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(Dix heures vingt et une minutes)
Le Président (M. Trudel): Je constate qu'il est 10 h 20 et
que nous devons entreprendre l'étude des crédits
budgétaires des organismes relevant du ministre responsable de
l'application de la Charte de la langue française pour l'année
financière 1989-1990. Je rappelle que l'ordre de la Chambre stipule que
nous devions siéger, ce matin, à compter de 10 heures
jusqu'à 12 h 30 et de 15 h 30 à 18 heures, pour une durée
totale prévue de cinq heures. Mme la Secrétaire, est-ce qu'il y a
des remplacements?
La Secrétaire: Mme Harel (Maisonneuve) est
remplacée par M. Filion (Taillon).
Le Président (M. Trudel): Alors, M. Filion (Taillon)
remplace Mme Harel (Maisonneuve). M. le ministre, tout en vous souhaitant la
bienvenue ainsi qu'au personnel qui vous entoure, je vous rappelle rapidement
les règles du jeu. Vous avez des remarques préliminaires à
faire que nous entendrons le temps qu'il le faudra. Je pense d'ailleurs que le
texte vient d'être distribué aux membres de la commission.
Suivront des remarques préliminaires de la part du député
de Taillon, responsable de cette question du côté de l'Opposition.
Si vous jugez bon de le faire, avant que nous nous engagions dans
l'étude de vos crédits, élément de programme par
élément de programme, vous pouvez faire une réplique si
vous le jugez nécessaire.
M. le ministre, je vous cède immédiatement la parole pour
une période réglementaire plutôt élastique.
Remarques préliminaires M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, j'aurais souhaité qu'une
période de temps plus longue me soit accordée entre le moment de
ma nomination comme ministre responsable de l'application de la Charte de la
langue française et celui de la défense, devant cette commission,
des crédits réservés à l'application de la
politique linguistique du gouvernement. Une période de rodage plus
longue m'eût permis de me familiariser davantage avec les
mécanismes nombreux et complexes qui règlent l'application
quotidienne de la charte. Elle m'eût permis d'aborder avec plus d'aisance
les questions que ne manqueront pas de m'adresser les membres de la commission.
Comme nous pourrons par ailleurs compter sur la présence à mes
côtés des dirigeants des principaux organismes chargés de
l'application de la charte, nous aurons sans doute des échanges de vues
substantiels et constructifs. J'assure, pour ma part, les membres de la
commission de mon entière collaboration et de celle des personnes qui
m'accompagnent. Je porterai une attention active aux suggestions que les
députés voudront adresser au gouvernement par mon entremise.
Ayant déjà eu l'occasion, lors d'un débat qui a eu
lieu en Chambre à la mi-mars, de préciser les grandes
orientations de la politique linguistique du gouvernement pour les mois
à venir, je n'entends pas reprendre en détail les propos que je
tenais alors. Je me bornerai à rappeler brièvement deux
orientations qui me semblent plus directement reliées à
l'exercice de l'étude annuelle des crédits.
Tout d'abord, la langue française, de tous les biens qui sont
communs à tous les Québécois, est sans doute, avec le
territoire magnifique dont la nature nous a dotés, l'un des plus
précieux, sinon le plus précieux. Il en va de même de la
loi que nous nous sommes donnée pour assurer le respect et
l'épanouissement de notre langue. Ainsi que je le déclarais le 15
mars, la loi 101 fait désormais partie de notre héritage commun,
de cette substance collective que nous voulons posséder, cultiver et
promouvoir ensemble. Je réitère, en conséquence,
l'engagement que je prenais alors de faire en sorte que la loi 101 soit
appliquée consciencieusement et activement, d'une manière
à la fois efficace, intelligente, judicieuse et humaine.
Étant donné la nature même de l'objet sur lequel
porte la loi 101, les tâches d'éducation en profondeur, de
formation de l'opinion et de développement des attitudes auront toujours
la priorité dans mon esprit sur les tâches de nature coercitive ou
organisationnelle. Mais il faudra aussi veiller à ce que la
volonté du législateur se réalise concrètement. Le
gouvernement entend s'acquitter de sa responsabilité à cet
égard. Plus on analyse la loi 101, plus on découvre l'importance
du rôle que le législateur a voulu confier à des organismes
spécialement constitués à cette fin. À entendre les
questions et les reproches que l'on adresse parfois au gouvernement, on serait
tentés de croire que la responsabilité de tous les actes faits au
nom du gouvernement en matière linguistique doit être
imputée directement et formellement au seul ministre responsable de
l'application de la charte.
Cette façon de voir ne me semble pas conforme à la
volonté que le législateur a voulu exprimer dans la loi 101. Le
ministre est certes responsable, au nom du gouvernement et devant
l'Assemblée nationale, de l'application efficace et fidèle de la
loi. Mais, sur la plupart des aspects visés par le législateur,
l'application quotidienne de la loi a été confiée à
des organismes munis à cette fin d'une existence propre, de structures,
d'attributions et de pouvoirs précis ainsi que d'une marge substantielle
d'autonomie. Ce partage
de responsabilités pourra requérir éventuellement
des ajustements particuliers quant aux attributions et aux modes de
fonctionnement de chaque organisme. Il me paraît toutefois sain dans son
économie générale. Par la nette distinction qu'il
établit entre la direction politique du dossier linguistique et la
direction administrative d'un certain nombre de fonctions définies par
le législateur, ce partage constitue un frein contre le danger de la
politisation excessive du dossier. Il est un gage d'objectivité et de
continuité dans le traitement des dossiers.
Sans fermer la porte à d'éventuels ajustements, je
souscris, en conséquence, au principe fondamental du partage des
tâches suivant les lignes générales que définit la
loi 101. Il m'est d'autant plus agréable de le faire qu'ayant eu
l'occasion depuis quelques semaines de rencontrer à diverses reprises
les dirigeants de l'Office de la langue française, de la Commission de
protection de la langue française, du Conseil de la langue
française et de la Commission de toponymie du Québec, j'ai
trouvé chez tous une attitude de véritable engagement au service
des objectifs de la charte et une volonté sincère de
collaboration avec le gouvernement. Je veux de nouveau assurer chacun de ces
organismes de mon respect et de ma collaboration. J'exigerai de chacun qu'il
s'acquitte avec efficacité et compétence des tâches que lui
a confiées le législateur. J'exigerai que chacun agisse en
conformité avec les orientations définies par le
législateur et le gouvernement. Je veillerai cependant à ce que
chaque organisme dispose de la marge raisonnable de latitude et d'initiative
que requiert le service de son mandat. Je verrai aussi à assurer des
communications faciles et fréquentes entre chaque organisme et le
gouvernement.
A l'occasion de cet exercice, je serai accompagné, pour l'examen
des crédits relatifs à chaque programme, par les dirigeants des
organismes concernés. Les députés pourront ainsi, à
l'occasion de chaque programme, obtenir les précisions qu'ils jugeront
nécessaires concernant les projets ou le plan d'action de chaque
organisme. Conscient de l'éclairage que pourront procurer ces
échanges, je me bornerai, dans les remarques qui suivent, à
indiquer les grandes orientations que le gouvernement entend donner au dossier
linguistique au cours de l'année 1989-1990. Ces orientations porteront
sur l'application des dispositions relatives à l'affichage, à la
francisation des entreprises et aux services destinés aux
communautés culturelles.
Étant donné les innombrables débats auxquels elle a
donné lieu au cours des derniers mois, l'application des dispositions
relatives à l'affichage commercial sera l'objet d'une attention
spéciale au cours des mois à venir. En ce qui touche l'affichage
extérieur, un bref rappel suffira. L'affichage extérieur se fera
uniquement et exclusivement en français dans toutes les entreprises,
partout au Québec. Partout donc, sauf dans certains cas précis
que définissent d'autres articles de la charte, l'affichage
extérieur sera obligatoirement et exclusivement en français.
En ce qui touche l'affichage intérieur, la règle de
l'affichage rédigé exclusivement en français continuera de
s'appliquer pour tous les commerces visés par l'article 58 de la charte,
c'est-à-dire pour les centres commerciaux et leurs accès; pour
les moyens de transport public et leurs accès; pour les
établissements comptant plus de 50 employés; pour les entreprises
comptant plus de 5 employés lorsqu'elles partagent avec d'autres
entreprises l'usage d'une marque de commerce, d'une raison sociale ou d'une
dénomination servant à les identifier auprès du
public.
Pour les entreprises comptant moins de 50 employés, l'affichage
intérieur devra toujours et partout être fait en français.
En vertu de la loi 178, l'affichage intérieur pourra toutefois
être fait aussi dans une autre langue, à condition que le
français figure toujours de manière nettement
prédominante. La disposition clé est ici celle qui oblige
à la nette prédominance partout où est permis l'affichage
dans une autre langue.
Vu l'importance de cette disposition, il faut qu'il n'existe à ce
sujet aucune ambiguïté, aucune confusion, aucun flottement, il
importe tout autant d'éviter les prescriptions tatillonnes qui
risqueraient de tourner en ridicule la volonté du législateur que
de laisser flotter une atmosphère de vague qui conduirait rapidement
à la confusion. Après avoir examiné tous les aspects du
problème, le gouvernement a conclu, ces jours derniers, qu'il sera
très utile d'édicter à cette fin un règlement
souple, concret et simple d'application. Un règlement indiquera de
manière plus nette, plus ferme et plus stable la volonté du
gouvernement d'assurer la mise en oeuvre efficace et ordonnée de la
décision du législateur. Il comportera des normes publiques,
lesquelles auront donné lieu, avant leur application, à un
tamisage public d'une durée de 60 jours. Il aura une force contraignante
incontestable, ce qui ne serait pas le cas d'une simple directive. Il
contribuera à baliser l'interprétation que les tribunaux
pourraient être, éventuellement, appelés à donner du
concept de nette prédominance. Pour les responsables
d'établissements tout autant que pour les organismes chargés
Immédiatement de l'application de la charte, II constituera un guide
pratique émanant de l'autorité politique, et non pas des seuls
techniciens de l'administration, et son poids sera plus grand, en
conséquence, que s'il s'agissait d'une simple directive. Le
règlement approuvé ces jours derniers par le gouvernement sera
publié très prochainement dans la Gazette officielle.
Après quoi, conformément à la loi 101, une
période de 60 jours devra Intervenir avant l'entrée en vigueur du
règlement.
Au plan concret, la loi 178 est déjà en vigueur. Tous ceux
qui auront déjà voulu s'y conformer de bonne foi
n'éprouveront aucune peine particulière à se conformer
également au
nouveau règlement qui ne fera qu'expliciter ce que disait
déjà la loi en termes plus généraux. Afin de
faciliter la mise en oeuvre efficace et judicieuse de l'article 58. 1 de la
charte, j'adresse à tous les propriétaires et responsables
d'établissements commerciaux la double invitation que voici: tout
d'abord, j'invite les propriétaires et responsables
d'établissements à appliquer dès maintenant, dans les
établissements dont ils ont la responsabilité, les dispositions
de la loi 178 relatives à l'affichage. En second lieu, j'invite les
dirigeants et responsables d'établissements commerciaux à me
faire part de tout commentaire, de tout avis, de toute suggestion qu'ils
voudront me communiquer concernant le projet de règlement qui sera
publié bientôt. La responsabilité de veiller à la
loi et aux règlements relatifs à l'affichage incombe, au premier
chef, à la Commission de protection de la langue française.
J'invite la commission à agir avec efficacité, clarté,
tact et fermeté. Je l'assure de mon appui et de ma collaboration.
Un deuxième chantier prioritaire sera, pour le gouvernement, la
francisation des milieux de travail. Depuis mon entrée en fonction comme
ministre responsable de l'application de la Charte de la langue
française, j'ai eu de multiples contacts avec ta direction de l'Office
de la langue française et de la Commission de protection de la langue
française. J'ai rencontré le président du Conseil de la
langue française et ses principaux collaborateurs, le président
de la Commission de toponymie du Québec et j'ai eu, ces jours derniers,
des contacts fructueux avec des dirigeants de la FTQ et de la CSN. J'ai
également causé avec de nombreuses personnes oeuvrant dans les
milieux patronaux. J'ai enfin pu prendre connaissance du rapport substantiel et
très constructif d'un groupe de travail sur le français langue du
travail, qu'avait opportunément créé mon
prédécesseur, M. Guy Rivard, sous la présidence de M.
Pierre-Etienne Laporte, président de l'Office de la langue
française. À la lumière de ces premières
discussions, je n'ai aucune hésitation à conclure que la
francisation des milieux de travail doit être une priorité majeure
du gouvernement au cours des mois à venir.
En se fondant sur les résultats obtenus depuis l'entrée en
vigueur de la charte, le groupe de travail présidé par M. Laporte
estime que la plupart des entreprises de 50 employés et plus auront
normalement acquis un certificat de francisation d'Ici à 1993. Mais il
ne suffit pas, ajoute à juste titre le groupe de travail, qu'une
entreprise détienne un certificat de francisation. Il faut surtout
qu'elle fonctionne et vive en français après avoir obtenu le
certificat de francisation. Il faut que la francisation y devienne habituelle
et durable, c'est-à-dire permanente. Dans cette perspective, l'obtention
du certificat de francisation n'est qu'une première étape.
Assurer la profondeur, la qualité et la durée du processus de
francisation, telle doit âtre la priorité des années
à venir. J'ai demandé à l'Office de la langue
française de mettre de plus en plus l'accent sur cette dimension de sa
mission dans son travail auprès des entreprises.
J'accueille avec non moins d'intérêt une autre proposition
du groupe de travail, voulant que le concept d'imputabilité et les
mesures qui doivent logiquement en découler président de plus en
plus à la démarche de francisation des entreprises. Il faut que
l'objectif de la francisation soit de plus en plus intégré
à la vie normale de l'entreprise. Ce projet se réalisera dans la
mesure où, chaque année, le programme de francisation se verra
fixer des objectifs précis et attribuer des moyens concrets d'action,
tout comme les autres secteurs de l'entreprise, et dans la mesure où
l'on procédera périodiquement à une vérification
rigoureuse du travail accompli et des résultats obtenus.
Une dimension importante du processus de francisation des milieux de
travail réside dans la participation des travailleurs. La francisation
n'est pas uniquement le fait des employeurs; elle concerne tout autant les
salariés. Le rapport Laporte constate que les travailleurs ont
été jusqu'à ce jour trop peu associés au processus
de francisation. Souvent, Us ont été tenus à
l'écart du processus; non moins souvent, ils n'ont été
informés qu'à moitié de ce qui se passait. Afin de
remédier à cette situation, l'Office de la langue
française sera invité à accorder une attention
particulière au rôle des comités de francisation dans les
entreprises et à la participation des travailleurs au sein de ces
entreprises.
Les trois centrales syndicales ont témoigné de diverses
façons, ces dernières années, d'un vif
intérêt pour le dossier linguistique. Il me fait plaisir
d'informer la commission parlementaire que les subventions que le gouvernement
accorde à cette fin aux centrales syndicales connaîtront, en
1989-1990, une augmentation substantielle. Elles passeront de 150 000 $
à 250 000 $. J'ai en outre prévenu les centrales que des
crédits additionnels seront réservés pour l'appui
financier du gouvernement à des projets précis qu'elles voudront
soumettre dans le but de promouvoir une participation plus active des
travailleurs au processus de francisation. Cet appui pourra également
être disponible pour des projets en provenance d'autres sources.
Le travail des mois à venir autour de la francisation dans le
milieu de travail s'engage sous des auspices encourageants. Il pourra, en
effet, s'appuyer sur un document, soit le rapport Laporte, qui a donné
lieu à un accord presque unanime entre les organismes syndicaux,
patronaux et gouvernementaux qui formaient, à représentation
égale, le groupe de travail présidé par M. Laporte. J'ai
pu me rendre compte, à l'occasion de mes conversations récentes
avec les dirigeants de la FTQ et de la CSN, qu'ils donnent la même
interprétation que moi des conclusions du rapport et qu'ils sont
prêts à tra-
vailler à leur application dans le même esprit.
En plus des crédits accrus dont bénéficieront, en
1989-1990, les organismes institués par la charte et dont il sera
question plus loin, le gouvernement a prévu que des crédits
additionnels de 17 500 000 $ seront réservés à des
programmes directement reliés à la promotion du français
dans divers secteurs de l'activité collective. Déjà, une
somme de 7 500 000 $ a été attribuée à la ministre
de l'Immigration et des Communautés culturelles pour des programmes de
francisation auprès des immigrants.
À même les crédits de 10 000 000 $ dont la gestion
m'a été directement confiée, j'emploierai une partie
importante des sommes disponibles à des fins directement reliées
à l'éducation. L'intégration des nouveaux venus à
la culture québécoise ne saurait être un processus bref et
artificiel. Elle implique, au contraire - toutes les études faites sur
le sujet l'établissent abondamment, autant aux États-Unis qu'au
Canada - un cheminement long qui s'étend au moins sur deux
générations. Dans ce cheminement, le rôle
intégrateur dévolu au système d'enseignement est capital.
Au cours des prochaines années, le rôle des écoles sera de
plus en plus important à cet égard, vu qu'une proportion sans
cesse plus importante de la clientèle scolaire provient
déjà des communautés culturelles, et continuera ainsi dans
l'avenir.
En 1989-1990, des crédits additionnels de 4 500 000 $ seront
attribués au ministère de l'Éducation afin de seconder
l'action des commissions scolaires qui comptent parmi leur clientèle une
proportion significative d'élèves en provenance des
communautés culturelles. L'aide offerte aux commissions scolaires visera
à favoriser un meilleur soutien pédagogique à l'intention
des élèves qui passent des classes d'accueil et de francisation
à des classes régulières. Environ la moitié des
quelque 10 000 élèves inscrits dans des classes d'accueil et de
francisation auront ainsi besoin de soutien et d'accompagnement au stade de
l'intégration en classes régulières. Cette aide visera
aussi à fournir un soutien pédagogique et des moyens de
perfectionnement au personnel enseignant appelé à desservir une
clientèle de plus en plus multiculturelle et, enfin, à promouvoir
le français auprès des parents allophones et à
établir de meilleurs rapports entre ces parents et l'école. Cette
dernière proposition m'est venue d'un colloque tenu sous les auspices de
la Commission des écoles catholiques de Montréal il y a quelques
semaines, auquel j'avais le plaisir de participer.
À l'intention de la population anglophone, les commissions
scolaires offrent déjà de nombreux services visant à
faciliter l'apprentissage du français, autant dans le secteur
régulier que dans celui de l'éducation des adultes. Le
gouvernement apprécie vivement ce travail des commissions scolaires et
veut l'épauler davantage. Le ministère de l'Éducation se
voit attribuer des crédits de 500 000 $ pour la production de
matériel pédagogique à l'intention des commissions
scolaires qui offrent des cours d'immersion en français. Le
ministère de l'Éducation disposera d'un autre montant de 350 000
$ pour l'amélioration de l'offre de cours gratuits en français
langue seconde à l'intention de la population adulte de langue
anglaise.
À même les crédits du ministère de
l'Éducation, le gouvernement renouvellera, en 1989-1990, son appui
financier au plan d'action visant au renforcement du français langue
maternelle dans les écoles publiques de niveaux primaire et secondaire.
On se souviendra qu'il s'agit d'un plan d'action de trois ans pour lequel des
crédits récurrents ont été prévus chaque
année, et ces crédits ont été mentionnés
lors de l'étude des crédits du ministère de
l'Éducation. Mais, aux crédits déjà prévus
à cette fin dans le budget régulier du ministère de
l'Éducation, viendront s'ajouter, en 1989-1990, des crédits
additionnels de 350 000 $ à l'intention des établissements
privés, lesquels avaient été tenus à l'écart
des avantages financiers offerts aux commissions scolaires par le plan
d'action.
Le secteur collégial se voit attribuer, pour sa part, des
crédits additionnels de 1 500 000 $ pour l'appui aux mesures de soutien
pédagogique instituées par des collèges de plus en plus
nombreux à l'Intention des étudiants qui éprouvent des
difficultés en français.
Le solde du budget de 10 000 000 $ confié au ministre responsable
de l'application de la charte sera consacré à la
réalisation de projets ou de programmes émanant tantôt
d'autres secteurs de l'administration, par exemple, pour la promotion de la
qualité du français dans les ministères et autres
organismes, l'accessibilité des services à l'intention des
clientèles des communautés culturelles, la production de
matériel et d'outils de communication destinés à favoriser
la présence du français dans les secteurs de pointe, etc., mais
ces projets pourront également émaner d'organismes
immédiatement chargés de l'application de la charte. Cela
comprend les quatre organismes qui sont avec mol. Nous pourrons examiner des
projets spéciaux qu'ils pourraient être amenés à
nous soumettre au cours de l'année, en plus des crédits qui leur
ont déjà été attribués. (10 h 45)
J'en viens maintenant aux quatre organismes responsables de
l'application de la charte. Ces organismes, dont relève en grande partie
l'application de la charte, se sont vu attribuer ensemble des crédits de
23 243 000 $ pour 1989-1990. Ce montant signifie une augmentation de 6, 6 % par
rapport aux crédits de 1988-1989 et une augmentation de 6 % par rapport
aux dépenses probables de 1988-1989. L'accroissement des ressources
accordées aux quatre organismes chargés de l'application de la
charte est sensiblement plus élevé que le niveau moyen
d'augmentation des dépenses gouvernementales pour la prochaine
année. Ce fait en dit plus long que
bien des discours sur les intentions du gouvernement.
À titre d'artisan principal de l'application de la charte,
l'Office de la langue française se voit attribuer des crédits de
17 341 000 $, soit 7 % de plus qu'en 1988-1989. À l'aide de ces
ressources accrues, l'office pourra mieux s'acquitter de sa mission aux volets
multiples, laquelle comporte, entre autres, la promotion du statut et de la
qualité du français dans les entreprises, dans l'administration
et dans la société québécoise en
générai. Ainsi que je l'ai déjà souligné,
l'Office de la langue française sera invité à porter une
attention particulièrement active à la francisation des
entreprises.
La Commission de protection de la langue française se volt
attribuer, pour sa part, des crédits de 1 904 000 $ pour 1989-1990, soit
une augmentation de 6, 48 % par rapport aux crédits de 1988-1989. Par
suite des clarifications apportées par le jugement de la Cour
suprême dans l'affaire Brown, puis par l'Assemblée nationale avec
la loi 178, la Commission de protection de la langue française a
été appelée à faire maison nette dans la plupart de
ses dossiers accumulés des années antérieures. Elle aura
la redoutable tâche de veiller à ce que la loi 101 soit
appliquée conformément à la volonté du
législateur. Nous comptons doter la commission d'un système
informatisé de traitement des plaintes, de manière à
raccourcir les délais qui surviennent entre la réception d'une
plainte et le traitement du dossier par la commission.
Le Conseil de la langue française se voit attribuer des
crédits de 2 448 000 $ en 1989-1990, soit une augmentation de 5, 02 %
par rapport à 1988-1989. Le gouvernement entend faire en sorte que le
conseil dispose de toute la liberté nécessaire pour faire part au
gouvernement de ses avis sur les termes reliés à son mandat. Le
conseil aura avantage, par contre, à cibler de manière mieux
concertée ses projets de recherche. La loi prévoit, à ce
sujet, des consultations entre le conseil et le ministre. Ces consultations ont
déjà commencé. Elles se poursuivront au cours des mois
à venir. Je compte également solliciter assez fréquemment
l'avis du conseil sur des sujets jugés importants par le
gouvernement.
Des quatre principaux organismes créés en vertu de la
Charte de la langue française, la Commission de toponymie du
Québec est peut-être le moins connu. Elle n'en accomplit pas moins
un travail très significatif pour la beauté et l'harmonie
culturelle du paysage québécois. La commission a
déjà terminé l'inventaire et l'officialisation de plus de
60 % des toponymes existant dans les régions habitées du
Québec. Elle franchira de nouveaux pas vers la réalisation
complète de ce programme en 1989-1990. La commission terminera aussi, au
cours de cette année, l'opération d'inventaire et de
normalisation en vue de l'officialisation des noms des voies de communication
des municipalités du
Québec. La commission prépare également un
dictionnaire des noms de lieux du Québec. La commission s'est vu
attribuer des crédits de 1 538 000 $ pour 1989-1990, soit une hausse de
5, 8 % par rapport aux crédits de 1988-1989.
Un nouvel organisme est venu se greffer, au cours de la dernière
année, à la panoplie des organismes directement chargés de
l'application de la Charte de la langue française. L'application de la
charte est confiée en dernière analyse, comme il se doit,
à un ministre mais celui-ci, jusqu'à l'an dernier, ne disposait
d'aucun équipement technique, d'aucun soutien administratif pour
l'accomplissement de son mandat, il devait dépendre d'un autre
ministère. Mon prédécesseur, M. Guy Rivard, a heureusement
veillé à combler cette carence en obtenant du gouvernement la
création d'un Secrétariat à la politique linguistique.
Créé en 1988, le Secrétariat a pour fonction de soutenir
administrativement le ministre dans son rôle visant à
l'application de la charte, d'assurer la coordination interministérielle
et le suivi de l'action gouvernementale dans le dossier linguistique et aussi
d'assister les organismes de la langue dans leurs rapports avec les
ministères et les organismes du gouvernement.
Le Secrétariat s'est vu attribuer pour 1989-1990 des
crédits de 2 073 000 $. Je remercie M. Jean-Claude Rondeau, qui
était, jusqu'à ces derniers temps, sous-ministre adjoint à
la Direction des réseaux au ministère de l'Éducation et
qui accomplissait dans cette fonction un excellent travail, d'avoir
accepté la direction du Secrétariat. En acceptant cette fonction,
M. Rondeau, en plus de faire montre d'un désintéressement qu'a
vivement apprécié le gouvernement, a rendu un très grand
service à la cause que nous voulons promouvoir ensemble. Le
Secrétariat veillera à seconder le ministre, à assurer sa
présence efficace dans le dossier de la langue, à favoriser un
lien harmonieux entre les ministères et les organismes chargés de
l'application de la charte. Il n'est aucunement question de faire du
Secrétariat une institution parallèle qui viendrait concurrencer
ou doubler l'action des organismes Institués en vertu de la loi 101. Le
Secrétariat veillera, au contraire, à s'assurer que l'action
gouvernementale, y compris, cela va de soi, celle des organismes chargés
de l'application de la charte, se poursuive dans l'harmonie, la
complémentarité, l'efficacité, la collaboration et
l'unité.
En guise de conclusion, je veux réitérer avec force la
volonté et l'engagement du gouvernement dans le dossier de la langue. Le
gouvernement veut que les objectifs définis dans la loi 101 se
réalisent. Il veut que le français devienne la langue normale et
habituelle de la vie commune au Québec. Parce qu'il croit aux objectifs
définis dans la loi et veut en promouvoir la réalisation, le
gouvernement consacrera cette année, à la mise en oeuvre de ses
objectifs, des sommes supérieures de près de 100 % à
celles qui
étalent disponibles l'an dernier. Ces ressources accrues
serviront surtout à promouvoir la francisation dans des secteurs
particulièrement névralgiques, notamment l'accueil et les
services éducatifs auprès des immigrants et la francisation des
milieux de travail. Mais l'action doit se poursuivre sur tous les fronts, dans
tous les champs d'activité. À tous ceux et à toutes celles
qui se consacrent à cette action, autant à titre professionnel
qu'à titre bénévole, surtout à celles et à
ceux qui oeuvrent dans le secteur particulièrement important de
l'entreprise, le gouvernement exprime sa solidarité et son appui. Aux
yeux du gouvernement, il n'est pas de meilleure manière de servir le
Québec aujourd'hui que de consacrer son énergie au renforcement
de la langue commune des Québécois, le français.
Le gouvernement invite cependant les Québécois et les
Québécoises à se souvenir aussi que le français
sera fort au Québec dans la mesure où le Québec tout
entier sera fort et, en particulier, dans la mesure où la santé
économique du Québec et la santé générale de
nos institutions pourront permettre de dégager les ressources dont nous
aurons longtemps besoin afin d'assurer la force et le rayonnement du
français dans tous les secteurs de l'activité personnelle et
collective.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. Je
cède maintenant la parole à M. le député de
Taillon.
M. Claude Filion
M. Filion: Merci, M. le Président. Je voudrais, bien
sûr, tout d'abord souhaiter la bienvenue au député
d'Argenteuil, titulaire, on le sait, de plusieurs ministères, qui a
plusieurs chapeaux à porter et qui est, entre autres, ministre de
l'Éducation et responsable de l'application de la Charte de la langue
française. Je voudrais également étendre cette bienvenue
à Mme la présidente et aux présidents d'organisme qui
accompagnent le ministre ainsi qu'à toute l'équipe qui entoure le
ministre de l'Éducation.
Vous me permettrez, M. le Président, de faire tout d'abord
certains commentaires relativement aux chiffres rendus publics ce matin par le
ministre par voie de communiqué de presse. D'abord, en ce qui concerne
les crédits eux-mêmes, il est Important de signaler qu'en dollars
constants le budget dévolu aux organismes chargés de
défendre et de promouvoir la langue française, de 1985 à
1989 - en dollars constants parce qu'il serait farfelu de ne pas tenir compte
du coût de la vie - est diminué, malgré les belles paroles
du ministre, de 5, 6 %. Là-dessus, on retrouve une diminution, en ce qui
concerne l'Office de la langue française, de 5, 5 %. La diminution en ce
qui concerne le Conseil de la langue française est de 13 %. C'est
là la réalité des chiffres.
Deuxièmement, le ministre nous annonce dans son discours et dans
le communiqué de presse de ce matin... D'abord, il parie de 17 500 000 $
pour la promotion du français, nous dit-Il, dans son discours
d'ouverture. Il est important de faire le point sur ce montant de 17 500 000 $.
D'abord, 7 500 000 $ servent au budget du ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration, montant qui a
été annoncé à peu près à huit
reprises - je vois le ministre sourire, mais c'est à peu près
exact, me dit mon recherchiste - dont une fois par le premier ministre
lui-même qui reprochait aux journalistes de ne pas en parler.
Ce matin, je vois que le ministre responsable de l'application de la
Charte de la langue française a bien écouté le message du
premier ministre, de sorte qu'il nous ressert un montant de 7 500 000 $ qui ira
pour les communautés culturelles. Là-dessus, je dois signaler
que, si l'on étudie les dépenses par immigrant au Québec
en dollars constants encore une fois, parce que c'est extrêmement
important, en ce qui concerne l'immigration totale, incluant francophones et
non-francophones, on en arrive, en 1985, à une dépense de 632 $
par immigrant et, en 1989-1990, à une dépense de 564 $, donc une
diminution d'environ, à l'oeil, 15 %. Cela Inclut le montant de 7 500
000 $ dont nous parle le gouvernement à plusieurs reprises.
Toujours au chapitre de l'Immigration, si l'on étudie les
dépenses par immigrant non francophone, parce que ce sont surtout eux
qui sont visés par les programmes d'accueil et de formation en
français, etc., en 1985-1986, les dépenses étaient de 1019
$ par immigrant non francophone qui arrive ici au Québec et qui a
besoin, bien sûr, de services de formation pour s'intégrer
à la communauté francophone; 1019 $ en 1985-1986. En 1989-1990,
incluant le montant de 7 500 000 $, on en arrive au montant de 830 $; là
encore, une diminution, à l'oeil, de probablement 15 % ou 20 %.
Deuxièmement, allons-y sur les 10 000 000 $ dont nous parle le
ministre ce matin. Si j'ai bien saisi les chiffres - on me corrigera sur les
chiffres - je pense que 7 200 000 $ vont au chapitre de l'éducation.
Sauf erreur, le budget du ministre de l'Éducation est de 5 000 000 000
$; le budget du ministère de l'Enseignement supérieur et de la
Science est autour de 3 000 000 000 $, ce qui fait 8 000 000 000 $ qui sont
consacrés - on le sait, c'est une partie très importante du
budget du gouvernement du Québec - à l'éducation.
Et on nous annonce, comme si le ministre n'avait pas pu, à
même ses budgets de 8 000 000 000 $, aller chercher 7 000 000 $ pour
faire en sorte... Parce que l'enseignement du français existait bien
avant la Charte de la langue française. L'enseignement du
français existera, peu Importe la loi linguistique qui s'appliquera au
Québec. Je l'espère. Alors, Je n'arrive pas à comprendre
que le ministre consacre à peu près trois quarts de page de
son
discours ou même plus, trois ou quatre pages devrais-je dire,
à ce montant de 7 200 000 $, alors qu'il dispose par ailleurs, comme
ministre de l'Éducation, d'une somme de 8 000 000 000 $. Je pense que le
ministre de l'Éducation avait toute la facilité au monde, bien
avant d'être ministre responsable de l'application de la Charte de la
langue française, d'aller chercher, au Conseil du trésor ou
même à l'Intérieur de ses budgets, les sommes
nécessaires pour concrétiser ces beaux discours qu'il nous tient
à l'intérieur de ce qu'on a entendu ce matin. (11 heures)
II est aussi remarquable de constater que le ministre fait état -
et il connaît notre préoccupation envers le français,
langue de travail; il connaît notre préoccupation envers la
participation des travailleurs - de cette nécessaire opération de
francisation. En 1985, les centrales syndicales recevaient 250 000 $ - on le
sait, les centrales syndicales ont des dépenses, ont des salaires
à payer, etc. - pour les aider à payer du matériel, dans
certains cas, à payer des salaires pour faire en sorte d'animer les
comités de francisation qui existent dans les entreprises. Les centrales
syndicales recevaient 250 000 $ en 1985. Devinez ce que le ministre nous
annonce en grande pompe, ce matin! Il nous annonce que les centrales syndicales
vont recevoir 250 000 $.
Il faut le faire! Vous comprendrez, M. le Président, que j'ai
voulu dès le début de mon intervention faire cette mise au point
- nous y reviendrons au cours des discussions sur l'étude des
crédits - sur les chiffres que nous lance le ministre de
l'Éducation, ce matin. Permettez-moi, peut-être, de revenir
à mon propos principal.
À l'occasion d'une récente motion présentée
par l'Opposition officielle sur la question linguistique, le ministre
responsable de l'application de la Charte de la langue française
présentait en Chambre, de l'autre côté, une intervention
intitulée "La loi 178 et la politique linguistique: bilan et
perspectives*. Cette quatrième et probablement dernière
étude des crédits avant les prochaines élections offre
à l'Opposition officielle l'occasion de faire l'évaluation des
conséquences sur le dossier linguistique de quatre années de
gouvernement libéral et aussi, dans la foulée du discours du
ministre, de s'étendre quelque peu sur les perspectives d'avenir.
Il n'est pas dans mon intention de reprendre en longueur les critiques
déjà formulées à l'encontre des gestes posés
par les membres du gouvernement libéral ou de dénoncer leur
absence totale de politique linguistique, tout cela étant
déjà bien connu des parlementaires et de la population. Je
voudrais plutôt faire une appréciation la plus objective possible
de l'état de la situation et de l'avenir prévisible. Un effort de
synthèse nous permet de regrouper les conséquences de la gestion
libérale sous deux grands thèmes: d'abord, l'érosion de la
légitimité de la loi 101 et, ensuite, une prise de conscience
généralisée face à la position précaire du
français en Amérique du Nord. Le premier est éminemment
négatif. Le second, quoique négatif a priori, peut, si les
énergies sont bien canalisées, révéler un
caractère positif.
L'érosion de la légitimité de la loi 101
découle directement des actions du Parti libéral et ses
conséquences en sont difficilement mesurables. Évidemment, tout a
commencé avec les déclarations du premier ministre qui a soutenu,
en campagne électorale, que le gouvernement du Parti
québécois avait, au cours de ses deux mandats,
persécuté les anglophones du Québec. Il s'ensuivit la
promesse électorale de permettre l'affichage commercial bilingue et ce,
au nom de la sacro-sainte liberté d'expression. En fait, sauf erreur,
jamais du côté du Parti libéral, avant ou après les
élections, n'a-t-on fait état des exceptions à l'affichage
que prévoit déjà la loi 101 eu égard aux discours
politiques, religieux ou artistiques. Devant le tollé de protestations
que soulevait la réalisation de cette promesse, le gouvernement et le
premier ministre, en particulier, ont tergiversé et ont multiplié
les déclarations contradictoires avec comme résultat
immédiat que les intéressés ne savaient plus à quel
saint se vouer.
En refusant de donner un message clair en faveur de l'affichage
unilingue français, le gouvernement a provoqué un mouvement de
désobéissance civile à l'article 58. Si bien que, dans
plusieurs quartiers de Montréal, l'affichage est dérogatoire
à plus de 50 %. Nous reviendrons là-dessus un peu plus tard, lors
de l'étude des crédits, mais je réfère les
parlementaires à l'étude du Conseil de la langue française
sur la langue de service, publiée en janvier 1989. La décision de
l'ex-ministre de la Justice d'abandonner les poursuites contre les
contrevenants et contrevenantes à la loi 101 est venue
indéniablement accentuer ce sentiment d'illégitimité de la
loi, tout comme d'ailleurs la décision de financer les avocats
d'Alliance Québec qui en contestaient la validité. C'est un peu
comme si le gouvernement avait voulu s'excuser d'une loi pourtant
démocratiquement votée par l'Assemblée nationale, en ne
poursuivant pas les contrevenants et contrevenantes et en finançant un
organisme pourtant déjà riche des subventions accordées
par ie gouvernement fédéral.
Bien entendu, il est évident qu'après une telle conduite
il est encore aujourd'hui impossible pour le gouvernement de convaincre la
communauté anglophone de la nécessité de maintenir
l'affichage unilingue français. Avec la loi 178 et malgré
l'utilisation de la clause dérogatoire, le gouvernement a, une fois de
plus, miné les arguments militant en faveur de l'affichage unilingue
français. Maintenir le visage français pour le visage
français n'a aucun sens, si on ne l'explique pas par l'exigence
d'envoyer un message clair aux immigrants et immigrantes, par l'impact sur la
langue de service et sur la langue de travail, par les dangers de la con-
tamination lexicale, et ainsi de suite.
Or, le fait de permettre l'affichage bilingue à
l'intérieur, sur une grande échelle, vient automatiquement
contrecarrer les arguments avancés pour le maintien de l'affichage
unilingue à l'extérieur. J'ajouterais, d'ailleurs, qu'à
mon avis la nécessité de la nette prédominance ne repose
sur aucun argument rationnel et constitue beaucoup plus une insulte à la
communauté francophone et à la communauté anglophone que
la règle de l'unilinguisme. Au surplus, dès l'instant où
la langue anglaise est présente sur une affiche, que ce soit en
proportion moindre de deux ou trois fois, le message envoyé aux
allophones n'est plus qu'ils devront apprendre le français mais
plutôt qu'ils devront avoir une bonne vue.
Il en va de même pour cette distinction artificielle
intérieure-extérieure maintenant érigée en
principe, ainsi que pour la supercatégorisation créée par
ta loi 178: commerces de moins de 5 employés, de plus de 5
employés mais de moins de 50, en excluant les commerces
franchisés et, enfin, les plus de 50, incluant les franchisés.
Nette prédominance extérieure-intérieure,
supercatégorisation, tout cela est confus, ambigu et farfelu,
d'où la stupéfaction à l'extérieur du
Québec, mais aussi le profond sentiment d'insatisfaction et
d'insécurité à l'intérieur du Québec.
J'ajouterais, toujours au chapitre de la légitimité,
qu'ayant relu attentivement tous les discours du ministre responsable la seule
explication qu'il fournit pour le maintien de l'unilinguisme est sa valeur de
symbole et l'attachement de la collectivité francophone à cette
règle. Jamais le ministre n'a motivé la position du gouvernement
en fonction des arguments de fond qui justifiaient le maintien de
l'unilinguisme.
La légitimité de la loi 101 fut aussi mise en cause par le
projet de loi 57 qui amnistiait les élèves Illégaux. Non
seulement donnait-on l'absolution à ceux qui avaient enfreint la loi
mais, en plus, en accordant le droit aux descendants et descendantes, aux
frères et soeurs de fréquenter l'école anglaise, on
frustrait tous ceux et celles qui avaient décidé de se plier aux
exigences de la loi 101.
La loi 142, en associant les communautés culturelles aux
anglophones de souche, a également battu en brèche l'un des
objectifs fondamentaux de la loi 101, à savoir l'intégration des
nouveaux immigrants, des nouveaux arrivés à la communauté
francophone.
Les nouvelles déclarations du premier ministre concernant de
possibles aménagements à la clause dérogatoire sont un
exemple plus récent du type de discours louvoyant et culpabilisant qui
discrédite les efforts que fait la communauté francophone pour
assurer la défense et la promotion de sa culture. Cette attitude du
gouvernement face à la loi 101 a eu comme conséquence
immédiate la prolifération des infractions, mais a aussi
provoqué un ralentisse- ment au chapitre de la francisation des
entreprises. Bref, malgré les discours trop peu nombreux
prononcés trop tard par le gouvernement relativement à son
attachement à la loi 101, ses multiples déclarations
contradictoires et ses actions concrètes ont été de nature
à jeter le discrédit sur la Charte de la langue
française.
Ceci m'amène à la deuxième grande
conséquence de l'action libérale dans le dossier linguistique,
qui est celle d'une prise de conscience de la fragilité de la situation
du français au Québec et en Amérique du Nord. Nous avons
pu constater qu'un simple effritement de la volonté politique d'assurer
la survie du français avait comme impact direct et immédiat le
recul du fait français. Il aura suffi d'une promesse de modifier la loi
et de l'absence de gestes concrets et de discours allant dans le sens des
objectifs que le législateur s'était fixés en 1978 pour
compromettre, sur une période de trois années, les acquis des dix
dernières années. La résurgence du débat
linguistique a aussi mis en lumière un nouveau contexte
socio-politico-économique pour lequel la loi 101 est mal adaptée.
Que l'on songe à l'Accord du libre-échange, au
développement extraordinaire de l'informatique, aux communications qui
ne connaissent plus de frontières et l'on admettra aisément que
la Charte de la langue française n'est pas l'aboutissement de
l'intervention linguistique de l'État, mais bien plutôt une base
solide qui devra être actualisée à court terme. C'est
là, à mon avis, le seul impact positif, sur le plan linguistique,
du passage du Parti libéral au pouvoir.
Reste à savoir maintenant si cette prise de conscience, si cette
énergie nouvelle sera canalisée de la bonne façon.
À cet égard, les événements des derniers mois me
laissent songeur, pour ne pas dire préoccupé, car le débat
sur l'affichage a aussi ses effets pervers. Bien qu'il ait réussi
à provoquer chez nos jeunes une réflexion, il a
cristallisé la question linguistique autour d'une seule et même
question, évacuant ainsi de la discussion d'autres aspects aussi
fondamentaux, sinon plus, que celui de l'affichage. Avec son mode d'emploi
stratégique pour se sortir d'une crise - on parle de la loi 178 - le
gouvernement, en l'absence d'une politique linguistique, cherche à
baisser la tension. A-t-il réussi ou bien l'accalmie n'est-elle que
passagère? En fait, seul l'avenir le dira. Mais le grand malheur, c'est
que cette question n'a sa place que dans un contexte strictement partisan et
que l'avenir du français n'en a que faire. C'est à ce chapitre
que les Inquiétudes de tous et de toutes doivent être vives. Tout
apaisement de la pression populaire entraînera inévitablement un
laisser-aller du gouvernement. Sans une pression comparable à celle qui
s'est exercée autour de la question de l'affichage, jamais le
gouvernement ne procédera à la nécessaire reconstruction
et actualisation de la loi 101.
Dans le discours du ministre, "La loi 178 et la politique linguistique:
bilan et perspectives", on est à même de constater que le
gouvernement n'a aucune politique linguistique à court ou à moyen
terme, sinon que de saupoudrer quelques millions Ici et là - ce qu'on a
vu ce matin. Je l'ai déjà mentionné, l'argent, c'est
utile, mais ce sont des modifications législatives qui sont
prioritaires. Malheureusement, on ne peut s'attendre à des miracles de
la part d'un gouvernement qui ne rêve que d'étouffer le
débat et de passer à autre chose. D'ailleurs, l'attitude du
ministre qui, en matière de francisation des entreprises, écarte
tout recours à la coercition, est révélatrice des
perspectives peu reluisantes qui guettent l'avenir du français. Et
pourtant, tous les experts sont d'accord sur un point: la seule incitation a
fait maintes fois la preuve de son inefficacité.
Toujours dans ce même discours, II y a une phrase du ministre qui
m'a frappé plus que les autres. Celui-ci écrivait, et je cite:
"II y a en effet peu de chances pour que nous puissions en venir à court
terme à des vues convergentes sur la question de la langue. " En toute
franchise, cette attitude m'apparaît désolante. Certes, sur la
question de l'affichage commercial, les points de vue sont
diamétralement opposés et irréconciliables, mais en ce qui
concerne les autres mesures qui s'imposent pour assurer la survie et le
développement du français - Je fais référence plus
particulièrement ici au projet de loi 191 - il me semble que le
gouvernement pourrait facilement faire siennes certaines des idées
avancées par l'Opposition officielle. (11 h 15)
Le projet de loi 191 comporte plusieurs objectifs dont le principal est
la relance du français comme langue de travail. Notamment, le projet de
loi oblige le gouvernement à ne transiger qu'avec les entreprises en
règle avec l'Office de la langue française en ce qui a trait au
certificat de francisation, fixe des échéances maximales pour la
réalisation des programmes de francisation, l'objectif étant de
relancer et de terminer la francisation des grandes entreprises de plus de 50
employés, alors que le processus de francisation stagne, depuis quelques
années, avec à peine 60 % de ces entreprises qui ont obtenu leur
certificat de francisation. Le projet de loi étend également
l'obligation des certificats de francisation aux entreprises de 10
employés et plus, ce qui pourrait être fait avec des
modalités, avec des échéances dans le temps qui sont
raisonnables. Il introduit plusieurs dispositions afin de mieux protéger
les droits linguistiques des travailleurs et des travailleuses. Il s'agit, en
fait, d'améliorer les recours qui existent déjà dans la
Charte de la langue française. Le projet de loi s'attaque aux
problèmes du français dans la haute technologie et
l'informatique. À ce sujet, le développement
phénoménal de la technologie, en particulier de l'informatique,
depuis quelques années, a modifié radicalement la situation qui
prévalait au moment de l'adoption de la Charte de la langue
française en 1977. "Le français sur la touche", une étude
commandée par le Conseil de la langue française,
révèle des tendances inquiétantes quant à la langue
de l'informatique. L'entrée en scène de la micro-informatique
entraîne le déclin de l'usage du français au Québec.
De 30 % à 40 % des usagers francophones subissent une forte exposition
à l'anglais dans leur activité en informatique. Deux amateurs de
jeux vidéo sur trois ne disposent d'aucun Jeu en français.
Près de la moitié - 45 % - des usagers francophones d'un
micro-ordinateur à domicile n'ont pas de logiciel en français, ce
taux montant à 54 % dans la région de Montréal. Quant
à ceux qui se servent d'un micro-ordinateur pour leur travail, 44 %
d'entre eux ne possèdent pas de manuel en français pour le
logiciel qu'ils utilisent le plus, 57 % n'ont pas de clavier en
français, 33 % ne disposent d'aucun logiciel en français et 25 %
ne peuvent même pas, M. le ministre de l'Éducation, produire les
accents français.
Le projet de loi, également, assure à tous des services en
français dans les organismes de santé non francophones. La
communauté anglophone dispose déjà d'un droit à des
services dans sa langue en vertu de la loi 142. En plus de disposer d'un droit
à des services dans sa langue, on me rappelle que la communauté
anglophone dispose, quant à la loi 142, d'un ministre également,
dont la seule fonction est d'être ministre délégué
à l'application de la loi 142. Il faut le faire! Dans ce sens, le projet
de loi 191 prévoit et assure bien simplement aux citoyens francophones
des services en français dans des organismes de santé non
francophones. Est-ce qu'il n'est pas possible d'arriver à créer
des vues convergentes sur ces matières?
Je continue. Le projet de loi 191 prévoit que les jugements
rendus en anglais par des tribunaux québécois seront traduits en
français; ceci évitera les situations absurdes et choquantes
vécues par plusieurs francophones et cela ne coûterait pas 10 000
000 $. Il s'agirait, tout simplement, d'engager certains traducteurs au
ministère de la Justice qui veilleraient à ce que les citoyens
francophones, qui reçoivent des jugements en anglais, puissent
comprendre la nature et la portée du jugement qu'ils reçoivent
devant des cours de justice pour, notamment, décider s'ils doivent en
appeler ou pas. Est-ce là trop demander? Est-ce qu'il n'y a pas
possibilité, au Québec, de créer des vues convergentes
pour l'adoption de mesures comme celle-là? Je pense que poser la
question, c'est y répondre.
Le projet de loi 191 contrecarre les dispositions de la loi
fédérale C-72 qui vise à subventionner le bilinguisme au
sein des entreprises, des organismes bénévoles, des syndicats,
des municipalités en rendant inconciliable l'octroi d'une subvention
fédérale au bilinguisme et l'obtention d'un certificat de
francisation.
Et enfin, le projet de loi 191 - Je le men-
tionne sans ambages devant les présidents d'organisme qui sont
ici. - assure l'Indépendance du Conseil de la langue française,
de la Commission de protection de la langue française ainsi que de
l'Office de la langue française. Et le ministre, tantôt, dans son
discours faisait état du respect qu'il voue aux organismes dont les
présidents et la présidente sont assemblés autour de lui.
Je pense qu'il s'agirait là d'une façon de traduire l'importance
qu'a décelée le ministre dans la loi 101, l'importance que le
législateur a voulu donner à des organismes neutres, des
organismes qui ont une certaine pérennité, au-delà du flot
partisan et électoral - parce que ça existe, en politique, la
partisanerie et l'électoralisme, il ne faut pas se le cacher, même
si je ne fais pas de la politique depuis très longtemps. Donc,
au-delà des flots partisans et politiques, cette indépendance des
organismes assurerait la pérennité à une
préoccupation de survie et de développement du
français.
Bref, il s'agit là, M. le Président, de quelques
éléments que contenait le projet de loi 191 et auxquels nous
aurions aimé que le ministre nous annonce ce matin son intention de
donner suite. Certaines de ces mesures coûtent bien moins que 10 000 000
$, mais il s'agit plutôt d'affirmer clairement et nettement une
volonté d'affirmer le fait français au Québec.
Il est remarquable, M. le Président, que le gouvernement n'ait pu
critiquer en aucun cas ce projet de loi depuis qu'il est déposé
Tout au plus, le premier ministre nous a-t-il taquinés parce que
l'abrogation de la loi 142 ne faisait pas partie du projet de loi 191.
Pourtant, le risque qu'a pris l'Opposition officielle était grand. Le
projet de loi aurait pu fournir une arme de taille au gouvernement si l'une de
ses dispositions avait été jugée extrémiste,
inconstitutionnelle ou irréaliste. En même temps, l'Opposition
officielle prêtait le flanc à la critique de ceux qui jugent qu'en
matière linguistique le gouvernement ne va jamais assez loin.
L'Opposition officielle savait pertinemment que son projet de loi ne serait
jamais adopté. Aisément, elle aurait pu se contenter d'une
critique quotidienne des actions libérales, le gouvernement n'ayant de
cesse de lui fournir matière à dénonciation, c'est le
moins qu'on puisse dire. Elle a plutôt voulu illustrer au gouvernement
l'étendue du chemin qu'il reste à parcourir et la
possibilité de mettre de l'avant une politique linguistique en
actualisant la loi 101. Le projet de loi 191 n'est certes pas parfait. Il n'a
pas la prétention de l'être. Mais M me semble cependant qu'il
constitue une base de travail sur laquelle pourraient converger les vues de
l'Opposition et du gouvernement et, en même temps, de la plupart des
intervenants. D'ailleurs, les échos entendus de ces intervenants et
intervenantes et ceux des commentateurs furent tous très favorables. Ce
projet de loi n'enlève strictement rien aux communautés
minoritaires et à la plus importante de ces minorités qu'est la
communauté anglophone. Il représente un seuil minimal de
rénovation de la loi afin d'affirmer le fait français de
façon concrète.
Toutes les mesures qu'il contient sont positives et la seule coercition
qu'on pourrait, à la rigueur, lui reprocher se situe au chapitre de la
francisation des entreprises. Mais franchement, dans cette matière, si
l'on avait préservé l'autonomie des entreprises en 1977, M. le
ministre, serions-nous où nous en sommes aujourd'hui? La stagnation du
processus de francisation nécessite un coup de pouce
supplémentaire et c'est ce que propose, entre autres, le projet de loi
191. Il est remarquable, à ce sujet, de constater que l'obligation
contractuelle linguistique, c'est-à-dire l'obligation pour une
entreprise qui fait affaire avec le gouvernement d'être en règle
avec son certificat de francisation, d'être en règle avec l'Office
de la langue française, faisait partie de la loi 22 adoptée par
le gouvernement du député de Saint-Laurent, première
version. Ici, c'est le député de Saint-Laurent, première
version, et non pas la loi 22.
En terminant, soulignons que la loi 178 constitue un recul important par
rapport à la promesse initiale contenue au programme du Parti
libéral, à savoir de ramener l'affichage bilingue, tant à
l'intérieur qu'à l'extérieur, pour tous les commerces.
Nous n'acceptons pas pour autant cette loi parce qu'elle affaiblit le fait
français, tant sur le plan des principes que dans la
réalité et aussi parce que cette loi est carrément
inapplicable, comme le démontre très bien la suite des
événements. Le ministre, tantôt, nous faisait part qu'il
invitait les commerçants à lui faire parvenir leurs commentaires
sur le projet de règlement qui était censé venir en
janvier. Nous sommes rendus en avril. Le ministre nous disait tantôt
qu'il Invitait les commerçants à lui faire parvenir leurs
commentaires sur un projet de règlement qui, déjà, tarde
depuis quatre mois, alors que la loi 178 n'est pas appliquée, alors
qu'il n'y a pas eu, à notre connaissance, une seule poursuite
d'intentée depuis quatre mois en vertu de la loi 178 ou en vertu des
articles contenus dans la loi 178. Au bout de quatre mois, on en est à
l'étape où le ministre nous dit ce matin: Si les
commerçants ont des commentaires, qu'ils nous les fassent parvenir.
C'est de l'angélisme, M. le Président, que de penser que
la responsabilité n'incombe pas au gouvernement d'agir et de prendre des
décisions et, si le gouvernement a de la difficulté à
concrétiser son règlement - semble-t-il que la décision
est prise de procéder par règlement - si le gouvernement a de la
difficulté à écrire son règlement, il n'a
qu'à constater que c'est parce que la loi 178, qui est la base du
pouvoir réglementaire en cette matière, ne tient pas debout tout
simplement. À ce moment-là, j'invite le gouvernement à
refaire ses devoirs en ce qui concerne la loi 178. Il n'y a rien de mal
à reconnaître ses erreurs. Il me semble avoir déjà
entendu le ministre de l'Éducation tenir sembla-
blés propos alors qu'il était chef de l'Opposition, de
l'autre côté.
Donc, nous n'acceptons pas, bien sûr, cette loi 178 parce qu'elle
affaiblit le fait français, même si c'est un recul par rapport au
programme du Parti libéral tant sur le plan des principes que dans la
réalité, et aussi parce que cette loi est carrément
inapplicable, comme le démontrent les événements que nous
connaissons. Ce recul du gouvernement mérite tout de même
d'être relevé. L'Opposition officielle, à cet égard,
mérite une part du crédit. Membres d'un parti ayant voté
contre la loi 101, à l'Assemblée nationale, et contre les
adoucissements de 1983 parce qu'ils n'allaient pas assez loin, les
libéraux prononcent maintenant des discours sur les bienfaits de la loi
101. Et dire que ces mêmes gens nous annonçaient l'Apocalypse
advenant son adoption!
Le discours est-il sincère? Le bilan des actions du gouvernement
depuis trois ans permet d'en douter mais, au moins, ces paroles
prononcées sur la loi 101 nous permettent de mesurer l'importance du
rôle qu'ont joué l'Opposition officielle et toute la population
dans ce dossier. L'Opposition ne sera toujours que l'Opposition. La
responsabilité de passer à l'action positive pour la langue
française appartient toujours au gouvernement. Compte tenu de
l'érosion, de la légitimité de la Charte de la langue
française ainsi que de la prise de conscience
généralisée de la fragilité de notre langue, il y a
urgence d'agir. Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Taillon. Peut-être, M. le ministre, auriez-vous
quelques remarques en réplique, des remarques assez brèves tout
de même, compte tenu du temps que vous avez pris de part et d'autre. M.
le ministre. (11 h 30)
M. Claude Ryan (réplique)
M. Ryan: Je voudrais peut-être commenter un point ou deux
de l'intervention du député de Taillon. Je le ferai
brièvement. Il a parlé du projet de loi qu'il a
déposé concernant des améliorations possibles à la
Charte de la langue française. J'ai pris connaissance,
évidemment, de ce projet avec attention, mais je constate, en
l'examinant, qu'il viserait à augmenter lourdement les contraintes que
crée déjà l'appareil législatif dont nous
disposons. Quand je compare les dispositions que je retrouve dans le projet de
loi du député de Taillon aux orientations que propose le groupe
de travail dont j'ai parlé tantôt concernant la francisation des
milieux de travail, je suis davantage porté à épouser les
perspectives que préconise le groupe de travail, je le dis franchement.
Je pense qu'il y a peut-être une confiance excessive dans l'aptitude de
la loi à résoudre tous les problèmes. Je suis d'accord sur
la nécessité d'interventions législatives, mais elles
doivent être mesurées.
Je vois, par exemple, une disposition qui traite du Conseil de la langue
française - je m'excuse auprès de M. le président -
où il est dit: "Le Conseil peut saisir l'Assemblée nationale de
toute question qu'il juge à propos concernant la situation de la langue
française". Je ne suis pas de ceux qui veulent solenniser des choses
pour le plaisir de le faire. Le Conseil a déjà le mandat d'aviser
le ministre et le gouvernement, et les avis qu'il donne au ministre sont rendus
publics. Il me semble que c'est suffisant. La plus grande forme de
solennisation qu'on puisse donner à une action, c'est de la publier. On
peut multiplier à plaisir les contraintes de toutes sortes, mais je
pense qu'on crée des obligations artificielles qui n'ont pas, à
mon point de vue, de justification sérieuse. Cela parait bien lorsqu'on
discute entre partisans d'une même formation, mais, quand on soumet
ça au test de l'opinion, c'est beaucoup plus difficile à
justifier.
Il y a des changements dans les méthodes concernant les
procédures judiciaires. On voudrait donner à la Commission de
protection la possibilité d'intenter directement des poursuites. Je ne
sais pas si c'est une bonne chose. J'ai des doutes sérieux, mais je
serais prêt à l'examiner. Il y a bien des propositions dans le
projet de loi du député de Taillon que je serais prêt
à examiner. Il faudrait qu'il revienne sur sa décision et qu'il
prenne part à la prochaine élection pour que nous puissions
examiner toutes ces choses. Il y a bien d'autres ajustements que j'aimerais
examiner dans la loi 101. Je pense qu'on pourrait faire un travail
éminemment constructif dans l'esprit de recherche consensuel dont nous
avons parlé.
Malheureusement, le député de Taillon, après le
baroud d'honneur qu'il vient de nous servir, ne peut pas nous faire oublier
qu'il nous a annoncé, il y a quelque temps, la pénible nouvelle
de son désistement prochain. Je le regrette personnellement, mais il
conviendra avec moi que ce n'est pas un exercice qu'on doit entreprendre avant
une élection. Après l'élection, on verra; il y a bien des
choses qui peuvent s'examiner, toujours dans un climat qui évitera de
créer une atmosphère de bouleversement ou de crise, dans la
mesure où cela peut se faire. J'ai écrit à
côté de plusieurs dispositions "négociable". Quand on dit
ça, cela veut dire qu'il y a du bon, je suis prêt à vous le
concéder volontiers. Le reste, on pourra en parier. Lors de l'examen
qu'on fera de chaque organisme, je pense qu'on pourra revenir sur bien des
points mais, comme vous l'avez judicieusement dit, M. le Président, nous
avons pris pas mal de temps pour les propos introductifs et je suis prêt
à suivre vos directives à partir de maintenant.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le ministre. M. le
député de Taillon, une très courte remarque.
M. Filion: Oui, voilà. J'invite le ministre, parce que,
dans le fond, on est en train d'étudier les crédits, à
réagir à deux très courtes remarques. Premièrement,
le groupe de travail dont on fait grand état avait cependant, M. le
ministre, vous le savez sûrement, comme règle de jeu au
départ qu'il n'y aurait pas de modifications législatives. Cela a
été écrit de façon très claire dans les
médias. Les contacts que j'ai eus me confirment également que le
groupe de travail sur la francisation des entreprises devait fonctionner avec
la contrainte que le dossier devait être examiné sans
modifications législatives. Bien sûr qu'il est arrivé avec
des mesures incitatives; il ne faut quand même pas arriver avec des
mesures coercitives si on ne modifie pas la loi, je pense que vous en
conviendrez. C'est une première remarque.
La deuxième remarque, M. le ministre, je prends note de vos
propos, à savoir que plusieurs éléments contenus dans le
projet de loi 191 sont Intéressants et négociables, dites-vous.
Négociable, dans votre esprit, veut dire que cela mérite de s'y
attarder. Dans ce sens-là, soyez assuré que le projet de loi 191
- ce n'est pas par mes soins - sera néanmoins redéposé
à l'Assemblée nationale. Je comprends que vous n'êtes pas
là depuis longtemps. Je pense que ça fait trois mois que vous
occupez cette fonction. Deux mois? Deux mois, ce n'est pas beaucoup, mais,
étant donné que ça fart longtemps que vous êtes dans
le décor de la réflexion au Québec, j'ai l'impression que
ça fait plus longtemps que ça.
Je dois vous signaler que ça fait quatre ans que l'Opposition dit
au gouvernement quoi faire. On est rendus à la veille d'une
élection possible, malgré que rien ne nous dise que ça
n'aura pas lieu au printemps prochain. Je suis prêt à
étudier le projet de loi 191 cet été si vous le
désirez, à n'importe quel moment, même dans les semaines
qui viennent. On sait que l'étude des crédits est
terminée. Bref, pour ne pas prendre trop de temps, nous sommes
prêts. Cela fait quatre ans que nous le disons. Alors, nous sommes
prêts à tout moment.
C'étaient deux remarques rapides. Je suis prêt à
poser une question Immédiatement au ministre pour entamer l'étude
proprement dite de certains passages des crédits.
La Président (M. Trudel): M. le ministre, acceptez-vous
qu'on procède élément par élément, puisqu'il
y a un seul programme?
M. Filion: Écoutez, le ministre et moi, nous nous sommes
toujours bien entendus, en règle générale.
Le Président (M. Trudel): Je n'ai pas d'objection, sauf
qu'il va falloir que vous vous entendiez ensemble.
M. Filion: Je voudrais commencer par la Commission de protection;
ensuite, l'Office de la langue française, puis le Conseil de la langue
française. Je sais que les gens de la Commission de toponymie
espèrent également qu'il nous reste du temps pour eux. Cela fait
plusieurs fois qu'on étudie les crédits de la Commission de
toponymie à la fin. Je m'en excuse.
Le Président (M. Trudel): Est-ce que ça vous va, M.
le ministre?
M. Ryan: Je voudrais juste vérifier. Il me semblait qu'une
convention avait été établie entre nos porte-parole, hier,
quant à l'ordre dans lequel nous aborderions les organismes. Vous n'en
avez pas souvenance?
M. Filion: Malheureusement pas, M. le ministre.
M. Ryan: Si mes renseignements sont exacts, il avait
été convenu que nous aborderions les éléments dans
l'ordre où Ils sont présentés au livre des
crédits.
M. Filion: Écoutez, c'est parce que..
M. Ryan: Le leader de l'Opposition a communiqué avec le
bureau du député de Taillon, hier, pour établir cette
entente et la réponse fut favorable.
M. Filion: Non. Je n'ai jamais...
M. Ryan: Je sais que les communications laissent parfois à
désirer au sein de l'Opposition mais, question de
vérification...
M. Filion: Cela peut être de l'autre côté, M.
le ministre.
M. Ryan: Non, ici, ça va très bien.
M. Filion: C'est peut-être ma vingtième étude
de crédits depuis quatre ans. Je dois vous dire que je m'entend
généralement bien avec vos collègues.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Oui, M. le ministre.
M. Ryan: Ce que nous pouvons faire pour accommoder l'Opposition,
nous le ferons volontiers dans toute la mesure où ça demeure
raisonnable.
Commission de protection de la langue
française
M. Filion: D'accord, sûrement. Alors, comme je l'ai
indiqué, grosso modo, M. le ministre, vous allez m'éclairer un
peu. Dans les mois qui ont précédé ou qui ont
entouré le jugement de la
Cour suprême et la loi 178, votre prédécesseur,
à ce moment le député de Rosemont, a retenu les services
professionnels de six avocats à l'extérieur du gouvernement pour
l'éclairer et éclairer le gouvernement. Nous avons
déjà comme renseignement que les personnes suivantes ont
été engagées en quelque sorte par le gouvernement.
D'abord, M. le sénateur Gérald Beaudoin. On a établi ses
honoraires à 750 $; Me Michel Décary, ancien sous-ministre de ta
Justice, à 13 127 $. Il y a quatre autres avocats qui ont
été engagés par le ministre responsable de l'application
de la Charte de la langue française: Me Philippe de Grandpré, Me
Jules Deschênes, ancien juge en chef de la Cour supérieure et
toujours juge, Me René Dussault, juriste bien connu, et Me Yves Pratte,
ancien juge de la Cour suprême.
Je tiens à le signaler immédiatement, je l'ai dit à
la commission parlementaire lors de l'étude des crédits du
ministère de la Justice, il s'agit là sûrement d'une des
plus belles brochettes de cerveaux juridiques qui ont été
réunis pour conseiller le gouvernement qui, malheureusement, a fait un
peu un gâchis. Ce n'est sûrement pas parce qu'il était mal
entouré sur le plan juridique, mais le gouvernement a pondu la loi
178.
Ma question est la suivante: Combien ont reçu au total Me
Philippe de Grandpré, Me Jules Deschênes, Me René Dussault
et Me Yves Pratte d'honoraires? Me Beaudoin, lui, a déjà
reçu 750 $ et Me Michel Décary, 13 127 $. Dans tous les cas,
l'engagement dit bien: Conseiller le ministre en matière linguistique -
je peux peut-être vous le donner, si vous en avez besoin - et
préparer un avis juridique. Je vais vous lire le texte qui se ressemble
dans tous les cas. "Préparer l'avis juridique requis en matière
de langue d'affichage public et de publicité commerciale par le ministre
délégué aux Affaires culturelles et responsable de
l'application de la Charte de la langue française".
Le Président (M. Trudel): À quelle page du cahier?
Oui, c'est vrai, cela a été payé par la Justice.
Excusez-moi.
M. Filion: Non, cela n'a pas été payé par la
Justice.
Le Président (M. Trudel): Ils ont été
engagés?
M. Filion: C'est ça qui est curieux parce que votre
collègue, le ministre de la Justice, n'a pas été capable
de me répondre la semaine dernière. Il m'a dit: C'est le
ministère sectoriel qui a les chiffres. Vous allez répondre?
Ça va. D'accord.
M. Ryan: Oui. On attend que vous nous donniez la chance de vous
les fournir.
M. Filion: M. le Président soulignait le fait qu'ils
avaient peut-être été payés par la Justice; je lui
disais non.
M. Ryan: J'ai deux chiffres ici dans les données qu'on m'a
soumises. La firme Lafleur, Brown, de Grandpré, il est écrit
entre parenthèses Louis-Philippe de Grandpré, ancien juge de la
Cour suprême - comme nous le savons tous, un juriste eminent, un des plus
grands juristes du Québec - préparation d'avis juridiques en
matière d'affichage public et de publicité commerciale. Date du
CT: le 13 juillet 1988. Coût, 6203, 19 $. Ensuite, la firme Clarkson,
Tétreault et Drouin, entre parenthèses, Yves Pratte,
préparation d'avis juridiques en matière d'affichage public et de
publicité commerciale, même date. Montant, 22 566, 11 $. Ça
va?
M. Filion: II en reste deux.
M. Ryan: J'ai le nom de M. Beaudoin sur une liste, mais je n'ai
pas le montant. J'ai vu un montant ces jours-ci. Il y a une montagne de papier.
Je crois que c'est autour de 750 $ pour M. Beaudoin.
M. Filion: C'est ça. Je l'ai signalé tantôt.
Pour Me Beaudoin, j'ai le chiffre. Il reste Me Deschênes et Me
Dussault.
M. Ryan: Dans ces deux cas, je n'ai que les honoraires horaires
de ces messieurs. Dans le cas de M. Dussault, c'est quotidien, parce qu'il est
attaché à l'École nationale d'administration publique
comme nous le savons. Dans le cas des professeurs d'université, il y a
un tarif spécial pour services professionnels rendus au gouvernement qui
est d'environ, si mes souvenirs sont bons, 400 $ par jour.
M. Filion: Pour M. Dussault, c'est 400 $ par jour?
M. Ryan: Oui. Pour M. Beaudoin, c'était 75 $ l'heure. Un
sénateur, c'est un peu moins cher.
M. Filion: Bon. M. le juge Deschênes.
M. Ryan: Montant approuvé et payé, 750 $. Ensuite,
si j'ai le montant pour M. Deschênes, je vous le fournirai avec grand
plaisir. Je ne l'ai malheureusement pas ici. Attendez un peu. Me Jules
Deschênes, préparation d'opinion sur les aspects juridiques
d'hypothèses de solution en matière d'affichage public, 4687, 50
$.
M. Filion: Bon. Donc, c'est le montant total. Il reste juste un
chiffre d'inconnu. Est-ce que c'est possible de vérifier, parce qu'il a
dû y avoir un compte qui a été payé à un
moment donné? Il reste juste Me Dussault.
M. Ryan: On va vérifier. On va demander que nos services
le vérifient. Nous essaierons de vous fournir ce renseignement
dès aujourd'hui.
M. Filion: Si possible. Je vous en sais gré, M. le
ministre.
M. Ryan: Vous contribuez à ma propre information. Je vous
en remercie.
M. Filion: Oui. Finalement, je fais le point en ce qui concerne
le sénateur Beaudoin, 750 $, Me Michel Décary, 13 127 $, Me
Philippe de Grandpré, 6203 $ - laissons faire les sous - M. le juge
Deschênes, 4687 $, Me Pratte, 22 566. 11 $. Il reste en suspens Me
Dussault pour terminer. Comme je l'ai signalé, ma question ne vise pas
et ne doit être interprétée ni directement, ni
indirectement comme mettant en cause la crédibilité colossale et
tout à fait exceptionnelle de ces procureurs qui ont tous
été réunis dans un même dossier. C'est quand
même assez unique, je pense, d'avoir réussi à rassembler
cet aréopage de conseillers juridiques compétents. (11 h 45)
M. Ryan: Juste un commentaire, si vous me le permettez. Il faut
bien se situer dans le contexte où la question se posait en juillet
dernier. Une décision très importante de la Cour suprême se
dessinait à l'horizon. Il incombait au gouvernement de se
préparer et d'étudier soigneusement toutes les hypothèses
de réactions possibles à un éventuel jugement de la Cour
suprême. Que le gouvernement, à l'époque, ait
décidé de recourir distinctement à l'avis de quatre ou
cinq juristes parmi les plus distingués que nous ayons au Québec,
dont les titres de créance professionnels sont au-dessus de toute
discussion, je pense que c'est à son honneur. Je me souviens, j'ai
dirigé un journal autrefois et, quand j'avais une question
délicate, je téléphonais à sept ou huit avocats.
J'ai un frère qui était dans le lot et quand j'arrivais à
lui, il me disait: Combien en as-tu appelé avant moi? Je lui disais: Je
veux en appeler plusieurs pour avoir un éclairage judicieux, pour
pouvoir faire ce que je veux tout en étant assuré que tous les
aspects juridiques auront été soigneusement tamisés avant
l'action. Je pense que c'est ce que le gouvernement fait. C'est une
démarche raisonnable. Cela a été fait à ce moment.
On vous donne tous les renseignements.
M. Filion: Ce que je notais de mon côté, vous l'avez
compris, ce n'est pas le fait de s'entourer d'une façon aussi solide,
c'est plutôt la ponte gouvernementale qui en a résulté, qui
était...
Des voix: Ha. ha, ha!
M. Filion:... d'une faiblesse disproportionnée par rapport
aux conseils juridiques reçus. Enfin! Les conseillers juridiques, il est
bon de le souligner, ne sont pas là pour prendre des décisions
politiques. Ils sont là pour conseiller sur le plan juridique. On se
comprend. Cela va.
Je suis satisfait, M. le Président.
La Président (M. Trudel): Je suis très heureux de
vous savoir satisfait, M. le député.
M. Filion: Oui, sous réserve, encore une fois, du chiffre
manquant.
Je voudrais poser une deuxième question à M. le ministre.
Je lui avais annoncé mon intention de l'interroger sur un
dépliant explicatif qui, je pense, a été imprimé
pour fins de distribution auprès de commerçants. Le ministre a
été suffisamment aimable pour me confirmer en Chambre,
premièrement, qu'il est exact que cela avait été
imprimé; deuxièmement, que le coût total était
autour de 6000 $.
M. Ryan: Autour de 7000 $.
M. Filion: Autour de 7000 $. Je voudrais savoir du ministre
combien d'exemplaires ont été imprimés. Je voudrais
également demander au ministre s'il serait assez aimable, comme il me
l'a offert en Chambre, de déposer un exemplaire de ce dépliant
explicatif qui a été payé par l'argent des
contribuables.
M. Ryan: Le nombre de dépliants imprimés est de
5000.
M. Filion: 5000?
M. Ryan: 5000. J'aurais bien souhaité pouvoir remettre un
exemplaire du dépliant au député de Taillon aujourd'hui,
mais je devrai attendre un petit peu. Je vais lui expliquer pourquoi. Je pense
qu'il va comprendre ma bonne foi. Le gouvernement a approuvé, ces jours
derniers, un projet de règlement qui sera publié dans la
Gazette officielle dans les meilleurs délais et je souhaite
vivement que ce soit le 3 mal prochain, c'est-à-dire dès la
prochaine parution. Je ne voudrais pas que le dépliant soit
publié avant le règlement de manière que cela jette de la
confusion sur les intentions gouvernementales dans l'opinion publique parce
qu'il y en a qui vont partir des discussions telles que: Ah! bien là,
ils veulent ceci, ils veulent cela! Dès après la parution du
projet de règlement dans la Gazette officielle du Québec,
je n'aurai aucune objection à remettre aux députés,
pour leur information un exemplaire du dépliant qui a été
imprimé, mais je ne veux pas le faire avant pour ne pas mêler
à plaisir l'opinion publique.
M. Filion: M. le ministre, comment se fait-il que ce
dépliant ait été imprimé, puisque vous nous dites
aujourd'hui... D'abord, qui a pris la décision et à quel moment
a-t-il été Imprimé?
M. Ryan: C'est au mois de janvier que le contrat fut
attribué par le Secrétariat à la politique linguistique Le
contrat dont j'ai pris connaissance portait la signature du directeur du
secrétariat, à l'époque, M. Robert Trempe.
M. Filion: Évidemment, on le sait, le secrétariat
n'est pas une grosse machine. À ce moment-là, votre
prédécesseur a sûrement été consulté
pour cette dépense.
M. Ryan: À ce moment-là, le ministre avait
demandé la collaboration de la Commission de protection de la langue
française. Il lui a demandé son avis, son assistance technique.
Mais c'est le Secrétariat à la politique linguistique qui a
donné la commande concernant l'impression de ce dépliant. Si la
publication fut différée, c'est parce que des discussions se
poursuivirent au sein du gouvernement quant à la forme précise
qu'il conviendrait de donner à l'information relative à
l'application de la loi 178, c'est clair.
M. Filion: M. le ministre, est-ce que le dépliant
explicatif traitait d'un règlement à venir pour les commerces de
50 employés et plus?
M. Ryan: Non. Il n'est pas question de règlement dans ce
texte.
M. Filion: Est-ce qu'il était question de nette
prédominance?
M. Ryan: Bien ouil C'était le sens même du
dépliant d'expliquer...
M. Filion: Essayer d'expliquer la nette prédominance.
M. Ryan: Bien oui!
M. Filion: Mais, M. le ministre, j'ai de la difficulté
à comprendre. Vous avez une longue expérience, vous allez
m'éclairer. J'ai de la difficulté à comprendre qu'on
puisse engager 6000 $ ou 7000 $ pour Imprimer... Il ne s'agit pas juste
d'étudier la possibilité de ce qu'aurait l'air un dépliant
explicatif qui tenterait d'amorcer un début d'explication sur la nette
prédominance. Il s'agit de l'imprimer, donc de passer une commande. J'ai
de la difficulté à comprendre qu'on ait pu passer une commande,
alors que vous me dites que les décisions n'étaient pas
arrêtées. Est-ce que les décisions étaient
arrêtées à ce moment-là? Sinon, on n'aurait pas
passé de commande. C'est ça que je ne comprends pas. On est
rendus quatre mois plus tard, ces dépliants ne sont toujours pas
distribués et vous ne voulez pas les rendre publics parce que,
soi-disant, vous attendez la publication, dans la Gazette officielle, du
projet de règlement. Je ne comprends pas qu'on puisse engager l'argent
des contribuables de cette façon.
M. Ryan: II est évident qu'il y a une décision
contestable qui a été prise à ce moment-là. La
preuve en est dans le fait que nous constatons tous que le dépliant est
encore dans les armoires.
M. Filion: Pardon?
M. Ryan: Le dépliant est encore dans les armoires. Il est
évident qu'il y a une décision contestable qui a
été prise; on ne peut pas le nier. Dans l'ensemble de la machine
gouvernementale, il y en a de plus grosses que celle-là, je peux vous le
dire.
M. Filion: Le dépliant traitait principalement de la nette
prédominance?
M. Ryan: Oui. Il expliquait la loi 178 dans son ensemble et, de
manière plus particulière, le concept de nette
prédominance.
M. Filion: M. le ministre, la nette prédominance, est-ce
si compliqué? Est-ce si compliqué que, finalement, les
décisions qui ont été prises à ce moment-là
ne sont plus valables trois mois plus tard? De plus, on a engagé 6000 $.
La nette prédominance, c'était bon en janvier 1989. On fait
imprimer un dépliant et on dit: On va aller l'expliquer aux
commerçants. Est-ce si compliqué, M. le ministre, la nette
prédominance?
M. Ryan: M. le Président, comme les députés
pourront s'en rendre compte lorsqu'ils prendront connaissance du projet de
règlement qui sera publié bientôt dans la Gazette
officielle, c'est un concept très simple et nous entendons le garder
très simple. Nous nous entendons très bien avec le
député de Taillon là-dessus. Maintenant, le petit fait
dont nous parlons plaide en faveur d'un règlement qui soit clair et
explicite. Ha, ha, ha!
M. Filion: Donc, c'est compliqué, c'est cela. Est-ce que
l'impact visuel fait partie de la nette prédominance dans le projet de
règlement qui vient? Si je vous pose des questions sur le projet de
règlement, allez-vous me répondre en deux mots? Est-ce que
l'impact visuel fait partie du projet de règlement? Est-ce que le deux
pour un, comme je l'ai déjà dit, qui a probablement
été décidé entre cinq et sept, fait partie du
projet de règlement? Est-ce que l'impact visuel fait partie du projet de
règlement? Est-ce qu'on est en train de dire que la nette
prédominance, c'est la nette prédominance et on va demander aux
juges de la Cour suprême de nous dire ce que ça veut dire dans six
ans? Est-ce que vous voulez me répondre? Peut-être que vous ne
voulez pas répondre à ces questions.
M. Ryan: La réponse sera apportée, d'abord, par la
publication du projet de règlement...
M. Filion: Quand?
M. Ryan:... et, ensuite, par les explications qu'on voudra bien
requérir du ministre respon-
sable. Mais je ne veux pas donner les explications avant que l'on
ait eu le texte parce que, pédagogiquement, c'est une procédure
très dangereuse. J'aime mieux qu'on donne le texte d'abord, je fais
confiance aux hommes et aux femmes de métier dans les médias pour
s'en saisir et le présenter à leur public, avec leurs moyens
à eux. Je suis à leur disposition pour l'expliquer, mais je ne
veux pas conditionner les esprits en disant: Voici, on s'en vient avec ceci et
on vous le distille à petites gouttes. Non! La semaine prochaine, la
lumière se fera.
M. Filion: Bon! M. le ministre, je vais vous poser une question
très naïve. Ce n'est pas mon habitude, mais, de temps en temps, ce
n'est pas mauvais, un peu de naïveté. Comment les
commerçants qui doivent prendre des décisions relativement
à leur affichage, les citoyens qui sont préoccupés de
l'application de la Charte de la langue française en matière
d'affichage, les consommateurs, en général, peuvent-ils, depuis
l'adoption de la loi 178, s'y retrouver intelligemment et raisonnablement,
compte tenu du fait que le devoir du législateur et des gouvernants est
de créer des obligations claires pour les gens? Pendant quatre mois, on
laisse les consommateurs, les commerçants, les citoyens
préoccupés de l'application de la Charte de la langue
française dans le cirage. Le projet de règlement ne sera pas
adopté avant X mois, je pense que le délai de
prépublication est de 60 jours... Avec ce que le ministre nous annonce,
cela veut dire qu'on n'aura pas de règlement avant l'automne.
M. Ryan: L'été.
M. Filion: L'été, bon! Cela veut dire qu'on laisse
les gens dans le cirage au sujet de l'application d'une loi pendant six ou huit
mois. Est-ce que le ministre se rend compte qu'en matière linguistique
surtout, où les messages doivent être clairs sinon on ne s'y
retrouve pas, personne ne s'y retrouve, cela n'a pas de sens? Est-ce qu'il ne
devrait pas sonner la fin de la récréation? Comme je l'ai
mentionné tantôt dans mon discours, M. le ministre, et vous le
savez, on fait rire de nous à l'extérieur du Québec. Oui!
Je vous dis qu'il y a des articles partout dans la presse internationale. Les
gens ne comprennent pas comment on a pu arriver à permettre l'affichage
unilingue français à l'intérieur, à
l'extérieur et tout ce qui s'en vient. Les gens ne comprennent pas
ça. Il y a un membre de votre gouvernement qui a rencontré, comme
moi, un membre d'une agence de presse soviétique. J'ai essayé de
lui expliquer...
Une voix: Bonne chance.
M. Filion:... la nette prépondérance, et les
catégories etc. Ils sont pourtant habitués à des
règlements bien tarabiscotés en Union soviétique, j'en
suis convaincu.
M. Ryan: Les contraintes à la liberté d'affichage
ne devaient pas être étrangères...
M. Filion: Oui, mais c'est la solution... M. Ryan:. à
votre interlocuteur. M. Filion:... qu'on a trouvée.
M. Ryan: J'aime autant les nôtres que les leurs.
M. Filion: Et vous annoncez que ça va durer encore trois
mois.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Trudel): M. le ministre.
M. Ryan: Je ne sais pas si c'est une question que le
député de Taillon m'adresse. Je serais heureux d'y
répondre, J'ai cru comprendre que c'était une question. Nous ne
sommes pas mécontents...
Le Président (M. Trudel): Est-ce une question que vous
posez?
M. Filion: Oui, oui, il n'y a pas de problème, on
échange des propos ensemble, M. le Président, alors il n'y a pas
de problème. Je suis tout ouïe pour toutes les paroles... (12
heures)
M. Ryan: Tout d'abord, je pense que nous nous souvenons tous
qu'il existe une disposition dans la loi 178 qui concerne la période
accordée aux établissements pour se conformer à la loi.
L'article 8, le texte révisé de la loi 101... Nous avons une
édition - je ne sais pas si le député l'a eue, on vous en
fera distribuer ces jours-ci - intégrant la loi 178 dans le texte de la
loi 101. En tout cas, il y a un article qui dit que les personnes, les
établissements dont les affichages n'étaient pas conformes
à la loi par suite des changements apportés par la loi 178 auront
jusqu'au 22 décembre 1990 pour s'y conformer. On leur donne une
période raisonnable. On sait très bien qu'on ne peut pas changer
ces choses-là du jour au lendemain seulement pour faire plaisir à
une personne qui a voté à Québec ou à un inspecteur
du gouvernement. On leur donne une période raisonnable de deux ans pour
se conformer à la loi. Ils ont commencé par l'expérience
quotidienne. Mme la présidente de la Commission de protection de la
langue française que vous pourrez Interroger là-dessus
tantôt, si vous le voulez, m'informe que les inspecteurs sont sur le
terrain et procèdent déjà, depuis le début de
l'année, à l'explication de la loi. Depuis un certain temps,
comme j'ai consulté étroitement la présidente de la
Commission de protection de même que le président de l'Office
avant
de mettre au point le projet de règlement que j'ai soumis au
gouvernement, Us ont pu le tester avec leurs collaborateurs. Leurs
collaborateurs le testent officieusement sur le terrain et on me dit que
ça va très bien. J'en suis extrêmement heureux.
Alors il n'y a pas péril en la demeure ici. Je pense qu'on a une
pédagogie éducative, une pédagogie de persuasion non pas
de contraintes bureaucratiques étroites. Je pense que la voie que nous
avons choisie est une bonne voie. Si cela avait été possible que
le règlement fût disponible deux mois plus vite, j'en serais
très heureux. Mais il y a un cheminement que le gouvernement, dans son
ensemble, a suivi et nous avons progressé étape par étape.
Ce n'est peut-être pas si mauvais en ces choses que d'avoir toute la
vérité en partant.
M. Filion: M. le Président, est-ce que vous me permettriez
de faire remarquer au ministre de l'Éducation que le délai de
transition de deux ans ne s'applique pas aux commerces qui ont entre 5 et 50
employés? Pour ces commerces-là, l'affichage bilingue à
l'intérieur est Immédiat. Le délai de transition
s'applique, sauf erreur, aux entreprises de 5 employés et moins. Je
voudrais juste être clair. Je ne voudrais pas que le ministre pense que
le délai n'a pas de conséquence. Il y a une conséquence
pour toutes les entreprises qui ont entre 5 et 50 employés. Celles qui
ont moins de 5 employés, les commerces que nous qualifiions à
l'époque d'entreprises familiales, ont un certain délai dans la
loi 178 pour se conformer, bien sûr, au contenu. Je voudrais juste faire
cette mise au point au ministre parce que je ne veux pas qu'il pense qu'avec la
loi 178 tout est suspendu pendant deux ans. Non, il y a une catégorie
d'entreprises pour lesquelles cela est entré en vigueur le 22
décembre 1988. Ces entreprises doivent vivre, aujourd'hui, avec une
nette prédondérance qui n'est pas définie, et il n'y a pas
de délai qui s'applique à elles, etc.
Deuxième question, M. le ministre: Combien y a-t-il eu de
dossiers acheminés par la Commission de protection de la langue
française au Procureur général pour des poursuites
concernant la loi 101 depuis le 22 décembre 1988? Et j'ai une
sous-question: Combien de ces poursuites traitaient d'infractions possibles
à l'affichage?
M. Ryan: Je vois que le président est momentanément
absent. Est-ce que le président aurait objection à ce que la
présidente de la Commission de protection réponde à cette
question vu que ce sont des actes qui relèvent directement de sa
compétence...
Le Président (M. Trudel): Aucunement, allez-y.
M. Ryan:... pour qu'elle fournisse les renseignements
directement?
M. Filion: Je voudrais en profiter pour saluer Mme la
présidente, Mme de Fougerolles.
Mme de Fougerolles (Ludmila): II me fait plaisir de vous
rencontrer. La Justice vous a sans doute dit, à la défense des
crédits, qu'ils avaient reçu trois dossiers de chez nous...
M. Filion: Voilà.
Mme de Fougerolles:... un en janvier, un en février et un
au mois de mars.
M. Filion: C'est ça.
Mme de Fougerolles: Effectivement, cela est vrai. Il y en a eu un
au mois d'avril qui n'est pas inclus; cela en fait quatre. Et, dans l'envoi du
mois de février, la Justice a considéré cinq dossiers qui
portaient sur l'affichage de l'administration...
M. Filion: D'accord.
Mme de Fougerolles:... article 14, comme un seul dossier. Alors,
c'est pour ça qu'ils disent en avoir reçu trois et que nous
disons en avoir envoyé neuf.
M. Filion: D'accord.
Mme de Fougerolles: En fait, il y a six dossiers qui ont
été envoyés en février, un en janvier, un au mois
de mars et un au mois d'avril.
M. Filion: D'accord.
Mme de Fougerolles: Aucun sur l'article 58.
M. Filion: Voilà, c'est cela ma question. Depuis le 22
décembre 1988, la Commission de protection de la langue française
n'a fait parvenir au Procureur général aucun dossier...
Mme de Fougerolles: Non.
M. Filion:... relativement à l'affichage commercial autre
que public?
Mme de Fougerolles: Et je peux vous expliquer pourquoi.
Voulez-vous que je vous explique pourquoi?
M. Filion: Oui.
Mme de Fougerolles: C'est tout simplement très facile
administrativement. La Cour suprême a rendu sa décision le 15
décembre. Donc, nous avons suspendu les opérations en ce qui
concernait l'affichage commercial. On a arrêté. On a
continué les autres dossiers concernant les articles 51, 52, etc.
Ensuite de cela, le projet de loi 178 a été voté. Tout le
monde est parti pour
les vacances de Noël. On est arrivés au mois de janvier et,
à la suite d'un avis des gens du ministère de la Justice disant
qu'eux ne pouvaient pas poursuivre les causes que nous leur avions
envoyées concernant les articles 58 et 69 étant donné que
ceux-ci ont été déclarés inopérants, j'ai
consulté à la Justice et on m'a dit: Concernant les dossiers que
vous avez présentement sous enquête, c'est le même sort qui
leur est réservé étant donné que les articles ont
été déclarés Inopérants, donc comme n'ayant
pas existé. D'accord? Étant donné que toute notre preuve
était recueillie pendant une période pour laquelle les articles
ont été déclarés inopérants, on ne pouvait
pas poursuivre. Donc, nous avons entrepris de fermer administrativement tous
les dossiers à la commission qui étaient sous enquête en ce
qui concerne les articles 58 et 69.
Parallèlement à la fermeture - je vais vous dire, on en a
fermé 2194 qui étaient en traitement; chaque
commissaire-enquêteur a fermé ses propres dossiers - on a rouvert
ceux où on avait des raisons de croire que la loi n'était pas
respectée, c'est-à-dire selon les nouvelles dispositions de la
loi concernant l'affichage. Donc, on les a fermés administrativement
mais on les a rouverts de notre propre chef, c'est-à-dire que c'est la
commission qui a rouvert les dossiers. C'est un long processus administratif.
Cela nous a pris tout le mois de janvier jusqu'au début de
février pour les fermer et on est en train de les rouvrir. On en a
déjà rouvert plus que la moitié. On recommence à
neuf, on recommence à zéro. Avant qu'on puisse transmettre un
dossier au procureur, cela prend entre trois et six mois parce qu'il y a
certaines étapes à faire avant qu'on puisse le transmettre. C'est
clair.
M. Filion: Une question que j'adresse au ministre mais qu'il
pourra diriger à Mme la présidente de la Commission de protection
de la langue française sans aucune forme d'objection de notre part:
L'affichage extérieur unilingue français existait dans nos
dispositions légales jusqu'au moment du jugement de la Cour
suprême. La Cour suprême - je suis tout ce raisonnement du
ministère de la Justice rond l'article inopérant, ce qui fait en
sorte que les poursuites judiciaires ayant été
déposées avant le jugement de la Cour suprême et
déclarant la disposition inopérante, elles doivent tomber et cela
m'apparaît être le bon sens sur le plan juridique.
Sur le plan administratif, vous savez que la loi 178 introduit une
clause dite dérogatoire à l'affichage unilingue français
extérieur, de sorte qu'on se retrouve dans la même situation
pratico-pratique qu'avant le jugement de la Cour suprême. En deux mots,
là où vos inspecteurs se sont promenés, ils ont vu que
l'affichage extérieur contrevenait aux dispositions de la loi 101 avant
le jugement de la Cour suprême. Le même constat est tout à
fait valable, bien sûr - peut-être faut-il faire une nouvelle
visite, j'en suis - pour faire en sorte que la loi 101 soit appliquée
dans les faits. J'aimerais que vous m'expliquiez, si vous me permettez, M. le
ministre, j'aimerais comprendre. Comment se fait-il que d'ouvrir un dossier et
de le refermer puisse prendre quatre mois sans qu'il y ait de poursuites? Dans
le fond, c'est le même dossier, c'est le même commerce, c'est la
même affiche, c'est la même contravention, c'est la même
illégalité. Vous dites: On a fermé les dossiers, on les a
rouverts. Mol aussi, je ferme mes dossiers et je les rouvre assez souvent. Ce
que je veux dire, c'est que je ne comprends pas.
M. Ryan: C'était simple mais cela demandait à la
présidente de la Commission de protection de la langue française
de vous expliquer les exigences techniques que comporte le recommencement de
ces dossiers, étant donné les conséquences du jugement de
la Cour suprême. Vous reconnaissez - je pense qu'il n'y a pas de
débat entre nous là-dessus - que...
M. Filion: Sur la mise en demeure et tout ça?
M. Ryan:... le jugement de la Cour suprême créait un
vide par rapport aux dossiers institués auparavant. Il faut par
conséquent, à tout le moins, si on veut rouvrir le dossier,
constituer une nouvelle preuve parce que celles recueillies avant n'ont plus de
validité pour...
M. Filion: Est-ce qu'il y a eu d'autres mises en demeure à
ce moment-là? Peut-être que...
M. Ryan: Sur le terrain des opérations concrètes,
je vais maintenant laisser la présidente de la Commission de protection
compléter ma réponse, toujours avec votre permission.
Mme de Fougerolles: C'est finalement très simple. Les
preuves recueillies et les mises en demeure signifiées, parce qu'il faut
toujours signifier une mise en demeure avant de transmettre au Procureur
général... Vous êtes d'accord avec ça? À la
suite de la mise en demeure, il faut toujours qu'il y ait un nouveau constat
pour bien vérifier que la contravention subsiste toujours. Donc, mise en
demeure, constat et, ensuite, si ce n'est pas corrigé, on transmet.
Étant donné que le constat et la mise en demeure ont
été effectués durant une période où,
techniquement, les articles 58 et 69 ont été
déclarés inopérants... Il n'y a pas de
rétroactivité dans la loi 178. On dit: "Pas". Donc, on ne pouvait
plus. Dans toute la preuve et les mises en demeure qu'on a signifiées et
dans lesquelles on a cité des articles de loi, on citait l'ancien
article 58. C'est peut-être techniquement ridicule, mais juridiquement,
cela n'avait aucune validité, nos preuves n'étaient donc pas
bonnes et la mise en demeure non plus. Dans les interventions qu'on avait
faites avant, dans les lettres qu'on
envoyait, c'étaient les anciens articles qui étaient
cités. Donc, juridiquement, cela n'a plus aucune valeur. Je suis
d'accord avec vous qu'on aurait pu continuer les enquêtes et, si le
contrevenant avait corrigé, il n'y aurait pas eu de problème; il
aurait corrigé. Mais, advenant le cas où il n'aurait pas
corrigé, on aurait été obligés de recommencer parce
que le ministère de la Justice n'aurait pas accepté étant
donné que toutes nos preuves auraient été recueillies et
nos mises en demeure auraient été envoyées durant une
période où les articles étaient inopérants. Donc on
a fait un ménage; on a fermé et on a recommencé en se
penchant sur chacun des dossiers et en les rouvrant. Cela vous semble
peut-être ridicule, mais on n'avait pas le choix.
M. Filion: Cela fait quatre mois. Je dois comprendre qu'on...
Mme de Fougerolles: Oui, oui Ils sont en traitement. Mais, vous
savez, on a 42 personnes qui travaillent à la commission et fermer 2194
dossiers a été une opération qui a duré un mois et
demi.
M. Filion: Avec quoi travaillent actuellement les inspecteurs de
la commission qui, tous les jours, rencontrent les commerçants? Avec
quels documents travaillent-ils au sujet de la nette prédominance?
M. Ryan: Je ne les suis pas sur le terrain. Je laisse
répondre la présidente.
Mme de Fougerolles: Vous avez, M. Filion...
M. Filion: Je ne vous blâme pas, M. le ministre. Ça
ne doit pas être très "jojo".
M. Ryan: Pardon?
M. Filion: Je dis que je ne vous blâme pas de ne pas les
suivre sur le terrain parce que ça ne doit pas toujours être
très "jojo" comme travail.
Mme de Fougerolles: Je vais vous dire, je les ai
accompagnés à plusieurs reprises sur le terrain. En fait, c'est
l'une des premières choses que j'ai faites lorsque j'ai accepté
la présidence de la commission. Je voulais savoir comment se
comportaient les inspecteurs parce que, effectivement, ce sont eux qui ont le
rôle le plus difficile à la commission. À la suite du
jugement et de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, nous avons, comme
vous le savez bien, M. Filion, émis une directive interne qu'on a
préparée conjointement avec l'Office de la langue
française et qui était destinée à nos
fonctionnaires. On a eu plusieurs réunions avec eux pour leur expliquer
la loi 178 et pour s'assurer que nos neuf inspecteurs et nos neuf
commissaires-enquêteurs l'appliquent de la même façon. Nos
inspecteurs et nos commissaires ont une directive interne qui explique la
notion intérieur-extérieur et celle de la nette
prédominance comme on a commencé à l'appliquer avant que
les règlements soient déposés.
Donc, les inspecteurs expliquent la loi 178 aux commerçants.
M. Filion: Est-ce que cette directive, madame - M. le ministre,
pardon, parce que je pense que je dois adresser mes questions à M. le
ministre. D'abord, de quand est datée cette directive?
Mme de Fougerolles: La directive n'est pas signée. Elle
est distribuée officieusement mais elle n'est pas encore rendue
officielle, étant donné que justement on attend de la fignoler
lorsque les règlements seront déposés.
M. Filion: Peut-être n'êtes-vous pas au courant,
peut-être que vous le savez ou non. Est-ce que c'est le document que j'ai
rendu public, M. le ministre?
Mme de Fougerolles: II y a eu une autre version. (12 h 15)
M. Filion: Une autre version?
Mme de Fougerolles: Oui.
M. Filion: Est-ce qu'on peut avoir cette autre version?
Mme de Fougerolles: Ah oui! Mais elle n'est pas officielle. Je
peux vous la donner mais elle n'est pas officielle.
M. Filion: Ah non! Mais écoutez, je veux savoir avec quoi
les inspecteurs font leur travail.
Mme de Fougerolles: Absolument. Oui. On pourra la
déposer...
M. Ryan: Maintenant si vous le voulez.
Mme de Fougerolles:... maintenant si vous le voulez.
M. Filion: Oui.
M. Ryan: Si vous l'avez, il n'y a pas de problème.
Mme de Fougerolles: Elle est dans ma serviette. Voulez-vous que
j'aille la chercher?
M. Filion: S'il vous plaît. Oui. Je pense que c'est
carrément d'intérêt public.
Le Président (M. Trudel): Mme la présidente, vous
pouvez la déposer. Je ferai faire les photocopies nécessaires
pour les membres de la
commission.
M. Filion: En attendant, j'aurais une question à poser au
ministre, toujours au sujet... Pardon?
M. Ryan: Je pense que nous avons fait parvenir au
député, en vue du travail de la commission, le texte de plusieurs
directives émises par la Commission de protection, n'est-ce pas?
M. Filion: C'est ça. Je veux avoir la bonne. M. Ryan:
Pardon?
M. Filion: C'est une notion qui évolue. Alors, je veux
avoir la bonne dernière.
M. Ryan: C'est normal que l'esprit de la présidente
évolue de semaine en semaine. J'en suis très heureux. Il n'y a
pas de scandale là. Continuez, madame.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme de Fougerolles: C'est qu'on la bonifie chaque fois qu'on se
penche dessus. On la rend plus claire.
M. Ryan: C'est sûr qu'avec le règlement ça
faciliterait énormément les choses.
M. Filion: Oui. Vous savez, M. le ministre, c'est rare que
l'application d'une loi relève d'un processus évolutif.
M. Ryan: Pardon?
M. Filion: II est rare - je pense que c'est le premier cas
à ma connaissance - que l'application d'une loi relève d'un
processus évolutif comme celui-là dans les mains de ceux qui sont
chargés de faire respecter la loi.
M. Ryan: Je regrette mais vous parlez au mauvais
interlocuteur.
M. Filion: Écoutez, un processus évolutif...
M. Ryan: Je m'efforce de donner une interprétation
évolutive dans bien des cas.
M. Filion: Oui, au fil des années.
M. Ryan: Comme administrateur. Des situations sans cesse
nouvelles sont portées à mon attention et je ne veux pas qu'on
sorte la règle de catéchisme numéro 877 pour dire qu'on ne
peut pas toucher au problème à cause de ça. Comme
administrateur public, je dis toujours que j'ai un intérêt si
ça regarde le secteur qui m'a été confié. Si le
règlement ne s'y prête pas, j'essaie de trouver une autre
façon d'être utile aux citoyens. Je l'ai dit à maintes
reprises en commission parlementaire et à la Chambre, et j'en suis
fier.
M. Filion: En attendant le document, à la Commission de
protection de la langue française, quand on reçoit une demande
d'enquête, d'abord, il s'agit de décider si cette demande
d'enquête est recevable ou non recevable. Sauf erreur, vous me
corrigerez, il me semble que lors de l'étude précédente
des crédits, on avait établi qu'il y avait un comité qui
étudiait les demandes qui entraient à la Commission de protection
de la langue française et qui en faisait en quelque sorte un tri. Je
voudrais savoir du ministre comment est composé ce comité de tri
et s'il est exact qu'il y a eu des modifications à la composition de ce
comité qui agit, en quelque sorte, comme première ligne à
la demande des citoyens qui veulent faire faire des enquêtes, qui veulent
faire vérifier une situation qui pour eux est illégale et
contraire à la loi 101.
M. Ryan: M. le Président, les plaintes qui arrivent
à la Commission peuvent être reçues par plusieurs
personnes. J'imagine que ça peut être un
commissaire-enquêteur, ça peut être la présidente,
ça peut être le directeur des services à la population. Il
y a une foule de canaux par lesquels ça doit entrer. Maintenant, ily a un comité de tamisage qui existe, qui est constitué
présentement de deux personnes, la présidente et le directeur des
services à la clientèle, lesquels sont tous deux
commissaires-enquêteurs en titre d'après la loi. Ils font le
premier tamisage. Ils vont décider, en particulier, si une plainte est
frivole, si elle est recevable. Si elle est jugée recevable, elle entre
ensuite dans l'entonnoir des commissaires-enquêteurs. Elle est
référée à un commissaire-enquêteur, lequel
s'appuiera sur un inspecteur pour faire effectuer les vérifications sur
les lieux.
M. Filion: Depuis quand cette situation existe-t-elle?
M. Ryan: Depuis le mois de décembre, d'après ce que
j'ai cru comprendre. Autrefois, la composition du comité était
quelque peu différente. Là, je pense que ça
relève... La directive porte la date du 20 mars 1989.
M. Filion: Quelle était la composition de ce comité
avant le 20 mars 1989?
M. Ryan: Mme la présidente va vous le dire...
Mme de Fougerolles: II était composé d'un
commissaire-enquêteur, qui était le directeur des services
à la clientèle, du chef de service de l'inspection et d'un
avocat. Lorsqu'il n'y avait pas consensus, c'était le directeur des
services à la clientèle qui avait le droit de trancher. Donc,
le comité n'était pas formé exclusivement de
commissaires-enquêteurs. Vous avez raison. C'est pour ça que je
l'ai modifié.
M. Filion: Vous t'avez modifié dans quelle optique?
Mme de Fougerolles: Premièrement, c'est parce qu'il y a eu
un changement administratif à l'intérieur, il y a des personnes
qui sont parties. Comme le dit monsieur, on a changé un peu notre
façon de procéder pour devenir plus efficaces, pour traiter plus
rapidement la procédure des plaintes. On a rendu le comité
beaucoup plus petit. J'ai décidé de m'en charger personnellement
parce que je veux savoir ce qui entre. Je veux me garder un contrôle.
M. Filion: D'accord. Je pose la question au ministre. Quand
même, c'est le comité des plaintes qui reçoit les plaintes.
C'est assez important comme processus parce que c'est le début. M. le
ministre, est-il normal et raisonnable qu'on ait changé la composition
du comité pour y faire siéger la présidente, si je
comprends bien, et c'est son droit à elle? Elle aime savoir ce qui se
passe dans sa boîte. Si elle décide de siéger à tel
comité ou à tel autre, il n'y a pas de problème sur la
présence de la présidente, qu'on se comprenne bien, mais
accompagnée du directeur des relations publiques...
Mme de Fougerolles: Non, des enquêtes. M. Filion:
Pardon?
Mme de Fougerolles: Le directeur des enquêtes; c'est lui
qui est le patron des commissaires-enquêteurs, le directeur des services
à la clientèle. C'est le supérieur.
M. Filion: Tantôt, vous m'avez dit: le directeur du service
à la clientèle.
M. Ryan: Service à la clientèle. Mme de
Fougerolles: C'est son titre. M. Ryan: C'est son titre.
Mme de Fougerolles: Mais c'est le directeur des enquêtes,
en fait. Il a la responsabilité des commissaires-enquêteurs et des
inspecteurs.
M. Ryan: Méprise sur le titre.
M. Filion: Est-ce que ce ne serait pas bon qu'il y ait un
commissaire-enquêteur qui oeuvre quotidiennement...
Mme de Fougerolles: Nous sommes...
M. Filion:... je sais que vous êtes d'accord en
théorie, mais qui fasse quotidiennement le travail d'un
commissaire-enquêteur qui siège à ce sujet, sinon...
Mme de Fougerolles: Je vais vous dire la raison pour laquelle les
commissaires-enquêteurs ne seront pas là. C'est parce qu'on essaie
de traiter le plus de dossiers possible. On nous accuse que les délais
sont trop longs, qu'on ne traite pas suffisamment de dossiers. Les
commissaires-enquêteurs ont chacun leur charge de travail. On essaie,
justement, de pouvoir accélérer le processus, et les faire
siéger à des comités les empêche d'enquêter.
C'est pour cette raison.
M. Ryan: M. le Président, avec votre permission, je
voudrais vous signaler qu'il y a dans la loi un élément qui m'a
embarrassé quelque peu. On a la Commission de protection de la langue
française. J'ai cherché longtemps en lisant le texte de la loi et
c'est seulement il y a quelque temps que j'ai compris que c'étaient les
commissaires qui formaient cette commission. C'est un concept sur lequel on
aura l'occasion de rediscuter. Je ne le trouve pas complètement
satisfaisant comme il est là. La présidente a été
obligée de se doter d'un comité de tamisage qui n'est pas
prévu par la loi. C'est une procédure purement administrative et
on peut discuter s'il devrait comporter deux, trois ou quatre membres, s'il
devrait comporter M. Untel ou Mme Unetelle. Cela fait partie de ses
attributions, quoi qu'il en soit Je pense qu'il lui incombe, à titre de
chef d'un service public ayant les pouvoirs d'un directeur de service,
d'exercer toutes les responsabilités qu'elle juge opportunes. Mais je ne
suis pas complètement satisfait de la définition des
responsabilités qu'il y a dans cette partie de la loi et je vous le dis
en toute simplicité, pour référence future.
M. Filion: Je voudrais demander ceci au ministre: Dans
l'étude du Conseil de la langue française - nous sommes toujours
en matière d'affichage - sur le taux approximatif de respect ou de
non-respect, selon le point de vue où on se place par rapport aux
chiffres, donc concernant le taux approximatif de respect de la règle de
l'unilinguisme dans l'affichage extérieur, j'ai retracé les
chiffres suivants: taux de respect - encore une fois, peut-être que je
devrais dire "taux de non-respect", me faisant l'avocat du diable, ce qu'on ne
devrait pas toujours faire parce qu'il est suffisamment bien
représenté dans notre société, mais enfin - taux
approximatif de non-respect de la règle de l'unilinguisme dans
l'affichage extérieur... Je cite des chiffres qui nous viennent du
Conseil de la langue française, une étude publique. Je prends le
commerce sur les rues et non pas dans les centres commerciaux. On a pris une
zone témoin francophone non identifiée, en tout cas que je n'ai
pas, où le taux de non-respect est de 17 %. À
Saint-Léonard, le taux de non-respect est de 14 %; à
LaSalle, de 43 %; au centre-ville ouest de Montréal, de 42 %;
à Mont-Royal, de 40 %; à Côte-des-Neiges et à
Snowdon, de 47 %; à Saint-Laurent, dans le comté de M. le premier
ministre, de 37 %; à Dorval et à Pointe-Claire, de 57 %; et
à Côte-Saint-Luc, de 65 %.
J'aimerais savoir comment le ministre réagit à ces taux de
non-respect qui sont absolument faramineux. Est-ce qu'il entend demander
à la Commission de protection de la langue française d'appliquer
la loi sans attendre les plaintes des citoyens? Ce sont quand même des
chiffres très élevés. Je pense que le ministre conviendra
avec moi qu'il faut combattre ce phénomène de
désobéissance absolument énorme. Donc, je demanderais au
ministre de quelle façon il entend agir, peut-être en
collaboration avec la Commission de protection de la langue française,
pour mettre fin à cette situation de non-respect qui prend des allures
de système.
M. Ryan: M. le Président, vu que la question du
député de Taillon se fonde sur des faits soi-disant contenus dans
un rapport d'une enquête qui a été faite sous la
responsabilité du Conseil de la langue française, il serait
opportun, je crois, qu'on demande d'abord au président du conseil de
préciser la portée de cette enquête et la signification des
données sur lesquelles se fonde la question du député de
Taillon, après quoi je serai heureux d'assumer la partie de la
réponse qui m'incombe plus proprement sur le plan politique.
M. Filion: Parfait!
M. Ryan: M. Martel est président du Conseil de la langue
française depuis deux ans maintenant.
M. Martel (Pierre): Depuis janvier 1988.
Le Président (M. Trudel): Allez-y, M. le
président.
M. Martel: Bien, l'objectif de notre enquête sur la langue
d'accueil et la langue de service n'avait pas pour but ou comme objectif de
mesurer la conformité avec la loi, pas du tout; c'était un
objectif tout autre. Il s'agissait de tracer un portrait, donc, de
l'utilisation de l'unilinguisme ou pas. À ce titre, la
méthodologie que nous avons retenue ne nous le permettait pas non plus,
c'est-à-dire... Je ne vous donnerai que deux exemples. On a recueilli
systématiquement, lorsque c'était dans le périmètre
choisi, par exemple, les menus qui sont bilingues dans certains cas et qui ne
le sont pas dans d'autres, mais les menus, même quand ils sont bilingues,
sont parfaitement conformes à la loi 101.
D'autre part, on a mesuré, par exemple, l'affichage dans les
petits commerces qui font exception à la loi 101, comme les librairies,
etc. Donc, selon notre objectif et à partir des données de
l'enquête, on ne peut pas mesurer le respect ou le non-respect de la loi
101 à ce chapitre.
M. Filion: Mais concernant l'affichage extérieur, M. le
président Martel, que je voudrais évidemment, bien sûr,
saluer, est-ce que ces chiffres ne sont quand même pas concluants?
M. Martel: C'est ce que je viens de vous dire. Par exemple, dans
l'affichage extérieur, on recueillait souvent les menus bilingues dans
le secteur de la restauration et c'est tout à fait conforme à la
loi.
M. Filion: Donc, si je comprends bien, ces chiffres ont
été établis de façon générale, ils
sont quand même indicatifs. On ne peut pas... Alors, je retourne au
ministre, bien sûr, cette mise au point s'imposait, mais ils sont quand
même indicatifs, même s'ils comprenaient quelques menus ou...
M. Ryan: Cela montre quand même qu'avant de Jouer avec des
pourcentages H faut toujours faire de petites vérifications, c'est
toujours très utile. On entend toutes sortes de choses à propos
de ces sujets, je pense qu'il faut en traiter avec la prudence
nécessaire. Maintenant, il y a un point sur lequel...
M. Filion: Je disais un taux -approximatif, M. le
Président.
M. Ryan: Oui. On est habitué à l'approximation dans
ces choses, malheureusement.
M. Filion: On n'a pas beaucoup d'indicateur fixe.
M. Ryan: Maintenant, justement, j'en venais à ça,
si on veut me laisser terminer. Je m'excuse, j'aime bien les Interruptions
aimables et je ne m'en plains pas, au contraire. Je causais justement avec la
présidente de la Commission de protection, il y a quelque temps, et je
lui disais que c'est bien beau d'avoir le nombre de plaintes et tout ça,
ça donne une partie de la réalité; cela peut être
soufflé aussi, et on l'a vu au cours des deux dernières
années que, souvent, ça l'a été, pour des motifs
qui peuvent être honorables, mais quand on a 15 000 plaintes et que
ça regarde 2000 établissements, ça ne fait pas 15 000
établissements. Je pense qu'on est tous capables de comprendre
ça. C'est de l'arithmétique élémentaire Ce que je
disais à la présidente: Quand même H y aurait 15 000 ou
5000 plaintes, ça ne me renseigne pas nécessairement sur
l'état exact de l'application de la loi en ce qui touche l'affichage
extérieur. J'ai demandé à la présidente d'essayer
de mettre au point un dispositif qui nous permettrait de me fournir
périodiquement des rapports. Par exemple, à supposer qu'on
choisirait des quartiers témoins à Montréal, que
l'Office s'arrange pour aller faire des vérifications, disons
à tous les six mois, et dise: Voici, il y a six mois, on avait un taux
d'observance de la loi qui était à tant; six mois plus tard, le
taux a évolué de telle manière. Si nous constatons qu'il y
a une évolution sensible, cela peut être intéressant, cela
nous aide quant au genre de directives qu'on va donner et quant on genre
d'action qu'on requerra de notre personnel sur le terrain.
Actuellement, nous manquons de ces tableaux de la situation qui nous
permettraient à nous, du personnel politique, de dire: Ils font leur
travail ou ils ne le font pas; ils avancent ou ils n'avancent pas. C'est pour
ça que j'ai demandé à la présidente, il y a quelque
temps, de travailler quelque chose dans ce sens de manière que, quand
nous discuterons, nous pourrons dire, par exemple: Pour la partie ouest de
Montréal, des vérifications ont été faites dans un
ou deux endroits significatifs à quelques reprises et voici ce qui en
est.
M. Filion: Je passe maintenant...
M. Ryan: Mme la présidente m'informe que, justement,
à la suite de cette demande que je lui soumettais il y a
déjà à peu près trois semaines, elle m'enverrait
à la fin de la semaine un premier rapport sur une vérification
qui a été faite dans quatre secteurs différents. Je la
remercie beaucoup.
M. Filion: Juste une question...
Le Président (M. Trudel): II faut que ce soit très
court et que la réponse soit de la même longueur,
c'est-à-dire très courte. On a déjà
dépassé...
M. Filion: Oui. Reprenons cet après-midi.
Le Président (M. Trudel): Vous préférez
revenir cet après-midi. La commission ajourne ses travaux jusque vers 15
h 30, cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 33)
(Reprise 15 h 34)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de la culture reprend ses travaux qui consistent à
étudier les crédits budgétaires des organismes relevant du
ministre responsable de l'application de la Charte de la langue
française, pour l'année financière 1989-1990. Au moment
où nous nous sommes quittés pour le déjeuner, il a
été convenu, entre M. le ministre et M. le député
de Taillon qui doit nous rejoindre dans huit secondes et quart, de ne pas
nécessairement suivre l'ordre indiqué dans le livre des
crédits, mais de commencer par l'élé- ment 2. Pour autant
que je me souvienne, M. le député de Taillon, nous étions
à l'élément 2 du programme. Est-ce que vous avez
terminé?
M. Filion: Oui. Vous aviez une question, de l'autre
côté.
Le Président (M. Trudel): Théorique. Le
député n'étant pas là, si vous êtes
prêt à passer à autre chose...
Office de la langue française
M. Filion: Oui, je suis prêt. À chaque étude
des crédits, c'est un peu la même chose, on manque de temps. Je
suis convaincu que la présidente de la Commission de protection de la
langue française demeure avec nous, il y a d'autres sujets que je
voudrais aborder en ce qui concerne l'élément 1, l'Office de la
langue française. Ma première question porte sur la langue de
l'administration. Rapidement, on sait que, depuis environ deux ans, de ce
côté-ci, nous avons dénoncé la
détérioration du fait français dans l'appareil
gouvernemental. On se souviendra qu'à la suite de certaines situations
de fait que j'avais portées à la connaissance du gouvernement le
prédécesseur du député d'Argenteuil avait
confié à l'Assemblée nationale, en Chambre, au mois de
juin 1988, que l'Office de la langue française ferait son enquête
afin d'éviter la répétition d'incidents mettant en cause
la langue de l'administration. Pour être plus précis, il
s'agissait de cas où un organisme ou un ministère correspondait
ou discutait avec des citoyens et des citoyennes francophones du Québec
dans la langue de Shakespeare. Le ministre avait donc annoncé cette
enquête. Il nous avait même promis l'usage d'un français
impeccable dans l'administration...
M. Ryan: Ce n'est pas moi parce que je sais que c'est
impossible.
M. Filion: Non, non. Alors, le prédécesseur nous
avait promis... Je rappellerai au ministre qu'il poursuit l'entité
institutionnelle de son prédécesseur et qu'il répond
aujourd'hui en sa qualité de ministre responsable de l'application de la
Charte de la langue française au même titre que son
prédécesseur.
Alors, grosso modo, pendant ces neuf mois, j'ai laissé le dossier
évoluer, espérant que cette enquête serait amorcée,
complétée et que des mesures concrètes seraient prises par
le gouvernement pour mettre fin à ces situations qui sont choquantes, il
faut l'admettre. Quand un citoyen reçoit, comme cela m'est arrivé
d'ailleurs, une lettre d'Hydro-Québec adressée en anglais, ce
n'est pas drôle, surtout quand cela implique des milliers de citoyens qui
paient leurs taxes et qui ont droit de recevoir une communication
gouvernementale dans leur langue.
Je voudrais savoir du ministre si cette
enquête est terminée. Quelle forme a-t-elle prise? Quelles
sont les recommandations qui ont été retenues? Quelles actions
concrètes ont été entreprises?
M. Ryan: Est-ce qu'il s'agit d'une enquête qui aurait
été confiée à la Commission de protection de la
langue française?
M. Filion: Non, non.
M. Ryan: Qui aurait été instituée par le
ministre?
M. Filion: Écoutez, je me réfère... M.
Ryan: Oui.
M. Filion:... à mes dossiers de l'époque. Il
s'agissait d'une enquête qui a été demandée à
l'Office de la langue française et qui nous a été
annoncée, en Chambre, au mois de juin 1988. Les coupures de presse que
j'ai devant mol confirment un peu mon souvenir des événements.
Peut-être pour stimuler la mémoire du ministre, selon son
prédécesseur, tout cela était dû au fait que
l'article 15 de la loi 101 posait certains problèmes, mais il
s'était engagé à entreprendre cette enquête.
M. Ryan: Est-ce que cela complète la question ou si elle
continue toujours, interminable?
M. Filion: C'est parce que vous me disiez que vous étiez
préoccupé, cela se lisait sur votre visage, alors je voulais vous
instruire davantage sur cette enquête dont vous n'aviez aucun
souvenir.
M. Ryan: Je veux tout d'abord vous dire une chose. Je ne vous
dirais jamais que je prends l'engagement de faire en sorte que dans un an la
tangue de l'administration sera parfaite et irréprochable. Je connais
trop l'état de la langue dans l'administration pour vous dire une chose
comme celle-là.
Je pense que nous avons hérité d'une situation - le
gouvernement précédent également - qui est tributaire de
la situation générale de la langue au Québec. On ne peut
pas s'imaginer qu'on va percher l'administration sur un isoloir où elle
pourra atteindre la perfection pendant que la plèbe continuera à
se débattre avec ses problèmes de langue. En
réalité ce n'est pas comme ça que ça se passe. Je
me souviens de mes premiers mois comme membre du gouvernement. Des fois,
j'avais le choix entre rejeter un texte ou le réécrire
moi-même. Et j'en ai retourné un grand nombre. Mais il y a des
gens, s'ils n'ont pas appris à écrire, à qui je
n'apprendrai pas ça avec un cours de Berlitz. Cela prend beaucoup plus
de temps que ça, apprendre à écrire. C'est l'oeuvre d'une
vie. Il faut que ces gens-là gagnent leur vie quand même. Ce sont
d'honnêtes collaborateurs et collaboratrices de l'État. Cela fait
qu'il faut mettre un peu de sens pratique dans ces choses-là, M. le
Président. C'est ce que je veux vous dire. L'enquête, je n'en ai
pas connaissance, pour être franc avec vous. Je sais que mon
prédécesseur a écrit à chacun de ses
collègues ministres pour leur demander: Dites-moi ce que vous faites de
manière qu'on puisse voir en quoi nous pourrions vous être
utiles.
J'ai ici - et je vais demander la permission de le communiquer à
tous les membres - un exemplaire des réponses qu'il a reçues d'un
ministère, le ministère du Revenu. Et je prends cet
exemple-là comme modèle. Je me dis que, si chaque
ministère décidait d'agir comme ce dernier l'a fait pour
rechercher l'amélioration de sa langue de communication, on ferait
énormément de progrès. Mais on ne peut pas
décréter du jour au lendemain que ça va être
parfait, que ça va être comme ceci, que ça va être
comme cela. Même dans mes lettres vous trouverez des fautes. Parce que,
des fois, je les signe par centaines dans une soirée. Je n'ai pas le
temps de tout vérifier et il peut arriver que j'en fasse moi-même,
même si j'ai été Journaliste longtemps. Ce n'est pas du
tout une garantie d'infaillibilité.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Alors, je suis prêt à déposer ceci.
C'est très Intéressant. J'en donnerais lecture mais je ne veux
pas abuser du temps de la commission. Mais Je vais vous dire ceci, M. le
Président. Je parlais avec M. Rondeau l'autre jour. C'est un des volets
de la fonction du secrétariat - je l'ai mentionné ce matin -
d'assurer la cohérence et la continuité de l'action
gouvernementale dans les différents ministères. Et il disait
qu'un de ses soucis principaux était de faire un travail de promotion de
la qualité de la langue dans l'administration et je lui ai dit: Cela
répond tout à fait à mes attentes, mais nous ne le ferons
pas à la manière de directives. Nous ne le ferons pas par l'envoi
de circulaires. Et je lui ai donné le mandat d'aller dans chaque
ministère rencontrer les sous-ministres, causer avec eux, faire
l'état de la situation avec chacun, voir quels sont les besoins. S'il
arrivait, par exemple - je vous donne un exemple: j'ai gardé une partie
du budget de 10 000 000 $, qui a été mis à ma disposition,
pour des projets spéciaux - que de ces contacts découlent des
initiatives visant à l'amélioration de la langue chez les
fonctionnaires, on va avoir des ressources pour le faire. Je pense que c'est
comme cela qu'on va faire avancer la qualité de la langue. Ce n'est pas
en lançant des oukases et des directives à gauche et à
droite. Est-ce clair?
M. Filion: Oui, votre réponse est claire, mais cela ne
répond pas à ma question. L'enquête
dont on parle, M. le ministre, ce n'est pas une enquête sur la
qualité du français dans l'administration. C'est une
enquête sur la conformité et l'usage de la langue française
eu égard aux obligations que crée la Charte de la langue
française à l'administration, avec un grand "A", de communiquer,
comme j'ai mentionné tantôt, avec les contribuables en
français. J'ai bien écouté ce que vous avez dit, M. le
ministre, j'en suis fort heureux, mais, encore une fois, il s'agissait ici
d'une enquête portant sur les communications du gouvernement avec les
citoyens et les citoyennes, et ces communications qui, souvent, se font en
langue anglaise. Je vais vous donner quelques exemples, parce que j'en
reçois à la tonne, M. le ministre, peut-être pour vous
mettre sur la bonne piste parce qu'il semble que l'enquête n'ait pas eu
lieu. D'abord, un citoyen de Saint-Jean-Chrysostome - je pense que c'est sur la
rive sud de Québec, - Richard Blouin - c'est récent; apparemment,
il y a plusieurs centaines de citoyens qui sont dans la même position que
ce dernier - a reçu son chèque d'allocation familiale avec une
publication gouvernementale, comme cela arrive souvent, c'est-à-dire un
dépliant gouvernemental. Dans ce cas-ci, c'était Protect
Yourself, la revue de l'Office de la protection du consommateur qui est
publiée dans les deux langues. C'est une excellente revue, soit dit en
passant, que le député de Verdun, dans un de ses comités,
voulait abolir à l'époque. Toute la publication est en anglais.
Alors, M. Blouin, qui a reçu cela, n'est pas de bonne humeur. Ce n'est
pas la qualité du français, c'est l'absence du français
parce que tout est en anglais. Je ne sais pas combien de citoyens ont
reçu la même chose, mais on m'informe qu'il y en a plusieurs
centaines, et je pourrais en citer beaucoup.
Deuxièmement, il me semble que c'est une personne de la rive sud
de Montréal - je me demande si ce n'est pas dans mon comté - qui
écrivait au ministère de la Justice pour, on le sait, recevoir
son certificat de naissance, une espèce d'extrait des registres de
l'état civil; M. Daniel Hétu, la mère est Louise
Bérubé, et ils ont des enfants, Marie-Ève, etc. Ces
personnes ont reçu du ministère de la Justice leur certificat de
naissance en anglais, tout est en anglais, alors que la demande a bel et bien
été faite en français au ministère de la Justice.
Je pourrais continuer longtemps. Il y a aussi le cas - tiens, ça, c'est
Intéressant - d'un citoyen de Laval, M. Gaudet, qui a fait sa demande de
permis de conduire à la Régie de l'assurance automobile du
Québec, un délinquant majeur en termes d'utilisation de la langue
française, et qui a reçu son permis de conduire, comme beaucoup
d'autres d'ailleurs, où tout est imprimé en français, sauf
pour "organ donation" qui est en anglais. Comme si on ne pouvait donner nos
organes qu'en anglais. C'est le cas de M. Gaudet.
Il y a également la situation vécue par une dame, Mme
Benoit - je pense que cela vaut la peine - qui a reçu une enveloppe de
la Société d'habitation du Québec avec des pamphlets
explicatifs en anglais seulement et, encore là, c'était assez
généralisé dans son coin. Je vais vous lire la lettre
qu'elle m'adresse parce qu'on n'a pas besoin d'ajouter à ça.
Une voix: Un dépliant.
M. Filion: Oui, un dépliant explicatif. Je vais vous lire
la lettre. "Cher M. Filion, voici une enveloppe qui m'a été
adressée contenant des dépliants et un formulaire, tous en
anglais. Pourtant, lorsque j'en ai fait la demande, je me suis bel et bien
adressée à la fonctionnaire en français" Les gens sont en
furie quand ils communiquent avec nous. "J'ai été tellement
insultée que j'ai jeté le formulaire à la poubelle et je
n'ai pas lu une ligne des dépliants. On sent où on s'en va dans
cette province; on ne peut plus se faire servir dans notre langue par notre
propre gouvernement. C'est de ça qu'il s'agit, la langue des services
gouvernementaux. " Elle m'écrit: "J'ai honte. J'espère que cette
plainte pourra vous servir d'exemple parmi tant d'autres. " Là, elle
fait une petite blague: "Peut-être a-t-on voulu mettre en application la
loi 178, l'anglais à l'intérieur de l'enveloppe. Aussi, j'ai
téléphoné à la Société d'habitation
du Québec", et c'est ça qui est important, M. le ministre, "pour
me plaindre et on m'a répondu qu'il n'y avait plus de formulaires en
français. " C'est ça qui est la clé. Pourquoi tant de gens
reçoivent-Ils des formulaires gouvernementaux, des communications
gouvernementales en anglais alors qu'ils sont de langue française?
La théorie de votre deuxième prédécesseur,
la députée de Chomedey, c'est qu'il y a des fonctionnaires qui
faisaient exprès. Je vais vous dire: Non, je ne crois pas ça.
C'était quand même la théorie de votre
prédécesseur, de votre collègue. Je crois cependant que,
dans la fonction publique, il y a des hauts fonctionnaires, des directeurs de
service, etc., et qu'à un moment donné on dit: II ne nous reste
plus de formulaires en français. Qu'est-ce qu'on fait à ce
moment? Les fonctionnaires ne vivent pas isolés; ils vivent au
Québec, ils ont vu l'effritement de la volonté politique du
gouvernement. Puis, ils se disent. Coudon! il nous en reste une boîte en
anglais, on va envoyer la boîte en anglais; ce n'est pas grave. Mais les
citoyens reçoivent ça, ils ne comprennent pas ou ils les mettent
à la poubelle et ils sont insultés, à juste titre.
Les erreurs sont toujours possibles, mais pourquoi ce type d'erreurs
généralisées ne se passait-il pas avant? Il ne se passait
pas sous le gouvernement du Parti québécois parce que les
volontés étaient claires. La volonté était
exprimée clairement. Il peut y avoir des erreurs à l'occasion
mais, écoutez, il y a eu des dizaines de milliers de formulaires de la
Régie des rentes qui ont été envoyés à des
bénéficiaires de la Régie des rentes. Je pourrais vous en
citer tout
l'après-midi, M. le ministre. Vous vous en souviendrez
peut-être vaguement, l'an passé et il y a deux ans, j'en ai
cité plusieurs cas. A un moment donné, il y a des fonctionnaires
qui disent: On n'en a plus en français, on en envoie en anglais et, cela
dit, ce n'est pas tellement grave parce que... Ils regardent les choses aller
et ils lisent les journaux également, eux et elles. Ils envoient
ça.
Ma question au ministre de l'Éducation est claire. Votre
prédécesseur nous avait répondu en Chambre, et je prends
la parole des gens qui me parlent: L'Office fera son enquête. Est-ce
qu'on a les résultats de cette enquête? Est-ce que le ministre
peut les rendre publics et nous faire part des recommandations qui ont
été appliquées pour empêcher ce type d'erreurs dont,
je veux bien qu'il le sache, je pourrais lui fournir des exemples à tous
les jours? Je veux qu'il saisisse ici l'importance de la chose puisque
l'administration, au premier chef, doit donner l'exemple. Si l'administration
écrit en anglais aux citoyens et considère que ce n'est pas
grave, imaginez-vous quand American Express nous envoie sa camelote, quand
Zellers nous demande de faire partie du Club Z ou quand n'importe quelle autre
entreprise nous écrit, si le gouvernement, au premier chef, ne donne pas
l'exemple d'une préoccupation constante quant aux communications qui ont
lieu avec les citoyens. Bref, c'est ça ma question. Qu'en est-il de
cette enquête, M. le ministre?
M. Ryan: Sur l'enquête elle-même, je ne suis pas en
mesure de donner une réponse précise et complète au
député. J'ai retracé des éléments d'une
communication qui avait été faite au ministère du
Québec afin de leur demander de faire le point avec le ministre
responsable sur les mesures prises dans chaque ministère et organisme
pour assurer le respect de la charte dans l'administration. Je vous donnais
tantôt un exemple. Si vous voulez que je vous communique un exemple de
réponse, j'en a) un ici qui va faire voir au député... Je
demande même la permission de le communiquer aux députés,
M. le Président, parce qu'on va voir, par un cas concret, combien il se
fait de travail à l'intérieur des ministères qui,
malheureusement, est inconnu de la part non seulement de nos concitoyens, mais
même des députés. C'est un échange de correspondance
que j'ai eu moi-même avec le ministre du Revenu, M. Yves Séguin,
et, avec votre permission, M. le Président, j'aimerais que nous en
communiquions des copies aux membres de la commission, à condition que
mon original me revienne.
Le Président (M. Trudel): Oui, sûrement. Si on peut
l'avoir, on va faire faire les photocopies nécessaires.
M. Ryan: C'est pour ça. Maintenant, je voudrais
peut-être répondre un peu plus largement, si le
député me le permet, pour lui dire la manière dont je vois
ces choses. Je pense que dans une administration qui fait des millions de
communications chaque année, qui fait des communications de plus en plus
soumises à toutes les contraintes et aléas de l'ordinateur, il
faut s'attendre que des erreurs se produisent parce que la
réalité de notre société demeure multiculturelle.
Il y a un certain nombre, quelques milliers, plusieurs milliers de citoyens qui
demandent d'être servis dans l'autre langue et ça crée des
possibilités d'interface ou de confusion dans le fonctionnement des
mécanismes automatisés.
À ce moment, il me semble que l'économie de la loi est
comme ceci et, si le député n'est pas de mon avis, ça
m'intéresserait d'avoir son opinion. Une personne qui est saisie de cela
a plusieurs recours. Elle peut s'adresser à l'organisme même pour
faire corriger l'affaire tout de suite. Si l'organisme ne veut pas, elle peut
s'adresser à la Commission de protection de la langue française
qui est le recours habituel Institué par le législateur. Elle
peut s'adresser à son député aussi. Il y a peut-être
d'autres recours aussi. Il y a son syndicat, il y a toutes sortes de choses si
on voit qu'il y a mauvaise volonté. SI la chose est corrigée,
mais errare humanum est, l'administration est sujette à erreurs, si elle
corrige ses erreurs de bonne foi, à ce moment, je pense qu'il n'y a pas
matière à controverse beaucoup.
Maintenant, il faudrait peut-être évaluer le volume des cas
qui se sont présentés. J'avais demandé à la
Commission de protection de préparer un relevé des plaintes
touchant l'administration dont la commission a été saisie au
cours des dernières années et je mentionne les chiffres
rapidement pour donner une idée de l'ordre de grandeur: 1983-1984, 68;
1984-1985, 87; 1985-1986, 70; 1986-1987, 244 - peut-être que le
député est deux ou trois ans en retard, on va voir la suite -
1987-1988, 49; 1988-1989, 93. On voit que, sauf une année où il y
a eu des oscillations qu'il faudrait examiner de près, le volume demeure
à peu près le même. Cela ne rend pas compte de tout
ça. Comme Je le disais ce matin à propos de l'affichage à
Montréal, cela ne nous rend pas nécessairement compte de la
situation exacte. Nous allons instituer, et c'est dans ce sens que M. Rondeau
va prendre contact avec les ministères pour établir des moyens de
communication avec eux qui vont nous permettre d'être beaucoup plus au
courant de la situation. À mon titre de député, en tout
cas, quand je suis saisi d'une plainte de cette nature, je la
réfère de ma propre initiative à l'organisme responsable
et j'avertis le citoyen. Je lui dis: J'ai communiqué cela; si vous
n'avez pas de nouvelles, vous m'en donnerez; je vais m'en occuper. Je ne pars
pas avec la lettre du citoyen et faire le tour du Québec avec le drapeau
de la Saint-Jean-Baptiste.
M. Filion: Avec le drapeau de...
M. Ryan: Le fleurdelisé. M. Filion: Oui.
M. Ryan: Ce n'est pas ma manière de travailler. Je ne
pense pas que ce soit une manière efficace. Je pense qu'il faut agir
fonc-tionnellement, agir sur le point là où se prend la
décision, où est la responsabilité, et, après cela,
s'il y a des erreurs qui ne sont point corrigées, qu'on découvre
une mauvaise volonté ou une absence de volonté, je comprends que
la critique politique soit très dure. Mais partir en croisade avec une
lettre comme celle-là, je vous dis franchement...
M. Filion: Oui, si le ministre...
M. Ryan: Et qu'on me saisisse. Si on n'a pas confiance, qu'on
m'envoie cela et je vais le référer rapidement. En tout cas,
c'est ma façon de procéder et je crois que c'est plus conforme
aux normes de l'administration publique.
M. Filion: Le ministre n'était manifestement pas au
courant du problème que je soulève. Cependant, il demeure que son
prédécesseur nous disait en Chambre qu'il demanderait à
l'Office de la langue française de voir comment les organismes du
gouvernement se plieraient aux exigences de la loi 101. Le ministre n'a aucune
connaissance de cette enquête, alors, je poserais la question suivante:
Est-ce que l'Office de la langue française a reçu une demande du
gouvernement aux fins de procéder à cette enquête pour
éviter la répétition d'incidents qui dévoilent un
laxisme systématique? Et, quand on dit que des dizaines de milliers de
dépliants de langue anglaise sont adressés aux
bénéficiaires de la Régie des rentes, je vais vous dire:
Je n'appelle plus cela errare humanum est, surtout que de ces incidents, on
peut vous en fournir une boîte, et les gens, soit dit à propos,
sont tous informés de leurs droits et connaissent tous, dans la lettre
que je leur envoie, l'adresse de la Commission de protection de la langue
française, quand ce n'est pas moi qui le fais directement. Donc, ma
question est la suivante: Est-ce que l'Office de la langue française a
reçu une demande de la part du gouvernement aux fins de vérifier
l'application de la loi 101 par le gouvernement lui-même?
M. Ryan: M. le Président, avec votre permission, ce serait
utile de demander au président de l'Office de la langue française
de nous dire le travail que l'Office a accompli auprès de
l'administration en vue de promouvoir la réalisation des objectifs de la
charte.
Le Président (M. Trudel): D'accord. M. le président
de l'Office.
M. Laporte (Pierre-Etienne): M. le Président, je me
rappelle très bien avoir discuté de cette question avec M.
Rivard. À ce moment-là, on avait convenu que, faire une
enquête ou faire une étude... D'abord, l'Office n'a pas de pouvoir
d'enquête. Faire une étude, ce serait long et coûteux et il
serait peut-être préférable, malgré l'engagement que
le ministre avait pris à ce moment-là, de s'en tenir à
certaines actions ponctuelles. Par exemple, il m'est arrivé de
rencontrer le secrétaire général là-dessus. J'ai
rencontré plusieurs de mes collègues sous-ministres. L'an
passé, on a aussi revu 200 organismes de l'administration pour leur
fournir de l'information sur la charte et revoir un peu avec eux quelles
étaient leurs obligations. Finalement, dans le programme qui s'en vient,
dans l'année qui s'en vient, on a prévu des interventions sur
l'administration publique. La plupart de ces interventions sont prévues
pour améliorer la qualité du français. Il y a aussi des
interventions qui nous permettront d'informer les gens et de les persuader de
se conformer plus étroitement à la charte. C'est essentiellement
ce qu'on a fait à l'Office de la langue française. Je ne sais pas
si c'est suffisant, mais c'est là le bilan de nos actions. (16
heures)
M. Filion: C'est suffisant comme réponse, mais ce n'est
pas suffisant, en ce qui nous concerne, comme contenu, et ce n'est pas un
reproche que je fais. D'une part, le ministre nous avait dit en Chambre, il
s'était engagé à le faire et il n'y a rien de fait.
Deuxièmement, je veux bien, des accidents, des erreurs de parcours
peuvent arriver, mais ce qu'on décèle dans l'administration
publique, c'est, encore une fois, que le laxisme commence à transpirer
à beaucoup de niveaux de l'administration publique. Il faut un
redressement qui pourrait se manifester par une approche systémique des
communications du gouvernement avec l'ensemble de la population. Ce n'est quand
même pas quelque chose de sorcier. Cela ne demande pas une grande
concertation. Pour le ministre responsable, il s'agit de mettre sur pied
une petite politique que ses collègues du Conseil dos ministres vont
appliquer.
Vous et moi, aujourd'hui, on peut bien se dire que ce n'est pas
tellement grave, des erreurs, mais allez donc expliquer cela aux gens qui
reçoivent ça. Allez expliquer cela aux gens qui paient des taxes
et qui reçoivent leur communication gouvernementale en anglais. Cela
peut avoir l'air facile de discourir comme député, mais quand
nous sommes Impliqués, qu'on paie des taxes et qu'on reçoit le
Protect Yourself ou qu'on reçoit un formulaire de la Régie de
l'assurance automobile du Québec - je le mentionne à juste titre
parce qu'il m'a semblé qu'il s'agissait là d'un délinquant
hors pair... Il y a en d'autres. Il y a eu des cas que je ne vous cite pas, M.
le ministre, des formulaires d'impôt sur le revenu qui ne sont pas
disponibles. Je n'en
parle pas. Le ministre me disait: Écoutez, on a des
problèmes de distribution, cela peut arriver, etc., mais on est en train
de rectifier cela. D'accord. Mais on voit qu'il y a des poches de
résistance importantes - votre prédécesseur n'avait pas
basé sa conclusion uniquement sur des impressions - d'où
l'engagement qu'il avait pris d'imposer une étude plus sérieuse
et plus systémique, encore une fois, du problème. C'est à
regret que je constate que, de ce côté-là, on se contente
d'actions ponctuelles, Ici et là, selon que les problèmes
surgissent. J'aurais beaucoup plus apprécié là-dedans une
rigueur et une vigueur propres à faire en sorte que l'image même
du gouvernement puisse être tout à fait blanche. On dit souvent
que la femme de César était au-dessus de tout soupçon.
Là, c'est César lui-même, ma foi, qui donne cet exemple qui
est tout à fait boiteux. Donc, c'est à regret que je constate
qu'il n'y a pas eu d'enquête, d'une part, et que, deuxièmement,
semble - t-il, il n'y aurait pas d'étude ou d'enquête. Vous
vouliez ajouter?
Le Président (M. Trudel): M. le ministre.
M. Ryan: M. le Président, je pense que je vais être
obligé de donner certains extraits de la lettre que j'ai
distribuée au député tantôt. Les propos du
député de Taillon ont un caractère très
général, on l'a tous entendu. Là, il porte un jugement sur
l'ensemble de l'administration. Je lui dis que ce jugement n'est absolument pas
conforme à la réalité concrète. Pour montrer que ce
n'est pas une affaire d'à peu près, pas une affaire
d'improvisation et de règlement de petits cas qui se présentent
ici ou là, mais une politique exprimant une volonté beaucoup plus
conséquente, je vais seulement donner des extraits de la politique qui
est suivie dans un ministère, le ministère du Revenu.
On dit: "Dans le cadre de l'amélioration des communications par
une meilleure qualité de la langue française, la Direction des
communications du ministère a mis sur pied des services linguistiques
ayant comme mandat de contrôler tous les documents émanant du
ministère et destinés à une clientèle externe. Ce
service doit s'assurer que la communication est précise et claire,
conforme aux règles du français et aux normes dans ce domaine, et
bien adaptée aux besoins de la clientèle. 'De plus, le
ministère, en collaboration avec l'Office de la langue française,
vient de publier un vocabulaire relatif à la déclaration de
revenus décrivant les termes à utiliser dans ce domaine
très technique. Il en fait actuellement la promotion Interne afin d'en
favoriser l'utilisation et ainsi améliorer la qualité du
français écrit à tous les niveaux. "Soulignons que le
ministère observe toutes les dispositions de la Charte de la langue
française. Il n'hésite pas, au besoin, à consulter les
personnes-ressources responsables de l'interpréter et de l'appliquer.
Toute plainte adressée à l'Office ou à la Commission de
protection, au sujet de gestes posés par le ministère, est
transmise à l'interlocuteur officiel du ministère auprès
de ces deux organismes. Ce dernier, de concert avec la direction
générale Impliquée, prend les mesures requises pour
corriger la situation, informe le contribuable concerné des
démarches effectuées en sa faveur et transmet un rapport à
l'Office ou à la Commission qui peut ensuite classer le dossier. "Bien
que le nombre de plaintes touchant le ministère soit minime - environ
cinq ou six par année - les trois Interlocuteurs communiquent
périodiquement entre eux et entretiennent des relations mutuellement
profitables. "
Peut-être que certains voudraient qu'il y ait plus
d'interlocuteurs que de clients, c'est déjà le cas dans certains
secteurs de l'administration. Nous ne voulons pas entraîner quelque
prolifération que ce soit. Je suis prêt à prendre
l'engagement, M. le Président - c'est une chose que J'entendais faire
prochainement - de communiquer ce modèle à tous mes
collègues du cabinet, à leur dire: Voici un genre de comportement
qui est peut-être généralisé dans l'administration -
je ne porte pas de jugement pour l'instant - mais que je souhaiterais, à
titre de ministre responsable de la charte, de voir se
généraliser dans l'administration. Il me semble que c'est plus
constructif que les jugements qui ne procèdent pas d'une solide
étude des faits.
M. Godin: Faute d'enquête.
M. Ryan: Pardon?
M. Godin: Faute d'enquête, que voulez-vous?
M. Ryan: Je n'en veux pas de ce genre d'enquête.
M. Godin: Non, mais comment voulez-vous...
M. Ryan: II n'y aura pas de malentendu l'année prochaine,
parce que je vous aurai dit clairement aujourd'hui que ce n'est pas la
méthode que je favorise pour promouvoir le français auprès
de mes collègues des autres ministères.
M. Filion: J'ai pris note du refus du ministre relativement
à cette demande-là. En même temps, je lui signale tout
à fait cordialement que le ministère du Revenu a adopté,
oui, une politique. C'est vrai. Et saviez-vous pourquoi'' Entre autres, parce
qu'ils ont reçu des contestations à des avis de cotisation qui
étalent rédigés en anglais et qui étaient
envoyés à des francophones, et ces causes-là sont devant
les tribunaux. Je dois vous dire que, comme incitatif, c'est assez fort.
M. Godin: "Money talks".
M. Filion: "Money talks", me souffle le député de
Mercier, mais lorsque le revenu du gouvernement ne se gonfle pas, ils ont
tendance à réagir quant au pourquoi.
Je continue sur la langue d'administration. J'ai bien
écouté la réponse du ministre. Je suis prêt à
passer à autre chose, à moins qu'il n'y ait des questions de nos
collègues là-dessus. Non.
Toujours au chapitre de l'administration, je voudrais aborder...
M. Ryan: Me permettez-vous une remarque, M. le Président,
avant que vous...
Le Président (M. Trudel): Allez-y, M. le ministre.
M. Ryan:... passiez à un autre sujet, vu que vous allez
changer de sujet. Je voudrais que les députés sachent que si des
choses ne fonctionnent pas bien au plan linguistique, dans l'un ou l'autre
secteur de l'administration, et qu'ils jugent opportun de m'en saisir, je
verrai à faire les démarches auprès de mes
collègues pour que la situation s'améliore. Je prends aussi
l'engagement d'aborder toute cette question avec mes collègues sur la
base des expériences qu'ils font déjà. Je ne veux pas les
mettre en enquête auprès de leurs collègues ministres.
C'est ça qui est mon idée de fond. Je ne veux pas en faire des
sujets d'enquête pour moi. Je leur dis: Nous travaillons ensemble; nous
sommes membres de la même équipe gouvernementale. Vous pouvez
être assuré que je vais mobiliser leur collaboration pour
qu'ensemble nous fassions avancer concrètement les objectifs de la
charte.
Il y a une façon de procéder dans le gouvernement. Nous
sommes dans une équipe. Il n'y en a pas un qui peut se détacher:
Moi, je suis le défenseur de la religion, le défenseur de la
langue, le défenseur de l'orthodoxie. Vous savez très bien que
ça ne fonctionne pas comme ça. Ce sont tous des égaux qui
tiennent justement leur force du respect qu'ils ont les uns pour les autres et
de la solidarité qu'ils savent garder entre eux. Dans cet
esprit-là, je veux vous assurer que c'est une de mes cibles
importantes.
M. Filion: Du même souffle, je signale au ministre - ce
n'est pas tellement compliqué ça - qu'il pourra parler avec son
collègue, le ministre de l'Agriculture, et son collègue, le
ministre responsable de la Régie des rentes. Dans les deux cas, ils ont
des répondeurs téléphoniques qui sont bilingues, si on
appelle à ces endroits-là après les heures de travail.
Écoutez, je ne change pas d'idée là-dessus.
J'écoute attentivement. Le ministre nous dit qu'il veut un petit peu
regarder les choses à la pièce. Ce que je lui ai dit et ce que
j'avais dit à son prédécesseur, c'est qu'il y a un
problème qui relève, dans bien des cas, de systèmes. Et,
en ce sens- là, je ne suis pas... J'ai bien écouté, j'ai
très bien entendu, mais c'est loin de satisfaire l'Opposition. À
cause de la responsabilité première qu'a l'administration, il se
doit, dans ce sens-là, de se conformer, mon Dieu, à une loi
adoptée par l'Assemblée nationale.
Cela dit, je voudrais faire le point avec le ministre en ce qui concerne
un autre volet de ta langue de l'administration, c'est-à-dire les
hôpitaux. Le ministre se souviendra de la loi 142 et on aura l'occasion
d'interroger demain sa collègue dont la seule responsabilité est
de s'occuper de la loi 142.
Une voix: Des handicapés.
M. Filion: Et des handicapés, pardon. J'espère
qu'il n'y a pas de relation entre les deux.
Selon le rapport annuel de l'Office de la langue française, il
existe 228 organismes reconnus en vertu de l'article 113f. Sur 92 organismes de
santé, il y en a 32 qui sont reconnus, reconnus étant compris ici
dans le sens qu'ils ont déposé et fait reconnaître un plan
de disponibilité de services en français pour les francophones.
Sur 104 organismes municipaux, il y en a 33 qui sont reconnus, soit 31 %. Sur
32 organismes scolaires, il y en a 9 qui sont reconnus, soit 28 %. Si on fait
le total, sur les organismes reconnus en vertu de l'article 113f, il y en a
228. Sur 228 il y en a 74, selon le rapport de l'Office de la langue
française, qui ont des plans de disponibilité approuvés
par l'office, soit 32 %. Lors de l'étude des crédits l'an
dernier, l'Opposition officielle avait découvert que, subitement,
l'Office de la langue française se fiait désormais aux dirigeants
des organismes en vertu d'une politique qui était issue le 12 juin 1987.
Donc, on apprenait que l'Office n'avait effectué aucun contrôle
pour s'assurer que les services étaient réellement disponibles.
Mes questions au ministre responsable, lors des crédits l'an dernier...
Plus tôt, entre février 1984 et le 12 juin 1987, seulement 11
établissements de santé avaient vu leurs plans acceptés.
À la suite de la nouvelle politique, ce fut l'avalanche d'acceptations.
Face à cette réalité, l'Opposition a demandé, lors
des crédits l'an dernier, le dépôt d'un plan d'avant le 12
juin et un plan d'après le 12 juin pour fins de comparaison. On n'a
jamais reçu ces plans. Est-ce possible, à ce moment-ci, de
renouveler la demande que j'adressais lors des crédits l'an dernier,
c'est-à-dire d'obtenir le dépôt d'un plan d'avant le 12
juin, avant le changement de directive, et d'après le 12 juin,
après le changement de directive? Je voudrais savoir si le ministre est
satisfait des résultats actuels, particulièrement lorsqu'on les
compare avec la vitesse à laquelle évolue le dossier de la loi
142 qui, on le sait, a un ministre spécialement attitré,
elle.
Le Président (M. Trudel): M. le ministre.
M. Ryan: II faudrait bien rappeler que les organismes
prévus à l'article 113f peuvent comprendre des commissions
scolaires, des hôpitaux ou des services sociaux et des
municipalités. Je n'ai pas à portée de la main la
répartition statistique de ces trois catégories selon les statuts
décernés. Peut-être que quelqu'un l'a ici. (16 h 15)
M. Filion: Dans la section I, à peu près au centre,
d: Bilan des mesures requises des organismes reconnus en vertu du paragraphe f
de l'article 113 de la charte afin que leurs services soient disponibles en
français.
M. Ryan: Nous avons ici les données au 31 mars 1989. En
tout, 225 organismes jouissent d'un statut relativement bilingue en vertu de
l'article 113f, soit 104 organismes municipaux, 32 organismes scolaires et 89
organismes de santé et de services sociaux. Sur les 89 organismes de
santé et de services sociaux, 57, 3 % ont soumis un plan de services en
français qui a fait l'objet d'une approbation de la part de l'Office; il
y a 28 % des organismes scolaires, soit 9 sur 32, et 34, 6 % des organismes
municipaux, ce qui donne un total de 42, 7 %, soit 96 sur 225.
M. Filion: II y a une petite différence, M. le ministre,
entre le rapport de l'Office et les chiffres, mais cela va; on a reçu
nos cahiers un peu tardivement. Cela va. Il demeure, grosso modo, qu'il y en a
moins de 50. Ma première question est la suivante: Est-ce possible
d'avoir un plan de disponibilité tel qu'il a été
déposé avant le 12 juin 1987 et celui déposé
après le 12 juin 1987, donc après le changement de directive
où le président de l'Office de la langue française s'en
remettait, finalement, presque totalement aux dirigeants des organismes.
M. Laporte (Pierre-Etienne): M le Président, dans les
réponses données aux questions de l'Opposition, on a un plan
d'après. Vous voulez maintenant avoir une copie d'avant; on peut vous
faire parvenir une copie d'avant.
M. Filion: C'est ce que J'avais demandé l'an dernier.
M. Laporte (Pierre-Etienne): Cela va. Alors, on vous en donnera
un d'avant et un d'après.
M. Filion: D'accord.
M. Laporte (Pierre-Etienne): Si vous le permettez, je voudrais
faire une correction, M. le Président. Les organismes ont
essentiellement trois alternatives; ils peuvent ou bien accepter de
s'évaluer à partir des tests, des moyens d'évaluation de
l'Office, s'évaluer eux-mêmes à partir de nos
critères d'évaluation ou se faire évaluer par ce qu'on
appelle ici l'Institut conjoint hospitalier. L'Office continue de gérer
le cadre de l'évaluation, même s'il ne gère pas l'action
d'évaluer. Mais le cadre de l'évaluation, c'est nous qui
continuons de le gérer. Il y a eu des consultations étendues
entre l'Institut conjoint et l'Office pour qu'on s'entende bien sur le respect
de normes. On gère donc le cadre, mate non l'administration pratique de
l'évaluation, sauf si les organismes nous le demandent.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Mercier.
M. Godin: M. le Président, est-ce que l'Office
vérifie à un moment donné, après l'approbation
conjointe du plan par l'Institut et par vous, la mise en place de
l'opération disponibilité pour voir si un hôpital qui
s'engage à avoir tant de postes bilingues les maintient bilingues
pendant l'année qui suit, admettons? Combien de temps après?
Est-ce qu'il y a une vérification ultérieure à cet
engagement?
M. Laporte (Pierre-Etienne): Cette année, on est
retournés - je ne me rappelle pas le chiffre exact - je pense, dans 200
organismes, pour leur offrir des services et voir où ils en
étaient dans l'application de leur programme. On répond à
des plaintes. L'an passé, je pense que 58 plaintes nous ont
été faites par des employés ou des clients de ces
organismes. On intervient donc sur des plaintes, on ne fait pas d'intervention
systématique à partir de... On me dit ici qu'on est allés
tout de même dans 25 hôpitaux pour faire une vérification
sur place. Donc, oui, effectivement, on a un programme d'évaluation du
progrès et de la conformité de l'organisme à ses
engagements.
Le ministre me signale qu'au cours de 1988-1989 on a remis 200
certificats de conformité dans les secteurs suivants: il y en a eu 162
au municipal, 25 aux services sociaux, 4 aux services scolaires, organismes du
gouvernement et ministères. Mais, pour répondre à la
question du député, nous retournons, dans toute la mesure du
possible. Par exemple, la semaine prochaine, j'ai rendez-vous à
l'hôpital Douglas pour faire une visite de cet hôpital où on
me dit que... Évidemment., Je n'y vais pas parce qu'on m'aurait
rapporté que des choses ne se passeraient pas ou se passeraient mal au
Douglas. Au contraire, on m'a dit que c'était un organisme qui offre un
modèle de comportement. Je veux aller voir comment, dans cet organisme,
on applique la loi d'une façon modèle.
M. Filion: Je prends note de la réponse du
président de l'Office qui, au départ, nous disait qu'il
fonctionnait par plainte; ensuite, il nous dit qu'il y a un certain programme
de suivi ponctuel. Ma question s'adresse au ministre directement. Peu importent
les chiffres mais, grosso modo, il y a entre 40 % et 50 %... J'avais 32 % et
cela a été accéléré. On reconnaît
beaucoup plus, l'an dernier, il y a eu beaucoup de certificats de
reconnaissance accordés parce que les critères, M. le
ministre, sont beaucoup plus faciles. Évidemment, Us ont trois options,
mais je dois vous dire que dans celle où l'organisme s'évalue
lui-même, c'est un peu plus rapide. En général, quand on
demande à quelqu'un de s'évaluer lui-même, il est rare que
l'évaluation soit inférieure à la qualité
réelle de l'organisme, comme de l'individu.
Alors, il ne faut pas se surprendre de cette espèce
d'accélération de certificats de reconnaissance avec toute la
flexibilité, c'est le moins qu'on puisse dire, de la directive de
l'Office de la langue française. M. le ministre, les organismes
bilingues reconnus en vertu de l'article 113f, il y en a donc au-delà de
50 % qui, croyez-le ou non, après douze années d'entrée en
vigueur - onze ans ou dix ans; mettez dix ans - de la loi 101, n'ont même
pas pris la peine, depuis dix ans, de déposer un plan de
disponibilité pour s'assurer que les citoyens francophones qui
constituent quand même au-delà de 80 % de notre beau petit coin de
pays puissent recevoir des services en français lorsqu'on s'adresse
à eux. Il y en a au-delà de 50 %.
Ce que je demande au ministre, et peut-être qu'il n'est pas
d'accord avec les chiffres... Il me fait signe que non. En tout cas, j'ai 32 %
et, avec les chiffres de l'Office, ça donne 42 %. Donc, ça donne
au-delà de 58 % ou 57 %, si on prend les derniers chiffres de l'Office,
qui ne se sont toujours pas conformés aux obligations contenues dans la
Charte de la langue française.
Je demande donc au ministre, comme j'ai demandé à ses
prédécesseurs depuis deux ou trois ans, ce qu'il a l'intention de
faire pour mettre un peu d'ordre là-dedans alors que, pour la loi 142,
on fonctionne tous azimuts. Les CLSC un peu partout dans le
Saguenay-Lac-Saint-Jean, dans la Mauricie, j'ai des collègues qui m'ont
apporté certains documents... Cela bouge sur la loi 142 au
Québec. Cela fait un an à peu près qu'on a adopté
la loi 142. Cela bouge. Il y a un ministre responsable et allons-y! On a des
dispositions dans la Charte de la langue française pour les
francophones. Il y a encore 50 % des organismes qui n'ont toujours pas
déposé leur plan. Qu'est-ce que le ministre a l'intention de
faire? Je comprends que ça fait juste deux mois qu'il est en poste, mais
qu'a-t-il l'intention de faire?
M. Ryan: Je pense qu'il faut distinguer deux choses. Tout
d'abord, sur environ 225 organismes reconnus en vertu de l'article 113f, il y
en a 200 qui se sont vu attribuer un certificat de conformité à
la loi au cours de l'année 1988-1989.
M. Filion: On n'a pas les mêmes chiffres du tout, M. le
ministre.
M. Ryan: J'ai le livre du maître, moi.
M. Filion: Pardon, 225, c'est le nombre total d'organismes
reconnus en vertu de 113f.
M. Ryan: II s'agit d'un certificat attestant que leur situation
est conforme à l'ensemble des dispositions de la charte. Il y en a 200
pour 1988-1989. Maintenant, là, il y a une clause particulière
dans la charte. C'est l'article 23 qui dit que ces organismes reconnus doivent
élaborer en outre des mesures nécessaires pour que leurs services
au public soient disponibles dans la langue officielle, ainsi que des
critères et des modalités de vérification de la
connaissance de la langue officielle aux fins de l'application de l'article 23.
Il ne faut pas laisser tomber tout un pan de la réalité seulement
pour satisfaire une vision plutôt politique.
Il y en a 200 sur 225 - je vous le donne sur ma parole, sur la foi des
données que j'ai devant moi - qui ont un certificat de conformité
à la loi. Ce n'est pas négligeable. Maintenant, il y en a 42, 7 %
qui ont obtenu l'approbation du plan de disponibilité de services dans
la langue officielle, qu'ils doivent produire suivant l'article 23. Il y a une
chose, là. Ils n'ont pas soumis le plan. Très bien. Cela ne veut
pas dire que les services ne sont pas disponibles en français dans ces
institutions. Il va falloir vérifier ça de près. Je suis
sûr, en partant, qu'il y en a plusieurs qui le fournissent en
français. J'en connais un - je ne sais pas si on pourrait le
vérifier tout de suite - dans mon comté. Ils fournissent les
services en français. Sont-ils passés par le "red tape"? Je ne
suis pas sûr. On va vérifier.
Mais il ne faudrait pas mettre toute notre foi seulement dans les
papiers. Ici, en réponse au député: Oui, je demande
à l'Office, publiquement, de vérifier ce point-ci de plus
près et de me faire un rapport des conditions dans lesquelles sont
octroyées les approbations au titre de l'article 23, des
problèmes que ça présente, et de vérifier
auprès des organismes qui n'ont pas encore soumis le plan - avec un "P"
majuscule - s'il n'y aurait pas des choses qui fonctionnent quand même et
qui répondraient à l'esprit, sinon à la lettre de la loi,
de manière à pouvoir dire à ces organismes: Si vous
répondez à l'esprit, conformez-vous donc à la lettre le
plus tôt possible. Cela va procurer la paix à l'Opposition.
M. Godin: Ce sont nos clients.
M. Ryan: Non, mais je vous dis que s'ils l'ont... M. le
Président...
M. Godin: Ce n'est pas l'Opposition qui est en jeu, c'est le
consommateur de soins. Ce n'est pas nous autres.
M. Ryan: M. le Président, je m'excuse. Si c'est
déjà disponible, mais que ce ne soit pas dans vos papiers et dans
les miens...
M. Godin: S'ils l'ont, tant mieux, mais ce n'est pas nous qui
sommes en cause pour l'instant...
M. Ryan: L'essentiel, c'est que ce ne soit pas...
M. Godin:... ce sont les bénéficiaires de soins,
les contribuables.
Le Président (M. Trudel): Un Instant!
M. Godin: M. le Président, on donne 500 000 000 $ par
année à ces institutions, un demi-milliard de dollars, par
année, aux institutions anglaises de santé. On aimerait que,
quand on va, comme francophones, dans ces institutions, ils nous traitent au
moins en français, de temps en temps, comme la loi l'indique.
M. Ryan: M. le Président, nous sommes d'accord sur
l'objectif, il n'y a pas de discussion là-dessus. Mais je dis que le
critère ultime de vérité, ce n'est pas que les papiers
soient dans le tiroir du ministre. C'est que les services soient disponibles
pour la personne.
M. Godin: D'accord.
M. Ryan: Là-dessus, nous sommes entièrement
d'accord. D'accord? Je ne voudrais pas que ça devienne une affaire de
tyrannie de papiers. C'est tout.
M. Godin: Non, non.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Mercier.
M. Godin: M. le Président, lorsqu'il y a eu le passage de
l'évaluation par l'Office à l'autoévaluation des
institutions, y a-t-il eu un document du ministre qui disait à l'Office:
À compter de maintenant, laissez les hôpitaux anglophones
s'évaluer eux-mêmes, ou est-ce que ça s'est fait, disons,
par l'Office, sans consultation? (16 h 30)
M. Laporte (Pierre-Etienne): M. le Président, je
répète un élément que j'ai dit tantôt. Les
organismes ont préféré, dans un bon nombre de cas, se
faire évaluer par l'Institut conjoint, mais les méthodes
d'évaluation de l'Institut conjoint ont été soumises
à l'Office de la langue française pour approbation. Donc, je
répète ce que j'ai dit tantôt: Nous gérons le cadre
normatif de l'évaluation de la capacité de prodiguer des services
par les organismes. On a donc un contrôle sur les normes que les
organismes appliquent, sauf qu'ils ont décidé,
conformément au choix qu'on leur a fait au moment où on a revu la
loi 101 avec la loi 57, d'auto-administrer leurs choses ou de se faire
administrer par l'Institut plutôt que de se présenter chez nous.
Ils ont toujours la possibilité de le faire et ils le font dans une
minorité de cas.
M. Godin: Cela répond à ma question, M. le
Président.
La Président (M. Trudel): M. le député de
Taillon.
M. Filion: M. le ministre, on va se comprendre dans les chiffres
un petit peu, ce n'est pas la mer à boire. On me remet un cahier
explicatif des crédits et je vous ai posé la question
tantôt: Des organismes reconnus en vertu de l'article 113f, combien y en
a-t-il dont le plan - cela veut dire les critères, les modalités
de l'application de l'article 23 - a été approuvé,
étant donné qu'il y en a environ 225? Sur la feuille que vous me
remettez, j'ai le chiffre de 42, 7 %.
M. Ryan: C'est 96.
M. Filion: Bon!
M. Ryan: On vous l'a dit tantôt.
M. Filion: Pourquoi me disiez-vous 200, tantôt?
M. Ryan: Non, non, non, on l'a dit tantôt. Mais ça,
c'est une autre chose.
M. Filion: Bon, parfait!
M. Ryan: C'est une autre chose mais l'autre chose est très
importante et on ne voudrait pas que vous l'Ignoriez.
M. Filion: Non, je ne l'ignore pas, M. le ministre...
M. Ryan: Très bien, mais vous n'en parlez pas
beaucoup.
M. Filion: Les 200, c'est en général pour
l'administration publique déjà française.
M. Ryan: Non, c'est pour les organismes reconnus en vertu de
l'article 213f ou 113f.
M. Filion: Bien non. M. Ryan: Oui.
M. Filion: Écoutez, 96 plus 200, cela fait 296 et il y en
a juste 225.
M. Ryan: Ce n'est pas cela qu'on vous dit. Il y en a 96 qui ont
obtenu l'approbation de leur plan de services en français.
M. Filion: Sur 225?
M. Ryan: Oui. M. Filion: Parfait!
M. Ryan: Deuxièmememt, il y en a 200 sur 225 qui ont un
certificat de conformité à l'ensemble de la loi 101. N'est-ce pas
beau, cela?
M. Filion: Les 200 ont quoi, exactement?
M. Ryan: Un certificat de conformité. On peut vous
l'expliquer, ce n'est pas moi qui les ai émis, je suis là depuis
peu de temps.
M. Filion: Allez-y!
M. Ryan: Voulez-vous expliquer?
M. Filion: Allez-y, parce que cela ne marche pas.
M. Laporte (Pierre-Etienne): Chaque année, c'est le
même problème, il y a toujours une confusion là-dessus.
Le Président (M. Trudel): Ou les députés
comprennent mai ou le président s'exprime mal.
M. Laporte (Pierre-Etienne): Sur les 228, M. le Président,
il y en a, comme disait M. le député, 96 qui sont conformes
à l'article 23. Par ailleurs, sur l'ensemble des organismes de
l'administration publique, il y en a 200 qui se sont conformés...
M. Filion: D'accord, mais il y en a 3000. On parle de 3600, selon
la page 21 de votre rapport. C'est 200 sur 3500. C'est cela, M. le
président de l'Office?
M. Laporte (Pierre-Étienne): Mais c'est pour cette
année.
M. Filion: Pour une bonne partie, ce sont des organismes
français; 4000 même. En tout cas, 3000 ou 4000...
M. Ryan: C'est 200 pour cette année. M. Filion:
Oui, sur 3000 ou 4000. M. Ryan: Très bien. M. Filion:
Cela va? M. Ryan: Cela va.
M. Filion: Bon, je pense que ce n'est pas l'Opposition qui
errait. Cela peut arriver; errare humanum est. Bon!
M. Ryan: C'est un problème de rédaction.
M. Filion: Donc, je retourne à ma question.
M. Ryan: II y a un problème de rédaction, ici.
M. Filion: Je retourne à ma question, M. le ministre. Il y
a moins de 50 % des organismes reconnus en vertu de l'article 113f. Là,
on est au mois d'avril 1989, la loi 101 a été adoptée en
1977, cela fait douze ans. Malgré le fait que les critères de
l'Office aient été, si l'on veut, rendus plus souples par la
possibilité pour l'organisme de s'auto-évaluer à partir
des critères de l'Office, bien sûr, mais de s'auto-évaluer,
malgré tout cela, M. le ministre, on est en avril 1989 et il y a
toujours - je ne sais pas si l'institution de votre comté en fait
partie, mais peu importe - des organismes qui n'ont pas voulu déposer ce
plan d'application des critères, des modalités, ce plan de
disponibilité des services en français pour des francophones.
Je faisais la comparaison alors que - si le ministre veut
m'écouter encore, je termine là-dessus - en ce qui concerne la
loi 142... Je vais vous le dire, on va étudier les crédits de
votre collègue demain. Cela marche vite. La loi 142 a été
adoptée il y a à peine un an. On a une ministre dont c'est la
moitié de la responsabilité de voir à ce qu'au CLSC de La
Mauricie, celui du Saguenay-Lac-Saint-Jean ou dans telle ou telle autre
institution il y ait des services disponibles en anglais. Souvent, c'est
Alliance Québec qui apprend aux dirigeants d'organisme qu'ils ont
été choisis pour dispenser ces services de langue anglaise
à une clientèle non seulement anglophone, mais, dans bien des
cas, allophone. Est-ce que le ministre ne se rend pas compte qu'il y a comme
deux poids, deux mesures et que, lorsqu'il s'agit de s'assurer, par
exemple...
Vous allez me dire que c'est un cas particulier, mais je vous le cite
quand même. J'ai parlé avec le père de cet individu qui a
été frappé en sortant du Forum, qui a été
amené dans une institution anglophone. Il n'a pas pu savoir en
français de quoi son fils était mort. Lui, quand on lui en parle
au téléphone, il ne trouve pas cela drôle et je le
comprends. Avec la loi 142, cela va vite. On a une ministre qui parcourt la
province pour cela. En ce qui concerne les services en français, cela
fait douze ans et le ministre s'en déclare satisfait. En tout cas, il y
avait un problème de chiffres et c'est réglé, mais on n'a
toujours pas de plan concret, de mesures concrètes ni de gestes
énergiques pour donner à la majorité francophone du
Québec certains droits que la loi 101 prévoyait. Est-ce qu'il n'y
a pas deux poids, deux mesures, M. le ministre? C'est cela que je vous
demande.
M. Ryan: M. le Président, au cours de la prochaine
année, je vais demander qu'on fasse une vérification
auprès de chacun des organismes reconnus en vertu de 113f pour voir
où ils en sont en fonction des besoins de la clientèle de
langue française qui peut se présenter là. Je vais
demander quels sont les besoins dont ils ont été saisis et quelle
est la capacité de leur personnel à servir la clientèle
dans une autre langue. On aura, pour l'année prochaine, un rapport
complet de la situation exacte de ce côté. Je demande à
l'Office de procéder à cet examen; c'est une question tout
à fait légitime. Encore une fois, on va aller au fond des choses.
On ne marchera pas uniquement avec l'idée de trouver une
conformité légaliste à tel article de la loi
interprété littéralement. On va aller voir ce qui se passe
là-dedans et si l'esprit de la loi est vraiment respecté. Et
ensuite, là où la lettre ne sera pas respectée, si
l'esprit l'est, on va demander qu'elle le soit. Je ne peux pas dire davantage
là-dessus.
M. Filion: Juste un commentaire.
M. Ryan: J'invite le député à
réserver pour la commission parlementaire où il fera office de
critique, demain, les remarques qu'il voudrait faire sur les services de
santé et les services sociaux à l'endroit de la communauté
anglophone parce que le portrait que j'en ai ne correspond pas à l'image
qu'il en donne. Comme c'est hors sujet ici, j'aimerais mieux, étant
donné le peu de temps dont on dispose, qu'on évite les excursus
à ce sujet.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Viger.
M. Maciocia: M. le Président, comme le disait le
député de Taillon, cette loi a été adoptée
en 1977. Je ne voudrais pas non plus qu'il fasse porter tout le blâme au
gouvernement libéral. Les trois quarts du temps, c'était le Parti
québécois qui était au pouvoir. S''il y en a seulement 93
sur 225, ce n'est pas la faute du Parti libéral qui est là
seulement depuis trois ans. C'est quand même une réalité et
il faut la respecter. De 1977 à 1985, le Parti québécois
était au pouvoir. Alors, si on veut être honnêtes et
sincères, il faut quand même mettre cela dans le contexte de la
situation actuelle. À écouter le député de Taillon,
c'est comme si on vivait ces problèmes depuis le 2 décembre 1985.
Il y a 225 organismes reconnus et il y en a seulement 96 qui se sont
conformés à la loi. Pendant neuf ans, il y a quand même eu
le Parti québécois au pouvoir; il faudrait aussi mettre cela dans
le contexte.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Viger.
M. le député de Mercier, vous avez demandé la
parole.
M. Godin: Oui, M. le Président, pour commenter ce que mon
collègue disait. Il y a eu une commission parlementaire Ici même,
à laquelle assistait d'ailleurs le député d'Argenteuil
à l'époque. Je me souviens encore des propos, des engagements
presque formels des hôpitaux anglophones du Québec qui disaient:
Ah! M. le ministre, si vous remplacez la loi 101 par la loi 57, on va tout
faire pour qu'en quelques mois seulement tout soit francisé, il n'y a
pas problème. On le promet. Vous étiez là, je ne sais pas
si vous vous souvenez de ces paroles, mais c'est un engagement formel pris par
eux. Cela m'avait rassuré pour apporter les changements qu'on a faits
d'ailleurs, à l'époque. Là, on me dit que ça ne va
pas aussi vite que ce qu'il avait promis, à l'époque. Donc, je me
dis: Ils nous ont roulés dans la farine, ils nous ont un peu
enfarinés. Cela me déplaît beaucoup comme élu et
comme ex-ministre responsable de cette loi, de constater que des engagements
pris formellement par eux n'ont été respectés d'aucune
manière ou aussi peu, aussi peu que pas, dans bien des cas.
Donc, pour moi, c'est un sujet assez important et assez vital parce que
je crois que les francophones qui vont dans ces hôpitaux pour des raisons
géographiques ou autres, à Montréal ou ailleurs, qui
paient des taxes pour les financer, doivent avoir droit à des services
dans leur langue, d'autant plus que l'hôpital s'est engagé
formellement à le faire dans le temps, devant vous et devant les
députés ici présents, porte-parole élus du peuple
québécois. M. le Président, j'ai terminé.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député. M. le ministre.
M. Ryan: Je pense que j'ai répondu tantôt à
cette question. L'Office accordera une attention prioritaire à ce sujet
au cours des prochaines semaines. Nous allons tracer un bilan exact de la
situation et nous verrons à prendre les mesures qui s'imposent pour
faire avancer plus vite ce dossier.
M. Godin: M. le Président, un dernier mot
là-dessus. Je note l'engagement du ministre et je le respecte beaucoup,
sauf que je me rappelle qu'on a eu le même engagement de la ministre, la
députée de Chomedey, il y a quelques années, à peu
près dans les mêmes termes, dans une autre salle, mais sur le
même sujet précisément. Nous sommes prêts à
lui faire confiance, comme on l'a déjà fait dans le passé,
mais je dis qu'il va Falloir qu'il mette la main dans le gant de fer pour en
arriver là parce que je ne suis pas sûr que les institutions
anglophones en question vont être aussi fidèles à leurs
engagements pris ici même, devant lui, qu'ils l'ont fait devant nous.
Donc, c'est pour ça que j'ai les inquiétudes là-dessus,
toujours en ne pensant pas à l'Opposition, mais aux
bénéficiaires de soins qui paient des taxes.
M. Ryan: Le président de l'Office me signale qu'au cours
des deux dernières années il s'est quand même produit un
déblocage signi-
ficatif de ce côté. Ce n'est pas complet, mais il s'est
produit un déblocage. Il y a eu un cheminement qui a été
accompli, je pense qu'on doit également le constater...
M. Godin: Oui.
M. Ryan:... en réservant chacun son jugement.
M. Filion: On peut l'expliquer aussi, M. le ministre, comme on
l'a fait tantôt, par un changement de directive extrêmement
important.
M. Ryan: Le président m'assure que ce n'est pas le cas,
que cette interprétation n'est pas exacte, que les critères sont
exigeants. Cela explique pourquoi les reconnaissances ne viennent
peut-être pas en aussi grand nombre et aussi rapidement qu'on pourrait le
souhaiter parce qu'il y a des conditions auxquelles doit satisfaire un
établissement pour lui permettre d'obtenir la reconnaissance affirmant
qu'il se conforme aux dispositions de l'article 23.
M. Filion: Est-ce que le ministre est sensible à la
question suivante? Sauf erreur, un hôpital - prenons un exemple -
francophone qui ne se conformerait pas à la loi 42 est sujet aux
sanctions contenues à la Loi sur la santé et les services sociaux
et qui peuvent aller jusqu'à la perte de subventions. En ce qui concerne
un hôpital anglophone qui ne se conformerait pas à la loi 101 pour
assurer les services en français aux francophones, on sait qu'il
n'existe aucune forme, sauf erreur, de coercition. Est-ce que le ministre est
sensible au fait que, selon toute apparence - si une de mes prémisses
est fausse, qu'il me le dise... Je me souviens bien que, lorsqu'on
étudiait le projet de loi 142, on se référait à la
Loi sur la santé et sur les services sociaux. Est-ce que le ministre est
sensible à cette double règle de mise en pratique selon que l'on
s'adresse à des clientèles visées par la loi 142 ou par la
loi 101?
M. Ryan: Je n'ai pas le texte de la loi 142 devant moi.
M. Filion: Je l'ai, moi.
M. Ryan: Je ne suis pas en mesure de porter un jugement.
M. Filion: Parce que la loi 142 incorpore, finalement,
l'obligation... (16 h 45)
M. Ryan: Pardon? Maintenant, c'est que... Je pense qu'on se situe
à deux plans différents.
La loi 142 n'était pas d'abord une loi linguistique, on n'a pas
amendé la loi 101 pour faire la loi 142, on a amendé la Loi sur
la santé et les services sociaux. C'était vraiment, d'abord et
avant tout, un but humanitaire qui était pour - suivi dans cette loi, de
manière que si, à un moment donné, on refusait, en vertu
des critères humanitaires décrits dans la loi, de fournir le
service, des sanctions appropriées y soient indiquées. Tandis
que, dans la loi 101, c'est un but différent, une économie
différente, et la loi 101 prévoit ses propres sanctions. S'il y a
une infraction à une disposition de la loi 101, ce sont les dispositions
de la loi 101 en matière de sanction qui s'appliquent.
Mais le député aurait un problème à soulever
demain. Supposez qu'un hôpital anglophone refuserait de fournir des
services en français à un client français. Je crois que
c'est impensable. Je pense qu'ils sont obligés de les fournir. À
ce moment-là, le ministre a sûrement un recours. En tout cas, dans
la Loi sur l'instruction publique, je dispose d'un recours. Si une commission
scolaire ne se conforme pas à la Loi sur l'instruction publique, je puis
retenir ou annuler les subventions. Le ministre a ce pouvoir-là. C'est
clair.
M. Filion: Maintenant, ce que je doute...
M. Ryan: II ne faudrait pas mêler la loi sur les services
sociaux, la Loi sur l'instruction publique et la loi sur la langue
française.
M. Filion: Ce que je dis quand même au ministre reste dit
en ce sens qu'il y a deux poids, deux mesures. Et, bien sûr, il faut voir
la loi 101 pour les objectifs que comporte la loi 101 et la loi 142 pour,
également, ses objectifs. Il demeure que, lorsque l'on fait le simple
exercice de comparaison...
M. Ryan: Cela ne marche pas.
M. Filion:... on en arrive à la conclusion qu'il existe
deux façons de procéder selon que l'on garantisse à une
clientèle anglophone des services en anglais partout au Québec
dans, par exemple, les services de santé et les services sociaux et/ou
selon que l'on soutienne le même droit pour les francophones. Ce n'est
pas la même chose. Je le sais. Mais toute comparaison est boiteuse, la
mienne également. Mais lorsqu'on fait l'exercice, on arrive quand
même exactement à la même conclusion. Je trouve tout
à fait inacceptable qu'en 1989 il y ait encore plus de 50 % des
organismes reconnus en vertu de 113f qui n'aient toujours pas daigné
s'auto-évaluer pour se conformer aux exigences de la loi.
Là-dessus, j'ai une autre question concernant toujours les
services publics en français. On sait qu'il existe cetaines
municipalités qui ont le statut de ville bilingue. On sait
également qu'à l'intérieur de ces municipalités il
existe une population qui peut varier, qui peut bouger. Les gens bougent,
déménagent. Nous sommes de bons déménageurs au
Québec et aussi ailleurs en Amérique du Nord. Et, il y a
actuellement 22 municipalités, dont la ville de Rosemère, qui
ont
le statut de ville bilingue,, alors que la population de ces
municipalités ne répond plus aux mêmes critères
démographiques que lorsque le statut de ville bilingue leur avait
été accordé. Par conséquent, elles devraient
recouvrer le statut de ville française. On sait également que le
cas de Rosemère est devant les tribunaux, mais cela fait
déjà un an et cela peut peut-être durer x années.
Alors, J'aimerais savoir si le ministre responsable peut nous dire un peu
où en est rendu le dossier, sans nous faire part évidemment du
contenu, de ce qui pourrait être sub judice, mais quand même nous
dire où en est rendu le dossier et quelles sont ses intentions à
l'égard des 21 autres municipalités.
M. Ryan: Avant d'en venir là, comme le
député a fait un long préambule pour conclure sur la
question précédente, je voudrais faire une remarque sur la
question précédente à propos des 42, 7 %. Cela, c'est le
chiffre d'après les données bureaucratiques que nous avons. Mais
en consultant la liste des organismes approuvés en vertu de 113f, j'en
découvre un dans mon comté, qui n'a pas ce papier-là, le
ticket qui obsède le député de Taillon, et qui fournit des
services en français à sa clientèle et à la
clientèle de la région, je le sais de science certaine et
directe. Je vais leur dire: Dépêchez-vous, il vous manque un
ticket". Je vais leur dire cela. Je ne voudrais pas qu'on ait
créé l'impression au Québec - je vais lutter contre cela -
que tout ce monde-là est en état de délinquance
prononcé parce qu'il y a certaines dispositions de la loi qui n'ont pas
reçu leur pleine application littérale. Si, substantiellement -
c'est ce que je disais tantôt au député de Mercier - cela
se fait, on va se dépêcher d'aller leur porter une formule et de
dire: Remplis cela, ton affaire, ça existe déjà. On va te
l'approuver, cela va faire plaisir au député de Taillon. Mais je
vous dis, avant de juger, on va regarder cela comme il faut et on ne portera
pas de Jugement superficiel. C'est le premier point. Maintenant, est-ce que
vous voulez que je réponde tout de suite à la question du...
M. Filion: Peut-être juste, vu que vous revenez
là-dessus...
M. Ryan: Je voudrais juste rajouter un autre point. Il y a sept
ou huit municipalités du comté d'Argenteuil parmi celles qui ont
reçu leur connaissance en vertu de l'article 113f Je peux bien leur
demander un grand plan. C'est facile à Québec. Quand vous allez
dans la municipalité de Barkmere, II y a un
secrétaire-trésorier à temps partiel, c'est tout ce qu'il
y a; vous allez à la municipalité d'Arundel, il y a une
secrétaire-trésorière, c'est tout ce qu'il y a. Eux autres
non plus, ils ne sont pas reconnus ici, mais la
secrétaire-trésorière est parfaitement bilingue. Elle sert
tout le monde dans les deux langues. Votre question est résolue
déjà dans ce cas, on ne pourra pas faire plus. Mais je vous dis
qu'on va compléter les données. Il y a des données qui
font défaut ici. On va aller les chercher, mais on va vous les livrer
honnêtement. Je vous inviterais, M. le député de Taillon,
connaissant votre honnêteté Intellectuelle..
M. Filion: Je ferais seulement remarquer au ministre...
M. Ryan: Mais je n'ai pas fini. J'essayais seulement de me faire
écouter de vous, là.
M. Filion: Oui, ça va.
M. Ryan: Connaissant votre honnêteté intellectuelle,
je vous inviterais à nous donner la chance d'aller recueillir ces
données sur le terrain On va vous les donner en toute
fidélité. À ce moment-là, on va être mieux
placés pour juger. Si le jugement doit être sévère,
je ne reculerai pas devant la sévérité du jugement. Je
voudrais qu'on donne une chance au coureur. Il y a peut-être eu de notre
côté aussi un certain manque d'empressement. Je n'aimerais pas que
nos inspecteurs se trouvent trop souvent dans le fond du canton de Barkmere
parce qu'ils ont bien autre chose à faire. Ces gens-là sont
tranquilles, ils ne nuisent à personne. Vous avez fait bien des farces
avec ces choses-là, mais, mol, je connais ces populations. Je vous dis
qu'ils n'ont pas toujours besoin des fonctionnaires dans leurs jambes. Ils ont
organisé leur vie depuis des générations. Si on peut les
aider à se conformiser à la lettre de la loi, on va le faire.
Encore une fois, au point de vue des services, Ils les ont dans les deux
langues, il n'y a pas de doute dans cela. À propos de
Rosemère..
M. Filion: Juste avant, vous permettez? M. Ryan: Oui.
M. Filion: M. le ministre, je vous écoute attentivement
mais, pourtant, quand vient le temps d'appliquer la loi 142, le "red tape' et
les grands plans, on les demande. C'est cela qui se passe sur le terrain,
aujourd'hui, au Québec. Vous me dites: Écoutez, de toute
façon, les services, en pratique, vous savez, ils sont donnés en
français. Savez-vous quoi? Moi, je connais un organisme de santé
où je suis allé qui est reconnu et dont le plan de
disponibilité a été approuvé et, dans les faits,
j'ai eu une expérience, j'ai été appelé à me
rendre à cet hôpital et je dois vous dire que je n'ai pas
été capable de me faire servir en français pour ta
personne que j'accompagnais. C'est pour vous dire les expériences
personnelles difficiles vécues dans l'établissement qui est dans
votre comté, que vous connaissez, etc. et où vous me dites: Les
services bilingues sont fournis, etc. Moi, j'en connais un, pour l'avoir
vécu, où les services ne sont pas donnés en
français malgré que cet
établissement, après vérification, eût
été censé offrir des services en français. Ce que
je veux dire... Quand on tombe cas par cas, et par rapport à ce qu'on
vit... C'est pour cela qu'on met sur pied des systèmes. La loi 142 met
en oeuvre toute une procédure établie selon des pians, dans les
comtes, partout au Québec. il y a sûrement des gens d'en face qui
ont vécu des cas où on le demande à des CLSC qui,
pourtant, avaient aussi un secrétariat qui était bilingue. Les
Québécois sont généreux de nature. Bon Dieu! il ne
s'agit pas ici de dire aux gens: Ne parlez pas anglais quand vous êtes
capables de rendre un service en anglais ou en espagnol, si vous êtes
capables de le rendre en espagnol. Les Québécois sont
généreux de nature et tous les Québécois sont
généreux de nature. Cependant, quand l'administration demande et
emploie un poids et une mesure, je demande tout simplement que ce même
poids et cette même mesure servent pour évaluer l'ensemble, et non
qu'on ait deux systèmes parallèles parce que le gouvernement du
Parti libéral a adopté la loi 142, mais qu'il a voté
contre la loi 101. Il me semble, M. le Président, que ma demande n'est
pas tirée par les cheveux et que je pourrais aller beaucoup plus loin
que ça dans mes propos.
Le Président (M. Trudel): M. le ministre, je ne sais pas
à quelle question vous allez répondre, mais vous en avez une
première.
M. Filion: Ce n'était pas une question; c'était un
commentaire, M. le Président.
M. Ryan: Non, mais je pense avoir établi mon point
clairement. Il a souligné l'aspect humain de ces choses-là et je
pense que, quand on regarde ça sur le plan local, en descendant jusque
dans les communautés où vivent des personnes, on a une perception
passablement différente.
En ce qui touche le cas de Rosemère, l'affaire est actuellement
devant les tribunaux. L'Office avait pris la décision de rescinder la
reconnaissance qui avait été donnée à
Rosemère; un appel est devant les tribunaux. D'après ce que me
communique son président, l'Office a décidé de surseoir
à d'autres décisions pendant que cette affaire est entendue par
les tribunaux.
M. Filion: Est-ce qu'une décision a été
rendue en première instance? Cela fait un an et il n'y a pas de
décision de rendue, et on a 22...
M. Laporte (Pierre-Étienne): Les dates de l'audition sont
les 18 et 19 septembre 1989.
M. Filion: Bon. Les dates de l'audition. Est-ce que le ministre
est prêt à considérer dans le cas de ces... Il y a un
problème. Ce qu'on dit essentiellement, c'est ce que l'Office donne. Il
s'agit de savoir si l'Office peut retirer ce qu'il donne, ni plus ni moins. Je
le présume. Le problème demanderait plus que ça, mais,
essentiellement, je pense que le gros bon sens nous indique que voilà la
question, peu importent les points de vue juridiques là-dessus. Ce sera
aux cours de décider. Mais est-ce que le ministre serait prêt
à considérer une mesure comme celle, par exemple,
prévoyant une modification à la loi, tout simplement, pour que
l'Office ait le pouvoir de retirer une reconnaissance qu'il donne, et qu'on lui
donne le pouvoir, parce qu'il faut éviter... On peut se rendre en Cour
suprême avec ça; cela peut prendre six ans. Cela fait
déjà un an; la cause va être entendue et le juge va vouloir
délibérer, Cour d'appel, Cour suprême, etc., mais pendant
tout ce temps-là, dans les faits, il y a au-delà d'une vingtaine
de municipalités concernées pour lesquelles aucune
décision n'est prise.
Est-ce que ministre est prêt à considérer une
modification législative comme - c'est un hasard - celle qui se retrouve
dans le projet de loi 191, à l'article 20, qui suggérait, et je
le lis rapidement. "L'Office peut faire enquête afin de vérifier
si les critères sur lesquels il s'est basé en vertu du paragraphe
f de l'article 113 pour reconnaître un organisme ou un service existent
toujours. " En deux mots, si la situation a évolué dans un sens
autre. "Une fois cette vérification effectuée, si l'Office en
vient à la conclusion que ces critères ne sont plus
respectés - critères de représentation - il peut retirer
la reconnaissance d'un organisme ou d'un service effectuée en vertu du
paragraphe f de l'article 113. " C'est afin d'éviter que nous ne nous
retrouvions immobilisés pendant cinq ou six ans.
M. Ryan: Est-ce que la question est terminée? Elle a
été brève. C'est une question assez complexe. Je suis
disposé à examiner l'ensemble du dossier de la reconnaissance des
organismes aux fins du paragraphe f de l'article 113, y compris les aspects
juridiques comme ceux qui ont surgi au cours de la dernière
année. Je ne serais pas disposé à émettre une
opinion aujourd'hui parce que je n'ai pas eu le temps de recueillir l'avis de
nos conseillers juridiques, mais il y a toute une série de
considérations qui se posent autour de ce sujet qui m'intéressent
vivement.
Prenez une question. S'il était envisagé, par exemple, de
modifier la loi pour ajouter une disposition comme celle que mentionne le
député de Taillon, qu'est-ce qu'on ferait des statuts
déjà accordés? Est-ce qu'on les considérerait comme
des droits acquis ou si on déciderait qu'on sabre là-dedans,
alors qu'auparavant, c'était impossible? Il faudrait examiner ça
attentivement. Est-ce que le retrait de l'acte de reconnaissance devrait
survenir dès le moment où un organisme cesse d'avoir 50, 1 % de
sa clientèle qui est anglophone ou si on devrait avoir une
période de grâce, une période un peu plus humaine, un
délai un peu plus raisonnable? Il y a toutes sortes de questions qui se
posent. Je ne pense pas qu'on puisse
trancher ces questions au couteau seulement dans l'espace d'un quart
d'heure de discussion. Je prends note de l'Intérêt du
député de Taillon pour ce problème. Je lui reviendrai
volontiers dans un certain temps avec un avis plus complet, dont l'aspect
Juridique sera un élément et non le seul.
M. Filion: Mes prochaines questions vont porter sur le secteur de
la francisation des entreprises. Mais avant, je tiendrais quand même
à signaler ceci au ministre. Je prends sa parole en haute estime mais je
voudrais qu'il comprenne, et ça revient peut-être au discours que
je faisais au début, que c'est la troisième personne qui me dit
la même chose quand je parle de la langue de l'administration, des
hôpitaux, des municipalités: Je vous remercie de m'avoir
sensibilisé. Mais c'est une réalité, M. le ministre.
J'apprécierais beaucoup, et ce n'est pas un reproche au
ministre... C'est que, dans un dossier, ça prend une certaine constance,
non de sa part, mais j'entends par là que le ministre est en poste
depuis deux mois. Avant, le député de Rosemont a
été en poste pendant combien de temps? Un an peut-être ou
18 mois...
Uns voix: Huit mois.
M. Filion:... peut-être une dizaine de mois, peu Importe.
Avant, c'était la députée de Chomedey, la
vice-première ministre. On est rendus à quelques mois d'une
élection, après trois ans et demi. Ce n'est pas surprenant qu'on
ait si peu de résultats concrets pour la défense et la promotion
du français au Québec. Le ministre a ses orientations, son
prédécesseur avait ses orientations et sa
prédécesseure avait ses orientations. Mais le problème,
c'est qu'on n'a jamais vu le jour où ces gens ont pu passer à
l'action, en prenant leur parole toujours en très haute estime. Et on se
retrouve en avril 1989 face à un gouvernement qui a été
élu en décembre 1985, qui a changé trois fois de ministre,
sans compter le ministre de la Justice qui a fait son tour de piste aussi dans
le secteur linguistique, le ministre de la Justice de l'époque, le
député de D'Arcy McGee. Ce n'est pas surprenant. Je pense que
ça prend un peu de constance. Si on avait changé de ministre de
l'Éducation trois fois en trois ans, qu'est-ce qui aurait pu se faire
dans l'éducation? Juste passer la loi 106 ou la loi 107 demande une
énergie assez considérable.
Qui nous dit que le député d'Argenteuil serait en poste
comme ministre responsable de l'application de la Charte de la langue
française advenant le cas où le gouvernement auquel il appartient
soit réélu aux prochaines élections? Tantôt le
ministre a pris soin de mentionner le départ du député de
Taillon. Ne vous inquiétez pas, je ne m'en vais pas très loin. Je
ne m'en vais pas en Asie, M. le Président, je ne reste pas loin. Le
dossier linguistique, comme à beaucoup de Québécois, va
continuer de me tenir à coeur énormément. Mais une chose
est certaine, je pourrais lui retourner la balle et lui dire: Je ne suis pas
sûr que le député d'Argenteuil va être ministre
responsable de l'application de la Charte de la langue française
après - encore une fois, si son gouvernement est élu; gardons le
frisson démocratique présent, en tout état de cause.
Alors, si son gouvernement est élu, je ne suis pas sûr que le
député d'Argenteuil va être là. Il y aura quelqu'un
d'autre pour dire: Écoutez, le problème des hôpitaux me
préoccupe et l'administration, on va y voir et la francisation des
entreprises, voilà mon orientation plutôt que telle autre.
En fin de compte, M. le Président, le constat que je faisais en
première partie de mon discours d'ouverture se révèle
exact et tout ça a causé quoi? Cela a causé une
érosion à la crédibilité de la loi 101. Je suis
d'accord avec le ministre pour dire qu'il y a énormément de
choses là-dedans qui ne s'expliquent que par la volonté
politique. Quand la volonté politique est absente, ça s'effrite,
surtout quand la loi n'est pas appliquée, comme c'est le cas.
Voilà! Je ne sais pas si le ministre veut réagir. Nous
sommes tous les deux des férus de la liberté d'expression. Nous
sommes tous les deux conscients que, dans la liberté d'expression, on ne
peut mettre n'importe quoi mais, en bref, je ne sais pas s'il veut
réagir à mes propos, sinon j'ai une question toute
prête.
Sur la francisation des entreprises, on sait que le ministre n'est pas
prêt à utiliser la coercition pour arriver à revigorer un
peu la francisation des entreprises, bien qu'il ait été
prêt à utiliser la coercition en ce qui concerne l'affichage, ce
que lui ont reproché certains commentateurs. A l'époque, en
Chambre, le ministre a répondu que les mesures coerci-tives
déjà prévues dans la loi étaient suffisantes.
J'aimerais savoir si l'Office de la langue française ou le
ministre entend demander à la Commission de protection de la langue
française de faire enquête, comme le prévoit l'article 172,
sur certaines entreprises qui sont vraiment réfractaires à
l'idée de francisation. Pour ne pas la nommer, Ingersoll-Rand disait, et
c'était dans les journaux: Vous savez, la francisation des entreprises,
ce n'est pas pour moi. Après douze ans d'application de la loi, c'est
une entreprise qui n'est toujours pas francisée. Est-ce que le ministre,
finalement, ne croit pas que dans un cas comme celui d'Ingersoll-Rand, entre
autres, qui a fait l'objet de beaucoup de publicité... Ne serait-ce pas
donner un très mauvais exemple que de ne pas poursuivre une compagnie
qui s'affiche comme réfractaire à la francisation, alors que la
loi est claire?
M. Ryan: Comme l'article 172 prévoit que le genre
d'enquête dont parle le député doit être requis
auprès de la Commission de protection par
l'Office, j'aimerais que le président de l'Office nous donne une
réponse à cette question.
M. Laporte (Pierre-Etienne): M. le Président, tel que le
ministre vient de le mentionner, l'article 172 dit bien: Lorsque l'Office le
demande. Donc, jusqu'à maintenant, l'Office n'a pas demandé
à la Commission de faire enquête pour la bonne et simple raison
qu'on a préféré utiliser le mécanisme de
l'audition, dans le cas où des entreprises sont récalcitrantes.
On les convoque à l'Office et, dans la totalité des cas qui ont
été convoqués, mes collègues et moi sommes d'avis
que des changements sont survenus dans le comportement de l'entreprise.
Maintenant, en ce qui concerne l'entreprise Ingersoll-Rand, dont M. le
député vient de mentionner le nom, ce que je peux vous dire
à ce sujet, c'est que nous avons convenu et nous avons fait une demande
à Ingersoll-Rand de nous faire parvenir des documents pour le 18 mai
1989.
(Suspension de la séance 17 h 8)
(Reprise à 17 h 9)
M. Laporte (Pierre-Etienne): Si IngersollRand ne nous
répond pas le 18 mai, les membres de l'Office décideront à
ce moment des mesures à prendre face à Ingersoll-Rand. Mais je
pense qu'en toute bonne foi il faut attendre que la compagnie aille jusqu'au
bout des demandes qu'on lui a faites.
M. Filion: Je posais la question. Vous devriez comprendre que,
pour moi, ce serait une bonne idée que de donner de temps en temps une
illustration de la volonté d'un gouvernement, surtout en termes de
francisation des entreprises. À ce sujet, je m'adresse au ministre, il
le sait probablement. Je lui ai dit à quelques reprises que,
personnellement, j'étais d'avis que la clé de voûte pour le
français au Québec passait par le français au travail.
Beaucoup d'autres personnes l'ont reconnu comme moi, dont certaines qui sont
tout près du ministre. On a fait une petite étude et on a
constaté que le rythme d'obtention des certificats de francisation avait
diminué depuis 1984-1985. Pour les petites entreprises, le rythme
d'augmentation était de 31 % en 1984-1985, 23 % en 1985-1986, 15 % en
1986-1987, 8 % en 1987-1988 et 10 % en 1988-1989. Dans les grandes entreprises,
le rythme d'augmentation de l'obtention des certificats de francisation
était de 20 % en 1985-1986, 5 % en 1986-1987, 10 % en 1987-1988 et 10 %
en 1988-1989.
Je vais vous donner un exemple. Si le rythme de 30 % d'augmentation du
nombre d'entreprises certifiées - c'était le rythme de 1984-1985
- avait été conservé, la francisation des petites
entreprises serait terminée cette année, tandis que nous n'en
sommes qu'à 69 % de l'objectif. En ce qui concerne les grandes
entreprises, si le rythme de 1985-1986 avait été conservé,
1440 entreprises détiendraient le certificat, soit 88 % au lieu de 54 %.
Voici ma question au ministre responsable de l'application de la Charte de la
langue française qui déclarait, d'ailleurs, à la suite du
dépôt du rapport du comité: "Quand l'âne ne veut pas
boire, on ne peut le faire boire de force. " On s'en souviendra. Je
voudrais...
M. Ryan: C'était à propos de propagande, entre
parenthèses.
M. Filion: Pardon?
M. Ryan: C'était à propos de propagande que je
disais cela.
M. Filion: Ah oui!
M. Ryan: Je disais: Quand le gouvernement ne veut pas faire de
propagande, on ne lui en fera pas faire.
M. Filion: Ah! Je croyais... Alors, les propos ont
été mal rapportés parce que dans l'article que j'ai lu,
c'était assez clair que cela s'appliquait aux entreprises qui ne veulent
pas se franciser.
M. Ryan: Pas du tout, c'est un malentendu. M. Filion: Ce n'est
pas grave.
M. Ryan: La déclaration a été faite à
propos de la recommandation voulant qu'on institue une vaste campagne
d'information. J'ai dit que ce n'était pas dans mes inclinations de
faire ces recommandations au gouvernement. J'ai dit: Quand l'âne ne veut
pas boire, on ne peut pas le faire boire de force. C'était moi,
l'âne.
M. Filion: De toute façon, l'important est que cette
citation pourrait fort bien s'appliquer à la francisation des
entreprises. Le ministre écarte la coercition comme mesure devant
favoriser la francisation des entreprises. Je voudrais savoir en vertu de quoi
le ministre écarte ta coercition dans ce secteur, alors que, par
exemple, la loi 178 est une loi coercitive en ce qui touche l'affichage. Je
voudrais savoir comment il pense arriver à stimuler la recherche de la
francisation des entreprises sans fixer de contraintes, sans fixer de
coercition, alors que la situation est déjà stagnante.
M. Ryan: Est-ce que la question est terminée?
M. Filion: Je pose des questions longues pour vous laisser le
temps de fouiller un peu.
M. Ryan: C'est bon parce que...
M. Filion: Deuxièmement, je me défoule un peu. De
l'autre côté, à la période des questions, quand on
parie de la langue, on se la fait souvent couper. Des fois, nos questions en
Chambre ne sont pas très longues. J'en profite un peu pour aller dans
les détails et poser une question complète. Je suis sûr que
le ministre apprécie que mes questions soient les plus complètes
possible.
M. Ryan: Je me soumets entièrement au style de
l'Opposition. Je suis prêt à accepter des questions rapides, des
questions plus longues, des réponses plus brèves, des questions
plus longues. J'aime bien m'adapter au client, ayant été
formé dans le secteur privé. Je pense qu'il est important de
rétablir les chiffres d'abord. Je n'oserais accuser le
député d'avoir faussé les faits, mais je lui reprocherais
peut-être de n'avoir pas un tableau complet des chiffres. Si l'on regarde
le mouvement de l'émission des certificats de francisation, au cours des
dernières années, on peut retenir les chiffres suivants, grosso
modo: en 1983-1984, 526; en 1984-1985, 484; en 1985- 1986, 554; en 1986-1987,
509; en 1987 1988, 433; en 1988-1989, 520; prévisions pour 1989-1990,
730. Je pourrais donner les chiffres par catégorie, cela reviendrait
à peu près au même. Quand on examine ce tableau, il s'est
produit une année où il y a eu une certaine baisse, c'a
été l'année 1987-1988, où la baisse est attribuable
surtout au fait que l'Office avait décidé, cette
année-là, de mettre davantage l'accent sur la relance de la
francisation plutôt que sur l'émission de certificats de
francisation. Depuis ce temps, on a repris le rythme de l'émission de
certificats. En 1988-1989, on a à peu près le même nombre
qu'en 1983-1984; on en a plus qu'en 1984-1985; on est très proche du
chiffre de 1985-1986; il n'y a pas ce déclin ou ce recul dont on
pourrait parler en ne prenant qu'une partie du tableau. Les chiffres que j'ai
ici indiquent que les projections établies pour 1989-1990 permettront
d'atteindre un chiffre de 150 pour les grandes entreprises, de 280 pour les
petites et moyennes entreprises, pour un total de 430. Je vais être
oblige de corriger les chiffres que j'ai donnés.
Tantôt, je comprenais les chiffres de l'administration, je dois
les soustraire. Pour les chiffres concernant uniquement les entreprises on va
les reprendre seulement pour ce qui concerne les entreprises, je m'excuse. En
1983-1984, 211; en 1984-1985, 361; en 1985-1986, 385; en 1986- 1987, 397; en
1987-1988, 161, c'est là que s'est produite la baisse dont j'ai
parlé tantôt; et en 1988-1989, 320; l'objectif de 1989-1990, 430.
Il y a eu une année où on se pose des questions, j'en ai
donné l'explication, mais, pour le reste, je pense que la courbe s'est
très bien maintenue.
M. Filion: Est-ce que je dois comprendre, M. le ministre, que
l'ensemble de l'opération de francisation des entreprises au
Québec, par ce que vous êtes en train de me dire, ça va
bien?
M. Ryan: En ce qui touche l'émission de certificats de
francisation, c'est la question dont nous discutons présentement...
M. Filion: Oui.
M. Ryan:... le mouvement suit son cours normal, ainsi que l'a
indiqué le rapport du comité Laporte. L'opération
émission de certificats devrait être pratiquement terminée
en 1992 ou 1993. II y a une feuille de route qui est tracée de ce
côté et qui, tout compte fait, répond aux anticipations qui
avaient été établies.
Maintenant, je suis le premier à convenir que l'émission
du certificat de francisation - je l'ai dit dans mon intervention liminaire de
ce matin - n'est que le point d'entrée, le début d'un processus
qui doit devenir permanent et complet. Et, de ce point de vue, il reste
beaucoup de travail à faire, même une fois que le certificat aura
été émis. C'est un point sur lequel l'Office sera
appelé à se pencher de plus en plus au cours des années
à venir.
En ce qui touche cet aspect de l'opération, je ne pense pas qu'on
puisse dire qu'il y a eu déclin ou recul. Au contraire,
l'opération se poursuit normalement et cela exige beaucoup de
démarches avant qu'on arrive à l'émission d'un certificat.
Il y a beaucoup de vérifications à faire auprès des
entreprises, cela ne s'obtient pas seulement par une visite, j'imagine.
M. Filion: Revenons sur la coercition. Vous avez
déposé vos chiffres. J'ai donné les chiffres qu'on avait
à partir du cahier des crédits qu'on nous a remis. Le calcul que
j'ai fait, ce que j'ai dit tantôt, c'est le calcul qui a
été fait à partir du cahier explicatif des crédits
qui nous a été remis. Alors, si c'était possible de
déposer ces données qui ne font pas partie du cahier des
crédits, à moins que vous ne me disiez à quel endroit cela
se trouve, nous n'avons pas ça dans le cahier des crédits.
M. Ryan: Comme je l'ai dit tantôt, il y a toute une
série de fiches - c'est une pratique établie depuis très
longtemps - comprenant une foule de renseignements additionnels, qui sont
préparées pour l'usage du ministre pour ces
discussions-là. Je puise à même ces chiffres.
M. Filion: Revenons sur la coercition, M. le ministre. Coercition
dans l'affichage, c'est correct; coercition pour le français au travail,
vous l'écartez. Pourquoi la coercition ne serait pas utile, de
façon... Coercition, cela ne veut pas dire la contrainte par corps; cela
veut dire une loi raisonnable, une loi juste qui fixe des délais et des
échéances qui sont compréhensifs de la situation
réelle. Je me demande comment réagirait le ministre de
l'Éducation s'il entendait, par exemple, sa collègue, la ministre
de l'Environne-
ment, nous dire: Écoutez, pas de coercition pour les normes
environnementales. On préfère discuter, etc. La coercition, ce
n'est pas dans une société nécessairement quelque chose...
D'abord, la contrainte par corps n'existe plus, heureusement. Ce que je veux
dire, c'est que ça prend une certaine coercition parce qu'il y a des
entreprises qui ne veulent absolument rien savoir. Le ministre le sait. Et une
coercition peut être Intelligente. En ce sens-là, ma question est
très générale. Je le sais, mais j'incite le ministre
à une nouvelle réflexion peut-être sur cet
aspect-là.
D'un autre côté, une coercition, encore une fois,
adaptée, raisonnable, réaliste, s'imposerait actuellement au
Québec dans le secteur du français au travail. On connaît
les conséquences, M. le ministre, et vous les connaissez sûrement,
en ce qui concerne le français au travail. Un immigrant au Québec
aura beau envoyer ses enfants à l'école française, si
lui-même, dans son travail ou les enfants lorsqu'ils ont atteint
l'âge de travailler, travaille en anglais, c'est bien de valeur, mais ne
parlons pas d'intégration de l'immigration au Québec. Le
français au travail, c'est extrêmement important. Et si, pour les
immigrants qui arrivent ici - en particulier, je pense à eux - la langue
pour gagner leur pain et leur beurre est l'anglais, vous pouvez être
sûr d'une chose, c'est que, quand ils vont revenir à la maison,
ils vont se brancher aux sources d'alimentation culturelle anglophones.
C'est normal et je n'ai rien contre le fait qu'on lise la Gazette
ou qu'on écoute CFCF. On peut faire n'importe quoi au Québec.
On n'est pas ce que certains ont prétendu. Le Québec est une
terre ouverte et généreuse. Mais encore faut-il ne pas tomber
dans des tendances d'an-géiisme suicidaire et dire: Écoutez, on
va laisser aller les choses selon le bon vouloir des Intervenants et on va
finir par essayer d'y trouver notre compte. L'intégration des
immigrants, c'est un défi immédiat pour le Québec. Et des
messages aussi clairs que le français comme langue de travail doivent
être envoyés, mais directement à tout le monde.
Savez-vous ce qui se produit aussi, M. le ministre? Je vais vous poser
une petite question là-dessus. Est-ce que vous êtes
préoccupé du fait qu'au Québec le bilinguisme - on a le
libre-échange, etc., - est exigé? Il y a eu un début
d'enquête ou d'étude, je pense, du Conseil. En tout cas, je peux
me tromper. C'est une étude partielle, je l'admets, mais qui dit que le
bilinguisme est exigé de plus en plus pour travailler actuellement au
Québec. Et c'est normal. Dès qu'un employeur dit: J'ai 1 % de ma
clientèle qui est anglophone mais, dans le fond, je veux en avoir 15 %
et 20 % et 50 %, alors je demande du personnel qui parle anglais, savez-vous ce
qu'on est en train de bâtir parallèlement à ça? On
est en train de bâtir une classe de Québécois qui ne
parlent pas d'autres langues.
Il y a grosso modo, 66 % des francophones qui sont unilingues
francophones. Deux francophones sur trois au Québec ne parlent pas
d'autres langues parce que ce n'est pas donné à tout le monde
d'apprendre d'autres langues. Et on peut, dans certains cas, avoir le talent,
l'instruction, l'occasion, etc., pour en apprendre plus qu'une, deux ou trois
ou quatre. Alors tant mieux! Chaque fois, c'est enrichissant. Mais, bref, il y
a toute une catégorie de Québécois francophones qui
n'apprennent pas d'autres langues et qui ne peuvent même pas l'apprendre
dans certains cas, à cause d'une certaine limitation à leurs
capacités. Or, ces gens-là... Est-ce que le ministre est
conscient du fait qu'on est peut-être en train de bâtir au
Québec une classe de citoyens unilingues francophones qui iront grossir
la liste de nos assistes sociaux ou la liste des gens qui sont sur
l'assurance-chômage? D'où l'importance du français au
travail, encore une fois. Alors, est-ce que le ministre est
préoccupé par cette question-là qui risque d'influencer et
de rejoindre un petit peu ce que le Conseil des affaires sociales et de la
famille disait: Un Québec divisé en deux. Moi, j'ai peur que la
partie du bas ne soit une partie faite de Québécois francophones,
d'où, encore une fois, l'absolue nécessité d'agir dans le
secteur du français au travail. Même si le ministre ne partage pas
mes convictions, je lui demande s'il est préoccupé par ce
problème et s'il entend poser des gestes concrets pour faire en sorte
que le français soit de plus en plus la langue du travail au
Québec. La question est finie. Elle est large mais...
Le Président (M. Trudel): Si la réponse est aussi
longue, cela va terminer les crédits pour l'année. Allez-y, M. le
ministre!
M. Ryan: J'ai Indiqué dans mon intervention liminaire de
ce matin les actions que je compte entreprendre pour promouvoir la francisation
dans les milieux de travail. Je pense que les indications ont été
fournies très clairement ce matin. Je voudrais souligner un aspect qu'on
ne doit pas sous-estimer dans cette question. Le député se
référait à l'article 46 de la charte où il est
interdit à un employeur d'exiger, pour l'accès à un emploi
ou à un poste, la connaissance d'une langue autre que la langue
officielle, à moins que l'accomplissement de la tâche ne
nécessite la connaissance de cette autre langue.
Or, sur le terrain du commerce et des affaires, les situations les plus
imprévues surgissent continuellement. On ne peut pas dire d'avance, une
année ou deux d'avance, que la connaissance de telle langue ne sera
jamais requise. Il peut arriver qu'une transaction très importante soit
facilitée par la connaissance que les employés auront d'une autre
langue. Alors, l'employeur peut juger que la connaissance d'une autre langue
est requise et l'employé peut avoir recours à son association de
salariés ou à l'Office de la langue française pour faire
trarv-
cher le problème. Là, nous avons le mécanisme qu'il
faut de ce point de vue-là.
Moi, la seule chose que je me demande - je fais ça bien
simplement avec M. Laporte - c'est si c'est la bonne place pour trancher des
problèmes comme cela. C'est quasijudiciaire. On confie cela à
l'Office. C'est l'Office qui doit siéger pour trancher des cas comme
ceux-là. Je ne sais pas si c'est le bon partage des tâches. On
pourra l'examiner au cours de la prochaine année. Il n'y a pas d'urgence
en la demeure
Je voyais justement un jugement que l'Office a rendu récemment,
qui m'est apparu extrêmement intéressant, que j'ai trouvé
rempli de réalisme et de bon sens à propos d'un cas qui
était survenu dans un hôpital. Je pense que c'est à
l'hôpital du Sacré-Coeur. J'ai trouvé qu'on avait une
considération de l'ensemble de la réalité et il faut
ça, en fin de compte. L'économie est une affaire difficile
à situer dans des casiers de bureaucrates ou même de
législateurs. Cela prend des tours infiniment imprévisibles de
jour en jour, et même d'heure en heure. Il faut qu'on ait cette
capacité d'adaptation au défi de l'économie aussi.
Autrement, on va faire une loi qui va faire bien plaisir aux avocats, aux
rédacteurs de règlements, aux fonctionnaires chargés de
l'appliquer, mais on va être obligés de courir après les
clients. Je trouve que ce n'est pas correct. C'est le point sur lequel je vous
dis que j'ai une réaction de l'ordre réaliste, l'adaptation
à la réalité concrète dans le plein respect des
objectifs de la charte. Comme c'est défini ici, c'est parfait.
Maintenant, si vous me disiez: Le mécanisme qui est ici ne marche pas,
l'Office s'acquitte mal de son travail, il rend des décisions contraires
à l'esprit de la loi, je partagerais votre inquiétude, mais vous
n'avez rien dit de tel. Je pense que vous reconnaîtrez vous-même
que l'Office fait un bon travail.
M. Filion: Sur l'article 46, M. le ministre... M. Ryan:
Oui.
M. Filion:... j'ai le tableau devant moi. Ou 1er avril 1980 au 31
mars 1988, soit une période de huit ans, il y a eu 114 dossiers
inscrits, et il faut comprendre pourquoi. Prenons l'exemple d'un citoyen qui
voudrait déposer une offre d'emploi dans une entreprise. D'abord,
jusqu'à ce que la réponse m'arrive, il n'est pas là pour
contester la décision d'exiger le bilinguisme. Il veut avoir -
passez-moi l'expression - la job. D'ailleurs, il ne sait même pas en quoi
consiste le travail, alors, il n'est pas là pour contester les exigences
du travail. Une fois que l'emploi a été accordé à
quelqu'un d'autre, que voulez-vous, il se cherche un emploi ailleurs. (17 h
30)
C'est ce qui explique, M. le ministre - probablement que vous ne le
saviez pas -qu'en huit ans il y ait eu seulement 114 dossiers d'inscrits
à l'office. Savez-vous quel est le nombre de désistements et
d'abandons? C'est curieux que vous me posiez la question parce que
c'était: ma prochaine remarque. Il y a eu 33 désistements et 30
abandons parce qu'il n'y a plus d'intérêt. Dans certains cas, ceux
qui poursuivent ont un intérêt s'ils occupent déjà
un emploi au sein de l'entreprise, mais dans bien des cas ils n'en ont pas
Or, plus de la moitié des plaintes, en vertu de l'article 46 que
vous nous avez lu tantôt, ont fait l'objet de désistements ou
d'abandons. C'est pour ça qu'on suggérait dans le projet de loi
191 des modifications au mécanisme pour faire en sorte que des droits
réels soient accordés pour contester le problème que vous
soulevez à propos de l'Office et du caractère quasi judiciaire.
Je vous réfère au projet de loi 191 qui contient aussi une amorce
de solution là-dessus. Je réponds à votre question:
L'article 46 est inefficace. C'est la question que vous me posiez. Je le dis
sans ambages, l'article 46 est carrément inefficace. D'ailleurs, c'est
reconnu par l'ancien président du Conseil de la langue française,
M. Cholette, dans son rapport 1983-1984. De la Commission de protection,
pardon.
M. Ryan: II n'a jamais été président du
conseil, M. Cholette; il était plutôt président de
la...
M. Filion: De la Commission de protection de la langue
française. Respectons l'historique des présidents et des
présidentes. Alors, je réponds à votre question, l'article
46 n'est pas efficace, M. le ministre.
M. Ryan: C'est la première fois que j'entends cette
remarque de la part du député de Taillon. On va examiner la
situation. Je ne pense pas que la solution qu'il propose soit tellement
meilleure. Je pense bien que la procédure normale dans ces cas, c'est la
procédure de grief suivant les conventions collectives. C'est là
que ces problèmes doivent se régler. Je pense bien qu'on est
d'accord. Il ne faut pas que ces problèmes aillent devant les tribunaux,
en première instance, en tout cas.
M. Filion: La minorité des travailleurs au Québec
est syndiquée, M. le ministre, vous le savez.
M. Ryan: II y en a quand même...
M. Filion: Quand il y a un syndicat... D'ailleurs, la
syndicalisation reste la meilleure façon de défendre les
travailleurs, mais il y a tout un paquet de travailleurs qui ne sont pas
syndiqués. Alors, c'est pour ça que le projet de loi 191...
M. Ryan: Par contre...
M. Filion: Si la mécanique que je suggère
dans le projet de loi 191 n'est pas la bonne, qu'on en trouve une autre.
Mais, encore une fois, il y a dans ce secteur urgence d'agir.
M. Ryan: En tout cas, je plaide fortement pour que ces
problèmes soient abordés à partir d'une vue honnête
et humble de la réalité. Prenons le monde de la restauration et
de l'hôtellerie, pour prendre un exemple. On pourrait bien se
réunir quatre ou cinq députés pour établir un
règlement disant que le français sera la langue de travail
partout, mais c'est un monde où les travailleurs sont essentiellement en
contact avec la clientèle, une clientèle qui est, en grande
majorité, de passage, qui ne peut pas être calculée
d'avance, de manière arithmétique. Il faut bien qu'on parte de
cette réalité si on veut régler le cours des choses dans
cette industrie. Encore une fois, je ne pense pas que ce soit par des
impositions et des contraintes abstraites qu'on puisse régler ces
choses.
J'ajoute un autre point. La loi 101 en elle-même est un ensemble
de contraintes pour l'entreprise. Elle crée toute une série de
contraintes. Ce n'est pas une saisie de corps. Ce n'est pas un "amenez le
corpus". Mais c'est quand même un ensemble de contraintes et il faut
avoir été en contact avec des entreprises pour savoir comment ces
contraintes sont exigeantes. S'il y a certaines contraintes qui ne sont pas
efficaces, c'est notre devoir de les signaler et d'essayer de les corriger. Je
suis prêt à le faire. Mais, encore une fois, je ne voudrais pas
qu'on parte de l'idée que nous avons seulement de la persuasion. Quand
je parle de persuasion, je ne voudrais pas qu'on oublie que c'est la
philosophie que l'Office de la langue française a adoptée,
à ma connaissance, depuis ses débuts, qu'il a poursuivie
année après année. En causant avec des membres de l'Office
l'autre jour, et en causant par la suite avec des représentants des
centrales syndicales, je me suis aperçu que c'est une approche qui
correspond aux exigences de la réalité concrète et qu'elle
doit par conséquent continuer d'être privilégiée, ce
qui ne doit aucunement permettre de conclure qu'on devrait s'autoriser d'une
telle approche pour refuser d'envisager des cas durs comme il en existe et
comme nous en connaissons. Là, il faut plus que ça. Je suis
d'accord avec le député.
M. Filion: J'ai une dernière question sur la francisation
des entreprises.
M. Ryan: Excusez-moi. Le président de l'Office de la
langue française m'assure que les cas intraitables sont très
rares dans le cours ordinaire des choses. Ce n'est peut-être pas mauvais
d'ajouter cette donnée au dossier.
M. Filion: Je vous dis qu'il y a 60 % des entreprises qui n'ont
pas leur certificat de francisation. Est-ce que le chiffre a
augmenté?
Quel est-il?
M. Ryan: C'est faux.
M. Laporte (Pierre-Etienne): II y a 90 % des entreprises de 100
employés et plus qui sont certifiées, ou qui le seront au cours
des quatre ou cinq prochaines années. Il y a 88 % des petites
entreprises... Écoutez, il y a 56 % des grandes entreprises qui sont
certifiées et 64 % des petites et moyennes qui le sont. Parmi celles qui
ne sont pas certifiées, si on faisait un étalage de leur
programme de francisation, on constaterait que bon nombre d'entre elles auront
un certificat d'ici à une année, deux années, trois
années.
Pour ce qui est des entreprises qu'on pourrait qualifier de
récalcitrantes, c'est-à-dire des entreprises qui, pour employer
une expression bien québécoise, ne veulent rien savoir, les
données montrent qu'il y en a peut-être trois ou quatre, pas plus.
Les autres sont des entreprises qui sont peut-être résistantes,
mais qui se conforment néanmoins aux demandes que leur fait l'Office de
la langue française.
M. Filion: On pourrait discuter très longtemps
là-dessus...
M. Ryan: On est mieux de passer à autre chose.
M. Filion:... mais le temps file. Je voudrais juste, avant de
poser une dernière question sur la francisation des entreprises,
rappeler au ministre que dans le rapport qu'il a reçu d'un comité
qui a fonctionné selon certaines règles du jeu, je pense que
c'est important de le redire, je retiens certaines idées uniquement pour
qu'il ne les oublie pas: le comité de francisation pour les entreprises
de 50 à 99 employés, la politique d'achats
préférentiels, l'imputabilité des gestionnaires et
l'approche sectorielle.
Ma dernière question, avant de passer quelque temps avec M.
Martel et le Conseil de la langue française, porte sur les entreprises
de moins de 50 employés. Pour tous ces chiffres, on peut bien faire des
gorges chaudes. Il demeure que, grosso modo, 68 % ou 70 % des travailleurs
québécois oeuvrent dans des entreprises où l'on compte
moins de 50 employés. Ce sont des entreprises qui ne sont pas soumises
à l'obligation d'obtenir un certificat de francisation. Comme par
hasard, M. le Président, dans ces petites entreprises de moins de 50
employés, on retrouve beaucoup de représentants des
communautés culturelles. Encore une fois, on connaît l'importance
de l'intégration des nouveaux arrivants au Québec.
Compte tenu du fait que 58 % ou 60 %... Est-ce que j'ai dit 68 %
tantôt? Excusez-moi, ce doit être la fatigue. C'est 58 % ou 60 %
des travailleurs qui sont dans des entreprises de moins de 50 employés.
Compte tenu que le
premier ministre du Québec, le député de
Saint-Laurent, nous disait dans son discours d'ouverture, II y a
déjà deux ans ou à peu près, que l'Assemblée
nationale serait appelée, durant la session qui s'ouvrait, à se
pencher sur toute la question de la francisation des entreprises et compte tenu
que ces 60 % de travailleurs se regroupent, grosso modo, dans 25 000
entreprises du Québec où il n'y a pas de programme de
francisation, je demande au ministre responsable de l'application de la Charte
de la langue française ce qu'il a l'intention de faire
concrètement pour ces milliers de travailleurs, ces 60 % de travailleurs
qu'on retrouve dans les entreprises de moins de 50 employés et qui, eux
ou elles, n'ont pas la chance d'avoir un programme de francisation à
leur lieu de travail. Qu'est-ce que le ministre a l'intention de faire pour ces
entreprises où l'on retrouve, en particulier, beaucoup d'entreprises en
haute technologie? J'aimerais savoir du ministre quelles sont ses intentions
concrètes, ses gestes concrets?
M. Ryan: Quelles entreprises? De 50 employés et moins? M.
le Président, j'écoute les questions du député de
Taillon. Elles m'intéressent, mais j'aurais presque une suggestion
à lui faire. Peut-être que la prochaine fois.. C'est dommage, il
ne sera probablement pas ici, mais s'il allait faire une couple de visites
à l'Office et à la Commission, entre les deux réunions
annuelles de la commission parlementaire, je pense qu'D pourrait glaner bien
des renseignements qui lui permettraient de mettre plus de précisions
dans ses questions et de se dispenser d'un certain nombre d'entre elles parce
qu'il serait mieux informé sur ce qui se fait.
Seulement dans le domaine des entreprises de 50 employés et
moins, nos données indiquent que, du 1er avril 1984 au 31 mars 1989, par
conséquent bien avant la nomination du ministre actuel, on a fait des
projets d'animation auprès de 8426 petites entreprises regroupant en
tout 43 128 salariés. Ce n'est pas parce que le ministre qui vient
d'entrer en fonction parle d'animation que ça commence à se
faire. Cela se fait depuis plusieurs années déjà. L'Office
accomplit un travail considérable de ce côté. M. Laporte
m'a indiqué que dans les ' projets prioritaires de l'année
1989-1990 l'Office entend accentuer ce volet de son action. Je l'encourage
fortement à le faire. Ce sont eux qui vont trouver les méthodes
concrètes d'action qui conviennent aux clientèles auxquelles ils
doivent s'adresser. Par conséquent, je pense que c'est important de
partir d'une juste appréciation des faits.
Encore une fois, je suggérerais fortement une visite sur les
lieux pour voir comment le travail s'accomplit. Moi, j'y suis allé
à une couple de reprises et je n'ai rien appris encore, mais je vais y
retourner parce que j'ai encore beaucoup à apprendre. Au moins, le
premier geste que j'ai fait, J'ai été nommé à ce
poste le vendredi et, le lundi, j'étais au bureau de M. Laporte à
9 h 30. Il voulait venir me voir à mon bureau. J'ai dit: Je vais aller
voir comment ça se passe chez vous. Je pense que c'est une
méthode qui enseigne plus vite la réalité. En tout cas, il
y a beaucoup de choses qui se font déjà. Moi, je les encourage
à en faire encore plus. SI on veut avoir davantage de précisions
sur les intentions de l'Office pour l'année 1989-1990, je pense que M.
Laporte se fera un grand plaisir de les fournir.
M. Filion: M. le Président, je veux bien que le ministre
de l'Éducation soit très paternaliste avec celui qui vous parle,
mais ce n'est pas le président de l'Office de la langue française
qui est responsable du discours Inaugural lu par le lieutenant-gouverneur en
Chambre, il y a deux ans. Ce n'est pas en m'invitant d'une façon aussi
cordiale pour laquelle je le remercie... Vous savez, de l'information, j'en ai.
Uniquement les documents officiels du Conseil, de l'Office, de la Commission de
protection, ça occupe une partie de mes week-ends. Soyez sans
inquiétude là-dessus, de l'information, j'en ai, et de la bonne.
Mais ce n'est sûrement pas le président de l'Office de la langue
française qui, il y a deux ans, s'est levé pour lire le discours
inaugural dans lequel on disait aux parlementaires qu'ils devaient se pencher
sur des mesures législatives en matière de francisation des
entreprises.
Alors, M. le Président, je veux bien que le ministre, qui a bien
connu mon père, soit paternaliste à mon égard, mais je
pense qu'il choisit très mal son sujet. Je lui reformule ma question. De
l'animation, vous savez, les petits "peptalks", pour employer une expression
anglaise, les petites réunions des entreprises... Il y en a dans le parc
industriel de Longueuil qui fonctionnent juste en anglais et je vous dirai
qu'il y en a peut-être 8000 qui ont reçu une petite visite, mais
je connais un joli lot de travailleurs et travailleuses québécois
qui aimeraient travailler en français et qui ne le peuvent pas.
Là-dessus, le ministre me permettra de prendre mes distances
vis-à-vis de ses propos, aussi gentils soient-ils. (17 h 45)
Conseil de la langue française
Cela dit, il reste à peine quinze minutes, M. le
Président. J'ai des questions concernant le Conseil de la langue
française. Le Conseil de la langue française, on le sait, a
déposé plusieurs avis. Je vais prendre cinq avis qui ont
été déposés par le Conseil de la langue
française et qui ont été rejetés du revers de la
main par le gouvernement libéral. 1986, avis sur la
nécessité de préciser les Intentions gouvernementales en
matière linguistique. Je rappelle grosso modo le contenu. Dans cet avis,
le Conseil rappelait au gouvernement que le discours contradictoire qu'il
entretenait n'engendrait que confusion et Illégalité et, du
même coup, II Invitait le gouverne-
ment à agir dans les plus brefs délais. Non seulement le
gouvernement, on le sait, a-t-il attendu décembre 1988 pour agir, mais
depuis qu'il a fait connaître sa solution il continue, quant à
nous, à entretenir une confusion semblable à celle que lui
reprochait le Conseil en 1986; pensons aux règlements, aux directives,
aux enclaves, aux sommets, etc. Alors, bien que le ministre soft plus rigoureux
et entretienne moins la confusion que ses prédécesseurs et,
surtout, bien que le premier ministre fasse un peu moins de déclarations
en matière linguistique depuis qu'il a nommé le
député d'Argenteuil à ce poste, il demeure que la
confusion a été la règle durant trois ans.
Deuxième avis: 1986, avis sur l'état de la francisation
des entreprises. Le conseil demandait que les autorités gouvernementales
relancent le processus et s'assurent que les ressources nécessaires
soient présentes. 1988, avis sur le projet de loi fédéral
C-72, extrêmement important; je n'ai pas besoin de le détailler,
le ministre connaît bien le dossier et ceux qui nous écoutent
également. 1988, les compétences linguistiques du Québec
après la signature de l'accord du lac Meech. Important, le Conseil de la
langue française en est venu à la conclusion que le concept de
société distincte... En fait, je ne veux pas le résumer
parce que ce serait peut-être travestir ses propos mais, quant à
nous, en tout cas, c'était plutôt une coquille vide que le
gouvernement devrait s'évertuer à remplir le plus rapidement
possible.
Et, 1988, position du Conseil de la langue française sur
l'affichage, où le Conseil recommandait de maintenir le principe de
l'unilinguisme. Bref, pas besoin de le rappeler.
Je donne au ministre les exemples de cinq avis donnés par le
Conseil de la langue française qui, on peut dire, n'ont pas
été suivis. Alors, je demanderais au ministre actuel s'il est
disposé à plus d'égard envers les avis qui seront rendus
par le Conseil de la langue française durant le temps où il sera
responsable du dossier.
Le Président (M. Maciocia): M. le ministre.
M. Ryan: Je pourrais peut-être citer un autre avis du
Conseil, en commençant. Il y avait l'avis sur le français dans
l'enseignement, le français à l'école, un avis très
important que le Conseil a donné au gouvernement il y a à peu
près deux ans.
Une voix: Et le dernier sur l'informatique.
M. Ryan: Je commence par celui sur l'enseignement qui embrassait
une réalité très large et qui comprenait une bonne
trentaine de recommandations à l'intention du gouvernement. Si le
député prend le temps d'examiner le plan d'action que nous avons
communiqué aux écoles du Québec et les autres mesures que
nous avons prises pour la promotion du français, il trouvera la
réalisation de la très grande majorité des recommandations
qu'avait présentées le Conseil de la langue française. Je
me rappelle qu'en ma qualité de ministre de l'Éducation je fis,
à l'époque, une étude attentive de l'avis et des
recommandations que nous avait communiqués le Conseil de ta langue
française.
En ce qui touche l'avis sur la francisation des entreprises, le
président de l'Office de la langue française m'assure que cet
avis fut l'objet d'une étude attentive à l'Office de la langue
française et que les recommandations en furent
généralement traduites dans des programmes et des mesures
administratives appropriés.
En ce qui touche l'avis sur l'accord du lac Meech, nous tombons dans le
domaine politique. Je pense bien que je n'ai pas à dire autre chose que
de rappeler que l'Assemblée nationale adopta une loi - je pense que
c'est en juin 1987, avant l'ajournement d'été - qui
définissait la position du gouvernement. Je me souviens très bien
que nous avons reçu l'avis du Conseil de fa langue française
à ce moment-là. Nous l'avons considéré. Ce
n'était pas nécessairement un avis qui nous liait à la
lettre, mais le Conseil a été libre d'exprimer son avis. Il l'a
fait avec l'indépendance qui doit le caractériser et ça
n'a changé en rien sa vocation ou ses rapports avec le gouvernement.
L'avis sur l'informatisation est l'objet d'un examen actuellement. Il y
a des parties qui touchent évidemment l'administration gouvernementale.
J'ai demandé qu'on inscrive à l'ordre du jour de la prochaine
réunion de la commission ministérielle des achats du gouvernement
certaines recommandations qu'avait faites le Conseil et certaines
recommandations du groupe de travail présidé par M. Laporte.
À la prochaine réunion de la commission qui doit avoir lieu, je
pense, la semaine prochaine, ce sujet figurera à l'ordre du jour. J'ai
déjà transmis le rapport Laporte à M. le ministre des
Approvisionnements et Services, le député de Crémazie.
Soyez assuré que cette partie est l'objet d'un suivi attentif de la part
du gouvernement.
Il y a l'avis sur l'affichage commercial qui a donné lieu aux
conclusions que nous connaissons. Encore une fois, une fois qu'une
décision politique a été prise, je pense que ça
termine le débat en ce qui touche l'avis que nous avons reçu. Le
gouvernement exprime sa position et on n'est pas obligés de la partager,
mais à ce moment-là on peut dire au moins qu'il a agi.
Ensuite, il restait l'avis sur la loi C-72. Concernant C-72, le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes a
exprimé à maintes reprises la position du gouvernement et il a
dit que, dans l'ensemble de ses dispositions, la loi C-72 est excellente. On a
voulu la faire passer pour une loi perverse dans certains milieux
québécois. C'est une excellente loi en ce qui touche l'avancement
de l'égalité des langues dans l'appareil fédéral.
Il ne faut pas oublier ce
point. En ce qui touche le rôle et les attributions du Commissaire
aux langues officielles, c'est une loi qui renforce cette institution au lieu
de l'affaiblir. Il y a une disposition dans la loi C-72 qui nous
inquiète à Juste titre et c'est celle en vertu de laquelle le
gouvernement fédéral peut s'arroger le pouvoir de verser des
subventions à des organismes privés, à des entreprises
pour la promotion de l'une des langues officielles dans l'une ou l'autre
province du Canada. Concernant ce point-là, le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes a
déclaré à maintes reprises à l'Assemblée
nationale que le Québec exigeait la conclusion d'un protocole avec le
gouvernement fédéral, comme le prévoit la loi C-72, avant
que le fédéral n'institue quelque action auprès de milieux
privés au Québec. L'ancien Secrétaire d'État, M.
Lucien Bouchard, s'était engagé à conclure un protocole
avec le Québec et les négociations se poursuivent à ce
sujet. À ma connaissance, aucune mesure du genre de celles que redoutent
plusieurs milieux québécois, y compris les milieux
gouvernementaux, n'a été prise dans le sens que nous redoutons
à juste titre. Mon collègue a indiqué à maintes
reprises, le premier ministre aussi, la volonté du gouvernement de
demeurer vigilant à ce sujet. Je veux assurer le député
que nous le demeurerons, mais nous ne voulions pas envoyer promener le
bébé avec l'eau sale. Nous voulions garder le bébé.
L'ensemble de la loi C-72, pour quelqu'un qui adhère le moindrement
à l'option canadienne, est bon. Je l'ai soutenu en Chambre à
maintes reprises, en particulier lors d'un débat que nous avons eu
à ce sujet. Je n'ai jamais reçu de réponse le moindrement
substantielle de l'Opposition sur ce point. Mais sur le point qui a fait
l'objet d'inquiétudes, j'ai résumé la position du
gouvernement et je continuerai moi-même, à titre de ministre
responsable de l'application de la Charte de la langue française, de
veiller à ce qu'il n'y ait pas d'ingérence du gouvernement
fédéral dans ce secteur.
M. Filion: M. le Président, relativement à l'accord
du lac Meech, je pense qu'on ne peut pas laisser passer ça, même
s'il reste peu de temps. L'accord du lac Meech donne un pouvoir juridique au
gouvernement fédéral d'agir auprès d'organismes
privés ici au Québec. Vous nous dites: Le gouvernement...
M. Ryan: Pardon, c'est C-72. On ne pariait pas de l'accord du lac
Meech.
M. Filion: Oui, pardon, C-72. Je m'excuse. L'entente du lac Meech
donne le pouvoir de dépenser. Je pense que c'est important.
M. Ryan: Au Québec.
M. Filion: Oui, oui, l'entente du lac Meech donne le pouvoir de
dépenser aussi, mais ne reprenons pas le débat
constitutionnel.
M. Ryan: II donne le pouvoir de dépenser au Québec
et le pouvoir du Québec de réclamer que des sommes qui seraient
dépensées par Ottawa en vertu de son pouvoir de dépenser
soient rendues au Québec, ce qui est très important.
M. Filion: On se comprend. Si on combine l'accord du lac Meech
avec le projet de loi C-72, cela donne un encadrement juridique et une
possibilité financière pour le gouvernement fédéral
d'investir ici, au Québec, auprès d'organismes privés pour
faire la promotion de la langue anglaise au Québec. Au gouvernement,
depuis un an et demi ou à peu près, vous nous dites:
Écoutez, on va conclure une entente avec le gouvernement
fédéral pour être sûrs... Je peux donner une
comparaison au ministre. C'est comme si on laissait s'installer une base de
missiles chez le voisin et qu'on disait: On ne bouge pas parce qu'ils n'ont pas
encore tiré sur nous. Si John F. Kennedy avait agi de façon
semblable, je ne sais pas si on serait toujours dans le même univers.
Alors, en ce qui concerne la loi C-72, la mollesse du gouvernement à
l'égard d'une loi claire du côté fédéral est
totalement inacceptable, M. le Président.
Puisqu'on parle des avis du Conseil de la langue française, on
sait que le prédécesseur du ministre actuel voulait exiger que
chaque étude entreprise par le Conseil soit d'abord approuvée par
le ministre. Je pense que le ministre actuel a écarté cette
possibilité de la main. Cependant, dans son discours sur la motion que
j'ai présentée à l'Assemblée nationale au mois de
mars, le ministre disait ceci et je le cite textuellement, car ça me
préoccupe: J'exigerais à juste titre que ces organismes -
Conseil, Commission, Office -agissent en complète conformité avec
les orientations définies par le législateur - c'est tout
à fait normal - et le gouvernement. Je voudrais savoir du ministre en
quoi le Conseil de la langue française doit agir comme l'entend le
gouvernement.
M. Ryan: Voici à quoi se réfèrent ces propos
que je suis reconnaissant au député de Taillon de rappeler
à notre attention. À l'article 189 de la Charte de la langue
française, il est prévu que le Conseil peut recevoir et entendre
les observations et suggestions des individus et des groupes concernant les
questions pour lesquelles il a mandat. Ensuite, il est prévu ceci: avec
l'assentiment du ministre, il peut entreprendre l'étude de questions se
rattachant à la langue et effectuer ou faire effectuer des recherches
appropriées.
Ce que je disais ce matin, c'est qu'il n'y avait pas eu beaucoup de
contacts ces dernières années pour des raisons diverses. Nous
avons rétabli le contact. J'ai rencontré les autorités du
Conseil récemment et nous avons convenu que,
chaque année, nous nous retrouverions autour de la table pour
examiner ta programmation du Conseil en matière de recherches et que le
ministre pourrait exprimer son avis sur ces choses, comme l'y autorise la loi.
Je leur al dit à part cela: La loi m'autorise à donner ou
à ne pas donner mon assentiment, mais je n'entends pas aller aussi loin
que cela si vous avez des bons projets de recherche. Moi, ça va faire
mon affaire. Je veux que les projets de recherche soient bons, qu'ils soient
valables et, après cela, ils vont se faire en toute liberté.
C'est dans ce sens-là que j'avais inséré ces propos
dans mon allocution de ce matin. Ça faisait directement renvoi au
paragraphe b de l'article 189 de la loi 101 en ce qui touche le Conseil de la
langue française. Nous nous sommes très bien expliqués
là-dessus et je pense que M. le président, à qui je saurai
gré de son ouverture d'esprit et de son désir de collaboration
exemplaire, a très bien compris ce que j'ai voulu dire. J'ai aussi
très bien compris les attentes et les aspirations du conseil. Je pense
que nous ferons excellent ménage.
Comme nos travaux tirent tout à fait à leur fin, M. le
Président, je ne voudrais pas courir le risque ne plus avoir la parole
pour dire que j'apprécie au plus haut point également la
collaboration que nous recevons de l'Office de la langue française, de
son président et de ses collaborateurs et collaboratrices, ainsi que de
la Commission de protection de la langue française. Je regrette que nous
n'ayons pas eu le temps de discuter aujourd'hui de la Commission de toponymie
du Québec dont le président nous accompagne également et
dont nous apprécions tous vivement, je pense, l'excellent travail. Je
pense que nous avons une panoplie d'organismes qui accomplissent
déjà un travail très enrichissant pour le Québec.
Je pense qu'on peut accomplir un travail encore meilleur dans l'esprit
constructif et réaliste qui m'apparaît essentiel pour le
succès même de l'entreprise que définit la Charte de la
langue française.
Le Président (M. Trudel): M. le député.
M. Filion: Oui, en terminant, M. le Président, le ministre
me permettra de rafraîchir sa mémoire et de lui rappeler que
lorsque le Conseil de la langue française a voulu entreprendre une
étude sur la langue de service, sa prédécesseure
était contre cette idée et cela avait occasionné un tas de
problèmes. Enfin, je prends note des paroles du ministre, pour le plus
grand bien du Conseil, espérons-le.
Vu que nous en sommes à la toute fin de nos travaux, je voudrais
remercier le président de la Commission de toponymie et également
le président de la Commission d'appel pour leur patience devenue
légendaire, parce qu'à toutes les études de
crédits, depuis les quatre dernières années, je me suis
toujours promis de fouiller ça, mais je suis sûr qu'ils
comprendront que les actions et Inactions du gouvernement libéral, selon
les dossiers, me laissent peu de place à des considérations que
j'aurais voulues plus profondes sur ces dossiers, qui m'intéressent,
mais je peux les assurer que nous lisons attentivement tous leurs propos.
Je voudrais également remercier les présidents et la
présidente des organismes pour ce pèlerinage annuel,
démocratique, parlementaire, où les élus du peuple sont
censés vérifier de quelle façon on dépense ou on ne
dépense pas l'argent des contribuables dans certains secteurs.
Je voudrais, bien sûr, vous remercier, M. le Président,
remercier les membres de cette commission pour leur patience à mon
égard et remercier le ministre responsable, le ministre de
l'Éducation. On sait qu'il a plusieurs chapeaux à porter et je
lui dis merci d'avoir bien voulu porter ce chapeau de ministre responsable de
l'application de la Charte de la langue française durant cette bonne
journée.
Mes derniers propos, étant donné que c'est probablement la
dernière étude des crédits cette année, sont pour
remercier mon bras droit, Me Stéphane Dolbec, qui effectue depuis
déjà plusieurs années à mes côtés un
travail remarquable. L'Opposition n'est pas équipée comme les
ministres, mais nous avons su développer au cours des années des
méthodes de travail très productives, très fructueuses,
qui nous ont permis, je pense, de faire le tour de piste approprié sur
ce dossier qui est très important et qui continuera de l'être.
Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Taillon. M. le ministre.
M. Ryan: Seulement un mot pour remercier également d'abord
votre personne, M. le Président, pour la présidence très
digne et efficace que vous assurez, les membres de la commission, le
député de Taillon, cela va de soi, pour l'intérêt
constant qu'il porte à la qualité de la langue et la grande
distinction avec laquelle il s'acquitte de son rôle ingrat de critique de
l'Opposition que nous avons connu, nous aussi, pendant longtemps, et mes
collègues du côté ministériel. Je souligne toujours
en fin de commission, M. le Président, la grande compréhension
des députés ministériels qui auraient beaucoup de
questions à poser mais qui ne les posent pas parce qu'ils ont du respect
pour l'Opposition, parce qu'ils veulent donner la chance à l'Opposition.
La journée de l'étude des crédits, on dit toujours que
c'est une journée par excellence pour l'Opposition, et j'apprécie
que le député de Taillon n'ait pas eu de remarques sarcastiques
comme on en entend parfois au sujet de la discrétion des
députés ministériels qui s'abstiennent d'intervenir, plus
souvent qu'autrement, par respect pour l'Opposition à qui, en ce jour
spécial, on reconnaît plus de droits que ne lui en donne
même le règlement. En tout cas,
cela s'est fait dans un climat que j'apprécie beaucoup. Je peux
vous assurer que nous allons travailler fort pour que les objectifs de la loi
101 se réalisent encore mieux. Je ne promets pas la perfection, mais des
améliorations.
M. Filion: M. le Président, je sais que le ministre ne
promet pas la perfection, mais j'ai bien noté qu'il pourrait
peut-être, après les élections, jeter un coup d'oeil sur le
projet de loi 191.
Le Président (M. Trudel): Merci, tous les programmes sont
adoptés. Alors, la commission ayant accompli son mandat ajourne ses
travaux sine die. Merci, M. le ministre.
(Fin de la séance à 18 h 5)