À ce moment, il me semble que l'économie de la loi est comme ceci et, si le député n'est pas de mon avis, ça m'intéresserait d'avoir son opinion. Une personne qui est saisie de cela a plusieurs recours. Elle peut s'adresser à l'organisme même pour faire corriger l'affaire tout de suite. Si l'organisme ne veut pas, elle peut s'adresser à la Commission de protection de la langue française qui est le recours habituel Institué par le législateur. Elle peut s'adresser à son député aussi. Il y a peut-être d'autres recours aussi. Il y a son syndicat, il y a toutes sortes de choses si on voit qu'il y a mauvaise volonté. SI la chose est corrigée, mais errare humanum est, l'administration est sujette à erreurs, si elle corrige ses erreurs de bonne foi, à ce moment, je pense qu'il n'y a pas matière à controverse beaucoup.

Maintenant, il faudrait peut-être évaluer le volume des cas qui se sont présentés. J'avais demandé à la Commission de protection de préparer un relevé des plaintes touchant l'administration dont la commission a été saisie au cours des dernières années et je mentionne les chiffres rapidement pour donner une idée de l'ordre de grandeur: 1983-1984, 68; 1984-1985, 87; 1985-1986, 70; 1986-1987, 244 - peut-être que le député est deux ou trois ans en retard, on va voir la suite - 1987-1988, 49; 1988-1989, 93. On voit que, sauf une année où il y a eu des oscillations qu'il faudrait examiner de près, le volume demeure à peu près le même. Cela ne rend pas compte de tout ça. Comme Je le disais ce matin à propos de l'affichage à Montréal, cela ne nous rend pas nécessairement compte de la situation exacte. Nous allons instituer, et c'est dans ce sens que M. Rondeau va prendre contact avec les ministères pour établir des moyens de communication avec eux qui vont nous permettre d'être beaucoup plus au courant de la situation. À mon titre de député, en tout cas, quand je suis saisi d'une plainte de cette nature, je la réfère de ma propre initiative à l'organisme responsable et j'avertis le citoyen. Je lui dis: J'ai communiqué cela; si vous n'avez pas de nouvelles, vous m'en donnerez; je vais m'en occuper. Je ne pars pas avec la lettre du citoyen et faire le tour du Québec avec le drapeau de la Saint-Jean-Baptiste.

M. Filion: Avec le drapeau de...

M. Ryan: Le fleurdelisé. M. Filion: Oui.

M. Ryan: Ce n'est pas ma manière de travailler. Je ne pense pas que ce soit une manière efficace. Je pense qu'il faut agir fonc-tionnellement, agir sur le point là où se prend la décision, où est la responsabilité, et, après cela, s'il y a des erreurs qui ne sont point corrigées, qu'on découvre une mauvaise volonté ou une absence de volonté, je comprends que la critique politique soit très dure. Mais partir en croisade avec une lettre comme celle-là, je vous dis franchement...

M. Filion: Oui, si le ministre...

M. Ryan: Et qu'on me saisisse. Si on n'a pas confiance, qu'on m'envoie cela et je vais le référer rapidement. En tout cas, c'est ma façon de procéder et je crois que c'est plus conforme aux normes de l'administration publique.

M. Filion: Le ministre n'était manifestement pas au courant du problème que je soulève. Cependant, il demeure que son prédécesseur nous disait en Chambre qu'il demanderait à l'Office de la langue française de voir comment les organismes du gouvernement se plieraient aux exigences de la loi 101. Le ministre n'a aucune connaissance de cette enquête, alors, je poserais la question suivante: Est-ce que l'Office de la langue française a reçu une demande du gouvernement aux fins de procéder à cette enquête pour éviter la répétition d'incidents qui dévoilent un laxisme systématique? Et, quand on dit que des dizaines de milliers de dépliants de langue anglaise sont adressés aux bénéficiaires de la Régie des rentes, je vais vous dire: Je n'appelle plus cela errare humanum est, surtout que de ces incidents, on peut vous en fournir une boîte, et les gens, soit dit à propos, sont tous informés de leurs droits et connaissent tous, dans la lettre que je leur envoie, l'adresse de la Commission de protection de la langue française, quand ce n'est pas moi qui le fais directement. Donc, ma question est la suivante: Est-ce que l'Office de la langue française a reçu une demande de la part du gouvernement aux fins de vérifier l'application de la loi 101 par le gouvernement lui-même?

M. Ryan: M. le Président, avec votre permission, ce serait utile de demander au président de l'Office de la langue française de nous dire le travail que l'Office a accompli auprès de l'administration en vue de promouvoir la réalisation des objectifs de la charte.

Le Président (M. Trudel): D'accord. M. le président de l'Office.

M. Laporte (Pierre-Etienne): M. le Président, je me rappelle très bien avoir discuté de cette question avec M. Rivard. À ce moment-là, on avait convenu que, faire une enquête ou faire une étude... D'abord, l'Office n'a pas de pouvoir d'enquête. Faire une étude, ce serait long et coûteux et il serait peut-être préférable, malgré l'engagement que le ministre avait pris à ce moment-là, de s'en tenir à certaines actions ponctuelles. Par exemple, il m'est arrivé de rencontrer le secrétaire général là-dessus. J'ai rencontré plusieurs de mes collègues sous-ministres. L'an passé, on a aussi revu 200 organismes de l'administration pour leur fournir de l'information sur la charte et revoir un peu avec eux quelles étaient leurs obligations. Finalement, dans le programme qui s'en vient, dans l'année qui s'en vient, on a prévu des interventions sur l'administration publique. La plupart de ces interventions sont prévues pour améliorer la qualité du français. Il y a aussi des interventions qui nous permettront d'informer les gens et de les persuader de se conformer plus étroitement à la charte. C'est essentiellement ce qu'on a fait à l'Office de la langue française. Je ne sais pas si c'est suffisant, mais c'est là le bilan de nos actions. (16 heures)

M. Filion: C'est suffisant comme réponse, mais ce n'est pas suffisant, en ce qui nous concerne, comme contenu, et ce n'est pas un reproche que je fais. D'une part, le ministre nous avait dit en Chambre, il s'était engagé à le faire et il n'y a rien de fait. Deuxièmement, je veux bien, des accidents, des erreurs de parcours peuvent arriver, mais ce qu'on décèle dans l'administration publique, c'est, encore une fois, que le laxisme commence à transpirer à beaucoup de niveaux de l'administration publique. Il faut un redressement qui pourrait se manifester par une approche systémique des communications du gouvernement avec l'ensemble de la population. Ce n'est quand même pas quelque chose de sorcier. Cela ne demande pas une grande concertation. Pour le ministre responsable, il s'agit de mettre sur pied une petite politique que ses collègues du Conseil dos ministres vont appliquer.

Vous et moi, aujourd'hui, on peut bien se dire que ce n'est pas tellement grave, des erreurs, mais allez donc expliquer cela aux gens qui reçoivent ça. Allez expliquer cela aux gens qui paient des taxes et qui reçoivent leur communication gouvernementale en anglais. Cela peut avoir l'air facile de discourir comme député, mais quand nous sommes Impliqués, qu'on paie des taxes et qu'on reçoit le Protect Yourself ou qu'on reçoit un formulaire de la Régie de l'assurance automobile du Québec - je le mentionne à juste titre parce qu'il m'a semblé qu'il s'agissait là d'un délinquant hors pair... Il y a en d'autres. Il y a eu des cas que je ne vous cite pas, M. le ministre, des formulaires d'impôt sur le revenu qui ne sont pas disponibles. Je n'en

parle pas. Le ministre me disait: Écoutez, on a des problèmes de distribution, cela peut arriver, etc., mais on est en train de rectifier cela. D'accord. Mais on voit qu'il y a des poches de résistance importantes - votre prédécesseur n'avait pas basé sa conclusion uniquement sur des impressions - d'où l'engagement qu'il avait pris d'imposer une étude plus sérieuse et plus systémique, encore une fois, du problème. C'est à regret que je constate que, de ce côté-là, on se contente d'actions ponctuelles, Ici et là, selon que les problèmes surgissent. J'aurais beaucoup plus apprécié là-dedans une rigueur et une vigueur propres à faire en sorte que l'image même du gouvernement puisse être tout à fait blanche. On dit souvent que la femme de César était au-dessus de tout soupçon. Là, c'est César lui-même, ma foi, qui donne cet exemple qui est tout à fait boiteux. Donc, c'est à regret que je constate qu'il n'y a pas eu d'enquête, d'une part, et que, deuxièmement, semble - t-il, il n'y aurait pas d'étude ou d'enquête. Vous vouliez ajouter?

Le Président (M. Trudel): M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, je pense que je vais être obligé de donner certains extraits de la lettre que j'ai distribuée au député tantôt. Les propos du député de Taillon ont un caractère très général, on l'a tous entendu. Là, il porte un jugement sur l'ensemble de l'administration. Je lui dis que ce jugement n'est absolument pas conforme à la réalité concrète. Pour montrer que ce n'est pas une affaire d'à peu près, pas une affaire d'improvisation et de règlement de petits cas qui se présentent ici ou là, mais une politique exprimant une volonté beaucoup plus conséquente, je vais seulement donner des extraits de la politique qui est suivie dans un ministère, le ministère du Revenu.

On dit: "Dans le cadre de l'amélioration des communications par une meilleure qualité de la langue française, la Direction des communications du ministère a mis sur pied des services linguistiques ayant comme mandat de contrôler tous les documents émanant du ministère et destinés à une clientèle externe. Ce service doit s'assurer que la communication est précise et claire, conforme aux règles du français et aux normes dans ce domaine, et bien adaptée aux besoins de la clientèle. 'De plus, le ministère, en collaboration avec l'Office de la langue française, vient de publier un vocabulaire relatif à la déclaration de revenus décrivant les termes à utiliser dans ce domaine très technique. Il en fait actuellement la promotion Interne afin d'en favoriser l'utilisation et ainsi améliorer la qualité du français écrit à tous les niveaux. "Soulignons que le ministère observe toutes les dispositions de la Charte de la langue française. Il n'hésite pas, au besoin, à consulter les personnes-ressources responsables de l'interpréter et de l'appliquer. Toute plainte adressée à l'Office ou à la Commission de protection, au sujet de gestes posés par le ministère, est transmise à l'interlocuteur officiel du ministère auprès de ces deux organismes. Ce dernier, de concert avec la direction générale Impliquée, prend les mesures requises pour corriger la situation, informe le contribuable concerné des démarches effectuées en sa faveur et transmet un rapport à l'Office ou à la Commission qui peut ensuite classer le dossier. "Bien que le nombre de plaintes touchant le ministère soit minime - environ cinq ou six par année - les trois Interlocuteurs communiquent périodiquement entre eux et entretiennent des relations mutuellement profitables. "

Peut-être que certains voudraient qu'il y ait plus d'interlocuteurs que de clients, c'est déjà le cas dans certains secteurs de l'administration. Nous ne voulons pas entraîner quelque prolifération que ce soit. Je suis prêt à prendre l'engagement, M. le Président - c'est une chose que J'entendais faire prochainement - de communiquer ce modèle à tous mes collègues du cabinet, à leur dire: Voici un genre de comportement qui est peut-être généralisé dans l'administration - je ne porte pas de jugement pour l'instant - mais que je souhaiterais, à titre de ministre responsable de la charte, de voir se généraliser dans l'administration. Il me semble que c'est plus constructif que les jugements qui ne procèdent pas d'une solide étude des faits.

M. Godin: Faute d'enquête.

M. Ryan: Pardon?

M. Godin: Faute d'enquête, que voulez-vous?

M. Ryan: Je n'en veux pas de ce genre d'enquête.

M. Godin: Non, mais comment voulez-vous...

M. Ryan: II n'y aura pas de malentendu l'année prochaine, parce que je vous aurai dit clairement aujourd'hui que ce n'est pas la méthode que je favorise pour promouvoir le français auprès de mes collègues des autres ministères.

M. Filion: J'ai pris note du refus du ministre relativement à cette demande-là. En même temps, je lui signale tout à fait cordialement que le ministère du Revenu a adopté, oui, une politique. C'est vrai. Et saviez-vous pourquoi'' Entre autres, parce qu'ils ont reçu des contestations à des avis de cotisation qui étalent rédigés en anglais et qui étaient envoyés à des francophones, et ces causes-là sont devant les tribunaux. Je dois vous dire que, comme incitatif, c'est assez fort.

M. Godin: "Money talks".

M. Filion: "Money talks", me souffle le député de Mercier, mais lorsque le revenu du gouvernement ne se gonfle pas, ils ont tendance à réagir quant au pourquoi.

Je continue sur la langue d'administration. J'ai bien écouté la réponse du ministre. Je suis prêt à passer à autre chose, à moins qu'il n'y ait des questions de nos collègues là-dessus. Non.

Toujours au chapitre de l'administration, je voudrais aborder...

M. Ryan: Me permettez-vous une remarque, M. le Président, avant que vous...

Le Président (M. Trudel): Allez-y, M. le ministre.

M. Ryan:... passiez à un autre sujet, vu que vous allez changer de sujet. Je voudrais que les députés sachent que si des choses ne fonctionnent pas bien au plan linguistique, dans l'un ou l'autre secteur de l'administration, et qu'ils jugent opportun de m'en saisir, je verrai à faire les démarches auprès de mes collègues pour que la situation s'améliore. Je prends aussi l'engagement d'aborder toute cette question avec mes collègues sur la base des expériences qu'ils font déjà. Je ne veux pas les mettre en enquête auprès de leurs collègues ministres. C'est ça qui est mon idée de fond. Je ne veux pas en faire des sujets d'enquête pour moi. Je leur dis: Nous travaillons ensemble; nous sommes membres de la même équipe gouvernementale. Vous pouvez être assuré que je vais mobiliser leur collaboration pour qu'ensemble nous fassions avancer concrètement les objectifs de la charte.

Il y a une façon de procéder dans le gouvernement. Nous sommes dans une équipe. Il n'y en a pas un qui peut se détacher: Moi, je suis le défenseur de la religion, le défenseur de la langue, le défenseur de l'orthodoxie. Vous savez très bien que ça ne fonctionne pas comme ça. Ce sont tous des égaux qui tiennent justement leur force du respect qu'ils ont les uns pour les autres et de la solidarité qu'ils savent garder entre eux. Dans cet esprit-là, je veux vous assurer que c'est une de mes cibles importantes.

M. Filion: Du même souffle, je signale au ministre - ce n'est pas tellement compliqué ça - qu'il pourra parler avec son collègue, le ministre de l'Agriculture, et son collègue, le ministre responsable de la Régie des rentes. Dans les deux cas, ils ont des répondeurs téléphoniques qui sont bilingues, si on appelle à ces endroits-là après les heures de travail. Écoutez, je ne change pas d'idée là-dessus. J'écoute attentivement. Le ministre nous dit qu'il veut un petit peu regarder les choses à la pièce. Ce que je lui ai dit et ce que j'avais dit à son prédécesseur, c'est qu'il y a un problème qui relève, dans bien des cas, de systèmes. Et, en ce sens- là, je ne suis pas... J'ai bien écouté, j'ai très bien entendu, mais c'est loin de satisfaire l'Opposition. À cause de la responsabilité première qu'a l'administration, il se doit, dans ce sens-là, de se conformer, mon Dieu, à une loi adoptée par l'Assemblée nationale.

Cela dit, je voudrais faire le point avec le ministre en ce qui concerne un autre volet de ta langue de l'administration, c'est-à-dire les hôpitaux. Le ministre se souviendra de la loi 142 et on aura l'occasion d'interroger demain sa collègue dont la seule responsabilité est de s'occuper de la loi 142.

Une voix: Des handicapés.

M. Filion: Et des handicapés, pardon. J'espère qu'il n'y a pas de relation entre les deux.

Selon le rapport annuel de l'Office de la langue française, il existe 228 organismes reconnus en vertu de l'article 113f. Sur 92 organismes de santé, il y en a 32 qui sont reconnus, reconnus étant compris ici dans le sens qu'ils ont déposé et fait reconnaître un plan de disponibilité de services en français pour les francophones. Sur 104 organismes municipaux, il y en a 33 qui sont reconnus, soit 31 %. Sur 32 organismes scolaires, il y en a 9 qui sont reconnus, soit 28 %. Si on fait le total, sur les organismes reconnus en vertu de l'article 113f, il y en a 228. Sur 228 il y en a 74, selon le rapport de l'Office de la langue française, qui ont des plans de disponibilité approuvés par l'office, soit 32 %. Lors de l'étude des crédits l'an dernier, l'Opposition officielle avait découvert que, subitement, l'Office de la langue française se fiait désormais aux dirigeants des organismes en vertu d'une politique qui était issue le 12 juin 1987. Donc, on apprenait que l'Office n'avait effectué aucun contrôle pour s'assurer que les services étaient réellement disponibles. Mes questions au ministre responsable, lors des crédits l'an dernier... Plus tôt, entre février 1984 et le 12 juin 1987, seulement 11 établissements de santé avaient vu leurs plans acceptés. À la suite de la nouvelle politique, ce fut l'avalanche d'acceptations. Face à cette réalité, l'Opposition a demandé, lors des crédits l'an dernier, le dépôt d'un plan d'avant le 12 juin et un plan d'après le 12 juin pour fins de comparaison. On n'a jamais reçu ces plans. Est-ce possible, à ce moment-ci, de renouveler la demande que j'adressais lors des crédits l'an dernier, c'est-à-dire d'obtenir le dépôt d'un plan d'avant le 12 juin, avant le changement de directive, et d'après le 12 juin, après le changement de directive? Je voudrais savoir si le ministre est satisfait des résultats actuels, particulièrement lorsqu'on les compare avec la vitesse à laquelle évolue le dossier de la loi 142 qui, on le sait, a un ministre spécialement attitré, elle.

Le Président (M. Trudel): M. le ministre.

M. Ryan: II faudrait bien rappeler que les organismes prévus à l'article 113f peuvent comprendre des commissions scolaires, des hôpitaux ou des services sociaux et des municipalités. Je n'ai pas à portée de la main la répartition statistique de ces trois catégories selon les statuts décernés. Peut-être que quelqu'un l'a ici. (16 h 15)

M. Filion: Dans la section I, à peu près au centre, d: Bilan des mesures requises des organismes reconnus en vertu du paragraphe f de l'article 113 de la charte afin que leurs services soient disponibles en français.

M. Ryan: Nous avons ici les données au 31 mars 1989. En tout, 225 organismes jouissent d'un statut relativement bilingue en vertu de l'article 113f, soit 104 organismes municipaux, 32 organismes scolaires et 89 organismes de santé et de services sociaux. Sur les 89 organismes de santé et de services sociaux, 57, 3 % ont soumis un plan de services en français qui a fait l'objet d'une approbation de la part de l'Office; il y a 28 % des organismes scolaires, soit 9 sur 32, et 34, 6 % des organismes municipaux, ce qui donne un total de 42, 7 %, soit 96 sur 225.

M. Filion: II y a une petite différence, M. le ministre, entre le rapport de l'Office et les chiffres, mais cela va; on a reçu nos cahiers un peu tardivement. Cela va. Il demeure, grosso modo, qu'il y en a moins de 50. Ma première question est la suivante: Est-ce possible d'avoir un plan de disponibilité tel qu'il a été déposé avant le 12 juin 1987 et celui déposé après le 12 juin 1987, donc après le changement de directive où le président de l'Office de la langue française s'en remettait, finalement, presque totalement aux dirigeants des organismes.

M. Laporte (Pierre-Etienne): M le Président, dans les réponses données aux questions de l'Opposition, on a un plan d'après. Vous voulez maintenant avoir une copie d'avant; on peut vous faire parvenir une copie d'avant.

M. Filion: C'est ce que J'avais demandé l'an dernier.

M. Laporte (Pierre-Etienne): Cela va. Alors, on vous en donnera un d'avant et un d'après.

M. Filion: D'accord.

M. Laporte (Pierre-Etienne): Si vous le permettez, je voudrais faire une correction, M. le Président. Les organismes ont essentiellement trois alternatives; ils peuvent ou bien accepter de s'évaluer à partir des tests, des moyens d'évaluation de l'Office, s'évaluer eux-mêmes à partir de nos critères d'évaluation ou se faire évaluer par ce qu'on appelle ici l'Institut conjoint hospitalier. L'Office continue de gérer le cadre de l'évaluation, même s'il ne gère pas l'action d'évaluer. Mais le cadre de l'évaluation, c'est nous qui continuons de le gérer. Il y a eu des consultations étendues entre l'Institut conjoint et l'Office pour qu'on s'entende bien sur le respect de normes. On gère donc le cadre, mate non l'administration pratique de l'évaluation, sauf si les organismes nous le demandent.

Le Président (M. Trudel): M. le député de Mercier.

M. Godin: M. le Président, est-ce que l'Office vérifie à un moment donné, après l'approbation conjointe du plan par l'Institut et par vous, la mise en place de l'opération disponibilité pour voir si un hôpital qui s'engage à avoir tant de postes bilingues les maintient bilingues pendant l'année qui suit, admettons? Combien de temps après? Est-ce qu'il y a une vérification ultérieure à cet engagement?

M. Laporte (Pierre-Etienne): Cette année, on est retournés - je ne me rappelle pas le chiffre exact - je pense, dans 200 organismes, pour leur offrir des services et voir où ils en étaient dans l'application de leur programme. On répond à des plaintes. L'an passé, je pense que 58 plaintes nous ont été faites par des employés ou des clients de ces organismes. On intervient donc sur des plaintes, on ne fait pas d'intervention systématique à partir de... On me dit ici qu'on est allés tout de même dans 25 hôpitaux pour faire une vérification sur place. Donc, oui, effectivement, on a un programme d'évaluation du progrès et de la conformité de l'organisme à ses engagements.

Le ministre me signale qu'au cours de 1988-1989 on a remis 200 certificats de conformité dans les secteurs suivants: il y en a eu 162 au municipal, 25 aux services sociaux, 4 aux services scolaires, organismes du gouvernement et ministères. Mais, pour répondre à la question du député, nous retournons, dans toute la mesure du possible. Par exemple, la semaine prochaine, j'ai rendez-vous à l'hôpital Douglas pour faire une visite de cet hôpital où on me dit que... Évidemment., Je n'y vais pas parce qu'on m'aurait rapporté que des choses ne se passeraient pas ou se passeraient mal au Douglas. Au contraire, on m'a dit que c'était un organisme qui offre un modèle de comportement. Je veux aller voir comment, dans cet organisme, on applique la loi d'une façon modèle.

M. Filion: Je prends note de la réponse du président de l'Office qui, au départ, nous disait qu'il fonctionnait par plainte; ensuite, il nous dit qu'il y a un certain programme de suivi ponctuel. Ma question s'adresse au ministre directement. Peu importent les chiffres mais, grosso modo, il y a entre 40 % et 50 %... J'avais 32 % et cela a été accéléré. On reconnaît beaucoup plus, l'an dernier, il y a eu beaucoup de certificats de

reconnaissance accordés parce que les critères, M. le ministre, sont beaucoup plus faciles. Évidemment, Us ont trois options, mais je dois vous dire que dans celle où l'organisme s'évalue lui-même, c'est un peu plus rapide. En général, quand on demande à quelqu'un de s'évaluer lui-même, il est rare que l'évaluation soit inférieure à la qualité réelle de l'organisme, comme de l'individu.

Alors, il ne faut pas se surprendre de cette espèce d'accélération de certificats de reconnaissance avec toute la flexibilité, c'est le moins qu'on puisse dire, de la directive de l'Office de la langue française. M. le ministre, les organismes bilingues reconnus en vertu de l'article 113f, il y en a donc au-delà de 50 % qui, croyez-le ou non, après douze années d'entrée en vigueur - onze ans ou dix ans; mettez dix ans - de la loi 101, n'ont même pas pris la peine, depuis dix ans, de déposer un plan de disponibilité pour s'assurer que les citoyens francophones qui constituent quand même au-delà de 80 % de notre beau petit coin de pays puissent recevoir des services en français lorsqu'on s'adresse à eux. Il y en a au-delà de 50 %.

Ce que je demande au ministre, et peut-être qu'il n'est pas d'accord avec les chiffres... Il me fait signe que non. En tout cas, j'ai 32 % et, avec les chiffres de l'Office, ça donne 42 %. Donc, ça donne au-delà de 58 % ou 57 %, si on prend les derniers chiffres de l'Office, qui ne se sont toujours pas conformés aux obligations contenues dans la Charte de la langue française.

Je demande donc au ministre, comme j'ai demandé à ses prédécesseurs depuis deux ou trois ans, ce qu'il a l'intention de faire pour mettre un peu d'ordre là-dedans alors que, pour la loi 142, on fonctionne tous azimuts. Les CLSC un peu partout dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean, dans la Mauricie, j'ai des collègues qui m'ont apporté certains documents... Cela bouge sur la loi 142 au Québec. Cela fait un an à peu près qu'on a adopté la loi 142. Cela bouge. Il y a un ministre responsable et allons-y! On a des dispositions dans la Charte de la langue française pour les francophones. Il y a encore 50 % des organismes qui n'ont toujours pas déposé leur plan. Qu'est-ce que le ministre a l'intention de faire? Je comprends que ça fait juste deux mois qu'il est en poste, mais qu'a-t-il l'intention de faire?

M. Ryan: Je pense qu'il faut distinguer deux choses. Tout d'abord, sur environ 225 organismes reconnus en vertu de l'article 113f, il y en a 200 qui se sont vu attribuer un certificat de conformité à la loi au cours de l'année 1988-1989.

M. Filion: On n'a pas les mêmes chiffres du tout, M. le ministre.

M. Ryan: J'ai le livre du maître, moi.

M. Filion: Pardon, 225, c'est le nombre total d'organismes reconnus en vertu de 113f.

M. Ryan: II s'agit d'un certificat attestant que leur situation est conforme à l'ensemble des dispositions de la charte. Il y en a 200 pour 1988-1989. Maintenant, là, il y a une clause particulière dans la charte. C'est l'article 23 qui dit que ces organismes reconnus doivent élaborer en outre des mesures nécessaires pour que leurs services au public soient disponibles dans la langue officielle, ainsi que des critères et des modalités de vérification de la connaissance de la langue officielle aux fins de l'application de l'article 23. Il ne faut pas laisser tomber tout un pan de la réalité seulement pour satisfaire une vision plutôt politique.

Il y en a 200 sur 225 - je vous le donne sur ma parole, sur la foi des données que j'ai devant moi - qui ont un certificat de conformité à la loi. Ce n'est pas négligeable. Maintenant, il y en a 42, 7 % qui ont obtenu l'approbation du plan de disponibilité de services dans la langue officielle, qu'ils doivent produire suivant l'article 23. Il y a une chose, là. Ils n'ont pas soumis le plan. Très bien. Cela ne veut pas dire que les services ne sont pas disponibles en français dans ces institutions. Il va falloir vérifier ça de près. Je suis sûr, en partant, qu'il y en a plusieurs qui le fournissent en français. J'en connais un - je ne sais pas si on pourrait le vérifier tout de suite - dans mon comté. Ils fournissent les services en français. Sont-ils passés par le "red tape"? Je ne suis pas sûr. On va vérifier.

Mais il ne faudrait pas mettre toute notre foi seulement dans les papiers. Ici, en réponse au député: Oui, je demande à l'Office, publiquement, de vérifier ce point-ci de plus près et de me faire un rapport des conditions dans lesquelles sont octroyées les approbations au titre de l'article 23, des problèmes que ça présente, et de vérifier auprès des organismes qui n'ont pas encore soumis le plan - avec un "P" majuscule - s'il n'y aurait pas des choses qui fonctionnent quand même et qui répondraient à l'esprit, sinon à la lettre de la loi, de manière à pouvoir dire à ces organismes: Si vous répondez à l'esprit, conformez-vous donc à la lettre le plus tôt possible. Cela va procurer la paix à l'Opposition.

M. Godin: Ce sont nos clients.

M. Ryan: Non, mais je vous dis que s'ils l'ont... M. le Président...

M. Godin: Ce n'est pas l'Opposition qui est en jeu, c'est le consommateur de soins. Ce n'est pas nous autres.

M. Ryan: M. le Président, je m'excuse. Si c'est déjà disponible, mais que ce ne soit pas dans vos papiers et dans les miens...

M. Godin: S'ils l'ont, tant mieux, mais ce n'est pas nous qui sommes en cause pour l'instant...

M. Ryan: L'essentiel, c'est que ce ne soit pas...

M. Godin:... ce sont les bénéficiaires de soins, les contribuables.

Le Président (M. Trudel): Un Instant!

M. Godin: M. le Président, on donne 500 000 000 $ par année à ces institutions, un demi-milliard de dollars, par année, aux institutions anglaises de santé. On aimerait que, quand on va, comme francophones, dans ces institutions, ils nous traitent au moins en français, de temps en temps, comme la loi l'indique.

M. Ryan: M. le Président, nous sommes d'accord sur l'objectif, il n'y a pas de discussion là-dessus. Mais je dis que le critère ultime de vérité, ce n'est pas que les papiers soient dans le tiroir du ministre. C'est que les services soient disponibles pour la personne.

M. Godin: D'accord.

M. Ryan: Là-dessus, nous sommes entièrement d'accord. D'accord? Je ne voudrais pas que ça devienne une affaire de tyrannie de papiers. C'est tout.

M. Godin: Non, non.

Le Président (M. Trudel): M. le député de Mercier.

M. Godin: M. le Président, lorsqu'il y a eu le passage de l'évaluation par l'Office à l'autoévaluation des institutions, y a-t-il eu un document du ministre qui disait à l'Office: À compter de maintenant, laissez les hôpitaux anglophones s'évaluer eux-mêmes, ou est-ce que ça s'est fait, disons, par l'Office, sans consultation? (16 h 30)

M. Laporte (Pierre-Etienne): M. le Président, je répète un élément que j'ai dit tantôt. Les organismes ont préféré, dans un bon nombre de cas, se faire évaluer par l'Institut conjoint, mais les méthodes d'évaluation de l'Institut conjoint ont été soumises à l'Office de la langue française pour approbation. Donc, je répète ce que j'ai dit tantôt: Nous gérons le cadre normatif de l'évaluation de la capacité de prodiguer des services par les organismes. On a donc un contrôle sur les normes que les organismes appliquent, sauf qu'ils ont décidé, conformément au choix qu'on leur a fait au moment où on a revu la loi 101 avec la loi 57, d'auto-administrer leurs choses ou de se faire administrer par l'Institut plutôt que de se présenter chez nous. Ils ont toujours la possibilité de le faire et ils le font dans une minorité de cas.

M. Godin: Cela répond à ma question, M. le Président.

La Président (M. Trudel): M. le député de Taillon.

M. Filion: M. le ministre, on va se comprendre dans les chiffres un petit peu, ce n'est pas la mer à boire. On me remet un cahier explicatif des crédits et je vous ai posé la question tantôt: Des organismes reconnus en vertu de l'article 113f, combien y en a-t-il dont le plan - cela veut dire les critères, les modalités de l'application de l'article 23 - a été approuvé, étant donné qu'il y en a environ 225? Sur la feuille que vous me remettez, j'ai le chiffre de 42, 7 %.

M. Ryan: C'est 96.

M. Filion: Bon!

M. Ryan: On vous l'a dit tantôt.

M. Filion: Pourquoi me disiez-vous 200, tantôt?

M. Ryan: Non, non, non, on l'a dit tantôt. Mais ça, c'est une autre chose.

M. Filion: Bon, parfait!

M. Ryan: C'est une autre chose mais l'autre chose est très importante et on ne voudrait pas que vous l'Ignoriez.

M. Filion: Non, je ne l'ignore pas, M. le ministre...

M. Ryan: Très bien, mais vous n'en parlez pas beaucoup.

M. Filion: Les 200, c'est en général pour l'administration publique déjà française.

M. Ryan: Non, c'est pour les organismes reconnus en vertu de l'article 213f ou 113f.

M. Filion: Bien non. M. Ryan: Oui.

M. Filion: Écoutez, 96 plus 200, cela fait 296 et il y en a juste 225.

M. Ryan: Ce n'est pas cela qu'on vous dit. Il y en a 96 qui ont obtenu l'approbation de leur plan de services en français.

M. Filion: Sur 225?

M. Ryan: Oui. M. Filion: Parfait!

M. Ryan: Deuxièmememt, il y en a 200 sur 225 qui ont un certificat de conformité à l'ensemble de la loi 101. N'est-ce pas beau, cela?

M. Filion: Les 200 ont quoi, exactement?

M. Ryan: Un certificat de conformité. On peut vous l'expliquer, ce n'est pas moi qui les ai émis, je suis là depuis peu de temps.

M. Filion: Allez-y!

M. Ryan: Voulez-vous expliquer?

M. Filion: Allez-y, parce que cela ne marche pas.

M. Laporte (Pierre-Etienne): Chaque année, c'est le même problème, il y a toujours une confusion là-dessus.

Le Président (M. Trudel): Ou les députés comprennent mai ou le président s'exprime mal.

M. Laporte (Pierre-Etienne): Sur les 228, M. le Président, il y en a, comme disait M. le député, 96 qui sont conformes à l'article 23. Par ailleurs, sur l'ensemble des organismes de l'administration publique, il y en a 200 qui se sont conformés...

M. Filion: D'accord, mais il y en a 3000. On parle de 3600, selon la page 21 de votre rapport. C'est 200 sur 3500. C'est cela, M. le président de l'Office?

M. Laporte (Pierre-Étienne): Mais c'est pour cette année.

M. Filion: Pour une bonne partie, ce sont des organismes français; 4000 même. En tout cas, 3000 ou 4000...

M. Ryan: C'est 200 pour cette année. M. Filion: Oui, sur 3000 ou 4000. M. Ryan: Très bien. M. Filion: Cela va? M. Ryan: Cela va.

M. Filion: Bon, je pense que ce n'est pas l'Opposition qui errait. Cela peut arriver; errare humanum est. Bon!

M. Ryan: C'est un problème de rédaction.

M. Filion: Donc, je retourne à ma question.

M. Ryan: II y a un problème de rédaction, ici.

M. Filion: Je retourne à ma question, M. le ministre. Il y a moins de 50 % des organismes reconnus en vertu de l'article 113f. Là, on est au mois d'avril 1989, la loi 101 a été adoptée en 1977, cela fait douze ans. Malgré le fait que les critères de l'Office aient été, si l'on veut, rendus plus souples par la possibilité pour l'organisme de s'auto-évaluer à partir des critères de l'Office, bien sûr, mais de s'auto-évaluer, malgré tout cela, M. le ministre, on est en avril 1989 et il y a toujours - je ne sais pas si l'institution de votre comté en fait partie, mais peu importe - des organismes qui n'ont pas voulu déposer ce plan d'application des critères, des modalités, ce plan de disponibilité des services en français pour des francophones.

Je faisais la comparaison alors que - si le ministre veut m'écouter encore, je termine là-dessus - en ce qui concerne la loi 142... Je vais vous le dire, on va étudier les crédits de votre collègue demain. Cela marche vite. La loi 142 a été adoptée il y a à peine un an. On a une ministre dont c'est la moitié de la responsabilité de voir à ce qu'au CLSC de La Mauricie, celui du Saguenay-Lac-Saint-Jean ou dans telle ou telle autre institution il y ait des services disponibles en anglais. Souvent, c'est Alliance Québec qui apprend aux dirigeants d'organisme qu'ils ont été choisis pour dispenser ces services de langue anglaise à une clientèle non seulement anglophone, mais, dans bien des cas, allophone. Est-ce que le ministre ne se rend pas compte qu'il y a comme deux poids, deux mesures et que, lorsqu'il s'agit de s'assurer, par exemple...

Vous allez me dire que c'est un cas particulier, mais je vous le cite quand même. J'ai parlé avec le père de cet individu qui a été frappé en sortant du Forum, qui a été amené dans une institution anglophone. Il n'a pas pu savoir en français de quoi son fils était mort. Lui, quand on lui en parle au téléphone, il ne trouve pas cela drôle et je le comprends. Avec la loi 142, cela va vite. On a une ministre qui parcourt la province pour cela. En ce qui concerne les services en français, cela fait douze ans et le ministre s'en déclare satisfait. En tout cas, il y avait un problème de chiffres et c'est réglé, mais on n'a toujours pas de plan concret, de mesures concrètes ni de gestes énergiques pour donner à la majorité francophone du Québec certains droits que la loi 101 prévoyait. Est-ce qu'il n'y a pas deux poids, deux mesures, M. le ministre? C'est cela que je vous demande.

M. Ryan: M. le Président, au cours de la prochaine année, je vais demander qu'on fasse une vérification auprès de chacun des organismes reconnus en vertu de 113f pour voir où ils en sont en fonction des besoins de la clientèle de

langue française qui peut se présenter là. Je vais demander quels sont les besoins dont ils ont été saisis et quelle est la capacité de leur personnel à servir la clientèle dans une autre langue. On aura, pour l'année prochaine, un rapport complet de la situation exacte de ce côté. Je demande à l'Office de procéder à cet examen; c'est une question tout à fait légitime. Encore une fois, on va aller au fond des choses. On ne marchera pas uniquement avec l'idée de trouver une conformité légaliste à tel article de la loi interprété littéralement. On va aller voir ce qui se passe là-dedans et si l'esprit de la loi est vraiment respecté. Et ensuite, là où la lettre ne sera pas respectée, si l'esprit l'est, on va demander qu'elle le soit. Je ne peux pas dire davantage là-dessus.

M. Filion: Juste un commentaire.

M. Ryan: J'invite le député à réserver pour la commission parlementaire où il fera office de critique, demain, les remarques qu'il voudrait faire sur les services de santé et les services sociaux à l'endroit de la communauté anglophone parce que le portrait que j'en ai ne correspond pas à l'image qu'il en donne. Comme c'est hors sujet ici, j'aimerais mieux, étant donné le peu de temps dont on dispose, qu'on évite les excursus à ce sujet.

Le Président (M. Trudel): M. le député de Viger.

M. Maciocia: M. le Président, comme le disait le député de Taillon, cette loi a été adoptée en 1977. Je ne voudrais pas non plus qu'il fasse porter tout le blâme au gouvernement libéral. Les trois quarts du temps, c'était le Parti québécois qui était au pouvoir. S''il y en a seulement 93 sur 225, ce n'est pas la faute du Parti libéral qui est là seulement depuis trois ans. C'est quand même une réalité et il faut la respecter. De 1977 à 1985, le Parti québécois était au pouvoir. Alors, si on veut être honnêtes et sincères, il faut quand même mettre cela dans le contexte de la situation actuelle. À écouter le député de Taillon, c'est comme si on vivait ces problèmes depuis le 2 décembre 1985. Il y a 225 organismes reconnus et il y en a seulement 96 qui se sont conformés à la loi. Pendant neuf ans, il y a quand même eu le Parti québécois au pouvoir; il faudrait aussi mettre cela dans le contexte.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Viger.

M. le député de Mercier, vous avez demandé la parole.

M. Godin: Oui, M. le Président, pour commenter ce que mon collègue disait. Il y a eu une commission parlementaire Ici même, à laquelle assistait d'ailleurs le député d'Argenteuil à l'époque. Je me souviens encore des propos, des engagements presque formels des hôpitaux anglophones du Québec qui disaient: Ah! M. le ministre, si vous remplacez la loi 101 par la loi 57, on va tout faire pour qu'en quelques mois seulement tout soit francisé, il n'y a pas problème. On le promet. Vous étiez là, je ne sais pas si vous vous souvenez de ces paroles, mais c'est un engagement formel pris par eux. Cela m'avait rassuré pour apporter les changements qu'on a faits d'ailleurs, à l'époque. Là, on me dit que ça ne va pas aussi vite que ce qu'il avait promis, à l'époque. Donc, je me dis: Ils nous ont roulés dans la farine, ils nous ont un peu enfarinés. Cela me déplaît beaucoup comme élu et comme ex-ministre responsable de cette loi, de constater que des engagements pris formellement par eux n'ont été respectés d'aucune manière ou aussi peu, aussi peu que pas, dans bien des cas.

Donc, pour moi, c'est un sujet assez important et assez vital parce que je crois que les francophones qui vont dans ces hôpitaux pour des raisons géographiques ou autres, à Montréal ou ailleurs, qui paient des taxes pour les financer, doivent avoir droit à des services dans leur langue, d'autant plus que l'hôpital s'est engagé formellement à le faire dans le temps, devant vous et devant les députés ici présents, porte-parole élus du peuple québécois. M. le Président, j'ai terminé.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Ryan: Je pense que j'ai répondu tantôt à cette question. L'Office accordera une attention prioritaire à ce sujet au cours des prochaines semaines. Nous allons tracer un bilan exact de la situation et nous verrons à prendre les mesures qui s'imposent pour faire avancer plus vite ce dossier.

M. Godin: M. le Président, un dernier mot là-dessus. Je note l'engagement du ministre et je le respecte beaucoup, sauf que je me rappelle qu'on a eu le même engagement de la ministre, la députée de Chomedey, il y a quelques années, à peu près dans les mêmes termes, dans une autre salle, mais sur le même sujet précisément. Nous sommes prêts à lui faire confiance, comme on l'a déjà fait dans le passé, mais je dis qu'il va Falloir qu'il mette la main dans le gant de fer pour en arriver là parce que je ne suis pas sûr que les institutions anglophones en question vont être aussi fidèles à leurs engagements pris ici même, devant lui, qu'ils l'ont fait devant nous. Donc, c'est pour ça que j'ai les inquiétudes là-dessus, toujours en ne pensant pas à l'Opposition, mais aux bénéficiaires de soins qui paient des taxes.

M. Ryan: Le président de l'Office me signale qu'au cours des deux dernières années il s'est quand même produit un déblocage signi-

ficatif de ce côté. Ce n'est pas complet, mais il s'est produit un déblocage. Il y a eu un cheminement qui a été accompli, je pense qu'on doit également le constater...

M. Godin: Oui.

M. Ryan:... en réservant chacun son jugement.

M. Filion: On peut l'expliquer aussi, M. le ministre, comme on l'a fait tantôt, par un changement de directive extrêmement important.

M. Ryan: Le président m'assure que ce n'est pas le cas, que cette interprétation n'est pas exacte, que les critères sont exigeants. Cela explique pourquoi les reconnaissances ne viennent peut-être pas en aussi grand nombre et aussi rapidement qu'on pourrait le souhaiter parce qu'il y a des conditions auxquelles doit satisfaire un établissement pour lui permettre d'obtenir la reconnaissance affirmant qu'il se conforme aux dispositions de l'article 23.

M. Filion: Est-ce que le ministre est sensible à la question suivante? Sauf erreur, un hôpital - prenons un exemple - francophone qui ne se conformerait pas à la loi 42 est sujet aux sanctions contenues à la Loi sur la santé et les services sociaux et qui peuvent aller jusqu'à la perte de subventions. En ce qui concerne un hôpital anglophone qui ne se conformerait pas à la loi 101 pour assurer les services en français aux francophones, on sait qu'il n'existe aucune forme, sauf erreur, de coercition. Est-ce que le ministre est sensible au fait que, selon toute apparence - si une de mes prémisses est fausse, qu'il me le dise... Je me souviens bien que, lorsqu'on étudiait le projet de loi 142, on se référait à la Loi sur la santé et sur les services sociaux. Est-ce que le ministre est sensible à cette double règle de mise en pratique selon que l'on s'adresse à des clientèles visées par la loi 142 ou par la loi 101?

M. Ryan: Je n'ai pas le texte de la loi 142 devant moi.

M. Filion: Je l'ai, moi.

M. Ryan: Je ne suis pas en mesure de porter un jugement.

M. Filion: Parce que la loi 142 incorpore, finalement, l'obligation... (16 h 45)

M. Ryan: Pardon? Maintenant, c'est que... Je pense qu'on se situe à deux plans différents.

La loi 142 n'était pas d'abord une loi linguistique, on n'a pas amendé la loi 101 pour faire la loi 142, on a amendé la Loi sur la santé et les services sociaux. C'était vraiment, d'abord et avant tout, un but humanitaire qui était pour - suivi dans cette loi, de manière que si, à un moment donné, on refusait, en vertu des critères humanitaires décrits dans la loi, de fournir le service, des sanctions appropriées y soient indiquées. Tandis que, dans la loi 101, c'est un but différent, une économie différente, et la loi 101 prévoit ses propres sanctions. S'il y a une infraction à une disposition de la loi 101, ce sont les dispositions de la loi 101 en matière de sanction qui s'appliquent.

Mais le député aurait un problème à soulever demain. Supposez qu'un hôpital anglophone refuserait de fournir des services en français à un client français. Je crois que c'est impensable. Je pense qu'ils sont obligés de les fournir. À ce moment-là, le ministre a sûrement un recours. En tout cas, dans la Loi sur l'instruction publique, je dispose d'un recours. Si une commission scolaire ne se conforme pas à la Loi sur l'instruction publique, je puis retenir ou annuler les subventions. Le ministre a ce pouvoir-là. C'est clair.

M. Filion: Maintenant, ce que je doute...

M. Ryan: II ne faudrait pas mêler la loi sur les services sociaux, la Loi sur l'instruction publique et la loi sur la langue française.

M. Filion: Ce que je dis quand même au ministre reste dit en ce sens qu'il y a deux poids, deux mesures. Et, bien sûr, il faut voir la loi 101 pour les objectifs que comporte la loi 101 et la loi 142 pour, également, ses objectifs. Il demeure que, lorsque l'on fait le simple exercice de comparaison...

M. Ryan: Cela ne marche pas.

M. Filion:... on en arrive à la conclusion qu'il existe deux façons de procéder selon que l'on garantisse à une clientèle anglophone des services en anglais partout au Québec dans, par exemple, les services de santé et les services sociaux et/ou selon que l'on soutienne le même droit pour les francophones. Ce n'est pas la même chose. Je le sais. Mais toute comparaison est boiteuse, la mienne également. Mais lorsqu'on fait l'exercice, on arrive quand même exactement à la même conclusion. Je trouve tout à fait inacceptable qu'en 1989 il y ait encore plus de 50 % des organismes reconnus en vertu de 113f qui n'aient toujours pas daigné s'auto-évaluer pour se conformer aux exigences de la loi.

Là-dessus, j'ai une autre question concernant toujours les services publics en français. On sait qu'il existe cetaines municipalités qui ont le statut de ville bilingue. On sait également qu'à l'intérieur de ces municipalités il existe une population qui peut varier, qui peut bouger. Les gens bougent, déménagent. Nous sommes de bons déménageurs au Québec et aussi ailleurs en Amérique du Nord. Et, il y a actuellement 22 municipalités, dont la ville de Rosemère, qui ont

le statut de ville bilingue,, alors que la population de ces municipalités ne répond plus aux mêmes critères démographiques que lorsque le statut de ville bilingue leur avait été accordé. Par conséquent, elles devraient recouvrer le statut de ville française. On sait également que le cas de Rosemère est devant les tribunaux, mais cela fait déjà un an et cela peut peut-être durer x années. Alors, J'aimerais savoir si le ministre responsable peut nous dire un peu où en est rendu le dossier, sans nous faire part évidemment du contenu, de ce qui pourrait être sub judice, mais quand même nous dire où en est rendu le dossier et quelles sont ses intentions à l'égard des 21 autres municipalités.

M. Ryan: Avant d'en venir là, comme le député a fait un long préambule pour conclure sur la question précédente, je voudrais faire une remarque sur la question précédente à propos des 42, 7 %. Cela, c'est le chiffre d'après les données bureaucratiques que nous avons. Mais en consultant la liste des organismes approuvés en vertu de 113f, j'en découvre un dans mon comté, qui n'a pas ce papier-là, le ticket qui obsède le député de Taillon, et qui fournit des services en français à sa clientèle et à la clientèle de la région, je le sais de science certaine et directe. Je vais leur dire: Dépêchez-vous, il vous manque un ticket". Je vais leur dire cela. Je ne voudrais pas qu'on ait créé l'impression au Québec - je vais lutter contre cela - que tout ce monde-là est en état de délinquance prononcé parce qu'il y a certaines dispositions de la loi qui n'ont pas reçu leur pleine application littérale. Si, substantiellement - c'est ce que je disais tantôt au député de Mercier - cela se fait, on va se dépêcher d'aller leur porter une formule et de dire: Remplis cela, ton affaire, ça existe déjà. On va te l'approuver, cela va faire plaisir au député de Taillon. Mais je vous dis, avant de juger, on va regarder cela comme il faut et on ne portera pas de Jugement superficiel. C'est le premier point. Maintenant, est-ce que vous voulez que je réponde tout de suite à la question du...

M. Filion: Peut-être juste, vu que vous revenez là-dessus...

M. Ryan: Je voudrais juste rajouter un autre point. Il y a sept ou huit municipalités du comté d'Argenteuil parmi celles qui ont reçu leur connaissance en vertu de l'article 113f Je peux bien leur demander un grand plan. C'est facile à Québec. Quand vous allez dans la municipalité de Barkmere, II y a un secrétaire-trésorier à temps partiel, c'est tout ce qu'il y a; vous allez à la municipalité d'Arundel, il y a une secrétaire-trésorière, c'est tout ce qu'il y a. Eux autres non plus, ils ne sont pas reconnus ici, mais la secrétaire-trésorière est parfaitement bilingue. Elle sert tout le monde dans les deux langues. Votre question est résolue déjà dans ce cas, on ne pourra pas faire plus. Mais je vous dis qu'on va compléter les données. Il y a des données qui font défaut ici. On va aller les chercher, mais on va vous les livrer honnêtement. Je vous inviterais, M. le député de Taillon, connaissant votre honnêteté Intellectuelle..

M. Filion: Je ferais seulement remarquer au ministre...

M. Ryan: Mais je n'ai pas fini. J'essayais seulement de me faire écouter de vous, là.

M. Filion: Oui, ça va.

M. Ryan: Connaissant votre honnêteté intellectuelle, je vous inviterais à nous donner la chance d'aller recueillir ces données sur le terrain On va vous les donner en toute fidélité. À ce moment-là, on va être mieux placés pour juger. Si le jugement doit être sévère, je ne reculerai pas devant la sévérité du jugement. Je voudrais qu'on donne une chance au coureur. Il y a peut-être eu de notre côté aussi un certain manque d'empressement. Je n'aimerais pas que nos inspecteurs se trouvent trop souvent dans le fond du canton de Barkmere parce qu'ils ont bien autre chose à faire. Ces gens-là sont tranquilles, ils ne nuisent à personne. Vous avez fait bien des farces avec ces choses-là, mais, mol, je connais ces populations. Je vous dis qu'ils n'ont pas toujours besoin des fonctionnaires dans leurs jambes. Ils ont organisé leur vie depuis des générations. Si on peut les aider à se conformiser à la lettre de la loi, on va le faire. Encore une fois, au point de vue des services, Ils les ont dans les deux langues, il n'y a pas de doute dans cela. À propos de Rosemère..

M. Filion: Juste avant, vous permettez? M. Ryan: Oui.

M. Filion: M. le ministre, je vous écoute attentivement mais, pourtant, quand vient le temps d'appliquer la loi 142, le "red tape' et les grands plans, on les demande. C'est cela qui se passe sur le terrain, aujourd'hui, au Québec. Vous me dites: Écoutez, de toute façon, les services, en pratique, vous savez, ils sont donnés en français. Savez-vous quoi? Moi, je connais un organisme de santé où je suis allé qui est reconnu et dont le plan de disponibilité a été approuvé et, dans les faits, j'ai eu une expérience, j'ai été appelé à me rendre à cet hôpital et je dois vous dire que je n'ai pas été capable de me faire servir en français pour ta personne que j'accompagnais. C'est pour vous dire les expériences personnelles difficiles vécues dans l'établissement qui est dans votre comté, que vous connaissez, etc. et où vous me dites: Les services bilingues sont fournis, etc. Moi, j'en connais un, pour l'avoir vécu, où les services ne sont pas donnés en français malgré que cet

établissement, après vérification, eût été censé offrir des services en français. Ce que je veux dire... Quand on tombe cas par cas, et par rapport à ce qu'on vit... C'est pour cela qu'on met sur pied des systèmes. La loi 142 met en oeuvre toute une procédure établie selon des pians, dans les comtes, partout au Québec. il y a sûrement des gens d'en face qui ont vécu des cas où on le demande à des CLSC qui, pourtant, avaient aussi un secrétariat qui était bilingue. Les Québécois sont généreux de nature. Bon Dieu! il ne s'agit pas ici de dire aux gens: Ne parlez pas anglais quand vous êtes capables de rendre un service en anglais ou en espagnol, si vous êtes capables de le rendre en espagnol. Les Québécois sont généreux de nature et tous les Québécois sont généreux de nature. Cependant, quand l'administration demande et emploie un poids et une mesure, je demande tout simplement que ce même poids et cette même mesure servent pour évaluer l'ensemble, et non qu'on ait deux systèmes parallèles parce que le gouvernement du Parti libéral a adopté la loi 142, mais qu'il a voté contre la loi 101. Il me semble, M. le Président, que ma demande n'est pas tirée par les cheveux et que je pourrais aller beaucoup plus loin que ça dans mes propos.

Le Président (M. Trudel): M. le ministre, je ne sais pas à quelle question vous allez répondre, mais vous en avez une première.

M. Filion: Ce n'était pas une question; c'était un commentaire, M. le Président.

M. Ryan: Non, mais je pense avoir établi mon point clairement. Il a souligné l'aspect humain de ces choses-là et je pense que, quand on regarde ça sur le plan local, en descendant jusque dans les communautés où vivent des personnes, on a une perception passablement différente.

En ce qui touche le cas de Rosemère, l'affaire est actuellement devant les tribunaux. L'Office avait pris la décision de rescinder la reconnaissance qui avait été donnée à Rosemère; un appel est devant les tribunaux. D'après ce que me communique son président, l'Office a décidé de surseoir à d'autres décisions pendant que cette affaire est entendue par les tribunaux.

M. Filion: Est-ce qu'une décision a été rendue en première instance? Cela fait un an et il n'y a pas de décision de rendue, et on a 22...

M. Laporte (Pierre-Étienne): Les dates de l'audition sont les 18 et 19 septembre 1989.

M. Filion: Bon. Les dates de l'audition. Est-ce que le ministre est prêt à considérer dans le cas de ces... Il y a un problème. Ce qu'on dit essentiellement, c'est ce que l'Office donne. Il s'agit de savoir si l'Office peut retirer ce qu'il donne, ni plus ni moins. Je le présume. Le problème demanderait plus que ça, mais, essentiellement, je pense que le gros bon sens nous indique que voilà la question, peu importent les points de vue juridiques là-dessus. Ce sera aux cours de décider. Mais est-ce que le ministre serait prêt à considérer une mesure comme celle, par exemple, prévoyant une modification à la loi, tout simplement, pour que l'Office ait le pouvoir de retirer une reconnaissance qu'il donne, et qu'on lui donne le pouvoir, parce qu'il faut éviter... On peut se rendre en Cour suprême avec ça; cela peut prendre six ans. Cela fait déjà un an; la cause va être entendue et le juge va vouloir délibérer, Cour d'appel, Cour suprême, etc., mais pendant tout ce temps-là, dans les faits, il y a au-delà d'une vingtaine de municipalités concernées pour lesquelles aucune décision n'est prise.

Est-ce que ministre est prêt à considérer une modification législative comme - c'est un hasard - celle qui se retrouve dans le projet de loi 191, à l'article 20, qui suggérait, et je le lis rapidement. "L'Office peut faire enquête afin de vérifier si les critères sur lesquels il s'est basé en vertu du paragraphe f de l'article 113 pour reconnaître un organisme ou un service existent toujours. " En deux mots, si la situation a évolué dans un sens autre. "Une fois cette vérification effectuée, si l'Office en vient à la conclusion que ces critères ne sont plus respectés - critères de représentation - il peut retirer la reconnaissance d'un organisme ou d'un service effectuée en vertu du paragraphe f de l'article 113. " C'est afin d'éviter que nous ne nous retrouvions immobilisés pendant cinq ou six ans.

M. Ryan: Est-ce que la question est terminée? Elle a été brève. C'est une question assez complexe. Je suis disposé à examiner l'ensemble du dossier de la reconnaissance des organismes aux fins du paragraphe f de l'article 113, y compris les aspects juridiques comme ceux qui ont surgi au cours de la dernière année. Je ne serais pas disposé à émettre une opinion aujourd'hui parce que je n'ai pas eu le temps de recueillir l'avis de nos conseillers juridiques, mais il y a toute une série de considérations qui se posent autour de ce sujet qui m'intéressent vivement.

Prenez une question. S'il était envisagé, par exemple, de modifier la loi pour ajouter une disposition comme celle que mentionne le député de Taillon, qu'est-ce qu'on ferait des statuts déjà accordés? Est-ce qu'on les considérerait comme des droits acquis ou si on déciderait qu'on sabre là-dedans, alors qu'auparavant, c'était impossible? Il faudrait examiner ça attentivement. Est-ce que le retrait de l'acte de reconnaissance devrait survenir dès le moment où un organisme cesse d'avoir 50, 1 % de sa clientèle qui est anglophone ou si on devrait avoir une période de grâce, une période un peu plus humaine, un délai un peu plus raisonnable? Il y a toutes sortes de questions qui se posent. Je ne pense pas qu'on puisse

trancher ces questions au couteau seulement dans l'espace d'un quart d'heure de discussion. Je prends note de l'Intérêt du député de Taillon pour ce problème. Je lui reviendrai volontiers dans un certain temps avec un avis plus complet, dont l'aspect Juridique sera un élément et non le seul.

M. Filion: Mes prochaines questions vont porter sur le secteur de la francisation des entreprises. Mais avant, je tiendrais quand même à signaler ceci au ministre. Je prends sa parole en haute estime mais je voudrais qu'il comprenne, et ça revient peut-être au discours que je faisais au début, que c'est la troisième personne qui me dit la même chose quand je parle de la langue de l'administration, des hôpitaux, des municipalités: Je vous remercie de m'avoir sensibilisé. Mais c'est une réalité, M. le ministre.

J'apprécierais beaucoup, et ce n'est pas un reproche au ministre... C'est que, dans un dossier, ça prend une certaine constance, non de sa part, mais j'entends par là que le ministre est en poste depuis deux mois. Avant, le député de Rosemont a été en poste pendant combien de temps? Un an peut-être ou 18 mois...

Uns voix: Huit mois.

M. Filion:... peut-être une dizaine de mois, peu Importe. Avant, c'était la députée de Chomedey, la vice-première ministre. On est rendus à quelques mois d'une élection, après trois ans et demi. Ce n'est pas surprenant qu'on ait si peu de résultats concrets pour la défense et la promotion du français au Québec. Le ministre a ses orientations, son prédécesseur avait ses orientations et sa prédécesseure avait ses orientations. Mais le problème, c'est qu'on n'a jamais vu le jour où ces gens ont pu passer à l'action, en prenant leur parole toujours en très haute estime. Et on se retrouve en avril 1989 face à un gouvernement qui a été élu en décembre 1985, qui a changé trois fois de ministre, sans compter le ministre de la Justice qui a fait son tour de piste aussi dans le secteur linguistique, le ministre de la Justice de l'époque, le député de D'Arcy McGee. Ce n'est pas surprenant. Je pense que ça prend un peu de constance. Si on avait changé de ministre de l'Éducation trois fois en trois ans, qu'est-ce qui aurait pu se faire dans l'éducation? Juste passer la loi 106 ou la loi 107 demande une énergie assez considérable.

Qui nous dit que le député d'Argenteuil serait en poste comme ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française advenant le cas où le gouvernement auquel il appartient soit réélu aux prochaines élections? Tantôt le ministre a pris soin de mentionner le départ du député de Taillon. Ne vous inquiétez pas, je ne m'en vais pas très loin. Je ne m'en vais pas en Asie, M. le Président, je ne reste pas loin. Le dossier linguistique, comme à beaucoup de Québécois, va continuer de me tenir à coeur énormément. Mais une chose est certaine, je pourrais lui retourner la balle et lui dire: Je ne suis pas sûr que le député d'Argenteuil va être ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française après - encore une fois, si son gouvernement est élu; gardons le frisson démocratique présent, en tout état de cause. Alors, si son gouvernement est élu, je ne suis pas sûr que le député d'Argenteuil va être là. Il y aura quelqu'un d'autre pour dire: Écoutez, le problème des hôpitaux me préoccupe et l'administration, on va y voir et la francisation des entreprises, voilà mon orientation plutôt que telle autre.

En fin de compte, M. le Président, le constat que je faisais en première partie de mon discours d'ouverture se révèle exact et tout ça a causé quoi? Cela a causé une érosion à la crédibilité de la loi 101. Je suis d'accord avec le ministre pour dire qu'il y a énormément de choses là-dedans qui ne s'expliquent que par la volonté politique. Quand la volonté politique est absente, ça s'effrite, surtout quand la loi n'est pas appliquée, comme c'est le cas.

Voilà! Je ne sais pas si le ministre veut réagir. Nous sommes tous les deux des férus de la liberté d'expression. Nous sommes tous les deux conscients que, dans la liberté d'expression, on ne peut mettre n'importe quoi mais, en bref, je ne sais pas s'il veut réagir à mes propos, sinon j'ai une question toute prête.

Sur la francisation des entreprises, on sait que le ministre n'est pas prêt à utiliser la coercition pour arriver à revigorer un peu la francisation des entreprises, bien qu'il ait été prêt à utiliser la coercition en ce qui concerne l'affichage, ce que lui ont reproché certains commentateurs. A l'époque, en Chambre, le ministre a répondu que les mesures coerci-tives déjà prévues dans la loi étaient suffisantes.

J'aimerais savoir si l'Office de la langue française ou le ministre entend demander à la Commission de protection de la langue française de faire enquête, comme le prévoit l'article 172, sur certaines entreprises qui sont vraiment réfractaires à l'idée de francisation. Pour ne pas la nommer, Ingersoll-Rand disait, et c'était dans les journaux: Vous savez, la francisation des entreprises, ce n'est pas pour moi. Après douze ans d'application de la loi, c'est une entreprise qui n'est toujours pas francisée. Est-ce que le ministre, finalement, ne croit pas que dans un cas comme celui d'Ingersoll-Rand, entre autres, qui a fait l'objet de beaucoup de publicité... Ne serait-ce pas donner un très mauvais exemple que de ne pas poursuivre une compagnie qui s'affiche comme réfractaire à la francisation, alors que la loi est claire?

M. Ryan: Comme l'article 172 prévoit que le genre d'enquête dont parle le député doit être requis auprès de la Commission de protection par

l'Office, j'aimerais que le président de l'Office nous donne une réponse à cette question.

M. Laporte (Pierre-Etienne): M. le Président, tel que le ministre vient de le mentionner, l'article 172 dit bien: Lorsque l'Office le demande. Donc, jusqu'à maintenant, l'Office n'a pas demandé à la Commission de faire enquête pour la bonne et simple raison qu'on a préféré utiliser le mécanisme de l'audition, dans le cas où des entreprises sont récalcitrantes. On les convoque à l'Office et, dans la totalité des cas qui ont été convoqués, mes collègues et moi sommes d'avis que des changements sont survenus dans le comportement de l'entreprise.

Maintenant, en ce qui concerne l'entreprise Ingersoll-Rand, dont M. le député vient de mentionner le nom, ce que je peux vous dire à ce sujet, c'est que nous avons convenu et nous avons fait une demande à Ingersoll-Rand de nous faire parvenir des documents pour le 18 mai 1989.

(Suspension de la séance 17 h 8)

(Reprise à 17 h 9)

M. Laporte (Pierre-Etienne): Si IngersollRand ne nous répond pas le 18 mai, les membres de l'Office décideront à ce moment des mesures à prendre face à Ingersoll-Rand. Mais je pense qu'en toute bonne foi il faut attendre que la compagnie aille jusqu'au bout des demandes qu'on lui a faites.

M. Filion: Je posais la question. Vous devriez comprendre que, pour moi, ce serait une bonne idée que de donner de temps en temps une illustration de la volonté d'un gouvernement, surtout en termes de francisation des entreprises. À ce sujet, je m'adresse au ministre, il le sait probablement. Je lui ai dit à quelques reprises que, personnellement, j'étais d'avis que la clé de voûte pour le français au Québec passait par le français au travail. Beaucoup d'autres personnes l'ont reconnu comme moi, dont certaines qui sont tout près du ministre. On a fait une petite étude et on a constaté que le rythme d'obtention des certificats de francisation avait diminué depuis 1984-1985. Pour les petites entreprises, le rythme d'augmentation était de 31 % en 1984-1985, 23 % en 1985-1986, 15 % en 1986-1987, 8 % en 1987-1988 et 10 % en 1988-1989. Dans les grandes entreprises, le rythme d'augmentation de l'obtention des certificats de francisation était de 20 % en 1985-1986, 5 % en 1986-1987, 10 % en 1987-1988 et 10 % en 1988-1989.

Je vais vous donner un exemple. Si le rythme de 30 % d'augmentation du nombre d'entreprises certifiées - c'était le rythme de 1984-1985 - avait été conservé, la francisation des petites entreprises serait terminée cette année, tandis que nous n'en sommes qu'à 69 % de l'objectif. En ce qui concerne les grandes entreprises, si le rythme de 1985-1986 avait été conservé, 1440 entreprises détiendraient le certificat, soit 88 % au lieu de 54 %. Voici ma question au ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française qui déclarait, d'ailleurs, à la suite du dépôt du rapport du comité: "Quand l'âne ne veut pas boire, on ne peut le faire boire de force. " On s'en souviendra. Je voudrais...

M. Ryan: C'était à propos de propagande, entre parenthèses.

M. Filion: Pardon?

M. Ryan: C'était à propos de propagande que je disais cela.

M. Filion: Ah oui!

M. Ryan: Je disais: Quand le gouvernement ne veut pas faire de propagande, on ne lui en fera pas faire.

M. Filion: Ah! Je croyais... Alors, les propos ont été mal rapportés parce que dans l'article que j'ai lu, c'était assez clair que cela s'appliquait aux entreprises qui ne veulent pas se franciser.

M. Ryan: Pas du tout, c'est un malentendu. M. Filion: Ce n'est pas grave.

M. Ryan: La déclaration a été faite à propos de la recommandation voulant qu'on institue une vaste campagne d'information. J'ai dit que ce n'était pas dans mes inclinations de faire ces recommandations au gouvernement. J'ai dit: Quand l'âne ne veut pas boire, on ne peut pas le faire boire de force. C'était moi, l'âne.

M. Filion: De toute façon, l'important est que cette citation pourrait fort bien s'appliquer à la francisation des entreprises. Le ministre écarte la coercition comme mesure devant favoriser la francisation des entreprises. Je voudrais savoir en vertu de quoi le ministre écarte ta coercition dans ce secteur, alors que, par exemple, la loi 178 est une loi coercitive en ce qui touche l'affichage. Je voudrais savoir comment il pense arriver à stimuler la recherche de la francisation des entreprises sans fixer de contraintes, sans fixer de coercition, alors que la situation est déjà stagnante.

M. Ryan: Est-ce que la question est terminée?

M. Filion: Je pose des questions longues pour vous laisser le temps de fouiller un peu.

M. Ryan: C'est bon parce que...

M. Filion: Deuxièmement, je me défoule un peu. De l'autre côté, à la période des questions, quand on parie de la langue, on se la fait souvent couper. Des fois, nos questions en Chambre ne sont pas très longues. J'en profite un peu pour aller dans les détails et poser une question complète. Je suis sûr que le ministre apprécie que mes questions soient les plus complètes possible.

M. Ryan: Je me soumets entièrement au style de l'Opposition. Je suis prêt à accepter des questions rapides, des questions plus longues, des réponses plus brèves, des questions plus longues. J'aime bien m'adapter au client, ayant été formé dans le secteur privé. Je pense qu'il est important de rétablir les chiffres d'abord. Je n'oserais accuser le député d'avoir faussé les faits, mais je lui reprocherais peut-être de n'avoir pas un tableau complet des chiffres. Si l'on regarde le mouvement de l'émission des certificats de francisation, au cours des dernières années, on peut retenir les chiffres suivants, grosso modo: en 1983-1984, 526; en 1984-1985, 484; en 1985- 1986, 554; en 1986-1987, 509; en 1987 1988, 433; en 1988-1989, 520; prévisions pour 1989-1990, 730. Je pourrais donner les chiffres par catégorie, cela reviendrait à peu près au même. Quand on examine ce tableau, il s'est produit une année où il y a eu une certaine baisse, c'a été l'année 1987-1988, où la baisse est attribuable surtout au fait que l'Office avait décidé, cette année-là, de mettre davantage l'accent sur la relance de la francisation plutôt que sur l'émission de certificats de francisation. Depuis ce temps, on a repris le rythme de l'émission de certificats. En 1988-1989, on a à peu près le même nombre qu'en 1983-1984; on en a plus qu'en 1984-1985; on est très proche du chiffre de 1985-1986; il n'y a pas ce déclin ou ce recul dont on pourrait parler en ne prenant qu'une partie du tableau. Les chiffres que j'ai ici indiquent que les projections établies pour 1989-1990 permettront d'atteindre un chiffre de 150 pour les grandes entreprises, de 280 pour les petites et moyennes entreprises, pour un total de 430. Je vais être oblige de corriger les chiffres que j'ai donnés.

Tantôt, je comprenais les chiffres de l'administration, je dois les soustraire. Pour les chiffres concernant uniquement les entreprises on va les reprendre seulement pour ce qui concerne les entreprises, je m'excuse. En 1983-1984, 211; en 1984-1985, 361; en 1985-1986, 385; en 1986- 1987, 397; en 1987-1988, 161, c'est là que s'est produite la baisse dont j'ai parlé tantôt; et en 1988-1989, 320; l'objectif de 1989-1990, 430. Il y a eu une année où on se pose des questions, j'en ai donné l'explication, mais, pour le reste, je pense que la courbe s'est très bien maintenue.

M. Filion: Est-ce que je dois comprendre, M. le ministre, que l'ensemble de l'opération de francisation des entreprises au Québec, par ce que vous êtes en train de me dire, ça va bien?

M. Ryan: En ce qui touche l'émission de certificats de francisation, c'est la question dont nous discutons présentement...

M. Filion: Oui.

M. Ryan:... le mouvement suit son cours normal, ainsi que l'a indiqué le rapport du comité Laporte. L'opération émission de certificats devrait être pratiquement terminée en 1992 ou 1993. II y a une feuille de route qui est tracée de ce côté et qui, tout compte fait, répond aux anticipations qui avaient été établies.

Maintenant, je suis le premier à convenir que l'émission du certificat de francisation - je l'ai dit dans mon intervention liminaire de ce matin - n'est que le point d'entrée, le début d'un processus qui doit devenir permanent et complet. Et, de ce point de vue, il reste beaucoup de travail à faire, même une fois que le certificat aura été émis. C'est un point sur lequel l'Office sera appelé à se pencher de plus en plus au cours des années à venir.

En ce qui touche cet aspect de l'opération, je ne pense pas qu'on puisse dire qu'il y a eu déclin ou recul. Au contraire, l'opération se poursuit normalement et cela exige beaucoup de démarches avant qu'on arrive à l'émission d'un certificat. Il y a beaucoup de vérifications à faire auprès des entreprises, cela ne s'obtient pas seulement par une visite, j'imagine.

M. Filion: Revenons sur la coercition. Vous avez déposé vos chiffres. J'ai donné les chiffres qu'on avait à partir du cahier des crédits qu'on nous a remis. Le calcul que j'ai fait, ce que j'ai dit tantôt, c'est le calcul qui a été fait à partir du cahier explicatif des crédits qui nous a été remis. Alors, si c'était possible de déposer ces données qui ne font pas partie du cahier des crédits, à moins que vous ne me disiez à quel endroit cela se trouve, nous n'avons pas ça dans le cahier des crédits.

M. Ryan: Comme je l'ai dit tantôt, il y a toute une série de fiches - c'est une pratique établie depuis très longtemps - comprenant une foule de renseignements additionnels, qui sont préparées pour l'usage du ministre pour ces discussions-là. Je puise à même ces chiffres.

M. Filion: Revenons sur la coercition, M. le ministre. Coercition dans l'affichage, c'est correct; coercition pour le français au travail, vous l'écartez. Pourquoi la coercition ne serait pas utile, de façon... Coercition, cela ne veut pas dire la contrainte par corps; cela veut dire une loi raisonnable, une loi juste qui fixe des délais et des échéances qui sont compréhensifs de la situation réelle. Je me demande comment réagirait le ministre de l'Éducation s'il entendait, par exemple, sa collègue, la ministre de l'Environne-

ment, nous dire: Écoutez, pas de coercition pour les normes environnementales. On préfère discuter, etc. La coercition, ce n'est pas dans une société nécessairement quelque chose... D'abord, la contrainte par corps n'existe plus, heureusement. Ce que je veux dire, c'est que ça prend une certaine coercition parce qu'il y a des entreprises qui ne veulent absolument rien savoir. Le ministre le sait. Et une coercition peut être Intelligente. En ce sens-là, ma question est très générale. Je le sais, mais j'incite le ministre à une nouvelle réflexion peut-être sur cet aspect-là.

D'un autre côté, une coercition, encore une fois, adaptée, raisonnable, réaliste, s'imposerait actuellement au Québec dans le secteur du français au travail. On connaît les conséquences, M. le ministre, et vous les connaissez sûrement, en ce qui concerne le français au travail. Un immigrant au Québec aura beau envoyer ses enfants à l'école française, si lui-même, dans son travail ou les enfants lorsqu'ils ont atteint l'âge de travailler, travaille en anglais, c'est bien de valeur, mais ne parlons pas d'intégration de l'immigration au Québec. Le français au travail, c'est extrêmement important. Et si, pour les immigrants qui arrivent ici - en particulier, je pense à eux - la langue pour gagner leur pain et leur beurre est l'anglais, vous pouvez être sûr d'une chose, c'est que, quand ils vont revenir à la maison, ils vont se brancher aux sources d'alimentation culturelle anglophones.

C'est normal et je n'ai rien contre le fait qu'on lise la Gazette ou qu'on écoute CFCF. On peut faire n'importe quoi au Québec. On n'est pas ce que certains ont prétendu. Le Québec est une terre ouverte et généreuse. Mais encore faut-il ne pas tomber dans des tendances d'an-géiisme suicidaire et dire: Écoutez, on va laisser aller les choses selon le bon vouloir des Intervenants et on va finir par essayer d'y trouver notre compte. L'intégration des immigrants, c'est un défi immédiat pour le Québec. Et des messages aussi clairs que le français comme langue de travail doivent être envoyés, mais directement à tout le monde.

Savez-vous ce qui se produit aussi, M. le ministre? Je vais vous poser une petite question là-dessus. Est-ce que vous êtes préoccupé du fait qu'au Québec le bilinguisme - on a le libre-échange, etc., - est exigé? Il y a eu un début d'enquête ou d'étude, je pense, du Conseil. En tout cas, je peux me tromper. C'est une étude partielle, je l'admets, mais qui dit que le bilinguisme est exigé de plus en plus pour travailler actuellement au Québec. Et c'est normal. Dès qu'un employeur dit: J'ai 1 % de ma clientèle qui est anglophone mais, dans le fond, je veux en avoir 15 % et 20 % et 50 %, alors je demande du personnel qui parle anglais, savez-vous ce qu'on est en train de bâtir parallèlement à ça? On est en train de bâtir une classe de Québécois qui ne parlent pas d'autres langues.

Il y a grosso modo, 66 % des francophones qui sont unilingues francophones. Deux francophones sur trois au Québec ne parlent pas d'autres langues parce que ce n'est pas donné à tout le monde d'apprendre d'autres langues. Et on peut, dans certains cas, avoir le talent, l'instruction, l'occasion, etc., pour en apprendre plus qu'une, deux ou trois ou quatre. Alors tant mieux! Chaque fois, c'est enrichissant. Mais, bref, il y a toute une catégorie de Québécois francophones qui n'apprennent pas d'autres langues et qui ne peuvent même pas l'apprendre dans certains cas, à cause d'une certaine limitation à leurs capacités. Or, ces gens-là... Est-ce que le ministre est conscient du fait qu'on est peut-être en train de bâtir au Québec une classe de citoyens unilingues francophones qui iront grossir la liste de nos assistes sociaux ou la liste des gens qui sont sur l'assurance-chômage? D'où l'importance du français au travail, encore une fois. Alors, est-ce que le ministre est préoccupé par cette question-là qui risque d'influencer et de rejoindre un petit peu ce que le Conseil des affaires sociales et de la famille disait: Un Québec divisé en deux. Moi, j'ai peur que la partie du bas ne soit une partie faite de Québécois francophones, d'où, encore une fois, l'absolue nécessité d'agir dans le secteur du français au travail. Même si le ministre ne partage pas mes convictions, je lui demande s'il est préoccupé par ce problème et s'il entend poser des gestes concrets pour faire en sorte que le français soit de plus en plus la langue du travail au Québec. La question est finie. Elle est large mais...

Le Président (M. Trudel): Si la réponse est aussi longue, cela va terminer les crédits pour l'année. Allez-y, M. le ministre!

M. Ryan: J'ai Indiqué dans mon intervention liminaire de ce matin les actions que je compte entreprendre pour promouvoir la francisation dans les milieux de travail. Je pense que les indications ont été fournies très clairement ce matin. Je voudrais souligner un aspect qu'on ne doit pas sous-estimer dans cette question. Le député se référait à l'article 46 de la charte où il est interdit à un employeur d'exiger, pour l'accès à un emploi ou à un poste, la connaissance d'une langue autre que la langue officielle, à moins que l'accomplissement de la tâche ne nécessite la connaissance de cette autre langue.

Or, sur le terrain du commerce et des affaires, les situations les plus imprévues surgissent continuellement. On ne peut pas dire d'avance, une année ou deux d'avance, que la connaissance de telle langue ne sera jamais requise. Il peut arriver qu'une transaction très importante soit facilitée par la connaissance que les employés auront d'une autre langue. Alors, l'employeur peut juger que la connaissance d'une autre langue est requise et l'employé peut avoir recours à son association de salariés ou à l'Office de la langue française pour faire trarv-

cher le problème. Là, nous avons le mécanisme qu'il faut de ce point de vue-là.

Moi, la seule chose que je me demande - je fais ça bien simplement avec M. Laporte - c'est si c'est la bonne place pour trancher des problèmes comme cela. C'est quasijudiciaire. On confie cela à l'Office. C'est l'Office qui doit siéger pour trancher des cas comme ceux-là. Je ne sais pas si c'est le bon partage des tâches. On pourra l'examiner au cours de la prochaine année. Il n'y a pas d'urgence en la demeure

Je voyais justement un jugement que l'Office a rendu récemment, qui m'est apparu extrêmement intéressant, que j'ai trouvé rempli de réalisme et de bon sens à propos d'un cas qui était survenu dans un hôpital. Je pense que c'est à l'hôpital du Sacré-Coeur. J'ai trouvé qu'on avait une considération de l'ensemble de la réalité et il faut ça, en fin de compte. L'économie est une affaire difficile à situer dans des casiers de bureaucrates ou même de législateurs. Cela prend des tours infiniment imprévisibles de jour en jour, et même d'heure en heure. Il faut qu'on ait cette capacité d'adaptation au défi de l'économie aussi. Autrement, on va faire une loi qui va faire bien plaisir aux avocats, aux rédacteurs de règlements, aux fonctionnaires chargés de l'appliquer, mais on va être obligés de courir après les clients. Je trouve que ce n'est pas correct. C'est le point sur lequel je vous dis que j'ai une réaction de l'ordre réaliste, l'adaptation à la réalité concrète dans le plein respect des objectifs de la charte. Comme c'est défini ici, c'est parfait. Maintenant, si vous me disiez: Le mécanisme qui est ici ne marche pas, l'Office s'acquitte mal de son travail, il rend des décisions contraires à l'esprit de la loi, je partagerais votre inquiétude, mais vous n'avez rien dit de tel. Je pense que vous reconnaîtrez vous-même que l'Office fait un bon travail.

M. Filion: Sur l'article 46, M. le ministre... M. Ryan: Oui.

M. Filion:... j'ai le tableau devant moi. Ou 1er avril 1980 au 31 mars 1988, soit une période de huit ans, il y a eu 114 dossiers inscrits, et il faut comprendre pourquoi. Prenons l'exemple d'un citoyen qui voudrait déposer une offre d'emploi dans une entreprise. D'abord, jusqu'à ce que la réponse m'arrive, il n'est pas là pour contester la décision d'exiger le bilinguisme. Il veut avoir - passez-moi l'expression - la job. D'ailleurs, il ne sait même pas en quoi consiste le travail, alors, il n'est pas là pour contester les exigences du travail. Une fois que l'emploi a été accordé à quelqu'un d'autre, que voulez-vous, il se cherche un emploi ailleurs. (17 h 30)

C'est ce qui explique, M. le ministre - probablement que vous ne le saviez pas -qu'en huit ans il y ait eu seulement 114 dossiers d'inscrits à l'office. Savez-vous quel est le nombre de désistements et d'abandons? C'est curieux que vous me posiez la question parce que c'était: ma prochaine remarque. Il y a eu 33 désistements et 30 abandons parce qu'il n'y a plus d'intérêt. Dans certains cas, ceux qui poursuivent ont un intérêt s'ils occupent déjà un emploi au sein de l'entreprise, mais dans bien des cas ils n'en ont pas

Or, plus de la moitié des plaintes, en vertu de l'article 46 que vous nous avez lu tantôt, ont fait l'objet de désistements ou d'abandons. C'est pour ça qu'on suggérait dans le projet de loi 191 des modifications au mécanisme pour faire en sorte que des droits réels soient accordés pour contester le problème que vous soulevez à propos de l'Office et du caractère quasi judiciaire. Je vous réfère au projet de loi 191 qui contient aussi une amorce de solution là-dessus. Je réponds à votre question: L'article 46 est inefficace. C'est la question que vous me posiez. Je le dis sans ambages, l'article 46 est carrément inefficace. D'ailleurs, c'est reconnu par l'ancien président du Conseil de la langue française, M. Cholette, dans son rapport 1983-1984. De la Commission de protection, pardon.

M. Ryan: II n'a jamais été président du conseil, M. Cholette; il était plutôt président de la...

M. Filion: De la Commission de protection de la langue française. Respectons l'historique des présidents et des présidentes. Alors, je réponds à votre question, l'article 46 n'est pas efficace, M. le ministre.

M. Ryan: C'est la première fois que j'entends cette remarque de la part du député de Taillon. On va examiner la situation. Je ne pense pas que la solution qu'il propose soit tellement meilleure. Je pense bien que la procédure normale dans ces cas, c'est la procédure de grief suivant les conventions collectives. C'est là que ces problèmes doivent se régler. Je pense bien qu'on est d'accord. Il ne faut pas que ces problèmes aillent devant les tribunaux, en première instance, en tout cas.

M. Filion: La minorité des travailleurs au Québec est syndiquée, M. le ministre, vous le savez.

M. Ryan: II y en a quand même...

M. Filion: Quand il y a un syndicat... D'ailleurs, la syndicalisation reste la meilleure façon de défendre les travailleurs, mais il y a tout un paquet de travailleurs qui ne sont pas syndiqués. Alors, c'est pour ça que le projet de loi 191...

M. Ryan: Par contre...

M. Filion: Si la mécanique que je suggère

dans le projet de loi 191 n'est pas la bonne, qu'on en trouve une autre. Mais, encore une fois, il y a dans ce secteur urgence d'agir.

M. Ryan: En tout cas, je plaide fortement pour que ces problèmes soient abordés à partir d'une vue honnête et humble de la réalité. Prenons le monde de la restauration et de l'hôtellerie, pour prendre un exemple. On pourrait bien se réunir quatre ou cinq députés pour établir un règlement disant que le français sera la langue de travail partout, mais c'est un monde où les travailleurs sont essentiellement en contact avec la clientèle, une clientèle qui est, en grande majorité, de passage, qui ne peut pas être calculée d'avance, de manière arithmétique. Il faut bien qu'on parte de cette réalité si on veut régler le cours des choses dans cette industrie. Encore une fois, je ne pense pas que ce soit par des impositions et des contraintes abstraites qu'on puisse régler ces choses.

J'ajoute un autre point. La loi 101 en elle-même est un ensemble de contraintes pour l'entreprise. Elle crée toute une série de contraintes. Ce n'est pas une saisie de corps. Ce n'est pas un "amenez le corpus". Mais c'est quand même un ensemble de contraintes et il faut avoir été en contact avec des entreprises pour savoir comment ces contraintes sont exigeantes. S'il y a certaines contraintes qui ne sont pas efficaces, c'est notre devoir de les signaler et d'essayer de les corriger. Je suis prêt à le faire. Mais, encore une fois, je ne voudrais pas qu'on parte de l'idée que nous avons seulement de la persuasion. Quand je parle de persuasion, je ne voudrais pas qu'on oublie que c'est la philosophie que l'Office de la langue française a adoptée, à ma connaissance, depuis ses débuts, qu'il a poursuivie année après année. En causant avec des membres de l'Office l'autre jour, et en causant par la suite avec des représentants des centrales syndicales, je me suis aperçu que c'est une approche qui correspond aux exigences de la réalité concrète et qu'elle doit par conséquent continuer d'être privilégiée, ce qui ne doit aucunement permettre de conclure qu'on devrait s'autoriser d'une telle approche pour refuser d'envisager des cas durs comme il en existe et comme nous en connaissons. Là, il faut plus que ça. Je suis d'accord avec le député.

M. Filion: J'ai une dernière question sur la francisation des entreprises.

M. Ryan: Excusez-moi. Le président de l'Office de la langue française m'assure que les cas intraitables sont très rares dans le cours ordinaire des choses. Ce n'est peut-être pas mauvais d'ajouter cette donnée au dossier.

M. Filion: Je vous dis qu'il y a 60 % des entreprises qui n'ont pas leur certificat de francisation. Est-ce que le chiffre a augmenté?

Quel est-il?

M. Ryan: C'est faux.

M. Laporte (Pierre-Etienne): II y a 90 % des entreprises de 100 employés et plus qui sont certifiées, ou qui le seront au cours des quatre ou cinq prochaines années. Il y a 88 % des petites entreprises... Écoutez, il y a 56 % des grandes entreprises qui sont certifiées et 64 % des petites et moyennes qui le sont. Parmi celles qui ne sont pas certifiées, si on faisait un étalage de leur programme de francisation, on constaterait que bon nombre d'entre elles auront un certificat d'ici à une année, deux années, trois années.

Pour ce qui est des entreprises qu'on pourrait qualifier de récalcitrantes, c'est-à-dire des entreprises qui, pour employer une expression bien québécoise, ne veulent rien savoir, les données montrent qu'il y en a peut-être trois ou quatre, pas plus. Les autres sont des entreprises qui sont peut-être résistantes, mais qui se conforment néanmoins aux demandes que leur fait l'Office de la langue française.

M. Filion: On pourrait discuter très longtemps là-dessus...

M. Ryan: On est mieux de passer à autre chose.

M. Filion:... mais le temps file. Je voudrais juste, avant de poser une dernière question sur la francisation des entreprises, rappeler au ministre que dans le rapport qu'il a reçu d'un comité qui a fonctionné selon certaines règles du jeu, je pense que c'est important de le redire, je retiens certaines idées uniquement pour qu'il ne les oublie pas: le comité de francisation pour les entreprises de 50 à 99 employés, la politique d'achats préférentiels, l'imputabilité des gestionnaires et l'approche sectorielle.

Ma dernière question, avant de passer quelque temps avec M. Martel et le Conseil de la langue française, porte sur les entreprises de moins de 50 employés. Pour tous ces chiffres, on peut bien faire des gorges chaudes. Il demeure que, grosso modo, 68 % ou 70 % des travailleurs québécois oeuvrent dans des entreprises où l'on compte moins de 50 employés. Ce sont des entreprises qui ne sont pas soumises à l'obligation d'obtenir un certificat de francisation. Comme par hasard, M. le Président, dans ces petites entreprises de moins de 50 employés, on retrouve beaucoup de représentants des communautés culturelles. Encore une fois, on connaît l'importance de l'intégration des nouveaux arrivants au Québec.

Compte tenu du fait que 58 % ou 60 %... Est-ce que j'ai dit 68 % tantôt? Excusez-moi, ce doit être la fatigue. C'est 58 % ou 60 % des travailleurs qui sont dans des entreprises de moins de 50 employés. Compte tenu que le

premier ministre du Québec, le député de Saint-Laurent, nous disait dans son discours d'ouverture, II y a déjà deux ans ou à peu près, que l'Assemblée nationale serait appelée, durant la session qui s'ouvrait, à se pencher sur toute la question de la francisation des entreprises et compte tenu que ces 60 % de travailleurs se regroupent, grosso modo, dans 25 000 entreprises du Québec où il n'y a pas de programme de francisation, je demande au ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française ce qu'il a l'intention de faire concrètement pour ces milliers de travailleurs, ces 60 % de travailleurs qu'on retrouve dans les entreprises de moins de 50 employés et qui, eux ou elles, n'ont pas la chance d'avoir un programme de francisation à leur lieu de travail. Qu'est-ce que le ministre a l'intention de faire pour ces entreprises où l'on retrouve, en particulier, beaucoup d'entreprises en haute technologie? J'aimerais savoir du ministre quelles sont ses intentions concrètes, ses gestes concrets?

M. Ryan: Quelles entreprises? De 50 employés et moins? M. le Président, j'écoute les questions du député de Taillon. Elles m'intéressent, mais j'aurais presque une suggestion à lui faire. Peut-être que la prochaine fois.. C'est dommage, il ne sera probablement pas ici, mais s'il allait faire une couple de visites à l'Office et à la Commission, entre les deux réunions annuelles de la commission parlementaire, je pense qu'D pourrait glaner bien des renseignements qui lui permettraient de mettre plus de précisions dans ses questions et de se dispenser d'un certain nombre d'entre elles parce qu'il serait mieux informé sur ce qui se fait.

Seulement dans le domaine des entreprises de 50 employés et moins, nos données indiquent que, du 1er avril 1984 au 31 mars 1989, par conséquent bien avant la nomination du ministre actuel, on a fait des projets d'animation auprès de 8426 petites entreprises regroupant en tout 43 128 salariés. Ce n'est pas parce que le ministre qui vient d'entrer en fonction parle d'animation que ça commence à se faire. Cela se fait depuis plusieurs années déjà. L'Office accomplit un travail considérable de ce côté. M. Laporte m'a indiqué que dans les ' projets prioritaires de l'année 1989-1990 l'Office entend accentuer ce volet de son action. Je l'encourage fortement à le faire. Ce sont eux qui vont trouver les méthodes concrètes d'action qui conviennent aux clientèles auxquelles ils doivent s'adresser. Par conséquent, je pense que c'est important de partir d'une juste appréciation des faits.

Encore une fois, je suggérerais fortement une visite sur les lieux pour voir comment le travail s'accomplit. Moi, j'y suis allé à une couple de reprises et je n'ai rien appris encore, mais je vais y retourner parce que j'ai encore beaucoup à apprendre. Au moins, le premier geste que j'ai fait, J'ai été nommé à ce poste le vendredi et, le lundi, j'étais au bureau de M. Laporte à 9 h 30. Il voulait venir me voir à mon bureau. J'ai dit: Je vais aller voir comment ça se passe chez vous. Je pense que c'est une méthode qui enseigne plus vite la réalité. En tout cas, il y a beaucoup de choses qui se font déjà. Moi, je les encourage à en faire encore plus. SI on veut avoir davantage de précisions sur les intentions de l'Office pour l'année 1989-1990, je pense que M. Laporte se fera un grand plaisir de les fournir.

M. Filion: M. le Président, je veux bien que le ministre de l'Éducation soit très paternaliste avec celui qui vous parle, mais ce n'est pas le président de l'Office de la langue française qui est responsable du discours Inaugural lu par le lieutenant-gouverneur en Chambre, il y a deux ans. Ce n'est pas en m'invitant d'une façon aussi cordiale pour laquelle je le remercie... Vous savez, de l'information, j'en ai. Uniquement les documents officiels du Conseil, de l'Office, de la Commission de protection, ça occupe une partie de mes week-ends. Soyez sans inquiétude là-dessus, de l'information, j'en ai, et de la bonne. Mais ce n'est sûrement pas le président de l'Office de la langue française qui, il y a deux ans, s'est levé pour lire le discours inaugural dans lequel on disait aux parlementaires qu'ils devaient se pencher sur des mesures législatives en matière de francisation des entreprises.

Alors, M. le Président, je veux bien que le ministre, qui a bien connu mon père, soit paternaliste à mon égard, mais je pense qu'il choisit très mal son sujet. Je lui reformule ma question. De l'animation, vous savez, les petits "peptalks", pour employer une expression anglaise, les petites réunions des entreprises... Il y en a dans le parc industriel de Longueuil qui fonctionnent juste en anglais et je vous dirai qu'il y en a peut-être 8000 qui ont reçu une petite visite, mais je connais un joli lot de travailleurs et travailleuses québécois qui aimeraient travailler en français et qui ne le peuvent pas. Là-dessus, le ministre me permettra de prendre mes distances vis-à-vis de ses propos, aussi gentils soient-ils. (17 h 45)

Conseil de la langue française

Cela dit, il reste à peine quinze minutes, M. le Président. J'ai des questions concernant le Conseil de la langue française. Le Conseil de la langue française, on le sait, a déposé plusieurs avis. Je vais prendre cinq avis qui ont été déposés par le Conseil de la langue française et qui ont été rejetés du revers de la main par le gouvernement libéral. 1986, avis sur la nécessité de préciser les Intentions gouvernementales en matière linguistique. Je rappelle grosso modo le contenu. Dans cet avis, le Conseil rappelait au gouvernement que le discours contradictoire qu'il entretenait n'engendrait que confusion et Illégalité et, du même coup, II Invitait le gouverne-

ment à agir dans les plus brefs délais. Non seulement le gouvernement, on le sait, a-t-il attendu décembre 1988 pour agir, mais depuis qu'il a fait connaître sa solution il continue, quant à nous, à entretenir une confusion semblable à celle que lui reprochait le Conseil en 1986; pensons aux règlements, aux directives, aux enclaves, aux sommets, etc. Alors, bien que le ministre soft plus rigoureux et entretienne moins la confusion que ses prédécesseurs et, surtout, bien que le premier ministre fasse un peu moins de déclarations en matière linguistique depuis qu'il a nommé le député d'Argenteuil à ce poste, il demeure que la confusion a été la règle durant trois ans.

Deuxième avis: 1986, avis sur l'état de la francisation des entreprises. Le conseil demandait que les autorités gouvernementales relancent le processus et s'assurent que les ressources nécessaires soient présentes. 1988, avis sur le projet de loi fédéral C-72, extrêmement important; je n'ai pas besoin de le détailler, le ministre connaît bien le dossier et ceux qui nous écoutent également. 1988, les compétences linguistiques du Québec après la signature de l'accord du lac Meech. Important, le Conseil de la langue française en est venu à la conclusion que le concept de société distincte... En fait, je ne veux pas le résumer parce que ce serait peut-être travestir ses propos mais, quant à nous, en tout cas, c'était plutôt une coquille vide que le gouvernement devrait s'évertuer à remplir le plus rapidement possible.

Et, 1988, position du Conseil de la langue française sur l'affichage, où le Conseil recommandait de maintenir le principe de l'unilinguisme. Bref, pas besoin de le rappeler.

Je donne au ministre les exemples de cinq avis donnés par le Conseil de la langue française qui, on peut dire, n'ont pas été suivis. Alors, je demanderais au ministre actuel s'il est disposé à plus d'égard envers les avis qui seront rendus par le Conseil de la langue française durant le temps où il sera responsable du dossier.

Le Président (M. Maciocia): M. le ministre.

M. Ryan: Je pourrais peut-être citer un autre avis du Conseil, en commençant. Il y avait l'avis sur le français dans l'enseignement, le français à l'école, un avis très important que le Conseil a donné au gouvernement il y a à peu près deux ans.

Une voix: Et le dernier sur l'informatique.

M. Ryan: Je commence par celui sur l'enseignement qui embrassait une réalité très large et qui comprenait une bonne trentaine de recommandations à l'intention du gouvernement. Si le député prend le temps d'examiner le plan d'action que nous avons communiqué aux écoles du Québec et les autres mesures que nous avons prises pour la promotion du français, il trouvera la réalisation de la très grande majorité des recommandations qu'avait présentées le Conseil de la langue française. Je me rappelle qu'en ma qualité de ministre de l'Éducation je fis, à l'époque, une étude attentive de l'avis et des recommandations que nous avait communiqués le Conseil de ta langue française.

En ce qui touche l'avis sur la francisation des entreprises, le président de l'Office de la langue française m'assure que cet avis fut l'objet d'une étude attentive à l'Office de la langue française et que les recommandations en furent généralement traduites dans des programmes et des mesures administratives appropriés.

En ce qui touche l'avis sur l'accord du lac Meech, nous tombons dans le domaine politique. Je pense bien que je n'ai pas à dire autre chose que de rappeler que l'Assemblée nationale adopta une loi - je pense que c'est en juin 1987, avant l'ajournement d'été - qui définissait la position du gouvernement. Je me souviens très bien que nous avons reçu l'avis du Conseil de fa langue française à ce moment-là. Nous l'avons considéré. Ce n'était pas nécessairement un avis qui nous liait à la lettre, mais le Conseil a été libre d'exprimer son avis. Il l'a fait avec l'indépendance qui doit le caractériser et ça n'a changé en rien sa vocation ou ses rapports avec le gouvernement.

L'avis sur l'informatisation est l'objet d'un examen actuellement. Il y a des parties qui touchent évidemment l'administration gouvernementale. J'ai demandé qu'on inscrive à l'ordre du jour de la prochaine réunion de la commission ministérielle des achats du gouvernement certaines recommandations qu'avait faites le Conseil et certaines recommandations du groupe de travail présidé par M. Laporte. À la prochaine réunion de la commission qui doit avoir lieu, je pense, la semaine prochaine, ce sujet figurera à l'ordre du jour. J'ai déjà transmis le rapport Laporte à M. le ministre des Approvisionnements et Services, le député de Crémazie. Soyez assuré que cette partie est l'objet d'un suivi attentif de la part du gouvernement.

Il y a l'avis sur l'affichage commercial qui a donné lieu aux conclusions que nous connaissons. Encore une fois, une fois qu'une décision politique a été prise, je pense que ça termine le débat en ce qui touche l'avis que nous avons reçu. Le gouvernement exprime sa position et on n'est pas obligés de la partager, mais à ce moment-là on peut dire au moins qu'il a agi.

Ensuite, il restait l'avis sur la loi C-72. Concernant C-72, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes a exprimé à maintes reprises la position du gouvernement et il a dit que, dans l'ensemble de ses dispositions, la loi C-72 est excellente. On a voulu la faire passer pour une loi perverse dans certains milieux québécois. C'est une excellente loi en ce qui touche l'avancement de l'égalité des langues dans l'appareil fédéral. Il ne faut pas oublier ce

point. En ce qui touche le rôle et les attributions du Commissaire aux langues officielles, c'est une loi qui renforce cette institution au lieu de l'affaiblir. Il y a une disposition dans la loi C-72 qui nous inquiète à Juste titre et c'est celle en vertu de laquelle le gouvernement fédéral peut s'arroger le pouvoir de verser des subventions à des organismes privés, à des entreprises pour la promotion de l'une des langues officielles dans l'une ou l'autre province du Canada. Concernant ce point-là, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes a déclaré à maintes reprises à l'Assemblée nationale que le Québec exigeait la conclusion d'un protocole avec le gouvernement fédéral, comme le prévoit la loi C-72, avant que le fédéral n'institue quelque action auprès de milieux privés au Québec. L'ancien Secrétaire d'État, M. Lucien Bouchard, s'était engagé à conclure un protocole avec le Québec et les négociations se poursuivent à ce sujet. À ma connaissance, aucune mesure du genre de celles que redoutent plusieurs milieux québécois, y compris les milieux gouvernementaux, n'a été prise dans le sens que nous redoutons à juste titre. Mon collègue a indiqué à maintes reprises, le premier ministre aussi, la volonté du gouvernement de demeurer vigilant à ce sujet. Je veux assurer le député que nous le demeurerons, mais nous ne voulions pas envoyer promener le bébé avec l'eau sale. Nous voulions garder le bébé. L'ensemble de la loi C-72, pour quelqu'un qui adhère le moindrement à l'option canadienne, est bon. Je l'ai soutenu en Chambre à maintes reprises, en particulier lors d'un débat que nous avons eu à ce sujet. Je n'ai jamais reçu de réponse le moindrement substantielle de l'Opposition sur ce point. Mais sur le point qui a fait l'objet d'inquiétudes, j'ai résumé la position du gouvernement et je continuerai moi-même, à titre de ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, de veiller à ce qu'il n'y ait pas d'ingérence du gouvernement fédéral dans ce secteur.

M. Filion: M. le Président, relativement à l'accord du lac Meech, je pense qu'on ne peut pas laisser passer ça, même s'il reste peu de temps. L'accord du lac Meech donne un pouvoir juridique au gouvernement fédéral d'agir auprès d'organismes privés ici au Québec. Vous nous dites: Le gouvernement...

M. Ryan: Pardon, c'est C-72. On ne pariait pas de l'accord du lac Meech.

M. Filion: Oui, pardon, C-72. Je m'excuse. L'entente du lac Meech donne le pouvoir de dépenser. Je pense que c'est important.

M. Ryan: Au Québec.

M. Filion: Oui, oui, l'entente du lac Meech donne le pouvoir de dépenser aussi, mais ne reprenons pas le débat constitutionnel.

M. Ryan: II donne le pouvoir de dépenser au Québec et le pouvoir du Québec de réclamer que des sommes qui seraient dépensées par Ottawa en vertu de son pouvoir de dépenser soient rendues au Québec, ce qui est très important.

M. Filion: On se comprend. Si on combine l'accord du lac Meech avec le projet de loi C-72, cela donne un encadrement juridique et une possibilité financière pour le gouvernement fédéral d'investir ici, au Québec, auprès d'organismes privés pour faire la promotion de la langue anglaise au Québec. Au gouvernement, depuis un an et demi ou à peu près, vous nous dites: Écoutez, on va conclure une entente avec le gouvernement fédéral pour être sûrs... Je peux donner une comparaison au ministre. C'est comme si on laissait s'installer une base de missiles chez le voisin et qu'on disait: On ne bouge pas parce qu'ils n'ont pas encore tiré sur nous. Si John F. Kennedy avait agi de façon semblable, je ne sais pas si on serait toujours dans le même univers. Alors, en ce qui concerne la loi C-72, la mollesse du gouvernement à l'égard d'une loi claire du côté fédéral est totalement inacceptable, M. le Président.

Puisqu'on parle des avis du Conseil de la langue française, on sait que le prédécesseur du ministre actuel voulait exiger que chaque étude entreprise par le Conseil soit d'abord approuvée par le ministre. Je pense que le ministre actuel a écarté cette possibilité de la main. Cependant, dans son discours sur la motion que j'ai présentée à l'Assemblée nationale au mois de mars, le ministre disait ceci et je le cite textuellement, car ça me préoccupe: J'exigerais à juste titre que ces organismes - Conseil, Commission, Office -agissent en complète conformité avec les orientations définies par le législateur - c'est tout à fait normal - et le gouvernement. Je voudrais savoir du ministre en quoi le Conseil de la langue française doit agir comme l'entend le gouvernement.

M. Ryan: Voici à quoi se réfèrent ces propos que je suis reconnaissant au député de Taillon de rappeler à notre attention. À l'article 189 de la Charte de la langue française, il est prévu que le Conseil peut recevoir et entendre les observations et suggestions des individus et des groupes concernant les questions pour lesquelles il a mandat. Ensuite, il est prévu ceci: avec l'assentiment du ministre, il peut entreprendre l'étude de questions se rattachant à la langue et effectuer ou faire effectuer des recherches appropriées.

Ce que je disais ce matin, c'est qu'il n'y avait pas eu beaucoup de contacts ces dernières années pour des raisons diverses. Nous avons rétabli le contact. J'ai rencontré les autorités du Conseil récemment et nous avons convenu que,

chaque année, nous nous retrouverions autour de la table pour examiner ta programmation du Conseil en matière de recherches et que le ministre pourrait exprimer son avis sur ces choses, comme l'y autorise la loi. Je leur al dit à part cela: La loi m'autorise à donner ou à ne pas donner mon assentiment, mais je n'entends pas aller aussi loin que cela si vous avez des bons projets de recherche. Moi, ça va faire mon affaire. Je veux que les projets de recherche soient bons, qu'ils soient valables et, après cela, ils vont se faire en toute liberté.

C'est dans ce sens-là que j'avais inséré ces propos dans mon allocution de ce matin. Ça faisait directement renvoi au paragraphe b de l'article 189 de la loi 101 en ce qui touche le Conseil de la langue française. Nous nous sommes très bien expliqués là-dessus et je pense que M. le président, à qui je saurai gré de son ouverture d'esprit et de son désir de collaboration exemplaire, a très bien compris ce que j'ai voulu dire. J'ai aussi très bien compris les attentes et les aspirations du conseil. Je pense que nous ferons excellent ménage.

Comme nos travaux tirent tout à fait à leur fin, M. le Président, je ne voudrais pas courir le risque ne plus avoir la parole pour dire que j'apprécie au plus haut point également la collaboration que nous recevons de l'Office de la langue française, de son président et de ses collaborateurs et collaboratrices, ainsi que de la Commission de protection de la langue française. Je regrette que nous n'ayons pas eu le temps de discuter aujourd'hui de la Commission de toponymie du Québec dont le président nous accompagne également et dont nous apprécions tous vivement, je pense, l'excellent travail. Je pense que nous avons une panoplie d'organismes qui accomplissent déjà un travail très enrichissant pour le Québec. Je pense qu'on peut accomplir un travail encore meilleur dans l'esprit constructif et réaliste qui m'apparaît essentiel pour le succès même de l'entreprise que définit la Charte de la langue française.

Le Président (M. Trudel): M. le député.

M. Filion: Oui, en terminant, M. le Président, le ministre me permettra de rafraîchir sa mémoire et de lui rappeler que lorsque le Conseil de la langue française a voulu entreprendre une étude sur la langue de service, sa prédécesseure était contre cette idée et cela avait occasionné un tas de problèmes. Enfin, je prends note des paroles du ministre, pour le plus grand bien du Conseil, espérons-le.

Vu que nous en sommes à la toute fin de nos travaux, je voudrais remercier le président de la Commission de toponymie et également le président de la Commission d'appel pour leur patience devenue légendaire, parce qu'à toutes les études de crédits, depuis les quatre dernières années, je me suis toujours promis de fouiller ça, mais je suis sûr qu'ils comprendront que les actions et Inactions du gouvernement libéral, selon les dossiers, me laissent peu de place à des considérations que j'aurais voulues plus profondes sur ces dossiers, qui m'intéressent, mais je peux les assurer que nous lisons attentivement tous leurs propos.

Je voudrais également remercier les présidents et la présidente des organismes pour ce pèlerinage annuel, démocratique, parlementaire, où les élus du peuple sont censés vérifier de quelle façon on dépense ou on ne dépense pas l'argent des contribuables dans certains secteurs.

Je voudrais, bien sûr, vous remercier, M. le Président, remercier les membres de cette commission pour leur patience à mon égard et remercier le ministre responsable, le ministre de l'Éducation. On sait qu'il a plusieurs chapeaux à porter et je lui dis merci d'avoir bien voulu porter ce chapeau de ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française durant cette bonne journée.

Mes derniers propos, étant donné que c'est probablement la dernière étude des crédits cette année, sont pour remercier mon bras droit, Me Stéphane Dolbec, qui effectue depuis déjà plusieurs années à mes côtés un travail remarquable. L'Opposition n'est pas équipée comme les ministres, mais nous avons su développer au cours des années des méthodes de travail très productives, très fructueuses, qui nous ont permis, je pense, de faire le tour de piste approprié sur ce dossier qui est très important et qui continuera de l'être. Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Taillon. M. le ministre.

M. Ryan: Seulement un mot pour remercier également d'abord votre personne, M. le Président, pour la présidence très digne et efficace que vous assurez, les membres de la commission, le député de Taillon, cela va de soi, pour l'intérêt constant qu'il porte à la qualité de la langue et la grande distinction avec laquelle il s'acquitte de son rôle ingrat de critique de l'Opposition que nous avons connu, nous aussi, pendant longtemps, et mes collègues du côté ministériel. Je souligne toujours en fin de commission, M. le Président, la grande compréhension des députés ministériels qui auraient beaucoup de questions à poser mais qui ne les posent pas parce qu'ils ont du respect pour l'Opposition, parce qu'ils veulent donner la chance à l'Opposition. La journée de l'étude des crédits, on dit toujours que c'est une journée par excellence pour l'Opposition, et j'apprécie que le député de Taillon n'ait pas eu de remarques sarcastiques comme on en entend parfois au sujet de la discrétion des députés ministériels qui s'abstiennent d'intervenir, plus souvent qu'autrement, par respect pour l'Opposition à qui, en ce jour spécial, on reconnaît plus de droits que ne lui en donne même le règlement. En tout cas,

cela s'est fait dans un climat que j'apprécie beaucoup. Je peux vous assurer que nous allons travailler fort pour que les objectifs de la loi 101 se réalisent encore mieux. Je ne promets pas la perfection, mais des améliorations.

M. Filion: M. le Président, je sais que le ministre ne promet pas la perfection, mais j'ai bien noté qu'il pourrait peut-être, après les élections, jeter un coup d'oeil sur le projet de loi 191.

Le Président (M. Trudel): Merci, tous les programmes sont adoptés. Alors, la commission ayant accompli son mandat ajourne ses travaux sine die. Merci, M. le ministre.

(Fin de la séance à 18 h 5)

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