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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 22 octobre 1996 - Vol. 35 N° 20

Consultation générale sur le document intitulé «Les enjeux du développement de l'inforoute québécoise»


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. André Gaulin, président
M. Jean Garon, président suppléant
M. Michel Morin
M. Geoffrey Kelley
M. Pierre-Étienne Laporte
M. Yves Beaumier
Mme Liza Frulla
M. David Payne
*Mme Monic Houde, Bell Canada
*M. Marcel Messier, idem
*M. Gilles Laroche, Québec-Téléphone
*Mme Dorothée Biron, idem
*M. André Gagnon, idem
*M. Gilbert Laprise, idem
*M. Denis Trudeau, AT&T Canada services interurbains
*M. Peter Barnes, idem
*M. Denis Choquette, idem
*M. Alain Gourd, Cancom
*M. Gaston Dufour, idem
*Mme Kathy Péloquin, TNI
*M. Richard Carter, Banque Nationale du Canada
*Mme Danielle Ouellet, idem
*M. André Brunet, CRDAT
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Gaulin): Alors, si vous permettez, nous allons commencer. Je déclare ouverte la séance de la commission de la culture, consultation sur les enjeux du développement de l'inforoute. Alors, je rappelle que la commission s'est donné le mandat d'initiative suivant: procéder à une consultation générale et tenir des audiences publiques sur les enjeux du développement de l'inforoute québécoise.

Je souhaite la bienvenue à tout le monde. Nous entendrons, ce matin, Bell Canada et Québec-Téléphone. Nous sommes heureux de les saluer. J'invite les gens de Bell Canada à se présenter à la table, s'il vous plaît.

Alors, c'est Mme Houle, première vice-présidente... Mme Houde, qui est la porte-parole. C'est M. Messier qui l'accompagne. C'est ça?

Mme Houde (Monic): C'est bien ça.

Le Président (M. Gaulin): Voilà. Alors, vous avez la parole. Vous connaissez les us et coutumes, j'imagine? Vous avez à peu près 20 minutes et nous aurons 20 minutes de chaque côté du Parlement pour les échanges.

Mme Houde (Monic): D'accord. Très bien. Alors, il est 10 h 15. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gaulin): Oui, approximativement.

Mme Houde (Monic): Alors, M. le Président, je pense, par intérim, M. Garon n'étant...

Le Président (M. Gaulin): Je suis président de séance.

Mme Houde (Monic): Le président de séance.

Le Président (M. Gaulin): Il y a, au gouvernement, des présidents de séance. Alors, M. Garon sera là tout à l'heure.


Auditions


Bell Canada

Mme Houde (Monic): Très bien... et messieurs. D'abord, permettez-moi de vous remercier au nom de Bell Canada de nous avoir invités à témoigner devant la commission de la culture de l'Assemblée nationale. Comme vous le savez peut-être, Bell Canada est née au Québec. Alors, son développement se confond avec l'histoire de la société québécoise. Nous avons évidemment à coeur l'épanouissement d'une culture québécoise prospère et rayonnante à travers le Canada et, je dirais, le reste du monde. Il y va d'ailleurs de l'intérêt de Bell, parce que, en inversant la formule célèbre d'un président de General Motors, je dirais que ce qui est bon pour le Québec, c'est bon pour Bell.

Je suis venue en compagnie de mon collègue Marcel Messier, qui est vice-président inforoute et multimédia. À ce titre, Marcel est responsable de la construction de l'inforoute. Au cours de la période des questions, bien sûr, sa présence sera donc précieuse pour avoir évidemment des nouvelles directes de ce qui se passe sur le terrain.

Aujourd'hui, j'ai l'honneur de vous présenter la vision Bell de l'inforoute. Le détail de notre position et nos recommandations vous ont d'ailleurs déjà été présentés dans un mémoire écrit. Aussi, je voudrais aller directement à ce qui nous paraît essentiel. Cette inforoute qui nous réunit ce matin est sans aucun doute la plus grande aventure industrielle de cette fin de siècle. Il suffit de voir l'importance qu'on lui accorde dans l'opinion publique. Tout le monde est conscient de se trouver devant le phénomène qui engage notre avenir. Il y a mieux. La plupart des industries ont partie liée avec l'inforoute, et c'est ce qui fait la grande différence avec les anciens réseaux de télécommunications. Un réseau de télécommunications était bâti par un petit groupe d'entreprises hautement spécialisées. L'inforoute, c'est le fruit d'une grande coopération étroite entre de nombreux intervenants. Pour être plus précise, je dirais que l'inforoute est issue de la coopération entre les industries de réseaux et celles de contenus. Il s'agit d'une révolution. Les télécoms traditionnelles ont été construites sur la distinction contenant-contenu. Aujourd'hui, on voit la convergence entre les deux.

Cela signifie qu'aucune entreprise, aussi puissante soit-elle, ne peut imaginer créer, gérer, contrôler l'inforoute à elle seule. Voilà pourquoi nous assistons à une série de fusions, de prises de participation, d'alliances stratégiques ou d'ententes ponctuelles entre entreprises de réseaux et de créateurs de contenus. Or, il est important de signaler que le gouvernement est le plus important producteur d'information de l'économie actuelle. Que ce soit sous forme de lois, de règlements, de statistiques, de rapports, d'études, de cartes d'identité, de permis ou encore de renseignements de toutes sortes, le gouvernement est au centre de notre société de l'information. Il est important de signaler ce fait à une époque où l'on entend trop souvent minimiser le rôle de l'État dans la société. L'État a un rôle clé à jouer dans la construction de l'inforoute en tant que producteur de contenus, mais, pas plus que les entreprises, il ne pourra s'atteler seul à la tâche de créer cette inforoute. D'ailleurs, je crois que le gouvernement du Québec a très bien compris ce rôle clé qui lui est imparti. Le rapport Berlinguet, déposé en juillet 1995, affirme la nécessité pour l'État de devenir un utilisateur modèle. Bell souscrit entièrement à cette recommandation.

Il y a donc une occasion unique à saisir. Le plus important créateur d'information et le plus important exploitant de réseaux ont une responsabilité historique. De notre entente dépend la construction de l'inforoute. Les relations de Bell et du gouvernement s'inscrivent dans un vaste mouvement de convergence qui existe dans le monde entre entreprises de réseaux et producteurs de contenus. Mais il ne s'agit pas d'une convergence conjoncturelle tributaire des circonstances. Non. Je considère notre partenariat comme stratégique, et je m'explique.

Il existe plusieurs réseaux au Québec: réseaux de câble, réseaux cellulaires et bientôt des réseaux de communications personnelles. Mais seul le réseau des télécommunications est universel. Bell et les autres entreprises de télécom, principalement Québec-Téléphone et Télébec, desservent entre 98 % et 99 % des foyers québécois. Nous avons donc une responsabilité fondamentale dans la construction de l'inforoute. Dans le cadre de notre rôle traditionnel, nous avons annoncé en septembre dernier le lancement d'un programme accéléré de numérisation du réseau. En effet, une partie de notre réseau, moins de 5 % de sa capacité, est encore analogique, principalement en zone rurale. D'ici à la fin de 1997, nous investirons 105 000 000 $ pour moderniser cette capacité résidentielle et nous entrerons ainsi dans le club très sélect des entreprises qui ont atteint l'objectif des télécommunications 100 % numériques.

Je m'empresse d'ajouter qu'il ne faut pas confondre réseau, même numérique, et l'inforoute. Quand nous parlons d'inforoute, nous parlons d'un système intégré comprenant à la fois une plateforme technologique et des contenus, et le réseau 100 % numérique est simplement la condition première à la construction de l'inforoute universelle. Désormais, nous pouvons donc nous concentrer sur notre tâche principale qui est de mettre des contenus à la disposition de nos clientèles. Et là je m'empresse de préciser tout de suite que Bell ne se lancera pas dans la création massive de contenus, et vous allez voir pourquoi.

(10 h 20)

L'inforoute couvre ou couvrira la totalité de l'information disponible dans la société. Il est impossible pour une seule entreprise d'être spécialisée dans tous les domaines. Bell et ses filiales créeront peut-être des contenus dans leurs domaines d'expertise – je pense en particulier aux annuaires téléphoniques. L'exemple du service Canada 411, qui a été lancé sur Internet au début de l'été dernier, est un prototype de ce genre d'intervention directe, mais plus souvent qu'autrement Bell agira comme producteur dans la chaîne de la création de contenus – j'utilise le mot «producteur» dans le sens du cinéma; le producteur finance un film qui est réalisé par les entreprises dont c'est la raison d'être. À ce titre, nous avons dégagé un fonds important pour encourager, aider et soutenir la création, la production et la distribution de contenus québécois d'expression française. Ce fonds comporte trois volets: développement de contenus en consultation avec les créateurs, soutien des technologies et formation des jeunes.

Nous prenons notre rôle de producteur très au sérieux. Vous savez que le monde de la création des contenus, en particulier dans le secteur primordial du multimédia, est dominé par la PME, voire par les créateurs individuels. Il est donc urgent pour une grande entreprise comme Bell de jouer un rôle structurant dans ce bouillon de culture novateur. Cette collaboration pourra aller jusqu'à des prises de participation minoritaire dans des entreprises de création de contenus, et je dis bien «minoritaire». Notre rôle est d'encourager la création de contenus en créant un terrain fertile et non de nous substituer aux spécialistes du milieu comme les éditeurs de livres, les magazines, les studios de cinéma, les compagnies de disques, les infographes et autres créateurs multimédias. Enfin, et ce sera notre rôle le plus fréquent, nous allons aider nos clients à créer des contenus.

En fait, ce type d'interventions indirectes s'inscrit dans le prolongement de nos relations actuelles avec notre clientèle. Nous sommes des fournisseurs de systèmes de commerce électroniques et, en général, de transactions interactives. Nous sommes prêts à mettre au point des interfaces intelligentes, adaptées aux besoins spécifiques de nos clients pour leur permettre de transiger avec leurs propres clients. Pour le grand public, le fournisseur d'information sera leur banque, leur concessionnaire, leur détaillant ou les pouvoirs publics. Bell entend bien jouer un rôle de premier plan dans la création de telles interfaces intelligentes qui serviront à gérer l'information, à la formater et à la rendre accessible de façon efficace et conviviale. Ensuite, nos clients créeront eux-mêmes leurs services, c'est-à-dire les contenus proprement dits.

À cet égard, la coopération entre Bell et le gouvernement est bien entamée. Tout le monde ici est sans doute au courant des projets en cours en matière de bureautique, de téléenseignement et de télémédecine. D'ores et déjà, l'inforoute apparaît comme un outil privilégié dans la réingénierie des services gouvernementaux, mais nous sommes prêts à aller plus loin et à collaborer avec le gouvernement pour placer l'ensemble de l'information publique à la disposition des citoyens sous une forme électronique accessible à tous. Le projet est ambitieux, mais tout ce qui touche l'inforoute est ambitieux. Les sommes impliquées dans l'édification d'une inforoute accessible à tous les citoyens se chiffrent dans les milliards de dollars. Personne n'est à même de réunir de telles sommes sans disposer de prévisions solides sur l'évolution du marché.

Or, je le répète, le gouvernement a un rôle crucial à jouer en tant que principal intervenant de la société de l'information. Vous êtes à la fois le plus grand créateur d'information et le plus grand utilisateur d'information. En planifiant vos besoins, vous permettez à vos fournisseurs, et pas seulement à Bell, d'investir à bon escient. À ce propos, permettez-moi de dire bien haut que cet effort de planification est probablement le meilleur cadeau que vous pouvez faire à l'industrie. Aujourd'hui, cette planification est déjà bien entamée, et j'ai déjà cité le rapport Berlinguet qui a doté les pouvoirs publics d'une vision en matière d'inforoute. Le président du Centre d'innovation de Bell, Louis Tanguay, a d'ailleurs collaboré à l'exercice de concertation qui a accompagné l'élaboration de ce rapport. La création du Secrétariat de l'autoroute de l'information et le fonds qui lui est attaché ont donné des bras à cette vision, et le gouvernement du Québec est bien équipé pour agir. Et je crois pouvoir dire que les premiers résultats de cette politique se font déjà sentir.

L'industrie du multimédia et de l'inforoute québécoise est en train d'exploser. Les compagnies naissent à un rythme accéléré. Elles travaillent, elles s'unissent, elles essaiment à grande vitesse. En fait, le seul obstacle à une croissance plus forte est le manque de main-d'oeuvre qualifiée. Bell participe à ce mouvement de plusieurs façons, qui sont dépeintes dans notre mémoire, mais je voudrais insister sur un des projets dont nous sommes très fiers, et je pense au Centre d'expertise et de services en applications multimédias, le CESAM. Nous nous sommes engagés en compagnie du gouvernement du Québec et de 15 entreprises de pointe provenant de tous les secteurs des technologies de l'information. Ce consortium a pour but de développer une masse critique d'expertises pour supporter, au Québec, une industrie du multimédia de calibre international. Dans les jours prochains, le CESAM sera à même d'entrer dans la deuxième phase de son existence; une annonce publique de la plus grande importance sera effectuée à ce propos.

Plus récemment, nous nous sommes associés à Archivex, Bell Sygma, la Chambre des notaires du Québec et la firme de consultation DMR pour lancer le projet GAIA. Comme vous le savez peut-être, il s'agit d'informatiser le registre foncier du Québec de manière à le rendre accessible en mode électronique.

Enfin, la commission de la culture a eu la primeur, dans notre mémoire, de l'annonce de notre projet en cours de création d'un forum des télécommunicateurs pour la création de contenus de langue française. Nous avons contacté nos collègues de France Telecom, Belgacom, Swiss Telecom, les P&T du Luxembourg et l'Office des téléphones de Monaco, ainsi que nos amis de Québec-Téléphone et de Télébec. Notre objectif, c'est de créer un organisme international dont la vocation serait de favoriser la création de contenus francophones. L'échange d'informations, le travail au niveau des normes et, surtout, l'investissement dans des productions multimédias en ligne sont à l'ordre du jour du futur regroupement.

Déjà, nous avons reçu des réactions très favorables des entreprises approchées, à l'exception du Luxembourg qui est momentanément retenu pour des raisons légales. Nous travaillons donc à la mise sur pied d'un secrétariat provisoire de la nouvelle organisation. Et, bien sûr, il est encore trop tôt, là, pour évaluer l'impact qu'aura un tel organisme. Mais, à l'heure du village global, il est impossible de créer une offre valable dans l'industrie des services en ligne à partir d'une base strictement nationale; le marché est international. L'expérience d'Internet, d'ailleurs, nous enseigne que l'inforoute ne connaîtra pas de frontières. En fait, quand les tarifs internationaux disparaissent, et c'est le cas d'Internet, la distance n'a plus d'importance.

Pour répondre à ce nouvel environnement, il nous faut créer une offre résolument internationale. Nous savons qu'une grande partie de l'attrait de l'anglais réside justement dans son rayonnement international. Si on veut que le français soit tout aussi attrayant, il faut miser sur son caractère également universel. Voilà pourquoi nous avons éprouvé le besoin de contacter nos collègues de la francophonie. Je m'empresse d'ajouter que notre regroupement ne se limitera pas aux seules entreprises déjà contactées. Nous comptons ouvrir l'organisation sur les télécommunicateurs des pays du Sud. Nous avons commencé par réunir les entreprises du Nord parce que ce sont les seules qui peuvent actuellement dégager les fonds nécessaires pour lancer ce nouvel organisme.

(10 h 30)

Alors, messieurs, voici en résumé, à grands traits la position de Bell en matière d'inforoute. Il y a plus de 110 ans que nous sommes une entreprise québécoise et, à ce titre, nous avons un engagement spécial à l'égard de la langue française et de la culture québécoise. Nous sommes conscients qu'avec l'arrivée de l'inforoute nous avons besoin de partenaires – et, quand je dis «partenaires», je ne parle pas de simples relations d'affaires. Pour parler clairement, nous sommes une compagnie de télécommunications et nous savons qu'il faut mettre des contenus vivants, intéressants et utiles dans ce que j'appellerais nos artères numériques. Mais ces contenus ont besoin d'un support technologique, financier et marketing. Il faut les gérer. Il faut les interfacer. Or, nous sommes des spécialistes de technologie, de gestion et d'interfaces, et voilà pourquoi les créateurs de contenus ont besoin de nous tout comme nous, nous avons besoin d'eux. De cette rencontre entre entreprises de réseaux et créateurs de contenus, comme je le disais tout à l'heure, naît l'inforoute. Plus leur coopération sera active, plus vite naîtra l'inforoute au Québec.

Alors, voilà. Je vous remercie de votre attention et, bien sûr, M. Messier et moi-même sommes à votre disposition pour répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Gaulin): Alors, merci, Mme Houde. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Bonjour, Mme Houde.

Mme Houde (Monic): Bonjour.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Bonjour, M. Messier.

M. Messier (Marcel): Bonjour.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): D'abord, je voudrais vous remercier de la présentation de votre mémoire, qui est fort intéressant et fort pertinent, d'autant plus que vous êtes dans le domaine des communications depuis des décennies.

Mme Houde (Monic): Oui.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): J'aurais deux, trois questions à vous poser. Entre autres, vous parlez de confidentialité dans votre résumé et dans votre mémoire plus complet et vous dites, dans votre petit résumé, que le Québec détient une avance actuellement sur le reste du Canada en matière de protection de la vie privée, bon, que, pour maintenir cette avance-là, une concertation est importante entre le gouvernement et les entreprises privées. Et vous donnez l'exemple aussi que Bell et ses partenaires, Stentor, vous avez déjà, à ce moment-ci, un service de gestion de clés de sécurité. Moi, je ne suis pas un expert dans le domaine, là. J'aimerais ça que vous me donniez un exemple pratique de ce que c'est, une clé de sécurité. Et, à la suite de ça, l'autre volet de ma question, c'était: Si, déjà, on a une avance sur les autres provinces du Canada et que Bell Canada fait affaire avec l'ensemble du Canada, la responsabilité en vient donc au gouvernement du Québec, parce que vous dites: Pour maintenir cette avance, il est essentiel d'avoir une concertation Québec-entreprises. Donc, la responsabilité entière, je vous dirais, appartiendrait au gouvernement, puis je vous demanderais pourquoi.

Mme Houde (Monic): D'accord. Alors, je vais répondre à une partie et, quant à la clé, je vais la passer à Marcel. Ha, ha, ha! Vous avez dit tout d'abord «la clé», mais j'aimerais quand même situer, vous donner la perspective plus large, je pense, de notre vision sur la confidentialité et comment le rôle du gouvernement et le rôle de l'industrie... D'ailleurs, la raison pour laquelle on dit que le Québec est en avance, bien sûr – et on le mentionne bien dans nos documents – c'est la loi d'accès à l'information, qui a permis d'établir un certain nombre de normes qui n'existent pas ailleurs au Canada.

Par contre, on croit... Et, dans notre document, on fait état du besoin de créer le groupe des utilisateurs de l'inforoute. Et, dans notre document, on fait état de la participation aussi bien des entreprises qui ont à créer des applications – et je pense aux banques et à d'autres secteurs – des producteurs de contenus et des télécommunicateurs. Ce groupe d'utilisateurs, dans le fond, devrait, avec le gouvernement du Québec, développer exactement ce qu'il faut pour s'assurer de la confidentialité des données privées des gens, et, dans ce sens-là, le gouvernement a sa part à jouer, mais l'industrie aussi. Alors, ce n'est pas le gouvernement seul. Ce qu'on voyait, c'est, à travers le regroupement tel qu'on le suggère dans notre document – et, d'ailleurs, je pense que le rapport Berlinguet en faisait état – de retrouver autour de la même table, comme je le dis, les entreprises qui ont une clientèle actuellement, qui font affaire – les banques étant le meilleur exemple qui me vienne à l'esprit – avec les créateurs de contenus et les télécommunicateurs.

Maintenant, quant à la clé de sécurité, je vais demander à M. Messier de vous répondre.

M. Messier (Marcel): En fait, le système de gestion de clés de sécurité dont on fait mention dans le rapport est basé sur un logiciel qui a été développé par Nortel. De façon simple, une gestion de clés de sécurité va ressembler beaucoup à la gestion que vous faites de votre NIP pour votre compte bancaire. Maintenant, c'est un peu plus sophistiqué que ça, parce que, avec la technologie, on peut raffiner le modèle.

Le modèle se décrit en deux étapes. Une première étape est, bien sûr, l'encryptage du message, donc l'identification d'un terminal, d'une connexion entre deux terminaux et l'encodage du message pour que ce message-là ne puisse pas, comme on avait dans l'utilisation... pour prendre une analogie, «taper» la ligne. Alors, on ne peut pas intercepter le message parce qu'il est encodé. La deuxième, c'est l'identification par l'utilisation de mots de passe sophistiqués. Le mot de passe qui change dans le temps par des algorithmes de génération de nombres et de communication entre les deux, là. Mais c'est vraiment un logiciel sophistiqué qui permet de gérer ce mot de passe et de le faire varier dans le temps pour qu'il soit beaucoup plus sécuritaire. En termes simples, ce sont les deux niveaux: l'encodage et la clé qui est un mot de passe sophistiqué.

Le Président (M. Gaulin): Oui, continuez.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Bon. L'exemple que vous me donnez, je pense que ça m'éclaire. Ça, c'est au niveau de la confidentialité, mais j'aimerais ça qu'on débouche ensuite sur, dans votre résumé, le point 7, le contrôle des contenus et la lutte à la criminalité. Est-ce qu'il existe, je vous dirais, une même clé de sécurité qui empêcherait la lutte à la criminalité, entre autres, où on entend ça presque quotidiennement, où nos jeunes internautes se promènent dans le monde et, à ce moment-là, ont accès à...

M. Messier (Marcel): La criminalité dans le sens d'accès, par exemple, à des...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): ...à toutes sortes de choses.

Mme Houde (Monic): Des divertissements qui viendraient à l'encontre...

M. Messier (Marcel): Ou à des contenus. Il y a deux aspects.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Oui, c'est ça.

M. Messier (Marcel): Il y a la sécurité d'intrusion, par exemple, comme le font les banques – les banques, aujourd'hui, gèrent la sécurité et l'intégrité de leurs banques de données, et c'est de l'intrusion, là, les «hackers» – ou la gestion de contenus de type pornographique ou à caractère violent. Il y a les deux types, puis la démarche est inverse. C'est une dynamique inverse, là.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Exemple, la publicité, mettons, des articles haineux.

Mme Houde (Monic): Oui, oui.

M. Messier (Marcel): D'accord.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Est-ce qu'il y a une façon, il y a une clé quelconque actuellement en train de se développer dans le monde, pas nécessairement chez vous, qui pourrait protéger une certaine clientèle contre une forme de publicité ou d'articles haineux?

M. Messier (Marcel): Technologiquement – et je vais vous passer la parole après – ...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Technologiquement, oui.

M. Messier (Marcel): ...il est possible – parce qu'on a vu, et on en cite quelques exemples tant en Allemagne qu'en Angleterre dans notre mémoire – pour des fournisseurs de services d'accès à l'inforoute de bloquer la communication à certains contenus, de ne pas permettre à des gens qui sont sur l'inforoute d'accéder à différents contenus. Il est possible de faire ça, techniquement. Maintenant, il y a lieu d'avoir une concertation au niveau de cette dynamique-là d'un point de vue gestion d'accès à l'information pour savoir comment, dans une société, on veut gérer cette dynamique-là.

Mme Houde (Monic): Exactement. En fait, c'est l'aspect plus délicat d'intervenir dans le choix de l'information à laquelle un individu peut avoir accès. Alors, ce qui est important, et on le fait actuellement dans des services plus traditionnels où on offre au client le choix de bloquer certaines choses s'il le veut bien... Alors, on n'a pas la réponse toute faite, mais ce qu'on se dit, c'est que c'est un problème d'industrie puis que c'est un problème également, je pense, de gouvernement.

(10 h 40)

Et je reviens, tout à l'heure, au groupe des utilisateurs qui doit se réunir assez rapidement et commencer à planifier tout ça. Et, en plus, nous, on se disait qu'on en faisait mention dans une perspective, vraiment, d'avoir une population informée, qu'il y a un besoin d'une vaste campagne d'information auprès de la population parce que, pour certaines personnes, l'inforoute, ça ne veut rien dire parce qu'elles ne la vivent pas à tous les jours. Alors, il y a un besoin d'information, aussi, qu'on aura à fournir à la population.

M. Messier (Marcel): Si tu peux me permettre, peut-être. L'importance, selon nous, c'est de donner le choix et le contrôle au citoyen lui-même...

Mme Houde (Monic): C'est ça.

M. Messier (Marcel): ...et un des exemples simples qui permet d'illustrer ça, c'est le fameux microcircuit, dont on parle depuis maintenant quelques années, pour mettre dans le poste de télévision qui permettrait au citoyen de limiter l'accès à des émissions à caractère violent ou à caractère pornographique. C'est le citoyen qui va décider d'enclencher ce mécanisme-là, et je pense que, ce qu'il faut développer, c'est des outils dans ce sens-là pour permettre au citoyen de contrôler lui-même cette dynamique-là plutôt que d'essayer de trouver des éléments de contrôle au niveau...

Mme Houde (Monic): D'une réglementation.

M. Messier (Marcel): ...d'une réglementation ou d'un contrôle centralisé. Je pense qu'il faut donner les moyens au citoyen, et on travaille dans ce sens-là.

Le Président (M. Gaulin): Ça va. Alors, merci. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Oui, juste une question complémentaire. Bonjour, Mme Houde.

Mme Houde (Monic): Bonjour.

M. Kelley: Bonjour, M. Messier.

M. Messier (Marcel): Bonjour.

M. Kelley: Dans le même ordre d'idées, avec les développements assez rapides de ces technologies d'encryptage, est-ce que ça risque de protéger les activités criminelles et les messages haineux? Est-ce que quelqu'un peut avoir accès pour encrypter un message pornographique, un message haineux? Est-ce que c'est possible que les citoyens soient capables de bâtir, à l'intérieur de l'inforoute, des genres de réseaux protégés par l'encryptage? Alors, est-ce que ça risque d'être un danger aussi? Oui, c'est bon parce que la confidentialité de nos numéros de cartes de crédit et des choses comme ça peut être protégée, mais est-ce qu'il y a également un risque que... On parle, à Bruxelles, de la grande manifestation à cause des actes contre les enfants, et tout ça. Est-ce qu'on risque également de protéger ces genres de messages sur l'inforoute?

M. Messier (Marcel): La technologie d'encryptage présuppose une entente entre les deux personnes, à chaque bout, qui communiquent parce que la personne qui encode et la personne qui reçoit doivent s'entendre sur la codification. Dans le sens où on a des individus qui contrôlent leur destinée, qui prennent une décision consciente de communiquer de l'information d'un point à un autre, il est certain que ces technologies-là vont permettre de contrôler l'intégrité du message, mais une décision d'un point à un autre entre individus qui savent ce qu'ils font...

Mme Houde (Monic): C'est ça.

M. Messier (Marcel): ...ça ne peut pas être codé et diffusé sur une base massive parce que ça demande le consentement des deux bouts. Alors, il y a une certaine protection sur une base massive, mais, sur une base individuelle, c'est à la limite de la liberté de chacun.

Mme Houde (Monic): C'est ça. C'est l'utilisateur qui fait son choix.

M. Messier (Marcel): Alors, c'est pour ça qu'on travaille dans le sens, aussi, de contrôler cet aspect-là. C'est une bonne illustration de ce qu'il faut donner à l'utilisateur les outils pour contrôler. Supposons, un père de famille dit: Moi, je vais limiter l'accès chez moi à différents contenus. Lui, il va pouvoir contrôler cet accès-là, mais un individu va avoir ses degrés de liberté tels qu'ils existent aujourd'hui.

M. Kelley: Juste pour finir, dans d'autres pays, il y a tout un débat. Pour les fins de la sécurité nationale...

Mme Houde (Monic): Oui.

M. Kelley: ...ou autres, on dit qu'il n'y a pas de message encrypté sur l'inforoute parce que ça échappe à tout contrôle à la fois de l'État, mais également de vous autres, les compagnies de téléphone, qui n'auraient aucune idée c'est quoi, les messages qui circulent sur vos lignes.

M. Messier (Marcel): Aux États-Unis, il y a eu le débat inverse. Il y avait une situation où on permettait l'encryptage, et seulement l'État avait la clé pour pouvoir aller dans l'information et décrypter ou intercepter en cours de route les messages, et ça, ça permettait une intrusion non désirable. Alors, moi, je n'aime pas voir... L'encryptage sur une base massive, ça ne rencontre pas les besoins de l'encryptage. L'encryptage, c'est un consensus entre deux entités pour protéger l'information qu'elles s'échangent, pour ne pas que la masse ait accès à cette communication-là. Dans ce sens-là, un certain niveau d'encryptage pour des types d'information précis existe déjà au niveau bancaire. Les banques ont des réseaux fermés pour protéger l'intégrité de leur information financière et de la transaction financière. Moi, je le vois plus dans ce sens-là que dans un sens de traitement de masse. On ne veut pas gérer l'encryptage sur une base de masse, mais il faut le permettre sur une base individuelle pour que certains groupes puissent protéger de l'information spécifique sur une base de consentement d'un à l'autre. Sur une base massive, c'est une toute autre dynamique.

M. Kelley: Merci.

Le Président (M. Gaulin): Alors, je vais dans l'ordre des demandes de parole. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Merci, Mme Houde et M. Messier. C'est un excellent mémoire, et puis je retiens aussi l'idée que vous avancez de créer un forum international entre télécommunicateurs des pays entièrement ou partiellement de langue française. Je pense que c'est une idée qui avait été véhiculée il y a quelque temps par Berlinguet et le Conseil de la science et de la technologie. Je ne sais pas – il me semble que je l'avais vue naître quelque part – si c'est une idée qui vous est originale, mais c'est une très bonne idée, en tout cas.

Mme Houde (Monic): Enfin, je sais que le groupe des utilisateurs est quelque chose qui avait été énoncé par le rapport Berlinguet. Le forum des télécommunicateurs de langue française, je ne le croirais pas.

M. Laporte: Mais, moi, la question que je voulais poser... Vous dites que vous voulez rendre l'information gouvernementale disponible. Je me dis: Techniquement, comment ça va fonctionner? C'est-à-dire, est-ce que je vais avoir un site sur Internet sur lequel je vais communiquer par modem, comme j'en ai déjà avec le gouvernement du Québec? Comment allez-vous me procurer cette information-là gouvernementale? Est-ce que ça va être un peu à la façon... Au Nouveau-Brunswick, ça fonctionne pour des terminaux qui sont des terminaux d'accès public. On peut aussi en avoir un dispositif personnel. Alors, ça va se présenter comment?

Mme Houde (Monic): En fait, c'est une vaste problématique, et je demanderai à mon collègue Marcel de m'aider tout à l'heure. Mais, d'abord, le gouvernement, comme je disais dans l'allocution de présentation, est le plus grand diffuseur d'information. Alors, il y a une variété d'informations pour rejoindre différents publics, et, si on pense aux grands secteurs comme l'éducation, la santé, la justice, il y a les très grands secteurs qui devront à la fois s'équiper... Il y a l'accès, donc il faut que tu puisses avoir accès à l'information. Après ça, il y a le contenu lui-même, qui est la responsabilité du gouvernement, dans le fond. Comme on le disait, au lieu d'avoir une version papier, tu as une version électronique. Et puis je dirais que, finalement, il y a le réseau, c'est-à-dire que, actuellement, le gouvernement du Québec possède un vaste réseau qui s'appelle le RICIB et qui, finalement, peut être utilisé à de multiples fins. Donc, c'est un vaste projet. Comment ça va se faire et quelles sont les approches plus précises? Je mentionnais GAIA comme étant un exemple. Je ne sais pas, peut-être que la CSST en est un autre.

M. Messier (Marcel): Oui, ou le réseau de santé.

Mme Houde (Monic): Oui.

M. Laporte: Oui. Le réseau de santé, ça va.

M. Messier (Marcel): Je peux peut-être prendre un exemple du réseau de santé et parler de deux aspects: un premier aspect gestion d'information et un deuxième aspect des transactions. Je pense que c'est deux événements où le gouvernement est énormément présent. Gestion d'information, je prendrais le volet de la santé. Le plus bel exemple, c'est que toutes les radiographies qui se font sont produites par le système de santé et gérées par le système de santé. Aujourd'hui, elles sont entreposées et doivent être gardées, conservées pour une période de cinq ans et elles sont difficilement consultables parce que difficilement transportables autrement que dans des grandes enveloppes. Avec un réseau – et on le fait en collaboration avec le CIFRA, il y a de l'expérimentation qui se fait actuellement – cette même radiographie peut être faite, rendue disponible, consultée à distance.

(10 h 50)

Donc, il y a une possibilité d'améliorer l'utilisation de cette information-là, mais c'est de l'information confidentielle. Donc, on doit la gérer avec les institutions de santé, avec le gouvernement pour établir un mécanisme de gestion de cette information-là. Mais, en la rendant disponible, on rend un énorme service à la société parce que ça va, un, accélérer le processus, deux, dans plusieurs cas, éliminer le besoin de faire cette démarche à plusieurs reprises, parce que l'information va être disponible. C'est un exemple. Je pense que, un autre exemple, ça serait le dossier patient du client, et il y a beaucoup de travail qui va se faire sur ça, gérer le dossier patient. Il y a des gains énormes qu'on peut faire.

M. Laporte: Mais, ça, je comprends ça, M. le Président. Je n'ai pas tellement de problèmes avec ça. Moi, ce n'est pas de ce point de vue là que je me plaçais, c'est plutôt du point de vue d'une amélioration de la vie démocratique. Par exemple, dans mon comté à moi – j'ai une forte proportion de mon comté qui est constituée de gens âgés – il y a beaucoup d'associations de gens âgés, et c'est clair que, lorsque je les rencontre, l'une des demandes dont ils me saisissent, c'est qu'ils aimeraient pouvoir avoir accès rapidement à l'information gouvernementale qui les concerne, en particulier en matière législative, pour pouvoir être proactifs, se mobiliser avant que la loi soit arrêtée. Là, à ce moment-là, ils auraient, disons... Dans leurs associations, ils ont des ordinateurs. Ils pourraient communiquer par modem. Ils communiqueraient par modem avec... Il y aurait un site sur Internet ou... Comment ça fonctionnerait pratiquement?

M. Messier (Marcel): Je pense que, déjà, le gouvernement s'est engagé dans cette démarche-là. Il y a déjà beaucoup d'information. Au ministère de la Culture, ils ont déjà un site Internet...

M. Laporte: Ça serait comme ça.

M. Messier (Marcel): ...où ils rendent de l'information disponible, et ce qu'il faut rajouter derrière ça du côté du citoyen, ce sont des accès soit privés ou publics – parlons de l'accès public – des endroits où, à travers des associations ou à travers le réseau des bibliothèques, le citoyen peut accéder, à travers un accès public ou semi-public, à cette information-là disponible sur l'Internet, et la présence ou l'installation d'accès à Internet dans les bibliothèques ou dans les endroits publics est un bel exemple de ça.

Un autre moyen, ce sont les kiosques qui sont installés dans des endroits publics avec accès facile et navigateur tout à fait convivial pour des informations spécialisées où les gens peuvent aller rechercher de l'information de leur choix.

Mme Houde (Monic): D'ailleurs, je peux peut-être ajouter comme réponse à votre question que, dans un essai qu'on veut faire à Repentigny, là, dans les mois qui viennent, on veut installer un centre communautaire, c'est-à-dire un centre qui va permettre l'accès à l'information de la part des citoyens, et ça va être pour nous une façon, également, de vérifier quel est le niveau d'intérêt pour de l'information plus générale, et ceci va inclure sans aucun doute de l'information émanant du gouvernement.

M. Laporte: Est-ce que je peux poser une autre question? Comment va se dérouler la concurrence – parce que, la semaine passée, on a eu Vidéotron qui est venue nous faire une présentation – entre le câble et le téléphone là-dessus? C'est une question qui est bien générale, mais, je veux dire...

Mme Houde (Monic): Oui, mais...

M. Laporte: ...du point de vue du consommateur, du point de vue du client, il va avoir une option, un choix, et comment ça va se faire? Est-ce que ça va être une question de complémentarité entre vous ou si ça va être plutôt une relation concurrentielle? Parce que, évidemment, du côté du câble, eux autres, ils sont un petit peu, comment dirais-je, appréhensifs parce que, vous, vous avez une capacité, disons, d'atteindre qui semble être supérieure à la leur. Mais comment ça va se faire, la concurrence entre les deux acteurs?

Mme Houde (Monic): Votre question est fondamentale. Je vais vous parler de la vision de Bell. Je ne peux pas nécessairement commenter sur celle de Vidéotron, malgré que j'aie entendu M. Crevier dire à un moment donné que ça serait beaucoup plus facile pour eux de créer l'inforoute parce que ça leur coûterait moins cher, étant donné qu'ils ont déjà un réseau à large bande et... Mais revenons à la question plus fondamentale: Comment déployer l'inforoute au Québec? Chez Bell, nous avons une vision qui est basée sur le marché du Québec. Le marché du Québec est petit, et le plus grand danger qui nous guette, c'est que, les entreprises comme Bell, comme Vidéotron, comme Cogeco, comme Québec-Téléphone, on se concurrence sur l'infrastructure, parce que, là, on doit investir des milliards de dollars pour améliorer notre réseau actuel, et si, en plus, il faut commencer à se concurrencer sur les infrastructures, il y a un énorme danger qu'on n'ait plus d'argent pour investir dans les contenus, alors que la vraie bataille devrait se passer dans les contenus.

Alors, que ce soit Hydro-Québec, que ce soit Vidéotron, que ce soit Bell, il va falloir trouver une façon de se complémenter, parce que, au fond, il y a des endroits où Vidéotron est plus présent que Bell, il y en a d'autres où c'est nous qui le sommes, il y a des régions où est Québec-Téléphone, où Bell n'a pas besoin de bâtir de réseaux. Bref, sur un petit marché, concentrons-nous sur ce qui est la vraie concurrence, pas juste au Québec, à part ça, mais à l'international, et c'est dans les contenus. Et on a un grand défi, c'est de bâtir une masse critique de contenus francophones, et, dans ça, il y a énormément de place à l'imagination et à l'initiative. Alors, comment va se passer la concurrence? La réponse est: Oui, il va y avoir de la concurrence, mais elle devrait se faire au niveau des contenus et des applications pour la population.

M. Messier (Marcel): Peut-être pour ajouter un point sur l'échelle de la concurrence. Dans un réseau d'inforoute, comme on le voit déjà dans un réseau d'Internet, la concurrence, elle est planétaire, elle est globale, et le gros Bell Canada, sur l'échelle globale, se situe au 25e rang des télécommunicateurs – on ne parle pas des manufacturiers, on ne parle pas des producteurs – alors, sur un marché global – et je parle de Bell Canada, pas simplement de Bell au Québec, mais de Bell Canada – 25e, ce n'est quand même pas une position de domination, une position qui nous met à l'abri de toute concurrence. Alors, je pense qu'il est important de regarder la dynamique de l'inforoute sur une base globale, de bien se positionner et de se conditionner mentalement par rapport à cette démarche globale là.

M. Laporte: Mais vous voulez dire qui? Vous voulez dire MCI? Vous voulez dire British Telecom?

Mme Houde (Monic): Et j'ajouterais que...

M. Messier (Marcel): On veut dire Nippon, Deutsche Telekom, France Telecom. Dans le dernier article dont, moi, je me souviens, dans The Economist , on est au stage de Swiss Telecom.

M. Laporte: Oui, oui.

M. Messier (Marcel): Alors, pensez à tous les autres pays, là.

Mme Houde (Monic): Et, vous savez, juste pour enchaîner un peu là-dessus, si on pense à AT&T, là, qui vient d'acheter une entreprise canadienne, et au CRTC qui a donné son accord, AT&T est la deuxième grande entreprise au monde. Sa capacité de manger Bell et bien d'autres entreprises au Québec est énorme, et, dans ce sens-là, on a énormément de préoccupations, nous, comme entreprise dans le contexte réglementaire actuel que le CRTC nous impose, parce que, au fond, ils ont énormément de privilèges, et ces mêmes privilèges ne sont même pas octroyés aux entreprises canadiennes qui vont aux États-Unis.

M. Messier (Marcel): Au Canada. Des privilèges au Canada.

Mme Houde (Monic): Alors, donc, ils ont des privilèges au Canada qui nous dérangent beaucoup. D'ailleurs, ça fait partie du discours qu'on tient au cours des audiences publiques qui vont avoir lieu dans les prochaines semaines et d'autres. Mais il y a un énorme danger, et, dans ce sens-là, nous, on veut également vous sensibiliser au fait que, au Québec, si on veut qu'il y ait une masse critique de contenus qui soient propres à notre culture et à nos besoins, il faut qu'on travaille ensemble. On ne peut pas, au niveau, du moins, des infrastructures, se concurrencer et faire des investissements, finalement, qui ne produiront pas ce qu'on appellerait l'économie de l'information et du savoir.

M. Laporte: Merci.

M. Messier (Marcel): Merci.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Champlain.

(11 heures)

M. Beaumier: Oui. Merci, M. le Président. Alors, Mme Houde, M. Messier, je suis sûr que vous nous en voudriez si on ne soulevait pas un des thèmes parmi les thèmes importants que vous avez faits, sur la question de l'inforoute santé. Ce que j'ai lu, puis ce n'est pas l'essentiel que j'ai retenu, mais, quand même, vous dites que l'implication, qu'on pourrait dire, de l'inforoute au niveau de la santé pourrait en arriver à des baisses de coûts, au niveau de la santé, de 10 %. Si on regarde les budgets affectés à la santé, avec le 3 000 000 000 $ de la Régie de l'assurance-maladie du Québec et le réseau, c'est 13 000 000 000 $. Ça veut dire qu'annuellement, éventuellement, c'est 1 300 000 000 $ qui seraient impartis de moins aux dépenses de l'État. Moi, c'est tellement beau, c'est tellement alléchant que je voudrais savoir: Est-ce que cette perspective – c'est probablement aussi une prospective, là – est-ce qu'effectivement c'est basé... Sur quoi vous basez-vous pour dire qu'éventuellement – si vous voulez le dire en termes d'années, vous pourrez y aller aussi – on pourrait en arriver effectivement, par cet outil magnifique, tout en donnant les mêmes qualités de services, avec respect de la confidentialité, à cet objectif-là?

Mme Houde (Monic): D'accord. Je vais demander, pour le... Oui.

M. Beaumier: Mais je veux juste terminer. C'est que vous faisiez allusion aussi à quelques expériences, mais – il y a aussi un projet, là – que ça pourrait s'inspirer du projet CSST, partenariat avec le ministère de la Santé, là. Est-ce que vous pourriez me dire de quelle façon vous en êtes arrivés à cet objectif-là, qui est très noble, soit dit en passant?

Mme Houde (Monic): D'accord.

M. Messier (Marcel): Oui.

Mme Houde (Monic): Je vais laisser M. Messier répondre.

M. Messier (Marcel): Il y a eu différentes études qui ont été faites. Dans le cadre du projet Réseau santé Québec, on a fait des études et on a validé des études avec les gens du marché américain et même avec les gens de la Régie de l'assurance-maladie. Laissez-moi vous donner un exemple qui, pour moi, représente très bien la dynamique dont on parle.

Il est tout à fait connu dans les statistiques de la Régie de l'assurance-maladie et par d'autres études qu'une très grande proportion des hospitalisations chez nos aînés est due à des mélanges médicamenteux. Ne serait-ce que de pouvoir... En rendant disponible chez le pharmacien – et on voit déjà les premiers jalons de ça – le dossier médicamenteux – et chez tous les pharmaciens, le dossier médicamenteux – rendre disponible chez les différents médecins le dossier médicamenteux, on peut prévenir à la source ces mélanges médicamenteux là, d'où le fait d'éviter dans toute la chaîne, par la suite, la chaîne de l'hospitalisation, du séjour à l'hôpital, toute cette situation d'hospitalisation, des économies importantes peuvent être faites à ce niveau-là. Un autre exemple est la consultation en chaîne. En rendant disponible le dossier patient, on peut éviter les consultations en chaîne, dans des périodes restreintes, d'une personne qui va consulter un médecin, un autre médecin et un autre médecin, et à chaque fois il y a des frais.

Il y a toute une série de démarches comme ça qui peuvent être mieux gérées en rendant disponible – toujours, bien sûr, dans une dynamique confidentielle – de l'information sur le dossier patient ou sur le dossier médicamenteux d'un patient. Je n'ai pas, de façon précise, les chiffres – mais ces chiffres-là sont disponibles – mais on en arrivait à des conclusions de l'ordre d'économies de 10 % à travers des démarches comme ça.

Mme Houde (Monic): Par exemple... Je peux vous donner peut-être un autre exemple: les soins pédiatriques au Québec. Il y a un hôpital universitaire à Montréal pour les soins tertiaires et, au fond, actuellement, il y a 60 % de la clientèle de l'hôpital Sainte-Justine qui viennent de la province, d'un peu partout. Alors, dans une perspective, justement, de liens par télémédecine, on pourrait facilement s'assurer que le médecin de l'enfant en région puisse communiquer directement avec le spécialiste à Montréal. Donc, pas de déplacements, beaucoup de frais qui sont sauvés également parce que tous ces gens-là n'arrivent pas à la salle d'urgence en même temps un dimanche soir. En fait, il y a des économies. Le 10 %, il est global, mais il comprend une série d'activités où à la fois on aide à la qualité des soins, on améliore la qualité des soins et, en même temps, on crée des économies pour le réseau.

M. Beaumier: Oui. Alors, ce pourcentage, ce 10 %, il est basé à la fois sur une extrapolation – si le terme n'est pas mauvais, là – d'expériences concrètes que vous avez vous-même vérifiées.

Mme Houde (Monic): Oui, c'est ça.

M. Beaumier: Aussi, vous avez parlé d'expériences aux États-Unis ou à l'extérieur. Est-ce que... Pouvez-vous...

M. Messier (Marcel): Oui. Il y a des rapports disponibles sur des expériences américaines, et des analyses, et des études américaines.

M. Beaumier: Qui sont basés sur des expériences vécues, des choses faites ou encore sur...

M. Messier (Marcel): Qui sont un mélange des deux, là, des expériences vécues et des extrapolations, bien sûr, parce que toute cette dynamique-là en est à son démarrage.

M. Beaumier: Oui. C'est très intéressant. On va suivre ça de près. Merci.

Mme Houde (Monic): Très bien.

M. Messier (Marcel): Il y a un potentiel énorme de ce côté-là.

Mme Houde (Monic): Oui.

M. Messier (Marcel): Le potentiel est tout à fait énorme.

M. Beaumier: Je vois. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Gaulin): Alors, Mme la vice-présidente aux communications, M. le vice-président aux télécommunications, je remercie beaucoup la compagnie. Je vous remercie d'avoir déposé pour Bell Canada. Votre mémoire va nous éclairer. Je pense qu'il est de qualité. Il va nous faire avancer. J'ai été heureux d'apprendre aussi que vous aviez en commun avec le Canada le fait d'être né au Québec. Alors, je vous salue. Au revoir.

Mme Houde (Monic): Ha, ha, ha! Merci beaucoup. Au revoir. Merci.

Le Président (M. Gaulin): J'inviterais Québec-Téléphone à prendre place.

(Consultation)

Le Président (M. Gaulin): Alors, j'inviterais M. le président et chef de la direction, Gilles Larouche, à nous présenter celle et ceux qui l'accompagnent.


Québec-Téléphone

M. Laroche (Gilles): Bonjour. Je suis accompagné ce matin de Me Dorothée Biron, qui est responsable des affaires corporatives à Québec-Téléphone. J'ai également, à ma droite, M. André Gagnon, qui est vice-président au développement des marchés, de même que Gilbert Laprise, qui est directeur au développement des services.

Mme Biron (Dorothée): Alors, peut-être avant de débuter, il me fait plaisir, premièrement, de remercier la commission de cette invitation qui nous est faite. Nous sommes très heureux d'être ici ce matin pour vous présenter la position de Québec-Téléphone relative à l'inforoute, et particulièrement en région.

Alors, notre présentation, ce matin, se présente en quatre volets. Tout d'abord, M. Laroche va brièvement vous parler de Québec-Téléphone, son territoire, pour ceux qui le connaissent moins, la mission de Québec-Téléphone, encore une fois plus particulièrement en région, et le rôle que Québec-Téléphone prend et entend poursuivre avec le développement de l'inforoute. M. André Gagnon, à son tour, adressera comment Québec-Téléphone, à ce stade-ci, a développé des partenariats pour réaliser l'inforoute et quelles sont, évidemment, les chances de poursuivre et les réussites actuelles dans ce domaine. Finalement, M. Laprise pourra vous parler d'expériences très concrètes que nous avons réalisées en milieu d'éducation et de santé. En terminant, M. Laroche apportera la conclusion au mémoire avant, évidemment, de se rendre disponible pour vos questions. J'invite maintenant M. Laroche.

Le Président (M. Gaulin): Alors, vous m'excuserez, M. Laroche, je vous ai appelé M. Larouche. Il y a une erreur sur nos feuilles.

M. Laroche (Gilles): C'est des choses que j'ai déjà entendues. Il n'y a pas plus de faute que ça.

Le Président (M. Gaulin): On aime bien avoir son nom. Québec-Téléphone en est un beau.

M. Laporte: ...le nombre de fois qu'on m'appelle «le député de Laporte».

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gaulin): C'est parce que c'est un agent double.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gaulin): Allez-y, je vous en prie.

(11 h 10)

M. Laroche (Gilles): Alors, Québec-Téléphone, c'est un chef de file en communications. Québec-Téléphone est établie déjà depuis 1927, particulièrement dans l'Est de la province. Québec-Téléphone affirme sa compétence dans le marché convergent des télécommunications et de la gestion de l'information. Elle possède une infrastructure qui est essentielle à l'autoroute de l'information. La structure est là. On a mentionné tantôt qu'il existe une infrastructure; elle peut être améliorée vers la fin du réseau, mais l'infrastructure est en place.

Alors, le territoire couvre 40 % de la surface habitée du Québec, c'est considérable. Principalement, Québec-Téléphone dessert la périphérie de Québec, environ un diamètre de 100 km autour de Québec, sans toutefois viser le nord et le nord-est de Québec. Le Bas-Saint-Laurent est également desservi par Québec-Téléphone, la Gaspésie et la Côte-Nord, de Forestville jusqu'au Labrador: une population d'environ 500 000 personnes. Québec-Téléphone, c'est également 1 700 employés qui servent nos clients dans 46 bases de travail réparties sur le territoire. Notre réseau est numérique au niveau du transport depuis 1995. Il est numérique au niveau de la commutation depuis 1993. Et nos clients ont accès à des lignes individuelles depuis 1991. Donc, il n'y a pas de lignes à deux abonnés ni de lignes à quatre abonnés sur le territoire de Québec-Téléphone depuis déjà cinq ans, presque six ans.

Québec-Téléphone a toujours été un ardent supporter des arts et de la culture. Qu'on donne, à cet effet, l'exemple de la publication d'une oeuvre d'art sur la couverture de l'annuaire depuis près de 25 ans maintenant. Québec-Téléphone a déjà utilisé son réseau à des fins de transport d'information au niveau de la santé. Les électrocardiogrammes, par exemple, qu'on a mis en place vers la fin des années soixante-dix – donc, c'est vous dire que ça ne date pas d'hier – c'est un service qui était, évidemment, précurseur à ceux qu'on offre aujourd'hui, qui sont beaucoup plus évolués au niveau de la santé ou au niveau du téléenseignement.

En août dernier, la décision du fédéral de rendre Québec-Téléphone admissible à la détention d'une licence de radiodiffusion a été un événement excessivement important et nous permettra de maintenir le rythme dans le développement des nouveaux services au bénéfice des collectivités de notre territoire.

La mission de Québec-Téléphone, brièvement, c'est d'être le leader dans le développement et l'intégration des services de communication, d'information et de distribution de programmation et, pour ce faire, être un partenaire recherché, de façon à favoriser la croissance économique et sociale du milieu et des clients.

Québec-Téléphone s'est toujours préoccupée de l'accessibilité aux services. L'accessibilité aux services, ça veut dire l'universalité du service et ça veut dire également l'abordabilité du service. Nos clients, peu importe où ils sont sur le territoire, doivent avoir accès aux mêmes services qui sont disponibles ailleurs en province.

En 1995, Québec-Téléphone a mis en place une nouvelle division pour lui permettre de donner accès à Internet. Cette division se nomme GlobeTrotter, et le service de cette division est accessible à tous nos clients à un tarif universel et sans frais d'interurbain. Donc, c'est 40 % du territoire de la province qui a accès à un service universel sans frais d'interurbain pour accéder au réseau Internet. C'est une première. Le succès de l'implantation est attribuable évidemment à l'apport de partenaires, particulièrement au niveau du développement de contenus. Donc, Québec-Téléphone mise sur le maillage et le partenariat pour la réussite de ses projets.

Les perspectives de l'inforoute. C'est un terme, «inforoute», qui est largement utilisé pour décrire une nouvelle réalité issue des changements profonds provoqués par l'avènement du traitement électronique des informations, de la numérisation des données et du développement des réseaux interactifs. C'est une nouvelle ère qui se dessine et qui remet en cause beaucoup de principes, beaucoup d'idées avec lesquelles on a vécu. Dans un contexte changeant comme celui-là, la politique, je pense, ne doit pas craindre les nouveaux paradigmes mais, au contraire, favoriser la diversité en cherchant à catalyser l'émergence du potentiel de ces nouvelles capacités qu'on se donne avec l'autoroute.

La rareté des ressources monétaires nous oblige évidemment à être plus imaginatifs. Il s'agit de trouver les bonnes solutions. On peut s'inquiéter aujourd'hui de la dynamique qui fait que les exclus sont de plus en plus nombreux. C'est un piège qui nous guette, évidemment. Cette situation en soi porte de nombreux désavantages. Donc, afin de changer cette dynamique non porteuse pour l'avenir d'une société qui se veut évoluée, la politique doit proposer un projet de société dans lequel il existe une volonté de faire une place pour chacun, de faire en sorte qu'il y ait de plus en plus d'inclus. Une fois le cap donné par nos dirigeants, je pense que le niveau de complexité dans lequel on s'engage pourra plus facilement être géré s'il se situe au niveau de l'action.

Je vais laisser André Gagnon présenter notre approche vis-à-vis du développement en ce qui concerne l'inforoute.

M. Gagnon (André): Je vais tenter de vous décrire à l'aide de quelques exemples notre façon de faire les choses, comment Québec-Téléphone s'y prend, comment Québec-Téléphone pense qu'on devrait faire pour faire avancer les choses dans le domaine de l'inforoute.

Comme l'a dit M. Laroche, la rareté des ressources monétaires nous oblige à être plus imaginatifs, d'autant plus que les entreprises, les gouvernements, les consommateurs font face à un environnement où les changements se multiplient, et ça, de plus en plus vite. Québec-Téléphone croit fermement que le temps où une seule entreprise ou un seul organisme pouvait battre la mesure et répondre de façon adéquate au rythme de changement est révolu. Le domaine de l'inforoute et du multimédia est loin de faire exception à cette règle. Par exemple, en septembre 1995, comme on l'a dit tout à l'heure, Québec-Téléphone a lancé son service Internet, mais, pour ce faire, elle a rapidement réalisé qu'il y avait un manque au niveau de l'inforoute: il n'y avait pas d'outils en français. Alors, grâce à un partenariat avec Solutions Internet technilogiques, une compagnie de la région de Québec, Québec-Téléphone a pu être la première compagnie à offrir une trousse d'outils Internet en français. Plusieurs autres joueurs auraient pu, même des joueurs plus gros, le faire. C'est la présence de partenaires qui ont eu des intérêts convergents et des buts communs qui a fait la différence.

Les partenariats de Québec-Téléphone lui ont aussi permis d'être, à travers son service GlobeTrotter, la première compagnie de téléphone à offrir un accès universel et abordable à Internet sur l'ensemble du territoire qu'elle dessert, qui s'étend, comme on l'a dit tout à l'heure, sur 40 % du territoire habité du Québec. Pour ce qui est de l'accès universel et abordable, c'est toujours le cas, nous sommes toujours la première compagnie de téléphone à l'offrir. Là encore, pour ce faire, Québec-Téléphone a favorisé l'émergence d'une nouvelle entreprise, RGB Technologies, qui a depuis fait sa marque dans la création de contenus francophones de qualité sur Internet. Par exemple, le site L'Escale était tout dernièrement, il y a une semaine ou deux, cité par Microsoft France comme étant le site francophone de la semaine. Notre partenariat avec RGB va s'étendre aussi sur la création de contenus multimédias destinés à l'éducation, toujours en français, des contenus exportables.

Un autre exemple d'un partenariat fructueux pour le développement des contenus francophones est la création d'un site voué à la promotion de la pêche sportive au saumon au Québec. Le site saumonquebec est issu de la mise en commun des ressources de trois partenaires: Québec-Téléphone, RGB Technologies et la Fédération québécoise pour le saumon atlantique. Le résultat est le recueil d'informations sur les rivières à saumon du Québec le plus complet sous quelque forme que ce soit, écrite ou autre. Ce site a aussi un effet d'entraînement sur l'industrie touristique des régions entourant les rivières à saumon. Donc, on a un effet d'entraînement sur l'économie en général.

(11 h 20)

Une des caractéristiques intéressantes des partenariats où s'implique Québec-Téléphone est qu'ils favorisent le développement des régions. De par sa nature même, l'inforoute est une industrie qui peut se développer n'importe où, même hors des grands centres. Il n'y a pas de raison pour que l'inforoute ne contribue pas à développer des emplois de qualité en région. L'État doit agir comme catalyseur dans le développement des nouveaux partenariats favorisant la promotion du français sur l'inforoute. Il se doit aussi d'agir comme agent de synergie, en s'assurant que ses interventions favorisent les projets ayant le plus d'effet d'entraînement possible. Un des critères considérés par l'État dans ses interventions doit aussi être l'effet des projets sur le développement et le contenu régional. Cette préoccupation permettra de revitaliser l'économie des régions à un coût abordable.

Je vais laisser Gilbert Laprise poursuivre en nous parlant un peu plus précisément de quelques expériences de Québec-Téléphone dans le domaine de l'inforoute.

M. Laprise (Gilbert): Avant de parler de nos interventions en éducation et en santé, j'aimerais peut-être amener certains éléments qu'on a déjà présentés de façon écrite dans le mémoire, mais attirer l'attention sur certains éléments de réflexion qui m'apparaissent importants.

Si on veut que les inforoutes soient les voies de l'avenir, il faut comprendre l'ampleur des changements culturels, structurels et organisationnels qu'elles risquent d'engendrer. Qu'il nous suffise d'évoquer la portée de la connaissance dans la nouvelle économie, où la valeur d'une organisation ne se mesure plus par ses actifs tangibles mais plutôt par sa capacité à harnacher l'intelligence des personnes à son emploi, l'importance de la numérisation dans la communication, où tout peut se transformer en langage universel, le langage binaire, ouvrant ainsi la voie à d'innombrables possibilités, l'importance du travail collectif, de la désintermédiation, de l'innovation, de la convergence des technologies, des marchés, des contenus.

De façon plus pragmatique, on pense que le gouvernement pourrait jouer un rôle utile en se dotant d'un projet de société adapté au nouveau monde qui s'annonce, qui véhicule les valeurs fondamentales que l'on souhaite partager collectivement, en créant des conditions réglementaires en lien avec tel projet pour permettre l'évolution de l'inforoute dans un marché ouvert qui favorise l'émergence de la créativité nécessaire au succès – je suis à la page 11 du document – en profitant des possibilités nouvelles pour se réinventer en profondeur, s'adapter à son nouveau rôle, tout en cherchant à améliorer sa prestation de services à la population et se présenter comme un utilisateur efficient des nouvelles technologies de l'information et des communications, en faisant le nécessaire pour s'assurer que la technologie restera au service du peuple par l'introduction de dispositions législatives ou réglementaires qui favoriseront, entre autres, l'accès universel, la protection de la vie privée, la protection du consommateur, le développement de la culture, de l'éducation, l'accessibilité aux soins, et aussi en agissant comme catalyseur dans le développement de nouveaux partenariats.

Si on aborde les dimensions de la langue et de la culture, c'est Pierre-Léonard Harvey, dans son volume «Cyberespace et Communautique», qui mentionnait qu'un nouveau type de société va naître des inforoutes. Mais, contrairement à ce qu'on peut penser, l'inforoute ne donnera pas naissance à une société plus homogène. Ce seront surtout les nouveaux contenus et non les réseaux qui vont faire la future société de l'information et qui vont répondre réellement à la demande sociale. Les contenus pour l'inforoute semblent avoir beaucoup de poids pour tout ce qui a trait au développement de la langue et de la culture dans une société. On peut même avancer qu'ils auront un effet déterministe sur les valeurs et les enjeux sociaux de notre société. Il est donc de toute première importance de traiter l'aspect contenu pour inforoute de manière privilégiée. L'inforoute ne devrait toutefois pas être l'équivalent d'un cheval de Troie qui marginalisera les cultures nationales en ce que les nations qui auront la préoccupation de prendre une place de choix sur l'inforoute et qui agiront pour stimuler les productions nationales d'intérêt devraient non seulement maintenir au sein de leur population un intérêt et des valeurs locales, mais peuvent aussi rayonner plus largement en ce que les réseaux sont ouverts. Si les contenus sont d'intérêt, il y a potentiellement un rayonnement culturel élargi pour l'identité nationale et un enrichissement par la connaissance des cultures accessible par les mêmes voies.

Malgré la surreprésentativité des contenus en langue anglaise dédiés à l'inforoute, ce qui distingue un site d'un autre, un contenu d'un autre, se situe généralement au niveau de la qualité du contenu, de son traitement, des possibilités qu'il génère. Enfin, il y a des sites ou encore des titres vedettes qui ont su se distinguer en prenant avantage du nouveau médium en ajoutant de la valeur par une présence sur ce nouveau médium, et ce, sans nécessairement refaire ce qui peut être fait sur une base livresque ou autrement. C'est vraiment d'utiliser les nouvelles possibilités de la technologie pour reconcevoir des contenus et non reprendre ce qui est valable sous une forme livresque ou autrement. C'est faire ressortir la force du multimédia, entre autres.

Comme préoccupation devant la rareté des ressources à la disposition du gouvernement, on doit faire preuve d'imagination en créant des conditions qui vont valoriser le développement de contenus francophones de qualité pour l'autoroute, en privilégiant les productions qui ont un apport distinctif à ce qui se fait sous d'autres formes.

La promotion du français sur l'inforoute ne passera pas nécessairement par une abondance de contenus, mais plutôt par des productions de qualité, par l'utilité et la pertinence de tels contenus pour les consommateurs utilisateurs. La règle de Pareto a sa place dans ce domaine comme dans bien d'autres. L'État devrait privilégier pour l'inforoute le développement de contenus ayant un effet d'entraînement sur d'autres. À titre d'exemple, le développement de contenus éducatifs pourrait avoir un effet multiplicateur en ce qu'ils peuvent s'adresser non seulement au monde de l'éducation, mais aussi à la population en général, car la formation, c'est devenu l'affaire d'une vie. La production et la diffusion de tels contenus multimédias adaptés à la nouvelle réalité auraient un effet moteur, comme ce fut le cas aux États-Unis. D'autre part, le reconception des services gouvernementaux et la mise en réseau des services influenceraient l'utilisation du français sur l'inforoute.

Peut-être une couple de mots sur l'accessibilité avant de parler de l'éducation, rapidement, et de la santé. L'un des plus grands avantages reliés à l'utilisation des capacités – je suis à la page 18, dans le texte – des nouvelles technologies de l'information et des communications, c'est l'abolition des distances qui ouvre la voie au travail collectif à distance, à l'émergence d'entreprises en réseau, d'entreprises virtuelles reliées entre elles par un réseau de communication. Ces nouvelles possibilités nous permettent d'envisager un développement régional sur d'autres bases que celles que l'on a connues jusqu'ici, où les régions pourront mettre dans la balance, pour attirer entreprises et main-d'oeuvre, la qualité de vie qui leur est souvent reconnue.

La particularité des entreprises de la nouvelle économie issues des possibilités du numérique provient de ce que la valeur de telles entreprises ne se mesure plus selon l'importance des actifs tangibles, mais plutôt par leur capacité à rassembler des individus qui acceptent de mettre leur potentiel intellectuel au service d'un objectif commun et de produire des services et des produits – exemple, le multimédia – qui représentent une valeur substantielle pour les consommateurs. L'État a une responsabilité sociale importante, soit de voir à ce que les développements potentiels associés aux nouvelles technologies de l'information et des communications puissent être accessibles, de façon équitable, sur l'ensemble du territoire du Québec.

L'État pourrait favoriser le développement de centres d'accès communautaires qui disposeraient d'équipements pour accommoder une communauté en accès Internet, en vidéoconférences et en microconférences. On retrouverait les locaux abritant de tels équipements en milieux scolaire, municipal, dans les bibliothèques, peu importe. Ce qui est important, c'est de partager, au niveau d'une communauté, des services d'inforoute à large bande qui seraient plus difficiles à justifier sur une base individuelle mais qui se justifient pleinement sur une base communautaire. Cette façon d'aborder la problématique de l'accès est très prometteuse car elle permet d'envisager l'accès universel même avec des capacités budgétaires limitées.

Quelques mots sur l'éducation. Compte tenu du haut taux de décrochage scolaire, il y a sûrement lieu de repenser l'approche adoptée jusqu'à ce jour pour tenter de profiter de l'introduction des nouvelles technologies de l'information et des communications pour réussir l'accrochage scolaire, et non pas combattre le décrochage, mais allumer des flammes, bâtir des approches pédagogiques adaptées de façon à ce que ce ne soit pas pénible d'apprendre, que ça devienne plutôt un mode de vie. L'apprentissage doit devenir, pour le plus grand nombre d'individus, l'histoire d'une vie.

(11 h 30)

Québec-Téléphone s'est impliquée activement, ces dernières années, dans le monde de l'éducation et a contribué à minimiser l'importance des distances, notamment avec des ententes avec les cégeps de la région et l'UQAR, et a déployé sept salles dédiées principalement à la formation à distance. Alors, ça a permis à la population en général de bénéficier de cours auxquels elle n'aurait pas eu accès autrement faute de nombre, à Rimouski, ou à Matane, ou peu importe l'endroit. Alors, ça permettait de bâtir une masse critique pour justifier la dispensation d'un cours en utilisant la vidéoconférence.

Une autre initiative qui a été mise de l'avant par Québec-Téléphone, ça a été de favoriser le développement d'un laboratoire à l'école Élisabeth-Turgeon en fournissant 30 ordinateurs usagés remis en état de fonctionner, montés en réseau par des employés bénévoles et remis à la disposition du monde scolaire.

D'autre part – ça a été évoqué un peu précédemment – il y a eu le développement d'un site Internet qui s'appelle L'Escale, qui est en quelque sorte une illustration de ce qu'on peut faire sur Internet pour le monde scolaire. C'est un début de développement, l'objectif étant de continuer ce développement avec l'aide des enseignants pour améliorer les scénarios pédagogiques et aussi faire en sorte que l'apprentissage se fasse de façon intéressante.

D'autre part, Québec-Téléphone a développé une proposition globale pour le monde de l'éducation qui se situe à quatre niveaux, qui comporte des dispositions pour l'accès, l'accompagnement, c'est-à-dire l'aide dans la gestion du changement, supporter les profs dans le développement d'habiletés techniques et aussi le développement de scénarios pédagogiques pour réaliser ce virage-là. Un troisième niveau, qui est le développement de contenus pour Internet, et un dernier niveau, qui est le développement de contenus multimédias. Pour réussir, on doit repenser l'école pour faire en sorte que les jeunes y trouvent plaisir à apprendre, le plaisir ne venant pas nécessairement de la facilité, mais plutôt de l'émulation qu'ils peuvent en retirer en ayant l'impression de donner leur pleine mesure, d'aller au bout d'eux-mêmes tout en apprenant des choses utiles pour leur avenir.

Si on regarde dans le domaine de la santé, je vais citer le plan d'action pour la mise en oeuvre de l'autoroute de l'information: «Le défi majeur du système de santé et des services sociaux québécois pour les prochaines années sera de maintenir ou d'accroître, dans certains cas, son niveau de qualité et d'efficacité des soins et services avec des ressources de plus en plus restreintes. L'autoroute de l'information devient une ressource de tout premier plan pour la réalisation des objectifs de la réforme.»

Considérant cette volonté gouvernementale de transformer de façon radicale le système de santé en réduisant les coûts, d'augmenter la qualité des soins et de rapprocher les services du citoyen, Québec-Téléphone dirige ses efforts vers ces orientations technologiques. Elle a lancé, en mai dernier, le plus important réseau de télémédecine au Canada avec 13 hôpitaux faisant partie du projet, dont 10 sont reliés au réseau de Québec-Téléphone, son réseau à large bande MTA. Ce projet s'appuie sur les résultats concluants d'une première phase d'expérimentation en échocardiographie pédiatrique menée depuis 1992 au Centre hospitalier régional de Rimouski et au Centre hospitalier de l'Université Laval. Par ce réseau, deux grandes applications vont être appliquées: la téléradiologie, qui va permettre aux radiologistes, peu importe l'endroit sur le territoire, de pouvoir faire une veille radiologique et de couvrir tous les hôpitaux, en quelque sorte, qui sont reliés; et la même chose en télécardiologie pour l'échocardiographie pédiatrique. D'autre part, il y a une collaboration avec le CLSC de Matane et des gens du milieu pour offrir des services d'orthophonie avec le support de l'hôpital Sainte-Justine. Le projet a été concluant, ce qui fait qu'il y a un nouveau projet qui est mis de l'avant avec Amos, Matane et Sainte-Justine pour une autre expérimentation de 18 mois.

Alors, on pourrait en parler très longuement, mais je pense que ce qu'il faut retenir derrière le mémoire qui est présenté, ce n'est pas l'importance de la technologie pour la technologie, mais c'est l'opportunité qu'elle présente de voir les choses différemment, de faire les choses différemment et d'en tirer avantage. Il ne s'agit pas de faire un trip technologique, mais plutôt d'en profiter au mieux pour faire des économies d'échelle, faire des économies d'organisation et organiser une société de façon différente. Alors, merci pour votre attention.

M. Laroche (Gilles): Alors, pour conclure, je rappellerais peut-être simplement un des objectifs principaux, une des recommandations principales que le rapport Berlinguet faisait, c'était que l'État devienne un utilisateur modèle de l'inforoute. Que ce soit dans le domaine de la santé ou dans le domaine de l'éducation, ce sont deux domaines qui consomment énormément de dollars de nos taxes. Évidemment, ceci pourrait permettre de créer peut-être la masse critique qui permettrait la poursuite du développement d'autres services.

Comme on a mentionné précédemment, je crois que c'étaient les gens de Bell qui étaient ici avant, ils ont mentionné que le défi, finalement, se trouve au niveau du développement d'applications et du développement de contenus, bien davantage que de la construction d'une infrastructure pour pouvoir transporter les données. C'est dans ce sens-là qu'on tente d'effectuer un virage, de voir comment on peut développer des choses qui ont un intérêt pour l'utilisateur. Il y a des défis technologiques à relever encore, évidemment. Les services qu'on offre doivent devenir de plus en plus faciles à utiliser pour le client. Il y a des moyens qui devront être mis en place pour que les nouvelles technologies qui sont utilisées, l'utilisateur s'en serve effectivement. Vous avez beau avoir des outils très perfectionnés, s'ils ne sont pas utilisés, vous n'allez pas chercher les avantages qu'ils peuvent procurer.

Évidemment, souvent, tout commence à l'école. C'est là qu'on apprend. Les nouvelles technologies de l'information doivent être utilisées de plus en plus abondamment à l'école. On constate, par ailleurs, que la formation des maîtres n'a pas pris d'avance dans ce domaine-là, et on risque d'assister à une situation où les maîtres et les élèves apprennent en même temps. C'est comme ça que ça se fera si on ne commence pas par le bon bout. Il y a aussi d'autres façons d'assurer l'utilisation, c'est de rendre les accès disponibles dans des endroits publics ou communautaires. Il y a déjà des projets que le Fonds de l'autoroute supporte qui vont dans ce sens-là. On pense au réseau public, là, au réseau des bibliothèques publiques. C'est une façon de rendre les nouvelles technologies disponibles à l'ensemble de la population.

Alors, avec tous ces bouleversements technologiques et l'ère du savoir, il y a des actions concrètes qui doivent être réalisées de concert avec le gouvernement, le secteur privé et les institutions sociales. Québec-Téléphone veut participer activement au déploiement d'initiatives régionales. C'est ce que nous nous employons à faire depuis plusieurs années. Elle porte à l'attention de la commission qu'elle s'est engagée face au ministère du Patrimoine canadien à créer un fonds de 1 000 000 $ qui sera établi et consacré à l'avancement de la programmation de radiodiffusion culturelle et multimédia au Québec. C'est des argents qui doivent être dépensés chez nous. Québec-Téléphone est déterminée à faire de ce fonds un pivot permettant au milieu culturel québécois de transcender les frontières via les réseaux de distribution établis au coeur de sa région.

Je vous remercie. Nous serions disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Oui. Merci beaucoup, M. Laroche, M. Laprise et Mme Dorothée Biron. J'ai trouvé votre mémoire fort éclairant, en particulier dans la partie où vous traitez, disons, de la réduction des coûts qui pourrait résulter du recours aux technologies de l'information, en particulier, évidemment, dans le système, dans le régime public. C'est particulièrement important parce que, là, on sait que... D'abord, la mesure de productivité, c'est difficile, mais on sait, à partir de données statistiques – j'ai des données ici, par exemple, sur l'utilisation qu'on en fait dans différents pays – que, dans le secteur des services, le rendement, disons, financier du recours à la technologie est tout de même assez bien attesté. Donc, je pense que, là, vous avez mis le doigt sur un objectif puis un justificatif assez convaincants pour le déploiement de cette technologie-là.

(11 h 40)

Moi, ce que je voudrais savoir, c'est... Vous étiez présents tantôt à la prestation de Mme Houde, de Bell Canada. J'aimerais savoir: Est-ce que vous voyez du même oeil que Bell Canada le déploiement de ces technologies sur le territoire québécois et la concurrence qui pourrait résulter entre vous et... Ce qu'elle nous a dit fondamentalement, c'est que, plutôt que de concurrencer sur les questions de quincaillerie puis d'infrastructures, ce qu'il faudrait, c'est que vous coopériez dans ce domaine-là pour peut-être déplacer la concurrence au niveau de la production de contenus, puis ainsi de suite. Est-ce que vous voyez ça du même oeil, vous, ou si, parce que vous êtes une compagnie plus régionale, vous avez une vision un peu différente?

M. Laroche (Gilles): Il y a bien longtemps qu'on véhicule cette idée-là, et c'est d'autant plus justifié en région. Quand on examine un peu la façon dont les autoroutes routières se sont développées, on se rend compte qu'il n'y en a même pas une qui fait le tour de la Gaspésie. Ce n'est pas demain la veille, mais il va y en avoir deux. C'est la même chose au niveau de l'infrastructure qui existe au niveau du Québec. Vous avez actuellement, dans l'Est du Québec, le territoire qu'on dessert, une infrastructure qui est suffisante. Par contre, lorsqu'on ouvre les vannes et qu'on permet à tout le monde de se lancer tête baissée dans l'aventure, on se rend compte qu'il y a des investissements complètement injustifiés qui se font. Vous avez aujourd'hui au moins quatre routes de fibre optique entre Québec et Montréal, et on vient d'en annoncer une cinquième. C'est un gaspillage éhonté. Quelqu'un va payer pour ça.

J'ai indiqué, moi, à plusieurs reprises, qu'il fallait absolument éviter le piège de la déréglementation du transport aérien. Il faut rester en région pour savoir ce que ça coûte, sortir des régions en avion. C'est deux à trois fois le prix que pour Montréal-Toronto, des distances comparables. On paie pour ça, là. On paie pour deux lignes de transport qui offrent exactement le même service aux mêmes heures. Où est l'avantage? Il n'y en a absolument pas, sauf qu'on est obligé de payer deux flottes.

Alors, c'est ce discours-là qu'on tient depuis tout le temps. La compétition doit se faire au niveau du développement d'applications. Il y a énormément de place, parce que la limite, c'est l'imagination qu'on peut avoir. Puis on parle aujourd'hui d'une nouvelle industrie, l'industrie du savoir. Bien, c'est là que tout se passe, entre les deux oreilles, puis ça, bien, tout le monde peut l'exploiter. Personne n'est pauvre à ce niveau-là. Autrefois, il fallait avoir des terres pour être riche, il fallait avoir du pétrole pour être riche; aujourd'hui, on peut utiliser ce qu'on a là. Personne ne peut nous l'enlever. Alors, pour les applications, il y a de la place. La limite, c'est l'imagination.

M. Laporte: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Oui. M. Laroche, madame et messieurs, je voudrais vous remercier pour le mémoire que vous nous soumettez qui est très intéressant. Peut-être dire comme témoignage, d'entrée de jeu, que je vois que vous occupez 40 % du territoire pour desservir environ 8 % de la population. Si j'ai fait mes chiffres, c'est à peu près ça. Alors, vous êtes d'autant plus méritants, parce que je vais vous dire, comme utilisateur de vos services pour le téléphone dans la région où je vis, à la campagne quand je vis à la campagne, j'ai vu l'amélioration que vous avez faite depuis une dizaine d'années, qui est tout à fait remarquable, tout à fait. D'ailleurs, je vous ai vus passer des factures bilingues aux factures en français. J'étais un de ceux qui écrivaient des choses sur les lettres. Je recevais aussi mes comptes de commission scolaire de Montmagny bilingues, et je me disais: Où est-ce qu'ils sont, les anglais, par ici? Alors, je trouve que c'est très intéressant ce que vous apportez comme, entre autres, possibilité du développement régional, puisque vous occupez une bonne partie du territoire, entre autres de ce territoire qu'on fait en saute-mouton jusqu'à maintenant. Il y aura bientôt une route en allant jusqu'à Blanc-Sablon, même en allant plus loin, jusqu'au village de Vigneault.

Alors, c'est peut-être dans ce sens-là, moi, que je voudrais vous poser une première question au niveau des contenus qui serviraient les régions. Vous avez déjà signalé l'éducation, la santé. Est-ce qu'il y en aurait qui sont au niveau simplement des informations, des pouvoirs régionaux, les MRC, etc.? Est-ce que vous avez des perspectives dans cette ligne-là?

M. Laroche (Gilles): Oui. Bien, je crois que les gens vivent d'abord dans leur village, et puis ils sont intéressés à ce qui se passe alentour. Un des premiers commentaires que j'ai entendu d'un client lorsqu'on a annoncé le lancement d'Internet et puis qu'on disait qu'on pourrait appeler à Los Angeles et puis à Osaka, au Japon, puis ainsi de suite, la personne m'a dit: Bien, moi, je demeure à Matane puis j'aimerais pouvoir appeler à Amqui, contacter ces gens-là, échanger des informations avec eux. Donc, les besoins, ils sont d'abord des besoins locaux, des besoins régionaux. Et on développe... Je peux peut-être laisser parler André un petit peu là-dessus, parce qu'on a une approche au niveau du développement de nos vitrines Internet sur GlobeTrotter, puis c'est une approche régionale. Donc, je vais laisser André expliquer un peu comment on a procédé pour essayer de répondre à cette préoccupation-là de notre clientèle.

M. Gagnon (André): J'ai donné un exemple tout à l'heure du site Saumon-Québec, qui est un site qui correspond vraiment à notre territoire, parce que des rivières à saumon, il y en a ailleurs, mais il n'y en a pas beaucoup ailleurs, étant donné qu'on dessert la Gaspésie et la Côte-Nord. Ce site-là fait double usage parce qu'il nous sert en tant que banque d'information pour les rivières à saumon du Québec, mais aussi pour le développement touristique de la région. Donc, la région y trouve son compte de deux façons. Il y a beaucoup de pêcheurs à saumon qui viennent d'ailleurs que de la Gaspésie, mais il y en a beaucoup en Gaspésie qui se servent de ce site-là pour obtenir des informations sur les rivières à saumon. Il y a des gens de Montréal qui s'en servent aussi. Donc, le site permet un effet d'entraînement sur le développement touristique de la région et sur les informations qui circulent en région. Comme on peut y faire... Incorporé au site, il y a un groupe de discussion qui permet de parler de nos prises. Probablement que les saumons y sont plus gros qu'en réalité, mais, en tout cas, on peut parler de nos prises. Donc, c'est un exemple.

Aussi, en termes d'hébergement. Tout l'hébergement des sites qu'on fait, qu'on développe, et héberger en région. Donc, la région retrouve une partie des revenus des informations qui proviennent des régions à travers ces sites. Ce qu'on recherche beaucoup, c'est que les partenariats qui permettent le développement de ces sites-là fassent en sorte que la région y trouve son compte à tous les points de vue.

(11 h 50)

Je ne sais pas si j'ai bien répondu à la question ou si vous vouliez avoir plus d'information?

M. Laprise (Gilbert): Peut-être une dimension additionnelle que je pourrais donner. On a été approchés ces derniers mois par les organisations locales en Gaspésie pour essayer de voir comment ils pourraient partager l'information entre eux puis faire en sorte que la dispensation des services soit peut-être plus efficiente. Parce que, en Gaspésie, la distance, c'est important, la distance physique. Alors, comment ils pourraient dispenser l'information et les services en utilisant l'inforoute. Puis les discussions se font à l'heure actuelle pour bâtir une espèce d'Intranet pour justement rencontrer ces besoins-là. Alors, c'est le genre d'applications qui sont aujourd'hui disponibles et qui permettent, là, de minimiser l'importance des distances, mais aussi de valoriser le développement dans les régions, parce qu'ils peuvent partager plein de choses entre eux.

M. Gagnon (André): L'autre exemple que je pourrais donner, c'est qu'on a bâti un site qui s'appelle Tourisme Québec, bien sûr, qui regroupe les informations touristiques de la région de la Gaspésie, mais aussi les informations touristiques de tout le Québec, et qui est hébergé en région aussi. On est en train de mettre en place un système de bornes interactives qui va permettre à la population en général d'avoir accès aux informations disponibles sur Internet ou à d'autres informations, même à pouvoir acheter des billets. Ça, c'est en voie de développement et ça devrait être implanté sous peu.

Un autre projet qui est intéressant en termes de développement régional, c'est un projet qui, à la... Il y a combien de partenaires?

Une voix: Une quinzaine.

M. Gagnon (André): Il y a une quinzaine de partenaires qui se sont regroupés pour développer des cours en foresterie. Ces cours-là se donnent au coeur de l'action, c'est-à-dire dans les régions où on coupe du bois, où il y a des arbres, par exemple en Gaspésie. Ces cours vont rejoindre les plus petits villages comme Esprit-Saint, par exemple, et on peut penser à plusieurs petits villages. Ce sont des cours en foresterie qui seront disponibles sur multimédia. C'est un projet qui est en codéveloppement et où le Fonds de l'autoroute a investi. On peut penser que de tels projets pourraient évoluer. Par exemple, on peut penser à de tels cours en agriculture. Donc, c'est une façon de faire qui est répétable et exportable, disons.

M. Gaulin: Alors, je pense que mon collègue de Nicolet-Yamaska a des questions qui iront peut-être dans le même sens. Je voudrais terminer en disant que la députée de Rimouski, qui ne peut pas être là ce matin, m'a prié de vous saluer, puisque vous êtes dans sa ville, capitale de la région du Bas-Saint-Laurent, et elle m'a dit que c'était la plus belle ville après Lévis.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Mais il peut y avoir de grandes différences entre les deux, en plus.

M. Gaulin: Ça, elle ne l'a pas dit.

Le Président (M. Garon): Ha, ha, ha! Là, je vais passer la parole au député de la capitale du sanglier, le député de Nicolet-Yamaska.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Nicolet. Merci, M. le Président. Bonjour, madame et messieurs. Pour faire suite un peu à la question du député de Taschereau au niveau de la desserte de vos services au niveau régional, vous savez que notre gouvernement favorise la décentralisation et, de plus en plus, la régionalisation. Il y a une expérience qui est en train de se tenter dans notre région, la région 04, et, je pense, vous donnez le service dans la ville de Bécancour; 04, il y a une division administrative.

M. Laroche (Gilles): On va très loin, mais on n'est pas à Bécancour.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Mais je fais une parenthèse, là. Vous autres, c'est Québec-Téléphone, mais, dans ma région, c'est Télébec.

Des voix: Télébec.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Mais c'est quoi, la différence entre les deux? Vous êtes peut-être mal placé pour répondre, là, mais...

M. Laroche (Gilles): Télébec est propriété de BCE, alors que Québec-Téléphone est indépendante de Bell.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): O.K. Puis il y a une entreprise privée, aussi, chez nous qui s'appelle Sogetel.

Ma question est la suivante. C'est que, dans cette décentralisation des services ou la création d'une nouvelle région, en attendant on l'appelle 04 sud, une des craintes que la population avait ou que la population a, c'est au niveau des organismes régionaux qui sont situés actuellement à Trois-Rivières. Des directions régionales, sur tout le territoire 04, il y en a 53, puis actuellement il y en a une sur la rive sud. Donc, les gens de la rive sud, ça veut dire que, s'il y a création d'une nouvelle région, on ne sera plus bien desservis par les services que nous avions, exemple, à Trois-Rivières.

Une des choses sur lesquelles on a axé notre stratégie pour essayer de vendre notre produit, c'est le fait de dire que, avec les nouvelles technologies de l'information, on pourrait très bien les desservir entre autres avec, nous autres, ce qu'on appelle les maisons gouvernementales dans peut-être trois endroits: Victoriaville, Drummondville et Bécancour ou Nicolet, mais surtout Nicolet. Est-ce que c'est envisageable de penser que les services qu'on offre actuellement à Trois-Rivières pourraient être très bien desservis ou que la clientèle pourrait très bien utiliser ces services-là tout à fait adéquatement, au même niveau de service que nous avons actuellement?

M. Laroche (Gilles): Moi, disons, je ne vois pas de difficultés avec ça, là. On pourrait peut-être parler de la région 11, qui est la Gaspésie, là, où on n'a pas fait une métropole régionale. Avec un bon système de communications, ces bureaux-là, qui sont tantôt à Sainte-Anne-des-Monts, tantôt à Gaspé, tantôt à Chandler, sont en réseau, et il n'y a pas de problèmes nécessairement. C'est sûr, l'autoroute de l'information peut amener des solutions d'appoint, là, sans doute, pour la population, parce que souvent on vise, disons, à assurer une meilleure information à la clientèle, au dernier utilisateur. Avec les technologies, ils pourraient certainement avoir des services de qualité.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Dans des domaines comme, mettons, la... Ce qui fait problème actuellement, c'est la santé, entre autres. Parce que, là, on a fermé un bloc opératoire la semaine dernière à Nicolet, et ça insécurise la population. On se demande: Bon, bien, quels services allons-nous nous offrir pour nous sécuriser?

M. Gagnon (André): Gilbert Laprise a parlé tout à l'heure de centres d'accès communautaires où on pourrait avoir, par exemple, accès à un ensemble de services, avoir accès à Internet, avoir accès à des services large bande. Ça pourrait être dans le plus petit village. En favorisant le développement de ce genre de centres d'accès là, on pourrait donner à la population un accès à un ensemble de services qui seraient les mêmes, disons, qu'en ville. On peut penser même, dans ces centres d'accès là, qu'on pourrait avoir des services de télémédecine, par exemple. Donc, on pourrait regrouper dans un village un endroit où des examens pourraient se faire à distance. Puis ce n'est pas du Star Trek, là, c'est des choses qui se font aujourd'hui. Il suffit d'avoir la volonté de le faire, et c'est des choses qui sont très possibles. Dans certains villages, il y a des centres d'accès communautaires qui ont vu le jour par un mélange un peu d'investissements gouvernementaux, mais beaucoup de prise en charge de la population. Je pense qu'il y a place à des partenariats là pour permettre d'avoir accès à ces services-là, et tout le monde y trouvera son compte: la population, l'État et l'entreprise privée.

M. Laprise (Gilbert): Si vous me permettez un commentaire, chaque village a son aréna, chaque village pourrait avoir un centre d'accès communautaire puis avoir accès à des services gouvernementaux de santé et d'éducation. Et ça, c'est des choses qui sont facilement réalisables aujourd'hui, là.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Moi, j'aime bien votre exemple «village», parce que, là, on est en région. Vous connaissez très bien la Gaspésie, mais, moi, ma région, c'est sur la rive sud de Trois-Rivières. Dans mon comté, j'ai 38 villages, 38 municipalités qui varient entre 250 et... J'ai une municipalité qui a 5 000 habitants, c'est ma plus grosse municipalité. Mais ces territoires-là veulent être bien desservis aussi à tous les niveaux, là, puis ça ne serait pas impossible de penser qu'un jour ils puissent avoir leur comptoir sur Internet dans chacune des municipalités.

Une voix: Exactement.

M. Laroche (Gilles): On a fait état tantôt de l'expérience qu'on fait avec une dizaine d'hôpitaux de notre territoire plus trois du territoire de Bell. Évidemment, on fait une expérience qui relie des hôpitaux, mais il pourrait aussi y avoir des CLSC qui sont reliés avec un hôpital, de sorte qu'ils ont une consultation qui peut se faire rapidement, sans déplacement, ce qui souvent prend du temps, pour savoir quel bord prendre, si c'est nécessaire d'aller dans un hôpital plus spécialisé que l'hôpital régional. À ce moment-là, peut-être qu'en consultant un spécialiste qui est dans un hôpital, bon, peut-être que le diagnostic peut être porté plus rapidement.

Ça, c'est des choses qui vont se développer. C'est des applications qui sont possibles, qui sont possibles relativement rapidement. Actuellement, on fait l'expérience avec des hôpitaux. On a deux domaines sur lesquels on travaille, c'est les télédiagnostics de radiographie, là, et puis l'autre, c'est...

Une voix: L'échocardiographie.

(12 heures)

M. Laroche (Gilles): ...l'échocardiographie infantile. Parlons des radiologies à distance. Ça, ça permet finalement aux hôpitaux des régions de bien vivre avec un seul radiologiste sur place. Puis ce radiologiste-là peut être de garde à un moment donné et puis servir, disons, d'expert pour les autres hôpitaux parce que c'est lui qui est de garde. Tu sais, là, chaque village peut devenir le centre du monde à un moment donné. Le spécialiste, il peut rester en région et puis être utilisé à sa juste valeur en région.

Il y a un médecin qui me disait, moi, que le plus grand spécialiste des maladies des yeux, là, il est à Gaspé. S'il peut être en communication avec 10 ou 20 hôpitaux dans le Bas-Saint-Laurent puis en allant vers Québec, il va pouvoir exercer sa profession puis vivre en région, puis avoir une qualité de vie comme celle qu'il a choisi d'avoir. Il n'est pas obligé de s'en aller à Montréal puis de vivre à Montréal pour pouvoir profiter de sa spécialisation. C'est des choses qui sont possibles, ça. On n'a plus une approche centralisatrice, mais plutôt une approche qui permet à tout le monde d'être au coeur du monde.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Je vais dire ça aux gens de Saint-Gérard-Majella.

M. Laroche (Gilles): Juste pour compléter. La télémédecine aura des chances de succès en autant que ces critères-là sont respectés. Il ne faut pas que ça soit un superspécialiste qui est basé à Montréal quelque part auquel toutes les régions ont accès. Il faut que ça puisse marcher comme Internet, qu'on puisse émettre et recevoir de n'importe où. Puis ça remonte à longtemps, vers 1988-1989, j'allais rencontrer les hôpitaux pour leur parler de télémédecine. J'allais voir Rimouski puis je disais: Je vais te raccorder à Québec. Aïe! Il disait: Non, tu vas raccorder Gaspé à Rimouski. Bon, O.K. J'allais voir Gaspé, je disais: Je vais te raccorder sur Rimouski. Il disait: Non, non, non. Moi, je suis régional, tu vas raccorder Chandler sur Gaspé.

Ce qu'il faut, c'est préserver les régions, il faut qu'elles soient capables d'avoir leurs spécialistes. Ce que ça va permettre de faire, par contre, c'est de mieux répartir les actes médicaux dans un ensemble de régions. Et puis, pour revenir sur la notion de région, on dessert 308 municipalités dont 94 % ont moins de 4 000 habitants, juste pour vous situer sur...

Le Président (M. Garon): Vous, vous venez de faire la preuve, là, que vous n'avez justement pas besoin de votre spécialiste en région. Lorsqu'il est assis dans son bureau à Québec, il va être capable de couvrir toute la Gaspésie.

M. Laroche (Gilles): C'est une façon de voir, excepté...

Le Président (M. Garon): Là, vous, vous le mettez à Rimouski, mais si, à un moment donné, vous ne l'occupez pas à plein temps à Rimouski...

M. Laroche (Gilles): C'est-à-dire que...

Le Président (M. Garon): ...ça ne sera pas long que le ministre de la Santé va vous dire: Mettons-le à une place où on va l'occuper à plein temps.

M. Laroche (Gilles): Il y en a à Québec, et c'est nécessaire qu'il y en ait à Québec, évidemment. Il y a une population importante à Québec. Mais si, à Gaspé, par exemple, il y a un spécialiste là qui peut desservir une population de, je ne sais pas, moi, 150 000 de population alentour puis qu'il y a de l'ouvrage pour un spécialiste, bien, il peut vivre à Gaspé. Il peut participer à l'établissement d'un diagnostic, s'il n'a pas toutes les compétences, avec le spécialiste qui est à Québec, mais il n'est pas obligé de dire à son patient: Bien, écoute, je ne peux rien faire pour toi, je t'envoie à Québec.

Le Président (M. Garon): Non, non.

M. Laroche (Gilles): Il peut le garder à Gaspé, il peut avoir accès à un spécialiste et puis il peut accomplir son travail avec une meilleure qualité. En fait, quand on parle de redessiner les services de l'État, là, ça, c'est comme dans l'entreprise privée, quand on fait les exercices de révision de processus d'affaires, c'est bien clair qu'on raccourcit les délais puis qu'on améliore la productivité, mais ça a un objectif premier qui est l'amélioration de la qualité du service qu'on donne à notre client. Si on réussit à faire les choses plus rapidement, notre client va être bien plus content que si on passe par cinq, six intermédiaires pour le faire. Au lieu d'avoir cinq, six personnes une en arrière de l'autre pour desservir notre client, on dit: Vous allez vous mettre tous les cinq en avant puis vous allez avoir ce qu'il faut pour desservir cinq clients à la fois. Alors, c'est ça, la réingénierie des processus. Puis ce qu'on dit: Le gouvernement, je pense, en est là, et puis les outils, on peut les fournir.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, messieurs, madame. Juste une question. Vous avez parlé tantôt de la promotion touristique de la région de Gaspé. Comment est-ce qu'on a concilié le désir de promouvoir un contenu français avec également le fait qu'on veut attirer les touristes américains et les autres? Les auberges, et tout ça, qui sont sur votre site, comment est-ce qu'on a fait cette conciliation?

M. Gagnon (André): De la façon dont les contenus sont développés, la plateforme technologique est indépendante du langage ou de la langue. Ce qui fait qu'on monte le site, c'est une espèce de coquille dans laquelle on peut mettre du français, de l'anglais, de l'espagnol, peu importe. Alors, c'est très facile, on n'a qu'à faire une traduction et à traduire le texte, non pas les icones, les graphiques, tout ça. C'est le texte qui est traduit. C'est très facile à faire. On a un bouton qui s'appelle «pour en anglais, for English, press here», ou «pour français, appuyez ici», et le tour est joué, le contenu est disponible. On le fait en anglais et français, et on a des projets en Amérique latine où on va le faire en espagnol aussi. C'est facile. Avec la technologie qui a été développée, la plateforme technologique est vraiment indépendante de la langue.

M. Kelley: Parfait, merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les porte-parole de Québec-Téléphone de leur contribution aux travaux de cette commission. Puisque l'heure de midi est arrivée, je vais suspendre les travaux de la commission jusqu'à après les affaires courantes, à 15 h 30.

M. Laroche (Gilles): Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 6)

(Reprise à 15 h 39)

Le Président (M. Garon): Je déclare la commission de la culture ouverte et j'invite immédiatement les porte-parole de AT&T à se présenter... et leur dire que nous avons une heure ensemble. Donc, normalement, 20 minutes pour votre exposé, 20 minutes pour les députés ministériels, 20 minutes pour l'opposition officielle pour vous poser des questions. Si vous prenez plus de 20 minutes, ce qui n'est pas interdit, ils auront moins de temps pour vous parler, vous poser des questions, et, si vous prenez moins de temps, ils auront plus de temps, mais ils ne sont pas obligés de prendre le temps.

Allez-y. Si vous voulez d'abord vous présenter et faire votre exposé.


AT&T Canada services interurbains

M. Trudeau (Denis): Merci, M. le Président, Mme la vice-présidente. Mon nom est Denis Trudeau, je suis vice-président pour le Québec pour AT&T Canada services interurbains.

(15 h 40)

Permettez-moi d'entrée de jeu de vous remercier de nous recevoir aujourd'hui et de nous permettre de commenter sur le rapport de la commission intitulé «Les enjeux du développement de l'inforoute québécoise». Je voudrais, avant de commencer, vous présenter les gens qui m'accompagnent aujourd'hui. Alors, à ma gauche, M. Peter Barnes, qui est vice-président affaires publiques pour AT&T Canada inc. M. Barnes est aussi membre du conseil d'administration de notre entreprise, qui est AT&T Canada services interurbains. À ma droite, M. Denis Choquette, qui est vice-président et directeur général d'iSTAR internet pour le Québec et l'Est du Canada.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, nous devons préciser que Communications Unitel a changé son identité corporative le 9 septembre dernier. En effet, depuis cette date, notre compagnie porte le nom de AT&T Canada services interurbains. Nous avons effectué ce changement après avoir étudié ce que les Canadiens et les Québécois pensaient de nous. Nous avons alors constaté que le nom d'AT&T était synonyme de qualité et d'excellence en matière de service à la clientèle, d'innovations technologiques et de crédibilité financière. La marque AT&T traduit aussi un engagement renforcé à fournir des services de classe internationale.

AT&T Canada demeure une compagnie canadienne dont les décisions se prennent au Canada. D'ailleurs, le CRTC a rendu une décision, le 16 octobre dernier, qui confirme que la structure de propriété d'AT&T Canada services interurbains est tout à fait conforme aux lois canadiennes sur les télécommunications. La propriété, elle est propriété d'AT&T Canada inc., de la Banque Scotia, de la Toronto-Dominion et de la Banque Royale du Canada. Nous sommes l'un des plus importants fournisseurs de services de télécommunications au pays. Notre entreprise emploie plus de 2 600 personnes au Canada, dont plus de 350 au Québec. Nous offrons aux entreprises et aux consommateurs une variété de produits et de services économiques et efficaces sur le marché des télécommunications interurbaines. AT&T Canada services interurbains met à la disposition de ses clients une vaste gamme de services nationaux et internationaux, y compris des services publics commutés de transmission interurbaine de la voix, des services de lignes privées et des services de transmission de données, ce qui comprend évidemment les services sur Internet, dont on parlera tout à l'heure.

Comme notre société est membre du groupe AT&T Canada, nous pouvons offrir à notre clientèle des solutions de télécommunications globales qui peuvent l'accompagner partout dans le monde. Et, à cet effet-là, M. Barnes vous entretiendra des possibilités sous peu.

Que peut offrir AT&T Canada services interurbains en ce nouvel âge de l'information? Nous nous sommes pleinement engagés à mettre à leur disposition des services innovateurs qui leur permettront de parcourir sans difficulté l'inforoute. Ainsi, en septembre 1996, AT&T Canada services interurbains a signé une entente avec la société iSTAR internet, le plus important fournisseur de services Internet au Canada. Grâce à ce partenariat, notre compagnie est maintenant en mesure d'offrir une gamme complète des services Internet. En joignant ses forces à celles de la société iSTAR, AT&T Canada est convaincue qu'elle peut profiter des connaissances les plus poussées en matière de technologies Internet qui soient disponibles au pays, notamment pour ce qui est de la connectivité, des branchements spécialisés à l'intention de clients commerciaux, des services professionnels, de l'accès des consommateurs par lignes commutées et de la conception de sites Web, de l'Intranet et, évidemment, des transactions commerciales par voie électronique. Mon collègue Denis Choquette, vice-président et directeur général d'iSTAR internet, pourra d'ailleurs vous entretenir sur ces sujets-là dans quelques minutes.

Dans le document de travail intitulé «Les enjeux du développement de l'inforoute québécoise», la commission de la culture invite les intéressés à se prononcer sur plusieurs questions, dont celles de la langue, de la culture, du droit d'auteur, de l'accessibilité, de la confidentialité, du contrôle des contenus, de la lutte au crime, de la protection du consommateur et du développement technologique et économique ainsi que de l'éducation et de la santé. Évidemment, nous n'avons pas l'intention de traiter de toutes ces questions, mais uniquement de celles sur lesquelles nous estimons pouvoir faire des suggestions utiles aux membres de la commission. La vitalité culturelle du Québec et le rôle que peut jouer le secteur des télécommunications en vue de promouvoir et de protéger le patrimoine culturel et linguistique du Québec revêtent une importance capitale pour AT&T Canada.

Certes, il est presque superflu de souligner que les interfaces utilisatrices de nos services d'accès à Internet sont disponibles en français, tout comme les renseignements qui figurent sur notre site Web. Les documents imprimés servant à renseigner notre clientèle sur nos produits et nos services sont aussi disponibles en français. Nos employés du service à la clientèle répondent à toutes les demandes de renseignement provenant des clients francophones dans leur langue.

De plus, de concert avec nos partenaires, AT&T Canada mène actuellement des activités de recherche et de développement en vue de faciliter, d'harmoniser et de valider les transactions commerciales effectuées sur Internet, et ce, en toute sécurité.

Alors qu'Internet est en voie de devenir une source d'information de première importance et l'un des principaux marchés du village global, il est tout à fait compréhensible que les Québécois et les Québécoises, comme beaucoup d'autres sociétés dans le monde, s'inquiètent du rôle de l'anglais en tant que langue de communication sur l'autoroute de l'information. Le français, comme d'ailleurs toutes les autres langues autres que l'anglais, occupe une place très modeste dans l'ensemble des contenus accessibles sur Internet. Mais, en contrepartie, il importe d'envisager les avantages qui découlent de l'accessibilité de l'inforoute pour la société québécoise.

Il est bien connu que la quantité d'informations et de services disponibles sur l'inforoute explosera littéralement au cours des années à venir. Déjà, la masse de renseignements qu'on y retrouve est si énorme que même les internautes les plus acharnés ne parviennent à en découvrir qu'une infime fraction. Chaque utilisateur ne peut emprunter qu'un nombre limité de sentiers et n'arriver qu'à un nombre limité de destinations sur le réseau des réseaux. Du point de vue de l'utilisateur, l'immensité d'Internet se résume aux sites qu'il consulte en fonction de ses besoins et de ses préférences. Ce qui importe davantage est que les utilisateurs et les fournisseurs de contenus doivent pouvoir échanger librement de l'information, sous réserve de considérations d'éthique, dans toutes les langues.

AT&T Canada convient avec les membres de cette commission qu'il y a des signes encourageants en ce qui concerne l'utilisation du français et des autres langues sur l'Internet. Comme vous le précisez dans votre document, et je cite: «Au Québec, où l'on vit une explosion de l'usage d'Internet, la majorité des nouveaux sites créés sont en français. Lorsqu'ils s'adressent à une plus large communauté, ils sont en anglais ou bilingues.» AT&T Canada est en faveur de l'utilisation de plusieurs langues sur Internet et appuierait des politiques visant à promouvoir et à étendre l'utilisation du français sur Internet.

Les inforoutes constituent un moyen sans précédent qui permet à la population du Québec de s'ouvrir sur le monde, de mieux le comprendre et de participer à sa conquête. C'est un merveilleux outil pour faire la promotion des produits et des services québécois sur les marchés d'exportation. C'est aussi un outil idéal pour promouvoir le Québec comme destination touristique aux étrangers et pour faire connaître le potentiel de développement du Québec aux investisseurs de l'extérieur. Mais, avant tout, c'est un formidable instrument pour donner à la culture québécoise un plus grand rayonnement dans le monde. Selon nous, c'est là une entreprise à laquelle le gouvernement doit s'associer en y jouant un rôle qui, tout en demeurant modeste, n'en serait pas moins stratégique. À cette fin, nous souhaitons résumer notre point de vue en présentant les recommandations qui suivent.

Premièrement, dans le but d'offrir aux Québécois francophones un accès raisonnable en langue française aux sources d'information et d'apprentissage capables de les mettre en contact avec la culture et la connaissance universelles, AT&T Canada services interurbains propose aux membres de la commission de la culture de favoriser la mise en place de partenariats entre les établissements d'enseignement, des musées, des bibliothèques et des concepteurs de sites Web, au Québec et dans le reste de la communauté francophone internationale, et ce, afin d'offrir des sites français conçus où les usagers francophones se reconnaissent.

(15 h 50)

Deuxièmement, afin d'ouvrir sur Internet une fenêtre qui permette d'exposer notre patrimoine culturel québécois à la fois riche et unique, AT&T Canada suggère aux membres de la commission que le Secrétariat de l'autoroute de l'information obtienne la collaboration d'organisations culturelles indépendantes en vue de sélectionner un certain nombre d'oeuvres, d'écrits et de réalisations parmi les principaux fleurons de notre héritage culturel et de veiller à la réalisation progressive de versions numérisées de ces oeuvres qui soient appropriées pour l'autoroute de l'information. En outre, AT&T Canada propose de constituer un fonds spécial pour assurer le financement de la numérisation et de l'adaptation de certaines oeuvres qui ne retiendraient pas l'attention du secteur privé mais dont la valeur patrimoniale est indiscutable.

En troisième lieu, pour que les artistes et les créateurs québécois puissent occuper une plus grande place sur la scène internationale, nous suggérons également qu'un fonds spécial puisse venir en aide à des organisations culturelles afin de faciliter l'accès à l'autoroute de l'information aux créateurs québécois de toutes disciplines, y compris et avant tout à ceux et à celles qui voudraient concevoir des formes de communication et d'expression artistique originales et uniques aux inforoutes.

En quatrième lieu, afin d'exploiter le potentiel qu'offrent les inforoutes en vue de promouvoir les intérêts économiques du Québec, nous proposons aux membres de cette commission que le gouvernement du Québec, en collaboration avec les milieux d'affaires québécois, établisse un site pour permettre à nos entreprises, notamment les plus petites, de faire connaître leurs produits et leurs services aux clients de l'extérieur. Un outil de ce genre pourrait aussi favoriser la prospection d'investissements étrangers en fournissant un point d'information et d'ancrage à ces derniers.

En dernier lieu, enfin, en vue de maximiser l'impact des efforts consacrés à la promotion de la diversité économique, sociale et culturelle du Québec dans l'ensemble du monde, nous recommandons aux membres de la commission de déployer des efforts supplémentaires pour accroître la quantité de renseignements traduits en d'autres langues et le nombre de langues dans lesquelles ces renseignements peuvent être consultés, et ce, afin de promouvoir l'esprit d'ouverture de la société québécoise.

En ce qui a trait à l'accessibilité, il est d'importance primordiale que tous les citoyens puissent avoir équitablement accès à l'information et aux instruments leur permettant de maîtriser et d'exploiter le potentiel que laisse entrevoir ce nouvel âge de l'information. Tout au long de notre histoire, nous avons consacré beaucoup d'efforts à lutter contre les inégalités sociales. Pour éviter de créer un fossé entre les branchés et les autres, il faut veiller à ce que l'accès aux inforoutes soit à la fois abordable et facile pour tous, nonobstant les écarts de revenus et la situation géographique. Les citoyens des régions rurales et ceux qui sont désavantagés sur le plan économique ont un droit égal à celui de tous les autres Québécois en ce qui concerne l'accès à l'autoroute de l'information. AT&T Canada favorise la concurrence comme moyen d'assurer l'accessibilité aux services offerts sur l'autoroute de l'information non seulement pour tous les Québécois, mais pour toute personne peu importe où elle se trouve dans le monde.

L'accès pour tous est précisément le résultat vers lequel tend la libre concurrence entre les entreprises privées et celui grâce auquel les inforoutes ont jusqu'ici pu connaître le développement remarquable que nous avons observé. Malgré l'absence quasi complète de réglementation, le libre marché dans lequel opèrent les entreprises a rapidement convergé vers l'objectif d'une plus grande accessibilité. Progressivement, l'accès aux inforoutes devient moins coûteux, plus convivial et plus répandu, même dans les endroits les plus reculés du continent et de la planète, alors que sa valeur, représentée par la richesse accrue de ses contenus, elle augmente.

Pour les années à venir, il est facile de prédire que ces tendances se maintiendront. Le coût du matériel et des logiciels ne cesse de fléchir. Pour ce qui est des services de communication, les perspectives sont aussi bonnes. Les dernières audiences du CRTC consacrées à la concurrence sur le marché de la téléphonie locale et l'engagement récent du gouvernement du Canada à poursuivre une politique de convergence marquent le début d'une ère de concurrence libre et entière entre les compagnies de téléphone et les câblodistributeurs sur toute la gamme des services de communication, y compris, bien entendu, les services disponibles sur les inforoutes. D'autres sources de concurrence et de nouveaux services inforoutiers proviendront de fournisseurs de services de communications personnelles, ce qui est appelé les SCP – qui commencent dès maintenant à offrir des nouveaux services publics de communication – et aussi des fournisseurs de services locaux de communication multipoints qui, eux, devraient obtenir leur licence d'ici à la fin de l'année.

Selon nos prévisions, au début du prochain millénaire, la majorité des Occidentaux, dont les Québécois, auront accès à un réseau qui offrira, dans un cadre parfaitement intégré, des services de téléphonie, de courrier électronique, de babillard électronique, de télévision, de radio, de films à la carte, de jeux de toutes sortes, de vidéoconférences, ainsi qu'une gigantesque bibliothèque multimédia universelle. La concurrence peut transformer ce scénario en réalité. Elle permettra à tous les Québécois et à toutes les Québécoises de profiter de services inforoutiers à la fois peu coûteux et innovateurs.

Permettez-moi une parenthèse au sujet des avantages de la libre concurrence. Depuis plusieurs années, notre entreprise se fait le promoteur de la libre concurrence dans le marché de l'interurbain. Depuis 1992, ce marché est ouvert à la concurrence. Cette ouverture a permis aux consommateurs québécois de réaliser d'importantes économies. Elle leur a aussi permis d'avoir accès à une gamme de produits et de services qui répondent mieux à leurs besoins. Pourquoi alors le gouvernement du Québec, un des seuls en Amérique du Nord, ne fait-il pas appel à la concurrence dans ce marché actuellement? S'il avait fait appel à la concurrence, il aurait réalisé des économies de plus de 30 000 000 $ sur ses propres services de télécommunications, et ce, depuis 1992. Nous évaluons en termes très conservateurs que les économies récurrentes du gouvernement du Québec en cette matière pourraient atteindre près de 10 000 000 $.

D'autre part, existe-t-il beaucoup de produits ou services offerts par plusieurs entreprises installées ici, au Québec, qui sont achetés par le gouvernement du Québec, et ce, sans processus d'appel d'offres? Pourquoi en est-il encore ainsi pour les services d'interurbain plus de quatre ans après l'ouverture de ce marché? En cette période où nos gouvernements sont préoccupés par l'équilibre de leurs finances publiques, il serait à notre avis opportun que le gouvernement fasse appel aux forces du marché pour diminuer ses dépenses d'interurbain. C'est pourquoi nous suggérons au gouvernement de favoriser dès le départ une libre concurrence dans le marché des inforoutes. Ceci permettra aux usagers de toujours bénéficier des meilleurs produits, et ce, aux meilleurs prix.

Si le gouvernement du Québec envisage de jouer un rôle complémentaire en vue d'accélérer ce processus ou de faciliter l'accès à l'inforoute de l'information, le meilleur outil à sa disposition demeure le réseau public de bibliothèques. Il y a actuellement environ 900 bibliothèques sur l'ensemble du territoire québécois. Dans beaucoup de petites municipalités, elles sont aussi au centre de la vie culturelle locale. De toute évidence, le rôle et les méthodes de travail des bibliothèques changeront radicalement avec l'avènement des inforoutes. Mais leur capacité d'adaptation devrait profiter du fait que leurs fonctions exigent déjà qu'elles recueillent et diffusent de l'information, qu'elles réalisent des recherches documentaires et qu'elles aident les utilisateurs. À vrai dire, elles constituent déjà ce que l'on pourrait presque considérer comme le cadre idéal où offrir un accès à la fois rapide et simple aux inforoutes pour ceux et celles qui souhaitent s'en servir mais qui n'ont pas les ressources personnelles pour le faire.

Bref, nous croyons que la meilleure façon d'appuyer le développement des inforoutes au Québec et de faire en sorte que tous les citoyens en profitent pourrait s'articuler dans deux grandes approches: permettre aux forces vives et dynamiques du marché d'offrir des produits et services inforoutiers et utiliser le réseau de bibliothèques publiques pour offrir une autre voie d'accès qui pourrait être complémentaire à celle proposée par le secteur privé.

Cela nous amène à faire les deux recommandations suivantes:

Afin de ne pas ralentir le rythme actuel des entreprises privées, qui ont jusqu'à maintenant réussi à offrir un accès sans cesse plus rapide, convivial et abordable, nous recommandons aux membres de la commission de laisser la concurrence déterminer la façon dont sera atteint l'objectif d'accessibilité;

(16 heures)

Enfin, en complément des réseaux privés et dans le but de mettre à la portée de tous les citoyens les richesses que recèle l'autoroute de l'information, nous recommandons aux membres de la commission d'appuyer les responsables des bibliothèques publiques qui, avec le soutien financier des autorités municipales concernées, sont déjà prêts à procéder à la mise en place des équipements requis dans leur localité pour faciliter l'accès à l'inforoute à l'intention de leurs clientèles.

En conclusion, l'avènement de l'autoroute de l'information laisse maintenant entrevoir une promesse jusqu'ici largement insoupçonnée, soit celle de pouvoir communiquer et transiger à l'échelle de la planète. Par l'entremise d'AT&T, notre entreprise s'avère un ardent promoteur de l'expansion des services de l'information ayant trait aux soins de santé sur l'inforoute. Grâce à l'autoroute de l'information, les citoyens pourront progressivement assumer une plus grande part de responsabilité pour leur santé.

Enfin, comme nous l'avons indiqué, AT&T Canada services interurbains recommande aux membres de la commission de proposer d'intervenir par l'entremise d'un fonds spécial pour faciliter l'accès à l'autoroute de l'information pour les créateurs québécois de toutes disciplines et, particulièrement, ceux et celles qui souhaitent concevoir des formes de communication et d'expression artistiques uniques aux inforoutes. Si le gouvernement du Québec devait aller de l'avant avec notre proposition visant à constituer un tel fonds en vue de financer l'accès à l'autoroute de l'information pour les créateurs et à numériser des oeuvres ayant une valeur patrimoniale et si le gouvernement devait rechercher des partenaires à cette fin, nous serions heureux de verser une contribution annuelle à un tel fonds.

Je vous remercie et, maintenant, j'aimerais demander à M. Barnes de vous adresser quelques mots.

M. Barnes (Peter): Merci, M. Trudeau. M. le Président, Mme la vice-présidente, mesdames, messieurs, permettez-moi d'abord de vous remercier d'avoir accepté que nous nous présentions devant vous aujourd'hui. Je veux commencer un peu par donner un aperçu de ce qu'est AT&T et faire le lien avec les services interurbains, là, essayer de démystifier la structure. C'est peut-être un peu méconnu des gens.

Alors, AT&T a vu le jour il y a plus de 100 ans aux États-Unis et elle s'est en grande partie intéressée alors à la téléphonie, tout en ne négligeant pas l'aspect recherche-développement qui allait contribuer à faire entrer la société de plain-pied dans l'ère des autoroutes de l'information. AT&T n'a pas subi la révolution technologique, elle l'a faite avec d'autres entreprises de par le monde pour que nous puissions aujourd'hui, en bout de ligne, communiquer entre nous plus efficacement et plus rapidement.

Toutefois, AT&T n'a jamais prétendu avoir la science infuse. Ainsi, le monopole – oui, il faut dire le mot – que nous détenions aux États-Unis a longtemps laissé la fâcheuse et fausse impression que notre compagnie pouvait faire la pluie et le beau temps dans l'univers des télécommunications sans trop se soucier véritablement des intérêts de sa clientèle. En ce sens, la déréglementation américaine, l'avènement de la concurrence aura eu le mérite de remettre les pendules à l'heure, de nous forcer à élargir notre vision et de nous faire connaître un nouvel essor qui, je crois, sert avant tout le consommateur.

AT&T s'est donc fragmentée progressivement, a modifié, par conséquent, son approche et ses priorités, diversifié ses opérations, créé de nouveaux champs d'expertise, changé la perception qu'on avait de son image et s'est adaptée au nouvel environnement concurrentiel. C'est dans ce contexte qu'est née la toute nouvelle compagnie AT&T Canada. Nous avons commencé bien modestement nos opérations au Canada en 1980. On ne nous prenait pas très au sérieux alors. Comme aurait dit un célèbre capitaine du Québec: Les sceptiques sont aujourd'hui confondus.

Notre présence au Québec et notre philosophie reposent avant tout sur des alliances stratégiques avec les gens d'ici. Prenons un exemple hypothétique. Une petite entreprise de télécommunications de Saint-Georges de Beauce pourrait vouloir offrir une multitude de services de télécommunications mais fait face à la concurrence de compagnies qui dominent le marché, ce qui la désavantage. Pourtant, mieux que quiconque, elle connaît son marché et les besoins propres de sa clientèle. Avec son apport technologique, sa renommée et ses investissements, AT&T pourrait s'associer avec cette société en partenariat, ce qui lui vaudra d'être aussi compétitive que ses concurrents.

Aussi est-il juste de dire que, grâce à l'avènement de la concurrence, même si elle est arrivée tardivement et qu'elle ne soit pas encore tout à fait complète, nous serons désormais en mesure de nous allier avec un grand nombre de fournisseurs qui pourront offrir à leurs clientèles toute la gamme des services de télécommunications. Non seulement le pourront-ils, mais encore ils pourront le faire en se réclamant de la tradition d'excellence d'AT&T, en utilisant sa marque de commerce et en profitant de sa recherche-développement, des plus récentes innovations technologiques qui en découlent ainsi que de son expertise séculaire. Pour nous, le client passe avant tout. Nous croyons que le client a droit au meilleur service et au meilleur rapport qualité-prix, mais nous croyons aussi qu'il a le droit de choisir avec qui il veut traiter. Aussi, l'élargissement de la concurrence sera-t-il bénéfique autant pour la clientèle québécoise que pour les fournisseurs québécois et le futur de l'inforoute, et AT&T compte bien multiplier ses alliances stratégiques à la grandeur du Québec.

La convergence des médias, qui devient de plus en plus réalité, affecte maintenant toutes les industries des télécommunications. Comme le mentionnait M. Trudeau, les compagnies de téléphone et de câble ne se vouent plus strictement à leur domaine respectif. En effet, elles apprennent aujourd'hui à diversifier pour demain leurs expertises dans les domaines de la téléphonie, du câble, de la vidéo, de la télévision et de l'informatique. Ce faisant, elles pourront donc être plus concurrentielles et mieux desservir une clientèle qui exige à la fois une plus grande gamme de services et un plus grand éventail de fournisseurs parmi lesquels elle peut librement choisir.

C'est dans ce contexte que nous avions décidé, il y a quelques années, d'offrir une large gamme de services. En 1990, par exemple, nous avons lancé notre propre carte de crédit universelle qui est devenue la troisième en importance aux États-Unis avec plus de 18 000 000 de détenteurs. En 1994, nous devenions un intervenant majeur dans le service de télécommunications sans fil en acquérant la compagnie McCaw Cellular, qui desservait alors une grande partie de la clientèle américaine. Plus récemment, nous annoncions notre entrée sur l'Internet avec notre réseau baptisé «World Net» et notre service qu'on appelle «Easy Commerce», que nous pourrions traduire librement par «commercer du bout des doigts». En mars dernier, nous avons participé, comme partenaire minoritaire, au lancement d'un satellite destiné au divertissement, avec General Motors et Hughes DirecTv.

Au Québec et au Canada, nous comptons suivre la même voie de diversification, soit des projets novateurs axés sur les besoins des consommateurs, avec pour partenaires des entreprises québécoises et canadiennes dynamiques. Dans cette foulée, vous comprendrez alors que, en tant que membre du conseil d'administration d'AT&T Canada services interurbains et en tant que représentant de l'investisseur majeur dans cette société, je ne puis que souscrire à la position que vous a soumise mon collègue ici présent, M. Trudeau, en ce qui a trait au ferme engagement d'AT&T en faveur de l'inforoute québécoise.

Toutefois, cet appui ne repose pas que sur des impératifs concurrentiels ou économiques. Comme le gouvernement du Québec, nous nous soucions aussi de certains éléments qui pourraient ralentir notre course commune sur cette inforoute, comme la protection de la vie privée et la confidentialité des informations. Deux exemples le confirmeront. J'ai évoqué tantôt notre carte de crédit universelle. Eh bien, nous nous sommes assurés que les détenteurs jouiraient d'une protection maximale en les dégageant de toute responsabilité si quelqu'un devait se servir frauduleusement de leur carte sur Internet. Lorsqu'un client – et ceci est mon autre exemple – veut se brancher sur l'Internet via notre réseau World Net, il se verra invité à se choisir un premier mot de passe pour son numéro de compte, un deuxième pour son identification et un troisième pour avoir accès au courrier électronique. Pour assurer une plus grande confidentialité encore, nous avons prévu que, lorsque l'internaute communiquera avec nos employés relativement à son compte, ces derniers ne lui demanderont que les trois ou quatre derniers chiffres de son numéro à huit chiffres. Donc, même notre personnel est tenu dans le secret.

Nous nous soucions également de l'utilisation du français sur l'inforoute et, surtout, de l'accès à des informations en français. À ce chapitre, World Net s'est allié à la Globalink Web Translator qui offre des logiciels permettant la traduction assistée par ordinateur de textes qui sont dans une langue autre que le français. Comme nous comptons offrir des services tout compris – logiciels, accès et services – faits sur mesure pour la clientèle québécoise, il sera donc possible, en accédant à un site d'information où les renseignements sont en anglais, d'avoir sur-le-champ la version française en appuyant sur la touche appropriée.

Comme vous le constatez, AT&T Canada veut convier les Québécois et les Québécoises à une table variée, faite de choix multiples et leur conférer une valeur ajoutée en termes de services de télécommunications haut de gamme, de service à la clientèle, d'intégrité et de force globale. Notre mission, nous voulons l'accomplir avec et pour les gens d'ici. Pour ce faire, nous avons déjà conclu une alliance importante qui a donné lieu à la naissance des services interurbains. D'autres sont encore à venir. Cela vaut autant pour les services de communication que pour nos commandites d'événements culturels qui sont toujours aussi chers aux Québécois, même en période d'effervescence technologique.

(16 h 10)

En terminant, je vous rappellerai seulement la détermination d'AT&T pour créer des partenariats avec des entreprises québécoises afin que nous puissions ensemble ajouter une plus-value à l'inforoute québécoise, notre sérieux souci de protéger la vie privée de la clientèle inforoutière et notre ferme appui à l'accès à des services en français. Je vous remercie.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Oui, merci beaucoup pour cette excellente présentation. Moi, j'aimerais poser une question sur un sujet qui est central dans votre mémoire et sur lequel vous êtes revenu dans votre exposé oral, à savoir la concurrence. Si j'ai bien compris, vous êtes insatisfaits de la situation de déréglementation actuelle parce que vous souhaiteriez que l'ouverture à la concurrence soit beaucoup plus grande qu'elle l'est actuellement. Vous avez mentionné, évidemment, la question des décisions du gouvernement québécois de ne pas faire appel à des appels d'offres dans le domaine de l'interurbain. Là, je pense que, sur cette question-là, on ne pourra pas répondre à votre question, parce que c'est plutôt au Conseil du trésor que vous auriez à demander ça qu'à la commission parlementaire sur la culture et les communications, mais... Et je dois dire aussi qu'il ne fait aucun doute que, dans notre esprit, la concurrence doit jouer, disons, à fond de train dans ce champ dont on parle maintenant, puisque, finalement, ça sera ultimement une des conditions d'assurer la meilleure qualité de services, et ainsi de suite.

Mais on s'est fait dire, par ailleurs, lors de présentations antérieures que, vous autres, AT&T, pour essayer de parler en français – je n'aurais pas de difficulté à prononcer si je le disais en anglais – vous aviez un certain avantage comparé à d'autres firmes en matière de concurrence. En fait, ce qu'on nous a dit – et ça, je ne répète que des propos qui ont été tenus ici; je ne les fais pas miens – c'est que le CRTC avait tendance à vous favoriser dans certains jeux, entre autres, contre d'autres compagnies de télécommunications, les compagnies de téléphone en particulier, mais que, évidemment, étant donné la taille incroyable de la compagnie dont vous faites partie et dont vous n'êtes qu'une filiale, ces mêmes compagnies, au Canada, qui, elles, ont à concurrencer avec vous dans des conditions qu'elles décrivent comme plus ou moins favorables – mais, ça, ce n'est pas moi qui le dis – par ailleurs, ne sont pas en mesure de concurrencer avec vous ou avec d'autres compagnies sur le marché américain.

Donc, ce qu'on vous a reproché, à tort ou à raison, c'est d'être en faveur d'une déréglementation poussée ici, au Canada. Je pense qu'on n'a pas mentionné que vous aviez une opinion là-dessus, mais, par ailleurs, on a mentionné que des barrières, disons, à la concurrence pour des octrois de services existaient aux États-Unis compte tenu des politiques du gouvernement américain, et des gens ont trouvé que c'était à leur désavantage. Alors, moi, ce que j'aimerais savoir d'abord, c'est, comme on dit: Qu'en est-il de cette espèce de relation d'inégalité pour ce qui est de la concurrence de part et d'autre des frontières canado-américaines? Et, plus largement, j'aimerais savoir pourquoi vous semblez exprimer tant d'insatisfaction par rapport à la concurrence et ce que vous souhaiteriez... Bien, dans le cas des appels interurbains, j'ai compris ce que vous souhaiteriez qu'on fasse, mais, en général, comment voyez-vous la déréglementation? Jusqu'à quel point voyez-vous la déréglementation comme devant asseoir un marché, disons, absolument concurrentiel?

Donc, au fond, j'ai deux questions. La première, c'est sur l'opinion qu'on nous a exprimée. J'aimerais avoir vos réactions. Et l'autre question, c'est: Vraiment, vous, votre vision du marché concurrentiel ou de la concurrence, ça va où puis ça s'arrête où ou ça va jusqu'au bout et ça ne s'arrête nulle part? Merci.

M. Barnes (Peter): M. le Président. Merci, M. Laporte. Je pense qu'il est important, d'entrée de jeu, de relativiser ce qu'est le marché aujourd'hui. Quand j'entends les détenteurs d'une part de marché de 80 %, les compagnies de téléphone qui ont comparu devant vous, dire que, nous, on a un avantage dans le marché quand ça fait quatre ans que le marché est concurrentiel, que nos prix sont de 15 % à 25 % plus bas puis qu'ils ont encore 80 % du marché, je me dis: Il y a une irrationalité économique, il me semble.

Ce qu'il est important de noter, c'est que, même pas plus tard qu'avant-hier ou jeudi passé, le CRTC a reconnu que les compagnies de téléphone avaient un avantage dans le domaine de l'interurbain, parce que, si vous allez à un téléphone public puis que vous essayez d'utiliser une carte d'appel électronique autre que celle de Bell, comme celle d'AT&T Canada, ça ne fonctionne pas. Alors, la semaine dernière, le CRTC a reconnu que c'était un avantage indu de leur part et il leur a donné trois mois pour ouvrir ce créneau monopolistique – le téléphone public, parce que c'est seulement eux qui l'ont – à la concurrence.

Alors, je pense que l'agence de réglementation a reconnu ça et je pense que, de plus en plus, c'est certain qu'on va avoir de la concurrence dans ce marché-là. Si vous allez à une téléboutique pour vous abonner aux services téléphoniques, le seul service interurbain dont on va vous parler, évidemment, ça va être celui de Bell. Alors, il y a des avantages qu'ont les compagnies de téléphone, et je pense que le résultat dans le marché – 80 % de part de marché après quatre ans de concurrence où les concurrents offrent des prix 15 %, 25 %, 30 % de plus bas – est une indication de la force de marché qu'ont nos concurrents.

Ça me fait toujours un peu sourire quand j'entends souligner les ressources immenses d'AT&T par nos concurrents parce que, ce qui est important, c'est que, quand une firme, que ce soit AT&T ou une autre, investit dans une compagnie comme AT&T Canada services interurbains, elle a beau avoir des ressources, elle ne peut pas investir pour perdre de l'argent. Et, pendant longtemps, comme vous le savez, la compagnie qui précédait AT&T Canada services interurbains a perdu de l'argent. Ils perdaient beaucoup d'argent. Alors, je pense qu'il faut relativiser ces questions-là.

En ce qui a trait à l'entrée sur le marché américain – juste une dernière petite chose – Téléglobe, récemment, a fait une entrée remarquée sur le marché américain. La FCC, la Federal Communications Commission, a approuvé l'entrée de Téléglobe sur le marché américain. BCE a acheté, il n'y a pas tellement longtemps ou il y a déjà quelques années déjà, une part importante d'une compagnie de câblodistribution. Alors, il y a des discussions qui vont se concrétiser ce printemps à Genève dans le contexte de l'Organisation mondiale du commerce. Il y a peut-être des choses à régler dans divers pays, mais je pense que c'est inexact de dire que le marché américain est complètement fermé. En témoignent ces deux décisions-là, ces deux investissements-là.

Pour revenir à votre question à savoir comment le gouvernement du Québec peut aider, comment le travail de cette commission peut aider, je pense qu'il serait toujours bon de garder comme touche, comme point d'appui le fait que la concurrence, le libre choix du consommateur va être la façon pour que les concurrents se dépassent pour amener de meilleurs services à la clientèle et que, s'il y a des situations où les marchés sont contrôlés par un ou deux joueurs, ce n'est pas à l'avantage de la clientèle. Alors, de faire, de créer une structure qui fasse en sorte que la concurrence puisse jouer sous tous ces domaines, je pense que c'est ça qu'on vous demande.

M. Laporte: Mais, si vous permettez, M. le Président, j'aimerais pousser un peu plus loin, parce que pas seulement ce matin, mais aussi, disons, parce que ça fait tout de même presque trois semaines qu'on siège, et d'autres entreprises sont venues nous parler... La question est précisément selon ce que vous venez de dire. Les gens nous ont dit que ce qui serait souhaitable, c'est que la concurrence ne se fasse pas sur les infrastructures, mais que la concurrence se fasse sur les contenus, parce que vous dites: Évidemment, ce serait la meilleure chose que le consommateur québécois ait la meilleure qualité au meilleur prix. Mais est-ce que, ça, il faut conclure que vous, vous jugeriez souhaitable que la concurrence se fasse sur les infrastructures, disons, dans leur ensemble, quitte à ce que... On nous a dit, par exemple, qu'actuellement il y avait, quoi, quatre câbles de fibre optique entre Québec et Montréal et qu'on était en train de songer à en établir un cinquième. Qu'est-ce que vous pensez de cette philosophie qui nous a été maintes fois répétée voulant qu'il devrait y avoir entre les compagnies de télécommunications – mais, au sens très large, pour inclure à la fois les compagnies de téléphone et les compagnies de câble – de la coopération sur la question des infrastructures, sur la question, disons, de la quincaillerie, si on peut parler dans ce sens-là, mais que, par ailleurs, il devrait y avoir de la compétition sur la question des contenus? Est-ce que vous faites vôtre cette philosophie-là, vous autres?

(16 h 20)

M. Barnes (Peter): Je pense que c'est une philosophie qui, en autant qu'elle soit développée librement à l'intérieur des contraintes du marché, peut fonctionner. Je vous donne un exemple. Dans le domaine de l'interurbain, au début, le seul réseau était celui des compagnies de téléphone. CNCP télécommunications, la compagnie qui précédait AT&T Canada services interurbains, avait un réseau qui servait surtout pour le télégraphe, le télex, les lignes particulières, les lignes spécialisées et, dans les premières années, est venue rajouter à ça, quand c'était économiquement rentable, des réseaux qu'elle construisait elle-même et, peu à peu, s'est dotée d'un réseau, quand c'était économiquement rentable, qui était parallèle à celui des compagnies de téléphone. On voit maintenant l'avènement d'un troisième concurrent qui, de plus en plus, construit un réseau.

Alors, je pense que, au préalable, ce serait dangereux d'avoir une philosophie d'un réseau commun comme étant un objectif. Je pense que l'objectif est plutôt celui que les sociétés doivent pouvoir exercer un choix de louer, d'avoir des alliances stratégiques ou de construire selon ce que bon leur semble, parce que ce qui arrive souvent si on a des alliances stratégiques et qu'on est tenu à ça, on peut peut-être oublier ou ne pas avoir la possibilité de faire des avancements ou des innovations technologiques et on tend à niveler vers le bas. Alors, je pense que, en laissant cette capacité-là – on le voit, avec les câblodistributeurs et les compagnies de téléphone, c'est un argument qui revient souvent – la réalité économique fera qu'il y aura peut-être des alliances stratégiques ou des alliances techniques dans certains endroits et peut-être pas dans d'autres.

M. Trudeau (Denis): J'aimerais juste rajouter que, si on parle d'infrastructures de réseaux, il y a plusieurs types d'infrastructures de réseaux: il y a les réseaux de distribution pour se rendre chez le consommateur et les infrastructures, les autoroutes, si vous voulez, à grande voie ou à plusieurs voies, et il est peut-être possible économiquement de croiser ou d'avoir la possibilité d'intégrer certains réseaux. Il faut comprendre que le réseau de câblodistributeurs et que les réseaux des compagnies de téléphone, qui sont essentiellement des réseaux de distribution au foyer, sont là. Ils sont en existence et ils doivent être, bon, renouvelés, et il y a de l'argent qui doit être investi, mais il y a deux réseaux, au minimum, qui existent, sans parler de tout l'avènement du sans fil qui est une troisième voie d'accès...

M. Laporte: Bien, oui, d'accord.

M. Trudeau (Denis): ...aux consommateurs, du satellite qui est une quatrième voie d'accès. Alors, quand on me dit «le réseau des réseaux», ça dépend qui parle et qui veut détenir ce réseau des réseaux là, parce que, dans tous les pays industrialisés où il y a compétition, les différentes technologies qui sont mises de l'avant permettent essentiellement quatre accès différents dépendamment de la technologie et de l'infrastructure. Alors, la compétition sur les contenus uniquement a peut-être une moins grande valeur économique pour les entreprises que la compétition sur l'ensemble des composantes de l'inforoute.

M. Laporte: Et voulez-vous dire qu'éventuellement...

Le Président (M. Garon): Je vais être obligé de... parce qu'il y en a plusieurs qui veulent poser des questions, et on n'aura pas le temps.

M. Laporte: On peut, mais c'est parce que je m'informe.

Le Président (M. Garon): M. le député de Nicolet-Yamaska. Après ça, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Monsieur...

Le Président (M. Garon): Mais là j'aimerais... Si vous pouvez avoir des réponses plus courtes, parce qu'on va arriver au bout du temps et il n'y aura pas eu beaucoup de questions de posées. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): C'est un peu dans le même sens que le député d'Outremont.

Le Président (M. Garon): Bien, vous n'avez pas besoin de poser de questions?

M. Laporte: Bien, moi, je voulais juste avoir un point d'information. C'est parce qu'on nous a dit ça ce matin, qu'il y avait déjà une multiplicité de réseaux, mais, je veux dire, je voudrais juste demander à M. Trudeau de...

M. Trudeau (Denis): Oui.

M. Laporte: ...nous faire comprendre. Est-ce que vous voulez dire que, éventuellement, le consommateur va se trouver devant la capacité de choisir entre une diversité de réseaux, au sens où, par exemple, il pourrait décider, disons, d'utiliser un réseau de satellites, que ça pourrait être Irridium, ou M-Star, ou des réseaux d'AT&T, que ça pourrait être des réseaux de câbles optiques souterrains? Ça va être ça, le genre de situation de concurrence dans laquelle on va se trouver?

M. Trudeau (Denis): Le consommateur aura des choix de plus en plus grands au fur et à mesure que les technologies avancent, et des choix d'accès à des réseaux. Alors, il y aura un choix au niveau des contenus – qu'est-ce que je veux voir sur ma télévision...

M. Laporte: Oui, oui, d'accord.

M. Trudeau (Denis): ...à qui je veux parler? – mais aussi des choix sur la façon de s'y rendre, à ces contenus-là.

M. Laporte: Oui, oui.

M. Trudeau (Denis): Et, si on limite à une voie d'accès seulement, bien, comment on peut offrir un produit compétitif...

M. Laporte: Oui, d'accord.

M. Trudeau (Denis): ...si on considère et on accepte que la compétition rend les compagnies meilleures?

M. Laporte: D'accord.

M. Trudeau (Denis): Je pense que c'est prouvé, ça, pas seulement dans notre domaine, mais dans tous les autres domaines. Alors, à cet effet-là, M. Choquette peut peut-être parler de l'Internet lui-même et, dans le contexte dont on parle, comment les différentes méthodes d'accès sont importantes pour l'Internet.

M. Choquette (Denis): Alors, de mon côté, ce que je vais faire – je m'aperçois que le temps passe assez rapidement et j'ai entendu les questions – je vais résumer ma présentation dans ces termes. M. le Président, Mme la vice-présidente et mesdames et messieurs, je vais introduire iSTAR internet. C'est une compagnie, une PME de 245 employés entièrement dédiée à l'Internet. Nous avons 75 points de présence au Canada, dont 35 au Québec, et nous avons plus de 60 000 consommateurs qui utilisent nos services et près de 1 000 entreprises qui utilisent nos services d'Internet aujourd'hui. Or, l'Internet, c'est tout ce que nous faisons.

Je vais vous montrer un diagramme très simple qui explique ce que c'est l'Internet aujourd'hui et quelles sont les possibilités pour le Québec. En bas, vous avez l'infrastructure d'un réseau. L'infrastructure d'un réseau, qu'est-ce que c'est? Finalement, les fibres optiques qui sont partout, c'est les fils qui rentrent chez vous. Ce sont les câbles coaxiaux. Alors, c'est une infrastructure qui existe aujourd'hui.

Nous, de la PME, prônons la libre concurrence à ce niveau-là. Alors, pour nous, on a besoin d'avoir le choix entre plusieurs réseaux, plusieurs qualités de service, plusieurs prix. On a absolument besoin de ça afin de mieux desservir nos clients. Alors, le consommateur n'ira pas sur ces réseaux-là directement. Le consommateur, par exemple, qui va accéder à l'Internet va passer par le central d'un fournisseur Internet tel qu'iSTAR internet qui, lui, va se servir des infrastructures disponibles à ce niveau-là.

Alors, ça, c'est un marché qui est très bien exploité aujourd'hui et très bien desservi par plusieurs compagnies. Je dois faire une parenthèse ici. Je dois exprimer ma gratitude envers AT&T Canada qui fait appel aux petites entreprises afin de développer l'expertise, afin d'adresser des marchés. Ce n'est pas le cas de tous les joueurs dans le monde des télécommunications au Canada. AT&T, vraiment, doit avoir une fleur à ce niveau-là.

Au niveau de l'ingénierie, qu'est-ce qu'on fait? Nous avons l'ingénierie. Nous avons plus de 150 ingénieurs qui font du développement de travail d'applications Internet et des nouvelles applications. Internet fonctionne dans des principes bien précis. C'est extrêmement complexe. Tout le monde fait ça à travers le monde. Disons que c'est une expertise qui est disponible un peu partout. Par contre, chez iSTAR, on a de la difficulté à trouver des gens compétents au Québec. On a un problème à garder les employés compétents.

Où est l'avenir pour nous? Ce sont les applications. Les applications, c'est le commerce électronique, intranet, le multimédia, toute nouvelle application qui peut survenir. C'est là, vraiment, où le Québec a une chance, où il n'est pas trop tard pour adresser le marché de l'inforoute, pour développer un centre d'excellence et pouvoir exporter sa technologie.

(16 h 30)

Alors, à ce niveau-là, c'est extrêmement important que le Québec, disons, donne un coup de pouce aux PME qui travaillent dans le monde de l'Internet et également aux entreprises qui sont présentes, telle AT&T, afin d'ouvrir les marchés, c'est-à-dire les contrats gouvernementaux, et aider les PME à aller chercher des employés clés afin de livrer et de concevoir des applications Internet intéressantes, que l'on puisse exporter cette technologie-là à l'extérieur du Canada. Alors, ça, c'est clé pour nous, pour le monde de l'Internet.

Ensuite, un dernier point que je voulais faire ici, c'est concernant le code d'éthique, c'est-à-dire la qualité de l'information disponible sur l'Internet. iStar internet, au mois de juillet 1996, cet été, a pris une décision importante: on a rayé de tous nos serveurs d'information les adresses de sites illégaux. Alors, des sites illégaux, qu'est-ce que c'est? C'est de la pornographie infantile, c'est le racisme, c'est toutes des choses comme ça. Alors, ce que, nous, on a fait, on a radié les adresses de ces sites-là. Pourquoi? Parce que c'est des sites illégaux et, pour nous, ça ne respecte pas notre éthique. On a soulevé un tollé de protestations au Canada, en général, à travers le monde de l'Internet, parce qu'on avait fait ça. On a crié à la censure. Ce n'est pas de la censure en tant que telle, c'est tout simplement le respect des lois, le respect intégral des lois canadiennes. Alors, à ce niveau-là, on s'est mérité les félicitations du ministre de la Justice canadien et les félicitations également des corps policiers canadiens parce qu'on avait pris une décision de ne plus distribuer ces adresses-là. C'est important de le savoir, parce qu'on n'a pas vraiment besoin de réglementation. Et même si on réglemente à ce niveau-là, à l'avenir, au niveau du contenu et tout ça, concernant la pornographie et des choses telles quelles, il va toujours y avoir moyen de contourner ces choses-là. Mais, si tous les fournisseurs Internet canadiens décident de respecter un code d'éthique tel que celui-là, ou une formule telle que celle-là, la réglementation ne sera pas nécessaire.

Alors, c'était le message que j'avais à vous donner aujourd'hui. S'il y a des questions. Merci de votre temps.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Mais là il ne faudrait pas que les réponses soient aussi longues, parce qu'il reste une question seulement.

Mme Frulla: Je vais vous dire que toute la question de la réglementation, d'abord, au niveau des entreprises ou des PME, je pense que le gouvernement, autant le gouvernement du Québec que le gouvernement canadien, enfin, ont des programmes pour aider justement le développement des entreprises, surtout en technologie. On en parle tellement de technologie que, en bout de ligne, quelquefois, on semble oublier aussi qu'il y a autre chose. Pourquoi? Parce qu'on veut devenir aussi un centre technologique, spécifiquement au Québec et dans la métropole. Et je pense que Montréal est bien placée pour ça. Ça, c'est une chose.

Moi, je veux revenir un peu au niveau de la concurrence. En 1990, quand Unitel a décidé d'ouvrir son marché, moi, j'étais ministre des Communications, alors ils sont venus me voir. Ce qu'Unitel avait promis à l'époque, au niveau de la recherche et développement, création d'emplois, etc., malheureusement, à l'époque en tout cas, n'a pas vu le jour. Parallèlement à ça, d'autres compagnies de téléphone, dont Bell Canada, pour ne nommer que celle-là, se sont adaptées aussi, se sont adaptées au marché, se sont adaptées à la concurrence et, veux veux pas, continuent d'offrir un service de très, très grande qualité.

Si on dit que Bell Canada a 80 % du marché, c'est parce que, quelque part, il y a une crédibilité qui a été bâtie au fur et à mesure des années. Moi, je reviens d'un voyage à Phoenix, que ce soit Phoenix en Arizona, Santa Fe, etc., honnêtement, notre système de téléphone, à mon avis – et je le disais même à l'époque, c'est-à-dire il y a deux mois – est 100 fois meilleur que ce qu'on a pu vivre là-bas. Oui, il y a concurrence; oui, quelque part, ça coûte moins cher, mais, la concurrence, à quel prix? Je pense que le système canadien a toujours défendu le meilleur rapport qualité-prix, mais le meilleur rapport qualité-prix tout en essayant de maintenir aussi les emplois dans ces secteurs. Donc, c'est un peu pour ça que le marché québécois et canadien est peut-être plus frileux, excepté que, en bout de ligne... C'est bon de donner aux consommateurs le meilleur prix, mais, si ce meilleur prix là coûte des milliers d'emplois, tu sais, il faut quand même avoir un certain équilibre entre la demande, et la demande à bon prix, et aussi le coût de desservir cette demande-là.

C'est peut-être ça aussi, quand vous parlez de la grande concurrence, qui, en fait, moi, me rend un petit peu inquiète et un peu frileuse. Quand on voit AT&T, effectivement, on sait que c'est une compagnie de grande qualité, qui peut donner des services, qui a une recherche et développement extraordinaire, qui se fait aussi beaucoup aux États-Unis pour son marché, dont on peut bénéficier, mais, en bout de ligne, on aimerait bien ça aussi avoir notre recherche et développement canadienne et pas bénéficier de la recherche et développement que d'autres ont faite. Veux veux pas, c'est ça aussi.

J'aimerais ça vous entendre un peu là-dessus, parce que, moi, je suis frileuse par rapport à ça. Quand j'ai vu Unitel, AT&T, ça m'a fait peur. Honnêtement, j'ai été un peu déçue par rapport aux promesses d'Unitel. On s'est fait promettre, nous, moi personnellement, des choses qui n'ont pas été livrées. Et là on s'aperçoit qu'une grande compagnie américaine de qualité – je lui donne toutes les qualités possibles – arrive sur le marché canadien. Je trouve, en tout cas pour nous Québécois et Canadiens, donc vous aussi... C'est normal qu'on soit collectivement un peu inquiet: un, par rapport à ça; un, par rapport à la qualité du produit; et, un, par rapport à nos compagnies, autant de câble que de téléphonie, qui sont canadiennes, qui ont travaillé très fort et qui doivent s'approprier une part du marché, autant ici que si on ouvre la grande concurrence aux États-Unis. Et, moi, il faut encore me faire la preuve que, aux États-Unis, on ouvre les portes aux compagnies autres qu'américaines. Alors, à ce moment-là, il faut que nos compagnies puissent avoir aussi une très grande part du marché. La libre concurrence ne se fait pas juste d'un bord mais doit se faire aussi de part et d'autre.

C'est un peu ça mon propos et j'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce que, en quelque part, il faut être prudent aussi au Québec et il faut être prudent au Canada.

M. Barnes (Peter): Merci. En ce qui a trait à recherche et développement au pays, je suis très sensible à cette question-là. Je pense que c'est en plein un des enjeux importants. On a fait – et je ne vous ennuierai pas avec les détails – des recherches à savoir s'il y avait eu effectivement création d'emplois ou perte d'emplois quand un marché était ouvert à la concurrence. Ma conclusion, et je pourrais vous donner des chiffres, c'est que, non, il n'y a pas... il y a effectivement création d'emplois.

Maintenant, la question de savoir si la création se fait ici ou ailleurs est aussi importante. Je dois vous dire qu'il y a eu déjà des premiers efforts de faits. Le Canada et le Québec ont certainement des avantages comparatifs en ce qui a trait à recherche et développement. Je pense que c'est là-dessus qu'il faut se fonder. Je pense que tout le monde est prêt à dire qu'il ne faut pas faire de recherche et développement dans un emplacement particulier juste pour faire de la recherche et développement sur place. Mais il y a, par exemple dans le domaine du logiciel, des avantages comparatifs qui probablement existent, que ce soit à Montréal, que ce soit à Québec, que ce soit ailleurs, à Ottawa. Et vous comprendrez que les dernières années chez Unitel ont été des années difficiles financièrement. On est maintenant sur une pente beaucoup plus ascendante. Il y a déjà de la recherche et développement qui se fait avec des entreprises locales. M. Choquette mentionnait iSTAR. iSTAR a une alliance stratégique avec AT&T Canada et fait de la recherche et développement ici au pays. Alors, déjà, il y a quelque chose qui se fait.

Mais je peux vous dire que c'est quelque chose qui fait partie des plans. Je ne peux pas vous faire de promesse, mais c'est le genre de chose qui, avec avantages comparatifs, se fera.

Le Président (M. Garon): Je remercie les représentants de AT&T de leur contribution aux travaux de cette commission.

Maintenant, j'invite les représentants de Cancom à s'approcher de la table des délibérations.

(Consultation)

Le Président (M. Garon): Alors, M. Gourd, si vous voulez vous présenter et présenter les gens qui vous accompagnent, ou celui qui vous accompagne. Je veux vous dire que vous avez approximativement, maximum, une heure. C'est-à-dire que, normalement, vous pouvez avoir une vingtaine de minutes pour votre présentation, une vingtaine de minutes pour les députés de part et d'autre. Mais, si vous prenez plus de 20 minutes, on devra soustraire du temps de chaque côté; si vous en prenez moins, ils auront plus de temps pour discuter avec vous des représentations que vous aurez faites.


Cancom

M. Gourd (Alain): Merci. M. le Président, Mme la vice-présidente, MM. les membres de l'Assemblée nationale. Mon nom est Alain Gourd, je suis président et chef de la direction de Les Communications par satellite canadien, dite Cancom. J'ai le plaisir d'avoir à ma droite Mme Patricia Dumas, qui est directrice générale des communications au sein de notre entreprise, et, à ma gauche, M. Gaston Dufour, qui est directeur régional pour le Québec de même que pour le marché international.

(16 h 40)

M. le Président, afin d'avoir justement une présentation concise et, espérons-le, de 20 minutes ou moins, j'utiliserai quelques pages sommaires qui se trouvent dans la pochette que nous vous circulons plutôt que faire référence au texte plus complet que nous vous avons fait parvenir.

Mes premiers mots seront des mots d'introduction, si vous le permettez, pour souligner à quel point, pour notre entreprise, ces audiences de votre commission sont extrêmement importantes principalement quant à la portée extrêmement forte, aux possibilités immenses des nouvelles technologies, et des technologies que nous utilisons en particulier, et de l'impact de ces technologies satellisées sur la culture francophone et l'économie du Québec.

Nous pensons aussi que Cancom, à cause des technologies de pointe qu'elle utilise elle-même, qui lui sont propres et qui n'ont pas encore d'équivalent, a un message spécifique à vous livrer sur l'expansion de l'espace audiovisuel francophone. En troisième lieu, nous voudrions souligner de quelle façon, dans les prochains mois et dans les prochaines années, nous voudrions justement contribuer à cette expansion des contenus audio et télévisuels en français.

Peut-être un mot d'historique quant à la page suivante qui s'appelle Bref historique de Cancom. Un mot d'historique parce que notre entreprise n'est pas aussi connue que d'autres car nous sommes une entreprise au service des entreprises. Notre entreprise n'en est pas une qui amène des contenus directement aux consommateurs. Nous oeuvrons dans le monde des communications par satellite. Nous avons une infrastructure numérique. Nous nous procurons des contenus soit francophones, soit anglophones, soit multilingues, soit en les développant nous-mêmes, soit en les obtenant par contrat, soit en les achetant, et nous les livrons pour fins de distribution aux consommateurs, soit aux câblodistributeurs, soit aux entreprises de micro-ondes à large bande, soit aux antennes de télécommunications collectives, comme la Concord Pacific Place, à Vancouver, par exemple, qui est une de nos clientes, ou des immeubles ici, dans le centre-ville de Québec. Ce sont eux qui, ensuite, rejoignent les consommateurs.

Nous sommes une entreprise de taille moyenne qui a un chiffre d'affaires, cette année, d'environ 100 000 000 $ et nous avons quelque 250 employés répartis à travers le pays. Nous oeuvrons depuis 1981 à rencontrer une mission qui est l'égalisation des services à travers le territoire, vers les régions plus éloignées et sous-servies, régions qui sont évidemment celles du Québec, dont l'Abitibi où je suis né, qui sont également l'ensemble du Canada, dont les Territoires du Nord-Ouest, qui rejoignent aussi d'autres pays comme l'Alaska, le Dakota du Nord, une bonne partie des Caraïbes. Nous livrons des contenus francophones, au moment où on se parle, en Floride et aussi en Haïti, et nous livrons d'autres contenus aux Bermudes, par exemple, ou à Nassau.

Notre entreprise a commencé en livrant des produits francophones et anglophones du Québec et du Canada, à savoir Télé-Métropole, un contenu francophone et trois contenus anglophones. Les pertes étaient immenses et, par conséquent, l'entreprise a obtenu l'autorisation de distribuer également des contenus des États-Unis pour faire un financement croisé des services canadiens, qui ont été, jusqu'à la numérisation, en général déficitaires. L'entreprise s'est toujours autofinancée, et ce n'est qu'il y a un an que les pertes accumulées depuis 1981 ont été effacées à notre bilan.

Nous rejoignons 2 600 câbles, en plus d'entreprises de MMDS et des Stats, et ces 2 600 câbles alimentent 3 700 000 foyers. Au Québec, nos clientes sont 190 entreprises de câble et de nombreuses antennes collectives. Ces 190 entreprises de câble rejoignent 404 communautés. Par exemple, si je prends l'exemple de l'Abitibi, Câblevision du Nord du Québec rejoint Val-d'Or, Rouyn-Noranda, La Sarre, M. Dufresne rejoint Amos, Senneterre et plusieurs autres communautés. Donc, 404 communautés, ce qui représente 435 000 foyers, ce qui représente 1 200 000 citoyens de notre Québec.

Nous avons donc opéré essentiellement au départ en télévision, ensuite, nous avons ajouté la radio. Historiquement, on a distribué CKAC et CITE. Ensuite, bénéficiant de la déréglementation des télécommunications, nous avons lancé, il y a quelque six ans, nos services d'affaires, qui sont des services entièrement déréglementés, qui représentent maintenant plus de 56 % de notre chiffre d'affaires au cours de la dernière année fiscale et qui représenteront sûrement au-dessus de 65 % de notre chiffre d'affaires pour l'année fiscale qui vient. Ces services d'affaires sont à la fois des services mobiles, pas parce que nos services bougent, mais ils desservent des entités qui, elles, sont mobiles, des camions par exemple. Nous desservons quelque 9 000 camions. Je pourrais donner l'exemple d'un de nos gros clients qui est le groupe Robert Transport, de Boucherville.

Nous avons aussi des lignes privées qui permettent aux entreprises d'avoir un inventaire total ou encore qui permettent de faire des vérifications de crédit. Je peux mentionner la Banque Laurentienne à ce titre-là. Nous avons aussi des services de télévision d'affaires qui sont vidéoconférence, formation à distance. Et un client que je peux mentionner, c'est Ford Motors, qui fait toute sa formation à distance à partir de Burlington en utilisant les services de Cancom ou les postes canadiennes. Les possibilités de la technologie que je mentionnais proviennent des développements que nous connaissons depuis à peine deux ans en matière de numérisation, de convergence et d'interactivité.

Commençons par la numérisation. Historiquement, l'offre des produits francophones faisait face à un très gros obstacle: le coût du transpondeur analogue était le même, que ce soit un service francophone qui dessert 6 000 000 de citoyens, ou le service anglophone canadien anglais qui dessert un bassin de 20 000 000, ou le service américain qui dessert 270 000 000. Le coût de la livraison est le même mais le nombre de clients est beaucoup plus bas, ce qui fait que c'était pratiquement impossible d'avoir des services francophones, soit radio soit télévision, qui pouvaient faire leurs frais. C'était les services principalement américains qui faisaient un financement croisé des services francophones. Avec la numérisation, on peut mettre, en ce qui concerne notre standard Cancom, jusqu'à huit signaux de télévision par transpondeur, alors qu'on n'en avait qu'un. Donc, on abaisse dramatiquement les coûts de livraison des contenus francophones et, sans nécessairement faire du profit, on arrive quand même à avoir des services qui peuvent boucler leurs frais.

Donc, la numérisation – et nous sommes maintenant 100 % numériques depuis janvier dernier – permet d'abaisser les coûts de la livraison des contenus, en particulier des contenus francophones, qui ont le plus petit nombre de consommateurs et de clients.

Ensuite, la convergence. La convergence permet d'offrir, à travers des services qui étaient traditionnellement des services de programmation comme le câble, des services de données dont l'Internet. Ce que nous faisons en ce moment avec un câblodistributeur comme Câblevision du Nord du Québec, mettons, à Val-d'Or, et je vais y revenir également. Mais ça permet d'avoir un pipeline qui transporte des bits, qui transporte de l'information numérique. Cette information peut être du vidéo, de l'audio ou de la donnée, et ça peut être distribué par des systèmes de distribution qui, dans le passé, ne distribuaient que de la programmation. Ils peuvent maintenant distribuer, évidemment, une foule d'autres services.

L'interactivité, ça nous permet, par exemple en matière d'Internet, d'offrir à un citoyen de Fermont, par exemple, à travers le câble, l'accès à l'ensemble des contenus Internet à travers le monde sur une base interactive et sans longue distance. Le consommateur peut appeler le produit et peut avoir la livraison de l'information de façon très rapide.

(16 h 50)

Numérisation, convergence, interactivité ouvrent de nouvelles possibilités. Comme notre entreprise est de taille moyenne, pour pouvoir en profiter, pour pouvoir avoir des bouquets de produits plutôt que simplement un produit francophone, nous avons donc cherché de nouveaux partenariats, que ce soit avec BCE dans la diffusion directe par satellite, Expressvu, ou encore, on va le voir plus tard, avec SNC-Lavalin, la Caisse de dépôt. Et je vais y revenir.

Quels produits avons-nous maintenant, principalement du côté francophone, et c'est la page qui s'appelle Produits et services, au niveau des contenus télévisuels, en télévision? Nous offrons en ce moment TVA, depuis les origines, et, depuis un an, Quatre Saisons. Dans le cas de Quatre Saisons, non seulement nous livrons le produit aux câblodistributeurs et aux édifices-appartements, mais nous alimentons également les stations affiliées de Quatre Saisons sans que Quatre Saisons ait à utiliser un micro-ondes. Donc, c'est une alimentation multirôles. Nous avons également conclu une entente avec CFTU, qui est un réseau de téléenseignement, et nous aurons le plaisir d'offrir notre troisième produit francophone dès janvier 1997, de telle sorte que tous les citoyens du Québec, soit par le câble, soit par les antennes collectives, soit éventuellement, nous l'espérons, par la diffusion directe par satellite, pourront bénéficier d'enseignement au niveau primaire, au niveau collégial et au niveau universitaire et obtenir des crédits à n'importe quel endroit qui soit sur le territoire 24 heures par jour. M. Gaston Dufour, à ma gauche, est membre du conseil d'administration de CFTU, il pourra vous en parler davantage.

Réseau des finances. Nous avons constaté que nous avons d'excellents hebdomadaires financiers, comme Les Affaires, mais ces hebdomadaires ne se rendent pas nécessairement rapidement dans toutes les parties, toutes les régions du pays, toutes les régions du Québec, Fort-Chimo par exemple. Par conséquent, nous croyons qu'il est important de donner accès à des services d'information en matière de finances, de REER, d'hypothèques, etc., à l'ensemble des citoyens du Québec. C'est pourquoi nous voulons déposer, vers le 16 décembre 1996, en partenariat avec des entreprises québécoises, un projet de télévision sur le domaine financier, industriel et commercial qui sera particulièrement orienté vers les régions éloignées. Déjà, nous avons obtenu une licence pour l'équivalent anglophone, avec le Globe and Mail , et nous travaillons avec le Globe and Mail à lancer le service anglophone. Nous voudrions offrir les deux en parallèle, et un client pourra prendre soit le contenu francophone, soit le contenu anglophone ou avoir les deux pour un prix réduit.

Assemblée nationale. Le 25 septembre dernier, l'Assemblée nationale a annoncé une entente avec notre entreprise pour que nous puissions distribuer, encore une fois dans les régions les plus éloignées qui ne sont pas rejointes actuellement par la voie terrestre, les débats de votre Assemblée. Comme nous lançons les services dans notre monde soit en janvier soit en septembre, parce qu'il y a deux dates où on peut introduire sur le câble de nouveaux produits, nous projetons d'offrir l'Assemblée nationale en septembre 1997 et nous projetons d'enrichir les contenus avec des contenus communautaires ou autres. Encore une fois, M. Dufour pourra en parler davantage.

Radio France outre-mer. Nous avons constaté que les services étrangers qui rentraient au Québec étaient à 100 % des services américains de langue anglaise. TV5 est un très, très bon produit. TV5 est techniquement un produit canadien parce qu'il est assemblé au Canada. Il doit donc non seulement avoir des produits de France, mais aussi des produits de Belgique, de Suisse, de l'Afrique noire, de l'Afrique francophone et aussi du contenu canadien en français. Il nous apparaît que, en respectant TV5 et en coordination avec TV5, nous pourrions introduire un produit du secteur public, de la télévision publique de France en direct à partir de Saint-Pierre-et-Miquelon, et nous voulons donc déposer, le 4 décembre de cette année, auprès du CRTC une demande pour importer Radio France outre-mer, RFO1 en direct de France via Saint-Pierre-et-Miquelon.

Un mot sur la radio, parce que le temps file. Nous offrons depuis toujours, je l'ai dit, CKAC et CITE. Nous avons obtenu récemment l'autorisation d'ajouter six nouvelles stations de radio francophones dont CKOI, CFGL et la radio francophone communautaire. Nous venons, après une longue saga, d'avoir reconfirmation, il y a quelques semaines – je pense que c'est la troisième fois qu'on est reconfirmé par le gouvernement du Canada – de distribuer un service de musique numérique qui s'appelle Allegro, dont 25 % des contenus seront francophones.

Si je continue au niveau maintenant des contenus qui ne sont pas des contenus de programmation Internet et intranet. Nous avons lancé il y a quelques mois un service Internet interactif numérique par satellite pour les régions éloignées. Il s'appelle le Réseau Internet Avant-Poste, parce que c'est pour les régions un petit peu plus distantes. Nous desservons les Îles-de-la-Madeleine, par exemple, et nous offrons un service qui est 16 fois la rapidité de la ligne téléphonique. Donc, c'est un service qui amène la vitesse des grands centres vers les régions éloignées. L'intranet, c'est qu'on offre au niveau des communautés un réseau intranet interne. Ils peuvent faire du babillard, par exemple, ils peuvent annoncer des assemblées communautaires, ils peuvent même faire de la publicité locale. Alors, c'est Internet sur la longue distance; intranet à l'intérieur de la communauté.

Au niveau des contenus francophones, Mme Dumas est chargée de faire les maillages avec les autres fournisseurs de contenus francophones, mais, de notre côté, nous avons fait une entente avec les auteurs compositeurs et les producteurs, dont l'ADISQ. Nous avons investi 250 000 $ pour augmenter les contenus francophones en matière de musique. Vu qu'on est dans Allegro, ça nous apparaissait un bon créneau pour générer des nouveaux contenus francophones. Nous avons aussi l'intention, si le CRTC autorise le réseau des finances, d'offrir – sur l'Internet évidemment – toute une gamme de services d'information financière, commerciale, industrielle aux régions plus éloignées.

Nous avons bénéficié d'un partenariat avec le gouvernement du Québec, et nous en sommes fort heureux, avec le Fonds de l'autoroute de l'information, pour finaliser notre produit Internet à haute vitesse interactif. Ça a eu lieu à Val-d'Or, et le projet est un franc succès, avec une technologie Comstream, qui est une filiale de Spar, de Sainte-Anne-de-Bellevue.

Nous regardons d'autres collectivités comme Fermont. Nous livrons notre Internet déjà à Saint-Pierre-et-Miquelon et nous allons le faire rentrer aux États-Unis dans les régions les plus éloignées.

AT&T a parlé des télécommunications sans fil. Encore là, avec SNC-Lavalin et Capital Communications, de la Caisse de dépôt et placement, nous avons déposé une demande auprès du gouvernement du Canada pour amener les télécommunications sans fil, encore une fois, dans les régions éloignées du Québec. Nous avons ciblé 27 localités, comme Amos, où je suis né, Granby, Baie-Comeau, Asbestos, Sainte-Agathe, etc. Ça veut dire que la capacité d'une petite communauté comme Amos sera la même avec ces nouvelles technologies, ou à peu près la même, dépendant combien de spectre le gouvernement du Canada alloue, que les capacités dans un grand centre comme Québec. Ce qui veut dire que toutes sortes de produits, dont le film à la carte, par exemple, d'Astral, pourraient être distribués par ces nouvelles technologies, alors que le produit est sur le satellite ou pourrait être mis sur satellite. Mais ça serait inutile parce qu'il n'y a pas de points de distribution au sol.

(17 heures)

Formation interactive à distance. Nous avons acquis 50 % de Insight Information, qui est une entreprise de conférence pancanadienne, et cette acquisition vise à fournir principalement pour les professionnels, avocats, comptables, des contenus de formation à distance par satellite. Nous, nous avons une capacité d'offrir des contenus en français à Montréal, mais nous cherchons un nouveau partenaire québécois pour enrichir la gamme de produits de formation à distance pour le secteur privé et le secteur public, mais pas au niveau des crédits – ça, c'est le canal universitaire ou le téléenseignement qui fait ça – c'est la formation pratique. Nous pourrons offrir la formation à distance soit par la petite soucoupe, quand c'est un professionnel chez lui qui doit rafraîchir ses connaissances, ou en studio. Nous avons déjà un studio à Toronto; nous voulons en bâtir un à Montréal, où c'est un groupe qui se déplace, ou encore en entreprise, comme Ford.

Ce qui m'amène à la conclusion, M. le Président – et j'ai brûlé 20 minutes déjà. Nous croyons qu'il est important d'assurer une présence francophone vigoureuse sur l'inforoute québécoise, et nous le ferons aux risques de nos actionnaires, en plus des partenariats comme celui de Val-d'Or que nous avons eu le plaisir de faire avec vous.

Nous utiliserons notre infrastructure de pointe pour assurer l'accès des collectivités francophones éloignées et mal desservies à ces contenus. Et ce sont des communautés du Québec, ce sont des communautés hors Québec, à l'extérieur, dans le reste du Canada. Ce sont des communautés francophones, par exemple de Floride et d'Haïti. Et nous voulons, d'ici un an, être capables de rejoindre l'ensemble des Caraïbes, y compris la Guadeloupe et la Martinique, de même que l'ensemble des États-Unis, y compris la Louisiane. D'ici deux ans, nous voudrions étendre l'espace audiovisuel francophone que nous distribuons, nous, Cancom, à l'ensemble des Amériques, y compris l'Amérique du Sud. Nous souhaitons également avoir notre propre répéteur, ce qui permettra d'acheminer des contenus de France vers le Québec et du Québec vers la France, pour ensuite les redistribuer par un autre transpondeur nord-sud, si je peux m'exprimer ainsi, à l'ensemble des Amériques. Alors, déjà, nous rejoignons 50 % des Caraïbes et des États-Unis. D'ici un an, nous voulons utiliser le satellite T5, qui était, en tout cas... être lancé par AT&T et qui sera lancé au mois de mai. Et, ensuite, nous voulons utiliser un satellite qui est PAS5, qui va être lancé par PanAm Sat et qui permettra de faire ce lien entre l'Europe de l'Ouest et le Québec.

La technologie numérique, j'en ai parlé, elle abaisse les coûts et permet de lancer des nouveaux produits de façon financièrement acceptable. Les partenariats, j'ai mentionné la Caisse de dépôt, SNC-Lavalin, et nous cherchons – j'ai mentionné BCE – un nouveau partenaire dans le domaine de la conférence.

Que proposons-nous? Tout simplement de solliciter vos encouragements pour que nos actionnaires continuent de nous appuyer pour lancer ces nouveaux services, que ce soit le réseau des finances, RFO et Internet. Parce qu'il s'agit de nouvelles frontières, et parfois ça marche, puis parfois ça ne marche pas. Parfois, ça marche au début, comme Anik-1, et, soudainement, le satellite devient noir pour le vidéo et on cherche partout des satellites de remplacement. Donc, il s'agit d'entreprises risquées et, pendant des années, on perd de l'argent. On en fait subséquemment et, ensuite, on espère que les années futures nous permettront de continuer nos projets. Alors, je vous remercie de votre attention, M. le Président, Mme la vice-présidente, MM. les membres de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Garon): M. le député de Vachon.

M. Payne: Je voudrais remercier beaucoup le groupe Cancom pour un exposé qui est une promotion intéressante de la valeur du système de télécommunications multipoints locaux, une technologie qui trouve d'ailleurs ses origines dans le système micro-ondes utilisé depuis longtemps dans les pays à la fois en voie de développement, mais aussi dans les pays qui disposent d'une géographie montagneuse, où la communication à courte distance peut favoriser une accessibilité accrue aux services de communication. Donc, il y a une pertinence évidente pour le Québec, où nous avons, bien sûr, des régions éloignées et des services à livrer et aussi des multiservices. L'avantage de ces systèmes-là par large bande, effectivement, c'est qu'on peut les adapter par toutes sortes de façons, soit en utilisant plusieurs langues, soit pour la télévision ou d'autres moyens. Il s'agit quand même d'une technologie qui offre une concurrence à ce qui est déjà sur le marché. Ça nécessite également, de la part de la commission, une réflexion sur la pertinence de l'investissement de l'État dans ce genre d'infrastructures.

J'aurais deux questions: Quels sont vos objectifs, quelles sont vos propositions à la commission, propositions concrètes, je veux dire, en ce qui concerne vos propres intentions commerciales? C'est-à-dire: Qu'est-ce que vous demandez de l'État?

Et, deuxièmement, quel genre de dialogue vous avez eu avec les premiers bénéficiaires dans les régions éloignées du Grand Nord? Nous avons, par exemple, les villes de... 14 villages autour... entre la baie d'Ungava et la baie d'Hudson, à peu près 14 villages, 15 villages. Ça pose des problèmes pas seulement de l'implantation, mais surtout une discussion quant à l'utilisation à long terme de cette technologie-là qui est en constante évolution. Est-ce que vous avez un plan commercial direct avec les Inuit, par exemple? Et qu'est-ce que c'est, les propositions que vous avez pour le gouvernement du Québec?

M. Gourd (Alain): Merci, M. Payne. D'abord, au niveau de l'État, nous ne demandons à l'État qu'une seule chose, c'est l'autorisation d'opérer des systèmes de télécommunications sans fil. Cancom s'est toujours autofinancée et c'est notre intention d'amener ces technologies, aux risques de nos actionnaires. Nous ne demandons pas de subvention, nous ne demandons pas d'appui autre que l'autorisation d'utiliser le spectre.

Deuxièmement, au niveau de la concurrence, la politique de Cancom, qui est une entreprise au service des entreprises, est d'avoir une approche différente entre les régions développées urbaines, comme Québec et Montréal, et les régions éloignées, comme Fort-Chimo, par exemple, ou Grande-Baleine. Nous croyons que dans un marché comme Montréal, de 3 000 000 de personnes, il y a sûrement de la place pour trois concurrents: le câble, la compagnie de téléphone et les télécommunications sans fil. Dans les plus petits marchés, si on essaie de créer une concurrence artificielle à trois, ce qui arrive, c'est que c'est la compagnie de téléphone qui ramasse tout; exemple, les Territoires du Nord-Ouest, où, finalement, il y a quelques petits câbles qui survivent: il y a Inuvik, il y a Whitehorse, où un de nos actionnaires opère toujours un câble, mais dans le reste du territoire, finalement, la compagnie de téléphone a acheté, un après l'autre, les câblodistributeurs, et, finalement, dans 90 % des Territoires du Nord-Ouest, il n'y a que la compagnie de téléphone qui opère.

Si on veut une concurrence dans les régions éloignées, d'après nous, ça doit être une concurrence à deux et non pas une concurrence à trois. Par conséquent, nous, Cancom, nous voulons faire des partenariats avec nos clients, les câblodistributeurs – c'est l'essence de notre approche – et non pas chercher à les endommager en leur faisant une concurrence artificielle dans des marchés qui ne peuvent pas soutenir une concurrence à trois mais qui peuvent à peine soutenir une concurrence à deux. Ce qui veut dire que la consultation des bénéficiaires dans ces régions se fait à partir de nos partenaires, les câblodistributeurs. C'est à eux que nous demandons... Évidemment, on est présents, on les appuie, on prépare les formules, etc., mais on pense qu'ils connaissent leur marché, ils connaissent leurs localités, leur communauté et ils sont bien mieux placés que nous, quand on a notre siège social à Westmount, pour consulter les clients, les citoyens de ces endroits.

En ce qui concerne les autochtones, historiquement, Cancom, à cause des conditions de licence, qu'elle a eue dès 1991, a été très, très près des autochtones. Nous distribuons gratuitement depuis toujours quatre stations de radio autochtones. Nous supportons financièrement TVNC. Nous avons financé le lien ascendant, par exemple, à Whitehorse, je pense, ou... à Whitehorse. Sur notre service de musique numérique, nous avons volontairement proposé un canal de musique autochtone et, par conséquent, nous avons des contacts constants avec les bandes à travers, encore une fois, les organisations de communication autochtones. Alors, ce n'est pas nous qui sautons par-dessus la tête de tout le monde. Pour appeler un chef de bande, nous passons à travers soit TVNC, soit d'autres organisations qui, elles, font la consultation. Mais la consultation a lieu, au moment où je vous parle.

(17 h 10)

Je pourrais peut-être rapidement terminer par un point que je n'ai pas soulevé, par manque de temps, qui est l'exportation. Notre compagnie mère, WIC Western International Communications, de Vancouver, a des projets-pilotes de communication sans fil à Calgary et à Ottawa, et on a remarqué que, avant même qu'on obtienne le spectre – et j'espère qu'on va l'obtenir, mais on n'est jamais certain de la décision, ça va de soi – nous avons eu des appels de pays francophones pour amener les télécommunications sans fil. Ces appels nous sont soit arrivés directement... Comme en Guadeloupe et en Martinique, par exemple, où c'est très, très montagneux et où la capacité de câblage est limitée, nous, on veut rentrer des nouveaux produits francophones, en Guadeloupe puis en Martinique, et les gens disent: On n'a pas de place sur le câble, puis le câble a neuf milles de pénétration, je pense, en Guadeloupe, sur un potentiel de 200 000 personnes. Alors, les gens disent: Avez-vous une idée comment augmenter notre capacité? Mais on s'est dit: Télécommunications sans fil.

Alors, encore une fois, le partenaire local sera l'opérateur, SNC-Lavalin a des ingénieurs qui peuvent bâtir tout ça, la Caisse de dépôt peut financer, puis on place des produits francophones du Québec. SNC-Lavalin, de son côté, opère dans d'autres pays comme, par exemple, le Liban, où l'infrastructure avec fil est complètement détruite. Alors, pour recommencer, les coûts pour aller dans le câblage, dans le fil, seraient épouvantables. Donc, le ministre des Communications – c'est les PTT, donc, postes de télécommunications et téléphonie, je pense – le ministre des PTT, c'est le seigneur. C'est bien moins compliqué, surtout qu'il y a une partie très montagneuse, d'aller vers les télécommunications sans fil. Puis, à ce moment-là, SNC-Lavalin aurait, mettons, le leadership du dossier. On arriverait avec l'expertise des autres partenaires et on aurait donc aussi possiblement des possibilités d'exportation de la technologie développée chez nous dans d'autres pays francophones.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Frulla: Juste une petite question, M. Gourd. C'est-à-dire que, sur le territoire québécois, en fait, il y a les nouveaux produits que vous offrez, mais vous êtes aussi, je dirais, un système, si on veut, un peu complémentaire, en fait, à ce qui existe.

M. Gourd (Alain): Effectivement.

Mme Frulla: C'est ça ici, sur le territoire québécois. Par contre, si j'ai bien compris, vous développez une expertise où vous pouvez, ailleurs, par exemple, devenir le système de communication.

M. Gourd (Alain): Effectivement, mais toujours avec un partenaire local. L'essence de notre plan d'affaires, c'est de toujours s'associer. Parce qu'on couvre des territoires immenses. On n'a pas les ressources humaines, la connaissance de chacun des marchés, de la topographie. Donc, on va toujours chercher à être complémentaire à un partenaire local. Parfois on le crée.

On a bâti, nous, de A à Z des systèmes de câble, comme les systèmes de l'entreprise qui s'appelle Câblevision régional, ici, au Québec. Mais, dès que les systèmes ont été bâtis, on a transféré la propriété à des entrepreneurs locaux. On a toujours du capital-actions, jusqu'au conseil d'administration, mais c'est l'entrepreneur local qui connaît son marché. C'est la philosophie qu'on a. Parce qu'on rejoint 1 200 000 personnes au Québec, mais à travers 404 communautés, tandis qu'un entrepreneur à Québec ou un entrepreneur à Montréal, mettons, peut rejoindre 1 000 000 de personnes avec un système. Donc, c'est pour ça qu'on a cette approche de complémentarité que vous avez soulignée.

Mme Frulla: Est-ce que vous prévoyez pour le futur, par exemple, que l'ensemble des intervenants développentustement cette approche de complémentarité? Parce que ce qui fait la différence bien souvent dans les grands centres versus les régions éloignées, pour les places d'affaires, si on veut, c'est justement cette possibilité de communication, et une communication rapide. Il y a beaucoup d'entreprises qui aimeraient s'installer tout simplement, pour toutes sortes de raisons, dans des régions peut-être plus éloignées que les grands centres – qualité de vie, etc., coûts moindres d'installation et création d'emplois, ce qui est intéressant au niveau régional – mais bien souvent il y a une disparité, si on veut, comparativement à la facilité de faire affaire au niveau communications – je ne parlerai pas au niveau de transport, mais au niveau communications – par rapport aux grands centres.

Est-ce que vous prévoyez... Est-ce que vous voyez ça venir? Est-ce que vous voyez que le développement, justement, des communications, des divers systèmes pourrait aider la création d'emplois au niveau régional, par exemple, ça pourrait être un outil majeur de développement, dans ce que vous analysez, là?

M. Gourd (Alain): Définitivement. Avec la numérisation du lien satellisé, la capacité dans le ciel est maintenant très considérable parce que, comme je l'ai dit, là où on avait un service de télévision par répéteur analogue, nous, on en met jusqu'à huit. Alors, c'est une croissance exponentielle dans le ciel. Le problème, au moment où on se parle, dans les régions un peu plus éloignées, c'est la capacité au sol, parce que les câbles sont encore analogues et le coût de les rendre numériques est très considérable.

Nous, ce qu'on veut offrir, le partenariat qu'on veut offrir aux câblodistributeurs, c'est de leur donner des télécommunications sans fil numériques qui s'ajouteront à leur service analogue sur fil, leur offrant la même capacité, s'il y a assez de spectre qui nous est alloué, qu'une région, qu'une ville comme Québec.

Maintenant, la complémentarité. Est-ce que les entreprises vont agir en complémentarité ou vont se concurrencer? Je pense qu'elles vont faire les deux selon les possibilités d'affaires. Par exemple, Québec-Téléphone et Télébec protègent leur marché, et la même chose pour Bell. Elles ne sont pas toujours d'accord sur tout, mais Télébec et Québec-Téléphone offrent des liens Internet ou font de l'interconnexion entre elles. Nous, de notre côté, on concurrence les compagnies de téléphone dans l'Internet. Notre Internet est directement concurrentiel. L'avantage qu'on a dans les grands centres est très, très réduit. Évidemment, on a un avantage immense dans les régions éloignées parce que, pour le satellite, 1 km, 1 000 km, c'est le même coût, c'est la même technologie, ce n'est pas plus difficile.

Par ailleurs, on est partenaire avec BCE dans la diffusion directe par satellite. Alors, tantôt on est partenaire dans un projet puis, dans le marché à côté, on se concurrence tant qu'on peut, puis je pense que ça va être un peu le modèle qui va se développer.

M. Dufour (Gaston): Au Québec, on mentionnait tout à l'heure les quelque 400 communautés qu'on avait développées. Je voulais juste mentionner que ces communautés-là ont été développées avec des investisseurs locaux, à ces communautés-là. Donc, notre travail était justement de partir des réseaux de distribution, d'aider, d'être l'élément moteur, avec des investisseurs locaux, que ce soient des gens du Bas-du-Fleuve, de la Gaspésie, de la Côte-Nord, de l'Abitibi ou même des régions autour de Montréal, des endroits où les systèmes de distribution existants ne pouvaient pas développer ou ce n'était pas dans leurs priorités. Donc, les entreprises qui ont été développées, soit les 200 entreprises au Québec qui représentent au-dessus de 400 communautés, ont été faites avec des investisseurs locaux. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: M. Gourd, vous, vous n'êtes pas le... Est-ce que vous êtes la seule entreprise qui a cette mission-là au Canada?

M. Gourd (Alain): Nous sommes la seule entreprise en ce moment, pour encore deux ans, pour les stations de télévision américaines. Nous avons indiqué qu'à la fin de notre permis pour ces stations-là nous ne solliciterons pas le renouvellement de notre exclusivité. Dans les autres domaines, c'est-à-dire une foule de signaux de télévision qui ne sont pas ce qu'on appelle le 4 + 1 américain, dans le domaine de la radio, dans le domaine de l'Internet, on est les seuls, un peu parce que personne d'autre n'a lancé, mais n'importe qui peut, demain matin, louer du temps satellite puis lancer un Internet par satellite.

Alors, la réponse: Oui, on est les seuls. Pour à peu près 25 % de notre chiffre d'affaires, qui va devenir à peu près 15 % d'ici deux ans, c'est en vertu d'une licence exclusive. Pour le reste, on est les seuls parce qu'on est les seuls qui l'avons fait.

M. Laporte: Et comment allez-vous... Comment va se faire le partage... pas des responsabilités, mais du travail entre une compagnie comme la vôtre et puis des compagnies comme Motorola ou MCI, lorsque, par exemple, Irridium sera en fonction, ou M-Star, ou... Qu'est-ce que ça va être, la complémentarité qui va se faire entre vous?

M. Gourd (Alain): La complémentarité est que notre entreprise a pris une décision de ne pas être propriétaire de satellites...

M. Laporte: Ah bon! Au Québec.

M. Gourd (Alain): ...parce que, quand on est propriétaire d'un satellite, on a tendance à l'utiliser – c'est à nous – même s'il ne répond plus vraiment aux besoins. Donc, on diminue notre efficacité.

Alors, ce que nous voulons, nous, c'est avoir de la capacité à long terme, une capacité stable, soit par un contrat d'achat de capacité, soit en achetant un répéteur selon une formule condominium. Ça, on est tout à fait intéressé à acheter des répéteurs, c'est-à-dire à acheter un appartement dans le condominium, mais d'être sur une diversité de satellites. Actuellement, on opère en bande C pour rejoindre les câbles les plus éloignés, on opère en bande KU pour, par exemple, la... parce qu'il y a plus de puissance pour la télévision d'affaires, pour réduire la taille de la soucoupe. On a des projets, qu'on amène à notre conseil d'administration à la fin du mois, pour être sur les satellites à orbite basse à la fois pour les données et pour, également, la voix.

Par exemple, on a des camions, c'est un service de données, mais actuellement on rejoint le camion qui fait de la longue distance. Le coût de notre produit est de quelques milliers de dollars. C'est un coût qui est justifié pour un camion de 300 000 $. Mais, quand la remorque est séparée du camion, là le type dit: Ma remorque, elle ne vaut pas 300 000 $; alors là, je voudrais quelque chose de moins cher pour localiser ma remorque. Parce que, chose surprenante, pour chaque camion, il y a 2,7 remorques, et les remorques, ils les perdent, elles se font voler surtout quand il y a du cargo.

(17 h 20)

Alors, nous, on veut utiliser une autre bande, une troisième bande qui est les satellites à basse orbite, pour suivre les remorques. Éventuellement, on veut utiliser aussi la bande L pour mettre de la musique dans le camion, vu qu'on lance un produit musical. Alors, on veut être absolument pragmatiques. On veut utiliser toute la gamme possible des différents types de satellites pour développer nos différents produits, et le même camion pourrait être servi par plus d'un satellite, dépendant du type de produit. On ne veut pas être propriétaire des satellites parce qu'on va faire un forcing pour les utiliser même si ce n'est pas vraiment la bonne réponse technologique, mais on veut acheter un répéteur ici, un répéteur là, en louer un pour 10 ans au troisième endroit, etc.

Alors, nous, ce qu'on fait, on est, en fait, une entreprise à valeur ajoutée. On achète de la capacité brute de satellite. On développe ou on achète des technologies d'application pour différents secteurs. On développe ou on achète ou on fabrique des produits, et là on va voir des clients au détail. On dit: On a la capacité du satellite X, on a un beau produit télévision, tu as un câble, qu'est-ce que tu dirais d'acheter notre produit? On te livre ça clé en main. Tu n'as pas de capacité? On va te faire de la télécommunication sans fil clé en main dont tu restes propriétaire après cinq ans. Tu paies ton loyer pendant cinq ans. Tu as un petit ballon au bout. Nous, on arrive avec le concept, SNC-Lavalin bâtit, la Caisse de dépôt finance.

M. Laporte: Une dernière question. Si on veut que dans ces grands réseaux là – vous l'avez mentionné un peu, mais je veux que vous précisiez votre pensée là-dessus – si on veut assurer du produit francophone, c'est à des entreprises comme la vôtre qu'on fait appel? Mais on peut faire appel aussi à Bell Canada. Quelle est la meilleure stratégie pour assurer que, sur ces grands réseaux de satellites qui vont apparaître dans les sept, huit, 10 prochaines années – c'est imminent – comment est-ce qu'on s'y prend pour assurer que, là-dessus, disons, la civilisation française circule?

M. Gourd (Alain): J'ai tendance à dire que 1 000 fleurs s'épanouissent. C'est un peu tout le monde qui devrait oeuvrer à développer de nouveaux contenus francophones. Et le rôle de l'État, je pense, c'est de développer le cadre, de développer les encouragements, les incitatifs, et ensuite il va y avoir des échecs. On va lancer de nouveaux services et on va trouver qu'il n'y a pas preneur. Puis il y en a qui vont fermer. Mais, si plusieurs entreprises peuvent oeuvrer dans les contenus, peuvent lancer des contenus francophones, à ce moment-là, il y en aura plus que moins.

Ce qui veut dire que – et je ne veux pas juger nécessairement pour le reste du Canada, mais c'est ma conviction – au niveau du Québec, on devra avoir plus d'entreprises que moins qui ont le droit de contribuer aux contenus francophones. Et, s'il y a certaines entreprises qui ne peuvent pas le faire, il me semble qu'on devrait trouver des façons, soit que ce soit le fonds Bell Canada pour la télévision francophone ou que sais-je, il me semble qu'on devrait trouver des façons pour que toute entreprise ait le droit de contribuer aux contenus francophones, que ce soit directement ou indirectement.

M. Laporte: Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de Vachon.

M. Payne: Juste une brève question pour mon information. Il y a beaucoup de développement aujourd'hui dans la technologie de ce qu'on appelle en anglais le «localizer», que ce soit dans les avions privés, par exemple, de localiser la position d'un pilote, ou même utilisé par les chasseurs dans le bois pour savoir où est-ce qu'ils sont, pour donner les coordonnées via satellite.

Est-ce qu'il y a une application pour bientôt pour utiliser ce genre de «minilocalizer», par exemple dans les voitures, qui pourrait avoir comme effet d'être un système antivol? Ça, c'est une question.

L'autre question: Est-ce qu'il y a une façon selon laquelle – parce que, vous, vous êtes un fournisseur de services numériques par satellite – est-ce que, aussi, on est assez proche d'une technologie – évidemment, ça existe déjà, mais c'est sur l'application que je pose ma question – pour communiquer les informations numériques, c'est-à-dire pas seulement de savoir où est-ce que vous êtes, mais de communiquer à la personne qui est perdue dans le bois ou dans le Grand Nord, à un pilote d'avion, pas seulement pour savoir où est-ce qu'il est – nous avons ça déjà – mais aussi de communiquer les informations sous forme numérique?

M. Gourd (Alain): O.K. D'abord, la localisation. Au moment où on se parle, il y a des options, principalement américaines, par satellite. Il y a aussi des options terrestres, dont certaines ont été même développées au Québec. Par exemple, récemment, j'ai acheté une voiture, et une des options qu'on m'a offertes, c'était le système de localisation par satellite qui, dans ce cas-là, venait d'une entreprise américaine.

Dans le cas de Cancom, on a la technologie, au moment où on se parle, pour localiser les voitures. C'est une chose d'avoir la technologie, mais c'est une autre chose d'avoir une technologie robuste, pas chère, qui te permette d'avoir le marché. Pourquoi est-ce que toutes les autos n'ont pas un système de localisation si la technologie existe? C'est trop cher. Donc, il faut vraiment une voiture un petit peu dispendieuse pour que ce soit justifié. Alors, nous, Cancom, notre plan d'affaires dans le domaine de la localisation est de commencer par les unités les plus grosses, qui sont les camions longue distance; ensuite, de passer aux remorques; ensuite, de passer aux containers sur le camion. Donc, un container arrive d'Europe. Dès le départ en Europe, on le suit. On le suit du bateau. On le suit sur le camion. Il est mis sur un train, on le suit toujours. Il est remis sur un camion, on le suit, puis il est remis sur un bateau, du côté du Pacifique. Après ça, on voudrait passer...

Par exemple, on suit les camions qui transportent le courrier postal. On voudrait être capable de suivre une boîte dans un container. On veut arriver, effectivement, aux voitures, mais on aimait mieux commencer par les plus grosses unités pour assurer le marché. Et c'est quand on va avoir l'utilisation des satellites à orbite basse, comme ORBCOM, qui est contrôlé par Téléglobe, qu'on va être capable, justement, d'avoir un produit par satellite pour les voitures. Et le gros avantage, c'est que, même si la voiture sort de la couverture de la téléphonie cellulaire, on va être capable de la suivre. Par exemple, je pense à l'Abitibi. Il y avait un paquet... Louvicourt, il y a quelques années, a été examinée par la Sûreté du Québec. Ils ont découvert que Louvicourt, il y avait beaucoup de voitures qui venaient du sud. Pourquoi? Parce qu'il n'y avait pas de téléphonie cellulaire, donc on ne pouvait pas les suivre. Alors, quand on l'aura par satellite, n'importe où, à moins qu'ils ne l'entrent dans un hangar avec trois couvertures de béton puis d'acier, ils vont le suivre. Mais, dès que...

Par exemple, on retrace souvent les camions de nos clients. Dès que le camion... Récemment, je pense que c'est Robert Transport, il y a un camion qui disparaît. Il rentre dans un hangar. Ils ont attendu, mettons, deux jours puis, là, ils ont dit: On est correct, on va le ressortir. Mais, dès que le camion est ressorti du hangar, bien, le satellite l'a repéré tout de suite, et puis le camion a été récupéré. Ça arrive une fois de temps en temps, ça. Pardon?

Une voix: C'est interactif.

M. Gourd (Alain): Oui, puis c'est... Maintenant, l'interactivité et la messagerie. Au moment où on se parle, nos services mobiles sont interactifs, à savoir que l'antenne sur le véhicule est une antenne à la fois de réception et de transmission, au niveau des données.

On peut contrôler la vitesse du camion. On peut contrôler le RPM, la température de l'unité réfrigérée. On peut barrer les portes, ce qui fait que la clé du chauffeur ne peut même pas ouvrir la porte; ça prend une clé électronique du satellite. Et, si le conducteur est au restaurant, son camion va avoir un message pour la pagette – il va y avoir une pagette – son camion va lui dire: Reviens vers moi, camion, parce que tu as un message de ta compagnie qui veut savoir ce que tu fais puis où tu es. Donc, la technologie existe. Là, le défi est de rendre la technologie moins coûteuse pour être capable de l'appliquer à des véhicules moins dispendieux. Même, éventuellement, quelqu'un qui va à la chasse sur une motoneige...

M. Payne: C'était ma question.

M. Gourd (Alain): ...pourrait avoir ce service-là, et c'est une question de baisser les coûts.

Le Président (M. Garon): Ça devient dangereux, hein. Pensez qu'il y a bien des conjoints jaloux qui pourraient utiliser...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): ...cette technologie-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gourd (Alain): M. le Président, là il y a un marché. Ha, ha, ha! Notre travail...

Le Président (M. Garon): ...

M. Gourd (Alain): ...il y a un marché à desservir.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Pour dire que les inventions servent parfois à d'autres fins que celles pour lesquelles elles avaient été prévues.

M. Gourd (Alain): Est-ce à dire, M. le Président, qu'elles sont parfois autant une malédiction qu'une bénédiction?

(17 h 30)

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Non, non. Mais c'est vrai, ce que vous dites là. Ça peut... Même la police, elle pourra suivre tout le monde.

Je remercie les représentants de Cancom, M. Gourd et Mme Dumas, de leur contribution aux travaux de cette commission. C'était très instructif.

J'invite maintenant Mme Péloquin, du Taqramiut Nipingat inc.

(Consultation)

Le Président (M. Garon): Mme Péloquin, nous avons une demi-heure ensemble, c'est-à-dire normalement une dizaine de minutes pour vous et une dizaine de minutes pour chacun des partis pour vous questionner.


Taqramiut Nipingat inc. (TNI)

Mme Péloquin (Kathy): Merci. Je voudrais débuter par vous féliciter de la façon dont vous présentez Taqramiut Nipingat. Taqramiut Nipingat est la radio et la télévision des Inuit du Nord québécois, du Nunavik. Je tiens à vous mentionner que notre présidente, Eva Sakiagak, et Pauloosie Saviadjuk n'ont pas pu être ici aujourd'hui. L'avion n'a pas décollé de Salluit vendredi, lundi et aujourd'hui. Ils m'ont demandé de faire la présentation en leur nom.

La société Taqramiut Nipingat a débuté ses activités il y a déjà 20 ans. On a débuté avec la radio, où on a introduit dans la région du Nunavik, qui est située au-dessus du 50e parallèle du Nord québécois, la programmation en inuktitut, qui est la langue des Inuit du Nord québécois. En 1981 et jusqu'en 1986, nous avons négocié avec les différents paliers gouvernementaux pour introduire la télévision en inuktitut. Aujourd'hui, en 1996, nous faisons la programmation de 14 heures de radio diffusée régionalement dans la région du Nunavik et sept heures de programmation télévisée.

En janvier, le 24 janvier 1996, nous avons mis sur pied un projet intitulé Vision Nunavik, qui représente pour les Inuit du Nouveau-Québec une nouvelle erre d'aller dans le domaine des communications. Nous voyons l'introduction de l'inforoute, l'introduction aussi de la vidéoconférence, l'introduction de nouveaux services dans la région, spécialement pour le secteur de l'éducation. Je pense que c'est important de mentionner que, à l'intérieur du projet, un des buts globaux, c'est l'éducation des enfants de petites communautés qui sont actuellement relocalisés, ils sont relocalisés pour compléter leurs études dans de plus grands centres. On a eu une personne qui a mentionné Fort-Chimo, on peut peut-être lui mentionner que c'est Kuujjuaq qui est le centre administratif du Nunavik.

Actuellement, la commission scolaire Kativik, le Conseil régional Kativik, le Conseil régional de développement Kativik et la Société Makivik travaillent en collaboration avec Taqramiut Nipingat pour mettre sur pied et à la disposition des résidents des nouveaux services. On parle de services de télémédecine ou de télédiagnostic, on parle aussi d'éducation à distance, où on a établi un partenariat important avec la compagnie IBM qui nous permettra d'avoir le contenu de leurs cours d'ordinateur et leurs cours sur l'inforoute traduits en inuktitut. Aussi, on va avoir les outils de logiciels qui nous permettront de participer à l'inforoute en inuktitut et la traduction de plusieurs des programmations.

Ce qu'on m'a demandé aujourd'hui de présenter à l'État, M. le Président, c'est d'évaluer la possibilité de consolider les services actuellement qui sont au Sud pour vraiment favoriser le déploiement des infrastructures et des nouveaux services dans notre région. Actuellement, les gens qui ont de la difficulté à être soignés dans les deux hôpitaux régionaux pourraient avoir accès à une meilleure qualité de services en utilisant le diagnostic à distance. Lorsqu'on parle d'une communauté comme Aupaluk, où on a 75 habitants qui y vivent, nous croyons que, pour la société Taqramiut Nipingat, c'est important que ces gens-là soient capables de recevoir le même service que les gens qui vivent dans la communauté de Kuujjuaq.

Ce que nous avons mis sur pied, c'est une série de partenariats avec des grandes compagnies à l'intérieur du projet Vision Nunavik. Nous avons tenté en vain de négocier avec les compagnies comme Cancom. Les partenariats locaux ne tenaient pas en considération les bandes réservées de satellite et c'était très difficile pour nous d'ajouter des services additionnels à ceux de l'inforoute. C'est pourquoi aujourd'hui, dans le déploiement des activités que nous mettons en place, nous croyons important que l'État soit capable de jouer un rôle à l'intérieur du projet.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Frulla: On vient justement de recevoir – tantôt vous étiez là, d'ailleurs – Cancom, qui semblait être ou, enfin, se présentait comme une solution justement pour aider les régions éloignées. J'aimerais ça que vous élaboriez un petit peu là-dessus, parce que vous disiez que, finalement, les partenariats avec des grosses compagnies, puis tout ça, avaient été difficiles ou sont difficiles.

Mme Péloquin (Kathy): Depuis janvier, février, mars et avril 1996, avant le déploiement de l'infrastructure qui est en place actuellement, nous avons tenté d'effectuer des partenariats d'affaires avec le groupe Cogeco, avec Cancom, avec Bell Mobilité, avec – that's it! – où les compagnies avaient à offrir des services directs et des produits directs et où aucune participation des communautés n'était possible. Ce que la société Taqramiut Nipingat désirait, en consolidation avec les organismes régionaux, c'était une participation des Inuit et une participation à définir les services qui allaient entrer à l'intérieur des petites communautés, comme ça a été le cas pour le câblodistributeur. Le câblodistributeur doit mettre sur pied des services pour insérer des postes disponibles pour la communauté. Ce qui a été très difficile, je pense, pour des grandes compagnies, ça a été de pallier ou de faire le pas entre les petites communautés, le désir des gens de vouloir des nouveaux services et le désir aussi de participer à l'élaboration de ces services, donc de rencontrer les besoins qui sont dans chacune des communautés.

Le projet Vision Nunavik a suivi une analyse de besoins qui a été effectuée en 1994 et qui a regroupé plus de 100 000 personnes non seulement des Territoires du Nord-Ouest, mais de l'Alaska, du Groenland, de l'Australie et du Nunavik. Trois recommandations primaires ont été soutenues, sur lesquelles Taqramiut Nipingat a décidé de bâtir ce projet-là: la première recommandation était la participation directe des communautés; la deuxième était de soutenir la langue et la culture des Inuit du Nunavik; et la troisième était d'établir et de définir les services auxquels les communautés auraient à faire face.

Mme Frulla: Donc, ce que vous avez fait, finalement, c'est une espèce de plan d'ensemble, un plan de développement. À partir de ça – si j'ai bien compris, là – une fois que vous avez instauré ou, enfin, vous avez établi vos objectifs, besoins, etc., c'est là que vous faites des partenariats, si on veut, avec... Pour les infrastructures, par exemple...

Mme Péloquin (Kathy): Exact.

Mme Frulla: ...est-ce qu'il y a des partenariats que vous faites avec d'autres grandes sociétés ou entreprises?

(17 h 40)

Mme Péloquin (Kathy): Actuellement, la structure du réseau intégré, nous avons un centre d'accès public, à Salluit, qui est une communauté qui représente 850 habitants, nous sommes en phase d'implantation actuellement dans le village de Kuujjuaq, ou Fort-Chimo, et dans le village de Povungnituk, où nous avons un partenariat avec Bell Canada où on défraie des coûts exorbitants pour le temps satellite d'un service point à point, avec les facilités de Taqramiut Nipingat à Dorval sur un réseau 64 kbps avec une compression digitale et où le partenariat est venu avec les gens qui font la manufacturation des pièces d'équipement pour la compression digitale.

Mme Frulla: Mais est-ce que le système, selon vous, est en voie de progression? Est-ce que, en fait, l'ensemble, vous êtes satisfaits du déploiement, si on veut, des communications? Parce que, finalement, c'est clé pour les communautés qui sont en territoire plus éloigné, les communications, comme vous le disiez, autant au niveau éducation que de la santé, que tout simplement au niveau culturel.

Mme Péloquin (Kathy): Exact. Ce qui se produit actuellement avec la commission scolaire Kativik, nous définissons des cours pour l'éducation à distance pour les étudiants de secondaire III, IV et V pour leur permettre... Les étudiants qui sont dans les villages de Aupaluk, Tasiujaq, Kangiqsujuaq, Quaqtaq, Ivujivik n'ont pas accès au secondaire III, IV et V. La réalité, c'est que ces étudiants doivent être relocalisés dans les grands villages. La possibilité d'expansion du réseau pourrait nous permettre de faire la livraison de courte à longue distance pour ces étudiants. Ce que la société et le consortium régional ont mis sur pied, c'est dans trois grands villages afin d'essayer de réduire les coûts, et le marché détermine que, où il y a plus de gens, c'est où c'est le plus viable. C'est ce que nous avons fait cette année. Nous prévoyons, s'il y a des partenariats avec l'État ou des partenariats extensifs avec des grandes compagnies, avoir la possibilité justement d'extensionner dans les petits villages où on retrouve de 75 personnes jusqu'à 125 personnes qui y vivent.

La commission scolaire a un grand intérêt à développer des cours de longue distance, surtout que, dans les deux prochaines années à venir, ils auront à déménager dans le Grand Nord québécois, où non seulement les communications deviennent importantes, mais vont assurer un suivi avec les différents paliers gouvernementaux.

Le Président (M. Garon): M. le député de Champlain.

M. Beaumier: Merci, M. le Président. Mme Péloquin, j'essaie de comprendre l'impact de l'inforoute sur l'organisation du monde scolaire. Il y a combien de communautés ou de villages qui sont couverts dans le territoire dont vous parlez?

Mme Péloquin (Kathy): Dans le territoire du Nunavik?

M. Beaumier: Nunavik, oui. C'est ça, oui.

Mme Péloquin (Kathy): Il y a 15 villages...

M. Beaumier: Bon. Il y a 15 villages.

Mme Péloquin (Kathy): ...en incluant Chisasibi, qui est une communauté où il y a 100 Inuit qui y vivent et où le reste de la communauté est crie.

M. Beaumier: D'accord. Alors, c'est 15 villages. Vous disiez tantôt qu'il y en avait trois parmi les 15 qui sont des grands villages?

Mme Péloquin (Kathy): Oui.

M. Beaumier: Bon. O.K.

Mme Péloquin (Kathy): On dit des grands villages. La localisation du projet Vision Nunavik, c'est déterminé, basé surtout sur les besoins du secteur de la santé et de l'éducation...

M. Beaumier: Oui, d'accord.

Mme Péloquin (Kathy): ...et du secteur de la justice. Cette année, dans le projet, nous aurons les villages de Povungnituk, Salluit et Kuujjuaq qui auront un lien sur le réseau intégré de Taqramiut Nipingat.

M. Beaumier: Ce qui m'intéresse bien gros, c'est: Est-ce que ça va se traduire, par rapport à la situation ante, en termes de déplacement des élèves, en termes de vie des 15 communautés, est-ce que ça va se traduire, par rapport à la situation actuelle ou un peu avant, par une plus grande, j'allais dire, un moins grand déplacement des élèves par rapport à ce qui se faisait avant?

Autrement dit, vous disiez tantôt qu'il y avait... J'avais noté qu'il y avait, évidemment, des cours, des activités, toujours dans le secteur de l'enseignement, qui se donnaient dans les localités, mais qu'à un certain moment, si j'ai bien compris, là il fallait déplacer les élèves pour les relocaliser durant leur temps scolaire dans des endroits plus conjoints...

Mme Péloquin (Kathy): Plus populeux.

M. Beaumier: Plus populeux, oui. Ce dont vous parlez, est-ce que ça va avoir comme effet de renforcer la vie de ces petits villages là en diminuant ou en retardant peut-être la nécessité pour les jeunes de se déplacer pour avoir des services d'enseignement?

Mme Péloquin (Kathy): Actuellement, la réalité du Nunavik: certaines écoles n'ont pas de bibliothèque, O.K...

M. Beaumier: D'accord.

Mme Péloquin (Kathy): ...et les trois plus grands villages ont la possibilité d'avoir l'éducation jusqu'au secondaire V.

M. Beaumier: Jusqu'au secondaire V, les 15 villages?

Mme Péloquin (Kathy): Non, pas dans les 15 villages.

M. Beaumier: Les trois. Excusez. O.K.

Mme Péloquin (Kathy): Dans les trois villages du projet, cette année.

M. Beaumier: O.K. Et, dans les 12 autres, c'est jusqu'où? C'est le primaire ou bien...

Mme Péloquin (Kathy): On a quatre villages actuellement où on n'a pas l'éducation jusqu'au secondaire V.

M. Beaumier: D'accord.

Mme Péloquin (Kathy): Cinq villages.

M. Beaumier: Cinq villages.

Mme Péloquin (Kathy): Le déploiement de l'infrastructure dans les petits villages va nous permettre de faire l'évaluation de la relocalisation des élèves. Cependant, cette année, de façon financière, c'était impossible d'aller dans des petits villages.

M. Beaumier: Nous, on a une problématique un peu différente, mais quand même à laquelle j'ai été particulièrement sensibilisé, c'est l'importance des dernières écoles de village au niveau des communautés. Alors, j'imagine que vous le vivez davantage. À ce moment-là, ce qui s'en vient et ce vers quoi vous travaillez, c'est d'assurer le mieux possible, le plus longtemps possible la vie comme telle de ces petits villages là et le maintien le plus longtemps possible de leurs élèves, de donner des services scolaires à ces niveaux-là.

Mme Péloquin (Kathy): C'est exact.

M. Beaumier: C'est bien.

Mme Péloquin (Kathy): Je n'ai pas les données exactes de la commission scolaire catholique. C'est dommage. Cependant, je peux vous dire que, dans les petits villages, le taux de décrochage scolaire est beaucoup plus élevé avant le secondaire V que dans les grands villages.

M. Beaumier: Donc, puis ça, je le comprends bien, ce n'est pas seulement permettre aux jeunes de rester plus longtemps dans leur milieu, mais c'est de permettre qu'en restant dans leur milieu ils aillent plus loin en termes de scolarisation. C'est les deux volets, là. Oui, je comprends.

Mme Péloquin (Kathy): Je pense que c'est les deux volets. Si on regarde un étudiant qui a, quoi, 12 ans et qu'on lui demande de quitter sa famille pour poursuivre ses études...

M. Beaumier: Oui.

Mme Péloquin (Kathy): ...ça devient très difficile. Le profil de l'étudiant sera... Il aura 17 ou 18 ans et, à ce moment-là, il sera relocalisé dans un grand village pour poursuivre ses études.

M. Beaumier: Dans un grand village. Alors, merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Pour revenir au niveau des besoins d'infrastructures... C'est parce que, moi, j'ai eu le plaisir de visiter Aupaluk. Alors, je comprends très bien. Quand l'avion part de la piste d'atterrissage à Aupaluk, on est sur la côte qui est là, et c'est de toute beauté, mais on se sent isolé beaucoup. Qu'est-ce qu'il faut pour brancher Aupaluk, ou Tasiujaq, ou Salluit? C'est quoi, les infrastructures qui sont manquantes en ce moment?

Mme Péloquin (Kathy): Une autre des raisons pour lesquelles Kuujjuaq, Salluit et Povungnituk ont été sélectionnés, c'est la présence ou l'arrivée de la câblodistribution. Pour un village comme Aupaluk, on aurait besoin d'un serveur, d'augmenter la capacité du réseau téléphonique local, ce qui est une des préoccupations de la Société Makivik depuis longtemps, et du gouvernement régional aussi.

M. Kelley: Mais, moi, je ne suis pas expert. Alors, pour augmenter cette capacité... Parce que, moi, j'ai dû faire des appels aux villages nordiques quand j'ai travaillé pour le ministre des Affaires municipales, et ce n'était pas toujours évident de rejoindre quelqu'un. À Kuujjuaq, ça va assez bien, mais, dans d'autres villages, ce n'était pas toujours évident. Alors, qu'est-ce qu'il faut faire pour bonifier les infrastructures téléphoniques existantes?

(17 h 50)

Mme Péloquin (Kathy): Et moi non plus, je ne suis pas technique, je ne voudrais pas vous induire en erreur.

M. Kelley: Non, non. Mais juste...

Mme Péloquin (Kathy): Ce qu'on m'a expliqué, c'est les amplificateurs et le réseau de transmission qui est sous la coupe satellite.

M. Kelley: Parce que, avant de parler de l'inforoute, je comprends très bien les avantages pour ces villages d'être capables de communiquer. Juste le fait de mettre les 14 maires ensemble n'est pas toujours évident, surtout l'hiver, avec les grands voyages à faire. C'est difficile à organiser. Alors, s'il y a des moyens de communiquer ensemble sans toujours être obligés de se réunir, il y a des avantages certains. Mais, avant de faire ça, il faut bonifier le système téléphonique.

Mme Péloquin (Kathy): Actuellement, dans les trois villages, il n'y a eu aucun déboursé de Bell Canada ou Telesat pour faire le déploiement des infrastructures.

M. Kelley: Ma deuxième question, et j'ai vu ça dans le mémoire: Comment fonctionne le clavier adapté pour permettre aux personnes d'utiliser l'inuktitut avec les ordinateurs? Une autre chose avec laquelle je suis peu familier, mais je vois, sur la partie II de votre mémoire, on parle de ce clavier adapté qui permet à des personnes d'utiliser l'inuktitut sur l'ordinateur.

Mme Péloquin (Kathy): La plateforme du clavier est transférée à l'intérieur d'un logiciel pour dire que les syllabes sont sur un endroit... et sur un autre endroit... pour être capables d'utiliser les signes, les symboles d'inuktitut.

M. Kelley: Alors, comment ça fonctionne? On est dans l'école Inukjuak, ou quelque chose comme ça, on a le clavier devant nous qui a l'alphabet inuktitut?

Mme Péloquin (Kathy): Non.

M. Kelley: Non.

Mme Péloquin (Kathy): On a le clavier avec les papiers du symbole sur le clavier...

M. Kelley: Oui.

Mme Péloquin (Kathy): ...et on écrit comme si... Je suis convaincue que, si je vous demande: Le «é», il est où sur un clavier anglais? vous savez où il est. Non?

M. Kelley: Je ne suis pas un adepte. Alors, en règle générale, oui.

Mme Péloquin (Kathy): C'est le même... Je pense que ce qui est vraiment important – et je suis contente que vous souleviez le fait de la langue – actuellement, le centre d'accès communautaire de Salluit fait beaucoup de pages Internet sur inforoute. C'est disponible, si vous voulez visualiser. Vous pouvez aller au www.nunavik.net, qui est le réseau intégré de Taqramiut Nipingat. Nous avons fait la formation d'un coordonnateur local pour la communauté qui fait la création de pages Internet en inuktitut et en anglais actuellement. Une autre des demandes qu'on m'a faites avant que je sois ici, c'est de voir à la possibilité de faire la traduction en français du réseau intégré actuellement.

M. Kelley: Non, parce que je sais... J'ai assisté aux rencontres des maires des villages avec les fonctionnaires qui venaient de Québec, et c'était des fois un petit peu ardu parce qu'il faut traduire l'inuktitut souvent vers l'anglais et, après ça...

Mme Péloquin (Kathy): Vers le français.

M. Kelley: ...vers le français. La réponse est donnée en français, traduite vers l'anglais, traduite en conséquence vers l'inuktitut. Alors, c'est toujours un plaisir. On ne peut pas être pressé quand on rencontre les 14 maires.

Mme Péloquin (Kathy): Non.

M. Kelley: Il faut prendre le temps qu'il faut, parce que les communications, ça se fait, mais ça se fait à un rythme tout à fait particulier.

En tout cas, merci beaucoup. Je vais visiter le site. J'ai pris note des coordonnées ici. Alors, je vais essayer de visualiser comment on peut employer l'inuktitut sur l'Internet. Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): Je remercie Mme Péloquin, au nom de Taqramiut Nipingat inc., de sa contribution aux travaux de la commission. Et je suspends les travaux de la commission jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 55)

(Reprise à 20 h 5)

Le Président (M. Garon): Alors, la commission reprend ses travaux, et c'est maintenant au tour de la Banque Nationale, avec M. Carter et Mme Ouellet. Si vous voulez vous présenter, faire votre exposé, et, comme nous avons une heure, normalement, on partage le temps en trois parties: une partie pour l'exposé, une partie pour les députés ministériels, une partie pour les députés de l'opposition. Si vous prenez plus que 20 minutes, ils auront autant en moins. Si vous prenez moins que 20 minutes, ils pourront prendre le temps que vous n'aurez pas pris.


Banque Nationale du Canada

M. Carter (Richard): M. le Président, je vous remercie. Mon nom est Richard Carter, je suis premier vice-président en recherche et développement et gestion des produits à la Banque Nationale du Canada. Je suis accompagné par Mme Danielle Ouellet, qui est directrice pour les services électroniques aux entreprises et aux particuliers.

Il me fait plaisir ce soir de vous présenter un bref sommaire – en d'autres termes, M. le Président, vous allez avoir beaucoup de temps – du document qui vous a été déposé, au nom de la Banque Nationale du Canada, sur les enjeux du développement des inforoutes au Québec. En d'autres termes, je vais prendre vraisemblablement cinq à 10 minutes de votre temps pour vous faire un bref résumé des principaux points qui se retrouvent dans ce document.

Nous croyons que l'interconnexion internationale des réseaux informatiques offre aux Québécois, consommateurs comme entreprises, la possibilité de repousser les frontières, de participer à une sorte de nouveau village planétaire et de rayonner dans le monde. Les réseaux informatiques internationaux ne soulèvent pas, à notre avis, de problèmes culturels inédits. Les consommateurs québécois sont déjà, ne serait-ce que par la télévision, inondés d'informations, d'idées, de valeurs et de cultures étrangères. Les dangers culturels de l'Internet sont d'autant moins pressants que la clientèle qui s'y retrouve actuellement est particulièrement cultivée et aguerrie.

Nous croyons qu'il serait illusoire de prétendre, au moyen de normes diverses, linguistiques ou autres, réglementer les sites Internet. Une conséquence directe de la réglementation, à notre avis, serait d'imposer des coûts additionnels aux sites québécois. Une réglementation minerait, selon nous, la compétitivité des entreprises québécoises par rapport à leurs concurrentes étrangères. La seule manière, à notre avis, qui serait réaliste d'assurer l'accessibilité à une nouvelle technologie comme celle des réseaux informatiques consiste à la laisser se développer sans entraves ni normes artificielles.

Nous irons jusqu'à dire que les banques disposent actuellement de l'expérience, de la technologie et des incitations nécessaires pour garantir la sécurité des transactions électroniques, de sorte que la valeur ajoutée de l'intervention dans ce domaine est relativement limitée. Les banques ont surtout besoin de la marge de manoeuvre nécessaire pour exercer leur expertise et lancer de nouvelles initiatives. À notre avis, les occasions d'intervention bénéfique de l'État dans les réseaux informatiques résident surtout dans la participation éclairée des organismes publics: que l'État soit un utilisateur modèle. À cet égard, je citerais l'expérience qui a été vécue, entre autres, avec l'EDI au cours des 10 dernières années. Un des facteurs importants de développement de l'EDI chez nos entreprises était, à toutes fins pratiques, l'usage de ces technologies par de grands intervenants, à savoir de grandes entreprises et les intervenants gouvernementaux. C'est par un usage important sinon crucial de ces technologies par les gouvernements, au même titre que par les grandes entreprises, que nos petites entreprises s'investissent de ces technologies et les utilisent.

Nos conclusions et recommandations générales se résument comme suit. Premièrement, nous croyons que le développement futur des réseaux informatiques est tout aussi impossible à prédire que ne l'était, il y a 15 ans, son expansion actuelle. Essayer de diriger d'en haut le développement des inforoutes en détruirait la spontanéité et isolerait les Québécois. Les inforoutes offrent des occasions de rayonnement dont l'utilité surpasse de beaucoup tout avantage que pourrait comporter une réglementation sévère de ces véhicules.

Notre expérience à la Banque de même que la nature du marché montrent que les entreprises québécoises doivent être libres de profiter pleinement des opportunités qu'offrent les réseaux informatiques, notamment vis-à-vis des marchés extérieurs. Pour nous, la réglementation pourrait s'avérer illusoire dans la mesure où elle serait facilement contournable étant donné l'ouverture des réseaux informatiques dans le monde. Elle risquerait de se traduire surtout par des coûts additionnels pour les fournisseurs québécois de services Internet, ce qui pourrait nuire non seulement au développement économique, mais aussi à la langue et à la culture françaises. En d'autres termes, si on réglemente indûment les activités de ces sites au Québec, il est très facile pour quelqu'un de déménager ailleurs, d'introduire son site à l'extérieur du Québec.

(20 h 10)

À notre avis, la meilleure politique consiste pour l'État à utiliser les réseaux informatiques de la même manière et en suivant les mêmes règles que les autres usagers, tout en tenant compte de sa responsabilité d'y jouer un rôle d'utilisateur modèle et de catalyseur. À ce titre, j'aimerais noter que l'État québécois aujourd'hui, avec certaines interventions, avec certains projets qu'on retrouve dans différents ministères et organismes, est actuellement en train de donner un coup d'envoi important au développement de ces autoroutes au Québec. C'est dans cette voie que nous croyons que réside le rôle de l'État. Je vous remercie.

Le Président (M. Garon): M. le député de Vachon.

M. Payne: J'aurais juste une petite question. Je vous remercie. C'était intéressant, le... Vous êtes souvent un des pionniers en matière de l'autoroute de l'information.

Il y avait, dans le projet UBI, une composante – je n'ai pas vu, je n'ai pas lu, je n'en ai pas entendu parler depuis un bon moment – c'étaient les points de services centraux accessibles à tout le monde, par exemple à Place Ville Marie, disons, où tu peux avoir un multipanneaux d'écrans...

M. Carter (Richard): Un kiosque interactif.

M. Payne: Est-ce qu'on va encore dans ce sens-là, parce qu'il me semble que, au niveau de l'accessibilité, c'est une approche assez importante, surtout dans un programme bêta de ce genre-là?

M. Carter (Richard): Je devrais vous avouer que, à ma connaissance, dans la phase I du projet UBI, le projet touche essentiellement des appareils de télévision dans la région du Saguenay, et cette phase I, lorsqu'elle sera complétée, amènera des phases subséquentes qui n'excluent pas l'usage de kiosques interactifs.

M. Payne: Non, non, il était dans le projet. C'est pour ça que je voulais savoir si vous avez eu d'autres détails.

M. Carter (Richard): Pas dans la phase I actuellement prévue.

M. Payne: O.K.

M. Carter (Richard): Cependant, je dois vous avouer qu'il y a plusieurs intervenants qui envisagent de tels kiosques interactifs indépendamment du projet UBI qui, lui-même, est foncièrement orienté vers l'usage de la télévision. Ces intervenants incluent différentes firmes telles que les banques – il y a des banques qui utilisent des kiosques interactifs – et il y a également d'autres intervenants qui ont des projets similaires, à notre connaissance.

M. Payne: Sur un autre sujet, est-ce que vous avez lu le mémoire de la Commission d'accès à l'information?

M. Carter (Richard): À quel titre?

M. Payne: Bien, ils ont soumis le mémoire ici. Ils ont fait des exposés depuis deux ans devant la commission touchant directement ou indirectement l'autoroute de l'information, et on avait discuté in extenso les implications, par exemple, de tout ce qui concerne la confidentialité, les échanges de données, l'encryptologie...

M. Carter (Richard): Disons que...

M. Payne: ...la signature puis la carte universelle d'accès aux services.

M. Carter (Richard): ...notre intérêt réside principalement dans la sécurité, et, comme banque, on ne peut pas se prononcer pour tous les intervenants dans cet immense dossier. En ce qui nous touche principalement, la sécurité est quelque chose de tout à fait prioritaire. Notre histoire dans le commerce électronique est essentiellement liée à la sécurité transactionnelle. Que ce soit le développement du système Interac ou des systèmes de débit, des guichets automatiques, que ce soit l'implantation des nouvelles applications de services bancaires à domicile par PC sur lignes dédiées téléphoniques, dans tous ces cas où la sécurité de la transmission de l'information – en ce qui nous concerne, il faut bien comprendre ce dont on parle; on parle d'accès à des comptes bancaires – alors, dans ces dossiers-là, il est bien évident que tout ce qui s'appelle encryptologie est un dossier dans lequel on verse des sommes considérables à chaque année en payant des experts pour être sûrs que nos coffres sont tout à fait sécures, en d'autres termes, que l'accès à des comptes est complètement protégé.

Alors, c'est surtout ces aspects-là, en termes de confidentialité et de sécurité, qui sont de notre intérêt et sur lesquels on se penche constamment. Et c'est d'ailleurs pourquoi, dans le contexte de l'Internet, où il y a eu, je dirais, des craintes qui sont graduellement en train d'être réduites avec les capacités, aujourd'hui, d'encryptologie et de ce qu'on appelle en anglais des «firewalls», on anticipe, justement, un départ de l'Internet en termes de transactions. Il y a déjà, je pense, une ou deux banques aux États-Unis qui sont purement transactionnelles sur l'Internet, en d'autres termes, qui sont suffisamment confiantes de leur niveau de sécurité pour le faire.

M. Payne: Ça m'intéresse, toute la question de la confidentialité, et, comme je vous dis, on a discuté beaucoup de ça, on y réfléchit beaucoup, mais il y a une autre question qui, si elle n'est pas corollaire, est aussi importante, c'est toute la question de la nature légale de la transaction. Au moment de l'autoroute de l'information, deux questions se posent: le lieu de la transaction et le temps, le moment de la transaction. Et on vous regarde, parce que vous êtes dans le milieu des transactions légales, sur vos réflexions là-dessus. Je n'en ai pas besoin, mais peut-être que, pour le procès-verbal, ce serait intéressant de donner quelques exemples.

Quand on voyage et lorsqu'on veut accréditer ou débiter un compte quelconque, disons un compte ici, à Montréal, et qu'on se trouve, je ne sais pas, à Rio de Janeiro, on peut faire la transaction légale à partir du téléphone, par exemple, à Montréal, à l'heure de Montréal, et ça devient un acte légal selon le Code civil du Québec, au Québec. Si c'est fait ailleurs, il pourrait y avoir des conséquences importantes sur la nature de la transaction. Avez-vous, dans votre comité d'éthique et de planification stratégique pour la nouvelle technologie, abordé cette question-là? Parce que ça concerne à la fois la signature, donc la confidentialité, deuxièmement, le lieu et, troisièmement, la place. Ce sont des questions absolument capitales pour responsabiliser les institutions financières comme la vôtre et protéger les consommateurs québécois.

Mme Ouellet (Danielle): On a fait beaucoup de travail de ce côté-là. Entre autres, avec l'Université de Montréal, il y a un livre qui a été travaillé avec des gens du côté légal pour élaborer ce genre de... Quand vous parlez de signature électronique, de temps, de lieu, etc., on a de la documentation de ce côté-là. Malheureusement, je n'ai pas ça avec moi ce soir, mais on a fait un certain travail de ce côté-là, d'une part à cause de notre travail dans l'EDI et à cause des nouveaux mécanismes qui sont en train d'être mis en place du côté commerce électronique.

M. Carter (Richard): Il y a un autre point qui pourrait être fait à ce sujet, qui est un rôle des institutions financières dans le contexte des transactions – un rôle que, parfois, on ne reconnaît pas ou qu'on ne voit pas – celui de l'authentification d'une transaction. Si vous avez besoin d'une lettre de crédit, d'une lettre de garantie pour faire de l'exportation, de l'import-export, moi, je converse avec une autre institution financière qui me garantit que l'individu qui est à Hong-kong est effectivement cet individu-là. Moi, j'ai une entente avec cette institution financière là, et c'est une entente de gré à gré. Il y a des ententes partout entre les banques, et c'est clair que la banque qui renierait, je ne dirais pas sa parole, mais son authentification d'un client aurait énormément de difficulté à faire des affaires avec une autre institution financière.

Alors, à travers le monde, les banques ont également ce rôle d'authentification. C'est vrai pour des lettres de crédit, des lettres de garantie quand vous faites de l'import-export. Actuellement, une des solutions que nous avons mises en marché sur l'Internet, un produit qu'on appelle Securnat, qu'on a développé avec une firme américaine qui s'appelle CyberCash, est un tel produit où la banque, l'institution financière identifie le client, identifie le marchand. Les deux sont identifiés soit par une ou par deux institutions financières, et les deux institutions financières elles-mêmes... C'est un peu le même principe dans le cas du débit, dans le cas du crédit. Ajoutez à ça une méthode de NIP, de numéro d'identification personnel, et on fait ces transactions-là. En d'autres termes, les institutions financières s'arrogent, dans une certaine mesure – et ça a toujours été le cas dans le domaine des affaires – une forme de rôle d'identification de l'individu et de l'entreprise.

M. Payne: Je vais finir très rapidement, mais je veux être très concret et je veux vous amener sur un terrain où vous puissiez vous compromettre dans une défense du client. Je donne, à titre d'exemple... Si vous faites l'acquisition d'un bien à l'étranger, à l'extérieur du Canada, une transaction d'acquisition commerciale – c'est-à-dire, vous achetez, je ne sais pas, un vidéo à Hong-kong, disons, pour prendre votre exemple – l'échange se fait, bien sûr, sur le compte du client qui se trouve au Canada, au Québec. Au moment où on se parle, il n'y a aucune indication du moment, de la date exacte de la transaction, de l'heure. Souvent, ce n'est pas donné. Souvent, ça peut avoir une conséquence sur l'échange de l'argent. C'est un exemple limité, mais il y en a beaucoup d'autres avec une conséquence beaucoup plus importante où le moment et le lieu sont très importants.

M. Carter (Richard): Je ne suis pas certain de suivre exactement votre raisonnement, mais, dans la mesure où vous êtes mon client, que vous avez un compte chez nous, si vous faites une transaction à Hong- kong, vous allez être le premier à exiger que le lieu et le moment soient identifiés. Vous allez vouloir la monnaie de Hong-kong et que le taux de change soit fait au moment où votre...

M. Payne: Souvent, ça peut être débité trois jours après.

M. Carter (Richard): Dans certains cas, il y a des délais, effectivement, mais je vous dirais que, actuellement, si vous êtes en Écosse et que vous utilisez un guichet automatique de la Royal Bank of Scotland, que vous avez besoin de la monnaie locale, ça se fait en temps réel. Il n'y a aucun délai. Vous entrez votre carte, vous entrez votre NIP et vous venez faire débiter votre compte ici, à Montréal, et il est transféré là-bas.

M. Payne: Si vous prenez votre exemple, il n'y a aucune indication du taux.

(20 h 20)

M. Carter (Richard): Du?

M. Payne: Du taux du moment.

M. Carter (Richard): Le taux avant que vous fassiez votre transaction?

M. Payne: Au moment où vous la faites.

M. Carter (Richard): Au moment où vous faites votre transaction, l'indication n'est pas identifiée correctement, j'en conviens, sauf que le taux qui va être utilisé dans votre contrat, soit avec une carte de crédit ou dans votre contrat de débit, est le taux du jour et il est identifié dans le rapport qui vous est soumis par la suite. Mais, ex ante, effectivement, l'information sur la machine n'est peut-être pas suffisamment précise pour vous dire qu'on va transférer vos dollars canadiens en francs français ou en deutsche marks à un taux prédéterminé. Le taux du moment n'est pas identifié. À ce moment-là, l'autre solution que vous avez – ça, c'est un des défauts des guichets automatiques – mais qui, ne vous en déplaise, va vous prendre un peu plus de temps, c'est d'aller dans une succursale bancaire de la Bank of Scotland, ou de la banque d'Angleterre, ou de la Deutsche Bank, ou du Crédit agricole, et là vous allez dans cette succursale bancaire d'une autre institution financière qui est localisée, et on va vous dire exactement à quel taux vous allez faire votre transaction. Et le moment est identifié et votre identité va être vérifiée.

M. Payne: Je laisse mon cas avec ça. Mais, si vous entrez dans une banque, c'est à titre d'information. Ça n'a aucune valeur légale. Ce n'est pas écrit quelque part c'est quoi le taux.

M. Carter (Richard): Vous allez faire votre transaction là, absolument. Si vous voulez une devise...

M. Payne: Si vous le faites dans la banque, mais, si vous faites ça au guichet, il n'y a rien d'écrit sur le reçu.

M. Carter (Richard): Mais, si vous le faites au guichet, vous avez accès à votre compte. Votre reçu est essentiellement l'état de compte que vous recevez, et, pour avoir été identifié, vous avez été identifié par votre carte personnalisée ou votre carte client qui est véhiculée par toutes les institutions financières.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup. Bienvenue, M. Carter et Mme Ouellet, ce soir. Merci beaucoup pour le mémoire. Je veux juste clarifier le rôle de l'État. Vous avez parlé dans votre mémoire de laisser l'inforoute se développer sans entraves. On parle d'avoir une tendance antiréglementaire, et ça, je comprends très bien. Mais, à l'intérieur de la Banque même, vous avez pris des règles pour assurer la confidentialité, et tout ça. Ça ne s'est pas développé sans entraves. Au contraire, vous avez mis les «firewalls», vous avez mis beaucoup de contraintes pour protéger les données essentielles de vos clients. Moi, je regarde l'État, et l'État a beaucoup de données qui sont fort intéressantes sur les citoyens et citoyennes du Québec. Alors, j'essaie de concilier votre argumentaire dans le mémoire – il n'y a pas de rôle de l'État, aucun règlement – avec des données très, très sensibles... que je pense qu'on a tout intérêt, comme commission et comme législateurs, de dire à l'État: Non, non, une minute. Il y a des choses essentielles à protéger. Alors, peut-être que vous pouvez me clarifier à ce niveau.

M. Carter (Richard): Votre question est tout à fait légitime, et je vous dirais que notre position est beaucoup plus dans l'optique non pas de l'accès à des données gouvernementales... Et là l'État lui-même doit légiférer l'accessibilité de ces données-là au même titre que nos données bancaires ou l'accès au compte bancaire, et, à toutes fins pratiques, pour nous, c'est une question de survie, de vie ou de mort. Si quelqu'un pouvait avoir accès à votre compte, je pense qu'on ne survivrait pas très longtemps comme institution financière. À ce titre, l'État a les droits qui lui sont conférés, au point de vue à la fois constitutionnel et par d'autres lois, d'imposer des mesures de sécurité en ce qui concerne l'accessibilité à différents types de données ou d'informations.

Ce n'est pas notre but, lorsqu'on parle de réglementation, de toucher cet aspect-là. Notre but est beaucoup plus de sensibiliser l'État à l'effet que certaines interventions sur la réglementation du développement de sites Web, du développement de l'inforoute pourraient entraver, si vous voulez, les libres forces du marché qui en développent des sites. Et que ça soit une réglementation à la fois culturelle, ou linguistique, ou autre qui pourrait d'une quelconque façon encadrer de façon trop sévère ce marché qui est en ébullition, c'est un peu une mise en garde contre cet encadrement que l'on veut faire. C'est un peu une mise en garde contre une intervention trop massive de l'État dans ces domaines-là où, en fait, l'éclosion de ces technologies-là vient du libre jeu du marché. C'est ça qu'on veut toucher, et puis on n'a, je pense, aucun point à faire, aucun débat avec le gouvernement sur l'accessibilité des informations détenues par le gouvernement, son rôle de gouvernement, au même titre que, nous, on contrôle très sévèrement l'accessibilité aux données bancaires. «No contest», comme diraient les anglophones.

Le point, cependant, c'est que nous sommes craintifs quand on voit ce qui se passe dans certains pays où on légifère ou encore où on crée des monolithes massifs où on prétend déterminer c'est quoi l'inforoute, où on prétend avoir la solution. Le marché est un laboratoire en ébullition avec 1 000 000 d'expériences tous les jours, puis c'est ça qui fait sa force. Le danger, c'est de vouloir concentrer ce 1 000 000 d'expériences dans une seule expérience. Là où le danger réside, c'est dans cette tentation qui pourrait exister soit de vouloir légiférer, contrôler, orienter l'évolution de ces technologies qui émergent d'un marché libre. C'est essentiellement le point qu'on voulait faire, et on n'avait aucune prétention en ce qui concerne l'accessibilité aux données gouvernementales ou aux informations que les citoyens, de leur plein gré, donnent ou contribuent au gouvernement.

M. Kelley: Merci beaucoup, parce que ça clarifie des choses. Au niveau de la protection de vos données, j'imagine que ça doit vous préoccuper presque à tous les jours, parce que, une de mes craintes... J'imagine que c'est une préoccupation majeure dans le secteur privé, mais il n'y a aucune surprise dans mes comptes de banque, parce que je suis père de cinq enfants à l'école. Alors, vous pouvez imaginer, il n'y a rien dans mes comptes de banque en tout temps. Alors, ça, c'est une condition chronique chez nous. Mais, moi, je regarde l'expérience du gouvernement: on lance les programmes et, je pense, après le fait, on commence à penser à la protection des données.

(20 h 30)

Alors, je ne sais pas si vous avez des leçons ou des observations à partager avec nous autres ce soir. Moi, je regarde juste notre régime d'assurance-médicaments, par exemple – et on peut avoir un long débat si c'est souhaitable ou non – et un régime comme ça va donner le pouvoir au ministère de bâtir des portraits assez intéressants sur la consommation de certains médicaments par les citoyens du Québec. Et ma crainte, c'est qu'il y a toujours des préjugés dans notre société concernant les maladies mentales, concernant le sida, concernant beaucoup d'autres choses comme ça. Alors, avez-vous des leçons ou peut-être des observations à partager avec nous autres pour s'assurer dès le départ, avant de faire des gaffes et des erreurs, et tout ça... Comment est-ce qu'on peut s'assurer de la confidentialité de certaines de nos banques de données?

M. Carter (Richard): Je vous dirais que nous ne pouvons pas nous mettre dans la position du gouvernement avec facilité. Cette position et les intérêts qui s'y reflètent, les sensibilités en ce qui concerne la confidentialité de certaines informations relèvent du processus démocratique plus que... parce que, nous, on est peut-être un grain de sable dans ça, là. Par rapport aux autres citoyens, on a peut-être nos propres opinions, puis je ne peux pas refléter l'opinion ni de mes actionnaires ni de mes clients en ce qui concerne le degré de confidentialité que nous aimerions voir en ce qui concerne certains types d'informations gouvernementales. Par ailleurs, ce que je peux vous dire, cependant, c'est que, en ce qui touche les données bancaires des informations financières – puis je me répète un petit peu, là – pour nous, c'est la condition première. Il n'y a aucun projet, il n'y a aucun produit qui est développé sans avoir passé à travers un tamis de sécurité qui vous ferait frémir à l'occasion. Puis, même si on a parfois des «business cases» qui sont intéressants en termes de développement de produits, l'aspect sécurité est essentiellement... On appelle ça «un ordre lexicographique». Alors, on ne passe pas à B sans être passé à A. Alors, si la sécurité n'est pas satisfaite, bien, on oublie le reste des considérations.

Dans notre cas, c'est tellement important, la confidentialité de l'information bancaire, que c'est la priorité n° 1, puis le reste suit. Alors, dans cette optique, on est peut-être un mauvais exemple, parce que je suis convaincu qu'il y a des informations gouvernementales sur des citoyens qui sont plus sensibles que d'autres et que, dans ce cas-là, il faudrait peut-être moduler l'approche sécurité en fonction du degré de sensibilité qu'on perçoit à divulguer cette information-là, soit à la rendre publique, semi-publique, accessible à certains groupes restreints. Au même titre qu'à l'intérieur même d'une institution financière il y a énormément de sécurité à l'égard de l'accessibilité des données d'un client à différents intervenants internes de l'organisation. Au même titre que, dans une entreprise, l'accessibilité aux informations salariales des employés est limitée à un groupe restreint de spécialistes qui, en l'occurrence, signent des codes de confidentialité qui sont très restrictifs. Pourquoi? Parce que cette information-là, dans une entreprise et dans une organisation gouvernementale, est particulièrement sensible. Il est clair qu'il n'y a personne qui voudrait voir les salaires de tout le monde affichés. Dans n'importe quelle organisation, c'est comme ça, il y a un degré de confidentialité important requis pour ce type d'information.

Alors, c'est pour ça que je vous dis qu'on est un peu mal placés pour, nous ici, vous dire quel est le degré de confidentialité requis pour différents types d'information détenue par le gouvernement. C'est peut-être là l'exercice à faire, c'est-à-dire qu'il y a des informations qui d'aucune façon ne devraient être accessibles, d'autres informations qu'on juge relativement accessibles par différents groupes et peut-être des informations qu'on considère si peu confidentielles ou si peu litigieuses qu'on accepte qu'elles soient accessibles à un plus grand nombre d'individus.

M. Kelley: Merci beaucoup pour la réponse. Parce que c'est plutôt le niveau de vigilance requis pour protéger ces données. C'est ça que je cherchais, parce que je pense que votre exemple... Même à l'interne de la Banque Nationale ou de tout autre établissement comme ça, il faut avoir certaines règles du jeu. Ma crainte demeure toujours parce qu'on est toujours sur le terrain nouveau avec un nouveau programme gouvernemental et on a toujours le risque d'être trop tard. Des fois, il y a des données qui vont s'échapper et c'est juste trop tard qu'on va apprendre le niveau de vigilance requis pour bien s'assurer de la protection de ces données.

M. le Président, j'ai un deuxième sujet à aborder, mais je ne sais pas si un collègue de l'autre côté veut prendre la parole. Je peux revenir après.

Le Président (M. Garon): M. le député de Vachon.

M. Payne: Oui. Sur la question de la confidentialité, il y a un autre aspect de la confidentialité qui est préoccupant pour nous, c'est la question de la protection des données et l'échange des données entre les banques de données style Équifax et les institutions financières. On a beaucoup, beaucoup de difficultés, à travers les années, en commission parlementaire à avoir une discussion franche quant aux pratiques d'éthique dans la matière, et ça nous arrive encore comme question devant cette commission parlementaire. Je vais vous donner quelques idées pour votre réflexion et je voudrais avoir votre réaction. Lorsque quelqu'un, par exemple, veut s'engager... demander un prêt, il y a une évaluation du crédit qui est faite, il y a toutes sortes d'informations qui circulent très rapidement entre Équifax – je le donne à titre d'exemple; je ne regarde pas ça particulièrement, mais c'est le plus connu – elle peut informer et s'informer, la banque, très rapidement pour ses propres intérêts. Le problème pour le client – et, là encore, je veux vous ramener sur le terrain du client parce que, nous, on représente des clients, le consommateur – il se dit: Bien, peut-être que je peux accepter, que je peux avoir des enquêtes, c'est normal, ça fait partie de tout cela, le milieu d'aujourd'hui, mais le problème, c'est que je ne suis pas informé et je ne sais pas qu'est-ce que c'est, la limite de la part de l'institution financière en ce qui concerne ma vie privée. À titre d'exemple, si vous avez une contravention routière et que vous contestez ça en cour, que c'est rejeté, ça demeurerait dans Équifax, pour votre information. Savez-vous ça?

M. Carter (Richard): Non. Je suis désolé, ce n'est pas un des secteurs que je touche à la banque et je ne savais pas que vos contraventions se retrouvaient sur Équifax.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Payne: Je suis bien heureux de vous éliminer, parce que je pense que c'est un bon exemple du fait que les institutions financières ne sont peut-être pas au courant des pratiques d'éthique de leurs propres partenaires. Et vous, peut-être vous, parce que vous avez trop d'éthique... Mais peut-être que votre responsable des prêts à telle ou telle succursale, en lisant ce rapport-là, va porter un certain jugement sur un de vos clients qui n'a strictement rien à voir avec sa cote de crédit. Vos commentaires.

M. Carter (Richard): Comme commentaires, primo, je dois vous avouer une certaine ignorance en ce qui concerne l'information qui est véhiculée par Équifax, entre autres; je ne savais pas qu'elle pouvait suivre vos délinquances routières. Cependant, je vous dirai que... Je vous répondrai en deux volets.

Primo, il est évident que dans un système financier, le client qui veut emprunter, il ne veut pas attendre longtemps. Alors, ça vous prend des systèmes très efficaces. Ça requiert une très grande efficacité pour être capable d'identifier rapidement la solvabilité d'un client. Ça prend, dans n'importe quel système économique, des intervenants qui assimilent ou amassent des informations qu'ils retransmettent par la suite à d'autres intervenants qui ont besoin de ce type d'information là. Aujourd'hui, ça se fait à une vitesse très, très grande, si bien qu'on peut répondre à un client rapidement et vérifier si effectivement son histoire ou son crédit est bon. Alors, c'est clair que vous n'aimeriez pas, lorsque vous voulez avoir un prêt, attendre un temps fou. Donc, la vitesse, l'efficacité est requise pour satisfaire le client. L'institution financière doit avoir derrière elle un système qui lui permette de répondre efficacement. Cependant, cette vitesse a aussi un côté confidentialité et sécurité qui doit être respecté. À cet égard, c'est clair qu'on a vu au cours des années, entre autres, bien des gens qui ne savaient pas quel était leur dossier de crédit chez Équifax. À cet égard, c'est clair que le problème – je ne parlerai pas des contraventions, là – le véritable problème qui a été confronté à maintes occasions, c'est des situations où les gens n'étaient pas au courant que le fait qu'ils n'aient pas payé soit un compte de carte de crédit après un certain nombre de mois puis qui accumulaient soit de l'insolvabilité à certains endroits ou qui ont eu un problème d'insolvabilité il y a plusieurs années, qui l'avaient réglé mais que ça n'avait pas été corrigé dans le système du fournisseur de cotes, là, à ce moment-là, ça a créé des problèmes, ce genre de situation là. Et, à ce titre, c'est clair que chaque citoyen peut vérifier lui-même, chez Équifax ou chez un autre fournisseur d'informations de crédit, quelle est la nature de son dossier et le remettre en question.

M. Payne: La question – question politique, c'est une question morale aussi – qu'on se pose dans cette commission, parmi d'autres, c'est la question de transfert des données. Ici, on parle d'une institution financière. L'exemple que je vous donne, c'est une banque de données, donc un transfert de cela. Aussi, un autre élément qui est lié à ça, c'est la question de trafiquage de cette information-là, parce que cette information, elle a une valeur, où à chaque nom il y a un contenu, et pour chaque contenu, évidemment, il y a une valeur en capital pour l'entreprise qui détient ou qui vend ça. Le bon exemple, c'est que lorsque vous vous abonnez à Time Magazine ou à The Economist , ou quelque chose comme cela, trois semaines plus tard, je me trouve exactement à la même adresse avec le même code postal, avec la même petite erreur qui se trouve sur une annonce que je reçois pour un abonnement qui veut me vendre un exerciseur, ou je ne sais quoi. Le trafiquage d'information, c'est quelque chose qui nous inquiète beaucoup, et j'imagine que vous, comme citoyen...

(20 h 40)

J'ai une question pour vous qui n'aimez pas les règlements: Pourquoi vous seriez en désaccord avec le règlement qui limiterait la façon dont un détenteur d'information – je donnerai quelques exemples tout à l'heure – la transmettrait à une tierce partie pour être insérée dans une banque de données? De quelle façon vous seriez d'accord ou en désaccord avec un règlement qui protégerait le client, exigeant que l'institution qui transférerait l'information informe également la personne affectée? Et je cherchais une analogie dans, justement, le débat qui se fait à l'heure actuelle avec l'assurance-chômage, que nous avons vu dans les derniers quelques jours, c'est-à-dire l'information qui est utilisée par Excise Canada, Douanes Canada, au moment où nous déclarons un départ d'un pays ou un arrivage au Québec de l'extérieur. On écrit notre nom et certaines données qui peuvent être utilisées par un autre organisme gouvernemental qui veut enquêter sur telle, telle, telle personne. Quelle est, comme institution financière, votre propre éthique à cet égard?

M. Carter (Richard): Plusieurs réactions à votre question. Première réaction: en ce qui nous touche, nous sommes sensibles à l'information que le client nous permet de véhiculer. En tant qu'institution financière, par notre propre, en bonne partie, autoréglementation, nos propres codes d'éthique, nous demandons au client son approbation pour que certaines informations soient véhiculées. Et, à ce titre, remarquez bien que c'est en soi un coût plus élevé que de prendre l'information puis l'envoyer. On lui demande, certaines informations, s'il est disposé à ce que cette information-là soit véhiculée ailleurs, tout en identifiant où elle peut être véhiculée.

Il y a des gains importants à ça pour l'ensemble de la société. Ça, c'est le deuxième point que je veux faire. Nous-mêmes, on la demande, la permission. Mais le gain est un peu le suivant, puis je vais revenir à votre exemple du Time Magazine où on vous envoie, par la suite, un produit. C'est un exemple de ce qu'on appelle la vente associée à vos habitudes de consommation. Votre profil est identifié à partir de ce que vous consommez, puis on se dit: Cet individu-là pourrait aimer telle chose. C'est un peu la beauté du marché, soit dit en passant, d'essayer de cibler les gens qui sont les plus susceptibles de vouloir ce que vous appeliez un «exerciser». Je ne vois pas la corrélation entre l'«exerciser» puis le Time Magazine , sauf que, effectivement, il y a actuellement énormément de recherches dans les bases de données transactionnelles soit des supermarchés, soit des magasins à rayons pour essayer d'identifier des profils de clients pour mieux les satisfaire. Une des raisons purement économiques, c'est la suivante: faire une offre à tout le monde vous coûte excessivement cher; la faire aux bons individus, qui sont les plus susceptibles d'acheter le produit ou de se voir satisfaits par ce produit, est beaucoup plus économique, beaucoup plus valable, d'où ce besoin d'information sur des profils de clientèles.

M. Payne: Ma question concernait: Est-ce que vous êtes d'accord avec une réglementation allant dans le sens de limiter ces transactions?

M. Carter (Richard): Ça dépend. Je reviens encore à la réponse que je vous avais donnée sur la nature de l'information. Puis je vais prendre l'autre volet de votre question, qui était celui de l'information gouvernementale qu'on pourrait s'échanger.

Ici, on est mal placés, nous, pour porter un jugement sur, je dirais... on appellerait ça une substitution possible entre deux rôles. Vous y faisiez un peu allusion. Il y a un aspect d'efficacité dans cette fusion d'informations: efficacité soit dans l'identification des profils, efficacité ou efficience même pour le gouvernement de fusionner un grand nombre d'informations pour bien identifier les individus, pour bien comprendre quels sont ces individus. Alors, évidemment, vous avez peut-être un paquet de paliers gouvernementaux qui sont... je ne dirais pas «colour blind», mais qui ont une vision étriquée de leur clientèle ou de leurs citoyens utilisateurs. Et cette vision pourrait être beaucoup plus élargie et mieux articulée s'ils avaient l'information qui est détenue par un autre ministère ou par un autre. Et c'est là qu'on tombe dans votre problème réel.

Est-ce que ces économies, ces gains de connaissances ne laissent pas place aussi au spectre... George Orwell l'aurait appelé «Big Brother». George Orwell aurait dit que cette information consolidée à un endroit est aussi un danger, parce que tout dépend des fins recherchées à partir de cette information. Si vous me dites que l'État est un despote bienveillant qui ne veut que le bien-être de ses citoyens, auquel cas des gains d'efficacité... Je parle au nom du citoyen, que si le citoyen perçoit l'État de cette façon, le citoyen n'aurait pas de difficulté à permettre l'accessibilité à toutes ces banques de données, à leur fusion en un seul lieu où on aurait un portrait global du citoyen. Par contre, si le citoyen a certaines craintes – puis là je touche un peu à votre préoccupation – en ce qui concerne les intentions de ce regroupement d'informations, si, comme George Orwell, il craint un Big Brother qui pourrait abuser de cette information, que ce soit l'État ou, probablement dans votre perspective, une entreprise – mais, dans votre contexte, c'est plus l'État – bien, si le citoyen a cette crainte, bien, là il faudrait effectivement demander la permission du citoyen pour l'accessibilité à cette information ou à ce regroupement.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci. Sur un autre sujet, complètement. Dans la préparation du document de consultation de cette commission, on a eu de longues discussions sur l'impact de l'inforoute sur l'emploi. Parce qu'on a vu qu'il y avait certains avantages dans le développement des sites, des logiciels, et tout ça, mais on a vu des désavantages aussi. Pour prendre l'exemple des guichets automatiques, moi, de plus en plus, je fais affaire uniquement avec un guichet automatique. Alors, mes besoins au niveau du personnel d'une institution bancaire sont moindres.

Je sais que, chez vous, on commence à travailler pour faire les transactions bancaires à partir de la maison, au téléphone, et d'autres modèles qui s'en viennent qui vont rendre de moins en moins nécessaires les visites à la banque. Alors, chez vous, est-ce qu'on a étudié, pour les prochains cinq ans, ou quelque chose comme ça, quel est l'impact de l'inforoute, de ces nouvelles technologies sur le niveau d'emploi à la Banque Nationale?

M. Carter (Richard): Oui. Dans un premier temps, je vous dirai une chose qui est souvent méconnue, c'est que, dans le cas des guichets automatiques, entre autres, la principale conséquence de l'implantation et de l'usage – je dirais «l'usage» parce que ça fait longtemps qu'ils sont implantés, mais, utilisés de façon aussi intensive, c'est récent, quand même – la principale conséquence a été la multiplication des transactions. En d'autres termes, la prémisse de l'usage du guichet ne vous permet pas de tirer comme corollaire qu'on a une réduction de personnel. Puis, comme de fait, il n'y a eu aucune réduction de personnel liée à l'usage des guichets. Pourquoi? Parce que le guichet se traduit par une multiplication de transactions.

Pour être très clair, alors qu'il y a peut-être quelques années vous vous présentiez à votre succursale pour retirer peut-être 200 $ pour faire la semaine, bien là, aujourd'hui, bien, les gens y vont, au guichet, chercher 50 $, 25 $. C'est compréhensible: ils ne veulent pas se faire voler. Ils vont au guichet puis ils font plusieurs transactions, auquel cas il demeure que ces transactions sont multipliées, puis, effectivement, le ratio transactions électroniques par guichet sur le total des transactions augmente, mais beaucoup plus par une multiplication des transactions qu'autrement.

Deuxièmement, nous sommes conscients que, pas uniquement à cause du guichet automatique mais également à cause des nouvelles technologies qui sont mises en place par l'inforoute, que ce soient transactions bancaires à domicile et autres, on perd le contact, on risque de perdre un contact étroit avec notre clientèle qui se présente de moins en moins souvent aux succursales. D'ailleurs, ce n'est même pas le guichet, ni actuellement les... C'est une combinaison de tout ça, mais c'est beaucoup plus les opérations bancaires par téléphone, c'est-à-dire que les gens ne se présentent pas. Ceux qui ont un coût du temps important ne se présentent plus en succursale. Alors, là, on perd, nous, un contact avec la clientèle. Alors, la conséquence de ça, aussi surprenant que ça puisse vous paraître, ce n'est pas nécessairement une réduction du nombre absolu de succursales, c'est tout simplement leur déplacement et leur relocalisation en d'autres lieux, d'autres lieux où le client se présente. À titre d'exemple, nous innovons actuellement au Québec en introduisant des succursales bancaires dans des bureaux de poste, dans des supermarchés. Il y a des banques actuellement aux États-Unis qui ferment leurs succursales traditionnelles. Elles ne font que les remplacer par des succursales dans des supermarchés, puis le nombre de points de vente augmente.

Ce n'est pas facile de tirer la conclusion qu'une nouvelle technologie génère, pour nous entre autres – je nous donne comme exemple parce que je ne veux pas tirer la conclusion en général – une réduction des emplois. Au contraire, dans notre cas, le nombre d'emplois progresse. Pourquoi? D'une part, parce que les nouveaux points de vente sont ailleurs, puis on veut les multiplier. Pourquoi? Parce que c'est clair qu'on ne veut pas perdre le contact personnalisé avec le client. On perd des occasions de vente dans un tel contexte. Et la tendance actuellement en Amérique du Nord, c'est d'aller là où le client se présente.

Ceci étant dit, il y a également la génération d'emplois créés par ces nouvelles technologies là. Il y a des connaissances qui sont permises puis la capacité d'exporter ces connaissances à l'extérieur. À titre d'exemple – et je ne veux pas uniquement nous citer à cet égard – on exporte des connaissances strictement financières, des applications financières qu'on a développées sur nos guichets, dans les caisses enregistreuses de nos clients commerciaux. On les exporte à l'extérieur, on développe des forces de vente pour aller les vendre à l'extérieur. On fait des joint ventures ou des partenariats avec d'autres joueurs pour développer cette expertise-là et la capacité de la vendre ailleurs. On crée des emplois de cette façon-là, et c'est évident que, de toute évidence, on n'a pas le choix. Il faut, à toutes fins pratiques, être à la fine pointe de la technologie pour réduire nos coûts et mieux servir nos clients.

(20 h 50)

M. Kelley: Merci pour la réponse. C'est pourquoi notre document est muet sur la question, parce que, nous autres aussi, on n'était pas capables de tirer une conclusion sur les avantages et les inconvénients. Je vous remercie pour la réponse.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les représentants de la Banque Nationale de leur contribution aux travaux de la commission.

J'invite maintenant le Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue à s'approcher de la table des intervenants.

(Consultation)

Le Président (M. Garon): Alors, j'invite les représentants du Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue à prendre place à la table, disant que vous avez normalement 20 minutes pour faire votre exposé, 20 minutes pour les députés ministériels, même chose pour les députés de l'opposition. Ce que vous prendrez en moins, ils pourront s'en servir pour poser des questions; ce que vous prendrez en plus, ce sera soustrait. Alors, à vous la parole. Si vous voulez vous présenter et présenter la personne qui vous accompagne.


Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue (CRDAT)

M. Brunet (André): Merci, M. le Président. Donc, je suis André Brunet. Je suis le maire d'Amos et président du Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue. C'est Martine Rioux qui m'accompagne, qui est analyste, donc, au CRDAT chez nous.

J'ai aussi, de ce temps-là, quelques autres occupations étant donné que je suis un des présidents du sommet municipalités-régions, et ça prend beaucoup de mon temps. Vous permettrez donc que... Ma préparation concernant le dépôt du mémoire du CRDAT, elle est toute récente, de cet après-midi, parce que c'est un dossier qu'on avait comme laissé un petit peu. Je me suis donc rafraîchi la mémoire cet après-midi et j'aurai donc tendance à être peut-être plus court, ce qui vous permettra de terminer plus tôt ce soir. Je sais que vous allez me remercier si on réussit à terminer un peu plus tôt. Tout le monde va être bien heureux. Donc, je tenterai d'être assez bref et concis concernant l'intervention de l'Abitibi-Témiscamingue à cette consultation que vous faites ce soir.

Vous comprenez que le mémoire du CRDAT qui vous a été déposé, c'est un mémoire qui porte surtout sur le Fonds de l'autoroute de l'information. Je sais que votre mandat est beaucoup plus large que strictement le Fonds, mais je veux tout de même expliquer un petit peu le contexte. Pourquoi on l'a tourné surtout du côté du Fonds de l'autoroute de l'information? Parce que, nous, on a vécu un premier volet du Fonds qui a donc agi pendant quelques années, et là on est rendus à un deuxième Fonds de l'autoroute. On s'est aperçu de certains problèmes et ça nous a comme fait des craintes. On a comme des craintes quant à l'avenir de la perception du Fonds de l'autoroute, mais aussi, dans son sens général, des interventions gouvernementales concernant l'autoroute de l'information. Ce mal vécu, si vous voulez, nous porte donc, dans notre mémoire, à expliquer certains exemples, et c'est là que nos craintes nous font parler de cybercolonisation.

On a eu l'impression, dans un premier temps, lorsque le premier Fonds a agi – et c'est peut-être une perception, et on est bien content si ce n'est qu'une perception – mais on l'a perçu comme des interventions où, dans le fond, on créait de la connaissance, si vous voulez, où on créait, où on mettait de l'information à partir des grands centres et qu'on alimentait les régions. Donc, les régions étaient réceptrices de l'information, mais les vrais créateurs d'information étaient plutôt centrés dans les grands centres. Et ça, on l'a comme très mal vécu en Abitibi-Témiscamingue.

Vous savez, les régions éloignées comme la nôtre, on ne peut pas se permettre d'avoir beaucoup de chercheurs et beaucoup de gens, si vous voulez, comme on peut retrouver des masses critiques importantes au niveau des grands centres. Mais on a des chercheurs, je pense, qui sont intéressants chez nous et qui ont à apporter des choses. On pense qu'on doit donc, grâce à l'autoroute de l'information, utiliser ces mécanismes-là de façon bidirectionnelle. Ça veut dire que, effectivement, dans les grands centres, on va retrouver plus de connaissances, plus, donc, d'information à mettre sur l'autoroute, mais on pense que les régions ne seront pas que réceptrices de la connaissance des grands centres mais qu'elles peuvent aussi contribuer, je pense, à l'enrichissement de la connaissance collectivement au niveau du Québec, et que les régions éloignées ont donc un rôle à jouer aussi. Et, dans ce sens-là, le premier Fonds de l'autoroute ne nous a pas favorisés.

L'expérience qui nous a à peu près le plus insultés, en Abitibi-Témiscamingue, concernant le premier Fonds, ça a été l'expérience... ou le centre de recherche sur les maux de dos. L'Université du Québec, qui a, en région, en Abitibi-Témiscamingue, développé une expertise mondiale, qui est reconnue à travers le monde, qui a fait des publications partout à travers le monde, qui est associée avec des chercheurs français là-dessus et qui est donc une notoriété mondiale dans ce domaine-là, lorsqu'ils ont présenté une demande dans le cadre du premier Fonds, ils ont eu comme réponse officielle: Non, comme de raison, mais ils ont eu comme réponse, tout de même, des gens qui avaient à prendre la décision concernant le Fonds, qu'ils étaient comme à la mauvaise place puis que, s'ils étaient à Montréal, ce serait peut-être plus facile d'intervenir au niveau du Fonds, mais en région, vous comprenez, normalement, ce n'est pas là que vous devriez être. Bon.

Bref, on comprenait mal, au niveau des gens qui ont pris les décisions au niveau du premier Fonds, que des chercheurs valables pouvaient se trouver en région. Et je pense qu'on en a, mais on n'en a pas des quantités énormes. Je vous donne rien qu'un exemple: au niveau du Fonds, il y a des critères, ce qui fait qu'on peut subventionner un centre de recherche à condition qu'il y ait au minimum cinq chercheurs. C'est anodin comme exigence, sauf que, faites le tour au Québec, les centres de recherche qui ont cinq chercheurs et plus, ils sont dans la région de Montréal. Donc, le Fonds ne peut donner des subventions que dans les centres de recherche de Montréal. Je veux dire, c'est aussi simple que ces mathématiques le sont.

Donc, ça, c'est des éléments qui, pour nous, ont fait qu'on s'est sentis comme... l'approche au niveau de l'autoroute, c'est plus de la cybercolonisation. Ça veut dire qu'on va faire comme on fait d'habitude. Donc, dans les grands centres, on va générer la connaissance et, généreusement, on va la distribuer dans les régions. Ça, je peux vous dire qu'on ne le prend pas. Et on n'est pas la seule région qui ne le prend pas de cette façon-là.

Je fais un parallèle très court avec ce qu'on a vécu au niveau de la culture, où on a créé, dans le fond, on a mis une somme d'argent en disponibilité à un groupe qui doit distribuer l'ensemble de l'argent pour l'ensemble du Québec au niveau de la culture. Ce que ça a généré tout simplement, c'est que, en région, où on avait une vingtaine d'organismes qui étaient subventionnés au niveau de la culture, on s'est retrouvé aujourd'hui, deux ans plus tard, après la création – comment ça s'appelle déjà? – du CALQ... Après la création du CALQ, on se retrouve deux ans plus tard où, dans le fond, il n'y a plus rien que deux organismes qui sont subventionnés en Abitibi, 18 n'ont plus de subvention. Et ce n'est pas parce qu'il y a moins d'argent, mais c'est parce que, sur... je pense que c'est – combien de personnes il y a autour de la table, au conseil d'administration? – je pense que, sur une douzaine de personnes, il y en a neuf de la région de Montréal, une de Québec, une de Sherbrooke. Bon.

La préoccupation de la culture a été de dire: On va faire la culture à Montréal, puis les régions seront des zones réceptrices de culture. Et on a peur que ça arrive au niveau de l'autoroute. Donc, c'est un parallèle que je fais.

(21 heures)

Donc, notre préoccupation est quant à la vision que les gens qui auront à prendre les décisions sur le Fonds de l'autoroute auront, de voir que, dans les régions, ce soit aussi possible, donc, de rendre disponible l'information, de la distribuer. Cette autoroute-là, dans le fond, elle est dans les deux sens, elle n'est pas que les régions réceptrices de l'information qui provient des grands centres. Donc, ça, c'est, je pense, ce qui ressort fort dans notre document.

Je voudrais, en additionnelle, vous passer une série de commentaires sur d'autres éléments quant à l'autoroute et la vision que l'Abitibi-Témiscamingue a quant à l'autoroute de l'information pour le futur.

On a donc des préoccupations au niveau de... Vous parlez, dans le document que j'ai pu lire, qui date du 2 avril, le document qui a été lancé, qui est «Pour une stratégie de mise en oeuvre de l'autoroute de l'information du Québec», vous avez donc, à partir de ce document-là, exprimé une série de grands paramètres de préoccupation quant aux services à la population, entre autres, pour ce qui est de l'autoroute. On a, nous, chez nous, déjà des préoccupations au niveau de la diffusion de l'autoroute.

Je vous donne un exemple. Dans ma municipalité, depuis maintenant le mois de mars, dans ma bibliothèque municipale, j'ai un site sur lequel il y a six ordinateurs accessibles à toute la population. La ville donne des cours le soir, on est «booké» pour les trois prochains mois. Donc, les gens peuvent venir suivre des cours concernant, si vous voulez, la manipulation des logiciels pour nous permettre d'avoir accès à l'autoroute. Pendant la journée, le site est accessible à toute la population, à la bibliothèque municipale. Je pense que, lorsqu'on approche l'autoroute de l'information, le gouvernement doit l'approcher en partenariat avec plein de monde. Et, là-dessus, je voulais citer tout de même l'exemple d'Amos, qui est en train de se répandre d'ailleurs dans d'autres bibliothèques de la région chez nous.

Je pense que, là-dessus, ce que je voudrais vous donner comme information, c'est: Oui, on a des partenaires partout sur le terrain, où des gens sont préoccupés par la pénétration de l'autoroute de l'information chez les gens en général. Je pense que vous avez des partenaires dans le monde municipal qui sont prêts à jouer ce rôle-là.

Donc, l'État, dans sa préoccupation de la diffusion de l'autoroute et de l'accessibilité de l'autoroute – parce qu'il y a différentes suggestions dans le document – à mon point de vue, il ne faut pas qu'il néglige des acteurs importants qui sont le monde municipal, les bibliothèques municipales. Que ça soit dans de très petites municipalités... Actuellement, il y a de très petites municipalités, dans leur bibliothèque, qui sont en train d'installer des points de contact au niveau de l'autoroute de l'information. Donc, vous avez sur le terrain des acteurs déjà préoccupés, qui sont déjà très avancés au niveau de l'autoroute. Vous avez donc là des partenaires privilégiés, et c'est ce dont je voulais vous faire part. Donc, vous avez des alliés sur le terrain pour vous aider dans cette grande démarche au niveau de la sensibilisation et de l'accessibilité des services de l'autoroute de l'information à la population en général.

Concernant le service aux entreprises, j'ai tenté de bien comprendre les recommandations, les grandes voies qu'il y avait et j'ai trouvé qu'il y avait comme des lacunes. Ayant déjà été, un certain laps de temps, dans des entreprises, ayant déjà côtoyé, avec les entreprises, des discussions concernant le réel besoin, je dois vous dire que, dans la vision qu'il y a dans le document, il y a de grandes lacunes au niveau de... Je vous donne rien qu'un exemple. On a une richesse, au Québec, importante qui est la banque d'information du CRIQ, le Centre de recherche industrielle du Québec, qui est difficilement accessible pour les gens des régions. Donc, ça, les grandes banques de données que possède le CRIQ ou que possèdent d'autres institutions gouvernementales, à mon point de vue, les entreprises, c'est de ça qu'elles ont besoin, c'est l'accessibilité à ces grandes banques de données. À mon point de vue, il y a comme une faiblesse au niveau de la compréhension de ces besoins-là.

On parle beaucoup de visibilité sur les réseaux internationaux, à l'étranger, etc. Je vous dirais que, au niveau des entrepreneurs, lorsqu'on discute avec eux, c'est plus une approche de ce qu'on peut faire avec l'autoroute.

Je suis allé voir, au printemps passé, en France, des entreprises qui ont fait un virage technologique important et qui serait, à mon point de vue, une orientation ou une voie importante au niveau du développement des entreprises dans les régions et sur laquelle l'autoroute pourrait servir d'élément moteur au niveau du développement de ces entreprises-là. Une région comme la nôtre, c'est une région dans laquelle on a été campé, parce que les distances étant trop grandes... on est tout de même à huit heures de Montréal en camion. Donc, on est très, très loin. Beaucoup plus loin que le Japon, d'ailleurs. Une région comme l'Abitibi s'est campée dans une préoccupation de région-ressource, donc, nous, c'est mines, forêts, agriculture, puis, même agriculture... Donc, chez nous, on est campé dans des... On n'est pas les seules régions comme ça qui sont campées comme des régions-ressources. Et on a là l'occasion – je pense qu'il ne faut pas la manquer – par l'autoroute de l'information, de faire que ces régions-là pensent à autre chose qu'à être simplement des régions-ressources. Ces régions peuvent devenir des régions importantes quant au développement d'entreprises de troisième type, comme on les appelle.

En France, j'ai constaté qu'il y a des entreprises qui font de la télégestion, elles en font de façon importante et elles ont développé une expertise intéressante. Télégestion, qu'est-ce que ça inclut? Par exemple, à Limoges, j'ai visité des entreprises qui font de l'archivage pour les grandes entreprises, c'est-à-dire qui installent, si vous voulez, dans les réseaux informatiques des grandes entreprises de Paris, des logiciels qui viennent chercher les documents qui ont besoin d'être archivés au sens de la loi. Par exemple, une entreprise doit garder les dossiers de personnel pendant 10 ans, doit garder ses factures pendant cinq ans, etc., donc la loi vient définir toute une série de paramètres. À Limoges, il y a une entreprise qui vient, par ce moyen et par l'autoroute, archiver pour d'autres, donc à contrat, toute cette information d'archives que les entreprises ont besoin de conserver. Sauf que, pour ce faire, il a fallu modifier des lois parce que, actuellement, les lois ne permettent pas à une entreprise de confier à un tiers l'archivage, il faut qu'elles archivent chez elles. Donc, il faut modifier des lois si on veut approcher ça dans ce sens-là. C'est-à-dire qu'on pourrait, exemple, développer des entreprises en Abitibi – et ça serait absolument transparent pour l'utilisateur – où les entreprises feraient de l'archivage pour Air Canada, pour Bell, pour plein d'entreprises, Hydro-Québec, à la limite. Elles pourraient archiver sur des disques optiques, et, quand les entreprises en ont besoin, elles vont les consulter. Tout ça passe par l'autoroute de l'information, et c'est entièrement transparent.

Donc, je vois là possiblement un développement d'entreprises qui pourraient s'installer en Abitibi, comme dans d'autres régions du Québec, et qui seraient capables, par la télégestion, d'offrir des services. Et ce serait absolument transparent. Les distances n'ont plus aucune importance. On a là une révolution pour permettre le développement des régions dans des entreprises pointues, de troisième catégorie.

Donc, ça, je pense qu'il ne faut pas le négliger, cet aspect-là, il faut en avoir la préoccupation. Et, pour ce faire, il va peut-être falloir regarder des lois à modifier pour permettre justement cet archivage-là.

Je ne veux pas m'étirer là-dessus, mais un autre exemple de télégestion. Une entreprise qui offre à toute entreprise de transport d'installer des GPS avec un petit radio qui envoie à des satellites l'information où le véhicule est rendu. L'information se rend au satellite par le petit radio, elle revient à l'entreprise en question par satellite et, par l'autoroute de l'information, elle envoie cette information-là aux entreprises qui louent des services. Ces entreprises-là peuvent être installées à Gaspé, peuvent être installées à Baie-Comeau, peuvent être installées à Amos, ça peut être installé n'importe où au Québec. Et, pour l'usager, celui qui loue le service, c'est complètement transparent parce que l'autoroute permet ça.

Donc, vous voyez, l'autoroute est là pour ouvrir de nouveaux champs, je pense, au niveau économique, où on peut développer de nouvelles technologies intéressantes et où les régions n'ont plus à supporter l'odieux des distances. Mais il va falloir avoir cette clairvoyance et cette visibilité quant à l'avenir et aux possibilités qui s'ouvrent à nous. Il va falloir, donc, avoir cette préoccupation-là lorsque vous aurez à prendre vos décisions.

Concernant tout l'aspect services gouvernementaux et modernisation du gouvernement, je dirais... J'ouvrirais, si vous voulez, une petite porte, mais, je le sais, quand j'ouvre cette porte-là, il y a plusieurs personnes qui se bousculent dans l'ouverture de porte, les syndicats en premier, c'est le faire-faire au niveau gouvernemental. Regardez ce qui s'est passé en Angleterre, je pense qu'il y a des expériences intéressantes, aux États-Unis aussi, même au Canada... Au Canada, c'est le grain, la Commission canadienne des grains, dont, maintenant, tous ses bureaux sont installés dans une petite ville de 2 000 habitants en Alberta. La Commission canadienne des grains est dans une petite ville de 2 000 habitants en Alberta et, pour les usagers mondiaux ou nationaux, ça ne paraît pas parce que tout ça passe par l'autoroute de l'information.

(21 h 10)

En Angleterre, il y a, sur des îles tout à fait isolées d'Angleterre, des centres de services où vous avez les habitants de l'île qui se sont regroupés dans une entreprise et, par l'informatique et l'autoroute, donnent des services au gouvernement, c'est-à-dire prennent à contrat le traitement de certains dossiers, documents, pour le gouvernement. Ça veut dire qu'à chaque contrat traité vous versez à l'entreprise 2 $ ou 5 $, tout dépendant des opérations que vous avez à faire. Vous avez là une décentralisation gouvernementale que permet cette révolution du bit. Parce qu'on a jusqu'à aujourd'hui, si vous voulez, vécu dans une société où on avait des papiers. Ça veut dire qu'on s'échangeait des papiers, on avait à écrire sur du papier, puis on devait passer le papier au voisin fonctionnaire qui devait remplir un petit bout du papier. Aujourd'hui, on s'échange des bits, des 0 puis 1. On peut le faire par l'autoroute, donc les distances n'ont plus d'importance, on peut décentraliser les administrations.

À Los Angeles, ils ont vécu une expérience extraordinaire. Quand il y a eu le tremblement de terre, l'autoroute qui relie San Francisco à l'autre côté de la baie a tombé. Ça a pris un an et demi à la reconstruire. Celui qui partait pour aller travailler à San Francisco devait avoir un parcours de trois heures, trois pour revenir, six heures par jour. Ils ont dit: Ça n'a plus de bon sens. Ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils ont pris des entreprises à San Francisco et ils ont fait de petits modules de l'autre côté de la baie, et les employés qui devaient traverser le pont étaient maintenant dans des petits modules de 20 employés. Ils se sont aperçus que ça marchait très bien. Depuis que le pont est réparé, il y a moins de monde qui passe dessus parce que les entreprises ont laissé les petites unités de l'autre côté de la baie. La qualité de la vie, etc., a fait que les gens préfèrent rester dans des petites unités. Le gouvernement pourrait faire la même chose au niveau de la décentralisation.

C'est sûr que, si j'entrouvre cette porte-là, le syndicat se faufile et là on commence à avoir des problèmes, mais je me dis qu'on doit avoir cette ouverture d'esprit là, de regarder les choses autrement et de dire: Le gouvernement pourrait peut-être faire du faire-faire, donc donner à contrat. Et des régions comme la nôtre, qui produit de très belles qualités de comptables au niveau de l'Université du Québec, comme ils n'ont pas d'ouvrage en Abitibi, bien, on exporte chez nous la matière première et la matière grise. Donc, nos jeunes qui sont instruits s'en vont à Montréal et, nous, on garde chez nous les jeunes qui ne sont pas instruits parce qu'ils travaillent dans les matières premières. Peut-être que l'autoroute de l'information nous permettrait de développer des entreprises où on pourrait conserver notre matière grise et continuer d'exporter notre matière première.

J'achève, M. le Président, dans ma présentation. On travaille actuellement, et je pense qu'il en est mentionné au niveau de la Santé et des Services sociaux... En Abitibi, on a quatre hôpitaux qui ont chacun des spécialistes différents. Rien qu'une idée comme ça, c'est que je travaille actuellement avec des médecins, je travaille comme maire et comme président du CRDAT, pour regarder si, à travers les quatre hôpitaux, on ne pourrait pas mettre une espèce de réseau basé sur l'autoroute de l'information où il y aurait un spécialiste d'Amos qui donnerait des conseils aux médecins de l'hôpital de Rouyn, etc. Donc, comme les spécialistes sont dans quatre pôles, on pourrait avoir entre ces quatre pôles-là des liens au niveau de l'autoroute de l'information où on pourrait passer des diagnostics, et ça serait très spécialisé: quatre salles de conférence dans quatre hôpitaux avec les spécialistes qui donnent des conseils à l'autre. Je pense qu'on pourrait regarder là des avantages intéressants concernant justement la répartition des spécialistes au niveau des hôpitaux. Il y a déjà un travail d'amorcé au niveau des spécialistes de l'hôpital d'Amos qui sont prêts à embarquer là-dedans, et on a commencé à regarder, au niveau des techniciens, comment on pourrait monter ça chez nous. Peut-être que ça va se faire sans que le gouvernement s'en mêle, peut-être que c'est souhaitable aussi, mais je pense qu'il faut regarder ça comme des avenues intéressantes, de distribuer ces spécialistes-là, leur expertise et être capable de la promener facilement.

Mon Dieu, il me reste deux petits sujets, mais j'ai peut-être dépassé mon 20 minutes...

Le Président (M. Gaulin): Non, allez-y. Vous ne l'avez pas dépassé, d'ailleurs.

M. Brunet (André): Non. Bien, vous êtes bon avec moi. C'est parce que j'ai commencé à peu près à moins cinq, il est rendu et quart. Mais enfin, c'est vous qui êtes maître du jeu.

Le Président (M. Gaulin): 18 min 5 s.

M. Brunet (André): C'est vous qui êtes le maître du jeu. Donc, technologies, infrastructures et financement. Il est recommandé là-dedans d'essayer d'intervenir, le gouvernement, au niveau des technologies et des infrastructures. Moi, en tout cas, ma connaissance – parce que j'ai travaillé là-dessus comme président du CRDAT. J'ai rentré l'autoroute de l'information en Abitibi depuis maintenant un an et demi. J'ai travaillé avec les entreprises qui sont Télébec, les câblodistributeurs, les entreprises sur le territoire, pour être capable de créer cette autoroute-là en Abitibi, et c'est maintenant opérationnel depuis décembre l'année passée – je peux vous dire qu'on a peu de capacité d'influencer les grandes entreprises en communication, c'est surtout la compétition qui les fait bouger: quand elle a peur du câble, Télébec bouge; quand le câble a peur de Télébec, le câble bouge. Donc, je ne pense pas que ce soit... On n'a pas cette capacité-là d'influencer, il ne faut pas mettre des efforts là. Il y a là la compétition qui est capable d'agir et qui est capable de réagir à la compétition. Il faut donc, je pense, favoriser la compétition puis laisser la «game» se jouer sur le terrain. J'ai l'impression que les acteurs ont tellement peur à leur culotte qu'ils vont faire ce qu'il faut pour être capables de ramasser le marché qu'il y a à ramasser, s'ils en évaluent un.

Moi, je trouve un peu prétentieux quand le gouvernement dit: On va essayer d'influencer les entrepreneurs de communication. Je vais vous dire que l'influence que vous avez, je ne veux pas vous décevoir, messieurs, mais, dans ce domaine-là, elle est très faible. Quand Bell décide d'y mettre le paquet, elle le met, pas parce que vous lui demandez, mais parce qu'il y a quelque part que c'est payant. Excusez d'être brut un peu au niveau de ça, mais c'est mes perceptions que je vous transmets.

Quant aux actions prioritaires concernant la démarche pour être capable d'informer, je peux vous dire que, en Abitibi, le CRD, notre CRD, qu'on appelle le CRDAT parce que c'est Abitibi-Témiscamingue, agit énormément. Actuellement, on a de fait, chez nous, comme action sur le terrain, des rencontres. On a fait venir des spécialistes d'un peu partout dans le monde puis on les a fait rencontrer, par exemple, tous les industriels et commerçants de la région de Val-d'Or. On a fait la même chose à Rouyn, des séances d'information, des séances où on a dit aux entrepreneurs de la région: Venez écouter, des gens de l'extérieur vont venir dire où on s'en va avec l'autoroute, etc. Donc, il y a déjà des acteurs sur le terrain qui sont là pour sensibiliser.

Et les CRD – vous avez peut-être oublié qu'il y a un «d» dans CRD. Ce «d», c'est développement, donc des conseils régionaux de développement – notre action est pour le développement, et on oeuvre sur le terrain actuellement. Quand le gouvernement dit: Il faudrait comme donner des séances d'information, on est là pour le faire, on le fait, c'est déjà fait. Vous avez donc, ce que je vous dis, des partenaires sur le terrain qui sont prêts à jouer ce rôle-là, et on le fait déjà. On est en train de travailler sur une grande exposition sur l'autoroute de l'information pour le printemps. On a commencé à s'associer avec plein de monde. On a plus de commanditaires que ça va coûter, cet événement-là, parce que tout le monde veut être présent à la grande foire qu'on est en train de faire. Donc, vous avez déjà des acteurs qui oeuvrent sur le terrain. Tout ce que je voulais vous mentionner, c'est: Associez-vous à ces acteurs-là, et je pense qu'on va multiplier par deux puis peut-être par 10 nos efforts, que ce soit au niveau gouvernemental ou que ce soit les gens qui sont déjà sur les territoires. Ne pensez pas, parce qu'on est dans des régions éloignées, qu'on n'est pas sensibilisés à l'autoroute, on est très sensibilisés, parce que, pour nous, l'autoroute, c'est plus qu'un moyen de communication, c'est plus qu'un moyen d'échange, c'est peut-être l'avenir au niveau de nos entreprises et de notre développement. Je peux vous dire que, à ce niveau-là, il n'y a pas que l'Abitibi qui est sensibilisée à l'autoroute; il y a beaucoup de régions qui y travaillent.

C'est un peu la présentation que je voulais vous faire. Je pourrais répondre à vos questions.

Le Président (M. Gaulin): Alors, M. le maire et président du CRDAT, je vous remercie. Vous êtes enthousiaste. Je donne la parole au député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, M. Brunet et Mme Rioux, pour cette présentation fort intéressante.

Je veux juste commencer avec un commentaire, peut-être une nuance. Moi, je viens de la région de Montréal, mais des banlieues. Quand nous avons eu l'Ordre des urbanistes, qui témoignait ici récemment, ils ont parlé de l'influence de l'inforoute sur les grandes villes aussi. Et quand vous avez dit que c'est peut-être au profit de Montréal, je veux introduire la nuance que, peut-être, c'est au profit des banlieues de Montréal, parce que même le centre de la grande ville aurait moins de vocations. Avec les communications qui deviennent de plus en plus faciles, pourquoi s'installer dans une grande tour au centre-ville de Montréal? On peut mettre notre bureau à Deux-Montagnes, à Laval, sur la Rive-Sud. Alors, je pense qu'il y a une autre... C'est juste une nuance. Parce que souvent les personnes de la ville-centre, à Montréal, ont un langage curieusement semblable au vôtre en disant qu'elles sont perdantes dans tout ça parce que, avec les facilités de communication, la nécessité des villes-centres est moins évidente qu'elle l'était il y a une génération ou deux. Il faut établir les grandes tours une à côté de l'autre parce qu'il faut faciliter les communications entre les bureaux, et tout ça.

Alors, c'est juste une petite nuance. Moi, je suis député d'une banlieue, alors peut-être que ça va être au profit des personnes qui demeurent dans des banlieues comme la mienne. Mais peut-être de bien identifier nos «cyberimpérialistes», si je peux employer le langage de votre mémoire.

J'aimerais explorer avec vous... Les conséquences de tout ça peuvent à la fois avoir des avantages pour les régions, mais il y a des risques énormes aussi. Parlant de l'enseignement, par exemple, on risque, au lieu d'avoir les enseignants spécialistes dans les régions, d'avoir l'ordinateur qui va amener les cours spécialisés de Montréal, ou de Paris, ou de Harvard. Il y a des profs qui sont venus témoigner ici et qui disent: Pourquoi limiter ça aux cours donnés par les enseignants locaux quand on peut avoir accès aux grands philosophes de la Sorbonne. En tout cas, il y avait tout un long discours sur tout ça. Alors, est-ce qu'il y a des risques d'un affaiblissement de l'enseignement dans les régions?

(21 h 20)

La même chose avec la santé, avec le télédiagnostic, le diagnostic à longue distance. Avant la pause, au souper, on a parlé d'une madame qui venait de Salluit, au Grand Nord du Québec, qui parle même d'Amos, dans le sud. Alors, eux autres, il y a des avantages. Mais les risques d'avoir les médecins dans les régions éloignées, est-ce que ça risque d'être compromis? Parce qu'on va vous donner – pas pour Amos, mais, moi, je pourrais peut-être parler des centres un petit peu plus éloignés – pas un médecin, mais un ordinateur; on va vous donner pas un enseignant, mais un ordinateur. Je comprends très bien les avantages que vous avez énumérés, mais est-ce qu'il y a des risques aussi?

M. Brunet (André): Bien. À votre remarque, j'ajouterais deux choses. Vu de chez nous, Laval puis Montréal, ça se ressemble pas mal, hein. En tout cas, ça, c'est vu de chez nous. Vous comprenez, on est loin. Donc, effectivement, il y a peut-être des subtilités apparentes ou réelles, lorsqu'on est rendus autour de Montréal, et des différences entre chacun, mais, vu de chez nous, Brossard, Laval, et tout ça, c'est à peu près toute la même ville. Mais enfin.

Deuxième remarque. Au niveau de San Francisco, j'avais aussi abordé le même point de vue que vous en disant que, à San Francisco, compte tenu du tremblement de terre, ils ont vécu ça, et les entreprises de San Francisco se sont déplacées plutôt dans les banlieues.

Je vous dirai à votre question, parce qu'il faut y venir, je pense qu'on a, vis-à-vis de l'autoroute de l'information et toute la technologie qui touche autour de ça, avec beaucoup de justesse, des craintes. Et les craintes que vous avez mentionnées sont réelles, ça veut dire qu'il y a des gens qui partagent ces craintes-là.

Je vais vous dire que, dans toute invention, il y a du bon puis du mauvais, il y a aussi des craintes de la nouveauté. Je pense que, par rapport à l'autoroute, on peut avoir des craintes concernant des éléments comme ceux-là. Et je vous dirai ceci: Moi, je n'ai pas les mêmes... en tout cas, l'amplitude des craintes n'est pas de la même dimension que la vôtre. Je veux dire, chez nous, on prétend que la qualité de vie est pas mal plus grande qu'à Montréal. Donc, on a peur que l'autoroute va faire qu'il y a beaucoup de gens qui vont déménager chez nous plutôt que rester à Montréal. Donc, vous voyez, le niveau de crainte n'est pas le même. Je dis ça à la blague, excusez là!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brunet (André): Mais je vous dirais que les chercheurs, les professeurs, chez nous, ils sont là par choix, par le goût de la région. Ils ne sont pas là parce qu'il n'y a pas de jobs à Montréal puis ils sont rendus en Abitibi. Ils sont là parce qu'ils aiment l'Abitibi. Les professionnels et les médecins que j'ai à Amos – en tout cas, moi, à Amos on le vit de même – ils sont là et ils ont adopté Amos parce qu'ils aiment Amos. Le taux de roulement des professionnels médecins à Amos est très, très faible par rapport à d'autres régions, pour différentes raisons. Je pense que les gens qu'on a déjà en région ne sont pas là par défaut et qu'à la minute qu'on va avoir un autre moyen de donner le service on va déménager à Montréal. Ce n'est pas tout le monde qui veut habiter à Montréal. En tout cas, dans mon esprit, il faut être mal pris pour rester dans la région de Montréal. Mais enfin, ça, c'est ma vision d'Abitibien né, natif, comme on dit chez nous. Donc, moi, je n'ai pas ces craintes-là.

Effectivement, on peut avoir ce niveau de crainte là, mais je pense que, dans toute technologie nouvelle, il y a effectivement toute une curiosité, toute une crainte du changement. Je pense qu'il ne faut pas pousser ça à l'excès, je pense que chacune des régions a ses caractéristiques. On a des gens, des jeunes qui étudient, nous, puis, désespérément, ils déménagent à Montréal. Ils aimeraient bien mieux travailler en région, chez nous, et, désespérément, ils s'en vont à Montréal en espérant qu'un jour il s'offre une job chez nous pour qu'ils reviennent chez nous. On en a fait la preuve à plusieurs reprises. Donc, je ne pense pas qu'il faut avoir des craintes. Il ne faut pas avoir cette crainte-là à excès. On peut l'avoir comme préoccupation, mais de penser que parce qu'on est capables de faire les choses à distance on va remplacer la présence de l'humain au niveau de l'enseignement ou on va remplacer la présence de l'humain au niveau de la médecine, je pense que ça va donner des outils additionnels, mais ça ne remplacera jamais l'humain, un professeur qui est capable d'échanger.

Maintenant, ça va donner au prof de la Sorbonne la possibilité d'intervenir dans une région aussi éloignée que la nôtre, mais ça ne va qu'enrichir des professeurs qui sont déjà là. Les chercheurs qu'on a en Abitibi, ils travaillent avec des gens de Grenoble, ils travaillent avec des gens d'un peu partout à travers le monde. Donc, là aussi ça devient positif. Ça veut dire qu'on peut conserver des chercheurs qui disent: Bon, bien, je pars d'ici parce que le milieu est pauvre, je ne m'enrichis pas dans le milieu, alors que l'autoroute leur permet d'avoir accès à toutes sortes de monde. Donc, ils disent: Je peux rester ici puis continuer de faire ma recherche. Donc, il y a aussi ce revers de médaille qui est intéressant.

M. Kelley: Juste un dernier commentaire, M. le Président. Je comprends très bien que, de l'extérieur, Brossard et Montréal, ça se ressemble beaucoup...

M. Brunet (André): Vu de loin.

M. Kelley: ...mais, comme contribuable, il y a le coût inhérent, à mon point de vue, c'est-à-dire qu'on vient d'annoncer la fermeture de, mettons, une dizaine d'écoles sur l'île de Montréal et la construction d'une dizaine d'écoles dans la couronne nord et sud.

Alors, le prolongement du métro à Laval, il y a beaucoup de coûts inhérents, et, comme contribuables québécois, je pense qu'on a tout intérêt à suivre la notion d'étalement urbain à Montréal parce que les infrastructures qui vont avec ce déplacement des personnes vont affecter tous les contribuables au Québec, y compris ceux de l'Abitibi. Merci.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brunet (André): Je n'ai pas senti de question, malgré que j'aie beaucoup le goût d'intervenir.

M. Kelley: Non, vous pouvez... Non, vos commentaires...

Le Président (M. Gaulin): Non, mais vous pouvez commenter. Un commentaire en attire un autre.

M. Brunet (André): L'analyse que, en tout cas, je partage avec d'autres, parce que je suis à l'UMQ, je siège à l'UMQ depuis maintenant cinq ans. Donc, je partage beaucoup cette préoccupation. Il y a huit personnes qui proviennent de la région de Montréal, au conseil d'administration de l'UMQ, et je siège au conseil d'administration et on en discute beaucoup. On en arrive à la conclusion que, dans le fond, c'est le vieillissement des villes qui est le problème. Ça veut dire que, dans le fond, une ville vieillit, et elle vieillit tout naturellement à partir de la zone la plus âgée en s'en allant vers la zone la plus jeune.

Dans Montréal, le phénomène est le suivant: votre population est en train d'immigrer par vieillissement. Ça veut dire que la ville ne se rajeunit pas. C'est ça, le défaut de Montréal. Mais ce n'est pas rien que le défaut de Montréal, c'est le défaut de Laval.

Regardez rien que Laval – j'ai beau venir de l'Abitibi, je me préoccupe aussi des autres villes au Québec – si vous regardez le sud de Laval, vous avez des écoles actuellement qui se transforment en foyers pour personnes âgées et vous avez, au nord de Laval, un manque d'écoles, il y a construction d'écoles dans le nord de Laval, tout simplement parce que la ville vieillit. Ça veut dire que la ville change de besoins au fur et à mesure que ses citoyens vieillissent.

On est rendu, au niveau du développement économique autour de Montréal, dans la deuxième couronne. Ça veut dire qu'on est rendu... Même la première couronne a commencé à vieillir, il n'y a plus de progression, on est rendu dans la deuxième couronne. Ça veut dire que ce n'est pas l'autoroute qui va causer des problèmes, mais c'est la préoccupation du vieillissement des villes, c'est-à-dire qu'il va falloir regarder le problème comme une ville vieillie. Une ville peut vieillir comme un individu, et il va falloir agir en conséquence. Je vous dirais la chose suivante: On ne peut pas résister au vieillissement d'une ville. Il va donc falloir prévoir, dans le futur, dans un futur... je dis dans 10 ans, dans 15 ans, dans 20 ans, mais à moyen terme ou à long terme, il va falloir regarder, repenser les villes. Par exemple, quand on fait une infrastructure, ça sera une infrastructure qui sera évolutive, donc une infrastructure qui, dans sa première année de vie ou dans sa première période de vie, sera une école primaire, dans sa deuxième période de vie sera une école secondaire, dans sa troisième période sera un foyer pour personnes âgées ou sera un centre pour jeunes, etc.

Donc, il va falloir voir les villes différemment et voir que les infrastructures auront besoin de vieillir comme la population. Au lieu de maintenir une école primaire où les besoins n'y seront plus puis de voyager les jeunes à grandes distances, de dire: Bien non, l'infrastructure doit vieillir comme la population vieillit. Il va donc falloir que les urbanistes, les architectes pensent à des nouvelles façons de faire les choses pour que, les villes, on leur permette de vieillir.

Il va falloir aussi agir de la même façon au niveau des entreprises. Il va falloir agir, donc, de la même façon. Il va falloir repenser nos villes de demain pour tenir compte de ces phénomènes-là. Parce que, là, ce que ça fait, c'est que ça fait comme une onde de choc. Ça veut dire que le temps passant, on va passer à la troisième couronne de Montréal. Il va donc falloir agir de telle sorte que, dans un secteur donné, l'école qui est devenue une école primaire, secondaire et un foyer pour personnes âgées redeviendra un jour une primaire. Être capable de revenir boucler la boucle puis recommencer. Parce que, dans le quartier, les personnes âgées seront parties à cause du temps et les jeunes reviendront, et on va refaire l'école qui va redevenir une école primaire. Il va falloir avoir cette souplesse-là dans le futur, de concevoir nos villes de façon différente.

C'est une remarque, mais là on sort du sujet.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Nicolet-Yamaska et M. le député de Vachon.

(21 h 30)

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, M. le Président. M. Brunet, Mme Rioux. D'abord, je voudrais vous féliciter, M. Brunet, pour votre dynamisme et votre présentation aussi. En même temps, j'aimerais avoir vos réactions ou connaître un peu vos préoccupations par rapport à la région où vous vivez. Comme vous le disiez tantôt, vous êtes au royaume des ressources naturelles, entre autres les mines, les forêts, même Hydro. Ça m'apparaît un peu curieux quand même que, dans une région où on a des grandes entreprises telles les vôtres dans le domaine des mines, forêts et Hydro-Québec... Quel est le lien que vous avez avec ces grandes entreprises là au niveau de l'information? Et j'imaginerais que, dans votre région, on serait à la fine pointe de la haute technologie, entre autres de l'inforoute – je ne dis pas que vous ne l'êtes pas, là – parce que tantôt vous me disiez que vous étiez en train de préparer une exposition au niveau de l'inforoute. C'est peut-être à cause de ça aussi, sauf qu'il me semble que les grandes entreprises qui sont chez vous auraient avantage à avoir des sièges sociaux dans votre coin. Pourquoi pas?

M. Brunet (André): Pourquoi pas? Je suis d'accord avec vous. Je vous répondrais par quelques exemples de dynamisme économique qu'on a chez nous et qu'il faut encourager. Mais ce que j'essaie de faire comprendre dans ma présentation de ce soir, c'est qu'on a toujours des craintes par rapport à l'intervention gouvernementale parce que, souvent, il intervient à partir d'une pensée centralisante. Bon, à un moment donné, ils sont arrivés en Abitibi en disant: Écoutez, on va mettre des commissaires à l'exportation. On a répondu: Écoutez, nos entreprises, ça fait 40 ans qu'elles exportent. Toutes les scieries d'ici exportent aux États-Unis. Toutes les papetières exportent en Europe. L'exportation, on ne fait que ça chez nous. Ne venez pas nous dire qu'il faut faire de l'exportation.

Dans ce qui s'appelle la technique, actuellement, je vous donne un exemple d'une petite entreprise à Amos qui s'appelle Syst-M. C'est une entreprise qui regroupe à peu près 35 jeunes qui travaillent au niveau de l'automatisation des moulins à scie. Ils ont développé une expertise dans l'automatisation des moulins à scie. Ils travaillent à travers le monde entier. Ils sont à Amos, 35 jeunes, des informaticiens. Ils font dans l'automatisation des moulins à scie. Ils ont développé cette expertise-là parce qu'on a beaucoup de moulins à scie. La dernière installation qu'ils ont faite – parce que je connais très bien le propriétaire à Amos – ils sont allés automatiser une industrie de sciage au Japon, parce que, dans le nord du Japon, il y a des industries de sciage. Ils sont allés informatiser, automatiser une industrie de sciage au Japon. Bon. Il faut le faire, aujourd'hui, à partir d'Amos, informatiser une usine de sciage au Japon. On le fait.

Je vous donne un exemple. À Rouyn, il y a une entreprise qui s'appelle DOZ. Le vrai nom... En tout cas, il y a DOZ là-dedans. C'est une entreprise qui a développé une expertise au niveau de la photo-interprétation de satellites. Ils prennent des satellites et ils ont développé des logiciels pour faire de la photo-interprétation. Parmi leurs clients, il y a la NASA. Ils vendent des logiciels à la NASA. O.K.? Ils sont à Rouyn. À Mont-Brun. Pas Mont-Brun, au sud de Rouyn, la petite municipalité... En tout cas, une petite municipalité de 200 habitants. Il y a un maniaque de l'informatique. Il a un serveur dans sa cave. Qu'est-ce qu'il fait, le serveur en question? Il est branché sur l'autoroute de l'information, et, dans le serveur, c'est une entreprise de Paris qui a tous les restaurants qui veulent bien payer, par exemple, 200 $ par mois pour être sur ce serveur-là, pour avoir le menu quotidien tous les jours puis faire la publicité de leur restaurant. Donc, quand vous allez à Paris ou que vous voulez aller à Paris, vous regardez sur l'autoroute de l'information les restaurants possibles, c'est quoi les prix, c'est quoi les menus, c'est quoi les repas, etc., et tout ça est installé dans le sous-sol d'une petite maison d'une municipalité de 200 habitants qui est à 40 km au sud de Rouyn. C'est là. Le serveur est là, et il donne le service des restaurants de Paris.

Donc, c'est pour ça que, l'autoroute, elle ouvre des horizons, comprenez-vous? Elle ouvre des horizons extraordinaires sur toutes sortes d'entreprises, sur toutes sortes de services, parce qu'on rentre dans un monde virtuel où les distances n'ont plus d'importance. Donc, on a là des créneaux dans lesquels on peut être excellent en Abitibi, dans lesquels il ne faut pas craindre qu'il y ait des changements, des mutations, que les gens partent. Au contraire, on va être capable de garder notre monde et de développer des entreprises très spécifiques à nous, qui seront collées à notre réalité, mais qui seront exportables et qui ne seront pas dans le primaire, qui seront dans le tertiaire.

Le Président (M. Gaulin): Merci. M. le député de Vachon.

M. Payne: M. Brunet, c'est rafraîchissant de vous entendre parce que vous êtes capable de mettre la chair sur l'os en ce qui concerne l'autoroute de l'information, avec des exemples vécus dans votre vie de tous les jours et dans un endroit tellement stratégique qui s'appelle le Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue. C'est tellement important. Vous êtes combien de membres sur votre Conseil régional?

M. Brunet (André): Les membres payants, si vous voulez, parce que, le CRDAT, ça a été créé par la réforme Picotte, mais ça existait déjà 30 ans antérieurement...

M. Payne: Oui, oui, mais ça varie de...

M. Brunet (André): On a 700 membres cotisants. Le conseil d'administration est formé de 50 personnes qui viennent des syndicats, donc, patrons, l'éducation, le monde municipal. Tout le monde est là-dessus. On a 50 personnes sur le conseil d'administration. L'exécutif est formé de 12 personnes, et j'en suis le président depuis trois ans.

M. Payne: Dans les discussions qu'on a eues au sein de cette commission depuis une couple d'années, il y a eu une importante discussion qui a duré quelques mois au niveau de la décentralisation et de la restructuration de Radio-Québec. Les mêmes enjeux de la responsabilisation des régions, de l'autonomie qu'elles exigeaient ont été soulevés à maintes reprises, et ces préoccupations-là étaient contenues dans les recommandations du rapport final de la commission. Nous avons également eu l'opportunité de discuter des limites, des contraintes posées dans l'exercice de son mandat, si vous voulez, vrai ou faux, dans le CALQ. Vous avez soulevé ça, je pense, dans votre exposé, à savoir qu'il s'agissait d'un conseil qui, à ses débuts, avait peut-être moins de préoccupation des régions, et vous soulevez exactement les mêmes préoccupations.

Mais, en vous différenciant par rapport à eux autres, vous avez aussi des solutions. Quand vous parlez du Fonds de l'autoroute de l'information – c'est de valeur parce que le secrétaire général vient de quitter. Il était ici tout à l'heure, pour la plupart de la soirée, mais je pense que ça va être intéressant pour lui de vous entendre dans le Journal des débats – avez-vous considéré un modèle pour modifier ça, parce que, là encore, c'est un fonds qui a été bonifié dernièrement? Nous sommes très objectifs, nous, les membres de la commission, lorsque nous regardons les critères d'accessibilité à ce Fonds-là puis les critères d'utilisation de ce Fonds-là. Il n'y a pas d'évangile écrit encore. Avez-vous un modèle, vous, pour les régions?

M. Brunet (André): Vous avez dit plusieurs choses, et je vous remercie pour quelques-unes. Je n'ai pas nécessairement de modèle. Je suis intervenu, d'ailleurs, au niveau de ce que vous parlez, Radio-Québec, à l'époque, et maintenant Télé-Québec. Le CRDAT a présenté un mémoire, et on est venu présenter, donc, le mémoire. J'étais à cette commission, et, nous, dans le fond, ce qu'on proposait à l'époque, c'était d'essayer de ne pas marginaliser les régions, c'est-à-dire de ne pas faire d'émissions de régions puis d'émissions de Montréal, mais que, quand on fait des émissions du Québec, les gens des régions soient capables d'y contribuer et d'y apporter autant que les gens de Montréal, donc, parce que souvent c'était sectaire, là, où on a des émissions des gens de Montréal puis après ça on a des émissions des gens de régions. Puis, tu sais, ça fait comme le phénomène de faire du «zappage» à un moment donné, parce que, quand on arrive sur les émissions des régions, on saute, alors que, ce qu'on disait, c'est qu'il faut intégrer les gens des régions avec les gens de Montréal. Ils ont aussi leurs commentaires à dire dans ces émissions-là, et c'était ça qu'on demandait. Bon.

Bref, je reviens à votre question concernant l'autoroute et concernant des solutions. Je n'ai pas nécessairement de solutions concernant votre question comme telle. Il faudrait peut-être que je m'y penche, mais, pour l'instant, il ne m'en vient pas nécessairement, de solutions concernant ça.

(Consultation)

M. Payne: Le Fonds de l'autoroute.

M. Brunet (André): Oui. C'est parce que, la difficulté qu'on a, c'est les enveloppes protégées. Ça, c'est la solution de facilité, de dire: Bon, on va prendre une enveloppe globale puis on va faire des enveloppes protégées par région. Les critères seront à la population ou seront, en tout cas, je ne sais pas quoi. Moi, j'ai un peu de difficulté avec les enveloppes protégées. Le problème des enveloppes protégées, c'est qu'on empêche la créativité. C'est-à-dire qu'il faut encourager ceux qui sont les plus créatifs. Il ne faut pas encourager par défaut, parce que c'est le seul qui nous a présenté un projet puis qu'on a une enveloppe protégée. Ça, j'ai un problème avec ça et j'ai de la difficulté à vivre avec les enveloppes protégées. Beaucoup vous diront que c'est ça, la solution. Moi, je vous dis: Les enveloppes protégées, attention!

Mais, par contre, lorsqu'on regarde un projet qui est présenté par une région, je pense que, les gens qui sont autour de la table, il faut avoir la préoccupation de comprendre dans quel milieu ce projet-là se crée, qu'ils n'ont pas la même facilité, si vous voulez, qu'un projet qui peut être présenté par un grand centre où il y a une plus grande facilité. Il ne faut donc pas faire des enveloppes protégées mais avoir l'ouverture de regarder les projets avec les contraintes que les gens ont dans leur milieu quand ils présentent des projets, donc respecter ces contraintes-là. Et je peux vous dire qu'il y a des gens aussi créatifs dans les régions que dans les grands centres, mais qui n'ont pas nécessairement les mêmes moyens. Mais, si on a la préoccupation de comprendre le contexte dans lequel ils travaillent, je pense que, là, on peut avoir l'intelligence d'apporter des bonnes réponses lorsque les projets nous sont soumis. Mais la solution des enveloppes protégées, moi, j'ai un peu de réticence à ça. Ça encourage, je vous dirais, la paresse intellectuelle. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Payne: Oui. Je me souviens de votre intervention dans les audiences de Radio-Québec, Télé-Québec, et vos préoccupations suivent la même veine ce soir. Pouvez-vous nous donner une indication des projets que vous avez soumis au Fonds de l'autoroute? Est-ce que c'est le cas?

M. Brunet (André): Non, le CRDAT, on n'a pas présenté de projet. Ce qu'on a, si vous voulez, c'est qu'il y a des gens qui en ont présenté, et quand... Je vous donne un exemple. Tantôt, j'ai parlé des maux de dos. Ils ont présenté une demande et ils ont eu...

(21 h 40)

M. Payne: Je m'excuse, je ne voulais pas dire le Conseil tel quel, mais, vous, dans votre expérience dans la région, est-ce qu'il y a des projets régionaux qui...

M. Brunet (André): Oui. Je vais vous répondre dans le sens suivant. J'ai parlé tantôt de la gang de chercheurs qui travaillent sur les maux de dos, et ils sont rendus avec des beaux résultats. C'est un travail qui est sérieux, qui est fait avec cinq chercheurs – deux de l'extérieur puis trois de la région – et, quand ils ont présenté et qu'ils ont été refusés, ils sont venus nous voir au CRDAT puis ils sont venus nous expliquer un peu comment ça s'était passé. Je vais vous dire ce que je leur ai répondu: Si le Fonds n'est pas capable de comprendre ça, que, en région, on est capable de développer ce type d'expertise là, bien, on va prendre l'argent du FIR – parce que les CRD, on a des FIR – puis on va vous le payer, votre serveur, puis vous allez le faire. Ce n'est pas drôle de faire ça, mais je pense qu'on n'a pas le choix. Ça veut dire que, quand on a des chercheurs qui sont rendus là puis que le Fonds ne veut pas faire sa job, bien, je pense qu'il va falloir qu'on intervienne d'une autre façon.

M. Payne: Je m'excuse, j'ai manqué un bout. C'était quoi exactement, le projet que vous avez indiqué?

M. Brunet (André): C'est le projet des maux de dos de l'Université du Québec en région, en Abitibi.

M. Payne: Des maux de dos?

M. Brunet (André): Oui, des maux de dos.

M. Payne: Ah bon! Ha, ha, ha!

M. Brunet (André): Oui, oui, mais je vais vous dire que, si le serveur est opérationnel bientôt, vous irez sur le serveur, vous y prendrez des conseils et vous allez vous guérir vous-mêmes, parce que c'est ça, l'objectif. Ils vont vous faire faire des exercices, sur le serveur, qui vont vous guérir vos maux de dos. Et c'est très sérieux, ça donne des résultats et c'est reconnu mondialement.

M. Payne: Je suis preneur comme un «souffreur» de mal de dos ces temps-ci.

M. Brunet (André): Donc, vous avez hâte qu'on mette le serveur au point?

M. Payne: Ha, ha, ha! Oui. On a comparé plusieurs des préoccupations des régions. Je reviens encore à Télé-Québec. Il n'y a pas de modèle, je pense, mais ce qui ressort de votre témoignage, moi, je le retiens comme... Vous êtes une inforoute style Jacques Villeneuve des régions. Verbomoteur, ce ne serait pas une insulte, j'espère, pour vous? La vitesse et l'enthousiasme de vos idées sont assez impressionnants.

Mais, moi aussi, je viens d'un comté qui est la Rive-Sud de Montréal. Ce n'est pas à 100 milles de Montréal, ce n'est pas à 1 000 milles de Montréal, c'est à 12 milles de Montréal. Mais, moi... Saint-Hubert, qui est maintenant la septième ville en taille au Québec, en nombre, a bénéficié, justement, de la désertification de Montréal. C'était 14 000 il y a 20 ans. Maintenant, c'est 94 000 habitants, en pleine expansion.

Quand vous étiez en train de donner votre exposé, j'essayais de regarder mon comté puis de faire la comparaison avec le vôtre, et, si j'étais honnête et objectif, il y aurait beaucoup, beaucoup d'éléments, de particularités, disons, juste chez vous qui sont la même chose chez nous, à quelques milles de Montréal. Nous avons une multitude de PME, «basement businesses», comme on les appelle en anglais, et puis ça fonctionne, et, moi, comme député, j'ai donné beaucoup d'encouragement aux jeunes entrepreneurs pendant le programme Paillé. On a eu des succès extraordinaires.

On en avait même un qui est embarqué dans un projet de centre d'appels. Alors, de connotation habituelle, un centre d'appels, c'est précisément un centre. En réalité, un centre d'appels peut n'être qu'un serveur, dans le fond, c'est-à-dire que les employés peuvent être situés d'une façon très disparate, éloignés d'un centre commun, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de conglomérat, strictement, qu'ils travaillent chez eux. La beauté de cette expérience, c'est que ça apporte une preuve comme quoi un centre d'appels n'a pas nécessairement besoin d'une masse critique de centaines et de milliers de personnes qui puissent, justement, opérer le téléphone ou l'outil qui est privilégié par le centre d'appels.

Ça veut dire qu'il y a des implications aussi pour les régions dans la mesure où il y a un réseau de l'autoroute qui est disponible. Je regardais des chiffres dernièrement pour vérifier les investissements au Québec. Savez-vous que, malgré tous les mythes qui entourent le Nouveau-Brunswick, avec, ce qui est vrai, les investissements qu'ils ont faits dans le réseau téléphonique pour favoriser l'installation des centres d'appels, bien, malgré tout, au Québec, nous avons 31 % de l'ensemble des centres d'appels du Canada? C'est en pleine croissance, et je pense que le potentiel, même pour les régions, est énorme à la... Évidemment, la questions de coûts, c'en était une, la qualité de vie, c'en est une autre, mais aussi nous sommes en train de briser les vieilles vérités comme, par exemple, qu'il faut avoir une concentration ou une – comment on appelle ça? – masse critique de personnes habitant, par exemple, Montréal plutôt qu'Amos ou toute la région de l'Abitibi. Avez-vous des expériences semblables ou une confirmation de ce que je vous dis?

M. Brunet (André): Bien, écoutez, ce que vous venez de dire, j'y souscris entièrement, et, le Nouveau-Brunswick, je pense qu'il a fait une belle démonstration. On a des qualités importantes au Québec, en particulier par rapport à d'autres pays du monde, où on a beaucoup de gens qui sont bilingues. Donc, je pense que, quand on vient pour entrer dans des services comme vous venez de le décrire, il y a des avantages.

Maintenant, chacune des régions a des particularités, et on peut, à partir de nos régions, fournir des expertises qu'on a développées. Je vous citerais un de mes amis qui travaille à Hydro-Québec et qui a installé le poste Radisson. Donc, c'est le plus gros poste de transformation de courant alternatif en courant continu au monde, Radisson, et c'est 2 000 MW qu'il expédie à Boston tout le temps, continuellement. Et c'est donc un de mes amis qui travaille à Hydro-Québec qui est devenu «monsieur courant continu» à Hydro-Québec, et il habite à Rouyn, et il a donc suivi et installé le poste Radisson. Il a développé cette expertise-là. Hydro-Québec a vendu cette expertise-là à travers le monde, et, actuellement, je peux vous dire que mon ami, qui travaille à Hydro-Québec dans la région de Rouyn, il est sur l'autoroute de l'information de façon constante avec des Chinois, des Japonais, des gens qui sont en train de vouloir installer et qui ont acheté l'expertise à Hydro-Québec. Et l'expertise d'Hydro-Québec, elle est où? Elle est à Rouyn, et c'est quelqu'un, donc, de Rouyn, sur l'autoroute de l'information, qui est constamment en contact avec tous ces gens-là pour, donc, alimenter les clients d'Hydro-Québec quant à des informations pour les logiciels d'utilisation.

Donc, c'est vrai qu'il est possible, à partir de n'importe où avec l'autoroute... Et ce que je dis souvent à mes gens en Abitibi, c'est: Avec l'autoroute de l'information, on est dans le centre du monde partout où on est. Ça veut dire que si, l'Abitibi, on est sur l'autoroute de l'information, on devient au centre du monde, et, peu importe où on est, on est au centre du monde la minute qu'on a l'autoroute de l'information. Mais ça ne se fait pas tout seul. L'autoroute de l'information, c'est de la technologie. Le problème n° 1, ce n'est pas la technologie – la technologie va à une vitesse effarante – c'est la mentalité des gens à s'adapter aux changements technologiques. C'est ça, la difficulté profonde qu'on a dans notre société.

J'ai mon fils qui a 18 ans – c'est un exemple personnel – mais, à la vitesse à laquelle il va sur l'histoire de l'autoroute, il est rendu... Moi, je suis un maniaque de l'autoroute, et, lui, il a 18 ans et il y consacre beaucoup plus de temps que moi et il est rendu à des années-lumière en avant de moi. Il me sort des logiciels, des affaires, ça n'a pas de bon sens. Donc, les jeunes, ils sont prêts à prendre l'autoroute, mais, quand vous entrez dans la catégorie des âges, là, de 25 ans et plus et plus vous augmentez – et là je ne veux pas faire votre procès ce soir, messieurs qui dépassez 25 ans – il y a des réticences.

(21 h 50)

Donc, le problème de bénéficier de l'autoroute de l'information, ce n'est pas de la technologie, c'est des mentalités. C'est ça qu'il va falloir qu'on change, et je pense que ça se change, je dirais, quasiment avec violence. Ça veut dire qu'il va falloir provoquer des événements. C'est ce qu'on fait chez nous: on provoque des événements. On convoque des gens, on les confronte, si vous voulez, à une nouvelle réalité, et, de ça, ils sont en réaction et finissent par sortir des affaires intéressantes. C'est ce qu'on fait chez nous. C'est peut-être un travail de missionnaire, mais j'estime que c'est l'un des rôles qu'on a à jouer, et, par les activités qu'on tient, les séances d'information, les salons qu'on va faire au printemps et par ce qu'on a déjà fait à date, je peux vous dire que ça provoque des réactions et que ça provoque des changements de mentalité et qu'on peut faire franchir des pas à des gens.

Ce n'est pas la technologie, le problème, c'est les mentalités, et ça ne se change pas facilement. C'est un travail de fond, et ce n'est pas parce qu'on va mettre la technologie disponible que, du jour au lendemain, les choses vont se faire. Donc, au niveau d'entreprises novatrices, ce n'est pas parce que la technologie est là que, du jour au lendemain, ça va se faire. Il faut placer l'échiquier de telle façon, les pièces de telle façon pour que tout ça s'emboîte et devienne créateur.

Le Président (M. Garon): M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Maintenant que j'ai repris ma chaise. Oui, je voulais juste vous dire que, quand il y a un enfant qui arrive au monde, on le choque. C'est le choc de la naissance. Vous faites un peu la même chose avec l'autoroute, et, à partir du projet qu'on avait soumis à votre attention, je pense que vous nous avez apporté beaucoup d'idées. Vous avez peut-être bousculé un petit peu la commission. Je trouve ça fort intéressant, stimulant, et, bon, peut-être qu'il y en a qui vont davantage lâcher les freins sur la grande autoroute. Je vous remercie.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les porte-parole du Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue de leur contribution aux travaux de cette commission et, puisque l'heure est arrivée, j'ajourne les travaux à demain matin, 10 heures, en cette salle-ci.

(Fin de la séance à 21 h 53)


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